£ Une eee men ani net ans mr ne com eut ou DLL TL 227 RE REA ur \ f | te À \ pau Se ES WE AAA ALT EUR QENTEOS LEA qe \ HAL ERTE EAN TRES TON { \ A PAUL 4 , FE A} AU Al | \ RAS \ ll À cons À ({ Nr] « HU \ AQU US LP EE QUE } AA A DRATA EAN OU) n 211 } AVANT {ul { AU DASIIEQNTES Lt qi NAT RUE NI \ \ h OS RULEEIN EEE Sr TRES À LL al AREAS 4! ARTE ne * « L A û is ut \ a Li ARE \ A Ÿ En a Ke NI N A IIS TT LES , Z AS, KW MATOS NA LR nu KR «it {NE [ARE HR \l WU Ni ii 4 ù Y 4 À RUE \ À RAR OUURERS ES qu t ! HHE MANU pa À il ERA TT ZT LE PES HA 1 tt RSS 220 222575 2 = AUS HORS AE il tel (PE 4 \)) ù EE a iL LZ i À ot A \ NAN EE ut RE \ A Ÿ RTL à & À 1 RU RATNUE \\ RUN: MA OUR Qi d \ \ à KEPARUNUE if } tu] ASE RER _ \ ! NE NU \ et \! SI ES ni NUS RUN Ni ATEN à Ut NU 4 À DALSOAIEE NU à Al su W N on Li di La Nt ù Ç 1 NI 4 Qi NA Hit hi à à Au QE A ÉLIRE pr 7: 7 Le 2 FE 7 Z Z5-Z ns =. ZE CSL TS 1e en — 2 DT RE TE PRÉ TTLEL RSR = AE TLE = RATE ES RE LR EL NI LL IIS D re ELLE TEST £ ST La A re CZ LE LE EE É E PS HORE E Ze TE, 215 PRESS FE PR ÊTA 277 La le. ES, Z AZ: 7 Le #7 2 ES 772 7 LE LA FRAIS == Z TS 2Z = Le 22 PRESS LPS CTI EEE DT re CL IS 2 CS AL = De? AE ET RER LEE HACLÉ 5 LL TE Ü à il t A Na Æ TZ 7 EE TELL FA Se PSS ET # PT ÆEx Libres SIR WILLIAM CROOKES, D.Sc., FRS. Revue générale A2 Sciences pures el appliquées TOME DIXIÈME Revue générale des Sciences pures el appliquées PARAISSANT LE 15 ET LE 30 DE CHAQUE MOIS Directeur : Louis OLIVIER, Docreur Ës Scrences TOME DIXIÈME 1899 AVEC NOMBREUSES FIGURES ORIGINALES DANS LE TEXTE Aron Colin & œe Étia 5, rue de Mézières, Paris 10° ANNÉE 15 JANVIER 1899 REVUE GÉNÉRALE S OCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER VOYAGES D'ÉTUDE DE LA REVUE CROISIÈRE AUX CANARIES ET À MADÈRE Après avoir étudié en 1898 la Grèce et la Turquie, la Norvège, la rive orientale de l'Italie, l’Istrie, la Dalma- tie, la Bosnie et l'Herzégovine, puis, tout récemment, l'Egypte, la Revue se pro- pose de conduire en avril prochain une croisière aux Canaries el à Madère. Le Comité de Patronage de ses voyages a pensé qu'il y avait lieu, en effet, de faire connaître à nos com- patriotes, spécialement à ceux qu'intéresse l'étude de la Nature, ces belles possessions de l'Espagne et du Portugal, qui, à tant de titres, sollicitent la cu- riosité du savant. Il lui a paru que les sites célèbres de Ténériffe, de Las Palmas et de Madère, qui doivent à leur structure géologi- que, à leur climat, à leur flore, comme à l’état par- ticulier de leur ethnogra- phie, leur physionomie si pittoresque, méritaient la visite attentive des tou- ristes de la Revue. Ces iles enchantées seront le but principal de notre pro- chain voyage. Elles ne sauraient, ce- pendant, malgré tout leur attrait, constituer les seules étapes d’une croisière dans cembre 1898. ! Notre croisière en Egypte ést rentrée en France en dé- | EN AVRIL 1899 Æborremars, Je. r Fig. 1. — Ile de la Grande-Canarie. De Grenade, le navire se REVUE GÉNÉRALE DFS SCIENCES, 4899, l'Atlantique. Le paquebot, qui partira de Marseille Le 29 mars, fera d’abord escale sur la côte espagnole. Il s'arrêtera à Malaga, qu'il importe de visiter, et d'où les touristes iront, en train spécial, à Grénade. Point n'est besoin d'insister sur l'intérêt tout actuel de pé- régrinations en Espagne, ni de rappeler les souve- nirs qu'évoquent en tous les esprits les noms mé- mes de Grenade et de sa principale merveille : J’AI- hambra. Les voyages de la Revue ne doivent pas seu- lement permettre aux tou- ristes d'étudier partout les faits d'ordre scientifique ; leur portée est plus Haute et plus générale : il faut qu'en tout lieu, tout ce qui mérite l'attention de l'homme cultivé, qu'il s’a- gisse de science naturelle, d'histoire, d'art ou de so- ciologie, lui soit signalé, décrit etexpliqué. Au cours de nos excursions en Es- pagne, notre attention se portera donc et sur le monde ancien et l’art ma- gnifique qu'il a enfanté, et sur le monde moderne, l'état présent du pays. rendra au Maroc et nous verrons successivement Tanger et Mazagan. C’est sur- tout en quittant l'Espagne mauresque, qu'il est intéres- sant d'observer ces Musulmans marocains, en l’âme 1 2 | CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE desquels s'est en quelque sorte condensé tout le fana- tisme de l'Islam. Là, les hommes ont conservé, pures de tout mélange et de toute influence de milieu, les mœurs et les croyances des vieux sectateurs du Coran. Après avoir étudié au Maroc la Nature et les hommes, les touristes visiteront la Grande Canarie, puis Téné- riffe, dont ils escaladeront le pic, et feront en ces îles des excursions destinées à leur bien faire connaître le sol, ses productions et ses habitants. Ils verront ensuite Madère. Le bateau fera escale à Funchal: des promenades seront organisées à l’inté- rieur de l’île pour en montrer les principaux aspects. De Madère on ira à Lisbonne. Le Portugal, en effet, ne pouvait pas ne pas figurer dans le programme d'une croisière à Madère. Nous y séjournerons de facon à prendre quelque idée de ce petit pays dont, à divers points de vue, il est utile de connaître les ressources, la population, le commerce, les travaux publics. A la capitale et ses environs immédiats ne seront pas limi- tées nos courses : nous ferons, en particulier, l'excur- sion, traditionnelle et obligatoire, de Cintra. De Lisbonne nous irons à Cadix et de Cadix à Sé- ville, qui doit retenir tout voyageur pérégrinant en Espagne ; et, de retour à Cadix, nous gagnerons Gibral- tar, notre avant-dernière escale, puis Oran, ce qui nous permettra de voir la partie de notre Algérie la moins souvent visitée. Le retour aura lieu à Marseille, le 20 avril. Le Comité de Patronage de nos voyages a fait choix, pour diriger notre croisière, de M. le D° Verneau, du Muséum, que désigne, en effet, d'une facon particu- lière, on peut presque dire qu'impose en l'espèce, l'é- tude approfondie qu'il a faite des pays que nous par- Courrons. Nous avons aussi le plaisir d'annoncer que la eroi- sière aura lieu avec le concours de la Compagnie des Messageries maritimes, qui a bien voulu, pour la cir- constance, mettre à notre disposition l’un de ses plus beaux navires du service de la Méditerranée. Louis Olivier. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Mathématiques L’Enseignement mathématique. — Sous ce titre : L'Enseignement mathématique, vient d'être fondé à Paris un recueil sur l'importance duquel nous vou- drions altirer l'attention de nos lecteurs. C'est une revue de pédagogie mathématique destinée à mettre en relation les uns avec les autres les mathématiciens du monde entier et à les tenir au courant des traditions ou des nouveautés de l’enseignement mathématique en tous pays. Ce recueil, naturellement très international, est édité à Paris, mais soumis à une direction double, qui a son siège à la fois à Paris et à Genève. Ce sont, en effet, deux éminents collaborateurs de la Revue générale des Sciences, M. C.-A. Laisant, répétiteur à l'Ecole Polytech- nique, et M. H. Fehr, privat-docent à l'Université de Ge- nève, qui entreprennent de le fonder. Ces savants ont compris qu'après le succès du premier Congrès des Ma- thématiciens, il était possible de créer, avec graude pro- babilité de réussir, un organe qui servit de lien entre les professeurs et leur fit connaître l'évolution des mé- thodes mathématiques et de l'enseignement mathéma- tique en tous pays. Cette nouvelle revue s'annonce donc comme une tribune, d’où tous les savants autori- sés pourront plaider la cause des idées qu'ils préco- nisent, exposer les,critiques qu'ils adressent soit à telle partie de la science, soit à telle partie de l’enseigne- ment. La revue de MM. Laisant et Fehr compte comprendre en chacune de ses livraisons, lesquelles paraissent tous les deux mois, des articles originaux, spécialement de caractère pédagogique, la chronique des événements récents en Mathématiques, des correspondances et des analyses bibliographiques. Le premier fascicule, qui paraît aujourd'hui même, con- tient : 1° un mémoire de M. Zoel G. de Galdeano, de Sara- gosse, sur les Mathématiques en Espagne ; 2° une étude de M. C.-A. Laisant sur diverses questions de Terminologie; 3° un article de M. Alfred Binet sur la Pédagogie scien- tifique; # des considérations de M. H. Laurent sur l'enseignement des Mathématiques dans les classes de spéciales en France; 5° une note de M. Febr sur l'en- sei#nement des éléments de Trigonométrie; 6° une note de M. Fontené sur l'enseignement des Vecteurs; 7° une ! L'Enseignement mathématique est édité par MM. Carré et Naud, 3, rue Racine, à Paris. Chronique due à plusieurs auteurs et consacrée au Congrès de Dusseldorf, à la Société italienne Mathésis, aux programmes de notre Ecole Polytechnique, aux récents traités de Géométrie en Italie et en France, au Congrès des Mathématiciens en 1900, aux moyens phy- siques dans le caleul, à la bibliothèque mathématique des travailleurs, au brevet de l’enseignement secon- daire supérieur en France. L'analyse des ouvrages ré- cents termine la livraison. APN 0): $ 2. — Chimie industrielle Progrès récents dans la vuleanisation au soufre du caoutchouc. — MM. Baspt et Hamet ont récemment présenté à la Société d'Encouragement pour l'Industrie nationale un mémoire relatif à des modifications qu'ils ont apportées au mode actuel de vulcanisation du caoutchouc par le soufre. Nous empruntons au Rapport de M. Livache sur cet inté- ressant mémoire ! quelques renseignements sur les procédés de MM. Baspt et Hamet. j On sait que le caoutchouc naturel se soude sur lui- même ; il se ramollit entre 30° et 50°, perd son élasti- cité au-dessous de 10° et devient rigide et dur à 0°. Aussi, lorsqu'on veut le manufacturer, doit-on lui faire subir l'opération de la vulcanisation, qui a pour but de rendre permanente, entre — 20° et 180°, l'élasticité naturelle du caoutchouc, tout en lui permettant de résister sans altération à des températures qui, aupara- vant, le rendaient poisseux, de ne plus durcir par le froid, de ne plus se souder avec lui-même. Cette modi- fication des propriétés est due à la combinaison chi- mique d'une petite quantité de soufre, qui ne dépasse pas 1 à 2°/s. , La vulcanisation s'exécute soit au moyen du procédé Hancock, dans lequel les objets en caoutchouc naturel sont plongés, pendant un temps variable, dans du soufre maintenu à la température de 1159 à 1209 ; soit au moyen du procédé Goodyear, consistant à chauffer entre 1309 et 4509 le caoutchouc auquel on a préalable- ment incorporé 10 à 20 °/, de soufre. À C'est à la présence des bains de soufre en fusion, nécessaires pour l'application des deux procédés ci-des- sus, que sont dus les dangers et les inconvénients sérieux des ateliers dans iesquels on pratique la vulca- 1 Bulletin de la Soc.d'Enc.p.l'Ind.nal., ütmesérie, tomelll, n° 12, p. 1591 et suiv. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 3 nisation du caoutchouc. Le chauffage se faisant à feu nu, il se produit un important dégagement d'acide sul- fureux; de plus, si le feu est trop fortement poussé, des vapeurs de soufre se répandent dans l'atelier et vont se condenser sur les cloisons et les plafonds, aug- mentant ainsi leur combustibilité. De nombreusès tentatives ont été faites en vue de substituer au soufre des substances ne présentant pas ces inconvénients; mais les succédanés du soufre ont aussi leurs désavantages. MM. Bapst et Hamet ont pensé qu'il était préférable de conserver le soufre; mais ils ont apporté au mode de chauffage et au départ des vapeurs de profondes modifications. Tout d'abord, ils ont remplacé le chauffage à feu nu par le chauffage à la vapeur. A cet effet, la chaudière en fonte contenant le soufre est entourée &’une double enveloppe dans laquelle est introduite de la vapeur à 3 ou # atmosphères, ce qui correspond à une température variant de 135 à 145 degrés. Grâce à ce dispositif, on peut maintenir une température très régulière pendant un temps déterminé, ce qui est de la plus grande im- portance pour une bonne vulcanisation du caoutchouc. Un autre avantage est la suppression de tout danger d'incendie, car on n’a plus à craindre l’inflammation des vapeurs de soufre. Enfin, les chaudières ne se brü- lent plus aux points où s'accumulent les crasses prove- nant de l'attaque des moules. Néanmoins, quelque bien conduite que soit l’opé- ration, on ne peut éviter complètement un certain dégagement d'acide sulfureux et de vapeur de soufre. MM. Bapst et Hamet ont alors surmonté les bains de soufre de couvercles, qu’on peut souleyer au moyen de contrepoids. Pendant les opérations, ils sont complète- ment abaissés, et toutes les vapeurs s'échappent par une cheminée; à la sortie de celle-ci, des toiles tendues en chicane servent à condenser la vapeur de soufre et permettent de récupérer une quantité importante de fleur de soufre, Les appareils de MM. Bapst et Hamet ont été expéri- mentés dans une fabrique importante et ont fonctionné d’une façon très satisfaisante. La régularité du chaut- fage provoque une diminution notable de la quantité des produits dégagés (acide sulfureux surtout) et l'atelier ‘devient moins incommode pour le voisinage. D'autre part, les couvercles de tirage rendent le travail plus facile pour les ouvriers. Enfin, l'emploi de la vapeur a réalisé, parait-il, une économie de 50 °/,, due principa- lement à la durée plus longue des chaudières. A tous les points de vue, les appareils de MM. Bapst et Hamet méritent donc d'entrer dans la pratique. $ 3. — Géographie et Colonisation . Revue des Cultures coloniales. — Notre dis- tingué confrère, M. Milhe-Poutingon, directeur de la Revue des Cultures coloniales, vient d'ajouter à l'intérêt, déjà considérable, de cette importante publication en la rendant bi-mensuelle à partir de la présente année et en introduisant dans ce recueil l'indication détaillée de toutes les publications relatives à la culture dans nos colonies et les pays tropicaux. Des périodiques similaires de l'Etranger publiant des articles que beaucoup de lecteurs de langue francaise ont intérêt à connaître, la Revue des Cultures coloniales à organisé un Service de traductions, grâce auquel elle pourra désormais communiquer en français, à ceux de ses lecteurs qui lui en feront la demande, les mémoires étrangers dont elle aura signalé les titres. = Les chemins de fer de lIndo - Chine.F— Une loi du 25 décembre 1898 a autorisé l'émission d'un emprunt de 200 millions pour la construction de che- mins de fer en Indo-Chine. C’est là une date dans l’histoire de notre grande colonie asiatique. Lestravaux qui vont être entrepris permettront la mise en valeur, d'une facon plus complète, des richesses naturelles de nos possessions; ils faciliteront la dispersion des indi- gènes dans des régions fertiles où ils n'ont pas encore osé pénétrer, et ils ouvriront aux industriels et aux commerçants français des contrées qui leur étaient jusque-là inaccessibles; enfin, ils auront pour résultat d'assurer la sécurité dans les diverses parties de notre domaine indo-chinois. Les lignes dont la construction vient d’être admise ne constituent qu'une partie de tout un plan de voies ferrées représentant un ensemble de 4.000 kilomètres, On compte que, dans l'avenir, une grande ligne, par- tant de Saïgon, pénétrera dans la Haute-Cochinchine, traversera l’Annam tout entier et, au Tonkin, rejoindra le chemin de fer, bientôt achevé, de Hanoï à Langon et à la frontière de Chine. De divers points de cette ligne partiront des embranchements allant vers le Mé- kong, et de Hanoï une autre ligne se dirigera vers le Yun-Nan. Mais, pour le moment, le programme de travaux pro- posé par M. Doumer, gouverneur général de l’Indo- Chine, et accepté par les Chambres, comprend seule- ment six lignes, dont cinq en territoire français et une en territoire chinois. Les cinq lignes à construire sur le territoire francais sont les suivantes : 4° De Haïphong à Hanoï, à Viétri et à Lao-Kay; 2% De Hanoï à Nam-Dinh et Vinb; 3° De Tourane à Quang-Tri et Hué; 4° De Saïgon à Khanh-Hoa et au plateau de Lang-Bian ; 50 De Mytho à Vinh-Long et Cantho. La ligne projetée sur le territoire chinois est celle de Lao-Kay à Yun-Nan-Sen. L'emprunt que l’Indo-Chine est autorisée à contracter sera fait sous sa seule responsabilité, sans garantie de l'Etat. Il n'y a exception que pour la ligne de pénétra- tion au Yun-Nan pour laquelle la garantie de l'Etat francais s’ajoutera à celle de l'Indo-Chine. L'emprunt de 200 millions n'aura pas lieu en un seul bloc; il sera autorisé par émissions successives, les lignes ne devant être construites que d’après leur ordre d'urgence établi par la loi. Déjà un décret a autorisé la réalisation im- médiate d'une première portion de l'emprunt, fixée à 50 millions. La construction immédiate de la ligne de Lao-Kay à Yun-Nan-Sen a été autorisée par la loi même du 25 décembre 1898. La première ligne indo-chinoise, par ordre d'urgence, celle de Haïphong à Viétri et à Lao-Kay, est motivée par l'insuffisance de la navigabilité du fleuve Rouge. Ce cours d’eau, d'une navigation peu facile entre Haïphong et Hanoï, est péniblement accessible aux bateaux même d'ün très faible tonnage entre Hanoï et Yen-Bay; pen- dant la plus grande partie de l’année, une chaloupe à vapeur, si petite qu'elle soit, ne saurait remonter au delà de ce dernier point. Un commerce sérieux ne peut s'établir avec le Yun-Nan par la vallée du fleuve Rouge, que si l’on possède un moyen de transport plus com- mode et plus rapide. . ; De Haïphong, le port commercial du Tonkin, à Hanoï, sa capitale administrative, la ligne passera par Haiï- Duong, chef-lieu d’une importante province, et traver- sera une région riche, peuplée, cultivée en rizières. Elle rejoindra, en face de Hanoï, sur la rive gauche du fleuve Rouge, la ligne de Phu-Lang-Thuong à Hanoï, actuellement en construction. Elle atteindra à Viétri l'embouchure. de la rivière Claire et pénétrera ensuite dans une région montagneuse, peu habitée et encore moins cultivée. La ligne de Hanoï à Vinh traversera les delitas du fleuve Rouge, de la rivière de Than-Hoa et de celle de Vinh. C’est une contrée riche, peuplée, en pleine acti- vité économique. Cette ligne sera, dans l'avenir, pro- longée jusqu'à Quang-Tri et unira ainsi Hanoï à Hué. La ligne de Tourane à Hué et à Quang-Tri rendra les communications faciles entre la capitale de l’Annam et le reste de l’Indo-Chine. L'accès de la mer par la rivière de Hué, toujours malaisé, est presque complètement fermé pendant six ou sept mois de l’année. On ne peut aller de Hué à Tourane, seul port de l’Annam central, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Æ que par une route en pays montagneux, longue de | que celui-ci désignerait, le droit de construire une ligne» 120 kilomètres et non carrossable. Notre influence | allant de la frontière du Tonkin à Yun-Nan-Sen. Cetteu dans l’Annam s'accroîitra beaucoup, lorsque la capitale | ligne passera par Mong-Tsé et Kouan-I. U aura cessé d'être ainsi isolée. De Hué, la ligne sera prolongée jusqu'à Quang-Tri à travers un pays fertile, de ma- Le Yun-Nan est un pays salubre, à climat tempéré, où les Européens peuvent se livrer sans inconvénient” à tous les tra- 1 x ÿ U nière à être re- |» 4 ] | liée à la route | FMokhom\ |me M \ actuellement | Myitktapna à en construc- tion qui ira par Aïi-Laoàlapar- || tie navigable Less du Sé-Bang- || À Hien, le grand affluent de gau- che du Mé- kong. La ligne de Saigon à Khanh-Hoa et au plateau de Lang-Bian, a tous les carac- tères d’un che- min de fer de colonisation. Elle permettra la culture de terres riches, jusque-là diffi- cilementacces- sibles, où réus- sissent le café, le thé, le tabac, la gutta-per- cha. Quant au - plateau du AE Lang-Bian, il possède un cli- a mat excellent quipermettrait d'y établir un sanatorium FRANÇAISE À on péens. pour les sol- dats, les fonc- tionnaires et vaux. En de- DA : hors du riz, la PR R | province pro- à duit du mais, | El du sorgho, du oHing-li-Fou blé, des fèves, Hard | et beaucoup u d'opium, qui constitue, avec les minerais de plomb argenti- fère, de zinc, de fer, d'étain et de cuivre, la principale ri- chesse du Yun- Nan. On y trouve aussi du char- bon. Les mon- tagnes du nord- ouest sont l'ha- bitat du daim musqué. La po- pulation est la- borieuse etpaie sible, et ell- recherche vo- duits euro- Le Yun-Nan sera ainsi mis pour toujours en dehors de l'influence an- glaise, qui s'ef- force d'y péné- trer par la Haute - Birma - nie. C'est pour les colons. La dernière ligne indo-chi- noise, celle de Mytho à Vinh- Fri Long et à Can- AR del on RS tho, desservi- Cheruns defèr Anglais exexplotation.……... rait le sud- ouest de la Co- RE er Ee chinchineet - cela que les Anglaisavaient poussé de Man- dalay à Myitk- hyna, sur le Haut-Iraouad- dy, leur rail- way de la Bas- se-Birmanie. Ils paraissent amènerait sur Fig. 1. — Chemins de fer de l'Indo-Chine. avoir abandon- les marchés de Cholon et de Saigon le riz du Bas-Mékong. Enfin, la ligne de pénétration au Yun-Nan, raccordée à Lao-Kay aux lignes indo-chinoises, fera de cette grande province de la Chine, au point de vue écono- mique, une prolongation du Tonkin. C'est par la con- vention du 10 avril 4898 que le gouvernement chinois a accordé au gouvernement français ou à la Compagnie ï né cette voie de pénétralion et ont entrepris la construction d'un chemin de fer allant de Mandalay vers le Yang-Tsé- Kiang par Tibo, l'ancienne capitale de l'empire birman, Kun-Long et Ta-Li-Fou; une partie de cette voie ferrée est déjà ouverte à l'exploitation. Gustave Regelsperger. lontiersles pro- CH.-ED. GUILLAUME — L'ÉCHELLE DU SPECTRE 5 L'ÉCHELLE DU SPECTRE La définition d’une radiation par sa couleur — la première qui se présente à l'esprit et la seule que l'on connût pendant une longue série de siècles — est à la fois peu précise et tout à fait décevante, puisque la même sensation colorée peut corres- pondre à des phénomènes totalement différents. On dut donc considérer comme un immense pro- grès, comme la première création dans le chaos, l'idée de définir les radiations par leur indice de réfraction. L'échelle du spectre était trouvée et put passer pour parfaite aussi longtemps que les mesures furent assez peu précises ou assez peu variées pour permettre de croire à la proportion- nalité des indices des diverses substances trans- parentes pour toutes radiations. Les relations entre l'étendue des couleurs spec- trales et diverses autres longueurs, celles, par exemple, des segments de corde donnant les notes de la gamme, purent faire croire à des relations naturelles, dont le fragile échafaudage s’écroula lorsque la base même de ces ingénieuses synthèses, l'égalité de la dispersion, fut reconnue fausse. A l'époque où s’estompa toute cette belle harmo- nie des sons et des couleurs, et où sombra l'une des plus gracieuses généralisations de l’ancienne Physique, on put croire que l’échelle naturelle du spectre resterait à jamais perdue ‘. Et, si les phy- siciens du siècle dernier avaient eu ce besoin de clarté dont les maitres de la Physique moderne nous ont donné l'exemple, ils auraient pu déses- pérer de la science. C'est alors que la théorie des ondulations, mer- veilleusement discernée par Fresnel, apporta sa clarté dans l'inextricable dédale des radiations. La variable indépendante était trouvée : c'était la lon- gueur d'onde; l'indice de réfraction n'en était plus * Aujourd'hui, la recherche des relations numériques entre des phénomènes dissemblables peut nous paraitre enfantine. Les correspondances entre les couleurs et les intervalles musicaux ne pourraient exister que par suite du hasard, et sans qu'il y ait, entre ces deux ordres de phénomènes, au- cune connexion véritable. Mais, si la recherche de quelques- unes de ces coïncidences a été stérile, il ne faut pas oublier que toute l’admirable synthèse par laquelle Maxwell a groupé, sous des causes semblables, les phénomènes de l'Optique et de l'Électricité, a eu pour point de départ une relation numérique dont la raison était absolument cachée au début. N'est-ce pas une recherche purement empirique de relations numériques qui conduisit Kepler à l'immortelle découverte de ses lois? Et, aujourd'hui encore, savons-nous si certaines relations anciennement connues en Astronomie ont une cause cachée, ou sont le simple jeu du hasard? Si la loi de Bode demeure encore quelques siècles sans expli- cation, ou si un fait nouveau en détruit l'harmonie, on ne la considérera plus que comme une curiosité. Mais il serait imprudent de nier déjà qu'elle soit une mawifestation d'un principe encore inconnu. que la fonction, bien définie pour une substance donnée, variable d’un corps à l’autre. Puis, tout ensemble, les repères découverts dans le spectre par Wollaston, soigneusement étudiés par Fraunhofer, donnèrent aux longueurs d'onde une signification métrologique précise. L’échelle du spectre était établie en pratique comme elle venait d’être créée en théorie. Lés deux sciences de l’ondulation, l'Optique et l'Acoustique, procèdent différemment dans la clas- sification des ondes. La première les range suivant leur longueur ; la seconde, suivant leur fréquence. Or, si l’on y regarde de près, on s'aperçoit que la seule raison de cette divergence réside dans les procédés servant à la mesure de la propriété fon- damentale des ondes. L'on est dès lors en droit de se demander si un procédé de laboratoire peut imposer une classification, et s'il n'existe pas d’au- tres motifs de conserver ou de modifier l'échelle adoptée dans l’un ou l’autre cas. La première question qui se pose est ensuite celle-ci : La longueur d’onde est-elle bien la plus simple et la plus immédiate des notions précises par lesquelles les radiations puissent être définies ? Evidemment non. Avant de se répandre ans l’éther, où elle prend pour la première fois une longueur d'onde définie, la vibration lumineuse existe dans la source, qui ne lui donne qu'une qua- lité : sa fréquence. C’est celte qualité que la radia- tion conservera jusqu'à sa complète transforma- lion, quelles que soient les modifications qu'elle puisse d’ailleurs subir. Le rayon pourra se réfrac- ter ou se réfléchir, se polariser de toutes les facons, une oscillation complète s'effectuera tou- jours dans le même temps. Mais il n’en est pas de même de la longueur de l’ondulation, qui change avec tous les milieux traversés et avec la tempé- rature de ces milieux ou la pression à laquelle ils sont soumis. La fréquence est donc plus immédiate et plus primordiale que la longueur d'onde, et plus inva- riable à la fois. On serait donc tenté, par des raisons logiques, d'abandonner l'usage qui prévaut en Optique, et de lui substituer celui de l’Acoustique. D'autres raisons militent encore en faveur de ce dernier parti. L'énergie d’une vibration est propor- tionnelle au carré de sa fréquence pour une ampli- tude donnée. Une fréquence infinie correspond à 6 CH.-ED. GUILLAUME — L'ÉCHELLE DU SPECTRE une énergie infinie, si l'amplitude n’est pas infini- ment petite. Mais alors la longueur d'onde est nulle, et cependant nous considérons, par habitude, cette notion de la longueur d'onde nulle comme si natu- relle que nous n’hésitons pas, lorsque nous dessi- nons un spectre de longueurs d'ondes, à marquer un zéro à l’origine des abscisses. En nous reportant à la source des radiations, nous sentons vaguement qu'une limite est, en outre, Pre Radiations 111 IPN TITI PTIT PTIT IT I TITI TT PTT RIT I TIT | LOL a l 2 IT Les deux points de vue opposés, suivant lesquels w la variable du spectre est une longueur ou l'inverse d'un temps, présentent chacun des avantages par- ticuliers; mais ils ont aussi leurs défauts, qui frap- pent dès que l’on tente de représenter une étendue considérable du spectre par l’un ou l’autre des deux systèmes. Les deux diagrammes 1 et 2 le mon- Oscillations éleotriques ——» © Longueurs d'onde Echelle proportionnelle. Fig! A. — Diagramme du spectre en longueurs d'onde. — Les radiations connues sont comprises entre 0 et Omm,06 ; l'espace ombré est encore inexploré; les oscillations électriques déjà réalisées s'étendent de 3 millimètres à l'infini. imposée à la rapidité d'une vibration par la nature même de la matière. Si donc nous transportions le zéro des longueurs d'onde en un endroit inacces- sible, nous sommes assurés déjà qu'il ne nous ferait jamais défaut. Passant à l'autre extrémilé du spectre, nous savons que l'onde électrique infiniment lente n’est pas une impossibilité physique; nous savons tout au moins que l'on peut s'en rapprocher indéfini- treront à l'évidence. Le premier représente le spectre en longueurs d'onde, le second le spectre en fréquences. Pour pouvoir faire figurer le spectre électrique dans le premier, il a fallu condenser le spectre ultra-violet, le spectre visible et le spectre infra- rouge, c'est-à-dire toutes les radiations proprement dites sur une si faible longueur qu'il est impossible d'y rien discerner. | | Oscillations électriques 17 L/ Espace inexplore Infra- rouge Spectre visible D Re = | —_—__" —_————— Ultra- violet + So A | Fréquences 0|0,* #0 80.10!$ Echelle proportionnelle Le Fig. 2. — Diagramme du spectre en fréquences. — Les oscillations électriques et l'espace inexploré sont compris entre 0 et 0,410 — ; J'ultra-violet s'étend entre 80.104 —— et l'infini. sec. sec. ment en pratique, et que le zéro des fréquences n'est pas une absurdité, Ce zéro a, de plus, une signification précise et fort importante. Dans la théorie de Maxwell, le pouvoir inducteur spécifique des diélectriques est égal au carré de leur indice pour une fréquence infiniment petite. Il pourrait donc y avoir un certain intérêt à posséder ce zéro dans des diagrammes faits à un point de vue déter- miné. La fréquence nulle, dont l'existence estréelle, figurerait dans le diagramme, et la longueur d'onde nulle, qui n'existe pas, serait à l'infini. Dans le second, l’ultra-violet occupe presque tout l’espace, tandis que les oscillations électriques sont accolées tout contre l'axe des ordonnées. Dans le premier cas, les radiations proprement dites sont sacrifiées. Dans le second, les oscillations élec- triques n'existent plus. On pourra prendre l’un ou l’autre de ces sys- tèmes lorsqu'on voudra faire ressortir telle ou telle relation des ondes entre elles; mais, dans la géné- ralité des cas, ces deux représentations sont défec- tueuses. CH.-ED. GUILLAUME — L'ÉCHELLE DU SPECTRE 7 Reprenant la question à un autre point de vue, nous sommes disposés à juger infinie la distance comprise entre l'absence d'oscillation électrique et une oscillation, si lente soit-elle. Dès qu'un courant varie, il produit de l'induction; il en produit plus ou moins suivant sa fréquence, mais il existe une différence plus grande, en ce qui concerne l’induc- tion, entre le courant continu et celui qui se ren- verse une fois par seconde, qu'entre ce dernier et le courant alternant un million de fois dans le même temps.Avec le premier, le phénomène appa- rait; avec le second, il ne fait que s’accentuer. Nous avons vu, d'autre part, qu'il existe une distance infinie entre l'énergie de l’oscillation la plus rapide et celle dont la fréquence est rigoureusement nulle. On verrait donc une certaine nécessité logique à renvoyer à l'infini les deux extrémités du spectre, pour bien marquer la distance qui sépare les phé- Mais, indépendamment de la difficulté dans la découverte, les propriétés des radiations, considé- rées en elles-mêmes ou dans leurs relations avec la malière, varient rapidement avec la longueur ‘ d'onde lorsque celle-ci est faible, et beaucoup plus lentement lorsqu'elle devient considérable. Nous savons bien que les ondes de 504 et de 504,1 sont pratiquement identiques, alors qu'une foule de phénomènes se présentent sous une forme très différente pour des ondes de 04,1 et Ou2. Ici, l'air, le quartz, le spath-fluor passent de l’opacité abso- lue à la transparence presque parfaite, tandis que là il faut parcourir dix microns pour apercevoir des différences bien nettes dans l’opacité de la paraf- fine, de l’ébonite et d’une foule d’autres corps. La représentation par les longueurs d’onde nous montre, d'ailleurs, l'absorption sous une forme dis- symétrique. Chacune des bandes d'absorption, crois- F il à © “à $ = <= 2 vo | ® € / = = > or Gi 2 E nor r à E = , a d 2 55 EME £ PAST £ rs E œ a © = e- = doc ,e Co æ SS EME : E Oscillations électriques —___; NO IN CS NN LT IN = 45.840 QUOTITÉS MOYENNES PAR HABITANT ———__——_——_— de l'impôt DÉPARTEMENTS des IMPÔT TOTAL quantités constaté en 1897 imposées en 1897 litres francs otre Lot-et- Garonne. Lozère. 53) Maine-et- Loire : Manche Marne . Marne (Haute-) Mayenne. . MES Meurthe-et- Moselle. cp Meuse. SRE Morbihan Nievre Nord. Oise . QE Pas-de- Calais. Puy-de-Dôme. Pyrénées (Basses-) . . . Pyrénées (Hautes-). . . . Pyrénées-Orieutales . . . Rhin (Haut-) . Rhône . Saône | Haute-) . Saône-et-Loire . Sarthe. Savoie. Savoie (Haute-). ) Seine : 21 Seine- Inférieure que Seine-et-Marne. Seine-et-Oise. . : Sèvres (Deux-) : Somme Lara Tarn-et- Garonne. V0 et MON E Vaucluse. . Vendée Vienne. Vienne Vosges. Yonne. + QD: = = NW Oz Re St > JUN Re br NN © LS 110 < (Haute-) : . Che = Lo] ra MOYENNES ET IMPÔT TOTAL. toute la France de 13,8 litres par tête d'habitant, en léger accroissement depuis une dizaine d'années. Tableau II. — Consommation par habitant à l’Étranger. ANNÉES ALLEMAGNE ANGLETERRE ÉTATS-UNIS litres litres litres | 1885. 90 123 (l | 1888. 97,6 123,2 | 1890 105,7 136,: | 1895 106,6 134 »! | 8e 115,7 139,° | Le tableau II indique pour les pays déjà cités la consommation par tête d’habitant. Tableau III. — Importation de bières étrangères QUANTITÉS VALEUR ANNÉES en en QUINTAUX FRANCS 1888 . 282, 459 1.000 1889 336,443 .000 1890 261,563 63.000 1891 254,126 5.000 1892 213,159 26.000 1899 AP Re à 201,640 2.000 1808 MANIERE 184,642 2.000 CNE RE CET é 187,230 .000 1896 183,129 .000 1897 119,405 000 Il y donc une décroissance à l'importation très déni P. PETIT — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L’INDUSTRIE DE LA BRASSERIE 19 sensible, pas moindre que 36°/, de la quantité entrée en 1888. Quant à l'exportation, elle est, au contraire, eu progrès sensible : SOS NET 41.165 hectolitres. ASIA RES 41.256 — 1895 . . — 1896 . = 1897. . =— | “+ 5 l E +! Fig. 4.— VE. — ENSEIGNEMENT TECINIQUE. L'Allemagne possède depuis longtemps -un en- seignement technique organisé : d'un côté, l'École de Weïhenstephan, qui recoit, après examen, des élèves pouvant n'avoir jamais vu une brasserie, et leur donne pendant deux années une culture géné- rale : Chimie, Physique, Botanique, ete., avec applicalion à la brasserie; les élèves en sortent done n'ayant le plus souvent pratiqué qu'à la bras- serie de l'École, mais avec un bagage scientifique assez étendu. D'autre part, un assez grand nombre d’Écoles, Berlin, Worms, Augsbourg, Munich, ont des cours durant de trois à six mois au plus; elles reçoivent, sans examen, toute personne ayant déjà travaillé dans une brasserie pendant un temps variable, généralement six mois ou un an, et sans exiger aucune connaissance scientifique. Pendant le séjour à l'École, les élèves apprennent à faire quelques analyses chimiques concernant l'eau, le malt, la bière, ils pratiquent le microscope Salle de brassage à l'Ecole de Brasserie de Nancy. au point de vue uniquement des ferments existant en brasserie. Ils suivent un cours technique, passant en revue les diverses opérations de la fabrication et l'interprétation scientifique des phénomènes qui s'y produisent. Le cours technique est illustré par des exercices de brassage, opérés dans une bras- serie installée à l'École même, et où tout est fait par les élèves eux-mêmes. Ici, on s'adresse seulement à des gens spécialisés, ayant déjà une idée de l'in- dustrie, et on leur apprend uniquement ce qui se rapporte à leur profession, et cela dans le moindre temps possible. Les Écoles sont évidemment acces- sibles aux contre-maitres, aux ouvriers mêmes, quel que soit leur degré d'instruclion antérieure. 29 P. PETIT — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA BRASSERIE Il n'y a pas lieu de discuter les avantages que peut posséder l’un de ces deux genres d'Écoles par rapport à l'autre, car lous deux répondent à un objet différent et présentent un haut degré d'utilité. Il faut bien être persuadé, en effet, qu'au- cune École ne peut avoir la prétention de former à elle seule un habile praticien, et les plus brillants élèves de Weihenstephan seraient, en sortant de l'École, parfaitement incapables de diriger une fabrication ; aussi se placent-ils modestement comme ouvriers ou volontaires dans une brasserie, puis, après avoir un peu voyagé et pratiqué, ils font des chefs de fabrication ou des directeurs instruits et expérimentés. Dans les Écoles du genre de Worms ou de Berlin, on prend des praticiens ; on leur donne les notions qui leur permettent de comprendre et prévoir ce qui se passe dans la fabrication, de contrôler celle-ci, c’est-à-dire qu'en quelques mois, sans avoir aucune prétention à faire des savants, on les rend capables d'observer judicieusement ; souvent même ils comprennent, seulement à l'École, l'ori- gine d'anomalies ou d'accidents de fabrication dont ils ont été témoins en pratique. Done, après les cours, les élèves peuvent, eux aussi, devenir d'excellents chefs de fabrication, quand ils ont une pratique assez longue avant l'entrée. Sinon, ils font comme les élèves de Weïhenstephan et continuent à travailler comme ouvriers jusqu'à ce qu'ils aient complété leur instruction pratique. En France, nous avons aussi les deux genres d'Écoles, mais un peu modifiées. Douai répond à Weihenstephan et Nancy à Berlin ou à Munich. L'École nationale des industries agricoles de Douai comprend un examen d'entrée, pas très éloigné comme programme du baccalauréat ès sciences, puisqu'on y demande la connaissance des équations du second degré, et les cours durent deux ans. Pendant la première année, les industries agricoles ne tiennent aucune place : Chimie, Physique, Bota- nique, Zootechnie, Législation, Cultures, prennent tout le temps disponible; la seconde année, en revanche, est entièrement consacrée à la Sucrerie, Distillerie, Brasserie, mais tous les élèves doivent suivre uniformément les cours et exercices pra- tiques répondant à ces trois industries. A ce titre, on ne peut guère considérer Douai comme une École de brasserie, et ses cours sont surtout suivis par des agents des contributions indirectes, qui tirent de leur séjour à l'École le plus grand profit pour apprendre à connaître les industries qu'ils seront appelés à surveiller au point de vue fiscal. Jusqu'ici le nombre des élèves réguliers est faible et le nombre des brasseurs qui s’y rendent est en- core plus réduit. Notons, en passant, que le bud- get de l'École de Douai monte à une centaine de mille franes, fournis par le ministère de l'Agricul- ture. À Nancy, on s’est inspiré de l'École de Berlin, et l’on a organisé des cours de trois mois, ouverts à toute personne ayant pratiqué six mois au moins dans une brasserie. Le point délicat dans ce type d'enseignement est qu'on s'adresse presque tou- jours à des jeunes gens n'ayant aucune idée ni de la Chimie, ni de la Bactériologie, et qu'il faut leur apprendre à faire des analyses chimiques, à se servir du microscope pour reconnaitre des fer- ments, isoler une levure pure, enfin leur faire saisir les transformations d'ordre chimique qui se produisent pendant le maltage, le brassage, la fer- mentation, etc. Cela parait à beaucoup de gens une œuvre irréa- lisable, et cependant elle est parfaitement possible, l'expérience le prouve depuis vingt ans en Alle- magne et depuis cinq ans à Nancy. En trois mois, on amène des jeunes gens de vingt à vingt-cinq ans à faire d’une façon parfaitement correcte un dosage de sucre par pesée au milligramme, une analyse d'eau, sans qu'ils aient jamais auparavant appris un mot de Chimie ni fait une seule manipulation. On les rend capables, dans les mêmes trois mois, de reconnaitre au microscope, dans une levure industrielle, la moindre trace des ferments étran- gers, et enfin l’on obtient qu'ils comprennent el possèdent leur cours technique. Le point le plus important de l’enseignement technique ainsi compris, est l'application, et c’est pourquoi l'École de brasserie de Nancy possède une brasserie très complètement installée pour la fermentation basse comme pour la fermentation haute ; chaque élève remplit, à tour de rôle, les fonctions de chef de fabrication, et il doit diriger son équipe et son travail et pour un genre de bière, chaque fois différent, en tenant comple des indications du cours technique, et en expli- quant le pourquoi de chacune de ses opérations. Le chef de chaque brassin pratique sur son moût, sa levure, son malt et sa bière, toutes les analyses ou examens microscopiques de contrôle qui lui ont été enseignés, cela bien entendu avec vérification et surveillance constante du personnel de l'École. Nous donnons ei-contre (fig. 4) la vue du hall à brasser de l'École de brasserie de Nancy. Notons que Nancy ne coûte pas un centime à l'Etat, et que l'École vit entièrement de ses propres ressources, tirées des élèves, des analyses et des fournitures de levure pure qu’elle fait aux brasseurs. L'École dépend de l'Université de Nancy, et elle a réalisé, depuis six ans, le premier exemple d'un enseigne- ment industriel pratique donné à l'Université. P. Petit, Professeur à l'Université de Nancy, Directeur de l'Ecole de Brasserie de Nancy. cs ti tte ds à PH. GLANGEAUD — LES VUES NOUVELLES ct SUR L'ÉPOQUE GLACIAIRE 21 LES VUES NOUVELLES SUR LES CAUSES DE En 1834, un ingénieur suisse, Jean de Charpen- tier, faisait, au Congrès de Lucerne, une commu- nication qui devait amener une révolution profonde dans les idées relatives au ferrain erratique qui couvre en Suisse, et surtout dans l'Allemagne du Nord et en Angleterre, des surfaces considérables. Avant cette époque, certains naturalistes pen- saient que le terrain erratique avait pris naissance à la suite d'un cataclysme résultant du soulèvement récent des Alpes; d’autres le faisaient provenir d’un déluge venant des contrées septentrionales. Une grande inondation, disait-on, aurait seule per- mis le transport de ces amas de cailloux, de nature variée, de dimensions parfois énormes et dont le lieu d'origine se trouvait, pour un grand nombre d’entre eux, à plusieurs centaines de kilomètres de leur position actuelle. — Les noms de Saussure, de Léopold Buck, de Buckland, d’Elie de Beaumont, etc., se rattachent à ces hypothèses sur le diluvium. Dans sa communication au Congrès de Lucerne, Charpentier établit, le premier, que les blocs erra- tiques de la Suisse « étaient beaucoup trop gros, (quelques-uns ont plusieurs mètres cubes), pour que l’eau ait pu les amener au point où on les trouve. » Un seul agent avait été assez puissant pour se charger d'un pareil transport à de si gran- des distances, cet agent était la glace. Cette nouvelle doctrine, ainsi que cela a lieu pour toutes les idées nouvelles, fut combattue avec véhé- mence par d'illustres savants, tandis que d’autres se passionnaient pour la défendre. — Grâce à ces der- niers, elle fit de tels progrès que l'on put bientôt établir que les Alpes avaient été presque entière- ment couvertes, durant une époque appelée époque glaciaire, par un manteau de neiges et de glaces, atteignant plus de 4.500 mètres en certains points, et couvrant plus de 150.000 kilomètres carrés. Mais les Alpes n'avaient pas eu, seules, le privilège d'être occupées par de gigantesques glaciers. A la même époque, les Pyrénées, le Massif Central de la France, les Vosges, avaient leurs sommets cou- ronnés de glaciers irradiant, par de profondes vallées, jusque dans les plaines de l’Aquitaine, de l'Auvergne et du bassin de Paris. La Scandinavie, l'Angleterre et presque tout le nord de l'Europe avaient disparu également sous une épaisse couche de glaces. — Dans l'Amérique du Nord, le terrain erratique avait eu une extension encore plus considérable, puisqu'il couvrait toute la région, située au nord d'une ligne passant par Chicago et les sources du Missouri, c’est-à-dire L'ÉPOQUE GLACIAIRE une étendue plus grande que celle de l’Europe. « Dans l'hémisphère nord, l'empire des glaces n'embrassait pas moins de vingt-deux millions de kilomètres carrés, soit plus du septième de la super- ficie de la terre ferme sur le globe. Dans toute cette étendue, c'étaient de vrais glaciers, et non des glaces flottantes, qui labouraient le sol, souvent au rebours de sa propre pente, striaient les rochers, écrasaient les pierres et semaient dans leurs mo- raines frontales, des blocs dont quelques - uns ont accompli, du nord au sud, un parcours de mille, parfois même de quinze cents kilomètres !. » Les glaciers ont subi de grandes vicissitudes : après avoir eu un développement maximum, ils ont battu, plusieurs fois, assez loin en retraite, pour qu'on ait pu séparer trois grandes phases glaciai- res : la première date de la fin du Pliocène; la seconde et la troisième, moins considérables, seraient d'âge Pléistocène. C'est entre la première el la seconde que l’on constate, pour la première fois, les traces de l'homme sur la Terre. Quelles causes ont pu amener une partie de l'hé- misphère nord de notre planète à être recouverte d’une telle accumulation de glaces? Disons fran- chement que nous ne sommes pas encore absolu- ment fixés sur l’origine du ou des phénomènes qui amenèrent des changements si profonds dans les conditions physiques du globe. Les études géolo- giques permettent cependant de croire que cet événement, si remarquable dans l’histoire de la Terre, n’est pas dû à des causes astronomiques ou cosmiques, mais qu'on doit seulement invoquer, pour l'expliquer, des raisons d'ordre géogra- phique et météorologique. Notre intention n'est pas de présenter ici les différentes hypothèses qui, jusqu'à ces dernières années, ont été émises à ce sujet: elles sont exposées dans les traités de géolo- gie; nous voudrions seulement faire connaître les plus récentes, qui, appuyées sur les dernières découvertes scientifiques, semblent les plus vrai- semblables, et n'ont pu encore être accueillies dans les livres. I. — HYPOTHÈSE DE M. DE LAPPARENT. M. de Lapparent, avec sa grande compétence el sa clarté habituelles, a discuté à plusieurs reprises quelques-unes de ces théories, et il a émis une opi- nion que les études géographiques et surtout océa- 1 De Lapparenr : Les causes de l’ancienne extension des glaciers. Revue des questions scientifiques, octobre 1893. 22 PH. GLANGEAUD — LES VUES NOUVELLES SUR L'ÉPOQUE GLACIAIRE nographiques récentes viennent confirmer dans ses grandes lignes. Le savant-professeur a fait ressortir que l’on devait surtout tenir compte, pour expliquer l’ancienne extension des glaces, non pas seulement du froid, mais des causes ayant pu amener une abondance de précipitations atmosphériques. La première condition pour obtenir de la glace, c'est, en effet, d'avoir de l’eau. S'il faut du froid pour transformer cette eau en glace, il n’est pas néces- saire que ce froid soit excessif. « La Sibérie, où règne le maximum de froid continental, est préci- sément dépourvue des neiges et des glaces, qui abondent en Nouvelle-Zélande, au voisinage du tropique. » La partie méridionale du Groënland, qui est à la mème latitude que l'Islande, la Scandinavie et la Russie septentrionale, mais qui con/fine au qulf- shream, est couverte d’une calotte continue de neiges et de glaces, dont l'épaisseur est évaluée par Nansen à plus de 1.600 mètres. Par contre, la neige est presque absente du Spitzherg, situé à 15° de latitude nord. Cette différence, qui est frap- pante, tient principalement à des causes locales. « C'est au relief du pays, à la direction des courants d'air qui viennent le frapper, à leur richesse en humidité, qu'on doit demander le secret de ces extraordinaires chutes de neige, localisées sur le plateau glacé et dont le produit alimente ce gigan- tesque inlandsis que Nordenskjæld et Nansen ont les premiers foulé aux pieds. » Les anciens états glaciaires des régions riveraines de l'Atlantique seraient vraisemblablement dus à une cause de même nature, aux proportions près, que celle qui détermine aujourd’hui le cas si parti- culier du Groënland. Cette hypothèse est basée sur une succession d'événements géologiques connus, principalement sur le changement de relief et sur l’écroulement d'un continent qui, pendant toute la série des temps géologiques jusqu'à la fin des temps tertiaires, avait relié l'Europe à l Amérique du Nord. « La création de l'Atlantique nord, qui s'est faite suc- cessivement, par saccades, permit l’arrivée facile, dans les parages septentrionaux, de masses d'air venant du sud-ouest et apportant des régions tro- picales une dose d'humidité que la température moyenne de l'Europe et des États-Unis ne leur per- mettait pas de conserver. » Les régions continentales bordant cette nouvelle région maritime furent intéressées, — et on a de nombreuses preuves de ce fait, — dans ce grand mouvement qui amena la disparilion du continent atlantique, et elles acquirent une topographie et un climat nouveaux. S'il y eut effondrement d'une part, des soulèvements se produisirent en Écosse, en Scandinavie, en Amérique, et ainsi des contrées relativement basses, que les agents atmosphériques avaient nivelées depuis une époque lrès ancienne, furent de nouveau transformées en des régions mon- tagneuses. Elles étaient, de par leur position, dans les condilions les meilleures pour servir de con- densateur à l'air, chargé d'humidité, qui venait les rencontrer. L'instabilité des terres et des eaux dans la région du nord de l'Atlantique produisait une perpétuelle variation dans le régime barométrique que l’arrivée des courants froids venant des mers boréales achevait d'accentuer. On conçoit aisément que ces différents événements, qui amenèrent des changements aussi radicaux dans la géographiephy- sique d’une partie de l'hémisphère nord, durent jeter un grand trouble dans l'atmosphère : tous concouraient à la formation de neiges et de glaces. Ainsi, l'hypothèse de l’écroulement atlantique, basée sur des événements réels, rend compte de la très remarquable localisation géographique de la période glaciaire (nord de l'Europe et nord de l'Amérique), explique, au moins en principe, l’al- ternative des phases glaciaires et des époques inter- glaciaires, comme aussi l'absence de toute mani- festation de ce genre dans des régions où une cause extérieure au globe n’eût pas manqué de le faire. Les études océanographiques récentes viennent apporter un appui précieux aux vues de M. de Lap- parent. Mais il est un facteur auquel le savant géo- logue ne faisait jouer qu'un rôle tardif et peu effi- cace dans l'établissement du régime glaciaire des temps pliocènes et pléistocènes, et qui semble cepen- dant avoir ajouté son effet aux causes d’ordre géo- graphique que nous avons présentées, et à celles que nous allons exposer plus loin : nous voulons parler du qgulf-stream.Ges nouvelles considérations! sont dues au professeur Edward Hull. Nous les développerons dans leur entier, à cause de leur importance. II. — HypornÈse DE M. En. Hucc. $ 4. — Reconstitution des anciens rivages du nord de l'Amérique. On sait que la côle orientale de l'Amérique est bordée d'une terrasse submergée, connue sous Île nom de haut-fond continental, s'étendant du rivage jusqu'à une ligne de 100 brasses (162,40) et se terminant le long d'un escarpement qui descend jusqu'à 7 à 800 mètres environ. A cet escarpement fail suite une seconde terrasse, se prolongeant à une distance plus ou moins grande sous l'océan, avec une profondeur de 4.500 à 5.000 mètres, limi- tée à son tour par un second escarpement qui des- ! Prof. Eow. Huzc : Another possible cause of the glacial epoch. Vicloria Institut, 1898. PH. GLANGEAUD — LES VUES NOUVELLES SUR L'ÉPOQUE GLACIAIRE 23 cend, d'une facon plus ou moins rapide, jusqu'aux profondeurs abyssales de l'océan. La deuxième terrasse a recu le nom de plateau Blake. A la hauteur du cap Hatteras, la largeur du haut- fond continental est de 28 kilomètres, mais elle augmente jusqu'à 180 kilomètres, en face de la côte de la Nouvelle-Angleterre, et jusqu'à 360 kilomètres vis-à-vis des côtes de l'État du Maine. La pente, de L'uniformité si remarquable de ces deux ter- rasses, sur une aussi grande étendue, conduit à penser qu'elles ont dû se former pendant une ou plusieurs périodes d'émersion suivies de submer- : sion. Cette manière de voir est confirmée par les études du Professeur Spencer, qui constituent un progrès remarquable dans nos connaissances océanographiques. 120? 105° 90° TORRES ÿ Signes conventionnels Ligne de. 100 brasses (He ut-fondL continental} NN | | Il { Platear Blake) Ligne de 450 à. 50 br = Jo? 129? 105% 2 60° m5 30° 150 0° 137 30° 45° Grave par FBorremans , 17, ÀS'Sulpice- Fig. 1. — Exlension probable des anciens continents atlantique et médilerranéen. 100 à 500 brasses, est souvent si rapide que les deux contours sont très rapprochés l'un de l’autre. La pente du plateau Blake est également si accen- tuée en quelques points, comme au cap Hatteras, que les contours de 500 et de 1.000 brasses viennent presque en contact sur les cartes. Ces deux ter- rasses sous-marines se continuent autour des iles du golfe du Mexique, des Antilles et de la mer des Caraïbes et jusqu’à l'ile de Terre-Neuve, avec des caractères presque identiques. Le Professeur Spencer a montré qu'un grand nom- bre de vallées du continent américain, débouchant dans l'Atlantique ou le golfe du Mexique, se conti- tinuent directement sous l'océan, en traversant d’abord le haut-fond continental, puis les larges et profondes baies du plateau Blake et aboutissant finalement dans la région abyssale. Les canaux qui traversent le plateau Blake sont si profonds que, s'ils étaient exondés, ils ressemble- raient aux grands cañons de l’ouest de l'Amérique; ES PH. GLANGEAUD — LES VUES NOUVELLES SUR L'ÉPOQUE GLACIAIRE ils descendent à une profondeur de plus de 3.000 mè- tres et ont une longueur de 350 à 550 kilomètres. Un fait important a été observé entre la Floride et les îles Bahama. Le canal existant aujourd’hui entre ces territoires a été autrefois une région surélevée d'où partaient, à l’est, vers l'Atlantique, et à l'ouest, vers le golfe du Mexique, des cañons analogues à ceux de la côte atlantique. C'est dire que les iles Bahama étaient reliées au continent américain et que le canal de Bahama, par lequel passent les eaux qui viennent d'être réchauffées dans la chaudière du golfe du Mexique et forment une partie importante du trajet suivi par le Gulf- Stream, n'existait pas. Ces vues ne font que con- firmer ce que les éludes géologiques avaient déjà appris et se complètent l'une l’autre. Le Mississipi et les grandes rivières du golfe du Mexique se prolongent également par des vallées sous-marines s'étendant à plus de 3.000 mètres de profondeur. Pour ne citer qu'un exemple de ces cañons sous-marins, disons que le cañon Haïtien passe sur le fond de l'Atlantique entre les îles Bahama, de Cuba et de Saint-Domingue. La topograph'e si spéciale des côtes sous-marines de l'Amérique du Nord ne peut être comprise que si l'on suppose un soulèvement de toute la région bordant l'Atlantique jusqu'à la profondeur des canaux submergés, c’est-à-dire jusqu'à 3.000 et 4.000 mètres. La côte du nord de l'Amérique au- rait été ainsi réunie à l'Amérique du Sud par un continent, qu'on a appelé le continent des Antilles. Cette conclusion concorde également avec les observations de M. Davis, sur les Appalaches, vieille chaine de montagnes de la fin des temps primaires, usée par l'érosion, qui fut rajeunie et pour ainsi dire reconstituée à la fin du tertiaire, grâce aux mouvements parallèles à la côte atlan- tique dont nous venons de parler. Est-ce à dire que tout le continent du nord de l'Amérique a subi une surélévation de 3.000 mètres? Évidemment non. L'exhaussement diminuait gra- duellement vers l’ouest, et il était compensé par l'écroulement du continent nord atlantique; mais la dépression du centre de l'Amérique qui avait permis la communication du Pacifique avec l'Atlan- tique, contrairement à ce que l'on pensait, n'avait plus lieu depuis l'époque oligocène, ainsi que M. Hull vient de le faire connaître à propos de l'âge de l’isthme de Panama. Les études géologiques ont également montré que le soulèvement de l'Amérique du Nord, tel que nous venons de le définir, eut lieu à deux époques : au Pliocène et au Pléistocène, séparées par une période d’affaissement. La distribution de la faune et de la flore terrestre vient corroborer les vues du Professeur Spencer. L'ancienne et la plus grande élévation de la côte américaine trouve sa contre-partie dans le fait que le Groënland et le plateau sur lequel s'étendent les iles Britanniques et Scandinaves est délimité par la ligne de 100 brasses. Godwin Austen, Rupert Jones et, plus récemment, Harmer, ont établi que ce plateau constituait une terre drainée par des rivières en continuité avec le Rhin et les autres fleuves du nord de l'Europe. Il semble également démontré que la surélévation affectant la côte orientale de l'Amérique était continue autour du nord et de l'ouest des rivages de l'Atlantique !. En résumé, les terrasses submergées de la côte américaine et les profondes vallées qui les traver- sent n'ont pu être formées que dans des conditions subaériennes: le haut fond continental (première terrasse) a été sans doute le résultat de l'érosion pliocène ; le plateau Blake (deuxième terrasse) et les canaux seraient seulement d'âge pléistocène. C'est probablement pendant la première période ou au commencement de la seconde que le canal de Bahama a été creusé. Il ne faut pas oublier, en effet, que la décroissance de température due à la diversion du courant atlantique au travers des golfes du Mexique et des Caraïbes fut lente et gra- duelle; elle commença à la fin du Pliocène et attint son maximum aux époques suivantes. Examinons maintenant avec M. Hull l'effet que la surélévation du continent des Antilles, concomitant sans doute, répétons-le, de l'effondrement du continent du aord de l'Atlantique a exercé sur la température du Gulf-Stream et considérons les conséquences qui en résultèrent au point de vue des conditions elimatériques de l’ouest de l'Europe et du nord de l'Amérique. $ 2. — Le Gulf-Stream. Pendant toute la durée du soulèvement du conti- nent des Antilles, précédée à l'époque oligocène de la formation de l’isthme de Panama, la branche du grand courant équatorial qui pénètre aujour- d'hui dans la mer des Caraïbes et passe à travers le golfe du Mexique devait suivre un cours très dif- férent du courant actuel. Le passage dans le golfe lui était interdit par la barrière continentale qui se dressait en face de l'Amérique centrale et réu- nissait, comme nous l'avons indiqué (fig. 4), l'Amérique du Nord à l'Amérique du Sud. Il devait donc passer directement de l'équateur au nord de l'Atlantique. D'un tel changement dans la direction résultait certainement une différence de tempé- rature, que nous allons essayer d'évaluer en la | comparant à celle d'aujourd'hui. Il est admis que le Gulf-Stream reçoit une no- 3 M. E. Hull vient de signaler des faits semblables sur les côtes d'Espagne et de Portugal. PH. GLANGEAUD — LES VUES NOUVELLES SUR L'ÉPOQUE GLACIAIRE 25 table augmentation de chaleur dans son passage de la mer des Caraïbes, à sa sorlie du golfe du Mexique par le détroit de la Floride. Au cap Saint- Roque, la température est de 28°, et à la sortie du golfe du Mexique, elle s’élève à 30°; elle a donc augmenté de 7°en traversant la « grande chaudière mexicaine ». En parcourant dix degrés de latitude, le courant perd seulement 1 degré de chaleur; il traverse le 40° parallèle avec sa température de 29°, s'étend sur des milliers de lieues carrés dans les régions arctiques et donne une augmentation de 6°,5 de température au climat des îles Britanniques. On a montré de mille façons les effets caloriques, bienfaisants, de cette grande rivière océanique. Maury et Herschell estiment que la chaleur trans- portée aux régions arctiques par le Gulf-Stream est près de la moitié de celle qui provient du Soleil. ‘Le Professeur Forbes a calculé que la quantité de chaleur perdue dans l'aire atlantique par le Gulf- Stream pendant un jour d'hiver suffirait pour étever la température de l’atmosphère de la France et des îles Britanniques du point de congélation de l'eau au maximum de température de ces régions. Ces exemples suffisent pour se rendre compte des effets du Gulf-Siream actuel; examinons mainte- nant comment ils ont pu être modifiés par l’éléva- tion d'une barrière s'étendant le long de la ligne des Antilles. Nous avons vu que le Gulf-Stream gagne 7° de chaleur entre le cap Saint-Roque et le détroit de la Floride. Si nous admettons qu'il y ait 0°,5 d'aug- | mentation entre le cap Saint-Roque el l'entrée de la mer des Caraïbes, le gain entre ce point et les Narrows ne sera plus que de 6°,5. Si done, de la mer des Caraïbes, le courant passait directement le long de la côte américaine, il serait privé de 6°,5 de chaleur, mais il aurait gagné quelque chaleur pendant qu'il montait de 1.800 kilomètres sous les rayons du soleil tropical. En supposant que cette augmentation ne soit que de 1°, la perte totale ne serait plus que de 5°,5 si on la compare à celle d'aujourd'hui. En traversant le 40° parallèle, au lieu d’avoir une température de 29°, le Gulf-Stream de la période que nous envisageons n'aurait plus eu que 23°,5, température qui ne serait pas beau- coup supérieure à celle des eaux, durant l'été, à la hauteur de ce parallèle. Une telle diminution de température devait exercer une action incontestable sur le climat des régions bordant le nord de l'Atlantique, les côtes et les iles de l'océan Arctique; non seulement la moyenne annuelle de la température serait consi- dérablement réduite, mais encore il y aurait une augmentation dans la chute des neiges dans ces régions et une descente de la limite des neiges perpétuelles, ce qui aurait pour effet d'abaisser, en outre, la température de tous les territoires voi- sins. Si nous supposons que la moyenne annuelle de toutes les régions influencées par le Gulf-Stream, au delà du 40° parallèle, est réduite de 5°,5 environ au-dessous de son chiffre actuel, l'isotherme actuel de zéro prendra la position de celui de 5°,5 et, celui de 5°,5, la place de celui de 11°; on aura ainsi une avancée du froid vers le sud. En observant les condilions climatériques des régions {traversées par les isothermes actuels de 0° et de 5°,5, nous pourrons avoir une idée approximative du climat dans l'hypothèse que nous avons considérée. Nous devons dire ici que les résultats de M, Ed. Hull ne peuvent être rigoureux, car le climat d'une région dépend non seulement de la température, mais aussi des relations des terres et des mers et de la direction des vents à la même latitude. Ses chiffres ne sont donc qu'un minimum. En partant de ce minimum, examinons l'effet de la conversion de l'isotherme 5°,5 en l’isotherme zéro, sur les climats de l’Europe et de l'Amérique du Nord. Sur ce dernier continent, on peut supposer que les grands lacs étaient gelés, d'une façon per- manente, ainsi que la baie d'Hudson, pendant huit mois de l’année, pendant que le Labrador et les terres situées à l’ouest de la baie d'Hudson étaient couverts de neige, que le soleil de l’été pouvait seul fondre. I1 ne devait pas y avoir de grands changements dans la quantité de neige et de glace couvrant le Groënland. Quant à la Scandinavie, par suite de l'accroissement du froid et de l'énorme précipitation de neige sur les pentes ouest des montagnes, la ligne des neiges descen- dait bien au-dessous des limites actuelles et les glaciers pénétraient dans la mer du nord du cercle arctique, qui ressemblait à la région du détroit de Davis actuel. Dans les mêmes condi- tions, les hautes terres des îles Britanniques seraient suffisamment froides et recevraient assez d'humidité pour être couvertes de neiges perpé- tuelles et de glaciers. Les plus hauts sommets des Grampians ne sont pas beaucoup, aujourd'hui, au-dessous de la limite des neiges perpétuelles, et les neiges persistent souvent toute l'année en quelques points (Ben Navis et Ben Mac Dhni). $ 3. — Effets produits par le soulèvement des ri- vages des régions du nord de l'Atlantique et de la Méditerranée. Nous avons vu plus haut que les terrasses sub- mergées et les profondes vallées de la côte est de l'Amérique qui les traversent, n'ont pu être for- mées que dans des conditions subaériennes; il est impossible, en effet, de concevoir leur formation sous les eaux de l'océan. Ces terrasses ont été 26 PH. GLANGEAUD — LES VUES NOUVELLES SUR L'ÉPOQUE GLACIAIRE rencontrées jusqu'à la latitude de 42° N. ; d’autres fjords, noyés sous les eaux de l'Atlantique, ont été également observés, plus au nord, par Lindenkohl. Ils sont en relation avec les rives de l'Hudson et descendent à une profondeur de 730 à 950 mètres. Ces faits indiquent bien le soulèvement du continent américain le long de la côte atlantique et, quoi- qu'il n'ait pas eu l’exlension de celui qui à été observé dans la région des Antilles, il est encore suffisant pour avoir produit des effets très mar- qués sur le climat de l’est de l'Amérique. Au froid produit par l'abaissement de tempéra- ture du Gulf-Stream, il faul ajouter celui qui est dù à la surélévation de ce continent. L'effet combiné de ces deux facteurs a été suffisant pour introduire l'existence d'un climat glaciaire, d'une grande sévé- rité, sur la région qui s'élend ou nord du Saint- Laurent et des grands lacs. Dans le même ordre d'idées et venant encore les accentuer, il faut ajouter, d'après les observations de Godwin Austen, Prestwich, Delesse et Rupert Jones, que la plate-forme sur laquelle se trouvent les iles Britanniques et l’ouest de l’Europe, s’est élevée à la hauteur d'une ligne de cent brasses (162,40), ce qui permettait à la Grande-Bretagne d'être unie, à l’est, à l'Europe et à l’ouest à l'Irlande. La distri- bution de la faune et de la flore terrestre de cette époque, ainsi que l'étude des dépôts glaciaires de l'Irlande et de l'Ecosse, viennent appuyer cette ma- nière de voir. À celte époque, qui, pour la majorité des géologues, date de la fin du Pliocène, toute la région a dû supporter une décroissance de tempé- rature considérable, comparativement à celle d’au- jourd'hui. Si l'on y ajoute celle qui résulte, au Pliocène, de la réduction de température du Gulf-Stream, qui existait peut-être depuis l'Oligocène, époque de la formation de l'isthme de Panama, on pourra con- clure que de telles conditions physiques étaient bien propres à assurer un climat glaciaire dans toule cette région. Pour préciser les vues de M. Hull, autant qu'on peut le faire pour de semblables reconstitutions géographiques et météréologiques, nous dirons que son étude nous permet de concevoir que l'Ecosse, la Norvège et la partie de l'Amérique située immédiatement au nord des grands lacs de- vaient se trouver dans des conditions analogues à celles où se trouve actuellement l'extrémité méri- dionale du Groënland, tant au point de vue de la température qu'au point de vue de l'humidité ap- portée par le Gulf-Stream. On pourrait objecter que les hypothèses pré- cédentes étaient insuffisantes pour expliquer le refroidissement du climat des régions du sud de l'Europe et de celles bordant la Méditerranée et s'étendant à l’est, vers l'Himalaya. Nous savons que ce refroidissement, quiamena le renne et le mammouth jusqu'au sud de la France, résullait de l'extension des glaciers dans les Alpes, les Pyrénées, le Caucase et l'Himalaya et même jusqu'au Liban. — Deux réponses peuvent être faites à cette objection : Un abaissement général de la température et un changement dans le climat de l’ouest de l'Eu- rope produisirent nécessairement un effet marqué, dans le même sens, surles régions s'étendant plus au sud. Si le climat de la Scandinavie, des iles Britan- niques, de la France, de l'Espagne et du Portugal devenait sensiblement plus rigoureux, il est clair que, gräce à la circulation des vents, le climat des régions voisines, vers l’est, éprouverait aussi un changement proportionné, dans le même sens, changement dû à la plus grande accumulalion de neiges et de glaces à des altitudes plus élevées. Il est impossible de dire jusqu'à quel point cetle in- fluence se ferait sentir et s’est étendue à la fin du Pliocène et au commencement du Pléistocène, en particulier pendant la période où le froid a eu son maximum d'intensité; mais il est certain que cette influence a eu une extension considérable. M. Hull croit même que tout l'hémisphère nord a éprouvé une diminution de chaleur presque égale à celle que l’on a constatée sur les rivages de l'Atlantique. Mais il est une cause plus puissante encore pour le développement des conditions glaciaires dans les régions sud-méditerranéennes. A la fin du Miocène, le grand ridement alpin, qui, à l'époque miocène, avait donné naissance aux Alpes, au Caucase et à l'Himalaya, avait eu pour contre-coup de soulever la région méditerranéenne et de la transformer en une série de lacs saumätres. Des seuils continentaux relièrent l'Europe à l'Afrique, au travers de cette série de lacs, et permirent l’émigration de l'éléphant, de lhippopotame, etc. M. Hull pense que c’est celte surélévalion de la région méditerranéenne qui a contribué pour une large part à établir le régime glaciaire dans la région alpine. Nous ne le croyons pas, car celte surrec- tion est bien antérieure à la période glaciaire, puis- qu'elle en est séparée par toute la période pliocène, et que précisément à la fin de cette période, toute la partie occidentale de la Méditerranée venait de s'écrouler, et que cet affaissement avait rétabli la communication decette mer avec l'océan Atlantique. Ainsi s'étaient formées les fosses tyrrhénienne, adriatique et le détroit de Gibraltar. Plus tard, au Pléistocène, et par élapes successives à la suite de nouveaux affaissements, les lacs salés de la région caspienne communiquèrent avec la Médi- terranée occidentale. he En dpi Ve PH. GLANGEAUD — LES VUES NOUVELLES SUR L'ÉPOQUE GLACIAIRE 97 Mais si l’on tient compte des premières causes | ment septentrionales jusque dans la Méditerranée. invoquées par M. Hull dans l'abaissement de tem- pérature de la chaine alpine et des régions avoisi- nantes (Massif central, Vosges), on admeltra plus volontiers, avec M. de Lapparent, que, grâce aux eflondrements méditerranéens, les vents venant du Sud et du Sud-Ouest qui passaient sur des masses d'eau n'existant pas auparavant, se char- geaient d'humidité et, rencontrant de puissants condenseurs (la chaine alpine), déposaient sur eux, sous forme de neige, toute la vapeur d’eau qu'ils contenaient. Ainsi s'expliquerait d'une façon natu- relle, l'existence de glaciers dans la région sub- méditerranéenne. Les géologues américains Upham, Dana, Le Conte partagent les vues du Professeur Spencer sur la surélévation du continent américain, qui aurait eu lieu un peu avant l'époque glaciaire (fin du Plio- cène) : ils arrivent à des conclusions semblables à celles de Hull, mais ils se basent principalement sur l'abaissement de température dû à un tel exhaussement et tiennent peu compte de l'influence du Gulf-Stream. Il faut avouer qu'il est bien diffi- cile de fixer les conditions dans lesquelles se pré- senterait un Gulf-stream si l’on venait à supprimer la principale cause qui est sa raison d’être, le bassin des Antilles et en particulier le golfe du Mexique. Cependant, si la reconstitution du continent amé- ricain est exacte (fig. 1), il existait à la fin du Pliocène el au commencement du Pléistocène, un grand golfe en face des côtes de la Floride, à la la- titude des Canaries ; on peut donc se demander si ce golfe n'aurait pas joué, d'une facon bien atténuée, le rôle dévolu aujourd'hui au golfe du Mexique. III. — ConcLusions. Des études parues, dans ces dernières années, sur les causes de l’époque glaciaire se dégagent un certain nombre de résultats, dont quelques-uns de- mandent encore plus de précision, mais dont l'im- portance ne saurait être conteslée. C’est d’abord le soulèvement de la région orientale du continent américain et de la région occidentale et septentrio- nale de l'Europe, soulèvement qui a augmenté la surface terrestre d’une quantité au moins égale à celle de l'Europe et a été, sans doute, concomitant de l’écroulement des terres situées entre l'Europe et l'Amérique, qui réunissaient ces deux continents depuis les époques géologiques les plus anciennes. Mais ces affaissements et ces soulèvements n’ont pas été uniformes; des brèches se sont ouvertes, par places, au travers de certains de ces territoires et il est probable que c’est grâce à elles que, pour la première fois, au Pliocène, la mer boréale a pu envoyer des courants froids et des espèces nette- Ces mouvements de l'écorce terrestre ont eu une ampleur inaccoutumée puisqu'ils ont intéressé une portion du globe terrestre s'étendant sur près de 180° de longitude et 80° de latitude et ont fait suite au grand ridement ayant dressé dans les airs la chaîne alpine, qui commence à l'extrémité occiden- tale de l'Europe et se termine seulement à l’extré- mité orientale de l’Asie. Là où se sont produits des mouvements aussi intenses, là aussi devaient se manifester des per- turbations atmosphériques considérables. Les effets combinés de toutes les causes dont nous venons de parler, durent changer, en effet, complètement le climat d'une grande partie de l'hémisphère nord de notre planète, peut-être même de tout l’hémi- sphère. Ainsi se produisirent d’abondantes chutes de neige et s'installèrent des glaciers partout où les courants d'air, suffisamment chargés de vapeur d’eau, vinrent rencontrer ces nouvelles surfaces continentales, dont certaines (côtes de l'Amérique) avaient une altitude de beaucoup supérieure à l’al- titude actuelle. Ces vues, en grande partie confirmées par les faits, expliquent la remarquable localisation géo- graphique des anciens glaciers qui ont respecté l'Asie (à part les chaînes himalayennes) et ne se sont pas étendus au delà de l'Oural. Le soulèvement qui fit surgir, au Pléistocène, le plateau Blake, des profondeurs de l'océan et fut probablement accompagné, par une sorte de com- pensation, de l’effondrement des restes du centi- nent atlantique, amena un nouveau changement dans l’état glaciaire de l'hémisphère nord. Ces événements permettent de comprendre l'existence des deux grandes périodes glaciaires constatées dans l’ancien et le nouveau monde. Un pareil état de choses ne prit fin que lorsque le continent antillien, la portion orientale de l'Amérique du Nord (terrasses submergées) et la plate-forme de l'Europe septentrionale et occiden- tale s’enfoncèrent sous les eaux. Ainsi naquirent le golfe du Mexique, la mer des Caraïbes et, peu après, en partie sous l'influence de l'érosion, le détroit de Bahama. Le Gulf-Stream allait désormais faire sentir son action bienfaisante et aider puissamment à la disparition de cette calotte de glace qui, pendant des milliers d'années, s'étendit, comme un voile de mort, sur de vastes espaces el transporta, du nord au sud de notre hémisphère, une telle quantité de matériaux que la topographie des régions septentrionales de l'Europe et de l'Amérique en fut complètement changée. Ph. Glangeaud, Dosteur ès sciences, Collaborateur au Service de la Carte géologique de la France 28 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques NVitz (A.), Ingénieur des Arts et Manufactures, Profes- seur à la Faculté libre des Sciences de Lille. — Traité théorique et pratique des Moteurs à gaz et à pétrole et des Voitures automobiles. Tome III — 1 vol. gr. in-8° de 600 pages avec 214 figures. (Prix : 20 fr.) E. Bernard et C'°, éditeurs. Paris, 1899. Ce volume fait suite au tome II des Moteurs à gaz et à pétrole du même auteur, que nous avons analysé ici même, en 1894 !. Il est destiné à retracer les progrès accomplis en l'espèce pendant les quatre dernières années. L'ère des grandes découvertes est close pour les moteurs en question, déjà trop perfectionnés pour qu'on voie surgir des dispositions de nature à boule- verser les idées acquises. Mais la courte période en question a été féconde en améliorations d'ordre assuré- ment secondaire, mais importantes pour la pratique et la construction des moteurs. L'auteur nous en donne un tableau tort exact dans son premier chapitre, qui peut être regardé comme le programme de l’ouvrage lui-même. Deux expositions importantes ont eu lieu, à Anvers en 189%, à Bruxelles en 1897: dans la première, les visiteurs français avaient eu l’occasion de faire la con- naissance de nombreux moteurs étrangers; dans la seconde, l'attention a été surtout attirée par ceux de notre compatriote M. Letombe, à double effet et à sur- compression, et de M. Polke, avec mécanisme distribu- teur à double vis hélicoïdale. A ces exhibitions de parade, M. Witz préférerait, et fort justement à notre avis, des concours semblables à ceux qui ont eu lieu, pour les moteurs à pétrole, en 1894, à Meaux, à Cambridge et à Berlin, basés sur des essais multiples, dont la véracité écarte malheureuse- ment trop de concurrents, peu empressés à établir la supériorité qu'ils revendiquent pour leur moteur. Le premier, organisé par le Syndicat agricole de Meaux et dirigé par M. Ringelmann, directeur des Essais à l'Ecole Nationale de Grignon, a tenu compte pour le classement du rendement thermique, des frais journa- liers et de la construction des machines : un moteur Grob de 5 chevaux, dont le rendement s'est élevé à 17,1 °/,, n'a consommé que 300 grammes de pétrole par cheval-heure effectif. Au concours de Berlin, le moteur demi-fixe Swiderski de 10 chevaux a consommé 375 grammes, à côté d’autres qui en ont dépensé 4.190, à pleine charge. La fixation de chiffres aussi disparates montre l'utilité des concours de ce genre. Le cycle Otto est aujourd'hui presque universelle- ment employé, mais il a un défaut : le volume inva- riable de mélange carburé admis ne permet pas de détendre suffisamment les produits de l'explosion, il en résulte une perte de travail assez importante. MM. Charon, Niel, Heynen ont proposé, pour atténuer cet inconvénient, des solutions ingénieuses, maisimpar- faites. M. Witz voudrait qu'on fit fonctionner les moteurs à gaz comme des machines à vapeur, en admettant une charge tonnante de richesse constante, mais de volume variable, mesuré par le régulateur sui- vant les besoins de chaque instant. La maison Ganz avait exposé à Buda-Pest un moteur concu dans cet esprit. M. Letombe à imaginé le moteur dont nous avons parlé à admission et surcompression variables par le régulateur, la surcompression étant destinée à ET INDEX assurer l'explosion quand la richesse du mélange diminue; de la sorte, il obtient une marche écono- mique, même à demi-charge. La marche à deux temps « n'est guère employée que dans le moteur Bénier et dans celui, à deux pistons opposés pour un même cylindre, de M. von OEchelhaeuser. Les moteurs à combustion étaient eux-mêmes peu en faveur, quand les remarquables travaux de M. R. Diesel, si bien analysés ici même par M. Witz!, sont venus rappeler sur eux l'attention. On sait que la consommation de pétrole a été abaissée pour la pleine charge à 238 grammes; c’est la plus faible qui ait été jamais obtenue; elle est de 12 grammes inférieure à celle du moteur Petréano de quatre chevaux, et on peut compter pour les meilleures machines actuelles une dépense minima de 300 à 500 grammes par che- val-heure effectif. Rappelant sa déclaration de 1894, M. Witz est de plus en plus persuadé qu'on reviendra, pour les grandes puissances, aux moteurs à combustion. L'emploi des gaz pauvres, très répandu en Angleterre et en Allemagne, a fait de réels progrès en France; il est à souhaiter qu'on trouve le moyen d'utiliser pour leur production nos charbons francais, aux lieu et place des houilles anglaises ; des charbons maigres d'Anzin, de Vicoigne, de Nœux, ont déjà été empioyés avec succès. L'utilisation des gaz des hauts fourneaux dans les moteurs tonnants est dès à présent réalisée. M. Witz croit sage, pour le moment, de réserver une partie de ces gaz pour le chauffage des générateurs alimen- tant les machines soufflantes et de ne consacrer que l'excédent à la mise en mouvement de moteurs à caz actionnant une grande station centrale d'électricité, chargée de l'éclairage, de la commande des pompes, des monte-charges, des appareils de déchargement, de la traction des wagons. En attendant une extension qui parait certaine, le rôle qui leur échoit est déjà d'assez belle envergure. J Les derniers travaux relatifs à l'emploi, dans les mo- teurs à gaz, de l'alcool, de l’acétylène, même des poudres, sont rappelés par l’auteur. Celui-ci, après avoir rendu hommage à nos maisons de construction françaises, fort sérieuses et dirigées souvent par des hommes éminents, regrette que leur développement restreint ne leur permette pas une pro- duction plus intensive, et ce travail par séries, qui fait la force des grandes maisons anglaises. Il voudrait voir les capitaux affluer pour la construction des moteurs à gaz, comme ils le font pour l’industrie automobile. L'ouvrage se termine par un exposé rapide de l’état actuel de cette dernière industrie : les moteurs, les car- burateurs,les mécanismes de transmission, les disposi- tions générales des principaux types de voitures y sont décrits avec cette compétence et cette clarté que con- naissent bien tous les lecteurs de l’éminent ingénieur et que les chauffeurs voudront à leur tour apprécier. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines. Annuaire pour l'an 1899, publié par le Bureau des Longitudes. (Avec des notices scientifiques.) — 1 vol. in-18 de vi-184 pages avec 2 cartes magnétiques (Prix : A fr. 50.) Guuthier-Villars, éditeurs. Paris, 1899. Les notices sont dues cette année à MM. Bouquet de la Grye (Notice sur les ballons-sondes), Bassot (La géodésie moderne en France), P. Gautier (Le sidéros- tat à lunette) et J. Janssen (Travaux au Mont-Blanc en 1898). ! Revue générale des Sciences, 5° année, p. 827. 1 Revue générale des Sciences du 15 juin 1898. PIS CS ttrhstin: 2m BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 29 2° Sciences physiques Boltzmann (Ludwig), Professeur de Physique théorique à l'Université de Vienne. — Vorlesungen über Gaz- theorie (LEGONS SUR LA THÉORIE DES Gaz). de Partie : THÉORIE DES GAZ À MOLÉCULES MONOATOMIQUES, DE DIMEN- SIONS NÉGLIGEABLES PAR RAPPORT AU PARCOURS LIBRE MOYEN. — 2° Partie : THÉORIE DE VAN DER WaAaALs. (GAZ A MOLÉCULES POLYATOMIQUES. DISSOCIATION DES Gaz. REMARQUES FINALES. — 2? vol. in-8°. Johann, Ambrosius Barth, éditeur. Leipzig, 1895-1898. La seconde partie de l'ouvrage du D' Boltzmann, attendue depuis longtemps, vient de paraître ces jours derniers ; nous devons nous féliciter de l'avoir attendue trois ans, car, grâce à celte attente, nous possédons enfin un exposé systématique et complet des parties les plus difficiles de cette théorie, autrefois appelée théorie cinétique des gaz, et qui mérite plus justement aujour- d'hui le nom de théorie moléculaire des fluides. Dans la préface de la seconde partie, le D' Bollzmann expose que la rédaction de cette seconde partie était prête, mais avec un caractère relativement élémentaire, au moment où parut la première partie. C’est alors que se produisirent les attaques passionnées et retentissantes, dont l'écho s’est retrouvé dans la Revue, contre toutes les théories cinétiques et moléculaires. Le D' Boltzmann, à qui l'on doit à peu près tout, depuis Clausius et Maxwell, et dont l'esprit précis a substitué à certaines vues trop superficielles de Maxwell des démonstra- lions rigoureuses, à jugé nécessaire de modifier son plan et d'épargner aux jeunes gens, tenus dans l'igno- rance de ces théories, le pénible travail de recherche et de coordination des travaux publiés dans des recueils variés, anglais et allemands. Que ce travail de mise au point ait occupé les loisirs de trois années, c’est ce qui n'étonnera aucun de ceux qui connaissent la nature et la difficulté des questions à traiter. Aucun autre que le D: Boltzmann ne pouvait mener à bien ce travail. Dans sa conviction, qui est aussi la mienne, la fécondité des idées maitresses de la théorie moléculaire des fluides est loin d’être épuisée; mais, la mode est ailleurs; après plus de vingt ans écoulés, les idées de Gibbs, pourtant signalées dès le début par Maxwell dans son admirable petit Traité de la Chaleur, ont enfin conquis la faveur publique, et ce n’est que justice; ce qui semblera plus tard étrange, c'est qu'on les ait crues en opposition avec la théorie moléculaire des fluides, et avec les théories mécanistes pures, alors que tous les résultats de pure Thermodynamique sont contenus dans les théories moléculaires, tandis que celles-ci en contiennent quelques autres, systématiquement ignorés — mais non contredits — par la Thermodynamique. Il est bien curieux que le type des contradictions supposées entre les théories cinétiques et l'expérience n'ait pas changé depuis Hirn; on décrit correctement, d’après la théorie cinétique, le début d'un état variable, mais on l'appelle, faute d’un instant de réflexion, un état permanent; on le compare à un état permanent expérimental, et on les trouve tous deux en désaccord. C'est à peu près comme si l’on confondait les phéno- mènes de dissociation de Deville avec ceux de décom- position totale de Berthollet, Il suffit de satisfaire aux conditions de permanence dans la description ciné- tique, ou d'étudier expérimentalement le début de la période variable du phénomène, pour que les théories cinétiques et l'expérience soient en parfait accord. Je me garderai bien, d’ailleurs, de présenter cet accord comme un contrôle des idées cinétiques. Les idées fon- damentales qui suffisent à la prévision qualitative des phénomènes sont d'un caractère trop simple pour être propres à une théorie, ou même à une branche de science particulière; on s'en apercevra bien lorsqu'on voudra un jour faire le dénombrement des rares phéno- mènes thermiques qui n'auraient pu être classés qua- D EN ne ve | NNRRMNRMUT 4 Revue générale des Sciences, n95 21, 23 et 24 de 1895. litativement sans l'emploi rigoureux de la Thermodyna- mique. Provisoirement du moins, tant que le principe de classement n’est pas devenu intuitif, il vaut mieux grouper, même à l’aide d'une théorie compliquée et incomplète, des propriétés qui s'accompagnent toujours dans un seul et même corps, plutôt que de les négliger ou de les traiter séparément, dans des chapitres dis- tincts, par des principes indépendants. C'est ce que font les théories moléculaires, qui ne traitent pas la diffusion du mouvement, de la chaleur, de la matière, comme des imperfections des fluides, mais comme des propriétés essentielles, au mème titre que la compres- sibilité. Que les raisonnements soient encore encom- brés d’un développement considérable de formules, c'est ce dont s'excuse le D' Boltzmann, mais c'est ce qu'exige encore aujourd'hui l’état de cette science; désormais, nous savons où chercher, et nous ne ris- quons plus de nous perdre au milieu du dédale de cal- culs d'auteurs différents. On jugera, par la table des matières, de l'importance du traité du D' Boltzmann, et du tour de force que représente la condensation de ces théories en moins de 500 pages : 1 partie : I. Molécules sphériques; pas de forces extérieures, pas de mouvements d'ensemble. — I. Molécules centres de forces; forces extérieures; mou- vements d'ensemble du gaz. — III. Molécules agissant en raison inverse de la 5° puissance de la distance, 2 partie : I. Fondements de la théorie de van der Waals. — IL. Discussion physique de la théorie de van der Waals. — III. Théorèmes de la Mécanique générale nécessaires pour la théorie des gaz. — IV. Gaz à molé- cules composées. — V. Etablissement de l'équation de van der Waals au moyen du Viriel. — VI. Théorie de la dissociation. — VII. Equilibre de la chaleur dans les gaz à molécules composées. Il me reste à formuler un vœu, c'est qu'il se trouve un éditeur pour nous donner bientôt une édition fran- caise de ce livre qui, bien certainement, sera traduit en anglais avant peu. M. BRILLOUIN, Maitre de Conférences à l'Ecole Normale Supérieure. Carnot (Adolphe), Membre de l'Institut, Inspecteur général des Mines, Professeur à l'Ecole Supérieure des Mines. — Traité d'Analyse des substances minéra- les. Tome I. Méthodes générales d'analyse quali- tative et quantitative. — 1 vol. gr. in-8° cle 992 pages avec 356 figures. (Priæ : 35 fr.) V*° Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1898. M. Carnot vient de commencer la publication d'un Traité d'analyse des substances minérales, œuvre impor- tante et délicate pour laquelle il était tout particuliè- rement préparé par ses recherches bien connues, pour la plupart relatives à des questions de Chimie analy- tiques et par ses fonctions à l'Ecole des Mines, où, depuis longtemps déjà, il occupe la chaire de docimasie et dirige les laboratoires. Le premier volume, le seul paru jusqu'ici, est relatif aux méthodes générales d'analyses qualitative et quantitative. La première partie com- prend l'exposé des méthodes de recherches qualitative et l'indication des marches méthodiques à suivre sui- vant le procédé que l’on emploie. Le chapitre 1 traite des essais au chalumeau; le chapitre 11, des essais à la la lampe à gaz; le chapitre n1, des essais au spectros- cope; on trouve dans ce dernier chapitre la description détaillée et précise des différents dispositifs pour pro- duire et étudier les spectres de toute nature, au point de vue de l'analyse chimique, notamment les procédés de Lecoq et de Boisbaudran, par examen des étincelles produites à la surface des solutions salines, et ceux récemment proposés par M. Arnaud de Grammont pour l'étude des spectres, des minéraux et des sels fondus. Le chapitre 1v est relatif aux méthodes microchimi- ques, et résume les travaux de Streng, Boricley, Haus- hofer et Behrens, qui semblent devoir rendre bien des services si l’on sait se limiter au cas où la méthode est 30 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX vraiment pratique, et si l'on ne cherche pas à la déve- lopper outre mesure. Comme application, M. Carnot signale l'étude microchimique des silicates naturels et des roches, et indique la marche pour la recherche systématique des éléments. Le chapitre v est relatif aux opérations par voie humide; il est complété par les chapitres vi et vu, qui indiquent les caractères principaux des acides et des sels et les soins à appor- ter dans les préparations et la vérification des ré- actifs. La deuxième partie {traite des méthodes générales d’a- nalyse quantitative. Le chapitre vur expose la façon dont doivent être prélevés les échantillons qui servent à l'analyse; cette importante question est traitée avec tout le développement désirable. Les chapitres 1x et x sont relalifs aux opérations par voie sèche et par voie humide ; signalons, dans le premier, d'intéressants renseignements sur les fondants à employer dans divers cas, la fusibilité des pellicules et autres corps. Puis vient, dans les chapitres x1, x et x, la description des appareils et l'exposé des méthodes électrolytiques, vo- lumétriques et colorimétriques. Le chapitre xiv est relatif aux analyses des gaz. Ce dernier chapitre est fort complet; il donne la description des différents appareils employés pour ana- lyser les gaz tant dans les laboratoires que dans l’in- dustrie, et indique les méthodes de recherches quali- tative et quantitative des différents gaz; un paragraphe est spécialement consacré à la recherche du grisou dans l'air des mines. L'énumération qui précède suffit à montrer l'intérêt de cet important ouvrage. Cet intérêt est encore accru par ce fait que le livre est absolument moderne et tout à fait au courant des travaux les plus récents. Le nom de l’auteur dispense de tout commentaire sur les qualités de précision et d'exactitude qui sont nécessaires dans des ouvrages de ce genre. La rédaction de ce Traité est un nouveau et important service rendu aux chi- mistes par le savant professeur de l'Ecole des Mines, qui a su s'attirer non seulement le respect, mais aussi la sympathie de tous. G. CHarpPy, Docteur ès sciences. 3° Sciences naturelles Schirmer (H.), Professeur de Géographie à l'Univer- sité de Lyon. — Le dernier rapport d’un Européen sur Ghât et les Touareg de l’Aïr (Journal de voyage d’Erwin de Bary, 1876-77, traduit et annoté.) — 1 vol. in-8° de 221 p., Fischbacher, éditeur. Paris, 1899. Ce volume contient : 1° le récit rédigé par Erwin de Bary, à Ghât, de son séjour dans cette ville et de sa tentative pour pénétrer dans le Tassili jusqu'à l'Oued- Mihero, dont il voulait Fois les crocodiles; 2° les frag- ments les plus intéressants de son journal de voyage et de séjour dans l'Air (à Adjiro), où nul autre Euro- péen que lui n’est entré depuis Barth et Richardson (1850). Une notice géologique sur le Sahara, écrite à Ghàt, une letire au professeur Ascherson sur le carac- tère désertique et la végétation de l'Air, des tables météorologiques quelque peu sommaires terminent l'ouvrage. L'ensemble du Rapport et le second appen- dice avaient paru dans la Zeitschrift de la Société de Géographie de Berlin, 1877, 78 et 80. 11 faut savoir gré à M. Schirmer d'avoir mis à la portée des géographes et du public français l'œuvre du voyageur naturaliste Erwin de Bary. La lecture en est précieuse au point de vue scientifique; elle est atta- chante pour tout le monde, à cause du pittoresque de la forme, pittoresque de bon aloi, auquel M. Schirmer n’est sans doute pas étranger. Ce dernier connaît à merveille le Sahara, il a une conception très philoso- phique et très artistique de la géographie; il a fort bien réussi à meltre en valeur, par sa traduction, les qua- lilés de ce Rapport, à souligner par des notes nom- breuses l'intérêt du détail. A qui ne connaît pas la géographie du grand désert africain, le livre d'Erwin de Bary apprendra plus que bien des manuels. Pour l'orographie notamment, un profes: seur réussirait, rien qu'en rapprochant quelques extraits du Rapport et des appendices, à donner une idée très suffisante du relief du sol du Sahara central, et même des conditions générales du modelé désertique dans les pays tropicaux. Erwin de Bary écarte l'hypothèse d’une mer saharienne récente, dont il n’a pas trouvé dem traces, et établit, en termes précis et colorés, que le relief actuel est surtout le résultat de l'érosion éolienne et pluviale sur des terrains sédimentaires ou volca- niques plus ou moins anciens. Les croupes granitiques orientées N.-0-S.-E qui se succèdent entre Ghât et l'Air, les coulées planes et les cratères abrupts de cette dernière région ont leurs flancs en ruines. Dans le Tas- sili dominent trois aspects différents : les hamadas, dépôts horizontaux de grès rouge-brun, à la surface rugueuse et nue, où ne vit que la terne et sèche rose de Jéricho, lailladés par les cañons des ouadi, qui « sont creusés souvent jusqu'aux schistes et aux calcaires sous-jacents, et dont le fond est encombré d'amas de sable et de rocs, amincis à la base « en forme de cham- pignons » (p.43); les rangées de collines plates, restes de hamadas que l'érosion a fini par découper en mas- sifs labulaires; les dépressions occupées par des dunes qui se déplacent ou que fixe une maigre végélation, et par des étendues d’ « argile desséchée, croisées d'un réseau de fissures », au milieu desquelles les ouadi à eau temporaire se distinguent par une bande de gra- minées, d'arbustes et d'arbres (p. 39). Le climat de Ghât et du Tassili se rapproche à quel- ques égards de celui des pays méditerranéens, tandis que les conditions méléorologiques de l’Aïr annoncent déjà la lisière désertique du Soudan, limite septentrio- nale extrème de la mousson d'été du golfe de Guinée, A Ghât, en octobre, Erwin de Bary a constaté des brouillards fréquents et des fièvres, de longues pluies « battantes », avec une température diurne élevée (jusqu'à + 30° C. à midi). À Adjiro, dans l'Air, le prin- temps et l'été rappellent ceux de Tombouctou : dès mars, le ciel se voile, le vent d'O., de S.-0. et de S.-E., rarement celui du N., amènent des masses énormes de poussières jaunes, qui restent suspendues dans l'air, et voilent les formes des montagnes, la chaleur sèche (+ 39° C. à l'ombre) larit les puits; mais dès avril tombent quelques gouttes de pluie qui font éclore la végétation, et l’on subit en juin et juillet, avec de très fortes chaleurs (< 40° C. à l'ombre), de violents orages qui remplissent les ouadi. Erwin à pu nager dans leurs eaux, mais il n'a pas été témoin de pluies régulières, et ne mentionne que par oui-dire des ruisseaux perma- nents et des villages de culture dans le haut Aïr, avec palmiers et champs de mil. Quant à la région intermé- diaire du désert, elle offre les caractères du climat con- tinental extrême, déjà maintes fois relevés dans le Sahara, notamment par Robhlfs. La flore des deux stations d'Erwin de Bary est saha- rienne, mais avec des différences très notables, corres- pondant à celles du climat. A Ghât, on cultive l'oranger, le figuier, la vigne, espèces méditerranéennes, et les ouadi voisins, Jusque dans le Tassili, sont garnis de lauriers-roses et de jujubiers. Dans l’Aïr, au contraire, dominent, à l'exclusion des espèces des pays tropicaux humides, et à côté de rares dattiers ou doums, des arbres du genre acacia, notamment des gommiers (talha) « semblables à des chênes par la taille ». Ces gom- miers, avec d'autres grands végétaux à appareil foliacé très peu développé, et des plantes buissonneuses armées d'épines, de poils, ou « de feuilles parcheminées pareil- les à du cuir », forment « des forêts claires » dans le fond des ouadi. Les graminées y sont représentées sur- tout par l’« afezo », qui crée dans les vallées de vraies savanes, «longs rubans de couleur claire, de chau- mes à demi jaunis, au milieu desquels s'élève de loin en loin la couronne des branches desséchées du gommier » (p. 207). On peut ainsi alimenter dans l'Air, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 31 des chèvres et des moutons; on y trouve des lions et d’autres fauves, des singes et des sangliers. Les Touareg apparaissent, dans le récit d'Erwin, comme misérables, cupides, fanatiques et dangereux. Ceux de l’Aïr (Kel-Oui) ont besoin, pour vivre, aiusi que l'avait déjà constaté Barth, d'être perpétuellement ravilaillés par le Soudan : ils vont chercher à Bilma et apportent à Agadès, le sel, que les Kel-Guérès de l'Ader y viennent échanger contre les marchandises de Zinder ou du Sokoto, les plus nécessaires à l'existence ; ils parti- cipent aussi à l’organisation des caravanes d'esclaves qui vont vers Ghât et Tripoli. Mais la principale occu- pation de ces peuples est le pillage, qui se fait par la #uerre, à l’état chronique en 1877 entre Azdger de Ghât et Hoggar, entre Kel-Oui, Aouellimiden et Kel- Fadé, par de continuels « rezzous », même contre les tribus amies, par le « garama » imposé à tout le monde. Tout Européen qui traverse le désert est traité comme une proie, tant qu'il peut faire des cadeaux, et tué ensuite : Erwin voit la cause de la mort de Dourneaux- Duperré et de M! Tinné, dans la guerre entre Azdger et Hoggar, qui se sont disputé le droit de ranconner les voyageurs; lui-même a été retenu captif et dépouillé par le cheik d’Adjiro, malgré les serments, et probable- ment empoisonné à son retour à Ghât. Les Touareg de l’Aïr sont croisés de sang nègre, et parlent le haoussa; ils paraissent obéir au sultan d'Agadès; ils ne sont pas montés à cheval comme les Aouellimiden. Erwin a donné des croquis très vivants de ces hommes, comme des Touareg du Nord. Les premières pages, où il décrit Ghât, la ville saharienne fortifiée, el montre le carac- tère de la domination turque, sont parmi les plus belles du livre. J. MAcHaT. Mereier (D.), Professeur à la Faculté de Philosophie et Directeur de l'Institut supérieur de Philosophie de l Uni- rersité de Louvain.— Les Origines de la Psychologie contemporaine.— 1 vol. in-16 de486pages. (Prix: 5 fr.) F. Alcan, éditeur. Paris, 1899, Le titre de ce livre nous a d'abord un peu induit en erreur : nous pensions trouver dans cet ouvrage une étude sur les principales idées qui dominent la psy- chologie scientifique contemporaine et une discussion sur l'origine et l'évolution des méthodes et des grandes hypothèses, En réalité, l'ouvrage est plus philosophique que psychologique. Il considère la psychologie d'une manière plus générale comme l'étude des grandes con- ceptions relatives à l'âme, aux rapports du physique et du moral, à la nature des facultés, et ce qu'il nous donne surtout, c'est un résumé rapide des grandes doctrines philosophiques dans leur rapport avec la psychologie. A ce point de vue, l'ouvrage est fort inté- ressant; non seulement il montre les origines de ces théories philosophiques dans le cartésianisme, mais encore il résume des philosophies plus modernes et moins connues. C'est ainsi qu'il nous donne des ana- lyses des doctrines philosophiques de Spencer, de Fouil- lée, de Wundt, toujours en les considérant à ce point de vue particulier de leur rapport avec la psychologie. L'auteur critique d'une manière souvent remarquable les exagérations du positivisme et du monisme, et il essaie de montrer que l’ancienne philosophie scolas- lique, en particulier les doctrines thomistes, peuvent encore aujourd'hui nous fournir une direction générale et de grandes vues d'ensemble sur la science de l'homme. Nous ne pouvons ici entrer dans ces discussions phi- losophiques, ni montrer comment la philosophie car- tésienne, rès idéaliste en théorie, n'en a pas moins inspiré bien des études de psychologie physiologique non sans intérêt. Nous remarquons seulement que, parmi les origines de la psychologie contemporaine, M. Merciernous parait laisser entièrement de côté toutes les études faites par les physiologistes, les médecins, les aliénistes qui nous semblent cependant avoir beaucoup contribué à donner à la psychologie contemporaine ses caractères les plus importants. L'auteur n'hésitera pas à reconnaître l'importance de ces études un peu différentes de celles des philosophes, car ce qui caractérise son livre, c'est presque toujours un grand libéralisme et un désir de réunir les divers enseignements, quelle qu'en soit l’origine. Il emprunte à la philosophie néo-thomiste une belle conception de l'étude de l’homme. Celle-ci ne doit pas se limiter à la psychologie proprement dite, telle que l’entendaient les cartésiens. Elle doit être l'anthropolo- gie, c'est-à-dire l'étude de l'homme tout entier tel qu'il se présente en réalité à l'observation, non simplement comme une chose qui pense, mais comme un être cor- porel, soumis aux agents physiques et en surplus doué d’une certaine activité psychique au moins égale à celle des types les plus élevés de l'échelle animale. Dr PJERRE JANET, Professeur remplaçant au Collège de France, Chargé de Cours à la Sorbonne. 4° Sciences médicales Congrès national d'Hygiène et de Climatologie médicale de la Belgique et du Congo (1897). Seconde Partie : Congo. — 1 vol. in-8° de 646 pages avec figures. Hayez, éditeur. Bruxelles, 1899. Cet ouvrage se compose d’une série de Rapports sur le climat, la constitulion du sol et l'hygiène de l'Etat indépendant du Congo, Rapports présentés au Congrès national d'Hygiène et de Climatologie médicale qui eut lieu à Bruxelles en août 1897. Dès 1895, une Commission spéciale de six membres, dont la plupart avaient fait au Congo un séjour pro- longé, avait été instituée par le Comité de la Société royale de Médecine publique et de Topographie médi- cale de Belqique, dans le but d'étudier les conditions de sol, de climat, la pathologie, la morbidité et la mor- talité au Congo. Malgré la compétence incontestable de tous les membres de la Commission, chacun dans sa spécialité, malgré l'expérience acquise et une multitude d'observations particulières recueillies sur les lieux, la tâche à réaliser réclamait de nombreux compléments d'investigation. Bien qu’elle disposât d'importants docu- ments mis gracieusement à sa disposition par M. le baron van Eetvelde, secrétaire d'Etat pour le Congo, la Commission résolut, avec l'obligeant concours de cet éminent administrateur, d'ouvrir une vaste enquête. Elle formula en francais et en anglais un queslionnaire qui fut adressé aux agents de l'Etat indépendant et des Com- pagnies, des factoreries, aux missionnaires, aux explo- rateurs de toute origine. Une centaine de ces question- naires sont revenus remplis. Cest à l'aide de ces documents et de leurs propres observalions que les membres de la Commission ont rédigé leur Rapport. Celui-ci est divisé en ciuq chapitres. Le premier traite du climat méttorique; il est dû à M. A. Lan- caster, inspecteur du service météorologique à l'Obser- vatoire royal de Belgique, et à M. E. Meuleman, ancien commissaire du district du Stanley-Pool. Le second, relatif à la constitution du sol, a été rédigé par M. J. Cornet, professeur à l'Ecole des Mines de Mons. Le troisième chapitre, intitulé : « Morbidité, mortalité, statistique », est l’œuvre de MM. A. Bourguignon, chef du service sanitaire de la Compagnie du chemin de fer du Congo, G. Dryepondt, ancien médecin de 1"° classe de l'Etat indépendant, et C. Firket, professeur à l'Uni- versité de Liège. Le chapitre 1v : Adaptation, acclimate- ment, hygiène, est dû aux mêmes auteurs. Enfin le chapitre v résume les conditions physiques, climatologiques et hygiéniques des principales stations et missions de l'Etat indépendant, d'après les ques- tionnaires et les documents réunis par la Commission. Il nous est impossible d'entrer dans une analyse détaillée de ces chapitres ; qu'il nous suffise de signaler une des conclusions importantes du Rapport. La mor- talité observée au Congo depuis douze ans, a été infé- rieure, et souvent de beaucoup, à celles des colonies voisines (Kameroun, Côte du Niger, Dahomey). ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 12 Décembre 1898. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. A. Cornu présente l'Annuaire du Bureau des Longitudes pour 1899, et la Connaissance des Temps pour 1901.Ce dernier volume est, pour la première fois, établi d'après le même système de constantes et le même catalogue d'étoiles fondamen- tales que les trois grands éphémérides astronomi- ques allemand, anglais et américain. — MM. Rambaud et Sy présentent leurs observations de la comète Brooks (octobre 1898) faites à l'Observatoire d'Alger, à l'équatorial coudé. — M. F. Rossard communique ses observations de la planète DQ (Witt) et des comètes Perrine-Choffardet et Chase, faites à l'Observatoire de Toulouse, à l’équatorial Brunner. — M. D. Eginitis adresse ses observations des essaims des Léonides et des Biélides faites à l'Observatoire d'Athènes. M. Emile Borel montre que la recherche des singula- rités d'une fonction définie par un développement de Taylor, telle que f (z) = 2x,z", est reliée d’une facon étroite à l'étude du point singulier essentiel unique d’une fonction analytique d (x), telle que l’on aitæ—(n). — M.Jules Beudon énonce la proposition suivante: Le degré de difficulté de l'intégration d’un système d'6- quations aux dérivées partielles ne dépend pas du nom- bre des variables indépendantes; il est lié seulement au degré de généralité de la solution; deux systèmes quelconques ayant le même degré de généralité exi- gent, pour l'intégration, des opérations analogues. — M. Edmond Maillet a obtenu deux théorèmes relatifs à la détermination du groupe des équations numéri- ques. — M. D. Gravé envisage une série de lignes, déterminées par la fonction > Y—0\T) — [rte dx, où f (x) est une fraction particulière dans un sytème de numération spécial. Ces lignes sont composées d’une infinité de parties rectilignes; elles ontla propriété essen- tielle des lignes courbes, d’avoir pour chaque point une tangente bien déterminée qui change de direction d'une facon continue quand le point parcourt la ligne. Les mêmes considérations s'étendent aux surfaces dans l’espace. — M. L. Lecornu étudie les conditiosn de l'isochronisme pratique des régulateurs. Pour que l’é- cart entre les vitesses extrêmes admises par le régula- teur soit le plus petit possible, il faut que, le manchon élant amené à bout de course, sans changement de la vitesse de rotation, l'effort de rappel exercé sur lui par les forces directement appliquées (pesanteur, tension des ressorts, etc.), composées avec la force centrifuge, fasse équilibre à la résistance de la valve. — M. Consi- dère a étudié l'influence des armatures métalliques sur les propriétés des mortiers et bétons. Il a constaté qu'un mortier, armé de trois fils de fer non recuits, qui avait subi un allongement vingt fois plus grand que celui que l'on considère comme devant produire la rupture, non seulement n'était pas désagrégé dans la presque totalité de sa masse, mais restait capable de produire une résistance considérable et voisine de celle du mortier neuf. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Louis Boltzmann con- clut de ses études sur le rapport des deux chaleurs spécifiques (à volume ou à pression constante) des gaz : 1° La molécule d’un gaz parfait pour lequel on a K— A1 : doit se comporter à l'égard des chocs molt- culaires comme une sphère rigide, ce qui, probable- ment, n'est possible que pour des gaz monoatomiques. 2 La molécule d’un gaz parfait pour lequel on à K — 1,4 dans un intervalle de température étendu, se comporte comme deux sphères rigides reliées entre elles, ce qui, probablement, n'arrive que pour des gaz diatomiques. 3° Chaque molécule et même chaque atome est capable de vibration en des parties internes ou électriques. Par conséquent, K diminue et devient variable aussi pour des gaz parfaits à de hautes tem- pératures. Pour les gaz polyatomiques et triatomiques, cela a déjà lieu aux températures ordinaires. 4° Pour un gaz imparfait, qui suit la loi de van der Waals, K est toujours plus petit que pour un gaz parfait dont la mo- lécule est de la même constitution et a les mêmes qualités internes. — M. Thomas Tommasina a observé un curieux phénomène d’adhérence des limailles métal- liques sous l’action du courant électrique. Pour cela, il dispose un pendule à boule en laiton nickelé, et au- dessous un disque de cuivre; sur le disque, on place une pincée de limaille métallique et on abaisse la boule jusqu'à ce qu'elle effleure la limaille. Si l’on fait passer le courant, puis qu'on éloigne le disque, il subsiste entre la boule et la limaille une mince colonne flexible, qui peut avoir jusqu'à 2 centimètres sans se rompre. — M. A. Blondel a étudié l’arc à courants alternalifs à l’aide des oscillographes et a confirmé ses conclusions précédentes. Les facteurs essentiels du phénomène sont la nature des charbons (homogène ou à mèche) et la nature du circuit qui les contient (inductif ou non inductif). En ce qui concerne les charbons, les seuls qui donnent lieu à un phénomène parfaitement défini (are normal) sont les charbons homogènes purs, con- tenant très peu de sels minéraux. — M. P. Cazeneuve a constaté que le carbonate d'orthocrésol mélangé avec un excès de chaux sodée s’échauffe spontanément et subit une transformation moléculaire intéressante en donnant un homologue de la phtaléine du phénol. Le méta et le paracrésol ne présentent pas cette réaction. — M. Albert Morel, en faisant réagir les mono ou dichlorophosphates alcooliques sur les phénols ou les phénates alcalins, a préparé de nouveaux éthers mixtes alcoylphosphoriques : le phosphate diphénique-mono- éthylique et le phosphate monophénylique-diéthy- lique. — MM. A. Mouneyrat et Ch. Pouret ont rem- placé l'iode par le chlorure d'aluminium anhydre dans la chloruration du benzène par le chlore. Cet agent s'est montré aussi puissant que l’iode et n'a pas l’inconvé- nient de donner des produits accessoires; les auteurs ont obtenu tous les dérivés chlorés du benzène. — M. Œchsner de Coninck a étudié l’action des oxydants (acide chromique et bichromate de polasse) sur quel- ques composés azotés : hydroxylamine, phénylhydra- zide, uréthane, acétamide, urée, sulfo-urée, ammonia- ques composées, etc. — M. H. Grimbert a constaté que, chaque fois que le B. coli ou le B. d’Eberth ont donné un dégagement gazeux dans un milieu nitralé, le volume de l'azote recueilli a toujours été au moins le double de celui qui correspond à l'azotate détruit. Par conséquent, l'azote dégagé ne provient pas exclu- sivement des nitrates. L'action dénitrifiante de ces bacilles est corrélative de la présence de matériaux amidés daos la culture; elle semble résulter de l’action secondaire qu'exerce, sur ces derniers, l'acide nitreux produit par les bactéries. — M. Mazé a fait de nou- velles expériences pour montrer que l'ammoniaque peut être absorbée et assimilée en nature par les végétaux. A la fin de l'expérience, les solutions nutritives conte- nant encore de l'ammoniaque ont élé conservées ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 33 afin de vérifier si elies n'étaient pas devenues le siège d'une fermentation nitrique; au bout de plusieurs mois, la quantité d'ammoniaque était restée la même. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau étudie l'élasticité acquise par le fissu musculaire en état de travail physiologique. Dans les corps inertes, allongés et tendus par une charge, la force élastique dont elle provoque le développement est tout simplement égale à la résistance extérieure que cette charge représente. Dans le muscle contracté, tendu de même par la charge qu'il soutient, une seconde force antagoniste s'ajoute à la résistance extérieure : c’est la résistance intérieure que le muscle oppose à la déformation causée par l'état de raccourcissement. D'où, pour équilibration de cette seconde résistance, surcroît de force élastique dissi- mulée dans la substance musculaire et faisant somme avec la force élastique apparente, effective, qui mani- fesle son existence par l'équilibre de la résistance extérieure. Pour faire apparaitre avec sa valeur cette force élastique dissimulée, il faut neutraliser le rac- courcissement du muscle, et, pour cela, employer une surcharge allongeante proportionnelle à la charge sou- tenue p et au degré de raccourcissement musculaire r. La croissance et la décroissance de la force élastique e obéissent donc à la loi contenue dans la formule : e—p—pr. — M. C. Phisalix a préparé du suc de champignons par macération dans le chloroforme. Le liquide obtenu, injecté à des cobayes dans une propor- tion assez faible pour ne pas amener des accidents graves ou la mort, leur confère une immunité très forte contre le venin de vipère. — M. Léon Boutroux signale un certain nombre de faits et d'expériences favo- rables à la théorie de la dissémination de la levure de vin par les insectes. Cette théorie est d’ailleurs la seule qui explique le fait de l'apparition des germes de levure à partir de l'époque de la maturité du raisin et non auparavant. — M. A. Lacroix a observé au Pallet . (Loire-inférieure) une modification endomorphe très curieuse dans le massif du gabbro. En certains points, celui-ci perd son diallage, qui est remplacé par de l'hypersthène, prend de la biotite, et surtout un miné- ral particulier, la cordiérite. Ce phénomène doit être attribué à l'assimilation d’une quantité variable d’une roche acide : le micaschiste. — M. Stanislas Meunier a reconnu que la constitution du sol dans le voisinage de Mortagne (Orne) ne s'explique complètement que par le phénomène de la sédimentation souterraine, et que ce mode de formation des couches est beaucoup plus fréquent et efficace qu'on ne l'avait cru jusqu'à présent. Séance du 19 Décembre 1898. Séance publique annuelle. M. C. Wolf, président de l’Académie, prononce l’allocution d'usage. MM. les Secrétaires perpétuels font connaître les noms des lau- réats des prix de l'Académie pour 1898. M. M. Ber- thelot lit ensuite une notice historique sur la vie et les travaux de M. Brown-Séquard. Séance du 26 Décembre 1898. M. Maurice Lévy est élu vice-président de l’Acadé- mie pour l’année 1899. MM. G. Darboux et Bornet sont élus membres de la Commission centrale admi- nistrative. 1° SGiENGES MATHÉMATIQUES. — MM. Baïillaud et Bour- get présentent une photographie de la nébuleuse de la Baleine, obtenue à l'Observatoire de Toulouse, avec quatre-ving -six minutes de pose, au télescope Gautier. La nébuleuse à nettement la forme d'une spirale, avec dix condensations nodulaires. — M. G&. Fayet commu- nique ses observations de la nouvelle comète Chase; au moyen de celles-ci et d’une autre observation de M. Coddington, il en a calculé les éléments, lesquels se rapprochent beaucoup de ceux de la comète Coggia. — M. Riquier, à la suite d'une réclamation de priorité de M. Beudon au sujet d’un théorème sur les systèmes dif- férentiels dont l'intégration se ramène à celle d'équa- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, tions différentielles totales, présente quelques explica- tions sur le théorème dont il s'agit et sur la manière dont il y a été conduit. — M. Armand Cahen se propose de résoudre le problème suivant pour les équations dif- férentielles du second degré en y! et de degré q en y: Déterminer explicitement toutes les équations de cette forme dont l'intégrale générale ne prend qu'un nombre donné n de valeurs autour des points critiques mobiles. — M. Alf. Guldberg démontre qu'une équation aux différentielles totales linéaires non intégrable n DENT Lee, LIdEn— 10, 1 peut admettre des intégrales singulières f(æ,, æ,, …., ?n) = 0, dont la détermination se fait sans intégration. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Leduc répond aux remarques de M. Violle sur la détermination de la vi- tesse du son dans l'air sec à 0°. La correction totale à apporter au nombre de MM. Violle et Vautier est d’au moins 0%,02; mais on n’en peut fixer la limite supé- rieure; si donc l’erreur expérimentale se trouvait être par défaut, on s’approcherait beaucoup du nombre 331,8 adopté par l’auteur. — M. A.Chassy a constaté que, dans un accumulateur à électrodes en mousse de platine, la capacité initiale de polarisation est sensible- ment indépendante de la pression à laquelle on peut soumettre les ékectrodes. L'influence de la pression sur les capacités qui correspondent à des forces électromo- trices élevées, quoique insuffisantes pour décomposer l'eau en gaz libres, est aussi sensiblement nulle. — M. Edouard Branly a expérimenté des tubes radiocon- ducteurs à limailles d’or et de platine. Le platine se comporte bien; les alliages d'or du commerce sont aussi avantageux que les substances les plus sensibles de ses appareils antérieurs; l’or vierge paraît encore plus sensible, aussi sensible que l'argent. — M. Albert Turpain indique une solution du problème suivant : Etant donnés divers postes A, B,C,....., L, N, distribués le long d'un fil unique AN, trouver un dispositif qui permette la transmission télégraphique ou téléphonique simultanément entre deux quelconques des postes réunis par le fil unique. Il y est arrivé en utilisant les oscillations électriques et la facile résonance des résu- nateurs à coupure. — M. H. Deslandres présente quelques remarques sur les rayons cathodiques sim- ples. Il revendique comme faits nouveaux indiscutables établis par lui : la division du rayon ordinaire en rayons simples et la substitution d'un rayon simple unique au spectre ordinaire de rayons simples dans trois cas dis- tincts avec la bobine d’induction. Il expose sa théo- rie des phénomènes et la compare avec celle de M. Goldstein. — M. P. Curie, M° P. Curie et M. G. Bémont ont retiré de la pechblende une nouvelle sub- stance fortement radio-active. Par ses propriétés chi- miques, elle se rapproche beaucoup du baryum et doit contenir certainement une forte proportion de ce corps; mais le baryum étant inactif, il doit nécessairement être accompagné d’un corps très actif, auquel les au- teurs donnent le nom de radium. — M. Eug. Demar- çay a examiné, au point de vue spectral, la substance précédente; à côté des raies du baryum, il a trouvé une raie (À — 3814,8) qui ne peut être attribuée à aucun élé- ment connu et qui confirme, par conséquent, l'existence d'un nouvel élément dans la substance isolée de la pechblende. — M. H. Baubigny indique un procédé de séparation et de dosage des mélanges de chlorure, bromure et iodure d'argent. IL consiste à faire agir à chaud sur ces mélanges une dissolution de bichromate de potasse dans l'acide sulfurique; le chlore et le brome sont mis en liberté et peuvent être entraînés; tout l'iode est transformé en iodate qui reste en solution. — MM. Œchsner de Coninck et A. Combe ont étudié l’action des oxydants très énergiques sur les amines grasses et aromatiques. Les premières sont décomposées peu à peu, avec mise en liberté d’'Az et de CO*, et sans formation de matières colorantes. Les secondes sont + 31 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES décomposées rapidement avec production de CO: et formation de matières colorantes dans lesquelles s'ac- cumule l'azote. — M.G. Massol a déterminé la chaleur de formation des sels de potasse de l'acide propylma- lonique normal. Celle du sel neutre solide est de —- 46,34 calories. — M. Léon Boutroux, dans le but de déterminer la constitution de l'acide oxygluconique, l'a soumis à l'oxydation. Les produits obtenus sont : l'acide tartrique racémique, l'acide trioxyglutarique, l'acide glyoxylique et l'acide dioxybutyrique. L'ensem- ble de ces corps justifie la formule déjà admise par l’auteur et par M. G. Bertrand. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau compare l'allongement des muscles à celui des tiges métalliques et à celui du caoutchouc. Pour une tige métallique, si la charge allongeante est fractionnée en un certain nombre de parts égales, appliquées successivement, les allongements partiels sont égaux et leur somme est égale à l'allongement unique provoqué par la charge totale; c’est la conséquence de l’invariabilité du coeffi- cient d'élasticité, Pour le muscle, le coefficient d'élas- ticité croit après chaque allongement partiel: le frac- tionnement de la charge allongeante implique donc la décroissance des allongements partiels et l'infériorité de la somme de ces allongements partiels par rapport à l'allongement unique provoqué par la charge totale. Dans le caoutchouc, c’est le contraire qui se passe : les allongements croissent plus vite que les charges; les allongements partiels résultant de l'application frac- tionnée deviennent donc de plus en plus grands. — MM. Béclère, Chambon, Ménard et Jousset ont reconnu que le sérum de l’homme et des animaux vac- cinés exerce sur le vaccin une action, dite antivirulente, qui lui fait perdre ses propriétés. Le sérum des animaux variolisés exerce une action semblable. La substance antivirulente du sérum est d’une composition très stable; elle offre une grande résistance à l’action du temps. — M. L. Ranvier a constaté que l’épiderme de la patte du poulet, pris en masse et traité par l'éther, fournit une graisse complexe semblable à un mélange de cire et d'huile. La cire provient du stratum corneum, l'huile des cellules cylindriques de la première rangée de l’'épiderme des régions écailleuses. — M. Léon Vail- lant décrit un spécimen très curieux qui vient d'entrer dans les collections du Muséum; c’est une Couleuvre rude (Dasypeltis scabra Linné) surprise au moment où elle avalait un œuf de cane, chose d’autant plus surpre- nante que ce serpent n’a pas le cou de la grosseur du petit doigt. Cet animal est muni à la partie inférieure des centrums, à partir de la 24° vertèbre, de prolonge- ments ossus revêtus d’émail, véritables dents destinées à briser les œufs, qui ne pourraient passer entiers dans cette partie du tube digestif sans lui faire subir une distension trop forte. — M. J. Kunstler communique ses études sur la morphologie des Craspédomonades. C’est un curieux petit groupe des Flagellés dont l’exca- vation antérieure, au lieu de présenter les dimensions d'une simple cupule flagellifère, a pris les caractères d’un entonnoir d’un développement relatif bien plus considérable. — M. Lortet a observé à Oullins, près Lyon, le 24 septembre 1898, une chute de Crustacés ostracodes fossiles. Ce sont de petites coquilles micros- copiques, qui existent en grande quantité dans le sable des déserts de l'Egypte, et qui ont été enlevées par des courants d'air ascendants pour venir retomber de l'autre côté de la Méditerranée. — M. Emile Mer à constaté qu'en pratiquant sur le chêne une double annélation, on parvient à débarrasser le tronc de son amidon et à le rendre, par conséquent, réfractaire à la vermoulure, en même temps que les branches sont, dans une cer- laine mesure, enrichies en tannin. — M. F. Wallerant a été amené à supposer que des cristaux pourraient se grouper symétriquement autour des éléments de symé- trie déficients de la particule complexe (molécule de Bravais) du corps cristallisé. Il a constaté, en effet, que ce cas est réalisé dans les groupements de fluorine, de marcassite, de boléite, etc, — M. A. Lacroix a décou- vert, aux environs de Corinthe, des lherzolites remar- quablement identiques à celles des Pyrénées; elles constituent la roche originelle des serpentines du con- glomérat néogène de la même région. — M. P. Lory établit que la tendance au déversement vers l'est est générale dans toute la largeur de la région qui s'étend, au sud de Grenoble, entre la chaîne cristalline de Belle- donne et les crêtes urgoniennes du Vercors. Cette région fait done exception à la loi générale que, dansles zones externes des Alpes francaises, les accidents dissymé- triques sont déjetés vers l'extérieur, vers l’ouest. — M. Ph. Glangeaud a constaté que les plissements des terrains crétacés de l'Aquitaine se présentent sous forme d'anticlinaux, de monoclinaux, de dômes et de failles. L'importance de la dislocation est d'autant plus considérable qu'elle affecte des terrains plus anciens. Les plis et les failles antéoligocènes paraissent bien continuer les plis ou les failles post-jurassiques ou per- miens. D'une facon générale, ils ont également la direction des plis hercyniens du sud de la Bretagne et des failles limites du Massif central. — M. N. de Mercey a reconnu que le minerai de fer hydroxydé du Néoco- mien moyen du Bray n'élait pas un accident local, mais affleurait en beaucoup de points, et qu'en outre il se contiuuait en profondeur en se présentant alors à l'état de fer carbonaté argileux. Il conclut que le mine- rai de surface n’est qu'une altération superficielle du minerai profond. — M. de Lapparent constate que le même fait a été reconnu en Lorraine. — M. Claude Gaillard a recueilli, dans le gisement de la Grive- Saint-Alban, les restes d'un nouveau Carnassier. C'est un petit Ours (Ursus primævus) paraissant rattacher les Ursidés actuels aux Canidés anciens. Les ours existaient, donc dès l'époque miocène.—M. Bleicher a découvert des graptolithes parfaitement déterminables dans les poudingues du grès vosgien des environs de Raon- l’'Etape (Vosges). Ces fossiles permettent d'affirmer que les éléments du grès vosgien du versant lorrain venaient d'un massif où le silurien à graptolithes était repré- senté. — M. P. Fliche a trouvé, dans la ballastière de Clérey, des échantillons de pin sylvestre. Cet arbre forestier existait donc déjà dans le terrain quaternaire, en même temps que l'Elephas primigenius. Louis BRUNET. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 18 Novembre 1898. M. R. Dongier expose une méthode de contrôle de l'orientation des faces polies d’un quartz épais normal à l'axe. L'analyseur et le polariseur étant croisés, si l’on fait croître l'angle de l’axe du quartz avec le rayon lumineux, on voit les cannelures se déplacer vers le rouge sans rien perdre de leur netteté, comme s'il y avait simplement augmentation du pouvoir rotatoire. Si on incline le cristal successivement de part et d'autre d'un même angle, on doit voir le même nombre de franges passer sur le fil du réticule, si l'axe est normal aux faces du cristal. On obtient encore des franges netles quaud la section principale de l’analy- seur, au lieu d’être normale à celle du polariseur, est symétrique de celle-ci par rapport au plan qui passe par l'axe du cristal et qui est parallèle aux rayons inci- dents. Cette propriété permet de déterminer la position de l'axe du cristal par rapport au faisceau lumineux et, par suite, l'angle de cet axe avec la face d'entrée. — M. ©. Rochefort présente un transformateur électrique Wydts-Rochrfort et des interrupteurs. Le transforma- teur, qui est du type décrit le 6 mai dernier devant la Société, donne 45 centimètres d'étincelle. L'un des interrupteurs est rotatif, à mercure; il a un moteur électrique, muni d'un rhéostat; la hauteur du godet à mercure est réglable en marche; la dépense est de 0,8 ampères sous 6 volts. Un autre interrupteur à con- tact métallique cuivre sur cuivre comporte également une tige guidée par deux glissières fixes; un ressort à boudin fait effort pour donner le contact au repos. ul ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 35 Enfin un interrupteur à mouvement rectiligne platine- mercure, du genre Foucault, permet d'obtenir, avec une course d’un centimètre et demi, des interruptions extrêmement rapides. La tige oscille verticalement dans le liquide; elle est reliée par un flexible au fléau oscillant et guidée par le liquide lui-même. Ce trem- bleur absorba 0,3 ampères sous 6 volts. — M. H. Le Chatelier présente un modèle de galvanomètre à cadre pour usines. Les lectures se font sur un cadran parcouru par une aiguille mobile; le cadre est librement sus- pendu, ce qui à l'avantage d'éviter les déplacements du zéro résultant des variations d’inclinaison de l'appareil et d'empêcher les mouvements vibratoires produits par les trépidations que transmet le sol. — M. A. Broca présente, au nom de M. Blondel, des épreuves photo- graphiques représentant les courbes figuratives de l'in- | tensité et de la force électromotrice d’un courant alter- natif. Ces courbes ont été obtenues au moyen d’un oscillographe double amenant en un même point les deux images issues d’un paint lumineux et produites par le miroir d'un galvanomètre et celui d’un voltmètre. La source lumineuse est une petite plage découpée sur une fente rectiligne fixe par une fente lumineuse mobile oblique à la première; cette seconde fente est portée par un disque entraîné par un moteur syn- chrone, de telle facon que le point lumineux décrive toute la longueur de la fente fixe pendant une période du courant. Les courbes montrent en particulier le rôle utile de la self-induction dans les résistances addi- tionnelles et des mèches tendres pour les charbons; elles évitent l'extinction de l'arc, si nuisible au point de vue du rendement lumineux. C. RavEau. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY Séance du 30 Novembre 1898 (suite). M. Guntz expose ses recherches sur le baryum mé- tallique. A très haute température, l’amalgame de baryum chauffé dans un courant d'hydrogène perd tout son mercure, mais ne fond pas à la température de fusion de la fonte, comme l'a montré Frey. Il faut aller plus haut, mais on est arrêté par l'attaque des creusets par le baryum. Si le refroidissement dans l'hydrogène est lent, presque tout le baryum se combine avec l’hy- drogène pour donner un hydrure; si le refroidissement est rapide, on obtient une matière poreuse ne contenant que peu d'hydrure. Ce baryum impur, traité par l'ammo- niaque liquide, donne comme le lithium, un ammonium solide mordoré assez soluble dans l'ammoniaque, mais se décomposant assezrapidement à la température ordinaire pour donner de l’amidure de baryum, ce qui a empêché Jusqu'ici de faire l'analyse exacte de ce composé. — M. Favrel étudie l'action des chlorures de tétrazo- diphényle, ditolyle, dianisyle, sur les malonates d'éthyle et de méthyle. On verse dans une molécule de chlorure de tétrazodiphényle de l'acétate de soude en excès, puis du malonate de méthyle. Après agitation, il se dépose peu à peu un précipité jaune qui, après lavage et dessic- cation, cristallise dans la nitrobenzine en petites la- melles jaunes fondant à 217-220° et présentant la com- position dela diphényldihydrazone malonate de méthyle. Ce corps ne se dissout pas dans les solutions alcalines aqueuses ou alcooliques, mais fournit cependant par agitation avec l'alcool sodé, un dérivé disodé. En opé- rant d'une facon analogue, on obtient : la diphényldi- hydrazone malonate d'éthyle, petites lamelles jaunes fondant à 178-180°; la ditolyldihydrazone malonale de méthyle, petites aiguilles rouges fondant à 210-212; la ditolyldihydrazone malonate d'éthyle, petits cristaux rouges fondant à 188-1910; la dianisyldihydrazone malo- nate de méthyle, poudre cristalline fondant à 268-270; la dianisyldihydrazone malonate d’éthyle fondant à 190-1929. Tous ces corps se comportent vis-à-vis des alcalis comme la diphényldihydrazone malonate de méthyle. — M. Maillard a tenté de mettre en évidence le rôle de l’ionisation des sels dans leur toxicité. Il s’est adressé au Penicillium glaucum, ensemencé dans des liquides renfermant diverses quantités de sulfate de cuivre. L'addition de sulfate d'ammoniaque, élevant la concentration des ions SO*, diminue l'ionisation de Cu. La comparaison d’une série de cultures à teneurs variables en CuSO“ et Am?S0* a permis de constater que : 1° A teneur égale en Am*S05, la culture se développe d'au- tant moins qu'il y a plus de CuSO"; 20à teneur égale en CuSO*, la culture se développe d'autant plus qu'il y a plus de AmSO#; 3° même quand CuSO* augmente, on peut avoir des cultures plus abondantes, si Am?SO# augmente relativement plus que CuSO*. Le sulfate d'ammonium diminue donc la toxicité des sels de cuivre: cette action semble attribuable à la baisse d’ionisation de Cu. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES SCIENCES PHYSIQUES J. A. Fleming, F. R. S., et James Dewar, F..R. S. : La susceptibilité magnétique de l’oxy- gène liquide. — La méthode employée parles auteurs pour la détermination de la susceptibilité magnétique de l'oxygène liquide repose sur ce fait que si un corps, diamagnétique ou paramagnétique, est placé dans un champ magnétique de force variable, il est soumis à une force mécanique tendant à le déplacer dans la direction suivant laquelle le champ varie le plus rapi- dement. Si la susceptibilité de ce corps est assez faible pour ne pas troubler sensiblement la distribution du champ, la mesure de cette force mécanique constitue un élément pour le calcul de la valeur absolue de la susceptibilité magnétique. Les conditions nécessaires sont : 4° que le volume V du corps soit assez petit rela- tivement à la forme du champ pour que sa magnétisa- tion ne diffère pas sensiblement de celle qu'il prendrait s’il était immergé dans un champ uniforme; 2° que la susceptibilité magnétique # de la substance soit faible. Dans ces circonstances, si f est la force mécanique (en dynes) agissant sur le corps et H la force du champ en son centre, la force dans la direction x est donnée par l'équation : Fe € f =ANH DE La valeur de Æ obtenue est une valeur différentielle : c'est la différence entre la susceptibilité du corps et celle du milieu dans lequel il est plongé. Si donc un seul et même corps est placé dans le même champ di- vergent, mais entouré alternativement par différents milieux, la différence des susceptibilités apparentes du corps dans les deux cas donnera la différence des susceptbilités réelles des deux milieux. La méthode des auteurs consiste donc, en somme, à détermivoer les forces agissant sur une petile sphère de suseeptibilité connue, suspendue d'abord dans l'air, puis dans l’oxy- gène liquide, à en déduire la différence entre la sus- ceptibilité magnétique de l'oxygène liquide et de l'air, et enfin la valeur absolue de la première, celle de la seconde étant connue. Le dispositif expérimental est le suivant (fig. 1) Une bobine W de 30 centimètres de longueur et 18°m,5 de diamètre extérieur possède une ouverture centrale de 9cu5 de diamètre; le fil isolant, d'une longueur d'environ 1.000 mètres, peut conduire un courant de 12 à 14 ampères sans échauffement dangereux. Cette bobine est entourée d’un cylindre S d'acier doux de même hauteur et épais de 2 centimètres; elle est éga- lement fermée à ses extrémités par des plaques d'acier percées d’un trou circulaire de 9 centimètres de diamètre . A l'intérieur de la bobine, onintroduit un noyau d'acier doux C, de 37 centimètres de longueur et 9 centimètres de diamètre, dans la position indiquée par la figure. En faisant passer le courant, on crée, dans l’espace qui surmonte J'extrémité du noyau, un champ très divergent, variant rapidement dans la direction axiale, 36 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES L'aimant est placé au-dessous d’une balance très sensible donnant le dixième de milligramme ; à l’un des fléaux est suspendu un fil, traversant l’un des plateaux et soutenant une balle B dans le champ de l’aimant. Si la balle est équilibrée par des poids, puis qu'on excite l’aimant, la balle est soumise à une force ascendante ou descendante, se traduisant par une diminution ou une augmentation de poids, suivant qu'elle est diama- gnétique ou paramagnétique. Si W est le gain ou la perte de poids, V le volume de la balle, H Ja force du champ en son centre et dH/dx le degré de variation du champ dans la direction verticale, l'équation TR 984 W —Z,VH 7 donne la valeur de la susceptibilité magnétique appa- rente 4, du corps dans l'air. Pour appliquer la méthode, il est nécessaire de connaitre la valeur du champ H le longdel'axe vertical de l'aimant, et aussi la va- leurwdiu champ pour divers courants exci- tateurs. C’est l’objet d'une investigation préliminaire, qui se fait au moyen d'une petite bobine explora- trice reliée à un gal- vanomètre balistique. Celle-ci est promenée dans l'axe depuis l’ex- trémité polaire du no- yau jusqu'à une hau- teur de 10centimètres. Soit æ la distance en centimètres d'un point quelconque de l'axe à l'extrémité polaire; les tables construites au moyen des me- sures balistiques don- nent la valeur du champ H pour chaque valeur de x. La va- leur de dH/dx, c’'est- à-dire le degré de va- riation du champ, peut être déterminée d'a- près la courbe de H en fonction de æ, Les corps dont les auteurs se sont servis dans leurs expérien- ces, sont : 4° une balle d'argent; 2° une balle de cuivre plus petite; 30 plusieurs boules de verre creuses conte- nant un peu de mercure; 4° une balle de bismuth. Un certain nombre d'expériences préliminaires et de ‘contrôle ont été faites avec ces corps et divers liquides de susceptibilité magnétique connue. Dans chaque expérience, cinq pesées ont été faites : 1° pe- sée de la balle dans l'air, aimant non excité; 2° pe- sée de la balle dans l'air, aimant excité; 3° pesée de la balle dans l’eau, aimant non excité; 4° pesée de la balle dans le liquide en expérience, aimant non excité; 5° pesée de la balle dans le liquide, l'aimant étant excité par un courant et la position de la balle dans le champ étant exactement déterminée. Les pesées (1) et (3) donnent le poids de la balle, les Fig.1.— Appareil de MM. Fleming et Dewar pour la détermination de la susceptibilité magnétique de l'oxygène liquide. — V, vase à double paroi contenant l'oxy- gène liquide: B, balle servant aux pesées; W, enroulement des fils de l’électro-aimant; $, cylindre en acier doux entou- rant les fils; C, noyau en fer doux de l'électro-aimant. pesées (1), (2) et (3) sa susceptibilité magnétique, les, pesées (4) et (5) la susceptibilité magnétique du liquide. Voici le résultat des mesures de la suscepübilité maunétique absolue des différentes balles : Balle d'argent : k— — 1,73 X 106 (Becquerel avait trouvé — 1,74 X 107%). Balle de bismuth : k—— 13,75 X 107% (P. Curie à trouvé — 13,4 X 10% et L. Lombardi — 13,3 X 4016). . Balle de cuivre. k est positif et très variable suivant les champs, ce qui lient probablement à la présence de traces de fer. Balles de verre creuses remplies en partie avec du mercure; k varie, suivant la quantité de mercure, de — 0,024 à — 1,21 X 106. Au moyen de ces données, les auteurs ont procédé à la détermination de la susceptibilité magnétique de l'oxygène liquide. Pour cela, les balles étaient plongées dans l'oxygène liquide, contenu dans un vase à doubles parois entre lesquelles on a fait le vide. Dans chaque cas, la pesée donne la susceptibilité apparente de l'oxygène liquide; pour avoir la susceptibilité absolue, il faut ajouter ou retrancher un nombre représentant la susceptibilité absolue de la balle à la température de l'oxygène liquide, nombre obtenu par interpolation. Voici les résultats pour l'oxygène liquide : 4e Avec la balle d'argent, k — 326 X 105%; 20 Avec la balle de bismuth, k = 319 X 105; 3° Avec la balle de cuivre, k — 327 X 1056; 4° Avec la boule de verre n°1, k— 326 X 10;; 5° Avec la boule de verre n° 2, k— 325 X 10:°; 6° Avec la boule de verre n° 4, k —320 X 10%. La moyenne de toutes ces déterminations est 324 X 106, La perméabilité magnétique p —1 +47 k est donc égale à 1,004 ; la valeur de y trouvée précédem- ment par les auteurs au moyen d'une méthode totale- ment différente était de 1,00287; elle n’en diffère que de un millième. En examinant de plus près les déter- minations, on voit que pour des champs très forts de l'ordre de 2.500 unités G. G. S., la susceptibilité est un peu moindre que pour des champs de l’ordre de 500 unités. Pour les premiers, elle serait d'environ 310 X 105; pour les seconds de 330 X 10%. Le nombre 324 X 10% doit être considéré comme une moyenne. Les auteurs ont procédé ensuite à la détermination de la susceptibilité magnétique de diverses substances aux basses températures. La susceptibilité magnétique de l'air gazeux à — 182 C a été trouvée égale à Æ 0,28 X 107, soit dix fois plus grande qu'à la température ordinaire. _ Celle du sulfate de manganèse cristallisé, sous forme de poudre, qui est de 105 à 25° C, est de 349 X 107 à — 1820. Si on considère les températures absolues, on voit que la susceptibilité du sulfate de manganèse croit par le refroidissement et varie précisément en raison inverse de la température absolue. M. P. Curie a montré déjà que cette loi existe pour le palladium, l'oxygène et d’autres corps paramagnétiques aux hautes températures; MM. Wiedemann et Plessner l'ont véri- fiée aussi entre 16° et 60°. Pour le bismuth, qui est un corps diamagnétique, la susceptibilité augmente aussi avec le refroidissement, mais non en raison inverse de la température absolue. Elle est de 13,7 à 15° et de 15,9 à — 182°C, soit un accroissement de 16 0/6. Les déterminations sur le sulfate de manganèse semblent montrer que la susceptibilité paramagnétique varie comme la densité. Si cette loi et celle de la tem- pérature se continuent aux basses températures et après les changements d'état, la susceptibilité de l'oxygène liquide doit être 28 fois celle de l’oxy- gène gazeux. Cette dernière élant 0,13 X 10%, on a 2418 X 0,43 X 105— 314 X 105; l'expérience à donné 324 X 10%, Les deux lois semblent donc se vérifier. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette, 10° ANNÉE N° 2 930 JANVIER 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Muséum. — M. A. Milne-Edwards, membre de l’Aca- démie des Sciences, Directeur du Muséum, Vice-Prési- dent du Comité de patronage des Voyages d'Etudes de la Revue, vient d’être promu à la dignité de Commandeur de la Légion d'honneur. Cette distinction, due depuis longtemps à l'éminent savant qui à réorganisé le Muséum, aidé de tant de manières nombre de jeunes savants, et dirigé en silence tant d'entreprises utiles à notre pays et à l'expansion de son influence, fait le plus grand hon- neur à l'Ordre dela Légion d'honneur. La Revue se fait un devoir et un plaisir d’y applaudir. Election à l’Académie des Sciences de Paris. — Dans sa dernière séance (23 janvier), l'Aca- démie des Sciences avait à élire un Correspondant pour sa Section de Chimie. Six candidats, dont plusieurs illustres, se trouvaient en présence : M. D. Mendéléeff {de Saint-Pétersbours\, M. Emile Fischer (de Berlin), M. William Crookes (de Londres), M. Henry (de Lou- vain), M. Ladenburg (de Kiel), M. Louguinine (de Kos- troma). Le scrutin a donné les résultats suivants : M. D. Mendéléeff a obtenu 28 suffrages. M. E. Fischer — 22 M. W. Crookes — Ea conséquence, M. Mendéléeff a été déclaré élu. La biographie de l’éminent savant n'est pas à faire à cette occasion, ses titres à la reconnaissance des chi- mistes étant présents à toutes les mémoires. On sait notamment quelle influence a exercée sur les progrès de la Chimie générale la classification des éléments qui porte son nom. Quels que soient l'avenir réservé à la Table de Mendéléeff et la dificulté qu'on éprouve actuel- lement à y introduire des corpsrécemment découverts, les recherches qu'elle à suscitées ont été des plus fécondes : non seulement elles ont conduit à la décou- verte d'éléments nouveaux; mais, ce qui peut-être est encore plus important, elles ont provoqué, dans l’ordre de la philosophie naturelle, destravaux de premier ordre. M. Mendéléeff est actuellement professeur de Chimie Cr REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. à l'Université de Saint-Pétersbourg, membre de l'Aca- démie impériale de Saint-Pétersbourg, et directeur du Laboratoire des Poids et Mesures de l'Empire Russe. $ 2. — Physique La conductibilité de lAluminium. — [à Pittsburgh Reduction Company, qui produit annuelle- ment une quantité considérable d'aluminium aux Etats-Unis, vient de faire exécuter, dans ses labora- toires, des mesures très précises de la conductibilité de ce métal. La méthode employée est celle du potentiomètre légèrement moditiée. Les mesures ont été faites à la température uniforme de 2629. Voici les résultats obte- nus pour la conductibilité K entre les faces opposées d'un cube d'aluminium de 1 ceutimètre de côté, com- parée à la conductibilité d’un cube de cuivre semblable à la même température : NATURE DU SPÉCIMEN K Aluminium pur 61,59 == es 61,50 — ANUS PA IRON CAT IGT 45 Aluminium avec 0,50 °/, de cuivre . 58,16 = 0,75 °/o — 36.37 Il est intéressant de noter que le cuivre, qui est, à section égale, un meilleur conducteur que l'aluminium, diminue la conductibilité de ce dernier lorsqu'il lui est allié. $ 3. — Chimie La Revue générale de Chimie. — Sous le titre de Revue générale de Chimie pure et appliquée, vient d'être fondé, à Paris‘, un grand journal sur lequel nous voudrions attirer l'attention de nos lec- teurs. Disons, tout d'abord, qu'il est dirigé par deux colla- borateurs de la Revue générale des Sciences : M. C. Friedel, de l'Institut, l'un des maîtres de la Chimie organique 1 La Revue général: de Chimie pure et appliquée est éditée à Paris, 155, boulevard Malesherbes. Le 38 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE moderne, et M. Georges-F. Jaubert, docteur ès sciences, ancien préparateur de Chimie à l'Ecole Polytechnique. La Revue générale de Chimie est non seulement des- tinée à publier les conférences de la Sorbonne qui, fondées par Würtz, se continuent de tradition au Labo- ratoire de M. Friedel, mais elle donnera aussi des articles de fonds signés des noms les plus illustres de la Chimie actuelle. Nous signalerons tout particulièrement, dans le pre- mier numéro que nous avons sous les yeux, deux con- férences faites à la Sorbonne : l’une, par M. Engel, professeur à l'Ecole Centrale, sur les composés slan- niques, dont il vient d'élucider la constitution, question pendante depuis 1812, époque à laquelle Berzélius y re- nonça; l’autre, de M. Hanriol, membre de l’Académie de Médecine, sur le rôle physiologique des lipases, ces ferments du sang qu'il a découverts récemment et qui possèdent la propriété singulière de saponifier les graisses en glycérine et acide gras. Parmi les autres articles de Chimie pure, citons celui de M. Friedel, sur la décomposition des hydro- carbures par le chlorure d'aluminium, et ceux de MM. Charles Graebe, le savant professeur de l'Université de Genève, l'inventeur de la garance artificielle, et Tiemanw, professeur à l'Université Frédéric-Guillaume à Berlin, célèbre par ses découvertes de la vanille et de la violette artificielle. M. Graebe traite un chapitre absolument nouveau et inédit de la science : la colo- ration des hydrocarbures. M. Tiemavn étudie l'histoire et le développement du Citral, matière première servant à la fabrication de l’ionione ou pseudoionone, cétone cyclique qui constitue l'essence artificielle de violette. La seconde partie de la Revue générale de Chimie est consacrée tout entière à l'Exposition de 1900. Il en sera, d’ailleurs, de même dans la suite et dans chaque numéro. En attendant la publication des rapports annoncés sur les diverses industries chimiques qui seront représentées à la grande manifestation paci- fique de l'an prochain, la Revue a consacré, sous le titre de La Chimie à l'Exposition de 1900, et sous la signature de M. C.-M. Gariel, de l’Académie de Médecine, deux remarquables articles sur les Congrès à l'Exposition de 1900 et sur l’état d'avancement des travaux. La troisième partie de la Revue est consacrée à la Bibliographie. Elle comprend, rangés d’après la classi- fication décimale, un court extrait de tous les travaux de Chimie parus récemment dans le monde entier, c'est-à-dire le dépouillement de plus de 150 pério- diques. Dans la rédaction de ces extraits, on a admis, comme principe directeur, que la bibliographie n'a pour but que de signaler à l'attention des chercheurs les arlicles qui peuvent les intéresser, quitte à ces derniers de les lire in exlenso dans les bibliothèques qui, à l'heure actuelle, se trouvent partout répandues. Ce vaste répertoire de la production chimique de notre époque sera infiniment précieux aux travailleurs, qui trouveront de suite dans cette revue des périodiques l'ordre de la science chimique qui les intéresse. Ce que nous venons de dire pour la revue des pério- diques, nous pourrions le répéter pour la revue des brevels chimiques qui lui fait suite. Un supplément, donnant les Actualités, termine cette nouvelle Revue. Il donne le compte rendu des Académies et des Sociétés savantes, une chronique des faits du mois comprenant le mouvement universitaire et industriel, et, enfin, une revue des livres. $ 4. — Electrochimie Nouvelle méthode pour déposer des cou- ches métalliques sur le bois. — Depuis long- temps, on à cherché à recouvrir le bois de dépôts métalliques, dans le but de fabriquer certains objets de consommation courante (articles de cuisine, cadres de tableaux, moules, etc.), qui présenteraient ainsi l'avantage de la légèreté sur les mêmes objets faits entièrement en métal. M. C.-F, Barnes vient de décrire, dans l’Electrieal World, une méthode qui semble répon- dre à tous les desiderata. Les opérations à effectuer sont les suivantes : L'objet en bois est saturé d'abord de sulfate de cuivre par l'immersion prolongée dans une solution de cette substance: il est ensuite retiré et soigneusement séché. Il est alors exposé à l'action d’un courant d'hydrogène sulfuré, qui transforme le sulfate de cuivre en suliure, corps conducteur de l'électricité et en même temps insoluble dans l’eau. L'objet est ensuite enveloppé légè- rement d'un fil de cuivre fin el suspeudu à la cathode dans une solution de sel ordinaire. Lorsque le courant passe, le sulfure de cuivre est rapidement réduit en cuivre métallique par l’action des produits qui se for- ment à la cathode. Lorsque la réduction est supposée complète (généralement au bout de dix minutes), l'ob- jet est transporté dans un bain ordinaire de sulfate de cuivre, où un dépôt de cuivre, d'uve épaisseur quel- conque, peut être déposé à sa surface. Ce dépôt est très adhérent et peut être parfaitement poli. Pour l'argentage, les opérations sont identiques, sauf à la fin, où le bain de cuivre est remplacé par un bain d'argent. $ 5. — Géographie et Colonisation Le Jardin des Plantes et les Colonies françaises. — La Revue des cultures coloniales publie dans son numéro du 5 janvier une remarquable étude de M. Milne-Edwards, directeur du Muséum, membre de l'Institut, sur les « Relations entre le Jardin des Plantes et les Colonies francaises ». On sait qu'une « Commission des jardins d'essai » a été instituée dernièrement par le ministre des Colonies « à l'effet d'étudier toutes les questions relatives à la création de jardins d'essai {ant dans la métropole que dans les colonies ». Cette Commission, que présidait M. Milne-Edwards, vient de soumettre au ministre un ensemble de vœux réclamant la création en France d'un service central pour les jardins d'essai des colo- nies françaises, s'appuyant sur notre Muséum d’his- toire naturelle. La Commission a formulé en même témps un programme d'ensemble pour l’organisation des jardins coloniaux. Dans la magistrale étude publiée par la Revue des cultures coloniales, M. Milne-Edwards rappelle d’abord en ces termes l'assistance prêtée aux colonies fran- caises par notre grand établissement botanique, durant le xvne et le xvuie siècles : ; « Depuis sa fondation, en 1627, le Jardin des Plantes s’est préoccupé de favoriser le développement de l'Agri- culture en France et dans les colonies. « En 1710, il recoit d'Amsterdam un pied de caféier, il le multiplie et, en 1720, il en envoie un exemplaire, ainsi que des graines, à la Martinique. Le capitaine des Clieux en est chargé et, au cours du voyage, il partage avec l'arbuste précieux sa modique ration d'eau potable. « Ce fut le père des innombrables caféiers des An- tilles, et déjà, en 1776, Saint-Domingue exportail 15 millions de kilos de café, et en 1789, 25 millions. « Versle milieu du xvur siècle, la France fit des efforts considérables pour s'assurer la possession des arbres à épices, dont les Portugais et les Hollandais gardaient jalousement le monopole et, à l'instigation de Poivre, intendant de l'Ile-de-France, plusieurs expéditions furent, dans ce but, envoyées à l'archipel Indien. « De 1769 à 1772, des muscadiers, des girofliers, des canneliers, des mangoustans, des sagoutiers, obtenus à grand'peine, furent plantés à l'Ile-de-France, et bien- tôt Poivre en possédait assez pour demander au due de Praslin, ministre de la Marine, d’en essayer la cul- ture à la Guyane. «Céré, nommé en 1775 directeur du jardin de l’Ile-de- France, continua l'œuvre de Poivre; il se mit en relation avec les naturalistes du Jardin des Plantes, Buffon, Daubenton, Thouin, Lamark, devint un des correspon- st. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 39 dants actifs de cet établissement, et, s'il put expédier à Cayenne un grand nombre de plantes précieuses qui y prospérèrent, c'est qu'elles trouvaient au Jardin des Plantes les soins nécessaires. « Aussi, en juillet 1793, le jardin national de Cayenne avait-il distribué plus de 2.000 girofliers, canneliers, arbres à pain, ete. Il lui en restait encore 77.000 dispo- nibles, sans compter une pépinière d'environ 80.000 gi- rofliers. Quelques années plus tard, en 1808, on recueil- lait dans la colonie 55.000 kilos de girofles. « L'arbre à pain rapporté par Labillardière et de La Hayes, fut confié au Jardin des Plantes, qui le remit en 1798 à Joseph Martin, directeur des cultures colo- niales à Cayenne. Il s’y multiplia si bien que dix ans après on en possédait 2.700 pieds. » Après avoir signalé ensuile de nombreux exemples d'introduction et d'acclimatation d'espèces végétales réalisées en France ou dans les colonies par l’entre- mise du Muséum, M. Milne-Edwards trace, en ces termes, le rôle qu'il pourrait jouer de nouveau au point de vue colonial : « Les détails qui précèdent montrent la part que le Muséum a prise au développement économique de nos colonies, mais il peut faire plus encore; les ressources qu'il possède le lui permettent sans modilier l’orienta- tion de ses études, sans porter atteinte à son caractère scientifique. Il est, avant tout, un établissement d’en- seignement supérieur. Ses immenses collections, ses nombreux laboratoires, ses cours, ses ménageries, ses cultures sont conçus de facon à comprendre toute l'his- toire de la Nature dans son acception la plus large et la plus élevée. Ses fondateurs ont voulu en faire « la métropole des Sciences naturelles ». Tel qu'il est orga- nisé, il peut répondre avec une incontestable compé- tence à la plupart des questions qui lui seront posées sur la nature de la flore d’un pays, sur la possibilité d'introduire, dans une de nos colonies, des espèces végétales propres à d'autres régions, sur l'extraction et l’utilisatiou des principes actits des plantes, sur les parasites qui les atlaquent en déterminant leurs ma- ladies, sur la composition du sol, sur les amendements nécessaires aux cultures, etc. Le Muséum est bien dans son rôle en soumettant à une élude scientifique les problèmes qui lui sont posés; il sortirait de ce rôle et il s’engagerait dans une voie fâcheuse s'il cherchait à appliquer et à réaliser les procédés qu'il recommande, surtout s’il voulait devenir un instrument de production économique, et faire par exemple de ses serres des établissements de multiplication horticole, d'où sorti- raient par centaines el par milliers les jeunes plants réclamés par nos colons. Ce sont les jardins d'essai ou ceux du commerce libre auxquels il appartient d’en assurer la production, après que le Muséum aura fait connaître les avantages qu’on peut en attendre, les conditions nécessaires à leur développement et les meilleurs procédés de culture. De nos serres pourront aussi sortir les espèces sur lesquelles on esten droit de fonder des espérances et dont la propagalion est dési- rable. Ce n'est pas dans nos Jaboraloires que doivent être faites les analyses de terre, d'engrais ou les dosages nécessaires pour déterminer la richesse de telle ou telle espèce ou variété en produits immédiats utiles. Ces recherches sont faciles, elles demandent un outillage spécial et elles peuvent se faire convenable- ment sans recourir à des chimistes éminents. S'il s'agit, par exemple, de déterminer la teneur de jus des cannes en sucre ou d’une écorce en quinine, c'est dans les centres de production que ces essais doivent s'effectuer. « Le Muséum interviendra pour l'examen de toutes les questions nouvelles ou difficiles à résoudre, et pour tracer les voies à suivre. En s'assurant sa collaboration scientifique on pourrait, sans grever le budget de l'Etat de lourdes dépenses, organiser un service colonial de consultation et d'information des plus utiles. Il suffi- rait de faire appel au dévouement des professeurs du Muséum, qui, tous, sont prêts à donner leur temps et leur science dans l'intérêt de la prospérité de nos possessions. Plusieurs chaires pourraient apporter un concours efficace : ce sont surtout celles de Culture, de Botanique phanérogamique et de Botanique cryplo- gamique, de Physiologie végétale, de Physique appli- quée à l'Agriculture, de Chimie organique, de Zoologie pour l'étude des Insectes nuisibles, de Géologie et de Paléontologie. » On ne pouvait rappeler avec plus d'autorité et de force les avantages considérables que nos jardins d’es- sai coloniaux seraient appelés à retirer de l'assistance effective et constante du Muséum. En souhaitant que ces jardins soient dans un avenir prochain mis en mesure de profiter de tels avantages, nous ne pouvons qu'applaudir à l'orientation vers laquelle M. Milne-Edwards souhaite voir le Muséum s'engager activement. C’est un nouveau el précieux symptôme des progrès de l'idée coloniale dans le sens de l’utilisation agricole de nos possessions d'outre-mer, à laquelle la Revue des cultures coloniales et son zélé directeur, notre excellent confrère, M. Milhe-Poutin- gon, se sont attachés avec autant d’ardeur que de succès. Le voyage de retour de la Mission Mar- chand. — On sait que le commandant Marchand et ses compagnons ont quitté Fachoda le 11 décembre dernier, pour opérer leur retour par la voie de l'Abys- sinie. Le capitaine Largeau, qui était à Meschra-el-Rek, a rejoint le commandant ; comme l'état actuel des eaux ne lui permettait pas de retourner à Meschra, il revient, lui aussi, par l'Abyssinie; néanmoins, ce poste, ainsi que tous ceux qui ont été créés dans le Bahr-el- Ghazal, reste occupé par les Français". Il résulte de l'itinéraire de retour du commandant Marchand que celui-ci aura fait une traversée complète de l'Afrique, traversée qui sera l’une des plus remar- quables, puisqu'elle aura demandé trois années, qu'elle aura été l'une des plus longues comme parcours, et qu'elle aura été effectuée à travers les régions les plus difficiles et les plus dures du continent africain. Cette magnifique exploration, si elle n’a pas actuellement pro- curé au pays les résultats politiques attendus, aura, du moins, apporté à la science des connaissances géogra- phiques des plus importantes sur toute la région du Bahr-el-Ghazal et du Haut-Nil. C'est à ce point de vue que nous aurons à en parler ici. Le vapeur le Faidherbe, ayant d’abord ramené à Mes- chra-el-Rek, au confluent du Soueh et du Bahr-el-Gha- zal, la partie du matériel que la Mission ne pouvait pas emporter avec elle, est revenu à Fachoda. C'est sur ce bateau que le personnel de la Mission a quitté le poste de Fachoda et a remonté le Nil jusqu’à l'embouchure du Sobat, qu'elle doit suivre aussi loin que le lui permettra la hauteur des eaux. A la limite de la navigation, le Fai- dherbe reprendra la route de Meschra-el-Rek et le com- mandant Marchand continuera son retour par la voie de terre. Le Sobat se jette sur la rive droite du Nil, à une cen- taine de kilomètres en amont de Fachoda, près d'une localité qui a été appelée elle-même Sobat. D'après le voyageur russe Juoker, qui a parcouru le bassin du Haut-Nil dans ses voyages de 1877 à 1878 et de 1879 à 1886, le Sobat serait navigable jusqu'à Nasser; mais c'est là une donnée qui peut varier suivant les années et suivant les saisons. Nasser, sur la rive gauche du Sobat, est en face du gros village de Deng, situé sur la rive droite, et qui est la capitale des Abigars ou Nouers. C’est cette dernière localité qu'apercut M. de Bonchamps au delà du Baro, lorsqu'il dut donner l’ordre du retour. Les Nouers, population négroïde des rives du Sobat, 4 Les malades de la Mission, seuls, sont revenus par le Nil et le Caire; ce sont l’adjudant de Prat, le sergent Ber- nard et quelques Sénégalais. re 7 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE sont grands, vigoureux, très belliqueux; quelques-uns ont des traits presque européens. Les hommes vont à peu près nus; les femmes sont un peu plus vêlues. Ils se teisnent les cheveux en brun rouge, à l’aide d'une pâte faite avec de la cendre et de la bouse de vache, qu'ils s'appliquent sur la tête. Tous se tatouent; de plus, les femmes se percent la lèvre inférieure pour y passer un morceau de bois. Les Nouers ont une organi- sation patriareale ; chaque famille forme un village dis- tinct. Les cases, toujours propres, sont entourées d'une aire libre, dont le sol est soigneusement batlu. Au delà de Nasser et de Deng se trouve le confluent des deux grands cours d’eau qui forment le Sobat, le Djouba ou Sobat supérieur et le Baro. Entre ces deux rivières, et près du point où elles se joignent, se trouve un grand lac bordé de marécages par lequel fut arrétée la Mission de Bonchamps, et au delà s'étend dans tous les sens un immense marais, sans sentiers, sans ter- rain stable. A partir de là, la route de retour de la Mis- bois ou en vertèbres de poissons. Leur langue est gut- turale. Leurs habitations sont des cases coniques for- mées d'assises en argile pétrie et d’un toit en chaume. Laissant la vallée du Baro, la Mission Marchand pas- sera à Bourré, puis à Goré, ancien quartier général de M. de Bonchamps, où celui-ci avait fait un séjour qui s'était trouvé prolongé outre mesure par suite du mau- vais vouloir des chefs abyssins. C'est dans cette même région qu'a été assassiné, le 14 novembre dernier, dans des circonstances encore mal connues, le peintre suisse Maurice Potter, qui avait fait partie de la Mission de Bonchamps, et qui avait ensuite accompagné le dedjaz Thessama dans son expé- dition dans la vallée du Sobat; Potter avait été, avec M. Faivre, membre aussi de la Mission de Bonchamps, et le colonel russe d'Artamanof, planter le drapeau abyssin dans le Sobat inférieur et dans l'île qui se trouve au confluent de cette rivière avec le Nil. C'est en reve- nant vers Goré que M. Potter a succombé, victime, sans | Pictonte Mars 4) TS Equa GO D Moncorer. 6 de Be > JAM | GCrapé par FBorremans,17 rue STS'ulpice Parts Fig. 1. — Itinéraire du relour du Commandant Marchand. sion Marchand suivra l'itinéraire de M. de Bonchamps. La Mission Marchand devra donc franchir le Baro et ses affluents de gauche, le Guilo et l’Alouarou, qui pren- nent leur source dans les plateaux qui s'élèvent entre l'Ethiopie et le lac Rodolphe. Elle passera par Stouni, Idéni, Ibano, Finkéo, Pokodi, villages habités par les Yambos, qui sont une peuplade très primitive. Les ressources de ce pays semblent des plus médio- cres. Les habitants se nourrissent de végétaux et de poissons, à défaut de viaude, dont ils sont généralement privés. Ils sont très friands de chair d'hippopotame. Les éléphants et les crocodiles sont nombreux dans la région. Les Yambos sont de pure race nègre. Ils sout grands, bien découplés et ont des traits réguliers. « Leurs armes, dit M. de Bonchamps, sont de longs bàtons pointus, durcis au feu, et des lances ayant une pointe faite d'un tibia de girafe et les hampes ornées de plumes d'autruche. » Comme les Nouers, les Yambos sont la plupart du temps entièrement nus. Parfois, seulement, les femmes portent un petit tablier de verroteries, et les hommes des peaux de mouton attachées à la ceinture. Ils portent des ornements en cuivre, en laiton, en fer, en étain, et des colliers et bracelets en verroteries, en doute, d'un guet-apens ourdi par des indigènes du Gui- mira ou du Metcha. De Goré à Addis-Abbeba, il y a environ 600 kilo- mètres, à travers une région très accidentée, tantôt boisée, tantôt dénudée et privée de voies de communi- cation. Mais il est probable que des ravitaillements seront envoyés à la Mission par la voie de Djibouti, ainsi que des vêtements chauds, qui lui seront indispen- sables, car elle passera, presque sans transition, d’une température tropicale à une température souvent gla- ciale. En effet, au sortir de la plaine du Baro, on s'élève brusquement de 1.000 mètres pour atteindre le rebord du grand plateau abyssin, et l'altitude ne cesse de croitre jusqu'à Addis-Abbeba, où elle est de 2.500 mètres. D'Addis-Abbeba, la Mission aura le choix entre deux routes de caravanes : celle qui passe par Ankober et aboutit à Obock, ou celle qui, traversant Balchi, Fort- Gabriel, Boroma et Harar, mène à Djibouti. Si elle prend cette dernière voie, la Mission pourra peut-être utiliser en partie le chemin de fer de Djibouti à Harar, qui, partant de la côte, est terminé jusqu'à Mordalé, à 120 kilomètres de Djibouti. Gustave Regelsperger. SKLODOWSKA CURIE — LES RAYONS DE BECQUEREL ET LE POLONIUM 41 LES RAYONS DE BECQUEREL ET LE POLONIUM La découverte des rayons de Becquerel, dont nous allons parler, se rattache à des recherches poursuives, depuis la célèbre découverte de Rünt- gen, sur les effets photographiques de certaines substances fluorescentes et phosphorescentes. Les travaux de cet ordre semblent jeter sur toute une partie de la Physique un jour nouveau. Nous nous proposons d'exposer à ce sujet quelques faits récemment acquis et de discuter les idées que ces faits apportent à la Philosophie naturelle. I. — RAYONS URANIQUES. Dans un article qui a paru dans la fevue générale des Sciences, M. H. Poincaré a fait la remarque sui- vante : « Le verre du tube de Crookes, frappé par les rayons cathodiques, devient fluorescent; à celte fluorescence se joint une émission de rayons de Rüntgen. On peut alors se demander si tous les corps dont la fluorescence est suffisamment intense n'émettent pas, outre les rayons lumineux, des rayons de Rüntgen, quelle que soit la cause de leur fluorescence ‘. » Peu de temps après, M. Henry montra que le sulfure de zinc phosphorescent peut, en effet, pro- duire des impressions photographiques à travers un papier noir enlièrement opaque à la lumière ?, M. Niewenglowski oblint le même phénomène avec du sulfure de calcium exposé à la lumière*. On pouvait interpréter les expériences de MM. Henry et Niewenglowski, en admettant que l'effet photographique était dû à des rayons invi- sibles, analogues aux rayons X, que les sulfures de zinc et de calcium émettent sous l'action de la radiation lumineuse, et qui peuvent traverser des substances opaques à la lumière. Plus tard, M. Troost obtint de très fortes impres- sions photographiques avec une blende hexago- nale artificielle phosphorescente, agissant à travers du papier noir et un gros carton ‘. M. Becquerel fit des expériences analogues sur les sels d'uranium, dont quelques-uns sont fluores- cents ”. Il obtint des impressions photographiques à travers papier noir avec le sulfate double d’ura- 1 Revue générale des Sciences du 30 janvier 1896. A cette époque, l'émission des rayons X, non accompagnée de fluo- rescence, comme dans le cas des anticathodes en platine, n'était pas encore connue. ? Hexry : C. R. de l'Ac., tome CXXII, p-.312: * NiEWENGLOWSKI : C. R. de l'Ac., tome CXXII, p. 386. * Troosr : C. R. de l’Ac., tome CXXII, p. 564. * BecqueneL : C. R. de l'Ac., tome CXXII, 1896, plusieurs notes. nyle et de potassium. M. Becquerel crut d'abord que ce sel, qui est fluorescent, se comportait comme les sulfures de zinc et de calcium. Mais la suite de ses travaux sur les composés d'urane montra que l’analogie n’était qu'apparente. Il est vrai que les sels d'uranium agissent sur les plaques photographiques, et que cette action peut se pro- duire à travers des corps opaques, tels que le pa- pier noir, l'aluminium, etc.; mais ce phénomène n’est nullement relié à la fluorescence. L’uranium et tous ses composés, fluorescents ou non, agissent de mème, et l'uranium métallique est le plus actif. Bien plus, M. Becquerel trouva que la lumière n'est pas nécessaire, et qu’en plaçant les composés d'urane dans l'obscurité complète, ils continuent à impressionner les plaques pholographiques pen- dant des années. Il n’y avait donc pas là un phéno- mène analogue à la fluorescence, mais bien un phénomène entièrement nouveau. M. Becquerel admit que l'uranium et ses com- posés émeltent des rayons particuliers, qui impres- sionnent les plaques sensibles. Cette manière de voir a élé généralement adoptée. Le même savant montra ensuite que les rayons uraniques jouissent des propriélés suivantes : Ils traversent les corps opaques, tout en étant beaucoup plus absorbés que les rayons de Rüntgen. On dit qu'ils sont moins pénélrants ; Ils rendent l'air qu'ils traversent conducteur de l'électricité, comme les rayons de Rüntgen, et c'estlà une propriété importante de ces deux espèces de rayons. Les rayons uraniques ont été l’objet de divers travaux de M. Becquerel, de lord Kelvin et de MM. Beattie et Smoluchowski, de MM. Elster et Geitel, de M. Schmidt et de moi-même. En général, on a employé dans ces études la méthode élec- trique, c’est-à-dire la méthode qui consiste à me- surer la conductibilité de l'air sous l'influence des rayons qu'on étudie. Cette méthode a, en effet, l'avantage d'être rapide et de fournir des nombres que l’on peut comparer entre eux. IT. — RAYONS THORIQUES. A la suite des travaux de M. Becquerel, il était naturel qu'on se demandät si l'uranium est le seul métal jouissant de propriétés aussi particulières. M. Schmidt a étudié à ce point de vue un grand nombre d'éléments et de leurs composés; il a trouvé que les composés du thorium sont seuls doués d'une propriété semblable. J'ai fait une étude du 42 SKLODOWSKA CURIE — LES RAYONS DE BECQUEREL ET LE POLONIUM même genre en passant en revue des composés de presque tous les corps simples actuellement connus (gràce à l’obligeance de plusieurs chimistes qui ont bien voulu me permettre d'examiner des échan- tillons de corps très rares); je suis arrivé au même résultat que M. Schmidt’. Les composés de l’ura- nium et du thorium se sont seuls montrés actifs. L'activité des oxydes de ces deux métaux est du même ordre de grandeur, et, en première approxi- | malion, les composés sont d'autant plus actifs qu'ils renferment plus d'uranium ou de thorium. Les composés du tantale m'avaient d'abord paru actifs; mais j'ai reconnu depuis que leur activité, toujours lrès faible, est, de plus, différente pour les échantillons d'un même composé de diverses provenances. Il me semble donc probable que l'ac- livité est due non au tantale, mais à la présence, en plus ou moins grande quantité, d'une impureté active. Les rayons uraniques ont fréquemment élé appe- lés rayons de Becquerel. On peut généraliser ce nom en l’appliquant non seulement aux rayons uraniques, mais aussi aux rayons thoriques et à tous les rayonnements de mème nature. J'appellerai radioactives les substances qui émet- tent des rayons de Becquerel. Le nom d'hyperphos- phorescence, qui a été proposé pour le phénomène, donne, à mon avis, une idée fausse de sa nature. Les seuls éléments radioactifs, actuellement connus, sont l'uranium et le thorium. Il est remar- quable que ces deux éléments sont ceux qui pos- sèdent le plus fort poids atomique (240 et 230). L'uranium et le thorium se rencontrent fréquem- ment dans les mêmes minéraux. III. — APPAREIL DE MESURE. L'appareil que j'emploie pour l'étude de la con- ductibilité de l'air sous l'influence des rayons émis par les substances radioactives se compose essen- tiellement d'un condensateur à plateaux AB (fig. 1). La substance active finement pulvérisée est étalée sur le plateau B; elle rend conducteur l'air situé entre les plateaux. Pour mesurer cette conducti- bilité, on porte le plateau B à un potentiel élevé en le reliant à l’un des pôles d'une pile P d'un grand nombre d'éléments, dont l'autre pôle està terre. Le plateau À étant maintenu au potentiel de la terre par le fil CD, un courant électrique traverse l’espace com- pris entre les plateaux. Le potentiel du plateau À est indiqué par un électromètre E.Si l’on interrompt en C la communication avec la terre, le plateau A { M. Schmidt a publié les résultats de son travail le 4 fé- vrier 1898 (Société de Physique de Berlin); j'ai publié les résul- tats du mien dans les C. R. de l'Ac. des Sc., le 12 avril 1898, n'ayant pas encore eu connaissance de la note de M. Schmidt. ; se charge, et cette charge fait dévier l'électromètre. La vitesse de cette déviation est proportionnelle à l'intensité du courant et peut servir à la mesurer. Mais il est préférable de faire celte mesure en com- pensant la charge que prend le plateau À, de ma- nière à maintenir l'électromètre au zéro. Les charges dont il est question ici sont extrêmement faibles; elles peuvent être compensées au moyen d'un quartz piézoélectrique Q, dont une armature est reliée au plateau A et dont l’autre armature est à terre. On soumet la lame de quartz à une tension connue produite par des poids placés dans un pla- teau z; celte tension est établie progressivement et a pour effet de dégager progressivement une quantité d'électricité connue pendant un temps qu'on mesure. L'opération peut être réglée de telle manière qu'il y ait à chaque instant compensation terre terre Fig. 1. — Appareil pour la mesure de la conduclibililé de l'air sous l'influence des radiations aclives. — AB, conden- sateur à plateaux, le plateau B portant la substance radio- active; CD, fil à la terre avec contact mobile en C; E, électromètre ; P, pile; Q. quartz piézoélectrique : x, poids. entre la quantité d'électricité qui traverse le con- densateur et celle de signe contraire que fournit le quartz’. On peut, par ce procédé, mesurer en valeur absolue la quantité d'électricité qui traverse le condensateur pendant un temps donné, c'est-à- dire l'intensité du courant. La mesure est indépen- dante de la sensibilité de l’électromètre. L'ordre de grandeur des courants que j'ai obte- nus avec les composés de l'uranium et du thorium est de 10! ampères pour les dimensions d’appa- reil suivantes : diamètre des plateaux, 8 centi- mètres; distance des plateaux, 3 centimètres. La différence de potentiel entre les plateaux était de 100 volts. 1 On arrive très facilement à ce résultat en soutenant le poids à la main et en ne le laissant peser que progressive- ment sur le plateau x, et cela de manière à maintenir l'image de l'électromètre au zéro. Avec un peu d'habitude, .on prend très exactement le tour de main nécessaire pour réussir cette opération. Cette méthode de mesure des faibles courants a été décrite par M. J. Curie dans sa thèse. SKLODOWSKA CURIE — LES RAYONS DE BECQUEREL ET LE POLONIUM 43 IV. — LE POLONIUM. J'ai examiné dans mon appareil un certain nombre de minéraux; certains d’entre eux se sont montrés radioactifs, entre autres la pechblende, la chalcolite, l’autunite, la clévéite, la monazite, l'orangite, la thorite, la fergussonite, ete. Tous ces minéraux renferment de l'uranium ou du thorium ; leur activité est donc toute naturelle, mais l’inten- sité du phénomène pour certains minéraux est inattendue. Ainsi, on trouve des pechblendes (mi- néraux contenant de l’oxyde d’urane) qui sont trois fois plus actives que l'uranium métallique; la chalcolite (phosphate d’urane et de cuivre cristal- lisé) est deux fois plus active que l'uranium; l'autu- nite (phosphate d'urane et de chaux) est aussi active que l'uranium. Il y a là une contradiction avec les résultats obtenus avec les composés purs de l’ura- nium, qui sont moins aclifs que l'uranium lui- même. Pour éclaircir ce point, j'ai préparé de la chalcolite artificielle par le procédé de Debray, en partant de produits chimiquement purs. Cette chal- colite artificielle possède une activilé tout à fait normale, étant donnée sa composition ; elle est deux fois et demie moins active que l'uranium. Il devient dès lors probable que, sila pechblende, la chalcolite, l’'autunite ont une activité si forte, c'est que ces substances renferment en petite quan- Lilé une matière fortement radioactive et différente de l'uranium, du thorium et des corps simples actuellement connus. M. Curie et moi, nous nous sommes attachés à la recherche de cette substance dans la pech- blende. Nous avons reconnu d’abord que la pechblende fournit, par sublimation dans le vide, des produits extrèmement actifs (30 fois plus actifs que l’ura- nium); mais on en obtient très peu. Nous avons préféré attaquer la pechblende par les acides et effectuer ensuite l’analyvse, en nous laissant cons- tamment guider par l'essai de la radioactivité des produits séparés à chaque opération. Nous étions là, en effet, en possession d’un réactif très sensible qui, d’ailleurs, était unique, puisque les propriétés chimiques de la substance recherchée nous étaient complètement inconnues. Les résidus de l'attaque de la pechblende par les acides sont, en général, très actifs. Pour les rendre solubles dans les acides, on les fond avec un mélange de carbonates de potasse et de soude. Nous avons traité, par l'hydrogène sulfuré, la dissolution acide de la pechblende. L'urane et le thorium restent dans la solution; cependant, les sulfures précipités sont beaucoup plus actifs que la pechblende qui a servi à les obtenir. Ces sulfures contiennent du plomb, du cuivre, du bismuth, de l'arsenic, de l’antimoine; leur analyse a conduit aux résultats suivants : La substance active contenue dans les sulfures est insoluble dans le sulfure d’ammonium, qui la sépare de l’arsenic et de l'antimoine. Les sulfures insolubles dans le sulfure d’ammo- nium étant dissous dans l'acide azolique, la subs- tance active peut être partiellement séparée du plomb par l’acide sulfurique. En épuisant le sulfate de plomb par l'acide sulfurique étendu bouillant, on parvient à dissoudre en grande partie la subs- tance active entrainée avec le sulfate de plomb. La substance active, se trouvant en solution avec le bismuth et le cuivre, est complètement précipi- tée par l’ammoniaque en excès, ce qui la sépare du cuivre. Finalement, la substance active reste avec le bismuth. La séparation de la substance active et du bis- muth est difficile par voie humide. Cependant, on peut obtenir une séparation approchée par préci- pitation fractionnée. On ajoute pour cela de l'eau à la solution chlorhydrique ou azotique; les portions précipitées en premier lieu sont de beaucoup les plus actives. Pour obtenir une séparalion plus complète du bismuth, nous avons eu recours à la sublimation. La solution contenant le plomb, le bismuth et la substance active, est précipitée par l'hydrogène sulfuré, et les sulfures sont soumis à la sublimation dans le vide, en chauffant vers 700°. Le sulfure actif se dépose, sous forme d’enduit noir, dans les portions du tube qui sont à une température de 250°-300° environ; les sulfures de bismuth et de plomb restent dans les parties plus chaudes. En effectuant ces diverses opérations, nous obte- nions progressivement des produits de plus en plus actifs. Finalement, nous avions des substances dont l'activité était environ 400 fois plus grande que celle de l'uranium. Nous croyons que la pechblende renferme un élément inconnu. Get élément semble être un métal analytiquement voisin du bismuth. Nous avons proposé d'appeler ce métal polonium. Si l'existence du nouveau métal se confirme, sa décou- verte sera due à la connaissance des rayons de Becquerel. L'intensité radioactive du polonium esl surpre- nante, si on la compare à celle de l'uranium et du thorium. On peut donc se demander si ce n’est pas à une petite quantité de polonium que l'uranium et le thorium doivent leur activité. Cela ne paraît pas très probable. En effet, s'il en était ainsi, les com- posés d'uranium de diverses provenances auraient sans doute une radioactivité très différente. Or dans les expériences que j'ai faites avec quelques échantillons d'uranium métallique, ainsi qu'avec 44 SKLODOWSKA CURIE — LES RAYONS DE BECQUEREL ET LE POLONIUM des oxydes et des sels de diverses provenances, je n'ai jamais eu de divergences notables entre les nombres relatifs à un même composé. V. — IMPRESSIONS PHOTOGRAPHIQUES. EFFETS DE FLUORESCENCE PRODUITS PAR LES RAYONS DE BEC- QUEREL. Les rayons uraniques, thoriques, poloniques agissent sur les plaques sensibles. Les rayons des composés du thorium sont moins actifs, à ce point de vue, que les rayons de l'uranium. Avec l'ura- nium, on à une impression photographique après une heure de pose (plaques au gélatino-bromure). La substance que nous considérons comme sulfure de polonium donne une bonne impression photo- graphique après trois minutes de pose et, au bout d'une demi-minute, on a déjà un effet sensible. On sait que les rayons de Rüntgen rendent fluo- rescent le platinocyanure de baryum. On peut se demander si les rayons de Becquerel produisent le même effet. L'uranium et les composés du thorium ne provoquent aucune fluorescence sensible, mais le sulfure de polonium produit très nettement la fluorescence du platinocyanure. On peut faire l'expérience de la façon suivante : La substance active est étalée en couche mince sur une portion de la surface d’un disque métallique. On recouvre le tout d’un disque d'aluminium très mince, de même diamètre que le premier. Sur toute la sur- face du disque d'aluminium est étalée uniformé- ment une couche mince de piatinocyanure de baryum, En se mettant à l'abri de la lumière, on apercoit sur le disque supérieur une région faible- ment lumineuse, et on s'assure facilement que celte région est en face de la substance aclive. Les rayons émis par cette dernière ont traversé l’aluminium et ont excité la fluorescence du platinocyanure situé au-dessus, tandis que le restant de la surface du disque est obscur. Il semble que l’on ait ainsi réa- lisé un système fournissant indéfiniment de la lumière sans aucune dépense d'énergie”. Nous n'avons pas pu produire de lumière en répétant la même expérience avec les oxydes d'u- ranium et de thorium. VI. — COoNDUCTIBILITÉ DES GAZ SOUS L'EFFET DES RAYONS DE BECQUEREL. L'étude de ce phénomène a été faite d’abord par M. Becquerel, puis par les divers physiciens cilés plus haut. 1 J] convient, toutefois, de remarquer que M. Villard a montré que, sous l'action prolongée des rayons X, la sensi- bilité du platinocyanure diminue, mais que l'on peut régé- nérer cette sensibilité en exposant le platinocyanure à la lumière. Pour se placer dans des conditions théoriques simples, il est bon d'employer pour cette étude des plateaux dont la surface est grande par rapport à l’écartement. De plus, le plateau réuni à l'électro- mètre pourra être muni d'un anneau de garde; le plateau opposé est entièrement recouvert d'une couche uniforme d'uranium. Faisons varier la différence de potentiel entre les plateaux, c'est-à-dire le champ qui existe entre les plateaux. Pour les champs faibles, l'intensité du courant est proportionnelle au champ; il existe une conductibilité initiale constante. À mesure que le champ croît, le courant augmente de moins en moins vite et tend, pour les champs très forts, vers une limile pratiquement constante, que l'on peut appeler le courant-limite. La conductibilité ne dépend pas du sens du cou- rant, et cela quelle que soit l'intensité du champ. Si l’on construit la courbe qui représente l’inten- sité du courant en fonction du champ, on obtient d’abord une portion de droite ; puis la courbe s’in- cline de plus en plus vers l'axe des champs, auquel elle tend à devenir parallèle. Si l’on refait les mêmes expériences avec des dis- tances de plateaux différentes, on trouve que, à champ égal, le courant est d'autant plus fort que la distance des plateaux est plus grande (pourvu toutefois que cette distance reste petite par rapport au diamètre des plateaux). L'intensité du courant croît done avec le volume d'air compris entre les plateaux. Cependant, à mesure qu'on écarte les plateaux, on remarque que les nouvelles couches d'air qu'on introduit ainsi font de moins en moins d'effet, comme si les rayons uraniques élaient fortement absorbés par l'air qu'ils tra- versent. L'air n’est pas le seul gaz qui puisse être rendu conducteur par les rayons de Becquerel. L'oxygène, l'hydrogène, l'acide carbonique donnent lieu à des phénomènes analogues. Si, par un dispositif con- venable, on remplit successivement de ces divers gaz l'appareil de mesures électriques, et si l’on construit pour chacun d’eux la courbe de l'intensité du courant en fonction du champ, on constate que toutes ces courbes ont une allure absolument ana- logue. À champ égal, le courant est toujours plus fort dans l'oxygène que dans l’air et plus fort dans l'air que dans l'hydrogène. Quant à l'acide carbo- nique, on trouve que, pour les champs faibles, le courant est plus faible que dans l'air; au contraire, pour les champs forts il est plus fort que dans l'air et même dans l’oxvgène. Dans les expériences précédentes, les gaz se trou- vaient à la pression atmosphérique. Des expé- riences sous pression variable ont été faites égale- ment. Il en résulte que, pour des pressions qui ne Re CL = 2 SKLODOWSKA CURIE — LES RAYONS DE BECQUEREL ET LE POLONIUM 15 sont pas très faibles, le courant, tout au moins dans l'air et dans l'hydrogène, est proportionnel à la pression. Les lois de la conductibililé acquise par l'air sous l'influence des rayons de Becquerel sont ana- logues à celles que l'on obtient pour la conducti- bilité communiquée à l'air par les rayons X. On peut, comme on le fait pour les rayons X, essayer d'expliquer la conductibilité des gaz traversés par les rayons de Becquerel par une dissocialion parti- culière que les gaz éprouvent sous l'effet de ces rayons. Dans cette manière de voir, les gaz soumis à l'influence des rayons de Becquerel sont partiel- lement ionisés, et c'estle mouvement des ions char- gés d'électricité suivant les lignes de champ élec- trique qui constitue le courant. L'air qui est devenu conducteur sous l'action des rayons X, conserve celte propriété pendant un temps très court après la suppression des rayons. M. Becquerel a montré qu'il en est de même dans le cas des rayons uraniques. M. Schmidt n'a pu observer aucune conductibilité persistante dans le cas des rayons du thorium. MM. Beattie et Smoluchowski appliquent le phé- nomène de la conductibilité de l'air sous l’effet de l'uranium à la mesure de la différence de potentiel de contact entre l'uranium et un autre métal. Il suffit pour cela de constituer un condensateur, dont un des plateaux est fait avec le métal dont il s’agit, l'autre plateau étant en uranium. L'un des plateaux est relié à la terre, l’autre à un électro- mètre que l’on met tout d’abord à terre. Quand on ôte de terre l’électromètre, il se met à dévier et atteint une dévialion permanente proportionnelle à la force électromolrice de contact qui existe entre les plateaux. VII. — ABSORPTION DES RAYONS DE BECQUEREL. On peut étudier l'absorption soit par la mé- thode électrique soit par la méthode photogra- phique. Disposons sur un support plan plusieurs petites boites sans couvercle, remplies de poudre de divers composés d'uranium et de thorium; au-dessus plaçons à une très petite distance une plaque pho- tographique dont la couche sensible est tournée vers les substances actives (cette opération doit évidemment être effectuée dans l'obscurité com- plète). Sur les petites boites on peut poser des bandelettes découpées dans diverses substances. Après développement du cliché, on obtiendra pour chaque substance la silhouette sombre de la boîte légèrement confuse vers les bords; les bandelettes apparaitront d'autant plus claires que leur matière sera plus absorbante, et leur forme sera exactement reproduite sur le cliché. On reconnait ainsi que les rayons de Becquerel sont fortement absorbés par les métaux, le verre, le mica, la paraffine, le pa- pier, etc. Si l’on veut obtenir des nombres, il faut s'adres- ser à la méthode électrique. On peut pour cela em- ployer l'appareil de la figure 4. Quand on fait varier l'épaisseur de la couche de la substance radioactive qui recouvre le plateau B, on remarque que le courant qui traverse le con- densaleur croit à mesure que cette épaisseur aug- mente.Dans le cas de l'uranium, celte augmentation est très faible; elle est considérable pour l'oxyde de thorium. Il faut en conclure que l'uranium absorbe très fortement les rayons qu'il émet, de sorle que presque tout l'effet est dû à une couche superficielle très mince. Au contraire, l'oxyde de thorium serait partiellement transparent pour les rayons thoriques, et l'effet des couches plus pro- fondes pourrait se faire sentir. Pour mesurer l’absorption des rayons de Becque- rel par les corps solides, on recouvre la substance active d'une plaque conslituée par la substance dont on étudie l’effel absorbant. Ce procédé permet de déterminer la fraction du rayonnement trans- mise par un écran donné, pourvu toutefois que l'écran soit suffisamment conducteur. En effet, l'expérience montre que les écrans constilués avec les substances solides parfaitement isolantes arrè- tent le passage du courant dans le condensateur; autrement dit, les rayons de Becquerel ne rendent pas conducteurs les diélectriques solides. Les courants dont il est question ici sont à très faible débit et haute tension (dans toutes ces expé- riences on a, en effet, avantage à établir une très forte différence de potentiel entre les plateaux, de manière à se servir du courant-limite); un grand nombre de substances, telles que le verre, le papier, le carton, etc., se trouvent donc avoir une conduc- tibilité suffisante. Quant aux écrans parfaitement isolants, on les emploie en les recouvrant d’une feuille d'aluminium extrêmement mince qui ne produit par elle-même qu'une faible absorption et que l’on met en communication métallique directe avec la pile P (fig. 1). On reconnaît ainsi que les rayons de Becquerel peuvent traverser les substances solides les plus variées, mais seulement sous faible épaisseur. Une épaisseur de quelques millimètres est suffisante pour les absorber complètement. Une lame d’aluminium de 0,001 millimètre d’é- paisseur ne laisse passer qu'une fraction du rayon- nement égale à 0,2 pour l'uranium, à 0,4 pour l’oxyde de thorium en couche compacte, mais mince (0,005 millimètres d'épaisseur). Si l'on em- ploie l’oxyde de thorium en couche de 0,006 milli- 46 SKLODOWSKA CURIE — LES RAYONS DE BECQUEREL ET LE POLONIUM mètres d'épaisseur, la même lame d'aluminium laisse passer une fraction du rayonnement égale à 0,7. L'absorption, quoique toujours très forte, est done bien moindre que dans le cas de la couche mince. Cela semble indiquer que les rayons émis par l’oxyde du thorium ne sont pas homogènes. Parmi les rayons provenant des couches profondes, les plus pénétrants seuls traversent la couche d'oxyde de thorium et arrivent à la surface. Ils viennent ajouter leur effet à celui de la couche su- perficielle et modifient l'absorption produite par les écrans. Les rayons de Becquerel sont fortement absor- bés par l’eau. Ainsi, une couche d'une substance radioactive, mouillée au point d’être presque sub- mergée par l’eau, est très peu active. Si on laisse sécher la substance à l'air, l'activité reprend sa valeur normale à mesure que la substance se des- sèche. Les sels en dissolution sont actifs, mais leur ac- tivité en solution saturée est bien inférieure à celle qu'ils ont à l’état solide. Une dissolution d’'azotate d'urane produit un courant qui augmente à peine avec l'épaisseur de liquide employée. Cette disso- lution serait donc très absorbante pour les rayons uraniques. Enfin, les expériences sur l’écartement des pla- teaux nous ont montré que les rayons de Becquerel éprouvent une forte absorplion de la part de l'air qu'ils traversent. Cette absorption semble cepen- dant beaucoup plus faible que celle qu'exercent les solides etles liquides. Il est probable que les rayons uraniques sont pratiquement absorbés par quelques centimètres d'air sous pression ordinaire, mais par quelques millimètres seulement d'eau ou de subs- tance solide. VIII. — RÉFLEXION, RÉFRACTION, POLARISATION. La forte absorption éprouvée par les rayons de Becquerel rend difficiles les études sur leur propa- gation, que l’on suppose plus ou moins rectiligne, quand on emploie le mot « rayons ». La même dif- ficulté se présente quand on recherche s'il y a ré- flexion et réfraction. M. Becquerel a fait sur les rayons uraniques des expériences qui l’ont amené à penser que ces rayons se réfléchissent, se réfrac- tent et se polarisent comme les rayons lumineux. M. Schmidt a répété les mêmes expériences avec les rayons thoriques et a conelu à leur réflexion diffuse et leur réfraction, mais point à leur polari- sation. Les expériences qui ont été publiées à ce sujet ne me semblent pas définitivement con- cluantes. On ne peut mettre en évidence la réflexion parfaite que si l'on utilise un faisceau de rayons bien délimité. Si le dispositifemployé ne permet pas de distinguer la réflexion parfaite dela réflexion dif- fuse, il importe de s'assurer que les rayons ainsi ren- voyés sont de même nature que les rayons incidents." Au lieu d'avoir affaire à une réflexion diffuse, on est peut-être en présence d’une transformation plus ou moins profonde des rayons par la matière qu'ils frappent, d’un véritable rayonnement secondaire (exemple : transformation des rayons X en rayons secondaires). — La même remarque s'applique à la réfraction. — Les phénomènes que l'on observe ne sont plus alors comparables à la réflexion et ré- fraction des rayons lumineux. IX. — SPONTANÉITÉ ET CONSTANCE DU RAYONNEMENT DE BECQUEREL. Le rayonnement de Becquerel est spontané; il n'est entretenu par aucune cause excitatrice con- nue. La lumière solaire ne semble jouer aucun rôle dans l'émission des rayons uraniques. De nom- breuses mesures de conductibilité électrique de l'air sous l'effet de l'uranium ont montré que cette conductibilité est indépendante du degré d’éclaire- ment de l'uranium. L’insolation plus ou moins pro- longée ne fait aucun effet. MM. Elster et Geitel‘ ont montré que, si l’on éclaire les sels d'urane avec de la lumière riche en rayons ultra-violets, la conduc- tibilité de l'air sous l'effet de ces substances n'est point modifiée. M. Schmidt a fait la même expé- rience avec les composés du thorium et les a également trouvés insensibles à l’action de la lu- mière ultra-violette. On a vu déjà que les composés d’urane qui ont été maintenus par M. Becquerel dans l'obscurité complète, continuent à impressionner les plaques sensibles pendant des années. Il est vrai qu’au courant de ces expériences, M. Becquerel a cru apercevoir une légère diminution d'intensité des clichés les plus récents par rapport aux plus an- ciens; mais il ne faut pas oublier qu'il est difficile de constater de faibles différences d'intensité par des impressions photographiques faites à des époques différentes, et qu'il est presque impossible d'effectuer des opérations photographiques entiè- rement comparables. MM. Elster et Geitel ont fait la même expérience avec une durée de plusieurs mois el n'ont pas remarqué d’affaiblissement dans les impressions photographiques. Une série d'ex- périences de très longue durée dans l'obscurité complète n'a pas encore été faite par la méthode électrique. - La constance des nombres obtenus avec les mesures électriques est remarquable. Les nombres obtenus avec le même appareil et le même plateau 1 Beibl., 24, p. 455, 1897. Li SKLODOWSKA CURIE — LES RAYONS DE BECQUEREL ET LE POLONIUM A7 actif! ne présentent aucune varialion systématique et ne diffèrent pas de plus de 2°/, malgré les varia- tions de la tempéralure ambiante et de l'éclaire- ment à diverses heures de la journée et diverses époques de l’année. L'émission des rayons uraniques semble être peu modifiée par des variations très grandes de tempé- rature. Quand l'uranium a été chauffé à température très élevée, son activité après refroidissement est la même qu'avant la chauffe. Ce qui est peut-être encore plus remarquable, c'est la conservation de la radioactivité de l’ura- nium dans ses divers états physiques et chimiques. Partons d'un sel dont nous mesurons la radioacti- vité par la méthode électrique. A l’état dissous, ce sel est encore actif, bien que son activité soit dimi- nuée par l'addition de l'eau, qui agit à la fois comme matière inerte et matière absorbante. Si l’on fait subir à ce sel des transformations chimiques absolument quelconques et qu’on le ramène ensuite à son état initial, on retrouvera le même nombre pour la radioactivité électrique. Enfin, l'effet des impuretés est tout à fait secon- daire dans le cas du rayonnement uranique. Les impuretés n'agissent qu'en augmentant la propor- tion de matière inerte et absorbante, mais on ne se trouve jamais en présence d’un effet qui semblerait disproportionné à la cause. Aussi, les nombres ob- tenus pour la radioactivité de divers échantillons d'un même composé d’urane n’étonnent jamais par leur divergence, quoique ces échantillons aient pu être préparés avec des matières premières de pro- venances diverses, à des époques différentes et par des procédés différents. Le rayonnement uranique apparait donc comme une propriété moléculaire, inhérente à la matière même de l'uranium, et à peine influencée par les causes extérieures. Les mêmes caractères généraux paraissent ap- partenir aux rayons thoriques et poloniques. La recherche du polonium a d’ailleurs été une consé- quence de la manière de voir qui précède, et les résultats obtenus semblent en être une confirma- tion. X. — ANALOGIES ET DIFFÉRENCES ENTRE LES RAYONS DE BECQUEREL ET D'AUTRES RAYONNEMENTS. Les rayons de Becquerel sont caractérisés par les propriétés suivantes : Is rendent les gaz qu'ils traversent conducteurs de l'électricité ; Is produisent des impressions photographiques ; ! Ce plateau était recouvert d'uranium métallique, et j'ai mesuré fréquemment sa radioactivité pendant huit mois. Et les deux propriétés qui précèdent ne dépen- dent en aucune façon del'action, présente ou passée, de la lumière sur les corps qui émettent les rayons : Ils traversent tous les corps (verre, papier, mé- taux, liquides) tout en étant généralement forte- ment absorbés ; Is sont émis par certaines substances : l'émission semble spontanée; elle est constante et caractéris- tique de la présence de certains éléments dans les substances actives. L'émission est peu influencée par l'état physique des substances actives et par les impuretés qu'elles peuvent contenir en petite quantité (ce dernier caractère est tout à fait essen- tiel). Il importe de tenir compte de tous ces caractères quand on veut établir les analogies et les différences qui existent entre les rayons de Becquerel et divers autres phénomènes qui semblent s’en rapprocher. Voici quelques-uns de ces phénomènes : 1° Émission de rayonnement après excilation par la lumière. — Les expériences de MM. Henry, Niewenglowski et Troost, dont j'ai déjà parlé au début de cet article, montrent que certaines subs- tances phosphorescentes (sulfure de zinc, sulfure de calcium, blende hexagonale) peuvent, après avoir été éclairées, émettre des rayons qui tra- versent les corps opaques à la lumière et pro- duisent des impressions photographiques. Ce rayonnement se distingue de celui de Becquerel. En effet, pour qu'il prenne naissance, il est indis- pensable de soumettre à l'insolalion les subs- lances phosphorescentes actives; on est donc en présence d'une phosphorescence invisible par- ticulière qui accompagne la phosphorescence wvi- sible. De plus, le phénomène a un caractère capricieux. M. Becquerel a montré que certains échantillons de sulfure de calcium phosphorescent, renfermant certaines impuretés, étaient actifs, tandis que d’autres ne l’étaient pas. Pour des rai- sons inconnues, l’activité disparaît. Les propriétés actives de la blende hexagonale de M. Troost ont de même disparu au bout d’un certain temps, bien que la phosphorescence pour la lumière ait sub- sisté. % Émission de rayonnement lié à un état chimique de la matière radiante. — I] existe une tout autre catégorie de substances qui im- pressionnent dans l'obscurité les plaques pho- tographiques sans aucune cause excitatrice ap- parente. Cette propriété a été découverte par M. Colson avec le zinc'. M. Colson plaçait dans l'obscurité une plaque de zinc fraichement décapé 1 Cozson : C. R. de l’Ac., tome CXXIII, p. 49, 1896. 48 SKLODOWSKA CURIE — LES RAYONS DE BECQUEREL ET LE POLONIUM en face d'une plaque photographique et très près de celle-ci. Après vingt-quatre heures la plaque était assez fortement impressionnée, et la silhouette du zine était reproduite. Le magnésium, le cad- mium agissent comme le zinc. — Depuis, plusieurs travaux ont élé faits dans cette voie, et, en particu- lier, M. Russell a fait une étude approfondie du su- jet”. I résulte de ces études qu'il existe un très grand nombre de substances qui agissent à la manière du zinc : d’une part, des métaux; d'autre part, des substances organiques telles que les essences et les huiles végétales”. L'effet photographique peut se produire à travers des écrans de papier, de géla- tine, de celluloïd, mais ne se produit pas à travers le verre et le mica, si faible que soit l'épaisseur de l'écran. L'opacité complète du verre et du mica constitue une différence importante entre cette action photographique et celle de l'uranium et du thorium. Les corps éludiés par MM. Colson et Russell (zine, cadmium, aluminium, ele.) ne communiquent à l'air aucune conductibilité appréciable; cependant on peut toujours se demander si cette conductibi- lité est effectivement nulle ou seulement trop faible pour être constatée. L'activité photographique du genre de celle du zinc ne peut se produire que pour un état chimique déterminé de la matière. Ainsi, par exemple, le zinc, qui, fraichement décapé, esttrès actif, devient inactif par exposition prolongée à l'air, par suite, probablement, d’une oxydation de la surface. Le zinc n’est actif qu'à l'état métallique et non à l’état d'oxyde. Enfin, l’activité est ici fortement influencée par la présence de certaines impuretés. Ainsi le mercure, complètement inactif quand il est pur, est très actif s'il contient une trace de zinc ou de magné- sium. De même, l'alcool et l'éther ne sont actifs que s ils renferment une impureté telle qu'une trace de zinc. L'activité augmente beaucoup avec la tempéra- ture du corps actif. M. Colson a attribué l'activité photographique des métaux qu'il a éludiés à une émission de vapeurs métalliques à tempéralure ordinaire. M. Russell a été conduit par ses expé- riences à adopter cette manière de voir aussi bien pour métaux que pour les substances orga- niques. L'effet photographique résulte alors d'une les réaction chimique de certaines vapeurs sur les plaques sensibles. 3° Cas du phosphore. — J'ai trouvé que le phos- phore blanc humide placé sur l'un des plateaux ! RusseLL : Proc. Roy. Soc., t. LXI, p. 424, 1897. ? Revue générale des Sciences, p. 694, 1898. de mon appareil rendait conducteur l'air entre les plateaux. Cependant, je ne considère pas ce corps comme radioactif à la facon de l'uranium et du thorium. Le phosphore émet, en effet, dans ces conditions, des buées blanches qui peuvent jouer un rôle dans la conductibilité. On sait aussi que le phosphore qui s'oxyde émet des rayons lumineux. Enfin, le phosphore n'est actif ni à l’état de phosphore rouge, ni à l’état de combi- naison; on ne retrouve donc pas le caractère d’ac- tüivité atomique indépendante des élats physiques et chimiques de la matière, qui appartient à l’ura- nium et au thorium. | Enfin, rappelons qu'il existe des substances qui, éclairées par la lumière ultra-violette, rendent l'air conducteur de l'électricité. On appelle ces sub-" slances actinoélectriques. Tels sont, par exemple, le zine, le laiton, les sulfures de chrome, de manga nèse, de cuivre, l’oxyde de cuivre, le violet d’ani-m line, la fluorine, ete. Ces substances n'agissent pas spontanément comme l'uranium et le thorium, puisque la lumière ultra-violette est nécessaires pour la production des phénomènes actinoélec- triques. Parmi les substances dont il vient d’être question, quelques-unes produisent dans l'obscu- rilé des impressions photographiques (zinc), d’au- tres n'en produisent point. Les expériences de M. Schmidt sur ce sujet semblent prouver qu'il n'y a aucune relation entre l’actinoélectricité et l'acti-. vité photographique. me” 4° Comparaison avec les rayons de Rüntgen. — Dans un tout autre ordre d'idées, et malgré la différence d'origine, on peut rapprocher les rayons de Becquerel des rayons de Rüntgen. Les propriétés essentielles des rayons sont les mêmes dans les deux cas; la principale différence provient du faible pouvoir de pénétration des rayons de Becquerel, qui sont beaucoup plus absor- bés que les rayons X par tous les corps. Les rayons de Becquerel sont done plutôt comparables aux rayons secondaires des rayons X qu'aux rayons X eux-mêmes. La lransformation des rayons X en rayons lumi- neux et en rayons secondaires a été l'objel d'un article de M. Sagnac, qui a paru dans celte Æevue'. Lorsque les rayons X frappent un corps quel- conque, ils sont en partie absorbés, et le corps frappé devient le siège d’une nouvelle émission. Les rayons ainsi émis peuvent être soit des rayons lumineux ou ultra-violets, soit des rayons ana- logues aux rayons X, mais moins pénétrants, qui ont été appelésrayons secondaires par M. Sagnac. La production des rayons lumineux ou ultra-violets est 1 Revue générale des Sciences, 30 avril 1898. SKLODOWSKA CURIE — LES RAYONS DE BECQUEREL ET LE POLONIUM 19 une exception; elle n'a lieu que pour certains corps (platinocyanure de baryum, tungstate de chaux, fluorine, zircone', elc.); encore faut-il que ces corps soient dans un état physique et chimique par- tieulier, comme cela a lieu pour les phénomènes de fluorescence et phosphorescence par la lumière. — Au contraire, l'émission de rayons secondaires est un phénomène général pour les corps frappés par les rayons de Rüntgen. En général, les éléments à gros poids atomique, comme le plomb, absorbent fortement les rayons X et émettent sous leur action beaucoup de rayons secondaires. L'uranium et le thorium eux-mêmes, frappés par les rayons de Rüntgen, donnent lieu à une forte émission secon- daire de cette nature, qui s'ajoute à leur émission spontanée. L'émission des éléments à gros poids alomique fournit les rayons secondaires les moins pénétrants, et ces rayons présentent une grande analogie avec les rayons de Becquerel. XI. — DÉGAGEMENT D'ÉNERGIE PAR LES CORPS RADIOACTIFS. L'émission spontanée des rayons de Becquerel semble donner lieu à un dégagement continu d'éner- gie, dont on ne voit pas la source. Il y a là une con- tradietion, tout au moins apparente, avec le prin- cipe de Carnot. Remarquons cependant qu'il n'est pas évident que le rayonnement de Becquerel repré- sente un dégagement continu d'énergie, bien que cela paraisse fort probable. En admettant que ce dégagement d'énergie existe, on peut concevoir le phénomène de différentes manières. En voici quel- ques-unes : 1. Le rayonnement est une phosphorescence de durée considérable produite par la lumière. Cette hypothèse est très peu probable, pour les raisons qui ont été exposées plus haut. 2. Le rayonnement est une émission de matière, accompagnée d'une perte de poids des substances radioactives. 3. L'énergie utilisable des substances radioac- lives diminue constamment. On pourrait, par exem- ple, rattacher la radioactivité à la théorie de Crookes sur l'évolution des éléments, en attribuant la radio- activité aux éléments à gros poids atomiques, qui se seraient formés en dernier et dont l'évolution ne serail pas encore achevée. 4. Le rayonnement est une véritable émission 1 MM. Winkelmann et Straubel ont trouvé que la fluorine, frappée par les rayons- X, émet des rayons ultra-violets dont la longueur d'onde moyenne est 3 X 10° millimètres. Mais, tandis que certains échantillons de fluorine sont très actifs à ce point de vue, il en est d'autres qui ne le sont point, et la cause de cette différence de propriétés est incon- nue. Les cristaux de zircone émettent des rayons analogues. MixkELMANN et SrRAUBEL : Wied. Ann., t. XLIX, p. 336, 1896. secondaire provoquée par des rayons analogues aux rayons X. Ces rayons excitaleurs existeraient cons- tamment dans l’espace, seraient encore plus péné- trants que les rayons X, et ne commenceraient à être absorbés que par des éléments à très gros poids atomique, l'uranium et le thorium". Il n'y a rien d'invraisemblable à supposer que l’espace est le siège de transmissions d'énergie, dont nous n'avons aucune idée. Remarquons toutefois que toute exception au principe de Carnot peut être supprimée en faisant intervenir une énergie incon- nue qui nous arrive de l’espace. Adopter une expli- cation pareille ou mettre en doute la généralité du principe de Carnot sont en fait deux manières de voir qui reviennent à la même pour nous, tant que la nature de l'énergie, qu'on invoque ainsi, reste entièrement dans le domaine de l'arbitraire. 5. Dans les hypothèses qui précèdent, on a cher- ché à concilier le phénomène de radioactivité avec le principe de Carnot. On peut, au contraire, se demander si le rayonnement de Becquerel ne se produit pas aux dépens de la chaleur du milieu ambiant, contrairement au principe de Carnot. Divers physiciens ont pensé que le principe de Carnot, tout en élant un principe général de la Nature, n’est cependant pas applicable dans tous les cas. Si l’on admet la théorie cinétique des gaz, on peut concevoir qu'avec un mécanisme très petit on puisse transformer en travail extérieur la force vive des molécules gazeuses ; ce qui revient, dans cette théorie, à transformer isothermiquement la chaleur en travail. — Le démont distributeur de Max- well est un extrêmement petit mécanisme intelli- gent qui, agissant sans dépenser de travail sur les molécules gazeuses, obtient des effets contraires au principe de Carnot. — M. Gouy* a étudié le mou- vement brownien (mouvement de petites particules inanimées, suspendues dans un liquide et observées au microscope); ce mouvement lui semble incom- palible avec le principe de Carnot, qui ne serait plus applicable aux mécanismes suffisamment petits. M. Gouy cite à ce propos l'opinion d'Helm- holtz* qui a fait également des réserves dans le même sens sur la généralité du principe de Carnot. Dans cette manière de voir, le rayonnement de Becquerel pourrait être considéré comme un reflet 1 Si des rayons pareils existaient réellement, ils pour- raient provenir du Soleil, et, si grand que soit leur pouvoir pénétrant, ils pourraient être notablement absorbés en tra- versant la Terre entière. Dans ce cas, l'émission uranique pourrait être différente à midi et à minuit. Je n'ai pu cons- tater, avec mon appareil, aucune différence entre les résul- tats obtenus le jour et la nuit. ? Gouy Le mouvement brownien et les mouvements moléculaires. Revue gén. des Se. du 15 janvier 1895. 3 Gouy : Journal de Physique, p. 561, 1888. 4 Hezwnozrz : Journal de Physique, p.408, 185. 5) JULES SOURY — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR L'ORIGINE DE L'HOMME des mouvements non coordonnés des molécules matérielles". Sklodowska Curie. Après avoir fait la belle série de recherches sur le polonium et le thorium, exposées ci-dessus, M. et M Curie ont, tout récemmenit?, avec M. G. Bémont, découvert, dans la pechblende, l'indice d'un élément (radium) voisin du baryum par ses propriétés chimiques, mais en différant par sa radio-activité et la présence, dans son spec- tre, d'une raie propre, étudiée par M. Eug. Demar-« çay, et qui, suivant ce savant”, témoigne de l’exis- tence réelle d’un élément nouveau. A0 Pc Des LES RÉCENTS TRAVAUX SUR L'ORIGINE DE L'HOMME M. ERNEST D'APRÈS Le discours prononcé par Ernest Hæckel au qua- irième Congrès international de Zoologie, tenu à Cambridge le 26 août 1898, a été consacré à la ques- tion qui, pour l'homme, domine toutes les autres, à « la question des questions », comme s'est exprimé Thomas Huxley, à la question de nos origines. Ce discours est intitulé : De notre Connaissance actuelle touchant l'Origine de l'Homme *. Il était réservé à la Zoologie de résoudre finalement ce problème ca- pital. L'homme descend d’une famille de singes éteints, mais dont on a, au sentiment d'Hæckel, retrouvé les restes fossiles de quelque forme inter- médiaire, reliant l'homme aux anthropoïdes actuels, le missing link d'Huxley. C'est de la Zoologie qu'est sortie la doctrine du transformisme, ou théorie de la descendance, dont Jean Lamarck (1809), et Charles Darwin (1859) sont, avec Ernest Hæckel, les pères. Aujourd'hui toutes les sciences biologiques sont pénétrées de l'esprit de cette doctrine : « Au- cune grande question générale ni en Zoologie, ni en Botanique, ni en Anatomie, ni en Physiologie ne peut être agitée ni résolue sans que se pose tout d’abord la question de l’origine de l’objet, de « l'origine du devenu ». Or, celte question, pres- ! Après la rédaction de cet article, a paru dans les Anna- len der Physik und Chemie de décembre un travail de MM. Elster et Geitel sur la production des rayons de Bec- querel. M. Crookes avait émis l'idée que l'énergie de ce rayonnement pouvait être empruntée à la force vive du gaz environnant la substance active. MM. Elster et Geitel ont montré que l'émission des rayons de Becquerel était tout aussi intense dans le vide le plus parfait qu'ils aient pu obtenir avec la pompe à mercure, que dans l'air à la pres- sion ordinaire. Cette expérience n'est pas favorable à l'hy- pothèse de M. Crookes. — Pour contrôler l'hypothèse de rayons excitateurs existant dans l'espace, dont j'avais parlé dans une note à l'Académie, MM. Elster et Geitel ont mesuré l'émission de rayons de Becquerel par la même matière, placée d'abord à la surface de la terre, ensuite au fond d’une mine de 850 mètres de profondeur, où ils avaient transporté leurs appareils. Le résultat de cette expérience n'a pas eté favorable à l'hypothèse des rayons excitateurs: la matière étudiée s'est montrée aussi active dans les deux cas. S. C. 2 C, R.. t. CXXVII, n° 26, p. 1215. 5 Ueber unsere gegenwärlige Kenntniss vom Ursprung des Menschen, Bonn, 1898. vs lue HÆCKEL que personne ne la faisait lorsque Charles Darwin, le grand réformateur de la Biologie, commençait ici, à Cambridge, dit Hæckel, ses études acadé- miques, et comme étudiant en théologie, il y a soixante-dix ans. » C'était en 1828, l'année même où Carl Ernst von Baer publiait, en Allemagne, son Embryologie. En Angleterre, Darwin ignorait cet événement: il ne pouvait prévoir que, quarante ans plus tard, cette discipline, l'Embryologie, ou l'On- togénie, fournirait à sa théorie de la descendance les plus solides assises, « théorie que Lamarck avait fondée l’année de la naissance de Darwin (1809) et qu'à cette époque Erasme Darwin, le grand-père de Charles Darwin, avait accueillie avec le plus grand applaudissement. » Une seule question intéresse donc l'humanité, celle de son origine. L'idée du but et de la fin de toute existence humaine en résulte avec nécessité. Tous les autres problèmes dont l'esprit humain s'est proposé l'étude dépendent, en dernière ana- lyse, de la théorie psychologique de la connaissance. Mais, à son tour, cette théorie dépend de la ques- tion de l’origine de l'homme, de sa nature, de sa phylogénie et de son ontogénie. C’est uniquement sur le fondement de la connaissance véritable de cette origine que peut s'élever cette théorie de la connaissance, base inébranlable de la Psychologie scientifique et de toute philosophie moniste de la Nature. Trois disciplines fournissent à celte science les documents qu'elle met en œuvre : l'Anatomie com- parée, la Paléontologie, l'Embryologie. ÎI. — ANATOMIE COMPARÉE. La loi d'Huxley, ainsi qu'Ernest Hæckel appelle la célèbre proposition du grand zoologiste anglais, indique clairement quelle est la place de l'homme dans la série des Vertébrés : « Un examen critique comparatif de tous les organes et de leurs modifi- 4 C. R:; t. CXXVII, n° 26; p. 1218: JULES SOURY — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR L'ORIGINE DE L'HOMME calions dans la série des Singes, nous ramène lou- jours à un seul et même résultat. Les différences anatomiques qui distinguent l'Homme du Gorille et du Chimpanzé ne sont pas aussi importantes que celles qui distinguent ces anthropoïdes des singes inférieurs. » C'est donc une conséquence absolu- ment logique d'assigner à l'homme une place défi- nitive dans l'ordre des singes, des singes catarrhi- niens en particulier (Simiæ calarrhinæ). Les ancêtres simiens dont l'homme descend se sont éteints. La Physiologie comparée démontre que ni les fonctions de la nutrition ou de la reproduction, ni celles de la digestion et de la circulation, de la respiration et des échanges organiques n'ont lieu en vertu de processus physico-chimiques différents chez l'homme et chez les singes anthropoïdes. 1] en est de mème des fonctions de la sensibilité et de la molilité; l’activité des sens résulte des mêmes processus du système nerveux chez les singes et dans les autres Mammifères. Quant aux fonctions psychiques proprement dites, la Neurologie a établi aussi bien que l’Anatomie microscopique du cerveau, qu’elles sont les mêmes chez l'homme et les anthropoïdes ‘. Les différences qu'on y relève, quant à la forme et au volume des parties sont moindres que celles qui distinguent, relative- ment à cet ordre de faits, les anthropoïdes des singes inférieurs. Aussi bien, lOntogénie ou Em- bryologie comparée démontre que l’architecture du cerveau humain, la plus élevée qui soit connue, se développe chez l'homme des mêmes disposi- tions rudimentaires que chez tous les autres Ver- tébrés, à savoir, des cinq vésicules cérébrales de l'embryon. À cet égard, le cerveau de l'homme ne se développe donc pas autrement que celui des anthropoïdes. Les résultats de la Pathologie com- parée du système nerveux central confirment ceux de la Physiologie comparée de ce système chez les Mammifères. Un examen critique comparatif des faits justifie donc ici encore la loi d'Huxley : Les différences psychologiques de l'Homme et des Anthropoides sont moins considérables que celles qu'on observe à cet égard entre les Anthropoïdes et les Singes inférieurs. Or, les différences anatomiques de structure du télencéphale de ces êtres rendent parfaitement raison de celte diversité des fonctions psycholo- giques de l’« organe de l'âme ». Cet organe est particulièrement inconnu, re- marque Hæckel, des psychologues, c'est-à-dire des savants qui font profession d'exposer l'étude de ! Sur les récents travaux relatifs à la structure microsco- pique du cerveau, aussi bien chez l'Homme que chez les Mammifères, et les Oiseaux, voyez : J. Sourx : Etude sur le cerveau, dans les Annales de Philosophie chrélienne, juillet, août et septembre 1898. ses fonctions : « La plupart des psychologues ne connaissent même pas l'anatomie du cerveau el des organes des sens... Le plus grand nombre des psychologues, aujourd'hui encore, ne sait rien des résultats de la Psychologie expérimentale mo- derne, ni de la Psychiatrie... Ils ignorent jusqu'à la localisation des différentes fonctions psychiques, le rapport de ces fonctions avec les diverses parties du cerveau ». La science qu'on enseigne encore de nos jours, et dans la plupart des ma- nuels et dans la plupart des chaires des Uni- versités, sous le nom de « Psychologie », n’est « point du tout la science des fonctions psychiques, n'est point la physiologie des organes psychiques : c'est une manière de métaphysique. » Les psychologues, — toujours selon Hæckel, — ne savent rien des grands travaux de « Goltz, de Munk, de Wernicke, d'Edinger, de Paul Flech- sig », etc. Le savant professeur d'Iéna résume lui- même la théorie, déjà profondément modifiée aujourd'hui, de P. Flechsig, touchant les centres de projection et d'association de l'écorce du cer- veau. Je ne crois pas que Goltz et Munk aient rencontré en ce monde beaucoup d'occasions de siéger ainsi, côte à côte, dans l’aréopage des fondateurs de la doctrine des localisations cérébrales. Je doute même que (oltz ne soit fort étonné (à tort, selon moi), de se trouver dans cetle assemblée, étonne- ment qu'Hermann Munk doit encore plus vivement éprouver. Oserais-je indiquer à mon cher maitre, Ernest Hæckel, un livre publié sous les auspices de Charcot, dédié à la mémoire de Paul Bert!, où les psychologues allemands qui, à son dire, ont grand besoin de connaître l'histoire critique de la structure et des fonctions du cerveau à notre époque contemporaine, pourraient peut-être s'édi- fier sur les différences dactrinales qui séparent Goltz de Munk, différences au moins aussi pro- fondes, quoiqu'elles ne soient sans doute pas plus irréductibles, que celles qui séparent les singes de l’ancien monde de ceux du nouveau, les Æespero- pitheca des Eopitheca? II. — PALÉONTOLOGIE. Les ossement fossiles de Pithecanthropus erectus trouvés par le médecin militaire hollandais Eugène Dubois à Java, en 1894 (ou plutôt en 1891 et 1892), doivent provenir, suivant Hæckel. d’une forme de transition éteinte entre le Singe et l'Homme, forme qu'avait déjà postulée, en 1866, à titre d'hypo- thèse nécessaire, l’'éminent naturaliste d'Iéna, et à laquelle il avait donné le nom de Pithecanthropus. ! Juzes Soury : Les Fonctions du Cerveau, 2° Paris, Alcan. édit., 1592, 5? JULES SOURY — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR L'ORIGINE DE L'HOMME C'est, répèle-t-il dans ce discours, «le chainon qui manquait » dans la chaine des Primates supé- rieurs. Entre le petit nombre d’anthropoïdes encore vivants, ce sont les Gibbons (Hylobates) « qui se rapprochent le plus de la forme ancestrale com- mune de tous les anthropomorphes ». Ils sont les plus propres à expliquer « la transformation du singe en homme ». Les autres singes anthropoïdes vivants — Orang, Chimpanzé et Gorille — ont, bien moins que les Gibbons, l'habitude d'adopter, en marchant, la station droite, et n’appliquent point, comme ceux-ci, sur le sol la plante des pieds. « La capacité cranienne, partant la grosseur du cerveau, occupe exactement, chez le Pithecanthropus erectus, le milieu entre celle des anthropoïdes et des races humaines inférieures; il en va de même pour la ligne caractéristique du profil de la face » (p. 18). En 1891 et1892, un médecin militaire hollandais, Eugène Dubois, trouva à Trinil, dans l'ile de Java, sous quinze mètres de terre, dans un terrain appar- tenant au plus récent tertiaire, au Pliocène supé- rieur, parmi d’autres fossiles de la faune tertiaire, une calotte cranienne, deux dents molaires supé- rieures et un fémur entier, qu'il attribua à un être intermédiaire entre les grands Singes anthropoïdes et l'Homme‘. « Par le crâne et les dents, dit en- core aujourd'hui le savant paléontologiste hol- landais, le Pithecanthropus erectus s'approche des anthropoïdes, de l'homme par le fémur, sans pour- tant pouvoir être rangé ni parmi les anthropoïdes, ni dans le genre humain... Le cràne, par sa forme, ressemble de très près à un cràne de gibbon deux fois agrandi, mais il diffère beaucoup de tout cräne humain ,même du type néanderthaloïde. Les crânes du Néanderthal et de Spy sont, d'abord, beaucoup plus grands et aussi très différents de forme, sur- tout dans la partie antérieure et dans la partie pariétale. Cette dernière est beaucoup plus aplatie dans le Pithecanthropus. Mais c'est surtout dans la partie orbitale du front que le crâne du Pithecan- thropus est aussi éloigné des crànes néandertha- loïdes que de tout autre crâne humain. Cette partie est entièrement pithécoïde ». Le fémur de Trinil parait à Dubois s'écarter assez de la forme humaine pour que cet os ne puisse être considéré comme appartenant à l'homme (Æomo sapiens). « Après toute crilique, conclut le médecin hollandais, tou- chant la place qu'il convient d'attribuer dans la série des Primates à son Pithecanthropus, je persiste à penser que le Pithecanthropus erectus appartient, en ligne directe, à la généalogie de l'homme, ou au , * E. Durors : Pilhecanthropus erectlus, eine menschenaehn- liche Uebergangsform aus Java. Batavia, Landesdruckerei, 1894; Cf. E. Dusors (de La Have). Le Pilhecanthropus ereclus el l'Origine de l'Homme, XIVe conf. ann. trausformiste. Bul- lelin de la Soc. d'anthropol. Paris, 1896, VII (4 série), 460 sq. moins ne peut s'éloigner beaucoup de cette ligne. » Notre ancêtre, en tout cas, ne pouvait en êlre très différent. Cunningham, W. Turner, David Hepburn et la plupart des auteurs de langue anglaise, considèrent le crâne fossile de Java comme un cräne humain. Manouvrier et Houzé tiennent ces ossements, de- meurés enfouis pendant de nombreuses centaines de siècles, pour des restes humains d’une race fort inférieure, plus arriérée morphologiquement que celles de Néanderthal et de Spy; le bipède marcheur de Trinil était bien toutefois un homme, un homme pliocène, non un anthropoïde. « Le fémur de Trinil, a écrit Hcpburn, d'Edinburgh, d'après les condi- lions géologiques de sa découverte, fait remonter le genre /omo à une période plus lointaine que toule autre découverte antérieure de restes humains. » Ce n'est pas assez dire, selon Manouvrier : « À cette époque lointaine, le seul représentant connu du genre Jomo possédait des dents et un crâne infé- rieurs à ce qui avait été antérieurement découvert et très convenables pour représenter, dans ce genre Homo, ou dans la famille des Hominiens, une phase pithécanthropique de l'humanité. » D'où le nom de Homo pilhecanthropus que propose de donner à cet homme pliocène le savant professeur de l'Ecole d'Anthropologie de Paris. Krause, Virchow, Wal- deyer tiennent, au contraire, les ossements fossiles de Trinil pour des restes d’anthropoïdes. Mais, au : point de vue de la théorie transformiste, la seule qui soit explicative au sens scientifique du mot, ces distinctions ne sont fondées ni en fait ni en doctrine. La calotte cranienne de Trinil provient bien d'une espèce de bipèdes marcheurs, espèce humaine ou M préhumaine, intermédiaire entre les Singes el l'Homme, contemporaine d’une faune néopliocène bien datée et bien caractérisée. Tous les géologues et tous les paléontologistes paraissent unänimes sur ce point très important pour la théorie de l'ori- gine de l'homme. Cet ancêtre de l’homme, dont nous sommes peul- être les descendants, avait un /acies simiesque. Les M dimensions des dents et le volume des màchoires, « la visière frontale en toit, les apophyses orbi- taires énormes (orbites en lorgnette), conséquence morphologique d'une capacité cranienne relative extraordinairement faible, l'exiguïté extrême de ce front fuyant (la largeur du frontal n'est que de 88 millimètres), la crête occipitale remontant très haut vers le lambda, l'absence de bosse occipitale, l'absence presque complète de courbure pariétale, la forme aplatie de la calotte (platycéphalie), tout fait apparaître dans l'homme pliocène de Trinil une espèce intermédiaire dont le crâne présente des caractères bien inférieurs à ceux de Néander- thal et de Spy. « Par la brièveté et l'aplatissement + h \ É JULES SOURY — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR L'ORIGINE DE L'HOMME 53 de sa région pariéto-occipitale, le cräne de Trinil descend au-dessous de certains jeunes anthro- poïdes !. » Or, c'est un principe en Anthropologie, que l’infériorité craniologique des races humaines fossiles croit en raison de ieur antiquité. Le crâne pliocène de Trinil cube de 900 (Dubois) à 1.000 cen- timètres cubes; il descend au niveau des erànes les plus petits des races sauvages les plus inférieures et de taille relativement très faible, alors que le fémur indique que cet ancêtre de l'homme possé- dait une taille moyenne. Une capacilé cranienne de 900 à 1.000 centimètres cubes correspond à un poids encéphalique d’environ 800 grammes. Ce poids n'élail certainement pas inférieur à 700 gr.; il l'emporte de 300 grammes environ sur celui des plus grands Gorilles. « C’est, dit Manouvrier, ce qu'on n'a pas encore trouvé chez un homme de taille et d'intelligence normales. » Mais s’il y a bien des degrés entre l'intelligence d'un Australien et celle d'un Newton, il peut en exister d'aussi nom- breux entre l'intelligence d'un sauvage et celle de races intermédiaires aux singes et à l'homme. Il ne faut parler ni d'idiotie ni de microcéphalie, qui sont des affections pathologiques de l’encéphale. Avec Dubois, Manouvrier persiste à croire que l’es- pèce ancestrale d'où est issu le Pithecanthropus ereclus se rapprochait du genre Æylobates ou de quelques races hylobatoïdes plus probablement que de tout autre genre connu d’anthropoïdes, Ge n'est pas que les autres anthropoïdes ne soient, à bien des égards, supérieurs au Gibbon. Mais, quant au cerveau, Chudzinski et Manouvrier témoignent que « le cerveau des Gibbons, lequel présente le type humain, ne nous éloigne que par des carac- tères secondaires les plus certainement modifiables sous l'influence du seul accroissement de la taille ». Le genre gibbon était le mieux adapté à la station verticale et partant à la marche. Bipède imparfait, comme tous les anthropoïdes, le Gibbon est néan- moins un véritable bipède (Broca); il diffère beaucoup moins de l'homme à cet égard que les autres Primates. « Pour ma part, confesse haule- ment Manouvrier, j avoue que je n'aurais pas hésité à placer le Pithecanthropus dans la famille des Ho- miniens, car une espèce jouissant de l'attitude ver- ticale, de la marche bipède et d'un volume cérébral au moins du double de celui des anthropoïdes à laille égale, est complètement de la famille des anthropoïdes et possède les caractères fondamen- taux et distinclifs de la famille humaine, » C’est grâce à cette attitude que les singes grim- peurs, en devenant des marcheurs bipèdes, ont pu 4 L. Maxouvrier : Discussion du Pifhecanthropus ereclus comme précurseur présumé de l'Homme. Bull. de la Soc, d'Anthrop. de Paris, (1V 4° sér.), 1895, 12-47, 553-651; VII, 1896, 396, 460-473. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. se transformer en hominiens, le développenmient du cerveau résultant des différenciations sans nombre réalisées par la division du travail dans Le système nerveux central, du fait de l'adaptalion des extrémi- tés supérieures aux usages de lamain, philosophème presque aussi vieux que la raison humaine elle- même, et qui, au temps d'Anaxagore et d'Aristote, élait déjà une question de Psychologie physiolo- gique. Les anthropologistes inclinent pourtant à croire que l'homme pliocène de Java ne parlait pas : « L’étroitesse frontale. permet de douter, dit Manouvrier, que la circonvolution de Broca ait été plus développée que chez les anthropoïdes. » Nous ne pensons pas que l'absence du langage articulé, chez les singes anthropoïdes, soit due à l'état du développement de cette circonvolution. Il est pro- bable, au contraire, que toutes les connexions nerveuses périphériques et centrales qui doivent, comme des rouages, entrer en jeu dans le méca- nisme du langage articulé, existent depuis long- temps dans le lobe temporal, dans l'insula et dans le lobe frontal des anthropoïdes. Nous savons que les fonctions du langage articulé ne s'exécutent pas dans l’homme avec d'autres organes que ceux qui président à l’innervation du larynx, du voile du palais, des lèvres, de la langue. Mais cn ne parle pas parce qu'on possède les organes de la parole. Le langage est une fonction d'association et de synthèse incompatible avec certains états rudimen- taires, non des organes du cerveau, mais de cette fonction cérébrale. Des résultats, aujourd'hui bier constatés, de la Paléontologie, relativement à l'étude des singes fossiles, se dégage et s'impose la proposition sui- vante, formulée par Hæckel. « Tous les éléments fondamentaux de la généalogie des Primates, depuis les plus anciens demi-singes (Lémuriens) de l’éocène jusqu'à l'homme, apparaissent claire- ment, devant nos yeux, dans l’époque tertiaire; il n'y à plus là de «chainon manquant », au moins essentiel. L'unité phylétique du phylum des Pri- mates, depuis les plus anciens Lémuriens jusqu'à l'Homme, est un fait historique. » Il n'en est plus ainsi lorsque, quittant l’époque tertiaire, on recherche, dans l’époque secondaire, l'antique lignée ancestrale des Mammifères. Là ce ne sont que lacunes dans les archives paléontolo- giques, et ce qui reste des Mammifères mésozoïques (en particulier dans le Crétacé) est trop peu abon- dant pour décider en connaissance de cause de la place systématique de ces anciens Mammifères. L'Anatomie comparée et l’Embryologie nous for- cent d'admettre, à la vérité, que les Placentaliens de la période crétacée descendent des Marsupiaux de la période jurassique et ceux-ci des Monotrèmes de la période triasique. © JULES SOURY — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR L'ORIGINE DE L'HOMME L'enseignement le plus important que nous livre la Paléontologie, c’est que les anciens Mammifères de la période mésozoïque ou époque secondaire (s'étendant du commencement de la période du Trias à la fin de cella du Crétacé) étaient de petits animaux, d'une organisation inférieure, surtoul insectivores, qu'on peut faire dériver de Vertébrés plus anciens, de Reptiles et d'Amphibies. Rien ne s'oppose non plus à l'hypothèse que la classe en- tière des Mammifères, depuis les plus anciers Mono- trèmes jusqu'à l'Homme, est monophylélique, c'est- à-dire que ces Vertébrés descendent tous d'une unique forme ancestrale commune. La succession historique des principaux repré- sentants de l'arbre généalogique des Vertébrés éclaire naturellement d'une vive lueur la phylogénie de l'Homme. Cuvier et Meckel, Jean Müller et Gegenbaur, Owen, Huxley et Flower ont retrouvé les Sélaciens et les Ganoïdes dans le Silurien, les Dipneustes dans le Dévonien, les Amphibiens dans le Carbonifère, les /eptiles dans le Permien, les Ham- mifères dans le Trias. Cet ordre de succession, défi- nitivement élabli, du phyle des Vertébrés, est d'une importance bien plus élevée pour la connais- sance de l’origine de l'Homme que ne l'aurait été la reconstitution, grâce à l’'exhumation d'une centaine de squelettes fossiles de Lémuriens et de Pithé- ciens, de la série entière de nos ancêtres Simiens de l’époque tertiaire. Une plus grande obscurité plane sur les origines les plus reculées de notre histoire. Quels sont les ancètres Invertébrés des Vertébrés? Comme le corps de ces lointains ancêtres de l'Homme ne pos- sédait pas de parties solides susceptibles de pétrification (non plus d’ailleurs que les Vertébrés les plus inférieurs, les Acraniens et les Cyclos- tomes), la Paléontologie demeure muette ‘. Il faut ! Les ancêtres des Verrégrés sont répartis en trois groupes : 1° les Monorhiniens ; 2° les Anamniens; 3° les Mammifères. 1. Les Monorhiniens ne sont plus représentés que par deux classes : les Acraniens (Amphioxus) et les Cyclostomes Myxinoïdes et Pitromyzontes). Ces très anciens Vertébrés ne possèdent encore aucun squelette calcaire, ni dans le tégument cutané ni dans l'enveloppe de la chorda. Canal nasal impair. Ni mächoires, ni côtes, ni membres pairs. Mais les jeunes larves de ces deux classes différent beau- coup des adultes et fournissent nombre d'indications pour la reconstruction d'un certain nombre de formes de transi- tion entre les Prochordoniens et les Sélaciens. 2. Les Anamniens ou Ichthyopsides représentent ce groupe d’ancêtres de votre phyle, qui ont vécu de la période silu- rienne jusqu'à la fin de l'âge paléozoïque (ou jusqu'au com- mencement de la période du trias) : les Poissons, les Amplhi- biens et les Reptiles sont les trois classes caractéristiques de ce groupe intermédiaire. Les plus anciens poissons, les Pro- sélaciens de la période silurienne, possèdent déjà certaines structures qui seront communes à tous les Vertébrés: tous ont deux cavités nasales (Amphirrhina), un squelette, des côtes, des mâchoires et des membres pairs (extrémités anté- rieures et postérieures). Aux plus anciens Poissons (Séla- ciens) succèdent, dans le silurien, les Ganoïdes : dans le dévo- nien, les Dipneusles; dans le carbonifère, les Amphibiens, et, interroger, outre l’Anatomie comparée, l'Embryo- logie. III — Empryococié où ONTOGÉNIE. Les travaux de Carl Ernst von Baer, de Bischoff, de Remak et de Külliker avaient déjà fait connaitre, dans ses grandes lignes, la généalogie des Ver- tébrés. Vinrent ensuite les recherches de Kowa- levsky, sur la parenté des Verlébrés et des Tuni- ciers : depuis, l’'Anatomie et l'Embryologie de l'Amphioæus et des Ascidies ont formé la base des investigations sur nos ancêlres invertébrés. C'était le temps où, au cours de ses études sur la struc- ture et l’évolution des Eponges calcaires (1867- 1872), Hæckel réformail la théorie des feuillets germinalifs et fondait sa théorie de la Gastræa. E. Ray-Lankester, Francis Balfour, les frères Oscar | et Richard Hertwig, contribuaient à cet avènement d'une nouvelle Embryologie comparée. Dès cette époque, Hæckel en était arrivé à conclure que, « chez tous les Métazoaires, les commencements du développement embryonnaire sont essentiellement les mêmes, et qu'ilest par conséquent légitime d'en dégager des notions positives sur la commune des- cendance de ces ancêtres. L’œuf unicellulaire est une réminiscence, un souvenir, une répétition de la structure unicellulaire des ancêtres des Mé- tazoaires, les Protozoaires. La Plastula correspond au Volvox où à quelque forme ancestrale ana- logue. La Gastrula est la répétition héréditaire de la Gastræa, forme ancestrale commune de tous les Métazoaires, y compris l'Homme. L'existence individuelle de tout homme débute, en effet, par une cellule ovulaire. « On ne saurait trop insister, dit Hæckel, sur l'importance phylo- génique de la cellule ovulaire et sur celle de son développement chez l'Homme. Car tous les proces- sus remarquables en vertu desquels le germe et le corps du Vertébré qui s'en développe sort de ce simple corpuscule de plasma, sont, pour l'essentiel, exactement les mêmes chez l'Homme et chez tous les autres Mammifères, sans en excepter naturelle- ment les Anthropoïdes (E. SELENKA). » Ainsi que celui de tous les autres Vertébrés, le commencement de l'existence individuelle de l'Homme peut être déterminé avec précision. Au moment où les deux dans le permien, les plus vieux Reptiles (Proreptilia). L'ordre de succession dans lequel apparaissent les fossiles de ces classes d’Anamniens dans les formations paléozoïques cor- respond, de tous points, à leur ordre phylétique d'apparition en anatomie comparée et en embryologie. 3. L'unité de la classe des Mammifères et la succession historique de leurs trois sous-classes (Monotrèmes, Marsu- piaux, Placentaliens) résultent, avec toute évidence, des documents fournis par la Paléontologie, l'Anatomie compa- rée et l'Embryologie. Des nombreux rameaux de l'arbre généalogique des Placentaliens, qui fleurirent surtout à l'époque tertiaire, un seul est important pour notre descen- dance directe, celui des Primates. De PIERRE WEISS — LES LABORATOIRES DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE ZURICH Où noyaux des deux éléments reproducteurs, l'ovule maternel et le spermatozoïde paternel, dont la fu- sion a formé une nouvelle cellule, la cytula, s'unis- sent en un nouveau noyau cellulaire, l'existence personnelle de l'Homme commence. L'Amphioæus, le seul survivant de la classe des Acraniens, n’est point le père commun du phyle des Vertébrés, mais il était apparenté à cet ancêtre, et, si les Amphioxides avaient aussi péri, comme tant d'autres parents de notre lignée, on serait sans doute incapable d'indiquer avec quelque sûreté les origines de la phylogénie des Vertébrés. En haut, l'Amphioxus est relié aux jeunes larves des Cyclostomes, les plus anciens Craniotes, les premiers Vertébrés chez lesquels le crâne et le cerveau apparaissent : les Cyclostomes sont les ancêtres présiluriens des Poissons. En bas, l’em- bryologie de l’Amphioxus et des Ascidies révèle l'existence d’un ancien groupe inconnu de Chordo- niens, de Prochordoniens, d'où sont sortis, d’une part les Tuniciers, de l’autre les Vertébrés. Chez les larves libres et mobiles des Ascidies appa- raissent les rudiments incontestables de la moelle épinière et de la corde dorsale, exactement comme dans les Amphioæus. Les Prochordoniens (Ur-Chor- dathiere) eux-mêmes auraient dérivé d’une branche de Vermaliens, de Vers. Le Balanoglossus et les Nemertina devaient leur être apparentés. Entre ces Vers et le groupe ancestral des Gastréades, une longue série de formes intermédiaires a sûrement existé aux périodes cambrienne et laurantienne. Les anciens AÆotatoria et les Turbellaria faisaient sans doute partie de cette série. Mais, si ces cha- pitres de notre histoire généalogique sont pour nous aujourd'hui d’une obscurité profonde, presque désespérée, la phylogénie des Mammifères ressort au contraire avec clarté des enseignements de l’Ana- tomie comparée, de l'Embryologie et de la Paléon- tologie. Les ancêtres placentaliens immédiats de l'Homme étaient bien des Primates tertiaires (La- MARCK, DARWIN, HUXLEY), ef ces Primates, si rappro- chés de l'Homme, étaient des Singes anthropoïdes catarrhiniens. La descendance de l'Homme de Primates ter- tiaires éteints n’est plus une hypothèse : c’est un fail historique. La portée incommensurable qui résulte de cette constatation assurée, de cette preuve certaine de l’origine de l'Homme, pour tous les domaines de la connaissance, pour toutes les disciplines de la Science et de la Philosophie, ne peut plus échapper à aucune intelligence ouverte, capable de réfléchir et de tirer les conséquences d'un principe, d'un fait démontré. Jules Soury, Directeur d'Etudes à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes (Sorbonne). LES NOUVEAUX LABORATOIRES TECHNIQUES DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE ZURICH ET CEUX DE NOS FACULTÉS DES SCIENCES Depuis quelques années des modifications très importantes ont été apportées au régime adminis- tratif et financier de nos Facultés. La possession de la personnalité civile a mis à leur portée des moyens d'action nouveaux: et le titre d'Université, dont elles ont été dotées, est, dans la pensée de ses auteurs, un appel à leur initiative, leur mon- trant la voie vers une vie plus indépendante et plus appropriée au rôle social qu'elles ont à remplir. Convaineus de l'utilité d'un rapprochement de la théorie et des applications, nous avons cherché à mettre la science au service de l'industrie par la création de cours de Chimie appliquée el de Physi- que industrielle. Mais nous sommes bien loin d'avoir atteint notre but, et, dans la période actuelle de tätonnements, il est particulièrement instructif d'étudier les laboratoires de science appliquée de l'Étranger et les procédés d'étude qui y sont en vi- gueur. Nous nous proposons de donner ici une esquisse des laboratoires d'Électrotechnique et des nouveaux laboratoires de Mécanique de l'École Polytechnique de Zurich. Cette École, l'une des mieux organisées qui existent, est déjà connue des lecteurs de cette Æevue, où M. Ch.-Eug. Guye lui à consacré un important article !. N'ayant garde de revenir sur un sujet très bien traité ici même, nous laisserons de côté la disposition géné- rale de ce grand établissement, et nous nous bor- nerons à faire connaître les nouveautés qui le concernent, en mème temps que nous signalerons certains caractères de ses méthodes d'enseigne- ment. Comme conclusion, nous indiquerons les moyens à mettre en œuvre pour remédier à l'in- suffisance actuelle de notre enseignement techni- que et les progrès qu'un peu de bonne volonté rendrait prochainement possibles en France. 1 Rev. gén. des Sciences, tome VIII, p. 85, 1897. PIERRE WEISS — LES LABORATOIRES 56 DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE ZURICH L'Institut de Physique contient tous les locaux, salles de cours et laboratoires pour les divers enseignements de Physique donnés aux 800 à 900 élèves que comptent actuellement les sept Sections de l'École; mais sa partie la plus intéressante est le laboratoire d'Électrotechnique, qui est plus spécialement l’œuvre de son éminent directeur, M. H.-F. Weber. Il est destiné, en première ligne, aux élèves de la Section de Mécanique. Ceux-ci terminaient autrefois leurs études en trois ans et ne faisaient qu'accessoirement, au cours de la troi- sième année, quelques travaux pratiques d'Électri- cité. Pour donner à cette science la place qui cor- respond à son importance, plutôt que de fonder une Section spéciale d'Électricité on a préféré aug- raenter la durée des études de la Section de Méca- nique d'un semestre entièrement consacré à l'Élec- tricité, et établir ainsi une indissolubilité complète entre ces deux enseignements. Les étudiants sont d'abord initiés à la pratique des mesures électriques courantes, telles que la détermination des résistances, forces électro- motrices, intensités, capacités et coefficients d’in- duction, mesures qu'ils font généralement seuls; puis ils se réunissent par groupes pour exécuter des opérations plus compliquées. L'étude d'une lampe à incandescence, par exemple, exige la collaboration de trois observateurs, dont l’un fait les mesures photométriques pendant que les deux autres prennent la différence de potentiel et l’in- tensité du courant. Une fois rompus aux mesures de laboratoire, ils passent dans la salle des ma- chines ?. De cette salle, qui mesure 12 mètres sur 14, dépendent un atelier et deux cours, dont l’une, couverte, est aménagée en vaste laboratoire de mesures pour les observations complétant les tra- vaux de la salle des machines, mais devant se faire à distance à cause des trépidations. L'autre cour est occupée par plusieurs batteries d’accumula- teurs. Enfin, grâce à la possibilité d'utiliser le courant alternatif de la ville comme puissance mo- 1 On remarque, au plafond de cette salle, des transmissions qui amènent aux nombreuses machines dynamos alignées sur trois côtés de la salle la puissance de deux moteurs à gaz de 8 chevaux placés dans le sous-sol. Sur les arbres de transmission, des cônes, faisant l'office de poulies de diamètres variables, permettent de régler la vitesse des machines à un ou deux millièmes de sa valeur près. Sur le côté des dynamos, de grands cercles divisés en bronze ser- vent à relever, au moyen d'un contact variable, la valeur de la force électro-motrice en fonction de la phase. Des rhéostats, des tableaux de 100 lampes à incandescence, réunies par files de 10, servent à faire travailler les ma- chines en charge. La même salle est pourvue de trans- formateurs et d'appareils de mesure : volt-mètres, ampère- mètres, watt-mètres, etc. trice et comme objet d'étude, on a pu installer dans le sous-sol un certain nombre de manipulations. C'est le courant alternatif sous ses différentes formes, mono et poly-phasé, à haut et bas voltage, qui tient la place la plus importante dans les tra- vaux des élèves et pour lequel le laboratoire est outillé avec un véritable luxe. Choix très heureux, si l’on considère l'importance pralique de plus en plus grande que prend cette forme de courant électrique. Il n’y à, d'ailleurs, pas de branche de la pour compléter l'étude abstraite : on ne possède transformateur d’une facon suffisamment intuitive pour en faire des applications, que quand on les a fait fonctionner soi-même dans toutes les cir- conslances possibles. Les travaux de la salle des machines exigent généralement la coopération d'un assez grand nombre d'étudiants. Pour l'étude d’un transforma- teur, six instruments doivent être observés simul- tanément : un volt-mètre, un ,ampère-mètre el un mesure du rendement d’une dynamo en dérivalion, par le dynamomètre de transmission, un étudiant établit l'équilibre au dynanomètre, deux autres prennent les nombres de tours du dynamomètre et de la machine, deux autres encore déterminent les deux facteurs de l'énergie fournie, et un sixième me- sure l'intensité d’excitation. Presque toujours, un groupe de cinq à six étudiants reste sous la direction n'est, d’ailleurs, que grâce à cette surveillance cons- tante que certains travaux peuvent être faits sans danger. Toutes les précautions d'isolement sont prises avec le plus grand soin, et des inscriptions « 2.000 volts, mortel » sont faites pour inspirer la prudence. La tâche d’un groupe est, en général, assez con- sidérable par rapport au temps dont il dispose. Les élèves sont donc obligés de prendre l'habitude précieuse de faire rapidement beaucoup de travail expérimental. Une même observation est répétée dix ou vingt fois, de facon à éliminer les erreurs provenant d’un défaut de concordance dans l’ins- tant des observations aux différents appareils. Chaque étudiant fait couramment plusieurs cen- laines d'observations dans le cours d'une manipu- lation de quatre heures. Indépendamment de la notion toute expérimentale que cette manière de faire donne de la valeur des observations isolées et des moyennes, elle à l'avantage de faire vivre l'étudiant avec la machine pendant un temps pro- longé. Sa mémoire se pénètre ainsi sans effort de toutes ses particularités. Les moyennes des séries d'observations seules Physique où l'expérimentation soit plus nécessaire « réellement les propriétés d'un alternateur ou d’un « d'un assistant pendant toute la durée du travail. Ce. watt-mètre sur chacun des deux circuits. Dans la - PIERRE WEISS — LES LABORATOIRES DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE ZURICH 57 sont portées dans les colonnes d’une feuille prépa- rée à cet effet par l'assistant el que les étudiants copient de façon à se constituer une collection de documents expérimentaux. Les instruments qui ont servi à la manipulation sont étalonnés aussitôt après par comparaison avec des instruments sûrs; le même jour également sont lerminés les calculs et leur représentation graphique; ainsi le veut la règle de la maison. Le professeur peut alors diseu- ter les résultats des opérations et rechercher les erreurs avec les élèves pendant que l'impression st encore fraiche dans la mémoire. Les quatre assistants du Service électrotechnique font manipuler 24 élèves en même temps par grou- pes de 6. Ce personnel était donc juste suffisant pour occuper les 56 étudiants de la Section de Mé- canique du semestre d'été de 1898, dont 21 tra- vaillaient 16 heures par semaine et 35 travaillaient 8 heures. Si l’on ajoute 31 étudiants des sciences inscrits pour un travail variant de 4 à 24 heures par se- maine, il en résulte une population de 87 élèves qui se trouve sous la direction du Professeur Weber. Ce nombre donne une idée de l'importance du labora- toire. On l’estimera d'autant plus grande qu’une no- table partie des élèves sontdes étrangers de tous les pays d'Europe, qui retournent plus tard chez eux pour uliliser et souvent enseigner à leur tour les connaissances acquises à Zurich. Nous ne nous attarderons pas à la description des travaux de Physiqne générale en vue de la préparation à la carrière de l'Enseignement. Ce genre d’études est très développé chez nous, et je crois que l’on trouverait difficilement à Zurich un choix aussi riche de manipulations correspondant au degré de la licence que celui du laboratoire d’en- seignement de la Sorbonne. La principale difré- rence avec nos méthodes réside dans ce fait qu'on sacrifie toujours le nombre des manipulations à la qualité. À Zurich, un élève continue à travailler une même question jusqu'à ce qu'il soit arrivé à un résullat satisfaisant, au lieu d'exécuter, à heure fixe, un travail souvent arrêté des mois à l'avance par un tableau de roulement. Cette méthode sup- pose essentiellement que les appareils restent sur les tables, suivant l'habitude allemande, et non dans les armoires, comme chez nous; ce qui exige plus de place que nous n’en avons en général. Et puis, les examens ayant un caractère moins encyclopédique, il n'est pas nécessaire de considérer le laboratoire comme une occasion de combler les lacunes du cours. On a toute liberté pour graduer la durée et l'importance des travaux, de facon à amener pro- gressivement l'étudiant à la production scientifique originale, à laquelle il s’essaiera dans sa thèse de doctorat. L'opinion du Professeur Weber, qu'un seul travail approfondi contribue plus à former un physicien qu’un grand nombre d'exercices, me paraît absolument justifiée. Ne pourrait-on pas, chez nous, remplacer le troi- sième des Certificats d'études supérieures consli- tuant la licence par une thèse d'importance moindre que celle du doctorat? Le choix de ce certificat est souvent dicté par la seule préoceupation d'arriver rapidement au but avec le plus petit effort. Il y aurait tout avantage à lui substituer une étude qui pourrait être faite avec intérêt et serait d'autant plus bienfaisante qu’elle mettrait en jeu d’autres facultés de l'esprit que l'effort, toujours identique à lui-même, de mémoire et d’assimilation. II On comprend, sous le nom de laboratoires de Mécanique, deux sortes d'établissements bien dis- tinets : les laboratoires de résistance des maté- riaux et les laboratoires de Mécanique au sens plus étroit, ces derniers ayant pour but l'étude de la production et de la transmission de la force mo- trice et de quelques questions connexes. Ces deux genres de laboratoires ont aussi peu de rapport l’un avec l’autre que les laboratoires de Physique avec ceux de Chimie, et il n'y a pas de raison pour les réunir. Aussi, à Zurich, il y a un laboratoire de résis- tance des matériaux, qui rend des services impor- tants depuis bien des années sous la direction de son habile organisateur, le Professeur Tetmayer, tandis qu'un laboratoire de Mécanique de concep- tion moderne, le dernier venu des établissements techniques de l'École, ne sera achevé qu'au prin- temps prochain. Fondé en 1819 dans des conditions très mo- destes, le Service de résistance des matériaux pos- sède depuis 1886 un Institut digne de lui, qui a coûté plus de 200.000 francs. Dans un rez-de- chaussée de 8 mètres sur 20 mètres se trouvent un grand nombre de machines de puissances et de types divers pour la détermination de la résistance à la traction, à la compression, à la flexion et à la torsion. Un atelier est spécialement outillé pour la préparation des éprouvettes. Des laboratoires de Chimie et de Physique, desservis par un personnel exercé, donnent tous les renseignements utiles sur la composition et les propriétés physiques des ma- tières examinées. Enfin, la plus grande partie du sous-sol, dont la figure 1 représente une des salles, est consacrée à la préparation des ciments, des mortiers et des terres cuites. L'une des princi- pales difficultés de cette préparation réside dans la part d'arbitraire qu'apporte nécessairement tout opérateur; aussi, pour l’éliminer autant que pos- 3: sible, on a cherché à rendre toutes les opérations Bt) PIERRE WEISS — LES LABORATOIRES DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE ZURICH mécaniques. D'où un matériel assez compliqué, auquel s'ajoutent encore des étuves sèches et hu- mides, des fours et des appareils à basse tempé- rature pour essayer l'effet de la gelée. Pour don- ner une idée de l'activité de ce laboratoire, nous reproduisons ici le relevé des essais effectués pen- dant l'année 1895 pour le compte de personnes ou de Sociétés étrangères à l'établissement : MOoeHOns 7-1 en e 5.493 essais. Ciments et mortiers . . . . 17.435 — EDR O 8 Mo 0 à 174 — MEtAUS L'OUELere -Ntee 4810. — Cordes et courroies 56T — Divers SE NME 903 — Totale te 00-029 382/essais: Le nombre considérable des essais sur les mor- tiers et les ciments, qui représente seul plus de la moitié du travail de l’Institut, mérite de retenir l'attention. Nous avons peut-être ici l'un des exemples les plus caractéristiques de l'influence heureuse que peut exercer la science sur le déve- loppement d'une industrie. Depuis quelques an- nées, en effet, l'exploitation des chaux hydrau- liques et des ciments a pris en Suisse une exten- sion considérable; de toute part on voit, dans les pentes verdoyantes, de grandes brèches grises au bas desquelles sont des établissements où l’on broie et l’on calcine les matières qui en sont extraites. Etsi, parmi la grande variété des marnes et des calcaires, on à pu découvrir avec certitude quelles sont les couches susceptibles d'être exploi- tées, on le doit à la possibilité d'obtenir du labo- ratoire de Zurich des renseignements précis sur toutes les propriétés, mécaniques, physiques et chimiques, du produit. Bien que dirigé par un professeur de l'École Polytechnique, ce n’est que depuis peu d'années que le laboratoire de résistance des matériaux est devenu un établissement d'enseignement. Voici la liste des travaux pratiques qui y sont régulière- ment effeclués par les élèves : 1° Détermination du coefficient d’élasticité du fer forgé ; 2° Détermination de la qualité de la fonte; 3° Détermination de la qualité des fers de cons- truction ; 4 Détermination de la qualité du fer à rivets; »° Détermination de la qualité des rails; 6° Détermination de la qualité du fil de fer et des càbles ; 1° Étude des méthodes d'essai des ciments. Cet enseignement, qui vise directement les cas de la pratique, est obligatoire pour les étudiants du Génie civil, lesquels ont été au nombre de 16 en 1895. Seulement, et ceci montre combien l'intérêt de ces méthodes est ressenti par la jeunesse stu- dieuse, leur petit groupe a été augmenté de 66 élèves bénévoles de la Section de Mécanique. Là ne s'arrête pas l’activité de cet Institut; c’est aussi un établissement de recherches scientifiques, et tous les ans paraissent des travaux originaux du professeur et de ses collaborateurs, éclaircissant quelque point obscur de la science de l'Élasticité ou discutant un nouveau procédé d'investigation. La collection, déjà riche, de ces mémoires n’est pas le moindre litre à la notoriété dont il jouit. III J'arrive à la partie la plus caractéristique des laboratoires de Zurich : le nouvel Institut de Méca- nique en construction, et qui doit être complète- ment terminé cette année à Pâques. Soucieux de conserver son rang à l'École de Zurich, son Conseil s’est ému du grand succès obtenu par les laboratoires de Mécanique en Angle- terre et surtout en Amérique !, et, suivant un mou- vement qui a gagné l'Allemagne, il a obtenu du Conseil fédéral un crédit de 425.000 francs pour la construction et un crédit annuel de 38.700 francs pour les dépenses courantes du nouvel établisse- ment. Les plans en ont été établis conformément à une idée directrice particulièrement heureuse, em- pruntée aux établissements de même genre de Munich et de Darmstadt: la combinaison d'une station centrale d'éclairage électrique pour les divers Instituts de l'Ecole Polytechnique, et d'une installation de chauffage pour un certain nombre de salles de cours et de dessin et le laboratoire de Mécanique. Un groupe imposant de chaudières et de machines à vapeur fournit la puissance néces- saire à l'éclairage et à toutes les expériences, puis la vapeur va abandonner dans les appareils de chauffage la chaleur qu'elle détient, à peine dimi- nuée d'un faible pourcentage par le passage à tra- vers les machines motrices. Les avantages de ce système sont, en premier lieu, d'ordre économique. Ensuite le régime de tra- 1 La Revue a, comme savent ses lecteurs, souvent fait campagne pour obteuir la création de laboratoires de Méca- nique en France. N'est-il pas honteux pour notre pays de ne posséder, pour l'élude expérimentale de la Mécanique, aucun laboratoire, absolument aucun ? La Faculté des Sciences de Paris crée actuellement un laboratoire qui, placé sous la direction d’un savant hautement qualifié, M. R. Kœænigs, va aborder, par voie expérimentale, l'étude du frottement et des conditions de fonctionvement des systèmes articulés employés dans l’industrie. C'est bien, mais encore très insuffisant. 1l faudrait créer aussi l'étude, par les procédés physiques, de la génération et de la trans- formation de la chaleur dans les machines. Ce genre de recherches est aujourd'hui brillamment représenté en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, et nul en France. LA DIRECTION. PE RER PIERRE WEISS — LES LABORATOIRES vail régulier auquel est soumise l'installation et qui est très favorable à l'expérimentation, est précieux pour le maintien d'une bonne discipline et d'une exacte responsabilité du personnel de service ; en outre, l'importance de l'éclairage à fournir conduit à adopter des moteurs suffisamment puissants pour aborder, dans les conditions de la pratique, l’im- portant problème de l'expansion multiple. La division thermique comprend, en effet, quatre chaudières de types différents, pourvues, entre DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE ZURICH 59 machine à vapeur Compound de 40 chevaux, pou- vant être poussée à 100, servira de réserve pour l'éclairage. La collection des moteurs à vapeur est complétée par une machine verticale de 10 chevaux et par une turbine de Laval. Une tuyauterie, étudiée avec soin, permettra de faire toutes les combinai- sons possibles entre les chaudières, les moteurs et les appareils de condensation. L'établissement pos- sédera aussi, dès maintenant, un moteur à gaz de cinq chevaux et un moteur à pétrole de même Fig. 1. — Atelier des Ciments de l'Institut de résistance des matériaux à l'Ecole Polylechnique de Zurich. — On y voit quatre appareils servant à évaluer la résistance des matériaux hydrauliques aux percussions produites par la chute d’un bélier. autres, des appareils nécessaires pour la charge automatique de la grille, le chauffage au pétrole, le chauffage au charbon pulvérisé avec injection d'air. La vapeur, que l’on peut faire passer par un sur- chauffeur, est utilisée dans une machine de 120 che- vaux, à trois cylindres, dont chacun est muni d’un appareil de distribution de type différent. Cette machine pourra travailler à simple, double et triple détente, avec ou sans condensation, avec ou sans chauffage des enveloppes. La position relative des manivelles, la course des pistons et la grandeur des espaces nuisibles pourra être modifiée, Une puissance ; un emplacement a été réservé pour un moteur à gaz pauvre de 50 chevaux, qui l’occupera dès que le type de ce genre d'appareil sera suffi- samment fixé par la pratique. Il est indispensable, pour l'essai des moteurs qui font l'objet de la Section d'Hydraulique, de disposer d'un débit d'eau convenable sous une pression constante dont la valeur puisse être variée à volonté. On à obtenu ce débit au moyen d’un réservoir placé sur une tour de 40 mètres, auquel aboutissent des conduites munies de déversoirs permettant de graduer les pressions de cinq en cinq mètres. Ce 60 PIERRE WEISS — LES LABORATOIRES DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE ZURICH réservoir est alimenté au moyen de pompes action- nées par les machines à vapeur. Un réservoir plus grand, à basse pression, donne des chutes allant jusqu'à 4°,50. Il est alimenté par les pompes et par des éjecteurs utilisant l’eau du réservoir à haute pression. Les moteurs comprennent deux turbines à axe vertical, de 80 centimètres de diamètre, dont les vannages peuvent être démontés et remplacés avec facilité. On pourra ainsi résoudre à peu de frais toute une série de questions sur le tracé des aubes, sur lequel on ne possède que des déductions a priori, mal étayées par des expériences rarement comparables. Toute l'attention nécessaire a été apportée à la mesure des débits, l'opération la plus délicate dans l'établissement du rendement d'une turbine. Les réservoirs sont exactement jaugés, et la véritable rivière artificielle que l’on met en mou- vement dans les sous-sols coule dans des canaux en béton rectangulaires, appropriés aux mesures de vitesse et pourvus de déversoirs convenables. Une roue Pelton sera spécialement disposée pour l’étude des régulateurs de vitesse; on pourra intercaler sur sa conduite d’amenée un tuyau de 200 mètres, destiné à élucider les effets de masse sur ces régu- lateurs et à déterminer les pertes de charge dans les tuyaux. Les trois machines dynamos, la batterie d’aceu- mulateurs, un moteur asynchrone et un tableau de distribution forment un appoint très appréciable au matériel de l’électrotechnique. Il est difficile de montrer, dans cette esquisse trop sommaire, combien les organisateurs de ce laboratoire, les Professeurs Stodola et Prasil, ont eu le souci de n’oublier aucune des questions de la Mécanique accessible à l'expérience, et comment ils y ont réussi. Même les parties secondaires du matériel ont été adaptées à l'étude : les transmis- sions, disposées à une faible hauteur au-dessus du sol pour être facilement accessibles, sont pourvues de plusieurs dynamomètres. Un grand treuil élec- trique de 10 tonnes, qui dessert la travée princi- pale de la salle des machines, les appareils de chauffage et de ventilation, choisis de types diffé- rents, sont autant d'objets d’expérimentation. Je pense, avec les auteurs de cette ingénieuse instal- lation, que, si certains laboratoires d'Amérique pos- sèdent des machines plus puissantes, on ne trouve- rait nulle part un matériel plus complet et mieux approprié à l'étude de l’ensemble des questions qui intéressent le mécanicien. IV Au risque de répéter des choses déjà souvent dites et d'’insister sur une situation douloureuse à notre amour-propre, il est nécessaire de comparer | ce que nos Ecoles françaises sont en mesure de faire pour répondre aux desiderata de l’industrie moderne et ce qui se fait à l'Etranger. Jetons d’abord un coup d'œil sur le nombre de . jeunes gens, munis de connaissances scientifiques, que l’enseignement supérieur verse annuellement dans la vie pratique en Allemagne et chez nous. Ilexiste en Allemagne neuf écoles polytechniques, dont la moins fréquentée, celle de Braunschweig, compte actuellement 363 élèves ; la plus fréquentée, celle de Berlin, 2.906. Le nombre total de leurs étu- diants se trouve être exactement de 10.000. On : doit ajouter l'appoint considérable des chimistes qui sortent des Universités. En supposant une sco- M larité moyenne de trois ans, le contingent annuel | des ingénieurs disponibles est donc de plus de ! trois mille! Nous n'avons à leur opposer que les ! 230 à 240 élèves sortant tous les ans de l'Ecole M Centrale ! (Il serait erroné de faire entrer en ligne de compte nos trois Ecoles des Arts et Métiers et quelques établissements de même niveau, parce! qu'alors il faudrait aussi mettre en ligne de compte les élèves des écoles techniques, très nombreuses en Allemagne, où il n’en existe pas moins de six qui préparent spécialement à la carrière d’ingénieur- électricien.) Le graphique de la figure 2 exprime la marche du nombre des élèves des écoles polytechniques : allemandes pendant les quinze dernières années. A partir de 1885 environ, il s’est manifesté un 3£ accroissement rapide de leur fréquence parallèle-. ment avec l’essort prodigieux des industries méca- niques et électriques pendant la même période. La moitié du nombre total des élèves appartient aux Sections de Mécanique et d’Electrotechnique. Il est donc de toute évidence que notre industrie ne lutle pas à armes égales contre la concurrence extérieure et qu'une des conditions essentielles de son relèvement est une plus grande diffusion des connaissances scientifiques. Ce point dûment constaté, analysons la marche d'une éducation technique. Elle est, en France, essentiellement différente pour la Chimie d’une part, la Mécanique et la Physique de l’autre. Si nous prenons le programme de la Seclion de Chi- mie de l'École de Zurich ou d’une école poly- technique allemande, nous y trouvons fort peu de cours ou d'exercices pratiques qui seraient déplacés dans nos Facultés des Sciences. Tout au plus, certains cours, décrivant des industries par- ticulières, auraient-ils un caractère plus spécial que nous ne le voudrions dans des établissements dont la science pure doit rester le premier souci. Ce qui forme partout le fond de l'éducation du chimiste, c’est le laboratoire ; et, nous aussi, nous estimons que, quand un étudiant se sera exercé pendant CORP: PIERRE WEISS — LES LABORATOIRES DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE ZURICH trois, quatre ou cinq ans dans ceux de nos Facul- tés, il sera prèt à rendre des services. En d’autres termes, nous avons, dès maintenant tous les éléments né- cessaires pour préparer à la car- rière de chimiste; il suffit de les développer da- vantage, et les lecteurs de la Àe- vue savent Ce qui a déjà été fait dans cetle voie. Tout autre est chez nous l’édu- cation de l'ingé- nieur ou de l’é- lectricien. On commence par compléter son éducation ma- thématique, à laquelle on con- sacre générale- ‘1 5% presque toute la première ‘année d’études. Puis, l'enseigne- ment technique proprement dit consiste à enri- chir sa mémoire d’un grand nom- bre de formes et d'éléments de construction et à éclairer son ju- gement sur le parti que l’on peut en tirer, au moyen de cours décrivant en dé- tail des installa- tions mécani- ques. Mais le rôle le plus important est dévolu à la salle de dessin. C’est là que se développe son aptitude la plus haute, qui consiste à passer, par 3000 2500 GI Nombre des étudiants 2000 1500 1000 + el e Lai 2 a eo — D bd + an LA æ co Li æ œ a a an a a a Le co 2 ca æ 9 œ co co 2 ce œ — — _— nl — mm 4 — La _ _ — Années - 2. — Fréquentation des écoles polytechniques allemandes. * Voyez à ce sujet les beaux articles de M. Haller. le jeu de l'imagination, de l’idée à la réalisation concrète. Depuis quelques années seulement on a éprouvéle besoin d'ajouter à ces deux premières parties une troi- sième en déve- loppant considé- rablementles tra- vaux de labora- toire. Elle a sa raison d'être dans les exigen- ces particulières de l'étude de l'Électricité, et, pour la Mécani- que, elle a été amenée par les nécessités de la concurrence. Il faut, de nos jours, envisager, dars les cahiers des charges,non seulementlacon- ception ration- nelle, mais aussi la bonne exécu- tion d'une instal- lation; et le suc- cès Sera pour celui qui présen- tera les garan- ties les plus éle- vées. Il faut donc que l'ingénieur sache mesurer les rendements. L'adjonction de cette troisième partie a été d’au- tant mieux ac- cueillie qu'elle: favorise singu- lièrement l’édu- cation de l'ima- gination visuelle qui est le prin- cipal objet de la salle de dessin. Or, si les cours d'enseignement scientifique général et les exercices de laboratoire de toute espèce sont du domaine de nos Facultés, en fait il leur est impossible actuellement d’en- 62 PIERRE WEISS — LES LABORATOIRES DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE ZURICH seigner la construction, et en principe je crois que ce n'est pas leur rôle. Il en résulte qu’elles peuvent bien préparer à quelques fonctions exceptionnelles, comme celle d'employé d’un bureau de mesures électriques, mais qu’elles sont impuissantes à con- duire, à elles seules, un étudiant de Mécanique ou de Physique jusqu'à une carrière pratique déter- minée. Des difficultés de ce genre s'opposent à ce que l'École municipale de Physique et de Chimie de Paris prépare d’une manière complète des électri- ciens, et par la force des choses elle devient de plus en plus une école de Chimie. L'École supérieure d'Électricité, au contraire, qui répond à un besoin bien déterminé en donnant en un an un complé- ment de science électrique à des ingénieurs sortis la plupart de l'École Centrale ou de l'École Poly- technique, est en pleine voie de développpement. Dans nos Facultés de province le public des cours de Physique industrielle est assez hétéro- gène. Il se compose de curieux attirés, par les ex- périences, de candidats au titre de licence que con- fère l'examen de fin d'année, et de quelques per- sonnes d'âge plus avancé, possédant à des degrés divers les aptitudes de l'ingénieur. C'est pour ces dernières, bon gré mal gré, que l’on fait le cours, parce que l’on sent que ce sont les seules qui peu- vent réellement en profiter. Il faut done modifier notre organisation, si nous voulons diffuser la Physique et la Mécanique dans l'industrie. V La solution la plus complète du problème serait la création, dans quelques centres industriels de province, d'écoles polytechniques largement dotées et possédant une complète liberté d'enseignement. Pour le moment, étant données les difficultés que rencontrerait un projet aussi considérable, nous nous contenterons de rechercher les moyens actuel- lement à notre portée pour nous en approcher. Ils consistent à rassembler dans un petitnombre d'Uni- versilés les élèves possédant déjà une certaine cul- ture d'ingénieur et tous les établissements pouvant contribuer à l’enseignement supérieur technique. Les meilleurs élèves des Écoles des Arts et Métiers formeraient un noyau d'étudiants excellent, possé- dant à fond l'éducation manuelle et techuique que la Faculté ne peut leur donner, et manquant de cul- ture scientifique générale et de science expérimen- tale. Si l’on excepte l’école qui va s'ouvrir prochaï- nement à Lille, nos Écoles des Arts et Métiers, à Aix, Angers et Chälons, sont loin des Facultés des Sciences. Il faudrait les transférer dans les villes des Facultés et, à cette occasion, les ouvrir à un plus grand nombre d'élèves, et supprimer ou réduire l'internat. Il faudrait surtout leur donner une grande latitude dans les programmes pour qu'elles pussent, en s’élevant peu à peu, établir une con- tinuité d'enseignements avec les cours des Fa- cultés. D'autres établissements, tels que l'Institut industriel du Nord, l'École Centrale Lyonnaise, l'École d'Ingénieurs de Marseille, pourraient de même, au contact des Facultés, évoluer vers l’en- seignement supérieur technique. En Allemagne, les choses ne se sont pas passées différemment : les Écoles polytechniques ont leur origine dans des écoles des Arts et Métiers dont le niveau s'est élevé progressivement, et ce n’est que depuis peu d'années qu'elles ont rang d'établisse- ments d'enseignement supérieur au même titre que les Universités. Seulement, elles y sont parvenues malgré les Universités, jalouses de leurs préroga- tives. Nous n'avons pas à craindre un semblable antagonisme si les Universités prennent l'initiative du rapprochement. Mais ce n’est là qu'une des faces de la question. On peut, je crois, attendre de la clairvoyance des Universités placées dans les régions industrielles, de grands efforts pour la création d'enseignements et de laboratoires techniques. On pourra peut-être espérer davantage de l'État, des municipalités et de l'initiative privée une fois qu'il sera bien établi qu'on marche vers une organisation d'ensemble de la plus haute utilité. Il n'en est pas moins indiqué de rechercher par queis moyens indirects on pourrait suppléer à l'insuffisance des ressources actuelles, en combinant les établissements d’en- seignement avec certains services d'utilité générale. Ainsi, on ne devrait créer aucune installation d'éclairage électrique dans une Université sans en faire un objet d'étude. Là où l’on se contente d'un moteur à gaz de quelques chevaux, d'une machine dynamo et d'une batterie d’accumulateurs, on devrait de suite aménager les locaux de manière à pouvoir y faire des mesures et se réserver la place nécessaire pourpouvoir ajouter au premier généra- teur d'électricité quelques appareils de types dif- férents. Dans les établissements où l'enseignement industriel est appelé à se développer, on devrait, suivant l'exemple de Zurich, fonder des stations centrales d'éclairage pour l’ensemble des bâtiments universilaires, qui formeraient la base de labora- toires d'Électrotechnique et de Mécanique établis à peu de frais. L'enseignement de l'Électricité pourrait encore trouver des ressources dans les stations d'essai des appareils et de vérification des installations élec- triques, qui surgissent actuellement de différents côtés. Le matériel de ces stations ressemble beau- coup à celui que les Facultés possèdent, en partie, pour l'enseignement des mesures électriques de précision; et les qualités exigées du personnel de P.-P. DEHÉRAIN — RÉVUÉ ANNUELLE D'AGRONOMIE 63 contrôle se rapprochent beaucoup de celles de nos chefs de travaux. Il serait naturel que l'État s'intéressät à l'orga- nisation de la vérification des instruments élec- triques aussi bien qu'à celle des poids et mesures; mais ici l'initiative privée, qui y est directement intéressée, fera peut-être davantage. À Paris, il existe deux établissements de ce genre, dont l’un, le « Laboratoire central d'Électricité », a été fondé par la Sociélé internationale des Électriciens, et l'autre «le Bureau de Contrôle des installations électriques » par le Syndicat professionnel des industries électriques. À Mulhouse, une station de contrôle a été fondée par la Société Industrielle de cette ville; cet établis- sement est en pleine prospérité et suffit à peine aux demandes. Enfin, on pourrait peut-être obtenir des subven- tions des Compagnies d'assurances, qui seraient les premières à profiter des précautions prises dans le montage et l'entretien d'installations élec- triques. D'autre part, une station de contrôle ga- gnerait, par son rattachement à l'Université, un caractère officiel et la garantie de sa parfaite indé- pendance, essentielle à son bon fonctionnement. Enfin, pour reprendre une idée pour laquelle la Revue a souvent combattu, nous n'avons pas actuellement en France de laboratoire de résistance de matériaux autres que ceux de quelques compa- gnies privées. Tandis qu'à l'Étranger n'importe qui peut être renseigné avec précision, pour une modi- que somme, sur la valeur d'un fer, d'une pierre de taille, d'un ciment, nous faisons avec une incerti- tude intolérable toutes les transactions commer- ciales dont ces matières sont l'objet et qui se chiffrent par centaines de millions. Pour montrer où nous en sommes, je copie textuellement le para- graphe suivant: «Le laboratoire de l'École des Ponts etChaussées fait gratuitement les recherches chimi- ques ou physiques en vue de fournir aux ingénieurs des renseignements relatifs à leur service, et au publie des indications sur des sujets d'intérêt géné- ral. Ce laboratoire a analysé jusqu'à ce jour près de 30.000 échantillons; mais, en présence de demandes toujours croissantes, dont plusieurs n'étaient faites que dans un but purement commer- cial, on a dû se montrer un peu moins libéral ‘. » Je me garderai bien d'ajouter un commentaire quelconque à cette citation; je constaterai seule- ment que la nécessité de stations publiques d’essai des matériaux n'est pas conteslable et qu'elles doivent, pour rendre pleinement les services qu’on en attend, être rattachées à l'Enseignement supé- rieur. Je crois avoir indiqué, dans la dernière partie de cet article, la raison du malaise qu'ont éprouvé plusieurs d’entre nous qui avons été chargés des cours de Physique industrielle dans les Facultés, en face de l'incertitude du but à atteindre. Je suis convainçeu que le remède consiste dans la centra- lisation de l’enseignement technique en un petit nombre d'Universités avec la collaboration de Ser- vices jusqu'à présent étrangers aux Facultés des Sciences. Pierre Weiss, Maître de Conférences de Physique à la Faculté des Sciences de Rennes. REVUE ANNUELLE D’AGRONOMIE I. — LEs RÉCOLrES EN 1898. J'ai insisté récemment ‘ sur les immenses avan- tages que procureraient à l'agriculture française des irrigations régulièremnnt pratiquées. Comme pour justifier cette manière de voir, les pluies Opportunes du printemps 1898 ont poussé nos récoltes à un taux très élevé. Non seulement nous avons recueilli beaucoup de foin dans nos prairies naturelles ou artificielles, mais, de plus, notre récolte de blé est montée à 131 millions d’hecto- litres, atteignant presque la plus forte du siècle, celle de 1874, qui a fourni 134 millions d'hectolitres. Le mois de janvier 1898 avait été peu humide, mais assez doux pour que le blé n’eût gelé nulle 1 Revue générale des Sciences, 28 février 1898, 9e année, n° #4, p. 150. part; février a apporté aux environs de Paris (plu- viomètre de Grignon) 66 millimètres d’eau: mars, 61. Si avril n'a donné que 22,8, il est tombé 93"%,7 en mai, et 57%%,4 en juin. Les terres ont donc été très humides, et, naturellement, la nitrifi- cation s'y est établie énergiquement, de telle sorte que des terres médiocres ont porté des récoltes infiniment supérieures à celles qu'elles produisent habituellement. Nous avons constaté, en effet, à Grignon, cette année, que le nitrate de soude n’a exercé qu'une très faible influence. Tandis qu’en moyenne les parcelles qui ont recu par hectare 200 kilos de nitrate de soude ont donné 311,6 de grain, celles qui en ont été privées en ont fourni 309,7. Pendant les années humides, les ferments du sol travaillent avec une énergie suffisante pour 1 H. Vuigerrt : Annuaire de la Jeunesse, 1898, p. 164. 64 P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE enlever presque toute utilité à l'épandage des nitrates, nouvelle preuve que, si l'on irriguait, on pourrait considérablement diminuer la dépense d'engrais azotés. La pluie a empêché les feuilles des céréales de se dessécher rapidement, ainsi que souvent il arrive ; elles ont continué à travailler longtemps, aussi la masse de matière végétale élaborée a-t-elle été considérable. Au moment de la moisson, les gerbes étaient si nombreuses qu'on a cru, pendant quelque temps, que la récolte de blé allait être la plus abondante que nous ayons jamais obtenue; on l'évaluait à 140 millions d’hectolitres! Il a fallu en rabattre. Ces gerbes n'étaient que médiocrement garnies : quelques journées brülantes dans le midi de la France, la verse dans le nord, ont contrarié la maturation, et les espérances que l’on avait con- çues ne se sont que partiellement réalisées. Pour que les épis soient bien garnis, il ne suffit pas que les feuilles du blé aient élaboré beaucoup de matières végétales; il faut, en outre, que les ma- tières azotées produites émigrent des feuilles et des tiges, où elles sont en dépôt, jusqu'aux ovules fécondés. Le transport des matières azotées se pro- duit le premier; ce n'est que plus tard, tout à fait à l’arrière-saison, que les hydrates de carbone, qui se concrètent à l'état d’amidon dans le grain, se forment à leur tour. Cette élaboration est lente ; une température très élevée, une dessiccation trop rapide la retardent ou l’arrêtent complètement. C'est là ce qui semble s'être produit dans notre région méridionale, où l’on a récolté beaucoup de paille et peu de grain. Dans le nord, une autre cause a réduit les rende- ! ments. Sous l'influence de l'humidité du printemps, les tiges de blé sont devenues très hautes et n'ont pu supporter les lourds épis qui les terminent. Dès le commencement de juillet, sur beaucoup de champs, la verse est survenue. A Grignon, deux parcelles d’un blé qui, habi- tuellement, résiste bien, le blé à épr carré, se sont couchées le 25 juin. Sur toutes les autres parcelles, au contraire, le blé se maintenait droit. Très frappé de ces différences, je demandai à deux de mes élèves, MM. Julien, maitre de conférences de Pathologie végétale, et Dupont, chimiste de la sta- tion agronomique, de rechercher les causes de cette anomalie. En déterminant la composition des grains de blé recueillis sur les parties droites et sur les parties versées, on les trouva à peu près semblables; mais, en coupant des surfaces égales, d’un mètre carré, de blé droit ou de blé couché, le 12 juillet, on trouva pour le poids des grains secs: blé versé: 172 grammes ; blé droit : 186 grammes. Les différences à cette date sont faibles, mais - elles s'accentuent pendant les dernières semaines, “ et, le 11 août, lors de la moisson, on à recueilli par mètre carré : blé versé: 241 grammes; klé non versé : 381 grammes. On voit que le blé versé n'a augmenté que d’une très faible quantité pendant le dernier mois, tandis qu'au contraire le blé resté droit s’est accru infi- niment plus : 100 de grain sur la partie déjà versée le 12 juillet sont devenus 140 le 11 août, tandis que 100 de grains de blé resté droit depuis juillet, sont devenus 205 le 11 août. Les deux parcelles versées ont donné respectivement par hectare : 18 et 22 quintaux métriques de grain, 64 et 6L quintaux métriques de paille; tandis que du blé de même variété, semé à la mème époque, mais n'ayant pas versé, a donné 37%,5 et 41 quintaux métriques de grain, avec 67 et 73 quintaux métriques de paille. On voit quel énorme déficit entraine la verse. Les grains qui ont pu mürir ont conservé, ainsi qu'il a été dit, leur composition normale; leur teneur en gluten et en amidon ne diffère pas de celle qu'on a recueillie sur les parties restées droites. C'est dans le poids des grains, et non dans leur composition, que gisent les différences; elles sont excessives et il est nécessaire de déterminer la cause de cet accident. L'humidité du printemps a favorisé le développe- ment des champignons parasites qui vivent sur les tiges de blé. On a vu, sur la partie inférieure de ces tiges, de larges taches dues à la présence de l'£rysiphe Graminis, champignon qui cause la mala- die appelée oidium. En outre, en procédant à l'exa- men de coupes effectuées dans le bas des tiges couchées, on a constaté qu'elles étaient envahies par le mycélium d'un autre champignon parasite qui, pénétrant au travers des cellules, les vidait et en rongeait les tissus. Ce champignon, que les my- cologues désignent sous le nom de Ophiobolus Gra- minis, remplit parfois de son mycélium le canal médullaire, perfore les vaisseaux, retarde ou arrête les communications entre les racines et le haut des tiges L'Ophiobolus Graminis, produisant la maladie dite du piétin, s'est établi, dès le mois de juin, sur le blé des parcelles qui devaient verser un peu plus tard, etl'on constatait à cette époque beaucoup de tiges et de jeunes épis blanchis, décolorés, pré- sentant tous les caractères du blé échaudé, c'est-à- dire du blé qui, ne recevant plus de la racine une quantité d’eau suffisante pour compenser l'évapo- ration, s'était desséché. Ces tiges de blé, ainsi atta- quées par le champignon, n'ont plus présenté qu'une faible résistance à la verse. Elle est due surtout, d'après les auteurs, à l'influence des cham- pignons parasites, Parmi les botanistes qui se sont occupés des cau- P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 65 ses qui déterminent la verse", MM. Prillieux et Delacroix l'attribuent à cet Ophiobolus Graminis dont nous venons de parler ; d'après M. Louis Man- gin, le parasite le plus redoutable serait le LZep- tosphæria herpotrichoides. En contaminant systé- matiquement les pieds du blé avec les spores de ce champignon, il les a tous fait périr, tandis qu'une partie seulement de ceux qui furent inocu- lés avec l'Ophiobolus présentèrent des altérations suffisantes pour les faire verser. Les registres de la station agronomique de Gri- gnon montrent que la verse s’est déjà produite souvent sur les deux parcelles où on l’a observée encore cette année, et il n’est pas impossible que le sol n'y soit chargé des spores du champignon qui détermine le piétin. Ces spores ne mürissent et ne se répandent qu’à l'arrière-saison, et on conçoit, dès lors, que, si l'on déchaumeimmédiatement après la moisson avec un scarificateur, et qu'à l’aide d’une herse, puis d'un räteau à cheval, on enlève les chau- mes déracinés, puis qu'on les brûle, on empéchera | la contamination de la terre par les parasites. C'est là une observation qui présente un haut intérêt pra- tique, car la crainte de la verse, qui sévit surtout sur les blés vigoureux, conduit à restreindre les fumures et, par suite, à abaisser les rendements. Il ne semble pas, malheureusement, que l’action des parasites soit la seule cause qui détermine la verse ; elle a lieu, en quelque sorte, spontanément, par suite du développement exagéré des tiges et du poids trop fort des épis lorsqu'ils sont mouillés par les pluies. C'est ainsi qu'à Grignon on a cons- taté la verse de l’avoine de Æoudan, dès la fin du mois de juin. Elle a déterminé une diminution sen- sible de la récolte. Deux autres variétés à paille forte, «l’avoine Ligowo et celle des Salines », ont, au contraire, résisté jusqu’au commencement du mois d'août. La verse n’est survenue que quelques jours avant la moisson et n’a eu d'autre inconvénient que de rendre la coupe un peu plus difficile. Si la première partie de l’année 1898 a été très humide, pendant l’arrière-saison, au contraire, la pluie a fait défaut et la température s’est beaucoup élevée. La teneur en sucre des betteraves a atteint un chiffre exceptionnel, mais, en revanche, le poids des racines recueillies à l’'hectare est resté faible ; de telle sorte que, si les cultivateurs ont obtenu pour leurs racines un très haut prix, la médiocrité des rendements a diminué les sommes à recevoir, qui, en général, n'ont pas été plus fortes qu’en 1897. L’extrème sécheresse de l'automne a exercé sur les raisins une action analogue à celle qu'elle a 1 Comples rendus de l'Académie des Sciences, t. CXXVII, p. 286. eue sur les belteraves; elle a déterminé à la fois une diminulion dans la quantité de vin produite et une augmentation de qualité. On évalue à 32.282.000 hectos la quantité récoltée en France, à laquelle il faut ajouter 300.000 pour la Corse et 4.500.000 pour l'Algérie. On arrive ainsi à une pro- duction totale de 37.100.000 hectos, dont la valeur dépasserait 961 millions de francs. II. — FIXATION DE L’AZOTE DANS LE SOL. Les découvertes successives de M. Berthelot, de MM. Hellriegel et Wiülfarth, ayant montré que la fixation de l'azote dans le sol et l'apparition des nodosités à bactéries fixatrices d'azote sur les ra- cines des Légumineuses étaient dues à des microor- ganismes, on à été naturellement conduit à cher- cher à cultiver ces ferments. On à espéré que leur propagation dans le sol exercerait une influence décisive sur sa richesse en azote combiné, ou sur son aptitude à porter des cultures de Légumineuses. C'est ainsi qu'en Allemagne on a mis successive- ment dans le commerce de petits flacons renfer- mant soit la nitragine destinée aux prairies artifi- cielles soit, plus récemment, l’alinite, qui devait favoriser le développement des céréales. Les très nombreux essais qui ont été faits en Allemagne, en Angleterre et en France sur l’épan- dage de la nitragine n'ont pas réussi comme on l'espérait. Ces ferments qui déterminent l'apparition des nodosités sur les racines du trèfle, de la lu- zerne, de la vesce, etc., paraissent être, en effet, tellement répandus que la distribution de nouvelles quantités n’exerce d'ordinaire aucune action utile. J'ai été très frappé cette année qu'une terre de vigne, où certainement on n'a pas cultivé de Légumineuses depuis plus de vingt ans, portât de la vesce dont les racines présentaient autant de nodosités que les plantes ayant poussé dans d’autres sols où la culture de la vesce avait été récente. On en peut déduire que les germes de ces ferments sont ou doués d’une longévité extraordinaire, ou, qu'en- traînés par le vent, ils se répandent uniformément partout. La découverte d'Hellriegel et Wilfarth sur la présence des nodosités à bactéries déterminant une puissante végétation des Légumineuses en sol privé d'azote, a eu un tel retentissement, elle a été vérifiée si souvent avec succès, qu'on s'est accou- tumé à l'idée que le développement de ces nodo- sités à bactéries était la condition même de la fixa- tion de l’azote par les Légumineuses. Quelques auteurs cependant ont élevé des doutes; parmi eux M. Franck et surtout M. Stoklasa, de Prague. Ce physiologiste a annoncé récemment qu'il avait cultivé les lupins en sol dépourvu d'azote, et qu'il avait obtenu de bonnes récoltes, renfermant beau- 66 P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE * \ coup plus d'azote que la graine n'en avait apporté, bien qu'il n'eût pas apparu de nodosités sur les racines ‘. Les expériences de M. Stoklasa ont porté sur le Lupinus angustifolius, où lupin bleu. Je les ai ré- pétées avec plein succès. Le mémoire que je publie- rai sur ce sujet avec M. Bréal est en voie de pré- paralion. Je rapporterai seulement ici les faits suivants : Un sable siliceux, débarrassé de calcaire par un lavage à l'acide chlorhydrique, a été mélangé à des fragments de briques, également lavés. On y a ensemencé dans différents pots des lupins bleus, jaunes ou blancs, en addilionnant seulement ce sol stérile d'engrais minéraux : phosphate de potasse, sulfate de magnésie, chlorure de potassium, carbo- nate de chaux. A la récolte, on reconnut que les lupins blanes ne s'étaient développés qu'autant qu'il était apparu, sur les racines, des nodosités à bactéries. Il n'en fut pas de même pour les lupins bleus; bien qu'ils eussent crû régulièrement, fleuri et formé des graines, qu'ils conlinssent beaucoup plus d'azote que la semence n'en avait apporté, il n’exislait pas de nodosités sur leurs racines. Cette observation confirme donc absolument celle de M. Stoklasa:; et, s’il est vrai qu'habituellement les Légumineuses ne fixent l'azote atmosphérique que par l'intermédiaire des bactéries des nodosités, il faut reconnaitre qu'il n’en est pas toujours ainsi et que le lupin bleu, notamment, peut vivre sans que ces nodosilés apparaissent. Cette plante est, au reste, d'une culture assez difficile; j'ai échoué, dans les essais que j'ai faits pour l'employer comme en- grais vert, aussi bien à Grignon que dans la Lima- gne d'Auvergne, et cette année même je n'ai obtenu que quelques pieds bien venants soit dans une bonne terre de jardin, soit dans une plate-bande d'une terre sablonneuse. En examinant les pots de sable sur lesquels les lupins bleus, au contraire, avaient pris un développement normal, on a constaté à la surface une couche d'algues, et il semble qu'elles aient été l'intermédiaire nécessaire entre les lupins et l'azote atmosphérique. M. Bouilhac? a montré récemment que les cul- tures pures du ÂVostoc punctiforme ne fixent de l'azote qu'autant qu'elles sont mélangées à des bactéries. I1 est vraisemblable qu'il en a été de même pour les algues qui ont apparu à la surface du sable. Ces algues fourniraient aux bactéries la matière carbonée qu'elles doivent détruire pour fixer de l'azote et, à leur tour, ces bactéries appor- teraient aux algues la matière azolée nécessaire à leur développement. Ce serait là un nouvel exem- ple de cette solidarité des fixateurs de carbone et 1 Annales agronomiques, t. XXII, p. 184. 2 Annales agronomiques, t. XXUV, p. 562; Bouilhac, thèse de doctorat, à des fixateurs d'azote, sur laquelle M. Berthelot a insisté naguère. Les germes des algues et des bac téries ont été apportés par le vent à la surface du sable, qui, bien pourvu de matières minérales, a pu nourrir ces hôtes inattendus. Comment les lupins ont-ils pu profiter de la matière azotée qui se trou- vait à la fin des essais en quantité assez notable à la surface des pots puisqu'on y a dosé 83 milli- grammes d'azote pour 100 de sable sec? C’est ce que nous ignorons encore. L'alinite, dont on a fait grand bruit l’an dernier, parait renfermer les germes de bacilles capables de fixer l'azote atmosphérique. On a mis en ventew des tubes renfermant des spores de ces bacilles qu'on devait employer sur les graines des céréales à semer; de nombreux essais ont été faits. Les résultats ont été encore très divergents : tan- dis que M. Caron d'Ellenbach, qui, le premier, a tenté de répandre les cultures de bacilles dans les champs cultivés, assure en avoir tiré des avantages marqués; tandis que M. Stoklasa, de Prague, a obtenu par la distribution du Bacillus megatherium, qu'il croit être l'agent efficace de l'alinite, des augmentations de récoltes sensibles; tandis encore que M. Grandeau a pu recueillir d’une récolle d'avoine, dont les graines avaient recu de l'alinile, des rendements infiniment supérieurs à ceux qu'ont fournis des graines simplement chaulées, d’autres bactériologistes ou agronomes, MM. Franck, Stuzzer et Wagner, n'ont reconnu aucune efficacité à ces ferments. Ils ont encore été mis à l’étude récem- ment par M. Malpeaux, de l'Ecole d'Agriculture de Berthonval, dans le Pas-de-Calais. L’addition d’anilite à des semences de blé, d'avoine ou d'orge n'a exercé aucune influence lorsque les graines ont été semées dans du sable pur ou dans une terre arable ordinaire. On a reconnu, au contraire, une légère augmentation de produits quand on a semé dans un terreau, ou dans une terre de bois, par conséquent riches l'un et l’autre en débris or- ganiques. Il n'ya pas lieu de s'étonner de ces divergences; sile Bacillus megatherium a bien la propriété, qu'on lui prête, d'être un fixateur d'azote, il ne peut exercer ses fonctions qu'autant qu'il rencontre dans Je sol une matière organique à détruire. L'hy- pothèse la plus simple qu'on puisse faire sur cette fixation d'azote est celle qui a été émise par Wino- gradski. On suppose que le Bacillus megatherium, en décomposant un hydrate de carbone, comme du sucre, par exemple, mettrait en liberté de l'hydro- gène, qui s'unirait à l'azote libre pour former de l'ammoniaque. La destruction du sucre dans ces fermentalions est toujours accompagnée d’une for- mation d'acide butyrique, d'acide acétique, d'acide carbonique et d'hydrogène; la chaleur, mise en jeu NET P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE par ces combustions internes, favoriserait l'union de l'azote et de l'hydrogène. Dans les nombreuses expériences que j'ai exécutées sur ce sujet, j'ai trouvé que la destruction de 100 grammes de sucre correspondait à la fixalion de moins de 2 grainmes d'azote. Il est évident que, si l’on répand l'alinite sur un sol stérile, dépourvu de matières organiques, ou encore sur une terre qui ne contienne que des matières incapables de nourrir le bacille, on n’ob- tiendra aucun résultat; tandis qu'on pourra voir l'azote de l'air se fixer dans une terre renfermant des aliments convenables et maintenue dans des conditions (de température et d'humidité) favo- rables au développement des bactéries. En résumé, ce qu'il convient de chercher pour que la culture puisse mettre à profit la découverte de la « fixation de l’azote par action microbienne », ce sont les conditions de milieu, d'alimentation, de ces bactéries fixatrices d'azote. Quelle est la matière organique assez commune, d'un prix assez bas, pour que sa destruction par les bactéries fixatrices d'azote puisse devenir avantageuse ? Il est clair que les substances complexes qui se forment par l’altération successive de la matière végétale dans le sol et qui constituent l’humus, conviennent à l'alimentation de ces bactéries, puis- que nous voyons les sols de prairies s'enrichir lentement et que le sol de vieilles prairies qui n'ont jamais reçu d'engrais azotés contient jusqu'à un centième de son poids d'azote combiné. Cet humus exisle dans toutes les terres, et. quand les condilions de température, d'humidité et d’aéra- tion sont artificiellement maintenues favorables, j'ai constalé que ces terres doublent, en deux ans, la quantité d'azote combiné qu’elles renfermaient à l'origine. Il me semble done que c'est en caractéri- sant ces substances nutritives pour les bactéries, en déterminant rigoureusement les conditions favo- rables à leur développement, qu'on trouvera le suc- cès, bien plutôt que par l'introduction dans le sol de nouveaux ferments. Lorsque les conditions ont favorisé l’activité de l'alinite, elle a fixé de l’azote; quand, au contraire, ces condilions ne se sont pas rencontrées, les effets ont été nuls. Une autre solution de cet important problème : « engager l'azote atmosphérique en combinaison » a été proposée par M. William Crookes, au dernier congrès de Bristol *. Quand on porte l'air atmosphé- rique à une température très élevée, au moyen d’un puissant courant électrique, cet air prend feu et produit, par sa combustion, des acides nitreux et nitriques. M. Crookes pense qu'en empruntant la force nécessaire à la production des courants élec- triques à des chutes d’eau, on pourrait obtenir du * Revue scientifique, 4° série, t. X, p. 385. nitrate de soude à un prix plus bas que celui auquel il est offert actuellement par les gisements du Chili. Au Niagara, où l'on tire parti de la chute d’eau, l'é- lectricilé peul être vendue à un prix tel que la tonne de nitrate de soude ne reviendrait qu'à 125 francs, au lieu de 187 francs qu'on la paie présentement.— Le point important est de savoir (M. Crookes nous l'enseigne) qu'avec une force électrique suffisante, la combinaison de l'azote et de l'oxygène devient aussi considérable qu'elle est lente dans nos petits appareils, où nous ne mettons en jeu que de faibles élincelles. IT. — LE TRAVAIL DU SOL. On travaille la terre depuis les temps les plus reculés, et pourtant neus n'avons pas encore une idée précise de l'influence qu'exerce l'ameublisse- ment. Le déterminisme du phénomène, pour prendre l'expression un peu barbare de Claude Bernard, fait encore défaut, et néanmoins les eulti- vateurs altachent une telle importance à la prépa- ration du sol, son influence sur l'abondance des récoltes est si manifeste, qu'elle doit favoriser quelques-unes des conditions nécessaires à la vie végétale. Or, les plantes ne prospèrent que si elles peuvent enfoncer leurs racines dans un milieu aéré et humide; et lorsque, il y a quelques années déjà, j'ai commencé à chercher quelles différences de propriétés possédait une terre, suivant qu'elle était tassée par la pluie, ou ameublie par les instruments, je me suis préoccupé d'abord de savoir si l’une était moins aérée que l’autre. En déterminant la quantité d'air contenu dans un sol en place ‘, abandonné à la végétation spon- tanée, ou au contraire, très ameubli, j'ai trouvé un volume d'air bien plus considérable dans la terre meuble que dans la terre tassée; celle-ci ren- fermait toutefois, sur 100 volumes de.terre, 20 vo- lumes de gaz, présentant à peu près la composition de l’air atmosphérique. Les nombreuses analyses de l’atmosphère du sol exécutées autrefois par Boussingault et Léwy, et, plus récemment, par M. Schlæsing fils et par moi-même, ont montré que cette atmosphère est toujours oxygénée, et comme, d'autre part, on ne peut laisser de l'air enfermé dans un flacon avec de la terre humide, sans qu'il perde rapidement tout son oxygène, il faut conclure de l’existence de ce gaz dans l'air du sol, que celui- ci s'y renouvelle constamment. On peut dès lors être persuadé que ce n’est pas pour aérer le sol qu'on le divise par la charrue, qu'on le pulvérise par les herses ou les rouleaux. J'ai alors cherché quelle influence exerçait le { J'ai employé pour cette recherche la méthode des cadres; elle est décrite dans le tome XXII des Annales Agronomiques, année 1896, p. 450. 65 P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE A | travail du sol sur son approvisionnement d'eau ; tout d’abord, il est d'observation courante que l'eau s'infiltre rapidement dans une terre en pou- dre, tandis qu'elle glisse, ou séjourne, sur la sur- face d’une terre tassée. Après un temps prolongé, elle finit cependant par y pénétrer, mais la quantité d'eau qui se loge dans une terre meuble est plus grande que celle que peut retenir une terre tassée. On doit se figurer la terre comme formée d'une multitude de petites particules solides, ne reposant les unes sur les autres que par quelques points et laissant entre elles des espaces vides, dans lesquels se logent l’air et l’eau. On se fait une idée de cette structure, très particulière, de la terre, en compa- rant son poids spécifique à sa densité. Notre terre de Grignon a une densité de 2,6, tandis qu'un litre ne pèse guère que 1.300 à 1.400 grammes. Les vides sont beaucoup plus nombreux dans une terre ameublie que dans une terre tassée; par suite, la première se charge d’une plus grande quantité d’eau que la seconde. Or, l'eau, nous ne saurions trop le répéter, est la condilion même dela fertilité. La terre meuble, er outre, est plus filtrante que la terre tassée; l'eau qui y pénètre et qui n'y est pas retenue, descend peu à peu et gagne le sous-sol, où elle constitue de précieuses réserves. J'ai trouvé, en opérant sur une terre légère, que, sur 100 d’eau apportée par la pluie, 64,4 s'était infiltrée dans le sous-sol de la terre ameublie et seulement 30 dans la terre tassée. La terre ameu- blie n'a perdu par évaporation que 12,7 pour 100 d’eau, pendant que la terre lassée en perdait 35 pour 100. Les différences furent encore plus marquées quand on opéra sur une terre forte ; bien ameublie, pour 100 d’eau reçue, elle laissa couler au-dessous d’elle 64,4, tassée, 9,6; l’eau perdue par évaporation fut, dansle premier cas 13,6, et dans le second 80,1. On conçoit que l’eau qui a pénétré dans une terre puisse suivre deux chemins différents. Si l'ameu- blissement est complet, que les espaces vides soient nombreux, l'eau descend, pénètre de plus en plus et s'emmagasine dans les profondeurs. Si, au con- traire, la terre est tassée, les vides sont plus rares, les petits canaux par lesquels l'eau descend s'obstruent et l’eau ne peut s'enfoncer qu'avec une extrème lenteur. La capillarilé entre facilement en jeu dans ces terres tassées et si le soleil vient frapper leur surface, il l'échauffe, détermine l'éva- poration de l’eau qu'elle renferme; un mouvement ascensionnel se produit et la dessiccation gagne de proche en proche. La terre mal travaillée n'emmagasine pendant la saison humide qu'une quantité d’eau insuffisante pour que les plantes qu'elle porte puissent tra- verser les longues périodes de sécheresse, sans en pälir. Ameublir une terre par les instruments, c'est donc lui donrer la propriété : de se laisser péné-« trer par l'eau de la pluie, d'en retenir une Le tante fraction, et d'enrichir en humidité ses couches profondes. L'expérience directe montre à quel point ce tra- vail du sol est efficace : il y a dix-huit mois, j'ai fait vider complètement une des cases de végétation de Grignon, puis la terre y fut remise em place; on ne donna à la terre d’une des cases ER qu'un travail ordinaire; ces terres portèrent toutes deux une culture dérobée de vesces après la moisson. L'arrière-saison fut très sèche, on arrosa et, bien que les quantités d'eau distribuée fussent égales, on récolta 5 kil. 500 de vesces fraiches sur la case qui avait élé vidée, puis remplie, 4 kilos sur l’autre. La terre qui avait été remuée d’une facon complète profita donc beaucoup mieux que sa voisine, de l’eau qu'elle avait recue. Les récoltes de blé, obtenues des cases, mon- trent encore avec la dernière évidence l'importance que présentent les réserves d'eau du sous-sol. Les cases de Grignon, dont j'ai déjà parlé souvent ici- même, n'ont qu'un mètre de profondeur. Pour assurer l'écoulement des eaux de drainage, on à garni le fond d'une couche de cailloux de 2 centi- mètres de hauteur; au-dessus se trouve la terre enlevée du champ lors de la construction des cases. et qui est toute semblable à celle des parcelles voisines. On a obtenu en moyenne, en calculant pour un hectare, pendant les six dernières années, 20 quin- taux métriques de grain des cases, et près de 30 quintaux métriques des parcelles. Pour bien comprendre la cause de cette différence considé- rable, il faut savoir que les racines du blé ne por- tent de poils absorbants que sur leurs parties les plus jeunes, et qu'en outre, ces racines, très fines, très déliées, s’enfoncent verticalement dans le sol, le traversent et s'engagent dans les profondeurs. Les récoltes ne sont bonnes qu'autant que le sous- sol est humide. Quand on examine les racines du blé des cases, on remarque qu'elles s'enchevètrent dans les cailloux qui garnissent le fond et les enlacent de toutes parts. Elles n'y peuvent trouver aucune trace d'humidité, et comme c'est à cette extrémité qu'elles portent les poils absorbants et qu'il n'en existe plus dans la partie supérieure de la racine qui traverse la bonne terre, le blé des cases co‘hmence à jaunir dès le mois de juin, et la récolte est bien plus faible que dans les parcelles où le sous-sol renferme des réserves d'humidité. Je connais dans la Limagne d'Auvergne une pièce qui fournit ordinairement de très belles récoltes de blé; le sous-sol y est si humide qu'il nourrit des roseaux dont on n’a jamais pu se débarrasser, et au P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 69 mois d'août, leurs tiges vertes se mêlent aux épis dorés de la moisson. Je n'ai jamais constaté de ren- dements plus élevés que ceux d’une terre forte du département du Nord, à Blaringhem, qui reposait sur un lit d’argileimperméable, qu'il avait fallu drai- ner. On y a obtenu jusqu'à 48 quintaux métriques de grain par hectare. Ces terres fortes, à sous-sol argileux retenant de grandes quantités d'eau, sont essentiellement des terres à blé; mais les récoltes n'y sont bonnes qu'autant que, par un travail très soigné, on a permis à l'eau de s’infiltrer dans les profondeurs. Ces réserves sont encore utiles aux plantes dont les racines ne s'enfoncent pas profondément, car, remontant par capillarité jusqu'aux couches moyennes, elles y assurent l'alimentation des végé- taux qui, sans elles, péricliteraient. Pendant l’au- tomne brûlant de 1895, les betteraves du champ d'expériences de Grignon présentèrent une grande richesse en sucre, mais rien d’anormal cependant. Dans les cases où, ainsi qu'il vient d’être dit, les réserves du sous-sol n'existent pas, on recueillit des racines petites, raccornies et contenant l’é- norme proportion 36,5 °/, de matière sèche, c'est- à-dire près du double de ce que l’on observe habituellement. Dans une terre bien ameublie, les particules de terre ne se touchant que par quelques points sont dans un état d'équilibre instable qui se modifie facilement sous l'influence de pluies prolongées. En opérant dans des vases de verre, on voit le volume de la terre soumise à la pluie diminuer peu à peu; les espaces dans lesquels l’eau peut se loger se restreignent, et on observe ce résultat (paradoxal au premier abord), qu'une terre ren- ferme une proportion centésimale d’eau plus faible après avoir été soumise à une averse qu'avant de l'avoir reçue. À plusieurs reprises, j'ai noté que des terres nues avaient laissé couler, entre deux observations espacées d'une quinzaine de jours, plus d'eau qu'elles n’en avaient reçu par la pluie. Cette remarque présente une grande im- portance : elle nous apprend que la pluie détruit l'ameublissement et que, par suite, le travail du cultivateur doit être incessant. Il faut chaque année ouvrir de nouveau le sol, détruire les mottes et rétablir cette porosité qui disparait par l'infiltration de l'eau, et que le travail a précisément pour but d'assurer. L'eau étant la condition même de la vie de la plante, on conçoit déjà que le travail qui a pour but d'assurer l'approvisionnement d'eau ait été de tout temps la grande préoccupation des cultiva- teurs. Ce travail a-t-il encore une aulre utilité? J'ai souvent insisté ici même sur l'énergie que présente la nitrification dans des terres mainte- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, nues humides, et je rappellerai une fois de plus que les terres des cases de végétation de Grignon, laissées en jachère, fournissent, dans l'espace d'une année, des eaux de drainage, renfermant 100 à 200 kilos d'azote nitrique, c'est-à-dire infiniment plus qu'on n'en trouve dans les plantes récoltées sur ces mêmes cases et dans les eaux de drainage qui s’écoulent au-dessous de ces cultures. La végélation dessèche le sol, et quand la saison n'est pas pluvieuse, il ne reste plus assez d'humi- dilé dans la terre pour que le travail des ferments y soit énergique. En allendant que nous puissions arroser nos terres régulièrement, il faut profiter le plus com- plètement possible des eaux pluviales, les emma- gasiner; c’est pour y réussir qu'on travaille le sol. Ce labeur conduit non seulement à fournir aux végétaux l’eau nécessaire à leur développement, mais provoque en outre l'apparition des plus pré- cieux des engrais azotés. IV. — PERTES D'AZOTE DU FUMIER DE FERME. Le fumier est de tous les engrais celui dont l'em- ploi est le plus répandu. C’est la seule matière fer- tilisante distribuée dans nombre de petiles exploi- tations. Il vaut par son acide phosphorique et sa potasse, par ses matières humiques qui se produi- sent pendant sa fabrication, et enfin par ses ma- tières azotées. Si sa préparation était absolument régulière, on devrait trouver dans le fumier toutes les matières azotées contenues dans les aliments consommés par le bétail, qu'il n’a pas utilisées, soit pour la formation de ses muscles, soit pour la pro- duction de son lait ou de sa laine. Or, les recherches de MM. Müntz et Charles Girard, que nous avons analysées ici même, montrent qu'il est bien loin d'en être ainsi et que souvent le fumier, au moment où il va être conduit aux champs, ne contient guère qne les deux tiers, ou même la moitié, de l'azote dosé dans les aliments, bien qu'une très faible frac- tion ait été utilisée par les animaux. Tout récemment, MM. Paul Gay et Dupont ont montré par des expériences précises qu'on retrouve presque exactement dans les excreta régulièrement recueillis l'azote des aliments, mais qu’au contraire, lorsque ces excrela tombent sur des litières de paille qu'on maintient sous l'animal pendant une quinzaine de jours, on ne retrouve plus que le quart environ de l'azote contenu dans les aliments et les lilières!. 1 Annales agronomiques, t. XXIV, p. 123. M. Paul Gay, répétiteur de Zootechnie à l'Ecole nationale d'Agriculture de Griguon, avait déjà publié plusieurs mémoires du plus haut intérêt et promettait à la science un chercheur aussi habile que consciencieux, quand il nous a été enlevé par la phtisie pulmonaire, à l'âge de vingt-neuf ans, le 15 juillet dernier. jt* 70 P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE Sous quelle forme se fait eette déperdition ? C'est ce qu'il était intéressant de rechercher. Les animaux rejettent par leurs urines de l'azote, surtout sous forme d'urée. Sous l'influence de fer- ments partout répandus, celle-ci se métamorphose en carbonate d'ammoniaque, volatil et dissociable. MM. Berthelot et André ont étudié, il y a quelque temps déjà, cette dissociation du carbonate d'am- moniaque; ils ont vu qu'exposé à l'air, en disso- lution, ce sel abandonne d’abord son acide carbo- nique, puis, peu à peu, son ammoniaque. J'ai re- connu, en effet, que si on fait tomber de l'urine de vache sur de la paille, simulant ainsi ce qui arrive dans une étable, on constate, par des dosages exé- cutés régulièrement de deux en deux jours, que le mélange s’appauvrit de plus en plus en azote. Il est bien connu qu’un sel qui se dissocie en émettant un gaz déterminé, persiste sans décom- position dans une atmosphère de ce même gaz; il devenait donc vraisemblable que le carbonate d'am- moniaque cesserait de perdre son alcali dans une atmosphère d'acide carbonique. C'est ce qu'on dé- montre très clairement par une expérience, qui me paraît devoir être répétée dans les cours de chimie agricole. On place dans un flacon bitubulé une dissolution de carbonate d'ammoniaque; un tube abducteur plonge dans le réactif de Nessler qui, comme cha- cun sait, rougit sous la moindre trace d'ammo- niaque. À l’aide d'un tube plongeant dans le car- bonate d'ammoniaque, on fait passer un courant d'air; il ne tarde pas à déterminer la dissociation du carbonate d'ammoniaque, l'entraînement de l'ammoniaque qui rougit le réactif. On le remplace par une nouvelle dose non altérée, et on substitue au courant d'air qui traversait le carbonate d'am- moniaque un courant d'acide carbonique. On peut le prolonger autant qu'on voudra, le réactif reste incolore, il ne s'échappe pas la moindre trace d'am- moniaque. Cette expérience, si facile à répéter, explique le fait suivant, que j'ai observé bien souvent : lors- qu'on appelle par un écoulement d'eau les gaz contenus dans un las de fumier bien tassé, on ne peut jamais y déceler la moindre trace d’ammo- niaque. Les fermentations très actives qui s’y pro duisent déterminent un dégagement d'acide carbo- nique assez abondant pour donner au carbonate d'ammoniaque une fixité absolue. Si donc on s'as- treint à enlever chaque jour les litières salies par les animaux et à les tasser sur une plate-forme, où des afflux réguliers de purin entretiennent une fermentation aclive, on évitera absolument toutes pertes d'ammoniaque. Elles sont inévitables, au contraire, si on laisse les litières exposées à l’ac- tion de l'air, où, mal tassées, elles ne subissent qu'une fermentalion incomplète. Le purin lui- même est tellement chargé d'acide carbonique et de matières capables d'en fournir par fermenta= lion, qu'on peut impunément le soumettre à l'ac- tion d’un courant d'air sans lui faire perdre l’'am= moniaque qu'il renferme. On n’en trouve pas dans l'atmosphère de la fosse où s’accumule le purin, et on ne perd rien quand on l'élève, à l'aide d’une pompe, pour le déverser sur le tas de fumier. Il n'est donc nullement nécessaire, ainsi qu'on l'avait très légèrement proposé, d'ajouter au fumier des superphosphates acides, ou même de l’acide sulfu- rique, pour éviter les déperdilions d'ammoniaque ; la fermentation, productrice d'acide carbonique, suffit absolument à empêcher ces pertes. Elles peuvent encore avoir lieu cependant dans les champs mêmes où le fumier est conduit. On profite à l'automne des jours où les attelages sont disponibles, où la terre durcie par la gelée est capable de supporter le poids des lourds chariots, pour conduire le fumier sur les pièces qu'il doit fertiliser. Très souvent on l'y dispose en fumerons. Un homme, armé d’une fourche à dents courbes, tire de la voiture à fumier de quoi former un petit tas; l’attelage se remet en marche, on l’'ar- rèle quelques mètres plus loin pour renouveler l'opération. On procède ainsi jusqu'à ce que la voi- ture soit vidée. Il n’est pas rare de voir au mois d'octobre les champs tout hérissés de ces petits monticules de fumier qui, avant d’être enfouis, sé- journent sur la Lerre pendant une semaine et par- fois plus. Gette manière d'opérer présente de gros inconvénients. Les places des fumerons sont bien reconnaissables au printemps suivant; les pluies, traversant les Las de fumier, ont apporté à la terre sous-jacente une fumure exagérée. Le blé y devient d'un vert foncé, qui contraste avec la couleur jaune des tiges voisines qui n’ont pas reçu une fumure aussi copieuse. Ce blé, trop fort, trop vigoureux, verse souvent. Sur les places à fumerons, les bette= raves acquièrent d'énormes dimensions; très aqueuses, très chargées de salpêtre, elles sont en re- vanche très pauvres en sucre. Ce n’est pas tout. L fumier exposé à l’action de l'air perd rapidemen une partie de l'azote qu'il renferme; l'ammoniaqu se dégage en telle quantité, qu'il suffit de passe sous le vent d'une rangée de fumerons pour perce= voir l'odeur caractéristique de l'alcali. Afin d'apprécier l'importance de ces pertes, j'ai soumis à l’action d’un courant d'air prolongé un lot de fumier préalablement analysé. Après vingt jours, toute l’ammoniaque contenue dans ce fumie availété entraïnée; elle se retrouvait intégralemen dans les réactifs que traversaitle courant d’air à s 1 Annales agronomiques, t. XXIV, p. 2517. hi 7 ï P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 71 sortie du tube à fumier. Cette aération très com- plète n'avait pas déterminé, au reste, la formation d’ammoniaque nouvelle; on a retrouvé ce qui exis- tait à l’origine et rien de plus. Si on forçait les gaz qui avaient passé sur le fumier à traverser, avant d'atteindre les réactifs absorbants, une couche de terre de quélques centimètres d'épaisseur, la dé- perdition d'ammoniaque était singulièrement ré- duite; preuve que, lorsqu'il est enfoui dans le sol, le fumier ne perd plus que des quantités insigni- fiantes d'ammoniaque. Quand, à la fin de l'expérience, on détermine la teneur en azote du fumier soumis à un courant d'air normal, surtout à un courant d'air ozoné, pour imiter l'atmosphère de la campagne, on re- connaît que le fumier a perdu non seulement son azote ammoniacal, mais aussi une fraction impor- tante de l'azote qui faisait partie des matières orga- niques. Leur combustion a été complète : le car- bone s'est dégagé à l'élat d'acide carbonique, l'hydrogène a formé de l’eau, l'azote s'est échappé à l'état libre. Cette combustion est due à l’activité des microorganismes. Si on porte le fumier à 120° avant de le soumettre au courant d'air, il ne perd plus que son ammoniaque, la matière organique reste intacte. En résumé, on voit qu'il faut, autant que pos- sible, soustraire le fumier à l’action de l'air, qui peut lui faire perdre, d’une part, toute son am- moniaque; de l’autre, une partie de son azote organique. Il faudra donc incorporer le fumier à la masse en fermentation, aussi rapidement qu'on pourra, et, en outre, quand on le conduira aux champs, l’enfouir immédiatement dans la terre, sans le laisser séjourner en fumerons, comme on a le tort de le faire souvent. V. — NÉCROLOGIE : AIMÉ GIRARD. DEMONTZEY. La Section d'Economie rurale de l'Académie des Sciences a fait cette année deux pertes sensibles: un membre titulaire, M. Aimé Girard; un corres- pondant, M. Demontzey. Aimé Girard est né à Paris, le 22 décembre 1830. Entraîné par un secret penchant vers les sciences d'observation, il entra en octobre 1850 au labora- ratoire particulier de Pelouze, qu'il fut appelé à diriger en 1854 et qu'il ne quitta qu’en 1858, pour devenir conservateur des collections à l'Ecole Polytechnique. Pendant les premières années de sa carrière, Aimé Girard s'occupa surtout de Chimie organique, et ses travaux sur les sucres des arbres à caoutchouc lui valurent, en 1874, le prix Jecker. Cependant, peu à peu, il se tourna vers la Chimie industrielle et publia, avec la collaboration de Bareswill, un dictionnaire qui marqua sa nou- velle direction. Très employé dans les jurys des exposilions universelles, il écrivit plusieurs rap- ports: fabrication du papier (Exposition de Londres), fabrication de la bière (Exposition de Vienne), extraction du sel (Exposition de Porto), qui eurent une influence marquée sur les progrès de ces diverses industries. Appelé en 1871 à succéder à Payen au Conser- vatoire des Arts et Métiers, il semblait devoir de- venir ce qu'on nommait autrefois un chimiste- manufacturier, quand sa nomination à la chaire de Technologie à l’Institut Agronomique, donna une nouvelle direction à ses études qui, à partir de cette époque, portèrent surtout sur les indus- tries agricoles. Aimé Girard consacra de longues années à suivre, dans tous ses détails, la transfor- mation du grain en farine. Il portait aussi bien son attention sur les questions économiques que sur le perfectionnement des appareils et il rendit ainsi à la meunerie des services signalés. Il s’occupa également de la fabrication du sucre, de celle de la fécule et de l'alcool. Dans un mé- moire justement célèbre, il a suivi le développe- ment de la belterave à sucre : analysant séparé- ment les feuilles et la racine, il a cherché l’origine du sucre qui, à l’arrière-saison, s'accumule dans la racine, en quantité considérable, Que les cellules à chlorophylle des feuilles élaborent l’hydrate de carbone qui apparaît sous forme de saccharose dans la racine, c’est là ce dont personne ne doute ; la difficulté était de comprendre le mécanisme de l'accumulation de ce principe soluble dans la racine, et celte partie du problème n'a pas été abordée par Aimé Girard; ce n’est que tout ré- cemment que M. Maquenne, utilisant avec sagacité les connaissances acquises sur l’osmose, a éclairé cette question. La très grande réputation qu'Aimé Girard a acquise comme chimiste-agronome lui est venue surtout de ses recherches sur l'amélioration de la culture de la pomme de terre. Il a publié sur ce sujet non seulement un très grand nombre de mémoires, qui se l(rouvent in- sérés soit dans le Æecueil de la Société d'Agricul- ture de France, soit dans les Annales agronomiques, mais, en outre, une étude complète, illustrée de nombreuses photographies représentant la pomme de terre aux diverses phases de sa croissance. Aimé Girard pensa d’abord à utiliser la pomme de terre surtout comme source d'alcool, ainsi qu'on le fait en Allemagne, et il chercha une variété riche en fécule et capable de fournir de forts rendements à l'hectare. Son choix se porta sur la Richter’s- Imperator, qui, avec de très grandes qualités, pré- sente cependant, dit-on, l'inconvénient de ne pas bien se conserver durant l'hiver. Pour assurer le succès de la culture, Aimé Girard a repris la ques- tion sous toutes ses faces. Il veut qu'on plante 7 L2 P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE des tubercules entiers, qu'on les espace régulière- ment, de façon à rendre faciles les binages à l'aide d'instruments attelés. Il indique la nature et le poids des engrais à distribuer, et, se préoccupant enfin des retours, loujours à craindre, du terrible Phytophtora infestans, il préconise, à la suite de M. Prillieux, l'emploi des bouillies cuivriques, déjà en usage contre le mildew de la vigne. Les sels de cuivre préservateurs sont parfois enlevés des feuilles, qui sont lavées par les pluies prolongées, et de nouveaux trailements deviennent ainsi nécessaires. Aimé Girard cherche encore de tous les mélanges employés celui qui adhère le plus complètement aux organes foliacés, et il montre que la bouillie à la mélasse, préparée par M. Michel Perret, doit être préférée. Plus tard, reconnaissant que le bas prix de l'alcool et l'habi- tude que l’on a dans plusieurs de nos départements d'utiliser à sa fabrication les betteraves plutôt que les pommes de terre, entravaient sa culture de prédilection, il songea à la faire entrer, plus sou- vent qu'on ne l'avait fait jusque-là, dans la ration des bêtes à l'engrais; et c'est alors qu'on vil, dans les concours agricoles, des bœufs préparés pour la boucherie, après engraissement à lapommedeterre. Aimé Girard a dépensé beaucoup de temps, de talent, à modifier dans notre pays la culture de la pomme de terre; et on voit, lentement il est vrai, les rendements s'élever peu à peu. Pendant ces dernières années, ilavaitcommentcé, avec la collaboration de son neveu, M. Lindet, une étude du raisin, et plusieurs mémoires importants avaient élé déjà publiés sur ce sujet, lorsque la mort est venue briser cette féconde association. Aimé Girard est entré tardivement à l’Acadé- mie des Sciences, après la mort de Chambreland, en 1894; il n y a donc siégé que peu d'années, car il nous à été enlevé le 12 avril 1898. Écrivain clair, précis, consciencieux, il a rempli, avec autant de zèle que d'habileté, les fonctions de secrétaire perpétuel de la Société d'Encouragement à l'Indus- trie nationale. Aimé Girard a laissé la réputation d’un brillant professeur ; un nombreux public rem- plissait son amphithéâtre du Conservatoire. Affable, accueillant, il élait très aimé de ses élèves, sur les- quels sa sollicitude s’élendait bien après qu'ils avaient quitté son laboratoire. Aimé Girard fut un bon maître, et c'est là un trait qu'il faut ajouter pour montrer loutes les qualités de l'homme éminent qui vient de disparaitre. M. Demontzey, administrateur des forêts, cor- respondant de l’Institut dans la Section d'Écono- mie rurale, que nous avons perdu le 20 février dernier, était né à Saint-Dié le 21 septembre 1831, dans cet àpre département des Vosges qui fournit à la France tant d'hommes laborieux et distingués. Élevé au milieu des forêts qui couvrent le sol natal, Demontzey voulut passer sa vie à les étudier. Ih entra à l'École forestière de Nancy en 1850 et, après un assez long séjour en Algérie, où il montra déjà sa rare puissance de travail, il fut envoyé dan cetle région des Alpes où il devait accomplir l'œuvre de reboisement des montagnes à laquelle est atta= ché son nom. Il passa de longues années à Digne, au centre même de la région qu'il s'efforçait de transformer. Il s'agissait d'arrèter l’action dévasta= trice des torrents dans les hautes montagnes. Les travaux entrepris par le corps des forestiers eb auxquels Demontzey a pris la part la plus active, sont justement célèbres. Le procédé consiste à créer sur le parcours du torrent une série d’éche- lons horizontaux qui diminuent la rapidité de son cours el, en outre, à gazonner, à boiser même, les pentes sur lesquelles s'écoulent les eaux qui se réunissent dans le lit du Lorrent. Tout le monde a pu voir une représentation très exacte de ces tra vaux au pavillon des Forêts de l'Exposition uni= verselle de 1889. Demontzey a publié deux ouvrages importants dans lesquels il expose les méthodes employées : l'un porte le titre Ztude sur le reboisement et le gazonnement des montagnes; l'auteur y montre ques la méthode des semis ne donne pas les résultat attendus; qu'il faut créer d’abord des pépinière pour avoir des sujets à planter; l’autre ouvrage, plus récent, comprenant tout un volume de vues photographiques des torrents (avant et après lesa travaux) est intitulé : Zxtinction des torrents en France par le reboisement. Il est d'autant plus à désirer que le bon aména= gement des eaux qui descendent des montagnes soil continué, que ces eaux sont appelées à rendre à l'Industrie et à l'Agriculture des services dont on ne saurait exagérer l'étendue. Captées dans de tuyaux, elles animent des turbines, puis des ma chines dynamo-électriques. L’électricité ainsi pro duite sert déjà à la fabrication de l'aluminium, ou transformée en chaleur, à celle du carbure de cal cium, source de l'acétylène. On verra d'ici à vingt= cinq ans des industries nouvelles se créer dans les régions montagneuses, où l'on utilisera comme force motrice les chutes des eaux qui descendent des montagnes. L'emploi de ces eaux, d’abord pam l'Industrie, ensuite par l'Agriculture sur les plaines qu'elles doivent féconder, n’est possible que si les | torrents sont domptés et leur cours régularisé. Les nombreux usages auxquels se plie celte puissante source d'énergie entraînent l'obligation de conti nuer les utiles travaux auxquels Demontzey a con sacré sa vie. P.-P. Dehérain, de l'Académie des Sciences, Professeur au Muséum BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 73 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 4° Sciences mathématiques Drach (Jules), Ancien élève de l'Ecole Normale Supé- rieure. — Essai sur une théorie générale de l’Inté- gration et sur la classification des transcen- dantes (Thèse de la Faculté des Sciences de Puris). — 1 vol. in-4° de 146 pages. Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1898. Marotte (F.), Agrégé préparateur à l'Ecole Normale Supérieure. — Les Equations différentielles li- néaires et la Théorie des Groupes. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris).—1 vol. in-4° de 92 pages. Gauthier-Villurs et fils. éditeurs. Paris, 1898. MM. Drach et Marolte se sont attaqués à des pro- blèmes différents, mais par des méthodes dont le prin- cipe est le même. Pour éviter des redites, je réunis les deux comptes rendus. On sait (Galois, M. Jordan...) qu’à toute équation algébrique correspond un groupe G (groupe de l’équa- tion) de substitutions entre les racines. & a la propriété suivante : toute fonction rationnelle des coefficients et des racines, invariable vis-à-vis de G, est exprimable ralionnellement en fonction des coefficients; récipro- quement : toute fonction de la sorte indiquée est un invariant de G. La structure de G donne la clé de la nature intime de l'irrationnalité algébrique afférente aux racines. Tout cela est déjà classique. Plus récemment, avec MM. Klein, Lie, Picard, Ves- siot.…, l'idée géniale de Galois a largement pénétré dans le calcul intégral. Nommons corps S un système dont les membres “seront : 4° n fonctions z de »” variables indépendantes æ. 20 toutes Les fonctions obtenues en opérant sur les z par différentiation et par un procédé A donné à l'avance (A, par exemple, comprend toutes les opérations ra- tionnelles, effectuées aussi sur les x). Soient : G un groupe de transformations opérées sur les membres S, etQ une expression construite, sur les æ et les mem- bres du corps, d'une facon B donnée (par exemple rationnellement). On peut chercher un G, qui possède les propriétés suivantes : 4° Toute expression Q, invariable vis-à-vis de G, est exprimable avec les x d'une facon C donnée (par exem- ple Q est rationnelle, méromorphe, uniforme, etc.). 2° Toute expression Q exprimable de la facon CG est un invariant de G. G est-suivant le cas le groupe de rationnalité de méromorphie, de monodromie... La structure de G fournit la nature intime des fonctions z et les éléments our une classification des transcendantes z, fondée sur es propriétés des groupes. Les relations (système H) qui lient les membres du corps S soit ensemble soit aux m variables z sont des équations, différentielles pour m — 1, ou aux dérivées partielles pour m > I. Les z sont les intégrales du sys- tème H et la notion de groupe pénètre profondément dans le problème du calcul intégral. M. Drach rappelle d'abord les principes d'une facon élégante et originale. Puis il choisit le cas où mm —n—+tl et où le système H se réduit à une équation linéaire, homogène, du premier ordre, à coefficients rationnels. Les procédés À et B sont ralionnels. Les fonctions z sont n solutions distinctes de A. Si les z sont envisagées comme des coordonnées dans un espace à n dimensions, G est le groupe des transformations ponctuelles dans ledit espace. M. Drach étudie le groupe de rationnalité. On suit pas à pas la marche de Galois (formation de la résolvante, etc.). On est ramené à la recherche directe des intégrales rationnelles, problème fort ardu. M, Marotte choisit le cas où m — 1 et où le système H se réduit à une équation k différentielle, linéaire, homo- gène d'ordre n, à coefficients rationnels. Les procédés A et B sont rationnels. Les z sont les n fonctions d'un système fondamental d'intégrales de 4. Les transforma- tions de G sout les substitutions linéaires, homogènes, à coefficients constants (collinéations de l'espace à # dimensions) que subissent les z quand # voyage dans | une région de son plan, par exemple autour d’un point singulier. On cherche les groupes de méromorphie, ralionnalité, monodromie…., pour n — 2, 3 et #4. Inter- viennent les intégrales dout la dérivée logarithmique est algébrique etles équations différentielles de M. Pain- levé, où l'intégrale générale contient d'une facon connue les paramètres arbitraires. On voit que, dans les recherches de MM. Drach et Marotte, le fond des choses consiste à faire profiter le calcul intégral des renseixnements passablement com- plets qu'on possède sur certaines catégories de groupes. M. Drach aime à remuer les idées générales et le fait avec élégance. Mais il ne peut, bien entendu, pas par- courir tout le vaste domaine où il pénètre. Souvent on ne trouve, sur une question, qu'un simple programme de recherches. L'auteur le reconnait lui-même. M. Marotte se cantonne sur un champ plus étroit et élabore des résultats plus complets. Quoi qu'il en soit, les deux thèses sont, avec des qua- lités différentes, toutes deux fort intéressantes. Léon AUTONNE, Maître de Conférences de Mathématiques à l'Université de Lyon. 2° Sciences physiques Montillot (L.), Inspecteur des Postes et Télégraphes. — Télégraphie pratique. Traité complet de Télégra- phie électrique. — 1 vol. n-8° de 624 pages avec 356 figures et 6 planches. (Prix relié : 25 fr.) V° Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1898. L'ouvrage que nous avons sous les yeux justifie plei- nement le qualificatif de son titre et celui de son sous- titre. On perd peu de temps aux bagatelles de la porte; l'auteur n'explique point ses intentions dans une pré- face, et consacre tout juste une page à l’histoire des systèmes de télégraphie non électrique. C’est dire qu'il tient à garder, pour la description minutieuse de ces derniers, tout l’espace dont il dispose. Laissant de côté les lois du courant électrique et les unités, que l’on commence décidément à connaître et que trop d'auteurs se croient obligés de servir comme hors-d'œuvre nécessaire à tout ouvrage technique sur l'électricité, M. Montillot, fidèle à son programme, décrit d'abord les appareils accessoires : sonneries, serre-fils, relais et piles, communs à un grand nombre de sys- tèmes télégraphiques. Puis, dans des chapitres séparés, sont données, avec les plus minutieux détails, les des- criptions des appareils à cadran, du Morse, du Hughes et du Baudot, ainsi que des appareils usités dans la télégraphie sous-marine. Me permeltra-t-on, à propos de ces derniers, une remarque en passant? Le terme de siphon recorder, employé par tout le monde, et auquel l’auteur donne l'hospitalité, n'a pas seulement le défaut d'être un affreux barbarisme, il a celui, plus grave, de ne pas porter en lui sa signification précise dans une langue autre que l'anglais. Sa traduction littérale — enregistreur où inseripteur à siphon — le remplacerait avantageusement à tous égards. 74 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX L'installation des postes avec le Morse ou l'appareil à cadran, l'installation des bureaux des gares, des lignes aériennes et souterraines, ainsi que des lignes sous- marines, enfin les essais électriques et la découverte des défauts et leur réparation complètent l'ouvrage. L'analyser dans le détail nous conduirait fort loin, et dire qu'il contient tout ce qui a trait à la télégraphie supposerait de notre part une compétence que nous n’avons pas. Nous nous bornerons à constater qu'il estfort clair, très abondamment et élégamment illustré, et que les deux ou trois formules qu'il contient ne sortent pas de l’al- gèbre la plus élémentaire. Peut-être quelques lecteurs de la télégraphie pratique, plus curieux que les autres, après avoir trouvé dans l'ouvrage les réponses claires et détaillées à toutes les questions imaginables qu'ils auront pu se poser concernant les appareils, se deman- deront-ils pourquoi les récepteurs des lignes sous- marines diffèrent si complètement de ceux qui sont employés sur terre dans la transmission continentale. L'auteur ne le dit pas, et nous ne lui en faisons pas un reproche. Nous constatons seulement que son ouvrage, si complet, s'adresse tout particulièrement aux prati- ciens. Pour tous ceux qui s'occupent de près ou de loin de télégraphie, de pose d'appareils ou de construc- tion, ou de l'emploi des lignes ou des câbles, il sera un précieux catéchisme. Cu.-En. GUILLAUME, Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. Metzner (René), Préparateur à la Faculté des Sciences de Paris. — Sur quelques composés du Sélénium et du Tellure. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-8° de 90 pages. Gauthier-Villurs et fils, éditeurs, Paris, (899. Les recherches de M. Metzner sur le sélénium et sur le tellure ont contribué à établir une conclusion impor- tante. Tandis que le soufre et le sélénium sont des élé- ments très voisins, faisant partie, sans aucun doute, d'une même famille naturelle, le tellure, plus voisin des métaux, diffère de ces deux corps à bien des égards, et ne doit plus figurer à côté d'eux dans une classifica- tion rationnelle. Le soufre et le sélénium sont certainement des métal- loïdes; en effet, ce sont des acides bien caractérisés que donpent, en présence de l’eau, leurs deux degrés d'oxy- dation. Pour le tellure, au contraire, l’acide tellureux s’unit aux bases avec moins d'énergie, tandis quil forme avec l'acide sulfurique une combinaison stable. La comparaison devient particulièrement facile lorsqu'on y fait intervenir, comme l'a fait M.Metzner, les mesures thermochimiques. Ce caractère établit des différences bien nettes entre le tellure d’une part, le soufre et le sélénium de l'autre. De plus, les relations d’isomor- phisme, admises autrefois, ne se vérifient pas pour les sels. M. Metzner a repris, à la suite de ses travaux, la dé- termination du poids atomique du tellure. Le tellure employé par lui avait été sublimé par dissociation de l'hydrogène telluré. Deux méthodes ont été employées : synthèse du sulfate de tellure SO*2Te0?, et aussi ré- duction de l'acide tellureux par l’oxyde de carbone en présence d'argent métallique. Ces deux méthodes ont donné des résultats concordants, et fixé le poids ato- mique du tellure à 127,9. Cette conclusion est fort impor- tante. En effet, l’iode ayant pour poids atomique, établi par les meilleurs travaux, 126,54, le tellure doit suivre l’iode dans la liste des poids atomiques crois- sants, au lieu de le précéder, comme on l'a admis en ces dernières années. Ce résultat, déjà affirmé antérieu- rement, est conforme, quant au sens de la différence, aux déterminations de Berzélius, mais il avait été plu- sieurs fois depuis vingt ans contredit par les chimistes qui ont publié des déterminations du poids atomique. Le tellure n'ayant donc plus, comme on l’admettait en dernier, lieu, un poids atomique inférieur à celui de l'iode, ne doit plus figurer avec la famille du soufre dans la classification périodique de Chancourtois et de Mendéléef, et il faut se résoudre, pour cette nouvell raison, à ne plus l'inserire à cette place. La place ra tionnelle où Î faut ranger le tellure est encore à déter miner. \ L'étude de M. Metzner comprend encore bien des ré sultats importants, tant pour la description de combi naisons nouvelles que pour les préparations plu: simples et plus parfaites de composés déjà connus. Ces recherches spéciales, que voudront lire les chimiste de profession, contribuent au mérite de ce bon travail LÉON PIGEON, Professeur adjoint z. à la Faculté des Sciences de Dijon 3° Sciences naturelles Smirnov (Jean N.), Professeur à l'Université de Kazan. — Les populations finnoises des bassins de la Volga et de la Kama. (Etudes d'ethnographie histo rique, traduites du russe et revues par Pauz Boxer, Professeur à l'Ecole des Langues orientales.) — 1 vol, in-89 de 496 pages. E. Leroux, éditeur. Paris, 1899. Dans une récente étude sur la formation de la natio- nalité russe, nous avons tenté d'expliquer ici même comment les Slaves du Volkhov, du Haut-Volga et du Dnieper, organisés par des pirates normands, avaient entrepris la conquête ou l'assimilation des peuples finnois auxquels ils confinaient. Cette assimilation n'est pas encore complètement achevée aujourd'hui, et l& Russie européenne compte encore sur son territoire plusieurs millions d’allogénes (inocodtsy). Dans quelques siècles, ils auront probablement complètement disparu. En attendant, ils sont fort intéressants à étudier au point de vue de l’ethnographie et du folklore. Au siècle dernier, ils avaient déjà attiré l'attention de voyageurs tels que Pallas, Lepekhine, Georgi *. Dans notre siècle, avec le développement des moyens de locomotion d’une part, et les progrès de la science de l’autre, les mé- thodes d'observation se sont perfectionnées. Parmi les savants russes qui ont étudié les Finnois de la Russie européenne, il faut citer, en première ligne, M. Smirnov, professeur à l'Université de Kazan. Située au grand coude du Volga, au seuil de lAsie, Kazan est un merveilleux poste d'observation. Sa biblio- thèque renferme un grand nombre de publications pro- vinciales, dont nous ne soupconnons même pas l’exis- tence. M. Smirnov ne s’est pas contenté de les dépouiller; il a observé par lui-même, il a groupé, dans une syn- thèse magistrale, les résultats acquis par lui-même ou par ses prédécesseurs. Dans une série de monogra- phies, il a étudié tour à tour les Tchérémisses, les Mordvines (ou Mordves, comme dit plus scientifique- ment M. Boyer), les Votiaks, les Permiens. Ces mono- graphies ont été accueillies avec sympathie : l’Académie impériale de Saint-Pétersbourg les a récompensées comme étant « l’œuvre la plus importante qu’ait pro- duite l'ethnographie russe dans ces dernières années ». Elles méritaient d'être connues du public européen et ne pouvaient trouver un meilleur interprète que M. Boyer. À une connaissance parfaite de la langue russe, M. Boyer joint un esprit scientifique des plus rigoureux. Il ne s'est pas contenté de traduire M. Smir- nov, il l’a revu d'accord avec l’auteur. Ce travail de” revision s'impose presque toujours, quand on veut mettre à la portée du public français une œuvre russe de longue haleine; nos confrères russes n'ont pas les mêmes habitudes littéraires que nous; ils rédigent d’une facon un peu lâche, un peu flottante, à la diable, pourrait-on dire en style familier. Ils ne s'inquiètent 1 Voir la Revue générale des Sciences du 19 septembre 1898. ? M. Charles Rabot leur a consacré récemment un curieux volume : À travers la Russie boréale (Paris, Hachette). BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 75 pas d'établir, entre les faits et les idées, cet ordre logique auquel les compatriotes de Descartes et de Voltaire sont depuis longtemps habitués. Ils le reconnaissent de bonne grâce et quand nous leur proposons des modifi- cations ou des transpositions, des suppressions, ils les acceptent volontiers. C'est ce qu'a fait M. Smirnov, et ceux de ses compatriotes qui parcourront ses travaux dans l'édition de M. Boyer seront peut-être toutétonnés de constater qu'ils se lisent plus aisément en français que dans la langue originale. M. Boyer a, d’ailleurs, joint à sa traduction un index rerum el verborum, que les lecteurs russes eux-mêmes pourront consulter avec plaisir et profit. tan Il a adopté pour la transcription des mots russes ou indigènes une transcription rigoureusement scienti- fique, parfaitement à sa place dans un volume publié par l'Ecole des Langues orientales, mais qui embarras- sera peut-être un peu les géographes et les ethno- graphes appelés à se servir de ce beau volume. Ils en trouveront la clef à la fin de la préface, mais cette clef n'est intelligible que pour les personnes qui connaissent les lettres de l'alphabet russe. M. Boyer avoue qu'il a dù faire quelques concessions à l'usage; peut-être lui en aurais-je demandé de plus grandes dans l'intérêt des profanes. Le volume se divise en deux parties à peu près égales consacrées, la première aux Tchérémisses, la seconde aux Mordves, plus connus en France sous le nom de Mordvines. L'auteur expose tour à tour leur histoire, leur manière de vivre, l’organisation de la famille et de la société, l'idée que ces peuples se font de la mort et du culte qu'ils leur rendent, la religion, la littérature populaire. Malheureusement, les ressources limitées de l'éditeur ne lui ont pas permis de joindre à ces cha- pitres si curieux des cartes, des photographies, qui en seraient le complément indispensable. M. Smirnov paraît s'être interdit, par principe, les rapprochements entre les rites ou les croyances des peuples qu'il étudie et ceux de leurs voisins slaves. Peut-être ne les a-t-il pas connus, peut-être a-t-il pensé que ces rappro- chements s’imposeraient d'eux-mêmes aux lecteurs russes. J'ai eu l'occasion d'étudier récemment les rites de la fête en l'honneur des morts célébrée, dans la Russie blanche, sous le nom de Dziady (les aïeux). Ces rites, que Mickievicz a mis en beaux vers polonais, je les retrouve presque littéralement chez les Mordves. « Le samedi saint, raconte un témoin oculaire cité par M. Smirnov, on cuit des beignets dans toutes les maisons ; sur le banc d'honneur, on étend une couver- ture de feutre, sur cette couverture un oreiller et un essuie-main : c’est le lit des morts. La table est mise; sur la table une cruche de bière, un pot de bouillie, une pile de beignets; des cierges brülent devant les saintes images. Tous les membres de la famille se tenant sur une seule ligne, le maître et la maîtresse de la maison s'avancent d’un pas et prononcent l’invocation aux ancêtres : « Aïeux et aïeules, entendez notre voix, secouez la poussière de la terre, venez vers nous pour la fête; en votre honneur, nous avons cuit des beignets, brassé de la bière; rassemblez-vous et venez. Peut-être en est-il parmi vous qui n'ont plus de parents, qui n'ont per- sonne qui les invite; amenez-les avec vous, pour qu'eux aussi ils aient une fête; car nous avons de tout en abondance, et tous auront leur part; voici un pot de bouillie et ici un lit, après le diner vous pourrez dor- MIT. » Ecoutez maintenant Mickiewiez. Voici comment il traduit, en beaux vers polonais, les superstitions de la Russie blanche, superstitions essentiellement païennes, malgré le vernis chrétien dont le poète les a revêtues : « Ames du purgatoire, quelque contrée du monde que vous habitiez.., accourez chacune au rendez-vous. Nous célébrons ici la fête des aïeux, descendez dans l'enceinte consacrée; voici des aumônes, des prières, voilà des liqueurs et des mets... È « Que te faut-il, âme d'enfant? Voici des beignets, du lait, des gâteaux; voilà des fleurs et des fraises ! ». Dans ces vers, Mickiewiez ne fait que transcrire presque littéralement des formules populaires, dont un ethnographe distingué, M. Schein, a recueilli de nom- breux matériaux dans son bel ouvrage : Matériaux pour l'étude de la vie et du langage des populations russes du Nord-Ouest. Voici ce que je lis au tome If, 2° partie, p- 596, de cet excellent recueil. Je traduis en abré- geant : « Pour la fête des Dziady (ancètres) d'automne, on nettoie soigneusement la maison. On prépare quan- tité de mets appétissants. Le soir venu, tout le monde se rassemble... On s’assied autour d'une table chargée de mets et après avoir lu la prière, celui qui l’a dite profère les paroles suivantes : « Saints aïeux, nous vous appelons.Saints aïieux, venez chez nous. Il y a ici tout ce que Dieu à donné, tout ce que je vous ai offert, tout ce dont notre chaumière est riche. Saints aïeux, nous vous invitons; venez, descen- dez vers nous. » Il y a dans ces rites des allogènes, dans ceux de la Russie blanche, que M, Schein a recueillis en prose ou que Mickiewicz a mis en vers, un mélange curieux d'élé- ments paiens et chrétiens (cierges allumés devant les images). Il y a, en outre, entre eux, des analogies frap- pautes qui demanderaient un long commentaire. Com- ment faire le départ de l'élément chrétien et de l’élé- ment national, slave ou finnois? Grave question qu'il est plus facile de poser que de résoudre. De même, les légendes mordves sur la création demanderaient à être rapprochées de certaines traditions de la Petite-Russie. « Un jour que le monde était vide, rapporte M. Smir- nov, d’après Melnikov (p. #10), Cim-Paz, assis sur une pierre, flottait sur l'Océan et réfléchissait sur la manière dont il fallait s'y prendre pour créer le monde visible. Tout à coup, il se dit : Je n'ai personne que je puisse consulter avant d'entreprendre une œuvre si grande et, de dépit, il se coucha sur l'onde et poursuivit sa route. Lorsqu'au bout de quelques minutes Cim-Pazse retourna, il ne fut pas peu étonné de voir que sa salive montait et montait toujours, de manière à former une grande colline flottante qui nageait après lui. Cim-Paz se fâcha et frappa la colline de son bâton. Aussitôt, Sajtan sortit de la colline disant : « Tu es malheureux, à mon maitre, de n'avoir ni frère, ni compagnon qui pourrait t’assister dans ton œuvre gigantesque; veux-tu que je sois ton frère ? » Cim-Paz, tout charmé, lui répondit : « Eh bien ! oui, sois mon camarade, et maintenant créons la terre. » « Sajtan — c'est M. Smirnov qui parle — est l'esprit du mal. Il a pris la forme d’un canard... Il plonge, sur l’ordre de Skaj, et du fond de la mer rapporte le sable dont Skaj forme les continents. Mais, jaloux de Skaj, Sajtan veut, lui aussi, être créateur, et il garde dans son bec une partie du sable qu'il à rapporté : sa tête enfle, devient énorme, il hurle de douleur et crache les grains de sable qu'il a dérobés. Ces grains de sable devienrent les montagnes et les collines dont l’écorce terrestre esthérissée; en certains endroits de sa-surface, molle encore, la terre cède sous le poids et se creuse en vallons, en ravins. Skaj maudit Sajtan, etc. » Il y a plus de trente ans, un mythographe tchèque des plus distingués, feu Charles Erben, annonçait dans la Revue du Musée de Prague (année 1866), qu'il avait découvert dans le folklore des Petits-Russiens d’im- portantes légendes concernant la création du monde. Il s’efforcait de démontrer que dans toute la Slavie, de l'Oural à la mer Adriatique, règne partout une même opinion sur la création du monde tirée du sable de la mer, à la suite d’un conflit entre Dieu et le démon. Cette tradition se résume ainsi : Dieu, avant la créa- tion, navigue sur l’eau et rencontre le démon. Le démon plonge au fond de l’eau, ramène un grain de sable et ce grain devient laterre. Daus les anciens textes slavons russes, on voit le démon Satanael plonger dans la mer 1 OEuvres poétiques d'Adam Mickiewicz, traduites par Chris- tan Ostrowski (4° éd., p. 173 et suivantes). 76 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX sous la forme d’un oiseau, en ramener du sable et créer le monde de concert avec Dieu. Eh bien ! ces pré- tendues légendes slaves sont tout simplement un écho des livres apocryphes de l'Ancien Testament. J'ai con- sulté, il y a bien des années, sur cette question déli- cate, un de nos plus savants orientalistes, M. Joseph Derenbourg; il m'affirmait que la plupart de ces récits doivent être cherchés dans le Midrach, c'est-à-dire dans les commentaires dont les rabbins ont accompagné les textes primitifs de la Bible. Ainsi qu'on en peut juger par ce simple détail, les faits recueillis par M. Smirnov ont besoin eux-mêmes d'un commentaire bien délicat. Qu'y a-t-il de vraiment indigène dans les mythes ou les rites qu'il relève, qu'y a-t-il d'emprunté ? Avis aux folkloristes. L'ouvrage de M. Smisnov, si bien présenté au public francais par M. Boyer, est, comme on le voit, d'un haut intérêt. Ethnographes, folkloristes, mythographes y apprendront beaucoup; les simples curieux y trouve- ront un plaisir extrême. Malheureusement, il fait partie d'une collection majestueuse assez chère, peu accessible à la masse des lecteurs. Le fondateur de cette collec- tion, mon regretté ami M. Schefer, était avant tout un bibliophile; il aimait non seulement les bons livres, mais les beaux livres. Je m'honore d’avoir collaboré à ces splendides publications de l'Ecole des Langues orien- tales; mais en me placant au point de vue des intérêts da monde savant, je me demande s’il n’y aurait pas lieu de réserver le majestueux in-8° jésus pour les textes qui demandent de l’espace et de la lumière, et si les traductions ne pourraient pas être éditées dans un format plus maniable et moins coûteux. Le bel ouvrage de MM. Smirnoy et Boyer aurait certainement plus de lecteurs s'il était d’un prix plus modeste, d'un format plus maniable et plus facile à caser dans les bibliothèques, Louis LEGER, Professeur au Collège de France. 4 Sciences médicales Ogier (J.), Chef du Laboratoire de Toxicologie à la Pré- fecture de Police, Membre du Comité consultatif d'Hy- giène publique. — Traité de Chimie toxicologique. — 1 vol. in-8° de 838 pages avec 90 figures. (Prix : 46 fr.). 0. Doin, éditeur. Puris, 1899. Voici un livre qui vient à son heure et qui nous apporte le fruit d'une longue expérience acquise au cours de très nombreuses expertises, dont le dirècteur du Laboratoire de Toxicologie de la Préfecture de Police a été chargé. Fidèle au titre et à l'esprit de son ouvrage, M. Ogier ne s’est pas attardé à des discussions sans portée sur la classification des poisons : il va droit au but et nous initie, dès les premières pages, à la recherche chimique des poisons gazeux. C’est là un chapitre que l'auteur a traité avec une véritable prédilection ; on y trouvera un grand développement donné à la description d'appa- reils, de manipulations qu'on chercherait vainement ailleurs et qui, pourtant, rendent les plus grands ser- vices au cours de diverses expertises (oxyde de carbone, gaz d'éclairage, hydrogène sulfuré, etc., etc.). _ Puis, viennent les poisons volatils et, en première ligne, le phosphore; signalons, en passant, une modifi- cation ingénieuse de l'appareil de Mitscherlich, imagi- née par M, Ogier; l'acide prussique et ses dérivés, dont les diverses réactions sont étudiées dans les détails les plus minutieux; les phénols, le chloroforme, les al- cools ou éthers, etc, Divers chapitres, qui manquent dans la plupart des traités didactiques, sont consacrés ensuite au sulfure de carbone, à la benzine, à l’aniline, aux essences, à des poisons que l'expert doit rechercher quelquefois et dont la recherche offre d'autant plus de difficultés que les classiques sont, à leur égard, vides de renseignements. Dans la partie suivante de son ouvrage (IVe partie), M. Ogier consacre plusieurs chapitres aux poisons métalliques et débute naturellement par la description des méthodes de destruction de la matière organique : il insiste avec raison sur les avantages du procédé de Pouchet, et fait connaître les modifications apportées par le Laboratoire de la Préfecture de Police à la tech- nique de Fresenius et Babo. L'arsenic est, bien entendu, l’objet d'un long cha- pitre, auquel succèdent l'antimoine, le plomb, le mer- cure, le cuivre, etc. Il faut savoir gré à M. Ogier de ne pas s'être borné aux métaux ordinaires, mais d'avoir fait figurer dans la liste des poisons qu'il à étudiés : l’étain, le cadmium, le baryum, et d’autres substances que le toxicologiste n'a que très rarement l’occasion de rencontrer. L'étude des poisons corrosifs et celle des acides. organiques suit immédiatement : plusieurs de ces cha- pitres portent la trace des travaux personnels de l’auteur et des contributions importantes qu'il a apportées à l'histoire de ces divers corps. Aux alcaloïdes est réservée la dernière partie de l'ouvrage : l'étude de chacun d'eux est traitée avec le plus grand soin, et les praticiens trouveront avec intérêt à glaner de nombreux détails, de véritables tours de main rendant aisées des réactions qui ne réussissent pas toujours du premier coup. A signaler les améliorations apportées par M. Ogier à l’ancienne et classique méthode de Stas. L'auteur s’est souvenu qu'un toxicologue n’estcomplet qu'à la condition d'ajouter aux réactions chimiques des caractères tirés des actions toxiques exercées par les alcaloïdes vénéneux. La technique de l’expérimenta- tion physiologique est traitée beaucoup plus complè- tement que dans les ouvrages ordinaires de toxicologie. Une place spéciale a été faite aux travaux de Popoff sur les caractères extérieurs fournis par les cristaux des picrates alcaloïdiques. A relever également, au cours du volume, les résultats d’autres recherches poursuivies au Laboratoire de la Préfecture de Police. Une bonne étude sur les taches de sang et de nom- breux rapports d'expert rédigés par M. Ogier et quel- ques-uns de ses collaborateurs, à la suite d’expertises particulièrement délicates, terminent l'ouvrage. En somme, c’est un vérilable traité complet de Chimie toxicologique que M. Ogier vient de livrer au public : tous ceux, et ils sont nombreux, qui s'occupent acci- dentellement ou d'une facon suivie, de la recherche chimique des poisons, viendront puiser dans ce livre des renseignements nombreux et précis, augmentés, sur bien des points, de la riche expérience personnelle de l'auteur. D' L. HUGONNENOQ, Professeur de Chimie à la Faculté de Médecine de Lyon 5° Sciences diverses La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des Lettres, des Sciences et des Arts, paraissant par livrai- sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses figures mntercalées dans le texte. 593°, 5942, 5959, 596€ et 597 livraisons. (Prix de chaque livraison : 4 frane.) Bureaux, 61, rue de Rennes, Paris. Dans les dernières livaisons de la Grande Encyclo- pédie, nous signalerons particulièrement les articles de M. Léon Sagnet, sur la Navigation; de M. Moniez, sur les Nématodes; de M. E. Haug, sur le Néocomien et le Néogène; de MM. Debierre, P. Langlois, Patel et Morer, sur le nerf et le système nerveux. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 77 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 2 Janvier 1899. M. C. Wolf, président sortant, fait connaître à l'Académie l’état où se trouve l'impression des Recueils qu'elle publie, et les changements survenus parmi les membres et correspondants dans le cours de l’année 1898. — M. Ph. van Tieghem prend possession du fauteuil de la présidence. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Jean Mascart à dressé des tableaux des éléments de l'anneau des petites planètes en choisissant comme plan coordonné origine celui de l'orbite de Jupiter, planète dont l'action perturbatrice a joué un rôle prépondérant dans la cons- titution de l’anneau. Les tableaux ainsi dressés consti- tuent des documents numériques indispensables à létude complète de l'anneau. — M. Ch. André commu nique les observations de l’éclipse totale de Lune du 97 décembre 1898, faites à l'Observatoire de Lyon. L'état du ciel a beaucoup gêné les observations. — M. Baïillaud présente les observations de la même éclipse faites à l'Observatoire de Toulouse. L'état du ciel a permis de prendre des photographies des diffé- rentes phases, mais l'examen des chichés n’a pas révélé de particularités intéressantes. — M. F. Rossard communique l'observation des comètes Brooks (octobre 1898) et Chase, faites à l'Observatoire de Toulouse, à l'équatorial Brunner de 0,23. — M. Georges Poisson étudie la propagation d’une onde liquide, de forme et de hauteur quelconques, dans un cours d’eau satisfai- . sant aux conditions habituellement adoptées. Il donne la formule de la hauteur maximum de l'onde dans chaque section et la vitesse de l'eau correspondante. — M. Considère cherche à expliquer l'influence des armatures métalliques sur les propriétés des mortiers et bétons. Il est probable que l'addition de barres de fer noyées dans les fibres tendues du mortier doit uni- formiser l'allongement et, par suite, augmenter sa valeur moyenne. En effet, si une section plus faible cède la première, le fer, dont l'élasticité esttrès grande, y produit un supplément considérable de résistance, qui retarde sa déformation prématurée. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Aug. Righi a fait de nouvelles expériences sur l'absorption de la lumière par un corps placé dans un champ magnétique. Il s’est servi de vapeur d'hypoazotide, d'iode, de brome, de bromure d'iode, etc.; on n'observe d'effet que sous une très faible épaisseur. — M. A. Guillet décrit un appareil qui permet d'étudier facilement les variations d'aimantation dues à diverses causes. Il se compose d'un équipage mobile, formé d’un cadre plan solidaire d'un cylindre creux, suspendu par un fil métallique très fin à un micromètre de torsion: le système est parcouru par un courant. L’aimant à étudier est intro- duit avant et après modification dans le cylindre creux et les angles de torsion sont proportionnels aux varia- tions d'aimantation. — M. H. Moissan a obtenu, par l'action de la monométhylamine liquéfiée sur le lithium, un produit liquide, épais, d’un bleu foncé presque noir, correspondant à la composition (AzH?CH*}'Li. En lais- sant ce corps se dissocier dans le vide, ou en le chauf- fant avec précaution, on arrive à obtenir un corps solide bleu foncé, cristallisé, répondant à la formule AzH°CH°Li. En élevant la température, il se dissocie enméthylamine et en lithium brillant et cristallisé. — M. M. Berthelot a étudié les méthodes de dosage habi- tuelles du phosphore et du soufre dans les végétaux et dans leurs cendres. Le procédé le plus exact consiste à brûler la matière par l'oxygène libre en dirigeant les vapeurs sur une longue colonne de carbonate de soude à une température ne dépassant pas le rouge sombre. L'incinération simple ne saurait fournir de dosages exacts; si la température n’est pas assez élevée, le soufre et le phosphore peuvent s'échapper en partie à l'état de composés volatils. A une température plus haute, le défaut d'oxygène et de bases alcalines entraîne également une perte de combinaisons non peroxydées ou d'acides déjà formés. — Le même auteur a étudié également le dosage du chlore dans les végétaux; il a reconnu aussi que l'incinération simple produit une perte de chlore et qu'il faut opérer avec un excès d'oxygène et de carbonate alcalin. Le chlore ne paraît pas avoir pénétré dans la plante à l’état de chlorure de sodium, car il est constamment en proportion plus forte que le sodium. — M. H. Baubigny, après avoir séparé, par l’action de l'acide sulfurique et du bichro- mate de potasse, l’iode d’un mélange de chlorure, bromure et iodure d'argent, transforme le chlore et le brome en sels alcalins et sépare alors le brome par l'action du sulfate de cuivre et du permanganate de potasse. Par ce procédé, on peut atteindre à une grande précision. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. L.-G. Seurat a étudié la formation de la tête des Hyménoptères, au moment de leur passage à l’état de nymphe. La tête de la nymphe est formée uniquement de latête de la larve; d’abord invaginée, celte tête, par un mouvement de rotation dans le plan médian, se dévagine et acquiert sa forme définitive. — MM. Kilian et Lugeon ont élabliune coupe transversale des Alpes briançonnaises, de la Gyronde à la frontière italienne. Ils ont reconnu que lazone houil- lère à structure en éventail, dont M. Marcel Bertrand a défini la signification importante en Savoie, se poursuit tectoniquement au sud de Briançon où le synclinal tria- sique du col des Ayes, qui en occupe l'axe, joue exacte- ment le même rôle dans la symétrie de cette partie du système alpin. Séance du 9 Janvier 1899, 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Rayet commu- nique les observations de l’éclipse totale de Lune du 27-28 décembre faites à l'Observatoire de Bordeaux. Le ciel, d'abord nuageux, s’est couvert complètement à partir de miouit. Huit photographies ont pu être prises, mais n'ont pas révélé de détails bien intéressants. — M. Eugène Fabry montre que l’on peut, par la seule considération de la continuité, généraliser la définition des fonctions analytiques de facon à pouvoir, dans des cas très généraux, les prolonger au delà des lignes sin- gulières. — M. Servant rappelle la méthode générale pour le calcul des points singuliers d'une fonction dé- finie par une série de Taylor qu'il a précédemment développée, et il en tire quelques conséquences nou- velles. — M. E.-0. Lovett a cherché à trouver des transformations semblables à celle de M. Lie, entre les lignes droites et les sphères, dans les espaces à n di- mensions; pour cela, il détermine les formes des fonc- tions qui définissent la correspondance voulue en expri- mant la condition que le déterminant correspondant sera capable de représenter le premier membre de l'équation d’une hypersphère. — M. Ribière a éludié les lois de la flexion des cylindres à base circulaire. La règle dite du trapèze est suffisamment approchée pour les besoins de la pratique tant que le rapport du rayon de la base à la demi-hauteur du cylindre reste faible (un dixième environ). — M. Hatt présente un rapport sur un mémoire de M. Léon Partiot, relatif à la vitesse 78 ACADEMIES ET SOCIËTES SAVANTES de propagation de la marée remontant les cours d'eau. Le but de l'auteur a été d'appliquer les diverses for- mules proposées pour le calcul de la vitesse de propa- gation et de comparer le calcul avec le résultat des observations faites à l'embouchure de la Gironde sur nne longueur de 165 kilomètres. La formule de M. Boussinesq est celle qui se rapproche le plus de la réalité. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Marcel Deprez annonce qu'il à imaginé, il y a plus de quinze ans, un hystérési- mètre analogue à celui de MM. Blondel et Carpentier. Il y remplacait toutefois le fil de fer circulaire par un véritable anneau de fer et l'aimant permanent par des électro-aimants très puissants. L'avantage de cette substitution est de pouvoir, en faisant varier l'intensité du courant, étudier l'influence de l'intensité du champ sur la valeur de l'hystérèse. — M. A. Leduc montre qu'un gaz qui obéit à la loi de Joule et ne donne aucun effet thermique dans l'expérience de Lord Kelvin et Joule, suit à la fois les lois de Charles, de Gay-Lussacet de Mariotte. — M. H. Bagard a disposé un conducteur électrolytique sous forme d’anneau engendré par la révolution d’un rectangle autour d’un axe parallèle à l'un de ses côtés; il y a fait passer un courant, puis l'a soumis à l'action du champ d'un électro-aimant. La résistance de l'anneau liquide augmente quand on éta- blit le champ, et cette augmentation est plus grande quand la force électro-magnétique est centrifuge que quaud elle est centripète. — M. Th. Moureaux com- munique la valeur absolue des éléments magnétiques au 1° janvier 1899 au Parc-Saint-Maur, à Perpignan et à Nice. — M. P. Lebeau a obtenu, par l’action du charbon sur l’arséniate de calcium au four électrique, ou encore en chauffant de l’arsenic et du calcium au rouge sombre, un seul et même arséniure de calcium, cristallisé, répondant à la formule As?Caÿ. Comme l’azo- ture et le phosphure de calcium, il décompose l’eau à froid en donnant de l’hydrure gazeux (AsH°)et l'hydrate de calcium. — M. ©. Boudouard a étudié la décompo- sition de l’oxyde de carbone en charbon et acide carbo- nique en présence de l’oxyde de fer. Cette réaction est fonction du temps et aussi de la quantité d'oxyde de fer présent. La quantité d'acide carbonique formé croît régulièrement et la décomposition finit par être totale. — M. André Job a reconnu qu'on peut doser avec précision par l’eau oxygénée tout le cérium céri- que contenu dans une solution acide; la transformation en sels cériques est complète si l’on traite à froid les sels de cérium par le bioxyde de plomb et un excès d'acide nitrique concentré. — M. C. Matignon tire de données expérimentales la loi suivante : Pour des sys- tèmes comparables (comme les chlorures ammonia- caux), éprouvant une dissociation hétérogène, les chaleurs de combinaison des composés à partir des pro- duits de leur dissociation sont proportionnelles aux tem- pératures absolues correspondant à une même pression de dissociation, la pression atmosphérique, par exem- ple. Cette loi peut se mettre sous la forme: Quand des systèmes semblables se dissocient avec une même pression de dissociation, la variation d’entropie est la même. — M. Marcel Delépine montre que l’éthylidène- imine réagit généralement comme si elle possédait une formule trimère (CH*-CH—AzH}. Mais la molécule peut se dépolymériser ; ces cas se produisent quand on volati- lise l'aldéhydate et son anhydride, ou dans certaines réactions chimiques comme la formation de la carbo- thialdine CS*(CH*-CH —A7H}. — M. Georges Leser a préparé de nouveaux dérivés de la méthylhepténone synthétique, en particulier le sel d'aniline de l'acide méthylhexénone pyruvique, le méthylocténonal, etc, — M. Ph. Barbier a préparé synthétiquement le dimé- thylhepténol en faisant réagir l’iodure de méthyle sur la méthylhepténone naturelle en présence de tournure de magnésium. C'est un liquide incolore, bouillant entre 79 et 80° sous 10 millimètres. — M. À. Jouve, en chauffant pendant cinq à six heures, à 105°, dans un auto- clave, une dissolution d'oxyde de carbone dans le chlo- rure cuivreux ammoniacal, a observé la formation d’urée en même temps qu'un dépôt de cuivre; les amines grasses et aromatiques se comportent d’une façon ana- logue. — MM. Adrian et A. Trillat, en cherchant à retirer, de l'Artemisia absinthium, l'absinthine par un nouveau procédé, ont obtenu un produit parfaitement pur, qui s'écarte du précédent par son point de fusion et sa solubilité dans l’éther; les auteurs le nomment anabsinthine. Il possède la formule C{$H#0: et fond à 2580-2590, —_ M. Ferdinand Blumenthal, en soumet- tant l'albumine du blanc d'œuf à l’action décompo- sante d’une solution d’'hydrate de baryte et ensuite de l'acide chlorhydrique, a obtenu un sucre réduisant la liqueur de Fehling et donnant une osazone. C'est une hexose, probablement du glucose lévouyre. — M. J. Hausser a fait des études sur la filtration, à travers des couches de matières réduites en poudre impalpa- bles, telles que le kaolin, le phosphate de chaux, le noir animal, de liquides comme l’eau, l'alcool, des solutions salines. La résistance à la filtration augmente avec l'épaisseur de la couche. Si l’on augmente la pres-. sion, la vitesse d'écoulement augmente peu à peu, mais devient finalement constante et indépendante de la pression. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. L. Ranvier a trouvé qu'il y a sept couches distinctes dans l’épiderme de l'Homme et des Mammifères. Ce sont, en suivant la marche de l’évolution épidermique : Sfratum germina- tivoum, S. filamentosum, S. granulosum, S. intermedium, S. lucidum, S. corneum, S. disjunctum. Chacune de ces couches se présente avec des caractères physiques ets des réactions chimiques parfaitement nets. Cependant, elles ne sont pas formées d'éléments spéciaux; une même cellule, née dans le Sératum germinativum, atteint le filamentosum et devient filamenteuse, puis le granu- losum et se charge d’éléidine, ete. — M. Ch. Bouchard montre que le poids moléculaire moyen de l’urine est en rapport avec l’activité et la perfection de l1 nutri= tion ; 1l est faible si la nutrition est parfaite, les grosses molécules des aliments organiques ayant été presque entièrement décomposées en molécules très petites d'urée ; il est plus élevé si la nutrition est languissante, l'oxydation s'étant arrêtée en partie à des produits inter. médiaires (créatinine, urobiline, acide urique, etc.) M L'auteur a déterminé, par la cryoscopie, le poids molé-M culaire des urines chez l’homme sain et dans divers états pathologiques, et a vérifié ses considérations. —M MM. Charrin et Levaditi ont étudié les modifications que subissent les toxines introduites dans le tube ds tif et qui ont généralement pour suite la perte plus ou moins grande de leur action. Ces modifications parais= sent dues, en premier lieu, à une décomposition par les bactéries intestinales, ensuite à l'influence des sécré- tions digestives. — M. Félix Le Dantec, en étudiant la fécondation, établit une loi dite du plus petit coeffi- cient, qui lui semble expliquer parfaitement tous less phénomènes d'hérédité. — M. Hugo de Vries cultive, « depuis une douzaine d'années, des plantes présentant | des monstruosités, dans le but de vérifier si celles-ci sont héréditaires. La plupart des races monstrueuses sont variables à un haut degré, oscillant entre 0 et sou-à vent 50 à 80 °/, d'individus-héritiers. Et en supposant que l'on sème les graines d'une race bien fixée, cette variabilité dépend presque tout à fait des conditions extérieures de la vie, surlout pendant le jeune âge. — M. J. Dybowski a fait, depuis plusieurs années, des détermivations de la quantité d’eau qui reste dans le sol pendant les mois d'été en Tunisie. Lorsque le sol est abandonné à lui-même, il se dessèche tellement pendant l'été qu'aucune végétation herbacée ne peut, à cette saison, se maintenir à sa surface. Mais, si des opé- rations culturales, ayant pour but d'ameublir le sol, sont régulièrement faites, cette évaporation diminue dans des proportions sensibles, et l'humidité devient suffisante pour le maintien de la vie des plantes. —« M. Fréd. Wallerant montre que les macles proprement dites sont régies par les lois des groupemente des cris ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 79 taux, généralisées et étendues aux plans de symétrie. Une seule catégorie fait exception; ce sont les macles orientées autour des axes ternaires. — M. A, Lacroix a étudié les roches volcaniques à leucite de Trébizonde es de ses environs, On trouve réunis en cet endroit : des leucotéphrites, des leucitites augitiques à haüyne et à pyroxène, des tufs et brèches leucitiques. Ces roches renferment des enclaves de trachytes, andésines, granite et enfin de calcaires, Louis BRuxErT. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 13 Décembre 1898. Séance publique annuelle. M. E. Vallin lit le rapport général sur les prix décernés en 1898. — M. le Prési- dent proclame le résultat des concours de 1898. — M. J.-V. Laborde prononce l'éloge de MM. P.-A. Bé- elard, et J. Béclard, anciens membres de l'Académie. Séance du 20 Décembre 1898. L'Académie procède au renouvellement de son bu- reau et du Conseil pour l’année 1899. M. Panas, vice- président en 1898, devient de droit président pour 1899. M. Marey est élu vice-président. M. Vallin est main- tenu, par acclamation, secrétaire annuel. MM. Potain et Polaillon sont élus membres du Conseil. M. le Président fait connaître le décès de M. Laboul- bène, membre de l’Académie. M. Hallopeau donne lecture du discours qu'il a prononcé à ses obsèques. La séance est ensuite levée en signe de deuil. Séance du 27 Décembre 1898. M. Le Dentu présente un malade opéré de splénec- tomie par M. P. Delbet à la suite de rupture trauma- tique de la rate. C’est la première guérison obtenue en France dans un cas pareil. — MM, Kelsch, Boisson et Braün ont injecté à des cobayes des poussières recueil- lies dans les casernes en vue de rechercher leur teneur en bacilles tuberculeux. Sur 122 sujets traités avec des poussières recueillies à la surface et autour des crachoirs, une partie sont morts de maladies diverses (septicémie, péritonite) et 58 sont encore vivants; aucun d'eux ne présente de lésions tuberculeuses. Sur 91 su- jets inoculés avec du mucus nasal, un seul est mort de tuberculose aiguë généralisée, Le résultat général est done la constance des insuccès dans les tentatives de communiquer la tuberculose expérimentale par l'ino- culation de poussières des casernes. — M. Moncorvo cite trois cas de bronchopneumonie infantile dans les- quels il a eu recours au sérum antistreptococcique de Marmorek, toujours avec avantage et sans avoir jamais provoqué le moindre accident fâcheux tant local que général. — M. Delbet lit un mémoire sur un cas d’ure- téro-pyélostomie, — M. Chipault donne lecture d'une note sur vingt-trois cas de chirurgie du sympathique cervical, — M. Courtois-Suffit lit une note sur l'em- ploi du sesquisulfure de phosphore dans la fabrication des allumettes. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 10 Décembre 1898. M. Grimbert a étudié l’action du B. coli et du bacille d'Eberth sur les nitrates. L’azote dégagé ne provient pas seulement des nitrates, le volume recueilli étant double de celui qui correspond à l’azotate détruit. L'excès pro- vient probablement d’une action secondaire de l'acide mitreux sur les matériaux amidés de la culture. — MM. Mongour et Buard ont essayé le séro-diagnostic dans la tuberculose. Dans 4 cas de pleurésie tubercu- leuse et 9 cas de tuberculose avec bacille de Koch dans les crachats, le résultat a été nettement positif. Dans 20 autres cas d'affections diverses, le séro-diagnostic a révélé l'existence de tuberculoses latentes, non encore soupconnées. — M. Dejerine a étudié, dans deux cas de paracéphalie, les connexions de la couche optique avec l'écorce cérébrale. Séance du 17 Décembre 1898. MM. Ulry et Frézals ont étudié la pénétration dans l'œil de l’iodure de potassium, suivant que cette sub- stance est déposée sous forme de collyres aqueux ou ingérée. L'iodure de potassium déposé en solution aqueuse sur la conjonctive pénètre dans l'humeur aqueuse; il ne se trouve dans l'humeur vitrée que lorsqu'il a pénétré également dans la circulation géné- vale. Lorsqu'il est ingéré, on n’en trouve pas dans l'humeur aqueuse. — MM. Achalme et Théohari ont étudié les lésions dégénératives des cordons postérieurs de la moelle dans un cas de myélite transverse. — M. C. Phisalix a créé, chez des cobayes, une immu- nité marquée contre l'inoculation du venin de vipère par l'injection de sue de champignons, — M. Retterer expose la suite de ses recherches sur le prépuce du chien, — MM. Perrier et Giard discutent la valeur des expressions éransformalion et métamorphose en ento- mologie. M. L. Martin est élu membre de la Société. Séance du 24 Décembre 1898. M. Dejerine a éludié dix cas d'hémianesthésie de cause centrale. Il a reconnu, sur des coupes microsco- piques, que la lésion siégeait dans la capsule interne; dans ces cas, la couche optique était touchée; dans d’autres cas, c’est la partie externe du thalamus qui est lésée. — MM. Charrin et Levaditi montrent l'in- fluence du terrain dans la marche de l'infection pyo- cyanique. Les cobayes ayant reçu des injections de solutions acides succombent assez rapidement avec des lésions profondes de la moelle; il en est de même des témoins, tandis que des cobayes ayant reçu des injec- tions alcalines survivent quelquefois indéfiniment. — MM. Gilbert et Grenet ont mesuré le volume du foie chez 48 pneumoniques; 8 fois l'hypertrophie fut mani- feste: elle ne s'est produite que pendant la période d'état. Quand l'hypertrophie est considérable, elle est due à une lésion infectieuse du parenchyme hépatique. — MM. Em. Sergent et Léon Bernard rapportent le cas d'un malade qui mourut subitement après avoir présenté, pendant quelques jours, les symptômes d'un empoisonnement aigu. A l’autopsie, on trouva seule- ment une caséification totale des capsules surrénales. Ce cas se différencie de la maladie d'Addison. — MM. Gilbert et Weil ont observé trois cas de leucémie aiguë ayant évolué différemment. — M. Dominici à examiné, au cours d’une bronchopneumonie tubercu- leuse, le sang d’une femme ayant antérieurement subi la splénectomie. Il y a trouvé beaucoup d'hématies nucléées et de cellules basophiles dérivant de la moelle des os. — M. C. Phisalix a constaté que le suc de plu- sieurs Basidiomycètes et Ascomycètes confère, comme celui des Agaricinées, l'immunité au cobaye contre les injections de venins. — M. Lépinois a constaté qu'il n'y a pas de véritables ferments oxydants dans la glande thyroïde. Séance du 31 Décembre 1898. M. Hayem signale un cas nouveau de leucémie chez une femme de trente ans, enceinte, qui succomba à une maladie hémorragique. A propos de la communication antérieure de M. Dominici, M. Hayem insiste sur le fait que les hématoblastes se transforment directement en hématies. — M. J.-V. Laborde à constaté que la suppression totale et radicale du cordon cervical sym- pathique avec ses trois ganglions, supérieur, moyen et inférieur, n'a aucune action curative sur l’épilepsie expé- rimentale du cobaye, ni une action préventive. M. Deje- rine s'élève contre la résection du sympathique chez les épileptiques ; dans un cas, il a vu les accès aug- menter après la résection. — M. Weinberg a réussi à immuniser des lapins contre un streptocoque au moyen 80 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES du sérum de Marmorek. — M. Maillard, dans une note sur l'ionisation en physiologie, montre que les sulfates alcalins abaissent la toxicité du sulfate de cuivre. SOCIÉTE CHIMIQUE DE PARIS Séance du 25 Novembre 1898. M. Auger a reconnu que l'on peut très facilement préparer le glycocolle par l’action de l'acide mono- chloracétique sur l’hexaméthylène tétramine. C’est une heureuse extension de la réaction observée par M. De- lépine. — M. Bourcet, à propos de la communication précédente, donne un procédé de préparation du glyco- colle presque identique. — M. A. Bthal signale et discute un travail de M. Robert Schiff,sur les formes tantomè- res de l’éther acétylacétique. — M. A. Béhal étudiait la matière grasse de la semoule de blé; il en avait extrait de la lécithine et une substance huileuse siccative dont il poursuivait l'étude, lorsqu'il recut de M Hopkins un travail sur le même sujet. — M. Hopkins a extrait de la matière grasse du blé de la cholestérine. de la léci- thine, de l’oléine, de la linoléine.— M. Flatau a adressé une note sur les essences de lemon-grass et de citron- nelle; M. Hallopeau, un travail sur la production électrolytique du tungstène cristallisé; M. Vezès, deux notes sur les sels complexes du platine : oxalates et chlorures, et sur un nouveau mode de préparation du chloroplatinite de potassium. — M. Cavalier décrit les éthers phosphoriques de l'alcool méthylique.— M. Bo- droux à reconnu que les hydrocarbures à trois chaînes inégales dérivés des xylèues, traités, en présence du bromure d'aluminium, par le brome en excès, perdent leur chaîne longue. Le résultat de l'opération est un xylène létrabromé. — M. A. Morel a adressé une note sur quelques éthers carboniques mixtes du gaïacol et des alcools de la série grasse. — M. Tiemann a étudié l’ionone provenant de l'essence de lemon-grass. — M. Léo Vignon a adressé deux notes, une sur le dosage du tannin, et une sur l'absorption des liquides par les textiles. — M. X. Roques a donné un procédé de dosage volumétrique de l’aldéhyde éthylique, et M. A. Hollard une méthode de séparation et de dosage du plomb par voie électrolytique dans ses principaux alliages et dans les métaux industriels. Séance du 9 Décembre 1898. M. M. Delépine présente de nouvelles preuves en faveur de la formule cyclique de l’éthylidèneimine. Il a successivementexaminé l’action de l’azotate d'argent, du chlorure de benzoïle, de l’acide nitreux, de l’hypo- chlorite de soude et de l'hydrogène sulfuré. Il a reconnu que, par l’action du sulfure de carbone, la molécule se dépolymérise et passe de la condensation 3 à la con- densation 2. — M. A. Béhal décrit un procédé qui permet de régulariser la distillation dans le vide. — M. Labbé a décelé dans une essence de lemon-grass une quantité notable de citronnellal. (7 à 8 °/) à côté du citral. — M. L.-A. Hallopeau fait connaître un tungstate tungslo-lithique de formule Li*O, TuO*. —+ TuO*, 3 TuO*; il a également préparé quelques tungstates doubles par l’action des sulfates métalliques sur le paratungstate de potassium. — M. Cavalier donne ses résultats sur les chaleurs de neutralisation des éthers phosphoriques acides. — M. W. Stiehl com- munique ses recherches sur la constitution de l'es- sence de lemon-grass, confirmant les recherches de MM. Barbier et Bouveault; il en a séparé trois aldéhy- des dont il donne les constantes. — M. Lépinois a étudié l’action du formol sur le corps thyroïde; il en conclut que l’on peut conserver ce produit à l’aide de solution faible de formol (à 1 °/,). — M. À. Trillat fait connaître un nouveau procédé derecherche et de dosage de l'alcool méthylique dans l'alcool éthylique. Séance du 23 Décembre 1898. M. Blaise a préparé les chlorures éthers des acides bibasiques. Il montre que ces chlorures donnent facile- ment un mélange d'éther neutre et de dichlorure. Par le zinc méthyle on obtient des éthers d'acides cétoni- ques. A l’aide des dérivés succiniques, diméthylsucci- nique-dissymétrique et ax-diméthylglutarique, il a ob- tenu les acides lévulique, diméthyl lévulique et diméthyl hexanonoïque. Ces derniers sont identiques à ceux qu'on obtient en oxydant le campholène et l'acide $.-campholénique. — M. Auger a généralisé une réac- tion remarquable signalée par Kolbe en 1872. Ce der- nier avait obtenu du nitrométhane par l'action du nitrite de sodium sur un monochloracétate. Avec les acides «-bromés homologues, la même réaction permet de préparer avec des rendements de 40°}, les nitroéthane, nitropropane et nitrohexane. — M. Guer- bet à reconnu que l'alcool amylique de fermentation réagit sur son dérivé sodé à la température d’ébullition du mélange. Il a isolé des produits de la réaction une grande quantité d'acide isovalérique, une quantité à peu près égale d'un alcool C°H#0 et un peu d'acide C!‘H#0®. M L'alcool est un produit incolore, huileux, insoluble dans » l'eau, il bout à 210-2119. La potasse ou le mélange chromique le transforme en l'acide signalé plus haut. « Ce dernier est un liquide huiieux, incolore, bouillant à 1649-165° sous 4,6 de pression et donnant des sels « bien cristallisés. — M. H. Le Chatelier a préparé une nouvelle série de borates métalliques anhydres et cristallisés de formule 4B0*0%,MO. On les obtient en fon- dant le carbonate du métal avec un excès d'acide bori- que et en maintenant pendant une heure entre 500 et 600. — Dans l'étude de l'essence de lemon-grass, M .Labbé a reconnu qu'une portion (7 à 8 °/,)bouillant à très haute température était un mélange d’éthers gras d’un alcool terpénique. — M. A. Collet a adressé trois notes : 4° Sur la méthyl p-chlorophénylcétoue; 20 sur la méthyl p-bromo-phényleétone; 3° sur l’action des dérivés p-chloré et p-bromé de la bromméthyl- phénylcétone sur l'aniline. — M. Cahen a étudié l’action du bromure d'isobutyle sur l’éther $-naphtyl-méthylique en présence du chlorure d'aluminium anhydre. — M. Imbert a fait réagir le chloranile sur la pyridine. — MM. Adrian et Trillat ont retiré de la grande absinthe un nouveau produit cristallisé bien différent de l’absinthine et de formule probable CH0%, — M. Trillat applique la propriété de l’aldéhyde formique de coaguler la gélatine à la recherche et au dosage de ce produit dans les substances alimentaires. E. Carox. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 25 Novembre 1898. M. R.-A. Lehfeldt étudie les propriétés des liquides partiellement miscibles. Il prend comme exemple le phénol et l'eau, qui sont complètement miscibles au- dessus de 680 C. et partiellement au-dessous. Il mesure les tensions de vapeur des mélanges et détermine la loi de l'équilibre entre le mélange et la vapeur. Les courbes représentant le cas d’un mélange complet sont comparables à celles obtenues pour un mélange d'al- cool et de toluène, mais avec un maximum un peu plus plat, de sorte qu'on peut ajouter 60 à 70 °/, de phénol à l'eau sans modifier beaucoup la tension de vapeur. M. S. Young a constaté des faits analogues pour les mélanges de benzène et d'hexane normal, bouillant l’un à 80° C., le second à 69° C. La courbe des points de fusion est analogue à celle de M. Lehfeldt. 10 °/, de benzène n'ont pratiquement aucune influence sur le point d’ébullition de la benzine. Aussi dans lan distillation fractionnée du pétrole américain, qui con- tient ces deux substances, le benzène passe déjà à 65°.— M. L.-N.-G. Filon lit un mémoire sur l'application des franges de diffraction aux mesures micrométriques. Michelson a décrit une méthode pour mesurer la dis- tance angulaire entre les composants d’une étoile double, ou les dimensions angulaires de corps célestes très petits, au moyen de franges d'interférences pro- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 81 duites par deux fentes placées devant l'objet d'un téles- cope. Si l'étoile est double, ou si elle a un disque appréciable, les franges deviennent plus fines et finissent par disparaitre en éloignant les fentes l’une de l’autre; en continuant, elles réapparaissent, puis disparaissent, et ainsi de suite. M. Michelson a donné les lois du phénomène en admettant que les fentes sont infiniment longues, infiniment minces. M. Filon considère que cette condition n’est pas toujours remplie et modifie en conséquence la théorie, Les franges sont seulement visibles sur un certain rectangle, appelé « rectangle d'illumination de la source ». Dans le cas d'une source à deux points, si la distance entre les images géométriques des deux points est un multiple entier de la distance entre deux franges, le maxima de l'un des systèmes correspond au maxima de l'autre; les franges se superposent en partie et leur intensité est augmentée. Si celte distance est un maltiple impair de la moitié de la distance entre les franges, le maxima d’un système correspond au minima de l’autre, et si les franges qui sont superposées de même intensité, elles s'effaceni. Mais, pour que ce phénomène se produise, il faut : 1° que les rectangles d'illumination des deux sources se recouvrent en grande partie ; 2° que la dis- tance angulaire entre les deux étoiles soit moindre qu'une quantité définie, dépendant de la longueur d'onde et des dimensions des fentes. Si les rectangles d'illumination ne se rencontrent pas, l'étoile peut être résolue par l’observalion directe. Séance du 9 Décembre 1898. M. C. Chree étudie les vibrations longitudinales dans des cylindres solides ou creux. La formule ordinaire pour Ja fréquence des vibrations longitudinales a été établie pour une barre idéale de section infiniment petite. Cette formule constitue une première approxi- mation, d’après laquelle les notes élevées sont des har- moniques exactes de la note fondamentale. M. Pochham- mer et lord Rayleigh sont arrivés indépendamment à un terme correctif pour des barres solides isotropiques à section circulaire, qui détruit la relation harmonique entre les notes. L'auteur à confirmé par plusieurs mé- thodes les résultats obtenus par Pochhammer et lord Rayleigh, et il est arrivé à des résultats analogues pour des sections de forme différente et pour des corps symétriques autour d'un axe mais non isotropes. Dans le présent mémoire, l’auteur développe une nouvelle méthode, basée sur les valeurs moyennes des tensions provoquées, dans un corps élastique de forme quelcon- que, par l'application d’un système de forces. Au lieu d'obteuir une confirmation de ses précédents résultats, l'auteur est arrivé à d’autres solutions applicables à un corps non isotrope et non symétrique autour de l'axe . du barreau. L'auteur étudie également le cas d'un bar- reau cylindrique creux (ou tube) isotrope. Si les parois du tube sont minces, la correction à ajouter à la for- mule ordinaire est deux fois plus grande que pour un barreau plein de même diamètre. Les différentes mé- thodes montrent en résumé que la formule ordinaire donne une approximation suffisante tant que le plus grand diamètre de la section transversale reste petit comparativement à la distance vodale dans le barreau. — MM. J. Rose-Innes et Sydney Young étudient les propriétés thermiques du pentane normal. Celui-ci est obtenu par distillation des parties légères du pétrole américain. Les auteurs donnent la pression de vapeur et le volume spécifique du liquide et de la vapeur satu- rée et les constantes critiques. Dans leurs déductions théoriques, ils font entrer en liyne de compte des expé- riences analogues faites avec l'isopentane, l'isomère du pentane normal; ils espéraient arriver ainsi à éclaircir la question de l'influence de la structure chimique sur les propriétés thermiques d'une substance, Leur con- clusion est que les coefficients de la seconde puissance de la densité dans l'expression de p sont différents pour les deux substances. L'inclinaison de la courbe 1 obtenue en portant (av?) -! contre v73 montre qu'il y a discontinuité aux environs du volume 3,4 c. gramme, comme pour l'isopentane. c. par SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Communications recues pendant les vacances. M. Sydney Young a mesuré les tensions de vapeur, les volumes spécifiques el les constantes critiques de l'heptane normal. Une comparaison entre les rapports des températures absolues et des volumes aux con- stantes critiques et ceux du pentase et de l’hexane nor- maux à des pressions correspondantes montre que les rapports de température, et probablement ceux des volumes, sont en relation avec les poids moléculaires des hydrocarbures. — MM. Raphael Meldola et Fre- derick Henry Streatfeild ont reconnu que l’action du brome sur le phénol en solution acétique donne lieu à la formation d'orthobromo et de parabromophénol. Si l'on procède à une uitration consécutive, le dérivé ortho donne le 2 bromo — #4 nitrophénol, tandis que le dérivé para donne le 2 bromo — 4.6 dinitrophénol par suite d'une transposition isomérique. — M. John Me Cral a montré que les iodures phényliques diortho- substitués peuvent donner des dérivés iodoso et dichlo- rés. — M. Henry-G. Smith a étudié la myrticolorine, matière colorante jaune tirée de l'Eucalyptus macro- rhyncha; c'est un nouveau glucoside, de formule C*H#0!5, se rapprochant beaucoup de l’osyritrine. Il donne, par décomposition, un sucre se rapprochant de la galactose, dont l’auteur poursuit l'étude. — M. William Colebrook Reynolds a ajouté des sels métalliques à des solutions concentrées de succinate de potassium et a obtenu des succinates doubles cris- tallisés de nickel, cobalt, zinc, plomb et calcium. — MM. S. Ruhemann et K.-C. Browning ont observé que la pipéridine possède la propriété de former des com- posés d’addition avec les éthers-sels des acides non saturés (acides succinique, pyrotartrique, tricarbally- lique, etc.). Ces corps distillent dans le vide sans dé- composition, ont des propriétés basiques et formentdes chlorures solubles dans l’eau. — Les mêmes auteurs ont préparé les éthers-sels d'acides $-cétoniques par l’action de l’acétoacétate éthylique sodé sur les sels éthyliques d'acides non-saturés (acide tricarballylique et dérivés). — MM. William Palmer Wynne et James Bruce ont préparé les acides disulfoniques du toluène, de l’ortho et paratoluidine et de l’ortho et parachloroto- luène. — MM. W.-T. Sell et F.-W. Dootson ont obtenu, par l’action de l’ammoniaque sur la penta- chloropyridine, la ÿ-amidotétrachloropyridiue. Ce corps est identique au dérivé de la glutazine obtenu par Stokes et Pechmann. — M. M.-O. Forster a étudié les réactions de l’acétamide mercurique avec l'hydroxy- lamine, l'hydrazine, la phénylhydrazine et leurs sels chlorh'ydriques. — M. W.-H. Perkin junior déduit, de ses recherches sur l'acide isolauronolique, les formules suivantes pour le camphre et ses composés : CHE 7 CH CH———CH.CO?H “0 | (CH) —C 700 (CH*—C | Pau | CO'H CH, C—— CH? CH. C=— CH Camphre. Acide camphorique GE CET (CHS)—C INZCO'H CH. CH Acide lauronolique. CH C.CO®H CH° ;C.CO?H | F4 | (CH$)—C (CH) = C0 | LA L CH°.C—— CH CHE. C==————Cc0 Acide isolauronolique. Acide isolauronique, 2 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES — MM. J.-E. Marsh et À. Hartridge ont étudié le car- vénol, corps résultant de l'action de l'acide sulfurique fort sur le chlorocamphène. Traité par le pentachlorure de phosphore, il donne du chlorocymène; par le chlo- rure de benzène, il donne du paracymène. Réduit par le sodium, il fournit un alcool secondaire, C{H?°0, le carvanol, qui forme une cétone, C{°H1#0, la carvanone.— MM. Thomas Purdie et G. Druce Lander ont préparé des acides alcoyloxypropioniques optiquemement actifs, en dissolvant ces mêmes acides inactifs avec des alca- loïdes et en séparant les sels formés. Des observations polarimétriques ont été faites sur les acides /-méthoxy, d-éthoxy et d-propoxypropioniques et sur leurs sels de calcium et de sodium. La substitution d'un groupe alcoyl à l'hydrogène alcoolique des lactates augmente de beaucoup l'activité optique. Ainsi la rotation molé- culaire d’un lactate alcalin en solution aqueuse diluée est de 1405, tandis que celle de l’éthoxypropionate de soude est de 68077. — MM. Otto Rosenheim et Philip Schidrowitz ont déterminé le pouvoir rotatoire des acides gallotaniques purs du commerce et ont trouvé qu'il variait entre [«]» 11° et Æ 7492. Cependant tous les échantillons contenaient 50 à 75 °/, d’un acide gal- lotannique uniforme, possédant un pouvoir rolatoire de + 75°; mais ce dernier est fortement influencé par les impuretés minérales. — Les mêmes auteurs ont étu- dié l'influence de la concentration, du dissolvant et des corps étrangers inactifs sur le pouvoir rotatoire de l'acide gallotannique. Celui-ci est de + 75°2 dans l’eau à 15° et diminue avec la concentration; dans l'alcool, l’acétate d'éthyle, etc., il est beaucoup diminué. Les acides minéraux ne l’influent pas, mais la plupart des sels métalliques l'abaissent jusqu’à un minimum, après lequel il se relève légèrement. — MM. William Jackson Pope et Stanley John Peachey ont préparé le dextrotartrate de la tétrahydropapavérine racé- mique; c’est le premier exemple de la combinaison d'une base racémique avec un acide actif. Séance du 3 Novembre 1898. M. George Dean a déterminé l'équivalent du cyano- gène en décomposant du cyanure d'argent pur par l'acide nitrique et en titrant l'argent par le bromure de potassium d'après la méthode de Stas. Le résultat des expériences donne une valeur de 26,065. Si l'on prend comme poids atomique du carbone 12,01, celui de l'azote est 44,055. — M. J. Dewar insiste, à propos de la com- munication précédente, sur l'importance de la déter- mination des poids atomiques par des méthodes indi- rectes. Lui-même a essayé de déduire le poids atomique du carbone de celui du bromure de triéthylamine. Le nombre obtenu par M. Dean pour l'azote est presque identique à celui que Stas a déduit de sa synthèse du nitrate d'argent, et un peu plus élevé que celui de lord Rayleigh. Il est à désirer que de pareilles recherches se continuent. — M. Sydney Young à déterminé les hydrocarbures du pétrole américain bouillant entre 25° et 4115°; ce sont : l’isopentane (27°95), le pentane nor- mal (3603), le pentaméthylène (50v), l'isohexane (61°), l'hexane normal (68°95), le méthylpentaméthylène (72°), le benzène (8002), l’hexaméthylène (8098), l’iso- heptane (9003), l’heptane normal (9894), le méthyl- hexaméthylène (102°) et le toluène (41098). Une com- paraison des pétroles américain, galicien et russe montre qu'ils renferment les mêmes classes d’hydro- carbures; les proportions seules diffèrent. — MM. Fran- cis E. Francis et Sydney Young n'ont pu séparer l'isoheptane et l’heptane normal du pétrole américain par distillation fractionnée, à cause de la présence de naphtènes ayant des points d’ébullition voisins. Aussi, tout le mélange a été traité par le brome, les bromures d'heptyle et d'isoheptyle séparés du reste par distillation sous pression réduite, puis réduits par le zinc; enfin, les deux hydrocarbures ont été séparés par une nou- velle distillation. — MM. D. Hamilton Jackson et Sydney Young ont observé que, dans la distillation du pétrole américain, le benzène passe en grande partie déjà à 65°. Ce fait provient de la présence de l’hexane normal, qui a la propriété d’abaisser le point d'ébullition du benzène, en même temps que le sien est sensible- ment élevé. — MM. Francis E. Francis et Sydney Young ont isolé l’'hexane normal du pétrole américain, en traitant celui-ci par l'acide nitrique fumant; ce réactif attaque rapidement l'isohexane et, en général, tous les isohydrocarbures en formant des dérivés nitrés, tandis que les hydrocarbures normaux sont peu attaqués ou le sont avec une extrême lenteur. — M. William Jackson Pope a obtenu, dans la cristalli- sation d’une solution aqueuse de chlorate de soude, une forme composée consistant en un cristal cubique ayant crû sur un cristal tabulaire, de facon que l’axe de symé- trie ternaire de l’un est dans la même direction que l'axe quaternaire de l’autre. Ce cristal ne suit donc pas la loi ordinaire des macles. — M. T. Martin Lowry a déterminé les points de fusion et les rotations spéci- fiques des quatre dérivés stéréoisomères obtenus par l’action du brome et celle du chlore sur les solutions - alcalines de nitrocamphre.— Le même auteur a reconnu que le camphonitrophénol, obtenu par l’action de l’acide chlorhydrique sur le nitrocamphre, n’est autre chose. qu'une oxime de l’anhydride camphorique. —MM.S.Ru- hemann et A.-V. Cunnington ont trouvé que la con- densation du malonate d’éthyle et de ses open | ‘ob-. avec les sels éthyliques d'acides non saturés, pour tention d'éthers des acides polycarboxyliques, est faci- litée par l'addition d’éthoxyde de sodium. Les auteurs ont préparé un grand nombre de corps par cette mé- thode.— M. E. Sonstadt a étudié l’action de la lumière. sur les sels d'or et d'argent. Une solution aqueuse de chlorure d'or à 0,04 °/,, placée au soleil, n’est influée qu'au bout d'une à deux semaines, et la réduction reste toujours incomplète, quelle que soit la durée de l’expo- sition. Une solution à 0,007 °/, de chlorure d'or bleuit distinctement au bout de quelques heures d'exposition ; la couleur augmente chaque jour d'intensité jusqu’à ce qu'il se précipite un dépôt brun d’or réduit, puis le liquide se décolore complètement. Si l’on prépare du chlorure d'argent à une faible lumière, puis qu'on l’expose au soleil sous l’eau en l’agitant fréquemment, on constate, au bout de quelques jours, que l’eau qui le recouvre contient un peu d'acide chlorhydrique et des traces d’eau oxygénée. La réaction est la suivante : 6 AgCl + 4 H°0 — 2 Ag°Cl + 2 Ag + 2 H20° + 4 HCL. Mais l'argent formé réagit sur l'acide chlorydrique en « donnant du chlorure d'argent et de l'hydrogène naissant qui se combine à sontour à l’'eauoxygénée pour donner de l’eau, de sorte que la réaction complète est la sui- q vante : 6 AgCl + 4 H?0 — 2 Ag°Cl + 2AgC1 + 2 HCI + 2H20 + H°0%, Ainsi, à chaque degré de la réaction, il se reforme un tiers de chlorure d’argént et la moitié d’eau, et quand tout le chlorure d'argent est transformé en chlorure argenteux il reste encore de l’eau avec de l’acide chlor- hydrique et de l’eau oxygénée. Mais quand l'eau est en quantité inférieure à celle que supposent les for- mules précédentes, les réactions sont représentées par l'équation très simple : 4AgCl + 2H°0 — 2 Ag°Cl + 2HC1+ H°0?, et il ne reste plus d'eau à la fin. Les expériences sui- vantes montrent la possibilité des deux sortes de for- mules : Du chlorure d'argent est desséché pendant plusieurs heures sur un bain de sable et introduit rapidement dans un tube séché et chauffé, lequel est immédiatement scellé. Par le refroidissement, une trace d'humidité se dépose sur les parois du tube, montrant que le chlorure n'est pas parfaitement sec. Si l’on expose le tube au soleil, le chlorure bleuit instanta= nément puis brunit par places, mais, même après une mi AH NÉ me ai ant ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 83 longue exposition il reste un grand nombre de points tout à fait blancs : ce sont les parties réellement sèches qui résistent à l'action de la lumière. Si lon ramène le tube à l'obscurité, il redevient complètement blanc, par suite de la reformation de chlorure d'argent aux dépens du chlorure argenteux. Mais si l’on fait la même expérience avec un tube contenant, en outre, du chlo- rure de calcium, qui absorbe une partie de l’eau, le tube transporté à l'obscurité ne redevient pas blanc, conformément aux réactions prévues, — M. Ernest-E. Bagnall, en faisant agir l'acide sulfurique fumant sur la dichlorodiacétylbenzidine, a obtenu de l'acide mé- thanetrisulfonique. I1 donne des sels avec le cuivre, le baryum, le calcium, le potassium, le sodium, l’am- monium et l'argent. — M. Arthur George Perkin a trouvé dans les graines de Rhus rhodanthema, le cèdre jaune de la Nouvelle-Galle du Sud, de la quercétine et de l'acide gallotannique. Dans les racines, il a trouvé de la fisétine, dont les deux premières substances sont des produits d’oxydation. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 26 Novembre 1898. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — Rapport de MM. J.-C. Kluy- ver et D.-J. Korteweg sur le mémoire de M. N.-L.-W.-A. Gravelaar, intitulé : John Napier's Werhen (les œuvres de J. Neper). Curriculum vitæ. La première publication du mathématicien écossais se rapporte à l'apocalypse : A Plaine Discovery of the whole Revelation of saint John (1593). Mais son chef-d'œuvre : Mirifici Loga- rithmorum Canonis Descriplio (1614) est de caractère mathématique. Deux années après la mort de Neper, son fils Robert publiait : Mirifici Logarithmorum Canonis Constructio (1619), contenant un supplément où il est question de logarithmes à base 10. C’est parce que H. Briggs a annoté cette édition qu'on parle de loga- rithmes de Briggs quand il s’agit de logarithmes à base 10. Néanmoins, un examen minutieux de toutes les publications sur ce sujet ne permet pas de décider cette question de priorité. D'après Gravelaar, on fait tort à Neper si l’on attribue l'invention des logarithmes à base 10 exclusivement à Briggs. Les analogies et les bâtons de Neper. Dans son Ars logistica et son Alyebra Neper a prouvé de surpasser non seulement ses con- temporains, mais aussi plusieurs auteurs modernes. Dans le premier, il parle d’un grand secret algébrique qu'il vient de dévoiler et qui rendra de biens grands services à l’art logique et à toutes les autres parties des mathématiques. Malheureusement, il ne le révèle pas. D'après son descendant, Mark Napier, l'éditeur de VArs logistiea (1839), le secret à trait à l'introduction des imaginaires ; d'après Gravelaar, il est très probable qu'il s’agit simplement de la solution analytique géné- rale de l'équation quadratique, eu égard à la bivalence de la racine qui y intervient. D'après cette opinion, cetle bivalence forme l'Arcanum algebræ de Neper comme les logarithmes forment son Arcanum arithme- ticæ. Commentaire sur les deux livres de l’Algebra. — M. H.-G. van de Sande Bakhuyzen présente un mé- moire de M. À Pannekoek, intitulé : Die Lichteurve Algols nach den Beobachtungen von J. Plasmann (la courbe de clarté d’Algol d'après les observations de J. Plas- mann). Sont nommés rapporteurs MM. J.-A.-C. Oude- mans et J. C. Kapteyn. SCIENCES PHYSIQUES. — M. J.-D. van der Waals : Contraction de volume et contraction de pression dans les mélanges. D'après M. Amagat (Comptes rendus, 11 juil- let 1898), le volume d'un gaz dans un mélange est égal à celui qu'il occupe sous la même pression et à la même température, s'il existait séparément ; cette hypo- thèse exige que deux gaz, en se mélangeant sous une pression constante, n’éprouvent ni contraction positive, ni contraction négative. Comme cette contraction se présente aussitôt que les densités des gaz sont assez grandes, il va sans dire que l'hypothèse de M. Amagat n’est qu'une approximation, utile dans le cas de den- sités modiques; le degré d’approximation peut être déterminé à l’aide de l'équation de l’état d'un mélange. D'abord, l’auteur démontre la formule ‘ Ai + de — 2e 1 + ol où les variables f, vw et æ et les constantes «, 4, b ont la signification ordinaire. Il en déduit : 1° que la valeur absolue de la variation Av du volume à une tempéra- ture { donnée est indépendante de la pression, si cette pression reste au-dessous de la limite imposée par les approximations qui ont mené à la formule en question; Av x(l—x) — (hs + b—26,)f, ; : : RE 29 que Av est maximum par rapport à æ pour x — >, c’'est- à-dire si les gaz mélangés occupent le même volume re 16 à (pour l'air Av n’est que le 7% de cette valeur maximum); 3° qu'il dépend du signe de la quantité entre accolades si la contraction est positive ou négative. Malheureu- sement, les résultats de M. Amagat pour l'air à la tem- pérature ordinaire (l. c.) commencent par une pression de 100 atmosphères, beaucoup supérieure à la limite mentionnée. Donc, pour contrôler la formule, M. van der Waals a été obligé de se rejeter sur la thèse de M. J.-P. Kuenen (1892), qui s’est occupé de la quantité Az pour un mélange d'acide carbonique et de chlorure de méthyle. Seulement, comme M. Kuenen, au lieu d’indi- quer Av, donne l'augmentation Ap de la pression néces- saire à comprimer le mélange au volume original, l'auteur, pour éviter des calculs fastidieux se contente An : 3 % d'une approximation; il trouve pour æ =; et {— 130° 4 ou 160°. b—10 Av—0,0010 ou 0,00095 30 0,001% 0,00118 50 0,0026 0,00125 Ensuite M. vau der Waals compare le degré d'approxi- mation de l'hypothèse de Amagat avec celle de la quan- tilé Ap qui représente la déviation de la loi de Dalton. Il trouve (1 Æ al) bis — Ge Ap = 2x (1 — x) 75 ? et fait voir, en se servant encore de données expérimen- tales empruntées à Kuenen, que l'hypothèse Av = 0 de M. Amagat mérite seulement le nom d'une loi approxi- mative. — Enfin M. van der Waals fait une communi- cation « sur la déduction de la valeur exacte du poids moléculaire de la densité de vapeur », — M. H.-W. Bak- huis Roozeboom. «Sur les phénomènes de congélation et de fusion des substances fautomères. » M. Bancroft a étudié le cas où les températures de transition se trou- vent dans un domaine admettant une position d’équi- libre entre les deux substances comme liquides. Dans ce cas, on n'a pas de certitude quant à la proportion dans laquelle les substances se mélangent au moment de fusion et de congélation, de telle facon qu'on ne peut pas acquérir des représentations quantitatives. Done, il est important d'étudier des substances tautomères dont les températures de congélation se trouvent au-dessous de la limite inférieure de température, admettant une transformation entre les deux substances dans l’état liquide. L'auteur dépose ses idées dans la figure 1 (page 88), où « et G représentent les deux substances, ; am 14% : tandis que des grandeurs DE et mM qui déterminent la position d’un point quelconque M, la première est égale Ve au quotient ee des volumes et la seconde à la tempéra- œ ture t. Dans ce diagramme, on reconnaît sans peine les points de fusion À et B des substances « el f, et les droites de fusion AG et BC qui concourent en un point C, au-dessous duquel chaque mélange liquide se congèle ga ACADÉMIES ET_SOCIÉTÉS SAVANTES entièrement en une combinaison de cristaux « et de cristaux 8. À des températures plus élevées, toutes les proportions de mélange ne sont plus possibles; au con- traire, à une quelconque de ces températures {, corres- pond une proportion déterminée indiquée par le point P d'une certaine ligne FG. De part et d'autre de cette ligne, il n'y a pas d'équilibre ; à gauche, «se transforme en $; à droite, 8 se transforme en «. Si maintenant, à une tempé- rature pas aussi élevée, ces deux transformations ne se présentent plus, on est porté à supposer que la transition entre le domaine d'équilibre indif- férent et le domaine dé- terminé est formée par un domaine à deux posi- tions d'équilibre partial, comme le montre le dia- gramme où la ligne FG se divise en F dans les deux parties FD et FE. Ainsi, pour la tempéra- teur {,, les proportions correspondant aux points du segment Q, Qg sont en équilibre, tandis qu'on trouve encore à gauche de Q,, une transformation de « en $, à droite de Qg L une transformation de $ en «. L'auteur étudie cinq cas différents. — M. J.-M. van Bemmelen présente, au nom de M. F.-A.-H. Schreinemakers,une communication : « Equilibre de systèmes de trois composantes; change- ment de la température de mélange de systèmes bi- naires par l'addition d’une troisième composante. » L'au- teur s'occupe de systèmes de trois composantes A, B, C qui ont la propriété que deux des trois couples (B,C), (GA), (A,B) admettent deux phases liquides. Il expéri- mente avec deux systèmes: d'abord avec le système eau, alcool, nitrile d'acide succinique; ensuite avec le système eau, phénol, aniline. Seulement les couples eau-alcool et phénol-aniline n'admettent pas deux phases liquides. Quoique ces systèmes possèdent la propriété indiquée, leurs isothermes sont toutes diffé- rentes, comme le montrent les diagrammes en forme de triangle (fig. 2 et 3). Le triangle EAN (eau, alcool, nitrile) N E /\ 4 / N UN ER & Ÿ L ZN À) |] f N ANS: £ (\ 02 1 I (A EL 10 CINE —" LE) \ x =) / "LS CRE re MATE ( EE _—_— E A P MINI Fig. 2. Fig. 3. correspond au premier système, le triangle EPA (eau, phénol, aniline) au second. Etude de la feuille de la surface £ de van der Waals au-dessus des deux triangles. SCIENCES NATURELLES. — M. A.-A.-W. Hubrecht : « For- mation du sang dans le placenta de Tarsius, et d’autres Mammifères. » Les savants qui se sont occupés dans les derniers trente ans de l'origine des corpuscules rouges du sang des Mammifères ne sont pas d'accord sur ce point. Probablement l'opinion que les corpuscules rouges sans noyau des Mammifères adultes sont des éléments morphologiquement homologues aux corpus cules rouges à noyau des Vertébrés inférieurs et des embryons des Mammilères, yentre pour quelque chose: Cette opinion est combattue par MM. Schäfer, Sedgwick, Minot et Ranvier. Seulement la démonstration expéri- mentale du dernier a été réfutée par M. Vosmaer (Rev. gén. d. Sciences, t. VIIL, p. 4020). Les deux autres consi- dèrent les corpuscules sans noyau des Mammifères comme des plastides qui se forment en, des cellules d'une manière analogue celle des grains de chlo- rophylle dans les cellules des plantes. La pluralité des autres biologues voient dans ces corpuscules sans noyau des cellules dont le noyau a été expulsé, MM. Rind- fleisch, van der Stricht, Bizzozero, Kostanecki, Howell, Mondino) ou résorbé dans la cellule (MM. Külliker, Neumann, Sanfelice, Spuler, Lowitt, Eliasberg, Freiberg, Grünberg, Israel, Pappenheim). De son côté, l'auteur relève deux observations, faites après avoir étudiéles pla- centas d'un grand nombre de Mammifères en des phases différentes de développement. D'abord il remarqua que les noyaux des corpuscules du sangembryonnal diffèrent à plusieurs titres des noyaux des cellules du sang tout anciennes qui naissent dans l’aire vasculaire de la vessie ombilicale. Ensuite il prétend que ces noyaux eux= mêmes, etnon paslecorpuseule enveloppant, s'accordent en grandeur et très souvent en faculté d’absorber less couleurs avec les corpuscules sans noyau du sang dem l'animal mère. Donc, il s'est posé la question, en Suppo-" sant que le corpuscule à noyau perd ce noyau par expulsion, si ce n'est plutôt ce noyau expulsé qui cor" respond au corpuscule définitif sans noyau que l’en- veloppe dont il s'est libéré. Des observations d’une toute autre série de phénomènes affirment cette hypo- thèse. Pendant la formation du placenta chez Tarsius, probablement une partie de la substance cellulaire qui y joue un rôle actif procure les corpuscules de sang qui se dégagent dans le sang maternel coulant par le placenta. Ces corpuscules, entièrement conformes à ceux qu'on trouve partout dans les vaisseaux mater- nels, naissent donc dans le plasma des noyaux et. non pas dans le p'asma des cellules, etc. — M. M.-W. Beyerinck s'occupe d'un « Contagium vivum flui- dum » comme cause de la « maladie des taches » des feuilles du tabac. Cette maladie « mosaïque » se caractérise par une décoloration de la chlorophylle, distribuée comme des taches, suivie d’une désorga- nisation complète du tissu attaqué. En 1885, M. Adolf, Mayer montra que cette maladie est contagieuse, le suc des plantes malades possédant la faculté d'in- fecter des plantes saines. Dès 1887, M. Beyerinck a cherché si cette maladie est de caractère parasitaire. Dans le cas d'une réponse affirmative, on ne pourrait penser qu'à des bacilles, l'examen microscopique ne révélant pas la moindre trace d’un microbe. Les méthodes de culture bactériologique montraient l'im- possibilité de l'hypothèse que les bactéries aérobies causent lamaladie,ces bactériesne se présentant ni dans À le tissus des plantes saines, ni dans celui des plantes M malades. Plus lard, l’auteur a été obligé de tirer la M même conclusion quant aux bactéries anaérobies. Donc « il croit se trouver vis-à-vis d'une maladie causée par une contagion qui ne saccorde pas avec la notion du « contagium fixum ». Par des expériences d'infection nouvelles faites en 1897 et 1898, il a tâché d'étudier les propriétés de cette contagion. Pour les résultats de ces expériences très intéressantes, nous renvoyons à l’ori- ginal. — Rapport de MM. G. van Diesen et J.-M. van Bemmelen, sur un mémoire de M. J. Lorié: « Descrip- tion de quelques nouveaux percements de sol. » Il s’agit de 23 nouveaux percements en des localités différentes des Pays-Bas. P.-H. SenouTE. ——————_————……—_—…———…————— Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L, MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette, 10° ANNÉE N° 3 15 FÉVRIER 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Élection à l'Académie des Sciences. — Le 30 janvier dernier, l’Académie des Sciences a procédé à l'élection d'un membre dans sa Section d'Economie rurale en remplacement du très regretté Aimé Girard. Au premier tour de scrutin, le nombre des votants étant 58, M. Roux a obtenu 41 suffrages. M. Risler — 14 — M. Maquenne — 2 = En conséquence, M. Roux a élé déclaré élu. Le Dr Roux, sous-directeur de l’Institut Pasteur, est un des plus jeunes académiciens de l'Institut, et cepen- daut sa carrière de savant est déjà longue. Avant même d'avoir pris grade en médecine, il fut associé, avec M. Chamberland, aux célèbres travaux de Pasteur sur le charbon sang de rate; c’est dans la familiarité de l'il- lustre Maître qu'il sentit se développer en lui cet ardent amour de la science à laquelle il n’a cessé, depuis, de se consacrer tout entier. On sait combien cette activité s’est montrée féconde : parmi les découvertes importantes réalisées en bacté- riologie depuis vingt ans, il n’en est guère auxquelles ses recherches n'aient puissamment contribué, Ses tra- vaux faits soit sans concours, soit en collaboration avec M. Chamberland, M. Nocard, M. Yersin et quelques au- tres savants, ont successivement éclairé la grosse ques- tion du mode d'action des microbes pathogènes par production de toxines, l’étiologie, l'anatomie patholo- gique de la tuberculose, la culture du bacille de Koch, l'étiologie de la diphtérie, l’action paralysante des toxines diphtériques, la guérison, par sérothérapie, du croup et du tétanos déclarés. Grâce à lui, l'Institut Pasteur, vers lequel se dirigent, depuis quinze ans, les rabiques du monde entier, est devenu aussi, en France, le grand laboratoire où les diphtériques viennent de- mander el obtiennent la guérison. C'est surtout cette série ininterrompue de travaux et de succès que l'Académie a voulu récompenser en appe- Jant à elle le D' Roux. Mais aux découvertes que nous venons de rappeler ne se bornent pas les titres du REVUE GÉNÉRALE DFS SCIENCES, 1899. nouvel élu, Par son enseignement, si plein de faits, par la facon dont il dirige les jeunes médecins qui viennent apprendre la bactériologie à l’Institut Pasteur, il a rendu à la science un Service inappréciable : car à tous ceux qui travaillent sous sa direction il enseigne quelque chose de plus précieux que la science elle-même : la rigueur de la méthode, et cet art supérieur de critiquer les expériences, cette finesse d'analyse, dont ses tra- vaux personnels portent si nettement la marque et fournissent un vivifiant exemple. $S 2. — Mathématiques Le Congrès international des Mathéma- ticiens en 1900. — L'un des événements les plus importants du monde mathématique sera certainement le Congrès international des Mathématiciens qui doit se tenir à Paris du 6 au 12 août 1900, et que la Société Mathématique de France s'occupe activement de pré- parer, Une circulaire lancée depuis quelques semaines fait connaître les conditions générales du Congrès, qui sera rattaché à l'Exposition universelle, mais dont la plupart des séances se tiendront au quartier Latin (probable- ment à la Sorbonne). Il y aura au moins deux séances générales, des séances de sections, des visites scienti- fiques, des excursions facultatives et un banquet {. La circulaire sollicitait des réponses faisant con- naître si le correspondant juge probable sa présence au Congrès, sans que d’ailleurs sa déclaration l’engage en rien dans un sens ou dans l’autre. C’est simplement une indication, précieuse à retenir pour les organisateurs. Or, à la date du 1° février, 859 correspondants avaient déjà répondu. Parmi eux, 533 annoncaient leur présence probable, et celle de 377 personnes de leurs familles. On n'est guère qu'au début de l’organisation, et voilà déjà un effectif de 910 membres du Congrès sur lesquels on doit compter. Ils représentent dans leur ensemble, 1 Le prix de la carte du Congrès sera de 30 francs. Les personnes appartenant aux familles des membres du Congrès pourront recevoir des cartes à un prix réduit, qui sera ulté- rieurement fixé. 3 86 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE au point de vue des nationalités, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Suisse, la Grande-Bretagne, l'Autriche-Hon- grie, la Russie, la Belgique, la Hollande, la Suède, le Danemark, l'Espagne, le Portugal, la Grèce et la Serbie. On se rappelle qu'un Congrès préparatoire avait été tenu à Zurich en 1897, avec un grand succès. Celui de Paris, grâce, il faut bien le dire, à la coïncidence de sa date avec celle de l'Exposition, brillera d'un plus vif éclat encore. Ces grandes Assemblées, qui sont une nouveauté pour les mathématiciens, sont destinées à exercer une puissante action sur les développements futurs de la Science. D'autre part, on nous annonce que des représentants des Académies de Vienne, de Munich, et des Sociétés de Gôttingue et de Leipzig se sont réunis à Gôttingue il y a quelques mois, et ont résolu en principe de former une union entre les diverses Académies du monde en- tier, pour mener à bonne fin les œuvres qui intéressent tous les mathématiciens. C’est là une excellente initia- tive, qui mérite d'être encouragée et dont on doit dési- rer le succès. Cette sorte de fédération académique sur le terrain mathématique, si elle parvenait à se fonder, donnerait à l'organisation des Congrès interna- tionaux son complément naturel et un caractère de permanence profondément désirable, Actualités. — La Société Mathématique de France vient de renouveler récemment son bureau. C'est M. le commandant Guyou, membre de l'Institut, qui a été nommé président pour 1899, en remplacement de M. Le- cornu, ingénieur en chef des Mines, président sortant. Parmiles publications mathématiques récentes, nous signalerons le Bollettino di bibliografia e di storia delle Scienze mathematiche, de M. Gino Loria, édité à Turin (C. Clausen) et qui vient d'achever sa première année. Sous sa forme réduite, ce modeste recueil nous semble pouvoir rendre de très grands services, $ 3. — Physique L'Echelle spectrale et la gamme des cou- leurs : Lettre de M. W. Nieati. — Au sujet du récent article de M. C.-E. Guillaume sur l’Echelle du Spectre‘, M. le Dr Nicati, de Marseille, nous fait l'hon- neur de nous adresser la lettre suivante : « Répondant à l'invitation de M. Guillaume, je vou- drais préciser les données du problème posé lorsque l’on demande de fixer par tous les moyens possibles les données d'une échelle spectrale. Cette position de prin- cipe me paraît d'autant plus indispensable que l'on a coutume de confondre l'échelle spectrale et la gamme des couleurs, deux choses essentiellement distinctes. L'échelle spectrale ou des radiations lumineuses est une gradation des mouvements extérieurs appelés lumière. Elle est le domaine des physiciens. La gamme des couleurs est l'échelle des mouvements nerveux ou de notre sensation. Elle est le domaine consacré des neuro-physiologistes. « Cette distinction étant bien établie, qu'il me soit permis de m'élever contre une affirmation trop répan- due, basée sans nul doute sur la confusion que je signale. « On nie tout parallélisme entre la gamme musicale et celle des couleurs. Or, rien n’est plus semblable lors- que, au lieu de considérer l'échelle des radiations lumineuses, on s'arrête à l'échelle des hauteurs de la sensation telles qu'elles ont été fournies par l'analyse de certaines sensations visuelles très déterminées : le phénomène de Purkinje et ses corollaires, les phéno- mènes de Javal et de Macé de Lépinay. Considérée dans les hauteurs de la sensation, la gamme des cou- leurs se trouve présenter dans les teintes bleues, jaunes, 1 Voyez la Revue gén. des Sciences du 15 janvier 1899, rouges, l'équivalent (le synonyme) des termes tierce quinte, octave de la musique. Bleu, jaune, rouge son la tierce, la quinte, l’octave d'une tonique, située plu bas, au seuil même de la sensation, et représentant la tension du foyer nerveux au repos, tonique dont l’ac- cord parfait majeur a nom blanc. « La gamme musicale et la gamme des couleurs son: des harmonies absolument parallèles entre courants nerveux dont le siège seul diffère. L'apparente contra- diction qui fait l'embarras des physiciens réside dans la différence des procédés de transformation employés par la Nature pour faire, avec des forces extérieures différentes, du mouvement nerveux. Les ondes sonores utilisent dans la rétine auditive les procédés mécani- ques; elles provoquent une échelle des oueurs parallèle à celle des hauteurs du son, et cela permet de rempla- cer les unes par les autres dans tous les calculs de l'harmonie. Les ondes lumineuses emploient la voie chimique, elles provoquent une échelle des couleurs point exactement parallèle à celle des hauteurs spec- irales, puisqu'on la trouve être en proportion inverse du pouvoir photochimique; et cela interdit tout emploi de l’échelle spéctrale dans les calculs de l'harmonie des couleurs. « Veut-on un exemple d'erreur provoquée par A mixion de l'échelle spectrale dans les calculs de l'har-« monie des couleurs, où elle n'a que faire ; je n'ai qu'à rappeler la malencontreuse innovation de MODES rouge, soi-disant couleurs fondamentales destinées à remplacer les couleurs simples bleu, jaune, rouge consacrées par l'exercice de la peinture. N’'en déplaise à la mémoire de Yung et d'Helmholtz, il est aussi injustifié de déplacer les couleurs fondamentales qu'il pourrait l'être de remplacer par d’autres accords la tierce, la quinte et l’octave dans la composition de l’ac- cord parfait majeur! », D' W. Nicati. $ 4. — Métallurgie Fabrication de nouvelles monnaies à Constantinople. — Nous appelons l'attention des industriels français sur le nouvel essai monétaire du Gouvernement Ottoman. Le Gouvernement Ottoman a décidé de frapper de la monnaie divisionnaire. Après étude, l'Hôtel des Mon= naies a rejeté l'emploi d’un alliage de nickel et a adopté l’alliage suivant : 95 °/, de cuivre, 4 °/, d'étain et 1 °/à de zinc. L’alliage devra être livré sous forme de lames d’une épaisseur de 2 à 3 millimètres. Il a été décidé de frapper, à titre d'essai, des mon naies pour une somme de 60,000 livres turques, envi ron 1.365.000 francs. Si le résultat est satisfaisant, une seconde commande suivra, pour la somme de 200.000 li= vres. D’après nos renseignements, il est même probable, que le total de la fourniture atteindra 30.000.000 de francs. { A partir de l'acceptation de l'offre, un délai de cinq mois sera accordé pour la fourniture. L'expédition sera faite en 4 lots : la première livraison deux mois après! la conclusion de l'affaire, les autres à un mois d'in- tervalle. Dans l'estimation du prix, il y a lieu de tenir compte d’une commission d'environ 5°/,. La marchandise sera payée à Constantinople, aussitôt après livraison. | Pour suffire à celte nouvelle frappe, l'Hôtel des Mon= vaies de Constantinople aura besoin d’un certain nom= bre de machines. Ce sont : 6 machines à frapper less pièces de monnaie, 2 machines à découper, 3 lami= noirs, 2 tours et des courroies en Cuir. { Nous espérons que l’industrie francaise tiendra à se mettre sur les rangs pour l’adjudication de ces impor= tantes commandes. 1 4 « Voir pour de plus amples détails le Traité de Ps chologie que je viens de faire paraître dans la Bibliothèque des Sciens, ces contemporaines (Reinwald, éditeur). » "| CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 87 & 5. — Agronomie L'industrie de Fhuile de maïs. — Nous extrayons d'un Rapport publié récemment par le Gou- vernement américain!, quelques indications intéres- santes sur une industrie qui commence à se développer dans le Nouveau-Monde. Dans la fabrication de l'amidon et du glucose et aussi de certaines farines au moyen des grains de maïs, le germe, qui contient une assez forte proportion d’huile, est eulevé. De ce germe, on peut exprimer une huile présentant certaines qualités, tandis que les résidus constituent une nourriture aussi bonne pour le bétail que la plupart des drèches des graines oléagineuses ordinaires. L'huile de maïs est aisément purifiable, et eile forme alors un liquide léger, de la couleur de l'ambre et par- faitement transparent. Ce liquide, de prix peu élevé, a élé essayé comme huile pour la salade et trouvé très agréable au goût; il nest pas douteux qu'il ne se répande de plus en plus pour cet usage. noie de maïs peut être également employée pour le graissage des parties délicates des machines; en outre, elle est combustible et fonctionne bien comme huile de lampe. L'huile plus grossière et moins pure fournit un savon estimé. En somme, l'huile de maïs possède une valeur com- merciale à peu près égale à celle de l'huile de coton, $ 6. — Géographie et Colonisation Télégraphie sous-marine, — Nous avons dé- crit, dans notre numéro du 15 septembre 1898, les deux grands câbles sous-marins qu’en 1896 et 1897 avait construits et posés la Société industrielle des Téléphones. Nous sommes heureux d'apprendre que cette Société vient encore d'obtenir de la Compagnie française des Câbles télégraphiques une importante commande de près de 400 kilomètres d’un cäble sous- marin destiné à relier La Vela de Coro à Maracaïbo (Vénézuela). En voici la spécification : Au centre, une cordelette de 7 fils de cuivre de 0 mm. 6 de diamètre, autour de la- quelle sera placée une enveloppe en gutta-percha pesant 18 kilos environ par kilomètre, L'armature sera composée d'une couche de 18 fils d'acier de 1 mm. 8 de diamètre et d’une seconde couche de 13 fils de fer de 4 millimètres de diamètre pour le type d'atter- rissage ; d’une couche de 10 fils de fer de 4 millimètres de diamètre pour le type de côte. Souhaitons que cette commande soit bientôt suivie d'autres non moins importantes, les efforts el l'esprit d'initiative de la Société industrielle des Téléphones en Télégraphie sous-marine méritant d'être couronnés de succès. Ténériffe etle Pic de Teyde. — A l’occasion de la prochaine croisière de la Revue aux Canaries ?, au cours de laquelle nous visiterons Ténériffe et ferons, dans celte île, l'ascension du Teyde, il nous parait intéressant d'indiquer la facon dont se pratique cette ascension. M: Bouquet de la Grye, de l’Institut, membre du Comité de Patronage de nos voyages, a eu l'amabilité de nous fournir à ce sujet tous les renseignements désirables. L’éminent savant à gravi, il y a quelques années, le Pic de Ténériffe, Pour y accomplir des travaux de trian- gulation *, et il à recueilli, sur la route parcourue et LA ! Journal of Franklin Institute, janvier 1899. ? VIe Croisière de la Revue générale des Sciences : Les CaNaRIES, MADÈRE, Maroc, ESPAGNE, PorruGaL, ALGÉRIE, en avril 1899. Départ de Marseille, le 29 mars. Retour à Mar- ae le 20 avril. es travaux avaient pour objet la géodésie du Sénécal et de Ténériffe, et visaient particulièrement à fixer la Done tion géographique de Saint-Louis, pris comme méridien fon- damental pour les bassins du Sénégal et du Haut-Niger. LL] l’ensemble de la montagne, toute une série d'observa- tions qui rendront service aux touristes #, L'ascension du Pic comporte quatre parties bien dis- tincles : 1° D'Orotava au pied de la montagne, à l'Estancia de los Ingleses; 2 De l’Estancia à Alta Vista; 30 D'Alta Vista à la Rambleta ; 4° De Ja Rambleta au sommet du Pic. La première section n'offre aucune difficulté. On la parcourt soit à pied, soit à dos de chameau, soit à cheval ou à mulet. Nos touristes n'auront à craindre ni les len- teurs du premier de ces modes de locomotion, ni les faligues du second. La Revue s'est pourvue de chevaux et de mulets en nombre suffisant pour que tous les voyageurs désireux d'effectuer l'ascension puissent l’accomplir dans les meilleures conditions. Chacun trouvera sa monture dès l’arrivée à Orotava, sur le quai mème du débarquement. Après avoir traversé la ville, notre caravane suivra un sentier bordé de jardins « où poussent les fruits des tropiques », longera ensuite des champs d'orge et de blé, puis, un peu plus haut, rencontrera « les arbres fruitiers de nos pays et des carrés de pommes de terre avant d'arriver aux pins, aux broussailles, au mal pais qui est la lave, et enfin à la neige ». Dans toute la région cultivée, « il sort du brouillard du matin », nous dit M. Bouquet de la Grye, à qui nous empruntons ces détails, « une odeur de pain grillé qui est la caractéristique de l’île. Dans toutes [es chau- mières, en eflet, on écrase du blé, sous une petite meule, après l'avoir torréfié sur une plaque de tôle ; la poudre brune qui en résulte, le goffio, est la base de l'alimentation des Isleños. « Après avoir dépassé les terrains cultivés, on entre dans les broussailles en prenant en écharpe le revers ouest de l'ile, et, après avoir contourné force ravins dénués d’eau, on entre, par une large coupure située à 2.700 mètres d'altitude, dans un des plus grands cra- tères de notre globe, car il a plus de 20 kilomètres de diamètre. Au nord et à l’est, ce cratère, cette canada, pour lui donner son nom espagnol, est limité par des escarpements de plus de 500 mètres de hauteur: à l'ouest, cette barrière renversée a laissé s’écouler sur le penchant de la montagne, et jusque dans ia mer, des fleuves successifs de lave que leur couleur rend encore distincts. Devant soi et presque au milieu du cirque, se dresse la montagne du Teyde. « La cañada a encore, à l'heure actuelle, l'apparence d'une fournaise à peine éteinte; elle est parsemée de petits cônes d'éruption qui offrent l'apparence de ces pustules que l'on voit dans les images lunaires: un grand volcan, le Chabora, les dépasse, mais lui-même est effacé par le Teyde, dont la hauteur semble seule en rapport avec la dimension de la canada. « Aucune végétation sérieuse, en dehors de quelques Retamas en boule, ne se montre dans toute cette vaste enceinte, et les couleurs noires, rouges, violettes, roses et blanches s’y détachent en tons crus grâce à la trans- parence de l'air. Il serait intéressant de fixer par des images exactes le relief de cet océan de laves, de pouz- zolanes et de tufs. Lorsqu'il aura été reboisé, ce qui, évidemment, tardera peu, — on l’a fait bien facilement pour les monts Dômes d'Auvergne, — on ne saura plus ce qu'était ce grand volcan, à moins qu'il ne lui prenne la fantaisie de s’allumer une fois encore. « Entre la Estancia où nous passämes la nuit, à 2.960 mètres d'altitude, et Alta Vista, le sentier est encore praticable pour les chevaux, mais on monte en faisant des lacets continuels sur une pente de 30° el il faut deux heures pour arriver à une plate-forme qui à !‘ L'auteur a rendu compte de son ascension du Pic de Teyde, dans une lecture faite à une réunion des cinq Aca- démies de l'Institut (MDOCCLXXXVII). C'est à ce docu- ment que nous empruntons tous les passages cités dans le présent article. 88 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE été aussi un centre d'éruption : pierres ponces, cou- | sence d'un paysage des régions polaires. La tempéra lées de basalte, rien n'y manque, et devant vous se dresse encore, dans l'angle sud-ouest du plateau, le Teyde, qui ne paraît guère avoir diminué de hauteur. » C'est à partir de ce point que commence, d'après M. Bouquet de la Grye, « l'ascension sérieuse, au milieu d’un chaos prodigieux de rochers basaltiques et de blocs de scories rejetés par le volcan, chemin en casse-cou, où les indigènes seuls peuvent retrouver la trace de ceux qui ont passé avant eux. « Si l’on n'était si fort occupé de savoir où l’on doit poser le pied, on admirerait l'aspect de la cañada vue de cette hauteur; mais deux heures durant, aux diffi- cultés de la route se joignent de vives angoisses : les yeux sont injectés de sang par suite de la dépression ture autorise, du reste, cette illusion. La hauteur d baromètre à mercure, comparée à celle de l'enregis treur laissé à Santa-Cruz, accuse, pour le sommet, un hauteur de 3.710 mètres; Piazzi Smith donne 3.712 mètres. » M. Bouquet de la Grye recommande de jeter, à 1 descente, un coup d'œil sur « la grotte de glace, phé nomène encore inexpliqué de ce mystérieux Teyde, où l'on rencontre non loin d'un évent de vapeurs, que l'on nomme «la Narine du Pic», une anfractuosit pleine d’eau et de glace, et cela au milieu de rocher. si fendillés, de scories si poreuses, que nulle part ail leurs sur la montagne on ne trouve le moindre ‘suin= tement d’eau ». Cravépar£ Borremars, 17,r.S*Sr/nrce Fig. 1. — Ile de Ténériffe el Pic de Teyde. de l'air, on a des bourdonnements dans les oreilles, on éprouve une soif ardente, que l’on ne calme pas en mangeant de la neige; les mains sont bleuies par le froid, malgré l’ardeur d'un soleil presque vertical. « On parvient enfin à la Rambleta, et l'on y trouve un troisième centre d'éruption plus petit que le pré- cédent, car il n'a pas plus de 80 mètres de diamètre dans sa plus grande largeur. Cette plate-forme, cou- verte de pouzzolane, laisse percer par places l’ossature de la montagne et l'on peut s'y reposer en se chauffant les pieds au feu du volcan, car une vapeur brûlante sort de plusieurs fissures. « Toujours au sud-ouest se dresse le pic terminal, qui n'a que 160 mètres de hauteur; il faut pourtant une heure pour le gravir, tellement la cendre volcanique est meuble, on ÿ entre parinstants jusqu'aux genoux. » Au sommet, « le spectacle est si beau, les nuages éclairés par le soleil sont d’un blanc tellement éblouis- sant el paraissent si bien continuer les neiges qui couvrent le flanc de Teyde, » que l'on se croit « en pré- Cette énorme montagne de Ténériffe, qu'on nesaurait étudier avec trop de soin en raison du grand intérêt géologique et géodésique qu'elle présente, exerce autour d'elle une influence très curieuse. Il importe de la signaler au lecteur, bien que le phénomène auquel elle donne lieu ne soit perceptible qu'aux instruments de mesure. Ce phénomène consiste dans un relè- vement très marqué, une sorte de soulèvement du niveau de la mer. C’est un effet très prononcé d'attrac- tion, bien mis en évidence par les savantes recherches de M. Bouquet de la Grye. « La mer qui baigne l’Ar- chipel des Canaries, a, dit-il, une surface étrangement ondulée; son niveau s'élève à une grande hauteur autour de Ténériffe, amplifiant démesurément un effe semblable à celui que produit la capillarité autour d’un tube plongé dans un verre d’eau. » Le baromètre ho- lostérique compensé, que nous emporterons à bord, permettra aux touristes de se rendre compte de l’am- plitude et des variations de ce relèvement. m6 ; » O: D' L. HUGOUNENQ — LA CONSTITUTION DES ALBUMINES ET L'ÉCOLE ALLEMANDE 89 LA CONSTITUTION DES ALBUMINES ET LES RÉCENTS TRAVAUX DE L'ÉCOLE ALLEMANDE; LES BASES HEXONIQUES Depuis les belles recherches de P.Schützenberger, l'étude de la constitution des albumines a été pour- suivie de divers côtés, surtout en Allemagne. Les données fondamentales établies par le chimiste français se sont enrichies, dans ces derniers temps, de nouvelles conquêtes d'une haute importance biologique. 11 semble utile de résumer briève- ment ici les résultats des plus récents travaux. I Tandis que P. Schützenberger utilisait, pour dé- composer le complexe moléculaire des albumines, l'action hydratante de la baryte, en présence de l’eau, en vase clos, au delà de 200°, la plupart des auteurs allemands se sont adressés à une méthode déjà ancienne, indiquée par Hlasiwetz et Haber- mann el basée sur l’action, continuée plusieurs jours, de l'acide chlorhydrique bouillant en pré- sence du chlorure stanneux. . Quand la réaction est terminée, on sépare l’étain par l'hydrogène sulfuré, et on filtre. L'addition à la liqueur d'acide phosphotungstique fournit un pré- cipilé qu’on recueille et décompose par la baryte : on filtre, on élimine la baryte en excès par l'acide carbonique et on obtient finalement une liqueur qui, évaporée convenablement en présence de l'acide nitrique et du nitrate d'argent, fournit des nitrates doubles où l'acide est combiné à l'argent et à des bases nouvelles, qu'on peut séparer les unes des | autres et finalement isoler à l’état de pureté”. _ L'albumine de l'œuf, la fibrine, la caséine, la gélatine, l’élastine, la corne, etc., etc., peuvent ainsi donner naissance à une ou plusieurs des bases qui seront étudiées ci-dessous. La plus anciennement connue de ces bases est la lysine, CH'*Az?0?, découverte en 1891 par Drechsel? dans les produits de dédoublement de la caséine par l'acide chlorhydrique bouillant en présence de l'étain, et retrouvée depuis en soumettant diverses albumines au même traitement?. La base libre n’est pas bien connue: les tentatives 1 Kossez : Zeëlschr. f. physiol. Chem., t. XXV, p. 165. ? Drecusez : Dubois-Reymond's Archiv, 1891, p. 254; el Ber. d. deutsch. chem. Ges., t. XXII, p. 3096. 3? Fiscuer et Siecrrien : Ber. d, deutsch. chem. Ges., t XXIV, p. 418; ScawarTz : Zeilschr. f. physiol. Chem., t. XVIII, p. 487; Heoin : Zeifschr. f. physiol. Chem., t. XXI, p. 297, ett. XXV, p. 34%; Kossez et KuTsCnEnr : Zeilschr., f. Physiol. Chem., t. XXV, p. 551. faites par Drechsel et Krüger n'ont donné aucun résultat décisif'. Mais on a préparé plusieurs de ses sels, un monochlorhydrate C°H'*Az?0?.HCI et un dichlorhydrate CSH!*Az?0°.2HCI, fusible à 217°, un carbonate 2C°H!*Az?0? + CO?, un chloroplatinate C5H!*Az?0?.2HCI + PtCl*, tous bien cristallisés. La lysine est dextrogyre; mais, chauffée à 150° avec de l’eau de baryte, elle peut se transformer en un isomère inactif. Elle peut fixer, par l’action du chlorure de ben- zoyle en présence de la soude, deux groupements C'H°0, et se transformer en dibenzoyllysine ou acide lysurique C°H!?Az? (C'H*0)?0?. Ce dernier est un corps bien cristallisé, qui permet d'isoler des traces de lysine; il donne des sels, et en particulier un sel de baryte soluble dans l'alcool absolu bouil- lant et précipitable sous forme de bouillie cristal- line quand on ajoute son volume d'eau froide à la solution alcoolique ?. La dibenzoyllysine peut, du reste, régénérer la lysine, quand on la chauffe vers 140° avec de l'alcool chlorhydrique. La lysine a la formule d’un acide diamido- caproïque, et les analogies qu'elle présente avec l’acide diamidopropionique de synthèse autori- sent à penser qu’elle n’est autre qu'un acide dia- midocaproïque. Il parait d’ailleurs exister plusieurs lysines iso- mères. Quant à la lysatinine que Drechsel avait cru isoler en même temps que la lysine, elle ne serait, d'après Hedin, qu'un mélange de lysine et d'argi- nine. II L'histoire de ce dernier corps est beaucoup plus complète que celle de la lysine ; elle offre aussi beaucoup plus d'intérêt. L'arginine, C°H!*Az‘0?, a été extraite des produits de la destruction chlorhydrique des matières pro- téiques par la méthode décrite ci-dessus; mais c’est dans les cotylédons du lupin qu'elle avait été ren- contrée pour la première fois par Schulze et Stei ger*. 1 DrecuseL et KRüGERr : Ber. d. deulsch. chem. Ges., t. XXV, p. 2454. ? DRECHSEL : Ber. d. deutsch. chem. Ges., t. XXVIIT, p. 3189; CLara WiLpENOw : Zeilschr. f. physiol. Chem. t. XXV, p. 521. % Heoin : Zeilschr. f. physiol. Chem., t. XXI, p. 297. # Souuzze et Srelcer : Zeitschr. f.physiol. Chem. t. XI, p. 43. 90 D° L. HUGOUNENQ — LA CONSTITUTION DES ALBUMINES ET L'ÉCOLE ALLEMANDE C'est une base mal cristallisée, soluble dans l'eau, insoluble dans l'alcool, absorbant énergiquement l'acide carbonique de l'air pour former un carbo- nate. Ses sels sont dextrogyres. Le nitrate C°H'#AzO*.AzO*H — 1/2H°20 est un corps bien.cristallisé, soluble dans l’eau, soluble à chaud seulement dans l'alcool. Il dissout en bleu intense l'oxyde de cuivre et laisse alors déposer par refroidissement des cristaux bleus (C°H!*Azt0*)Cu (AzO*} + 3H°0. L'arginine donne également un chlorhydrate et un chloroplatinate, un sulfate, un picrate, ete. Mais ses combinaisons les plus caractéristiques sont les nitrates doubles d’arginine et d'argent, souvent utilisés pour séparer l'arginine : AgAzO® + C'H'*Az0* L1/2H?0, en cristaux prismatiques peu solubles, et AgAzO* Æ C°H!#Az'O2.AzO'H, faci- lement soluble. L'arginine précipite, bien entendu, par le chlo- rure mercurique, l'acide phosphotungstique et plusieurs autres réactifs généraux des alcaloïdes. Mais la réaction la plus intéressante est celle que fournit à chaud l'hydrate de baryte : on obtient, comme l'ont montré Schulze! et ses élèves, de l'urée et de l'acide diamido-valérique. L'’acide diamido-valérique (ornithine) C'H!2A720?, avait été extrait par Jaffé*, à l'état de combinaison diben- zoylée, de l'urine de poulets dont les aliments avaient été additionnés d'acide benzoïque. Ce dédoublement a permis de considérer l'argi- nine comme une guanidine de l'acide diamido- valérique, en d'autres termes, comme une créatine de formule : AzH° AzH° | AzH = C— AzH — CH? — CH? — CH? — CH — CO°H. Il est à peine besoin de faire observer tout l’in- térêt que présentent ces réactions au point de vue de la génèse de l’urée dans l'organisme. On ne croit pas devoir insister, non plus, sur les rappro- chements qui s'imposent entre l’arginine et les leucomaïnes du groupe créatinique (amphicréatine, crusocréatine, etc.), découvertes antérieurement par M, À. Gaulier. III A côté de l’arginine vient se placer un autre corps, récemment découvert par Kossel*, et dont les liens avec les deux bases précédentes sont ma- nifestes. L'Aistidine, CSH°Az*O?, se forme quand on décom- {Scuuzze et LixiErniK : Ber. d, deutsch. chem. Ges., t. XXIV, p. 2701 ; Scnucze et WiNtERSTEN : Ber. d. deulsch. chem. Ges., t. XXX, p. 2879. ? Jarré : Ber. d. deutsch. chem. Ges., {. X, p. 1925. # KosseL : Zeilschr. f. physiol. Chem., t. XXI, p. 176. pose par l'acide sulfurique diverses protamines extraites par Kossel du testicule ou du sperme d'esturgeon, de saumon, de hareng, ete. C'estu corps blanc, cristallisé en écailles, soluble dans l'eau, peu soluble dans l'alcool, insoluble dans l'éther, de réaction alcaline. Il donne des sels bien cristallisés. On n'est pas encore fixé sur sa consti- tution. Voici donc, en résumé, trois corps : CSH'#A720? CSH°A710? CSH'AZ10? La lysine. L'histidine . L'arginine tous trois en C° et que, pour celte raison, Kossel désigne sous le nom d'hexones !, ou bases hexo- niques ?. Pour bien comprendre leur importance et le rôle qu'on leur attribue dans la constitution des albu- mines, une digression devient nécessaire. IV À la suite de Miescher, toute une école de chi- mistes (Piccard, Schmiedeberg et, en première ligne, Kossel) a repris, dans ces derniers temps, l'étude des protamines extraites du testicule ou du sperme de divers animaux. Kossel, entre autres, a pu disposer d'une quantilé assez considérable de sperme de saumon, de ha- reng, d'esturgeon. La matière, passée à travers un linge, est acidulée par l'acide acétique et filtrée, épuisée ensuite à l'alcool et à l’éther, finalement desséchée. Si l'on traite la masse ainsi préparée par de l'acide sulfurique à 1/100, de facon à l’épui- ser complètement, et qu'on précipite la liqueur acide par l'alcool, on obtient un sulfate de prota- mine qu'on purifie ensuite par des dissolutions suivies de précipitations successives. Dans cer- taines circonstances, il est avantageux de transfor- mer la protamine en picrate. Les sulfates de protamine purs sont des poudres blanches, solubles, se séparant quelquefois de leurs solutions sous la forme d'huiles incolores, réfringentes. Les protamines libres sont des bases énergiques, donnant la réaction du biuret, précipitant par les réactifs généraux des alcaloïdes, se combinant avec les acides pour fournir des sels généralement solubles. Du sperme de saumon et du sperme de hareng, Kossel * a retiré une seule et même protamine, la ! KosseL : Zeitschr. f. physiol. Chem., t. XXV, p. 175. 2? Kossel joint à ces bases la leucine C°H‘*Az?0?, bien qu'elle n'ait pas le caractère d'alcali énergique que pré- sentent les hexones proprement dites. À * Kossez : Zeilschr. f. physiol. Chem., t. XXII, p. 176, et t. XXV, p. 165. | ns + D' L. HUGOUNENQ — LA CONSTITUTION DES ALBUMINES ET L'ÉCOLE ALLEMANDE 91 clupéine ou salmine, dont le sulfate est de formule C#0H57A71106,2S0‘H?; le sperme de l’esturgeon lui a donné une protamine spéciale, bien que très voi- sine de la précédente, la sturine, dont le sulfate s’écril : 4 CYHSAz107, 11 SO‘H*. Ces protamines sont décomposées à l'ébullition par l'acide sulfurique dilué, avec formation de substances nouvelles voisines des corps originels et que Kossel désigne sous le nom de prolones, par analogie avec les peptones. Une action plus prolongée de l'acide dédouble les protones avec formation d’arginine, d'histidine et de lysine. Nous voilà donc ramenés aux bases hexoniques. Kossel représente par l'équation suivante la décomposition de la salmine : CHA z1708- 4 H20 — CHA 202 + 3 C'H14A 7408 CHA 702, Salmine. Histidine. Arginine. Lysine. Avec la sturine, on aurait : CHA 71#007-E 5 H°0 — CSH°Az'0°+ 3 CH Az !0°-E2 CH1FAZ O0 Sturine. Histidine. Arginine. Lysine. Or, les protamines ont de nombreux points de contact avec les albumines proprement dites : c’est d’abord la formation des hexones aux dépens des uns et des autres; la réaction du biuret ; la diges- tibilité par le suc pancréatique, etc., ete. Les pro- tamines peuvent donc être considérées comme des matières protéiques très simples; ce sont, pour ainsi dire, les albumines embryonnaires du sperme. À cause de la présence constante des hexones dans les produits de dédoublement, à la fois, des protamines et de toutes les albumines, Kossel considère les protamines comme constituant le noyau des matières protéiques. Ces dernières ne diffèrent des protamines que par la soudure au copule central protaminique des acides amidés complexes (aspartique, glutamique, etc.) qui appa- raissent, en même temps que les hexones, quand on dédouble les albumines vraies, alors que les prota- mines ne fournissent par dédoublement que les trois bases hexoniques : lysine, arginine, histidine. En d’autres termes, les protamines, dédoublables en trois hexones, seraient le squelette des matières protéiques, celles-ci n’élant que des produits de substitution, très complexes, il est vrai, du groupe- ment protaminique fondamental. Nous n'avons encore aucune notion sur le mode de liaison des bases hexoniques dans le noyau protéique; mais deux faits ressortent cependant avec évidence de la théorie qui précède : c’est d'abord la présence, dans la molécule des albu- mines, de corps en C° comme les sucres, et il n'est pas besoin de montrer toute l'importance de ce fait pour expliquer la formation dans l'orga- nisme des hydrocarbonés aux dépens de l'albu- mine; c'est ensuite (l’arginine étant une guanidine, c'est-à-dire un dérivé de la cyanamide) la pré- sence, dans le complexe moléculaire des albumi- noïdes, du groupement CAz, sur l'importance duquel M. A. Gautier avait depuis longtemps appelé l'at- tention. Y La théorie de Kossel est, on le voit, très sugges- tive. Elle nous montre, dans le sperme, des em- bryons d’albumines aptes à fixer des groupements moléculaires de plus en plus nombreux et à cons- tituer de vraies substances protéiques, et peut-être ce phénomène se produit-il effectivement, pendant ou après la fécondation. À un autre point de vue, les travaux qui viennent d'être résumés offrent matière à réflexions. Ils nous montrent la Chimie organique orientée de plus en plus vers la Biologie. Pour tous les esprits réfléchis, il n'est pas dou- teux que la belle unité qu'offrait autrefois la masse imposante de la Chimie organique n’existera bien- tôt plus. Cette grande science se scindera forcé- ment; les efforts scientifiques se dirigeront vers deux pôles distincts : d’une part, la Chimie phy- sique et, d’autre part, la Physiologie. Déjà, en Allemagne, où les savants ne répugnent pas aux hypothèses les plus hardies d’une science d'avant- garde, cette tendance se manifeste de plus en plus. Le chef incontesté de la Chimie allemande contem- poraine, Emil Fischer, est un des collaborateurs de la Zeitschrift für physiologische Chemie, et, dans le dernier numéro de ce recueil, il publie un im- portant mémoire sur le rôle des nouons stéréochi- miques en Biologie. Il s'étend avec complaisance sur la partie biologique de son œuvre et il semble qu'il la considère comme plus importante encore que l’ensemble des faits chimiques découverts par lui. C’est à tort qu'on s’en étonnerait : si conjectu- rales que soient ses théories touchant la biochimie des fermentations, Emil Fischer a raison de leur faire une place prépondérante; c'est une vue philo- sophiquement très juste. Emil Fischer est un des prolagonistes de celte évolution qui entraine la Chimie vers les sciences biologiques. Il pressent que dans un avenir peu éloigné la Chimie va pénétrer au cœur même de la Biologie et l’on ne s'écarte peut-être pas beaucoup de sa manière de voir en affirmant que c’est sur le terrain de la Physiologie et de la Pathologie que la Chimie organique portera bientôt son principal effort. D: L. Hugounenqg, Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon, Correspondant de l'Académie de Médecine. 92 J.-A. CORDIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES VINS DE CHAMPAGNE ————————_——————. L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DES VINS DE CHAMPAGNE : I. — CULTURE ET FABRICATION I. — HISTORIQUE. C'est à sa situation géographique, au Nord du climat séquanien?, et au voisinage de la limite extrême de culture de la vigne en plein champ, mais aussi et surtout à son sol à la fois crayeux et sablonneux, pauvre en matières organiques, que la Champagne doit les qualités particulières et très spéciales des vins qu'elle produit. Déjà au siècle dernier on les préférait aux vins des autres provenances; la cour de Louis XV acheva d'établir leur réputation et leur suprématie. On s'accorde à attribuer à un chartreux cham- penois du siècle dernier, dom Pérignon, l’'inven- tion du « saute bouchon »; mais ce n’est guère qu'à partir de 1860 que l’industrie des vins mous- seux à pris progressivement la grande extension qu'elle a fini par acquérir. Les vins de Champagne sont universellement connus et estimés, bien da- vantage même à l'Étranger qu'en France. De cette époque date l'extension actuelle du vignoble et la création de ces magnifiques caves, le plus souvent taillées à même dans d’épais bancs de craie, que l'on peut admirer un peut partout, mais principa- lement à la maison Pommery, qui en possède plus de dix kilomètres. La figure 3 (p. 97), qui repré- sente un chantier de travail au milieu d'une cave souterraine, donnera une idée de l'aspect grandiose de ces crayères aujourd'hui célèbres. La tempéra- ture n’y varie guère, et oscille constamment autour de 10°, circonstance très favorable pour la bonne tenue et la conservation des vins. II. — VIGNOBLes. Composés à peu près des mêmes cépages qu'en Bourgogne, c'est-à-dire avee dominante de pinot noir et de vert doré, les vignobles sont en général situés sur les coleaux dérivant au Nord et au Sud de la montagne, couverte de forêts, qui sépare le bas- 1 Cet article ne saurait être une description détaillée et complète de l'histoire du Champagne; il se propose uni- quement d'indiquer les particularités les plus intéressantes de l'industrie qui produit ce vin, et spécialement des phé nomènes biologiques qui s’y accomplissent. * Ici, comme pour la culture des plantes odorantes, les produits du Nord sont d'une finesse incomparablement plus grande que ceux du Midi, sin de la Vesle de celui de la Marne, et aussi au Sud de ce dernier cours d’eau. Le vignoble se divise ainsi en trois parties dis- tinetes : 1° le versant Nord de la montagne de Reims, avec les crus de Villedomange, Rilly, Mailly, Verzenay-Verzy; 2 le versant Sud avec Cumières, Ay, Bouzy, Ambonnay; 3° la région d’Avize, où dominent les cépages blancs. Dans tous ces crus fameux, où l'hectare de vigne alteint souvent un prix considérable, la plantation est l'objet des plus grands soins. En Champagne, la propriété est très morcelée ; le vigneron, dont le principal revenu est lié à la production de ses vignes, les entoure de toute sa sollicitude, et n'y laisse pas pousser le moindre végétal étranger (en élé, le coup d'œil en est véritablement superbe) ; mais surtout, fidèle aux anciennes traditions, il se montre très réfractaire aux perfectionnements de la viticulture moderne. Il s’est figuré que le phyl- loxera ne s’accommoderait pas de son sol crayeux, et s'est considérablement effrayé, non sans quel- que raison, à l’idée de remplacer ses cépages séculaires, dont il connaît les qualités, par des plants américains greffés. I n'existe guère en Champagne que de la vigne: basse, expression employée, par opposition avec la vigne haule où permanente des autres régions, pour désigner les plants réséqués chaque année au niveau du sol, et dont les jeunes pousses, portant seules le fruit, sont supportées par des échalas n'at- teignant pas au delà d'un mètre. Le vigneron champenois, qui recherche la qualité plutôt que la quantité, sait que rien n'est supé- rieur au produit du « jeune bois » qui a müri tout près de terre. Dans certaines régions, il existe cependant une tendance à cultiver la vigne en « chaintres » (sortes de palissades), et l’on a même imaginé, au moyen d'un artifice ingénieux, de faire pivoter la vigne tout entière, en pleine végé- talion, pour la coucher, el amener autant que pos- sible les fruits au voisinage du sol, à l'approche de la maturité. Bien que pourvue principalement de cépages rouges, la Champagne produit surtout des vins blanes pour le commerce ; les raisins rouges donne- raient un degré alcoolique plus élevé et plus de bouquet; les raisins blancs, plus de délicatesse, i de fraîcheur, de fruité, un bouquet vanillé tout | ms PP PIERRE ETC CT 7 4 J.-A. CORDIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES VINS DE CHAMPAGNE spécial !. Dans certaines années, on fabrique aussi des vins rouges; mais leur production est forcé- ment limitée, subordonnée à celle des vins blancs d'une valeur commerciale bien supérieure. Les crus de Bouzy, de Chamery, de Villedomange, sont très estimés; connus seulement d'un petit nombre d'amateurs, ils sont presque ignorés du commerce, à cause de leur production restreinte et de leur conservation relativement limitée. Ils se rappro- chent des meilleurs Bourgogne avec moins de corps, mais beaucoup plus de légèrelé et de délica- tesse dans le bouquet. Par suite de la nature du sol, les vignes de Champagne nécessitent une fumure très considé- rable; mais les avis sont partagés sur l'application de la fumure intensive actuelle. Quelques-uns, avec les anciens vignerons, mettent sur le compte de cette fumure et des apports de cendres pyriteuses que l’on trouve à proximité dans la montagne, par le changement dans la nature du sol et de la com- position des moûts qui semble en résulter, les ma- ladies et les difficultés dans le travail des vins, moins accentuées autrefois qu'aujourd'hui. Ils pour- raient bien avoir raison dans une certaine mesure, maintenant que nous avons conscience de la part exacte qui revient à la composition chimique des moûts dans la fermentalion en général, et en par- lieulier dans la formation du bouquet ainsi que dans la prédisposition à certaines maladies. Pour des liquides aussi délicats que les vins de choix en Champagne, une pasteurisation, même ménagée, parait encore trop brutale; les soins mé- ticuleux dont on entoure toutes les opérations, semblent, du reste, la rendre beaucoup moins nécessaire que pour la plupart des autres vins français. IT. — VINIFICATION. A la vendange, qui a lieu vers le 1° octobre, dans les années moyennement chaudes, les raisins sont soigneusement débarrassés, par un personnel spé- cial, des grains verts et des moisis, puis exprimés légèrement au pressoir ordinaire. On obtient ainsi la cuvée, très riche en sucre, et qui, avec les noirs, ne doit présenter qu'une coloration légèrement rosée, la substancechromogène devant rester, autant que possible, intacte dans la pellicule. Il me semble que l’on pourrait remplacer heureusement cette opération, qui demande à être bien conduite, par l'application du principe de l’essoreuse: mais il faudrait une installation nouvelle pourvue de force motrice. Du reste, cette légère coloration disparaît La vanilline, si répaudue dans le règne végétal, semble être plus spécialement localisée dans les pépins, ainsi que j'ai pu le remarquer en cherchant à en préparer des extraits. 93 facilement sous l'influence réductrice des vigou- reuses fermentations subséquentes. On utilise le moût provenant d'une seconde pres- sion, et même d'une troisième, qui se pratique après avoir retourné, au moyen d'une bêche de jardinier, les marcs arrosés d’une solution sucrée : mais ces produits (tailles, rebêches), caractérisés surtout par le principe amer de la grappe et des semences, n'entrent que dans la fabrication des qualités inférieures, où l'amertume est masquée par une addition exagérée de sucre au moment de l’ex- pédition. La cuvée est immédiatement transportée du vi- gnoble dans des fûts de deux hectolitres, et de préférence la nuit, si la température est élevée, dans les celliers des maisons de Champagne, où la fermentation, qui s’est vite déclarée, se poursuit en général doucement et à basse température pen- dant plusieurs semaines. On peut donc dire que, de toutes les opérations de la vinification champenoise, c'est la fermentation qui est la moins soignée; il est à penser cependant que ce transport sur des charrettes, et dans des tonneaux incomplètement remplis, réalise d’une manière heureuse l’aération du moût pendant les premières phases de la fer- mentation. La nature du cépage et la constitution du sol ont cerlainement une grande influence sur la composi- tion des moûts de Champagne, que l'on trouve plus riches en substances azotées et phosphorées que ceux des autres provenances françaises : c'est là un fait bien connu des œnologues. Les substances albuminoïdes semblent aussi plus riches en soufre; c'est ainsi que j'ai observé plusieurs fois un déga- gement d'hydrogène sulfuré relalivement considé- rable, lorsque certaines levures, et en particulier le vulgaire Mycoderma Vini, végètent sur le moût, Les levures des différents crus de Champagne, dont j'ai entrepris l’élude, sont en général des fer- ments d'une grande énergie; ils communiquent aux moûts de même origine un bouquet délicieux et des plus caractérisques, Mes expériences per- sonnelles, jointes aux observations antérieures, montrent qu'il faut faire, dans la production de ce bouquet, la part de la composition du moût, et celle, non moins grande, du ferment. C'est à une ou deux races au plus, bien caractérisées et très voisines, que l'on doit la production du bouquet spécial aux vins de Champagne, et je suis certain que, conve- nablement sélectionnées et soignées dans la con- servation intégrale de leurs propriétés, elles sont de nature à communiquer aux moûts d'origine étrangère, dans lesquels elles seraient ajoutées en majorité au moment de la vendange, des qualités les rapprochant de nos crus champenois. Mises à fermenter dans les liquides sucrés artificiels, elles 94 . J.-A. CORDIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES VINS DE CHAMPAGNE donnent déjà une partie du bouquet, et il suffit d'ajouter du moût de raisin pour compléter la production de l'odeur caractéristique. Il faut donc faire la part du milieu de culture naturel qui est donné aux ferments, milieu que sa teneur excep- tionnellement riche en substances azotées ou phosphorées rend éminemment propre à leur dé- veloppement et à leurs fonctions. Il est certain cependant que, pour la fermentation des moûts de pommes dans la production des cidres, les bonnes levures de Champagne se montrent supérieures et amènent rapidement une clarification toujours difficile à obtenir avec les ferments naturels du fruit. Ces derniers moûts, stérilisés même par la chaleur, renferment sans doute, comme les moûts de raisins, les substances concourant avec le fer- ment au développement du bouquet des vins : car ils fournissent, après l'action de la race principale des levures de Champagne, le bouquet intense et tout à fait caractéristique de nos crus champe- nois. Quelles sont ces substances ? Il s'en faut que toules les années soient égale- ment bonnes, et la situation créée aux vignerons par les dernières récoltes succédant à la grande année de 1893, est digne d'intérêt, la viticulture élant particulièrement onéreuse en Champagne. La vigne s’est parfaitement accommodée de la séche- resse persistante et de la grande chaleur estivale de 1893; la suppression des maladies cryptoga- miques qui en a été la conséquence, et une malu- rité parfaite avec abondance des levures, ont amené une qualité exceptionnelle dont les grandes maisons ont profilé pour combler leurs approvi- sionnements et leurs réserves. Les années 1895 et 1898, favorisées par un temps convenable, ont fourni des vins en quantité, il est vrai, beaucoup moindre, mais d'une finesse remarquable. La constitution des vins de Champagne les rend particulièrement aptes à prendre la tourne et la graisse; mais le cadre restreint de cet article ne permet pas d'entrer dans des détails circonstanciés au sujet des accidents causés par ces maladies. Le Jaune et le Bleu, dont on rapporte actuellement la cause à la présence des diastases provenant de la végélalion, ce que semblerait montrer leur appari- tion à peu près exclusive dans certaines années, sont encore lrop fréquents; le bleu, en particulier, donne aux vins en bouteilles une fluorescence désagréable. LV. — FABRICATION. $ 1. — La cuvée. Le premier lemps de la fabrication des vins mousseux est la fabrication de la cuvée. Cette opé- ralion, la plus imporiante de la manutention tout entière, car elle met en œuvre des volumes de plu- sieurs centaines d'hectolitres, par conséquent d’une valeur considérable, nécessite de la part des chefs de cave une grande habitude due à une longue pratique, et une très grande habileté dans la dé- gustalion; elle a lieu, en général, au printemps. Si, en pénétrant à celte époque dans les celliers des grandes maisons de Champagne, l’odorat cherche à analyser le bouquet intense qui s’exhale de tous ces vins, on croit reconnaître la prédominance des éthers de la série butyrique mariés agréablement à des odeurs de vanille, puis une très légère pointe sulfhydrique, nullement désagréable à cet état de dilution, et dont l'origine a été signalée. Pour éviler la formation d’un excès de ce dernier com- posé, et pour les raisons habituellement connues, les tonneaux sont tenus aussi pleins que possible. On a aussi cherché, au moyen d’un barboteur bien facile à imaginer, à recueillir et à utiliser toutes ces émanations odorantes de la première fermen- tation; mais j'ignore les résultats obtenus. Tous ces vins jeunes, bien qu'ayant subi un pre- mier collage suivi d’une décantation, contiennent encore de grandes quantités de levures bourgeon- nantes; ils vont constituer la base de la cuvée; mais, dans le but de compléter le bouquet, de cor- riger la saveur, l'acidité, et pour constituer de toutes pièces un produit dont le type est adapté au genre de clientèle de la maison, on leur mélange des vins de réserve en diverses proportions. Le personnel dirigeant tout entier apporte ses argu- ments appuyés sur les résultats des années précé- dentes, consignés avec le plus grand soin dans les archives de la maison; on manque ou l'on réus- sit une cuvée, et l’on cite souvent la cuvée excep- tionnelle de telle ou telle maison, ce qui fait ressortir toute la délicatesse et les difficultés de l'opération. La durée du contact du moût avec le pépin et la grappe ayant élé réduite à son strict minimum, la cuvée contient très peu de tannin naturel. Les inconvénients qui résulteraient de la présence d’un excès de colle de poisson pouvant rester des col- lages antérieurs nécessitent la précipitation aussi complète que possible de cette substance, en assu- rant un petit excès de matières tanniques. Par leur pouvoir antiseplique, ces derniers corps exer- cent également une influence heureuse dans la prévention de certaines maladies, notamment de la graisse. On a cherché, sans grand succès jus- qu'à présent, un procédé de dosage de faibles quantités de tannin dans les vins de Champagne, et peut-être convient-il de signaler le problème aux savants lecteurs de cette Æevue; à ce sujet, il importe de savoir que la précipitation de la géla- tine par la quantité correspondante de tannin, s 2 penis: 0 TT de ter oo nt V6 28 es” J.-A. CORDIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES VINS DE CHAMPAGNE 95 n'est nullement théorique, ce qui est dû sans doute à la solubilité ou à la dissociation du précipité. Il resle loujours en solulion une fraction variable de chacun des éléments en présence, et l'acidité, le degré alcoolique, la température, semblent être les principaux facteurs de ces variations; venant à changer, même légèrement, ils peuvent être la cause de reprécipitations ultérieures. Il me semble que le chef de caves pourrait s’en tenir, le plus souvent, à une expérience en pelit, qui lui démon- trerait facilement la précipitation d'une nouvelle quantité d'ichtyocolle par l'excès de tannin qu'il doit laisser libre dans le liquide. $ 2. — Mise en bou- teilles ou tirage. Seconde fermen- tation. Introduite dans de grands foudres, la cuvée est addi- tionnée d'une quan- tité de sucre de canne exactement dosée et calculée en vue de produire, après fermentation alcoolique com- plète en vase clos, une pression qui ne saurait dépasser 5-6 atmosphères. L'agitation desti- née à opérer le mé- lange a aussi pour effet de produire anormales ou de moisissures, dont l’action prédominante en certaines années serait à rapprocher de l'apparition de ces sortes d'épidémies, de préférence aux diaslases prove- nant de la végétation elle-même. Les quelques ex- périences auxquelles nous nous sommes livré pour résoudre cette délicate question ne nous ont pas encore donné de résultats bien probants. La mise en bouteilles, à laquelle on procède sans retard, s'effectue au moyen d’emplisseurs auloma- tiques ; il est nécessaire d'apporter les plus grands soins à cette opération précédée d'un rinçage rigou- reux et d'une véri- ficationminulieuse (mirage). On s'assure, en général, par une opération anté- rieure sur quelques bouteilles, que la fermentation, dési- gnée sous le nom de prise de mousse, aura lieu réguliè- rement;mais, dans le cas contraire, comme, par eXemM- ple,s’il entrait une trop forle propor- tion de vin vieux certaines levures dans la cuvée, on pourraitajouter ar- üficiellement des levures de Cham- pagne sélection- nées, dont on con- naîtrait d'avance l’aération du vin, en donnant une nouvelle vigueur aux ferments. Le saccharose ajouté est dissous, au préalable, dans une certaine quantité de vin; la liqueur qui en résulle, ou liqueur de tirage, présente, — excep- tionnellement, il est vrai — un phénomène observé et étudié pour la première fois par M. le Professeur Lajoux : l’inversion totale du sucre. Cette réaction spontanée n'a aucune conséquence ächeuse, étant donnée l'inversion qui va nécessai- rement se produire dans la fermentation en bou- teilles ; elle est simplement eurieuse, et il est cer- tain que la cause doit en êlre rapportée, non pas à l'acidité du vin qui ne possède qu'une influence absolument négligeable, mais aux invertines res- tant dans le liquide. Il est à penser que l'origine de ces enzymes peut êlre liée à la sécrétion de Fig. 1. — Aspecl d'une cave à Champagne. — A droite, mise en chan- tier et vieillissement des vins; à gauche, pupitres garnis pour la décantation et le dégorgement. (Phot. F. Rothier.) les qualités au point de vue du travail ultérieur. Il est de liquide qui entre con- naissance vulgaire que tout en fermentation se trouble rapidement; c'est ce qui a lieu pour la cuvée mise en bouteilles. Cel- les-ci, laissées à la température du cellier, supé- rieure de quelques degrés à celle des caves, se mettent à fermenter au bout de quelques jours, et, sans plus altendre, sont descendues aussitôt en cave, couchées et mises en tas (fig. 1). Il importe, en effet, que le moussage se fasse lentement (pen- dant deux mois environ), afin que le gaz carbo- nique puisse se dissoudre progressivement sans entraîner une pression trop brusque, caractérisée, suivant le terme du métier, par une «, mousse folle ». La fermentalion terminée, le liquide s'éclaircit 96 J.-A. CORDIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES VINS DE CHAMPAGNE en abandonnant, sur la paroi longitudinale infé- rieure de la bouteille, un dépôt plus ou moins volu- mineux constitué normalement par des levures, des matières principalement mucilagineuses rendues insolubles, de la crème de tartre, etc... On laisse généralement le vin se vieillir quelques années en cet état, où il reste à peu près à l’abri de toute maladie par suite des propriétés antiseptiques de l'acide carbonique sous pression. Ce gaz entre en contact plus intime avec le liquide dans lequel il est en solution parfaite, et même en véritable sur- saturation ; de sorte qu’en ouvrant avec précaution la bouteille sans secouer le liquide, il arrive qu'il ne se produit aucun dé- gagement tumul- tueux comme celui qui a lieu après la détente due au brusque départ du bouchon sur nos tables. Un autre effet du gaz carbonique est de développer le bouquet dans de grandes propor- tions, et il ya lieu de penser qu'il n'agit pas seule- ment comme sim- ple véhicule ou comme agent dis- posant agréable - ment la muqueuse olfactive, mais aussi qu'il fait par- tie intégrante du bouquet définitif par sa propre fonc- tion éthériliante. Les levures de Champagne, dont j'ai déjà signalé l'action fermentative énergique, jouent certaine- ment un rôle important dans la fabrication pro- prement dite; mais toutes ne se comportent pas de la même manière au point de vue des manipu- lations ultérieures. 11 s'agit, en effet, de se débar- rasser du dépôt par une décantation irréprochable, et chacun à pu remarquer que le Champagne est toujours d'une limpidité absolument parfaite; or; on peut, comme je l'ai fait, s'assurer expérimenta- lement que la race type de levure de Champagne laisse un dépôt pulvérulent et facile à séparer, tandis que le précipité formé par les races acei- f- Fig. 2. — dentelles accompagnant trop souvent la race prin- Aulre parlie des caves. — À droite et à gauche, les employés remuent les bouteilles afin de préparer le dégorgement ; chantier examine les progrès de l'opération. (Phot. F. Rothier.) cipale, et dont je possède la collection, est gras et adhère plus ou moins énergiquement aux parois. On peut répéter, au sujet de la fermentation en bouteilles, les observations déjà faites au sujet de la part qui revient, dans le résultat de cette fermen- tation surajoutée, à la levure et à la composition du moûl. L'adhérence de ces dépôts désignés sous le nom de masque, de barre, est parfois telle que l’on est obligé d'employer des moyens mécaniques, encore trop souvent inefficaces : on frappe violem- ment les bouteilles sur des claies d'osier après avoir appliqué, au moyen de machi- nes actionnées à la main Où mues mé- cuniquement, une série de légers coups de marteau de bois et même de métal. Le phé- nomène de l’adhé- rence me parait complexe; lié à l'in- suffisance du tan- nin, il semble aussi en rapport direct avec la lenteur du dépôt de crème de tartre, l'association plus ou moins z00- gléique des levu- res, l'état physique des matières muci- lagineuses que la fermentation a ren- dues insolubles, C'est pour obvier à ces inconvénients que, pendant les petites gelées de l'hiver qui suit la mise en bouteilles, celles-ci sont remontées dans des hangars; on remarque, en effet, à la suite de ce séjour au froid, un changement dans l’état physique du dépôt, qui devient moins léger et s'agglomère, et une abondante précipitation de crème de tartre. Afin d'apporter, autant que possible, une entrave à l’adhérence du dépôt, j'ai préconisé l’utilisation de l’action purement mécanique d’un corps inerte tel que le sable grossier bien lavé et facile à sé- parer au dégorgement, en additionnant, au mo- ment du tirage, le contenu de chaque bouteille, d'une petite quantité de ce corps inattaquable. Il serait utile d'instituer à ce sujet toute une série d'expériences méthodiquement poursuivies. le chef de ENT UR Su JU Lie 7” L2 J.-A. CORDIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES VINS DE CHAMPAGNE 97 \e — SPÉCIALITÉ DU CONTENANT. Les bouteilles et les bouchons qu'utilise la fabri- cation champenoise méritent une mention spéciale; destinés à la conservation d’une boisson gazeuse sous une pression moyenne de cinq atmosphères, ces matériaux sont choisis en conséquence, et leur prix de revient, qui compte environ pour 0 fr. 70 dans les frais de manutention, est en rapport avec la valeur du contenu. A la suite des accidents Fig. 3. — Chantier de travail dans une cave. — A droite, autre procède à l'addition de saccharose ; à gauche, d'une casse effroyable, — qui a alteint dans cer- tains cas jusqu'à 80 °/, à la prise de mousse, — accidents dus aussi bien à la présence d'un excès de sucre au tirage, et par conséquent d'un excès de pression intérieure, qu'aux imperfections des verres, la Champagne s’est organisée et produit actuellement, avec quelques fabriques du nord de la France, les trente millions de bouteilles qu'elle ulilise annuellement. Cette industrie, aujourd'hui très perfectionnée, trouve à proximité !, dans la montagne, les sables lerliaires d'une reté qu'elle emploie pour fabriquer lourds flacons de 90 centilitres, toujours faciles à recon- naître à ce caractère et à leur forme spéciale, irréprochable. Elle est parvenue à leur donner une résistance bien supérieure à la pression maximum du moussage; de sorte que la casse n'atteint plus que quelques millièmes à la fin de la seconde fer- mentalion. On ne peut utiliser qu'une seule fois ces bouteilles, à cause des modifications opérées, grande pu- ces un ouvrier muni d'une pince opère le dégorgement; à côté, un divers ouvriers s'occupent à la mise des bouchons la pose et au rabattement du muselet.(Phot. F, Rothier.) , au ficelage, à par une pression longtemps soutenue et de brus- ques détentes, dans l’état moléculaire du verre, changements qui entraînent une résistance beau- coup moindre. On conçoit facilement que les lièges doivent être aussi d’une qualité bien supérieure à celle des bouchons couramment employés pour les vins ordinaires ; leurs dimensions exceptionnelles, dont on se rend facilement compte lorsqu'ils repren- nent une partie de leur volume après le débou- ! Les principales verreries faisant la bouteille de Cham- pagne sont situées à Reims, Neuvillette-les-Reims, Loivre, Courcy, Anor, Folembray et Vauxrot. — L'arrondissement de Reims compte 4 verreries occupant 600 à 800 ouvriers. 98 J.-A. CORDIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DES VINS DE CHAMPAGNE chage, leur souplesse, leur homogénéité en rendent | inclinée, et la relève doucement jusqu'à ce que le choix difficile, même parmi les bonnes qualités espagnoles. C'est encore trop souvent que le vin arrive à s'échapper, au moins en partie, auquel cas ce recoulage entraine, s’il est important, la perte de la bouteille tout entière ‘, VI. — DÉGORGEMENT. Les opérations connues dans le métier sous le nom de remuage et de dégorgement, dont il me reste à parler, lerminent la manipulation propre- ment dite des vins mousseux. Elles ont pour objet (fig. 2 et3), de réunir totalement sur le bouchon, par une décantation irréprochable, le dépôt dont il a été question antérieurement, et de le séparer du vin définitivement limpide. A cet effet, le col des bouteilles est engagé dans les ouvertures ré- gulièrement pratiquées, que portent d'épaisses tables de chêne inclinées et assemblées deux à deux en pupitres. Ces ouvertures, plus larges que le col lui-même du flacon, sont faconnées pour permettre à la bouteille de prendre une inclinaison variable avec le degré d'avancement de la décan- tation. Chaque jour, un ouvrier spécial très exercé leur communique un léger mouvement combiné de rotation et de trépidalion; il arrive en général, au bout de six semaines de ce traitement, à ramasser dans le col la totalité du dépôt. C’est à partir de ce moment que l'opération devient délicate, le léger se séparant souvent du gros, el formant des queues ou trainées quelquefois très adhérentes, ou encore, suivant les cas, se répandant dans le vin à la moindre agitation. Le remuage terminé, on peut laisser le tout en cet état jusqu'au moment des commandes, ou pro- céder au dégorgement immédiat; l'ouvrier (fig. 3), armé d'une pince, tient la bouteille fortement 4 Au point de vue économique, on ne saurait trop insister sur le concours qu'apporte à l'industrie des vins {de Cham- pagne l'abaissement de prix des bouteilles, abaissement en quelque sorte graduel, qu'ont permis de réaliser depuis quelques années les progrès constants de la verrerie. Dans un article de la Revue qui a eu un grand retentissement (L'état actuel et les besoins de la verrerie et de la cristallerie en France, dans la Revue générale des Sciences des 30 janvier et 15 fév 1896, t. VIT, p. 68 à 96 et 135 à 172), M. E. Da- mour a insisté avec raison sur l'influence heureuse que ces progrès ont exercée sur deux de nos grandes industries : chaque fois que le prix global de la bouteille de Champagne — contenant et contenu — livrée au consommateur dimi- nue, la consommation augmente, et il en résulte le dévelop- pement parallèle et de la production de la bouteille et de la production du vin. Nous ne saurions donc trop nous élever, avec M. Damour, contre les tendances d'un certain nombre de verriers qui, non contents d'une protection douanière équivalant à 39 0}, ad valorem, « cherchent à se défendre de la concurrence intérieure en limitant la production par un système d'échelle mobile basé sur la consommation probable en France », NOTE DE LA DIRECTION. la bulle arrive au voisinage du dépôt, puis, faisant à ce moment précis partir le bouchon, il relève le flacon pour donner issue au gaz et à la mousse, qui balaient ainsi le col et le nettoient complètement. Ce tour de main, un des plus difficiles de la fa- brication, nécessite des ouvriers très habiles; aussi, pour plus de facilité, quelques maisons emploient-elles le dégorgement à la glace, qui consiste à congeler, au moyen d'appareils frigori- fiques appropriés, les quelques centimètres de li- quide qui surmontent le bouchon. Le dépôt ainsi emprisonné sort en bloc au moment de l’ouver- ture. La bouteille, ayant perdu fort peu de sa pres- sion, est placée provisoirement sur un support muni d'un obturateur de caoutchouc qui permet d'attendre quelques instants, et sans trop de perte, le dosage et le bouchage définitifs. A cet effet, le contenu est additionné avec précaution, pour éviter une brusque effervescence, d'une li- queur formée d’une proportion déterminée et pré- cise de saccharose de choix (candi blanc des pre- mières marques), dissous au préalable dans du vin vieux, alcoolisé au moyen des meilleurs cognacs. La fabrication de celte liqueur de Champagne, dont le prix de revient est très élevé, est entourée de soins spéciaux, et cette nouvelle addition de saccharose est sans danger pour une nouvelle fer- mentation, non seulement à cause de l'absence à peu près complète des levures et de l'épuisement du milieu en « nourriture du ferment », mais aussi en raison du titre alcoolique élevé du liquide (13 °/, environ). Le goût des consommateurs règle seul le sucrage final du vin; tantôt, comme pour les expéditions dans les pays anglais, les vins sont en général dosés à quelques centièmes seulement de saccha- rose (extra-dry), ou même expédiés à l’état brut; tantôt fortement sucrés (Allemagne, Russie, ete.). Ces divergences organoleptiques sont liées aux coutumes des consommateurs : glais et les Américains ont pris l'excellente habi- tude de servir le Champagne sec avec les viandes rôties, qui en font ressortir la finesse et le bouquet, et réservent les vins liquoreux pour accompagner les mets sucrés; au contraire, les Allemands, les Russes, les Français, etc., font essentiellement du Champagne un vin de dessert. Ses qualités organo- lepliques, la gaieté qu'il provoque et qu'il accom- pagne, et jusqu'à son histoire, sont une preuve suffisante des merveilleux effets de celte fameuse « tisane épileptique ». J.-A. Cordier, Professeur à l'École de Médecine de Reims, Directeur du Laboratoire de Microbiologie, tandis que les An- _ N.-E. LE GRAND — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DES VINS DE CHAMPAGNE 99 11. — STATISTIQUE ET CONDITIONS SOCIALES DU TRAVAIL I. —— STATISTIQUE DU VIGNOBLE, Les vignes qui produisent le véritable vin de Champagne sont situées dans le département de la Marne. Ce vignoble s'étend sur une surface de 16.000 hectares !, répartis entre plus de 300 communes. L’arrondissement de Reims compte à lui seul près de 7.000 hectares, celui d'Epernay 3.000; ceux de Chälons-sur-Marne, de Vitry-le- François et de Sainte-Menehould se parlagent le reste. La valeur des vignes est évaluée à plus de 195 millions de francs. La population viticole comprend 17.000 vigne- rons, et ce n'est qu'en (enant compte des treilles et des jardins que l’on arrive au chiffre souvent cité de 25.000 propriétaires de vignes. Plus d'un quart du vignoble appartient à de grands propriétaires et à de gros négociants en vins. Plusieurs de ces derniers possèdent d’'énor- mes étendues qui varient entre plus de 100 et 500 hectares. Dans 105 communes du département de la Marne, 9.751 propriétaires-vignerons possèdent 8.632 hectares 63 centiares de vignes : 1.289 possèdent moins de 1 hectare. 2:351 — de 1 à 5 hectares. 84 — de 5 à 20 — 21 _ plus de 20 — La propriété est tout aussi divisée dans le reste du département de la Marne. Les vignes champenoises ont acquis une valeur considérable. Le prix de l’heclare, qui variait, il y a un demi-siècle, entre 1.200 francs et 6.000 francs, est coté aujourd'hui, suivant la contrée, la nalure du sol, l'exposition ou le cépage, depuis 1.800 francs jusqu’à 30.000 et 40.000 francs. La culture de la vigne, en Champagne, comporte des procédés d’un raffinement extrême, qui com- pliquent singulièrement la main-d'œuvre et la ren- dent fort coûteuse. Le coût de cette main-d'œuvre atteint souvent 1.500, 2.000, 2.500 et 3.000 francs par hectare et par an, suivant les crus. IT. — PRODUCTION ET PRIX DE VENTE. La production du vignoble de la Marne s'élève en moyenne par an à 400.000 hectolitres environ, dont la plus grande partie est utilisée comme vins mousseux. Le surplus fournit du vin rouge, qui est 4 La Commission chargée, en 1893, par le Ministre de l'A- griculture, d'étudier la situation des vignobles de la Cham- pagne, a adopté le chiffre de 18.000 hec{ares. Je crois ce chiffre un peu trop élevé. consommé presque entièrement dans le pays même. Voici quel a été, dans les onze dernières années, le rendement de la récolte : ANNÉES HECTOLITRES RÉCOLTÉS LD VOS Bat Se PTE 210.459 ANGERS MER AS En 21124121 LOTO EE RS rie See 253.348 So RTE ENL LE LE SECERE SEC 161.286 ROSE UE EE LM re 127.716 ROSES OM ASE MECS Pr MEN Re 710.107 LEE et a tn Ps SE Pr ri 393.888 AROMANIR ERNEST Ge res 332.637 ORDER DM Re 120.093 ON RE PER MP SR PRE 289.334 LOUBT. 0 PT MEME MT UT TE 186.413 Les principaux crus champenois atteignent pres- que tous des cours très élevés, parfois même fabu- leux ; c’est ainsi que, dans certaines années excep- tionnelles, 1889 par exemple, on a vu la pièce de 200 litres se vendre de 900 à 1.400 et même 1.600 et 1.800 francs. En 1891, les deux hectolitres atlei- gnirent 1.330 francs à Ambonnay, à Bouzy et à Verzenay; 1.200 francs à Ay; 1.000 francs à Rilly, à Cramant, à Avize et à Le Mesnil-Oger. Ce furent là de belles années pour le petit vigne- ron champenois! Maïs aujourd’hui il n’en est plus de même : à la récolte de l’année dernière, les prix payés par le commerce ont varié entre 350, 400 et 450 francs la pièce. Avec des prix si peu rémunérateurs, il est impos- sible aux vignerons de couvrir leurs frais de eul- ture, qui augmentent par suile de la lutte qu'ils ont à soutenir contre les maladies cryptogamiques qui sévissent de toutes parts, et contre le phylloxera, ce terrible fléau, qui se propage de plus en plus d'une façon très inquiétante pour l'avenir du beau vignoble de la Champagne. Malgré des inégalités de récoltes très grandes, dues à des conditions climatériques particulière- ment mauvaises, la production du vignoble cham- penois a toujours élé, jusqu’à présent, supérieure à la consommation. Mais, ce qui prouve surabondamment l'excédent de la production du vignoble, par rapport aux besoins auxquels il est appelé à pourvoir, c’est le chiffre considérable des stocks dont la Régie cons- tate l'existence dans les caves champenoises, et qui sont toujours trois ou quatre fois supérieurs au débit annuel. En 1893-94, le stock des vins en bouteilles qui n'était que de 86.771.994, représentant en hecto- litres 694.175,95, passait en 1894-95, à 108.531.393, représentant en hectolitres de vin 868.251,12, à 109.320.779 en 1895-96, représentant en hecto- 100 N.-E. LE GRAND — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES VINS DE CHAMPAGNE litres 874.565,81, à 111.181.681 en 1896-97, | 6.560.480 bouteilles sur celui de l’année 1844-45. représentant en hectolitres 889.453,44, et tombait à 101.641.636 en 1897-98, représentant en hecto- litres 813.133,08. Les stocks des vins en fûts ont suivi une marche opposée, et, alors qu’on atteignait 661.344,70 hectolitres en 1893-94, on n’en comptait plus que 424.789,32 en 1894-95, que 394.455,27 en 1895-96, que 361.282,04 en 1896-97, et 347.874,73 en 1897-98 ‘. On peut constater avec regret que l'une des causes de celte différence entre les deux stocks de vin en fûts et en bouteilles réside dans ce fait que l'Étranger, notamment nos voisins les Allemands, achète en Champagne des milliers d’hec- tolitres de vins en cercles, vins qui doivent servir à faire une concurrence dangereuse aux produits champenois, après avoir été mélangés avec des vins récoltés dans les pays étrangers. C’est là une pra- tique très préjudiciable à l’industrie des vins de Champagne et à la contrée champenoise elle-même. IIL. — EXPORTATION. Malgré les nombreuses et scandaleuses contre- facons et imitations contre lesquelles le commerce des vins de Champagne a à lutter incessamment, surtout aux Etats-Unis, en Allemagne, en Autriche- Hongrie, en Russie, en Italie, en Suisse, ete., sa supé- riorité se maintient. On le constate d’après les relevés officiels fournis par la Régie et publiés annuellement, d'avril à avril, par la Chambre de | Commerce de Reims. Voici le mouvement des expéditions de bou- teilles de vins mousseux de Champagne pour les | dix dernières années : BOUTEILLES BOUTEILLES TOTAUX expédiées expédiées = en France. à l'Etranger. Bouteilles. 1888-89. . 3.653.615 18.904.469 22.558.084 1889-90. . 4.176.189 19.148.382 23.324.571 1890-91. . 4.077.083 21.699.111 25.116.19% 1891-92, . 4.558.881 19.685.115 23.243.996 1892-93. . 4.487.535 16.600.678 21.088.213 1893-94. . #.816.518 17.359.349 22.235.867 1894-95. ., 4.908.281 16.129.374 21.037.655 1895-96. . 6.065.845 17.966.840 24.032.685 1896-97. . 6.204.115 22.155.198 28.359.913 1897-98. . 5.690.599 21.697.188 21.281.181 En 1844-45, le total des expéditions était de 6.635.652 bouteilles, dont 2.255.438 pour la France et 4.380.214 pour l'étranger. Cinq ans plus tard, en 1850-51, on expédiait 7.989.540 bouteilles, dont 5.866.971 à l'Étranger et 2.122.569 en France. En 1865-66, la France consommait 2.782.777 bouteilles et l'Étranger 10.413.455, soit au total 13.196.132 bouteilles, présentant une augmentation de 1 Ces statistiques dressées par la Régie partent d'avril à avril de chaque année. Le chiffre des bouteilles expédiées pendant l'année néfaste de 1870-71 était de 7.544.393 à l'Étranger et de 1.633.941 en France, soit en tout 9.178.264 bouteilles !. Aujourd'hui, le commerce des vins mousseux de Champagne expédie plus de 21 millions de bou- teilles à l'Étranger et plus de 5 millions de bouteilles en France. D'après les statistiques précitées, on voit que c'est surtout l'Étranger qui achète nos vins de Champagne. La France en boit 1/5 environ et, avouons-le, nous ne buvons pas les meilleurs, car les bons, les grands, les vrais, les plus chers aussi, prennent la route de l'Étranger. Les pays étrangers qui consomment le plus de Champagne et qui se partagent annuellement les expéditions, sont : l'Angleterre avec une moyenne d'environ 12 millions de bouteilles, les Etats-Unis avec 6 millions de bouteilles, l'Allemagne avec 1 million, la Russie avec 500.000 bouteilles, la Bel- gique avec 500.000 également. L'exportation annuelle des produits de la Cham- pagne représente une valeur de 100 millions de francs, dont elle rend l'Étranger tributaire de la France, sans que, sur cette somme, elle ait autre chose à lui restituer que le liège, lequel est fourni par l'Espagne. En effet, sauf les bouchons, toutes les matières qui servent à la production et à la manutention des vins mousseux de Champagne, tels que : sucre de canne, alcool, bouteilles, ton- neaux, paniers, caisses, ficelles, fils de fer, étain, capsules, étiqueltes, etc., sont tirées du sol de la France ou de ses colonies. On peut évaluer l'achat des bouchons à l'Espagne | à 3.500.000 francs. Les cultures du chène-liège que l’on a tentées en Gascogne, en Algérie et en Tunisie ne sont pas encore en état de fournir des bouchons propres au bouchage de nos vins de Champagne. IV. — DROITS DE DOUANE ET CONTREFACÇONS A L'ÉTRANGER. Les droits de douane qui frappent les vins de Champagne à leur entrée dans certains pays étran- gers sont très élevés, parfois même vraiment pro- hibitifs. C'est ainsi que chaque bouteille doit payer : A la République Argentine, . . 1 à 1,25 EnTESpagnes te eeietrte ct leche 1,30 Au Brésil'et en Suède, . . .. . . .… 1,50 En Allemagne, en Autriche-Hongrie, en Roumanie et au duché de Luxem- 4 Les chiffres de l'année 1810-71 partent du {er avril au 1er septembre, 4 4 N.-E. LE GRAND — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES VINS DE CHAMPAGNE 101 EbIPortugal RC -N 3 » Aux Etats-Unis d'Amérique. . . . . . 3,45 ENNRUSSE PRE Te RTE Ne se 4,16 Et à ces chiffres il faut ajouter encore ceux des droits d'entrée dans les différentes villes. Comme on le voit, c'est aux Etats-Unis, et parti- culièrement en Russie, que nos vins de Champagne sont frappés des droits de douane les plus énormes. Américains et Russes prétendent ainsi protéger leur fabrication indigène de vins mousseux. Dans le commerce de Champagne, on soutient que l'élévation des droits de douane imposés à nos vins à l'Étranger peut, en grande partie, être attri- buée à notre nouveau système douanier. Ce qu'il y a de certain, c’est qu’elle nous cause un grand préjudice, elle nous ferme bien des mar- chés et favorise le développement incessant de la fabrication de vins mousseux dans les pays étran- gers. Les Américains ont des fabriques de « Cham- - pagnes » indigènes; ils ont planté des vignes dans la région des lacs de l'État de New-York, et ont tout tranquillement baptisé chacune des nouvelles exploitations viticoles de noms de localités em- pruntés à la région champenoise : Reims, Epernay, Ay, Bouzy, Sillery, etc. Ils ont constitué une Cham- pagne artificielle, croyant ainsi donner le change aux consommateurs. Aux États-Unis, le nombre de bouteilles de Grand Impérial de Saint-Louis qui se consomment au prix de un dollar, est considérable. En Russie, en Crimée, au Caucase, on fabrique des vins mousseux assez agréables qui reviennent à un rouble la bouteille et se vendent environ 5 francs. L'’Autriche-Hongrie, l'Espagne, l'Italie, la Suisse, ont toutes leur « champagne » local. L'Allemagne a aussi ses fabriques de vins mous- seux; c'est elle qui tient la tête et atteint à la plus parfaite imitation, du moins en ce qui concerne l'extérieur des bouteilles, revêtues audacieusement aux bords du Rhin de brillantes étiquettes où l'on inscrit les noms de localités et d'individualités illustres de la Champagne. Déjà un certain nombre des pays que nous ve- nons de citer commencent à exporter ces liquides qui viennent sur les marchés étrangers faire une nouvelle concurrence aux produits de la Cham- pagne. C’est ainsi que le tiers des vins mousseux consommés en Russie vient de l'Allemagne. Intro- duits presque en totalité par les frontières prus- sienne et polonaise, ces vins mousseux allemands ont remplacé, en grande partie, dans les provinces de Grodno et de Vilna notamment, les vins de Champagne qui arrivaient de France par Riga. Le port de Hambourg en expédie aussi de très grandes quantités. Les imitations et contrefaçons ne sont cependant REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899. pas, il faut bien le dire, l'apanage exclusif de l'Étranger. Quelques manipulateurs, qui se sont installés dans les centres du commerce champe- nois, font mousser arlificiellement certains petits vins blancs provenant de départements vinicoles étrangers à la Champagne. Il existe même une troisième catégorie, tout à fait inférieure, de vins imités : c’est celle des vins où l’on introduit du gaz acide carbonique à l'aide d’appareils sem- blables à ceùx qui sont employés dans la fabrica- tion des eaux gazeuses artificielles. En présence de ces derniers faits, les négociants de la Champagne se sont réunis pour organiser la défense de leurs intérêts collectifs et ont constitué un Syndicat, qui a intenté et gagné de nombreux procès en vue de faire réserver la qualification de vins de Champagne aux « vins récoltés et fabriqués dans l’ancienne province de Champagne ». V. — CONDITIONS SOCIALES DU TRAVAIL. Pour les arrondissements de Reims et d'Epernay, on peut compter, quoiqu'il n'existe pas ici de sta- tistique positive, 300 maisons de vins de Cham- pagne occupant 10.000 ouvriers des deux sexes environ. Il fautremarquer que, durant les «tirages », le personnel des caves, par suite du travail supplé- mentaire du rinçage et de la mise en bouteilles, s’augmente considérablement. Les ouvriers (hommes) occupés à la manutention des vins mousseux de Champagne, touchent des salaires journaliers de 4 fr. 25 en moyenne envi- ron ‘. Les chefs de caves touchent des émoluments annuels qui varient entre 4.000, 5.000 et même 10.000 francs, suivant l'importance des maisons. Ces ouvriers, généralement stables, sont très atta- chés à leurs patrons et ont beaucoup d'amour pour leur métier, qui peut cependant être regardé comme fort monotone. Ils sont presque tous membres de Sociétés de secours mutuels, dont les chefs de maison tiennent à honneur de faire partie et qu'ils alimentent de dons importants. Ces chefs permettent ainsi d'assurer aux ouvriers et à leurs familles les soins médicaux dont ils peuvent avoir besoin, une fraction de leur salaire pendant les incapacités de travail résultant de maladies, des retraites ou pensions viagères aux vieillards et aux infirmes, ces retraites étant proportionnées à leur âge et à leurs années de service dans les éla- blissements *. 1 Pour les femmes, les salaires sont de 2 fr. 25 environ en moyenn2. En 1860, la moyenne des salaires, pour les hommes, de 2 fr.; pour les femmes, 1 fr. 40. : 2 Certains chefs de maison ont aussi institué des prix de vertu, variant entre 300, 400 et 500 francs, qui sont décernés 3° était 102 Les caves et celliers de la Ghampagne sont de véritables monuments. Ces caves sont l’une des curiosités les plus intéressantes qu’on puisse ren- contrer. Installées dans d'immenses carrières ro- maines creusées dans de la craie, quelques-unes ont un développement qui atteint jusqu'à 12 et même 15 kilomètres, et se divisent en une multi- tude de galeries souterraines reliées entre elles par des artères principales éclairées à la lumière élec- trique. Plusieurs importantes maisons ont des caves en forme d'arceaux superposés de deux et trois étages. Ces caves donnent au visiteur la sen- sation de l'importance de la grande industrie dont vit toute la région champenoise. Le vin de Cham- pagne est, en effet, une de nos richesses nationales; A. COTTON — L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DE KIRCHHOFF c'est un trésor qu'on peut estimer à un capital de 3 ou 4 milliards, et qu'il faut à tout prix chercher à sauver desatteintes du terrible insecte, lephylloxera, qui a commencé à l’entamer assez fortement. Notre devoir est done de faire tous nos efforts pour défendre et préserver ce trésor précieux, et pour conserver à la France le privilège de cette brillante industrie, qui distribue chaque année près de 200 millions de francs en salaires ou bénéfices répartis, non seulement entre les grands négociants en vins de Champagne, mais aussi entre les vigne- rons, les ouvriers et les employés. Nap.-E. Le Grand, Ancien secrétaire-archiviste du Syndicat du commerce des Vins de Champagne. L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DE KIRCHHOFF C’esten 1859 que parut le mémoire de Kirchhoff}, intitulé : « Sur le rapport entre le pouvoir émissif et le pouvoir absorbant des corps pour la chaleur et pour la lumière. » Kirchhoff venait alors de faire ses expériences sur le renversement des raies, et de s'expliquer l'origine des raies noires du spectre solaire. Or, dans ce mémoire, ces brillantes découvertes n'occupent que peu de place. Kirchhoffles présente simplement comme une application d’une loi géné- rale établissant une relation entre l’absorption et l'émission d'une radiation déterminée. On connais- sait depuis longtemps, et De la Provostaye et Desains avaient vérifié avec grand soin, une rela- tion entre l'absorption et l'émission de ce qu'on appelle encore « la chaleur rayonnante ». Kirchhoff précise celte relation, montre qu'elle doit être vraie pour chaque radiation considérée isolément, et, en ajoutant quelques mots à l’ancien énoncé, formule une loi tout à fait nouvelle ? : À une température donnée, le rapport entre le pouvoir émissif et le pouvoir absorbant, définis convenablement, et annuellement par les soins de l'Administration municipale aux ouvriers des deux sexes qui, en raison de leur àge ou de leurs infirmités, paraitront les plus méritants. En plus des secours de toutes espèces, certaines maisons partagent entre les ouvriers le montant du produit de la vente des verres cassés, des débris de toutes sortes trouvès dans les caves, etc., ainsi que les pièces données par de généreux visiteurs. 1 Annales de Poggendorf (1859). Traduit dans les Ann. de Ch. et Ph., 62, p. 160 (1861). ? Ici, comme pour ce qui concerne le renversement des raies, Kirchhoff a eu des précurseurs. Mais l'énoncé de la loi n'avait pas encore été formulé avec précision. relatifs à une radialion déterminée, est le même pour tous les corps. Depuis cette époque où paraissait le mémoire de Kirchhoff, les travaux sur la chaleur rayon- nante et la lumière se sont multipliés. Grâce aux perfectionnements des méthodes expérimen- tales, nous connaissons mieux aujourd'hui ces radiations calorifiques au milieu desquelles nous vivons sans cesse. Autrefois, on ne pouvait guère étudier la composition des faisceaux calorifiques qu'en étudiant leur absorption par des écrans (le même procédé, dont nous nous servons maintenant, à défaut d'autre, pour les rayons récemment décou- verts), Auiourd'hui l'étude directe des spectres infra- rouges est devenue bien plus facile. On ne peut donc plus, comme autrefois, donner sans explica- lions, comme preuve expérimentale de la loi de Kirchhoff, les résultats des mesures faites sur « la chaleur rayonnante »,. D'autre part, la question de l’origine de la lumière, question importante, même au point de vue pratique, puisqu'elle est liée à la solution du pro- blème de l'éclairage économique, a préoccupé bien des physiciens. Les phénomènes de fluorescence, de phosphorescence, etc., paraissent de jour en jour plus importants : sous le nom de luminescence (E. Wiedemann), on embrasse aujourd'hui les cas très nombreux où la nature et l'intensité des radiations émises par un corps ne sont pas dé- terminées par la température seule. La loi de Kirchhoff est-elle générale et s'applique - t-elle à tous ces cas ? Est-elle au contraire en défaut lors- > £ ? | = A. COTTON — L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DE KIRCHHOFF 103 qu'il s'agit des phénomènes de luminescence, et peut-on ainsi les distinguer ? Cette question, et bien d’autres se rattachant à ce sujet, ont fait l'objet de recherches en nombre considérable, dont quelques-unes sont récentes. En profitant de ces travaux, je vais examiner d'une facon plus générale ce qu'est devenue aujourd'hui la loi de Kirchhoff. On confond presque toujours sous ce nom deux relations distinctes. Cette confusion était permise du temps de Kirchhoff, elle ne l’est plus aujour- d'hui. J'étudierai d'abord la règle qualitative reliant, pour un corps donné, l'absorption et l'émission. Je chercherai comment il convient d'énoncer celte règle. Elle permet seulement de conclure de ce qu'un corps émet certaines radiations, qu'il les absorbe lorsqu'elles lui viennent d’ailleurs. A cette règle, très générale, se rattachent, comme cas par- ticuliers, les phénomènes de renversement des raies spectrales. J'examinerai ensuite la loi de Kirchhoff propre- ment dite. Cette loi établit une relation entre les différents corps, et définit complètement le rap- e rULE ; ort-—du pouvoir émissif et du pouvoir absorbant LUS P (convenablement définis) : ce rapport est une fonc- tion connue de la température et de la longueur d'onde, fonction qui est la même pour tous les Corps. Cette loi, nous le verrons, ne s'applique pas aux phénomènes de luminescence, tandis que la règle ‘qualitative embrasse plus de faits. Ainsi, les flam- mes jaunes colorées par les sels de sodium, avec lesquelles on fait l'expérience classique du renver- sement de la raie D, obéissent à la règle qualita- tive, mais non pas à la loi de Kirchhoff proprement dite (Paschen). + [. — RÈGLE QUALITATIVE. On énonce parfois à tort cette relation en disant : « Un corps absorbe les radiations de même période que celles qu'il émet. » Cet énoncé peut laisser supposer qu'un corps n'absorbe que les radiations qu'il émet, ce qui est faux. Presque toujours, au contraire, un corps absorbe, en outre, d'autres radiations, qu'il n’émet pas du tout. — Considérons en effet les objets qui nous entou- rent. Presque tous nous apparaissent colorés, c’est- à-dire qu'ils absorbent certains rayons du spectre visible. En prenant ces corps sous des épaisseurs convenables, on observe pour beaucoup d’entre eux des spectres d'absorption caractéristiques, pré- entant souvent des bandes étroites ou même des raies d'absorption. Ces mêmes corps ont, à la tem- pérature ordinaire, des spectres d'émission diffé- rant les uns des autres, sur lesquels on ne sait encore rien du tout dans l'immense majorilé des cas, mais qui sont limités à la partie infrarouge. Ces spectres n'ont aucune relation connue avec les spectres d'absorption observés dans la partie visible et l’ultra-violet. Dans quelques cas, les spectres d’absorption correspondent aux spectres d'émission que l'on observe, par exemple, en élevant la température ; nous en verrons tout à l'heure bien des exemples. Dira-t-on alors : un corps absorbe les radiations qu'il est capable d'émettre, en comprenant dans ces mots les radiations que le corps émettrait s’il était porté à l'incandescence, ou d’une façon générale, s’il devenait lumineux? Cette généralisation impli- querait une hypothèse que les faits actuellement connus ne justifient pas suffisamment. Dans l’énoncé de la règle, je spécifierai donc qu'elle s’applique seulement aux radiations réelle- ment émises, et je la formulerai (provisoirement) de la facon suivante : Parmi les radiations qu'un corps absorbe, se trou- vent en premier lieu toutes celles qui ont la période des radialions émises par le corps à la température et dans les conditions où il se trouve. Cherchons si la règle ainsi restreinte est vérifiée par l'expérience ; en d’autres termes, si l’on a tou- jours constaté une absorption notable pour les radiations comprises dans le spectre d'émission observé dans les mêmes conditions. IT. — VÉRIFICATION DE LA RÈGLE QUALITATIVE. $ 1. — Spectres de raies. Renversement des raies. Pour ce qui concerne les spectres formés de raies, des expériences que M. Gouy a faites, au cours de ses recherches sur les flammes colorées !, répondent directement à la question posée. M. Gouy a cherché en effet si ces flammes sont transparentes pour les rayons qu'elles émettent. Son procédé, très simple, consiste à doubler l'épaisseur de la flamme et à mesurer, à l’aide de son spectropho- tomètre, l'éclat de la raie. Si l’éclat ne double pas, c'est que l'émission est accompagnée d’une absorp- tion notable. C'est ce que M. Gouy a trouvé pour toutes les raies étroites qu'il a étudiées, Dès que la raie a un éclat notable, l'absorption se manifeste; elle est d'ailleurs limitée aux radiations comprises dans la raie. Daas ces expériences, M. Gouy a examiné et indiqué le moyen d'éviter une cause d’érreur, dont 1 Gouy, Ann. de Ch. et Ph. (5), t. XVIII, p. 5 (1879). 10% A. COTTON — L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DE KIRCHHOFF on verra plus loin la gravité, et qui tient au défaut d'homogénéité des flammes employées. Nous ver- rons dans un moment que ces flammes sont entou- rées d'une enveloppe absorbante plus froide, qui peut modifier notablement l'intensité d’un rayon qui la traverse. C’est pourquoi on peut considérer ces expériences, au point de vue de la question qui nous occupe, comme tout à fait démonstratives : ce sont bien les parties de la flamme qui émettent la lumière dont on étudie l'absorption. En faut-il conclure qu'il y a là une règle générale applicable à toute espèce de raies? Tout l’ensemble des faits se raltachant au renversement des raies se présente alors à l'esprit. Les expériences de Foucault, de Kirchhoff, de Fizeau, de Cornu, etc.., l'observation des raies noires, en nombre en quelque sorte indéfini, du spectre du Soleil et des astres, semblent fournir une réponse à la question posée. Examinons pourtant les choses de plus près. Il faut, comme on sait, distinguer deux sortes de renversement des raies. 1. Le renversement proprement dit s’observe en plaçant une flamme donnant une raie brillante sur le trajet d’un faisceau de lumière blanche donnant un spectre continu. Dans ces condilions, la raie peut apparaitre renversée, c'est-à-dire se détacher en sombre sur fond brillant, et même, si l'expérience est bien disposée, apparaitre comme une raie noire, comme si la lumière était réellement éteinte. Bien entendu, ce n’est là qu'une illusion, tenant à un effet de contraste. La raie est simplement moins brillante que les parties voisines. Elle semble noire, de même que les taches du Soleil, dont l'éclat est pourtant environ un dixième de l'éclat des régions voisines, et des milliers de fois supérieur à celui de la surface de la lune à son plein. On voit sans peine que, si la règle qualitative énoncée plus haut est exacte, on pourrait, en prenant une flamme suffisamment épaisse, un spectre continu assez intense (et un spectroscope doué d'un pouvoir séparateur suffisant), renver- ser ainsi loutes les raies : Lorsqu'on augmente l'épaisseur, la flamme affaiblit de plus en plus, suivant la loi exponentielle bien connue, le faisceau qui la traverse. Quant à l'éclat de la raie produite par la flamme elle-même, il {end vers une limite finie quand l'épaisseur augmente‘. La raie peut donc toujours être rendue plus sombre que les 1 Soient e, a, les pouvoirs émissif et absorbant relatifs à l'unité d'épaisseur et à une des radiations comprises dans la raie. Si l'on calcule le pouvoir émissif total d'une couche d'épaisseur z, on trouve que ce pouvoir émissif tend, lors- mere : Ne que z augmente, vers la limite — .Or, la règle qualitative re- a : : : e : vient à ceci: Le rapport - est fini. a parties voisines du spectre continu, et apparai- tre renversée si l'appareil dispersif est suffisant. On peut, en effet, comme chacun sait, renverser la raie jaune du sodium : avec quelques précau- tions !, le résultat est très net et très frappant. La. même expérience à été faite par Kirchhoff lui- même avec certaines raies d’autres métaux alca- lins ou alcalino-terreux ?. On observe très bien, dans tous ces cas, el la raie brillante primitive, et la même raie renversée. Enfin, c’est encore le cas de cer- taines des raies solaires de Frauenhofer : celles qui correspondent auxraies brillantes, quel’atmosphère solaire émet, et qu'Young a apercu au moment de l’éclipse totale de 1870 : notamment celles qui ser- vent maintenant à l'observation journalière des protubérances. 2. Le renversement spontané consiste, comme on: sait, dans l'apparition d'une raie noire sur la raie brillante élargie, observée directement. Signalé d'abord par Fizeau dans la flamme du sodium brûlant dans l’air, ce renversement spontané a pris une importance considérable depuis les travaux de M. Cornu *, qui a réussi à le mettre en évidence pour un grand nombre de raies des mélaux dans l’étincelle ou dans l'arc. ; Ce renversement partiel est certainement, dans le cas du sodium, produit par l'enveloppe exté= lieu de croire qu'il en est de même pour toutes less raies spontanément renversables : les vapeurs pro duisant ces raies sont donc des corps absorbant, à de basses températures, les radiations qu'ils émet” tent dans des circonstances différentes. Ces raies* ont par là un grand intérêt, puisqu'elles mettenb en évidence l'existence de périodes caractéristiques dont l'importance théorique est considérable, mais elles ne fournissent pas une réponse aussi convain cante à la question, très restreinte, que nous étus dions maintenant, et où nous cherchons à comparer l'émission et l'absorption dans les mêmes condition On ne peut plus ici, comme dans l'expérience du renversement proprement dit, observer successi vement une raie brillante et la même raie ren versée. 1 Je renverrai sur ce sujet à un travail publié dans L'Eclaë rage Electrique, t. XIV, p. 405 et 540 (1898). j ; ? Kincanorr : Ann. de Ch. et Ph. (3), t. LXVIT, p. 5. k 8 Cornu : C. R., t. LXXXIII, p. 332 (1871) et t. C, p. EL (1885). # Goux : Loc. cit., p.50. A. COTTON — L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DÉ KIRCHHOFF 105 ces renversements spontanés continuent à absorber lorsqu'elles émettent ‘elles-mêmes : nous aurons alors un très grand nombre de raies pour lesquelles la règle se vérifie. Mais, si l'on examine la liste des corps auxquels appartiennent ces raies, on trouve que ces corps sont tous des métaux (ou de l'hydro- gène), tandis qu'on n’a pas encore !, à ma connais- sance, observé le renversement d’une seule raie d'un métalloïide. Ce point a de l'importance. Il n’est pas permis actuellement de conclure de l'absence de raies noires dans le spectre du Soleil ou d’un astre, à l'absence de l'élément correspondant?. 1l faudrait savoir, au préalable, si le renversement de ces raies est possible. $ 2. — Spectres de bandes. Un corps émettant un spectre de bandes absorbe- t-il les radiations comprises dans ces bandes? Lorsque des raies, celles du sodium, par exemple, s'élargissent et deviennent diffuses, de façon à res- sembler à des bandes véritables, on voit de même les raies d'absorption s'élargir et devenir diffuses. Peut-on de même renverser les spectres de bandes proprement dits? Un cas où ce renversement est très net est celui des bandes observées dans l'infrarouge pour la vapeur d’eau et le gaz carbonique. Après plusieurs savants, MM. Paschen, puis Rubens et Aschkinass se sont occupés de l'absorption et de l'émission de ces deux corps, en poursuivant cette étude jusqu'à des radiations de très grandes longueurs d'onde. Ils ont trouvé que les nombreuses bandes d’émis- sion de la vapeur d’eau, les trois bandes du gaz carbonique, observées en chauffant directement les gaz, ou encore en étudiant l'émission de la flamme d’un bec Bunsen, correspondent bien avec des bandes d'absorption très neltes :. tellement marquées, dans quelques cas, que les petites quan- tités de ces gaz, toujours présentes dans l’atmos- phère du laboratoire, viennent altérer nettement en quelques points tous les spectres que l'on observe. On cite généralement dans les cours deux autres cas : celui de l'oxyde d’erbium, et celui de la va- peur d’iode. L’oxyde d’erbium incandescent émet un spectre de bandes (Bahr et Bunsen) ; ces bandes coïncident avec les bandes d'absorption que pré- sentent à la (température ordinaire les sels d’erbium ! Les raies des métalloïdes s'obtiennent le plus souvent avec l’étincelle : cela rend l'expérience difficile, surtout parce que l'étincelle est discontinue et n'agit que pendant une fraction très faible du temps total. Mais on peut obtenir certaines raies des métalloïdes avec l'arc, et l'expérience serait alors facile. On prendrait comme spectre continu le spectre solaire lui-même. ? On a cherché sans succès, par exemple, des raies noires correspondant à l'oxygène. On en a trouvé quelques-unes dans le rouge: mais elles sont d'origine tellurique (Jewel). solides et dissous. De même, le spectre d'absorption de l'iode en vapeur est en quelque sorte l'épreuve négative d'un des spectres d’émission de l'iode, un spectre cannelé obtenu avec un tube de Geissler. Dans les deux cas, l'émission et l'absorption ne sont pas étudiées à la même température, dans des circonstances identiques. Pour la vapeur d'iode, des travaux récents permettent de faire celle com- paraison. La vapeur d'iode, chauffée dans un tube au rouge, devient lumineuse : elle émet un spectre qui parait au premier abord continu (c'est ainsi que l'ont décrit Salet et Evershed), mais qui, étudié de plus près, paraît bien formé de bandes diffuses". En employant des vapeurs de faible densité, M. Ko- nen*, qui à récemment publié une monographie des spectres de l'iode, a observé, en effet, dans ce spectre, des cannelures complémentaires de celles du spectre d'absorption observé à la même tempé- rature. La vapeur d’iode est donc bien encore un exem- ple de corps pour lesquels la règle paraît se véri- fier. Néanmoins il n’est pas permis actuellement d'affirmer sa généralité. Contrairement à tout ce qui précède, certaines flammes colorées donnant des bandes d'émission, paraissent tout à fait trans- parentes pour les radiations qu’elles émettent. Ce fait a été signalé en effet par M. Gouy, pour plu- sieurs bandes du calcium, du strontium, du baryum, du cuivre, du carbone. Aux erreurs près de la méthode photométrique, l'éclat de ces bandes double avec l'épaisseur de la flamme. $ 3. — Cas des corps fluorescents. En revanche, certains corps fluorescents obéis- sent à cette règle d’après laquelle un corps absorbe des radiations identiques à celles qu'il émet, dans les circonstances où il se trouve. Les lecteurs de cette lievue n'ont pas oublié le résultat du travail de M. Burke’, que M. Guillaume leur a signalé en insistant sur son intérêt au point de vue de la loi de Kirchhoff. Pour les radiations que le verre d'urane émet par fluorescence, ce corps est bien plus absorbant lorsqu'il est lui-même fluorescen que lorsqu'il ne l’est pas. La règle qualitative s'applique donc au verre ‘ La règle elle-même reliant l'absorption à l'émission montre que si la quantité de vapeur augmente, les bandes (et les raies) d'émission doivent s'élargir de plus en plus, et que le spectre doit tendre vers l'aspect d’un spectre con- tinu. On s'explique ainsi le résultat de Salet et d'Evershed. Il ne faut pas oublier d’ailleurs que l'aspect sous lequel apparaissent les spectres d'absorption, dépend de la source produisant le spectre continu servant à les étudier ; et qu'une source très intense rétrécit les bandes et les rend plus nettes. ? Koxen : Wied. Ann., t. LXV, p. 256 (1898). 3 Burke : Soc. Roy., Londres, 17 juin 1897. — Nature du 15 juillet 1897, — GuiLLaAuME : Revue gén. des Sc., 1891, t. vin, p. 932. 106 A. COTTON — L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DE KIRCHHOFF d'urane. S’applique-t-elle à tous les corps fluores- cents, ou d'une façon générale à tous les corps luminescents? De nouvelles expériences sont néces- saires pour l’affirmer, et, à bien des égards, les recherches très importantes de M. Burke méritent d'être poursuivies et étendues. Si l’on résume tous les faits qui viennent d’être cités, on voit que la règle reliant l'absorption à l'émission pour un mème corps, s'applique à un très grand nombre de cas, en particulier à des corps luminescents, qui échappent, comme on le verra, à la loi de Kirchhoff proprement dite. Mais il n’est pas sûr que cette règle qualitative elle- même soit toujours valable : de nouvelles recher- ches sont nécessaires. III. — INTRODUCTION DE L'ÉTAT DE POLARISATION DES VIBRATIONS. L'énoncé qui a été adopté précédemment pour celte règle n’esi pas encore tout à fait correct ; il faut le préciser, comme nous allons le voir, de la façon suivante : Si un corps émet, dans une direction déterminée, un faisceau propageant certaines vibrations, définies par leur période el leur état de polarisation, il est absorbant pour un faisceau propageant en sens inverse les mêmes vibrations. L'observation du phénomène de Zeeman, avec les raies renversées ‘, montre avec une grande nel- teté la nécessité de préciser ainsi l'énoncé. Supposons, par exemple, que l'on place la flamme d’un brûleur colorée par un sel de sodium dans un champ magnétique; les raies sont modi- fiées. Prenons comme exemple la raie D,, et sup- posons qu’on observe dans la direction des lignes de force du champ. Dès que le courant est établi dans l’électro-aimant, la raie primitive disparait, et deux raies nouvelles À, B, la remplacent, l’une à droite, l’autre à gauche de la raie primitive. Ces raies sont polarisées circulairement, mais en sens contraires : la plus réfrangible A, d’après la règle de MM. Cornu et Kænig, est formée par des vibra- tions qui ont le sens du courant magnétisant. Supposons maintenant qu'on fasse traverser l'électro-aimant et la flamme qu'il contient, par un faisceau donnant un spectre continu très intense. Lorsque le champ est supprimé, la raie D, apparaît comme une raie noire très marquée. Lorsqu'on établit le champ, on la voit s’élargir, devenir grise, et paraître s’effacer. Si l'on place alors un polariseur circulaire (avant ou après l’électro-aimant), sur le trajet des rayons, ou bien si l'on observe à travers 1 KoeniG : Wied. Ann., t. LXIT, p. 240, 1897. Voir le travail Radialions dans un champ magnétique. L'Eclairage électrique, XIV, p. 540, 1898. un analyseur circulaire, on voit réapparaitre très. nettement une seule raie noire, qui occupe mainte- uant la place d'une des raies du doublet observé précédemment. Change-t-on le sens du polariseur circulaire, on voit la raie noire venir prendre la place de l’autre raie brillante. Si le champ d'obser- valion est partagé en deux plages polarisées eu sens contraire, on voit, dans chacune des plages, la raie qui correspond à son état de polarisation, mais seulement celle-là. La flamme placée dans le champ magnétique absorbe donc la lumière des deux raies À, B, mais elle n’absorbe, en A, que les vibrations circulaires. ayant le sens du courant; en B, que les vibrations de sens contraire. On s'explique ainsi que le dou- blet renversé n'apparaisse pas nettement sans appareils de polarisation, puisque la flamme n’agit alors au passage que sur la moitié de la lumière incidente. Même remarque pour les observations faites perpendiculairement aux lignes de force. La flam- me, dans cette direction, émet trois raies corres- pondant à D, ; elle en absorbe trois; mais ces raies M sont polarisées ; pour chacune d'elles, elle esl absorbante seulement pour les vibrations corres- pondant à l'état de polarisation de la lumière émise : celle polarisation est ici rectiligne et un nicol suffit pour observer nettement les nouvelles raies renversées. On voit donc bien la nécessité d'introduire la correction précédente à l'énoncé de la relation entre l'absorption et l'émission. M. Kœnig, qui a fait le premier ces observations, en à bien fail remarquer l'intérêt au point de vue de la relation de Kirchhoff : « C’est la première fois, « dit-il, que l'on trouve des corps possédant une « certaine anisotropie, et qui manifestent cette « anisotropie à la fois dans leur émission et leur « absorption, conformément au principe de « Kirchhoff. » Mais en réalité, Kirchhoff lui-même avait déjà fait, sur ce sujet, une observation très intéressante. Une lame de tourmaline parallèle à l'axe polarise partiellement, comme on sait, un faisceau qui la traverse. Elle conserve cette propriété, quoique à un degré moindre, lorsqu'on la porte au rouge faible dans la flamme d'un bec Bunsen. Or, la lumière qu'elle émet dans ces conditions est aussi partiellement polarisée, les vibrations émises avec le plus d'intensité étant celles qui sont absorbées davantage (Kirchhoff, loc. cit., p. 186). Nous verrons d’ailleurs, à propos de la loi de Kirchhoff proprement dite, que d’autres expé- riences viennent encore montrer la nécessité de tenir compte, dans la définition des pouvoir émis- sifs et absorbants, de la direction ou du sens des vibrations. | D LC 4 4 A. COTTON — L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DE KIRCHHOFF 107 IV. — ASSIMILATION AUX PHÉNOMÈNES DE RÉSONANCE. Je ne puis rechercher ici comment on peut ren- dre compte, par la théorie, de la règle qualitative reliant l'émission et l'absorption. Une remarque à ce sujet me semble pourtant nécessaire. Pour expliquer l'existence d’une telle relation (particulièrement dans le cas des spectres de raies), on rappelle habituellement les phénomènes de résonance étudiés en Acoustique. On compare les particules matérielles à des systèmes vibrants ayant une période déterminée, et l'on admet qu'ils sont mis en vibration à la façon d’un résonnateur par une onde incidente ayant cette période. On rappelle qu'une corde tendue vibre quand on excite dans le voisinage une corde donnant le même son. Il y à sans doute dans ce rapprochement une grande part de vérité : on voit sans peine qu'en imaginant soit les molécules entières, soit des par- ties de ces molécules capables de vibrer avec des périodes caractéristiques, on rend compte de l'émission et des particularités qu'elle présente. Mais l'absorption est-elle aussi claire? Un résonnateur mis en action par une onde sonore restitue, en général, l'énergie qu'il reçoit sous forme d'énergie vibratoire de même période. Est-il besoin de rappeler que, dans les expériences de Helmholtz sur le timbre, le son propre du réson- nateur éclate dans l'oreille avec une intensité inac- coutumée? Au contraire, un rayon de lumière absorbé semble disparaitre, et certainement n'est pas diffusé ‘simplement dans tous les sens par le milieu absorbant. Que devient alors l'énergie apportée par le rayon ? Je ne puis examiner ici les transformations très variées qu'elle peut subir, et que la théorie peut elle-même faire prévoir. Je voulais seulement atti- rer l'attention — en me plaçant au point de vue de l’enseignement, sur ce fait qu'il ne faut pas dissi- muler : le rapprochement qu'on établit ici entre les phénomènes de l'Optique et de l’Acoustique ne suffit pas; il ne constitue une explication que si on lui ajoute un complément indispensable. V. — La Lor DE KIRCHHOFF PROPREMENT DITE. e Nous avons vu que le rapport = du pouvoir émis- sif et du pouvoir absorbant d'un corps pour des vibralions définies par leur période et leur état de polarisation, a loujours une valeur finie (qui peut être nulle). La loi de Kirchhoff proprement dite nous apprend, de plus, que ce rapport a la même valeur (que je désignerai par e,) pour tous les corps à la même température. Cette quantité e, est done une fonc- tion de la température et de la longueur d'onde, fonction la même pour tous les corps. C’est celte loi que nous allons maintenant examiner. Remarquons, tout d'abord, comme l'a fait M. Guillaume, que cette loi ne peut s'appliquer aux phénomènes de fluorescence. Le verre d'urane, par exemple, frappé par des rayons très réfrangibles, émet, sans que sa température change sensiblement, des radiations visibles; con- CA He CPE sidérons une de ces radiations : le rapport arest pas nul. À la même tempéralure, il y a des corps qui absorbent, sans l’'émettre, cette même radia- à e lion ; pour un de ces corps, le rapport acst nul, l'égalité est impossible. La loi de Kirchhoff ne s'applique donc pas aux corps fluorescents com- parés aux milieux colorés ordinaires. On à vu que les corps fluorescents obéissent pourtant à la règle qualitative reliant l'absorption à l'émission (expériences de M. Burke sur le verre G SE Ve A d'urane). Le rapport a est fini, mais il n'est pas égal à e,; ce rapport ne dépend plus seulement de la température et de la longueur d'onde. Je dirai, dès à présent, que cette remarque peut être généralisée. La loi de Kirchhoff ne semble pas s'appliquer aux phénomènes de /uminescence, c'est-à-dire aux cas où l'émission d’un corps déter- miné ne dépend pas seulement de la température. C'est ce qui a lieu, par exemple, pour les flammes colorées, dont l'éclat dépend des réactions chi- miques qui s’y effectuent. Pour ces flammes encore, € La Dear - le rapport S est fini (renversement des raies), mais il n’est pas égal à e.. Les physiciens allemands parlent volontiers d'une température fictive, dite température de lumines- cence (Wiedemann), que l’on attribuerait au corps luminescent. Moyennant cette hypothèse, les corps luminescents obéiraient, eux aussi, à la loi de Kir- chhoff, de même aussi à l’axiome de Clausius, etc. Cette température serait celle d'un corps «noir » dont PE LR RTS z RE e : ; l'émission e, serait précisément mi Mais la tempé- rature ainsi calculée serait-elle la même pour toutes les radiations émises ? On n'en sait rien : on n’a pas cherché encore à trouver comment varie, avec la e longueur d'onde, le rapport = relatif à un corps luminescent déterminé. On a des raisons de croire que ce rapport a des valeurs voisines pour deux radiations voisines, que c’est une fonction continue ? GuizLauE : L'absorption de la lumière daus les corps fluorescents, dans la Rev. gén. des Se., du 15 décembre 1897. 108 A. COTTON — L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DE KIRCHHOFF de la longueur d'onde; mais, c’est tout ce qu'on peut dire quant à présent. Je ne parlerai donc pas de température de lumi- nescence, et, comme le fait Kirchhoff lui-même, je resireindrai l'application de la loi aux cas où l'émission (de rayons visibles ou invisibles) est déterminée par la température seule, en un mot aux phénomènes d'incandescence. Malgré cette res- triction, on va voir que la loi a encore une impor- tance considérable. Pouréviter deserreurs graves, jerappelle d'abord, d’après les idées de Kirchhoff, les définitions pré- cises des pouvoirs émissifs et absorbants. Je sup- poserai d'abord qu'on ne tienne pas compte des phénomènes de polarisation : jereviendrai plus loin sur ce point. $ 1. — Pouvoir émissif e. Soit un corps C (fig. 1), isolé dans une vaste enceinte qui ne lui envoie et ne lui renvoie aucune e, AL F4 74 Ar à 1. VAN L D, Ce 17 / CEA / D, Fig. 1. — Étude du pouvoir émissif et du pouvoir absorbant d'un corps. — C, Cylindre; X, faisceau de rayons; D,, D,, diaphragmes. radiation (une enceinte « noire » à une tempéra- ture extrêmement basse). Figurons un cylindre X rencontrant le corps G, découpant sur lui un élé- ment de surface ç. (La section droite du cylindre aura des dimensions déterminées, mais très petites, quoique beaucoup plus grandes que la longueur d'onde.) Le pouvoir émissif du corps C pour la radiation à, est l'intensité totale des rayons de lon- gueur d'onde À qui, partant du corps, sont conte- nus dans le cylindre. Le nombre mesurant ce pouvoir émissif dépend de l'unité d'intensité adoptée‘, et du choix fait pour l'intervalle étroit de radiations comprenant la radiation À, employé dans la mesure. Ce pouvoir émissif dépend, en outre, du cylindre X, de la nature et de la forme du corps, de l’état des sur- faces, en un mot, du corps C tout entier, et non pas seulement de 6; il dépend encore du milieu sup- posé transparent, dans lequel est plongé le cylindre (S. de Smolan). $ 2. — Pouvoir absorbant a. Supposons que des rayons non polarisés, de même longueur d'onde }, marchent exactement en sens contraire des rayons précédents et viennent rencontrer le corps C. Mesurons l'intensité des rayons incidents compris dans le cylindre, puis l'intensité de tout ce qui reste de ces rayons après qu'ils ont rencontré le corps, c'est-à-dire l'intensité des rayons transmis, réfléchis, diflusés par le corps ‘. La différence représente l'intensité des rayons absorbés : on appelle pouvoir absorbant a, le rapport entre l'intensité des rayons absorbés et celle des rayons incidents. Le nombre mesurant ce pouvoir absorbant pour la radiation À ne dépend pas de l'unité d'intensité choisie; il est évidemment au plus égal à l'unité. IL peut être très petit lors même que le corps est tout à fait opaque, puisqu'il dépend du pouvoir réflec- teur. Comme le pouvoir émissif, il dépend de X, du corps C tout entier, etc. Comment mesurer pratiquement les deux quan- lités précédentes? Pour limiter les faisceaux, on peut supposer deux diaphragmes D,D,, assez éloi- gnés, qui ne laisseront passer que les rayons sensi- blement parallèles contenus dans X. Nous néglige- rons la diffraction sur les bords des ouvertures, el nous supposerons surtout que ces écrans n’en- voient et ne renvoient aucune radiation. Nous rece- vrons le faisceau sur un instrument de mesure qui devra satisfaire aux mêmes conditions, sinon des corrections seront nécessaires. On voit immédiatement que la mesure du pou- voir absorbant est plus difficile, puisqu'il faut mesurer l'intensité des rayons transmis, réfléchis, diffusés. Pour simplifier, je supposerai que le corps a la forme d’une lame à faces planes et parallèles, et que ces faces sont parfaitement polies et réflé- chissantes. Les rayons réfléchis et transmis sont alors compris dans des faisceaux limités ; on mesure alors facilement l'intensité du faisceau incident, puis celle de ces deux faisceaux. Si la lame est opaque, mais réfléchissante, le pouvoir absorbant est égal à 1 — 7, r étant le pouvoir réflecteur. Si l’on peut négliger les réflexions sur les faces de la lame, le pouvoir absorbant se déduira immédiate- ment de la mesure du faisceau transmis. $ 3. — Corps parfaitement absorbant. Enfin, si la lame a un pouvoir réflecteur négli- geable et est assez épaisse pour ne rien laisser passer, le pouvoir absorbant est égal à l'unité : je dirai que le corps est parfaitement absorbant pour la radiation considérée. ! Il y à avantage à l'évaluer en unités d'énergie, Voir GUILLAUME : Rev, gén. des Sc.,t. III, p. 12 et 93 (1892). 1 Bien entendu, on ne compte pas parmi ces rayons ceux qu'il émet lui-même, eur TE d Li LOS RC UE à UE des comves hé CS sec A. COTTON — L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DE KIRCHHOFF 109 $ 4. — Corps parfaitement noir. Un corps « parfaitement noir » serait un corps dont le pouvoir absorbant est égal à l'unité pour toutes les radiations. Existe-t-il des corps satisfaisant à cette condi- tion ? La question a une grande importance à divers points de vue. Elle doit notamment être examinée avec soin à propos de l'étude de la répartition de l'énergie dans les spectres. Je ne puis l'étudier aujourd'hui : je me bornerai à dire qu'on réalise aujourd'hui des dispositifs qui, malgré les pro- priétés spécifiques des substances employées, se rapprochent autant qu'on veut des corps parfaite- ment noirs. Pour l'étude qui nous occupe, il n’est pas néces- satire que l’on possède des corps parfaitement noirs, c'est-à-dire « noirs » pour toute l'étendue du spectre; il suffit qu'ils soient, pour toutes les radia- tions soumises à l'étude, des corps parfaitement absorbants. VI. — CONSÉQUENCES DE LA LOI DE KIRCHHOFF. La loi de Kirchhoff nous apprend que le rapport e : : = des deux quantités définies précédemment reste le même quand on remplace le corps C par un autre, quelconque, à la même température. La valeur constante de ce rapport est égale au pouvoir émissif e, d'un corps parfaitement absorbant. On déduit immédiatement de cette loi les consé- quences suivantes : 1° Supposons qu'on fasse simplement tourner le corps G, sans le remplacer par un autre; le rap- e port = ne change pas. Eh bien, de là, on déduit immédiatement, dans le cas particulier des corps opaques, des lois relatives à la variation de l’émis- sion avec l'incidence. Supposons que le corps, assez épais pour ne rien laisser passer des radia- tions considérées, soit terminé par une surface. plane, et que, sans toucher aux diaphragmes limi- tant le faisceau, on incline plus ou moins cette sur- face (fig. 2): le rapport À doit rester invariable. La surface « découpée sur la surface par le cylindre X limitant les faisceaux, varie (en raison inverse du cosinus de l'angle d'incidence), de sorte que le pouvoir émissif se rapporte à des surfaces variables. Si le corps est parfaitement absorbant, a — 1, e demeure constant, et le pouvoir émissif par unilé de surface varie comme le cosinus de l'angle d'incidence : en d’autres termes, la loi de Lambert est applicable aux corps parfailement absorbants. (Leslie l'a trouvée vraie pour le noir de fumée.) Si le corps est opaque, mais s'il diffuse la lumière ou s'il la réfléchit régulièrement, le pou- voir absorbant est 1-r, rétant le pouvoir réflecteur ou diffusif. Les pouvoirs émissifs relatifs aux deux surfaces 6 «’, seront reliés par la relation : (4) — = —— La loi de Lambert ne sera donc applicable que sir—r,cest-à-dire si le corps a une surface par- faitement male, s'il diffuse également, quelle que soit l'incidence. (Les expériences de Müller ont montré qu'il en est bien ainsi.) Enfin, si le corps est poli etréfléchissant, le pou- voir réflecteur changeant avec l'incidence, la for- mule (1) indique alors comment varie l'émission avec l'incidence. Uljanin !, auquel on doit un tra- vail récent sur ce sujet, a montré que cette formule représente bien les résultats expérimentaux, par exemple ceux obtenus avec le platine bien poli”. Fig. 2. — Varialion du pouvoir émussif avec v'incidence. (Lettres comme dans la figure 1.) On voit donc que, bornée au cas d'un seul corps, la loi de Kirchhoff permet de prévoir les lois rela- tives à l'émission oblique. On sait d'avance toutes les particularités de l'émission des corps opaques quand on a étudié la réflexion sur leur surface. Passons à d’autres conséquences de la loi de Kirchhoff, en comparant cette fois des corps diffé- rents. 2° Comparons deux corps parfaitement absor- bants pour une même radiation À, à la même tem- péralure. Ils ont le mème pouvoir émissif e, pour celte radiation. Deux corps parfaitement « noirs » ont, à toutes les températures, des spectres d'émis- sion absolument identiques. On commence à bien connaître le pouvoir émis- sif e, d'un corps noir en fonction de la température et de la longueur d'onde. Les lois auxquelles on est arrivé (Lummer et Pringsheim, Paschen, Wien, 1 Ursanin : Wied. Ann. 62, p. 528 (1897). 2 Les expériences qui viennent d'être citées n'ont pas été faites avec des radiations monochromatiques, mais on verra plus loin qu'on peut étendre la loi de Kirchhoff au cas des faisceaux complexes. — La formule (1)est,en toute rigueur, valable pour chaque radiation et chaque catégorie de vibra- tion considérée isolément. 110 A. COTTON — L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DE KIRCHHOFF sont simples, comme l'avait pressenti Kirchhoff. Je ne puis m'en occuper ici. Cette valeur e,, qui représente le pouvoir émissif d'un corps parfaitement absorbant pour la radia- tion }, estle maximum de la valeur que peut pren- dre le pouvoir émissif e d’un corps quelconque pris à la même température. On a en effet: e — ae,,eta est plus petit que l'unité si le corps n’est pas par- faitement absorbant. Celte remarque s'applique évidemment à un ensemble quelconque de radiations : le pouvoir émissif total ne peut pas dépasser le pouvoir émis- sif correspondant d'un corps parfaitement absor- bant pour toutes les radiations. Nous verrons bientôt une application de celte remarque. 3° Considérons l’ensemble des radiations qui, à une température déterminée, sont émises par un corps « noir ». Un corps quelconque, à la même température, ne peut absorber, sans l’'émettre en même temps, une quelconque de ces radiations, et il l’'émet avec d'autant plus d'intensité qu'il l’absorbe davantage. On voit que la loi de Kirchhoff renseigne d’une facon beaucoup plus complète el plus précise sur les relalions entre l'absorption et l'émission, que la règle qualitative éludiée précédemment. De cette règle, on ne pouvait pas conclure de l'exis- tence d’une absorption sensible à l'existence d’une émission correspondante. La loi de Kirchhoff nous autorise à le faire, pourvu que la radiation considérée soit émise par un corps noir à la même température. De cette remarque on déduit immédiatement que les particularités des spectres d'absorption! des corps incandescents doivent se retrouver dans les spectres d'émission correspondants. Un corps coloré qui absorbe certains rayons visibles de pré- férence à certains autres, et qui conserve cette propriété à de hautes températures, doit émettre lui-même de la lumière colorée. On ne peut guère citer actuellement d'études à ce sujet, à part celles de Nichols et Snow sur certains oxydes qui émet- tent par incandescence de la lumière colorée. Mais on trouverait très facilement d'autres exemples, je crois, en éludiant la lumière émise par des verres ou des fondants colorés portés à l'incandescence ; je me suis assuré par quelques essais que ces corps émettent des faisceaux dont l'intensité et la compo- sition changent de l'un à l’autre : la loi de Kir- chh5ff permet de déduire les propriétés de ces etc.), ! Par ce mot spectre d'absorption, j'entends la courbe représentant les varialions du pouvoir absorbant & de Kir- chhoff, avec la longueur d'onde. C'est seulement lorsque le pouvoir réflecteur peut être négligé que cette courbe peut se déduire de la seule étude du faisceau transmis. spectres d'émission, des propriétés des spectres d'absorption. Ce que je viens de dire de la lumière s'applique évidemment aux radiations infrarouges, et les exemples que l'on peut citer actuellement sont beaucoup plus nombreux. J'en rappellerai quel- ques-uns à propos des mesures faites sur la cha- leur rayonnante, et je me bornerai à faire la remarque suivante : Parmi les radiations émises par un corps «noir » incandescent se trouvent pré- cisément les radiations infrarouges. Un corps incandescent quelconque ne peut absorber ces radiations sans les émettre : par suite, dans la recherche d’un éclairage économique, si l’on veut obtenir, par incandescence simple, de la lumière sans chaleur, il faut employer des sources absorbant peu l'infrarouge. Il est très remarquable précisément que la ma- gnésie, que l’on place dans la flamme oxhydrique pour obtenir la lumière Drummond, présente, dès la tempéralure ordinaire, une transparence très grande pour certains rayons calorifiques (K. Ang- strüm). Il doit en être de même du manchon du bec Auer, si, comme le croit M. Le Chatelier, la lumière de celte source est due à un phénomène d'incandescence simple. On pourrait rechercher directement si le manchon incandescent absorbe peu l'infrarouge !, et voir s’il obéit à la loi de Kirchhofr. VII. — LA Lor DE KIRGHHOFF A-T-ELLE ÉTÉ VÉRIFIÉE EXPÉRIMENTALEMENT ? Les conséquences que nous venons de déduire de la loi de Kirchhoff semblent bien d'accord avec les faits observés ; mais, a-t-on vérifié directement, d’une facon précise, cette loi telle qu'elle a été énoncée, c'est-à-dire pour une radialion isolée ? Examinons d’abord les expériences faites sur les spectres discontinus des gaz. Les gaz, au point de vue de l'étude qui nous occupe, présentent d'abord .l’avantage d’avoir un pouvoir réflecteur négli- geable. En outre, il semble naturel de les examiner tout d’abord, puisqu'ils donnent ces raics étroites, dont le physicien parle souvent comme si elles élaient formées d'une seule radiation. Mais on sait qu'en réalité ces raies ont une lar- geur variable et une constitution complexe : c’est un point que les expériences de M. Gouy, celles aussi de M. Michelson, ont mis tout à fait en évi- dence. Il est impossible de les considérer comme ! Plus exactement la partie de l'infrarouge qui est la plus intense dans le spectre d'un corps noir. Le manchon du bec Auer (privé bien entendu de sa cheminée de verre) envoie notablement les radiations calorifiques de 50 — 60 p. étudiées récemment. A. COTTON — L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DE KIRCHHOFF 111 formées d’une seule radiation, et on ne peut même pas admettre qu’en laissant passer, à travers une fente remplaçant l'oculaire du spectroscope, une partie de ces raies, l'intensilé pourrait êlre consi- dérée comme uniformément répartie dans cetinter- valle très étroit. Nous rencontrons done immédia- tement la question suivante : Peut-on vérifier la loi de Kirchhoff à l’aide d'expériences sur des faisceaux complexes de radiations ? Cette question sera examinée plus loin. Pour le moment, bornons-nous à indiquer comment M. Pas- chen ‘ a cherché à voir si la loi de Kirchhoff était applicable aux flammes et aux gaz incandes- cents. Il à utilisé la remarque rappelée précédemment, d’après laquelle le pouvoir émissif d'un corps obéissant à la loi de Kirchhoff ne peut jamais dé- passer le pouvoir émissif correspondant d’un corps parfaitement absorbant pour les radiations considé- rées, pris à la même température. $ 1. — Raies de l’arc. En collaboration avec M. Kayser, M. Paschen a comparé, par la photographie, l'éclat d’une région ultraviolette du spectre continu donné par le cra- tère positif, avec l'éclat de bandes appartenant au carbone et au magnésium, siluées dans la même région et données par l'arc gazeux lui-même. L'éclat de ces bandes est beaucoup plus grand que l'éclat du cratère positif, qui est cependant à une tempé- rature supérieure, d'après les mesures de M. Violle. Si l'on admet (comme M. Paschen le fait implicite- ment) que le charbon, à cette température, est absorbant pour ces rayons ultraviolets (À = 3800), il en résulte que la loi de Kirchhoff est tout à fait en défaut; aussi, M. Paschen en conclut que ces bandes sont produites par un phénomène de lumi- nescence. $ 2. — Raïes jaunes du sodium. M. Paschen mesure, avec le speclrobolomètre, l'intensité totale des deux raies D données par la flamme d’un brûleur Bunsen, puis, toutes choses égales d’ailleurs, l'intensité correspondante d'une région prise dans le spectre d’un corps noir, région où les deux raies D se trouvaient comprises tout entières. Admettant pour la largeur des raies du sodium une valeur par excès, M. Paschen calcule alors une valeur par excès de l’intensilé de la par- tie du spectre du corps noir correspondant aux raies. Cette valeur n’est même pas la moitié de la valeur trouvée avec les raies données par le brü- leur. La loi de Kirchhoff est encore inapplicable, et M. Paschen conclut que l'éclat de ces raies est 1 Pascuex : Wied. Ann., LI, p. #1 (1894). dû, au moins pour une bonne part, à un phéno- mène de luminescence. Le corps « noir » employé est simplement une lame de platine chauffée par un courant à la tem- pérature (1470°) trouvée pour la flamme. On peut se demander si le platine est bien, dans ces condi- tions, un corps parfaitement absorbant. M. Paschen est autorisé à admettre, d’après d'autres recherches, qu'il émet, dans cette région du spectre, et à cette température, sensiblement autant que le noir de fumée, dont on peut, avec certaines précautions, étudier l'émission à cette température élevée. La question est donc ramenée à la suivante : « Le noir de fumée à cette température est-il un corps «noir », est-ce un corps parfaitement absorbant?» M. Pas- chen croit pouvoir affirmer, après tous ses travaux sur l'émission, qu'il ne s'en écarte pas beaucoup. Il ne faut pas oublier, d'ailleurs, que l’on a caleulé par excès l'émission du platine, que la flamme à une épaisseur assez faible et que, par conséquent, une mesure plus rigoureuse accentuerait l'écart avec la loi de Kirchhoff. Wiedemann était arrivé, par une méthode diffé- rente, àlamême conclusion. En outre, desrecherches directes d'Evershed, de Pringsheim, etc., montrent bien que les réactions chimiques sont nécessaires pour produire les raies si brillantes des flammes, et que la raie du sodium n'a pas le mème éclal quand on chauffe directement la vapeur du métal en supprimant, autant que possible, toute action chimique. Ces flammes colorées par le sodium servent pré- cisément, dans les cours, à faire l'expérience du ren- versement : aucune expérience ne montre mieux la nécessité de distinguer la loi de Kirchhoff de la règle reliant l'absorption et l'émission d’un même corps. $ 3. — Bande infrarouge du gaz carbonique. Au contraire, l'émission du gaz carbonique chauffé semble bien due à la température seule. M. Paschen a étudié la bande très nette que donne ce gaz dans l'infrarouge, vers À = 4,3 &. En chauf- fant dans un tube une couche de ce gaz épaisse de 7 centimètres, le maximum de la bande observée est un peu au-dessous, mais voisin de la courbe représentant l'émission, dans les mêmes conditions, du noir de fumée. D'autre part, M. Paschen a pro- fité de ce que cette bande est très marquée dans le spectre d'émission de la flamme de Bunsen pour faire la vérification à une température plus élevée, en disposant l'expérience comme dans le cas des raies D. Seulement, il faut tenir compte de ce que le platine, dans cette région, est loin d'être parfai- tement absorbant. Cette expérience n'est pas sus- ceptible d'une grande précision, et M. Paschen ne 1142 A. COTTON — L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DE KIRCHHOFF la présente pas comme telle, mais la loi paraît bien se vérifier dans ce cas où l'émission est déterminée par la température seule. C'est la seule tentative que l’on ait faite jusqu'ici pour vérifier la loi de Kirchhof telle qu'elle a été énoncée, c'est-à-dire pour une région frès étroite prise dans le spectre, Aucun autre essai n'a encore été tenté avec des radiations lumineuses ou ultravio- lettes. L'expérience serait pourtant possible, en utilisant des solides ou des liquides incandescents, et les remarques qui vont suivre la rendraient plus facile à effectuer. Il y a bien des raisons, dès à pré- sent, de croire qu'elle donnerait une réponse affir- mative. VIII. — LA Lor DE KIRCHHOFF ÉTENDUE A UN ENSEMBLE DE RADIATIONS. On dit souvent que la loi de Kirchhoff a été vérifiée par des expériences sur la chaleur rayon- nante. Comment des expériences failes sur les radiations si variées comprises dans les spectres infrarouges, peuvent-elles se relier à cette loi énon- cée pour une radiation isolée ? Cherchons, d'une facon générale, si l'on peut étendre l'énoncé de Kirchhoff à un ensemble de radiations compris entre deux limites déterminées. On pourrait être tenté de supposer a priori que ce qui est vrai pour chaque radiation doit être vrai pour l’ensemble. Eh bien, il n’en n’est rien, et je crois nécessaire d'insister sur une condition qui s'impose nécessairement et qu'on a tort de ne pas mettre en évidence. Le pouvoir émissif total E pour un faisceau com- plexe se définit immédiatement : c'est l'énergie totale des faisceaux relatifs à chacune des radia- tions. Comment définir le pouvoir absorbant tolal A? C'est encore le rapport entre l'énergie absorbée et l'énergie d'un faisceau incident. Pour une radiation isolée, ce rapport est parfaitement défini et ne dépend pas du tout du faisceau servant à le mesu- rer, dont l'intensité est arbitraire. Mais si l’on a affaire à un ensemble de radialions, pour lesquelles le pouvoir absorbant du corps à étudier ne reste pas constant, le nombre qu'on obtiendra pour A dépendra de la répartition de l'énergie dans le spectre du faisceau choisi. Il changera avec la source servant à la mesure, puisque les différents spectres d'émission ne sont pas identiques, et le _ rapport A n'aura même pas, pour un corps déter- miné, une valeur constante. Il faut donc évidemment, pour tous les corps, prendre d'abord le même faisceau pour mesurer le le pouvoir absorbant. Mais cela ne suffit pas. Si nous avons deux corps G, C/, pour que l'on aie : EN DA A il ne suffil pas de prendre un même faisceau arbi- traire pour mesurer A, A/!. Mais on voit facilement que ces deux rapports sont égaux lorsqu'on les mesure en se servant du faisceau provenant d'un corps, à la même température, parfaitement absorbant pour toutes les radiations du faisceau ?. Si cette con-. dition est remplie, le rapport A est le même pour tous les corps, et égal à E,, pouvoir émissif total, dans cette région du spectre, d'un corps « noir ». Ou bien encore : le pouvoir émissif relatif 5” rap- 0 porté au corps noir, est égal au pouvoir absorbant. ainsi défini. (J'ai supposé qu'on disposait d’un instrument de mesure donnant des indications représentant exac- tement, pour toutes les radiations étudiées, l’éner- gie reçue. On voit immédiatement que, si cette condition n'est pas remplie, les valeurs trouvées satisfont encore à la même relation, pourvu, bien entendu, que l'instrument reste le même dans toutes les mesures.) Appliquons ce que nous venons de dire à l’en- semble du spectre calorifique : On retrouve ainsi, mais avec un complément indispensable, l'énoncé de la loi connue depuis Leslie. C’est ainsi que peuvent être rattachés à la loi de Kirchhoff les nombreux travaux relatifs à la chaleur rayon- nante, concernant l'égalité des pouvoirs émissifs (relatifs) et absorbants. Si l'on examine ces recherches, on trouve que les conditions indiquées précédemment ne sont pas salisfaites. Le plus souvent la source servant à mesurer le pouvoir absorbant est à une tempéra- ture bien supérieure à celle du corps à étudier; cette source s'écarte parfois beaucoup d'un corps noir; enfin, onéludie presque toujours l'absorption à des températures inférieures à celles où l’on étu- die l'émission. Les mesures que de La Provostaye et Desains ont publiées sur ce sujet, dans leur bel ensemble de travaux relatifs à la chaleur rayonnante, son les ! Les deux rapports sont égaux si on prend pour mesurer A le faisceau envoyé par C', et réciproquement pour mesu- rer À! le faisceau provenant de C. 2 Soit e, le pouvoir émissif du corps noir pour la radiation }, on a, en prenant les intégrales entre les limites choisies : = [led = / &eod) fu Ve fo donc 1 A. COTTON — L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DE KIRCHHOFF 113 seules précises que l'on puisse citer. Elles se ratta- chent plus particulièrement à des corps opaques réfléchissants‘. Les critiques précédentes n’ont pas ici une grande importance : les pouvoirs réflecteurs pour l'infrarouge des corps étudiés (or, platine, verre sous diverses incidences) changeant peu avec la température; il en est de même des pouvoirs absorbants. De plus, les sources servant à mesurer ces pouvoirs réflecteurs sont à des températures dépassant peu celles du miroir, et sont recouvertes de noir de fumée. Aussi la vérification a pu se faire avec un résultat satisfaisant. On ne peut pas en dire autant de toutes les autres recherches : le plus souvent elles ont fourni une ample moisson de faits intéressants, qui vien- nent bien à l'appui de la loi de Kirchhoff, mais qui ne peuvent être considérés comme la vérifiant avec rigueur. C'est dans cette catégorie que je citerai les expé- riences où l’on dressait des listes de corps par ordre de pouvoirs émissifs (relatifs) croissants, puis par ordre de pouvoirs absorbants croissants, et où on obtenait deux listes à peu près identiques. Sans doute il est intéressant de remarquer que les mé- taux polis, par exemple, qui réfléchissent beau- coup, qui ont un faible pouvoir absorbant, ont un faible pouvoir émissif; mais il est inutile de citer les listes données à ce sujet: l’ordre des corps clas- sés par pouvoirs absorbants croissants change en effet avec la nature de la source. Je rappellerai cependant les expériences de Tyndall, parce que ses résultats très imporlants sont moins connus el nous fournissent d’autres renseignements : les gaz ont des pouvoirs émissifs et absorbants dans l’in- frarouge qui sont à peu près proportionnels; ces pouvoirs sont extrêmement différents d'un gaz à l’autre : les gaz formés de « grosses » molécules, donnent des nombres incomparablement plus con- sidérables que les gaz simples. L'éthylène, par exemple, absorbe beaucoup plus que l'air atmosphérique : or, il émet beaucoup plus, et en « vernissant » une lame de métal poli avec une couche de ce gaz, on accroît considérablement l'émission. De même encore, l'azote et l'hydrogène ont une absorption à peine sensible : combinés à l'état de gaz ammoniac, leur absorption ou leur émission devient considérable. Je ne puis que ren- voyer à ce sujet aux nombreuses expériences rap- portées dans le livre de Tyndall (La Chaleur) : on y trouvera bien des faits importants à l'appui de la loi de Kirchhoff, en particulier des expériences montrant que ces gaz, qui émettent des spectres discontinus, présentent des pouvoirs absorbants : D'autres vérifications, moins directes, ont été faites pour le sel gemme et pour un corps diffusant : le borate de plomb. considérables lorsque la source fournit précisément les radiations qui leur correspondent. IX. — LA LOI DE KIRCHHOFF ET LA POLARISATION PAR ÉMISSION. Jusqu'à présent on n’a tenu aucun compte des phénomènes de polarisation. Si l'on tient compte de ces phénomènes, comme le fait Kirchhoff, on peut préciser encore l’énoncé de la loi, et d'autres faits expérimentaux viennent s’y rattacher. Supposons que, dans la mesure du pouvoir émis- sif, on ne considère pas tout le faisceau émis, mais une partie seulement : celle que laisse passer un analyseur déterminé (rectiligne ou circulaire). Le faisceau à la sortie de l’analyseur propage des vibrations bien déterminées : son intensité mesure le pouvoir émissif relatif à la radiation et aux vibra- tions considérées. Par exemple, avec un polariseur rectiligne, on obtiendra le pouvoir émissif e, cor- respondant aux vibrations, dont la direction est p que laisse passer l’analyseur. De même, le pouvoir absorbant correspondant a,, s'obtiendra en faisant arriver sur le corps à étudier un faisceau propageant les mêmes vibrations (obtenu avec le même appareil qui fonctionne alors comme polariseur). La loi de Kirchhoff est alors la suivante : Le rap- 2, . P. tré 0 port æ— entre les pouvoirs émissifs et absorbants p relatifs à des radiations de période déterminée, et à des vibrations déterminées, est le même pour tous les corps à la même température. 11 ne dépend pas de l'espèce particulière de ‘vibrations choisies, en particulier, si la polarisation est recliligne, de l'orientation de p. ; Lorsqu'un corps émet de la lumière partielle- ment polarisée, ce qui est le cas général, le pouvoir émissif e, n’est pas le même pour toutes les vibra- üons : le pouvoir absorbant dépend, par suite, lui aussi, de la catégorie de vibrations considérée. On voit alors pourquoi, dans la définition des pouvoirs émissifs et absorbants e, «, mesurés sans appareils de polarisation, j'ai supposé que le faisceau ser- vant à la mesure de a, élait naturel : la loi, telle qu'elle a élé énoncée pour e et a, est exacte dans tous les cas", mais à cette condition seulement. Comme faits expérimentaux se rattachant à la loi ainsi précisée, je rappellerai l'expérience, déjà citée, de Kirchhoff sur la tourmaline, qui, portée au rouge, émet surtout les vibrations qu'elle ab- sorbe le plus énergiquement. Des mesures complé- ! On la déduit immédiatement de la loi qui vient d'être énoncée, en décomposant par exemple un faisceau de lumière naturelle en deux faisceaux polarisés rectilignement à angle droit. 11% A. COTTON — L'ASPECT ACTUEL DE LA LOI DE KIRCHHOFF tant cette observation montreraient sans doute que la loi se vérifie. Une expérience analogue réussi- rait sans doute avec les liquides qui absorbent iné- galement deux rayons circulaires inverses : ces liquides chauffés doivent émettre des rayons calo- rifiques polarisés partiellement circulairement ; ceux qui, dans l'infrarouge, absorbent surtout les rayons droits enverraient surtout des rayons gauches, car ces deux sortes de rayons propagent en sens inverse les mêmes vibrations. Ce sont surtout les phénomènes de polarisation par émission dans le cas des corps doués de pouvoir réflecteur, qui constituent une vérification précise de la loi précédente. De cette loi on déduit immé- diatement : 1° qu'un corps « noir » envoie toujours des fais- ceaux non polarisés ; 2° que, s’il y a polarisation partielle par ré- flexion, il y a polarisation partielle, dans le plan perpendiculaire, par émission ; 3° que, pour les rayons émis ou réfléchis dans une direclion donnée, le rapport = est le même pour les vibrations parallèles et perpendieulaires au plan d'incidence, si le corps est opaque et par- faitement poli. Des expériences antérieures au travail de Kir- chhoff, mettent ces faits en évidence. C'est en effet à de La Provostaye et Desains ! que revientle mérite d’avoir étendu à la chaleur rayonnante la décou- verte de la polarisation par émission faite par Arago, et d’avoir montré la relation étroite reliant ce phé- nomène à la polarisation par émission. Préoccupés surtout de l'équilibre calorifique dansles enceintes, de La Provostaye et Desains énoncent autrement cette relation *; mais leurs résultats expérimentaux permettent de vérifier la loi telle qu'on vient de l'énoncer. (Expériences-sur le platine poli pour la chaleur et la lumière, sur le verre pour la chaleur obscure.) Si l’on ajoute que la loi de Kirchhoff permet non seulement de prévoir celte polarisation par émis- sion, mais de pfévoir comment elle varie, par exemple, avec l'incidence, on voit combien elle permet de relier entre eux des phénomènes en apparence très divers, et d'en découvrir les lois. On trouverait facilement d’autres cas où eile ren- drait les mêmes services. ‘ Voir. pour leurs travaux sur la chaleur rayonnante, les Leçons de Physique de Desains, 1860. * « Dans une enceinte en équilibre la polarisation partielle par émission compense complètement les effets de la polari- sation par réflexion, de sorte qu'il ne circule dans l'enceinte que des faisceaux non polarisés. » % Voir ULyanIx (loc. cit.) qui retrouve ainsi les résultats des mesures de M. Violle sur l'argent fondu. X. — LA LOI DE KiRCHHOFF ET L'ÉQUILIBRE DE TEMPÉRATURE. C'est un point, admis de tous, que, dans une en- ceinte close, protégée contre tout rayonnement extérieur, l'équilibre de température, une fois alteint, persisterait indéfiniment. Ce maintien de l’équilibre peut être considéré comme un fait expérimental, ou bien être rattaché à l’axiome de Clausius. Or, on peut en déduire la loi de Kirchhoff, en fai- sant un certain nombre d'hypothèses, qu'il faut bien mettre en évidence : 1° On admet la théorie des échanges de Prévost, c'est-à-dire on suppose que chaque partie de l'en- ceinte reçoit et émet des radiations, même quand la température est uniforme. C’est là une hypo- thèse, car 6n n’a actuellement aucun moyen de cons- tater l'existence de tels faisceaux: on ne sait étudier une radiation qu'en la faisant disparaître; 2 On admet que ce rayonnement incessant explique la conservation de l'équilibre, et que les autres modes de propagation de la chaleur (con- ductibililé et convection) n’ont pas à intervenir. C'est encore une hypothèse : ces modes de propa- gation jouent un grand rôle dans l'établissement mème de l’équilibre ; 3° On admet que l'émission est déterminée, pour un corps donné, par la température seule, c’'est-à- dire qu'on laisse de côté les cas où les radiations résultent d'actions chimiques, les cas de fluores- cence, etc., en un mot tous les phénomènes de luminescence ; | 4° Inversement, on admet qu'une radiation absorbée est tout entière transformée en chaleur, c'est-à-dire, produit uniquement une élévation de température. Elle ne pourra produire ni réactions chimiques, ni phénomènes de fluorescence, etc. Telles sont les hypothèses qu'ont faites, sans les énoncer toujours explicitement, tous les savants qui ont cherché à relier à l'équilibre de tempéra- ture les relations entre l'absorption et l'émission. Je ne puis m'occuper ici des recherches antérieu- res à Kirchhoff, où l'on démontrait ainsi l'égalité des pouvoirs émissifs (relatifs) et absorbants pour l’ensemble des radiations calorifiques, ni faire res- sortir l'importance des recherches de de La Pro- vostaye et Desains. Cette proposition n’était pas la loi de Kirchhoff, qui s'applique à chaque radiation isolée. Kirchhoff a précisément cherché lui-même à dé- duire de l'équilibre des températures et des hypo- thèses précédentes la loi plus précise qu'il énonçait. Il a donné successivement deux démonstrations. Dans la première, il imagine deux plans indéfinis, l'un parfaitement noir, l’autre recouvert d'une 115 substance qui n'émet el n'absorbe qu'une radiation. . De ce que la température ne change pas, il conclut que, pour cette radiation, le rapport des pouvoirs émissifs et absorbants de cette substance est égal au pouvoir émissif correspondant du corps noir. Cette démonstration, trop souvent reproduite encore aujourd'hui dans les ouvrages classiques, n'établit pas la loi avec rigueur, ni dans toute sa généralité. Ce qu'elle a surtout de défectueux, me semble-t-il, c'est qu'on admet a priori qu’un corps fictif qui n'émettrait qu'une radiation, l’absorbe- rait, et n'absorberait que celle-là. L'autre démonstration, que Kirchhoff a donnée peu après !, est plus rigoureuse et plus complète. Je ne puis la résumer ici : elle est longue et com- pliquée, surtout, je crois, parce que Kirchhoff tient - compte immédiatement des phénomènes de polari- sation. On pourrait certainement la simplifier ?. Je - me bornerai à signaler l’artifice ingénieux à l’aide L . duquel il montre que l'équilibre doit s'établir pour chaque espèce de radiation considérée isolément : il suppose que dans l'enceinte à étudier se trouve, - convenablement disposée, une lame mince parfai- tement transparente, qui présente les couleurs des - James minces et réfléchit certaines radiations à l'exclusion de certaines autres. L'équilibre devant subsister pour toutes les épaisseurs de la lame, un calcul simple montre qu'il doit exister pour chaque radiation. Ces démonstrations où l'on admet des corps fietifs (des corps parfaitement absorbants sous une épaisseur négligeable, des corps parfaitement trans- parents ou réfléchissants qui n'émettent et n'absor- - bent rien à aucune température), peuvent paraitre . bien éloignées de l'expérience. Cependant ces corps fictifs peuvent être réalisés d’une façon de plus en plus approchée, et cela légitime leur intervention. … On ne saurait d’ailleurs se dissimuler combien de tels raisonnements peuvent être suggestifs; l'exemple de Desains et de La Provostaye montre qu'ils peuvent faire découvrir des faits nouveaux et les lois qui les régissent. Mais ils ne constituent pas une « théorie » de la 4 Ann. de Ch. el de Ph.,t. LXVII, p. 160 (1861). ? On imaginerait un nicol dans l'enceinte. — Voir dans le mémoire de La Provostaye (Ann. de Ch. et de Ph. t. LXVII, p. 5) la démonstration qu'il donne pour les corps réfléchissant régulièrement. loi de Kirchhoff, car ils ne rattachent pas cette loi aux théories générales admises pour la lumière. Une semblable « théorie » est-elle possible actuellement? Dans tous les faits que l’on vient d'étudier, on a vu l'émission et l'absorption être modifiées à la fois par les propriétés superficielles des corps et par leur structure moléculaire. Si l’on cherche alors à rendre compte des relations trouvées, on est conduit soit à faire la théorie de la réflexion elle-même, soit à étudier les relations de l'Éther et des molécules matérielles. Pour le montrer, j'examinerai seulement deux cas particuliers : Considérons les corps opaques réfléchissants. La loi de Kirchhoff relie alors, comme on l’a vu, le pou- voir émissif et le pouvoir réflecteur. Or, on peut la rattacher simplement au théorème de Helmholtz. relatif à la réflexion, d’après lequel le pouvoir ré- flecteur est indépendant du sens de propagation d'un rayon passant en se réfractant d’un milieu dans un autre. Il suffit d'admettre, avec Fourier et bien d’autres depuis, que le rayonnement ne pro- vient pas seulement de la surface même, mais d'une couche plus ou moins profonde. Si la surface n'intervenait pas, le rayonnement serait celui d'un corps parfaitement absorbant : mais elle renvoie une partie des rayons vers l'intérieur, et celte ré- flexion affaiblit le faisceau, le polarise partielle- ment, lui donne en un mot tous ses caractères. Considérons maintenant deux corps parfaitement absorbants pour une radiation déterminée. Malgré les différences profondes que peuvent présenter ces deux corps, notamment au point de vue de leur structure chimique, ces deux corps, à la mème tem- pérature, ont le même pouvoir émissif pour la radiation considérée. Au voisinage de leur surface, l'amplitude des vibrations de l'éther qui ont la période choisie, est parfaitement déterminée et ne dépend plus du tout que de la température et de la période. Telle est la conséquence importante de la loi de Kirchhoff. On voit par là comment cette loi, qui relie lant de faits expérimentaux, apporte une contribution importante à l'étude théorique de ces relations entre l'Ether et la Matière, encore aujourd'hui A. Cotton, Maitre de Conférences de Physique à l'Université de Toulouse, si mystérieuses. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Massau (J.), Ingénieur principal des Ponts et Chaussées, Professeur à l'Université de Gand. — Cours de Méca- nique. — 2 vol. in-4°, autographiés, de 4T8 et 320 pages avec figures. (Prix : 19 fr.) Gauthier-Villars et fils, éditeurs, Paris. M. Massau, ingénieur principal des Ponts et Chaussées belges, professeur ordinaire de l'Université de Gand, à fait autographier son Cours de Mécanique dès 1881, et la demande de ses élèves l’a amené à faire tirer à nou- veau les divers fascicules de ce travail, dont l’ensemble est ainsi arrivé à constituer une troisième édition com- plétée et remaniée. Le premier fascicule du premier volume est consacré à la Géométrie symbolique, à la Statique et à la Cinématique ; le second fascicule forme un appendice de cinq chapitres, dans lesquels sont développées la Géométrie vectorielle à 3 et à n di- mensions, la théorie des quaternions et la méthode de Grassmann. Le deuxième volume renferme la Dyna- mique, l'Hydrostatique et l'Hydrodynamique. Le cours de M. Massau est caractérisé par des mé- thodes particulières et originales, qui le distinguent des traités classiques francais. Signalons par exemple l'application de la théorie de la fonction vectorielle linéaire à l'étude des moments d'inertie, de la rotalion des solides et des tourbillons. Les mouvements relatifs des projectiles et du pendule à la surface de la Terre sont traités par une méthode dite de l'observatoire auxiliaire. M. Massau donne aussi par ce procédé la théorie du gyroscope, et il est conduit à la solution de Bour. A. WIrz, Professeur à la Faculté libre des Sciences de Lille. De Mauni (Baron). — Les Bandages pneumatiques et la Résistance au roulement. — 1 vol. in-16 de 140 pages. Prix : 2 fr.) Ve Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1899. La résistance au roulement, parfois si improprement nommée frottement de roulement, a fait l'objet d’expé- riences et de formules variées, auxquelles restent atta- chés les noms de Coulomb, Gerstner, Wood, Schwilgué, Edgeworth, Coriolis, Tretgold, Mac-Adam, Dupuit, Morin, etc. Ces formules sont parfois si contradictoires que Poncelet a renoncé à les concilier, et que Sonnet a déclaré qu'elles conduisaient à des équations impos- sibles. C'est celle de Morin qui, après la discussion mémorable que ce savant soutint contre Dupuit, et dans laquelle l’Académie lui donna raison, a été à peu près universellement adoptée. El pourtant elle ne semble pas exempte de justes critiques. Morin déclare que la résistance au roulement est tou- jours en raison inverse du rayon des roues. Deux faits semblent suffire pour mettre ce point en suspicion : l'emploi quotidiennement fait par les entrepreneurs de roulage de ces camions à petites roues, sur lesquels un seul cheval traine des charges considérables, alors que, si la déclaration de Morin était exacte, il ne pourrait transporter plus de 250 à 300 kilogrammes; et la vic- toire constante de la bicyclette, même médiocrement montée, sur le grand bicycle, genre Surrey, à roue de 1m35, M. de Mauni conclut, à notre avis fort justement, que, sur une question fondamentale comme celle de la résis- tance au roulement, on ne saurait se contenter de for- mules aussi peu sûres que celles qui ont été jusqu'ici employées, pour un moyen de locomotion appelé à se répandre autant que l'automobilisme, et qui met en œuvre des forces mécaniques, si parcimonieusement mesurées, au moins pour les voitures légères, par le poids disponible. Avant de proposer un autre système, M. de Mauni a fait état des travaux et des expériences antérieures : il a répété la plupart de ces dernières, et en a dégagé ce qui lui paraissait concordant et plausible. C’est ainsi qu'il étudie successivement, dans son ouvrage, l'in- fluence sur la résistance au roulement du diamètre des roues, de la pression ou de la charge, de la pente du terrain, de la vitesse, de la largeur des jantes, de la suspension. Cette analyse, faite avec beaucoup de sagacité, au cours de laquelle sont convaincues de fausseté des assertions préalablement admises trop à la légère, comme aussi sont conciliés des résultats réputés jus- qu'ici contradictoires, conduit son auteur à résumer les variations de la résistance au roulement dans quelques propositions, conformes pour la plupart à celles de Dupuit, mais bien plus systématiquement groupées. IL est impossible de ne pas reconnaître en elles un ensemble logique, dans lequel la complexité, plus apparente que réelle de ces manifestations successives de la résistance, se réduit, en somme, à une question de plus ou de moins. Mais qu'est-elle au fond cette résistance au roule- ment? Pour Dupuit, pas autre chose que « la compo- sante normale des réactions moléculaires, dont le frot- tement ordinaire est la composante tangentielle ». Pour Delaunay, « elle provient de la déformation qu'éprou- vent le corps roulant et la surface sur laquelle il s’ap- puie ». Pour M. Bourlet, « elle est occasionnée par la rudesse du chemin ». Pour M. de Mauni, «il n'existe pas de force passive spécifique, générale, uniforme qu'on puisse appeler résistance au roulement. En l'absence d'une cause externe quelconque, la résistance au roulement n'existe pas. Cette résistance est essentiellement une manifes- tation de la pesanteur ». Et l’auteur le démontre par des expériences fort ingé- nieusement conduites (dont il nous donne les résultats synthétiques, sans entrer d’ailleurs dans le détail des chiffres), et pour lesquelles il a fait abstraction de l'écrasement, de la déformation de la voie, de ses états divers, de toutes ces contingences que l’on comprend sous la dénomination générale de frayé, et qui, à côté de la résistance type, due uniquement à la pesanteur, donnent lieu à des résistances secondaires, trop varia- bles pour qu'on puisse en fixer l'influence dans une formule. M. de Mauni a eu recours, pour s’en faire uue idée approchée, à quelques expériences assez simples, au cours desquelles il a irrécusablement constaté que, pour réduire au minimum la résistance au roulement, il faut donner à la surface de contact de la roue avec le sol une forme allongée et étroite. L'étude raisonnée le conduit ici aux conclusions que la pratique a depuis longtemps consacrées. Avec l’ancienne roue, à bandages rigides, cet allon- gement ne pouvait s'obtenir que par une augmentation du diamètre, et le bandage frayait et s'enfonçait, à pro- portion de la charge du véhicule. Avec le bandage en caoutchouc, au contraire, on demande l'allongement à l’élasticité de la circonférence roulante : au lieu de frayer et de s'enfoncer, d'imprimer sa forme, le ban- dage cède et s'étale, jusqu'à ce que l'aire de contact soit suffisante pour que la somme des pressions qu’elle rend fasse équilibre au poids de la voiture. Ainsi se trouve légitimée l'excellence de la roue élas EE nd nat tie t t 6 tique, que M. de Mauni étudie dans la deuxième partie de son livre, moins développée que la première, organe dont il ne cache d'ailleurs pas la réalisation encore imparfaite, car le bandage élastique, s'il allonge le contact, ne leretrécit pas, comme le voudrait la théorie. Sans doute, bien des côtés restent encore à élucider dans cette question de la résistance au roulement et des bandages pneumatiques; mais il faut savoir gré à M. de Mauni de la clarté qu'il a projetée sur elle, et souhaiter qu'il ne s'arrête pas en si beau chemin. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines. 2° Sciences physiques Maseart (E.), Membre de l'Institut, Professeur au Collège de France, Directeur du Bureau central météorologique. — Leçons sur l’Electricité et le Magnétisme (de ÆE. Mascart et J. Joubert). Tome deuxième : MÉTHODES DE MESURES ET APPLICATIONS. Deuxième édition entièrement refondue. — Un fort volume gr. in-8 de 917 pages avec 460 figures. Gauthier-Villars et fils et G. Masson et Ci, éditeurs. Paris, 1898. Lorsque parut le premier volume de ce grand ou- vrage, on pouvait craindre que les multiples occupa- tions de l’auteur ne l’entrainassent à dépasser les délais promis pour l'achèvement du second volume. Mais M. Mascart a la politesse des présidents. Les étudiants de la science électrique lui en seront reconnaissants et les éditeurs ne s’en plaindront pas. De cette facon, le tout a pu rester homogène, et les quelques mois écoulés entre l'apparition des deux volumes n'ont pas assez modifié la science pour qu'ils soient de deux àges diffé- rents ; ce sont encore des jumeaux. Dans cette deuxième partie de l'œuvre amenée une - première fois à bien en communauté avec M. Jou- bert, et que M. Mascart à poursuivie seul, on ne ren- contre que peu de théorie proprement dite; la descrip- tion des phénomènes élémentaires a été donnée dans le tome premier, et les méthodes de mesure, auxquelles est consacrée la majeure partie du volume en sont considérées comme les applications directes, en même temps que comme la vérification métrologique. Car, ce que l’auteur comprend sous le titre « Mé- thodes de mesures », ce n'est pas seulement la des- cription technique des appareils servant à effectuer la mesure des quantités dont s'occupe la science élec- trique, mais encore les développements mathématiques relatifs aux divers éléments des appareils, le calcul exact des actions complexes que l’on y rencontre. Les mesures électriques se ramenant, en définitive, à l'estimation de longueurs, de masses et d’angles, ces diverses mesures sont d'abord rapidement traitées, Puis un chapitre très complet est consacré aux oscilla- lions, et par conséquent au temps, qui n'en est pas séparé. Les couples viennent ensuite, à titre de corol- laire. Dans la suite, les courants circulaires se rencon- treront en plus d'un endroit; il convenait donc de les trailer à part et de donner l'expression des forces dans les cas les plus usuels. Il en est de même de l'induc- tion, dont les problèmes importants sont analysés dans un chapitre séparé, le troisième et dernier des préli- minaires. Dans la suite, les mesures électriques et les mesures magnétiques constituent la partie descriptive de l'ouvrage. L'électrométrie, terme générique sous lequel l’auteur comprend toutes les mesures faites avec un électromètre, la mesure des courants, des résistances, des forces électromotrices, considérées dans leur source et non plus dans leur résultat comme dans le premier chapitre, enfin la mesure des capacités et des constantes des diélectriques forment autant de monographies très complètes où ces mesures sont mi- nutieusement décrites. Dans le premier volume, une rapide allusion avait été faite au rapport des unités; les méthodes de mesure ayant été décrites, on y peut revenir avec plus de détail, et cataloguer les résultats REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX déjà obtenus, et dont la convergence ne laisse ‘aucun doute sur l'identité des vitesses de la lumière et des actions électro-magnétiques. Après l'énoncé de ce résultat, les méthodes de me- sures électriques pourraient être considérées comme épuisées; mais les décharges disruptives n’ont pas été reliées aux courants, et il convient d'en faire un cha- pitre à part, à cause surtout des nombreuses questions connexes qui ont pris, dans ces dernières années, une si grande importance. Bien que la description détaillée des phénomènes qui accompagnent les décharges dans les gaz raréfiés n'ait qu'une lointaine connexité avec les méthodes de mesure, l'auteur ne résiste pas à la tenta- tion bien naturelle d'en dire plus que ne le comporte le titre de l'ouvrage. D'ailleurs, nous en sommes au dernier volume, et l’occasion d'y revenir ne se serait plus présentée. Cette digression nous vaul l'opinion de l’auteur sur une série de questions en pleine évolution, traitées pour la première fois dans un ouvrage de nalure clas- -Sique. Si nous pouvions exprimer ici un regret, ce serait de voir la question des oscillations électriques passée un peu rapidement en revue. Un coup d'œil d'en- semble sur celte grosse question aurait été le bien- venu, émanant de M. Mascart. La partie qui à trait au magnétisme est divisée en deux chapitres. Dans le premier, les aimants sont considérés en eux-mêmes, dans leur nature et leur matière. Le second traite de la mesure des champs magnétiques. Ces dernières meSures sont arrivées à un état voisin de la perfection à la suite des travaux de Poisson et de Gauss. Ce qu'on y a ajouté est surtout la création de méthodes rapides, résumées en des instru- ments portatifs et, comme conséquence, une explora- tion infiniment plus complète de notre globe au point de vue magnétique. Les méthodes d'étude des aimants sont, au contraire, en majeure partie modernes ou même contemporaines. Les travaux fondamentaux d'Ewing et du regretté Hopkinson, par exemple, ont été publiés presque en entier entre les deux édilions de ce traité, et les paragraphes qui traitent des aimants ont subi, par suite, d'importants remaniements. Une quatrième partie, comprenant une centaine de pages, forme, sous le titre d’ «Electricité industrielle », le complément des trois précédentes. Le mot « industriel » doit être pris ici, bien entendu, dans un sens mitigé, différent de celui que lui don- nent la plupart des praticiens. Ce complément n’en est pas moins fort utile, en ce qu'il fournit l'occasion de transporter, sur des questions immédiatement utili- taires, l'esprit élevé qui a présidé à la discussion des problèmes plus abstraits. Cette forme n'aurait qu'un demi-succès dans un ouvrage consacré uniquement aux questions industrielles, et il était bon de n'y point renoncer dans un ouvrage dans lequel la théorie occupe une place prépondérante. Les applications industrielles sont divisées en deux classes : les transmissions de signaux et les transports d'énergie, en d’autres termes, la théor.e des cäbles doués de capacité et d’impédance, et la théorie des dynamos. Dans la première de ces questions, les tra- vaux déjà anciens de lord Kelvin sont encore la source la plus complète à laquelle on ait à puiser, surtout si l’on s’en tient, comme a fait l’auteur, aux traits géné- raux. Dans la seconde, les machines sont étudiées par la méthode des caractéristiques de M. Marcel Deprez. Puis les courants alternatifs forment un chapitre im- portant et presque entièrement nouveau. L'ouvrage se termine par de nombreux fableaux numériques expliqués et commentés dans le texte. Tel est, dans ses traits essentiels, le contenu de ce second et dernier volume d'un ouvrage qui restera longtemps jeune, et fera encore l'éducation d'une nou- velle génération d’électriciens. Cu.-Ep. GUILLAUME, Physicien au Bureau internajional des Poids et Mesures. q%* 118 Giran (H.), Directeur des Travaux pratiques de Chimie à la Faculté des Scienres de Montpellier. — Traité élé- mentaire de Travaux pratiques de Chimie. — 1 vol. in-12 de 192 pages avec figures (Prix : 4 fr.). So- ciété d'Editions scientifiques. Paris, 1899. La création, relalivement récente, du Certificat P. C. N.et de l'enseignement qui y correspond dans nos Facultés des Sciences, a provoqué déjà la publica- tion d’un assez grand nombre de Traités élémentaires de Chimie destinés à aider nos étudiants à suivre les lecons orales. Cependant on n'avait pas songé jusqu'ici à mettre entre leurs mains un guide sûr et élémentaire pour leur permettre de se préparer aux séances des travaux pratiques de Chimie et de compléter ensuite les notes et les impressions qu'ils en rapportent. Les règlements ministériels ont pourtant fait à cette partie de l'enseignement une part importante, puisque nos étudiants doivent passer chaque semaine au laboratoire trois séances. de trois heures au moins chacune, et s'y exercer aux principales préparations chimiques el sur- tout aux analyses. C’est celte lacune que vient très heu- reusement de combler M. Giran. Chargé depuis cinq ans de Ja direction des travaux pratiques de Chimie à la Faculté de Montpellier, M. Giran a pu se convaincre par lui-même que les ouvrages existants ne répondent pas à ce besoin et qu'il lui fallait chaque jour répéter les mêmes recommandations aux élèves débutants et inexpérimentés. Le petit livre qu'il publie aujourd'hui est le résumé de ces lecons pratiques. 11 se divise naturellement en deux parties : Prépara- lions et Analyses. La première est très courte et beaucoup penseront à première vue qu'elle aurait pu être plus étendue. Elle se réduit en effet à des explications tout à fait pratiques sur la manière de monter les appareils, sur les modes de chauffage et sur les principaux types d'expériences que l'on peut faire avec les gaz. Mais c’est en réalité tout ce qu’on peut dire sans empiéter sur le domaine des véritables traités de Chimie. L'élève est supposé avoir vu au cours la théorie et l'équation de la réaction. Lorsqu'il sait bien monter un appareil, et, s’il y a lieu, le chauffer, il possède tout ce qu'il faut pour mener à bien une préparation simple quelconque. La seconde partie, Analyses, est beaucoup plus développée. C'est en réalité un petit traité d'analyse qualitative par voie humide, réduite aux cas les plus simples, en une centaine de pages. En donnant les caractères des bases et des acides, puis les tableaux synoptiques de la marche méthodique à suivre pour leur recherche, M. Giran fournit une foule de détails concernant les précautions à prendre et les difficultés qui arrêtent le plus souvent les débutants. Ce chapitre est précédé de l'exposé de l'essai préli- minaire, sur lequel l’auteur insiste avec raison, car c'est une partie de l'analyse trop souvent négligée ; il est suivi de quelques pages sur l'analyse volumétrique où sont exposées très clairement l’alcalimétrie et l’aci- dimétrie. En résumé, ce petit ouvrage est un guide élémentaire et très sûr qui rendra de grands services à nos élèves. R. DE ForCRAND, Professeur de Chimie à la Faculté des Sciences de Montpellier. 3° Sciences naturelles De Lapparent (A.), Membre de l'Institut. — Leçons de Géographie physique (2° Edition). — 1 vol. in-8° de 718 pages avec 163 figures et 1 planche en couleurs. (Prix : 42 fr.) G. Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1898. Moins de trois ans se sont écoulés depuis que M. de Lapparent mettait à la portée de ceux qui ne peuvent proliter directement de son enseignement, les leçons de Géographie physique qu'il professe à l'Institnt catho- lique de Paris. Le succès de cet ouvrage a été tel qu'on devait l'attendre et la première édition fait déjà place BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX à une nouvelle, considérablement augmentée (718 pa- ges au lieu de 590). L'analyse qu'a donnée notre collè=M gue Kilian, lors de la première édition, nous dispense dem revenir sur ce que celle-ci présente de commun, ef“ nous permet de n'appeler l'attention que sur les per- fectionnements introduits par l’auteur. Ils ont surtout porté sur les descriptions régionales, dont trois lecons ont été dédoublées; en outre, deux chapitres nouveaux ont été ajoutés, l’un sur les océans, l’autre sur un essai de classitication des chaînes de montagnes. Dans le chapitre sur les océans, M. de Lapparent étudie sommairement les courants océaniques, la dis=-« tribution des profondeurs des divers océans, celle des différents sédiments marins. — Dans le second chapi- tre, tout en faisant des réserves sur les tentatives de classification, d’une précision plus apparente que réelle, et sur l'abus des noms nouveaux, et après avoir fait remarquer l'impossibilité d'appliqter un nom à chaque cas particulier de montagnes qui résulte de l’action de circonstances diverses, M. de Lapparent prend pour types, avec leurs noms géographiques, les montagnes less mieux connues en y rattachant celles qui s’en rappro- chent le plus. On a ainsi des types jurassien, alpin, pyrénéen, andin, résultant de l’action des forces oro- géniques, des montagnes d'accumulation, volcaniques, éoliennes ou glaciaires, des montagnes par simple érosion, avec gauchissement (ex. type appalachien) ou sans gauchissement (ex. type armoricain). Est-il nécessaire d'ajouter que les chapitres nouveaux sont écrits dans le style clair, facile, élégant, auquel nous à habitués l’auteur; que par toutes ses qualités la nouvelle édition des Lecons de Géographie physique est appelée au même succès que la première, el con- tribuera dans la plus large mesure à la diffusion des nouvelles doctrines géographiques? Si l’on constate déjà dans cette voie de sérieux progrès, des ouvrages tels que celui-ci entrent pour une bonne part dans cette amélioration. A. Bicor, Professeur de Géologie à l'Université de Caen. Gerber (C.), Professeur suppléant à l'Ecole de Médecine et de Pharmacie de Marseille, Préparateur de Botanique à la Faculté des Siences. — Recherches sur la matu- ration des fruits charnus. (Thèse pour le doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) —1 vol. in-8° de 800 pa- ges avec 2 planches. G. Masson et Ci°, éditeurs. Paris, 1898. C'est une thèse volumineuse que celle de M, Gerber. Il est vrai que peu de questions de Physiologie végétale ont été l’objet de recherches aussi nombreuses que celle de la maturation des fruits, et donné lieu à plus de contradictions depuis trois quarts de siècle. L'auteur s’est attaché à résoudre avec les ressources de la Chimie et de la Physiologie expérimentale les nombreuses diffi- cultés du sujet; ce travail paraît devoir faire honneur à son auteur et aux laboratoires de l'Université de Marseille. Dans presque tous les fruits charnus sucrés, on ren- contre mélangés des acides, de l’amidon et du tannin; mais dans certains d’entre eux il y a prédominance d'un M de ces trois principes; c'est ce qui a déterminé le choix M des pommes, raisins, oranges et mandarines comme « types de fruits sucrés acides, des kakis comme types de fruits à tannin, et des bananes comme fruits amylacés. Nous ne pouvons guère songer à donner des détails sur les méthodes de recherches appliquées par M. Gerber; nous ne pouvons qu'en résumer les résultats essentiels. Contrairement à ce que l’on observe dans la respira- tion des plantes ordinaires, les fuits charnus sucrés dégagent à certaines phases de leur développement un volume d'acide carbonique supérieur au volume d’oxy- gène qu'ils absorbent dans le même temps, et présentent, par suite, un quotient respiratoire supérieur à l'unité. Ce quotient respiratoire varie suivant le degré de maturation des fruits et les principes chimiques qu'ils contiennent. Ils peuvent être distribués en deux caté- v# 7 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 119 gories : ou bien ils sont dus à la présence d'acides, ou bien à l'insuffisance de la quantité d'air qui parvient aux cellules et à la production d’alcool qui en est la conséquence; ce sont des quotients de fermentation. Les uns et les autres présentent des variations que l'auteur précise en les rapportant aux causes qui les produisent et les compare aux phénomènes respira- toires des moisissures el des plantes grasses. Les modifications chimiques qui se produisent dans les fruits au cours cles phénomènes respiratoires affec- tent les acides, les tannins, l’amidon et les matières sucrées. Les acides des fruits sont partiellement utilisés à la formation d'hydrates de carbone. Cette réaction se pro- duit chaque fois que l’on observe le quotient d'acides, quelle que soit sa valeur, toujours supérieure à l'unité ; elle se produit également lorqu’on cultive des moisis- sures dans un milieu nutritif ne contenant que des aci- des. Le lannin disparaît dans les fruits par oxydation complète, sans former d'hydrates de carbone. L'ami- don se transforme en matière sucrée au cours de la maturation. Les matières sucrées, en même temps qu'elles se forment aux dépens de l’amidon et proba- blement aussi des acides, disparaissent en partie par oxydation; en outre, dans les fruits qui présentent le quotient de fermentation à la fin de la maturation, ces substances sucrées se transforment partiellement en alcools et acides volatils; il en résulte des éthers qui conslituent le parfum de ces fruits. Puisque les acides et le tannin disparaissent rapide- ment aux températures élevées, on peut hâter la matu- ration des fruits charnus sucrés contenant soit des aci- des, soit des tannins. soit un mélange de ces deux sortes de substances, en les exposant aux températures éle- vées. D'autre part, on peut retarder la maturation des fruits contenant beaucoup d'acides et dont la respira- tion ne présente pas de période de fermentation en les exposant à des températures voisines de 0°, puisque, aux basses températures, les acides ne sont pas com- burés. Par contre, les fruits contenant du tannin et qui présentent à la fin de la maturation un quotient de fer- mentalion, ne peuvent pas être conservés beaucoup plus longtemps aux basses températures qu'aux tem- - pératures élevées, parce que le tannin est brûlé aux unes comme aux autres; aussitôt après sa disparition se produit la tranformation de la pectose en pectine et, par suile, apparait la période de fermentation et le fruit blettit, Il y à là une série d'applications pratiques qui ne sont pas elles-mêmes sans intérêt. CF: 4° Sciences médicales Ohlmüller (D' W.), Professeur d'Hygiène à l'Université de Berlin. — Guide pratique pour l'analyse de l’eau. (Traduction de M. L. GauTier). — 1 vol. in-8° de 290 pages avec T1 figures et une planche. (Prix relié : 10 fr.) Baudry et C'°, éditeurs. Paris, 1899. Il existe peu de manuels vraiment pratiques sur l'analyse des eaux, groupant les méthodes usitées dans les laboratoires, extrayant le suc utile des nombreux mémoires publiés chaque jour pour mettre à la portée des analystes les procédés simples, rapides et exacts. L’excellente traduction du livre du D' Ohlmüller, par M. le D' Gautier, comble une partie de cette lacune : la valeur de l'ouvrage, qui a eu en Allemagne deux édi- tions successives, l'autorité du traducteur sont de sûrs garants des services rendus aux chimistes et micro- graphes. Le guide, fort bien édité, en caractères très nets, est divisé en trois parties relatives aux analyses : chimiques, micrographiques et baclériologiques, complétées par quelques pages traitant de l'interprétation des résultats. Après avoir indiqué les conditions les plus favorables au prélèvement des échantillons, l'auteur étudie les matières contenues dans les eaux, acides et bases, au point de vue de la recherche qualitative, puis des dosages, en donnant en général une méthode pondérale et une méthode volumétrique, le dosage des substances en suspension, la mesure du résidu et de la perte par calcination; le dosage des matières organiques (Mé- thodes Kubel-Tiemann, Albert-Lévy), du chlore, des sulfates, de l'hydrogène sulfuré, de l'acide carbonique total, libre, combiné (Méthodes de Trillich, de Petten- kofer), de l'acide azotique (Méthode de Ulsch, transfor- mation des nitrates en ammoniaque), (Méthode du Comité d'hygiène, formation d'acide picrique), de l'acide nitreux (Méthode de Trommsdorff), de l'acide phosphorique, de l'oxygène (Méthodes de Muller et Chalamay, de Romija, basées sur l'oxydation par l’eau d'un sel manganeux ; méthode d'Albert Lévy, oxydation d'un sel ferreux en liqueur alcaline), dosage des sels alcalins, de la magnésie, de la chaux, de l’ammo- niaque, etc., détermination hydrotimétrique , alcalimé- trique, etc. La partie consacrée à l'analyse micrographique donne, à l’aide de figures bien dessinées, la forme des dépôts tenus en suspension dans les eaux. Les gravures permettent une identification rapide des éléments ani- maux, végétaux et minéraux. C’est ainsi que nous voyons successivement les fibres textiles, les grains d’amidon provenant des eaux ménagères, les œufs des parasites intestinaux d’origine excrémentielle (Tænia, Ascaris, Oxyuris, etc.), puis divers organismes : Rhizo- podes, Infusoires, Rotifères, Vers, Arthropodes pour le règne animal; Algues, Mucédinées, Champignons, Bac- téries filamenteuses, et ferments divers, pour les végétaux. L'analyse bactériologique, plus spécialement con- sacrée aux formes simples des organismes inférieurs, aux Bactéries, est une partie importante de l'étude des eaux, étant donnée l'influence considérable de ces êtres dans le développement de certaines maladies; ce cha- pitre décrit très soigneusement les précautions à pren- dre pour prélever les échantillons sans y introduire d'éléments étrangers, la préparation des milieux nutritifs, gélatine, agar, sérum, etc., puis les diverses pratiques de l’analyse de l'eau; la diagnose et le dosage des bactéries ne pouvant s'effectuer directement au microscope, cerlaines opérations sont auparavant nécessaires pour provoquer la formation de colonies susceptibles d'être comptées et étudiées en vue de leur spécification, soit par l'aspect, la coloration prise en présence de couleurs organiques, l'essai sur les animaux. La recherche du bacille typhique (bacille d’Eberth) et du Vibrion du choléra, sont l’objet de notes spéciales, suffisantes pour permettre de déceler ces microorganismes. Les résultats rassemblés, le Dr Ohlmüller étudie les moyens d’en tirer le meilleur parli; des faits nombreux ont une action encore inconnue, mais néanmoins des diverses données chimiques et bactériologiques réunies l'hygiéniste peut déduire d’utiles enseignements. L’au- teur indique l'influence accordée à telle ou telle sub- stance, la cause probable de sa présence, les déductions que l’on peut en tirer en tenant compte des conditions météréologiques, de la disposition topographique et géologique des terrains, du voisinage des villes, usines, etc. Ce livre rendra un réel service en vulgarisant près des ingénieurs, des médecins, etc., les méthodes d’appré- ciation des eaux; nous aurions souhaité cependant que les monographies relatives aux délicats dosages de l'acide carbonique soit libre, soit combiné, de l'azote nitrique, nitreux, ammoniacal, fussent suivies d'une étude critique, avec expériences à l'appui, indiquant le degré d’exactitude des procédés décrits. Ce n’est que sous celte condition qu’un choix judicieux de ces pro- cédés peut être fait. Ces méthodes, surtout pour la détermination de la matière organique, de la mesure de l'azote, des résidus salins, n'ont actuellement qu'une valeur de comparaison, et il faut souhaiter qu'on les unifie dans tous les laboratoires; c'est là un vœu sou- vent formulé par les hygiénistes, et qu'on ne doit pas se lasser de réitérer. Marcez MOLINIÉ. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 16 Janvier 1899. M. A. d'Arsonval rend compte des fêtes du Cente- naire de l’Académie impériale militaire de Médecine de Saint-Pétersbourg, auxquelles il représentait l'Acadé- mie des Sciences. 1° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Guillaume com- munique ses observations du Soleil faites à l'Observa- toire de Lyon (équatorial Brunner), pendant le troisième trimestre de 1898. Pour les taches, le nombre des groupes à diminué, mais la surface totale a été plus du double de celle du trimestre précédent. Les facules ont subi une légère diminution. — M. du Ligondès rap- pelle qu'il y a un certain désaccord entre la formule de M. Roche sur la variation de la densité à l'intérieur de la Terre et la théorie de la précession. Ce désaccord disparait si l'on modifie la formule en considérant, d’après M. Lowthian Green, que l'écorce terrestre tend à prendre la forme d'un tétraèdre. — M. G. Gallice décrit une nouvelle règle à calcul qui a pour but de permettre l'étude, au point de vue pratique, de la divi- sion de la circonférence en 2400, et de donner aux na- vigateurs un moyen rapide de résoudre tous les pro- blèmes d'Astronomie nautique en employant en même temps la montre décimale système de Sarrauton. — M. N. Saltykow indique une solution du problème de l'intégration complète des équalions aux dérivées par- tielles dans certains cas particuliers. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Alexis de Tillo commu- nique le résultat des observations météorologiques faites dans la dépression au centre du continent asia- tique (station de Luktshoun). La température estivale y est sensiblement plus chaude et la température de l'hiver considérablement plus froide que ne l'indiquent les cartes de Buchan. C’est là où l’on a actuellement observé la valeur extrême dans la marche annuelle du baromètre sur la Terre. — M. Vert adresse une note relative à un aérolithe observé à Rio-de-Janeiro, le 21 décembre. M. Henri Becquerel, en étudiant les courbes de la dispersion anomale de la vapeur de so- dium incandescente, a reconnu la superposition de deux dispersions anomales différentes dues à chacune des raies D, et D,. Il a constaté et mesuré des indices de réfraction inférieurs à l'unité. Enfin il a montré que l'expérience de M. Voigt (biréfringence dans la direc- tion perpendiculaire au champ magnétique) est üne conséquence de la superposilion du phénomène de Zeeman et de la dispersion anomale, comme le phéno- mène de MM. Macaluso et Corbino est le résultat de la dispersion anomale et de la polarisation rotatoire ma- gnétique. — M. Dussaud a réalisé la transmission des sons, par son procédé connu de la radiophonie, en substituant à la lumière solaire des rayons ultra-violets agissant sur le sélénium avec l’aide de la fluorescence. — M. H. Pellat a constaté expérimentalement, au moyen d'un dispositif très simple, que l'eau électrisée (avec une densité électrique peu supérieure à celle du sol) perd une portion de sa charge par son évaporation à la température ordinaire. Ce phénomène rend bien compte de la variation diurne de l'électricité atmosphé- rique : augmentation de la charge après le lever du Soleil, par suite de l’évaporation de l'humidité du sol; diminution après le coucher du Soleil, par suite de la condensation d'une partie de l'humidité atmosphérique. — M. L. Décombe étudie la question de la dispersion dans le vide et pense qu’elle pourrait être mise en évi- dence par une méthode purement physique. Celle-ci consisterait à produire en une même station un fais- ceau de radiations lumineuses et un faisceau de radiations électro-magnétiques issues de la même étincelle excitatrice, de les envoyer à une station éloignée et de mesurer le temps qui s’'écoulera entre la réception des deux sortes d'ondes. — M. Gustave Le Bon a étudié la luminescence résiduelle invisible qui subsiste dans les corps soumis pendant quelques instants à la lumière solaire. Elle se conserve pendant fort longtemps, mais finit toujours par se dissiper en- tièrement. Il y a identité complète entre la lumière visible reçue et la lumière invisible émise ensuile par les corps. — M. William Crookes a recherché la source de l'énergie que présentent les corps radio-actifs. IL suppose que ces corps out la propriété de rejeter les molécules de l'atmosphère qui se meuvent lentement, tandis que les molécules à mouvement rapide se bri- sent à leur surface en leur communiquant une certaine énergie. Celle-ci peut être employée partiellement pour dissocier quelques molécules du gaz ambiant et le ren- dre ainsi conducteur, partiellement pour produire une ondulation à travers l’'Ether. — M. Roulliès demande l'ouverture d'un pli cacheté relatif à la stéréoscopie des rayons X. — M. de Bourgon adresse des épreuves photographiques montrant que le verre isométrope arrête complètement les rayons Rüntgen. — M. André Job a préparé des solutions contenant du cérium à l'état complètement peroxydé; pour cela, il verse, dans du carbonate de potassium, de l’eau oxygénée, puis du nitrate cérique ammoniacal à molécules égales. Un excès d’eau oxygénée précipiterait le peroxyde de cé- rium Ce*0O4 qui se forme. — M. H. Causse est parvenu à préparer un dérivé triacétylé de la morphine, par l'action de l’anhydride acétique, de l’acétate de soude et de la poudre de zinc. Cette réaction montre que le troisième atome d'oxygène de la morphine se trouve sous forme de carboxyle CO, les deux premiers élant, comme on le sait déjà, sous forme d'hydroxyles, l’un alcoolique, l’autre phénolique. — M. E. Blaise a pré- paré les chlorures-éthers des acides diméthylsuccinique et diméthylglutarique dissymétriques, en vue de faire la synthèse des acides diméthyllévulique et diméthyl- hexanonoïque. On obtient les premiers en faisant agir l'éthylate de sodium sur l’anhydride de l’acide, ce qui donne le sel-éther, puis en traitant ce dernier par le trichlorure de phosphore. — M. M. Berthelot a pour- suivi ses recherches sur la marche générale de la vé- gélation en étudiant une même plante ayant poussé au soleil, à l'ombre, et le regain de la plante au soleil. La plante développée à l'ombre contient plus d’eau; il y a peu de différence entre la première récolte de la plante cultivée au soleil et la récolte de regain. La plante sem- ble mieux nourrie à l'ombre, mais cette vigueur appa- rente tient à un retard dans l'exercice des fonctions de reproduction. La plante développée à l'ombre est plus hydratée; elle contient le maximum de cendres et le regain le minimum. Pour les principes hydrocarbonés, c'est le contraire. — M. Mazé étudie l'élaboration des malières albuminoïdes dans les végétaux. Pour lui, les plantes supérieures, dans les conditions naturelles de leur développement, ne les élaborent pas au moyen des matières organiques toutes faites qu'elles ont à leur disposition. Celles-ci sont d’abord détruites et brülées par les bactéries avec production d'acide carbonique et d'azote nitrique, matériaux qui serviront ensuite à l’édi- fication de toutes les réserves de la plante. 30 SCIENCES NATURELLES, — M. Lannelongue indique les résultats qu'il a obtenus dans le traitement des tuberculomes symptomatiques ou non d'une altération PNR UT D, Dette sn A ANNEE Trade cs DT 2 DR) UE LU UT ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES des os. Il a employé deux méthodes : celle de l’extir- pation, soit sans ouverture, soit avec ouverture et curettage de la cavité, el celle des injections modifica- "{rices, uniques ou multiples et successives. Les résultats montrent la supériorité de la dernière méthode. — M. F. Kerforne a étudié le système ordovicien de la presqu'ile de Crozon (Finistère) et y a reconnu les niveaux suivants : 1° grès armoricain; 2 schistes du Courijou (à calymènes); 3° grès de Kérarvail (sans fos- siles) ; 4° schistes de Morgat; 5° schistes de Kérarmor; 6° schistes de Raguenez; T7 grès de Camaret; 8° cal- caires et tufs de Rosan. Séance du 23 Janvier 1899. M. D. Mendéléeff est élu Correspondant pour la Sec- tion de Chimie en remplacement de M. Kékulé. — La Section d'Economie rurale présente la liste suivante de candidats à la place laissée vacante par le décès de M. Aimé Girard : en première ligne, MM. Risler et Roux; en seconde ligne, MM. L. Maquenne et Schlæ- sing fils. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L.-J. Gruey adresse ses observations de l’éclipse totale de Lune du 27 dé- cembre 1898, faites à l'Observatoire de Besancon. Le ciel est resté beau pendant toute la durée des observa- tions. — Le même auteur communique ses observations de la planète 1898 ED (Charlois) et de la comète Chase, faites à l'Observatoire de Besançon, à l'équatorial coudé, avec l’aide de M. P. Chofardet. — M. Louis Rabourdin envoie des photographies de nébuleuses et d'amas d'étoiles obtenues avec le grand télescope de l'Obser- vatoire de Meudon. Les photographies d'amas d'étoiles donnent jusqu’à la 20° grandeur avec une heure de pose. Les photographies des nébuleuses, en particulier celle de la nébuleuse de l’Ecu, donnent de précieux renseignements sur leurs formes. — M. Emile Picard montre que, sous sa forme générale, le problème du prolongement des fonctions présente une très grande indétermination. On pourrait chercher à restreindre celte indétermination par diverses méthodes, lesquelles constitueraient d’intéressants sujets de recherches. — M. N. Saltykow indique de quelle facon on peut géné- raliser la première méthode de Jacobi sur l'intégration d’une équation aux dérivées partielles. — M. G..-A. Mil- ler donne le tableau de tous les groupes possibles, dont l'ordre est inférieur à 64. La plupart de ces nombres se déduisent aisément des formules de M. Hülder; les autres sont, en partie, le résultat des recherches parti- culières de l’auteur. — M. Crelier étudie le développe- ment de certaines irrationnelles en fraction continue. Il établit le théorème : Les valeurs VAL na Lu VA HN n œ = 7, el y! déduites de À — X — n2.n8 dounent deux fractions continues périodiques simples, dont l’une a pour quo- tients incomplels ceux de l'autre pris dans l’ordre inverse. — M. C. Guichard met en évidence les rela- lions géométriques qui existent entre les déformées de la sphère et celles des quadriques de révolution. — M. A. Pellet considère l'équation normale des surfaces dans l’espace à n dimensions et en déduit les propriétés de celles-ci dans quelques cas particuliers. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. À. Pérot montre que les . formules donnant l'attraction d'un électro-aimant sur son armature et tirées de l'expression ordinaire de l'énergie d’un circuit ne sont exactes que lorsqu'un déplacement infiniment petit de l’armature n’altère pas Je tracé des lignes de force. — M. P. Villard a exéculé diverses expériences dans lesquelles l'action de Ja lumière est exactement inverse de celle des rayons X. _Si une plaque au gélatinobromure d'argent a été expo- sée suffisamment aux rayons X pour devenir complète- ment noire au développement, mais qu'on en expose auparavant une partie à la lumière du jour, on observe que sous l'action du révélateur la moitié non insolée devient seule noire, tandis que la partie insolée reste blanche. — M. A. Ditte montre que, toutes les fois que l'äluminium se trouvera, en même temps, en contact avec l'atmosphère et de l’eau salée (eau de mer ou eau saumätre), la présence d'une petite quantité de sel marin sulfira pour attaquer une proportion théorique- ment indéfinie d'aluminium, en le transformant par diverses réactions en alumine hydratée cristallisée. L'oxydation, d'abord superficielle, pénétrera donc de proche en proche jusqu'aux profondeurs de la masse métallique. — MM. Ad. Carnot el Goutal ont continué leurs recherches sur l’état chimique des divers éléments contenus dans les produits sidérurgiques. Ils ont dé- montré l'existence d'un certain nombre de carbures doubles bien définis; ce sont : dans les aciers chromés et dans les ferrochromes, les corps 3 Fe*C. Cr‘C? et Fe°C. 3 Cr°C?; dans les aciers carburés au tung-tène et an molybdène, les corps Fe’C.TuG et Fe°C. Mo°C; dans les ferromanganèses plus ou moins riches, les corps 2 Fe°C.Mn°C, Fe*#C.2Mn°C et Fe°C.4Mn'C. — MM. W. Œchsner de Coninck et A. Combe ont continué l'étude de l’action du mélange chromique sur quelques dérivés aromatiques azotés : amido-phénols, nitro-phénols, acide picrique, benzamide, salicylamide.— M. A. Mou- neyrat a fait réagir Le protochlorure d'iode sur le mono- chlorobenzène en présence du chlorure d'aluminium anhydre et a obtenu le paraiodochlorobenzène; il se forme en même temps un peu de di-et de trichloroben- iène. — M. J. Hausser à continué ses études sur la filtration en faisant passer des liquides organiques di- vers à travers des parois constituées par du kaolin, du noir animal et du phosphate de chaux. La couche fil- trante n’est pas altérée par le passage successif de liquides différents. Quand on change la paroi filtrante, la vitesse relative de filtration des liquides ne change pas. — M. André Kling a cultivé la bactérie du sor- bose dans des bouillons contenant du propylglycol et dans le but de produire l'oxydation de ce dernier. Le corps obtenu donne une osazone, qui est presque iden- tique à celle de l’acétol décrite par Perkin; l’auteur en poursuit l'étude. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. L. Ranvier à découvert une nouvelle réaction histochimique de l’éléidine. Si l’on laisse un petit fragment de peau pendant dix heures dans une solution de chlorure de sodium à 10 °/,, qu'on le durcisse par lalcool, puis qu'on y pratique des coupes que l'on colore au moyen du picro-car- minate, on n'y voit plus de grains d'éléidine, mais à leur place il s'est formé une teinte rouge uni- forme. L'éléidine granuleuse est donc devenue de l’éléidine diffuse. — M. P. Stephan a trouvé, dans la pulpe d'un des rayons cornés d'un arc branchial de Merluccius vulgaris, un amas de petits corps cellulaires, un peu irréguliers, renfermant un long bâtonnet cylin- drique arrondi à ses deux extrémités, droit ou légè- rementinfléchi. Ces formessemblent présenter quelque analogie avec celles que Kunstler a découvertes dans la cavité générale des Ophélies. — M. L. Bordas à étudié les glandes annales des Carabidæ. Dans toutes les espèces, ces glandes comprennent : {° des follicules sécréteurs disposés en grappes; 2° un canal efférent; 3° un réservoir collecteur; 4° un conduit excréleur s’ouvrant, non pas dans l'intestin, mais dans le cloaque, et lançant, au moment de l'attaque, contre l'ennemi, le liquide accumulé dans le réservoir. — M. Charles Janet explique le mécanisme du vol chez les insectes hyménoptères. Ce sont les deux énormes paires de muscles vibrateurs qui sont les muscles essentiels du vol; en outre, le mésotonum contient une série de petits muscles qui servent à donner aux ailes et aux parties mobiles du mésotonum les positions qu'elles doivent occuper pendant la vibration. — Le prince Albert de Monaco rend compte de la première campagne de la Princesse Alice II. Elle a eu lieu du 23 juin au 20 septembre 1898 sur les côtes de Norvège et au Spitzherg. D’intéressantes observations, concernant la physique du globe, la géologie, la distribution géogra- 122 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES phique et bathymétrique de certains animaux, l’océa- nographie, ont été faites. — M. L. Guignard a étudié la formation du pollen el la réduction chromatique dans le Naias major. La réduction numérique n'apparaît qu'au moment où la cellule mère pollinique commence à entrer en division pour donner les quatre grains de pollen. Pendant la première division de la cellule-mère, chaque chromosome subit deux scissions longitudinales et devient quadruple; pendant la seconde division, il y a simplement distribution à part égale entre les quatre noyaux polliniques des chromosomes déjà formés antérieurement. Mais, par le fait même de la forma- tion de ces chromosomes par scission longitudinale, il n'y à pas de réduction qualitative, et les quatre noyaux peuvent être considérés comme équivalents sous le rapport des propriétés héréditaires. — M. Ed. Griffon a étudié les relations entre l'intensité de la coloration verte des feuilles et l'assimilation chlorophyllienne. La seconde n'est pas toujours proportionnelle à la première. Il y a donc d’autres causes (peut-être l’acti- vité propre des chromoleucites ou la nature différente des chlorophylles) qui font varier l'assimilation. — M. Aug. Daguillon à constaté que l'existence des feuilles primordiales n’est pas moins constante chez les Cupressinées que chez les Abiétinées. Le passage de la forme primordiale à la forme définitive est caractérisé parfois par une modification phyllotaxique et toujours par une différenciation croissante dans la morphologie interne de la feuille. — M. E. Decrock a étudié la structure des faisceaux placentaires dans le genre Primula. Dans la grande majorité des espèces, ils sont concentriques, au sens qu'admeltait de Bary. Dans le P. sinensis, le centre de différenciation digneuse occupe la région externe du faisceau procambial, ne laissant point de place pour le développement du liber de ce côté. Dans le P. Scotica, les vaisseaux du bois se déve- loppent surtout dans le sens tangentiel. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 3 Janvier 1899. M. Jaccoud, en quittant le fauteuil de la présidence, résume les travaux de l'Académie pendant l'année 1898. — M. Panas, président pour l’année courante, lui suc- cède. M. V. Babes envoie une note sur l'application de l'histologie et de la bactériologie en médecine légale. La difficulté, dans ce genre de recherches, gît dans les invasions microbiennes qui envahissent les corps pen- dant la putréfaction ; on ne saurait conelure de la pré- sence d'un certain bacille à une mort due à l'affection que développe ce bacille. Mais, il est des cas où cer- taines affections ont déterminé des ecchymoses attri- buées à des violences, et l'examen bactériologique a permis de controuver celle interprétation. Dans d'autres cas, la bactériologie a permis de reconnaître l'existence d'une affection charbonneuse. Il y a done, de ce côté, de nouvelles recherches à faire. — MM. Lancereaux et Paulesco ont essayé la médication thyroïdienne dans le traitement des affections rhumatismales el, en par- ticulier, de l’artério-selérose:; dans les quatre cas trai- tés, ils ont obtenu des résultats très encourageants. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du T7 Janvier 1899. M. de Bourgon a observé une série de symptômes d'intoxication après l'instillalion d'une seule goutte d'une solution de scopolamine dans l'œil d'une jeune femme, pour prévenir une poussée de glaucome: celte substance, qui produit cependant une dilatation plus rapide et plus durable que l'atropine, est done toxique et doit être employée avec ménagement. — MM. E. Toulouse et Marchand présentent les graphiques d’une épileptique, chez laquelle les accès épileptiques alter- naient avec des accès délirants. Les premiers précé- daient toujours les seconds et semblent en avoir été la cause. — M. Bouchard a déterminé le poids moyen des molécules qu'on trouve dans l'urine de l'homme sain ou malade. Dans plusieurs affections, il est assez élevé, ce qui tient à un ralentissement de la nutrition et à une désassimilation imparfaite ; chez l'homme sain, il est le plus faible, l'oxydation des produits rejetés ayant été poussée le plus loin. — M. G. Bonnier a dé- terminé, chez des plantes ordinaires, l'apparition de caractères appartenant aux plantes alpiues, en les maintenant sous vitrine à 0°. — M. Guyon fils est élu membre titulaire de la Société. — MM. Heckel et Ray Lankaster sont élus membres honoraires; M. Kuhne, membre associé; MM. Calmette et de Vries, membres correspondants. Séance du 1% Janvier 1899. M. le Président annonce la mort de M. Dumontpal- lier, Secrélaire général de la Société. La séance est levée en signe de deuil. SOCIÉTÉ FRANGAISE DE PHYSIQUE Séance du 2 Décembre 1898. M. A. Broca décrit le trembleur rotatif très rapide du Dr Guilloz. L'axe d'un moteur qui tourne à 2.000 ou 2.200 tours porte un anneau de cuivre sur lequel frotte un balai et se prolonge par une tige coudée dont la projection, sur un plan normal à cet axe, est un triangle équilatéral. Chacun des coudes sert de tête à une tige de cuivre articulée qui plonge dans le mercure ; on obtient cent interruptions à la secondeavec une durée de contact qui peut être réduite à = de seconde. — M. Foveau de Courmelles parle de l’endo- diascopie et d’un nouveau mode de fonctionnement des tubes de Crookes (voir la Revue du 30 novembre, p. 838). — M. Ch.-Ed. Guillaume a étudié les anomalies des aciers au nickel et les causes des déformations résiduelles. Les faits ont été exposés dans la Revue du 16 avril 1898, page 282; M. Guillaume les considère comme résultant des modifications chimiques que subissent les aciers au nickel. Ces modifications, qui consistent en des dissociations partielles et graduelles, réversibles ou irréversibles, expliquent à la fois des transformations magnétiques, les anomalies de dilatation, l'apparition du magnétisme dû à la dissociation de la combinaison fer-nickel ayant pour effet d'augmenter le volume mo- léculaire moyen, et surtout les retards des alliages réversibles. Ces derniers tendent, à chaque température, vers un équilibre chimique bien déterminé, qui s'établit à {ou2°/, près, en même temps que la température varie et dont un dernier reste ne se produit que lente- ment. La mème théorie permet d'expliquer, par les changements des affinités sous l'influence de la tempé- rature et de la pression, les déformations résiduelles des verres qui sont un mélange de corps combinés et de corps dissous; les verres qui contiennent deux alcalis présentent des résidus beaucoup plus notables que les verres à un seul alcali; les corps de constitution simple comme le quartz n’en présentent pas. M. H. Le Châte- lier ne pense pas qu'on puisse prendre, dans la théorie de M. Guillaume, les mots décomposilion et dissociation dans leur sens strict, puisque le fer ou le nickel purs présentent les mêmes anomalies que leurs alliages et qu'on a vainement cherché à mettre en évidence l'existence des métaux séparés dans ces alliages. Il semble qu'il s'agisse plutôt de phénomènes de dépo- lymérisation qui se produiraient tant dans les métaux purs que dans les molécules mixtes de leurs composés. M. Guillaume ne pense pas que les insuccès éprouvés jusqu'ici enlèvent toute probabilité à l'hypothèse du mélange simple du fer et du nickel, dans les alliages qui sont magnétiques et dont la dilatabilité obéit à la loi des moyennes. Il pense qu'il doit y avoir polyméri- us sé ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sation en ce qui concerne chacun des deux corps pris ‘isolément et combinaison ou groupement des deux corps entre eux. M. L. Poincaré signale les travaux théoriques de M. Duhem sur les déformations perma- nentes et l'hystérésis. M. Duhem a été amené à intro- duire une variable chimique et il a retrouvé les résultats des observations de M. Guillaume sur les aciers irréver- sibles. M. Marchis a développé une idée semblable dans un travail sur les déformations permanentes du verre et il en a fait l'application aux aciers réversibles. C. RAVEAU. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY Séance du 25 Janvier 1899. MM. Haller et Minguin, après avoir rappelé ce qu'ils ont communiqué à Ja Société chimique! à propos de l'action du brome sur le benzalcamphre, indiquent le mode de préparation très rapide auquel ils s'arrêtent actuellement : action directe de Br sur le benzalcamphre en poudre, traitement du produit visqueux obtenu par une solution alcoolique de potasse au bain-marie. Il se dépose, après quelques heures, un produit cristallisé CH?! BrO0. Ce traitement peut très bien avoir produit un changement stéréoisomérique transformant le pro- duit visqueux en produit cristallisé. Fond à 82°. Pou- voir rotatoire an —32°,7. Prismes orthorhombiques de 118°,30' dans lesquels pour b—1000; h—686,6. Les faces observées sont b,e,mg,g,. Les auteurs indiquent les raisons qui leur font croire que c'est un dérivé -bromé du benzylcamphre : / GBr — CH? — C'HS cu | ù obtenu par fixation sur le benzylidène camphre de KH résultant d'actions secondaires. Traité par la potasse alcoolique, ce corps donne naissance à un acide qu'ils formulent provisoirement : COH — CIE — C°H° cou” | N co fondant à 223°, ap —14°,2!. En traitant les produits vis- queux qui fournissent le dérivé bromé par de la potasse alcoolique, ce premier acide est accompagné de deux autres répondant à la même composition. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 2% Décembre 1898. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — Rapport de MM. W. Kap- teyn et J. Cardinaal, sur un mémoire de M. K. Bes, intitulé : « Théorie générale de l'élimination d’après la méthode Bezout, suivant un nouveau procédé. » En général, la théorie de l'élimination de nr variables de n équations, homogènes en ces variables, est dévelop- pée à l’aide des déterminants. Au contraire, l'auteur se sert de matrices : 1° Partie théorique; 2° application de la méthode à un système de trois équations homo- gènes; 3 cas général de n équalions homogènes. Dé- monstration de quelques identités. SCIENCES PHYSIQUES. — M. J.-D. van der Waals : « Contraction de volume et contraction de pression » (Seconde communicalion, voir Revue générale des Scien- ces, t. X, p. 83). L'auteur s'occupe, d'abord, pour une substance existant à elle seule, de la différence v'—vw du volume réel » de la substance et du volume idéal » qu'elle occuperait, si elle avait suivi complètement la loi de Boyle, les deux volumes v et »' se rapportant à une même température etune même pression données. A l’aide des relations connues : 1 Bull. Soc. Chim., 1896, t. XV, p. 988. | 123 1 + ol 1 Lol a s = n — mn v u— b v? il trouve, en représentant le quotient de la division de (4 + a) (1 —b) (1 Hot) en à par u': "b PERS ae v'— y = ù AT a! ab oi On a donc w—v—a—b pour t— et v'—v—0 ! b ; pour v =. En supposant que bne dépende pas de L v, on trouve la valeur maximale ; correspondant 4b— a' ; x (LD UE op si T et Te température absolue et la température critique, ce maximum s'écrit dans la forme : indiquent respectivement la De plus on a D'— Umax 1 d=neee) IN LETTe 2) Gr ) Ne) CAR . . TR T.. Pour ces deux limi- D . tes le rapport indiqué prend les valeurs 2,27 et 1. À l'aide de ces remarques très simples l’auteur fait con- naître la forme de la courbe v'—— (T) dans les quatre régions où T est comprise entre Te et 2 T6 Te >> Te; Te T: 1 — nee ip ES Gen e > TG Cy Dans la dernière région, la quantité v'—v perd en par- tie sa signification théorique. Ensuite, M. van der Waals applique les résultats que nous venons d'indi- quer à l'étude de la contraction de volume Av qui se présente si l'on mêle deux substances, la pression ne variant pas. Cette application ramène d’abord à la for- mule Oe A0 œ(1— 0) | MU — (3, qui figure déjà dans la communication précédente ; mais elle montre en même temps que cette valeur Av n’est qu'une limite correspondant au cas d'une densité infiniment petite. L'évaluation de la valeur exacte de Av exigeant des calculs trop compliqués, l'auteur a recours à la représentation graphique. La considéra- tion de la forme : + b,—2 bus) | Av—(1—x) (0! —v,) + x (v'e — ve) — Lx — Vx fait voir que Av est la résultante de trois quantités de la forme v'v. Chacune de ces trois quantités, étudiées d'avance, change de la manière indiquée dans le dia- gramme de la figure 1, construit surles axes OV(axe des) et OW (axe des Av—v—v). Pour T— œ on trouve Au —— b pour toutes les valeurs de v; ce résultat, in- troduit par l'hypothèse que b ne dépend pas de v, n'es que ficlif, Si l'on tient compte de la variabilité de b avec v, la droite Av——b doil être remplacée par une courbe dont elle est l’asymptote. Pour une pression infinie w'—v est égal à — b pour toutes les tempéra- tures T; donc toutes les lignes passent par le point v — b, v'—»——b représenté par A. Les valeurs maxi- males de v'—" se trouvent sur une hyperbole équila- tère aux asymptotes 0 —2b, v' —v—b, pointillée dans le diagramme, etc. — M. H. Kamerlingh Onnes pré- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sente, au nom de M. J. Verschaffelt, une communica- tion intitulée : « Mesure de la forme des isothermes à proximité du point de plissement et particulièrement sur la variation de la condensation w . rétrograde d’un mélange d'acide \ carbonique et d'hydrogène ». Les ‘ premières mesures de la variation de la condensation rétrograde ont été faites par M. Kuenen;elles font 1 connaître la variation du rapport du volume de la phase liquide à celui de la phase gazeuse pour une température déterminée sur tout le domaine dela condensation, le long d'une ligne déter- minée de la surface Y de van der ET Le Fig. 1. — Contraction de volume dans le mé- lange de deux substances. Waals. L'auteur désire connaître cette variation le long de plusieurs lignes de cette surface, en particulier entre les proportions du point de plissement critique et du point de contact critique. L'occasion s'y présentait dans un examen étendu des isothermes de mélanges d'acide carbonique et d'hydrogène. Après avoir ex- pliqué sa méthode, M. Verschaffelt donne un résumé de ses résultats en des tableaux numériques et des représentations graphiques. — M. H. W. Bakhuis Roo- zeboom présente la thèse de M. C. van EyK intitu- lée : « Sur des cristaux mixtes de nitrate de potassium et de nitrate de thallium. » L'étude de ce système (KAz0,, TIAzO,), par M. van Eyk, vérifie les considéra- tions théoriques développées par M. Roozeboom dans la séance de septembre (voir Revue générale des Sciences, t. IX, p. 875). Dans le diagramme de la figure 2 qui en contient les résultats, la position d'un point M est déter- minée par le quotient = mL où ?+ et représentent les volumes des deux substances, et par la tempéra- ture mM. Considérons d'abord la congélation. Chez les mélanges de 0 à 31,3 °/, de KAZO, la température de congélation s'abaisse de 206° (point de fusion de TIAz0,) jusqu'à 182° suivant la ligne AC. Dans le fluide, se forment des cristaux mixtes, plus riches en TIAz0, que le fluide, correspondant à la ligne AD; leur poids spécifique surpasse celui du fluide. D'un autre côté, chez les mélanges de 100 à 31,3 °/, de KAzO,, la tempé- rature de congélation s'abaisse de 339° (point de fusion de KAz0,) jusqu'à 182, suivant la ligne BC. Ici se forment des cristaux mixtes, plus riches en KAzO, que le fluide, correspondant à la ligne BE; leur poids spé- cifique est inférieur à celui du fluide. Par rapport aux points de AC et BC, la congélation se fait dans un inter- valle de température compris entre les points de AC et AD et de.BC et BD possédant la même concentration. Au point minimum de congélation C, le fluide de 31,3 /, KAzO, se solidifie comme un conglomérat de deux espèces de cristaux mixtes, dont la concentration correspond aux points D et E, les premiers contenant 20 °/, de KAzO,, les derniers 50 °/. Au-dessous de 1829, trois cas se réalisent. A gauche de DH on trouve des points correspondant à des cristaux mixtes homo- gènes « de 0 à 20 /, de KA70,; à droite de EH on trouve des points correspondant à des cristaux mixtes homogènes a! de 50 à 100 °/, de KAz0O, ; entre DH et EH on trouve un conglomérat des cristaux mixtes limites de 20 et de 50°/,, en des proportions variant avec la compo- sition originale du fluide. En continuant le refroidissement des cristaux mix- tes que nous ve- nons de rencon- trer, ils subis- sent une trans- formation du système rhom- boédrique dans lesystèmerhom- bique. Pour KAz0O, la tempé- ralture 129°,5 de transition (point G) était connue; d'après M. vau Eyk pour TIAz0, cette tempéra- ture (point F) est 1449,3. La tem- pérature de tran- sition des cris- taux mixtes ho- mogènes a s'a- baisse de 144°,3 jusqu'à 1339, si le pourcentage en KAZzO, monte de 0 à une cer- taine limite sui- van! la ligne FH. A 133° tous les cristaux rhom- boédriques « du conglomérat se transforment en 206° 10° Température Poe nt Q} r des cristaux ” ; ourcentage. er K Az rhombiques $; 2e - I 100° au-dessous de 133° le conglo- mérat se com- pose donc de cristaux $ et a’, Ce n'est qu'à des températures au-dessous de 1299,5 que les cristaux homogènes rhomboédriques «a! com- mencent à se transformer aussi en des cristaux rhom- biques f. Pour des cristaux de 100 à 84 °, de KAz0, la température de transition s'abaisse de 129°,5 à 108°,6 sui- vant la ligne GJ. Ainsi, au-dessous de 108°,5, on a trois cas différents de cristaux rhombiques : à gauche de J,K des cristaux $, à droite de J,K, des cristaux f/, entre J,K et J,K, des cristaux Bet &' à la fois. A 10°, les points K et K, correspondent à 15,5 et 96,5 °/, de KAzO,. Les lignes pointillées indiquent des points pas encore com- plètement déterminés. P. H. ScHoure. Fig. 2. — Diagramme dun syslème mixle de nilrales de polassium et de thallium. ERRATUM. — Dans notre numéro du 30 janvier, quelques erreurs se sont glissées dans l’article de Me S. Curie. A la page 45, colonne 2, il faut lire : : Onm,01 au lieu de Owm,001; Omm,005 ; Oum 006. a ————_———mmmmmpmapag mm a ———————.————_—_—_—_—.—…———— Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 6e ligne à partir du bas SR = Omm,5 —- are — =— Gom — Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. . ne né he ri re mr matt its 10° ANNÉE N° 4 28 FÉVRIER 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCE PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Physique La réfrigération par l'hydrogène liquide; les pro,riétés des corps au voisinage du zéro absolu. — La liquéfaction de l'hydrogene, con- sidérée en ell--même, est bien certainement l'un des résultats les plus remarquables qu'ait eus à enregistrer - Ja Physique au cours de l’année qui vient de finir. . Mais, ce qui en fait par-dessus tout la valeur, c'est la possibilité qui en résulte de reculer, en pratique, dans une proportion considérable, les limites du froid. Non point que l’on soit descendu, depuis la température d'ébu lition de l’air sous faible pression, d'un grand nombre de degrés de l'échelle proportionnelle; mais on a fait un pas gigantesque vers le zéro absolu, ce qui est le vrai critérium de l’espace parcouru. Dans les applications du nouvel et puissant outil qu'il a su meltre eu action pour son usage, le professeur Dewar débute par une expérience bien propre à frapper l'imagination, et faire toucher du doigt la distance à laquelle on se trouve de la liquéfaction de l'air. Disons- le tout de suite, il a fait le vide en gelant l'air, tout comme on le ferait si, après avoir chauffé du mercure au rouge vif dans un tube fermé, on plongeait l’appa- reil dans la neige carbonique. « Les températures absolues d’ébullition de l'hydro- gène, de l'oxygène et du chlore sous la pression almos- phérique sout respectivement à 35, 90 et 240 degrés absolus; en d’autres (ermes, l'oxygène bout à une tem- péralure deux fois et demie plus éevée que l'hydrogène. On en conclut que l'hydrogène liquide constitue, pour l'air, nu agent réfrigérant du même ordre que ce der- nier pour le chlore. Or, à la température de l'oxygène bouillant, le chlore est un solide dur, à 80 degrés au- dessous de sa température de fusion, et possède une pression de vapeur extrêmement faible. Lorsque l'hy- drogène liquide congèle l'air contenu dans un tube scellé, on peut prévoir qu'il ne restera plus, dans le tube, de pression d’air appréciable, » En appliquant les formules de Gibbs au cas présent, ! Communication de M. Dewar à la Société Royale de Londres. REVUE GÉNÉRALE DFS SCIENCES, 1899. on trouve, par extrapolation, qu'à la température d'ébul- lition de l'hydrogène, l'azote possède une pression de vapeur d'un millième de millimètre de mercure environ, tandis que celle de l'oxygène est réduite à une valeur vingt fois plus faible. Cette extrapolation, faite en supposant que l’état liquide se conserve, donne une valeur trop forte de la pression de vapeur, de telle sorte qu'on doit s'at'endre à trouver, dans le tube relroidi, une pression qui est à la limite d'action des meilleures (trompes. Ces déductions ont été brillam- ment vérifiées par l'expérience. Un tube (fig. 1), rempli d'air sous la pression atmosphérique et muni d’électrodes A et B, est plongé dans un vase à espace vide d'air, et rempli d'hydrogène liquide. Ce vase est en- touré d’un deuxième récipient con- tenant de l'air liquide. Le tube est préalablement étranglé en D, pour permettre sa séparation en deux à la lampe. Dès que l'hydrogène com- mence à agir, on voit l'air se ras- sembler à la partie inférieure en gouttelettes qui ne tardent pas à se congeler. Au bout d’un temps très court, on peut attaquer le poiut D au chalumeau, et l’on constate que la partie supérieure du tube estarrivée Fig. 1, — Produc- au vide de Crookes. tion du vide par Si l’on a soin de préparer le tube la congélation. de manière à enlever les gaz con- — A, B. élec- densés sur les parois, on obtient, trodes; CG par- après l'avoir rempli d'air sec, un es Dane vide si complet que l’étincelle refuse élranglée. de le traverser. Ce mouvement vers les basses températures, dont M. Dewar détient depuis. quelques années le record, se poursuit un peu partout. Les appa- reils Linde font partie aujourdhui de l'outillage de tout laboratoire bien monté, et les publicalions élran- 4 gères surtout contiennent déjà de nombreuses recher- ches sur les propriétés des corps aux températures que l’on obtient à l’aide de l'air en ébullition. Les ré- sultats auxquels on est conduit ont souvent un rarac- tère de grande nouveauté, et ne constituent pas seule- ment la continuation d'une courbe que les faits déjà connus eussent permis d’extrapoler. Par exemple, de nombreuses mesures faites par MM. Dewar et Fleming sur le pouvoir inducteur spécifi- que de la glace, leur ont montré que la singulière ano- malie électriqre de l’eau est à la fois une fonction de la température et de la fréquence des oscillations servant à mesurer sa valeur. Aux températures ordinaires, l'a- nomalie est complète pour les plus courtes oscillations de nature électrique que l’on ail réussi à produire, tandis que, pour les vibrations lumineuses proprement dites, il n'existe plus trace d'anomalie. À mesure que la température s'abaisse, l’'anomalie recule vers les grandes longueurs d'onde, le pouvoir inducteur spéci- fique diminue pour une même fréquence, el atteint finalement une valeur normale, même pour les basses fréquences, à la température d’ébullition de l'air. Ce résultat est le premier de cette nature qui ait été dé- couvert; mais il est fort possible qu'on en trouve l’analo- gie parfaite dans des diélectriques solides à la tempéra- ture ordinaire, et qui pourront présenter l'anomalie si on élève leur température. Des recherches de cette nalure sont éminemment propres à fixer nos idées sur la cause de l'’anomalie électrique et de l'absorption des grandes longueurs d'onde en général. La remarque de Clausius, relative à la résistivilé des métaux purs, — l’extrapolation montrant que cette résistivité doit s'annuler non loin du zéro absolu, — était restée à peu près seule de son espèce ‘. Elle n’a, d’ailleurs, été reliée jusqu'ici à aucune idée théorique sur Ja coustitution de la matière; mais cette propriété des métaux est trop précise et {trop générale pour être due au hasard. Des recherches récentes de M. Trowbridge et des expériences tout à fait indépendantes de M. U. Behn, viennent de montrer que la résistivité ne possède pro- bablement pas seule la propriété de disparaître au zéro absolu. Il en est peut-être de même de la chaleur spé- cifique de certains métaux, si l’on en croit une extra- polation encore un peu douteuse. Les valeurs de la chaleur spécifique d'un certain nombre de métaux, déterminées par M. Behn entre + 100 degrés et — 182 degrés, présentent une diminution accélérée aux basses températures, de telle sorte qu'on peut, sans les forcer aucunement, faire passer certaines courbes par une valeur nulle au zéro absolu. Ce résultat est entièrement nouveau, car les variations de la chaleur spécifique aux températures ordinaires laissaient ignorer complète- ment la variation rapide aux températures très basses. Quelles seront les propriétés qui s'évanouiront encore à l’origine des températures? Peut-être la résistivité thermique ; autrement dit, les métaux seronf, au zéro absolu, parfaitement conducteurs de la chaleur et de l'électricité, et une quantité infiniment petite de chaleur devra élever leur température d'une quantité finie. Essayons de nous représenter un métal possédant ces trois propriétés, et nous regretterons une fois de plus que le zéro absolu soit un point inaccessible. $ 2. — Biologie Association des Anatomistes. — Il existe en Angleterre et en Allemagne des Sociétés anatomiques. En France, la Société qui porte ce nom s'occupe plutôt d'’Anatomie pathologique; elle est exclusivement pari- sienne, composée d'internes des hôpitaux. Les Ana- ! M. Dewar a reconnu que la résistivité du platine pur devrait s’anouler à quelques degrés seulement au-dessous de la température d'ébullition de l'hydrogène, sous la pres- sion atmosphérique. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE lomistes francais étaient donc isolés, pour leur plus grand dommage à chacun et pour celui de la science nationale. Un groupe de professeurs des Facultés de. Médecine de province a pris l’iniliative de les réunir et d'en faire le noyau d’une Association plus particulière ment latine, mais ouverte du reste à tous les étrangers. Elle tiendra une seule réunion, un seul congrès annuel, tantôt dans un centre universitaire, tantôt dans un autre. : La première réunion vient d’avoir lieu à Paris les 5 et 6 janvier 1899, au Collège de France et à la Faculté de Médecine, sous la présidence de M. le Professeur Balbiani, assisté de MM. les Professeurs Mathias Duval, (Paris), Renaut (Lyon), Romiti (Pise), vice-présidents; Nicolas (Nancy), secrélaire perpétuel; Laguesse (Lille), secrétaire-adjoint; Retterer (Paris), trésorier. Les Pro- fesseurs Ranvier de Paris, et Van Bambeke de Gand, ont été acclamés présidents d'honneur. On remarquaif la présence d'assez nombreux analomistes Belges. Communications présentées : M. Poirault (Paris), — Le noyau des Chylridinées. M. Poirier (Paris). — Anatomie de la fosse ptérygo- maxillaire; arrière-face; ganglion de Meckel. M. Retterer (Paris). — Sur le derme, sa structure, son évolution. , M. Bédart (Lille). — Tubercule scaphoïdien accessoür'e ; ossification des sésamoides du gros orteil par deux points. M. Devy (Paris). — Sur le pli fessier. M. Toison (Lille). — Présentation de microphotogra- phies ; présentation de parasites des Tritons. M. H. Martin (Paris). — Recherches sur le développe- ment de l'appareil venimeux d: la Vipera aspis. M. Regant (Lyon). — Sur la morphologie de la cellule de Sertoli, et sur son rôle dans la spermatogénèse des Mammifères. M. Barrier (Ecole vétérinaire d’Alfort). — Présentation de moulages. M. Van der Stricht (Gand). — Sur l'existence d'une scrle de noyau vitellin dans l'œuf ovarique d'Echinus microtuberculatus ; démonstrations des ovules ovariques de la femme. M. Weber (Nancy). — Reconstructions concernant le développement de l'hypophyse des Cheiropteris. M. Mitrophanow (Varsovie). — Notes embryologiques et tératogéniques. M. Trolard (Alger). — Vœux relatifs aux réformes à apporter à l'enseignement pratique de l'Anatomie. M Lesbre (Ecole vétérinaire de Lyon). — Unification des nomenclatures anatomiques humaine et vétérinaire. M. F. Regnault (Paris). — Causes de la perforation de l’olécräne. M. Van Gehuchten (Louvain). — Connexions bulbaires du pneumogastrique; faisceau longitudinal postérieur. M. Bellay (Paris). — L'origine des corps jaunes ovari- ques chez le rut et le cobaye. M. Henneguy (Paris). — Préparations relatives aux rap- ports entre les centrosomes et les cils vibratiles. k MM. Laguesse et d'Hardiviller (Lille). — Bronchioles respiratoires et canaux alvéolaires. M. Laguesse (Lille). — Les ilots endocrines dans le pancréas de la vipère. M. Nicolas (Nancy). — La gouttière el la créte hypo- chordale des embryons d'oiseaux. — Présentation de reconstructions relatives aux développements de l'arbre trachéo-bronchique du mouton. MM. Quénu et Branca (Paris). — Sur les processus de cicatrisalion épithéliale dans les plaies de l'intestin. M. De Bruyne (Gand). — Sur la signification physiolo- gique de l'amitose. MM. Swaen et Brachet (Liège). — Premières phases de la différenciation du mésoblaste chez les Téléostéens. | Une séance spéciale a été consacrée aux présentations de pièces microscopiques et macroscopiques, dans les salles des travaux pratiques de la Faculté de Médecine. La prochaine réunion coïncidera avec celle de la Section anatomique du Congrès international de Méde- cine en 1900. E. L. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 121 $ 3. — Agronomie Conservation de la faculté germinative des graines de Cacaoyer.— Toutes les personnes qui s'occupent de l'introduction des graines exotiques dans nos colonies, savent à quelles difficultés on se heurte, dès que l'on veut transporter d'un pays daus un aulre des graines de plantes tropicales. Presque toutes, en effet, surtout celles à albumen huileux, per- dent leur faculté germinalive pendant le voyage, même lorsque celui-ci est de courte durée. Jusqu'à ce jour, les semences de cacaoyer ont été de celles que l'on ne pouvait, sans les meltre en germina- tion de suite, garder inlacles pendant plus d'une quin- zaine de jours; et encore pour certaines variétés seule- ment, car il en est qui ne pou- vaient se conserver en bon état mème pendant ce laps de temps. Cette question de conservalion de la vitalité dans les graines de cacaoyer me préoccupait donc de- puis plusieurs années déjà, et, mal- yré tous les moyens que j'avais expérimentés, les résultats étaient toujours reslés négatifs. Or, voici comment j'ai été amené à procéder pour un dernier essai, lequel à réussi au delà de toute espérance. Le 18 du mois d'octobre dernier, — il est nécessaire de préciser en pareille matière, — je récoltai au Jardin d'Essai de Libreville, sur le cacaoyer dit de San-Thomé, trois cabosses légèrement jaunes, c'est-à- dire pas encore parvenues à com- plète maturité fig. 1). Suivant le conseil de M. J. Dybowski, directeur de l'Agricullure et du Commerce de la Régence de Tunis, que j'avais déjà entretrnu de cette question, je plongeai ces fruits dans de la pa- raffine liquide. Après refroidisse- ment de la substance, je m'assurai que la surface des cabosses en était régulièrement couverte, surtout dans les inégalités; puis les fruits furent enveloppés séparément dans du papier ordinaire et mis, avec d'autres graines, dans une caisse, laquelle fut clouée, et, le jour de mon départ, 20 octobre, placée dans la cale du paquebot avec les au- tres colis. Le 16 novembre, c’est-à-dire près d'un mois après la cueillelte des fruits, je débarquai à Tunis. Le len- demain de mon arrivée, la caisse fut ouverte en présence de M. J. Dybowski et de M. Guillochon, jardinier-chef du Jardin d'Essai. Nous pûmes alors constater avec une certaine joie que non seulement la couleur jaune des cabosses s'était conservée intacte, mais qu'à l'intérieur les graines étaient aussi absolument fraiches et entourées de leur pulpe; de plus, il n’y avait pas encore chez elles le moindre indice de germination. Le jour même, les graines fournies par deux cahosses — 73 exactement — furent semées en pots à raison de une par pot. Le 18, on rentra le tout dans une serre chauffée provisoirement avec un petit poêle à pétrole, car le chauffage habituel au thermo-siphon, qui se trouvait en réparation, ne pouvait être installé que quelque temps après. La température obtenue dans la serre par ce moyen fut de 15° à 20° C. Le chauffage au thermo-siphon ne put êlre mis en marche que le 13 décembre; en même temps le semis de cacaoyers fut placé sous chässis dans la serre. Le 21 décembre, huit jours après, la levée commencait. Fig. 1.— Fruils (cabosses) du cacaoyer de Libreville, A la date du 20 janvier 1899, la germination des graines s'était effectuée dans la proportion de 90 0/4. La température obtenue dans la serre à l’aide du thermo-siphon était de 229 à 259 C.; sous les châssis, elle était de 28° à 30°. En résumé, avec le moyen que je viens d'indiquer, et dans des conditions de germination un peu défec- tueuses, des graines de cacaoyer ont été conservées en parfait état pendant plus de deux mois, et ont presque toutes germé, La conservation, à l’aide de la paraffine, des graines à albumen oléagineux, peut s'expliquer par ce fait que l'oxydation, qui ne manque pas de se produire plus ou moins rapidement à l'état normal, par suite de l'accès de l'air ambiant, ne se produit pas dans les graines ou fruits paraffinés, celte substance protéeant ebsolument la graine contre l'action de l'oxygène de l'air. Il est probable cependant que les graines ne pourraient pas êlre conservées pendant très longtemps de cette facon, leur vitalité finissant toujours par ètre altérée par les phénomènes chimiques qui ont lieu dans les cellules malgré l'oc- clusion obtenue par la paraffine. Quoi qu'il en soit, il m'a paru utile de signaler au plus tôt ce procédé pratique de conservation des semences de cacaoÿer, qui per- meltra maintenant de transporter, des pays où elles existent, les va- riétés de cacao qu'il y aurait intérêt i introduire dans celles de nos colo- nies dont le climat et le sol se prètent à cette culture. C. Chalot, Directeur du Jardin d'Essai de Libreville. S 4. — Hygiène publique Nouveau traitement des ordures ménagères de Pa- ris. — Ce problème de l’élimina- lion des ordures ménagères est un des plus difficiles qui se posent devant les municipalités soucieuses d'hygiène et d'économie générale, Nous ne parlons pas de l’enlève- ment, qui est une question de voirie, mais du traitement, qui les fait disparaitre. Scientifiquement, ce problème peut être défini : celui de la terminaison du cycle des ré- actions chimiques et biologiques, dont l'entretien des hommes est une des phases. On sait que, pour les matières liquides ou semi- liquides, le problème e:t complètement résolu. Avant quelques mois, aucune partie des eaux vannes des égouts parisiens n'ira plus en Seine; loutes seront répandues sur les champs d'épandage d’Achères. Ces champs sont suflisants pour épurer toutes ces eaux, et, s'ils sont insuffisants pour utiliser tous les principes fertilisants, il est certain que l'usage de ces arrosages fécondants s'élendra vite aux champs particuliers, assurant ainsi celte utilisation complète. Pour les détritus solides, les ordures ménagères ou, suivant le mot technique, les gadoues, la solution est plus difficile. On a employé l'utilisation directe, par formation dans les champs de tas plus ou moins considérables où la fermentation s'achève. Mais ce procédé présente de nombreux inconvénients : mauvaises odeurs, pertes de l'azote et d'une partie des sels de potasse,encombre- ment des champs par les débris de matières inertes. 128 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE La combustion, très en faveur en Angleterre, est weilleure au point de vue hygiénique; mais, même favorisée par ce fait que la gadoue est autocomburante, elle est très coùteuse, elle laisse une masse de cendres à peu près inertes dont on serait fort vite encombré: enfin, chose plus grave, elle détruit tous les éléments organiques qui, sous le nom d'humus, sont indispen- sables à la végétation, particulièrement dans les sols des environs de Paris qui en sont extrèmement pauvres. Le traitement par la vapeur sous pression, qui nous vient d'Amérique, présente ce même inconvénient capital de la destruction de l'humus; il semble bien difficile aussi, au point de vue hygiénique, que les manipulations consécutives des produits, en grandes quantités, ne donnent pas lieu à des dégagements d’odeurs, inadmissibles à l'intérieur de la ville. Le Dr J. Pioger a inventé et, après de longs essais pratiques, a combiné un syslème qui donne une solu- lion complète et extrèmement simple du problème. Il fait passer tous les produits du nettoyage des rues dans une broyeuse spéciale formée principalement de deux plateaux armés, sur leur faces voisines, de dents contrariées, et dont l'un est animé d’un mouvement de rotation rapide. La matière y est amenée par une toile sans fin, sur laquelle on fait aisement, à la main, 12 triage des objets en métal un peu volumineux qu'on trouve assez souvent dans les gadoues, et qui pour- raient casser les dents des plateaux broyeurs. Tout le reste sort de la broyeuse sous forme d’une poudre grossière qui n'est autre chose que du terreau. Une nouvelle toile sans fin le recoit au sortir de la broyeuse, et le verse directement dans le wagon qui va le (rans- porter sur les lieux mêmes de la consommation. Par ce procédé, rien n’est détruit et, la fermentation des gadoues ne commençant guère qu'après la seconde journée de sa production, elle n’a lieu que dans les champs et à leur profit. L'extrème simplicité du travail, qui ne comporte qu'une machine motrice et une broyeuse, le rend très économique. Le produit est sous la forme la plus commode pour les transports ulté- rieurs et l’'épandage régulier dans les champs. Pen:ilant l'hiver, le cultivateur pourra sans inconvé- nient en faire une provision : les {as sont très faciles à faire; dans cetle saison, les fermentalions sont lrès ralenties el même suspendues, et une légère couche de plâtre ou de chaux en poudre suffit pour empêcher tout dégagement de gaz. On voit qu'avec le précédé J. Pioger le cycle théo- rique des réactions chimiques et biologiques, dont nous parlions en commençant, se trouve réduit à son minimum et complètement fermé. Pratiquement, ce procédé est le moins coûteux de tous. Ainsi se trouve affirmé, une fois de plus, cet accord de la science et de la pralique qu'il est nécessaire d'oblenir, pour qu'on puisse considérer comme bonne et définitive la solution des problèmes nouveaux que posent chaque jour les nécessités de la vie sociale. C'est un succès de plus dont nous nous réjouissons pour la Science Francaise. J. Périssé, Lieutenant-Colonel en retraite. $ 6. — Géographie et Colonisation Croisière aux Canaries, Madère, Maroe, Espagne et Portugal : livres à lire, — Selon son habitude, la Revue croit devoir indiquer à ceux de ses lecteurs qui sont inscrils pour la prochaine croi- sière de Pâques les principaux ouvrages qu'il peut être utile de consulter pour se préparer au voyage, en vue d'en rapyorter un meilleur et plus durable souvenir. En mentionnant certains ouvrages en langues étran- gères, moins aisés à se procurer que les ouvrages français, et parfois assez coûteux, nous avons pensé que ce serait rendre service à nos lecteurs que de leur donner la cote de ces ouvrages à la Bibliothèque Natio- nale. De cette facon, les personnes qui désireraient les consulter pourraient être assurées de les y trouver; de plus, eu inserivant celte cote sur leur bulletin de de- mande, elles faciliteraient les recherches et s'épargne- raientune allente prolongée. I. — ESPAGNE ET PORTUGAL. Géographie. — Voyages. — Guides. RECLUS : (Espagne et Portugal). Paris, in 8°, 30 fr. Tu. Gaurier: Voyage en Espagne. Paris, Charpentier, in-12, 3 fr. 50 Cu. Davictuier : L'Espagne, illustrations de G. Doré. Paris, Hachette, 1874, gr. in-4°, 50 fr. R. Bazin: Terre d'Espagne. Paris, C. Lévy, 1895, in-12, S 11-50: L. Ucsacn : Espagne el Portugal. Paris, C. Lévy, 1886, in-18, 3 fr. 50. Hueues Le lioux : En Yacht. Portugal, Espagne, Maroc, Algrrie. Paris, Flammarion, 1892, in-18, 3 fr. 50. De Awicis : L'Espagne. Paris, Hachette, 1878, in-12, 3 fr. 50. Fr. Wernic: Durch Nord-Afrika und Spanien, 2e édit. Leipzig, 1888, in-8°. (Bibl. Nat. &. 0°, 722.) G. Barrow : The Zineali. An account of the Gypsies of Suain. Londres, J. Murray, 1888, in-16. (Bibl. Nat. 80. Ob. 153.) GErMoxD DE LaviGne : Espagne et Portugal. Paris, Hachette. (Guides Joanne), 18 fr. Le même abrégé (Guides Diamant), 5 fr. . K. Bœpecger : Spanien und Portugal, (avec Tanger). Leipzig. Bœdecker, 1897, in-18, 20 fr. R. Foro: A Handbook for travellers in Spain. Londres, Murray, 1892, 2 vol. in-8°, (Bibl, Nat. 8 OPMETAHE) O'Sura : Guide to Spain and Portugal. Londres, A. Black, 1892, in-16. Géographie Universelle : L'Europe méridionale Hachette, 1876, Espagne. — Histoire sommaire. E. Rayon : L'Espagne et le Portugal, depuis l'invasion des Carthaginors jusqu'à nos jours. Paris, Germer- Baillière, in-2#, 0 fr. 60. E. Wars : Spain, being à summary of Spanish History from the moorish conquest to the fall of Granada. Londres, Unwin, 1893, petit in-8°, L. Gecey : L'Espagne des Goths et des Arabes. Paris, Cerf, 1882, iu-16, 1 fr. Maxiéyous : L'Espagne sous Ferdinand et Isabelle. Paris, Quantin, 1892, in-8°, 4 fr. Espagne. — Beaux-Arts. P, Fcar : L'Art en Espagne. Paris, Lemerre, 1891, in-12, 3 fr. 50. x L. Sovay: L'Art espagnol. Paris, Rouame. 1887, in-fol., 25 fr. P. Leronr : La Peinture espagnole. (Bibl. de l'Ens. des Beaux-Arts.) Paris, Quantin, 1893; in-8°, 3 fr. 50, Cu. Banc: Histoire des peintres de toules les Ecoles. Ecole Espagnole. Paris, Renouard, 1866-75, in-k°, 30 fr. L. Vianoor: Les Musées d'Espagne. 2° édit, Paris, Paulin, 1852, in-12, 3 fr. 50 L. Viarpor : Notice sur les principaux peintres d'Espagne. >aris, Paulin, 1839, in-8°, 7 fr. 50. P. Leronr : Murillo et ses élèves, Paris, Rouame, 1892, gr. in-8°, 6 fr. Baron Cu, Davicurer : Les Arts décoratifs en Espagne au Moyen âge et à la Renaissance. Paris, Quantin, 1879, gr. in-8°, 10 fr. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 129 Er, Pr Mancarzz : Granada, Jaén, Mälagu y Almeria. (Collection : Æspaña, sus monuments y ares, su naturaleza & historix.) Barcelone, 1885; in-8°, avec photograv. (Bibl. Nat. 8. O. 438.) P. pe Mapnazo : Sevilla y Cüdiz. |(Collecton : España, sus monumentos y arles, su naluraleza é histuria). Barcelone, 1884, in-8° avec photoyr. (Bibl. Nat. in-8°, O. 338.) W. Irvixc : L'Alhambra de Grenade, souvenirs et légen- des, trad. R. Viot. Tours, Mamie, 1886, in-8°, 2 fr. ConsranTIN Unox : Baudenkmacler in Spanien und Por- tugal. Berlin, Wasmuth, 1892, gr. in-fol. (Bibl. Nat. in-fol. O, 374.) FE. M. Turino : Estudios sobre el arte en España. — Lu ; arquiteclura hispano-visigoda y. arabe-española. — Ei Alcazar de Sevilla, etc. Séville, C. Segovia, 1886, in-8°. (Bibl. Nat. 8°. V. 9531.) II. — L'ART ARABE. D: E. Lepon : La Civilisation des Arabes. Paris, Didot, 1883, in-#0, 30 fr, A. Gayer: L'Art arabe. (Bibl. de l’enseignement des Beaux-Arts.) Paris, Quantin, in-8°, 3 fr. 50, D. Rapnagc Conrreras : Étude descriptive des monuments arabes de Grenade, Séville, Cordoue. Trad. franc. par l’auteur. Madrid, R. Fe, 1889, in-8. — Voyaces, HISTOIRE SOMMAIRE ET BEAUX-ARTS. JL, — PorTucar. G. De Sainr-Vicror : Portugal, souvenirs el impressions de voyage. Paris, Dentu, 1889, in-18, 3 fr. 50. STANISLAS DE Nozuac : En Portugal. Paris, Plon, 1891, in-18, 3 fr. 50. A. Daxor : Lisbonne (Liv. VIT des Capilales du monde). Paris, Hachette, 1 fr. J. Leccerco : Lishanne. Tour du monde, 1881. Paris, Hachette, 1 livr., Ofr. 50. A. Boucuor : Histoire du Portugal et de ses colonies. Paris, Hachette, 1854, in-12, 4 fr. E. Sivercruys : Le Portugal depuis les Carthaginaïs, jusqu'au règne de Dom Carlus Er, Lille, 1892. Ociverra Martins (J. P. DE) : Les explorations des Portugais antérieures à la découverte de l'Amérique, trad. A. Boutroue. Paris, Leroux, 1893, broch. in-8°. J. DE Vascoxcezcos : A Pintura Porluqueza ns seculos XV e XVI. Porto, 1881, in-8. (Bibl. Nat. 8°. V. 5983.) E. Eure : Etudes d'architecture en Portugal. De l'in- fluence française duns-le style manuélin. Bulletin archéologique du comité des trav. hist., 1896, livr. I-I, in-8°. A. Hauer : Die Baukunst der Renaissance in Portugal. Francfort-sur-le-Mein, Keller, 4890, in-#°. (Bibl. Nat. 4. V. 2957.) IV. — Les CAxaRIES ET MADÈRE. Généralités. — Guides. RecLus : Géngraphie universelle. L'Afrique occidentale (Madère, les Canaries). Paris, Hachette, 1887, in-80, 25 fr. J. U. T. Ecvengeck : À Guide to the. Canary Islands cal- ling at Madeira. Liverpool, Ellerbeck, 1892, in-12. (Bibl. Nat. 8°. OI. 1292.) Brown (A. SauLer) : Madeira and the Canary islands. A practical and complete Guide. Londres, S. Low, 1890, in-16. (Bibl. Nat. 8, Oy. 235.) Iles Canaries. Dr R. Verxeau : Cinq années de séjour aux îles Canaries. Paris, Hennuyer, 1891, in-80, 42 fr. J. LecLercQ : Voyage aux iles Fortunées. Le Pic de Téné- rifle et les Canaries. Paris, Plon, 1880, in-12, 3 fr, E. Correau : Le pir de Ténériffe, Tour du Monde. Paris, Hachette, 1889, 1 liv., O fr. 50. A. Coquer : Une eærursion aux îles Canaries. Paris, Cha- merot, 1884, in-8°. Ca, Eowanoes : Hides and Studies in the Canary Islands. Londres, Uuwin, 1888, in-8°, (Bibl. Nat. 80, OI. 1209.) H, Curisr : Eine Frühlingsfahrt nach den canarischen Inseln. Bale, Georg, 1886, in-8°. (Bibl. Nat. 89 OI. 1165.) AG. Miccares : Historia general de las Islas Canarias, Las Palmas, 1881, in-8°, (Bibl, Nat. 80. OI. 1113.) DE MARTONNE : Jehan de Béthencourt, roi des îles Canaries, Ste-Menehould, 1851; br. in-12. SABiN BERTHELOT : Antiquités canariennes. Paris, Plon, 1879, in-4, 23 fr. (Bibl. Nat. 4°, OI. 1003.) Fr. Keisez : Die Urbewohner der Canarien. Strasbourg, 1887, in-8°. (Bibl. Nat. 8°. 6. Str. méd. 122.) Lasarp : Le lingage sifflé des Cannries, extrait du Bul- lelin de la Société anthropologique, Paris, 1892. Madère. Deçrr Azerzz1 : Madère, guide pratique. Zurich, Orell, 1891, in-16. Deer AzgiZz1: Siv mois à Madère. Tour du Monde. Paris, Hachette, 1889,2 livr., 1 fr. ManteGazea: Une journée à Madère, trad. par Me Thiry. Paris, Reinwald, 1882, in-16, 2 fr. J. Y. Yate : Maderwra, üs climale and scenery. A Hand- bonk, 3° édit. Londres, Dulau, 1885, in-8°, (Bibl. Nat. 8°. Oy. 213.) } E. M. Taycor : Madeira, its scenery and how to see il. (Map of th: island and plan of Funchal.) Londres, Stanford, 1882, in-8°, (Bibl. Nat. 8°. Oy. 191.) Marsa : Holiday wanderings in Madeira. Londres, Low, 1892, in-16. (Bibl. Nat. 89, Oy. 245.) LanGerHans : Handbuch für Madeira. Berlin, Hirschwald, 1885, in-8°, (Bibl. Nat. 8°. Oy. 206.) V. — Maroc. RecLus : Géographie universelle. L'Afrique septentrionale 2° partie (Maroc). Paris, Hachelle, 1886, in-8e, 30 fr. Frirscn : Le Maroc. Géographie. Organisation politique. Paris, 1895. D' A. Mancer : Le Maroc. Voyage d'une mission francaise à la cour du sultan. Paris, Plon, 1885, 4 vol. 11-80, Lupovic pe Camrou : Un empire qui croule. Le Maroc con- temporain. Paris, Plon, 1886, 1 vol. in-8°. P. ScuneLz : L'Atlas marocain (trad. par À. Bernard), Paris 1898. J. Dazron Hooker et Jon Bazz : Journal of a tour in Moroc-o and the Great Atlas (contient un appen- dice sur la géologie). London, Mac Millan, 1878. Taouson : Travels in the Atlas and Southern Morocco. A narrative of exploration. London, 1889. Erckmanx : Le Maroc moderne. Paris, 1885. AuGusTe MouuiÉras : Le Maroc inconnu. Vingt-deux ans d'explorations de 1872 à 1892. Paris, J. André. Gusrave Wozrrom : Le Maroc : Elude commerciale et agricole. Paris, Dupont, 1893; broch. in 8°. Bacansa : Voytge de Mogador à Maroc uu point de vue botanique. Bull. Soc. Géogr. Paris, 4867. J. LeccerQ : De Mogador à Biskra : Maroc et Algérie. Paris, Challamel, 1881, in-12, 3 fr. 50. Pierre Lort : Au Maroc. Paris, C. Lévy, 1890, in-12, 3 fr. 50. L. Howanro Vyse: A Winter in Tangier and home through Spain. londres, Hatchards, in-8°. (Bibl. Nat. 8°, 02j.95.) 130 GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME L'ÉTAT ACTUEL DE PREMIÈRE PARTIE : LES MOTEURS I. — HISTORIQUE. Si la bicyclette, celte reine de notre fin de siècle, conserve pour ses applications journalières un domaine qui lui semble définitivement acquis, elle est en passe de se laisser détrôner dans la préoc- cupation publique par cet autre engin de locomo- tion, autrement puissant, mais auquel elle peut se vanter d'avoir préparé les voies, l'automobile. Effec- tivement, il serait difficile de lrouver une invention qui ait excité plus que cette dernière l'intérêt gé- néral : hommes du monde, industriels, ingénieurs rivalisent de zèle, ou tout au moins de curiosité, à son endroit. Une explosion aussi soudaine de sympathies pourrait faire croire que l'automobilisme est une chose loute nouvelle, sans passé d’aucune sorte. Il n’en est rien. Dès 1769, Cugnot avait réalisé son fardier à vapeur, dont l'unique roue d'avant, direc- trice et motrice à la fois, était actionnée par deux cylindres verticaux à simple effet : ce véhicule trans- porta, parail-il, jusqu'à 2,5 tonnes, à la vitesse de 5 kilomètres à l'heure, mais en s’arrêlant chaque quart d'heure pour renouveler sa provision d’eau et de vapeur. En 1821, Griffith construisit une diligence à vingt places, dont les roues d’arrière étaient mises en mouvement par deux pistons à vapeur; plusieurs harnais d'engrenages permellaient de faire varier sa vitesse. Entre temps, le français Pecqueur inven- tait le différentiel, et l'anglais Akermann l'essieu brisé, dont nous verrons toute l'importance au point de vue automobile. Vers 1830, naquirent en Angleterre une véri- table pléiade de véhicules à vapeur : parmi eux celui d'Hancock, l'Autopsie, doté d’une chaudière à tirage forcé, el dont l’essieu d’arrière était, grâce à une chaine sans fin, aclionné par l'arbre d'un cylindre à vapeur vertical. L'essieu d'avant servait à la direction. Une vingtaine de voitures semblables, et même des trains emportant cinquante voyageurs, firent, pendant quelques années, un service public dans diverses directions autour de Londres, par- courant jusqu'à 24 kilomètres à l'heure. La nouvelle locomotion semblait avoir acquis droit de cité chez nos voisins, quand des accidents regrettables furent contre elle l'occasion d'une vé- rilable levée de boucliers, qui aboutit, en 1836, au vote par le Parlement du LZocomotive Act. Des droits énormes élaient élablis sur les tarifs des transports L’'AUTOMOBILISME par automobiles ; leurs roues, qui, depuis la mise en relief par Stephenson de l'efficacité de l'adhérence, n'étaient plus munies de pointes ni de dentelures, élaient astreintes, sous le fallacieux prétexte d'em- pêcher la détérioration des routes, à ure largeur de jantes démesurée; les voitures devaient être précédées d’un homme marchant au pas et agilant un drapeau rouge. Cela équivalait à la prohibition; et de fait, jusqu'au 15 août 1896, date toute récente de l'abrogation du Locomotive Act, il ne circula plus en Angleterre que quelques locomotives routières. C'est en France que l'idée automobile devait re- naïîlre. Déjà, en 1862 Lenoir, en 1870 Ch. Ravel avaient essayé d'appliquer à la propulsion des véhicules le moteur à gaz, quand, en 1873, A. Bol- lée construisit l'Obéissante. Cette voiture, dans la- quelle douze voyageurs pouvaient prendre place, était munie d'une chaudière Field et de deux pis- tons à 45° agissant sur l'essieu d’arrière; la direc- lion en était facilement assurée par l'avant-train à deux pivots, que M. A. Bollée venait d'imaginer. En 1880, une voiture plus perfectionnée sortait des ateliers du Mans, qui couvrait 1.200 kilomètres en 90 heures; c'était La Nouvelle, celle-là même qui devait faire en 89 heures 50 minutes la course restée célèbre de Paris à Bordeaux et retour, se classant 9° sur les 33 voitures inscrites, parmi les- quelles ne figurait aucune autre voiture à vapeur. En 1888, M. Serpollet applique son nouveau gé- néralteur à un tricycle, puis à une voiture à quatre places, qu'on à pu voir circuler dans Paris. En 1889, MM. de Dion, Bouton et Trépardoux expo- sent une voiture à vapeur, et, en 1893, créent leur tracteur, capable de remorquer, à une vitesse pou- vant aller jusqu'à 48 kilomètres à l'heure, telle voi- ture qu’on veut lui atteler. Peu après, viennent M. Le Blant avec son trac- teur, M. Scotte avec son train routier : la vapeur à définitivement conquis sa place dans la traction automobile. L'essence de pétrole, base du brevet pris le 12 février 1884 par MM. Delamare-Deboutteville et Malandin, n'a élé réellement appliquée qu'en 1885 par l'allemand Daimler, et, en 1886, par Benz. L'emploi n'en est devenu courant que gràce aux ellorts féconds de MM. Levassor et Panhard, con- cessionnaires en France des brevets Daimler. L'élude de ses progrès n'est pas encore de l'his- loire, mais bien de l'actualité au premier chef, puisque les glorieuses élapes en sont marquées GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME 131 par le Concours du Petit Journal (1894), dû à la féconde initiative de M. Pierre Giffard, les courses de Paris-Bordeaux (1895), Paris-Marseille (1896), Paris-Dieppe (1897), Paris-Amsterdam (1898). L'électricité était entrée en scène un peu avant le pétrole : en 1881, pendant que M. Raffard pro- cédait aux premières expériences dont aient élé l'objet les tramways à accumulateurs, M. G. Trouvé construisait un tricycle, actionné par un de ses pelits moteurs, qu'alimentaient six accumulateurs Planté. En 1882, M. Ayrion essaya un tricycle ; en 1887, MM. Wolk une voiture à trois roues et à deux places; en 1888, M. Immisch un dog-cart à quatre roues. En 1893 apparut le phaéton de M. Pouchain, en 1894 celui de M. Jeantaud. Le Concours de fiacres vient de consacrer la possibilité de la voi- ture électrique pour les services urbains. IT. — DivERS MODES D'ÉNERGIE APPLICABLES A LA LOCUMOTION AUTOMOBILE. Vapeur, pétrole, électricité sont donc jusqu'à aujourd'hui les seuls agents qui aient été appliqués à la propulsion des véhicules sur routes. On peut se demander, en voyant les services que rendent, par exemple, les gaz comprimés et l'eau chaude pour la traction des tramways, si les trois agents ci-dessus ne pourraient pas, dans la locomotion sans rails, être avantageusement supplanlés par d’autres. C'est la question que s’est posée M. Marcel Deprez', et à laquelle il a fort nettement répondu. I1 est évident quil faut, toutes choses égales d’ailleurs, donner la préférence au corps dont la puissance spécifique est maximum, c'est-à-dire à celui qui, sous l'unité de poids, emmagasine le plus de kilogrammètres. Naturellement, il faut, dans ce poids, comprendre celui des accessoires indispensables au fonctionnement de l'élément : tel le poids du réservoir contenant l'air comprimé. Or, l'eau chauffée, comme par M. Francq, à 200° sous 15 almosphères, ne représente que 1785 kilo- grammètres utiles par kilogramme ; l'air comprimé, comme par M. Mekarski, à 45 almosphères, n’en donne, comme travail indiqué au récepteur, que 1597, alors qu'un kilogramme de pétrole fournit couramment, disponibles à la jante des roues, plus de 200.000 kilogrammètres?. Les gaz liquéfiés ont, Conférence à l'Automobile-Club de France. Génie civil, 20 février 1897 et nos suivants. ? M. Deprez donne un chiffre beaucoup plus fort, soit 150.000 kilogrammètres, qui correspond à une consommation d'environ 1/2 litre d'essence par cheva!-heure. Or,les essais furt méticuleux, auxquels ont été soumises à Chicago les voilures qui ont pris part à la course du Times Herald, ont donné une consommation moyenne de 2 litres 5 d'essence par cheval-heure effectif mesuré aux jantes. Bien que, de- puis trois ans, celte consommalion se soit abaissée, elle comme les gaz comprimés, l'inconvénient de né- cessiter des réservoirs très lourds; en outre, ils ne possèdent pas, à beaucoup près, une chaleur de vaporisation comparable à celle de l'eau, qui, pour cette raison, leur est préférable au point de vue de l'emmagasinement de la chaleur à transformer çn travail. Notons, en passant, la conclusion à laquelle arrive M. Deprez, à savoir que, dans le cas où la nécessité de s'occuper de la conduite du feu n'est pas un obstacle absolu (et nous verrons que la suppression de cette conduile est chose à peu près réalisée par M. Serpollet avec le pétrole lampant), la vapeur doit l'emporter sur l'essence de pétrole, tant au point de vue de l'économie qu’à celui de la puissance spécifique, la gazoline gardant sur la vapeur la supériorité de la longueur des étapes possibles sans ravitaillement. On s’est demandé aussi si on ne pourrait pas sub- slituer à l'essence de pétrole, l'alcool; la chose au- raitle double avantage desupprimer l'encrassement des cylindres el la mauvaise odeur de la gazoline, el de remplacer un article importé par un produit nalional, dont la consommation pourrait indem- niser l'agricullure des pertes que l’automobilisme pourra lui infliger en diminuant l'élevage du che- val et la culture des grains et des fourrages. Pour élucider la question, la Société d'Agriculture de Meaux a chargé M. Ringelmann de procéder à des expériences ‘ : elles ont montré que, pour obtenir le même travail industriel, il faut consommer de 1,5 à 2,3 fois plus d'alcool que d'essence, et que, pour lutiter économiquement contre cette dernière, l'hectolitre d'alcool dénaturé ne devrait pas dépasser le prix de 31 francs. En outre, la carburalion de l'air avec l’alcool présente un dan- ger conslant d'incendie. L'acélylène ne sera pas non plus, jusqu'à nou- vel avis, malgré son grand pouvoir calorifique (11.700 calories par kilogramme, au lieu de 10.000 pour le pétrole), le succédané de la gazoline : son coùt est, pour le même travail, deux fois plus élevé que celui de l'essence, et son emploi impli- querait soit l'inslallation sur la voiture d’un gazo- gène et d’un réservoir, soit le transport de réci- pients pleins d'acétylène gazeux ou dissous, ou d'acétylène liquide réputé (rès malfaisant. Ainsi, nous ne trouvons pas jusqu'ici d'autres agents pratiques que la vapeur, le pétrole et l’élec- tricité. Voyons dans quelles conditions on peut utiliser chacun d'eux. reste encore bien supérieure à celle admise par M. Deprez comme réalisable dans un avenir d'ailleurs plus ou moins lointain, 4 Académie des Sciences, 18 octobre 1891. 132 GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME III, — GÉNÉRATEURS DE VAPEUR. Les générateurs, pouvant être confiés à des chauffeurs d'occasion, élant toujours transportés par le véhicule automoteur, devant faire face à des besoins éminemment variables avec le profil de la roule, ont besoin d’êlre sûrs, légers et élasti- ques. On trouve chez ceux qui sont acluellement employés les caractères suivants : 1° pour éviter autant que possible les fumées, ils sont chauffés au coke ou au pétrole lampant; 2 presque tous ont leur lirage activé, comme celui des locomo- üives, par l'injection dans la cheminée de la va- peur d'échappement ; quelques-uns sont mème munis d’un souffleur, qu'on met en action s'il y a un coup de collier à donner; 3° ils fournissent une produelion rapide de vapeur. $ 1. — Générateur Scotte. C'est au type Field, déjà employé par A. Bollée, mais perfectionné pour assurer une circulalion el une vaporisation plus rapides du liquide, qu'ap- parlient la chaudière Scotte. Avec une surface de grille de 02,130, elle pèse 400 kilos à vide; elle contient 50 kilos d'eau, est timbrée à 12 kilos, nécessite 35 minutes pour sa mise en pression el alimente facilement un moteur de 16 chevaux. 2, — Chaudière de Dion-Bouton. Un Elle est d'un modèle tout nouveau, puissant et élastique sous un volume et un poids très fables. La légende qui accompagne la figure 1 en explique l'agencement. Pour la locomotion automobile, on la timbre à 14 kilos et on la fait de 5 à 35 chevaux, sans que sa hauteur dépasse 1 mètre et son dia- mètre 0,70. Voici les chiffres qui se rapportent au générateur employé pour l'omnibus à 16 voyageurs (moteur de 25 chevaux) et le tracteur de la Pauline à 40 places (moteur de 35 chevaux) engagés par MM. de Dion et Bouton, en 1897, dans le concours des Poids lourds : Surface de grille. Om? 418$ Nombre de tubes. . 500 Surface de chauffe . 5m? 60 Poids à vide, ., ,00 kilos — de l'eau. 60 — — du coke . ce: P à AT RDS: 20 — Eau vaporisée à 14 kilos de pression, par kilo de coke . e TT COR or à 6 — Eau vaporisée à 14 kilos de pression, en une heure . 350 — Temps nécessaire pour la mise en pression, 30 minutes. $ 3. — Générateur Serpollet. C'est lui qui est appliqué avec tant de succès, depuis quelques années, à la traction de certains tramways parisiens : effectivement, ses avantages le rendent éminemment propre à la locomotion automobile !, Le générateur que M. Serpollet em- ploie pour ses voilures à 2 places, chauffé au pé- trole lampant, est représenté par la figure 2 : il est de forme rectangulaire avec carcasse de lôle à doubles parois, entre lesquelles se trouve un PL se A d ER | DE | EN | . > 1 l || A |A ER HZ) 4,12 Va s f À 4 A È ! ï = |. ni Er RAT \ G: TT Fig. 1. — Chaudière de Dion el Bouton (coupe verticale), — A,B, corps cylindriques, concentriques, à section annulaire; a, tubes en acier reliant les deux corps cylindriques: leur longreur ne dépasse pas vingt fois leur diamètre, afin d'éviter la frmation de poches de vapeur: b, tube central formant réservoir de coke au-d2ssus du foyer, pour n'avoir à s’ocçuper qu'a de longs intervalles de l'alimentation de ce dernier; ce, porte de chargement; c', boîte à fumée; 4, cheminée, recourbée pour déboucher en arrière et en dessous de la voiture, si celle-ci n’a pas de toit; /, dia- phrague interronpant {onte communication directe entre les parties haute et basse du corps cylindrique intérieur: e, serpenlin en acier où la vapeur se ‘lessche et même se surchauffe avant de se rendre aux cylindres; qg, ser- pentin en acier, où la vapeur d'échapp ment se sur- chautfe, de manière à sortir pr: sque invisible ‘ans l’atmo- sphère, après s'être mélangée avec les gaz chauds de la cheminée. Fonctionnement. — Les gaz de la combustion s'élèvent dans les intervalles laissés par les tuhes a, auxquels ils abandonnent ler chaleur. si bien qu'ils n'o:t plus, dans la boite à fumée, qu'une température de 2500 à 3000. L'eau, maintenue daus les corps cylindriques au-dessous du dia- phraguwe f, s'échauffe très vite dans les tubes. qui sont, des lors, le siège de courants très rapides emp ‘chant le: in-rus- tations. Par suite de la présence du diaphragme, toute la vapeur est forcée de passer dans l'un des luhes des deux rangées superieures (c'est par erreur que le diaph'agme f a été figuré immédiat-ment au-dessous de [a rangée su- périeure); elle commence à s'y sécher; elle achève de le faire dans les conduites, noyées dans la boite à fumée, et dans le serpentin e. bourrage en déchets d'amiante. Le fond amovible porte les 3 brûleurs (dont un seul est indiqué). 4 Nous les rappelons brièvement : 10 il supprime tout danger d’explosion, par la petitesse de sa capacit: intérieure (1 litre pour 25 chevaux), si bien qu'il est dispensé de tout appareil de sécurité ; 20 il offre une grande élasticité de fonctionnement par suite de la proportionnalité qu'il établit de facon presque instantanée entre la force à développer et la quantité d'eau injectée et vaporisée ; 30 par la surchauffe qu'il donne à la vapeur, il la rend presque invisible à l'échap- pement. GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME 133 L'eau se réchauffe dans le serpentin du bas, en tubes ronds G, qui entoure la chaudière de combus- tion, se vaporise et se sèche dans les 4 étages de tubes torses, et se surchauffe en redescendant dans les tubes ronds qui sont au-dessus. Le pointeau, qui, dans les générateurs Serpollet ordinaires, préside à la distribution de l’eau, n'existe pas dans celui-ci : elle est injectée dans la chaudière, de même que le pétrole est envoyé aux 0,279 de large, 0",534 de haut, & une surface de chauffe de 0%?,92, et alimente un moteur de 4 che- vaux. Il suffit de 8 à 10 minutes pour l'amener à la pression de 10 kilos, à laquelle elle marche ordinairement; on peut la pousser jusqu'à 16 kilos. $ 4. — Chaudière Le Blant. Après avoir employé un générateur Serpollet du premier type légèrement modifié, M. Le brûleurs, par une pompe. Blant a fait breveler, en 1896, une Les deux pompes(lig.3) chaudière in- explosible à ont leurs pis- pression va- tons mus par un même le- riable, dans laquelle les vier, articulé avec un autre tubes d'acier, pluslongsque dont l’'extré- mité est cons- lituée par un curseur : ce dernier est . mobile dans une coulisse, - qui reçoit un ceux de M. Serpollet, ont unesection annulaire in- déformable, un diamètre constant à l’intérieur, mouvement . d'oscillation . du moteur de la voilure; sa position, que - Je chauffeur fait varier à mais d'autant plus grand à l’extérieur que les tubes sont plus rap- prochés du foyer. Une sa guise, règle les courses des pistons et proporlionne | ja chaudière de 15 mêètrescar- rés de surface de chauffe, l’alimenta- tion des brû- leurs et de la chaudièreà la demande du moment. Quand le curseur est au point mort de la coulisse, le pétrole n'arrive que par suite d’une faible difré- rence de niveaux aux brûleurs, qui se mettent ainsi automaliquement en veilleuse; de la sorte, on n'a plus à craindre les coups de feu que prenaient trop souvent les tubes pendant les arrêts, ou pendant - les parcours effectués sans force motrice, quand ils conlinuaient à être soumis à l'action du foyer - sans être refroidis par un courant d'eau. - La chaudière représentée, de 0,412 de long, Fig. 2. — Généraleur Serpollel chauffé au pétrole lampant (coupe verticale). — H, porte de surveillance des brûleurs; |, masque en tôle doublée d'un carton d'amiante, qui empéche le rayonnement et le refroidissement des raccords; G, tubes du générateur; K, chapeau percé d'une ouverture (invisible ici), par laquelle les gaz de la combustion s'échappent par la cheminée. timbrée à 100 kilos, pèse à vide 2.000 ki- los, alimente un moteur de 20 à 30 che- vaux, et peut, parait-il, avec un réservoir d'eau chaude qui emmagasine la vapeur en excès lors des descentes et la rend pendant les montées, don- ner pendant un moment une force de 60 che- Vaux. Il n'est exigé, pour cette chaudière, par le con- trôle des mines, ni manomètre, ni soupape de sûreté, ni niveau d'eau : la circulation dans Paris lui est permise, comme elle l'est aussi au générateur Serpollet, GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L’AUTOMOBILISME 4 $ 5. — Chaudière Weidknecht. Elle est du type multitubulaire, à foyer intérieur, à chargement automatique, avec surchauffeur. (fig. 4et5). Une chaudière de 0"?,27 de surface de grille, de 6 mètres carrés de surface de chauffe, timbrée à 15 kilos, alimente facilement un moteur de 20 chevaux. $ 6. — Chaudière Valentin. L'eau circule dans l'espace annulaire très petit que comprennent entre eux deux tubes de fer con- centriques. Les flammes passent à l'intérieur du petit comme à l'extérieur du grand. L'eau est injec- lée par une pompe. Le combustible glisse automa- 4 ils ont été proposés sous la forme rotative, si ten tante pour la propulsion d’une voiture, par Gau= thier et Wehrlé, Filtz, Ghersi, P. Arbel et d’autres inventeurs ; la Compagnie générale des Automo= biles est en train d'appliquer à un omnibus le mo= teur rotatif Gérard. Mais jusqu'ici ils n'ont élés réellement employés que sous la forme alterna-s tive, à cylindres fixes, à simple ou double expan- sion. 5 Nous allons rapidement passer en revue les prin=" cipaux types de ces moteurs. =] = =] Lo] cn L°] Ft = Pim © Fig. 3. — Pompes d'alimentalion en pétrole et en eau du générateur Serpo'let (élévation). — A, B, pompes à plongeur à pétrole et à eau, dont les pistons sont commandés, au moyen de biellettes, par le levier C, articulé en c. Les dis- tances des articulations 4, b, c, et les sections des pistons sont calculées de facon que les quantités de pétrole four- nies par À soient exactement celles nécessaires pour vaporiser et surchauffer les quantités d'eau fournies par B. Pour assurer ce résultat, la vis molettée D, agissant sur le curseur E, permet de déplacer l’articulatiou b le long du levier C. Pour proporlionner le débit des pompes aux besoins de la voiture, le levier G est articulé avec la bielle K, dont l’autre extrémité porte le curseur L, qui peut ceulisser le long des deux flasques du balancier M. Ce balancier, qui oscille sur les tourillons w, recoit son mouvement d'un excentrique calé sur une pièce tournante de la voiture. L'’amplitude des oscillations de ce balancier est constante; mais la bielle P, commandée par le conducteur, permet de faire varier le point d'attaque du curseur L et, par suite, la course des bielles et des pistons des pompes. liquement sur une grille inclinée; le tirage s'effectue par une cheminée très courte, sans être aidé par l'injection de la vapeur d'échappement; celte der- nière est, en effet, condensée dans un réseau de tubes à ailettes et réemployée dans la chaudière. IV. — MOTEURS A VAPEUR. Comme ces moteurs présentaient naturellement les caractères de simplicité, de sûreté, d'élasticité, et, abstraction faile de la chaudière, de légèreté que requérait l'usage automobile, on n'a pas eu à es modifier pour les y appliquer. Ils avaient été essayés, en 1868, par Ravel sous la forme oscillante ; $ 1. — Moteur Scott. Type pilon, à deux cylindres verticaux, à double effet; la distribution et le changement de marche se font par le jeu ordinaire d’excentriques et de coulisses, permettant l'admission pendant 70°}, de la course motrice ; le nombre de tours normal est de 400 par minute. Le moteur de l'omnibus, qui a pris part au concours des Poids lourds, de 14 che- vaux de force, a des cylindres de 0",110 d'alé- sage et une course de 0*,115 pour ses pistons, un poids de 270 kilos. Ceux des trains de voyageurs et de marchandises ont chacun une force de 46 che- vaux, un diamètre de 0,115, une course de 0%,120, un poids de 300 kilos. | } GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME $ 2, — Moteur de Dion-Bouton. Type Compound, à deux cylindres horizontaux, dont les manivelles sont calées à 90°; une valve spéciale, appelée dépiqueur, permet, quand on veut donner un coup de collier, d'admettre directement la vapeur dans le grand cylindre. Distribution par coulisse Walschaërt, permeltant de faire varier l'admission, qui est normalement de 75 °/,. Toutes les pièces en mouvement sont enfermées dans un carter en fonte, qui lui sert de bâti; le graissage se Fig. 4. Fig. 4 et 5. — Chaudière Weidknecht (coupes verlicales). — La grille est formée de deux parties, celle d'arrière fixe, celle d'avant mobile, par un Jeu de levier à bascule qui permet, par son abaissement, de jeter le feu en partie, pour nettoyer le foyer. L'ensemble est incliné, et le com- bustib'e y arrive, graduellement, de la hotte de chargement Fig. 5. disposée à l'avant de la chaudière : un regard permet de häter sa chute. fait par simple barbotage. Voici quelques chiffres relatifs aux deux moteurs du concours des Poids lourds : OMXNIBUS TRACTEUR Diamètre du petit cylindre, Om,100 Om 115 — du grand cylindre . Om,150 Om,105 - Course du piston. . . . . CE Sd 0m,110 0w,170 Consommation par che- ) encoke, 1.500 kilos 1.500 kilos val-heure à la vitesse ? de 18 kilour. à l'heure. \ en eau. 9 litres 1 litres Puissance à 680 tours par minule. 25 chevaux 35 chevaux Taux de détente dans le grand cy- lindre. . na ny CRE 75 75 Poids du moteur et des transmis- sions {carter compris) . 800 kilos 920 kilos $ 3. — Moteur Serpollet. Il se compose de quatre cylindres, ordinairement horizontaux, à simple effet, venus de fonte deux à deux et disposés de chaque côté d’un carter en aluminium, qui porte la boile à cames. Les quatre bielles attaquent l'arbre moteur par deux mani- velles à 90°, de telle facon que cet arbre se com- porte comme s'il élait commandé par une paire de pistons à double effet. L'admission se fait par des soupapes qu'une combinaison des cames, porlées par un arbre qui recoit son mouvement de l'arbre moteur, par l'intermédiaire d'une paire de roues dentées égales, ouvre en temps utile. Le mouve- ment longitudinal des cames suffit à faire varier l'admission de 0 à 80°/,. L'échappement a lieu par des lumières qui découvrent les pistons quand ils arrivent à 90 °/, environ de leur course ulile. Il n'y a ni presse-étoupes, ni tiroir glissant diffi- ciles à conserver étanches, à graisser et à préserver du grippage. Tous les organes en mouvement sont enfermés dans des boîtes, à l'abri de l'air et de la poussière. Ce moteur, qui peut tourner très vite, a une consommalion très réduite : deux cylindres de 80 millimètres de course et autant d'alésage, développant environ 4 chevaux à 510 tours, ne dépensent pas 10 kilos de vapeur surchauffée par cheval-heure. M. Serpollet a fait jusqu'à des mo- Leurs de 15 chevaux, comme celui qui actionne son nouvel omnibus à 16 voyageurs avec bagages. $ 4. — Moteur Le Blant. Deux cylindres horizontaux de 170 millimètres d'alésage, de 180 millimètres de course; admission, par tiroirs cylindriques équilibrés, variable, grâce à une coulisse Walschaërt, de 10 à 80°/,. Vilesse normale, de 180 à 200 tours par minute. Il pèse 450 kilos et donne 15 à 20 chevaux, exceptionnelle- ment 30. Le moteur de 20 à 30 chevaux, pouvant en fournir jusqu'à 60, a des cylindres de 200 milli- mètres d'alésage et 220 millimètres de course. $ 5. — Moteur Bourdon et Weidknecht. Après avoir appliqué le système compound, avec un moteur à trois cylindres, ces constructeurs sont revenus à la simple expansion : deux pistons de 125 millimètres de diamètre et 125 millimètres de course, à 350 tours par minute, donnent une force de 20 chevaux. V. — MOTEURS A ESSENCE DE PÉTROLE. L'essence en question est la gazoline, ce produil de la distillation du pétrole brut, qu'on recueille entre 70 et 1209, dont la densilé varie de 0,690 à 0,740. La meilleure est celle dont le poids spé- 136 GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME cifique est 0,700 à 15°, qui bout à 90°. L’essence a le double inconvénient de coûter un peu plus cher que le pétrole lampant et de présenter une volali- lité qui, dans les manipulations, constilue une menace réelle de dangers. Elle lui est préférée pour trois raisons : elle n’encrasse que fort peu les cylindres : elle ne donne guère de ratés dans l'in- flammation du mélange carburé ; la préparation de celui-ci est, avec elle, fort simplifiée. $ 1. — Carburateurs. Le mélange se fait dans des appareils appelés carburateurs. Si à 1 volume de vapeur on ajoute 8 à 10 vol. d'air, on obtient un gaz riche, qui brûlerait sans exploser. Il faut, pour avoir un mélange ton- nant, ajouter à ce gaz riche encore 9 à 10 volumes d'air. Dans la plupart des carburateurs, on re- trouve ces deux échelons pour la dilution de la Fig. 6. Fig. 7. Fig. 6 et T. — Carburaleur de Dion-Boulon (coupes vertica- les) — 1], cheminée d'entrée d'air; L, plaque de laiton obli- geant l'air à léch r la surface de l'essence. L'ens-mble de ces deux pièces se déplace verticalement pour suivre le niveau variable de l'essence. A, robinet permettant de régler les proportions d'air carburé, arrivant par a, et d'air pur entrant par b. Le mélange pénètre par le fond ‘dans le robinet B, qui l'envoie, par l'ouverture € et le tube qui lui fait suite, en quantité convenable au cylindre. Les robinets A et B sont manœuvrés, à l'aide de levier<, pr de petites manettes placées sur le tube supérieur du cadre. vapeur d'essence, partant deux enlrées pour l'air. La préparation du gaz riche se fait par l’évapo- ration de l'essence au contact de l'air, évaporation parfois aidée, surtout en hiver, par la circulation autour du liquide d'une partie des gaz de l'échap- pement ou de l'eau qui a refroidi le cylindre. Le contact des deux fluides est obtenu, soit en faisant barboter l'air dans le liquide, soit en l'amenant simplement à lécher l'essence, soit en soumettant celte dernière à une division préalable. 1. Carburateurs à barbotage.— Ts ne sont plus très employés : ils demandent beaucoup de place, et ne donnent un enrichissement uniforme qu'à la condi- niveau constant et d'être vidés ion d’avoir un aussitôt que le liquide en est sérieusement appau- vri. Cependant leur extrème simplicité les à encor fait conserver par de très bons constructeurs comme M. Delahaye. 2, Carburateurs à simple léchage. — Plus nom breux que les précédents, dont ils partagent les qualités et les défauts, à cela près qu'ils peuven plus facilement se passer de la constance du nivea el qu'ils sont peut-êlre plus encombrants. Ce der: nier défaut n'existe pas dans le carburateur de MM. de Dion et Bouton (fig. 6 el 7), parce que, dans leur tricycle, il sert de réservoir d'essence. A 1 Fig. 8. — Carburaleur Daimler-Phénix (coupe verticale). — L'essence arrive du réservoir principal par N, traverse la toile métallique O, sur laquelle restent les particules solides qu'elle peut contenir, et, par C, pénètre dans le récipient A. Dès qu'elle y a atteint le niveau de la partie supérieure de l'ajutage J, par lequel elle arrive dans la chambre Il, le flotteur B soulève les contrepoids E, et lu tige D. n'étant plus soutenue, colle sur son siège la sou- pape C: l'arrivée de l'essence est interrompue. Le liquide affleure done constamment le niveau supérieur de l'aju- taze J. Lorsque l'aspiration du cylindre se fait sentir en M, un courant d'air arrive par F et l'essence jaillit en J. Les deux jets se brisent contre le champignon K et se mélangent intimement. La lanterne L permet d'admettre une proportion variable d'air pur, d stinée à amener exactement le mélange au dosage voulu. même classe appartiennent les carburateurs Ten- ting et Benz. 3. Carbüurateurs à pulvérisation. — Ce sont, et fort justement, les plus employés à l'heure actuelle. Ils ont l'avantage d'être moins volumineux que les autres, de produire une carburation plus uniforme, et de ne pas laisser de résidus inülilisables, car l'essence est vaporisée. intégralement, à mesure EE — GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME 137 qu'elle est amenée au contact de l'air. Ils ont l’in- A. Carburaleurs mixtes. — Nous n'avons pas convénient d'être plus délicats, et souvent de né- cessiler : au départ, de l'air chaud, que, sur les voitures à allumage électrique, il n’est pas com- mode de se procurer ; en route, après un arrêt un peu long, la purge des tuyaux pour les débarrasser de l'essence froide; mais les pertes de liquide qui en résultent ne sont pas à comparer avec celles qu'occasionne la vidange fréquente des carbura- teurs des deux premières classes. La figure 8 représente le carburateur Daimler- Phénix, qui fonctionne très bien et dont une lé- TT ne Le > Fig. 9. — Carburateur Peugeol (coupe verlicale). — e, arri- —. vée de l'essence; à, flotteur; d, aiguille pouvant obturer le canal d arrivée de l'essence: c, e, leviers à contrepoids; 0, ajutage de jaillissement de l'essence; /, bouchon de pulvérisation. L'air arrive, chauffé par les brûleurs, sui- vant une direc'ion perpendiculaire à celle du jet d'essence. f, toile métallique qui retient les parties d'huile non « vaporisées et aide au brassage du mélange; », robinet d'air froid; m, tubulure conduisaut le mélange aux cylindres; n, diaphragme réglant l'arrivée d'air chaud, gende explique le mécanisme. Le carburateur Bollée, le carburateur Peugeot (fig. 9), le carbu- -rateur Longuemare (fig. 10 et 11), et, jusqu'à un certain point, le carburateur Mors, ont un principe B analogue. - Viennent ensuite d'autres carburateurs à pulvé- “risalion, mais sans réservoir auxiliaire d'alimenta- “lion, tels les carburateurs Lepape (fig. 12 et 13), “Chauveau, Gauthier-Wehrlé', Bouvier-Dreux, elc. “… 1 Locomotion aulomobile, 20 janvier 1898, p. 37, et 27 mai D p. 242. . besoin de dire que certains types participent des caractères des trois classes. Nous citerons le car- burateur P, Gauthier, qui utilise à la fois le lécha- ge, le barbotage et la pulvérisation. $ 2, — Moteurs sans carburateur. Dans quelques rares moteurs, la carburation n'est pas confiée à un organe spécial : le moteur Kane Pennington est dans ce cas. Pendant l'aspi- ration, l'essence tombe sur un fil métallique, en forme de spirale, placé dans la partie supérieure Fig. 10. Fig 10 et 11.— Carburaleur Longuemare (coupe verticale) eb robinet dosrur. — E, arrivée de l'essence; #, tige à poin- teau ; b et F, balancier et flotteur sphérique, destinés à assurer la contenance du niveau dans l'ajustage A, muni de rainures, pour la pulvérisation de l’essence ; B, arrivée de l'air chaud: R, robinet doseur réglant la proportion d'air froid introduite dans le mélange. du cylindre, et mis en dérivation sur le courant électrique chargé de produire l'allumage. Cette légère élévation de température suftit, dit-on, pour assurer la vaporisalion complète de l'essence. $3.— Carburateurs pour moteurs à pétrole lampant. Devant produire la vaporisation d'un liquide moins volatil que l'essence, ils ont ordinairement recours à deux adjuvants : la chaleur fournie par une lampe à pétrole (dont on peut parfois se passer, quand la chaleur donnée par le fonctionnement du moteur devient suffisante), el le jeu d'une pompe qui injecte à chaque instant la quantité de pétrole nécessaire (carburateurs Pygmée, Faure et Gibbon). 138 GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME $ 4. — Cycle adopté. qui est presque universellement employé. Il n’y a donc, par cy- lindre, qu'une course motrice sur quatre, c'est-à-dire pour deux tours de l'arbre à manivelle. Théo- riquement, le moteur à deux temps, donnant une course mo- trice par tour, serait plus ration- nel; mais sa réalisation difficile est un puissant obstacle à son emploi. Le type Benz, imaginé sous celte forme, ne se construit plus qu'à quatre temps. Il faut dire aussi que les moteurs em- ployés tournent couramment à 600 ou 700 tours (parfois même à 1.000 et 1.500), donnent par cela seul une très grande régularité : on est loin avec eux des résul- tats fournis par les 150 ou 200 tours initiaux de Daimler. D'ail- leurs, les moteurs à quatre temps consomment moins que les mo- teurs à deux temps. $S 5. — Distribution. L'admission du mélange car- buré dans les cylindres se fait le plus souvent par soupapes aulo- maliques, maintenues sur leurs sièges par des ressorts à boudin, et s'ouvrant sous l’action aspi- rante du piston. L’échappement est assuré par d'autres soupapes, que commandent des leviers et des cames montées sur un arbre, relié à l'axe moteur par un sys- tème d’engrenages Jui faisant faire un tour pendant que le pre- mier en fait deux. Ces règles souffrent cependant des exceptions. Ainsi, dans les moleurs P. Gautier, Roser-Mazu- rier, les soupapes d'admission sont manœuvrées mécanique- ment; dans le moteur Tenting, celles d'échappement le sont par un excentrique. $ 6, — Régulation. Divers moyens, que nous allons passer en revue, permettent de proportionner le travail du moteur aux besoins du moment. Quelquefois, comme dans le nouveau moteur Peugeot, un pointeau permet de n’admettre dans C'est le cyele de Beau de Rochas, à quatre temps, | le carburateur qu'une quantité d'essence propor Ÿ Fig. 13. Fig. 12 et 13. — Carburaleur Lepape (coupes horizontale et verticale). — à, arrivée de l'essence; S, soupape à ressort, que force à s'ouvrir le ca- pot C, à frottement très doux, quand il s'abaisse sous l'effet de l'aspiration produite par le piston du moteur; b, bouchon d'arrivée de l'essence; e, e, ouvertures permettant à la dépres- sion de se transmettre au capot, et à l'essence de descendre; f, lanterne entourée d'une toile métallique pour faciliter la pulvérisation de l'essence; E, arrivée d'air chaud; G, sortie de l'air carburé. Un robinet non repré- senté permet d'ajouter la quantité d'air convenable pour rendre le mé- lange détonant. tionnée à la force motrice qu'on veut développer. Beaucoup plus souvent, on fait varier le dosage du mélange € buré, soil par la proportion d'air admise dans le carburateur, soit plutôt par celle ullérieurement. ajoutée au mélange pour le ren dre explosif. On peut aussi faire varier la quantité de ce dernie introduite dans le cylindre. À côté de ces moyens, qui sont parfois combinés dans un mêmes moleur, on peut avoir recours à un véritable régulateur. Dans ces cas, on emploie presque toujours un appareil à force centrifuge agissant sur le mécanisme d'é-= chappement, de manière à empê= cher l'ouverture de la valve : les gaz provenant de l'explosion pré cédente restent dans le cylindre, l'aspiration d'un mélange frais, ne se fait pas, et la phase motrices du cycle est supprimée; c’esb ainsi que les choses se passent dans le Daimler et ses dérivés. Parfois cependant, le régulateur agit directement sur l'admission de manière à en étrangler, où mème à en empèécher l'ouverture : c'est le cas des moteurs P. Gau- lier, Daniel Augé, ete. $ 7.— Allumage du mélange explosif. Deux moyens se partagent las clientèle des constructeurs: l’étin-s celle électrique et le lube incan-4 descent. | Le premier offre les avantages" suivants : 1° il présente beaucoup» moins de chances d'incendie;. 2° ilne réchauffe pas la culasse du moleur; 3° il donneune inflam-. mation plus sûre du mélange quand l’étincelle jaillit bien dans” ce dernier; 4° il permet, par une" avance à l'allumage, de forcer, à. un moment donné, l'allure du. moteur’, 1 Le nombre d'explosions par minute est ainsi augmenté, En outre, comme la transmission de l'explosion dans le _ : È er GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME 13) L'allumage par tube est moins délicat et plus sûr. Comme, en outre, les brûleurs sont alimentés par la même essence que le moteur, on n’a pas avec eux à prévoir un renouvellement souvent peu commode de l'énergie nécessaire. L'étincelle électrique est toujours produite par une bobine de Ruhmkorff, dans laquelle le courant primaire est le plus ordinairement fourni par un aceumulateur, quelquefois par une pile. Dans les voitures Mors, après que la mise en train a été assurée par un accumulateur, une petite dynamo, aclionnée par le moteur, donne l'énergie nécessaire pour l'allumage en cours de route et le recharge- ment des accumulateurs, Le tube incandescent se fait en nickel, en porce- laine,plus souvent en platine. Il est disposé au fond de la cham- bre d'explosion. Après l’échap- pement, il reste dans ce fond, et dans le tube lui-même, une certaine quantité de gaz brûlés. Après l'admission des gaz neufs et pendant la compression, la fusion ne se fait guère entre les deux espèces de gaz et le mé- lange explosif n'arrive pas au contact du tube : ce n’est qu’à la fin de la compression que l'allumage se produit. Les brûleurs chargés de por- ter les tubes à l’incandescence sont de modèles divers : le brû- leur Longuemare, fort connu, est un des plus employés; la figure 14 représente le brûleur Bollée. Fig. 14, — Brüleur Bollée (coupe ver- ticale). — Le tube a, qui sert de sup- port à l'ensemble, est garni intérieu- rement d'une mè- che en coton, ne montant pas tout à fait jusqu'au haut, qui est for- mé par un cha- $ 8. — Cylindres. peau muni d'un très petit trou et entouré d'un man- chon perforé.Pour la mise en marche, on chauffe exté- rieuremenutle brû- leur. Sur le tube e d'arrivée de l'es- sence se trouve une cloche à air, qui amortit les mouvements de la colonne liquide, pendant la marche de la voiturette, On en emploie le plus ordi- nairement deux; cependant, pourles moteurs peu puissants, on peut se contenter d’un seul; quelquefois aussi on en assem- ble trois, comme MM. Roser et Mazurier, ou même quatre, comme M. Mors, Les cylindres sont horizon- taux ou verticaux. Dans le Daim- ler primitif, ils étaient dispo- sés de part et d’autre de la verticale, à 30° l’un mélange carburé n'est pas aussi rapide qu'on pourrait le croire, si l'inflammation se produit au moment où le piston est au point extrême de sa course, la combustion n'a pas le temps de se faire complète et la force expansive du mélange n'est pas intégralement utilisée. Elle l'est mieux quand l'allumage est produit un peu avant la fin de la période de compression. de l'autre, pour régulariser l’action du moteur en empêchant les points morts de correspondre aux mêmes positions des deux pistons. Ce dispo- silif a été abandonné comme compliquant la cons- truction sans profit réel pour la régulalion du mou- vement, qui est suffisamment assurée par le volant et la grande vitesse du moteur. Les vibrations des cylindres horizontaux ont, en marche, l'avantage de se composer avec le mouve- ment de la voiture; au repos, l'inconvénient de pouvoir, sur une rampe même faible, provoquer intempestivement le démarrage de la voiture. Mais le principal défaut de l’horizontalité est de donner lieu à une ovalisation et de nécessiter, de temps à autre, un alésage. Les cylindres verticaux sont plus difficiles à loger. $ 9. — Refroidissement des cylindres. Avec les vitesses qui sont devenues courantes, le refroidissement des cylindres est une question très imporlante. C'est le plus souvent au procédé clas- sique du courant d’eau, circulant autour de la chambre d’explosion ou mème de tout le cylindre, qu'on à recours. Le mouvement du liquide (parfois assuré simplement par les différences de densités qui se produisent dans le circuit, le cylindre élant disposé à la partie basse de ce dernier) est en général obtenu à l’aide d’une pompe spéciale. Ce procédé a le gros ennui de nécessiter de fréquents ravitaillements, surtout en été : dans beaucoup de voitures, il faut à peu près tous les 20 kilomètres remplacer le liquide évaporé. Pour combattre l'échauffement de l'eau, beaucoup de constructeurs la font très justement circuler dans des tubes ou serpentins : ceux de MM. Grouvelle et Arquembourg, munis de disques pour augmenter leur pouvoir radiant, sont très employés. Les pelits moteurs sont simplement pourvus d'ailettes, le plus souvent en fonte, faisant partie intégrante du cylindre. M. Diligeon active autour d'elles la circulation d'air frais, à l’aide d'un venti- lateur ; M. Lepape, grâce à l'aspiration que pro- duisent les gaz de l’échappement. Mais on peut se demander si le refroidissement obtenu sera suffi- sant pour les moteurs de 5 et 6 chevaux. Il semble à de bons esprits qu'au-dessus de 2 chevaux la cir- culation d’eau est nécessaire. $ 10. — Pistons et bielles. Les pistons, sans tige, sont très longs, de manière à se guider eux-mêmes; parfois un manchon creux les prolonge. Les bielles, directement fixées aux pistons, altaquent par leurs autres extrémités les vilebrequins de l'arbre moteur. MM. Roser et Mazu- rier fixent la bielle au piston par un ajustement à rotule. 140 GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME $ 11. — Mise en marche. La mise en marche du moteur s'obtient à l’aide d'une manivelle, qui permet d'imprimer quelques tours à l'arbre. À cet effet, cerlaines voitures sont munies d'un dispositif pour ouvrir la soupape d'échappement, afin de supprimer la résistance provenant de la compression du gaz se trouvant dans le moteur au repos. La manivelle est montée, au moment voulu, sur un arbre auxiliaire, disposé à l'arrière de la voiture ; il faut donc, après chaque arrêt du moteur (ne pas confondre avec ceux plus fréquents de la voiture), que le chauffeur descende de sonsiège pour le remettre marche. en $ 12. — Bruit et odeur des mo- teurs à pétrole. DT NET Qui dit bruit et odeur dit vi- brations parasi- tes et combus- tion délectueuse du mélange, par cela même mau- vaise ulilisation de l'énergie po- tentielle de l’es- sence.A ces deux points de vue, les moteurs à pé- trole laissent à Fig désirer. Nous re- viendrons plus lard, en parlant de la suspension des voitures, sur les moyens d'atténuer l'effet des trépidations sur les voyageurs. = Pour diminuer le bruit et la poussière que les gaz de l’'échappement soulèveraient s'ils venaient librement rencontrer le sol, on les envoie, au sortir du cylindre, dans un pot d'échappement ou silencer, ordinairement formé par un cylindre horizontal, ne communiquant avec l'air extérieur que par un tube percé de petits trous. Quant à l'odeur, on ne fait rien pour la suppri- mer et diminuer la trainée fâcheuse que laisse après elle toute automobile à pétrole; c'est un tort. Déjà quelques appareils ont été proposés dans ce but, qui restent inappliqués : Lel cetui de M. Che_ valet, composé de quelques anneaux scrubbers, analogues à ceux des usines à gaz, remplis de frisons de menuisier, mieux avec de l'huile. arrosés avec de l'eau ou £. 15 et 16. — Vues extérieures du moteur Daimler-Phénix. — La figure 17 en donne une coupe schématique. $ 13. — Consommation. On n’a malheureusement pas fait d'expériences systématiques pour fixer la consommation des divers moteurs. Les chiffres donnés par les cons- tructeurs, sans l'indication précise de la qualité d'essence employée et surtout des conditions dans lesquelles le moteur a travaillé,ne sont pas compa- rables entre eux. Ceux que nous reproduirons dans la suite ne devront être admis que sousle bénéfice de ces observations. Nous pouvons cependant dire que la consommation par cheval-heure oscille de O lit. 450 à 0 lit. 900 d'essence !. VI. — Descrie- TION DES PRIX- CIPAUX TYPES DE MOTEURS A PÉTROLE. Maintenant que nous avons analysé les di- vers organes dont se compo- sent les moteurs . à essence, il nous sera facile de faire, en quel- ques mots, la synthèse deleurs . principaux {y- pes, en commen- cant par le mo- teur Daimler, qui a ouvert la voie à tous les autres et qui à dernièrement recu d'importants perfec- tionnements de MM. Levassor et Panhard *. $ 4. — Moteur Phénix-Daimler. Dans le Phénix-Daimler actuel, on ne retrouve plus l'inelinaison des deux cylindres par rapport à la verticale, ni les soupapes placées dans les pistons, et qui, soulevées par les fourchettes à la fin de la ! Jusqu'ici, on a cherché à réaliser des moteurs simples et d'un fonctionnement sûr, plus qu'on ne s'est préoccupé de la dépense. À mesure que se perfectionnera la construc- tion automobile, on recherchera davantage l'économie du moteur. 2 Pour éviler les redites inutiles, il sera entendu qu'à moins de slipulation contraire l'admission se fait par sou- papes automatiques, et l'échappement par soupapes que commandent des leviers et des cames, celles-ci montées sur un axe tournant deux fois moins vite que l'axe moteur; que, s'il y a uno régulateur mécanique, c'est un appareil à force | centrifuge, agissant et maintenant fermées les soupapes d'échappement ; que les cylindres sont reïroidis par un cou- rant d'eau maintenu en circulation par une petite pompe rotative. GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME 1 = _ course, permettraient d'opérer dans chaque cylin- $ dre une chasse d'air pour balayer les produits de la combustion ; à cet effet, la boîte renfermant le mécanisme formait réservoir d'air comprimé ?. Le Phénix-Daimler, dont les figures 15 et 16 don- nent deux vues extérieures et la figure 17 l’installa- tion sur une automobile, se fait avec 2 ou 4 cylindres verticaux accolés deux à deux ; dans le moteur à % cylindres, un seul groupe travaille dans les endroits faciles du parcours ; quand toute la puis- sance devient utile, un dispositif très ingénieux 2. — Moteur Peugeot. | Le nouveau moteur Peugeot se compose de deux cylindres horizontaux, dont les pistons attaquent E 7 DIIZLIZZ ZIZZZ CA j ————— — ZTL2LILA D — "7 ml. Fans ñ U | = LL: 4 : M= 7 dl {II (© c î Fig. 17. — Installalion du moteur Daimler-Phénix sur une automobile. — À, cylindres; B, arbre moteur; C, engre- nage de retard; D, arbre distributeur ; E, E' cames comman- dant par les tiges S, S'les soupapes d'échappement; F, vi- role consistant en uue partie cylindrique suivie d'une came ; elle est montée sur l'arbre D et peut glisser le long de cet arbre, sous l'action du régulateur à force centrifuge (également monté sur l'arbre D, mais non représenté dans Ja figure); quand la virole F occupe sa position normale, les tiges S, S! sont actionnées par des talons d'enclenche- ment à cames et l’échappement se fait par le tuyau Z : quand cette virole est tirée par le régulateur, la came de F se substitue à sa partie cylindrique et fait osciller R O P; mais la soupape $ est encore ouverte, parce que la bielle Pp a en P un jeu con-idérable; la soupape S', au con- traire, est maintenue fermée parce que sa tige, écartée de sa position habituelle, ne peut plus être enclenchée par son talon; J, petit réservoir d'essence; 7, tuyau amenant l'essence aux brüleurs; H, lanterne des brûleurs; G, car- burateur Daimler-Phénix déjà décrit; », tuyau amenant le mélange carburé aux cylindres: L, pompe centrifuge assu- rant la cir ulation de l'eau: v, galet, entrainé par le volant V et actionnant la pompe L: N, bouteille de condensation de la vapeur après le passage de l'eau autour des cylindres ; U, graisseurs; #, godets pour admeltre quelques centi- mètres cubes d'essence dans les cylindres à la mise en train. vient agir sur le régulateur et fait entrer en jeu ie second groupe ?. 1 Les chasses d'air constituaient, dans l'esprit de l’inven- teur, une des principales causes du succès de son moteur et de sa faible dépense. Or, depuis qu'au profit de la sim- plicité de l’ensemble on les a supprimées, le moteur n'en inarche que mieux et ne semble pas dépenser davantase. 2 L'un des gros avantages du Phénix-Daïmler sur l'ancien KE CENERALE DES SCIENCES. 1899. Fig. 20, Fig. 21. Fig. 18 à 21. — Moteur horizontal Peugeot. — Kig. 18. Coupe verlicale. Fig. 19. Coupe horizontale. Kig. 20, Came de dis- tribulion. Fig. 21. Commande de l'échappement. A, arbre de distribution auquel le coulisseau B, mobile dans la rainure de la came C, communique des déplace- ments angulaires, qui sont transmis à la piéce EF, en forme de V renversé ; les petits leviers qui terminent cette pièce viennent alternativement soulever les soupapes d'échappement. Si la vitesse du moteur devient excessive, un régulateur centrifuge, logé dans la chambre à mauivelle, surmonte la résistance du ressort D et repousse, par les leviers R, la douille entourant l'arbre A. Ce mouvement fait avancer une pièce spéciale qui, venant agir sur les prolongements des leviers de EF, les fait basculer, en ten- dant leurs petits ressorts, et le: empêche d'ouvrir les soupapes d'échappement. La marche du moteur peut aussi ôtre réglée par la suppression temporaire dé l'arrivée de l'essence dans le carburateur : à cet effet, dans l'ajutage 0 (fig. 9) est. établi un robinet transversal qu'un ressort tend continuellement à ouvrir, mais que les leviers R du régulateur ferment lorsque la vitesse augmente le moteur n'aspire alors que de l’air et l'explosion ne se pr = duit pas. Daimler est la facile accessibilité de ses orranes : dans ce dernier, pour arriver aux.soupapes,-force était de démonter la lanterne des brûleurs, les brüleurs et diverses pièces de tuyauterie ; il ne fallait pas moins d'une heure. Avec le Phénix, il suffit de dévisser-un écrou: C‘ui-ci est aussi + GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME Av'2 un même vilebrequin. La carburation se fait par l'appareil à jaillissement de la figure 9, l'allumage par tubes incandescents (fig. 18 à 22). Comme pour le Phénix, les pistons, bielles et vilebrequins sont enfermés dans un carter, au fond duquel se trouve de l'huile, qui, par barbotage ou projection, assure le graissage continu de ces organes. S 3. — Moteur Benz. Le type primitif n'a qu'un seul cylindre horizon- tal. Pas de régulateur. Carburateur à simple léchage, sans niveau constant. Allumage électrique. 300 tours environ à la minute. En somme, moteur fort simple, mais lourd : le moteur de 4 chevaux pèse 165 kilos, soit 41 kilos par cheval, et la voiture qu'il actionne consomme, parail-il, 1 litre d'essence par 10 kilo- mètres; à raison de 20 kilomètres à l'heure, cela ne ferait que 0 lit. 500 par cheval-heu- re, si la force développée quantité d'essence variable, ce qui permet d'oble-« nir pour la voilure des allures différentes, sans tou- cher aux organes de changement de vitesse. Allu- mage par l'électricité, ou plus souvent par tubes. Pour une voiture à 4 places, le moteur a 5 chevaux de force; la vilesse normale est de 600 tours à la minute. $ 5. — Moteur Amédée Bollée. Deux cylindres horizontaux. Les bielles attaquent un même vilebrequin, dans un carter. Régulateur à force centrifuge. Allumage par incandescence. Refroidissement par courant d'eau, à circulation naturelle. Diamètre des cyhodrése . O0®,09ÿ Course. BA 08 DS PE 0.0 OUm,160 Tours par minute : : : .. DS EC à 0 660 Force . 90e 6 chev. 5 S 6.— Moteur Brouhot. C'estletype fixe de ce constructeur unpeuallégé. Deux cylin- dres horizon- taux juxta- était bien de 47 chevaux, mais cetle a Vtt consomma- lion doit être augmentée carlemoteur Fiz. 22. ne marche pas ordinairement à plein travail. Le moteur Benz se fait aussi à deux cylindres jumeaux, parfois à deux cylindres opposés. Beaucoup de construc- teurs l’emploient, plus ou moins modifié, prinei- palement dans la forme jumelle. $S 4. — Moteur Gauthier-Wehrlé. Deux cylindres horizontaux, opposés pour annu- ler leurs vibrations ; les deux vilebrequins à 4180° tournent dans un carter à huile. Carburateur à PRES dans lequel on pu admettre une LR plus éver que l'encen Daimier (20 kilos par cheval, au lieu de 30 et 35). Diamètre des cylindres. . . «tre. 000,08 Convse es pistons. 4. 400-100 Om, 120 Poids. ( 2 cylindres, 4 chevaux. 7, 085 Kilos { & cylindres, 8 chevaux. . . . . . . 455 — Nombre de tours par minute. . . . 850 Compression du mélange au Eu mort par centimètre carré. . . . 2 kil. 8 Pression approximative aprè s % allamage par centimètre carré, . . . . 6 M 2)ENDS Rendement organique . : 75 %/o Consommation par cheval- heure essence > à 0,700 iii à. « 0 Lit. 65 — Moteur horizontal à essence de pétrole, système Peugeot (vue extérieure). posés. Mani- velles paral- lèles. Carter. Allumage électrique. Force de 4 à 12 chevaux. 7 = Ne Re être He $ 7. — Moteur Landry-Beyroux. Moteur de type fixe appliqué, presque sans modi- fications, à l'usage automobile, robuste, mais un peu lourd. Un seul cylindre vertical. Admission com- mandée mécaniquement par came et leviers, comme l'échappement. Régulateur centrifuge agissant sur l'ouverture de la soupape d'admis- sion, mais dont l’action est gènée par un ressort pour permettre au moteur d'atteindre 500 tours et plus par minute. Pour faciliter la mise en marche, la compression est réduite, et il y a un dispositif de retard à l'allumage, afin que l'électricité ne jaillisse qu'après franchissement par le piston de son point mort; on évite de la sorte toute contre- explosion, qui tendrait à renverser la marche du moteur. $ 8. — Moteur Lepape. Deux cylindres verticaux. Carburateur Lepape (fig. 42 et 13). Allumage électrique, par piles ou accumulateurs, avec une bobine par cylindre, ce qui permet de marcher sans inconvénient avec un - ter sa mise GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME 1 > en seul cylindre : cet allumage comporte une avance pouvant faire varier la vitesse de 400 à 1.200 tours par minute. Refroidissement sans eau, par aileltes verticales etradiales, fondues avec la culasse du cylindre, et à travers lesquelles circule un courant d'air très actif; celui-ci est dû à la position du moteur sur la voiture et à l'aspiration produite par l'échappement, dirigé à cet effet dans une tubulure faisant suite à une gaine, qui entoure le bas des cylindres. Un graisseur à départs multiples reçoit son mouvement du moteur et lui assure une lubri- fication proportionnelle à sa vitesse. La figure 23 est le schéma de l'arbre de distribution de ce moteur. S 9. — Moteur Cambier. Trois cylindres horizontaux juxtaposés. Mani- elles calées à 120°. Dans le volant est logé un régulateur à boules, qui limite la vi- tesse à 450 Phénix, en conservant loujours son allumage élec- trique. $ 11. — Moteur P. Gautier, Quatre cylindres verticaux, dont les manivelles sont montées par paires,sur deux arbres, à vilebre- quins rectangulaires, et reliés par deux pignons, pour que le mouvement de l'ensemble soit plus régulier. Le tout dans un carter. Admission assurée mécaniquement comme l'échappement. Régulateur à boules empêchant l'ouverture de l'admission. Carburateur mixte. Inflammalion par tubes de platine. Consommation annoncée : 0 lit. 500 par cheval-heure. S 12. — Moteur Roser-Mazurier. Remarquable parce qu'il constitue une tentative heureuse pour utiliser la chaleur, ordinairement perdue, des gaz d'échap- pement. Deux ceylin- puissance de 30 chevaux ; pour facili- en marche, on à recours aux deux procédés mentionnés à propos du moleur Landry-Beyroux. L'électricité et l'incandescence sont employées con- curremment, la première pour l'allumage au dé- part, la seconde en cours de route. $ 10. — Moteur Mors. Quatre cylindres, disposés par paires, à 45° de part et d'autre d’un plan vertical ; leurs bielles agissent sur un même arbre par des manivelles calées à 180°, le tout renfermé dans un carter. Régulation par la proportion d’air admise dans le carburateur, qui est à pulvérisalion, et celle du mélange carburé introduit dans les cylindres. Allumage électrique par accumulateurs et dynamo. Refroidissement par circulation d’eau autour des chambres d'explosion et par ailettes autour des cylindres. 800 tours. M. Mors s'est dernièrement mis à construire des moteurs à deux cylindres verticaux, genre Fig. 23. — Arbre de distribution du moteur Lepape (élévation), — A, A, tours par mi- dres à es- nute.Ce mo- sence de pé- teur, destiné trole (ou à à la propul- pétrole lam- sion dune pant) en- diligence, voient les peut déve- résidus de lopper une leurs com- bustions dans un troi- sième cylin- dre, du type des moteurs à air chaud, où ils ré- chauffent une certaine quantité de gaz, qui y a été préala- blement comprimée (pour éviter que les gaz brû- lés ne soient l'objet d'une détente brusque et dès lors d'une perte de travail). Les deux cylindres à pétrole sont verticaux ; l'admission et l’'échappement sont assurés mécani- quement. L'allumage se faitpartubesincandescents. Le cylindre à air chaud est aussi vertical, logé entre les deux cylindres à pétrole, et entouré d'une gaine d'air chaud pour maintenir sa température élevée. Il travaille à simple effet; mais à chaque tour de l'arbre moteur, il reçoit une charge de gaz brûlés et a dès lors une course motrice. Les mani- velles des trois cylindres sont calées à 90° les unes des autres Le constructeur affirme que l’économie réalisée est de 30 °/, et que la consommation ne dépasse pas 300 grammes par cheval-heure ”. cawes d'allu- mage; C, C',cames de distribution; R, régulateur à boules. Quand le moteur marche trop vite, le régulateur, en poussant sur la droite la came C, l'empêche de provoquer l'ouverture de la soupape d'échappement correspondante, dont le cylindre cesse alors de fonctionner. G, G/, graisseurs des paliers; N, corde allant actionner le graisseur à départs multiples du moteur; H, roue dentée recevant, par une chaine Galle, le mou- vement du moteur. 1 Locomotion automobile, 10 mars 1898, p. 150. GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME VII. — GÉNÉRATEURS ET MOTEURS ÉLECTRIQUES. L'automobile devant, à la différence de cerlains tramways qu'un fil relie à l'usine, emporter avec elle son générateur d'électricité, ne peut avoir recours qu'à une pile ou à un accumulateur. La pile étant, jusqu'à nouvel ordre, inapplicable ?, il ne lui reste que l’accumulateur. Et le seul jusqu'ici pratique est l'accumulateur plomb-plomb *. On sait les difficultés inhérentes à sa construc- tion : établir entre la matière active et son support une adhérence suffisante pour résister aux varia- tions de volume et de cohésion produites par le jeu des charges et décharges successives ; pour les accumulateurs de traction, le résultat est d'autant plus difficile à oblenir que les vibrations de la voiture tendent à altérer cette adhérence. En outre, ces accumulateurs doivent présenter une grande puissance spécifique (puissance par unité de poids total) pour assurer le démarrage de la voiture, une grande énergie spécifique pour lui permettre un parcours suffisant * , une légèreté aussi grande que possible pour diminuer le poids mort transporté. Ces conditions, plus ou moins contradictoires, rendent particulièrement difficile leur fabrication. Ceux qui ont élé employés jusqu'ici sont presque tous à oxydes rapportés, avec supports de néga- lives en plomb doux ordinaire et supports de po- silives en plomb antimonié*. Les dimensions de 1 Jl est facile de prouver, comme l'a fait M. Hospitalier, que les 5 à 10 kilowatts-heure qu'une voiture doit pouvoir journellement consommer, occasionneraient une dépense de 15 à 20 francs, et, avec la faible énergie spécifique de la pile (4 à 5 watts-heure par kilo de poids total), le transport de 1.000 à 2.000 kilos. (Locomotion aulomobile, numéros du 13 Janvier 1898 et suivants. — Noles éleciro- mobiles. Nous ne srurions trop recommander la lecture de ces votes aux personnes peu familiarisées avec la science électrique. et désireuses de se mettre au courant de ses applications à l’automobilisme.) 2 Un de ses éléments represente une force électro-motrice d'environ 2 volts (qui reste constante pendant la plus grande partie de la décharge, pourvu que celle-ci ne soit pas trop rapide), une résistance de 0,01 ohm, une intrn-ité maximum de courant de 200 ampères, suffisante pour fondre un fil de cuivre de 2 à 3 millimètres de diamètre (d’où la nécessité de prendre des précautions pour éviter les courts circuits). #]] ne fautpas confondre, dans un générateur, la puis- sance, qui mesure l'effort auquel il peut, à un moment donné, faire face, et l'énergie, qui représentela contiuuité dont il est capable dans le développement de cet effort. La première, produit de la force électro-motrice par l'intensité du courant, se mesure en watts, la seconde en watts heure. ‘La séparation entre les plaques positives et négatives est ordinairement obtenue à l'aide de feuilles d'ébonite ou de celluloïd, de quelques dixièmes de milimètre d'épaissesr, percées d’un très grand nombre de petits trous de 1 à 2 milli- inètres de diamètre. Bien qu'une solution riche er acide soit peu favorable à la conservation des électrodes, M. Hospitalier n'hésite pas à conseiller celle de 45° Baumé, à cause de l’ac- croissement de force électro-motrice et de débit résultant de son emploi, et dela réduction qu'elle permet dans le poids de leurs éléments peuvent varier, mais leur nombre reste fixé à 40 ou #4, par la nécessité de les rechar- ger, en les disposant en série sur les distributions d'énergie électrique au potentiel ordinaire de 110 volts, et par la faculté qu'il faut se réserver de les répartir en quatre batteries égales, com- modes à grouper diversement. . L'un des plus en faveur est l’accumulateur Ful- « men, dont les constantes sont : . Puissance utile spécifique, en watts par kilo. . . 5,3 Energie utile spécifique, en watts-heure, par kilo , 26! Ces deux chiffres permettent de calculer le poids d’accumulateurs nécessaire pour actionner une automobile donnée, dans des conditions de vilesse et de profil déterminées. On trouve que 360 kilos d'accumulateurs peuvent, sans recharge- ment, faire parcourir à une voiture d'une tonne 90 kilomètres, à la vitesse de 18 kilomètres à l'heure, sur un parcours faiblement accidenté *. L'accumobile est donc possible; nous allons voir qu'elle présente des qualités uniques d'élasticité et de maniabilité. Les accumulateurs envoient leur courant au l'eau transportée. Les récipients, pour être légers, sont en celluloïd ou ébonite; le premier serait préférable à la seconde, s'il n'avait le grand ‘éfaut d'être inflammable; il a déjà cau-6 plu-ieurs incendies d'a tomobiles. Peut-être pourra-t-on,uv jour ou l'autre, employer unlissu hégamoïdé, le carton comprimé, laqué ou caoutchouté. Les couverceles doivent êtrehermétiques, avec un petit trou pour permettre le départ des gaz penilant la charge. 1 Au régime de ë watts par kilo, l'accumula'eur Fulmen renferme donc plus de 25 wat{s-heure par kilo; si l'on porte le régime de décharge spécifique continue à 40 watis, ou si on l'abaisse à 2,5 watts, l'énergie spécifique devient 20 et 30 watts-heure. Cela prouve que l'on perd en énergie ce que lon gagne en puissance, et inversement. Il ne faut pas oublier que les accumulateurs se conservent d'autant mieux qu'on le: soumet à des régimes de décharge plus modérés. 2 Pour assurer la propulsion d'une voilure de 1.000 kilos, à la vilesse de 5 mètres à la seconde, avec un coefficient de traction égal à 2,5 ©/a, il faut fournir à la jante des roues une puissance de 25 X5 — 125 kilogrammètres, soit environ 1.250 watts. Si on admet des rendements de 0,8 pour le moteur electrique et de 0,9 pour la transmission entre son arbre et l’essieu, les accumulateurs devront fournir Te = 1:80 watts. Ils pourront le faire au régime de 4 7: À 1.800 5 watts par kilo, s’il ont un poids de E — 360 kilos, soit 36 0/, de celui de la voiture. Les accumulateurs ayant, à ce régime, une énergie spécifique de 26 walts au kilo, mar- cheront 5 heures et feront parcourir à la voiture 18 X 5 — 90 kilomètres. M. Hospitalier avait cru devoir réduire ce chiffre d’uu tiers pour tenir compte des pertes par démar- rages, fausses manœuvres, pentes. Celles-ci sont supposées modérées ; effectivement, l'élévation d'une tonne à 100 mètres représente 100.000 kilogramimètres, correspondant aux , 100.000 ù : bornes desaccumulateurs à Dit — 143.000 kilogrammètres , .430.000 CU LIL E = a watts-heure— 400 watts-heure, ce qui, à raison de 100 watt:-heure par tonne-kilomètre, réduit le parcours de 4 kilomètres. Le Concours de fiacres vient de montrer que le taux de li réduction était exagéré. GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME moteur électrique chargé d'actionner la voiture; le couple moteur fourni par celui-ci a pour expres- sion W — SHIL,S étant la surface d’enroulement du moteur, constante avec ce dernier; H, l'intensité du champ magnétique donnée par les électros ; [, l'intensité du courant. On peut, comme nous l’ex- pliquerons bientôt, faire varier H et I, et dès lors le couple moteur : effectivement, celui-ci peut prendre des valeurs jusqu'à huit fois supérieures à sa normale. De plus, quand la vitesse diminue, la puissance du moteur augmente; et inversement, lorsque la vitesse augmente, la puissance diminue: même dans certaines conditions, elle peut devenir nulle, puis négative (à ce moment, il y a récupéra- tion, le moteur faisant frein et fonctionnant comme dynamo, rechargeant les accumulateurs). On comprend combien pareille élasticité est pré- cieuse pour la conduite de la voiture. Nous n'avons pas besoin de faire remarquer qu'il n'y à rien d'analogue dans le moteur à pétrole, avec lequel le couple est constant, le seul moyen dont on dispose pour l’augmenter étant de faire varier la vitesse. C'est à l’aide du combinateur qu'on fait varier H et I, de manière à obtenir les changements de vitesse et le freinage de la voiture, comme d’ail- leurs la mise en marche, la marche arrière et l'arrêt. L'excitation des moleurs électriques appliqués aux voilures automobiles peut être réalisée de trois manières différentes. L'excitation séparée, obtenue en envoyant dans les inducteurs le courant emprunté à quelques accumulateurs, donne un champ magnétique con- stant et une vitesse, qui ne dépend guère que de la différence de potentiel aux bornes du moteur. On règle celte vitesse en intercalant des résistances variables dans le circuit de l’induil, ou mieux en couplant diversement les quatre balteries d’accu- mulateurs . Le champ magnétique étant constant, dès que la voiture dépasse une certaine vitesse, le moteur fonctionne comme dynamo. Malgré ses avantages, l'excitation séparée est peu employée, à cause des complicalions qu’elle entraine dans le recharge- ment des accumulateurs, ceux qui ont servi à l’ex- citation n’élant pas épuisés comme les autres. L'excitation en série, dans laquelle les inducteurs sont traversés par le même courant que lesinduits, est la plus simple; elle est souvent employée et combinée avec le couplage varié des batteries. Mais elle a l'inconvénient de rendre la voiture sen- ! Le couplage en dérivation donne une force électro-mo- tricé de 20 volts, qui correspond à la petite vitesse; le cou- plage en quant té de deux groupes de deux batteries préa- lablement couples en tension donne 40 volts pour la moyenne vitesse; le couplage en série des 4 batteries donue 80 volts pour la grande vitesse. sible aux moindres accidents de terrain, et de ne pas permettre la récupération. L'excitation shunt, obtenue en branchant les inducteurs sur les bornes des accumulateurs qui alimentent l'induit, exige au démarrage un dispo- sitif spécial pour éviler la brûlure du moteur et n'’admet que le couplage en tension; le moteur parti, elle offre les avantages de l’excilation séparée. Parfois, on dispose sur l'induit deux enroule- ments, se couplant en tension pour le démarrage, en quantité pour la grande vitesse. On peutaussi monter sur la voiture deux moteurs, actionnant chacun une roue. Les couplages de ces deux moteurs et de leurs excilations en série, en lension ou en quantité, joints aux couplages des balleries, permettent un grand nombre de combi- naisons graduant la vitesse, mais compliquant le combinateur, en laissant d’ailleurs sa manœuvre loujours aussi simple pour le conducteur. VIII. — PuISsANCE A DONNER AU MOTEUR. Quel que soit le moteur employé, à vapeur, à pétrole ou à électricité, si nous appelons P le poids du véhicule, / le coefficient de traction, c'est-à- dire le rapport de l'effort tangentiel au poids re- morqué, v la vitesse de la voiture en mètres par seconde, R le rendement organique du moteur et de ses transmissions, le nombre de kilogram- mètres qui devra être fourni par le moteur pour Pfo. ER sa puissance en chevaux-vapeur devra, par suite, P fo! TSTR Ce nombre est toujours très supérieur à celui des chevaux qu'il faudrait atteler au véhicule pour l’actionner dans les condilions données : il ne faut pas oublier que si le cheval ne peut développer normalement que 50 kilogrammètres par seconde, il peut, dans les coups de collier, en donner 100 et jusqu'à 500. On est donc forcé, pour avoir une marge suffisante, de prendre un moteur d’une force nominale beaucoup plus grande que le nombre de chevaux nécessaires. Aussi les moteurs de 6et 8 chevaux sont-ils deve- nus courants pour de simples voitures de tourisme. remorquer la voiture à la vitesse v sera égal à être égale à Dans un prochain article, nous étudierons les Gérard Lavergne, Ingénieur eivil des Mines transmissions. ! Sur bon macadam et sur pavé assez régulier, f peut être pris égal à 0,025 en moyenne (à 0,020 pour voiture remorquée) sur palier; sur monlée ou sur desrente, il faut lui ajouter ou lui retrancher le nombre de milliémrs qui mesure la pente. R peut être pris égal à 0,50 pour les moteurs à vapeur ou à pétrole, à 0,65 pour les moteurs électriques. 136 D' R. VERNEAU — LE MAROC ET LES CANARIES LE MAROC ET Les touristes inscrils à notre prochaine croisière ‘ se préparent actuellement au voyage par la lecture. Nous leur signalons, d'autre part ?, les livres à lire. En ce qui concerne l'Espagne et le Portugal, ily a abondance et grande variété d'ouvrages et de bro- chures remplis d'intérêt. Beaucoup moins riche élant la littérature relative au Maroc et à l'Archipel Cana- rien, nous avons pensé rendre service aux voyageurs en demandant à M. Verneau l’article suivant, qui résume, en quelques pages, l'élat précis de nos con- naissances sur ces régions. T'ous les touristes, comme aussi les autres lecteurs, lui seront, avec nous recon- naïssants de ce précieux concours. LA DIRECTION. I. — Le Maroc. Le Maroc, ou plutôt Æ£l WMagreb (Occident), comme disent les Arabes, est le pays du mystère ; c'est à peine si l'on en connait les limites d'une fa- con précise, ses frontières méridionales se perdant dans les sables du Sahara. Il s'étend entre 2° et 12° de longitude ouest et, approximativement, entre 27° et 36° de latitude nord. Sa superficie est d'envi- ron 800.000 kilomètres carrés, mais les trois quarts de ce territoire échappent à l'influence du sultan. Les tribus du Sahara marocain, celles du Tidikelt, du Touat et du Gourara acceptent tout au plus sa suprémalie religieuse. Les populations du Rif, c'est-à-dire de presque tout le liltoral méditerra- néen, celles de la région siluée entre Fez et Maroc, à l'exception des habitants du littoral atlantique, les tribus du Choit Tigri et de l'Atlas central refusent à la fois l'impôt et le service militaire. En réalilé, l'autorité de l’empereur n’est reconnue que dans l'ancien royaume de Fez (avec Tanger et Té- touan), dans le royaume de Maroc, entre l'Atlas et la côte atlantique, dans le Sous, dans les oasis du Talfilet et sur quelques points voisins de la fron- tière algérienne. Le pays est parcouru, du nord-est au sud-ouest, par la chaîne du Grand Atlas (Adrar Idraren des indigènes, c'est-à-dire «la Montagne »), qui atteint sa plus grande hauteur (environ 4.500 mètres) au Djebel Tamjourt, au sud de la ville de Maroc. De nombreux contreforts partent de la chaîne princi- pale et se dirigent vers le nord et le nord-ouest en diminuant graduellement de hauteur. Presque pa- 1? VIITe Croisière de la Revue générale des sciences, aux vacances de Pâques 1899 : Les Canaries, Madère, Maroc, Espagne, Porlugal. 2 Voyez la présente livraison, pages 128 et 129. LES CANARIES rallèlement au Grand Atlas court, plus au sud, le Petit Atlas où Anti-Atlas, dont les points culmi- nants alleignent 1.500 mètres d’après les uns, 3.000 mètres d'après les autres. Le Petit Allas n’esl « séparé de l’Adrar Idraren que par la vallée de l'oued (rivière) Dräa et par celle de l’oued Sous. Au sud encore de l'Anti-Atlas s'étend le Zani, simple arête de grès dépourvue de végétation, qui ne s'élève guère à plus de 300 mètres au-dessus du sol environnanl. En se dirigeant toujours vers le midi, on trouve d'autres faibles saillies rocheuses, qui sont désignées par les Marocains sous le nom de « serpents », parce qu'elles ressemblent de loin à de grands reptiles allongés sur le sol. On arrive enfin aux dunes et aux plaines de sable, qui ne sont que la terminaison du Grand Désert. Au milieu des plaines siluées entre les mon- tagnes, on voit se dresser de nombreux monlicules isolés, mesurant une centaine de mètres de hau- teur ; tels sontles massifs calcaires qu'on rencontre entre Mogador et Maroc et qui atteignent un niveau remarquablement uniforme. Le Magreb est parcouru par huit grands fleuves, dont l'un, le Sebou (l'ancien Subur des Romains) esl, après le Nil, le plus grand fleuve de l'Afrique du Nord. Il naît dans l'Atlas central, passe à 5 kilo- mètres de Fez et va se jeter dans l'Océan auprès de Méhédia; en hiver, il débite 300 mètres cubes d'eau à la seconde; son parcours est d'environ 550 kilo- mètres. L'oued (fleuve) Omm-el-Rbiah naît aussi dans le centre de l'Atlas et, après un parcours de 100 kilomètres environ, va se jeter dans l'Océan, à Azémour; sa barre est, à marée basse, complète- ment ensablée. En été, on peut le traverser à gué sur cerlains points, mais en hiver il faut avoir recours à des barques. C’est dans l'Omm-el-Rbiah qu'on pêche les aloses les plus estimées du Maroc. Le Tensift prend naissance dans les collines du nord-ouest et se jette dans l’Atlanlique entre Safi et Mogador. Sa barre est entièrement ensablée pen- dant l'été. Un pont permet de le traverser auprès de Maroc. Le Sous a son embouchure auprès d'Aga- dir. En hiver, il peut alteindre 250 mètres de lar- geur et débiter 800 mètres cubes à la seconde; mais, au mois de juillet, son débit n'est que de 3 mètres L'oued Voûn amène à la mer les eaux du versant méridional du Petit Atlas. L'’oued Dréa, dont le parcours est d'environ 1.200 kilomètres, arrive jusquà l'Océan pendant l'hiver; mais, en été, ses eaux se perdent dans les sables du Sahara. C'est ce qui se produit en loule saison pour l'oued Ziz (la rivière du Tafilet) et pour l’oued Guir, qui se D' R. VERNEAU — LE MAROC ET LES CANARIES 1% dirigent airectement vers le désert. Leurs eaux sont captées pour l'irrigation des dattiers et des cultures d'orge, de luzerne et de henné. Du massif central s'échappe une autre artère, qui va se jeter dans la Méditerranée, un peu à l'est des iles Chaffarines : c'est la Moulouia. Sa pente est très rapide; ses berges, sablonneuses, sont cou- vertes de lamarins. Au nord du Sebou, on rencontre encore deux rivières : l'oued-el-Khos et l'oued-el-Kharoub, qui se jettent à Larache et à Tahadert. Tous ces cours d’eau sont, pendant l'hiver, de véritables torrents qui roulent des eaux rougeätres. Ceux mêmes qui, en été, conservent des étiages sérieux, ne sont pas navigables à cause de la forte inclinaison de leur lit dans la presque totalité de leur parcours. La côte méditerranéenne du Maroc est bordée par les montagnes abruptes du Rif et présente à peine quelques lambeaux de plages, quelques mau- vais abris pour de petits navires. Tanger offre une rade assez médiocre. Le littoral atlantique est bordé de dunes fixées par des bosquets de len- tisques ; de distance en distance s'élève une falaise, dont la plus considérable est celle du cap Cantin. Au sud de Mogador, toute la côte est basse et sa- blonneuse. De Tanger jusqu'à l'extrémité méridio- . nale du Maroc, on ne rencontre qu'une plage basse - et dangereuse que les navires doivent éviter. Les ports ne sont que des embouchures de rivières ou des mouillages en pleine côte, souvent fort dange- reux pour les vaisseaux qui s'y aventurent. Le Maroc est peu connu au point de vue minéra- logique. Les massifs montagneux situés immédia- tement au nord-ouest du Grand Atlas paraissent composés, près de la côte atlantique, de couches crétacées disposées en assises stratifiées. L'Atlas lui-même, dans sa portion occidentale, comprend, au nord-ouest, des roches sédimentaires parmi les- quelles les schistes dominent; dans sa partie cul- minante, on rencontre peu de roches sédimentaires, mais, en revanche, beaucoup de roches cristallines el des masses de porphyre; enfin, le versant sud- est montre de nouveau des schistes en grande abondance. Nous avons déjà signalé les grès qui s'étalent au sud du Petit Atlas. Tout le sol marocain paraît receler d'immenses richesses minéralogiques. Des gisements de houille ont été signalés près de Tanger; le sel gemme, le soufre abondent dans les montagnes; le fer, le cuivre, l’anlimoine pourraient être exploilés sur une foule de points. Plusieurs mines d'argent ont élé rencontrées, nolamment dans la région où l'oued Sous prend naissance. L'une d'elles est exploitée par des Juifs pour le comple d'un cheick indépendant; le minerai en esltrès riche et à fleur du sol. Des analyses faites en Angleterre ont mon- tré une richesse comparable pour les minerais de cuivre; cerlains échantillons reueillis aux environs de Taroudant ont donné jusqu'à 60 °/, de ce métal. Le plomb, l'élain, le nickel sont loin d'être rares, el l'or a été trouvé sur plusieurs points, disséminé en paillettes ou en grains, associé au quartz ou au spalh. Le lit des rivières du Sous en contient des quantités appréciables. On suppose que le Rif, qui renferme beaucoup de cristal de roche et d'amé- thystes, doit posséder d'autres pierres précieuses. La flore du Maroc ressemble beaucoup à celle du sud de l'Espagne; cependant un dixième environ des végélaux sont propres au pays. Parmi les plantes qui poussent spontanément, nous cilerons l’acajou, l’alpiste, l'arganier, le câprier, le carou- bier, le chêne, le chéne-liège, la coloquinte; les euphorbes, le fenouil, le jujubier, le laurier-rose, le lentisque, le pyrèthre, le santal, le tamarin, le tournesol, etc. L'arganier forme encore de vasles forêts, surtout dans le voisinage de Mogador. C'est un arbre de 3 mètres de haut, à bois dur et résis- tant, Il donne un fruit de la grosseur d’une prune, que mangent les vaches et les chameaux. Le noyau renferme une amande d'où on extrait une huile qui sert à l'alimentation des Arabes. Cette huile pour- rait être ulilisée pour la fabrication du savon et le graissage des machines et il serait facile d'en tirer un million d'hectolitres par an, si l'exportation n'en élait interdite. à la ferlilité de son sol et à son climat, dans le nord, chaud dans le sud, le Maroc aux cultures les plus variées. Mais l'indi- gène ne plante que pour ses besoins et pour payer l'impôt. Toutefois, certains produits végétaux font l'objet d’un commerce d'exportalion; ce sont les amandes, l'anis, le blé, le carvi, les citrons, le coriandre, le cumin, les dattes, les feuilles de rose, le fenu grec, les fèves, les gommes, le henné, l'huile d'olives, les lentilles, le maïs, les noix, les oranges, l'orge, les pêches, les pois chiches, les racines d'iris, le sésame, le sorgho et la sparte. Tout cela vient presque sans soins, les procédés de cullure élant des plus primitifs. L'empire marocain pour- rait aisément produire plus de 100.000.000 d'hec- tolitres de blé chaque année. et il n’en donne pas même 30.000.000. Le dattier pousse jusqu'à Tanger, mais il n'y donne pas de fruits. Le henné est un arbuste qu'on cultive dans le Tafilel et aux environs de Mazagan. Avec ses feuilles desséchées, on fait une pâle d'un brun rougeätre qui sert à teindre les ongles et ies mains des musulmanes. La vigne et le tabac pour- raient être cultivés sur une vaste échelle. La faune marocaine ressemble à celle de lAl- gérie; le lion et la panthère ont complètement dis- Grâce tempéré se prête 148 En : D' R. VERNEAU — LE MAROC ET LES CANARIES paru du nord, Parmi les animaux sauvages, il con- vient de citer le chacal, le chat, la hyène, le jaguar, le Ilynx, le sanglier, le renard, l’antilope, la gazelle, etc, Il existe encore des singes; mais ce qui pullule, ce sont les cigognes, les tortues d’eau et de terre el les serpents. Les animaux domestiques sont nombreux, no- tamment les chevaux, les chameaux, parmi lesquels le méhari ou chameau coureur, les mules, les ânes, les bœufs, les chèvres et les moutons. La volaille se trouve partout en abondance. L’exportation de tous ces animaux élant interdite, les indigènes n'envoient en Europe que des cornes, des laines, des peaux de chèvres et de vaches, des euirs et des œufs. Les pêcheries sont une source de richesse pour le pays. On pêche l’alose, le rouget, l’anchois, le temnodon saltator, la sole, le turbot, le maquereau el surtout la sardine. Le thon, les langoustes et les creveltes sont forts abondants sur une partie de la côte atlantique. En somme, le Maroc est un pays fertile, riche au point de vue de la faune et des productions miné- rales, et cependant son chiffre d’affaires ne dépasse guère 100 millions par an. C’est que le sultan n’en- tend pas ouvrir son empire au commerce étranger et qu'il est hostile à tout progrès. Dans le Magreb, malgré l'arrivée des Arabes et l'introduction de l'islamisme, rien n’a changé depuis vingt siècles. De 1468 à 1769, les Portugais ont eu des établisse- meuts assez importants sur la côte allantique; les Espagnols possèdentaujourd'hui leurs presidios sur la côte méditerranéenne ; ni les uns ni les autres n'ont pu faire pénétrer la civilisation dans ce pays fermé. Non seulement il n'existe pas de voies fer- rées, mais les routes font elles-mêmes défaut. De Fez à Tanger, on rencontre des sentiers dont on ferait de bonnes voies carrossables en construisant quelques ponts; on préfère les conserver comme ils sont. Pour se rendre de Fez à Maroc, le souve- rain suit le chemin des caravanes : il gagne d’abord Rabat, puis longe la côte jusqu'à Mazagan et se dirige ensuite vers l'intérieur, Malgré la nombreuse escorte qui ne le quitle pas, il n'oserait s'aventurer à l'intérieur de son empire. Le Maroc renferme, en effet, beaucoup de tribus pillardes, qui, nous l’avons dit, ne reconnaissent nullement l'autorité du sultan. La population est des plus mélangées: elle se compose de Berbères, d'Arabes, de Maures, de Juifs et de Nègres. Le chiffre total des Marocains paraît s'élever à environ 8.000.000 d'individus; mais les auteurs sont loin d'être d'accord sur ce point, et les chiffres que nous trouvons dans leurs ouvrages varient entre 2 et 15 millions. Les Berbères représentent Ie plus ancien élé- ment ethnique de la contrée, Grands, robustes, parfois bruns, parfois blonds, ils sont toujours d'un caractère hardi et belliqueux. Ils ont de tout temps opposé une résistance énergique aux envahis- seurs, et presque partout ils ont réussi à conserver leur indépendance. Quelques-unes de leurs tribus sont alliées au sultan et il en est même qui ont accepté son autorité; mais elles ne payent l'impôt que lorsqu'elles ne sont pas assez fortes pour le refuser, Tout en ayant embrassé l’islamisme, les Berbères ne sont nullement fanatiques. D'une grande sobriété, ils vivent du produit de leurs troupeaux et de quelques maigres récoltes. A part les nomades du sud et certaines tribus demi-no- mades du nord et du sud, ils habitent des maisons en pierre. Les Arabes, arrivés à la suite des invasions du vu‘ et du x1°siècles, ont fini par s'élablir en maîtres. Sauf les peuplades qui vivent au sud de l'Atlas, les autres sont sédentaires; la grande majorité réside dans les villes. Les Maures sont des métis d’Arabes et de Ber- bères. Aussi astucieux que les premiers, mais plus instruits et plus industrieux, ils se livrent au com- mérce el occupent les emplois les plus impor- lants. Les Juifs sont répandus dans tout le Maroc, dans les villes comme dans les campagnes. Traités en parias, ils sont arrivés cependant, grâce à leur intelligence et à leur activité, à accaparer à peu près toute la banque et le commerce. Le soir on les parque dans un quartier à part (mellah), où ils restent enfermés jusqu'au jour. Tanger est la seule ville qui ne possède plus son mellah; les chrétiens l'ayant entièrement souillée, il est devenu inutile d'isoler les Juifs. Dans l'empire du sultan, les israélites doivent porter un costume de couleur sombre. Jadis, ils devaient marcher pieds nus; aujourd'hui on leur tolère les babouches, mais il leur faut les enlever en passant devant les mosquées. Le cheval est un trop noble animal pour eux et ils sontobligés de se contenter de la mule. Tout musulman peut leur faire subir toute sorte de vexations, sans qu'ils aient le droit de protester. On voit souvent des gamins tirer par la barbe quelque vieillard juif, qui n’a d'autre préoccupation que de ne pas blesser l’assaillant, même involontairement, Les Nègres sont pour la plupart des esclaves amenés du Soudan. La condition des captifs au Maroc n'est d'ailleurs pas plus dure que dans la plupart des autres contrées africaines, À certaines époques, on voit arriver dans les villes du sud- ouest, notamment à Mogador, de grandes cara- vanes apportant à la côte les produits de Tom- bouctou et de la région du Tchad; à ces époques, » 6-08 D: R. VERNEAU — LE MAROC ET LES CANARIES on peut observer des représentants de tous les principaux types de l'intérieur. En dehors des quelques produits végétaux el animaux dont l'exportation est permise et qui font l'objet d’un certain trafic dans les ports, les trans- actions commerciales portent aussi sur quelques objets manufacturés dont l'énumération suflira pour donner une idée de l'industrie du pays. Ces objets comprennent des haïques, grandes pièces de laine, de soie ou de coton que les Maures mettent par-dessus leur costume et qui sont fabriquées à Fez ou à Wassan: des ceintures fabriquées à Fez; des coussins et des babouches, soit en cuir, soit en velours (de Fez); des portières, des tapis (de Casa- blanca, d'Azemor ou de Tanger); des cruches, des plats, des vases en terre (de Fez); des lampes, des cassolettes (de Tétouan); des bijoux (bracelets en or ou en argent, agrafes, épingles de cravate, anneaux, bagues, boucles d'oreilles), fabriqués à Tanger. Les fusils viennent de Tétouan, les sabres “et les poudrières, de Fez, les poignards recourbés, “en argent ou en cuivre, les couteaux, les éperons “argentés, de Méquinez. Mogador et Tanger ont le monopole des plateaux en cuivre. Muis l'industrie est dans le marasme, comme le commerce, comme l'agriculture. Le petit industriel, pas plus que le paysan, n’a intérêt à s'enrichir. Dès - qu'il possède quelque chose, il est exposé à se voir dépouiller par le cheick, qui le sera par le pacha, lequel le sera à son tour par les vizirs auxquels le sultan fera dégorger les richesses qu'ils auront en- tassées; du haut en bas de la société, les plus gros mangent les plus petits. Dans les régions insou- mises, il n'existe aucune sécurilé pour l'étranger; le pillage y est pratiqué sur une vaste échelle. Dans les contrées qui payent le tribut, dans les villes, l'indigène lui-même n'est pas assuré du len- demain. S'il n’a pas assez soigneusement caché sa fortune, il sera jeté en prison sous un prétexte quelconque et dépouillé de son avoir. Le jour où le Maroc ne sera plus soumis au régime de l'arbitraire, lorsqu'il sera ouvert au com- merce des nations civilisées, son sol pourra être mis en valeur, ses mines seront exploitées, ses productions de toutes sortes feront pénétrer le bien-être dans des régions où tout le monde parait aujourd’hui misérable. Mais ce n’est pas par lui- même que le peuple marocain se relèvera de sa déchéance acluelle. Abandonné à ses propres res- sources et à son fanatisme, il ne reverra jamais + cette ère de prospérité qu'il a connue sous les dy- naslies des Almoravides et des Almohades, lors- qu'il avait ses historiens, ses astronomes, ses ma- thémaliciens et ses poètes; lorsque son commerce el son agriculture l'avaient rendu assez riche, assez puissant pour soumettre Grenade, Tlemcen et Tom- # bouctou. En s'isolant du reste du monde, en fer- mant la porte à tout progrès, les chérifs ont amené cette décomposition que l'on constate dans tout leur empire. Les ports ouverts aux Européens (Tétouan, Tanger, Larache, Rabat, Mazagan, Safi et Mogador) se maintiennent à peine, Casablanca, malgré le développement de la marine marchande. Le pays se meurt, et il ne peut être sauvé que par une tutelle intelligente. IL y perdra sans doute en pittoresque, mais on ne verra plus alors inexploi- lées toutes les richesses agricoles et minières qui foisonnent dans le Maroc. IT. —— LES CANARIES. L'archipel canarien, qui se compose de sep iles habitées et de quelques ilots déserts, est situé entre 27°38 et 29295 de latitude nord; entre 15°40 et 20°30 de longitude ouest. Il n’est séparé du cap Juby et, par suite, des provinces sahariennes du Maroc, que par un détroit de 101 kilomètres de lar- geur. Les iles habitées sont, en allant du nord-est au sud-ouest : Lancerotte, Fortaventure, Grande- Canarie, Ténériffe, Gomère, Palme et Fer. On à voulu voir dans les Canaries les restes de l'Atlantide, ou bien les Gorgades, les Hespérides, les Champs-Élysées des Anciens; mais les récits des auteurs grecs ne peuvent laisser aucun doute sur ces contrées; elles doivent être reléguées dans le domaine de la fable. Il est incontestable, cepen- dant, que les Canaries ont été visitées dès une époque fort reculée : les Phéniciens les fréquen- taient peut-être, et il est à peu près démontré que les Carthaginois les ont connues. Les Romains les connurent également, et Juba le Jeune, de Mauri- tanie, y envoya une expédition. Le souvenir s'en perdit assez rapidement, et si les voyageurs arabes ont abordé dans l'archipel canarien au vin et au x° siècle, il est certain qu'en Europe on ignorail son existence. Ce fut à la fin du xnr° siècle qu'un Génois d'ori- gine française, Lancelot Maloisel, vint jeter l'ancre en face de Lancerotte. Au x1v° siècle, on connaissail encore si peu les Canaries que le pape Clément VI les croyait au nombre de onze, dont une aurait élé placée dans la Méditerranée. En 1402, un baron normand, Jean de Bethencourt en entreprit la con- quête et il en fit hommage à Henri HE, roi de Cas- tille. Depuis cette époque, l'archipel canarien appartient à la couronne d'Espagne. Les sept îles habilées, avec leurs dépendances, occupent une superficie de 7.167 kilomètres carrés. Les côtes en sont fort déchiquetées et généralement bordées par de hautes falaises; de-ci de làs'élendent quelques plages, le plus souvent formées d'un sable volcanique noirätre. Malgré les sinuosilés des rives, 150 D' R. VERNEAU — LE MAROC ET LES CANARIES il n'existe que fort peu de baies capables d'abriter des navires. Le port de Sainte-Croix de Ténériffe n'est qu'une mauvaise rade ouverte à tous les vents d'est. Seule, la Grande-Canarie possède un excellent port de refuge situé à 5 kilomètres de la ville de Las Palmas, à laquelle il est relié par une bonne route et par un tramway à vapeur. Aussi tout le mouvement, toute la vie se sont-ils concentrés dans cette ile. L'archipel entier n'est composé que de roches vol- caniques: partout s'élèvent des montagnes séparées par de profonds ravins à parois presque verticales. Des volcans dressent leurs cimes à chaque pas, et parmi eux il en est qui sont à peine somnolents. En 1763, la Wontaña del Furgo (Lancerotte) enseve- lissait plusieurs villages sous la lave. A Ténériffe, une partie de la ville de Garachico était détruite en 1705 par une coulée de lave sortie d'un des nom- breux cratères qui entourent le pic de Teyde. Et bien souvent le pie lui-même se couronne de nuages formés par les émanations qui s'échappent du volcan. C'est peut-être aux Canaries qu’on rencontre les plus beaux cratères de soulèvement du monde enlier; celui de l'ile de la Palme mesure 12 kilo- mètres de circonférence et 5.000 pieds de profon- deur; celui de Tirajana, à la Grande-Canarie, atteint 40 kilomètres de tour, et les Cañadas de Ténériffe dépassent 60 kilomètres. De tous côtés, d'ailleurs, on observe des signes de soulèvement : à 200 mètres au-dessus de Las Palmas, par exemple, se trouvent des couches fossilifères renfermant de nombreux animaux exclusivement marins. C'est à un soulèvement, ou plulôt à une série de soulèvements que l'archipel doit son origine; ce sont les forces volcaniques qui ont fait surgir à 1.951 mètres le point culminant dé la Grande-Canarie, à 2.358 mètres celui de la Palme et à 3.711 mètres le sommet du pic de Ténériffe. Au milieu des masses de basalte, qui forment parfois des orgues splendides (à la Gomère); au milieu des trachytes, des phonoliles, des laves et des innombrables roches éruptlives dont se com- pose l'archipel, on rencontre, au fond des ravins ou sur quelques terrasses, des terres meubles formées de sable, de cendres et de débris prove- nant de la désagrégation des autres éléments mivéralogiques; elles sont d'une fertililé inouïe. Lorsqu'on peut avoir de l'eau pour irriguer ces terres, on fait lrois et quatre récolles par an. C'est que la tempéralure est exlrèmement propice à la végélalion. En hiver, le thermomètre descend rare- ment à 12°, voire même à 15° au dessus de zéro, et pendant l'été la température oscille entre 30 et 35° à l'ombre. Toutefois, les diverses zones n'ont pas un climat uniforme : à de faibles altitudes, la cha leur est extrême, tandis que les hauts sommets ce“ couvrent de neige. Il en résulte qu’on peut passer presque insensiblement d'un climat extrême à un climat tempéré; il en résulle aussi que, suivant l'altitude, il est possible de se livrer aux culturess les plus variées. Deux obstacles rendent l'agricul=M ture difficile : l'inclinaison du sol et la sécheresse. ! On lutte contre le premier en maintenant les terres à l'aide de petils murs en pierres sèches et en for- ÿ mant des séries de terrasses superposées. Il n’est pas aussi aisé de remédier au second obstacle. Depuis que le déboisement a été praliqué sur une vaste échelle, il pleut rarement aux Canaries, | et les sources sont très clairsemées. Dans les iles « où il en existe, on les capte avec le plus grand soin, on construit des kilomètres d’aqueducs et des. réservoirs fort coûleux pour amener l’eau dans sa propriété, car, selon le proverbe du pays, « qui trouve un filet d'eau possède un filon d'ar- gent ». IT serait fastidieux d'énumérer toutes les plantes qu'on cultive dans l'archipel : les céréales, les légumineuses, poussent à côté des pommes de terres et des patates; la vigne produit des vins fort estimés; le figuier de Barbarie donne des fruits qui entrent pour une bonne part dans l'alimentation des insulaires, en même temps qu'il sert à l'éle- vage de la cochenille; les palmiers, les bananiers, se dressent à côté des haies d'agave; les orangers, les citronniers se mélent aux oliviers, aux müriers, aux figuiers, aux anones, aux papayérs, ele. Et lorsqu'on atteintles zones moyennes, on voit croitre pêle-mêle les poiriers, les pommiers, les pruniers, les pêchers et tous les arbres de nos régions. Plus haut encore, des chàtaigniers atleignent des di- mensions colossales. La canne à sucre et le tabac sont cultivés sur une vaste échelle. En un mot, les végélaux de toutes les parties du monde ont élé acclimatés dans ces îles fortunées. La végétation sauvage est non moins curieuse. Quelques ravins possèdent encore des lentisques el. des dragonniers. Parloul croissent de gigantesques euphorbes, d'innombrables sempervivums, des ciné- raires, l’alpiste, le carthame, des mousses, parmi lesquelles il convient de citer l'orseille ( Æocc-lla tincloria). Sur les montagnes, la retama blunca (Cylisus nubigenus) étale de toute part ses buissons couverts de fleurs odorantes. D'autres cytises, des adenocarpus se rencontrent aussi à la limite de la zone de la végélation. Mais ce qui imprime à celle flore un cachet de grandeur imposant, ce sont les arbres des forêls canariennes, forêts qui se réduisent de plus en plus sous la hache du paysan. On reste stupéfait en présence de lauriers dont le tronc atteint jusqu'à | D' R. VERNEAU — LE MAROC ET LES CANARIES 9 mètres de circonférence, de bruyères de 20 mètres de hauteur, d’ilex aussi grauds, de mocans, d'ar- bousiers, de vinatiros (Persea indica), de hètres presque aussi gigantesques. Ailleurs ce sont des conifères, des pins, des sabines qui dressent leurs cimes sur les versants et au sommet des montagnes. Au milieu de tous ces géants, des mousses, des renoneules, des sempervivums, des fraisiers, des violettes, des fougères ne laissent pas apercevoir le sol. C'est à regrel qu'on quitte ces oasis où un dôme verdoyant vous mel à l'abri des chaudsrayons du soleil. La faune ne présente pas autant de variété. Les Mamuwifères ne sont guère représentés que par nos animaux domestiques et par le dromadaire, sans compter le rat et surtout le lapin qui est devenu un véritable fléau. Des troupeaux de chèvres et de montons broulent sur toutes les montagnes. Les oiseaux n offrent guère d'espèces spéciales, sauf le serin et quelques fringilles. Dans les iles du Nord, on rencontre l'outarde. Partout se lrouventen grand nombre les corbeaux, les perdrix, les cailles, les merles, les pigeons. Ces derniers sont presque aussi redoutés des cullivateurs que les lapins, car lors- qu'ils s'abattent en rangs serrés sur un champ, il est souvent nécessaire de recommencer les semailles. Les reptiles ne comptent que des sauriens, mais ils pullulent. Les batraciens ne vivent guère que dans les étangs. Quant aux inseeles, aux arachnides et aux mollusques, ils foisonnent dans (ous les ravins. La populalion de l'archipel canarien s'élève à environ 300.000 habitants, la plupart d’origine espagnole. Toutefois, dans les campagnes, l'élément ancien continue à jouer un rôle, quoique tous les insulaires se considèrent comme de purs hidalgos. Tous sont catholiques, tous parlent le caslillan, quel que soit le sang qui coule dans leurs veines. Mais quand on étudie leurscaractères physiques, onarrive vile à se convaincre que les Guanches et les autres tribus qui vivaient dans ces îles avant le xv° siècle . n'ont pas entièrement disparu. ee Dans les viiles, les habitants vivent à l’euro- péenne : leur costume est le nôtre, leurs habitalions sont confortables, leurs occupalions très variées. Las Palmas, a aujourd'hui détrôné Sainte-Croix de Ténériffe, depuis que S. E. Don Fernando de Léon y Castillo, l'ambassadeur actuel d'Espagne à Paris, l’a dotée du beau port dont il a été question. C'est une ville de plus de 30.000 habitants, avec cuthé- drale, théâtre, musée, casino, hôpital, marché, excellents hôtels, etc. Elle possède, en outre, de vé- ritables palais, de lort belles maisons parliculières, une agréable promenade; elle estle siège de l'évêché et de la Cour d'appel (audiencia), et bientôt elle sera éclairée à la lumière électrique. De là partent des routes qui ne sillonnent pas encore toule l'ile, mais qui permellent déjà d'en parcourir une parlie en voilure. Les gens des campagnes ont presque lous renoncé à leur vieux costume, à part les bergers. La plupart se livrent à l’agriculture. D'une sobriété remar- quable, ils se nourrissent delaitage, de go/fio (farine torréfiée), de poisson salé, de figues de Barbarie, de figues ordinaires et des différents fruits qu'ils récoltent. Leur honnêteté est digne des plus grands éloges. Tous naissent musiciens et quelque peu poètes. Avec une guitare ou une flûte en roseau, ils accom- pagnent des chants souvent improvisés. La danse et la lutte peuvent compter parmi leurs dislrac- lions favorites. L'industrie est peu avancée chez ces gens. Les poteries, qui se fabriquent dans certaines localités, se font sans le secours du tour. Des corbeilles, des paniers en roseau, des natles en palmier, des toiles, des couvertures en laine, des chapeaux en feutre, des chaussures dont la semelle est formée d’un morceau de cuir de vache muni de ses poils, des selles et des bâts sont les objets les plus communs qui sortent des mains des indigènes. Ils fabriquent encore des meules à bras pour le gofio et d’excel- lents filtres qu'ils tirent d’un calcaire sous-marin. Enfin, de curieux couteaux, dont le manche se compose de rondelles serrées par un écrou, sont d'un usage général. Cependant les Canariens, quoique peu instruils, sont remarquables par leur intelligence. Ils appren- nent avec une grande facilité et ils excellent dans les professions manuelles. On rencontre aisément des maçons, des charpentiers, des menuisiers, des serruriers, des peintres, elc., capables d'exéculer les mêmes travaux que les ouvriers de nos villes. Nous avons même vu, dans des localités très reli- rées, des artificiers qui se tiraient fort bien d’af- faire. Mais ce n’est pas l'industrie qui peut, en réalité, ramener lJ'aisance dans l'archipel canarien. A l’époque où la cochenille se vendait à un prix élevé, le pays élail riche. On commit alors la grande faute de négliger loutes les cultures, à part celle du nopal, et le jour où les couleurs d’aniline ont fait tomber à presque rien la valeur de l'insecte, la gône s'est partout fait sentir. Ce sont les pro- duits du sol, notamment la canne à sucre, la vigne, le café, le Labac et loutes les plantes qui poussent à merveille, c'est la pêche, c'est également l’éle- vage qui permellront aux Canariens de voir renai- tre l'âge d'or qu'ils ont connu lorsque la cochenille avail atteint son apogée. D' R. Verneau, Assistant au Muséurn. LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE REVUE ANNUELLE Le principal événement de l’année 1898, au | point de vue du physiologisle, c'est la réunion du quatrième Congrès international de Physiologie, | qui a eu lieu à Cambridge (Angleterre), du 23 au | 26 août dernier, en même temps que le quatrième | Congrès international de Zoologie. Les deux réunions ont un caractère un peu diffé- rent. Celle des zoologistes est un grand Congrès, à | existence officielle, avec séances d’apparat, où les | sommités scientifiques se produisent devant un | auditoire nombreux et plus ou moins mondain. Les différents Gouvernements s'y font représenter par des délégués. Les zoologistes y coudoient les gens du monde et parfois les grands de la terre. On leur offre des réceptions officielles, des galas, des banquets. Le Congrès des physiologistes a des allures plus modestes. L'accès en est strictement interdit aux non-physiologistes. Il n’y a pas d'actes imprimés. On n'y lit pas de longs discours, mais on y fait de la besogne pratique : des expériences, des démons- lrations. Cetle fois, lé Congrès des physiologistes, grâce au voisinage de son parent riche, a présenté un cachet un peu moins monacal et même légère- ment mondain : réception par le Mayor de Cam- bridge à la Mansion-House (Hôtel de Ville), fête de nuit chez le Vice-Chancelier, conversazione au Fitzwilliam Museum, banquet avec musique vocale dans le somptueux all de Trinity College, ete. Hâtons-nous d'ajouter que la science sérieuse n'y a rien perdu. Malgré les distractions mondaines et les attraits des richesses arlistiques des célèbres « colleges » et de leurs admirables jardins, le Congrès de Cambridge a été un grand succès scien- tifique, tant par le nombre exceplionnellement élevé (232 membres, dont 103 Anglais, 29 Français, 24 Allemands, 14 Américains, 10 Suisses, 10 Bel- ges, etc.) et la valeur de ses participants, que par l'importance et la variété des sujets traités. Tous les grands problèmes actuellement à l'ordre du jour dans le domaine de la Biologie expérimentale y ont élé abordés et discutés. Il me semble que je ne puis mieux faire que de prendre comme canevas, pour cette revue de Phy- siologie les notes se rapportant aux sujets traités au Congrès de Cambridge, quitte à faire, quand l’occasion s'en présentera, quelques additions ou quelques digressions. J'en avais agi de même il y a trois ans, lors du troisième Congrès de Physiologie réuni à Berne’. 1 On sait que le premier Congrès s'est réuni à Bàle en 1889, et le second à Liège en 1892. DE PHYSIOLOGIE I. — DÉCISIONS CONCERNANT DES QUESTIONS D'INTÉRÈIN GÉNÉRAL. Outre les nombreuses expériences et démonstra- : tions annoncées, le Congrès de Cambridge avail à son ordre du jour deux points intéressant la gé-" néralité des physiologistes : la question de la Biblio- graphie, mise en avant par M. Charles Richet, et celle del'Unification des méthodes, proposée par M. Marey. Le troisième Congrès international, réuni à Berne en 1895, s'était déjà occupé des règles de Zibliogra-. phie physiologique et de la classification des sciences physiologiques. Une Commission composée de MM. Bowditch (Boston, U. S. A.), Foster (Cam- bridge), Kronecker (Berne), Mosso (Turin) et Ch. Richet (Paris), avait été chargée de s'entendre avec la /oyal Society de Londres, pour l’élabora- lion d'un Classement général et méthodique des sciences physiologiques, devant servir de base pour la classification bibliographique, et de présenter un Rapport au Congrès de Cambridge. Dans l'intervalle, deux classifications physiolo- giques avaient vu le jour. Celle de M. Charles Richet, d'après le système déei- mal de Dewey, adoptée par la Société de Biologie de Paris, et par la Pibliotheca physiologica, de M. Richet, et celle de la Aoyal Society de Londres, qui sans doute servira de canevas pour les travaux de Phy- siologie dans l'/nternational cataloque of scientific Litterature qui se publiera à partir de 1900. La question n'était plus entière. Il a semblé préférable de ne pas l’aborder à la réunion de Cambridge, d'autant plus que l'un des membres les plus compétents en malière bibliographique, M. Richet, n'avait pu se rendre à Cambridge. Le Congrès s'est borné à adopter la proposition suivante, présentée par M. Kronecker, membre de la Commission : « {l'est désirable que les index bibliographiques contiennent, à côté du titre de chaque publicalion, une indication sommaire de son contenu (en deux ou trois lignes), indication aulant que possible rédigée par l'auteur. « Îl est désirable que les directeurs de périodiques scientifiques suivent sur ce point l'exemple de la Royal Society de Londres, et joignent à chaque nu- méro une feuille volante contenant l'indicalion des sujets trailés dans chaque mémoire ». Le second point d'intérêt général concerne les moyens d'arriver à uniformiser les méthodes em- ployées en Physiologie, notamment de rendre comparables entre eux les différents inscripteurs physiologiques. LÉON FREDERICQ — REVUE C'est une question qui préoccupe depuis long- temps M. Marey. L'{ntermédiaire des Biologistes contenait, dans son premier numéro (5 novembre 1897), un appel de l'illustre Maitre, dont nous reproduisons ici un passage : « Les applications de la méthode graphique à la Phy- Siologie expérimentale sa sont rapidement étendues et le nombre des phénomènes dont on doit aujourd'hui inserire le cours est considérable. Mais en même temps, le nombre des appareils inscripleurs s’est accru; or, tous ces instruments ne traduisent pas d'une manière également fidèle les phénomènes qu'ils insenivent. Il arrive parfois que deux physiologistes, étudiant avec des instruments différents un même phéuomène, ob- tiennent des courbes très dissemblables. - « I n'yapas lieu d’accuser de ces désaccords une méthode qui n’en est point responsable, mais il faut rechercher dans les vices de construction des instru- ments la cause des résultats incohérents qu'ils ont donnés. « …. La construction des instruments de Physiologie est souvent livrée à des ouvriers sans instruction; pour eux, le meilleur instrument est celui qui donne les tracés les plus amples. IL arrive que des médecins et les physiologistes se laissent séduire par cette appa- rence de sensibilité des instruments, oubliant que, pour l'inscription des mouvements rapides, l'amplitude des courbes cache la fidélité des indications. « Cet élat ne peut durer; le prolonger serait dis- créditer la méthode graphique, décourager les travail- leurs ou laisser encombrer la science d’uue quantité de documents erronés. « …. Les appareils enregistreurs ne sauraient échap- per à cette obligation de donner des indications pré- cises et concordantes entre elles. Pour arriver à ce résultat, il sera nécessaire d'établir une entente entre les phy-iologistes de tous pays. Le modèle d'une entente de ce genre a été donné par la Commission internatio- nale du mètre, « Dans une circonstance récente, en ouvrant le congrès de l'Association française pour l'Avancement des Sciences dans la ville de Saint-Etienne, je signalais le danger de livrer à l'arbitraire Ja construction des appareils inscripteurs et je montrais la nécessité de former une Commission internationale de Physiologie chargée de créer des types uniformes d'instruments pour les divers besoins de la Physiologie. L'unification et le contrôle des instruments ne peut être qu'une œuvre internationale; personne en eff-tne peut imposer un type d'instrument ni une unité de mesure. » Le Congrès de Cambridge fut unanime pour s'associer aux considérations développées par M. Marey. Désirant leur donner une consécration pratique, il adopta la résolution suivante : « ILest créé une Commission internationale pour l'étude des: moyens de rendre comparables entre eux les divers inscripteurs physiologiques et d'une facon générale d'uniformiser les méthodes employées en Physiologie. » Cette Commission est formée de MM. Bowditch (Boston U. S. A.), Foster (Cambridge), von Frey (Zurich), Aronecker (Berne), Marey (Paris), Mislaw- sky, Mosso (Turin) el Weiss (Paris). Chacun de ces commissaires, dans le pays qu'il représente, recueillera les avis de ses collèques et ceux des physiciens les plus compétents. IL se tiendra en ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE relations avec M. Marey. Enfin, tous les commissaires se réuniront en septembre 1900 à la Station physiolo- gique de Paris où seront ventralisés et discutés les résultats déjà oblenus. Sur la proposition de M. von Frey, M. Hürthle (Breslau) fut adjoint à la Commission. Les membres présents à Cambridge décidèrent de procéder dès à présent à une certaine division du travail. La besogne fut provisoirement répartie de la facon suivante : M. Bowditch (Boston U.S. A.), Méthodes générales ; M. Foster (Cambridge), Aymographie; M. Kronecker (Berne), Chronographie; M. Mosso (Turin), Znregistrement de la respira- lion ; MM. Marey (Paris), et von Frey (Zurich), Znertie et comparabilité des instruments; M. Weiss (Paris), Myographie. II. — CuIMIE PHYSIOLOGIQUE. SANG. LYMPnE. Les communications concernant la Chimie phy- siologique ont été assez nombreuses à Cambridge pour nécessiter la création d’une Section spéciale, fonctionnant d'une facon indépendante, Nous ne signalons ici que les communications qui prèsen- tent un intérêt général. $ 4. — Albuminoïdes. M. Kossel ! (Marburg) a fait sur la structure pro- bable de la molécule d'albumine une communica- tion du plus haut intérêL. , Les têtes des spermatozoïdes du Saumon, de l'Eslurgeon, du Corégon, elc., sont formées d’une combinaison d'acide nucléinique et de prolamines. (Miescher, Kossel). Les protamines soumises à chaud à l'action de l'acide sulfurique étendu, ab- sorbent de l’eau, el se scindent en fournissant un mélange de trois bases azolées à six atomes de car- bone, et à constitution relativement simple; L hës/i- dine de Kossel, CSH°Az°0? (pro parte lysatinine de Drechsel), l’arginine (partie de la Lysatinine de Drechsel), C°H'*Az'0?, de Schulze et Steiger, et la Lysine de Drechsel (acide caproïque diamidé) CiA'‘Az20?, Ces trois corps sont également des produits constants de l'hydrolyse de tous les albu- minoïdes examinés jusqu'à présent. M. Kossel admet qu'ils constituent, sous forme de protamines, le noyau central de la molécule d'albu- mine. Sur ce noyau se grefferont des chaînes laté- rales, plus ou moins nombreuses el variées. Pour la spongine et la gélatine, ce seront le glycocolle et 1 Zeils. f. Physiol. Chemie, t. XXII; Sitsungsber. Marburg, 1897-1898. LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE d'autres acides amidés de la série grasse; pour l'antipeptone, ces mêmes acides et la {yrosine; pour les albumines ordinaires, les acides amidés gras, la tyrosine et un ou plusieurs groupes sulfurés, etc. Nous entrevoyons ainsi, pour la première fois, la possibilité d’une division chimique des albumi- uoïdes, basée sur l’élude qualitative et quantitative de leurs produits d'hydrolyse, et aussi la possibilité d'ébaucher, dans un ävenir plus ou moins éloigné, une formule de structure pour ces corps si long- temps indéchiffrables. Les combinaisons de prolamines et d'acide nucléi- nique correspondent, au moins pour les têtes de spermatozoïdes des Salmonides, à la chromatine des histologistes, c'est-à-dire à la substance que l'embryologie moderne considère comme le support, la base physique des propriétés héréditaires pater- nelles. C'est elle, et elle seule, qui transmet à l'em- bryon les qualités du père et de ses ascendants. Pendant longtemps les matières albuminoïdes ont été considérées comme des substances colloïdes Lypiques (par opposilion aux cristalloïdes de Graham), c’est-à-dire des substances ne dialysanl pas à travers les membranes organiques et ne cris- tallisant pas. Cependant Maschke, Schmiedeberg, Drechsel, Grübler, ete., étaient parvenus à retirer de certaines graines végélales des globulines cris- tallisées. Mais ce n'est qu'en 1890 que Hofmeister, appliquant au blanc d'œuf le procédé de Grübler, réussit à faire cristalliser une albumine d’origine animale. Puis Gürber et Michel obtinrent égale- ment des cristaux d'albumine du sérum sanguin. M. Hopkins! (de Londres) a imaginé un perfection nement de la méthode de Hofmeister pour la pré- paration de l'albumine cristallisée, qui consiste, après avoir filtré le liquide albumineux (blanc d'œuf, sérum), saturé à moitié par le sulfate d’am- moniaque, à introduire avec précaution du sulfate d'ammoniaque, jusqu'à production d'un trouble léger. On ajoute alors une quantité d'acide acétique (dilué à 40 °/,) suffisante pour produire un léger précipité permanent, et l’on attend. Au bout d’un pelit nombre d'heures, il se forme une abondante cristallisation, sans que l’évaporation du liquide intervienne. M. Maillard (Nancy) a décrit un procédé analogue pour la cristallisation de l’albumine du sérum. IL est donc bien établi aujourd’hui que les ma- lières albuminoïdes, tant animales que végétales, peuvent présenter l'état cristallin. Celte consta- lation à son importance, car, si une solution d’albu- mine est capable de cristalliser, on est en droit de la considérer comme et non plus comme une pseudo-solution. On pourra donc une solulion vraie 1 Journal of Physiol., t, XXII, p. 130, 1893. légitimement l'utiliser pour la déterminalion de lam grandeur moléculaire de l’albumine par la méthodes cryoscopique. \ La cristallisation permettra aux physiologisles quiétudientles propriétés chimiques de l’albumine, d'opérer dorénavant sur des produits purs. La cris- lallisation, en effet, offre incomparablement plus de garanties de pureté que les dissolutions et pré- cipitations successives par les sels neutres, aux- quels on recourait jusqu'ici. LR er $ 2. — Coagulation du sang. J'ai analysé ici, l'an dernier, les (travaux de M. Dele-n zenne sur la coagulation du sang, notamment sur l’action de la peptone. L'auteur a apporté à Cam-m bridge les résultats de ses dernières recherches, que l’on peut formuler ainsi: La substance anticoagulante contenue dans le sang après injection de peptone est un produit dé- rivé de la destruction des leucocytes; elle présente une grande ressemblance chimique avec l’histone de Lilienfeld. L'immunité conférée par une première injection de peptone vis-à-vis d'une seconde injection, est due à la résistance des leucocytes à la destruction. Celte résistance est vraisemblablement liée à la production d'une antiloxine qui protège les globules blanes contre l’action destructive de la peplone. En effet, le sérum d'un animal immunisé par la pep- tone, injecté dans le péritoiue d’un autre animal, rend celui-ci réfractaire à l’action leucocytique et à l'action anlicoagulante d’une injection intravaseu- laire de peptone pratiquée consécutivement. D'autre part, une injection préalable de peptone peut immuniser les animaux contre les effets anti- coagulants des injections intraveineuses de sérum d'anguille, d'extrait de muscles d'écrevisse, de fer- ments solubles, de toxines microbiennes, ete. Dans toutes ces conditions, l'immunilé est encore la conséquence d'une augmentation de résistance des leucocyles à la destruction. $ 3. — Lymphe. Il existe, comme on suit, deux théories sur le mode de formation de la lymphe : la {héorie méca- nique de Ludwig, qui considère la lymphe comme un produit de filtration du plasma sanguin à tra- vers l'endothélium vasculaire, et la théorie de Hei- denhain, qui fait jouer à l’endothélium vasculaire un rôle actif et prépondérant dans la sécrétion de la lymphe. M. Asher? (Berne) a appelé l'attention sur un facteur dont l'importance a été quelque peu 4 Arch. de Physiol. norm. el patlhol., p. 508, 568, 1898. 2 Zeils. f. Biol, t. XXXVI, p. 154, 1898, et t. XXXVIII p- 261, 1898. MCE | LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE négligée jusqu'à présent : l'intervention des élé- ments vivants des tissus dans la formation de la lymphe. Pour lui, la lymphe n'est ni un produit de filtration mécanique du plasma sanguin, ni un produit de sécrélion de l'endothélium vasculaire, mais bien un produit de l’activité des organes, comme lindiquent un grand nombre de faits, notamment les suivants : Les périodes d'activité des glandes salivaires, du corps thyroïde, des organes digestifs entrainent une augmentation de lymphe formée. L'injection intraveineuse de sub- Stances cristalloïdes, qui provoque la pléthore hydrémique et une augmentation de lymphe, exagère également l'activité des organes glandu- laires. Les lymphagogues constituent pour les cellules du foie un excitant puissant, d’où aug- mentation de la sécrétion de bile, comme l’auteur “la démontré sur un chien porteur d'une fistule “biliaire temporaire. L'auteur considère la lymphe comme le véhicule “des produits provenant des échanges organiques. ile apporte ces produits aux ganglions lympha- “tiques qui les transforment ; elle constitue l’excilant “normal des ganglions lymphatiques qui réagissent par la formation de leucocytes. D'après M. Floresce (Paris), la Ilvmphe incoagu- lable, empruntée au canal thoracique du chien (après injection de propeplone ou d'extrait de têtes de sangsue) provoque la coagulation de la caséine du lait, d'où l'on doit conclure à la présence du ferment de la présure dans la lymphe. Diminution du ferment sous l'influence de l’abslinence. IIT. — Gaz DU SANG. — RESPIRATION, OXYDATIONS, CIIALEUR ANIMALE. $ 1. — Gaz du sang, M. Nicloux ! (Paris) a fait la démonstralion de la présence normale de petites quantités (1°°,4 par litre de sang) d'oxyde de carbone dans le sang normal du chien; cette quantité augmente sous l'influence de l’anesthésie chloroformique, comme si le chloroforme se décomposait dans l'or- ganisme au contact de l’alcali du plasma sanguin. L'oxyde de carbone fut recherché et dosé par l'anbydride iodique, FO* : O5 + 5C0 — 5CO® + J°, Une cominunication de de Saint-Martin (absent) sur le même sujet a été distribuée aux membres du Congrès sous forme de tirés à part imprimés. M. Haldane (Oxford) a démontré une méthode nouvelle pour l'extraction de l'oxygène du sang. M. Barcrofft (Cambridge) a présenté un appareil 1 Arch, de Physiol. norm. el palh., p. 311, 434, 1898. qui permet l'extraction et l'analyse simultanée des gaz de plusieurs petites portions de sang recueil- lies à court intervalle. $ 2. — Respiration. M. Fletcher' (Cambridge) a fait la démonstration d’un appareil fort ingénieux, permettant d'exécuter rapidement et exactement le dosage de CO? dans un échantillon d'air (absorption de CO? par la baryte; titrage de la baryte par HCI). L'appareil a été cons- truit pour étudier la production de CO? dans les lissus excisés, notamment les muscles de gre- nouille, le cœur de la tortue, la respiration des ‘insectes, etc. M. Johansson (Stockholm) a étudié la production de CO? sous l'influence du travail musculaire. M. Laulanié ? (Toulouse) a fait des séries paral- lèles de déterminalion des échanges respiratoires et de la thermogénèse (mesurée au calorimètre) sur les mêmes animaux. Il constate que la source unique de la chaleur animale réside dans les réac- tions chimiques de combustion respiratoire. Une vérification analogue avait déjà été faite il y a quelques années par Rubner. C’est une démonstra- tion a posteriori que l'organisme animal obéit à la loi de la conservalion de l'énergie, et qu'il ne peut pas plus créer l'énergie calorifique que la matière pondérable. M. Langlois: (Paris) montre, par une expérience concluante, que la résistance à l’asphyxie que pré- sente le canard, animal plongeur, tient non à une plus grande quantité de sang, comme on l’admet généralement depuis Paul Bert, mais dépend d’un mécanisme nerveux spécial, amenant l'inhibition des échanges. Un canard saigné d’un tiers de son sang résiste autant qu'un animal normal, c'est-à-dire pendant! douze et même dix-sept minutes, alors qu'une poule meurt après une à deux minutes. C'est le contact de l’eau qui provoque par voie réflexe (par l'intermédiaire du pneumogastrique le ralentissement du cœur et, comme conséquence, l'inhibilion des échanges respiratoires des tissus. L'empoisonnement par l'atropine supprime le réflexe et replace le canard dans les conditions d'asphyxie rapide, même lorsqu'il est placé dans l'eau. D'autre part, l'asphyxie est également rapide malgré l'intégrité des pneumogastriques, si l'animal n'est pas plongé dans l'eau. $ 3. — Oxydations. M. Medwedew (Odessa), en étudiant l'oxydation de l’aldéhyde salicylique par les extraits des tissus. 4 Journal of Physiol., t. XXII, p. 10, 1898. 2 Arch. Physiol., p. 538 et 148, 1898. 3 LancLors et Ricuer : C, R. Soc. Biologie, 1898. 156 LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE arrive à la conclusion que les ferments oxydants peuvent être considérés comme des Corps suroxy- génés, capables de céder leur oxygène sous forme active. 11 y a lieu de penser que l'économie pos- sède dans ces corps les sources de l'oxygène emmagasiné en vue des besoins ultérieurs. M. Phisalix ‘ (Paris) admet l'existence d’une oxy- dase dans la peau de la Grenouille et du Crapaud, en se fondant sur ce fait que le suc de peaux des Batraciens bleuit la teinture de gaiac et que l'extrait aqueux de peau noircit au contact de l'oxygène de l'air. Le chauffage préalable empêche ce chan- gement de coloration. $ 4. — Chaleur. M. Ito (Berne) considère le duodénum et non le foie comme représentant l'endroit le plus chaud du corps. Il a fait des expériences sur l'élévation de température qui se produit après la piqûre du corps strié. IV. — CIRCULATION. $S 1. -— Cœur. Il y à quelques années, les physiologistes étaient, pour ainsi dire, unanimes à considérer l'ordre de succession des différentes phases de chaque révo- lution cardiaque (a, contraction du sinus veineux; b, contraction des oreilleltes; ce, contraction du ventricule: d, contraction du bulbe de l'aorte, dans le cas du cœur de la grenouille) comme réglée par l'activité des ganglions ou centres nerveux intra- cardiaques. MM. Kronecker et Schmey avaient même admis que, chez les Mammifères, les pulsations cardiaques se trouvent sous la dépendance d’un centre uni- que, d'étendue punctiforme, situé dans le sillon inter-ventriculaire antérieur (union du tiers supé- rieur avec le tiers Une lésion de ce centre, par simple piqûre, suffisait à arrêter irré- vocablement les pulsations cardiaques, et à pro- duire les contractions fibrillaires désordonnées, connues sous le nom de délire du cœur, délire qui précède immédiatement la mort de l'organe. M. Kronecker a depuis atténué ce que cette concep- tion avait de trop absolu, en admettant que le centre en question ne gouvernait les pulsations cardiaques qu'indirectement, par action vaso-motrice. Ce serait le centre des nerfs des vaisseaux nourriciers du inférieur). cœur. Mais, on peut tout aussi bien concevoir la pro- duction des pulsations du cœur comme dépendant d’une excitation continue, automalique du muscle cardiaque lui-même, sans que les ganglions nerveux aient nécessairement à intervenir. Nous savons, en 4 C MR. Soc. Biol., 1898. effet, qu'un fragment de muscle cardiaque isolé, nc contenant pas de ganglions {la pointe du ventricul chez la Grenouille, par exemple), répond à un excilation continue, par des contractions intermit= tentes, c'est-à-dire séparées par des périodes dias- toliques ou pauses. En effet, chaque excitation efficace du muscle cardiaque, c'est-à-dire produi-" sant une pulsation, provoque ipso facto une abo- lition momentanée de l'excitabilité du muscle, qui le rend réfractaire à une excitation trop rappro- chée de la première. Un certain nombre de physiologistes adoptent actuellement cette théorie myogène des pulsations cardiaques (Engelmann, Gaskell, etc.). IL suffit d'admettre que chaque partie du cœur tend à exé- euter des pulsations automatiques, en vertu des propriétés du muscle cardiaque: La contraction, née en un endroit du cœur (le sinus veineux chez la grenouille), se propage ensuite à tout l'organe, grâce à la continuité des fibres musculaires. Des ponts musculaires établissent, en effet, la conti- nuité anatomique entre les oreillettes et les ventri- cules, chez tous les Vertébrés, y compris l'homme {Paladino, 1876: Gaskell, Stanley-Kent, W. His ju- nior). La propagation de la contraction est forte- ment ralentie au passage du pont musculaire situé entre les oreillettes et les ventricules, ce qui expli- que l'intervalle de temps qui sépare la contraction des oreillettes et celle des ventricules. W.-T. Porter ‘ (Boston, U. S. A\ a fait devant le Congrès une série d'expériences du plus haut intérêt, qui ont convaineu tous les assistants de l'impossibilité de localiser dans un centre unique le primum movens des pulsations du cœur des Mam- mifères. Il nous à montré un petit fragment mus- culaire isolé, découpé dans le ventricule gauche d'un chat, continuant à battre sous l'influence d'une injection de liquide nourricier, poussée par une branche d’une artère coronaire. Ce liquide nourricier, comme l'a montré Porter, peut être du sérum exempt de globules, à condition qu'on opère dans une atmosphère d'oxygène comprimé à deux atmosphères. Le même expérimentateur a montré un cœur de chat isolé, continuant à battre, quoiqu'il ne fût nourri que par les veines de Z'hébésius el les veines coronaires. Ici aussi le sérum exempt de globules peut remplacer le sang défibriné, si l'on opère dans une atmosphère d'oxygène comprimé. MM. Wertheimer et Lepage (Lille) montrent que les nerfs accélérateurs du cœur ne sont pas en toutes circonstances, comme le soutenait Baxt, soumis à l'influence prépondérante de l'action modératrice des pneumogastriques. Si l'on exeile chez le chien 1 mer. Journ. of Physiol., 1598. PEUT) D \ Ca A LEON FREDERICQ -- REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 157 les branches (accélératrices) de l'anneau de Vieus- sens, on oblient une accélération manifeste du rythme cardiaque. Cette accélération, très marquée à la phase d'inspiration, peut également se mani- fester à la phase d'expiration, alors que Paction modéralrice du pneumogastrique est à son maxi- mum. M. Wybauw (Bruxelles) montre que l’action mo- dératrice du pneumogastrique cesse de s'exercer sur le cœur, si on soumet l'organe à un lavage à la solution physiologique. Signalons encore une communication d'O. Frank (Munich) sur la contraction isotonique et isomé- brique du muscle cardiaque de la grenouille. $ 2. — Vaisseaux. M. F. Laulanié (Toulouse) fait la démonstration d'un sphygmographe donnant le pouls radial et le pouls digital, appareil d'une application facile et expédilive et fournissant des graphiques d’une grande pureté. M. Léonard Hill! (Londres), a fait une série d’ex- périences, très réussies, sur l'influence que la pesanteur exerce sur la circulation veineuse. Une anguille, dont le cœur a élé mis à nu au préalable, est fixée dans l'extension sur une planchetle. Si l'on place l'animal verlicalement, la tête en haut, le Sang veineux ne parvient plus à remonter vers le cœur, contre l’action de la pesanteur. Au bout d'un pelit nombre de pulsations, le cœur apparait vide de sang. Si à ce moment on plonge l'animal dans l'eau, la pression hydrostatique de l’eau extérieure tend à contrebalancer la pression hydrostatique du sang à l'intérieur des vaisseaux, et la circulation se rétablit. Expérience inverse avec l'animal placé la tête en bas. De même, un lapin domeslique chloralisé ne supporte pas la position verticale, la Lèle en haut, et meurt par syncope au bout de peu de temps. La compression de l'abdomen par massage ou l'im- mersion dans l’eau rétablit la circulation. Chez le lapin sauvage, chez le chat, le chien, le singe, le poulet, l'homme, le pouvoir de résister à l'action de la pesanteur, lorsque le corps est placé dans la posilion verticale, est, au contraire, bien développé. Ce pouvoir dépend en partie du {onus vasculaire, en parlie de la résistance des parois abdominales. $ 3. — Vaso-moteurs On sait que toute dilatation vasculaire locale, résultant soit de l'entrée en fonctions d'un organe, soit des nécessités de la production ou de la dis- tribution de la chaleur animale, soit de toute 1 Journ. of Physiol., t. XXII, 1893 et t. XXII, 1898. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. autre cause, entraine dans d’autres départements vasculaires une vaso-constriction dite compensa- trice, et vice versa. Un exemple classique de ce balancement, de cet antagonisme, entre deux dé- partements vasculaires, nous est fourni par les vaisseaux de la peau d'une part, et par ceux des viscères abdominaux de l'autre, comme l'ont mon- tré les recherches de Grützner et Heidenhain et celles de Dastre et Morat. Lorsque les vaisseaux de l'intestin se contractent, comme c'est le cas dans le premier slade de l’asphyxie, ou sous l'influence d'une excitation des nerfs sensibles, ceux de la périphérie se relâchent. On admet généralement, avec les expérimenta- teurs dont nous venons de ciler les noms, que la congestion qui se produit alors du côté des mem bres n’est pas due au refoulement purement méca- nique du sang vers la périphérie, mais qu'il s'agit d'une dilatation aclive des vaisseaux, provoquée par l'intervention des nerfs vaso-dilatateurs. M. Delezenne (Montpellier) a fourni une preuve nouvelle de l'exactitude de cette conception. Il sépare complètement la palte poslérieure d’un chien ou d'un lapin A, mais en conservant les connexions nerveuses du membre. La patte est d'ailleurs introduite dans un pléth,srographe, ce qui permet de juger de l'élat des vaisseaux péri- paériques par les variations de volume du membre, Les vaisseaux fémoraux du membre séparé A sont abouchés aux vaisseaux homologues d'un autre animal B. La palte À est donc innervée par l'ani- mal A, mais est séparée de la masse du sang de l'animal A, puisqu'elle recoit son sang et est nourrie par B. Si, dans ces conditions, on provoque l’asphyxie ou l’excilation des nerfs sensibles chez l'animal A, la patte À n'en montre pas moins l'augmentation de volume et l'élévation de la température, qui est de règle dans celte expérience. Le lien nerveux persistant seul entre la palte À et l'organisme A, c'est évidemment lui qui doit être responsable de la vaso-dilatation. L'expérience très élégante de M. Delezenne n'était pas superflue, car l'explication par voie nerveuse à élé combattue par M. Bayliss. M. Bayliss (Londres) admet, au contraire, l'expli- cation purement mécanique de la dilatation des vaisseaux de la patte qui se montre au début de l'asphyxie ou à la suite de l'excitation d'un nerf sensible. Si l’on empêche, dit-il, la hausse de pression centrale qui est de règle dans l’asphyxie ou dans l'excitation d’un nerf sensible (nerf crural antérieur), on constate au pléthysmographe non plus une dilatation, mais une diminution de volume de la patte, indiquant une vaso-constriclion des vaisseaux périphériques. qe 158 LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE Voici comment M. Bayliss empêche la pression de monter dans le système arlériel. La carotide d'un Lapin curarisé est reliée à un manomètre à mer- cure ordinaire, et également, au moyen d'un tube latéral, à un tube de verre assez large, ouvert, et plongeant verlicalement, à une certaine profondeur, dans un bain de mercure. Le degré d'immersion de l'extrémité ouverte de ce tube est réglé de telle sorte que le sang est juste sur le point de s'échapper. Dès que la pression tend à monter, il se produit une hémorragie par l'orifice de ce tube, hémorragie qui empêche toute hausse de pression. Or, dans ces conditions, on constale non une dilatation, mais un resserrement des vaisseaux de la patte au début de l’asphyxie ou lors d’une exci- tation des nerfs sensibles. M.Bayliss conclut de celte expérience que l'anta- gonisme entre la circulalion culanée et la circulation profonde n'existe pas et que la tunique des vai:- seaux de la peau se relâche et se contracte dans les mêmes conditions que celle des vaisseaux des viscères. MM. Halliburton et Mott (Londres)! montrent que l'injection intraveineuse de choline et de neurine provoque une chule de la pression sanguine géné- rale, accompagnée d'une dilatation locale des vaisseaux du rein. M. Livon (Marseille) constate que les extraits de capsule surrénale, de rale, de corps pituitaire, de parotide, déterminent en injection inlraveineuse une augmentation de la pression sanguine; que ceux fabriqués avec le pancréas, le thymus, le foie, le testicule, l'ovaire déterminent, au con- traire, de l'hypotension. Ses expériences le condui- sent à admettre que le sang, en traversant un organe glandulaire, se charge de principes spé- ciaux, dont l’action sur la pression varie avec l'organe. Cela nous conduit à exposer quelques travaux récents sur la sécrétion interne des glandes vas- culaires et de plusieurs autres organes. $ 4. — Sécrétion interne et pression artérielle. La notion de la sécrétion interne, neltement for- mulée par Claude Bernard à propos de la fonction glycogénique du foie, reprise et généralisée ensuite par Brown-Séquard, a renouvelé, en quelques années, la physiologie des glandes diles vascu- laires. On a reconnu que le corps thyroïde, les capsules surrénales, l’hypophyse, etc. avaient pour fonc- tion de fabriquer cerlains produils qui sont versés dans le sang par sécrélion interne, et qui inter- viennent d’une façon importante dans le fonclion- 4 Journ. of Physiol., t. XXIT, 1898. nement d’autres organes, notamment du système nerveux central. M. E. Gley a exposé ici même! les derniers travaux sur la physiologie du corps thyroïde. Je puis donc me borner à mentionner une communicalion de M. Bédart (Lille) : Action de l'arsenice sur l'intoxication par ingeslion de corps thyroïde, et celle de M. Moussu (Alfort), sur les fonctions thyroïdiennes et parathyroïdiennes. On sait que M. Moussu admet que les thyroïdes pré-" sentent des fonctions distinctes de celles des para-" thyroïdes. Quoi qu'il en soit, on peut admettre que le corps thyroïde est donc un véritable régulateur de la eir- culation. Les extraits de corps thyroïde, et nolam- ment la (hyroidine, agissent sur le système nerveux du cœur et sur celui des vaisseaux. Il en serait d’ailleurs de même des capsules sur- rénales, d'après MM. Olivier et Schäfer, Gybulski et Szymonowicz, Fraenkel et d'autres.Cybulski admet, d'après ses expériences, que les capsules surré- nales ont pour fonction de verser dans le sang, par sécrélion interne, un produit nécessaire à l’en- trelien de l’excilabililé normale des centres ner- veux vaso-moteur, cardiaque et respiratoire, el de. ceux qui président au {onus musculaire. Il est cer- tain que le symptôme le plus marqué qui se montre chez les animaux auxquels on a fait une. injection intra-veineuse d'extrait de capsule surré- nale, c'est une élévation énorme, mais très pas- sagère, de la pression artérielle, coïncidant avec un ralentissement du rythme cardiaque et due à une vaso-constriction générale. L’injeclion intra- veineuse d'extrait de corps thyroïde provoque, au contraire, une vaso-dilatation généraie. MM. Tigerstedt et Bergmann ? viennent de décou= vrir que la substance corlicale du rein du lapin présente, à côté de la sécrélion externe de l'urine, une sécrétion in{erne d'un produit spécial qu'ils appellent rénine. La rénine serait versée dans le sang et contribuerait à entretenir le /onus vascu- laire. C’est une substance soluble dans l’eau et les solutions salines, ainsi que dans la glycérine, pré- cipitable, mais non altérée par l'alcool, supportant une température de + 54° à Æ 56°, mais perdant toute activité par l'ébullition. La rénine, injectée dans les veines du lapin, même en quantité fort minime (2 ceutimèlres cubes d'extrait aqueux du rein, contenant à peine 1 cenligramme de résidu sec), provoque une hausse considérable de la pres- sion sanguine (après une chute initiale passagère), hausse qui se maintient assez longlemps. La hausse est due à une action vasculaire périphé-. rique (excitation des centres vaso-constricteurs ! Revue générale des Sciences du 15 janvier 1898, p. 13. # Skand. Arch. f. Physiol., t. VIIT, p. 223, 1898. 2. spa dé 4 prévenir ou faire disparaître une intoxication réa- valeur nutritive de la ralion alimentaire du cheval. LEON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 159 contenus dans la paroi des vaisseaux?) : elle se | chimiques et immunisantes des Plasmines du montre encore après destruction des centres vaso- moteurs du bulbe et de la moelle épinière. V. — DicestTioN. NUTRITION. M. Arthur Biedl (Vienne) montre qu'on peut rendre le chien diabétique (mème à jeun), rien qu’en sup- primant l'arrivée de la lymphe du canal thoracique dans le torrent de la circulation (soit en liant le canal, soit en déversant son contenu à l'extérieur). Lorsque le cours de la lvmphe se rétablit, ou lors- qu'on injecte de la lymphe dans les veines, le dia- bète disparait. Bayliss et Starling (Londres) introduisent dans l'intestin grèle du chien un ballon explorateur relié extérieurement à un enregistreur et consta- tent des contractions rythmées, se répétant environ douze fois par minute. Ces contractionscessentsil'on met obstacle au cours du sang des vaisseaux intes- üinaux, soit par obstruction temporaire de l'aorte, soit par excitation du splanchnique. La prétendue aclion d'arrêt du splanchnique sur l'intestin pour- rait donc bien n'être que secondaire et due par contre-coup à l'anémie de l'intestin. M. Heymans (Gand) a démontré sur une série de lapins l’action antitoxique de certains composés sulfarés (hyposulfites, sulfocarbonates, sulfures etc.) vis-à-vis des nitriles. L'injection d'un de ces composés sulfurés peut lisée au moyen d'une dose plusieurs fois mortelle de nitrile. M. Bornous nous a mentionné ung série de com- munications d'intérêt spécial : M. O. Hagemann (Bonn-Poppelsdoy) : Sur la M. Grañam Lusk (de Newhaven U.S. A.) : Surla destruclion organique des albuminoïdes et la pro- duction d’hydrocarbonés et de graisse sous l’action du phosphore et de la phlorhidzine. M. Atwater (Middletown, Connecticut) : Sur l'action nutritive de l'alcool. M. W. H. Thompson (de Belfast): Sur les effets diurétiques d'une petite quantité de solution saline normale. MM. Hopkins et W. Beresford Hope (de Londres) : Sur les relations entre l'acide urique et les nucléo- protéides. M. Lily H. Huie?: Sur les changements présentés par les cellules grandulaires de Drosera sous l’in- fluence de différentes substances nutritives. M. Martin Hahn (Munich) : Sur les propriétés 1 Journ. of Physiol, t. XXIIT, 1698. 2 Journ. of Physiol., t. XXI, 1898. contenu cellulaire. M. Hamburger ! (Utrecht): Sur l'action des solu- lions salines sur le volume des globules rouges et des spermatozoïdes. M.J. Denys (Louvain): Sur la nécessité d'admettre plusieurs espèces de leucocytes. — De la présence constante de microbes dans les follicules clos de la muqueuse intestinale du lapin. VI. — Nerrs ET MUSsGCLes. Plusieurs opérations praliquées sur le système nerveux central ou périphérique par des physiolo- gistes anglais au Congrès de Cambridge nous ont permis d'admirer une fois de plus la virtuosité artistique avec laquelle nos collègues d'outre- Manche exécutent les vivisections les plus déli- cales. M. Langley? (Cambridge) a montré un chat sur lequel il avait praliqué, deux mois auparavant, la réunion du bout central du pneumogastrique avec le bout périphérique (céphalique) du grand sympa- thique cervical. Le pneumogastrique fut sectionné devant le Congrès à la sortie du crâne et excité en dessous de la surface de section. L'excitalion fran- chit l'endroit de réunion des deux nerfs, remonta vers la tête par le grand sympathique et provoqua les effets habituels de l'excitation du cordon cer- vical du grand sympatique : rélraction de la mem- brane nictitante, dilatation de la pupille, contrac- tion des vaisseaux de l'oreille, ete. Après injection de 20 milligrammes de nicoline, çempoisonnement du ganglion cervical), l'excitation du pneumogastrique ne fut plus suivie d'aucun de ces effets. L'action pupillo-dilalatrice et vaso-cons- triclrice reparut au contraire par excitation directe du grand sympatique au-dessus du ganglion cer- vical supérieur. M. Sherrington (Liverpool) et M. Hering (Prague)° ont démontré, chez le singe et le chat, le relâche- ment réflexe des muscles fléchisseurs, consécutif à l'excitation des muscles antagonistes (exlenseurs) ou à celle du bout central des nerfs qui innervent ces antagonistes. M. S. Lee (New-York) attribue la fatigue museu- laire uniquement à l'accumulation dans le muscle des déchets organiques provenant des réactions chimiques interstilielles qui accompagnent la con- traction. M. René du Bois-Reymond (Berlin) a démontré un nouveau modèle d'ergostat, imaginé par Zuntz, et qui permet, au moyen d'un mécanisme fort simple, de 1! Arch. f. Physiol., p. 317, 1898. 2 Journ. of. Physiol., t. XXIIT, p. 210, 1898. 3 Arch. f. d. ges. Physiol., &. LANUI, p. 222, 1897. 160 LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE mesurer le travail mécanique exécuté par les bras de l'homme. L'appareil de Zuntz remplacera avec avantage l'ergrographe ordinaire dans les expé- riences où l'on étudie, chez l'homme, l'influence du travail mécanique sur le chimisme respiraloire. M. Brunton Blaikie démontre la présence de l’urée dans les muscles du chien (présence contestée il n y a pas longtemps par Nencki). L'urée existe en très petite quantité (0,0021 °/, seulement) chez le chien à jeun, en quantité appréciable (0,02 et 0,014°/,, c'est-à-dire 10 fois plus) dans les museles d'un animal bien nourri. Les phénomènes électriques présentés par les nerfs et les museles au moment de leur activité, ainsi que la technique électro-physiologique, notamment l'emploi de l’électromètre capillaire et du rhéotome, ont fait l’objet d'une série de commu- nications d’un intérêt un peu trop spécial pour que nous en donnions ici un compte rendu détaillé : M. Borultau' (Güttingue), MM. Gotch et Burch ? (Oxford), M. Burdon Sanderson * (Oxford), M. Kro- necker (Berne), Macdonald et Waymouth Reed (Dundee). Disons cependant que M. Macdonald et M. W. Reed * ont réussi à montrer, sur un lapin, le cou- rant d'action (variation négative) du nerf phrénique, correspondant au fonctionnement respiratoire nor- mal (inspiralion, ou exagéré (dyspnée). Autant il est facile, comme on le sait, de démontrer la varia- tion négalive sur un nerf de grenouille (ou même de mammifère) que l'on soumet artificiellement à des excitations électriques télanisantes, autant il est difficile de la constater lors du fonctionnement physiologique du nerf, surtout lorsqu'il s'agit d’un animal à sang chaud. L'expérience de MM. Macdo- nald et Reed représente la seconde ou la troisième réussite de ce genre que la physiologie des ani- maux à sang chaud peut enregistrer. Eafin signalons les expériences sur l’action de différents agents sur les fibres nerveuses par M. Waller (Londres)”, miss Sowton (Londres), et celles de J. Allen (Birmingham) °, sur la cause du bruit musculaire etles démonstralions des superbes chronopholographies de M. J. Marey (Paris. VIT. — CENTRES NERVEUX. A différentes reprises, il a été question, dans celle /evue, des données nouvelles fournies par l'étude histologique des centres nerveux sur la ! Centralbl, f. Physiol., t. XII, p. 317, 1898. ? Centralbl. f. Physiol., t. XII, p. 396, 1898, et Journ. of Plysiol., t. XXII, 1898. 3 Centralbl. f. Physiol., t. XII, p. 177, 1898. * Journ. of l'hysiol . t. XXIII, p. 100, 1898. * Journ. of Physiol., t. XXII, 1898. 5 Journ. of Physiol., t. XXII, 1898. constitution des cellules nerveuses et de leurs pro- longements, les neurones cérébraux. On admet, depuis les travaux de Ramon y Cajal, que les cellules nerveuses voisines ne commu- niquent pas directement par leurs prolongements ramifiés, comme on le croyait il y a quelques an- nées. Il y à, non continuilé, mais simple contiquilé entre les arborisations terminales du prolongement cellulifuge d'une cellule et les prolongements cellu- lipètes ou protoplasmiques de l'autre cellule. On est tenté d'admeltre également que la contiguïté peut. être plus ou moins intime; les prolongements des cellules nerveuses sont vraisemblablement doués d'un certain degré d'amiboïsme, c'est-à-dire qu'ils peuvent, suivant les circonstances, se rélracter ou s’allonger. Dans le premier cas, la continuité est interrompue; dans le second, elle serait renforcée, d'où obstacle ou facilités plus grandes offertes au passage de l'influx nerveux se rendant d’un neu- rone à l'autre. L'idée de l'amiboiïsme des cellules nerveuses a été appliquée par MM, Rabl-Rückhard, E. Tanzi, . Lépine, Mathias Duval, etc., à l'explication théo- rique des phénomènes de sommeil, de mémoire, d'éducation, d'inhibition, d'anesthésie, ete., comme je le rappelais dans ma « revue de Physiologie » parue dans la livraison du 30 janvier 1896, p. 96 et suivantes *. On comprend combien la vérificalion objective expérimentale de ces vues théoriques présente d'intérêt, mais aussi de quelles difficultés pratiques elle doit être entourée. M. Demoor, professeur à l'Institut Solvay, de Bruxelles, a fait, à ce sujet, deux communicalions accompagnées de démonstralions de photographies et de préparations, tant en son nom qu’en celui de M. Héger, directeur de l'Institut Solvay. M. Demoor a montré que l’élat moniliforme des prolongements des neurones cérébraux était carac- téristique d’une rétraction du protoplasme, qui peut amener la rupture des contacts entre prolon- gements de neurones voisins. Il a fait l'application de cette notion à l'explication de l'analgésie cocaï- nique, dans le cas des neurones olfactifs qui prennent, en effet, l'état moniliforme sous l'in- fluence de la cocaine. M. Héger a constaté que les neurones corticaux d'animaux décapités en plein fonctionnement céré- bral présentent des dendrites nombreux, dont le calibre est uniforme dans toute leur longueur; ces dendrites sont garnis d'appendices abondants (état normal). Si l'animal a été décapité à l’état de som- meil provoqué par les anesthésiques (éther, chlo- ! Je puis me dispenser d'insister sur ces recherches, puis- que M. Jules Soury leur a consacré un article documenté daus la Revue du 15 mai 1898, p. 310 et suivantes. 1 Hr4 Mar : dd + ) : « \ ” LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PIYSIOLOGIE 161 ral, chloroforme) ou par la morphine, on constate une rétraction du corps cellulaire du neurone, l'état moniliforme de tous les prolongements et la dimi- nution ou la disparition par place des appendices. Les neurones modifiés reprennent leur aspect nor- mal après élimination de l'agent modificaleur. De mème, les cellules nerveuses des animaux à l'état de sommeil hibernal, de ceux qui ont élé soumis à l'action prolongée du froid, aux excilations dou- loureuses, présentent pour chaque cas des moditi- cations caractéristiques. M. Wright (Montréal) a signalé pareillement des changements des cellules nerveuses sous l'influence de l'anesthésie. L'aspect du neurone est donc des plus variables et il y aura lieu de rechercher la signification de chacune des modificalions, au point de vue de l'activité normale et pathologique des neurones cérébraux. Rappelons que la question des changements fonctionnels des cellules nerveuses est, depuis plu- sieurs années, l’objet d’études poursuivies avec succès à l'Institut Solvay. - MM. Scott et Macallum (Toronto) ont exposé le résultat de leurs recherches sur les substances phosphorées des cellules nerveuses et autres. M. Macallum (Toronto) a montré que l'emploi successif du molybdate d’ammoniaque en solution nitrique et du pyrogallol, comme réactif micro- chimique de la présence du phosphore dans Îles tissus, peut donner lieu à des erreurs. La coloration foncée, observée dans cette réaclion, n’est pas pro- duile par du phospho-molybdate d'ammoniaque, comme on l’admet en général, mais est due en par- lie à des produils d’oxydation du pyrogallol, en partie à l'action du molyblate sur le pyroyallol, et peut, par conséquent, se montrer en l'absence de phosphore. IL propose de remplacer dans celle réaction le traitement par le pyrogallol, par l'action d'une solution aqueuse (1 à 4 °/,) de chlorhydrate de phénylhydrazine, qui donne avec les composés phospho-molybdiques une coloration vert foncé. M. Scott admet que les granules de Nissl, qui se voient dans les cellules nerveuses en voie de déve- loppement, ontune origine nucléaire et contiennent du phosphore organique. MM. Moore et Reynolds (Londres) ont conslaté que la contraction réflexe du gaslro-cnémien, pro- voquée par l’excitation des fibres centripèles d'une racine du scialique de l’autre côté, s'effectue sans qu'il y ait un temps appréciable perdu au niveau des cellules du ganglion spinal. L’exeilation était appliquée au nerf sensible, tantôt entre le ganglion et la moelle, c'est-à-dire au niveau d’une racine postérieure, lanlôl périphériquement par rapport au ganglion. L'interposition de cellules nerveuses sur le trajel d'une excitalion nerveuse ne peut donc êlre respon- sable du retard que la transmission de cette excila- lion éprouve lorsqu'elle traverse les centres ner- veux. Ce retard, qui est considérable, comme on le sait, dans certaines circonstances, doit donc pro- bablement être attribué au passage de l’influx ner- veux, non à travers le corps cellulaire lui-même, mais au passage de fibre à cellule, ou de neurone à neurone. M. E. A. Schäfer (Londres) a combattu la doc- trine d’après laquelle les centres psycho-moteurs de l'écorce cérébrale seraient en même temps des centres psycho-sensibles. M. Demoor (Bruxelles) a présenté une série de photographies et de préparations se rapportant à des expériences d’extirpation de l'écorce cérébrale pratiquées chez Le chien. Il conelut qu'il y a lieu d'admettre l'existence, chez le chien, de deux ordres de centres corticaux : les centres de projec- Lion et les centres d'association. Dans aucun cas, il n'observa la régénération des cellules nerveuses. M. Mann (Oxford) a également traité la question de l'existence, dans l'écorce cérébrale des Mammi- fères, de deux catégories de centres : 1° des centres d'ordre inférieur senso-moteurs (1° circonvolution ou circonvolution marginale du cerveau des Carni- vores, pour les mouvements du tronc et des membres), dont l'excitation artificielle provoque une contraction limitée à un muscle ou à un petit nombre de muscles; 2° des centres d'ordre supé- rieur où psycho-moteurs (2° circonvolulion ou cir- convolution latérale, pour les mouvements du tronc et des membres), dont l'excitalion provoque des mouvements compliqués el coordonnés de marche, de natalion, etc. M. Vilzou ‘ (Bucarest) a signalé la récupération de la vue perdue à la suite d’une première ablation totale des lobes occipitaux chez quatre singes. MM. Boyce et Warrington (Liverpool) * ont décrit la structure du système nerveux central des Oiseaux, et les résullats des expériences physiologiques d’excitation, de section ou d’ablation des différentes parties de l’'encéphale et de la moelle. MM. Beevor et Horsley (Londres) ont étudié les effets de l'excilalion des pédoncules cérébraux. M. Max Verworn (léna) a développé des considé- rations théoriques intéressantes concernant l'expli- cation des atlitudes anormales que l’on peut faire prendre aux poules (experimentum mirabile du Père Kircher), aux grenouilles, ele., et dans lesquelles il refuse de voir des phénomènes hypnotiques. * Arch. Physiol., 1897. ? Journ. of Physiol., t. XXII, p. 112, 1898. LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE VIII. — ORGANES DES SENS. Nous avons eu sur la physiologie des organes des sens un pelit nombre de communications du plus haut intérêt. M. Grützner (Tubingue) a fait la démonstration de plusieurs appareils d’Acouslique (reproduction des figures de Lissajous, limbre des voyelles, ete. M. Bowditch (Boston) a montré un modèle du globe oculaire et des muscles qui le meuvent. M. Burch' (Oxford) combat la théorie des cou- leurs de Hering et adopte celle de Young-Helmholtz, mais en admettant dans la rétine, outre les fibres sensibles au rouge, au vert et au violet, une qua- trième catégorie de fibres sensibles au bleu. Il pro- duit une cécité temporaire pour l'une de ces cou- leurs en faisant agir sur la rétine, soit de la lumière rouge très intense, soit l'une des trois aulres lu- mières colorées prise en quantité éblouissante. Il décrit l'aspect présenté par le spectre solaire dans chacun de ces cas de cécité lumineuse temporaire. M. Beer (Vienne) montre que beaucoup de Mam- mifères, d'Oiseaux et de Reptiles (Lézards, Croco- diles, Tortues, très peu d’Ophidiens) présentent le même mode d’accommodation que l'homme : chan- gement de courbure du cristallin. Chez d'autres animaux, l’'accommodation est réa- lisée par un déplacement du cristallin par rapport à la rétine. Chez les Céphalopodes et les Poissons osseux, dont l'œil est, au repos, adapté à la vision de près, l'accommodalion pour la vision au loin est réalisée parce que le cristallin se rapproche de la rétine. Chez les Amphibiens et les Ophidiens doués d’accommodation (qui manque chez cer- taines espèces), il se produit une accommodation active pour la vision de près, parce que le cristallin se porte en avant, en s'éloignant de la réline. Le mouvement du cristallin est obtenu chez les Pois- sons osseux par l’action directe d’un muscle spé- cial (Retractor lentis\; chez les Céphalopodes, les Amphibiens et les Ophidiens, il s'agit de change- ments dans la pression intraoculaire réalisés par la contraction du muscle circulaire. Ghez un cer- tain nombre de Hire de Reptiles, d'Amphi- biens et de Poissons, il n’y a pasd'accommodation. Il s'agit en général d'animaux à habitudes noctur- nes (pupille étroite souvent en forme de fente). Un certain nombre de tortues menant une vie amphibie ont un pouvoir d'accommodation des plus étendus. M. Magnus (Heildelberg) étudie sur l'œil d’an- guille isolé la réaction pupillaire qui se produit sous l'influence des différents rayons du spectre. Il constate que la courbe de la réaction pupillaire est la même que la courbe de l'absorption des diffé- rentes régions du spectre par le pourpre rétinien. Il est donc peu probable que l'excitation lumineuse soit transmise directement aux fibres musculaires de l'iris par un pigment musculaire jaune bru- nàtre. Le temps de la réaction diminue lorsqu'on emploie une lumière intense. La réaction se pro- duit sous l'influence d'une excitation de courte durée (éclair au magnésium). M. Von Frey (Zurich) a exposé le résultat de ses recherches sur les nerfs du tact. IX. — REPRODUCTION, RÉGÉNÉRATION, GREFFE, AUTOTOMIE. Le Congrès de Cambridge n’a présenté aucune communication se rapportant aux fonctions de re- production, ce qui se conçoit sans peine, ces fonctions ne se prêtant guère à des démonstrations publiques. Je tiens cependant à appeler ici l’atten- tion sur quelques travaux récents se rapportant à la reproduction ou à des phénomènes qui s'y ral- tachent plus ou moins. $ 1. On sait que le problème de la déterminalion du sexe par influences extérieures peut être consi- déré comme résolu pour un certain nombre d'ani- maux invertébrés. Il suffit de modifier les condi- tions matérielles de la vie des parents, pour obte- nir à volonté des descendants mâles ou femelles, chez plusieurs Crustacés (Daphnides, Artemia Sa- lina) ou Insectes (Abeilles, Papillons, Gallinsectes, Pucerons). M. Maupas a montré que chez les Rota- teurs cette influence de la prédétermination du sexe pouvait faire sentir ses effets sur plusieurs généra- tions successives. Toutes les expériences tentées jusqu'à présent dans ce sens, chez les animaux supérieurs, ont au contraire donné des résultats fort peu encoura- geants. (Voir notamment les expériences de Pflüger sur le sexe des Batraciens). Les journaux politiques avaient fait grand bruit, il y a peu de temps, de la dé- couverte du professeur Schenck, de Vienne, permet- tant, affirmait-on, de procréer à volonté des enfants males ou femelles. Mais la publication du travail de Schenck a fait s'évanouir en fumée les espérances qu'avaient fait naitre ces réclames pompeuses. Produire à volonté des mâles ou des femelles, c'est déjà fort beau. Mais changer après coup le sexe d'un être déjà développé, voilà qui est mieux. Ce problème a été résolu par Bordage * (Saint- Denis, Réunion). Hälons-nous d'ajouter qu'il ne s'agit pas de nos enfants, mais d’un arbre des Tropiques, le Papayer commun (Carica papaya). Or, — Détermination du sexe. : Journ. of Physiol., t. XXII, 1898. 1 BonpaGEe : C. R. Soc. Biologie, 2 juillet 1898, p. 708 PR Ce LE SE taf LÉON FREDERICQ —— REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 163 M. Bordage est parvenu à transformer le Papayer mâle en Papayer femelle, rien qu'en mulilant l'extrémité de la tige. L'opération doit être prati- quée sur de jeunes Papayers mâles vigoureux, avant l'éclosion des premières fleurs, au début de l'apparilion des premiers rudiments d'inflorescence mâle ; ces rudiments eux-mêmes doivent être enle- vés. Une condition importante de réussite, c'est de ne choisir que des sujets disposés à fleurir dès la première année de leur existence. L'extrémité du tronc primilif cesse de croitre après la cassure et se cicatrise : deux bourgeons, silués à l’aisselle des deux feuilles qui viennent directement au-dessous de la surface de section se développent alors et produisent la dichotomie de la tige d'abord simple. Ensuite, au bout de quelque temps, chaque branche de celle dichotomie fleurit, donnant des fleurs femelles sessiles, le plus souvent solitaires à l'aisselle des feuilles, au lieu des énormes grappes composées pendanles de fleurs mäles (plus d'un demi-mètre de long) auquelles on aurait dû s'altendre. Les fleurs femelles sont suivies _ de fruits. $ 2. — Régénération, Autotomie. J'ai signalé ici-même, dans ma revue de l'année dernière, les intéressantes recherches de M. Bor- dage sur l'autolomie des pattes chez les Phasmides (Insectes Orthoptères) et la régénération qui s'éla- blit après la mulilalion. Le savant directeur du Muséum de Saint-Denis (Réunion) à eu la main heureuse en poursuivant ses études sur ce groupe de Phasmides. Il nous signale aujourd'hui! une forme nouvelle d’'autotomie, celle qu’il appelle exuviale (de exuviæ, dépouille, mue) et qui se produit au moment de la mue. On suit que la cuirasse chilineuse qui enveloppe le corps des Arthropodes est inextensible, et qu'elle ne peut s'accroitre par additions interstitielles, comme le font, jusqu'à un cerlain point, les os des Animaux supérieuré. La coque rigide oppose donc, chez les Crustacés et les Insectes, une barrière absolue à l'accroissement de l'animal. Celui-ci, pour pouvoir augmenter de volume, en est réduit à muer, c'est-à-dire à se débarrasser périodique- ment de la carapace ancienne devenue trop étroite et à en revêtir chaque fois une nouvelle. L'opération de la mue, qui se renouvelle au moins huit fois pour les Phasmides, constitue une redoutable épreuve, dont ils ne triomphent pas tou- jours. M. Bordage constate que, sur 100 spécimens de Æaphiderus scabrosus observés, 31 avaient péri ou furent mutilés par les mues. Dans beaucoup de cas, l'animal ne parvient à se dégager de l’ancienne 1 (. R. Soc. Biologie, p. 837 et 839, 30 juillet 1898. enveloppe chitineuse qu'en faisant le sacrilice d'un ou de plusieurs membres, en pratiquant l'au- tolomie à l'endroit ordinaire, au niveau de la sou- dure fémoro-trochantérienne. Cette autotomie eœuviale est réalisée par des efforts violents de l'animal: elle semble se distin- guer de l'aulotomie habituelle ou évasive, en ce qu'elle est produile volontairement par l'insecte, sans être consécutive à un réflexe. Nous ne pouvons malheureusement, vu le peu de place dont nous disposons, suivre l'auteur dans les considéralions inléressantes qu'il développe, en se plaçant au point de vue de la théorie de l'évolution, sur le mode de développement et de perfectionnement du mécanisme de l’autotoinie. IL attache avec raison une grande importance à la soudure des deux articles de la patte (deuxième article ou basipodite soudé au troisième ou ischio- podite chez les Crustacés, soudure fémoro-trohan- térienne chez les Phasmides el autres insectes qui pratiquent l’autotomie) au niveau où se fait l’autoto- mie, ant chez les Crustacés que chez les Insectes. L'autotomie exuviale, au moins aussi fréquente que l'autotomie ordinaire ou évasive, a dû jouer un rôle important dans l'élablissement de cette soudure et le perfectionnement du mécanisme de l'aulotomie. La régénéralion des patles des Phasmides après mutilation ordinaire (sans aulolomie), de même que celle du bec des Oiseaux, à élé étudiée égale- ment par M. Bordage”. Il a déterminé par l'observation les circonstances dans lesquelles les animaux vivant à l'état de nature, sont exposés à perdre leurs extrémités, quitte à régénérer les parties perdues. I1 a constaté que tous les faits de régénération obéissent strictement à la loi de Lessona (1868), que l'on peut formuler de la façon suivante : Les parties qui se régénèrent sont loujours celles qui, dans la vie habituelle de l'animal, sont les plus exposées à être mutilées; de plus, la puissance régénératrice augmente en raison de la fréquence avec laquelle elle s'exerce. De même, Darwin (1880) et Weismann (1892) avaient admis que la régéné- ralion est une propriété générale des organismes qui a été conservée par sélection, là seulement où elle était utile et où elle avait assez fréquemment l'occasion de s'exercer pour rendre de réels ser- vices. En résumé, elle repose sur l'adaptation. Terminons celte revue en disant que le prochain Congrès de Physiologie se réunira dans trois ans, (seconde quinzaine de septembre 1901), à Turin, dans l'Institut de Physiologie du professeur Mosso. Léon Fredericq, Professeur de Physiologie à l'Université de Liège. 1 C. R. Soc. Biologie, p. 133 et 135, 9 juillet 1898. 164 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Maupin (Georges), Surveillant général au Lycée de Nantes. — Opinions et Curiosités touchant la Ma- thématique.— 1 vol. in-8° de 200 pages (Prix carlon- né : 5 fr.). G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1899. Je ne saurais parler sans partialité de ce petit volume, qui fait partie de la Bibliothèque de la Revue géncrale des saenc-s, et cela pour trois raisons : la première est ma sympathie personnelle pour l’auteur; la seconde, c’est que j'ai lu l'ouvrage en manuscrit, et que j'ai fait tous mes efforts pour en assurer la publication ; la troisième, enfin, c'est que M. Maupin m'a fait l'honneur, en tête de son livre, de la plus aimable dédicace. Mais, si Je me vois ainsi contraint de m'abstenir de toute appréciation, il m'est du moins facile de dire, très sommairement, ce qu’on trouvera dans les Opi- nions et Curiosités. La quadrature du cercle y joue un rôle important, On ne saurait s’en étonner, quand on songe qu'à l heure actuelle il existe encore des qguadra- teurs. Oronce Fine (1556), Charies de Bovelles (1566), le P. Leuréchon (1712), Le Tenneur (1640), de Beaulieu (1676), Remy Baudemont (1712), le P. Lamy (1738), de Vausenville (1771) sont les principaux auteurs auxquels M. Maupin a fait des emprunts à ce sujet. On trouvera aussi des considérations curieuses et souvent bien inattendues, soit sur la Mathématique en elle-même d'une facon générale, soit sur des sujets philosophiques ou religieux qu'on prétend y rattacher. L'enseignement préoccupait aussi nos grands pères, comme il nous préoccupe aujourd'hui; les combinai- sons, les probabilités, les jeux de hasard excitaient leur curiosité. À ces divers sujets se rattachent les noms d'auteurs aujourd'hui inconnus sénéralement et que M. Maupin à tirés de l’oubli où ils sommeillaient, enfouis dans la poussière des bibliothèques. A côté d'eux, figurent des noms célèbres, comme ceux de Montaigne, Fioravanti, Pascal, Antoine Arnaud, Nicole, Barrème, Ozanam, Rivard, Sauveur, d'Alembert, Con- d'rcet. Enfin, j'ai gardé pour le dernier celui de La Chalotais, cet üdmirable esprit pédagogique, dont les idées, émises en 1763, représenteraient encore à pré- sent un programme de réformes très désirables. L'Æssui d'éducation nationale mériterait d'être entre les mains de chaque professeur digne de ce nom. Dans le cha- pitre XXVI de l'ouvrage de M. Maupin, on en trouvera du moins les parties essentielles. Je ne puis conclure que d'une seule manière. Ayant essayé d'indiquer à peu près ce que contiennent les Opinions et Curiosités, j'engage fort ceux que le sujet intéresse à s’en rendre compte complétement par la lecture de l'ouvrage lui-même. C.-A. Laisanr, Répétiteur à l'Ecole Polytechnique. Weber (Henri), Professeur de Mathématiques à l'Uni- versité de Strasbourg. — Traité d’Algèbre supé- rieure, {raduit sur la 2° édition allemande, par J. GRiess, Professeur de Mathématiques au Lycée Charie- magne. Tome I. — 1 vol. in-8° de 764 pages. (Prix : 22 fr.) Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1899. Le grand succès obtenu par la première édition de cet ouvrase (1895) a engagé l'auteur à en publier une seconde (1898), qui ne diffère de la première que par cerlains détails et des compléments relatifs à des tra- vaux récents, C’est la traduction en francais du premier volume que vient de nous donner M. Griess. Dans ce volume, l’auteur établit d'abord (livre I) Les Principes généraux de l’Algèbre supérieure, en se pla- ET INDEX cant immédiatement au point de vue qui dominera l'œuvre tout entière : c'est ainsi qu'il débute par une introduction sur le concept de nombre et les ensem- bles, d’après Dedekind; puis il aborde la théorie des équations entières : déterminants et équations linéai- res, existence et continuité des racines, fonctions symétriques de ces racines et applications, formes. homogènes et leurs formations invariantes ou covarian- tes. Le second livre : les Racines, traite de la détermina- - tion du nombre des racines réelles, de leur séparation et de leur calcul. L’exposé, très complet, de toutes ces questions, est en même lemps simple et conduit aux aperçus les plus variés : citons, par exemple, le chapi- tre consacré à l'étude de la transformation de Tschirn- haüsen, d'après M. Hermite, la comparaison des règles . de séparation des racines (Klein) et les propositions de Laguerre sur ce sujet, les méthodes d'approximation des racines dues à Bernouilli et Gräffe, l'application: des fractions continues aux irrationnelles du second degré et à l'équation de Pell, etc. Avec le livre LL : les Grandeurs algébriques, qui est d'une conception très originale, nous abordons les théories difficiles qui forment la partie la plus belle, peut-être, de l'Algèbre supérieure. Partant de la nolion de corps (Dodekind) ou de domaine de rationalité (Kro- necker), l’auteur expose tout d’abord la théorie de Galois ; après avoir établi les propriétés londamentales des équations irréductibles, il indique la construction de la résolvante de Galois, établit les principes indis- pensables de la théorie des groupes de subslitutions et résoud le problème de reconnaitre si une équation est ou non réductible; puis il passe aux applications : réso- lulion des équations abéliennes et cycliques, problème de la division du cercle, équations résolubles algébri- quement. La traduction de M. Griess a scrupuleusement res- pecté les précieuses qualités de cet ouvrage, et ne lui a rien fait perdre de sa clarté simple et élégante : elle fait désirer vivement le second volume, consacré à la théorie des groupes finis et des nombres algébriques. M. LELIEUVRE, Professeur au Lycée, Chargé de Conférences à l'Université de Caen. 2° Sciences physiques Aldous (J.-C.-P.), Pro'esseur a l'Ecole Navale « la Bri- tannia »; Eggar (W.-D.), Assistant au Collège d'Eton et Barrell (F.-R.), Professeur de Mathémuti ques à University College (Bristol). — An elementary course of Physics. — 1 vol. in-12° d' 862 pages arec 278 figures. Mucmillan et Cie, éditeurs. Londres, 1899. Ce livre est un cours élémentaire rédigé par un groupe de professeurs distinzués; il s'adresse à des élèves qui n'ont encore aucuñe connaissance de la Phy- sique et qui ne possèdent qu'une culture mathéma- tique très peu étendue, mais qui, comme les élèves de la Britannia, à qui il est spécialement destiné, ont be- soin d'acquérir des notions précises, ayant un caractère pratique et moderne. Il est fort intéressant de comparer ce livre à nos traités français; si aujourd'hui, grâce aux périodiques, aux comples rendus des Académies et des Sociétés, on suit avec la plus vive altention les progrès de la science à l'étranger, on se préoccupe en général beaucoup moins de la facon dont les éléments sont enseiymés dans les divers pays. La lecture du Cours de Physique de M. Aldous et de ses collaborateurs suxgérerait à un der pr — ELLE: BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 165 professeur francais d'uliles réflexions; on remarque dans ce livre une tendance plus accentuée que chez nous à moderniser les expériences el les appareils qui sont décrits, à introduire des notions simples sur les parties de la Physique qui, comme la physique molé- eulaire, lu théorie des ondulations, n'ont pas de place dans notre enseignement élémentaire. Toutefois les auteurs de nos meilleurs livres de classe n'auraient certes pas à rougir de la comparaison et l'on pourrai citer plus d'un traité français où l'électricité et l’op- tique, par exemple, sont enseignées d’une facon pour le moins aussi salisfaisante. Un point où l'avantage res- terait sans doute, au contraire, aux Anglais, c'est le côlé matériel; netteté d'impression, abondance de figu- res nouvelles et claires sont, pour un livre de ce genre, des qualités fort précieuses et qui ne manquent pas à l'œuvre de M. Aldous. LUCIEN PoINcaRÉ, Chargé de cours à la Sorbonne. Coustet (Ernest). — Les Compteurs d’Electricité,; — 1 vol. in-16 de 128 pages avec 56 figures (Prix : 2 fr. 50). Bernard Tignol, éditeur. Paris, 1899. En 128 page», pelites mais bien remplies, l’auteur a réussi à condenser, sous une forme claire el précise, les travaux consacrés dans les dix dernières années à l’im- portant problème de l'évaluation commerciale de l'éner- gie électrique. Les seuls compteurs connus du public sont ceux, peu nombreux, qui, sorlis viclorieux de la concurrence, ont enrichi leurs inventeurs, alors que, pour des différences en apparence insignifiantes, les autres sont à peu près tombés dan: l'oubli. Quelques années de pratique ont suffi à faire le tri dans une multitude de mécanismes qui semblaient avoir des “chances égales de réussite. C'est pourquoi cette ques- tion des compteurs, plus qu'aucun autre problème technique, peut devenir à son tour un utile enseigne- ment par la philosophie qui s’en dégage. L'auteur ne Va pas jusqu'a celte conclusion, qui n’entrait pas dans son cadre, mais il en donne tous les éléments : en dehors de l'intérêt descriptif qui s’y rattache, ceux que des vues plus lointaines intéressent trouveront ras- semblés, dans l'ouvrage de M. Coustet, des documents propres à établir les conditions générales que doit rem- plir un appareil industriel de mesure. Les compteurs peuvent être classés, suivant le pro- - gramme auquel ils répondent, en compteurs de temps, les plus simples de lous, dont le rôle est seulement de totaliser l1 durée du passage du courant, en compteurs d'intensité ou de quantité, en compteurs d'énergie et en euregistreurs, qui peuveut procéder de l'un ou de l'autre des groupes précédents. Une classe particulière de compteurs, peu employés en Europe, sont construits de manière à totaliser le potentiel au li-u de l'intensité du courant qui les traverse; ils sont destinés aux lignes en série à intensilé constante. Ces diverses classes forment autant de chapitres de Vouvrage de M. Couxtet, qui se termine par des ins- tructions générales sur l'emploi des compteurs. Alors que les autres chapitres s'adressent surtout aux tech- niciens, le dernier intéressera tous ceux qui aspirent à savoir pourquoi ils paient et comment on les taxe. CH.-Ep. GUILLAUME. Dupont(l.), Ancien préparaleur au Laboratoire de Chi- mie organique de la l'aculté des Sciences, et Freundler (P.), Docteur ès sciences, Chef des lraraux pratiques de 2° année au Lahoratuire d'enseignement de la Chimie appliqué” de L1 Faculté des Sciences. — Manuel opé- ratoire de Chimie organique. Avec préface de M. Cu. FrRieoez, Membre de l'Institut. — 1 vol, in-8 de 315 payes. Iachelte et Cie, à Paris, 1899. L'ouvrage de MM. Dupont et Freundler est destiné aux élèves qui travaillent dans les laboratoires de Chimie organique, mais, différanten cela de tous les traités de manipulalions qui ont paru jusqu'ici, il ne fait pas seulement connaître la marche à suivre dans la prépa- ration ou l'étude analytique de tel ou tel corps; il L initie l'opérateur aux différentes méthodes qui prrmet- tent de l'obtenir, lui signale celle qui présente la plus grande généralité et enfin lui indique les précautions à prendre dans chaque cas, surtout lorsque quelque accident peut résulter de leur négligence. Tous les détails sont minutieusement raisonnés et on a le sentiment, à la lecture de leur Manuel, que les auteurs ont eu pour principal objectif de former des élèves qui travaillent bien et surtout qui comprennent bien ce qu'ils font. Celle préoccupation incessante les a conduits à donner à leur ouvrage une forme quelque peu singulière ef qui frappe dès l’abord : c’est ainsi qu'on y cherchera vainement les préparations de l’aldéhyde ordinaire ou de l'acide acélique ; trop simples pour être d'un enseignement ulile, elles ne nécessitent aucune connaissance particulière, et quelques indica- tions oralés, au laboratoire, suffisent pour les mener à bien. Les modes généraux d'obtention sont d’ailleurs indi- qués en tête de chaque chapitre, avec les indications bibliographiques les plus importantes. Toute la première partie du volume est consacrée à l'élude des composés organiques, à leur purification, à leur analyse et à la détermination de leur grandeur moléculaire : c'est là une innovation heureuse, dontles commençants ne manqueront pas de Lirer le plus grand profit. Les procédés de l'analyse élémentaire, la mesure des constantes physiques, points de fusion ou d'ébullition, solubilités, densilés, pouvoir rotaloire, puissance réfrac- tive, conductibilité électrique, chaleur de combustion ou de neutralisation, etc., les méthodes de Raoult, de Gladstone, Brühl et Lorenz s'y trouvent décrits avec soin et surtout avec une clarté d'exposilion qui, dans le cadre naturellement restreint qui les enserre, donne une idée suffisamment exacte de leur importance dans l'étude de la Chimie organique. En un mot, le livre de MM. Dupont et Freundler nous paraît répondre en tous points au but que les auteurs se sont proposé d'atteindre : fournir aux débulants les connaissances praliques que leurs anciens, moins favo- risés, n'ont pu acquérir qu'après une longue fréquenta- tion des laboratoires et souvent de nombreux insuccès. L. MAQUENNE. Professeur au Muséum d'Histoire naturelle. 3° Sciences naturelles Dehérain (P.-P.), Membre de l'Institut, Professeur au Muséum et à l'Ecole d'Agriculture de Grignon. — Les Plantes de grande culture.— 1 vol. in-8° de 236 pages (Prix : 6 fr.). G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1898. Au moment où tout le monde parle de la crise agri- cole, il est bon de dire ce que la science a fait depuis quelque vingt ans pour en atténuer les elTets. M. Dehérain vient de faire paraître à ce sujet une sé- rie d'études magistrales intitulée : Les plantes de grande culture. I s’agit du blé, des pommes de terre, des bet- teraves fourragères et des betteraves de distillerie et de sucrerie. Malgré la gravité du sujet, la lecture du livre est facile, parce que l’auteur sait parer tout ce qu'il touche et possèdel'art charmant de bien exprimer tout ce qu'il veut dire. Les qualités d'exposilion et de style ne sont poiut, d'ailleurs, inconciliables avec l’érudition du savant, maitre de son sujrt. L'ouvrage de M. Dehérain nest pas seulement, en effet, un travail de vulgarisation. Dans bien des cas, l'éminent professeur de Grignon expose les résultats de ses recherches personnelles. Nos lecteurs connaissent notamment celles qui se rap- portent au travail du sol et à la mitrilicalion, aux ma- tières azotées de la terre arable, à l'action de l'au sur la vévétalion, elc.‘, On trouvera à sa place, dans le 1 Voyez P.-P. DEHÉRAIN Revue annuelle d'Agronomie. dans la Revue gén. des Sciences du 30 janvier 1899. 166 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX volume dont nous parluns, l'exposé de ces beaux tra- vaux, dont la portée économique pourra devenir si grande dans quelques années. Sans doute, M. Dehérain parle longuement et avec détails de Ja culture des plantes céréales ou indus- trielles, mais son mérite consiste à ne pas faire sur chacune d'elles l’article banal de l'encyclopédie. L'au- teur ne perd pas son temps à nous donner des détails techniques inutiles. Il apprend aux lecteurs ce que ceux-ci ne savent probablement pas. Loin de blämer tout ce qui se fait, il tient grand compte des enseigne- ments de la pratique séculaire; mais il cherche et trouve la raison cachée des vieilles méthodes que l’agri- culteur applique depuis quelque mille ans. C'est ainsi qu'à propos de la jachère, si longtemps pratiquée, l'auteur montre qu'elle provoque l'aéralion du sol humide par les labours et la production de nitrates, qui esl la conséquence de ce travail. La céréale, que l’on sèmera à l'automne, trouvera dans la terre des nitrates tout formés, les assimilera et s’en nourrira. Mais qu'ar- riverait-il si la terre restait nue pendant l'automne et l'hiver? Les nitrates formés seraient entraînés par les pluies; ils passeraient à travers le sol, qui ne peut les retenir, et ils seraient perdus. Il faut done bien se gar- der de laisser les terres nues à la fin de l’année, après un labour, lorsque la nitr'fication est très active. Si l'on ne sème pas du blé, il est nécessaire d'occuper le sol au moyen d'une plante à croissance rapide qui saisira au passage les nitrates déjà formés et que l'on enter- rera ensuite de facon à éviter une perte d'azote cer- taine. Cette plante jouera le rôle d'engrais vert. Or, il arrive fréquemment que le terre reste nue pendant l'automne et l'hiver. Il en est ainsi notamment quand on doit semer au printemps de l'orge, de l'avoine ou des betteraves. M. Dehérain dit à ce propos : « Quand on prépare une terre pour betteraves, il est avantageux d'y incorporer dès l'automne de qua- rante à cinquante tonnes de fumier. Il arrive malheu- reusement qu'on ne dispose pas toujours, avant l'hiver, d'une masse suffisante pour que chacune des pièces ait la dose utile : on remédie à ce défaut de la fumure d'automne, soit par l'acquisition de tourteaux, soit en praliquant les cultures dérobées destinées à servir d'engrais. « L'habitude d'employer les engrais verts est géné- rale dans la Limagne d'Auvergne, où les grandes usines à sucre de Bourdon ont propagé la culture de la bette- rave. Elle alterne indéfiniment avec celle du blé; cette succession ne s'interrompt que tous les quinze ans, pour introduire une luzerne. « Aussilôt apres la moisson, la terre, débarrassée de sa récolle, reçoit un léger labour de déchaumage; on y emploie des instruments variés; les cullivateurs pau- vres font encore usage de leur vieil araire ; mais d’au- tres metlent en travail une déchauwmeuse, encore peu répandue, dont les fers horizontaux coupent le sol à 2 ou 3 centimètres de la surface, renversent et enter- rent les chaumes et permettent le semis de la vesce qui, de toutes les Légumineuses que j'ai essayées, est celle que j'ai vue réussir le plus habituellement. Le semis est terminé dès la première semaine du mois d'août, el, S'il survient quelques pluies, la terre est rapidement couverle; en septembre. la place des chaumes est occu- pée par une prairie verdoyante, et, à la fin d'octobre, on obtient 8, 10 et jusqu'à 15 tonnes de fourrage vert à l'hectare, présentant une teneur en azote égale à celle du fumier de ferme. «Cet azote a une double origine : il provient pour une part des nitrates qui se forment dans les sols fertiles pen- dant les chaleurs de l'été. Perdus, entraînés par les eaux d'infiltration quand les terres restent nuesen automne, ces nitrates sont, au contraire, assimilés par la vesce semée après la moisson; à cet azote fourni par le sol vient s'ajouter celui que la plante prélève sur l'atmosphère, On sait, en effet, que les plantes de la famille des Légu- mineuses, à laquelle appartient la vesce, portent sur leurs rameaux des nodosités peuplées d: bactéries fixa- trices d'azote. » On voit quelle peut être l'application des intéres'il santes recherches de M. Dehérain sur la nitrification des matières azotées de la terre arable. Rien de plus: utile que de conclure en signalant la portée écono- mique de ces travaux. L'auteur ajoute en eflet : «Il serait bien à désirer que cette pratique des cul- tures dérobées d'automne se généralisàt; elle donue- rait à notre pays un remarquable accroissement de fertilité. Nous cultivons le blé sur 7 millions d'hectares :. si chacun d'eux recevait après la moisson une culture dérobée de Légumineuses, on aurait une moyenne de 10 tonnes d'engrais vert à enfouir; celte quantité attein- drait même 16 tonnes par hectare pendant les automnes… chauds et pluvieux; elle représenterait donc de 70 à 105 millions de tonnes d'engrais valant son poids de fumier de ferme, et, comme nous ne produisons guère chaque année que 100 millions de tonnes de fumier, nous réussirions à doubler la fumure distribuée. » A propos du blé, M. Dehérain signale une fois de plus l'importance exceptionnelle du choix des semences M et de l'emploi des variétés très productives. Dan; le Pas-de-Calais, sur les terres de M. Porion, on a pu obte- nir 60 hectolitres par hectare en utilisant le blé à épi carré. C'était là un résultat merveilleux. Mais il con-. vient de ne pas généraliser et de ne pas admettre, & priori, que l’on pourra obtenir de semblables récoltes M dans la France entière. Il faut tenir compte de la nature du sol, du climat, du choix et de l’abondance des fumures distribuées. Loin de hasarder des conclusions trop enthousiastes, M. Dehérain met lui-même le publie en garde contre une généralisation dangereuse. Les essais tentés avec le blé Porion n'ont pas donné partout de brillants résultats. Cette variété est à sa place dans le Nord et le Pas-de-Calais; elle réussit moins bien dans les régions plus chaudes. Sa matura- tion est tardive et coïncide parfois avec les grandes chaleurs, de telle sorte qu'il arrive que le blé soit M échaudé, que le grain soit petit et d'une vente difficile. L'auteur conclut avec raison : « Le choix judicieux de la variété à semer est une des conditions premières de la réussite, et, malheureu- sement, ce choix ne comporte pas de solutions géné- rales; telle variété qui convient à un certain sol n’est plus celle qu'il fant semer plus loin. C'est au cultivateur qu'il appartient, à force d'observations répétées, de trou- ver la semence qui offre, dans son domaine, le plus de chances de réussite. » Ces réserves faites, il n'en reste pas moins prouvé que le choix des variétés exerce une influence certaine sur les rendements. M. Dehérain le montre, d’ailleurs, en parlant des pommes de terre et en rappelant que les belles études de M, Aimé Girard ont permis de doubler, voire même de tripler les récoltes, grâce à l'emploi des variétés prolifiques. ù A côté de ces problèmes techniques, il existe des problèmes économiques qu'on ne saurait négliger, L'augmentation de la production et la réduction des prix de revient n’ont-elles pas, en effet, pour consé- quence inévitable la baisse des prix? Qne faut-il faire pour triompher de celte difficulté nouvelle, si ce n'est profiter de l'abondance même d’une marchandise dépré- ciée pour transformer celte dernière et obtenir ainsi des produits d'un prix plus élevé? C'est notamment ce que l'on peut faire en France, si l’on utilise la pomme de terre à l'engraissement du bétail. M. Dehérain n'a pas oublié, dans son excellent ouvrage, d'aborder les questions économiques. Nous lui en savons gré, et le lecteur, qui s'instruira en le lisant, partagera sans nul doute cette opinion. D. Zorza, Professeur à l'Ecole Nationale d'Agriculture de Grignon. Cavalié (M.), Prosecteur à la Faculté de Médecine de Toulouse. — De l’innervation du diaphragme (Etude anatomique et physiologique). — 1 “ol. in-8° de 154 pages avec 33 figures et 4 planches. Mar- qués et Cie, ünprimeurs, Toulouse. , BIBLIOGRAPHIE — ANALYSE S ET INDEX 167 4 Sciences médicales Parinaud (H.). — La Vision. Etude physiologique et clinique. — 1 vol. in-8° de 220 pages avec fiqures (Prix : 6 fr.). O. Doin, éditeur. Paris, 1899. M. Parinaud a réuni en un beau livre, luxueusement édité, le fruit des réflexions de toute sa vie scientifique, el l'exposé de ses travaux sur son sujet de prédilection, l'étude physiologique de la vision et notamment de la vision associée des deux yeux. Les lecteurs de la Revue conaissent ses idées, expostes d'abord par M. Weiss dans un article sur la théorie chimique de la vision‘, puis par l’auteur lui-même*. Depuis de lon- gues années, dans ses publications diverses, M. Pari- naud a exposé sa théorie de la vision binoculaire, du strabisme, et son opinion, qui en découle, que la dévia- tion strabique ne consiste réellement ni en des lésions musculaires, ni en des troubles de la fonction de la convergence, suivant les idées reçues, mais bien dans le dérangement d'une fonction cérébrale qui tient sous sa dépendance la vision binoculaire. Le livre actuel reproduit donc, en les réunissant, tou- tes ces théories, et elle constitue l'étude complète de la vision sous toutes ses formes physiologiques, y com- pris cette vision binoculaire dont le dérangement cause le strabisme, et cet autre mode de vision associée des deux yeux que l’auteur décrit sous le nom de vision simultanée. … Le traité actuel est un livre de physiologie spéciale, mais avec des aperçus de physiologie pathologique et comparée, el aussi d'embryogénie et de phylogénie, qui “donnent à sa lecture un attrait philosophique. Dans un préambule, M. Parinaud expose les données générales de la physiologie sur la réaction sensorielle, sur la lumière, sur la couleur et donne de ces agents “d'excilation des définitions conformes à l’état actuel des connaissances. —. Le premier chapitre du livre est consacré à l'étude de la sensibilité visuelle et des fonctions de la rétine. La question de l'adaptation est exposée avec de nom- breux détails, ainsi que le rôle respectif des bâtonnets …et des cônes. Rappelons que, pour Parinaud, l’adapta- tion est une fonction de bâtonnets et du pourpre réli- .nien, car elle manque dans la fovea qui ne contient - que des cônes. — Les cônes constituent les éléments fondamentaux de la rétine, et les bâtoonets, par la fonction d'adaptation, - mettent les cônes en valeur. L'étude de la fluorescence de la rétine arrête ensuite M. Parinaud qui expose, dans un chapitre étudié, les mo- «difications diverses subies par le pourpre rétinien dans l'acte visuel. L'action du pourpres'accompagnerait d'un développement d'énergie électrique. L'Anatomie com- - parée vient, d'ailleurs, corroborer ces conclusions : car on sait que les bâtonnets, organes d'adaptation, prédo- . minent chez les animaux à vision nocturne. Les ani- - maux dont les rétines sont privées de pourpre sont hé- _ méralopes. Dans le deuxième chapitre, M. Parinaud étudie le rôle comparatif de la rétine et du cerveau dans l'acte de la vision. L'adaptation, l’acuité visuelle sont des fonctions périphériques et rétiniennes; au contraire, la sensation de couleur paraît être une fonction cen- trale, si l’on en juge par certains troubles centraux, irritatifs ou nerveux (hystérie), qui produisent des sen- Sations colorées ou des troubles de la vision des cou- 1 G. Weiss : La théorie chimique de la vision dans la Revue générale des Sciences du 30 mars 1896, tome VI, pages 253 à 969, > M. Paninauo : Les fonctions de la rétine, dans la Renue poule des Sciences du 15 avril 1898, tome IX. pages 267 à 992 leurs. M. Parinaud admet donc que la spécialisation de sensation de lumière en sensation de couleur est de siège cérébrel. Il pense aussi que le nombre indéfini de nos sensations de couleur est en rapport avec des modalités différentes de l'énergie nerveuse répondant aux modalités différentes de l'énergie physique de l'agent lumineux. L'énoncé de cette doctrine est pré- cédé de la critique des théories de Young-Helmholizet de Hering. Enfio, l’auteur rappelle qu'il a été le premier à com- parer les phénomènes de contraste des couleurs avec la polarisation électro-magnétique, idée qui recoit tant d'appui à l’époque actuelle par les découvertes de Ramon y Cajal. Suivent ensuite les chapitres ayant trait aux phéno- mènes de persistance de l'impression lumineuse et du contraste des couleurs. La deuxième partie du livre de M. Parinaud se ratta- che davantage à la clinique, car il comprend l'étude de la vision associée des deux yeux, et, comme préam- bule important, l'étude de l'appareil complet de la vi- sion, c’est-à-dire de l'appareil visuel et de la partie motrice intimement reliés l’un à l’autre. Les con- nexions nerveuses des muscles oculaires destinées à opérer la synergie des muscles, les idées nouvelles sur la structure du système nerveux y sont exposées avec soin. La loi de Listing est aussi discutée, loi dont li portée a été beaucoup exagtrée d’après l’auteur. Pour M. Parinaud, il y a deux modes de vision avec les deux yeux. La vision binoculaire d’abord, qui est la fonction d’un appareil spécial composé d'une partie sensorielle, d'une partie motrice et de connexions unis- sant l’une à l’autre. L'autre mode de vision est ce qu'il appelle la vision simultanée. Pour faire comprendre la différence de ces deux modes de vision, représen- tons-nous le strabisme, qui consiste dans l'abolition de la vision binoculaire et dans la conservation de la vision simultanée. En effet, l'œil strabique, qui ne prend pas part à la fixation, recoit cependant une image et une impression. On peut, dans certaines conditions, voir sans diplopie avec chaque œil un objet différent, les deux mains élevées au-devant des yeux, par exemple. Dans certains cas, ce mode de vision se substitue même à la vision binoculaire; par exemple, quand on tire au pistolet les deux yeux ouverts, en réalité, on se sert d'un seul œil pour mettre en ligne le but, le guidon et le canon de l'arme ; l’autre est ouvert et ne sert pas. Un troisième mode de vision, moins intéressant, parce que d’un service moins courant, est la vision alternante. Parinaud la définit ainsi : chaque rétine, par une voie quelconque, peut se mettre en rapport croisé avec l'hémisphère opposé, même siles deux yeux sont ouverts. Dans la vision simultanée, il y a alternance de la vision centrale. La vision alternante peut être totale ou partielle. La connaissance de ces trois modes de vision binoculaire, simultanée, alternante donue la clef de quelques problèmes encore mal élucidés, entre autre du fait connu sous le nom d’antagonisme des champs visuels; pour l’auteur, ce ne serait autre chose que l'antagonisme des différents modes de vision. Le livre de M. Parinaud se lermine par un énoncé de la doctrine évolutioniste dans ses rapports avec l'or- ganisme de la vision. Il conelut ainsi, dans un esprit philosophique d'une grande élévation : « Au moment de la naissance, le développement anatomique du cer- veau de l’homme est inférieur à celui des animaux; c'est à cause du peu de développement anatomique du cerveau au moment de la naissance que l'homme est plus perfectible par l'exercice individuel et qu'il peul développer ses facultés dans des sens différents. » Dr VALUE, Médecin de la Clinique des Quinze-Vingts. 168 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance. du 30 Junvier M. Roux est élu membre de Section d'Economie rurale. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Faye présente le tome I des Annales de l'Observatoire de Nire. Il est con- sacré presque en entier à la description de cet obser- vatoire. — M. A. de la Baume-Pluvinel a observé le groupe des raies B du spectre solaire depuis le sommet du Mont-Blanc. Ce groupe subsiste à cetle altitude, mais avec une intensité bien moindre que dans les couches basses de l'atmosphère. Ce résultat confirme l'origine tellurique de ces raies, qui a été indiquée pour la première fois par M. Janssen. — M. Janssen pense que le résultat serait encore plus net si l'on avait soin d'opérer dans la plaine par destemps aussi secs qu'aux hautes altitudes. En elfet, les raies dues à la vapeur d'eau sont assez fortes dans la plaine et viennent trou- bler la netteté des raies dues à l'oxygène, lesquelles alors différent beaucoup moins en intensité de celles observées sur les hauteurs. — M. M. Saltykow pour- suit son étude sur la généralisation de la première m‘- thode de Jacobi pour l'intégration des équations aux différeutielles totaies. — M. Edmond Maillet commu- nique quelques recherches sur les groupes de classe N-1 et de degré N au moins u-1 fois transilifs. — M. Lé- meray examine quelques cas particuliers du problème de l'itération. — M. W. Stekloff démontre un nouveau théorème relalif au développement d'une fonction donnée suivant les fonctions harmoniques. La fonclion f est développable en série procédant suivant les fonc- tions V, si elle est finie et continue avec ses dérivées des deux premiers ordres à l'intérieur de (D) et s’an- nule à la frontière. — M. Emile Borel cherche à précei- ser le point de vue auquel on doit se placer pour géné- raliser la définition du prolongement analytique due à Wcierstrass. — M. A. Pellet indique de quelle facon on peut représenter les systèmes orthogonaux d'une surface de l'espace à n dimensions. — M. L. Raffy donne la théorie des surfaces doublement cylindrées suivant leurs lignes de courbure et applique les résul- tats'au cas des surfaces isothermiques. — M. Tzitzéica CURE d'une classe particulière de consruences dont les développables découpent sur les surfaces focales des réseaux conjugués que M. Guichard appelle cycli- ques. — M. Blutel considère toules les surfaces qui ont même image sphérique qu'une surface à lignes de courbure sph-rique, et montre que les sphères de se- conde courbure de tous les points d'une ligne de ces surfaces coupent un plan IT sous un angle constant. — M.H. Bouasse a éludié les courbes de traction lorsque la charge varie proportionnellement au temps. Les expériences ont porté sur des fils de cuivre raïdis par des passazes à la filière, puis recuits vers 200°. Les ré- sultats peuvent être représeutés par une formule. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Moreau a constaté qu» la couslant+ k de Lorsion permanente de Facier varie très rapidement au voisinage du point de reca- lescence et du point de trempe maxima et qu'elle four- nissait ainsi un nouveau procédé pour fixer exactement ces deux points. Les résultats obtenus s'accordent bien avec ceux fournis par l'élude des résistances. — M. A. Cotton a disposé, entre deux nicols croisés à l'extinction, une flamme de sodium traversée par un faisceau de lumière blanche, et à étudié la lumiére qui réapparait, dans ces conditions, sous l’action du champ masnétique, l’observalion élaat faite dans une direction 1899. l'Académie dans la perpendiculaire aux lignes de force. Les vibrations sor- tant de la flamme, dont la période est voisine de celle d'une raie, sont devenues elliptiques, droites d'un côté de la raie, gauches de l’autre côlé. Pour des radiations plus réfrangibles que l’une des raies D, la composante perpendiculaire au champ d'une vibration incidente est en avance par rapport à l’autre; l'inverse a lieu pour les radiations moins réfrangibles. — M. Gustave Le Bon a constaté que les corps réputés les plus opaques étaient au contraire très transparents pour des radiations invi- sibles de grande longueur d'onde et qu'il était possible d'arriver à les photographier par l'intermédiaire d’un écran au sulfure de zinc phosphorescent. Mais il semble que les radiations de la lumière visible ont uue action destructrice sur l'effet des radiations invisibles. — M. G. Sagnac à reconnu que le faisceau des rayons secondaires transformés qu'un corps, même simple, émet sous l'influence des rayons X, constitue un mélange de rayons divers dont les pouvoirs de pénétralion, inlé- rieurs à ceux des rayons X dontils proviennent, forment une échelle d'autant plus longue que le corps (rans- forme plus profondément les rayons X; parmi les élé- ments, les métaux lourds émettent les faisceaux secon- daires les plus hétérogènes. — M. Voiellaud signale plusieurs trombes et © hutes de grêle qu ‘il a observées à Bizerte; le poids des grêlons à varié, en moyenne, de 200 à 350 grammes, et a atteint jusqu’: à un kilogramme. On a observé une dépression barométrique de 35 milli- mètres. — M. A. Poincaré poursuit son étude des mou- vements barométriques sur l’orthogonal du méridien de la Lune. — M. Georges Claude à reconnu que l'acé- tone, à la température de — 80, sous la pres-ion atmosphérique, dissout plus de deux mille fois son volume d’acétylène, le volume du liquide après la satu ration étant de # à 5 fois le volume initial. Un fil de platine porté au rouge peut être maintenu indéfiniment dans celie solution sans eu provoquer la dé“omposition explosive. — M, F. Osmond a délerminé les points de transformation des alliages de fer et de nickel pour ceux de ces alliages qui contiennent 50 à 100 °/, de nickel. En somme, l'addition de fer au nicke! relève le point de transformation du nickel, landis que l'addi- lion de nickel au fer abaisse les points de tran-forma- tiou du fer, — M. ©. Boudouard a étudié la décompo- sition de l’oxyde de carbone en présence des oxydes de nickel et de cobalt à la température de 4#5°. Comme aves l'oxyde de fer, la quantité déc imposée croît avec le temps et dépend aussi de la quantité d'oxyde métal- lique présent. Il faut cependant un temps beaucoup moins long pour arriver à la décomposilion totale. — MM. Schlagdenhauffen et Pagel ont conslaté que les oxydes d'argent et de cuivre, chauffés dans un courant d'oxyde de carbone, sont entièrement désoxydés, lun à 60°, le secand à 300, el peuvent, par conséquent, ser- vir à absorber complètement ce gaz. Comme l'acide cirbonique formé correspond théoriquement à l'oxy- gène perdu, il s'ensuit que celte réaclion constitue un nouveau procédé de dosage de l'oxyde de carbone. — M. A. Collet à préparé la HELRy IR En ICE -w-10 déc et d'autres corps analogues en chauffant la cétone chlorée où bromée avec de l'iodure de potassium. Les vapeurs des célones iodées irritent vivement les yeux. Elles sont allérables par la lumière; placées au soleil en solu‘ion elles se colorent rapidement par suite de la mise en liberté d'un peu diode. — M. F. Chancel in- dique quelques particularités qu'il a observées dans la préparalion des oxyéthylamines à partir de Fammo- niaque et des chlorhvdrines des glycols. — M. Albert Verley est parvenu à isoler le principe odoraut de la ee ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 169 - fleur de jasmin. C'est une huile bouillant à 100101°, de formule C'H{°0°, que l’auteur nomme jasmal. Ce n'est L d ni une aldéhyde, ni une acétone; le corps renferme un noyau benzénique avec trois doubles liaisons; 1l donne comme dérivé de l'acide styrolénique : c'est donc proba- blement l'acétalméthylénique du phénylglycol. L'auteur a préparé ce dernier corps par synthèse et a obtenu, en effet, un produit tout à fait semblable au jasmal natu- rel. — M. G. Favrel à fait réagir les chlorures bi-dia- zoïques de la benzidine, de l’orthotolidine et de l'ortho- dianisidine sur l’acétylacétone et a obtenu des dihy- drazones. Il se produit en même temps un peu d'une matière colorante rouge dont l'auteur poursuit l'étude. — M. Henri Hélier a déterminé le pouvoir réducteur de différents organes, c'est-à-dire la quantité d'oxy- gène qu'un gramme du tissu peut enlever an permau- ganate de potasse en le réduisant à l’état de sesqui- oxyde de manganèse. On obtient des nombres généralement différents pour un même organe, qui liennent au fonctionnement intermittent des organes; il en est ainsi pour le foie et le pancréas, qui sont moins réducleurs au moment où ils sont en activité. 3° SCIENCES NATURFLIES. — M. Ch. Achard a expéri- menté une nouvelle méthode d'exploration clinique des fonctions rénales. Elle consiste dans l'injection d'une certaine dose de phloridzine au sujet en observa- lion. Celle-ci produit, chez les individus sains, une glycosurie caractéristique ; mais si le rein fonctionne mal, l'élimination de glycose est minime ou fait dé- faut. — M. J. Winter, à propos d'une note récente de M. Bouchard sur la cryoscopie des urines, rappelle qu'il a déjà, en 1895, déterminé le poids moléculaire de l'urine et constaté, dans quelques cas pathologi- ques, l'élévation de ce poids. — MM. Bianchi et Fé- lix Regnault ont, au moyen de la phonendoscopie, étudié les changements de volume et de position des principaux organes dans les bains turcs. Ils en dédui- sent que les bains turcs sont une pratique très recom- mandable de gymnastique des organes sains. Séance du 6 Février 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Lœwy présente le tome Vil des Annules de l'Observatoire de Bordear, reufermant le résumé des observations astronomiques et météorologiques failes dans cet établissement en 1891 et 1892 et un mémoire de M. A. Féraud sur le dé- veloppement de la fonction perturbatrice. — M. A. Hurwitz montre comment l'application du théorème de Cauchy généralisé à certaines intégrales doubles l’a conduit à une démonstralion facile du théorème de M. Hadimard et d’autres théorèmes analogues sur les singularités de certaines fonctions. — M. Marcel Bril- louin montre que des phénomènes irréversibles peu- vent prendre naissance entre deux points matériels dont les actions mutuelles dépendent de leur seule dis- tance. La théorie mécanique des phénomènes de ce genre est excessivement simple et permet d'établir ri- goureusement : 1° le caractère irréversible des échanges d'énergie entre un système rigide et un système mo- bile, lorsqu'une partie des positions du système mobile sont instables; 2° le caractère purement additif des accroissements d'énergie cinétique du système mobile par la répétition infiniment lente du même cycle. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Poincaré montre la facon dont s'explique le phénomène de Hall dans Ja théorie de l'électricité de Lorentz. Cette théorie conduit à rechercher si le phénomène de Hall n'existe pas pour tous les métaux quand ils portent une forte charge et s'il ne change pas de signe avec celle charge quand celle charge est très forte; l'expérience serait intéres- sante à tenter. — M. A. Broca a étudié la décharge qui se produil entre deux électrodes pointues, séparées par une fraclion de quelques millimètres, et placées dans un vide aussi parfait que possible. On observe une étincelle disruplive; des particules sont arrachées de l'anode et convergent vers la cathode, d'où elles sont repoussées en formant des rayons matériels anodiques déviables Dar l’aimant. — MM. Auguste el Louis Lumière ont étudié aux basses lempéralures un cer- {ain nombre d'actions dues aux rayons lumineux el ont constaté qu'elles paraissent supprimées d'une facon générale, Ainsi des préparalions photographiques qui, à la température ordinaire, subissent une décomposi- tion chimique visible, sous l'influence de la lumière, restent inaltérées lorsque cette action s'exerce vers — 200°. Les substances phosphorescentes perdent leurs propriélés aux basses températures, mais les repren- nent à la suite du réchauffement. — MM. Desgrez et Balthazard ont utilisé le bioxyde de sodium dans leurs études sur la respiration dans une enceinte fer- mée. En effet, si l'on y fait lomber de l’eau goutte à goutte, il se décompose en donnant de l'oxygène, qui sert à alimenter la respiration du sujet en expérience, et de la soude, qui absorbe l'acide carbonique formé pendant la respiration. La composition de l'atmosphère ne varie donc pour ainsi dire pas, — M. A. Bach a re- connu que la formaldoxime, de même que le chlorhy- drate de trioximidométhylène, ont la propriété de don- ner, avec une solution très étendue de sulfate de cuivre et la potasse caustique, une coloration violette intense. Cette réaction, très nelle et excessivement sensible, pourrait être employée avec avantage pour déceler de très petites quantités de cuivre ; elle présente’ une cer- faine analogie avec celle du biuret. — M. Œchsner de Coninck a fait agir sur diverses urées un mélange de chromale neutre de polassium el d'acide sulfurique. Avec l’urée, on obtient un dégagement d'acide carbo- nique el d’un peu d'azote. Avec la sulfo-urée, on obtient les acides sulfocyanique, disulfocyanique et thio-prus- siamiques. — M. W. Louguinine a déterminé les cha- leurs latentes de vaporisation de la pipéridine, de la pyridine, de l'acétol et du capronitrile. Les valeurs de PS se Ne — calcuiées pour ces quatre substances semblent indi- T quer qu'à l’état liquide elles sont composées de molé- cules simples non polymérisées. — M. Georges Jac- quemin a introduit, dans un moût en fermentation, des extraits de feuilles de vignes des grands crus. Ces extraits, qui renferment les glucosides des feuilles, sont dédoublés par une diastase séciétée par la levure et communiquent aux vins un bouquet très marqué. On obtient ainsi des vins supérieurs à ceux qui résultent d'une vinification ordinaire, et cela surtout si l'on fait usage de levures sélectionnées. — M. G. Leser éludie les dérivés du méthylocténonal. Avec l'hydroxylamine, il donne un isoxazol, qui s'isomérise facilement en ni- trile sous l'influence de l’éthylate de sodium. Ce nitrile, traité par la potasse alcoolique, donne la méthylhexé- namide. Avec l’aniline, le méthylocténonal donne une anilide. — M. A. Maillard a constaté que les tubes de sérum antidiphtér'que de l’Institut de Nancy, non uli- lisés et retirés de la circulation au bout de trois mois, se recouvrent d'un dépôt blanc pulvérulent. Ce dépôt n'est pas autre chose que de la fibrine à l'état de cris- taux microscopiques. Ce fait semble prouver que les albuminoïdes sont des corps lentement crislallisables. — MM. G. Patein et E. Dufau ont conslalé que, lors même qu'une urine de diabétique donne des chiffres plus faibles au saccharimètre qu'à la liqueur de Fehling, le sucre qu'elle contient est toujours de la ulycose d. Lorsqu'il y a une différence entre les chiffres des deux méthodes, elle provient de la présence dans l'urine de matières lévogyres que le sous-acélate de plomb ne précipite pas complètement. IL convient de le remplacer par le nitrale de mercure. — M. M. Ber- thelot a poursuivi ses études relalives à l’action de l'acide sulfurique sur l’acétylène. Les acétylénosulfo- nates qui se produisent après neutralisation par la potasse répondent à la formule générale (CH?! (SO®KH}#. Lorsque l’acétylène est absorbé par un excès d'acide SO“? + H°0, on trouve dans les produits de la distillation un corps qui a la propriété de réduire l'azotate d'argent ammoniacal limite ; c’est probable- meut un dihydrate d'acétylène (glycol acélylénique : 170 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES C°H°.H°0.H°0) où un monohydrate (alcool acélylénique ou vinylique : C*H?.H*0). Ce corps se transforme faci- lement en aldéhyde. Sous l'action de l'hydrogène sulfuré, ce corps donne un acide thioglycollique ou thioxyglycollique, dont le sel d'argent est soluble. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. d’Arsonval, au sujet de la communication de MM. Desgrez et Baltha- zard sur le maintien d’une atmosphère de composition constante dans un vase clos, rappelle les tentatives déjà faites dans cette voie. On en a déduit qu'une quan- tite limitée d'azote pouvait servir indéfiniment à la respiration d'un animal et que ce corps jouait un rôle purement passif. L'auteur pense pouvoir démontrer bientôt que cette opinion est inexacte et que l'azote Joue, au contraire, un rôle capital dans les phéno- mènes respiratoires. — M. Ollier a eu l’occasion de faire l’autopsie d'un homme auquel il avait réséqué le coude, il y a vingt-huit ans, pour une o:téo-arthrite tuberculeuse avec fongosités très abondantes et fistules ossifluentes multiples. Le coude était reconstitué en un ginglyme parfait; il présentait une solidité latérale absolue et jouissait de mouvements complets et très énergiques de flexion et d'extension; l'opéré avait pu faire les iravaux les plus pénibles. — M. W. Palladine a étudié l'iufluence de la lumière sur la formation des substances azotées vivantes dans les tissus des végé- taux. 1° Les feuilles ont assimilé, à la lumière, trois fois plus de saccharose qu'à l'obscurité. 2° En présence du saccharose, la synthèse des matières proléiques s'effectue plus énergiquement à la lumière qu'à l’obs- curité, et plus énergiquement dans la moitié bleue du spectre que dans la moitié jaune. 3° La présence d'une réserve abondante d'hydrates de carbone et l’action de la lumière sont indispensables à la formation normale des substances azotées vivantes dans les feuilles. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séunce du 10 Janvier 1899. M. Gariel présente un appareil simple, dû à M. le D' Renaut, et destiné à permettre l’inhalabïon de vapeurs médicamenteuses. — M. François-Franck, tout en rendant juslice aux résultats merveilleux obtenus grâce à la médication thyroïdienne dans le traitement d'un grand nombre d’affections, montre que ce produit est très dangereux, a de nombreuses contre-indications, et ne doit être employé qu'avec circonspection. IL pro- pose la nomination d'une Commission qui rechercherait s'il n'y a pas lieu de ranger les produits thyroïldiens parmi les remèdes dangereux que seul le médecin peut prescrire. — M. A. Proust appelle l'attention de l'Aca- démie sur la distribution géographique actuelle de la peste en Asie et en Afrique, sur les dangers que l'ex- tension de celte maladie peut faire courir à l'Europe et sur les mesures de protection actuellement en vigueur. La peste sévit toujours dans l'Inde anglaise avec inten- sité et il est à craindre qu'elle y persiste encore pen- dant plusieurs années; de nouveaux foyers se sont montrés en Chine; elle a apparu à Madayascar. Il est donc d'un grand intérèt de compléter et de perfec- tionner les divers moyens déjà conseiilés pour prévenir l'importation de la peste en Europe. L'attention doit se porter d'une part sur le Turkestan, d'autre part sur le golfe Persique, où aucune protection n'existe en ce moment, malgré le voisinage des régions coutaminées. Enliu, bien que des moyens de défense existent du côté de la mer Rouge, ces moyens doivent être améliorés. —M.le D° Charier lit un travail sur la hernie étranglée et sur un procédé de débridement en dehors du sac. — M. le D' Lejars présente un malade sur lequel il a opéré la gastrotomie pour corps étranger de l'æso- phage. Séance du 17 Janvier 1899. M. le Président annonce le décès de M. Dumont- pallier, membre de l'Académie. M. H. Huchard donne lecture du discours qu'il a prononcé à ses obsèques. — M. L.-E. Bertrand décrit un cas de fièvre bilieuse hémoglobinurique ; l'examen du sang du malade, qui avait d’ailleurs été aux colonies, fit constater la pré= sence de l’'hématozoaire de Laveran. On ne peut done affirmer que la fièvre hémoglobinurique n'ait pas de relations avec le paludisme. — M. Léon Colin exprime le vœu que, conformément au projet du Ministre de Ja Guerre, l’incorporation des contingents annuels soit reporlée du 1‘ novembre au {tr octobre.Cette dernière époque est plus favorable, parce que le temps est géné- ralement encore beau, tandis qu'en novembre les premières intempéries produisent chez le jeune solda l'éclosion d'un grand nombre d’affections et spécia- lement le réveil des tuberculoses latentes. Séance du 24 Janvier (899. M. Panas présente un nouveau crochet pour l'extrac-" tion du cha'azion dû au D' Jacovidès. — M. François-. Franck présente le rapport de la Commission sur la vente des produits thyroiïdiens. Celle-ci, à la suite dem nombreuses expériences, conclut que les produits tbyroïdiens, sous quelque forme qu'ils se présentent, sont des produits toxiques el, à ce litre, doivent être rangés dans la catégorie des remèdes dangereux que seul le médecin doit prescrire en en surveillaut l’em- ploi. La Commission propose que la vente de ces pro-M duits soit soumise à la réglementation qui régit la vente des remèdes dangereux, et qu'ils ne soient livrés au public que sur l'ordonnance expresse des médecins. — MM. J.-J. Laborde et G..-F. Jaubert annoncent qu'ils out trouvé le moyen de maintenir constante la compo- sition de l'atmosphère dans un espace hermétiquement fermé où respire un être vivant. Une substance chimi- que, par une seule opération, débarrasse l’air vicié de son acide carbonique et de sa vapeur d’eau et lui redonne automatiquement, en échange, la quantité exacte d'oxygène qui lui manque. — M. Chauvel à recueilli les observations d'appendicites faites depuis trois ans par les médecins militaires. Elles sont au nombre de 171, dont 83 traitées médicalement (morta- lité : 31,8 0/0) et 88 traitées chirurgicalement (morta- lilé : 30 0/0). — M. Ferrand étudie l'emploi des injec- … tions hypodermiques de morphine quand un malade est en danger de mort imminente, par syncope ou par asphyxie. Celles-ci ont pour effet de modérer la souf- . france et de calmer l'agitation, mais, par contre, elles hàtent le moment de la mort en plongeant le malade dans un état de sommeil qui le conduira sans retour de conscience jusqu'au sommeil éternel. L'auteur propose donc d’adjoindre à la morphine une certaine quantité d'éther, qui réveille l'activité fonctionnelle des éléments anatomiques et pare ainsi aux inconvé- nients de la morphine. — M. le D' Tuffier lit une note sur trois cas de résection de l'estomac pour cancer. — M. le D' Scrini donne lecture d'un travail sur les collyres huileux. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 21 Janvier 1899. Une discussion s'engage sur la sympatheetomie dans le traitement de l'épilepsie. M. Chipault, sur 18 opé- rations, a eu 10 résultats nuls et 5 améliorations nota- bles ; 4 des améliorés avaient subi la résection totale des ganglions cervicaux. L'auteur conclut que lopé- ration a une influence réelle sur la marche de l'épi- lepsie, souvent faible, quelques fois favorable. M. Deje- rine soutient la thèse contraire. Il a vu des épileptiques dont l'état s'était aggravé après l'opération. En outre, l'opération est dangereuse, puisqu'elle a plusieurs fois entrainé la mort. M. Dupuy a constaté que la sympa- thectomie provoque souvent une atrophie cérébrale chez le jeune animal. M. E. Gley à observé encore d'autres troubles. Il constate, d'autre part, que l'inter- vention ne s'appuie sur aucune donnée physiologique. uen. Le codé + 5. ‘nd ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 171 M. Laborde signale les troubles du cœur comme géné- raux chez les jeunes animaux opérés du sympathique. — MM. Courtade et Guyon ont conlinué l'étude de l'influence du pneumogastrique sur l'intestin grêle. — M. Guinard envoie une note sur le passage des substances injectées dans l’amnios. M. Brault (d'Alger) signale un cas d'actinomycose de la joue droite chez une jeune fille. — M. Raïllet décrit les anomalies de ventouses chez les Cestodes. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY Séance du 25 Janvier 1899 (suite). M. P.-Th. Muller compare les résultats théoriques obtenus par M. F. Kohlrausch ! et relatifs à la mobilité des ions avec la règle des valences de Ostwald-Bredig ?. Il montre qu'on est là en présence de deux interpréta- tions du même phénomène, différentes en apparence, mais au fond identiques, et d’ailleurs empiriques. Il fait voir comment on peut dériver facilement l’une des conceptions de l’autre, et insiste sur les conséquences pratiques qui découlent de cette analogie. — M. Mail- lard présente une fibrine cristallisée, trouvée dans les sérums de cheval et de bœuf, et qui se dépose en grains microscopiques dans ces liquides séparés limpides du caillot et conservés aseptiquement durant de longs mois. L'état cristallin est attribuable à l'extrême len- teur de la précipitation. — M. Grégoire de Bollemont montre que l’action de l’orthoformiate de méthyle sur les éthers cyanacéliques est analogue à celle de l'or- thoformiate d’éthyle sur ces composés, et 6btient ainsi les éthers méthoxyméthylène cyanacétiques : CAz — C—COOR. | CHOCHS Le méthoxyméthylène cyanacélate de méthyle se pré- pare exactement comme le dérivé éthoxyméthylénique correspondant. Il distille dans le vide vers 1859 et 25 millimètres de pression, sous forme d’une huile incolore qui cristallise aussitôt; le produit repris par un mélange d'alcool el d'éther, laisse déposer de fines aiguilles transparentes fondant à 88°. Le méthoxy- métbylène cyanacétate d'éthyle cristallise en petites tables transparentes et en forme de rhombes, fondant vers 999. Ces dérivés jouissent de propriétés analogues à celles des éthers éthoxyméthyléniques correspon- dants; ils sont cependant moins solubles et leurs points de fusion sont plus élevés. Traités par de l'hydrate de baryte, ils donnent des sels de baryum identiques à ceux déjà décits. La série des éthers méthoxy- et celle des éthers éthoxyméthylène eyanacétiques fournissent une série unique de dérivés amidés : CAz— C — COOR I CI AZHe qu'on obtient avec facilité en traitant à froid les éthers par de l'ammoniaque. On a ainsi préparé l’amidométhy- lène-cyanacélate de méthyle, poudre blanche fondant à 128, et qui cristallise avec une molécule d'eau en longues aiguilles transparentes; l'amidométhylène cya- nacétate d'éthyle, fondant vers 1309, et les dérivés pro- pylé et amylé. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 17 Novembre 1898. . M. Arthur L. Stern a cherché à déterminer la quan- lité d'aliments inorganiques et azotés nécessaire pour ! Wied. Ann., 1898, t. LXVI, p. 785. © Zeil. phys. Chom., 189%, €. XILT, p. 198. ® Bull. Soc. Chim., 1898, t. XIX, p. 431. | produire la plus belle culture de levures, la plus grande assimilation d'azote et la fermentation la plus complète dans un temps donné. La levure employée était une forme pure sélectionnée de la levure plongeante de Burton, le sucre du glucose droit, l'élément azoté de l’'asparagine, l'aliment inorganique de la cendre de levures exempte de soufre ou bien un mélange de phos- phate de potassium, de sulfates de magnésium et de calcium. Le soufre estun aliment essentiel de la levure; en l'absence de sulfures, il peut être emprunté aux sulfates avec formation d'hydrogène sulfuré. Tout: aug- mentation d'aliments au delà d’une limite définie ne produit aucun accroissement dans Ja quantité d’azote assimilé par la levure, dans le pourcentage d'azote dans la levure, dans le poids de la levure, dans la quantité de sucre fermenté. Celte limite, appelée alimentation normale (c'est-à-dire la plus grande quantité assimi- lable par la levure dans les conditions de l'expérience), est approximativement de 0,025 gr. de substances inor- ganiques pour 100 c. c. de sucre et le même poids d'azote sous forme d'asparagine. — M. Arthur George Perkin a constaté la présence, dans un arbre de la Nouvelle- Zélande, le Purüui (Vitex littoralis\, de deux matières colorantes : la vitexine, C'“41:07 ou CH'O$, et l'homo- vitexine, C!‘H'07 ou C'“H!*O$. La première est une poudre cristalline jaune canari, peu soluble dans la plupart des dissolvants, donnant difficilement des pro- duits de substitution. Le dérivé acétylé a seul pu être préparé. Elle teint en jaune le calicot mordancé aux sels de chrome ou d'aluminium. Elle semble voisine de l'apigénine. La seconde matière diffère de la première par sa plus grande solubilité. — MM. T. B. Wood, W. T. N. Spivey et T. H. Easterfield ont poursuivi l'étude des dérivés du cannabinol. L'oxydation de ce corps par l’acide nitrique donne les acides butyrique, valérique et caproïque normaux. — M. A. G. Perkin a préparé les dérivés de l'hespéritine, C#H#0*, corps qui se trouve à l’état de glucoside dans le citron et l'orange amère. Avec une solution de potasse à 100°, elle donne du phloroglucinol et de l'acide hespéritinique ou hy- droxyméthoxycinnamique. Avec les carbonates de soude et de potasse, elle donne les composés C**H*70"° (Na ou K). L'hespéritine doit contenir six groupes hy- droxyles, car elle forme un dérivé hexaacétylé. — MM. Arthur W. Crossley et Henry R. Le Sueur in- diquent une méthode pour la détermination de la coustilution des acides gras. Un acide CH?X.CH?.CO*H est d'abord converti dans l’éther éthylique de son dé- rivé monobromé, CH°X.CHBr.CO*Et, lequel, traité par la quinoline ou la diéthylaniline, donne l'éther éthy- lique d’un acide non saturé de la série acrylique CHX : CH.CO*Et. L’acide obtenu par l'hydrolyse de cet éther est oxydé par le permanganate de potasse et donne le dihydroxyacide correspondant, CHXOH.CHOH.CO?H, le- quel, oxydé par l'acide chiromique, donne l'acide X.COH et l'acide CO?H.CO?H. On obtient donc un acide gras contenant deux atomes de carbone de moins que l'acide original, et qui peut être plus facilement identifié, le nombre des isomères décroissant avec celui des atomes de carbone. — M. William Jackson Pope à fuil cris- talliser l’iodoforme de sa solution dans l’acétone et à obtenu des tablettes hexagonales présentant les formes : 111, 100, 221, 110, 211. — MM. Frédéric Stanley Kip- ping et William Jackson Pope ont cherché à vérifier la méthode de Ladenburg pour la caractérisation des composés racémiques. D’après Ladenburg, si, en opé- rant la cristallisation fractionnée d'un mélange d'un corps compensé avec un excès d'un de ses constituants actifs, les fractions successives n'ont pas la même rota- tion spécifique, l'existence d’un composé racémique est établie. Les auteurs montrent que cette méthode n'a aucune valeur et que le principe est contredit par leurs observations. — MM. Wyndham R. Dunstan et T.-A. Henry ont découvert, dansle bois du Chione glabra, une huile aromatique à odeur forte. Elle est principalement composée d'orthohydroxyacétophénone, C°H*Ac.OH et de son éther méthylique. — MM. E. Divers ct T. Haga 112 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES iudiquent le mode de préparalion des hypouitrites à partir des nitrites. Du nitrile de sodium, dissous avec une quantité calculée de carbonate de soude, est tra- versé à 0° par un courant de SO? qui le transforme en oximidosulfonate Ce dernier est converti par hydrolyse en oxyamidosulfonate et sulfate acide; la solution est neutralisée par le carbonate de soude; puis, par addi- lion de potasse, on décompose l'oxyamidosulfonate en hyponitrite et sulfile et on précipite l'hyponitrite à l'état de sel d'argent. Le rendement est d'environ 60 °/.. — M. E. Divers à conslaté qu'on peut se servir avan- tageusement, dans l'analyse des gaz, d’une solution de sulfite alcalin pour absorber complètement et rapide- ment l'oxyde nitrique. — Le même auteur à éludié l'action de l'oxyde nitrique sur le nitrate d'argent à chaud. Celui-ci est décomposé en nitrite d'argent, argent libre et peroxyde d'azote. Il est probable que l'imper- ceptible décomposition que présente le nitrate d'argent quand on le chauffe vers 2209 est simplement activée par l'oxyde nitrique qui s'empare de l'oxygène aussitôt qu'il se produit. — Le même auteur a préparé des ni- trites alcalins absolument purs en faisant passer, dans des solutions contenant des hydrates ou des carbonates alcalins, à l'abri du contact de l'air, de l'oxyde nitreux contenant un peu d'oxyde nitrique. Ces nitrites purs sont d'un jaune pâle, qui est plus accusé dans les solu- lions concentrées. M. Groves constate que le nitrite de soude presque pur du commerce ne présente pas celte coloration. — M. E. Divers à étudié la réduction du nitrite de sodium par l’amalgame de sodium. La quan- tité des produits formés peut être modifiée à volonté suivant les conditions de l'expérience. Il semble qu'il se forme d'abord deux produits de transition, jusqu’à présent inconnus à l'état libre, NaAzO et NaOA7, dans la proportion de 4/5 du premier pour 1/5 du second. Du second produit, il se forme, par condensation, de l'hyponitrite de sodium quand la solution est concen- trée, ou, par réduction, de l'hydroxylamine, quand la solution est diluée. Du premier produit, il se forme de l'oxyde nitreux, par condensation et hydrolyse à basse température, ou de l'azote par réduction, condensation et hydrolyse à haute température. — Le même auteur pense qu'on peut employer les réactions précédentes à la préparation des hyponitrites. En laissant l’action de l’amalgame se prolonger, l'hydroxylamine est transformée en ammoniaque, qui peut être enlevée en exposant la solution sous un dessiccateur avec de l’acide sulfurique. 11 ne reste donc plus, à la fin, qu'une solu- lion d'hyponitrite et d'hydrate de sodium. L'hyponitrite peut être reliré par précipitation avec l'alcool absolu ; il se dépose sous forme de grains cristallins possédant la composition (NaOAz}-L5H°0. L'hyponitrite d’argent s'oblient en ajoutant à la solution du sulfate ou du nitrate d'argent. Pour la préparalion des autres hyponi- triles, il est nécessaire de neutraliser d'abord l'hydrate de soude. De lous ces sels, on peut retirer l'acide hypo- nilreux pur en solution. — M. Raphael Meldola a préparé, à l’état absolument pur, le dérivé acétylé de la paranitro-orthanisidine, lequel fond à 153-154°. Par réluction, il donne la p-nitro-o-acétanisidide, dérivé instable, mais facilement transformable en p-iodo-0- acétanisidide, composé bien cristallisé. Séance du 1% Décembre 1898. MM. Henry J. Horstman Fenton el Henry Jackson ont étudié l'influence de la présence du fer sur l'oxy- dation des polyalcools. Si des polyalcools (glycol éthy- lénique, glycérol, érythritol, mannitol, etc.) sont mis en présence de bioxyde d'hydrogène, iln’'y a pratique- ment aucune action, mais, si l’on ajoute du fer à l'état ferreux, une oxydation énergique se manifeste. Les alcuols sont alors transformés en aldéhydes ou en cétones, — MM. Wyndham R. Dunstan et Harold Brown ont conslaté que la lige et les feuilles du Hycscyamus mutieus de l'Inde contiennent environ 0,1°/, d'hyoscyamine et que cet alcaloïle peut en être extrait à l’état pur plus facilement que de la jusquiame ordinaire. — M. James Dewar a fait quelques. recherches sur la couleur de la vapeur d'iode. Slas pré- tendait que l'iode ne donne pas de vapeurs visibles à la température ordinaire. L'auteur a constat, au contraire, que l'iode, préparé par différentes métholes et se vola- lilisant jusqu'à saluration dans l'air à la pression d'une atmosphère et à la température ordinaire, donne - une vapeur colorée visible. Si, par contre, un récipient analogue, mais dans lequel on a fait le vide, contient la même quantité d'iode, la vapeur qui se forme à une couleur beaucoup moins marquée. Si la vapeur d'iode se forme dans une atmosphère d’anhydride car- bonique, d'oxygène ou d'hydrogène, la couleur est pratiquement la même que dans l'air, et elle est toujours plus foncée que dans le vide. L'auteur s'est assuré que celte différence n'élait pas due à la présence de vapeur d’eau ou à la formation d'acide iodhydrique. Il a alors calculé la tension de la vapeur d’iode saturée à différentes températures d'après la formule de Rankine et il a mesuré, d'autre part, la quantité d’iode existant dans un litre de vapeur saturée à ces diverses températures. Les tensions de vapeur calculées d’après ces dernières données diffèrent constamment des premières ; elles leur sont toujours inférieures. D'autre part, M. J.-J. Thomson a montré que l'effet de la pres- sion d'un gaz inerle est d'élever la tension de vapeur d'un solide qui y diffuse au-dessus de celle produite par la diffusion de la même substance dans le vide. Il y a peut-être là un commencement d'explication des différences de coloration observées par M. Dewar; en attendant, d’autres expériences se poursuivent sur ce sujet. Séance du 15 Décembre 1898. M. Arthur W. Crossley, en faisant réagir le sodio- malonate d'éthyle sur l'oxyde de mésityle dans le but d'arriver à l'acide dihydrocamphorique, a obtenu une huile qui, hydrolysée par la potasse, donne un acide bibasique CH%#0, cristallisable, fondant à 148. Il forme un sel d'argent et un éther éthylique. Il donne deux dérivés bibromé et bihydrobromé. — Le même auteur à fait réagir l'acétylène tétrabromé sur le malo- nate d'éthyle en présence de sodium dissous dans l'alcool absolu. Les deux principaux produits de la réaction ont été le tribromométhylène et l’acétylène tétracarboxylate tétraéthylique. Il se dégage en oulre un peu d'acétylène ; il se forme une petite quantité de produits résineux indélerminables. — M. F. Stanley Kipping à préparé une nouvelle série de dérivés de l'acide camphorique : l’anbydride et l'acide wz-chlo- robromocamphorique, le r-bromocamphanate de mé- thyle, la 7-bromocamphanamide. — MM. W. H. Per- kinjunior et J.F.Thorpe on! préparé synthétiquement l'acide a$3-triméthylglutarique. En faisant digérer en solution alcoolique du cyanacétate d’éthyle avec de l'éthylate de soude et du diméthylacrylate d'éthyle, on oblient un composé qui, par hydrolyse, donne la triméthylglutarimide . L'acide cherché s’oblient en chauffant celte dernière avec l'acide chlorhydrique. — M. W. Trevor Lawrence, en faisant réagir le y-bromodiméthylacétoacétate de méthyle et le cya- nure de potassium en solution éthérée, à oblenu le y-cyanodiméthylacétoacétate de méthyle. Ce corps se convertit intégralement par hydrolyse en acide ax diméthyl-8 hydroxyglulaconique, lequel donne de nom- breux sels el est le point de départ de tout un groupe de dérivés de la série glu'aconique. va i FA Fa « + ", + K 2 è 4. ë È È 4 LI $ : : ë 4 ——_……—_—_—_—_—_—_—_—_—— Le Directeur-Gérant : Louis OLivier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, {, rue Cassette. 10° ANNÉE N°5 15 MARS 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Astronomie Bureau des Longitudes. — M. le Ministre de — l'Instruction publique a nommé : Président du Bureau — des Longitudes, M. Henri Poincaré, membre de l'Aca- démie des Sciences et professeur de Mécanique Céleste à la Sorbonne; Vice-Président, M. H. Faye, membre de l'Académie des Sciences, ancien professeur à l'Ecole Polytechnique. Le Secrétaire du Bureau est M. Lippmann, membre de l’Académie des Sciences, professeur de Physique expérimentale à la Sorbonne. $ 2. — Physique L'air liquide. — Le jeudi 16 février, M. Dommer a fait à l'Association française pour l'Avancement des Sciences une conférence sur l'air liquide. Nous emprun- terons à cette conférence les indications suivantes : Actuellement, les machines construites pour liqué- fier les gaz peuvent se diviser en trois groupes : 19 Les machines à cascades et à cycles multiples. Exemple, la machine de Leyde à trois cycles : chlorure de méthyle, éthylène, oxygène. Leur fonctionnement est parfait, mais les frais d'établissement sont très con- sidérables ; 2° Les machines à détente avec production de tra- vail extérieur (Siemens), basées sur le principe thermo- dynamique de l’abaissement de température d'un gaz qui se détend. L’abaissement de température, théorique- ment illimité, se limite bientôt dans la pratique par l'impossibilité de réaliser des pressions suffisamment élevées dans les compresseurs; 3° Les machines utilisant le phénomène Joule- Thomson, c'est-à-dire l’abaissement de température d'un gaz qui se détend sans produire de travail exté- rieur (Linde et Hampson). Ce sont actuellement les seules vraiment pratiques. M. Linde s'occupe en ce moment à construire une petite machine dont le poids ne dépassera pas 2 küos et qui fournira de l'air liquide après 48 minutes de mise en marche, Une fois l'air liquide obtenu, il faut, pour le con- server quelque temps, le protéger contre le rayonne- ment : on se sert des vases à double enveloppe évacute, REVUE GINÉRALE DES SCIENCES, 1899, proposés il y a longtemps par M. d’Arsonval; la tech- nique a fait aussi de grands progrès dans la fabrica- tion de ces vases : on en construit aujourd’hui, à parois argentées, qui ne perdent que 3 à 5 grammes d'air liquide par heure ; avec un ballon de 2 lit. 1/2, on peut ainsi conserver de l’air liquide pendant quiuze jours. L'air liquide peut être obtenu dans des conditions assez économiques pour permettre de l'utiliser indus- triellement : 1° À la production des hautes lempératures. En effet, l'air est un mélange d'azote et d'oxygène qui se liqué- fient simultanément; mais, à l’évaporation, l'azote, plus volatil, disparaît le premier et le mélange s’enri- chit en oxygène; le professeur Borchers a appliqué ce procédé, cet oxygène à la fabrication du carbure de calcium en chauffant directement le mélange de chaux etde charbon, sans l'intervention de l'énergie électrique; 2° A la fabrication des explosifs. En mélangeant du charbon, de l'air liquide et du coton, on obtient une sorte d'éponge qui est susceptible de remplacer la dynamite. Cet explosif perd ses propriétés au bout de 15 minutes : il doit donc être préparé sur place; mais, par contre, on n'a pas à craindre l'explosion tardive d'une cartouche ratée, les vols de matière, etc. Il est, d’ailleurs, à très bon marché, puisque la préparation d’un kilo d’explosif n’exige la dépense que de 3 à 4 che- vaux-heure. Actuellement on installe dans ce but, sur les chantiers du tunnel du Simplon, une machine qui fournira 7 à 8 litres d'air liquide par heure, La Société de produits chimiques la Rhénania a tenté d'utiliser à la fabrication du chlore par le pro- cédé Deacon, l'air riche en oxygène obtenu par la liqué- faction : les résultats n’ont d’ailleurs pas répondu à l'attente. On a proposé également de substituer ce mé- lange à l'acide azotique dans les premières chambres de plomb. Au Creusot, on a tenté l'application aux fours à acier Martin. On cherche aussi à se servir de l'air liquide pour la navigation, aérienne ou sous-marine, pour les scaphandres (d’Arsonval). Les usages théra- peutiques ont aussi été l’objet de recherches, assez peu avancées du reste : il est à signaler seulement que l'action de l’air liquide sur les microbes pathogènes est à peu près nulle. 174 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Enfiu, dans les laboratoires scientifiques, l'air li- quide a facilité de nombreuses recherches sur Îles basses températures : il a permis de constater la dis- parition des affinités chimiques, de la phosphores- cence des corps qui sont phosphorescents à la tempé- rature ordinaire, tandis que d’autres corps, non phos- phorescents à la température usuelle, le deviennent aux basses températures ; {elle la paraffine, par exemple. Les plaques au gélalino-bromure, maintenues quelque temps à la température d'ébullition de Fair, perdent leur sensibilité et ne sont plus impressionnées qu'après une pose deux ou trois cents fois plus longue (Lu- mière). S 3. — Chimie industrielle La combinaison du Tannin et de la Géla- tine et Ia fabrication des vins de Cham- pagne.— Au sujet du récent article de M. Cordier sur l'industrie des vins de Champagne ‘, M. E. Mauceau, docteur ès sciences, professeur au collège d'Epernay, nous adresse d'intéressantes observations sur la préci- pitation du tannin par la gélatine et sur le dosage du tannin au cours de la vinification. On sait qu'on doit à M. Manceau de très instructives expériences sur les variations de composition des tan- nates, notamment du tannate de gélatine. Ayant établi dans sa thèse ? que le facteur principal de ces varia- tions est le rapport des poids de tannin et de gélatine en réaction, il considère comme beaucoup moins actifs dans le phénomène, la température, le titre alcoolique et l'acidité. Pour lui, les variations dans le précipité tiennent, en premier lieu, au rapport des substances réagissantes, puis, par ordre d'importance, à la tempé- rature du liquide, à la composition du milieu et au degré de dilution. Il a, de plus, insisté sur un fait très important pour la préparation des vins de Champagne : la texture du précipité, ou, si l'on préfère, son aptitude à la coagulation varie avec sa composition. A propos de l'intérêt que signale M. Cordier, qu'il y aurait à inslituer un procédé correct et sensible pour le dosage des faibles quantités de tannin dans les vins, M. Manceau nous indique la méthode qu'il a préconisée dès 18953 et appliquée depuis *. C’est, nous dit-il, une modification du procédé Girard : à la pesée des cordes, il a substitué le titrage par permanganate avant el après enlèvement du tannin, et pris soin de déterminer le poids de permanganate décoloré dans les conditions du dosage par 100 grammes de fannin. Nous ne saurions entrer ici dans le détail du mode opératoire, et devons nous borner à signaler la préci- sion du dosage; c’est à cette qualité d’une détermina- tion très rigoureuse, que le procédé doit d’être appliqué depuis quatre ans dans plusieurs maisons de Cham- pagne. Au cours de ses recherches, M. Manceau a été amené à étudier la dissociation des tannates de gélatine, et cette étude, d'ordre tout théorique, est venue apporter l'explication d’une pratique suivie depuis longtemps, et qui consiste à opérer le collage à température cons- tante et aussi basse que possible. En rendant compte ici-même de la thèse de M. Man- ceau Ÿ, notre collaborateur, M. Gabriel Bertrand, louait non seulement la valeur scientifique de cet important travail, mais aussi le mérite qu'avait eu l’auteur de le pousser jusqu'à l'application. On ne saurait, en effet, trop applaudir aux efforts des savants qui, sans abaisser leurs recherches, les perfectionnent au point d'en tirer 1 Voyez la Revue du 15 février 1899, ? E. Maxceau : Sur le Tannin de la galle d'Alep et de la galle de Chine, thèse n° 902 de la Faculté des Sciences de Paris (1896. 3 C. R. Acad. des Sc., 4 novembre 1895, et Bull. Soc. Chi- mique de Paris, 1895. 4 Revue de Vilicullure, 1897. 5 Voyez la Revue du 30 septembre 1897. eux-mêmes les conséquences industrielles qu'elles comportent. La thèse de M. Manceau est venue appor- ter à ce sujet un ulile exemple. 0! Nouveautés en Céramique. — Tandis qu'en musique, peinture et même sculpture, les artistes amateurs sont légion, la Céramique n’a guère recruté, jusqu'à présent, en dehors des professionnels, qu’un tout pelit nombre d'adeptes. Une très intéressante brochure qui vient de paraitre ‘ nous montre cepen- dant qu'un oulillage assez simple permet à qui sait s’en servir d'arriver, dans les arts du feu, à de très artistiques productions. L'auteur, qui a fondé, près de Versailles, une sorte d'atelier privé, l'Atelier de Glatigny, déjà célèbre dans le monde des céramistes, nous donne à ce sujet de très curieux renseignements. Après avoir obtenu lui- même, sur porcelaine et sur grès, des émaux et flammés de style nouveau, justement admirés dans une exposition récente, il a pris soin d'indiquer le mouvement d'idées scientifiques et artistiques dont il s'inspire. C'esl par là surtout que son opuscule nous intéresse. Nous y trouvons, en effet, dès le début, un chapitre important où il expose tout le programme d’études et de recherches dressé, en ce qui concerne la fabrication des porcelaines, faiences, émaux et grès, par la Sociélé d'Encouragement à l'Industrie nalionale. Ces recherches se rapportent principalement : au dé- veloppement des couleurs dans les émaux sous l'in- fluence de l'atmosphère de cuisson; à l'accord des pâtes et des émaux qui les recouvrent; puis, en dernier lieu, à la composition des pâtes céramiques. L'étude de ces questions n’est pas nouvelle. A ce point de vue, l'Ecole allemande, personnifiée par Seger et ses disciples, nous a dotés, depuis plusieurs années, . de renseignements nombreux et souvent fort utiles; mais ses travaux se composent essentiellement d’ex-. périences relatives à des cas particuliers, et il n’en résulte aucune déduction concluante, aucune règle générale. Or, ce qui distingue l’œuvre de la Sociélé d'Encouragement, c'est précisément la substitution à l'empirisme de méthodes scientifiques permettant des déterminations rigoureuses et délinies et conduisant ainsi à la formation d'un corps de doctrines fonda- mentales. Ce résultat, d'ordre général, aurait-il été le seul, qu'il faudrait déjà en louer bien vivement la Société d'En- couragement; mais nous allons voir que les recherches dont il a été la conséquence, ont exercé en même temps l'influence la plus heureuse sur la pratique industrielle. On savait déjà que, suivant la nature de l'atmosphère de cuisson, certains oxydes produisent dans les émaux des colorations différentes. Aujourd'hui, le rôle parti culier de l'acide carbonique, de l’oxyde de carbone, de l'acétylène, du gaz d'éclairage, de l'hydrogène, se trouve défini. Et, par l'emploi d'atmosphères détermi- nées et variées, il est maintenant possible d'obtenir, avec les oxydes colorants, de nouvelles gammes colo- rées d'une grande richesse. Les pâtes céramiques, ainsi que lesémaux, éprouvent une dilatation sous l'influence de la chaleur. Lorsqu'on veut appliquer un émail déterminé sur une pâte donnée, il est nécessaire de connaître leurs dilatations respectives; jusqu'à présent, c'est par lälonnements qu'on arrivait à un accord suffisant. Mais il est aujour- d'hui devenu indispensable, pour supprimer les essais au hasard, qui peuvent ne pas aboutir, d'être fixé a priori sur le sens dans lequel chaque composant de la pâte et de l'émail, en présence des autres éléments, agira sur la dilatation. Là encore, la Société d'Encou- ragement a entrepris, et en se servant d'une méthode ‘Atelier de Glaligny, Etudes et Notes, paraissant sons forme de fascicules à dates v:r.ables, n° 1, Imprimeries Cerf, à Versailles. A TT ES PT : € LA ue oh LL « fers "x di. di téépnné à find CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 7 uniforme, une série de recherches, qui pourront être continuées, mais qui ont déjà abouti à des conclusions capitales, d’une valeur inestimable pour la pratique industrielle. Enfin, il n’est pas douteux que les études actuellement en cours sur la composilion des pâtes exerceront une influence plus considérable encore sur l’évolution im- médiate des industries céramiques. La classification étroite des pâtes en porcelaine, grès, faïence, poterie, au sens usuel de ces termes, a, en effet, fini son temps. A la silice, au kaolin, aux argiles, qui en constituaient les éléments fondamentaux, il faut maintenant ajouter le verre pilé, l'oxyde de zinc, la magnésie, pour ne citer que quelques types des compositions variées à l'infini, grâce auxquelles on peut obtenir des porce- laines et des grès, jouissant de toutes les qualités des pâtes usuelles, avec des températures de cuisson et des dilatations largement variables. Le prix très inférieur de ces nouveaux produits donnera lieu à une véritable révolution, dont bénéficieront les industries cérami- ques. Les recherches entreprises par la Société d'Encou- ragement viennent donc au moment opportun et ne peuvent manquer de rendre un service signalé aux industries qu’elles concernent. $ 4. — Géologie Le Congrès géologique international de 1900. — Un Congrès géologique international doit se tenir à Paris en 1900, lors de l'Exposition; il promet d’avoir un grand succès. La Géologie est, en effet, une des sciences ayant réalisé les progrès les plus rapides. Elle nous apprend comment s’est faite l'évolution de la Terre et des mondes animés qui se sont succédé à sa surface depuis des milliers de siècles. En dehors des multiples questions de haute philosophie qu’elle sou- lève (origine des espèces et de l'homme en particu- lier, etc.), elle fournit de telles bases à la Géographie, que, grâce à elle,cette dernière science a été complète- went renouvelée depuis vingt ans. Les applications de plus en plus nombreuses qu'elle présente à l'Art des Mines, aux Travaux publics, à l'Hydrologie, à PAgricul- ture, etc., font comprendre l'intérêt considérable qui s'attache à elle, quoiqu'elle soit de création relative- ment récente. C'est pour discuter sur des questions d'un intérêt général que les géologues de tous les pays se réunis- sent, tous les trois ans,en un Congrès international, sur un point déterminé. En dehors des séances, ils vont sur le terrain pour connaitre la structure de l'écorce terrestre, l'histoire géologique d’une région, etc., et en tirer les plus grands profits pour la science, l'accrois- sement de la richesse et du bien-être publics. {1 y à un an, au nombre de 900, ils ont traversé la Russie, de la Baltique à la mer Noire, et ont été recus avec éclat par les membres du gouvernement du czar. Des trains spéciaux avaient été organisés gratuitement pour eux, ce qui à permis aux gtologues du monde entier de voir et de connaitre une partie du sol du grand empire russe. N'est-ce pas là, d’ailleurs, une occasion de fraterniser, et la science ne doit-elle pas être la devancière de tous les progrès de l'humanité ? Eu 1906, les géologues se réuniront à Paris; ils con- sacreront quelques jours à des conférences, à la visite de l'Exposilion, puis parcourront la France sous la direction des principaux géologuesfrancais. Nous espé- rons que le Congrès de Paris aura un succès au moins égal à celui de Russie. Les excursions seront de deux sortes : générales, ouvertes au plus grand nombre de membres possible; spéciales, réservées aux spécialistes, et auxquelles ne pourront prendre part plus de vingt personnes. Le Bureau du Comité d'organisation est ainsi cons- titué: — Président : M. Albert Gaudry, membre de l'Ins- titut, professeur au Muséum d'histoire naturelle. — Vice-présidents : MM. Michel Lévy, membre de l’{ns- titut, directeur du Service de la carte géologique, et Marcel Bertrand, membre de l’Institut, professeur à l'Ecole des Mines. — Secrétaire général : M. Charles Barrois, ancien président de la Société géologique. Les excursions générales proposées sontles suivantes: 4. Bassin tertiaire parisien, sous la conduite de MM. Munier-Chalmas, Dollfus, L. Janet, Stanislas Meunier. 2. Boulonnais et Normandie (dix jours), sous la conduite de MM. Gosselet, Munier-Chalmas, Bigot, Cayeux, Pellat, Rigaux. 3. Massif central (dix jours), sous la conduite de MM. Michel Lévy, Marcellin, Boule, Fabre. Les excursions spéciales projetées sont : I. Ardennes. sous la conduite de M. Gosselet. IT. Picardie, sous la conduite de MM. Gosselet, Cayeux, Ladrière. II. Bretagne, sous la conduite de M. Ch. Barrois. IV. Wayenne, sous la conduite de M. OEhlert. NV. Turonien de Touraine et Cénomanien du Mans, sous la conduite de M. de Grossouvre. VI. Faluns de Touraine, sous la conduite de M. Dollfus. VII. Morvan, sous la conduite de MM. Vélain, Peron, Bréon. VILL. Bassins houillers de Commentry et de Decazeville, sous la conduite de M. Fayol. IX. Massif du Mont-Dore. Chuine des Puys et Limagne, sous la direction de M. Michel Lévy. X. Facies du Jurassique et du Crétacé des Charentes et de la Dordogne, sous la conduite de M. Ph. Glangeaud. XI. Bassin de Bordeaux, sous la conduite de M. Fallot. XII. Bassin tertiaire du Rhône, terrains secondaires et tertiaires des Busses-Alpes, sous la conduite de MM. De- péret et Haug. XIII. Alpes du Dauphiné et Mont-Blanc, sous la con- duite de MM. Marcel Bertrand et Kilian. XIV. Massif du Pelvoux (Hautes-Alpes), sous la con- duite de M. lermier. XV. Mont Ventoux et montagne de Lure, sous la con- duite de MM. Kilian, Leenhardt, Lory, Paquier. XVI. Basse-Provence, sous la conduite de MM. Marcel Bertrand, Vasseur et Zurcher. XVII. Massif de la Montagne Noire, sous la conduite de M. Bergeron. XVIIL. Pyrénées (Roches cristallines), sous la conduite de M. Lacroix. XIX. Pyrénces (Terrains sédimentaires), sous la con- duite de M. Carez. Comme on le voit par cette énumération, toute la France sera visitée, en 1900, par les géologues étran- gers, toutes les questions importantes de Géologie que présente nolre pays seront examinées et discutées. Un livret-guide sommaire, écrit par les directeurs de différentes excursions, sera mis en vente au commence- ment de 1900 !. $ 5. — Géographie et Colonisation Exposition des collections mexicaines de M. L. Diguet, au Muséum. — Cette exposilion com- prend les objets et matériaux de choix recueillis par M. Léon Diguet, durant les (rois voyages successifs qu'il fit en Basse-Californie et dans les provinces du Mexique proprement dit qui sont en regard de cette grande presqu'ile. Cet explorateur était d'autant mieux pré- paré à parcourir ces régions qu'il avait séjourné plu- sieurs années au Boléo, près Santa Rosalia {Basse-Cali- fornie). Une première mission lui fut confiée en 1893 et ses nombreux envois prouvèrent qu'il occupait bien son temps. Une seconde mission qu'il obtint trois ans plus tard, lui permit de faire mieux encore et de recueillir quantité d'espèces ou d'objets qui lui avaient échappé 1 Pour tous renseignements, s'adresser à M. Ch. Barrois, secrélaire général du Congrès, 62, boulevard Saint-Michel, au service de la Carte géologique de la France. 176 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ou dont l'obtention était peu facile, comme, par exem- ple, les spécimens d'anthropologie, dont il répugne tou- jours aux populations indigènes de se séparer, et qu'il y a parfois péril à convoiter. La contrée la plus attractive pour le naturaliste était sans contredit la Basse-Californie, que les jésuites avaient occupée après la conquête, et qui n'avait été parcourue que par un ou deux naturalistes américains depuis un demi-siècle. On sait que celte presqu'ile, d'environ 4.200 kilom. de longueur sur 100 à 120 kilom. de largeur en moyenne, se détache du continent américain au niveau de l’em- bouchure du Colorado, vers le 32° degré de latitude nord, et côtoie le continent jusqu'au 22° degré, en en étant séparée par le golfe de Californie. Une crête de montagnes basses parcourt cette immense langue de terre de 458.000 kilom. de surface. Bien que son climat soit essentiellement marin, il ne l’est réellement que sur le versant du Pacifique, par suite de la brise de mer qui souffle quotidiennement pendant le jour sur la côte. Les moussons d'hiver donnent un vent du nord- ouest désséchant l'atmosphère et qui n’est compensé que par la brise de mer pendant la nuit. Les moussons d'été avec vent du sud-est sont propices pour la végé- tation, car elles amènent de l'humidité de l’air ou des pluies qui sont rares en Basse-Californie, puisqu'on a constaté, en certains points, qu'il n'avait pas plu durant quatre et cinq années. Mais s'il survient quelques aver- ses, le sol desséché, surchauffé se couvre en un clin d'œil d'une végétation qui donne un aspect riant au paysage. On comprend que dans de telles conditions les végé- taux qui ont pu résister à ce régime désertique doivent, pour s'adapter au milieu, prendre les formes les plus réduites ou les plus condensées, afin de se soustraire à une évaporation qui anéantirait promptement les plan- tes à frondaison normale. Aussi la dominante de ces formes est-elle dans les Cactées nombreuses qu'on y rencontre, et dont M. Diguet à rapporté quantité d'’es- pèces, d'une récolte toujours difficile, et dont plusieurs sont nouvelles. La Botanique n'est pas aussi attractive dans une Exposition, que les autres branches de l'histoire natu- relle. Les plantes en herbier, peu faciles à préparer en voyage, conservent rarement leur éclat; cependant on peut dire à l'éloge de M. Diguet qu'il a bien et beaucoup fait pour la Botanique. Il faut mettre en première ligne une série de Cactées, dont plusieurs sont de véritables arbres fruitiers; chez d’autres, la pulpe abondante des tiges constilue un précieux fourrage pour les animaux pendant la période si prolongée de sécheresse de ces contrées. Le Dr Weber, qui connaît très bien les Cac- tées, a fait de réelles trouvailles dans les envois de M. Diguet et un bel Echinocactus nouveau lui a été dédié. Des Agaves, nombreux également dans ce pays, sont intéressants par les fibres qu'ils fournissent ou la boisson, l'alcool et mème la saponine qu'ils produisent. Un Jabropha, vraisemblablement nouveau, fournissant une sorte de gutla-percha nommé « chilte » et dont les Indiens se servent pour faire des statuettes; un Dios- corea, fort rare et n'ayant que 0® 05 de haut, et dont M. Diguet seul a rapporté des pieds femelles; un spécimen unique de l'étrange Idria columnaria, le plus étonnant végétal de la Basse-Californie, ete., elc., sont des rarelés, entre beaucoup d’autres, dont la scienceestredevable à cethabile voyageur. Les nombreux matériaux botaniques qu'il a recueillis et qui sont à l'étude révèleront certainement plusieurs nouveautés. La partie zoologique, la plus importante (abstraction faite des mammifères bien connus de ces régions: le pouma, l'ocelot et le jaguar, que M. Diguet s’est dis- pensé de rapporter) comprend de nombreux Rongeurs : le lièvre noir (Lepus insularis) de l'ile de Spiritu Sancto, petit soulèvement volcanique du golfe de Californie ; puis une cellection de lièvres à longues oreilles où se trouvent les Lepus callotis et Lepus californicus et aussi un lapin des dunes de très petite taille. Les Oiseaux sont représentés par environ six cents individus en peau dont M. Oustaleta entrepris l'étude. Beaucoup de Reptiles ont été capturés et plusieurs sont nouveaux, entre autres le Trepidolotus Digueti. Le crolale ou serpent à sonnettes est fréquent dans ces régions et l’on peut voir un beau spécimen de cette redoutable espèce. Parmi les Batraciens, il y a de rares individus dans les collections et particulièrement l'Hylodes latrans, bien connu des Indiens de sa région native, et dont le coas- sement est retentissant et comparable à l’aboiement d'un chien de forte taille. Enfin, un intéressant crapeau à verrues sur les membres inférieurs mérite d'être men- tionné. Les Poissons sont aussi nombreux que bien préparés; ceux de haute mer de même que ceux de roches, et ceux-ci ont fourni un geure nouveau. Diverses sortes de Squales, parmi lesquels plusieurs espèces de requins qui rendent le golfe de Californie suspect aux baigneurs, ainsi que des raies de grande taille, dont un spécimen gigantesque (Manta birostris) d'uve envergure de quatre mètres, sont le clou de cette exposition. Ces Céphaloptères que les Indiens appellent « Diable de mer »,sout fréquents dansles mers chaudes de la région du Pacifique ; poissons étranges, véritables écumeurs de mer, se nourrissant d'animaux pélagiques qui pullulent à la surface des eaux, lors de l'époque des grands calmes. Non moins curieux est le « Remora », singulier pois- son se fixant sur les autres poissons de grande taille, et qui adhérait au Manta ci-dessus désigné quand celui-ci fut pêché. C'est par sa nageoire dorsale, étrangement transformée en ventouse, que cette espèce s'applique sur les grands poissons, qui alors ne peuvent plus s’en défaire. On peut aussi remarquer une collection nombreuse de Madrépores, au milieu desquels sont de curieuses formes d'Anthemarius. Parmi les coquilles étudiées par M. Mabille, plusieurs sont des espèces rares ou nouvelles; mais il ne pouvait manquer à cette exhibition l'industrie de l'huître per- lière, dont la pêche se pratiquait déjà dans le golfe de Californie du temps du célèbre Montezuma, vaincu par le cruel Cortez. Dans la série des Céphelopodes, ontrouve encore une espèce nouvelle : le faux poulpe (Octopus Digueti) dont les mœurs particulières le rendent intéressant. Au moment de la ponte il cherche une coquille vide, un fond de bouteille, etc., pour y déposer ses œufs, puis il les couve littéralement et n’abandonne cette demeure que lorsque ses petits sont élevés. Les Crustacées ont fourni à M. le professeur Bouvier de nombreux et intéressants matériaux d'étude, dontila parlé avec éloge en séance publique des Naluralistes du Muséum, avec description de plusieurs espèces nou- velles. On n'a pu exposer tous les insectes capturés par M. Diguet, car on sait qu'un séjour prolongé à la lumière les détériore; mais ils sont nombreux et ont déjà été l’objet de plusieurs présentations de la part du laborieux personnel du Laboratoire d'Entomologie. L'Anthropologie n'était pas la partie la moins difficile à réunir, comme on sait, en exploration. Elle comprend une série de cränes des Indiens de la Sierra du Nayarit, puis des crânes et des ossements des races éteintes de la Basse-Californie ‘, sujet que M. Diguet a traité dans une publication spéciale. Bien que la partie principale de l'Ethnographie ait été transportée au Musée du Trocadéro, il y a encore à l'Exposition du Muséum une importante collection de statuettes et de poteries funéraires provenant des anti- ques sépultures de l'Etat de Jalisco, où la civilisation était déjà très avancée avant la conquête espagnole. Puis toute une série d'armes et d'instruments taillés 1 Voir le Rapport sur une Mission scientifique dans la Basse-Californie, par L. Diguet, 1898. ARS NT TN ES 2 NP SS r A4 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 107 1 provenant de la Sierra du Nayarit, contrée montagneuse, d'un accès très difficile aux étrangers, que les indigènes redoutent, qui n'avait pas été explorée sous ce rapport, et dans laquelle on retrouve aujourd'hui même des races ayant conservé leur antique religion, et des coutumes qui reportent à un lointain passé dans les âges du Mexique. , Au nombre des curiosités de l'industrie des Indiens Coras et Huichols, qui forment les populations de ces régions, on remarque des tissus représentant des figures ou des caractères symboliques révélant un goût artistique développé. Quantité de belles photographies représentant les contrées parcourues, les types des races qui les ha- bitent ou les industries auxquelles ils se livrent, ont été très remarquées du public. On aura un aperçu de l'importance des résultats scientifiques des voyages de M. L. Diguet, en disant que le nombre des communicalions faites par les savants les plus divers et les plus autorisés en histoire naturelle, qui ont eu en mains les matériaux recueillis par lui, a dépassé vingt en trois ans. J. Poisson, Assistant au Muséum. Cultures et productions coloniales. — Parmi les problèmes à résoudre en ce moment, il en est un qui mérite de retenir l'attention, car il préoccupe beau- coup les agriculteurs coloniaux : c’est celui de la culture et de l'exploitation raisonnée des plantes productrices de caoutchouc. En effet, dans l'espèce, la grosse difficulté sera non pas la culture méthodique des plantes à caoutchouc, bien qu'elle ait aussi son importance, mais la récolte de leur latex dans des conditions suffisantes de bon marché pour permettre an planteur de retirer quelques bénéfices de son entreprise. Présentement on manque de données, même approximatives, pour établir le - devis de ce que coûterait et rapporterait, au bout d’un temps déterminé, une exploitation de ce genre créée de toutes pièces dans les régions tropicales ou équato- riales. Les quelques chiffres que l'on possède à cet égard sont, à part de rares exceptions, des moins en- courageants. Il nous parait donc de la plus élémentaire prudence d'attendre que l’on soit mieux renseigné sur cette question avant d'entreprendre, surtout dans les pays neufs, la culture et l'exploitation rationnelle des plantes à caoutchouc. A-t-on jamais essayé sérieusement la culture de l'Ipéca (Uragoga ipecacuanha), dont la racine est encore l'objet d’un commerce important sur les marchés de Londres et de Rotterdam? Nous ne le pensons pas. Pourtant la médecine emploie chaque année des quan- tités suffisantes d'Ipéca, et la valeur de ce produit est assez élevée pour en provoquer des essais de culture. Celles de nos colonies dans lesquelles il y a des alti- tudes variées en forêts seraient tout indiquées pour tenter ces expériences, desquelles il pourrait résulter, si elles réussissaient, une nouvelle source de profits pour quelques colons. Nous aurions de plus, ce qui n'est pas négligeable, la satisfaction de voir l'industrie pharmaceutique s’approvisionner dans nos colonies au lieu de s'adresser à l’étranger. Sait-on quelle a été la quantité totale de café pro- duite dans le monde entier en 1897-1898? La Revue Indische Mercuur, d’après les statistiques de J.-F. de Lacerda, nous donne le chiffre de 672.000 tonnes, sur lesquelles 435.000 tonnes ont été fonrnies par le Brésil. D'autre part, un récent Rapport du Consul des Etats- Unis à Santos dit que la production] totale du café pour la prochaine période quinquennale à partir de 1897, s'élèvera à 792.000 tonnes, le Brésil devant figu- rer à lui seul dans cette quantité pour 528.000 tonnes. On voit donc que si la consommation du café devient de plus en plus générale, et si les fléaux de toutes sortes se multiplient constamment dans les cultures, la production augmente quand même dans de notables proporlions, si l'on en juge d'après les statistiques annuelles du commerce et les prévisions sur place, Tout dernièrement, les journaux nous ont appris que l'Ecole pratique d'Agriculture de Valabre, près Gar- dannes (Bouches-du-Rhône), allait devenir coloniale. L'idée qui a présidé à celte innovation est certaine- ment louable ; mais, par qui seront faits à Valabre les cours de cultures coloniales? En France, il y a bien peu d'hommes connaissant à la fois théoriquement et pratiquement les cultures coloniales. Et, y en eût-il, que nous préférerions de beaucoup voir installer de semblables écoles dans nos colonies mêmes et non pas dans la métropole, où il ne sera jamais possible de donner aux élèves des notions exactes sur ce qu'ils seront appelés à faire plus tard aux colonies. Le Journal officiel du 31 janvier a publié le rapport adressé au Ministre des Colonies par la Commission des Jardins d'Essai coloniaux. Ce Rapport en a motivé un second de M. Guillain au Président de la République, à la suite duquel, par décret, la création d’un Jardin colonial à Vincennes est décidée. En mème temps, par arrêtés sont institués deux con- seils : un auprès du Ministère des Colonies, qui prend le titre de Conseil de perfectionnement des Jardins coloniaux; l’autre, qui se nomme le Conseil d'Adminis- tration du Jardin colonial de Vincennes. C'est M. J. Dybowski, Directeur de l'Agriculture en Tunisie, professeur de cultures coloniales à l’Iustitut national agronomique, qui est nommé directeur du Jardin colonial de Vincennes. Sans vouloir discuter ici sur cette dénomination, impropre selon nous, de « Jardin colonial », nous aimons à croire que, dans l'esprit du Ministre des Colonies, il y a autre chose derrière l'établissement projeté à Vincennes, lequel ne devrait être que l’annexe d'un véritable service de l’agriculture dont la création s'impose au Ministère des Colonies. $ 6. — Sciences médicales La Tuberculose dans la Marine française. — Malgré l'application rigoureuse des dispositions ré- glementaires relatives aux engagements, malgré les nombreuses réformes effectuées dans chaque port par les Commissions spéciales qui éliminent chaque année, pour maladies ou infirmités, environ 5 °/, des hommes présentés, malgré toutes les améliorations apportées, depuis quelques années et à tous les points de vue, à l'hygiène des équipages et des bâtiments, M. Vincent vient de démontrer que la tuberculose produit encore un chiffre considérable de décès dans la marine !. Si l’on consulte les statistiques de l'hôpital maritime de Brest, — et on sait que Brest est la principale pépi- nière de nos équipages, — on trouve que, pendant la dernière période décennale, la tuberculose a causé 501 décès sur 15.361 malades, soit une moyenne de 50 décès sur 1.536 malades par an. D'autre part, on relève pour celte période décennale 1.119 décès géné- raux, sur lesquels 501 ont été causés par la tuberculose, soit 46,8 °/,, presque la moitié. Par rapport aux effectifs de la flotte à Brest, qui com- prennent les hommes appartenant au deuxième dépôt des équipages de la flotte, le personnel des écoles éta- blies en rade et à terre, les équipages des bâtiments séjournant à Brest ou venant y désarmer — le nombre de décès de tuberculose s'élève à 9,27 pour 1.000 hommes par an, sur toute cette période décennale. Si l’on envisage ensuite la mortalité générale dans ce même personnel et pour la même période, elle peut s'exprimer comme suit : sur 5.400 hommes par an, il y a eu 110 décès, soit 20 décès pour 1.000 hommes. Si l’on examine la répartition des décès selon les pro- fessions et les spécialités, si nombreuses dans la marine, on voit que toutes ont fourni quelques victimes à la tuberculose; mais ce sont les gabiers, les mécaniciens et les chauffeurs qui lui ont payé le plus fort tribut. * Vincent : Arch. de Médecine navale, 1899. 178 ANGELO MOSSO — L'ACAPNIE ET LE MAL DES MONTAGNES L’'ACAPNIE ET LE MAL DES MONTAGNES Le mal des montagnes a été regardé comme une simple asphyxie par privation d'oxygène '; c'est, en réalité, un phénomène plus complexe, parce que le sang artériel, lorsque la pression barométrique diminue, perd une partie considérable de son acide carbonique; et, avant même que se manifestent les effets dus à l'insuffisance d'oxygène dans l'air, les phénomènes produils par la diminution de l'acide carbonique dans le sang sont déjà évidents. Tandis que je me trouvais dans la Capanna Regina Margherita (4.560 mètres), voyant que ma respiration était devenue plus lente et plus faible, je pensai que, pour une raréfaction de l'air infé- rieure à une demi-atmosphère, le défaut d'oxygène ne pouvait être la cause prépondérante du mal des montagnes. J'avais emporté avec moi le volume de Paul Bert sur la Pression barométrique, el, en regardant la table graphique de la diminution de l'oxygène et de l'acide carbonique contenus dans le sang artériel, lorsque la pression barométrique diminue, je vis immédiatement que, sur les hautes montagnes, la diminution d'acide carbonique dans le sang devait être plus grande que la diminution d'oxygène. En effet, P. Bert a écrit : « Les varia- tions de l'acide carbonique sont considérablement plus étendues que celles de l'oxygène ?. » Fraenkel et Geppert, en analysant le sang des chiens dans l'air raréfié, trouvèrent que, jusqu à la pression de 410 millimètres, le contenu d'oxygène dans le sang ne change pas. Nous savons cepen- dant que, sur le Mont Rosa, et mème seulement à 3.300 mètres d’altitude, le mal des montagnes peut se manifester très fortement, alors que le baromètre marque seulement 500 millimètres. Hüfner, qui est certainement une des autorités les plus incontestées dans la physiologie du sang, a démontré que les solutions d'hémoglobine sem- blables au sang ne commencent à se dissocier que lorsque le baromètre marque 238 millimètres. Avec du sang artificiel, s'il est permis de s'exprimer ainsi, Hüfner* aurait vu que, même sur la cime la plus élevée de l'Himalaya, l'hémoglobine ne per- drait pas la propriété d'absorber la quantité nor- male d'oxygène, et que la cause du mal des mon- tagnes, jusqu'à 9.000 mètres d’allitude, ne doit pas 1 On sait que cette asphyxie est attribuée à deux causes : 10 à la diminution de l'oxygène en quantité ; £0 à la diminu- tion de tension de cet oxyène dans les régions élevées de l'atmosphère. NOTE DE LA DIRECTION. 2 P. Bert : Pression baromélrique, p. 644. * Hürwer : Ueber das Gesetz der Dissociation des Oxyhà- moglobins (Arch. f. Physiologie, 4890, p. 1). être recherchée dans un changement chimique ou physique de l'hémoglobine du sang. Les expériences de Fraenkel et Geppert et celles de Hüfner, desquelles il résulte que, à des hau- teurs beaucoup plus grandes que celles auxquelles nous voyons apparaitre le mal des monlagnes, la saturalion du sang avec l'oxygène ne se modifie pas, nous obligent à attribuer à ce malaise une autre cause que la diminution de l'oxygène. Cette cause, selon moi, n’est autre que la diminution de l'acide carbonique dans le sang. En effet, le mal des montagnes est plus grave la nuit et pendant le repos, alors que, précisément, la consommation de l’oxygène est moindre; mais alors aussi, la production de l'acide carbonique est également moindre. Si l'acide carbonique ne fai- sait pas défaut dans l'organisme, on ne pourrait s'expliquer autrement le bien-être qu'on ressent à se lever la nuit lorsqu'on éprouve une oppression de poitrine, une palpitation de cœur ou une diffi- culté de la respiration. Pour se sentir mieux, il n'est pas nécessaire de respirer l'air pur et froid du dehors; il suffit de se mouvoir et de faire quelques pas. La contraction musculaire, en pro- duisant de l'acide carbonique, rétablit en partie l'équilibre de ce gaz dans le sang. Le D' A. Lœwy’ fut le premier à observer que, dans la chambre pneumatique, on se trouve mieux lorsqu'on fait des mouvements modérés; c'est ainsi qu'une personne, qu'il a eue comme sujet d'étude, ne pouvait résister à une pression baro- métrique inférieure à 4.500 mètres, si elle ne fai- sait pas exéculer de contractions à ses muscles, et ce n'est qu'en travaillant avec l'ergostat qu'elle parvenait à prévenir un évanouissement qui la menaçail dans le repos. La cause de ces phénomènes apparaît évidente en examinant les analyses du sang de Fraenkel et Geppert*. Par le tableau qui résume leurs expé- riences, on voit que les chiens auxquels on prenait le sang pour les analyses, à la pression ordinaire et dans l'air raréfié, n'élaient pas toujours tran- quilles. Lorsqu'on s'agite et qu'on respire avec plus d'insensité, il arrive quelquefois que, dans l'air raréfié, le sang contient une quantité plus grande d'oxygène qu'à la pression ordinaire. Cela, naturellement, doit être considéré comme une erreur de l'expérience; et de même, d’autres fois, 1 À Loewy: Unlersuchungen über die Respiration und Circulation. Berlin, 1895, p. 16. 2 FRAENKEL ET Gerrent: Ueber die Wirkungen der ver- dünnlen Luft. Berlin, 1883, p. 41. : . & | L Ë Ë À "à è * # HUE LL SL PP LT VE ANGELO MOSSO — L'ACAPNIE ET LE MAL DES MONTAGNES 179 l'oxygène comprimé provenant de la Maison il peut se faire que, dans l'air raréfié, le sang contienne une quantité plus grande d'acide carbo- nique. Sur 20 expériences dont Fraenkel et Geppert rapportent les résultats, 7 seulement présentèrent cet inconvénient. En faisant la moyenne des 13 autres expériences, on voit que le sang artériel contient moins d'acide carbonique dans l'air raréfié qu'à la pression normale. De ces analyses de Fraenkel et Geppert, il résulle que le sang artériel du chien, aux pressions barométriques qui varient de 460 millimètres à 198 millimètres, s’il perd 1 d'oxygène, perd 1,63 d'acide carbonique. J'ai trouvé que, en moyenne, il manque un 1/6 d'acide carbonique dans le sang artériel d’un chien qui respire dans l'air raréfié, tel qu'il se trouve sur la cime du Mont Rosa. Cette variation ne peut être regardée comme insignifiante, car il s’agil d'une substance très active à laquelle, pendant toule la vie, les centres nerveux ont été habitués. … Nous verrons plus loin que, à proportion égale, nous sommes beaucoup plus sensibles à une dimi- pution qu'à une augmentation de l'acide carbo- nique dans le sang. IL fallait donner un nom à ce nouvel état, qui n'a pas encore été étudié par les physiologistes, et qui se trouve en opposition avec l’asphyxie. J'ai pensé que la diminution de l'acide carbonique dans le sang pouvait être indiquée par un mot grec; mais, comme les Anciens ne connaissaient pas l'acide carbonique, j'ai choisi le mot fumée, celui-ci étant l'image qui lui ressemble le plus dans le sens physiologique, et j'ai formé le mot acapnie de drarvos, qui veut dire sans fumée. Sur les montagnes à l'altitude du Mont Blanc, il n'y aurait pas encore l'asphyxie, mais l'acapnie. Il y à un moyen simple pour connaitre si, réelle- ment, la diminution de l'oxygène produit, à elle seule, les phénomènes du mal des montagnes, et quelle part y a l'insuffisance de l’acide carbonique. Ce moyen consiste à augmenter la proportion de l'oxygène contenu dans l'air que nous respirons, tandis que la pression barométrique diminue. Si, en respirant la même quantité en poids d'oxygène, nous voyons que, aux fortes dépressions baromé- triques, le malaise est moins grave quand, avec _ l'oxygène, on respire aussi de l'acide carbonique, nous devrons conclure que l'acapnie existe réelle- ment, et qu'elle contribue à produire le mal des montagnes. Je rapporte une des expériences faites dans la chambre pneumatiqne, en respirant l'air qui con- tenait une quantité d'oxygène supérieure à la quantité normale. Je me servis, dans ce but, de A. Warcher de Pegli. Ce sont de grands tubes de fer qui contiennent 2.800 litres d'oxygène com- primé à 120 atmosphères. Je m'assurai, par l’ana- lyse, que cet oxygène est presque parfailement pur. Au moyen d'une soupape qui règle la pres- sion, je faisais passer l'oxygène dans un gazo- mètre ordinaire de la capacité de 500 litres. Un tube de gomme, à parois épaisses, faisait com- niquer le gazomètre avec la chambre pneuma- tique. Un robinet, placé à l’intérieur de la chambre, permettait à la personne qui subissait l'expérience de prendre de l'oxygène à volonté. Expérience sur mon garcon de laboratoire G. Mondo. — En 33 minutes, G. Mondo atteignit une raréfaction d'air correspondant à 6.500 mètres, alors que le baromètre marquait intérieurement 336 millimètres. Ne pouvant plus résister, parce qu'il éprouvait des nausées et qu'il avait le vertige, il prit de l'air dans une bouteille, et celui-ci, analysé, contenait en volumes: OXYSÉRE AMEN ACHeNCATHONIQUE EEE NRC A cette dépression, le pouls, qui d'abord battait 55 fois par minute, battait alors 86 fois. La respiration qui, dans la pression normale, était de 11, était main- tenant de 12. Lorsqu'il eut pénétré environ 100 litres d'oxygène dans la chambre pneumatique, le malaise disparut rapidement; le pouls, de 86, descendit à 63, bien que la pression interne ne fût pas diminuée. Au conlraire, la fréquence de la respiration augmenta, de 12 elle monta à 19, et ensuite elle recommencça à se ralentir. Peu à peu, l'acide carbonique produit par la respira- tion s’accumulait, parce que l'accès de nouvel air était empêché. Au bout de 29 minutes, la dépression barométrique élait de 246 millimètres, laquelle correspond à celle du sommet le plus élevé de l'Himalaya, c’est-à-dire à 8.800 mètres. Giorgo Mondo recommence à ressentir le malaise qu'il avait éprouvé auparavant. Son pouls bat 402 fois à la minute, et il respire 12 fois. Il prend une autre bouteille d'air, lequel, à l'analyse, contient en volumes : Oxygène... . NES NP Poe RE Acide carbonique. PS EAN TITLE Il prend un peu d'oxygène pour se remettre, et im- médiatement la pression barométrique dans l'appareil commence à descendre... A la fin, en 15 minutes, de 8.800 mètres il revient à la pression barométrique ordinaire. Après être sorti, il dit qu'il allait bien, et il raconte que, tandis qu'il pre- nait l'air pour la seconde fois, il se sentit venir chaud à la tête, que ses mains tremblaient et qu'il avait un peu de vertige. Tr La partie la plus importante de cette expérience con- siste daus la comparaison de la composition de l’air : la première fois, il éprouva les phénomènes du mal des montagnes à 6.500 mètres, et l'air contenait 19,9 ©, d'oxygène; la seconde fois, à 8.800 mètres, et l'air en contenait 47 °/.. Il alla plus haut, s’il est permis de s'ex- primer ainsi, quaud l'air contenait moins d'oxygène. Si l’on réduit les valeurs de ces analyses, faites en volumes et à la pression ordinaire, à la valeur en poids qu'avait la proportion de l'oxygène à la pression de 336 millimètres et à celle de 246 millimètres, on trouve que, à 336 millimètres de pression, Giorgo Mondo res- pirait 40,1 °/, en poids d'oxygène, et que, à 246, il en respirait seulement 6 °/,. Le fait, à première vue, peut 180 ANGELO MOSSO — L'ACAPNIE ET LE MAL DES MONTAGNES sembler paradoxal, parce qu'il aurait mieux résisté à la dépression quand la quantité d'oxygène était moindre, dans le rapport de 6 à 10; mais, en tenant compte de l’acide carbonique, on s'explique immédiatement la contradiction, parce que, la première fois, l’air conte- nait 0,9 c/, d'acide carbonique, tandis que la seconde fois, il en contenait 2,2 °/,. Nous concluons que, en ajoutant de l'acide car- bonique à l'air, on peut résister, dans l'air raréfié correspondant à 8.800 mètres, avec une quantité d'oxygène moindre que celle qui est nécessaire à 6.500 mètres. IT Lorsqu'on essaiera de pénétrer dans les régions les plus élevées de l'atmosphère au moyen des ballons aérostatiques, on ne devra pas emporter simplement de l'oxygène, comme l'avait conseillé P. Bert. Les recherches précédentes font voir qu'à l'oxygène on devra ajouter de l'acide carbonique en quantité suffisante pour rétablir l'équilibre des gaz dans le sang. On devra emporter de grandes provisions d'oxygène et d'acide carbonique com- primé. Expérience sur l'auteur à 220 millimètres. — Des cal- culs exécutés sur les données recueillies au cours de l'expérience, il résulte que, à 220 millimètres, l’air con- tenant 27,1 °/, d'oxygène, je respirais, en poids, seule- ment 8,63 d'oxygène; tandis que, à la pression de 320 millimètres, pour chaque 100 parties d'air, j'en respirais 9,68. L'analyse démontra que, s'il y avait moins d'oxygène, il y avait cependant une quantité plus grande (1,9 0/4) d'acide carbonique, lorsque le ba- romètre interne marquait 220 millimètres. La fréquence du pouls n’est cependant pas redeve- nue normale, malgré l’abondance de l'oxygène, et elle se maintint à 62 au lieu de descendre à 58 et 59. Durant cette expérience, je fus frappé de l’aggrava- tion très rapide de mon état. Après avoir laissé péné- trer environ 150 litres d'oxygène pur, j'avais voulu diluer un peu l'air pour qu'il fût moins riche d’oxy- gène. Tandis que la pression diminuait lentement et que, suivant toute probabilité, la composition de l'air restait constante, je m'aperçois que le malaise croît tout à coup. La nausée que, jusque-là, je n'avais pas éprouvée, apparaît, bien que la fréquence du pouls soit seulement de 86, tandis qu'auparavant elle était de 107; les phénomènes nerveux sont beaucoup plus graves et tels que je m'inquiète et que je dois tronquer l'expé- rience en prenant de l'oxygène. J'ai observé d’autres fois ce rapide malaise, et Je l'explique en supposant que, dans l'organisme, il y a des provisions d'oxygène qui s'épuisent rapidement dans l'air raréfié. Un autre fait apparut évident dans cette expé- rience, c’est la distinction que nous devons faire désormais, dans l'étude du mal des montagnes, entre les troubles circulatoires et les troubles ner- veux. La première fois, à 40 h. 15, le pouls battait 107 fois à la minute, et les phénomènes nerveux étaient tolé- rables. La seconde fois, à 10 h. 40, le pouls n’est que de 86 à la minute, et les phénomènes nerveux sont plus graves. Probablement l'oxygène peut agir plus efficace- ment sur le cœur que sur le système nerveux. Je fis une dernière expérience lorsque je sentis com- mencer le malaise : j'exécutai une série profonde d’ins- pirations pour renouveler l'air dans les poumons, et je n'en retirai aucun avantage. L'influence bienfaisante de l'oxygène est donc évidente quand nous le respirons dans les dépres- sions barométriques qui dépassent 7.000 mètres d'altitude. Dès que je respire l'oxygène, le pouls descend de 107 à 62. Je ne respire pas d'oxygène pur, parce que ma tête est éloignée du tube. Un fait que je ne sais comment expliquer, c'est la grande faiblesse des battements cardiaques quand je respirais l'air oxygéné. Le pouls radial devint si faible que je ne pouvais plus le compter; en met- tant la main sur l'aire cardiaque, je constatai que, là aussi, les battements du cœur faisaient défaut, et je dus mettre les doigts sur les artères du cou pour compter le pouls. III S'il était permis de comparer les expériences faites dans l’air raréfié, à l'intérieur de la chambre pneumatique, avec les ascensions aérostaliques, je pourrais dire que je suis, actuellement, l'homme qui est monté le plus haut dans l'atmosphère. Au- -tant que je sache, d’après les publications que j'ai lues sur cette question, personne n’a été, comme moi, à la pression barométrique de 192 millimètres, laquelle correspond à 11.650 mètres. Dans celte expérience, j'ai mieux résisté à la raréfaclion de l'air que dans la précédente, dans laquelle je n'avais pas dépassé 220 millimètres. Il arrive souvent de voir que la résistance à la raré- faction de l'air change d’un jour à l’autre. On doit cependant ajouter qu'il est difficile de dire quand les phénomènes du malaise atteignent le même degré d'intensité. Giorgio Mondo qui, dans l’expé- rience rapportée plus haut, ne résista que jusqu'à 336 millimètres dans l'air raréfié, était allé jusqu’à 324 deux jours auparavant. Le malaise n’augmente pas d’une manière continue, mais il disparaît par périodes et revient ensuite plus ou moins fort, tan- dis que la raréfaction de l'air continue. De ce que nous avons observé dans ces expé- riences faites sur moi, et dans la précédente faite sur G. Mondo, on conclut avec certitude que l’aug- mentalion de fréquence des battements cardiaques, dans l'air raréfié, ne dépend pas de conditions mé- caniques dues à la diminution de pression de l’air à la surface du corps, parce que le pouls descendit, par l'effet de l'oxygène, de 88 jusqu à 64 (c'est-à- dire six pulsations au-dessous de la normale), tan- dis que la pression restait constante à 290 milli- mètres. C'est donc un fait chimique qui détermine une modification dans la fonction du cœur, et cette 4 \ ANGELO MOSSO — L'ACAPNIE ET LE MAL DES MONTAGNES 181 modification apparaît ici avec une intensité surpre- nante et inattendue. Non moins importante est Paugmentation qui se produit dans la fréquence de la respiration durant l’action de l'oxygène, laquelle de 14 s'élève à 19, lorsque tout laisserait croire que c'est le contraire qui aurait dû avoir lieu. Des calculs sur les déterminations faites au cours des expériences, il résulte que, la première fois, j'ai cessé l'expérience à la pression de 220 milli- mètres, alors que je respirais 8,83 d'oxygène en “poids dans 100 parties; la seconde à 192 milli- mètres quand l'air contenait 8,1 d'oxygène en poids dans 100 parties. Il est important de rappeler que j'aurais pu monter encore plus haut que 11.650 mètres, cor- respondant à la dépression barométrique de 192 millimètres, et que je tronquai l'expérience, non parce que je me sentis aussi mal que la pre- mière fois à 292, mais à cause d’un accident qui -m'empèchait de continuer à écrire, Si, avec moins d'oxygène, j'ai supporté une dépression ultérieure de 100 millimètres de mercure, cela est dû à la présence de 2,1 °/, d’acide carbonique dans l'air respiré. I … J'ai déjà communiqué au Congrès international “des physiologistes, qui s’est tenu à Berne en 1895; - les tracés de la respiration et du pouls que j'ai recueillis sur le Mont Rosa. Je crois qu’on ne peut les expliquer autrement qu’en admettant l’acapnie. - Parmi les faits que j'ai exposés, ce qui donnait le plus de fondement à celle hypothèse, c’étaient les arrêts de la respiration observés chez tous mes compagnons durant le sommeil, arrêts complets qui, chez mon frère, duraient régulièrement 12 se- condes. Si le contenu d’oxygène dans le sang arté- riel ne varie pas jusqu'à 410 millimètres de pres- . sion, le fait constant de la respiration périodique, observé à 423 millimètres sur le Mont Rosa, doit dépendre de l’acapnie. C'est l'insuffisance du gaz excitant CO? qui permet au centre de la respiration de se reposer avec de longues pauses, bien que la proportion de l'oxygène dans l’air soit diminuée. J'ai fait une autre communication sur la même question à la Sociélé de Biologie de Paris ‘. Le D' Regnard objecta, contre ma doctrine de l’acap- nie, que la diminution de l’acide carbonique sur les montagnes doit être insignifiante ?. Il me semble que les données résumées dans le présent arlicle prouvent le contraire. L'excitation qui nous fait respirer est un certain degré de vénosité du sang. Lorsque l'acide carbo- ! Société de Biologie, 27 février 1897. ? Pauz Recnanrp : La cure d'altitude. Paris, 1897, p. 97. nique diminue dans le sang, le besoin de respirer peut cesser. Des recherches de Hering et de A. Ewald!, il résulte que, en faisant respirer forte- ment un chien au moyen d'un soufflet, le sang perd environ la moitié de l'acide carbonique qu’il contient. C'est à cette diminution de l'acide carbonique que, malgré l'opinion contraire de physiologistes très éminents, on doit attribuer l'arrêt de la respi- ration, connu sous le nom d’apnée. Telle élait aussi l'opinion de Miescher ?. À cette doctrine, qui considère l'’apnée comme dépendant de la diminu- tion de l’acide carbonique dans le sang, se ratta- chent, selon moi, tous les changements que j'ai observés dans ma respiration sur le Mont Rosa, et dont on doit chercher l'explication dans l’acapnie. Jusqu'à présent, en Physiologie, on n'avait pas encore pris en considération cet état particulier de l'organisme, dans lequel le sang contient moins d'acide carbonique qu'à l'état normal. Seul, Lahousse avait trouvé que, en injectant des peptones, ou de l’albumine digérée, dans les veines, il se produit une diminution de l'acide carbonique dans le sang artériel. Dès que l'injection est faite dans les veines, le vomissement apparait, les mouvements de la respiration se ralenlissent et quelquefois le thorax tend à s’arrèter, tandis que l'animal manifeste qu'il éprouve de la difficulté à respirer. La force musculaire diminue; l'animal se montre fatigué et il marche en chancelant. Les vaisseaux sanguins sont dilatés et la pression du sang est faible. L'animal est somnolent et abattu *. À ces phénomènes, qui ressemblent à ceux du mal des montagnes, ne correspond aucune autre modification matérielle de l'organisme, sauf la diminution d'acide carbonique dans le sang, qui devient incapable de se coaguler. La quantité d’acide carbonique diminue presque de moitié. La quantité d'oxygène est augmentée d'environ 5 °/,. Cet état dure peu, et, aubout d’une demi-heure à une heure, l'animal estcomplètement guéri. Les symptômes que présente un animal em- poisonné par l'injection de peptone dans le sang ont une lelle ressemblance avec le mal des mon- tagnes, que j'ai dû m'en occuper. La cause du malaise est profondément différente. L'injection d'un corps albumineux dans le sang est si dissem- blable de la dépression barométrique, qu'on pourrait croire qu’il n'existe aucun rapport entre { A. Ewan : Zur Kenntniss der Apnoë (Pflüger's Archiv, vol. IT, p. 575, 1873). 2 Mrescuer : Die hislochemischen und physiologischen Ar- beilen, Leipzig, 1897, p. 272. 3 Lauousse : Die Gase des Peptonbiutes (Arch. /. Anal. u. Phys., 1889, p. 17). 182 ANGELO MOSSO — L'ACAPNIE ET LE MAL DES MONTAGNES les deux faits. Ils ont cependant un point de res- semblance, c’est-à-dire l'acapnie. Voici une expé- rience : Expérience sur un chien. — À un chien du poids de 6.500 grammes, qui avait 18 à 20 respirations et 80 à 90 pulsations à la minute, on injecte, à trois heures du soir, dans la veine jugulaire, 30 centimètres cubes d’une solution de peptone à 10 °/,. La respiration se ralentit immédiatement d’une manière très marquée et descend à {1 à la minute, le pouls s'élève à 156. L'animal est abattu. Il conserve son caractère affectueux, mais il se met dans un coin et désire ne pas se mouvoir; quand il soulève les pattes pour surmonter un obstacle, ül semble fatigué. Au bout de 15 minutes, on lui injecte de nouveau 46 centimètres cubes de peptone. La respiration descend à 8 par minute et devient très superlicielle. Il n'y a aucun doute que la peptone n’agisse sur la respiration en la rendant moins active; le pouls est si fréquent et si faible qu'on peut à peine le compter. Pour voir si ces deux phénomènes caractéristiques dépendent de l’acapnie, je fais respirer à l'animal de l'air artificiel riche en acide carbonique. Dans un grand gazomètre, j'avais fait pénétrer environ 500 litres d'air, el} y ajoutai 50 litres d'acide carbonique; il résulta de l'analyse que cet air contenait 16,7 °/, d'acide carbo- nique. Une muselière faite avec un cône tronqué de gomme élastique est mise, au moyen d'un tube, en communication avec le gazomètre, et, en ouvrant un robinet, je laisse passer un fort courant d'air artificiel que je fais respirer au chien : RESPIRATION 12 12 POULS EN Î MINUTE 194 182 Le chien respire de l'air avec 16,7 °/, d'acide carbo- nique : 128 36 24 4% 112 40 114 40 Air normal : 160 14 168 1% 168 14 Il respire de nouveau de l'air riche d'acide carbo- nique : 110 36 106 40 120 40 116 40 Il recommence à respirer de l'air normal : 162 22 156 1% 170 14 Après avoir confirmé plusieurs fois de suite que l'acide carbonique ralentit toujours le pouls, nous devons conclure que ce gaz est utile dans l’état acapnique. Le pouls, chez l'animal peptonisé, s'accélère, comme chez nous dans l'apnée, lorsque nous faisons une série de respirations profondes; et la respiration se ralentit, comme dans l'apnée, parce que l'excitalion de la moelle allongée est diminuée, dans ces états pathologiques, par suite de l'insuffisance d'acide carbonique. C'est la première fois que nous voyons l'acide carbonique employé comme remède pour suppléer à l'insuffisance de ce gaz dans le sang. Une preuve de l'efficacité de l'acide carbonique: a été fournie par deux caravanes scolaires, qui se rencontrèrent dans la Capanna Regina Margherita, le 27 juillet1896 ‘. Elles se composaient de quarante-=" cinq personnes, qui avaient à peine 1 mètre cubes d'air chacane; elles en avaient effectivement 4,99, mais nous devons déduire le volume du corps dem chaque personne, des meubles du refuge, des provi=n sions et spécialement de celles du combustible. Le refuge étant doublé de lames de cuivre, el celles-ci" fermant hermétiquement pour que la neige ne pit passer sous les planches, le calcul de la cuba=M ture fut fait exactement. 11 n'y avait d'autre ou-« verture, pour la ventilation, que les fenêtres, qui : restaient entr'ouvertes, et les deux Lluyaux du poèle qui servaient à maintenir le tirage. Si, dans des conditions aussi défavorables, — et difficile-« ment on en trouverait de pires — quarante-cinq personnes, réunies pendant trois jours de tempête dans un espace qui avait à peine 58 mètres cubes de capacité, ne souffrirent pas, on le doit, à mon avis, à la richesse d'acide carbonique dans l'air respiré. La chose semble étrange, mais nous avons vu combien est raisonnable cette explication de l’im- munité contre le mal des montagnes dans un air qui, certainement, élait très pauvre d'oxygène. V C'est chose connue que l'acide carbonique a une très grande importance dans la vie, car il produit les mouvements de la respiration, il agit sur le cœur et fait contracter les vaisseaux sanguins. On savait également que l'accumulation de l'acide car- bonique dans le sang est une excitation spécifique plus forte, pour le centre respiraloire, que ne l’est le manque d'oxygène. Mes présentes études sur l'acapnie démontrent que la diminution de l'acide carbonique dans le sang agit fortement, elleaussi, sur les phénomènes de la vie. L'acide carbonique se combine avec diverses substances du sang, tandis que l'oxygène se combine uniquement avee la substance des corpuscules rouges: mais les té- nèbres qui enveloppent l’origine de l'acide carbo- nique et le mode suivant lequel il se comporte dans l'organisme, sont beaucoup plus épaisses que celles qui voilent encore une grande partie de la {G. Rex : Una escursione scolastica al Monte Rosa. Torino, 1899. ANGELO MOSSO — L'ACAPNIE ET LE MAL DES MONTAGNES 183 + physiologie de l'oxygène. Je crois probable que la dépression barométrique dissocie quelques bicar- bonates qui se trouvent dans le sang, comme cela “à lieu pour le bicarbonate de potasse. … C'est une expérience commune que celle que l'on fait dans les écoles pour montrer que certaines ‘combinaisons chimiques sont si instables qu'elles “se décomposent lorsque la pression barométrique “diminue. Après avoir fait une solulion concentrée “le bicarbonate de potasse et laissé quelques cris- | aux au fond du cylindre, si l’on met cette solution “ous la cloche pneumatique, on voit se produire un “développement d'acide carbonique, même pour des dépressions barométriques semblables à celles du Mont Rosa et du Mont Blanc. Les pelites bulles de gaz se détachent abondamment des cristaux et barbotent tant que dure la dépression baromé- rique. : M. Lœwy avait déjà observé !, en faisant respirer ‘de l'acide carbonique dans la chambre pneuma- tique, qu'il est aussi utile que l'oxygène; mais, “selon lui, son mécanisme d'action serait différent, parce que l'acide carbonique, faisant respirer avec plus d'intensité, produirait une ventilation plus grande dans les poumons. Toutefois, nous avons déjà vu, dans l'expérience précédente, qu'il est inutile de faire des respirations profondes et de renouveler l'air plus activement dans les poumons pue commence le malaise dû à la raréfaction de Pair. La doctrine de l'acapnie nous donne la clef de l’expérience faite par M. Lœwy avec l'acide carbonique. - En examinant mieux ces fails, qui semblent pa- radoxaux, nous voyons que l'acide carbonique est utile parce qu'il agit sur le cœur. Les données prises au cours d'une expérience sur une personne (G. Mondo) à laquelle nous don- nâmes de l'acide carbonique quand elle commença à se sentir mal dans l'air raréfié, montrent que, quand l’acide carbonique fut entré dans la chambre pneumatique, la fréquence du pouls diminua immé- diatement, bien que la pression fût de 400 milli- mètres ; le pouls, de 73, revint à la fréquence de 60 pulsations. Sorti de la cloche, Giorgio nous raconta que, quand il était à la pression de 390 mil- limètres, il sentait sa respiration pesante, qu'il avait mal à la tête, et que, dès qu'il eut respiré l'a- cide carbonique, il se trouva mieux. J'ai répété cette expérience également sur moi, el j'ai vu que le pouls revenait à la fréquence nor- male, et que la respiration devenait plus profonde dès que j'introduisais l'acide carbonique. Le pouls étail de 71 à la pression de 422, qui correspond environ à l'altitude du Mont Rosa. Dès que j'eus Op cil., p.21. respiré un air très riche en acide carbonique, le pouls descendit à 63 et 62, bien que la pression barométrique restât constante ; le pouls normal élait 61. La quantilé d'acide carbonique était de 4,7 °/,. Chez d’autres personnes, l'influence sur le pouls fut moins évidente, comme chez le D' Treves ; mais la sensation de bien-être fut constante chez tous. Le 10 mars, le D' Treves atteignit la dépression de 340 millimètres, qui correspond à 6.400 mètres: il déclara que, lorsqu'il prit de l'acide carbonique, la sensation de vertige disparut et qu'il se trouva mieux; le mal de tête se dissipait, bien que la pression n’augmentät pas et continuât même à diminuer jusqu'à 330 millimètres. VI Il s’agit maintenant de voir si l'acide carbo- nique, par lui-même, n'est pas capable de produire un ralentissement dans les battements cardiaques. J'ai fait, dans ce but, des expériences dans la chambre pneumatique. La même personne, Giorgio Mondo, qui s'était prètée à l'expérience précédente, s’assit, le jour sui- vant, dans la chambre pneumalique et compta le pouls, tandis que la pompe fonctionnait de manière à produire un courant d'air suffisant. Pression 734, température 18°. Pouls en 1 minule : 53, 53, 53, 53, 54, 54, 54, 54, 55, 55, 54,84, DE. Respiration en { minule: 13, 13, 12, 12, 13. Je fais pénétrer, dans la chambre pneumatique, 50 litres d'acide carbonique. BOHISE 53/1028 53, 54, 99,100. Respiration : 18, 15, 15, 16, 17. x L'air analysé contient 4,7 °/, d'acide carbonique. Nous voyons que l'effet fut minime et presque nul, car, avec la respiration de l'acide carbonique à 4,1°/,, le pouls n'a pas changé. L'influence sur la respiration a élé plus manifeste, celle-ci ayant augmenté sa fréquence de 13 à 18. La quantité d'acide carbonique administrée dans celte expérience élait trop grande pour qu'on puisse faire une comparaison avec l'expérience précé- dente. En effet, nous devons tenir compte que, dans l'air raréfié, le poids de l'acide carbonique diminue en proportion de la pression. Par exemple, dans l'expérience précédente, faite par Giorgio Mondo, si nous faisons les calculs nécessaires pour trans- former les volumes des analyses en poids, nous trouvons que, à la pression de 411 millimètres, il respirait seulement la moitié environ d'acide carbo- nique. Pour faire une comparaison, je devais donc donner seulement 2,8 à la pression ordinaire, afin que, dans l'unité de temps, il en respirât la même quantité. 184 ANGELO MOSSO — L'ACAPNIE ET LE MAL DES MONTAGNES Je fais une expérience sur Giorgio, avec 2,5 °/,, et je trouve que le pouls ne change pas de fré- quence ; seule la respiration s'est modifiée, s’éle- vant de 13 à 15. Il est donc prouvé que, en respirant de l'acide carbonique à la pression ordinaire, dans la propor- tion de 2 à 3°/,, celui-ci ne produit aucun effet sur la fréquence des battements cardiaques, tandis qu'au contraire, dans l’air raréfié, il ralentit les mouvements du cœur. La raison de cette différence consiste en ce que, à la pression ordinaire, il ne serl de rien d'aug- menter la tension de l'acide carbonique au delà d'une, petite limite. Au contraire, lorsque nous sommes dans l'air raréfié, il y a insuffisance d'acide carbonique dans le sang (et c'est pour cela que la fréquence des battements du cœur augmente), l'ad- jonction d’une petite quantité d'acide carbonique dans l'air respiré ralentit le pouls, parce qu'elle rétablit les conditions normales de l'acide carbo- nique dans le sang. AIO Le lecteur connait maintenant la difficulté qu'il y à à déterminer le moment où un homme qui monte cesse de se trouver en conditions physiolo- giques normales et devient malade.La Physiologie et la Pathologie, dans l'étude du mal des monta- gnes comme dans celle de toutes les maladies, ne peuvent être disjointes, parce que, de l’une, on passe insensiblement à l’autre. Les expériences sur l’aclion restauratrice de l'acide carbonique ont établi et démontré la doc- trine de l’acapnie. Je rapporte encore queiques autres faits de moindre importance, qui la confir- ment.Ces nouvelles observations nous ferontmieux comprendre quels sont les phénomènes qui se pro- duisent dans le sang, à mesure que nous nous élevons sur les montagnes. L'acide carbonique s’enlève difficilement du sang, et, lorsqu'il traverse les poumons, il n’a pas le temps de sortir en totalité du sang. Si nous essayons de prendre une bouteille d’eau gazeuse et que nous la transvasions très souvent, en l’agitant, la mettant dans un large plat, de ma- nière à ce qu'elle forme une couche mince, nous | trouverons toujours, en la plaçant dans un verre, sous la cloche pneumatique, beaucoup plus d’acide carbonique qu'il ne s’en trouve dans un verre égal d’eau ordinaire. Si forte que soit la ventilation des poumons, il reste toujours environ un quart du contenu normal d'acide carbonique dans le sang, comme l'ont démontré les analyses du sang arté- riel faites durant l’apnée par Ewald. J'ai fait à ce sujet quelques expériences en ana- lysant l'air expiré recueilli à différentes pressions barométriques. La méthode que j'employai pour | l'analyse de l'air était la méthode habituelle den Hempel. Toutes ces expériences montrèrent que, au moyen de la raréfaction de l'air, on parvient à extraire une partie notable de l'acide carbonique dissous dans le sang. ! Je fis un premier groupe d'expériences en ana-« lysant l'air qui sort des poumons, à différents degrés de raréfaction de l'air, dans la chambre pneumatique. L'étudiant en médecine Polledro s'était exercé à souffler dans une bouteille pleine d'eau salée, de manière à recueillir environ 800 centimètres cubes d'air. Cette bouteille était fermée, en haut, par un robinet d’ébonite, et, sur le fond, élait adapté un gros tube de gomme, au moyen duquel l'air pou- vait sortir quand on soufflait dans la bouteille. Je m'assurai d'abord de l'erreur qu'on pouvait commettre en enlevant ainsi une partie de l'air contenu dans les poumons à la fin d'une inspira- tion normale. Cinq expériences, faites l’une après l’autre, à intervalles d'environ cinq minutes, mon- trèrent que l'air expiré contient les suivantes pro- portions d'acide carbonique pour cent: 340). 3,0 0, 23,50), 230 D L'exactitude de 0,5°/, me parut suffisante pour mon but, et je fis les expériences que voici: À Expérience. — L'étudiant Polledro Oreste, de vingt- quatre ans, entre dans la chambre pneumatique, où out été préparées, sur une table, cinq bouteilles de verre semblables à la précédente, toutes pleines d’eau salée, fermées à la partie supérieure par un robinet, et munies en bas d’un tube plein d’eau salée, lequel plonge dans un seau plein d’eau. Après s'être reposé, et tandis que la pompe produit une ventilation active dans la chambre pneumatique, pour que l'acide carbo- nique ne s'accumule pas, il remplit une première bou- teille d'air expiré à la pression ordinaire, puis une seconde à environ 580 millimètres, une troisième à 420 millimètres, puis de nouveau une à 580 millimètres, et une dernière à la pression normale. Dans le tableau I ci joint sont inscrits les résultats des analyses de l'air. Les expériences furent faites au mois de janvier, à quatre jours différents; dans chacune on prenail l'air expiré à l'intervalle de 20 à 30 minutes, pour donner le temps à la pression de se mettre en équilibre et d’agir comme aux altitudes correspondant à 2.150 et 4.600 mètres. Tableau I. — Quantité d'acide carbonique trouvée dans l'air expiré pris successivement à diffé- rentes pressions barométriques. NUMÉRO des expériences. PRESSION T40wm PRESSION |PRESSION | PRESSION | PRESSION 5S0mm | 420mm | 5SOum | Tiomm CH.-ED. GUILLAUME — LES RADIATIONS ET LE TRANSFORMISME 185 Les) - Il apparait donc évident que la quantité d'acide carbonique éliminée avec l'air expiré dépend moins -de la valeur de la dépression barométrique que du temps : ainsi, une pelite différence de pression, si “elle agit d’abord, extrait du corps une quantité d'acide carbonique plus grande qu'une dépression barométrique double qui agirait successivement. A. Lœæwy avait déjà fait des expériences sem- blables à celles-ci! ; les résultats des analyses de Pair recueilli par lui dans la chambre pneuma- tique démontrèrent que, « durant le repos, il y a une augmentation dans l'élimination de l'acide carbonique, à mesure que la pression diminue ». Nous voyons ici, en répétant les expériences sur la même personne, que le phénomène est plus com- plexe. La quantilé la plus grande d'acide carbo- nique est éliminée par la première demi-heure; ensuite on retire moins d'acide carbonique du sang, alors même que la dépression devient double, et qu'elle passe de 280 à 420 millimètres. Ici entre donc un facteur que, jusqu'à présent, on avait négligé : le temps. J'ai essayé de tenir des LES RADIATIONS ET I. — Pourouor LES NÈGRES SONT-ILS NOIRS ? Pour qui n'y regarde pas de très près, la couleur des Nègres peut paraître un contre-sens. Ceux qui vivent dans les contrées que brûle constamment le soleil ne devraient-ils pas s'en défendre à l’aide d'un pigment blanc; fortement réfléchissant, au lieu de la couche noire et absorbante, mise là tout exprès pour absorber le plus de chaleur possible? Au siècle passé, on aurait pu voir, dans celle sin- gulière coïncidence, le signe de l’un des nombreux châtiments dévolus à la race de Chanaan. Mais nous savons aujourd'hui que la Nature est bonne mère; que, pour tous les êtres de la création, elle met le remède à côté du mal, et qu'aucun organisme ne s'est développé au rebours des circonstances qui entourent son évolution. Parlons donc de celte idée que la couleur des Noirs leur est utile, et cherchons à deviner le mé- canisme de son action. Sans avoir jamais passé du blanc au noir, tous ceux d’entre nous qui ont voyagé au grand soleil ont pu remarquer que ses rayons devenaient de plus en plus supportables à mesure que leur teint s’'assombrissait. S'ils ont fait ce rapprochement, ils ont dû en conclure qu'une augmentation dans le personnes pendant deux heures dans la chambre pneumatique, à une pression égale à celle qu'il y a dans la Capanna Regina Margherita, et j'ai trouvé que la différence élait minime en comparaison de la pression normale, tandis que, dans la première demi-heure, avec une pression de 580 millimètres, on obtient des valeurs comme celles qui sont indi- quées dans le tableau précédent. En revenant à la pression normale, on élimine moins d'acide carbonique qu'auparavant, parce que ce gaz recommence à s'accumuler dans le sang. La dépression barométrique agit comme un moyen mécanique et physique, lequel extrait l'acide carbonique du sang, sans que se modifie l'intensité des processus chimiques de l'organisme pour ces petites différences de pression à 580 et 420 millimètres. Dans l'étude du quotient respiratoire, il faudra donc tenir compte de la pression barométrique. Angelo Mosso, Membre correspondant de l'Institut de France, Professeur de Physiologie à l'Université de Turin. ÿ LE TRANSFORMISME pouvoir absorbant de leur pigment cutané accrois- sait leur protection contre les radialions. Au soleil, nous nous armons comme les Nègres, en dimi- nutir. Pour comprendre comment agit le pigment noir, il est nécessaire de se rendre compte du méca- nisme élémentaire de l'insolation. Quels qu'en soient les effets intimes, l’insolation est une inflam- mation du derme, se manifestant par un engorge- ment des vaisseaux, et ayant pour conséquence immédiatement visible un accroissement dans la division cellulaire qui produit l'épiderme. Le nou- vel épiderme chasse l'ancien, qui se détache, et, si l’on se fiait aux apparences, on pourrait croire que celui-ci a été détruit par l'action du soleil. En réalité, il la supporte fort bien, comme les ongles ou les cheveux; le derme seul est endommagé directement par l'insolation. Si le derme doit être protégé, une couche absor- bante lui servant d'écran en sera le meilleur pré- servalif'. Mais la chaleur retenue par le pigment doit être rayonnée au dehors pour que la tempéra- ture se maintienne dans des limites tolérables. C'est ici qu'intervient une deuxième disposition de ! L'expérience vérifie cette idée. Ainsi, le Professeur Mosso a trouvé que, pour bien supporter la radiation solaire sur les hautes montagnes, il faut se barbouiller de noir de fumée, autrement dit, se transformer en nègre artificiel. 156 CH.-ED. GUILLAUME — LES RADIATIONS ET LE TRANSFORMISME la peau des Nègres : leur sécrétion graisseuse. Les expériences calorimétriques de M. d'Arsonval ont montré que les graisses ont un pouvoir émissif très considérable dans l'infra-rouge. Un lapin graissé meurt de froid. Or, aux ten:pératures que peut alteindre le pigment cutané, toutes les radia- tions émises par le derme sont siluées assez loin dans l'infra-rouge, où les graisses rayonnent forte- ment et se refroidissent énergiquement. Nous voyons donc qu'en créant le Nègre, la Na- ture ne s'est point trompée, comme on aurait pu le croire : le pigment noir protège son derme des atteintes du soleil, et se refroidit en même temps par le rayonnement de la couche huiïleuse qui le recouvre. Et, en fait, le contact de la peau d'un Nègre laisse toujours une sensation de fraicheur. Le propre du Nègre, peut-on dire en résumé, est de vivre à l'ombre de sa peau. II. — POURQUOI LE POURPRE RÉTINIEN DES Poissons DIFFÈRE-T-IL DU NÔTRE ? Notre œil est sensible à une octave de radiations, el le maximum de sa sensibilité pour une très faible lumière coïncide à peu près avec le maximum de l'énergie dans le spectre solaire. Il est donc construit de façon à utiliser aussi bien que possible la lumière blanche alors qu'elle est faible et qu'il faut l'économiser. Quelles que soient les idées que l’on puisse se faire sur le mécanisme de la vision, il est un fait d'expérience, c'est que la fovea, privée de pourpre rétinien, et où se pressent les cônes, est un endroit de sensibililé minima de la rétine. Le pourtour de l'œil percoit mieux que la /uvea les très faibles intensités, et ce n'est pas sur elle que l’on forme les images entre chien et loup. Lorsque commence l'incandescence véritable d'un métal, nous percevons du rouge sombre. Auparavant, comme l’a vu le premier M. H.-F. We- ber, c'est du gris qui apparaît, en un spectre fugilif, que l’on n'arrive pas à fixer, el qu'on ne perçoit que sur le pourtour de l'œil. Cette première lumière est à l’extrème limite du rouge, ou même dans l'infra-rouge, puisque le rouge proprement dit n'existe pas encore. La sensation est incolore, parce qu'elle n'est pas due à l'élément qui, dans notre œil, nous fait percevoir la couleur. On ne sera pas surpris de constater que l'ab- sence de sensation colorée, ou daltonisme com- plet, soit liée à une courbe de sensibilité lumineuse présentant une allure identique à celle de la sensi- bilité pour une radiation qui est à la limite de visibilité. Mais on peut aller plus avant dans la coordina- Lion des faits sans encore entrer dans le domaine de l'hypothèse. Il y à quelques années, le docteur A. Künig trouva que la courbe représentant le pou= voir absorbant du pourpre rétinien se SUPErpOse dans les limiles des erreurs d'observalion, aux deux courbes précédentes. Il est très naturel, dès lors, d'admettre que la sensation de lumière, ne pendamment de celle de couleur, estliée à l'absorp” tion par le pourpre, qui se décompose sous l'action. de la lumière, à la manière d'une préparation pho= tographique. à Nous avons côtoyé l'hypothèse; entrons-y résolu= ment, en admettant que le pouvoir absorbant dun pourpre rétinien pour une radialion donnée esl* l'indice de la sensibilité d'un œil pour cette radia= ion, alors qu'elle est à la limite de la perceptions Celte hypothèse, si elle est considérée comme une quasi-certilude, nous permettra de délerminer La sensibilité de l'œil de divers animaux qu'on ne peut ni interroger, ni mème observer dans leurs allures avec assez de précision pour pouvoir affirmer qu'ils voient ou ne voient pas. 1 Les travaux sur le pourpre rétinien des animaux sont peu nombreux. L’une des recherches les plus complètes à été faite par M! Kôültgen et M. Abels= dorf. Opérant, comme l'avait fait M. Künig, sur le“ pourpre rélinien de quatre Mammifères, le singe, le chien, le lapin et le chat, sur un Oiseau, la chouette, sur trois Amphibies, deux grenouilles et une sala= mandre, ils constatèrent que la courbe d'absorption du pourpre rétinien pour tous ces animaux est sem=" blable à celle qui avait été trouvée pour l'homme Il est naturel d'en conclure que tous ces animaux utilisent la lumière solaire de la même manière que nous; et, puisqu'on n'a {trouvé aucune exception dans les diverses classes de Vertébrés vivant à la. surface de la Terre, on pourra dire, avec une grande probabilité, qu'il en est de mème de tous les Ver- tébrés terrestres. Mais que se passe-t-il pour les Poissons ? Chose singulière, le pourpre rétinien de huit Poissons différents a donné une courbe d'absorption dont le maximum est déplacé vers le rouge. À première vue, ce résullat peul surprendre. Jusqu'ici, tout tendait à montrer que l'œil est adaplé aussi bien que possible à la radiation qu'il recoil, el voici que les Poissons font exception, puisque, vivant dans l’eau bleue, ils sont orga- nisés pour utiliser une lumière dont la teinte est plutôt rougeätre. Nous sommes maintenant acculés à celle alter- native : ou bien d'admettre qu'une coïncidence si singulière, vérifiée dans un grand nombre de cas, est fortuile, malgré sa significalion précise dans l’idée de l'adaptation ; ou bien, que la lumière à l'intérieur de l’eau n’est pas si bleue qu'on le croit communément. | : er D RAT " NL LL SO PS TE C. CHALOT — LE JARDIN D'ESSAI DE LIBREVILLE 187 Procédons par analogie. Nous admetlons que l'air est bleu, et l’on devrait en conclure que la lumière solaire ayant traversé l'atmosphère nous arrive leintée de bleu. Cependant, nous savons bien que, plus cette lumière est filtrée par l'air, plus elle Lire vers le jaune. Ce n'est donc pas l'air - qui peut la colorer en bleu. Développant cet argu- ment, Tyndall, puis M. Cornu ont accumelé les meilleures preuves pour montrer que la lumière - bleue du Ciel est réfléchie par sélection dans le faisceau blane qu'envoie le Soleil, et que l'air, ta- misant la lumière, la prive d'une partie de son bleu. N'en esl-il pas de même de l’eau? Les mêmes arguments peuvent lui être appliqués avec autant de raison. Tyndall à montré que sa coloration dépend de la grosseur moyenne des poussières qu'elle tient en suspension, et l'on sait bien que, - pour être très bleue, l’eau des lacs alpestres doit être reposée. Quelques observations faites dans l'eau bleue de l’Aar au sortir du lac de Thoune m'ont confirmé dans cette idée que le bleu de l'eau est une lumière réfléchie. Un cylindre blanc plongé dans l’eau exposée au soleil apparait à peine teinté du côté éclairé, alors qu'il est nettement bleu sur la moitié située dans l'ombre. Si le bleu de l’eau est vraiment une lumière réflé- chie, les rayons directs du Soleil, vus par une grande profondeur, sont probablement plus jaunes qu'à la surface. L’exception, conslatée pour le pourpre rélinien des Poissons, à une règle élablie pour l’œil de tous les autres Vertébrés, ne serait donc qu'apparente, et viendrait, tout au contraire, lui donner une confirmation d'autant plus impor- tante qu'elle est plus inattendue. Je ne me dissimule pas que la vérification expé- rimentale fait encore défaut dans ce dernier cas. Mais la coïncidence pour les Vertébrés terrestres est suffisamment nelle pour qu'on ne puisse douter de l'adaptation. Elle s'étend plus loin encore, car des appareils visuels bien différents du nôlre sont constitués de manière à uliliser les mêmes radia- tions'!. La correspondance de la cause à l'effet est si-parfaite, elle est si étendue, qu'y voir un simple hasard serait méconnaitre que le hasard a des lois. Quelle que soit la superstilion. d'un joueur, une telle répétition lui ferait dire que le jeu est pipé, que le hasard est faussé par une force dirigeante ou par une sélection. C'est une conclusion à laquelle nous aurions peine à nous soustraire. Ch.-Ed. Guillaume, Physicien du Bureau international des Poids et Mesures. LE JARDIN D'ESSAI DE LIBREVILLE En ces derniers temps, on a beaucoup parlé des Jardins d'essai coloniaux et du rôle qu'ils sont appelés à jouer dans le développement agricole de nos possessions d'outre-mer. À bon droit, ils sont, en effet, considérés comme un des plus puissants moyens d'action que le gouvernement des colonies ait à sa disposilion pour favoriser la mise en valeur des immenses lerriloires qui appartiennent à la France dans toutes les parties du monde. Ce qu'il y aurait à faire pour mettre ces Jardins à même de rendre lous les services qu'on peut altendre d'eux, a été l’objet d'une étude appro- fondie par la Commission nommée à cet effet, il y a quelques mois, au Ministère des Colonies; déjà plusieurs des vœux qu'elle a émis ont été pris en considération et, sous peu, vont être mis à exécu- tion. Depuis longtemps déjà, presque toutes nos vieilles colonies sont pourvues de Jardins qui, s'ils n'ont pas toujours été dirigés vers un but réelle- ment pralique, renferment pourtant de vérilables richesses en plantes uliles de toutes sortes. Parmi nos jeunes colonies, celles de la côte occi- dentale d'Afrique ont vite reconnu le bénéfice qu'elles pourraient tirer de semblables établisse- ments, et des Jardins d'essai ont élé créés dans la plupart d’entre elles: les uns datent de quelques années ; les autres sont plus récents. I. — FONDATION ET BUT DU JARDIN. Le plus ancien de ces Jardins est celui de Libre- ville; il est dû à l'intelligente initiative de M. le Dr Ballay, ancien gouverneur du Gabon, qui, assuré du bienveillant et actif concours de M. Maxime Cornu, professeur de Culture au Muséum d'Histoire naturelle de Paris, en décida la créalion au com- mencement de l’année 1887. Gràce à l'appui soutenu des gouverneurs qui se sont succédé au Congo français et à la sollicitude de M. Cornu, le Jardin d'essai de Libreville est, à 1 La lueur du ver luisant est, de toute évidence, destinée à lui-même ou à ses semblables; or, cette lumière est pré- cisément dans la région de plus grande sensibilité de notre œil. IL est donc très probable que la même région est celle de sensibilité du verluisant {Voir la Revue, 1892, p. 20). 188 C. CHALOT — LE JARDIN D'ESSAI DE LIBREVILLE l'heure actuelle, l’un des mieux outillés pour favo- riser la colonisalion agricole dans notre vaste pos- session de l'Ouest africain. 4 Conçu dans un sens essentiellement pratique, son rôle est de faire des expériences sur les cul- tures industrielles susceptibles d'être entreprises dans la colonie; d'arriver, par des méthodes de sélection, d'hybridation, etc., à obtenir les meil- leurs et les plus grands rendements; de guider les planteurs en leur donnant les renseignements dont ils peuvent avoir besoin, et de les aider en leur fournissant gratuitement les premiers plants. Il doit aussi introduire le plus grand nombre de végétaux utiles, car telle plante dont il est impos- sible, pour des raisons d'ordre divers, de tirer parti aujourd'hui, peut faire l'objet des cultures de demain. Les perfectionnements à apporter dans la cul- ture potagère, dont les produils sont si appréciés aux colonies, sont également de son ressort. Les cessions faites par le Jardin d'essai sont absolument gratuites; les frais d’arrachage, d’em- ballage et de transport seuls sont à la charge des demandeurs. En ce qui concerne les demandes failes par les autres colonies françaises, on ne leur donne suite, cela va sans dire, que si les réserves existantes le permettent. Le tarif de ces cessions a été fixé par un arrèlé du Gouverneur et inséré au Journal offi- ciel de la colonie. Depuis 1893, la liste des végétaux cultivés au Jardin d'essai parait chaque année régulièrement. II. — DisPOSITION Du JARDIN. Le Jardin d'essai prorement dit, sans ses annexes, se trouve en plein Libreville, à quelques mètres seulement au-dessus du niveau de la mer et à 250 mètres de celle-ci. Il occupe une superficie de près de 6 hectares. La moitié du terrain, en plan incliné, est réservée aux diverses cultures, et l’autre, qui est plate et basse, est utilisée pour les pépinières. Au début, il y eut beaucoup à faire pour assainir le terrain, qui était marécageux en divers endroits. Aujourd'hui, de nombreux fossés conduisent les eaux d'écoulement à la mer, et ce n’est qu'au plus fort de la saison des pluies qu'il y a encore un peu d'humidité dans quelques carrés. On accède au Jardin d'essai par une large avenue de 8 mètres de largeur, qui conduit à la maison d'habitation et se termine en demi-cercle. Cette allée principale, qui partage le terrain en deux parties, est bordée de plates-bandes garnies de plantes d'ornement. Le terrain consacré aux cultures d'essai est divisé par carrés de 20 mètres de côté, lesquels sont séparés par des allées de 4 et 5 mètres de largeur, se coupant à angle droit et se trouvant, par suite parallèles ou perpendiculaires à la maison d’habi tation. , C'est un tracé simple convenant bien à un Jardin d'essai comme celui de Libreville, qui est plutôt un champ d'expériences, car il permet de se rendre facilement compte du coût et du rendement des cullures, et simplifie beaucoup la surveillance des travailleurs. Dans les premières années, on eut beaucoup à souffrir du manque d’eau pour les arrosages. A l'approche de la saison, sèche, il fallait, en effet, transporter au loin, près d’une petite rivière, les petites plantes qui se trouvaient en pots. Dès 1895, je demandai le creusement d’un puits, ce qui me fut accordé. Aujourd’hui, sans en avoir en abon- dance, il y à suffisamment d'eau pour passer la saison sèche. Comme dans les environs immédiats de Libre- ville, le sol du Jardin d'essai, très sablonneux et peu profond, est plutôt de qualité inférieure. Jus- qu'à ce jour il a fallu s'en contenter ; mais M. de Lamothe, commissaire général du Gouvernement au Congo français, qui a beaucoup de sollicitude pour le Jardin d'essai, a bien voulu promettre un emplacement plus riche et mieux approprié, dans une région de la colonie qui sera désignée ultérieu- rement après étude à cet effet. III. — PERSONNEL ET BUDGET. Quand on compare les Jardins des colonies fran- çaises et ceux des colonies étrangères, l'avantage est presque toujours en faveur de ces derniers. C'est que souvent on oublie de mettre en relief les moyens dont ils disposent comme personnel et comme crédits. Il ne faut pas oublier, en effet, que les services rendus sont presque toujours en rap- port avec le budget de chaque établissement. Je crois donc nécessaire de donner ici, à titre d'indication, le budget actuel du Jardin d'essai de Libreville : 10 PERSONNEL ASDITECTEUTS SR 6.900 fr. 1 Contremaitre indigène . . . . UE 150 22 indigènes à 250 fr. en moyenne. 5.500 43.150 fr. 20 MATÉRIEL Achat de graines, d'outillage, et frais divers d'entretien et de réparations au Jardin d'essai VC RRUR 09 UD) Total 16.150 fr. Il y a une différence sensible, on en conviendra, entre ce modeste crédit et ceux que les gouverne- ments anglais, allemand et hollandais mettent à la C. CHALOT — LE JARDIN D'ESSAI DE LIBREVILLE 189 disposition de leurs nationaux. Comme exemple, il e suffira de citer le Jardin botanique créé en 1889 à Victoria, dans la colonie allemande du Came- roun, voisine du Congo français, dont le budget n° varie entre 40.000 et 50.000 francs. , { IV. Sans vouloir faire ici une monographie détaillée des plantes dont la culture a donné de bons résul- lats soit au Jardin d'essai, soit dans les exploila- lions agricoles de la colonie, il peut être utile de dire quelques mots de plusieurs d’entre elles. 1. Caféier de Libéria (Coffea liberica). — H vient bien aux faibles altitudes et donne un bon rende- ‘ment à condition d'opérer des sélections sur les graines destinées aux semis, lesquelles doivent être récoltées sur les pieds les plus productifs. Il faut tailler et étêter les caféiers au bout de 3 ou 4 ans. 2, Caféier du KXouilou. — C'est le Coffea cane- phora, qui existe également à l'état spontané dans le pays des Eschiras. Préféré à tous les autres dans le sud de la colonie à cause de sa rusticité, il est maintenant cultivé sur une grande échelle; son grain est de très bonne qualité. Actuellement, on peut évaluer à 400.000 le nombre des caféiers exis- tant dans les diverses exploitations agricoles de la colonie. Au début, tous les plants, soit environ 100.000, ont été fournis par le Jardin d'essai. 3. Caféier de San-Thomé (Coffea arabica). — Sa culture a été abandonnée sur le littoral, car la plante s’y comporte mal et, de plus, est attaquée par de nombreux insectes. Il faut, en effet, à ce caféier une altitude d’au moins 400 mètres et un sol très fertile pour prospérer. — PLANTES CULTIVÉES. 4. Caféier de l'Oubangui. — Appelé aussi « Caféier des terres humides », à cause de sa végétation par- faite dans les terrains inondés. Spontané sur les rives de l'Oubangui, le Jardin d'essai en a délivré de nombreux pieds aux plantations. 5. Cacaoyer (Theobroma cacao). — I] parait être la culture d'avenir du Congo, à condition de ne planter que dans les vallées abritées, à sol riche et “profond, où il n'y a pas de sécheresse prolongée. Le nombre de cacaoyers existant au Congo peut tre évalué à 150.000. Presque toutes les graines Ë dont ils sont issus provenaient du Jardin d'essai. à ee 6. Vanillier (Vanilla planifolia). — Introduit en Ë 1873 par le P. Klaine de plants provenant, comme - beaucoup d'autres d'ailleurs, du Muséum d'Histoire F naturelle de Paris. Ayant donné d'excellents résul- … lats, cette culture est en voie d'extension. La vanille - produite au Gabon a été reconnue comme étant de … très bonne qualité. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. 1. Arbres à caoutchouc et à qulla. — Parmi eux, les Manihot Glaziowii, Hevea brasiliensis, Castilloa elastica, Palaquium oblongifolium existent mainte- nant au Jardin d'essai. À part le Manihol Glaziowii, dont le rendement n'est pas très élevé, les autres sont d'introduction trop récente pour que l'on puisse en parler en connaissance de cause. 8. Lianes à caoutchouc. — La culture sous forêt préexistante des lianes appartenant au genre Lan- dolphia ou à des genres voisins, est expérimentée en grand, depuis quelques années, dans plusieurs ex- ploitations agricoles de l'Etat indépendant du Congo, et donne, paraît-il, de magnifiques résultats. Tou- tefois, la récolte du caoutchouc est faite dans des conditions spéciales par les indigènes des villages. 9. Giroflier (Caryophyllus aromalicus). — 11 se comporte merveilleusement au Jardin d'essai, où il existe plusieurs arbres en rapport. De nombreux plants, issus des pieds introduits, ont déjà été dis- tribués aux colons. 10. Tabac (Nicotiana tabacum). — Il donne un excellent produit dans les sols riches et légers. Le séchage des feuilles seul présente certains incon- vénients si la récolte est faite pendant la saison pluvieuse. Il est donc nécessaire, pour que la dessic- cation des feuilles se fasse parfaitement, d'effectuer les semis en janvier, ce qui permet de récolter en mai ou juin, c'est-à-dire pendant la saison sèche. A1. Coton (Gossypium her baceum). — ]l est à peu près prouvé, maintenant, qu'il n ‘ya rien à attendre de la culture du coton faite d'une façon extensive au Congo francais. Dans les régions exploitables, la saison des pluies est, en effet, trop longue, et l'humidité atmosphérique trop élevée pour que la récolte puisse se faire dans de bonnes conditions. Théoriquement, la culture du coton ne peut être, en effet, rémunératrice que dans les pays secs, faci- lement irrigables, où la main-d'œuvre est abon- dante et peu onéreuse. N. — CoNCLUSIONS. Dans le peu de place dont nous disposions ici, nous n'avons pu montrer que brièvement le fonction- nement et les services que peut rendre un Jardin d'essai dans les colonies, dont la prospérité future repose entièrement sur la mise en valeur du sol par l'agriculture. — Que ces établissements d'utilité reconnue soient done multipliés et développés, si l'on veut que nos colonies ne restent pas, pendant longtemps encore, une lourde charge pour la mé- tropole. G. Chalot, Directeur du Jardin d'essai de Libreville. 5* 190 GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME L'ÉTAT ACTUEL DE L’AUTOMOBILISME DEUXIÈME PARTIE : LES TRANSMISSIONS Dans un premier article’, nous avons décrit les principaux types de moteurs actuellement employés pour produire l'énergie nécessaire au fonctionne- ment des automobiles. Nous allons maintenant exa- miner de quelle façon le mouvement de l'arbre d'un moteur quelconque est transmis aux organes qui assurent la propulsion de la voiture. Les moteurs employés sont tous à grande vi- tesse (300 à 2.000 tours par minute): il est donc impossible de leur faire actionner directement les roues. En outre, le moteur à vapeur, et surtout le moteur à pétrole, qui ne peut faire varier sa force qu'en changeant sa vitesse et qui n'a un bon ren- dement que s’il marche à son allure de régime, n'ont pas la souplesse suffisante pour faire rouler la voilure à des vitesses suffisamment variées, pour lui faire monter ou descendre convenablement les rampes. Il faut pouvoir faire reculer la voiture, même avec le moteur à pétrole, qui n'admet pas le renversement de sa marche. Il faut aussi, lors- qu'il est nécessaire d'arrêter brusquement le véhi- cule, ou quand on veut, après un court stoppage, éviler les ennuis de la remise en marche du moteur à pétrole, pouvoir supprimer l'action de celui-ci sans l'arrêter. Enfin, il faut se réserver la faculté d'éteindre rapidement la force vive de la voiture et empêcher le recul sur une rampe. Nous allons étudier successivement les disposi- tifs employés pour obtenir ces divers résultats : organes de transmission du mouvement de l'arbre moteur à un ou plusieurs arbres intermédiaires; organes de changements de vitesse et de marche par engrenages, courroies où plateau; transmission du mouvement du dernier arbre intermédiaire aux roues par chaînes Galle, engrenages, essieux arti- culés, dispositif Lepape ; embrayages ; freins; béquilles. I. — TRANSMISSION DU MOUVEMENT A L'ARBRE INTERMÉDIAIRE. $ 1. — Engrenages. Sur l'arbre moteur sont calés autant de pignons que l'on veut de vitesses différentes. Sur l'arbre intermédiaire coulisse un manchon, porteur d'un nombre égal de roues dentées, destinées à entrer en prise, chacune avec celui des pignons qui lui 1 Voyez cet article dans la Revue générale des Sciences du 28 février dernier, t. X, pages 130 et suiv. correspond. Les rayons respectifs des roues et des pignons doivent être calculés (la condition n'estpas remplie par tous nos construcleurs) de manière à obtenir pour la voilureles vilesses voulues, le mo- teur à pétrole continuant à marcher invariable- ment à sa vitesse de régime. Le système a le double avantage de réduire à leur minimum l'emplacement nécessaire et la dé- perdition de force. Il est compliqué, coûteux, sans élasticité, bruyant (si l'on n’emploie pas des engre- nages en cuir vert ou silon ne peut utiliser des engrenages à chevrons), facile à détériorer (si l'on ne passe pas avec adresse d'une vitesse à une autre). Pour éviter ce dernier inconvénient, on peut laisser toujours en prise les pignons et les roues, celles-ci étant folles et leur calage étant successivement obtenu par le déplacement, à l'in- térieur de l'arbre intermédiaire creux, d'un autre arbre porteur d'une clavette. Avec les engrenages, la marche arrière, qui ne se fait d'habitude qu'à la petite vitesse, s'obtient par l'interposition, dans le harnais correspondant, d'un pignon supplémentaire. $ 2. — Courroies. Pour chaque vitesse, l'arbre moteur porte une large poulie fixée à demeure, et l’arbre intermé- diaire deux poulies, l’une calée, l’autre folle. En faisant passer la courroie de la seconde sur la première, on embraie!. Système simple, écono- mique, assez silencieux, dont l'élaslicité écarte tout danger de rupture de pièce par changement brusque de vitesse ou autrement. Il donne lieu à une déperdition notable de force par défaut LE nur Re LARLES eus d'adhérence ; il prend beaucoup de place; les courroies ont souvent besoin d'être retendues. La marche arrière est assurée par une courroie à brins croisés. $S 3. — Plateaux. L'arbre moteur porte un plateau (c’est ordinai- rement le volant qui est utilisé pour cela) contre lequel frotte un galet, dont le mouvement entraine 1 Quelquefois les jeux de poulies et les courroies sont rem- placés par une courroie unique et deux cônes à axes paral= léles, disposés de manière que la grande base de l’un soit en face de la petite base de l’autre. Ces cônes sont à gradins ou lisses pour permettre des variations progressives de vitesses. Avec eux un tendeur est nécessaire pour embrayer. Du reste, il est toujours avantageux d'en avoir un pour assurer une adhérence convenable. pr GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME 191 celui de l'arbre secondaire. Ce galet peut coulisser le long de ce dernier, de façon à produire la mar- che avant, l'arrêt (quand le galet est au centre du plateau), la marche arrière (quand il passe de l'autre côté de ce centre). diaire, par des axes à rotules, aux fusées sur les- quelles sont calées les roues motrices. Ces deux dispositions ont l'avantage de permet- tre pour celles-ci le carrossage, qu'empêche la commande par chaines et roues dentées, celles-ci de- vant être dans des plans perpendiculaires à l’essieu. VEMENT AUX ROUES. $ 1. — Chaînes Galle. $ 4. — Dispositif Lepape. Sur l'arbre intermédiaire PQ (fig. 3), qui recoit le mouvement du moteur par des poulies à gorge et une corde à boyaux sans fin, est monté un cône à poulies étagées. Ce cône aclionne par une courroie un autre cône, disposé parallèlement au premier, mais de facon Elle s'opère le plus sou- vent par chaines Galle re- liant deux pignons montés sur l'arbre intermédiaire, et deux roues dentées, ordi- nairement solidaires des roues d’arrière du véhicule. 4 | | | IL. — TRANSMISSION DU MOU- à À S Fig. 1. — Essieu articulé de MM. de Dion el Bou- ton (élévation). —C, chàssise P, P, paliers de l'arbre intermédiaire; D, différentiel; J, J, joints à la Cardan; B, A, axes transmettant le mouvement de l'arbre aux jantes en bois, à travers les fusées chaînes, mais elles ont pour des roues, et par les rais métalliques c. elles leur simplicité. S C'est le système acatène de certaines bicyclettes ; nous le décrirons en parlant des automobiles de la maison Dié- trich. $ 3. — Essieux articulés. MM. de Dion - et Bouton trans- mettent le mou- vement de l'ar- bre intermé- diaire (fig. 1) aux jantes en bois des roues, par des axes ar- ticulés et des rais métalliques spéciaux : les joints, à la Car- - dan, permettent _aux axes de se - plier aux inéga- _ lités du sol sans imposer de fati- — gueaux ressorts “ de la suspen- … sion, et les rais … métalliques évi- … tent la fatigue de la commande aux rais en bois, qui — ont simplement à supporter la charge du véhicule. — MM. Gauthier- Wehrlé' relient l'arbre intermé- | On connait les défauts des | 1 . — Engrenages. | 4 useaux LINee Fig. 3. Fig. 2et 3. — Transmission système Lepape (schémas). — La courroie, chargée de transmettre au cône RS le mouvement du cône PQ, est tendue par le déplacement de l'arbre RS autour de l’essieu. Pour les changements de vitesse, elle est guidée par les fourchettes A!B', C'D', formant respectivement un côté des parallélogrammes articulés ABA!'B', CDC'D'; ces deux parallélo- grammes sont reliés par la tringle HG. La crémaillère F et le pignon E per- mettent au chauffeur de les mouvoir à son gré. 1 Locomolion aulomobile, 2x mars 1898, p. 183. que le gros bout de l'un soit en face du petit bout de l'autre. L’axe RS de ce second cône porte, à l'une de ses extrémités, un levier (fig. 2), qui se termine par le pignon X, engrenant avec la roue à fuseaux R soli- daire de la roue dela voiture.Get axe est monté sur deux paliers mobiles autour de l’essieu, de que ses déplacements laissent le pi- gnon en prise avec la roue à fuseaux. Il est facile de voir que le mouve- ment de l'axe RS dans le sens de la flèche 0° tend la courroie el produit l’em- brayage du mo- teur avec la transmission. L'autre extré- mité de l’axe porte un levier et un galet L sorte garni de cuir, chargé d’entrainer par friction un anneau, de diamètre égal à celui de la roue à fu- seaux,et qui communique son mouvement à la seconde roue de la voiture, mais en lui permel- tant de glisser par rapport à lui. Celte disposition 192 GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME est destinée à rendre inutile l'emploi de cet organe, qu'on retrouve dans presque toutes les automo- biles, et qui s'appelle le différentiel. $S 5. — Différentiel. Supposons que les deux roues motrices d’une voiture soient calées sur leur essieu, de facon à être obligées de faire constamment à une vitesse commune le même nombre de tours : sur une route droite, en l'absence d'obstacles retardant inégale- ment les deux roues, celles-ci lourneront de con- serve sans glisser ; mais dès qu'elles auront à opérer le moindre virage, la roue intérieure, ayant moins de chemin à parcourir, patinera, engendrant un travail de frottement, qui se traduira par l'usure du bandage, une mobilité moins grande du véhi- cule pouvant jusqu'à un certain point compromettre sa sécurilé. Le différentiel a justement pour but de faire cesser la solidarité des deux roues. L'essieu, au lieu d’être d’une seule pièce, est coupé en deux moitiés AR, A’'R’ (fig. 4), sur cha- cune desquelles sont montés, d'un côté une des roues R, R’, de l’autre un pignon B, B’, engrenant avec les pignons C, C'; ces derniers sont mobiles autour de leurs axes, dirigés suivant deux rayons de la couronne D et solidaires de cette roue. Avec cette disposition, les roues proportionnent leurs vitesses respeclives aux chemins qu'elles ont à Fig. 4. — Différentiel à pignons coniques (schéma). — R, R', roues; AB, A'B', piguons coniques, montés sur l’essieu; C, C!, pignons coniques mobiles autour de leurs axes; D, couronne. parcourir. Au lieu d’être constitué par des engre nages coniques, le différentiel peut l'être par des engrenages plats moins encombrants (fig. 5). Dans ce que nous avons dit, nous avons supposé que les roues étaient calées sur l'essieu; or, en général, elles sont folles sur lui, mais actionnées par des chaines Galle engrenant avec des pignons calés sur l'arbre intermédiaire, et dès lors aussi solidaires que dans l'hypothèse admise. Le diffé- rentiel reste donc aussi nécessaire qu'avec cette dernière. & $ 6. — Encliquetage. Le différentiel peut être remplacé par un encli- quetage. MM. Brouhot et Cie adaptent au moyen de chaque roue une couronne dentée, et à chaque extré- mité de l’essieu un plateau porteur d'un axe autour - duquel est articulé un cliquet à trois branches, celle du bas étant engagée dans une cavilé de l’essieu. Quand celui-ci tourne, le cliquet oscille autour de son axe, et l’une ou l’autre de ses bran- Fig. 5. — Différentiel à pignons plats S. ches supérieures, suivant le sens de la marche, s'engage dans une encoche de la roue dentée et entraine la roue du véhicule. Dans un virage, la roue extérieure, pour prendre une vitesse plus grande que l’autre, n’a qu'à fuir devant le cliquet;: celui-ci revient au contact de la roue dentée quand les vitesses sont redevenues les mêmes. III. — EMBRAYAGES. On peut employer l'embrayage à griffes, consti- tué par deux manchons solidaires des deux arbres à réunir, et dont l’un peut coulisser le long de son arbre, de manière à l'amener en prise avec l’autre. Comme il n’est ni progressif ni élastique, on lui préfère les embrayages à friction : à cônes droits, exigeant une poussée lalérale considérable pour déterminer une adhérence suffisante; à cônes ren- versés, dont la mise en train se fait par traction et non par pression ; à ruban, fondés sur le principe des freins à lames. Dans cette catégorie se trouve l'embrayage de MM. Villard et Bonnafous, qui est très employé. IV. — FREINS. Il n’est pas besoin de démontrer la nécessité pour les automobiles d’avoir de bons freins. L'article 45 de l'Ordonnance du 14 août 1893 du Préfet de police les oblige, pour la circulation dans Paris, à en avoir deux pouvant agir instantanément et immobiliser le véhicule en toutes circonstances, même lorsque le moteur donne son maximum de force. > k à GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME 193 Le règlement, qui va incessamment régir la cir- culation des automobiles sur Loutes les voies publi- ques de notre pays, en édicte aussi deux, tout en admettant le remplacement de l’un d’entre eux par un dispositif tel que la contre-vapeur permette l'emploi du moteur pour l'obtention rapide de l’ar- rêt de la voiture. L'un des freins doit produire un calage des roues aussi instantané que possible. Les freins à vis, dont les sabots agissent sur les jantes des roues, ont un fonctionnement très sûr, mais ils manquent d’instantanéité, et, avec les bandages de caoutchouc, ils provoquent le décol- lage des pleins et le cisaillement des boulons de sûreté des pneumatiques. Les freins à cordes ou à lames leur sont préférés. A la première catégorie appartient le frein Lemoine, qui est bien connu; à la deuxième, le frein Cloos et Schmaltzer, logé dans le moyeu de la roue et cons- litué par une bande de cuir, dont le serrage est obtenu à l’aide d’un levier coudé; il n’est applicable qu'aux moyeux en bois, et réservé aux voitures légères. Les freins à enroulement ont le défaut de ne serrer que pendant la marche en avant; M. Jean- taud en a combiné un qui serre dans les deux sens. Les automobiles comportent ordinairement un frein Lemoine sur le moyeu de la roue, un frein à lame sur l’arbre différentiel; pour les voitures lour- des, on conjugue souvent le frein à corde et le frein à vis. En l'absence de tout frein pouvant serrer dans la marche arrière, il faut munir le véhicule d'une béquille ou d’un encliquetage, qu'on laisse agir quand on peut craindre un recul. V. — Cassis. Le chässis est ce cadre qui, reposant sur les essieux par l'intermédiaire des ressorts, supporte la caisse, le moteur et les transmissions. Il est presque toujours formé par deux longerons, réunis à l'avant et à l'arrière par deux traverses, et solide- ment entretoisés dans l'intervalle. Il était dans le principe, du moins pour les voitures légères, en bois de frêne; on substitue maintenant au bois l'acier, qu'on emploie profilé, ordinairement sous forme de |, ou étiré en tubes. Les tubes sont plus légers, mais demandent à être brasés avec beaucoup de soin; les fers profilés sont d'une solidité plus facile à obtenir, et ils permettent une fixalion plus commode du moteur et des orga- nes de transmission. Quelquefois on garnit l'inté- rieur des fers avec du bois, qui en augmente la résislance sans accroître sérieusement leur poids. Les chässis de motocycles sont presque tous tubu- laires ; ceux des voitures lourdes sont toujours en fers profilés. Quelques rares constructeurs emploient deux châssis, l'un reposant comme d'habitude sur l’es- sieu et supportant le moteur et les transmissions, l'autre s'appuyant sur le premier, aussi par l’inter- médiaire de ressorts, et soutenant la caisse. Cette disposition complique un peu la construction, mais a l'avantage d'éviter aux voyageurs les trépidations du moteur à pétrole. VI. — RESSORTS. Les plus employés sont : pour les voitures lour- des, les ressorts droits (à rouleaux droits, renver- sés ou opposés) et les ressorts en spirale; pour les voitures légères, les ressorts à pincelte (à charniè- res, à mains anglaises ou à crosse) et à demi-pin- cette (à charnière et à crosse); pour les voitures très légères, les ressorts en C (à crie ou du système Bail et Pozzy), d'une grande élégance. VII. — Essreux. Ils sont fabriqués ordinairement en deux mor- ceaux soudés au milieu, les patins et les coudes étant pris dans la masse même du fer. Celui-ci doit être doux et nerveux, d'excellente qualité. Excep- tionnellement on emploie l'acier doux. Au point de vue du rôle qu'ils jouent dans la voiture, on distingue l’essieu directeur et l’essieu moleur, ordinairement placés à l’avant et à l'arrière. Quelquefois, comme dans l’avant-train Prétot, les roues d'avant sont à la fois directrices et motrices; elles peuvent alors être montées sur un avant-train à cheville ouvrière d'une commande difficile (parce qu'on n'agit plus sur lui du bout du timon, comme avec les voitures ordinaires), et donnant une aire de sustentation parfois minime. $ 1. — Essieux directeurs. L'essieu directeur est invariablement fixé dans une posilion parallèle à l’essieu moteur (ce qui donne un polygone de sustentation immuable), et il porte à chaque extrémité un pivot vertical, autour duquel lourne la roue correspondante. C'est le principe de l’avant-train à deux pivots, inventé par un mécanicien de Munich, Lankens- perger, et importé en France par J. Akerman'. Mais, Lel que l’établissait ce dernier, l'avant- train ne permeltait pas le pivotement de la voiture sans glissement ni ripement des roues. En 1873, M. A. Bollée père, pour mieux obtenir ce résultat, commanda les roues par deux cames, chargées de leur faire prendre, dans les virages, l'inclinaison voulue. En 1878, M. Jeanlaud a ima- 1 Brevet du 27 janvier 1818. 194 GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME giné une disposition aujourd'hui universellement adoptée, qui permet les virages parfaits, parce que les axes des roues se rencontrent toujours sur le prolongement (ou très près du prolongement) de l'axe de l’essieu d'arrière : les quatre roues tournent | autour de ce point d’inter- section A (fig. 6). Les figures 7 à 9 repré- pe sentent quelques types d'’es- = sieux directeurs les plus em- | ployés, tels que les construit M. Lemoine. . — Essieux moteurs. | jantes en frène. Pour les véhicules très lourds (tracteurs et omnibus Scotte, de Dion), on emploie le chêne. La difficulté de trouver de bons moyeux de bois a amené les constructeurs à se servir du métal, les rais étant d’ail- leurs en bois ou en métal; ces moyeux métalliques se font en bronze ou en acier. . — Bandages de caout- chouc. L'utililé, au point de vue du confort du voyageur et de la bonne conservation du mé- canisme, du moteur surtout, Les figures 10 et 11 en al de soustraire la voiture à tiennent deux modèles. Les | des vibrations qui eroissent essieux moleurs, comme . 18 : 4 en raison directe de la vi- Fig. 6 — Avant-train à deux pivols (schéma). — nous l'avons dit, n'offrent pas de carrossage : leurs fusées sont horizontales. (Les fig. 7 à 11 nous ont été gracieu- sement communiquées par M. Lemoine, dont eiles sont la propriété clusive.) ex- ne 3. On les a faites quelquefois en fonte coulée en coquille, avec partie dure à l'intérieur ; mais il vaut mieux employer le bronze et surtout le fer cimenté et trempé. Les boîtes patent Collinge ou demi- patent, à huile, donnent de très bons résultats. — Boîtes d’essieux. r,r,roues d'avant; R,R, roues d’arrière : O, O', L', parallélogramme articulé se déplacant au- tour des pivots OO! pendant les virages, de telle sorte que les axes des roues 7, »' viennent se couper en A! sur l’axe des roues RR. tesse, a amené les construc- teurs à entourer les jantes de leurs roues de bandages de caoutchouc. Ceux-ci sont pleins, eloi- sonnés où pneumatiques. Des expériences que nous avons eu l'occasion de décrire', et celles que M. Fonvielle a opérées, sous la direction de M. Mi- chelin, avec la voiture dynamométrique de la Com- pagnie générale des Voitures à Paris, ont montré la supériorité, au point de vue de l'effort de trac- tion nécessité par la voiture, des bandages de caoutchouc, et notamment des pneus, sur le fer. L, Fig. 7. est monté avec moyeu métallique, patent huile pour — Essiu direcleur à cheville verticale el pivot. — 1] rais bois avec manchon à frette (Lemoine). E, essieu; F, fusée; D. douille solidaire de l'essieu; GC, cheville venue de forge avec la fusée; G, grain en acier trempé, sur lequel se ‘fait la rotation de la cheville et de la fusée: VIII. — Roues ET BANDAGES. S > 1. — Roues. Elles doivent être fort solides, car elles suppor- teut de grands efforts, surtout quand on arrête brusquement la voiture. Les roues en bois ont leur moyeu en orme tortillard, les rais en acacia, les | M, moyeux. Maintenant qu'on fabrique des pneus assez endu- rants, leur usage doit êlre recommandé. IX. — CAISSE. L'ingénieur demande à la caisse d'être légère, 1 Voyez le journal le Génie civil. PPT RSR GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME 195 avant tout solide, de ne pas offrir dans le sens transversal de ces larges surfaces planes, qui aug- mentent tant les effets de la résistance de l'air, d'être autant que possible interchangeable ; à lui d’ailleurs de faciliter celte dernière condition par la forme qu'il donne à son châssis. C'est au carros- l'huile : de préférence, pour les cylindres à vapeur, des huiles concrètes ; pour les cylindres à pétrole, des huiles fluides; en tous cas, des huiles ne se cuisant pas aux températures élevées qu'elles ont à subir. Les huiles minérales, appelées oléo- naphtes, ne commençant à bouillir qu'au-dessus ne Fig. S. — Essieu directeur à chape. —E, essieu; CG, chape; D, axe de rotation; F, fusée. Le levier de direction est venu | | - sier quil appartient d'en assurer le confort et l’élé- - gance. À notre avis, il n'a pas lieu de transformer - radicalement les formes en usage, auxquelles l'a . conduit une longue expérience; qu'il se contente de les approprier rationnellement à leur nouvel ; de forge avec la fusée; il est monté avec boîtes patent huile en fer pour moyeux bois, corps à double coude (Lemoine). Ê ; P I y ; | de 300°, sont souvent utilisées. Comme graisseurs on emploie : 1° Les graisseurs physiques, qui ont l’inconvé- nient de ne pas s'arrêter automatiquement avec le moteur, et qui sont peu sûrs; il ne faut les accep- Fig. 9. — Essieu directeur à cheville renversée. — E, essieu; F, fusée; M, moyeu pour rais en bois; C, cheville; B, billes, sur lesquelles roule la douille; G, grain d'acier, dont le réglage s'effectue par la vis placée au-dessous, et sur lequel tourne la cheville C. Demi-patent huile, avec billes et pivot, patin surbaissé, corps cintré; le boisseau de la cheville porte un levier venu de forge pour la direction (Lemoine). usage : l'œil saura bien s’habituer à l'absence du cheval. X. — GRAISSAGE. Son importance est extrême avec les vitesses nouvelles. Les principales pièces à graisser sont: les pistons, tiroirs, paliers, axes, etc. On emploie la graisse ou ter que si leur fonctionnement est à chaque ins- tant vérifiable par la visibilité de la goutte. Celle-ci est descendante (oléopolymètre R. Henry), ou montante (genre Consolin spécial à la vapeur); 2% Les graisseurs mécaniques, à compression (graisseurs terminus de Drevdal pour la vapeur), ou aspirants et foulants (oléopompe Drevdal pour le pétrole, graisseurs à départs mulliples Bourdon GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME ou Henry Hamelle, envoyant par de petits tubes Dans un troisième et dernier article, nous déeri l'huile aux divers organes à graisser). rons les principaux types de voitures automobile: Fig. 10. — Essieu pour roues molrices. — E, essieu; À, œil; F, fusée; M, moyeu; B, disque solidaire du moyeu, et destiné à recevoir la couronne dentée de la transmission. Patent huile, corps surbaissé portant œil pour recevoir la pièce d'attache de la bielle de poussée; rondelle enlevée dans la masse, montée avec moyeu métallique à manchon à frette, portant un disque pour fixer la roue dentée (Lemoine). Fig. 11. — Essieu pour roues motrices. — E, essieu coudé; A, œil ayant la même fonction que dans l’essieu de la figure 33; F, fusée; M, moyeu pour rais en bois; H, disque solidaire du moyeu M; B, couronne dentée, fixée sur le disque H par les boulons D; CO, poulie de frein fixée à la couronne dentée par les boulons F. Patent huile, corps surbaissé et cintré portant des attaches venues de forge pour les bielles de poussée, rondelles enlevées dans la masse, avec moyeu sur lequel sont montées les roues dentées et la poulie de frein (Lemoine). Le graissage donne lieu à une consommation | et les principaux essais auxquels elles ont donné fort variable : avec l'appareil Hamelle, il faut | lieu. | compter 500 grammes d'huile par jour pour les G. Lavergne, cylindres. Ingénieur civil des Mines. “ BIBLIOGRAPHIE — ANALYSI rez S ET INDEX 197 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Andoyer (H.), Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Paris. — Leçons élémentaires sur la Théorie des Formes et ses applications géomé- triques. — 1 vol. in-4° autographié de 184 pages. (Priæ : 8 fr.) Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1899. Jusqu'ici, il n'existait aucun ouvrage français spéciale- ment consacré à la Théorie des Formes. On trouve bien les bases essentielles de celte théorie dans certains ouvrages d'Algèbre supérieure et dans les éditions fran- caises des traités de Salmon et de Clebsch, mais, pour une étude plus approfondie, on devait recouriraux ouvra- ges étraugers. Il faut donc féliciter M. Andoyer d'avoir entrepris la publication d’un traité sur la théorie des for- mes ; toutefois, cet ouyrage est encore en préparation, et pour le moment il s’agit simplement des Lecons élé- mentaires destinées aux candidats à l’agrégation. Dans ces Lecons, l’auteur présente la théorie desinva- riants sous une forme élémentaire el avec beaucoup de clarté. Il débute par l'étude des invariants des formes binaires et en donne l'interprétation géométrique; puis il consacre un chapitre à la théorie générale des forma- tions invariantes : polaires, invariants en fonction des racines,résultants et discriminants, formalions diverses, jacobiens et hessiens. Reprenant ensuite les formes binaires, l’auteur étudie les formes des quatre premiers degrés. Sont exposées ensuite les propriétés des inva- riants des formes ternaires. Au point de vue de ses appli- cations géométriques, le chapitre relalif aux séries non linéaires présente un intérêt tout particulier ; on y trouve présentées avec beaucoup de précision les notions d’élé- ments tangentiels, inflexionnels et stationnaires, ainsi que quelques généralités sur les singularités ordinaires et les formules de Plücker. Les trois derniers chapitres sont consacrés aux formes bilinéaires, aux systèmes linéaires et aux systèmes de deux formes quadratiques. La terminologie employée dans la théorie des formes est assez compliquée par le fait qu'elle varie souvent d’un auteur à un autre; aussi le besoin de la simplifier se fait-il vivement sentir. Dans ce sens le volume de M. Andoyer contient une heureuse innovation. La ter- minologie qu'il emploie n’est pas, comme d'habitude, empruntée à la Géométrie ponctuelle; ne spécifiant en rien la nature des éléments géométriques que l’on peut envisager, elle offre l'avantage d’une plus grande géné- ralité dans les applications géométriques. H. Feu, Privat-docent à l'Université de Genève. Blim (E.), Ancien élève de l'Ecole Polytechnique, Ingé- nieur-chef du Service des Ponts et Chaussées en Cochin- chine, et Rollet de lisle (M.), Ingénieur hydro- graphe de la Marine. — Manuel de l'Explorateur. Procédés de levers rapides et de détail; détermi- nation astronomique des positions géographiques. — 1 vol. in-12 de 260 pages, avec 90 figures. (Prix car- tonné, 5 fr.) Gauthier- Villars, éditeurs. Paris, 1899. Cet ouvrage, qui arrive à son heure, qui vise surtout à être pratique, est formé par les trois chapitres sui- vants : L. L'exploraleur ne peut ordinairement lever sa route que par des méthodes qui ne retardent pas sa marche, S'il chemine à terre, il évaluera les distances par le nombre de pas, et les directions au moyen de la bous- sole. Le premier chapitre lui indique le moyen de se servir des instruments qui lui faciliteront ce travail. ET INDEX — S'il navigue sur un cours d’eau, les directions lui seront encore données par la boussole; quant aux distances, il les déduira de la vitesse moyenne de son embarcation, et les auteurs indiquent les moyens les plus simples pour déterminer cette vitesse. Enfin, il déterminera les altitudes avec le baromètre, quelquefois avec la boussole à perpendicule. Pour toutes ces opérations, l'ouvrage donne des dé- tails et des exemples qui tirent d'embarras l'explorateur le plus novice. Il y trouvera aussi des indications sur la manière de rédiger sa carte. II. Le troisième chapitre, que nous rapprocherons du précédent, est consacré aux levers de détails. En cours d'exploration,-il peut y avoir lieu de créer en certains points un poste, un centre minier ou commer- cial, etc. Alors les levers d’ilinéraire ne donneraient plus assez de précision et il faut avoir recours à une petite triangulation. L'ouvrage fournit les indications nécessaires pour former un canevas trigonométrique, pour mesurer la base et les angles, pour orienter le plan, etc. III. La partie moyenne de l'ouvrage est consacrée à la détermination géographique du point, autrement dit à la détermination de la longitude et de la latitude. A dessein on laisse de côté le sextant, malgré ses avantages, et on suppose le voyageur muni d’un théo- dolite, dont on explique clairement le principe et l'usage. Les méthodes exposées pour la détermination de la latitude sont : celle des hauteurs méridiennes (culmina- tions), celle des hauteurs circumméridiennes et celle dans laquelle on emploie la polaire ; l'explorateur pourra done toujours choisir une méthode appropriée aux conditions du moment. Après avoir donné des indications sur l'emploi du chronomètre et sur la détermination astronomique de l'heure, on passe à la longitude, que l’on détermine pres- que exclusivement sur le fransport du temps, car ce qui est consacré à l'emploi du mouvement de la Lune est bien sommaire. Il semble qu'un voyageur serait imprudent s'il s’en tenait ainsi au transport de l'heure, alors que tant d'ac- cidents peuvent altérer la marche de ses chronomètres. Les éclipses du premier satellite de Jupiter, les occul- tations d'étoiles par la Lune, peuvent être très utiles, et leur observation est facile pour quiconque sait déter- miner l'heure. Mais sans doute on n'a pas mentionné les occullations parce que le calcul oule graphique de prédiction effrayent beaucoup de voyageurs. En résumé, les auteurs se sont proposé d'écrire un livre simple et pratique, et ils ont atteint leur but, car leur Manuel rendra des services aux débutants, aux- quels il est surtout destiné. G. BIGOURDAN, Astronome à l'Observatoire de Paris. 2° Sciences physiques Noël (Ch.), Durandeau (L.) et Triadou (L.). — Les Industries agricoles : Brasserie. Distillerie. Sucrerie. — 1 vol. in-8° de 340 pages avec 110 figures. (Prix : 6 fr.) P. Oudin, éditeur, 4, rue de l'Eperon. Poitiers, 1899. Ce livre fait partie de la Bibliothèque des Employés des contributions indirectes. Il a été écrit en vue des concours qu'ils ont à subir et dans lesquels on exige d'eux des connaissances de plus en plus approfondies sur ces matières. Il peut aussi, en dehors de ces con- cours, leur donner des renseignements précis sur les industries dont ils ont la surveillance fiscale. La Bras- 198 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX serie, la Distillerie et la Sucrerie sont, en effet, trois des industries agricoles qui, soumises au contrôle de l'Admi- nistration des Contributions indirectes, occupeut un grand nombre d'employés et rapportent à l'Etat une somme considérable. La Brasserie a, pour plus de clarté, élé divisée en deux parties; la première, purement théorique, rappelle les connaissances chimiques et bactériologiques néces- saires pour comprendre la fabrication de la bière, qui fait l'objet de la deuxième partie. La description de la fabrication se termine par le contrôle de celle-ci. C'est un chapitre fort bien traité, dans lequel les auteurs mon- trent comment le brasseur peut, par un contrôle rigou- reux, se rendre compte du rendementetdel'importance des pertes de matières premières, Ils décrivent aussi le procédéofficiel permettantderechercher la densité origi- nelle des moûts fermentés; ce procédé est emprunté à la législation anglaise; il ne présente pas actuellement une grande importance, mais il en prendrait une considérable si le projet de loi actuellement soumis aux Chambres, et modifiant l’assiette de l'impôt sur la bière, était adopté. Dans la législation actuelle, le droit de fabrication est calculé d’après la capacité des chau- dières employées par le brasseur. En Angleterre, au contraire, l'accise est établie au volume et à la den- sité du moût. C'est une législation analogue que l’on voudrait introduire en France. Cette revision s'impose; elle est réclamée à la fois par les brasseurs et par l’'Admi- nistration des Contributions indirectes; elle est souvent génante pour le brasseur, qu'elle incite d'ailleurs à des pratiques défectueuses, telles que les coupages à l'eau, l'emploi des glucoses; d'autre part, elle ne donne à l'Administration que des moyens insuffisants de contrôle. Dans la Distillerie, un premier chapitreest consacré à l’alcoométrie. Le second traite de la fabrication, qui est très consciencieusement étudiée. Au point de vue législatif, les auteurs ne se déclarent pas partisans du projet de monopole de l'alcool, que ses promoteurs remettent de temps à autre à l’ordre du Jour. Ils ne sont pas partisans non plus d’une taxation exagérée de l'alcool, qui donnerait à la fraude une prime d'autant plus importante, et ils jugeraient fort imprudent le dégrèvement total des boissons hygié- niques. Nous partageons leur manière de voir sur ces divers points (voir Revue générale des Sciences, 1896, p. 801). Les auteurs ont traité longuement la Sucrerie. En lisant les considérations générales qu'ils consacrent à cette industrie, on est obligé de faire cette triste consta- tation que la France a perdu, depuis 1875, le premier rang qu'elle avait occupé jusqu'alors parmi les Etats producteurs de sucre. Sans doute sa production augmente : de # millions de kilos, en 1814, elle est passée à 150 millions en 1858, à 406 millions en 1883, et à 628 millionsen 1895. Mais, alors qu'en 1371 elle produi- sait deux fois plus de sucre que l'Allemagne, elle n’en. produit plus que le tiers. L'Allemagne, qui tient aujour- hui le premier rang parmi les Etats producteurs de sucre, n'a acquis cette priorité, à laquelle elle a toujours attaché une importance considérable, qu’à la suite de longs efforts et de grands sacrifices financiers. Engels écrivait, il y a plusieurs années : « Comme grand article d'exportation dans le monde, l'Angleterre a le coton; l'Allemagne a et ne peut avoir que l'alcool et le sucre. L'alcool et le sucre seront le coton de l'Allemagne. » Il y aeu,selonl'heureuse expression employée par M. Jaurès à la tribune de la Chambre, « un véritable krach de l'espérance allemande » en ce qui concerne l'alcool, mais les exportalions de sucre ont suivi une marche ascendante des plus rapides. La France ne vient actuel- lement qu'au quatrième rang en Europe. Elle est devancée par l'Allemagne, l'Autriche et la Russie, Son état d'infériorité date de 1875; elle a traversé, de 1876 à 1883, une crise très aiguë. C’estalors que l'on songea à appliquer en France un mode d'impôt qui avait donné d'excellents résultats chez nos voisins, et la loi du 29 juillet 1884, base actuelle de notre législation sucrière, élablissait l'impôt non plus sur le sucre pro- duit, mais sur une quantité de sucre calculée d'aprèsle poids des betteraves mis en œuvre. La loi de 1884 x eu sur la sucrerie française une grande et heureuse influence; le fabricant a eu intérêt à retirer le plus possible de sucre des betteraves prises en charge à son compte. De là, deux ordres de progrès : les premiers, realisés par l’agriculture, qui a dû sélectionner les betteraves et améliorer leur richesse saccharine; les seconds, réalisés par l'industrie, qui a dû perfectionner sa fabrication et organiser le contrôle pour améliorer les rendements. Ce progrès général de l’industrie sucrière en Europe a amené une surproduction; le marché des sucres à été encombré de stocks et la crise sucrière a commencé. Les pays surproducteurs ont dù créerdes primes d'expor- tation pour faciliter l'exportation des sucres. Des esprits avisés ont aussi cherché à augmenter la consommation de cet utile aliment. On ne consomme en France que 15 kilos de sucre par têle et par an, alors qu'on en consomme 39 kilos en Angleterre. Si l'ouvrage de MM. Noël, Duraudeau etTriadou nous a entrainé dans ces digressions, c’est que la partie statistique et législative des grandes industries agricoles, dont ils ont abordé l'étude, est succinctement, mais complètement et clairement présentée. Cette partie de l'ouvrage n’est pas la moins intéressante. La partie technique est traitée, nous l'avons dit déjà, fort consciencieusement. Les auteurs ont mis en évi- dence les progrès énormes réalisés depuis vingt-cinq ans dans ces industries, qui doivent leur perfection actuelle à la science et au contrôle exact dont celle-ci les a dotées. Actuellement, une brasserie, comme une distillerie ou une sucrerie, est comme un vaste labo- ratoire, dans lequel rien n’est laissé au hasard. Si le contrôle ininterrompu de l'analyse chimique y révèle une anomalie, ce même contrôle permet d'en connaître l'origine, d'en déterminer la cause, et le fabricant, renseigné par elle, peut y apporter un prompt remède. On ne saurait ici reprocher à la science d'avoir fait faillite. X. Rocques. 3° Sciences naturelles Amaudrut (M.-A.). — La partie antérieure du tube digestif et la torsion chez les Mollusques Gasté- ropodes (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8° de 292 pages avec figures et 10 planches. G. Masson et Cie, éditeurs. Paris, A898. M. Amaudrut à étudié la région antérieure du tube digestif, que l'on désigne habituellement sous le nom de bulbe, chez les Mollusques Prosobranches. Il à égale- ment étendu ses recherches à un groupe d'Opistho- branches, les Tectibranches, mais la partie de beaucoup la plus importante de son travail se rapporte aux Pro- sobranches. Dans la première partie du mémoire, M. Amaudrut s'occupe de la structure de la trompe, et il recherche l'origine des variations que l'on observe dans la forme de cet organe. Ces différences proviennent de ce que l'allongement de l’extrémilté antérieure du corps se produit tantôt dans la région pré-tentaculaire, tantôt dans la région post-tentaculaire, ou encore dans la partie dorsale. Or, il peut arriver que la croissance se produise sur une seule de ces trois régions, à l'exclu- sion des autres, ou qu'elle se produise sur deux ou trois régions simultanément : de là les formes variées que présente la trompe des Prosobranches. L'étude détaillée du bulbe chez un grand nombre de Prosobranches,les uns sans trompe, les autres pourvus de trompe, a permis à l’auteur de dégager des carac- tères secondaires et variables, les caractères fondamen- taux communs à tous les Prosobranches, et de s'assurer que les variations dans la structure du bulbe étaient en harmonie avec les caractères de la trompe. Les princi- pales différences portent sur le nombre et la forme des 13 0 de ph Ms TE DE ea re EN ARE CL TER Le BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 199 cartilages, la présence ou l'absence des mächoires, la forme, l’arrangement et le nombre des dents de la radula. M. Amaudrut distingue les trois types princi- paux suivants, qui offrent d'ailleurs entre eux de nom- breuses formes de passage : 4° Mollusques pourvus de deux mâchoires puissantes ; dents nombreuses, les latérales très grèles(Diotocardes); 20 Mollusques dépourvus de mächoires latérales ou les possédant à l’élat rudimentaire; dents très fortes, mais en nombre restreint (Buccin, Pourpre); 3 Mollusques à mâchoire simple, médiane; nom- breuses dents peu différenciées (Pulmonés). L'auteur étudie le mécanisme de la radula dans cha- eun de ces groupes. Cetle parlie de son travail, qui n'occupe pas moins d’une centaine de pages, est essen- tiellement descriptive et ne se prête pas à l'analyse. La deuxième partie du mémoire se rapporte à ces dilatations symétriques de la face supérieure du bulbe et du commencement de l’æœsophage connues, chez quel- ues Diotocardes, sous les noms de poches buccales et :h poches æsophagiennes. M. Amaudrut a retrouvé ces formations chez tous les Diotocardes qu'il a étudiés, mais il était intéressant de rechercher leurs homo- logues chez les Monotocardes. Les poches buccales n°y sont point conservées, mais les poches œsophagiennes persistent et constituent les organes appelés jabot, glande de Leiblein et glande à venin. « J'ai cherché, dit M. Amaudrut dans son Introduction, à déterminer les causes de ces transformations, et je crois avoir réussi à démontrer qu'elles existent dans les états divers que présente la trompe. Lorsque celle-ci se développe, elle tend à entrainer avec elle le bulbe et les poches œæso- phagiennes, mais, comme la section de l'appareil pro- boscidien est plus faible que celle de la cavité antérieure primitive, le bulbe el la partie antérieure des poches subissent un étirement que l’on peut comparer à un passage à la filière; de là l'allongement du bulbe et la division des poches en deux parties : l’une antérieure, située dans l'intérieur de la trompe, et l’autre posté- rieure, qui est restée en place dans la cavité antérieure du corps pour constituer le jabot. Ce dernier constitue encore une glande intrinsèque, mais, chez les Proso- branches supérieurs à (rompe plus longue, il s'est séparé de l’æsophage pour donner uue glande extrinsèque. Chez les uns, la séparation s’est faite d'avant en arrière, pour donner la glande de Leiblein; chez les autres, elle s'est produite d’arrière en avant pour aboulir à la glande à venin. » Après avoir étudié les homologies de ces diverses formations œsophagiennes chez les Prosobranches, M. Amaudrut les compare à celles de certains Opistho- branches. Ses recherches ont été limitées au groupe des Tectibranches, où les organes contenus dans la cavité antérieure du corps offrent encore une torsion identique à celle que l'on observe chez les Proso- branches; il à pu reconnaître que, chez les Opistho- branches, l'organe appelé gésier était homologue aux formations æsophagiennes des Prosobranches. Malheu- reusement, il n'a pas eu l’occasion d'étudier les Opistho- branches récents, où les rapports des organes anté- rieurs du corps sont, comme on sait, complètement différents : c’est une lacune que l’auteur promet de combler. Un travail de la nature de celui que M. Amaudrut à entrepris ne se prête guère aux considérations géné- rales. Néanmoins, l'auteur s'est trouvé conduit à dis- euter l’origine de la lorsion chez les Prosobranches, et il adopte, en la modifiant sur quelques points, l'expli- cation donnée par Pelseneer. Il expose enfin les étapes successives de l’évolution par laquelle les Prosobranches se sont transformés en Opisthobranches à la suite d'une détorsion qu'il cherche à expliquer. Les personnes que l’analomie des Gastéropodes inté- resse trouveront, dans le travail de M. Amaudrut, des documents importants et des descriptions très détail- lées qui paraissent basées sur des dissections très con- sciencieuses. Il m'a paru regrettable que les différents chapitres ne fussent pas mieux séparés les uns des autres ni divisés eux-mêmes en paragraphes distincts : l'exposition aurait ainsi gagné en clarté et la lecture du mémoire serait devenue plus facile; c'est d'ailleurs le seul reproche que j'aie à adresser à ce travail. D' R. Kœurer, Professeur à l'Université de Lyon. 4° Sciences médicales Nicolle (M.), Directeur de l'Institut impérial de Bacté- riologie de Constantinople. — Matières colorantes et Microbes. — 1 vol. in-16 de 78 pages, avec 10 fiqures et 1 planche en couleurs. (Prix : 2 fr.) G. Masson et C'°, éditeurs. Paris, 1899. Ce petit livre est écrit par un maitre en technique bac- tériologique. Avant d'aller diriger l'Institut de Constan- tinople, M. Nicolle a été préparateur à l'Institut Pasteur, et tous ceux qui, à cette époque, ont suivi les cours de M. Roux, ont gardé le souvenir de l'habileté de M. Ni- colle à manier les colorants. Il a d’ailleurs créé des méthodes nouvelles de coloration des microbes et per- fectionné quelques-unes de celles déjà existantes. Les rapports des matières colorantes et des microbes sont envisagés à {rois points de vue : 1° Emploi des malières colorantes dans l'examen microscopique des microbes (coloration des bactéries et des éléments anatomiques, coloration des spores, des cils et des capsules des microbes): 20 Etude des microbes producteurs de matières colo- rantes et en particulier des bacilles du pus bleu, du lait bleu, du prodigiosus ; 3° Rôle des microbes dans la formation et l'appli- cation de couleurs naturelles (fermentation de l’indigo et de l’orseille; teinture en indigo). Le tout est exposé avec une extrême clarté, et le but que vise l’auteur, de se mettre à la portée de toutes les personnes qu'intéresse le progrès des sciences et de leurs applications, se trouve pleinement atteint. Mais la première partie de l'ouvrage rendra, croyons- nous, un autre service. L'auteur n'y traite que des mé- thodes de coloralion qui lui sont familières et il indique, avec Ja plus grande clarté et la plus grande précision, la facon dont il prépare ses colorants et les fait agir, les avantages et les inconvénients de tel ou tel procédé; les principes des diverses méthodes sont très nette- ment mis en relief. Aussi, le bactériologiste de profes- sion sera souvent heureux d’avoir sur sa table de laboratoire ce pelit livre si précis, si exactement ren- seigné, et si sobrement écrit. F. MESNiz, Chef de Laboratoire à l'Institut Pasteur. Dallemagne (J.), Professeur de Médecine légale à l'Université de Bruxelles. — Pathologie äâe la Vo- lonté. —- 1 vol. in-16 de 192 puges, de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) G. Masson et Gauthier-Villars, éditeurs. Paris, 1899. La volonté doit être considérée comme un réflexe supérieur dans lequel les centres de l'écorce cérébrale jouent le rôle principal. Il faut admettre une évolution du système nerveux, dans laquelle les centres inférieurs jadis conscients sont devenus peu à peu automaliques et se sont subordonnés aux centres corlicaux apparus les derniers et non encore complètement organisés. On peut dire qu'il y a volition réflexe quand le circuit cérébral est trop pauvre et que manque l'inhibition. L'impulsion morbide est le dernier acte d'un drame cérébral qui débute par l’obsession et se continue par l'idée fixe ; elle n'est pas due à la suppression, mais à une altération de la volonté. Les volitions névropathiques, faciles à délimiter dans l'épilepsie, le sont moins dans l'hystérie et moins encore dans la neurasthénie qui fusionne avec toute la vie du sujet. L’ertase n’est pas l'anéantissement de la volonté (Ribot) mais une volition tenace alimentée par une idée fixe subconsciente; de même l'aboulie n'est souvent 200 qu'une hypertrophie de la volonté, une forme négative de celle-ci, amenée par une idée fixe. Dans les cas d’aliénation de la volonté, la volonté étrangère peut intervenir à un stade quelconque de l’évolution de la volonté suggestionnée ‘excitation, perception, mouvement); elle amène le déclanchement des étapes suivantes — mais à condition que l'impres- sion suggérée fasse partie d’un système. L'auteur conclut qu'il n’y a pas une volonté, mais des volontés, et qu'entre les formes les plus anormales et la volonté la plus saine, il n’y a que des différences quan- titatives. D: PIERRE JANET, Professeur remplaçant au Collège de France, Chargé de cours à la Sorbonne, Terrier (Félix), Membre de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, Chirurgien de l'Hopilal Bichat, et Reymond (E.), ancien interne des Hôpitaux. — Chirurgie du Cœur et du Péricarde. — 1 vol. in-12 de 212 pages avec 79 figures. (Prix car- tonné : 3 fr.) F. Alcan, éditeur. Paris, 1899. La chirurgie du péricarde et encore plus celle du cœur sont jusqu'à présent peu connues et n’ont pas trouvé place dans les livres classiques. Il existe cepen- dant déjà non seulement un certain nombre de faits, ayant trait à des interventions opératoires pour affec- tions cardio-péricardiques, mais encore quelques mé- moires sur des points spéciaux de cette chirurgie. La réunion de ces faits et de ces mémoires, leur synthèse en un petit volume clair, bien exposé, illustré de quatre-vingt schémas, se trouve dans le manuel que nous présentent aujourd'hui le professeur Terrier et son élève Reymond. Ce livre fait partie d'une collec- tion où ont déjà paru un certain nombre de volumes. Celui que nous donne aujourd’hui M. Terrier est certai- nement le plus intéressant. D: H. HArtTMANN, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. 5° Sciences diverses Chaiïlley-Bert Joseph), Secrétaire général de l'Union Coloniale francaise. — Les Compagnies de Colonisa- tion sous l'Ancien régime. — 1 vol. in-16 de 192 pages. (Prix : 2 fr. 50.) A. Colin, Paris, 1899. Malgré le titre, l'intérêt de ce livre est tout actuel. Après avoir conquis en notre siècle un nouvel empire colonial, les Francais se préoccupent de déterminer comment ils le mettront en valeur; et l’une des plus graves questions agitées à cet égard est celle de savoir si l’on généralisera l'institution des -compagnies à charte. Un projet de loi a été déposé à leur sujet au Sé- nat au commencement de l’année dernière. M, Chailley- Bert, tout en se réservant d'examiner prochainement le problème au point de vue contemporain, a pensé avec raison qu'il ne serait pas inutile de rechercher, en une malière aussi complexe, les lecons du passé et il l'a fait avec sa compétence et sa sûreté d'information habituelles. Le chapitre 1 est une esquisse historique dans la- quelle l’auteur indique les raisons d'être matérielles, l'esprit et l'évolution générale des anciennes compa- gnies de colonisation. Il cite pour la France, de 1599 à 1789, soixante-quatorze chartes concédant des mono- poles au Canada, en Louisiane, aux Antilles, sur la côte occidentale d'Afrique, en Barbarie, à Madagascar, dans l'Inde et l'Indo-Chine, à Java, aux Moluques. L'un des buts des associations ainsi fondées a été la conversion des infidèles. Quant à lenr destination pra- tique, elle a beaucoup varié. Les colons et le gouver- nement ont dû d’abord s'occuper de découvertes et d'organisation provisoire, puis, sous l'influence de Ri- chelieu surtout, de peuplement, enfin, à partir de Louis XIV, d'exploitation commerciale. Au xvin® siècle, les idées de peuplement, de trafic et de mise en valeur agricole se sont combinées dans les faits, en même temps que se multipliaient les ingérences de l'Etat, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX substitué à certaines compagnies dès la fin du xvir° siè- cle, et intervenant dans le monopole des autres, contre le principe du monopole mais pour la défense du pacte colonial. Je citerai dans cette partie l'exemple de la Compagnie des Iles d'Amérique, réorganisée en 1635. Il semble bien que les faveurs de tout genre faites par l'Etat aux compagnies (ch. 1) n’aient pas été sans. produire quelques résultats heureux, notamment l'afflux vers certaines colonies de colons et de capi- taux nombreux. Le monopole, essence même des, chartes, était absolu en droit et semblait rendre les associations maîtresses de leur destinée. En outre, leroi agissail dans la pratique par des encouragements de détail, soit dans la période d'organisation de la société, soit pour seconder ses efforts : 11 n'épargnail ni les sub- ventions directes, ni les primes au peuplement, à l’ex- ploitalion, au commerce, ni l’action oflicielle (on pour- rait dire la pression) pour faire réussir les emprunts, ni. enfin les prescriptions ou conseils d'ordre administra- « tif, agricole, hygiénique même. Il faut lire, en ce qui concerne la réclame, qui était instituée presque toujours dans la métropole par le gouvernement, les pages 66 à 71: on allait jusqu à promettre aux fonctionnaires qui souscriraient l’'exemption de résidence. Pourtant, l'échec de la plupart des compagnies a été complet, et M. Chailley-Bert se demande quelles sont les causes de ces insuccès répétés (ch. in). Quelques-unes de ces raisons, et non des moins puissantes, sont imputables à la nature même du monopole, tel qu'il était compris. Le privilège était, sauf exceptions, accordé pour trop peu de durée, cor- respondait à des étendues territoriales beaucoup trop vastes, conférait aux associations de marchands des pouvoirs régaliens dont l'exercice entrainait des dépen- ses et des périls de tout ordre, se compliquait enfin de charges absurdes, comme celle de peupler à tant de têtes par an, blaucs et noirs compris. Le recrutement des colons était mauvais et ne pro- curait aux colonies presque que des gens sans aveu. Le roi, cédant à des intérêts personnels autant qu'à la raison d'Etat, intervenait par des actes destructifs du principe même du monopole : choix des promoteurs, actionnaires, directeurs; instructions à ses officiers judiciaires, militaires, etc., toujours en guerre avec les colons; arrêts ayant pour but d'empêcher la con- currence économique des colonies entre elles et avecla métropole (p.119); changements du contrat; exclusions momentanées des religionnaires et de Juifs. Mais il parait bien, surtout, que la plupart des com- pagnies ne furent pas à la hauteur de leur tâche. Le rôle prépondérant y appartenait aux gens de cour, aux capitalistes et aux gros marchands de France, «peu instruits de la facon dontil faut conduire le com- merce lointain », et qui, faisant passer le souci de lucre immédiat avant toute autre considération, transfor- mèrent peu à peu beaucoup de compagnies en véri- tables sociétés de fermiers. Ils accordaient des conces- cessions à la légère, vendaient même partie de leur privilège aux étrangers (pp. 158-159). : Quoi qu'il en soit, les résultats ont été peu brillants, encore que notre empire colonial actuel ne soit pas sans devoir quelque chose à l’avcien. Les Compagnies, qui ont été plus nombreuses chez nous qu'en aucun autre pays, et qui ont joui, au xvrr° siècle principale- ment, d'une grande faveur dans l'opinion, n'ont pas enrichi la France, et n'ont fait que par exception la fortune des actionnaires. Leur œuvre coloniale a été médiocre, ou même nulle, en Asie et en Afrique; au Canada et aux iles de l'Amérique, il y a eu peuple- ment, mais grâce au concours de l'Etat, qui s'y était substitué à elles en droit ou en fait. Au xvu siècle, le discrédit était complet à la fin : 12 Compagnies seule- ment furent fondées de 1715 à 1789; cependant la popu- lation atteignait à la Martinique, à la Guadeloupe et à Saint-Domingue, 74.000 blancs et 340.000 noirs. J. Macuar, , Agrégé d'Histoire et de Géographie. sd PR em) N'ES SIL PEN IT PERRET En ENT ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 13 Février 1899. M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de Sir George Henry Richards, Correspondant de la Section de Géographie et Navigation. — M. Hatt lit une notice sur la vie et les travaux du défunt. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. D. Eginitis a étudié une pluie d'étoiles filantes signalée dans les écrits du patriarche Nicéphore; d'après ses déduclions, elle aurait eu lieu à l'automne 752 et proviendrait de l’es- saim des Biélides. C'est une preuve en faveur de l'hypo- thèse de la décomposition lente, se poursuivant depuis des siècles, de la comète de Biéla. — M. Th. Moreux à procédé, pendant l’éclipse de Lune du 27 décembre 1898, à des déterminations comparatives de l'intensité lumi- neuse réelle, de l'intensité chimique et de l'intensité lumineuse théorique. Aucune des trois courbes cons- truites ne coïncide. La seule explication possible, c'est que l'ombre de la Terre, en couvrant la Lune, traver- sait des régions d'inégal éclairement. — M. S. Pin- cherle indique un moyen pour étudier les séries de puissances toujours divergentes. Il consisie à en faire la projection au moyen d'une opération distributive. — M. Léon Autonne, en étudiant les intégrales algé- briques des équalions de Riccati, arrive aux théorèmes suivants: 1° Pour qu'une équation " soit anharmo- nique (c’est-à-dire que le rapport anharmonique de ses quatre racines soit constant), il faut et il suffit que le polynôme f (u) en u soit équivalent (transformable par substitution linéaire fractionnée effectuée sur w) à un polynôme Æ (u) à coeflicients indépendants de £, c’est- à-dire constants; 2° Pour assurer l’'équivalence, il faut ct il suffit que n-3 invariants absolus de f (u) soient des constantes. — M. Georges Poisson applique la théorie de l'arc hydrostatique d'Yvon Villarceau au calcul des voûtes dans un cas particulier. — M. L. de la Rive a étudié la propagalion de l'allongement dans un fil élastique dont l'extrémité libre est assujetlie à se mouvoir suivant la direction de l'axe du fil avec une vitesse constante. L'allongement n'a lieu qu'entre l'ins- tant où une perturbation partie de l'extrémité allongée au temps o y parvient et celui où, réfléchie à l'extré- mité fixe, elle y repasse. Pendant cette durée efficace, la vitesse d'allongement est constante et égale à l'extré- mité. — M. E. Houpied adresse une note relative à un appareil inflammateur des mélanges tonnants, appli- cable aux moteurs à cylindres unique ou mulliples. 29 ScrENCES PHYSIQUES. — M. Désiré Korda à étudié l'influence da magnétisme sur la conductibilité calori- fique du fer doux. Celle-ci éprouve une diminution dans la direction des lignes de force magnétiques; elle reste, par contre, sans changement dans la direction des lignes équipotentielles, indépendamment du sens de la force magnétisante.— MM. J.-J. Borgman et A.-A. Pé- trovsky ont observé des phénomènes particuliers produits par une bobine de Ruhmkorff à circuit secon- daire ouvert. Si l'on suspend un fil à l’une des bornes de la bobine isolée complétement, on constate qu'un tube de Lecher isolé s'illumine quand il est placé à peu près perpendiculairement à la direction du fil, mais non parallèlement. Si on le fait glisser parallèlement au fil, la lumière apparait dans la partie du tube dépassant l'extrémité du fil. Un tube cesse d'émettre de la lumière si on dispose parallèlement à sa longueur un fil isolé ou un réseau de fils parallèles. Ces faits sont dus à des oscillalions électriques et peuvent être appli- qués à la mesure de capacités minimes. — M. D. Hur- muzeseu a étudié la transformation des rayons X par les corps et mesuré les actions de ces rayons transfor- més par leur pouvoir de décharge sur les corps électri- sés. Les rayons transformés produits par un corps sont de préférence absorbés par ce même corps. Il exisie une relation entre l'émission des radiations produites par un corps et l'absorption du même corps pour les radiations qu'il émet. — M.J.-R. Mourelo à essayé de préparer le sulfure de strontium par laction de la vapeur de soufre sur le carbonate de strontium pur ou naturel. Dans aucun cas, on n'obtient du sulfure destron- üum cristallisé ; le sulfure le plus phosphorescent est ob- tenu avec la strontianite naturelle, en poudre gris foncé. — M.Henri Moissan a déterminé à nouveau la chaleur de formation de la chaux anhydre à partir de ses élé- ments, et cela en utilisant la décomposition du calcium pur par l'eau. Le nombre obtenu (145 calories) est sen- siblement plus élevé que celui de Thomsen (131, 5 cal.). Le calcium doit donc déplacer le potassium, le sodium et le lithium de leurs oxydes, dont la chaleur de for- mation est respectivement: 98,2, 100,9 et 141,2 calories. Le fait se vérilie par l'expérience. — M. G. Denigès à préparé la combinaison que donne l’aldéhyde éthylique avec le sulfate mercurique ; c’est un corps blanc, cris- tallin, à peu près insoluble dans l’eau froide, de formule SO: (Hy0)Hg. C’H'0. Avec l’aldéhyde for- mique, on n'obtient pas de combinaison et le sulfate mercurique réduit en sel mercureux. — M. Charles Moureu a préparé l’orthoxy-phénoxy-acétone, par l'action de l’acétone monochlorée sur la pyrocatéchine monosodée. Ce corps donne un acétal diéthylique, lequel, sous l'action de la chaleur, engendre par perte d'alcool la méthyléthoxyléthane pyrocatéchine; celle-ci, par hydrolyse, reproduit à son tour l’orthoxyphénoxya- cétone, — M. Ad. Jouve, en faisant réagir l'hydrogène et le bioxyde d'azote en présence de la mousse de platine dans certaines conditions, a obtenu de l’hydro- xylamine d'après la réaction suivante : AzO = H° — AzH° — OH. Le rendement est de 1 à 2 °/, environ, car l'hydro- xylamine formée se décompose facilement en présence d’un excès d'hydrogène pour donner de l'ammoniaque et de l’eau. — M. G. Gustavson à préparé le trimé- thylène à partir du bromure de triméthylène bien pur et en faisant réagir sur ce dernier la poudre de zine et l'alcool. Le triméthylène obtenu est alors presque tout à fait exempt de propylène, surtout si l’on a soin de rejeter les premières portions. — M. A. Trillat à appliqué son procédé permettant de reconnaitre la présence de l'alcool méthylique dans l'alcool éthylique à la recherche de l'alcool méthylique dans les boissons spiritueuses. Les rhums et cognacs authentiques n'en contiennent jamais; quelques eaux-de-vie de marc authentiques en contiennent un peu (cela provient peut-être d’un défaut de fabrication ). Par contre, cer- taines liqueurs à bon marché en contiennent toujours, ce qui prouve l'addition frauduleuse d'alcool dénaturé. — M. Paul Chibret indique une nouvelle méthode d'examen quantitatif ou qualitatif des albuminoïdes, diastases, alcaloïdes, leucomaiïines et toxines, notam- ment ceux des urines. Elle est basée sur la comparai- son de l'opalescence des urines diluées dans diverses proportions avec celle d’une solution-type, obtenue par Ja solution de chlorhydrate de cocaïne avec de l'acide azotique et du réactif iodo-ioduré. — M. E. Dubourg a constaté que certains sucres, qui ne fermentent pas lorsqu'ils sont placés seuls sous l'influence des levures 202 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES alcooliques (saccharose, raffinose, galactose, tréhalose), sont au contraire complètement intervertis, puis dé- composés, lorsqu'ils sont mélangés avec du glucose et que les levures sont ensemencées dans un liquide riche en matières azotées. Seul le lactose s’est montré résis- tant dans ces conditions. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau étudie le mécanisme des phénomènes thermiques liés à la mise en jeu de l'élasticité des corps solides. Ainsi, pour le caoutchouc, l'allongement provoque d'abord une courte phase de refroidissement, suivie de la phase thermique principale, celle de l’échauffement, avec un point neutre et d'inversion intermédiaire. Dans la ré- tractation du caoutchouc, le point neutre ou d'inver- sion est précédé d’une courte phase d'échauffement, et suivi de la phase thermique principale, celle du refroi- dissement. Ces déductions théoriques se vérifient expé- rimentalement; elles trouvent leur application dans le travail des muscles. — M. Marage a continué son étude des voyelles au moyen de la méthode graphique. il a reconnu que chaque voyelle a un tracé spécial. Les résultats non concordants de la plupart des expéri- mentalteurs proviennent de la défectuosité de leurs méthodes. — M. André Broca a mesuré l'acuité visuelle pour des traits noirs tracés sur un fond blanc et a reconnu qu'elle est de 20 °/, plus faible pour les traits verlicaux que pour les traits horizontaux. L'explication de ce phénomène doit être recherchée dans uue variation, suivant l'azimut, du diamètre de l'élément analomique de la rétine; on sait, en effet, que l'on cesse de percevoir un détail déterminé quand la grandeur de son image rétinienne est inférieure au double du diamètre d’un élément sensible de la rétine. — M. G. Weiss a constaté qu'une traction exercée sur un nerf diminue l’excitabilité de ce nerf: cet effet doit êlre attribué non pas à un petit décollement pas- sager des plaques terminales, mais uniquement à une action directe produite sur le tronc nerveux. — MM.R. Lépine et B. Lyonnet ont injecté chez le chien quel- ques centimètres cubes de culture virulente du bacille d'Eberth, soit dans les voies lymphatiques, soit dans le bout d’une veine de la circulation générale. On constate alors l'élimination d'un certain nombre de bacilles par l'urine et la bile; les autres se localisent dans divers organes (spécialement la rate et le foie); après quelques jours, le sérum acquiert le pouvoir agglutinant. Maïs la santé de l’animal reste en général parfaite. — MM. A. Dastre et N. Floresco ont trouvé dans le foie d’un certain nombre d’'Invertébrés un pigment qui a les apparences d'une chlorophylle végé- tale; il présente un magnifique spectre d'absorption, avec quatre bandes très nettes; les auteurs le nom- ment hépatochlorophylle ou hépatoxanthophylle, L'expérience a montré que ce pigment est d'origine alimentaire; c’est une chlorophylle végétale qui est absorbée et fixée d'une manière remarquable par la cellule hépatique. — M. Jivoïin Georgéviteh décrit les premières phases du développement de la Convoluta Roscoffensis Graff, qu'il à observées au Laboratoire de Roscoff. Les embryons arrivent à l’état adulte dans des zoochlorelles, dont ils ne peuvent se passer jusqu'à cette époque. — MM. Maurice Caullery et Félix Mesnil ont découvert trois nouvelles espèces d'Ortho- nectides. La première est parasite dans la cavité géné- rale de la Spio Martinensis Mesn.; elle portera le nom de Rhopalura Metchnikovi. La seconde a été trouvée dans le cælome de la Scolelepsis fuliginosa ; on la dési- gne sous le nom de Rhopalura Julini. La troisième espèce, qui se rencontre dans le cælome du Scoloplos Mulleri, est la plus intéressante en ce qu'elle est her- maphrodite, tandis que toutes les autres espèces du groupe sont caractérisées par un dimorphisme sexuel très marqué; les auteurs la désignent sous le nom de Stæchartrum Giardi. — MN À. Fichtenholz a constaté qu'en présence de l'air et à une température de 380-390 le Bacillus sublilis peut se développer dans un milieu nutritif artificiel où l'azote n'existe qu'a l'état d'azote nitrique. Dans ces condilions, on obtient une fermen- tation ammoniacale ; la quantité d’ammoniaque, nulle. dans les premières heures, s'accroit et passe par un maximum pour décroitre ensuite. — M. Radais à reconnu que des levures peuvent se développer dans les cellules vivantes du sorgho; le parasitisme de ces levures peut provoquer une coloration rouge intense des tissus de la plante. Cette coloration est la même que celle que l’on observe dans la maladie du sorgho dite de la brûlure. La production pigmentaire appar- tient à la cellule lésée et le parasite n’y prend part que par la lésion même qu'il produit, — M. Eberhardt a étudié, chez quelques plantes dicotylédones, les modi- fications subies par l'écorce à la suite de l'accroisse- ment du cylindre central. Dans les assises les plus internes, les cellules s'aplatissent dans le sens radiale s'allongent dans le sens tangentiel, ce qui provoque généralement un cloisonnement. Dans les assises plus extérieures, moins aptes à se cloisonner, les cellules finissent par se séparer en donnant naissance à des lacunes. Les assises les plus extérieures, élant généra- lement plus résistantes, compriment les assises moyen- nes et provoquent l'aplatissement et même la dispari- tion des lacunes et d’un certain nombre de cellules. — M. Ed. Heckel à constaté que la graine de l'Allanblackia floribundia, par la quantité de matières grasses qu'elle renferme, doit être considérée comme l’une des graines grasses industrielles à rendement le plus élevé. La forte proportion, la blancheur et le point de solidification de la stéarine qu'elle fournit, la feront sûrement rechercher par l'industrie stéarique. — M. F. Wallerant déduit, des considérations qu'il a exposées sur l’origine des macles, uue explication très simple des macles obtenues par action mécanique. — M. P. Termier, par l'étude de la zone brianconnaise comprise entre Vallouise et Briançon, a été conduit à une conception toute différente de celle qu'on admet actuellement. La zone tout entière lui apparait comme formée d'un empilement de nappes charriées, empile- ment qui repose partout sur le flysch et dont le plis- sement en éventail est postérieur au charriage. Les schistes lustrés sont une dernière nappe, supérieure à toutes celles de la zone brianconnaise. Séance du 20 Février 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Emile Borel étudie Ja croissance des fonctions définies par des équations différentielles. Il existe toujours une fonction ® (z; qui dépasse, par la rapidité de sa croissance, les fonc- tions © (2) positives croissantes qui correspondent à un point singulier de l'équation. — M. Le Roy dé- montre un théorème qui permet de découvrir la nature d'une fonction donnée par son développement taylo- rien. Ces méthodes conduisent, en outre, à une solution du problème des séries divergentes. Enfin, elles per- mettent d'intégrer d’une facon complète, au moyen de séries de Taylor convergentes ou divergentes, les équa- tions différentielles linéaires dont les coefficients sont des polynômes par rapport à la variable. — M. Emile Cotton indique une méthode pour former des systèmes d'expressions de Pfaff invariants vis-à-vis de certains groupes finis et continus, et applique les résullats à la théorie des ds? à trois variables admettant un groupe continu de transformations. : 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. D. Eginitis décrit le tremblement de terre qui s'est produit en Triphylie, le 22 janvier 1899. Il y a eu deux secousses successives; le phénomène a été peu étendu en surface, mais, par contre, très intense, et a causé de nombreux dégâts. La secousse a été observée jusqu'à Newport (île de Wight). — M. Daniel Berthelot a calculé, d’après les dernières mesures de MM. Amagat, Chappuis, Leduc et Sacerdote sur Ja dilatation et la compressibilité de l'hydrogène, le coefficient de dilatation y des gaz parfaits et son inverse qui est égal à la valeur du zéro absolu. Il a trouvé que la valeur admise jusqu’à aujourd'hui pour ce dernier (— 273°) est exacte à 0°,1 près. — M. P.-Th. 7”. 11 ACADÈMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 203 Muller a étudié la loi de dilution des électrolytes et a obtenu deux formules qui permettent de trouver faci- lement la conductibilité &, quand on connaît quelques valeurs de x à des dilutions quelconques (supérieures à 30 lilres). La première, relative aux sels neutres for- més d'ions monovyalents, pour une température de 18°, est : =, — 92,12 v — 041504: la seconde, applicable aux sels neutres formés de radi- caux univalents, pour une température de 259, est: up, — 62,152 — 041804, — MM. G. Wyrouboff et A. Verneuil ont reconnu qu il existe, pour le cérium, outre les oxydes CeO, Ce*O* - el le peroxyde obtenu par l’action de l'eau oxygéntée, les oxydes C*0*.3Ce0 et Ce*O*.CeO, le premier ne don- nant que des composés non condensés, le second ne devenant stable que lorsque CeO est remplacé par l'une quelconque des terres de la cérite ou de l'yttria. L'oxyde céroso-cérique, en se combinant avec le lan- thane, le didyme ou l’yttria, forme des oxydes complexes de la forme Ce*O‘MO, qui se polymérisent avec une grande facilité et donnent deux oxydes isomères tous les deux conudensés. — M. Armand Gautier, au sujet d'une récente communication de MM. Schlagdenhauffen et Pagel, rappelle qu'il a, le premier, employé la mé- thode de dosage de l’oxyde de carbone par l’auhydride iodique. D'ailleur, CO est dosé non par la quantité de CO? produit, mais par celle d'iode mise en liberté. — M. Œchsner de Coninck a étudié l’action, sur quelques amides et imides, de divers oxydants tels que le mélange chromique et l’eau oxygénée. — M. Albert Morel a préparé les éthers phosphoriques mixtes alcoylphény- liques par l'action d'une ou deux molécules d’un alcoo- late sur le phosphate triphénylique. Lorsqu'on fait réagir {rois molécules d’alcoolate (par exemple d'éthy- late de sodium) sur le phosphate triphénylique, on n'obtient pas de phosphate triéthylique, mais, généra- lement, du diéthylphosphate de sodium et du phéné- thol CSH*OC#H5. — M. Guerbet a constaté que lorsqu'on dissout du sodium dans l'alcool amylique bouillant, le dérivé sodé qui se forme réagit à son tour sur l'alcool amylique pour donner naissance à un alcool C‘H#0, à un acide C'H*0% et à de l'acide isovalérique, suivant les équations : CŒHNaO — C*H!0 — C°H*#*0 + NaOH CUH#0 + NaOH = CHINa0? + 4H C°H°0 + NaOH = CH°Na0? + 4H M. G. André a étudié la répartition du carbone dans les matières humiques après traitement par l'acide chlorhydrique et la potasse. En la comparant à celle de l’azote, il arrive à la conclusion que le terreau et la terre végétale sont les substances qui, dans la portion soluble, soit du traitement potassique, soit du traite- ment chlorhydrique, présentent les composés amidés les plus simples. — M. Ch. Bouchard, en réponse à une réclamation de M. J. Winter, relative à la cryoscopie des urines, reconnaît que cet auteur a fait des déter- minations avant lui. Mais il constate que le but pour- Suivi par M. Winter : la démonstration de l’isotonie, de l'équilibre osmotique des humeurs du corps, était différent du sien, qui consisle à montrer le rapport entre le poids moyen des molécules urinaires et le degré de la nutrition et de la désassimilation. 3° SCIENCES NATURELLES, — M. A. Chauveau montre que les phénomènes thermiques liés à la mise en jeu de l'élasticité dans les corps inerles, se produisent éga- lement dans le muscle en contraction, mais qu'ils sont masqués en général par l'énorme échauffement dû à la dépense chimique qu'entrainent la création et l’entre- tien de l'état de contraction. Si ce dernier peut être réduit au minimum, le premier phénomène est alors observable. L'auteur en a fait l'expérience sur le gastro- cnémien de la grenouille. — M. Maurice Caullery et Félix Mesnil étudient le développement embryogé- nique des Orthonectides, et, en particulier du S’oechar- thrum Giardi. L'évolution de l'embryon se fait entiè- rement au dedans des organes connus sous le nom de sacs plasmodiaux. L'origine de ceux-ci est obs- cure; il paraissent corre«pondre à la cellule axiale des Dicyémides. — MM. J. Kunstler et A. Gruvel ont observé les remarquables corps mobiles ciliés, connus sous le nom de coupes ciliées, qui se trouvent dans le liquide de la cavité générale du Phymosoma granulatum. Ces coupes ciliées présentent, pendant la période de leur vie qu'on peut qualifier d'adulte, la constitution d'une sorte de gastrula permanente, à blastophore lar- sement ouvert et dirigé vers l'arrière. — M. P.-P. De- hérain a exécuté de nombreuses recherches pour savoir quel était le rôle du travail du sol et de son ameublissement. L'ameublissement augmente l'aéra- tion, mais ce n'est pas là le rôle principal; il facilite surtout l’approvisionnement d'eau et spécialement la constitution de fortes réserves dans le sous-sol. C'est là la condition même du travail des ferments qui fixent l'azote dans le sol et l'y rendent assimilable. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 31 Janvier 1899. M. Laveran analyse un mémoire de M. Ronald Ross sur l'histoire du parasite du paludisme en dehors de l'organisme humain. L'auteur à découvert des faits très intéressants relativement à l’évolution de l'hématozoaire du paludisme et du Proteosoma dans les moustiques. Le premier, il a observé quelques stades de transformation de l'hématozoaire dans lestomac de certains mous- tiques ; le premier, il a vu et décrit avec précision les transformations du Proteosoma des oiseaux dans le tube digestif et dans la cavité générale des moustiques; enfin, il a réussi à infecter des oiseaux sains en les fai- sant piquer par des moustiques nourris sur des oiseaux malades. — M. le D° Lucas-Championnière présente un rapport sur un mémoire du D' A. Loir, relatif à la guérison d'une hernie inguinale par l'exercice de la bicyclette. Le rapporteur indique que le fait n’est pas nouveau. On a tort, suivant lui, d'interdire le mouve- ment aux hernieux; les exercices leur sont au contraire très profilables en ce qu'ils peuvent amener un amai- grissement notable. Or, celui de la bicyclette, bien com- pris, est celui qui offre le moins de danger et il n'est pas élonnant qu'il provoque des amélioralions. — M. Ch. Fernet analyse un mémoire de M. F. Lejars relatif à un cas de gastrotomie pour corps étrangers de l'æsophage. Il s'agit d'une. malade, qui avait avalé une pile de sous, dont l'emplacement exact fut déterminé par la radiographie. — M. G. Dieulafoy compare, à la statistique donnée par M. Chauvel des cas d’appendicite dans l’armée, sa statistique personnelle. Dans le pre- mier cas, où l’on à voulu essayer du traitement médi- cal avant l'intervention chirurgicale, il y a eu une mor- talité de 30 °/,. Dans le second, où le traitement chirurgical a été pratiqué de suite, la mortalité n’est que de 11,#°/,. L'avantage est donc en faveur de l'in- tervention précoce. Séance du T Février 1899. M. Paul Reclus étudie les conditions du traitement de l’appendicite et se rallie aux conclusions formulées par M. Dieulafoy : opérer toujours et le plus vile pos- sible, du moins lorsque la crise semble traîner un peu. — M. G. Dieulafoy à reconnu que les symptômes bruyants et douloureux de l’appendicite, la douleur abdominale, les vomissements, la fièvre sont parfois suivis d’une brusque délente avec disparition des dou- leurs, chute de la fièvre, état de bien-être du malade. Cette défervescence n'est pas toujours le signal d'une amélioration réelle du mal ; c'est parfois une accalmie | trompeuse, qui coïncide avec la formation des lésions 204 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES les plus redoutables : gangrène de l'appendice, septi- cémie péritonéale, péritonite diffuse. Ce sont ces lésions qui entraînent la mort; il faut donc se méfier des accal- mnies et opérer toujours sans tarder. — M. le D'Brunon lit un lravail sur l'alcoolisme chez les femmes en Nor- mandie. Séance du 14 Février 1899. L'Académie procède à l'élection de deux corres- pondants nationaux dans la Division de Médecine. MM. Moniez (de Lille) et Brunon (de Rouen) sont élus. — M. Landouzy rend compte de la célébration du Centenaire de l’Académie impériale militaire de Méde- cine de Saint-Pétersbourg, à laquelle il a assisté comme délégué de l'Académie de Médecine. — M. Ferrand rappelle que les accidents liés aux altératious de lap- pendice, variant dans leurs formes et dans leurs degrés, doivent reconnaître pour cette raison des indications diverses; une médication non systématique, mais mé- thodiquement adaptée à ces indications, peut satisfaire à quelques-unes d'entre ell-s et suffire souvent à la guérison. — M. Pinard étudie l’appendicite au cours de la grossesse et conclut en disant que toute appen- dicite diagnostiquée pendant la grossesse commande l'intervention. Il ajoute que le diagnostic est généra- lement facile. — MM. Soupault et Hartmann lisent une note sur les résultats éloignés de vingt gastro-enté- rostomies. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 28 Janvier 1899. M. H. Claude a eu l’occasion d'observer un fait pathologique très rare : l’évolution simultanée d'un cancer et d’une tuberculose sur un même point de l'estomac. L'auteur pense qu'il s’agit d'un cancer développé sur un adénome et infecté secondairement par les bacilles tuberculeux arrivés dans l'estomac avec les crachats. — M. Levaditi a poursuivi les recherches, entreprises d’abord avec M. Charrin, sur l'influence de l'injection de toxines tétaniques dans des parties liées de l'intestin du chien. Il a provoqué des pancréatites dont quelques-unes de nature hémorragique. Les lésions paraissent dues au passage et au contact des toxines résorbées par la glande pancréatique. — M. H. Roger a recherché l’action de substances toxi- ques telles que la strychnine sur des animaux infectés. Des cobayes charbonneux luttent plus énergiquement contre le poison quand ils luttent en même temps contre l'infection ; mais dès que cette dernière les a envahis, ils meurent plus rapidement sous l’action du poison que les animaux témoins. — MM. Achard et Delamare ont constaté que la glycosurie phloridzique, qui est la règle chez l'homme sain, fait généralement complètement défaut chez les malades atteints d'affec- tions du rein. Ils en déduisent une nouveile méthode pour l'exploration clinique des fonctions du rein, laquelle peut être combinée avec l'épreuve au bleu de méthylène. — MM. Achard et Morfaux ont reconnu que le rein normal laisse passer l’urobiline injectée dans la circulation (quelquefois en nature, quelquefois à l'état de chromogène), mais que le rein malade l'ar- rète complètement. — M. A.-M.Bloch, qui avait pro- posé d'immobiliser la partie malade du thorax chez les tuberculeux par un appareil plâtré, remplace ce der- nier par un bandage modérément serré autour de la partie supérieure de la poitrine. Il a obtenu de bons résultats. — M. Halipré envoie une étude sur les alté- rations du noyau de l’hypoglosse consécutives à la des- truction de ce nerf. — M. V. Henry a étudié les varialions du poids de la moelle avec celui du corps chez le chien. Séance du X Février 1899. MM. F. Bezançon et V. Griffon ont cherché, pour le bacille de la tuberculose, un milieu de culture se rap- prochant le plus possible de celui qu'il trouve dans l'organisme. Pour cela, ils ont choisi le sang non modifié d'un animal, qu'ils recoivent aseptiquement dans une solution de gélose chauffée; celle-ci, en se refroidissant, se solidifie et emprisonne le sang. Ce milieu s'est montré excellent et doit être placé au même rang que la pomme de terre glycérinée. — M. Leredde a rencontré, dans tous les cas d'érythèmes qu'il a observés, des lésions sanguines. Celles-ci sont. dominées par l’éosinophilie et s'accompagnent d'une excrétion de cellules éosinophiles à travers la peau. Ces lésions, concordant avec des altérations morpholo- giques du sang, sont dues à des intoxications. — M. C. Phisalix a vu ses expériences sur la résistance du hérisson au venin de vipère confirmées par celles de M. Lewin. Mais ce dernier l’attribue au pouvoir réfrac- taire des tissus, tandis que M. Phisalix la croit plus justement dne au pouvoir immunisant des humeurs. — MM. Toulouse et Marchand ont mesuré la tempé- rature d’un maniaque à l'état de calme et d’excitation ; elle est plus élevée aux périodes d’agitation. Il est dif- ficile de dire si c’est l'agitation qui influe sur la tempé- rature ou vice versa. En tous cas, il semble impossible de faire de la folie une maladie mentale sans fièvre. — MM. Vaquez et Bousquet ont mesuré la proportion de NaCI dans le sérum pour certains cas pathologiques et reconnu qu'elle élait souvent assez élevée; dans ces cas, il y à inconvénient à faire des injections avec la solution saline normale. — MM. Gilbert et Weïl ont constaté que les leucocytes sont toujours altérés dans la chlorose. — M. P. Langlois a reconnu que, chez les embryons de mouton, les capsules surrénales eontien- nent déjà un principe actif. — M. Abadie présente une malade, atteinte de goitre exophtalmique, qui à été guérie par la résection des sympathiques cervicaux. — MM. de Grandmaison el Cartier ont trouvé le streptocoque chez un enfant mort de pleurésie puru- lente quelques jours après sa naissance ; il avait élé infecté par sa mère avant la naissance. — M. V.Henry a pratiqué, chez la couleuvre, la destruction du laby- rinthe d'un seul côté, et observé à la suite un mouve- ment de rotation s'effecluant toujours dans ce même sens. Séance du 11 Février 1899. M. G. Weiss a constaté qu'une traction, même légère, sur un nerf en diminue l’excitabilité. Le fait ne saurait être attribué à une séparation de la plaque motrice, puisque le nerf se continue encore au delà. — MM. Chambrelent et Pachon ont étudié l'influence de l'asphyxie sur les contractions utérines dans la gesta- tion. La section des pneumogastriques entraine la mort sans provoquer la parturilion prématurée. — MM. G. Ballet et Faure ont injecté à des cobayes une macération de tabac à chiquer et ont observé des acci- dents convulsifs pouvant se terminer par la mort si la dose est assez forte. — MM. Ulry et Frézals ont recherché le mode de pénétration des diverses subs- tances déposées sur le globe oculaire. Les collyres aqueux pénètrent dans la chambre antérieure par l’in- termédiaire de la cornée. La cornée n'absorbe pas les corps gras; ceux-ci pénètrent par l'intermédiaire des larmes qui les dissolvent. — MM. Thiercelin et Rosen- thal, dans un cas de méningite aiguë, ont trouvé un diplocoque encapsulé dans le sang du bras pendant la vie, dans le pus des méninges après la mort. — M. Car- rière a constaté une éosinophilie remarquable dans le sang d'animaux asphyxiés par l'acide carbonique. — M. Raïllet a observé une embolie osseuse dans une artère chez un animal mort en état de gestation; il s'agissait du cartilage costal d'un des fœtus qui avait perforé l'utérus et pénétré dans la circulation. — M. Zachariadès envoie une note sur la structure des faisceaux conjonctifs. Séance du 18 Février 1899. MM. Chantemesse el Rey, étudiant l'état du sang chez les érysipélateux, ont trouvé une leucocytose abondante au moment où la température estmaximum, à D EME RE de CRE dt: re ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 205 “ puis une chute brusque quand celle-ci diminue. — MM. Toulouse et Marchand ont pratiqué la médication ovarienne sur cinq femmes épileptiques, dont les accès paraissaient être en rapport avec l’'aménorrhée ou la “ ménopause. La médication a été absolument sans dan- gers. Elle a ramené dans deux cas la menstruation; elle a diminué un peu le nombre des accès et beaucoup celui des vertiges. — MM. Gilbert et Weil signalent l'indicanurie comme un signe d'insuffisance hépatique. — M. Claparède rappelle que, chez les individus sains, des objets de même poids, mais de volumes différents, … paraissent généralement de poids différents. Cette illu- “sion n'existe pas chez les hypokinesthésiques. — « M. Fraenkel a observé, sur le chien, que l’antipyrine — diminue plutôt la diurèse, tandis que le salicylate de soude paraît l’augmenter. M. Thomas est élu membre de la Société. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 16 Décembre 1898. M. le Secrétaire général lit plusieurs lettres relatives à la télégraphie sans fils. M. Blondel rappelle que l'historique de la question a été fait dans une confé- rence de M. Voisenat à la Société Internationale des Électriciens, en janvier 1898, où l’auteur a mis en évi- dence le rôle joué par Lodge et Marconi. Le premier a … eu l'idée d'utiliser le phénomène découvert par « M. Branly pour déceler les ondes de M. Hertz et même inscrire des signaux à faible distance à l’aide d'un enregistreur à relais. Deux ou trois jours auparavant, Narkévitch Jodko avait fait à Vienne des transmissions par bobine de Ruhmkorff mise à la terre et antenne, avec un récepteur formé d'une antenne et d’un télé- phone également à la terre, mais sans discerner peut- être le rôle des radiations électro-magnétiques dans son expérience. En 1895-96, Popoff a remplacé le récepteur de Lodge par un tube plus sensible relié à uve antenne; Marconi a le premier employé un tube à limaille de nickel et d'argent en couches minces mises à l'abri de l'air et a pu atteindre des distances de trans- mission qui se chiffrent par dizaines de kilomètres. M. E. Branly employait, en 1892, des tubes à limaille renfermant uue couche de 05 à 2 millimètres d'épaisseur, à pression variable réglée par des poids; leur sensibilité était comparable à celle des tubes de Marconi; le mélangeemployé dans ces tubes n'a pas de supériorité spéciale. Le télégraphe sans fil résulte réelle- ment des essais de M. Popoff, qui a répété une expérience faite par M. Branly en 1891; une décharge inactive à une dizaine de mètres devient active quand on la fait circuler à travers une longue tige métallique; de là l'emploi de longs conducteurs annexés au transmetteur et au récepteur et sans lesquels il n’y a pas de télé- graphie à grande distance. M. Ducretet décrit l'appareil portatif qu'il a expérimenté. Cel appareil, rendu indé- pendant de l’enregistreur, permet la lecture au son des signaux transmis dans l’espace; il peut être relié à un récepteur Morse ordinaire, au récepteur automa- tique décrit par M. Ducretet, ou à un enregisteur météorologique. Le radio-conducteur Branly est à réglage, avec tube en ivoire; le frappeur est auto- malique, une résistance liquide supprime les effets de l’extra-courant de rupture. Des signaux très nets ont été transmis, par tous les temps, de la Tour Eiffel au Panthéon (4 kilom.). Cet appareil, créé en vue d'appli- cations pratiques à grande distance, convient à des » expériences de cours. — M. F. Dussaud présente des reliefs mobiles pour aveugles, sorte de cinématographe qui ermet d'inculquer aux aveugles, par le sens tactile, es notions du mouvement et du déplacement des choses, comme le vol de l'oiseau, le déplacement de la mer. Il décrit ensuile un microphonographe, phonographe dont la membrane actionneun microphone, lequel fait parler des récepteurs téléphoniques. Un seul récepteur peut se faire entendre distinctement de mille personnes; la Société des Téléphones de Paris vient de faire fonc- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, tionner avec succès douze microphonographes accou- plés, qui peuvent actionner chacun deux cents récepteurs téléphoniques. Le microphonographe a fourni des résultats remarquables pour le traitement de la surdité. — M. Broca résume les recherches de M. Arons sur le cohéreur. Entre deux feuilles d’étain taillées en pointe et collées très près l'une de l’autre, est une trace fine de limaille qu'on observe au microscope. Quand la conductibilité électrique s'établit, on voit de petites étincelles jaillir entre les grains de limaille, agités de mouvements énergiques, qui réunis- sent ces pointes en forme de ponts conducteurs. Avec l'argent et le fer, ces ponts se rompent sous l’action d’un choc; l'effet est moins certain avec le laiton. Les phénomènes sont analogues pour des préparations dans le baume de Canada ou le copal, mais il faut presser sur le couvre-objet pour ramener la résistance infinie ; les chocs ne suffisent pas. Au bout d'un certain temps, il s'est dégagé de petites bulles de gaz et les prépara- tions cessent de fonctionner pendant quelques heures, jusqu'à ce que la résorption se soit produite. Deux observations particulières méritent d'être citées : des ondulations très puissantes détruisent les ponts déjà formés. Quand on emploie les électrodes d’étain sans limaille, la conductibilité s'établit par formation d'un dépôt volatilisé aux électrodes et formant une très mince couche brune. Les cohéreurs fonctionnent grâce à la finesse extrême des pointes de limaille, sur lesquelles l'énergie spécifique de la décharge est suffi- sante pour produire des fusions, des volatilisations et des décompositions chimiques. C. RAvEAU, SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 21 Janvier 1899. En chlorant, en présence du chlorure d'aluminium, M. Mouneyrat a obtenu une série de dérivés de la série du propane, notamment le dichloropropane 1.2. CH® — CHCI — CH°CI, le trichloropropane 1.1.2. CH“ — CHCI — CHCÉ, le tétrachloropropane 1.1.2.3. CH?CI — CHCI — CHCE, enfin un pentachloropropane C*H°CIS et un hexachloropropane C'H°CI. — M. Hausser décrit un appareil pour stériliser en petit dans les laboratoires et un dispositif permettant de maintenir des pressions constantes avec la trompe à eau. — MM. Charabot et Pillet ont constaté que l'essence de cerfeuil renferme comme constituant principal de l’estragol. — M. L. Ma- quenne substitue l'hypophosphite de sodium au sulfure dans le procédé Kjeldahl pour le dosage de l’azote. On précipite ainsi le métal en liqueur acide. — M. Brizard remet un mémoire sur les osmiamates. — MM. Caze- neuve et Moreau ont adressé une note sur des méthanes aromatiques de la tétrahydroquinoléine, MM. Hanriot et G. Reynaud un mémoire sur les oxazols, et M. Jaubert un mémoire sur quelques dérivés des métadiamines aromatiques. — M. Henri Hélier apporte quelques faits à l'appui de la remarque de MM. Wyrou- boff et Verneuil que lés oxydes des terres rares donnent facilement des composés polymérisés. Il cite notamment ce fait qu'il est beaucoup plus facile de réduire par l'hydrogène le carbonate de plomb que la litharge. Dans le cas de la litharge on a un produit polymérisé, dans le cas du carbonate on se trouve en présence de l’oxyde PbO. — M. G. Beaugé signale les propriétés d'un nouvel hydrate d'oxyde salin de chrome. — M. J.-B. Senderens a préparé un nouvel acide antimonique soluble et quelques-uns de ses sels. On obtient cet hydrate antimonique Sb?205.6H20, en traitant par l'eau la solution rouge obtenue par l’action de l'acide azotique sur le trichlorure d'antimoine. Abandonné en pré- sence d'acide sulfurique, cet hydrate donne le composé Sb?0*.,3H°0 correspondant à l'acide phosphorique ordi- naire. L'hydrate antimonique Sb°0°.6H?0 se dissout dans l’eau exempte d'acides minéraux. On arrive ainsi à dissoudre 22 grammes Sb°05 par litre. Cette solution, traitée par les acétates, donne les antimoniates corres- pondants. — M. Collet a préparé la méthyl.-p.-chloro- + 5] 206 ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES phénylcétone, il en décrit les principales propriétés. — M. P. Cazeneuve a observé que le carbonate d'ortho- crésol mélangé avec un excès de chaux sodée s'échauffe spontanément et se transforme en un homologue de la phtaléine de l’orthocrésol.— MM. Imbert et Descomps ont étudié l’action de la phénylhydrazine sur l'acide chloranilique. — M. P. Guichard donne la composition de l’eau de puits situés sur les bords de la mer (au Crotoy). — M. Riban signale quelques appareils pour l'électrolyse. E. CHarox. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 27 Janvier 1899. M. E.-H. Barton présente un travail sur la résis- tance équivalente et l'inductance d'un fil pour une décharge oscillatoire. On sait que Lord Rayleigh a étendu aux courants alternatifs, qui suivent la loi har- monique à amplitude constante, les formules de Maxwell pour la self-induction des conducteurs cylin- driques. L'auteur modifie encore cette analyse et l'étend jusqu'à comprendre les courauts périodiques décrois- sants produits par la décharge d'un condensateur et les trains amortis à haute fréquence, c'est-à-dire les ondes heriziennes en général. La valeur théorique du rapport R'/R' des résistances équivalentes aux ondes, respeclivement avec et sans amortissement, concorde bien avec les résultats expérimentaux de l'auteur. — M. Oliver Heaviside fait connaître qu'il est arrivé, par une autre méthode d'analyse mathématique, aux mêmes résultats que M. Barton. — M. Rollo Appleyard décrit quelques expériences sur les déflegmateurs, dans les- quelles il a essayé de remplacer les soupapes en toile de platine des tubes à fractionnement ordinaires par des coudes dans les tubes.Il montre ensuite un indica- teur de température destiné à mettre en mouvement un signal d'alarme au moyen de contacts électriques, quand la température s'élève au-dessus de certaines li- mites. Il estconslitué par un lube en forme deJ,dontla petite branche est fermée et la grande ouverte. L'extré- mité de la petite branche contient une petite quantité d'un liquide approprié; le reste de cette branche et une partie de la grande sont remplis de mercure: au- dessus de la surface de ce dernier sont fixés deux contacts en platine. Quand la température s'élève Jus- qu'au point d'ébullition du liquide contenu dans la petite branche, celui-ci se vaporise ; le mercure s'élève dans la grande branche et établit les contacts. — M.T.-H.Littlewood étudie les changements de volumes qui accompagnent la dissolution et décrit un appareil pour la mesure de la contraction observée dans la dis- solution des solides. Si l’on dissout de petites quantités d'un sel dans un volume constant de liquide, la con- traction est à peu près proportionnelle à la quantité de sel ajouté. Pour de plus grandes quantités, la contrac- tion croît plus vite que la proportion de sel ajouté. Si une solution concentrée est graduellement diluée, la contraction devient de plus en plus faible pour des quantités égales d'eau successivement ajoutées. L’au- leur termine en exprimant la contraction comme une fonction logarithmique des volumes et des pressions internes. Séance du 10 Février 1899. La Société procède au renouvellement de son bureau pour l'année 1899. Sont élus : Président, M. Oliver J. Lodge; Vice-présidents, MM. T. H. Blakesley, C. Vernon Boys, G. Griffith et J. Perry; Secrétaires, MM. W. Watson et H. M. Elder; Secrétaire étranger, M. S. P. Thompson. M. Oliver Lodge, en prenant possession de la prési- dence, rappelle les travaux accomplis en Physique pendant le cours de l'année écoulée. Il rend spéciale- ment hommage aux brillantes recherches de M. O.Hea- viside sur l’opacité des milieux conducteurs pour la lumière et l'électricité. — M. Ayrton annonce que M. Whitehead poursuit depuis plusieurs mois des recherches sur l’atténuation des oscillations électriques par la terre. Il est arrivé théoriquement à cette conclu-. sion que, lorsque les bobines primaire et secondaire sont posées sur la terre même à une certaine distance l’une de l’autre, presque toute l'énergie du primaire est absorbée par la terre avant d'arriver au secondaire. L'auteur attend la confirmation expérimentale de ses résultats. —- M. O. Lodge a aussi étudié ces faits. Trois 1 cas ont été considérés. Dans le premier, une bobine horizontale est superposée à l’autre et séparée de celle- ci par un milieu absorbant, comme l’eau de mer; l'absorption, à des distances modérées, n’est pas excessive. Mais si les enroulements sont formés d'un càäble doublé de fer, ce dernier empêche la propagation « des ondes du primaire au secondaire. Dans le second cas, les deux bobines sont sur un même plan horizontal ; la terre se comporte comme un conducteur parfait. Si les bobines sont très près de la terre, il n’y a pas de force magnétique normale entre elles; elle est toute tangentielle. Dans le troisième cas, les bobines sont ‘outes les deux verticales, opposées l’une à l’autre et » près de la terre. La grande conductibilité de la terre agit alors en favorisant la propagation des ondes. — M. Benjamin Davies décrit une nouvelle forme d'ampèremètre et de voltmètre à longue échelle. Ces instruments sont du type portatif, à bobine mobile et à | longue course. SOCIÈTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 19 janvier 1899. M. William Ackroyd s'est livré à une série de re- cherches sur l'eau de Moorland, qui est consommée en Angleterre par plus de cinq millions de personnes. L'acidité doit être divisée en acidité organique et aci- dité inorganique. La première, qui avait été attribuée à l'acide humique, est plus faible que celle de l'acide, humique le plus faible connu. — MM. John J. Sud- borough et Lorenzo L. Lloyd ont déterminé les cons- tantes d'éthérification des acides acétiques substitués. On sait que l'éthérification d’un acide organique, en présence d'un agent catalytique comme l'acide chlor- hydrique et d’un excès considérable d'alcool, peut être représentée par une équation, qui donne par inté- gration : E=; loge = ; où E est la constante d'éthérification, 4 la concentra- tion initiale de l'acide et a-x la concentration de l'acide après un temps {. E varie avec la dilution de l'acide chlorhydrique ; on la calcule généralement pour l'acide normal employé avec l'alcool éthylique. Les constantes obtenues par les auteurs dépendent plus de la consti- tution de l'acide que de sa force. — Les mêmes auteurs out poursuivi leurs recherches sur la formation d’éthers- sels entre les acides benzoïques diortho-substitués et différentes bases organiques. Contrairement à leur attente, ils ont obtenu des combinaisons entre ces acides et des bases tertiaires à poids moléculaire élevé, (tribenzylamine); ces combinaisons semblent dépendre de la force des acides et des bases en présence. — MM. F. Stanley Kipping et Alfred Hill ont obtenu, en traitant le chlorure phénylbutyrique par le chlorure d'aluminium, ce qui donne lieu à une condensation intramoléculaire, l'akétotétrahydronaphtalène. C'estun liquide incolore très réfringeant. Il donne une semi- carbazone, une phénylhydrazone et une oxime. — M. William A. Bone indique une nouvelle méthode de préparation des acides diméthyl et triméthylsuc- ciniques non symétriques. Si l'on chauffe du cyanacé- tate d'éthyle sodé avec une solution alcoolique d’a-bro- misobutyrate d'éthyle, on obtient une bonne proportion de diméthyleyanosuccinate d'éthyle non symétrique. Par hydrolyse, ce dernier composé donne l’acide dimé- thylsuccinique dissymétrique. Traité, au contraire, par le sodium, puis par l'iodure de méthyle, il donne le ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES triméthylcyanosuccinate d’éthyle, lequel, hydrolysé, fournit l'acide triméthylsuccinique dissymétrique. — MM. Thomas Purdie et William Pitkeathly ont pour- suivi leurs recherches sur la formation des acides mono- et dialcoyloxysucciniques optiquement actifs par l’action des iodures alcooliques sur les acides malique et tar- trique en présence d'oxyde d'argent. Cette méthode d’alcoylation par les iodures alcooliques et l’oxyde d'argent, parait applicable à tous les sels-éthers des acides hydroxydés; elle est spécialement propre à la préparation de composés optiquement aclüifs, car il ne se produit jamais de racémisation par ce procédé. — M. Siegfried Ruhemann a étudié l’action de l’am- moniaque sur les éthers-sels de divers acides orga- niques, dans le but de préparer des dérivés de la pyri- dine. Avec l'éther d'un acide non saturé, comme le phénylpropènetricarboxylate d’éthyle, il a obtenu de la phényldihydroxypyridine ; maisavec l’éther de l’acidesa- turé correspondant (phénylpropanetricarboxylate d'é- thyle), il n'a obtenu qu’une triamide. L'action de l’am- moniaque sur un acide dérivé de l’x-pyrone n’a pas conduit non plus à la formation de dérivés pyridiques. — M. E. D. H. Wade a déterminé les changements de volume qui se produisent lorsqu'on dilue les solutions aqueuses de diverses substances. L'auteur appelle con- traction la diminution de volume observée après le mélange de volumes égaux d'eau et de solution, dont la somme devrait être égale à 100 centimètres cubes. Une équation indique la variation de la contraction suivant la concentration. Si la concentration est constante et que la substance dissoute varie, la contraction augmente régulièrement comme le poids équivalent de cette der- nière. — M. J. Holms Pollok a mesuré les effets ther- miques produits par la dilution des solutions, pour montrer jusqu'à quel point on doit en tenir compte dans la pratique. Pour cela, il a préparé un demi-litre de solution saturée d’un grand nombre de corps, puis il a mélangé chacun avec un demi-litre d’eau et il a noté la variation de température, qu'il résume ensuite dans un grand tableau. — M. Frederick W. Dootson a obtenu, par l’action du chlore sec sur l’acétonetricar- boxylate d’éthyle, le dérivé tétrachloré de ce corps. Celui-ci réagit sur la potasse alcoolique pour donner les acides dichloromalonique et dichloracétique. — M. Edwin Dowzard propose de déceler, puis de déter- miner le sucrose en présence du lactose en se basant sur ce fait que le sucrose est inverti par l'acide citrique, tandis que le lactose n’est pas affecté. On n'a qu'à mesurer le pouvoir rotatoire avant et après l’action de l'acide, — M. G.-T. Morgan a constaté que l'action de la formaldéhyde sur les dialcoyl ou dibenzyl-B-naphtyl- amines donne lieu à la formalion d'ur dérivé du dinaphtylméthane. L'action de la formaldéhyde sur la chloro ou bromo-naphtylamine produit un dérivé mé- thyléné. Séanee du 2 Février 1899. MM. Horace T. Brown et J.-H. Millar présentent leurs recherches sur la maltodextrine, ce produit intermédiaire de l’hydrolyse de l’amidon par la dias- tase et auquel on a attribué jusqu'à présent la formule CH#0!! (C#H20°}. Si l’on oxyde soigneusement ce corps par l’oxyde de mercure et l'hydrate de baryte, on obtient le sel de baryum d'un acide défini, appelé acide maltodextrinique A. Cet acide, hydrolysé par la*dias- tase donne 40 °/, de maltose et 60 /, d’un deuxième acide, l'acide maltodextrinique B. Ce dernier, hydro- lysé par un acide, donne un acide en C et 67,7 °/, de glucose. Ces résultats peuvent être exprimés par les équalions suivantes : C'=H2101 12210310 7 AS H*0 Nc2n200 B— Nc2H200 7 2 Nero Nos Maltodextrine. Acide maltodextrinique A. , CHF" O0 C2H21010 NS c2p200 + H°0 — 0/ + C'°H%0"!1 (4 NGsH°05 C“H°05 Acide maltodextri- Acide maltodextri- Maltose, nique A. nique B. C'2H2101° 0€ + 2H20 — CH'°06 + 20H20 C°H°05 Acide maltodextri- Acide pen- Glucose. nique B. tosique. Les mêmes auteurs ont cherché à obtenir à l’état pur les produits d'hydrolyse de l’amidon, en préparant leurs éthers nitriques et en les régénérant ensuite par le sulfure d’ammonium. Ce procédé s'applique à l’amidon soluble, mais non pas à la maltodextrine ou à l’'amylodextrine. — Dans un troisième mémoire, les auteurs ont étudié la transformation de l’amidon par une diastase active au-dessous de 60°. Les produits oblenus consistent en maltose et en dextrine. Cette dernière, dont le pouvoir rotatoire [æ]n — 195-195,7°, est transformée par l’oxyde de mercure en un acide dextrinique défini. Par l’hydrolyse acide, ce dernier donne du glucose droit et un acide en Cf; par l'hydro- lyse diastasique, il donne du maltose et du glucose en égales proportions (on s’est assuré que le glucose ne provient pas de l’hydrolyse subséquente du maltose). D'après les auteurs, la constitution de la dextrine stable et de l’acide dextrinique peut être exprimée par les formules : CSH05 CSH05 O% } (ceH20:}s O% à (HO): CHAOS CSH°05 Dextrine stable. Acide dextrinique. M. Armstrong pense que les formules données par MM. Brown et Millard s'accordent bien avec la facon dont se comportent les corps étudiés. La complexité de la molécule de l’amidon paraît remarquable si l’on songe avec quelle facilité ce composé se forme dans les plantes. Il y aurait lieu d'étudier la question au point de vue biologique. M. C.-F. Cross remarque que la production d'un acide en Cÿ dans l'hydrolyse des acides maltodextriniques fournit une nouvelle transition entre les dérivés des hexodes et des pentoses. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 26 Janvier 1899. 20 SCiENCES PHYSIQUES. — M. K. A. Lorentz: « Sur les vibrations de systèmes portant des charges électriques et placés dans un champ magnétique ». Les composantes des triplets et des quadruplets, dans lesquelles les lignes spectrales se décomposent sous l’action d'une force magnétique, sont dans la plupart des cas si bien dé- finies que le temps de vibration doit avoir été égale- ment modifié dans toutes les particules de la source lumineuse. Pour s’en rendre compte, on peut admettre que toutes les molécules ont la même orientation ou bien qu'elles possèdent les mêmes propriélés dans tous les sens. L'auteur, en se plaçant à ce dernier point de vue, considère une couche sphérique infiniment mince et recouverte d’une charge électrique fixement liée à la matière pondérable de la couche. Il suppose qu'à l’état d'équilibre cette matière et la charge sont distribuées uniformément avec les densités superficielles 9 et o, que les points de la couche ne peuvent se déplacer que dans la surface elle-même, et qu'un déplacement a pro- voque une force élastique — k* a par unité de surface, k? ayant la même valeur dans tous les points de la sphère. Au dehors d’un champ magnétique, les mou- vements dont ce système est capable suivent des lois assez simples. Chaque vibration principale dépend d’un certain coefficient de Laplace Y , de telle manière que la composante du déplacement suivant une direction 208 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES quelconque ! située dans la surface sphérique, peut être représentée par Ÿn ol ? gcos(nal + c où g et c sont des constantes, tandis que m; désigne le nombre de vibrations dans un temps 2z ou la fréquence des vibrations. Le nombre À indique l'ordre du coeffi- cient de Laplace, ou si l’on veut celui des vibrations. Si le rayon de la sphère est représenté par aet la vitesse de la lumière par V, on trouve : 7 À se A(R+A) 6 on = k +A4rN hd at Dès que la charge magnétique entre en jeu, les temps de vibration se modifient. Après avoir montré que les vibralions du premier ordre donnent lieu à un triplet tel qu'il a été découvert par M. Zeeman, M. Lorentz passe à l'examen de celles du second ordre. Il les ra- mène à cinq coefficients de Laplace spéciaux, dans les- quels on peut décomposer tous les coefficients de Laplace du second ordre, et auxquels correspondent cinq élats différents de mouvement qui peuvent exister indépendamment les uns des autres, tant qu'il n'y a pas de force magnétique, et présentent alors la même fréquence n.. Si l'on donne à l'axe OZ la direction de la force magnétique H, le centre de la sphère étant pris pour origine des coordonnées, et si dans le plan XOY on introduit deux axes OX! et OY' faisant avec OX et OY des angles de 45°, ces cinq coefficients sont : 1). Les vibrations correspondantes peuvent être représen- tées par les signes [Y,,], [Y>,], ete. Or, dans le champ magnétique, les mouvements suivants peuvent avoir lieu : 1° Des vibrations [Y.-] dont la fréquence est tou- jours »,; 2° deux mouvements pour lesquels la fré- quence est devenue disons »,+n',. Chacun de ces mouvements se compose d'une vibration [Y,,] et d'une vibration [Y,,;] à ampli- tudes égales, mais dont les phases diffèrent entre elles d’un quart de période, cette différence ayant pour les deux mouvements des signes contraires; 3° deux mou- vements qu'on obtient en composant d'une manière analogue une vibration [Y.-] et une vibration [Y,-] dont les fréquences sont n ++n', pour le premier et n, —Zïuw, pour le second mouvement. D’après ces ré- sultats, on pourrait s'attendre au premier abord à un quintuplet. Mais il y a une difficulté. Vu l’extrême peti- tesse des particules lumineuses par rapport à la lon- gueur d'onde, les vibrations du second ordre ne pour- ront émettre aucune lumière sensible ; en effet, dans ces vibrations, on trouvera toujours en différentes par- ties de la surface sphérique des phases opposées. La lumière qu'on observe ne peut être due qu'à des vibra- tions dans lesquelles une charge qui a partout le même signe est animée en son entier d'un mouvement de va- et-vient. De tels mouvements peuvent être appelés des vibrations du premier ordre, même dans le cas où ils n2 dépendent pas précisément d'un coefficient de Laplace. Cependant M. Lorentz a imaginé une cause en vertu de laquelle les vibrations du second ordre pourraient se révéler dans le specire. On sait que deux vibrations simples aux fréquences n, et n, exécutées simultané- ment par une souice sonore peuvent donner lieu à des vibrations dites de combinaison dont les fréquences sont n,n,etn,—+n,. M. V.-A. Julius s'est demandé, il y a bien des années, si quelque chose d'analogue ne se passerait pas dans les sources lumineuses; on expli- querait par cela certaines relations bien connues entre les nombres de vibration des raies spectrales, Dans les cas dont il est question ici, ces vibrations de combinai- son pourraient être produites de plusieurs manières; l’auteur en cite quelques exemples. Sans faire des hypothèses spéciales, on peut démontrer que des vibra- tions capables d'émettre de la lumière peuvent résulter de la combinaison d’une vibration du second ordre, telle que celles dont il a été question plus haut, avec une vibration du premier ordre. Si maintenant le phé- nomène de Zeeman se présente sous forme de triplet dans ces dernières vibrations et de la manière que nous venons d'expliquer dans celles du second ordre, on pourrait croire que chacune des raies spectrales prove- nant des combinaisons, et dont M. Lorentz considère seulement celle qui a la fréquence n, —n., se diviserait dans le champ magnétique en 15 raies. Cependant le phénomène est moins compliqué, plusieurs de ces com- posantes ayant nécessairement l'intensité zéro. Le calcul conduit aux résultats suivants : en faisant l'expérience perpendiculairement aux lignes de force, on aura neuf lignes que, dans le tableau suivant, on a désignées par les lettres O, A et B. 3 2 9 ) 9 9 12 9 9 La ligne médiane O, par rapport à laquelle le phé- nomène est symétrique, occupe la position de la ligne originale; de même que les lignes À, elle est polarisée perpendiculairement aux lignes de force, tandis que le plan de polarisation des raies B est parallèle à ces lignes. Les distancesentre les lignes A etB et la raie cen- trale O sont proportionnelles aux quantités n,',ete.,ins- crites dans la seconde colonne du tableau; icin’, a lasigni- fication que nous connaissons déjà, et 2n,' correspond à la distance des raies extérieures du triplet des vibrations du premier ordre. Enfin, les nombres de la dernière colonne indiquent les intensités relatives des compo- santes; ils ont été calculés dans la supposition que toutes les vibrations ont lieu indifféremment dans toutes les directions et que dans les mouvements des particules il n'y ait rien qui favorise cerlaines combi- naisons plutôt que les autres. Du reste, l'absorption produite dans les couches extérieures de la source modifiera les nombres, elle tendra surtout à affaiblir l'intensité de la ligne médiane. Si n,/ disparait, les lignes B, et B,' se confondent en une seule avec l'in- tensité 3. Dans ce cas, les raies A, A’, B,B' constituent précisément un quadruplet comme M. Cornu l’a décou- vert dans la ligne D, du sodium ; mais en outre il y aurait les lignes plus faibles B,, B, etla ligne centrale O. Si les vibrations du premier ordre étaient exécutées par la couche sphérique que l’auteur examine; en d'autres termes, si c'élaient les vibrations qui, dans le cas de cette couche, dépendent d’une fonction Y, on aurait n/=?n",. I y aurait alors coïncidence de B, et B, d’une part et de B'et B,' de l’autre. Il en résulterait deux lignes plus fortes situées plus près du milieu O que les raies À, et s'il était permis de faire abstraction des lignes O et B, on aurait un quadruplet dont les compo- santes extérieures sont polarisées perpendiculairement aux lignes de force. Le Directeur-Gérant : Louis OLrvrer. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. ; | PET Te kde td. à De RE de, is de. os dés ste: thin : 1 10° ANNÉE IN2SG 30 MARS 1399 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ÿ !. — Physique industrielle L’enseignement de la Physique industrielle à la Faculté des Sciences de Marseille : Lettre de M. A. Pérot. — À propos du récent article de M. P. Weiss sur les nouveaux Laboratoires techniques de l'Ecole Polytechnique de Zurich et ceux de nos Facultés des Sciences’, nous recevons de M, A. Pérot, professeur à l'Université d’Aix-Marseille, la très intéres- sante communication que voici : « Dans l’intéressant article de M. Weiss qu'a publié récemment la Revue générale des Sciences, j'ai été frappé de trouver la phrase suivante : « Dans nos Facultés de province le public des cours « de Physique industrielle est assez hétérogène. Il se « compose de curieux attirés par les expériences, de « candidats au litre de licence que confère l'examen de « fin d'année et de quelques personnes d'âge plus avancé « possédant à des degrés divers les aptitudes de l'ingé- « nieur. C’est pour ces dernières, bon gré mal gré, que « l’on fait le cours, parce que l’on sent que ce sont les « seules qui peuvent réellement en profiter. » «Il m'a semblé que la description du public des cours de Physique industrielle était très éloignée de la réalité pour le cours que je professe à Marseille de- puis 1893, et, pour m'en assurer, j'ai prié, à l'un des derniers cours, les auditeurs de bien vouloir s'inscrire et indiquer leur profession; je suis heureux de pouvoir mettre les résultats de cette épreuve sous les yeux du public. « Dans la liste qui m'a été remise, je relève : 25 ouvriers ou contre-maitres; 8 élèves de l'Ecole d'Ingénieurs de la ville de Mar- seille; 11 étudiants; 1 ingénieur; 16 auditeurs de professions variées; Au total 61 auditeurs. « Ce sont là des auditeurs ayant suivi les dix pre- ! Voyez la Revue du 30 janvier 1899, t. X, p. 55 et suiv. REVUE GÉNÉRALE DFS SCIENCES, 1899. mières lecons du cours, et par conséquent des audi- teurs profitant du cours. Le nombre des personnes présentes aux premières leçons est beaucoup plus élevé et dépasse la centaine. Si l'on joint à cela que 18 étudiants sont inscrits ou immatriculés pour suivre les conférences (2 par semaine) et 9 pour les travaux pratiques (3 h. par semaine), ou pourra juger de l’état de l’enseignement de la Physique industrielle à Mar- seille. « Je ne sais si dans les autres Facultés les résultats sont les mêmes; je l'espère, surtout si ceux de mes col- lègues qui en sont chargés ont pu, comme moi, sépa- rer nettement l’enseignement donné au cours public de celui des conférences, faire, non pas de l’enseignement à deux degrés, mais de l’enseignement sous deux aspects. « Permettez-moi d'ajouter qu'au début de ce cours, pendant trois ou quatre ans, j'ai eu aussi le public d'in- sénieurs dont parle M. Weiss. Au nombre d’une dizaine, ils suivaient et le cours et les conférences, mais c'est là un public transitoire qui, une fois instruit, disparait sans se renouveler. « Il serait certes très intéressant d’avoir les chiffres analogues à ceux que j'indique ci-dessus pour les autres cours de Physique industrielle, et d'y joindre quelques considérations sur la manière dont le profes- seur a envisagé l’enseignement pour le cours public. Mais des considérations de ce genre m'entraïneraient en dehors des limites d'une simple remarque; permet- tez-moi d'insister encore une fois sur la proportion des ouvriers et contre-maitres suivant le cours, #1 °/,, qui est certes très élevée, A. Pérot, Professeur de Physique industrielle à l'Université d'Aix-Marseille ». La Revue serait heureuse de recevoir des profes- seurs de Physique de nos Facultés des renseignements semblables à ceux que M. A. Pérot vient de nous don- ner. Elle serait reconnaissante aussi d'indications du même genre aux professeurs de Faculté qui enseignent | la Chimie dans nos grands ceutres industriels. 210 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 2. — Électricité Interrupteur électro-magnétique à mer- eure pour courants alternatifs ou continus. —— Les courants alternatifs sont généralement consi- dérés comme se prêtant assez mal aux expériences qui nécessitent l'emploi d’une bobine de Ruhmkorff. Si le réseau électrique auquel on pourraitemprunter quelques hectowatts distribue cette puissance sous la forme ondu- latoire, on est obligé de se servir d'une batterie d'accu- mulateurs pour actionner la bobine. ; L'interrupteur suivant est destiné à faire disparaitre cet inconvé- nient : adapté à une bobine d'induction, il permet d'ali- menter celle-ci indifféremment avec un cou- rant alternatil ou un courant continu. 4.Courantsal- [ ternatifs. — La pièce principale de l'appareil est un diapason AB (fig. 1) exacte- ment accordé à l'unisson du courant alter- natif et mis en | mouvement par le courant lui-même. Cette forme de vibrateur rend absolument inutile, quelle que soit la fréquence, l'emploi d'un support lourd et massif qui serait nécessaire avec une tige vibrante unique. Tout le monde sait en effet qu'un diapason tenu simple- ment à la main vibre avec facilité; les deux branches oscillant en sens inverse se font mutuellement équi- libre au point de vue dynamique. La branche supérieure À de ce vibrateur porte un prolongement aub qui passe eutre les pôles d'un aimant Courant permanent M: alternatif" à l'extrémité b est fixée, par une pince, une lame de nickel Z plongeant dans un godet à mer- cure. La forme de lame à bords ‘ranchants don- née à la pièce à interruptrice lui permet de diviser le liqui- de avec facilité el il est inutile que son mouvement soit rectiligne. La surcharge ainsi ajoutée à la branche À est com- pensée sur une branche B par une masse fixe placée à son extrémité. Deux autres masses ml, mobiles à volonté, servent à accorder le diapason. L'aimant M et la colonne C qui soutient le diapason, sont fixés sur une planchette à charnières P, que l’on peut soulever plus ou moins au moyen d'une vis V, de manière à régler l'immersion de la lame interruptrice dans le mercure. Une planchette P'! porte le godet à mercure et sert de support à tout l'appareil. Le courant est amené au mercure par la borne S et la tige £ et au diapason par S 4”. Un brise-courant R est intercalé entre S' et {'. Supposons que la lame interruptrice ? plonge de quelques millimètres dans le mercure et que le courant Tibrations de l'otérrupteur kel plongeant dans le mercure; m#”, m!, masses mobiles; M, aimant permanent: C, colonne soutenant le diapason; V, vis permettant de soulever la plancbette P autour d'une charnière 00!'; S, {, S', l', bornes et tiges d'arrivée du courant; R, brise-courant. Fig. 2. — Correspondance entre le courant allernatif el les oscillations de l'interrupteur. alternatif passe dans l'interrupteur. L'action du champ magnétique sur le conducteur aa développe une force perpendiculaire à la fois à ce conducteur et à la direc- tion du champ, c'est-à-dire verticale dans le cas actuel. Le sens de cette force s'intervertit à chaque inversion du courant et il en résulte une série d'impulsions qui tendent à soulever et abaisser alternativement la tige aa: Si le diapason l est accordé, c'est-à-dire si sa période vi- t bratoire est égale à celle du courant, toutes ces impulsions ajoutent leurs effets : le mou- vement résul- tant atteint très rapidementune amplitude assez considérable(15 g tres)‘el la lame! émerge alors à chaque vibra- lion, produisant ainsi une inter- ruption par pé- riode. Au moyen de la vis V on rè- gle ensuite la position relative du diapason et du godet à mercure, de telle sorte que la rupture se produise à peu près au milieu de la course de la lame /, c'est-à-dire au mo- ment où celle-ci possède sa vitesse maxima. La figure 2 représente schématiquement la corres- pondance qui existe entre le courant alternatif et les oscillations de l'interrupteur, qui sont synchrones de celles du courant. Le mouvement de la lame vibrante change évidemment de sens au moment où le courant s'interverlit et passe par zéro (points a et b). La rupture se produit au milieu de la course ascendante de la lame et correspond aux points I, l',elc., de la courbe des intensités : elle a donc lieu sur un courant toujours de même sens, et au moment où Fig. 1.— Interrupleur éleclro-magnélique à mercure pour courants alternatifs et continus. — AB, diapason: aab, prolon- gement de la branche A; /, lame de nic- l'intensité de ce- ipecat des titerruplions |ui-ci est maxi- TRE, 1 Va zu dit mercur Re -Vioeau di e Il est d’ail- leurs évident a priori que l'in- terruption ne peut avoir lieu que quand le sens du courant est tel qu'il fasse remonter la lame. Cette propriété tout à fait caractéristique de l'appareil fournit la solution du problème. Si, en effet, l'inducteur d'une bobine d'induction est parcouru par le courant qui a traversé l'interrupteur, le courant induit de rup- ture, celui précisément qu'on utilise pour produire de longues étincelles ou actionner des tubes de Grookes, sera toujours de même sens, comme si la bobine était alimentée par une source à courants continus. On à en même temps cet avantage que l'interrupteur est mis en mouvement par le courant inducteur lui-même, ce qui supprime l'emploi d'une source électrique auxiliaire. ! Un léger défaut de réglage est sans importance à ce point de vue, l'intensité variant peu au voisinage de son maximum, RC EE ACL à 20 millimè- L£-ve « -. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE La fréquence des interruptions est nécessairement égale à celle du courant, soit #2 par seconde pour le secteur parisien de la rive gauche. Dans certaines distri- butions, elle dépasse notablement cette valeur. Cette fréquence élevée ne nuit en rien à l'intensité des étin- Et celles d'induction parce que le vol- Pie tage des réseaux alternatifs est plus que suffisant 5 pourlasuppor-, Cure iducteur ' ter, et elle per- 7#age trop faible Scisé 1È ‘ met précisé- ' À ment d'utiliser 1j : presque com- à S plètement ce À 1 Ù voltage, au 1À 1 moins avec les NE a fortes bobines dont la résis- tance inductive est considéra- ble. Lecourant alternatif pré- sente d’ailleurs une très gran- de supériorité sur le courant continu : si par accident l'in- terrupteur vient à s'arré- ter, l'intensité reste la même D qu'en marche normale. Dans les mêmes conditions, un courant continu prendrait aussitôt une valeur dangereuse, l'inductance de la bobine n'intervenant plus si l'interrupteur s'arrête". 2. Courants continus à voltage élevé. — L'appareil pré- 7. Carat, nducteur (Voltage trop fort ) Fig. 4. — Interrupleur éleclro-magnélique à mercure pour courants conlinus à faible vollage. — C, lame de cuivre formant ressort; C!, tige rigide terminée par une pointe de nickel P, plongeant dans du mercure; D, aimant; R, vis permettant de soulever la planche S' autour des char- nières {, {; M, masse auxiliaire. cédemment décrit fonctionne également bien avec les éourants continus. Construit pour donner 40 à 50 pé- 1 La résistance électrique d'un inducteur de bobine Ruhmkorff est de l'ordre du dixième d'ohm seulement pour ün courant continu. Si le courant est alternatif ou discon- #tinu, les phénomènes d'induction interviennent, se tradui- sant par un accroissement apparent de la résistance. Cet accroissement est, pour une bobine donnée, sensiblement proportionnel à la fréquence et atteint facilement 2 ohms. _ Per'marwru Fig. 3. — Correspondance entre le courant continu (faible ou élevé) et les oscillalions de l'interrupteur, riodes par seconde, il convient particulièrement au voltage élevé des réseaux urbains. Avec un courant de sens iuvariable, l'orientation de l’aimant n'est plus indiffé- rente; elle doit être telle que la tige vibrante Intensité en regime ' soit soulevée ] quand le cou- rant passe. L'interrupteur étant mis en route par une première im- pulsion‘, et l'immersion dans le mer- cure étaut ré- glée comme précédem- ment, l’action de l’aimantsur lecourant dont le sens est constant est relardatrice pendant que la lame interrup- trice descen] dans le mer- cure, accéléra- trice quand elle remonte, Cette dernière action est prépondérante : en effet, la rupture a lieu non pas au niveau du mercure, comme l'immersion, mais à quelques millimètres au-dessus : le trajet peau des interruptions pFpeae du: mereure tenstéen regime Fig. 5. — Interrupteur dont la partie mobile a été relevée. — Mèmes lettres que dans la figure 4, dans le mercure est donc un peu plus long en mon- tant qu'en descendant; en même temps, la self-induc- tion de la bobine intervient et l'intensité du courant croît régulièrement depuis l'immersion jusqu'à l'émer- sion de la lame interruptrice (fig. 3). La force électro- magnétique, proportionnelle à cette intensité, est par suite plus grande pendant l'ascension que pendant la descente, Le mouvement de l'interrupteur est assuré Donnée par une manette spéciale qui établit en même temps les communications. 212 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE par la réunion des deux effets, dont un seul serait suffisant. L'interrupteur étant mùû par le courant inducteur lui- même, c'est évidemment à celui-ci qu'est empruntée la puissance nécessaire à l'entretien des vibralions. Cetie puissance est tout à fait négligeable ; le mouve- ment de la tige vibrante dans le champ magnétique développe une force électromotrice d’induction nuisible seulement pendant que la tige remonte, et qui ne dé- passe pas 0 volt 02 au moment du maximum. Avec un courant de 30 ampères la perte de puissance a pour limite supérieure 0, ü walt. 3. Courants continus à faible voltage. —1] serait illusoire de chercher à réaliser des interruptions très rapides quand on ne dispose que d’une source électrique à faible voltage. Pour que le courant inducteur puisse acquérir l'intensité normale qui convient au bon fonc- tionnement de la bobine, il faut un temps appréciable, d'autant plus grand que la bobine est plus puissante et que le voltage de la source est moins élevé. Avec une batterie de six à dix accumulateurs, les étincelles d'in- duction perdent sensiblement de leur puissance au delà de vingt interruptions à la seconde. Il est dans ce cas préférable de se servir de l'appareil suivant, basé sur les mêmes principes que le précédent (fig. 4 et 5). Une lame de cuivre C, solidement maintenue à ses deux extrémités, forme ressort de torsion; en son milieu est fixée une tige rigide C!, recourbée, qui passe entre les les pôles d'un aimant Det se termine par une pointe ou une lame de nickel P plongeant dans du mercure. Leré- glage de l'immersion se fait au moyen d’une vis R qui soulève plus ou moins le système vibrant. Un brise- courant ou un commutateur et des bornes de commu- nication complètent l’appareil. x Cette disposition rend très facile la mise en marche et permet de faire varier la fréquence dans des limites très étendues; ce dernier résultat s'obtient au moyen d'une masse auxiliaire M qui peut se placer sur une tige d'ébonite fixée au ressort. La puissance de l’aimant est su'fisante pour que l'appareil fonctionne régulièrement même si la bobine n'est actionnée que par un ou deux accumulateurs. La seule précaution à prendre est de caler avec soin l'in- terrupteur sur une table solide, afin de fournir à la lame vibrante un appui résistant, Dans cet interrupteur, ainsi que dans le précédent quand il fonctionne avec le courant continu, il est né- cessaire que le courant aille du mercure à la pièce vi- brante; c’est d’ailleurs le sens qui, pour tous les inter- rupteurs à mercure, donne la meilleure rupture. L'installation de ces appareils peut être faile comme celle du Foucault indépendant : ils portent dans ce cas six bornes et un commutateur. Plus simplement on peut les substituer, électriquement parlant, au (rem- bleur ordinaire. 11 suffit d'immobiliser celui-ci dans la position de rupture et de relier les deux pièces qui le constituent au vibrateur et au godet à mercurede l'inter- rupteur indépendant, qui n'est alors muni que de deux bornes. Les communications avec l'inducteur et le condensateur se trouvent ainsi réalisées d’elles-mèmes. P. Villard, Docteur ès sciences. 8 3. — Géographie et Colonisation Cultures et productions coloniales. — C'est vers 1650, dit-on, que le thé fit son apparition en Europe et en France. Depuis, on a si bien reconnu les qualités de cette feuille aromatique, qu'aujourd'hui, sur les 476 millions de kilos que produit le monde entier, 236 millions de kilos sont importés en Europe. En France, la consommation du thé n'est que d’en- viron 567.500 kilos, alors qu'elle serait de 38 millions en Russie, et 95 millions pour les iles Britanniques. La valeur du thé en Angleterre était, en 1894, de 0 fr. 884 la livre (454 gr.) en moyenne. En France, elle varie de 2 francs à 4 francs la livre en gros, suivant la qualité, et de 4 francs à 12 francs la livre au détail. Les principaux pays producteurs de thé sont, par ordre d'importance : la Chine, l'Inde anglaise, Ceylan, le Japon, la Patagonie (thé indigène), Java, Natal, le Brésil, la Californie, Fidji et la Jamaïque, la péninsule de Malacca et la Cochinchine, mais, dans ce dernier pays, le thé est consommé en feuilles, comme légume, par les indigènes. — Actuellement, le thé est l’objet de cultu- res très soignées au Caucase, et on espère qu'un jour — relativement prochain — la Russie produira tout le thé qu'on y consomme. à Une découverte qui, si elle est vraie, pourra inquiéter sérieusement ceux qui s'occupent de l'avenir économi- que de nos colonies aurait été faite tout récemment en Amérique, où des essais avaient déjà été lentés dans le sens que nous allons indiquer, mais sans résultats bien nets. D'après le Jow'nal des Inventeurs, M. Napier Ford viendrait de doter l'industrie américaine d’un caoulchouc artificiel supérieur au caoutchouc naturel et auquel il a donné le nom de perchoide. Le perchoïide se fabrique en oxydant de l'huile à une température excessivement élevée, mélangée à chaud avec de la litharge, en retournant le mélange sans inter- ruption et pendant un temps assez long. Pendant qu'il refroidit, l'on y plonge une filasse de chanvre préparée d'une facon spéciale, que l'on fait refroidir ensuite dans des paniers de fil de fer à jour, exposés à un fort cou- rant d'air, de facon que le mélange, qui adhère aux filaments de chanvre, achève de s'oxyder completement. Ce produit serait plus durable el reviendrait moins cher que le caoutchouc naturel. Il parait appelé à servir surtout à la fabrication des tubes pneumatiques pour bicyeles et comme isolant pourles appareils électriques. Les colonies proprement dites out été peu représen- tées au Concours général agricole qui s'est ouvert le 4er mars dans la galerie des Machines. Parmi les exhibitions coloniales. dont quelques-unes étaient sans grand intérêt, la Direction de l'Agriculture de la Régence de Tunis seule se distinguait par une remarquable expo- sition de cotons appartenant à une dizaine de variétés, lesquelles ont été cultivées avec un plein succès dans les champs d'expérience de l'Ecole d'Agriculture colo- niale, où l'on a obtenu des rendements de beaucoup supérieurs à ceux que l’on obtient habituellement dans les pays producteurs. De plus, le coton récolté à Tunis a été soumis à plusieurs industriels des Vosges, qui l'ont classé, après essai, parmi les meilleures sortes. Voilà donc des garanties pour une nouvelle culture à faire ou à étendre dans toute la région nord de la Régence, où le sol et le climat sont très favorables au cotonnier. Nous souhaitons qu'il se trouve là-bas des colons intel- ligents pour lirer profit de cet enseignement. La culture du tabac était autrefois prospère en Tuni- sie, mais aujourd'hui elle n'existe pour ainsi dire plus qu'à l'état de souvenir. Des expériences reprises récem- ment il résulte que l'on poura obtenir en Tunisie des tabacs légers et combustibles. On pouvait d’ailleurs voir au Concours agricole, exposées par l'Ecole d’Agri- culture coloniale, une vingtaine de variétés représen- tées par des échantillons de tabac en feuilles d'un très bel aspect. Le Jardin nous apprend qu'indépendamment des projets gouvernementaux, un certain nombre de parti- culiers et de sociétés se proposent de fonder des éla- blissements destinés à l'importation et à la multiplica- tion des plantes coloniales utiles. On parle d'une société de ce genre qui se créerait bientôt en Belgique. et d'une société très importante sur le point de se fonder en France, avec un programme des plus vastes. L’arachide est, on le sait, le principal produit cultivé au Sénégal. Les rendements moyens dans celte colonie sont habituellement de 1.400 à 2.000 kilos par hectare, dans les cultures indigènes. Au jardin d'essai de Tunis, des expériences de cullure d’arachide, faites dans ces derniers temps, ont fourni un rendement brut, pour la variété à gros fraits, de 2.920 kilos à l'hectare. DR ses LUS re, Re us 2 4 F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME 213 PREMIÈRE PARTIE Les Coccidies forment un groupe naturel sur lequel l'attention des zcologistes et pathologistes s'est particulièrement porlée depuis quelques an- nées, en raison du rôle imputé à certains de ces organismes dans plusieurs maladies, spécialement dans les affections cancéreuses. Il en est résulté de très imporlantes constatations touchant la bio- logie de ces parasiles, et une découverte d'un intérêt considérable, celle d’une relation de cause à effet entre l'infection coccidienne et le paludisme. Nous nous proposons aujourd'hui d'exposer l'état de nos connaissances sur l'évolution des Coccidies: puis, dans un second article, nous décrirons les observations et expériences qui éta- blissent leur rôle actif dans l’étiologie du palu- disme. El ainsi, d'ailleurs, nous suivrons la marche des travaux récents. Ce sont, en effet, les re- cherches d'ordre zoologique qui, metlant en lumière, dans la biologie des Coccidies, un fait capital, leur dimorphisme, ont du même coup éclairé ou, tout au moins, préparé l'étude de l'in- tervenlion pathogénique de ces parasites dans l’économie humaine et chez quelques Vertébrés. Avant de décrire ces découvertes, rappelons tout d'abord comment le groupe même des Cocci- dies s’est trouvé constitué par les naturalistes. C'est dans la première moitié du siècle dernier que ces animaux ont été signalés pour la première fois; Hake eut le mérile de la découverte; il les aperçut en 1839 dans les canaux biliaires du foie du lapin et les prit alors pour des globules de pus. Ensuite, divers savants voulurent y voir des œufs d'Helminthes. Remak, le premier, en 1845, les placa parmi les êtres inférieurs, dans le groupe des Psorospermies que J. Müller avait créé, quatre ans auparavant, pour certains parasites des Pois- sons (les Myxosporidies actuelles) ; à cause de leur forme, on les appela « Psorospermies oviformes ». Enfin, en 4879, Leuckart, instituant la classe des Sporozoa dans l'embranchement des Protozoa, y rangea les Psorospermies oviformes et créa pour elles leur nom actuel de Coccidies. Ce rappro- chement, accepté presque immédiatement par A. Schneider, Balbiani et Bütschli, a élé ratifié depuis par tous les zoologisles. Grâce aux savants que nous venons de citer, on sait aujourd'hui que les Coccidies habitent, pendant la majeure partie de leur existence, en parasites _intracellulaires chez beaucoup d'animaux. On en connait chez les Vertébrés, les Arthropodes (Myria- CYCLI COCCIDIES ET PALUDISME EVOLUTIF DES COCCIDIES podes et Insectes), les Mollusques et les Annélides, Elles se logent dans les cellules épithéliales du tube digestif, des canaux biliaires ou des canalicules rénaux. Les recherches dont nous allons rendre compte vont nous montrer que, pendant celte période où la Coccidie vit aux dépens de la cellule- hôte, elle croit et se mulliplie par voie asexuée, et produit cerlains éléments qui, ensuite, hors de la cellule-hôte,se comportent comme éléments sexués, donnent lieu à une fécondation véritable, d'où résultent des formes de reproduction, des germes résistants. C'est surtout sur le lapin que ces observations ont été réalisées. Nous les rapporterons dans l'ordre même où elles ont été faites; nous aurons ainsi, chemin faisant, l'occasion de montrer combien les conceplions auxquelles elles condui- sent touchant l’évolution du groupe tout entier, diffèrent des idées qui ont eu cours jusqu'ici et qu'on trouve exprimées dans les Traités les plus récenis. I. — CYCLE ÉVOLUTIF DE LA COCCIDIE DU LAPIN. $ 1. — Évolution exogène de la Coccidie. Kystes à sporocystes. Pendant longtemps (jusqu’en 1892), on pensait que le Coccidium oviforme*?, durant toute sa période de croissance dans les cellules épithéliales de l'in- testin ou des canaux biliaires du lapin, restait constamment unicellulaire et mononucléaire. Le parasite grossissait, accumulait à son intérieur des malières de réserve sous forme de granules de diverses natures, puis finalement, arrivé au terme de sa croissance, s’entourait d’une membrane résis- tante, s'enkystait. (Nous reviendrons plus loin sur cette évolution.) Prenons le parasite enkysté et décrivons la suite de son évolulion. Il tombe dans la lumière des canaux et, peu à peu, est entraîné à l'extérieur avec les excréments du lapin. 4 M. Caullery et moi nous avons (Soc. de Biologie, no- vembre 1897) signalé les premiers la présence de Coccidies chez les Annélides (chez le Capitella capilala); depuis, nous en avons observé chez trois autres espèces : Nofomastus latericeus, Sars; Polydora fliva, Claparède; et Scoloplos Mülleri, Rathke. ? Leuckart a donné des noms spécifiques distincts aux parasites du foie et de l'intestin. Balbiaui, dès 1883, avait émis des doutes sur cette séparation; les auteurs récents (R. Pfeiffer, Simond, Léger) s'accordent pour regarder les deux espèces comme identiques; c'est le Coccidium ovi- forme, Leuck. 214 F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME Le kyste a-une forme ovoïde; il mesure en moyenne 30 à 40 & de longueur sur 20 de largeur. A l'un des pôles, on distingue une ouverture m (fig. 1) qui est un micropyle, Le protoplasma remplit d'abord toute l'enveloppe kystale (fig. 41, A); mais, bientôt il se produit une premièrecontraction (fig.1,B), suivie d’une seconde. À ce moment, la masse interne a une forme assez exactement sphérique ; le noyau est bien visible à l'état frais (fig. 1, C). La suite de l'évolution a toujours lieu en dehors du tube digestif du lapin. Balbiani ‘ a précisé avec soin les conditions les meilleures pour que la matu- ration des kystes se produise; il faut une bonne aération, de l'humidité et une température de 15 Im Fig. 1. — Evolution exlracellulaire des ookystes de la coccidie du lapin (état frais). — A, coccidie qui vient de quitter la cellule épithéliale. — B, première contraction du protoplasme. — C, seconde contraction du proto- plasme; le noyau est visible; m, micropyle. — D, stade avec quatre sporoblastes sphériques spb. — E, transfor- mation des sporoblastes en sporocystes spc. — F, kyste avec sporocystes mûrs. à 18°, On peut, par exemple, mettre les Coccidies sous une mince couche d'eau dans un vase large- ment ouvert, ou sur du sable humide, ou encore, comme le conseille Léger, sur des baguettes de char- bon, en chambre humide. Dans ces conditions, la masse protoplasmique, en deux ou lroisjours, se di- vise en quatre (fig. 1,D); on appelle ces quatre petiles sphères des sporoblastes (spb). Puis, chacune d'elles s'allonge (fig. 1, E), s’'entoure d'une double mem- brane; les sporocystes sont formés (spc, E, fig. 1). Le contenu de chacun d'eux est d'abord unicellulaire ; mais, bientôt le noyau se divise en deux, une divi- sion cytoplasmique suit, et l'on a finalement, dans 1 Bazgrant : Leçons sur les Sporozoaires, Paris, 1883. chaque sporocyste, deux éléments cellulaires : les sporozoiles (sz, fig. 2, A), et, entre eux, une masse granuleuse inutilisée, le reliquat (r, fig. 2, A). On dit que le sporocyste ! est dizoïque. Ces sporocystes mûrs (fig.1,F;etfig.2, A) ontune forme naviculaire; ils mesurent 12 4 de longueur sur 7 de largeur, sont pointus à leurs extrémités. Des deux membranes qui les entourent, l’externe, résistante et transpa- rente, s'appelle l’épispore (ep), l'interne, très mince, moulant le contenu, est l’endospore (end). Les sporo- zoïtes sont en forme de virgule (fig. 2, À, sz, et B), disposés tête-bêche, l'extrémité arrondie de l'un étant au contact de l'extrémité pointue de l’autre Vers le milieu de chacun d’eux, on observe le noyau, La maturation des kystes, dans les conditions indiquées, demanderait, d'après Balbiani, dix à quinze jours pour ètre complète. — R. Pfeiffer prétend qu’elle peut s'ef- fectuer en quatre ou cinq jours. Leskystes doiventétre à l'état que nous avons décrit pour comimuni- quer l'infection au lapin : mais, cet état réalisé, ils peuvent se conserver longtemps dans le mi- lieu extérieur sans être pig. 9. — Coccidie du lapin altérés. (C. oviforme), d'après Bal- biani.— À, sporocysteisolé; ép., épispore; end., endos- S2. — Infection du lapin. pore: sz., sporozoite,; #, ’ reliquat. — B, sporozoïte Le parasite que nous isolé. étudions habitantle tube digestif, il est naturel de penser que l'infection a lieu par la bouche. Les kystes mürs sont avalés avec les aliments. Quelle action subissent-ils de la part des sucs digestifs du lapin? Pour nous en ren- dre compte, plaçons des kystes sur une platine chauffante de microscope, dans du suc intestinal de lapin; nous les verrons bientôt éclater et mettre les sporocystes en liberté. Ceux-ci, à leur tour, s'ou- vrent en deux valves, et les sporozoïtes sortent; ils sont bientôt animés d’une grande mobilité et se déplacent comme de petits vermicules. Ce sont eux qui infectent les cellules épithéliales. — Par quel mécanisme pénètrent-ils à leur intérieur? Presque ous les auteurs ont admis jusqu'ici que le jeune vermicule se (ransformait en une amibe, et que c'était seulement à cet état qu'il pouvait entrer dans la cellule-hôte. Siedlecki ? pense qu'il n’en est pas ainsi. D'après lui, «le sporozoïte appuie, par 4 La plupart des auteurs francais emploient le mot spore; mais, nous pensons, avec Léger, qu'il prête à équivoque. 2 Srepcecx1 : Étude cytologique et cycle évolutif de la Coc- cidie de la Seiche. Ann. Inst. Pasteur, t. XII, 25 déc. 1898. 4 4 F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME 215 “une de ses extrémités, contre la paroi de la cellule dans laquelle il va pénétrer; il détermine ainsi une - petite ouverture par où il pénètre en partie; le reste de son corps se contracte assez fortement, et ainsi - (out le petit vermicule se trouve projeté dans la - cellule épithéliale ». Quoi qu'il en soit, le parasite introduit se place entre le noyau et le plateau de la cellule épithéliale et grossit peu à peu. $ 3. — Multiplication intracellulaire du parasite. | Auto-infection. C'est à ce qui précède que se bornaient nos con- naissances sur l'évolution de la coccidie du lapin lorsque, en 1892, R. Pfeiffer ‘ découvrit une multi- plication intra- - cellulaire du pa- rasite.— Décri- - vons avec soin ce processus d'après les re- cherches plus récentes de Si- mond . Le point de départ est une cellule ronde à prolo- plasme homo- gène, dépour- vue de mem- brane et possé- dant un noyau - vacuolaire où toute la chro- maline est con- densée en un - gros karyosome (fig. 3, A). Cette cellule va bientôt - diviser son noyau ; au lieu d’un karyosome, on en verra d'abord deux égaux, puis quatre, et enfin un nombre variable, de 8 à 50 (fig. 3, B, C, D). Toutes ces boules chromatiques se trouvent distri- - buées assez uniformément dans la masse cytoplas- mique. Bientôt, cette masse va elle-même se diviser; chaque karyosome est un centre d'attraction pour le cytoplasme environnant, et l'on a autant de mas ses secondaires qu'il y a de boules chromatiques (fig. 3, E). Les cellules ainsi formées s'allongent et finalement présentent la forme de croissants (fig. 3, F, G). Vers le milieu de chacun est le noyau, qui renferme un cerlain nombre de minuscules grains de chromatine. Tantôt, quand les croissants sont peu nombreux (fig. 3, G), ils ont la longueur de la masse coccidienne et sont disposés les uns par Lol 1 R. Preirrer : Beilräge zur Prolozoen-Forschung, 1. Die Coccidien-Krankheit der Kaninchen, Berlin, 1892. ? SimonD : Ann. Inslitul Pasteur, t. X1, 25 juillet 1897. Fig. 3. — Coccidie du lapin. Multiplication asexuée.(D'après Simond.) — À, para- site mononucléaire: B-D, multiplication nucléaire; E, multiplication cellulaire ; F-G, deux stades avec macrogamètes mûrs ; », reliquat de différenciation. — Tous ces parasites sont intracellulaires. rapport aux autres comme des quartiers d'oranges ou comme les douves d’un barillet; mais, quand le nombre des germes est voisin de cinquante, ils sont sur deux rangées (fig. 3, F). —Il y a donc une grande variabilité dans le nombre etles dimensions des germes produits; c'est là un fait sur lequel nous aurons à revenir. À l'état de maturité, les croissants se séparent les uns des autres; la cellule-hôte où ils se sont formés, se rompt, et ils se trouvent libres dans le tube digestif ou les canaux biliaires. Leur mobilité est assez grande et rappelle beaucoup celle des sporozoïles. Comme eux, ils sont capables d'infec- ter de nouvelles cellules épithéliales. — Appelons- les, avec Schaudinn et Siedlecki, macrogamèles : ce nom sera Ex pliquéplusloin. Il y a donc ainsi multipli- cation intracel- lulaire du pa- rasite. Cette multiplication , répétée une ou plusieurs fois, explique d’une facon tout à fait satisfaisante le phénomène de l'auto-infec- tion; il montre G commentse fait la pullulation des germes à l'intérieur d’un animal-hôte dé- terminé. R. Pfeiffer prétend donc que la Coceidie du lapin a deux modes d'évolution: l'un, endogène, pro- duisant, par multiplication cellulaire, sans enkyste- ment préalable, de nouveaux germes d'infection; l’autre, exogène (celui que nous avons décrit dans le $ 1), donnant les formes durables de reproduc- tion. C'est ce que l'on a appelé la théorie du dimor- phisme évolutif des Coccidies. Elle fut bientôt généralisée par un certain nom- bre de savants qui apportèrent à son äppui des faits nouveaux. Elle fut surtout combattue par deux spécialistes des Sporozoaires, À. Schneider et Labbé, Ils considéraient les formes découvertes par Pfeiffer comme caractérisant une espèce de Coccidie dis- tincte du C. oviforme. Suivant eux, il y aurait eu simplement coexistence des deux espèces chez certains lapins. Mais ils n’expliquaient pas la pro- duction d'un nombre considérable de kystes dans cerlaines infections aiguës; et surtout ils se heur- taient à ce fait capital que les germes endogènes 216 F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME sont incapables de vivre longlemps en dehors de l'intestin grêle ou des canaux biliaires; ils meurent avant d’être évacués à l'extérieur du lapin; ils sont donc incapables de propager l'infection d’un animal à un autre. Mais la preuve expérimentale du bien fondé de la théorie de Pfeiffer restait à faire ; elle a été fournie par Simond (/oc. cit.) qui a montré, d'une facon absolument rigoureuse (en opérant sur de jeunes lapins provenant d'une mère indemne de cocci- diose, et eux-mêmes exempls de parasites), qu'un lapin infecté avec des kystes mûrs de C. oviforme présente à la fois des formes de multiplication en- dogène el de nouveaux kystes. La classification des Coccidies se trouvait ainsi bouleversée ; car, pour beaucoup d'espèces, on ne connaissait que la forme de multiplication intracel- Fig. 4. (D'après Simond.) — A, multiplication nucléaire; B, allon- gement des noyaux; C, microgamètes mürs à la surface d'une énorme masse de reliquat (coupe optique). — Toutes ces formes sont intracellulaires. — Coccidie du lapin. Formation des microgamiètes. lulaire, et elle caractérisait cerlains genres (Æime- ria, Karyophagus, elc.). Un vaste champ d'études s'offrait donc : trouver, pour chaque espèce, la partie de son évolution encore inconnue. L, S 4. — Formation des microgamètes (éléments mâles). Simond a poussé plus loin ses recherches. Il a, en effet, découvert un nouveau mode d'évolution intra- cellulaire de la Coccidie du lapin (il avait été entrevu auparavant par Podvyssotzki et J. Clarke). Parmi les cellules coccidiennes nues, à proto- plasme sans granules, que l’on rencontre dans les cellules épithéliales, quelques-unes paraissent de taille relativement grande. Ce qui attire surtout l'attention sur elles, c'est que le noyau, au lieu de se diviser un nombre de fois limité, s'émiette litté- ralement (fig. 4, A); tous ces grains chromatiques, qui finissent par avoir à peine À & de diamètre, se portent à la périphérie de la masse plasmique; ils y sont répartis généralement d’une facon peu uniforme , ils y dessinent des sortes de mosaïques plus ou moins compliquées (fig. 4, B). Quand la division nucléaire est terminée, chacune de ces petites boules se transforme ; elle s'allonge perpen- diculairement à la surface de la sphère cytoplas- mique et, à l'état définitif, on a un petit vermicule de 4 “environ de long, dont la chromatine forme l’axe et qui est revêtu d’une mince couche de pro- toplasme. Il adhère par sa tête un peu renflée à la sphère, qui apparaît ainsi comme recouverte d’un fin chevelu” (fig. 4, C). Chacun de ces petits corps se détache ensuite. Il montre une extrème mobilité, beaucoup plus grande que celle des sporozoïtes ou des macrogamètes. Ce sont les microgamètes. La masse à la surface de laquelle ils évoluent consti- À e 2 Fig. 5. — Microgamèles libres d'Echinospora représentés en mouvement, pour mellre en évidence les deux cils c. (D'après Léger.) TA tue un volumineux reliquat de différenciation ; son rôle est Lerminé. Wasielevsky ? a vu ces éléments à l'état libre et mobile; et il a reconnu que leur mobilité est due à la présence de deux longs cils. Mais c'est surtout à Léger? que sont dues nos connaissances sur les cils des microgamètes des Coccidies. II a montré que ces cils sont attachés, l'un au voisinage de l'extrémité antérieure, l’autre de l'extrémité postérieure. Il a bien figuré les mou- vements des microgamètes (lig. 5). L'excessive mobilité, la structure presque exclu- sivement chromatique de ces éléments (Simond leur avait donné le nom très expressif de chroma- tozoites) avaient fait penser à Simond que leur rôle est celui d'éléments fécondateurs; et il a émis l'idée 1 Ce stade des Coccidies a été vu pour la première fois, en 1890, chez la Coccidie de la Salamandre, par Metchnikof. 2 Wasrecevsky : Centr. f. Bakt., Abth. I, juillet 1898, vol. 24. 3 Lécer : C. R. Soc. Biologie, 11 juin 1898 et Archiv. Zool. expérim., notes et Revue, n° 2, 1898. es F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME 24% à l'évolution exogène de la Coccidie. Cette manière de voir a élé reconnue fondée, dans la même année 1897, par Schaudinn et Sied- lecki, qui ont fait connaitre le cycle évolutif com- plet de deux Coccidies des Myriapodes et ont décrit avec beaucoup de précision le processus sexué. Ce sont eux qui ont donné aux éléments mâles des Coccidies le nom de microgamèles. $ 5. — Maturation des macrogamètes. L'acte de la fécondation précède l’évolution exo- - gène de la Coccidie. Ce sont, en effet, les éléments | enkystés qui sont fécondés avant d'aller dans le - milieu extérieur. “ Examinons la croissance de ces formes. Les … observateurs les connaissent depuis longtemps - (nous l'avons dit au début de cet exposé). Mais | à | qu'une reproduction sexuée doit servir de prélude | - Simond a précisé beaucoup de détails de leur évolution. Schaudinn et Siedlecki pensent qu'elles ont, pour point de départ, des germes endogènes; - de là le nom de macrogamètes donné à ces élé- ments. Parmi les jeunes Coccidies intracellulaires, quel- ques-unes altirent l'attention parce que leur prolo- plasma contient des granules qui se colorent par un certain nombre de couleurs nucléaires et que l’on appelle des granules chromatoïdes (ge, fig. 6, A); au centre, on observe un noyau vacuolaire » avec un ou deux karyosomes". Les cellules grossissent sans + que le noyau se divise. Les granules protoplas- - miques croissent en nombre et en taille et prennent une position périphérique; le noyau devient une grande vacuole avec un karyosome sphérique unique (fig. 6, B). La Coccidie, primitivement ronde, devient alors ovoïde. Les granules de la périphérie, les plus gros de tous, se fusionnent (fig.6,C) et ils semblent con- courir à former la membrane externe très épaisse (fig. 6, D). Puis, on voit apparaitre, au voisinage du noyau, des globules graisseux gg. C'est à ce moment que la Coccidie abandonne la cellule-hôte; elle tombe dans la lumière du tube digestif ou des canaux biliaires. On remarque alors que, à l’une des | extrémités du grand axe de l'ellipsoïde, se trouve une petite ouverture dans la membrane kystique; « c'est Le micropyle. “ Le macrogamète est mür; il est prêt à êlre fé- - condé. C'est surtout dans les cas de coccidiose chronique du lapin ou à la fin d’une coccidiose - aiguë que ces formes enkystées prédominert. 1 Simond pensait à tort que le karyosome en croissant (voir la figure) était un noyau mâle; la fécondation n’a pas lieu à ce stade. $ 6. — Fécondation. La fécondation n'a pas encore été observée chez la Coccidie du lapin. Mais il existe une Coccidie voisine, celle du Triton (C. proprium Schn.), où elle est bien connue, grâce aux travaux de Sied- lecki. 11 n'est pas douteux que les choses ne se passent de la même façon chez le C. oviforme. Chez le Triton, le phénomène sexué a lieu dans la lumière du tube digestif. Le protoplasme, au moment où la Coccidie enkystée quitte la cellule- hôte, occupe tout l'intérieur du kyste; mais bien- tôt il se contracte en une masse piriforme qui adhère à la membrane kyslique suivant un équa- teur et aussi en un point qui est le micropyle; le Fig. 6. — Evolulion intracellulaire d'un macrogamète de la coccidie du lapin. (D'après Simond.) — À, stade jeune avec petites granules chromatoïdes ge. h, cellule hôte; nh, son noyau; », noyau du parasite. — B, stade plus avancé, encore sphérique, avec gros granules chromatoïdes. — C, stade ovoïde; fusion des granules qui précède la formation de la membrane Kkystique. — D, macroga- mète enkyslé: ge, granules chromatoiïdes; gg, globules graisseux. noyau à une forme allongée et va aussi jusqu'au micropyle (fig. 7, n° /). C'est à ce moment que la fécondation s'opère. Un microgamète entre par le micropyle et pénètre à l’intérieur du noyau femelle (fig. 7, n° 7); la chromatine femelle est, à ce moment, à l’autre extrémité du noyau. Aussitôt après l'entrée du microgamète, la masse protoplasmique subit une nouvelle contraction dans le sens de l'axe mi- cropylaire; elle abandonne le micropyle et ne lui reste plus unie que par une mince bande qui se rompt bientôt; le micropyle s'oblitère. En même temps, la chromatine du microgamèle se fragmente et le noyau fécondé renferme deux 218 F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME amas chromatiques parfaitement distincts (fig. 7, n° 2). Il continue à subir des transformations; il y a mélange intime des chromatines mâle et femelle, et il prend une forme allongée; il va d’une extré- mité à l’autre de la cellule (fig. 7, n° 5); puis il se condense (fig. 7, n° 4). Il est maintenant prêt à se diviser; l'acte sexué est accompli. La figure 7 (n° 5 et 6), nous montre les deux di- visions successives de ce noyau; chaque fois, il prend une forme de biscuit et la chromatine affecte la forme d'un 8. Si nous revenons à la Coccidie du lapin, nous sommes en droit d'affirmer que des phéno- mènes sembla- bles se passent quelque temps après que le kyste a quitté la dépouille de la cellule-hôte. La fécondation a probable- ment lieu entre les stades A et Bde la figure 1. $ 7. — Résumé et conclusions. Nouspouvons maintenant ré- sumer le cycle évolutif de la Coccidie du la- pin. L'infection ne peul se pro- d'un lapin, éclate; les sporocystes, mis en liberté, s'ouvrent à leur tour. Les sporozoïtes s'échappent, » pénètrent dans les cellules épithéliales de l'intestin et y évoluent. Des nombreux faits observés chez beaucoup de Coccidies, on a le droit de penser que ces sporo- zoïtes donnent une première génération d’élé- ments endogènes, de macrogamètes, qui, libres, vont dans d'autres cellules épithéliales et y donnent de nouvelles générations. L'auto-infection s'explique donc très facilement. Un seul kyste don- nant huit sporozoïtes, au bout de deux générations (en supposant 30 macrogamè- tes dans cha- cune, ce qui est un chiffre moyen), On à 8 x 30? — 7200 germes ! Nous pouvons consi- dérer ces ma- crogamètes,qui donnent des éléments sem- blables à eux, comme des œufs parthéno- génétiques, ou encore les assi- iniler aux Infu- soires ciliés qui se mulliplient un certain nom- bre de fois par simple division. Mais, cette faculté de mul- RE Fig. 7. — Coccidie du Trilon; processus sexué. (D'après Siedlecki.) — 1, pénétra- Des 01 duire que par tion du microgamète. — ?, rétraction protoplasmique; le microgamète a tiplication ase- D Re ss fragmenté sa chromatine. — 3, union complète des chromatines mäle et Den l'ingestion de femelle (le noyau a une forme de croissant). — 4, noyau condensé. — xuée US kystes avec des 5-6, 1re et 2e divisions nucléaires. — », vacuole avec 1 granule chromatique la longue. Et L PEN probablement expulsé du noyau femelle au moment de la fécondation (épura- : z sporocystes tion nucléaire de Siedlecki.) alors inter C'est là un fait d’une extrême importance; il nous montre, en effel, que la maladie provoquée chez le la- pin n'est pas directement contagieuse, puisqu'il n'existe, dans l'organisme d’un lapin contaminé, aucune forme parasitaire capable de donner la maladie à un individu sain. Les kystes ont besoin de passer un certain temps dans le milieu extérieur mûrs. pour y mivrir. Si l’on ne connaissait pas le germe de la ma- ladie, on dirait qu'elle est miasmatique, au sens que l'on attache à ce mot, assez vague d’ailleurs, dans le cas du cancer et du paludisme. Un kyste mûr, introduit dans le tube digestif vient la repro- duetion sexuée (Cf. les Infusoires ciliés, un grand nombre de Mélazoaires). Les macrogamètes, des- tinés à être fécondés, évoluent d'une façon parti- culière, et, arrivés au terme de leur croissance, s’entourent d'une membrane kystique avec micro- pyle et lombent dans la lumière du canal digestif. Ils sont tout à fait comparables aux œufs d'hiver d'un certain nombre d'animaux, qui ont aussi besoin d'être fécondés. Des cellules coccidiennes nues de grande taille (qui proviendraient aussi de germes endogènes, d'après Simond, plutôt de sporozoïles, d'après Siedlecki) produisent ies élé- ments mâles. D a SE: ch F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME 219 L'un d'eux pénètre par le micropyle d'un ma- crogamèle. L'œuf fécondé, l'ookyste (Léger), est expulsé dans le milieu extérieur, où, dans des con- - ditions convenables, il est capable de mûrir': son “enveloppe le protège, il contient à son intérieur “des matières de réserve. Il donne naissance à à quatre sporocystes, chacun d'eux renfermant deux … sporozoiles. On peut donner de l’évolution le “ schéma suivant : “ Sporozoïte — Série de générations endogènes à macroga- /Hacrogamète MAR mètes( pookyste fécondé— ookyste mûr, < microgamètes — Dans ce cycle, la variation porle évidemment sur “ le nombre des générations endogènes. Dans les 4 { : ÿ + : ! 2 Sporocystes : I. DISPOROCYSTÉES « . Ookyste | renfermant | ; Sporocystes : IL. TÉTRASPOROCYSTÉES. ; 5 à la S. maturité : n Sporocystes : III. PoLyePOROCYSTÉES , | Sporocystes dizoïques . . : ACÉÉTAZDIQUES- 0-0 0e dizoïques ronds ou ovoiïdes . . dizoïdes bipyramidaux monozoïques . . AIZOIQUES SRE CR . trizoïques (genéralt) ronds . g. . tétrazoïiques (génért) ronds . . di- ou télrazoïques, ovoïdes. q. 1 C'est surtout par leur cycle évolutif que les deux genres Benedenia et Xlossia différent (V. infrà). son évolution, après la fécondation, présente une grande fixilé. On a reconnu que le nombre et la forme des sporocystes dans un kyste, le nombre des sporozoïles dans un sporocystle, constituent d'excellents caractères génériques. Le tableau I indique les principaux genres". $ 2. — Remarques sur le cycle évolutif. Les particularités que présentent les cycles évo- lutifs des genres Adelea, Benedenia et Alossia, mé- ritent qu'on les examine dans un paragraphe spécial. Pour les autres genres, dont l'étude a été faite complètement, leur cycle diffère à peine du schéma que nous avons déduit des observations sur le Tableau I. — Principaux genres de Coccidies. g. Cyclospora Schn. | Isospora Schn. (incl. Diplos- | pora Labbé). . Coccidium Leuck. . Cristallospora Labbé. q 9 . g. Barroussia Schn. et Echinos- pora Lég. g. Adelea Schn.et Minchinia Lab. g. Benedenia Schn. g. Klossia Schn.f. Hyaloklossia Lab. maladies chroniques des lapins adultes, elles sont très peu nombreuses. Au contraire, chez les jeunes - lapins, la maladie est aiguë; l’auto-infection joue un rôle prépondérant; l'animal présente des flux - diarrhéiques simulant le choléra et meurt en quel- - ques jours. Mégnin ‘ a fait connaitre une épidémie de lièvres produite par une gastro-entérite coccidienne; Rail- liet et Lucet? ont décrit une maladie des poussins due à la même cause, et aussi une maladie coc- cidienne des oies; mais, dans ce dernier cas, les parasites élaient localisés aux reins. Nils Sjübring, Laveran ont étudié aussi des coccidioses intesti- nales, souvent mortelles pour divers oiseaux. és "the due de tin) à onde os éd ES ESS S ame bb) usée mor nt maté tisane. Lil IT. — Les piverses Coccipies. GÉNÉRALITÉ DU PROCESSUS ÉVOLUTIF, $ 1. — Classification. RSS PONT TE Si une espèce déterminée de Coccidie montre une grande variabilité dans son évolution intracellu- - laire asexuée (la Coccidie du lapin nous en a offert un exemple ; voir les fig. 3, F et G), en revanche, L 1 MÉGNnx : 2 Rarcuier et Lucer : p.293. C. R. Soc. Biol., 1852, p, 892. C. R. Soc. Biol., 1891, p. 820 et 1890, PTS C. oviforme et le C. proprium (Coccidie du Triton). Un point intéressant esl l’élat des macroga- mètes prêts à être fécondés. Nous avons parlé jus- qu'ici de Coccidies déjà enkystées et où le micro- gamète pénètre par un micropyle. Chez d’autres espèces, par exemple le Coccidium Schneideri de l'intestin d'un myriapode, Lithobius forcipatus, le macrogamète mûr est une cellule nue et la mem- brane kystique ne se forme qu'après la pénétration d'un microgamète ; on peut même dire que c'est lui qui détermine la formation de la membrane (Schau- dinn). Les conditions de maturation des ookystes sont également intéressantes à mettre en évidence. Chez beaucoup de Coccidies, comme chez le C. oviforme, elle a lieu après un séjour dans le milieu extérieur, variable pour chaque espèce. Mais chez d’autres, elle se produit complètement dans la dernière partie du tube digestif. La maladie n’est plus, dans ce cas, miasmalique ; elle est vérilablement contagieuse. Enfin, chez les Poissons, les kystes tombent dans le tissu con- jonetif qui entoure le tube digestif, et c'est là qu'ils arrivent à maturité. 1 J1 se rapproche heaucoup de celui de Léger (Bull. Mus. Hist. naturelle Marseille, fase. I, 30 janv. 1898). 220 F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME La présence de Coccidies dans le tube digestif ou les canaux biliaires s'explique facilement comme conséquence de lingestion des sporocystes. Mais comment arrivent-elles à la rate et au rein? Les observations récentes de Laveran ! permet- tent de donner une réponse satisfaisante. Il a remarqué que les Coccidies qu'on rencontre dans la rate et le rein du goujon, sont toujours à l'inté- rieur de Myxosporidies; il pense que les Coccidies qui se lrouvent normalement dans les parois du tube digestif, sont, gràce aux mouvements ami- boïdes des Myxosporidies, englobées el transpor- par celles-ci dans la rate et le rein. Les productions énigmatiques que l'on observe dans la vessie nataloire des Gades et qui ont été balancées par les auteurs en- tre les Coccidies et lesMyxosporidies, sont sans doute aussi Cocci- dies englobées par des Myxosporidies et convoyées par elles du tube di- gestif jusque dans la vessie nalatoire. Le mode d’in- fection des reins des Gastéropodes par les ÆXossia n'est pas encore expliqué. tées des S 3.— Examen deS ig. 8. — Quelques stades de l'évolulion d'Adelea ovala, d'après Siedlecki. macrogamètes libres peuvent être le point de” départ d'une série de générations endogènes à ma crogamètes. Æt il en est ainsi également des micro- gaméfocytes. Les uns et les autres se comportent donc, pendant une certaine période, comme des. œufs parthénogénétiques. L'Adelea ovata est done une espèce dimorphe; et la suite de l'évolution nous" autorise à regarder ce dimorphismeïcomme seœuel.m À un moment donné, en effet, intervient le phéno- mène sexuel. Il y a accolement, dans la lumière du tube digestif, d'une Coccidie adulte M, analogue à À (fig. 8), provenant d’un macrogamète, et d'un p) microgamétocyte m (fig. 8, C). Celui-ci donne nais-" sance à quatre microgamètes qui ont la structure chromalique typi-. que, mais sont dé- ou presque tout le crogamétocyte quat. Un des mi- crogamètes fé- conde le macroga- mèle (fig. 8, E). Si l'on assimile les microgamèles à des spermatozoïdes, les microgamélocytes sont homologues de premier ordre ; d'où la termino- logie adoptée. cas particuliers. — À, forme femelle intracellulaire. — A’, stade à macrogamètes. — : ; B, forme mäle intracellulaire. — B', stade à microgamétocytes, p, pig- Malion des micro- 1. Adelea ovata ment, — GC, microgamétocyte » accolé à la surface d'un macrogamète gamètes ne diffère M;e, chromatine expulsée par le noyau du macrogamète. — D, le micro- et Klossia helicina. gamétocyte a à sa surface 4 — Le cycle évolu- tifde l’Adelea ova- la, Coccidie poly- sporocystée dizoïque de l'intestin du ZLithobius for- cipatus, est bien connu, grâce aux recherches de Siedlecki ?. D'après lui, les sporozoïtes donnent naissance, dans les cellules épithéliales de l'intestin, à des corps de deux sortes : les uns, de grande taille (lig. 8, A), donnent les macrogamètes (fig. 8, A’); les autres, de petite taille (fig. 8, B), avec du pigment brunâtre p, donnent, par division totale, sans reli- quat, des éléments pour lesquels nous avons pro- posé le nom de microgamétocytes (fig. 8, B'). Les 1 LaverAw : C. R. Soc. Biol., 30 oct. 1897 et 12 nov. 1898. ? Srepcecki : Verh. d. deulsch. zool. Gesells., 1897 et Ann. Inst. Pasteur, février 1899. microgamètes. — E, stade de fécondation; d_chromatine mâle; © chromatine femelle; 3 microgamètes mi restent à la surface du macrogamète; m, masse résiduelle du microgamétocyte; e, chromaline expulsée (opération nucléaire). du mode exposé précédemment à cidie du lapin, qu'en ce que la formation a lieu en deux temps bien distincts, au lieu d’un seul. Un fuit physiologique intéressant mérite d'être relevé. On explique (Pfeffer), par un phénomène chimiotactique, l'attraction que les produits femelles exercent sur les éléments mâles mürs; ici, nous voyons des éléments, qui sont seulement au stade de spermatocytes, attirés par les macrogamèles. Le reste de l’évolution de l'Adelea ovata ne révèle aucun détail particulièrement original. Le cyele peut être schématisé ainsi : { Générations VISE 2 “ . A { oame ‘4 : # là microgamétocytes IN DCRORER tocyte Sporozoite Ce crATon p. accolé sur | FÉDÉRALE 17 ( macrogamète mûr à macrogamètes D propos de la Coc- … pourvus de cils (fig. 8, D); tout, cytoplasme du mi- … copstilue un reli- des spermalocyles Ce mode de for- - F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME 291 macrogamète mûr # ; mass )- Duacrog. fécondé =; é ES SAS 4 microgamètes 3 RP Les recherches récentes de Laveran ‘ ont montré que le ÆÂlossia helicina se comporte, au point de vue de la formation des microgamètes, exactement comme l’Adelea ovata (formation en deux temps, stade de microgamétocytes); mais il n'a pas reconnu de dimorphisme sexuel. 2. Benedenia octopiana Schn. — Gette Coccidie, la plus grosse de toutes les coccidies connues, habite le tube digestif de divers Céphalopodes. Siedlecki ? a fait connaître, avec grands détails, - tout son cycle évolutif. Sa par- ticularité prin- cipale, c'est qu'un sporo- - zoïte, issu d'un sporocyste, donne directe- ment, sans mul- tiplication cel- lulaire, par simple accrois- sement, un ma- crogamète prêt à être fécondé (fig. 9, n° #);il tombe alors dans les espa- ces Jymphati- ques du tissu conjonctif qui à des Coccidies de grande taille qui produisent les microgamètes (fig. 9, n° 2et 3). Ceux-ci ont une forme assez spéciale ; ce sont des - vermicules très mobiles, de 35 à 40 y de longueur; is sont moniliformes (fig. 9, n° 4-6); au centre des | renflements, on trouve un peu de protoplasme; La fécondation (fig. 9, n°° 4-6) et la maturation desookystes ont lieu dans les espaces lympha- . tiques. Le schéma de l’évolution est le suivant : : { macrogamète } k en mûr 5 5 ookyste Sporozoitec Si ero. Dookyste fécondé —{ LS t gamètes 1 Lavenan : C. R. Soc. Biologie, séance du 26 nov. 1898. ? SIEDLECKI : Ann. Inst. Pasteur, déc. 1898. matines sont mélangées, La période d'évolution du parasite dans les cel- lules de l'hôte est donc réduite à une simple croissance, sans mulliplication des germes. Dans ces conditions, l’auto-infection est-elle pos- sible ? Siedlecki l'explique de la façon suivante : Dans les espaces lymphatiques, les kystes se rompent et les sporocystes sont mis en liberté; par suite de la pression de la lymphe et du mauvais état de la paroi épithéliale du tube digestif, ces sporocystes peuvent arriver dans la lumière du canal alimen- taire, et là être le point de départ d'une nou- velle poussée infectieuse. I ComPpA= RAISON AVEC LES GRÉGA- RINES. Lieberkühn, dès 1856, eut l'intuition de la parenté étroite quiunit les Coc- cidieset les Gré- garines. Mais cette parenté n'a été élablie sur des bases solides que par lesmémorables travaux de A. Schneider, qui montra : 1° que les spores (spo- entoure le tube rocystes) des digestif. : ; pe a Ris RE Grégarines ren- ; ‘ig. 9. — Benedenia oclopiana. Phénomènes sexués. (D'après Siedlecki.) — 1, stade £ D'autres spo- adulte indifférencié, — 2, stade de formation des microgamèles, — 3, micro- ferment des rozoïtes don- gamètes adultes à la surface de la sphère de reliquat. — 4%, macrogamète mûr corpuseules fal- 5 présentant des microgamètes à sa surface. — 5, macrogamète fécondé : les chro- ; AE nent naissance matines mäle et femelle sont distinctes. — 6, macrogamète fécondé : les chro- Ciformes (spo- rozoïtes) à leur intérieur; 2° que les Grégarines (au moins les intestinales) commencent par êlre parasites des cellules épithé- | liales du tube digestif, comme les Coccidies. Les recherches de Bütschli ont contribué également à établir ce second fait. Si tous les zoologistes admettent maintenant la parenté des deux groupes, peut-être ne s’accor- dent-ils pas tous sur les détails de la comparaison des deux cycles évolutifs. Examinons ce que les recherches récentes nous apprennent à cet égard. L'évolution classique des Grégarines inlestinales est la suivante : Les sporozoïtes, échappés des sporocystes, vont dans les cellules épithéliales de l'intestin, et donnent des organismes d’abord com- plètement intracellulaires (fig. 10, A). Bientôt la F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME * LA jeune Grégarine perce le plateau cellulaire et fait hernie dans la lumière du tube digestif (fig. 10, B); cet état va peu à peu en s’exagérant et l’on a un organisme fixé à la cellule-hôte par une partie qu'on appelle l'épimérite et dont toute la région principale du corps est en dehors de la cellule (fig. 40, C). Enfin la Grégarine ampute son épimé- rite (fig. 10, C,r) et tombe dans le tube digestif où s'accomplit le reste de son existence. Quant aux Grégarines cœælomiques, elles ne s’arrêteraient pas dans les parois du tube digestif; les sporozoïtes passeraient directement dans la cavilé du corps. Après une période végétalive plus ou moins longue, la Grégarine se prépare à la reproduction. Elle se met en boule et s'enkyste. Souvent, il y à accolement de deux Grégarines avant l'enkyste- ment (fig. 10, D). Chez la Gréga- rine enkystée, il y a multiplica- tion nucléaire, puis division cel- lulaire et forma- 4 tion de sporo- blastes (spb, fig. 10, E); chaque sporoblaste se transforme en un sporocyste (spe, fig. 10, F) à l'in- térieur duquel se forment des spo- rozoiles, généra- NUE S'il y a véritablement acte sexué, on a affaire, - comme le fait remarquer Léger, à une conjuea oi isogamique, par opposition à celle des Coccidies qui est essentiellement hétérogamique. À partir de l'enkystement, la comparaison entre le cycle des Coccidies et celui des Grégarines se fait avec la plus grande facilité; nous n'y insistons. pas. (Comparer les fig. 4 et 2 avec les fig. 10, D-G.)s Mais nous n'avons pas signalé, chez les Gréga=M rines, celte multiplicalion des germes qui, chez les. Coccidies, se rencontre dans toutes les espèces, à une exception près. Elle existe aussi chez les Grégarines, au moins chez certaines espèces. 3 Caullery et Mesnil! ont décrit, en effet, chez une Grégarine cœlomique d’une Annélide marine (Go- £ nospora longissima), dans les cellules intestinales, : des barillets deu huit à dix élé … ments provenant. de la multiplica- … lion des sporo- zoïtes. Le cycle. de celte Gréga- rine se compose donc de tous les termes qui en- trent dans celui d'une Coccidie. Dans l'état ac- tuel de nos con- naissances, les deux différences suivantes sont à ba EL. .. € FA G - lement au nom- LS | ” RE Rita ! _ relever entre les L FENTE Fig. 10. — Schémas représentant l'évolution d'une grégarine intestinale. (D'a- : : pre de Hg. près Schneider et Léger.) — À, phase intracellulaire. — B, jeune grégarine Grégarines etles 10, G). Y a-t-il un phé- nomène sexuel? il est légitime, d'après ce que nous savons chez les Coccidies, de le chercher au début de l'enkystement. Souvent, en effet, celui-ci est précédé de l’accollement de deux Gré- garines. Mais on n'est pas fixé sur les consé- quences de cet accolement. Beaucoup pensent qu'il n'y a pas là un acte sexué, et ils insistent particulièrement sur le fait que souvent les deux parlies d'un kyste sont à des états de développe- ment très différents ; ils font remarquer aussi que l'accollement de deux Grégarines n’est pas le pré- lude obligé de la sporulation. Wolters !, au con- traire, a décrit, avec détails, une union nucléaire entre les deux Grégarines, après expulsion préalable de chromaline. La question ne parait pas résolue. 4 Wovrens : Archiv f. mikrosk. Analomie, 1891. commencant à faire hernie à l'extérieur de la cellule épithéliale. — C, gréga- rine encore fixée, au moment où se fait l’amputation de la partie intracellu- laire suivant la ligne ». — D, deux grégarines enkystées. — E-F, gréga- rines enkystées ; E, stade de sporoblasles; F, stade de sporocystes. — G, spo- rocyste mür dont les membranes ep et end sont rompues; deux sporozoites sz s'échappent. Coccidies : 1° Les premiè- … res ontune Crois- … sance en parlie extracellulaire : les secondes n’abandonnent les cellules-hôtes qu'ar- rivées à leur taille définitive; 2° la conjugaison est hétérogamique chez les Coccidies (?), isogamique chez les Grégarines. Grégarines et Coccidies, avec les formes aber- rantes telles que les Hémosporidies, constituent un ensemble parfaitement homogène que l’on peut opposer aux autres Sporozoaires, qui montrent également entre eux des affinités réelles. : IV. — COMPARAISON AVEC LES MÉTAZOAIRES. Ce sont surtout lés travaux de Siedlecki ? qui nous fournissent des données précises sur la struc- 1 Cauccery et Mesnic : C. R. Acal. Sciences, 11 janv, 1898. 2 Srepceckt : Ann. Inst. Pasteur, déc. 1898 et févr. 1899. F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME 223 ture cytologique de la cellule coccidienne, sur les divisions qui y prennent place, sur la comparaison détaillée des phénomènes sexuels avec ceux des Métazoaires. Jamais, chez les Coccidies, on n'observe de centrosomes. Siedlecki a montré qu'il n'y avait | aucune raison pour attribuer, comme le, fait Labbé, celte signification à certains granules protoplasmiques. . Les divisions cellulaires sont de deux types. L'une est très spéciale. C’est celle qui intervient dans la produclion des microgamètes ou des ma- crogamètes. Il y a division répétée du karyosome, | primitivement unique; puis, la membrane nucléaire étant dissoute, Lous les karyosomes secondaires se | portent à la périphérie de la masse plasmique et y deviernent! des sortes de centres d'attraction pour la chromatine; les noyaux futurs des micro ou des macrogamèles se trouvent ainsi constitués. Ce ; mode de division, qui n’a pas son semblable chez ; les Métazoaires, est comparable à la division nu- … cléaire multiple (« multiple Kerntheilung ») que . Schaudinn a découverte chez les Foraminifères. - L'autre mode de division, qui se présente surtout quand la Goccidie fécondée évolue pour donner les sporocystes, est moins caractéristique ; il est, somme toute, intermédiaire entre les modes direct et indirect de division cellulaire (voir fig. 7, n°5 5 et 6}; il rappelle beaucoup le mode de division des micronucléi des Infusoires ciliés. | Examinons maintenant les éléments mäles et - femelles. Les microgamètes, par leur structure chromatique, rappellent les spermatozoïdes. On peut se demander si, dans l'acte sexuel, il y a union de proltoplasmes en même femps que de noyaux. 11 semble bien qu'il en soit ainsi. Chez le Benedenia octopiana, les inclusions protoplas- miques des microgamètes pénètrent naturellement dans les macrogamètes; et certains éléments mâles - d'autres Coccidies semblent avoir au moins une inclusion semblable (espace clair signalé par Léger - dans les microgamètes d’'£chinospora). Mais il est vraisemblable que le microgamète, comme les L autres éléments coccidiens, ne renferme pas de - centrosome; on n'en voit pas présider aux divisions - «ui suivent la fécondation. Le microgamète est-il, comme les éléments mäles des êtres pluricellulaires, réduit qualitativement et quantitativement au point de vue chromatique? Siedlecki, en analysant avec soin les deux bipar- litions nucléaires qui aboutissent, chez l'Adelea - ovala, à la formation de quatre microgamètes à la - surface d'un microgamétocyte, conclut par l’affir- maltive. Nous ne pouvons entrer ici dans le détail de cette discussion. Enfin, on doit admettre qu'un seul microgamète pénètre dans le macrogamète : la monospermie est la règle. Cela est particulièrement net chez l'Adelea ovata, où quatre microgamètes se trouvent au contact d'un macrogamète; quand la fécondation est opérée et même que la sporulation est plus ou moins avancée, on en relrouve (rois, plus ou moins dégénérés, au voisinage du macrogamètle (rans- formé (fig. 8, E). Chez beaucoup de Coccidies(Coc- cidium Schneideri, Benedenia octopiana, ete.), aus- sitôt le microgamèle introduit, il se forme une membrane autour du macrogamète fécondé, qui, évidemment, empèche l'entrée d'autres éléments mäles. Le macrogamèle subit-il une perte de chroma- tine au moment de la maturation? Siedlecki a observé le phénomène avec la plus grande netteté chez l'A delea ovata, et ses caractères le lui font inter- préler comme épuralion nucléaire (fig. 8, C-E, e). Il regarde également, chez le Coccidium proprium, les boules chromatiques des vacuoles »v (fig. 7, p. 218) comme une partie expulsée du noyau femelle; celte vacuole et son contenu se retrouvent d'ailleurs dansle reliquat kystal. Chez le Benedenia octopiana, il n'a pas observé une pareille épuration. Mais, comme, au moment de la maturité, le noyau a perdu sa membrane, il est possible que de la chro- matine, à l’état dissous, passe dans le cytoplasme. Le phénomène, pour ne pas se présenter, comme dans les exemples précédents, sous une forme concrète, n'en existerait pas moins. De toutes ces observalions, il convient de con- clure que les phénomènes préparatoires à l'acte sexuel chez les Coccidies, ne diffèrent en rien d’essenliel de ce qu'ils sont chez les Métazoaires. La différence importante consiste dans l'absence de centrosome chez les microgamètes. Quant aux phénomènes sexuels eux-mêmes, il suffit de se reporter à ce que nous avons déjà dit pour être frappé de leur analogie avec ceux des Métazoaires. Toutes ces éludes cytologiques chez les Pro- tozoaires offrent un intérêt qui s’accroilra certai- nement encore quand elles seront plus avancées Les êtres inférieurs, animaux ou végétaux, offrent une diversité de processus dont les Métazoaires ne nous montrent pas d'exemple. Leur étude nous four- nit donc des données du plus haut intérêt au point de vue de la constitution de la cellule et de la mécanique de son évolution. V. — LÉSIONS PRODUITES PAR LES COCCIDIES. Les Coccidies passent la plus grande partie de leur existence, toute leur période de croissance; à l'intérieur des cellules épithéliales. Nous devons donc examiner d'abord leur action sur la cellule qu'elles parasitent, et ensuite l'influence indirecte GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME qu'elles exercent sur l’ensemble du tissu épi- thélial. Leur action sur la cellule-hôlte comprend deux périodes distinctes : il y a une période d'excitation, suivie d'une dégénérescence. On a noté depuis longtemps l'hypertrophie que subissent les cellules du rein de l'escargot envahies par les Ælossia; la cellule, ainsi que son noyau, double et triple de volume. Siedlecki a noté le même fait chez les cel- lules épithéliales de la seiche; le protoplasme montre des vacuoles remplies d’un liquide clair; le noyau grossit et commence à se colorer d'une facon très intense, mais distincte. La Coccidie, qui se nourrit par osmose aux dé- pens de la cellule hôte, utilise naturellement ce tion; elle met en réserve (surtout quand il s’agit d'un futur élément femelle) dans son protoplasme de nombreuses matières nutritives sous forme de granulations de diverses natures. Une seconde période commence bientôt. Le para- | site, grossissant de plus en plus, épuise le contenu de la cellule, la distend considérablement, trans- forme son noyau en une sorte de croissant. La | cellule est en dégénérescence, et, quand le parasite l'abandonne, elle est réduite à une enveloppe vide avec un noyau complètement aplati. Toutes les cellules parasitées meurent donc. Mais il se produit, en revanche, une prolifération du tissu environnant. On est frappé de voir, chez les animaux adulles atteints de coccidiose, le nombre énorme de divisions cellulaires qu'on rencontre dans les coupes de l'intestin. Dans les coccidioses aiguës, cette proliféralion est insuffisante pour enrayer les ravages causés par les parasites; l’épithélium intestinal est des- quammé par larges plaques: des ulcères se pro- duisent et l'animal succombe en présentant une diarrhée cholériforme. Dans les coccidioses marche chronique, les cellules détruites sont rem- à plasie importante du tissu épithélial. Le phéno- | mène se présente avec une parfaite netteté dans la | coccidiose du foie des lapins. Le parasite se trouve dans les canaux biliaires. On voit bientôt l'épithélium qui les tapisse proli- canaux augmente considérablement et même l'épi- thélium fait hernie à leur intérieur sous forme d'arborisations plus ou moins compliquées. Le tissu conjonctif qui sert de soutien aux canaux suit la prolifération épithéliale. On arrive ainsi à avoir de véritables adénomes, produits par une hyperplasie considérable des canalicules biliaires. | Chez les vieux lapins, la coccidiose guérit sponta-" sureroit de matériaux nutritifs mis à sa disposi- | nément; les parasites finissent par être enrobés détruits. | Dans la rate des goujons, Laveran a de même | observé un enkystement des Coccidies par néofor- | malion conjonctive. Cette formation de tumeurs épithéliales, ayant pour point de départ un parasite nettement carac- térisé, une Coccidie, a attiré, il y a dix ans, l'atten- tion de Malassez, qui a émis la théorie que le cancer, qui est fondamentalement une tumeur épithéliale, mais une tumeur maligne, pouvait avoir pour agent un organisme coccidien. Cette nombre de travaux; elle ne parait pas encore établie d’une façon définitive. Metchnikoff, dans celte Aevue, en 1892, a résumé l'élat de la ques- tion à celte époque”. Des Coccidies typiques produisent des maladies. bien caractéristique, le Paludisme, est une Coc- cidie. C’est que nous examinerons dans un deuxième article. ce F. Mesnil, Docteur ès sciences, Chef de Laboratoire à l'Institut Pasteur. L’ÉTAT ACTUEL DE L’AUTOMOBILISME TROISIÈME PARTIE : LES VOITURES Il nous reste, maintenant que nous avons étudié en détail les divers organes d’une automobile’, à voir comment ils sont combinés dans les princi- paux types de voitures actuellement en usage. Nous allons décrire successivement les voitures à vapeur et à pétrole et les automobiles électriques. ‘ Voyez la Revue des 28 février et 15 mars 1899. I. — VOITURES A VAPEUR. $S 1. — Tracteur de Dion-Bouton. C'est un truck à deux essieux, l’un directeur à | l'avant, l’autre moteur à l’arrière. La chaudière est au-dessus du premier, entourée de caissons à coke; 1 Voyez la Revue du 30 septembre 1892, placées et il peut même se produire une hyper-« férer avec une activité considérable. Le calibre des V algre SAN 6 pe: a M: ENS ne dans le tissu conjonctif hyperplasié et par être séduisante hypothèse a donné lieu à un grand. Il nous reste à chercher si l'agent d'une maladie | les caisses à eau forment siège, au-dessus du second, pour le mécanicien et le chauffeur; au milieu sont groupés tous les appareils de conduite. En dessous du chàssis, à l'arrière, se trouve le moteur, enfermé dans un carter. La transmission “de l'arbre principal à l'arbre différentiel se fait par “deux jeux d’engrenages (vitesse maximum : 14 ki- ‘lomêtres à l'heure), de l'arbre différentiel aux roues par essieux arliculés. + Roues en bois; bandages de fer. A l'arrière du truck, se trouve la couronne d'attache du véhicule remorqué, qui peut être quelconque, sans avoir GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME 225 19 Se $ 2. — Omnibus de Dion-Bouton. Il est destiné à recevoir 16 voyageurs, avec leurs bagages sur le toit de la voiture. La chau- dière etles soutes à coke sont disposées sur la plate- forme d'avant: les caisses à eau, sous les ban- quettes de l’intérieur. Il v a deux vitesses, 14 et 18 kilomètres à l'heure, pour le nombre de tours normal du moteur. $ 3. — Omnibus Scotte. Pour 12 voyageurs avec 360 kilos de bagages. Sur la plate-forme d'avant se trouvent la chaudière, Tableau I. — Résultats du Concours des Poids lourds. VOYAGEURS ET MESSAGERIES ER ÉÉS C : Omnibus Omnibus Véhicule Train Camion Trainà | Omnibus à boci < Se de Panhard à PABIeTAGteur à voyageurs |automoteur | marchandises (à vapeur) Dion et Bouton et Levassor Dion et Bouton Scotte de Dietrich Scotte ox! (à vapeur) (à pétrole) (à vapeur) (à vapeur) (à pétrole) (à vapeur) | | MARCHANDISES | CE pre MO 22,000 francs | 22 000 francs | 18.000 francs | 26.500 francs | 26.000 francs | 6.000 fr. » | Force en chev.-vapeur.| 14 chev.-vap.|25 chev.-vap.|12 chev.-vap. | 35 chev.-vap.|16 chev.-vap. | 6,5 ch.-v. | 16 ch.-vap. | Charge utile. . 1.200 kilos 1.120 kilos 1.000 kilos 2.500 kilos 2.500 kilos |1.200ki'os.| 4.20) kilos Rapport de cette charge au poids total. 0,186 0,181 0,294 0,252 0,263 0,480 0,355 Vitesse commerciale. .[10,5 à 11 kilom./1 4 à 14,5 kilom.|10 à 10,5 kilom.[10 à 10,8 kilom.10 à 10,5 kilom.|8 à 9 kilom.{6,5 à Tkilom. Parcours journalier . 110 kilom. 145 kilom. 105 kilom. 108 kilom. 105 kilom. |90 kilom.| 70 kilom. | nue ou es- | par tonne ki-? sente. . 3 kil. 1 1 kil. 7 0 1. 49 1 kil. 42 1 kil. 96 01. 235 1 k. 43 lométr. utile. eau. AE 17 1. 05 10 1. 73 2,1. 45 7 1. 81 20 PE | FIDÈLE 6 | | PRIX DE REVIENT|PRIX DE REVIENT/|PRIX DE REVIENT|PRIX DE REVIENT|PRIX DE REVIENT PRIX PRIX | KILOMÉTRIQUE KILOMÉTRIQUE KILOMÉTRIQUE KILOMÉTRIQUE KILOMÉTRIQUE DE REVIENT] DE KEVIENT OR) SE. 2 a) cn. SR. 0 ER) E KILO- KILO- Voyag' Voyagr Voyagr Voyagr Voyag' k 5 avec |Voyag'| avec |Voyag'| avec |Voyag'| avec |Voyag'| avec |Voyag'| MÉTRIQUE MÉTRIQUE CHARGEMENT bagages bagages bagages bagages bagages A ton dotée | ou sans ou sans ou sans ou sans ou sans 100 k.de 100 k.de 100 k.de 100 k. de 100 k. de de mar- de | mes- |bagag.| mes- |bagag.| mes- |bagag.| mes- |bagag.| mes- |bagag.| chandises | marchandises! sageries sagerles sagerles sageries sagerlies fe ANONIINE CE Fe CN ON AC CN CN CZ fre: fn Cr 1/3 de charge. 0 410 | 0 079! 0 089 | 0 063 | 0 122 | 0 087 | 0 067 | 0 048 | O 070 | 0 050 | 0 597 0 570 2/3 de charge. 0 057 | 0 040 | 0 045 | 0 032 | 0 064 | 9 046 | 0 034 | 0 025 | 0 036 | 0 026 0 317 0 297 Charge entière 0 039 | 0 028 | 0 030 | 0 022| 0 045 | 00-032] 0 023 | 0 017 | 0 025 | 0 018 0 230 0 206 Nora. — Avec la traction animale, il faudrait compter de 0 fr. 10 à O fr. 12 pour le transport kilométrique du voyageur, avec ou sans bagages, et 0 fr. 30 pour le transport d'une tonne de marchandises, le tout sur route moyennement accidentée. jamais qu'un essieu, de sorte que son poids est en partie utilisé pour l'adhérence. Au Concours des Poids lourds, organisé, en août 1897, par l'Automobile-Club de France, le trac- eur avait 2 mètres de largeur, 3",80 de longueur, 28,10 d'empattement; la voiture remorquée était constiluée par un break à 40 places, de 6,50 de longueur. Prix du tracteur : 17.500 francs ; du break : 9.000 francs. Les résultats donnés par ce tracteur sont, comme ceux des véhicules qui ont pris part au concours, “consignés dans le tableau I, dont les chiffres ne doivent êlre admis que dans des conditions d'itinéraires et de vitesses analogues à celles des essais. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899. dl le moteur, la soute à coke et les sièges du mécani- cien et du chauffeur. Changements de vilesse par engrenages (7 et 14 kilomètres à l'heure). L'arbre intermédiaire actionne par une chaîne Galle l'arbre différentiel, relié par deux chaînes semblables aux roues d’arrière. $ 4. — Train à voyageurs Scotte. Le tracteur ne diffère de l'omnibus précédent que par la force un peu plus grande du moteur, et en ce que les engrenages sont calculés pour des vilesses horaires de 6 et 12 kilomètres; 1l trans- porte 13 voyageurs, et la voilure remorquée 15. Un train analogue a fait très brillamment ses preuves, dans la Meuse, en plein hiver, et fonc- 6* [9] re [=] GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME tionne parfaitement du pont de Courbevoie à la mairie de Colombes, depuis mai 1897. $ 5. — Train à marchandises Scotte. Le tracteur est, comme mécanisme, semblable à celui du train à voyageurs. Vitesse : 5 et 10 kilo- mètres à l'heure. L'arrière est analogue à celui d'un camion. $ 6. — Tracteur Le Blant. Il a la forme générale d'un fourgon à marchan- dises, sur le plancher duquel sont disposées à l'ar- rière et au milieu la chaudière, les caisses à eau et à coke. Le conducteur se place à l'avant, ayant sous la main tous les organes de manœuvre. Le moteur est placé horizontalement au-dessous du châssis, entre les deux essieux, et actionne ceux d’arrière par l'intermédiaire de leur manivelle à angle droit, attaquant l'arbre. du différentiel, qui transmet son mouvement à l'arbre des roues, au moyen de deux chaînes Galle. La vitesse peut, en palier, atteindre 18 kilomètres. La direction se fait par avant-train mobile autour d'une cheville ou- vrière : le cercle inférieur en est denté, sur un tiers de tour, et commandé par une vis sans fin. Le tracteur en ordre de marche pèse 6.500 kilos pour un service de voyageurs, 8.000 kilos pour un ser- vice de marchandises ; pour l'adhérence, il n'utilise que son poids, et nullement celui de la voiture remorquée. $ 7. — Break Le Blant. Le break, automobile, pèse 3.500 kilos à vide, pour 12 voyageurs. La chaudière est placée à l'ar- rière, les appareils de direction à l'avant, le méca- nisme moteur sous le chàssis, comme dans le trac- teur. $ 8. — Omnibus Weidknecht. Le nouveau type, à 16 places, à toiture pouvant recevoir les bagages, pèse 4.800 kilos à vide, 6.880 kilos en pleine charge. La chaudière et le moteur décrits sont disposés à l'avant; ce dernier transmet son mouvement à l'arbre différentiel au moyen de deux paires d'engrenages, qui corres- pondent aux deux vitesses de 7 kilom. 5 et 15 kilo- mètres. mouvement est communiqué aux roues par des chaines. La direction se fail par l'essieu d'arrière à deux pivols; ses roues n'ont que 4%,10 de diamètre pour pouvoir tourner sous la voiture; ce dispositif donne une commande très précise, mais rend les démarrages difficiles, quand l’'omnibus est arrêté près d'un trottoir. La consommation est de 3 kil. 75 de coke et de 20 litres d'eau par kilomètre. ; Le $ 9. — Omnibus de la Compagnie générale des Automobiles. C'est une voiture à 30 places de la Compagnie générale des Omnibus de Paris, à l'avant de la- quelle on a disposé une plate-forme pour recevoir le mécanisme. La chaudière est du type Valentin, le moteur, de 25 chevaux, du système épicycloïdal À. Gérard, cette application d'un moteur rotatif à l’automobilisme est intéressante, parce qu’elle est, croyons-nous, unique, mais elle n’a pas encore fait ses preuves. L'arbre moteur, tournant norma- lement à 600 tours par minute, porte un embrayage à friction, entraine par engrenages l'arbre différen- tiel, qui à son tour commande par chaînes les roues motrices, de 12,50 de diamètre, Les roues d’arrière, qui n'ont que 1 mètre, sont directrices. $ 10. — Voiture Serpollet. Jusqu'ici, nous n’avons décrit que des véhicules puissants, disposés pour le transport des voya- geurs en commun ou des marchandises. Et il faut | Ê bien reconnaître que c'est pour la traction des poids lourds que la vapeur est surtout qualifiée. En substituant au coke le pétrole et en imaginant son remarquable générateur, M. Serpollet est arrivé à supprimer du même coup la poussière inhérente aux combustibles solides et la nécessité d'un chauffeur; il a ainsi rendu possible l'applica- tion de la vapeur aux voitures légères. C'est ce que va nous montrer l'étude de la remarquable voiture qu'il a exposée dernièrement aux Tuileries. Ce phaéton, du poids de 500 kilos (dont la figure 1 donne le schéma), est muni d'un moteur de 5 che- vaux, pesant, avec son générateur, 90 kilos. L'un et l'autre sont disposés à l'arrière de la voiture, le moteur reposant directement sur l'essieu‘. Son arbre, qui n’est pas muni d'un volant (la voiture lui en tient lieu), actionne par un pignon la roue du différentiel, dont l’arbre en deux parties mène les roues d’arrière. Il est impossible de concevoir une transmission plus simple : les changements de vitesse sont assurés par le seul moteur, qui s'ac- quilte parfaitement de ce rôle. Le chauffeur n'a à manœuvrer que la manette de la direction M, assurée par un essieu à deux pivots; la pédale P du curseur chargé de régler les débits des pompes à eau et à pétrole; celle du frein à ruban du différentiel P'; la manivelle M’ du frein à sabots. La voiture porte avec elle un réservoir de 25 litres pour le pétrole, un autre de 35 litres pour l’eau. La vapeur d'échappement, après avoir abandonné l'huile entraînée dans un pot spécial, va au con- denseur pour être réemployée. La vitesse sur profil ! Dans certaines voitures, le moteur est suspendu, pour le soustraire aux vibrations. GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L’AUTOMOBILISME 997 peu accidenté est de 20 à 30 kilomètres à l'heure ; elle peut monter jusqu'à 40 et 50. Les côtes sont facilement gravies. La consommation n'est que de 3/4 de litre de pétrole par cheval-heure : l'absence de toute odeur dénote la bonne utilisation du com- bustible*, IT. — TRICYCLES À PÉTROLE. $ 1. — Tricycle de Dion et Bouton. Nous en avons décrit le carburateur et le moteur; tout le monde a eu l’occasion d’en examiner l'en- semble. Nous devons cependant dire quelques mots de ce véhicule, peut-être de lous ceux qui existent à cette heure le plus au point. Le bâti, en tubes d'acier, donne sous un poids minime (le tricycle pèse au total 75 kilos) une grande rigidité; la fourche comporte quatre tubes arc-boutés, qui constituent une véritable poutre armée. Le moteur se fait maintenant de 4 chev. 75; il peut M nier modèle, protégés eux aussi par un carter. Le second axe porte le différentiel, et un pignon qui peut être actionné, pour aider le moteur, par des pédales. Depuis quelque temps, le tricycle est employé au remorquage d'une voiture à deux roues; pour lui permettre de gravir avec elle des rampes assez fortes, on change le rapport des dents du pignon et de la roue, de manière à augmenter sa force, au détriment de sa vitesse, qui reste encore suffi- sante”. Le tricyele et sa remorque constiluent un train à tourner à 3.000 tours par minute; à 1.800, nombre qu'il atteint couramment, il imprime au tricycle en palier une vitesse de 30 kilomètres à Yheure. Allumage électrique par pile sèche. A sa sortie du carter en aluminium qui enveloppe les deux volants, l'axe moteur porle un pignon qui engrène avec une roue dentée, calée sur l’axe des roues d'arrière ; ces engrenages sont, dans le der- 4 L'omnibus Serpollet, à moteur de 15 chevaux, pour 16 voyageurs avec leurs bagages, qui vient de prendre part au Concours des poids lourds d'octobre 1898, brûle au lieu de pétrole, des huiles lourdes, bien meilleur marché que lui. Fig. 1. — Voilure à vapeur Serpollet (chauffée au pélrole lampant) (schéma). — On voit à l'arrière le générateur et ses pompes d'alimentation en pétrole et en eau, le moteur à 4 cylindres horizontaux, le pignon ef la roue dentée trans- mettant le mouvement du moteur au différentiel monté sur l'essieu. Les leviers de manœuvres sont indiqués par leurs axes. A, A, cylindres du moteur; @ chaudière : E appareil d'alimentation de la chaudière en pétrole et eau, commandé par la pédale P; D, différentiel; M', manivelle de commande du frein à sabots agissant sur les bandages des roues motrices ; P’, pédale du frein à rubans agissant sur la poulie R, montée sur l'axe du différentiel. cinq roues; en substituant simplement à la roue d'avant du tricyele un essieu à deux pivots, porteur d'un siège, on le transforme en quadricyele plus mobile que le train. 4 M. Couget a récemment imaginésun démultiplicateur, qui se compose de deux platines en aluminium, formant carter, dans lequel coulisse le pignon du moteur, qui, au lieu de transmettre directement son énergie à la roue dentée du différentiel, le lui communique par un engrenage inter- médiaire de 2 pignons dans le rapport de 1 à 3, # ou 5. Cet appareil a en outre l'avantage de débrayer, par un: simple déplacement du levier, le moteur, ce qui est précieux dans les pannes et dans les arrêts brusques. 19 19 (o] GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME $ 2, — Voiturette Bollée. Le mouvement du moteur est transmis par trois paires d'engrenages, donnant autant de vitesses, à un arbre intermédiaire qui, par poulies et cour- roies, actionne l'unique roue motrice, située à l'arrière. Celle-ci peut être éloignée ou rapprochée de l’essieu d'avant, qui est directeur : quand elle en est le plus loin possible, la courroie bien tendue transmet l’efforl maximum; quand elle est dans sa position la plus rapprochée, le débrayage se produit. Le bâti est en tubes d'acier étirés à froid, sur lesquels sont brasées les pièces de support du mécanisme. Le frein le plus usuel est constitué par un sabot de caoutchouc, solidaire du bâti et au contact duquel on amène la poulie, qui fait corps avec la roue motrice, quand On ra- mène celle-ci sur l'avant par l’essieu directeur à deux pivots. Son axe moteur, longitudinal, est relié bout à bout, par un em- brayage à friction, à un autre axe, longitudinal comme lui, et qui porle trois ou quatre pignons, donnant chacun une vitesse particulière (ordinaire- ment 4, 8, 15 et 30 kilomètres à l'heure), quand ils sont mis successivement en prise avec les roues. dentées calées sur un arbre intermédiaire, disposé horizontalement au-dessus du premier. Cet arbre porte un pignon, qui actionne par deux autres pignons d'angle (donnant à volonté la marche avant ou arrière), un deuxième arbre intermédiaire, transversal celui-là, porteur du différentiel, et dont le mouvement est transmis, par chaines Galle, aux roues dentées, fixées aux rais des roues d’arrière. Comme le moteur,les bielles el vilebrequins, les harnais d'engrenage sont enfermés dans un carter à huile; cette Fig. 2. — Voiture Panhard et Levassor (schéma. — M, moteur: E, embrayage; À, arbre portant les harnais d'engrenages de changements de vitesses; A', arbre intermédiaire parallèle à l'arbre A. L'arbre A actionne, par pignon d'angle, l'arbre transversal porteur du différentiel, dont le mouvement est transmis, par chaînes Galle, aux roues d'arrière. L, barre de direction; P, levier des changements de vitesses; Q, levier des marches avant et arrière et d'arrêt; R, levier du frein à sabots. un mouvement qui, nous le savons, produit le débrayage du moteur. Un frein de secours permet de caler le volant du moteur; si, à ce moment, la courroie est tendue à fond, la roue motrice ne pourra pas tourner sans entrainer avec elle le mo- teur, qui, lui résistant, fera frein. IIT. — VOITURES A PÉTROLE. $ 1. — Voitures Panhard et Levassor. Le moteur Phénix, le plus ordinairement placé à l'avant, mais pouvant l'être aussi à l'arrière ou au milieu, suivant le genre de la voiture, est toujours vertical (fig. 2). La position à l'avant le rend faci- lement visitable, le met autant que possible à l'abri de la poussière, mais a l'inconvénient de charger disposition walerproof complique la construction, mais, en supprimant la poussière et assurant le graissage, elle met les mécanismes dans d’excel- lentes conditions de fonctionnement. Le châssis rectangulaire, en aciers profilés, quelquefois garnis intérieurement de boïs, toujours solidement assemblés et entretoisés, constitue un ensemble robuste et offrant à la caisse un support commode. Les roues, à moyeux de bois ou métal- liques, ont loujours leurs rais en bois; les jantes sont recouvertes de bandages en caoutchouc pleins ou pneumatiques. Deux freins : un à sabols agissant sur les roues d'arrière ; l’autre à tambour, monté sur l'arbre du différentiel. Ce dernier, parfois les deux, sont actionnés par des mécanismes, qui commencent Su" GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME 229 par débrayer le moteur. Sous la caisse se trouvent le réservoir d'eau de refroidissement et le cylindre amortisseur de l'échappement. À l'avant sont les graisseurs, le robinet de réglage de l'air du mé- lange carburé, le réservoir d'essence. Le chauffeur dirige de la main gauche (à l’aide d'une barre L qui agit sur l'essieu à deux pivots, et qui, sur certains modèles récents, a fait place à un volant de direction). Il a, sous la main droite, le levier P des changements de vitesse, celui (Q) des marches avant et arrière et de l'arrêt, et celui (R) du frein à sabots. Il manœuvre du pied l'embrayage et le frein à ruban‘. Les établissements Panhard ont présenté au Concours des Poids lourds un omnibus à pétrole, destiné à recevoir 14 voyageurs et leurs bagages, ceux-ci sur le toit du véhicule ?. Cel omnibus (voir le Tableau I, page 225) s’est parfaitement comporté: les arrêts et démarrages ont été particulièrement remarquables, bien qu'avec le pétrole ils consti- tuent le point faible. $ 2. — Voitures Peugeot. Elles étaient autrefois munies du moteur Daim- ler, disposé verticalement à l'arrière. Elles sont maintenant actionnées par le moteur horizontal de la maison, dont la puissance (4, 5 et 6 chevaux) est calculée de manière à leur assurer, sur route en bon élat, une vitesse de 25 à 35 kilomètres en palier et de 5 à 6 kilomètres sur rampes de 8 à 10 °/,. Le moteur est placé entre les deux roues motrices, un peu au-dessus de l'essieu, longitudinalement; l'arbre moteur est donc transversal; il est relié, par un embrayage à friction, à un autre placé dans son prolongement, qui aclionne par engrenages l'axe porteur des 4 pignons de changements de vitesse, engrenant eux-mêmes avec les 4 roues dentées, montées sur l'arbre du différentiel. La marche arrière est obtenue par l’interposition d’un . pignon supplémentaire entre deux des roues den- tées qui rendent solidaires les arbres intermé- diaires ; cette intercalation est obtenue à l’aide du levier des changements de vitesse. 1 Une voiture à deux places a un réservoir capable de loger la quantité d'essence nécessaire à un parcours de 80 kilomètres ; on peut facilement emporter la provision suffisante pour faire 300 kilomètres sans se réapprovi-ion- ner. Le rendement de la voiture est d'environ 62 0/, du tra- vail indiqué aux cylindres. La dépense en pétrole est ap- proximativement, sur une route moyennement accidentée, par kilomètre, de 0 fr. 04 pour une voiture à deux places {moteur de 4 chevaux), 0 fr. 05 pour une voiture à 4 places (moteur de 6 chevaux). 2 Poids à vide : 2.095 kilos ; en ordre de marche (avec seu- lement les 1.000 kilos de charge utile prévus par les condi- tions du parcours), 3.400 kilos. Moteur de 12 chevaux, à 4 cylindres de 0,090 d'alésage intérieur et de 0m,135 de course des pistons, 750 tours par minute. Vitesses : 4 kilomè- tres sur les fortes rampes, 16 à 18 en palier. Prix : 18.000 fr. Le bâti est en tubes d'acier étirés à froid, sans soudure, assemblés au moyen de pièces en acier fondu ou forgé. Les tubes sont utilisés pour la cir- culation de l’eau chargée de refroidir les cylindres. L'ensemble est léger et robuste; mais nous n'avons pas besoin de dire que la construction n'en souffri- rait pas la médiocrité. Les roues, à rais directs de 6 millimètres, tra- vaillant à la traction, sont munies de roulements à billes (une rangée pour les voitures légères, deux ou trois pour les voitures lourdes). L'essieu d'avant étant très peu chargé, la ma- nœuvre de la direction, qui se fait par.un guidon, est très douce. Deux freins : l’un aclionné par un levier, et qui agit sur les deux moyeux des roues motrices; l’autre, commandé par une pédale, et qui agit sur la poulie portée à cet effet par l'arbre dif- férentiel. La maison Peugeot fabrique les divers modèles de voitures de luxe, tous très élégants". Comme voitures lourdes, elle fait des omnibus et des breaks à huit places, et des camions pour charges de 1.000 kilos, les uns et les autres avec moleur de 6 chevaux. La dépense en pétrole est de 6 à 9 centimes par kilomètre, suivant la force du moteur; l'entretien, de 5 centimes, y compris celui des bandages de caoutchouc. $ 3. — Voiture Benz. Moteur disposé horizontalement dans le plan médian de la voiture,au-dessus de l’essieu d’arrière. Transmission par courroies à l'arbre intermé- diaire et par des chaines Galle aux roues d'arrière. Cette voiture très simple, très légère, qui pour deux places n'a qu'un moteur de 3 chevaux et un poids de 400 kilos, a été importée en France, en 1888, par M. Roger. La Compagnie Anglo-Française, qui a pris la suite de ce dernier, équipe maintenant ses voitures avec des moteurs à deux cylindres; elle fait beaucoup la voiture de livraison. La Maison Parisienne, qui a actuellement pour la France la licence exclusive des moteurs Benz, fabrique, en même temps que le type ordinaire, uue voiture munie d'un moteur à deux cylindres de 5 chevaux, marchant à 900 tours, avec carbu- rateur à pulvérisation. La transmission est mixte : elle se fait au moyen de deux courroies, donnant chacune, par une disposition d’engrenages, deux vitesses. MM. Rochet-Schneider et Audibert-Lavirotle, à Lyon, font aussi la voiture Benz. La maison Georges Richard emploie le moteur ‘ Elle a présenté au Concours des fiacres un coupé qui à fait les parcours dans d'excellentes conditions, mais au prix d'une dépense de pétrole jugée trop forte, comme nous le dirons plus loin, pour un service économique. 230 GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME Benz à un ou deux cylindres, avec allumage élec- trique économisant le débit de l'accumulateur. MM. Diligeonet Ci° refroidissent leur moteur par ailettes et ventilateur. Transmission à l'arbre inter- médiaire par deux séries de poulies etune courroie, au second arbre par cônes et courroies; l’entraine- ment des roues métalliques se fait au moyen de fiches et de rayons qui agissent par tension sur la jante des roues. M. Delahaye moteur à deux équipe ses voitures avec un cylindres horizontaux, rappelant montée sur un autre arbre porteur de trois pignons (pour les changements de vitesse). L'arbre des. roues dentées correspondantes actionne par engre- nages le différentiel, dont le mouvement est transmis « par leviers à rotules aux bouts d’essieu sur lesquels « sont calées les roues motrices. $ 5. — Voitures de Dietrich. La maison Dietrich, de Lunéville, avait présenté H au concours des Poids lourds (voir le Tableau page 225) un camion établi pour transporter une : We TT Fig. 3 — Voilure Brouhot {Plan du châssis el des mécanismes). — C, moteur horizontal à 2 cylindres. V, volant situé dans le plan médian de la voiture. E, F, pignons transmettant le mouvement du moteur à l'arbre A. Celui-ci à son tour, par quatre paires d'engrenages, constamment en prise, mais fous sur leurs axes, dont on peut les rendre successivement solidaires, commande l'arbre B. J,J',engrenages pour la marche arrière. D, manchon d'embrayage. G', pignons coniques actionnant l'arbre S. T, T!, pignons droits transmettant le mouvement à l’essieu W, auquel T! est relié par un joint à la Cardan, qui permet à l'essieu de prendre toutes les positions sans que T! change de plan. Les axes S et W sont reliés par deux hielles X, articulées autour de $S, et munies à leur autre extrémité d'un œil supportant un coussinet en bronze, à bain d'huile, dans lequel tourne l’essieu : l'œil de la bielle est relié au coussinet par deux tourillons horizon- taux; de cette facon, sans que la distance de Set de W varie, l'essieu peut prendre toutes les positions qui lui sont imposées par la route. Les freins sont placés sur une couronne de bronze venue de foute avec le moyeu : il y a deux freins sur chaque couronne, les uns commandés par la manette du manchon d'embrayage, les autres par une pédale. beaucoup le type Benz jumeau. Transmission par courroies. ty $ 4. — Voiture de la Société continentale des Automobiles. Le moteur Gauthier-Wehrlé était, dans la pre- mière voiture, placé sous le châssis, au milieu; maintenant il est parfois disposé à l'avant. L'arbre moteur longitudinal transmet, à l'aide d’un em- brayage à friction, son mouvement à un arbre situé dans son prolongement. Celui-ci porte deux roues d'angle, amenées successivement en prise, pour les marches avant el arrière, avec une roue 1 | charge utile de 1.200 à 1.500 kilos, à la vitesse de 10 kilomètres en palier, 4 kilomètres sur fortes rampes. Prix : 6.000 francs. Le moteur, du système A. Bollée, de 61/2 chevaux, est placé à l'avant; son arbre, qui est horizontal et normal à l'axe du véhicule, actionne par poulies et courroies un arbre parallèle, placé à l'arrière du véhicule. Cette courroie en caoutchouc, quiest animée d’une vitesse à peu près constante de 10 mètres par seconde, sert à produire l'embrayage et le débrayage du moteur avec le reste de lattrans- mission. Les changements de vitesse (4, 7, 12 et 16 kilomètres à l'heure) et la marche arrière nn dd GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME (à 4 kilomètres) sont obtenus par des équipages - d’engrenages, reliant l'arbre de la courroie à l’ar- bre du différentiel. Ce dernier se termine à cha- cune de ses extrémités par un pignon d'angle engrenant avec un autre pignon, calé sur un arbre placé dans le sens de la longueur du véhicule, et qui porte à son autre bout un deuxième pignon d'angle, en prise avec une couronne dentée fixée sur la roue correspondante du véhicule. Chacun des arbres longitudinaux est brisé deux fois par des joints à la Cardan, qui lui permettent de pren- dre toutes les inclinaisons nécessaires pour suivre les déplacements relatifs de la caisse. Les roues peuvent êlre carrossées. Les voitures de tourisme et de course de la maison Diétrich, notamment celle qui a si honora- blement fourni la course Paris-Amslerdam, ont le même mécanisme. $ 6. — Voitures Brouhot. Moteur de 4 à 12 chevaux. Embrayage. Trans- mission avec engrenages. Pas de différentiel, mais l’encliquetage déjà décrit. Dispositif pour assurer le libre mouvement des essieux. La figure 3 repré- sente le châssis et les mécanismes, avec une légende très explicite. S 7. — Voitures de la Ci° des Automobiles M. L. B. Moteur Landry et Beyroux, vertical, placé dans une caisse à l'arrière de la voiture. Embrayage à friction. Changement de vitesse par engrenages. $ 8. — Voiture Lepape. Moteur de 8 chevaux, monté à l'avant dans une position qui permet une surveillance de tous les instants et un accès facile : l'enveloppe est munie de volets de verre et peut s'ouvrir de tous côtés; elle peut aussi être enlevée en quelques minutes, après avoir défait deux crochets et desserré deux boulons. Transmission spéciale, déjà décrite. La caisse est montée sur les longerons du chàssis du mécanisme (que supporte comme d'habitude l’es- - sieu) par l'intermédiaire de ressorts en C ou à pin- cette, suivant le modèle de la caisse. Cette double suspension empêche les vibrations du moteur d'être ressenties par le chauffeur. On peut très facilement remplacer une caisse par une autre. $ 9. — Diligences Cambier. M.Cambier fait des voitures légères, avec moteur à deux cylindres. Les diligences sont équipées avec un moteur à trois cylindres de 30chevaux.Embrayage Bonnafous. Transmissions par engrenages. Elles doivent faire en cinq heures et demie le trajet d'Oran à Mosta- ganem, long de 90 kilomètres, présentant des 231 rampes de 66 millimètres par mètre, avec 16 voya- geurs et 500 kilos de bagages. Le constructeur compte sur une consommation d'un litre d'essence par kilomètre. $ 10. — Voitures Mors. Les premières étaient munies d’un moteur à 4 cylindres, de 6 chevaux. Transmission par courroies. Les nouvelles sont actionnées par un moteur à 2 cylindres, genre Phénix. Transmission à engre- nages. $ 11. — Voitures David. Moteur P, Gautier, à 4 cylindres, de 6 chevaux. Embrayage à friction. Transmission par engrenages toujours en prise, qu’on rend solidaires de l'arbre intermédiaire par manchons à griffes. $ 12. — Voiture Decauville. Moteur à 2 cylindres refroidis par ailettes, à allumage électrique, sur lequel nous n'avons pu avoir aucun renseignement, Transmission par en- grenages. Mise en marche du siège. Bäti en tubes d'acier. Quatre roues métalliques à pneus, du dia- mètre uniforme de 02,70; longueur, 22,30; lar- geur, 1,24; poids, 220 kilos. $ 143. — Voitures Daimler. Moteur Daimler de 4 chevaux, enfermé dans une caisse, derrière la voiture. Transmission par engre- nages, donnant 4 vitesses, la plus grande étant de 2% kilomètres à l'heure. Direction par essieu d'avant, porteur de deux roues folles, et mobile autour d’une cheville ouvrière, qui est engagée dans un collier placé à l'extrémité d’une tige longitudinale qui relie les deux trains. La Société Daimler avait aussi exposé, aux Tui- leries, un camion, avec moteur de 10 chevaux, pesant 3.000 kilos à vide, 5.000 kilos chargé, pou- vant marcher à 4 vitesses de 4 à 12 kilomètres à l'heure. Prix : 15.000 francs. $ 144. — Voitures Duryea. M. Duryea, le vainqueur de la course de Chicago, organisée en novembre 1895 par le Times Herald, a d’abord muni ses voilures d’un moteur à pétrole, actionné par les gaz provenant de l'explosion du ! mélange carburé, préalablement emmagasinés dans un réservoir, d'où ils étaient distribués aux cylindres comme la vapeur d’une chaudière. Dans ses nouvelles voilures, le moteur à pétrole est du système ordinaire : un seul cylindre hori- zontal, placé au-dessus et en avant de l'essieu d'arnière. Transmission par engrenages, même de l'arbre intermédiaire à l’essieu moteur : 3 vitesses et marche arrière. La caisse de la voiture est montée 239 = GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME par des ressorts transversaux sur un châssis tubu- laire en forme de rectangle, dont le côté arrière est constitué par l’essieu moteur, tournant dans les coussinets portés par les côtés longitudinaux du châssis. L'essieu d'avant est relié, en son centre, au côté du châssis, par un boulon qui lui permet de tourner dans un plan vertical. Le méca- nisme est supporté par un petit chàssis rectan- gulaire, qui, à l'arrière, s'attache sur l'essieu, et, des deux côtés, à la caisse. La mise en marche du moteur se fait sans descendre, avec une manivelle placée à porlée du chauffeur. IV. — AVANT-TRAINS MOTEURS A PÉTROLE. Un avant-train moteur, facilement attelable à une voilure quelconque, présenterait de multiples avantages. Dans la période de transition où nous entrons, il permettrait l'utilisation commode des voitures actuelles, en les faisant à volonté trainer par des chevaux ou par un moteur mécanique. En tout temps, il donnerait la faculté de remor- quer successivement plusieurs véhicules avec un seul mécanisme. $ 1. — Avant-train Prétot. L'avant-train Prétot est muni, à sa partie supé- rieure, d'une plaque en tôle d'acier, sur laquelle vient reposer le rond de la voiture. La cheville ouvrière sert de guide pour l'assemblage; là se borne son rôle, car le nouvel avant-train est bou- lonné à la voiture, dont la direclion est assurée par un essieu à deux pivots. Les roues d’avant sont, en effet, directrices en même temps que motrices. Tout le mécanisme estrenfermé dans une première caisse, à l'intérieur de laquelle se trouvent des carters pour chaque organe essentiel (arbre, mani- velle, bielles, arbres, roues dentées des change- ments de vitesse}, qui barbote ainsi dans l'huile. Le moteur, qui élait d'abord un Daimler ordinaire, est d’un modèle combiné par M. Prétol, qui peut, parait-il, être construit pour 10 et 15 chevaux. Un seul levier permet, par un dispositif ingénieux, de manœuvrer la marche avant et arrière, les change- ments de vitesse, le serrage du frein sur l'arbre différentiel". £ 9 S £. — Avant-train Amiot-Péneau. Un seul volant accomplit les mêmes fonctions, sauf pourlant le serrage du frein, dans l’avant-train Amiot-Péneau, dontles roues sont également direc- trices et motrices. Le moteur adopté est le Cycloye de M. Daniel Augé* les changements de vitesse se font par engrenages, car on n'aurait pas, dans un avant-lrain, la place de loger des courroies. Une * Locomolion automobile, 1er avril 1897, p. 146. tige relie les deux essieux pour rendre celui d'arrière solidaire du mécanisme moteur. $ 3. — Avant-train Ansaloni-Ponsard. La direction se fait par cheville ouvrière, cons- tituée par un cylindre de gros diamètre, résistant bien aux efforts dont elle est le siège. L'essieu supporte une couronne dentée (servant de bäti moteur et à ses transmissions), qui engrène une couronne de mème diamètre, sur laquelle re-= pose la charge d'avant de la voiture; entre les deux couronnes se trouve une série de billes. La cou- ronne inférieure reçoit un mouvement giratoire, qui produit la rotation de l'avant-train. Les roues sont calées sur l’essieu en deux parties reliées par le différentiel. Le moteur est du système Roser- Mazurier, de 4 1/2 chevaux; ses vibrations ne se transmettent pas à la caisse, puisqu'il n’est pas suspendu à cette dernière, mais on peut se deman- der s'il n'aura pas lui-même à souffrir des cahols de la route?. La solution offerte par l’avant-lrain moleur est très discutée; seule l'expérience mettra en relief sa vérilable valeur. V. — VOITURES ÉLECTRIQUES. Elles sont plus simples que les précédentes, sur- tout que les voitures à pétrole. La transmission ne comporte au plus qu'un arbre intermédiaire, quel- quefois pas du tout, l'arbre du moteur attaquant alors, par engrenages hélicoïdaux ou coniques, ou par chaines Galle, les roues du véhicule. Le plus souvent, il n'y a pas de dispositif mécanique pour les changements de vilesse, le combinateur étant seul chargé d'assurer ces derniers. Nous allons commencer leur élude par celle des voitures ayant pris part au Concours de fiacres, organisé par l'Au- tomobile-Club de France, du 1°" au 41 juin 1898, et Tableau II. — Eléments de l’Accumulateur Fulmen. NOMBRE DE PLAQUES ÉLÉMENTS Longueur, en centimètres. Largeur, en centimètres. Hauteur d'encombrement, | “en centimètres . | Poids tal, en kilos. . ; | Capacité en ampères-heure | (décharge en 5 heures) .| 7 S5 05 | | Energie en walts-heure décharge en 5 heures) . 200 266 qui toules étaient munies de pneumatiques Miche- lin (sauf les roues d'arrière de deux voitures Krie- 1 Locomolion aulomobile, 6 mai 1897, p. 206. ? Locomolion automobile, 14 juillet 1898, p. 436. GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L’AUTOMOBILISME 19 A = ger, qui portaient des caoutchoues pleins) et d’accu- | mulateurs Fulmen type B, dont les éléments étaient ceux du tableau IT. Ils ont donné de bons résultats, mais ont mis en _ évidence l'inflammabilité décidément trop grande du celluloïd. | $ 1. — Voitures Jeantaud., . Elles étaient au nombre de six, appartenant à deux types électriques bien distincts. série, l'autre shunt. Il commande par engrenages un arbre intermédiaire porteur du différentiel, el qui, par chaines de Galle, actionne les roues d’ar- rière. Le lableau III donne les diverses fonctions accomplies par le combinateur". Les voitures sont munies d'un frein à cordes agissant dans les deux sens et d'un frein à ruban. 2. Type à avant-train moteur et directeur. — Les figures 4 et 5 en montrent la disposilion. Cin- Tableau III. — Fonctions diverses du combinateur Jeantaud (1° type). POSITIONS RÔLES ACCUMULATEURS du combinateur En quantité. En tension ouverts. l En quantité. En tension. Marche arrière. Arrêt-freinage. Petite vitesse. Vitesse moyenne. Vitesse accélérée. Grande vitesse. EXCITATION série En circuit. En circuit et sur induit. En circuit. | \ En circuit, ) ishuntée sur deux ( résistances. \ En circuit, l shuntée sur une ! résistance. \ | EXCITATION INDUIT RHÉOSTAT shbunt ——————— En circuit. En circuit, { pour freinage. En circuit. Hors circuit. En circuit. En circuit et ( inversé. En circuit. En cireuit. Hors circuit. En circuit. 1. Type à essieu d'arrière-moteur, — Les accu- | mulateurs (2 groupes de 22 éléments à 15 plaques) quante éléments à 17 plaques. Moteurs à double en- roulement, de 3.500 watls, soumis à des couplages coïncide avec le pivot de la roue. Elle s'opère done, quelle que soit la position de cette dernière. L'embrayage magné- tique E, figuré à la gauche de l’induit, n'existe pas sur la voiture Jeantaud. A, essieu coudé; B, carter renfermant le moteur; C, :ngrenage de réduction de vitesse; D, différentiel; F, pignons d'angle calés sur l'arbre différentiel; G, H, pivots » sont logés dans les caissons d'avant et d'arrière, | variés pour obtenir 4 vilesses el l'arrêt; la marche » sauf pour le cab, où ils sont placés dans un coffre | arrière s'obtient, à toules les vitesses, par un inver- | porté par l'essieu d'avant, faisant ainsi équilibre | seur spécial (Lableau IV). | d - | = e | Fig. 4. Fig. 5. Fig. 4 et 5. — Avant-train moteur el directeur Jeantaud (élévation el plan). — La transmission du mouvement de | l'arbre du différentiel aux roues se fail par l'intermédiaire de deux roues dentées, reliées par un pignon, dont l'axe … au poids du conducteur, qui, comme dans tous les … cabs, est placé à l'arrière en porte-à-faux. | Le moteur,d’une puissance normale de 2.000 walls pour le cab”, a son induit en tambour et à déux pôles et porle deux enroulements inducteurs, l'un des roues motrices; K, L, leviers faisant tourner les roues autour de leurs pivots. Ce type, plus compliqué que le précédent, n’était appliqué qu'au coupé trois-quarts. $2. — Voitures Kriéger. Avant-train moteur et directeur, mais à deux } $ 1 4.500 watts pour le coupé à 2 places, le landaulet et le mylord, 2.000 pour le drojki, espèce de mylord à une seule …— place sur le siège d'avant, d'un système électrique un peu dl ifférent de celui des autres. 1 Pour chacune des positions du combinateur, un rhéostat manœuvré à la pédale permet d’intercaler des résistances dans le circuit pour réduire momentanément les vitesses. Le rhéostat sert aussi pour produire un freinage gradué. 234 GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME moteurs, supportés chacun par un pivot de l’essieu, ce qui supprime toute difficulté pour la transmis- sion du mouvement aux roues mobiles. Cette trans- mission se fait par un pignon à denture héliçoïdale, qui attaque directement une couronne dentée mon- tée sur la roue. Vingt-deux éléments à 17 plaques couplés en ten- sion, contenus dans deux caisses, pouvant être reti- citation, 2 en série à gros fil , 2 en dérivation à fil" fin. Le tableau V indique le rôle du combinateur.M La caisse de la voiture est interchangeable. $S 3. Voiture de la Compagnie générale des Transports automobiles, Système Jenatzy. Quarante-quatre éléments de 21 plaques. Le moteur, excité en série, actionne un Tableau IV. — Fonctions diverses du combinateur Jeantaud (2° type). POSITIONS du combinateur Arrêt. Petite vitesse. Grande vitesse. Moyenne vitesse. Vitesse accélérée. BATTERIES En tension et { isolées. En quantité. En tension. INDUCTEUR série Ouvert. En circuit. En court-circuit. En circuit. En court-circuit. INDUCTEUR shunt. Ouvert, En court- En circuit. INDUIT En circuit. FREINAGE électrique Bouton mettant excitation shunt sur une batterie. Néant. Freinage. circuit. Néant. Freinage. Tableau V. — Combinateur Kriéger. DEUX DEUX EXCITATIONS BATTERIES INDUITS POSITION DU COMBINATEUR En tension —1 Évnrer ts Marche arr. | En dérivat. |Shunt et série. 00! Freinage | { sans récup. 0 Arrêt. Démarrage. 20 vitesse. 30 Shunt. Ouvertes. Shuntet série. Série. Shunt et série. Série. Shunt etsérie. Série. er de ne our Ouverts. En tension. En tension. En dérivat. En tension. En dérivat. Tableau VI. arbre différentiel, qui commande par chaines les roues d'arrière. À l’aide d'un commulateur spécial, on couple les deux groupes en quantité pour la petite vitesse, en tension pour la grande. Un changement de vitesse mécanique commandé par un levier per- met, pourles fortes rampes, de réduire la vitesse dans le rapport de 100 à 67. Le combinateur consiste simplement en une manette, qui sert à intercaler le moteur dans le circuit, avec interposition de résistances variables pour passer de la position de démarrage à celle de marche normale; mue en sens inverse, la manelte donne la marche arrière aux mêmes vitesses que la marche avant. Ni récupéra- tion ni freinage électrique. La voiture est fort simple, fort souple. — Résultats du Concours des voitures électriques. | | L | ÉLÉMENTS ———————— d'énergie électrique à l'usine aux bornes en charge, en kw-h par jour. . . . . . | en watts-heure par tonne kilomètre . | Consommation en watts-heure par voiture-kilomètre Consommation en palier, aux bornes des batteries en décharge, en kw-h par tonne-kilométre. . | Vitesse correspondante, en km par heure. Energie électrique à la charge | So nes le des batteries Cousominatron | Energie électrique | à la charge en palier‘ * CRE COUPÉ Re coupé | vreronra | *'ACRE de la e : CAB DROJKI à galerie G ÊÈS DAULET EL ZA + aes a Kriéger | Kriéger Kriéger | Transp. | Jeantaud Jeantaud |Jeantaud automob. 10,57 11,31 11515 13,26 12,16 10,07 8,18 176 188 186 221 202,8 167,8 146,3 107 118 105 122,6 121 119 13% 19,9 11,5 1523 73,8 83,2 61,5 89,5 15,43 ,8 19,9 16,8 15,45 16,95 | 43,8 1,33 1,52 1,32 1,63 1,45 1,91 1,50 rés sans faire ou défaire aucune connexion. Chaque moteur, de 3.000 watts, se compose d’un induit en tambour entouré d'un inducteur à 4 pôles rayon- nants, sur lesquels sont enroulées 4 bobines d’ex- $ 4. — Résultats du concours. Le concours comportait des expériences de frei- nage, de consommation, de parcours journaliers. + nr GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME 235 Les premiers ont donné, pour les 41 voitures qui y ont pris part, les chiffres moyens suivants : En rampe, à une vitesse moyenne de 8 kilom. 67 à l'heure, arrêt en 2 min. 30; Endescente,àune vitessemoyenne de 13 kilom. 95 à l'heure, arrèl en 7 min. 84. Les résullals des essais de consommation sont . donnés par le tableau VI. Les itinéraires, de 60 kilomètres de longueur, de profils très durs, représentant une moyenne d'éléva- tion de 350 mètres, avec des rampes très fortes mais . courtes (comme celle de la rue de Magdebourg : 4145 millièmes sur 40 mètres), et d'autres plus douces mais très longues (comme celle de la rue d'Alle- magne : 43 millièmes sur 1.177 mètres), ont élé parcourus, pendant neuf jours, non pas sans pannes, d'ailleurs sans gravité, mais en somme très faci- lement par chaque voiture. Le dernier jour, cer- tains véhicules ont marché jusqu'à épuisement de leur énergie, et ont parcouru respectivement les distances suivantes : kilom. Coupé de la Compagnie Générale des Transports automobiles. ao NRA 105 Fiacre à galerie Kriéger. . NT à 100 DEAR TÉDer EE EE Een nn. 10 02:5 Coupé Krisger. 90,5 Cab Jeantaud . 86,5 M. Foreslier, président de la Commission du concours, a essayé d'établir, dans le tableau VII, le prix de revient de la journée du fiacre électrique, comparé à ceux du fiacre à chevaux et du fiacre à pélrole. Tableau VII. — Prix de revient des fiacres à chevaux et automobiles. ESSENCE | Sc crRI- ÉLÉMENTS CHEVAUX de , CITE pétrole Administration. . . 0,82 0,82 0, 82 Accidents et avaries . 0,3% 0,34 0,34 Taxes, impôts . . . 2,42 2,00 2, 00 FOIE SEE 3,58 3,16 3, 16 Location et entretien des bâti- CRT CODEN TENTE | I ET 0,50 0,50 BMICIEUT US. 0 LT. | 5:97 5,37 5,37 Palefreniers et laveurs. . . .| 0,94 0,3% 0,4% Matériel, entretien et répara- TR: 7 helene nn oc) 2 D 2,00 2,00 Entretien des pneumatiques . » 2,00 2,00 Entretien des moteurs . . . . » 3, 00 1,00 Latin) . AU |PLE 58 16,37 14,47 Nourriture des chevaux (3,5).| 5,79 » » Dépense de pétrole (à Paris) . » 12,00 » Dépense d'énergie électrique (à 12 centimes le kw-h.) . . » » 1,38 Entretien des accumulateurs. » » 4,00 DLL SENS Ces chiffres ne peuvent être considérés que comme approximatifs : tels quels, cependant, ils sont intéressants. Ils montrent que le fiacre à pétrole est très coûteux, et que la dépense brute du fiacre électrique est d'environ 0 fr. 50 supé- rieure à celle d'un fiacre à chevaux. Cette somme représente, paraît-il, le bénéfice actuel des Com- pagnies, que la traction électrique réduirait ainsi à néant. Mais, comme le fait très judicieusement remar- quer M. Hospitalier, on peut espérer réduire dans un avenir fort rapproché ce prix d’éntretien des accumulateurs fixé à 4 francs, et qui, il y a à peine quelques années, était bien supérieur à ce chiffre. Concluons donc avec lui que le fiacre électrique, aujourd'hui possible, sera demain économique. Il nous reste à passer en revue quelques voitures électriques n'ayant pas pris parl au concours. $ 5. — Compagnie générale des Voitures à Paris. La Compagnie générale des Voitures à Paris, qui étudie très sérieusement la traction électrique, a plus de cent voilures en construction. Elle en avait exposé trois types : l’un d'eux, avec guidon à la fois directeur (par ses mouvements autour d’un axe vertical) et combinateur (par ses déplacements autour d'une horizontale), et dans lequel le guidon et une pédale sont les deux seuls organes de ma- nœuvre; un autre, qui n'est en somme que le fiacre anglais Bersey, exploité par la Compagnie française des Voitures électromobiles, à laquelle la Compagnie générale des Voitures a déjà fait une forte commande. $ 6.— Compagnie française des Voitures électromobiles. Quarante-quatre accumulateurs Faure-King, dans une caisse suspendue par quatre ressorts à boudin au châssis, supporté lui-même, comme toujours, par des ressorts : cette double suspension atténue beaucoup les vibrations que la batterie doit sup- porter. Celte caisse peut être chargée en deux ou 1 Le coupé Peugeot à 2 voyageurs, le seul représentant du pétrole, a fourni un excellent service, à une vitesse supé- rieure à celle des fiacres électriques. 11 a consommé 16 lit. 5 de pétrole pour ses 60 kilomètres ; mais il faut ajouter à cette consommation celle de la marche du moteur à vide, forcée dans certaines circonstances, et qui se chiffre par 1 lit. 85 par heure. Sa consommation totale peut donc être évaluée à 20 litres de pétrole, à laquelle il faut encore ajouter 500 grammes d'huile de graissage. Elle semble bien interdire au pétrole les applications urbaines, jusqu'au jour où l'application de quelque moyen nouveau, par exemp'e du moteur Diesel, ou tout au moins des principes sur les- quels il repose, et que préconise si chaudement M. R. So- reau, dans sa récente communication à la Société des Ingé- nieurs civils, aura permis de la réduire dans une large mesure, 236 GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME trois minutes, de sorte que la voilure n'est pas immobilisée pendant le chargement des accumula- teurs. Ceux-ci, toujours couplés en série, alimentent un moteur Lundell, à deux collecteurs, qui, sans l'intercalation d'aucune résistance, permet de donner des vitesses variant de 4 à 18 kilomètres à l'heure. Transmission par engrenages à l'arbre dif- férentiel, par chaines aux roues d’arrière. Le com- binateur donne, avec les quatre changements de vitesse, le freinage électrique et la marche arrière. Direction par avant-train à un seul pivot, mobile à l’aide d'une couronne dentée. Le châssis en acier porte fixé à demeure le siège du cocher; la caisse est interchangeable. La consommation est évaluée à 200 watts-heure par kilomètre. La Compagnie construit, avec le même méca- nisme, une voiture de livraison. $ 7. — Voiture Milde-Mondos. Quarante éléments Bristol, en quatre bacs inter- changeables, disposés deux à l'avant, deux à l'ar- rière. Ils ne peuvent fournir qu'un parcours de 50 kilomètres : les constructeurs comptent que leur capacité spécifique relativement faible et leur poids relalivement considérable leur assureront longue durée. Moteur de 2.250 watts, à 1.800 tours par minute, dont l’inducteur est fermé avec quatre pôles etdeux bobines et linduit à enroulement à lambour. Transmission, comme aux voilures précédentes. Les grandes vitesses s'obtiennent par le couplage des deux enroulements de l’indueteur en série et en quantité; les deux petites en diminuant l'intensité du champ par deux shuntages différents de lin- ducteur. une Le freinage en pente s'obtient en faisant tra- vailler le moteur, devenu générateur, sur une ré- sislance: le freinage et l'arrêt en rampe, par rup- ture du courant et deux freins mécaniques. Direc- tion par essieu à deux pivots, virage en 3"5. Caisse inlerchangeable. La maison construit aussi, avec le même sys- tème, une voilure de livraison. $ 8. — Voiture Doré. La voiture exposée était un coupé, muni d'un avant-train moleur-directeur, à cheville ouvrière (fig. 6). Sa batterie comprend quarante-quatze éléntents, bien dissimulés sous le siège du cocher et dans les panneaux de la voiture, et qui, couplés toujours en tension, alimentent un moteur série à axe vertical, placé aux pieds du conducteur, au-dessus de la cheville ouvrière. Ce moteur a sur son inducteur trois enroulements montés en tension. Le combi nateur y est remplacé par trois manelles, servan rapidement à l’interruplion du courant et à l'intro= duction dans le circuit de résistances variables, à la mise hors cireuit d’un ou deux des trois enroule= ments de l’inducteur, à l'inversion du courant dans l'induit. Deux freins mécaniques, dont un frein Lehut, sur les moyeux d'arrière. $ 9. — Voitures Patin. Le moteur repose directement sur l'essieu d’ar- rière, incurvé au milieu; son axe aclionne par un dispositif de changement de vitesse mécanique très particulier, basé sur le principe de la courroie Evans, l'arbre différentiel qui traverse les extrémi= tés de l’essieu et actionne les roues de la voiture. Accumulateur d'un système particulier au cons- Mers d RRSSSSRESSSIENS en pot ane ES + Cr L2 Fig. 6 — Avant-lrain moteur et direcleur Doré (élévation). — La cheville ouvrière de l’avant-train est constituée par un cylindre creux C, qui tourne avec le moteur placé sur le plancher du siège de la voiture, et à l'intérieur duquel peut glisser librement une tige à clavette D, pendant qu'elle est entrainée par la rotalion du cylindre C. la tige D est reliée par les joints à la Cardan J à une autre, sur laquelle est calé le pignon P, engrenant avec le ditfé= rentiel monté sur l'essieu. Par suite de cetle disposition, M la rotation du moteur est toujours transmise à l’essieu, à dans toutes les positions qu'il prend par rapport at mo=M teur, avec la flexion variable des ressorts de suspen=M sion R, R, et la rotation de l'avant-train autour de la cheville ouvrière. Cette rotation est assurée par une cou= | OPA SR Ps PS | ronne dentée Q, sous l'action du pignon P', dont la tige D porle le volant-manivelle de direction. tructeur, Moteur à enroulement inducteur série monté sur la culasse et à deux bobinages reliés à deux collecteurs. Le combinaleur réalise les di- verses vitesses en couplant diversement les accu-« mulateurs et les induits. | Cette voiture parait ingénieuse, mais n'a pass encore fait ses preuves. ; $ 10. — Voiture Bouquet, Garcin et Schivre. Accumulateurs d’un système particulier, devant, dit-on, donner sans rechargement des parcours de 130 kilomètres en ville, 95 surroute très accidentée. GÉRARD LAVERGNE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AUTOMOBILISME 237 Leur couplage reste invauriable. Le moteur est à deux bobinages induits inégaux reliés à deux col- lecteurs. Le combinateur intercale convenable- -ment les deux bobinages en circuit, suivant la vitesse à obtenir; il sera intéressant de voir les résultals donnés par ce système jusqu'ici inédit. La voiture exposée était un duc vis-à-vis d'as- pect très élégant. $ 11. — Voitures Columbia. - Elles-sont fabriquées par la Pope Manufactu- ring C°, de Hartford (Connecticut). - Le phaéton, du poids de1.000 kilos avec ses deux ; voyageurs, est muni de 44 accumulateurs Fulmen, - répartis en 4 bacs, pesant 860 kilos, et renfermés dans une caisse à l'arrière du véhicule. Le moteur série à 4 pôles en fer forgé, à induit Gramme, est supporté directement par l'essieu d’arrière ; son | axe est concentrique à celui des roues ; Fe. comme il tourne plus vile que celles-ci, il les com- mande par l'intermédiaire d’engrenages et d’un dif- férentiel, qui forment un ensemble très compact n'enlevant pas à la voiture son bel aspect de car- -rosserie. Les trois vitesses s'obtiennent en couplant de facons diverses les 4 batteries ; un inverseur de “courant permet de 1éaliser cestrois mêmes vitesses en marchant vers l'arrière. À la vitesse de 19 ki- lom. 6, la consommation est de 73 walts-heure par tonne-kilomètre. Gette voiture a le grand tort d'être vendue 25.000 francs. VI. — CONCLUSIONS. De l'étude que nous venons de faire se dégagent, il nous semble, des conclusions fort nettes. Les trois agents que la locomotion automobile utilise ont des qualités bien distinctes qui, fort heureusement, se complètent. La vapeur a pour elle la puissance, l'élasticité la simplicité du mécanisme, la facililé de lacom- mande. Elle a contre elle la malpropreté du com- bustible, dont les manipulations exigent l’aide d’un chauffeur, la fréquence des ravilaillements, sur- tout en eau, le panache de fumée qu’elle laisse trop souvent après elle. Il est juste d'ajouter que l'em- ploi du pétrole lampant comme combustible est de nature à alténuer beaucoup ces inconvénients. - L'essence de pétrole a comme avantages la légè- “reté de la voiture (moins de 500 kilos pour deux places), la vilesse (25 kilomètres à l'heure en être faits sans ravitaillement (100 et 300 kilomèe- ires). Les inconvénients sont les trépidations, sur- À ut tout fréquentes pendant les stalionnements de la voiture, le bruit, l'odeur, les chances d'incendie, la | constance du couple moteur qui se prête mal aux D moyenne), la longueur des parcours qui peuvent | variations du profil, et qui manque de puissance pour les côles. L'électricité a pour elle la suppression des chances d'incendie, des trépidations, de l'odeur, la réduction du bruit, l’élasticité du fonctionne- ment, la facilité de conduite et de nettoyage, la propreté. Mais ses accumulaleurs sont lourds, coûteux à entretenir, soumis à de fréquents et longs rechargements. On peut donc prédire à ces trois agents des clien- tèles bien particulières ; à la vapeur, les transports en commun: au pétrole, le tourisme ; à l'électricité, le serviceurbain!. Et, sil'on en juge par les progrès des trois dernières années, elles ne seront pas longues à se développer pour eux. En lout cas, on peut être sûr que l'automobile est repartie pour ne plus s'arrêter. Et, dans celle marche en avant, notre pays tient de beaucoup la tête, Nous n'avons décrit, dans ces articles, qu'un très petit nombre de voitures étrangères; c’est que nous nous sommes attaché à ne parler que de celles quiont marché et sur lesquelles nous avons pu avoir des renseignements précis. Nous ne voulons pas dire que les voitures anglaises, américaines, alle- mandes ne marchent pas, mais les détails exacts manquent sur leur compte. Très probablement, sans être encore au même degré d'avancement que les nôtres, elles se disposent à profiter de leur expé- rience pour leur faire, dans un avenir assez rap- proché, une concurrence active. Nos constructeurs ne doivent pas se laisser distancer par leurs rivaux de demain dans la fabrication en grand de la voi- ture, encore imparfaite, mais cependant pratique, à un prix abordable. Gérard Lavergne, Ingénieur civil des Mines. 1 Si nous nous en rapportons aux chiffres donnés dans le cours de cette étude, ils sont dès à présent capabies d'as- surer ces services dans les conditions économiques sui- vantes : La vapeur, avec des véhicules travaillant aux 2/3 de leur charge, transportera : à la vitesse de 10 à 12 kilomè- tres à l'heure, le voyageur sans bagages à raison de 0 fr. 03, le voyageur avec bagages ou les 100 kilos de messageries à raison de 0 fr. 043 par kilomètre, à la vitesse de 6 à 7 ki- lomètres la tonne kilométrique à raison de 0 fr. 297. Nous rappelons qu'avec la traction animale on compte 0 fr. 10 à 0 fr. 12 pour le transport du voyageur, avec ou sans baga- ges, et 0 fr. 30 pour celui de la ionne de mar chandises, par kilomètre. L'essence de pétrole occasionne une dépense de 0 fr. 10 à 0 fr. 15 par kilomètre (entretien de la voiture compris, sui- vant qu'il s’agit d'une voiture à 2 ou à 4 places ; on peut avec elle compter sur une vitesse moyenne de 20 à 25 kilo- imètres. Enfin, le fiacre électrique donne lieu à une dépense jour- nalière de 20 francs environ, dans laquelle l'électricité (à raison de 0 fr. 12 le kw-h., prix très bas) n'entre que pour 1 fr: 38. 938 D: R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE I. — LE CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE DE 1898. Le Congrès International de Zoologie s'est réuni pour la quatrième fois du 23 au 27 août 1898 à Cambridge. La publication officielle qui doit ren. fermer in exlenso les communications des différents membres n'a pas encore paru, mais il m'a semblé qu'il y avait intérêt, sans attendre cette publication, à indiquer ici, d'une manière très sommaire d'ail- leurs, les principaux travaux présentés au Congrès. Les zoologistes s'étaient divisés en quatre sec- tions, comprenant: la première, la Zoologie géné- rale; la deuxième, les Vertébrés; la troisième et la quatrième, les Invertébrés. {= Section. — Parmi les communications les plus intéressantes, je citerai celle de M. Salensky, qui a développé ses idées sur l’hétéroblastie, c'est-à- dire le phénomène par lequel des organes homolo- gues prennentnaissance, chez des animaux voisins, aux dépens de feuillets embryonnaires différents; puis la communication de M. Haeckel, qui a insisté sur les principes de la classification phylogénétique déjà exposés par lui dans sa Phylogénie systéma- tique !. Il est revenu surtout à une opinion très an- cienne qui consiste à réunir les Annélides et les Arthropodes en un groupe unique d’Articulés. Cette vue ne parait pas avoir été accueillie avec beaucoup de faveur par les membres du Congrès. Je mentionnerai également une étude de M. Graff sur la répartition géographique des Planaires ter- restres, et de M. Bourne sur le squelette des Antho- zoaires, qui serait formé, non pas par la calcifica- tion in situ de cellules ectodermiques, mais par un produit de sécrétion. 2% Section. — M. Milne-Edwards a entretenu le Congrès des animaux éleints de Madagascar. Ces animaux comprennent un Hippopotame, un Croco- dile et surtout des Oiseaux gigantesques, tels que l'Æpiornis, dont le squelette a pu être reconstitué. Les affinités de ces oiseaux avec les Dinornis de la Nouvelle-Zélande indiquent une réunion ancienne de ces îles. M. Van Bemmelen s'est occupé de la structure de l'arc temporal des Monotrèmes. L'articulation de la mâchoire de ces animaux se fait d'après un mode quirappelle les dispositions offertes par les Reptiles, c'est-à-dire par l'intermédiaire d’un os carré. Ce caractère confirme les affinités des Mammifères inférieurs avec les Reptiles Anomodontes. ! Voir la Revae annuelle de Zoologie de 1897. MM. Durham et Kantack ont étudié la mouche Tsé-tsé etla maladie, appelée VNagara, que la piqûre de cet insecte produit chez le bétail africain. Les recherches de ces auteurs confirment et complètent celles du docteur Bruce, faites en 1896, etil est prouvé maintenant que la Tsé-tsé n’agit pas par un venin spécial, mais qu'elle inocule, aux animaux sains, un parasite préalablement puisé par elle dans le sang des animaux malades : ce parasile est un Héma- tozoaire du genre 7Zrypanosoma. Des expériences - précises ont montré que la mouche ne provoquait d'accident par sa piqüre que si elle avait auparavant piqué un animal malade. Elle n’est donc que l'agent de transport du parasite d’un animal malade à un animal sain. 3° et 4° Sections. — M. Plate, dont les travaux sur les Chitons sont bien connus, a fait remarquer que, dans ces animaux, qui sont considérés géné- ralement comme très inférieurs, on trouve une très grande diversité d'organisation, fait assez surprenant, car on devrait s'attendre à rencontrer au contraire une assez grande uniformité chez des types primitifs. M. Janet à résumé ses recherches sur la constitu tion morphologique de la tête des Insectes adultes. Il a montré que l'étude de la musculature fournit un excellent critérium pour la détermination des différents somites qui entrent dans la constitution de cette tête. Il est arrivé à cette conclusion que la tête de l'Insecte adulte est formée de six somites : un prébuccal et cinq posthuecaux. M. Heymons est arrivé au même résultat par l'étude de l'embryologie du système nerveux; il fait toutefois remarquer que, les museles provenant des somites mésodermiques, il n'y a pas toujours correspondance entre leurs insertions et la segmen- tation de l’ectoderme. MM. Piepers et Bordage ont rendu compte de leurs observations sur la coloration des Lépidop- tères. Je signalerai encore les communications de M. Sharp sur la classification des Insectes, de M. Bouvier sur les caractères extérieurs des Péri- pates, de MM. Caullery et Mesnil sur les formes épitoques des Cirratuliens; je reviendrai plus loin sur Je travail de ces deux derniers naturalistes. Collections exposées. — Plusieurs savants avaient exposé dans le Laboratoire de Zoologie des collec- tions et des préparations dont quelques-unes ont été très remarquées. Parmi ces dernières, je citerai plus particulièrement les Méduses de Millépores exposées par M. Hickson, les préparations de — héiins bin à RS D° R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 239 M. Apathy sur la structure des éléments nerveux, les collections rapportées par M. Willey de la Nou- velle-Guinée (Nautiles, Péripates, etc.), une ma- gnifique collection relative à la variation, due à M. Bateson. Enfin, une série tout à fait remar- quable, représentant le Lepidosiren à tous les stades depuis l'œuf jusqu'à l'état adulte, avait été exposée par M. G. Kerr. Tous les membres du Congrès ont été frappés de laressemblance étonnante qu'offraient les embryons munis de leurs branchies externes avec les Batraciens Gymnophiones. 5. Discussions en séancé plénière. — Deux ques- tions d'ordre général avaient été mises à l’ordre du jour par les organisateurs du Congrès pour être discutées en séance plénière : l'origine des Mam- mifères et la position des Spongiaires dans le Règne animal. La première question a donné lieu à une com- munication très documentée de M. Seeley, qui fut suivie d'une discussion à laquelle prirent part MM. Osborn, Marsh et Sedgwick. Ces savants ont apporté des arguments nouveaux à l'hypothèse, assez récente, de l'origine reptilienne des Mammi- fères, et ils ont discuté les ressemblances offertes, dans la constitution du squelette, entre les Mono- trèmes, les Marsupiaux et les autres Mammifères d'une part, et certains Reptiles fossiles, particuliè- rement les Anomodontes, d'autre part. Je ne puis pas insisler plus longuement sur ces communi- cations, qui rentrent d'ailleurs dans le cadre de l'Anatomie comparée plutôt que dans celui de la Zoologie. Quant à la question de la position systématique des Eponges, elle a donné lieu à de très longues discussions, auxquelles prirent part MM. Delage, Minchin, Hæckel, Vosmaer et Saville Kent, sans d'ailleurs pouvoir se mettre d'accord. Il me parait inutile d’entrer dans le détail de ces discussions; mais, comme celte question est tout à fait à l'ordre du jour en ce moment, et que les Eponges ont fait l’objet de nombreuses études en ces derniers temps, je commencerai la revision des travaux de Zoologie systématique publiés en 1898 par l'examen de ceux qui se rapportent à ce groupe. IT. — ZooLoGlE SYSTÉMATIQUE. $ L. — Éponges. J'ai déjà eu l’occasion, dans la Revue annuelle de 1895, de mentionner une particularité remar- quable observée dans le développement de certaines espèces d'Eponges: je veux parler du renversement des deux feuillets embryonnaires, ectoderme et en- doderme, phénomène à la suite duquel les cellules antérieures (ou externes) de la larve, qui correspon- dent à l’ectoderme, s'enfoncent dans la profondeur, tandis que les cellules postérieures (ou internes), chargées de vitellus, donneront naissance aux tissus dermiques de l'adulte. Ce phénomène extraordinaire n'avait alors été noté que dans quelques espèces isolées; mais des observationsnouvelles, entreprises depuis cette époque, ont permis de généraliser les résultats et de considérer le renversemént des feuillets comme une phase normale du dévelop- pement des Eponges. Tout récemment, Maas à même montré que, dans les formes comme l'Osca- rella, dont la blastula passait pour être constituée par des cellules identiques et également ciliées, il y avait en réalité deux sortes d'éléments : les uns clairs, formant l'hémisphère antérieur de la larve et destinés à s'enfoncer dans la profondeur ; les autres foncés, chargés de vitellus, occupant l'hémisphère postérieur et devant former les tissus externes de l'adulte. D'après les travaux les plus récents, on peut dis- tinguer quatre types principaux de développement chez les Éponges : 1° Le type Oscarella : la blastula parait formée de cellules toutes égales; 2 Le type Sycandra : la blastula est creusecomme chez l'Oscarella, mais les cellules postérieures sont très différentes des cellules antérieures ; 3° Le type Myxilla : la larve pleine, ou planula, est formée d'une couche de cellules externes ciliées qui manquent à l'extrémité postérieure, où les cellules internes sont à nu; 4° Le type Ascetta : la larve est encore une pla- nula, mais les cellules externes ciliées entourent complètement les cellules internes. Quelle que soit done la forme de la larve, les cellules antérieures (ou externes) sont destinées à s'invaginer el à pénétrer dans la profondeur pour former les parois des corbeiïlles vibratiles, tandis que les cellules postérieures (ou internes) de- viendront superficielles pour donner naissance à presque toute la masse du corps de l'Éponge adulte. Quelles sont les relations de ces deux sortes d'éléments, cellules claires, antérieures ou externes, et cellules granuleuses, postérieures ou internes, avec les feuillets primaires des autres Mélazoaires? Différents auteurs ont abordé cette question : Maas, Heider, Minchin, Lendelfeld, Delage, Perrier, soit dans des travaux récents, soit au Congrès de Cam- bridge, mais, comme je le disais plus haut, sans parvenir à s'entendre. Le seul fait sur lequel tout le monde paraisse d'accord actuellement, c'est que les Éponges ne possèdent pas les trois feuillets qu'autrefois on leur avait attribués volontiers : la couche superficielle, que l’on distinguait, sous le nom d'ectoderme, des tissus sous-jacents, consi- dérés comme représentant le mésoderme, ne doit pas être séparée de ces derniers; tous ces lissus 240 D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE dermiques ue constituent qu'une seule et même formation. C'est pour ne pas préjuger de l'homo- logie des deux sortes d'éléments qui constituent la larve des Spongiaires avec les deux feuillets primaires des autres Métazoaires, que certains auteurs ont distingué ces éléments sous les noms de gastriques et de dermiques. Les éléments gastri- ques ou choanocytes, qui forment les corbeilles vibratiles, dérivent des cellules superficielles ou antérieures de la larve, et les éléments dermiques proviennent des cellules internes ou postérieures de cette dernière. La position que chaque zoologiste attribuera aux Spongiaires dans la classification, dépendra de la valeur morphologique qu'il appliquera à ces deux sortes de lissus; cette valeur dépendra à son tour du criterium que chacun entend choisir pour établir les homologies. Or, il me semble que les théories les plus importantes émises sur la position systémalique des Éponges, peuvent être groupées en deux catégories. On peut soutenir que l'arran- gement définitif des tissus n'a rien à voir avec les phénomènes embryogéniques : pour les auteurs qui admeltent cette manière de voir, les cellules gastriques des Éponges sont, quelle que soit leur ori- gine, homologues à l'endoderme des Cœlentérés et des autres Métazoaires, et cela parce qu'elles tapissent les corbeilles vibratiles, tandis que les éléments dermiques sonthomologues à l'ectoderme, quand bien même ils renfermeraient du vitellus chez la larve. Ces auteurs n'ont donc aucune raison pour séparer les Éponges des Cœlentérés et ils les rangent effectivement dans cet embranchement, comme le fait Chun, par exemple. Pour d’autres zoologistes, les Éponges ont une blastula et une gastrula typiques et possèdent les deux feuillets primaires, ectoderme et endoderme, avec leurs po- silions respectives ordinaires; mais l'évolution de ces feuillets diffère de tout ce qui est connu ailleurs, et, au delà du stade gastrula, les Éponges n'ont plus rien de commun avec les autres Métazoaires dont il est nécessaire de les séparer d'une manière absolue. Cette opinion, présentée la première fois par Nôldeke, a été tout récemment soutenue par Delage! el parait devoir rallier la majorité des zoologistes. J'ajouterai que plusieurs auteurs ont invoqué une descendance directe et immédiate des Protozoaires choano-flagellés, pour donner aux Éponges une place tout à fait à part dans le Règne animal. Le cadre très restreint de cette Revue ne me permet pas de discuter ces différentes opinions. $ 2. — Orthonectidés. Puisque je m'occupe en ce moment de formes ! Voyez la Revue du 15 octobre 1898. dont la position systématique estencore incertaine, je saisirai cette occasion pour parler des Orthonee- tidés, groupe à affinités très douteuses, dont on ne s'était pas occupé depuis plusieurs années. MM. Caul lery et Mesnil ont été assez heureux pour rencontrer ces curieux parasites chez les Annélides. Deux espèces, trouvées dans la cavité générale de certains Spionidiens, appartiennent au genre AÆhopalura et ne diffèrent pas sensiblement des autres espèces déjà connues du même genre; mais une troisième espèce, parasile de la cavité générale d'un Aricien, le Scoloplos Mülleri, s'écarte considérablement de toutes les formes connues et offre un grand intérêt. Elle fait le type d'un genre nouveau, le genre Stæ- charthrum. Get Orthoneclidé est hermaphrodite, etil n'y a par conséquent pas d’'individu mâle. Le corps est allongé et il se présente sous forme d'une chaine de soixante-dix à quatre-vingls anneaux ci- liés dans leur région postérieure. Dans chacun des anneaux, sauf dans les dix ou douze premiers, se trouve un ovule unique et les testicules sont placés aux deux extrémités de la chaine d'ovules, En ce qui concerne le développement, MM. Caul- lery et Mesnil se sont surtout occupés de l'évolution des sacs plasmodiques, à l’intérieur desquels se développent, comme on sait, les embryons. On à toujours considéré que ces sacs étaient formés par la dissociation du corps de la femelle et que les ovules, ainsi mis en liberté, s'y développaient en embryons. Mais les choses se passent d'une ma- nière toute différente chez le Stœcharthrum Giardi. Dans celte espèce, les sacs plasmodiques sont des masses de protoplasma à l'intérieur desquelles on trouve un certain nombre de pelits noyaux libres; quelques-uns de ces noyaux s’entourent d’une couche assez mince de protoplasma chromophile pour devenir des cellules que les auteurs appellent cellules-germes et qui sont le point de départ des embryons. Or, les cellules-germes diffèrent abso- lument des ovules et on ne peut pas les confondre avec eux. MM. Caullery et Mesnil considèrent donc les sacs plasmodiques comme une phase particulière du cycle évolutif de l'Orthonectidé, phase pendant la- quelle se produisent les cellules-germes. Pour eux, le sac proviendrait d'un ovule; mais ils n'ont pu reconnaitre son origine exacte, qui est d'ailleurs ignorée chez tous les Orthonectidés. Ils estiment qu'il y a là une lacune qui correspond à la fécon- dation et aux phénomènes qui suivent et que ces phénomènes doivent s’opérer pendant une période libre. Les cellules-germes du Stæcharthrum se- raient l'équivalent morphologique des germes des Dicyémides, qui se multiplient dans la cellule axiale et sont aussi le point de départ des em- bryons. Chez les Dicyémides, d’ailleurs, comme hé jh. ; ] D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 19 Fe - chez les Orthonectidés, il y a dans nos connais- sances une lacune qui correspond à la migration des parasites d’un hôte à l’autre, au rôle des Infu- soriformes, elc., et qui embrasse également la période de reproduction sexuelle. La conception des cellules-germes, établie par MM. Caullery et Mesnil, crée une nouvelle affinité entre les Dicyémides et les Orthonectidés. $ 3. — Anthozoaires. M. Van Beneden a profité des matériaux recueillis par l'expédition du Plankton pour faire une étude très détaillée de la larve du Cérianthe; il a pu fixer, d'une manière très précise, les affinités de ce type singulier et prouver qu'il s'éloignait de la manière la plus absolue des Anthozoaires avec lesquels on l'avait classé jusqu'à présent. D'après les recherches de ce savant, le Cérianthe n'est pas seulement caractérisé par sa symétrie bilatérale, qui se manifeste déjà chez sa larve, mais il l’est aussi, et surtout, par le mode d'accroisse- ment de cette dernière. Pendant la première pé- riode du développement, qui s'étend jusqu'au mo- ment où la larve est pourvue de trois couples de sarcoseptes et de six loges, les organes se forment par une complication progressive de la gastrula, qui s'accroit dans toules ses parties. Ces six loges comprennent une loge directrice, deux paires de loges latérales et une loge postérieure ou loge de multiplication. À partir de ce stade, l'accroisse- ment se fait exclusivement par addilion de parties nouvelles aux parties similaires déjà formées, et cela toujours en arrière de ces dernières. Cet ac- croissement s'opère aux dépens de la loge de mul- tiplication, qui est constamment reportée à l'extré- mité postérieure. Il résulte donc, de ce fait, que la partie antérieure du corps se forme pendant la première période du développement et la partie postérieure pendant laseconde. Van Beneden donne le nom de Cerinula à la larve du Cérianthe à la fin de la première période. L'embryologie et l'organisation du Cérianthe l'écartent absolument des Hexactiniaires, et c’est à tort que certains auteurs, comme Carlgren, Faurot, elc.,admettent quil existe dans le développement du Cérianthe des stades comparables aux stades ÆEdwardsia et Halcampula des Hexactiniaires. En revanche, il existe des rapports manifestes entre le Cérianthe et les Antipathaires. Par leurs six cloi- sons primaires et par leur symétrie bilatérale, les Antipathaires rappellent la Cerinula d'une manière frappante. Aussi Van Beneden considère-t-l les Cérianthaires et les Antipathaires comme issus d'une même souche ancestrale, représentée par la Jarve Cerinula, et il les réunit dans une même divi- “— sion, les Cériantipathaires. D'un autre côté, le REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. développement de la Cerinula rappelle celui des Scyphopolypes, et ces ressemblances ont déjà été indiquées par Goette, dont le travail a été publié à peu près au mème moment que celui de Van Beneden. Pour ces différentes raisons, Van Beneden pro- pose de diviser les Anthozoaires en trois groupes principaux : les Zoanthacliniaires, les Octactiniaires et les Scyphactiniaires, ces derniers renfermant notamment les Scyphoméduses el les Cériantipa- thaires. | ; S 4. — Annélides. Dans une précédente Revue, j'ai déjà eu occasion d'indiquer sommairement les intéressantes re- cherches de MM. Caullery et Mesnil sur les Anné- lides et de mentionner la découverte, faite par eux chez un Cirratulien (Podecaceria), d'une forme épi- game, que l’on ne connaissait jusqu'alors que chez les Annélides errantes. En poursuivant leurs re- cherches, les deux savants ont observé, dans l’évo- lution des Jodecaceria, des phénomènes extrème- ment remarquables. Ils ont constaté, en effet, que des individus identiques dans des stades jeunes, aboutissaient, suivant les cas, à des formes termi- nales très différentes. [ls ont ainsi été conduits à distinguer trois séries d'individus : la première, qu'ils appellent forme A, atteint son état final sans métamorphose; elle comprend des individus qui restent toujours sédentaires el qui sont exclusive- ment femelles. Ces individus se reproduisent par parthénogénèse et, de plus, sont vivipares; le fait est d'autant plus intéressant à mentionner que nous connaissons tout au plus une demi-douzaine de cas de viviparité chez les Annélides. La deuxième série (B) se métamorphose en une forme épitoque nageuse; Ja troisième série (C) aboutit aussi à une forme épitoque, mais différente de B. Il y a donc ici un polymorphisme évolutif à la fois physiologique et morphologique. Ces phénomènes peuvent être rapprochés de faits analogues, et peut- être même plus compliqués, qui ont élé constatés autreffis par Claparède chez la Mereis Dumerilii, mais sur lesquels nous ne possédons que des docu- ments très incomplets. Les changements externes que présentent les formes épitoques B et C ne sont pas les seuls qui caractérisent l'épigamie. MM. Caullery et Mesnil ont reconnu, en effet, des modifications internes parallèles à ces changements. C'est d’abord la disparition de certains matériaux de réserve, qui sont employés à la formation des produits géni- taux; c'est aussi une diminution dans l'épaisseur de l’étui musculo-cutané, suivie de l'apparition des organes segmentaires et, enfin, c'est surtout une atrophie du tube digestif. A en juger par des indications très sommaires 6** 242 D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE données par quelques auteurs, ces modifications internes des formes épitoques ne seraient pas par- ticulières au Dodecaceria; ces indications, qui avaient passé à peu près inaperçues jusqu'ici, s'é- clairent d'un jour tout nouveau à la suite des ob- servations très précises de MM. Caullery et Mesnil. On peut supposer que des recherches ultérieures feront connaître d’autres cas de ce polymorphisme évolutif, qui se montre avec des caractères si remar- quables chez les Dodecaceria. Dans le même ordre d'idées, je mentionnerai les recherches de Friedländer sur le Ver de Palolo. Tous les zoologistes connaissent l'histoire curieuse de cette Annélide, observée dans certaines iles du Pacifique. Tous les ans et avec une régularité mathématique, on voit les vers apparaître dans la mer et en quantité innombrable, au moment de l’aurore, pendant les deux derniers jours du quar- tier de la lune en octobre et en novembre. Ces vers, dont il serait impossible de trouver un seul échan- tillon à d’autres époques, se montrent incomplets : ce sont des fragments, pouvant atteindre cinquante centimètres de longueur, dépourvus de tête, bour- rés de produits sexuels et dont le tube digestif est atrophié. Ils nagent pendant quelques heures, puis ils se brisent en mettant en liberté les produits génitaux qui obscurcissent l’eau. Faute de pouvoir étudier la tête, la spécification exacte de ce ver n'avait pas pu être établie : on le désignait provi- soirement sous le nom de Palolo.Friedländer a été assez heureux pour trouver, aux iles Samoa, l'animal complet et en place, et il a reconnu qu'il apparte- nait à la famille des Euniciens. Cette Annélide habite des galeries creusées dans les récifs coralliens, à une très faible profondeur. Quand l'époque de la maturité sexuelle est arrivée, la région postérieure, chargée de produits génitaux, se détache par auto- tomie et se porte à la surface de l’eau, où elle se dissocie rapidement. On sait que des phénomènes analogues d’autotomie reproductrice existent chez les Syllidiens. Quant à la périodicité remarquable de l'apparition du ver de Palolo, Friedländer l'ex- plique en faisant remarquer que les mois d'octobre et de novembre de l'hémisphère austral corres- pondent à notre printemps et que la migration du ver à la surface de l'eau s'effectue au moment du lever du soleil, qui est en même temps l'heure de la plus basse mer. Pour compléter ces renseignements sur le ver de Palolo, j'ajouterai que la détermination de Friedlän- der a été confirmée tout récemment par Ehlers, qui a appliqué à ce ver le nom d'Æunice viridis. $ 5. — Mollusques. Parmi les différentes publicalions dont les Mol- lusques ont été l’objet en 1898, je signalerai d'abord les recherches de MM. Bouvier et Fischer sur l'or ganisation des Pleurotomaires actuels. Les auteurs ont eu la bonne fortune de pouvoir étudier unexem plaire du Pl, quoyana, provenant des dragages du Blake. Le spécimen était malheureusement incom- plet, mais il à néanmoins permis l’étude du sys- tème nerveux, qui constilue un type intermédiaire entre le Chiton et les autres Diotocardes. En effet, les cordons nerveux scalariformes du Pleurotomaire se font remarquer par la saillie gan- glionnaire, en forme de corne allongée, qu'ilsémet- tent l'un et l’autre en avant de leur commissure la M 439 ë 3 plus antérieure. Cette corne offre, sur toute sa lon- . Ù . ” Le gueur, un sillon large et profond qui se continue sur \ les cordons et divise chacun d'eux en une partie supérieure palléale et une inférieure pédieuse. La partie palléale se comporte comme les cordons pal- léaux des Chitons et la partie pédieuse comme les cordons pédieux de ces derniers. Lesidéesde Lacaze- | Duthiers, qui a considéré les cordons pédieux des Diotocardes comme formés par la fusion des centres pédieux et palléaux de chaque côté, se. trouvent ainsi confirmées, mais il résulte, en outre, des observations de Bouvier et de Fischer que les Pleurotomaires offrent le premier stade de cette concentration ganglionnaire qui s'accentue de: plus en plus quand on s'élève dans le groupe des Mollusques. Chez les Haliotis, les cordons du pied se composent aussi d'une partie supérieure palléale et d’une partie inférieure pédieuse, mais la partie palléale tend déjà à s’isoler sousla forme d’un ren- flement ganglionnaire silué en avant; ce renfle- ment devient un ganglion distinct chez les Patelles, les Nérites, etc. On sait enfin que, chez les autres Gastéropodes, les cordons pédieux et palléaux se sont condensés en ganglions ovoïdes. Le regretté F. Bernard avait entrepris des re- cherches fort importantes, qui occupèrent les der- nières années de sa vie, et qu'il n’a pu terminer, sur la morphologie de la charnière des Lamelli- branches. Si l'on considère que la division des Lamellibranches en familles et en genres est, en grande partie, fondée sur les caractères des dents et du ligament, on comprendra tout l'intérêt quil y avait à rechercher les homologies de ces forma- tions qui n'avaient pas encore été définies. Le tra- vail de Bernard, que viennent de publier les Annales M des Sciences Naturelles, ne comprend malheureuse- ment qu'une partie de ces intéressantes recherches. J'insisterai surtout sur celles qui offrent un carac ÿ tère général. Avant la formation de la coquille provisoire ou prodissoconque, le premier stade de la calcifica- M tion donne naissance au prolostracum, comprenant deux valves à charnière rectiligne, dépourvues de formations cardinales et de fossette ligamentaire. D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 243 Ce stade, auquel éclosent les Naïades, est commun + à tous les Lamellibranches, car Bernard a retrouvé ce protostracum au sommet de toutes les prodisso- -conques qu'il a éludiées. La prodissoconque primi- tive, qui apparait à la suite du protostracum, se dispose suivant deux walves symétriques à char- nières complètement reclilignes; sa forme, au début, se montre la même partout, mais elle se mo- difie ensuite et la charnière acquiert des caractères spéciaux : c’est la prodissoconque définilive. Chez tous les Anisomyaires et les Taxodontes, on trouve un type uniforme de charnière que Dall a appelé provinculum : celte charnière est caractérisée par des crénelures perpendiculaires au bord cardinal et elle est creusée, au centre, de la fossette ligamen- taire primitive. Chez les Hétérodontes, au contraire, les prodissoconques sont très simples, leur évolu- lion étant en général si rapide que les crénelures n'ont pas le temps de se former. —._ Quelle est la signification de ce stade à prodis- -soconque? Il est manifeste que la fin de ce stade À correspond à un temps d'arrêt dans la croissance, “utilisé à l’'épaississement de la coquille et au per- fectionnement du provinculum. Bernard à vérifié, - chez les formes incubatrices, qu'un travail ana- - logue s’opérait pour l'ensemble des autres or- ganes : à ce moment, l'animal peut se ramener à un type très simple et très schématique de Lamel- libranche. C'est une larve pourvue du velum carac- éristique, de deux muscles adducteurs et de deux muscles pédieux, de trois paires de ganglions ner- veux, d'un pied propre à la reptation, d'un man- teau à bords libres sans siphon et de branchies iltuées très en arrière. Get état, commun à tous les amellibranches, représente pour Bernard la forme ancestrale : c'est de ce stade qu'on devra partir our reconstituer la phylogénie de ce groupe. Voici maintenant comment Bernard conçoit évolution des formalions dentaires chez les Lamel- ibranches. Il prend comme point de départ des formes d'origine ancienne, comme les Mytilidés, et il désigne leurs dents, ainsi que celles des Ani- somyaires, du nom de dysodontes. Le stade qui suit la prodissoconque est caractérisé par l'appa- “rition subite des côtes externes; or,les dents dyso- . dontes, qui se montrent en même temps, alternent - avec ces côtes et se mulliplient en corrélation avec “elles ; elles doivent donc être considérées comme des côtes internes limitées au bord de la coquille. Le plateau cardinal rudimentaire s'étend progres- sivement par-dessus ces crénelures, qu’il recouvre et fait disparaître momentanément; chacune d'elles reparait bientôt à la mème place, mais cette fois, à la surface du plateau et sous forme de dent. Les dents de Taxodontes se forment exactement par le même processus. La Bernard arrive donc, et par une voie loute nou- velle, à une conception morphologique des dents des Lamellibranches déjà mise en lumière par Neumayer et par Conrath d'après des données paléontologiques. Un certain nombre de Lamelli- branches anciens (Cryptodontes), considérés par ces deux auteurs comme très primitifs, ont préci- sément leurs dents formées par des côtes internes alternant avec les véritables côtes le long du bord cardinal. La concordance des résultats fournis par la Morphologie et par la Paléontologie est la preuve évidente que la valeur attribuée aux dents est exacte. Chose curieuse, les Nuculidés, qui ont une orga- nisation très primitive, présentent une Sc On inattendue dans le développement de leur coquille, qui est caractérisé par l'absence du provinculum et l'apparition rapide du plateau. Toutefois l’évo- lution est peu compliquée, el l’on peut faire dériver les Nuculidés d'un type dysodonte à dents restées nombreuses. Cette organisation primitive des Nuculidés, déjà mise en lumière par Pelseneer, vient d’être con- firmée par Stempel, qui a étudié l'anatomie des genres Leda, Mal!etia et Nucula. Cet auteur insiste notamment sur la simplicité dans l'organisation des branchies, de l'appareil à byssus et de la co- quille, à laquelle manque la couche des prismes, sur la présence d'une véritable sôle rampante, sur la structure des reins, qui n'offrent pas encore de différenciation en un appareil sécréteur, sur la per- sistance du canal des otocystes, etc. Une autre forme de la mème famille, le genre Yoldia, a été étudiée par Drew, qui a pu en suivre le développement. La larve offre une ressemblance assez curieuse avec celle du Dentale et du Don- dersia. Je me bornerai à cetle simple indication en attendant le travail définitif de l’auteur. $ 6. — Insectes. Je m'étendrai plus longuement sur un travail fort intéressant de M. Lécaillon, relatif au déve- loppement embryonnaire des Chrysomélides. Les recherches de cet auteur lui ont permis d'arriver à un certain nombre de conclusions générales, dont les plus importantes se rapportent aux homologies des trois feuillets embryonnaires des Insectes, et notamment à la valeur morphologique de l’endo- derme. On sait que, lorsque la segmentalion est ter- minée, il reste dans le vitellus des Insectes un certain nombre de cellules, dites vitellines ou vitel- lophages, dont la signification a élé fortement discutée. On a considéré l’ensemble de ces éléments comme l'endoderme jusqu'en 1886, époque à laquelle Kowalevsky montra que ces cellules n’en- [Re] ra = D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE traient pas dans la composition de l'intestin moyen. À partir de ce moment, tous les embryologistes furent d'accord pour retirer à ces dernières la signification d'éléments endodermiques et pour considérer comme tels ceux qui forment vérita- blement l’épithélium du mésentéron, l’origine de ce prétendu endoderme restant d’ailleurs assez obseure. Or, les observations de Lécaillon, chez les Chrysomélides, tout en confirmant les recher- ches récentes d'Heymons chez les Orthoptères, montrent de la manière la plus formelle que le mésentéron est formé par deux ébauches ou cor- dons cellulaires provenant, l’une du proctodeum et l’autre du stomodeum. Voici donc un fait fort important définilivement acquis : le mésentéron des Insectes, où du moins d'un grand nombre d'In- sectes, est d'origine ectodermique. Comme, ainsi que l’on sait, ce mésentéron est d'origine endoder- mique chez tous les autres animaux, il y a lieu de se demander si les Insectes possèdent un endo- derme et quels sont les éléments qui forment ce feuillet. Evidemment, il ne peut pas être question de donner celte valeur aux cordons cellulaires éma- nant du proctodeum et du stomodeum, car ils se produisent très lardivement; de plus, si on leur accordait la signification d’un feuillet, il faudrait en faire autant pour les ébauches des autres organes. Enfin, ces ébauches n'existent pas chez les Thysanoures et les Orthoptères, où, d’après les recherches récentes, le mésentéron est formé par les cellules vitellines. Aussi, à la question posée plus haut, Lécaillon répond sans hésiter : l'en- doderme est représenté chez tous les Insectes par les cellules vitelhnes. En effet, chez les formes les plus inférieures du groupe, ces cellules forment vérila- blement l'épithélium du mésentéron, et il est à remarquer qu'il en est de même chez les Myria- podes, qui sont incontestablement plus anciens que les Insectes ; en dehors de cetle fonction, les cel- lules vitellines en remplissent encore une autre chez ces formes inférieures, car elles servent à digérer le vitellus nutrilif. Chez les autres Insectes, ces cellules conservent encore leurs fonclions digestives vis-à-vis du vitellus nutritif, mais c'est là leur rôle exclusif, car elles ne sont plus em- ployées à la formation du mésentéron. Aussi leur existence se trouve limitée à la période embryon- naire et elles disparaissent bientôt après leur for- mation. Elles commencent déjà à dégénérer avant la fin de la segmentation, et le développement embryonnaire n'est pas terminé qu'elles sont toutes, ou presque toutes, en voie de disparition. Il résulte de ce qui précède que le développe- ment des Insectes offre deux anomalies remar- quables : la première est, que chez eux, l’endo- derme ne donne presque jamais naissance à l'épithélium de l'intestin moyen, et la deuxième est que le tube digestif est, dans la plupart des cas, d'origine eclodermique. Ges deux anomalies en- trainent, en oulre, cette conséquence qu'il n'existe aucun organe endodermique dans le corps des Insectes adultes autres que les Thysanoures et les Orthoptères. On ne saurait raisonnablement conclure de ces constatalions que les deux feuillets primaires, ectoderme et endoderme, ne conservent pas, dans le groupe des Insectes, la même valeur morpholo- gique que chez les autres Métazoaires : on peut seulement affirmer que le mésentéron ne reste pas homologue à lui-même chez les Thysanoures et chez les Insectes élevés. Si l'on envisage ces faits à un point de vue général, on doit poser en prin- cipe que l’endoderme ne donne pas loujours nais- sance à l’épithélium de l'intestin nroyen. Cette assertion vient-elle infirmer le principe de l'homo-hM logie des feuillets germinatifs chez les Métazoaires ? Evidemment non. Si l’anomalie offerte par les Insectes se retrouvait chez d'autres animaux et indifféremment chez des types primitifs, à em-" bryogénie dilatée, el chez des formes à embrvogénie condensée, cette homologie ne pourrait se soutenir, mais il n'en est pas ainsi. Une telle anomalie ne peut exister que dans les sommités de groupes, comme le dit Lécaillon, puisqu'elle est liée à une grande abondance de vitellus nutrilif; elle n’a pu exister chez les ancêtres directs des grands groupes … actuels, et cela est si vrai que nous voyons précisé- ment chez les formes primilives, Thysanoures et. Myriapodes, l'endoderme donner naissance au mésentéron comme chez tous les autres Méta- zoaires. La formation de l'intestin moyen des Insectes aux dépens de deux ébauches endodermiques nous fournit un exemple remarquable de l’hétéroblastie dont il était question au début de cet article. III. — GÉOGRAPHIE ZOOLOGIQUE. — FAUNES. $ 1 — La faune de la Manche occidentale. Les naturalistes qui s'intéressent à la Zoologie marine ont certainement lu avec le plus grand intérêt l'important mémoire que M. Pruvot vient de publier sur les fonds et la faune de la Manche occidentale. C'est qu'en effet les lravaux concernant la faune de nos côtes de France sont fort rares, et, si l’on excepte les recherches de Marion sur les côtes de Provence et de Giard sur celles du Boulonnais, on peut dire que l'étude de la répartition des faunes sur la plus grande partie de notre littoral est à peine éhauchée. F4 D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 24: Fa Les observations de M. Pruvot concernent sur- tout la faune de Roscoff et de ses environs, mais l'intérêt qu'offre son travail ne réside pas seule- ment dans les documents très nombreux et très précis qu'il fournit sur la répartition et sur l'ha- bilat des Invertébrés marins; il réside aussi, et surtout, dans les comparaisons que fait l'auteur entre les faunes des différentes régions de la Manche et celles des régions correspondantes de la Médi- - terranée, dont il a pu étudier lui-même la partie occidentale (Banyuls el environs). Je laisse de côté les raisons qui ont déterminé » les zoologistes à établir, d'après les caractères fau- niques, la division, bien connue, en régions litto- rale, côtière et profonde. Je rappellerai que la région profonde. qui existe dans la Méditerranée et dans l'Atlantique, manque dans la Manche, où Fon n'observe que les deux régions littorale et cotière. À Roscoff, la ligne de séparation entre ces deux régions passe par 40 à 50 mètres de profon- - deur en moyenne. La région littorale y montre la même variété d'aspect, la même richesse de végé- tation, la même agitation des vagues que sa congé- nère en Méditerranée. L'obstacle principal à la comparaison de la faune littorale dans les deux mers a été, pour tous les auteurs, le phénomène océanien de la marée. Or, Pruvot s'élève, avec juste titre, contre l'importance exagérée accordée à la marée, etil fait remarquer qu'une classification basée uniquementsur ce phénomène est artificielle, car elle sépare des horizons parfaitement homo- - gènes el réunit dans une même division des niveaux faunistiques très différents. Si on laisse de côté le phénomène de la marée pour ne consi- dérer que le groupement rationnel des différentes stations bionomiques, caractérisées par la nature des fonds et les associations végétales ou animales qui les habitent, on aura tous les éléments d’une comparaison vraiment scientifique et l’on verra que quelques horizons concordent d'une manière tout à fait remarquable dans la Manche et dans la Méditerranée. La région littorale offre d’abord, dans les deux mers, une zone subterrestre identique, avec des Balanes et des Ligyes sur les rochers, des Talitres sur le sable. Dans la zone littorale proprement dite, on ne trouve pas en Méditerranée les grandes algues, fucus, Laminaires et Æimanthalia, qui forment un niveau si caractéristique dans l'Océan. Les seules formes dominantes qui puissent servir à caractériser ce niveau sont les Cystocires, qui tapissent les rochers à partir de quelques déci- mètres au-dessous du niveau ordinaire des eaux. Ces Cystocires se retrouvent également sur la côte de Bretagne, mais ils n'apparaissent que dans les points, quelle que soit leur hauteur absolue, que l'eau n’abandonne jamais. Comme la zone subter- restre est manifestement comparable dans les deux mers, il s'ensuit que l'horizon des Fucus, qui lui suc- cède dans la Manche, n'a d’équivalent, dans la Médi- terranée, que cette bande de quelques décimètres tapissée d'Ulves et d’algues vertes qui précède les Cystocires. Cet horizon se montre aussi parfois à sec dans la Manche et il offre la même association faunique (Liltorines, Cérithes, Patelles, etc.) qu’en Méditerranée. Quant aux herbiers de Posidonies qui recouvrent les régions vaseuses ou sableuses de la Méditerranée un peu au-dessous du niveau moyen des eaux, ils correspondent aux prairies de Zos- tères de la Manche. Ces Monocotylédones s'étendent dans les deux mers jusqu'à 10 ou 15 mètres de profondeur pour s'arrêter aux graviers à Bryo- zoaires, à ces amas coquilliers ou fonds corrali- gènes, qui constituent encore un troisième horizon identique dans la Manche et dans la Méditerranée : c'est l'horizon inférieur de cette zone littorale. La région côtière, beaucoup moins variée, offre en Méditerranée une bordure de vase qui manque dans la Manche et, au delà de cette bordure, des sables et des graviers, parfois mêlés à des débris de coquilles, formant une zone identique à celle qu'on connaît dans la Manche. Le tableau I (page 246) résume la classification et la concordance des fonds établis par M. Pruvot. J'ajouterai encore une remarque pour terminer. Au Cap Creus, dans la vase profonde, Pruvot et Robert ont étudié une faune de Lamellibranches qui comprend, outre des coquilles actuellement vivantes en Méditerranée, des types tels que Pec- ten islandicus et septemradiatus, Cyprina islan- dica, Modiola modiolus, qui caractérisent la région arctique à l'époque actuelle, mais qui aujourd’hui font complètement défaut en Méditerranée. Evi- demment ces coquilles ont été chassées par les courants et accumulées dans cette région. La constatation de ce fait a une grande importance, car il montre que certains dépôts coquilliers ne sont pas en place. Or, on sait que les catalogues régio- naux mentionnent les coquilles recueillies en un point donné, sans faire de distinction entre les coquilles vides et celles qui sont trouvées vivantes. En créant cette confusion, on peut être conduit à admettre des associations fauniques tout à fait erronées et en tirer des conclusions fausses sur la répartition des espèces. $ 2. — La Faune des grands lacs d'Afrique. Parmi les quelques travaux dont les faunes d'eau douce ont fait le sujet en 1898, je ne relè- verai que les études faites par M. Moore sur la faune malacologique des grands lacs de l'Afrique équatoriale et particulièrement du lac Tanganyika, 19 ra [er] D° R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE études qui me paraissent offrir un intérêt de tout premier ordre. La plupart des grands lacs de l'Afrique, tels que les lacs Nyanza et Victoria-Nyanza, renferment une faune qui comprend les formes ordinaires des eaux douces, appartenant à des genres vul- gaires et ubiquistes. C’est ainsi qu'en allant du rivage vers la profondeur, on trouve d'abord les genres Planorbis, Ampullaria, Lanistes, qui ne dé- passent pas 15 à 16 mètres de profondeur, plus loin les Zimnea, Isodora et Physopsis, qui attei- gnent 35 mètres, ensuite les Vivipara, Bithynia, Spatha, Unio, ridina, qui s'étendent jusqu'à types très remarquables. Voici l'énumération des principaux représentants de cetle faune, avec l'in- dication des profondeurs maxima auxquelles ces genres pénètrent : Nassopsis, qui s'étend jusqu'à. . . . . 35 mètres NTOÉLUMMDE Se Ve et eee T5 — Syenolopsis, Limnotrochus, Chytra . . 130 — COLE RME Rio CO — PATamelAni REC TE 240 — Typhobia, Bithynalia. . . . , . . : 300 — Ces deux derniers genres ne commencent guère à faire leur apparition qu'entre 70 et 110 mètres. Le lac Tanganyika présente donc cetle particu- Tableau I. — Classification et concordance des fonds dans la Manche et la Méditerranée. Zone subterrestre. . . Horizon supérieur. . . . Région littorale. Horizon moyen. . . . . Horizon inférieur . . Zone de la vase côtière . Région côtière. Zone des sables du large . Facies rocheux Cailloutis à Cys- tocires. Himanthalia. Laminaires. Sables et graviers. MANCHE GOLFE DU LION Facies sableux Facies rocheux Facies sableux Rochers et sables immergés. .|Rochers à Fucus.|Plage supérieure|Rochers couverts|Plage supérieure. à Cardium edule. d'Ulves. Rochers Posidonies. à Cystocires. Zostères. Fonds corraligènes vifs. Graviers à Bryozoaires. Graviers à Bryozoaires. Manque. Bordure de vase côtière. Sables et graviers. une profondeur de 100 mètres. Au delà de celte limite, la faune disparaît complètement. Les dra- gages opérés dans le lac Tanganyika ont montré l'existence, au voisinage des côtes et dans les couches superficielles de ce lac, d’une faune ma- lacologique analogue à celle que je viens d'indi- quer et offrant la même distribution : c'est à peine si lon peut relever quelques différences spéci- fiques entre les formes du lac Tanganyika et celles des autres lacs africains. Mais, dans le premier de ces lacs, on trouve, en outre, dans la profondeur et au large, une deuxième faune complètement différente de la première et qui s'étend jusqu'aux profondeurs énormes de 3 à 400 mètres. M. Moore désigne cette faune sous le nom de faune halolim- nique; on en connaissait déjà autrefois quelques rares représentants, mais ses recherches sont venues ajouter à ces formes un grand nombre de larité remarquable de posséder une faune diffé- rente par sa distribution géographique et bathy- métrique de la faune typique des eaux douces qu'on trouve exclusivement dans les autres lacs africains et qui ne comprend que des formes ubi- quistes. De plus, la faune halolimnique de ce lac présente un caractère marin absolument frappant, qui apparaît non seulement dans la forme exté- rieure des coquilles, mais encore dans l’organisa- tion interne des genres dont l'anatomie a pu être faite. M. Moore a plus particulièrement étudié l'organisation du genre 7'yphobia, dont la coquille offre des pointes et des prolongements formant une ornementalion qui rappelle celle de certains Murex, et il a reconnu : 1° que, par certains points de sa structure, le système nerveux rappelle celui des Scalaria et, Solarium et, par d’autres, celui des Strombus, Pteroceras, Cancellaria et Voluta ; 2° que D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 247 - Je tube digestif est très voisin de celui des ?{ero- ceras, ete. Cette conformité dans la structure ana- tomique à la plus grande importance, puisqu'elle nous prouve qu'il ne s'agit pas ici de ressem- blances purement extérieures, qu'on pourrait expliquer par des phénomènes de convergence, mais d'une véritable parenté avec des Mollusques franchement marins. Voici d'ailleurs quelles sont les familles de Gas- téropodes qui se trouvent représentées dans le lac Tanganyika : PurPuRINIDÉES : l'aramelania, Nassopsis, Bithoceras. Naricipées : Spekia. XENOPHORIDÉES : Chytra. PLaxaxIDÉES : Tanganyicia. Tavexogroées (famille nouvelle) : Typhobit, Balhana- nalia, Limnotrochus. Comme je l'ai dit plus haut, quelques-uns de ces genres étaient déjà connus autrefois, mais ils avaient d'abord été placés dans la famille des Méla- niüdés. M. Moore à pu leur assigner leur véritable place, et il a montré que cette famille très hétéro- morphe des Mélaniidés devait disparaitre, la plupart des genres dont elle était composée appartenant à des familles bien différentes. Or, je n'ai pas besoin de rappeler que les familles ci-dessus mentionnées sont franchement marines, qu'elles sont surtout développées dans l'Océan Indien et n'ont pas de représentant dans les eaux douces. J'ajouterai, en- fin, pour compléter les renseignements que nous possédons sur la faune du lac Tanganyika, qu'on y a trouvé des types marins provenant de plusieurs autres embranchements : Éponges, Méduses, Crus- lacés, Décapodes, etc. Quelle est l'origine de cette faune si spéciale du lac Tanganvyika? Trois hypothèses peuvent être in- voquées : Ou bien la faune halolimnique serait le résultat de la transformation sur place de la faune d’eau douce ordinaire ubiquisle du lac à la suite de son isolement prolongé; Ou bien cette faune serait le reste d’une très an- cienne faune d'eau douce ayant existé dans le lac Tanganyika aux époques géologiques ; Ou bien enfin la faune halolimnique aurait été introduite dans le lac grâce à une communication de ce lac avec la mer. Il est inutile d'exposer ici les raisons qui ont dé- terminé Moore à repousser les deux premières hy- pothèses et à admettre la troisième. Pour lui, il est incontestable que les formes spéciales du lac sont d'origine marine et représentent les restes d'une faune laissée dans ce lac par la mer. y à donc lieu de se demander comment et quand cette communi- cation du lac Tanganyika avec la mer s’est établie. D'après Moore, ce phénomène n'a pas pu se pro- duire à l’époque actuelle et remonte à une date relativement éloignée. La constitution géologique du continent africain montre qu'il est impossible d'admettre que cette faune ait pénétré jusqu'au lac ou qu'elle y ait été abandonnée par la mer, à l'époque actuelle : le lac Tanganyika est, en effet, situé à une altitude de près de 1.000 mètres au- dessus du niveau de la mer; il est séparé par une distance de 700 milles de la côte; enfin il ne donne naissance qu'à un seul cours d'eau, qui présente des chutes et des rapides avant de se réunir au fleuve Congo: de plus, ce dernier se jette dans l'Atlantique, où précisément les analogues de la faune halolimnique font défaut à l’époque actuelle, sauf les Xénophoridés, qui sont répandus dans toutes les mers. La conclusion formulée par Moore s'impose donc et nous devons admettre que la faune halolimnique à une origine ancienne. Or, ilest facile d'indiquer à quelle époque l’ori- gine de cette faune remonte. Il y a, en effet, parmi les Gastéropodes du lac Tanganyika, des formes généri- quement identiques à des genres du terrain juras- sique; il y en à même qui ne peuvent pas se distin- guer spécifiquement des fossiles de cette époque. Par exemple, il y a la plus grande ressemblance entre le genre Pathanalinet le genre Amberlia du Jurassique, et sans doute ces deux genres devraient être con- fondus: on pourrait en dire autant pour les genres Paramelania et Nassopsis, qui sont presque iden- tiques respectivement aux genres fossiles Purpu- rina et Pyrgulifera. De même, on pourrait indiquer des ressemblances spécifiques entre les Spekia z0- natus, Limnotrochus Thompsoni et Melania admira- bilis du lac Tanganyika et les formes fossiles AViri- domus minutus, Littorina sulceata et Cerithium subscalariforme. La conclusion qui s'impose de la constatation de ces faits, est qu'il y a eu une com- munication à l’époque jurassique entre la mer et le lac Tanganyika, ou, comme le dit M. Moore, que ce lac est une ancienne mer jurassique (an old jurassic sea). D' R. Kœhler, Professeur de Zoologie à l'Université de Lyon, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Banet-Rivet (M.), Professeur au Lycée Michelet. — L’Aéronautique.— 1 vol. de 271 pages avec 111 figu- res. Henry May, éditeur. Paris, 1899. De tout temps l’homme a tenté de s'élever dans les airs, et de tout temps un public nombreux et passionné s’est intéressé aux eflorts accomplis dans ce but; l'in- vention des ballons n'a fait qu'augmenter encore la curiosité publique pour tous les problèmes qui se rat- tachent à l'aéronautique; aussi peut-on facilement prévoir que le livre de M. Banet-Rivet aura un grand nombre de lecteurs. Ce livre mérite d’ailleurs tout à fait le succès; il est d'une lecture facile, attachante, et renferme des rensei- ynements variés et instruclifs. Après un historique court mais très net, l’auteur donne une théorie élé- mentaire, mais complète, du ballon libre ; il examine comment se comporte un aérostat flasque ou plein, et démontre plusieurs propriétés importantes; par exem- ple, il fait voir que, pour un même poids de lest projeté, et à volume égal, de deux ballons pleins, d’où le gaz peut s'échapper, celui qui s’élèvera le plus haut est celui qui reuferme le gaz le plus lourd. Ce résultat est facile à prévoir, puisque les deux ballons qui subissent toujours à la même attitude la même poussée, et qui avaient au niveau du sol le mème poids initial, s'élève- ront, après la projection du lest, en perdant pour la même élévation le même volume de gaz, et par suite, que celui qui est gonflé par le gaz le plus lourd per- dra alors un poids plus considérable; aussi le nom de paradoxe aérostatique, donné par l’auteur à cette pro- position, nous semble-t-il assez peu justitié. M. Banet-Rivet décrit ensuite les procédés de cons- truction, de gonflement des ballons ; il parle de l'appa- reillage et des instruments d'observation dont l'aéro- naute doit se munir. On trouvera dans les chapitres consacrés à ces questions des détails précis et des ren- seignements curieux. L'auteur nous explique ensuite comment le ballon va se comporter dans les airs; il nous dit les merveilles de l'atmosphère, et les impressions du voyageur aérien. Viennent enfin des chapitres renfermant des données neuves et de nature à intéresser la curiosité du public savant sur les ballons dirigeables, les lois de l'aviation et les volateurs; à signaler, en particulier, la description du ballon d'Andrée, la théorie de M. Berti- vet sur le cerf-volant, les travaux de Renard, les essais d'aviation depuis ceux de Cayley en 1796 jusqu'aux expériences récentes et malheureuses de Lilienthal. Le livre se termine par deux chapitres consacrés aux applications des ballons à la science (ballons-sonde, etc.) et à la guerre. Signalons enfin, et tout particulièrement, le nombre considérable des figures, toutes très claires et très artistiques. LUCIEN POINCARÉ, Chargé de Cours à la Sorbonne, 2° Sciences physiques Dongier (R.), Préparateur à la Faculté des Sciences de Paris, Répétiteur à l'Institut agronomique. — Pouvoir rotatoire du quartz dans l’infra-rouge, — Varia- tion de la biréfringence du quartz avec la direction de la compression. (Thèses de la Faculté des Sciences de Paris.) —1 vol. in-8°, de 144 pages. Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1899. Tous les physiciens qui se sont occupés d'Optique expérimentale liront avec’ plaisir et profit les deux thèses de M. Dongier; ils y trouveront une foule de détails précieux sur le montage, le réglage des appa- reils, et s’apercevront souvent que, des instruments même qu'ils ont entre les mains, ils peuvent tirer des résultats bien plus exacts qu'ils ne l’auraient imaginé : c’est ainsi que, pour déceler et mesurer de très faibles biréfringences, l’auteur décrit une méthode qui permet- trait la mesure de la différence des indices ordinaire et extraordinaire du quartz avec une erreur relative ne Il é T60_000 ? et le maniement de cette mé- thode n'exige pas autre chose qu'un nicol, un quart d'onde bien étudiés et un analyseur à pénombre. Quant aux résultats, le premier des deux mémoires de M. Dongier apporte une contribution importante, et probablement définitive, à un sujet déjà traité plusieurs fois, mais par des auteurs qui ne tombaient pas d'ac- cord. Le second mémoire met en lumière un fait nou- veau des plus curieux. I. Depuis le travail classique de Soret et Sarasin, l’on connait bien le pouvoir rotaloire du quartz dans l'ultra-violet ; on était loin de le connaitre aussi bien dans l'infra-rouge. De ce côté du spectre visible, les rotations sont beaucoup moindres, et l’on n’a, pour sup- pléer l'œil, ni la photographie ni l’oculaire fluorescent; on n’a que la pile thermo-électrique qui ne saisit jamais, dans la suite continue dés radiations, qu'un point à la fois. D'ordinaire, on commence par se donner une radiation, dont il faut connaitre la longueur d'onde : — première erreur possible, — puis on cherche de quel angle, pour cette radiation, un canon de quartz per- pendiculaire fait tourner le plan de polarisation; — seconde erreur inévitable, car cette opération exige, en général, qu'on fasse tourner un nicol; et le meilleur usage qu'on puisse faire du nicol, dans des mesures précises, c'est de ne pas le faire tourner du tout. Encore faut-il trouver le moyen de s'en dispenser. C’est préci- sément ce que fait M. Dongier, qui réussit à mesurer les rotations d'une façon rigoureuse, sans aucune erreur possible. Sa lumière, venant d'une lampe à are, est à la fois polarisée et dispersée par un prisme de spath : elle traverse le canon de quartz, puis un ana- lyseur biréfringent, et donne ainsi deux spectres canne- lés; l’analyseur biréfringent est réglé une fois pour toutes, de facon que les deux spectres soient vertica- lement l'un au-dessus de l’autre, leurs cannelures alter- nant entre elles. Pour les radiations éteintes dans l’un ou l’autre des deux spectres, la rotation est très bien déterminée; elle est ou un multiple entier de 1809, ou un multiple impair de 90° : resterait seulement à fixer quelles sont les radiations qui se trouvent à ces minima de lumière, ou, puisque nous sommes dans le spectre obscur, à ces minima de chaleur. Au lieu de choisir comme repères ces minima, dont la position est tou- jours mal déterminée, M. Dongier a choisi les radiations qui sont également intenses dans les deux spectres. L'égalité d'intensité sera décelée par une pile thermo- électrique différentielle, disposée suivant une ligne verticale très étroite et qu'on promènera dans le spec- tre. Quand elle donnera un courant nul, c'est que sa moitié supérieure et sa moitié inférieure recevront la même chaleur; pour peu qu'on la déplace à droite ou à gauche, on aura un courant dans un sens ou dans l'autre, Un zéro se détermine bien, tandis qu'un maxi- mum où un minimum se détermine mal. C'est ce qui distingue les mesures de M. Dongier de celles de M. Hupe. Les radiations également intenses dans les deux spectres ont des rotations rigoureusement égales à 45°, dépassant pas dan tonte ms mit 0. dé PET 1 a. ae él ie sil Pour les caractériser, il suffira de connaître leurs lon- gueurs d'onde. Le spectroscope employé, qui est un goniomètre pour radiations calorifiques, construit au- trefois pour Mouton, donner très aisément, sinon la longueur d'onde des radiations pour laquelle la pile produit un courant nul, du moins la valeur de l'indice (ordinaire ou extraordinaire) du spath pour chacune de ces radiations. M. Dongier donne ainsi comme résultat immédiat de ses mesures le pouvoir rotatoire des diverses radiations infra-rouges en fonction de leur indice ordinaire dans le Spath ; il sera facile de passer de ces indices aux lon- gueurs d'onde si l'on connait la loi de dispersion du spath. Vient-on à mieux connaître celte loi de disper- sion, il en résulle naturellement une loi différente pour le pouvoir rotatoire en fonction de la longueur d'onde; mais les tableaux de M. Dongier gardent toute leur valeur et fournissent tous les éléments nécessaires au calcul de celte loi. C’est ainsi que M. Carvallo ayant repris, depuis, l'étude de la dispersion du spath et étant arrivé à des résultats un peu différents des résul- tats jusqu'alors admis, la relation entre le pouvoir rota- toire et la longueur d'onde qui se déduit des nombres de M. Dongier s’est trouvée modifiée par là même; et — résultat digne d'attention — cette relation concorde alors très bien avec la formule théorique qu'avait dé- duite M. Carvallo de la théorie de Ketteler. 11. Le verre comprimé devient biréfringent. Le quartz comprimé normalement à l'axe oplique, à l'axe ter- naire, devient biaxe, comme l'ont prouvé les belles expé- riences de M. Beaulard. A-l-on la mème déformation de la surface d'onde pour des compressions ayant des directions quelconques dans le plan perpendiculaire à l'axe ternaire ? A cette question, M. Dongier répond : non. Le plan perpendiculaire à l'axe lernaire coulient trois axes de symétrie binaire, faisant entre eux des angles de 120°:; ces trois axes sont des directions ayant les mêmes pro- priétés, mais les trois droites de ce plan qui leur sont perpendiculaires peuvent avoir des propriétés diffé- rentes. On sait, depuis la découverte de la piézoélectri- cité, qu'un axe binaire et la droite perpendiculaire sont loin d'être équivalents au point de vue électrique. M. Dongier montre que, si leurs propriétés optiques sont identiques en l'absence de déformations méca- niques, la même déformation mécanique affecte les propriétés opliques de ces deux directions d'une ma- nière dissymétrique. Citons une de ses expériences un prisme de quartz ayant son arête dirigée suivant l'axe optique, a une base carrée dont les deux côtés font respectivement des angles de 7° et 97 avec l'un des axes binaires. Si on couche ce prisme et qu'on exerce une pression pouvant aller jusqu'à 200 atmo- sphères sur une des faces latérales, on à des résultats tout différents en passant d’une des faces latérales à la face latérale contiguë. On pourrait arriver ainsi à rendre le quartz biréfringent suivant l'axe optique (indépendamment du pouvoir rotatoire), par une simple compression normale s’exercant uniformément sur toute sa surface. C’est un résultat inattendu qu'il y aurait grand intérêt à vérifier directement. De ce qu'un corps a des propriétés identiques suivant trois directions rectangulaires de l’espace, il ne s'ensuit pas qu'il ait les mêmes propriétés suivant toute autre direction que celle-là : c’est ce qu'ont bien montré les expériences de M. Weiss sur l'aimantation de la magné- tite. De ce qu'un corps a des propriétés identiques suivant trois droites d’un plan à 120°, il ne s'ensuit pas que toute droite de ce plan ait les mêmes propriétés : la piézoélectricité du quartz en est une preuve palpable. Cette distinction, si importante au point de vue de la cristallographie physique, entre l'isotropie complète (que ce soit dans l’espace ou dans le plan), et ce qu'on pourrait appeler une fausse isotropie ou isotropie appa- rente, élait pourtant restée, jusqu'ici, à la porte du domaine de l'Optique; à M. Dongier revient le mérite BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 249 135°..., d'une facon générale à un multiple impair de 45°. | de lavoir introduite — à la faveur, il est vrai, d'une dé- formation mécanique — en Optique même. BERNARD BRUNHES, Chargé de Cours à la Faculté des Sciences de Dijon. 3° Sciences naturelles De Launay (L.), Professeur à l'Ecole nationale supérieure des Mines, Ingénieur au corps des Mines. — Recherche, captage et aménagement des sources thermo-minérales. Origine des eaux thermo- minérales. Géologie. Propriétés physiques et chimiques. — 1 vol. in-8° de 635 pages. Buudry et Cie, éditeurs. Paris, 1899. « On considère, généralement les sources thermales avec un respect superstitieux, comme une sorte de produit pour ainsi dire miraculeux, auquel il serait dangereux et presque sacrilège d'oser toucher. » C'est sans doute à ce respect, dont parle M. de Launay, qu'il faut attribuer l'absence, complète jusqu'à ce jour, d'ouvrage général, d'ordre vraiment scientifique, sur cette sorte de sources. Cependant leur importance chaque jour croissante, par suite de causes multiples dont les plus immédiates sont du domaine de la Mé- decine, en impose une élude plus rigoureuse pour arriver à une exploitation plus rationnelle. Grâce à M. de Launay, cette lacune est comblée : àl vient de nous donner un ouvrage qui, du premier coup, à mis la question au point, aussi bien dans le domaine de la théorie que dans celui de la pratique. Dans une première partie, consacrée à la théorie, l'auteur établit les analogies qui existent entre les sources thermo-minérales et les sources ordinaires, en particulier les sources vauclusiennes; si la température de leurs eaux est plus élevée que celle des autrex sources, cela tient à ce que, de même que les eaus artésiennes, elles revieonent à la surface du sol après avoir circulé à une certaine profondeur, et suivi dans leur remontée les fissures remplies le plus souvent par des filons minéraux. Telle est, en résumé, la théorie de M. de Launay. Mais, tout en l’exposant, il discute celles qui ont été émises antérieurement, et il fait preuve, en cette discussion, d'un très grand éclectisme, acceptant dans bien des cas des opinions qui parais- sent en contradiction avec les siennes. Nous regrettons de ne pouvoir suivre M. de Launay dans son étude de l'origine des eaux thermales, de leur composition chimique et du mode d'émergence de leurs sources ; ce qui ressort de la lecture de ces cha- pitres, c'est la facon très ingénieuse dont l’auteur sait tirer parti des moindres faits qui peuvent élayer sa théorie. Même quand on n'est pas d'accord avec lui, il est impossible de ne pas reconnaître l'incontestable compétence de M. de Launay. Le chapitre relatif à la répartition géographique des sources thermales à la surface du globe, chapitre dont les lecteurs de la Revue ont eu la primeur!, est non seulement le plus intéressant et le plus original de l'ouvrage, mais encore un des meilleurs qui aient été écrits sur les grandes lois qui régissent les phénomènes géologiques. Ces considérations sont suivies d’une étude des eaux minérales par régions; ce mode de groupement, en relation avec les phénomènes géologiques, est très dif- férent du groupement admis généralement et basé sur des affinités chimiques parfois bien difficiles à établir. La seconde partie de l'ouvrage de M. de Launay est relative au captage. C'est l'application des principes théoriques exposés dans la première partie. Il y est dit comment il faut procéder sur le terrain pour trouver les points d'émergence des eaux thermales; puis les différents modes de captage et d'aménagement après captage sont passés en revue. Cette seconde partie n'est 1 La distribution géographique des sources thermales. — Revue générale des Sciences, t. IX, p. 537. 250 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX pas traitée avec moins de compétence que la première; elle intéressera plus spécialement les ingénieurs, qu'ils aient à s'occuper des eaux thermales ou des eaux ordinaires. L'ouvrage de M. de Launay, écrit — comme tous les livres du même auteur — dans un style très clair, est d'une lecture facile; aussi n'est-il pas douteux qu'il ne se répande rapidement et qu'il ne fasse faire de réels progrès à l'industrie des eaux minérales. Nous devons nous en réjouir, car notre pays est un des mieux dotés sous le rapport de cette richesse naturelle, Meunier (Stanislas), Professeur de Géologie au Muséum. — Nos Terrains. — 1 vol. in-4° de 192 pages avec 320 figures et 24 planches en couleurs. (Prix : 20 fr.) A. Collin et Cie, éditeurs. Paris, 1899. Cet ouvrage, destiné à la jeunesse, et donc conçu par l'auteur comme très élémentaire, est l’un des plus luxueux que la librairie française ait jusqu'à présent consacrés à la Géologie; la facon dont il est illustré est tout à fait remarquable. Indépendamment des très nombreuses et très belles figures intercalées dans le texte, il comprend, en effet, une centaine de figures, tirées hors texte sous forme de planches en couleurs. Ces planches ont pour but de rendre immédiatement sensibles aux veux les caractères des grands phéno- mènes naturels, comme aussi l’aspect extérieur des roches et des minéraux qu'il importe le plus de con- naître. On ne saurait trop louer l’auteur d'avoir voulu montrer tout ce qu’il décrit, car c’est là la vraie manière pour faire facilement saisir aux débutants les faits qui sont à la base même de chaque science. Ce procédé des lecons de choses, M. Stanislas Meunier l'a très habilement mis en pratique dans son livre. Commencçant par les aspects de la Nature qui nous sont les plus familiers, il attire d'abord notre attention sur la liaison du sol avec les formes bien connues de quel- ques paysages très tvpiques, puis le rapport qu'il y à entre la constilution du sol et le régime des eaux, la flore, la faune, la culture, l’industrie, la vie même des sociétés. Cette Introduction prépare utilement le lec- teur à l'étude des phénomènes actuels, lesquels sont exposés suivant la même méthode et le même système d'illustration : l'érosion des roches cristallines par les divers agents naturels, le dépôt des strates fossilifères, la dénudation de ces terrains par la pluie, les cours d’eau, les vagues de la mer, etc., etc., sont en quelque sorte doublement dépeints dans le texte et les aquarelles qui l’accompagnent. Viennent ensuite l'histoire, un peu rapide, de la for- mation des terrains primitifs et des roches ignées, puis la description, rapide aussi, des terrains stratifiés qui se sont succédé depuis l'époque silurienne jusqu'aux alluvions quaternaires. Dans l’avant-dernïer chapitre, le lecteur prend une vue, forcémeut sommaire, des principaux métaux, des minerais qui les coutiennent et des gisements de ces minerais en France. : Le chapitre de clôture donne aux débutants une idée de l'outillage du géologue, des instruments qu'il em- ploie soit sur le terrain pour recueillir des échantillons, soit au laboratoire pour les déterminer. Sans doute, l'ouvrage ne saurait avoir la prétention de satisfaire la curiosité des géologues, et peut-être en bien des points les professionnels de la science se trou- veraient-ils en vive opposition d'idées avec l’auteur. Mais là n'est pas l'intérêt de ce livre : ce qui en fait le mérite, c'est le caractère très pédagogique que M. Sta- nislas Meunier lui à donné. A: M. Bigeard (R.) et Jacquin (A.).— Flore des Cham- p gnons supérieurs du département de Saône-et- Loire, (Publication de la Société des Sciences naturelles de Saône-et-Loire). — 1 vol. in-8 de 46% pages, avec figures. (Priæ : 6 fr.) L. Marceau, éditeur. Chalon-sur- Saûne, 1899. Michel (Aug.), Agrégé, Professeur au Collège Stanislas. — Recherches sur la Régénération chezles Anné- lides. {Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8° de 1476 pages avec T planches. L. Danel, imprimeur. Lille, 1899. Le travail de M. Michel comprend deux parties : dans la première, il recherche si les Annélides examinés (surtout Lombrics) sont capables de régénérer l'extré- mité céphalique ou l'extrémité caudale lorsqu'on a en- levé celles-ci; dans la seconde, il étudie le processus histologique de la régénération caudale chez divers Polychètes et Oligochètes. 1° La première partie n’a plus d'intérêt maintenant, M. Michel ayant été devancé par les travaux autrement complets de Hescheler, Korschelt et Morgan sur le même sujet. Il confirme toutefois les résultats généra- lement admis : une extrémité antérieure, pourvu qu’elle ait au moins une trentaine de segments, régénère faci- lement une queue; une tête est régénérée d'autant plus difficilement que la section est plus éloignée de l’extré- mité antérieure; il y a un optimum de température favorable à la régénération (22° pour Allolobophora fæ- tidu), etc. 20 Quand un Annélide est sectionné, la plaie se res- serre et la cicatrisation se produit par soudure de la peau et de l'intestin; l'orifice intestinal dû à la section reste ouvert et forme un anus temporaire : c'est du bourrelet péri-anal que dérive le bourgeon de régéné- ration, constitué exclusivement par la prolifération de l'épiderme, sans concours d'aucun autre tissu. Le bour- relet s'élève ainsi sur la surface de section : son épithé- lium interne, qui continue l’ancien intestin, ne tarde pas à prendre les caractères du revêtement intestinal; son épithélium extérieur continue naturellement l’an- cien épiderme. Aux dépens de cet ectoderme nouveau, il se forme, à sa face profonde, un mésenchyme abon- dant qui s’'intercale entre les deux épithéliums ; ce mésenchyme est particulièrement abondant le long de la ligne médio-ventrale du bourgeon et constitue là une bande germinale plus ou moins bien limitée. On voit que l'épithélium intestinal ancien, le mésoderme ancien et les amibocytes ne prennent aucune part à la constitution du bourgeon caudal, contrairement aux assertions de divers auteurs. Des faisceaux de fibrilles longitudinales, émanées sans doute de l'ectoderme, apparaissent dans la bande germinale ; ils donneront le cordon fibrillaire nerveux au milieu, les rubans musculaires ventraux sur les côtés ; le reste de la bande germinale se métamérisera et se creusera de cavités cœlomiques qui s'étendent en refoulant le mésenchyme. Les vaisseaux proviennent de la régularisation des lacunes dans les restes intercælo- miques du mésenchyme; les néphridies et les bulbes sétigères se développent suivant des processus qui rap- pellent beaucoup ceux de l’organogénie normale. Il est regrettable que ce travail consciencieux, sur un sujet intéressant et certainement assez difficile, soit passible de graves critiques de forme : Pourquoi n'avoir pas mis de lettres aux figures ? Cette innovation mal- heureuse rend la lecture des planches très fatigante, souvent presque impossible, vu l'obscurité des explica- tions afférentes à chaque figure; pourquoi consacrer vingt-sept pages à décrire une technique aussi banale que celle de la confection des coupes? Est-ce pour nous révéler que les couleurs d’aniline ne donnent pas d'élections nucléaires suffisantes et précises ? C'est d'autant plus piquant que M. Michel reproche aux au- teurs qui l'ont précédé l'imprécision de leurs figures et leur technique défectueuse. L. CUÉNOT, Professeur de Zoologie à l'Université de Nancy. Deschamps (Emile). — La Vie mystirieuse des Mers. — 1 vol. in-16 de 205 pages avec figures en noir et en couleurs. (Prix: 1 fr.) Schleicher frères, éditeurs, Paris, 1899. pe WT 2e < TT LT Ta el BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 4° Sciences médicales Morat (J.-P.), Professeur, et Doyon (Maurice), Pro- fesseur agrégé à la Faculté de Médecine de Lyon. — Traité de Physiologie. Fonctions de Nutrition. Circulation. Calorification. — 1 vo/. in-8° de5l2pa- ges avec 173 figures noires et en couleurs. (Prix : 12 fr.) G. Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1899. MM. Morat et Doyon se sont proposé de fixer l'état actuel de la Physiologie dans un traité détaillé : ce sera le plus complet que nous ayons. Celui de M. Beaunis, qui a rendu et qui rend encore de si grands services, n'avait pas recu aulant de développe- ments; sa derniere édition remonte d'ailleurs à 1888, et, depuis lors, les ouvrages qui ont paru chez nous, quoique en général excellents, ne prétendent qu'à enseigner brièvement les éléments de la science. Les grands traités, de date récente, sont, ilfautle dire, aussi rares à | Etranger qu'en France. Et cela s'explique : il se publie journellement tant de travaux sur toutes les queslions qui sont du domaine de la Physiologie, sa technique s'enrichit constamment de tant de méthodes nouvelles, que c'est devenu une tâche bien lourde de réunir et d'exposer, dans un ouvrage d'enseignement, à côté des notions classiques, toutes les acquisitions nouvelles qui méritent d'être conservées. Nous devons donc être reconnaissants à MM. Moral et Doyon de s'être imposé ce travail considérable. Pour l’entreprendre et pour y réussir, le professeur de Lyon se trouvait tout désigné et par une pratique déjà longue de l'enseignement, et par la part qu'il n’a cessé de prendre depuis un quart de siècle au mouvement de recherches physiologiques ; nul n’était plus apte à tracer le programme d'un ouvrage didactique, plus apte à le remplir. M. Morat a trouvé un digne collabo- rateurj dans son élève, M. Doyon, qui a appliqué, à la rédaction des chapitres qui lui sout dus, la précision et la rigueur scientifique dont il a déjà donné les preuves dans d'importants travaux. Le volume qui à paru le premier, mais qui est destiné à être le tome troisième dans le plan d’ensem- ble, est consacré à la Circulation (p. 1-276) et à la Calorification (p. 277-506). La première partie a été rédigée par M. Doyon, la deuxième par M. Morat. L'étude générale de la Circulation, répartie en ses grandes divisions nalurelles (circulation cardiaque, artérielle, etc.), se complète par celle des circulations locales, pulmonaire, cérébrale, musculaire et de la circulation lymphatique. Sans doute ce plan était tout indiqué; mais il faut louer M. Doyon d'avoir su main- tenir un juste équilibre dans les développements qu'il a donnés aux principales questions, et en particulier aux phénomènes physiques, d'un côté, aux phénomènes physiologiques, de l’autre : il à fait aux uns et aux autres la part qui leur revenait. Pour arriver à ce résultat, il a dû souvent s’astreindre à une concision très grande; mais l'exposé n'en est pas moins toujours aussi clair que substantiel, et le lecteur y est tenu au courant des recherches les plus récentes. La Calorification, par M. Morat, est une étude à la fois documentée et personnelle : on y remarquera non seu- lement la richesse des matériaux mis en œuvre, mais encore la forte dialectique d’un esprit accoutumé à démêler, dans la complexité des phénomènes physiolo- giques, l’enchainement des faits et leur dépendance réciproque. La première partie traile de l'origine de la chaleur chez les animaux. Après avoir résumé les no- tions indispensables de thermométrie el de calorimétrie, l’auteur soumet à une analyse très pénétrante les procé- dés chimiques qu'emploie l'organisme pour produire la chaleur, en insistant surtout sur l’importance du rôle des hydrates de carbone, et sur les rapports de la gly- cogénie avec la thermogénèse. Le chapitre 11 s'occupe de la distribution topographique de la température. Dans le chapitre m1 qui s'ouvre par les expériences de Berthelot sur l'oxydation du sang dans le poumon, se trouve appréciée la part que les différents tissus, mus- cles, glandes, système nerveux, prennent à la calorifi- cation : les belles recherches de Chauveau et Kaufmann, sur les rapports du travail musculaire et de la chaleur, y tiennent une bonne place. Enfin, le chapitre 1v pré- cise comment il faut entendre la subordination de la thermogénèse à l’action du système nerveux. Après avoir étudié la chaleur comme un effet de l'activité des éléments composants de l'organisme, il faut l’envisager aussi comme cause el comme condition de cette activité. La deuxième partie a donc pour objet l'action de la chaleur et du froid sur l’économie tout entière, sur chacun des tissus en particulier, et enfin sur les ferments. La dernière partie est consacrée à la régulation de la température chez les animaux, par conséquent aux caractères qui différencient les piokilothermes, les hibernants et les homæothermes, aux influences diver- ses qui tendent à faire varier la température normale, et aux mécanismes physiologiques par lesquels certaines classes d'animaux maintiennent leur chaleur fixe et indépendante des écarts de la température extérieure. Dans toutes les parties de l'ouvrage, la description des méthodes et de l'outillage physiologiques est pré- sentée avec assez de précision et de sobriété à la fois, pour que le lecteur puisse se rendre compte aisément de la technique, sans se laisser rebuter par des détails qui n'intéressent que le physiologiste de profession. De nombreux schémas et dessins d'appareils, des figures de toutes sortes, des graphiques, dont beaucoup sont ori- ginaux et empruntés aux collections de M. Morat, faci- litent d'ailleurs partout la lecture. C'est avec le même et constant souci d'être clairs et de venir en aide à la mémoire que les auteurs ont mul- tiplié les divisions des chapitres, qu'ils ont utilisé toutes les ressources de la typographie pour appeler, en tête de chaque paragraphe, l'attention sur la loi ou le fait qui va être développé, et pour mettre en vedette dans le courant même du texte les points essentiels ou intéressants. A la fin de chaque chapitre, une biblio- graphie très riche renvoie aux sources. _ Espérons que MM. Morat et Doyon nous donneront bientôt la suite de leur ouvrage.Comme, sans nul doute, il répondra dans son ensemble au spécimen déjà paru, ce Traité présentera le tableau exact et complet dela Phy- siogie actuelle, et aura l'avantage de s'adresser à toutes les catégories de lecteurs : le débutant, que le Manuel ne satisfait pas, y trouvera un guide sûr et bien reu- seigné qu'il suivra sans nulle difficulté ; celui dont l'éducation élémentaire est déjà faite pourra s'y rendre compte des progrès de la science et y puiser non seu- lement des faits nouveaux, mais des aperçus originaux; le physiologiste sera heureux d’y trouver rassemblés et condensés sous une forme doctrinale des travaux aujourd'hui disséminés un peu partout, et il aura sou- vent à mettre à contribution la bibliographie très complète de l'ouvrage. E. WERTHEIMER, Professeur de Physiologie à la Faculté de Médecjne de Lille. Bauby (D.), Chef des travaux de Médecine opératoire à l'Universilé de Toulouse. — L’Occlusion intestinale. — 1 vol. in-16 de 208 pages de l'Encyclopédie des Aide- Mémoire. (Prix : broché, 2 fr.50, cartonné, 3 fr.) G. Masson et Gauthier- Villars, éditeurs. Paris, 1899. M. Bauby, dans ce petit volume, résume l'état actuel de la question encore si discutée de l’occlusion intestinale. La première partie a trait à l'étiologie et à la patho- génie de l’occlusion; la deuxième est une étude cli- nique, dans laquelle l'auteur passe en revue les divers symptômes et expose la méthode à suivre dans l'exa- men des malades pour arriver au diagnostic. Dans la troisième, M. Bauby, après avoir donné un rapide apercu des ressources que peut offrir la médication interne, insiste sur le traitement chirurgical, ses divers procédés et leurs applications. D' H. HarTManN, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 27 Février 1899. M. le Secrétaire perpétuel annonce la mort de M. Sophus Lie, Correspondant de la Section de Géo- métrie, décédé le 148 Février — M. G. Darboux lit une notice sur la vie et les travaux du savant mathémati- cien. — L'Académie procède à l'élection de deux cor- respondants dans la Section d'Anatomie et de Zoologie. MM. Ray Lankester el Lortet sont élus. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, A. Laussedat pré- sente un certain nombre de cartes représentant diverses parties des montagnes Rocheuses et du territoire du Klondike et exécutées entièrement d'après des photo- graphies prises par ie Service du cadastre au Canada. — M. E. Vessiot communique ses recherches sur l’in- tégration des équations linéaires aux dérivées par- tielles. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E.-H. Amagat a trouvé une forme nouvelle de la fonction f (p,v,t) —0, relative aux fluides. Avec cette nouvelle forme, on arrive à représenter, avec assez d’exactitude, l’ensemble des données relatives à l'acide carbonique, jusque vers 450 atmosphères à 2580, — M. G. Sagnac montre que l’absorplion des rayons secondaires dans l'air ou les différents milieux que ces rayons traver- sent, les affaiblit d'autant plus que le corps rayonnant transforme plus profondément les rayons X. L'ordre d'activité des rayons secondaires devient toutefois inva- riable au-dessous d’une épaisseur d'air limite. Pour caractériser avec précision le degré de transformation des rayons secondaires, on peut employer la méthode des filtrations successives. — MM. Auguste et Louis Lumière ont continué l'étude de l'influence des basses températures sur la phosphorescence. La température minimum nécessaire pour amener la suspension com- plete de la phosphorescence est d’aulant plus basse que la phosphorescence initiale est plus intense ; dans tous les cas observés, l'extinction s'est produite entre — 10° et — 1900. L'action, aux basses températures, des di- verses radiations sur la phosphorescence est la même qu'à la température ordinaire. — M. F. Dussaud à mon- tré que, dans un phonographe, le son ou la parole est d'autant plus intense que le sillon qui se produit est plus allongé. On a donc, par le diamètre ou la vitesse des cylindres, un moyen d' amplifier les sons à volonté. — M. A. d’Arsonval décrit un interrupteur électroly- tique dû à M. Wehnelt et donnant jusqu'à 1.700 inter- ruptions par seconde. Il se compose d’un vase en plomb, relié au pôle négatif d’une batterie, et rempli d'eau acidulée dans laquelle on plonge un fil de platine, relié au pôle positif. Quand le courant passe, il se forme une gaine lumineuse autour du fil et on entend un bruit strident qui indique la production d'interruptions. Le phénomène se produit aussi bien avec un courant alternatif qu'avec un courant continu. — M. J.-R. Mourelo a observé que le sulfure de strontium n'est pas également impressionné par les diverses radiations; ce sont les ondes de plus grande amplitude qui sont les plus efficaces, Lorsqu'une partie du sulfure a été rendue phosphorescente, la phosphorescence se transmet peu à peu à toute la masse, mais en décroissant d'intensité. — M. D. Berthelot moutre que la relation qu'il a trouvée entre les poids moléculaires des gaz et leurs densités limites, prises sous une pression infiniment faible, s'étend au cas des liquides, Pour appliquer ce résultat au calcul du poids moléculaire des liquides, il faudrait c RE exactement l'équation caractéristique des fluides f (p,v,t)—0. La formule imparfaite de Van der Waals constitue cependant une première approxi= mation. — MM. C. Friedel el E. Cumenge ont procédé à l'analyse d'un nouveau minéral venant du Colorado. C'est une poudre cristalline jaunâtre, mélangée géné- ralement avec beaucoup de silice. Elle correspond à la composition 2U?05.V*05.K°0.3H°0 ; elle renferme en outre, en faibles proportions, du fer, de l’alumine et. des métaux radio-actifs. Le nouveau minéral sera appelé carnotite. — M. Ch. Moureu, en faisant réagir l’'anhydride phosphorique sur l'or thoxy aldéhyde, a obtenu, par perte d'une molécule d’eau, l'éthène-pyro- catéchine : O — CH CH | O — CH Ce corps absorbe facilement deux atomes de brome pour donner un bibromure, lequel, par saponification, se décompose en pyrocatéchine et glyoxal. — MM. A. et P. Buisine indiquent les principaux essais qu'ils font subir aux huiles d'acétone de suint pour en déterminer approximativement la composition. Ce sont: la mesure de la densité, de la solubilité dans l’eau, de la solubi- lité dans le bisulfite de soude, et la distillation du pro- duit. En résumé, ces huiles renferment au maximum 5 0/, de diméthylcétone; au minimum, 90 v/, de com- posés à fonction acétonique, dont 75 °/, solubles dans l’eau; cette portion est formée en très grande partie d’éthylméthylcétone. — MM. P. Genvresse et P. Bour- cet, en faisant réagir l'iodure de méthyle sur la phé- nylhydrazine en présence de dissolvants, ont obtenu un composé CH°Az*H°(CH°}°T, insoluble dans l'alcool absolu, et un composé (C$5H° — AzH — AzH°)°CH'I, soluble dans l'alcool. Ce sont des corps bien cristallisés, possédant des propriétés particulières. Avec l’iodure d'éthyle, on obtient deux composés analogues. M. Dienert a confirmé les conclusions de M. Dubourg, montrant que la fermentation d’un sucre peut r'être qu'une question d'acclimatation. En effet, si une levure très active vis-à-vis du galactose est cullivée sur le même milieu dans deux ballons, contenant l'un du galactose, l’autre du saccharose, puis qu'après fermen- tation les levures des deux ballons soient de nouveau ensemencées dans du galactose, la levure du deuxième balion aura une activité beaucoup plus faible que celle du premier. M. E. Demoussy a reproduit expérimen- talement la transformation directe de l'ammoniaque en acide nitrique sous l'influence des ferments nitreux et nitrique, comme elle a lieu dans la terre. L’aceumu- lation de nitrites, constatée auparavant dans les expé- riences sur le même sujet, provenant de l’activité moins grande du ferment nitrique. Mais lorsque les deux ferments ont la même activité, tout le nilrite produit est immédiatement transformé en nitrate. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. R. Fourtau établit que les Crustacés ostracodes fossiles tombés en grande masses à Oullins, près Lyon, le 24 septembre 1898, ne proviennent pas d'Egypte, comme M. Lortet avait tenté de le démontrer. En effet, dans les couches fossilifères qui affleurent en Egypte, on n'a pas trouvé jusqu’à pré- sent d'Ostracodes fossiles, et, d'autre part, le vent pen- dant le mois de septembre a été constamment du nord, tandis qu'il aurait fallu un vent du sud-est pour trans- porter ces fossiles en France. s Séance du 6 Mars 1899. L'Académie procède à l'élection d’un Correspondant dans la Section de CÉoBRAE et Navigation. M. Hel- mert est élu. | ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. O. Callandreau examine quelques particularités de la théorie des étoiles filantes : la possibilité de la répétition d'activité de certains points radiants, ainsi que l'existence de points radiants dits stationnaires. Ces deux faits, qui ont été mis en lumière à la suite des observations persévé- rautes de M. Denning, ne paraissaient pas s’accorder avec la théorie. M. Callandreau montre qu'ils peuvent s'expliquer en admettant certaines conditions particu- lières. — M. Maurice Hamy a employé la méthode interférentielle décrite par Fizeau pour la mesure des diamètres de Vesta et des satellites de Jupiter, au grand équatorial coudé de l'Observatoire de Paris. Le nombre obtenu pour Vesta coïncide avec celui de M. Barnard ; ceux relatifs aux satellites de Jupiter sont un peu infé- rieurs à ceux de M. Michelson. Le fait principal, c'est que la méthode a conduit à de bons résultats, dans des conditions atmosphériques où il eût été impossible d'utiliser la méthode micrométrique. — MM. J. Per- chot et W. Ebert indiquent le principe d'un instru- ment, qui permet d'obtenir les lectures d’un cercle méridien correspondant aux directions inclinées de 45° sur l'horizon. Cet instrument présente un grand avan- tage dans la détermination des latitudes absolues, en éliminant sensiblement les corrections des flexions. — M. W. Stekloff, en combinant les méthodes de MM. Poincaré, Liapounoff, Le Roy, est parvenu à ré- soudre, d'une facon simple et rigoureuse, les problèmes fondamentaux de la Physique mathématique, sans aucune hypothèse douteuse et sans supposer connu le principe de Dirichlet. — M. E. Goursat étudie la question du prolongement analytique d’une fonction de deux variables complexes z, z!, représentée par un développement ordonné suivant les puissances positives de z-a et de z'. — M. Cyparissos Stephanos indique quelques propriétés remarquables dont jouissent deux opérations sur les formes bilinéaires : la composition bialternée et la conjonction. — M. Emile Borel, en se proposant d'approcher du nombre e, soit par des nombres rafionnels, soit par des nombres algébriques de degré déterminé, est arrivé au résultat suivant : Soit P(x) un polynôme irréductible de degré n à coefti- cients entiers. Le nombre à étant donné, si l’on cherche à détermiver les coefficients du polynôme P{x) de ma- nière que P(e) soit inférieur à € (e étant un nombre positif donné), la somme de leurs valeurs absolues est constamment supérieure à Me, M étant un nombre à RE ect il fixe et p défini par la relation = — log! log D M. C. Guichard étudie les réseaux composés d’une série de géodésiques d’une surface et de leurs courbes conjuguées, ainsi que les congruences qui sont paral- lèles à ces réseaux. — M. Tzitzéica présente quelques considérations sur certains systèmes d'équations de Laplace. — M. Chessin recherche quelles hypothèses, sur l'existence ou la nature de f'{z), sont nécessaires et suffisantes pour que /f{z)dz — 0, l'intégrale étant for- mée le longs du contour d’un domaine simplement con- nexe (D), dans lequel /{z) est uniforme et continue. Les conditions très générales obtenues permettent de simplifier la démonstration des théorèmes de Greene et de Cauchy. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Daniel Bertheïot si- gnale une relation simple donnant le poids moléculaire des liquides en fonction de leur densité et de leurs constantes critiques; elle se déduit des lois de MM. Syd- ney Young et Mathias. Dans un tableau, l’auteur com- pare les poids moléculaires théoriques et calculés. La conclusion est que la grande majorité des corps ont la même grandeur moléculaire à l’état liquide qu'à l'état gazeux ; seuls, l’eau, les acides gras et les alcools gras sont nettement polymérisés. — M. Ed. Defacqz a pré- paré le bisulfure de tungstène TuS? par deux méthodes : 1° l’action de l'hydrogène sulfuré sur l'hexachlorure de tungstène; on l'obtient à l’état d’écailles noires amor- phes; 2° par la méthode de M. Riche modifiée (action du carbonate de potasse et de la fleur de soufre sur |! l’oxyde Tu0O* au four Perot) ; on l'obtient en petits cris- taux à reflet bleuté. Sous l'action de la chaleur, à l'abri de l'air, il perd son soufre pour donner le métal libre. — M. André Brochet a combiné l'aldéhyde formique avec certains alcools de la série terpénique, notamment le menthol et le bornéol. Les formals obtenus sont de la forme générale CH*(0R}. — M. Dienert à constaté que le lactose peut remplacer le galactose lorsqu'il s'a- git d'acclimater des levures à ce dernier sucre, Gela provient de ce que cette levure produit une lactase qui dédouble progressivement le lactose en glucose et ga- lactose, de sorte que la levure s’acclimale progressive ment à ce dernier sucre. — MM. Léo Vignon et Barril- lot décrivent une méthode de dosage du cuivre et du mercure dans les raisins, les vins, les lies et les marcs; on peut arriver à déceler moins d'un milligramme par litre de ces métaux, qui ont élé apportés par les solu- lions métalliques destinées à combattre les maladies parasitaires de la vigne. — M. P. Pichard a constaté, dans la culture du tabac, que le chiore du sol tend à entrer dans la plante sous forme de chlorure de polas- sium ; l'acide nitrique des nitrates tend également à entrainer la potasse et il y a un véritable antagonisme entre les deux radicaux. L’acide azotique ne l'emporte qu'à force de quantité. 3° SciENCES NATURELEES. — MM. J. Kunstler et A. Gruvel ont observé, dans le sang du Merluccius vulga- ris, une déformalion particulière de cerlaines héma- ties. Celles-ci sont pourvues d’uue sorte d'axe central plus coloré, entouré d'une masse protoplasmique plus päle et contenant le noyau. La forme générale est al- longée. — M. Kunckel d'Herculaïs a constaté que les mues répétées de certains Insectes ont pour résultat de débarrasser l'organisme de certains parasites el doivent être considérées comme un moyen de défense contre ceux-ci. Il faudra donc probablement renoncer à l'espérance qu'on avait fondée d'arrêter la multiplica- tion de certains insectes déprédateurs en les contami- nant par des parasites. — M. Fr. Dierckx à éludié les glandes défensives de certains Carabides. Chez le Bra- chynus crepitans, l'appareil glandulaire est double, situé de part et d'autre du rectum; chaque élément se com- pose d'une partie sécrélante, d'un canal collecteur et d'un réservoir. Le liquide sécrété est incolore, limpide, à odeur faible mais caractéristique, peu acide; il est très volatil. — M. Marcelin Boule lait l'énumération et la description d’un assez grand nombre @e fossiles, en- voyés récemment de diverses parties de Madagascar au Muséum. Ces fossiles dérotent l'existence du Cénoma- nien ou du Gault supérieur dans le nord de l'ile; du Ju- rassique, de l’Infracrétacé et du Crétacé dans la région de l'Isakondry; du Crétacé sur la côte orientale de l'ile. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 21 Février 1899. La séance est levée en signe de deuil par suite du décès du Président de la République. Seance du 28 Février 1899. M. le Président annonce le décès de M. Loir, associé national. — L'Académie procède à l'élection de deux associés étrangers. Sir Lister (de Londres)etM.R. Koch (de Berlin) sontélus. — MM.Le Dentu et Albarran ont observé un cas de rupture traumatique de l’urètre ayant déterminé un rétrécissement. A la suite de coliques néphrétiques, on pratiqua une néphrectomie, qui laissa une fistule lombaire. Un nouvel examen fit constater l'existence d’un papillome de l’uretère, à la suite duquel on fit l'uretérectomie totale. La guérison parait aujour- d'hui définitive. — MM. H. Hallopeau et Tostivint ont observé une malade qui présentait une déformation considérable des pieds avec arrêt de développement. Cet arrêt paraît provenir de la rétraction du tissu de cicatrices provenant de brûlures que la malade aurait eues dans son enfance, —M. G. Dieulafoy, tout en ré- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES pondant aux criliques adressées par M. Ferrand à l'intervention chirurgicale rapide dans l'appendicite, précise les éléments du diagnostic de cette maladie. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 6 Janvier 1899. M. G. Sagnac montre comment les expériences sur la transformation des rayons X par les differents corps sünples permettent de définir, pour chaque corps et pour un faisceau de rayons X donné, un coefficient C qui caractérise le degré de transformation des rayons secondaires S que le corps envoie dans la cage d'un électroscope. La méthode employée isole la transforma- tion des rayons X de tout autre phénomène, même d'une diffusion élective simultanée. En général, la trausformation est d'autant plus profonde que l'élément est plus lourd. L'ab-orption des rayons S par l'air, que M. Sagnac a mise en évidence par la photographie au début de ses recherches, se manifeste à toute distance quand on l'étudie par l’électroscope; elle est éminem- ment élective. Quelques centimètres d'air atmosphé- rique ne laissent passer, parmi les rayons secondaires émis par le plomb, que les rayons caractérisés par un coefficient C très faible ; quelques millimètres d'air sont traversés par des rayons dont le coefficient est beau- coup plus élevé. L'hétérogénéité des rayons S ressort de ces expériences, comme celle des rayons X a été prouvée par les recherches de MM. Hurmuzescu et Beuoist; elle est toujours beaucoup plus grande, pour un mélal lourd, que celle des rayons X excilateurs. Ceci rapproche l'émission des rayons secondaires des phénomènes de luminescence; comme dans le cas de ces phénomèn M. Sagnac a pu mettre en évidence l'activité particulière des groupes de rayons X qui sont le plus fortement absorbés, mais ces groupes sont beaucoup moins uellement définis que les rayons lumi- neux correspondant à chaque bande d'absorption, — M. Ch.-Ed. Guillaume décrit une illusion d'optique, consistant en une erreur dans l'estimation des distan- ces lorsqu'un objet est vu au travers d'un réseau de mailles identiques plus petites que la distance des yeux. Si, par exemple, on regarde au travers d'un garde-feu en treillis mécanique un charbon incandescent dans le foyer, on voit, en maintenant la tête immobile, le treillis reculer souvent jusqu'au niveau de la plage rougeûtre et passer mème parfois derrière elle. Cette illusion est due à une fausse interprétation des images des deux yeux. Les rayons allant du point postérieur à chacun des yeux passent par des mailles différentes, et les images sont interprétées comme si les rayons passaient dans la même maille. Un faible mouvement de la tête met fin à l'illusion en montrant la distance des deux plans. — M.Guillaume présente ensuile un mécanisme d'horlogerie, inventé par M. Guillerminet, horloger à Paris, et dans lequel une autre illusion d'optique est employée à l'observation d'intervalles de temps d’un cinquième ou d'un dixième de seconde. Un petit cadran additionnel remplace, sur la montre, le cadran des secondes. Il est constitué par un disque de couleur sombre, percé d'ou- verlures radiales équidistantes, dix par exemple. Con- centriquement au-dessous de ce disque s’en trouve un autre, portant neuf bras de couleur claire. Si ce dernier disque se meut par saccades dans le sens rétrograde, les bras apparaîtront dans les fenêtres successives, dans le sens direct. Lorsque le disque aura fait un neuvième de tour, l'aiguille figurée sera revenue à son point de départ. Ce procédé, inverse de celui qu’on emploie généralement en stroboscopie, permet de multiplier à volonté la vitesse apparente d'un objet et de diviser, dans un mécanisme, une seconde en dixièmes par des mouvements très petits qui semblent considérables. — Enfin, M. Guil- laume rend compte : 1° des recherches récentes sur la radiation d'un corpsnoir. MM.Mendenhall et Sounders, aux Etats-Unis, et MM. Lummer et Kurlbaum, en Allemagne, ont cherché à déterminer la loi de l’émis- sion totale d'un corps incandescent constitué par une enveloppe creuse percée d'une petite ouverture. Ces derniers ont trouvé que la loi de la quatrième puissance de la température absolue (loi de Stefan) est vérifiée à 4 °/, près, depuis les températures ordinaires jus- qu'à 1.500°, Les premiers n'avaient poussé la vérifica- tion que jusque vers 800°. 2° d'un travail de M. Ruther- ford, sur les radiations uraniques. M. Rutherford n’a trouvé, dans les radiations de l'uranium et de ses sels, ni réfraction, ni polarisation, ni radiations secondaires. Ces radiations sont complexes, et on peut isoler de l'ensemble au moins deux radiations caractérisées par des pouvoirs pénétrants très différents. Les radiations des sels de thorium, découvertes par Me Curie, sem- blent plus simples. Les radiations de l'uranium ne pro- voquent pas de radiations secondaires appréciables. Le pouvoir de pénétration des moins absorbés est compa- rable à celui des rayons X provenant d'un tube mou. GC. Raveau. SOCIÈTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY Séance du 15 Mars 1899. Le dérivé monobromé du benzylcamphre droit (p. £. 94-95, (x) —+610), déjà signalé par MM. A. Hal- ler et Minguin, trailé par de la potasse alcoolique, donne naissance à du benzylidène-camphre droit : C—CHG'EH® qui possède le mème point de fusion et le mème pou- voir rotaloire que le benzylidène camphre obtenu par action directe de l’'aldéhyde beuzoïque sur le campbre sodé. Le dérivé bromé en question possède donc l’une ou l'autre des deux formules : CBrCH?C°H 7 CU-CHB1C°H* CH ou CHU | Nco CO Quand on fait agir deux molécules de brome sur une molécule de benzylcamphre, on obtient un produit vis- queux incristallisable qui, traité par la polasse alcoo- lique, donue naissance à deux dérivés monobromés du benzylidèue camphre, l'un fondant à 1297-1309 [(a)» —+ 3150] et l'autre fondant à 105 [(x)1}—+283°]. Ces deux dérivés se forment aussi quand on chauffe le benzylecamphre monobromé avec le brome et qu'on traite le produit de la réaclion par de la potasse alcoo- lique. Dans ces deux dérivés, le brome est, sans aucum doute, soit dans le noyau benzénique, soit dans le noyau camphre. L'étude de ces corps est continuée. — MM. Férée et Guntz ont repris l'étude des amal- games de baryum et de strontium, dont l'existence avait élé contestée par M. Kerp, et leurs nouveaux résultats confirment leurs anciennes recherches. La composition des amalgames varie, en effet, avec Ja pression à laquelle ils ont été soumis, variation faible pour les amalyames stables, formés avec grand dégage ment de chaleur (Ba, Sr, Na, K, etc.), énorme, au con- traire, avec un grand nombre d’amalgames, comme ceux de Fe, Cr, Ni, CO, Me, etc., et où la compression à la main dans la peau de chamois donne deux séries de produits de même constitution, FeHg*, CrHg*, GoHg* et Mollg”, NiHg°. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 24 Février 1899. M. E.-F.-J. Love éludie les relations de l'effet de Joule-Thomson avec l'équation caractéristique des gaz. L'auteur rappelle que les résultats des recherches de Joule et Thomson sur les effets thermiques des fluides en mouvement ont été utilisés presque exclusi- vement, jusqu'à présent, dans le seul but de détermi- PE OT TT UE ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 233 ner la relation eutre les différentes échelles des ther- momètres à gaz et à l'échelle absolue de température, D'autres conséquences peuvent en ètre déduiles, qui montrent le rapport entre la formule adoptée pour l'effet de Joule-Thomson, regardé comme une fonction de la température, et la forme particulière de l’équa- tion caractéristique d'un gaz. L'auteur cherche ainsi à faire reposer sur une base théorique les formules diverses de van der Waals, Rose-Innes, etc., en même temps qu'il insiste sur le baut degré d'exactitude des résultats expérimentaux de Joule et Thomson. Il dis- cute ensuite la relation qui existe entre l'énergie intrin- sèque d’un gaz et son volume et il donne une méthode pour le calcul du rapport des deux chaleurs spécifiques jrincipales d'un gaz. Enfin, l’auteur considère quelques points de la thermodynamique des substances à leur température de deusité maximum. Il montre : 1° que l'effet de Joule-Thomson est nul pour toute substance i son maximum de densité, de même qu'il l'est pour un gaz absolument parfait; 2° que le nombre infini des chaleurs spéciiques d'une substance est réduit à un à la température du maximum de densité. — M. Rose- Innes, tout en félicitant l’auteur sur la facon dont il a trailé un sujet aussi difficile, eroit qu'il est préférable de ne pas s'appuyer sur le phénomène de Joule-Thom- son pour l'élude des gaz, vu les énormes difficultés expérimentales qui ont apparu dans les recherches et malgré la grande habileté des deux expérimentateurs. IL vaut mieux avoir recours aulant que possible à des expériences comme celles de M. Amagat sur la com- pressibilité des gaz. SOCIETE DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 2 Février 1899 (Suite). M. Gerald T. Moody, par l’action de l'acide sulfurique sur le propylbenzène, a obtenu l'acide propylbenzène-#- sulfonique, dont l'amide fond à 109-110°. Les acides probylbenzène-2 et 3-sulfoniques ont été obtenus par réduction des dérivés bromés correspondants. Chaultés pendant plusieurs heures à 1500, ils n'éprouvent pas de changement isomérique. Leur stabilité est remar- quable, comparée à celle de l'acide éthylbenzène-2- sulfonique. — MM. F. D. Chattawayet K. J.P. Orton ont préparé l'iodure d’azole par un nouveau procédé, qui consisle à faire réagir l'ammoniaque sur une solu- lion diluée d'hypoiodite de potassium; on obtient ainsi des cristaux dichroïques, d'une densité 3,5. — MM. F. D. Chattaway et H. P. Stevens ont étudié l'action des agents réducteurs suivants sur l’iodure d'azote : sulfite de soude, acide sulfureux, anhydrides arsénieux et antimonieux, chlorure stanneux, hydrogène sulfuré ; liodure d'azote est décomposé en ammoniaque et acide iodhydrique. — M. F. D. Chattaway à analysé, par une nouvelle méthode, divers échantillons d'iodure d'azote préparés par différents procédés; il a trouvé chaque fois le même composé, correspondant à la for- mule Az°H*'l°. — MM. F. D. Chattaway et K. J. P. Orton ont étudié l'influence de la lumière sur l'iodure d'azote en suspension dans l'ammoniaque; il est décomposé en azote et acide iodhydrique. En même temps, une petite partie est hydrolysée et fournit de lammoniaque et de l'hypoiodite d'ammonium; ce der- nier Corps, assez instable, se transforme en iodure et iodate d’ammonium. — Les mêmes auteurs ont cherché l'action des alcalis sur l'iodure d'azote; la potasse pro- duit de l'ammouiaque et un hypoiodite, qui se décom- pose en iodure et iodate; en même temps, il se forme un peu d'azote et d'acide iodhydrique. L'eau a un effet analogue, mais l'acide hypoiodeux formé réagit sur l'acide iodhydrique et met en liberté de l'iode. — MM. F. D. Chattaway et H. P. Stevens ont étudié l’action des acides dilués sur l'iodure d'azote; celui-ci est décomposé d'abord en ammoniaque et acide hypoio- deux. Si l'acide employé ne réagit pas sur l'acide hypoiodeux, celui-ci se décompose simplement en acide iodhydrique et acide iodique, lesquels s’attaquent en partie pour donner de l'iode libre. Si l'acide employé réagit sur l'acide hypoiodeux, on obtient : avec l'acide iodhydrique, de l’iode; avec l'acide chlorhydrique, du chlorure d'iode; avec l'acide cyanhydrique, de l'iodure de cyanogène. — MM. F. D. Chattaway el K. J. EP. Orton expliquent ainsi la formation de l’iodure d'azote à partir de l'iode et de l'ammoniaque : (1) 12 + 2AZH'OH = AzH'I + AzH'OI + H°0 (2) 3AzH*O1L =: AZ HSI* + AZH'OH + 2H°0 Dans la préparation à partir de l'ammoniaque et de l’hypoiodite de potassium, la première phase «le la réac- lion est : AzH#OH + KOI = AZH'OI + KOH ; la seconde est la même que précédemment. Quant à la constitution du produit, elle est encore douteuse; mais elle est probablement NH°.NE où NHLNHE. — MM. Lloyd Snape el Arthur Brooke onl isolé, des produits de distillation du mélange obtenu par l'action du cyanure d'ammonium sur la benzaldéhyde, une nouvelle base, isomère de l’amarine et fondant à 1982. — M. Sydney Young a conslalé que l'acide chloro- sulfonique, à la température ordinaire, agit beaucoup plus rapidement sur les iso-paraftines et sur les dérivés méthylés des hydrocarbures aromatiques que sur les paraflines mêmes; il y à là nn moyen de purilier ces dernières. — MM. W. H. Mills et Thomas H. Eas- terfield ont préparé, par l’action du chlorure de ben- zoyle sur le mésitylène, le dibeuzoylmésitylène. Celui- ci est réduit, sous l'influence de la poudre de zinc et de la potasse, d'aborden dihydroxydibenzylmésitylène, puis en dibenzylmésitylène. C'est un corps soluble dans l'alcool chaud, d’où il cristallise eu beaux prismes, lon- dant à 89°. Lorsque le dibenzoylmésilylène estoxydé en tube fermé par l'acide nitrique, il est converti presque intégralement en deux acides dibeuzoyluvitiques iso- iuères, en même temps qu'il se forme un peu d'acide dibenzoylmé-itylénique. — MM. Frederick H. Lees et W. H. Perkin jun. out mouiré que l’action du chloro- forme sur l’anhydride camphorique en présence de chlorure d'aluminium produit, à côlé de l'acide isolau- ronolique, une nouvelle lactone C*H'"0°, isomère de la campholactone, et appelée pseudocampholactone.Celle- ei réagit sur le pentabromure de phosphore en présence d'alcool méthylique pour donuer le bromo-dihydro-- lauronolate de méthyle, d’où l’on prépare facilement l'acide -lauronolique. C’est une huile incolore, bouillant à 1470-4490, légèrement lévouyre.Sous l’action de l'acide sulfurique, elle se convertit en pseudocampholactone. — M. T. Martin Lowry a observé que le pouvoir rota- toire des solutions nouvellement préparées de nitro- camphre et de 7r-bromonitrocamphre varie, non seule- ment avec les divers dissolvants, mais encore avec le temps pour un même dissolvant. L'auteur attribue le fait à ce que la forme normale et la forme pseudonor- male de ces deux substances sont isodynamiques et que le changement de structure du corps dissous entraine une modification du pouvoir rotatoire. L'équilibre entre la forme normale et la pseudoforme finit par s’élablir au bout d'un certain temps et le pouvoir rolatoire ne varie plus. — MM. Percy Frankland et Frederick Mal- colm Wharton ont poursuivi l'étude de l'influence de l'isomérie de position sur l’activité optique. La rotation à gauche du malate d’éthyle est diminuée par l'inlro- duction des groupes benzoyle, ortho , méta-, el parato- luyle ; celle du malate de méthyle est diminuée par le premier et les deux derniers, mais elle est augmen- tée par le groupe orthotoluyle. — M. Percy Frank- land cherche à expliquer les résultats précédents en supposant que le pouvoir rotatoire dépend du degré d'association des molécules de malate de méthyle et d'éthyle et de leurs dérivés. La rotation est d'autant plus grande que le degré d'association est moindre. Dans une série homologue, le pouvoir rotatoire maxi- mum correspondra au composé le moins associé (malate de propyle pour les malates), mais ce maximum peut 256 ACADÉÈMIES ET SOCIËTÉS SAVANTES disparaitre dans les séries substituées. — MM. A. W. Gilbody et W. H. Perkin jun. ont fait l'étude de deux malières colorantes naturelles, la brasiline et l'hématoxyline, et préparé un grand nombre de leurs dérivés. La triméthylbrasiline OH.C5H!#°0 (0Me}, oxydée par l'acide chromique, fournit la trimethylbrasilone, en cristaux jaune paille, fondant à 1910. Cette der- nière, traitée par l'acide nitrique fumant, donne de l'acide nilroparaméthoxysalicylique et une substance C#H$OS(OMe), soluble en pourpre dans les alcalis. La triméthylbrasiline, oxydée par le permanganate de potasse, donue un acide qui, par fusion avec la po- tasse, fournit du résorcinol. La tétraméthylhématoxy- line, OH.CH°0 (OMe)t, donne de même, avec l'acide chromique, de la tétraméthylhématoxylone; celle-ci, traitée par l'acide nitrique, produit une substance non encore analysée, soluble en pourpre dans les alcalis. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 26 Janvier 1899 (Suite). 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Cardinaal : « Re- présentation des vis de M. Ball qui passent par un point ou qui se trouvent dans un plan d’après la méthode de Caporali ». Cette communication fait suite à un discours tenu au Congrès de la «Gesellschaft deutscher Natur- forscher und Aerzle » de Dusseldorf (sept. 1898) qui va paraitre dans le Jahresbericht der deutschen Mathematiler- Vereinigung. —M. J. de Vries : « Courbes planes quar- tiques trinodales ». Si les deux coniques : Di — Di ets be La Li ba ie — 10; We = C4 Le Lg + Co La Li + Ca Lie — 0, qui passent par les trois nœuds D,, D,, D, de la quar- üque donnée : pris comme sommets du triangle des coordonnées homogènes, sont liées entre elles par les trois condi- ditions : bc, —u,, becs =, bics — ass, l'identité : 14 2 3 73 33 Ps We— Ti Tes E (di Ce + De Ci — 2 Qye) 3 montre que les deux couples de points d'interseclion libres de l, avec les coniqyes associces ®, et W, se trouvent sur la droite : E(bce +de —2a,.)xs — 0. Au contraire, si les coefficients b et c ne satisfont qu'aux deux condilions Da Ca— Ge, Ds Cy— Un ON prouve, à l'aide de l'identité : P, P,—[,=x7 T3 ®, qu'on peut faire passer une conique ©,, représentée par (bic — ds) ds ts + a E (bc, + be —2 ae) xs — 0, par les nœuds D.,, D, et les couples de points d'inter- section libres B,,B, et C,, CG de F, avec ®, et Y; alors ®, et W, sont nommées complémentaires par rap- port à D., D,. Et la conique ÿ,, dont 4441 (Da Ta + Ds Te) (Ce Ts + Cy Ge) —[ (Ve Cs + VsCe) Ti — 22 a: 23) est l'équation, est l'enveloppe des droites B, B, et C, C, à la fois; à leur tour toutes ces coniques sont envelop- pées par la quartique originale F,. En continuant de cette manière l’auteur parvient à trois coniques remar- quables, la conique +, par les trois couples de points tangentiaux des nœuds, la conique £ des trois couples de points antitangentiaux des nœuds et la conique w de Brill par les six points d’inflexion. Ces trois coni- ques passent par les deux points d'intersection libres de la conique : is og Le Ty À Ass gi ds Ta Æ Asa yo Li de = 0 avec F,, etc. — M.J. D. van der Waals présente au nOm de M. J. J. van Laar une « Evaluation de la seconde correction de la quantité b de l'équation de l’état de van der Waals » (voir Rev. gén. des Sc., t. NII, p. 1170, t. IX, p. 919). A l’aide d’une série d'intégrations qui parailront in extenso dans les « Archives du Musée Teyler, Harlem », l'auteur trouve la valeur 0,095$, pré- cise à quatre décimales. M. van der Waals ail savoir que les « Archives de l’Académie » ont été enri- chies d’une collection de manuscrits de feuvanSwinden, ayant trait à l'introduction du mètre. Ces manuscrits formant un complément considérable à d’autres docu- ments non encore inventoriés, se rapportant au même sujet et en possession de l’Académie, M. H. G. van de Sande Bakhuyzen nomme en commission à cet effet MM. J. A. C. Oudemans, D. J. Korteweg et P. Zeeman. — M.P.H.Schoule présente, au nom de M.S.L. van Oss,une commuuication : « Das regelmässige Sechshundertzell und seine selbstdeckenden Bewegungen » (L'hexakosiè- droide régulier et ses déplacements anallagmatiques). Sont nommés rapporteurs : MM. Schoute etKorteweg. 20 Sciences PaysiQues. — M. J. M. van Bemmelen. « Sur l'hydrate de l'oxyde de fer ». Dans un mémoire publié recemment dans le Recueil des travaux chimiques des Pays-Bas, M. W. Spring, de Liège, communique qu'il a préparé un hydrate d'oxyde de fer « d'une composition définie». Il l'avait obtenu en lavant et desséchantà l'air le précipitat gélatineux engendré par l’addilion d'am- moniaque à une solution diluée de l'oxyde. Après soixante-douze jours le poids spécifique avait atteint une limite; pendant les cinq mois suivants, ce poids ne subissait pas la moindre altération. Cet hydrate avail la constitution Fe,0,,4#H,0. Au contraire, d'après les recherches de M.van Bemmelen, qui datent de 1888 et 1892, l'oxyde gélatineux de fer doit être considéré comme une combinaison d'absorption de Fe,0, et H,0, ce qui implique qu'il n'est pas permis de parler d’une combinaison chimique.Toutefois le résultat de M. Spring a provoqué M. van Bemmelen à de nouvelles recher- ches, surtout en rapport avec l'isotherme de 15° et avec la manière dont se comporte l'hydrate exposé à l'air dont la tension de vapeur varie. Ses résultats sont déposés en des tableaux el sur un graphique. — En- suile M. van Bemmelen présente au nom de M.B. de Bruyn : « L'équilibre de systèmes à (rois composantes admettant deux phases liquides. » Dans le cas de trois composantes A,RB,C à deux phases liquides, on dis- tingue qualre cas bien différents à mesure que, des couples (B, C) (C, A) (A, B) compris dans le triple A, B, C. trois, deux, uu seul ou aucun admettent deux phases liquides. Tous ces cas, à l'exception du dernier, ont été étudiés par M. EF. A. H. Schreinemakers; pendant l'impression du travail de l'auteur, M. Snell a publié une étude sur le cas chlorure de potasse, acétone, eau appartenant à la quatrième catégorie. Les systèmes étudiés ici sont: 1° sulfate d'ammonium, éthylalcool, eau; 2 carbonate de potasse, méthylalcool, eau; 3° carbonale de potasse, éthylalcool, eau; 4° sulfate de soude, éthylalcool, eau. 3. SCIENCES NATURELLES. — M. K. Martin : Les forma- tions yéologiques de la rivière Melawi sur l'ile de Bornéo. Communication en rapport avec une collection de fossiles envoyés à Leyde par l'ingénieur des mines M. N. Wing Easton. Ces fossiles démontrent l'existence d'une formation jurassique à Bornéo. — M. C. Winkler présente, au nom de M. G. C. van Walsem, un « Spé- cimen d’une méthode systématique de recherche an- thropologique et microscopique de l'anatomie normale et pathologique du système central des nerfs ». Sont nommés rapporteurs, MM. C. A. Pekelharing et C. Winkler. P. H. ScHoure. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. | 10° ANNÉE N° 1 15 AVRIL 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES LOUIS OLIVIER Er DIRECTEUR : CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Génie civil L'état actuel de lautomobilisme. — Au cours de la publication de l'étude de M. G. Lavergne sur l'Etat actuel de l'Automobilisme !, quelques recher- ches et inventions nouvelles ont vu le jour. L'auteur nous adresse, à ce sujel, quelques renseignements que nous publions ci-dessous et qui complèteront très h-u- reusement ses précédents articles : « Dans notre premier article sur l'Etat actuel de lAu- - tomobilisme (n° du 28 février 1899, p. 150), nous avons dit que MM. Delamare-Deboutteville et Malandin avaient pris, le 42 février 1884, un brevet pour une automobile à l'essence de pétrole. M. Ed. Delamare-Deboutteville nous écrit que cette automobile, réellement construite, avait fonctionné dès 1884, un an avant celle de Daimler. « Dans le même article (p. 131), nous avons relaté les résultats fort pessimistes des expériences de M. Rin- gelmann sur l'application de l'alcool aux automobiles. Ce dernier a opéré avec des moteurs qui n'avaient pas été spécialement étudiés pour consommer de l'alcool, et a eu recours, pour la préparation du mélange car- buré, à un stratagème parfaitement inadmissible pour une pratique journalière. « Plus récemment, M. Petréano, avec un moteur à gaz Otto, muni d'un carburateur spécial, qu'il assure être sans danger, a obtenu le cheval-heure indiqué à raison de 0,662 litre d'alcool à la densité de 0,815. Postérieurement, la maison Kôrting, de Hanovre, avec un moteur spécialement construit pour ces essais, sur le type de son moteur à benzine, à obtenu le cheval- heure indiqué moyennant 0,49 litre d'alcool à 0,814. En somme, le volume d'alcool est à peu près égal à ce- lui de l'essence qu'il faut consommer pour avoir le cheval-heure, au lieu d’être de 1,5 à 2,3 fois ce volume, comme l'avait trouvé M. Ringelmann. « Ces résultats sont peut-être de nature à changer le sort réservé à l'application de l'alcool à l’automobilisme, tout au moins en Allemagne, où l'alcool dénaturé coûte 1 Revue générale des Scrences des 28 février, 15 et 30 mars, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. -bien moins cher qu'en France. Il faut cependant se défier, jusqu'à nouvel ordre, d'un optimisme exagéré, et considérer la question comme réservée. « Le Salon du Cycle et de l’Automobilisme, tenu, en décembre 1898, à la galerie des Machines, a fait con- naître au public les louables efforts que font certains constructeurs pour atténuer les trépidations du moteur, soit en attelant, comme M. Henriod, deux cylindres horizontaux face à face, leurs pistons agissant, par des manivelles calées à 1809, sur l’arbre moteur placé entre eux et les deux explosions se produisant en même temps pour s’équilibrer; soit en enfermant dans chaque cy- lindre deux pistons, entre lesquels se produit la déto- nation, et qui, allant en sens inverse l’un de l'autre, exercent sur l'arbre des actions égales et opposées. C’est la solution adoptée par MM. Gobron et Brilié, avec leurs deux cylindres verticaux accolés, qui action- nent une automobile à direction épicycloïdale fort bien étudiée; et par MM. de Riancey et Gévin, avec leur unique cylindre norizontal, base d'un ingénieux avant- train moteur-directeur. « Ce dernier est destiné à une voilurette : la création d'une bonne voiturette à deux places, d’un prix abor- dable, est le but que beaucoup de constructeurs pour- suivent, fort justement d’ailleurs. Il faut, en effet, recon- naître que la voiture automobile de dimensions ordi- nairesestchère d'achat, d'entretien et de consommation, et par suite reste trop l'apanage des riches amateurs. Une clientèle nombreuse serait assurée à un véhicule ne pesant guère que 300 kilogrammes à vide, marchant à une vitesse moyenne de 20 ou 25 kilomètres à l'heure, et ne coûtant que 3.000 francs. Mais sa réalisation est plus difficile que celle d’une grande voiture, à cause de l'énorme proportion qu'elle requiert entre le poids utile et le poids mort, le premier devant être presque la moitié du second. « Jusqu'ici on avait cherché à simplifier sa construc- tion par la suppression du courant d’eau destiné à refroidir les cylindres. C’est ainsi que, dans la voilu- rette Decauville, qui a fait son apparition aux Tuileries en juin 4898, le moteur de trois chevaux (à deux cylin- dres verticaux, genre de Dion, à parois très amincies et à ailettes dégagées de la masse à la fraise), n'est 7 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE refroidi que par le courant d'air. Depuis cette époque, nous ayons vu apparaitre la voiturelte des établisse- ments Panhard, dans laquelle le commandant Krebs a eu recours, pour le refroidissement de la seule soupape d'échappement, à un courant d'eau circulant sous l’action des différences de densité de sa masse. Allant plus loin, MM. de Dion et Bouton mettent la dernière main à une voiturelte, dans laquelle tout le cylindre sera refroidi par un courant d'eau, dont une pompe assurera la circulation. Ils ne sont pas seuls à trouver que le refroidissement par l'air est insuffisant pour un moteur de quatre chevaux. Mais s’il faut enlever à la voiturette l’une des rares simplifications qu'on avait jusqu'ici admises pour elle, on ne se facilite guère la besogne. « Mentionnons, en terminant, les efforts faits par quelques construcleurs de voitures électriques pour assurer à leurs véhicules le record du kilomètre. Jusqu'à nouvel ordre, il est détenu par M. Chasseloup- Laubat, qui, avec sa voiture Jeantaud, a parcouru le kilomètre, départ lancé, en 38" 4/5. Rappelons que celui des motocycles à pétrole appartient à M. Rigal (57! 3/5), et celui des voitures à pétrole à M. Loysel (1! 3"), avec sa voiture Amédée Bollée. « Sans attacher à ces résultats plus d'importance qu'ils n’en méritent, car la voiture électrique qui détient le record est trop exclusivement faite pour ce genre de sport bien spécial, nous ne pouvons nous empêcher de trouver fort remarquable cette vitesse de 94 kilo- mètres à l'heure réalisée sur route. Et, dans cette forme de voiture lorpille, qu'après celle d'Amédée Bollée, la voiture de Jeantaud vient de prendre, sans se préoccuper beaucoup du confort des voyageurs ou de la beauté du véhicule, nous ne pouvons nous em- pêcher de trouver la juste influence de cet amincisse- ment que nous voudrions {ant voir donner au moins à l'avant des automobiles ordinaires. » Gérard Lavergne, Ingénieur civil des Mines. $S 2. — Physique industrielle L'enseignement de la Physique industrielle dans nos Facultés des Seiences. — A propos de la lettre de M. A. Pérot sur l'enseignement de Ja Physique industrielle à la Faculté des Sciences de Mar- seille, nous recevons de M. P. Weiss les intéressantes remarques qui suivent : « Dans une lettre publiée par la Revue‘, M. Pérot donne la composition du public qui suit l’enseigne- ment de la Physique industrielle à la Faculté des Scien- ces de Marseille. Ce public se compose de : 25 ouvriers ou contre-maîtres; 8 élèves de l'Ecole d'ingénieurs de la ville de Mar- seille ; À ingénieur; 11 étudiants; 16 auditeurs de professions variées, Soit, au total, 61 auditeurs. « Voilà incontestablement un public nombreux et intéressant auquel un cours de Physique industrielle peut être des plus utiles. Mais il me semble que sa composition vient à l'appui de la thèse que j'ai déve- loppée dans ce journal : à savoir que pour ambilionner une carrière pratique dans laquelle la haute sience ait sa place, il faut unir aux qualités du physicien celles de l'ingénieur. Il faut donc, avant tout, dans l'organisation de notre enseignement technique, nous préoccuper d’une préparation spéciale indispensable. Cette prépa- ration, les auditeurs plus âgés, déjà en fonction dans l'industrie, la possèdent, par le fait même, plus ou moins complète. Les ouvriers el contre-maitres appar- tiennent à cette catégorie d’auditeurs, et M. Pérot abonde dans mon sens quand il se félicite d'avoir pu ! Revue gén. des Sciences, du 30 mars 1899, page 209. attirer ce public. Mais quelque intéressant qu'il soit, il ne doit pas, à mon avis, être l’objet principal de notre attention. Nous devons nous proposer d’armer complè- tement pour la lutte industrielle les élèves sortant de l'enseignement secondaire. Or, ceci, les Facultés ne peuvent le faire seules ; chargées de dispenser la science seulement, elles ont besoin du concours des établisse- ments où l'on enseigne l’art de la construction. C’est à ce point de vue que j'ai vivement recommandé le rap- prochement et la pénétration des Ecoles des Arts et Métiers et des Facultés des Sciences, et je note avec plaisir, dans la liste de M. Pérot, les huit élèves de l'Ecole d'ingénieurs de la ville de Marseille; c’est un heureux symptôme pour l'avenir. « La Faculté des Sciences de Rennes a été moins favorisée que celle de Marseille. Il n’a été possible de consacrer qu'un cours d'une heure par semaine à Ja Physique industrielle sans l'appui d'aucune conférence. Dans cette région essentiellement agricole, les audi- teurs réguliers, continuant à suivre le cours après l’af- fluence de l'ouverture, ont élé moins nombreux : une vinglaine ; mais les travaux pratiques sont proportion- nellement plus suivis. Sept élèves, un tiers par consé- quent des auditeurs, y prennent part régulièrement, Une après-midi est plus spécialement consacrée à ces travaux, mais chaque étudiant ayant dans le laboratoire une place qui lui est attribuée à demeure, les opéra- tions peuvent être continuées dans l'intervalle des séances, facilité dont quelques-uns usent largement. Ces sept élèves comprennent quatre étudiants, le direc- teur et un professeur de l'Ecole pratique d'Industrie de Rennes et un ingénieur des chemins de fer. Ces trois derniers sont le plus à même de profiter de l’ensei- gnement, malgré une préparation mathématique très inégale. Les quatre premiers, qui seraient dignes de toute l'attention de l'Université, ne peuvent, daus l’état actuel des choses, être dirigés vers une carrière prafi- que déterminée. Qu'il me soit permis de rappeler ici, qu'à mon avis, les conditions de développement impo- sées par la nature des choses sont différentes pour la Physique et la Chimie industrielles, et qu'il ne convient pas d'étendre à cette dernière ce qui précède. Pierre Weiss, Maitre de Conférences de Physique à la Faculté des Sciences de Rennes. $S 3. — Histoire des Sciences Un point de l'Histoire des Sciences : la Syn- thèse de l'Alcool. — L'histoire de cette synthèse est aujourd'hui présentée dans divers Recueils sous une forme légendaire, d'après laquelle elle aurait été faite par Hennell en 1828. Cette légende, insinuée après coup et anti-datée, est erronée, ainsi que je demande la perrnission de le rappeler : la question est intéres- sante pour l’histoire des Sciences. Elle tendrait à substituer, dans l'attribution d'une découverte fondée sur des expériences positives, une conjecture émise en passant et qui avait été écartée depuis longtemps, après examen, par les auteurs les plus autorisés des Traités de Chimie organique publiés de 1835 à 1854, tels que Liebig, Berzélius et Gerhardt, comme ne reposant sur aucune démonstration expé- rimentale. Rappelons les faits. Hennell, dans le seul Mémoire où il ait publié quel- ques résultats relatifs à la combinaison du gaz oléfiant avec l’acide sulfurique, n’y consacre qu'une douzaine de lignes‘. Il examine une portion d'acide sulfurique à laquelle Faraday avait fait absorber du gaz oléfiant, sans s'en occuper davantage ; Hennell en forme un sel de potasse, dont il se borne à dire, d’une manière vague et en une ligne, que ce sel avait les propriélés de celui qu'il avait déjà obtenu avec l'alcool, c'est-à- A e 1 Ann. de Chim. el de Phys., 2e série, t. XXXV, p. 159; 1827. 3 dé gr om dima PTE CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 259 dire du sulfovinate, sans définir davantage ces pro- priétés. Rien de plus, sans doute parce que la chose avait à ses yeux peu d'importance. En elfet, Hennell n'a fait d'ailleurs aucune analyse, aucune étude sé- rieuse du sel ainsi obtenu avec le gaz oléfiant et surtout, ce qui est essentiel, il n'a en aucune facon cherché à régénérer de l'alcool avec le gaz oléfiant. Bref, Hennell n'a jamais fait l'expérience qu'on lui altribue gratuitement et n'a jamais prétendu l'avoir faite. Quant au sel dont il à parlé si brièvement, ni l’ori- gine véritable, ni la constitution n'en sont connues; et elles ont donné lieu de la part des chimistes contem- porains à des doutes, insolubles en l'absence de tous détails précis. En premier lieu, ils se sont demandé jusqu'à quel point le gaz oléliant préparé à cette époque si élnignée de nous était exempt de vapeur d'éther, auquel cas le sulfovinate, si c'en était, déri- verait de l’éther et non du gaz oléfiant : ce doute a été soulevé dans les écrits de Chevreul et de Liebig et il ôte toute valeur concluante aux essais de Hennell. En outre, la constitution même du sel qu'il avait entrevu a été jugée incertaine, parce que Hennell et ses con- temporains ignoraient l'existence de plusieurs combi- naisons sulfuriques du gaz oléfiant, autres que l'acide sulfovinique, telles que les acides éthionique et iséthio- nique, découverts et étudiés plus tard par Magnus et Regnault, acides destitués de la propriété de régénérer l'alcool sous l'influence de l’eau. : A la suite de ces recherches plus précises et de ses propres travaux sur la très faible solubilité du gaz oléfiant dans l'acide sulfurique ‘, Liebig supprima dans ses livres toute mention des essais imparfaits de Hen- nell. Berzélius depuis, et Gerhardt, en 1854, en ont fait autant dans leurs Traités classiques. Tel était l’état de la Science, lorsque j'ai réussi à faire la synthèse de l'alcool, en m'appuyant sur des faits jusque-là inconnus, tels que les conditions exception- nelles d’agitation violente et prolongée, qui sont indis- peusables pour déterminer l'absorption, c’est-à-dire la combinaison du gazoléfiant pur avec l'acide sulfurique; cet acide absorbant au contraire presque immédiate- ment la vapeur d'éther. Cette première combinaison : - élant réalisée dans des conditions certaines, j'ai fait à | l'expérience décisive, c'est-à-dire que j'ai démontré expérimentalement la régénération de l’alcoolau moyen du gaz oléfiant pur et j'ai établi que le corps obtenu par moi avait les mêmes propriétés physiques et chi- miques que l'alcool ordinaire, qu'il formait les mêmes éthers, ainsi que le même aldéhyde, etc. Je l'ai confirmée d’une facon plus nette encore par la synthèse directe des combinaisons du gaz oléfiant avec les hydracides, c'est-à-dire des éthers chlorhy- drique, bromhydrique, iodhydrique, avec leurs pro- priétés connues, et j'en ai tiré une méthode générale de synthèse d'alcools, dérivés de tous les carbures de Ja même série. Enfin, la synthèse directe de l'acétylène par les élé- ments, carbone et hydrogène, puis la synthèse du gaz oléfiant par l’acétylène m'ont permis de réaliser expé- rimentalement la synthèse totale de l'alcool par les éléments, objet fondamental de toute cette recherche. Toutes ces réactions sont devenues aujourd'hui simples et évidentes : elles ne l'étaient, ni en théorie, ni en pratique, à l’époque où elles ont été réalisées expé- rimentalement?. M. Berthelot, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences. Professeur au Collège de France. 1 Annalen der Chemie und Pharm., t. IX, p. 8. ? Cette note a été communiquée par M. Berthelot à l'Académie des Sciences dans sa séance du 4 avril; nous remercions l’émineut savant d'avoir bien voulu nous en communiquer préalablement la copie à l'intention de nos lecteurs. $ 4, — Sciences médicales Des dangers de contamination par la tu- bereulose. — Dans la discussion qui, depuis quinze jours, occupe la Société de Médecine berlinoise, M. Fur- brioger, un des meilleurs cliniciens berlinois, a cité quelques faits qui semblent montrer que les dangers de contamination par les tuberculeux sont moins grands qu'on ne le croit. Il a notamment dressé une statistique d'où il résulte qu'à l'hôpital de Friedrichshain, sur 108 infirmières, 3 seulement sont devenues tuberculeuses. Et encore faut-il terir compte de ce fait qu'une d'elles était issue de parents tubereuleux et qu'une autre était tubercu- leuse avant de venir à l'hôpital. D’après une autre statistique, sur 708 sœurs de charité, dont 94 sont restées de 5 à 15 ans dans les hôpilaux où pendant ce temps il est passé 9.000 tuberculeux, 13 sont devenues tuberculeuses. Mais chez 6 d’entre elles il existait des antécédents tuberculeux, et chez 6 autres le début de l’affection était antérieur à leur entrée dans les hôpitaux. M. Furbringer estime donc que l'isolement des tuber- culeux est une mesure complètement inutile, car ce qui, d’après lui, domine l’étiologie de la tuberculose, c'est l'hérédité et la question du terrain. Mortalité des marins des grandes pêches (campagne de 189$). — Grâce aux renseignements qu'ont bien voulu leur fournir les commissaires de l'inscription maritime, les docteurs du Bois Saint- Sevrin et Chastang ‘ ont pu dresser le bilan des pertes subies par nos pêcheurs de Terre-Neuve et d'Islande, pendant la campagne de pêche de 1898. 1° Campagne de Terre-Neuve. — Le nombre total des pêcheurs s'est élevé à 10.650 hommes. De ces 10.650 pêcheurs, 213 ont péri dans les circon- stances suivantes : 4° Disparus en mer : aNaufrases /(BMAVITES) NC 77 bHDons enmdenvVeEltS) EN NEN E CRCENÉEFANLANITELE MON REC TT 20 Décédés par suite de traumatisme ou de TAG FN 11 Total. . 213 Ce qui donne comme mortalité 20 °/. 2° Campagne d'Islande. — 3.440 marivs ontpris part à la campagne; ils ont perdu 14 hommes, à savoir : Dariaccidents de mer ER PT CE TE Baramaladiess Fees PR RL RER ID TOLAL EN AS Ce qui donne comme mortalité 4,06 °/0. C'est, au dire de tous les Islandais, un résultat exceptionnel qui ne s'était peut-être jamais observé encore; les tempêtes, celte année, ont été relativement rareset on n'a eu à déplorer la perte d'aucun homme par suite de naufrage. $ 5. — Géographie et Colonisation Le chemin de fer de Konakry au Niger navigable, — Les deux missions remplies en 1895- 1896, puis en 1897-1898, dans la Guinée francaise, par M. E. Salesses, capitaine du génie, lui ont permis d'étu- dier le tracé d’une voie ferrée entre Konakry et le Haut-Niger, et de donner des conclusions parfaitement nettes au sujet de l'utilité de cette ligne. Nous rappe- lons qu'on étudie actuellement les moyens financiers permettant de l’élablir sur les bases du tracé établi par le capitaine Salesses. Partant de Konakry (fig. 1), dont l'im- portance comme port ne fait que grandir, la voie ferrée 1 Arch. de méd. navale, 1899, n° 3, p. 153. 260 irait rejoindre le Niger au point où il devient navigable, bien en amont par conséquent de Bammako où doit aboulir la ligne de Kayes-Bafoulabé prolongée, avec laquelle elle ne fera pas double emploi. Dès 1888, le capitaine Brosselard-Faidherbe avait été chargé de procéder à des reconnaissances prélimi- paires pour se rendre compte de l’opportunité d'une semblable voie de communication. Le point de départ choisi était alors Benty, à l'embouchure de la Mellaco- rée et à proximité de celles des deux Scarcies, la Kolenté ou grande Scarcie et la Kaba ou petite Scarcie. La mis- sion fut arrêtée dans sa marche par les lieutenants de Samory, alors maitre du pays. Il fallut, en 1889, la campagne du colonel Combes pour chasser les Sofas. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE été poussée que jusqu'à une centaine de kilomètres: Elle aboutit actuellement à Mambia, au delà des monts Oulouma. En 1897, le capitaine Salesses fut chargé d'étudier non plus une route, mais un chemin de fer; le point d'arrivée devait être pris sur le Niger, à la tête de navi- gation sur ce fleuve. La Mission comprenait, outre son chef, deux offi- ciers : le capitaine Millot, déjà connu par ses explora- tions et levés en Guinée, précédemment membre de la mission Passaga en 1895-1896, et auteur d'une carte inédite de la colonie; et l’adjoint du génie Naudé, qui avait été membre des missions Marmier et Joffre pour le chemin de fer de Kayes à Bammako, et avait cons- & $ À ÿ Sok F * ouli ©Zerno, Kins arm = Kokouniaex + ++ Signes conventionnels Chemin defèr 17 tracé)... = SL NA PAUSE (Variante)... «= Route de Honakry ax Niger. _ Gravé par Borremans 11 rue. S'tSulpiee Farts . Mais le résultat de la convention franco-anglaise de délimitation du 21 janvier 1895 fut de nous obliger à abandonner le tracé primitif. M. Chautemps, alors ministre des colonies, fit re- prendre à nouveau le projet d'établissement d’une route. C’est alors que le capitaine Salesses fut envoyé en Guinée pour faire de nouvelles étades. En 1895- 1896, aidé du sous-officier de Bernis, depuis assassiné à Ilo, sur le Bas-Niger, il procéda au levé à grande échelle de la chaine qui sépare les bassins côtiers de l'Atlantique du bassin du Haut-Niger, en vue de l’éla- blissement d’une route carrossable que pourrait ullé- rieuremnent emprunter un Decauville. Le point de départ de Benty n'ayant plus sa raison d'être, puisqu'on ne pouvait plus utiliser le tracé Brosselard-Faidherbe, on choisit Konakry. Quant au point terminus, on avait pro- visoirement indiqué Faranna, chef-lieu d'un cercle et point de croisement de routes importantes. On a depuis commencé l'exécution de cetle route, mais elle n’a Fig. 1. — Tracés du chemin de fer et de la roule de truit la route de Bammako à Bougounie. Le personnel de la mission comptait en outre cinq sous-officiers. Arrivée à Konakry le 14 octobre 1897, la mission se mit en marche le 9 novembre. Après l'étude en détail et de concert des solutions à adopter pour franchir la montée de Tangbaïa, celle des monts Oulouma, la des- cente de Gouléah et la montée de Bambaïia, l’adjoint du génie Naudé exécuta le levé détaillé de la première moitié du tracé entre Konakry et Bambaïa. Pendant ce temps, le capitaine Millot prenait les devants jusqu'à Faranna par un chemin assez difficile, et le chef de la mission se rendait à Timbo. M. Salesses se dirigea de là vers le Niger par Kounta et Toumania où il retrouva le capitaine Millot qui levait le cours du Niger et de son affluent le Koba, de Toumania à Kouroussa. De son côté, M. Salesses leva le cours du Niantan; puis franchissant le Niger à Soia Moreia, il se rendit à Kouroussa par Dembasiria, Serekoro et Diaragbelé. Le gros de la mission était réuni à Kouroussa le CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 261 1er janvier 1898, ayant dès lors éclairci la question du terminus de la voie sur le Niger. Le capitaine Salesses avait cru, d'après les renseignements indigènes, pouvoir trouver ce terminus aux environs de Soia Moreia, mais le cours du fleuve est encore là trop sinueux et il est embarrassé de barrières granitiques presque infranchis- sable aux basses eaux en aval de Soia Moreia. Le lit ne devient libre qu'à 30 kilomètres, en amont de Kouroussa, étape au sud de Timbo et de Kouroussa. Le point cul. minant est à 800 mètres au col de Koumi, à une tren- taine de kilomètres au sud-ouest de Timbo. L'ouvrage d'art le plus important sera un pont de 60 mètres, en deux travées, sur la Kolenté, que l'on franchira à Forecariah. Les pentes ne doivent pas dépasser 25 mil- limètres par mètre. Les courbes ont toutes plus de 100 mètres de rayon, à l'exception d’une seule qui n’a que 75 mètres. Les principales difficultés de construc- tion de la ligne sont la montée des monts Oulouma, la descente de Gouléah, la montée de Bambaïa et la des- cente de Simbacounian. La ligne desservira les régions populeuses du Kanéab, du Fouta méridional, du Firia, du Oulada, et les gros près d'un village nommé Kardamania que Samory a brûlé. En aval de Kouroussa, le Niger est tout à fait navigable comme le montrent les relevés hydrogra- phiques du commandant Hourst. Le point terminus qui a été choisi est avantageux à tous égards. Kouroussa est un marché de première 7 130 129 TER : Se PES -sZ ï a RS rame ÉPQUSSAY TO) —0 °7 2 _ = “Lé) — 57 TD Te Driurugbéle u oùs &-- \ ZA = Sa oual:q \Permnbasiria 1 ee \# S FH CE _ ank- 2 Sérehoro : | , / aran À | , 2 KQ DAEN Le ‘ rs Le à 2 LA LS | RL Faranna tester tttrrrprrt+tetes A EN LS S\ 2" Ÿ Des 2 0 à + Hérémakono * Im b a n kyt+xz + LE + + EN * QE, Le | x E s E x, LS &. | LE “a CA | + Ô | 4 e # | Ts E x Signes conventionnels e Reconnatssance (17°Mission/)__— Ps 2 He EN LÉ DER TREE ee Limite d'Etat = +++ | + JE 30 740) Konakry au Niger el reconnaissances des diverses missions. marchés indigènes de Friguiagbé, Téliko, Kouroufing Bauko, Toumania, Passaïa, Kouroussa. On a reproché à ce tracé de laisser de côté les marchés de Démokou- lima et Kébalé, tout le pays de Labé et les provinces populeuses qui avoisinent le Kon-Kouré.Pour ce motif, on étudie actuellement une variante qui, partant de Friguiagbé, emprunterait les vallées de l’'Ona-Oua, du Méon-Kouré et du haut Kon-Kouré, et rejoindrait le tracé actuel vers Aindé-Kounkouré ou Koumi-Oumaréa. Ce tracé, qui n'entrainerait qu'un allongement de 20 kilomètres, aurait en plus l'avantage d'éviter les difficultés de Gouléah et de Bambaïa, et de supprimer le pont sur la Kolenté. L'adjoint du génie Naudé est parti le 25 octobre dernier pour étudier cette variante. Le principal avantage de la ligne de Konakry sera d'être courte et d'aboutir directement à la mer. Elle part d'un port dont la rade est suffisamment grande et sûre, et elle traversera de riches pays producteurs. Gustave Regelsperger. importance, un centre de commerce pour le caoutchouc, l’or et autres objets d'échange. Kardamania est un magnifique emplacement pour une ville, au confluent du Niger et d’un affluent, dans une plaine fertile. Les résultats de la Mission ont été un levé détaillé au 14/5000 d'une bande de 550 kilomètres de longueur sur 400 mètres de largeur, des itinéraires nouveaux de 3.500 kilomètres qui, joints à ceux de la première mis- sion, donnent un parcours total de 5.500 kilomètres, les déterminations des déclinations magnétiques, lati- tudes et longitudes de 36 points, des observations météorologiques, géologiques, botaniques, ethnolo- giques, etc. Ces résultats, combinés avec les travaux de M. Paroisse et ceux de la Mission de délimitation Passaga, fournissent une base mathématique pour l’éta- blissement d’une carte détaillée de la Guinée francaise. Enfin, en ce qui concerne le chemin de fer, la Mis- sion conclut à l'établissement d'un tracé de 550 kilo- mètres, sans viaduc ni tunnel, La voie passera à une 262 H. POINCARÉ — RÉFLEXIONS SUR LE CALCUL DES PROBABILITÉS RÉFLEXIONS SUR LE CALCUL DES PROBABILITÉS Le nom seul de calcul des probabilités est un para- doxe : la probabilité, opposée à la certitude, c’est ce qu'on ne sait pas, et comment peut-on calculer ce que l’on ne connait pas? Cependant, beaucoup de savants éminents se sont occupés de ce calcul, el l’on ne saurait nier que la science n’en ait tiré quelque profit. Comment expliquer cette apparente contradiction ? La probabilité a-t-elle été définie? Peut-elle mème être définie? Et, si elle ne peut l'être, com- ment ose-t-on en raisonner ? La définition, dira-t-on, est bien simple : la probabilité d’un événement est le rapport du nombre des cas favorables à cet évé- nement au nombre total des cas possibles. Un exemple simple va faire comprendre combien cetle définition est incomplète. Je jette deux dés; quelle est la probabilité pour que l’un des deux dés au moins amène un six? Chaque dé peut amener six points différents : le nombre des cas possibles est 6X 6—36; le nombre des cas favorables est er 11 11 ; la probabilité est 3G: C’est là la solution correcte. Mais ne pourrais-je pas dire tout aussi bien : Les points amenés par les ," Î : . — 921 combinaisons deux dés peuvent former 2 différentes? Parmi ces combinaisons, 6 sont favo- 6 21 Pourquoi la première manière d’énumérer les cas possibles est-elle plus légilime que la seconde? En tous cas, ce n'est pas notre définition qui nous l'apprend. On est donc réduit à compléter cette définition en disant : «... au nombre total des cas possibles, pourvu que ces cas soient également probables. » Nous voilà donc réduits à définir le probable par le probable. Comment saurons-nous que deux cas possibles sont également probables? Sera-ce par une con- vention ? Si nous placons au début de chaque pro- blème une convention explicite, tout ira bien; nous n'aurons plus qu'à appliquer les règles de l’arithmé- tique et de l'algèbre et nous irons jusqu'au bout du calcul sans que notre résultal puisse laisser place au doute. Mais, si nous voulons en faire la moindre application, il faudra démontrer que notre conven- lion était légilime, et nous nous retrouverons en face de la difficulté que nous avions cru éluder. Dira-t-on que le bon sens suffit pour nous apprendre quelle convention il faut faire? Hélas! M. Bertrand s’est amusé à traiter un problème rables; la probabilité est simple : « Quelle est la probabilité pour que, dans une circonférence, une corde soit plus grande que le côlé du triangle équilatéral inscrit? » L'illustre géomètre a adopté successivement deux conven- tions que le bon sens semblait également imposer, : À : 1 3 1 et il a trouvé avec l'une gr avec l’autre 3° La conclusion qui semble résulter de tout cela, c'est que le calcul des probabilités est une science vaine, qu'il faut se défier de cet inslinet obscur que nous nommions bon sens et auquel nous deman- dions de légilimer nos conventions. Mais, cette conclusion, nous ne pouvons non plus y souscrire; cet instinct obscur, nous ne pouvons nous en passer; sans lui la science serait impos- sible, sanslui nous nepourrions ni découvrirune loi, ni l'appliquer. Avons-nous le droit, par exemple, d'énoncer la loi de Newton? Sans doute, de nom- breuses observations sont en concordance avec elle; mais n'est-ce pas là un simple effet du hasard? comment savons-nous d’ailleurs si cette loi, vraie depuis tant de sièeles, le sera encore l'an prochain? A celte objection, vous ne trouverez rien à ré- pondre, sinon : « Cela est bien peu probable ». Mais admettons la loi; gràce à elle, je crois pou- voir calculer la position de Jupiter dans un an. En ai-je le droit? qui me dit qu'une masse gigantesque, animée d’une vitesse énorme, ne va pas d'ici-là passer près du système solaire et produire des per- turbations imprévues? Ici encore il n'y a rien à ré- pondre, sinon : « Cela est bien peu probable ». A ce compte, toutes les sciences ne seraient que des applications inconscientes du calcul des proba- bilités; condamner ce calcul, ce serait condamner la science tout enlière. J'insisterai moins sur les problèmes scientifiques où l’intervention du calcul des probabilités est plus évidente. Tel est en première ligne celui de l'inter- polation, où, connaissant un certain nombre de valeurs d'une fonction, on cherche à deviner les va- leurs intermédiaires. Je citerai également: la célèbre théorie des erreurs d'observation, sur laquelle je reviendrai plus loin ; la théorie cinétique des gaz, hypothèse bien con- nue, où chaque molécule gazeuse est supposée dé- crire une trajectoire extrèmement compliquée, mais où, par l'effet des grands nombres, les phéno- mènes moyens, seuls observables, obéissent à des lois simples qui sont celles de Mariotte et de Gay- Lussac. Toutes ces théories reposent sur les lois des grands nombres, et le calcul des probabilités les PÉRN L DAdOE NEO H. POINCARÉ — RÉFLEXIONS SUR LE CALCUL DES PROBABILITÉS 263 entrainerait évidemment dans sa ruine. Il est vrai qu'elles n’ont qu'un intérêt particulier et que, sauf en ce qui concerne l'interpolation, ce sont là des sacrifices auxquels on pourrait se résigner. Mais, je l'ai dit plus haut, ce ne serait pas seu- lement de ces sacrifices partiels qu'il s'agirait, ce serait la science tout entière dont la légitimité serait révoquée en doute. Je vois bien ce qu’on pourrait dire : «Nous sommes ignorants et pourtant nous devons agir. Pour agir, nous n'avons pas le temps de nous livrer à une enquête suffisante pour dissiper notre ignorance ; d'ailleurs, une pareille enquête exigerait un temps infini. Nous devons donc nous décider sans savoir ; il faut bien le faire au petit bonheur et suivre des règles sans trop y croire. Ce que je sais, ce n’est pas que telle chose est vraie, mais que le mieux pour moi est encore d’agir comme si elle était vraie ». Le calcul des probabilités, et par conséquent la science, n'aurait plus qu'une valeur pratique. Malheureusement la difficulté ne disparait pas ainsi : Un joueur veut tenter un coup; il me de- mande conseil. Si je le lui donne, je m'inspirerai du calcul des probabilités, mais je ne lui garantirai pas le succès. C’est là ce que j'appellerai la pr'oba- bilité subjective. Dans ce cas, on pourrait se conten- ter de l'explication que je viens d’esquisser. Mais je suppose qu'un observateur assiste au jeu, qu'il en note tous les coups et que le jeu se prolonge longtemps; quand il fera le relevé de son carnet, il constatera que les événements se sont répartis conformément aux lois du calcul des probabilités. C'est là ce que j'appellerai la probabilité objective, et c'est ce phénomène qu'il faudrait expliquer. Il existe de nombreuses sociétés d'assurances qui appliquent les règles du calcul des probabilités, et elles distribuent à leurs actionnaires des divi- dendes dont la réalité objeclive ne saurait être contestée. Il ne suffit pas, pour les expliquer, d'in- voquer notre ignorance et la nécessité d'agir. Ainsi, le scepticisme absolu n’est pas de mise; nous devons nous méfier, mais nous ne pouvons condamner en bloc; il est nécessaire de discuter. I. — CLASSIFICATION DES PROBLÈMES DE PROBABILITÉ. Pour classer les problèmes qui se présentent à propos des probabilités, on peut se placer à plu- sieurs points de vue différents, et d'abord au point de vue de la généralité. J'ai dit plus haut que la probabilité est le rapport du nombre des cas favo- rables au nombre des cas possibles. Ce que, faute d'un meilleur terme, j'appelle la généralité, croitra avec le nombre des cas possibles. Ce nombre peut être fini; comme, par exemple, si l’on envisage un coup de dés où le nombre des cas possibles est 36. C'est là le premier degré de généralité. Mais, si nous demandons, par exemple, quelle est la probabililé pour qu'un point intérieur à un cercle soit intérieur au carré inscrit, il y a autant de cas possibles que de points dans le cercle, c'est- à-dire une infinité. C’est le second degré de géné- ralilé. La généralité peut être poussée plus loin encore : on peut se demander la probabilité pour qu'une fonction salisfasse à une condition donnée; il y à alors autant de cas possibles qu’on peut ima- giner de fonctions différentes. C'est le troisième degré de généralité, auquel on s'élève, par exemple, quand on cherche à deviner la loi la plus pro- bable d’après un nombre fini d'observations. On peut se placer à un point de vue tout diffé- rent. Si nous n'étions pas ignorants, il n’y aurait pas de probabilité, il n'y aurait de place que pour la certitude; mais notre ignorance ne peut être abselue, sans quoi il n’y aurait pas non plus de probabilité, puisqu'il faut encore un peu de lu- mière pour parvenir même à cette science incer- taine. Les problèmes de probabilité peuvent ainsi se classer d’après la profondeur plus ou moins grande de cette ignorance. En Mathématiques, on peut déjà se proposer des problèmes de probabilité. Quelle est la probabilité pour que la 5° décimale d’un logarithme pris au hasard dans une table soit un 9? On n’hésitera pas DURE 1 : à répondre que cette probabilité est TT Ici nous possédons toutes les données du problème; nous saurions calculer notre logarithme sans recourir à la table; mais nous ne voulons pas nous en donner la peine. C'est le premier degré de l'ignorance. Dans les sciences physiques, notre ignorance est déjà plus grande. L'état d'un système, à un instant donné, dépend de deux choses : son état initial et la loi d'après laquelle cet état varie. Si nous con- naissions à la fois cette loi et cet état initial, nous n'aurions plus qu'un problème mathématique à résoudre et nous retomberions sur le premier degré d'ignorance. Mais il arrive souvent qu'on connait la loi et qu'on ne connait pas l’état initial. On demande, par exemple, quelle est la distribution actuelle des petites planètes; nous savons que, de tout temps, elles ont obéi aux lois de Képler, mais nous igno- rons quelle était leur distribution initiale. Dans la théorie cinétique des gaz, on suppose que les molécules gazeuses suivent des trajectoires rec- tilignes et obéissent aux lois du choc des corps élastiques; mais, comme on ne sait rien de leurs vitesses initiales, on ne sait rien de leurs vitesses actuelles. Seul, le calcul des probabilités permet de pré- voir les phénomènes moyens qui résulteront de 264 la combinaison de ces vitesses. C’est là le second degré d'ignorance. Il est possible, enfin, que non seulement les con- ditions iniliales, mais les lois elles-mêmes, soient inconnues; on atteint alors le troisième degré de l'ignorance et, généralement, on ne peut plus rien affirmer du tout au sujet de la probabilité d'un phénomène. Il arrive souvent qu'au lieu de chercher à devi- ner un événement d'après une connaissance plus ou moins imparfaile de la loi, on connaisse les évé- nements et qu'on cherche à deviner la loi; qu'au lieu de déduire les effets des causes, on veuille dé- duire les causes des effets. Ce sont là les problèmes dits de probabilité des causes, les plus intéressants au point de vue de leurs applications scientifiques. Je joue à l’écarté avec un monsieur que je sais parfaitement honnête; il va donner; quelle est la probabilité pour qu'il tourne le roi? c'est Si c'est là un problème de probabilité des effets. Je joue avec un monsieur que je ne connais pas; il a donné 10 fois et il a Lourné 6 fois le roi; quelle est la pro- babilité pour que ce soit un grec? c'est là un pro- blème de probabilité des causes. On peut dire que c'est le problème essentiel de la méthode expérimentale. J'ai observé nr valeurs de x et les valeurs correspondantes de y; j'ai cons- alé que le rapport des secondes aux premières est sensiblement constant. Voilà l'événement; quelle est la cause? Est-il probable qu'il y ait une loi générale d'après laquelle y serait proportionnel à x et que les petites divergences soient dues à des erreurs d'observations? Voilà un genre de question qu'on est sans cesse amené à se poser et qu'on résout in- consciemment toutes les fois que l'on fait de la science. Je vais maintenant passer en revue ces différentes catégories de problèmes en envisageant successi- vement ce que j'ai appelé plus haut la probabilité subjective et ce que j'ai appelé la probabilité objec- live. II. — LA PROBABILITÉ DANS LES SCIENCES MATHÉMATIQUES. L'impossibilité de la quadrature du cercle est démontrée depuis 1885; mais, bien avant cette date récente, tous les géomètres considéraient cette im- possibilité comme tellement « probable », que l'Académie des Sciences rejetait sans examen les mémoires, hélas! trop nombreux, que quelques malheureux fous lui envoyaient tous les ans sur ce sujet. L'Académie avait-elle tort? Evidemment non, el elle savait bien qu'en agissant ainsi, elle ne ris- H. POINCARÉ -— RÉFLEXIONS SUR LE CALCUL DES PROBABILITÉS quait nullement d’étouffer une découverte sérieuse. Elle n'aurait pu démontrer qu'elle avait raison; mais elle savait bien que son instinct ne la trom- pait pas. Si vous aviez interrogé les académiciens, ils vous auraient répondu : « Nous avons comparé la probabilité pour qu'un savant inconnu ait trouvé ce qu'on cherche vainement depuis si longtemps, et celle pour qu'il y ait un fou de plus sur la terre; la seconde nous a paru plus grande. » Ce sont là de très bonnes raisons, mais elles n'ont rien de mathématique, elles sont purement psy- chologiques. Et si vous les aviez pressés davantage, ils auraient ajouté : « Pourquoi voulez-vous qu'une valeur par- liculière d’une fonction transcendante soit un nombre algébrique; et si x était racine d’une équa- tion algébrique, pourquoi voulez-vous que cette racine soit une période de la fonction sin 2 x et qu'il n’en soit pas de même des autres racines de cette même équation ? » En somme, ils auraient invoqué le principe de raison suffisante sous sa forme la plus vague. Mais que pouvaient-ils en tirer ? Tout au plus une règle de conduite pour l'emploi de leur temps, plus ulilement dépensé à leurs travaux ordinaires qu'à la lecture d’une élucubration qui leur inspirait une légitime défiance. Mais ce que j'appelais plus haut la probabilité objective n'a rien à voir avec ce pre- mier problème. Il en est autrement du second problème. Envisageons les nombres : 1 [1 PA o ( Ho) où je donne successivement à x les valeurs 1,2... jusqu'à 10.000. Parmi ces 10.000 nombres, j'en prends un au hasard ; quelle est la probabilité pour que sa troisième décimale soit un nombre pair? Vous n'hésilerez pas à répondre à et, en effet, si vous relevez dans une table les troisièmes décimales de ces 10.000 nombres, vous trouverez à peu près autant de chiffres pairs que de chiffres impairs. Il sera plus simple d'examiner un problème un peu différent, mais analogue. Ce que je dirai de l’un s'appliquerait également à l’autre. Considérons les 10.000 expressions : = ZT i .000 De ——— sin [: z log (: un no) Je n'hésilerai pas à dire que la moyenne de ces 10.000 expressions est probablement nulle, et, si je la calculais effectivement, je vérifierais qu'elle est très petite !. ! L'analogie des deux problèmes est évidente ; celui que H. POINCARÉ — RÉFLEXIONS SUR LE CALCUL DES PROBABILITÉS Au lieu de faire la somme et de diviser par 10.000, je calcule l'intégrale de notre expression depuis 1 Es u'à 40.000 + = et je divise par 10.000. Je 9 JUSq gel] P démontrerais aisément que l'erreur ainsi commise -est plus petite que : T° x 1 10.000 2 10.000.000 < 1.000 ? et ensuite, en intégrant par parties, que l'intégrale divisée par 10.000 est elle-même plus petite que : 22 ss EU DER 1.000 x loge ! 1.000ælog*e — 500° Pour établir ce double résultat, je n’ai besoin que de m’appuyer sur deux faits, à savoir que les déri- vées première et seconde du logarithme restent, dans l'intervalle considéré, comprises entre cer- taines limites. D'où cette première conséquence que la propriété est vraie non seulement du logarithme, mais d'une fonction continue quelconque, puisque les dérivées de toute fonction continue sont limitées. Si j'étais certain d'avance du résultat, c'est d’a- bord que j'avais souvent observé des faits analogues pour d'autres fonctions continues; c'est ensuile parce que je faisais dans mon for intérieur, d'une façon plus ou moins inconsciente et imparfaite, le raisonnement qui m'a conduit aux inégalités pré- cédentes, comme un calculateur qui, avant d’avoir achevé une multiplication, se rend compte que « cela va faire à peu près tant », Et d’ailleurs, comme ce que j'appelais mon intui- tion n’était qu'un apereu incomplet d’un véritable raisonnement, on s'explique que l'observation ait confirmé mes prévisions, que la probabilité objec- live ait été d'accord avec la probabilité subjective. Comme troisième exemple, je choisirai le pro- blème suivant : Un nombre w est pris au hasard, x est un entier donné très grand: quelle est la valeur probable de sin nu? Ce problème n'a aucun sens par lui-même. Pour lui en donner un, il faut une convention ; nous conviendrons que la probabilité pour que le nombre « soit compris entre les limites a et best: rb 7 o(u) du, > (u) étant une fonction que je choisis arbitraire- j'avais d'abord posé se ramène à la recherche de la valeur moyenne de l'expression : nl T : [io (: ne noce) | FE (y) étant une fonction qui est égale à + 1, si la troi- sième décimale de y est paire, et à — 1 si elle est impaire. Or, celte fonction, comme sin 1.000 xy, est une fonction M 1 périodique dont la période est 500’ 265 ment, mais que je suppose continue. La valeur de sin nu restant la même quand w augmente de 27, je puis, sans restreindre la généralité, supposer que u est compris entre 0 el et je serai ainsi conduit à supposer que ow(u) est une fonction périodique dont la période est 27. Comme je suis cerlain que u est compris entre 0 et 27, comme, en d’autres termes, la probabilité de cet événement est égale à 1, j'aurai : ce (u) du = 1. 0 “ La valeur probable cherchée est: AT % œ (u) sin nu du, o et il est aisé de montrer que cette intégrale est plus petite que : 2rMx nl M, étant la plus grande valeur de la dérivée 4° de (u). On voit donc que, si la dérivée k° est finie, notre valeur probable tendra vers zéro quand n croitra indéfiniment et cela plus vite que PPS à La valeur probable de sin nu pour n très grand est done nulle; pour définir cette valeur, j'ai eu besoin d'une convention ; mais le résultat reste le même quelle que soil cetie convention. Je ne me suis imposé que de faibles restrictions en supposant que la fonction o(u) est continue et périodique, et ces hypothèses sont tellement naturelles qu'on se demande comment on pourrait y échapper. L'examen des trois exemples précédents, si dif- férents à tous égards, nous a fait déjà entrevoir d'une part le rôle de ce que les philosophes appel- lent le principe de raison suffisante, et d'autre part l'importance de cé fait que certaines propriétés sont communes à loutes les fonctions continues. L'étude de la probabilité dans les sciences physi- ques nous conduira au même résullat. IIT. — LA PROBABILITÉ DANS LES SCIENCES PHYSIQUES. Arrivons maintenant aux problèmes qui se rap- portent à ce que j'ai appelé plus haut le second degré d'ignorance ; ce sont ceux où l'on connait la loi, mais où on ignore l'état initial du système. Je pourrais multiplier les exemples, je n'en prendrai qu'un : Quelle est la distribution actuelle probable des pelites planètes sur le zodiaque ? Nous savons qu'elles obéissent aux lois de Képler; nous pouvons même, sans rien changer à la nature du problème, supposer que leurs orbites sont toutes circulaires et situées dans un même plan et que nous le sachions. En revanche, nous ignorons abso- lument quelle était leur distribution initiale. Cepen- H. POINCARÉ -— RÉFLEXIONS 266 dant nous n'hésitons pas à affirmer qu'aujourd'hui celte distribution est à peu près uniforme. Pour- quoi ? Soit à la longitude d'une petite planète à l’époque iniliale, c'est-à-dire à l'époque 0 ; soit « son moyen mouvement; sa longitude à l’époque actuelle, c'est- à-dire à l’époque £, sera at + b. Dire que la distri- bution actuelle est uniforme, c'est dire que la valeur moyenne des sinus et des cosinus des mulliples de at + best nulle. Pourquoi l’affirmons-nous ? Soit o da db la probabilité pour que le moyen mouvement d'une petite planète soit com- pris entre a et a + da et que sa longitude initiale soit comprise entre b et b + db. La valeur moyenne de sin (a{ + b) sera donnée par l'intégrale double : (a, b) [fe tab) sin (at + b) dadb. Ne sachant rien de la distribution initiale, je ne sais rien de la fonction & (a, b); je n'ai pas plus de raison pour choisir telle fonction plutôt que telle autre; je serai cependant conduit à choisir une fonction continue. Si je suppose, par conséquent, que la fonction # a des dérivées, notre intégrale double deviendra, en intégrant successivement par parties : { ea : IE cos (al + b) dadb, 7 ff Es (at+b)dadb, … ; : 1 La présence des facteurs 7’ nous montre 12 qu'elle tend vers zéro quand { augmente. Ainsi, je ne savais trop quelle hypothèse faire au sujet de la probabilité de telle ou telle distribution initiale; mais, quelle que soit l'hypothèse faite, le résultat sera le même et c'est ce qui me tire d'em- barras. Quelle que soit la fonction , la valeur moyenne tend vers zéro quand { augmente, et comme les petites planètes ont certainement accompli un très grand nombre de révolutions, je puis affirmer que celte valeur moyenne est très petite. Je puis choisir 9 comme je le veux, sauf une res- triction loulefois : cette fonction doit être continue; et, en effet, au point de vue de la probabilité sub- jective, le choix d’une fonction discontinue aurait quelle raison pourrai-je par exemple, de supposer que la longitude iniliale peut être égale à 0° juste, mais qu'elle ne peut être comprise entre 0° et 1°? Mais la difficullé reparait si l’on se place au point de vue de la probabilité objective. La valeur moyenne de sin (at + b) sera repré- sentée lout simplement par : élé déraisonnable ; avoir, { d = N: sin (alt +b), D md SUR LE CALCUL DES PROBABILITÉS n étant le nombre des pelites planètes. Au lieu continue, ment que celle valeur moyenne ne soit effective- ment très pelite. néral très peu d’une intégrale. croit indéfiniment. Si les termes sont très nom- c'est-à-dire de l'intégrale, et ce que j'ai dit de cette dernière sera encore vrai de la somme elle-même. exemple, l'on avait pour toutes les pelites pla- nètes la valeur moyenne serait évidemment égale à 4. Pour cela, il faudrait qu'à l'époque 0, les petites planètes eussent été toutes placées sur une sorte de spirale d’une forme particulière à spires extrème- ment serrées. Tout le monde jugera qu’une pareille distribution initiale est extrêmement improbable (et, même en la supposant réalisée, la distribution ne serait pas uniforme à l'époque actuelle, par exemple le 1° janvier 1900, mais elle le redevien- drait quelques années plus tard). Toutefois, pourquoi jugeons-nous cette distribu- tion initiale improbable? Il est nécessaire de l'expli- quer, car, si nous n'avions pas de raison de rejeter comme invraisemblable cette hypothèse saugrenue, tout s'écroulerait et nous ne pourrions plus rien affirmer au sujet de la probabilité de telle ou telle distribution actuelle. Ceque nous invoquerons, c'est encore le prin- cipe de raison suffisante, auquel il faut toujours revenir. Nous pourrions admellre qu'à l'origine les planèles étaient distribuées à peu près en ligne droile; nous pourrions admettre qu'elles étaient irrégulièrement distribuées; mais il nous semble qu'il n’y à pas de raison suffisante pour que la cause inconnue qui leur à donné naissance, ait agi suivant une courbe si régulière et pourtant si compliquée, et qui paraïîtrail précisément avoir été choisie exprès pour que la distribulion actuelle ne fût pas uniforme. IV. — Rouce Er No. Les queslions soulevées par les jeux de hasard, comme celui de la roulette, sont, au fond, tout à fait analogues à celles que nous venons de traiter. Par exemple, un cadran est partagé en un grand nombre de subdivisions égales, alternativement d'une intégrale double porlant sur une fonction nous avons une somme de termes dis- crets. Et pourtant personne ne doutera sérieuse- C'est que notre somme discrète différera en gé- Une intégrale est la limite vers laquelle tend une somme de termes quand le nombre de ces termes“ breux, la somme différera très peu de sa limite, Il y à des cas d’exceplion néanmoins. Si, par TT beh CE H. POINCARÉ — RÉFLEXIONS SUR LE CALCUL DES PROBABILITÉS 267 “rouges et noires; une aiguille est lancée avec force, ct, après avoir fait un grand nombre de tours, elle “s'arrête devant une de ces subdivisions. La proba- pe pour que celle division soit rouge, est évi- 1 - demment 5: Lu A L'aiguille va tourner d'un angle 0, comprenant “plusieurs circonférences; j'ignore quelle est la pro- “habilité pour que l'aiguille soit lancée avec une lorce telle que cet angle soit compris entre 8 et m1) + 0; mais, je puis faire une convention; je puis “supposer que cette probabilité est #(0)d6; quant à a fonction (8), je puis la choisir d'une façon entiè- “rement arbitraire; il n'y a rien qui puisse me gui- “der dans mon choix; cependant, je suis naturelle- ment conduit à supposer celte fonction continue. Soit « la longueur (comptée sur la circonférence “de rayon 1) de chaque subdivision rouge ou noire. Il faut calculer l'intégrale /#(6)d9 en l'étendant, d'une part, à toutes les divisions rouges, d'autre part, à toutes les divisions noires, et comparer les résultats. Considérons un inlervalle 2e, comprenant une division rouge et la division noire qui la suit. Soit M et m, la plus grande et la plus pelile valeur de la fonction (6) dans cet intervalle. L'intégrale étendue aux divisions rouges sera plus petite que ZM: ; l'intégrale étendue aux divisions noires sera plus grande que Ÿme; la différence sera done plus petite que (M —m)e. Mais, si la fonction + est sup- posée continue; si, d'autre part, l'intervalle e est très petit par rapport à l'angle total parcouru par l'aiguille, la différence M—m sera très petite. La “différence des deux intégrales sera donc très pelite, 2 * à et la probabilité sera très voisine de =- —. On comprend que, sans rien savoir de la fonc- lion , je doive agir comme si la probabilité - était 5° On s'explique, d'autre part, pourquoi, si, me placant au point de vue objectif, j'observe un certain nombre de coups, l'observation me donnera à peu près autant de coups noirs que de coups rouges. Tous les joueurs connaissent cette loi objective; mais elle les entraine dans une singulière erreur, qui a été souvent relevée, et dans laquelle ils retombent toujours. Quand la rouge est sortie, par exemple, six fois de suite, ils mettent sur la noire, croyant jouer à coup sûr; parce que, disent-ils, il est bien rare que la rouge sorte sept fois de suite. En réalité, leur probabilité de gain reste 2: L'observation montre, il est vrai, que les séries de sept rouges consécutives sont très rares; mais, les séries de six rouges suivies d'une noire sont tout aussi rares. Ils ont remarqué la rareté des séries de sept rouges; s'ils n'ont pas remarqué la rareté des séries de six rouges et une noire, c'est unique- ment parce que de pareilles séries frappent moins l'attention. V. — La PROBABILITÉ DES CAUSES. J'arrive aux problèmes de probabilité des causes, les plus importants au point de vue des applica- tions scientifiques. Deux étoiles, par exemple, sont très rapprochées sur la sphère céleste; ce rappro- chement apparent est-il un pur effet de hasard, et ces éloiles, quoique à peu près sur un même rayon visuel, sont-elles placées à des distances très diffé- rentes de la Terre et, par conséquent, très éloignées l’une de l’autre ? Ou bien, correspond-il à un rap- prochement réel? C’est là un problème de probabi- lité des causes. Je rappelle d’abord qu'au début de tous les pro- blèmes de probabilité des effets qui nous ont occu- pés jusqu'ici, nous avons toujours dû placer une convention plus ou moins justifiée. Et, si le plus souvent le résultat était, dans une certaine mesure, indépendant de cette convention, ce n'était qu'à la condition de certaines hypothèses qui nous per- meltaient de rejeter a priori les fonctions discon- tinues, par exemple, ou certaines conventions sau- grenues. Nous retrouverons quelque chose d'analogue, en nous occupant de la probabilité des causes. Un effet peut être produit par la cause À ou par la cause B. L'effet vient d'être observé; on demande la proba- bilité pour qu'il soit dû à la cause À; c'est la pro- babilité de la cause a posteriori. Mais, je ne pour- rais la calculer, si une convention plus ou moins justifiée ne me faisait connaître d'avance quelle est la probabilité a priori, pour que la cause À entre en action; je veux dire la probabilité de cet événe- ment, pour quelqu'un qui n'aurait pas encore observé l'effet. Pour mieux m'expliquer, je reviens à l'exemple du jeu d'écarté, cité plus haut; mon adversaire donne pour la première fois et il tourne le roi; quelle est la probabilité pour que ce soit un grec? RE ë 8 Les formules ordinairement enseignées donnent 9’ résultat évidemment bien surprenant. Si on les examine de plus près, on voit qu'on fait le calcul comme si, avant de nous asseoir à la table de jeu, j'avais considéré qu'il y avait une chance sur deux pour que mon adversaire ne fût pas honnête. Hypo- thèse absurde, puisque, dans ce cas, je n'aurais certainement pas joué avec lui; et c'est ce qui explique l'absurdité de la conclusion. La convention sur la probabilité a priori élait 268 H. POINCARÉ — RÉFLEXIONS SUR LE CALCUL DES PROBABILITÉS injustifiée ; c'est pour cela que le calcul de la proba- bililé a posteriori m'avait conduit à un résultat inadmissible. On voit l'importance de celte con- vention préalable; j’ajouterai même que, si l'on n'en faisait aucune, le problème de la probabilité a posteriori n'aurait aucun sens; il faut toujours le faire, soit explicitement, soit tacitement. Passons à un exemple d'un caractère plus scien- tifique. Je veux déterminer une loi expérimentale ; cette loi, quand je la connaïitrai, pourra être repré- sentée par une courbe; je fais un certain nombre d'observations isolées; chacune d'elles sera repré- sentée par un point. Quand j'ai obtenu ces diffé- rents points, je fais passer une courbe entre ces points en m'efforçant de m'en écarter le moins possible et, cependant, de conserver à ma courbe une forme régulière, sans points anguleux, sans inflexions trop accentuées, sans variation brusque du rayon de courbure. Celte courbe me représen- tera la loi probable, et j'admets, non seulement qu'elle me fait connaître les valeurs de la fonction intermédiaires entre celles qui ont été observées, mais encore qu'elle me fait connaitre les valeurs observées elles-mêmes plus exactement que l’ob- servation directe (c'est pour cela que je la fais passer près de mes points el non pas par ces points eux-mêmes). C'est là un problème de probabilité des causes. Les effets, ce sont les mesures que j'ai enregistrées: ils dépendent de la combinaison de deux causes : la loi vérilable du phénomène et les erreurs d’ob- servation. Il s'agit, connaissant les effets, de cher- cher la probabililé pour que le phénomène obéisse à telle loi, et pour que les observations aient été affectées de telle erreur. La loi la plus probable correspond alors à la courbe tracée, et l'erreur la plus probable d'une observation est représentée par la distance du point correspondant à celte courbe. Mais, le problème n'aurait aucun sens si, avant toute observalion, je ne me faisais une idée a priori de la probabilité de telle ou telle loi, et des chances d'erreur auxquelles je suis exposé. Si mes instruments sont bons (et cela, je le savais avant d'avoir observé), je ne permetlrai pas à ma courbe de s’écarter beaucoup des points qui représententles mesures brutes. S'ils sont mauvais, je pourrai m'en éloigner un peu plus, afin d'obte- nir une courbe moins sinueuse; je sacrifierai da- vantage à la régularité. Pourquoi donc est-ce que je cherche à tracer une courbe sans sinuosilés? C'est parce que je consi- dère a priori une loi représentée par une fonction continue (ou par une fonction dont les dérivées d'ordre élevé sont pelites), comme plus probable qu'une loi ne satisfaisant pas à ces conditions. Sans celte croyance, le problème dont nous parlons n'aurait aucun sens; l'interpolation serait impos= sible; on ne pourrait déduire une loi d'un nombre fini d'observations; la science n’existerait pas. 3 Il y a cinquante ans, les physiciens considéraient une loi simple comme plus probable qu'une loi compliquée, toutes choses égales d’ailleurs. Ils invoquaient même ce principe en faveur de la loim de Mariolle contre les expériences de Regnaut Aujourd'hui, ils ont répudié cette croyance ; que den fois pourtant ne sont-ils pas obligés d'agir commen s'ils l'avaient conservée ! Quoi qu'il en soit, ce qui reste de cette tendance, c’est la croyance à la con- 3 tinuité, el nous venons de voir que, si cette croyancen disparaissait à son tour, la science expérimentale » deviendrait impossible. : ww Lee. ns 002 DL VI. — La TuÉORIE DES ERREURS. ï Nous sommes ainsi amenés à parler de la théorie des erreurs, qui se rattache directement au pro- blème de la probabilité des causes. Ici encore nous constatons des effets, à savoir un certain nombre d'observations discordantes, et nous cherchons à deviner les causes, qui sont d'une part la véri- table valeur de la quantité à mesurer, d'autre part l'erreur commise dans chaque observalion isolée. Il faudrait calculer quelle est à posteriori la gran- deur probable de chaque erreur, et, par consé- quent, la valeur probable de la quantité à mesurer. Mais, ainsi que je viens de l'expliquer, on ne saurait entreprendre ce calcul, si l'on n'admeltaitn a priori, c'est-à-dire avant toute observation, une loi de probabilité des erreurs. Y a-t-il une loi des erreurs ? ; La loi des erreurs admise par tous les caleula-« teurs est la loi de Gauss, qui est représentée par une certaine courbe lranscendante connue sous le nom de « courbe en cloche ». Mais d’abord il convient de rappeler la distine- tion classique entre les erreurs systématiques et accidentelles. Si nous mesurons une longueur avec un mètre trop long, nous trouverons toujours un nombre trop faible et il ne servira à rien de recom- mencer la mesure plusieurs fois; c’est là une erreur systématique. Si nous la mesurons avec un mètre exact, nous pourrons nous tromper cepen- Î dant, mais nous nous tromperons tantôt en plus, tantôt en moins, et, quand nous ferons la moyenne d'un grand nombre de mesures, l'erreur tendra à s'atténucr. Ce sont là des erreurs accidentelles. Il est évident d'abord que les erreurs systéma- tiques ne peuvent salisfaire à la loi de Gauss; mais M les erreurs accidentelles y salisfont-elles? On a tenté un grand nombre de démonstrations; presque toules sont de grossiers paralogismes. M. H. POINCARÉ — RÉFLEXIONS SUR LE CALCUL DES PROBABILITÉS 269 “On peut néanmoins démontrer la loi de Gauss en - parlant des hypothèses suivantes : l'erreur com- mise est la résultante d’un très grand nombre - d'erreurs partielles et indépendantes ; chacune des “erreurs partielles est très pelite et obéit d’ailleurs à une loi de probabilité quelconque, sauf que la probabilité d'une erreur positive est la même que celle d'une erreur égale et de signe contraire. Il est - évident que ces conditions seront remplies souvent, mais pas toujours, et nous pourrons réserver le nom d’accidentelles aux erreurs qui y satisfont. On voit que la méthode des moindres carrés n'est pas légitime dans tous les cas ; en général, les physiciens s’en défient plus que les astronomes. * Cela lient sans doute à ce que ces derniers, outre les erreurs systématiques qu'ils rencontrent comme les physiciens, ont à lutter avec une cause d'erreur extrêmement importante et qui est tout à fait acci- - dentelle ; je veux parler des ondulations atmosphé- riques. Aussi, il est très curieux d'entendre un physicien discuter avec un astronome au sujet d’une méthode d'observation : le physicien, per- suadé qu'une bonne mesure vaut mieux que beau- coup de mauvaises, se préoccupe avant tout d'éli- miner à force de précautions les dernières erreurs systématiques, et l’astronome lui répond : « Mais vous ne pourrez observer ainsi qu'un petit nombre d'étoiles ; les erreurs accidentelles ne disparaitront pas ». Que devons-nous conclure? Faut-il continuer à appliquer la méthode des moindres carrés? Nous devons dislinguer : nous avons éliminé toutes les erreurs systématiques que nous avons pu soup- conner; nous savons bien qu'il y en a encore, mais nous ne pouvons les découvrir; cependant il faut prendre un parti et adopter une valeur défini- tive, qui sera regardée comme la valeur probable; pour cela, il est évident que ce que nous avons de . mieux à faire, c'est d'appliquer la méthode de Gauss. Nous n'avons fait qu'appliquer une règle pratique se rapportant à la « probabilité subjective ». Il n'y a rien à dire. Muis l’on veut aller plus loin, et affirmer que non seulement la valeur probable est de tant, mais que l'erreur probable commise sur le résultat est de tant. Cela est absolument illégitime; cela ne serait vrai que si nous étions sûrs que toutes les erreurs systémaliques sont éliminées ,et nous n’en savons # absolument rien. Nous avons deux séries d'obser- valions; en appliquant la règle des moindres carrés, nous trouvons que l'erreur probable sur la première série est deux fois plus faible que sur la seconde. La seconde série peut cependant être meil- leure que la première, parce que la première est peut-être affectée d'une grosse erreur systématique. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que la première série est probablement meilleure que la seconde, puisque son erreur accidentelle est plus faible, et que nous n'avons aucune raison d'affirmer que l'erreur systématique est plus grande pour une des séries que pour l’autre, notre ignorance à ce sujet étant absolue. VII. — ConcLusIows. Dans les lignes qui précèdent, j'ai posé bien des problèmes sans en résoudre aucun. Je ne regrette pas cependant de les avoir écrites, car elles invite- ront peut-être le lecteur à réfléchir sur ces déli- cates questions. Quoi quil en soit, il y a certains points qui semblent bien établis. Peur entreprendre un calcul quelconque de probabilité, et même pour que ce calcul ait un sens, il faut admettre, comme point de départ, une hypothèse ou une convention qui comporte loujours un certain degré d'arbi- traire. Dans le choix de cetle convention, nous ne pouvons être guidés que par le principe de raison suffisante. Malheureusement ce principe est bien vague et bien élastique et, dans l'examen rapide que nous venons de faire, nous l'avons vu prendre bien des formes différentes. La forme sous laquelle nous l'avons rencontré le plus souvent, c’est la croyance à la continuité, croyance qu'il serait dif- ficile de justifier par un raisonnement apodictique, mais sans laquelle toute science serait impossible. Enfin, les problèmes où le calcul des probabilités peut être appliqué avec profit sont ceux où le résultat est indépendant de l'hypothèse faite au début, pourvu seulement que cette hypothèse satis- fasse à la condition de continuité. H. Poincaré, de l’Académie des Sciences, Président du Bureau des Longitudes, Professeur de Mécanique Céleste à la Sorbonne. 210 HENRI DEHÉRAIN — LES NOUVELLES VOIES DE COMMUNICATION BRITANNIQUES LES NOUVELLES VOIES DE COMMUNICATION BRITANNIQUES La nécessité de disposer de marchés nouveaux domine la politique étrangère de la Grande-Bre- tagne. Le chiffre de ses exportations, qui, depuis cinquante ans, grandissait avec la régularité d’une sorte de loi naturelle, n'augmente plus. Sur tous les points du globe, les produits de l’industrie anglaise ont à lutter avec ceux de l'Allemagne et de la Belgique, avec ceux des États-Unis surtout. La victoire ne leur reste pas toujours : les rapports des consuls le constatent avec mélancolie. Où placer désormais ces machines, ces rails, ces armes, ces couteaux, ces serrures, ces verres, Ces cotonnades, ces toiles, dont l'Angleterre fut si longtemps seule à pourvoir le monde? À tout prix, il faut des marchés nouveaux. Voilà pourquoi, depuis dix ans, on dispute si àäprement aux autres nations les territoires afri- cains, pourquoi, en dépit d’affirmations réitérées, on n'évacue pas l'Égypte, pourquoi on s’installe à | Khartoum, non provisoirement, mais visiblement pour une longue durée, pourquoi enfin on sur- veille avec tant d’intérèt les spasmes d'agonie de l'Empire Chinois. Mais, pendant le même temps qu'il est si jaloux d'acquérir des territoires nouveaux et de faire non seulement une « Bretagne plus grande » — Greater Britain, mais encore la « Bretagne la plus grande possible », — The grealest Britain, — le Gouvernement anglais s'ingénie à réveiller dans les anciennes colonies ces sentiments d'union et de solidarité avec la mère patrie, qui, le temps et l'éloignement aidant, s’y sont un peu endormis. Pour rendre au commerce et à l'industrie bri- lanniques leurs beaux jours d'antan, M. Joseph Chamberlain, Ministre des Colonies, propose le remède suivant : Unir par des liens très solides toutes les parties de l'Empire britannique, raviver partout les sentiments de patriotisme, en Australie comme au Cap, à Hong-Kong comme au Canada, dans l'Inde comme en Afrique orientale ou occi- dentale, renverser les barrières douanières par les- quelles les colonies se défendent contre les produits industriels de la métropole, et établir, par consé- quent, un régime général de libre échange. Aux marchés nouveaux des pays jaunes et des pays noirs, de la Chine et de l'Afrique, joindre les mar- chés, jadis ouverts, maintenant fermés, des pays blancs : est le dessein des promoteurs et des défenseurs de l'impérialisme britannique. Le courant de l'opinion publique est si violent que les chefs de tous les partis politiques se laissent Australie, Nouvelle-Zélande, Canada. Tel | Wars Ete ; entrainer. Que lord Salisbury, collaborateur, ami et successeur de lord Beaconsfield, imite son maitre etse fasse le champion d’une politique d'expansion, on le conçoit; que M. Joseph Chamberlain, député PT ab Ml de Birmingham et défenseur attitré des intérêts de l’Angleterre industrielle de l'ouest, ait faussé com- pagnie à M. Gladstone, le jour où il crut s'aperce- voir que le Home-Rule irlandais l'entrainait hors de sa roule, passe encore; mais que les chefs du parti libéral, Lord Rosebery et Lord Kimberley, Sir Edward Grey et M. Asquith soutiennent, quelques mois seulement après la mort de leur vénéré à doyen, une politique que, vivant, il aurait certai-m nement désapprouvée, voilà vraiment de quoi sur= prendre. Pourtant, il en est ainsi, et quand M. John Morley, resté, lui, le disciple fidèle de M Gladstone, s'écrie : « L'impérialisme amène avec « lui le militarisme, et mililarisme signilie prédo- L minance des classes privilégiées et arislocraliques, # gaspillage de l'argent des contribuables, guerre; M les libéraux d'Écosse savent que ce n'est pas l'odieux démon de la guerre, mais la Paix aux blanches ailes qui a donné aisance, liberté, jus- tice, à cette immense foule de travailleurs, sur les « labeurs et les privations desquels sont fondées la grandeur et la force des États! », ces belles et fortes paroles ne sont plus applaudies que par une minorité dans la patrie même des Cobden el des John Bright. Que cet état d'esprit de l'opinion publique an- glaise ne soit pas une simple mode passagère, M mais puisse donner naissance à des actes très M graves, c'est ce que démontrent amplement les événements de septembre et d'octobre 1898. Suivre attentivement les manifestations diverses de l'im- périalisme britannique est pour nous, Français, une obligation : nous savons maintenant que les ignorer ou les dédaigner peut devenir périlleux. Or, des voies de communication nombreuses et rapides entre les divers pays britanniques parais- sent aux promoteurs de l'impérialisme particuliè- rement aptes à entretenir et à développer les sen- iments de solidarité. Ils leur reconnaissent non seulement une utilité stratégique et commerciale, mais encore le pouvoir d'évoquer, aux yeux des Anglais répandus sur la surface du globe, une image concrèle de l'unité de l'Empire. Il y en a actuelle- ment plusieurs à l'essai, en construction ou en projet. 1 Discours de M. John Morley devant ses électeurs, à Brechin (Ecosse), 17 janvier 1899. | HENRI DEHÉRAIN — LES NOUVELLES VOIES DE COMMUNICATION BRITANNIQU ES 1 I Le jour de Noël 1898, un imperial penny postage, c'est-à-dire un timbre-poste impérial à dix cen- “times, a été mis à la disposition du publie. Jus- qu'ici, les lettres envoyées de la métropole dans 3 colonies ou réciproquement étaient affranchies “à 2 1/2 pences (25 centimes). colonies anglaises et lettres pour lespays étrangers Lettres pour les élaient donc soumises au même régime. Désormais, “les premières jouissent d’un traitement de faveur. … loutes les colonies, il est vrai, n’ont pas adhéré à celte réforme. L'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Cap se sont jusqu'ici tenus à l'écart. Mais le - Canada et l'Inde, les colonies d'Extrême-Orient et “des Indes occidentales, les colonies africaines sont entrées dans cette union postale britannique, dont d'interrompre les communications entre l'Angle- terre et le Cap. Il ne serait guère plus difficile d'isoler l'Inde et l'Australie; le câble télégraphique d'Extrème-Orient, étant immergé, en certains points de la Méditerranée, à une profondeur de 350 mètres tout au plus, pourrait aisément être relevé et coupé. Sir Sandford Fleming propose donc la création d’un câble qui traverserait les trois océans, n'émer- gerait qu'en lerritoire britannique, ainsi toutes les parties de l’Empire. Déjà plusieurs lignes télégraphiques mettent le Royaume-Uni en rapport avec le Canada. De Van- couver, le càble projeté traverserait le Pacifique et aboulirait à Sidney, après avoir touché aux îles Fanning, Fidji, Norfolk. A l'extrémité occidentale de l'Australie, à.King George's Sund, il redescen- drait dans les profondeurs de l'océan Indien, et et réunirait #0 aetne ne | Un: pal | AMÉRIQUE | DU NORD , SR Colomb TU Barbade + Equateur P-74 Jarnrng He, Ling ou desGcos L CE Po FU ENX-JCEAN- Ba CIFIQUE a ) S ŸÙ pu sup HAscenston es, Le) Maur ie = F— ee land elle Signes conventionnels Ligne construite __... -- projetée Zélande Crane par FE Borremans. 11rue STSrdpice Paris Fig. 1. — Câbles sous-marins anglais acluellement en service et cäbles projelés par Sir Sandford Fleming. 8 9 pro] P g le Zimes a, en termes pompeux, célébré l’inaugu- ration. Le cäble télégraphique impérial, dont Sir Sandford Fleming a proposé la création au Ministre des Colonies, contribuerait encore davantage à l'union rêvée. Le réseau sous-marin anglais actuel- lement en service est, sans doute, plus développé que celui de toute autre Puissance, mais il est vul- nérable en plus d’un point. Le càble (fig. 4) qui longe la côte occidentale d'Afrique et met en rapport la presqu'ile de Cor- nouilles et le Cap, émerge en territoire portugais à Madère, Saint-Vincent, Bissagos, île du Prince, San Thomé, Saint-Paul-de-Loanda, Benguela, Mos- samédès, et en territoire français à Saint-Louis, Konakry et Porto-Novo!. Il serait donc assez aisé 4 Pour simplifier la figure 4, nous y avons indiqué seule- ment les colonies non brilanniques, dans lesquelles émerge le câble de l'Afrique occidentale; il est probablement superflu d'ajouter qu'il émerge aussi à Sainte-Marie de Bathurst, Freetown, et autres ports anglais, n'émergerait plus qu'à l'ile des Cocos ou Keeling (à 60 milles au sud de Sumatra). De là, un fil se dirigerait vers Singapour, un autre vers Ceylan, un troisième vers le Cap par Maurice. Enfin, le Cap communiquerait avec les Bermudes par Sainte- Hélène, l'Ascension, Barbade. Aux Bermudes, le nouveau câble se rattacherait à celui qui les relie déjà à Halifax. En faveur de son projet, Sir Sandford Fleming fait valoir la supériorité navale que ce cäble uni- versel donnerait en cas de guerre à la Grande-Bre- lagne. Les flottes anglaises seraient constamment renseignées sur les mouvements de l’adversaire. De Londres, le Ministre de la Marine pourrait à volonté les concentrer en tel ou tel point et répéter en toutesécuritélamanœuvreexécutée en avril1897, qui réunit inopinément à Durban (Natal) huit bâäti- ments des stations de la Méditerranée, de l'Inde et du Cap. Le câble universel faciliterait aussi considérable- 212 HENRI DEHERAIN — LES NOUVELLES VOIES DE COMMUNICATION BRITANNIQUES * mentles tran- sactions COm- merciales en- tre les diver- ses contrées britanniques, si, toutefois, il était cons- truit non par une Compa- gnie, mais par l'État. Une compagnie privée, obli- gée de donner des dividen- des et d’a- mortir SOn ca- pital, main- tiendrait né- cessairement le prix des dépêches trop élevé pour permettreaux négociants de se servir Cou- ramment du télégraphe. PDG, EU contraire, cherchant moinsles pro- fits pécuniai- res que l’in- térèt public, aura la faculté d'élablir un tarif bas, dont le commerce bénéficiera. Ainsi, la pensée britan- nique circule- rait sans in- terruption tout autour du globe. Ce projet de Sir Sandford Fle- ming séduil beaucoup d'Anglais, dont il servi- rait les inlé- rèts et flatte- TRIPOLX ni. Syouak @ Farafreh° Désert de oe, S A H A" RA oBorhow N F4 .Bahr As Fan d < 1h - QE ÿ Dongola Te el Obeïd © DARFOUR LAtbert ! { Serndrx pb luna i frraxswaar HOT reloria ;..f À Ass t Le) ing = Lor 1 Asso Chellaë rtaracte OuachyHalfèr Æ Désert S de Nubie\ dbou Han MA Berber: UNBUILE Khartoum °Cbbe RD ZLNo à >Abou-uka ( SORA Us \ Lab 79 AFRIQUEË otre ORIENTALE Fe AN Mer Foie ANGLAISE G. HO OK É Her AHibou —————, » . Pa dnarive o 7 és iŒ Signe s conventionnels Télégraphe en exploitation HR A DTOJELE ee Cerun de, fèr en exploitation. ne Pen e er construction Fig. 2. — Projel de lélégraphe transafricain de M. Cecil Rhodes. rail l'orgueil :. il entr'ouvren des perspec- tives de domi- IT Les projets de M. Cecil Rhodes, quoi- que ne visant qu'un seul. conlinent, l'A- frique, sont caractérisés, eux aussi, par - une cerlaine … audace ie conception. Il se propose, * on le sait, d'é- tablir une voie télégra- phique et un chemin de fer entre le Cap et le Cairen (fig. 2). Il y a quel-. que dix ans, quand M. Ce- cil Rhodes dé- veloppait ses plans gran- … dioses, bien deshp#ensusess demandaient s'il disposait … entièrement de son bon sens. Le ter- « rain sur le- quelilprélen- dait opérer élait à peine connu. On avait seule- ment entra- perçu le lac Albert- Se. D PO PT NS TP _.— Édouard, la Semliki, les monts Rou- venzori et HENRI DEHÉRAIN — LES NOUVELLES VOIES DE COMMUNICATION BRITANNIQUES 273 - Mfoumbiro. De la contrée située au nord du Tan- ganika, on ne savait rien. Ni le lac Kivou, ni le | Russissi, son émissaire, ne figuraient sur les cartes. Les difficultés politiques paraissaient insurmon- tables. Lobengula et ses belliqueux Matabélés domi- naient tout le pays qui s'étend au nord du Bet- chouanaland, et le Mahdi, ou plutôt le Khalife Abdullah, occupait l'immense espace qui sépare Dongola de Fachoda. Et cependant, on a fait brèche dans tous les obstacles. Oscar Baumann, Von Gœæt- zen ont exploré la région inconnue, el en ont déter- miné les principaux traits géographiques. La puis- - sance des Matabélés a été brisée en 1893, celle des * Mahdistes en 1898. On ne discute même plus la - possibilité d'établir un télégraphe et un chemin de - fer transafricains, mais les voies etmoyens, les frais de l’entreprise, la durée des travaux. - Les principales stations de la future ligne télé- - graphique le Cap-Alexandrie sont déjà fixées. Ge - sont, du sud au nord : Mafeking, Salisbury, Blan- | tyre, Karunga, Abercorn, Pamlilo, Uvira, Fort - George, deux points à déterminer, aux extrémités sud et nord du lac Albert, Lado, Abukuka, Sobat, Khartoum, Berber, Ouadi Halfa, Assouan, le Caire. La ligne aura une longueur de 10.700 kilomètres environ. Deux sections sont déjà en exploitation : - au sud, la section le Cap-Karunga; au nord, la sec- “tion Alexandrie-Khartoum. Les travaux de la sec- - lion Karunga-Pamlilo, qui réunira les lacs Nyassa “et Tanganika, sont fort avancés. On compte que la ligne entière sera achevée dans trois ans. De Cape- Town à Mafeking, elle a été construite par la Colo- “nie du Cap; de Mafeking à Salisbury par la Char- - tered British South African Company ; de Salisbury à Fachoda, elle le sera par l'African Transconti- -nental Telegraph Company, fondée par M. Cecil Rhodes. C'est le Gouvernement égyptien qui a sup- porté les frais de la ligne Alexandrie-Khartoum ; il - paiera les dépenses dela section Khartoum-Fachoda. - Comme M. Cecil Rhodes est un gros actionnaire de la Chartered et possède la presque totalité des -actions de l'African Transcontinental Telegraph Company, on peut dire qu'une parlie importante - de la fulure ligne sera sa propriété personnelle. L'établissement d'une voie ferrée du Cap à Alexandrie constituera nécessairement une œuvre autrement difficile et coûteuse que celle du télé- graphe. Actuellement, le chemin de fer traverse déjà une part notable de l'Afrique australe : il unit Cap-Town à Buluwayo. Dans la vallée du Nil, trois lignes existent déjà : 1° Alexandrie-Assouan ; 2° la petile ligne Assouan-Chellal, qui contourne la première cataracte du Nil; 3° la ligne Ouady-Halfa- Berber. Longtemps la ligne qui remonte le long du Nils’estarrêtée à Assiout. En janvier 1896, nous en vimes à Girgeh le point terminus. Depuis, elle REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899, a été continuée jusqu'à Assouan. La ligne Ouady- Halfa-Berber a été construite pendant la dernière campagne anglo-égyplienne, pour amener rapide- ment d'Egypte au Soudan des troupes, des vivres, des munitions. L'immense voie qui, un jour peut-être, traversera l'Afrique équatoriale, n'existe encore qu'à l’état de projet lointain. Pour l'instant, on se propose seule- ment de prolonger de 400 kilomètres vers le Zam- bèze la ligne qui se termine à Buluwayo. La dépense est estimée à 900.000 livres sterling, et le dernier voyage de M. Cecil Rhodes en Europe a eu pour objet d'obtenir du Gouvernement anglais qu'il consentit à garantir l'intérêt du capital qu'il va emprunter. Quand la voie ferrée aura atleint l'extrémité sud du Tanganika, des difficultés diplomatiques surgi- ront. Les territoires anglais administrés par la Chartered South African Company et nommés cou- ramment /hodesia sont séparés des terriloires anglais de l'Ouganda par ceux de l'Etat indépen- dant du Congo et de l'Afrique orientale allemande. En 1889, les coloniaux anglais et en particulier M. (depuis Sir) Harry H. Johnston, maintenant commissaire impérial dans le British Central Afri- can Proteclorate, tentèrent de réunir les lerritoires anglais du sud à ceux du nord. Ils échouèrent; le traité anglo-allemand du 4° juillet 14890, en éten- dant l'Afrique orientale allemande jusqu'à l'Etat indépendant du Congo, mit fin à leurs espé- rances. En 189%, Lord Rosebery, alors président du Con- seil des Ministres, essaya par un subterfuge d'éta- blir celte jonction, et, dans la convention qu'il signa le 12 mai avec le gouvernement de l'Etat indépen- dant du Congo, un certain article IIL était ainsi libellé : « L'Etat indépendant du Congo donne à bail à la Grande-Bretagne une bande de territoire d'une étendue de 25 kilomètres de largeur se pro- longeant du port le plus septentrional du lac Tan- ganika jusqu'au point le plus méridional du lac Albert-Edouard. » Mais cet accord était en opposilion avec l'esprit de la convention anglo-allemande du 1°’ juillet 4890. Il irrila vivement l'Empereur Guillaume If. Fort penauds d'avoir mécontenté un aussi important per- sonnage, le souverain de l'Etat indépendant du Congo et Lord Rosebery biffèrent de leur traité du 12 mai ce malencontreux article III. M. Cecil Rhodes devra done, pour mener à bien son entreprise, obtenir l'agrément de l'Empereur d'Allemagne. Il semble, il est vrai, n'être pas homme à s’'embarrasser aisément. Quand, avant la prise de Khartoum du 2 septembre 1898, on lui demandait comment il ferait passer son télégraphe sur les territoires du Mahdi : « Bah ! répondait-il, + HENRI DEHÉRAIN 214 je n'ai pas encore rencontré d'homme avec qui je n'aie réussi à m'entendre, » ITT S'il est impossible de prévoir la date à laquelle le chemin de fer transafricain sera terminé, on n’en saurait dire autant d’une autre voie ferrée britan- nique qui doit réunir la côte orientale d'Afrique à l'Ouganda, ou plutôt à la rive orientale du lac Vic- toria. Ce chemin de fer est en construction et déjà en exploitalion sur une partie de son parcours. Les projets d'établissement remontent à quatorze ans, el il en est déjà fait mention dans le premier document diplomatique par lequel le Gouverne- ment britannique manifestait son intenlion d'occu- per une partie de l'Afrique orientale. Le 25 mai 1884, en effet, Lord Granville, ministre des Affaires étrangères, informait le prince de Bismarck que « quelques capitalistes considérables avaient formé le dessein de créer un établissement britannique dans la région située entre la côte et les lacs qui sont la source du Nil-Blanc, et de les rattacher au littoral par un chemin de fer ». La Compagnie à charte, l'Imperial British East African Company, qu'on nommait par abrévialion l'Zbea et à laquelle le Gouvernement britannique avait abandonné l'immense superficie de terrain dont Lord Granville esquissait les limites approxi- matives dans sa dépêche, se préoccupa très active- ment de la construction d’un chemin de fer. Une mission commandée par le capitaine Mac Donald fut chargée d'un levé de terrain et d’un premier tracé. Le capilaine Pringle, l'un des membres de l'expédition, a publié une relation du voyage dans le Geographical Journal d'août 1893. Mais l'/bea n'eut qu'une durée éphémère. Elle s'élait constituée dans un but de négoce. Les circonstances l’entrainèrent à faire beaucoup de politique et peu de commerce. Elle supporta les frais très lourds d’expéditions militaires, si bien ‘ La présente étude était composée, quand nous avons appris que M Cecil Rhodes se rendait à Berlin et était recu en audience par l'Empereur Guillaume II. Les résultats de cette entrevue n'ont point encore été divulgués. Toutefois, M. de Bülow, secrétaire d'État, a dé- claré le 21 mars devant le Reichslag « qu'une convention à ét6 conclue par l’Augleterre avec la Compagnie télégraphique transafricaine et le Gouvernement allemand, concernant l'établissement d'une ligne télégraphique qui traversera l'Afrique orientale allemande et sera reliée à la ligne télé- graphique du sud de l'Afrique ». Dans ces conditions, la ligne bifurquera-t-elle à Abercorn, un fil longeant Ja rive orientale du Tanganika et un autre la rive occidentale? L'Etat indépendant du Congo renoncera-t-il, au contraire, à l'avantage que devait lui procurer le passage du télégraphe sur son territoire? C'est ce que l'on saura prochainement, Le secrétaire d'Etat a ajouté queles pourparlers relatifs à l'établissement du chemin de fer transafricain sur le terri- toire allemand n'avaient pas encore abouti. — LES NOUVELLES VOIES DE COMMUNICATION BRITANNIQUES qu'en peu d'années ses ressources furent épuisées. Le Gouvernement britannique reprit à sa charge, en 189%, l'administration des territoires auxquels. l'/bea renoncait. Mais les projets de voie ferrée ne furent pas abandonnés, bien au contraire. Peut-être se souvient-on qu’en 1893, le Gouver- nement, désireux de se faire une idée précise de la situation polilique exacte de lOuganda, avait envoyé pour l'examiner Sir Gerald Portal, qui, d'ailleurs, malheureusement pour son pays, mourut. en revenant à Londres. Il avait cependant eu le temps d'achever son Rapport! et il s'y prononce très énergiquement pour la construction du chemin de fer : « On n'occupera effectivement l'Afrique orientale qu'en construisant un chemin de fer », affirma-t-il. Forts de celte autorité, les coloniaux impéria- listes insistèrent sans trêve auprès du Gouverne- ment pour quil commencàt les travaux. Ils fai- saient valoir que cette voie ferrée détournerait vers l'Afrique orientale ang'aise les produits de l'Ouganda, du Bouddou, et de l'Ounyoro, qui actuel- lement passent par Tabora et l’Afrique orientale allemande ; qu'elle contribuerait à entraver le trafie des esclaves ; enfin et surlout qu’elle assurerait à l'Angleterre une prépondérance indiscutable non seulement sur l'Ouganda et les pays adjaccnis mais sur toute la région du Haut-Nil. . En 1895, la construction de la voie ferrée fut décidée ; une somme de 3 millions de livres sterling $ fut votée par le Parlement. On compléta les études laissées inachevées par les fonctionnaires de l’/bea, les premières traverses furent bientôt posées. La ligne aura une longueur totale de 1.200 kilomètres environ. Elle part de Mombaza sur l'Océan Indien et aboutit sur la rive nord du iac Victoria, dans le golfe de Berkeley. Un service de vapeur mettra l'Ouganda en communication avec la station ter- minus du chemin de fer. La ligne suit, sauf dans sa dernière partie, une direction constamment sud- est-nord-ouest. Elle s'élève d’abord à 500 mètres (Kibonez), puis à 2.400 mètres (monts Kikouyou), puis à 2.900 mètres (monts Mau), pour redescendre à 1.200 mètres. En novembre 1898, elle était posée sur une lon- gueur de 377 kilomètres et exploitée sur 330 kilo- mètres. JUN" L'impérialisme rencontre de l'opposition dans les colonies anglaises qui jouissent du self-govern- ment. Elles n'en concoivent pas nettement les ! Sir GEraco Porrac. Reports relating Lo Uganda, 1894; Blue books, C. 7303. F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME 279 avantages. Leurs produits bruts entrent déjà en Angleterre sans payer de droits; les produils de leurs propres manufactures lutteraient difficile- ment contre les produits industriels anglais si elles en admettaient librement l'entrée. Au contraire, dans le Royaume-Uni, cetle même théorie politique est fort goûtée. Ses partisans ont déjà remporté des succès. C’est l'impérialisme qui a contraint le Gouvernement à conserver l'Ouganda, que l'/bea, à bout de ressources, se résignait à éva- euer; c'est lui aussi qui a obligé le Gouvernement à supporter les frais de la construction du chemin “de fer de l'Afrique orientale; c'est lui enfin qui a fait prendre en considération les audacieux projets que nous venons d'exposer. Jusqu'à présent, le Gouvernement anglais évitait de se mêler directement de l'administration de ses colonies et de leurs entreprises de travaux publics. Un étal d'esprit très différent de celui que l'École libérale de 1845 avait fait prévaloir semble donc l'emporter actuellement, et peut-être assistons-nous aux débuts d'une période nouvelle de l'histoire coloniale de la Grande-Bretagne. Henri Dehérain, Docteur ès lettres. DEUXIÈME PARTIE : L'HÉMATOZOAIRE DU PALUDISME: | COCCIDIES ET PALUDISME L “ Dans une première parlie ?, nous avons éludié le “cycle évolutif des Coccidies; nous allons mainte- “nant examiner le rapport de ces organismes avec l'agent d'une maladie bien connue : le Paludisme. C'est en 1880 que Laveran annonca qu'il avait | trouvé, dans le sang des individus atteints de Palu- disme, l'agent de cette maladie. Ce n'était, à aucun oint de vue, une découverte banale. Ce mierobe ne ressemble, en effet, à aucun des agents palho gènes connus avant lui. Aussi ce n'est qu'en 1887 * que Metchnikoff, lout en confirmant les bservations de Laveran, assigna une place à son ématozoaire ; il le regarde comme une Coccidie, rès aberrante d'ailleurs. De plus, la découverte de Laveran survenait au moment des premiers travaux de Pasleur et de och,quinous révélaient l'importance considérable es bactéries en pathogénie, au moment où l'on prétendait démontrer le rôle du Bacillus Malariæ e Klebs et Tommasi-Crudeli; aussi fut-elle ac- ueillie avec scepticisme par le monde médical. » Le microbe du Paludisme ne se cultive pas dans nos milieux artificiels ; il ne se développe pas dans Je corps des animaux de laboratoire: aucune des nombreuses formes sous lesquelles on le rencontre chez l'homme ne se conserve dans le milieu exté- rieur. En un mot, jusqu'à ces derniers temps, on ignorait lout de son évolution en dehors du corps L ? On trouvera la bibliographie complète de la question dans le Trailé du Paludisme de Laveran (Paris, Masson et Co, éditeurs, 1897). Nous ne citerons ici que les travaux récents. … Voyez la première partie de cette étude dans la Revue du 80 mars 1899. … Mercuxikorr : Russkaia Medilzina, n° 12, 1887, analysé dans London Medical Record. humain, et en particulier comment il pénètre dans noire organisme. — On concoit ainsi facilement quelles difficultés a rencontrées l'élude de ce para- site, et pourquoi il a été jusqu'ici impossible de découvrir une prophylaxie rationnelle du Palu- disme. Et pourtant, il est peu de questions ayant une importance aussi grande que celle-là. Le Palu- disme est une maladie si répandue, surtout dans les pays chauds et marécageux, il cause de tels ravages, que l’on peut dire, sans crainte d'exa- gérer, qu'il constitue l'un des obstacles les plus sérieux à Ja colonisation des pays tropicaux. La découverte, par Danilewsky, en 1886, d'héma- tozoaires des Oiseaux extrêmement voisins de celui de l’homme, a immédiatement donné l'espoir d'approfondir l'histoire naturelle de ces orga- nismes. Cette espérance a mis longtemps à se réa- liser. Mais enfin, l'année 1898 marquera, croyons- nous, par les progrès d’une importance extrême accomplis dans nos connaissances sur ces para- sites. — On a, en effet, établi sur des bases posi- tives : 1° la significalion et le rôle des singuliers « corps à flagelles » ; 2° le développement des hématozoaires des oiseaux dans le corps des mous- tiques et le rôle de ces derniers comme agents de propagation de la maladie. Nous désirons surtout, dans les pages qui vont suivre, nous placer à un point de vue zoologique. Nous voulons examiner si les faits nouveaux amassés dans ces dernières années corroborent l'affirmation ancienne de Metchnikoff, que le para- site du Paludisme est voisin des Coccidies. Ces derniers organismes étaient encore bien mal connus en 1887; nous avons montré, dans un précédent article, quels progrès considérables 216 ont été réalisés dans leur étude depuis dix ans. Nous rechercherons done si les particularités d'évolution du parasite palustre, si les formes variées sous lesquelles il se présente, et chez le Ver- tébré supérieur et chez l'Insecte, cadrent bien avec l'idée que c'est une Coccidie. Le cycle évolutif de ces organismes, maintenant fixé d’une facon que nous croyons définitive, nous servira de guide dans la revue que nous allons passer de ce que nous savons de l'histoire des hématozoaires de l'homme et des oiseaux. Peut-être cette compa- raison nous aidera-t-elle à mieux marquer les lacunes dans nos connaissances et nous indi- quera-l-elle dans quelle direction les recherches nouvelles doivent être poussées. I. — L’'HÉMATOZOAIRE DE LAVERAN DANS LE CORPS HUMAIN !. Si nous prenons un individu atleint de fièvre palustre, et si nous examinons son sang aux diffé- rentes périodes de la maladie, nous pourrons ren- contrer toutes les formes suivantes. $ 1. — Corps amœæboïdes. Les parasites les plus petits sont ou libres dans le plasma sanguin, ou accolés aux hémalies, ou inclus dans ces éléments du sang. Ce sont des corps dont le diamètre peut ne pas dépasser 1 y, sphériques, très transparents (fig. 1, A). Les colo- rants révèlent une structure très spéciale ; les cou- leurs basiques imprègnent surtout le contour du petit élément; on à donc une sorte de bague chro- matique dont un point se fait particulièrement remarquer : sans doute un karyosome (fig. 1, H). Ces corps, s'ils ne sont pas encore à l’intérieur du globule rouge, ne tardent pas à y pénétrer, et désormais ils évoluent en se nourrissant aux dépens de l'hémoglobine. Aussi voit-on bientôt apparaître à leur intérieur, à mesure qu'ils grossissent, un pigment brun foncé, tantôt en grains plus ou moins régulièrement c'est . ; 1 arrondis, dont les plus gros ne dépassent pas 5 w de diamètre, tantôt en pelits éléments bacillaires (p. fig. 1, B-F.).Ce pigment, tout à fait caractéristique du Paludisme, dont l'observation, constante chez tous les individus alleints de celte maladie, a conduit Laveran à sa découverte, est incontlesta- blement un produit de désassimilation de l'hémo- globine, un excretum äu parasile ; on le nomme mélanine, ou encore pigment palustre.T est généra- 4 Tout's nos figures de l’hématozoaire huina n ont été copiées dans les mémoires de Laveran, Mannaberg, Thayer et Hevetson. * F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME lement disséminé sans ordre à l’intérieur de l'hé- matozoaire. Les parasites croissent donc en détruisant l'hé- moglobine, etarrivent à occuper presque tout le glo- bule rouge. Celui-ci est d’ailleurs distendu par son parasite (ex.: fig. 4, F); on le remarque, dans le sang frais, à cette taille plus considérable et surtout à sa teinte particulièrement pâle ; l'hémoglobine tient en effet peu de place dans le complexe formé par l'hôte et son hématozoaire. : Une particularité très remarquable du parasites endoglobulaire est sa mobilité ; il change de forme en effet à la façon d’une amibe, généralement avec une extrême lenteur; il faut l'observer longtemps au microscope, en prendre des croquis répétés pour s'en rendre bien compte; les pseudopodes qu'il émet sont alors gros et courts (fig. 1, B,E,F): Mais quelquefois ses mouvements sont plus vifs Fig. 4. — Corps amæboïides de l'hiémalozoaire humain dans es hémalies. — A-F, parasites vus à l'état frais; G-H, pa- rasites colorés ; — p, pigment; #, noyau; k, karyosome. et il envoie dans diverses directions des prolon-« gements assez grèles (fig. 4, D). A partir d'une certaine grosseur, les couleurs ba= siques mettent en évidence la structure chromatique suivante : un cytoplasme faiblement colorable, ren- fermant le pigment et une grande vacuole claire qui reste incolore sauf un amas à sa périphérie (fig. 4, H). Celle grande vacuole est un noyau, et l'amas, très« difficile à bien colorer (il l'a été, pour la première fois, par Grassi el Feletli en 1890), un karyosome» On reconnait à celte structure un noyau de sporo= zoaire. Arrivés à une certaine laille, les parasites ne croissent plus. Les uns se segmentent, les autres restent immuables jusqu'à ce que des circonstances que nous aurons à préciser déterminent leur évo= lution ultérieure. $ 2. — Corps segmentés. À un moment donné, on voit des corps amæ boïdes, d’un volume qui peut varier de celui d'un demi-globule jusqu’à celui d’une hématie entière, dont la vacuole nucléaire n’est plus visible, dont le LL | F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME 19 —! SN | pigment se réunit au centre et forme bientôt une grosse tache noire (fig. 2).Ce parasite est en voie de segmentation. On aperçoit bientôt des encoches à sa surface externe (fig. 2, A et D); ces divisions gagnent peu à peu le centre, et finalement le corps sphérique se trouve fragmenté en un nombre variable d'élé- ments (fig. 2, BetE). Quand l'observation est faite dans le champ du microscope, on voit ces « germes », en se séparant, faire éclater le globule et se dissé- miner dans le plasma. Le gros grain de pigment resle seul à côté des débris de l'hématie : c’est un reliquat de segmentation (fig. 2, Get F). Sur des préparations colorées, on reconnait que chacun des petits éléments ainsi formés renferme une boule chromatique. Il y a eu multiplication du parasile, sans enkystement préalable, sans forma- tion de la moindre membrane. Ces phénomènes ne se passent pas seulement Fig. 2. — Corps segmenlés de l'hémalozoaire humain. — A, début de la segmentation; B, morula dans un globule rouge; C, élements morulaires libres dans le plasma, aprés dislocation de l'hématie; D, début de la seguenta- tion; E, forme en mnurquerile; F, éléments de la margue- rite; — g, hématie; p, pigment. dans le sang périphérique ; les corps segmentés sont surtout abondants dans le sang des organes internes qui, par suite de la complication du sys- tème capillaire, conslituent des lieux de stase san- guine (rate, foie, moelle des os, cerveau). D'après les auteurs ilaliens qui ont les premiers décrit cette segmentation, et en particulier Golgi, les corps segmentés se présenteraient uniquement au moment de l'accès de fièvre, tous les trois jours, par exemple, chez les malades atteints de fièvre quarte, tous les deux jours chez ceux malades de tierce. Comme il est incontestable que les « germes » qui proviennent des corps segmentés donnent de nouveau des corps sphériques, capables de se diviser à leur tour, le cycle évolutif de ces éléments durerait donc, suivant les cas, deux jours, trois jours, etc. Le nombre des éléments d'un corps segmenté est variable ; la figure 2 en donne une idée. Quand ils sont peu nombreux (6 à 10), on a un corps en rosace ou en marguerile (fig.2, E); s'ils sont plus nombreux et plus pelits (15-20) on à une morula (fig. 2, B). On a prétendu aussi que tel de ces types est caractéristique d’une forme de fièvre déterminée; et on s’est basé sur ces concordances pour créer des variélés du parasite palustre en rapport avec les divers types de fièvre. Il y a eu exagération dans celte voie, car les concordances sont loin d'être absolues. Toutes ces particularités d'évolution du parasite palustre, ce pléomorphisme, s'expliquent admira- blement dans l'hypothèse coccidienne. Les corps segmentés correspondent évidemment aux formes de multiplication endogène, asexuée, des Coccidies. Et nous avons mis en évidence l’étonnante plasticité de ces formes (voir fig. 3, F-G de notre précédent article), le nombre variable des générations précé- dant la reproduction sexuée, avec germes durables, qui ferme le cycle évolulif de l'espèce. Mais ce nombre de générations est beaucoup Fig. 3. Formalion des corps à flagelles. — À, corps sphéri- que ; B, le même, transformé en corps à flagelles /; C, fla- gelle libre, — p, pigment, plus considérable chez les hématozoaires : il suffit, pour s'en convaincre, d'observer un malade non traité par la quinine, et placé en dehors d’un milieu palustre. Toutes les nouvelles poussées de fièvre ne peuvent êlre produites que par la multi- plicalion endogène des parasites existant dé,à dans le sang. $ 3. — Corps à flagelles et croissants. Il est, nous l'avons déjà dit, des corps sphéri- ques qui, malgré leur taille, ne se mulliplient pas dans l'intérieur du globule. Pour suivre leur évo- lution, il faut faire une prise de sang et l’observer dans le champ du microscope entre lame ellamelle, On voit alors les globules rouges, contenant ces gros éléments parasitaires, se désagréger, et les corps sphériques se trouver ainsi libres dans le plasma, au milieu des débris de l'hémalie. Il en est d’ailleurs qui sont déjà libres au moment de la saignée (fig. 3, A). Bientôt, dans les cinq minutes qui suivent la prise de sang, on voit, chez cerlains de ces corps, le pigment agité d'un mouvement extrêmement vif; puis, au bout de très peu de temps, il sort de l’in- 218 F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME lérieur de la masse des filaments minces de 95 à 30 & de long, qui restent altachés par une de leurs extrémités à la surface du corps sphérique (fig. 3, B). Le corps sphérique est transformé en corps à fla- gelles (Laveran). Ces lilaments, généralement au nombre de # ou à, sont extrêmement mobiles. Bientôt ils se délachent de la masse qui leur a donné naissance, et, gräce à un double mouvement, serpentiforme et hélicoïdal, ils s'éloignent dans le plasma san- guin (fig. 3, C), et on ne tarde pas à les perdre de vue. Les « flagelles » sont d’une épaisseur sensible- ment constante; ils présentent néanmoins quel- ques renflements. Ils ont un aspect homogène et ne renferment jamais de grains de pigment. La masse sphérique, débarrassée de ses flagelles, dégénère. Mais ce ne sont pas seulement des corps sphé- riques, qui donnent les flagelles. On trouve encore, Fig. 4. — Croissants. — À, croissant jeune. — B, croissant adulte. — C, corps en croissant devenu ovoïde. — D, le même devenu sphérique. — E, le même avéc flagelles f. — g, reste de l'hématie; p, pigment. chez les malades alteints de Paludisme (surtout dans les cas de cachexie palustre, ou encore dans les fièvres estivo-aulomnales), des corps singuliers qu'à cause de leur forme Laveran a appelés crois- sants. Les premiers slades de leur évolution rappellent ceux des corps déjà décrits. Mais on constate bien- tôt qu'ils n'ont pas de mouvements amæboïdes et que le pigment est ordinairement localisé en leur milieu. Dans le globule, ils se développent margi- nalement en respectant la parlie centrale, plus mince, du disque d'hémoglobine. Ils acquièrent donc peu à peu (fig. 4, A) la forme de croissants; leur côté convexe moule exactement la circonfé- rence du globule. Arrivés à leur développement complet (fig. 4, B), ils ont 8 à 9 y de long sur 2 y de large, et on constate, par quelques artifices, qu'ils ont un double contour; ils ont donc l'apparence de corps enkystés. En leur milieu, on observe le pig- ment aggloméré; là, se trouverait aussi le noyau, d'après certains auteurs. Parvenu à ce stade, du globule rouge, et ce qui en reste s'observe géné- ralement dans la concavité de l'élément (g, fig. 4, A et B). Enfin, on trouve des croissants libres dans le sang. Ils ne paraissent subir une évolution qu’en dehors du corps humain. Si on les observe au microscope, dans une goulle de sang frais placée entre lame et lamelle, on les voit se (ransformer d'abord en corps ovoïdes (fig. 4, G) (le côté concave du croissant devient convexe), puis en corps sphé- riques (fig. 4, D). Ce processus demande quinze à vingtminules pour s'accomplir. Au hout de ce temps, un certain nombre de croissants transformés don- nent des « flagelles », exactement comme les corps sphériques dont nous avons précédemment parlé (fig. 4, E). Les prétendus flagelles ne se comportent nulle- ment comme les appendices moteurs du corps sphé- rique. Les recherches récentes de Manson, de le croissant a absorbé presque toute l'hémoglobine Bignami et Bastianelli ‘, de Koch?, ont montré qu'ils sont presque uniquement formés de chro- matine. Il ya d'ailleurs déjà longtemps que cette structure à élé mise en évidence pour les flagelles des Oiseaux par Sakharoff. De plus, il ont incontes- lablement une existence autonome, comme Laveran l'a parfaitement reconnu. Le nom de flagelles, que ce savant leur a donné dans ses premiers travaux, parait done impropre. Quand, à propos des para- siles des oiseaux, nous aurons décrit avec détails leur formation, leur structure et leur rôle, nous pourrons, en toule connaissance de cause, leur attribuer un nom mieux approprié à leurs fonc- tions. Corps sphériques ne se segmentant pas et corps en croissant paraissent appartenir à la même calé- gorie d'éléments. Deviennent-ils tous des corps à flagelles? Ce sont encore là des notions que nous ne pourons préciser qu'après avoir éludié les hémato- zoaires des Oiseaux *. 3IGNAMI et BAsTIANELLI : The Lancel, 11 déc. 1898. Kocu : Deutsche medic. Wochenschr., 2 févr. 1899. Un certain nombre d’hématozoaires, voisins de celui du Paludisme, ont été signalés chez les Mammifères. — Tu. Surra et KizeoRne (Bureau of animal Industry, Washington, 1893) ont montré que l'agent de la fièvre du Texas (maladie des Bovidés également répandue dans l'Est-africain, dans la campagne romaine, en Sicile, dans la vallée du Danube) est un hématozoaire sans pigment, souvent en forme de poire; fréquemment, on trouve deux parasites dans le même globule. — Praxa et GaLri-Vareno (Moderno zo0ia- tro, 1895, n° 9) ont observé un hématozoaire Irès voisin du précédent chez le chien; Kocu (Reiseberichle, ete., Berlin, 1898) l'a retrouvé en Afrique. Le savaut bactériologiste allemand a également observé un hématozoaire du singe africain. Boxoue (Vérchow's Archiv, 1895) en a décrit un chez les moutons. Kouze (Zeilschr. f. Hygiene, 27, 1898) a trouvé, chez les Bovidés de la République d'Orange, un parasite du sang qui serait différent de celui de la fièvre du Texas. Enfin, Lionisi (Acad. d. Lincei, 6 nov. 1898) vient de faire 1 e 3 DE a. foire: nv Viper ‘ ru, Da le Le UE. |: 0 #7 for bé rte EN DE ep PRE SR menti II. — Les HÉMATOZOAIRES DE DANILEWSKY DANS LE SANG DES OISEAUX. Ces parasites, que l’on rencontre chez un très grand nombre d'Oiseaux, surtout dans les endroits marécageux, ont donné lieu à un grand nombre de - travaux, au premier rang desquels il convient de placer ceux de Danilewsky, qui les a fait connaitre, de Sakharoff qui a élucidé la structure des « fla- gelles », de Mac Callum qui a saisi leur rôle, et enfin - de Ross, qui a découvert leur évolution chez le moustique. formes, //æmamæba et Laverania, de Grassi et ; Ces hématozoaires se présentent sous deux . Feletti, correspondant exactement aux Proteosoma et Æalteridium, de Labbé ‘. Bien que ces derniers Fig. 5. — Proleosoma des Oiseaux, dans les hémalies. — A, parasite jeune. — B-C, parasites plus âgés à structure granuleuse. — D, parasite à contenu clair (le noyau de l’'hématie a disparu). — E-F, formes de multiplication. — n, noyau du globule; p, pigment (d'après Opie). noms n'aient pas la priorilé, nous les emploierons, . les auteurs des travaux que nous devons surtout analyser s’en étant servis. Les Proteosoma ont une forme essentiellement variable (d'où leur nom); ils émettent souvent des digitalions; leurs mouvements amæboïdes sont assez neis. De plus, ils se développent à un des pôles du globule rouge (fig. 5, A-C) de l'Oiseau etils exercent une action mécanique manifeste sur le connaitre un hématozoaire des chauves-souris de la cam- pagne romaine. L'évolution de tous ces parasites est à peine connue. Celui de la fièvre du Texas présente des particularités étio- logiques très int‘ressantes dont nous parlerons plus loin. ? Nous ne croyons pas devoir attacher, au moins dans l'état actuel de nos connaissances, à ces noms, de significa- tion générique, comme l'ont fait Grassi et Feletli d'une part, Labbé de l'autre. — Cette question des distinctions génériques . et même spécifiques ne nous parait pas encore mûre pour une soution. F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME 279 noyau : il abandonne sa posilion axiale et va se placer au pôle non infecté (mêmes figures); il peut mème quilter complèlementl'hématie (ex.: fig. 5, D). Le parasite contient du pigment comme l'héma- tozoaire humain, auquel il ressemble beaucoup. On rencontre les mêmes formes (sauf toutefois les croissants), on observe la même évolution que pour le parasite humain. On trouve les corps seq- mentés à l'intérieur de l'hématie avec le pigment aggloméré au centre de la masse morulaire (fig. 5, E-F). : Celte mulliplication des germes, qui se fait sou- vent dans le sang circulant, produit naturellement l’auto-infeclion de l'Oiseau. Certains auteurs ont prétendu que l'Oiseau (qui présente souvent des signes non équivoques de maladie) manifeste une fièvre récidivant tous les trois ou quatre jours, et qu'à chaque période correspond une poussée in- tense d'éléments morulaires. Ces parasiles, qui se multiplient ainsi, sont géné- ralement assez fortement colorables. D'autres, à Fig. 6. — Halleridium des Oiseaux, dans les hémalies. — À, parasite jeune. — B, parasite plus développé. — C, pa- rasite adulte à contenu granuleux. — D, parasite adulte à contenu clair. — g, reste de l'hémoglobine de l'hématie; n, noyau du globule; p, pigment (d’après Opie). contenu plus clair (fig. 5, D), donneraient naissance aux corps à flagelles, après leur sortie du globule rouge. Auparavant, le parasite el le globule s'arron- dissent; puis l’ensemble se désagrège et il reste un corps sphérique libre, qui émettra des flagelles, et, à côté, le noyau de l'hématie. Dans le cas des Aalteridium, l'évolution du para- site durerait sept à huil jours; l’Oiseau parait bien portant. Les formes jeunes du parasite (fig. 6, A) ressemblent tout à fait à celles des Protcosoma. Mais l'hématozoaire, au lieu de chasser le noyau de l’hémalie, se développe parallèlement à lui. Il occupe ainsi toute une moitié du globule et a, par suite, la forme d’une ellipse allongée, dont le côté accolé au noyau est quelquefois légèrement concave (fig. 6, B). Bientôt, le parasite dépasse en longueur le noyau, et alors il se courbe à ses deux extrémilés de façon à l'entourer. Il peut ainsi alteindre une taille considérable et l’on observe des globules hypertrophiés où le parasite a remplacé toute l’hémoglobine ; il entoure le noyau, seul reste de l'hématie, qui se trouve alors refoulé latérale- mentel occupe une posilion marginale (fig.6, Get D). 280 On à une sorte de haricot dont le noyau serait placé au hile. Parmi les Æalteridium de grande taille, Opie et Mac Callum ! en distinguent, avec la plus grande netteté, deux catégories. Les uns ont un aspect granuleux, ils prennent assez fortement lescouleurs basiques d’aniline (fig. 6, C); les autres sont très transparents et se colorent à peine (fig. 6, D). D'après Mac Callum, ces deux sortes d'éléments ont un rôle très différent, Après leur sortie du globule rouge, les corps clairs donnent des flagelles; les corps granuleux sont fécondés par ces flagelles. III. — LES « FLAGELLES » SONT DES ÉLÉMENTS MALES, Nos connaissances sur la formation et la struc- ture des flagelles de l'hématozoaire humain sont, nous l'avons dit, récentes et assez incomplètes. Il Fig. 1. — Formalion des flagelles (microgamèles). — A, le noyau c du parasite n’est pas encore divisé. — B, la chro- matine nucléaire c est fragmentée. — C, la flagellation est terminée (toute la chromatine est passée dans les fla- gelles). — 4, reste de l'hémoglobine de l'hématie; », son noyau; ce, chromatine du parasite; p», pigment; f, fla- gelles (d'après Sakharoff). n'en est pas de même pour l'hémalozoaire des Oiseaux. Les recherches de Sakharoff sont très précises à cet égard ?. Il a vu, sur des préparations de sang, colorées à l'éosine et au bleu de méthylène d’après une méthode parliculière, la masse chromatique cen- trale du parasite (fig. 7, À) se fragmenter en un cer- tain nombre de parties (quatre généralement), qu'il considère, sans preuves bien convaincantes d'ail- leurs, comme des chromosomes (fig. 7, B, c); ces parties ont la forme de bätonnets. Elles se portent à la périphérie, s'allongent, font saillie à la surface de la masse sphérique, en s'entourant d’une mince couche de protoplasme (d'après Bignami et Bastia- nelli pour l’'hématozoaire humain). Les « flagelles » sont conslilués (fig. 7, C) : ils se composent donc presque uniquement de chromatine; toute celle du 1 OP1E et Mac CALLUM : dicine, 11, 1898. ? SakuaAROrr : Ann. Inst. Pasteur, 1893 et Centr. f. Bakler., Abth. I, 1893, vol. 23, The Journal of experimental me- F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME noyau du parasite a été employée à leur formation. Donc, par leur constilution chromatique et leur mobilité, les prétendus flagelles font songer à des éléments mâles, et la comparaison avec les micro- gamètes des coccidies s'impose. C'est à Metchnikoff que revient le mérite d'avoir, - dans un article publié par cette /evue', appelé l’altention sur l’existence, chez les Coccidies, d'un stade homologue au stade à flagelles du Paludisme. Sur ses indications, Simond ? a relrouvé ces « fla- gelles » des Coccidies, a mis en évidence leur structure chromatique et ainsi rendu plus étroite l'homologie entrevue par Metchnikoff, Au moment même où Metchnikoff et Simond dé- veloppaient leurs idées sur le rôle des flagelies, où Schaudinn et Siedlecki établissaient, par des fails. D DJ [= v. ROUSSEL. Fig. 8. — Processus sexœué chez une forme d'Halteridium (état frais). — À, le globule parasité s'arrondit. — B, le parasite devient libre. — CG, corps à flagelles. — D, pénétration d'un flagelle dans la sphère granuleuse femelle. — E, la sphère femelle fécondée émet un processus conique €, — F, la sphère est transformée en pseudo vermicule. — 9, reste de l’hémoglobine de l'hémalie; n, son noyau; M p, pigment; f, flagelles. — (Les fig. A-C, d'après Opie; D-F, d'après Mac Callum), posilifs, que ce sont les éléments màles des Cocci- dies (microgamètes), un auteur américain, Mac Callum *, montrait également que les « flagelles » du Paludisme jouent le rôle d'éléments féconda- teurs. Ce sont les recherches de ce dernier savant que nous allons maintenant exposer. Si l'on prend une goutte de sang de corbeau (Corvus americanus), renfermant beaucoup de grosses formes Æalteridium, et qu’on l’observe, au microscope, entre lame et lamelle, on constate les fails suivants. Très rapidement, les globules rem- plis avec les Æalteridium, s'arrondissent (fig. 8, A); 4 Mercaxrkorr : Revue générale des Sciences, 1892 et in Laveran, Arch. méd. expérim., 1890. 2 Simonp : €. R. Soc. Biologie et Ann. Inst. Pasteur, 1898. 3 Mac CazLzuu: Centr. f. Bakter., Ablh. L, 1897, 2° semestre etN rc Lou | | F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME 281 puis, le parasite rompt l'enveloppe de l'hématie et deviént libre (fig. 8, B). Porlons notre attention sur les corps sphériques provenant des Æalteridium à contenu clair. Ils vont, en deux ou trois minutes, donner naissance à des flagelles (fig. 8, C). Ces éléments se détachent rapidement du corps sphérique qui les a produits et se déplacent très vivement dans le plasma sanguin. Si nous avons, dans le même champ de microscope, une sphère hyaline et une sphère provenant d'un Æalteridium granuleux, nous observerons bientôt les phéno- mènes suivants. La sphère granuleuse ne donne “ jamais de flagelles. Son rôle est en effet tout autre. 5 Les flagelles viennent tourner autour ; bientôt l'un d'eux pénètre à son intérieur (fig. 8, D); la péné- tralion demande quelques secondes pour être com- plète. Le pigment est agité vivement, puis tout revient au repos. Les flagelles, qui n’ont joué aucun … rôle fécondateur, continuent à se mouvoir pendant un certain temps, puis dégénèrent. Les sphères granuleuses sont donc des corps femelles susceptibles d'être fécondés par les fla- gelles, c'est-à-dire par des éléments que leur structure chromatique et leur mobilité avaient fait considérer à priori comme des éléments mâles. … Ces observalions de Mac Callum ont été contrô- « lées, pour l’Æalteridium du pigeon, par Marchoux". Au Sénégal, cet hémalozoaire, tous les huit ou neuf jours, est apte à produire des flagelles qui fé- condent de grosses sphères granuleuses femelles. Marchoux a même vu le noyau femelle, reconnais- sable à l’absence de pigment, aller à la rencontre de la chromatine mäle. Koch à observé le même processus chez le Proteosoma des moineaux. En examinant au microscope le sang d’une femme renfermant de nombreux croissants, Mac Callum a vu ces éléments se transformer, au bout d'un cer- lain temps, en corps sphériques; certains donnent des flagelles et vont féconder les autres, reconnais- sables d'emblée à une certaine disposition du pig- ment. De toutes ces considérations et de toutes ces ob- servations, nous pensons qu'on est en droit de conclure que les flagelles sont des éléments mâles. Désormais on devra les appeler des microgamèles. Ils ont une structure comparable à celle des micro- gamèles des Coccidies; ils sont mobiles comme eux; les uns et les autres se forment à la surface d'une grosse masse plasmique qui devient uo reli- quat de différenciation. Examinons les différences : 1° Un corps sphérique donne un petit nombre de « flagelles ». Ce nombre est souvent 4. Est-il fixe ? C'est ce qu'il est difficile de dire, Certains auteurs en ont compté jusqu'à 10. Celte observation n'est 2 Marcuoux : C. R, Soc. Biologie, 11 mars 1899, pas facile sur les préparations fraiches. Mais on peut avoir une plus grande confiance sins de Sakharoff, faits d'après des préparations colorées, et ils montrent souvent plus de quatre fla- gelles. Si le nombre 4 était élabli, une homologie apparaitrait immédiatement entre les corps à fla- gelles et les microgamétocytes d'Adelea ovala et de Élossia helicina . Peut-être les corps à flagelles proviennent-ils d'éléments morulaires déjà seœués, comme c’est le cas pour les stades à microgamètes d'Adelea. Ge ne sont là que des hypothèses. Mais les faits, en tout cas, montrent qu'il existe, chez les Coccidies, des corps qui ne donnent qu'un petit nombre de microgamètes. 2 Les flagelles sont beaucoup plus longs que les microgamètes des Coccidies en général. Mais ils sont plus courts que ceux du Benedenia octopiana et il est probable que, comme ces derniers, ils n'ont pas de cils. En résumé, nous pouvons dire que les flagelles du Paludisme sont les seuls éléments des Proto- zoaires qui soient comparables aux microgamètes des Coccidies. Cette ressemblance constitue donc un argument de première importance en faveur des affinités des Hématozoaires de Laveran et Danilewsky et des Coccidies. dans les des- IV. — Ou SE PRODUIT LE PHÉNOMÈNE SEXUÉ ET QUE DEVIENT LE MACROGAMÈTE FÉCONDÉ ? Une question préalable se pose. Les flagelles se produisent-ils normalement dans le sang circulant? Tous les observateurs s'accordent sur ce point qu'ils n'exislent pas ou au moins qu'ils sont très rares (Laveran) au moment de la sortie du sang des vaisseaux. IL semble done probable qu'ils ne se produisent pas normalement dans le sang circu- lant. Une objection à celte manière de voir réside dans le fait que les flagelles apparaissent déjà deux ou trois minutes après la prise de sang. Or, dit Laveran, il est difficile d'admettre que les flagelles ne sont pas préformés dans les vaisseaux. La sorlie du sang hâte simplement leur mise en li- berté. D'autre part, Councilman a montré quelsrs que le sang pér RE donne peu de corps à flagelles, le sang de Ja rate peut en donner beaucoup. Mais les flagelles y deviennent-ils libres? Pour résoudre définitivement la question, il faudrait pouvoir re- lrouver ces éléments sur des coupes,el on n'y à pas encore réussi. 1 Voyez la premiére partie de cette étude dans la Revue du 30 wars dernicr, p. 213 et suiv. 282 F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME Avec la plupart des observateurs, nous admel- trons que les flagelles ne se développent normale- ment qu'en dehors du corps de l’homme et de l'Oi- seau. Par suile, la fécondation n’a pas lieu chez les hôtes Vertébrés supérieurs. El nous arrivons à celte conclusion que les éléments renfermés dans leur sang peuvent se diviser en deux catégories. 1° Des corps en voie d'évolution, aseæœués, dont le cyele se fait complètement dans le sang de l’homme et de l'Oiseau, et correspond peut-être avec les poussées fébriles : — ces éléments se mulliplient par simple division sans enkystement préalable (corps segmentés); la persistance du parasite pendant un temps lrès long, même en dehors des foyers d'in- est ainsi assurée ; 2° Des corps seæués, — à l'état d'arrêt de dévelop- pement; ce sont, en puissance, les uns des macroga- mèles, les autres des microgamélogènes, pour em- ployer l'expression de Grassi et Dionisi ‘ (peut-être méme des microgamétocytes). Ces éléments ne peuventévoluer qu'en dehors du corps de l'homme ou de l'Oiseau, quand unecirconslance fortuile, une saignée par exemple, se produit. Sinon, ils restent sans remplir leur rôle ; le globule qui les contient se rompt et ils deviennent au bout d’un cerlain temps la proie des phagocytes. Pourtant, au moins chez l'homme, il existe une forme qui n’est pas atteinte par le phagocyte : c’est Son enveloppe kystique le protège fection, le croissant. sans doule. Il est capable ainsi d'attendre très longtemps la circonslance qui lui permettra d'évoluer. Et nous ne pouvons nous empêcher de faire la comparai- son avec les jeunes Némalodes ou Distomes qu'on trouve enkystés dans le corps de certains animaux et qui ne subiront une évolution ultérieure, ne deviendront adultes, que si leur hôte est mangé par un autre animal, généralement d'espèce déter- minée. Le croissant est donc une forme sexuée enkystée; le corps à flagelles représente un certain nombre de microgamèles attachés à la masse cyloplasmique qui leur a donné naïssance. Ainsi se trouvent expliquées ces deux formes si curieuses, si énigmatiques, dont la signification à tant exercé la sagacité des observaleurs, dont Lave- ran, dès le premier jour de sa découverte, a prévu défendu la na- Lure vivante contre toutes les critiques. l'importance, et dont il a toujours Nous avons décrit le processus de la féconda- mais nous n'avons pas dit ce que devient le Mac Callum a observé (Koch des tion; macrogamètle fécondé. vient de confirmer celte observation pour que nous développons ici sont très voisines de llendi Conti di Acal. dei Linrei, 1 Les idées celles de Grassi et Diouisi déc. 1898). formes Proteosoma), loujours chez le corbeau amé=« ricain, que, quinze à vingt-cinq minules après la fécondation, les sphères granuleuses subissentv % une transformation. On voit apparaitre à leur sur- face un processus conique c (fig. 8, E) qui s ‘allonge peu à peu, et on a bientôt un vermicule mo= bile (fig. 8, F) qui abandonne parfois sa partie pos= térieure où se trouve accumulé presque tout le pigment, et qui se déplace dans le champ du mi- croscope en se frayant facilement un chemin entre les globules ou même à travers. Ce corps avait déjà été vu autrefois par Danilewskvy et Kruse qui avaient constaté sa formalion aux dépens de gros parasites sphériques sorlis des globules rouges. Danilewsky l'avait appelé pseudo vermiculus san- quinis. Il semble probable que cetle transformation des ñ macrogamètes fécondés en pseudo-vermiculi ne. se produit que chez quelques espèces d'hémalo- zoaires. Elle n'existe vraisemblabiement pas dans le cas du parasite de Laveran. “ Quelles sont maintenant les conditions pour que celte sphère fécondée ou ce vermicule poursuivent leur évolution? Elle ne peut avoir lieu dans le milieu extérieur, puisque l'on sait depuis longtemps que dans ces conditions toutes les formes parasitaires finissent par mourir. C’est même celle constatation qui avait amené Laveran, dès 1884!, à penser que « l'hématozoaire humain doit continuer son évolu- tion dans le corps d’un autre êlre vivant; et, étant donnés l'abondance des moustiques dans les en- droits palustres, leur rôle démontré dans une autre maladie humaine, la filariose, il avait soupconné ces Insectes de jouer également un rôle dans l'étio- logie du Paludisme. La comparaison avec les Coccidies nous conduit à une conceplion identique. Nous savons que la fécondation, chez ces êtres, précède toujours la formation des germes de résistance. Dans le cas des M hématozoaires, ces germes, ne se développant pas dans le milieu extérieur, doivent se former chez « un autre êlre vivant. Toutes ces considérations, naturellement très hypothétiques, nous amènent donc à soupconner l'existence d'un second hôle pour les hémato- « zoaires de Laveran et Danilewsky. Ces parasites passeraient donc de l'homme dans " le moustique. Mais la question du moustique se présente sous une autre face. L'insecte est-il ca- donner, par inoculalion, le Paludisme à fr Te Je VE PE D Tee pable de l’homme ? Il y a longlemps (1883) qu'un médecin améri- cain, King, a exposé que l'éliologie du Paludisme pouvait fort bien s'expliquer en admellant que les — — = É 1 Truilé des Fièvres palustres. F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME 233 ousliques sont les agents inoculateurs. Celle idée a été depuis développée par Bignami (1896). Une manière de concevoir le rôle des moustiques élait de supposer que l'insecte, allant d'une per- sonne malade à une saine, lui inocule les quelques germes qui peuvent se trouver sur sa trompe. Or, celle hypothèse est inadmissible, car l'on sait que, pour conférer la maladie, il faut inoculer, sous la peau ou dans la veine, une quantilé de sang bien Supérieure à celle que peut transporter | Insecte. Pour que le moustique soit un agent inoculateur, il faut nécessairement que le parasile subisse une évolution à son intérieur. Le passage de lhé- matozoaire du moustique à l’homme ne peut donc se faire que si l'hypothèse émise par Laveran est “exacte. C'est ce que Koch !, qui vient d'appuyer la t théorie du moustique » de sa haule autorité, a parfaitement compris. Mais il a surtout raisonné d’'analogie. Pendant son séjour dans l'Est-africain, il a eu Joccasion de confirmer les observations de Smith “et Kilborne sur le rôle des Tiques (Zoophilus Bovis) dans la propagation de la fièvre du Texas. Lors- qu'une Tique a vécu pendant un certain temps ur un bovidé, elle meurt en produisant un certain ombre d'œufs. Considérons un de ces Acariens ui a sucé le sang d'un bovidé malade, et recueil- ons avec soin sa progéniture. Les Tiques de nou- elle généralion sont capables, en piquant un bœuf certainement indemne de la fièvre du Texas (habi- ant, par exemple, une région où cette maladie ne sévit pas), de faire apparaitre dans le sang l'héma- zoaire de Smith et Kilborne. Le passage des germes a donc dû se faire par les œufs de la pre- mière Tique et, par conséquent, il y à eu évolution du parasite à son intérieur. Les faits connus nous conduisent donc à soup- conner le moustique d'être l’agent de transmission d Paludisme. Quiltons maintenant le domaine des hypothèses, et examinons les faits positifs apportés dans ces dernierstemps par Rosset d'autres savants. t Le V. — LES HÉMATOZOAIRES DANS LE CORPS DES MOUSTIQUES. La théorie de l'évolution de l'hématozoaire hu- main dans le moustique a surtout été défendue par Patrick Manson, le savant anglais qui à fait con- naitre le développement de la f'ilaria Sanguinis Hominis, à partir de l’homme, dans le corps du mouslique. 4 Kocu : Aerziliche Beobacht, in den Tropen. Verhandl. d. Deulsche-Kolonial Gesellsch., juin 1898 et ReiseLe- richte, ete. Dès 1892, Koch avait émis l'hypothèse .que le Paludisme se transmettait par la piqûre du moustique (in R: Preirren : Beitrâge zu Prolozoenforschung, Berlin, 1892). Un de ses élèves, le major Ronald Ross !, du Service médical indien, a cherché à trouver les stades de l'hématozoaire chez l'Insecte. Il a d'abord constaté que, dans l'estomac d'un moustique nourri de sang palusire avec nombreux croissants, les corps à flagelles apparaissent en quanlilé beau- coup plus considérable que dans le milieu extérieur. Il est donc vraisemblable que les fécondalions y sont fréquentes ? et que les macrogamètes fécondés sont le point de départ de l'évolution vue, dans ses délails essentiels, par Ross. Il a surtout opéré avec des Oiseaux (en particu- lier des moineaux) des environs de Calcutta. Il a constaté que, pour arriver à des résullats posilifs, il devait opérer avec une certaine espèce de mous- tiques, qu'il appelle Moustique gris (Grassi prétend que c’est le vulgaire Culex pipiens); c’est la même Fig. 9. — Evolulion des Proleosoma des Oiseaux dans le moustique (état frais). — À, deux sphères pigmentées du second jour. — B, tube digestif du moustique avec, à sa surface, les sphères pigmentées du 6° jour. — C, fila- ments-germes. — D, black-spore (D'après Ross). espèce qui, d'après Manson, joue un rôle dans l'évolution de la filariose. Si l'on fait sucer à ces moustiques le sang d'Oi- seaux renfermant dans leur sang des formes Pro- teosoma, on observe, de vingt-quatre à trente heures après l’opéralion, dans la paroi musculaire externe de l'intestin moyen, de pelites sphères de 6 & de diamèlre environ, avec un contour très net, et, à leur intérieur, du pigment tout à fait identique au pigment palustre (fig. 9, A). D'autres moustiques, nourris dans les mêmes condilions, mais sacrifiés deux, trois, huit jours après, montrent des sphères semblables, mais avec un volume qui va continuellement en augmentant; en même temps, le pigment disparait; les parois deviennent plus 1 Voir Manson : Brilish Medical Journal, 18 juin et 24 sep- tembre 1898, Ross: Report on lhe culiivalion of Proleosoma Labbé in Grey Mosquitos, Calcutta, 1898, et Ann. Inslilul . Pasleur, février 1899. 2 En fait, Koch tout dernièrement (Deutsche med. Wo- chensch. 2 févr. 1899) déclare avoir observé ce phénomène chez des formes Proleosoma et vu la trans'ormation en vermiculi dans l'estomac des moustiques. 284 F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME épaisses; la sphère atteint finalement 60 et même 10 & de diamètre. Cette évolution dure six à sept jours, dans la saison chaude, deux semaines et plus dans la saison froide de l'Inde. A la fin de cette période, les sphères font hernie à la surface de l'estomac, dans la cavilé du corps de l'Insecte (fig. 9, B) et leur contenu se divise. IL se produit à leur intérieur, suivant les cas, deux sortes d'éléments : 1° des filaments germes (germi- nal threads), petits corps de 12 à 16 y de long, très minces, pointus aux deux extrémités, très délicats (fig. 9, C); 2 des corps foncés d'assez grande taille, plus ou moins incurvés (fig. 9, D), et très résistants (black spores de Ross). Ces deux sortes d'organismes se répandent, après rupture des sphères qui les ont produits, dans la cavité du corps du moustique, qui en est quelque- fois gonflé. Nous verrons bientôt leur rôle. Ces faits ont élé établis par Ross d’une facon inaltaquable. Les sphères pigmentées représentent évidemment des organismes parasites du mous- tique; et il est certain qu'ils proviennent des Pro- teosoma de l'Oiseau. Les stalistiques à cet égard parlent clair. De 245 moustiques nourris de la facon indiquée, 178 (soit 72 °/,) ont montré les sphères; 249 insectes de la même espèce, nourris sur des Oiseaux sains ou avec des formes //alteri- dium dans le sang, n'ont présenté aucun corps pigmenté. Ross a donc réussi à communiquer aux moustiques les parasites de l’Oiseau. Peut-on également passer du moustique à l'Oi- seau ? Ross a encore pu répondre par l’affirmative. Revenons aux fllaments germes répandus dans la cavilé sanguine de l'Insecte. Ross les a également rencontrés dans les grosses cellules sécrétantes de glandes quil a reconnues être les glandes venimo- salivaires du moustique; leur canal débouche à la base de certains stylets de la trompe. Comment les filaments germes arrivert-ils dans les glandes salivaires? Ross ne l'explique pas et il reste là une lacune à combler. Mais le point essentiel est bien établi : c'est qu'ils arrivent dans les cellules de la glande, et de là tombent dans le canal. Il est main- tenant facile de supposer qu'ils sont introduits sous la peau de l'Oiseau, avec le contenu de la glande, quand l’Insecte le pique. Ces filaments germes sont-ils capables de pro- duire l'infection de l'Oiseau? Dans une expérience, Ross a pris 28 moineaux sains, sans hématozoaires, el il les a exposés toute une nuit aux piqûres de moustiques nourris avec du sang d'oiseau, conte- nant des Proleosoma, depuis un temps tel que leurs glandes salivaires devaient renfermer des filaments-germes. De ces 28S moineaux, 22 ont montré, après une période d'incubalion de cinq à neuf jours, des Proteosoma dans le sang, Le premier jour de leur apparilion dans le sang, les parasites sont excessivement rares; mais ils augmentent rapidement en nombre et on arrive quelquefois à en trouver de 10 à 60 dans le champ d'une lentille à immersion homogène. La plupart des Oiseaux ont succombé. Tous les Oiseaux sains conservés dans le laboratoire, mais mis à l'abri de piqûres de moustiques, n'ont jamais présenté. d'hématozoaires. Enfin, Ross a noté deux fails intéressants : 4° les moustiques nourris sur des moineaux malades sont capables d’infecter des Oiseaux d'une autre espèce, par exemple des corbeaux; 2° les moineau avec une faible infection naturelle à Proteosoma peuvent montrer, après piqûres de moustiques préparés, une nouvelle poussée d’hématozoaires mais elle est toujours beaucoup moins intense que chez les moineaux préalablement sains. Il est donc démontré que les moustiques sont capables d'inoculer les hématozoaires aux Oiseaux y et ce sont vraisemblablement les filaments germes qui sont les agents de transmission. Quel est le rôle des black spores? Il n’est pas encore élabli. Ces éléments restent inaltérés dans l'eau pendant longtemps; ce sont peut-êlre des germes de résistance. Nous examinerons celte hypothèse dans le paragraphe suivant, Le rôle des moustiques, dans le Paludisme humain, est loin d'être aussi bien établi que pour les Oiseaux. Néanmoins, certaines observations de Ross ! semblent établir que certains moustiques, à ailes tachetées, présentent des sphères pigmentées quand on les nourrit sur des malades ayant des croissants dans le sang. Tout dernièrement, Grassi Bignami et Baslianelli? sont arrivés aux mêmes résultats; ils ont retrouvé les stades de filaments germes et de black spores (ces derniers contien draient à leur intérieur un filament germe). Le moustique où l'hématozoaire humain cultive e l'Anopheles Claviger K. (= A. maculipennis Meig.) Bignami*, dans une expérience qui paraît avoir élé conduite avec soin, a réussi à communiquer le Paludisme à une personne saine en la faisant pE quer par des moustiques apportés d'une localité palustre. Celte expérience unique aurait besoin d'être multipliée. Quoi qu'il en soit, on est au moins en droit, raisonnant d'analogie, d'appliqueEm au Paludisme humain les conclusions tirées de faits observés sur les Oiseaux, Un fait d'une extrème importance se dégage dem ces observalions : c'est que tous les moustiques ne sont pas aptes à être les agents d’inoculation. Une ou 1 Ross : ? Gnassr, BiGNauI et BASTIANELLI : Lincei, 4 et 22 décembre 1898. 3 BiGnaur : The Lancet, décembre 1898, Brilish Med. Journ., 18 déc. 1897 et 26 fév. 1898 Rendi Conti di Acad. di F. MESNIL — COCCIDIES ET PALUDISME 285 un, petit nombre d'espèces cullivent l’hématozaire des Oiseaux ; une ou plusieurs autres l'hémalozoaire humain. Grassi!, en examinant avec beaucoup de soin la répartilion géographique des moustiques, la concordance de certaines espèces avec les loca- lités palustres, est arrivé à la même conclusion. Donc, le moustique peut prendre à l'homme l'héma- tozoaire de Laveran, et, après qu'il a subi une cer- taine évolulion, l'inoculer à une personne saine. La prophylaxie du Paludisme doit donc entrer dans une voie nouvelle. Il faudra d’abord se mettre à l'abri des moustiques el éviter avec soin leurs morsures dans les endroits palustres. Quant à détruire ces Insectes, il faudra surtout chercher à agir sur les larves ; les hygiénistes et les entomo- logistes devront combiner leurs efforts. Mais est-ce là le seul mode d'introduction du parasite dans notre organisme ? Ross le pense; mais c'est loin d'être démontré. N’est-il pas pos- sible que les black spores, dont le rôle est encore inconnu, après avoir été introduites dans notre tube digestif avec l’eau de boisson, n’y évoluent en parasites que l’on trouvera ensuite dans le sang? La nouvelle théorie de l'inoculation ne doit pas faire rejeter, sans autre forme de procès, la vieille théorie hydrique en faveur de laquelle plaident tant de faits qui paraissent avoir élé bien observés. VI. — CYCLE ÉVOLUTIF DE L'HÉMATOZOAIRE DU PALUDISME. COMPARAISON AVEC LES COCCIDIES. Grassi et Dionisi (/. c.), se basant sur les obser- valions récentes, considèrent le parasite du Palu- disme comme un être dont le cycle évolutif présente deux généralions se succédant, l’une chez l'homme qui serait l'hôte intermédiaire, l'autre chez le moustique, qui serait l'hôte définitif. L'homme et le moustique joueraient respective- ment le même rôle que le mouton et le chien dans l'évolution du cœnure, ou que la lymnée et le moulon dans celle de la douve du foie. Nous aurions ainsi le premier exemple de Spo- rozoaires ayant besoin, pour accomplir leur déve- loppement, de deux êtres vivants. Il est, en effet, parfaitement démontré que les Grégarines, les Coccidies et les Myxosporidies n'ont besoin que d'un animal-hôte. Ce serait donc là un fait biolo- gique intéressant. Mais, la nécessité de deux hôtes pour les hématozaires de l'homme et des Oiseaux ne parait pas êlre en rapport avec certains faits connus. Ainsi, on sait depuis longtemps que le Paludisme existe à l’état latent dans des lieux inhabités. Il est donc probable que là le parasite se propage indéfiniment de mouslique à moustique. ? Grassi : Il policlinicu, octobre 1898 et Acad. d. Lincei, 6 novembre 1898. Le cycle pourrait donc s’accomplir uniquement dans le moustique. En revanche, de nombreux faits, sur lesquels nous avons insisté, paraissent démontrer que l'homme ne suffit pas pour un cycle complet de l'hématozaire de Laveran. Nous arrivons donc à celte conclusion que le moustique est l'hôte normal de l'hématozoaire de l'homme et des Oiseaux, qu'il peut y accomplir toute son évolution (sauf peut-être la maturation des sporocystes), et que chez les Vertébrés supé- rieurs il est un hôte occasionnel. Celte manière de voir a déjà élé formulée par Manson et Laveran. Comment se fait l'infection de moustique à mous- tique? Peut-être, les black spores de Ross, après ètre tombées dans l’eau à la surface de laquelle meurt le moustique, sont-elles capables de conta- miner les larves. Peut-êlre aussi les œufs de l'in- secte infecté contiennent-ils eux-mêmes les germes du parasite (Cf. tiques dans la fièvre du Texas, vers à soie atteints de pébrine) ; et il est possible que, dans ce cas, les filaments-germes soient les agents de transmission. Mais, ce ne sont encore là que des hypothèses fort vagues. Revenons à la comparaison avec les Coccidies. Les formes sous lesquelles se présente l'héma- tozoaire, dans le sang de l'homme et des Oiseaux, sont facilement homologables, les unes (corps segmentés) aux formes à multiplication asexuée des Coccidies, les autres (gros parasites granuleux des Oiseaux, parasites clairs donnant des corps à flagelles, croissants) à leurs éléments sexués. IL y a là des ressemblances extrêmement étroites sur lesquelles nous avons déjà insisté ; les différences peuvent simplement tenir à des adaptalions à des cellules-hôtes très différentes (globule sanguin, épithélium intestinal.) Chez les Coccidies, l'élément fécondé donne naissance, sans nouvelle période de croissance, à des formes reproductrices. Chez les hématozoaires, il ne paraît pas en être ainsi: il y aurail croissance dans la paroi du tube digestif du moustique. Mais il est bien difficile de poursuivre la comparaison plus loin : Ross a établi indiscutablement le rôle des moustiques ; mais l'étude zoologique et cylo- logique des stades vus par lui chez l'Insecte reste Lout entière à faire. Peut-être les black spores sont- elles homologues aux sporocystes des Coccidies. Quant aux filaments-germes, il est possible qu'ils n'aient pas leurs correspondants chez les Coccidies. Malgré ces incertitudes, on en sait assez aujour- d'hui pour affirmer que les hémalozoaires que nous venons d'étudier n'ont pas de plus proches parents que les Coccidies, auxquels ils sont inti- mement alliés. F. Mesnil, Docteur ès sciences, Chef de Laboratoire à l'Institut Pasteur, 286 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX : s > mesures peu onéreuses a conslilué un progrès considé- 1° Sciences mathématiques rable, dont il eût été bon que l'auteur ne mot. Vallier (Commandant E.). — L’Artillerie. MATÉRIEL. Je Ces nGGOIsSe NES SUCER RAS ORGANISATION. — 1 vol. in-8° de 272 pages avec 43 figures. (Prix cartonné : 5 fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1899. Le commandant Vallier a divisé son ouvrage en deux parties dont nous aurions souhaité que la première fût plus développée, dût la seconde être écourtée d'autant. Car, s'il n’est assurément pas sans intérêt de connaître l’organisation de l'artillerie au Japon, d'être renseigné sur le matériel des Etats Unis et, notamment, sur les canons pneumatiques qui ont « fait merveille » au bom- bardement de Santiago, de savoir que les Turcs ont une « grande-maïilrise » de l'artillerie indépendante du mi- nistère de la Guerre, ou que la Serbie a adopté le système de Bange, tandis que la Bulgarie et la Roumanie se fournissent à Essen, dans la maison Krupp, combien nous préférerions avoir des idées nettes sur le mode de construction des bouches à feu, sur la question si inté- ressante du frettage, sur la révolution amenée par l'adoption des nouveaux explosifs, sur l’organisation intérieure et les effets des projectiles, sur les principes fondamentaux de la balistique tant intérieure qu'exté- rieure, sur les méthodes de réglage du tir, sur la con- stitultion même de l'arme et la nature des éléments qui la composent! C'est cet ensemble de « généralités » que nous eussions souhaité voir plus amplement présenté. C'est par lui que débute le volume, et il en représente moins du tiers : la proportion nous paraît un peu faible. Eh quoi? Pas un mot de la si intéressante Note sur les effets et l'emploi des projectiles lirés par les canons de campagne, Note approuvée par le ministre de la Guérre à la date du 7 novembre 1896! Pas un mot de l'observation des coups, sur quoi repose la détermination de la bonne hausse ! Le parallèle classique, et qui s'imposait, entre le Lir fusant et le tir percutant, je l'ai cherché en vaio. Et je n'ai pas trouvé non plus l'histo- rique des idées, des efforts qui, du canon à àme lisse et à boulets ronds, ont conduit à l'engin merveilleax qu'ont réalisé les constructeurs modernes et dont l'expression dernière stupéfiera les connaisseurs en même temps qu'elle révolutionnera l'art de la guerre. Car l'influence, sur la tactique, de l'adoption de la poudre sans fumée n'est rien à côté de l’effet que produira, sur le champ de balaille, un canon tout aussi puissant que l’ancien et dont la vilesse de tir est, pour le moins, décuplée. La genèse de celte invention méritait qu'on la men- tionnàt. Quant à l'invention elle-même, elle est tenue secrète, el il était impossible d'en parler. Par contre, rien n’em- pêchait de donner, sur le canon allemand modèle 4896, du calibre de 77 millimètres, des renseignements que tous les journaux techuiques ont publiés au commen- cement de 1898. Ces journaux ont également fait con- naitre, vers la même époque, la transformation que l'Autriche-Hongrie a fait subir à son matériel en vue d'en accélérer le tir. Ces détails auraient pu trouver place à la page 178. Au surplus, la France elle-même a introduit, dans ses batteries de 90 (système de Bange) des améliorations qui ont le même objet et dont l'in- troduction n'a rien de confidentiel. Par la substitution d'un goniomètre à la hausse, par l'adoption de débou- choirs pour percer mécaniquement la fusée du projec- tile, par une meilleure division du travail entre les ser- vants de la pièce, par certaines dispositions prises pour le transport des munitions, on a presque doublé Ja vilesse de tir du matériel ancien, et l'ensemble de ces matériel correspond la nécessité de modifier l'emploi de ce matériel. Si la puissance du canon va se trouver, à certains égards, décuplée, on est amené à se deman- der, en effet, s’il ne convient pas de transférer à l’artil- lerie la prépotence attribuée jusqu'à présent à l’infan= terie. Et cetle thèse a été soutenue par des écrivains qui font autorité. Que si nous admettons que les deux armes doivent continuer à contribuer, pour la même part proportionnelle, au gain des batailles, c'est done qu'il faut réduire le nombre des bouches à feu, puis- qu'une seule fera la besogne de dix des auciennes. Et, dès lors, les colonnes seront singulièrement allégées. Non point autant, loutefois, qu'il pourrait le sembler au premier abord, car, s'il faut moins de pièces pour produire un effet déterminé, il faut tout autant de mu- nitions, sinon davantage, et, par conséquent, loin de réduire le nombre des caissons en même temps que celui des pièces, on peut êlre amené à l’augmenter; mais alors, en alourdissaut les convois de ravitaillement de l’armée, on aura allégé ses (rains de combat; on aura, si jose dire, déplacé le centre de gravité des colonnes, modifié les conditions d'équilibre et la répar- lüition des éléments que le commandement tient dans sa main. Bref, la réforme qui s'effectue présentement ne peut manquer d'avoir des répercussions considérables sur l'art militaire : les règles de la logistique en seront changées, et la physionomie des batailles se transfor- mera. Sans se mêler de prophétiser, ce qui, en pareille matière, est toujours délicat, on aurait pu résumer ce que les gens du métier ont écrit sur cette métamor- phose; on aurait pu parler brièvement de la polémique qui agite la presse militaire, et dont l'objet est de savoir s'il convient de conserver conjointement l’artil- lerie divisionnaire et l'artillerie du corps, ou s'il n’est pas opportun de sacrifier l’une d'elles, et laquelle. Il est vraiment dommage que des questions aussi importantes aient élé passées sous silence et que, parlant des équi- pages de campagne, on n'ait pas soufflé mot de leurs altelages, pas plus que, parlant des batteries de côte et des pièces de bord, on n’a indiqué les principes de la défense du littoral et du tir à la mer. Mais, à quoi bon insister sur ce que l’auteur n’a pas fait? Puisqu'il n'a pas compris son livre comme nous l’aurions souhaité, prenons le tel qu'il est, c'est-à-dire comme un tableau statistique et descriptif de l’état des diverses artilleries européennes à la veille de la grande révolution qui se prépare, à ce (tournant que marque la création d’un matériel à tir rapide. Ne voulant que dresser cet inventaire, encore le commandant Vallier eût-il dû le donner parfaitement exact. Or, il suffit de jeter les yeux sur les figures 23 et 24 pour constater que la tête mobile et le frein représentés sont, l'un et l'autre, d'un modèle depuis longtemps abandonné. Si de telles erreurs ont été commises au sujet du matériel francais, quelle sécurité peuvent nous inspirer les ren- seignements relatifs aux artilleries étrangères ? Les omissions risquent de nous tromper non moins que des inexactitudes. Par exemple, il n’est rien dit des cais- sons, lesquels ont pourtant, dans les batteries, une: importance qu'un avenir rapproché mettra en relief; car on sait aujourd'hui que c'est l’organisation origi- nale de cette voiture accessoire qui a permis de donner au « canon de l'avenir » sa prodigieuse vitesse de tir. Dans l’'énumération des projectiles français ne figure pas l'obus à balles de 80, modèle 1895, dont la description se trouve au $ 206 du Règlement sur le service des canons. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 261 Bref, dans ce volume bien imprimé et d'une lecture “agréable, on trouvera beaucoup de choses, mais qui ne sont peut-être pas précisément celles qu'on ÿ voudrait le plus trouver; dans ce grand nombre de chiffres et de détails, on regrettera l'omission de chiffres impor- “ants et de données essentielles. A. B. 2° Sciences physiques Fabry (Ch.), Professeur-adjoint à la Faculté les Sciences de Marseille. — Leçons élémentaires d’Acoustique et d'Optique. — ! vol. in-8° de 356 pages avec 205 fi- gures. (Prix : 7 fr. 50.) Gauthier- Villars et fils, éditeurs, Paris, 1899. Voilà un ouvrage excellent : en un nombre de pages relativement restreint, l’auteur expose, avec une clarté remarquable et une précision rigoureuse, tous les élé- ments de l’'Acoustique et de l'Optique. Il ne suppose à ses lecteurs que des connaissances mathématiques rudi- mentaires, attendu qu'il se croit même obligé de leur apprendre, dans une note, ce qu'est un sinus; d'autre part, il fait du calcul arithmétique et algébrique l'usage ne plus modéré; et cette contrainte qu'il s'est imposée, et dont ses habitudes d’ancien polytechnicien ont dû souffrir, ne nuit eu rien à la limpidité et à la rigueur de son exposé. Les élèves du P. C. N., auquel ce livre “est destiné, apprécieront assurément la méthode de leur maitre. —._ Le chapitre Lest consacré à l'étude générale des phé- - nomènes périodiques; c'est l'introduction obligée d’un … (raité d'Acoustique et d'Optique. L'Acoustique offre une : première application de ces notions et elle prépare le - lecteur aux considérations plus abstraites et plus diffi- ciles de l'Optique physique. Les cioq paragraphes du chapitre II traitent de ces questions d'Acoustique. L'Op- tique géométrique forme la matière des neuf premiers paragraphes du chapitre Ill; il reste environ 70 pages Re l'Optique physique. L'histoire de l'Optique termine ouvrage et constitue une sorte de synthèse des ques- tions traitées dans le livre. —. M. Fabry dit, dans sa préface, qu'il s'est moins atla- “ché à la description détaillée des phénomènes et des appareils propres à les produire qu'à indiquer l’en- chaïuement louique des faits et des lois quiles régissent. C'est la meilleure maniere de procéder dans l’ensei- gnement du P. C. N., et nous félicitons l'auteur du programme qu'il s'est tracé et de l'art parfait avec l-quel il l’a rempli. A. Wirz, ; Professeur à la Faculté libre des Sciences de Lille. d : ‘ £  à | 4 LÉ te Lin mn). Hummel (J.), Directeur du Collège de Teinture de — Leeds.— Manuel pratique du Teinturier. Traluction française de M. K. Dommer, Professeur à l'Ecole de — Physique ct de Chimie industrielles de la Ville de Paris. …— — 1 vol. in-12 de 550 payes avec T8 figures. (Prix : … fr. 50.) B. Tignol, éditeur. Par,s, 1899. 3 — Le Traité de Teinture du professeur Hummel est con- Sidéré à l'Elranger comme un ouvrage classique sur cette matière. De nombreuses éditions publiées en Angleterre, des traductions en allemand, italien, ja- ponais, ont fait connaitre un peu partont, dans le monde industriel, cet excellent ouvrage dont l'éloge n'est plus à fuire. L'édition française publiée aujourd'hui par M. Dom- mer, d'après la dernière édition auglaise, est donc certainement appelée à rendre de réels services aux industriels frauçais. Le succès obtenu par le traité de M. Hummel nous dispense d'en faire ici une longue analyse; il suflra d'eu rappeler sommairement les grandes lignes. - Les quatre premiers chapitres sont consacrés à l'étude des propriétés du coton, du lin, du jute, de la ramie, de la laine et de la soie; l’action des divers agents sur ces différents tissus est soigneusement passée en revue. Les chapitres suivants concernent les opérations préliminaires précédant la teinture : blanchiment, dégraissage de la laine et décreusage de la soie; l’auteur rappelle ensuite les conditions que doit rempl'r l'eau employée en teinture, et les diverses méthodes d'épuration utilisées dans ce but. Un chapitre spécial est consacré aux diverses théories de la teinture; un autre aux mordants; un, enfin, qui termine les généralités, traite des méthodes et appareils les plus usités. Dans la seconde partie de l'ouvrage, l’auteur donne les détails relatifs à l'emploi des colorants naturels et artificiels, et décrit, à propos de chacun d'eux, les pré- caulions spéciales enseignées par la pratique. Telle est en quelques mots, la substance du Manuel pratique du Teinturier, dont M. Dommer vient de pu- blier l'édition francaise. Nous ne saurions trop la recommander soit aux pra- ticiens qui désirent suivre les progrès de l’art de la teinture, soit aux personnes chargées de l’enseigne- ment de la Chimie industrielle. PuiLippe-A. GUYE, Protesseur de Chimie à l'Université de Genève. 3° Sciences naturelles Labbé (Alphonse), Conservateur des Collections de Zoo- logie à la Sorbonne. — La Cytologie expérimentale. — 1 vol. in-12 de 188 pages avec 56 figures de la Biblic- thèque de la Revue générale des Sciences. (Prix car- tonné : 5 fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1899. Tandis qu'à l'étranger les résullats principaux et les lois de la Biomécanique (Entwickelungsmechanik) ont été déjà exposés dans plusieurs imporlants ou- vrages, celle science nouvelle n’a encore élé chez nous (à part le livre de M. Delage, fait à un point de vue spécial) l'objet d'aucun exposé méthodique, Aussi tout biologiste francais a-t-il salué certainement avec joie l'apparition d’un pelit livre qui, s'il n’est pas la Biomécanique entière, en est du moins le premier et le plus important chapitre : c'est le livre de M. Labbé, la Cytologie expérimentale, essai de Cytomécunique. M. Labbé était bien placé pour écrire ce livre. Sans être cytomécaniste de profession el risquer de trop « pénétrer le livre de ses idées personnelles », il avait approché d'assez près les questions de Cytomécanique pour s'être pénélré de leur intérêt, et pour s'être fait d'elles une conception d'ensemble, solidement appuyée sur de nombreux documents, tant personnels que d'emprunt, qu'il a rassemblés et qu'il nous livre dans son ouvrage. Cette conception générale de la Bioméca- nique, ou tout au moins de la Cytomécanique, fait à son auteur le plus grand honneur. Les documents consi- gnés dans cet ouvrage en font un très utile compen- dium, où les gens du métier puiseront avec profit, el, eu tout cas, témoignent des connaissances très étendues que l’auteur a sur la question. Ce sont là des qualités surtout subjeclives de l’œuvre de M. Labbé. Il est regrettable de ne pouvoir en dire autant de bien au point de vue objeclf. Il est peu probable que cet ouvrage puisse servir véritablement, comme le prédit M. Delage, à la culture générale de ceux que ces questions intéressent, à moins qu'ils ne soient gens du métier, biologistes déjà formés; cela, à cause d'imper- fections didactiques de diverses natures. Si les con; clusions, placées à la suite de presque tous les cha- pitres, donnent de l'ensemble de la Cytomécanique une idée générale précise, parce qu'elles sont la représen- talion extérieure d'un plan de rédaction nettement tracé, il s’en faut que les documents qui constituent la substance des chapitres successifs, forment à ces con- clusions générales un commentaire satisfaisant et explicite. En réalité, ce livre paraît se composer de deux parties. L'une est représentée par la somme des conclusions partielles des chapitres, formant dans leur ensemble un article parfait, quoique difficile à lire à cause de sa condensation même et de l'absence de faits 288 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX PES concrets et d'exemples, et ne pouvant être compris que des initiés. L'autre partie, qui renferme les faits et les exemples décrits au cours des chapitres mêmes, parait presque avoir été surajoutée à la précédente, à la per- fection de laquelle elle est loin d'atteindre. Les ma- tériaux qui la composent ne sont pas, en général, suffisamment ordonnés et souvent ne figurent pas à la place qui leur convient. Les faits exposés, les lois interprétées ne le sont pas d’une facon assez explicite; trop souvent, l'auteur déclare qu'il ne peut entrer dans les détails, que le sujet demanderait de trop longues explications (p. 32, p. 85, etc.) et abandonne le lecteur sans lui avoir rien fait com- prendre : la théorie de Jensen, par exemple. Il y a des obscurités et même des impéuétrabilités absolues dans certains passages, tels que l’action de l'acide CO* sur la segmentation, la post-régénération de Roux, la loi de segmentation d'Hertwig, etc. (p. 75, 84, 87). Les obscurités proviennent parfois d’un défaut de concor- dance entre le texte et les figures, celles-ci n'étant pas toujours expliquées; ainsi sont associés dans la figure 42, dont la légende est « flagellés artificiels », des cas naturels et des cas artificiels de transformation flagellaire ; la figure 44 est incompréhensible pour qui n'en connaissait pas auparavant la légende explicative. Les obscurités résultent le plus souvent d’imperfec- lions plus ou moins graves de rédaction. Laissant de côté « l'essence de tremesline » (esencia de trementina de Gallardo) et autres imperfections qui ne gènent pas l'intelligence du texte, mais indiquent tout au moins une rédaction hâtive, les suivantes, qu'on peut sans doute aussi attribuer à des lapsus, sont plus graves : décrivant (p. 2) le procédé de Bütschli pour la création d'un protoplasme artificiel, l’auteur oublie l'indispensable goutte d’eau et confond ensuite à tel point goutte et gouttelettes que l'émulsion devient incompréhensible; il insère (p. 5) les fibrilles du sys- tème centré de Heidenhain « sur la membrane nucléaire, le noyau restant interfilaire »; il dit nucléo- plasme à la place de cytoplasme (p. 64), ce qui rend inintelligible l'expérience de Lillie; il oppose l'excitant du protoplasma au coagulant protoplasmique (p. 71); il fait du cytochorisme (p. 92) une fusion, alors que c'est une séparation, Les imperfections enfin que con- tient le dernier chapitre « la différenciation cellulaire », font souvent l'effet de vérilables erreurs; il est très contestable que la différenciation de la cellule ner- veuse « porte surtout sur le noyau, dont la quantité de chromaline diminue corrélativemeut et s’effrite »; la partie distale ou basale des cellules de l’épithélium rénal des vertébrés est loin d’être formée de cyto- plasme peu ou point différencié; le paragraphe des différenciations intracellulaires est fait d’une cytologie très approximative et vue de si haut, que les détails ne sont plus percus exactement. Ces diverses imperfections sont regrettables, enle- vant à l'ouvrage une grande partie de sa valeur didac- lHique. Il eût fallu cependant très peu de chose pour en faire sinon un Traité, du moins un Précis de Cytomé- canique excellent, étant déjà richement documenté et fortement pensé. Tel qu'il est, ce livre sera consulté avec fruit, pour les documents nombreux (figures, descriptions et tableaux) qu'il renferme. Et les conclu- sions générales demeureront une vigoureuse esquisse de la ligne d'évolution de la Cytomécanique future. A. PRENANT, Professeur à la Faculté de Médecine de Nancy. 4° Sciences médicales Déga (Mlle Georgette). — Essai sur la cure préven- tive de l’hystérie féminine par l’éducation. (Thèse de lu Faculté de Médecine de Bordeaux). — 1 vol. in-8° de 96 pages. F. Alcan, éditeur. Paris, 1899. Mie Déga, dans une thèse intéressante, développe quelques idées générales relatives à l'éducation des enfants nerveux. Parmi les conditions qui déterminent l’éclosion des maladies hystériques, il est évidemment juste de faire une grande part à cerlains troubles de« caractère, émotivilé exagérée, faiblesse del’attention et de Ja volonté, défaut d'unité dans la personnalité. Une éducalion intelligente et sévère peut modifier ces tendances et permettre à un esprit sinon déjà malade, mais au moins trop faible, de se reconstituer et d'6- chapper à la maladie confirmée. Sans doute, ces réflexions sont justes dans leur géné- ralite, mais l’auteur conviendra qu’elles sont d’une ap- plication bien difficile. Bien des causes déterminent cet affaiblissement cérébral de l’hystérique et il ne sera pas toujours possible de soumettre de pareils esprits à ET TN US une éducation rationnelle. Il n'en est pas moins juste de l'essayer et ce serait rendre service à ces malades # A que de préciser un peu plus l'éducation qui leur serait la plus favorable. D' Pierre JANEr, ‘4 Professeur remplaçant au Collège de France, « Chargé de cours à la Sorbonne. Le 5° Sciences diverses ë k, Charles-Roux, ancien député. — Notre Marine marchande. — 1 vol. in-18 de 410 pages {Prix : 4 fr.) Armand Colin et Cie, éditeurs, 5,rue de Mézières. Paris, È 1899. H sures législatives nécessaires pour remédier à une situation dont il est en partie l’auteur responsable. e Au début de son ouvrage, M. Charles-Roux montre « la transformation qu'a subie la marine de commerce M depuis qu'elle fait usage de la vapeur et que les navires M en fer de 6.000 à 10.000 tonreaux ont remplacé les » légères goélettes en bois de 500 à 600. L'instrument est M devenu plus coûteux, et certains pays se trouvent dans de meilleures conditions que la France pour l’établir à bon marché. C'est ainsi qu'en Angleterre, le bas prix du charbon et du fer favorise beaucoup la construction marilime. Par suite du développement qu'elle y a pris, M les chantiers disposent maintenant d'un personnel M habile et nombreux; ils font les navires économique- ment et ils les livrent vite. Au contraire, en France, les constructeurs, qui visent surtout les commandes de la M marine militaire, écartent fréquemment leurs clients M particuliers en leur proposant des devis et des délais M inacceptables. D’autres causes contribuent encore à mettre notre marine dans un état précaire : ce sont notamment les charges qu'imposent les lois sur l'inscriplion maritime, les règles trop restrictives concernant la composition M des équipages, le manque d'un fret de sortie assuré, la difficulté de trouver des capitaux pour les entreprises M de navigation. Il en résulte que, du second rang qu'elle M occupait autrefois, la marine francaise, aujourd'hui au troisième, est menacée de reculer encore. Dans les mers lointaines, on ne voit plus jamais le pavillon fran- M cais, ou il.ne s'y montre que sur les paquebots de nos | | L Are compagnies subventionnées. Pour enrayer le mal, la loi de 1881 accorda une prime à la navigation aux bâtiments de construction française et la moitié de cette prime aux bâtiments de construction étrangère. Cette loi, qui produisit d'excel- lents effets, eut une trop courte durée. Sous le régime | inauguré en 1893 et encore aujourd'hui en vigueur, ont } seuls droit à une prime, les navires sortant des chan- Ré 0 7 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 289 - tiers francais. Quoique ces navires bénéficient égale- ment d'une prime à la construction, ils reviennent à un prix bien supérieur au prix anglais. L’armateur ne fait donc construire ni en France à cause de la cherté, ni à l'étranger à cause de la suppression de la prime. Notre flotte s'amoindrit et vieillit au moment précis où, pour - soutenir la concurrence, elle devrait être nombreuse et se composer d'éléments perfectionnés. Dans ces conditions, M. Charles Roux, estimant qu'il vaut mieux posséder des navires provenant du dehors que de n'en avoir aucun, demande le rétablissement de la demi-prime pour les navires de construction étrangère francisés. Disons, en passant, que ce n’est pas cette solution qu'a adoptée la Commission extra-parle- mentaire de la marine marchande. Après de longues discussions entre armateurs et constructeurs, elle s'est ralliée à un système transactionnel assez compliqué : il comporte une allocation, dite compensation d'arme- ment, à tous les navires battant pavillon francais, quelle que soit leur origine, et une prime à la navigation pour les navires construits dans les chantiers nationaux. La compensation d'armement et la prime à la navigation ne se cumuleraient pas. La deuxième partie de l'ouvrage est consacrée à la navi- gation postale, que des nécessités d'ordre supérieur for- cent le gouvernement à subventionner. A ce propos, l’au- teur, daus une étude intéressante sur la vitesse elson prix de revient, fait voir, par des tableaux et des graphiques, que quaud on veui augmenter dans une certaine pro- » portion la rapidité de la marche, les dépenses de construction, de personnel et de combustible croissent dans une proportion beaucoup plus grande. Pour les vitesses de 20 nœuds et plus que fournissent les paque- bots ïes plus récents, les frais d'établissement et d'exploitation deviennent énormes. De là l’augmenta- tion des subventions. Elles mettent les navires postaux, qui sont en même temps navires de commerce, dans une situation tellement privilégiée que la marine libre peut difficilement supporter la concurrence. C'est un grave inconvénient. Puisqu’on est obligé de le subir, il serait au moins désirable que le sacrifice de 26 mil- lions consenti en faveur de la navigation postale eût pour résultat de conduire le pavillon francais dans toutes les mers où nous avons des intérêts commer- ciaux. Passant en revue nos lignes subventionnées, M. Charles-Roux constate que de nombreuses régions restent en dehors de leur tracé. Le Canada, le bassin de l'Amazone, la côte du Pacifique, les iles Hawaï, la Nouvelle-Zélande, les ports de la Chine et bien d’autres stations importantes ne sont pas desservis. …. M. Charles-Roux expose ensuile le régime auquel sont soumis les ports francais. Les droits de quai, très lourds, établis en 1872, à une époque où l’on cherchait partout des ressources, en éloignaient les navires qui élaient (axés en raison de leur capacité totale, sans aucune considération des opérations effectuées. Ce sys- -Lème avait pour résultat de détourner le trafic vers les : ports étrangers.Il à été heureusement modifié en 1897, — de manière à favoriser la navigation d'escale ; aujour- … d'hui, la taxe est sensiblement proportionnelle au ton- — nage des marchandises embarquées ou débarquées. La - réforme était d'autant plus urgente qu'aux droits de quai s'ajoutent, pour l'armateur, les taxes locales qui représentent les dépenses occasionnées par les travaux exécutés dans les ports. Ayant 1893, ces péages locaux étaient élablis uniquement sur le tonnage. Afin de per- mettre de proportionner dans chaque cas la charge de l'impôt à la capacité de paiement de la matière imposée, une plus graude latitude pour la détermination de la … base de perception est laissée maintenant aux Chambres de commerce qui onf la gestion des ports. Elles peu- vent tenir compte de toutes les nécessités et sauve- garder tous les intérêts en graduant les taxes suivant, … par exemple, l'espèce du navire, son tirant d’eau, la - durée de son stationnement, l'éloignement da pays d'expédition ou de destination. ; D'autres réformes restent à accomplir. Une des plus = bé REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. Ré o: utiles que propose M. Charles-Roux serait certainement de constituer les ports en organismes indépendants bénéficiant de toutes les ressources qu'ils doivent à leur prospérité et supportant toutes les charges de nature à la maintenir ou à l’'augmenter. Ils se dévelop- peraient alors d’une facon normale, et quelques-uns d’entre eux prendraient rapidement une extension qui leur est interdite aujourd'hui. En effet, avec un budget central dont nos nombreux petits ports absorbent en pure perte une partie pour des améliorations sans résultat utile, il reste trop peu pour les dépenses pro- ductives qui rendraient nos grands ports comparables à ceux de l'étranger. Les travaux les plus urgents s'exé- cutent chez nous avec une telle lenteur que l'installa- tion et l'outillage ne se trouvent jamais en rapport avec les besoins actuels de la navigation. L'exemple de ce qui se passe pour le Havre est caractéristique : dans une récente convention entre l'Etat et la Compagnie transatlantique, on a dû spécifier que cette Compagnie ne serait astreinte à construire les navires de grandes dimensions, permettant de réaliser les vitesses qu'at- teignent les paquebots concurrents, que si les bassins étaient assez vastes pour les recevoir. Si nous avions en France moins de goût pour la symétrie et les règles uniformes, on pourrail aussi tenter une expérience qui semble avoir réussi à l'étran- ger en créant quelques ports francs, à l'exemple de ceux qui existent en Allemagne, en Russie, en Italie et en Angleterre. À chacun d'eux est annexé un territoire plus ou moins vaste où les marchandises, avant d'être réexportées ou livrées à la consommation intérieure, peuvent être introduites, manipulées et (ransformées sans aucune ingérence de la douane. Il serait difficile en France de l’éviter complètement, à cause de la multiplicité destarifs auxquels, suivant leur provenance, sont soumises les marchandises ; si, après avoir été transformées, elles pouvaient pénétrer dans le marché intérieur, l'intervention de Ja douane serail toujours nécessaire pour empêcher les fraudes. Il fau- drait donc limiter la franchise aux marchandises desli- nées à être réexportées. Même avec cette restriction, les ports francs contribueraient certainement beaucoup à développer les transactions maritimes et permettraient de reconstituer des industries dont le régime douanier actuel rend existence impossible. Le dernier chapitre traite des questions maritimes internationales et spécialement de la sécurité de la navigation, des mesures sanitaires relatives aux épidé- wies et de la jauge des navires. Sur ces malières et beaucoup d’autres, chaque nation à des règlements spéciaux, qu'elle interprète plus ou moins strictement suivant qu'il s'agit de sa propre marine ou des marines étrangères. De [à bien des incertitudes et des contes- tations que supprimerait l'unification du droit maritime, Les moyens de la réaliser ont été en partie élucidés dans plusieurs importants congrès tenus à Anvers, Washington, Liverpool et Gènes. Dans ses conclusions, M. Charles Roux présente le tableau d'ensemble des mesures à prendre pour relever notre marine marchande. La plupart des réformes qu'il indique semblent justifiées, et il est à désirer que le Parlement s'occupe bientôt de les faire aboutir. Toute- fois — et c'est un point sur lequel l’auteur n’a peut- êlre pas assez insisté — il ne faut pas attribuer au légis- lateur une puissance qu'il ne possède pas. A lui seul il est incapable de changer une situation qui ne résulte pas uniquement d'entraves légales, mais qui tient aussi à la situation générale des affaires. Si notre industrie était plus active, si notre commerce devenait plus entre- prenant, si de plus nombreux Français allaient s’élablir à l'étranger pour y faire connaitre et répandre nos pro- duits, le fret destiné à nos ports ou en provenant, s ac- croîtrait dans une grande proportion, et une flotte se créerait forcément pour le transporter. Un organe ne peut se développer complèlement que lorsqu'il à une fonction à remplir. GEoRGEs FoucarrT, Insérieur des Arts et Manufaclures, un [l 290 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 13 Mars 1899. L'Académie procède à l'élection d’un Correspondant dans la Section de Géographie et Navigation. Le R. P. Colin est élu. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, F. Courty envoie ses observations de la comète de Swift (1899, a) faites au grand équatorial de l'Observatoire de Bordeaux. — M. D. Eginitis a retrouvé, dans les écrits de deux his- toriens byzantins, la description de deux pluies d'étoiles filantes très abondantes ayant eu lieu en 532 et en 558. La discussion des phénomènes conduit l’auteur à les identifier avec des pluies de Biélides, provenant de deux fragments différents de la comète de Biéla. Ces faits confirmeraient l'hypothèse de la lente désagréga- tion de la comète de Biéla et la théorie de M. Schiapa- relli sur l'origine des courants météoriques. — M. H. Poincaré montre que son théorème, d’après lequel, dans loute variété fermée, les nombres de Betti également distants des extrèmes sont égaux, théorème qui a été considéré comme inexact par M. Heegard, n'est, en effet, pas vrai pour les nombres de Betli Lels que Betli les définit, mais qu'il est juste, au contraire, avec la définition adoptée par M. Poincaré. — M. L. Cre- lier adresse une note sur une nouvelle démonstration du développement de Legendre pour VA. — M. E. Val- lier montre que, lorsqu'on ne dispose, pour faire une moyenne, que d'un nombre très restreint d'observa- tions, et que, parmi les mesures relevées, il s’en pré- sente une différant notablement des autres, sans cause vraisemblable et intrinsèque d'élimination, il convient, au lieu de l’écarter purement et simplement, d'ajouter à la moyenne arithmétique, en grandeur et en signe, Ë ASS ee à la quantité — = = 5, et S, étant respectivement les sommes algébriques des cubes et des carrés des écarts pris par rapport à la moyenne. — M. H. Le Chatelier a étudié le mécanisme de la désagrégation des mor- tiers hydrauliques, due généralement à l'hydratation de la chaux et de la magnésie non combinées. Mais alors que cette extinction ne demande que quelques jours, l'action expansive ne se fait parfois sentir qu'après des mois et des années. L'explication de ce retard semble résulter de ce fait : les tensions dévelop- pées par l'extinction, lorsqu’elles sont insuffisantes pour produire une rupture immédiate, font croître la solubilité des éléments actifs du ciment. Ceux-ci se dissolvent pour recristalliser sur place hors tension; il s'ensuit des déformations permanentes qui ne se déve- loppent que très lentement. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. E.-H. Amagat recher- che les résultats auxquels on arrive, dans le cas de l'état de saturation, avec la forme nouvelle de l'équa- tion f(p,%,{)= 0 qu'il a donnée précédemment. Pour l'acide carbonique, les écarts entre les pressions calcu- lées et observées sont parfaitement tolérables, étant donnée la difficulté de calculer les valeurs numériques des volumes liquides et l'insuffisance même de Ja for- mule. — M. C. Féry a détermimé le rapport r'/r des résistances du fil de torsion et de la bobine d'un galva- nomètre à cadre qui met l'appareil dans les conditions du maximum de sensibilité. Lorsque »' — const. (filde torsion donné), on à un maximum pour r —# +, 0 étant la résistance intérieure de la source d'électricité. Lorsque la résistance totale R — r — 7! est donnée, le maximum à lieu pour? — 2r. Pour que ces formules puissent être appliquées, il faut annuler complètement l'effet perturbateur dû au magnétisme de la bobine. — M. Thomas Tommasina est parvenu à réaliser des. cohéreurs à poudre de charbon doués d'une extrême. sensibilité et régénérabies par le plus léger choc. Au moyen de ces deruiers, il a mis en évidence la produc- tion d'extra-courants induits dans le corps humain par des ondes électriques. — M. Marage montre que les voyelles sont des sons produits, dans l'intérieur des. résonateurs supra-laryngiens, par une double vibra- tion aérienne. La première est une vibration ordinaire due à l'échappement discontinu de l'air à travers la. glotte (note fondamentale). La seconde est formée par les cyclones de Lootens, c'est-à-dire par des mouve- ments circulaires très rapides, produits dans les cavités supra-laryngiennes par la sortie de l'air. — M. Armand Gautier a recherché la présence de l’iode dans l'air provenant de diverses localités. Sous la forme d'iode libre ou de gaz iodés, l'iode n'existe pas, ou n'existe pas en quantité sensible, dans l'air de Paris, ni dans celui des bois, de la montagne ou de la mer; il en est de même de l’iode, qui pourrait, à la rigueur, se trouver dans'l'air à l’état de sels solubles en poussières extrè- mement ténues. Au contraire, à l'état organique, inso- luble dans l’eau, en suspension dans l'air, l'iode se trouve dans 1.000 litres à la dose de 0w£r00143 à Paris, et de 0"#r0167 au bord de la mer. Cet iode paraît même à l'état organisé et se trouve probablement contenu dans les spores du plankton, qui sont en suspension dans l'air marin. — M. M. Berthelot communique un mémoire sur les cyanures doubles. Dans la première partie, il a déterminé les équilibres qui résultent de l'opposition des acides chlorhydrique, acétique, bori- que, carbonique, sulfurique, avec l'acide cyanhydrique dans leurs sels alcalins. Dans la seconde partie, il défi- nit la chaleur de formation et la constitution des cya- nures doubles de potassium avec l'argent, le mercure et le zinc. L'action des acides forts sur ces cyanures doubles ne s'explique bien que si l'on admet l'existence d'acides argento, hydrargyro et zinco-cyanhydriques, en général peu stables et dont la chaleur de formation est négative. — M. A. Berg a constaté que le bioxyde de manganèse est suscephible de former un iodate très peu stable, décomposable par l’eau, et qui ne peut exister qu'à la faveur d'un excès d'acide iodique. Mais. si sa formation a lieu en présence d'autres iodates métalliques, il se produit des sels doubles plus stables qui répondent à la formule générale (10*)*Mn, 2 10%M! ou (10%): Mn (103) M", M' et M’ représentant des métaux uni ou bivalents. — M. Ch. Moureu a préparé la méthyléthènepyrocatéchine : O0 — CH || d CH No=C—cH 0 par deux méthodes différentes: 1° la déshydratalion de l'orthoxyphénoxyacétone par l’anhydride phospho- rique en présence de la quinoléine; 2 la réaction du chlorure d’acétyle sur l'orthoxyphénoxyacétone en pré- sence d'éther orthoformique. Le composé obtenu fixe facilement un molécule de brome pour donner un. bibromure qui, chauffé avec l’eau, régénère de la pyro- catéchine et du méthylglyoxal. — M. E.-E. Blaise à. établi d'une façon indiscutable la constitution de l'acide az-diméthylglutarique en le transformant dans la pyrro- lidone correspondante, corps qu'il avait déjà préparé synthétiquement. Les carboxyles de l'acide diméthyl- glutarique possèdent des énergies très différentes puisque, lorsqu'on le chauffe avec l'alcool absolu et un ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 294 peu d'acide chlorhydrique, on obtient 99 °/, d’éther acide. — M. Œchsner de Coninck a étudié le mode de décomposition, par le mélange chromique, des chlorhy- drates de di et de triméthylamine, de quelques bases pyridiques et quinoléiques et de l’azobenzol. — M. G. Deniges a constaté que l'acide acétone-dicarbonique contracte avec le sulfate de mercure une combinaison du même ordre que celles déjà décrites pour les acé- tones de la série grasse. Cette réaction est très sensible et permet de déceler, à la rigueur, jusqu'à 1 milli- gramme de produit par litre. — MM. Léo Vignon et Meunier communiquent une méthode analytique qui - permet de déterminer rapidement el avec exactitude, la quantité d'éléments nécessaires à l’épuration chi- mique d'une eau donnée. Cette méthode consiste à doser l'acide carbonique libre ou à demi combiné (d’où la quantité de chaux nécessaire à sa précipitation), puis la quantité de carbonale de sodium nécessaire à la transformation des chlorures et sulfates. — MM. C.-E. Guignet et Em. David ont constaté que les couleurs artificielles, teignant directement la laine dans un bain acide, preunent beaucoup mieux sur la laine passée à la chaux que sur la laine simplement dégraissée au car- bonate de soude. Ce procédé, déjà employé aux Gobe- lins, pourrait avantageusement passer dans l'industrie. — MM. P. Cazeneuve et P. Breteau ont préparé, à l'état chimiquement pur, l'hématine du sang de plu- sieurs animaux : bœuf, cheval, mouton; ils ont ensuite analysé ces différents produits et ont trouvé des diffé- rences de composition absolument caractérisées. Les teneurs en azote et en fer des hémalines de cheval et de mouton nous autorisent, en particulier, à les regarder comme des espèces chimiques distinctes. — M. Henri Hélier a déterminé le pouvoir réducteur du muscle gastrocnémien de la grenouille. Il a une certaine valeur pour le muscle au repos, puis il diminue lorsque le muscle travaille, pour augmenter de nouveau lorsque le muscle assimile les produits de la digestion. En général, le pouvoir réducteur est d'autant plus graud que le muscle travaille plus. s 30 SCIENCES NATURELLES. — M. E. Puscariu, en exa- minant ies lésions du système nerveux dans la rage, a trouvé des formations spéciales dont la nature parasi- taire ne laisse aucun doute. Elles constilueraient d’après l’auteur l'agent pathogène de la rage. — M. Gabriel Roux à étudié la production, par le coli-bacille, d’un pigment vert lorsqu'on le cultive sur des tranches d’ar- tichaut. La cause du phénomène est la sécrétion par le bacille d'une diastase oxydante; celle-ci ne peut pro- duire son effet qu'en présence de l'oxygène, et si l’on empêche l'accès de l'air le pigment vert ne se forme plus. — MM. J.-L. Prévost et F. Battelli ont étudié sur divers animaux le mécanisme de la mort par les courants électriques alternatifs. Avec les courants de haute fréquence, les oreillettes du cœur s'arrêtent en diastole pendant que les contractions ventriculaires persistent. Avec les courants à faible tension, l'accident le plus important est l'apparition de trémulations fibril- laires des veutricules du cœur. On peut, en soumettant l'animal dont le cœur à été mis en trémulations fibril- laires par un courant de faible tension à un courant de haute tension, voir le cœur reprendre ses contractions ventriculaires. — M. C. Sauvageau a constaté qu'un certain nombre d'algues croissent sur la carapace de l'araignée de mer (Maia squinado). En examinant ces animaux dans le golfe de Gascogne, il a observé l’exis- tence de certaines algues qui n'avaient pas été trou- xées sur les rochers à mer basse. — M. A. Trillat à étudié l'emploi des matières colorantes pour la recherche de l’origine des sources et des eaux d'infiltration. L'in- tensité des colorations diminue avee le degré hydroti- métrique de l'eau et peut complètement disparaître sous l'influence des carbonates alcalins. La fillration à tra- vers des sols calcaires précipite les couleurs à l’état de base, excepté la fluoresctine; les colorations ne peu- vent être régénérées, excepté celle de la fuchsine acide. Séance du 20 Mars 1899. M. le Président annonce le décès de M, Naudin, doyen de la Section de Botanique, mort à Antibes le 49 mars, à l’âge de quatre-vingt-trois ans. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Rossard com- munique ses observations de la comète Swift (1899, a) faites à l'équatorial Brunner de l'Observatoire de Tou- louse. — M. L-J. Gruey envoie ses observations de la comète Swift, faites à l’'équatorial coudé de lObserva- toire de Besancon, avec M. P. Chofardel. — Le R. P. Colin a déterminé la longitude et la latitude de six sta- lions de la côte occidentale de Madagascar, de Majunga à Morondava, ainsi que la déclinaison en chacun de ces points. — M. E. Blutel montre qu'il existe une intinité de surfaces (S) dépendant d'une fonction arbitraire © (v). Les développables normales aux lignes de pre- mière courbure correspondantes sur ces surfaces sont homothétiques entre elles. — M. C. Guichard éludie quelques applications de la loi de parallélisme des réseaux et des congruences. Il montre, en particulier, que les surfaces doublement cylindrées suivant leurs lignes de courbure sont celles qui admettent la même représentation sphérique des lignes de courbure que les surfaces déterminées par M Bonnet, qui ont pour lignes de courbure des géodésiques. — M. Paul Staeckel montre qu'il existe une infinité de fonctions transcendantes y de l'argument æ possédant la pro- priété de donner, pour chaque valeur algébrique de x, seulement des valeurs algébriques de y et vice versa. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Blondel à étudié les ares à courants alternatifs dissymétriques qui peuvent s'établir entre un métal (cuivre, aluminium, fer) et le charbon, 11 y a deux types d’arcs : l'arc court, avec un faible écart des électrodes, assezstable,etl'arc long, se présentant quand on augmente l'écart, et caractérisé par un son vibratoire criard et parla suppression d’une alternance sur deux. — M. H. Pellat, en étudiant l'in- terrupteur électrolytique Wehnelt, a constaté que l'intensité moyenne du courant est plus forte dans le cas où le circuit contient le primaire de la bobine que dans le cas où le circuit est fermé sans que le primaire en fasse partie. — M. Armand Gautier a déter- miné la quantité maximum de chlorures contenus dans l'air de la mer. L'expérience a été faile sur 341 litres aspirés en pleine mer, au phare de Roche- douvres ; le résultat obtenu correspond à 0022 de chlorure de sodium par mètre cube d'air. — M. M. Berthelot a étudié l’action de l'hydrogène sulfuré et des sulfures alcalins sur les cyanures doubles. Toutes les expériences s'accordent à établir l'existence de sels doubles et triples, dérivés à la fois des deux acides cyanhydrique et sulfurique et des deux oxydes de zinc et de potassium, dans un cas, ou d'argent et de potas- sium dans l'autre cas. Ces sels triples, de l’ordre des chlorocyanures et iodocyanures, sont appelés par l’auteur cyanosulfures., Ces sels mettent en défaut les données élémentaires de l'analyse. — M. Georges Leser a obtenu, par l’action de l'acide sulfurique sur l’acé- tylméthylhepténone, une $-dicétone cyclique, laquelle, traitée par la potasse aqueuse, donne un acide GH'#0* qui serait l'acide isopropyl-+-heptanone-6-oique, iso» mère de l'acide menthoxylique. — M. Ernest Charon a constaté que le radical R— CH —CH à un caractère électro-négatif bien caractérisé. Divers faits confirment cette manière de voir. Ainsi, l’aldéhyde crotonylique, qui renferme ce radical, hydrogénée par le couple zinc-cuivre, donne, avec 60 /, de rendement, la pina- cone correspondante. D'autre part, l'alcool crotonylique se combine très facilement à froid aux acides halogénés pour donner les dérivés correspondants. — M. Charles Lepierre a étudié l’action de la formaldéhyde sur les produits résultant de l'action des sucs digestifs sur les albumines : hétéro, proto et deutéro-albumoses et pep- tones. À chaud, les premiers de ces corps sont inso- lubilisés; les seconds sont d’abord transformés dans les premiers, puis insolubilisés à leur tour. Ces corps 292 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES insolubilisés, chauffés en autoclave à 1109, s'hydra- tent et redeviennent solubles. — M. Gabriel Ber- trand propose de prendre comme réactif général des alcaloïdes l'acide silico-tungstique : 12 Tu0*.Si0?.2H°0. Il donne des sels bien définis, insolubles, absolument stables, dont l'analyse peut être faite avec exactitude. Les alcaloïides peuvent être régénérés très facilement en traitant la combinaison à froid par un alcali étendu. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Th. Boudouy a re- cherché la valeur physiologique des tubes pyloriques de quelques Téléostéens. IL en à préparé des macérations aqueuses, qu'il a fait agir sur différents composés. La conclusion est que les tubes pyloriques jouent un rôle aclif dans la digestion. Il est à remarquer que, chez une espèce herbivore, le suc des cæcums ne digère pas la fibrine, tandis que cette digestion s'effectue chez des espèces carnassières. — M. Stanislas Meunier a exa- miné, près d'Oustiougue (gouvernement de Wologda), une coutrée couverte de blocs étranges, attribués à une pluie météorique d’après une légende du pays, datant d'il y a six siècles. L'auteur a reconnu qu'il s'agissait là de blocs erratiques. Séance du 27 Mars 1899. M. Ed. Bornet lit une notice sur la vie et les tra- vaux de M. Ch. Naudin. — M. A. Gaudry annonce le décès de M. Marsh, Correspondant pour la Section de Minéralogie, et rappelle les magnifiques découvertes de Vertébrés fossiles qui ont illustré ce savant. — M. le Secrétaire perpéluel annonce le décès de M. G.-H. Wie- demann, Correspondant pour la Section de Physique. M. Maseart lit une notice sur la vie et les travaux de ce savant. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. G. Rayet et F. Courty communiquent leurs observations de la comète Swift (1899, a) faites au grand équatorial de l'Observatoire de Bordeaux. — M. J. Guillaume adresse ses observations du Soleil faites à l’'équatoriai Brunner de l'Observatoire de Lyon pendant le qua- trième trimestre de 1898. Le nombre des groupes de taches à peu varié, mais leur surface totale a diminué d’un peu plus d'un quart. Le nombre des facules a beaucoup diminué dans l'hémisphère austral, tandis qu'il est resté sensiblement stationnaire dans l’autre hémisphère. — M. G. Darboux étudie la déformation des surfaces du second degré. Il établit en particulier le résultat suivant : Quand une quadrique (Q) tangente en un point au cercle de l'infini roule sur une surface applicable (0), les deux génératrices isotropes qui pas- sent par le point de contact de la quadrique et du cercle de l'infini coupent le plan de contact suivant deux points a, a! qui décrivent des surfaces normales à aa! 3 et de courbure moyenne constante + Par suite, 1 d'après un théorème de M. Bonnet, le milieu ec de aa’ qui se {trouve sur la droite isotrope passant par le cen- tre de (Q) et son point de contact avec le cercle de l'infini, décrit une surface (c' dont la courbure totale est constante et égale à ne — M. L. Leau montre que la méthode dont il à indiqué le principe pour l'étude d'une fonction sur le cercle de convergence de la série de Taylor qui la représente, s'applique égale- ment à la recherche des régions du plan où cette lonc- tion est holomorphe. — M. Paul Staeckel établit qu'il existe des fonctions analytiques transcendantes y de x telles que toutes les valeurs de y qui sont obtenues par des valeurs algébriques de # sont également algébriques et vice versa. — M. W. Stekloff montre que l'existence des fonctions fondamentales de M. Poincaré pour toute surface fermée (S), qui admet à la fois la transforma- tion ponctuelle de M. Le Roy et celle de M. Poincaré, est une conséquence immédiate du théorème (A) qu'il a établi précédemment etindépendamment du principe de Dirichlet, — M. H. Lebesgue, en s'appuyant surles résultats de M. Baire, établit la proposition suivante : Pour qu'une fonction de plusieurs variables soit déve- loppable en série continue de polynômes, il faut et il suffit qu'elle soit ponctuellement discontinue dans tout ensemble parfait. — M. J. Boussinesq étudie l'effet” produit, sur le mouvement d'inclinaison d'une bicy-. clette en marche, par les déplacements latéraux que s'imprime le cavalier, en particulier dans les virages. Quand les époques des déplacements spontanés du bicycliste se rapprochent de plus en plus, on peut admettre que les mouvements moyens du cadre se confondent sensiblement avec ce qu'ils seraient sous une aclion continue du cavalier, le moment total des inerties conservant sans cesse la même expression, grâce à des déformations appropriées. La manière de réaliser ces déplacements avec continuité est une question de sentiment ou d’expérimentation pour le bicycliste. ‘ 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. D. Negreano a établi les éléments magnétiques pour Bucarest au 1% jan= vier 4895. Il donne la formule qui permet de calculer avec une approximation suffisante un élément magné- tique, à une époque quelconque, en fonction des élé= ments de Bucarest, si l'on connaît la latitude et [a longitude du lieu. — M. L. Teisserenc de Bort com-" munique les résultats des trois ascensions de ballons- sondes lancés à Trappes le 24 mars. L'un d'eux, tombé à Meix-Saint-Epoing (Marne), a atteint une altitude de” 8.600 mètres et une température minima de — 520, — M. Henri Becquerel communique ses dernières recher- ches sur le rayonnement de l'uranium et des corps. radio-actifs. Les trois propriétés fondamentales de ces substances: la spontanéité du rayonnement, sa perma- nence et la propriété de rendre les gaz conducteurs de l'électricité, ont été complètement vérifiées. Les expé- riences sur la polarisation ont été négatives. Il n'y a pas de réflexion régulière ; un certain nombre de faits sont en faveur d’une réflexion diffuse, d'autres en faveur d’une émission de rayons secondaires. Pour la réfrac- tion, les résultats ont été généralement négalifs. L'ab- sorption est variable suivant les corps traversés. — M. D. Negreano rappelle que la formule dite de Mos-. solüi-Clausius entre la constante diélectrique et la den- sité a été établie théoriquement par Lorentz et expéri- mentalement par lui-même pour la première fois. = M. H. Pellat à constaté que, pour un voltage élevé, l'interrupteur de Wehnelt peut présenter deux régimes, l'un caractérisé par une grande intensité moyenne de courant, l’autre par une faible intensité. Le premier se” produit pendant quelques secondes quand on met brusquement le primaire en court circuit par un pont; . le second prend naissance lorsqu'on enlève le pont; il peut persister indéfiniment. — M. A. Londe décrit un nouvel appareil, appelé radioscope explorateur, destiné à l'orientation des radiographies et à la recherche des corps étrangers. — M. le colonel G. Humbert indique un procédé permettant de transformer les jumelles de. Galilée en instrument stadimétrique, c'est-à-dire des- tiné à mesurer la distance d’un objet de hauteur connue. — M. Daniel Berthelot et Paul Sacerdote, en vue d'augmenter le nombre des données expérimentales relatives au mélange des gaz et à leur compressibilité, ont fait des expériences sur les mélange de SO? et CO, d'oxygène et d'azote, d'oxygène et d'hydrogène, dont ils communiquent les résultats. — MM. M. Berthelot et P. Vieille ont fait des essais sur l'aptitude explosive de l'acétylène mélangé à des gaz inertes. Les gaz choisis ont été l'hydrogène et le gaz d'éclairage. Les expériences montrent que les pressions limites, assurant l'explosi- bilité des mélanges d'acétylène et des gaz inertes, con- vergent avec une extrême rapidité vers les valeurs M correspondant à l'acétylène pur, au fur et à mesure que M la teneur de ce gaz daus les mélanges augmente. La loi de cette croissance est essentiellement variable avec la M nature du gaz inerle utilisé. Les gaz décomposables m avec absorption de chaleur paraissent aptes à diminuer M le risque d’explosion de l’acétylène auquel ils sant L Hortion de l'énergie interne du composé endothermique et explosif. Mais, par là même, ils abaissent la termpé- ature développée dans la combustion propre de l'acé tylène, aussi bien que dans sa combustion, et ils en amoindrissent dès dors les propriétés éclairantes. C'est entre ces deux ordres de phénomènes que l’industrie doit se tenir. — M. H. Moissan, en réduisant le phos- phate tricalcique par le charbon, a obtenu dans cer- aines conditions un phosphure de calcium cristallisé, de couleur rouge foncé, répondant à la formule P*Caÿ, La réaction la plus curieuse de ce nouveau composé est sa facile décomposition par l’eau froide, avec forma- tion d'hydrate de chaux et d'hydrogène phosphoré. — . À. Ditte a étudié les propriétés de deux tôles d'alu- minium à 3 et 6 °/, de cuivre et 1°}, environ d'impu- retés. Ces alliages sont très facilement attaquables à la température ordinaire par les solutions alcalines éten- “dues et l'eau de mer; il se forme une couche d’alu- mine gélatineuse qui se transforme peu à peu en grumeaux d’alumine trihydratée; ceux-ci retiennent “iles sels alcalins qui continuent à attaquer le métal au contact de l'air et le rongent profondément. Lorsque Valliage a été trempé, il prend une structure à gros grains et se craquelle, ce qui facilite l’altération. Ces détériorations se retrouvent sur tous les objets et “ustensiles de cuisine fabriqués avec ces alliages et semblent difficiles à empêcher. — M. O. Boudouard à étudié la décomposition de l’oxyde de carbone par les oxydes métalliques à 650°. Comme à 4459, elle est fonc- tion du temps et dépend de la quantité d'oxyde métal- Mique présent; mais la réaction, au lieu d'être totalé, est limitée; avec l’oxyde de cobalt, elle s'arrête lorsque le “mélange gazeux contient 61 °/, de CO* et 35 °/, de CO. — Le même auteur a étudié la décomposition de l'anhydride carbonique par le charbon (préparé de diverses manières) à 650°. La vitesse de la réaction n'est pas la même pour les divers charbons, mais dans tous les cas la décomposition n'est pas totale. La limite à laquelle on arrive est la même que celle de la décom- position de l’oxyde de carbone par les oxydes métalli- ques (61 °/, CO* et 39 0/, CO). — M. H. Pélabon com- — munique ses recherches sur la dissociation de l’oxyde de mercure. L'état auquel on arrive quand on main- “tient pendant un temps suffisamment long de l’oxyde de mercure en présence d'oxygène et de mercure liquide dépend de la température seule. Si le mercure est à l’état de vapeur non saturée, le produit de la “pression de l'oxygène par le carré de la pression de la vapeur de mercure est un nombre positif, dont la va- leur dépend de la température seule. — M. G. Favrel, en faisant réagir les chlorures bis-diazoïques de la ben- zidine, de l'orthotolidine et de la dianisidine sur les … malonates d'éthyle et de méthyle, a obtenu les diphé- nyl, ditolyl, et dianisyl-dihydrazone-malonates d’é- ….thyle et de méthyle. — MM. Léo Vignon et J. Per- - raud ont recherché le mercure dans les produits des “ vignes soumises au traitement du black-rot par les . bouillies mercurielles. Les quantités trouvées sont si … minimes que ces produits peuvent être livrés sans dan- - ger à la consommation. Mais le mercure a, d'autre part, l'inconvénient d'exercer une action néfaste sur la végétalion de la vigne. — M. Elophe Bénech a retiré de la chair d’anguille, par macération, une albumine toxi- que, contenant des traces de fer, mais pas de phos- püore, ni de manganèse. Cette albumine est précipitable par la chaleur à partir de 35°, En injection intra-vei- . neuse, elle retarde la coagulation du sang; in vitro, elle paraît plutôt la favoriser. 1 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Charrin a constaté _ les prédispositions morbides qui s'accusent chez la emme avant l'accouchement sont dues à des causes bien précises. Il en signale deux : l'hyperglycénie, due au ralentissement de la consommation du sucre, et la déminéralisation, provenant d’un passage de propor- tions variables d'éléments au fœtus en formation. Il . n’est pas douteux que ces deux facteurs ne soient des ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 293 mélangés, en absorbant pour leur propre compte une | causes d'affaiblissement. — MM. Charrin et Levaditi communiquent un certain nombre d'expériences mon- trant l'action exercée par les sécrétions du pancréas sur les toxines microbiennes introduites dans l'intestin ; ces sécrétions font subir aux produits microbiens une véritable digestion; les bactéries de l'intestin les altè- rent ensuite. — MM. J.-L. Prevost et F. Battelli ont étudié le mécanisme de la mort par les courants conti- nus; il est semblable dans ses grandes lignes à celui que l’on constate avec les courants alternatifs. La mort n’est pas due à l’extra-courant de rupture, comme l’a prétendu M. d’Arsonval; ce aernier agit seulement en provoquant des convulsions. — M. D. Pouloumordwi- noff a découvert, d'abord chez les Torpilles, puis chez la Grenouille, puis chez divers Mammifères, des termi- naisons des muscles striés volontaires qui ne sont pas des terminaisons motrices, mais qui, au contraire, sont des appareils sensitifs. — M. Beauverie est parvenu à transformer la forme conidienne saprophyte du Botrytis cinerea en une forme stérile parasite; c’est celle-là même qui cause la maladie dite de la toile, qui ravage les serres. Le Bolrytis est amené dans les serres par le terreau ; celui-ci devra donc être soumis à une stérilisation préalable. — M. P. Termier a déterminé quelques esquilles de roche arrachées à des affleure- ments du fond de l'océan Atlantique par un grappin dans le repêchage d’un càble. Cette roche a tous les caractères d’une tachylite, espèce de verre basaltique. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du T Mars 1899. M. le Président annonce le décès de M. Bouchard (de Bordeaux), correspondant de l’Académie. — M. Lan- douzy signale le cas d’une malade guérie depuis quatre mois d’un épithélioma pylorique par excision des trois cinquièmes de l'estomac et jéjunostomie. Il insiste sur le rôle de l'intervention chirurgicale comme traitement du cancer de l’estomac; elle doit être plus que pallia- tive ; elle peut se faire curative si elle sait être hâtive. — MM. Paul Reclus et Tillaux exposent leurs idées sur l'intervention chirurgicale et le traitement médical dans l'appendicite. — M. Albarran lit un mémoire sur un cas de capitonnage de la poche et anastomose laté- rale de l’ureltère au bassinet dans un cas d’hydroné- phrose. — M. Barette (de Caen) donne lecture d’une note sur un cas de fœtus monstrueux double monom- phalien. Séance du 14 Mars 1899. L'Académie procède à l'élection d'un associé libre. M. Filhol est élu. — MM. A. Pinard et Segond rap- portent un cas de grossesse extra-utérine, diagnostiquée au sixième mois, et opérée à une époque rapprochée du terme. La mère et l'enfant se portent aujourd'hui très bien. — M. G. Dieulafoy signale de nouveaux cas d'appendicite dans lesquels l'intervention immédiate a enrayé une péritonite à ses débuts et permis de sauver les malades, tandis que la temporisation et le traitement médical auraient infailliblement entraîné la mort. — M. Lucas-Championnière expose ses idées sur le trai- tement de l’appendicite. — M.P. Budin a constaté que les enfants débiles se refroidissent très facilement et que ceux qui ont une température bien inférieure à la normale succombent toujours au bout de quelque temps. On doit donc éviter soigneusement toute cause de refroidissement pour les nouveau-nés. — M. Gérard Marchant lit une note sur un cas d'anévrisme de l’ar- tère sous-clavière et du tronc innominé, guéri par la méthode de Brasdow. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 25 Février 1899. MM. Hallion et Carrion ont produit expérimentale- ment des œdèmes considérables par l'injection dans le 294 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sang de solutions de chlorure de sodium très concen- trées. Ils pensent que l'augmentation de la pression sanguine a agrandi les pores des parois vasculaires. Ce fait est à rapprocher de l'existence d'œdèmes chez les cardiaques et les brightiques, dont le sang est fortement chargé et concentré. — M. Henriot a trouvé que la dia- lyse et la filtration sont deux phénomènes identiques, différant simplement par la nature de la membrane filtrante ou dialysante (la dimension de ses orifices en particulier). — M. Castaigne a constaté que la glyco- surie alimentaire négative dans l’ictère infectieuse est le signe d'une guérison rapide, tandis qu'une glycosurie positive indique une évolution lente ou mème une re- chute. — M. Nicolle a décelé le bacille d'Eberth dans de l’eau de puits servant à la boisson des soldats d’un régiment où s'était déclarée Îa fièvre typhoide. — MM. Guinard et Martin envoient une note relative à l’action de l'extrait thyroïdien frais de l’homme sur la tension cardio-vasculaire. — MM. Bardier et Fränkel ont constaté que, si l’on injecte simultanément de l'anti- pyrine et du salicylate de soude, l’action de la première prédomine et empêche toute action diurélique du sali- cylate. Séance du 4 Mars 1899. M. Dominici a constaté que les éléments de la moelle osseuse du lapin qui subissent un processus de multiplicité sous l'influence de l'infection par le bacille d'Eberth sont les myélocytes, souche de polynucléaires, et les éléments de la série hémoglobinifère, souche des globules rouges ordinaires. Ainsi sont assurées l'hyper- leucocytose de défense et l'intégrité du sang circulant. — MM. Ramon et Picou ont remarqué que la macéra- tion de {ænia inerme dans le sérum physiologique pos- sède un pouvoir bactéricide considérable vis-à-vis des microbes de l'intestin. — M. P. Bonnier cite un cas d’hémiparacousie chez un malade atteint de fracture des deux rochers. — MM. Phisalix et Claude ont observé, chez des lapins ayant recu des injections suc- cessives du microbe de la septicémie des cobayes, des lésions hépatiques typiques : dégénérescence graisseuse, nécrose et atrophie de la cellule, rétraction du noyau. — MM. Toulouse et Marchand ont mesuré la tempéra- ture chez des mélancoliques alternativement debout et alités. Elle est au-dessous de la normale pendant les périodes de lever. L’alitement la relève et augmente les variations journalières. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 20 Janvier 1899. La Société procède au renouvellement de son bureau pour 1899. M. le colonel Bassot, vice-président en 1898, devient président. Sont élus : vice-président, M. A. Cornu; secrétaire général, M. Lucien Poincaré; vice- secrétaire, M. Abraham. — M. René Benoit, président sortant, rend compte des travaux de la Société pendant l’année écoulée. — M. Edouard Branly présente un radioconducteur à limaille de fer qui lui a été adressé par M. Olivier Lodge. L'éminent physicien anglais, auquel sont dus plusieurs des dispositifs employés par Marconi dans ses remarquables expériences de télé- graphie sans fil, n'a pas construit ce tube comme le modèle figuré dans son Mémoire: The Work of Hertz 1894). Le spécimen mis sous les yeux de la Société a la forme d'une ampoule, contenant de la limaille de fer comprise entre deux fils de platine qui servent d’élec- trodes. Le vide a été fait sur l'hydrogène. Ne disposant pas d’un relais assez délicat pour mettre en évidence le fonctionnement de ce radioconducteur, on l'intercale dans le circuit d’un élément de pile et d’un #alvano- mètre. Les radiations électriques sont produites par une petite bobine d'induction de 2 centimètres d'étin- celle dont le fil induit est relié à un excitateur ordinaire à deux boules. Une décharge très courte et très faible produit immédiatement la déviation du galvanomètre. — M. Branly présente ensuite quelques autres radio- conducteurs à limaille préparés sur le modèle des appa= reils qu'il avait employés en 1891. Ce sont de simple: tubes de verre dans lesquels glissent à frottement dow deux tiges métalliques entre lesquelles la limaille est intercalée. Les tiges ne sont pas scellées dans le verre et le vide n’est pas fait dans les tubes. Le réglage s’opère en poussant très doucement les tiges à la main; ave un peu d'habitude, on arrive vite à établir le degré de contact qui détermine une légère conductibilité. On rétablit la résistance par un léger choc, et l’on se trouve dans de bonnes conditions pour faire agir efficacement la radiation éiectrique. Malgré cette grande simpliei de construction, on obtient ainsi des tubes extrêm À avec plusieurs tubes, notamment avec un tube à: limaille d'aluminium, puis avec un tube à limaille d’ar= gent. M. Branly insiste également sur le bon par qu'il a tiré de l'emploi des limailles d'or ou d’alliages d'or. Il termine en faisant remarquer que les condition: dans lesquelles il convient d'opérer varient avec chaque métal et qu'avant de se prononcer il est prudent de faire varier la pression, l’âge et le grain de la limaille, la section du tube et la force électromotrice de l’élé ment de pile dans le circuit duquel le radioconducte est intercalé. — M. H, Pellat rappelle que plusieurs météorologistes (Peltier, Exner) ont fait jouer, dans leur théorie de l'électricité atmosphérique, un grand rôle au transport dans l'atmosphère de l'électricité qui couvre le sol par la vapeur d'eau qu'il émet. Pourtant, les expé= riences faites jusqu'ici laissaient très douteuse l’élec= trisalion de la vapeur émise par un liquide faiblement électrisé. M. Pellat à réussi à montrer que la vapeur qui s'échappe d'une nappe d'eau, même faiblement chargée d'électricité, emporte une certaine quantité de cette électricité, et il est parvenu à mesurer celle-ci. Pour cela, il a étudié la déperdition spontanée d’un système électrisé, isolé à la paraffine, comprenant un vase plat en laiton et un électromètre à quadrants du système de M. Boudréaux. Chaque série comprenait au moins deux expériences comparatives, l'une faite avec le vase vide d’eau, l’autre avec le vase plein d’eau jus= qu'au bord, à la température ordinaire. La charge ini= tale (fournie par une pile de 155 ou 116 volts) était exactement la même dans les expériences comparatives, ainsi que la durée d'observation (1 heure 25 minutes à 1 heure 45 minutes). Le résultat des expériences a été que toujours la déperdition est plus grande quand le vase est plein d’eau. Si la charge de l’eau n’est pas re= nouvelée, en une heure une fraction égale ou supé- rieure à la moitié de la charge initiale a disparu, em-= portée par la vapeur. Il résulte de là que nécessairement, la vapeur qui se forme sur le sol par l’action du Soleil: doit entrainer dans l'atmosphère une fraction notable de la charge de celui-ci; on doit en conclure, d'après. les lois de l’électrostatique, qu'une diminution propor= tionnelle se produira pour le champ électrique près de la surface du sol, quantité mesurée par les appareils des observatoires. C’est précisément le résultat donné par les courbes moyennes dans la saison ensoleillée : il y à un minimum du champ dans les heures chaudes de la journée. M. Pellat appelle aussi l'attention sur la pro= duction de l'électricité par les combustions : les fumées qui sortent des cheminées sont chargées (négativement le plus souvent). Il y a là une cause perturbatrice pour les observations faites dans les villes. — MM. Pellin et Broca présentent un spectroscope à grande dispersion et lunette fixe dans lequel la déviation minima est rem- placée par une déviation fixe. Ceci avait été déjà réa= lisé en mettant à la suite du prisme un miroir. La pro= ;2i té lient à ce que, si on prend la symétrique d'une éroile par rapport à une autre droite, puis la symétrique de cette première symétrique par rapport à une autre droite, les deux droites initiale et finale font entre elles un angle double de celui des deux droites de symétrie. Or, un rayon réfracté au minimum est symétrique de l'incident par rapport à la base du prisme; si donc on lui ajoute une réflexion, les rayons extrêmes feront un angle double de celui du miroiret de la base. Le sys- ème ainsi construit est peu commode. On peut le rendre pratique en produisant une réflexion totale à l’intérieur du verre et prenant comme face de sortie l’image dans e miroir de la seconde face du prisme à 60° d’où l’in- Strument dérive. Dans ces conditions, on peut donner au rayon qui jouit des propriétés du minimum telle dévialion qu'on veut. La plus pratique est celle à 90°. Dans cette condition, la lunette est à 90° du collimateur: spectre au réticule. On peut placer à la suite l'un de autre une série de ces prismes, le second donnant la wision directe avec parallaxe, le troisième la vision à 90°, le quatrième la vision directe sans parallaxe. Il autour de centres placés aux sommets d’un reclangle, Jes pairs dans un sens, les impairs eu sens inverse. Un Simple parallélogramme suflit donc. Dans cet instru- ment, toute l'étendue des faces est toujours utilisée, Il “se prète aussi à l'adaptation d’un système de lecture “très simple. En faisant porter à chaque prisme un mi- roir convenable, on peut faire subir à l'image du micro- mètre autant de réflexions qu'il y a de réfractions au minimum. Dans ces conditions, la vitesse de rotation d'une raie sera égale à celle du micromètre et si un des prismes a un temps perdu, l'erreur sur le micro- “mètre sera identique à celle sur la raie, la lecture ne “changera donc pas. Le micromètre et la raie vont en “sens inverse, à cause de certaines nécessités de cons- …truction. Mais cela n’empèche aucunement l'emploi commode de l'instrument, la lecture se faisant quand une raie est à la croisée des fils du réticule. Il suffit, pour l'y amener, de tourner un bouton qui commande à la fois tous les prismes etles miroirs. Chacun des pris- mes peut se démonter facilement par une seule vis. On peut alors, en placant la lunette à des repères fixes, opérer successivement avec un, deux, trois ou quatre prismes. En employant une luuetie auto-collimateur “et plaçant un miroir à la place de l'objectif du collima- “teur, on peut, en couservant à l'instrument ses proprié- tés, opérer avec la dispersion de huit prismes. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 10 Février 1899. M. Blondel décrit divers composés d'acide titanique et d'acide sulfurique, ainsi qu'un sel ammoniacal dérivé une de ces combinaisons et de formule : Ti0*.2S0*. “A2H°0 + 3H°0. — M. Verlet communique les résultats quil a obtenus dans la synthèse de l'essence de jasmin. «Il à également isolé le principe odorant de la tubéreuse ; & une cétone de formule C'H*0. — M. Charabot, contrairement à une opinion émise par M. Verlet, affirme que les fleurs de jasmin fournissent de l'essence soit “par distillation avec la vapeur d’eau, soit par épuise- “ment. — M. O. Boudouard a étudié la décomposition pe l'oxyde de carbone à 4459, en présence des oxydes “de fer, de nickel et de cobalt. Cette décomposition est fonction du temps, et dépend à la fois de la nature et -de la quantité des oxydes en présence. — M. Mou- neyrat, en faisant réagir le protochlorure d'iode sur le monochlorobenzène, en présence du chlorure d'alumi- nium, à obtenu le parachloroiodobenzène.— Par l'action de la potasse alcoolique sur la carvone, M. Labbé a obtenu un acide C!°H!°0* dont il poursuit l'élude. L'ac- tion du chlorure d’acétyle sur le limonène, en présence du chlorure d'aluminium, a permis au même auteur d'obtenir une méthyllimonylacétone C‘H1°.CO.CH', bouillant à 205-208 sous 35 millimètres. Parmi les dérivés de cette acétone, la semicarbazone fond à 255- 2569; l'oxime est huileuse, il en est de même de la phé- -nylhydrazone. — M. Henri Vittenet a envoyé un mé- moire sur les dinitrodiphénylcarbamides symétriques. Séance du 2% Février 1899. M. Hausser à étudié la filtration des liquides à travers «des parois de porosités différentes. Il signale les résul- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 295 tats très curieux qu'il a oblenus avec divers liquides. — M. Cazeneuve à préparé les carbazides en faisant réagir le carbonate de phénol sur l’hydrazine et sur les hydrazines primaires et secondaires asymétriques. En conformité avec leur caractère non basique, les hydrazines secondaires symétriques, tertiaires ou qua- ternaires ne réagissent pas. L'auteur a également constaté que la carbazide de la phénylhydrazine était un réactif extrêmement sensible des sels de cuivre et de mercure: MM. Cazeneuve et P. Breteau ont repris l'étude de la salanine. Ils signalent le mode de préparation qui leur a donné les meilleurs résultats. Ils ont obtenu un produit blanc, bien cristallisé, fondant 50° et ne donnant pas les réactions de coloration signalées comme caractéristiques. La solanine se dé- double en un sucre donnant une osazone et en un dérivé cristallisé fondant à 1909, qui est la solanidine. MM. Cazeneuve et P. Breteau ont repris l'étude de l'hématine, pigment ferrusineux provenant du dédou- blement de l'hémoglobine du sang. Par l'analyse, ils montrent que les hématines provenant du sang de divers animaux n'ont pas la même composition. Ce sont donc des corps différents que l’on a confondus à tort. — M. Béhal présente une note de MM. Friedel et Cumenge sur la carnotite, nouveau minéral originaire du Colorado et essentiellement composé par un urano- vanadate de potassium hydraté 2U?05.V?0°.K°0.34°0. Ce composé renferme en outre du fer, de l’alumine, des traces de cuivre et de plomb, et une certaine proportion de métaux radiants. — M. Belugou a adressé une note sur la vitesse et la limite d’éthérification de l'acide phosphorique par l'alcool méthylique. — M. Vézes à étudié une série de sels complexes du palladium : les palladoxalates. — M. G.-F. Jaubert donne l’ensemble de ses recherches sur la constitution des matières colorantes de la safranine. — M. Tiemann a adressé un long mémoire sur les acides hydrosulfoniques dérivés de l’aldéhyde cinammique, du citronellal et du citral. — M. Denigès signale un nouveau mode de recherche et de dosage de l’acétone dans l’eau et les alcools méthylique et éthylique. — Enfin, M. Porcher a analysé les lésions pulmonaires de l’entèqué. E. CHaRoN. à 2 SECTION DE NANCY Séance du 15 Mars 1899 (suite). MM. A. Haller et A. Guyot ont appliqué à l'acide diméthylamidométaoxybenzoylbenzoïque : OH CO.cH5/ CH NAz (CH?) SCoOH le procéde général de transformation des acides amido- benzoylbenzoïques en anthraquinones : réduction de l'acide benzoylé en acide benzylé OH CH CH? — NAz(CH5} { °H 1/ NcooH fondant à 204, et condensation de ce dernier en anthra- quinone correspondante au moyen de l'acide sulfurique à 30 °/, d'anhydride. On obtient, après traitement approprié, des petites aiguilles bronzées qui sont cons- tiluées par l'anthraquinone hydroxylée, diméthyla- midée, sulfonée. Les deux groupes OH et Az(CH°)* occupent les positions 1-3 du même noyau; quant au groupe sulfoné, sa position reste encore à déterminer. — M. P.-Th. Muller démontre qu'on peut remplacer par uoe formule simple les tableaux de Bredig (Zeit. physik. Chem., 1894, t. XIII, p.198) et de F. Koblrausch (Med. ann., 1898, t. LVI, p. 794), relatifs à la conducli- bilité électrique des solutions étendues des sels mono- valents. Il est ainsi possibie de calculer en partant d’une conductibilité w (conductibilité moléculaire 296 \ ACADÉMIES ET SOCIËTÉS SAVANTES exprimée en inverse d'ohm) prise à une dilution quelconque v (nombre de litres tenant en dissolution une mol. gramme du sel), la conductibilité y, des solutions infiniment diluées, aux températures de 18° et de 25°. Cette formule est : UV, — Au—(,11509, Les valeurs de A sont, à 18° et 25°, égales respeclive- ment à 52,72 et 62,15. Si l’on remarque que l’exposaut de v est pratiquement égal à V2—1, on peut exprimer la précédente formule en disaut que le nombre des molé- cules non ionisées 1 2 1 (: ), v Ho contenues dans un litre de la solution, est égal à A ue AC c'est-à-dire est proportionnel à la puissance V2 de la normalité de la liqueur. — Dans ses études cristallogra- phiques sur un certain nombre de composés du campbre, mis très obligeamment à sa disposition par M. Haller, M. Minguin' n'a jamais conslaté de facettes hémiè- dres et cependant tous ces corps jouissent du pourvoir rotatoire à l’état de dissolution (Loi de Pasteur). Il à alors appliqué la méthode de corrosion, et ce sont les résultats qu'il a obtenus avec le benzol-camphre droit et gauche qu'il expose à la Société. Plongé dans le toluène ou la benzine pendant une minute environ, le benzol-camphre se recouvre sur les faces m de belles figures de corrosion dissymétriques, pour la plupart dirigées de l'angle e vers l'angle « du prisme orthorhom- bique. On remarque des plages où elles sont parallèles aux arêtes verticales, ce qui montre que les éléments cristallins, par leur assemblage, essayent de corriger la dissymétrie de l'élément primordial, de la molécule chimique, de facon à former un individu parfait géomé- triquement. Les figures formées sur le gauche sont œæuantiomorphes avec celles formées sur le droit. Sur les autres faces, on n'a jusqu'à présent rien obtenu de nef, ce qui n'a rien d'étonnant, car la zone m est la zone de plus grande solubilité. Un cristal de benzol- camphre, en effet, plongé dans du toluèue se creuse suivant la zone m et à un moment donné, les faces p subsistent presque seules. — M. Grégoire de Bolle- mont montre que les éthers méthoxy et éthoxy-méthy- lènecyanacétiques, traités par l’aniline, donnent, avec rendement théorique, une série unique de dérivés ani- lidométhylènecyanacétiques CAz — C — COOR I] CHAZHCSHS. Ce sont des composés très stables, à points de fusion élevés, insolubles dans l’eau, peu solubles dans l'alcool et l'éther. L'anilidométhylènecyanacétate d’éthyle cons- litue de longues aiguilles transparentes fondant vers 105°. Le dérivé méthylé fond à 175. Il a également pré- paré les anilidométhylènecyanacétates de propyle et d'amyle. SOCIETE DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 16 Février 1899. M. W. N. Hartley a examiné de nouveau le spectre d'absorption de l'acide cyanurique et a reconnu qu'il ne possédait pas de bande d'absorption entre les lon- gueurs d'onde 2747 et 2572. Le spectre correspond à Ja formule (H—N—C—0)",et non à la formule cyclique primitivement admise. La présence de la bande d'ab- sorption dans le premier cas est probablement due à l'existence d'une impureté. — MM. W. N. Hartley ct 1 C.R;, 1895-1899; Bull. de La Soc. chim., 1895-1899. James J. Dobbie ont étudié les spectres d'absorption du carbostyrile et de l'isatine, de leurs isomères ét leurs dérivés alcoylés. Le spectre et les courbes d’ab sorption moléculaire du carbostyrile et du méthylpseu docarbostyrile, de l’isatine et de la méthylpseudoi line sont analogues, tandis que ceux du méthylcarbos tyrile et de la méthylisatine en diffèrent beaucoup. Le auteurs concluent que les premières de ces substane ont la même constitution; le méthylpseudocarbostyrilé et la méthylpseudoisatine étant des lactames, le car bostyrile et l'isatine sont aussi des lactames. M. J. H: Gladstone fait ressortir, à ce sujet, l'importance dé l'étude de l'absorption par différents corps comme mé: thode de recherche chimique. On pourra adjoindre, ax spectre ordinaire, les rayons ultra-violets et infr rouges el peut-être plus tard les rayons X.M.J. Dewar rappelle, comme exemple, qu'on peut prouver la pré sence de vapeur d'eau dans un gaz par l'étude de som spectre ultra-violet, alors que la quantité de celle-ci est trop faible pour être mise eu évidence par les mé thodes analytiques ordinaires. — M. A. Wynter Blyt décrit un appareil qui permet de doser les nitrites et les nitrates par le chlorure ferreux à l’état de bioxyde d'azote. L'opération est conduite de telle facon quelle bioxyde d'azote se dégage d’abord des nitrites, puis après quelques minutes d'intervalle des nitrates. — même auteur indique diverses méthodes physique pour le dosage de l'acide borique. L'une consiste à d &'rminer l'augmentation de pouvoir rotatoire qu'il pro duit sur une solution donnée d'acide tartrique dextro= gyre par son mélange avec elle. L'autre consiste à le faire bouillir avec une solution de carbonate de soude pour le transformer en borate et à mesurer la diminu= tion de la résistance électrique du liquide ramené à un: volume donné.— M.Arthur W. Crossley a appris que le produit de la réaction du sodiomalonate d’éthyle sur l'oxyde de mésityle a déjà été étudié et déterminé; ce n’est autre chose que la diméthylhydrorésorcine CH, — M. Aug. Edward Dixona trouvé que le corps: obtenu par Lôssner dans la réaction du chlorure de ben- zoyle sur le thiocyanate de potassium est l’imidoben= zoylthiocarbonate d’éthyle COCSH® — Az — C (OC*H5) SH: Ce dernier donne un dérivé potassé, puis un dé rivé éthylé, qui est décomposé par l'ammoniaque en: mercaplan et en benzoylimidocarbamale d'éthyle COCSHS — Az — C (OC?H) AzH°; l'auteur considère ce corps comme une pseudourée et l'appelle encore pseus- doéthylbenzoylurée. L'auteur à préparé de la même facon l’imidoanisoylthiocarbonate d’éthyle, et à parti de ce dernier la pseudoéthylanisoylurée, et des dérivés analogues. — M. A. E. Dixon a obtenu, par J'action de la phénylthiocarbimide sur la méthylbenzylamine, une thiourée tertiaire, la phénylméthylbenzylthiourée CSHSAz = C (SH). AzZCHCH* CH, el il a préparé aussises. deux isomères. Toutes ces thiourées sont insolubles dans l'eau et désulfurées par le nitrate d'argent. ERRATUM Dans la première partie de l’article de M. F. Mesnil, Coccidies et Paludisme, parue dans le numéro du 30 mars dernier, il y a lieu de rétablir comme suit les: passages suivants : P. 213, 1'° colonne, 27° ligne, supprimer le mot dernier. P. 220, figure 8, dernière ligne de la légende, lire épuration au lieu de opération. P. 224, {re colonne, 13° ligne, lire distincte au lieu de diffuse. Le Directeur-Gérant : Louis Ouvrier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Casselle. v 10° ANNÉE N° 8 30 AVRIL 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Nécrologie Savants récemment décédés. — Au retour de la VIIE Croisière de la Revue, nous apprenons avec douleur la mort de plusieurs savants éminents : Sophus Lie, Naudin, G. Wiedemann, Marsh, Charles Friedel, et d’un jeune et très distingué naturaliste, Charles Bron- gniart, prématurément enlevé à la science. La RPvue consacrera prochainement des notices détaillées à la vie et à l’œuvre de nos illustres compa- triotes Friedel et Naudin, comme aussi des grands savants étrangers qui viennent de disparaître. F0; $ 2. — Physique La vitesse des particules métalliques dans l’étincelle électrique. — Deux savants anglais, MM. Schuster et Hemsalech, ont récemment présenté sur ce sujet, à la Société Royale de Londres, une inté- ressante communication dont voici le résumé : Lorsqu'une étincelle électrique jaillit entre deux électrodes métalliques, le spectre du métal n'apparaît as seulement à leur contact immédiat, mais il s'étend e plus souvent dans tout l’espace qui les sépare. Il en résulte immédiatement que, pendant la durée très courte de la décharge, les vapeurs métalliques ont dif- fusé de quantités appréciables à travers cet espace. En 1862, Feddersen avait déjà essayé de photographier l'étincelle, après réflexion sur un miroir tournant, dans le but de mesurer la vitesse de diffusion des par- ticules métalliques ; mais il était également nécessaire pour cela de faire passer la lumière à travers un spec- troscope afin de distinguer les particules d'air lumi- neuses de celles du métal des électrodes. MM. Schuster et Hemsalech ont repris ces expériences en employant une méthode différente. Elle consiste à fixer, en forme d’anneau, vers le bord extérieur d'un disque tournant, une pellicule photographique qui recoit l’image des étincelles, Si ces dernières étaient absolument instantanées, les images prises sur le disque tournant seraient identiques à celles recues sur une plaque stationnaire; mais ce n’est pas le cas : REVUE GÉNÉRALS DES SCIENCES, 1899, les lignes du métal sont inclinées et courbées quand le disque tourne, et cette inclinaison sert précisément à mesurer le degré de diffusion des particules métalli- ques pendant la durée de l’élincelle. Les décharges électriques sont produites par une batterie de six bou- teilles de Leyde, ayant une capacité totale de 0,033 mi- crofarad, et chargées par une machine d’induction de Wimshurst. L'image de l’étincelle est projetée sur la fente d'un spectroscope placé à une distance telle que la largeur de l’image soit égale à celle de l’étincelle. Le métal qui donne les résultats les plus nets est le zinc. Les deux principales lignes du zinc qui apparais- sent sur la photographie sont la ligne double (dont la plus réfrangible a une longueur d'onde de #.924,8) et le triplet bleu (dont la ligne dominante a une longueur d'onde de 4.810,7). Toutes ces lignes sont incurvées sur la photographie ; mais les déplacements, surtout près des pôles, sont sujets à des varialions assez grandes. Cela tient, en partie, à ce que la trajectoire des particules métalliques n’est pas toujours droite, en partie à ce que l’image ne coïncide pas toujours avec la fente. Il en résulte une incertitude assez grande en ce qui concerne la vitesse près des pôles. Pour comparer entre elles différentes photographies, les auteurs procèdent comme suit : On mesure les déplacements d'un certain nombre de points à peu près équidistants, et de ces mesures on déduit le temps moyen que prend une molécule métallique pour aller du pôle à uo point distant de 2 millimètres. Quand les lignes sont diffuses, près des pôles et que cette méthode ne peut être appliquée, on prend les vitesses molécu- laires à différents points généralement équidislants de la photographie, et la moyenne représentera la vitesse moyenne d'une particule. Le tableau I {p. 298) donne les résultats obtenus avec le zinc par la première méthode (vitesse moyenne en mètres par seconde des molécules entre le pôle et un point distant de 2 millimètres). Le résultat qui se dégage de l'examen de ce tableau, c'est l'influence de la capacité et de la distance des électrodes sur la vitesse moyenne des molécules. Pour une faible distance d'électrodes, la vitesse diminue | quand la capacité augmente; ilsemblerait, au contraire, 8 298 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE qu'un plus grand nombre de bouteilles, en élevant la température, doit produire une augmentation de vitesse. Pour une distance moyenne, la capacité a peu d'in- fluence; pour une distance assez grande, les étincelles deviennent irrégulières, et on ne peut tirer de conclu- Tableau I LONGUEUR NOMBRE DE BOUTEILLES d'onde DISTANCE entre les électrodes l | | sions certaines de l'examen de chiffres dont plusieurs sont problématiques. En somme, la distance de 1 cen- timètre et la capacité de 6 bouteilles semblent donner la valeur la plus probable de la vilesse, et c'est dans ces conditions qu'ont été faites les expériences avec tous les autres métaux, excepté le bismuth. Parmi ces métaux, ceux qui ont des poids atomiques relativement faibles, comme le magnésium et l’alumi- nium, possèdent les vitesses moléculaires les plus élevées. Celle du magnésium n’a pas pu être déterminée exactement à cause de sa grandeur; celle de l’alumi- nium dépasse le triple de celle du zinc. Le cadmium donne des valeurs à peu près identiques à celles du zinc. Le bismuth présente des particularités remarquables ; malgré son grand poids atomique, quelques lignes indi- quent une vitesse moléculaire moyenne de 1.420 mètres par seconde ; mais, pour la plupart des autres lignes, la vitesse est inférieure à celle du zinc et du cadmium. Il n'y a donc pas de relations simples entre les vitesses et les poids atomiques; mais les expériences semblent confirmer une hypothèse déjà émise, c'est que les molécules produisant les différentes lignes d’un mème spectre n'ont pas nécessairement la même masse. Les auteurs concluent de leurs expériences que le mécanisme de l’étincelle a lieu de la façon suivante : La décharge initiale de la bouteille passe à travers l'air; il doit en être ainsi, puisque au commencement il n'y a pas de vapeurs métalliques. La chaleur intense engendrée par le passage du courant volatilise le métal, qui commence à diffuser autour des pôles ; les autres oscillations de la décharge ont alors lieu à travers la vapeur métallique et non à travers l'air, El, en effet, si l'on augmeute la self-induction du système de façon à prolonger la durée de la décharge et à permettre aux vapeurs métalliques de diffuser entièrement dans l’es- pace qui sépare les électrodes, on voit disparaître presque complètement du spectre les lignes de l'air, les lignes métalliques demeurant seules. 3. — Industrie chimique A Emploi de l'huile de maïs pour la fabrica- tion d’un caoutchoue mi-artificiel. — Nous avons déjà parlé, ici-même, des résultats obtenus en Amérique pour la fabrication du caoutchouc artificiel. Il s’agit aujourd’hui d'un produit mixte dont M. le direc- teur de « l'Office national du Commerce extérieur » a entretenu récemment la Société nationale d’Agricul- ture. Après avoir extrait l'huile de maïs, on la vulca- nise avec une quantité égale de caoutchouc brut et l'on obtient ainsi une substance qui, pour certains usages, vaudrait les meilleurs caoutchoucs tout en étant à bien meilleur marché. Comme l'huile de maïs ne s'oxyde pas facilement, le produit manufacturé avec cette huile resterait souple el ne se gercerait pas comme les autres caoutchoucs. $S 4. — Sciences médicales Les nouvelles expériences sur la trans- mission de la tubereulose.— Il est admis, presque. avec l'autorité d’un dogme, que la contamination de la tuberculose s'effectue, en très grande partie, par les crachats tuberculeux desséchés. Cette notion s'appuie sur les recherches, aujourd’hui classiques, du Profes- seur Cornet (de Berlin). Il avait montré que, lorsque. les phtisiques crachent par terre, leurs crachats se des- sèchent et sont ensuite pulvérisés par le va-et-vient des personnes, par le balai où la brosse du domestique qui fait le nettoyage de la pièce; la poussière qui renferme des bacilles tuberculeux virulents des crachats est sou- levée, voltige dans l'air et est aspirée par les personnes de l'entourage du tuberculeux, qui introduisent dans. leurs poumons les agents spécitiques de la tuberculose. C'est de cette facon qu'on s’expliquait la propagation de la tuberculosé dans les casernes, les bureaux, les ateliers, etce., où l’on voit souvent un ouvrier ou un employé tuberculeux communiquer la maladie à ses voisins. Ces faits sont aujourd'hui bien connus, et la théorie de Cornetles paraissait expliquer d'autant mieux que d'innombrables recherches avaient montré ques l'air expiré par les phtisiques ne renferme pas de ba- cilles tuberculeux. Pour éviter la propagation de la tuberculose par les crachats desséchés, Cornet proposa une série de mesures prophylactiques (défense de cra- cher sur les parquets, emploi des crachoirs publics ou individuels, nettoyage des chambres avec des chiffons mouillés, etc.), qui, au bout de quelque temps, furent adoptées dars la plupart des pays. La question en était là lorsque, il y a deux ans, le Professeur Flügge (de Breslau), au cours de ses recher- ches sur l'infection des plaies chirurgicales par les bac- téries de l'air, constata que, lorsqu'on parle fort ou à voix basse et, à plus forte raison, lorsqu'on tousse ou lorsqu'on éternue, il se fait une projection, dans l'air, de gouttelettes microscopiques de salive, lesquelles gouttelettes, chargées de bactéries qui se trouvent nor- malement dans la bouche, flottent pendant quelque temps dans l'air, sont même transportées au loin par les courants d'air et finissent par se déposer à terre. Par des expériences d'une précision rigoureuse #, il a pu déterminer le temps pendant lequel les gouttelettes microscopiques flottent dans l'air, la vitesse minima des courants d'air nécessaires à leur transport, la dis- lance à laquelle elles sont transportées, ete. On voit de suite quel jour ces expériences jetaient sur la question, encore si obscure, de la transmission de certaines maladies de l'appareil respiratoire. Il ressortait très nettement qu'un pneumonique ou influenzique ou un phtisique tuberculeux, qui crachent beaucoup, créent autour d'eux, quand ils parlent ou quand ils toussent, une zone remplie de gouttelettes microscopiques con- tenant les agents spécifiques de la pneumonie, de l'in- . fluenza, de la tuberculose ; et que, par conséquent, les personnes qui se trouvent dans le voisinage de ces malades sont exposées à introduire dans leurs pou- mons, avec l'air, les goultelettes microscopiques conte- nant les bacilles spécifiques. M. Flügge entreprit de vérifier tous ces points, et les recherches faites dans son laboratoire et sous sa direc- tion par quatre de ses élèves — lesquelles recherches viennent d'être publiées? — montrent très nettement 1 ]] se rinçait la bouche avec une culture de Bacillus pro- digiosus, puis il parlait bas ou à haute voix, toussait, éter- nuait, etc., à une certaine distance de soucoupes remplies M de bouillon de culture sur lequel se développaient les bacilles qui étaient projetés de la bouche 2 Zeilschr. f. Hygiene, mars 1899, vol. XXX, fasc. 1 : Lascurscuexxo: Ueber Luft infection durch beim Husten, Niessen und Sprechen verspritzte Trôpfchen, p. 125. — B. Heymaxy: Ueber die Ausstreuung infect. Trôpfchen beim Husten der Phtisiker, p. 139. — R. Sricuer: Ueber die Infect. in die Luft üebergef. Tuberkelbacillenhalt. Staubes, | ; Tue Le CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 299 que le danger de contamination par les crachats liquides (goultelettes microscopiques) est plus grand que celui _par les crachats desséchés, et que la prophylaxie de la tuberculose, telle qu'elle a été établie d'après les recherches de Cornet, doit être modifite et complétée. Ces recherches sont de deux ordres: les unes destinées à vérilier les expériences de Cornet sur la virulence des -crachats desséchés, les autres faites pour établir la théorie de la transmission possible de la tuberculose ar les crachats liquides. Nous allons les exposer très rièvement. Pour vérifier la théorie de Cornet, M. Sticher fit deux séries d'expériences. Dans l’une, il procéda de la facon classique : Une poussière fine, préalablement stérilisée, était triturée jusqu'à siccité avec des crachals tubercu- leux et mise dans un ballon en caoutchouc qui com- muniquait d'un côté avec une soulflerie, de l’autre avec un masque qui entourait la tête et se fixait au cou d'un cobaye; en sortant du masque, l'air traversait un flacon contenant une solution de chlorure de sodium. Dans ces conditions, malgré la vitesse du courant d'air fournie par la soufflerie (cette vitesse était chaque fois exactement déterminée), et bien qu’on secouàt violem- ment le ballon contenant les crachats desséchés — aucun des cobayes mis en expérience n'est devenu tuber- culeux. Dans une autre série d'expériences, M. Sticher rem- placa les crachats triturés avec de la poussière, par des crachats étendus sur des compresses et préalablement desséchés dans un dessiccateur. En procédant comme dans les expériences précédentes, c'est-à-dire en se- couant et en froissant le ballon au moment où il faisait marcher la soufflerie, il constata que tous les cobayes devenaient tuberculeuæ quand la vitesse du courant d’air fourni par la soufflerie était de 1 mètre par seconde, et en tout cas n'élait pas inférieure à 30 centimètres par seconde. Ainsi donc, quand la dessiccation des crachats n'était pas parfaite, n'était pas obtenue dans un appareil spé- cial, ou quand la vitesse du courant d'air n'était pas très notable, la tuberculose par inhalation ne se pro- duisait pas malgré la manipulation violente du ballon qui contenait la poussière bacillifère. Pour se rapprocher davantage des conditions ordi- naires de la vie, M. Beninde fit des expériences iden- tiques à celles de M. Sticher, mais en ulilisant les mou- choirs ayant servi à des phtisiques, et il constata ceci: Si le mouchoir dans lequel avait craché le phtisique était préalablement desséché dans un dessiccateur, les _ cobayes mis dans le masque devenaient tuberculeux, tout comme dans les expériences de M. Sticher. Mais sion employait des mouchoirs qui, après avoir été employés par des phtisiques, avaient été abandonnés dans leurs poches (où ils se sont desséchés) pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures, on pouvait employer des cou- rants d'air d'une vilesse dépassant même | mètre par seconde, on pouvait froisser, secouer, comprimer le mouchoir renfermé dans le ballon : aucun des cobayes masqués ne devenait tuberculeux. Que montrent donc ces expériences ? Elles prouvent que la contamination par les crachats tuberculeux des- séchés peut se faire; mais que, pour se réaliser, elle exige un concours de circonstances (dessiccalion par- faite des crachats courants d'air d'une vitesse notable, manipulation violente de la poussière bacillifère) qui doit se rencontrer rarement, si ce n'est exceptionnel- lement, dans la vie ordinaire. Les expériences de M. Laschstchenko et celles de M. Heymann nous font connaître les conditions de con- tamination par les crachats liquides, par les crachats tuberculeux en nature. . 163. — M. Bexinoe : Beitrag zur Kentniss der Verbreitung er Phtisie durch verstaubles Sputum, p. 193. s . Les lecteurs que cette question intéresse d'une facon par- ticulière, trouveront dans ces mémoires les détails techni- ques dont nous ne pouvons parler ici. Dans une première série de recherches, M. Laschts- chenko faisait passer des courants d'air, dont la vitesse était déterminée, à la surface et à travers des crachats tuberculeux liquides. Il constata qu'il suffit d'un cou- rant d'air d'une vitesse de 3 millimètres pour emporter à 1 mètre de distance des parcelles liquides chargées de bacilles. Ainsi donc, la dissémination de la poussière liquide se fait plus aisément que celle de la poussière solide. — Dans une seconde série d'expériences, M. Laschtschenko faisait parler, tousser et cracher des phtisiques à une distance déterminée de soucoupes remplies d'un bouillon de culture; sur 6 phtisiques, il en trouva # qui, dans ces conditions, ensemencè- rent les bouillons de culture, c'est-à-dire qui, en par- lant ou en toussant, projetèrent au loin des goultelettes microscopiques contenant des bacilles tuberculeux virulents. Ces expériences furent reprises par M. Heymann avec le même succès: sur 35 phlisiques, il en trouva 14, soit 40 °/,, qui, dans ces conditions, projetaient à 50 centi- mètres de distance et plus loin encore une poussière liquide remplie de bacilles. Mais M. Heymann poussa l'étude de la question encore plus avant, en instituant des expériences que voici : Des phtisiques venaient s'asseoir à une certaine dis- tance des cages dans lesquelles se trouvaient des cobayes, dont les têtes étaient fixées de manière à re- garder bien en face les tuberculeux qui se trouvaient devant eux; ceux-ci parlaient, toussaient, crachaient quand ils en éprouvaient le besoin. Ces expériences, continuées pendant plusieurs mois, ont donné ce ré- sultat que, sur les 25 cobayes mis en expérience, 6 sont devenus tuberculeux pulmonaires. Pour apprécier toute la valeur de ces chiffres, il ne faut pas oublier que la quantité d'air qui pénètre aans les poumons des cobayes est relativement minime et que la force des mouvements inspiratoires de ces animaux, comparée à celle de l’homme, est extrêmement faible. Les expériences de M. Laschtschenko et de M. Hey- mann établissent l'existence d'une nouvelle source de contamination : la zone chargée de poussière liquide bacillifère qui se forme autour du phtisique au moment où 1l tousse ou crache. Quelle est l'importance réelle de ce danger? En analysant les travaux de ses élèves, M. Flügge nous dit que l'importance de ce danger ne doit pas être exagérée. Tout d'abord, tous les phlisiques ne projettent pas de gouttelettes bacillifères ; d'après les recherches de Sticher, la projection de gouttelettes virulentes ne se rencontrerait que dans 40 °/, des cas. En second lieu il faut prendre en considération la distance à laquelle l'air reste contaminé par ces gouttelettes : la zone dan- gereuse, d'après les recherches de M. Laschtschenko et de M. Sticher, a un rayon de 50 centimètres; à 4 mètre ou à { m. 1/2, on ne trouve plus de gouttelettes bacil- lifères. Il faut, enfin, faire entrer en ligne de compte la durée de séjour dans la zune dangereuse. Une prophylaxie simple permet, du reste, de dimi- nuer les chances de contamination par les poussières liquides. Il suffit que le tuberculeux mette devant sa bouche sa main ou son mouchoir quand il tousse ou crache, pour réduire presque à zéro la projection de poussière bacillifère liquide. Les personnes de l’entou- rage ne devront pas s'approcher sans nécessité du phtisique pendant qu'il tousse ou crache. Enfin, dans les bureaux et les ateliers, il faudra veiller à ce que la distance entre les têtes des employés ou des ouvriers ne soit pas inférieure à 1 mètre, distance qui est la li- mite de la zone dangereuse. Quant à la prophylaxie basée sur les recherches de Cornet (crachoirs publics ou individuels, balayage hu- mide), elle doit être conservée dans toute sa rigueur dans les casernes, les bureaux, les ateliers, les voitures publiques, les wagons, bref, partout où le va-et-vient du public peut réaliser, quoique rarement, le danger de la contamination par les crachats desséchés, ' 300 $ 5. — Géographie et Colonisation La production du caoutchoue. — La produc- tion totale du caoutchouc dans le monde entier atteint 50.000 tonnes. L'Afrique, à elle seule, en fournit 20.000 tonnes, alors qu'il y a cinquante ans elle l’ex- portait seulement à l'état d'échantillons botaniques. Bien que cette production augmente dans des propor- tions considérables d'année en année, elle est tellement insuffisante en présence de demandes qui croissent plus rapidement encore, que depuis quatre ans les cours se sont élevés de 20°/,. Cette hausse continue est d'autant plus significative que le prix de revient n'y est pour rien. En effet, les meilleures sortes d'Afrique, celles qui se cotent actuellement 8 à 9 francs le kilo, se payent sur place 2 à 3 francs. Terre privilégiée du caoutchouc, l'Afrique pourrait doubler ses envois du jour au lendemain, sans que les cours de vente fléchissent sensiblement. Il y a là, pour nos colonies, des perspectives de richesse qui demandent à être envisagées avec l'attention qu'elles méritent. Le jour où nos capitaux, moins limides ou plutôt mieux renseignés, se rendront compte que les grandes plantations dans lesquelles ils s'engagent volontiers au Brésil, aux Indes anglaises et néerlandaises, peuvent se créer à meilleur compte dans nos colonies africaines, celles-ci ne regretteront pas de s'être prètées à la cons- titution de vastes domaines particuliers. Il se formera alors de puissantes entreprises cullurales, qui suffiront à assurer la prospérité de ces colonies. Mais ce mou- vement dépend un peu des administrations locales, dont les errements ne sont malheureusement pas tou- jours de nalure à encourager les capitaux. En attendant qu'il s'établisse ainsi, de part et d'autre, le double courant d'idées nécessaire pour substituer en Afrique l’exploitation industrielle à l’ancienne exploi- tation commerciale, celle-ci pourrait se développer singulièrement, en ce qui concerne le caoutchouc, au prix d'’efforls bien minimes, comparativement aux résultats à prévoir. Les forêts africaines renferment, en effet, une quan- tité prodigieuse d’arbres ou de lianes à latex fournis- sant des produits de coagulation semblables à tous les caoutchoucs ou dérivés d'eux, et qui ne sont ni exploités ni connus. Eludiés pratiquement, ces produits pourraient, en très grand nombre, prendre une place commerciale en deux catégories: d'une part, comme caoutchoues cou- rants, par une préparation spéciale, au moment de la récolte ; d'autre part, comme sortes secondaires. La colonie anglaise de Lagos fournit un exemple remarquable de ce qui peut être fait dans le premier cas. Bien que les essences à latex y fussent nombreuses, elle ne produisait pas de caoutchouc il y a quelques années, lorsque son gouvernement fit étudier la coagu- lation du latex du Kivia africana, qui ne donnait spon- tanément qu'un produit gluant et mou. Ces recherches aboutirent à la détermination d'un procédé approprié aux caractères de ce latex, et en deux ans les exporta- tions de la colonie, en caoutchouc, nulles jusqu'alors, s’élevèrent à 6 millions de francs. Elles ont au moins doublé depuis. Au Congo francais ou sur la côte, le caoutchouc pro- vient surtout des Landolphia. Telle de ces lianes ne fournit qu'un latex, fort abondant d'ailleurs, mais inu- tilisable sans mélange : si on lui ajoute, en proportions assez faibles, un autre latex, qui produit lui-même un caoutchouc de première qualité valant 8 à © francs, on obtient une sorle commerciale de 7 à 8 francs. Avec la quantité de latex nécessaire pour un kilo de caoutchouc de premier choix et un autre latex sans valeur par lui- même, on prépare 8 à 10 kilos de caoutchouc de second choix, soit environ 70 francs de marchandise. Ces exemples ne permettent pas de douter qu'en CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE donnant aux études de botanique pratique, aux recher- ches relatives à l'emploi du latex, un peu de dévelop- pement, les gouvernements de nos diverses colonies mettraient rapidement à la disposition du commerce de nouvelles ressources considérables. Sans même aller jusque-là, il y a beaucoup à faire avec les caoutchoucs qui, trop mous ou trop cassants, ne sont pas classés actuellement comme commerciaux .« Pour l'Afrique au moins, le commerce du caoutchoue& se fait surtout par courtage en raison de l'éparpille- ment de la production. L'industriel ne peut guère acheter directement au producteur, et l'intermédiaire élimine nécessairement la marchandise dont les carac- tères ne sont pas spécifiques. Beaucoup de gommes qui pourraient être obtenues et vendues à très bon compte, restent ainsi inemployées, quoique contenant 50, 60, 80 °/, de caoutchouc. Rien n'empêche les gouvernements de nos colonies de faire connaitre eux-mêmes ces variétés aux indus- triels, comme vient de le faire celui du Congo francais. Soumis sur sa demande à l'examen d’industriels auto- risés, un caoutchouc de la Sangha, que sa dureté rela- tive, son manque d'élasticité avaient empêché d’exploi- ter jusqu ici, a élé coté, à la suite d’études minutieuses, comme valant 7 francs, prix d'achat en usine. C'est donc une qualité de 6 fr. 50 sur marché. Or, d’après les renseignements fournis par la colonie, n'élant pas demandé, ce produit ne vaut pas plus de 0 fr. 50, soit 500 francs la tonne, sur place, dans la Sangha. Grevée de 800 francs, frais de transports et manu- tention jusqu'en Europe, la tonne y arriverait sur mar- ché avec un prix de revient de 1.300 francs, contre un prix de vente de 6.500 francs. Ces exemples montrent combien la productivité de nos colonies d'Afrique en caoutchouc peut se déve- lopper, et tracent d'eux-mêmes la voie à suivre pour assurer ce développement. Il faudrait, d'une part, constituer pour chaque colo- nie un catalogue des diverses essences à latex par noms botaniques avec la liste des noms indigènes, qui varient d'une région à l’autre: d'autre part, déterminer pour les essences les plus abondantes, les produits de coagulation naturelle ou artificielle les plus usuels, puis soumettre ces produits aux industries intéressées, Point n'est besoin pour cela de missions coùteuses, mais seulement de l'établissement et de l'application méthodique d'un programme simple, transmis dans chaque colonie, avec des instructions claires, aux agents des différents postes. Partout ceux-ci peuvent aisément faire récolter les spécimens botaniques nécessaires et en constituer des herbiers, sans autres frais que des achats de papier. Partout il est facile de faire recueillir sans frais quel- ques litres des principaux latex et d'en essayer la coagulation par évaporation, par mélanges, par les acides ou par l'alcool, au prix de dépenses tout à fait minimes. Il serait évidemment chimérique de s'attendre à voir se réaliser du premier coup, de tous les côtés, ce qui s'est produit à Lagos. Mais si ces recherches bolaniques el ces essais de coagulation se {rouvent soigneusement répertoriés de manière à permettre des comparaisons précises, nul doute qu'en consultant le Jardin colonial de Vincennes, ou l'Office colonial, les gouvernements locaux ne puissent être rapidement fixés dans bien des cas sur la marche à suivre pour arriver à des résultats décisifs. Quelle que soit, au reste, la modalité d'une enquête en ce sens, la reconnaissance des richesses latentes de nos colonies africaines en caoutchouc s'impose évidem- ment, quand on constate un fait comme celui qui res- sort de l'examen du nouveau caoutchouc de la Sangha, l'existence d'un produit inuülisé jusqu'ici et valant 7 francs le kilo. A. Le Châtelier. [PI re d P. VILLARD — LA FORMATION DES RAYONS CATHODIQUES 301 LA FORMATION DES RAYONS CATHODIQUES La découverte des rayons cathodiques est due à Hittorf. Malgré les moyens imparfaits dont il dis- posait, l'éminent physicien a fait sur les gaz raré- fiés un grand nombre d'observations, intéressantes encore aujourd'hui etsouvent très justes ; on aurait évité certainement bien des tàätonnements inutiles si on les avait appréciées à leur valeur. Dans la lueur bleue qui entoure l’électrode néga- live d'un tube à gaz raréfé, Hittorf avait reconnu l'existence d’un rayonnement nouveau, capable d’exciter la fluorescence du verre, déviable par un aimant, et suivant lequel l'électricité semblait se transporter rectilignement. Les travaux de M. Jean Perrin nous ont appris que ce transport d’électri- cité constitue la propriété fondamentale des rayons cathodiques, et qu'au point de vue exclusivement physique de tels rayons peuvent être considérés comme les trajectoires de charges négatives lan- cées par une cathode. Il est aujourd'hui facile d’obtenir des rayons cathodiques intenses et d'observer leurs prinei- pales propriélés. Supposons qu'une ampoule V (fig. 1), en verre ou en cristal, soil munie de deux électrodes métalliques A et C, dont l’une C, que nous prendrons comme cathode, ait, par exemple, la forme d'une coupe évasée ou d'un miroir concave, forme qui permet un plus grand nombre d'observations. Faisons le vide dans cet appareil au moyen d'une trompe à mercure et par l'inter- médiaire de tubes remplis de substances desséchantes. Nous arriverons ainsirapidement à une pression très faible, de l’ordre du cenlième de millimètre. Relions maintenant la cathode C au pôle négalif d'une bobine de Ruhm- korff en activité et l’électrode A au pôle positif. L’ampoule s’em- plit d’une lueur diffuse si le vide n'est pas très avancé : mais, près Fig. 1. — Produc- tion du faisceau cathodique et de l'espace obscur dans une am- poule de Crookes. — V, ampoule dans laquelle on a fait le vide; A, anode reliée au pôle positif, et C, cathode reliée au pôle négatif d’une bobine de Ruhwkorff. de la cathode, il existe un espace sombre dont la limite figure assez exactement une surface équipo- tentielle. Dans cet espace, on dis- tingue neltement une sorte de faisceau, comparable comme aspect à un cône de lumière traversant de V'air chargé de poussières. En franchissant la sur- face qui limile l’espace obscur, ce faisceau devient subitement plus brillant, comme si les rayons don t il paraît formé traversaient alors un milieu diffé- rent de celui qui entoure la cathode. Ce change- ment d'éclat est extrèmement marqué lorsque le vide a été fail sur de l'oxygène pur. Ces rayons cathodiques sont caractérisés ‘par un ensemble de propriétés qui les distinguent de toutes les radiations connues. Ainsi que l'avait constaté Hittorf, ils sont déviés par l’action d’un champ magnétique el s’enroulent aulour des lignes de force; en même temps, l'espace obscur se déforme (fig. 2). électrisé modifie aussi Le voisinage d’un corps leur di- rection, les attire ou les repousse suivant que sa charge est posilive ou négative. Ces rayons n’éclairent pas les objels qu'ils frappent, mais ils les échauffent et peuvent les por- ter à une température dont la limite supérieure nous est incon- nue, et ils possèdent au plus haut degré la pro- priété d’exciter la fluorescence. Les expériences de Crookes sur la propagation Fig. 2.— Déforma- lion de l’espace obscur el dévia- lion des rayons cathodiques par l'aclion d'un champ magnéli- que. rectiligne des rayons cathodiques (expérience de la croix), sur la fluorescence qu'ils produisent en frappant le verre, le cristal, le rubis, ele., sur les effets mécaniques ou calorifiques qu'ils détermi- nent (rotation d'un moulinet, fusion du platine), sont trop connues! pour qu'il soit nécessaire de les rappeler en détail. Mais l'intérêt de ces expérience n'a nullement diminué, car elles ont servi de base à l'hypothèse, généralement admise aujourd'hui, que les rayons cathodiques sont les trajectoires de par- ticules gazeuses lancées par la cathode avec une vitesse qui est peut-être comparable à celle de la lumière. Ces projectiles infiniment petits sont for- tement chargés d'électricité négative, et conservent celte charge même après avoir traversé la plus épaisse feuille métallique qu'ils soient capables de franchir (Jean Perrin). Cette électrisation n'est peut-être pas étrangère au phénomène de la pro- duction des rayons X. I. — LES PARTICULARITÉS DE L'ÉMISSION CATHODIQUE. On a pendant longtemps admis que l'émission cathodique, réduite à une simple répulsion électro- 1 Voyez à ce sujet la Revue générale des Sciences, t. IT, pages 161 et suiv., et pages 216 et suiv. 302 P. VILLARD — LA FORMATION DES RAYONS CATHODIQUES statique, avait lieu normalement à la cathode et par toute la surface de celle-ci. Mais, en réalité, ce n'est pas ainsi que les choses se passent, et il est nécessaire de compléter sur ce point l'hypothèse de l'émission. Reprenons l’ampoule de la figure 1 et observons de plus près la formation du faisceau cathodique. Au début de son apparilion, alors que le vide est encore peu avancé!, ce faisceau ne couvre nulle- ment toute la cathode; il se présente sous la forme d’un cône creux (Swinton). Si la cathode élait con- vexe,on aurait,au contraire ,un cône divergent plein avec condensation centrale. Améliorons mainte- nant le vide; nous ver- rons ce faisceau se res- | serrer de plus en plus (fig. 3) jusqu’à n'être partant du centre de l’électrode. En même | temps, les rayons catho- | diques, au lieu de rester constamment normaux à la cathode et de se croiser en son centre de courbure, se courbent de telle sorte que leur point de convergence s'éloigne de plus en plus, et le cône qu'ils forment s’allonge indéfiniment (fig. 3). Une étude détaillée de ces phénomènes, signalés par divers auteurs, conduit aux résultals suivants : La région d'émission cathodique est toujours centrée, non sur la cathode, mais sur le tube qui entoure celle-ci?. Vient-on à décentrer cette cathode (fig. 4), le faisceau cathodique tend manifestement à se former dans le voisinage de l'axe du tube. Il est, par suite, évi- dent que la pré- sence des parois joue un rôle im- porlant dans le phénomène. Gette influence se mani- fesle encore d’une autre manière : Dans une série de tubes communi- quant ensemble (fig. 5), et, par suite, à la même pression, le diamètre du faisceau cathodique est Fig. 3. — Resserrement et allongement progressifs du cône calhodique par l'effet d'une vraréfaclion crois- sanle. Fig. 4. — Dispositifs montrant la tendance du point d'émission à se maintenir sur l'axe du tube. 4 On verra plus loin qu'il n'y a pas lieu de préciser le degré de vide qui convient à tel ou tel phénomène. Ce degré est essentiellement variable avec la forme et les dimensions du tube et des électrodes. ? Si la cathode est très éloignée de toute paroi, et dans ce cas seulement, le centrage se fait sur la cathode même; mais l'étude de ce cas particulier mettrait moins bien en évidence les phénomènes qu'il s'agit de constater. | plus qu'un mince filel | d'autant plus grand que le tube est plus large, et, lant que ce faisceau n'est pas réduit à un mince. filet, sa distance aux parois est la même dans tous” les tubes. Le diamètre de la cathode n’a, d'ailleurs, Fig. 5. — Influence exercée sur le diamètre du faisceau cathodique par le voisinage des parois. — Dans les trois tubes de gauche, la distance du faisceau aux parois est la même. Dans le tube de droite, pourvu d'un diaphragme D, le diamètre du faisceau est le même que si le tube avait le diamètre du trou. A, anode. qu'une imporlance tout à fait secondaire : si, en effet, on place au-devant de celle-ci un diaphragme D percé d’une étroite ouverture, c’est en face de cette ouverlure que prend naissance le faisceau catho- dique, et son diamètre est le même que si le tube enlier avait le diamètre du trou. Si l’'ampoule, au lieu d'être de révolution, pré- sente une déformation quelconque, la région ra- diante subit une déformation correspondante et présente toujours la même symétrie que le tube. Si l’on rapproche l’anode de la cathode, en por- tant, par exemple, le rhéophore positif de A en A, ou À,, le diamètre du faisceau cathodique diminue aussitôt; cela nous indique que l’aclion des parois est d'ordre électrique, et même que le resserrement du faisceau est dû à la présence d'électricité po- silive. On sait d’ailleurs, par les (travaux de Croo- kes, que, dans un tube àrayons cathodiques, les parois sont électrisées posilivement jusque tout près de la cathode. Cette électrisation est facile à constater : une électrode E (fig. 6), pla- cée un peu en avant de À à la cathode, est presque Fig. 6. — Aclion répulsive exercée sur la région ra- dianle par une électrode E chargée positivement. — À, anode; CG, cathode. au même potentiel que celle-ci dès que le vide est un peu poussé ; entre E et GC se fait la presque totalité de la chute de potentiel dans le tube, et la longueur d’étincelle qui mesure cette chule s'élève rapidement à 10 ou 20 centimètres quand on augmente la raréfaction*. Or, le diamètre du faisceau cathodique est précisé- ment d'autant plus réduit que la différence de “potentiel est plus considérable entre E et C, c’est- à-dire que la charge positive des parois est plus forte au voisinage de la cathode?. Si on relie l'électrode E à une source d'électri- cité, on constate facilement qu'une charge posilive repousse la région radiante et la déplace sur la ca- thode : une charge négative l’attire, au contraire. Donnant à cette électrode la forme d'un anneau, on peut à volonté resserrer ou élargir le faisceau cathodique et faire varier en conséquence la résis- tance du tube, laquelle ne dépend que du diamètre de ce faisceau. Il est assez singulier de voir le faisceau catho- dique repoussé à son origine par une charge posi- tive, alors qu'il est formé de particules négatives, …. et que sur tout le reste de son trajet il est manifes- « tement attiré par les corps chargés positivement. II. —— L'AFFLUX CATHODIQUE. Cette contradiclion disparait si l'on admet que - l'émission cathodique est alimentée, non aux - dépens de la cathode, mais par un courant de matière électrisée positivement, provenant des « diverses parties du tube et arrivant à la cathode avec une grande vitesse. Cet a/flux cathodique, nécessairement repoussé par la charge positive des “parois, se centrera sur le tube et en reflétera évi- - demment la symétrie. Une électrode l’attirera ou 1 C’est pour cette raison qu'il est nécessaire de donner une grande longueur à la tubulure qui porte la cathode. Sans cette précaution, des étincelles partiraient du point C et iraient percer le verre en avant de la cathode. ? Il résulte de ce phénomène une conséquence dont il faut tenir compte dans toute expérience sur les rayons — cathodiques : une électrode placée en avant de la cathode et près de celle-ci est toujours chargée positivement à intérieur du tube; on vient de voir, en effet, qu'elle est à un potentiel très élevé par rapport à la cathode. Au con- traire, une électrode analogue placée |trés loin de la cathode est entourée d'un espace à potentiel uniforme ou à - peu près et presque égal à celui de l'anode, c’est-à-dire supérieur à celui des objets qui environnent le tube et de l'air ambiant. La partie de l’électrode extérieure au tube est le siège d'une déperdition positive qui abaisse le potentiel de cette électrode au-dessous de celui du tube : par suite, elle est chargée négativement. L'électrisation est beaucoup plus marquée si l’électrode est reliée à un conducteur exté- rieur, qui est nécessairement à un potentiel très bas, si on ne le charge pas; elle est encore plus forte si on relie l'électrode au sol, ce qui ramène le potentiel à zéro. Une électrode attirera donc ou repoussera les rayons cathodi- ques suivant qu'elle sera près ou loin de la cathode : dans le second cas, elle pourra émettre des rayons cathodiques, surtout si le vide est un peu poussé, ce qui accroît l'élec- - trisation du tube. Il suffit de toucher avec le doigt un tube de Crookes, un peu loin de la cathode, pour repousser le faisceau cathodique; en même temps, la région touchée devient le siège d'une nouvelle émission. P. VILLARD — LA FORMATION DES RAYONS CATHODIQUES 303 le repoussera suivant le signe de son électrisation et déplacera par suile son point d'arrivée, c’est-à- dire le point de départ des rayons cathodiques; un diaphragme à trou placé un peu en avant de la cathode ne laissera l’afflux arriver à celle-ci qu'en face du trou; et, en ce point seulement, il y aura formation de rayons cathodiques. Sur tout le reste de la cathode, l'émission, alimentée seulement par le gaz compris entre celle-ci et le diaphragme, sera insignifiante. C'est, eneffet, ce que l'expérience va nous permettre de vérifier. Cet afflux cathodique est d’ailleurs aisément visible sous l'aspect d'une gerbe rose-violacé qui semble implantée sur la cathode et présente une forme manifestement en rapport avec celle du tube. L'existence de ce courant matériel est rendue tout à fait évidente par les expériences suivantes, dans IST UTS Fig. 7. — Expériences sur l'afflux cathodique. — I. Appa- reil servant à montrer que les rayons cathodiques se forment seulement sur les points de la cathode (6, 4!) qui peuvent recevoir l’afflux cathodique. Ce dernier ne peut passer que parles trous & a! du diaphragme D. Les rayons cathodiques rencontrent le verre en /'et f"; s'il n'y avait pas de diaphragme, il n'y aurait qu'un seul faisceau ren- contrant la paroi en f. — Il. Répulsion de l'afllux catho- dique en b par une électrode E chargée positivement. l'appareil que représente la figure 7. Dès que le vide est assez avancé pour que le diaphragme D soit à l'intérieur de l’espace obscur, l'émission cathodique se fait à peu près en totalité par les points b b’ situés en face des trous à a’ (l'influence des.parois est ici presque nulle en raison du grand diamètre donné à l'appareil). En l'absence du diaphragme, on aurait un faisceau unique venant frapper le verre en /, et pouvant le fondre en ce point seu- lement. Dans le cas présent, c’est en f’ et /’ que la fusion aurait lieu si l'expérience se prolongeait. L'électrode E, mobile à coulisse, permet de véri- fier aisément qu'une charge positive repousse le courant d'afflux qui arrive par le trou a, landis qu'elle attire au contraire le faisceau cathodique correspondant (fig. 7, Il). 304 P. VILLARD — LA FORMATION DES RAYONS CATHODIQUES Si l’électrode E passe exactement au-dessus du centre de l'ouverture a, l’afflux se divise en deux courantsdivergents, qui s'écartent ou serapprochent l'un de l’autre suivant que l’électrode est chargée positivement ou négativement, et le point radiant b est alors dédoublé. Si on éloigne peu à peu le diaphragme, l’espace compris entre la cathode et lui fournit un afflux de plus en plus important, et, quand la distance CD atteint 8 ou 10 centimètres, il n'y a plus qu'un seul faisceau cathodique comme à l'ordinaire : le rôle du diaphragme se réduit alors à ne laisser passer par a et a’ qu'une faible partie de l'émission totale, le verre est encore fluorescent en f” et", mais sa température s'élève à peine, et c’est au contraire le diaphragme qui s'échauffe, surtout dans sa partie centrale. L'hypothèse de l’afflux cathodique conduit à des conséquences faciles à vérifier : Si l’on remplace par une lame de verre la partie centrale de la cathode, on ne change rien à la sy- métrie du tube ni à la distribulion des potentiels : la marche du courant gazeux posilif ne doit donc pas être modifiée; elle ne l’est pas en effet : à mesure que la raréfaction augmente, le faisceau cathodique se resserre de plus en plus, comme à l'ordinaire, puis abandonne le pourtour métallique de la cathode et finalement part du centre de la lame de verre (plus exactement du point situé sur l'axe du tube), comme si toute la cathode élait en métal. L'expérience faite, il est facile de voir que la partie centrale de la lame de verre est remplie de fines bulles gazeuses qui deviennent très visibles si on les chauffe légèrement ; la présence de ces bulles indique évidemment que des particules gazeuses sont arrivées avec une grande vitesse sur la ca- thode. En arrivant à la cathode, l’afflux est brusque- ment arrêté et sa force vive doit nécessairement se transformer en chaleur. Une cathode faite d'une lame mince de métal ou de verre est, en effet, rapi- dement portée au rouge sur les points d'émission des faisceaux cathodiques, là précisément où l'af- flux est supposé arriver. L'explication de ce phéno- mène est donc tout à fait semblable à celle que l'on donne du dégagement de chaleur produit par le choc des rayons cathodiques: dans les deux cas, l'effet calorifique est le résultat du choc des parti- cules gazeuses contre un obstacle. Cette vérification laisse subsister peu de doutes sur l'existence de l'afflux cathodique. Supposons maintenant que la partie centrale de la cathode soit formée par une toile métallique ou même simplement percée d'une petite ouverture (fig. 8), et que la région siluée en arrière soit en- ourée par un tube métallique qui la protège contre toute action électrique. Si l’afflux cathodique existe réellement, il doit évidemment traverser la toile en vertu de sa vitesse, el manifester sa présence au delà, en élevant la température d’un obstacle par exemple. C'est précisément ce qui arrive : un fais- ceau, assez semblable d'aspect à celui des rayons calthodiques, part de la toile métallique et va frap- per le verre en #. En ce point, la température s'élève et une lumière jaune apparait, qui n’est autre que celle du sodium. Une lame de verre mince placée sur le trajet ab peut être rapidement fondue et percée. Si on dévie l'afflux au moyen d'une électrode E chargée par exemple positivement, le faisceau prend la position a'b/, prolongement exact de la direction nouvelle de l'afflux. Fe Ce faisceau ab ou a'b' ne présente au- cunenirace d'électrisa- tion ; il est in- sensible à l'ac- tion d'un ai- mant ou d'un corps élec- trisé nous sommes en présence des rayons dé- couverts par Goldstein (Kanalstrah - len 1 Leur Fig. 8.— Formalion des rayons de Golds- existence se lein aux dépens de l'afflux coROOE e SES arrivant sur une cathode en toile métal- présente ainsi lique. — Le faisceau vient frapper le comme une verre en b. Si, au moyen d'une élec- : trode! E! chargée positivement, on im- consequence prime une déviation à l'afflux catho- dique, le faisceau de rayons subit une déviation correspondante et vient frap- per le verre en ! nécessaire de l'émission ca- thodique par une cathode perforée et leur formation est en même temps expliquée. Les phénomènes de Crookes apparaissent main- tenant comme étant le résultat d’une circulation régulière du gaz dans une ampoule suffisamment évacuée. Cette circulation ne parait nettement éta- blie qu'à l'intérieur de l'espace obscur; au delà, c’est le phénomène de Geissler que l’on observe. Il ne saurait d’ailleurs être question d'un degré de vide convenant à l'un de ces phénomènes plutôt qu'à l’autre; on verra plus loin que la forme et la dimension des électrodes jouent à ce point de vue un rôle aussi important que la pression. Cette hypothèse de la circulation des gaz est due 2 pe PE ANG ET VS 0 Ve do ag leg ng er DR rer Tr AE notes ini pr that mener le a à air 7 re AP durent, Lee © 7 7 P. VILLARD — LA FORMATION DES RAYONS CATHODIQUES 305 à Crookes lui-même et lui avait suggéré l'expé- rience suivante : Deux petits moulinets MM’ (fig. 9) - sont placés en regard de deux ouvertures 00" pra- “Fig. 9.— Appareil de Crookes servant à mellre en évidence —._ La circulalion de la malière radiante. — 0, 0!, ouvertures —_ pratiquées dans la cloison séparant les deux parties de l'ampoule; M, M', moulinets tournant sous l'influence du courant de matière radiante, liquées dans une cloison séparant en deux parties l'ampoule à vide. Quand l'appareil est en marche, les moulinets se mettent en mouvement comme sous l’action d’un courant gazeux qui suivrait le sens indiqué par les flèches. Fig. 10. — Appareil employé par M. Swinton dans ses recherches sur la circulation de la malière dans les lubes de Crookes. — M, moulinet pouvant occuper deux posi- tions. Dans la position en traits pointillés, il tourne en sens inverse des aiguilles d’une montre sous l'influence du faisceau cathodique; dans la position en traits pleins, il tourne en sens contraire, sous l'influence d'un courant de retour qui donne naissance à l’afflux cathodique. M. Swinton a repris récemment cette expérience au moyen de divers appareils dont deux sont re- présentés par les figures 10 et 11. Un moulinet M Fig. Me Appareil semblable au précédent. — Le moulinet a été modifié et placé plus bas afin d'éviter une attrac- tion de la cathode. (fig. 10), mobile sur une coulisse, peut occuper à volonté la position indiquée en traits pointillés, ou celle qui est marquée en lraits pleins. Dans le premier cas, il tourne sous l'action du choc des rayons cathodiques; dans le second, la rotation est inverse, comme si les ailettes élaient frappées par un courant gazeux de retour qui serait l’origine de l’afflux cathodique. Le résultat est le même avec le second appareil (fig. 11), dans lequel le moulinet a été modifié de manière à éviter l'influence possible d'une attraction des ailettes supérieures par la ca- thode. C'est maintenant une hélice à axe horizontal qui se met en mouvement quand le tube est en ac- tivité, et cet effet n'est évidemment pas dû à une attraction par la cathode. Il est assez naturel d'admettre avec le physicien anglais que les effets observés sont bien produits par le courant gazeux qui ramène à la cathode les molécules lancées par celle-ci sous forme de pro- jectiles cathodiques. L'existence d'un tel courant parait d’ailleurs indiscutable. Une objection toutefois se présente qu'il y aurait le plus grand intérêt à faire disparaitre pour don- ner à ces résultats toute la rigueur démonstrative nécessaire; il se pourrait que le mouvement constaté soit dû à un effet de réaction résultant de l'émission de rayons cathodiques par les ailettes des moulinets, et principalement par les faces en regard de l’anode. La cause de cette émission n’est autre que l’élec- trisation du tube; elle a été indiquée page 303 en note. Cette manière de voir expliquerait bien pour- quoi la rotation ne se produit facilement qu'à un vide très poussé. Le fait constaté par M. Swinton, qu'un électroscope relié au moulinet se charge positivement, indique d’ailleurs qu'à l'intérieur du tube les ailettes sont chargées négativement, en vertu du principe de la conservation de l’élec- tricité. Ce qui parait le plus probable, c'est que le mou- vement des ailettes est dû à plusieurs causes qu'il serait certainement possible de dégager en variant suffisamment les conditions de l'expérience. HT. — EMISSION ET PROPAGATION DES RAYONS CATHODIQUES. Les propriétés de l’afflux cathodique permettent de prévoir dans presque tous les cas la position et la forme de la région d'émission cathodique. Soit le cas, par exemple, d'une cathode plane centrée dans un lube cylindrique : au début de l'apparition des phénomènes cathodiques, l’espace obscur n'a que quelques millimètres d'épaisseur et l'afflux est uniforme ainsi que l'émission. Le vide progres- sant, l'espace obscur s'agrandit, le trajet parcouru par l’afflux augmente et les filets gazeux voisins des parois qui les repoussent se rapprochent de l'axe et accroissent la densité périphérique du 306 P. VILLARD — LA FORMATION DES RAYONS CATHODIQUES courant d'afflux. L'émission cathodique est par suite prépondérante suivant un anneau qui cor- respond à cette condensation de l’afflux; à une pression plus faible, les bords intérieurs de l’an- neau se rejoignent et l’uniformité se rétablit. Si la cathode est concave, l’afflux positif est attiré parles bords saillants de celle-ci et le phénomène de Fig.12.— Coupe du faisceau ca- thodique émis par une ca- thode concave. — Il à la for- me d'un cône creux. Lors- que le centre de la cathode est percé d'u- ne ouverture dans laquelle passe une élec- trode E char- gée positive- ment, Ja base du cône ca- thodique s'é- largit. l'anneau est extrèmement marqué, l'émission devenant presque nulle dans la partie centrale de l’élec- trode. Le faisceau cathodique pré- sente la forme de cône creux ob- servée par M. Swinton. On peut faire varier à volonté le diamètre de l'anneau en placant une élec- trode auxiliaire E au centre même de la cathode (fig. 12), et la char- geant positivement ou négalive- ment. Si la cathode est sphérique, l'émission est toujours normale à sa surface. Mais la convergence des rayons n’a lieu au centre de courbure qu'au début de leur ap- parition, alors que le vide est peu avancé et que les différences de potentiel sont faibles. Dès que la raréfaclion augmente, les rayons se recourbent et leur point de ren- contre s'éloigne. Soil en effet un rayon partant de A (fig. 13); il est évidemment repoussé plus forte- ment par la partie AM de la cathode que par AN, de là une courbure de la trajectoire du projectile cathodique négatif, et un allongement notable du cône. À une certaine distance de la cathode, le potentiel devient uniforme, le tube fait cage de Faraday, et la propagation est rectiligne. L'action réciproque de deux faisceaux est nulle ou au moins tout à fait inappréciable. Fig. 13. — Erplica- lion de la courbure des généraltrices du cône calhodique. — Un rayon partant de À est plus for- tementrepoussé par la parlie AM que par la partie AN de la cathode;: ïl se recourbe donc du côté de AN. Cette proposition se vérifie sans difficulté si on à soin d'éviter l'influence que peut exercer sur les rayons le voi- sinage d'un objet électrisé, en particulier d'une cathode. L'appareil que représente la figure 14 permet d'avoir avec une cathode unique deux fais- ceaux très fins, parallèles entre eux, et se propa- geant dans une véritable cage de Faraday. Si les ouverlures o o' du diaphragme sont assez pelites pour que la cathode ne puisse agir efficacement au travers, les faisceaux restent parallèles sur tout leur trajet, même à 7 ou 8 millimètres de distance l'un de l’autre. (Dans l'espace CD, les lignes de force sont des droites parallèles aux rayons et ne peuvent modifier leur direc- tion.) Remplaçant la cathode plane par une cathode courbe, on ob- tient deux faisceaux concou- rants qui se croisent sans qu'il en résulte aucune déviation de leurs directions. Avec la dispo- sition indiquée par la figure 15, on isole dans un faisceau unique deux groupes de rayons faible- ment divergents et très voi- sins. On constate facilement qu'ils sont parfaitement rectilignes sur tout leur trajet (30 ec. de D à F) et par suite n’exercent l'un sur l’autre aucune action attractive ou répulsive. IV. — RÉSISTANCE DES TUBES DE CROOKES. L'afflux cathodique et les rayons qu'il alimente constituent à peu près le seul vé- hicule de l'électricité dans un tube de Crookes. De la section de l’af- flux dépendra par suite, unique- ment, la résistance, qu'on peut évaluer, par exemple,en longueur d'étincelle équivalente. A pression égale, et avec la même longueur, un tube de grand diamètre sera beaucoup moins ré- sistant qu'un tube étroit. Un dia- phragme à trous, placé au-devant de la cathode, à 15 ou 20 milli- mètres, réduil considérablement la section de l’afflux comme on l'a vu précédemment (fig. 7), et il en résulle une augmentation con- sidérable de la résistance. Celle-ci s'accroît encore si, au moyen d'une petite plaque mobile, on vient à fermer l'une des ouver- tures du diaphragme. On réaliserait un lube de Croo- kes à résistance variable, en pla- çant un diaphragme iris en avant de la cathode. On diminue notablement la ré- sistance, en remplaçant la cathode Fig. 14. — Ezxpé- rience l'un sur l'autre. — Le diaphragme D et la toile mé- tallique forment cage de Faraday. Êl 1 — »] Fig. 15.— Aulre expérience sur l'aclion mu- tuelle des ra- yons cathodi- ques. — Deux groupes de ra- yons aa!, bb!, isolés par le diaphragme D dans le fais- ceau émis par la cathode C, sont sans in- fluence l'un sur l’autre. P. VILLARD — LA FORMATION DES RAYONS CATHODIQUES 307 : _ rdinaire, plane ou concave, par une lige métal- dique placée dans le sens de l’axe du tube. L'effet st plus marqué si celte tige est contournée en Spirale peu serrée, de manière à offrir un grand L éveloppement et à recevoir l’afflux par un grand nombre de points. On peut ainsi réaliser, avec dus électrodes très différentes, une ampoule qui Soit à l'élat Geissler pour un sens du courant, “à l'état Crookes ou Hittorf pour l’autre, de telle Sorle, par exemple, que le courant inverse, à faible ension, de la bobine de Ruhmkorff, passe sans difficulté et donne le premier de ces phénomènes, “tandis que le courant direct est complètement rrèté et donne entre les bornes de la bobine des “étincelles de 30 centimètres. #5 : D v. 4 NATURE DE LA MATIÈRE RADIANTE. Tous les tubes de Crookes, en cela différents des ‘tubes de Geissler, se comportent à tous égards de la même manière, quel que soit le procédé employé pour les préparer, quel que soit le gaz sur lequel on ait fait le vide. On lit, à ce sujet, dans un des mémoires de Crookes, la phrase suivante : « Que le gaz soumis primitivement à l'expé- rience soit l'hydrogène, l'acide carbonique ou l'air atmosphérique, les phénomènes de phosphores- cence, d'ombre, de déviation magnétique, etc., sont identiques. » “ Plus récemment. J. J. Thomson a démontré que, pour une mème chute de potentiel, la déviation magnétique des rayons est constante et indépen- dante de la nature du gaz sur lequel on a fait le vide. Nous ne suivrons pas les physiciens anglais dans leurs déductions relalives à la matière universelle. S'il n'y a qu'une seule substance capable de prendre Pétat radiant, il est tout indiqué de chercher d'abord si celte substance ne serait pas l’un des corps simples qui constituent la malière ordinaire. Une première indication nous est fournie par l'observation des taches brunes ou violacées, qui se produisent sur le verre longtemps frappé par les rayons cathodiques, et beaucoup plus rapidement sur le cristal. Crookes a reconnu que ces taches ne Sont pas dues à un dépôt de particules arrachées aux électrodes. En pareil cas, elles seraient d’ail- Jlèurs solubles dans les dissolvants du métal de l'électrode, ne se produiraient pas dans les tubes sans électrodes, et le cristal ne brunirait pas plus facilement que le verre. Ces taches sont évidemment le résultat d'une action chimique des rayons calhodiques, et c'est une réduction qui se produit : le cristal noircit parce qu'il est formé, en grande partie, de silicate de plomb facile à réduire. Le verre, qui renferme toujours un peu de cristal, donne le même résultat, ? mais très atténué. Ce pouvoir réducteur des rayons cathodiques est facile à mettre en évidence : on peut, par exemple, recevoir le faisceau sur une lame de cuivre oxydé superficiellement, un obstacle quelconque étant interposé sur le trajet des rayons, de manière à porter ombre sur la lame. La région protégée ainsi par l'obstacle reste noire; tout le reste de la lame, au contraire, reprend peu à peu la couleur rouge du cuivre réduit. On peut substituer à la lame oxydée du verre vert à l’oxyde cuivrique. Sous l’action des rayons cathodiques, ce silicate se transforme bientôt en verre rouge cuivreux, aisément reconnaissable à son spectre d'absorption. La réduction se produit ici dans Ja masse, par suile du pouvoir de pénétra- tion des projectiles cathodiques, et il est dès lors évident que l'atmosphère intérieure du tube n'inter- vient pas. D'ailleurs, l'expérience réussitégalement bien si le vide est fait sur de l'oxygène aussi pur que possible, et dont le spectre est visible pendant que le tube est en activité. La figure 16 représente le résultat obtenu en recevant pendant quelques mi- nutes les rayons cathodiques sur une paroi de verre partiellement revêtue d’une couverte en cristal figurant une rosace. Celle-ci se dé- tache en noir. On peut observer, en prolongeant l’action, des irisa- tions très nettes indiquant bien a Pie qu'il s’est formé une couche mélal- de GET RE lique à pouvoir réflecteur élevé. re On obtient les mêmes effets en diques. recevant sur le silicate réductible non plus les rayons cathodiques directs, mais ceux qui sont diffusés par les lames anticathodiques des tubes focus, et auxquels est due l’illumination hémisphérique de ces tubes. La réduction se produit de même si les élec- trodes sont extérieures au tube. Il devient alors difficile d'admettre que le phénomène résulte d'un transport des gaz réducteurs occlus dans le métal des électrodes. Il est naturel de supposer que les corps composés sont dissociés par le courant électrique; le spectre d'un gaz composé montre en effet toujours les raies caractéristiques des composants. Or, le seul gaz simple réducteur connu est l'hydrogène. C'est précisément l'hydrogène que le spectro- scope nous montre se déplaçant dans les tubes de Crookes pendant le passage du courant. En ména- geant un étranglement capillaire près d’une élec- trode, on vérifie aisément, si le tube est bien sec, que les raies de l'hydrogène disparaissent en quel- Fig. 16. — Ro- 308 ques secondes si l’électrode est anode, et réappa- raissent très brillantes, si elle devient cathode. Enfin, près de la cathode, dans la gerbe rose for- mée par l'afflux, les raies de l'hydrogène sont tou- jours et souvent seules visibles. L'origine de cet hydrogène est facile à trouver. Les alcalis superficiels du verre, le verre lui-même, ne peuvent être privés d'eau complètement. Un tube Plücker, par exemple, si bien desséché qu'il soit, donne avec éclat le spectre de l'hydrogène si on le chauffe. On est donc autorisé à admettre que les projec- tiles cathodiques ne sont autre chose que des molécules d'hydrogène électrisé. Une conséquence immédiale de cette hypothèse est que l'afflux cathodique et les rayons de Gold- stein, qui sont le prolongement de cet afflux dans le cas d’une cathode perforée, sont également for- més d'hydrogène en mouvement. L'emploi d'une cathode, dont la partie centrale est en cristal, permet de vérifier sans difficulté que l’afflux catho- D' H. VAQUEZ — PHYSIOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUE DES MALADIES DU COŒUR dique possède la même puissance réductrice que les rayons cathodiques. Pour s'assurer que les rayons de Goldstein pos-* sèdent également cette propriété, il suffit de re- prendre l'appareil de la figure 8, et de mettr une lame de cristal sur le trajet des rayons; elle prend rapidement la couleur violacée, à reflets métalliques, du silicate de plomb partiellemen réduit. Les rayons de Goldstein n'étant pas élec= trisés, on ne peut invoquer ici l'intervention d’un phénomène électrique. Il devient ainsi tout à fait évident que l'hydro- gène fait à lui seul tous les frais de l'émission: cathodique. Les propriétés physiques et chimiques de ce gaz font déjà de lui un corps à part dans la série des éléments : il n’est pas surprenant qu'il se ; distingue encore des autres corps simples par la« propriété, quil possèderait exclusivement, d pouvoir prendre l’élat radiant et constituer les« projectiles cathodiques. P. Villard, Docteur ès sciences. hd, PHYSIOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUE GÉNÉRALES DES MALADIES DU CŒUR A l'état physiologique, la fonction cardiaque s'exerce d'une façon continue, sans fatigue pour l'organe, aussi bien dans le repos que dans les con- | dilions diverses du mouvement et de l'effort. Pour subvenir aux besoins de la circulation et en dehors de sa force impulsive, le cœur est aidé par l'élasticilé artérielle, qui conserve el propage l'énergie créée à l'intérieur des ventricules au moment de leur contraction systolique. La distri- bution même des artères à la périphérie règle le débit des circulations locales suivant leur besoin, et le travail cardiaque n’est ordinairement pas influencé par les varialions isolées de pression, que provoque l'état de repos ou de fonctionnement des différents organes. Le cœur ne connait les besoins de la circulation périphérique que par la plus ou moins grande quantité de sang veineux qui pénètre dans son intérieur à chacune de ses dias- | toles, et c'est sur cette quantité qu'il règle le travail qu'il a à fournir. Malgré l'harmonieux équilibre qui caractérise l'acte physiologique de la circulation cardio-vascu- laire, l'imprévu, toujours possible quand il s'agit de phénomènes vitaux, a lui-même été prévu par la Nature. Il est constitué par des phénomènes d'ordres multiples, qui, pour la plupart, réagissent sur le cœur d'une façon directe ou indirecte. L'imprévu, c'est l’excilation sensitive, doulou- As eut QE PS nl-48 reuse ou non, venant modifier subitement les con- ditions de la circulalion d'un organe ou d'une par= tie du corps, c'est un réflexe allant impressionneln les centres nerveux et retentir plus spécialement sur ceux qui règlent ia circulation générale ou les circulations locales, c’est l'émotion enfin, dont les causes sont infinies, dont les effets sont multiples et qui provoque dans le domaine des vaso-moteurs de si subites variations. Le cœur est rapidement averti du désordre sou dainement apporté à l'équilibre circulatoire. En rapport avec le bulbe et les centres nerveux pan l'intermédiaire des filets du pneumogastrique eb du grand sympathique qui président à son inner- vation, il adaple son rythme aux besoins nouvelle= ment créés où aux troubles transitoirement sur= venus dans la circulation. Mais cette modification, soudaine n'est pas non plus aveugle. S'il appartient aux centres nerveux d’avertir le cœur des change= ments survenus dans l'équilibre circulatoire, c'est au cœur seul qu'il est réservé de décider du remèd qu'il convient de leur apporter. Maitre de son rythme, il emmagasine la sensation reçue, el, ne prenant les motifs de sa contraction que dans ses ganglions nerveux propres et la contractilité de sa fibre musculaire, il accélère ou ralentit son mouve- ment suivant ce qui lui est demandé par l'orgaz nisme et suivant ce qu'il est en état de fournir. C'est | : D' H. VAQUEZ — PHYSIOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUE DES MALADIES DU COEUR 309 ainsi que, dans l'état de repos physiologique, l'équi- “libre circulatoire s'établit et se maintient, utilisant “l'énergie cardiaque sans faligue pour l'organe. …._ Dans le mouvement et l'effort, les conditions de “la circulation se modifient sans que le cœur en soit “fâcheusement impressionné. La contraction mus- “culaire rythmée fait passer dans le muscle une “plus grande quantité de sang. Le fait est connu “depuis longtemps, mais Chauveau et Kauffmann “ont bien mis en relief la vaso-dilatation des vais- “seaux intra-musculaires, en rapport avec l’abais- sement de pression dans les artères afférentes. Dans ces condilions, les contractions du cœur devien- nent plus rapides, mais, comme l'obstacle à vaincre “au niveau des muscles en mouvement est moin- dre, puisque la pression vasculaire s’y trouve “abaissée, l'effort à accomplir par le cœur n’est pas “plus considérable et ne provoque aucune fatigue de l'organe. Aussi, c'est encore la circulation périphé- rique qui règle l'apport, suivantses propres besoins, sans que le cœur y participe d’une façon notable. Dans le mouvement musculaire généralisé, et surtout dans l'effort, les conditions habituelles de la circulation vont se trouver plus profondément atteintes. Quand la vaso-dilatation est généralisée, le cœur accélère en vain ses battements, et l’abaissement de la pression ne peut pas être indéfiniment évité. Les veines s’emplissent de sang et la stase finit par gagner les cavités droites du cœur, dont l'énergie musculaire a diminué sous l'influence de la fatigue. De même, l'effort soumet le cœur à des varia- tions rapides de pression. Tout d'abord, c’est le sang veineux qui s'accumule dans les vaisseaux du poumon et dans les cavités droites du cœur, puis, la stase cessant, le sang passe rapidement dans le cœur gauche, dont le ventricule est soumis à un surcroît de faligue, puisqu'il doit se contracter sur une quantité plus considérable de sang. A la limite donc des mouvements et de l'effort, les cavités du cœur témoigneront de la faligue de l'organe en se dilatant. Mais ces cas sont extrêmes, et, avant d'en arriver là, les ressources dont dis- pose le système cardio-vaseulaire sont telles que la circulation maintient son équilibre physiologique sans qu'un élat s'élablisse qui puisse être qualifié de pathologique. Ces ressources résident très spécialement dans la puissance d'adaptation du muscle cardiaque. Il faut d'abord considérer que le cœur n'utilise -pas d'ordinaire en entier la force dont il est capable. Dans les circonstances physiologiques habi- tuelles, il n'est pas à la limite de sonaction, et, comme Marey l'a montré, s'il y a obstacle, le cœur peut augmenter son effort jusqu'à un effort maximum. Si la force de résistance du cœur est mise plus avant à l'épreuve, celui-ci trouvera des ressources nou- velles dans des phénomènes biologiques nouveaux, l’un passif : la dilatation, l'autre actif : l’hyper- trophie. A l’élat normal, le cœur se dilale sous les moin- dres efforts, au point d'acquérir des dimensions tout à fait anormales. La radioscopie nous a permis de constaler ces changements rapides de volume, qui par leur soudaineté échappaient à la percussion. Mais la dilatalion, on le conçoit, n’est qu'un cor- rectif passager à la rupture de l'équilibre circula- loire intra-cardiaque. Elle ne ‘peut se prolonger sans fatigue pour l'organe, ni sans mettre à l'épreuve la résistance des fibres cardiaques, sur- tout si celles-ci présentent déjà quelque altération préalable. L'hypertrophie des parois des cavilés cardiaques permet à l’organe de développer une énergie plus considérable et d'augmenter sa puissance d'action en proportion de l'obstacle à vaincre. Si les mou- vements sont mélhodiquement gradués, ils provo- queront une augmentation du volume des muscles du corps et aussi du muscle cardiaque. C’est ce que l'on constate chez les gymnastes de profession. Cette hypertrcphie est habituellement modérée et disparaît lorsque l’on cesse les exercices gymnas- tiques. Dans d’autres circonstances, l'hypertrophie se lie plus intimement au phénomène de la dilatation. Les cavités cardiaques, distendues par l’arrivée d'une plus grande quantité de sang, comme cela se voit sous l'influence des efforts répétés et vio- lents, ne peuvent se vider que sous l'influence d'une contraction plus énergique de leurs parois, dont les fibres constitutives finiront bientôt par s'hypertrophier. Ainsi done, dilatation, hypertrophie sont des phénomènes physiologiques, capables de venir en aide d'une façon provisoire ou définilive au cœur soumis à un surcroit de travail. Mais ce ne sont que des ressources d’exceplion qui, à la longue, conduiraient à un élat pathologique. Qu'une infec- tion ou qu'une intoxication survienne, surprenant ainsi le cœur au maximum de son énergie vitale, et celte infection ou cette intoxication localiseront plus facilement leurs effets sur l'organe surmené ; c'est ce que nous voyons journellement en Clinique et ce que la Pathologie expérimentale a pu repro- duire. Cette courte incursion dans le domaine de la physiologie générale du cœur nous a permis d’'en- trevoir les procédés divers par lesquels l'organe peul, dans les limites les plus étendues de la vie normale, adapter son action à l'effort qu'il lui faut accomplir. Habituellement économe de sa force, gräce au 310 soutien que lui fournit le système vasculaire, il peut, quand les circonstances l’exigent, déployer sans fatigue une énergie bien supérieure à celle dont il est ordinairement capable, dilater momen- tanément ses cavités pour parer à une surcharge soudaine, ou hypertrophier ses parois pour vaincre des obstacles supérieurs à la force dont il dispose normalement A l'état pathologique, c'est encore à des res- sources du même ordre que le cœur fera tout d'abord appel pour lutter contre les conditions défavorables qui lui seront imposées. Mais examinons tout d'abord quelles sont ces conditions nouvelles que la maladie détermine. Les lésions du cœur, multiples dans leurs moda- lités anatomiques, déterminent des modifications profondes dans la physiologie générale de la cireu- lation, et auxquelles l'organisme doit remédier sous peine de déchéance. Ici encore, le cœur, le système arlériel, les circulations locales, uniront leurs efforts pour augmenter les ressources de défense en face de la lésion cardiaque. Qu'il s'agisse d'une lésion valvulaire, congéni- tale ou acquise, qu’il s'agisse d'une altération attei- gnant le myocarde ou le péricarde, la conséquence immédiate ou prochaine d'une pareille défectuosité consistera dans un surcroît de fatigue pour le cœur et une diminution dans le travail produit. Les lésions valvulaires ou les lésions congéni- tales consistent essentiellement dans des rétrécis- sements ou des insuffisances des orifices. S'il s’agit de rétrécissement, la masse sanguine à mouvoir restant égale, l'obstacle qui en résultera nécessitera, de la part du cœur ou des parties situées en amont de la lésion, une dépense plus considérable d'énergie, et, pour vaincre l'obstacle, les parois des cavités seront de ce fait soumises à un travail exagéré. S'il s'agit d'insuffisance valvulaire, l'onde san- guine projetée à chaque contraction valvulaire, divisée en deux courants par la défectuosité même de la valvule, parviendra diminuée dans le système périphérique; le travail actif du cœur sera donc amoindri. Mais ce n’est pas tout : si l'insuffisance siège sur les valvules auriculo-ventriculaires, les oreillettes sus-jacentes recevront pendant la sys- tole, el avec une vive énergie, une onde sanguine qui ne leur est pas destinée. Les oreillettes se dila- teront tout d'abord et s'hypertrophieront ensuite, et le surcroit de fatigue se propagera à tout le système circulatoire, périphérique ou pulmonaire situé en amont. L'effet aura beaucoup moins d’im- porlance s'il s’agit d'insuffisance des artères de la base du cœur. D' H. VAQUEZ — PHYSIOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUE DES MALADIES DU COEUR ou sur le myocarde, sclérose ou surcharge graiss seuse, il en résultera, à plus ou moins longue échéance, un affaiblissement de l'énergie cardiaque et une diminution dans le travail effectué. Insuffis sance de la circulation périphérique, tendance à læ dilatation cardiaque, telles seront les conséquences de l’altération des fibres myocardiques. La Clinique est d'accord avec la Physiologie pathologique géné rale pour nous montrer que c’est bien à ces consé= quences que sont dus les accidents constalés ax cours des myocardites chroniques ou des sym physes du péricarde. Mais, suivons plus loin encore les effets des lésions cardiaques multiples dont nous venons de spécifier l'importance patholo gique, relativement à l’action cardiaque elle-même La circulation périphérique est réglée par deux facteurs : le premier consiste dans l'impulsion par tie du cœur à chaque systole, le deuxième dans la puissance contractile du système artériel. Si la pre ou indirectement l'effet habituel des lésions car diaques, l'onde sanguine parviendra diminuée et avec une pression moindre dans le système circu: latoire artériel; par contre, la circulation veineuse, qui est réglée elle-même, et en partie tout au moins, par la vis a tergo et la force que le courant sanguin à acquise dans le cœur et les artères, per- dra le plus actif de ses auxiliaires. Le sang pro- gressera dans les veines avec moins de facilité eb d'énergie, et la circulation veineuse deviendra lan guissante. Ainsi donc, diminution de la pression artérielle, augmentation de la pression veineuse tels seront les effets logiques et nécessaires de 1 lésion cardiaque. Mais à ces accidents d'ordre mécanique s’en ajoutent bientôt d'autres, ayant de plus graves conséquences encore pour le bon fonctionnement des tissus et des organes. L'apport insuffisant de sang artériel, la stase trop prolongée du sang veineux, auront comme effets une oxygénation insuffisante des éléments constitutifs de l'orga- nisme et une dépuration imparfaite. Nous savons combien dans ces conditions sont faciles les auto=M intoxications ou les intoxications exogènes. C'est ainsi que l’on voit le foie s'altérer par l’action des" combustions imparfaites dont ses éléments sont IG siège, et qu'il devient inapte à lutter contre l'effet toxique des poisons qui lui arrivent de toute part par l'intermédiaire de la veine porte. Les autres organes subissent des altérations analogues, et il n'en est pour ainsi dire aucun où l'on ne puisse voir des altéralions d'ordres divers, déchéance des éléments nobles, production de lissus de sclérose, suivre de près les troubles circulatoires dont nous. avons parlé. D: H. VAQUEZ — PHYSIOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUE DES MALADIES DU COŒUR 314 Il est inutile de joindre à ces accidents les effets multiples, d'ordre nerveux pour la plupart, qui accompagnent à certains moments les lésions car- diaques et qui en sont comme des épiphénomènes nécessaires : troubles réflexes d'origine périphé- rique ou viscérale, spasmes multiples venant d'une facon imprévue, mais toujours fâcheuse, compli- quer une silualion déjà si profondément mena- cante, etc. En résumé donc, si l'on ne considère que la dynamique cardio-vasculaire,{l'effet d'une lésion de Bo consistera essentiellement dans une diminu- : lion du travail actif produit et dans une exagération «de l'effort cardiaque; comme corollaire néces- saire, il en résullera un affaiblissement de la pres- «sion artérielle et un ralentissement de la circula- tion veineuse. — Si l’on considère l'activité vitale «des tissus et des organes, on verra que, diminuée «par l'effet des condilions défectueuses dont nous “avons parlé, elle deviendra inapte à résister aux causes mulliples d’altération qui menacent ces “tissus et ces organes. — Les troubles complexes, mécaniques et vitaux, « qui résultent nécessairement des diverses maladies « du cœur, ne permettraient pas une longue survie - au sujet qui en est porteur si l'organisme n'avait . pas à sa disposition d'extraordinaires ressources. DRE Se. de nd in dis ts 5m é IT La résistance aux effels des lésions cardiaques s'effectue par le commun accord du cœur, de la circulation et de l'organisme tout entier. C'est presque exclusivement aux troubles méca- “niques de la circulation que le cœur s'efforce de remédier. Nous avons dit qu'à l’état physiologique le cœur n'utilise pas toute l'énergie qu'il est capa- ble de produire. À l’état pathologique, dans le cas où un obstacle siège sur un point quelconque de la “ circulation, il n'en sera plus de même. Si l'obstacle ; siège en a val du cœur, c’est tout le segment situé “en amont qui s'emploiera énergiquement à en atté- nuer les effets; si l'obstacle siège sur un orifice, artériel ou auriculo-ventriculaire, ce sera le ventri- cule ou l'oreillette situés en arrière qui lutteront contre l'obstacle. Tout d’abord, l'augmentation d'énergie déve- loppée par le cœur ne s’accompagnera pas d'une modification notable dans le volume de l'organe, surtout s'il s'agit des ventricules. C’est ainsi que les lésions aortiques ne déterminent pas tout de suite d'hypertrophie du ventricule gauche. Mais les choses ne peuvent rester en l'état, ei nous & allons voir bientôt le cœur user, pour lutter contre V : o - ; L les conditions fâcheuses qui résultent de l'état pathologique, des ressources dont, à l’état physio- HE H logique, il ne fait qu'un exceptionnel emploi. C'est tout d’abord l'hypertrophie. Celle-ci se développe progressivement, passivement, au niveau des parois des cavités situées en arrière de l'obstacle dont il faut triompher. S'agit-il d'un rélrécisse- ment de l’orifice aorlique, le ventricule gauche se développe au point de doubler son épaisseur nor- male; s'agit-il d'un rétrécissement de l'orifice mitral, l'hypertrophie affecte presque exclusive- ment les parois de l'oreillette gauche, mais sans pouvoir atteindre la même importance. S'il s'agit de lésions d'insuffisance, l'hypertrophie ne s'en produira pas moins, tout en reconnaissant dans certains cas une raison d’être un peu spéciale. Il n'est pas douteux que dans nombre de cas l'hypertrophie soit capable d'annihiier ou de mas- quer l'effet de lésions cardiaques encore bénignes. C'est ainsi que le rétrécissement aortique reste pendant fort longtemps une affection peu redou- table, grâce à l'augmentation d'épaisseur du ven- tricule gauche. Mais il ne peut en être toujours ainsi. Il y a à cela deux raisons. La première est que l'hyperplasie des fibres musculaires ne peut pas être indéfinie, la deuxième qu'elle ne peut s'effectuer que si ces fibres sont assurées d’une nutrition parfaite. Or, dans la grosse majorité des cas, l'effet des lésions du cœur retenlit d'une façon ächeuse sur le myocarde. Quoi qu'il en soit, on a donné à de telles hyper- trophies le nom de providentielles, et, frappé des bons effets qu'elles déterminaient relativement à l'équilibre circulaloire, on a pensé qu'en elles seules résidait le secret de la guérison des affec- tions cardiaques ou de leur plus longue curabilité. La production de ces hypertrophies n’a rien de mystérieux, ni de providentiel. Elle s'effectue nécessairement en arrière d’un obstacle à sur- monter; tout autre musele de l’économie ferait de même dans des conditions analogues ; mais il faut savoir qu'elle ne renferme pas en elle seule la raison d'être de la longue survie des cardia- ques. Bien d’autres ressources doivent être employées. Parmi ces dernières nous trouvons encore la dilatation des cavités cardiaques, phénomène phy- siologique, comme nous l'avons vu, mais qui, apparaissant plus fréquemment et à un plus haut degré dans les cas pathologiques, peut permettre au cœur d'échapper momentanément aux effels nuisibles d'une surcharge sanguine inopinée. Lorsque la dilatation se répète trop fréquemment ou lorsqu'elle s'exagère, elle indique que la stase devient menacante et que la résistance des parois cardiaques va bientôt fléchir. N'est-ce pas elle qui nous indique, dans le cours des processus aigus atteignant le myocarde, que celui-ci est gravement 312 compromis? n'est-ce pas elle aussi qui, à la période avancée des lésions valvulaires, nous avertit que la fatigue cardiaque est imminente ? Mise en œuvre de la force en réserve, travail lent et progressif d'hypertrophie, dilatation passa- gère ou durable, tels sont les procédés dont peut user le cœur pour surmonter les conditions défec- tueuses qui résultent des différentes lésions dont il est le siège. Ceux-ci n'ont rien de mystérieux, ils sont d'ordre physiologique, el le cœur, dans les états pathologiques, ne fait que les adapter aux troubles dont la circulation est menacée. Mais ce serait une étroite conception de la phy- siologie pathologique des affections cardiaques que de mesurer le dommage causé à l'équilibre circulatoire par la plus ou moins grande résis- tance offerte par le cœur aux accidents. C'est cependant d'une pareille conception que résulte la notion de la « compensation » ou de la « non- compensation » des maladies du cœur. Elle sup- pose que c'est du cœur seul que l'on doit altendre la sauvegarde de l'organisme, qu'à lui seul est dévolu le soin de remédier aux troubles qui le menacent. C'est, pour rendre compte de phéno- mènes palhologiques, laisser trop complètement à l'écart les données les plus certaines de la Phy- siologie. Celle-ci nous enseigne qu'à l’état de santé l'é- quilibre cireulatoire n'est obtenu que par le com- mun accord de l’organe central et des systèmes vasculaires périphériques; que la régularisation de la circulation dans les Lissus et les organes se fait gràce à l'harmonieuse répartition des domaines artériel et capillaire et que les organes eux - mêmes ont une aplilude spéciale à régler leur circulation individuelle d’après leurs besoins permanents ou momentanés. N'en serait-il plus ainsi à l’état pathologique ? Bien au contraire, et la Clinique est là pour nous l’apprendre. C’est en partant de ces données que le Profes- seur Potain, abandonnant la conceplion si étroite de la compensation des affections du cœur par le cœur seul, lui a substitué la notion de « l’adapta- tion », qui comprend d'une façon si complète des efforts faits par le cœur pour régler son travail et sa puissance contractile sur la besogne à accomplir, et de ceux accom- plis par l'organisme tout enlier pour limiter ses besoins aux ressources que la circulalion peut lui l’ensemble fournir. Si l'on prend comme exemple ce qui se passe dans le rétrécissement mitral, n'est-il pas évident que la tolérance ne résulle pas exclusivement de l'hypertrophie plus ou moins considérable qu'aura acquise l'oreillette gauche, si variable d’ailleurs, mais aussi de l'adaptation progressive des organes D' H. VAQUEZ — PHYSIOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUE DES MALADIES DU COEUR à la diminution fonctionnelle de l'activité rl toire? Aussi, lorsque le sujet ainsi atteint est dans les conditions d'existence normale, il ne résulioll guère d'accidents fâcheux, pendant longtemps tout au moins, de la lésion cardiaque. Mais qu'il survienne une cause quelconque de fatigue, de suractivité fonctionnelle pour un organe, et l'on verra de suite cet organe, et cet organe seul, faillir à sa tâche. C'est encore ce que le Professeur Potain a parfaitement expliqué avec la notion de la miopragie (wetov, moindre; mocëk, fonclion). La miopragie caractérise l'état de fonctionnement restreint dans lequel se trouvent les organes, au cours de la plupart des affections cardiaques et de certaines en particulier, comme le rétrécisse- ment mitral. Ces organes parfaitement aptes à leur rôle, quand il ne leur est rien demandé qui soit supérieur à leurs ressources ainsi restreinles, deviennent soudainement incapables de subvenir aux frais d’une exigence fonctionnelle plus grande. Les limites de leur activité sont pour ainsi rappro-« chées et la défaillance suit de près la demande d’un surcroît de besogne de leur part. Et cela se mani-« feste de bien des façons diverses. Prenons - en quelques exemples. È Chez les sujets atteints de rétrécissement mitral, ( la respiration semble souvent physiologiquement F normale, pour les besoins habituels de l'exis- tence. Mais qu'une marche un peu précipitéen soit nécessaire, et de suite la soif d’air, l'état de fatigue pulmonaire se manifesteront. Est-ce a dire que le cœur soit subitement devenu insuf-« fisant à sa tâche? Nullement, et c'est seulement parce que le poumon, dont l'activité est fonc-. tionnellement diminuée, ne peut adapter son effort aux besoins nouveaux de l'organisme, que les accidents apparaissent, La dyspnée d'effort, sim habituelle aux cardiaques, est donc la meilleure preuve de l’état de miopragie dans lequel se lrou- vent les organes. Chez ces mêmes sujets on voit souvent une simple indigestion, une intoxication alimentaire déterminer des phénomènes de congestion hépa- tique avec ébauche des accidents de l'asystolie. C'est qu'ici encore la fonction antlitoxique habi- tuelle du foie, restreinte par le fait de la maladie, n'a pu se hausser aux nécessités d'un accident intercurrent, qui, chez tout autre sujet et dans toute autre condition, n'aurait été suivi d'aucune manifestalion pathologique. $ L'apparition inopinée de graves accidents chez les femmes cardiaques au cours de la grossesse n'est-elle pas une preuve encore plus convaincante de la miopragie? Il ne s'agit plus ici d'un état pathologique intercurrent, mais de conditions physiologiques un peu spéciales, mettant en jeu Aa re FF D: H. VAQUEZ — PHYSIOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUE DES MALADIES DU COŒUR la suractivité fonctionnelle des organes. Cette suraclivité intéresse surtout le domaine de l’ap- pareil respiraloire, et c'est justement du côté de celui-ci que les accidents d'intolérance se mani- festent dans le cours des symptômes graves dont nous parlons. Cette notion de la miopragie peut s'étendre à des conditions pathologiques très diverses, mais, appliquée à la physiologie des maladies du cœur, elle en explique merveilleusement les modalités diverses. Elle rend compte d'une façon saisissante de ces asystolies localisées ou partielles que les auteurs ont {rès bien décrites au point de vue dela Clinique. Elle nous explique qu'au cours d'une affection cardiaque univoque on puisse voir appa- raitre des accidents hépaliques ou pulmonaires sans retentissement marqué, au début tout au moins, sur le reste de l'organisme, alors que, sui- vant la conceplion ancienne, la compensation de la lésion semble encore parfaite. L'adaptation fonctionnelle des divers organes, dépendant de leur état physiologique antérieur et de conditions spéciales pouvant les affecter isolément et person- nellement, n’est done pas équivalente pour chacun d'eux, etc'est justement ce qui fait la variabilité exlrème des accidents au cours d’une lésion car- diaque, qui parait anatomiquement semblable chez la plupart des sujets qui en sont porteurs. Eu résumé donc, les ressources que l'organisme tient en réserve pour annihiler ou tempérer les effets des affections du cœur sont de deux ordres : les unes, mécaniques et aveugles, pour ainsi dire, siègent dans le cœur lui-même. Elles résident dans la facullé que possède cet organe d'augmenter sa puissance contractile, d'hypertrophier ses parois en raison de l'obstacle qu'il doit vaincre, et de se dilater momentanément pour parer aux accidents - pressants de la stase veineuse. La dilatation du cœur droit, avec l'insuffisance de la tricuspide qui en résulte, est la dernière manifestation de cette faculté; c'est par là la dernière sauvegarde, trop vite impuissante aussi, contre la rupture définitive de l'équilibre circulatoire. Les ressources du deuxième ordre résident dans le système vasculaire périphérique, dans les cir- culations locales et organiques et dans la faculté que les organes présentent d'adapter leurs besoins aux conditions nouvelles résultant de l'affection cardiaque. Cette aptitude d'adaptation, essentielle- ment physiologique aussi, n'est pas créée de toutes pièces pour combattre les effets des trou- bles pathologiques; elle est simplement dirigée dans une voie nouvelle, au mieux de la défense de l'organisme. Ainsi donc, la résistance aux dangers qui résul- tent des maladies du cœur ne met en jeu, aussi REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899, 313 bien pour le cœur que pour les autres organes, que les physiologiques habituelles, Rien de nouveau n'apparait qui ne soit connu déjà, mais out alors nous fait voir et met en relief les merveilleuses ressources de l'aptitude fonction- nelle de l'organisme, que l'état pathologique développe et rend manifestes. conditions III La thérapeutique des affections cardiaques doit s'inspirer de la physiologie normale et pathologique de l'organe, ainsi que des enseigne- ments de la Clinique. Celle-ci nous apprend que la plupart des maladies infectieuses et certaines plus spécialement, peuvent n'atteindre que le cœur, et que des conditions défectueuses en Hygiène peuvent également provoquer l'éclosion de lésions cardiaques de natures spéciales. Elle nous apprend aussi que ces lésions, difficiles à diagnostiquer à leur apparition, sont souvent évitables avec un soin attentif et des précautions minulieuses, et que, capables de rétrocéder quand on intervient utilement au moment où elles se manifestent, elles sont au contraire tenaces et indestructibles quand elles sont définitivement conslituées. Aussi tous nos efforts doivent-ils tendre à prévenir les affec- tions cardiaques, au cours des maladies où elles peuvent apparaître, à lulter résolument contre elles dès le moment de leur production, et, plus tard, quand elles sont devenues chroniques, à s'opposer à leur aggravation définitive. Pour prévenir l’éclosion des maladies du cœur, il faut connaître exactement les affections qui peu- vent leur donner naissance, et savoir que, nées au cours de ces dernières, elles évoluent lentement, insidieusement, et ne sont définilivement consti- tuées que lorsque la maladie primilive parait elle- même guérie. Dès ce moment donc le traitement des affections cardiaques repose sur un diagnostic rigoureux. Dans le cours du rhumatisme, par exemple, les prescriptions habituelles d'Hygiène et de Thérapeu- tique devront ètre spécialement sévères lorsque l’on aura des raisons de craindre une extension de la maladie vers le cœur ou d'en reconnaitre les premières atteintes. On ne devra laisser le malade libre de toute surveillance médicale qu'après la disparition complète de tous les signes patholo- giques. La recommandation n’est pas superflue, tant la connaissance de ces signes est délicate, leur apparition et ieur disparition insidieuses. Nous n'insistons pas sur les règles à suivre à ce sujet, devant les exposer plus complètement dans d’au- tres travaux. A l'âge adulte, c'est par l'observation raisonnée g* 314 D' H. VAQUEZ — PHYSIOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUE DES MALADIES DU COEUR des lois de l'Hygiène que l'on pourra prévenir ou retarder l'apparition de certaines affeclions car- diaques ou myocardiques qui, souvent, débutent à ce moment. La sclérose cardiaque, la surcharge graisseuse du cœur dépendent très souvent de condilions défectueuses, comme une alimentation vicieuse, une sédentarité excessive, que l’on pourra facilement combattre par une diététique appro- priée el un entrainement méthodiquement dirigé. Lorsque la lésion cardiaque, endocardique ou myocardique, s'est définitivement constituée, c'est à en combattre les fâcheux effets qu'il faudra mettre tous ses soins. C’est alors que le problème présente les plus grandes difficultés, la conduite à tenir devant naturellement varier avec les moda- lités cliniques et les phases de la maladie. Il faut savoir tout d’abord que, parmi les affec- tions cardiaques, certaines sont capables de rétrocé- der, tandis que d’autres, une fois constituées, sont anatomiquement incurables. La sclérose cardiaque et surtout la surcharge graisseuse du cœur sont capables de s'atténuer et de disparaitre, la seconde surtout, sous l'influence du traitement. I] n’en est pas de même des lésions valvulaires, et, quoiqu'on ait prétendu le contraire, quoique exceplionnelle- ment certaines aient pu rétrocéder complètement, dans l'immense majorité des cas, les déformations qui les constituent restent indélébiles. La Chirurgie, si puissante par ailleurs, n'a pas encore étendu son action jusqu'à la curabilité des lésions cardiaques, bien que, selon nous, celles-ci ne doivent pas con- stituer un domaine à jamais intangible. La thérapeutique des affections chroniques orga- niques du cœur a passé par plusieurs phases diffé- rentes. Tout d'abord, avec Sénac, on leur appliqua la médicalion proposée par Valsalva pour le (rai- tement des affections vasculaires. Frappé de voir cerlains des plus graves symptômes disparaitre sous l'influence du repos et d'une alimentalion réduite, on traita préventivement et systématique- ment toutes les affections cardiaques par la sai- gnée, les purgatifs et l’immobilisation. Au com- mencement du siècle, certains auteurs, comme Stokes, avaient bien tenté de réagir contre celte méthode irralionnelle et déprimante. Mais on était à ce moment trop occupé de fixer la sémiologie des affections du cœur pour disculer longuement Ja thérapeulique qui leur était applicable. Plus tard, quand, grâce aux travaux de Laënnec, de Bouiilaud, le tableau clinique des maladies du cœur fut dessiné à traits plus exacts, on s'appliqua à étudier plus attentivement le traitement qu'elles réclament. Mais, à celte époque, la discussion portait presque exclusivement sur l'action etl'opportunité des médi- caments cardiaques. La médication était purement symptomatique, et c'est alors que l'on apprit à con- naître les merveilleux effets de la digitale et de l'alimentation lactée dans la cure des accidents résultant des maladies du cœur. Depuis quelques années, le traitement dit systé- matique des affections cardiaques a été remis en honneur, et, non content d'affirmer que le repos leur était presque toujours nuisible, on a prétendu que l'exercice convenablement dirigé pouvait cons- tituer une méthode thérapeutique propre à retarder presque indéfiniment les accidents. Ces prescrip-. lions sont-elles rationnelles, s’accordent-elles avec les données que nous ont fournies la physiologie et la pathologie générales des affections ‘cardiaques, c'est ce que nous allons tenter de déterminer. Comme nous l'avons vu, dans la lulte contre les troubles divers qui résultent des affections car- diaques, l'organisme n’use pour sa défense que des ressources que la Physiologie normale met à sa disposition. La Pathologie en ce sens ne crée rien. Toute Thérapeutique rationnelle doit également s'appuyer sur ces données, par les règles de l'Hy- giène tant que l'équilibre circulatoire est maintenu, par elles encore et par les agents que la matière médicale met à notre disposition, quand les trou- bles commencent à apparaître. Dans la période d'adaptation des lésions valvu- laires du cœur, le repos ou la restriction trop abso- lue des mouvements n'est pas nécessaire. Ils peuvent même être nuisibles. Contrairement à ce que l'on a dit, le repos n'empêche pas le cœur de s’hyper- trophier dans les limites où il le doit faire. Chez des sujets alités depuis longtemps, les lésions aortiques déterminent l'augmentation d'épaisseur des parois ventriculaires, comme chez ceux qui sont soumis au mouvement. Mais, souvent, cette hypertrophie coïncide avec un certain degré de surcharge grais- seuse, si fréquente dans le cours des lésions car- diaques et qui nuit manifestement à l'énergie du myocarde. Il peut résulter de ce fait des conditions défavorables dans la nutrition du musele cardiaque et dans le soutien que l'organisme attend de lui pour résister à l'effet des maladies du cœur. D'autre part, le repos exagéré diminue l’activité des tissus, restreint les fonctions des organes, et, en réduisant les échanges, ne permet pas aux déchets organiques d'être résorbés dans les condi- tions normales. Il résulte de ce fait des intoxica- tions multiples, la production exagérée de graisse, en un mot, des modifications profondes dans la vitalité des tissus et des organes. Cela favorise au plus haut point l'apparition des altérations si fré- quentesau cours desaffections cardiaques, en même temps que les circulations locales ne fournissent plus à l'appareil circulatoire l’aide qu'elles doivent physiologiquement lui apporter. | La 4 | : { l'un, 13 MA Pr rat À ET D' H. VAQUEZ — PHYSIOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUE DES MALADIES DU COEUR 315 L'exercice et le mouvement, au contraire, pourvu qu'ils soient raisonnablement pratiqués, ne sont pas en contradiction avec les données de la physio- logie pathologique des affections cardiaques et peuvent, dans nombre de cas, devenir le précieux auxiliaire de l'organisme dans sa résistance contre ces affections. Est-ce, comme cerlains auteurs l'ont admis, en favorisant l'hypertrophie cardiaque, est- ce en diminuant la résistance dans la circulation périphérique? Nous ne le pensons pas. Comme nous l'avons dit, l'hypertrophie cardiaque, au cours des affections valvulaires, se produit en dehors de l'exercice et du mouvement; d'autre part, l'exer- cice et le mouvement, s'ils ne sont pas bien dirigés, peuvent délerminer des troubles circulatoires aussi graves que ceux qu'ils voudraient combattre. Le secret de leur efficacité est dans tout autre chose. Il est dans l'harmonie qu'ils maintiennent entre les divers organes et l'équilibre général de la santé; il est aussi dans l’entraînement progressif qui permet de reculer pour l'organisme les limites de l’adap- talion à l'affection cardiaque. Tel sujet qu'un trop long repos aura rendu inapte aux mouvements un peu actifs et chez lequel l’essoufflement apparaitra au moindre effort, verra, sous l'influence d’exer- cices sagement gradués, la respiration devenir plus ample et les mouvements musculaires plus faciles. Toutes ces conditions assureront également une nutrition plus normale du myocarde, ce qui ne peut être qu'avantageux pour le rôle que cet organe a à remplir. C'est en ce sens que les présomptions d'OErtel sont judicieuses et peuvent être appliquées sans danger aux affections cardiaques. Mais autant, dans les limites que nous venons de tracer, l'exercice peut convenir à la plupart des affections cardiaques, alors que les symptômes d'intolérance n'ont pas apparu, autant il serait nui- sible dans les cas où le malade en userait immodé- rément, comme dans les cas où l'affection cardiaque aurait déjà déterminé des troubles sérieux. Nous savons en effet, que, si les mouvements limités peuvent s'exercer sans fatigue cardiaque, au contraire, les mouvements généralisés ou vio- lents surmènent le cœur et provoquent la dila- tation de ses cavités. Nous avons étudié le méca- nisme de celte dilatation et nous savons qu'elle se produit avec une facilité d’aulant plus grande que le cœur est plus affecté. Il devra donc y avoir dans les prescriptions à faire pour chaque cas des degrés différents, établis d’après la connaissance exacte de la lésion, la résistance du sujet et la façon dont son cœur réagil. C'est au nom de ces considérations essentielle- ment physiologiques et cliniques que, si nous tenons pour bonne l'application des exercices mus- culaires dans le traitement des affections car- diaques, nous réprouvons leur emploi systéma- tique et aveugle. Les affections cardiaques ne doivent pas, comme on le dit à tort, être traitées par le mouvement, mais le mouvement peut être avantageusement conseillé au cours des affections cardiaques. La différence de conception est consi- dérable. Elle réside pour nous dans ce fait que par- tisan d’un entrainement progressif et mélhodique par un aide prudent et habile sous la surveillance d'un médecin, convaincu que les exercices doivent consister d'abord en mouvements passifs avant d'en arriver aux mouvements aclifs, nous nous opposons à toute méthode syslématisée et inflexi- ble, surtout si elle supprime l’aide qui doit la sur- veiller. C'est pour cela que la Mécanothérapie, telle que l’a imaginée Zander, malgré la limitation plus mathématique de l'effort qu’elle parait appor- ter, nous parait inférieure à la gymnastique dite de résistance faite par un aide. En effet, les signes qui indiquent que les exercices doivent être inter- rompus, et qui sont l’essoufflement, la tachycardie et la dilatation cardiaque, ne sauraient ètre inter- prétés que par un aide avisé, non étranger à l'ob- servation médicale. Dans ceslimites donc, les exercices, les pratiques de la gymnastique, non de la gymnastique fran- çaise, qui, peu profitable à l'état de santé, peut être nuisible à l’état de maladie, mais de la gym- nastique de résistance, sont applicables au traite- ment des affections cardiaques à l’époque d’adap- tation, pourvu que les exercices soient réglés pour chaque sujet et dirigés avec intelligence. Nous n'avons eu ici en vue que les cas où il s'agissait d'affection valvulaire du cœur. Lorsque l'on a affaire aux autres affections myocardiques, sclérose cardiaque et surtout surcharge graisseuse du cœur, les prescriptions à ce sujet peuvent être modifiées. La pratique des exercices passifs, puis des exercices actifs, peut être encore conseillée avec l’adjonction d'un régime alimentaire spécial. lei, encore, il ne faut prendre de décision qu'après examen approfondi et surveiller les effets de l’en- trainement musculaire que l’on aura prescrit. Lorsque les affections cardiaques, quelles qu’elles soient, se seront compliquées de troubles mettant en danger l'équilibre circulatoire, les exercices et le mouvement devront faire place au repos et au traitement rationnel par les médicaments usuels. Nous n'insisterons pas longuement sur leur mode d'action ; nous dirons seulement qu'ils ont habi- tuellement pour effet de déterminer une élévation de la tension artérielle, en augmentant l'énergie cardiaque, et de soulager la circulation veineuse en provoquant une diurèse plus ou moins abon- dante. Ici, encore, l’action thérapeutique n'invente 316 rien et ne fait qu'adapter au danger à combatire les moyens que la Physiologie met à la disposition de l'organisme. Mais, lorsque les accidents auront été conjurés, il sera bon de ne rendre au sujet atteint la liberté de ses mouvements qu'après lui avoir fait subir un entrainement progressif, gradué avec une pru- dence qui peut paraitre excessive, mais que néces- site l'importance du service à rendre. C'est de cette façon, et en tenant toujours compte G. BIGOURDAN — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE des enseignements de la physiologie normale et pathologique du système circulatoire, que l’on pourra; par les ressources combinées de l'Hygiène et de la Thérapeutique, restreindre le nombre des affections cardiaques, en diminuer la gravité et reculer d'une façon toujours très appréciable le terme de leur fatale échéance. D' H. Vaquez, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, Médecin des Hôpitaux. REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE I. — La PLANÈTE Eros. Un des principaux événements astronomiques de l'année 1898 a été la découverte d'une petite planète située entre la Terre et Mars. Elle fut pho- tographiée en même temps, le 13 août 1898, par M. Charlois à Nice, et par M. Witt à Berlin; mais, celui-ci annonça le premier sa découverte, et la priorité ne lui a pas été disputée. Cette planète, désignée provisoirement par la notation DQ, a le n° 433 du groupe des petites pla- nètes, et elle a été appelée Zros. Pour montrer l'importance de cette découverte, il ne sera pas inutile de remonter un peu haut. Les anciens astronomes, Képler notamment, avaient remarqué une progression régulière entre les distances des diverses planètes au Soleil. Cette progression, bien connue aujourd'hui sous le nom de Loi de Titius ou de loi de Bode, indique, entre Mars et Jupiter, un espace vide où aurait dû se trouver une planète. À la fin du siècle dernier, l'existence de cet astre paraissait assez probable pour amener quelques astronomes à se partager le Ciel, en vue d’une recherche systématique. Cette associalion était à peine établie lorsque, le 1°" janvier 1801, c'est-à-dire le premier jour de notre siècle, Piazzi découvrit à Palerme un petit astre errant qui fut pris d’abord pour une comète, malgré son aspect bien stellaire. La suite montra que c'élait réellement une planète occupant, entre Mars et Jupiter, la place de l’astre deviné par Képler. Elle fut appelée Cérès. De 1802 à 1807, on découvrit successivement Pal- las, Junon et Vesta, regardées quelque temps, avec Cérès, comme les fragments d'une grosse planète détruite par un cataclysme inconnu. Après un intervalle de treale huit ans, Astrée fut découverte en 1845. Dès ce moment s'organise, de divers côtés, la recherche systématique de ces astres; et, la pholographie aidant à partir de 1891, on connait aujourd'hui 450 de ces petites planètes, appelées aussi A stéroides. Tous ces pelits corps circulent entre les orbites de Mars et de Jupiler. Aussi, la surprise des astro- nomes fut extrème quand, au mois d'août dernier, on apprit la découverte d'un astéroïde situé, non plus entre Mars et Jupiter, mais entre la Terre et Mars. Voici d’abord quelques éléments de l'orbite d'Eros : Inclinaison de l'orbite sur l'écliptique . 400,50! Durée de révolution d'Eros . 643 jours Distance moyenne au Soleil. . . . . . 1.458 Excentricité de l'orbite 0,223 La figure 1 montre les positions relatives des orbites de la Terre, de Mars et d’Eros, avec le Soleil au centre : les orbites de la Terre et de Mars sont représentées par des circonférences concentriques, mais l'orbite d'Eros est représentée par uneellipse, et on peut voir que l'influence de son excentricilé est très notable. A l'époque de la découverte, en août dernier, la Terre était en À et Eros en A’: la grandeur stellaire de celle-ci était 11. Lors de la prochaine opposition, en novem- bre 1900, les positions relatives de la Terre et d’Eros seront B et B'; la distance d'Eros sera nota- blement plus faible qu'en 1898 et son éclat sera celui d'une étoile de grandeur 9,5 environ. Enfin, lorsque la Terre et Eros se trouveront simultanément, la première en C et la seconde en C/, la distance d'Eros sera les _ de la distance de la Terre au Soleil, et cette planète sera de la 6° à la 7° grandeur, visible par conséquent dans la plus petite lunette. Mais, s'est-on demandé aussitôt, comment se ! Celte étude sera suivie prochainement d'un Ouvrage que l'auteur publie sur ce même sujet à la librairie G. Masson et Cie. fr G. BIGOURDAN — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE fait-il qu'un astre qui peut devenir visible à l'œil nu, ou qui tout au moins peut être aperçu avec la moindre lunette, ait échappé jusqu'ici à Loutes les recherches ? Certes, cela est assez surprenant; toutefois, il faut noter qu'Eros ne devient si brillante qu’à de rares intervalles, que les recherches assidues de petites planètes n'ont commencé qu'en 1850 et qu'elles ont porté surtout sur la région écliptique, dont Eros peut s'éloigner considérablement. En raison de la grande variation de sa distance à la Terre, Eros permettra de résoudre diverses questions importantes de photométrie astrono- mique; mais, c'est surtout en permeltant de mieux Fig. 1. — Position relative des orbites de la Terre, de Mars el de la nouvelle planète Eros. — La partie pointillée de l'orbitre d'Eros est celle qui se trouve dans l'hémisphère austral par rapport à l'écliptique. A, A', positions rela- tives de la terre (A) et d'Eros (A!) lors de la découverte d'Eros, le 13 août 1898. B, B', positions relalives de la lerre (B) et d'Eros (B') lors de la prochaine opposition, le 6 novembre 1900. C, C' positions relatives de la Terre (C et d'Eros (C!) lorsque leur distance sera la plus faible, déterminer la parallaxe solaire, que sa découverte contribuera aux progrès de l’Astronomie. II. — PARALLAXE SOLAIRE. Un des travaux les plus remarquables publiés en 1898, est celui dans lequel M. Gill, directeur de l'Observatoire du Cap de Bonne-Espérance, a fait connaitre le résultat de ses observations faites pour déterminer la parallaxe solaire, autrement dit la distance de la Terre au Soleil. Théoriquement, pour déterminer cette distance, on pourrait prendre à la surface de la Terre une très grande base et procéder comme dans le problème bien connu de la mesure de la distance d’un point inaccessible. Mais cette méthode, la seule applica- ble pour la Lune, ne donne pas de résultat précis pour le Soleil, à cause de diverses difficultés prati- ques, telles que l'impossibilité de viser le centre du 317 Soleil, etc. Et on est obligé d'avoir recours à un procédé détourné, qui consiste à déterminer la dis- tance d'une planète convenablement placée, aussi rapprochée de la Terre que possible, et de conclure de cette distance celle du Soleil, en se basant sur la troisième loi de Képler. En vertu de cette loi, si l'on appelle £ et ('les temps que mettent deux planètes quelconques à faire leur évolution autour du Soleil, a et a’ les distances moyennes de ces mêmes planètes au Soleil, ces quatre quantités satisfont à la relation : CNT GE TE Or, on observe les grosses planètes depuis plus de deux mille ans, de sorte que t et L’, durées de révolution, sont connues avec beaucoup de préci- sion; si donc la dislance a de l’une d'elles au Soleil est mesurée d’une manière quelconque, la distance a' de l’autre s'en déduira immédiatement. C'est ainsi que de la distance d’une planète quelconque au Soleil, on pourra déduire les distances de toutes les autres et en particulier la distance de la Terre au Soleil. Les planètes les plus favorablement placées pour la mésure immédiate de leur distance sont celles qui se rapprochent le plus de la Terre : c’est pour celte raison que l’on choisit ordinairement Vénus ou Mars. Mais pour Vénus, il faut attendre qu'elle passe devant le Soleil, ce qui n'arrive pas, en moyenne, deux fois par siècle !; en outre, il faut se transpor- ter, au prix de beaucoup de fatigues et de dépenses, aux points convenables de la surface de la Terre. Mars offre l'inconvénient de présenter un disque sensible, qui ne se pointe pas aussi bien qu'une étoile. Et on a été amené ainsi à préférer les peti- tes planètes, particulièrement celles qui deviennent les plus brillantes et celles qui se rapprochent le plus de la Terre. C'est la méthode qui a été adoptée par M. Gill, dans le grand travail que nous avons déjà men- lionné, et qui forme deux gros volumes in-4°. Les observations ont porté principalement sur les pla- nèêles Vicloria et Sapho, qui occupent le 19° et le 80° rang sur la liste des petites planètes. Leur distance à la Terre peut descendre à 0,8 (loujours en pre- nant pour unité la distance de la Terre au Soleil), et, par leur moyer, M. Gill a trouvé finalement, pour la parallaxe solaire, 8/",802, ce qui donne, pour la distance moyenne de la Terre au Sole11,23.434rayons terrestres, ou 1449.465.000 kilomètres. Comme bien on pense, toutes ces planètes seront ! Les derniers passages ont eu lieu en 1874 et en 1882; le prochain ne se produira qu'au ccmmencement du xxi° siècle, en l'an 2004. 318 G. BIGOURDAN — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE désormais abandonnées au profit d'Eros, dont la distance à la Terre peut devenir cinq à six fois plus petite, de sorte que sa parallaxe pourra attein- dre 60’ (une minute entière), tandis que celles de Victoria et de Sapho atteignent à peine 10/’. Aussi se prépare-t-on déjà pour la prochaine opposition de novembre 1900 : non seulement on a déjà perfectionné l'orbite d'Eros au moyen des observations tirées de photographies prises en 1893-94, mais on calcule déjà ses perturbations. La parallaxe d'une petite planète peut se déter- miner par plusieurs méthodes; mais il faut toujours rapporter cet astre aux étoiles voisines, ce qui ne peut guère se faire qu'au moyen d'instruments extra-méridiens, équaloriaux ou héliomètres. En raison de leur plus grande puissance optique, les équatoriaux peuvent donner plus de précision que les héliomètres, la planète est très voisine d’une étoile assez brillante ; mais ce cas est rare, et, pour celte raison, l'héliomètre est généralement préférable. Malheureusement, il n'existe pas en France un seul instrument de ce genre, quoiqu'il soit d'invention francaise (Bouguer). À aucun mo- ment il ne s'est donc présenté une meilleure occa- sion pour chercher à se procurer un tel instrument, faute de quoi nous ne pourrons guère collaborer à la détermination d'un élément astronomique fon- damental. JIT. — SYSTÈME SOLAIRE 4. Le Soleil. — En septembre 1898 s'est montré un énorme groupe de taches solaires, qui estrevenu pour la troisième fois à la fin d'octobre, et qui a été toujours accompagné d'une activité considé- rable. Malgré cela, l'étendue et le nombre moyens de taches solaires ont été en décroissance marquée par rapport à 1897. Comme antérieurement, les taches se sont mon- trées plus nombreuses sur l'hémisphère austral du Soleil, et il n'y a pas eu de changement dans la latitude moyenne des taches. 2. La Lune. — Nous avons peu de chose à ajou- ter à ce qui a été dit dans notre précédente revue‘: MM. Lœvy et Puiseux ont publié un nouveau fasci- cule de leur Atlas lunaire, avec une étude de la région représentée. De son côté, M. Weineck, de Prague, continue la grande carte lunaire de 4 mètres de diamètre qu'il dessine au moyen des photo- graphies prises aux observaloires de Lick et de Paris. 3. Grosses planèles. — Nous retrouvons à peu 1! Rovue générale des Sciences, neuvième année (1898), p. 651. près au même point les queshons relatives à Mer- cure et à Vénus. Pour Wars, on en est toujours réduit à des hypo- thèses peu satisfaisantes, relativement à l’explica- tion des canaux et de leur duplication. M. Denning a déterminé la période de rotalion de Jupiter, d'un côté au moyen de taches brillantes, et de l’autre au moyen de taches noires, prises les unes et les autres dans la région équatoriale. IL trouve, comme valeur moyenne, 9" 55’ 23"6, au lieu de 9" 50° 30" qu'on adoptait antérieurement, ce qui indiquerait un accroissement de vitesse entre le printemps de 1897 et celui de 1898. Les observa- tions de la grande tache rouge, qui a été observée à partir de 1879, donnent une durée de rotation de 9:55" 39/4, mais elle n’est pas constante. À l'Observatoire de Paris, M. Hamy a mesuré, par le procédé interférentiel de Fizeau, les diamè- tres des satellites de Jupiter: ses résultats concor- dent avee ceux que M. Michelson avait déjà obtenus par le mème procédé. Pour Saturn2, nous avons à signaler d'abord un grand travail de M. H. Struve, directeur de l'Obser- vatoire de Kœnigsberg, sur les mouvements des satellites de cette planète. Et, en second lieu, la découverte bien inattendue d’un nouveau satellite. Ce satellite, qui vient d’être annoncé par une dépèche de M.Pickering, a été découvert au moyen de 4 photographies prises à diverses époques. Il est de la quinzième grandeur el il a la période énorme de dix-sept mois, plus de six fois celle de Japet, le plus éloigné des satellites connus jusqu'ici. Cela peut expliquer pourquoi sa découverte s'est fait attendre si longtemps: car les chercheurs se bornaient généralement à explorer le voisinage immédiat de la planète. A. Petites planètes. — Voici (tableau I) la liste des petites planètes découvertes en 1898 : beaucoup d'entre elles n'ont encore ni leur numéro définilif, ni leur nom. On a vu toute l'importance que présente la dé- couverte d'£ros. La suivante (Hungaria, n° 434) est très intéressante aussi, car sa distance périhélie (1,802) est la plus petite du groupe après celle d'Eros. IV. — Comères. La revue annuelle de 1897 a indiqué les pre- mières comètes de 1898. Dans la seconde partie de la même année 1898, on a signalé, en outre, les comètes suivantes : 1. Comête h 1898, découverte le 12 septembre par M. Perrine, à Lick, et d’une manière indépen- dante par M. Chofardet, à Besançon. Cette comète était brillante, visible dans de petites lunettes. Elle LE CLR + Tex get ÈS he - PTS G. BIGOURDAN — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 319 passe au périhélie très près de l'orbite de Mercure et cette planète peut lui imprimer des perturba- tions considérables. 2. Comète à 1898, découverte le 20 octobre par M. Brooks‘ à l'observatoire Smith (Geneva, État relarderaient de plus d’un jour la date de chute, et que la partie de l'essaim qui devait rencontrer l'orbite terrestre serait éloignée de notre route. C'est ce que l’observalion a confirmé, car la chute attendue ne s’est pas produite, et on n'a observé Tableau I. — Nouvelles planètes DP. à EM NCT 12 CNE OTE Découverte le 16 juillet, par M. Charlois, à Nice. OL EE PT ATEN ER ORNE ALTE — 13 août, M. Witt, à Berlin. DIRE SE TTC IC REC ONE — 11 septembre, M. Wolf, à Heidelberg. DS 435 D NE eg A — il — M. Wolf-Schwassmann, — DT 436 D PL re ee — 13 — M. Wolf Schwassmann, — DU » ET AE ETC SR le — 8 novembre, M. Charlois, à Nice. DV » DEN te dr het à — — M. Wolf-Villiger, à He:delberg. DW » Se RS SO AE CES ERA NE — 6 — — — DX » PE hot io PR PENE — G — — — DY » DR PURE PEN esta — 13 — — - DZ » » . me 19 —— — —— EA » Ga RE INTER — 19 — M. Wolf-Schwassmann, — EB » DR a te LE ve te — 13 octobre, M. Coddington, à Lick. EC » HAE à AU ANA EE — 13 ee — à Liek. ED » NET PNA MSA 8 décembre, M. Charlois, à Nice. de New-York). Les éléments ressemblent à ceux de la comète 1881 IV, mais son orbile paraît nette- ment hyperbolique. 3. Comète j 1898, signalée d'abord par M. Chase (observatoire de Yale College). Pour l'observation des étoiles filantes du 14 novembre (Léonides), divers astronomes avaient dirigé des instruments photographiques sur la région du Lion où se trouve le radiant de ces météores. M. Chase remarqua sur une de ses plaques une trainée diffuse qui fut reconnue pour celle d'une comète et qui, une fois signalée, fut retrouvée par divers autres obser- vateurs. L'orbite calculée ne représente pas l’ob- servation du 14 novembre. M. Chase pense que cette discordance tient à ce que le point qui a produit l'impression photographique ne coïncide pas avec celui qui est le plus brillant pour l'œil et auquel se rapportent les pointés micrométriques. V. — ÉTOILES FILANTES. On s'attendait, en 1898, à une pluie abondante de Léonides, dont l'apparition tombe chaque année vers le 13 ou le 14 novembre. Mais quelques jours avant celte date, M. Berberich annonca que les per- turbations produites par Jupiter, Saturne et Uranus ! « Qu'il me soit permis, écrit M. Brooks à ce sujet, de signa- ler que j'ai atteint «ma majorité» dans la découverte des comètes, celle-ci c'était ma vingt et unième ». — Sur ces 21 comètes découvertes par M. Brooks, 13 l’ont été avec des ins- truments construits par M. Brooks lui-même (réflecteurs de 5 et de 9 pouces), et les 8 autres avec l'équatorial de 10 pouces de l'observatoire Smith. partout qu'un petit nombre de météores. — En novembre 1899, les perturbations n'agiront pas d'une manière aussi défavorable; mais comme la chute se produira aux environs de la pleine lune, on n'apercevra que les météores les plus brillants. VI. — ÉToILES DOUBLES. Longtemps on a négligé les étoiles doubles de l'hémisphère austral. Muni du puissant réfracteur de l'observatoire Lowell, le D' See vient de combler cette lacune pour la zone comprise entre les paral- lèles de — 20° et — 45°; en outre, il a déjà exploré une partie de celle comprise entre — 45° et — 65°, et il a ainsi découvert 500 étoiles doubles, dont plus de 150 ont une distance inférieure à 2”. De son côté, M. Gill, au Cap de Bonne-Espérance, fait explorer au même point dé vue l'hémisphère austral, et on à ainsi trouvé plus de 300 couples nouveaux. Dans l'hémisphère boréal, des mesures assez nombreuses ont été faites par MM. Morgan, Knorre, Solà, etc. Enfin, des calculs d'orbites d'étoiles doubles ont été publiés par MM. Burnham, Doberck, N. Russel, See, ele. Ce dernier a publié un travail intéressant sur le système de Procyon, depuis l'époque où Besselsoupconna que cetteétoile estdouble, jusqu'à la découverte du Compagnon par M. Schaeberle, en 1896. G. Bigourdan, Astronome titulaire à l'Observatoire de Paris, 320 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Seyrig (T.), Ingénieur-construcleur. — Statique gra- phique des systèmes triangulés. I. Exposés théo- riques. Il. Exemples d'applications. — 2 vol. in-16 de 144 et 110 pages avec 21 et 18 planches de l'Ency- clopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix broché, 2 fr. 50 ; cartonné, 3 fr.) Gauthier-Villars et G. Masson, éditeurs. Paris, 1899, La Statique graphique, bien que née d'hier, est appli- quée, parallèlement à l'Analyse, à la solution de bien des problèmes de Mécanique. Aussi n'est-ce pas un cours complet de celte science que donnent les deux volumes en question : ils sont limilés à l'étude des constructions triangulées, métalliques ou en bois; les poussées des terres, la stabilité des murs et des voûtes, qui s’étudient pourtant si facilement à l’aide des pro- cédés graphiques, n'y figurent même pas. L'auteur a évité de parler des sysièmes, où les con- sidérations de l'élasticilé auraient dù intervenir pour le calcul des efforts intérieurs, avec leur accompagne- ment obligé de théories analytiques : pour lui, comme pour nous, le principal mérite de la Slatique graphique est sa simplicité; elle doit pouvoir se résoudre à l’aide de la règle et du compas, et mériter par là le nom de géométrique, que M. Seyrig voudrait lui voir donner, du moins pour la partie qu'il a traitée. Le premier volume, consacré à l'exposé théorique de la question, débute par le rappel des principes élé- mentaires de Mécanique indispensables à sa com- préhension : composition et décomposition des forces, définitions et généralités sur les centres de gravité, théorie des moments. Dans le chapitre 11, sont étudiés les types les plus usuels des poutres et des fermes: poutres armées, poutres triangulées, polygones Cremon, poutres Warren, poutres à treillis en N, fermes de combles triangulées, Il donne divers procédés de calcul : méthode des mo- ments, méthodes de Culmann, de Zimmermann. Le chapitre n1 s'occupe des déformations subies par les constructions triangulées, en partant de la méthode très simple indiquée, dès 1877, par M. Witliot. Le second volume fournit des exemples d'applications, choisis avec beaucoup de variété. Sont ainsi successi- vement étudiés : les cornières et les fers zorès (au point de vue de la détermination de leurs centres de gravité); les fermes de combles à deux versants symétriques, à la Mansard, à la Polonceau; les grues de quai, roulantes, de montage pour bâtiments, Titan; les piles de viaduc; les poutres de pont pour routes, pour chemins de fer; les fermes de combles triangulées avec verticales, et à trois rotules; les fermes de marquises: les arcs à trois rotules pour chemins de fer. M. Seyrig s'excuse, bien à tort, de la longueur des développements numériques donnés ; ils permettent de se rendre bien compte de l'importance relative de chacun des facteurs du problème : les évaluations, l'établissement des données et les mesures numé- riques, d'une part, el le travail matériel de l’épure géométrique, d'autre part. On saisit mieux de la sorte la simplicité et la précision des méthodes graphiques, pour la descriplion desquelles était plus qualifié que personne l'éminent ingénieur, doublé du praticien con- sommé, qu'est M. Seyrig. Publié au momentoù de récents règlements de l'Etat ont changé les conditions de calcul et d'épreuves des ponts métalliques, l'ouvrage arrive bien à son heure. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines. 2° Sciences physiques Demerliae (kR.), Professeur agrégé au Lycée, Chargé de Cours à l'Ecole de Médecine de Caen. — Recher- ches sur l'influence de la Pression sur la Tempé- rature de fusion (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 brochure de 96 pages avec 3 planches, E. Lunier, imprimeur. Caen, 1899. La formule de Clapeyron, l'une des plus importantes de la Thermodynamique, n'était vérifiée qu'assez imparfaitement, du moins en ce qui concerne les variations du point de fusion‘. L'auteur s’est assigné la tâche difficile d’une vérification rigoureuse et d'une exactitude poussée bien au delà de celle des travaux de ses prédécesseurs. I] fallait d'abord choisir des corps purs, chimiquement définis, passant nettement, sans fusion pâteuse, de l’état solide à l’état liquide, et dont le point de fusion ne fût pas trop élevé, de facon à pouvoir maintenir facilement des températures voisines de ce point. Le travail a porté sur la benzine, le bromure d’éthylène, la para-toluidine et l'æ-naphtylamine. La benzine pro- venait de l'acide benzoïque tiré de l'urine des herbi- vores pour avoir un produit exempt de thiophène. Les deux derniers corps furent purifiés par sublimation. Tous ces produits furent soumis à la cristallisation fraclionnée; on n'arrêta les fractionnements que quand les cristaux fondus avaient le même point de congéla- lion (à 0,01 près) que le liquide qui les baignait aupa= ravant, Ces corps augmentent tous de volume en devenant liquides ; on en détermina successivement la tempé- ralure de fusion sous la pression ordinaire, le volume spécifique à l’état liquide et solide et la chaleur de fusion. Les opérations thermo-chimiques furent exé- cutées avec le calorimètre et suivant les méthodes de M. Berthelot, Pour les volumes spécifiques, on put alleindre une haule précision en mesurant les densités des corps sous les deux états, dans un certain intervalle de tempéra- ture comprenant le point de fusion normal. L'auteur imagina un procédé spécial pour détermiver au flacon le poids spécifique des corps solides purs, sans inter- position de bulle d’air dans le bloc cristallin. Il prit soin aussi d'éliminer toute trace d’air dissous dans les liquides. L'appareil compresseur, dont la partie essentielle est un plongeur à vis, permit d'atteindre et de maintenir des pressions de 500 atmosphères. Les corps, pendant la compression, n'étaient en contact qu'avec du verre, du mercure ou un métal non atlaquable, ou bien de la peau de gant longtemps macérée dans le liquide à étudier, Les températures, enfin, étaient mesurées bolomé- triquement par la variation de résistance d'un fil de fer doux enroulé sur un support de buis et isolé éleetri- quement par une mince couche de coton blanc — le tout lavé préalablement dans le liquide. Des galvano- mètres à réflexion, très sensibles, permetlaient de garantir des variations de température d'un demi-mil- lième de degré. Les diverses causes d'erreur sont discutées et trouvées égales à cette limite. C'est aussi avec ce degré d’approximation que l’au- ! Exceptons toutefois un travail de M. de Visser (Trav. chimiq. des Pays-Bas, t. XII, p. 101-140, 1893), porlant sur l'acide acétique et où Ja différence entre les nombres cal- culés et trouvés est inférieure à 00,001, différence relative 0,6 0/0. PE TO A en nd niet cu dé an ie rl AM ERIANÉ ee ET eV ae LA “Gi BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 321 - teur put vérifier l'exactitude de la formule de Cla- peyron, pour les quatre corps, aux environs du point de fusion normal et pour une variation de pression de 20 atmosphères. La différence relative entre l'accroisse- ment du point de fusion calculé par la formule (avec l'équivalent mécanique 426,6) et celui trouvé directe- ment oscille de 0,2 à 0,4 °/,. Pour nous faire une autre idée de cette approximation, nous avons calculé inver- sement l'équivalent mécanique de la chaleur avec les données expérimentales de l'auteur; nous avons trouvé respectivement pour les quatre corps sus-nommés : 425,8 426,5 425,4 42,2 Une erreur d'un à deux dix-millièmes de degré suffirait à expliquer les différences entre ces nombres. Continuant ses expériences à des pressions supé- rieures à 20 atmosphères, M. Demerliac put constater que les variations du point de fusion, cessant d'être proportionnelles aux variations de la pression, vont en diminuant. Finalement, le point de fusion maximum devient fixe et indépendant de la pression. Ces varia- tions sont très exactement représentées par un arc d'hyperbole jusqu'au point où la tangente est parallèle à l'axe des pressions. Enfin, l’auteur a étudié l’eau jusqu'à la pression de 500 atmosphères. La proportionnalité existant au début, il calcule l'équivalent mécanique 424,4 (en pre- nant 79,63 pour la chaleur latente). Sans atteindre un minimum ‘ de point de fusion, l'allure de la courbe semble en indiquer l'existence probable. En résumé, M. Demerliac nous a donné, dans un tra- vail soigné, de très bonnes vérifications de la formule de Clapeyron. Il a démontré sur quatre corps l'existence d’un point de fusion maximum et invariable, fait im- portant qui, s’il était général, diminuerait la valeur de l'ingénieuse hypothèse de Bunsen sur la formation”, et de Maxwell® et Tait* sur l'état actuel des roches plutoniques à l'intérieur de la terre. 4 P.-T4. MULLER, Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Nancy. 3° Sciences naturelles De Lapparent (A.), Membre de l'Institut, Professeur à l'Ecole libre ds Hautes-Etudes. — Cours de Minéra- logie (Troisième édition, revue et corrigée). — 1 vol. gr. in-8° de xx-703 pages, avec 619 fiyures et 1 planche. fPrix : 15 fr.) G. Masson et Ci, éditeurs. Paris, 1899. M. A. de Lapparent vient de publier la troisième édi- tion de son Cours de Minéralogie. Les deux premières ont eu le plus grand succès. Il en sera de même de la troi- sième. Le mérite de cet ouvrage est, comme on sait, d’avoir vulgarisé, dans une exposition claire et précise, les théories de Bravais et de Mallard sur la structure des corps cristallisés. C’est en s'inspirant des belles concep- tions de Bravais sur les réseaux cristallins, que Mal- lard à donné des anomalies optiques une explication simple, qui l’a placé du premier coup au rang des pre- miers cristallographes. Dans la première édilion de son cours, M. de Lapparent avait déjà rendu accessible au plus grand nombre des lecteurs J'étude de ces théories fécondes pour l'intelligence des propriétés physiques des corps. Il avait fait suivre cette première partie de la description des principaux caractères des espèces minérales, classées d’après leur mode de formation et leur rôle dans la constitution de l'écorce terrestre. 4 Puisque la glace diminue de volume en fondant. paenre de Bunsen à G. Rose. Pogq. Ann., 1850,t. LXXXI, . J . P 3 Theory of heal, T° édition, 1883, p. 178. k Ileat, 188%. p. 123. 5 Nous devons ajont-r cependant, pour être complet, que ces résultats de M. Demerliac ontété contestés par M. Heyd- weiller (Wied. Ann., 1898, t. LXIV, p. 728), lequel opérait dans des tubes capillaires et en présence de pelites quan- lités d'air. La troisième édition du Cours de Minéralogie se dis- tingue par une revision complète de la partie descrip- tive,enrichie d’une vingtaine de figuresnouvelles et mise au courant de tous les derniers progrès de la science, no- tamment des résultats consignés dans la Minéralogie de la France de M. Lacroix, Quatre dessins ont été ajoutés à la planche chromolithographiée, de manière à repré- senter les divers genres de dispersion ainsi que la pola- risation rotatoire. Pour faciliter la lecture des publica- tions étrangères, on a augmenté le nombre des données contenues dans les tableaux de concordance des nota- tions cristallographiques. Pour la première fois, l’auteur a introduit dans son Cours le Recueil d'indications pratiques qu'il avait rédigé en vue de son Précis de Minéralogie et qui, pour la cir- constance, a élé refondu et notablement agrandi, de facon à pouvoir suffire à tous les besoins des étudiants. Enfin, le Lexique alphabétique des noms d'espèces et de variétés a subi un remaniement total. Diverses pu- blications récentes ont permis de mettre cette liste complètement au point. De cette manière, le lexique qui, dans la première édition, comprenait à peine 3.000 noms (dont 500 de synonymes allemands, indi- qués à cause de l'importance de la littérature minéra- logique en Allemagne), en renferme aujourd’hui 4.300. En défalquant les noms allemands, il en reste 3.800, dont 900 se rapportent à des espèces ou variétés dé- crites dans l'ouvrage. Les 2.900 autres, suivis d’une brève indication de la nature du minéral, peuvent se décomposer en 800 espèces proprement dites, 1.100 va- riétés, 750 noms destinés à tomber en synonymie et 250 qui né correspondent qu'à de légères variantes ortho- graphiques. Ce lexique se recommande donc particulièrement à tous ceux qui, ne disposant pas d'un manuel très dé- taillé, veulent connaître rapidement la siguilication de l'un des trop nombreux termes dont la Minéralogie s'est peu à peu enrichie. On jugera du progrès survenu dans l'œuvre, depuis la première édition, publiée à la fin de 1883, si l'on remarque que l'ouvrage, contrôlé avec le plus grand soin, en ce qui concerne les indications numériques, s’est accru de plus de cent quarante pages et de cent dessins. En. JANNETTAZ, Maître de Conférences à l'Université de Paris. 4° Sciences médicales Terrier (Félix), Membre de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, et Bau- douin (Marcel), Préparateur du Cours de Médecine opératoire à la Faculté. — La Suture intestinale. Histoire des différents procédés d'Entérorraphie. — 1 vol. in-8° de416 pages avec 587 figures. (Prix : 15 fr.) Institut de Bibliographie scientifique, 93, boulevard Saint-Germain. Paris, 1899, Un peu délaissée en France jusqu'à ces dernières années, la chirurgie gasiro-intestinale commence à occu- per chez nous la place qui lui est due. Le livre que publient actuellement MM. Terrier et Baudouin vient à son heure. Tous ceux qu'intéresse la Chirurgie mo- derne, tous ceux que l'historique des questions attire, y trouveront une ample moisson de documents. C'est l'historique le plus complet qui ait été fait de la suture intéstinale, depuis les moyens les plus antiques de réunion, mentionnés dans le Veda indien, l'utilisation de grosses fourmis noires auxquelles on fait mordre les bords de la plaie, jusqu'aux procédés les plus modernes de l’entérorraphie. La question est, dans ce livre, étu- diée suivant l'ordre chronologique. 587 figures, repro- duites d'après les écrits des chirurgiens ayant abordé cette question, illustrent l'ouvrage et faciliteut la com- préhension du texte. Le livre se termine par une classification des divers procédés d’entérorraphie et un index bibliographique étendu. Dr HENRt HARTMANN, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. Gayme (L.). — Essai sur la Maladie de Basedow. — 1 vol. in-8° de 424 pages. (Prix : 6 fr.) F. Alcan, édileur. Paris, 1899. Ce travail volumineux, qui n'est autre que la thèse inaugurale de l’auteur, a pour but de jeter quelque lumière sur la question, si obscure encore, de la mala- die de Basedow. L'auteur n'y a réussi qu'à moitié; mais il convient de lui tenir compte de la difficulté de trai- ter un sujet qui exige des connaissances physiologiques étendues et qui ne saurait être abordé avec quelque chance de succès que par un homme de métier. Ces réserves faites, il faut reconnaitre que la quantité des documents réunis par M. Gayme donne à son travail une valeur certaine et le classe dès maintenant parmi les mémoires à consulter utilement. Après avoir minulieusement exposé les principales théories actuellement en cours sur la maladie de Base- dow, M. Gayme admet que le syndrome basedowien type a pour unique pivot l'excitation directe ou réflexe du système sympathique. Quel rôle joue dans la pro- duction des symptômes la fonction thyroïdienne ? Dans quelle mesure prend-elle part à la pathogénie du pro- cessus morbide ? C’est Le point sur lequel, dans l’état actuel de nos connaissances, il est impossible de se prononcer. A côté de l'excitation sympathique invoquée par M. Gayme pour expliquer la séméiologie, il existe des troubles de la nutrition générale, une perturbation dans l'économie entière, sous la dépendance vraisem- blablement d'une toxémie, sur la nature de laquelle on est réduit aux hypothèses. La {toxémie est-elle secon- daire à l'excitation sympathique? en est-elle le résultat? ou bien préexiste-t-elle à cette excitation ? en est-elle la raison physiologique? Voilà des questions qui demeu- rent encore sans réponse. I faut néanmoins savoir gré à M. Gayme de son cousciencieux travail, qui est une mise au point du sujet et où l’on puisera les plus utiles renseignements. D' GABRIEL MAURANGE. 5° Sciences diverses Le Bon (Gustave). — Psychologie du Socialisme. — 1 vol. in-8° de vri-496 pages. (Prix : 7 fr. 50.) F. Alcan, éditeur. Paris, 1899. Peut-être un universitaire, invité à juger un livre de M. Le Bon, devrait-il se récuser, car, aux yeux de cet auteur, l'universitaire, c'est l'ennemi. Mais j'ai beau interroger ma conscience, je ne sens pour M. Le Bon aucune inimitié, el, n'ayant pas non plus d'hostilité contre ses adversaires, je crois pouvoir examiner avec impartialité son réquisitoire contre le socialisme. C'est un réquisitoire. Les lecteurs ne devront pas se laisser abuser par le titre : le titre promet une œuvre scientifique, mais la méthode scientifique n’est pas employée. Le titre est équivoque : on s'attend soit à une « psychologie du socialisme » (le socialisme est-il une doctrine scientifique, une hypothèse, une croyance, une aspiration ?), soit à une psychologie du socialiste quels sentiments, quels raisonnements poussent les hommes à adhérer au socialisme?). Et il est vrai que M. Le Bon examine tantôt la première question, tantôt la seconde. Mais quelle méthode scientifique peut donner la solution de ces problèmes? S'attache t-on au premier, il faut, semble-t-il, lire les écrits des so- cialistes et peser leurs arguments. S'attache-t-on au second, ilfaut faire des enquêtes, interroger un nombre considérable d'adeptes du socialisme, écouter leurs conversations, assister à leurs actes. Or, M. Le Bon n'emploie ni l’une ni l'autre de ces méthodes.Il expose les doctrines socialistes sans citer un seul auteur de ce parti. Je me (rompe : M. Rouanet est cité une fois (p. 34). Mais ses paroles sont empruntées au livre d’un adversaire et il semble bien que leur sens ne soit pas exactement interprété. De même, nous lisons une phrase de Jaurès rapportée par Maurice Talmeyr (p. 63). BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Et ce sont les seules citations d'écrivains socialistes qu'on trouve dans ce gros livre consacré au socialisme. Encore, si M. Le Bon étudiait cette doctrine d’après les ouvrages impartiaux qui ne manquent pas, même en France, mais ses auteurs favoris sont des adversaires : M. Bourdeau, M. Boilley, M. Burdeau, M. Deschanel, M. Léon Say sont cités fréquemment : Marx, Engels, Malon, Renard ne le sont jamais. Pourtant, quand on veut chercher si une doctrine est scientifique ou hypo- thétique, si elle est une simple croyance ou, moins encore, une vague aspiration, ne faut-il pas demander à ses partisans eux-mêmes de plaider leur cause? M. Le Bon condamne les socialistes sans les avoir Ra Est-ce doncqu'il étudie moins leurs doctrines que leurs personnes? Mais nous ne trouvons pas non plus une étude méthodique des personnalités socialistes. L'au-« teur nous dit bien (p. 78, note) qu'un de ses amis lui a fourni d'intéressants documents sur la psychologie des ouvriers. Mais la psychologie, pas plus que les aulres sciences, ne se constitue par de pareils procédés; c'est par lui-même que le psychologue doit observer; c’est l'auteur lui-même qui, dans le cas présent, devait examiner les socialistes, chercher quels états d'âme sont communs à la majorité d’entre eux et inconnus de la majorité des non-socialistes : seules de telles en-« quêtes, conduites rigoureusement selon la méthode inductive, peuvent donner des renseignements précis à la psychologie sociale. £ Le défaut de méthode que nous venons de signaler enlève toute portée au livre de M. Le Bon. Eliminons les nombreuses digressions, — elles font pourtant l'intérêt du volume et beaucoup de remarques incidentes sont plusjustes que les thèses essentielles, — et bornons-nous à l'examen des définitions du socialisme et du socialiste, Pour lui, le socialisme est vieux comme le monde; c'est une doctrine renouvelée des Gracques (p. 12) : encore pourrait-on remonter plus haut dans le passé. Le socia-« lisme moderne est le fils du socialisme antique (p. “2e 2 et ces deux doctrines sont « une réaction de l'être co lectif contre les empiètements de l'être individuel ».m (p. 6; cf. p. 7, 9, 457), Cette définition n'empêche pas M. Le Bon de considérer les anarchistes, dont il re-« connait l'individualisme, comme « l’extrème-gauche du socialisme » (p. 38, 39), et d'attribuer à celui-ci les crimes des dynamiteurs (p. 111, 387). Elle ne l'empêche pas davantage de considérer Herbert Spencer, l'adver- saire résolu de l’étatisme, comme un des « socialistes anglais les plus éminents » (p. 43). Et, entre ces deux extrèmes, qui doivent être bien surpris dese rencontrer, M. Le Bon place les socialistes d'Etat (p. 37), les socia- listes chréliens (p. 37 et 101), et à peu près lous les partis politiques, sauf le parti démocrate (p.344), car il y a contradiction, dit-il, entre la liberté démocratique M et la tyrannie socialiste. Quelle doctrine commune peuvent bien exposer ces penseurs disparates ? Une doctrine sans idéal; une doc- trine sans arguments scientifiques. Sans idéal : « Que promet le socialisme, en effet, sinon simplement le pain … quotidien, et cela au prix d'une servitude très dure » (p. vi; cf. p. 34)? « Idéal de basse égalité et d'humiliante M servitude », dit-il encore (p.461). Sans arguments scien- tilfiques; bien plus : contraire à la science, car la science démontre que les facteurs d'ordre économique tendent à prédominer dans l’évolution de l'humanité (p. 3) et c'est aux facteurs politiques, aux institutions et aux lois (p. 2), que les socialistes demandent l’avènement « de leur société. Aussi cette doctrine, privée de l’appui de la science, est-elle une simple croyance; elle s'impose comme se sont imposées les croyances religieuses : des affirmations et des promesses tiennent lieu de raisons (p.1v, v). Et le succès même du socialisme s'explique par ce caractère psychologique; ce ne sont pas, en effet, les croyances raisonnées qui mènent le monde, ce sont les affirmations énergiques, les traditions héré- ditaires : les hommes sont menés par les idées de leurs pères, qu'ils ne comprennent plus, ou par les belles paroles de leurs semblables, qu'ils ne comprennent pas. M... BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 323 Car la réalité détrompera ses adeptes; et, dès mainte- ant, on peut lutter contre le socialisme par des affir- “mations aussi énergiques el par des promesses moins illusoires. Laissons ces prédictions, dont l’auteur reconnaît lui- même la hardiesse. De toutes les propositions qui pré- éèdent, une seule paraît exacte : le socialisme est une croyance pour la grande masse de ses partisans; il est “rai que peu d'entre eux ont lu le Capital de Karl Marx ; mais on peut se demander d’abord si cette croyance se réduit, chez Marx lui-même et chez quel- ques-uns de ses disciples, à des affirmations sans “preuves et à des espérances sans fondement. Il est “curieux de remarquer que l'objection adressée par . Le Bon à ses adversaires est précisément l'argument que ceux-ci dirigent contre leurs ennemis : si M. Le “Bon avait lu plus attentivement le Capital ou l'un des nombreux écrits socialistes sur la conception matéria- liste de l'histoire, il aurait vu que, loin d'accorder aux “facteurs politiques une importance prépondérante, les ollectivistes ne voient dans ces facteurs que des reflets “des facteurs économiques : M. Le Bon est donc, à son “insu, d'accord avec ses adversaires, et quand il leur reproche d'avoir contre eux une loi scientifique, il se 5e que cette loi scientifique est précisément celle qu'ils invoquent. — Est-il plus fondé à leur reprocher de manquer d'idéal, “de haïr l'intelligence et de proclamer « la religion du ventre » ? Mais en employant celte dernière expression, les marxistes entendent seulement affirmer cette pré- -dominance du facteur économique que M. Le Bon les “accuse de méconnaître. Le ventre repu, ils estiment que les facultés supérieures viendront par surcroît. On peut discuter cette opinion, mais on ne peut pas dire qu'ils réduisent la question sociale à une question d'alimentation. Il ne faudrait pas oublier qu'ils ne demandent pas plus de bien-être, mais un bien-être “plus équitablement réparti, et qu'en présentant des “revendications économiques, c'est au nom de la justice “qu'ils prétendent parler. Leur justice n'est pas une “abstraction en l’air : c’est à propos du pain quotidien “qu'ils demandent justice, mais, pour être concret, leur “idéal n’en est pas moins élevé. Et, de même, ils ne “proscrivent pas l'intelligence, ils ne ravalent pas le travail intellectuel, puisque, dans la plupart de leurs “conceptions, l'heure de travail intellectuel est payée plus cher que l'heure de travail manuel. Sur ce point “encore, M. Le Bon est mal informé (p. 349). — Toutes ses erreurs tiennent peut-être aux équi- “voques de sa définition du socialisme. Si M. Le Bon “oppose démocratie et socialisme, c'est en jouant sur Je mot liberté : démocratie et socialisme réclament “également la liberté individuelle, la liberté de pensée, la liberté politique (V. Renard, Régime socialiste); mais il est possible que notre démocratie parlementaire réclame, en outre, ce qu’elle nomme liberté industrielle et commerciale (concurrence), et il est vrai que le socialisme repousse la concurrence. Mais la question est de savoir si la concurrence mérite d'être placée dans la liste des libertés. Si M. Le Bon identifie le so- cialisme chrétien, le socialisme d'Etat, l'anarchisme, le collectivisme, le communisme platonicien et la réforme agraire des Gracques, c’est au prix d’autres équivoques. Entre l'anarchie et le collectivisme, il n'y a qu'un point commun (en faisant abstraction de la tactique révolu- tionnaire) : ces deux doctrines admeltent la consom- “mation collective des objets utiles; mais l'un — le collectivisme — exige en outre que la production soit collective; l'autre — l'anarchie — veut qu'elle soit in- dividuelle, Entre le socialisme ancien et le socialisme moderne, on a montré qu'il y a non pas identité, mais antinomie (V. Henry Michel, l'Idée de l'Etat), le premier étant aussi étatiste que le second est individualiste. Est-il utile de pousser plus loin la discussiou, et n'est-il pas démontré qu’en confondant toutes ces doctrines, M. Le Bon s’est exposé à tracer du socialisme un por- trait aussi vague qu'inexact ? A-t-il été plus heureux dans son portrait du socialiste ? Ce portrait n'est pas compliqué : le socialiste est un « inadapté ». C’est soit un ouvrier incapable qui, relé- gué par la concurrence dans les métiers les moins fructueux, est mécontent de son sort, soit un dégénéré, fils d'alcoolique ou de névropathe, alcoolique ou névro- pathe lui-même, soit un inadapté artificiel, un déclassé produit par notre funeste éducation. Mais on com- prend, par ce simple résumé, la critique que nous avons adressée à la méthode de notre auteur. Peut-il prouver, par des statistiques bien faites, dont nous puissions contrôler et vérilier les données, que les socialistes sont en majorité des inadaptés, des dégéné- rés ou des déclassés? Encore faudrait-il, par une contre- épreuve, démontrer que la majorité des inadaptés, des dégénérés et des déclassés tendent au socialisme, Mais nous nous contenterions provisoirement de la première démonstration. Et nous ne pouvons considé- rer comme une démonsiration les quelques phrases dans lesquelles M. Le Bon énonce ses thèses. Il ne nous semble prouvé niquela majorité des ouvriers socialistes soit recrutée parmi les ouvriers les moins rétribués ni que les ouvriers les moins rétribués soient nécessaire- ment les plus incapables. « La concurrence fait triom- pher partout les plus capables et élimine les moins capables », dit M. Le Bon (p. 420). Nous ne pouvons souscrire à cet optimisme et croire à une sorte d'har- monie préétablie entre la capacité et la chance. Il n’est pas prouvé davantage que les dégénérés — et en par- ticulier les alcooliques — soient « des adeptes sûrs pour le socialisme » (p. 425). On a souvent remarqué, au con- traire, que les ouvriers préoccupés des questions so- ciales, les habitués des syndicats et des bourses du travail, fréquentent moins les cabarets, et il faut noter encore que les cotisations exigées par les associations ouvrières sont soustraites au cabaretier. Il est moins prouvé encore que les « prolétaires intellectuels » soient socialistes. M. Le Bon se trompe si, d’un vote de la Sor- bonne où 16 professeurs sur 37 ont montré leur libéra- lisme pédagogique (p.63), il eroit pouvoir tirer la conelu- sion que 16 professeurs sur 37 admetfent le socialisme. A-t-il interrogé tous les professeurs des lycées pour déclarer qu’ «on en compterait bien peu parmi eux qui ne souhaitent dans leur àme le triomphe des nouvelles doctrines » (p. 183)? Et suffit-il de constater que quel- qu'un a dit à M. Garofalo : « Tous les instituteurs du Piémont sont d’ardents socialistes », pour se permettre d'ajouter : «Il en est de même en France? » Non, les instituteurs ne se croient pas « tous des méconnus » (p- 62), et une petite tournée dans les préfectures — ou mieux dans les écoles — persuaderait vite à M. Le Bon qu'ils ne sont pas tous « d’ardents socialistes ». Ainsi, des propositions énoncées par M. Le Bon sur sur la psychologie du socialisme et sur la psychologie du socialiste, une seule parait conforme à la réalité. M. Le Bon a écrit, sur des civilisations exotiques, des travaux qui ne sont pas sans valeur : serait-il douc plus difficile d'observer ses concitoyens que d'étudier les Arabes et les Indiens? Nous ne le croyons pas et, bien que nous n'ayons pas le droit de parler au nom des so- cialistes, nous pensons qu'ils pourraient appeler du jugement sommaire de M. Le Bon à M. Le Bon mieux informé. PauL LAPiE, Maître de Conférences à l'Université de Rennes. 324 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séunce du 4 Avril 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. ©. Callandreau présente ses observations de la planète EL (découverte par M. Coggia, à Marseille, le 31 mars 1899), faites à l'Observatoire de Paris, à l'équatorial de la tour de l'Est. - M. Stéphan adresse les‘observations de la même planète faites par M. Coguia à l'équatorial de l'Observatoire de Marseille. — MM. Trépied, Rambaud et F. Sy envoient leurs observations de la comète Swift (1899, a, faites à l'Observatoire d'Alger, à l'équatorial coudé. — M. F. Rossard communique ses observations de la même comète, faites à l'Observatoire de Toulouse, à l'équatorial Brunner. — M. G. Darboux étudie la déformation des surfaces du second degré et arrive au théorème suivant : De chaque point d'une quadrique de révolution (Q) comme centre décrivons les sphères (S) qui sont langentes à une sphère fixe ayant pour centre l'un des foyers et, par suite, à un autre sphère fixe ayant pour centre l’autre foyer. Si la quadrique roule sur une surface applicable (8) en entraînant les sphères (S), l'enveloppe de celle de ces sphères qui a son centre au point de contact de (8) etde (Q) est une surface sur les deux nappes de laquelle les lignes de courbure se correspondent foujours et correspondent au système conjugué commun à (0)et à (Q). — M. L.-E. Dickson détermine les groupes linéaires qui sont isomorphes saus mériédrie au groupe simple d'ordre 25.920, qui joue un rôle dans la détermination des vingt-sept droites situées sur une surface générale du troisième degré. — M. J. Boussinesq calcule, en partant d'hypothèses simples, le déplacement latéral que doit s'imprimer le cavalier, sur une bicyclelte en marche, pour porter le centre de gravité du système à une petite distance horizontale voulue de la base de la bicyclette, Il en déduit, en particulier, que le cavalier doit se porter du côté opposé à celui vers lequel il veut faire pencher la bicyclette. — M. Venukoff donne quelques renseigne- ments sur les bateaux employés en Russie, particuliè- rement à Cronstadt et Revel, pour briser les glaces lorsque le port est gelé. 2° Sciences puysiQues. — M. D. Negreano indique le principe d'une méthode rapide pour la détermination de la chaleur spécifique des liquides. Il est basé sur la comparaison des temps nécessaires pour élever du même nombre de degrés des volumes égaux d'eau et d'un liquide quelconque, quand ils sont chauffés par le passage du même courant électrique. — M. Pierre Weiss montre qu'en employant les franges de diffrac- tion à la lecture des déviations galvanométriques, on peut reculer de beaucoup la limite du plus petit angle observable et augmenter ainsi la sensibilité du galva- nomèlre. — M. A. Blondel a étudié, au moyen de son oscillographe, les courbes de courant et de force élec- tromotrice de l'interrupteur électrolytique Wehnelt. Son fonctionnement peut être comparé à celui d'un bélier hydraulique ou d’un pulsumètre. 11 y a une cer- taine proportionnalité entre la self-induction et la capa- cité du condensateur formé par l’anode polarisée. — MM. Edouard Branly et Gustave Le Bon ont étudié l'absorption des ondes heriziennes par les corps non mélalliques. L'opacité des substances employées dé- pend de leur nature et varie considérablement; si la transparence est très grande avec le sable et la pierre à bâbir, elle devient extrèmement faible avec le ciment de Portland. L'opacité croit avec l'épaisseur ; l'humi- dité augmente nettement l'opacité. — M. E. Bou- dréaux à essayé de réaliser dans l'air les lignes de force d'un champ électrique. A cet effet, les conduc- teurs qui déterminent le champ sont placés sous une plaque de verre non conductrice et homogène sur la=M quelle on répand du diamidophénol cristallisé en pe tites aiguiiles. En donnant un léger choc, on voit immédiatement se dessiner les lignes de force. — M. M. Berthelot rappelle que la synthèse de l'alcool, attribuée généralement à Hennel, a été faite en réalité pour la première fois par lui-même, par la combinai-n son de l’éthylène avec l'acide sulfurique et la régéné- ration de, l'alcool à partir du produit formé. — M. Albert Renault a obtenu, par réduction du phos= phate tricalcique par le charbon dans l'arc électrique, un phosphure de calcium P?Ca*, semblable à celui déjà décrit par M. Moissan. Sa cassure, d'un rose cris tallin, se recouvre à l'air humide d'un dépôt blanc de“ chaux. — M. F. Garrigou n'a pas trouvé trace d'iodeh libre ou de gaz iodés dans l'atmosphère de la région toulousaine et dans celle de la saline de Salies-de- Béarn. Ces résultats concordent avec ceux de M. A: Gautier. — MM. A. et P. Buisine ont examiné les huiles d'acétone obtenues comme résidu dans la fa- brication de l'acétone par la distillation sèche du pyro- lignite de chaux brut. Ils y ont constaté la présence d'uue forte proportion de méthylpropyl et de méthyli- sopropylcétone, qu'on peut séparer par l’action du bisullite de soude concentré. — MM. P. Cazeneuve et P. Breteau décrivent une nouvelle méthode d'extrac-« tion de la solanine des germes de pomme de terre. Le corps qu'ils ont obtenu, et qui répond à la formule C**H#470%,2H0, se différencie des solanines déjà dé= crites par : 4° sa coloration faiblement jaunâtre avec l'acide sulfurique concentré; 2 sa coloration incolore avec l'acide nitrique, devenant à peine rosée au bout d'un très long temps; 3° son absence de coloration par l’acide chlorhydrique. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. L. Guignard a étudié, chez les végétaux angiospermes, le phénomène de la double copulation sexuelle dans le sac embryonnaire : l’une donnant naissance à l'embryon représentant l'organisme définitif, l'autre fournissant l'albumen,« sorte d'organisme transitoire qui servira à la nutrition de l'embryon. Ces deux copulations ne sont pas entiè-« rement comparables. En effet, dans la première, les noyaux mâle et femelle possèdent l’un et l’autre 1e nombre de chromosomes réduit qui caractérise Iles noyaux sexuels; dans la seconde, au contraire, si l'an- thérozoïde apporte de son côlé le même nombre réduit, il en est autrement pour le noyau polaire inférieur, tout au moins, car il se forme souvent avec un nombre de chromosomes une fois plus élevé. La première copulation représente donc, seule, une fécondation vraie; la seconde, une sorte de pseudo-fécondation. Séance du 10 Avril 1899, 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Jean Mascart pense qu'il n’est pas douteux que Jupiter ait influé sur la dis- tribution des petites planètes. Il a donc appliqué le É critérium de Tisserand à un certain nombre de ces astéroides et il est arrivé à des coincidences singulières, $ à six décimales communes, pour la valeur de la cons- tante «. — M. Hatt crilique la règle donnée par M. E. à Vallier pour l'interprétation d'un nombre restreint $ d'observations. Lorsqu'on l'applique au cas de n —1 mesures M, égales entre elles, auxquelles vientse joindre À une mesure p notablement plus grande que M, on arrive, si n est supérieur à 4, à des impossibilités manifestes. M — M. A. Liapounoff détermine les solutions de l'équa- > On 8 3 Ye tion différentielle linéaire du second ordre : ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES &y TL » y — Ts + MPa) = 0, réelle x, continue et périodique à période w, et y un paramètre arbitraire dont la fonction p (x) ne dépend - point. — M.Ch. Méray donneuneinterprétalion nouvelle de la condilion requise pour qu'une intégrale double, - prisesurune plaque de surface, ne dépende que du bord - de celle-ci. — M. Andrade s'est proposé d'indiquer, pour le cas des poutres à sections variables, les propriétés similaires de celles démontrées par M. Maurice Lévy,dans la Statique graphique, pour le cas des poutresde sections constantes. — M. Emile Waelsch communique quel- ques considérations sur les surfaces à ligues de cour- bure planes ou sphériques. — M. N.-I. Hatzidakis montre qu'étant données deux courbes quelconques dans l’espace, on peut, de différentes manières, expri- mer la courbure et la torsion de l’une par la courbure, la torsion et l'élément de l'arc de l’autre et par la posi- tion mutuelle des deux courbes. On arrive ainsi à trois formules très générales, qui dérivent des formules or- dinaires de M. Darboux. 29 ScIENCES PHYSIQUES. — M. Joseph Jaubert décrit un halo, tout à fait exceptionnel par sa complexité et l'éclat de ses colorations, qui a été observé à Paris dans la matinée du 5 avril. — M. R. Blondlot a disposé dans une cuve une solution concentrée de sulfate de zinc et au-dessus une solution très diluée, en empêchant autant que possible le mélange des deux solutions; une électrode trempe dans chacune d’elles. Si la cuve est placée dans le champ d’un électro-aimant, puis qu'on agite les solutions, une différence de potentiel prend naissance entre les deux électrodes. Cette production de forces électro-motrices s'explique facilement par la théorie. — M. A. Le Roy a constalé que si l’on augmente ou diminue la pression de l'atmosphère dans laquelle est placé un interrupteur électrolytique Wehnelt, celui-ci ne fonctionne plus par suite de l'ac- cumulation des gaz sur l'anode ou de leur non- forma- tion. — M. Paul Bary a éludié quelques conditions de fonctionnement de l'interrupteur électrolytique. On peut remplacer la solution sulfurique par tout corps dont l’électrolyse donne un simple dégagement d'oxy- gène au pôle positif. Les limites de tension entre les- quelles on observe le phénomène des interruplions se rapprochent quand le coefficient de self-induction di- minue. — M. Coloman de Szily a déterminé l'influence de la torsion sur la résistivité électrique des alliages. Les résultats d'un grand nombre de mesures sur le constantan sont suffisamment concordants et montrent que la résistance électrique va en augmentant avec l’angle de torsion, et cela non proportionnellement à l'angle, mais bien plus vite. La résistance du fil ne reste pas du tout constante après la torsion, mais dimi- nue certainement, quoique extrémement lentement, avec le temps. — M. Pierre Lefebvre montre qu'il existe, dans un système optique centré, des points doués de propriétés assez remarquables, dont l'existence est corrélative de celles des points de Bravais, de telle sorte qu'on peut toujours employer les uns ou les au- tres. Ces points, appelés pôles, sont tels que d’un pôle on voit sous un même angle un segment de l'axe et son image. — M. Charles Henry présente un actino-pho- tomètre au sulfure de zinc phosphorescent; il a l'avantage d'être excité par toutes les radiations qui réduisent le gélatino-bromure d'argent. En outre, ildonne des rensei- gnements précieux sur la nature dessources excitatrices,. — M. Henri Moissan, à propos des récentes communi- cations de M. Ditte sur l’utilisation de l'aluminium, fait remarquer que les impuretés de ce métal jouent un grand rôle sur son altérabilité. Or, le métal qu'on pré- pare aujourd'hui est beaucoup plus pur que celui qui date de quelques années, et il serait mauvais de le proscrire des usages domestiques et de l’armée. La légèreté, la suppression de l'étamage et la fabrication pär estampage sans soudures sont des avantages pré- | | » où p (x) désigne une fonction donnée d'une variable cieux qui compensent la facile oxydabilité du métal. — M. P. Lebeau a préparé le siliciure de fer SiFe par un nouveau procédé, qui consiste à-faire réagir le fer sur un excès de siliciure de cuivre à la température du four électriqué. Le siliciure de fer formé se dissout dans le siliciure de cuivre restant, d'où il crislallise par refroidissement; il peut en être séparé par l'action de l'acide nitrique. Par le même procédé, on peut obtenir les siliciures de cobalt, de nickel et de chrome, — M. Georges Maronneau a oblenu, en ré- duisant le phosphate de cuivre parle charbon au four électrique, un phosphure de cuivre cristallisé de for- mule Cu?P. C'est un corps gris, doué de l'éclat métal- lique, très altérable par la chaleur; chauffé, il se dé- compose en perdant du phosphore; au rouge vif, il se décompose en un phosphure Cu*P. Il s’oxyde à l'air. — M. HenriGautier a recherché si les différences dans la vitesse d'hydratation de la chaux obtenue à diverses températures n'étaient pas dues à une différence dans son état moléculaire, dilférence qui devrait se traduire par une variation de la chaleur dégagée au moment de la dissolution de la chaux soit dans l’eau pure, soit dans l’eau acidulée. L'expérience a montré qu'il n’en est rien. Quatre échantillons de chaux pure obtenus, le premier à 1.000°, le second à 1.300°, le troisième au chalumeau oxyhydrique, le dernier fondu au four électrique, ont la même chaleur de dissolution dans l'acide chlorhydrique dilué. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. R. Lépine et Martz ont constaté que, si l’on ajoute des fragments de pan- créas frais à un liquide sucré en fermentation, la pro- duction d'alcool est augmentée. Si le pancréas a été préalablement excité électriquement, son influence est plus marquée. Un chauffage modéré ajoute encore à l'in- fluence favorisante d'un pancréas préalablement excité. — M. Leclere du Sablon montre que la dextrine peut être envisagée comme jouant dans les plantes plusieurs rôles différents : 1° dans les organes de réserve en voie de formation, c’est une substance servant à former l'amidon; 2° pendant que les réserves sont digérées, c'est un produit de décomposition de l’amidon; 3° pen- dant la période de vie ralentie, c'est une réserve pro- prement dite, que l’on peut considérer comme indé- pendante de l'amidon. -- M. Edouard Haeckel si- gnale quelques particularités anatomiques nouvelles dans les graines grasses. Le fait le plus intéressant es la présence de poches sécrétrices à contenu huileux dans les cotylédous, la gemmule et la tigelle de la Pox- gamia glabra Ventenat. D'autre part, il existe, dans un certain nombre d'endospermes gras (à huiles concrètes) propres à des graines de familles très différentes (Myristicacées, Bixacées), des cellules à bandes réticu- lées rappelant la condition de celles de l’assise méca- nique des anthères, ou mieux encore de celles du thalle de Marchantia polymorpha. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 21 Mars 1899. M. le Président annonce le décès de M. Gibert (du Havre), correspondant national. — L'Académie procède à l'élection de deux correspondants nationaux dans la Division de Chirurgie. — MM. Auffret (de Brest) et Forgue (de Montpellier) sont élus. — M. Le Dentu apporte de nouvelles observations en faveur de l'inter- vention très précoce dans le traitement de l'appendi- cite. — M. Paul Berger signale un cas d'ostéomalacie masculine avec déformations extrèmes du squelelte ayant débuté par l'apparition d’un double genu valqum traité par une ostéolomie supra-condylienne du côté gauche. Toutes les médications ont échoué contre la maladie, qui s'est étendue aux membres supérieurs el n'offre plus aucun espoir de guérison. — MM. Albert Robin et Maurice Binet ont étudié les troubles du chimisme respiratoire et de Ja nutrition générale chez deux ostéomalaques et en ont déduit quelques indica- tions thérapeutiques. Il faut améliorer l'évolution des 326 matières ternaires, augmenter l'oxydation des matières azotées, modérer la déperdition calcique et activer les échanges phosphorés. Séance du 28 Mars 1899. M. le Président annonce le décès de M. Max Du- rand-Fardel, associé national. — L'Académie procède à l'élection de deux correspondants nationaux dans la IVe Division (Physique et Chimie médicales, Pharma- cie). MM. Dupuy (de Toulouse) et Imbert (de Montpel- lier) sont élus. — M. Delorme donne quelques explica- tions sur les statistiques de l’appendicite dans l’armée. Un grand nombre de cas peu graves guérissent à l'infirmerie et ne sont pas portés sur les statistiques d'hôpital; il n’y a que les cas très graves qui soient traités dans ces derniers et c'est pourquoi la mortalité de 30 °/, y parait si considérable. — M. Livet lit un mémoire sur les ferments animaux et leur culture, — M. le D' Bazy donne lecture d'un travail sur les formes graves du rein mobile et leur traitement par la néphro- pexie. — |MM. Gilles de la Tourette et Chipault com- muniquent un mémoire sur la percussion méthodique du crâne, contribution au diagnostic cranio-encépha- lique. Séance du 4 Avril 1899. M. Chauvel présente un rapport sur un mémoire de M. le D' Roure (de Valence), relatif à un nouveau trai- tement chirurgical de l’exophtalmie. Le principe du traitement est de réduire le volume du sac conjonctival de facon à refouler en arrière le globe de l'œil. Le rapporteur regrette que l’auteur ne se soit pas adressé à l'affection qui est la cause première de l’exophtalmie. — M, Hervieux rappelle ses anciennes recherches sur l'algidité progressive des nouveau-nés, état morbide sur lequel M. Budin à récemment attiré l'attention. L'abaissement progressif de la température du corps est toujours accompagné d'un ralentissement simultané de la circulation et de la respiration. Les causes de ces symptômes sont la faiblesse congénitale, l'insuffisance de l'alimentation et le décubitus prolongé dans la posi- tion horizontale, M. Guéniot indique quelques moyens pour combattre l’algidité; ce sont : une alimentation fréquemment répétée, le réchauffement artificiel et le massage. — M. L. Prunier indique les procédés qu'il emploie pour la préparation du soufre iodé et de l'io- dure de soufre. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 11 Mars 1899. M. Rémy a observé deux cas de suture du nerf médian avec retour de la sensibilité et de la motilité, mais ayec un peu de perversion de Ja sensibilité. L’ex- citation du médius provoquait de la sensibilité dans l'index, — M. Chipault cite quatre cas de sympalthi- cectomie dans le traitement de l'épilepsie avec résul- tats favorables. Pour lui, la méthode est inconstante et le résultat n’est pas immédiat; mais il faut néanmoins l'utiliser dans les cas invétérés, puisqu'on ne court aucun danger. — M. Dejerine croit, au conlraire, que la méthode n'est pas bonne et que l’ablation du gan- glion cervical supérieur, qui a un rôle trophique incon- testable, est dangereuse pour l'organisme. — MM. Tou- louse et Marchand signalent deux cas dans lesquels une maladie infectieuse a suspendu les accès d'épilepsie. — Les mêmes auteurs ont constaté que, chez des per- sonnes prédisposées, des opérations chirurgicales sur les ovaires ou le crâne peuvent provoquer l'épilepsie. — MM. A. Charrin el P. Viala ont éludié le bacille qui produit la gélivure de la vigne; son inoculation provoque le desséchement et le noircissement des rameaux, puis des fissures et des cicatrices entrainant la mort de la vigne en cir:q à six ans. — M.R. Quinton poursuit ses études sur le milieu marin orgauique et conclut que, dans les injections de sérum, l'isolonie des solutions injectées ne doit pas être réglée sur la ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES concentration du sérum total, mais sur celle de la parlie uniquement minérale (marine) du sérum. — MM. Auché et Chavannaz communiquent leurs recher - ches sur les jinfectiors péritonéales bénignes d'origine opéraloire ; dans 85 °/, des cas, le périloine est infecté du fait du chirurgien. Séanc: du 18 Mars 1899. MM. H. Roger et Garnier ont poursuivi leurs études. sur la rétention par le foie de l'hydrogène sulfuré injecté dans le rectum. L'âge a une influence sur l’activité du foie ; elle est plus marquée chez les animaux jeunes; l’inanition fait fléchir notablement l’action du foie. Il semble donc que l’excitant naturel de la cellule hépa- tique doit être recherché dans l'alimentation. — MM.A. Charrin et Levaditi ont constaté que l'atténuation des … toxines introduites dans l'intestin est due en grande partie à l’action du pancréas et de ses produits de sécrétion. — MM. Charrin et Guillemonat ont mis en évidence ce fait que, dans la période puerpérale, l'hyperglycémie par ralentissement de la nutrition et la déminéralisation jouent un rôle notable pour faire naître les prédispositions morbides. — M. G. Mari-… nesco à pu observer un cas de malaria des centres ner-… veux. À l’autopsie, le système vasculaire de l'écorce cérébrale est complètement envahi par l'hématozoaire. de Laveran. 4 Séance du 25 Mars 1899. ; MM. Josué et Roger ont étudié les modifications histologiques et chimiques de la moelle osseuse aux différents âges et dans l'infection staphylococcique. La graisse, peu abondante dans le jeune âge et à l'état pathologique, atteint une assez forte proportion chez l'adulte. — M. Gouget a constaté que les animaux » arrivent à un certain degré de tolérance vis-à-vis des injections d'urine humaine; mais il n’y a jamais accou- tumance, car des injections intra-veinenses, même faibles, succédant au bout de quelques jours à des injec- tions cutanées, ont amené la mort. — M. Galippe a reconnu qu'il peut exister à l’état normal des microbes saprophytes dans les glandes mammaires et testicu- laires. — M. Moussu, en donnant des doses intensives de glande thyroïdienne à des animaux, à activé la croissance, mais en provoquant l’amaigrissement. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 3 Février 1899. M. H. Pellat présente, au nom de M. Delaunay, professeur de Mécanique à Novo-Alexandria (Russie), une nouvelle c'assification des corps simples, qui paraît être un perfectionnement de la classification de Men- deleeff. M. Delaunay divise les circonférences en seize parties égales et même les seize rayons correspondant aux points de division. Rangeant les corps simples dans l'ordre des poids atomiques croissants et appelant numéro d'ordre le rang qu'occupe le corps simple dans cette classification, il porte sur chaque rayon, à partir des centres, une longueur proportionnelle au poids atomique, en mettant chaque corps simple sur les rayons successifs d’après les numéros d'ordre. On obtient ainsi une disposition spiralée. M. Delaunay fait les remarques suivantes : 4° Sur chaque diamètre se trouvent les corps simples, en général de la même fa- mille; 2° sur un même diamètre, pris comme diamètre horizontal et appelé ligne neutre, se trouvent les corps simples (He, Ar, Ne, Kr); dans la partie supérieure du diagramme se trouvent alors tous les corps paramagné= tiques; 3 si l’on divise en quatre quadrauts le dia= gramme, en ajoutant au diamètre horizontal le dia- mètre vertical, deux quadrants opposés renferment les métalloïides ou les métaux qui donnent des acides en se combinant avec l'oxygène, les deux autres quadrants opposés renferment des métaux qui n# donnent guère que des bases ; 4° si tous les points cor- respondant aux divers corps simples étaient rigoureu- PPS VS 7 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 927 sement sur une spirale d'Archimède, en portant en abscisse le numéro d'ordre (x) et en ordonnée le poids atomique (y), tous les points seraient en ligne droite. I n'en est pas lout à fait ainsi. Les poids atomiques au- dessous de 40 se groupent aulour d’une ligne droite, et ceux qui sont au-dessus de 40 autour d’une autre ligne droite qui n'est pas dans le prolongement de la pre- mière. — M. E. Carvallo expose les travaux de M. Gau- tier, constructeur de la puissante lunelte de 60 mètres qui doit figurer à l'Exposition de 1900. La puissance de la lunette réside dans l'objectif, dans l'intensité et la finesse des images qu'il fournit à son foyer. L’inten- sité est proportionnelle au carré D? de son diamètre. Pour la finesse, la théorie de la diffraction montre qu'elle est proportionnelle à D. Ainsi le diamètre four- nit, aux deux points de vue, la puissance de la lunette. Il convient de le prendre aussi grand que le permet l'industrie du verre : on a adopté 1,23. Le diamètre D fixé, il faut choisir la distance focale F. L'expérience à montré que F doit croître plus vite que D, sous peine de perdre, par les aberrations, Ja finesse recherchée par les grands diamètres. M. Carvallo expose qu'on doit admettre pour F une valeur proportionnelle à D°2. 3/2 La valeur adoptée (60 mètres) rend le rapport + infé- rieur à celui des meilleures luneltes antérieures. On peut donc espérer que, conformément au calcul, on pourra distinguer deux points du ciel distants de 0";1, soit 187 mètres sur la Lune.llne faut pas songer à faire suivre le mouvement diurne par une si grande lunette, avec sa coupole. Elle sera fixe, et la lumière sera en- voyée suivant son axe par un sidérostat dont le principe est celui qui est décrit dans l'ouvrage de Jamin sous le nom de S’'Gravesande. Le miroir, en verre, a 2 mètres de diamètre, 0®,27 d'épaisseur et pèse 3.600 kilo- grammes; il repose dans un barillet dont les tourillons portent sur deux montants d'un support mobile autour de son axe vertical. Cetle partie, à deux axes de mobi- lité, assure le pivotement du miroir autour de son centre, sous l’aclion de l’axe horaire mû par un mouve- ment d'horlogerie. La lunette possède deux objectifs achromatisés, l'un pour la vue, l'autre pour la photo- graphie ; ils sont disposés sur une même monture, mo- bile sur rails, de facon qu'on puisse amener l'un ou l’autre devant l’axe du tube de la lunette. L'oculaire est une sorte de wagon, mobile sur rails pour la mise au point; 1l est réuni au tube de la lunette par un souf- flet et une vis de rappel de 1",50. Avec trois mouve- ments circulaires et {rois mouvements reclilignes, il offre les dispositions propres à tous les usages de l’As- tronomie physique et de la Mécanique céleste. En terminant, M. Carvallo expose la méthode purement mécanique établie par M. Gautier pour le travail des grandes surfaces optiques. -- M. H. Becquerel expose ses recherches récentes sur la dispersion anomale de la vapeur de sodium et quelques consé- quences de cv phénomène; il rappelle d'abord comment il a été conduit à s'occuper de la dispersion anomale dans le but de vérifier l'application d'une formule qu'il avait élablie et d'après laquelle Le pouvoir rota- toire magnétique des corps serail proportionnel à l’ex- EN pression À —» n représentant l'indice de réfraction, et d, À la longueur d'onde des vibrations lumineuses consi- dérées. Une expérience faite par MM. Macaluso et Corbino ayant montré que la vapeur de sodium incan- descente possède un pouvoir rotatoire magnétique con- sidérable pour les radiations très voisines de D. et ILES M. H. Becquerel en a conclu que cette vapeur devait avoir également une dispersion anomale considérable. Pour mettre le fait en évidence, il a disposé l'expérience desprismes croisés, au moyen d’un réseau et de la flamme d'un brûleur Bunsen, rendue prismatique par l’interpo- sition d'une petite goultière en platine. Cette flamme, qui équivaut à un prisme dont l’arête serait horizon- tale, est placée entre un collimateur à fente horizontale et une lentille qui projette l'image de cette fente sur la fente verticale d'un spectroscope à réseau. Si l’on éclaire la première fente par de la lumière blanche, on reconnaît que le spectre continu formé au foyer du spectroscope montre les raies D, et D, renversées et qu'il est fortement disloqué; l'image des bords de la fente horizontale présente des courbes qui donnent les variations des indices de réfraction en fonction de la longueur d'onde. Ces courbes coïncident avec celles qu'on déduirait de la théorie de la dispersion anomale. Elles ont pour asymptotes les raies D, et D, ; leur équa- tion, au voisinage immédiat de D, et D,, équivaut à celle qui résulte de la superposition de deux hyper- boles équilatères, le paramètre relatif à D, étant le double de celui de D,. Les indices de réfraction mesurés ont été, d’une part, plus grands que l’unité, atteignant ou dépassant 1,0009, et, d'autre part, plus petits que l'unité, atteignaut 0,9986. Pour les longueurs d'onde qui, dans l'expérience de MM. Macaluso et Corbino, correspondent à des rotations magnéliques égales, les tangentes aux courbes de dispersion anomale sont sen- siblement parallèles, ce qui justifie l'application de la formule rappelée plus haut el conduit à rejeter d’autres formules théoriques proposées antérieurement. Enfin, on explique très simplement une expérience récente de M. Voigt, qui est la conséquence de l'existence si- multanée du phénomène de Zeeman et de la dispersion anomale. Séance du 17 Février 1899. M. Moulin adresse un mémoire sur la loi des états correspondants. — M. D. Korda étudie l'influence du magnélisme sur la conductibilité calorifique du fer, au point de vue théorique et expérimental. Les expériences ont porté sur des disques et des tiges de fer doux. Les disques sont chauffés en leur centre, et la forme des isothermes est donnée par la fusion d’une mince cou- che de paraffine; ils reposent, convenablement isolés, sur un électro-aimant vertical dont la ligne des pôles est orientée suivant un de leurs diamètres. Quand on excite l’électro-aimant, on obtient, avec un grand dis- que, une isotherme elliptique dont le grand axe a sen- siblement même longueur que le diamètre du cercle qu'on obtenait précédemment et dont le petit axe, qui est dirigé suivant le champ, est plus court de 12 °/;; avec des disques plus petits, on obtient des lem- niscates. Pour les tiges-qui sont placées dans l’axe d'une bobine, on chauffe l'une de leurs extrémités et on place au voisinage de l’autre une soudure thermo-électrique ou un conducteur, placé dans un pont de Wheatstone, dont on suit la variation de résistance; on opère par opposition avec une deuxième tige non aimantée. Le résullat général est que la conductibilité calorifique du fer doux éprouve une diminution dans la direction des lignes de forces magnétiques el'resle, par contre, sans changement dans la direction des lignes équipotentielles, iudépendamment de la force magnétisante. Ce dernier résultat semble indiquer que l’affaiblissement de la conductibilité dépend d'une puissance paire de la force magnétisante. En partant de l'expression, donnée par Maxwell, des efforts dus à un champ magnétique H, on peut, en appliquant les principes de la thermodyna- mique, calculer, pour la chaleur latente d’aimantation 4 à température constante T, dans un corps de per- méabilité &, la valeur 4 est la mesure de l'effet constaté par voie expérimen- {ale: il est proportionnel à H°; l'effet est nul, normale- ment au champ, dans un disque ou une tige. — M. P. Villard présente une série de clichés montrant que la lumière détruit l'impression produite par les rayons X sur le gélatino-bromure d'argent. Il se passe alors quelque chose d'analogue au phénomène de ren- versement observé par E. Becquerel avec une plaque daguerrienne exposée aux rayons rouges exlrémes 328 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES après impression préalable par les rayons bleus, et cela paraît justifier l'hypothèse que les rayons X ne diffè- rent de la lumière que par la période. Ce phénomène de destruction doit également être rapproché de celui anquel donnent lieu les écrans au platinocyanure de baryum, car on peut l’observer sans faire intervenir le révélateur; mais il est alors peu apparent. Les résul- tats semblent être les mêmes, au moins dans leur ensemble, avec toutes les préparations commer- ciales. Avec certaines émulsions, leur netteté est telle que la plus faible impression lumineuse capable de produire un effet appréciable se traduit, au développe- ment, par un affaiblissement du noir donné par les rayons X. Il est d'ailleurs évident qu'une exposition par trop insuffisante à l’action de ces derniers donnera des effets intermédiaires faciles à prévoir. Les rayons destructeurs les plus actifs sont en premier lieu ceux qui agis-ent le plus énergiquement sur les plaques ordinaires (groupe du bleu et de l’indigo). Un deuxième groupe efficace présente un maximum d'action dans le rouge, un minimum peu marqué dans le vert, et s'étend avec certaines émulsions jusqu'à À —900. Les rayons de cette partie du spectre sont assez actifs pour produire la destruction au travers de trois feuilles de papier noir épais, à 50 centimètres d'un bec Auer. Dans les mêmes conditions, une plaque neuve, ne s'im- pressionne pas. En raison de leur netteté, ces phénomè- nes se prèteut à diverses expériences photographiques. répond que cetle distinction, parfaitement fondée, ne lui semble pas de nature à faire rejeter l'expression d'action chimique, depuis longtemps consacrée par l'usage. Il n'est d'ailleurs pas démoutré qu'il ne se passe aucun phénomène chimique là où il n'y a ni modification visible, ni décomposition de la matière impressionnable. Les phénomènes étudiés sont d'ail- leurs entièrement analogues à ceux que présente le platinocyanure de baryum en l'absence de tout révéla- teur. Dans la fluorescence même, phénomène en apparence purement physique, des modifications impor- tantes se produisent par la présence d'un corps capa- ble d'agir chimiquement sur la substance fluorescenute. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES William Ellis : Relation entre la variation diurne de la déclinaison magnétique et de la com- posante horizontale et la période de fréquence des taches solaires. — Cette relation fut indiquée pour la première fois par M. Rudolf Wolf, de Zurich, puis mise clairement en évidence par l’auteur lui-même dans un premier mémoire présenté à la Société Royale de Londres en 1879. Les conclusions de ce mémoire se basaient sur la comparaison des observations magné- tiques faites de 1841 à 4877 à l'Observatoire de Green- wich, et celles des taches solaires faites pendant la M. G. Sagnac remarque quil convient de distin- | même période par M. Wolf à Zurich. Ces observations guer dans les actions photographiques : 1° la dé- | ont été poursuivies, de part et d'autre, jusqu'à ces der- composition chimique visible éprouvée par la prépara- tion photographique sous l’action prolongée de la lumière; 2° la modification invisible (image lutente) sans trace de décomposition, éprouvée en un temps relativement très court. À l'appui de cette distinction, M. Saguac rappelle ce fait : une plaque photographique, que l’action prolongée de la lumière a fini par brunir lésèrement, demeure sensiblementaussi claire quand on la plonge dans le bain de développement, landis qu'une plaque impressionnée pendant un {emps beau- coup plus court, de manière à ne déceler aucune trace de décomposilion chimique, noircit très fortement dans Tableau I. — Époques de maximum et et de la fréquence nières années, et l'auteur les a réunies et comparées pour voir si ses précédentes conclusions se vérifiaient. Dans son mémoire, l'auteur indique d’abord com- ment il a pris la moyenne mensuelle des observations, de facon à éliminer certaines erreurs accidentelles et certaines perlurbations extraordinaires. La réunion de ces moyennes montre immédiatement, en cerlaines an- nées, des maximums ou des mivimums de la variation magnélique ou de la fréquence des taches. Voici le tableau de ces maximums et minimums, qui coïncident remarquablement pour les deux ordres de phéno- mènes (Tableau I). de minimum des variations magnétiques des taches solaires. ÉPOQUES MAGNÉTIQUES ÉPOQUES DIFFÉRENCES AVEC LES ÉPOQUES des taches solaires, SE PHASE des D'ORDRE Conoeinte L taches Co Rte \ Déclinaison G omposante MOYENNE A Déclinaisen ONDOsANIS IE AD horizontale, | magnétique. horizontale. | magnétique. annce, il Minimum. . . 1844 ,3 181:2,9 1843,60 1843,5 + 0,8 — 0,6 + 0,10 2 Maximum. 188,1 1849, 0 1848,85 18481 0,0 + 0,9 + 0,45 3 Minimum. . 1857,2 1855,1 1856,15 1856 ,0 + 1,2 — 0,9 + 0,15 % Maximum, . 1860,6 1860,2 1860 ,40 1860.1 + 0,5 + 0,1 + 0,30 5 Mivimum. . 1867, 5 1867,6 1867,55 1867 ,2 + 0, + 0,4 + 0,35 6 Maximum. . 1870.8 1870 ,9 1870.83 1870,6 + 0,2 + 0,3 + 0,25 7 Minimum. 1879.0 1818,7 1818,85 1819 ,0 0,0 10 — 0,15 8 Maxrmum. 1884,0 1883.8 1883,90 188#,0 0,0 — 0,2 — 0,10 9 Minimum, . 1899,5 1890, 0 1889,75 1890 ,2 — 01 — (2 — 0,45 10 Maximum. . 1893,5 189% ,0 1893,15 1894 ,0 — (1); 0,0 — 0,25 Différence moyenne (cinq époques de minimum) . , + 0,32 — 0,32 0,00 Différence moyenne (cinq époques de maximum). . + 0,0% + 0,22 + 0,13 | Différence SÉNÉTAI MERS - CCR Ce + 0,18 — 0,05 + 0,06 | le bain révélateur. L'ensemble des faits conduit à Si l'on prend les intervalles entre les époques magné- penser que la première phase de l'action de Ja lumière, la formation de l’image latente, correspond à une mo- dification de la couche sensible, assez différente de la décomposition chimique ultérieure’. M. Villard tiques et les époques de fréquence des taches solaires successives, on obtient le résultat suivant, en années : ÉPOQUES MAGNÉTIQUES ‘ Voir à ce sujet: (it. Sacnac, Comptes rendus du 19 juil- let 1897; R-vue générale des Sciences, du 30 avril 1898. 4,95 6-7 7-8 8-9 8,00 5,05 5,85 9-10 4,00 4-5 1,45 5-6 3,30 ù ÉPOQUES DES TACHES SOLAIRES LPO TOO 4 107,10 3,40 8,40 : 5,00 6,20 3,80 La similitude des variations de longueur des inter- valles magnétiques et solaires successifs ressort claire- ment de l'examen de ces chiffres. La moyenne des cinq intervalles d’un minimum à un maximum est, pour l'effet magnétique, de 4,31, pour l'effet solaire, de 4,18 années; la moyenne des quatre intervalles entre un maximum et un minimum est respectivement, pour ces deux effets, de 7,15 et de 7,40 années. La période totale de l'effet magnétique est 11,46, des taches so- laires 41,58. Voici d’ailleurs la longueur de ces périodes entre deux maximums ou entre deux minimums : PÉRIODE MAGNÉTIQUE 1-3 2-4 3-5 1-6 5-7 6-8 7-9 8-10 12,55 41,85 11,40 10,45 11,30 13,05 10,90 9,85 PÉRIODE DES TACHES 49,50.142,00" 41,20 10,50 11,80 13,40 411,20 10,00 Ici encore la similitude est frappante, La longueur des périodes croît el décroît successivement suivant une loi que l’auteur n’a pu encore trouver ; mais l'essentiel, ac- tuellement, c’est que les variations des périodes sont identiques pour les deux effets. L'auteur pense donc pou- voir conclure que cette concordance n’est pas un effet du hasard, mais qu'elle indique une relation plus ou moins étroite entre les deux ordres de phénomènes, peut-être l'existence d’une cause commune qui les pro- duit tous deux. On a avancé autrefois que l'effet magnétique suit l'effet solaire, de sorte qu'il existe un certain retard entre eux. En tenant compte des dernières observations, l’auteur a constaté que les époques de maximum ou de minimum pour les variations de la déclinaison pré- sentent un retard moyen de 0,18 année, tandis que les époques correspondantes pour la composante horizon- tale ont, au contraire, une avance de 0,05 année. Le retard moyen n’est donc que de 0,06 année. Si l’on con- sidère les irrégularités des nombres sur lesquels sont basées ces moyennes et la connaissance encore incom- plète que nous avons des phénomènes qu'ils repré- sentent, il semble difficile d'avancer actuellement qu'il existe un retard réel des phénomènes magnétiques sur les phénomènes solaires. 29 SCIENCES NATURELLES. J.B. Farmer et À. D. Waller: Action des anesthésiques sur le protoplasme animal et végé- tal. — Les auteurs ont examiné simultanément et comparativement les effets de certains anesthésiques (anhydride carbonique, éther, chloroforme) sur le protoplasme végétal et animal. Deux récipients à gaz, en série, à travers lesquels on pouvait faire circuler les vapeurs anesthésiques, contenaient : le premier, une feuille d'Elodea canadensis placée dans le champ d'un microscope, le second un nerf sciatique de Rana tempo- raria, relié à un inducteur et à un galvanomètre. L'un des auteurs observait et mesurait les mouvements des corps chlorophylliens dans une cellule de la feuille, tandis que l’autre notait les déviations galvanométriques répondant à l'excitation du nerf. + L'action de l'anhydride carbonique sur l'Elodea consiste en une légère accélération initiale, suivie rapidement d’une cessation complète du mouvement protoplasmique. Si l’on fait ensuite passer de l'air dans l'appareil, le protoplasme, après quelques minutes, se remet en mouvement; ce mouvement s'accentue et dépasse bientôt le degré normal, mais il revient fina- lement à sa vitesse ordinaire. Le nerf, dans les mêmes conditions, subit une action analogue, mais beaucoup moins accusée, sous l'influence de l'anhydride carbo- nique. La vapeur d’éther, agissant pendant deux minutes, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES AC 329 provoque rapidement l'arrêt de tout mouvement, el l'état de repos persiste pendant plusieurs minutes; puis l'état normal de mouvement revient lentement. Avec de la vapeur d'éther diluée, insuffisante pour anesthésier le nerf, la circulation protoplasmique n'est pas affectée. L'action du chloroforme est beaucoup plus funeste que celle de l’éther. Le mouvement est arrêté en moins d'une minute, et deux minutes d'exposition à l'action complète de la vapeur causent la mort de la cellule. Si la vapeur est diluée (2°/, dans l'air), et agit pendant deux minutes, la cellule recouvre ultérieurement le mouvement. L'action de l’éther et du chloroforme, surtout de ce dernier, est très marquée en ce qu'elle force les gra- nules de chlorophylie, qui adhéraient primitivement aux parois latérales de la cellule et présentaient leurs angles à la lumière incidente, à se disperser à la sur- face de la cellule et à se montrer à la lumière sous leur plus grande surface. L'effet de l’anhydride carbonique n'est pas aussi prononcé. D’après les auteurs, les phé- nomènes observés doivent être considérés comme le résultat d'une paralysie temporaire ou permanente du protoplasme. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 2? Mars 1899. M. J. E. Marsh rappelle que les plus récentes formules du camphre représentent le camphène, l'hydrocarbure type du groupe, comme un composé non saturé ayant une double liaison. On s'appuie, pour cela, sur la trans- formation du camphène en un glycol C!°H# (OH)}° par l'action du permanganate de potasse, et sur la forma- tion d'un camphène bibromé C'°H#Br? par l’action du brome. Or, l’auteur montre qu'il est douteux que le glycol et le dérivé dibromé soient de simples composés d'addition. Le glycol, d’une part, perd facilement de l'eau pour donner une sorte d'aldéhyde, ce qui est in- compatible avec les propriétés d'un glycol. Quant au dérivé bibromé, il se formerait, d'après l'auteur, de la facon suivante, sans qu'on ait besoin de supposer l’exis- tence d’une double liaison : le brome agissant sur le camphène donne du bromocamphène et de l'acide bromhydrique ; ce dernier se combine au camphène en excès, pour former un hydrobromure de camphène, dans lequel le brome se substitue ensuite à l'hydrogène en formant un dérivé bibromé.— M.S. Ruhemann, en traitant par l’'ammoniaque des dérivés de l'a-pyrone, a obtenu des composés qu’il considère comme des sels ammoniacaux d'amino-acides non saturés. Ceux-ci, transformés en sels éthyliques et soumis à la distilla- tion, perdent de l'alcool et se condensent en composés de la pyridine.—MM.H.J.H.Fenton et M.Gostling ont montré que certains hydrates de carbone, sous l’action de l'acide bromhydrique en solution éthérée, donnent une belle coloration pourpre. Cette réaction est carac- téristique pour toutes les kétohexoses ou les substances capables de les produire par hydrolyse. La matière colo- rante a été isolée à l'état pur; c'est la bromométhyl- furfuraldéhyde, corps cristallisant en prismes jaune d’or, fondant à 60°, soluble dans les dissolvants orga- niques, mais ne donnant de couleur pourpre qu'en présence d'acide bromhydrique. — MM. Whyndham R. Dunstan et Ernest Goulding ont obtenu entre autres, par l'action de l'iodure de méthyle surl'hydroxyl- amine, l'hydroiodure d'une base triméthylée. Ils attri- buent à cette dernière la formule (CH*)*Az — O0, ce qui en fait une triméthyloxamine. L'action de l’iodure de méthyle sur cette dernière conduit à une base tétra- méthylée, l'hydrate de triméthylméthoxyammonium : (CH*)*Az.OCHS.OH. Ces deux bases sont décomposées par l’acide iodhydrique concentré en diméthylamine et formaldéhyde ; dans la réduction par la poudre de zinc, elles donnent toutes deux de la triméthylamine. L'action de l'iodure d'éthyle sur l'hydroxylamine produit d'abord g** 330 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES dde dr 24 une diéthylhydroxylamine Az(C#H“*OH; l'action de l'iodure d’éthyle sur cette dernière conduit à la triéthyl- oxamine (C°H°)ÿAz— O. On obtient des combinaisons analosues avec les iodures de propyle et d’isopropyle. —M. Arthur Lapworth,en chauffant l'æbromocampho- sulfonate d'ammonium avec du brome.et de l’eau, a obtenu l'acide dibromocamphosulfonique, dont :l à préparé différents sels, le chlorure et l’amide. Le chlo- rure de l'acide «x-dibromocamphosulfonique, chauffé avec de la pipéridine, donne un mélange de mono et de dibromocamphosulfopipéridide. Le bromure äu même acide, chauffé à son point de fusion, perd de l'anhydride sulfureux et se transforme en axz-tribro- mocamphre C'H!°Br*0. — M. W. Trevor Lawrence, en faisant réagir l’isopropylènemalonate d'éthyle sur le sodiomalonate d'éthyle en solution éthérée ou benzé- nique, a obtenu le 88-diméthylpropanetétracarboxylate d'éthyle C(CH**{[CH(CO?C*H°}} sous forme d'huile bouil- lant à 218° sous 14 millimètres. L'hydrolyse, par la potasse alcoolique, le transforme en acide $6-diméthyl- propanetricarboxylique CO*H.CH®. C(CH*}. CH(CO*H* ; l'hydrolyse, par l'acide sulfurique, le convertit en acide 88-diméthylglutarique CO*H.CH?.C(CH*).CH?.COH. — M. Augustus Edward Dixon, en chauffant les chlo- rures des acides carbamiques disubstitués avec le thiocyanate mercurique en présence de cumène, les a convertis en isothiocyanates de la forme AzR?.CO.A7CS. Ces corps s'unissent spontanément aux bases azotées pour former des thiobiurets substitués, et avec l'alcool benzylique, pour donner les thioallophanates substi- tués correspondants : AzR°.CO.AzH.CS.OBz. Les thio- biurets AZR°CO.AzH.CS.AzHX, peuvent être désulfurés quand X est un radical aromatique, mais non quand c'est un radical aliphatique. 11s se comportent comme des carbamylthiocarbamides (thiourées) en donnant des dérivés du genre de la thiohydantoïne par réaction avec l’acide chloracétique; ces derniers produisent par hydrolyse de l'acide thioglycolique. L’auteur a préparé les isothiocyanates de diphénylcarbamyle, de méthyl- phénylcarbamyle, d'éthylphénylcarbamyle, de benzyl- phénylcarbamyle, d’oxanilyle et un grand nombre de leurs dérivés. — M. A. G. Perkin a montré, dans une précédente communication, que plusieurs matières colorantes phénoliques qui teignent les tissus mor- dancés décomposent les acétates alcalins en présence d'alcool en formant des sels mono-substitués. L'auteur a constaté que cette réaction est générale pour toutes les matières colorantes possédant un radical hydroxyle en position ortho, quoiqu'il y ait certaines exceptions dans le groupe des flavones. L'auteur a préparé les sels alcalins de tous ces colorants ; il en donne la cou- leur et la forme cristalline. 11 a aussi préparé pour quelques-uns les sels de calcium et de baryum par double décomposition avec les précédents. — MM. Otto Rosenheim et Ph. Schidrowitz, en faisant des recherches bibliographiques sur l'acide gallotannique, ont constaté que les propriétés optiques de cette subs- tance ont été découvertes indépendamment trois fois : par van Tieghem, en 1867, puis par Flawitzky, et enfin par Günther, en 1895. Elles sont restées presque incon- nues jusqu’à aujourd'hui. Séance du 16 Mars 1899. M. O. Forster a étudié l'influence de la substitution sur la rotation spécifique dans la série de la bornyla- mine : 4° la rotation spécifique de la bornylamine s'ac- croît largement lorsqu'on remplace un seul atome d'hy- drogène du groupe amino par un radical alcoolique; 20 dans la série homologue des dérivés monoalcoylés, la rotation spécilique maximum se montre au terme éthylique, la rotation moléculaire maximum au terme propylique ; 3° la rotation spécifique est légèrement accrue par la substitution de radicaux alcooliques aux deux atomes d'hydrogène du groupe amino, mais cet accroissement est insignifiant comparé à celui qui résulte de la substitution d'un seul atome d'hydrogène ; 4° quand un groupe alcoyle remplace un hydrogène du radical ammonium dans la série des iodures d’alcoyl=. bornylammoniums, le pouvoir rolatoire spécifique de l'iodure de bornylamine, au lieu de s’accroître dans le sens positif, se transforme en une faible lévorotation. — M. A. Ladenburg, à la suite des expériences de Kipping et Pope, qui ont infirmé sa définition du racé- misme, pense néanmoins que le principe invoqué est juste en lui-même, mais qu'il a été exposé d’une facon erronée. Il y substitue l'énoncé suivant : pour caracté- riser une substance inactive, on détermine sa solubilité avec où sans l'addition de l’un ou l’autre, de ses consti- tuants optiquement actifs à la même température et avec le même dissolvant. Si les solubilités sont diffé- rentes, la substance est un composé racémique; si elles sont égales, on est en présence d’un mélange énantiomorphe. Des expériences sur l'acide racémique, l'acide i-pyrotartrique et un mélange inactif de tar- trates droit et gauche de sodium-ammonicum confir- ment cette manière de voir. — M. W.J. Pope faitremar- quer à ce sujet que le nouvel énoncé de M. Ladenburg diffère sensiblement du premier. Le fait : 1° qu'un com- posé racémique possède une solubilité différente, alors qu'il est seul, que lorsqu'il est mélangé à un de ses constituants énantiomorphes; 2° qu'un mélange inactif non racémique de deux corps opposés a la même solu- bilité qu'un mélange contenant un excès d'un des constituants, n’est d’ailleurs qu’une simple conséquence de la « loi des phases ». Dans le premier cas, la solu- tion, en équilibre avec le composé racémique, est sa- turée par rapport à une seule substance; mais, en ajoutant un des constituants actifs, la solution ou bien se sature par rapport aux deux substances (la racé- mique et l’active), ou bien reste saturée de la substance racémique et n'est que partiellement saturée de la substance active; dans les deux hypothèses, la solution change de concentration. Dans le second cas, la solu- tion en contact et en équilibre avec un mélange inactif non racémique, est saturée des deux constituants dextrouyre et lévogyre, et l'addition d’un excès de l’un d'eux n’affectera pas le mélange en solution, car elle ne change pas les phases solides en contact avec la so- lution. — MM. Thomas Purdie et James C. Irvine, par l’action des iodures d’alcoyles et de l’oxyde d’ar- gent sur des lactates gauches, ont obtenu le méthoxy- propionate de méthyle et l’éthoxyproponiate d'éthyle, dont les rotations spécifiques à 20° sont respectivement de — 950,53 et de — 799,69. La forte activité des alcoyl- lactates est certainement due à la présence d'une pe- tite quantité de ces corps comme impuretés. Les rota- tions moléculaires des acides méthoxy et éthoxypropio- niques anhydres sont à peu près égales; celles des méthoxypropionates sont plus élevées que celles des éthoxypropionates, mais elles diminuent, avec l’aug- mentation de concentration, plus vite pour les premiers que pour les seconds. — MM. A. W. Gilbody et W. H. Perkin jun., poursuivant leurs études sur la brasiline et l'hématoxyline, ont oxydé la diméthylbrasiline par le permanganate et ont obtenu un acide bibasique staäbie C:0H110$6, qui, par fusion avec la potasse, donne un dérivé du résorcinol. L'ensemble des réactions de la brasiline et de la brasiléine conduisent les auteurs à leur attribuer les formules suivantes : 0 on VNc— ce Non | | Il | Brasiline NACRE (Jon (O] o—/ Nc cm Non D | | Il WE Brasiléine JÈ M( | 4 VAE ND 1) Si ces formules sont exactes, celle de l'hématoxyline est la suivante : Le Léon. cf ER des dé (O 10: c/o [En &om L'on due ÔH M. T. M. Lowry a constalé que les lois sur la cristal- lisation des substances isodynamiques, déduites par lui-même deses études sur le nitrocamphre etle +-bro- monitrocamphre, s'accordent complètement avec les lois générales de Bancroft sur l'équilibre des stéréoiso- mères. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 25 Février 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J.de Vries: «Sur les cercles orthoptiques d’un réseau de coniques ». Les cercles de Monge d'un faisceau de coniques forment une série d'indice deux; sa représentation cyclogra- phique (Voir Rev. gen. des Sciences, t. IX, p. 596) est une biquadratique gauche. La représentation cyclogra- phique des cercles de Monge d’un réseau de coniques est une surface quintique. Les cercles de Monge d’un faisceau tangentiel de coniques forment un faisceau, ceux d'un réseau tangentiel de coniques forment un réseau. — M. P. H. Schoute: « Interprétation géomé- trique d’un invariant de la forme binaire 4° d'ordre pair ». La courbe normale pxi —Xi (i—0,1,2,...2n) de l’espace E,”" à 2n dimensions, admet œ* espaces E,*—1 qui la rencontrent en x points; le lieu de ces espaces E*-—1 en E” est un espace courbe C;"—, de l'ordre 2n — 2 à 2n — 1 dimensions, en rapport intime avec l’inva- riant général z (ab)}° de la forme binaire a ?. — Ensuite 1 n M. Schoute apporte, aussi au nom de M. D. J. Kor- teweg, sur le mémoire de M. S. L. van Oss, intitulé : « Das regelmässige Sechshundertzell und seine selbst- deckenden Bewegungen » (L'hexakosièdroïde régulier et ses déplacements anallagmatiques). La proposition de faire paraître le mémoire intéressant avec les épures précises dans les publications de l'Académie est ac- ceptée. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Haga, aussi au nom de M. C. H. Wind: « La diffraction des rayons X ». Dans le Laboratoire de Physique de l'Université de Groningue, cette diffraction fut démontrée de la ma- nière suivante. Le tube Rüntgen se trouvait derrière une fente de 4 centimètre de longueur et 14 microns de largeur. A une distance de 75 centimetres de cette fente fut placée la fente de diffraction, en forme de coin, se rétrécissant de 14 à 2 microns. La plaque pho- tographique se trouvait à une distance de 75 centi- mètres de la fente de diffraction. Temps d’expssition : de 100 à 200 heures. En parcourant l'image de la fente dans le sens de la largeur diminuante, celte image se rétrécissait d’abord pour s'élargir ensuite. De la lar- geur de la fente à la place où se montrait cet élargis- sement et du caractère de cet élargissement, on put évaluer grossièrement la longueur d'onde. Les rayons X de l'expérience possèdent une longueur d'onde com- prise entre 0,1 et 2,5 unités Angstrôm, renfermant un espace de plus de % octaves. La communica- tion paraitra in extenso dans le compte rendu de la séance suivante. — M. H. Kamerlingh Onnes présente, au nom de M. J. Verschaffelt, une communication intitulée: « Mesure de la forme des isothermes à proxi- mité du point de plissement et particulièrement sur la variation de la condensation rétrograde d’un mélange d'acide carbonique et d'hydrogène. Suite (Voir Rev. gén. des Sciences, t. X, p. 224). Dans cette partie-ci, l’auteur étudie deux autres mélanges aux rapports æ— 0,0995 et æ —0,1990. Ses principaux résultats sont résumés dans la représentation graphique (fig. 4), où la tempé- rature en degrés centigrades et la pression en atmo- sphères sont prises comme coordonnées, Le diagramme ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 331 fait voir la courbe CO, de la tension de vapeur de l'acide carbonique finissant au pointeritique {= 310,35, déterminé par M. Amagat, la courbe des — 799 0 pi=012;,9, RARES BEA EI 20° 25° Fig. 1. — Courbes limiles des mélanges critiques d'acide carbonique et d'hydrogène. — Les abscisses indique-t la température et les ordonnées la pression. points de plissement s'élevant d’une manière très raide du point critique pe de CO*,etles courbes limites ovales des mélanges déduites des séries d'expériences cor- respondant à des teneurs 0,0494 (série de la communi- cation précédente), 0,0995 et 0,1990. Il est probable que la courbe des points de plissement Joue le même rôle, par rap- port au point critique de l'hydrogène t——2340,5,p —20 Les ré- sullats de M. Verschaffelt s'accordent avec des expé- riences de Kundt relati- ves à l’in- fluence de la pression de l'hydrogène comprimé sur la tension su- perficielle des liquides, si O0 9,1 02 03 0% 05 06 07 08 09 10 — Variation de la pression d'un mélange d'acide carbonique et d'hy- drogène lorsqu'on remplace l’une des substances par l'autre, la température et Fig. 2. l’on fait atten- le volume restant constants. — Les tion au théo- abscisses indiquent la proportion de CO* arte MATE et les ordonnées la pression. van Eldik, d'a- près lequel la pression qui correspond à une tension superficielle zéro donne la pression du point de plisse- ment de la température de l'expérience. — M. Onnes pré- ente uneseconde communication de M.J.Verschaffelt : 332 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES NX « Mesures de variations de pression, causées par le remplacement de l’une des substances par l’autre, dans des mélanges d'acide carbonique et d'hydrogène. » Les expériences des deux études précédentes permettent d'examiner comment la tension du mélange dépend du rapport du mélange, la température et le volume restant constants. Le caractère de cette « variation de la pression par remplacement » est représenté dans le diagramme (fig. 2), où la teneur en acide carbonique et la pression figurent comme coordonnées. Ce dia- gramme se rapporte au volume 0,020 et à la tempt- rature de 489; il montre que la variation de la pression n'est pas propor- tionnelle à celle de la teneur. Définition du volume théori- quement normal. Considérations en rapport avec la loi d'Avogadro et celle de van der Waals, etc. — M. H. W. Bakhuis Rooze- boom présente un mémoire intitulé «Solubilité et points de fusion comme critérium pour la distinction des compo- sitions racé- miques, des cristaux de mélange pseudo - ra - cémiques et des conglomérats inactifs ».1.Solubilité. On ne saurait se faire une idée nette des phénomènes de solubilité qu'en faisant attention au nombre des courbes de solubilité possibles à une température donnée. Soit Oa (fig. 3), la teneur de la solution saturée de la substance dextro- gyre, Ob, celle de la substance lévogyre; alors Oa et Ob sont égaux pour la même température. Par l’addi- tion de L (substance lévo- gyre) à la solution de D (substance dextrogyre), et A B réciproquement, on ob- tient, si la température en question ne donne pas lieu à la formation de compo- sitions racémiques, deux C . DES LE PTE E r courbes de solubilité ac et bc, symétriques par rap- port à la bissectrice OB de L+D l'angle des axes et con- courant donc en un point c de cette droite. Si une L D autre température fait nai- tre une composition racé- mique, on obtient trois courbes de solubilité de, efg, gh. La seconde, efg, a trait à la solution de cette composition; f représente sa solution pure, e et g font connaître ses solutions en présence de surabondance de D ou L. A la tempéra- ture de transition, la seconde courbe efq disparait (point A). Ici la solution est toujours inactive. Ainsi, si oO & & Fig. 3. — Courbes de solubilité de substances dextrogyre et lévogyre, soil seules (ac, be), soit en présence d'une combinaison racé- mique (de, efg, gh). Fig. 4. — Congélulion d'un mélange de cristaux lévo- gyres el dexlrogyres don- nant unconglomératinactif. la substance inactive est un mélange fixe de L etD dont les constituants situés l’un à côté de l’autre con- servent leur indépendance (conglomérat), on ne trouve que le point c comme solution saturée; si la substance inactive est une composilion, on peut trouver trois solutions différentes à mesure qu'elle figure seule ou avec surabondance de L ou de D. Phénomènes qui ac- compagnent l'évaporisation. Compositions partiellement racémiques. Cristaux de mélange pseudo-racémiques. 2. Points de fusion. S'il n'y a ni composition, ni cristaux de mélange, la figure 4 représente le schéma de la congélation. Là, l'axe horizontal porte le rapport de mélange de L et D, l'axe vertical mesure la tempéra- ture, À et B indiquent les points de fusion de L et D; AC est la ligne de congélation pour les liquides qui déposent L, BC celle pour les liquides qui déposent D. Chaque mélange congèle en C à un conglomérat inactif de L et D. En présence d'une composition racémique, on trouve deux types différents (fig. 5 et 6). C est le point de fusion de la composition; ce point corres- pond à une température plus haute (fig. 5), ou plus basse (fig. 6), que celle des points A et B; dans les deux Fig. 6. Fig. 5 et 6. — Congélation d'un mélange de cristaux dextro- gyres el lévogyres en présence d'une combinaison racé- mique. Fig. 5. cas on a affaire à trois lignes de congélation. Enfin, s’il y à une série continue de mélange, il n’y a qu'une ligne unique, etc. — M. A.-P.-N. Franchimont, en offrant la thèse de M. L. T. C. Schey, communique les résultats de ce travail fait dans son laboratoire. Il s'agit de la synthèse et de la détermination des propriétés physiques sui- vantes : densité, indice de réfraction et point de fusion des éthers neutres glycériques, triacylines, des acides monobasiques à nombre pair d'atomes de carbone, à savoir: tributyrine, tricaproïne, tricapryline, tricaprine, üilaurine, trimyristine, tripalmitine et tristéarine, dont les trois premiers sont liquides, les autres solides. La tricaprine cristallise en grands cristaux limpides, dont le point de fusion est le même que celui de l'acide caprinique; tandis que le point de fusion des termes plus bas est au-dessous de celui de l'acide, celui des termes plus élevés se trouve au-dessus. Ce travail va paraître dans le Recueil des Travaux chimiques des Pays- Bas et de la Belgique. P.-H. Scnoure. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. *e PP es ee ar 10° ANNÉE N° 9 15 MAI 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 1. — Distinctions scientifiques A Élection à lFAcadémie des Sciences. — Lundi dernier, 8 mai, l'Académie a procédé à l'élection d'un membre dans sa Section de Botanique, en rempla- cement de M. Naudin, décédé. La Section avait présenté : 49 En première ligne. . M. Prillieux. M. Bureau. M. Maxime Cornu. M. B. Renault. M. R. Zeiller. Le vote ayant, au premier tour de scrutin, donné 52 suffrages à M. Prillieux, ce savant a été déclaré élu. M. Prillieux, ancien professeur à l’Institut Agrono- mique et inspecteur général de l'Agriculture, s'était acquis des titres considérables à l'estime de l'Aca- démie. Par ses travaux, ses tournées d'inspection et son enseignement, il a puissamment contribué à la lutte contre les maladies des plantes cultivées. On Jui doit, en cet ordre de faits, d'importantes études sur l'infection des céréales par les Cryptogames et des arbres fruiliers par les Insectes. Ses recherches, pour- suivies pendant de longues années dans cette direction, ont enrichi la Science de notions importantes et doté en même temps notre Agriculture nationale d'armes nouvelles contre ses plus redoutables ennemis. ! 2° En seconde ligne, ex æquo, par ordre alpha- DÉTQUe MR ER $ 2. — Physique La vitesse du son dans l'air comprimé. — L'importante question de la relation entre la vitesse du son dans un milieu et la pression de ce dernier, a préoccupé de nombreux savants. Elle a été, en particu- lier, l’objet de minutieuses recherches de M. Kundt, qui ne réussit pas à mettre en évidence la loi de cette relation, à cause des limites trop restreintes des pres- sions employées (de 400 à 1.600 millimètres de mer- cure). Un savant polonais, M. A. W. Witkowski, vient de reprendre ces recherches" en utilisant des pressions 1Bullelin inlernalional de l'Académie des Sciences de racovie, mars 1899, pages 138 à 157. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899, pouvant dépasser 100 atmosphères, ef il a fait faire un pas important à la question. L'appareil dont il s’est servi (fig. { et 2) est semblable à celui de M. Kundi, avec les modifications nécessitées par l'emploi des hautes pressions. Un tube de cuivre M, éliré sans soudures, d'environ un mètre de longueur, et très résistant, contient un second tube en verres, dans lequel on a déposé une petite quantité de silice à l’état de poudre très fine. IL est monté à l'intérieur d’une caisse K en feuilles de zinc, remplie de glace pilée‘. Une tige de verre P, d'un diamètre de 10 à 11 millimètres, sert pour obtenir la vibration de l'air ; elle est disposée de manière à rendre son second ton propre. Un second tube-témoin de verre S' est placé à l'autre extrémité de la tige, à l’intérieur d’une seconde caisse K! en feuilles de zinc. Il est toujours rempli d'air sec, sous pression atmosphérique, à 0°; il sert à con- trèler la formation des franges dé silice. Le tube M est rempli d'air comprimé par l'intermédiaire du tube capillaire de cuivre A. Ce dernier est en communication avec un cylindre résistant Z, qu'on charge au commen- cement d'une série d'expériences avec de l'air pur et desséché sous une pression de 120-130 atmosphères, et avec un manomètre à air comprimé G. La partie la plus délicate de l'appareil, et qui a demandé de nombreux essais, est le tube d’expé- rience M (fig. 2). La tige P, légèrement renflée à une distance égale au quart de sa longueur, est cimentée dans une pièce métallique D, qui est elle-même soudée à l'extrémité du tube M. Pour obtenir une fermeture hermétique, on a encore disposé autour de la tige deux rondelles de caoutchouc et de plomb, qui sont forte- ment comprimées par la vis creusée C. L'autre extré- mité du tube M est fermée par une pièce conique E, serrée par quatre vis à clef et traversée par un tube capillaire en cuivre, muni d'un robinet B. C'est par l'extrémité E qu'on introduit le tube de verre S, dans lequel se dessinent les franges demi-onde. On a em- 1 L'auteur a fait une série d'expériences à la température de—1805; pour cela, il se servait d'une seconde caisse à double paroi, remplie d'un mélange réfrigérant d’acide car- bonique solide et d'éther. Le) 334 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ployé deux calibres de tube: 20,5 à 20,7 millimètres et | courant prolongé d'air sec, dérivé du cylindre Z, puis 8,6 millimètres de diamètre intérieur. Les deux bouts | on ferme le robinet B, et par ce fait le tube M et le de ces tubes portaient des garnitures en papier collé | manomètre se chargent simultanément d'air comprimé nm > + 1014 mm ------. Fig. 2, Fig. 1et 2. — Appareil de M. Witkowsky pour la mesure de la vitesse du son dans l'air comprimé. Fig. 1. Schéma de l'appareil complet. Fig. 2. Délails de la partie gauche de la fiqure 1. — M, tube de cuivre; K, K!, caisses en tôle de zinc; P, tige de verre; S!, tube témoin; B, robinet; A, tube capillaire en cuivre; Z, réservoir à air comprimé; G, manomèlre; S, tube de verre; D, bouchon métallique; G, vis creusée; E, fermeture conique. pour qu'il fût possible de les installer à l'intérieur du | sous la pression désirée. Quinze à vingt minutes suffi- tube M dans une position bien centrée et avec un frot- | sent en général pour que le gaz prenne la température Tableau I. — Vitesse du son dans l’air comprimé. STI CRÉÉ D Mo ot 0 ft Gioly € à I DiamétrelOnn) RER 20,5 Fréquence 6.260 Température 0e Pression (atm.) 0,997 : 0,996 0,993 1,000 : 0,999 0,997 : 1,003 à 1,002 1,00L 1,00% 1,005 : 1,00% 1,003 1,007 1,007 À 1,005 1,005 1,011 1,009 à 1,006 1,007 1,013 1,011 ; 1,007 1,009 1,016 1,016 À 1,01% 1,015 1.021 1.021 ; 1,022 1.020 1027 1,027 ; 1.031 1,026 1,03% 1,040 1,033 1,042 1,050 1,041 (85) 1,051 1,061 1,051 1,072 1,085 1,101 tement suffisant pour prévenir leur déplacement par | de la glace ou de l'acide carbonique. On excite alors les suite des vibrations de l'appareil. vibrations de la tige P, qui provoquent des vibrations Pour faire une détermination, on procède de la | correspondantes à l'intérieur du tube S; la poudre de manière suivante: On fait passer dans l'appareil un | silice se range aux nœuds et aux ventres de vibration, e RES 4 . & LU à à et deux franges consécutives sont séparées par une dis- tance d’une demi-longueur d'oude. On lit simultané- ment le manomètre, puis on vide avec précaution lap- pareil. On relire le tube de verre et on mesure la distance y des franges. ; Ce qu'on mesure par la méthode de M. Witkowsky, c'est la valeur p, pour l'air à la pression atmosphérique et les valeurs pour les diverses pressions. Il est évi- Sn te tonne de u dent que les rapports . sont égaux aux rapports e J. 1 de la vitesse du son dans l'air comprimé à la vitesse dans l'air atmosphérique, la température 0, le dia- mètre du tube d et la fréquence w des vibrations dou- bles étant les mêmes : LL UD pe Mais on sait, en outre, que la vitesse dans un tube cylindrique diffère de la vitesse à l'air libre, suivant une formule qui a élé déterminée par M. Webster Low : 4,507 u—=1— = dvVn En combinant cette équation avec la précédente, l’au- teur a calculé les valeurs de la vitesse du son (celle dans l'air à une atmosphère étant prise comme unité) contenues dans le tableau 1. 3 Abstraction faite des irrégularités qu'on doit attribuer aux erreurs d’observalion et peut-être à l’imperfection de la méthode expérimentale, le fait suivant ressort clairement de l'examen de ce tableau: La vitesse du son dépend de la pression; pour une pression de 400 atmos- phères, l'accroissement de vitesse est de 7 °/, environ aux lempératures ordinaires. Aux basses tempéralures, la vitesse décroît d'abord pour une pression croissante, puis elle croît ensuite. Dans une seconde parlie de son mémoire, l’auteur a calculé d’après la vitesse du son le rapport K des cha- leurs spécifiques de l'air aux hautes pressions. Les . résultats sont un peu supérieurs à ceux qu'il avait . obtenus il ÿ a quelques années par une autre méthode. rt de à dé on an a: te ce dt en de Éd SE Sd S 3. — Physique industrielle L'enseignement de la Physique indus- trielle à l'Université de Lyon. — Répondant à l'appel de la Revue‘, désireuse de rassembler des do- cuments sur l'enseignement de la Physique industrielle dans les Universités de Province, M. H. Rigollot, chargé de cours à l'Université de Lyon, nous adresse l'intéres- ‘sante commuuicalion que voici : « L'Université a créé cet enseignement en 1898. Les cours sont au nombre de trois par semaine : deux consacrés à l'électricité industrielle et le troisième aux questions de chauffage, de détermination des … températures élevées, à l'étude des moteurs thermi- ques et à la photométrie; une séance de travaux pratiques complète cet enseignement?. « Grace aux libéralités du Conseil de l'Université, qui, après avoir volé des fonds, a encore concédé une portion du revenu d'une dotation particulière (Falcouz), on à pu commencer l'installation d'un laboratoire spé - cialement desliné aux élèves du cours de Physique industrielle. : : L « Il à été possib'e de rassembler un ensemble d’au- diteurs assez homogène et faisant prévoir l’évolution ! Voyez dans la Revue du 30 janvier 1899, pages 55 et suiv., du 30 mars, page 209, et du 15 avril, page 258, les arlicles et lettres de M. Pierre Weiss et de M. À. Pérot, sur l’en- seignement de la Physique industrielle, etc., à Kennes et à Marseille. ? « Avant l’organisation actuelle de l'Enseigement de la Physique industrielle, un cours libre hebdomadaire d'Elec- tricité industrielle avait été fait à la Faculté pendant deux ans, par M. Busquet, Ingénieur des Arts et manufactures. » CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 333 que soubaile M. P. Weiss des Ecoles techniques vers l'Enseignement supérieur. « L'horaire des Cours et Exercices a été établi d'accord avec l'Ecole Centrale Lyonnaise et l'Ecole de Chimie industrielle, de manière à permettre à ceux des élèves voulant compléter leur instruction, de suivre l’enseignement de la Physique industrielle. « Aussi les auditeurs qui, depuis l'ouverture des cours, assistent aux lecons se composent de : « 13 élèves de l'Ecole Centrale Lyonnaise, «15 — de l'Ecole de Chimie industrielle, « 3 ingénieurs, « 4 étudiants, 5 auditeurs de professions diverses. « 35 auditeurs sont inscrits pour les travaux prati- ques et se retrouvent aux côtés du Professeur dans les visites d'usines. « L'enseignement ne comple pas encore une année d'existence ; un tel début fait bien augurer de l'avenir.» H. Rigollot, Chargé du Cours de Physique industrielle à l'Université de Lyon. $ 4. — Géographie et Colonisation La convention franco-anglaise du 21 mars 4899. — L'abandon par la France de la position de Fachoda, sur le Nil, entraïnait la nécessité de régler diplomatiquement entre les deux pays les limites de leurs sphères respectives d'influence dans les bassins du Congo et du Nil. C'est ce qui a été fait par la conven- tion du 21 mars 1899. IL est à remarquer que cet arrangement met fin au dernier litige terrilorial sub- sistant en Afrique entre la France et l'Angleterre; nous n'en parlons ici qu'au point de vue géographique, laissant de côté toute appréciation politique. Une ligne de démarcalion a été tracée, au delà de laquelle chacune des deux Puissances ne pourra res- pectivement acquérir ni territoire, ni influence poli- tique. Cette ligne-frontière part du point où la limite entre l'Etat libre du Congo et le territoire francais rencontre la ligne de partage des eaux coulant vers le Nil et des eaux qui s'écoulent vers le Congo et ses affluents. Elle suit en principe celte ligne de partage jusqu'à sa rencontre avec le 11° paralièle de latitude nord. A par- tir de ce point, elle sera tracée jusqu'au 15° parallèle, de facon à séparer en principe le royaume de Ouadaï de ce qui élait, en 1882, la province de Darfour; mais son tracé ne pourra, en aucun cas, dépasser à l’ouest le 21° degré de longitude Est de Greenwich (18940! Est de Paris); ni à l’est, le 23° degré de longitude Est de Greenwich (20/40/ Est de Paris). : Au nord du 15° parallèle, la ligne séparative partie du point de rencontre du tropique du Cancer avec le 16° degré de longitude Est de Greenwich (13°40' Est de Paris) descend dans la direction du sud-est jusqu'à sa rencontre avec le 24° degré de longitude Est de Green- wich (21°40’ Est-de Paris) et suit ensuite le 24° degré jusqu'à sa rencontre au nord du 15° parallèle de lati- tude avec la frontière du Darfour telle qu'elle sera ulté- rieurement fixée. L'accès du Nil est ouvert à notre commerce du 5° au 1420" de latitude nord, c'est-à-dire sur un développe- ment de près de 800 kilomètres. Le régime de l'égalité de traitement est garanti dans toute celte zone aux ressortissants des deux Puissances. Cet accord assure donc d'une facon définitive la jonc- lion de nos possessions du Congo proprement dit et du haut Oubangui avec le Soudan et l'Algérie; notre em- pire africain forme désormais un tout homogène. Le Babr-el-Ghazal, qui est une dépendance du bassin du Nil, passe sous l'influence anglaise; au nord du Bahr-el-Ghazal, le Darfour reste également dans la zone anglaise. Par contre, on nous reconnait le Ouadaï, puis le Baguirmi et le Kanem, qui occupent une parlie du bassin oriental et septentrional du lac Tchad. Plus au 3306 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE nord, le Borkou et le Tibesti sont désormais les con- trées les plus orientales de nos possessions sahariennes, Le Tchad forme le point de contact de nos trois grands groupes africains : Algérie-Tunisie, Soudan, Congo. Trois expéditions francaises se dirigent actuelle- ment vers ce centre : la mission Foureau-Lamy doit aller de l’Aïr au Kanem; les capitaines Voulet et Cha- noine se rendent du Niger vers le Tchad à travers le Damergou; M. Bretonnet, concentrant ses moyens d’ac- tion sur les postes de l'Oubangui et du Gribingui, se dispose à descendre le Chari, et, s'il y a lieu, à réta- blir dans leurs foyers nos protégés du Baguirmi que Rabah avait dépossédés. Nous allons donc bientôt prendre possession effective de plusieurs des territoires que la convention nouvelle nous reconnaît. Voici quelques rapides indications sur divers terri- 5 0 tabac à petites feuilles, très renommé; le sorgho et le blé viennent bien également, et les dattiers forment d'épais bosquets. La population du Borkou comprend, d'une part, des nomades, et, d'autre part, des groupes sédentaires, compris sous la désignation collective de Dongosa ou de Doza; elle a beaucoup décru par suite des dévastations des Arabes et des Touareg. Le Kanem, au nord et au nord-est du lac Tchad, est un pays qui eut jadis une grande importance; il a pour capitale Mao. Les sultans propagèrent l'islamisme à partir du x1° siècle et étendirent leur domination jus- qu'au Fezzan et à la Nubie; mais au xvi° siècle, le Bor- nou le mit sous sa dépendance, et aujourd'hui le Kanem est subordonné au moins nominalement au Ouadaï. En réalité, le pays est soumis à l'influence des Oulad Sli- man, tribu tripolitaine chassée des régions de la Grande LÉGENDE Ligne SayBarrouaWédaration duSAout 1840. — Lunite des possessions françaises ,d' {4 après la Convention dul# Jar 1898. Liratedespossessions françaises, d” FF < Fez L an | °Moursoul: 5+- après la Convention du 21 Mars 1899. Zone à délrrater ulterieurement.. : Luünite de larrangement commercial. -__- Limite des possessions françaises, L'\N après des Conmentions anterteures. Slarnotrie Fa Î N: S & . IN = Wqc ER À Ÿ IR NÙ NI È sanetettennttennte ten Massényæ 15 Cravé par F Porremars, 17 rue SLSulpice - Paris Fig. 4. — Délimilalion des possessions françaises el anglaises en Afrique centrale d'après les différentes conventions. toires situés aux confins de notre nouvelle fron- tière. Le relief tibestien se relie à la région montagneuse targui, connue sous le nom de Hoggar, qui se dresse à la partie orientale du Sahara. Le climat du Tibesti est très chaud, mais bon. Le pays produit surtout des plantes fourragères; les dattiers y sont nombreux. Entre le mont Tummo et l'oasis de Bilma, l’oasis de Kaouar forme un petit Etat autonome; ses habitants, de race teda, sont les maîtres de la route de Kouka à Mourzouk. Le Borkou, limité au nord par les monts libestiens et leurs contreforts, va en s'élevant insensiblement du sud- ouest au nord-est. C'est une région très bien arrosée. Quoiqu'il y pleuve moins qu'au Tibesti, le sol y est plus productif. Les oasis sont nombreuses; les princi- pales sont celles de Tiggi, de Yarda et de Voun; cette dernière est la plus étendue. On cultive le blé et un Syrte et qui se livre à des razzias incessantes entre le Tibesti et le Bahr-el-Ghazal. Dans la partie sud-est du Kanem, on trouve des val- lées très fertiles ; le pays produit des céréales, du coton, du tabac. Le Ouadaï est l’un des meilleurs parmi les pays qui nous sont reconnus. Le nord est constitué par le steppe intermédiaire entre le Sahara et le Soudan; le reste appartient à la région soudanaise, Le pays produit de belles races de chevaux, des chameaux réputés et on y élève de nombreux troupeaux de chèvres et de mou- tons. On cultive du riz, du sarrasin, du blé, du cotou. L'indigotier pousse un peu partout, ainsi que le dat- tier et le sésame. L'industrie est rudimentaire dans le Ouadaïi; on y fabrique cependant, avec le fer indigène et le cuivre de Rounga et de Hofrah-en-Nahas, des armes et quelques instruments de labour. Gustave Regelsperger. SVANTE ARRHÉNIUS — LES OSCILLATIONS SÉCULAIRES DE LA TEMPÉRATURE 337 LES OSCILLATIONS SÉCULAIRES DE LA TEMPÉRATURE A LA SURFACE DU I. — PREUVES GÉOLOGIQUES DE GRANDES VARIATIONS DE LA TEMPÉRATURE. L'étude des restes des êtres qui appartenaient au règne animal et au règne végétal des époques géo- logiques passées et la comparaison de ces orga- nismes avec les êtres actuels, nous font supposer que les premiers ont joui d’une température plus élevée que les derniers. C’est d’ailleurs une idée généralement répandue que la température de notre globe va sans cesse en décroissant lente- ment. Cependant la Géologie nous enseigne que ce lent refroidissement ne s’est pas toujours produit d’une manière continue, mais que la température du globe a éprouvé des oscillalions, de sorte que les périodes chaudes ont alterné avec les périodes froides. x Ces varialions prononcées de la température sont le mieux établies pour les époques qui ont précédé de près l’âge actuel. Cela ne veut pas dire qu'on .manque d'indices attestant de pareilles variations à des époques géologiques fort reculées, à l'époque permienne par exemple. Mais nous nous borne- rons à l'étude des périodes les plus rapprochées de nous. Par exemple, il est démontré que, pendant la période tertiaire, la flore et la faune de l'Europe affectaient une allure beaucoup plus méridionale que sous leur forme actuelle. On estime que la température moyenne devait êlre supérieure de 8 à 9 degrés cenligrades à ce qu'elle est à présent. Vint ensuite une période très froide, la grande période glaciaire, au cours de laquelle toute l'Eu- rope septentrionale, jusqu'au centre de la Russie et de l'Allemagne, le nord de la France et presque toute la Grande-Bretagne furent recouvertes d'épais glaciers. A la même époque, l'Amérique du Nord jusqu'au sud des grands lacs élait glacée comme le Groënland l'est maintenant. Même dans l'hémi- sphère sud on a trouvé des traces de celte époque glaciaire. Les explorations géographiques, si ac- tives de nos jours, donnent à supposer que le globe tout entier a ressenti les atteintes de ce régime glacé. Il est en particulier très important de re- marquer qu'on à trouvé des traces de glacier sur des montagnes de la région équatoriale où actuel- lement ne saurait se produire de glace. Autrefois on a admis généralement, sur la foi de la théorie de Croll, que la période glaciaire de l'hémisphère GLOBE TERRESTRE nord était contemporaine d’une période chaude sur l'hémisphère sud, de sorte qu'au voisinage de l'équateur il n'y aurait pas d'oscillation appréciable de la température. Mais les recherches géologiques modernes tendent de plus en plus à prouver que le régime glaciaire s'est étendu à la fois sur les deux hémisphères : elles contredisent donc la théorie de Croll. On a calculé que pendant la « grande période glaciaire » la température a été de 4 à 5°C. infé- rieure à la température actuelle. Ensuite vint la période dite interglaciaire, dont le climat paraît avoir été un peu plus doux que le nôtre. Elle a fait place à une nouvelle période glaciaire, sans doute moins rigoureuse que la première, mais encore assez pour ensevelir sous une couche épaisse de glace toule la péninsule scandinave et une partie des pays avoisinants. Il ressort de l'étude de la flore que, peu avant les temps historiques, le climat de la Suède centrale était d'environ 2 degrés plus chaud qu'il ne l’est maintenant. Cette variation est-elle purement locale, ou, ce qui est plus probable, présente-t-elle un ca- raclère universel? C'est ce qui n’est pas encore nettement établi. Ces dernières oscillations se sont produites à une époque assez avancée pour que l'homme, déjà existant pendant la période inler- glaciaire, ait dû en ressentir l'influence, bien que les documents historiques soient muets à cet égard. Pendant les temps historiques, il s'est, à la vérité, produit aussi de ces varialions de température. Le fait principal parait être que le climat de l’Europe avait au Moyen Age un caractère plus continental que maintenant; les hivers étaient plus rigoureux et les étés plus chauds. Quelques auteurs sont d'avis qu'un mouvement en sens contraire se fait sentir actuellement en Russie par suite du déboï- sement. Somme toule, la température moyenne ne semble pas avoir subi de varialion appréciable depuis les temps historiques. II. — TENTATIVES ANCIENNES D'EXPLICATION DES VARIATIONS DE TEMPÉRATURE. Puisque ces grands bouleversements ont déjà atteint l'homme, il n’est pas invraisemblable qu'il puisse y être encore exposé. Ces variations de température ont été fort irrégulières dans un sens et dans l'autre et parfois suffisantes pour anéanlir d'une manière totale une civilisation telle que la civilisation européenne actuelle. Il n’est done pas 333 SVANTE ARRHÉNIUS — LES OSCILLATIONS SÉCULAIRES DE LA TEMPÉRATURE étonnant qu'on poursuive avec grand intérêt une réponse à celte question : « Quelles ont été jes causes de ces oscillations de température et jus- qu'à quel point sommes-nous assurés contre leur influence dévastatrice ? » La question a élé en réalité posée à différentes reprises, et les Académies et Sociélés savantes en ont fait un sujet de prix. Nombreuses sont les solutions qui ont été proposées de celte énigme, jusqu'à présent sans grand succès du reste. Sui- vant Croll, nous devons attendre des périodes froides sur l'hémisphère nord quand l’excentricité de l’écliptique devient grande : cette théorie fut au début accueillie avec grande faveur. Adhémar, en France, l'avait adoptée aussi; mais plus tard, elle ne put tenir devant l'implacable critique. Un savant italien de haute valeur, M. L. de Mar- chi, à réuni toutes les hypothèses (antérieures à 1896) et démontré qu'elles ne résistent pas à un examen approfondi. Il a lui-même proposé une théorie, qui n'est, pas plus que les précédentes, susceptible de fournir une solution acceptable, comme nous le montrerons plus loin. Il semblerait donc qu'on eût bien peu de chances de succès en reprenant une question où tant d'hommes éminents ont exercé en vain leur saga- cité. Au fond, la situation n’est pas tellement déses- pérée, grâce aux énormes progrès accomplis par les sciences physiques et naturelles, qui nous per- mettent aujourd'hui d'utiliser des éléments dont ne disposaient pas nos devanciers. Bien plus, je crois que la théorie que j'ai proposée, il y a quelques années, est tout à fait d'accord avec les résultats des recherches physiques et géologiques. Aussi ai-je accepté avec empressement l'invitation du direc- teur de cette /?evue, m'offrant l'occasion de faire connaître au grand publie mes idées sur ce sujet. Je serais très heureux que cette publication solli- citât de divers côtés de nouvelles contributions à l'étude de cette question qui intéresse l'existence même de humanité. III. — THÉORIES DE FOURIER ET POUILLET RELA- TIVES À LA DIATUERMANÉITÉ DE L'AIR. MESURES DE M. LaAnNGLEY. Dès le commencement de ce siècle, les éminents physiciens francais Fourier et Pouillet ont déve- loppé une théorie, suivant laquelle l'atmosphère terrestre favoriserait beaucoup l'élévalion de la température à la surface du globe. L'air atmosphé- rique jouerait le même rôle que les vitres d'une couche de jardin, qui laissent passer la chaleur lumineuse du soleil, mais, par contre, absorbent à peu près totalement la chaleur obscure émise par le sol. L'air forme ainsi pour la chaleur une sorte de « souricière », et il s'ensuit que la température du sol s'élève plus que si l'air n'existait pas. Cette manière de voir fut généralement adoptée, et le célèbre physicien américain M. Langley est même allé jusqu’à dire que, sans la présence de l’atmos- phère, la température du sol serait de — 200° C. en plein soleil (la température moyenne actuelle est voisine de 15°). Comme la Lune est à peu près à la même distance du Soleil que la Terre et qu'elle n'a pas d'atmosphère, il faudrait conclure, d'après M. Langley, que la température, à la surface de la Lune, en plein soleil, est de — 200° C. Or, M. Langley a comparé le rayonnement calorifique de la Lune, complètement éclairée par le Soleil (pleine lune), au rayonnement de sources calorifiques terrestres : la conclusion inattendue de ces comparaisons, c'est que la température moyenne de la pleine lune est de Æ 50°C. D'après de nouvelles déterminations de M. Véry, la température maxima de la surface lunaire dépasserait même 100°C. En réalité, la température de la Lune parait subir des oscillations de très grande amplitude et il va de soi que l'atmosphère terrestre exerce sur la tem- péralure une influence régulatrice, et de même l'Océan. Tyndall à aussi appelé l'attention sur le rôle régulateur important que joue la vapeur d’eau atmosphérique. Mais c'est seulement dans les tra- vaux de M. Langley qu'on peut trouver une véri-. fication de la théorie de Fourier et Pouillet, en ce sens que l'absorption élective de l'air provoque une élévation de la température moyenne. IV. — ABSORPTION DE LA CIIALEUR PAR L'ATMOSPIÈRE. ROLE DE LA POUSSIÈRE, DE LA VAPEUR D'EAU, DU GAZ CARBONIQUE. Avant de discuter ce point, il est indispensable de se faire une idée de l'ordre de grandeur de l'absorption exercée par l'air sur la chaleur solaire et sur la chaleur terrestre. Nous avons à considérer Lrois facteurs essentiels : d'abord l'oxygène, l'azote, : l'argon formant la majeure partie de l'air. Suivant les données expérimentales actuelles, ces gaz ne semblent modifier, d’une manière sensible, ni le rayonnement solaire, ni le rayonnement terrestre. Viennent ensuite les poussières en suspension : celles-ci exercent une influence très notable sur les radiations fortement réfrangibles, qui se ren- contrent'en grand nombre dans le spectre solaire, tandis qu'elles font à peu près totalement défaut dans le rayonnement terrestre. Enfin restent deux constituants de l'atmosphère, lesquels, en dépit de leur faible masse, ont iei un rôle prépondérant : ce sont la vapeur d'eau et l'acide carbonique. Ges deux gaz absorbent à la vérité une fraction très faible de la chaleur solaire. D'après les mesures de es énms soiité à és SVANTE ARRHÉNIUS — LES OSCILLATIONS SÉCULAIRES DE LA TEMPÉRATURE 339 M. Langley, cette absorption ne parait pas dépendre de l'état hygrométrique, pourvu que la force élas- tique de la vapeur dépasse une certaine limile (52% de mercure environ). Selon toute vraisem- blance, il en est de même de l’absorptiondes rayons solaires par l'acide carbonique. Langley estime que les soixante centièmes environ du rayonnement s0- laire atteignent la surface du sol, quand le ciel est absolument sans nuage. Tout autre est l’action que les deux gaz exercent sur le rayonnement terrestre. Celui-ci est constitué par des radiations de grande longueur d'onde : l'intensité maxima correspond àune longueur d'onde de 10 y environ. Sur les rayons de cette nature la vapeur d'eau et l'acide carbonique exercent une absorption énergique, d'autant plus énergique qu'ils se trouvent en plus grande quantité dans l'atmos- phère. M. Langley a calculé, d'après les mesures qu'il a effectuées du rayonnement de la Lune, que, dans les conditions de ses expériences, à peu près les trente-huit centièmes du rayonnement de la Lune parviennent à la surface de la Terre. Comme le rayonnement de la pleine lune émane d’un corps dont la température ne diffère guère de celle de la Terre, les radiations calorifiques de la Lune et de la Terre appartiennent à peu près aux mêmes régions du spectre et éprouvent de la part de l'atmosphère sensiblement la même absorption. V. —— EXAMEN DE LA TRÉORIE DE FOURIER ET PourcceT. EXTENSION POSSIBLE DE CETTE THÉORIE. Les données de M, Langley vérifient donc les idées de Fourier et de Pouillet, puisque l'atmosphère laisse passer les soixante centièmes du rayonnement solaire et les trente-huit centièmes seulement du rayonnement terrestre”, Du reste, ce dernier chiffre est sans doute encore trop élevé, notablement trop élevé même, car le rayonnement terrestre doit, en moyenne, avant d'atteindre les espaces interplané- taires, traverser des masses de vapeur d'eau et d'acide carbonique plus considérables que celles traversées par le rayonnement lunaire dans les expériences de M. Langley. On peut évaluer à envi-” ron 20°C. l'élévation de température due à l’inégale absorption du rayonnement recu et durayonnement émis par le sol terrestre. L'influence de l'absorp- tion élective de l'atmosphère sur la température du globe, comme l'ont signalé pour la première fois Fourier et Pouillet, est donc hors de doute. Il est naturel, par suite, de se demander si cette absorp- tion élective n'a pas varié avec le temps et si cette 4 Ces chiffres n'ont, à vrai dire, de valeur que pour les observations faites par M. Langley aux environs de Pittsburg, darcs l'Etat de Pensylvanie (Etats-Unis), mais partout le premier nombre serait supérieur au deuxième. circonstance n'expliquerait pas les variations sécu- laires de la température, dont la Géologie nous à démontré l'existence, LES PROPORTIONS D'AZOTE ET D'OXYGÈNE N'ONT PAS SENSIBLEMENT VARIÉ PENDANT LES DER- NIÈRES ÉPOQUES GÉOLOGIQUES. Deux causes peuvent, dans cet ordre d'idées, pro- voquer une élévation de la température du sol: 1° un accroissement de la transparence de l’atmos- phère pour la chaleur solaire ; 2° un accroissement de l'absorption du rayonnement terrestre par cette même atmosphère. Le premier changement pour- rait résulter d'une raréfaction de l'air : en effet, plus l'air est raréfié, moins les fines poussières s'y maintiennent facilement en suspension. M. Langley démontra effectivement queles couches inférieures de l'atmosphère, plus denses, sont moins trans- parentes pour la chaleur solaire que les couches supérieures, moins denses. On penserait peut-être que la richesse de l’air en azole aurait varié avec le temps. On sait, en effet, maintenant, que cerlaines bactéries s’assimilent l'azote de l'air; mais les quantités d'azote ainsi transformées sont insigni- fiantes et l'azote abandonné par la croûte terrestre compenserait celui qui serait ainsi absorbé. Quoi qu'il en soil, on ne constate aucun emmagasinage d'azote dans la croûte terrestre, comme il arriverait si le sol absorbait une proportion notable de l'azote atmosphérique. Il résulte de ces considérations qu'il est très peu vraisemblable que la masse d'azote qui constitue la portion dominante de l'atmosphère subisse des variations appréciables. Il y à aussi peu de raison pour admettre une variation de quelque importance dans la quantité de l'oxygène, le deuxième constituant principal de l’atmosphère. On à bien émis l'opinion que la com- bustion du charbon de terre pouvait appauvrir l'atmosphère de son oxygène. La consommation actuelle du charbon est d'environ 500 millions de tonnes par an : elle correspond à environ 1,4 mil- lionième de la quantité totale d'oxygène contenue dans l'atmosphère. Si de ce chef la masse d'acide carbonique augmente, la transformation de ce gaz en oxygène par les végétaux augmente aussi. Par analogie avec les autres réactions chimiques, il est à supposer que cette production d'oxygène croit proportionnellement à la quantité d'acide carbonique, tant du moins que celle-ci n’est pas trop grande !. Les végétaux forment donc un puis- sant régulateur qui s'oppose à l’appauvrissement de l'oxygène. La production de carbone par les 1 Cela est tout à fait d'accord avec les expériences de M. Godlewski, sur l'assimilation de la massette (Typha lali- folia). 340 plantes d'une part, la combustion des matières carbonées d'origine végétale, d'autre part, soit par l'intermédiaire des animaux, soit par la putréfac- tion, doivent se faire à peu près équilibre. Cependant, gràce à la formation de tourbe qui se poursuit d'une manière continue, la balance parait pencher en faveur de l'oxygène : il n’est pas invrai- semblable en soi qu'une notable partie de l'oxygène atmosphérique trouve son origine dans la forma- tion des tourbes et des charbons minéraux. Si aucune autre circonslance ne concourait à la pro- duction où à la consommation d'acide carbonique, toute augmentation de l'oxygène serait corrélative d'une diminution d'acide carbonique. Mais, en réa- lité, les choses ne sont pas aussi simples. Pour des raisons qui vont être développées ci- dessous, il est probable que la quantité d'acide car- bonique ne s’est pas sensiblement modifiée depuis les temps historiques; la masse absolue de l’oxy- gène élant environ 800 fois plus grande, nous avons encore moins de motifs d'admettre qu'elle ait subi une variation appréciable. En résumé, rien ne nous autorise à supposer que la composition de l'air en azote et oxygène ait changé depuis la période éocène, en plus ou en moins. VII. — UNE VARIATION DANS LA PROPORTION DE VAPEUR D'EAU DANS L'ATMOSPHÈRE NE PEUT AVOIR ÉTÉ LA CAUSE UNIQUE DES VARIATIONS DE TEMPÉRATURE. De tout ce qui précède, il résulte que la transpa- rence de l'air pour les rayons solaires n'a pu subir de variations notables, Mais il en est tout autrement de sa transparence pour le rayonnement calorifique. Les expériences de M. Langley sur le rayonnement lunaire dans les différentes positions de la lune (hauteurs) et dans différents états hygrométriques de l'atmosphère nous apprennent combien grande est l'absorption exercée par la vapeur d'eau et l'acide carbonique sur les diverses espèces de rayons (Langley à divisé le spectre lunaire en 21 faisceaux). Les mêmes nombres s'applique- raient très approximalivement au rayonnement terrestre. Plus l'atmosphère renferme de ces deux gaz, plus sa protection est efficace contre la déper- dition de chaleur qu'éprouverait notre globe vers les espaces interplanétaires. Voyons d'abord ce qui est relatif à la vapeur d'eau. M. de Marchi a cherché à prouver que l’ac- croissement de la quantité de la vapeur d’eau atmosphérique était l'une des causes qui ont amené la période glaciaire. Mais il a laissé de côté dans ses raisonnements le fait que la vapeur d’eau agit différemment sur le rayonnement solaire et sur le rayonnement lunaire, ce qui a faussé ses conclu- sions. En réalité une augmentation de la quantité SVANTE ARRHÉNIUS — LES OSCILLATIONS SÉCULAIRES DE LA TEMPÉRATURE de vapeur d'eau élèverait la température du sol et des couches atmosphériques qui le recouvrent. D'autre part, le calcul montre que cette élévation de température serait insuffisante pour maintenir à l’état gazeux la vapeur d’eau introduite en sur- plus. À supposer qu'on ajoutàt brusquement à l'atmosphère de la vapeur d'eau, celle-e1 se con- denserait, et l'équilibre primitif ne tarderait pas à se rétablir. D'ailleurs un tel équilibre serait lui- même instable en conséquence de l'avis de M. de Marchi, puisque l'Océan est à même de fournir à l'atmosphère de la vapeur d’eau en quantité pour ainsi dire infinie. VIII. — UNE AUGMENTATION DE LA TENEUR DE L'AIR EN ACIDE CARBONIQUE ÉLÈVERAIT LA TEMPÉRATURE DU GLOBE. On n'en peut dire autant de l'acide carbonique. En effet, si l’on introduisait de l'acide carbonique dans l'atmosphère, une notable fraction se dissou- drait bien dans l'Océan ; mais il en resterait tou- jours dans l'atmosphère une certaine portion, qui concourrait à empêcher le rayonnement terrestre. D'après les expériences de M. Schlæsing, la sixième partie environ de l'acide carbonique introduit res- terait dans l'air. Qu'arrivera-t-il donc si une masse notable d'acide carbonique (issu des volcans, par exemple) pénètre dans l'atmosphère? Le régime calorifique du sol sera troublé, car la déperdition de chaleur du sol vers les espaces interplanétaires va se trouver diminuée, tandis que l'apport de chaleur solaire ne sera pas influencé. Auparavant, le gain et la perte se compensaient, puisqu'il y avait équilibre : le gain doit maintenant prédominer, la tempéra- ture du sol et de l'atmosphère s'élever. Mais, d'autre part, celle élévalion de température provoquera une augmentation de l'émission calorifique : aug- mentation très rapide, car d’après la loi de Stefan l'intensité de l'émission est proportionnelle à la quatrième puissance de la température absolue (comptée à partir de —273° C). Ainsi pour une éléva- Lion de 1° de la température moyenne actuelle, 15° C., l'intensité de l'émission augmenterait de 1,4 cen- tième. Il est évident que la température s'élèvera jusqu'à ce que l'équilibre se rétablisse. On peut déduire, des nombres de M. Langley, l'influence de l'augmentation d'acide carbonique sur le pouvoir absorbant de l'atmosphère et dire, par conséquent, de combien de degrés doit s'élever la température de la Terre pour compenser cette influence par l’ac- croissement de l'émission. Bien entendu, il faut, dans ce calcul, tenir compte des circonstance accessoires. D'abord, l'élé- vation de température entraïnera une augmenta- onto du. dim. SVANTE ARRHÉNIUS — LES OSCILLATIONS SÉCULAIRES DE LA TEMPÉRATURE 2 = tion de la quantité de vapeur d'eau de l'atmos- phère, suivant des lois bien connues, ce qui pro- voquera un léger accroissement du pouvoir absor- bant. En outre, il ne faut pas oublier qu'une très grande partie de la surface du globe (en moyenne, 52,5 °/,) est recouverte de nuages, ce qui atténue d'une manière notable l'effet cousidéré. Enfin, il ne faut pas perdre de vue qu'il y a une différence de température entreles hautes régions de l'atmos- phère qui rayonnent vers les espaces interplané- taires et les régions basses qui recueillent la majeure partie du rayonnement terrestre. IX. — CALCUL, D'APRÈS LES DONNÉES EXPÉRIMENTALES DE M. LANGLEY, DES QUANTITÉS D'ACIDE CARBONIQUE QUE DEVRAIT RENFERMER L'ATMOSPHÈRE POUR PRO- VOQUER L'APPARITION D'UNE PÉRIODE GLACIAIRE OÙ D'UNE PÉRIODE ÉOCÈNE. Tout compte fait, on trouve le résultat suivant: si la teneur en acide carbonique de l'atmosphère était réduite aux deux tiers de sa valeur actuelle, la température éprouverait un abaissement compris entre 3° GC. (par 55° de latitude nord) et 4°,1 C. (par 20° de latitude nord). Si cette teneur augmentait de moitié de sa valeur, la température s’élèverait rela- tivement de 3°,3 et de 4°,4 C. dans les mêmes ré- gions. Ces chiffres se rapportent au continent: pour la surface des mers, il faudrait les diminuer les uns et les autres d'environ 20 °/,. Il suit de ce calcul qu'une diminution de 57 centièmes de la richesse actuelle de l'atmosphère en acide carbonique ramènerait le régime de température de la période glaciaire (baisse d'environ 4°,5 C.) tandis qu’une augmentation de 2,5 à 3 fois cette teneur ramè- nerait la température de la période éocène (hausse de'8°,5'C.). Les variations de température qu'affecterait de cette manière la surface de la Terre, se produi- raient dans le même sens sur tout le globe, attein- draient un maximum par 25° de latitude nord et un minimum (70 centièmes environ du maximum) dans la région équatoriale et dans les régions polaires. En même temps, si l'acide carbonique augmentait, les différences de température entre le jour et la nuit, entre l'été et l'hiver, s’atténue- raient; elles s'accuseraient davantage, si l'acide carbonique diminuait, X. — POosSIBILITÉ DE VARIATIONS DANS LA RICHESSE DE L'AIR EN ACIDE CARBONIQUE, SUFFISANTES POUR EXPLIQUER LES OSCILLATIONS DE TEMPÉRATURE. Il nous reste à examiner si de telles variations dans la masse de l'acide carbonique atmosphérique sont possibles dans un laps de temps aussi court, géologiquement parlant, que celui qui nous sépare de la période glaciaire. Mon honorable collègue, le Professeur Hügbom, avait résolu cette question avant même de connaître le calcul auquel il est fail allusion ci-dessus. Il suffit, en effet, de se représen- ter que tout le carbone contenu à l’élat d'acide car- bonique dans l'atmosphère, répandu sur toute la surface du globe, donnerait environ 10 centigram- mes par centimètre carré : s'il élait répandu seule- ment sur la terre ferme, il y en aurait 35 centi- grammes par carré. Il est d'évaluer la quantité de carbone que renferment les êtres vivants, mais celle quantité est sans doute du même ordre de grandeur que la précédente. Comme le cycle des transformations du carbone entre les êtres organisés et l'atmosphère s'accom- pliten une année pour les plantes annuelles, en quelques dizaines d'années en moyenne, il est visible que la richesse de l'air en acide carbonique est fort peu stable. En effet, l'Océan joue le rôle d'un immense régulateur qui réduit aux 17 cen- tièmes environ de leur valeur les oscillations de la masse de cet acide carbonique. Un autre régula- teur, moins énergique toutefois, est constitué par les végétaux. Parmi les phénomènes qui détruisent l'acide carbonique, les plus importants sont les phénomènes d’érosion : et, parmi ceux qui produi- sent l'acide, ce sont les phénomènes volcaniques et la mise en liberté du gaz occlus dans les minéraux quand ceux-ci sont désagrégés par les agents atmosphériques. L'érosion et la végétation sont d'autant plus actives que l'atmosphère renferme plus d'acide carbonique. Admettons dès lors, ce qui n’est pas dépourvu de vraisemblance, que tous ces phénomènes normaux, pour ainsi dire, se soient fait équilibre depuis les temps historiques, ce que parait attester la faiblesse des variations de température depuis cette époque. Cet équilibre à certes été troublé depuis le siècle dernier par la combustion artilicielle du charbon. Cette perturba- tion n'est pas négligeable; elle produirait en un millier d'années une quantité d'acide carbonique égale à celle que renferme l'atmosphère. L'Océan absorberait environ les cinq sixièmes de l'acide carbonique nouvellement formé : done, en trois mille ans, la quantité de l'acide carboni- que atmosphérique augmenterait de 50 °/,, par suite de la combustion industrielle du charbon. À cel accroissement correspond une élévation de température de 4 à 5° C. Par conséquent, la con- sommation artificielle du charbon entrainerait à elle seule une élévation de température d'environ 0,001 degré par an. La végétation et les phéno- mènes d'érosion affaibliraient quelque peu cet effet, dans une proportion qu'il n'est pas possible de calculer exactement. Quoi qu'il en soit, il est centimètre malaisé 342 JULES SOURY — SENSIBILITÉ VÉGÉTALE ET ANIMALE vraisemblable qu'en raison de la consommation toujours croissante du charbon, qui s'attaque non seulement aux dépôls houillers, mais aussi aux dépôts de tourbe, nous marchons vers une période plus chaude, pendant laquelle les conditions de milieu seront en général plus favorables aux êtres vivants. Il est hors de doute, en tout cas, qu'au cours des temps géologiques, qui se comptent par milliers de siècles, une modification légère du régime des volcans était susceptible de provoquer dans la richesse en acide carbonique de l'atmosphère une variation suffisante pour expliquer les variations de température dont la Géologie nous démontre l'existence. XI. — TEMPÉRATURE SUR LA PLANÈTE MARS. Le rayonnement solaire peut diminuer d'une ma- nière très nolable, sans qu'il s'ensuive nécessaire- ment un abaissement de la température terrestre, comme le prouve l'étude de la planète Mars. La distance moyenne de cette planète au Soleil est de 1,521 fois celle de la Terre. Par suite, 1 centimètre carré pris sur la surface de Mars recoit seulement les 43,1 centièmes de la chaleur que recoit le même centimètre carré pris à la surface de la Terre. Or, nous observons aux environs des pôles de Mars des taches blanches qui proviennenl, sans aucun doute, de masses de neige !. Ces masses de neige, qui paraissent d’ailleurs moins considérables que les masses de glace qui recouvrent les régions polaires terrestres, fondent parfois, pendant la saison chaude. Suivant cette observation, les contrées polaires de Mars jouissent done d’un climat plus doux que celui des con- trées polaires lerrestres. Pour les autres régions de la planète, nous n'avons pas de données aussi précises: mais nous ne saurions commeltre de grosse erreur, en admettant que leur température moyenne est voisine de celle de la Terre. Cette température a lieu de surprendre si l'on a égard à la faiblesse du rayonnement solaire : la planète en est redevable, pour une part, à l'extrême transparence | de son atmosphère, très raréfiée et exemple de poussières ou de nuages. Mais, comme le montre le calcul, cette circonstance ne suffit pas à expliquer le fait, et il faut s'en prendre à l'opacité de lat- mosphère de Mars, pour le rayonnement émis par la surface de la planète !. D'après des observations récentes, l'atmosphère de Mars renferme plutôt moins de vapeur d’eau que l'atmosphère terrestre: il est donc très plau- sible d'admettre que l'acide carbonique s'y trouve en plus grande quantilé; c'est ce que confirme encore l'uniformité de la température à la surface de Mars, grâce à laquelle les conditions de la végé- tation y sont plus favorables. En résumé, il est évident, d'après ce qui précède, que l'atmosphère qui entoure les planètes, par ses propriétés différentes de l’une à l’autre, fonctionne comme un régulateur extrêmement puissant, qui maintient les conditions thermiques favorables à | la vie organisée dans des limites beaucoup plus | étendues qu'on ne l’eût supposé jadis. Svante Arrhénius, Professeur à la Faculté des Sciences de Stockholm. SENSIBILITÉ VÉGÉTALE ET ANIMALE La sensibilité des tissus vivants et de leurs élé- ments anatomiques à l'application des différentes forces de la Nalure, déterminant les différents tro- pismes, a été naguère bien éludiée, surtout quant à l'analyse psychologique des phénomènes de per- ception, d’excilation et de réaction chez les Végé- taux sous l'influence des effets des radiations et de la pesanteur. Il semble utile, pour la philosophie générale, de considérer ces études et de comparer les phéno- 1 Quelques auteurs pensaient autrefois que ces taches blanches représentaient des amas d'acide carbonique solide. Cette opinion ne peut plus se soutenir, car nous savons maintenant que l'acide carbonique ne peut exister à l'état solide sous une pression inférieure à 4 atmosphères et que l'atmosphère de Mars est beaucoup plus raréfite que celle de la Terre. mènes de même ordre chez les Plantes el chez les Animaux. Î Suivant Ch. Darwin, le sommet seul des tiges devait être héliotropiquement sensible : de ce point, l'excitation se propageait à la partie infé- rieure, qui présentait une courbure plus ou moins forte, mais cette dernière région devait êlre con- 1 Si la transparence de l'atmosphère de Mars était égale à celle de l'atmosphère terrestre, la température moyenne à la surface de Mars, calculée d'après la loi de Stefan, serait de —450 C. Si cette atmosphère était absolument transpa- rente aux rayons solaires, au lieu d’en arrêter les 40 cen- tièmes comme le fait l'atmosphère terrestre, et si elle se comportait vis-à-vis du rayonnement de sa planète, comme l'autre vis-à-vis du rayonnement de la Terre, la température de Mars serait d'environ — 8°. des vénret ane ; | s . . EE —— JULES SOURY — SENSIBILITÉ VÉGÉTALE ET ANIMALE 343 sidérée comme entièrement privée de sensibilité héliotropique. De récentes recherches de Rothert sur l'héliotropisme, de Czapek sur le géolropisme, d'importantes remarques de W. Pfeffer! sur le même sujet, n'ont pas confirmé de tous points les vues du grand naluralisie anglais (74e Power of Movement in Plants, 1880). Les premières expé- riences de Rothert, instituées sur des plantules de Graminées (Avena saliva, etc.) ont montré, dans deux séries exposées quelques heures à la même distance d'une source lumineuse, que celles qui avaient élé complètement éclairées présentaient une courbure d’un angle de 50 à 10°, alors que les tiges dont le sommet avait été protégé contre les radiations par une coiffe en papier ou en élain, n'avaient qu'une courbure de 15 à 30°. La sensi- bilité héliotropique du sommet est donc plus grande que celle de la parlie inférieure. L’exci- tation héliotropique se propage bien toujours, comme l'avait vu Darwin, du sommet vers la base (une transmission en sens contraire n’est pas expérimentalement démontrée), et, comparée à la très grande excitabilité du Sommet {sur une éten- due de quelques millimètres), celle des régions basilaires est relativement faible. En outre, l'exci- tation héliotropique propagée du sommet à la parlie inférieure de la lige détermine dans celle-ci une courbure plus forte que celle qui correspond et appartient à sa sensibilité propre. Mais il est certain quelle est sensible héliotropiquement comme le sommet, quoique à un degré différent. Chez toutes les espèces étudiées, et contraire- ment à l'assertion de Darwin, par conséquent, déjà révoquée en doute par Wiesner, la région de la plantule douée de la faculté de courbure héliotro- pique est héliotropiquement sensible. La sensibilité héliotropique, sans doute inégalement répartie chez beaucoup de plantes, l’est uniformément chez d’autres (Capucines) : toutes les transitions existent entre les plantes à sensibilité terminale très déli- cate et celles à sensibilité uniforme. Les recherches sur les feuilles, les pélioles ou les tiges conduisent à des conclusions semblables. La voie par laquelle le stimulus héliotropique se propage est le paren- chyme même du tissu fondamental (communications protoplasmiques actuellement connues). Même dans une zone d’une partie peu sensible du cotylédon, le stimulus héliotropique peut se propager à © W. Roruser (Kazan) : Ueber Heliolropismus. Beilräge zur Biologie der Pflanzen, t. VI, 1. H.1894. — Fier. CzArEK : Untersuchungen über Geotropismus, Jahrbücher f.wissensch. Bolanilr, 1895, p. 243-339. — W. Prerrer : Ueber die geotro- pische Sensibilität der Wurzelspitze nach dem von Czapek im Leipziger botanischer Institut angestellten Untersuchun- gen. Ber. d. malh.-phys. CI. der K. Süchs. Gesellsch. d. Wiss. zur Leipzig, 1894. — Conf. Die Reizharkeit der Pflanzen. Ver- handlungen d. Gesellsch. deutsch. Nalurf. u. Aerzle, 1893. d'autres zones et y provoquer un mouvement de courbure très nelle. D'une manière toute zone héliotropiquement sensible d'un coly- lédon transmet le stimulus senti ou perçu aux zones voisines. Alors même que la partie infé- rieure d'une planlule est tenue à l'ombre, sous l'influence unique de l'excitation partant du som- met éclairé, elle pourra présenter une très forte courbure, ce qui prouve que le stimulus héliotro- pique s'est propagé jusqu'à la base du cotylédon. La faculté de courbure des organes, c’est-à-dire la réaclion en réponse à une perception el à une exitalion produiles par un éclairage unilatéral de la plantule, dépend de quatre facteurs : de la structure anatomique, de l’épaisseur des organes, de l'aclivité de la croissance: et de l’excitabilité héliotropique de l'organe ou de la partie de l’or- gane affecté. La faculté de courbure est propor- tionnelle à ces deux derniers facteurs, inverse- ment proportionnelle à l'épaisseur des organes (Rothert, {. c., p. 210). La faculté de courbure ne dépend point nécessairement, d’ailleurs, de la sen- sibilité héliotropique de la partie de la plante qui présente une courbure héliotropique : cette partie peut être absolument insensible à cet égard et pos- séder la faculté de courbure héliotropique. Par exemple, chez les Panicées, la tige hypocotylée, qui n'est pas héliotropiquement impressionnable, ne laisse pas de se courber sous l'influence du courant que lui transmet le cotylédon sous l'action de la lumière. Le protoplasma des cellules de la tige hypocotylée du Punicum, héliotropiquement excitable, quoique insensible aux radiations, semble avoir perdu la propriété de percevoir le stimulus phototropique provoquant les courbures, tout en conservant l'excitabilité héliotropique. « Lorsque, dit Rothert, le protoplasma d'un or- gane à élé doué de la faculté de sentir une cause d’excitation et d’être excité par cette cause, il con- serve en général cette faculté vraisemblablement jusqu'à la fin de la vie » ; il peut arriver « que loute la chaine des processus excités par la cause d’ex- citation (ou du moins une grande partie de cette chaine) ne se déroule pas dans l'organe vieilli et qui ne réagit plus exactement comme dans l'organe jeane, capable de réagir : le ou les derniers anneaux de la chaine cependant réagissent encore ». générale, IT Que la faculté de sentir une cause d'excitalion, c'est-à-dire de la percevoir, et celle de réagi sur cette cause d’une manière conforme à la partie de la plante que l’on considère, soient choses diffé- rentes en principe, c'est ce que Pfeffer avait déjà bien élabli. Ges deux facultés des lissus vivants ne 347 JULES SOURY — SENSIBILITÉ VÉGÉTALE ET ANIMALE sont pas non plus abolies en mème temps; il serait même étrange, comme le remarque Rothert, qu'elles le fussent, car les propriétés sur lesquelles elles reposent sontindépendantes l’une de l'autre. Quand, dans les organes en voie de croissance, la sensibi- lité du protoplasma d'un groupe de cellules est excitée jusqu à un certain degré par les radiations d'une source de lumière, la perception provoque une excitation soit au point d'application du sti- mulus (excitalion directe), soit à une partie plus ou moins distante de ce point (excitation indirecte), dans des régions non éclairées ou même héliotro- piquement insensibles. Les excitations ainsi provo- quées peuvent s'addilionner « l’une à l’autre ou se soustraire ». Mais la faculté de percevoir (Percep- tionsfähigkeit, Empfindlichkeit), ou la sensation (Empfindung), et l'excitation (Reizung, Reizbareit), ne sont ni identiques, ni nécessairement connexes; ce sont deux processus différents. Sans doute, un certain degré de sensibilité héliotropique accom- pagne toujours un degré au moins correspondant d'excitabilité de la même partie d'un organe, mais la réciproque n'est pas vraie: une parlie d'une plante insensible où peu sensible peut être exci- table à un haut degré. Perception, excitation, réac- tion dérivent de propriétés différentes du proto- plasma, et chez les Panicées, la sensation et l'exci- tation se propagent non pas seulement à une autre parlie d'un même organe, mais à un autre organe, Une partie d'un organe ou un organe peut donc être héliotropiquement insensible et héliotro- piquement excitable. Même lorsqu'elles coexistent et coïncident, la sensibilité et l'excitabilité sont évi- demment des propriélés différentes, «etla sensation et l’excilation doivent être considérées comme des anneaux différents de la chaine des processus déterminés par les causes d’excitation ». C'est ce que démontre Rothert dans une expérience (S 80) où la perception (Perceplionsfühigkeit) est abolie, alors que la faculté de réaction (Reachonsfühigkeil) persiste sur des organes privés de leur sensibilité héliotropique et géotropique. Dans les phénomènes d'excilation, dans ceux, en tout cas, qui sont provoqués par une cause d’excitation externe, comme dans l'héliotropisme, on doit toujours distinguer la sensibilité et l'excita- bilité, la sensation et l'excitation. En outre, dans toute excitation pouvant se propager de cellule à cellule, il faut encore distinguer une excitabilité di- recte et une excilabilité indirecte. Des mouvements peuvent être provoqués, chez les végétaux, par des excilations consécutives à des perceptions, par les tissus, de forces ou d'agents dont voici l'énuméra- tion : radiations lumineuses, pesanteur, chaleur, contact ou frottement, ébranlement, traumatisme, excitants hydrotropiques (Molisch), galvanotro- | piques (Brunschorst), chimiotropiques et chimio- taxiques (Pfeffer), paratoniques (Batalin). La sensibilité qui permet à la plante de réagir à ces différentes causes ou possibilités de sensation est verait de propriétés différentes du protoplasma. Il existerait ainsi une sensibilité spécifique héliotro- pique, une sensibilité spécifique géotropique, ete. Toutefois, il n'est pas nécessaire qu'il existe une et qu'on doive parler d’excitabilité héliotropique, géotropique, etc. Dans les processus d'’excitation provoqués par la perception des différentes causes d'excitation, les modifications du protoplasma doivent rester qualitalivement les mêmes. Seul, par conséquent, l'acte de perception différerait dans l'héliotropisme, le géotropisme, l'hydrolro- pisme, etc., tout le reste du processus détermi- nant, par exemple, la direction et le degré de cour bure, ete., demeurerait le même, soit localement, soit à distance. La sensibilité géotropique est aussi inégalement répartie chez certains végélaux que la sensibilité héliotropique. Darwin, après Ciesielski, avait sou- tenu que l'extrémité de la racine était la seule partie sensible : l’ablation de cette partie abolissait la faculté de courbure géotropique. Après Wiesner, Rothert et Czapek, en particulier, ont montré que la méthode de décapitation du sommet de la racine était insuffisante, en tout cas, pour élablir cette doctrine, car les phénomènes consécutifs au grave traumatisme subi par la plantule expliqueraient d'abondance le trouble fonctionnel signalé par Darwin. Ce n'est pas que le sommet des racines ne soit, en effet, l'organe de la sensibilité géotropique, Pour établir Le fait, il fallait chercher une méthode exempte de traumatisme et de toute altération notable de l'énergie de croissance du végétal : Czapek l'a trouvée. Seul, le sommet de la racine est géotropiquement sensible. Mais, pour les ra- cines, la région sensible et la région excitable (zone de courbure) ont toujours élé trouvées sé- parées. Dans les tiges, la zone de sensibilité géo- tropique concorde le plus souvent avec la plus grande partie de la zone de croissance et de courbure : la perception et la réaction ont lieu au même endroit, Il y a toutefois, dans les tiges, des organes qui se comportent tout à fait comme les racines quant à la localisation de leur sensibi- lité géotropique. La sensibilité géolropique per- sisle encore dans les conditions où cesse la faculté de réaction : celle-ci (faculté de courbure) est abolie sous l'influence du froid et de la soustraction d'oxygène; la sensibilité géotropique ne l’est pas : elle est seulement diminuée. La sensibilité et la faculté de réaction dépendent donc de conditions € sans doute spécifiquement différenciée : elle déri- + excitabililé correspondante également spécifique | $ 4 JULES SOURY — SENSIBILITÉ VÉGÉTALE ET ANIMALE 345 différentes et d’une manière ég galement dissem- blable. En somme, et c'est la conclusion à la- quelle est arrivé Czapek (/. c., p. 334), dans les racines, la perception du te géotropique est localisée d'ordinaire dans le sommet de la racine; les autres parties de cet organe ne sont pas pro- - pres à éprouver une sensation géotropique. Mais “ la faculté de courbure géotropique a lieu dans une - région éloignée de la zone sensible, en particulier b 1 D _- dans la zone de croissance. Le stimulus qui pro- voque la courbure géotropique doit donc se pro- - pager en arrière du point où il est percu jusqu à - la région de courbure, où a lieu le mouvement de réponse de la plante à cette excitation. III La physiologie végétale contemporaine, en élu- diant avec cette pénétration les processus de sen- sibilité et de mouvement qui déterminent les phénomènes d'héliotropisme el de géotropisme, a, pour la première fois, introduit dans la science - des notions d’une précision admirable touchant 1 ( 4 r ce qu'on doit entendre par sensibilité ou faculté de perception, excitation, réaction, chez les êtres vivants. Il n’est pas exact, en effet, de dire que c’est la lumière qui excite la rétine; ce n’est pas ce stimulus qui provoque l'excitalion de cette membrane, mais l'excitation due à la perception du stimulus. Bref, la cause externe ou interne d'une excitation et de la réaction consécutive est toujours la perception d'une sensation : le sti- mulus n'est que la cause ou la condition de tout le processus. Il n'est que juste de reconnaitre que c'est à W. Pfeffer que revient surtout le mérite d’avoir introduit dans les sciences biologiques ces fines et délicates analyses des fonctions les plus élevées des tissus vivants. Personne n'a insisté, dans un esprit à la fois plus rigoureusement scientifique et philosophique, sur la nature de cette sensibilité, de cette excitabilité des tissus végétaux, dont les réactions consécutives (Æeizreaction, Auslüsungsvor- gäünge, ausgelüsten Reaclionen), quelles qu'elles soient, ne sont toujours que l'expression des pro- priétés et des structures de l'organisme, la mise en liberté d'une partie des réserves d'énergie dont dispose celui-ci à un moment donné. Tout exci- tant (/eiz) n’est que la cause déterminante, externe ou interne, le choc, l’étincelle, qui détermine ce dégagement de force et provoque l'explosion d'une certaine quantité d'énergie accumulée dans les tissus. Entre l'agent qui provoque cette explosion et le dégagement de force qui en résulte, il peut n'exisier pas plus de proportion qu'entre l’étin- celle qui tombe sur un amas de poudre et la con- flagration des matières détonantes. L'excitabilité d'un être vivant ne nous est connue que par l'effet qui suit l'action du stimulus. Mais excitabilité implique sensibilité et perception (Perceptions- fähigkeit). Une réaction, un mouvement, un échange organique, etc., voilà l’unique langage par lequel se révèle à nous l’excitabilité de cet être vivant, autrement muet, la plante. Le ver de terre qui se contracte sous une excitalion, le papillon de nuit qui vole à la lumière n’ont d’ailleurs pas pour nous d'autre langage que la Mimosa pudica dont les feuilles se ferment au moindre contact, que les tiges des plantes qui s'incurvent vers la fenêtre éclairée, ou que les spores mobiles dont les mou- vements s'orientent vers quelques parcelles de substance alimentaire. L’excitabilité est une pro- priété fondamentale de toute matière vivante, et, chez tout végétal comme chez tout animal, des rapports définis existent entre l'excitation et la réaction qui la manifeste. W. Pfeffer a constaté, on le sait, que la loi de Weber exprimail ces rap- ports aussi chez les végélaux, quant aux exeila- tions et aux réactions chimiotaxiques ‘. La justesse de ces observations et expériences, qui ont fait époque dans la science, a été confirmée par Mas- sart, par Myoski, ete. Quant à la distinction entre les phénomènes de chimiotaxie et de chimiotro- pisme, Pfeffer y a suffisamment insisté pour qu'au- cune confusion ne soit possible. Il convient pour- tant de signaler que, même chez des végétaux qui ne jouissent point d'une libre locomobilité, des mouvements d'orientation ou de direction (ÆRich- tungsbewegqungen), des tropismes, peuvent être dé- terminés par des excitations chimiques. La vérité de cette hypothèse ancienne de Pfeffer a été dé- montrée ?. IV Comment a pu naïtre chez l'homme l'idée que les plantes ne sont pas excitables comme les ani- maux ? L'homme n'aurait jamais été induit en cette erreur si, dès l'enfance, il avait pu apercevoir, grossis un millier de par exemple, comme dans le champ d'un microscope, les phénomènes de la vie et de l’activité organique des végétaux. À ses yeux, l'immense armée des plantes et des végé- taux inférieurs nageant librement dans les eaux, la hâte et la vélocité avec lesquelles une bactérie dirige ses mouvements vers la nourriture, etc., lui auraient rappelé la vie etles instincts des carnas- siers qui suivent une piste ou s'élancent sur une fois, ! Untersuch. an d. bot. Inst. zu Tübingen, 188%, t. I, p.395; 1888, t. IT, p. 633. 2 W. Prerrer : Ueber Untersuchungen des Dr Myoski aus Tokio betreffend die chemotropischen Bewegungen von Pilz- fäden, Berichte üb. die Verhandl. d. k. Sächs. Ges. d. Wiss- zu Leipzig. Malhem.-phys. Cl, 1893, p. 319. 346 JULES SOURY — SENSIBILITÉ VÉGÉTALE ET ANIMALE proie. L'homme aurait vu, ainsi que le microscope le montre, les mouvements des racines et des tiges en croissance et discerné les innombrables réac- tions qui, chez les végétaux supérieurs, répondent aux excilations. Sensibilité et excitabililé auraient été déclarées des propriétés générales de tous les végétaux. Aristote aurait attribué aux plantes une âme sentante. La réalité d'une réaction à une exci- tation ne saurait dépendre de la rapidité avec laquelle la réponse suit le stimulus. Une apprécia- lion de ce genre doit toujours être au plus haut point relative. Une bactérie qui, dans le champ du microscope, se porte avec agilité vers la nourrilure qui l’attire, se meut sans doute moins vite qu'un limaçon rempant sur une feuille : elle se meut avec rapidité comparativement à d'autres êtres. La Terre, en une seconde, parcourt environ la quatre cent vingtième parlie de son diamètre. Qu'est-ce qu'une telle vitesse, pour nous vertigineuse, auprès de celle d'un rayon de lumière du Soleil à notre planète? En comparaison, les mouvements les plus rapides des oiseaux les plus viles sont extraordi- nairement lents. Ces considérations de W. Pfeffer me rappellent des réflexions de même nature qu'un autre savant, également génial, Karl E. von Bär, avait faites sur la relativité de nos notions de vilesse ou de len- leur quant aux manifestations de l'activité des êtres vivants. La vitesse de la sensation et du mou- vement volontaire chez les différents animaux Jui paraissait être à peu près proportionnelle à la vilesse de leurs pulsations cardiaques !. En thèse générale, disait-il, la vie s'écoule avec une rapidité différente dans le même temps astronomique. Il suit que la mesure subjective du temps doit différer chez les diverses espèces d'êtres. C’est parce que celte mesure est, chez l'homme, relativement petite, qu'un organisme, plante ou animal, nous semble être quelque chose de durable et de permanent quant à la forme et à la grandeur. Il nous est loi- sible, en effet, de le considérer, cet organisme, plus de cent fois dans une minule sans y noter au- ceun changement. Il en serait tout autrement si l'on imagine considérablement ralenties ou accé- lérées nos perceplions. Si l'on suppose que la vie humaine tout entière, comprenant l'enfance; l’âge ét la vieillesse, soit réduite à sa millième partie, à un mois, et que nos pulsations soient par conséquent mille fois aussi rapides qu'aujourd'hui, on pourrait suivre au vol une balle de fusil. Abais- sons encore celte durée de la vie humaine, déjà réduite à un mois, à sa millième partie, c'est-à-dire à quarante minules environ : le gazon et les fleurs mûr nous apparailront aussi fixes et immuables que . les montagnes nous semblent l'être. Au cours de toute notre vie, nous ne verrions pas plus un bour- geon s'ouvrir que nous n'assistons présentement aux grandes transformations géologiques du globe. Les mouvements volontaires des animaux seraient beaucoup trop lents pour que nous les puissions apercevoir ; tout au plus pourrait-on conclure qu'ils existent, comme nous faisons pour lesmouvements des corps célestes. Allongeons maintenant au contraire la vie humaine, étendons sa durée bien au delà des bornes connues. Si nos pulsations et nos perceptions devenaient mille fois plus lentes, si notre vie était de quatre-vingt mille ans, le jour et la nuit ne seraient pour nous qu'une minute de clarté et d'obseurité; avec une vie mille fois plus longue encore, toute distinclion du jour et dela nuit deviendrait même insensible, et, pendant une année terrestre, l’homme ne pourrait avoir plus de cent quatre-vingt-neuf perceplions. Toutes les formes de la Nature qui nous paraissent durables seraient emportées sous nos yeux et comme dé-=. vorées par un torrent, le torrent du temps. On doit rapprocher de ces spéculations philoso- phiques de Bär, plus profondes encore qu'ingé- nieuses, celles de notre Jean Lamarck, touchant le même ordre de considérations : « Parmi les changements que la nature exécute sans cesse dans toutes ses parlies, sans exceplion, son. ensemble et ses lois restant toujours les mêmes, ceux de ces changements qui, pour s’opérer, n'exigent pas beaucoup plus de temps que la durée de la vie humaine, sont facilement reconnus de l’homme qui les observe, mais il ne saurait s'apercevoir de ceux qui ne s'exé- culent qu'à la suite d'un temps considérable. « Que l’on me permette la supposilion suivante pour me faire entendre : « Si la durée de la vie humaine ne s'étendait qu'à la durée d’une seconde, et s'il existait une de nos pendules actuelles, montée et en mouvement, chaque individu de notre espèce qui considérerait l'aiguille des hewres de cette pendule ne la verrait jamais changer de place dans le cours de sa vie, quoique cette aiguille ne soit M réellement pas stationnaire. Les observations de trente générations n'apprendraient rien de bien évident sur le déplacement de cette aiguille, car son mouvement, n'élant que celui qui s'opère pendant une demi-minule, serait trop peu de chose pour être hien saisi; et si des observations beaucoup plus anciennes apprenaient que cette même aiguille a réellement changé de place, ceux qui en verraient l'énoncé n'y croiraient pas et suppo- seraient quelque erreur, chacun ayant toujours vu l'aiguille sur le même point du cadran. « Je laisse à mes lecteurs toutes les applications à faire relativement à cette considéralion®. » V W. Pfeffer estime qu'on ne saurait parler, chez les végétaux, d'énergies spécifiques au sens de {K. E. v. Ban : Welche Auffassung der lebenden Nalur ist die richtige? Und wie ist diese Auffassung auf die Enlomo- logie anzuwenden ? (1860). ! Laywarok. Philosophie zoologique. Edit. de Ch. Martins. Paris, 1873. 11, 425-6; Cf, I, 88 et les Recherches sur les corps vivants, l'Appendice, p. 111. TOITS PR LS UC SOLE “& TL TS D LU A D. 2) 2 ner lit, # Re re tr ape 2 2 deg ee mA RATE UT ns (pe tt lne JULES SOURY — SENSIBILITÉ VÉGÉTALE ET ANIMALE 341 Jean Müller. L'hypothèse d'énergies spécifiques à été étendue aux plantes par Sachs (Vorlesungen über Pflansenphysiologie, 1887, 622) : c'est une erreur, Comment, chez une bactérie, où toutes les fonc- tions de la vie sont resserrées sur un aussi petit théâtre, un excitant, quel qu'il soit, pourrait-il, sui- vant son point d'application, ne provoquer lou- jours qu'une seule réaction, comme l'œil ne réagit à tous les stimuli que par une perceplion lumi- neuse? Il faudrait, dit Pfeffer, supposer l'existence de sensibilités spécifiques pour toutes ces réactions qui se trouvent réunies dans la plante, quoique indépendantes les unes des autres : géotropisme, héliotropisme, hydrotropisme, ete. Peut-être la distinction introduite par Rothert entre les divers modes de sensibilité spécifique et le caractère commun des réactions provoquées par les perceplions des différents agents hétérogènes du monde extérieur a-t-elle pourtant plus de vrai- semblance, et même plus de vérité, selon nous. Ce n'est pas le temps, en tout cas, qui aurait manqué à cet organisme élémentaire, le protoplasma, pour s'adapter, chez les plantes comme chezles animaux, aux conditions les plus variées du milieu, cette adaplalion devant être aussi parfaite que possible pour la survivance des individus et de l'espèce, et celte perfection impliquant de nécessité une divi- sion extrème du travail physiologique. Une énergie spécifique, un mode spécial de sensibilité, n'est, d'ailleurs, rien de primitif : c'est une différencia- tion de propriétés communes à l'origine, différen- cialion qui, quoique fixée par l'hérédité, ainsi que toute condition favorable à la vie de l'espèce, ne laisse pas de présenter souvent de notables varia- tions chez les individus de cette même espèce, comme il arrive pour tous les caractères acquis et moins anciens. Telle est, du moins, la réflexion que nous soumettons à W. Pfeffer. Nous sommes, au contraire, tout à fait de son sen- timent lorsqu'il ajoute que des « organes » distincts des sens sont aussi peu nécessaires pour l'excitabi- lité (/teizbarkeit) que pour la vie, « dont les pulsa- tions battent déjà dans le corps proltoplasmique le plus simple ». La variété et la délicatesse de la sen- sibilité n’en sont pas pour cela moins étendues chez les végélaux que chez les animaux. A l'égard de certains excitants, la sensibililé de ceux-ci est même souvent surpassée par celle des plantes. Sans parler de l'extraordinaire faculté de réaclion des plantes grimpantes au moindre con- tact, la billionième ou la trillionième partie d'un milligramme d'extrait de viande altire les bacté- ries, etc. Beaucoup de plantes sont fortement affec- tées par les rayons ultra-violets, ete. Malgré tout, la division du travail physiologique est certaine- ment moins avancée chez le végétal que chez l'ani- mal : si ce degré inférieur d'avancement présente quelques avantages pour l'étude de certaines ques- tions, il offre pour d'autres des désavantages, car un organe réagit avec d'autant plus de netteté que sa fonction est plus spécialisée. L'étude de la /aculte de courbure hydrotropique des racines révèle que les fonctions de perceplion et de réaction sont loca- lisées sur des points différents de l'organisme : Ja courbure (Aeizkrümmung) a lieu à quelque distance du sommet de la racine, qui ne se courbe pas elle- même : elle possède seulement la facullé de sentir, comme stimulus (Æeiz), la différence du degré d'humidité de l'air. Molisch a montré que la cour- bure hydrotropique ne se produit que si l’extré- mité seule de la racine est exposée à ce genre d'excitation. Pfeffer ajoute que ce qui prouve bien que le sommet seul de la racine est sensible à ce stimulus, c'est que la courbure n'a pas lieu dès qu'on plonge dans l'eau cette extrémité seule ou qu'on la soustrait à l'excilant hydrotropique en la coiffant d'une pelile chape de papier humide. Ces faits et d’autres semblables rappellent bien sans doute les réactions des organes des sens à leurs excilants spécifiques (Aeizreaclionen). Mais, dans la plante, la division du travail n'a pas progressé assez loin pour que l'unique et principale fonction de l'extrémité de la racine consiste dans la per- ception d'un stimulus unique. Enfin Pfeffer a aussi rappelé que si, chez les plantes, la réaction à l'exci- tant demeure souvent limitée à la zone de percep- tion, l'excitation peut se propager et s'étendre, comme il arrive souvent, à une distance considé- rable. En somme, lorsqu'on essaie de remonter aux causes les plus éloignées de tout processus biolo- gique, chez les plantes comme chez les animaux, partout et toujours, on trouve ce processus réduc- tible aux propriétés fondamentales d'un orga- nisme élémentaire commun, sorte de pierre d'angle de l'édifice de la vie, le protoplasma. Pénétrer dans la structure et le mécanisme de ce microcosme, voilà « l'idéal de l'avenir ». Sans protoplasma, point de vie. Mais le protoplasma, organisme élé- mentlaire vivant, est déjà lui-même un assemblage d'organes ou de fonclions des plus hétérogènes : la vie du végétal ou de l'animal n’est qu'une résul- lante du jeu des rouages et des ressorts de ce mé- canisme. Encore qu'elles ne soient pas des organes spécialisés, deslinés à une seule fonction, les par- lies de cet organisme élémentaire jouent déjà un rôle distinct dans la perception, dans la transmis- sion de l'excitation et dans les réactions aux exci- {ants internes et externes dont l’ensemble consti- tue ce que nous appelons la vie. De différences de nature entre les végétaux et les animaux, il n’en saurait exister, la communauté d'origine de lous 348 les êtres vivants étant scientifiquement démontrée. Les caractères différentiels que l’on fondait autre- fois sur les échanges des plantes et des animaux ne reposaient, dit Pfeffer, que sur une méconnais- sance complète de la nature des phénomènes de nutrition des végétaux. De même qu'aux points de vue anatomique et morphologique, les plantes et les animaux présentent les mêmes problèmes de physiologie générale”. \l Il n'en va pas autrement pour cette étude des états internes dela vie qu'on nomme psychiques. Pfeffer s’est demandé, à son tour, jusqu'à quel point et dans quelle mesure, « on doit concéder des sentiments et des émotions de cette nature (psychische Requngen) aux plantes et aux animaux inférieurs. » L’embarras des naturalistes est très grand, car « nous ne pouvons toujours conclure à l'existence de processus psychiques chez d’autres êtres vivants que d’après ce que nous éprouvons et sentons nous-mêmes. » Objeclivement, nous ne constatons chez ces êtres que des changements, des effets et des suites des différents excitants capa- bles de provoquer les réaclions des organismes (Reizerfolge). Rien ne nous révèle si ces réactions sont accom- pagnées d’une conscience obscure ou crépuscu- laire. Pfeffer estime pourtant que le naturaliste a le droit de parler, quoique dans un sens métaphy- sique, qu'il s'agisse d'animaux inférieurs ou de plantes, de sensibilité (Sensibilität der Pflanzen). On ne peut qu'approuver cette réserve. Les induc- tions les plus légitimes que nous puissionstirer de la communauté de fonctions qu'entraine et implique logiquement la communauté de matière vivante d’où tous les êtres tirent leur origine, ne sauraient jamais être que des induclions, c'est-à-dire de pures conclusions de l’entendement humain. Ici pourtant, sauf un dernier chainon, aucun des an- neaux de la chaîne du processus ne se dérobe à l'observation et à l’expérimentation, et, si l’on va au fond des choses, ainsi qu'ont accoutumé de le faire des physiologistes tels que Pfeffer et ses élè- ves, on ne trouve aucune différence, quant à ce dernier chainon inconnu, entre l'homme, notre semblable, et l'algue la plus rudimentaire. Pour l’un comme pour l’autre, nous ne pouvons qu'infé- rer de l'existence d'une réaction à la perception d'une sensation. Aucune induction légitime ne ! V. Juzes Soury : Théorie des neurones, étude particuliè- ment consacrée aux travaux de Van Gehuchten, professeur à l'Université de Louvain, et publiée dans les numéros de juillet et août-septembre, 1898, des Annales de Philosophie chrélienne de M. l'abbé Ch. Denis. JULES SOURY — SENSIBILITÉ VÉGÉTALE ET ANIMALE permet d'aller plus loin. En d'autres termes, nous ne saurions affirmer que tout phénomène de sensi- bilité possède un état interne appelé sensation. Toutefois, répélons-le, si nous refusons aux algues ou aux spores mobiles ces états internes, il n'y a point la moindre apparence que nous devions les « concéder » à l’homme lui-même. Posé dans ces termes, fort simples, le problème ne nous paraît guère capable de recevoir deux solutions. « L'analogie, dit Laplace, est fondée sur la pro- babilité que les choses semblables ont des causes du même genre et produisent les mêmes effets. Plus la similitude est parfaite, plus grande est cette probabilité. Ainsi nous jugeons sans aucun doute que des êtres, pourvus des mêmes organes, exécu- lant les mêmes choses et, communiquant ensemble, éprouvent les mêmes sensations et sont mus par les mêmes désirs. La probabilité que les animaux qui se rapprochent de nous par leurs organes ont des sensations analogues aux nôtres, quoiqu'un peu inférieure à celle qui est relative aux indivi- dus de notre espèce, est encore extrêmement grande; et il a fallu toute l'influence des préjugés religieux pour faire penser à quelques philosophes que les animaux ne sont que de purs automates. La pro- babilité de l'existence du sentiment décroit à me- sure que la similitude des organes avec les nôtres diminue; mais elle est toujours très forte, même pour les insectes. En voyant ceux d’une même espèce exécuter des choses fort compliquées, exactement de la même manière, de générations . en généralions, et sans les avoir apprises, on est porté à croire qu'ils agissent par une sorte d'affi- nité analogue à celle qui rapproche les molécules des cristaux, mais qui, se mêlant au sentiment atta- ché à toute organisation animale, produit, avec la régularité des combinaisons chimiques, des com- binaisons beaucoup plus singulières : on pourrait peut-être nommer affinité animale ce mélange des affinités électives et du sentiment. Quoiqu'il existe beaucoup d’analogie entre l’organisation des plantes el celle des animaux, elle ne me paraît pas cependant suffisante pour étendre aux végétaux la faculté de sentir, comme rien n'aulorise à la leur refuser”. » On ne saurait nier que les vues de quelques bio- logistes contemporains, tels que Haeckel et Forel, ne nous aient menés, en invoquant je ne sais quel panpsychisme, à des vues tout à fait erronées sur les fonctions des protoplasmas vivants chez les êtres unicellulaires ou pluricellulaires dont les parties ne se sont pas différenciées en lissus, en organes ou appareils nerveux centralisés. Il est probable que le sentiment et d'eux-mêmes et du monde que peu- ! Essai philosophique sur les Probabilités, Paris, 1814, p. 86. nf AS MTS. ad mb notices init tentes RÉ té dé GS sd te D te vent posséder ces organismes élémentaires est tel- lement vague et obscur que rien ne justifie, sinon le principe même de toute intelligence svientifique des phénomènes psychiques de la vie, les rappro- chements et les comparaisons anthropomorphiques de ces auteurs. L'intelligence, telle que nous la connaissons, implique, en effet, des organes dont la complexité puisse rendre compte des opérations si élevées et étendues d'où sont sortis, avec le langage, les sciences et les arts. Mais où commence, où finit l'intelligence, si, par ce mot, on entend la capacité, pour la matière vivante, pour le protoplasma, soit amorphe en apparence, soit différencié en tissus, par suite de la division du travail physiologique, de fixer et de converver, sous forme de traces, signes ou symboles, les événements passés; si l’on admet l'existence, au sein de ce protoplasma, d’une mémoire d'adaptation, toujours plus discrète et plus présente par la continuité de la répétition de ces mêmes événements, et d'où résulte l’établisse- ment de conditions plus ou moins variables, en accord avec le milieu interne et le milieu externe? Que cette mémoire des protoplasmas végélal ou animal existe, personne ne le met en doute. Mais comment savoir si elle est ou non accompa- gnée, je ne dirai pas de « conscience », mais d'une conscience quelconque, de cette conscience, si elle existe, dont nous ne pouvons avoir nous-mêmes aucun sentiment, et cela dans notre propre orga- nisme, puisque l'écorce cérébrale ne peut « con- naître » que très indirectement, et seulement par ses effets, ce qui se passe à cet égard dans les ganglions spinaux et dans ceux du grand sympa- thique, dans les centres nerveux de la moelle épi- nière et du bulbe, des noyaux gris sous-thalamiques et sous-corlicaux ? Au moins, toutes les fonctions organiques, celles des muscles lisses et celles des muscles striés, des sécrétions des glandes, voire des échanges maté- riels et gazeux, sont-elles représentées dans le cerveau antérieur. Comment l'intelligence serait- elle la fonction exclusive de l'écorce cérébrale? L'anatomie démontre que cet organe est un con- densateur général de toutes les énergies psychiques qui, dans de certaines limites, appartiennent en propre, avec les autres propriétés biologiques, à tous les éléments anatomiques, libres ou fixés, des tissus vivants. Il me semble que, si nous appliquons aux Végé- taux, aux Invertébrés et aux Vertébrés, les règles du raisonnement analogique qui sont l'unique fon- dement de notre croyance en la sensibilité et en l'intelligence de nos semblables, nous ne saurions échapper à la nécessilé, d’ailleurs purement logique, d'admeltre que le monde est représenté à tous les REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, JULES SOURY — SENSIBILITÉ VÉGÉTALE ET ANIMALE 349 degrés dans ces monades appelées cellules vivantes qui, isolées ou associées, constituent les éléments mêmes et comme les matériaux et le substratum animé de toute vie psychique. Car celie-ci, enseignait Meynert, est toujours réductible à la sensibilité, simple mode de l’irritabilité manifestée par tous les corps naturels sous l’action des forces cosmiques. Je ne saurais donc dire où commence ni où finit l'intel- ligence dans la nature. On sait mieux en quoi elle consiste et quelles sont ses conditions d'existence. A cet égard, il est certain que le panpsychisme a erré loto cælo lorsqu'il a cru retrouver, chez des êtres dénués en apparence d'organes et d'appareils de raisonnement, ainsi que Meynert appelait les cerveaux, des passions, des sentiments et des pen- sées qui, chez l’homme et les Mammifères supé- rieurs, accompagnent toujours certains ordres déti- nis de représentalions mentales. Mais, s’il existe autant de sortes d'intelligences que de systèmes nerveux centralisés, les semences mêmes et comme les rudiments de l'intelligence, doivent aussi se trouver dans les organismes où des modes ultérieurs d'évolution du tissu nerveux ne se sont pas réalisés, parce que des conditions d'adaptation, plus simples, plus adéquates et bien- tôt trop solides pour être changées, se sont établies de bonne heure. Ces êtres-là, qui sont l'immense majorité des vivants sur celte planète, n'ont pas d'intelligence à coup sûr comparable à celle des singes anthropoïdes ou de l’homme, ce qu'implique suffisamment l'énorme diversité du degré de com- plexité des rouages de ces machines : ils doivent cependant posséder une intelligence. NN Le grand problème de la vie, et partant de la sen- sibilité et de l'intelligence, n'est même pas là. Les substances albuminoïdes qui constituent fondamen- talement les protoplasmas étant réductibles à quel- ques corps qui se trouvent dans l'air, l’eau et la terre, c'est-à-dire dans les milieux où la vie s’ali- mente comme une flamme, et dans lesquels elle doit s'être allumée, comment ces éléments, et les éléments de ces éléments, les particules ultimes de la matière qui réagissent d’une manière si sensible à l'attraction, à l’affinité et aux forces connues de la Nalure, comment ces « êtres », les seuls qui existent probablement par soi et pour soi, ne par- ticiperaient-ils dans aucune mesure à ces pro- priétés que manifestent les êtres animés? Si une combinaison d'éléments chimiques fait apparaitre des propriétés qui étaient inconnues dans ces élé- ments considérés isolément, on ne peut pourtant pas croire qu'il y ait eu créalion véritable, à aucun degré. 92 350 Voilà les racines d'une psychologie qui, pour avoir élé déjà pressentie en crislallographie, n'en demeure pas moins toujours fort obscure. Qu'on prenne garde qu'elle n'est, à l'instar de la | psychologie des Mammifères eux-mêmes, qu'une notalion des réachons des êtres au milieu, dans des conditions dont le déterminisme scientifique constitue l'unique fondement de la connaissance qu'il nous est possible d’en acquérir. Là, pas plus qu'ici, rien, sinon un raisonnement analogique, ne nous incline à croire qu'à des changements externes correspondent ou peuvent correspondre des états internes de nalure psychique, et que les aclions sont des réactions, c'est-à-dire la suile nécessaire de sensations ou de perceptions. Toute discussion relalive à la nature de ces sensa- tions, voire au degré de conscience dont elles pourraient être accompagnées, nous semble ac- tuellement sans utilité. La conscience, même pour les processus les plus élevés du cerveau de l'homme, ne change cerlainement rien au mécanisme et à la production des phénomènes mentaux. Ajoutez qu'il faut toujours distinguer la possibilité d'exis- | tence d'une sensation consciente pour soi, par exemple celle d'une cellule d'un ganglion spinal, qui ne l'est pas ou ne peut pas l'être pour nous, c'est-à-dire pour l'écorce cérébrale. F. DOMMER — LA TRANSMISSION DE LA CHALEUR DANS L'INDUSTRIE On n’entrevoit donc pas de limites à ces proces- sus élémentaires dont la vie psychique des orga- nismes les plus différents n’est qu'une somme essentiellement variable et mobile, qui se compose et se décompose à chaque instant, durant toute la durée des organismes. Seul, l'aspect qualitatif de ces processus est pereu directement par la conscience, quand elle existe, et c'est par une pure induclion logique, par un postulat de la raison, que les quali- tés sont considérées comme variant avec les condi- tions quantitatives, à jamais inconnaissables en soi, du milieu interne et du milieu externe. Si l'on sépare, a dit Lewes, l'aspect quantitatif de l'aspect qualitatif des phénomènes, l'objeclif mécanique du subjectif psychologique, on a recours à un artifice logique, indispensable à la recherche scientifique, mais ce n'est qu'un artifice. Les relations méca- niques ne sont, en effet, comme toutes les autres relations, que des modes de sensation, et leur objet n'est qu'idéalement détaché du sujet. Tout ce qui est en dehors de la sensation est l'inconnu x, simple- ment nécessaire, à litre de postulat, pour la spé- culation. Jules Soury, Directeur d'études à l'École pratique des Hautes-Études (Sorbonne). LA TRANSMISSION DE LA CHALEUR DANS L'INDUSTRIE La question de la transmission de la chaleur est d'une importance considérable dans l'industrie; malheureusement, il n'existe que peu d'expériences complètes et précises sur la détermination des coefficients de transmission, lesquels, comme nous le verrons, peuvent osciller entre des valeurs très différentes, suivant la disposilion des appareils. Les causes de ces variations une fois connues, les constructeurs seraient à même, d'une part, de réaliser des perfeclionnements importants dans les appareils d'évaporalion, d'autre part, de détermi- ner exactement les dimensions des aéro-conden- seurs, des économisers, surchauffeurs de vapeur. Or, jusqu'à présent, l'industrie n’a pu utiliser que des données très incomplètes, obtenues par divers physiciens à la suite des travaux célèbres de Dulong et Petit sur le rayonnement et la mesure des coeffi- cients absolus de transmission de la chaleur. C'est à Péclet que l'on doit les formules que la pratique actuelle utilise encore. Après lui sont venus Joule, Rankine, Blechynden, Rosetli, Stefan, Ser et Geof- froy. Sans doule, ces savants ont apporté à la Phy- sique un importantappoint; leurs recherches n'ont cependant pas été suffisamment syslémalisées, ni assez étroitement dirigées en° vue d'applications aux cas précis qui se présentent dans les usines, pour fournir une sorte de code à la technique indus- trielle. Aussi convient-il de signaler comme une heureuse entreprise l'enquête et la série d'expé- riences que le Physikalischer technischer Reichsans- talt de Berlin a instiluées depuis lrois ans sur la transmission de la chaleur; l'enquête porte sur les résultats constalés, à ce sujet, dans les manufac- tures, et les expériences sont exéculées suivant un plan qui tient compte de toutes les conditions im- posées à l'emploi de la chaleur dans l’industrie. Une telle œuvre va évidemment fournir à un très grand nombre de fabrications un guide extrème- : ment précieux pour régler la marche de leurs opé- rations et en réduire les frais. M. le Professeur Richard Mollier, spécialement chargé de coordon- ner ce grand travail, vient de classer tous les chiffres et documents actuellement acquis *. Ces documents conduisent déjà à des vues nouvelles et 1 Zeilschrift des Vereines deulscher Ingenieure, 1898. | | | | PS An, EE ” à mn fe à 5 dd D nb - Éd den LS. d'A Sd dt SÉ F. DOMMER — LA TRANSMISSION à des conclusions pratiques, qu'il semble intéres- sant de résumer. Nous nous proposons, dans les pages qui vont suivre, d'exposer l’état actuel de la question et de donner, d'après le Rapport du Pro- fesseur Mollier, quelques formules susceptibles d'être immédiatement utilisées par les ingénieurs pour établir, en bien des cas, les coefficients de transmission. -La quantité de chaleur transmise à travers une paroi séparant deux fluides est représentée par la formule connue : M—@S (T— 6), dans laquelle 1 à — : «) ER Re TOET k et X' représentent les coefficients de transmis- sion des fluides à la paroi, c’ le coefficient de con- ductibilité de la matière de la paroi et e son épais- seur ; @ dépend de l'état physique des fluides, de leur vitesse, de la paroi et de l’état de sa surface. On peut déterminer @ par l'expérience, # et 4’ au moyen de la formule (1). En dehors de la transmission par contact ou convection, les parois émettent ou absorbent de la chaleur par rayonnement. Nous allons passer en revue les résullats d'expériences destinées à la détermination de @ pour les différents cas qui peuvent se présenter dans la pralique. I, — TRANSMISSION DE LA CHALEUR PAR CONVECTION ENTRE LA VAPEUR D'EAU SATURÉE ET L'EAU PORTÉE A L'ÉBULLITION. Péclet (Zraité de la Chaleur) cite les expériences de Thomas et Laurens sur la vaporisation de l’eau à la pression atmosphérique, exécutées avec un serpentin en cuivre mince de 34 millimètres de dia- mètre, et de 42 mètres de longueur, et de la vapeur de chauffe à 135°; @Q fut trouvé égal à 4.672 calories. J.-C. Hudson ! donne les résultats d’une série d’ex- périences exécutées sur des appareils d'évaporation employés en sucreries et en raffineries. Ces résul- tats sont consignés dans notre tableau I. C. Lang * cile quelques expériences de vaporisa- tion faites sur un vaporisateur Weir, employé sur les navires, dont les tubes en cuivre avaient 38 mil- limètres de diamètre extérieur et 3,3 millimètres d'épaisseur; la pression de la vapeur variait de 4 à 10 atm. 5; on faisait également varier la pres- sion à l'intérieur de l'appareil; il obtint pour @ des 1 J.-G. Hooson : Healing an concentraling liquids by steam, Engineer. V. 1890, p. 291. ? C. LaxG : Verh. d. Engineers and Shipbuilders of Scotland, 1888-89, p. 219. DE LA CHALEUR DANS L’INDUSTRIE 351 valeurs comprises entre 5.000 et 6.900 calories : valeur moyenne, 6.500. Tableau I. — Expérience de Hudson sur la vapo- risation de l’eau. PRES- ÉPAIS- | MATIÈRE SEUR RE APPAREILS de | de ébeur| © la paroi ls en mill.|la paroi par c? Appareil de clarification à double fond hémisphérique.| 411 [Guivre| 1 3.050 Le même appareil (modèle). » » » 2,960 Appareil de clarification tu- Hole ner ee | » 4,1 |2.680 Le même appareil. . » » 3,2 |2.540 Appareil de concentration Às- DROIT or Appareil de concentration tu- = [=7] = à © = co 1 59 = [= bulaire de forme rectangul.| 2,0 » 0,7 |3.030 Le même appareil. . . . . . » » 1,8 |3.000 Le même appareil. . » » 2,5" 13.410 Appareil entièrement sem- DANCE JET at oo » » 0,7 Le même appareil . . . . . » » 1,3 Vaporisateur rotatif Wetzel. » |Lailon| 0,5 Vaporisateur rotatif à ser- pentinn.. 3.950 Cuivre! 0,35 s'Meater,e » D. B. Morison ‘ a exécuté une série d'expériences en employant l'appareil que représente la figure 4. La surface en contact avec la vapeur était de 0"1,3567; l'épaisseur de la paroi va- riait de 23 millimèlres à Ann 7: la température de l'eau fut mainte- nue à 1002. Le tableau IT re- présente les va- . leurs de @. Les frères Sul- zer, de Winter- thur, ont réalisé Conduite de vapeur Fig. 1. — Appareil employé par M. Morison pour mesu- rer la transmission de la cha- leur entre la vapeur sous pression el. l'eau à. l'ébulli- lion. — L'eau est contenue dans le cylindre central; la vapeur arrive par la conduite de gauche et se répand dans l'espace annulaire où un manomètre indique sa pres- Sion, puis elle s'écoule dans l'appareil de condensation. En déterminant d'une part la température et la quantité de vapeur qui a cireulé, d'autre part la quantité d'eau vaporisée, on déduit le coefficient de transmission à tra- vers les parois du cylindre. Eau de condensation des expériences sur des tuyaux de différents mé- ? Monisox : Proc. Inst. Mech. Eng., 1892, p. 483. taux, d'épaisseur variable, et dont on faisait varier l’état de la surface de la paroi ; la longueur était de Tableau II. — Expériences de Morison sur la vapo- risation de l'eau. VALEURS DE PRESSION TEMPÉRATURE |de la vapeur en kilos pee en C° cent. carré Épaisseur de la paroi en millim. OT de O9 19 19 = © D © IN QE O0 = = =] 1 © D N 1 1 © 1 3 mètres, le diamètre extérieur de 90 à 100 milli- raètres. L'appareil (fig. 2) se composait d'un réci- HE ; fl Manometre a pient métal- lique ouvert, de 32,75 sur 0%,36,conte- nant l'eau à Conduite de vapeur F. DOMMER — LA TRANSMISSION DE LA CHALEUR DANS L’INDUSTRIE CPI EU e € ; à e , sentée par C’ est négligeable. D'après les résultats d'expériences, @ doit être considéré comme indé- pendant de la température de la vapeur et de celle de l'eau. Parmi les causes qui font varier @, nous avons la présence de l’air dans la vapeur. Lang attribue le grand effet du vaporisateur Weir aux dispositions particulières prises pour séparer com- plètement l'air de la vapeur. - La purge complète et rapide de l’eau de con- densation est une condition essentielle pour une bonne utilisalion de la surface de chauffe. & 1 Si nous supposons k et X' constants, a croit directement avec l'épaisseur de la paroi; cette rela- lion est nettement établie par les expériences de Morison. Représentons : HR Eesti AVE k, représentera le coefficient de transmission pour une paroi infiniment mince. Nous pouvons dé- duire des ex- Purgeur & air vaporiser, el périences placé sur une : DU Pare précédentes, S ü Sn > ù = bascule. = s Endhsar pPourdes tu Les expé- D Tr yaux de fon- riences fu- Fig. 2. — Appareil utilisé par MM. Sulzer, pour mesurer la Rs te : rent réali- transmission de la chaleur entre la vapeur sous pression et EE mnE es l'eau. — La vapeur sous pression, après avoir passé dans Se RUN ki = 3.100 sées à Six le tuyau d’ expérience, vient se liquéfier dans le condenseur, où elle est pesée à l'état C—= 39; SHSTIPREES d'eau. De même, une autre bascule permet de déterminer la quantité d'eau qui s’est IPAERERORE vaporisée dans le récipient. différentes Nous dé- 1,31; 1,82; 2,38; 2,84; 3,34; 3,84 atm. Les résul- | duirons des expériences de Sulzer pour le tuyau V, tats sont représentés dans le tableau IT. en prenant C—39, et une valeur moyenne de Tableau III. — Expériences des Frères Sulzer sur la vaporisation de l’eau. NUMÉROS ET NATURE DES TUYAUX ———————————————————— … I. Tuyau de cuivre rayé. . . £ II. Conduite de vapeur en fer rivée et vernie | J1I. La même conduite non vernie : IV. Tuyau de chaudière recourbé . . Tuyau de fonte brute. VI. Tuyau en fer courbé . = RO R:: ° Tuyau de chauffe en acier rivé é et verni . 7 LM de CE Tuyau de fonte tourné : IX. Tuyau de fonte à nervures exté rieures de ‘33um de hauteur, 60um d'écartement et 8um d'épaisseur. ÉPAIS- de la paroi VALEURS DE SEUR Température de la vapeur en C° en EE millim. 110 117 125 131,3 136,5 25 » 3.800 3. PA | » 2.150 222 2 A » 2.350 PAG 4,9 » 2.690 2.71: 10 » 1.890 1.8 13 » 1.570 4°ù: 1,85 1.140 1.980 2. 15,25 1.060 1.500 1.5 13,9 1.570 1.490 1.680 1.720 1 Les valeurs de @, qui se rapportent à des luyaux de cuivre ou de laiton de faible épaisseur, sont comparables, car l'influence de la paroi, repré- @ — 1.840 @Q — 1.460 : 4, = 3.400 avec CO — 3304 — De = es pour le tuyau VII, ; pour le luyau [ (cuivre), + v0h MS CAPETE DE PERS vébbdel pins — out à de ef ue de. dd dt es nt din ét 246 sms dé î lon saine RE LÉ ts éd de bé 2e à à dun, À und de de, ” F. DOMMER — LA TRANSMISSION DE LA CHALEUR DANS L'INDUSTRIE 35: = Ces résultats montrent que l’état de la matière à la surface des tuyaux n'a pas d'effet sur la trans- mission, En examinant les valeurs de @ pour les tuyaux III et IV, nous constatons que le tuyau IV, pour e = 42,5, transmet plus de chaleur que le tuyau IT pour e— 2,1. Cela doit provenir d'un coefficient de conductibilité très différent. En prenant pour le tuyau LITE, #, = 3.500et pour @ une valeur moyenne, nous trouvons C— 14; pour le tuyau IV, C—45; el pour le tuyau VI, CG = 34. Enfin, la superposition d’un vernis diminue ja transmission de 6 °/,. Nous pouvons encore détepminer l'influence des nervures sur la transmission en comparant la valeur de @ obtenue avec un tuyau à nervures, et celle obtenue avec un tuyau uni de même épaisseur; nous trouvons, pour k,— 3.500 ; C—39 ; @ — 1.580, une augmentation de 10 °/, pour le tuyau muni de nervures. Si nous supposons À — #', condition qui semble réalisée dans un vaporisateur Weir, e = 3,3; Q = 6.500; C— 330; #, — 7.000; nous trouvons pour & — k' — 14.000. Nous pouvons déduire des résultats précédents des formules permettant de calculer les dimensions des surfaces de chauffe des appareils d'évaporation. Le coefficient de transmission est représenté par la formule : CRE 1 + ko Dans cette formule, on prendra : C— 30 pour le fer. C—=300 — cuivre. E— 180 — laiton. M. Berget a déterminé, en appliquant la formule du mur, et jusqu'à 300°, les coefficients de con- ductibilité absolus : C=— 314 pour le cuivre. CR er: C— 9% — laiton. Pour un appareil bien construit, au point de vue du dégagement complet et rapide de l'air et de l’eau de condensation, nous prendrons k, = 3.500. Pour des appareils très soignés, dans lesquels on prendra des dispositions toutes particulières pour le dégagement de l'air contenu dans la vapeur, nous prendrons k, — 7.000. IT. — TRANSMISSION DE LA CHALEUR DE LA VAPEUR SATURÉE À L'EAU NON PORTÉE A L'ÉBULLITION. Nous citerons en premier lieu les expériences de Thomas et Laurens, qui ont porté 400 kilos d’eau de 8° à 100° en 4 minutes, avec un serpentin de 4"4148 de surface et de la vapeur de chauffe à 135°; ils ont déduit de cette expérience : Q — 1.720. Dans une deuxième expérience, cilée par Péclet, 900 kilos d’une dissolution sucrée furent portés de 4° à 100°, en 16 minutes. Tableau IV. — Expériences d'Hudson sur le réchauffement de l’eau par la vapeur. TEMPÉRATURE de l'eau en C° VITESSE de l’eau en mètres Q par seconde APPAREILS PARUS de la vapeur en C° initiale| finale Réchauffeur tubu- 0,0076 130 0,006 5 jus. à 00238 80 à 820 lication rectang. 0 — 900 Concentrateur As- pinal Concentrateur tu- bulaire 1.750 1.000 Avec une chaudière à double fond, de 24 mètres carrés de surface de chauffe, et de la vapeur à 135°, la valeur de @Q était de 4.850. Clément et Dé- sormes ont {rouvé, pour une diffé- rence moyenne de température de DEMO D: Les résultats des expériences d'Hudson, os réalisées condensahon sur des ap- pareils de sucre- rie, sont représen- tés dans le tableau Fig. 3. — Appareil de MM. Carpen- IV. ler el Royse, pour la mesure du réchauffement de l'eau par la vapeur. — La vapeur arrive à la partie inférieure où le thermo- mètre T permet d'en prendre la température; l'eau est à la par- lie supérieure, au-dessus de la plaque métallique. Le coefficient de transmission à travers cette plaque se déduit des tempéra- tures de la vapeur et de l'eau me- surées par les thermomètres. Anderson! cite les résultats d’ex- périences sur un appareil de clari- fication employé en sucrerie,chauf- fé avec de la va- peur à 143°; pour une élévation de température de 20° à 4100°, Q— 1.120; avec un appareil semblable, mais plus petit, il trouva, pour l'eau, @ — 1.210; et, pour le sucre, Q — 1.070. 1 Axpensox : Proc. Inst. Civ. Eng., t. XXXV, p. 49, 1873. 354 D'après Carpenter! et Royse ?, une série d'expé- riences furent réalisées au moyen de l'appareil représenté par la figure 3, avec des plaques de fonte de 11°%,2 d'épaisseur, et dans lequel 1 kil. 42 d’eau était chauffé de 20° à 65°; on en déduisait Q — 550. En corrodant les plaques au moyen de l'acide nitrique, @ diminue, et la plus petite valeur déter- minée après l'aclion du bain pendant quinze jours, était égale à 380. Dans les expériences de Royse, l'eau était mise en mouvement au contact des plaques, dont l'épais- Seur variait de 6 à 12 millimètres. La différence moyenne de température entre la vapeur el l’eau s'élevait de 80° à 92. Les résultats de 46 expériences faites avec des plaques non corrodées donnèrent @ — 1.230. Pour des plaques corrodées pendant 10 à 30 jours, ou déduisit de 65 expériences une valeur moyenne de Q — 1.080. Dans 9 expériences, les plaques furent recou- vertes de vernis; on trouva Q — 385. Les différences entre les valeurs de @ obtenues par Carpenter et Royse, proviennent du mouve- ment du liquide. Dans les expériences de Nichol *, l'appareil employé se composait d’un tuyau de laiton mince, de 20 millimètres de diamètre, placé à l'intérieur d'un autre tuyau formant manchon; l'eau circulait dans le tuyau intérieur, et la vapeur dans le man- chon; l'appareil était disposé horizontalement ou verticalement. Les résultats sont représentés dans le tableau V. Nous signalerons la différence de fransmission pour ces deux positions du tuyau. Les expériences de Ser * ont élé réalisées avec un appareil semblable à celui de Nichol (fig. 4). F. DOMMER — LA TRANSMISSION DE LA CHALEUR DANS L'INDUSTRIE Les valeurs de @ sont sensiblement proportion- nelles à la racine cubique de la vitesse. Les résultats des expériences sont représentés par le tableau VI. Fig. 4. — Appareil de Ser pour la mesure de la transmission de La chaleur de la vapeur à l'eau. — L'eau traverse le tuyau A et la vapeur se trouve dans l'espace annulaire M. T, thermomètres servant à mesurer les températures de la vapeur et de l’eau d'où l'on déduit le coefficient de transmission. Les expériences de J. Joule* sont les plus com- plètes réalisées jusqu’à ce jour. L'appareil employé esl représenté par la figure 5 : Tableau VI. — Expériences de Ser sur le réchauffement de l’eau par la vapeur. VITESSE de l'eau en mètres par seconde VITESSE de l'eau en mètres par seconde 0,7 CAGE CHU CES la vapeur cireulait dans le tuyau intérieur, et l'eau dans l’espace annulaire. Il fit varier la vitesse et le sens du courant, les diamètres des deux luyaux, l'épaisseur de la paroi, sa nature, l’état de la sur- Tableau V. — Expériences de Nichol sur le réchauffement de l’eau par la vapeur. POSITION DU TUYAU Température de la vapeur en C0. . . Température de l'eau arrivant au contact . | Température de l’eau s'écoulant après contact, Vilesse d'écoulement de l’eau. RE à (0 SENS VERTICAL SENS HORIZONTAL L'eau traversail un tuyau À disposé horizontale- ment, de 10 millimètres de diamètre; la tempéra- ture de la vapeur était de 100. { Carpenter : Heat transmission Lhroug cast-ü'on plales us. Transact. Am. Soc. Mech. Eng., t. XI, p.174, 1891. * Royse : Heal transmission through plales ebenda. S., 1014. 5 Nicaoz : S. p- 309. 4 Se : Iudsons mehrfach Gennante Abhandlung, Physique industrielle, &. Y, p. 225. face du tuyau intérieur. Il introduisait dans l’espace annulaire, rempli d'eau, des spirales métalliques destinées à produire le mélange. Joule a Liré de ses expériences les conclusions suivantes : L'intensité de la transmission est indépendante du sens des courants; elle ne dépend presque 1 J. Joue : On the surface condensalion of steam, Philo- soph. lrans. of the Royal Soc., pp. 133-151, 1861. ER af = rA ne MR RE | exclusivement que de la résistance des couches de fluide qui sont en contact immédiat avec la paroi; elle est presque indépendante de la nalure de la paroi (cuivre, fer, plomb) et de son épaisseur (de jun 5 à 3um,7), ainsi que de l'état de sa surface nette, oxydée ou recouverte d’une matière grasse. L'intensité de la transmission croît avec la vitesse de l’eau, et peut êlre considérée comme propor- tionnelle à la racine cubique de cette vitesse; pour Robinet à pornteau Craucière Manometre Fig. 5. — Appareil de Joule pour la me- sure de la transmis- sion de la chaleur de la vapeur à l'eau. — La vapeur, ve- pant de la chau- dière, est admise dans le tube verti- cal par un robivet à pointeau et se condense à la par- lie inférieure. L'eau arrive par le bas à droite, passe dans la partie aunulaire du tube vertical et se déverse en haut dans un récipient après qu'un ther- momètre a pris sa température. Le manomètre relié au tube de vapeur donne la pression. de faibles vitesses, elle croit plus rapidement. Q doit atteindre une certaine limite dépendant de la conductibilité du mélal, et de la résistance de la couche d'eau en contact avec la surface du tuyau intérieur. . L'emploi des spirales augmente d'une quantité notable la transmission. Avec les spirales, et une vilesse de 0,12, Q— 2.010 ; sans spirales, Q — 860. Les résullals des expériences peuvent être repré- sentés par la formule : @ — 1.150 Vo; » oscille dans la pratique entre 0",05 et 2 mètres. F. DOMMER — LA TRANSMISSION DE LA CHALEUR DANS L'INDUSTRIE 355 En employant les spirales, @ croît avec la vitesse, mais moins rapidement. L'effet des spirales était plus efficace lorsque l'intervalle entre les deux tubes était plus petit. Pour une distance de 3"#,2 au lieu de 8"%,12, et une vitesse de 0%,12, Q — 3.500; au-dessus de v—0"%,2, on ne conslala plus d’ac- croissement sensible. Les plus grandes valeurs de @ furent trouvées voisines de 4.500. La température de la vapeur variait pendant les expériences, de 20° à 100%, et celle de l'eau, à l'entrée, entre 3° à 17°; et à la sortie, de 10° à 90. Dans les expériences d'Hageman !, l’appareil employé élait semblable à celui de Joule, mais la vapeur circulail dans l'espace annulaire. Le tuyau intérieur élait en lJailon, de 49 millimètres de diamètre extérieur, et de 2 millimètres d'épaisseur; à l'intérieur se trouvait un tuyau fermé aux extré- milés, pour réduire l'espace où circulait l'eau. La température de la vapeur variait de 100° à 136°; et la température moyenne de l’eau, de 15° à 90°. Les valeurs de @ furent trouvées, pour les petites vitesses, proporlionnelles aux racines carrées des vitesses; pour les plus grandes, aux racines cubi- ques. Le tableau VII donne le résultat des expériences. Tableau VII. — Résultat des expériences d’Hage- man, sur le réchauffement de l’eau par la va- peur. TEMPÉRATURE VITESSE de l'eau au mètre par seconde NOMBRE | TEMPÉRATURE des de expé- la vapeur riences en C° de l'eau RS arrivée sortie 67,1 67.0 46,2 55, 9 40,1 0,116 0,306 0.612 0,906 1,525 DS D & ND SAR D ID D = D © Le A l'examen, les résultats des expériences précé- dentes présentent une grande concordance entre eux, relativement au rapport dela transmission de la chaleur à la vitesse de l’eau; mais il n'en est pas de même des valeurs absolues de @ pour les mèmes vitesses. Ainsi, pour v = 0,4, @ fut évalué : par Nichol à 1.770 ou 2.600, selon la position du tuyau; par Ser, 2,450; par Joule, 1.300; par Hageman, 1.700. Les éxpériences de Joule sont très nombreuses, de longue durée, et ont élé exécutées avec les soins les plus minutieux. Nous prendrons, dans la pratique, k, — négligeant l'influence de l'épaisseur de la Cette erreur peut être considérée comme Q;.en paroi. négli- 1 [AGEmaN : Proc. Inst. Civ. Eng., t. LXXVIT, 188%. 356 F. DOMMER — LA TRANSMISSION DE LA CHALEUR DANS L'INDUSTRIE geable pour des tuyaux de faible épaisseur, en cuivre ou en laiton. Pour déterminer la valeur de 4’ entre la paroi et l'eau, nous prendrons la valeur de £ du cha- pitre précédent, égale à 10.000, et nous déduirons : k! — 300 + 1.800 Vo. Pour le calcul des appareils destinés au chauf- fage des liquides, on peut tirer les conclusions suivantes : pour un liquide au repos, on prendra k, = 500. Si le liquide au contact de la surface de chauffe est en mouvement, nous prendrons : k— 1.750 Ÿv- En produisant, par des dispositions particulières, un mélange plus intime entre les couches du liquide, on peut prendre x, — 2.000 à 4.000. Pour des parois épaisses, on appliquera la formule : ko De HET Fu QUE III. — TRANSMISSION DE LA CHALEUR ENTRE DEUX LIQUIDES NON PORTÉS A L'ÉBULLITION. Péclet cite une expérience de Lacambre, dans laquelle 12.000 litres de moût furent portés en deux heures de 100° à 22° par 20.000 litres d’eau froide, dont la température s'éleva de 18° à 65°; la surface de chauffe était de 80 "1; on en déduit = 280: Ser ‘ réalisa une série d'expériences avec l'appa- reil que représente la figure 4; il fit circuler, dans les tuyaux intérieur et extérieur, de l'eau avec une même vitesse. Les résullats de ces expériences sont représentés dans le tableau VIII. Tableau VIII. — Expériences de Ser sur le refroidissement des liquides par l’eau froide. Dans icetcas me De k = 400 Vo. Ces valeurs sont très élevées; il serait sans doute plus exact d'employer les valeurs tirées des expériences de Joule : le — 300 + 1.800 Vr. Si les deux liquides ont des vilesses différentes : 300 il 1 1+6Vu, 1+6Vv, ko — Si l'un des liquides est au repos, la valeur de k peut ètre prise approximativement égale à 500; si les liquides sont en mouvement, la valeur de peut être prise entre 2.500 et 7.000. IV. — TRANSMISSION ENTRE DE LA VAPEUR SATURÉE OU DE L'EAU, ET DE L'AIR. Pour l'air, 4’ étant très petit, nous prendrons HERO Les résultats des expériences de Dulong et Petit ont été représentés par Péclet au moyen de la formule suivante : Q—= 0,552 fSz (4, — F,)1-293; en posant 4 — 0,552 f(4, —1,)°:2%, on a : A=A%Sz: (4 — +); f est compris entre 2 et 4, et 0,552(4=1;)%2% entre 1 et 2. La valeur de k, pour l'air au repos, varie entre 2 et 8. Joule a réalisé une série d'expériences avec l'ap- pareil représenté par la figure 5; il faisait passer dans le tuyau intérieur, de la vapeur, dans le tuyau extérieur, de l'air ou de l’eau; la vitesse de l'air variait de 10 à 100 mètres. Le coefficient de transmission croit à peu près proportionnellement à la racine carrée de la vitesse : ñ Q = k —16 Vr, Avec les mélangeurs à spirale, pour un même travail, la transmission augmente de 30 à 40 °/,. Dans les expériences de Ser', l'appareil se com- posait de deux tuyaux concentriques; l'air cireu- lait dans le tuyau intérieur en laiton mince, dont le diamètre variait de 10 à 20 millimètres et de 30 à 50 millimètres, et la vitesse de l’air, de 0,5 à 10 mètres. La transmission était à peu près proportionnelle à la racine carrée de la vitesse de l'air, pour le tuyau de plus grand diamètre; pour le tuyau de 10 millimètres, elle était proportionnelle à la vilesse. Pour une même vitesse, l'intensité de la transmission augmenta avec le diamètre du tuyau. Pour le tuyau de 50 millimètres : v = 1 mètre, OMS: Ser se servit d'un deuxième appareil (fig. 6). L'eau chaude traversait des tuyaux A et B, de 200 à 250 millimètres de diamètre intérieur, et de 2",6 1 Ser : Physique industrielle, p. 161. 1 Ser : Physique industrielle, p. 141. F. DOMMER — LA TRANSMISSION DE LA CHALEUR DANS _ L'INDUSTRIE 357 de hauteur ; l'air circulait dans un espace limité par une enveloppe en maçonnerie; @ fut trouvé Fig. 6. — Appareil de Ser pour la mesure de la transmission de la chaleur entre l'eau chaude el l'eir (coupes verticale et horizontale). — L'eau, arrivant de la chaudière située à droite, traverse les tubes A et B, le premier à paroi lisse, le seconil à ailettes, et réchauffe l'air environnant.T, ther- momètres servant à déterminer les températures de l'eau et de l'air, d’où l'on déduit le coefficient de transmission. proportionnel à Vo. Pour un tuyau de fonte uni, de 8 millimètres d'épaisseur, on oblint : A — 16 Vo à 19 Vo. Dans les applications, il sera préférable de Tableau IX. — Expériences sur le réchauffement de l’eau par les gaz chauds. £ TEMPÉRATURE | TEMPÉRATURE | CHALEUR SE Él : , de l'eau transmise ÉcE 3 |des gaz chauds! d'alimentation ar a ES 2 nr | ms mm |inètre carré g 2 % G HE ES .. [et parheure A Entrée | Sortie | Entrée! Sortie | en calories 1 A 383 222 1 123 3.120 113,3 2 B 381 211 15 120 3.130 13,9 3 C 304 204,5| 14 109,5 5 12,1 4 B 353 200 12 112 2.610 112,3 5 B 310 203 12 116 2.130 |12,4 6 B 374 197 9 117 2.150 12,4 7 B 314 202 40 136 2.360 |11,8 8 A 36% 218 38 13% 2.550 12,4 9 A 312 208 10 119 22950134 10 C 392 185 15 114 2.680 |13,2 prendre pour @ les valeurs trouvées dans les tuyaux étroits : Q = 2 + 10 Vo. Dans des expériences faites sur des économi- _ sers, dans les élablissements Green et Son, à Wakelfrid, les appareils se composaient de 128 tuyaux verticaux, disposés en 16 rangées de 8, dans une chambre en maconperie. La durée des expériences était de huit heures. Les résultats obtenus sont représentés dans le tableau IX. V. — INFLUENCE DU RAYONNEMENT SUR LA TRANSMIS- SION DE LA CHALEUR A TRAVERS UNE PAROI. La quantité de chaleur rayonnée par un corps vers un autre à tempéralure moins élevée, est représentée par la formule : R= re S,f (4, le), et la chaleur transmise à travers une paroi, par la formule : à e M=es:(r—0+e(n +). En appelant : M S2 (T — té) le coefficient de transmission, et en le représentant par Q’, nous avons : à ROUE n a) & 1 2 ESS Sun (x n)- Les premières expériences exacles sur le rayon- nement ont été faites par Dulong et Petit, qui ont établi la loi du rayonnement : Pt, ta) = 1,0077 #, — 1,077 fa. D'après les expériences de Péclet, la chaleur émise par rayonnement est donnée par la formule connue : R = 500 z S, @4 1 (1,0077 4, — 1,077 /:). D'après Rosetli : (A e)—= (a 0) ENT); T,et T, étant les températures absolues, a el b des constantes : a — 0,0000033513 b —0,0637 D'après les expériences de Péclet : ie T.\: R—0/ 5521541000 [() — 10] IT, — Ti). D'après Stefan‘ : d'où : ee AVAL R—4,33:S qi [ (x) (à) 1 Pour de faibles températures, {, ne dépassant pas 1 Sreran : Wiener Berichte, n° 79, 1879. 398 F. DOMMER — LA TRANSMISSION 290°, les trois formules donnent sensiblement le mème résultat. Pour les lempératures élevées, la loi de Dulong et Pelit donne des résultats trop forts; la loi de Stéfan semble être la plus exacte. La loi de Dulong et Petit a été généralement appliquée jusqu à ce jour, dans la pratique. Nous emploierons de préférence la formule de Rosetli, facile à calculer, en modifiant légèrement les constantes. VI. — TRANSMISSION DE LA CHALEUR PAR CONVECTION ET RAYONNEMENT. D'après Péclet, Clément, Desormes et Ser, avec des récipients ouverts, contenant de l'eau et un foyer actif, on peut vaporiser 100 kilos par mètre carré et par heure; en évaluant la température de la flamme à 1000°, on trouve que la valeur de == 60: Geoffroy ! a réalisé, sur la boite à feu d'une loco- motive de la Compagnie du Nord, une série d'ex- périences dont les résullats sont représentés dans le tableau X. Tableau X. — Expériences de Geoffroy sur la transmission de la chaleur par convection et rayonnement. EAU VAPORISÉE par heure et par mètre carré de surface de chauffage direct [a] Le COMBUSTIBLE Chaleur transmise | Coke. . . . Briquettes 1. Briquettes 2? . 125 kilos 170 62.400 85.060 90.000 Dans les expériences de Witz?, exécutées avec un vase ouvert (les résultats sont indiqués dans le tableau XI), l'eau fut versée (expériences f el 9) d'une manière continue sur la plaque chauffée au rouge. Les expériences de Blechynden* furent réalisées avec l'appareil que représente la figure 7, de dia- mètre intérieur égal à 250 millimètres, hauteur 300 millimètres ; les températures étaient mesu- rées, en À el B, au moyen d’un pyromètre Siemens. On expérimenta cinq plaques de fer Siemens- Martin, dont on fit varier l'épaisseur, ainsi que la tempéralure des gaz de 300° à 800°. Blechynden élablit que la transmission de la chaleur est proportionnelle au carré de la diffé- E * Georrrox : Ser, Physique industrielle, p. 561. = Warz : Comp. rend., 1892. ‘ BLecuvnoex : Proc. Inst. Nuv. Arch., 189%, et Engineer, 1893, t. 11, p. 98. DE LA CHALEUR DANS L'INDUSTRIE rence des températures entre les gaz chauds et l’eau : M &= 5 = 4y— constante; AUTO DZ æ est appelé le module de transmission; il déter- Tableau XI. — Expériences de M. Witz sur la transmission de la chaleur par convection et rayonnement. EAU vaporisée par heure et par mètre carré de surface de chauffe, TEMPÉRATURE de l'eau d'alimentation en Co 63 kil. 178 202 brûleurs Bunsen. . . . . et une soufflerie. et un chalumeau. soufflerie et trois chalumeaux. . . . . Coke et soufllerie . ne . 1 becs Bunsen, une souffle- rie et un chalumeau. . Coke et soutflerie . . . . . 26% 43% 665 1.000 mina la température L" au-dessus de la grille, et calcula un second module : M ÉURENT ET qui fut également trouvé constant; enfin : M PES 1 ul M z role rh = & & j En examinant les ré- sultats des expériences de Blechynden, nous constatons, pour la pla- que A, dont l'épaisseur varie de 302,9 3,322 que la transmission aug- mente de 50 °/,,ce qui est en contradiction avec les expériences con- nues. Dans une deuxième série d'expériences, Ble- chynden indique, pour un même état de la surfaceetpour des épais- seurs égales, que le cui- vre ct le fer laissent passer la même quantité de chaleur; on trouve pour une surface nelle des deux métaux : Fig. 71. — Appareil de Ble- chynden pour la mesure de la transmission de la chaleur par convection et rayonnement. — KR, brû- leurs ; C, couche d’asbeste; B, ouverture pour pren- dre la température ; A, sor- tie des gaz chauds; K, chaudière entourée d'une enveloppe d'air. Le coef- ficient de transmission se déduit des températures du foyer et de la chau- dière. 10/0971 si les surfaces sont re- F. DOMMER — LA TRANSMISSION DE LA CHALEUR DANS L'INDUSTRIE 359 couvertes d'un dépôt produit par les fumées : u'— 0,158. Tableau XII. — Expériences de Blechynden sur la _ transmission de la chaleur à travers des plaques métalliques. ÉPAISSEUR PLAQUES 0,136 0,155 0,186 0,202 0,210 0,210 0,245 0,226 0,229 0,160 0,208 0,125 0,168 ae rc: CS = NO Rene DD 1 Le cuivre conserve plus longtemps sa surface nette que le fer, qui s’oxyde très rapidement. Le résultat des expériences de Blechynden est représenté dans le tableau XII. Tableau XIII. — Expériences du Physikalisch-Tech- nischer Reichsanstalt sur la transmission de la chaleur. TEMPÉRATURE { EE rad à CHALEUR P f transmise au-dessous a! de la plaque RE HAE en calories en Ce 20,4X q me . (4) ÉPAISSEUR DE LA PLAQUE, : 591 195 L 168 010 | .040 PAT 454 ; )2 .169 L 9,013 .304 (b) ÉPAISSEUR DE LA PLAQUE, 10um 5, 424 35,5 0,14% 636 42.5 0,139 995 52,8 0,138 1.630 66,1 0,131 (c) ÉPAISSEUR DE LA PLAQUE, 70,5, 319 418 489 606 31% 661 1.165 1.098 1.578 30,8 43,1 59,0 53,7 68,2 (d) ÉPAISSEUR DE LA PLAQUE, 338 634 1.027 1.835 0,148 0,141 0,146 0,129 0,144 sum. 0,143 0,128 0,132 0,146 Les expériences du Physikalisch-Technischer Reichsanstall" ont été exécutées avec un appareil identique au précédent; la tempéralure était mesu- rée avec un couple thermo-électrique à 40 milli- mètres au-dessous du milieu de la plaque, et en même temps au-dessus de la grille; les plaques avaient un diamètre de 250 millimètres. Dans quelques expériences, les plaques furent 300° *400° 500° 600° + 700° 200° 40° 500° 600° 700° Fig. 8. — Résullals des expériences du Physikalisch-Technis- cher Reichsanstall sur la transmission de La chaleur à travers les plaques métalliques. — On à porté en abscisse la température £, prise à 40 mm. au-dessous de la plaque et en ordonnée la valeur du coefficient Q'. Les différents signes indiquent la nature des diftérentes plaques. ir, IT, en fer fondu Siemens-Martin, de Borsis: IVÉRV: \I, en fer forgé. Vi, VIII, IX, en fer fondu Siemens-M: irtin, de JE fon- derie impériale de Kiel. recouvertes d'un dépôt de ciment de 5 à.8 milli- mètres. Les résullats des expériences sont repré- sentés dans le tableau XIIT. La figure 8 représente graphiquement les résul- tals des expériences; {, est porté en abscisse, et Le 1 Reichsanstalt : Acer févrief 1896. Compte rendu du 1° avril 1895 jusqu'au 360 F. DOMMER — LA TRANSMISSION DE LA CHALEUR DANS L'INDUSTRIE coefficient @/ en ordonnée ; la figure montre que l'épaisseur des plaques est sans influence sur la valeur de @',etil en est de même de l'état de la surface du côté de l’eau. ETTITITITANY| [I F1 y REA #50 BE! DÉTHRIHE 360 ELA 150 mi BEBE EE Ü (0 50 100 150 200 250 300 350 400 »50 Fig. 9. — Résultats des expériences de Hirsch, sur la vapori- sation dans un générateur. — On a porté en ordonnées la température en degrés C et en abscisse le poids d'eau en kilos vaporisée par heure et par mètre carré. Les lignes ont la signification suivante: 1, fond ordinaire, eau dis- tillée ; 2,augmentation d'épaisseur du fond de 2 millièmes; 3, augmentation de 5 millièmes; #4, fond avec incrusta- tion de 4 mm.; ÿ. double fond soudé; 6, fond avec couche d'oléonaphte ; 7, fond avec incrustation de 5 mm.; 8, double fond avec un millimètre de tale entre les deux plaques. La couche d'huile ou le dépôt qui peut se former sur les plaques n'exercent qu'une influence peu sensible. Les expérimentateurs ont enfin établi, par des expériences particulières, que la transmission de Tableau XIV. — Expériences de M. J. Hirsch sur la vaporisation dans un générateur. CHARBON [QUANTITÉ D'EAU PORTÉE DE 0° À 1000 et vaporisée dépensé en kilos par m° et par heure DÉSIGNATION par heure de et m?de sur- face de grille Chaudière Chaudière et réchauffeurs Surface de chauffe directe l'expérience 125 102 143 135 180 245 159 AT2 18% 245 203 193 145 131 213 161 47,51 11,75 66,66 63,63 16,50 15,75 ST SP TT chaleur croît d'une facon marquée avec la vitesse de circulation des gaz chauds. Les expériences de J. Hirsch! ont été réalisées 1 J. Hrnscn : Annales du Conservatoire des Arts el Méliers Ser., t. I, p. 246. sur un générateur de vapeur, dans le but de déter- miner quel était le maximum de vaporisation par mètre carré de surface de chauffe directe, et par heure. Dans une deuxième série d'expériences, il passa en revue lesdifférentes causes qui, dans la pratique, peuvent occasionner un échauffement dangereux des tôles; il examina l'influence d'incrustations de 1 à 5 millimètres d'épaisseur, d'une couche de matière grasse, et de la doublure des tôles. Par interposition d'une couche de tale entre les tôles, la température a dû dépasser 450°. Les résultats des expériences sont représentés graphi- quement par la figure 9 et le tableau XIV. Des expériences ont été exéculées par Durston, mais la quantité de chaleur transmise n'a été éva- luée que dans peu de cas. VII. — TRANSMISSION DE LA CHALEUR DE L'EAU OU DE LA VAPEUR, A TRAVERS UNE PAROI MÉTALLIQUE, À DE L'AIR CONTENU DANS UN ESPACE CLOS. Nous prendrons la formule générale : ES PR HO TN RIRES DCE (+7). dans laquelle nous poserons pour le cas actuel : =) 11%) =} 8, et 6, sont les températures des faces de la paroi. Nous calculerons R, par la formule de Rosetti, prise sous sa première forme, pour un tuyau seul : ns Cobieet At En posant : É—A0b 1 — 20 @— #4 pour l'air au repos, @'—= 40: La transmission sera de 80X10 — 800 calories, ce qui est conforme à la pralique. VIII. — TRANSMISSION DE CHALEUR PAR LA SURFACE DE CHAUFFE DIRECTE D'UN GÉNÉRATEUR A FOYER INTÉRIEUR, En représentant par S la surface de chauffe di- recte; S,, la surface de la grille; T,, la température absolue des gaz chauds; f,, température de l'eau dans la chaudière : 1 Dursrox : Revue industrielle, p. 221, 1893. ss lé sis cn dé ritnt stade ste De. à. dr 5 PU held A PE xt ART DE Pré RES TE F. DOMMER — LA TRANSMISSION DE LA CHALEUR DANS L'INDUSTRIE 361 0 — 0 — le R: — 0 C varie de 0,4 à 0,6. LE R, Pour nous rendre compte du degré d'approxi- a—=a+— 3 LES 33 (4 — (2) mation de cette formule, nous allons la vérifier Calculons R, par la formule de Rosetli, prise sous sa deuxième forme : LE TAN E RU vez [ mi) ee 10] (TT T. = 6, + 273 — /, + 273. Comme tous les rayons émis par la surface de la grille sont absorbés par la surface de chauffe, nous poserons ©, — 1. La température de combustion {, dépend de la quantité de combustible brûlée par mètre carré de grille, de la puissance calorique du combustible, de la quantité d’air employée, du rayonnement R,, et de l’activité de la combustion. @ dépend de la vitesse des gaz chauds, et peut être pris sensiblement proportionnel à la racine carrée de la vitesse; cetle dernière est proportion- nelle au poids de combustible brûlé par mètre carré de grille, et au poids d'air employé pour la combustion; nous prendrons : A—=2+92VP. P, poids de combustible brûlé par mètre carré de grille et par heure. Les résultats obtenus pour @' concordent avec les expériences de Geoffroy. IX. — TRANSMISSION DE LA CHALEUR PAR LA SURFACE DIRECTE DE CHAUFFE D'UN GÉNÉRATEUR A FOYER EXTÉRIEUR. En appliquant les formules du rayonnement à ce deuxième cas, Q' est représenté par la formule : d'arc [()- 10]. avec les résultats des expériences de Blechynden et du Physikalisch Technischer Reichsanstalt; en calculant 4, 4/ ou w”, posons G — 0,5; Q — 10 pour une première vérification, et ensuile Q = 20. a! Ut Les nombres du tableau XV montrent une con- cordance parfaite avec les résultats des expé- Tableau XV. Q— 10 0,096 0,093 0,090 0,088 0,086 0,087 0,090 riences de Blechynden; la valeur moyenne de y” correspondrait à celle calculée avec @ = 20. Pour le cas de la transmission des gaz chauds à travers un carneau limité par une paroi métallique et de la maçonnerie, on établit la formule : S,, surface de la maçonnerie; S, surface de la paroi métallique. Cette formule montre clairement l'influence du rayonnement pour des appareils entourés de maçonnerie. F.Dommer, Professeur à l'Ecole de Physique et de Chimie industrielles de la Ville de Paris. 362 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques 2° Sciences physiques Bianchi (Luigi). — Vorlesungen über Differential- | Gautier (Armand), de l’Institut, Professeur de Chimie geometrie. (Traduction allemande de M. Max Lukar), IE partie. — 1 vol. in-8° de 192 pages. (Prix: 8 fr. 25.) B.-G. Teubner, éditeur, Leipzig, 1899. Le deuxième fascicule de l'édition allemande de la Géométrie différentielle de M. Bianchi comprendles cha- pitres xu1 à xx. Le chapitre xu1 contient l'étude des congruences de cercles possédant une famille de surfaces orthogonales, “c'est-à-dire l'étude des systèmes cycliques, selon la déno- mination de Ribaucour, qui en a établi les propriétés fondamentales. Les deux chapitres suivants sont consacrés aux sur- faces minima et au problème de Plateau. Après avoir signalé brièvement les différentes méthodes, dans leur ordre historique, M. Bianchi expose celle de Weïers- frass. Au point de vue des applications, les formules de Weierstrass sont, en effet, les plus commodes. L'auteur les applique à la détermination des surfaces minima algébriques ; puis il étudie successivement les surfaces minima associées à une surface donnée, la surface adjointe découverte par Os. Bonnet, et la surface minima d'Enneper, dont M. Darboux a donné un mode de géné- ration très remarquable. : Le problème de Plateau consiste, comme on sait, à déterminer la portion de surface minima limilée par un contour fermé donné. Il a été résolu expérimentalement par le physicien Plateau; mais l'analyse mathématique n'a pu, jusqu'ici, obtenir la solution générale que dans un nombre limité de cas. Dans son exposé, l’auteur se borne à l'examen des cas les plus simples, parmi les- quels il convient de citer celui où le contour est formé de lignes droites, tandis que pour une étude plus géné- rale, il renvoie le lecteur au traité de M. Darboux. Vient ensuile un domaine très important dans lequel on doit à M. Bianchi des résultats remarquables. C'est l'étude des surfaces à courbure constante, exposée dans les chapitres xvi et xvir. Elle débute par un aperçu rapide de Géométrie pseudosphérique ou Géométrie des surfaces à courbure constante négalive; la méthode suivie repose sur la représentation conforme d'une surface pseudosphérique sur le demi-plan, d'après les considérations adoptées par MM. Klein et Poincaré dans leur théorie des fonctions automorphes (fuch- siennes). On se trouve ainsi conduit à quelques remar- ques sur la Géométrie non euclidienne et à la représen- tation géodésique d’après Bellrami. Sont étudiées ensuile les transformations de Bäcklund, Lie et Bianchi. La dernière partie de ce fascicule comprend les pro- priétés fondamentales de la théorie des systèmes triples orthogonaur. L'auteur présente d'abord les théorèmes les plus importants d'après les travaux de Dupin, Lamé, Darboux,Combescure et d’autres: il les applique ensuite à l'étude de quelques systèmes particuliers, parmi lesquels il y a lieu de citer les systèmes cycliques de Ribaucour et les systèmes composés de quadriques. H. Fer, Privat-docent à l'Université de Genève. Battermann (H.), Astronome à l'Observatoire de Ber- lin. — Resultate aus den Polhôhenbestimmungen in Berlin ausgefühert in den Jahren 1891 und 1892. — 1 brochure in-4° de 45 pages. (Publication du Central-bureau der internationalen Erdmessng). G. Reimer, éditeur, Berlin, 1899. à la Faculté de Médecine de Paris, et Albahary (J.).— Cent vingt exercices de Chimie pratique. — 1 val. in-16° de 212 pages avec figures. (Prix, cartonné : 3 fr.), G. Masson et Cie, éditeurs, Paris, 1899. fi Voici un petit livre qui rendra de grands services à \ tous ceux (et le nombre en est grand) qui sont appelés, par devoir ou incidemment, à effectuer des manipula- tions chimiques. Des deux auteurs qui ont collaboré à cet excellent précis, l’un est trop connu pour qu'il soit nécessaire de le présenter, l’autre est couvert de l'autorité des deux maîtres dont il a été l’élève, Emile Fischer et Armand Gautier. Comme l'indique la préface, ce petit volume n'est pas tout à fait desliné aux débutants : il sera plus par- ticulièrement utile à ceux qui, déjà un peu dégrossis, voudront perfectionner leur éducation chimique et acquérir une habitude des travaux de laboratoire deve- nue aujourd'hui indispensable pour d’autres que pour des chimistes professionnels. Chaque mauipulation est l’objet d'une description minutieuse et précise, puisée aux sources les plus auto- risées et comprenant les appareils, les produits, les opérations nécessaires, sans négliger les renseigne- meuts bibliographiques que l'élève désire souvent con- sulter pour parfaire son instruction. Les auteurs ont observé une gradation bien ménagée dans leur exposition : au débul, quelques manipulations bien choisies de Chimie minérale, auxquelles font suite, comme il convient, un nombre beaucoup plus considé- rable d'exercices empruntés au domaine de la Chimie organique. Nous relevons, dans cette catégorie, les pré- parations, pouvant servir de types, d’un grand nombre de corps (acétylèue, bromure d’éthylène, glycol, aldé- hyde, iodure d’allyle, acétoxime, acide cyanhydrique, thiophène, furfurol, triphénylméthane, paraphénylène- diamiue, couleurs d’aniline, elc., etc.). Une dernière partie est consacrée à la Chimie biolo- gique et nous y voyons figurer la préparation du glyco- gène, des acides lactiques du muscle, des acides urique et hippurique, des corps xanthiques, de l'urée, des lécithines, de plusieurs substances protéiques, de l’hé- moglobine, de l'iodothyrine, etc. Ajoutons encore : l'essai d'une pepsine et quelques indications sur la ré- colle et la numération des microbes de l'air. Un tel apercu montre tout l'intérêt du nouveau livre de MM. Gautier et Albahary et tout le fruit que peuvent en retirer tous ceux dont les travaux touchent de près. ou de loin à la Chimie. L. HuGouNxExQ, Professeur de Chimie à la Faculté de Médecine de Lyon. Effront (Jean), Professeur à l'Université Nouvelle, Direc- teur de l'Ins'itut drs Fermentations, à Bruxelles. — Les. Enzymes et leurs applications. — 1 vol. in-8°, de 372 pages. (Prix : cartonné, 9 fr.) G. Carré et C, Naud, éditeurs, 3, rue Racine, Paris, 1899. Les enzymes, diastases ou ferments solubles, sont des substances encore mystérieuses, dont les propriétés et la composition chimique se confondent presque avec celles du protoplasme, qui sont, en même temps que lui, créées par la cellule ou le microbe, qui hydratent, dédoublent, oxydent, réduisent les substances qui leur sont présentées, sans que nous puissions nous rendre un compte exact de leur action,et mettre en parallèle bte fine Éd. Éd de Se À dd BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX le poids de la substance active et celui des matériaux attaqués ou détruits. L'étude de ces substances passionne le chimiste el le physiologiste; car elle seule paraît capable, aujourd'hui, de nous faire comprendre quelque peu les phénomènes qui président à la vie. C'est principalement en France que ces ferments solubles ont éte étudiés; Dubrunfaut, puis Payen, reprenant une observation de Kirchoff, découvrirent le premier de ces ferments vitaux, la diastase proprement dite, ou amylase, qui saccharifie l'amidon ; M. Berthelot isola la sucrase, qui transforme le saccharose en dextrose et lévulose, et dont la présence dans la levure de bière avait été soupconnée par Dübereiner et Milscherlich, sucrase étudiée depuis d'une facon si complète par M. Fernbach; M. Duclaux sut moutrer que la caséase solubilise la caséine du fromage qui mèrit; Frémy étudia la formation des gelées végétales, indiqua le rôle de la pectase, que précisèrent plus tard MM. Bertranil et Mallevre. Les ferments solubles oxydants, les oxyduses, dont les propriétés nous font comprendre les phéno- mènes de combustion chez les végétaux et les animaux, évoquent les noms de chimistes francais, de M. Lindet, qui, en 1893, conslala leur présence dans la pomme à cidre; de M. Bertrand, qui sut, en étudiant la laccase de l'arbre à laque, définir, par des expérisnces con- cluantes, le mode d'action de ces ferments solubles; de M. Bourquelot, qui suivit l'oxydation de certains champignons; de M. Gouirand, de M. Laborde, de M La- galu, qui expliquèrent, par une oxydalion biologique, le phénomène de la casse des vins, et de M. Bouffard, qui indiqua les moyens de combattre cette maladie; de MM. Bouffard, Marlinand, Cazeneuve, qui fondèrent sur la présence de l’oxydase dans le mouût de raisins un nouveau procédé de vinification ; de M. Boulroux, qui rencontra une nouvelle oxydase dans la farine bise ; de M. Jaquet, qui rechercha, en 1892, dans le sang l’oxydase qui préside à nos combustions respiratoires. Dans un autre ordre d'idées, M. le Dr Hanriot découvrit une lJipase capable de saponifier les élbers gras. M. Rey-Pailhade étudia les philothions ou diastases désoxydantes. Enfin, quand on apprit, récemment, qu'en Allemagne le D° Büschner avait sù extraire de Ja levure une zymase capable de transformer le sucre en alcool et acide carbonique, on se rappela que M. Ber- thelot avait, le premier, et contre les idées de Pasteur, affirmé l'existence d'un ferment soluble, sécrété par la levure, et possédant les propriétés qu'on prêlait d'ordi- naire à celle-ci. J'ai tenu, dans cet article, à préciser le rôle de la science francaise dans l'étude des ferments solubles; c'est un point de vue qui mérite, je pense, d'être si- gnalé. Ajoutez aux travaux que j'ai énumérés, les étu- des, souvent remarquables, publiées à l'étranger sur les mêmes sujets par O’Sullivan, Kjeldahl, Brown et Mor- ris, etc., et vous -connaîtrez les matières traitées dans le volume de M. Effront. Le savant belge a cependant donné à son étude une orientation industrielle qui répond bien aux préoccu- pations ordinaires de l’auteur. Créateur de l’Institut des fermentalions, où viennent s’'instruire les futurs distillateurs et brasseurs du monde entier, mêlé aux intérêts industriels par sa découverte des avantages que présente l'acide fluorhydrique en distillerie, il a voulu que l'étude des Enzymes ne parût pas une simple étude biologique, et, il a consacré un certain nombre de chapitres aux applications de cette nouvelle science, à la brasserie, à la distillerie par la levure et par les Mucédinées, à la fermentation des mélasses, à l'ana- lyse industrielle du malt, etc. La lecture du livre de M. Effront est de ce fait deve- nue attrayante; car elle permet de comprendre com- ment les industriels, soucieux d'utiliser les découvertes que la science pure leur apporte, doivent organiser leur travail pour en profiter au mieux de leurs intérêts, L. Linver, Professeur à l'Institut Agronomique. 363 3° Sciences naturelles Wauters (A.-J.). — L'Etat indépendant du Congo. — Un vol. in-8° de 525 pages avec une carte. Falk fils, éditeur, 15, rue du Parchemin. Bruxelles, 1899. Personne n'était mieux qualifié que M. A.-J. Wau- ters pour entreprendre d'écrire une monographie de 1 Etat indépendant du Congo. Il a assisté et contribué à sa formation,et, depuis quinze ans, il en suit les pro- grès au jour le jour, tant comme directeur du Mou- vement géographique qu'en qualité de secrétaire général de plusieurs sociétés coloniales. Il a lu, étudié, commenté tous les documents relalifs au Congo. Il à eu la primeur de maint récit de voyage. Il était donc bien préparé à écrire ce livre. Les prétentions en sont d'ailleurs modestes. C'est, dit l’auteur, un simple précis à l'usage des professeurs et des jeunes gens. L'ouvrage tient ce que promet la préface : il est clair, exact et sobre. Il est divisé en cinq parties : historique, géographie physique, ethno- graphie, silualion économique, organisation politique. L'auteur montre très habilement comment s'est coustitué cet Elat si étrange, unique dans le monde d'aujourd'hui et ne pouvant se réclamer non plus d’au- cun prédécesseur dans l’histoire, qu'est l'Etat indépen- dant du Congo. MM. Cornet, Lancaster, Jullien ont prèté leur concours à M. Wauters pour les chapitres relatifs à la géologie, au climat et aux conditions sani- faires. Le chapitre relatif à l'hydrographie (un des meilleurs du livre) lui est,au contraire, bien personnel), et sa théorie, qui tend à subslituer, comme tronc du Congo, le Kamolondo au Tchambezi, est originale. La troisième parlie contient beaucoup de détails curieux sur les populations indigènes, leurs mœurs, leur répar- tion. Dans celle qui est intitulée : « La situation écono- mique »,on lira certainement en France, avec un intérêt particulier, ce qui a trait au chemin de fer de Matadi au Stanley Pool. La matière de ce livre est constituée par des milliers de faits, et il faut admirer la précision avec laquelle l'auteur les rapporte. C’est à peine si de-ci, de-là, nous avons relevé quelques inexactitudes. Page 43, pourquoi M. Wauters donne-t-il encore la version officielle, mais fausse, des motifs pour lesquels Stanley a entrepris son expédition de 1887? Il sait très bien cependant que s'il y avait un homme au monde qui fût indifférent à Stanley, c'était bien Emin Pacha, et que, sous des appa- rences philanthropiques, se dissimulait une affaire commerciale engagée par la société William Mac Kinnon and C°. Page 76, Abdullah ne se donnait pas pour un « nouveau Mahdi », mais pour le « calife » du Mahdi, Mohammed Ahmed, ce qui n’est pas du tout la même chose. Page 77, le traité anglo-congolais n'est pas du 1% mai, mais du /2 mai 1894. Page 429, l'insurrection militaire égyptienne fomentée par Arabi Pacha n'a pas eu lieu en 1880, mais en 1882. Page 70, pourquoi intro- duire dans la langue francaise le barbarisme enliereté, alors qu'elle possède le mot ensemble ? La bibliographie laisse quelque peu à désirer; elle manque de précision. La date de la publication des ouvrages fait très souvent défaut. Fréquemment on se demande si telle étude citée a paru sous la forme d'un livre à part, ou dans un recueil périodique. — Malgré ces légers défauts, l'ouvrage de M. Wauters est un bon livre, qu'on lira avec fruit, et tel que nous voudrions en posséder seulement de pareils sur le Soudan et sur le Congo francais. HENRI DEHÉRAIN, Docteur ès lettres. Lécaillon (Albert), Répétiteur au Collège Rollin. — Recherches sur l'œuf et sur le développement embryonnaire de quelques Chrysomélides. (Thése de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol. in-8° de 232 pages avec 4 planches. A. Désiré, imprimeur, 25, rue Buffault. Paris, 1899. Les lypes étudiés dans ce travail sont : Clytra lævius- cula Ratzb., Gastrophysa raphani Herbst., Chrysomela 364 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX menthastri Suffr., Lina populi L., Lina tremulæ Fabr. et Agelastica alni L. La première espèce surtout est l’objet de recherches très étendues, tant au point de vue de l'œuf qu'au point de vue du développement embryon- naire. L'auteur passe d'abord en revue les nombreux mémoires publiés sur l'embryogénie des Insectes et constate que la quesiion des feuillets germinatifs de ces animaux est très controversée. Il expose ensuite les procédés techniques qu'il a suivis dans ses recherches, et entre dans quelques considérations sur la manière dont se fait la ponte des œufs, et sur les conditions de milieu dans lesquelles ces derniers sont astreints à se transformer en embryons. ' £ Les enveloppes ovulaires, chez les espèces étudiées, sont au nombre de trois : la membrane vilelline sécrétée par l'œuf lui-même, le chorion sécrété par l’épithélium folliculaire, et l'épichorion ayant des origines diverses. Au point de vue chimique, la membrane vitelline et le chorion paraissent différer de la chitine normale. Quant à l’épichorion, il est formé, chez les cinq der- nières espèces citées plus haut, par une matière sécré- tée dans l’oviducte; il conserve une consistance plus ou moins visqueuse. J Chezle Clytralæviuscula, l'épichorion estbeaucoup plus compliqué; il est formé de matières excrémentilielles mélangées avec le produit de la sécrétion d'une glande anale très développée. Au moment de la ponte, chaque œuf est entouré de son épichorion spécial, dont le mode de construction, décrit par l’auteur, est assez com- pliqué. L } Passant au développement embryonnaire, l’auteur examine successivement la formation des trois feuillets germinatifs et le mode d'évolution de chacun d'eux. L'ectoderme et l'endoderme de l’œuf se forment pen- dant la segmentation. Celte segmentation, contraire- ment à ce qui est généralement adopté, ne mérite pas le nom de segmentation superficielle, mais celui de segmentation intravitelline. Au début, on trouve, dans le voisinage du centre de l'œuf, un noyau entouré d’une couche protoplasmique propre, sans membrane d’enveloppe; c’est la première cellule de segmentation. Celle-ci se multiplie ensuite par division indirecte, et les cellules filles se répandent dans l'intérieur de l'œuf entre les globules deutolécithiques, tout en se multi- pliant elles-mêmes. Certaines cellules de segmentation gagnent la superficie de l'œuf, auquel elles viennent constituer une enveloppe cellulaire qui est l’ectoderme. D'autres cellules de segmentation restent disséminées dans l'intérieur de l'œuf et représentent l'endoderme. Les premières cellules ectodermiques qui arrivent au pôle postérieur de l'œuf, s'en détachent pour se placer entre la membrane vitelline et la surface ovulaire; ce sont les cellules sexuelles. Vers la fin de la segmentation, les cellules endodermiques commencent à se multiplier par division directe, ce qui est un signe avant-coureur d'une prochaine dégénérescence. Lorsque la segmenta- tion est terminée, les stades blastula et gastrula sont déjà atteints ou dépassés; il n'y a donc pas, chez les Insectes, de gastrula typique (Archigastrula). Le mésoderme se forme aussitôt après la fin de la segmentation; à provient de l’ectoderme et apparait ordinairement sur le milieu de la future face ventrale de l'embryon; il se forme par invagination de l’ecto- derme ou par un mode de formation abrégée qui dérive du processus d'invagination. , L'endoderme évolue d’une façon tout à fait spéciale. Les cellules qui le constituent restent disséminées entre les globules deutolécithiques qu'elles digèrent peu à peu; on remarque qu'elles se rendent en grand nombre dans le voisinage immédiat des régions em- bryonnaires, dont la croissance est active, Elles pré- sentent en outre, peu à peu, des caractères de dégéné- rescence qui augmentent graduellement, de sorte que leur rôle est terminé quand l’éclosion arrive; elles ne prennent pas part à la formation de l’épithélium de l'intestin moyen. L'ectoderme, comme conséquence de l’'anomalie offerte par l’évolution de l’endoderme, offre cette par=. ticularité remarquable de donner naissance au tube digestif tout entier, y compris l'épithélium du mésen- téron. Cet épithélium provient de lames cellulaires qui naissent des parois du proctodæum et du stomodæum, et qui finissent par former un sac clos autour du vitellus de l’œuf. On ne peut leur accorder la signification d'un endoderme, car elles se produisent à un stade trop avancé du développement embryonnaire; en outre, comme l’a montré M. Heymons, elles ne se produisent pas chez quelques insectes inférieurs (Thysanoures, Libellulides), où les cellules, mentionnées plus haut comme représentant l'endoderme, finissent au contraire par constituer l’épithélium de l'intestin moyen. Quant à l’évolution du mésoderme, elle ne présente aucune anomalie. Les deux phénomènes précédents : dégénérescence de l’'endodermeetorigine ectodermique de l'intestin moyen, ont été suivis par M. Lécaillon avec une rigueur re- marquable et on ne saurait plus, après son travail, con- tester leur réalité. Ce résultat, qui est de premier ordre, sera certainement estimé par les zoologistes, car ük justifie les observations et les conjectures qu'avait an- térieurement faites M. Heymons dans un travail sur le développement des Orthoptères. La théorie classique de M. Kowalewsky sur l'origine endodermique de l'intestin moyen des Insectes semble avoir vécu, ou du moins, comme l'a observé M. Heymous, n'est plus de mise qu'avec les formes primitives de la classe, les Thysa- noures et les Libellules. Je tiens à faire observer, tou- tefois, que les différences entre la théorie ancienne et les observations nouvelles, résident plus dans la forme que dans le fond, au moins en ce qui concerne l’endo- derme. On savait depuis longtemps que les cellules vitellines des Insectes supérieurs ne prennent aucune part à la formation de l'intestin moyen. Sur ce point, le mérite de M. Lécaillon, comme celui de M. Heymons, a été d'établir que ces cellules vitellines forment bien, eu réalité, l'endoderme de l'animal. Ea terminant, l'auteur se demande si les faits parti- culiers offerts par le développement embryonnaire des Insectes sont suffisants pour faire rejeter, comme le voudrait M. Heymons, la théorie des feuillets germina: tifs des métazoaires. Remarquant que, d'une part, l’a- nomalie de l’évolution de l’endoderme s'explique par le rôle que les cellules vitellines sont appelées à jouer dans la digestion du vitellus nutrilif très abondant chez les Insectes, et que, d'autre part, les grands groupes actuels ne peuvent être dérivés que de formes simples ayant certainement conservé un œuf pauvre en deutolécithe er une embryogénie explicite, il conclut que tous les animaux actuels sont dérivés de formes où les feuillets germinatifs étaient normaux. Pour lui, par suite, les feuillets germinalifs sont bien homologues chez les divers Métazoaires, et ne peuvent présenter quelque anomalie que chez les formes appar- tenant aux sommets de groupes, alors que la richesse de l'œuf en vitellus nutritif a raccourci considérable- ment et même parfois modifié les phénomènes de l’on- togénie. Cette hypothèse est fort vraisemblable, et, en tous cas, vérifiable par voie d'observalion. On doit penser, en effet, que le passage de l’état primitif (à iutestin endo- dermique) à l'état dérivé (où l'intestin provient de l’ec- toderme) ne s'est pas produit tout d'un coup, mais par une série de stades progressifs dont on doit encore trou- ver des traces ; il serait intéressant, à ce point de vue, d'étendre les recherches de M. Heymons sur les Ortho- ptères primitifs (Blattes, Forficules) et sur les Pseudo- névroptères autres que les Libellulides. M. Lécaillon est, plus que tout autre, indiqué pour entreprendre ce travail ; en attendant, les zoologistes lui sauront gré de. la belle monographie embryogénique qu'il vient de pro- duire et applaudiront à l'avance à ses futurs succès. E.-L. Bouv'er, Professeur au Muséum. À 4 1 De oi U re BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 365 $S 4. — Sciences médicales Nocard (Ed.), Professeur à l'Ecole d'Alfort, Membre de l'Académie de Médecine, et Leclainehe (E.), Professeur à l'Ecole Vétérinaire de Toulouse. — Les Maladies microbiennes des Animaux. (2° édilion.) — 1 vol. in-8° de 956 pages. (Prix : 16 fr.) Masson et Cie, édi- teurs. Paris, 1899. La Médecine vétérinaire s'est contentée, pendant longtemps, d'être le reflet de la médecine humaine, qui lui imposait ses méthodes, ses doctrines el ses erreurs. Gràäce à la révolution opérée par les décou- vertes de Pasteur, elle s'est émancipée, et la voici qui apporte à son tour à la science microbiologique une large contribution. Il ne faudrait même pas s'étonner outre mesure si, dans l'avenir, sa part devenait pré- pondérante. Car les maladies microbiennes des ani- maux ne sont pas seulement intéressantes par les pertes énormes qu'elles infligent à l’agriculture, elles attirent encore les chercheurs qui ne poursuivent qu'un but purement scientifique, en raison de la quantité et de la variété des matériaux qu'elles leur fournissent et surtout de la facilité qu'elles offrent à l’expérimenta- tion, sans laquelle il n'y a point de recherches vrai- ment complètes et fructueuses. La pathologie humaine elle-même a beaucoup à attendre des progrès de la pathologie animale. La liste est déjà longue des maladies infectieuses qui nous vien- nent notoirement des animaux; elle n’est certaine- ment pas close, et nous devons nous attendre encore à des surprises comme celle qu'a causée la révélation de la contagiosité pour l’homme de la seplicémie des per- ruches. Même en faisant abstraction de ces emprunts directs, la pathologie animale devrait encore être consi- dérée comme le complément naturel et en quelque sorte le prolongement de la pathologie humaine. Plu- sieurs affections propres aux bêtes de nos étables : le cow-pox, la clavelée, la fièvre aphteuse, présentent, avec nos fièvres éruptives et avec la syphilis, une pa- renté tellement manifeste que l’on ne peut s'empêcher de croire que les microbes, encore inconnus, de ces maladies doivent appartenir à des genres voisins. Le bacille de la tuberculose humaine et son congé- nère, celui de la tuberculose aviaire, paraissent rentrer dans la classe des Sfreptothriæ à laquelle appartient le champignon de l’actinomycose. D'autres groupes natu- rels sont constitués par les streptocoques; les microbes des septicémies hémorragiques, les coli-bacilles, etc. A cette classification des agents infectieux doivent nécessairement correspondre des lois régissant l’étio- logie, la symptomatologie, la marche des affections qu'ils produisent, et la découverte de ces lois conduira sans doute un jour à écrire une vérilable histoire natu- relle des maladies microbiennes embrassant à la fois la nosologie de l’homme et celle des animaux. Ces réflexions viennent naturellement à l'esprit en parcourant l’ouvrage de MM. Nocard et Leclainche. Les lecteurs de la Revue savent déjà, par l'analyse qui leur en a été donnée précédemment, dans quel esprit a été composé ce livre, qui marque une étape et restera une date dans l’histoire de la Médecine vétérinaire. C’est une étude synthétique des maladies microbiennes des animaux; la partie clinique, la thérapeutique, les ques- tions de police sanitaire y sont traitées à fond; mais la partie expérimentale est également documentée de la manière la plus complète, et les anciens cadres sont refondus et enrichis d'un grand nombre de nouvelles entités morbides, dont la connaissance récente est due à la microbiologie. Le livre de MM. Nocard et Leclainche n’est donc pas seulement un Traité didactique à l'usage des praticiens, c'est encore, pour les microbiologistes, un répertoire indispensable et dont l'équivalent n'existe nulle part ailleurs. La deuxième édition se distingue de la première par l'adjonction de plusieurs chapitres et la mise au point des autres, rendue nécessaire par un intervalle de trois années. Parmi les chapitres nouveaux, nous signalerons ceux qui sont consacrés à la méningite cérébro-spinale du cheval, à l'avortement épizootique, à la diphtérie aviaire, dont l'agent est bien distinet de celui de la diphtérie humaine, malgré la ressemblance cli- nique des deux affections; aux seplicémies hémorragi- ques du cheval, du mouton et de la chèvre, aux infections coli-bacillaires (parmi lesquelles se range la septicémie des perruches), et enfin à l'agalaxie contagieuse, curieuse affection qui, par ses localisations sur les mamelles, les articulations et les yeux, n’est pas sans présenter quelques rapports avec la blennorragie. Les chapitres les plus riches en documents récents sont naturellement ceux consacrés à la tuberculose, à la morve et au tétanos. La malléine et la tuberculine sont les deux plus importantes acquisitions de la Médecine vétérinaire dans ces dernières années, et l'honneur en revient pour une grande part à M. Nocard. Il est dé- montré, à l'heure actuelle, que l’utilisation méthodique de ces deux moyens de diagnostic précoce permettrait d'obtenir, dans un délai relativement court, l'extinction complète de la morve et de la tuberculose. Mais il est démontré aussi que, pour atteindre ce but, l'interven- tion de la loi est nécessaire; il serait chimérique de compter sur le discernement et l'abnégation des pro- priétaires pour réaliser la prévention libre. Or, si la plupart des Etats, mus peut-être en partie par des con- sidérations d'ordre extra-scientifique, ont témoigné d’un réel empressement à établir l'épreuve de la tuber- culine à leurs frontières, il s’en faut de beaucoup que l’action sanitaire à l'intérieur se soit exercée avec une semblable énergie. Le Danemark seul est entré résolu- ment dans la voie du progrès, et il en a été, récompensé par la disparition presque complète de la tuberculose bovine, dont les ravages se faisaient sentir si sévère- ment dans ce pays de grande industrie laitière. En France, on hésite, et, comme toujours, on attend, avant de faire quelque chose, le résultat des expériences qui se poursuivent chez les nations voisines. M. Nocard voudrait que l’on appliquàt tout au moins des mesures préparaloires : l'interdiction du commerce des animaux infectés, l’encouragement de Ja prophylaxie libre par des indemnités partielles aux propriétaires qui désirent assainir leurs étables, la surveillance sanitaire des va- cheries, etc. En ce qui concerne la malléine, l'intérêt des proprié- taires est plus directement engagé à en adopter l'em- ploi, parce qu'un cheval morveux est perdu sans recours ni compensation et que la contagiosité de la morve est plus grande que celle de la tuberculose. Aussi plusieurs compagnies de voitures, à Paris, ont-elles décidé la malléinisation systématique de leurs chevaux, et elles s’en sont si bien trouvées que leur exemple ne peut manquer d'être suivi. Les injections de malléine onten outre mis en lumière ce fait important que la morve, prise au début, est parfaitement curable, soit sous l'in- fluence de conditions hygiéniques favorables, soit à l'aide d’un traitement approprié tel que la médication iodurée. La sérothérapie aussi a conquis son droit de cité dans la Médecine vétérinaire. Le sérum antitétanique est maintenant administré d'une facon courante, à titre préventif, chez le cheval, après l’opération de la castra- tion, de l’amputation de la queue, de la hernie ombili- cale ; la mortalité par le tétanos, qui étail toujours con- sidérable à la suite de ces interventions chirurgicales, a complètement disparu. Il est certain que l'emploi du sérum antitétanique s'étendra aussi à d'autre cas, no- lamment au tétanos ombilical; si l'on songe que, dans certains pays, cette affection emporte jusqu’à 50 °/, des nouveau-nés, on reconnaitra l'importance des ser- vices que la sérothérapie est appelée à rendre à la Médecine vétérinaire. Dr Cu. RÉrIN, Attaché à l'Institut Pasteur, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. g« 366 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 17 Avril 1899. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Rossard adresse ses observations de la planète EL (Coggia), faites à l'Observatoire de Toulouse, à l’équatorial Brunner. — M. D. Eginitis a trouvé encore, dans des récits de chroniqueurs byzantins et italiens, l'indication de trois pluies d'étoiles filantes : en 763, 1094 et 1422. La pre- mière et la dernière de ces chutes doivent appartenir aux Lyrides. — M. Gaston Darboux poursuit l'étude des transformations des surfaces à courbure totale constante. Après avoir établi par la géométrie les pro- positions que M. Guichard a fait connaitre, relativement à la déformation des quadriques de révolution, il montre que les méthodes de transformation qui en résultent ne sont pas réellement nouvelles, mais peu- vent se rattacher à celles qui ont été données autre- fois par MM. Bianchi et Bäcklund. — M. Levi-Civita communique quelques considérations sur les intégrales périodiques des équations linéaires aux dérivées par- tielles du premier ordre. Eu les généralisant, on pour- rait en tirer un grand profit pour l'étude des ‘intégrales des systèmes différentiels ordinaires et pour les ques- tions qui se rapportent à la stabilité de leurs solutions. — M. Michel Petrovich étend aux équations différen- tielles du premier ordre le théorème classique de la moyenne qui définit les limites supérieure et inférieure de l'intégrale. — M. W. Stekloff indique une formule générale, concernant la théorie des fonctions fonda- mentales, et susceptible de diverses applications impor- tantes. 29 SCIENCES NATURELLES. — M. J.Carpentier a apporté à l'interrupteur électrolytique de Wehnelt un perfec- tionnement qui lui permet d'être actionné par des élé- ments de faible voltage (une dizaine d’accumulateurs seulement). Le procédé consiste à chauffer préalable- ment le liquide électrolytique à 80°, 90° et même 100”; le fonctionnement de l'appareil maintient ensuite cette température, si l’on a soin d'empêcher le rayonnement. — M. H. Armagnat à étudié le fonctionnement de l'interrupteur électrolytique. L'ancde s'échauffe au contact de l'électrolyte et vaporise celui-ci ; il se forme bientôt une gaine de vapeur de résistance infinie et le courant se trouve rompu, avec production d'une étin- celle de rupture. On trouve de l'hydrogène et de l'oxy- gène dans les gaz de l’anode; il est difficile d'admettre qu'ils proviennent de la dissociation de la vapeur ; c'est plutôt un phénomène d'électrolyse. Quand les bulles de vapeur sont assez grosses, elles se dégagent en entrainant les gaz de l’éle Ctrolyse ; le liquide revient au contact de l’anode et le phénomène recommence. — M. H. Abraham, en mettant les extrémités du secondaire d’un transformateur en connexion, d'une part avec les armatures d’un c ondensateur, d'autre part avec les électrodes d’un déflagrateur, a observé les phé- nomènes suivants : Si le courant est en il se pro- duit, dans le déflagrateur, une véritable flamme. Si l'intensité du courant est diminuée progressivement, le régime de la flamme passe à uu régime de décharges disruptives; la fréquence des étincelles suit alors quantilativement les variations d'intensité du courant. — M. P. Villard décrit un dispositif destiné à redresser les courants induits. Il consiste à envoyer le courant dans un système de trois ampoules, dont chacune ne laisse passer qu'une alternance sur deux du courant. On arrive à ce résultat en constituant la cathode par une spirale en fil d'aluminium et l'anode par un disque de quelques millimètres, placé dans un tube étroit et étranglé, de manière à gèner le plus possible lafflux d'alimentation cathodique. — MM. T. Marie et H. Ri- baut décrivent un appareil de mesure simple et pra- tique permettant de déterminer la distance en profon- deur de deux points d'un objet par son image stéréoscopique. — M. A. Ditte répond aux observa- tions faites par M. Moissan à propos de l'usage de l’alu- minium. L'innocuité de ses composés, la facilité avec laquelle on peut le travailler sont des qualités pré- cieuses et incontestables; mais la grandeur de sa chaleur d'oxydation, qui ne saurait être contestée davantage, est une puissante cause d’altérabilité et un inconvénient grave au point de vue des applications. — MM. M. Berthelot et G. André ont déterminé les chaleurs de formation et de combustion des composés suivants : cholestérine, nitriles glycolique et lactique, xanthine, para- phénylène diamine, nicotine, pyrrol, carbazol, indol, scatol, a-méthylindol, oxindol. — M. Guntz a réussi à mettre en évidence l'existence du sous-oxyde d'argent Ag‘0 et à l'obtenir pur en décom- posant l’oxyde d argent Ag°0 par la chaleur. Dans le vide, la décomposition est” complète ; en tube scellé elle est arrêtée par la pression de l'oxygène dégagé. On arrive au même corps en chauffant de l'argent et de l'oxygène sous pression; dans les deux cas, “la tension de dissociation est la même, — M. F. Lamouroux à déterminé la solubilité dans l’eau des acides normaux de la série oxalique : acides oxalique, succinique, adi- pique, subérique, sébacique, malonique, glutarique, pimélique, azélaïque, brassilique. En résumé, tous ces acides, à nombre pair ou impair d’atomes de carbone, sont, en général, peu solubles; seuls, les acides malo- nique el clutarique font exception et sont très solubles. — MM. G. Massol et F. Lamouroux ont déterminé la solubilité dans l'eau des acides maloniques substituës. Tous ces acides sont extrêmement solubles dans l'eau, quoique moins que l'acide malonique. Les acides à nombres impairs d'atomes de carbone C* et C5 sont plus solubles que les acides pairs C* et Cf de 0 à 250; mais les différences s’affaiblissent à mesure que la tempéra- ture s'élève. — M. Guerbet a étudié l'action de divers alcools sur leurs dérivés sodés. L'alcool isoamylique, chauffé avec son dérivé sodé à 150°-160°, se transforme partiellement en alcool diamylique C'°H*#0 et acide isovalérique ; l'alcool isobutylique réagit à peine, mème à 2100-2150; enfin, l'alcool éthylique, dans les mêmes conditions, se transforme partiellement en éthylène et acide acétique. — M. Th. Schlæsing fils, en soumet- tant des terres végétales à l’action de liqueurs acides très étendues, mais de force croissante, a constaté le phénomène suivant : pour des titres acides croissant peu à peu depuis zéro, l'acide phosphorique dissous croit d'abord assez rapidement, puis il s'arrête à un taux stationnaire, pour reprendre ensuite son ascension. 30 SGIENCES NATURELLES. — M. L. Bordas communique les résultats d’une étude générale sur les glandes anales chez 24 genres et 56 espèces de Coléoptères. La compo- sition du liquide projeté, sa couleur, son odeur plus ou moins fétide, sa nature “parfois caustique et irritaute, la facon souvent brusque dont s'effectue l'expulsion, son mode d'évaporation, les crépitations ou les explo- sions qu'il produit parfois, etc., tout nous prouve que les glandes anales sont des organes défensifs servant à protéger cer tains Coléoptères contre les attaques inopi- nées de leurs ennemis. — M. J. Repelin a constaté l'existence, dans le Trias des environs de Rougiers (Var), d’une petite faune de Gastéropodes et de Lamellibran- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 367 ches, auxquels se trouvent associées des Cératites. En outre, la roche triasique contient des fragments de basalle. C'est une brèche analogue aux brèches pipéri- tiques. — M. Stanislas Meunier, en soumettant à l'action de l'acide chlorhydrique étendu des coquilles fossiles, comme les ananchytes, les inocérames, les térébratules,a observé qu’elles laissent toujours, même quand elles semblent entièrement calcaires, un résidu siliceux. Celui-ci est composé de grains arrondis el concrétionnés, mais qui se brisent très aisément en éclats anguleux et consistant, les uns en opale ou en silex, les autres en quartz parfaitement caractérisé. Cette même dissolution peut se produire à l’intérieur du sol et donner naissance à des dépôts analogues. Séance du 2% Avril 1899. M. le Président annonce le décès de M. Ch. Friedel, doyen de la Section de Chimie, et fait un court exposé de ses travaux. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Stephan adresse de nouvelles observations de la planète E L (Coggia, 31 mars 1899), faites à l’'équatorial de l'Observatoire de Marseille. A l’aide de ces observations et de celles anté- rieurement publiées, M. L. Fabry a calculé les éléments provisoires de l'orbite et l’'éphéméride pour mai. — M. Rambaud adresse ses observations de la même pla- nète faites à l'équatorial coudé de l'Observatoire d'Alger — M. G. Darboux montre que le théorème de M. Gui- chard permet d'utiliser, pour la Géométrie des élé- ments réels, les transformalions de MM. Bianchi et Bäcklund lorsque, appliquées aux surfaces à courbure positive, elles se présentent sous une forme nécessaire- ment imaginaire. 20 SGIENCES PHYSIQUES. — M. A. Poincaré, continuant ses recherches des relations entre les mouvements barométriques et les situations du Soleil et de la Lune, étudie les moyennes des hauteurs barométriques aux différents points du demi-méridien boréal du Soleil et note les écarts dus aux révolutions synodiques et tropi- ques de la Lune. — MM. Marmier et Abraham ont pratiqué en grand, à Lille, la stérilisation des eaux potables par l'ozone. Une commission, nommée pour examiner le fonctionnement du procédé, a constaté qu'une grande partie des matières organiques étaient décomposées et que tous les microbes pathogènes ou saprophytes étaient détruits, sauf quelques germes de Bacillus subtilis. — M. G. André a préparé l'alcool fur- furique par le procédé de von Wissel et Tollens et mesuré sa chaleur de combustion, d'où il a déduit sa chaleur de formation, qui est de +65,72 cal. On sait que l’arabite est à l'alcool furfurique ce que l'arabinose est au furfurol; ces corps ne diffèrent que par 3H°0. Or, la différence entre leurs chaleurs de formation est préci- sément égale à la chaleur de formation de 3H°0. — M. Léo Vignon a étudié la combinaison du coton et de ses produits d’oxydation avec la phénylhydrazine ; il faut opérer à chaud en milieu acétique. Dans ces con- ditions, les oxycelluloses fixent d'autant plus de phényl- hydrazine qu'elles sont plus oxydées. De même, les quantités de phéoylhydrazine fixées varient dans Île même sens que les proportions de furfurol formé par décomposition des oxycelluloses. — MM. C. Istrati et G. Oettinger ont déterminé la quantité de sucre réduc- teur et inversible qui se trouve dans les tiges de mais vertes et sèches. La quantité de sucre inversible est au moins deux fois plus abondante que celle du sucre directement réducteur ; elle augmente, avec l’âge de la plante, jusqu'à quadrupler. Le maximum de sucre inversible obtenu dans les tiges vertes, a été en moyenne de 1,89°/,, dans les tiges sèches de 8,620. —M.A. Rosénstiehl a pratiqué sur plus de 100.000 kilos de raisins le chauffage préalable de la vendange pen- dant les années 1897 et 1898. Ce procédé a comme avan- tage : 4° la solubilisation de la totalité de la matière colorante rouge du raisin dans son propre jus, avant toute fermentation; 2° la stérilisation du moût, empê- chant la production de maladies et permettant d’étu- dier comparativement l'action des diverses levures ; 3° la formation de vins de qualité supérieure, plus colorés et plus riches en alcool que les vins témoins.— M. Henri Hélier a déterminé le pouvoir réducteur du sang. Le sang est un milieu très réducteur. Quand y arrivent les produits de la digestion, son pouvoir réduc- teur croit rapidement, puis diminue lentement à mesure qu'il fourvit la nourriture aux autres tissus. 3° SciENCES NATURELLES. — M. À. Chauveau indique les principaux résultats de ses recherches, relatives à l'inscription électrique des mouvements valvulaires qui déterminent l'ouverture et l'occlusion des orifices du cœur. Les valvules auriculo-ventriculaires se relè- vent et ferment l'orifice qu'elles garnissent dans la phase de début de la systole ventriculaire (c'est à ce moment que se produit le premier bruit du cœur); puis elles s'abaissent et rendent libre l’orifice auriculo- ventriculaire entre la fin de la systole et le début de la diastole des ventricules. Les valvules aortiques s’a- baissent, ferment leur orifice et se tendent brusque- ment, en produisant le deuxième bruit du cœur, juste au moment où le ventricule se relâche pour se mettre en diastole et où la valvule mitrale, en s’abaissant, ou- vre l'orifice auriculo-ventriculaire gauche. — M. E. Puscariu, qui avait considéré certaines formations amylacées trouvées dans le cerveau d'animaux enragés comme l'agent de la rage, a rencontré ces mêmes for- mations dans d'autres cas et les croit dues à l’action des fixateurs des coupes; il revient donc sur ses pre- mières conclusions. — M. Alexandre Poehl à constalé que certaines eaux minérales ont une pression osmo- tique très élevée et qu’elles provoquent une augmen- tation de la pression osmotique de l'urine ; l'ingestion de chlorhydrate de spermine a le mème effet. L'effet thérapeutique de ces médicaments résulterait donc surtout de l'accroissement des oxydations intraorgani- ques qu'ils provoquent. — M. L. Hugounenq a étudié la proportion des éléments minéraux et spécialement du fer chez les fœtus et l'enfant nouveau-né. Au mo- ment de la naissance, l'enfant de poids normal à sous- trait à l'organisme maternel un poids total de 100 gram- mes environ de sels minéraux; dans ce chiffre, le fer n’est représenté que par 4,21 grammes de peroxyde de fer. La fixation de ce fer a lieu, pour les deux tiers en- viron, pendaut les trois derniers mois de la grossesse. -- M. Alphonse Labbé a étudié la formation de l'œuf chez quelques Hydraires(Myriothela et Tubularia). 1 peut exister, chez le même individu, trois modes différents d'ovogénèse : 1° par fusionnement direct des oocytes; 29 par fusionnement indirect des oocyles (aires plas- modiales) ; 3° par plasmolyse complète des oocytes. — M. Domingos Freire a constaté que les fleurs peuvent donner asile à denombreux germes de microbes sapro- phytes et pathogènes et qu'elles peuvent ainsi devenir une source de contamination et de danger. Il peut exister certaines relations entre le coloris des fleurs et le pigment des microbes qui s'y cachent. — M. Paul Vuillemin a étudié ie champignon du Pyliriasis versi- color et a reconnu qu'il possède, dans la sculpture de ses membranes, un caractère spécifique qui le distin- gue et fournit une base positive au diagnostic dela ma- ladie. Il propose de nommer ce champignon Malussezia furfur ; c'est un ascomycète acarpé. — M. Henri De- vaux a étudié, chez les plantes ligneuses, le mode d'accroissement tangentiel de la partie externe du cy- lindre central qui a recu le nom de péricyele. Louis BRUNET. SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE Séance du 3 Mars 1899. M. E.-H. Amagat expose ses recherches sur une forme de la fonction caractéristique f (p, v, t) relative aux fluides. La formule qui avait permis de représenter d'une facon satisfaisante la partie connue du réseau de l'hydrogène n'ayant pas fourni de bons résultats pour l'acide carbonique, M. Amagat a été conduit à substi- 368 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES tuer, au terme appelé pression intérieure dans le type de fonction généralement adopté, l'expression à laquelle conduit la théorie du viriel des forces intérieures; le covolume disparaît alors et l’on est conduit à la forme M. Amagat avait déjà étudié les variations de la fonction: Zrœ (r) EUR © quand on fait varier la température et Ja pression; en exprimant par une suite d'essais systématiques les lois de ces variations, il arrive finalement à la formule : 14 ) v— b v=RT Kv285 — 9 + n Vv— p)° + d° L'examen de cette formule montre immédiatement que toute valeur de v inférieure à b conduit, pour la pres- sion intérieure, à des valeurs dénuées de sens; b joue donc le rôle du covolume. M. Amagat a dressé un tableau comparatif des résultats expérimentaux et des valeurs calculées: dans toute l'étendue du réseau de l'acide carbonique liquide ou gazeux, jusqu’à 2580 et 1.000 atmosphères, la concordance est obtenue dans l’ensemble à moins de 1 °/,. 11 montre ensuite que la même formule représente les densités de vapeurs et de liquides sous la pression de saturation; le léger écart qui apparaît entre les courbes expérimentales et théo- riques s'explique par les difficultés particulières à l’état de saturation; la constante R est égale, dans la formule, û] —(c + m (0 — b) + P+ à 0,00368 ; elle se réduirait à 373 Si l'on choisissait pour si unité de masse celle qui conduirait à une valeur de pv égale à l'unité à 0° pour une pression extrêmement faible. En faisant ce choix, on prendrait pour les diffé- rents gaz des masses correspondantes à des volumes égaux sous une même pression très faible, c'est-à-dire, dans des conditions où les gaz sont sensiblement par- faits. — M. M. Brillouin donne une théorie moléculaire du frottement des solides polis. Réfutant d'abord l’opi- nion courante, qui veut que les systèmes purement mécaniques ne donnent lieu qu'à des phénomènes essentiellement réversibles, il montre qu'entre deux points matériels dont les actions mutuelles dépendent de leur seule distance, peuvent prendre naissance des phénomènes irréversibles. C'est ce qu'on montre, par exemple, en suspendant une aiguille aimantée M à un fil de torsion et en approchant un aimant A ; si l'aimant se déplace lentement sans s'approcher beaucoup de l'ai- guille, celle-ci passe par une série de positions d'équi- libre stable et revient, en même temps que l'aimant A, à sa position initiale sans vitesse. Mais si l’aimant A s'approche suffisamment, une des positions de l'aiguille est instable et, au moment où elle l’atteint, elle se met à osciller autour d'une nouvelle position d'équilibre stable. Quand l'aimant est revenu à sa position initiale, l'aiguille a acquis une force vive; sa position d'équilibre est la même qu'au début, mais elle n’y reste plus en repos. En parcourant, toujours lentement, le même chemin en sens inverse, on augmente encore l'énergie cinétique de l'aiguille; la répétition du même parcours dans le même sens accroît cetle énergie proportionnel- lement au nombre des cycles. Ce caractère additif et l'irréversibilité peuvent être établis rigoureusement par, la théorie. Si l'on considère maintenant ce qui se passe dans un plan silué au voisinage immédiat de la surface d'un corps formé de molécules séparées dont les actions sont des fonctions de la distance, la fonction des forces est périodique, en toute rigueur ou approxi- mativement, suivant que le corps est cristallisé ou amorphe. Elle présente certainement un très grand nombre de maxima et de minima auxquels correspondent un très grand nombre de positions d'équilibre, alterna- tivement stables et instables, pour une molécule exté= rieure libre ou pour une molécule faiblement reliée à une position fixe. Une translation lente du corps équi- vaut donc au parcours répété d'un même cyele qui est partiellement instable si la molécule est assez voisine de Ja surface. A chaque cycle, c'est-à-dire chaque fois que le corps a avancé d’une distance moléculaire, la force vive de la molécule extérieure augmente d'une mème quantité. On voit donc que dans l'hypothèse moléculaire même, le frottement a pour conséquence l'augmentation de force vive des molécules aux dépens du travail moteur qui est la base de la théorie méca- nique de la chaleur. — M. P. Curie rend compte des recherches de M®° Curie et des siennes propres sur les rayons de Becquerel et les corps radio-actifs. M®e Curie a opéré par la méthode électrique : elle mesurait, à l’aide d'un électromètre et d’un quartz piézoélectrique, la conductibilité que prend l'air entre deux plateaux métalliques parallèles lorsque l'un de ces plateaux est recouvert d’une couche mince d’une substance radio- active telle que l'uranium. Ce courant croît d’abord très vite, puis de plus en plus lentement avec le champ; il croît aussi avec la distance des plateaux, mais les couches d'air voisines de la substance radio-active sont les plus efficaces. En opérant avec des champs forts, Me Curie a constaté que les divers composés de l’ura- nium sont tous actifs ainsi que ceux du thorium; aucun autre corps simple ne présente la même pro- priété. Cependant, quelques minéraux, tels que la pechblende et la chalcolite, ont une radio-activité plus forte que celle de l'uranium métallique ; M Curie a pensé que ces substances renferment un corps radio- actif encore inconnu; en suivant les méthodes analy- tiques ordinaires, M. et M®° Curie ont trouvé que la pechblende renferme une substance radio-active voisine du bismuth ; ils ont donné à ce métal nouveau le nom de polonium. Une nouvelle série de recherches, entre- prise en collaboration avec M. Bémont, a conduit à la découverte d’une nouvelle substance, le radium, qui est très voisine du baryum. Le manque de matière n'a pas permis jusqu'ici d'obtenir des composés purs de ces métaux. La radio-activité des corps obtenus est déjà plusieurs milliers de fois plus grande que celle de l’ura- nium.— M. Demarçay à découvert une raie nouvelle qui caractérise le radium. Les radiations émises par les composés du polonium et du radium provoquent la fluorescence du platinocyanure de baryum et agissent sur une plaque photographique en une demi-minute. Le carbonate de baryum contenant du radium est spon- tanément lumineux. C. RavEau. Séance du 17 Mars 1899. M. le Secrétaire général lit une note de M. Tissot sur la télégraphie sans fils. Les tubes employés étaient à électrodes de platine immobilisées; la limaille d'argent sulfuré a paru particulièrement sensible; il y a intérèt à prendre des tubes semi-capillaires. Les fils radiateurs du récepteur ne sont pas munis de capacités; ils doivent être dans un plan perpendiculaire à la direction de propagation, sans qu'il soit utile de les disposer verti- calement. Divers essais ont été entrepris pour déter- miner expérimentalement le régime vibratoire du fil radiateur et l'influence de la nature du métal de ce fil. — M. le Secrétaire général présente ensuite une note de M. Oumoff sur des expériences d'optique. On peut répéter les expériences de polarisation en se servant, comme analyseur, d’un cône de verre poli ayant une ouverture d'environ 68° et une hauteur de 3 à 4 centi- mètres; le faisceau polarisé tombant parallèlement à l'axe du cône donne, sur un écran perpendiculaire, une zone brillante coupée d’un diamètre sombre dont la direction est celle des vibrations de la lumière pola- risée. — M. H. Deslandres expose ses recherches ré- centes sur la chromosphère et l'atmosphère solaire. En 1890, M. Deslandres s’est proposé de réaliser la pho- tographie des protubérances solaires; étudiant d’abord | | | Le. sdmthest : le spectre des protubérances dans la région photogra- À phiable non encore étudiée, avec un appareil permet- … tant l'étude photographique et l'observation oculaire, il a constaté que les raies violettes du calcium qui correspondent aux raies noires les plus larges du spectre solaire (H et K de Frauenhofer), apparaissent brillantes, intenses et hautes dans les protubérances et permettent de les photographier, ce qu'on n'avait jamais pu faire avec la raie rouge de l'hydrogène. Ces raies brillantes H et K sont, dans les protubérances, un peu plus hautes que celles de l'hydrogène, ce qui con- duit à penser que le calcium se serait dissocié en vapeurs légères. Le spectre ultra-violet des belles pro- tubérances présente les raies ultra-violettes de l'hydro- w cène observées par Huggins dans les étoiles blanches; “ M. Deslandres a découvert cinq raies nouvelles, dont les longueurs d'onde satisfont rigoureusement à la for- mule de Balmer. En février 1892, M. Deslandres et . Hale, de Chicago, ont annoncé simultanément que, sur les facules, les raies H et K apparaissent brillantes et renversées. M. Deslandres pense, contrairement à lopinion de M. Hale, que les vapeurs brillantes sont “au-dessus du disque solaire, dans la chromosphère même. En opérant avec un simple spectroscope par la méthode des sections successives, il montre que les vapeurs du calcium sont plus larges que les facules et possèdent des mouvements différents dans le sens des rayons visuels; qu'elles apparaissent sur tous les points du disque et que les raies brillantes du bord intérieur sont prolongées exactement par les raies brillantes du bord extérieur qui décèlent la chromosphère. On peut photographier l’ensemble de la chromosphère au moyen du spectrographe à deux fentes, dans lequel la raie K du spectre est isolée par une deuxième fente derrière laquelle se trouve une plaque photographique mobile; on déplace le spectroscope entier, de facon que la pre- mière fente balaie l'étendue d'une image réelle du soleil; en même temps, on donne à la plaque photo- graphique un mouvement proportionnel. Les images obtenues par M. Deslandres présentent aux pôles du soleil deux petits maxima de lumière, ce qui confirme la position qu'il assigne aux vapeurs. Au moyen du - spectrographe des vitesses radiales, qui n'existe qu'en France, on obtient la superposition des spectres de sections successives équidistantes sur le disque solaire. On observe que les vitesses sont, en général, plus #randes dans les parties hautes des protubérances, ce qui interdit de les expliquer par des éruptions. M. Des- landres pense que l’ensemble des phénomènes lumi- neux de la chromosphère peut s'expliquer facilement, - en admettant sur le soleil l'existence d’un phénomène analogue à l'électricité atmosphérique. — M. P. Villard expose ses observations sur l'interrupteur électrolytique de Wehnelt. Avec les petites bobines, cet interrupteur donne des étincelles plus longues que celui de Fou- mcault; le contraire se produit généralement avec les - bobines puissantes. En soufflant légèrement sur l’étin- : celle, on la voit se raccourcir beaucoup et former, au - lieu d’une auréole continue, une gerbe de traits grêles … très nombreux. Le maximum de longueur s'obtient en disposant les extrémités des électrodes l’une au-des- sous de l’autre, la cathode étant en bas; l’étincelle se présente alors sous la forme d'une colonne de feu aboutissant au point le plus élevé du pôle positif; les moindres mouvements de l'air suffisent à déformer cette étincelle; on l’éteint en la soufflant très légère- ment, elle ne se rallume pas d'elle-même. Tous ces effets résultent de la création d'une gaine conductrice d'air chaud due à Ja succession rapide des étincelles. L'effet est plus marqué si l’étincelle est verticale et se produit dans un air calme; le dégagement de chaleur considérable qui se produit à la cathode augmente la gueur de l’étincelle quand la cathode est en bas: on asse ainsi facilement de 5 centimètres d’étincelle à 45 ou 16. L'extrème rapidité avec laquelle se succèdent les - étincelles joue le rôle essentiel dans les effets de l'inter- rupteur de Wehnelt. C. RAvEAU. G ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 369 SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 10 Murs 1899. M. Blanc donne le résultat de ses recherches sur diverses bases dérivées de l'acide isolauronolique. Il a obtenu une base saturée, de formule CH: — CH*AzH;, par réduction du nitrile C*H#CA7, au moyen du sodium et de l'alcool. Dans aucun cas, on n'obtient la base non saturée correspondant réellement au nitrile. Le com- posé obtenu est une base primaire; le chlorhydrate fond à 265°, le sulfate à 249, le dérivé benzoylé à 510, l’urée à 1020. L'iodure d’éthyle donne surtout le dérivé monoéthylé avec un peu de dérivé diéthylé. On sépare ces deux nouvelles bases en passant par le dérivé ni- trosé de la base secondaire. La base secondaire est un liquide incolore, bouillant à 205° sous la pression nor- male, la base tertiaire bout à 2320. L'oxime de la cétone C*H'5-CO-CH* a également fourni à M. Blanc une base saturée de formule C!'°H'° — AzH® bouillant à 1900. — M. Moureu a préparé quelques éthers-oxydes de la py- rocatéchine à fonction aldéhyde, acétal ou acétone. — M. E. Blaise, en diazotant l'acide aminé : cH° Nc— cooH CH” | CH? — CH?AzHP°, espérait obtenir l'olide correspondante; cette méthode ne lui a pas donné de résultat. L'amino-acide libre n’est pas stable, il se transforme en diméthylpyrrolidone fu- sible à 65°, Le chlorhydrate, le bromhydrate etle sulfate de l’éther éthylique de l'amino-acide cité plus haut fondent à 112°, 1419, 145°. On obtient facilement les mêmes dérivés par l’action de l'hypobromite de potas- sium sur le diméthylglutaramate de sodium. L'auteur en déduit ainsi la constitution de ce dernier composé. — M. Gabriel Bertrand propose l'acide silicotungsti- que comme réactif général des alcaloïdes. En effet, en solution neutre ou acide, les sels d’alcaloïdes donnent des combinaisons très peu solubles de formule : 12Tu0%.Si0®.2H°.4Alc. + 2H°0. Ces composés sont très stables, faciles à analyser et on peut en régénérer l’alcaloïde par les alcalis étendus. — MM. Cathelineau et Hausser adressent une note sur l'huile de cade; M. Ponsot,une note sur les résultats cryoscopiques de M. Raoult. — M. Le Chatelier dépose une note de M. Prud’homme sur les hydrosulfites d'ammonium. Cifons encore une note de M. Henri Vittenet : sur un mode de formation du cyanure cuivreux; une note de M. J. Aloy, sur les chlo- rures et bromures doubles de l’uranium ; une note de M. Bodroux, sur l’action des sels de plomb et d’a- cides monobasiques gras en solution acide sur quel- ques hydrocarbures aromatiques monochlorés ou monobromés dans la chaîne latérale ; une seconde note de M. Henri Vittenet, sur les diphénylcarbamides chlorées, bromées et iodées symétriques; une note de M. André, sur quelques bases dérivées de la pipéri- dine; une note de M. R. Duchemin, sur la séparation de la méthyléthylcétone et de l'alcool éthylique, et enfin une note de MM. Henri Imbertet P. Compan, sur le dosage volumétrique du carbone. Séance cu 24 Mars 1899. M. Lucas décrit un procédé de dosage colorimétrique du nickel applicable aux aciers et basé sur la coloration rouge que donne le sulfocarbonate d’ammonium. — M. Verley, par l’action de l’acide sulfurique sur le ci- tral, a obtenu un alcool cyclique de formule : CP, CH? — CH° 04 Nc cr: NC = cH/ | on = 370 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES La réduction du citral par le zinc en solution alcoo- lique conduit à un glycol en C*. Le citral se combine à l'acide cyanacétique, à l'acide malonique, à l’éther malonique en présence de pyridine, en donnant les dérivés correspondants. L'auteur signale surtout l'acide citrylidène malonique fondant à 191° et qui peut per- mettre une facile identification du citral.— M. A. Gau- tier a repris l'étude de la question de l'iode dans l'air atmosphérique. Il a démontré que l'air renferme bien réellement de l'iode et que ce dernier se trouve dans les poussières solides que l’on peut isoler de cet air. Il a reconnu également que les poussières les plus légères provenant des lieux élevés sont les plus riches en iode. L'auteur explique ces faits en admettant que l'iode at- mosphérique est à l’état organique et contenu dans les spores et débris d'algues ou autres organismes marins. — M. A. Hébert communique, en son nom et au nom de M. Reynaud, une étude sur l'absorption des rayons X par les sels métalliques. Les auteurs de ce travail présentent l'appareil dont ils se sont servis et qui est basé sur le même principe que le colorimètre de Du- boscq. Ils ont examiné un certain nombre de sels avec des solutions moléculaires-grammes par litre. Pour un même acide, l'absorption par le corps dissous croit à peu près dans le même ordre que le poids atomique du métal en observation. La comparaison des divers acides combinés à un même métal conduit à des ré- sultats moins nets. — M. E. Charon signale quelques faits qu'il a observés et qui lui paraissent sous la dépen- dance du caractère électronégatif du groupement non saturé : R— CH—CH—; il cite notamment quel- ques réactions qui distinguent nettement les chlorure, bromure et iodure de crotonyle des composés saturés correspondants. Ces corps réagissent avec la plus grande facilité à froid sur les alcoolates, les sulfures, les sulfocyanates. Ils donnent facilement naissance à des chaines carbonées, renfermant un nombre double d’atomes de carbone. Quoique dérivés alcooliques, ces composés se rapprochent des chlorures, bromures et iodures d'acide par leur facilité à réagir et leur instabi- lité, avec cette différence fondamentale qu'ils ne sont pas décomposés par l’eau. Passant à l'examen des réac- tions donnant naissance à des pinacones, l’auteur fait remarquer que, seuls, les composés ayant un caractère électronégatif donnent de tels dérivés; de plus, les rendements sont en raison directe du caractère électro- négatif de la molécule. C’est ainsi que l’aldéhyde eroto- nique donne avec un rendement de 60 ‘/, le dipropé- nylglycol. — M. Labbé a constaté que la potasse alcoolique à 1 ‘/, transforme le citral en une huile jaune brun qui, dans le vide, se transforme en une poudre blanc jaunâtre fondant à 81-82°. — M.Bodroux a adressé une note : Sur l’action de l'acétate de plomb en solution acétique, sur le chlorure de benzylidène et le chlorure de benzényle. — MM. Frédéric Reverdin et F. Düring, une note : Sur les dérivés chlorés, bromés et nitrés des phénétidines, ainsi que sur quel- ques matières colorantes azoïques qui en dérivent. — M. Moitessier, une note : Sur les combinaisons phé- nylhydraziniques d'hyposulfites, d'hyposulfates et d'hy- pophosphites métalliques. — M. Fileti, une note : Sur le dosage du soufre dans les pétroles de Roumanie. E. Caron. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 19 SCIENCES PHYSIQUES. A.-E. Tutton: La déformation thermique des sul- fates normaux de potassium, rubidium et cæsium cristallisés. — Les sulfates normaux de potassium, rubidium et cæsium cristallisent dans le système ortho- rhombique. L'auteur a procédé à la détermination de la dilatation thermique suivant les trois axes des cris- taux au moyen d'un dilatomètre compensateur à inter- férence; vingt-neuf cristaux, d'une épaisseur variant entre 4,8 et 10,7 millimètres ont été expérimentés. Voici les résultats obtenus : F à. Les coefficients d'expansion cubique montrent une variation qui correspond à l’augmentation des poids atomiques des trois métaux respectifs. Il en est ainsi des constantes a et b qui servent à calculer le coe cient d'expansion cubique «& à une température que conque €, d'après la formule a—a<+2bl; les valeurs de ces constantes sont : a b K°S0* 0,00010475 0,0000000698 Rh?S04 0,00010314 0,0000000767 Cs°S0* 0,00010170 0,0000000810 Les deux constantes varient en sens inverse; à, le coefficient à 0°, diminue quand le poids atomique du métal augmeoute, tandis que b, qui est la moitié du coefficient par degré de température, augmente. Done les coefficients d'expansion cubique des trois sels con=. vergent pour une augmentation dé température et deviennent égaux deux à deux. L'égalité est atteinte, pour les sulfates de potassium et de rubidium à 114%, pour ceux de potassium et de cæsium à 4369, et pour ceux de rubidium et.de cæsium à 168°. Au-dessus de la température d'égalité, la divergence commence et elle est d'autant plus prononcée que le poids atomique. est plus grand. En ce qui concerne les coefficients linéaires d’expan- sion suivant les trois axes, l'augmentation suivant l'axe € de chaque sel est à peu près deux fois grande comme les augmentations suivant les deux autres directions a et b, lesquelles sont d'ailleurs à peu près égales. Il en est de même pour les propriétés optiques, le pouvoir réfringent étant béaucoup plus diminué, par une éléva- tion de température, dans la direction de l’axe c que dans les deux autres directions. L L'expansion dans la direction de l'axe b est à peu près égale pour les trois sulfates; le remplacement d'un métal par l’autre n’a donc pas d'influence sur les phé- nomènes thermiques le long de cet axe. C'est laxe. minimum de l’ellipsoide thermique commun aux trois sels. Pour les deux autres axes, la principale pertur= bation due à la température est le renversement, aus dessous de 50°, des directions des axes intermédiaire et maximum de l’ellipsoïde thermique pour le sulfate de rubidium, comparé à leurs directions dans les sels de potassium et de cæsium. L’axe thermique maxi- mum est ec pour ces deux derniers sels, tandis qu'il est a pour le sulfate de rubidium. Une inversion semblable dans la direction de l'axe maximum de l’ellipsoide optique a lieu aux mêmes températures pour le sel de rubidium. L'axe thermique maximum est identique avec l’axe optique maximum dans les trois sels. Aux hautes températures, les mêmes relations ther- miques et optiques continuent pour les sels de potas- sium et de cæsium. Mais, comme l'augmentation d’ex- pansion le long de c est plus grande que dans les autres directions, la dilatation intermédiaire suivant ce pour le rubidium devient égale à 50° à la dilatation suivant 4 et au-dessus de cette température c devient l'axe ther- mique maximum comme pour les deux autres sullates. . Donc, à 50°, les cristaux de sulfate de rubidium sont à peu près thermiquement uniaxiaux. À des températures à peu près égales, et pour différentes longueurs d'onde, ils se sont montrés également à peu près uniaxiaux au point de vue optique. Les ellipsoides de révolution ther- mique et optique ne sont, il est vrai, pas orientés iden- tiquement, l'axe du premier étant b et celui du der- nier & Mais le changement de direction de l'axe thermique maximum de «4 à e a lieu également au point de vue optique vers 4800, de sorte que la coïnci- dence entre les propriétés thermiques et optiques du sulfate de rubidium reprend, La conclusion générale de l’auteur est la suivante: Les constantes de déformation thermique des cristau des sulfates normaux de potassium, rubidium et cæ, sium offrent des variations qui, parallèlement aux pro priétés morphologiques, optiques et autres déjà obser= vées, suivent l’ordre de progression des poids atomique des métaux alcalins que renferment les sels. ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 27 90 SCIENCES NATURELLES. C.-.J. Martin et Thomas Cherry Sur la nature de l’antagonisme entre les toxines et les antitoxines. — Cette question à fait l'objet de nom- breuses controverses depuis 189%, époque où Behring et Buchner exposèrent pour la première fois, dans la Deutsche medicinische Wochenschrift, leurs idées contra- dictoires sur la question. D'après Behring, l’antago- nisme de la toxine et de l’antitoxine est de nature chimique, c’est-à-dire que l’antitoxine neutralise la toxine comme un alcali neutralise un acide. Pour Buchner, l'action de l’antitoxine est indirecte ; elle ne …peut avoir lieu que par l'intermédiaire des cellules de l'organisme. De nombreuses recherches ont été faites en vue de prouver la justesse de l’une ou de l’autre héorie. Aujourd'hui, l'opinion est toujours divisée : hrlich et Kanthack soutiennent la théorie de Behring; Roux, Melchnikoff, Calmette, Wassermann sont les rincipaux partisans de celle de Buchner. Les recher- ches de MM. Martin et Cherry sont une nouvelle contribution à l'étude de la question; elles viennent appuyer la manière de voir de Behring et de son école, ét expliquent en même temps la cause de quelques la solution sur une pellicule de gélatine, dans un filtre Chamberland, sous une pression de 50 atmosphères. Si une solution-type de toxine diphtérique est traitée de cette manière, la Loxine traverse presque entièrement et son pouvoir n'a que très légèrement diminué. L'anti- toxine de la diphtérie, au contraire, ne peut traverser un pareil filtre; toutes les substances protéiques sont retenues et le liquide qui a passé n’a plus aucun pou- voir antitoxique. On a donc un moyen simple de sépa- rer un mélange de toxine et d'antitoxine, pourvu qu'elles n'aient pas réagi l’une sur l’autre. Les auteurs ont donc mélangé une solution de toxine contenant par centimètre cube huit doses fatales pour un kilo de cobaye avec une quantité d’antitoxine de Bebring plus que suffisante pour la neutraliser complè- tement. On laisse le mélange en contact pendant deux heures à 30° C., puis on le filtre sur la pellicule de gélatine. Le liquide filtré est injecté à des cobayes, à raison de 4 c.c. par kilo d'animal vivant, ce qui corres- pond originellement à 32 doses fatales. L'action est nulle; les injections ne produisent même pas d’œdème local. Si la toxine était restée inaffectée à côté de l’anti- toxine, rien n'aurait dù l'empêcher de filtrer vu sa faible grandeur molécule; puisqu'il n’en est pas ainsi, | Tableau I. — Influence des facteurs temps et masse sur l’antagonisme des toxines et antitoxines. PROPORTION entre la toxine et l'antitoxine par kilo d'animal ANIMAL témoin ayant reçu le venin seulement Antitoxine Toxine 2 minutes A survécu | A trés malade 2 jours Mort en 15 heures 2 doses mortelles Mort en 20 heures Mort en 12 heures 3 doses mortelles en Mort en 13 heures Mort en 9 heures 4 doses mortelles en TEMPS PENDANT LEQUEL L'ANTITOXINE A AGI SUR LA TOXINE 5 minutes à la température de 20-23° centigr. 10 minutes 15 minutes 30 minutes z minutes A survécu aucun symptôme A survécu aucun symptôme A survécu aucun symptôme A survécu aucun symptôme survécu malade 1 jour A survécu malade 1! j. Mort 28 heures A survécu malade 2 j. Id. A survécu très malade 2 jours Mort Mort 15 heures|en 23 heures résultats contradictoires sur lesquels se base l’école opposée. . Les expériences ont été faites avec la toxine diphté- rique et l’un des constituants du venin d’un serpent dAustralie, l'Hoplocephalus Curtus. La toxine diphté- bique était préparée par la méthode de Spronck, filtrée u filtre Pasteur-Chamberland et essayée sur des Cobayes; la dose mortelle minimum fut trouvée de “0,12 c. c. par kilo en 48 heures. L'anlitoxine eraployée “était celle de Behring (n° 1) et celle de l’Institut Pasteur de Paris. Pour le venin, la partie utilisée est celle qui - nest pas détruite par le chauffage de la solution à 90° C. Cette partie ressemble beaucoup, si elle n’est identique, au principal constituant du venin du cobra; le sérum antivenimeux de Calmette a une légère mais nette action antitoxique sur lui. Cette action est suffisante, car dans toutes les expériences on a employé des quantités de sérum relativement grandes avec de faibles doses mortelles de sérum; dans ces circonstances, ce dernier est aisément neutralisé. L’antitoxine était le sérum antivenimeux préparé à l'Institut Pasteur de Lille. $ Pour rechercher si l’action des antitoxines sur les “toxines est de nature chimique ou physiologique, les “auteurs ont eu recours à une méthode physique. En “ 1896, l'un d'eux à montré qu'on peut, dans une solu- — hion contenant des substances à grosses molécules et à . petiles molécules, séparer les unes des autres en filtrant k 1 c'est qu'elle est entrée, avant la filtration, dans une sorte de combinaison chimique avec les grosses molé- cules d’antitoxine. MM. Martin et Cherry ont pris, d'autre part, des lapins et leur ont injecté des mélanges d'une partie du venin d'Hoplocephalus Curtus et de sérum antivenimeux de Calmette. 2 c.e. de ce sérum suffisaient pour neutra- liser 0,002 gr. de venin desséché, quantité qui tue un lapin en huit heures environ. On a d'abord laissé ce mélange en contact pendant 50 minutes à la tempé- | rature du laboratoire, puis on l'a chauffé à 68° pendant 10 minutes pour détruire l’antitoxine. Dans les expé- riences de Calmette, les lapins inoculés avec le mélange chauffé mouraient; ceux qui avaient recu le mélange non chauffé vivaient. De là, Calmette concluait que le sérum et le venin avaient coexisté côte à côte sans réagir l'un sur l’autre. Dans les expériences de Martin et Cherry, au contraire, les lapins inoculés avec les mélanges chauffés ou non ont tous vécu, sans présenter de symptômes. La seule conclusion à tirer de ces faits, c'est que, pendant le temps qui s’est écoulé entre le mélange du sérum et du venin et l'inoculation de celui- ci, le sérum a réagi sur le venin et l'a détruit en grande partie. Ces résultats, qui concordent entièrement avec ceux des expériences sur la toxine et l’antitoxine diphté- rique, sont tout à fait opposés à ceux de Calmette. Les auteurs ne pensent pas que cela provienne d'erreurs 372 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES expérimentales, mais plutôt de la différence des condi- tions dans lesquelles on opérait. Calmette a complète- ment négligé l'influence possible du temps, de la tem- pérature et des proportions relatives des masses actives de toxine et d’antitoxine en présence. Or, MM. Martin et Cherry ont étudié cette influence et constaté qu’elle est très importante; suivant qu'on néglige plus ou moins l’un des facteurs, on peut arriver à des résultats diamétralement opposés. La toxine et l’antitoxine du venin ont loutes deux une complexité et une grandeur moléculaires élevées. La première est une deutéro-albumose, la seconde une globuline ou une substance du même ordre de com- plexité. A priori, on peut prévoir que le coefficient de vitesse de réaction entre ces molécules complexes est élevé, et en même temps, vu la grandeur des molé- cules, que la solution en contient relativement peu; donc, toute action chimique entre elles devra prendre un temps appréciable. La valeur du facteur « temps » et l'influence de la proportion des masses en présence sont bien montrées par le tableau I. En lisant horizon- talement, on voit l'influence, sur le résultat de l’expé- rience, du temps pendant lequel la toxine et l’anti- toxine ont agi l'une sur l’autre, les proportions des deux étant constantes. Dans le sens vertical, on voit l'influence de la variation des masses, le temps de réaction étant constant. Les auteurs n'ont pas encore déterminé l'influence du facteur « température », mais les résultats déjà acquis leur semblent suffisamment décisifs pour con- clure que l’antagonisme entre les toxines de la diph- térie et du venin de serpent et leurs antitoxines res- pectives repose sur une action chimique directe. Les conclusions opposées de Calmette, et probablement celles de Wassermann et Marenghi, proviennent de ce que ces savants ont négligé l'influence du temps dans l’action chimique qui se produit. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 410 Mars 1899. M. Oliver Lodge décrit un appareil qu'il emploie comme thermostat. Il se compose d'un cylindre: en tôle de cuivre à double paroi; on met un peu d’eau dans l’espace annulaire et on fait le vide jusqu’à ce que l'eau bouille; puis on le ferme. La vapeur d'eau est un puissant égaliseur de température, et un man- chon de vapeur de cette sorte est très efficace pour maintenir une température uniforme, ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 25 Février 1899 (suite). 1° Sciences Puaysiques. — M. Roozeboom présente encore, au nom de M. E. Cohen, une étude sur « La vitesse de réaction électrique ». Si deux éléments arran- gés de la manière suivante : solution saturée d'un selS en présence de la phase solide du sel, électrode, réver- sible par rap- port à l’anion, électrode, réver- sible par rap- portau cathion, et dont cette phase solide du sel de l’un est une phase stable et celle de l’autre une phase métastable, sont liés par opposition l'un à l’autre, on obtient un élément de transition de troisième espèce. Si le sel est le sulfate de zinc, on peut se servir de deux éléments de Clarke, dont l’un contient le sel ZnSO,.7H,0 et l’autre le sel ZnSO,.6H,0, pourvu que la température se trouve entre la température cryohydratique de la dernière composition et le point de fransition (39°). En repré- sentant respectivement par T, e, #,, w, et K la tempé- a — rature, la force électro-magnétique (en millivolts),le résistances des deux sels et Ja vitesse de réaction — ———, l'auteur trouve : w, + w, 4E € UM We K — 50 16,2 445,9 524,1 0,0167 00,0 149 384,9 45979 00178 + g0 435 337.0 396,3 00184 90,0 129 305,75 360,35 0,0185 150,0 410,3 211,60 345,50 O0(7 2500 64 936,40 914.25 | 00195 300,0 42 92510 24885 0,0088 350" 0 179 218,50 228,35 00042 390°0 0 215,0 215,0 Û La représentation graphique des valeurs de K en fonc- tion de la température est donnée dans la figure 1. Elle CE CAEN 2 S119 15° 20° 25° 30° 352 391 } Fig. 1. — Vitesse de réaction électrique entre les deux sels ZnSO*.TH°0 et ZnSO'.6H?0 ex fonction de la température. montre que la vitesse de réaction électrique augmente considérablement quand la température s’abaisse de: 39°, qu'elle atteint un maximum pour { — 9, etc. Cette courbe ressemble à celles qui font connaître la vitesse de cristallisation de plusieurs substances à des tempé- ratures différentes au-dessous du point de congélation. 39 SGIENCES NATURELLES. — M. B. J. Stokvis présente la thèse de M. G. Bellaar Spruyt : « Sur l'action physio= logique de la méthylnitramine en rapport avec Sa con- slitution chimique ». A plusieurs reprises, M. Franchi- mopt a exposé, dans les séances de l'Académie, ses opinions sur la constitution chimique des nitramines. Jusqu'à présent, la question de la structure de cette substance est indécise, quant à la manière dont l'azote se lie aux autres constituants. Tandis que quelques auteurs prétendent que l'azote des nitramines est lié à l'hydroxyle, ce qui implique que la composition est une espèce de nitrile H— 0 — Az — 0, M. Franchimont, au contraire, défend l'opinion que l’azote y est lié en cycle comme : 0 0 F 4 € ou H—A7Z< |» No No I — Az Parce que M. Franchimont présumait que l'étude de l'action physiologique des nitramines pourrait mener à une décision par rapport à la question indiquée, M. Bel- laar Spruyt a examiné l’action physiologique du mé- thylnitramine. Ses résultats confirment l'opinion de M. Franchimont; car, d’après la propriété atoxique de cette substance, celle-ci n’est pas du caractère toxique des nitriles. P.-H. SCHOuTE. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. rep 10° ANNÉE N° 10 30 MAI 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER VOYAGES D'ÉTUDE DE LA REVUE CROISIÈRE EN CRIMÉE ET AU CAUCASE AVEC LE CONCOURS DE LA COMPAGNIE DES MESSAGERIES MARITIMES (26 AOUT-28 SEPTEMBRE 1899) Il y aura deux ans aux grandes vacances, la Revue générale des Sciences voyait partir vers la Baltique et le Nord de l’Empire russe sa première croisière. Depuis, huit voyages ont eu lieu déjà, et à la fin du mois d'août prochain la neuvième croisière organisée par ses soins, avec le concours des Messageries Mari- times, se dirigera vers la Crimée et le Caucase. Très dissemblables l'une de l’autre, ces deux contrées diffèrent aussi beaucoup, quant à la nature physique et à la population, des autres parties de la Russie; et, de plus, leur situation économique, leurs rapports avec le reste du monde se ressentent déjà de la mise en valeur de la Russie méridionale et orientale, de - l'exploitation minérale entreprise sur les bords de la Caspienne et dans l’Oural, des progrès de l’agriculture en Afghanistan, de la pénétration des Russes en Asie, de la grande ligne de commerce qu'ils ont établie jus- qu'à Samarkande, de leurs relations actuelles avec la Chine, le Thibet et la Mandchourie, enfin de la création du chemin de fer Transsibérien. Il ya, dans ces régions, toute une révolution agri- cole, industrielle et commerciale qui devra quelque jour y attirer nos touristes; dès à présent, elle retentit d'une façon très appréciable sur les pays que, pour cette raison, nous désirons leur faire étudier cette année. Mais, si la Crimée et le Caucase doivent être le but de notre prochaine croisière, nous ne saurions, sans dommage pour l'intérêt du voyage, négliger de faire escale en quelques points particuliers de la Méditer- ranée, de l'Archipel et de la mer Noire, situés sur notre route. Partant le 26 août de Marseille, nous nous arrèterons d'abord à Ajaccio, afin de permettre aux touristes de prendre quelque idée de la Nature et des hommes en REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899. ce petit coin de terre française que d'ordinaire nous connaissons si peu. De là nous nous rendrons à La Canée. La Crète offre aujourd'hui au visiteur un enseignement qu'il faut se hâter de recueillir. Sa population, toute de sang grec, mais divisée en orthodoxes et en Tures, c’est-à-dire en grecs devenus musulmans, frémit encore des luttes fa- rouches qui l'ont si cruellement décimée; si les dis- cordes qui ont ensanglanté le pays demeurent actuel- lement refoulées dans les cœurs, elles se lrahissent néanmoins par des attitudes de menace ou de mépris, des allures d'agression, dont l'observateur le moins perspicace est dès l’abord frappé. Dans les rues encore pleines de décombres et où se voient à chaque pas les ruines amoncelées par la guerre civile, chrétiensetmaho- métans n’échangent entre eux que des regards chargés de haine. Et cependant l’ordre apparent est partout rétabli. L'ile est couverte de belles moissons que nous aurons l’occasion d'admirer en nous rendant, en voi- ture ou à cheval, de La Canée à La Sude. Les produc- tions variées de l'agriculture crétoise, notamment les plantes odorantes, dont la parfumerie française aurait intérêt à se pourvoir, devront, en effet, s'imposer à notre attention ; et nous n’aurons garde de ne pas la diriger non plus sur les marchandises d'Occident que les Crétois consomment et importent. Anglais et Allemands entretiennent avec eux un grand commerce. Pourquoi ne songerions-nous pas à prendre notre part de ces transactions ? De la magnifique baie de La Sude, où les escadres européennes viennent de monter une si longue garde, le navire nous mènera aux Dardanelles, et, dans ce beau détroit, à la cité du même nom. Nous verrons ainsi la vie maritime et la vie intime des petites villes turques échelonnées sur les deux rives, européenne 10 374 VOYAGES D'ÉTUDE DE LA REVUE et asiatique, de cette partie de l'Empire Ottoman. La traversée de la mer de Marmara aura lieu de nuit. Le navire arrivera, le soleil levé, devant Constan- tinople : inoubliable spectacle, lorsque après avoir dépassé la ligne des murailles de mer, puis la pointe boisée du Sérail, la Corne-d'Or s'ouvre tout à coup, avec les faubourgs de Péra et de Galata à droite, et vers la gauche le vieux Stamboul, étagé au flanc du promontoire, couronné par les minarets de Sainte- Sophie, des mosquées Ahmédié, Osmanié, Suleimanié et la Tour du Séraskiérat. Un premier séjour de {rois journées, pendant les- quelles le paquebot restera amarré au quai de Galala, permettra de visiter la vieille capitale byzantine, ses monuments antiques et ses mosquées, d’un sentiment si religieux dans leur majestueuse simplicité, de par- courir ses piltoresques quartiers du Vieux-Sérail à Eyoub, et, sur la rive d'Asie, Scutari, dominée par les cyprès du cimetière ture. Dans toute cette région, ce ne sont pas seulement les restes du passé qui doivent attirer la curiosité du voya- geur. Le monde moderne, la civilisation occidentale qui s'y est implantée et est eu train d'y acquérir un extra- ordinaire développement, mérite aussi que nous la con- sidérions de très près. Deux mille de nos compatriotes, établis à Constantinople, y répandent l'influence de notre pays : des commerçants français entretiennent dans la ville des entrepôts; des industriels de France y envoient des produits de leur fabrication. Dans quelle mesure et par quels moyens pouvons-nous développer ces affaires et lutter contre la concur- rence, très redoutable, que nous font, spécialement en pays turc, les Autrichiens et les Allemands? La Revue se préoccupe d'organiser l’année prochaine une croisière qui aura pour objet ce grand intérêt. Mais, dès à présent, et malgré la brièveté de notre séjour à Constantinople, nous ne devrons pas le négliger. Signalons aussi comme importantes à visiter dans la grande capitale, plusieurs institutions qui font honneur à notre pays et contribuent à son bon renom dans cette partie du monde : l’hôpital français, fondé par l’Union française de Constantinople, les écoles de l'A/- liance francaise, qui répandent notre langue, et divers établissements d'enseignement dirigés ou servis par des Francais. C’est un charme inexprimable, quand on ar- rive pour la première fois à Constantinople, d'y trouver la France représentée et par une colonie riche, instruite et intelligente, et par tout un ensemble de créations scientifiques et philanthropiques qui témoignent avec éclat de son activité bienfaisante. En quittant Constantinople, nous nous engagerons dans le Bosphore, l’une des merveilles de Ja contrée; puis commencera le périple de la mer Noire. La pre- mière escale aura lieu à Varna. En ce point du sol bul- gare, bien rarement visité depuis que les Turcs ont relié Constantinople aux voies ferrées de l'Europe, ce n'est pas seulement la ville et le port qu'il faut voir : la campagne environnante, les paysans, qui ont con- servé leur costumes pittoresques el, malgré le joug ottoman, l'amour indéfectible de l'indépendance, récla- ment aussi une visite; il sera intéressant de jeter, en passant, un regard sur cette société tourmentée, que les convoitises des Etats voisins rendent, à juste titre, si inquiète de son destin. Les voyageurs toucheront pour la première fois le sol russe à Odessa. IL est, pour nous, de première importance de connaître cette grande place de com- merce, créée par l'impératrice Catherine, mais qui s’est surtout et très vite développée sous la direction d’un Français, le duc de Richelieu : Odessa est aujourd'hui le premier port de la mer Noire, l'entrepôt le plus considérable des blés russes, la ville la plus commer- cante de la Russie méridionale. Aussi sa population et, par suite, sa physionomie sont-elles très différentes de celles des autres cités de l'Empire. Des fortunes considérables s'y sont constituées, et, dans toute sa banlieue, de magnifiques villas, des parcs soigneuse- sent entretenus disent la richesse de ses financiers, de ses armateurs et de ses industriels. À ce monde fié. vreux des affaires s’entremêle, à Odessa, une popula= tion très opposée d’allures, celle des professeurs et des étudiants. Ceux-ci, groupés en une Université très active, entretiennent dans la ville un ardent foyer d'in- tellectualisme. La plupart caressent le rêve d’une huma- nité meilleure, édifient des systèmes politiques et sou- vent communiquent au milieu qui les entoure l'ar- dente passion sociologique qui les embrase. C’est la réunion de ces activités si diverses qui donne à la ville d'Odessa son cachet propre et la désigne particulière- ment à l'attention du visiteur. s Du port d'Odessa, le bateau mettra le cap sur la Crimée, vers Sébastopol. Nous n'avons pas à évoquer ici les souvenirs rattachés à ce nom. D'une lutte héroïque, mais saus haine, une estime réciproque, transformée plus tard en amitié, est née entre deux peuples, et les voyageurs de la Revue générale des Seiences pourront constater que le cimetière francais est aussi pieusement entretenu que celui où reposent les Russes. Aujourd'hui, Sébastopol, relevée de ses ruines, est devenue le grand port militaire de la Crimée, et les bateaux de commerce n’y sont plus admis. Le nôtre, cependant, y déposera nos touristes ; c’est de là, en effet, qu'ils partiront pour étudier le sud de la Crimée. Cette partie de la Russie, célèbre pour son climat doux, sa végétation luxuriante et l'aspect enchanteur de ses côtes, offre aussi à l’ethnographe et au politique un bien curieux sujet d'observation. Envahie autrefois par des races tartares converties à l'islamisme, elle a longtemps été occupée par des popu- lations mahométanes, et aujourd’hui encore s'y rencon- trent, entremélées aux villages russes, de petites cités musulmanes. C'est l'un des grands attraits d’un voyage en Crimée que l'étude de ces petits groupements. Au milieu des Slaves fanatiquement orthodoxes qui les entourent, ces sectateurs du Coran pratiquent en toule liberté les mœurs et le genre de vie de leurs ancêtres ; ils édifient leurs mosquées et suivent les préceptes de leur religion, à la facon de tous les disciples du Pro- phète. Sans les avoir faconnés à son image, le monde chrétien les a cependant, à certains égards, profondé- ment transformés. C’est ainsi qu'en ce qui touche leur statut personnel, leur condition est tout autre qu'en territoire ottoman. Nous les observerons d'autant mieux que, quittant le bateau à Sébastopol pour ne le reprendre qu'à Yalta, c'est en voiture que nous par- courrons le pays. Notre itinéraire est tracé de facon à nous montrer les plus curieux villages et, dans toute son étendue, cette étonnante corniche de Crimée, dont tous les voyageurs s'accordent à dire qu'elle est l’une des merveilles du monde. Nous suivrons d'abord la vallée verdoyante de Baïdar. Lorsque la route émerge de cette vallée, par la porte du même nom, on aperçoit tout à coup la mer et l’on jouit d'un panorama qui ne le cède en rien à celui de la corniche de Nice. Une journée sera consacrée à cette promenade, qui per- mettra aux touristes de visiter le parc de Livadia, où se dressent le palais d'Alexandre IT et celui où mourut, il y à cinq ans, Alexandre III. Devant l’aristocratique Yalta, le bateau attendra les excursionnistes, pour les déposer le lendemain à Féodosia, ville d’eau qui est aussi à la mode et où se pressent, en été, un grand nombre de Russes de la haute société. De Féodosia, le navire nous portera à Novorossisk, sur Ja côte de Circaucasie. Ce port, de prospérité nais- sante, fait déjà un grand commerce de céréales, et les voyageurs y admirent de gigantesques elevators com- parables à ceux de Chicago. Il est l'embarcadère prin- cipal du chemin de fer circaucasien de la mer Noire à la Caspienne et sera le point de départ d’où nous nous dirigerons vers le Caucase. Les beautés naturelles et les richesses minérales de cette grande chaine montagneuse, la plus élevée de l'Europe, y attirent depuis quelques années un certain nombre d'artistes, de savants et d'industriels. Mais, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 315 - jusqu'à présent, les voyageurs n'avaient pu y excur- sionner qu'en tous petits groupes ; nous avons pensé qu'il serait du plus haut intérêt pour les touristes de la Revue, de pénétrer tous ensemble dans les districts qui, jusqu'à l'heure actuelle, n'ont guère recu d’autres visites que celles des soldats russes, de quelques explo- rateurs et des trafiquants de la région. En conséquence, nous organisons, pour les excursions dans le massif de l'Elbrous et pour le passage de Circausie en Transcau- casie au travers du Caucase, un service particulier et exceptionnel de transports, qui, nous avons lieu d'y compter, nous donnera pleine satisfaction. De Novorossisk, nous nous rendrons par train spécial à Kislovodsk et, de là, en voiture, au Bermamyt. Du - sommet de cette montagne, déjà haute de 2.600 mètres, - on à la vue de l'Elbrous, dont la masse s'élève colos- sale à 5.631 mètres d'altitude. Revenant à la ligne principale, nous la suivrons jus- qu'à Vladikafkas, au centre même de la Circaucasie. Là, nous l’abandonnerons et prendrons, en voiture, la route de Géorgie, qui traverse le Caucase à peu près à son centre. La vallée du Térek, la gorge de Dariel nous conduiront au pied du Kazbek, dont la cime se dresse . à 5.046 mètres. Le point culminant du col est un peu au-dessous du sommet de la Krestovaia Gora, qui at- . teint 2.788 mètres. De là, la route redescend vers | Mtskhet et Tiflis. L'ancienne capitale de la Géorgie, blottie dans l’étroite vallée de la Koura, domine la rivière qui coule à 700 mètres plus bas, au fond d’un abîme à pic, et présente le plus pittoresque coup d'œil. Les Russes y coudoient les Géorgiens, les Persans, les Arméniens, les populations les plus diverses de langue et de costume, attirées par leurs intérêts vers ce mar- ché très fréquenté. De Tiflis, un train spécial permettra d'atteindre en une nuit la cité du pétrole, Bakou, sur le bord de la CHRONIQUE ET $ 1. — Nécrologie Charles Friedel. Lorsqu'un homme doué d’une belle intelligence a ; consacré toute une vie de travail à enrichir le trésor … des connaissances humaines; que, préoccupé de l'hon- neur de son pays plus que de ses propres intérêts, il - est arrivé aux plus hautes distinctions, dédaigneux de - l'intrigue pour lui comme pour ses amis; que, respec- tueux des convictions d'autrui, il a toujours porté haut le drapeau de sa foi scientifique, patriotique et reli- gieuse; arrivé au bout du chemin de la vie, celui-là … peut tranquillement fermer les yeux, certain d'avoir fait son devoir de savant, de citoyen et d'honnête homme, heureux de laisser à ceux qui l’out connu l'exemple de vertus qui, tôt ou tard, porteront de nouveaux fruits. Ce sont ces sentiments qui me vinrent tout naturel- lement à l'esprit lorsque, le 20 avril dernier, j'appris tout à coup la mort de mon cher et vieil ami, Ch. Friedel. Je le connaissais depuis trente-quatre ans, et, durant cette longue période, son urbanité, sa bonté, sa bonne foi, toutes ces qualités morales, plus encore que sa vive intelligence, m'avaient, de jour en jour, rapproché de lui. L Aujourd'hui, on me demande quelques pages sur sa - personne et sur son œuvre. Que saurais-je dire de mieux, sinon qu'il fut un savant convaincu, toujours au travail, un patriarche au milieu de sa famille et de ses élèves. Il était né à Strasbourg le 12 mars 1832. Fils et petit- fils de négociant et de banquier, par sa mère Virginie Caspienne. Tout à côté, à Balakhani-Sabountchi, où sont les principales sources, nous irons voir la naphte jaillir du sol; puis, à Tchorny-Gorod et à Biely-Gorod, la ville noire et la ville blanche, où sont les grandes usines, nous assisterons au raffinage du précieux liquide et à la séparation de ses divers carbures et de ses sous-produits. Après cette pointe extrême vers l'Orient, nous reviendrons vers la mer Noire, en longeant les contre- forts méridionaux du Caucase. Une excursion à Koutaïs nous permettra de pénétrer dans cette célèbre vallée du Rion, où le couvent de Ghélati conserve les souve- nirs de l’ancien royaume d’Imérithie. Notre dernière étape en Transcaucasie sera à Batoum. Nous y retrouverons notre bateau qui, notre visite faite à ce grand port, nous fera connaitre la rive sud de la mer Noire : Trébizonde, l’ancienne Trapezos, riante d'aspect, avec sa ville turque, encore enserrée dans les vieilles murailles byzantines contemporaines des Comnènes, et son quartier arménien en dehors des murs ; ensuite Sinope, l'antique capitale de Mithridate, à la pointe d'une presqu'ile, sur les hauteurs de laquelle s'étend la ville grecque, tandis que les maisons turques sont restées enfermées dans l'enceinte flanquée de tours, construite par les Byzantins. Alors commencera le voyage de retour. Repassant devant Constantinople, nous nous y arréterons deux journées, puis nous ferons voile vers la Sicile. Nous ferons escale à Messine et y passerons une pleine journée. De cette ville, le paquebot nous ramènera directement à Marseille. Nous publierons prochainement la liste des ouvrages scientifiques, historiques et littéraires qu'il sera utile de lire avant le voyage. La plupart de ces livres seront, au siège de la direction de la Revue, mis à la disposition des touristes qui désireront les y consulter. CORRESPONDANCE Duvernoy, fille de G.-Louis Duvernoy, professeur au Collège de France et membre libre de l'Institut, il avait sans doute recu le sens des spécuiations scientifiques. Toutefois, après avoir fait de bonnes études au gymnase protestant de sa ville natale, il entra, en 1851, dans les bureaux de banque de son père, où il passa un an environ. Mais les affaires l’occupaient moins que sa petite collection de minéralogie et surtout que le cours de Chimie que professait alors à la Faculté des Sciences de Strasbourg, un jeune et déjà brillant professeur, Louis Pasteur. Bientôt, son père lui rendait sa liberté, et en 1852, son grand-père Duvernoy l'amenait à Paris, suivre les cours des Facultés et du Collège de France. Nommé, en 1856, sur la proposition de de Sénarmont, conservateur de Minéralogie à l'Ecole des Mines, il s'était fait inscrire, comme élève, au laboratoire de Wurtz, à la Faculté de Médecine, où je le trouvai déjà en pleine production, lorsque, neuf ans après, j'y vins tra- vailler moi-même. Depuis longtemps, il avait ses licences physique et mathématique; mais en ce temps-là, on cultivait beaucoup la science pour le plaisir qu’elle rap- porte, et, quoique Friedel eût déjà publié de nombreux travaux sur les acétones et les aldéhydes, sur les acides gras bromosubstitués, sur l'acide lactique, sur les éthers mixtes, sur les dérivés organiques du silicium qu'il eut le premier l'idée de préparer, sur l’allylène et les homologues de l'acétylène, etc., ce ne fut qu’en 1869, treize ans après son entrée chez Wurtz, qu'il soutint, à la Sorbonne, sa double thèse de doctorat ès sciences : I. Recherches sur les acétones et les aldéhydes. — IL. Sur la pyroélectricité dans les cristaux conctucteurs de l'électricité. Ses nombreux travaux de Chimie organique ne lui 376 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE faisaient pas oublier la Minéralogie, sa première initia- trice. En 1556, 1l avait fait connaître une hémitropie spéciale au diamant, mesuré et étudié divers zircons!. Plus tard, il découvrait le sulfure de zinc hexagonal, qu'il consacra à son maître sous le nom de wurtzite ?, et l'adamine, autre espèce minérale nouvelle (arseniat e hydraté de zinc), analogue à l’olivénite. Son beau tra- vail sur les propriétés pyroélectriques des cristaux, la publication de plusieurs déterminations cristallo- graphiques, tout cela lui donnait, dès cette époque, une véritable autorité en Minéralogie. A l'Ecole des Mines où il avait, dès 4866, un petit laboratoire particu- lier, il avait réuni déjà plusieurs élèves, et il y cultivait tour à tour la Chimie organique et la Minéralogie. Per- sonne ne fut donc surpris de le voir nommer, en 1871, chargé de conférences de Minéralogie et de Cristallo- graphie à l'Ecole Normale Supérieure, en remplace- ment de Des Cloizeaux, maître de conférences l'année suivante, enfin, professeur de Minéralogie à la Sor- bonne, en 1876, à la place de Delafosse, notre vénéré maître d'alors. C'est en 1884 que Friedel échangea sa chaire de Miné- Fig. 1. — [riede-l a l'âge de 36 ans. ralogie de la Sorbonne, pour celle deChimie organique, devenue vacante par la mort de Wurtz. Il y élait pour ainsi dire porté par le consensus général; et, durant les quinze années qu'il a professé cette science, Friedel a su, non seulement se tenir au courant des transforma- tions rapides que subissait la Chimie, mais contribuer largement à ses progrès par ses travaux personnels, en même temps qu'il formait autour de lui de nombreux et distingués élèves, sur lesquels on peut compter. Le 1e juillet 4878, Ch. Friedel fut nommé membre de l'Académie des Sciences, où 1l héritait du fauteuil de V. Régnault. Son autorité scientifique, ses convictions qui n'étaient pas sans quelque ardeur de prosélylisme tempérée par l’aménité de son caractère et sa grande franchise, ne tardèrent pas à lui donner dans ce nou- veau milieu une influence bien méritée. Dans un article biographique forcément abrégé, tel que celui-ci, je ne saurais, sans sécheresse, donner la liste complète des travaux de Ch. Friedel, ni tenter de les apprécier comme il convient sans m'exposer à être trop long. Je dirai pourtant un mot de ses principales recherches. En Minéralogie, outre les travaux plus haut signalés, je rappellerai surtout l'ensemble de ses synthèses d’un grand nombre de composés naturels * : production arti- Annales des Mines, 5e sér., t. IX, p. 629. ? Compt. rend., t. LIT, p. 983. 3 Ann. chim. et physiq., (4° série), t. XVII, p. 79. 4 Plusieurs ont été faites, de 1879 à 1883, avec M. Sarrazin ficielle de l’orthose, de l’albite, de l’analcime, du quartz, de Ja topaze, de la néphéline, de l'amphigène, de la sodalite, de l’anorthite, de l'atacamite, de la chalco- ménite (sélénite de cuivre), de la phosgénite (Pb?CI-CO“), de la léadhillite (3PbCO*,PbSO"), de la percylite (oxy- chlorure de Pb et Cu), de la tridymite, du sesquioxyde de titane cristallisé. Je ne ferai aussi que signaler ses découvertes de la delafossite, d’un nouveau tellurure d'or el d'argent, ses études sur la pyroélectricité dans la blende, le chlorate de potasse,la boracite, le quartz; ses déterminations de la brucite Mg (0H}, de l'hopéite P°053Zn0, 4H°0, etc., du diamant dans une météorite ; enfin ses recherches sur les zéolithes. En Chimie minérale, il suffira de citer ses travaux sur les chlorures, bromures, iodures de silicium, sur le poids atomique de cet élément, sur le silicichloro- forme SiHCI, sur l'hydrogène silicié, sur le sesquichlo- Fig. 2. — Friedel à l'âge de 66 ans. rure et le chloro-bromure de carbone‘, sur l’azoture et autres combinaisons du titane *, sur les phosphates et arséniates hydratés de cuivre et de zinc, sur les thio- hypophosphates nouvelle série de sulfo-phosphures découverte par lui*, etc. Mais c’est surtout en Chimie organique que Friedel, par ses découvertes et ses méthodes, s’est fait un nom qui restera dans la science. s Une première série de travaux a trait aux acétones et aldéhydes. Chancel, puis Williamson avaient déjà pres- senti leur parenté et considéré les acétones comme des aldéhydes unies à un radical alcoolique; c’est Friedel qui parvint à établir définitivement, vers 1867, l'étroite analogie de ces corps et leur aptitude commune à s'unir à l'hydrogène naissant et à donner ainsi des alcools. Mais il observa que, tandis que les aldéhydes four- nissent par hydrogénation des alcools aptes en s’oxy- d'autres avec M. Guérin, puis avec son fils Georges Friedel en 1890. 1 Voir pour ces travaux Bull. soc. chim. (2), t. XIII, p. 3; t. XVI, p. 244; t. XX, p. 481. ? En collaboration avec Guérin: Ann. chim.phys.— 5e sér., t. VIII, p.24: 3 Bull. Soc. Chim. (3e série), t. XI, p. 1057. er il Por sr è dat es d'os 7 ei. dant à reproduire l'aldéhyde initial, puis un acide cor- respondant ayant même nombre d'afomes de carbone, les alcools dérivés des acétones donnent, aux deux degrés de leur oxydation successive, d'abord l’acttone d’où l’on est parti, puis deux acides produits par la dislocation de la molécule, et ayant chacun un nombre d'atomes de carbone plus faible qu'elle. Ainsi fut dé- | couverte et définie par Friedel la classe des alcools secondaires. Il avait découvert aussi l'alcool isopropy- lique, et l’un des alcools amyliques secondaires. Un peu plus tard, il déduisait de / ces vues la , constitution de la pinacone, sorte de glycol bitertiaire où 2 molécules d'alcool secon- 7 fon CE gi La UA CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 5 LC 27 — originales et des moins délicates, s'enchevêtrait dès cette époque dans les précédentes et occupait Friedel et ses collaborateurs (Crafts, Ladenburg, et plus tard J. Guérin). Je veux pârler de ses travaux relatifs à la substitution du silicium et plus tard du titane au car- bone des corps organiques. Ces difficiles études de- vaient bien partir de cette Ecole des Mines où son pré- curseur Ebelmen avait déjà préparé, quelques années avant, l'éther silicique. Les travaux de Friedel éta- blirent définitivement la tétravalence du silicium et fixèrent son vrai poids ato- mique par des preuves toutes différentes de celles que Ger- bardt avait le premier tirées des observa- danrenrCHE VA tions de Mari- CH.OH — CH* ; A gnac sur l'iso- sont réunies Le £ AI ect LE? morphismedes avec perte de Nue fluostannates , HSpar leur fluotitanates et non cen- ; ; / : fluosilicates. tral. En même 7 57 AC fl te. ACTE LOT RES Friedel pré- temps, il réa- k j are para d’abord lisait la syn- thèse de l’acé- tone C#H°O par l’action de l’al- cool méthyli- que iodé sur le chloracétène CH3 — CCI, et généralisait cette synthèse. Il faisait plus : en vertu de _kobeco ces hydrogéna- LS tions et oxyda- #- es tions méthodi- C4 ques, Friedel déterminait dans les molé- cules des di- vers composés BALE à 2 1— Vas #0 24 22 LECCAR CCS Dee 4 : NES PF NA Re he 6 lere.e Va VA LEZ seen Bee Jets Z Cette A) Les io Rue les mono, di et tri-chlorhydrè- nes de l’éther silicique en faisant agir sur l’éther d'Ebel- men le chlo- rure de sili- cium. Avec son ami Crafts, il découvrait les composés 0Tga- niques du sili- cium, et don- nait définitive- ment raison à la vue géniale de J.-B. Dumas qui,lepremier, avait osé rap- = . COIN ILES ZE. LE ré are > Rens la procher le sili- place respec- cium du car- tive des divers - bone. La dé- chaînons CH, Pass / couverte de CO, CH.OH, ÉK 1e. LCD l'hexaiodure CO.O0B, etc. qui de silicium les forment, et fondait ainsi - les règles qui permettent d’assigner aux molécules or- ganiques leur constitution atomique rationnelle. C’est à lui que l’on doit les premières constructions du méthylchloracétal CH — CCF — CH*, du propylène chloré CH*—CCI—CH:, du propylène CH°-— CH—CH:?, et de son chlorure CH°— CHCI — CHECI ; du propylglycol CH'— CH.0H — CH° — OH, de l'acide lactique CH — CH.0H —_ CO.0H, de l'acide pyruvique CH°— CO — CO.OH, de l'alcool allyli- que CH? — CH —CH*.0H et, en général, de presque tous les composés organiques en C*. En même temps, développant l'idée de Williamson, Friedel obtenait et étudiait un grand nombre d’acé- tones mixtes : le méthylbenzoyle CH5 — CO — CSH5, le méthylbutyryle, l'éthylbutyryle, ete., ainsi que de nou- veaux alcools secondaires, l'alcool isoamylique entre autres. Une autre série de recherches, et non des moins Fig. 3. — Aulographe de Frirdel (1869). Sil3 — Sil® vint établir aussi que le silicium jouit, comme le carbone, de la propriété de former des chaînes conti- nues en s'unissant à lui-même. À propos de cette importante série de publications, je citerai seulement les belles suites de recherches entreprises par Eriedel avec son ami J. M. Crafts, sur les éthers siliciques *, sur le silicium éthyle et le silicium méthyle?, sur l’hydrate de silicononyle SiC‘H!°.0H, sur l’oxyde de silicium triéthyle; avec M. Ladenburg® sur le silicichloroforme SiCH et l'éther siliciformique, sur un mercaplan silicique SiCF.SH, sur un oxychlorure de silicium, sur l'acide silicopropionique SiC*H°O.0H., sur l’hydrate siliciovalique dérivé de l'hexaiodure de sili- ! Ann. Phys. Chim., 4 série, t. IX, p. 5. 2 Ibid, t. XIX, p. 334. 5 Jbid., t. XXII, p. 430; t. XXVIT, p. M6 et 428; t. XXV p. 495. 378 cium ; avec M. Guérin, sur diverses combinaisons ana- logues du titane*. C’est en mai 4877 que Friedel communiquait, en son nom et au nom de son fidèle collaborateur Crafts, ses premières observations relatives à l’action du chlorure d'aluminium sur les chlorures organiques. Cette mé- thode, étudiée d’abord par les deux amis et appli- quée par eux à un grand nombre de cas, est devenue et est restée jusqu'à aujourd'hui un des moyens de syn- thèse organique les plus productifs et les plus puis- sants. Elle a été exposée par Friedel lui-même dans une conférence qu'il fit, en 1884, à la Société Chimi- que. Si l’on chauffe un hydrocarbure aromatique, tel que le benzène, avec un chlorure alcoolique ou acide et du chlorure d'aluminium sec, une première réaction tend à se produire, avec départ d'acide chlorhydrique, réaction d'où résulte un véritable composé organomé- tallique : C°HS un Benzène. 77 ABCIS — Chlorure d'aluminium. CSHS.ARCE + HCI Chlorure d'aluminium phényle. puis le chlorure organométallique agissant sur le chlo- rure organique ajouté en même temps, l'union de deux radicaux carburés se fait avec régénération du chlorure aluminique primitif : ; CHPAE CEE CC HECIES— Chlorure Chlorure d'alumin.phényle. d'éthyle. CH— CH + Ethylphényle AI2CIS Chlorure d'aluminium. et, le chlorure d'aluminium primitif étant ainsi régé- néré, la réaction peut recommencer indéfiniment. Friedel et Crafts établirent la généralité de cette méthode. Ils obtinrent coup sur coup, avec le benzène et le chlorure de méthyle, l’hexaméthylbenzène qui leur permit d'arriver ensuite par oxydation à l'acide mellique, le durol ou «-tétraméthylbenzène; ils pré- parèrent le diphénylméthane par l’action du toluène chloré sur la benzine, l’anthraquinone en faisant agir sur elle le chlorure de phtalyle ; l'anthracène au moyen du chlorure de méthylène; la benzophénone avec l’oxychlorure de carbone et la benzine : COCE + 2C9HS — CO (CeH5) + 2HCI. Ils parvinrent de même, en présence de AlC/, à fixer directement l'oxygène, le soufre, l'acide carbonique, le cyanogène, sur les hydrocarbures aromatiques, obte- nant ainsi directement les phénols, les mercaptans et sulfures correspondants, les acides benzoïque et tolui- que, le benzonitrile, etc. Avec M. C. Vincent, en faisant agir le tétrachlorure de carbone sur la benzine, Friedel préparait, par la même voie, le triphénylméthane chloré qui, par simple action de l'eau, se transforme en triphénylcarbinol. Plus tard, il obtenait les divers anthracènes méthylés, faisait la synthèse de l'’aurine au moyen du phénol et du tétrachlorure de carbone, remplaçant cette fois le chlorure d'aluminium par celui de zinc et montrant que le chlorure ferrique peut aussi lui être substitué en certains cas. Les derniers travaux de Ch. Friedel ont trait à la constitution de l'acide camphorique, à l’électrolyse de l'acide tartrique, aux relations qui peuvent exister entre la symétrie de la molécule chimique, résultant de l'hypothèse du carbone tétraédrique et la forme cris- talline, etc, Le minéralogiste et cristallographe qu'était Friedel se trouvait dès longtemps préparé à tirer un parti personnel de cette précieuse branche de la Chi- mie générale, la Stéro-chimie, créée par Le Bel et par Van t'Hoff en 1874, et qui a depuis si brillamment tenu ses promesses. Grâce à elle, Friedel parvint à rendre compte de l’isomérie du paraldéhyde et du métaldé- hyde et à expliquer la constitution des deux hexa- chlorures de benzine dérivés du schéma stéréochi- 41 Ibid, 5e série, t. VIII, p. 24. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE mique du benzène. En 1890, il publiait encore un travail de Minéralogie, avec son fils Georges, ingénieur distingué des Mines, relatif à l’action des alcalis sur les silicates alcalins et les micas, travail où ils réali- sèrent la synthèse de l’amphygène, de Ja sodalite et de l’anorthite. En 1894, en collaboration avec son neveu, À. Combes, qui devait malheureusement être sitôt enlevé à la science, il donnait un nouveau pro- cédé de synthèse de bases pyrazoliques, consistant à chauffer à 180°, en présence d’un excès d'anhydride acétique, les hydrazones des aldéhydes et acétones; enfin, en 1896, avec M. C. Chabrié, il publiait ses études sur les séléniophosphures métalliques. Friedel travailla et soutint la pression formidable des obligations et des devoirs qu'il s'était imposés jusqu'à son dernier jour. Il avait réuni autour de lui, à l'Ecole des Mines d’abord, puis à la Sorbonne, une élite de jeunes hommes sludieux, et, devenu chef d'école, il fut toujours désireux de les aider de ses conseils et de son influence. Dans ce rôle, auquel sa santé suffisait à peine, il travaillait non pour lui, mais pour le triomphe de ses chères théories et la gloire de son pays. Friedel était un vrai patriote et sa pensée fixe était l'honneur de la science et la défense des intérêts moraux et ma- tériels de sa patrie. C’est dans ces sentiments qu'il tra- vailla à fonder deux Ecoles bien différentes, quoique issues d’une commune préoccupation : l’une, l'Ecole Alsacienne, établissement d'instruction secondaire, créée en 1871, après les désastres de la guerre, dans le but de donner à nos enfants une éducation à la fois libérale, rationnelle et scientifique, où l'on se préoccuperait, mieux que dans nos lycées, du développement du ca- ractère, de l’éducation morale, de l'entrainement phy- sique de l'enfant. Il resta administrateur et membre assidu des Conseils de cette école jusques à sa mort. Son autre création fut celle de l'Ecole de Chimie indus- trielle de la Sorbonne (installée rue Michelet), où il vou- lait former des praticiens instruits destinés à peupler nos usines de chimistes, de directeurs, de contre- maîtres capables, possédant bien les méthodes scien- tifiques et destinés à fournir à l’industrie française les moyens de lutter avec nos rivaux de l'étranger. Puisse- t-il avoir pleinement réussi dans cette création, et son œuvre trouver un continuateur enflammé de son éner- gie, de sa confiance, de son amour du bien public. C'est ce dernier sentiment, tout autant que le culte de la science, qui fit l'unité de sa belle vie. C'est sa passion d’être utile à son pays, qui le rendit jusqu’à la fin assidu aux séances de la Société Chimique de Paris, à laquelle il aurait voulu, par sa présence, sa parole ses conseils, infuser plus de vie encore, plus d'éclat et plus d'activité. Il en était presque un des créateurs. Lorsque, en 1858, Wurtz l'avait fondée, réunissant en un seul fais- ceau, grâce à son activité et à son entrain personnel], les principaux chimistes d'alors : J.-B. Dumas, Balard, H. Sainte-Claire Deville, P. Thénard, Pasteur, Berthelot, Cahours, Bareswill, etc., il comptait déjà sur son élève Friedel qui ne tarda pas à devenir, en effet, son colla- borateur principal pour la rédaction du Bulletin de la Société Chimique et son organisation. Vice-président de la Société dès son début, quatre fois élu président, presque continuellement membre de son Conseil, Friedel eut, sur le développement, la marche et la pros- périté de Ja Société Chimique et la direction et la publi- cation de son Bulletin, une influence prépondérante. Dans ce rôle encore, il sera difficile à suppléer. Le portrait du savant et de l’homme serait incomplet si je ne montrais ici le fond de l'âme de cet apôtre du bien et de la vérité. Friedel était profondément reli- gieux, et une partie de cette vie, déjà si remplie, fut consacrée au strict et sévère accomplissement des devoirs qui découlent de ce sentiment. Décrivant un jour le caractère et les convictions de son maître et ami A. Wurtz, Friedel avait prononcé ces paroles qui s'appliquaient si complétement à lui-même : : « Il resta toute sa vie fermement attaché à l'Eglis CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 319 « dans laquelle il était né, celle de la Confession « d'Augsbourg. Il tenait à elle non seulement par ses tra- ditions et par ses souvenirs, mais par ses convictions; «il le fit voir en lui consacrant une partie de son « temps... Enfant de la Réforme et du libre examen, «il fut grand ami de l'initiative individuelle, non- « seulement en théorie, mais en prêchant d'exemple »*. Ces sentiments furent ceux de Charles Friedel. La hauteur de ses convictions fit la grandeur de son carac- tère. C'est ainsi qu'il s'imposa, plus peut-être que par ses belles découvertes, au respect, à l’affectueuse sym- pathie de tous ceux qui le connurent. Puissent ces quelques lignes consacrées à sa mémoire, porter un peu de soulagement à la douleur de sa com- pagne, de ses enfants, de ses élèves, de ses amis. Armand Gautier, de l'Académie des Sciences, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris. Lan à ds! $ 2. — Physique La vitesse des ions dans les flammes econ- tenant des sels vaporisés. — Les phénomènes qui se passent dans une flamme contenant un sel à l’état de vapeur, ont attiré, depuis longtemps, l'attention des - savants. Récemment (30 décembre, p. 922), nous ren- dions compte ici-même des recherches de MM. A. Smi- thells, H.-M. Dawson et H.-A. Wilson, sur la conduc- tibilité électrique de ces flammes. L'un des trois physiciens anglais, M. Wilson, a poursuivi ces études et vient de faire connaître de nouveaux résultats d’un grand intérêt. L'appareil utilisé consiste, on le sait, en un bec de Bunsen, dont les courants de gaz et d’air sont parfaite- ment réglés, le dernier entrainant dans la flamme un jet extrêmement fin d’une solution du sel en expérience. Deux toiles métalliques. de fil de platine sont placées horizontalement l’une au-dessus de l’autre dans la flamme et parcourues par un courant. L'intensité et la force du courant dépendent de la position relative et de la distance des électrodes positive et négative. Si l’on examine la chute de potentiel entre les deux loiles mé- talliques, on constate que, lorsqu'elles sont chaudes, elle est de la même nature que celle observée dans les . gaz aux faibles pressions. Ainsi, près de chaque élec- trode, il y a une chute relativement brusque de poten- tiel, plus grande au pôle négatif qu’au pôle positif, avec un gradient faible et presque uniforme entre les deux. Si l’une des électrodes est refroidie, la chute de poten- tiel près de cette électrode devient très grande et sou- vent presque égale à la chute totale entre les deux électrodes. Ces faits et d’autres semblent prouver que presque toute l’ionisation de la vapeur saline se pro- duit à la surface des électrodes incandescentes et non à travers Loute la flamme. Pour déterminer les vitesses relatives des ions métal- liques dans la flamme, l’auteur mesurait la différence de potentiel nécessaire pour leur faire traverser la flamme de haut en bas à l'encontre du courant de gaz. 11 remarqua que les ions positifs des sels de Li, Na, K, Rb et Cs ont presque tous la même vitesse dans la flamme, tandis que les ions négatifs de divers sels de ces métaux ont des vitesses, presque égales aussi, mais environ soixante-dix fois supérieures. L'auteur a également déterminé la vitesse des ions de divers sels dans un courant d’air chauffé à 1.000°, et a obtenu les résultats suivants : de. Gate VITESSE b x 2 en cm. par sec. 1. Ions négatifs des sels de Li, Na, K, Rb, Cs, Ca, — DAC TRES. Peau CebE 2h00 LPO) 2. lons positifs des sels de Li, Na, K, Rbet Cs . 7,2 L d. Ions positifs des sels de Ca, Sr, et Ba. AR D Il résulte de ces chiffres que les ions qui, en solution, portent d’égales charges, ont des vitesses égales à l’état gazeux. La vitesse d’un ion gazeux dans un milieu ! Revue scientifique 21 janvier 1885; p. 105 et 106. donné dépend donc uniquement de sa charge. Les vilesses sont inférieures à celles calculées pour des ions composés d’un seul atome, de telle sorte que chaque ion parait être un groupe d'atome. Si nous considérons ce groupe comme maintenu par sa charge, on peut supposer que le volume du groupe est déter- miné par la charge. De là, les ions ayant d’égales charges sont d'égales dimensions et, par conséquent, d'égales masses; ils auront donc la même vitesse dans les mêmes conditions. Les découvertes de l’auteur permettent d'expliquer facilement le phénomène de la conduction unipolaire. Si l'électrode négative est beaucoup plus chaude que l’autre, la négative émettra très abondamment des ions négatils, et il y aura un fort courant; mais si l’élec- trode chaude est positive, la faible vitesse des ions positifs n'est pas favorable à leur arrachement de l'électrode avant qu'ils se recombinent, de sorte que le courant sera très faible, si une grande force électro- motrice n’est pas employée. $ 3. — Zoologie Sur la régénération chez les Annélides. — Dans le numéro du 30 mars de la Revue générale des Sciences, M. Cuénot a fait de mon mémoire sur la régé- nération chez les Annélides, une analyse, dont je désire relever certains passages, en raison de la publicité de la Revue. — Pour ce qui concerne la première partie : 4° Contrairement aux assertions du critique, le mémoire de Korschelt, et le second mémoire de Mor- gan, sont (comme cela se lit dans mon travail) posté- rieurs (de quelques mois) à mes Notes préliminaires, insérées aux Comptes rendus de la Société de Biologie. 20 Seul, j'ai étudié les Polyclètes (11 espèces). 3° La confirmation de résultats nouveaux n'est jamais dénuée d'intérêt, surtout quand ces résultats soulèvent encore des contradictions. Aussi Hescheler a-t-il, lui, trouvé et témoigné, depuis, quelque intérêt à la concordance de nos recherches. Relativement à la 2° partie, de beaucoup la plus im- portante, l'analyse côtoie seulement, ou même passe sous silence précisément les points qui, par leur géné- ralité el actualité, méritaient le plus d’être mis en relief : Origine ectodermique des ébauches, bien en rap- port avec la doctrine générale du rôle générateur des épithéliums; Rôle des fibrilles dans la délimitation des ébauches, notamment : 1° dans la métamérisation, sur- tout dans les types condensés; 2° dans la formation des basales par feutrage, résultat qu'on ne peut s'em- pêcher de rapprocher des rapports de structure des gaines nerveuses, en particulier d’après les récents travaux d'Apathy; Confirmation des lois du parallé- lisme du développement, mais en évitant les systéma- tisations exagérees qui avaient provoqué contre elles une réaction : 1° Parallélisme entre les divers types (théorie des feuillets); mais sans spécificité absolue, les ébauches, quelle qu'en soit l’origine, étant d'abordfindif- férentes. — 2° Parallélisme entre les divers modes de l'Ontogénie ; mais dans la mesure du possible : ainsi, dans la Régénération, début après les premiers stades embryonnaires, non-formation d’un proctodæum inutile. Dans un Appendice à mon mémoire, par consé- quent le plus simplement possible, et en vue d’être utile à quelques-uns, j'ai déterminé et précisé la tech- nique suivie, avec les améliorations dues à une pra- tique déjà assez longue du laboratoire. Tout progrès dans les résultats ne consacre-t-il pas üne recherche dans la technique, et n'est-ce pas par la discussion de ceux-là qu'il faut juger celle-ci? Cependant, M. Cuénot se borne à voir là matière à un « grave reproche de forme »; pour lui, cette technique générale n'est plus que « banale ». Cela prouve simplemeut que nous n'avons pas la même manière de voir sur la méthode scientifique. A. Michel, Préparateur d'Embryologie générale à la Sorbonne. 380 ALBRECHT KOSSEL — LES PROTAMINES ET LES CORPS ALBUMINOIDES LES PROTAMINES ET LES CORPS ALBUMINOIDES La voie par laquelle on acquiert la connaissance chimique des matières complexes qui constituent les organismes est aujourd'hui nettement tracée. On commence par isoler la substance en état de pureté chimique, on examine les réactions et les combinaisons et on fait le dosage des éléments qui y sont contenus. C’est là la première partie du travail. La seconde comprend les recherches sur la nature des fragments obtenus par la destruction de la grande molécule. Dans la troisième, on s’ef- force d'opérer la combinaison ou la synthèse des fragments obtenus et de voir quelle est la quantité relative des divers produits de dédoublement el quel est le dessin d'après lequel il faut combiner ces produits pour reconstruire la molécule. C'est dans cette troisième période de recherches que se trouve aujourd'hui l'étude des corps albu- minoïdes. On tient dans la main chacune de ces pierres, qui constituent l'édifice moléculaire, on en contemple la forme, mais l’on cherche en vain à deviner la façon dont elles sont associées et agen- cées dans le bâtiment. Ce qui empêche de prendre de leur disposition générale une vue d'ensemble, c'est la masse et la diversité des produits de dé- doublement. I m'a semblé qu'il y avait seulement une ma- nière de résoudre ce problème : chercher les plus simples des matières albuminoïdes, étudier les fragments peu nombreux qui en résultent par dédoublement, parvenir à la connaissance d’une molécule type pour les corps plus complexes qui appartiennent au même groupe. C’est cette voie que je me suis proposé de suivre. En cherchant l'albumine la plus simple, je suis remonté à l'étude chimique des cellules généra- trices màles. Ce sont là des éléments organisés, d’une composition très simple. Tandis que les cel- lules femelles contiennent les matières chimiques nécessaires pour la nutrition de l'embryon nais- sant, la cellule màle est généralement dépourvue de toute fonction nutritive; elle ne contient que les éléments chimiques primitifs propres à la fé- condation ou au mouvement. C'est dans cette cellule que l'on peut espérer trouver les corps organiques simples qui donnent naissance aux matières plus complexes de la cel- lule développée et qui pourront déceler le plan d’après lequel ces matières sont construites. En 1874, Miescher‘ publia des recherches sur ‘ Verhandlungen der naturforschenden Gesellschaft in Basel, 1874. Bd VI, S, 138-208. — Die hislochemichen und les spermatozoïdes du saumon, dont il précisa la composition chimique. Il y découvrit deux élé- ments, jusque-là inconnus : l'acide nucléique et la prolamine, la protamine représentant 26,76 °/, de la matière organique des spermatozoïdes. La quantité des albumines, au contraire, était petite : elle ne dépassait pas 10,32 °/,. Miescher précisa la composition et quelques réactions de la prota- mine, mais la nature chimique de cette base res- tait inconnue. L'étude de cette substance, que j'ai reprise vingt ans plus tard, me donna l’idée d'une analogie de la protamine avec les albumines, et aujourd'hui, après avoir poursuivi ces recherches, il ne me semble pas douteux que celte base ne doive être regardée comme un corps albuminoïide d’une constilulion très simple. Il Considérons rapidement — pour comprendre cette analogie — les produits du dédoublement des corps albuminoïdes. Quand on soumet une malière albuminoïde com- plexe à une ébullition prolongée avec des acides moyennement étendus, on oblient des produits appartenant à différents groupes du système chi- mique. Le liquide bouillant se colore de plus en plus en brun foncé, et il se forme un précipité d’une substance noire : l'acide humique ou mélanoïdi- que. Le liquide contient un grand nombre de corps azotés : de l’ammoniaque, des acides amidés de la formule C*H?"+'Az0?, savoir : la leucine C°H'#AzO?, l'acide amidovalérique C°H'"'Az0?; des acides de la formule C'H?-'AzOf, savoir : l'acide aspartique et l'acide glutamique, contenant quatre et cinq atomes de carbone; de la tyrosine; de la leucimide; des dérivés soufrés et d’autres substances encore mal définies. À ces substances, connues par les recher- ches de Liebig, Bopp, Ritthausen, Hlasiwetz et Habermann, Schützenberger et d’autres chimistes, s'ajoutent des corps plus riches en azote, signalés en ces derniers temps. En 1889! et au cours des années suivantes, M. Drechsel découvrit, parmi ces produits, la lysine C'H'*Az?0?, qui est probable- ment l'acide diamidocaproïque, la hysatinine et un corps dont la formule correspond à l'acide diamido- acélique. physiologischen Arbeilen, von F. Miescher. Leipzig, 1897, Bd 1, S. 55-107. 1 Archiv f. Analomie und Pnysiologie. Physiologische Ab- theilung, 4891, S. 248. — Berichte der K. Süchsischen Gesellschaft der Wissenschaflen, 1892, S. 116. 4 ALBRECHT KOSSEL — LES PROTAMINES ET LES CORPS ALBUMINOIDES Quelques années plus lard, /edin' prouva que la lysatinine n’est pas un individu, mais qu’elle représente un mélange équimoléculaire de lysine et d’une base ? découverte par M. Z. Schulze dans les cotylédons de semences de lupins étiolées : Pargi- nine, qui a la formule C°H'*Az*0? et qui donne nais- sance, sous l’action de l’eau de baryte bouillante, à l'urée et à l'acide diamidovalérique. En outre, Æedin° annonça parmi ces produits la présence d'une base que j'avais extraite, peu de Lemps auparavant, des spermatozoïdes de l’esturgeon *. La composition de celte substance, que j'avais nommée histidine, est exprimée par la formule CSH°Az°0?. En regardant la longue série de substances hété- rogènes provenant de cette molécule des corps albuminoïdes, on comprend la nature complexe de l’albumine, fonctionnant comme acide et comme base, capable de se rattacher à la plupart des sub- stances élaborées par la cellule, reflétant en sa mo- lécule la complexité des phénomènes de la vie. Cependant, il y a des substances qui portent les caractères des albumines et qui ne contiennent pas l'ensemble de tous ces groupes chimiques. La conchioline, renfermée dans les coquilles des mol- lusques, ne contient pas de tyrosine. La fibroïne, extraite de la soie, ne contient pas de groupe soufré. Il y a des corps albuminoïdes qui forment du glycocolle, tels que la gélatine, d’autres. qui n’en fournissent pas. Il y en a dont la solution ne se colore guère quand on les fait bouillir avec des acides, et qui semblent ne pas contenir le groupe engendrant l'acide mélanoïdique. Y a-t-il donc des groupes qui ne manquent jamais dans la molécule albuminoïde, qui forment le noyau caractéristique de toutes les albumines et dont dépendent les propriétés générales de ces matières ? Voici les produits que l’on a trouvés dans tous les corps albuminoïdes, soumis jusqu’à présent à l'analyse et qui, pour nous, répondent à celte ques- tion : La leucine . La lysine. . . . CSH#Az O? CSH'4AZ20? L'histidine . C°H° Az‘0* L'arginine . Dé CSH##Az107 L'ammoniaque . . AzH° Cette série ne représente que l'état de nos con- naissances actuelles. Les méthodes étant encore en voie d'évolution, il y a peut-être des produits de dédoublement dont on n'a pas vu la présence constante chez les différentes albumines. Tels sont 1 Zeilschrifl für physiologische Chemie, Bd XX, S. Bd XXI, S. 155, 297. = Zeilschrift für physiologische Chemie, Bd XI, S. 43. ? Zeilschrift für physiologische Chemie, Bd XXII. S. 491. 4 Silzungsberichle der K. Preussischen Akademie der Wis- 186. — REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. 581 l'acide diamidoacétique de M. Drechsel, la leucimide de M. Ritthausen, l'acide amidovalérique et les autres produits signalés par M. Schützenberger. En outre, on n’a pas encore étendu ces recherches à toutes les albumines connues. On peul donc présumer que cette série est susceplible de se trouver diminuée ou augmentée par des recherches plus approfondies"; mais, telle qu'elle se montre aujourd'hui, un fait très remar- quable apparait : cette série est formée par des substances organiques contenant six atomes de carbone el une proportion croissante d’azote, — substances pour lesquelles j'ai proposé le nom de hexones. Ces hexones prévalent donc dans le noyau chimique de la molécule albuminoide ; — peut-être le forment-elles exclusivement. Ce noyau est caractérisé par quelques réactions communes à toutes les substances albuminoïdes : telle est la réaction du biuret; telle est aussi l'ac- tion de la trypsine. L'étude des ezzymes à démon- tré que l’action d’une enzyme déterminée se borne à une certaine organisation chimique; or, la trypsine n’agit que sur les corps albuminoïdes. L'action de la trypsine diffère beaucoup de celle de la pepsine. Celle-ci ne semble pas attaquer le noyau, elle seinde les albumines plus complexes en formant des pro- duits simples, des peptones, qui conservent encore la nature albuminoïde. La trypsine, au contraire, effectue un dédoublement total de la molécule en formant les produits déjà nommés : leucine, tyro- sine, arginine, etc. Nous avons donc dans la frypsine un réactif pour le groupe chimique qui constitue le noyau des albumines ?. IT Quels sont les réactions et les produits du dédou- blement de ces protamines, que j'ai supposées être les albumines les plus simples? Les protamines sont des bases; leur solution aqueuse à une réaction fortement alcaline, et l’on obtient des sels bien définis avec les acides. Le sulfate de protamine est franchement soluble dans l'eau distillée à l’ébullition ou dans l’eau froide contenant un excès d'acide sulfurique. Quand la solution neutre concentrée se refroidit, ou quand senschaften, 9 april 1896. — Zeitschrift für physiologische Chemie, Bd XXII, S. 176. 4 Dans les recherches exécutées avec la collaboration de M. Kultscher, j'ai trouvé des albumines complexes qui ne fournissent qu'une faible proportion d'histidine. On peut en augurer que l’on découvrira des corps albuminoïdes exempts de cette base. ? Il y a quelques albumines insolubles qui sont très ré- sistantes contre la digestion trypsique. D'après MM. Kühne et Ewald existeraient aussi quelques peptones solubles réfractaires contre l’action pure de la trypsine, par exemple la peptone de la gélatine. 10* 382 on sature la solution acide avec le chlorure de so- dium ou le sulfate d'ammoniaque, il se sépare une huile qui contient la protamine. Mes recherches" sur les testicules de différentes espèces de poissons ont démontré qu'il faut distin- guer plusieurs protamines. La salmine, protamine signalée par M. Wiescher, contenue dans les sper- matozoïdes du saumon, a la constitution la plus simple de tous ces corps. L'analyse conduit à la for- mule C#H°7Az!705 ou CH°*Az!:07. Cette substance est idenlique à la clupéine, que j'ai extraite des testicules du hareng, et elle ressemble beaucoup à la scombrine, découverte dansmonlaboratoire par M. Aurajeff® dans les organes du maquereau. En soumettant ces substances au dédoublement avec l'acide sulfurique, j'ai obtenu seulement deux produils : l'arginine et l'acide C°H"Az0?, à côté d'une petite quantité d'une ma- tière encore mal définie. La sturine, que j'ai trouvée dans les spermato. zoïdes de l'esturgeon, est d'une constitution plus complexe ; elle fournit trois bases : l’histidine, l'ar- ginine, la lysine, et une faible proportion d’une sub- stance qui est probablement l'acide amidovalérique. Nous voyons donc naïtre ici, sous l'action des acides bouillants, les produits hexoniques qui sont les éléments de ce que j'ai nommé le noyau hexo- nique de la molécule albuminoïde. Par l’action incomplète des mêmes réactifs, on oblient des pro- duits intermédiaires plus solubles que les prota- mines et comparables aux peptones. En énonçant cette analogie, nous avons proposé le nom de pro- lones pour ces matières. Ajoutons que les protamines offrent des réactions communes à toutes les albumines. Elles sont lévo- gyres. Les prolamines, comme les protones, don- nent la réaction du biuret avec coloration rouge. Ces corps sont précipités comme les albumines par le ferrocyanure de potassium et par l'acide picrique, et — ce qui me semble le plus important — ils sont dédoublés par la trypsine en formant l'arginine et encore d'autres produits de la digestion pancréa- amidovalérique tique. Pour concevoir la constitution de ces pr'otamines, nous avons fait observer leur analogie avec un groupe de composés ternaires d'une grande valeur physiolo- gique : les kydrates de carbone. L'amidor est trans- formé par hydratation en dextrine, puis, par dédou- blement poussé plus loin, en maltose C*H?0"!! qui fournit deux molécules d'un hexose (le glucose) C'H°?0°. L'amidon est donc d’une constitution peu complexe, puisqu'il est composé de fragments uni- formes. 1 Zeilschrift für physiologische Chemie, Bd XXII, S. 156. — Bd XXV, S. 165. — Bd XXVI, S. 588. 2? Zeilschrift für physiologische Chemie, Bd XXVI, S. 524. ALBRECHT KOSSEL — LES PROTAMINES ET LES CORPS ALBUMINOIDES Il y a d'autres hydrates de carbone, fournissant plusieurs hexoses de nature différente. La raffinose, par exemple, est composée de trois hexoses, savoir le d-fructose,le d-9lucose, le galactose. C'est à ces substances que je compare les prota- mines. La grande molécule de la salmine est d’une composilion relativement simple, puisqu'elle est formée par la combinaison multipliée de deux principes : une hexone el un composé de cinq atomes de carbone. La sturine, au contraire, serait comparable aux hydrates de carbone les plus com- plexes, puisqu elle donne lrois différentes hexones et, de plus, une autre subslance, qui est probable, ment l'acide amido-valérique. La trypsine, trans- formant les complexes moléculaires plus élevés en hexones, est analogue à ces enzymes diastasiques, dédoublant l'amidon, la dextrine et les hexobioses en hexoses. En admettant ces idées sur le noyau hexonique des matières albuminoïdes, on parviendra à une classification ralionnelle de ces substances. On sup- posera : dans la salmine un noyau hexonique uni- forme, formé par l’arginine; dans la s{urine un noyau complexe, composé par trois hexones diffé- rentes; dans les corps albuminoïdes plus com- plexes, des noyaux contenant la leucine à côté de bases hexoniques. La multiformité des albumines est causée par les. groupes secondaires qui s’allachent au noyau hexonique. C’est par la combinaison avec les acides amidés de la série grasse, avec des complexes sou- frés, avec la tyrosine, avec le groupe engendrant l'acide mélanoïdique ou lammoniaque, que l’on obtient les différentes espèces des matières albumi- noïdes. A mesure que la proportion de leucine et des groupes secondaires augmente, le caractère basique causé par le noyau hexonique basique va dispa- raître. J'ai dosé, avec la collaboration de M. Kuts- cher, les bases hexoniques naissantes des corps albuminoïdes. L'albumine complexe la plus riche en base est une matière que j'avais trouvée en 1883 dans des tissus animaux, l’histone ‘. Cette albumine a des propriétés basiques. On peut produire des corps analogues à l’histone en ajoutant à une albu- mine la protamine qui contient le noyau hexonique presque pur. Il se forme dans la solution aqueuse ammoniacale un précipité d’une combinaison albu- minoïde que l'on ne peut distinguer de l'histone. L'élastine, au contraire, qui forme les fibres élas- tiques, contient un noyau hexonique pauvre en bases, riche en leucine *. 1 Zeilschrift für phystologische Chemie, Bd VII, S. 514 — Voir aussi LicrexreLo : Jbèdem, Bd XVIII, S. 482. 2 Henix : Zeitschrift für physiologische Chemie, Bd XXW, S. 344. — Kossez et Kurscner : Ibidem, S. 551. | | III La constitution des complexes hexoniques qui forment ces noyaux n'est pas encore bien connue. On sait que la leueine est l'acide amido-caproïque ; on suppose que la Iysine à la constitution d'un acide diamnidocaproïque : C'HAZI C*H° (AzI1°)? COOH COON Leucine. Lysine. — L'arginine fournit, d'après les recherches de M. Schulze, l'urée et l'acide diamidovalérique. Les roduits provenant de l'histidine ne sont pas en- core connus. Les molécules albuminoïdes primitives peuvent se combiner pour former des substances plus com- plexes. Telle est la réaction de la protamine, juste- -ment mentionnée. M. Æulscher a signalé! une combinaison analogue qui se forme en précipité quand on ajoute la solution aqueuse d'une peptone {deutéroalbumose) à celle d’une globuline. Une complication encore plus grande est produite par l'addition de molécules hétérogènes, des groupes prosthétiques?. Quand on ajoute à la solution d’une D' R. ROMME — LA VALEUR ALIMENTAIRE DES ALBUMOSES 383 albumine la solution d'un acide nucléique, on ob- tient un précipité contenant la nucléine. Cette sub- stance est le Lype d’uue série de corps fort répan- dus, formés par la combinaison d'une molécule albuminoïde avec d'autres groupes organiques. Il existe dans les lissus organisés des corps albu- minoïdes, attachés aux molécules riches en phos- phore, — tels que les nucléines, — ou aux groupes engendrant des hydrates de carbone, — tels que les mucines, la chondromucoïde, l'ovalbumine, — ou aux groupes formant des malières colorantes, — tels que les albumines colorées des globules rouges du sang. Quand on considère ensuile que ces albumines complexes peuvent entrer en combinaison entre elles ou avec les groupes prosthéliques, on conçoit que les cellules réalisent toutes les condilions né- cessaires à la formation d'une diversité infinie de corps albuminoïdes, dont chacun sera doué de nou- velles qualités chimiques parliculières et sera propre à une nouvelle fonction physiologique dé- terminée. D' Albrecht Kossel, Protesseur de Physiologie à l'Université de Marbourg a. L. LAN VALEUR ALIMENTAIRE : DES ALBUMOSES ET DES EXTRAITS DE VIANDE Les diverses substances que l'homme utilise pour son alimentation peuvent être divisées en deux -groupes : les aliments proprement dits et les con- diments. On désigne sous le nom d’aliment toute substance qui, une fois modifiée par les sucs di- ….seslifs, fournit les aliments de réparation de nos «tissus et les matériaux de la chaleur animale. Un rôle plus modeste, mais non moins important, est dévolu aux substances désignées sous le nom de — condiments : elles aussi renferment des éléments - nutritifs, mais leur destination principale est de rehausser le goût des aliments, de les faire facile- ment accepter et de favoriser la sécrétion du sue gastrique. Si l’on veut comparer l'organisme animal à une machine, les aliments seraient le charbon qui fait marcher la machine, et les condiments, l'huile qui évite le frottement et facilite le jeu réci- proque des divers rouages. Tous les deux jouent dans l'économie animale un rôle bien déterminé et à Le à Zeilschrift für physiologische Chemie, Bd XXII, S. 113. Archiv f. Analomie und Physiologie. Physiologische Ab- theïlung, 1893. S. 157. sont indispensables au fonelionnement régulier de la machine. Parmi les préjugés sur la valeur nutritive, ali- mentaire de certaines substances, il en est un qui est particulièrement répandu dans le public : c'est celui qui concerne la valeur de l'extrait de viande. Beaucoup de personnes s'imaginent que l'extrait de viande est une véritable quintessence qui ren- ferme les parties les plus nutritives de la viande, et que, par conséquent, une cuillerée d'extrait équi- vaut largement à un bon bifteck. Il ne m'appartient pas d'envisager ici l’origine de ce préjugé; mais, ce qui est certain, c'est que c'est sur ce préjugé, sur cette équivoque grossière, que fait fond, en très grande partie, l'industrie des extraits de viande, industrie qui, ces temps derniers, a pris un déve- loppement si considérable en Amérique et en An- gleterre. Il suffit, du reste, de parcourir les annonces que ces diverses compagnies industrielles (Ar- mour, Wyeth, Liebig, Kemmerich, etc.) publient dans les journaux, pour voir l'extrait de viande qualifié de « meilleur aliment, contenant toutes les parlies stimulantes, nutritives et toniques de la 384 D' R. ROMME — LA VALEUR ALIMENTAIRE DES ALBUMOSES viande sous une forme facilement assimilable ». Or, rien n’est plus téméraire que cette assertion. L'extrait de viande n'est pas un aliment, mais sim- plement un condiment, car la quantité de principes nutritifs qu'il renferme estdes plus limitées et ilne peut être pris à dose tant soit peu élevée. Les faits que nous allons citer, d'après un travail publié récemment par M. Voit (de Munich), le démontrent avec la dernière évidence. L'extrait de viande, préparé en premier lieu par Proust, en 1821, autre chose qu'un bouillon de viande concentré jusqu'à consistance sirupeuse. Comme le bouillon ordinaire, il ne renferme par conséquent que les parties de la viande solubles dans l’eau chaude. Les analyses anciennes, celles de Kemmerich, ont donné pour l'extrait de viande 27 °/, de substances albuminoïdes. Les analyses plus récentes de Stutzer ont fourni des chiffres moins élevés. Voici quelle serait, d'après lui, la composition de l'extrait de Liebig et de celui de Bovril : n'est EXTRAIT EXTRAIT de Liebig de Bovril en} 11 TOR So c 4,42 Substances vrganiques. . 31,26 SES Ne ASC 18,32 Les substances organiques se décomposent à leur tour en : Albumoses solubles . , . ( 20,50 10,81 Albumine insoluble. . . . ÿ 0,15 6,31 Matières extractives . . . 38,29 20,32 La composition de l'extrait de viande se rap- proche donc de celle dela viande en nature. Mais si on les envisage en tant qu'aliments, on trouve entre eux la différence suivante : Tandis que la viande peut être consommée en quantités notables sans provoquer d'accidents, l'extrait de viande n'est toléré qu'à très petite dose. Ainsi, la quantité d'extrait de viande qu'on peut prendre par jour, est, d'après Liebig, Kemmerich et autres, de 5 grammes par jour pour un adulte; on peut aller jusqu'à 10, voire même 15 grammes par jour ; mais c'est déjà la dose maxima qu'il ne faut pas dépasser sous peine de provoquer des troubles digestifs, de la diarrhée. Prenons donc la dose moyenne de 5 grammes. Cinq grammes d'extrait de viande renferment au plus 4 gramme de substances albuminoïdes solu- bles. Cette quantité est tout à fait infime, si l’on songe que, pour l’entrelien de son économie, au point de vue de léquilibre azoté seul, un adulte bien portant a besoin de 118 grammes de substances albuminoïdes par jour, et que cetle quantité est de 80 grammes par jour pour un malade ou un convalescent. Ce peu de valeur nutritive de l'extrait de viande, - quand il est pris aux doses usuelles, est démontré. encore par les expériences suivantes : Rubner, dans ses recherches faites sur des chiens, a trouvé que l'extrait de viande n'exerce aucune influence. sur l'élimination d'acide carbonique et la produc- tion de chaleur par l'organisme : la plus grande partie des principes qu'il renferme traversent l’économie sans être assimilés et se retrouvent dans l'urine. Politis prend deux séries de rats : dans l’une, les animaux sont soumis à l’inanition abso- , lue, dans l’autre chaque animal recoit 4 grammes d'extrait de viande par jour : ces deux séries suc- combent en même temps. Le résultat a été le même dans les expériences identiques faites par Kemmerich sur des chiens. Il va de soi que, si. les animaux soutenus avec de l'extrait de viande ne survivent pas aux animaux soumis à l'inanilion, c’est qu'en l'absence de matières hydrocarbonées l'extrait de viande, aux doses employées, renferme une quantité de substances albuminoïdes beaucoup trop insuffisante pour l'entretien de l’économie. Pour augmenter la valeur nutritive de l'extrait ordinaire de viande, quelques industriels ont eu l'idée de l’additionner de poudre de viande. Ils ont ainsi créé un extrait pâleux de viande, qu'ils ont. présenté comme étant cinquante fois plus nutritif que l'extrait ordinaire et constituant une sorte d'aliment concentré. Il suffit de regarder l'analyse ci-dessous de Stutzer pour voir jusqu à quel point cette assertion est peu justifiée. On trouve notam- ment, pour 100 grammes de substance sèche, dans: EXTRAIT pâteux YIANDE de Bovril Substances organiques. . 75,30 94,60 Sels. SR de ota 24,70 5,39 Les substances organiques se décomposent, à leur tour, en : Albumoses solubles . 10,47 » Albumine insoluble . . 9,17 86,72 Matières extractives . . . 25,66 1,88 Il résulte de ces analyses que l'extrait pâteux contient deux fois moins de substances albumi- noïdes et, en revanche, trois fois plus de sels et de matières extractives que la viande en nature. Si nous refaisons le même calcul que pour l'extrait liquide, nous trouvons que 5 grammes d’extrail sec (dose moyenne pour l'adulte) renferment un peu plus de 2 grammes de substances albuminoïdes, quantité, encore une fois, tout à fait insuffisante pour l’entretien de l’économie au point de vue de l'équilibre azoté seul. Faut-il ajouter que ces 2 grammes de substances D' R. ROMME — LA VALEUR ALIMENTAIRE DES ALBUMOSES 389 albuminoïdes, le consommateur peut les trouver dans 10 grammes de viande de boucherie, en réa- lisant en même temps une grande économie? En effet, d'après un calcul de M. Voit, 20 grammes de substances albuminoïdes, contenus dans 100 gram- mes de viande en nature, coûtent en moyenne 20 à 25 centimes, tandis que le prix de la mème quantité de substances albuminoïdes, sous forme d'extrait de viande, varie de 1 franc à 1 fr. 50, suivant les préparations. Une personne qui voudrait couvrir par l'extrait de viande les 118 grammes de sub- stances albuminoïdes dont elle a besoin pour l'équi- ibre azoté de son économie, aurait à dépenser 6 à francs par jour au lieu de 60 à 90 centimes que lui oûterait une quantité équivalente de substances buminoïdes sous forme de viande de boucherie. Tous ces faits montrent donc que l'extrait de viande ne peut nullement prétendre au litre d'aliment. Il renferme une trop petite quantité de principes nutritifs proprement dits ; il ne peut être pris en quantité suffisante sans provoquer des troubles digestifs ; il est d’un prix trop élevé pour la toute petite quantité de substances nutrilives qu'il renferme. Si les industriels continuent à le présenter comme un aliment, c'est à lort el en exploitant, comme nous l'avons dit, un préjugé, une équivoque grossière. L’extrait de viande, sans être un aliment, joue pourtant, comme nous l'avons dit, un certain rôle - dans la physiologie de l'alimentation : c’est un —condiment, et, comme tel, il peut être employé dans a confection des potages, des sauces, des soupes, on pour en rehausser la valeur nutritive, mais our en relever le goût. Ce rôle ne doit pas être éprécié, carsans le secours descondiments, nombre de substances alimentaires ne sauraient être uti- isées par l'estomac; en second lieu, les condiments combattent efficacement les effets souvent désas- reux de la monotonie des aliments. On sait notam- ent que, dans les prisons, l'alimentation monotone insipide provoque souvent des gastro-entériles aves et quelquefois mortelles, qui disparaissent quand, par l'addition de quelques condiments, on apporte un changement au goût des aliments. L’ex- - lrait de viande, comme tout autre condiment, peut être utilisé dans ce but. IT Ce que nous avons dit de l'extrait de viande “envisagé comme aliment, nous pouvons le répéter u sujet des albumoses. Les albumoses, telles que les livre l’industrie, ont des substances albuminoïdes modifiées et ren- dues solubles par les ferments digestifs (pepsine, “rypsine). Ce sont des pro-peplones, c'est-à-dire des substances intermédiaires entre les substances albuminoïdes et les peptones proprement dites. Plus facilement assimilables que les substances albuminoïdes, les albumoses et les préparations dont elles forment la base, sont restées pendant longtemps, comme les peptones, dans le domaine de la pharmacie, c'est-à-dire qu'elles étaient des- tinées aux malades dont les digestions et la nu- trilion laissaient à désirer. Plus tard, avec le secours d'une réclame bien comprise, une de ces préparalions, la somatose, fut lancée dans le grand publie comme aliment tonique facilement assimi- lable. L'opération réussit à merveille en Allemagne, où, à l'heure actuelle, la somatose fait une concur- rence sérieuse à l'extrait de viande et a acquis une telle vogue que les sociétés médicales ont eu à s'en occuper au point de vue de la santé publique. Aujourd'hui, les mêmes tentatives sont faites au- près du publie français, et, comme le public est partout le même, on peut prévoir le moment'où la conquête du marché français par la somatose sera un fait accompli. Il est donc intéressant d’être fixé, dès à présent, sur la valeur alimentaire des albu- moses en général, el de la somatose en particulier. Pas plus que l'extrait de viande, la somatose ne peut être considérée comme un aliment. Il est vrai que la somatose renferme près de 80°/, de sub- stances albuminoïdes et que celles-ei se trouvent sous une forme qui permet à l'organisme de les utiliser pour remplacer l’albumine de son orga- nisme. Mais, pour pouvoir jouer le rôle d’aliment, il faut encore que la résorption des substances albuminoïdes contenues dans la somatose se fasse d'une facon satisfaisante par l'intestin. Or, les expériences faites avec la somatose ont montré que cette résorption se fait très mal. Ainsi Ellisen nourrit des chiens pendant deux jours avec de la poudre de viande et pendant deux autres jours avec de la somatose; il dose l'azote des matières fécales correspondant à chacune de ces périodes, et voici les chiffres qu'il trouve : AZOTE AZOTE PERTE contenu contenu d'azote en 2}, dans dans par rapport les lesmatières à celui aliments fécales des aliments gr. gr. gr. Poudre ( {crjour. . 8,92 pl 1.0 5 6 « ; : 2, de viande ? 2e jour: . 8,92: f G ler jour... 8.92 s ss Somatose \ SQUe A 0 10,6 59,4 Û 2° jour. - 8,92 j Ainsi, sur 17 gr. 84 d’azole contenus dans la poudre de viande, on retrouve seulement 1 gramme d'azote non assimilé; par contre, sur 17 gr. 84 d'azote contenus dans la somatose, on trouve ce chiffre énorme de 10 gr. 6 d'azote non assimilé ; même en en défalquant les 2 gr. 98 d’azole prove- nant des sécrélions intestinales — car la somatose 386 irrite l'intestin, surtout quand la dose est tant soit peu élevée — on trouve encore 7 gr. 61 d'azote non assimilé. Autrement dit, tandis que l'azote de la poudre de viande est assimilé dans une proportion de 94,4 °/,, celui de la somatose l’est seulement dans une proportion de 40,6 °/,. Comme nous venons de le dire, l'inconvénient principal de la somatose est de provoquer de la diarrhée quand on la donne en quantité un peu élevée, et cette diarrhée, cela va de soi, s'oppose non seulement à la résorption de la somatose elle- même, mais encore à celle des principes nutritifs des aliments pris en même temps que la somatose. La dose qu'il ne faut pas dépasser, chez l'adulte, sous peine de provoquer un flux de l'intestin, est de 20 grammes au plus par jour, en 3 ou 4 fois. Et encore, même avec cette dose, la diarrhée apparaît au bout de quelques jours. Or, 20 grammes de soma- tose, dose maxima, renferment 18 grammes de sub- stantes albuminoïdes; si l’on songe que la moitié de cette quantité ne sera pas résorbée par l'intestin et que, pour l'entretien de l'économie au point de vue d'équilibre azoté seul, l'organisme a besoin de 118 grammes de substances albuminoïdes par jour, on concédera que, comme l'extrait de viande, les albumoses ne peuvent prétendre au titre d’ali- ment. Comme pour l'extrait de viande, il y a encore la question du prix. M. Voit a établi, sur ce point, un tableau fort suggestif que voici : 100 gr. de subst. album. sous forme d'œufs coûtent 0 fr. 5% 100 gr. — — “de lait — O0fr.71 100 gr. - — de viande — Afr. » 100 gr. — — desomatose— 7fr.8û La somalose est-elle au moins un condiment au méme titre que l'extrait de viande? En aucune facon, car les albumoses, étant complètement insi- pides, ne peuvent rehausser le goût des aliments, ni flaiter le palais. Il nous reste à envisager très brièvement la valeur des albumoses en tant que médicament. Ici encore, nous nous en liendrons à la somatose, qui en est le prototype. Au point de vue thérapeutique, la somatose sem- ble indiquée dans les cas où, par le fait des troubles digestifs résullant d’une insuffisance sécrétoire ou motrice de l'estomac ou de l'intestin ou des deux à la fois, il s’agit de fournir à l'organisme des subs- tances albuminoïdes déjà peptonisées, c’est-à-dire pouvant êlre directement résorbées et capables de D' R. ROMME — LA VALEUR ALIMENTAIRE DES ALBUMOSES réduire au minimum le travail du tube digestif malade. Or, lès faits que nous avons cilés plus: haut montrent que la résorplion dela somatose par l'intestin, même aux doses rationnelles, se fait d'une facon défectueuse et que la quantité de substances albuminoïdes qui, dans ces conditions, pénètre dans l'organisme et est utilisée par lui, est minime et tout à fait insuffisante pour l'entretien de l’économie. Il y a encore ce fait, que nous avons également signalé, à savoir que la somatose, en irritant l'intestin, augmente le travail sécrétoire de ses glandes et le travail moteur de ses luniques mus= culaires, et provoque de cette facon la diarrhée avec toutes ses conséquences sur la résorplion e l'assimilation des aliments ; autrement dit, au lieu de mettre le tube digestif au repos et de réduire au minimum son travail effectif, elle le met en état de suractivité fonctionnelle. Aussi les cliniciens qui comme Klemperer, ont sérieusement étudié les effets de la somalose, se sont-ils rattachés à l’opi nion de Neumeister, pour lequel les albumoses ne sont d'aucune ulilité chez les malades, et deviennent directement nuisibles quand on les donne pendant longtemps ou à dose élevée. D Si la somatose échoue dans les troubles digestifs. proprement dits, elle peut, par contre, être avanta= geusement employée dans certaines formes de cons= tipation habituelle, accompagnée d'inappétence Grâce à la propriété qu'elle possède d'augmenter 1 sécrélion des sues gastrique et intestinal et d’ex citer les mouvements péristaltiques de l'intestin, somalose, donnée à pelite dose (5 à 10 grammes pa jour), pendant quelques jours, régularise les selle et ranime l'appétit; les malades qui souffraien d'une inappétence absolue se remettent à manger: les forces reviennentet le poids du corps augmente Mais il est évident que celte amélioration de lé général ne peut être attribuée aux 4 grammes de substances albuminoïdes apportées à l'orga nisme par la somalose, mais au coup de foue donné par celte substance à l'intestin paresseux d ces malades. La somatose n’est ni un aliment ni un condi: ment : c'est un stomachique et un purgatif doux qui, comme tel, mérite d’être utilisé par le méde cin dans cerlains cas bien déterminés. | D' R. Romme, Préparateur à la Faculté de Médecin de Paris. Lie, és id di mi Col | \ + fe CR AA Lots A mY > ’ < : ie LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 387 REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE À de certains moments se produisent, dans le domaine de la Physique, comme, sans doute, dans ceux de toutes les sciences, des découvertes qui, brusquement, viennent briser les cadres où nous nous plaisons à enfermer nos connaissances. De nouveaux horizons surgissent alors, et la foule, chaque jour croissante, des chercheurs se précipite un peu en désordre vers les contrées récemment ouvertes à l’activité scientifique ; puis le calme se rétablit et l’œuvre de recherche continue avec mé- thode et patience. Après des découvertes comme celle de Rüntgen ou celle de Zeeman, il fallait qu'un certain temps s'écoulàt pour que l’on pût entièrement défricher le terrain conquis sur l'inconnu; pour une telle besogne, une année est peu de chose. Nous avons montré dans notre dernière revue de Physique! comment la tâche s’accomplissait, mais elle n'était point terminée; depuis lors, les travailleurs ont, sans qu'aucun événement imprévu soit venu dé- tourner leur attention, continué leur laborieuse et utile besogne. La plupart des nombreux et remarquables résul- tats qu'il convient de signaler ici apparaitront comme la suite naturelle de ceux que nous avons étudiés l'an dernier; aussi croyons-nous devoir demander aux lecteurs la permission de suivre un plan presque identique, au moins dans ses lignes générales, à celui qui nous a précédemment servi. I. — TuÉORIE DE L'IONISATION. C'est encore autour de la théorie de l'ionisation que viennent se ranger un nombre considérable de travaux ; nous n'exagérons point l'importance de cette théorie et l'influence qu'elle exerce sur la direction suivie par les physiciens en plaçant au début de nos études les recherches qui s'y rappor- tent. La discussion de plusieurs résullats expérimen- taux a permis de préciser quelques points relatifs à l'hypothèse des ions et a obligé à apporter diverses modifications aux idées précédemment admises. C'est par l'étude de la conductibilité des gaz que l’on saisit peut-être le plus directement le méca- nisme de la dissociation de la molécule en ions électrisés; aussi cette étude a-t-elle de nouveau attiré l'attention d'un certain nombre de physiciens. M. Mac Clelland a mesuré la conductibilité des gaz chauds des flammes, en étudiant la vitesse de 4 Voir Revue gén. des Sciences, 1898, p. #18. chute du potentiel d'une lige placée dans l'axe d'un tube de laiton en communication avec le sol et traversé par le gaz qui provient d'une flamme d'un bec de Bunsen. Pour interpréter les résultats obtenus, on est amené à admettre que les ions posi- tifs et les ions négatifs ne doivent point avoir la même vitesse. M. Zélény arrive à la même conelu- sion en étudiant les gaz ionisés par les rayons de Rôüntgen ; cette différence de vitesse pourrait être attribuée à ce que les ions n'ont pas la même gran- deur, tout en portant des charges équivalentes. MM. Smitlhells, Dawson et Wilson arrivent à des résultats plus complexes; d'aprèsleurs expériences, qui paraissent bien conduites, laconductibilité élec- trique des flammes, contenant des sels vaporisés, ne serait pas, au moins dans le cas des métaux alcalins, analogue à une conductibilité électroly- tique; la coloration de la flamme, qui fournit d'autre part de précieux renseignements sur la constitution des gaz, ne semble point attribuable à une jionisalion. Quelques phénomènes s'accordent mieux avec l'hypothèse ; ainsi, M. Marc montre que, sous l'in- fluence d'une force électromotrice élevée, les gaz subissent une augmenlalion de volume qui, dans certains cas, parait vraiment attribuable à une ioni- sation des molécules, et M. Wesendonk, reprenant des expériences de J.-J. Thomson, explique com- ment des gaz filtrés perdent complètement leur pouvoir conducteur. Appliquée aux dissolutions, la théorie a conduit à quelques résultals intéressants. M. Kohlrausch montre comment la connaissance de la mobilité des ions permet de calculer la conduclibilité d'une dis- solution, au moins pour quelques groupements particuliers. On a cherché aussi si l’on pourrait, dans la même hypothèse, interpréter certains phé- nomènes qui paraissent toucher de très près à la constitution intime des corps. Ainsi, M. Bagard ayant montré l'existence d’un phénomène de Hall, dans le cas d’un électrolyte binaire, on peut se demander si ce résultat est conforme aux théories de l’ionisation. Pour l'expliquer, M. Donnau est obligé de faire in- tervenir la pression osmotique; tandis que M. Wind modifie la théorie de Lorentz en introduisant, comme nous l'avons vu faire tout à l'heure par d'autres auteurs pour le cas des gaz, cette idée que la vitesse moyenne de déplacement n'est pas, en général, la même pour les ions positifs et pour les ions négalifs. Si pareillement l’on veut interpréter le phénomène de Kerr, il faudra, d'après le même 388 LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE physicien,admettre qu'il existe en général, dansun milieu quelconque, deux sortes d’ions:les uns, qu'il appelle les ions diélectriques, et qui sont ceux qu'a surtout envisagés Lorentz; les autres, les ions de conduction, qui provoqueraient, par leur mouve- ment, des forces exercées par les particules pondé- rables avoisinantes, et qui seraient proportionnelles à ce mouvement. M. H. Poincaré, dans un même ordre d'idées, a montré que la théorie de l'ionisa- tion prouve que le phénomène de Hall doit exister pour lous les métaux qui porteraient une forte charge et changer de signe avec cetle charge. Ce phénomène n’a point encore élé observé, et M. Poin- caré décourage un peu les expérimentateurs qui pourraient être tentés de le rechercher, en mon- rant qu'il est peut-être assez pelit pour échapper à l'observation et que, d’ailleurs, il pourrait tou- jours être attribué à l'actif de théories très diffé- rentes. Ainsi, les théories de l'ionisation ne sauraient elles être encore considérées comme définitivement assises, et il reste permis d'apporter aux concep- tions fondamentales les modifications que suggèrent les découvertes récentes, ou même simplement l'imagination des théoriciens. Parmi les édifices ainsi échafaudés, et qui sont, pour la plupart, sans doute, appelés à disparaître assez vite, il faut faire une place à part au système construit par M. Riecke. Il présente, ce système, un intérêt incontestable, et il a l'avantage de former un ensemble homogène dont les parties sont solidement reliées les unes aux autres. M. Riecke remarque, non sans raison, que les théories de la conductibililé électrolytique et la théorie de Lorentz rentrent, en somme, dans la catégorie des idées de Coulomb, d'Ampère et de Weber, et le point de départ du développement qu'il donne à ces idées est une modification d'une hypothèse de Weber. Il suppose que les molécules pondérables des métaux émettent dans toutes les directions des particules plus petites, les unes élant chargées positivement, les autres négativement ; la trajectoire de ces particules est une ligne droite jusqu'au moment où un choc vient à modilier leur direction; elles peuvent se communiquer de proche en proche leur vitesse et, comme de cette vitesse dépend leur température, on peut concevoir par quel mécanisme la chaleur se propage par conduc- tibililé. L'effet d’une force électro-motrice est de courber la trajectoire des particules électrisées; il se produit alors un mouvement de translation d'une quantité d'électricilé positive dans le sens de la force électro-motrice. Les effets Peltier et Thomson, l'influence d’un champ magnétique sur la conduc- tion de l'électricité et de la chaleur, s'interprètent très bien dans cette manière de voir. Enfin, l'auteur pense que les rayons cathodiques pourraient être constitués par les particules chargées d'électricité négative, qu'il a élé amené à envisager dans sa théorie, tandis que ies rayons anti-cathodiques seraient formés par les particules positives. II. — RAYONS CATHODIQUES ‘. DÉCHARGES ÉLECTRIQUES DANS LES GAZ. L'hypothèse émise par M. Riecke rend bien compte des propriétés générales des rayons catho- diques, mais elle n’est certainement pas la seule possible, et un accord parfait ne règne point encore parmi les physiciens au sujet des interprétations que suggèrent ces rayons. Leurs propriétés elles-mêmes sont encore su- jettes à des contestalions. Les lois de la propaga- tion, par exemple, ne se dégagent point encore avec une netleté satisfaisante, et des affirmations presque contradictoires sont émises par des expé- rimentateurs dignes cependant de toute confiance M. Starke pense avoir mis en évidence, soit par l'observation d’une substance fluorescente, soit par la charge communiquée à un cylindre de Faraday, l'existence d'une réflexion diffuse par les mélaux, le pouvoir réflecteur d'un métal élant, en général, proportionnel à sa densité. M. Jaumann persiste à croire que ses expé- riences, dont nous avons déjà parlé, prouvent l'existence de phénomènes d'inlerférences, et il montre que la vitesse de propagalion serait envi- ron la trois-centième partie de celle de la lumière. M. Ritter von Getler ne croit pas des interférences possibles; il fait cependant une observation cu- rieuse qui serait, au premier abord, de nature à faire supposer l'existence de franges; en plaçant sur le trajet des rayons cathodiques un fil opaque, on aperçoit une ombre qui s’élargit ou se rétrécit suivant que le fil est chargé positivement ou néga- tivement. En étudiant ce fait déjà connu, il montre que les circonstances du phénomène ne sauraient permettre de trancher, d'une façon absolue, la querelle toujours pendante entre les partisans de la théorie des ondulations et ceux de la théorie de l'émission. Il estime, toutefois, que l'apparence M observée s'expliquerait fort bien en admettant que les franges ne se produisent point en réalité simul- tanément, mais bien à des intervalles dus aux oscil- lalions de la bobine. Quoi qu'il en soit, l'électrisation des rayons, qui 1 Ce chapitre était écrit quand a paru, dans un précédent numéro de la Revue (30 avril), l’article où M. Villard expose avec une si grande compétence les questions relatives à la formation des rayons cathodiques: nous prions le lecteur de vouloir bien compléter notre court résumé en se repor- tant à ce remarquable article. joue évidemment un rôle dans ces phénomènes, est, depuis les belles expériences de M. Jean Perrin, hors de doute, et elle conduit à des remarques intéressantes. M. Wien constate que les rayons restent chargés négativement, même après leur passage dans une fenêtre en aluminium en com- municalion avec la terre, et c'est ce qui explique comment ils peuvent encore être déviés dans un champ électrostatique; leur vitesse serait environ le tiers de celle de la lumière. M. Lenard trouve semblablement que la charge négative parait abso- lument inséparable du rayon cathodique; aussi un diélectrique solide traversé par un faisceau de rayons doit-il livrer passage à l'électricité négative. Des expériences de MM. Battelli et Garbasso semblent prouver, cependant, qu'un conducteur isolé frappé * par des rayons cathodiques peut se charger néga- tivement, et les auteurs ne sont pas éloignés de croire qu'il existe, dans l'intérieur des tubes, des particules matérielles chargées positivement. La diversité des rayons ne peut d’ailleurs plus être contestée; le fait, établi précédemment par M. Deslandres, de la division du rayon ordinaire en rayons simples correspondant à des oscillations électriques simples, est aujourd'hui entièrement confirmé. D'ailleurs, l'existence des rayons de Goldstein découverts en 1881, retrouvés par M. Vil- lard, est également hors de doute. D'après un tra- vail récent où M. Goldstein reprend ses anciennes recherches, il se produirait, à la paroi anticatho- dique, une diffusion, et les rayons diffusés seraient transformés, comme M. Sagnac à établi que les rayons X pouvaient l'être. M. Campbell Swinton montre directement, au moyen d'une pelite roue munie de palettes, l'existence d'un courant rame- nant, de l’anode vers la cathode, des ions chargés posilivement. M. Broca établit aussi qu'il existe des rayons anodiques capables de métalliser la paroi opposée ; ces rayonnements sont dus sans doute à des particules matérielles de métal. Cette concep- tion est à rapprocher de l'ingénieuse idée de M. Villard, idée que l’on se rappelle sans doute, et d'après laquelle les rayons cathodiques sont dus à de l'hydrogène: notons que cette idée a été reprise et confirmée par M. Schuster. En étudiant l'ombre cathodique d’un objet électrisé, M.S. P. Thompson est amené à admeltre l'existence de rayons qu'il nomme para-cathodiques, et qui différeraient des rayons cathodiques particulièrement par ce fait qu'ils ne pourraient donner naissance à des rayons de Rüntgen. L'action d’un champ magnétique sur les rayons a été éludiée par MM. Wiedemann et Wehnelt, qui ont pu vérifier, au point de vue quantilalif et qua- lilatif, les calculs que M. H. Poincaré a faits, en par- tant de la théorie de l'émission, surl'action qu'exerce LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 589 un pôle d'aimant. De même, en se servant, comme d'électrodes dans un tube de Crookes, des deux pôles d'un électro-aimant de Faraday, M. Phillips retrouve des résullats conformes aux prévisions; il signale un fait qui n'avait point encore élé ob- servé : si l’on fait fonctionner le tube de Crookes, sans que l'électro-aimant soit excilé, puis qu'on supprime la décharge en excitant, au contraire, l’électro-aimant, on voilapparaitre ur anneau lumi- neux qui parait tourner sur lui-même avec une grande vilesse. Divers expérimentaleurs se sont préoccupés de rechercher la façon dont se comportent les rayons au point de vue de l'énergie. M. Kauffmann estime que toute l'énergie électrique se transforme en éner- gie cinétique. M. Wiedemann montre qu'une frac- tion seulement de l'énergie d’un faisceau se trans- forme en lumière. M. Riecke mesure, à l’aide d'un radiomètre, la pression produite par laréaction des rayons cathodiques sur la cathode, et il trouve ainsi la même valeur que si toute la force vive se transformait intégralement en chaleur. Il est amené, par la discussion de ses expériences, à penser, comme d’autres auteurs l'ont indiqué, que la cathode doit aussi émettre des charges positives. M. Wehnell signale un fait intéressant : il montre que l’espace obscur qui existe autour de la cathode se comporte, par rapport à la décharge, comme un diélectrique ; si cet espace obscur sépare complète- ment l’anode et la cathode, on obtientune décharge qui se comporle entièrement comme une décharge disruptive; elle possède, par exemple, les pro- priétés que l’on connait aux étincelles produites dans les expériences de Hertz. M. Wehnelt signale aussi ce fait que, si l’anode estun point, tandis que la cathode est une surface étendue, ou réciproque- ment, le potentiel explosif augmente notablement par une diminution de distance quand l’anode est dans l’espace obscur. M. Precht, dans un ordre d'idées semblable, montre que, dans une décharge, l'on peut rendre prédominante lélectricité positive ou l'électricité négative en prenant pour anode où cathode une pointe, tandis que l’autre pôle est une surface sphé- rique. M. Hagenbach a fait une étude inléressante sur le même sujet,et c'est en partant d'une idée sem- blable que M. Villard a tout dernièrement réussi à réaliser un très ingénieux redresseur cathodique de courants induits; ilavait déjà montré qu'à une pres- sion donnée, la résistance électrique d’un tube de Crookes dépend uniquement de la section du cou- rant gazeux positif qui alimente l'émission catho- dique; ce courant peut être resséré par l'emploi de tubes étroits et de cathodes de faible diamètre; on utilise cette propriété pour constituer une sorte de soupape électrique. 390 Les décharges électriques dans les gaz non raré- fiés ont donné lieu à des travaux très divers: signa- lons particulièrement des recherches de M. Toepler, qui tendraient à prouver qu'avec une machine de grand modèle on peut, à la pression ordinaire, obtenir des effets analogues à ceux que l'on obtient dans le vide. M. Henri à étudié la déviation de la décharge par le champ magnétique; il établit que la décharge s'effectue toujours par le chemin qui présente la résislance la plus faible, mais les cou- rants de conveclion peuvent changer la direction de ce chemin, qui n'est pas nécessairement le plus court. Tout récemment, M. Abraham a publié un cerlain nombre de documents photographiques, qu'il a eu occasion de réunir dans ces dernières années, et qui mettent nettement en évidence la décomposilion d'un courant à haut potentiel en une série de charges disruptives. Examinant les aspects produits dans les gaz sui- vant le degré de raréfaction, M. Battelli est amené à imaginer une théorie ingénieuse et qui mérite d’être retenue. Il admet que les molécules des gaz sont d'abord polarisées et se disposent suivant des chaines analogues à celle que l’on imagine dans l'hypothèse classique de Grotthus; entre les molé- cules de ces chaines se produisent, comme dans l'électrolyse, des échanges d'atomes. D'ailleurs, ainsi que MM. Ebert et Wiedemann l'ont déjà sup- posé, les charges de ces molécules peuvent agir les unes sur les autres, de telle manière qu'elles vont produire des déplacements donnant lieu, à leur tour, à des oscillations qui font apparaitre les vibrations lumineuses. C'est ainsi que se produiraient les phé- nomènes dans un tube où la pression est encore assez grande pour qu'il y existe un espace obscur; vient-on à diminuer la pression, les choses vont changer, les molécules se scindent en ions, qui sont lancés avec une grande vitesse, laquelle n'est pas nécessairement celle mème des rayons cathodiques. III. — RayYoxs DE RONTGEN; RAYONS DE BECQUEREL. Les questions les plus naturelles que posàt la découverte de Rüntgen sont encore, il faut l'avouer, restées sans réponse définitive, et tous ceux des physiciens qui ont pris position dans les discussions soulevées à ce sujet peuvent encore, en toule sincé- rité, conserver leur manière de voir. Rüntgen continue à voir, dans les rayons qu'il a découverts, une sorte particulière de rayons catho- diques. Lenard professe une opinion semblable, et il envisage rayons cathodiques et rayons X comme des rayons de même nature, ne différant que par l'intensité provoquent. Walter pense que les rayons de Rônigen sont les des phénomènes qu'ils parlicules des rayons cathodiques, réfléchies ou LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE | plutôt diffusées dans tous les sens par l’anticathode, après qu'elles ont cédé à cette anticathode leur charge électrique. Et c'est précisément cette perte de charge qui, d’après lui, explique les différences observées, c'est à cause d'elle que les rayons X ne sont plus déviés par le champ magnétique, c'est à cause d'elle qu'ils traversent plus aisément que les rayons cathodiques les corps matériels, au- cune attraction ne s'exercant plus entre ces parti- cules déchargées et les particules de la matière traversée. Les rayons cathodiques possèdent, on le sait d’ailleurs, une vitesse d'autant plus grande que les tubes sont plus raréfiés; c'est pour cela qu'il existe des rayons X ayant également un pou- voir plus considérable de transmission. Les résul- tats obtenus par M. Swinton montrent bien que ce sont les rayons cathodiques correspondant à une grande vilesse moyenne des molécules, qui pro- duisent les rayons X les plus pénétrants sans qu'in- tervienne la nature de l'anticathode. Les expé- riences de M. Sagnac s'interprètent également; le rayons transformés ayant perdu de la vitesse sont plus facilement absorbés, ou plus tôt arrêtés que les rayons directs; quant à l’ionisation provoquée dans les gaz, elle peut se comprendre comme une sorle de dislocation produite dans la molécule par le choc des particules qui constituent les rayons. Quelque séduisantes que paraissent de telles théories, elles sont loin d’entrainer la conviction; elles peuvent, en effet, être remplacées par des idées entièrement différentes qui expliqueront, avec le même succès, la plupart des faits connus. J. J. Thomson, par exemple, voit dans les rayons X des pulsations de petile amplitude produites au moment où, brusquement, les particules électrisées qui forment les rayons cathodiques viennent à frapper la paroi anticathodique. L'induction électro- magnélique fait que le champ magnétique ne s'annibile point au moment où la parlicule s'arrête, et le nouveau champ produit, qui n'est pas en équi- libre, se propage dans le diélectrique comme une pulsation électrique. Les pulsalions électriques et magnéliques excilées par ce mécanisme peuvent donner naissance à des effets semblables à ceux de la lumière; toutefois, leur faible épaisseur est cause qu'iln'y aura ni réfraction ni phénomènes de diffrac- tion. Si la particule cathodique n'est pas arrêtée en un temps nul, la pulsalion devra prendre une plus grande amplitude et sera, par suite, plus facilement absorbable; c'est de là que proviennent les diffé- rences qui peuvent exister entre diverses ampoules et divers rayons. M. Sutherland a publié, il y a peu de temps, un mémoire important où il envisage les rayons X comme dus à la propagalion, dans l'éther, de charges atomiques libres ou électrons pouvant se mouvoir sans support matériel; ces électrons, # RC GR UOTER TROIE ve AR ns TL ” rt LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 394 qui forment également les rayons cathodiques, seraient considérablement plus pelits que les atomes matériels, et peuvent traverser des épaisseurs assez grandes de matière. Il ne nous est point possible de faire un choix rationnel entre ces théories et beaucoup d'autres encore que l'on pourrait citer ; aussi répélons-nous ce que nous écrivions ici même l'an dernier : il nous paraît plus utile, pour le moment, d'élucider les propriétés des rayons que a priori la cause; et de même aussi que lan der- nier, nous avons à signaler, tout à fait à part, dans cet ordre d'idées, la continuation des travaux de M. Sagnac. Cet ingénieux physicien a précisé les résultats que nous avons déjà indiqués, relatifs à la trans- formation des rayons X par la matière; il montre, comme conclusion générale de ses études, que les phénomènes de transformation des rayons X par la matière sont, pour ces rayons, ce que les phénomènes de luminescence sont pour les rayons ultra-violets; ils dévoilent, entre les rayons X et la matière, des relations caracléristiques. D'au- tre part, les rayons lransformés sont divers : il existe loute une gamme graduellement descen- dante de rayons de plus en plus absorbables, à tel point que ceux que l’on obtient avec le plomb ont la plus grande partie de leur action photographique arrêtée par une simple feuille de papier noir. Signalons aussi un travail tout récent de M. Wind, et dont le résultat, s'il se confirme, est fort impor- tant: M. Wind aurait obtenu des phénomènes nets de diffraction avec des rayons X. Les rayons que M. Becquerel a découverts ont été, eux aussi, l’objet de remarques importantes. M. Rutherford les a éludiés par l'ionisation qu'ils produisent, et qui semble à peu près indépendante de la nature du gaz. D'après ce physicien, la vadia- tion émise ne serait pas simple; il y aurait une radiation très absorbable par le gaz et les mélaux, une autre qui, au contraire, le serait fort peu. Dans l’ensemble, les propriétés de ces rayons sont ana- logues à celles des rayons de M. Sagnac. Quant à lionisation, M. Rutherford est amené à considérer qu'elle est proportionnelle à l'intensité de la radia- tion et à la pression du gaz. M. Schmidt, qui découvrit, indépendamment de M: Curie, les rayons du thorium, montre que ces rayons ne se polarisent pas, contrairement à une remarque faite par M. Becquerel pour les rayons de l'uranium; d’ailleurs, d’après M. Schmidt, un très grand nombre de substances émettent des rayons analogues qui, cependant, n'ont pas la propriété de rendre l'air conducteur, ainsi, par exemple, le spalh fluor, ainsi la rétine. M. Bec- querel lui-même a repris récemment l'étude du d'en chercher rayonnement de quelques corps radio-aclifs, el montré comment l'absorption permet de différen- cier les rayonnements de nature différente. Les lecteurs de la /Æevue connaissent lous les admirables recherches de M" et de M. Curie; elles ont été exposées ici même dans un article® que personne n'a dû oublier. Nous ne reviendrons point celte année sur cetle question, mais l'impor- tance d’une méthode qui fournit au chimiste un procédé de recherche comparable à l'analyse spec- trale, l'originalité, la nouveauté des aperçus aux- quels ont été conduits les auteurs, nous permel- tent de prévoir, à coup sûr, que nous aurons par la suite plus d'une fois à enregistrer de nouvelles découvertes accomplies dans la même voie. IV. — PuéNOMÈNES DE LUMINESCENCE. ACTIONS PIOTOGRAPHIQUES. Les rayonnements éludiés par M”° et M. Curie provoquent la fluorescence, comme font les rayons X. Les phénomènes de luminescence pren- nent, par suite de ces nouvelles découvertes, une imporlance de plus en plus grande, et des travaux variés sont venus se joindre à ceux que nous avons antérieurement indiqués et qui avaient trait à l'étude directe de celte question. On trouvera, dans un article de M. Cotton?, des remarques fort intéressantes sur l'application de la loi de Kirchhoff à ces phénomènes. M. Jackson a fait, devant l’Associalion britannique, une remar- quable conférence sur la luminescence, où il passe en revue tous les faits connus, et où il critique les interprélations et les hypothèses imaginées par les divers physiciens qui se sont oceupés de ce sujet. La conclusion de M. Jackson est que, contraire- ment à une idée qui à aujourd'hui bien des parti- sans, la lumière émise par une substance fluores- cente ne serait pas attribuable à des traces d'impureté; selon cet auteur, il se produirait des actions qu'il explique à l’aide d'une théorie assez semblable à celle de Crookes relative à la matière | radiante. | On sait que MM. Wiedeman et Schmidt attri- buent la phosphorescence et la fluorescence à des phénomènes de recombinaison d'ions séparés lors de l'excitation de la substance; on peut se deman- der si les phénomènes actino-électriques, c'est-à- dire la déperdition d'électricité négalive que pro- duit une radiation tombant sur un corps électrisé, | ne pourraient pas de même s'expliquer par la pré- sence d'ions libres: les expériences ne semblent pas | justifier cette conception, et il n'apparait aucun | Sert 1 Voir la Rev. gén. des Sciences du 30 janvier 189, page #1. 2 Jdem, livraison du 15 février 1899, p. 102. 392 rapport simple entre l'ionisation, la fluorescence et l’actino-électricité. MM. Lumière ont publié, dans le même ordre de recherches, des remarques intéressantes sur la variation de la phosphorescence avec la tempéra- ture. Le mécanisme de l'action photographique a, sans doute, les relations les plus étroites avec celui dela luminescence; il semble bien que l’action chimique proprement dite est précédée d'une action attribua- ble à une véritable ionisation ; mais là encore la nature n'a pas livré son secret et aucune conclusion ferme ne peut êlre énoncée. Quelques remarques nouvelles sont cependant à signaler. Plusieurs physiciens ont étudié un fait autrefois indiqué par M. Pellat et par M. Colson : l'action qu'exerce sur une plaque, dans l'obscurité absolue, un métal tel que le fer. MM. Muraoko et Kasuja généralisent cette observation; ils montrent que des corps très nombreux impressionnent à dis- tance une plaque sensible, et, si le phénomène peut êlre atlribué, dans plusieurs cas, à des vapeurs, il y a certains corps, tels que l’'oxyde de cadmium, dont le rôle ne se comprend point dans cette manière de voir. M. Russell, qui à fait une étude analogue, croit plutôt que dans toutes ses expériences on peut admettre une vaporisalion. Nous ne pouvons qu'indiquer en quelques mots : un travail de M. Liesegang, où l’auteur donne une théorie, appuyée par de nombreuses expé- riences, de la formation de l'image latente et de son développement, en partant de l'idée que la lumière, agissant sur le bromure, donne naissance à un sous-bromure ; une note de MM. Lumière, où ces habiles expérimentateurs prouvent que l’exci- tation photographique se produit à très basse tem- pérature, et même que vers — 200° elle s'emmaga- sine d'une facon qui parait plus marquée qu'aux températures ordinaires; les curieuses expériences de M. Guebard, par lesquelles ce physicien établit que la plaque photographique voilée peut servir à l'enregistrement des phénomènes internes du bain révélateur, tels que les courants dus à des phéno- mènes d'osmose ou à des actions thermiques. M. Villard a été amené, dans ses recherches sur les rayons X, à une remarque très importante et dont il a tiré des conséquences fort intéressantes pour la photographie; il a constaté que la lumière peut détruire l'impression que les rayons X ont produite sur le gélalinobromure d'argent; sans doute il y a là quelque chose d'assez analogue au renversement observé autrefois par Ed. Becquerel avec une plaque daguerrienne que l'on expose aux rayons rouges après l'avoir impressionnée par les rayons bleus. Partant de cette observation, M. Vi lard conclut qu'une plaque sensible exposée aux LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE rayons X, constitue virtuellement une sorte de tableau noir sur lequel la lumière peut dessiner en blanc, et il montre que l’on peut ainsi obtenir directement une épreuve positive; de même, il sera aussi facile d'avoir une radiographie posilive avec ses demi-teintes. V. — TRAVAUX D'OPTIQUE. Si les rayons X, les rayons de Becquerel, les rayons transformés sont des rayons de longueur d'onde très petite, que l’on parviendra peut-être un jour à souder aux rayons ullra-violets, mais qui en sont encore séparés par un espace telle- ment inconnu que l’on ne saurait même prévoir les difficultés que peut réserver son exploration, de l’autre côté du spectre visible s'étend, entre les radialions électriques et les radiations infra-rouges, une région qui, de jour en jour, est mieux étudiée. M. Guillaume‘ a montré, par diverses formes de représentalion, aux lecteurs de la ?evue la carte des régions connues, et il a indiqué les régions qui res- tent encore à découvrir; ils savent donc que pour rejoindre les ondulations électriques aux ondula- tions les plus longues étudiées en Optique, il ne nous reste plus à faire qu'un effort que l’on sent graduellement possible. Nous avons déjà eu l'occasion d’insisler, dans des articles précédents, sur les travaux remarqua- bles accomplis dans cette voie par divers expéri- mentateurs. MM. Rubens et Aschkinass ont continué leurs recherches; ils ont étudié particulièrement des rayons voisins de 24 y, que l’on obtient par la méthode déjà décrite, qui consiste à filtrer en quelque sorte les radiations par la réflexion d'un faisceau sur quatre miroirs successifs de fluorine. Les radiations ainsi obtenues ont des propriétés intéressantes : comme Paschen l'avait déjà remar- qué, elles sont grandement absorbées par la vapeur d'eau, et c'est sans doute par suite de celte absorp- tion qu'on neles trouve point dans le spectre solaire. L'eau, le phénol sont opaques pour elles, tandis que la benzine et le sulfure de carbone sont transpa- rents : on remarque, d'ailleurs, que pour ces subs- tances, conformément à la loi de Maxwell, le carré de l'indice limite calculé par la formule de Cauchy diffère peu de la constante diélectrique. Avec des miroirs de sel gemme et de sylvine, les mêmes phy- siciens ont obtenu, en prenant un bec Auer comme source, des radiations allant jusqu'à 70 4; ces radia- tions traversent la gutta-percha, le caoutchouc ; les substances les plus transparentes sont, en général, les plus isolantes. On sent que l'onapproche des radiations électriques ; il est, en effet, à remar- 1 Voir Revue gén. des Sciences, 1899, p. 5. us tt tt D. dut nt POPRNT VON SRE CE quer que la longueur d'onde de ces rayons est cent fois plus grande que celle des derniers rayons rouges visibles, et soixante-dix fois plus petite seu- lement que celle des ondes électriques de courte période étudiées par M. Lampa. MM. Rubens et Aschkinass ont, dans un mémoire récemment paru, signalé ce fait curieux, que le quartz présente, pour lesrayons qu'ils ont réussi àobtenir, d’une manière particulièrement nelte le phénomène de la disper- sion anomale. D'autres travaux d'Optique méritent d'être men- tionnés. M. Abramezik a étudié l'émission du sel gemme avec un bolomètre parliculier; il montre que la chaleur émise se compose, comme Magnus avait cru déjà le voir, d'une partie absorbée par le sel, conformément à la loi générale de réciprocité; mais une seconde partie, au contraire, traverse bien le sel gemme lui-même : ce fait pourrait ètre consi- déré comme une exception extraordinaire au prin- cipe de Kirchhoff, si l’on ne pouvait admetire que ces radiations inaltendues sont produites par des inclusions microscopiques qui pénètrent le cristal. M. Kurlbaum a, dans une série remarquable d’'ex- périences, cherché à déterminer le rayonnement en valeur absolue, c'est-à-dire en unités d'énergie. A cet effet, il produit par la variation de la chaleur de l'effet Joule, variation due à un changement dans l'intensité du courant,une diminution de résistance du bolomètre qui compense exactement l’augmen- tation à laquelle la radiation donne naissance. Le corps rayonnant est un corps noir formé par une enceinte close noircie intérieurement, percée seu- lement d’une ouverture dont la surface forme la surface rayonnante. Les phénomènes de dispersion anomale mon- trant, de toute évidence, que l'indice de réfraction et le pouvoir absorbant ne sont pas indépendants l’un de l’autre, M. Pfluger a cherché quelle relalion pouvait exister entre eux; il a, dans cette vue, “ mesuré directement, pour la fuchsine et pour la - cyanine solide, d'une part, l'indice d'extinction sur de petites épaisseurs évaluées par une méthode analogue à celle de Wiener, comme l'avait antérieu- rement fait M. S. Bloch, et, d'autre part, lesindices de réfraction par la méthode du prisme. Les résul- tats semblent en accord suffisant avec ceux que l'on peut déduire des formules de Kettler et d'Helmholtz. Signalons aussi, dans le même ordre d'idées, un bon travail de M. Wood sur la dispersion anomale de la cyanine. On sait que, si l’on éclaire avec de la lumière polarisée rectilignement une surface diffusante, on observe en général deux directions particulières, suivant lesquelles une assez forte proportion de lumière est polarisée cireulairement, M. Lafay a étudié ce phénomène pour le verre dépoli, et ila LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 393 recherché quelle pouvait être l'influence des divers éléments, polissage, indice, couleur, orientation du plan de polarisation incidente ; il trouve ainsi qu'il existe une ressemblance assez inattendue entre la diffusion vitrée et la réflexion régulière sur les métaux polis. Au sujet de cette réflexion, mention- vons un travail de M. Trowbridge, qui établit que les meilleurs miroirs sont ceux que forment les métaux bons conducteurs. Les études sur le spectre ont fourni, comme d'or- dinaire, d'intéressants résultats. M. Humphreys a continué des expériences de longue haleine sur les changements que produisent diverses causes dans la fréquence des ondes des lignes des spectres d’émis- sion ; il montre, par exemple, qu'un accroisse- ment de pression déplace toutes les lignes isolées vers l'extrémité rouge du spectre. Une hypothèse curieuse a été suggérée à M. Johnstone Stoney par ses recherches de spectroscopie; il remarque que, dans la théorie cinétique des gaz, la vitesse moyenne de translation des molécules est déterminée par la tempéralure; mais, toutes les molécules n'ont pas la même vitesse, et il se peut faire que quelques- unes d'entre elles acquièrent des vitesses considé- rables. Ainsi, conçoit-on que certaines molécules, correspondant à la couche extrème de l'atmosphère d'une planète, possèdent des vitesses telles qu'elles échappent à l'attraction de cet astre, et gravitent ensuite autour du Soleil d’une façon indépendante. Un tel mécanisme pourrait expliquer comment notre atmosphère a perdu l'hydrogène et l'hélium qu'il pouvait contenir initialement, comment aussi la Lune ne possède plus ni azote ni oxygène. L'étude des radiations nécessite un spectroscope, et,de plus en plus, ilest nécessaire d’avoir des ap- pareils précis et commodes; MM. Broca et Pellin ont construit un beau spectroscope à grande dis- persion et à déviation fixe, qui peut rendre grand service. Mais quand on veut obtenir des spectres normaux, il faut recourir à des réseaux ou à une méthode comme la célèbre méthode de M. Michel- son, la méthode de la visibilité des franges d'inter- férence. Le grand physicien américain, remarquant que sa méthode a l'inconvénient d'exiger des mesures très longues, s'est proposé d'apporter à la construc- tion des réseaux d'importants perfectionnements ; avec M. Statton, il a construit une machine à divi- ser, où l'on corrige les défauts de la vis par l’obser- vation de franges d’interférence, et il pense pouvoir donner aux sillons des traits une forme telle que la plus grande partie de la lumière soit concentrée dans un seul spectre. Il a, d’autre part, imaginé un appareil qu'il appelle le spectroscope à échelons, et dont le principe consiste à empiler l'une sur l’autre des lames de verre d'égale épaisseur, dont chacune LUCIEN POINCARÉ — 394 REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE Un A Ta / # est en saillie sur la précédente.Le système se com- porte comme un très puissant réseau ; le seul point délicat endre constante, au point de vue oplique, l'épaisseur des couches d'air emprison- nées entre les lames. Celle complication disparaît d'ailleurs, si l’on opère par transmission ; M. Michel- son est arrivé, par ce procédé, à dédoubler des raies dont la distance est la neuf centième partie de celle qui sépare les raies D, et D.. On peut rapprocher de l'admirable instrument de M. Michelson l'appareil construit par MM. Fa- bry et Pérot, et qui fournit à ces ingénieux phy- siciens une nouvelle méthode de spectroscopie interférentielle. Ils remarquent, d'une manière générale, que l'aspect d'un système de franges, produit par une lumière qui n’est pas exactement monochromatique, dépend de la constitution de cette lumière, et qu'il est par suite possible, de l'aspect des franges, de déduire des conclusions relatives à la composilion de la lumière incidente. Mais les franges devront, on le conçoit aisément, être d'ordre très élevé, tout en conservant les con- ditions de netteté parfaite; pour les obtenir, on s'adressera au système dont nous avons déjà parlé dans notre précédente revue et que les FAUE ont constitué en prenant deux lames de verre à faces planes, argentées chacune sur une de leurs nee ces faces, placées en regard, sont exactement paral- lèles et comprennent entre elles la lame d'air qui produit l'interférence. Les mêmes auteurs ont éga- lement publié un fort important mémoire sur Fe méthodes interférentielles pour la mesure des grandes épaisseurs et la comparaison des longueurs d'onde; ils indiquent un procédé particulièrement commode pour déterminer le numéro d'ordre d'une frange, problème bien difficile quand le nombre des franges devient considérable; ils montrent comment on peut ensuite résoudre le problème connexe de la comparaison des longueurs d'onde; et enfin ils sont conduits à une méthode fondée sur l'emploi des franges en lumière blanche, ce qui permet de copier, et, par suite, de mesurer une épaisseur donnée invariable. Parmi les travaux qui sont de nature à rendre service aux conslructeurs, on peut ici signaler la méthode de contrôle de l'orientation des faces po- lies d'un quartz épais normal à l'axe, décrite par M. Dongier; cette méthode exige seulement l'emploi des accessoires destinés à produire un spectre can- est de r nelé. Une question qui touche aux propriétés les plus intimes de l’éther lumineux, et qui a fait depuis longtemps l'objet de recherches délicates théories difticiles, a donné lieu cette année à quel- et de ques discussions intéressantes. C'est la question de l'entrainement de l'éther. On peut se poser une question générale : l'éther lumineux a-t-il une mobilité propre? est-il au con- traire immobile? Si l’on imagine une mobilité propre, on pourra, comme l'a remarqué Hertz et comme le rappelle M. Wien, éludier ce mouvement au moyen des équations de Maxwell; si l'on admet qu'il est immobile, doit-on supposer, avec Fresnel et ses successeurs, qu'il y a cependant un entrai- nement partiel possible à l'intérieur des corps pe- sants? Lorentz montre que cette conception n’est pas nécessaire : ce qui peut se transporler peut n'être pas l'éther, mais l'énergie électromagnétique qui adhère au corps pondérable. Lodge croit éga- lement que le mouvement de la malière pondérable par rapport à l'éther est pratiquement un mouve- ment absolu; que l'éther n’est pas entrainé par les corps mobiles. Il pense qu'en réalité les atomes pondérables n'arrivent jamais au contact; l'inertie de l'éther n'a aucune influence sur les actions mé- caniques, aussi n'a-t-elle point à intervenir dans les équations de la Mécanique. Quand il y a équi- libre électrique, une tension à travers l’éthe s'élend toujours d'un corps matériel à un autre corps matériel. C’est à l'éther qu'appartient l’éner- gie potentielle, c'est à la malière pondérable qu'ap- partient l'énergie cinétique. D a ou, VI. — ÉLECTRO-OPTIQUE. PHÉNOMÈNE DE ZEEMAN, ETC. Les relations qui existent entre la matière pon- dérable et l'éther seront peut-être plus faciles à délerminer, lorsqu'on aura résolu toutes les ques- tions que pose la découverte de Zeeman. Nous sa- vons déjà comment celte découverte s’est produite, conséquence des idées de Lorentz relatives à la théorie des ions. M. Lorentz a continué ses lravaux théoriques; il a éludié de nouveau les vibrations d’un système portant des charges électriques el placé dans un champ magnétique, et il est ainsi parvenu à expli- quer comment les vibrations principales donnent … d'abord les triplets observés par Zeeman, puis comment, par un mécanisme semblable à celui qui | produit les sons de différence, il peut se produire \ des vibrations de combinaison qui expliqueraient d’autres particularités du phénomène. M. Lorentz | a également complété la théorie qu'il avait donnée de l'absorption par une masse gazeuse el qui con- duisait à des valeurs trop fortes de l'absorption; | | | * * | + émail tt Ed EE. + en tenant compte de la structure complexe des particules lumineuses et des chocs possibles, on arrive à un résultat de l’ordre de ceux que l’obser- vation permet de constaler; enfin, le même physi- cien a montré qu'en dehors de toute hypothèse par- ticulière sur le mécanisme de la radiation, en n'in- voquant que des considérations générales relalives LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 395 à la symétrie des milieux matériels, l'on peut in- - Lerpréter les résullats remarquables obtenus par MM. Becquerel et Deslandres. Au point de vue expérimental, divers physiciens ont cherché à préciser les condilions et les circon- stances du phénomène de Zeeman. Ainsi, M. Preston a analysé, au moyen d'un puissant réseau de Row- land, la lumière émise par une étincelle d'induc- lion qui jaillit entre deux pointes métalliques pla- cées entre les deux pôles d'un électro-aimant: il croit pouvoir, de ses observations, conclure que, dans tous les cas, la production du champ fait ap- paraître un triplet que des actions secondaires viennent ensuite modifier. Il se peut faire, par exemple, que l'une des composantes soit absorbée d'une facon plus ou moins complète. M. Michelson, -en dispersant la lumière émise par la source au moyen d'un prisme à sulfure de carbone et l’analy- sant ensuite dans un réfractomètre interférentiel, ou bien encore, en utilisant son admirable spec- troscope à échelons, arrive à des résultats qui lui font penser que chaque radialion première est complexe; il peut se faire, d'ailleurs, qu'une com- posante se trouve en opposition de phase avec une autre, et interfère. La modification profonde apportée à une radia- tion par l'effet Zecman peut se combiner à d’autres phénomènes pour allérer d'une facon plus com- pliquée encore la lumière, et des résultats par- culièrement intéressants peuvent se produire. C'est ainsi que M. Becquerel, à qui l'on doit déjà tant de beaux travaux qui ont jeté un grand jour sur ces délicates questions,a montré qu'une curieuse expé- ience de M. Voigt s'interprétait d’une façon très simple, comme conséquence de l'existence simul- tanée du phénomène de Zeeman et de la dispersion -anomale de la vapeur de sodium. Cette dispersion anomale joue aussi un rôle “imporlant dans une expérience remarquable faile par deux physiciens italiens, MM. Macaluso et Corbino; un faisceau de lumière polarisée par un premier nichol traverse un champ magnétique, … puis un second nichol, ensuite une lentille cylin- drique, et tombe enfin sur un réseau de Rowland, de façon que l'or observe le second spectre de diffraction; si l'on dispose la flamme sodée, source de la lumière, entre les pôles de l'électro- aimant qui donne naissance au champ, on observe dans le spectre des bandes parallèles aux raies D, alternativement lumineuses et obscures, qui se déplacent par la rotation de l'analyseur : les auteurs croyaient pouvoir conclure, de cette ex- périence, que le plan de polarisation de Ja lu- mière qui traverse les vapeurs de sodium influen- cées par le champ, subit une rotalion qui va en croissant de l'extérieur au bord de la raie, mais ‘ M. Becquerel a fait remarquer que cette interpré- lation n'était pas fondée : le phénomène observé par MM. Macaluso et Corbino est une manifestation de la dispersion anomale de la vapeur de sodium. Celle dispersion anomale avait déjà été signa- lée, mais n'élait pas encore étudiée d’une façon précise. M. Becquerel a mis en évidence, par des expériences fort élégantes, la dispersion anomale considérable de la vapeur de sodium incandes- cente pour les radiations voisines des raies D, et D,, el il a réussi à étudier, ce que l’on n'avait point encore fait, les variations des indices; il montre ainsi que, dans l'effet observé en instiluant une expérience analogue à celle des prismes croisés, au moyen d'un réseau et de la flamme d'un brûleur de Bunsen rendue prismalique par l'interposition d'une petite gouttière en plaline, se superposent deux dispersions anomales différentes dues à cha- cune des raies D, et D.. Tous ces faits ont une importance considérable ; ils font voir combien sont profondes les modifica- tions qu'apporte la propagation de la lumière dans les mouvements propres des milieux transparents, quand ces milieux vibrent presque à l'unisson des ondulations lumineuses qui les traversent. C'est à un ordre d'idées semblable que se rap- portent diverses expériences, particulièrement celles de M. Righi, celles de M. S.-P. Thompson et celles de M. Cotlon; ainsi ce physicien, dispo- sunt entre deux nicols une flamme sodée ou de l'hypoazolide incandescent placé dans un champ magnélique et traversé par un faisceau intense de lumière blanche, dont les rayons sont perpendicu- laires aux lignes de force, constate que la vapeur de sodium, par exemple, a des raies d'absorption qui, sous l'influence du magnétisme, présentent un caractère de polarisation particulier; là encore il y à superposilion de deux effets dont l'impor- tance relative varie suivant la richesse de la flamme et la valeur du champ; les expériences de M. Cotton lui permettent de préciser les propriélés nouvelles qu'acquiert la flamme dans le champ; par exemple, il montre que, pour les radiations de même pé- riode que les raies qu’elle émet, elle se comporte comme ferait une tourmaline dont l'axe serait pa- rallèle ou perpendiculaire aux lignes de force, tan- dis que, pour les radiations très voisines de ces raies, elle joue le rôle d’un cristal qui aurait une dispersion de double réfraction anomale, dont le signe ne serait pas le même dans tout le spectre et dunt le dichroïsme commencerait à se faire sentir. NEIL. — ÉLecrricITÉ. Entre les phénomènes lumineux et les phéno- mènces électriques, les expériences comme celles LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE de Zeeman établissent des rapports étroits, mais encore sujels à des interprétations diverses. La transition est, au contraire, aujourd'hui parfaite- ment continue et clairement apercue quand on con- sidère les oscillations électriques; nous avons déjà ditcombien l’espace quisépare encore les vibrations de grande longueur d'onde obtenues dans les nou- velles études sur le rayonnement d’une part, et, d'autre part, les oscillations électriques de courte période, va chaque jour en diminuant; du terrain est constamment gagné des deux côtés. Les propriétés des oscillations électriques font toujours le sujet de travaux remarquables; on recherche seulement toutes les analogies qu'elles doivent présenter avec les phénomènes lumineux, mais encore les différences. L'ordre de grandeur de la période influe, en effet, sur un grand nombre de circonstances, et, dans bien des cas, les résultats pourront fort bien n'être pas semblables. Ainsi les phénomènes d'absorption et de dispersion se présententsous une forme plus com- plexe en général dans les oscillations électriques. On est d'accord aujourd'hui sur ce fait que les écarts observés dans les résultats fournis par les diverses mesures qui ont été faites de la constante diélectrique relative à certaines substances, sont dus le plus souvent à ce que cette constante varie véritablement, quand la longueur d'onde varie : il existe une dispersion électrique. Divers auteurs ont établi que cette dispersion était d’une nature très complexe; en particulier, il est hors de doute que la dispersion est rarement normale. Dans un intéressant mémoire, M. Barbillion à cherché à préciser quelques lois du phénomène; il emploie une méthode qui dérive de la méthode connue de Lecher et qui permet à chaque instant de com- parer la capacité inductive du milieu que l'on étudie à celle d'un diélectrique étalon. Les résultats obtenus montrent bien la grande généralité du phénomène de la dispersion anomale; la présence d’un seul maximum de l’absorplion semble souvent insuffisante pour tenir compte des variations de non l'indice relatives à certains corps ; on peut encore, toutefois, utiliser une formule de dispersion où n’entrent que les périodes propres. M. Barbillion établit aussi ce résultat important, que le pouvoir inducteur n'est pas une propriété caractéristique, spécifique, du corps; elle semble, au contraire, dé- pendre nettement des champs auxquels le corps peut être soumis. MM. Graetz et Fomm ont obtenu des résultats analogues et M. Drude a continué ses belles études sur les mêmes questions; il remarque aussi qu'il existe une différence considérable dans l'ordre de grandeur de l'absorption anomale électrique et optique. re Pour les ondulations électriques, la bande d’absorplion est considérablement plus étendue; si l'on admet la théorie optique, ce résultat signi- fierait que les vibrations propres de la molécule s’'amortissent beaucoup plus rapidement; mais l’on peut aussi interpréter le phénomène en considé- rant l'isolant comme un milieu parsemé de petils conducteurs. M. Drude a aussi montré que l'ab- sorption électrique de l’eau croît considérablement lorsque la longueur d'onde diminue; il établit, de plus, un fait qui peut avoir, s’il se vérifie et se généralise, une importance considérable : les ondulalions réfléchies sur des masses métalli- ques paraissent avoir des longueurs d'onde plus grandes que celles qu'émet l’excitateur ; en d'autres termes, il existerait dans ce cas une sorte de fluo- rescence. MM. Dewar et Fleming, dans les belles expé- riences qu'ils poursuivent sur les propriétés phy= siques des corps aux basses températures, montrent également qu'on obtient des valeurs extrêmement différentes de la constante diélectrique de la glace quand on opère avec des fréquences variables; toutefois M. Abeeg attribue les écarts ainsi observés LE Cod te Me te ©" de 2 ml er “ 2h pe. L t ë 4 à diverses causes accidentelles. 14 L'étude des diélectriques a fourni d'autres ré sultats intéressants. MM. Pellat et Sacerdote ont mesuré les variations de la constante diélectrique de la paraffine et de l'ébonite avec la température; pour cette dernière substance, par exemple, la constante diélectrique augmente d’une façon très appréciable lorsque la température s'élève. M. Righi a vérifié la relation de Maxwell pour des diélectri- ques cristallisés, Lels que la sélénite. M. R. Arno à fait voir que la perte d'énergie qui se produit dans” un diélectrique placé dans un champ tournant, pré= sente un retard qui dépend du temps, et qui est, par conséquent attribuable à une sorte d'hystérésis, conséquence conforme à une remarque faite autre- fois par M. P. Janet: de mème, M. Schaufelberger fait voir que l'amortissement des oscillations d'une sphère isolante dans un champ électrique constant, qu'a observé Quincke, parait attribuable à l'hysté- résis du milieu. MM. Corbino et Canizzo ont re marqué que l'on peut, par une traction, faire varier d'une facon très sensible la constante diélectrique du verre, et ils pensent que ce fait doit s'expliquer en admettant que l'on crée ainsi une double réfrac- tion pour les ondes électriques. L'application des recherches sur les oscillations électriques, qui, à coup sûr, a provoqué le plus vif mouvement de curiosité dans le publie, est l’appli= cation à la télégraphie sans fil; les procédés expé- rimentaux, déjà plusieurs fois décrits dans cette Revue, sont restés les mêmes, mais ils ont reçu de divers expérimentateurs, parmi lesquels il convient LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 397 de citer en première ligne M. Marconi, puis MM. Blondel, Ducretet, le lieutenant de vaisseau - Tissot, d'intéressants perfeclionnements. : 11 n'est que juste de ne point oublier la part pré- pondérante qui revient à M. Branly, dans cette im- porlante découverte; les lecteurs de la evue savent qu'il est l'inventeur du tube sensible, du cohéreur, sans lequel la réceplion des ondes eût été impossible. M. Branly a lui-même, celte année, continué ses remarquables travaux dans la même voie, en étudiant divers types de radio-conduc- teurs; il s'est également occupé des obstacles ap- portés par des écrans à la propagation des ondes, et il a montré que les oscillations hertziennes sont complètement arrètées par une enveloppe métal- lique très mince, si celle-ci est herméliquement close. C'est particulièrement le mécanisme du cohéreur que beaucoup de travaux ont cherché à expliquer. M. Branly lui-même a obtenu, avec des colonnes de disques métalliques, des résultats qui semblent prouver que les disques sont écartés par des atmos- phères superlicielles qui s'opposent à leur adhé- rence; mais l'accord ne s’est point encore fait rela- tivement à la facon dont il faut comprendre que l'oscillation va produire l’adhérence entre les parlies conductrices. M. Dorn, faisant le vide dans les tubes à limaille, les chauffant, elc., est conduit à des observalions qui lui font admettre, avec Lodge, qu'il doit se former, par des élincelles produites, sous l'influence de la décharge extérieure, entre les particules métal- liques, de petits ponts très subtils et facilement attaquables par l'air: c’est à la même conclusion qu'est amené, par ses expériences, M. von Gulik. -M. Aschkinass, au contraire, ne croit pas à l'action de ces petites étincelles électriques: il ne croit pas non plus, contrairement à d'autres auteurs, qu'il se “puisse produire des vibrations mécaniques capa- bles de donner une meilleure adhérence. Cepen- dant, M. Auerbach, puis M. Leppin ont montré que les ondes sonores déterminent une diminution persistante de la résistance. M. Leppin met aussi en évidence une influence notable des ondes calo- rifiques et des ondes lumineuses, qui peut être importante pour les applications à la télégraphie. Divers physiciens ont modifié les premiers dis- positifs d’une façon intéressante. M. Righi a décrit de nouvelles formes des tubes à décharge ; M. Beh- rendsen montre qu'en remplaçant la poudre mé- tallique par du charbon, on peut obtenir un cohérer sensible seulement à des radiations de mêmes périodes que celles du résonnateur. M. Muirheade et M. Lodge ont fait d'heureux essais pour obtenir Ja résonance parfaite du récepteur et du transmet- teur d'ondes; M. Turpin, utilisant les résultats REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899. RU CE auxquels l'ont conduit de précédentes recherches sur le champ hertzien, a imaginé un système de télégraphie par ondes qui résout en principe la mullicommunicaltion entre plusieurs posles em- brochés. Signalons aussi une méthode très curieuse, ima- ginée par M. Neugschwender pour déceler les ondes électriques et qui est, en quelque sorte, l'inverse de la méthode de M. Branly. Si l’on pratique, au moyen d'une pointe fine, une solution de conti- nuilé dans un dépôt métallique formé sur du verre, et que l’on souffle sur la fente ainsi obtenue, le dépôt de vapeur d’eau suffit pour rétablir une con- ductibilité électrique appréciable de la lame métal- lisée. Une onde électrique supprime brusquement la conductibilité ainsi acquise et le phénomène est d'une grande sensibilité. Les phénomènes qui se rattachent au passage du courant dans les électrolytes continuent à être l'ob- jet d'importants travaux. M. Townsend démontre que les gaz obtenus par l'électrolyse d’une disso- lution d'acide sulfurique ou de potasse sont élec- trisés et qu'ils peuvent condenser la vapeur d’eau ; il semble donc que l'ionisation produite dans la molécule de la dissolution persiste en quelque sorte. M. Cady signale ce fait très curieux que du potassium dissous dans de l’ammoniaque liquide fournit un conducteur qui se comporte comme un métal, et non comme un électrolyte. M. Bagard, qui avait déjà montré que la résistance d’un conducteur liquide varie dans un champ magnétique, éludie ce phénomène au moyen d'un dispositif très simple, et est amené à penser que l’aimant agit directement sur les ions qui transportent le cou- rant de façon à déterminer une déformation de leurs trajectoires dans des milieux de résistivité conslante et uniforme. M. Blondlot, fait voir que, conformément à la théorie, il se produit dans un champ magnétique une force électro-motrice entre deux dissolutions superposées et différemment concentrées d’un même sel. Parmi les travaux relatifs plus spécialement au magnétisme, indiquons rapidement : les recherches de M. Asrcan Lutteroth sur les variations des pro- priétés magnétiques des cristaux dans différentes directions quand la température change; les élé- gantes expériences de M. Weiss sur le magnétisme de la pyrrhotine dont nous avons déjà parlé l'an dernier, et que l'auteur a continuées; la belle étude de M. du Bois sur les écrans magnétiques; le nou- veau magnétomètre de M. Guillet; les (ravaux théoriques de M. Duhem sur la viscosité magné- tique et enfin les mesures de MM. Fleming et Dewar sur la susceptibilité magnétique de l'oxygène. Nous aurons sans doute occasion de revenir un jour sur les recherches relatives à l'électricité 10** 398 ERREUR Ne LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE CALE * 2 D Ac ET RUE atmosphérique. Nous ne pouvons que citer iei les mesures de M. Chauveau sur ce sujet, et dire que des expériences de M. Pellat, sur la perte d'’élec- tricilé par évaporation, jettent un grand jour sur la question. NIIL. — APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ ; INSTRUMENTS DE MESURE L'industrie électrique continue chaque jour ses progrès rapides; elle étend constamment domaine ; les nombreuses questions que les besoins de la pralique posent à l'ingénieur éleetricien recoi- vent aujourd'hui des réponses précises el ralion- nelles, mais une longue expérience n'a pas encore permis de faire un choix définilif entre toutes les solutions possibles d'un même probième; aussi peut-on constaler une diversité très grande dans les procédés qu'on utilise actuellement pour arriver à des buts identiques. On ne saurait songer ici à passer en revue tous les travaux accomplis en électrotechnique: aussi bien, il importe seulement d'indiquer ceux qui se raltachent à quelque principe scientifique nouveau, el il faut reconnaitre que, si cette année à vu ap- paraitre un grand nombre de perfectionnements importants, aucune découverte imprévue n'a pris son naissance. Toutes les questions qui se rattachent à la dis- tribulion et aux applications des courants alterna- tifs, soit du courantalternatifsimple un peu démodé aujourd'hui, soit du diphasé et surtout du triphasé qui prend tant d'importance, donnent lieu à des travaux où l'intervention du théoricien est encore nécessaire et précieuse. Il faut faire une place à part aux belles recherches de M. Leblanc sur le compoundage des alternateurs à voltage constant, compoundage indépendant de la nalure des cou- ranls fournis par l'alternateur ; ces recherches cons- Liluent certainement l’une des plus imporlantes contributions que ces dernières années aient appor- tées à la théorie des générateurs et des récepteurs à courant alternatif. On s'est particulièrement occupé celte année des commutatrices dont l'em- ploi se généralise beaucoup; MM. Steinmetz, de Mar- chena, S. Thompson, P. Janet ont publié, sur ces appareils, de fort intéressantes remarques. Le courant continu ne donne plus lieu qu'à des recherches de détail. Signalons toutefois des essais curieux de M. Elmore et de M. Badger, pour réa- liser des machines unipolaires, et divers travaux sur le calage des balais et les élincelles, comme ceux de MM. Sayors, Lamme, Girault, Fischer, Hinnen. L'éclairage électrique, qui se répand de plus en plus, n'a pas été l'objet d’un perfectionnement encore assez sûr pour que se modifient complè- tement les appareils en usage; mais des tentatives ont été faites qui semblent promellre à brève échéance une révolution bienfaisante. On sait que le charbon n’est pas Le corps qui, pour une même quantité d'énergie dépensée, fournit le rayonnement lumineux le plus riche ; l'invention du bec Auer est venue démontrer que les errements suivis depuis la plus haute antiquité n'étaient pas : ceux qui pouvaient au point de vue du rendement fournir les meilleurs résullats, et que certains oxydes seraient, à cet égard, supérieurs au carbone. L'idée de faire profiter l'éclairage électrique d'un semblable perfectionnement est toute naturelle; les essais tentés dans cette vue et qui n'avaient jamais donné jusqu'à présent de bien bons résul- talts semblent avoir, cette année, conduit à den sérieuses espérances de succès. 4 M. Auer von Welsbach a lui-même construit de lampes à filaments d’osmium ou d'iridium qui, dans les mêmes conditions de fonclionnement fournissent deux fois plus de lumière que lés lampes ordinaires. M. Nernst constitue, avec cer- taines matières réfractaires, des lampes remar- quables:; ces matières ne sont conduetrices qu'à chaud; la chaleur sera produite par le courant qui entretiendra une haute température, mais au début, et c’est une complication que l'éminent | physicien lourne d'une façon ingénieuse, il faut chauffer les malières par un grillage de platine. d'abord traversé par le courant et qui s'écarte ensuite automatiquement; la lampe fonctionne à l'air libre, ce qui est un avantage appréciable. Un appareil déjà bien ancien a été singulièrement rajeuni par les découvertes récentes sur les dé- charges dans les gaz; c'est la bobine à induction, la. bobine classique de Ruhmkorff; plusieurs physi-= ciens ont étudié, avec toutes les ressources des. théories et des instruments de mesure actuels, ce. transformateur dont l'emploi est devenu si fré= quent; ils sont arrivés ainsi à des résultats inté=, ressants qui sont de nature à modifier les condi- Lions de construction et d'ulilisation de la bobine. M. Walter, par exemple, établit nettement que les principes sur lesquels doivent reposer les pro- cédés de construction ne sont pas les mêmes pour. les grandes ou pour les petites bobines; avec les, grandes, on obtiendra le maximum d'effet quand la période d'oscillation du primaire sera égale à celle j du secondaire, tandis qu'avec les peliles, à cause des phénomènes d'hystérésis, il convient que la période du primaire soit plus grande que celle du secondaire. M. Shess a utilisé le phénomène de Kerr pour étudier l'oscillation du secondaire; 11 trouve que la période est bien celle que l'on peut calculer, mais l'amortissement est plus grand que épris SR AC / celui auquel conduit Ja théorie ; M. Mizuno à fait d'intéressantes recherches sur le ce du condensa- teur; M. Oberbeck a étudié d'une facon rigoureuse la tension aux pôles ; M. Armagnal a fait diverses remarques très importantes sur le fonctionnement des bobines ; M. O. Rochefort a été conduit à la construction de remarquables (ransformateurs. C'est particulièrement sur les procédés d’inter- - ruplion du primaire que des perfectionnements intéressants, souvent même au point de vue de la théorie, ont élé apportés par divers physiciens ou constructeurs. Nous ne saurions énumérer ici les divers modèles d’'interrupteurs qui ont élé décrits epuis quelques mois ; citons, par exemple, ceux de MM. Arons, Izarn, Margot, Welster, Cremieu, Willard, et enfin celui de M. Braun, qui a peut-être conduit M. Wehnelt au procédé remarquable dont les lecteurs de la Æevue ont certainement tous entendu parler. On sait qu'utilisant un phénomène étudié par Davy, Planté, MM. Violle et Chassagny, -M. Wehnelt intercale dans le primaire une cuve en - plomb pleine d’eau acidulée au 1/10, où plonge un - fil de platine soudé à l'extrémité d'un tube de verre ; la cuve est en relation avec le pôle négatif, le platine avec le pôle positif d’une batterie d'accu- mulateurs ; il se forme autour du fil une gaine lumi- neuse, accompagnée d'un bruit strident ; on oblient ainsi des interruplions variant de 1.700 à 15.000 par seconde et par suite une étincelle puissante dans le secondaire. Ce phénomène a donné lieu à des re- marques fort intéressantes de la parl de divers physiciens; M. d'Arsonval, M. Pellat, M. Blondel, [. Armagnat, M. Le Roy et M. Bary ont publié sur e sujet des notes sur lesquelles il nous faudra ans doute revenir; M. Carpentier a réalisé un erfectionnement bien simple et bien important au point de vue pratique en montrant que, si l’on Chauffe par le courant lui-même le bain liquide, le isposilif de Wehnelt peut fonctionner à bas vol- ge. Les instruments de mesure, au fur et à mesure que se développent les applications, prennent une importance plus grande et, chaque jour, de nou- veaux modèles sont proposés. Quelques-uns ont un point de départ curieux et original; ainsi, M. Blondlot à fait connaitre le principe d'un ingé- nieux compteur absolu d'électricité. L’instrument estcomposé d'une longue bobine dont l'axe est hori- zontal, et d'une autre bobine constituée par un an- _neau formé de quelques tours de fil et suspendue de facon que son plan soit verlical et qu'elle puisse ourner librement autour de son diamètre vertical. es deux bobines sont parcourues par le même ourant: on démontre aisément que, si la bobine obile oscille autour de sa position d'équilibre, “quelle que soit l'intensité du courant et la période à LUCIEN POINCARÉ — REV UE ANNUELLE DE PHYSIQUE 399 d'oscillation, la quantité d'électricité qui traverse une section du circuit pendant que s'accomplit une oscillation, est toujours la même. Celte remarque tout naturellement à la construction du compleur. M. Marcel Deprez a décril un nouveau modèle d'éleetrodynamomètre ; de même, M. Rossi, un élec- trodynamomètre qui, en outre, est propre à la me- sure de la différence de phase entre deux courants alternatifs. M. Wilson prouve que l'électromètre de lord Kelvin fournit de bons résultats quand on l’em- ploie comme watimètre pour courant allernatif. MM. Pérot et Fabry ont fait construire, sur le prin- cipe que nous avons déjà indiqué, un voltmètre électrostalique pour étalonnage. La télégraphie et la léléphonie ont fourni des travaux importants. MM. Crehore et Owen Squier, s'appuyant sur ce fait qu'un courant alternatif n’est pas modifié dans sa forme si on le supprime pen- dant un instant, pourvu que les moments de l’ou- verlure et de la fermeture correspondent à des points où la sinusoïde représentative de l'intensité à une ordonnée nulle, décrivent un procédé simple permettant, avec un seul alternateur, la transmis- sion simullanée de plusieurs dépêches. M. Barus, utilisant un inductomètre interférentrel de son invention, a étudié les excursions du diaphragme du téléphone et est arrivé ainsi à d’intéressants résultats. Sur le même sujet, M. Cauro à publié un important mémoire qui résout définitivement les principales questions relatives à la théorie du fonc- tionnement d'un poste téléphonique. Ce physicien arrive, par des expériences et des mesures directes, à des conclusions très nettes : ainsi, par exemple, il établit qu'au phénomène qui produit le courant microphonique correspond, dans le circuit primaire, un courant alternatif dû à la variation de résistance du microphone, courant qui se superpose au cou- rant principal et dont l'inlensilé efficace est une fraction de l'intensité de ce courant, qui reste la même quand on fail varier cette dernière. L'inten- sité efficace du courant secondaire est sensible- ment proportionnelle à l'amplitude de l'onde s0o- nore; l'énergie absorbée dans le téléphone pendant l'unité de temps est représentée, dans le cas où elle est la plus grande, par des millionièmes de volt. conduit IX: — CHALEUR; ETUDES SUR LES FLUIDES. Un sait l'influence qu'ont exercée sur le déve- loppement de nos connaissances relalives aux pro- priélés mécaniques et thermiques des corps, les théories cinétiques; ce sont de semblables théories qui ont cetle année encore guidé les physiciens qui continuent d'inléressantes recherches sur les sujets de cette nature. 400 M. Dieterici établit que, dès à présent, l'applica- tion aux liquides des formules fondamentales de la théorie cinétique des gaz conduit à des résultats conformes à l'expérience; il donne, en particulier, une interprétalion intéressante de la pression osmo- tique. M. Amagat, à qui l'on doit tant de beaux travaux, aujourd'hui classiques, sur ces questions, a donné une forme nouvelle de la fonction caracté- ristique des fluides; cetle forme remarquable se prète très bien à la représentation des résultats fournis par l'expérience, dans le eas de l'acide car- bonique depuis 0° jusqu'à 250°, et depuis les pres- sions les plus basses jusqu'à celle de la liquéfaction. M. Amagat montre qu'on peut facilement tirer de sa formule les valeurs de la force élastique maxima et des densités de liquide et de vapeur dans le cas de la saturation. M. Daniel Berthelot a publié une série remar- quable de mémoires sur des questions du même ordre. Après avoir, dans un premier travail, établi qu'il existe une proportionnalité rigoureuse entre les poids moléculaires des gaz et les densités limites prises sous une pression infiniment faible et déduit de cette remarque une nouvelle méthode purement physique pour la détermination des poids moléculaires des gaz et des poids atomiques de leurs éléments, il montre qu'on peut appliquer la même méthode aux liquides, en partant de l'équation de Van der Wals et en utilisant les données fournies par les expériences de M. Amagat et celles de MM. Leduc et Sacerdote. M. D. Berthelot fait voir que, dès à présent, il est ainsi possible d'obtenir les poids moléculaires des liquides avec une approximation de quelques centièmes. La méthode, appliquée à un certain nombre de corps, permet de constater que la majorité ont le même ordre de grandeur moléculaire à l’état liquide qu'à l'état gazeux; seuls l'eau, les acides gras et les alcools gras sont nettement polymérisés. On doit au même physicien, en collaboration avec M. Sa- cerdote, des expérientes nouvelles sur les mé- langes de gaz. M. Mathias a continué les belles études qu'il poursuit depuis plusieurs années sur les propriétés des fluides saturés; il a ainsi vérifié une théorie de M. Raveau, d'après laquelle la chaleur spécifique à volume des fluides saturés doit finie, même à la tempéralure critique. M. Lussana également a poursuivi ses travaux calorimétriques ; constant rester il est arrivé à des résullats concordants avec ceux de M. Amagat sur l'existence d'un maximum pour la chaleur spécifique à pression constante rap- portée à l'unitéde masse d'acide carbonique; ce maximum à lieu pour une pression voisine de 110 atmosphères. Le passage de l’état liquide à l’état solide ou le LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE passage réciproque ont donné lieu à des travaux notables; M. Demerliac a publié une bonne étude de l'influence de la pression sur la température de . fusion. M. Tammann, sur le même sujet, a fait con- naitre le résultat de ses recherches, d'où il ressort que, dans le passage de l’état liquide à l’état solide, il n’y a pas de point critique, et qu'il n’y a pas lieu de considérer un passage continu. Tel n'est pas ce- pendant l'avis de M. Heydweiller, qui croit au con- traire démontrer, dans le cas du menthol, l'exis- tence d’un passage continu de l’état liquide à l’état solide; peut être dans ce cas se trouve-t-on en pré-. sence d'un mélange d'isomères miscibles en toutes proporlions. Au point de vue expérimental, la conquête la. plus importante que la science ait faite dans ces derniers temps est peut-être celle du domaine des basses lempératures. Au moment méme où paraissait notre dernière. revue, el nous avons pu l'indiquer alors, M. Dewa venait de réussir à liquélier définitivement l'h drogène et l'hélium; on a décrit précédemment | méthode employée par l'éminent physicien, et l’on a dit que l'hydrogène se liquéfiait à — 205° sous 18 atmosphères ; ces données suffisent à faire com- prendre quelles difficultés il y avait à vaincre, car la distance qui, au sens thermodynamique, sépare: la liquéfaction de l'hydrogène et celle de l'air, est relativement aussi grande que celle qui existe entre la liquéfaction de l'air et celle du chlore. Aussi la liquéfaction de l'air, que l’on doit actuellement considérer comme aisée, est-elle une expérience presque courante, du moins dans les la= boratoires qui possèdent la machine de Linde dont nous avons antérieurement parlé. M. d'Arsonval, par exemple, a pu utiliser une telle machine pour faire diverses expériences remarquables. On con- nait la théorie de cette machine, et l’on sait que M. Linde utilise le refroidissement produit dans le vide par détente, refroidissement qui est dû à ce que l'air ne saurail être considéré comme un gaz. parfait. M. Raveau a fait observer, cependant, que l'on peut produire du froid sans travail extérieur par la détente d'un gaz dont l'énergie serait fonction de la seule température, à condition qu’on lui laisse prendre de la force vive et que l’on n'utilise qu'une portion convenable du phénomène de détente: M. Witkowski a calculé, d'après ses propres expé= riences et celles de M. Amagat, le refroidissement que l'effet Thomson et Joule peut produire dan l'air par détente irréversible; il résulterait de ses expériences que, dans une machine comme celle de Linde, il n'y aurait pas intérêt à pousser trop loin la pression iniliale. Ce même effet Thomson et Joule a donné lieu aussi à des remarques intéressantes de M. Le : D 4 : Î LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 401 duc; l’habile physicien a d'ailleurs continué ses recherches exposées ici l'an dernier, et qui ont trait à l'ensemble des propriétés des corps gazeux. È Parmi les curieux résultats obtenus aux basses températures, outre ceux qu'ont fournis les éludes de MM. Dewar et Fleming sur les propriétés élec- triques des corps, signalés dans un précédent cha- pitre, nous devons particulièrement retenir ceux que M. Behne a rencontrés en mesurant les chaleurs spécifiques. Pour la plupart des mélaux, il semble se produire une diminution très accélérée de la capacité calorifique aux basses températures. Au fur et à mesure qu'on s'approche de ce point inac- essible, le zéro absolu, la quantité de chaleur écessaire pour élever la température d'un corps diminue et semble tendre vers zéro ; des résullats semblables ont été obtenus par M. Trowbridge. X. — ÉLASTICITÉ DES SOLIDES. RECHERCHES DIVERSES. L'hypothèse moléculaire permet de rendre un compte parfait d'un certain nombre de phéno- mènes qui se produisent dans les solides. Ainsi, dans une série de mémoires remarquables, M. Brillouin établit qu’elle explique fort bien le frot- tement des solides polis. Cet auteur montre que les phénomènes auxquels donnent lieu des systèmes mécaniques conservatifs ne sont pas, comme on . l'imagine volontiers, essentiellement réversibles. - Bien au contraire, des phénomènes irréversibles peuvent prendre naissance entre deux points ma- tériels dont les aclions mutuelles dépendent de eur seule distance. Dans l'idée de M. Brillouin, t'il en fournit des exemples topiques, la plupart es phénomènes physiques et chimiques irréver- ibles peuvent être rattachés à l'existence d'états d'équilibre instable. Ce sont aussi des phénomènes irréversibles que herche à éclaircir M. Marchis dans le travail con- dérable qu'il à publié sur les déformations per- anentes du verre. Nons avons eu, plusieurs fois déjà, l'occasion de signaler les idées de M. Duhem “sur ces phénomènes; le mémoire de M. Marchis “est une remarquable illustration M. Marchis étudie les modifications permanentes que produit dans du verre une oscillalion de température. Ces modifications, que l'on peut appeler des phénomènes d'hyslérésis de dilata- “tion, peuvent s'étudier d'une facon très sensible “par la méthode thermométrique. C'est ce que “fait l'auteur aussi bien avec des thermomètres “très recuits que dans des condilions qui mettent n évidence les phénomènes accompagnant la trempe ou le recuit. Le principe de la méthode qui consiste à consi- _dérer le système représentalif comme dépendant 47 de ces idées. : de la température, et d’une ou plusieurs autres variables, comme par exemple une variable chi- mique, à élé appliqué par M. Duhem et par M. Marchis à l'étude des aciers au nickel irréver- sibles de M. Guillaume; l’idée émise ici même par l’'éminent collaborateur de la /evue, sur le rôle joué par les modifications chimiques dans les cu- rieux phénomènes qu'il a découverts, se trouverait ainsi confirmée. D'autres interprétations cepen- dant peuvent être imaginées. M. Houllevigue, par exemple, attribuerait plutôt les propriétés obser- vées à une cause purement physique, aux pres- sions qui existent à l'intérieur des masses solides considérées. Il n'est pas possible, à moins d’allonger outre mesure cette revue, de signaler ici tous les tra- vaux qui mériteraient d'atlirer l'attention : il en est beaucoup dont nous ne. parlons point parce qu'ils se rattachent à des recherches que leurs auteurs poursuivent et dont seuls des résultats partiels ent été publiés; il en est d'autres qui se rapporlent à des questions sur lesquelles sans doute nous aurons un jour à jeter un coup d'œil d'ensemble, mais qui, pour le moment, paraïîtraient ici entièrement isolées. Nous ne saurions, par exemple, dans quel chapitre ranger les résultats remarquables obtenus par M. Lippmann relative- ment à la synchronisation des pendules ou bien les curieuses remarques du même auteur sur la mesure absolue du temps ou encore les recherches de MM. Poynting et Gray sur l'attraction. Aussi bien, le compte rendu qui vient d'être donné du bilan de l’année, suffit-il à montrer com- bien précieux ont élé les gains. Laissant de côté la question de savoir quelle valeur ‘absolue il faut attribuer aux symboles par lesquels on représente les phénomènes physiques, nous devons conclure que, gràce aux recherches récentes, deux classes de faits s'interprètentaujour- d'hui de mieux en mieux. L'hypothèse de la consti- tution moléculaire de la malière nous permet de saisir les uns, l'hypothèse de ’éther nous amène à comprendre les autres. Une transition reste à trouver : les relations qui doivent exister entre la matière et l'éther ne sont pas encore toutes connues; des obscurités sub- sistent, mais la question se précise; des théories et des expériences nouvelles ne fournissent pas encore la solulion, elles font cependant pressentir que le moment n’est peut-être pas éloigné où elle pourra être donnée, et le siècle qui va finir ne laissera peut-être pas à celui qui va commencer le soin de résoudre ce difficile problème. Lucien Poincaré, Chargé de Cours à la Sorbonne. 402 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Baire (René), Professeur au Lycée de Bar-le-Duc. — Sur les Fonctions de Variables réelles. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-4° de 12% pages. Imprimerie Bernardoni de C. Rebes- chini et Cie, Milan, 1899. M. Baire s'attaque aux questions si ardues qui se rap- portent à la continuité et à la discontinuité des fonctions générales de plusieurs variabies réelles, et met en œuvre les propriétés démontrées, sur les ensembles ;, par MM. Can- tor, Bendix-on, ete. Voici un très rapide apercu des malières succes ment trailées : Une fonction z de deux variables x et y peut, et d’une infinité de facons, être réduite à une fonction d’une seule variable. Preuons x et y comme coordonnées d'un point #» dans un plan M; nommons £ et n les droites, menées par m, parallèles respectivement aux deux axes des abscisses et des ordonnées, et y une ligne tracée sur M. Quand m es FN: Lietiy dépendent d'une variable unique f,et z (x, y) se réduit à f (tj — z,. Une première remarque est celle-ci : z; et z, Fr on être continues, tandis que, pour un choix convenable de y, z, est discontinue. Autrement dit : z est discon- tinue comme fonclion de deux variables et continue par rapport à chaque variable prise isolément. Quelle restriction RAT à la généralité de z la con- tinuité de z; et de z, ? Voilà le premier problème pro- pie. ; étant continue et y tendant par exemple vers zéro, à un vers une fonction © (x), fonction éventuellement discontinue, limite de fonc lions continues. 2 est repré- sentable par une série dont le terme een est con- tinu. Le second problème est l'étude des fonctions ® Les deux problèmes ont la même solution; pour avoir affaire, dans l'un et l’autre Cas, à une fonction de la nature voulue, la condilion nécessaire et suffisante est la « discontinuité ponctuelle ». Voici ce que c’est : dans le voisinage de tout point » de M doivent exister des points où la fonction est continue. Quelques résultats sont étendus au cas à plus de se variables. La thèse se termine par un troisième problème, dont la dissemblance avec les deux premiers n'est qu'appa- rente. Soit à intégrer un système d'équations aux dérivées partielles. On suppose forcément (sans quoi les recher- ches n'auraient pas de sens) que les fonctions incon- nues ont des dérivées; seulement, on ne s’en lient pas là d'habitude, consciemment ou inconsciemment : on admet encore la continuité des fonctions inconuues el de sive- leurs dérivées. Ainsi, pour le premier ordre el l'équation : az 9z (27,210 0) 0 D —, CL Ccy on admet la continuité de z; z, (voir plus haut concourt à assurer |” existence de petgqg: mais on admet aussi la continuilé de z, p et q, et cela n'est plus obliga- toire. Dans certains problèmes simples de calcul intégral, l'auteur cherche à réduire au minimum les hypothèses sur la continuité. La thèse de M. Baire me semble extrêmement remar- quable pour un double motif : Il y à d’abord le mérite de la difficulté vaineue, car ce qui ET INDEX de pareilles recherches sont on ne peut plus abstruses et ardues. En second lieu, vient l'importance du sujet. Les essais d'interprétation mathémalique pour les phéno-=. mènes naturels sont fondés sur l'introduction de cer- taines fonctions de variables réelles. On altache à ces fonctions la continuité, où M. Poincaré (voir son artielé sur le Calcul des Probabilités, dans la Revue du 15 avril 1899) voit une forme particulière attribuée au principe métaphysique dit « de la raison suffisante ». De là. vient l'intérêt majeur qui existe à approfondir les mys= tères de la continuité. Assurément, ce n'est point une remarque banale que celle-ci : une fonction discontinue de plusieurs variables peut être continue par rapport à chaque variable prise isolément. Cela n’est pas sans conséquences notables pour la Physique : d Soit un corps dontl'étatest défini par certaines varia= bles (température, pression, volume, indices ou pouvoirs divers optiques, électriques, électro-magnétiques..4} L'expérimentation consiste en ceci : on laisse fixes Il variables æ,,x,,... d'un groupe A, on mesure l'influent des variables y,, y, du groupe ‘restant B, considérées isolément des x, on formule cette influence par une fonetiou, qu'on prend continue, des y. Quand {ous ces travaux partiels sont terminés pour les diverses répar= titious des variables entre deux groupes tels que A et, on n'est nullement garanti contre les disconlinuités de la fonction finale, celle où figurent toutes les variables et qui caractérise le corps. , On ne peut donc que signaler la thèse de M. Baire l'attention des physiciens et des mé laphysiciens aussi bien que des géomètres. LÉON AUTONNE, : Maître de Conférences à l'Université de Lyon: Foppl (Aug.), Professeur à l'Ecole Technique supé- rieure de Munich. — Vorlesungen über technische Mechanik. EnstTer Bab : Einführung in die Me- chanik. — 1 val. in-S° de 412 pages avec T8 figures. (Prix : 12 fr. 50.) B. G. Teubner, éditeur. Leipzig: 1899. En rendant compte du tome HT du cours de Mécanique technique de M. Fôppl (Revue, 1898, p. 792), nous avons indiqué brièvement le plan général et le carac- tère de l'ouvrage. Le premier volume, qui vient de paraître, est intitulé : Introduction à la Mécanique; il contient l'exposé des notions fondamentales les plus importantes dans les divers domaines de la Mécanique ét de leurs applications les plus directes. L'auteur examine successivement la mécanique d point matériel, celle des systèmes et les propriétés relatives au centre de gravilé. Viennent ensuite les transformations d'énergie, le frottement, l’élasticité et la résistance, puis le choc des corps solides, et enfin la mécanique des corps liquides. Ces diverses questions donnent lieu à de nombreux problèmes et applicatious numériques placés à la fin de chaque chapitre. - Bien que cet ouvrage soit destiné tout particulière- mentaux étudiants, nous croyons cependant devoir le signaler à l'attention des ingénieurs et des géomètres Au point de vue de la méthode suivie, il contient, en effet, une excellente innovation qui est due à la ter dance de l’auteur à réduire le plus possible les moyens auxiliaires empruntés aux Mathématiques. 3 Tout en reconnaissant l'avantage que présente, en Mécanique, l'emploi des vecteurs, la plupart des auteurs conservent encore dans les calculs l'usage des trois composantes; ils n'empruntent au caleul_vectorie que la nolion de somme géométrique. M. Foppl fait un pas de plus; il renonce le plus possible aux com- posantes pour opérer directement sur les vecteurs. Sa méthode n'exige d’ailleurs aucune préparation … spéciale; on y est amené d'une manière très natu- - relle. Etle comprend, d'une part, le produit intérieur - auquel on se trouve conduit par la notion de travail, de l'autre, le produit extérieur qui se rattache à la notion de moment statique. Les propriétés de ces deux produits donnent immédiatement lieu au principe des vitesses virtuelles et au théorème des moments. H. Fear, Privat-docent à l'Université de Genève. 2° Sciences physiques Le Verrier (U.), Ingénieur en chef des Mines, Profes- seur au Conservatoire des Arts el Métiers. — La Fon- derie. — 1 vol. in-16 de 16% pages avec figures de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire (Prix broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier-Villars el G. Masson, éditeurs. Paris, 1899. L'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire vient de continuer ses publications par un très intéressant ou- vrage sur la Fonderie, par M. Le Verrier. Le nom seul de l’auteur, mieux que tout compte rendu, suffit à signaler cet Aide-Mémoire à ceux qui désirent avoir, sur les procédés de fonderie et sur la technique de cet art, des documents complets, récents, réunis dans un esprit à la fois scientifique et pratique, et condensés dans l'espace restreint (464 pages de format in-16) im- posé par les éditeurs de l'Encyclopédie. Dans un ouvrage traitant un pareil sujet, il était dif- ficile de diviser la texte, comme dans la plupart des Aide-Mémoire de l'Encyclopédie, en deux parties théorie et pratique. M. Le Verrier à composé son livre de quatre chapitres : 1. Métaux employés en fonderie; IL. Procédés de fusion; II. Procédés de moulage; IV. Installation de fonderies. Et il le termine par un appendice sur la fonte malléable. Dans les deux premiers chapitres, sont condensés, d'une manière très complète,un graud nombre de ren- seiguements sur les divers métaux employés : foute, - aciers, bronzes, laitons, sur les propriétés de ces alliages suivant leur composilion, sur les appareils employés pour la fusion (cubilots, réverbères, creuses), et sur la conduite de cette opération. Le nombre des alliages employés dans l'industrie croit journellement ; - la fabrication de plusieurs d’entre eux est entourée d'un certain myslère; et ce n'est pas le moindre intérêt de l’Aide-Mémoire de M. Le Verrier de présenter, à leur sujet, un ensemble de faits, d'observations, et, sur leur “fabrication, quelques données générales expliquant — sans les décrire, bien entendu — quelle est la portée des tours de main dont les inventeurs sont si jaloux. Les deux derniers chapitres sont consacrés à l'étude des divers sables employés à la confection des moules, . à la coulée, puis aux installations de fonderies, aux dis- positifs mécaniques, aux poches de coulée, appareils de levage et de transport, ete. Enfin, l'importance de la fabrication de la fonte malléable justifiait pleine- ment l’appendice qui lui est consacré. Si j'osais formuler une critique, j'exprimerais le re- gret de ne pas trouver dans cet ouvrage le détail et la théorie des opérations qui suiveut le démoulage, en particulier du recuit, dont l'effet est si important au point de vue des propriétés mécaniques des pièces fon- dues, et qui, pour lacier notamment, constilue une partie essentielle de cette fabrication. Mais, c’est très évidemment avec intention, et pour ne pas faire double emploi avec d'autres volumes de l'Encyclopédie, que M. Le Verrier a renoncé à traiter ce sujet. d E. p£ BILLY, Ingénieur des Mines. Colson (R.), Répéliteur à l'Ecole Polytechnique. — La Photographie stéréoscopique. — 1 broch. de 20 p. (Prix : À fr.) Gauthiers- Villars, éditeur. Paris, 1899. Li + BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 103 Berthelot (Marccliin), Secrétaire perpéluel de l'Acadi- mie des Scienres, Professeur au Collège de Franre. — Station de Chimie végétale de Meudon (1883-1899). Chimie végétale et agricole. — #4 vol. in-8°. G. Mas- son et Cie, éditeurs. Paris, 1899. Cet ouvrage renferme l'ensemble des recherches expérimentales poursuivies dans le laboratoire de Meudon, depuis seize années. L'auteur a pensé que le moment élait venu de réunir, dans une publication unique, ces Mémoires disséminés, afin d'en montrer l'ensemble et les idées directrices. Dans la préface, il explique d'abord comment la suite de ses recherches sur la synthèse des composés orga- niques, l'a conduit à étudier quelques-uns des pro- blèmes relatifs à la Chimie biologique et spécialement à la Chimie végétale, étroitement liée avec la Chimie agricole. Il y raconte comment la station de Chimie végétale a été instituée et fondée en 1883 sur des ter- rains abandonnés, dépendant de l’ancien château ruiné en 1870. Les laboratoires et les champs de cul- ture y sont décrits brièvement. Le tome I a pour titre : « Fixation de l'azote libre sur la terre et sur les végétaux ». C’est l'exposé des recher- ches approfondies de M. Berthelot sur cette question, depuis 1876, époque où il a reconnu la fixation élec- trique de l'azote sur les principes immédiats des végé- taux sous l'influence de l'électricité atmosphérique silencieuse, et, depuis 1885, époque où il a découvert la fixation microbienne de l'azote par la terre végétale, sous l'influence des microorganismes contenus dans le sol. Ces travaux ont changé de fond en comble les idées recues et enseignées par les savants les plus autorisés sur le rôle négatif de l'azote atmosphérique libre dans la végétation. Ils ont servi de point de départ à un grand nombre de travaux postérieurs. : Le tome IL est consacré à l'étude de la marche géné- rale de la végétation, étude destinée à donner l'équation chimique pondérale d'une plante annuelle, comme com- position relative et comme poids absolu de la plante totale et de ses différentes parties, à chaque instant et pour chaque période de son développement, depuis son ensemencement jusqu'à la reproduction de la semence et la mort de la plante. Ce sujet n'avait pas été jusqu’à présent traité d'une facon méthodique, malgré son importance. Le tome II se termine par un examen des relations générales qui existent entre les énergies chimiques et les énergies lumineuses, qui interviennent dans tant de réactions de Chimie minérale et organique. Les recherches exposées dans le tome Ill sont des recherches spéciales sur la végétation, c'est-à-dire sur la présence et la distribulion dans les plantes de certains éléments, tels que le soufre, le phosphore, la silice; sur l'existence, la répartition et la formation des azotates dans les végétaux; sur l'acide oxalique et sur l'acide carbonique et leurs sels dans les végétaux; sur l’émis- sion de l'acide carbonique et l'absorption de l'oxygène par les feuilles, etc. Enfin, ce volume renferme diverses études relatives aux transformations purement chimiques des sucres. Il se termine par des recherches dont les plus anciennes remontent à 1860, sur les principes oxyda- bles doués de propriétés oxydantes, recherches qui ont pris, dans ces dernières années, une importance toute particulière en Chimie physiologique. Le tome IV comprend deux parties distinctes : l'une générale, relative à la terre végétale, au double point de vue de l'existence et de la constitution des principes organiques qui en forment la base, et de leurs rela- tions avec l’'ammoniaque atmosphérique, question connexe de la fixation de l'azote. On y décrit les méthodes pour le dosage des divers éléments volatils de la terre et des végétaux, tels que l'azote, le phos- phore, le soufre, ainsi que pour le dosage de ses élé- ments minéraux, potassium et autres métaux alealins 40% et terreux; dans l’autre partie figurent les études faites par l’auteur, depuis 1858, sur les vins. IL y traite de la formation des éthers que les vins renferment, de l'oxy- dation des vins, de leur bouquet, de leurs change- ments annuels et séculaires, enfin, du dosage de l'acide tartrique et de la crème de tartre qu'ils renfer- ment !. Fierz (Ed.}. — Les Recettes du Distillateur. — 1 vol. in-18, de 150 pages. (Prix : 2 fr. 175) Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1899. Ce petit volume ne contient aucune théorie, mais uniquement des recelles. Après une vinglaine de pages consacrées à la préparation des sirops, des alcools aro- matisés, etc., l'auteur donne les recettes de fabrication de 140 liqueurs, crèmes, amers, spiritueux et sirops divers. La valeur d'un tel ouvrage dépend de la valeur des recettes qui y sont décrites. Aussi, la seule manière exacte de le juger consisterait-elle à mettre les formu- les en pratique et à goûter les liqueurs obtenues. Nous laisserons ce soin aux distillateurs curieux de s'instruire et de perfectionner leur fabrication. Nous nous borne- rons donc à dire que ces recettes sont très variées, qu'elles sont clairement présentées et qu'elles ne sont pas la simple répélition des recettes qu'on trouve dans tous les livres sur ce sujet. X. Rocques, Ancien chimiste principal du Laboratoire Municipal de Paris. 3° Sciences naturelles Coutière (I.). — Les Alpheidae. MoRPHOLOGIE Ex- TERNE ET INTERNE. FORMES LARVAIRES. Bionoute. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 4 vol. in-8 de 560 payes avec #10 figures et 6 planches. G. Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1899. Les Alphéides sont de petits Crustacés Décapodes, apparentés aux Crevettes, dont un petit nombre d’es- pèces habitent les côtes d'Europe, les autres formes étant exotiques; M. Coutière, qui à disposé de maté- riaux considérables provenant de divers Muséums et des grandes expéditions maritimes, ainsi que de ses propres trouvailles à Djibouti, s'est proposé d'en faire une monographie complète, dont la présente publica- tion représente une partie seulement, la plus intéres- sante d’ailleurs pour le biologiste. Dans ses descriptions de morphologie externe, extrêmement minutieuses et soignées, il cherche la raison d'être des dispositions actuelles à la fois dans les relations de parenté et dans le genre de vie, tournure d'esprit trop rare chez les taxonomist la parlie anatomique est un peu res- treinte, mais très suffisante, car les Alphéides ne paraissent pas différer notablement de leurs voisins très bien connus, et le matériel recueilli ne se prêtait guère aux recherches sur les points délicats; enfin, l'auteur a très bien saisi l'importance toute particulière que pré- sentent les Alphéides au point de vue de leur dévelop- pement et de leur biologie spéciale, et ses résultats seront très bien accueillis de tous ceux qu'intéressent les questions générales. Les pattes thoraciques de la première paire sont terminées par une pince qui présente des caractères très variables : très souvent il y a asymétrie, l'une des deux pinces (indifféremment la droiteou la gauche) restant petite et simple, l’autre devenant très grande et d'une forme tout autre; cette dernière se place le plus près possible de la ligne médiane, de facon à ne pas exercer d'influence fàcheuse sur l'équilibre de l'animal. L'asymétrie, toujours très accentuée chez les formes qui vivent dans un espace étroit, comme les Cette analyse est extraite de la Notice que M. Berthelot vient de présenter à l'Académie des Sciences sur son nouvel ouvrage. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX " Alphéides habitant des oscules d'Eponges ou des gale-. ries creusées dans des Madrépores, s'atténue chez les. espèces abritées dans des terriers plus larges, dans les- quels elles peuvent se déplacer. Les différences sexuelles sont dans le même sens que chez les autres Décapodes, l'asymétrie étant beaucoup plus accentuée chez le mâle; si l'espèce a deux pinces semblables, celles-ci sont plus volumineuses chez le mäle que chez la femelle. M. Coutière a rencontré trois exemples de régénéra- . tion avec hétéromorphose de la grande pince; je citerai le suivant : un A/pheus rugimanus avait, du côté opposé à la petite pince, une pince de forme à peu près iden- tique à celle-ci, et plus petite que l’appendice qui aurait dà se trouver à cette place : évidemment, la grande pince, après autotomie, avait été remplacée par un appendice, non plus hautement différencié comme la grande pince des Alpheus, mais conforme au type plus banal et plus primitif de la petite pince. On a déjà signalé, à plusieurs reprises, le bruit très singulier produit par les Alpheus et Synalpheus, quand ils sont irrités ou inquiets, bruit qui a peut-être la. valeur d'un moyen de défense : un A/pheus de grande taille (7 ou 8 centimètres), placé dans une cuvette sous. quelques centimètres d'eau, ferme sa grande pince avec le bruit que l’on pourrait réaliser en frappant de toutes. ses forces avec une règle de bois sur le bord du vase Le claquement est produit par la brusque fermeture de la pince, le doigt mobile frappant avec une extrê violence l’eau renfermée dans une cavité du doigt fixe, cavilé placée juste en face d'un prolongement du doigt mobile, qui y pénètre exactement. L'articulation du doigt mobile présente d’ailleurs des particularités mécaniques très curieuses (plaques adhésives), qui ont pour effet, lors de la contraction du muscle abducteur, de déclan- « cher le doigt mobile avec une grande vitesse initiale. Les Alphéides à pinces asymétriques ont la grande pince tantôt du côté gauche, tantôt du côté droit (il est regrettable que l’auteur n'ait pas indiqué si une des. dispositions est plus fréquente que l'autre, et si cette « indifférence de côté est un phénomène remarqué chez toutes les espèces ; son travail est muet à ce sujet); il se pose alors un curieux problème d'hérédité: étant donnée une femelle qui à la grande pince d'un côté, comment se comportent les jeunes auxquels elle donne naissance ? Herrick avail trouvé, pourle Synalpheusminor, que les jeunes portés par une femelle avaient toujours: sans exception la grande pince du même côté que celle-ci ; Coutière, pour le Synalpheusneptunus, constate « que la règle n'est pas absolue; les larves portées par trois femelles à grande pince gauche se répartissent ainsi : 2 seulement ont la grande pince à droite et 68 à gauche ; les larves portées par une femelle à grande pince droite ont deux fois la grande pince à gauche, et quatre fois à droite. Avant d'en conclure, avec Herrick et Coutière, que ces chiffres prouvent la prépondérance du progéniteur femelle au point de vue héréditaire, il faudrait savoir si, dans les cas précédents, le mâle avait sa grande pince à droite ou à gauche, ce qui était d'autant plus facile à voir que le Synulpheus neptunus habile par couples dans les galeries d’une Eponge. Les Alphéides, bien qu'apparentés de tres près aux Décapodes bons nageurs, tels que les Palémons, mon- trent une tendance marquée à devenir des marcheurs; ils se logent souvent dans des galeries abandonnées d'Annélides, ou de petites anfractuosités des ilots co- ralliens; un grand nombre d'espèces vivent en com- mensales sur d’autres animaux, très souvent dans des Eponges, où elles habitent par couples composés d'un mâle, oblurant l’osifice osculaire avec sa grande pince, et d’une femelle, toujours placée en dessous (Synalpheus minor et neptunus, Alpheus crinitus); l'Alpheus lœvis se tient entre les branches d’un polypier (Porites); les Arete dorsalis vivent par couples sur l'hémisphère oral d'un Oursin(Echinometlra lucunter), le Beteus Harfordi est logé sous le manteau d'un Haliolis, le Synalpheus Comatu- lorum s'atlache aux bras d'une Comatule, au moyen de sa petite pince recourbée en crochet. Comme il arrive très fréquemment chez les commensaux, ils sont homo- chromes avec leur hôte; l'Arete dorsalis, par exemple, qui vit sur un Oursin d’un rouge brun foncé uniforme, est d’un rouge lie de vin brillant, et lorsqu'on le sépare de l'Echinometra, il cherche visiblement à revenir entre les piquants de celui-ci; le Synalpheus neptunus est in- colore, sauf la grande pince du mâle, seule partie visi- ble, qui est vert sale, comme l'Eponge dans laquelle il habite. S'il est bien connu que les formes abyssales ou obscu- ricoles ont des yeux peu développés ou sont même aveugles, on se demande encore s'ils sont ainsi par suite de l'action régressive du manque de lumière, ou, au contraire, s'ils vivent dans des lieux peu éclairés parce qu'ils étaient préalablement mal doués au point de vue visuel; les observations suivantes s'accordent seulement avec la seconde hypothèse, que, pour mon comple, je trouve d'ailleurs beaucoup plus vraisembla- ble :les Alpheus ruber et megacheles, qui vivent aussi bien à la surface qu'à des profondeurs de 600 mètres, ne présentent aucune différence dans les deux stations, les yeux étant tout aussi développés dans les deux cas; l’Alpheus macrocheles, recueilli entre 320 et 500 mètres, a les cornées entièrement dépigmentées, de même qu'A. Talismani (410-450%), mais les facettes cornéennes sont aussi nettement marquées que de coutume. Enfin, deux formes exclusivement littorales, Atpheus villosus, dont le genre de vie est inconnu, et Synalpheus Comatu- lorum, qui est commensal d'une Comatule, ont des coruées également dépigmentées, leurs larves Mysis pré- sentant déjà ce caractère. Il semble d’ailleurs que la vision des Alphéides soit en général très imparfaite, les yeux étant tellement protégés et cachés par des prolon- gements orbitaires de la carapace, que le champ visuel doit être très restreint et la vision réduite à une vague perception des mouvements des corps élrangers. La plupart des Alphéides, aussi bien les espèces cô- tières que les abyssales, sortent de l'œuf sous la forme de larve Zoe; chez quelques espèces seulement (A/pheus hetercchelis, microrhynchus et villosus, Synalpheus Cuma- tulorum), le développement est abrégé; les œufs sont plus #ros et moins nombreux, et les jeunes en sortent sous la forme Mysis, possédant déjà tous les appen- dices de l'adulte. Enfin, trois espèces de Synalpheus présentent la curieuse particularité de la pæcilogonie, c'est-à-dire que le développement peut être plus ou moins abrégé suivant les individus, alors que les adultes sont risoureusement pareils : ainsi le S./œvimanus éclôt tantôt sous la forme Zoe (sortant de pelits œufs), tantôt sous la forme de Mysis (œufs plus volumineux); le S. mi- nor, de Key-West, vivant dans une Eponge, éclôt au stade Mysis, tandis que la même espèce, recueillie en Californie entre des Madrépores, éclôt au stade Zoe; le S. neptunus, de Djibouti, habitant dans une Eponge, a de gros œufs et une larve Mysis, alors que, dans d’autres localités, il n’a que de petits œufs et éclôt sous la forme de Zoe plus ou moins avancée; le S. biunguiculatus pré- sente dans la même localité et côte à côte des femelles à gros œufs (Mysis), el d'autres plus nombreuses à petits œufs (Zoe). Il semble que les Alphéides sont en voie d'acquérir un développement abrégé, et que les varialions désordonnées du développement, plus ou moins en rapport avec la distribution géosraphique et le mode de vie, nous marquent les étapes actuelles de cette évolution. D'ailleurs, la variation se remarque en- core pour d'autres caractères : une même espèce peut avoir des habitats notablement différents, qui reten tissent sur sa morphologie externe et parfois même sur son développement : ainsi l'Alpheus crinitus type habite à Djibouti, entre des rameaux de Madrépores, tandis que sa variété Spongiarum est logée par couples dans des canaux d'Eponges. Il est bien probable que ces va- riélés constituent dès maintenant des espèces physio- logiques. . L. Cuénor, Professeur à l'Université de Nancy. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 105 4° Sciences médicales Duplay (Simon), Membre de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, Chirur- gien de l'Hôtel-Divu. — Cliniques chirurgicales de l’Hôtel-Dieu, recucillies par MM. les Dr M. Cazis et S. CLADo. 2° série. — 1 vol. in-8° de 452 payes (Prix : 12 fr.) G. Masson et Ci°, éditeurs. Puris, 1899. M. Duplay poursuit la publication de ses intéres- santes Cliniques par ce second volume qui résume l’enseignement des deux dernières années. On y re- trouve les qualités qui font de l’'éminent professeur l’un des maîtres du diagnostic au lit du malade. Les symptômes sont exposés avec une précision et une mé- thode impeccables, et le raisonnement clinique séduit par sa logique et sa clarté. Ces lecons démontrent, en outre, l’activité du service de l’Hôtel-Dieu et l'ample moisson de documents qu'y peuvent trouver les étu- diants. ‘ Cette deuxième série de Cliniques comprend vingt- neuf conférences sur les sujets fournis par le hasard des malades. Citons parmi les plus importantes, les lecons sur l’abcès des os, les tumeurs de la joue, la septième côte cervicale, sur une forme particulière de cancer aigu du sein, la maladie kystique du rein, le trai- tement chirurgical de la tuberculose testiculaire, la carie sèche de l'épaule, la cure radicale des hernies inguinules sans fils perdus. Cette dernière est consacrée à l'étude d'un ingénieux procédé dont M. Duplay est l’auteur et qui supprime tous les accidents tardifs si fréquem- ment provoqués par l'élimination des soies. Dr GABRIEL MAURANGE. Hanotte (M.). — Anatomie pathologique de l'Oxy- céphalie. — 1 vol. in-8° de 86 pages avec 14 planches. G. Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1899. La déformation oxycéphalique, dit M. Hanotte, ne constitue pas un caraclère ethnique, car les crânes examinés appartiennent à des races différentes. Cette déformation est due à des synostoses pathologiques et prématurées sur certains points, précoces sur d'autres, des sutures métopsique, coronale et sagittale, amenant des arrêts de développement et des dilatations com- pensatrices. Malgré ces lésions, le cerveau peut acqué- rir le volume nécessaire au bon accomplissement de ses fonctions. Au reste, d'après l’auteur, les synostoses craniennes n’entrainent d'arrêt de développement céré- bral que lorsqu'elles relèvent d'une lésion de l'en- céphale, telle que celles que l’on observe dans l'hydrocéphalie. Ce travail, fait sur l’instigation du D° Hamy, de l'Ins- titut, est à la fois intéressant et puissamment docu- menté. Dr GABRIEL MAURANGE. Giraudeau (C.), Médecin de l'Hôpital Tenon. — Des Péricardites. — 1 vof. in-16 de 186 pages de l'Ency- clopédie scientifique des Aide-Mémoire (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) G. Masson et Gauthier- Villars, éditeurs. Paris, 1899. Dans ce petit volume de l'Encyclopédie Léauté, M. Giraudeau nous trace l'histoire des péricardites, insistant particulièrement sur les points actuellement en discussion et donnant, après l'exposé des diverses théories en cours, sa note personnelle. Nous signalerons, en particulier, au point de vue clinique et anatomo-pathologique, ce fait que l’auteur établit une différence fondamentale entre la symphyse cardiaque pure et celle compliquée de péricardite calleuse. Dans le chapitre du traitement, M. Giraudeau, après avoir fait la critique des diverses médications, souvent illusoires, qu'on à proposées pour faire disparaitre les épanchements péricardiques, indique tout le part qu on peut tirer de la paracentèse du péricarde, opération bénigne, trop rarement et trop tardivement pratiquée d'habitude. HER: HARTMANN, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. 406 ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 1°7 Mai 1899. La Section de Botanique présente la liste suivante de candidats à la place laissée vacante par le décès de M. Naudin : en première ligne, M. Prillieux; en se- conde ligne et par ordre alphabétique, MM. Bureau, Maxime Cornu, B. Renault et R. Zeiïller. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. H. Poincaré pré- sente quelques observations au sujet de la théorie des groupes conlinns et montre que l'on peut démoutrer l'existence d'un groupe de struclure dounée par un procédé un peu différent de celui de Sophus Lie. — M. L.-E. Dickson géuéralise le théorème de Fermat de la facon suivante : Si © (d) désigne combien il y a de nombres premiers à d et non supérieurs à d, nous avons, pour tous les entiers a et N, N élant > 1, la formule \ DT) — dj d la somme élant étendue à tous les diviseurs propres d de a —1, c’est-à-dire que d ne peut diviser «#—1 si mm N. — M. A. Liapounoff présente quelques consi- dérations sur les équations différentielles linéaires à coefficients périodiques, dans lesquelles ce coefficient, tout en restaut réel, peut changer de signe. — M.S. Zaremba indique comment on peut développer une fonction arbitraire en une série procédant suivant les fouclions harmoniques. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Branly a superposé en colonue verticale dans un tube de verre une série de billes d’un mème métal et a constaté un phénomène analogue à celui des radiocondurteurs à limaille : sous l'influence des radialions électriques, la résistance de la coloune diminue considérablement; elle revient à sa première valeur par le choc. La sensibilité d'une co- lonne de six billes d'acier dur de 12 millimètres est à peu près égale à celle d’un tube à limailles en alliage d'or. — M. Thomas Thomasina place dans de l’eau uu disque de cuivre relié à une source d'électricité, puis imimerge la boule d'un pendule, relié à l'autre pôle de la source, jusqu'à ce qu'elle touche le disque. Il se forme alors au contact un dépôt noir électrolytique; si l'on éloigne le pendule, il se forme une chaiunette électroly- tique par laquelle le courant continue à passer, alors même que lPextrémité de la chainette est séparée du pendule. Enfin, si l'on éloigne la boule du disque avant que le dépôt soit formé, le courant passe néanmoins; il se forme probablement une chaine conductrice invi- sible dans l’eau. Cette chaine peut se produire égale- ment sous la seule influence des ondes hertziennes. — M. Arnold Borel à mesuré la polarisation rotatoire magnétique du quartz pour des raies variant entre 643,87 et 319,34. Elle croit avec la chaleur, et cela d'au- tant plus que la lumière employée est plus réfrangible. — M. E.-U. Chatelain décrit une nouvelle pompe à mercure dans laquelle, la colonne barométrique érant supprimée, on commence les opérations du vide au moyen de la trompe à eau. — M. Armand Gautier à recherché l'iode dans l’eau de mer et est arrivé aux conclusions suivantes : 1° L'eau de pleine mer, prise à la surface, ou puisée à une faible profondeur, ne con- tient pas d'iodures minéraux; 2 dans cette eau, la to- talité de l’iode (à des traces près) existe sous forme de composés organiques; 3° une partie de cet iode organique, le cinquième environ, est fixée dans les êtres microscopiques qui constituent le plankton; 4 les quatre cinquièmes restants sont à l'état de composés organiques solubles. — M. E. Bonjean communique les résultats de l'analyse chimique de quelques roches volcaniques provenant de l’étoilement périphérique du Mont-Dore. — M. André Job a obtenu, par évaporalion lente des liqueurs percériques de carbonate de polas- sium, préparées par l'eau oxygénée, des crislaux rouge- sang de carbonate double de potassium et de peroxyde de cérium (CO0*#C*?0*.4CO*K?.12H°0, appartenant au système triclinique. Le même carbonate peut se for- mer aussi à froid par la peroxydätion spontanée des sels de cérium. — M. F. Parmentier a constaté que les eaux du Mont-Dore et d'autres eaux minérales ne con- tiennent pas la moindre trace d’un composé fluoré quelconque. Les taches produites sur le verre par ces eaux sont dues à un dépôt très adhérent de silice. — M. E. Péchard a étudié le pouvoir oxydant des pério- dates alcalins; en solution neutre oualcaline au méthyl- orange, il est supérieur à celui des iodales dans les mêmes condilions. Il en est de même en liqueur acide, l'eau oxygénée décomposant l'acide périodique tandis » qu'elle ne réagit pas sur l'acide iodique. Les périodates ont donc une constitution différente des iodates, et dif- lérente également des perchlorates qui ne donnent au- cune de leurs réactions. — M. Albert Colson a fait des recherches sur le déplacement du mereure par lhydro- gène. L'action de l'hydrogène sur un composé mercu- riel uniformément pulvérisé est proportionnelle au poids du solide; elle est proportionnelle à la racine cubique de la pression. — M. D. Tommasi à constaté que si l'on projelte un cristal d'azotate de polassium à la surface d'un bain d'azotite de po'assium en fu- sion, il s: forme un globule incandescent, entouré d'un anneau phosphorescent animé d'un mouvement giraloire très rapide. — M. Emile Leroy a fait quel- ques déterminations thermochimiques sur la morphine el ses sels. Sa chaleur de formation à l'état anhydre est de 108,24 calories, Ses chaleurs de neutralisation par divers acides montrent que c'est une base mono- acide, un peu plus énergique que l'isoquinoléine et la paratoluidine. Elle jouit, d'autre part, d’une fonction phéuolique, qui est plus forte que celle du phénol or- dinaire. — M. A. Debierne a constaté que le camphre actif ordinaire peut être racémisé complètement par compensalion, à une température relativement basse (800-850), si l’on opère sur la combinaison moléculaire que forme le camphre avec le chlorure d'aluminium. Cette préparation facile du camphre racémique pourra rendre plus aisée l'identification des produits obtenus par synthèse avec les corps actifs dérivés du camphre. — M. A. Trillat, en traitant un mélange d'alcool et d'acétal avec la diméthylaniline, a obtenu le tétramé- thyldiamidodiphénylméthane dissymétrique : C‘H*Az/CH°) CHOC CSI Az(CIP À Ce corps est susceptible de donner une foule de dérivés dont l'auteur poursuit l'étude. — MM. C. Istrati et G. Oettinger ont déterminé la quantité de sucre ré- ducteur et inversible des tiges de maïs ayant végété après qu'ont eul enlevé l’épi au moment de sa forma- tion. Le poids de la tige, la densité du jus, la teneur en matière Sèche et la teneur en matière réduetrice ou inversible augmentent toujours dans les plantes sans épis. — M. Paël Bourcet décrit la méthode qu'il à employée pour le dosage de petites quantités d'iode dans les matières organiques. Celles-ci, finement pul- vérisées, sont fondues avec de la polasse, puis dissoules y ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 107 et neulralisées avec de l'acide sulfurique. La liqueur est traitée par l'alcool absolu qui précipite le sulfate de potasse, puis l'iode y est déplacé par les vapeurs nitreuses en présence de sulfure de carbone et dosé colorimétriquement, — M. F. Gallard à étudie l’'ab- sorption de liode par la peau et sa localisation dans certains organes. La peau saine se laisse pénétrer par les iodures en dissolution dans l’eau, et l'iode qui passe dans l'organisme peut être retrouvé et dosé dans les urines et dans les viscéres. L'alimentalion joue un rôle important dans l'éliminalion de l'iode; l'iode semble avoir une prédilection pour certains organes, le cerveau par exemple. 30 SCIENCES NATURELLES. — MM. Lannelongue et Achard ont recherché linfluence du traumatisme sur le développement de divers processus morbides qui naissent d'ordinaire en dehors de son intervention. Dans le cas de la tuberculose, ils ont constaté que des lapins rendus tuberculeux, puis ayant subi des trauma- tismes plus ou moins importants, n'ont jamais présenté de lésions tuberculeuses au niveau des régions trauma- tisées. — M. Th. Guilloz, considérant, avec M. Bou- chard, la goutte comme une auto-intoxication due à un ralentissement de la nutrilion, a constitué un traite- ment électrique de celte maladie, consistant en un transport électrolytique de lithium au niveau des Join- tures atteintes et dans l'application des courants d'in- fluence par auto-conduction. L'action thérapeutique est locale (transport de lithium) et générale (augmen- tation de l’activité de la nutrition). — MM. A. Lacas- sagne et Et. Martin ont recherché les causes de la rigidité cadavérique. C'est le premier terme de la désa- srégation de la cellule musculaire. Elle survient fata- lement dans un muscle privé de circulation el soumis aux lois immuables de la pesanteur, qui produisent la déshydratation de la cellule musculaire et la précipita- tion des matières albuminoïdes. — M. Fr. Dierckx conclut de ses recherches sur la structure des glandes anales des Dysticides : 1° la glande anale du Dysticus n'est pas un appareil de défense; 2 le véritable appa- reil défensif du Dysticus est la poche rectale; 30 la glandé anale du Dysticus est destinée à faciliter la fonc- tion respiratoire. — M. Louis Léger a trouvé, daus le tube digestif de l'Orvet, deux sortes de kystes appar- tenant à des Sporozoaires rhabdogéniens.Ces germes, à la suite de l'ingestion de l'Orvet par un animal carnas- sier, achèvent leur complet développement dans le tube digestif du nouvel hôte, et deviennent, à leur sor- tie, aptes à infecter de nouveaux individus.— M. Emile Yung a observé les variations quaulitatives du plank- ton dans le lac Léman, pendant l'année 1898. Le plankton animal est répandu partout, jusqu'aux plus grandes profondeurs explorées, mais sa répartition n'est point homogène, tant en profondeur qu'en sur- face. La quantité du plankton atteint un maximum en mai et juin, un minimum en mars et en septembre. — M. Michel Lévy sépare eu deux groupes les épanche- ments volcaniques du Mont-Dore; il existe un étoile- ment ceutral qui diverge aulour du Sancy, puis un se- cond étoilement périphérique plus au nord; les deux sont séparés par une faille que l’on remarque à La Bourboule, La caractéristique chimique du magma de l'étoilement périphérique consiste dans sa richesse en alcalis et sa pauvreté relative en chaux; la potasse est abondante et presque égale à la soude. L'étude du magma de l’étoilement central est encore peu avancée ; la quantité de chaux, toutefois, est plus grande, — M. Stan. Meunier annonce qu'une énorme météorite est tombée récemment dans la mer, près de Borgo (Finlande); il se propose de l’étudier dès qu'elle aura pu être extraite. Séance du 8 Mai 1899. L'Académie procède à l'élection d'un membre dans la Section de Botanique. M. Prillieux est élu. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Lippmann mon- tre qu'on peut déduire la mesure absolue du tempsdes lois de l'attraction universelle, En effet, la valeur numérique de la constante newtonienne est indépen- dante du choix des unités de longueur et de masse;elle dépend uniquemeut du choix de l'unité de temps. Inversement, la grandeur de l'intervalle de temps pris pour unité est déterminée sans ambiguïté quand on se donne la valeur numérique de la constante newtonienne qui lui correspond, Cette unité de temps absolue expri- mée en {emps moyen vaut 3.862 secondes. — M. Gr. Bi- gourdan, étudiant les trépidations qui se produisent à la surface des bains de mercure dans les observatoires, en a distingué deux espèces; les unes, les ondulalions, sont des oscillations assez lentes et assez régulières, d'une durée et d'une amplitude appréciables; les autres, les vibrations, sont des oscillations très rapides et irrégulières. Les premières sont dues au déplace- ment de poids considérables (trains, par exemple), et pénètrent profondément dans le sol; les secondes, dues à la circulation des voitures, ne dépassent générale- ment pas les couches superficielles. — M. C. Gui- chard éludie les réseaux qui correspondent au cas où la suite de Laplace est limilée dans un sens. Il établit le théorème suivant : On peut, d'une infinité de ma- nières, déformer une quadrique, de telle sorte que les seclions perpendiculaires à un axe se transforment en courbes planes situées dans des plans parallèles et que les sections menées par cet axe se (ransforment en courbes planes, dont les plans sont perpendiculaires aux plans des premières transformées. — M. Le Va- vasseur énumère les groupes d'ordre p? 4°, p élant un nombre premier plus grand que le nombre premier q. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. J.-J. Borgman et A.-A. Petrovski communiquent le résullat de leurs déterminations de la capacité électrique des corps mauvais conducteurs. Les capacités de colonnes de liquides mauvais conducleurs sont égales, pour de petites hauteurs, à celles d'égales colonnes de mercure ; lorsque la hauteur va en augmentant, la capacité d'un tube contenant un gaz raréfié va en croissant à mesure que la pression du gaz diminue, jusqu'à une certaine limile. — MM. Ch. Fabry el A. Pérot conseillent d’em- ployer, comme source intense de lumière monochro- malique, l'arc au mercure dans le vide; le spectre de cette source comprend, comme raies très brillantes, une violette, une verte et deux jaunes. La raie verte, isolée, permet d'observer des interférences avec de très grandes différences de marche. — M. G. Le Cadet donne quelques renseignements sur l'ascension du Balasehoff exécutée Le 24 mars 1899. La hauteur maxi- mum atteinte a été de 4.01% mètres; à celle altitude, la température élait de — 3196. — M. Daniel Berthe- lot émet l’idée qu'on peut calculer l'augmentation de pression produite par le mélange de deux gaz en ima- ginant une suite d'opérations telle que la diffusion se fasse à l’état gazeux parfait. On suppose les deux gaz placés dans deux corps de pompe fermés par des pis- tons mobiles que l'on souleve jusqu'à ce que la pres- sion soit devenue infiniment faible; on met alors les récipients en communication et l'on ramène les pistons à leur position initiale. L'emploi du cycle proposé se trouve justifié par l'expérience. — M. A. Leduc à dé- terminé le rapport des poids atomiques de l'oxygène et de l'hydrogène d'après leurs densités, la densité de leur mélange et l'augmentation de pression qui l'ac- compagne. Le nombre trouvé (15,878) est identique à celui qui se déduit de la synthèse de l’eau. — M. H. Baubigny a appliqué sa méthode de sépa- ration du chlore et du brome dans le cas d'un grand excès de chlore. Il à reconnu que l'opération doit être faite à froid et en présence d'une solution saturée de sulfate de cuivre; alors, on peut relirer la totalité du brome, mais il y a en même temps mise en liberté de traces de chlore. On reprend le liquide du condensateur et on traite de nouveau à 100° par la méthode ordinaire. — M. Ad. Minet conslale que les impuretés de l'aluminium, qui rendent ce mélal beau- coup plus attaquable par les ageuts chimiques, ont , 408 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES passé, de un centième quelles étaient autrefois, à quinze dix-millièmes aujourd'hui. Elles sont consti- tuées en majeure partie par du fer. L'auteur décrit trois types de four qui ont pour but d'éliminer le fer, et dont l'un produit de l'aluminium ne renfermant plus que des traces de silicium.— M. Henri Gautier à préparé, par union directe du magnésium et du phos- phore, un phosphure de formule P*Mg. Ce composé se détruit par l’eau avec une grande facilité en donnant de la magnésie et du phosphure d'hydrogène gazeux pur. Son action chimique est très grande : il réagit facilement sur les métalloïdes de la première et de la deuxième famille. —- MM. Schlagdenhauffen et Pagel ont constaté que la flamme’ de l'hydrogène pur ou impur devient subitement bleu violacé quand on l'écrase par un corps froid, verre ou porcelaine, dans diverses conditions expérimentales. Cette coloration est due, non pas à la présence d'hydrogène sulfuré, comme l'avait admis Salet, mais à celle de l'hydrogène sélénié. — MM. Paul Sabatier el J.-B. Senderens ont reconnu qu'en présence de nickel réduit à la tem- péralure ordinaire, l'hydrogène réagit sur l’acétylène en donnant, d'une part, des gaz forméniques avec une faible proportion de carbures éthyléniques; d'autre part, des produits liquides dont la composilion paraît analogue à celle de certains pétroles naturels. — M. P. Petit a obtenu, par l’action de l’amylase sur divers moûts de bière, des dextrines de poids molécu- laires différents (G5H'00°)* (où n = 2, 3, 4 ou 5) don- nant des composés barytiques définis. L'ensemence- ment d'une solution de dextrine avec du Penicillium glaucum ou de l'Aspergillus niger augmente le pouvoir réducteur en maltose. 3° ScIkNCES NATURELLES. — M. Th. Guilloz décrit un instrument qui permet de mesurer rapidement la dimension de petits objets, indépendamment de leur distance. Cet appareil s'applique remarquablement bien à la pupillométrie et à la laryngométrie. Il per- met, en outre, de montrer l'illusion due au sens mus- culaire dans l'appréciation de la grandeur des objets. — MM. Charrin et Guillemonat ont fait, sur des femelles de cobayes pleines et non pleines, une série d'expériences destinées à mettre en lumière certaines perturbations provoquées par la grossesse (déminérali- sation, hyperglycémie, hypothermie, lésions viscé- rales), et à montrer que ces processus font fléchir la résistance de l'économie à l'égard des principes morbi- fiques. — M. Et. Rabaud à éludié l'influence de la congélation sur le développement de l'œuf de poule. Celui-ci peut supporter, sans être tué, une température de — 15° C.; la congélation produit une perturbation profonde et durable, le développement, dans la plu- part des cas, n'étant plus qu'une prolifération cellu- laire sans développement marqué. Toutefois, l'indivi- dualité du germe se révèle encore dans quelques expériences, puisque certains œufs congelés peuvent donner des embryons affectés d'anomalies diverses, voire même normaux. — M. A. Kowalewsky commu- nique quelques observations sur l'Haementaria (Clepsine) costata de Müller. D'après lui, l'organe désigné par Bol- sius sous le nom de glande impaire n'est autre que le cœur de l'animal. Il donne également des indications sur le mode de copulation de cette Hirudinée. — M. Gr. Bonnier résume ainsi ses dernières expériences : Aux caractéresalpins, qu'il estpossible de provoquerartificiel- lementchez des végétaux maintenus en plaine, enleur fai- sant subir une alternance journalière de température comparable à celle qui se produit dans les régions élevées des montagnes, on peutajouter les suivants : Les pétioles des feuilles et surtout les tiges ont des tissus protec- teurs mieux marqués, plus rapidement développés. Les feuilles, plus petites et plus épaisses, ont un tissu en palissade plus développé; elles présentent assez souvent une coloration rouge due à l’anthocyanine qui se pro- duit fréquemment chez les plantes alpines; enfin, elles assimilent plus par unité de surface. Les fleurs sont relalivement grandes et un peu colorées. — MM. Ar- mand Viré et Et. Giraud ont poursuivi l'exploration de la rivière souterraine du Puits de Padirac et ont reconnu l'existence d'une nouvelle galerie au delà d’un siphon rocheux qui les avait précédemment arrêtés. Le cours actuellement reconnu se compose donc de trois grands biefs horizontaux. — MM. Marcellin Boule et Gust. Chauvet ont éludié un gisement fossile trouvé dans le quaternaire de la Charente, et ont reconnu l'existence de toute une faune d'animaux qui habitent aujourd'hui les régions arctiques de notre globe. Le Lièvre des neiges, le Campagnol du nord et le Renard arctique sont, pour la première fois, signalés en France à l'époque quaternaire. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 11 Avril 1899, M. Paul Berger signale un cas de torticolis congé- nital du sterno-cléido-mastoïdien du côté droit, avec scoliose et asymétries faciale et cranienne consécutives. Le malade a été guéri el complètement corrigé par la ténotomie sous-cutanée des chefs sternal et elaviculaire du muscle et par le massage. — M. Prosper Lemaistre a trouvé, sur le cräne d’un homme de soixante-sept ans, deux empreintes circulaires qui paraissent avoir été faites par une branche de forceps qui aurait dérapé. — Le même auteur, comme conclusion à une étude sur l'absence de sens moral chez les criminels, voudrait voir rétablir comme pénalité l'exposition au pilori. — M. R. de Saint-Philippe lit un mémoire sur la gué- rison de gastro-entérites persistantes du sevrage par la suppression pure et simple du lait de l’alimentation.— M. le D' Armaingaud donne lecture d'une nole sur l'organisation et le fonctionnement de cours d'hygiène dans dix-sept arrondissements de Paris par la Ligue contre la tubercolose. Séance du 18 Avril 1899. M. Le Dentu présente un rapport sur une commu- nication de M. Baudon relative à un cas d'hypertrophie diffuse des os de la face et du crâne. A ce sujet, le rap- porteur fait remarquer : 4° que les lésions de ce genre ne sont pas toujours symétriques ; 2° qu’elles débutent quelquefois par le crâne; 3° qu'elles évoluent avec une lenteur plus où moins grande, selon les cas, parfois même avec une grande rapidité; 4 que, loin d'être constituées uniquement par de la substance osseuse, elles peuvent offrir à l'examen histologique une combi- naison, dans des proportions variables, d'éléments osseux, fibreux et embryoplastiques ; 5° enfin, que cette conslitution variable et mixte rend leur différenciation très délicate d'avec les tumeurs osseuses limitées et pédiculées de la face, comprises sous les dénomina- tions d’ostéomes, d'ostéofibromes, voire même d'ostéo- chondrosarcomes. — M. Cornil présente un rapport sur un mémoire de MM.Chipaultet Berezowski relatif à la dure-mère considérée comme un organe ossifica- teur. Lorsqu'on trépane le cerveau sans toucher à/la dure-mère, celle-ci devient le point de départ d'un os nouveau qui remplace complètement l'os ancien; si la dure-raère est enlevée en partie, l'ossification est incomplète ; si elle est excisée totalement, il n’y a plus d'ossificalion. — M. Hervieux montre que la variole crée une prédisposition presque fatale à la tuberculose. Sur un nombre de plus de 300 malades ayant eu la variole, on en atrouvé 97 °/, atteints de la tuberculose. — M. Ducroquet lit un mémoire sur le (raitement de la luxalion congénitale de la hanche par la méthode non sanglante. Séance du 25 Avril 1899. M. le D' Ledé donne lecture d'un mémoire sur l'hy- giène et la protection des enfants placés en nourrice. — M, Mouchet communique deux cas exceplionnels de rétrodéviation de l'utérus gravide traités par la lapa- ratomie, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 409 Séance du 2 Mai 1899. L'Académie procède à l'élection de deux associés nationaux. MM. Doyon (d'Uriage) et Pamard (d'Avi- gnon) sont élus. — M. Léon Colin, au nom du Comité des épidémies, dément formellement le bruit d'après lequel des cas de peste auraient éclaté à Paris. — M. A. Pinard présente un rapport sur un mémoire du Dr Pecker, intitulé : « La puériculture intra et extra-uté- rine par l'assistance scientifique et maternelle à domi- cile ». L'auteur a fondé à Maule une Association de dames ayant pour but de secourir la femme enceinte depuis le commencement du mois qui précède jusqu'à la fin du mois qui suit son accouchement, et de lui donner tous les soins que réclame son état et celui de son enfant. — M. le D' Roché lit un mémoire sur le paludisme en Puysaie. — M. Motais donne lecture d'un travail inti- tulé : « Nouveau document sur la myopie scolaire ». — M. Chipault lit un mémoire sur quelques perlectionne- ments apportés au traitement de la scoliose par la réduction suivie d'immobilisation en bonne position. — M. Gourfein donne lecture d'une étude expérimentale sur la tuberculose des voies lacrymales. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 15 Avril 1899. M. Ch. Richet a déterminé la toxicité du thallium. Un gramme de ce métal tue un kilo d'animal en injec- tion intra-veineuse. Les injections sous-culanées pro- duisent un empoisonnement chronique avec atrophie musculaire. — M. Hayem a déterminé la composition du meilleur liquide pour le dénombrement des globules du sang. — MM. Gilbert et Castaigne ont étudié le fonctionnement de la cellule hépatique chez six chloro- tiques; chez deux malades, le chimisme hépatique était normal; les autres présentaient plus ou moins les signes ordinaires de l'insuffisance hépatique.— Les mêmes auteurs ont observé, chez une malade atteinte de cirrhose hypertrophique alcoolique, avec ictère hémaphéique, la présence dans le sérum de pigments biliaires anormaux qui ne passent pas dans l'urine. — M.Thiercelin a trouvé dans l'intestin un microbe sapro- phyte, pouvant devenir très virulent, état auquel on l’isole et on le cultive très facilement. Il jouerait un rôle dans la pathogénie de l’entérite muco-membra- neuse et de l'appendicite. — M. A. Chipault propose de traiter les ulcères variqueux par l’élongation des nerfs plantaires ; l’action bienfaisante serait due à la suractivité proliférante des tissus après l’élongation nerveuse. — M. A. Laveran décrit un procédé de colo- ration des hématozoaires endo-globulaires. — M. Broca montre comment les astigmates peuvent voir nettement en contractaunt partiellement le muscle ciliaire suivant les nécessités. — M. Roussy présente un appareil pour maintenir ouverte la bouche des grands animaux. Séance du 22 Avril 1899. M. Hayem ramène à quatre le nombre des variétés des globules blancs du sang: 1° les mononucléaires incolores ou translucides ; 2° les mononucléaires colorés ou opaques ; 3° les polynucléaires; 4° les éosinophiles. Toutes les formes connues peuvent rentrer dans ces quatre classes. — M. Jolly à étudié, dans la moelle rouge du cobaye et du rat, des cellules à granulations réfringentes éosinophiles, dont les noyaux présentent les différentes phases de la division indirecte. — MM. Levaditi et Paris ont observé un cas d'infection streptococcique chez un nouveau-né, fils de cancé- _reuse. L'enfant présenta de l'hypothermie dès sa nais- sance avec une diminution des échanges chimiques ; ces causes sont favorables à l’éclosion des maladies infeclieuses. — M. Sabrazès à éludié chez le pigeon une maladie contagieuse fréquente, aboutissant à la formation de tumeurs ressemblant à des tubercules. C’est une simple pseudo-tuberculose, dont il a isolé l'agent microbien. — M. Delbet a obtenu la guérison d'ulcères variqueux par la mise à nu du nerfet le her- sage conséculif, Séance du 29 Avril 1899. MM. Gilbert el Castaigne, à la suite d'une observa- tion de M. Hayem qui conteste l'existence, dans le sérum sanguin, de pigments modifiés anormaux doués de pouvoir tinctorial, ont cherché et trouvé dans la littéralure un cerlain nombre de cas identiques. — M. Rosenthal a trouvé, dans quelques cas de broncho- pneumonie infantile, le cocco-bacille de Pfeiffer; il est tantôt pur, tantôt associé à un para-cocco-bacille qui prend le Gram. — M. Chauveau présente des gra- phiques obtenus chez le cheval à l’aide d’une sonde intra-cardiaque munie du signal de Déprez. Il a pu inscrire ainsi les mouvements des valvules artérielles et des valvules auriculo-ventriculaires. — M. Laveran a déterminé la toxicité de la sarcocystine (extrait aqueux ou glycériné de sarcoporides du mouton). A dose massive, elle produit la mort du lapin avec hypo- thermie ; à dose moindre, il y a d’abord des poussées fébriles et de l'æœdème, puis l'hypothermie et la mort surviennent au bout de quelques jours. — M. Lépinois communique une note sur le chromogène des capsules surrénales. — MM. Athias et Franca envoyent un mémoire sur le rôle des leucocytes dans la destruction de la cellule nerveuse. M. Desgrez est élu membre de la Société. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 21 Avril 1899. M. le Secrétaire général rend compte de l'exposition annuelle qui a eu lieu les vendredi 7 et samedi 8 avril. M. G. Sagnac présente un appareil de M. P. Weiss, destiné à montrer l'existence dans la pyrrhotine de deux directions rectangulaires dont l'une est magnélique et l'autre non magnétique. Cette propriété a été découverte par le galvanomètre balistique; mais l'appareil actuel utilise la méthode d'arrachement, très grossière au point de vue quantitatif, mais très délicate comme méthode de zéro. Une sphère de pyrrhotine (Fe’S'), suspendue à un fil de laiton porté par un genou de Cardav, peut à volonté, en tournant autour d’un axe vertical, présenter une direction magnétique ou la direction non magnétique ou toutes les directions intermédiaires au pôle d'un aimant. Celui-ci peut être rapproché ou reculé au moyen d'un mouvement à vis, et quand la sphère présente sa direction non magué- tique, il peut être amené jusqu'au contact et reliré sans produire le moindre mouvement. Quand on fait tour- uer la substance d'un angle droit, l’apparition des phénomènes magnétiques se manifeste par un mouve- ment de plusieurs centimètres d'amplitude. — M. Gué- bhard à été amené par la discussion des observations relatives au rayon vert, dont il donne une bibliogra- phie complète, à penser que ce phénomène est pure- ment subjectif; il le distingue du soleil vert produit par la suspension de fins corpuscules dans les airs, du soleil vert qui est une simple image consécutive du soleil rouge et, enfin, des zones colorées du crépus- cule qui semblent dues à la diffraction. Le rayon vert n'est, en réalité, que l'ombre grise brusquement jetée vers l'œil au dernier contact avec l'horizon, ombre que Ja rétine doit percevoir verte, comme toutes les fois qu'une ombre est projetée par une source lumineuse rouge intense, en présence d’une lumière blanche faible. Dans le cas du rayon vert, le blanc faible serait fourni par le zénith encore illuminé directement. M. H. Pellat considère le rayon vert comme ayant une existence réelle; il l’a observé souvent de ses fenètres qui donnent au couchant. Quand le soleil est très bas sur l'horizon et qu'il présente une couleur jaune doré, son bord supérieur est bordé d'une bande verte et le bord inférieur d'une bande rouge; en obser- vant le phénomène dans une lunette, on élimine tout effet de couleur consécutive. La réfraction atmosphé- 410 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES rique explique très facilement le phénomène; l'absorp- tion du violet et du bleu, attestée par la couleur jaune du disque, a pour effet de ne laisser apparaitre à l'extrémité du spectre que le vert bleuâtre. St, pendant que le soleil disparait derrière un obstacle, on con- tinue à l'apercevoir en s'élevant lentemeut, on peut voir pendant plusieurs minutes le rayon vert. M. Gué- bhard croit que le phénomène décrit par M. Pellat est tout différent du rayon vert strictement défini comme succédant immédiatement au dernier contact du disque rouge (et non jaune) avec l'horizon et durant au maxi- mum 1/5 de seconde. Dans les expériences de M. Fran- ceschi, le spectre de ce rayon vert disparaissait brus- quement d'un seul coup; il importe, dans toute ex- périmentation sur ce sujet, de se mettre en garde contre les rayons rouges, qui pénètrent toujours inconsciemment à travers l'épaisseur de la paupière. M. Raveau a observé un phénomène très différent de celui que décrit M. Pellat. Au moment où le bord su- périeur du soleil venait de disparaître, il à vu la mer s'éclairer, pendant un temps très court, d'une lueur verte; cetle lueur a d'abord occupé un petit triangle ayant sa base sur l'horizon, à l'endroit où s'était évanouie la petite ligne lumineuse qui constituait la dernière partie visible du disque du soleil. La région éclairée s'est graduellement resserrée vers l'horizon et a disparu, l'ensemble du phénomène ressemblant à l'écoulement rapide d'un liquide lumineux. Rieu n'a semblé indiquer que ces apparences soient dues à un effet de contraste. — M. Hurmuzescu expose ses recherches sur la transformation des rayons X par les différeuts corps. L'action photographique des rayons X est renforcée par la présence de certains corps métal- liques, placés au voisinage de la plaque sensible. Avec des tubes de Crookes de plus en plus forts, on observe la mème propriété pour d’autres corps : verre, pa- pier, ele.; ces actions sont dues à des rayons X trans- formés. On a étudié ces rayons transformés en les faisant pénétrer, au travers d'une lame d'aluminium de Oum, { d'épaisseur, dans la cage d’un électroscope, et en mesurant le temps nécessaire pour que l'angle des feuilles descendit d’une valeur iniliale, toujours la même, à une même valeur finale. En interposant un même corps sur le trajet des rayons incidents et des rayons transiormés, on constate que les seconds sort beaucoup plus absorbables que les premiers. L'intensité des rayons transformés (rap- portée à celle des rayons du zinc) varie avec la nature du tube et son état. Les rayons transformés produits par un corps sont de préférence absorbés par ce corps; chaque couche d’un corps agit pour transfor- mer les rayons et pour les absorber; la radiation incidente pouvant êlre convertie en chaleur, il n'y a pas de relation simple entre l'énergie vibratoire ab- sorbée et l'énergie vibratoire transformée. L'ensem- ble des faits énoncés conduit à eonsidérer que les rayons X sont trausformés en d'autres rayons de plus srande longueur d'onde, cette transformation se faisant dans l'intérieur du corps, jusqu'à une certaine épais- seur limite. M. G. Sagnac rappelle l'importance de l'absorption énergique qu'exerce même l'air atmosphé- rique sur les rayons secondaires issus d'un métal lourd frappé par les rayons X. Dans les expériences de M. Hurmuzescu, la présence d'une feuille d’alumi- nium, d'épaisseur nolable, suffit à réduire l'action secondaire du fer et à la rendre inférieure à celle de la paraffine, tandis qu'elle est réellement beaucoup plus considérable si l'on a évité de dépouiller le faisceau secondaire du fer de ses rayons les plus actifs; l’ordre d'activité des différents corps n’a de signification simple que dans ces dernières conditions. La simple étude des actions électriques secondaires, dans les conditions où à opéré M. Hurmuzescu, ne peut faire reconnaitre ni l'existence, ni le sens de la transformation des rayons X; M. Sagnac rappelle que, parmi les phéno- mènes qu'il a découverts, c'est l'influence de l'ordre des filtrations qui fournit Ja démonstration la plus directe et la plus précise de la transformation des \ rayons X. Enfin, il existe une relation nécessaire entre l'absorption des rayons transformés par le corps qui les émet et l'échauffement de ce corps. — M. Michelson. présente son nouveau spectroscope à échelons. Il rappelle qu'il a décrit, il y a six ans, devaut la Société, un réfractomètre interférentiel qui permettait d'aller beau- coup plus loin que tous les réseaux connus dans l'étude de la constilution des raies spectrales. Le seul incon- vénient de cet appareil est la durée de l’ensemble de mesures qu'il exige; mais il est assez grave pour que M. Michelson se soit préoccupé de créer un appareil spectroscopique direct en perfectionnant les réseaux, On augmente le pouvoir de résolution d'un réseau en accroissant le nombre des traits, à condition que les intervalles soient réguliers. M. Michelson a construit, avec M. Stratton, une machine à diviser dans laquelle on corrige les défauts de la vis par l'observation de franges d'interférence, el espère bientôt pouvoir opérer sur une longueur de 40 centimètres. Il ne parait pas im- possible de donner aux sillons une forme telle que Ja plus grande partie de la lumière soit concentrée dans un seul spectre. Il semble qu'on arriverait plus facile- ment à ce résultat en empilant des lames d'égale épaisseur dont chacune serait en saillie sur la pré- cédente; le seul point délicat est de rendre uniforme et constante l'épaisseur des couches d'air qui séparent les lames. Gette complication disparait si l'on opère, non plus par réflexion, mais par transmission. Soien t l'épaisseur des lames de verre, s la saillie de chaque lame sur la précédente, x le nombre des échelons et b un coefficient dont la valeur, qui dépend de l'indice du verre, est comprise entre 0,5 et 4; le pouvoir de résolution, mesuré par l'écart, évalué en longueurs d'onde, des deux radiations les plus voisines qu'on puisse séparer, est : n étant le nombre bnt° des échelons. La dislance angulaire des deux spectres est elle «est très petite, ce qui permet de DE n'examiner que des raies fines; avec des lames de 7 millimètres d'épaisseur, on est limité à 1 de la distance des raies D, — D,. M. Michelson à construit trois spectroscopes à échelons, qui permettent de dédoubler des raies dont la distance serait respecti- [l 1 1 £ LE A let elles des raies D, — D.. vement 500” 500 ©* 900 de celles des r D, —D; L'étude de l'intensité montre qu'on voit en général deux spectres; on peut amener l'un au maximun d'éclat en faisant disparaitre l'autre. M. Michelson indique comment on pourrait, en noyant les échelons dans l'eau, augmenter beaucoup l'éclat des spectres successifs ; il expose des projels de construction de spectroscope à échelons dans lesquels, pour éviter l'absorption, on opérerait par réflexion. — M. Pellin fait voir, au moyen d'un appareil de M. Michelson, le détriplement d'une raie du mercure dans un champ magnétique. C. RAvEAU. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 14 Avril 1899. M. O. Boudouard à éludié la décomposition de l'oxyde de carbone à 650° en présence des oxydes métal- liques. Il a reconnu que tandis qu'à 445° la transfor- mation en acide carbonique était complète, à 650 Ja réaction s'arrête lorsque le mélange renferme 61 0/ d'acide carbonique et 39c°/, d'oxyde de carbone; M. Boudouard à également étudié la décomposition de l'acide carbonique en présence du charbon à 6509, Dans ce cas encore, il a reconnu l'existence d'une limite à la formation d'oxyde de carbone, et celte limite est iden- tique à celle observée précédemment. — M. Joffre a reconnu que l’apalite et le phosphate tricalcique ont une grande différence d'action sur la végétation; le ; “ les acides chloranilique et bromanilique. phosphate monocalcique à une action bien supérieure * et parait être absorbé directement par les végétaux. — M. Le Bel donne la méthode qui lui a permis d'obtenir un produit actif en partant du chlorure d’isobutylpro- pyléthylméthylammonium.il a reconnu, comme récem- ment M. Marckwald, que les cullures ne réussissent pas sur le produit brut de la réaction. On opère ainsi : on prépare le sel double de plomb à 120° avec le chlo- rure de plomb, on projette dans l’eau et on élimine tout le sel double insoluble. En traitant la partie soluble ar l'acétate de plomb, on élimine un nouveau pré- "cipité. L'acétate obtenu a donné à la culture — 20! pour 0 centimètres au bout de 12 jours. — M. Guerbet à reconnu que l'alcool amylique inactif pur réagit à 1400-160° sur son dérivé sodé pour donner un nouvel - alcool de formule CH*#0, qu'il nomme alcool diamy- lique. C'est un liquide incolore, bouillant à 2140, de den- sité 0,8491 à 0°, Chauffé avec le bisulfate, cet alcool donne un carbure de formule C!°H°° bouillant à 1550. L'auteur a préparé les éthers chlorhydrique, acétique, isovalérique, benzoïque, de ce nouvel alcool. Oxydé - par la potasse, cet alcool fournit un acide de formule C!0H%0?, liquide huileux légèrement odorant, distillant » à 162-163 sous 5 centimètres de pression. Ce composé donne un chlorure bouillant à 145° sous 6 centimètres et un amide fondant à 112°. M. Guerbet n'a pas obtenu de réaction avec l'alcool isobutylique, el avec l'alcool ordinaire il a obtenu de l'acide acétique, de l'hydrogène et de l’éthylène d'après l'équation: C?H°0 + CHSNaO = CH* + CH°NaO®? + 21%. … — M. Engel dépose une note de M. Massol sur les relations entre les points de fusion et les poids molécu- laires des acides normaux de la série oxalique. — M. G. Rosset a adressé une note sur une méthode de détermination des poids moléculaires basée sur la mesure des tensions de dissocialion des hydrates de gaz; M. Berthelot, une note sur la synthèse de l'alcool; MM. Cavalier et Pouget, sur l'acide glycérophospho- rique ; M. A. Descamps, sur l’action des hydrazines sur E. CHaro. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 10 Mars 1899 (suile). M. A. A. Campbell Swinton décrit l'interrupteur électrolytique Wehnelt. La Revue devant consacrer prochainement un article à cet intéressant appareil et aux recherches dont il à été l'objet, nous n'analyserons pas en détail cette communication. — M. A. Griffiths décrit un appareil destiné à déterminer la vitesse de diffusion des solides dissous dans les liquides. L'appa- reil se compose d'un récipient cylindrique en verre, subdivisé, vers le milieu de sa hauteur, par une paroi non poreuse, traversée par un certain nombre de tubes verticaux. La partie inférieure du récipient est remphe de liquide, par exemple d'une solution aqueuse de sulfate de cuivre; la partie supérieure contient de l’eau pure. La méthode consiste à déterminer, par l'ana- lyse chimique, la quantité de sulfate de cuivre qui passe à la partie supérieure par l'intermédiaire des tubes. L'auteur donne la théorie de la méthode et quelques résultats expérimentaux. Les observations sont affectées par divers mouvements du liquide dans - les tubes, dus: 1° aux chanzements de température | auxquels est soumis l'appareil; 2° aux variations de L température à l'intérieur du liquide; 4° aux varia- tions locales de volume produites par la marche de la diffusion; 4° aux inégalités de longueur des tubes. 4° L'auteur donne les équations qui déterminent la gran- deur des causes d'erreur et traile plusieurs cas numé- riques. — Le même auteur communique une note sur la source de l’énergie dans la convection diffusive. - La diffusion tend à produire des variations locales de densité, qui causent des courants giratoires, lesquels h ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES An produisent un certain (ravail. Ce sont ces courants que l’auteur nomme « de convection diffusive ». Il détermine la chaleur équivalente au travail produit dans un cas particulier : celui de l'appareil décrit plus haut, avec deux tubes d'inégale longueur. 1{l montre que la chaleur absorbée, par suite de la diffusion à travers un des tubes, est indépendante du mouvement du liquide dans ce tube, et par conséquent de la longueur du tube. Séance du 24 Mars 1899. M. A. P. Trotter communique ses recherches sur les faibles voriations des piles de Clark. Elles ont élé failes pendant un espace de six mois sur des piles étalons, la température extérieure variaut de 43° à 289 C. Les différences entre les forces électromotrices des piles et celle d’une pile de comparaison n'ont presque jamais dépassé un millième. M. E. H. Grif- fiths pense que les variations dépendent des change- meuts de température, qui modifient le degré de saturation du liquide. Lui-même a fait des expériences pendant sept ans sur des piles de Clark, maintenues à une température constante; l’uniformité des forces électromotrices a été remarquable. — MM. E. H. Barton et W. B. Morton lisent un mémoire intitulé : Critérium pour la décharge oscillatoire d’un conden- seur. Ils recherchent comment la condilion pour la décharge oscillaltoire d’un condenseur est modifiée quand on ajoute à l'équation différentielle ordinaire les termes indiqués par Maxwel pour tenir comple de la distribution du courant dans le fil. Les coefti- cients de ces termes sont relativement petits, de sorte que l'équation algébrique donnant les périodes est une quadratique avec de petits termes d'ordre supérieur. L'effet de ces termes est d'abord d'introduire des vibralions rapides de faible amplitude, et ensuite de modifier les racines de la quadralique non altérée. La nature de la décharge — oscillatoire ou non — est déterminée par les racines principales; le cas critique a lieu quand elles sont égales. La condition d'égalité est obtenue par une série de puissances des petits coefficients de l'équation, dont l’approximalion succes- sive peut êlre poussée aussi loin qu'on le désire. Les auteurs traitent encore la question par une aufre mé- thode, qui consiste à remplacer la résistance, l'induc- tance et la capacité de la formule ordinaire par des valeurs modifiées. Ils montrent qu'un condenseur satisfaisant à la condition critique d'après la formule simple, doit donner une décharge oscillatoire si l’on tient compte des termes supplémentaires, Séance du 21 Avril 1899. M. C. S. Whitehead éludie théoriquement quel est l'effet d'une sphère conductrice solide placée dans un champ magnélique variable sur l'induction magnétique en un point extérieur. Il en tire les conclusions pra- tiques suivantes : Dans la télégraphie par induction, on obtient le meilleur résultat si la bobine réceptrice a son plan vertical et non horizontal : 1° parce que la distance du circuit inducteur à la surface de la plaque doit être petite en comparaison avec la distance du point à l'axe, de sorte que l'induction normale maximum soit pelite comparée à l'induction tangeutielle maximum; 2° parce que l'induction normale maximum varie en raison in- verse de la cinquième puissance de la distance du point à l'axe, tandis que l'induction tangentielle maximum varie inversement à la quatrième puissance de la dis- tance. M. Appleyard rappelle les expériences de M. Wil- loughby Smith, puis celles de MM. Kempe et Preece, qui ont semblé prouver que le meilleur effet est obtenu avec deux bobines verlicales. M. Whitehead réplique qu'il à étudié seulement le cas d'une bobine inductrice horizontale et d'une bobine réceptrice verticale; il s'oc- cupera prochainement de l'autre cas.— M. R. A. Leh- feldt a expérimenté une méthode due à M. T. W. Ri- chards pour l'étalounement des thermomètres. Elle se base sur le principe de la chaleur latente pour main- tenir constante la température, mais elle y ajoute la 412 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES considération de plus de deux phases de la substance fusible. S'il y a e composants et p phases, le nombre de degrés de liberté du système est e 2 — p; s'il est égal à 0, la température et la pression du système sont par- faitement définis. Ainsi, les formules suivantes re pré- sentent les URL ES phases en équilibre dans le cas du sel de Glauber : Na?SO‘.10H?0 ; Na°SO"; solulion; va- peur. M. Richards a déterminé la température d'équi- libre dans beaucoup de cas usuels. Si le sel employé est pur et qu'on ait soin d'éviter la sursaturation, la méthode est très satisfaisante. Elle donne une série très étendue de points fixes, et est très utile pour gra- duer les thermomètres entre 0° et 1000. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 29 Mars 1899. Séance anniversaire annuelle. M. J. Dewar, prési- dent, résume la marche et l'activité de la Société pen- dant l’année qui vient de s'écouler. M. T. E. Thorpe, trésorier, rend compte de l'administration des finances. Puis on procède à l'élection du bureau pour 1899. Sont élus : Président, M. T. E. Thorpe, FE. R.S. Vice-présidents, MM. C. E. Groves, G. D. Liveing, T. Purdie, William Ramsay, J. Emerson Reynolds et John M. Thomson. Secrétaires, MM. Wyndham R. Dunstan et A. Scott. Secrétaire étranger, M. Raphaël Meldola. Trésorier, M. William A. Tilden. Séance du 20 Avril 1899. MM. W. J. Sell et H. Jackson ont préparé le nitroso- dérivé de l'acide citrazinique, de formule : CAz0O — C (OH) SAS COH.C£ AZ c07 Due lequel donne par oxydation un acide jaune représenté par la formule I et par réduction un composé peu soluble, d'aspect bronzé, représenté par la formule II. COH CO°H H H VAN le He) Fu | O0 { (el D 0 OH HA Ne \/ )H H Ne C2 AZ AZ AZ AZ I II Le corps bronzé, bouilli avec de l'acide iodhydrique fumant et du phosphore, donne de l'acide a&-digluta- rique, ce qui prouve qu'il est un dérivé du dipyridile. — MM. R. S. Morrell et J. M. Crofts ont étudié l'action du peroxyde d'hydrogène sur les hydrates de carbone en présence des sels ferreux. On sait déjà que le glucose dans ces conditions est transformé en gluco- sone : l'osone est mise en évidence par la formation à froid de phényl et de méthylphényl-glucosazone (on s'assure que ces dérivés se forment à partir de l’osone et non du glucose même en détruisant ce qui reste de ce dernier par la fermentation). Le lévulose se com- porle comme le glucose et donne de la glacosone. L'arabinose se comporte comme un hexose et donne de l'arabinosone. Les réactions peuvent être représentées par les équations suivantes : CHO.CHOH.(CH.OH #.CHEON + O Glucose. —CH0.C0.(CHOH #.CHOH + H°0 Glucosone. CHON.CO.(CHOH $.CHEOH + 0 Lévulose. — CHO.CO. (CHOHŸ.CHOH + HO Glucosone. CUO.CHOH.(CHOH}.CHEOH + O0 Arabinose. — CHO.CO.(CHOH®.CEPOH + H°0 Arabinosone. — MM. J. Theodore Hewitt et Arthur Ernest Pitt ont étudié un corps soluble dans l’aicool, qui est le principal produit de la condensation à chaud de l'acide oxalique avec le résorcinol en présence d'acide sulfu- rique concentré. Ce corps est un acide carboxylique, donnant beaucoup de dérivés; sa constitution doit pro- bablement être représentée par la formule [C:8H°(=—0) (OH) ‘= C.COH. — MM. Edward Divers et Masataka Ogawa ont obtenu, en dirigeanf dans de l’alcoo! des courants d'anhydride sulfureux et d'ammoniaque, un nouveau sel, le sulfite d’éthylammonium, eristallisable. Ce corps et d'autres analogues se distinguent des alcoylsulfonates en ce qu'ils sont décomposé; par l’eau en alcool et pyrosulfite. — MM. Edward Divers et Seihachi Hada, en dissolvant ensemble, dans de l'alcool refroidi, de l’anhydride sélénieux et de lam- moniaque, ont obtenu un nouveau sel, le sélénite d'éthylammonium, décomposable par l'eau en sélénile d’ammonium et alcool. Les amidosélénites (ou sélé- nosamates) oblenus par Caméron et Macallan en opérant dans des conditions analozues n'existent pas; ces auteurs ont probablement travaillé en présence de traces d'humidité et ont obtenu des séléuiles acides” d'ammonium. — M. D. L. Chapmann tire les conclu= sions suivautes de ses expériences sur le phosphor 1° Le phosphore métallique et le phosphore rouge sont identiques, car ils présentent la même structure sous le microscope ; la tension de vapeur un peu supérieure de quelques variétés de phosphore rouge provient d'impuretés; 2° les vapeurs du phosphore rouge et du phosphore ordinaire sont identiques; la densité de vapeur du dernier a été déterminée aux points d'ébul- lilion du mercure et du soufre et concorde avec la. densité calculée en supposant que la molécule de phos- phore est tétratomique; 3° le phosphore rouge. fond sous pression, en donnant du phosphore ordinaire, au point de fusion de l'iodure de potassium.— M. P.C. Ray, en ajoutant du chlorure dé sodium à une solution neutre de nitrites mercureux et mercurique, a obtenu du nitrate de sodium et un corps donnant des cristaux rouge orangés, de composition Hge E,2Hg0,1/2H20. En ajoutant du nitrite d'argent à une solution chaude de nitrite mercureux (contenant un peu de nitrite mercu- rique) on obtient un précipité de mercure et de fins sis d'argent. — MM. F. H. Howles et Jocelyn F. Thorpe ont préparé, par l'action de la diéthylani- line sur l'a- -bromisobutylacélate d'éthyle, le &-isopropyl- acrylate d’éthyle, lequel, par condensation avec le sodiocyanacétate d’ éthyle donne un mélange d° a-cyano- &-isopropylalutarates d'éthyle neutre et acide. L’éther acide, hydrolysé par l'acide sulfurique, produit l'acide 3-isopropylglutarique CO®°H. CH?. CH (Pr$). CH?. CO?H,; l'éther peutre, hydrolysé par la potasse alcoolique, donne d'abord un sel de potassium, lequel, tx "aité par l'acide chlorhydrique, produit l'imide de l'acide précé- dent. — M. W. Trevor Lawrence a préparé é synthéti- quement, par oxydation de l'acide £ 3isopropylglutari- que, l'acide terpénylique (CH — —— () | x CO?H.CIP.CH — CH2CO L'acide isopropylsuccinique est également oxydé par le meass chromique en donnant l'acide térébique YH#0*, Un mélange d'acides térébique et terpénylique du être séparé si on le dépose sur des plaques poreuses à 900; l’acide térébique reste à l'état de poudre sèche à la surface, et l'acide terpénylique peut être extrait de la plaque par l'eau après enlèvement du premier, Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue 7 ane. — L. MaréraroxGmprinens, Lorie Cassel né dt #5 + mé dl. din APT T IC EU) el "7 2 " — 10° ANNÉE N° 11 15 JUIN 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES : DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Paléontologie Sur la présence de coquilles fossiles eal- caires au fond des mers actuelles. — La question de savoir si l'on peut retirer, par dragage, du fond de nos mers actuelles, des coquilles fossiles an- ciennes calcaires est importante et iutéresse à la fois l'Océanographie et la Géologie historique. La découverte de coquilles fossiles anciennes au fond des eaux marines actuelles n’a été signalée, à ma connaissance, que deux fois. M. le Professeur Marion, à propos ae dragages exé- cutés en Méditerranée, au bas de la falaise qu’il nomme falaise Peyssonnel, au large de Marseille, par des fonds compris entre 555 et 2.020 mètres, écrit les phrases suivantes! : « Le sol sous-marin est partout occupé par le même limon gluant, un peu sableux, qui couvre déjà le pla- teau Marsigli. La drague s'engage aisément dans cette - vase et rapporte quelquefois des parties solidifiées, identiques aux marnes des assises crétacées, aptiennes ou cénomaniennes qui s’étagent dans les escarpements émergés de Cassis et du cap Canaille. Ces couches plon- gent sous l’eau, mais nous n'avons pas encore assez de documents pour dire si elles constituent réellement les falaises sous-marines. Nous ne pouvons pas apprécier non plus jusqu'ici d'une manière exacte l'importance et la rapidité des sédiments qui s'accumulent dans les grands fonds, au large du plateau côtier. Le Rhône en- traîne sans doute une quantité considérable de maté- riaux en suspension; mais les éléments volumineux se déposent promptement et l’espace sur lequel doivent s'étendre les particules vaseuses est tellement vaste, que l'épaisseur des dépôts ne doit pas croître beau- coup, mème en une longue suite d'années. On peut, en tous cas, reconnaître que les dragues pénètrent facilement au-dessous d'une mince couche superfi- cielle occupée par les animaux vivants et qu’elles ra- mènent une foule de coquilles mortes, d’un aspect 1 Mariow : Considérations sur les faunes profondes de la Méditerranée. Annales du Musée d'Histoire naturelle de Mar- seille, t. I, première partie, 1882-1883, p. 34. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, particulier, appartenant soit à des espèces que l'on ne trouve que très rarement vivantes, soit à des formes dont les individus, actuellement vivants, n'ont plus que de faibles dimensions. On est naturellement amené à penser que ces échantillons sont déjà fossiles dans des parties anciennes du fond correspondant à des temps antérieurs aux nôtres, intermédiaires entre le Quaternaire et le Pliocène dont nous connaissons des parties émergées, et peut-être même touchant à cette époque géologique ancienne. « Les Terebratella septuta retirées du pied de la falaise Peyssonuel étaient, en effet, dans un état qui autorisait cette supposition. On n'aurait pu les distinguer des co- quilles de même espèce des couches pliocènes de la Sicile. La plupart des Limopsis aurita pris à la même sta- tion pourraient être confondues avec les échantillons des formations de Biot, près Antibes. Ces aperçus sont basés déjà sur un certain nombre de faits nettement constatés ; mais il est certain qu'ils doivent êlre con- firmés par des recherches spéciales qu'il sera possible d'entreprendre plus tard. » M. le Professeur Pruvot a trouvé, lui aussi, en Médi- terranée, par dragages, des coquilles fossiles. Le gise- ment en est situé entre Masa de Oro et le rech du Cap, en face du cap de Creus. Le terrain offre une pente générale comprise entre 0 et 600 mètres de profondeur sur # milles de distance, c'est-à-dire présente un angle de pente de 5 degrés environ. La drague recueille! « de petits galets de quartz jaune ou brun de un demi- centimètre à deux centimètres de diamètre, parfaite- ment roulés et polis, mêlés à une quantité considérable de coquilles entières ou brisées ». « Le beau développe- ment des Tubulaires sur ces fonds du cap Creus, ainsi que la violence du courant dans les couches supérieu- res de la mer en ce point, l'absence de sédiments fins et l'état parfaitement lavé des galets et des coquilles dans les cavités desquelles on ne trouve jamais de vase, donneraient à penser que les courants s'y font sentir 1 G. Pruvor et A. Rogerr : Sur un gisement sous-marin de coquilles anciennes au voisinage du cap de Creus. 4r- chives de Zoologie expérimentale el générale, 3° série, t. V, 1897, p. 498. 1 A14 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE jusqu'au fond assez pour ne pas laisser s'y accumuler de dépôts meubles. Ces coquilles ont dù vivre dans notre région de la dernière partie de l'époque pliocène au milieu des temps quaternaires. » Ces deux exemples sont, je crois, les seuls où il soit fait mention de coquilles fossiles recueillies au fond des eaux actuelles à l'aide de dragages. Aucune des expé- ditions océanographiques, si nombreuses durant ce der- nier quart de siècle, exécutées par les diverses nations maritimes dans les parages les plus variés, expéditions anglaises, norvégiennes, allemandes ou américaines, n’ont mentionué la découverte de coquilles fossiles. On peut donc affirmer que cette rencontre est rare et exige des conditions toutes spéciales. On a, il est vrai, récolté dans les plus grandes pro- fondeurs, sur des fonds d'argile abyssale, des dents de requins, des becs de ziphioïdes et des os {ympaniques de baleines; mais, outre que l'énorme profondeur des fonds place ces restes dans des conditions particu- lières, leur composition chimique et leur texture offrent une grande résistance à la dissolution. On ne saurait admettre la présence, au fond des eaux, depuis plusieurs milliers d'années, à la même place, à la sur- face du sol sous-marin, de coquilles en carbonate de chaux. Tous les auteurs, sans exception, ont reconnu que le carbonate de chaux est soluble dansl'eau de mer et par- ticulièrement sous la forme de coquilles, dont la surface est très considérable par rapport à leur épaisseur. J'ai moi-mème,dansdes expériencesdirectes',reconnu cette solubilité et en ai mesuré le taux, tout en constatant qu'elle est notablement moindre dans l'eau de mer basique que dans l’eau douce toujours chargée d'acide carbonique. Murray remarque qu'il ne reste des dents trouvées en mer profonde que la dentine dure ou émail, et que toute la vaso-dentine a disparu. Ce carac- tère distingue même ces dents de celles appartenant aux mêmes espèces et qu'on rencontre dans les dépôts tertiaires de Malte, de la Caroline et de l'Australie, dans lesquelles la vaso-dentine, aiusi que la base de la dent, sont toujours conservées. Le même auteur a, du reste, longuement étudié les différences de composition chi- mique existant entre des os fossiles et des os dragués dans les abimes. Partout il a noté la disparition du carbonate de chaux par dissolution. « Que les coquilles « soient constituées par de la calcite ou de l’aragonile, « elles disparaissent toutes dans les grandes profon- « deurs de l'Océan, si elles demeurent exposées pen- « dant un temps suffisamment prolongé à l'action dis- « solvante de l’eau de mer normale * .» Il résulte de ce qui précède que, s’il est possible qu'une coquille demeure quelques années au fond de l'eau dans les couches superficielles du sol sous-marin, c'est-à-dire non protégée ou mal protégée par une enveloppe de vase compacte, si, à la rigueur, ce séjour est susceptible de se prolonger pendant un siècle ou même deux, ce qui semble déjà fort long, il est abso- lument inadmissible qu'elle ait pu y séjourner pendant la durée géologiquement courte, mais démesurément longue au point de vue des phénomènes actuels, qui nous sépare de l'époque tertiaire. Une coquille cal- caire au fond de la mer pendant plusieurs siècles ou un morceau de sucre au fond d’un bassin pendant plu- sieurs jours sont des impossibilités de même ordre. Dans le cas signalé par M. Pruvot, beaucoup de ces coquilles sont très fragiles et ne peuvent être débar- rassées qu'avec précaution de la vase bleue compacte qui les enveloppe et les remplit. Leur mélange avec des galets de quartz de un demi-centimètre à deux centi- mètres de diamètre parfaitement roulés et polis est certainement lout récent. Des coquilles aussi fragiles 4 J. Tuourert : Solubilité de divers minéraux dans l'eau de mer. C. R. Acad. Sc., t, CVIII, p. 153, 1889, et t. CX, p. 652, 1890. 2 Munnay et Rexarp : Deep sea deposits. Reports on the scientific resulls of the voyage of H. M. S. Challenger, 1891, p. 280. ue sauraient avoir été longtemps entrainées pêle-mêle avec ces cailloux de quartz par un courant assez fort pour les rouler les uns etles autres, sans se pulvériser. D'ailleurs, M. Pruvot lui-même fait remarquer qu'elles sont « non roulées, ayant conservé le tranchant de « leurs arrêtes et tout le détail de leur surface ». IL est donc avéré que les coquilles fossiles sous- marines : 1° Ne sont point depuis une durée de temps géolo- gique à la place où on les trouve aujourd'hui; 2° Quelles n'y ont point été amenées d'une autre localité. Dans ces conditions, on ne saurait expliquer leur présence dans ces faibles profondeurs d'eau où se font sentir non seulement Îles courants sous-marins, mais même le mouvement continuel des vagues de la surface qui agite les eaux, les renouvelle sans cesse et exalte ainsi leur pouvoir dissolvant, qu'en supposant que ces courants, passant le long de la tranche de cou- ches géologiques d’abord submergées, puis émergées, puis de nouveau submergées, de nature peu résistante, telles que des marnes, des argiles fossilifères plus ou moins sableuses, des sables et des graviers non cimentés, les désagrègent. Les débris descendent alors la pente et pêle-mèêle avec des galets antérieurement roulés et déposés en couche probablement très voisine de la couche de marne fossilifère, s'accumulent à son pied en un talus très aplati puisqu'il est sous l'eau. C'est à la surface de ce talus que la drague ramasse les fossiles sans cesse renouvelés avant qu'ils ne soient emportés et ne disparaissent à la fois triturés et pulvé- risés au contact des cailloux et dissous par l’eau. J'appelle sur cette explication, la seule qui me semble possible, l'attention des océanographes. Il appartient à des recherches ultérieures de la confirmer par de nou- veaux exemples. Les expéditions océanographiques sont suffisamment fréquentes, au moins à l'étranger, pour que cette confirmation ne se fasse pas trop attendre. Elle importe beaucoup, car elle a pour conclusion l'impossibilité presque complète de poursuivre sous les eaux acluelles la trace des formalions continentales autrement que par la topographie et l'obligation de ne s'occuper des cartes lithologiques sous-marines qu'au point de vue des sédiments actuels, dans le sens géologique du mot. J. Thoulet, Professeur de Minéralogie et d'Océanograplie à l'Université de Nancy. SUITE Hygiène publique Valeur thermique de la ration alimentaire du soldat en garnison. — Dans un travail fort re- marquable consacré à cette question, M. Rieoux ‘ montre que l'apport calorifique total de la ration du soldat francais est très largement établi, aussi bien pour la ration réglementaire que pour ses diverses variantes, cet apport atteingnant une moyenne de 3.400 calories. Aucune critique ne peut donc être faite quant à la générosité qui a présidé à la détermination des allo- cations alimentaires. Il en résulte même une ration d’engraissement, et il est bon qu'il en soit ainsi si l’on songe que le jeune soldat non seulement est astreint à des exercices souvent très actifs et en plein air, mais eucore doit parfaire son développement physique. L'apport d'albumine est aussi très largement établi puisqu'il atteint environ 2 grammes par kilo de poids vif, alors que, de l’aveu de tous les physiologistes, un apport de 4 gr. 5 à 1 gr. 7 d'albumine par kilo et par jour représente une ration azotée qui suffit grandement à l'ouvrier moyen. Seule la répartition entre les trois catégories d'aliments organiques gagnerait à être modi- fiée. Dans ce sens, il conviendrait d'ausmenter un peu la quantité de l'aliment gras en diminuant celle des hydrocarbonés. Il suffirait pour cela d'une diminution légère de l'allocation réglementaire de pain. 1 Rev, d'Hygiène, 1899, vol. XXI, n° 3, p. 193. “4 dE Dh nn | ‘bulletin de demande du volume CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 15 Lutte contre la tuberculose. — Un Congrès änternational pour la Lutte contre la Tuberculose a été tenu à Berlin, du 24% au 27 mai dernier. La principale ques- tion qui y a été discutée a été celle de l'établissement des sanatoria populaires pour ouvriers tuberculeux. Nous consacrerons prochainement une étude de fond à cette question, qui présente un intérêt scientifique, social et économique de premier ordre. $ 3. — Géographie Voyage dans la mer Noire. — Crimée et {'aucase : Livres à lire. — Selon son habitude, la Revue se fait un devoir d'indiquer aux personnes dési- reuses de faire le prochain voyage, les livres les plus importants sur les régions qu’elles doivent visiter. Par une innovation qui, nous n’en doutons pas, sera - très goùtée, la plupart de ces livres seront, dès mainte- pant mis, au siège de la direction de la Revue, à la disposition des touristes qui désireraient y chercher des renseignements. Pour les ouvrages étrangers, plus difficiles à se pro- curer, nous indiquons la cote de classement à la Biblio- thèque Nationale; l'inscription de cette cote sur le abrège considéra- blement les recherches et accélère, par conséquent, l’arrivée du livre. Nous avons déjà donné, dans le numéro du 28 fé- vrier 1898, la bibliographie relative à Constantinople, et nous y renvoyons nos lecteurs. Ï. — GÉOGRAPHIE. GÉNÉRALITÉS. Eusée Reczus: Nouvelle Géographie Universelle : t. I, l'Europe méridionale (Turquie); t. V, l'Europe scandinave et russe; f. VI, l'Asie russe. Paris, Hachette, 3 vol., gr. in-8°, chaque 30 fr. A. LEeroY-BEauLIEU: L'Empire des Tzars et les Russes. Paris, Hachette, 1881-1889, 3 vol., in-8°, 22 fr. 50. A. Rameau: Histoire de Russie. Paris, Hachette, 1878, in-12, 6 fr. Vicomte DE VocüÉ: Spectacles contemporains. Paris, Colin, 1891, in-12, 3 fr. 50. Bæœpecker : La Russie. Paris, 4897, in-16, 15 fr. Joanne: De Paris à Constantinople. Paris, Hachette, 1896, in-12, 15 fr. Les Etats du Danube et les Balkans. Paris, Hachette. F. Drouer : De Marseille à Moscou par le Caucase. Rouen, 1893, in-40. O. Maus: Esquisses à la plume : Malte, Constantinople, Crimée méridionale. Bruxelles, Callewaert, 1881, in-16, 3 fr. 50. (Bibl. Nat, & G, 6923.) Parueps-Wozrey. Sport in the Crimea and Caucasus, Londres, 1881, in-8°. (Bibl. Nat. 8° S. 2857.) Cowses pa Lesrranes : La Russie économique et sociale à l'avènement de Nicolas IL. Paris, Guillaumin, 4896, in-16. F‘ Branconr : La Russie au point de vue commercial. Paris, Chaix, 1893, in-8°. IT. — Crimée. L. DE Soupar: Voyage en Crimée, côte méridionale. Paris, C. Lévy, 1892, in-18, 3 fr. 50. — Voyage aux villes de Crimée. Tour du Monde, 1895. DE Vocüé: En Crimée. Revue des Deux Mondes, 1° dé- cembre 1886. En. Berc : Tagebuchblätter aus der Krimm. Reval, Kluge, 1885, in-8°. (Bibl. Nat. 8° M. 4255.) Ennesr Favre: Etude stratigraphique du sud-ouest de la Crimée. Genève, Georg, 1877, in-4°, 40fr. H. Wazrer : Rapports de M. Henryk Walter, commissaire royal des mines: I. Sur la présence du pétrole dans la Crimée ; II. Levé géologique des terrains. Paris, 1887, broch. in-8°. E. Sorowxo: Die Jura und Kreidekorallen der Krimm. Saint-Pétersbourg, 1887, in-8°. (Bibl. Nat. 8°, H, Zür, ph. 145.) L. Portes et F. Ruyssen : La vigne en Crimée. Alger, Fontana, 1891, broch. in-8°. (Bibl. Nat. 8 S. Pièce 5423.) Caizze Rousser : Histoire de la guerre de Crimée. Paris, . Hachette, 1877, 2 vol. in-8° avec atlas, 22 fr. 50. Général Cu. Fay : Souvenirs de la querre de Crimée. Paris, Berger-Levrault, 1889, in-8v, G fr. Cap. Henri LorzizLon : Campagne de Crimée. Lettres écrites de Crimée. Paris, Flammarion, 1895, in-8°, 6 fr. L. Tozsroï : Les Cosaques, souvenirs de Sébaslopol. Paris, Hachette, 1886, in-12, 3 fr. 50. III. — Caucase. S 1. — Voyages. ALEXANDRE Dumas : Le Caucase. Paris, Lévy, 1859, in-12, 3 fr. 50. J. Mounier : Guide au Caucase. Tiflis, Liberman, 1891, in-16. (Bibl. Nat. 8° M. 10404.) Mocrier : Le Caucase illustré. Tiflis, gr. in-4°. (Bibl. Nat. fol. M. 516.) E. pe Groore : Au Caucase. Dessins originaux de Daniel de Haene. Bruxelles, 1891, in-8°. (Bibl. Nat. 8° M. 7432.) E. pe Zicuy : Voyages au Caucase. Budapest, 1897, 2 vol. gr. in-4°. (Bibl. Nat. #° 0° 936.) A. Kaœcazin-ScnwarTz : Un touriste au Caucase, Volga, Caspienne, Caucase. Paris, Hetzel, 1881, in-12, 3 fr. E. BouranGiEr : La traversée du Caucase par la route militaire du Darial. Tours, (887, in-8°, brochure. J. Leccerco : Du Caucase aux monts Alaï. Paris, Plon, 1890, in-18, 3 fr. 50. E. Orsozze : Le Caucase et la Perse. Paris, Plon 1885, in-12, 4 fr. F. C. Grove : Le Caucase glacé. Promenade à travers une partie de la chaîne et ascension du mont Elbrouz. Paris, Quantin, 1881, in-12, 3 fr. Baron Ernour : Le Caucase, la Perse et la Turquie d'Asie, d'après la relation de M. le baron de Thielmann. Paris, Plon, 1876, in-12, 4 fr. Duozaurier : La Russie dañs le Caucase. (Revue des Deux Mondes, 1865-1866.) L, Tozsroi : Au Caucase. Paris, Perrin, 1888, in-12. 3 fr. CazousTE S. GULBENKIAN : La Transcaucasie et la péninsule d'Apchéron. Paris, Hachette, 1891, in-12. J. Mounier : Batoum el le bassin du Tchorok. Paris, Leroux, 1887, in-18, 2 fr. MirTHEILUNGEN DE PETERMANN : Articles sur le Caucase du général Chodzko, 1859, 1862. — de Stebnitzky, 1865. — Dr G. Radde, 1867, 1868, 1874. WaLovoceL : Reisebilder aus dem Kaukasus, Schaffouse, Schoch, 1897, in-8°. (Bibl. Nat. 8°. M. 10483.) B. Stern : Zwischen Kaspi und Pontus. Kaukasische Skiz- zen. Breslau, Schottlaender, 1897, in-16. (Bibl. Nat. Oc. 92.) A. Agica : Aus Kaukasischen Lündern. Reisebriefe. Vienne, Hülder, 1896, 2 vol. in-8°. (Bibl. Nat. 8°. M. 9603.) C. Haux : Kaukasische Reisen und Studien. Leipzig, Dun- cker, 4896, in-8°. (Bibl. Nat. 8°. M. 9602.) A. Fiscuer : Zwei Kaukasus-Expedilionen. Berne, 1891, in-16. (Bibl. Nat. 8°. M. 7459.) H. Mouxsey : À Journey through the Caucasus. Londres, 1872, in-8°. 416 Notes on the Caucasus by Wanderer. Londres, 1883, in-8°. (Bibl. Nat. 8°. M. 3369.) J. ABercromBy : À trip through the Eastern Caucasus, with a chapter on the languages of the Country. Londres, 1889, in-8°. (Bibl. Nat. 8°. M. 6592.) A. CuNYNGHAME : Travels in the Eastern Caucasus. Londres, 1871, in-80. Doucras-W. FResurieLp : The exploration of the Caucasus. Londres, Arnold, 4896, 2 vol. in-4°. (Bibl. Nat. 40, M. 1484.) A.-F. Muuuery : My Climbs in the Alps and Caucasus. Londres, Unwin, 1893, in-8°. (Bibl. Nat. 4°. G. 649.) $ 2. — Les peuples et les langues. L. Lecer : La littérature russe. Paris, Colin, 1892. Etudes slaves. Paris, Leroux, 1880-86. R. vox Erckerr : Der Kaukasus und seine Vôlker. Leipzig, 1887, in-8°. (Bibl. Nat. 8°. M. 5392.) Vivien DE SAINT-ManTin : Recherches sur les populations primitives et les plus anciennes traditions du Cau- case. Paris, A. Bertrand, 1847, broch. in-8°, E. CaanTRe : Recherches anthropologiques duns le Caucase. Paris, Reinwald, 1885-1887, 4 vol. in-4° et atlas. à. BeRNOvILLE : La Souanétie libre. Episode d’un voyage à la chaîne centrale du Caucase. Paris, 4875, in-4. R. von ErckerT : Die Sprachen… (Les langués de la race caucasique). Vienne, 1895, in-8°. (Bibl. Nat. 8, X. 11314.) Mourier : Contes et légendes du Caucase. Paris, Maison- neuve, 1888, in-12. 3 fr. 50. Dr GusTAvE RADDE : Bericht über die biologisch-geogra- phischen Untersuchungen in den Kaukasus Ländern. Tiflis, 1866, gr. in-4°. Di $ 3. — Archéologie. J. ne MorGan : Mission scientifique au Caucase. Etudes archéologiques et historiques. Paris, Leroux, 1890, 2 vol. in-80, 25 fr. E. CHanTRe : Les Dolmens du Caucase. Paris, 14885, in-8°. Origine et anciennelé du premier âge du fer au Caucase.Lyon, 1892, broch. in-8°. Rapport sur une mission scientifique dans l'Asie occidentale et spécialement dans les régions de l'Ararat et du Caucase. Paris, 4883, in-8°. La bijouterie caucasienne de l'époque scytho-byzan- tine. Lyon, Rey, 1892, pièce gr. in-80. G. Bapsr : Souvenirs de deux Missions au Caucase. Paris, Leroux, 1886, in-8o, 2 fr. Souvenirs du Caucase : Fouilles sur la grande chaîne. Paris, 1885, broch. in-8°. F. Bayern : Contribution à l'archéologie du Caucase. Lyon, 1882, in-8°. J. Mounier : L'art religieux au Caucase. Paris, Leroux, 1887, in-12, 3 fr. 50. R. Vincuow : Uber die Culturgeschichtliche Stellung… (Sur la place du Caucase dans l’histoire de la civilisa- tion). Berlin, 4895, in-4°. (Bibl. Nat. 4° R. 5450. 139. 4.) E. Caanrre : L'âge des nécropoles préhistoriques du Cau- case renfermant des crânesmacrocéphales. Lisbonne, in-8°, broch. (Bibl. Nat. 8° M. pièce. 1460.) F. Bayern : Untersuchungen über die Aeltesten Gräber-und Schatzfunde in Kaukasien. Berlin, 1885, gr. in-8°. W. pe BLock : Poteries vernissées du Caucase et de la Crimée. (Société des Antiquaires de France, t. LVI.) Nogent-le-Rotrou, Daupeley-Gouverneur, 1897, in-8°. $ 4. — Géologie. Minéralogie. E. Fouanier : Description géologique du Caucase cen- tral. (Annales de la Facullé des Sciences de Mar- seille.) Paris, G. Masson, 1896, in-#°. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Neumayr : Des fossiles jurassiques recueillis dans le Cau- case par H. Abich (en allemand). In-4. (Bibl. Nat. R. 621. 60. 1.) E. Favre : Notes sur quelques glaciers de la chaîne du Caucase. (Bibl. univers. de Genève, 15 jan- vier 1869.) L. Drv : Rapport sur les eaux minérales du Caucuse. Paris, 1884, in-fol. H. Water : Rapport [sur les mines]. Voyage dans le Cuu- case et à Baku. Paris, 1887, broch. in-4°. $ 5. — Climatologie. Botanique. Culture. B. Srarkowski : Problèmes de la climatologie du Caucase. Paris, Gauthier-Villars, 1879, in-8°, 6 fr. MARSCHALL VON BIiEBERSTEIN : Flora Taurico-Caucasica. Charkow, in-8°. (Bibl. Nat. 80 S. 8231.) E. Levier : A travers le Caucase. Notes et impressions d'un botaniste. Paris, Fischbacher, 1894, in-4°. KôPPEN : Geographische Verbreitung der Holzgewächse des europäischen Russlands und der Kaukasus. Saint- Pétersbourg, in-S°. (Bibl. Nat. 8° M. 1739.) B. Taïrorr : Note sur la culture de la vigne et les vins du Caucase. Montpellier, 1887, broch. in-8°. G. Ducousso : La cullure du tabac au Caucase. Nancy, 1891, broch. in-8°. LasserREe : Culture de la consoude rugueuse du Caucase. Paris, 1891, broch. in-16. GHERSÉVANOr : Canaux d'irrigation au Caucase, Paris, 1890, broch. in-8°. $ 6. — Ornithologie. G. Ranoe : Die Vogelwelt des Kaukasus. Kassel, 1884, gr. in-4° (Bibl. Nat., fol. S. 288). Tu. Lorewz : Beitrag zur Kenntniss der ornithologischen Fauna an der Nordseite des Kaukasus. Moscou, 1887, gr. in-4°. (Bibl. Nat., fol. S. 356). P. Sace : L'industrie du naphte au Caucase. Paris, 1885, broch. in-8°. F. Hue : Le Pétrole. Sun histoire, ses origines, son eæploi- tation dans tous les pays du monde. Paris, Lecène, 1885, in-12, 3 fr. 50. $ 7. — Industrie et commerce. Rice et Hazpnen : Le Pétrole. Paris, J. B. Baïllière, 4896, in-18. IV. — BULGARIE. F. Kawrrz : La Bulgarie danubienne et le Balkan. Paris, Hachette, 1884, gr. in-8°, 25 fr. Duoxr : Le Balkan et l'Adriatique. Les Bulgares et les Albanais. Paris, Didier, 1873, 2° édit., 3 fr. 50. Lamouce : La Bulgarie dans le passé et le présent. Paris Baudoin, 1892, in-12, 6 fr. : Prince François-Joserx DE BATTENBERG : Die volkswirths- chaftliche Entwickelung Bulgariens von 1879 bis zur Gegenwart. Leipzig, 1891. Jinecer : Das Fürstenthum Bulgarien. Vienne, 1891. E. Dicey : The Peasant State. An account of Bulgaria in 1894. Londres, 1894. V. — SINOPE. PAcuror : Sinope. Six mois de séjour dans l'antique capitale de Mithridate et la patrie de Diogène. Tour du Monde, 1889, t. LVIT, p. 401-416. aire à RE Ne Sel + Pn De re ne TN RE EE LR en tels dt 22 en eue domi M PE CD VHAOLANGTAR $S 4. — Colonisation Création d’une École pratique d’Agricul- ture à Ilué et d’une Ferme locale au Daho- mey. — Nos colonies et pays de protectorat, répon- dant à la sollicitude de la métropole, recherchent tous les moyens possibles de mettre leur sol en valeur par l'agriculture. Sous l'inspiration de M. Boulloche, résident supérieur de l'Annam, S. M. le roi d'Annam vient, en effet, de rendre une ordonnance royale d’après laquelle il décide « que tous les efforts de son gouvernement doivent tendre au développement de l’agriculture ». Il crée donc à Hué, sa capitale, une Ecole pratique d’Agricul- ture « destinée à faire connaître les nouvelles mé- thodes, les perfectionnements dont est susceptible l'ou- tillage agricole, les manières d'employer les engrais, les nouvelles cultures à pratiquer en Annam, elc., etc. » En plus des vingt-cinq élèves indigènes, l'Ecole pourra recevoir un certain nombre de Français apprentis colons. L'’ordounance royale ajoute, en effet : « Il est nécessaire que l’enseignement de l'Ecole soit également - suivi par les Francais qui désirent faire des plantations en Annam. » Une année passée à Hué, dans un climat sain, au milieu de régions où des terrains immenses ne demandent qu'à produire, sera des plus utiles au nouveau colon. Les élèves de nos grandes Ecoles d'agriculture de France, de Tunis, etc., désireux de se fixer aux colo- nies, tiendront à venir à Hué pour étudier les cultures de l’Annam, dans l'Ecole modèle qui vient d’être créée. D'autre part, nous apprenons que, par arrêté du 10 janvier, est créée au Dahomey, dans la banlieue de Porto-Novo, sur un terrain de 250 hectares, cédé gra- tuitement et en toute propriété par le roi Toffa à la colonie, une ferme du service local. Cet établissement a pour but : {° de recevoir, garder ou vendre, au profit du service local, les divers produits provenant de l'impôt indigène perçu ou à percevoir, ainsi que les produits résultant de l'élevage ; de recher- cher et d'améliorer les variétés : chevalines, bovines, ovines, caprines, porcines, etc., existant déjà dans la colonie ; 2 de rechercher les perfectionnements à apporter aux systèmes de culture en usage jusqu'à ce jour au Dahomey; de tenter la culture de toutes les plantes indigènes ou exotiques, dont les produits peu- vent donner lieu à un commerce quelconque et de fournir à un prix aussi minime que possible aux parti- culiers, aux colons européens et indigènes, dont il con- vient d'encourager les efforts, les plantes, boutures, . graines, ete. Il est bon de signaler ces créations pour bien montrer que, contrairement à ce qui a été dit quelquefois, les gouvernements de nos différentes colo- nies ont réellement conscience de leur rôle, et qu'ils ne reculent devant aucun sacrifice pour assurer la prospérité des vastes territoires qui leur sont confiés. La réglementation de l'exploitation fores- tière au Congo français. — Le Journal officiel a publié un décret réglementant l'exploitation des forêts au Congo français. Nous sommes heureux de constater que, pour éviter — ainsi que cela s’est produit dans un certain nombre de pays —un déboisement irraisonné, à la suite duquel on a constaté des diminutions notables dans le régime local des pluies, ce qui a eu pour conséquence de rendre presque stériles des régions jusque-là très fertiles, le décret susvisé fait certaines réserves parmi lesquelles il convient de faire connaître les principales, c'est-à- dire celles qui ont pour but d'empêcher la destruction complète des forêts existantes. Le premier paragraphe de l’article 4 dit: « Il sera fait réserve de tous les arbres qui n'auront que 1 mètre de tour et au-dessous, mesure prise à 4 mètre du sol »; et, plus loin, qu'il est interdit de déboiser ou de défri- cher les versants des montagnes offrant un angle de CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 417 35° et au-dessus. Une réserve est également faite pour tous les arbres à latex, et pour la récolte des écorces tannifères ou tinctoriales, des gommes, résines, caout- choucs et guttas-perchas, qui devra se faire de manière à ne pas détruire les végétaux producteurs. Pour éviter que les essences précieuses diminuent ou disparaissent, l'exploitant sera tenu de faire planter chaque année, à ses frais, un nombre de plants de même essence, ou d'une essence aussi riche, au moins double de celui des arbres abattus dans le cours de l'année. L'exploitant sera tenu également de planter annuellement un nombre d'arbres ou de lianes à latex qui ne sera pas inférieur à 150 pieds par tonne de caoutchouc ou de gutta récoltée dans l’année. Après avoir signalé les réserves faites par l'adminis- tration coloniale, nous nous demandons comment il sera possible de les faire observer au Congo, où le Gou- vernement ne dispose que d’un seul agent technique. Productions coloniales. — Combien est inté- ressante, et surtout instructive, la communication faite à la Société de Géographie commerciule par M. H. Lecomte, chargé, il y a quelques mois, d'une mission du Minis- tère des Colonies, aux Antilles. Avec la plus savante autorité, M. Lecomte a parfaite- ment démontré quelle peut être l'influence des Jardins d'Essai sur le développement agricole de nos colonies. Il a signalé notre infériorité manifeste à cet égard, et a prouvé d'une façon irréfutable que, si nous possédons d'immenses territoires, nous n’en tirons à peu près rien, et que les denrées, dites coloniales, ne méritent ce nom que parce qu'elles nous viennent des colonies étran- gères. Les importations des colonies françaises ne repré- sentent, en effet, qu'une très faible partie des importa- tions totales : ainsi, pour 1896, nos colonies ne nous ont fourni que les proportions suivantes des marchandises importées au commerce spécial : Coton . 1/20000 sur 162.000.000 kilos Jute . 1/22000 — 69.000.000 — Café. 1/100 — 75.000.000 — Cacao. -- 1/24 — 16.000.000 — AU RON 1/150 —- 765.000 — Tabac en feuilles. 1/6 — 17.000.000 — Sucre . 3/4 — 157.000.000 — Notre infériorité, qui apparaît nettement dans ce tableau, M. Lecomte la voit dans l'espèce de stagnation où a élé laissée pendant longtemps notre agriculture coloniale. Tandis que les Anglais possèdent dans leurs colonies des Antilles, pour ne parler que de celles-là, une dizaine de Jardins d'Essai, bien outillés et pourvus de crédits suffisants, nous n’en possédons, nous, à l'heure actuelle, que deux, dont les ressources, et partant les résultats qu'ils donnent, sont des plus modestes. Au cours de sa communication, M. H. Lecomte à donné une série de tableaux montrant quelles ont été les exportations des colonies anglaises dans ces der- nières années, et en regard celles des colonies françaises. La comparaison des chiffres oblige à convenir que si le gouvernement anglais a fait de grandes dépenses pour doter ses colonies d'établissements agricoles modèles, destinés à diriger et à donner l'impulsion nécessaire à ses colons, l'agriculture, l’industrie et le commerce des colonies anglaises se sont développés dans des propor- tions en rapport avec les sacrifices faits. Le résumé de l'étude de M. H. Lecomte est que nous devons tirer de l'exemple des colonies anglaises un enseignement précieux pour nos propres colonies si nous voulons qu’elles ne restent encore pendant long- temps à la charge de la métropole. Nous savons que, dans cet ordre d'idées, un vaste pro- gramme a été établi depuis au Ministère des Colonies par une commission technique; nous ne pouvons donc que souhaiter qu'il soit mis en pratique au plus tôt. 418 G. VINCENT — LES COUCHES DE PASSAGE ET LE RAYON D'ACTIVITÉ MOLÉCULAIRE LES COUCHES DE PASSAGE ET LE RAYON D'ACTIVITÉ MOLÉCULAIRE L'objet du présent article est d'exposer et discu- ter les expériences qui permettent de définir phy- siquement ce que l’on a appelé les couches de pas- sage et qui fournissent en même temps un moyen de mesurer leur épaisseur. C’est la conception atomique de la matière qui a conduit d'abord à considérer de pareilles couches, en introduisant la nolion de rayon d'activité molé- culaire, qu'ont imposée l'étude des phénomènes capillaires et des phénomènes de cohésion. Mais rayon d'activité et couches de passage peuvent être envisagés indépendamment de toute théorie, d’une façon purement expérimentale. Imaginons deux corps solides ou liquides, ter- minés par deux portions de surfaces identiques, susceptibles par conséquent de s'appliquer exacte- ment l’une sur l’autre. Quand ces surfaces sont suf- fisamment éloignées, on ne constate entre les corps aucune attraction sensible. Mais, si on les rapproche, une altraction sensible se manifeste dès que la dis- tance qui les sépare devient égale à une certaine valeur R; cette force varie rapidement’ quand la distance continue de diminuer, et atteint des valeurs considérables devant lesquelles l'attraction new- tonienne, que l’on pourrait caleuler par les inté- grations ordinaires, est tout à fait négligeable. La quantité R, ainsi définie, est le rayon d'activité mo- léculaire. À la vérité, l'expérience ainsi décrite n’a pas été réalisée; mais les phénomènes d’adhérence et de cohésion rendent indéniable l'existence de forces sensibles seulement à très petite distance, et, si l’on ne sait pas encore mesurer leur valeur exacte aux diverses distances, on peut arriver cependant, comme l’a montré Lord Kelvin, à donner dans cer- fains cas une limite inférieure de leur valeur moyenne *. Une conséquence directe de ce qui précède est l'existence des couches de passage. Ces forces, sen- sibles seulement à petile distance, doivent modi- fier la constitution des corps au voisinage de leur surface. On peut alors envisager un corps comme terminé par une couche superficielle, derrière laquelle la constitution du corps devient constante. 1 Elle doit passer par un maximum, s'annuler et devenir répulsive pour une distance suffisamment faible; cela résulte de ia résistance qu'opposent les corps à la compres- sion. ?Lorn Kezvin: Conférences et Allocutions, traduction fran- gaise, p. 1. Pour définir cette couche superficielle, on étudiera comment varient certaines propriétés du corps avec la profondeur; par exemple, si le corps con- duit l'électricité, on cherchera à quelle distance de la surface la conductibilité spécifique devient cons- tante. On peut craindre alors que cette couche superlficielle, définie par l'apparition de disconti- nuités dans les propriétés des corps étudiés, ne soit pas la même pour des phénomènes d'ordres divers, c'est-à-dire indépendante des propriétés particulières choisies pour mettre ces disconti- nuités en évidence. C'est, en effet, ce qui se pro-. duit dans certains cas, notamment en ce qui con- cerne les phénomènes optiques; mais il semble possible, malgré le petit nombre de résultats actuel- lement connus sur la queslion, de séparer ce qui appartient au corps lui-même et ce qui dépend des moyens mis en œuvre pour l'étudier. En un mot, on peut définir une couche superficielle unique, ayant une véritable existence objective; c’est elle que nous appellerons couche de passage. Quelle relation existe-t-il entre l'épaisseur d'une: Herr » pareille couche et le rayon d'activité moléculaire? M Il est impossible de le dire pour le moment. Jus- qu'ici, aucune mesure directe du rayon d'activité n’a été faite d’une façon certaine; les seuls rensei- gnements, encore très vagues, que l'on ait à ce sujet, ont été fournis indirectement par l'étude des couches de passage. Par contre, on a pu, dans des cas bien déter- minés, étudier ces couches, marquer nettement la nature des discontinuités qui les définissent et mesurer l'épaisseur correspondante. Dans toutes les méthodes employées, les corps choisis, liquides ou solides, étaient étudiés en couches minces; on rendait ainsi prépondérante l'influence des couches superticielles. On s'est adressé à trois types de méthodes, fon- dées : 1° sur les phénomènes capillaires ; 2° sur les phénomènes de conductibilité électrique; 3° sur les phénomènes optiques. Les deux premières, seules, ont fourni des résultats précis. Les méthodes opli= + stést, Je à ques n'ont rien donné dont l'interprétalion puisse M être fixée d'une facon certaine au point de vue qui nous occupe. Je les écarte donc; j'en dirai d'ail- leurs quelques mots vers la fin de cet article. Dans l'exposé que je vais faire, je suivrai l'ordre historique, en séparant toutefois le cas des solides de celui des liquides. — sn G. VINCENT — LES COUCHES DE PASSAGE ET LE RAYON D'ACTIVITÉ MOLÉCULAIRE 9 I. — LiQuines. $ 4. — Expériences de Plateau. Les expériences de Plateau sont les premières en date. Plateau se proposait de déterminer une limite supérieure du rayon d'activité moléculaire R. Voici comment il raisonnait' : Considérons une bulle de savon qui s’amincit graduellement, etadaptons-y un manomètre à eau pour mesurer la différence de pression entre l'intérieur et l'extérieur. La tension superficielle et, par suite, la différence de pression resteront indépendantes de l'épaisseur tant que celle-ci sera partout supérieure à 2R. Mais si l’épais- seur de la bulle supposée uniforme devient moindre que 2R, la tension superficielle diminuera et le manomètre accusera une diminution de la diffé- rence de pression. Plateau fit un assez grand nombre d'expériences ; en aucun cas, il ne constata de diminution de pres- sion. Il en conclut que toutes les bulles soumises à ses expériences avaient encore une épaisseur supé- rieure à 2R au moment où elles éclataient. Or, la plus mince d'entre elles présentait en lumière réflé- chie, à ce moment, la couleur jaune clair du pre- mier ordre des anneaux de Newton. Connaissant l'indice 1,377 de l’eau de savon employée, Plateau déduisit l'épaisseur 114 uy (millionièmes de milli- mètre) et admit donc que l'on doit avoir 2R<1l4pu R< 57. Le raisonnement de Plateau est très contestable ; mais ce qui doit être retenu, c'est le résultat numé- rique : jusqu à 114 pu la tension superficielle reste constante. Ce nombre peut être considéré comme une limite supérieure de la somme des épaisseurs des deux couches de passage qui terminent la bulle à l’intérieur et à l'extérieur. $ 2. — Expériences de Reïinold et Rucker. Ces deux physiciens ont, eux aussi, étudié des lames formées avec l’eau de savon. Leurs nom- breuses et minutieuses expériences ont été décrites dans une série d’admirables mémoires publiés de 1877 à 1893 *. Le problème qu'ils ont eu en vue dès le début de leurs recherches a été d'obtenir un ordre de gran- deur du rayon d'activité moléculaire. Ils n'ont pas réussi à trancher cette question d'une manière 1 Puareau: Stalique des liquides soumis aux seules forces moléculaires, t. 1, p. 204-211. 2A.-W. Reinozo et A.-W. Rucker: Proc. Roy. Soc. of Lond., 1811; Philos. Trans. Roy.Soc. of London, part IT, 1881 ; Philos. Trans. Roy. Soc. of London, part I, 1883; Philos. Magaz., vol. XIX, 1885; Phèlos. Trans. R. S. Lond., part II, 1886; Wied. Ann., t. XLIV, 189 ; Philos. Trans. R. S. Lond., t. CLXXXIV, 1893. entièrement satisfaisante, du moins sans faire intervenir des conceptions théoriques peut-être contestables; mais leurs expériences mettent en évidence d'une facon certaine l'existence des cou- ches de passage, en même temps qu'elles déter- minent une limite supérieure et une limite infé- rieure de l'épaisseur de ces couches. Les lames liquides étudiées étaient cylindriques et placées verticalement; elles étaient formées, entre deux anneaux de platine d'égal rayon, à l'intérieur d'une enceinte où la température et l'état hygrométrique étaient maintenus rigoureu- sement constants. Une lame ainsi disposée s’amin- cissait graduellement par suite de l'écoulement lent du liquide; l'épaisseur à chaque instant était à peu près constante sur chaque section horizontale, mais variait d'un point à l’autre dans le sens ver- tical. En examinant une lame nouvellement soufflée, on voyait au bout de quelque temps se former à la partie supérieure un anneau noir, dû à un grand amincissement de la lame en cet endroit et s'expli- quant comme la plage centrale noire des anneaux de Newton. Cetanneau pouvait persister longtemps, grâce aux précautions prises pour éviler toute évaporation; sa largeur, comptée verticalement, croissait lentement avec le temps. Les autres par- ties de la lame, quand l’écoulement lent du liquide les avait amincies suffisamment, présentaient des colorations diverses, disposées en couronnes circu- laires, qui semblaient descendre lentement le long de la lame par suite de l'amincissement graduel. À chaque instant, on pouvait déterminer l'épais- seur de la lame aux différentes hauteurs, grâce à ces colorations, en se servant de la table des couleurs d'interférences des anneaux de Newton; l'indice de réfraction du liquide dont la lame était formée avait été préalablement déterminé dans ce but. Cette méthode ne pouvait évidemment pas s'appliquer à la parlie noire; pour cette partie, l'é- paisseur fut déterminée par une autre méthode optique et contrôlée par une méthode électrique qui donna généralement des résultats concordants. Je ne décrirai aucune de ces deux méthodes; les développements qui seraient nécessaires sortiraient des bornes de cet article; je me contente de ren- voyer aux mémoires originaux. Ces préliminaires posés, je résume les principaux résultats obtenus par les deux physiciens anglais ; je citerai quelquefois textuellement. L'épaisseur de la partie noire est absolument uniforme sur une même lame et demeure constante jusqu'au moment de la rupture. « Cette épaisseur, quand on compare entre elles les différentes lames, varie seulement dans d'étroi- 1 Loc. cil. 420 G. VINCENT — LES COUCHES DE PASSAGE ET LE RAYON D'ACTIVITÉ MOLÉCULAIRE tes limites : de 7 uy à 14 uu. » Elle est générale- ment voisine de 12 uy. Alors que dans les parties colorées de la lame on passe d’une couleur à l’autre par degrés insen- sibles, « la partie noire, au contraire, est toujours séparée du reste par un bord net, quand la bulle, en équilibre, n’est soumise à aucune force exté- rieure ». (On verra plus loin ce que les auteurs entendent par cette expression, force extérieure.) Si l’on examine avec soin les parties colorées con- tiguës à la partie noire, on constate qu'entre le noir et la première couleur visible qui le borde immédiatement, plusieurs couleurs indiquées dans le tableau d'interférences de Newton (en particu- lier toutes les nuances de gris) font défaut. Cette région de la lame présente donc une discontinuité d'épaisseur, et c'est ce qui fait paraître si net le bord du noir. L'expérience suivante confirme l'existence de cette discontinuité: « Si un courant électrique d'une intensité suffisante traverse une lame dont une plage est noire, la limite du noir devient mal définie »; le bord net s’efface, les couleurs qui manquaient apparaissent, « et il y a transition gra- duelle depuis l'épaisseur de la partie colorée jus- qu'à celle de la partie noire de la bulle ». « Si l'on interrompt le courant, le gris qui for- mait la transition entre le noir et la partie colorée disparaît, la discontinuité est rétablie »; ce chan- gement met d'ailleurs une certaine lenteur à se produire, « il prend environ 10 ou 15 secondes ». C’est l’action du courant électrique que Reinold et Rucker entendaient par l'expression « forces extérieures ». On voit qu'au bord de la partie noire la lame présente certainement une brusque varia- tion d'épaisseur lorsqu'elle est soumise aux seules forces moléculaires. La stabilité de cette région noire, qui peut per- sister plusieurs heures, indique que la tension superficielle pour cette faible épaisseur est la même que pour les parties plus épaisses du reste de la lame. D'ailleurs, des expériences directes nom- breuses ont confirmé cette manière de voir, et cependant ces expériences étaient assez précises pour mettre en évidence nettement une différence 15m EU de 500 Si elle avait existé. La discontinuité d'épaisseur qui se produit au bord du noir s'explique facilement en supposant que, pour les épaisseurs correspondant aux cou- leurs qui manquent, la tension superficielle n’est pas la même que pour les parties plus épaisses. L'hypothèse la plus simple est celle qu’exprime la figure 4 : la tension superficielle serait constante pour toute épaisseur supérieure à une certaine va- leur critique a, diminuerail ensuite quand l’épais- seur deviendrait moindre que a, passerait par un minimum, augmenterait de nouveau, reprendrait sa valeur primitive pour une certaine épaisseur b; après quoi, elle passerait sans doute par un maxi- Tensions superficielles Epaisseurs Fig. 4. mum pour diminuer ensuite jusqu à zéro. L’ épais seur à serait celle de la parlie noire. Une autre courbe (fig. 2) rendrait compte aussi de la discontinuité d'épaisseur, mais ne permet- Tensions superficielles Epaisseurs Fig. 2. trait pas d'expliquer facilement la formation ni surtout la stabilité de la partie noire. Quoi qu'il en soit, il est sûr qu'à partir d’une cer- laine épaisseur critique a, et pour des épaisseurs décroissantes, la tension superficielle, jusque-là constante, commence à varier : a est la somme des épaisseurs de passage. Il est difficile de la mesurer exactement, à cause de la très rapide variation d'épaisseur de la lame au voisinage du noir. Rei- nold et Rucker en ont fixé seulement deux limites, entre lesquelles elle est certainement comprise : 45 uu et 96 pu. $ 3. — Expériences de Fischer!. M. Fischer a étudié comment une goutte d'huile s'étale sur une surface de mercure propre; l’auteur ne se proposait pas, dans ses expériences, l'étude 1 Fiscner : Sur l'épaisseur minima des membranes liquides, Dissert. inaugurale, Munich, 1897. G. VINCENT — LES COUCIIES DE PASSAGE ET LE RAYON D'ACTIVITÉ MOLÉCULAIRE 421 des couches de passage; ce n’est donc qu’incidem- ment qu'il a touché au sujet qui nous occupe. Une goutte d'huile déposée sur un bain de mer- cure s'y étale lentement, formantun disque d’épais- seur uniforme (sauf peut-être au voisinage de sa circonférence), qui, au bout de quelque temps, at- teint un diamètre maximum et reste ensuite long- temps stalionnaire. Diverses raisons conduisent M. Fischer à penser qu'entre le bord du disque vi- sible et les parois du vase, la surface du mercure est recouverte d'une couche d'huile, très mince, invisible; en particulier, on remarque que, généra- lement, ce sont les disques les moins épais dont le diamètre atteint les plus grandes valeurs. L’équi- libre qui existe prouve que la tension de cette couche très mince et celle du disque épais sont égales. En outre, le disque est limité par un bord très net indiquant à cet endroit une discontinuité d'épaisseur. M. Fischer assimile la couche mince invisible à la parlie noire des lames de Reinold et Rucker et le disque visible aux parties colorées épaisses. La discontinuité d'épaisseur s’explique- rait alors de la même façon et mettrait en évidence l'existence de couches de passage. Malheureu- sement, M. Fischer n’a pas mesuré l'épaisseur de la couche épaisse à l'endroit de la discontinuité; il annonce sur ce point des expériences ultérieures, qui n’ont pas encore été publiées. Néanmoins, l’exis- tence du bord net est certaine et, après celles de Reinold et Rucker, les expériences de M. Fischer étaient intéressantes à mentionner. - Le cas où s’est placé M. Fischer est d’ailleurs moins simple que celui qu'ont étudié les deux phy- siciens anglais : la viscosité de l'huile, la rapidité de formation des disques, la grandeur du vase qui contient le mercure interviennent évidemment dans les phénomènes, et il faudra en tenir compte dans l'interprétation des résultats. Avant M. Fischer, divers physiciens avaient fait d'inléressantes expériences sur l'extension de l'huile, non plus sur le mercure, mais sur l'eau. Nous n’y insisterons pas, ces expériences n'ayant pas été faites en vue de mettre en évidence les couches de passage. Celles de Lord Rayleigh, cependant, peuvent nous fournir une indication. Ce physicien a montré! que l’on peut former sur la surface de l’eau de minces pellicules huileuses dont l'épaisseur ne dépasse pas 1vv,6 et qui suffi- sent pour arrêter complètement les mouvements de petites parcelles de camphre; ces pellicules hui- leuses ont une épaisseur certainement inférieure à la somme des épaisseurs de passage, car la tension de la surface d'eau huileuse ainsi constituée est 40On trouvera la reproduction de son mémoire dans les Conférences et Allocutlions de Lord Kelvin, traduction fran- caise, p. 48. inférieure à la somme des tensions des surfaces eau-huile et huile-air. Lord Rayleigh mesurait la tension de la surface huileuse par l'ascension, entre deux plaques de verre parallèles et très rappro- chées, d’eau surmontée d'une pareille couche super- ficielle. On pourrait tirer de là une méthode pour déterminer l'épaisseur de l’ensemble des deux couches de passage de l'huile (au contact de l'air et de l’eau); il suffirait de mesurer à partir de quelle épaisseur d'huile la hauteur soulevée et, par suite, la tension superficielle, deviennent constantes. Il. — Soripes. $ 1. — Expériences de Quincke. Quincke était jusqu'ici le seul qui, à ma connais- sance, eût fait des expériences sur les solides‘. C'est la détermination du rayon d'activité moléculaire qu'il avait en vue. Le principe de sa méthode est le suivant : « On prend », dit-il, « une plaque de verre propre et homogène; on la recouvre d’une couche d’une autre substance, couche en forme de coin, dont l'épaisseur au tranchant est extrême- ment faible et croît à partir de là uniformément. On plonge alors la plaque dans un liquide non sus- ceptible de la mouiller; l'angle de raccordement du liquide et de la paroi dépend à la fois de la paroi et du liquide; la hauteur soulevée? ne commence à devenir constante que lorsque l'épaisseur de la couche cunéiforme devient supérieure au rayon d'activité moléculaire. » Quincke a opéré sur l’ar- gent, en prenant comme liquide l’eau, et sur l'io- dure d’argent, le sulfure d'argent et le collodion *, en prenant comme liquide le mercure. Les meil- leures mesures sont celles qu'il a faites sur les couches d'argent; l'épaisseur à partir de laquelle la hauteur du liquide soulevé devient constante a été trouvée voisine de 54 uu. Pour les trois autres corps, les nombres obtenus sont compris entre 48 et 80 py.. Quincke admet, comme valeur moyenne de ces différentes mesures, le nombre 50 uy.. Selon lui, ce nombre représente le rayon d'activité moléculaire qu'il suppose le même pour tous les corps. Dans le cas de l'argent, par exemple, Quincke interprète ses expériences ainsi : la hauteur soulevée varie tant que l’action du verre sur l’eau se fait sentir au travers de l'argent, mais devient constante dès que T 1 Quxcke: Pogg. Ann., t. CXXXVII, 1869. 2 Quincke entend par liquide qui ne mouille pas, fout liquide tel que l’angle de raccordement soit différent de 0. Si cet angle est aigu, comme c’est le cas de l'argent au con- tact de l’eau, le liquide s'élève le long de la paroi; il y au- rait dépression, au contraire, si l'angle de raccordement était obtus. 8 Pour ces trois derniers corps, Quincke ne s'est occupé que de la variation de l'angle de raccordement. 422 G. VINCENT — LES COUCHES DE PASSAGE ET LE RAYON D'ACTIVITÉ MOLÉCULAIRE la couche d'argent atteint une épaisseur égale au | minces d'argent dans des limites d'épaisseurs suf- rayon d'activité moléculaire. Il est facile de voir qu'une pareille interprétation n'est pas nécessaire. À priori, on ne peut dire qu'une chose : c'est que la hauteur soulevée de- viendra constante dès que la somme des actions qu’exercent le verre et l'argent sur l’eau sera elle- mème constante. Cette condition se prête à bien des hypothèses. On pourrait imaginer, par exemple, que le rayon d'activité est bien moindre que 50 uu et que le verre cesse d'agir directement sur l’eau bien avant que la hauteur soulevée soit devenue constante; on admettrait alors que la surface de l'argent en contact avec l'eau a une constitulion variable avec l'épaisseur, tant que celle-ci est infé- rieure à 50 uy, mais qui devient constante au delà de cette limite. Ce nombre 50 uy représenterait alors la somme des épaisseurs de passage’. Bref, les expériences de Quincke, réduites à elles seules, ont une signification incertaine; on ne doit les con- sidérer que comme indiquant un ordre de grandeur des quantités dont il est question dans cet article, Ce n’est d’ailleurs pas la seule critique que l'on puisse faire au travail de Quincke. On peut se demander si les couches d'argent qu'il emploie et sur la préparation desquelles il ne donne que très peu de renseignements, sont bien comparables entre elles à loutes les épaisseurs ; si, par exemple, la variation de la hauteur d'eau soulevée ne serait pas due à des traces d’impuretés aux petites épais- seurs ou à une altération de l'argent. J'ai examiné cette question à propos des couches d'argent que j'ai étudiées. Je suis arrivé à cette conclusion que, selon toute probabilité, Quineke a bien opéré sur de l'argent pur. En rapportant mes propres recher- ches, je montrerai que, parmi les diverses inter- prétalions possibles des expériences de Quincke, les résultats que j'ai obtenus permettent d'en choisir une devenue plus vraisemblable que les autres et qu'ainsi les ingénieuses expériences du physicien hollandais confirment les résultats qu'on peut obtenir par d’autres voies. Je bornerai là cet exposé historique. Les expé- riences que j'ai décrites ne sont pas les seules qu'on ait tentées dans le même ordre d'idées; mais J'ai laissé systématiquement de côté celles qui s'appuyaient sur des hypothèses plus ou moins contestables et ne tiraient pas leurs conclusions des résultals immédiats des mesures. $ 2. — Recherches sur la conductibilité électrique des couches minces d'argent. — Application à la détermination des épaisseurs de passage. L'étude de la conductibilité électrique de lames ! C'est l'interprétation que donne M. Bouasse, Ann. Ch. et Phys. (6), t. XXVIII, 1893, p. 172. fisamment étendues, m'a permis de mettre em évidence d’une manière certaine l'existence des couches de passage, de mesurer leur épaisseur et de déterminer quelques-unes de leurs propriétés. Les principaux résultats de cette étude ont été communiqués à l’Académie des Sciences dans la séance du 14 mars 1898 ‘. Parmi les divers métaux que l'on peut préparer en couches minces se prêtant bien à une pareille étude, l'argent est le seul qui fournisse des résul- tats suffisamment certains et précis, surlout en ce qui concerne les mesures d'épaisseur. Je ne veux pas dire que les résultats obtenus ne soient vrais que dans le cas de l'argent; on est conduit, au con- traire, à les considérer comme généraux. Mais pour les établir une bonne fois avec certitude, il fallait s'attacher à étudier aussi complètement que pos- sible un cas particulier. Les couches étaient déposées sur verre. Sur cha- cune d'elles, j'ai déterminé la conductibilité super- ficielle : et j'ai cherché comment cette quantité p varie avec l'épaisseur. J'entends par conductibilité superficielle la con- ductibilité d’un carré découpé sur la couche d'argent et orienté de telle façon que les lignes du courant soient parallèles à l'un des côtés; il est facile de voir que la conductibilité d'un tel carré est indé- pendante de sa grandeur, la conductibilité d’un rectangle dépendant uniquement du rapport des côtés. On déduit alors la valeur de : de la mesure [e] Û effectuée sur une bande rectangulaire dont on éva-" lue la base et la hauteur?. On peut choisir le rectangle aussi petit que l’on veut et ainsi déter- miner la conductibilité superficielle au voisinage d'un point de la couche arbitrairement choisi; pour chaque couche, j'ai effectué cette détermination en deux régions distinetes; comme contrôle, les deux valeurs de p devaient être identiques. L'épaisseur e de chaque lame élait déterminée par la méthode de Wiener un peu modifiée et contrôlée aux faibles épaisseurs par une méthode rapide, dont le principe a été indiqué par Fizeau *, Ces deux méthodes reposent, on le sait, sur la transformation de l'argent en iodure; c'est l'épais- seur de l'iodure qu'on mesure et l'on en déduit ‘Par suite d'erreurs typographiques, les notations que j'avais employées ont été altérées dans le numéro des Comptes Rendus relatif à cette séance. Un erratum inséré dans le numéro suivant indique les rectifications néces- saires. J'ai employé une méthode différentielle éliminant les corrections qu'aurait rendues nécessaires l'épanouissement des lignes de courant aux bouts de la bande rectangulaire. % Wiener: Wied. Ann., Bd XXXI, 1887, p. 630 et suivantes, * Frzeau: C. R.,t. CII, p. 274, 1861. var ape 23200 dead à à Pr celle de l'argent par une formule connue. On sup- pose essentiellement que l’iodure se comporte, au point de vue de la réflexion de la lumière et au voisinage de l'incidence normale, comme un corps transparent ordinaire. Des expériences très minu- tieuses de Wernicke ont démontré sans conteste qu'il en est bien ainsi. Je ne puis évidemment songer à donner ici le détail des manipulations ou des mesures qu'ont nécessitées ces recherches; l'exposé en parailra prochainement ailleurs avec tous les développe- ments désirables. Pour le moment, je me borne à indiquer les résullats généraux auxquels je suis parvenu. Les épaisseurs des couches d'argent étudiées ont varié depais O0 jusqu'à 170 pu. La loi de variation de la conductibilité en fonction de l'épaisseur est très simple et s'aperçoit immédiatement sur la 0 A 50 100 150 200 Fig. 3. courbe représentative (fig. 3) obtenue en portant en abscisses les valeurs de l'épaisseur < (exprimées en y) et en ordonnées les valeurs de la conducti- bilité = (les quantités étant exprimées en ohms); les écarts entre les valeurs mesurées de L et celles (à qu'on calculerait d'après cette courbe sont de l'ordre des erreurs d'expériences G environ, et souvent moindres). à Cette courbe se confond avec une droite BC à partir de l'épaisseur e—50yy environ et pour toutes les épaisseurs plus grandes. Cette droite, prolongée, coupe l'axe des abscisses au point :—?26uy environ et passe ensuite au-dessous de l'origine. Pour les épaisseurs moindres que 50 pu, la courbe s'abaisse nettement au-dessous de la droite précédente. Cette deuxième portion BA de la courbe rejoint l'axe des abscisses au voisinage du point e—36uy; au-dessous de 36 uy, les couches ne sont plus conductrices ; toute la portion de l'axe des abscisses qui s'étend depuis ce point jusqu’à G. VINCENT — LES COUCHES DE PASSAGE ET LE RAYON D'ACTIVITÉ MOLÉCULAIRE 423 l'origine, appartient donc aussi à la courbe repré- sentative‘!. La forme rectiligne de la partie AB est douteuse à cause de son court trajel; mais ce qui est certain et ce quiest capital pour l'interprétation de l’ensemble des résultats — interprétation que j'indiquerai plus loin — c'est que la partie BC est rectiligne et que la partie BA est très nettement au-dessous du prolongement BD de BC. L'équation de BC, déduite de la moyenne des nombres obtenus, est, à la température de 15° : À e— 26 p 24,210 Voyons ce qu'indiquent les résultats qui précè- dent. Si la conductibililé spécifique des couches était la même à toutes les épaisseurs, la courbe repré- sentative obtenue en prenant pour coordonnées 1 : : CAS < et - serait une droite passant par l'origine. On (S devrait avoir, en effet : 2 = te d'où —(L:5. E p D Dans le cas de mes expériences, les points figu- ratifs ne se placent sur une droile que pour les épaisseurs supérieures à 59 pu, et le prolongement de cette droite passe bien au-dessous de l'origine. Cela indique qu'au-dessous de 50 uu, toute couche d'argent se compose d'une couche homogène de conductibilité spécifique constante, comprise entre deux couches superficielles de conductibilité moin- dre et d'épaisseur invariable. Ces deux couches de passage sont l'une au contact du verre, l’autre au contact de l'air; la somme de leurs épaisseurs est précisément 50 pu. Un calcul simple justifie ces conclusions. Repré- sentons (fig. 4) une couche d'argent avec ses deux couches de passage. Désignons par e et C, «, et C,, Air IGouche de passage Jr Couche intermédiaire û homogène 1£2 É $ Couche de passage Es // // WW :, et C, l'épaisseur en pu et la conductibilité super- ficielle respectivement : de la couche tout entière, 1 ]1 n'est pas impossible, en prenant des précautions spé- ciales, de préparer des couches encore conductrices au- dessous de 36 pu: mais leur conductibilité est très faible et la partie correspondante de la courbe longe de près l'axe des abscisses. 424 G. VINCENT — LES COUCHES DE PASSAGE ET LE RAYON D'ACTIVITÉ MOLÉCULAIRE de la première couche de passage (au contact de l'air) et de la deuxième (au contact du verre). Soient en oulre : e,, l'épaisseur de la couche inter- médiaire homogène et c la conductibilité d’un parallélipipède ayant 1 millimètre carré de base et 1 uu de hauteur découpé dans cette couche (les lignes de courant élant parallèles à l'une des arêtes de base). On a évidemment : E— € + €e + €. C=C, + Cs + css = Ci + Cy + o(e—e, —e3). ou bien : C——A+e:, en posant : A—0C{e, + es) — (Ci + Cs) C n'estautre que la quantité désignée jusqu'ici 1 Fe par —: on peut donc écrire : © 1 (2) -——A +. p Tant que €, n'est pas nul, c'est-à-dire tant qu'existe la couche homogène de conductibilité spécifique constante, comprise entre les deux cou- ches superficielles, les quantités c, e,,e, G,, C, sont constantes; A l’est donc aussi, et l'équation (2), où x 1 : . lon prend — et « comme coordonnées, représente une droite. Cette droite coupe l'axe des absceisses au : A. point :— —; son prolongement passe donc au-des- € sous de l’origine si A est positif, c'est-à-dire si l’on a:c(s, He) > C,+C,, c'est-à-dire enfin si la con- ductibilité effective des couches de passage est moindre que si, sans changer d'épaisseur, elles étaient constituées comme la couche intermédiaire homogène. Quand la couche intermédiaire n'existe plus, c'est-à-dire quand : devient égal, puis inférieur à la valeur jusque-là constante de <, e., l'équation (2) n’a plus de sens; la couche est alors hétérogène dans toute son épaisseur, et rien ne reste constant quand on passe d’une couche à une autre plus mince; si l’on se reporte à la courbe de la figure 3, les points figuratifs doivent alors se séparer de la droite et se placer au-dessous. L'épaisseur pour laquelle la discontinuité se produit est la somme c,+e, des épaisseurs de passage : dans nos expé- riences, elle est d'environ 50 uy. Voilà donc nos conclusions justifiées, et nous pouvons dire en résumé : 1° Toute couche d'argent dont l'épaisseur dépasse 50 yy est composée d'une couche homogène, de con- ductibilité spécifique constante, comprise entre deux couches de conductibilité moindre, mais fixe, dont l'épaisseur est invariable ; 2 La somme des épaisseurs de ces deux couches de passage est d'environ 50 pu. La comparaison des équations (1) et (2) nous fournit en outre : 1° La somme des conductibilités superficielles des deux couches de passage à 45° : C, EC —1; 2° La conductibilité spécifique c de la couche in- 1 1 24,2 . Une double question se pose ici. En premier lieu, on peut se demander si ces couches superfi- cielles sont bien constituées par de l'argent pur, si leur existence tient à une propriété spécifique de ce corps ou bien à une impureté altérant d’une façon constante les surfaces de toutes les couches. On peut, en outre, se demander si les couches sont bien continues ou bien plus ou moins trouées et composées de grains. Je discute ces deux points dans le mémoire annoncé plus haut auquel je renvoie le lecteur. Sur le premier point, je conclus que j'ai bien opéré sur de l'argent pur; l'existence d'une impureté super- ficielle est invraisemblable, toutes les couches se comportant de même, au point de vue de la varia- tion de résistance quand la température varie. En outre, la comparaison des diverses méthodes em- ployées jusqu'ici pour la mesure des épaisseurs, conduit à attribuer aux couches d'argent, et en général aux couches solides minces de sulfure et d'iodure d'argent, respectivement les mêmes den- silés qu’en masse. Sur le second point, je fais re- marquer que les chocs et les étincelles sont sans action sur la résistance des couches d’argent; j'a- joute que l'examen le plus minutieux au micros- cope ne m'a rien révélé qui pût faire supposer une discontinuité quelconque. Une dernière remarque : toutes les couches ont été soumises aux expériences huit jours exactement après leur préparation. Une couche récemment pré- parée, comme l'avaient déjà signalé MM. Quincke et Meslin, subit une transformation moléculaire qui, au bout de huit jours, est terminée ou assez ralentie pour que les mesures donnent des résul- tats comparables. Les résultats fournis par l'étude de la condueti- bilité des couches d'argent permettent d'interpréter simplement les expériences de Quincke. La hauteur d'eau soulevée le long d'une paroi de verre argentée termédiaire homogène : c — ‘La résistance spécifique de cette couche est donc 24 ohms 2. C'est la résistance spécifique qu'aurait une plaque d'argent assez épaisse pour qu'on puisse négliger l'influence des couches superlicielles. Or, d'aprés les nombres de Matthiessen, on devrait trouver 16 ohms6 environ à 15°; cet écart n'a rien de surprenant si l’on réfléchit au mode de préparation de nos couches d'argent, qui n'ont subi aucune des opérations mécaniques auxquelles l'argent de Matthies- sen a été certainement soumis. L G. VINCENT — LES COUCHES DE PASSAGE ET LE RAYON D'ACTIVITÉ MOLÉCULAIRE 425 devient constante qnand l'épaisseur de la couche atteint et dépasse une valeur voisine de 50 py. Ainsi, l'action exercée sur l'eau devient constante dès que les deux couches de passage sont complè- tement constituées, quelle que soit l'épaisseur de la couche intermédiaire homogène. Celle-ci n'inter- vient done pas dans les phénomènes, et tout ce qui est derrière elle non plus; la couche de passage antérieure est seule active. On pourrait être tenté d'en conclure que son épaisseur est égale au rayon d'activité moléculaire; mais cette interprétation n'est pas nécessaire, comme ilest aisé de s'en con- vaincre. Le rayon d'activité n'est certainement pas plus grand que l'épaisseur de la première couche de passage, mais il peut n’en être qu'une fraction, la moitié, par exemple; dans ce cas, la moilié de la première couche de passage aurait seule une action directe sur l'eau, mais cette action ne deviendrait constante évidemment que lorsque la constitution de cette demi-couche serait elle-même devenue cons- tante, c'est-à-dire quand, les deux couches de pas- sage étant entièrement constituées, la couche inter- médiaire homogène commencerait d’apparaitre. Nous voyons, d'après les remarques précédentes, pourquoi l'interprétation de Quincke doit être re- jetée. Ce physicien raisonne implicitement comme si, en chaque point, la couche d'argent était homo- gène dans toute sa profondeur et si sa constitution était indépendante de l’épaisseur, hypothèse mani- festement contredite par les résultats des expé- riences de conductibilité. Interprétés comme je viens de le faire, les résul- tats de Quincke fournissent une confirmation pré- cieuse des miens; l'identité des nombres obtenus pour la somme des épaisseurs de passage d’une même couche d'argent par deux méthodes qui n’ont rien de commun, permet d'attribuer à ces couches superficielles une existence objective. Il va sans dire que l'on peut étendre l’interpré- tation précédente aux expériencesfaites par Quincke sur des corps autres que l'argent : le sulfure d’ar- gent, l'iodure d’argent et le collodion. IIT. — Conczusio. Rapprochons les uns des autres les résultats ob- tenus pour l'épaisseur des couches de passage par les divers expérimentateurs. Cinq corps ont été étudiés : l'eau de savon, l’ar- gent, l'iodure d'argent, le sulfure d'argent et le collodion. Appelons À la somme des épaisseurs de passage; on a : Pour l'eau de savon . . . . .. DennPAr ADI; AgtS =. . .- 1. Pour le collodion (pas de mesure exacte, mais une limite supérieure). . 45 vu gon, convient Consommation autant que les 7] LÉ 40000 États-Unis de (en mUldhectohtres } =. za Consommation }, - l'Amérique du Z anratelle" 4700 Le LS Nord à la cul- ler rmil"d'hectolitres } ture des fruits Fig. 3. — Consommalion.comparée des à pépins. Hà- tons-nous d'imiter les Américains pour qu'ils ne nous dépassent pas. » $ 2. — Consommation et Commerce. En France, la consommation du Cidre est surtout locale. Chez nous, cette boisson ne donne pas lieu à un grand mouvement commercial d'exportation et d'importation, ainsi qu'on peut en juger par les graphiques ci-joints (fig. 2 et 3); l'exportation est, en moyenne, de 15.000 hectolitres; elle parait être en assez bonne voie d’accroissement depuis quel- ques années; mais elle est cependant bien faible, puisqu'elle n'esbpas beaucoup supérieure au mil- - lième de la production. L'exportation française en Cidre mousseux se fait principalement dans les colonies françaises (Cochinchine, Tonkin, Madagas- car, Nouvelle-Calédonie), et en Amérique (Rio de Janeiro, Bahia, etc.). On exporte aussi du Cidre en Angleterre, en Egypte, aux Antilles. Quant à l'importation, elle est out à fait insigni- fiante, puisqu'en général elle n'atteint pas 1.000 hectolitres. En 1889 et 1890 il y a eu une importa- tion assez notable ; ce Cidre était de provenance américaine; il était d'un goût fort agréable et se conservait bien. Mais, comme il devait cette der- nière qualité à la présence de l'acide salicylique, et que l'emploi de cet antiseptique|est interdit en France, cetle importation américaine n'a pas long- temps duré, et dès 1891 l'importation s'est réduite au chiffre ordinaire. Les Américains, ne pouvant plus nous expédier de Cidre, nous ont expédié depuis des pommes desséchées. L'industrie des « fruits évaporés » a pris chez eux un assez grand développement, et ils REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899, drons en un prochain article. La consommation du Cidre en France est inter- médiaire entre celle du Vin et celle de la Bière. Le graphique de la figure 3 montre quelle Cidre A Se AV does Brere Eau de vie à à 50° sommation en France et à 5 7 Paris du Vin, du Cidre, de la Bière et de l’Eau-de- vie. Dans le gra- 12.000 9.200 3.400 phique de la % ee 20 360 figure 4 nous avons indiqué la quantité de diverses boissons alcooliques en France. Cidre consom- mée à Paris. $ 3. — Qualités et Prix des Cidres. Il importe de faire une distinction parmi les diverses boissons que l’on fabrique avec la pomme. Il y a d'abord le Cidre pur ou pur jus, qui résulte de la fermentation du jus de pomme, sans addition 300 250# = g 2007 = ESS | Le | - & | S Le | © Le) | & & | 2 150 à = = È | S È | E Ÿ | à $ | = È | = 100 J a _ — F ë | = À R | Ÿ | ë 650! à È | S | L L 2! — — — — 1 1875 80 85 go 95 Fig. #. — Consommation du Cidre à Paris. d'aucune sorte. Il y a, ensuite, le Cidre marchand que l’on appelle Cidre, sans ajouter à ce mot de qualification spéciale, et dans la fabricatien duquel entre une certaine quantité d’eau. L'emploi de cette eau se justifie par la difficulté que l’on éprouve à extraire entièrement et facilement le jus | des pommes. Enfin, il y a La « boisson », des popu- 11° 430 lations normandes et bretonnes, dans la fabri- cation de laquelle entre une quantité d’eau d'autant plus grande que la récolte est moins abondante. C’est cette boisson qui est en Normandie el en Bre- tagne d'un usage courant. Le Cidre pur contient de 6 à 7 °/, d'alcool, le Cidre dit « marchand », de 4à 5°/,et la « boisson », de 2 à 3 °/.. Du Cidre véritable fait avec du jus de pommes, il convient de rapprocher le Poiré, fourni par le jus de poires, et le Cidre qu'on pourrait appeler hy- bride, résultant de la fermentation de ces deux sortes de jus. Le prix du Cidre varie suivant les années, sui- vant sa nalure et sa provenance. Voici les prix ordinaires de l'hectolitre de Cidre pris dans les pays de production : CIDRE PUR JUS CIDRE MARCHAND QUALITÉ ou de dite cidre pur qualité courante BOISSON En bonne année . . A5fr. 8 à 12 fr. | En mauvaise année. 22fr. oNEATAtre 5 à 10 fr. En année moyenne. 18 fr. 10 à 15 fr. Ainsi qu'on le voit, le Cidre est une boisson assez chère. Si l'on considère le Cidre pur et qu'on admette que sa teneur en alcool soit de 6°, on voit que le prix au degré d'alcool varie de 2 fr. 50 à 3 fr. 70 par hectolitre. C'est là un prix élevé com- parativement à celui du Vin. Prenons, en effet, le Vin rouge comme terme de comparaison. Le Vin rouge ordinaire d'Algérie vaut de 1 fr. 25 à 4 fr. GO le degré; le Vin du Midi, 1 fr. 75 à 2 francs le degré, et le Vin ordinaire du Bordelais (Palus), de 2 fr. 80 à 3 francs le degré par hectolitre. IT. — CULTURE DES FRUITS A CIDRE. Avant d'examiner la fabrication du Cidre et celle du Poiré, il nous paraît indispensable d'étudier les matières premières de ces boissons, c'est-à-dire les pommes et les poires. Quel est l'état de cette culture en France? Quelles sont les améliorations qui y ont été apportées et dont elle est encore sus- ceptible? Dans quelles conditions cette culture doit- elle être entreprise rationnellement? Telles sont les principales questions sur lesquelles nous devons porter notre attention. La culture du pommier et du poirier a été l’objet de travaux importants dus à quelques pomolo- gistes et à quelques chimistes dont il est juste que nous fassions ici l'éloge, car c'est à leurs travaux que l'on doit attribuer les progrès les plus considérables qui ont été réalisés dans le choix des variétés utiles à propager. Ce furent dans les Congrès annuels pour l'étude des fruits à Cidre, créés par la Société centrale d'Horticullure de la Seine-Fnférieure, tenus de XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE 1864 à 1870, el dont de Boutteville et Hauchecorne furent l’âme, que l’on a commencé à faire soigneu- sement et sérieusement l'étude et la séleclion des variétés de fruits à Cidre.Interrompus en 1872, ces congrès furent repris en 1883 avec M. Desplanques, sous le titre d'Association Pomologique de l'Ouest (fondée à Saint-Lô), et depuis 1885 avec M. Lechar- lier comme président. Le congrès se réunit tous les ans. Tout récemment, plusieurs pomologistes dislin- gués ont fait des études qui ont rendu les plus grands services et qui sont appelées à guider les cultivateurs vers la Pomiculture rationnelle. Citons, parmi eux : M. Truelle ?, pharmacien à Pont-l'Evêque, qui a publié de nombreuses mono- graphies et analyses de pommes, à indiqué la manière d'associer judicieusement les fruits pour la fabrication du Cidre et a fait un sélectionnement des variétés d'arbres intéressantes à cultiver; M. Power*, qui a fait d'importants travaux sur les pommiers et le choix des variétés; enfin, M. Héris- sant, directeur de l'Association Pomologique fran- caise, qui a créé à l'Ecole des Trois-Croix, à Rennes, un verger-type où il cultive les variétés les plus nombreuses; il publie des monographies des diverses espèces, et ses études doivent égale- ment servir de base à un sélectionnementrigoureux des variétés utiles à propager en France. $ 1. — Caractères des bons fruits à Cidre. Il n'est guère facile de donner une formule quel- que peu précise qui soit la caractéristique du fruit type; les qualités qui font rechercher les fruits étant, en général, inégalement repartlies, ce n’est, le plus souvent, qu'en assemblant certaines d’entre elles qu’on peut faire un Cidre parfait. On se bor- nait autrefois à l'examen organoleptique du fruit et l'on donnait comme règle que les fruits à Gidre. doivent avoir les trois qualités suivantes : être su- crés pour donner une boisson alcoolique; avoir l'amertume nécessaire à la conservation, ét enfin. avoir le parfum susceptible de communiquer au Cidre un bouquet apprécié : Hauchecorne montra, en 1869, qu'il vaut mieux se baser sur l'analyse sage ! De Boutteville et Hauchecorne ont fait en collaboration dés ouvrages très estimés sur le cidre, notamment un Traité sur le Cidre, rédigé d'après les documents recueillis par le Congrès. De Boutteville était pomologiste et Hauchecorne chimiste; le premier était président de la Société centrale d'Horticulture de la Seine-Inférieure et le second pharma- cien à Yvetot. ? M. Truelle a publié des ouvrages très documentés et fort intéressants : L'Art de reconnaitre les meilleurs fruits de pressoir; Guide pralique des meilleurs fruils de pressoir em- ployés dans le pays d'Auge pour la composilion d'un verger 2 rationnel (1895); Atlas des meilleures variétés de fruits & : cidre (1896). - 3 Power: Trailé de la cullure des Pom iers el de la fabri- calion du Cidre, 2 vol. + XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE 431 chimique des fruits pour les apprécier. Actuelle- - ment l'analyse chimique et la dégustation sont ap- - pliquées concurremment par les pomologistes pour établir la valeur des fruits. Le jus des pommes renferme un certain nombre de principes dont il est intéressant de connaitre la proportion, car certains d'entre eux peuvent être utiles ou nuisibles suivant qu'ils sont ou non abon- dants. Ces principes sont : les sucres,les tannins, les - matières pectiques et les acides. Voici quelle est la proportion maxima, minima - etmoyennede ces éléments que l’on rencontre dans - un lilre de jus de pommes : 1 LITRE DE JUS DE POMMES RENFERME : EE CA Minima Maxima Moyenne ; Densité du jus . . . . 1.047 1.120 1.060 MMBTES ET . e- se UE 260 gr. 126 gr D Fannins. . . : .. Le Por 10 gr. 3 gr. Matières pectiques. . . 3 gr. 20 gr. 9 gr. | Acides (en acide sulfu- : L rique monobydraté). À gr. 1 gr. 2 gr. Ces chiffres ne sont destinés qu'à donner une idée approximative de la composition du jus de pommes, caronrencontre des variationstrès grandes dans la proportion de ces éléments principaux. Les poires présentent certaines différences de composition avec les pommes. Le sucre y est, en moyenne, à peu près égal. Cette opinion, il est vrai, n’est pas partagée par tous les auteurs et on lit fréquemment que les poires sont plus sucrées que les pommes et que le Poiré est plus alcoolique que le Cidre. Cette opinion repose sur des inter- prétations un peu erronées : il est vrai que les variétés de poires ordinaires sont plus sucrées que les variétés de pommes ordinaires; mais le sélec- tionnement des espèces s'étant fait plus sérieuse- ment sur les pommiers que sur les poiriers, on rencontre dans les vergers actuels des pommes aussi sucrées, sinon plus, que des poires. Quant au degré alcoolique du Cidre pur, il est aussi élevé, sinon plus, que celui du Poiré. Si les Cidres que _ l'on boit couramment sont plus faibles que les Poirés, cela tient tout simplement à ce qu'on a employé de l’eau dans la fabrication. Le jus de la poire s’extrait très facilement par pression, tandis que la pomme cède plus difficilement son jus et en donne une moins grande quantité; il n'est pas utile d'employer d’eau pour fabriquer le Poiré, alors qu'il est d'usage d'en ajouter pour préparer le Cidre. Les poires sont moins fanniques, mais bien plus fortement acides que les pommes. Enfin, elles ren- ferment beaucoup moins de matières pectiques. Truelle a indiqué dans son Guide pratique pour tes meilleurs fruits de pressoir une base permet- tant d'apprécier rationnellement la valeur des fruils à Cidre d'après leur composition chimique et leurs qualités de conservation. Pour les pommes, il faut faire entrer en ligne de compte le sucre, le tannin (qui doit dépasser 2 grammes). Il y a lieu de compter comme moins- value la présence d'une proportion de matières pectiques supérieure à 12 grammes, et l'acidité quand elle dépasse 3 grammes. Pour les poires, les éléments uliles devant intervenir pour fixer le prix sont : le sucre, le tannin (jusqu'à 3 grammes), les malières pectiques (quand elles dépassent 2 grammes) et les qualités de conservation. Les éléments nuisibles donnant lieu à moins-value sont le tannin (au-dessus de 3 grammes) et l'acidité (au-dessus de5 gr. 1/2). $ 2. — Opportunité de la culture du Poirier. Bien que le poirier ait toujours été cultivé con- curremment avec le pommier dans les pays à Cidre, il a toujours été moins apprécié; on plante beau- coup plus de pommiers que de poiriers et la sélection des premiers a été l’objet de nombreux soins ; le poirier a été, au contraire, négligé.Cepen- dant des hommes très autorisés, comme du Breuil, Girardin, Morière, Power, Truelle, ont montré ses avantages. Le poirier est peu difficile pour le choix du terrain; il prospère aussi bien dans les terres légères et peu fertiles que dans les terres fortes et humides, qui sont défavorables au pommier. Il vit très vieux, produit trois fois autant que le pom- mier (fig. 5), ses fleurs résistent mieux aux gelées nes de fruits Liogramr en Si 7 2 50 150 Sa 7° gc uo L 10 à Annees Fig. 5. — Production moyenne comparée du Pommier el du Poirier suivant l'âge de l'arbre. printanières, ses fruits mürissent plus tôt; leur jus s’extrait plus facilement et en plus grande abondance que celui des pommes. Si, malgré tous ces avantages, le poirier n'a pas pris une place plus importante à côté du pommier, cela tient à ce que le Poiré n’a pas les qualités du Cidre:; il n'a pas ce parfum, cette onctuosité qui plaisent dans ce dernier. Nous avons signalé plus haut les différences d'ordre chimique qu'il y à entre la poire et la pomme. Ces différences se re- trouvent dans les boissons qui en dérivent. Le Poiré tient le milieu entre le Vin blanc et le Cidre; 432 on peut indifféremment le mélanger à l’une ou à l’autre de ces boissons sans en modifier sensible- ment les qualités. Si l’on tient compte des diverses observations que nous venons de faire, on conclut qu'il ya, en somme, avantage à se livrer à la culture du poirier concurremment avec celle du pommier, et Truelle a, suivant nous, donné un excellent avis en con- seillant d'associer les deux cullures. « Un bon verger, pour être bien complet, dit-il, pour ré- pondre à lous les besoins, doit comprendre des pommiers et des poiriers », et il conseille de mettre pour 100 arbres : 80 pommiers et 20 poi- riers. $ 3. — Variétés de Pommiers à propager. C'est là une question du plus haut intérêt, car elle engage l’avenir de la Pomiculture francaise. Il est possible, en s’appuyant sur les travaux des Congrès annuels de Pomologie, sur ceux de Bout- teville et Hauchecorne, de Truelle, de Power, de Hérissant et d’autres pomologistes, d'améliorer peu à peu les pommeraies en se basant sur la connaissance des variélés intéressantes à propager. La valeur d’une variété d'arbre à Cidre dépend de deux facteurs : de l'arbre dont il s'agit d'appré- cier la vigueur, la fertilité", la rusticité, l'adaptation au sol; du fruit, dont la valeur peut s’apprécier par la somme des éléments utiles, diminuée de celle de ses éléments nuisibles. C'est en tenant compte de ces deux termes que Truelle a classé les variétés de pommiers, dont le nombre dépasse actuellement 3.000. De Boutteville et Hauchecorne préconisaient déjà la plantation des pommeraies en fruits riches, c'est-à-dire l'introduction progressive des bonnes variétés. C'était un excellent conseil, car il enga- geait les cultivateurs à améliorer leurs vergers; mais la question du choix des variétés est com- plexe. Sans doute, il faut introduire dans les ver- gers des variétés riches en sucre, mais cet élément n’est pas le seul intéressant ?, IL ÿ a, parmi les pommes, peu de fruits complets ou parfaits : il faut toujours faire un groupement de variétés pour avoir du bon Cidre. A notre avis, l'objectif du cultivateur ou du bras- seur de Cidre ne doit pas être de produire du Cidre très alcoolique. Du Cidre pur à une richesse moyenne de 5 à 1° représente un type très salisfai- sant. Ce qu'il faut surtout chercher à produire, c’est un Cidre moelleux, parfumé. Le Cidre a son ‘ Truelle appelle fertile un pommier qui produit une moyenne de 1/2 hectolitre par an et un poirier qui produit 3 hectolitres par an. ‘2 C'est ainsi que la variété la Médaille d'Or est remar- quable comme richesse saccharine, mais elle donne un Cidre très peu agréable à boire. XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE caractère spécial; pourquoi chercher à le rappro- cher du Vin par sa richesse alcoolique ? « Il importe que l'on sache bien, dit Truelle, que les Cidres agréables, toutes choses égales d'ailleurs, ne sont produits que par des fruits à densité moyenne, et que l'obtention des jus des sortes à haute densité nécessite souvent l’interven- tion de l’eau. Or, trop souvent l’eau est le véhicule de germes morbides... » La composition rationnelle d’une pommeraie se composerait, dans cet ordre d'idées, de trois sortes de variétés : 1° Des variétés à moyenne densité, parfumées et de composition aussi bien équilibrée que possible; 2 Des variétés à haute densité ; 3° De trois ou quatre variétés aqueuses, mais excessivement fertiles. Voici quelle est la liste des variétés classées par M l'Association francaise pomologique comme les plus recommandables jusqu'à ce jour, tant au point de vue de l'arbre (fertilité, rusticité, santé, résistance générale aux froids, aux insectes, aux maladies cryptogamiques) qu'à celui de la qualité des fruits : Jambe-de-lièvre. Moulin-à-vent. Petite-Douce rousse. Rousse de l'Orne ou de la Sarthe. Antoinette. Biuet blanc ou gris. Blanc-Mollet. Doux-Geslin ou Reine des Pommes. Fréquin-La Caille. Havardais. Médaille d'Or. Ormond ou Faux-Callouel. Précoce-David. Saint-Laurent. Ambrette. Argile (grise ou rouge). Bipet rouge. Bramtot ou Martin-Fessard. Doux-Normandie. Fréquin-Lajoie. Hommet. Michelin. Petite-Amère. Reine des Hâtives. Amère de Béthecourt. Bedan ou Bedange. Binet violet. Doux-Amer gris. Fréquin-Andièvre. Grise-Dieppois. pa $ 4. — Composition et rapport d’une pommeraie. Pour composer aussi rationnellement que pos sible une pommeraie, il faut tenir compte de di- verses conditions : en premier lieu, il faut choisir des variétés d'arbres qui répondent aux desiderata que nous avons indiqués un peu plus haut. En se- cond lieu, il faut assembler ces variétés de manière à ce que les divers fruits donnent par leur en- semble un Cidre bon et bien équilibré. En troisième lieu, il faut tenir compte des saisons de fructifica- tion et s'arranger de manière à ce que la récolte de la pommeraie soit échelonnée sur le plus long espace de temps possible (fig. 6). Enfin, il est bon de faire rentrer une certaine quantité de poirjers dans la plantation. Tels sont les principales condi- tions à réaliser au point de vue du choix des arbres. Truelle a donné, dans son Atlas des meilleures variétés de fruits à Cidre, un exemple qui peut être pris comme base pour l'établissement d'un verger modèle de 1.000 pommiers. Rae : As LA Il les répartit ainsi : 15 pommiers de 1° saison (comprenant 3 variétés). 400 — 2e — — 16 — 525 — 3 — — 21 = Total. 1.000 pommiers comprenant 40 variétés, A ces 1.000 pommiers on peut ajouter 200 à | 250 poiriers. Power donne d'excellentes indications sur la manière de disposer les pommiers en les groupant par variétés de même saison. Truelle donne également un plan détaillé sur la manière de distribuer les variétés dans la pommeraie. Quel est le rapport d’une pommeraie? Voici les renseignements que donne Power à ce sujet : Un arbre de 10 ans, bien planté et bien soigné, revient à 15 francs, ce qui, avec l'intérêt de 5 °/, et avec un amorlissement de soixante-dix ans, représente une annuité de 0 fr. 80. La location du terrain (20 mètres carrés), y compris l'impôt, étant admise de 100 francs l'hectare, il faut ajouter de ce chef | UE Août Septembre av Poires Octobre li fl ET XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE _ ii re 1e IE Epoques de récolte =] Epoques de conservation au grenier . fl = ca Lun ju hh ï ] ll Il All (ll 433 ou lorsque les brasseries de Cidre de Francfort n'ont pu faire leurs achats de fruits en Suisse ou en Autriche. C'est ainsi qu'en 1888, nous avons exporté en Allemagne de 5 à 6.000 wagons de pommes (environ 30 millions de kilos) et en 1896 de 1.500 à 2.000 wagons (environ 9 millions de kilos. Ces années n'ont cependant pas coïncidé chez nous avec une surproduclion. On a importé des pommes de Hongrie, de Suisse, d'Espagne. En 1897, les villes espagnoles de Villaviciosa, Avrilès, Rivadessalla ont expédié en France beaucoup de pommes. Le port de Gijon en a expédié, à lui seul, jusqu’à 500 tonnes par jour. L'achat et la vente des pommes se faisaient au- trefois à la mesure de capacité, qui variait suivant chaque pays ; actuellement la vente en gros se fait au poids. C’est à M. Moulin, négociant de Gournay, que l’on doit la généralisation de cette excellente coutume, mais ce ne fut pas sans peine, ni sans Decembre Janvier LUI L Pommes Fig. 6. — Epoques de récolle et de conservalion des fruils à Cidre. 0 fr. 20. Enfin, les frais de récolte et les frais cul- turaux peuvent être évalués à 0 fr. 50. Les dépenses sont donc de : Intérêt et amortissement du capital-arbre. 0 fr. 80 Mocationtdusterrain ::.5.... 2.1. -. 0 fr. 20 Récolte et soins culturaux . . . . . . . . 0 fr. 50 OLA 1 fr. 50 Si l'on admet une production moyenne annuelle d’un hectolitre de pommes (ce qui est peu), au prix de 4 fr. 50, on voit que le bénéfice net est de3 francs par pommier, ou de 300 francs par hectare, s'il y a 100 pommiers à l'hectare. La culture du pommier est donc lucrative. Il faut aussi tenir compte de ce fait que, concurremment avec la culture du pommier, on pratique l'élevage, le sol servant de pâturage. III. — COMMERCE DES FRUITS A CIDRE. Les fruits à Cidre donnent lieu à un commerce très actif à l'intérieur. L’exportation et l'importa- tion ont, suivant les années, une certaine impor- tance. L'exportalion de France en Allemagne arrive à un chiffre élevé dans les années où ce dernier pays n'a pas produit suffisamment de pommes, difficulté, qu'il réussit à vaincre un usage invétéré autant que regrettable. S'il a d’ailleurs complète- ment réussi auprès des vendeurs, le petit cultivateur persiste à vendre à la mesure; la bascule l’effraie; il y craint loujours la supercherie! La mesure du cullivateur normand est la rasière, que l’on nomme aussi barretée dans la basse Normandie et la Sarthe, et dont la contenance est de 50 litres. La rasière de pommes pèse de 25 à 27 kilos, et la rasière de poires de 35 à 37 kilos. Le commerce des pommes à Cidre est très diffi- cile à cause des fluctuations considérables que subissent les cours. Le prix varie, en effet, dans la proportion de 1 à 8 entre des années successives et quelquefois dans la proportion de 1 à 3 dans le cours de la même année. Voici les prix des pommes à Cidre : 25 à 30 francs les 1.000 kilos. 200 — — 80à100 — — Prix minima. . . . Prix maxima. . . . ETMOYENR Le prix des poires à Poiré varie aussi, mais dans de moins grandes proportions : Prix minima . . . . 45 francs les 1.000 kilos. Prix maxima. . - - 75 — — Prix moyen. : : . . 40à50 — — 437 = La figure 7 permet d'apprécier l'ampleur des fluctuations de ce prix de 1880 à 1897. La plupart du temps, pour l'achat et la vente des Mois |: XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE richesse saccharine, qui se pratique pour la bette rave par exemple, n’est pas mis en pratique. Ce mode d’achat a cependant été très conseillé 1 en De PO Pt à ASS TRE À DE D EST =: unes 1880|-& | 1881-62 | 1882-45 | | | | || | || FAP TETE 200 11 1 | I PE eee, ROBLNRNESAREGEUN —+ ++ - ++ BENQ ARR ANT | | 180 | } + SE EL L — | | Al | L =! Lau ! 11 | | | | 10H EEE 1! ++ t £ = | | | | | | | Je 1 ! | ; | lai | 140 ti | Le | | | EE: | | | Î IZ1 | 120 LA | Et 20 Et 1 . 1 Fe | | | — Le JE HHDirEl | 100 || | Lil ! L =: | | | | D En 70 —— + + | (7 | HU FN | 4] } | | | | &6o 44 | | L En p_ AA | Le TT & | 6 | | 71 BEN D Les Cr l | TT] jf u | | | |# È t TRE NES Lo Il À h : PRESS ÿ | à £ | nl | [AT = N | | |"zo Et : Li | S | | nt :S —— + + : : & | gi ls | è 888-89 8849 1890-91 et) ” 200 _ + + - Î 1 % + T == Î 1 RER: | | | | £ 180 ei l Î Ur] + IE Er | Il & Al | Ï T , EE = tel œ | | | AB EL TEE | Î | Lt | | | Il | = + EE Es PRET EN IENRE 1 DOTE 14 Om EEE RE CE ? Jp © nn | + | —+— + | | ( | | 120 | | | | | es" | | | | | | a: IE = 2 situ | | | EE 100 | | | Hd 1 EE LE PE ER | [il | | | V2 en 1 | | | | | 80 jee = 1! D | | [5 | nt | ERP PRE PER er | In Fe ca NN 1 2 AN 2 Go | L L #T 1 Eu à [AE 5 £ IT | LT Ï nr {_t D +1 h lee | | | | il Re RÉEL | Il | t LT Pa | (ail | mit AE) 8 EI — Jui! Il , Ve TE A ed l + — 4 | | | | | ARR RIHI Prix des pommes à cidre Fig. 7. — Graphique du prix des fruits à cidre, montr an t les variations considérables qu'il subit. ë praq : q pommes, on se borne à examiner les pommes et à s'informer de leur provenance. Ce n’est que très rarement qu'on examine les fruits au point du vue de leur richesse. L'achat à la densité du jus ou à la Prix des poires à poire - par les pomologistes. Truelle a établi un aréomètre spécial, qu'il nomme Pomivalorimètre, et qui est gradué de 1 à 6, suivant la densité du jus; une table correspondant à cette graduation indique la quan-- tité de sucre par litre de jus, par kilo de pommes, ainsi que l'alcool et l'extrait sec qu'aurait le Cidre correspondant”. Power proposait un système d'achat rationnel qui aurait eu l'avantage d'encourager la plantation des variétés riches. Dans son système, le brasseur de Cidre payait les pommes au cours, et il payait, en plus, une prime de O0 fr. 05 par hectolitre et par degré de densité en plus de la densité moyenne de 1.055. Des pommes donnant un jus à 1.075 touchaient donc une prime de 1 franc. Dans la pratique, il est rare que les achats se fassent à la densité, et il n'y a guère que des bras- seurs soucieux de leur fabricalion qui fassent l'essai sommaire des fruits qu'ils achètent. Au sujet du commerce des pommes, il n’est pas sans intérêt pralique de signaler les desiderata de ce commerce au point de vue des transports. Les pommes se transportent en vrac dans des wagons où l'on en met de 5 à 6.000 kilos. Ce transport se fait souvent dans des conditions défectueuses et préjudiciables à la qualité de la marchandise, et cependant le prix en est relativement élevé. C'est ainsi que les fruits à Cidre paient beaucoup plus cher que des marchandises analogues, belteraves, pommes de terre, etc. Le tableau IT ci-joint, qui indique le prix de transport pour une tonne à une distance de 400 kilomètres, le montre aisément. Tableau II. — Prix de transport d’une tonne à 400 kilomètres. POMMES à cidre etpoires à poiré POMMES COMPAGNIES de CAROTTES Orléans (wagons , découverts) . . On voit que les fruits à Cidre sont bien peu favo- risés: les frais de transport peuvent, dans les années où les pommes sont abondantes, doubler le prix de ces fruits. Le commerce des poires à Cidre a cherché fréquemment à faire abaisser les prix de transport, et il serait à désirer que satis- faction pût lui être donnée. 1 Voici la graduation du pomivalorimètre : VARIÉTÉS 1. Médiocres, densité du jus comprise entre 1.047 et 1.056 2, Moyennes, == — 1.057 1.06% 3. Bonnes, — -- 1.065 1.069 4. Très bonnes, _ — 1.070 1.079 5. Excellentes, _ _— 1.080 1.089 6. D'élité, —- — à partir de 1.090 XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE 135 ————————————————————— ————————————————————…—____———…—…—“’“h 1II. — FABRICATION DU CIDRE. La fabrication du Cidre comprend trois phases principales : la préparation du moût, consistant à extraire le jus des pommes ; la fermentation et les vpérations subséquentes à la fermentation (souti- rages et soins à donner au Cidre en vue de sa con- servation). $ 1. — Préparation générale du moût. 100 kilas de pommes contiennent environ de 95 à 97 kilos de jus et 3 à 5 kilos de matières insolubles, cellulose, etc. Le jus ayant une densité de 4.055 en moyenne, on voit que théoriquement l'on devrait pouvoir extraire 90 à 92 Litres de jus de 100 kilos de pommes. En pratique, on s'éloigne beaucoup de ce rendement. On peut extraire le jus de pommes par deux procédés bien différents : par la pression précé- dée du broyage du fruit, et par la diffusion. Dans le premier cas on cherche à déchirer aussi complè- tement que possibleles cellules ; dans le second, on évite, au contraire, de déchirer celles-ci, en débi- tant le fruit en cossettes à seclion nette, et on met à profit les phénomènes d'endosmose ou d’exos- mose pour extraire les principes solubles. Nous examinerons successivement ces deux modes de fabrication : 1. Préparation par pressurage. — Le broyage se faisait autrefois et se fait encore aujourd'hui dans un trop grand nombre de cidreries au moyen du tour à auge ou tour à piler, formé d’une auge cir- culaire dans laquelle se meuvent verlicalement deux meules actionnées par un cheval ou à bras d'homme. Ces appareils présentent de graves incon- vépients : ils sont coûteux, encombrants, lents, donnent un broyage inégal ; on leur reproche aussi d'écraser les pépins, qui, suivant Berjot, donnent mauvais goût. Enfin, ce qui est plus grave, ils four- nissent un jus bourbeux, difficile à clarifier ensuite. On les remplace très avantageusement, soit par des moulins concasseurs, munis de deux cylindres ou noix, soit par des broyeurs tels que celui de Simon. Nous n'entrerons pas dans la description de ces appareils, qui sont très connus ; nous ferons seulement remarquer qu'il faut broyer très énergi- quement pour obtenir un bon rendement en jus. On recommande de laisser cuver ou macérer, au contact de l'air, la pulpe écrasée, pendant douze à quinze heures, et de pelleter de temps en temps, pour favoriser la prolifération des ferments et développer la couleur qui se produit par l'action des oxydases. M. Rigaux conseille de faire macérer au moins pendant vingt-quatre heures ; les Cidres de macération, dit-il, se conservent bien. Aux Etals- 136 XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE Unis on fait cuver quarante-huit heures et même plus longtemps. Ce cuvage prolongé serait avanta- geux pour les fruits américains, allemands et anglais, qui sont acides (car on prétend que ce cuvage fait perdre 1/3 de l’acidilé et gagner 1/20° de sucre), mais il ne serait pas bon pour les Fig. 8. — Cadre pour fixer la dimension du marc. fruits français. Il faut donc tenir compte de la nature des pommes, et ne pas exagérer la durée de la macération. Les pommes broyées doivent être soumises à une pression énergique pour en extraire la plus grande quantité de jus. Les meilleurs pommes ne rendentnéan- moins pas plus de 65 à 10 °/, de jus, au maximum. Les princi- paux systè- mes de pres- soirs ont élé comparés mé- thodique- ment par M. Ringelmann, à l'occasion du concours organisé à Nantes en 1897 par l’As- po- mologique de l'Ouest. I] ré- de expériences que le rendement en jus est surtout influencé par trois causes : la pres- sion, le mode de drainage ou de bêchage du marc et la durée du travail. Le rendement croît avec la pression; mais, au delà d’une certaine limite, l'accroissement de pres- sion ne correspond plus qu'à une augmentation insignifiante de rendement. En pratique il n'y a pas intérêt à dépasser une pression effective de 4 à 500 kilos par décimètre carré de marc. Dans les sept presses à vis essayées au concours, cette pression a varié de 323 à 670 kilos. L'emploi socialion sulte ses Fig. 10. — Pressoir continu Son. de la presse hydraulique ne paraît done pas indis- pensable pour l'obtention d’un grand rendement de jus. Le mode de drainage du jus est très important. Il faut que le marc soit bien divisé par des claies en osier ou des linleaux. Ceux-ci favorisent l'écou- lement du liquide. Fig. 9. — Claie de drainage. On peut se rendre compte par l'inspection des figures 8 et9 de la manière d'établir la pile de mare à presser. Le marc à presser est placé entre des toiles. On se sert d'un cadre (fig. 8) pour lui donner la forme et la dimension voulues. On replie ensuite les toiles pour que le marc soit entièrement enve- loppé et l’on enlève le ca- dre qui sert pour faire suc- cessivement lesautrescou- ches. On sé- pare chaque sac par une claie de drai- nage (fig. 9). La durée du travail exerce également une influence sur le rende- ment en jus. Celle durée a varié de qua- tre-vingt-huit à cent soixan- te-sept minutes pour les sept pressoirs mis en expé- rience par M. Ringelmann. Ces expériences ont porté sur 600 kilos de pommes broyées, et le rendement en jusa varié de 58 à 63 °/, du poids des pommes. On peut obtenir par la pression de 60 à 72 °/, de jus. MM. Simon frères ont tout récemment construit un pressoir continu (fig. 40 et 11) qui se compose de deux robustes sommiers, sur chacun desquels glisse un tablier mobile sans fin. Le sommier inférieur est horizontal, le supérieur est incliné. On dresse la pile de marc à presser sur le tablier XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE 437 mobile. Ce tablier se déplace dans le sens de la flèche, entrainant dans son mouvement la pile, tandis que le plateau oscillant P vient s'appliquer sur le sommet de la pile. Ce plateau et les suivants se déplacent dans le même sens que le tablier inférieur, et, à mesure que la pile avance, la pres- sion progresse. Le jus s'écoule par deux conduits latéraux dans une fosse située au-dessous. Arrivée à l’extrémilé de l'appareil, chaque pile est enlevée, et les‘cadres débarrassés du marc servent à la con- fection d'une autre pile. Le mare résultant de la pression contient encore 25 à 30 °/, de jus que n'a pu extraire la presse. Afin d'extraire ce jus, on pratique couramment le remiage, qui consiste à ajouter de l’eau au mare, à laisser macérer le mare mouillé, puis à en ex- traire de nouveau le jus par la presse. Nous devons insister i£i sur la nécessité d'employer de l’eau de bonne qua- lilé et non de l'eau souillée par du purin ou d'autres impuretés. À Be de l’eau de source, ou de l'eau de rivière non souillée par des agglomérations humaines ou par des usines. Il faut absolument rejeter pour cel usage les eaux stagnantes, qui sont souillées de malières organiques, el les eaux de puits, qui sont séléniteuses. Voici, en principe, comment on fait le remiage : Au marc de pression de 4100 kilos de pommes qui a donné environ 60 °/, de l'° pression, on ajoute 25 litres d'eau ou mieux 25 litres de Cidre de 3° pression provenant d'une opération précédente; on fait macérer pendant vingt-quatre heures, puis on presse à nouveau. On obtient 25 litres envi- ron de Cidre de 2° pression. On ajoute de nouveau 25 lilres d'eau, on laisse macérer et on presse. Ce Cidre de 3° pression est employé pour trem- per les marcs. Il peut aussi, si l’on veut uli- liser la 1° pression à faire du Cidre pur jus, être mélangé au Cidre de 2° pression pour faire de la « boisson ». Voiciun exempledes Nous ne saurions trop résultats qu'on obtient nous élever contre ce ainsi avec 100 kilos de pommes : préjugé qui consiste à croire que « la fermen- tation purifie tout » et que le Cidre fait avec 1" pression : 61 li- tres jus pur, de densité 1.056 ; macération avec VAANF1OT une eau impure est meilleur, préjugé qui est malheureusement très répandu dans les régions cidrières'. L'eau employée pour le remiage doit être de préférence Fig. 11. 1 M. Louis Olivier a trouvé le microbe de la fièvre typhoïde dans une eau de mare de Graville (faubourg du Havre). Or, on se servait de cette eau pour fabriquer du Cidre. M. Louis Olivier a constaté que la fermentation ne modifiait en rien la vitalité du microbe introduit sous forme de spore. D'autre part, M. Bodin a publié, dans les Annales de l'Ins- litut Pasteur, un travail relatant les expériences entreprises par lui dans le but de rechercher si le Cidre peut transmettre la fièvre typhoïde lorsqu'il est additionné d'eau contenant le bacille typhique. D'après les essais de M. Bodin, le bacille de Ja fièvre ty- phoïde (bacille d'Eberth) est détruit dans le Cidre au bout d’un temps variant de deux à dix-huit heures, et ce résultat est dû à l'acidité du Cidre. Toutefois, la destruction n'a lieu que si l'acidité est assez prononcée (2 °/00 en acide malique); au-dessous de ce chiffre, le bacille peut survivre plus long- temps, mais il faut dire que les Cidres contiennent rarement une acidité inférieure à 2 °/,, en acide malique. Le Cidre ne peut donc contribuer à déterminer l'éclosion de la fièvre typhoïde que s'il s'est écoulé moins de dix-huit heures à partir du moment où l'eau contenant le bacille spécifique à été ajoutée au Cidre. Il n'en est pas moins vrai qu'il doit y avoir des cas où des bacilles pathogènes peuvent résister; aussi faut-il toujours, avec M. Louis Olivier, recommander vivement l'emploi d'eaux non souillées pour la fabrication du Cidre. Montage de la presse Simon. 25 litres d’eau. 2% pression : 26 li- tres de 2° pression, de densité 1.029 ; macération avec 95 litres d’eau; 3° pression : 25 litres de 3° pression, de densité 1.012. Dans ces conditions, on extrait 90 à 92 °/, du sucre contenu dans les pommes. En augmentant la quantité d’eau de remiage, on peut obtenir un épuisement plus complet. La quantité de moût qu'on obtient avec des pommes varie suivant la nature de la boisson qu'on fabrique. Avec 100 kilos de pommes, on obtient : 65 à 70 litres de moût de Cidre pur jus (6 à 7°), ou 85 à 100 litres de moût de cidre dit « mar- chand » (4 à 5°), ou 100 à 200 litres de moût de boisson (2 à 3°). En général, voici comment on procède pour la fabrication : Dans les années d’abondance, on fait du Cidre pur et de la boisson plus ou moins forte, suivant la quantité d’eau ajoutée au marc; on coupe ensuite le Cidre pur avec de la boisson pour faire du Cidre marchand. Dans les mauvaises années, le Cidre pur 438 XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE reviendrait trop cher (25 à 30 francs l'hectolitre), on ne fait alors que du Cidre marchand plus ou moins fort, suivant la quantité d'eau employée aux différents trempages, et on peut alors arriver à un prix de vente de 13 à 14 francs l'hectolitre. 2. Préparation par diffusion. — On a depuis longtemps cherché à utiliser la diffusion pour extraire le jus de la pomme. Cette manière de procéder sembla tout indiquée quand on vit quels résullats favorables on oblenait avec la betterave. En pratique, on a rencontré des difficultés qui tiennent principalement à la différence de compo- sition des pommes et des betteraves, à la présence, en particulier, d'une grande quantité de matières pectiques dans les pommes. C'est ainsi que la diffusion des betteraves peut se faire dans d’ex- cellentes conditions, même quand on l’opère à une température élevée, tandis qu'avec les pommes: on ne peut dépasser une certaine température (20 à 25°) sans compromettre le succès de l'opération. Aussi se borne-t-on à opérer la diffusion à froid. Cette diffusion se pratique, soit en vase clos, soit en vase ouvert. Dans le premier cas, on emploie des diffuseurs analogues à ceux de la betterave. Certaines personnes conseillent de préférence l’une ou l'autre manière de procéder, mais leur succès dépend du mode d'installation et nous avons vu ces procédés donner chacun de bons résultats. La bonne marche de la diffusion dépend surtout de trois facteurs : la température de l’eau, la rapidité d'écoulement du liquide et le volume de l'eau em- ployée. Au point de vue de la température, il y a sou- vent avantage à réchauffer un peu l’eau que l’on emploie. Au moment de la fabrication, l’eau et les pommes sont quelquefois à une température voi- sine de zéro : on peut donc faire passer l’eau dans un réchauffeur avant de la faire arriver dans le diffuseur. Dans les expériences que nous avons faites, c'est la température de 18 à 20° qui a paru être la plus favorable, et c’est celle dont nous con- seillons de se rapprocher le plus possible. La rapidité d'écoulement doit être proportion- nelle à la masse totale du diffuseur; d’une manière générale, l'écoulement doit être lent. Le réglage de cet écoulement et sa surveillance se font facilement par l'observation fréquente de la densité du moût qui sort du diffuseur. On a eu soin de prendre la densité du jus des pommes sur lesquelles on pra- tique la diffusion, car c’est cette densité qui sert de base pour juger de la marche de l'opération. Enfin, comme le diffuseur peut donner le rende- ment que l'on veut, il faut soigneusement vérifier celui-ci et ne retirer d'une quantité donnée de pommes que la quantité exacte de moût qu'on veut extraire. Il suffit pour cela de savoir une fois pour toutes quel est le poids de cossettes de pommes que renfermentles diffuseurs, et de pouvoir, par un moyen pratique quelconque et facile à imaginer, mesurer le volume du moût que l’on en retire. Pour obtenir un moût d'une concentration suffisante, il faut diffuser très lentement et ne pas extraire plus de 80 à 85 litres par 100 kilos de pommes. En pralique, on peut extraire de 90 à 100 litres par 100 kilos de pommes. On peut en extraire plus | encore si l’on veut faire de la boisson, et régler la marche des diffuseurs sur le degré de la boisson à obtenir. La diffusion présente des avantages et des in- convénients. Les avantages sautent, pour ainsi dire, aux yeux : la mise en pratique de ce procédé est plus simple, plus commode, l'appareil plus facile à surveiller et à tenir en bon état de propreté. L'opé- ration n’exige qu'un personnel très restreint. M. Rigaux estime que l'économie de main-d'œuvre est d’au moins 50 °/,. Elle n'est peut-être pas aussi grande. Dans une brasserie de Cidre où l’on fait à la fois du Cidre de pression et du Cidre de diffu- sion, on estime les frais de fabrication du premier à 1 fr. 50 par hectolitre et ceux du second à 1 franc; il y a donc économie de 33 °/,. La diffusion est le procédé qui épuise le mieux et le plus économiquement la pulpe. Un autre avantage de la diffusion consiste à obtenir des moûts bien clairs, propres et aptes à donner de bonnes fermentations. Power est d'avis que la diffusion est un procédé excellent pour faire de la boisson, mais non pas du Cidre fort, et il conseille de l'employer dans les grands élablissements qui ont un nombreux per- sonnel à nourrir et qui n’ont pas besoin de Cidres forts. L'emploi de la diffusion est très recomman- dable pour les grandes brasseries qui disposent de beaucoup d’eau. Voyons maintenant les inconvénients. Tout d'abord, on ne peut utiliser les fruits trop mûrs, non susceptibles de se débiter en cossettes. L'opé- ration exige beaucoup de régularité et une conli- nuité de fabrication qui n’est pas loujours réali- sable dans les petites exploitations. Elle ne peut, d’ailleurs, guère s'appliquer que dans les brasseries d'une certaine importance. Enfin le Cidre obtenu par diffusion est bon, mais il est toujours moins plein et moins parfumé que le Cidre de presse; il est parfaitement reconnais- sable à la dégustation. Le système qui parait le plus rationnel est d’as- socier, dans les brasseries de Cidre d’une certaine importance, la pression et la diffusion. C’est d’ail- leurs la méthode à laquelle paraissent s'être arrê- tées plusieurs grandes brasseries de Cidre. On qe és 2 La dm. de à XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE 139 “peut, suivant les cas, faire moitié l’un ou moitié l’autre, ou donner la prédominance à l’un ou l’autre des procédés. Dans les petites installations, on peut mettre en pratique la méthode des quatre baquets (fig.12) qui est, en somme, une manière grossière de faire de la diffusion. On place en escalier quatre baquets - portant un robinet à la partie inférieure. On rem- plit de pulpe les quatre baquets. On verse de l’eau dans le n° 1; on laisse macérer pendant trois heures; on fait écouler le jus dans len° 2; on remet de l’eau dans le n° 4. Au bout de trois heures, on vide le n° 2 dans le n° 3 et le n° 1 dans le n° 2, on remet de l’eau dans le n° 1, et ainsi de suite. Au Fig. 12.— Schéma de la fabrication du cidre par la méthode des quatre baquets. bout de quatretrempes, le n° 1 est considéré comme épuisé ; le n° 2 devient le n° 1. etc. $ 2. — Sucrage Dans les mauvaises années, quand la maturité s’est effectuée dans de mauvaises conditions, il peut y avoir intérêt à ajouter au moût de pommes une certaine quantité de sucre pour rehausser le degré alcoolique du Cidre produit. Il est fait aux brasseurs de Cidre une défalcation d'environ moitié des droits sur le sucre quand celui-ci est employé à cet usage, et la loi fixe à 10 kilos la quantité maximum de sucre pouvant être employée pour > hectolitres de pommes ou pour 2 hectolitres de Cidre ou de Poiré. Suivant la statistique des con- tributions indirectes, on emploie par an environ 200.000 kilos de sucre qui servent à fabriquer en- viron 50.000 hectolitres de Cidre. $ 3. — Fermentation Le moût obtenu, soit par pressurage, soit par diffusion, est soumis à la fermentation. D'ordinaire, on néglige beaucoup cetle opération si importante; on n'y apporte pas les soins de propreté et la sur- veillance indispensables pour en assurer la réus- site. Trois facteurs principaux interviennent surtout pendant la fermentalion; ce sont : le moût, qui, par sa composilion, peut être plus ou moins favorable au développement du ferment; le ferment et la température. Suivant l’état des facteurs, la fermentation se déclare dès le premier ou le second jour et suit une marche normale ; ou bien elle tarde à se déclarer, ne part qu'au bout de dix, quinze, et même vingt Jours et risque fort alors d'être entravée par des fermentations vicieuses. Au point de vue de la composition des moûts, l'un des éléments qui ont le plus d'influence sur la marche de la fermentation est l'acidité. Celle- ci doit être comprise entre 1 gramme et demi et 2 grammes par litre. Si elle est inférieure, il y a lieu d’additionner le moût d’une petite quantité d'acide tartrique. Quand elle est supérieure, il est quelquefois nécessaire d'en saturer une partie. On peut employer pour cela un peu de craie en poudre. Power recommande, dans le même but, l'emploi de 40 grammes de cendres de bois par hectolitre. Le ferment est, en général, en quantité suffisante à l’état naturel dans le moût; il s’est développé si l’on a fait macérer la pulpe. En tout cas, on peut utilement conseiller d'ensemencer le moût avec de la lie fraiche d'une fermentation ayant bien marché. Pour la mise en marche de la brasserie, l'emploi des levures sélectionnées, que certaines fabriques de levure préparent spécialement pour les Cidres, assure une bonne fermentation si l'on a soin de dé- velopper progressivement ces levures dansun levain intermédiaire tel que du moût de pommes stérilisé, où elles se développent et accroissentleur vitalité. Enfin, la température joue un rôle très important. Au moment de la fabrication du Cidre, c'est-à-dire dans les mois froids de l’année, la température est parfois très basse dans les brasseries de Cidre, et l’action du ferment se trouve paralysée. Il est absolument nécessaire, si l'on veut avoir de bonnes fermentations, de maintenir le moût entre 15 et 20° environ. Il n'est pas pour cela utile de chauffer la brasserie tout entière, ce qui est coù- teux, peu pralique et ne place pas le brasseur dans les conditions les plus favorables, car le liquide s’'échauffe difficilement à travers les parois des fûts ou des foudres et, une fois le liquide échauffé, cette atmosphère chaude devient nuisible en favo- risant l’acétificalion..Il vaut done beaucoup mieux chauffer le moût seul. Par un dispositif assez simple à imaginer, on peut réchauffer le moût au sortir du pressoir jusqu'à ce qu'il ait atteint 15 à 18°. On peut faire de même pour le jus sortant des diffuseurs, à moins qu'on n'ait maintenu l'eau de diffusion à celte température. Enfin, dans certains cas, l’aération du moût peut avantageusement être appliquée pour activer la fermentation si celle-ci est paresseuse; on agite par soutirage ou par daudinage. 440 conservation et clarification du Cidre. $ 4 — Soutirage, Dès que l’effervescence de la fermentation se ralentit, et lorsque le Cidre est, comme on dit, «entre deux lies », ilfaut le soutirer et le loger dans des fûts ou dans des foudres, où il continue à fer- menter. L'addition de lannin est avantageuse à ce mo- ment de la fabrication ; on peut employer par hec- tolitre : 10 grammes de tannin ou 20 grammes de noix de galles en poudre, ou 30 à 50 grammes d'écorce de chène du Midi en poudre. A partir du moment où le Cidre est soutiré, il faut le soigner de telle manière que les maladies ou les altérations ne puissent l'atteindre. Or, il faut redouter, d’abord et surtout, l’acétification, ensuite le noircissement et la graisse. L'acétification est l'altération la plus fréquente du Cidre dans les régions normande et bretonne. Elle provient de ce qu'on ne soigne pas le Cidre, et surtout de ce qu'on laisse les fûts en vidange. Dans ces conditions, le Cidre, qui est une boisson faible en alcool et riche en substances extractives et salines, se trouvant en contact avec l'air, offre au Mycoderma Aceti un champ de culture merveilleu- sement approprié à son développement. Aussi, dès que la fermentation alcoolique est terminée, le ferment acétique se multiplie, et l'acidité va sans cesse croissant. On dit alors que le Cidre devient « dur », et c'est ainsi que le paysan normand en arrive quelquefois à consommer une boisson qui pourrait faire office de condiment. Il est cependant possible d'empêcher l’acétifica- lion. Il faut pour cela avec propreté; 2° soustraire le mieux possible le Cidre à l'action de l'air. Il faut nettoyer les fûts où les foudres des- tinés à recevoir le Cidre, les laver, gner, en un mot, 1° opérer les soufrer, soi- le matériel de la cave ou du chai. Pour soustraire le Cidre au contact de l'air, il faut bien remplir les fûts ou les munir de bondes hydrauliques. En prenant des soins, on peut arri- ver à avoir des Cidres bien sains; nous n'en voulons pour preuve que les Cidres allemands qui sont absolument secs, que l'on conserve plus d’un an en fûts et qui ne contiennent pas le moindre excès d'acide acétique. Pour les petits récoltants ou pour les consomma- teurs de la campagne qui tirent le Cidre du fût au fur et à mesure de leurs besoins, on peut conseiller de mettre au fût une bonde hydraulique, d'ajouter par hectolitre et par mois 200 grammes de sucre, qui entretiennent la fermentation et empêchent le piquage. MM. Dufour et Daniel ont étudié récemment l'influence du sous-nitrale de bismuth sur le dur- XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE cissement du Cidre. Ils ont constaté qu'il retarde le durcissement et que l'acidité du Cidre augmente d'autant plus lentement que la dose de bismuth qu'on y a ajoutée a été plus considérable. Comme combinaison pratique de leur travail, ces auteurs ont recommandé d'ajouter aux Cidres durs une dose de 10 grammes de sous-nitrate de bismuth par hectolitre. A cette faible dose, disent-ils, le sous- nitrate de bismuth ne saurait produire aucun effet nuisible sur l'organisme. L'innocuité d'un Cidre ainsi traité ne nous paraît pas assurée, car les consommateurs de Cidre boi- vent journellement une grande quantité de cette boisson, et il vaut mieux, à notre avis, les préserver d'une ingestion si fréquente etsi longtemps répétée d’un agent chimiquement actif sur l'intestin. Quand le cidre est devenu dur, il n'y a pas de remède sérieux à lui appliquer. On peut, comme palliatif, saturer par une addition modérée de craie ou de cendre de bois, mais l’action du Wyco- derma Aceti n’en est pas entravée, et le Cidre con- tinue à se piquer. Le noirc attribué à l'insuffisance d'acidité du Cidre ou à sa teneur exagérée en fer. On y remédie par une addition de 50 grammes d'acide tartrique par hectolitre. É Enfin, la graisse est due au manque de tannin, et aussi, suivant Power, à la malpropreté. On le voit, en somme, c'est au manque de soin et de propreté que les altérations du Cidre sont dues la plupart du temps. On ne saurait donc trop appeler l'attention des producteurs de Cidre sur les soins qu'ils doivent apporter au traitement de cette boisson et qui peuvent se résumer ainsi : Employer des foudres, cuves et fûts par faitement nettoyés et soufrés. % — Entretenir le Cidre à l'abri de l'air (employer des füts bien étanches, des bondes hydrauliques, et éviter de laisser le liquide en vidange. — Savoir, au besoin, remédier à un défaut nel de composition du Cidre (l'addition d'acide tar- trique ou de tannin est dans certains cas presque indispensable). Le Cidre est une boisson très difficile à oblenir claire. Les consommateurs sont tellement habitués à boire du Cidre d'aspect louche qu'ils éprouve- raient probablement une certaine suspicion en présence d'un Cidre limpide. Ils sont, au contraire, fort exigeants pour la limpidité du Vin blane et celle de la Bière. Ces difficultés de clarification du Cidre tiennent à la composition de cette boisson et surtout à la présence d'une certaine quantité de sucre. Dans les Cidres absolument secs comme les Cidres de Francfort, on peut assez aisément obtenir la limpidité absolue; mais il n'en est pas de même pour les Cidres encore sucrés, car on ne peut cissement est XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE A1 songer, paraît-il, à les stériliser par la chaleur sans altérer leur goûL. On ne peut non plus avoir recours aisément au collage, qui s'opère mal dans un liquide peu alcoo- lique et en fermentation lente, mais continuelle. Le filtrage est dore le procédé qui parait le plus in- diqué pour éclaircir le Cidre. Ce filtrage doit s'opérer à l'abri de l'air et sous une certaine pres- sion. $ 5. — Traitement particulier des fruits et conduite de la fermentation par le procédé Jacquemin. L'une des caractéristiques du procédé de M. Jac- quemin est le développement des parfums de la pomme et leur extraction complète. M. Jacquemin avait antérieurement montré que certaines parties des végélaux, les feuilles, par exemple, contien- nent des glucosides qui, sous l'influence de la fer- mentation, se dédoublent en sucre et en principes odorants du fruit de ce végétal. Or, dans la pomme elle-même, outre les principes odorants formés pen- dant la maturation, il existe une notable proportion de glucosides inodores, non encore transformés et susceptibles de se dédoubler en suere et bouquet de fruit, si on les soumet à une fermentation. 1. Préparation du moût. — On broie les pommes à la manière ordinaire et on les presse pour en extraire le jus. Les tourteaux de pulpe, au sortir du pressoir, sont émiettés, puis placés dans un bac, avec de l’eau tiède et une certaine quantité de levain de levure sélectionnée. On maintient le bac à la température de 25° pendant vingt-quatre heures, et on y fait barboter de l’air purifié. Il se produit dans la masse un commencement de fer- mentation; on déverse alors le contenu du bac dans un appareil diffuseur. On fait circuler dans la batterie des diffuseurs de l’eau chauffée à 35-40°, de manière à ce que la lempérature, dans les diffuseurs, ne dépasse pas 30°. Aussitôt que les pulpes du dernier diffuseur paraissent épuisées, on y fait arriver de l’eau chauffée à 80-90° pour faire distiller les bouquets volatils de ce diffu- seur dans le diffuseur voisin, chauffé à 30° seule- ment. Le liquide provenant de cette macération à haute température est encore extrêmement parfumé; il est utilisé ultérieurement. Au lieu de diffuser les tourteaux de pulpe, on peut faire macérer celle-ci et lui donner, toujours en présence de levure, des trempes successives à 25-30° et finalement à 90°. Enfin, on peut opérer par diffusion proprement dite, mais en ajoutant du levain aux cossettes dans les diffuseurs, laissant la fermentation S'y déclarer, puis épuisant comme ci-dessus. 2. Fermentation. — Le jus de pomme de pre- mière expression, seul ou mélangé avec les liquides d'épuisement des tourteaux, est mis en fermenta- tion au moyen d'un levain obtenu avec des levures sélectionnées. On maintient la température de fer- mentation dans les limites de 20 à 25°, Quand la densité est presque tombée au point que doit avoir le Cidre qu'on veut préparer, c’est-à-dire quand il s'en faut encore de 2 à 3 dixièmes pour que celte densité soit atteinte, on soutire le Cidre, on le refroidit en le faisant passer dans les tuyaux d’un réfrigérant refroidi, soit au moyen de glace, soit au moyen d'une circulation de saumure froide provenant d'une machine à glace, de manière à ce qu'il arrive au foudre de garde à une tempéra- ture comprise entre O0 et — 2, Celte réfrigération a pour but de paralyser la levure et de la faire très rapidement tomber contre les parois du foudre. Pour :hâter ce dépôt, on peut avantageusement garnir ce foudre de copeaux de noisetier sem- blables à ceux usités dans les brasseries à fermen- tation basse. Dans ces conditions, le Cidre se cla- rifie très rapidement et se conserve admirablement en présence de la levure du dépôt, qui continue à produire une fermentation lente. On soutire en fûts d'expédition au moyen d’un système à contre- pression d'acide carbonique. 3. Préparation d’un Cidre mousseux à qoùt de pommes. — Pour préparer ce Cidre, on emploie le jus pur de pommes, additionné de l’eau parfumée provenant de la première trempe chaude, et on le fait fermenter à une température ne dépassant pas 20°, sous l'influence d’une levure sélectionnée de pommes de grand cru. Si l'on veut fabriquer un Cidre très alcoolique pour l'exportation, on y ajoute la quantité de sucre nécessaire. La fermentation terminée, on refroidit le cidre entre 0 et —- 2°, et on le conserve, comme nous l'a- vous dit plus haut, jusqu'à ce qu'il soit limpide. A ce moment, on le soutire de nouveau sans réfrigé- ration, dans de petits foudres ou fûts capables de supporter une pression de 4 atmosphères et munis d'une soupape de sûreté semblable à celle utilisée pour la fermentation lente en brasserie à fermen- tation basse. Le Cidre est additionné d’une quantité de sucre calculée, comme dans la fabrication des vins de Champagne, pour produire la dose d'acide carbonique nécessaire à la prise de mousse. Puis on y ajoute, par hectolitre, un litre de levain de levure sélectionnée qui, au moment où l'atlénua- tion en était parvenue à moilié, a été refroidi à — 1° et maintenu à une température comprise entre 0 et — 1° pendant six heures. Ce traitement de la levure a pour but de lui faire subir une sorte de paralysie qui l’oblige à opérer la fermentation à Æ = 19 la manière de la levure des vins de Champagne, qui s'agglomère et ne trouble pas les vins soumis à la prise de mousse. Dans ces conditions, le Cidre se champagnise plus ou moins suivant la température du cellier, et, une fois la champagnisation faite, on opère la mise en bouteilles au moyen d’un appareil à contre- pression d'acide carbonique. Tels sont les modes de préparation que M. Jac- quemin a fait récemment connaître et dont nous ne pouvons encore apprécier les résultats. Nous ne doutons pas, néanmoins, que la mise en pratique de méthodes aussi rationnelles n'apporte des amélio- rations importantes à la fabrication actuelle. M. Jac- quemin, qui, dans ses recherches sur les levures sélectionnées, a étudié de près les fermentations, a voulu hausser la fabrication du Cidre à la hauteur de la fabrication de la Bière. C'est engager l'indus- trie du Cidre dans une voie excellente. $ 6. — Utilisation des marcs. Les mares de pommes peuvent être utilisés soit pour la nourriture du bétail, soit comme engrais. Quant aux mares de poires, les animaux ne les aiment pas, et on ne peut guère les employer que comme engrais. Les mares de pommes sont bien PH. GLANGEAUD — LA LUTTE CONTRE LE GRISOU acceptés par les animaux. Certains auteurs pré- tendent que le marc prédispose les vaches à l’avor- tement. D'autres disent que le goût du lait s’en ressent, mais ces deux objections ne paraissent pas suffisamment vérifiées. En tous cas, on conseille de ne pas faire entrer le marc de pommes pour plus du tiers de la ration. Pour l'utiliser comme engrais, il est bon de mé- langer le marc avec du fumier de ferme, de la chaux, de la marne ou des phosphates. On fait un compost calcaire très estimé dans la Seine-Infé- rieure, en mélangeant le marc avec un quart ou un cinquième de marne ou de chaux. Il est également recommandable de faire un compost phosphaté en ajoutant au marc un quart ou un cinquième de phosphate. Pour le marc de poires, le compost avec la chaux est préférable. Dans un prochain article, nous terminerons cette étude, en comparant à la fabrication du Cidre, telle que nous l'opérons en France, les industries similaires de l'Allemagne ct des États-Unis d'Amé- rique. Xavier Rocques, Ingénieur-Chimiste, Ex-chimiste principal au Laboratoire municipal de Paris_ LA LUTTE CONTRE LE GRISOU Les savants ne poursuivent pas seulement la recherche du vrai, ils s'efforcent de combattre et de diminuer les dangers multiples auxquels nous sommes tous soumis, quoique à des degrés divers. Je voudrais aujourd'hui exposer de quelle façon la Société belge de Géologie, en s'inspirant des prin- cipes de la pure science et de ses dernières don- nées, a entrepris d'arracher au grisou les 2.000 vic- times qu'il moissonne annuellement. On ne saurait louer trop hautement l'initiative prise par les savants belges, auxquels se mêlent des savants de tous les pays. Mais, dans cette ini- tiative, qui a paru bien hardie à certains, il faut faire une place à part à M. Van den Broeck, l'aimable et estimé géologue qui à engagé la Société belge de Géologie à faire une étude com- plète de ce lerrible destructeur : le grisou. Certes, il ne convient pas de triompher trop vite, mais il est bon de ne pas oublier en l'occurrence, cette pensée célèbre : Celui qui, en dehors des sciences mathématiques, prononce le mot impossible commet une imprudence. Pour bien combattre son ennemi, il faut bien le connaître. C’est parce qu'on ne connait pas suffi- samment le grisou qu'on n'a pu, jusqu'aujourd'hui, avoir complètement raison de lui. La Société belge propose donc de faire une étude complète de la question du grisou, et elle convie à cette œuvre de véritable socialisme humanitaire : les pouvoirs publics, les administrations intéressées et les amis des travailleurs, si éprouvés, de la mine. « Livrée à elle-même, elle ne pourrait suffire à cette tâche, car elle n’en peut assumer que la partie purement d’ini- üiative et de direction scientifique ». ILest du devoir de tous de faire connaître le programme de nos savants confrères, et de les aider, chacun selon ses moyens, à mener à bonne fin une œuvre que nous souhaitons féconde en résultats humanitaires, éco- nomiques et scientifiques. Les données qui suivent ont été puisées dans les procès-verbaux des séances de la Section perma- nente d'études du grisou de la Société belge de Géologie. C'est M. Van den Broeck, le promoteur de l'étude, qui a rédigé l'exposé des motifs et a éludié plus spécialement les rapports des manifestations grisouteuses avec les phénomènes de météorologie endogène. Il a été fortement secondé dans l'éla- Le fe + ; PTIT TT ES CN. rune lai Cds dé af. 7 € tre THEME PH. GLANGEAUD — LA LUTTE CONTRE LE GRISOU { | és éüenté hotes à td. bu dun dis él, 2 b in. » dé nil c'e dédie douléetés CON L'OMPI * = = boration du programme d'études par M. Gérard, ancien professeur de l'Université de Bruxelles. L'intervention de M. Harzé, directeur général des Mines de Belgique, aura permis de préciser cer- tains points des recherches. Il n'est pas douteux qu'il ne prête son puissant concours à l'œuvre entreprise, bien qu'il ne partage pas toutes les idées des auteurs du projet. I Qu'est-ce que le grisou? Quel est son gisement ? Sa manière d'être? Comment le combattait-on jus- qu'ici? Quelles sont les nouvelles mesures pro- posées? Nous examinerons, très succinclement, ces divers points en empruntant nos documents aux mémoires précités. On sait que les masses végétales, en se minérali- sant, par la distillation plus ou moins lente et plus ou moins complète des matières volaliles, donnè- rent lieu à des hydrocarbures. Une partie de ces produits, n'ayant pu se dégager par l'effet de diverses conditions de gisement, imprégnèrent le résidu, c'est-à-dire la houille, et même jusqu'à un certain point les roches encaissantes. Pour certains, celte imprégnation exislerait sous forme liquide, sinon même sous forme solide. Les irruptions spontanées du gaz seraient la conséquence de la rapide volatilisation d’une certaine quantité de grisou liquide ou solide. Mais, comme au-delà d'une profondeur; non encore déterminée jusqu'ici, la température des roches doil dépasser le point cri- tique du formène ou grisou pur, — c'est-à-dire le de- gré de chaleur au-dessus duquel la liquéfaction de ce gaz devient impossible, quelle que soit la pres- sion, — à partir de celte profondeur, le grisou doit se trouver dans les roches, à l’état gazeux, sous une tension assez grande, tandis que dans les régions supérieures, il pourrait être liquide et même solide. Or, les gaz liquéfiés et solidifiés reprennent assez lentement l’état gazeux à cause de l'énorme quantité de chaleur qu'exige ce chan- gement d'état. On pourrait trouver dans ce rappro- chement l'explication du dégagement continu et moins abondant dans les parties supérieures des mines à grisou, el de la production brusque de grandes quantités de gaz dans les régions infé- rieures où la température atteint et dépasse le point critique. Lorsque les travaux viennent sai- gner les masses profondes, l'équilibre des pres- sions est détruit et des tensions intérieures dange- reuses sont à redouter. On comprend que le grisou soit plus spécialement localisé dans les crochons ou dans les parties de moindre compacilé. Qu'un outil ou un choc quel- conque vienne rencontrer ces nids à grisou, il les fait éclater à la facon des larmes bataviques et il y à une grande émission de gaz et projeclion de charbon pulvérulent. M. Harzé cile qu'au coup de grisou survenu en 1879, au charbonnage de l’'Agrappe, où 121 ouvriers trouvèrent la mort, la larme batavique, en se brisant, fournit 4.000 hec- tolitres de charbon pulvérulent (40 grands wagons de nos chemins de fer) el un volume de gaz qui alimenta pendant deux heures à l'orifice du puits une flamme gigantesque de 30 à 40 mètres de hauteur. La mesure prophylactique principale, la plus utile, employée contre les coups de grisou consiste à mélanger le gaz, dont on ne peut empêcher la production, avec une quantité d'air suffisante pour qu'il perde son pouvoir explosif, de sorte qu'il ne puisse être enflammé ni par mélange ni par un coup de mine. Lorsque le grisou est ainsi étendu, on l'extrait rapidement de la fosse à l’aide de puis- sants ventilateurs. La production du grisou dans les fosses est, en outre, constamment surveillée ; tous les courants d'air sont mesurés à l'anémomètre pour connaître leur vitesse et au moyen de lampes spéciales indi- quant très exactement la teneur en grisou. Les lampes, les explosifs ont reçu également de notables et heureuses modifications durant ces dernières années, et l’on peut dire que, gràce aux mesures préventives, la proportion des victimes du grisou a diminué d'une manière sensible; mais il est nécessaire de la réduire encore davantage, en prévenant les dégagements grisouteux et surtout les dégagements instantanés qui augmentent avec la profondeur de plus en plus grande des exploita- tions actuelles. Les résultats pratiques obtenus jusqu'ici, bien que précieux par eux-mêmes, à cause des faits nouveaux qu'ils ont établis et des conditions favo- rables qu'ils ont amenées dans la lutte contre les dégagements normaux, laissent, en ce qui con- cerne les dégagements instantanés, la question du grisou et des lois régissant ses manifestations presque entière et non réselue. Pour combattre l'ennemi, dit M. Van den Broeck, il ne faut pas continuer des recherches isolées et incomplètes, comme cela s’est fait jusqu’à aujour- d'hui, mais les faire entrer dans une voie nouvelle d'exploration rationnelle, en leur donnant un corps, une méthode et une direction bien déterminée, en la dotant des appareils d'étude et d'investigation nécessaires. On n’a pas tenu compte, jusqu'ici, des progrès naissants et successifs qu’une science nou- velle mettait depuis peu d'années au service des chercheurs. Aux fonctionnaires et ingénieurs, il eût fallu adjoindre des spécialistes en matière de Géologie, de Météorologie endogène, des sismo- logues, des physiciens et toutes les individualités 444 PH. GLANGEAUD — LA LUTTE CONTRE LE GRISOU capables de faire entrer les études dans les do- maines nouveaux et inexplorés. Il eût fallu aussi ne pas limiter trop étroitement les ressources et permettre officiellement l’acces- sion du but par toutes les méthodes d'investigation nouvelles. Un groupe de personnalités scientifiques, spé- cialisées dans les diverses branches intéressant le grisou, travaillant librement, sans contrôle, ni règlements restriclifs, tel, en un mot, que le groupe représenté par la Société belge de Géologie, paraît utilement appelé à prendre l'initialive au moins d'une direction nouvelle et systématique à donner aux études et aux recherches relatives au grisou. Il s’agit donc d'entreprendre une étude complète, une monographie du grisou, en l’envisageant au point de vue géologique, physique, chimique, bio- logique et météorologique; mais c'est principale- ment les rapports des dégagements grisouteux avec les phénomènes microsismiques qui ont attiré d'abord l'attention de la Commission. IT Disons tout de suite qu'il parait exister des cor- rélations évidentes entre les dégagements brusques du grisou et les mouvements du sol, de sorte que, si l'on possède des données précises sur ces derniers, il sera peut-être permis de prévoir les manifesta- tions grisouleuses, ce qui jusqu'à présent n'avait pu être tenté d’une manière efficace. C'est le professeur italien de Rossi qui est le pro- moteur de ces idées nouvelles. Dans une conférence donnée à Liège, en 1880, le savant italien s’expri- mait ainsi : « La météorologie atmosphérique nous donne, par certains indices, le moyen de prévoir les falales explosions de grisou auxquelles les dépres- sions barométriques ne sont pas étrangères. Mais on comprend que les dépressions barométriques ne peuvent contribuer à ces explosions que comme condition favorable et qu'il faut en chercher ailleurs la cause principale. Cette cause véritable et effi- ciente n’est autre que la production surabondante de gaz inflammable, production qui est elle-même l'effet immédiat d'une phase d'activité intense de la force endogène. J'ai eu l’occasion de montrer maintes fois la coïncidence des désastres arrivés dans les mines avec les époques où l'on à constaté que l'exercice de l’activité interne du globe s’ac- cuse avec une énergie particulière. J'ai insisté sur la nécessité d'établir à proximité des mines des observatoires géodynamiques pour y surveiller, à l'aide du microphone, les moindres mouvements sismiques du sol. L'utililé de ces observations m'apparait si grande et si évidente que Je ne puis m'empêcher de les recommander chaque fois que l'occasion s’est présentée Il y a bientôt vingt ans que ces sages et judi- cieux avis ont été publiés. Et c'est au Japon qu'il faut aller pour voir la question entrer dans la pra- tique de l’expérimentation! Il existe dans ce pays un service microsismique admirablement orga- nisé, dirigé par M. Milne, un spécialiste anglais qui a appliqué le programme qu'il s'était tracé, à l'étude des dégagements grisouteux de la mine de Tokoshima, dans leurs rapports avec les mouve- ments du sol. En 1883, M. de Chancourtois signala, à son tour, dans le jeu des sismes et des microsismes un mode d'avertissement des dégagements grisouteux. En mission scientifique avec MM. Chesneau et Lalle- mand, il visita les importantes installations géo- dynamiques installées par Rossi et installa alors un double poste d'étude comprenant l’observa- toire de Douai et l’un des puits les plus grisouteux de la Compagnie d’Anzin : la fosse d'Hérin. Le rapport que ces savants publièrent sur les observa- tions faites du 1° février au 31 décembre sur ces deux points est des plus importants. Voiei comment M. Van den Broeck résume les observations faites, du 6 au 10 décembre, par M. Chesneau. Un véritable orage endogène coïncida pendant la période du 7 au 10 décembre 1886, dans la partie occidentale de l'Europe avec une intense dépression barométrique et avec l'apparition de dégagements accentués de grisou, signalés en France, en Angle- terre et en Belgique. Le relevé des phénomènes volcaniques et sismiques qui affectèrent vers cetle époque et notamment du 8 au 16 décembre les ré- gions les plus diverses du globe (Europe, Amé- rique, Asie), montre d'une manière frappante que les cas sporadiques, mais pour ainsi dire simulta- nés, d'accidents grisouteux qui se présentèrent dans des contrées relativement éloignées les unes des autres, devaient être en réalité, intimement reliés, comme mode de causalité première, à la tem- pête sismique endogène qui surtout, du 7 au 9 dé- cembre, fit sentir ses efforts sur une grande partie du globe terrestre. La venue subite et considérable du grisou dans la mine d'Hérin fut telle, le 8 décembre, qu'il fallut évacuer la mine, et, dans de nombreux charbon- nages du Nord et du Pas-de-Calais, il y eut, le même jour, des dégagements si accentués que sur certains points les chantiers durent être également abandonnés, Le même jour, il y eut au charbonnage d’Angleur, près de Liège, un important dégagement grisouteux, accompagné d'une projection brusque, sous l'im- pulsion du souffle grisouteux, de 72 hectolitres de charbon menu. Le lendemain 9 décembre, à Beau- lieusart, dans le centre, un dégagement instantané se produisit qui ensevelit cinq ouvriers sous le éret it “rh: “2 s ans fe 2e A PH. GLANGEAUD — LA LUTTE CONTRE LE GRISOU 445 charbon projeté. En Angleterre, dans la mine de Marsden (Durham) et dans plusieurs mines des environs, il y eut, le 8 décembre, un tel dégagement grisouleux que, là aussi, l'évacuation de ces mines fut ordonnée, et, chose particulièrement intéres- sante, un appareil enregistreur microsismique, qui avait justement été installé à Marsden par une Commission spéciale du grisou, indiqua, en corré- lation avec l’émanation grisouteuse, de fortes per- turbations microsismiques. Et il est à remarquer - que ces étais des corrélations grisouto-sismiques, … avaientété faits simultanément, mais d’une manière tout à fait indépendante, en France et en Angle- terre. Le fait des corrélations grisouto-sismiques est donc, pour cette date du 7 au 9 décembre, nettement et absolument constaté. Voyons maintenant com- ment s'établissent, sur le diagramme de M. Ches- neau, les relations considérées au point de vue chro- nologique, et spécialement celles qui sont relatives aux perturbations atmosphériques, c'est-à-dire à la dépression barométrique. La figure 1 ci-contre est particulièrement suggestive, Les trois éléments - considérés s’y présentent nettement définis, chacun - dans l’évolution de son pourcentage spécial et en _ relation chronologique générale comparative. En suivant l'ordre chronologique, nous trouvons, le Gdécembre à quatre heures de l'après-midi, une pre- mière dépression barométrique rapide et accentuée qui nous mène jusqu'à quatre heures et demie du matin le 7 décembre. C’est une baisse d’environ 1 millimètre à l'heure et il est certain qu'elle cons- titue un premier et sérieux avertissement. Mais, de midi à sept heures du soir, le 7 décembre, la pres- sion remonte vivement aux 6/10 de cetle première baisse. Ceci rend le pronoslic quelque peu douteux et aléatoire et en diminue la valeur. Mais à huit heures du soir, le 7 décembre, une action endogène microsismique s’élablit brus- quement et s'accentue constamment et rapidement, - pendant à peu près douze heures consécutives, car c'est le 8 d'cembre, à sept heures et demie du … matin, que l'amplituGe croissante des mouvements du traumomèlre est arrivée à son point culminant, pendant que, de son côté, le baromètre, depuis le _ Tausoir, partantde 753"%5, descendait de nouveau avec une grande rapidité, jusqu'au 8 décembre, à dix heures du matin, où la descente prend une marche plus calme, mais en dépression constante, s'étendant jusqu'au lendemain matin, 9 décembre, avec un minimum de 727 millimètres. Or, en passant à l'élément grisou, dont la propor- —. tion dans le retour d'air de la mine, était, le 6 dé- … cembre, inférieure à 1°/,, et dépassait à peine ce “ chiffre dans la nuit du 7 au 8, nous voyons que le … 8 décembre à huit heures du matin une expansion ! REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, gazeuse considérable envahit subilement l'air de la mine, qui, à cinq heures du soir, contenait, dans son retour d'air, la dangereuse proporlion de 3 ?/, de grisou, redescendue, à minuit, à environ 1,5°/,. La proportion élevée de 2 à 3 °/, de grisou, qui avait commencé à s'établir vers midi, pour s’ac- S z 2 NE 7 JS È à > S Sa = RS À = S LERE 5 = à à COM Le] eus Cp Che “a S s 3 AR ù US 5 Se à % à S © 2 à à A 2 È LE S à Ê Ÿ kel LS S SE 5 > £ Ÿ S'a © à à CS 5 EE RS & À S? È a S & As à S Ÿ = sa & as Parometre Échelle de la pression barométrique. Fig. 1. — Diagramme chronologique des phénomènes baro- métriques, sismiques el grisouleux noles à la mine d'Hérin (Anzin), par M. Chesneau, du 6 au 10 décembre 1886. centuer à cinq heures du soir, ne faiblit qu'après neuf heures du soir. Quant à la seconde dépression barométrique qui, avec la première du 7 décembre, a pour ainsi dire encadré les phénomènes grisouto-sismiques du 8 décembre, elle a eu sa plus forte accentuation le 9 décembre, à quatre heures trois quarts du matin, et, cette fois, la dépression considérable qui à coïncidé avec les grands troubles atmosphé- A1 446 PH. GLANGEAUD — LA LUTTE CONTRE LE GRISOU riques des 8 et 9 décembre, s’est élevée à 29 mil- limètres de mercure. Certes, la partie la plus brusque, la plus rapide de cette dépression a pré- cédé le dégagement grisouteux du 8; maisl’avertis- sement sismique, ininterrompu et continuellement accentué, du 7 au soir a marché parallèlement avec la dépression barométrique, montrant les étroites relations de ces phénomènes divers. Le point capital de l'observation est que le maximum de l'agitation microsismique a précédé de neuf heures le maximum dangereux de l'émana- tion grisouteuse, alors que le maximum de la dé- pression barométrique a suivi de près de douze heures le maximum dangereux du dégagement gri- souteux. III L'encadrement des phénomènes endogènes gri- souto-sismiques par des phénomènes exogènes atmosphériques est'donc très nettement démontré par le diagramme de M.Chesneau. . En est-il loujours ainsi? y a-t-il toujours corré- lation entre les trois catégories de phénomènes dont nous venons de parler? Il y a de fortes proba- bilités pour croire que cetle concordance est géné- rale. De nouvelles expériences bien conduites, d'une durée assez longue, proposées par la Section du grisou, diront ce qu'il en faut retrancher ou ce qu'il faut y ajouter, en un mot, feront les modi- fications que comportent de pareils résultats. Mais les auteurs du projet lui donnent une am- pleur encore plus grande en y rattachant les décou- vertes si curieuses du Professeur Zenger, qui trouve la cause des manifestations endogènes dans les Phénomènes cosmiques. Pour le savant professeur tchèque, il existe des relations étroites (qu'il a démontrées par de nombreux exemples) entre la constitution physique, les phénomènes (protubé- rances et taches) et les influences électriques et ma- gnétiques diverses du Soleil et l’ensemble gran- diose, étroitement uni, que la science commence à bien connaître des phénomènes de la Physique du globe : aurores boréales, orages, tremblements de terre (orages endogènes), microsismes, phéno- mènes, perturbations et orages magnétiques et telluriques, et, enfin, les phénomènes de la météo- rologie endogène. Ces manifestations naturelles offrent des con- nexions étroites et obéissent à des lois d'influence cosmique et de retard périodique. Quelques-unes d’entre elles ontdéjà pu être formulées ets'adaptent rigoureusement aux faits observés. Ne citons qu'un exemple de cette concordance. On se souvient des vives dénégalions parues dans les journaux italiens et opposées par le Professeur Palmieri, à la prédiction faite en juin 4892, par M. Zenger, d'événements sismiques et volcaniques très accentués, annoncés pour le 8 juillet 1892. Ce jour-là était le jour de la période solaire, précédée du passage, le 5 juillet, d'un essaim périodique d'étoiles filantes, et il devait être suivi, le 12, d’un passage connu de bolides. Qui avait raison : Pal- mieri ou Zenger ? Les sarcasmes dont on accablait Zenger ne se prolongèrent pas longtemps. Les 7, 8 et 9 juillet, les deux modes d'investigation de l’activité solaire, les taches et les plaques photographiques spéciales dénotaient une agitation extraordinaire, tandis que le Stromboli, l'Etna etle Vésuve entraient en érup- tion pendant ces trois jours. En même temps, de grands tremblements de terre secouaient l'Italie dans la nuit du 8 au 9 juillet. Zenger triomphait. Pour se faire pardonner, il continua ses prédictions. D'après lui, on peut, en se basant sur les don- nées fournies par l'étude des phénomènes cos- miques, prévoir les dates des grandes perturbations atmosphériques, électriques, magnétiques: celles des aurores boréales et des tremblements de terre et même des éruptions volcaniques pour une région terrestre déterminée. La Société belge de Géologie a pensé qu'il conve- nait d'entrer dans la voie des applications, ouverte par les découvertes des Professeurs Zenger, de Chancourtois, Chesneau, Forel, etc.,en recherchant les relations qui existent entre les phénomènes cosmiques et les phénomènes terrestres. Comme résultat pratique, la Société espère éta- blir, au moyen de stations et d'observatoires con- venablement oulillés et aussi nombreux que pos- sible, les rapports des dégagements grisouteux avec l’ensemble des phénomènes terrestres et extra- terrestres. C'est là un programme bien vasie, mais bien digne de tenter les savants. Il exigera beaucoup de temps et le concours d’un grand nombre de spé- cialistes : géologues, ingénieurs, physiciens, chi- mistes, astronomes, etc. Un pareil groupement d'hommes de science, de toutes les nations du globe, unis dans une pensée commune et que les difficultés ne peuvent arrêter, ne saurait être que fécond en résultats scientifiques, et, espérons-le, aussi en résultats pratiques. Félicitons donc nos confrères belges d'entre- prendre cette étude, et souhaitons-leur de trouver, auprès des pouvoirs publies et des particuliers, les subsides nécessaires pour faire aboutir les recher- ches dont ils ont dressé le programme, recherches dont le corollaire humanitaire est la lutte ration- nelle contre le grisou. Ph. Glangeaud, Maitre de conférences à la Faculté des Sciences de Clermont-Ferrand, 4 “ POP ET À | { 1° Sciences mathématiques Genocchi (Angelo). — Differentialrechnung und Grundzüge der Integralrechnung ‘publié par M. G. PEANo, traduit en allemand par MM. G. Bout- MANN et A. Scnerp). 1er fascicule. — 1 vol. in-8° de 224 pages. (Prix de l'ouvrage complet : 43 fr. 25.) B.-G. Teubner, éditeur; Leipzig, 1899. L'édition allemande des lecons d'Analyse de A. Ge- nocchi, publiées par M. G. Peano, comprendra deux fascicules. Le premier, qui vient de paraître, contient les éléments du calcul différentiel exposés au point de vue purement analytique. Il n’est fait usage d'interpréta- tions géométriques que dans des cas isolés. Quant aux applications géométriques, elles n'ont pas été prises en considération. Après avoir consacré un chapitre à la notion de fonction continue d’une variable indépendante, l’au- teur passe à l'étude des dérivées; puis il examine d'une manière approfondie les séries, les développe- ments en série et les produits infinis. Les deux cha- pitres suivants sont consacrés aux fonctions de plu- sieurs variables indépendantes, aux fonctions implicites et aux applications analytiques : étude des formes indéterminées, maximum et minimum des fonctions d'une ou de plusieurs variables indépendantes. Vien- nent enfin les notions élémentaires relatives aux fonc- tions d’une variable complexe. A la fin de chaque cha- pitre sont placés quelques exercices ; leur nombre est toutefois assez restreint. Ces éléments sont présentés sous une forme à la fois simple et claire, et avec la rigueur que l’on est en droit d'exiger d'un pareil ouvrage. L'étudiant de première année y trouvera des développements théoriques qui lui seront très utiles pour une étude approfondie de l'Analvse. H. Fenr. Privat-Docent à l'Université de Genève. Damour (Emilio), Ingénieur civil des Mines, Chef des Travaux chimiques à l'Ecole supérieure des Mines. — Le Chauffage industriel et les Fours à gaz. — 8 4 vol. in-8° de 142 pages, avec 27 figures. (Prix, relié : & 1fr. 50.) Baudry et C°, éditeurs. Paris, 1899. Les combustibles à l'état gazeux sont tous les jours plus employés pour le chauffage industriel, et cette préférence se justifie par les grandes facilités avec les- quelles ils se prêtent à une combustion plus complète et à la récupération des chaleurs perdues. On peut dire que l'industrie moderne doit une grande partie de son dé- veloppement à la vulgarisation des fours à gaz. Mais, si leur origine remonte au célèbre brevet Siemens de 1861, il y à relativement peu de temps que l'on se rend un compte exact des conditions dans lesquelles s’ac- complissent les phénomènes généraux de la combus- tion, et c’est grâce aux beaux travaux de MM. Berthelot, Vieille, Mallard et H. Le Châtelier que ces progrès se sont produits, L'étude de M. Damour, qui n'envisage qu'un côté du problème si compliqué du chauffage dans l'industrie, ainsi que l'indique l’auteur dans une préface où la question est nettement posée, a principalement pour objet de traiter de l’ufilisation de la chaleur et de la récupération. Elle comprend deux parties bien dis- tinctes : l’une théorique, l’autre pratique. Quand un phénomène à étudier présente un caractère complexe, comme c'est ici le cas, il n’est possible de l'analyser qu'en y appliquant d'abord simplement les lois phy- siques ou mécaniques et en faisant abstraction de cer- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 447 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX taines données expérimentales, qui seront plus tard introduites comme correctifs, mais dont l'importance est assez secondaire pour ne pas modifier totalement les bases qui ont servi. Telle à été la marche suivie par , l'auteur; aussi, nous insistons bien sur ce point : malgré les apparences, c’est un livre pratique qu'il a écrit et qui sera utilement consulté par les ingénieurs. k Après avoir très clairement énoncé les définitions scientifiques qui se rapportent aux corps solides ou gazeux jouant un rôle dans la combustion, telles que chaleurs de combustion, pouvoirs caloriques , ‘chaleurs d'échauffement chaleurs spécifiques, M. Damour classe les différents systèmes de fours à gaz suivant la nature du gaz combustible employé (gaz à l'air, gaz à l'eau, gaz acide carbonique) et suivant aussi la manière dont la récupération est appliquée (simple récupération par l'air secondaire seul, double récupération par l'air secondaire et le gaz; double récupération par l'air secondaire et primaire ou par l’air total; triple récupé- ration par l'air primaire, l'air secondaire et le gaz). En y ajoutant, à titre comparatif, les foyers à chauffage direct, c'est-à-dire ceux encore très répandus où l’on -brûle directement les combustibles solides, il arrive au nombre de douze fours, dont il établit la valeur relative en posant et résolvant pour chacun d'eux l'équation d'utilisation : Q —P+U. (Pouvoir calorifique = chaleur utilisée chaleur perdue), et en en déduisant le rende- al ment de récupération En vue de cette discussion, M. Damour a soin de rap- peler certains principes fondamentaux bien souvent méconnus dans les questions d'échanges de température. Puis, après avoir parfaitement expliqué la valeur des termes P et U de l'équation fondamentale, il arrive au rendement en déterminant dans chaque cas P par le calcul direct et Q par la mesure du pouvoir calorifique ou par les chaleurs de combustion des corps simples : la valeur de U est obtenue par différence. | 2 Mais les résultats théoriques auxquels on arrive ainsi, au moyen d'un certain nombre d’hypothèses, toutes en faveur de la bonne utilisation de la chaleur, sont opti- mistes et fixent seulement une limite supérieure au rendement; aussi l’auteur examine ensuite dans quelle mesure la réalité peut modifier la valeur absolue des chiffres attribués à chaque four et, par suite, le classe- ment de ces fours. Nous ne décrirons pas les calculs concernant les fours à chauffage direct sans gazogènes, dont les foyers de chaudières à vapeur sont un cas par- ticulier, non plus que ceux des fours à récupération avec les différents gaz et suivant tontes les variantes, pour la plupart desquelles un intéressant exemple est cité. Nous en rappellerons seulement les principales conclusions : Lorsqu'il s’agit de chauffage à tempéra- tures élevées (15002), le meilleur des fours à gaz actuel- Jement en usage est le four Siemens, sans siphon, avec gaz à l'eau et double récupération par l'air secondaire et le gaz; en chauffant l'air primaire, c'est-à-dire en transformant le précédent four en four à triple récupé- ration, il serait possible de gagner encore environ 10 °/4 des calories. Aux températures moyennes (1000°), bien que le même four tienne encore la tête, la double récupération n'a plus ici un intérêt proportionné aux dépenses d'établissement et d'entretien qu’elle entraine, et ce sont surtout les fours à simple récupération par l'air secondaire seul avec gaz à l’eau et à l'air qui sont employés. La discussion montre cependant que l'on aurait encore avantage, dans ces fours, à chauffer l'air primaire ou à renvoyer une partie des fumées sous la grille. 448 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Enfin, aux basses températures (5000), comme dans les chaudières à vapeur, la récupération ne trouve pas d'application utile, et l’un doit surtout s'attacher à obtenir une combustion complète sans excès d'air. Dansles quelques chapitres qui terminentson ouvrage, M. Damour indique les moyens et appareils qui sant à la disposition de l'ingénieur désireux de se livrer à l'étude expérimentale de ses fours et, en véritable comptable, il montre, par l'exemple, les déductions fécondes que l’on peut relirer de l’établissement du bilan des calories, méthode dont on ne saurait trop recommander l'emploi dans les usines. C'est évidemment l'objectif de tous les industriels d'apporter des économies toujours nouvelles à leurs fabrications, et ils y sont d'autant plus poussés à une époque où la concurrence les oblige à serrer de plus près leurs prix de revient. A ce point de vue, le livre de M. Damour, rend un réel service à l'ingénieur en lui indiquant les moyens de mieux utiliser la chaleur dans ses fours, c'est-à-dire d'améliorer l'un des orga- nes les plus importants de son industrie. Emile DEMENGE. Ancien élève de l'École polytechnique. 2° Sciences physiques Cavalier (Jacques), Maître de Conférences à l'Univer- sité de Rennes. — Recherches surles Ethers phospho- riques. (Thèse de la Fuculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-8° de 110 pages. F. Simon, tmprimeur, Rennes, 1899. Dans ce mémoire, l’auteur s’est proposé de compléter et d'étendre l’histoire intéressante des éthers de l'acide phosphorique. Cet aride à fonction mixte, qui forme trois séries de sels, est, en effet, susceptible de donner trois calégories d’éthers, dont deux possèdent des hydro- gènes acides. M. Cavalier a d’abord contribué à caractériser les éthers acides en prépirant les principaux sels acides des éthers mono-méthyl et mono-éthylphosphoriques (sels acid-s de K, Na, Az H*, Ca, Sr, Ba). Vient ensuite l'étude complète des trois éthers allyliques, l'éther mono-allylique en solution avec ses sels acides et neu- tres, le phosphate diallylique en solution et quelques sels, et le phosphate triallylique, liquide dont on décrit la préparation et les principales propriétés. Les données thermo-chimiques n'ont pas été négli- gées : on a mesuré les chaleurs de neutralisation des érhers acides en solution aqueuse. Ces corps sont des acides forts qui se montrent nettement monobasiques vis-à-vis de l'héliantine. La chaleur de neutralisation des élthers monoalcoylés est plus grande que celle des deux premieres valences de l'acide phosphorique; de plus, la chaleur dégagée dans la neutralisation des éthers dialcoylés est supérieure ou égale à celle qui correspond à la première acidité des monoalcoylés. L'auteur conclut de ces faits que l'introduction succes- sive de radicaux alcooliques dans l'acide, phosphorique fait disparaître l'acidité la plus faible, c'est-à-dire donne naissance à des acides plus forts que les générateurs ; — conséquence trop absolue, peut-être, si l’on réfléchit à « cette complication parasite (du dissolvant) qui rend insuffisantes les comparaisons tirées des chaleurs de neutralisalion, délerminées dans l’état dissous. » Il eût été, d'autre part, fort intéressant de mesurer la tonalité thermique lors du mélange de ces acides avec la solution de leurs sels neutres: une conséquence nécessaire de la théorie de la dissociation électrolytique est qu'il doit se produire, dans ce cas, une absorption de chaleur. L'expérience serait d'autant plus importante que, jusqu'à présent, les vérifications de cette proposi- tion sont peu nombreuses et sujettes à discussion. Les éthers phosphoriques acides, surtout les dialcoylés, s'y prêleraient admirablement. I, p. 380 1 BeRTHELOT. Thermochimie, L. 1897). Enfin, l'auteur consacre la dernière partie de sontra- vail à l’étude de la vitesse de decomposition des éthers phosphoriques par l’eau. Une élégante méthode de dosage, basée sur l'emploi simultané des réactits indi- cateurs et sur la différence de solubilité des sels de baryum, lui permet de déterminer facilement les pro- portions relatives des divers éthers et d'acide phospho- rique qui existent à un moment donné dans la liqueur. Grâce à de nombreu-es courbes, on peut suivre aisé- ment les phases de la décomposition de l'éther pri- mitif, ainsi que la formation et la saponitication pro- gressive des produits intermédiaires. Les opérations se faisant en présence d'un excès d'eau, toutes ces réac- tions sont du premier ordre. Comme toujours, l'influence de la température est énorme. Par cette étude, M. Cavalier a ajouté un chapitre plein d'intérêt à l’histoire des réactions simultanées ; elle termine dignement son travail consciencieux de Chimie pure. P.-Ta. MuLcer. Maître de Conférences à l'Université de Nancy. Sansone (Antonio), Ancien directeur de la Section de Teinture à l'Ecole Technique de Manchester. — Des Progrès récents dans la Teinture et l’Impression des Tissus de Coton et d’autres fibres. 1°" Fasci- cule. — 1 vol. in-8° de 92 pages, avec 20 figures et 15 planches d'échantillons. (Prix : 10 fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1899. Le but de cet ouvrage, comme le dit l'auteur dans sa préface, est de donner un aperçu, aussi complel que possible, des principales découvertes et inventions faites dans ces dernières années, et introduites dans les industries de la teinture, de l'impression et du blan- chiment. L'ouvrage entier comprendra # ou 5 fascicules. Le premier seul a paru et c’est celui que nousallons ana- lyser. Dans un premier chapitre, l’auteur passe en revue les machines, découvertes et innovations dans les pro- cédés de teinture et d'impression, en promettant de revenir sur chacune d'elles et de les décrire plus lon- guement, ce dont on ne saurait trop l’approuver, car cette suuple énumération est réellement insuffisante. Le chapitre IT traite de la résistance des couleurs à l'action de la lumière, du savon, des alcalis et des acides. Peut-être eût-il mieux valu le placer à la fin de l'ouvrage, après avoir exposé les modes d'emploi des diverses couleurs. Comme faits intéressants, nous sixnalerons que les couleurs les plus solides à la lu- mière sont le noir d'alizarine et le noir cyanine, sur- tout quand ils sont teints sur mordant double de tanin et de chrome, d’après un procédé de l’auteur. Le bleu indoïne, fugace quand on l’emploie comme colorant direct, tient aussi remarquablement à la lumière, s'il est appliqué sur mordant de tanin et d'antimoine. M. À. Sansone propose d'utiliser cetle propriété protec- trice du tanin pour rendre les couleurs sur coton plus résistantes à la lumière, en faisant suivre la teinture de passages en lanm, puis en sel de cuivre, pour recou- vrir le tissu d'un enduit de tannate de cuivre. Le chapitre III a pour objet l'étude des couleurs directes, c'est-à-dire teignant le coton non mordancé, qui sont, comme on le sait, des colorants hisazoïques dérivés des diamines, telles que la benzidine, la toli- dine, ete. L'auteur donne des détails circonstanciés sur leur emploi et expose d'une manière très comp'ète le procédé de diazotation sur la fibre de couleurs directes, appliquées préalablement par teinture, et la copulation des diazoïques ainsi obtenus, avec des développateurs appropriés. On arrive ainsi à produire de nouvelles nuances, douées d’une plus grande résistance à la lumière et aux agents chimiques. Ce fascicule se ter- mine par une série de vingt planches de machines relatives au blanchiment, à la teinture et à l'impression, et de quatre-vingts échantillons teints ou imprimés. M. PRUD'HOMME. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 3° Sciences naturelles Pagès (C.). Vétérinaire sanitaire de Paris et du dépar- tement de la Seine. — Les Méthodes pratiques en Zootechnie. — 1 vol. in-8° de 216 pages, avec 12 fiqu- res. (Piiæ cartonné : 5 fr.) G. Carré et C. Naud, édi- teurs, Paris, 1899. Il est toujours agréable de lire un ouvrage qui sort des sentiers battus lout au moins lorsque l'originalité de la forme n'est pas destinée à masquer la faibles 11,ce qui implique une condensation x > e‘ ou n >> 60.000. De plus, la théorie de Stokes exige que la vitesse de propagation de la lumière dans l’éther comprimé d’une manière si consi- dérable, soit la même que dans l’éther ordinaire. Donc, MM. Planck et Lorentz croient qu'il laut préférer la théorie d’un éther complètement en repos, qui n’a besoin que du coefficieut d'entraînement de Fresnel, vérifié par des observations directes et calculé à l’aide de considéralions théoriques a-sez plausibles. En effet, il serait bien singuier, si par hasard on trouvait pour ce coefficient precisément la valeur néces-aire pour une fausse théorie; de plus, si l'on espère un jour expliquer la gravitation au moyen d'actions qui se ropagent dans l'éther, il est naturel d’admeitre que ’éther ne soit pas soumis à cette force. Cependant l'auteur, au lieu de rejeter entierement la théorie de Stokrs, y consacre quatre remarques : 4° L'acceptation de la condensalion éuorme trouvée plus haut, explique tous les phénomènes. 2° En supposant que les équa- tions, données par Hertz pour les corps diélectriques mobiles, s'appliquent tout de même au mouvement de l’éther, la propagation de la lumière va dépendre d'équations simples. 3° La supposition que seulement la grevilation, et non pas une force moléculaire, peut condenser l’ether, pourrait servir à expliquer les expé- riences de Fizeau avec les tubes parcouius d'un courant d'eau; on aurait alors à introduire le coeflicient de Fresnel. 4° On obtiendrait aisément une décision entre les deux théories, si l'on connaissait suffisamment les phénomènes de l'aberration diurne. — MM. H. Haga et C. H. Wind : « La diffraction des rayons Rüntgen ». Les auteurs se sont proposé de soumettre la question de la diffraction des rayons X à une épreuve risou- reuse dans le laboratoire de Physique de l'Université de Groningue. Essentiellement l'appareil consistait en deux écrans parallèles, portant deux fentes éiroites parallèles, placés à une distance de 75 centimètres l’un de l’autre. Derrière la premiere fente de 44 microns de largeur et { centimètre de hauteur, se trouvait un des excellents tubes de Rüônigen cousiruits par Müller (Hambourg), avec un régulateur automatique du vacuum. La deuxième fente, la fente diffringente, en platine de un demi-millimètre, présentait des bords soigneusement travaillés, et avait laforme d’un triangle isocèle très allongé ou d'uncoin (hauteur 3 centimètres, largeurmaximum, 1# microns, largeur minimum environ 2 microns). La plaque photographique était placée à des distances de la fente diffringente variant de 20 à105 cen- timètres ; la durée de l'exposition variant de cinquante- sept à deux cents heures. Pour assurer !a stabilité p-udant ces expériences, dont quelques-unes duraieut plus de dix jours, les écraus et la plaque avaient été fixés solidement à des supports lourds, fixés eux- mêmes avec du plâtre, à une table de pierre de taille (200 X 40 X 3 centimètres). Cette table, soutenue par trois colounes de la même matière, élait placée sur un grand pilier à fondement propre. En examinant l’image de la tente diffringente au moyen d'un microscope, on voil surtout à l’extrémité la plus large de la fente une ligne noire centrale en forme de coin avec des bords diffus; en poursuivant cette ligne vers le milieu, on voit qu'elle tend à disparaitre et qu'en même temps l'image totale s'élargit, formant une sorte de panache étroit. Et toujours, tandis que l'intensité dimiuue, la largeur de l’image diminue pour ausmenter de nou- veau, ete. Les auleurs se sont demandé consciencieu- sement s’il est possible d'expliquer ces élargissements, observés en des lieux où le rétrécissement de la fente ferait attendre des diminutions de la largeur de l'image, soit par de petits dérangements des appareils pendant l'expérience, soit par des radiations secondaires (Sag- nac), soit par une sensibilité inégale de la couche sen- sible, soit par une irradiation photographique. Mais ils n'y ont pas réussi, de manière qu'il ne leur reste que d'attribuer ces élargissements à une di/ra tion des ruyons Rôntyen. Comme il n'était pas possible de dé- terminer exactement le montant des élargissemenis, une mesure de la longueur d'onde des rayons X n'était pas possible non plus; donc, les auteurs se sont con- tentés d'une évalualion tant soil peu grossière. Ils trouvent une longueur d'onde variant de 0,12 à 2,7uni- tés d'Angstrôm (0,0001 micron), ce qui correspond à 4 demi-oclaves de rayons Rüntgen, séparées par 11 oc- taves des rayons jaunes. P. H. ScHouTE. EEE hHHYYTYTYY%Y%Y,Y,-CSSFFDOD_D_DODODOO———n——————————— Le Directeur-Gérant : Louis OLiviEr. "A Paris. — L, MARETHEUX, imprimeur, {, rue Cassette. hist. fre 10° ANNÉE N° 12 30 JUIN 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER PAM CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE K$ 1. — Distinctions scientifiques Hommage à un savant français. — A la der- nière réunion annuelle tenue à Gættingen parle Congrès d'Electrochimie, la Société allemande d’Electrochimie a élu à l'unanimité notre illustre collaborateur, M. Henri Moissan, membre honoraire. Le jubilé de Sir George-Gabriel Stokes. — L'Angleterre vient de célébrer, il yaquelques semaines, le jubilé d'un de ses plus éminents savants, Sir George- Gabriel Stokes, qui occupe depuis cinquante ans la chaire Lucasienne de Mathématiques à l'Université de Cambridge. Ces fêtes, auxquelles ont pris part des savants de tous les pays, ont commencé le {** juin par la Rede Lecture, faite par M. A. Cornu, sur ce sujet : La théorie ondulatoire de la lumière et son influence Sur la Physique. Notre illustre compatriote, en rappelant les recherches de Newton, Young, Maxwell, Rayleigh, Kelvin et Stokes, a rendu un magnifique hommage à ceux dont les travaux sout la plus grande gloire de l'Université de Cambridge. Cette conférence à été suivie d'une réception au Fitzwillan Museum, au cours de laquelle Lord Kelvin a remis deux bustes de Sir G. Stokes, l’un au collège de Pembroke, dans lequel il fit ses premières études, l’autre à l'Université de Cambridge. Le 2 juin, les délégués d’un très grand nombre d'Uni- versités et de Sociétés savantes ont présenté à Sir G. Stokes des adresses de félicitations. L'Université de Paris était représentée par M. G. Darboux, doyen de la Faculté des Sciences; l'Académie des Sciences, par M. Becquerel; l'Ecole Polytechnique, par M. Cornu; l'Ecole Normale, par M. E. Borel. Après cette cérémonie, l'Université de Cambridge a remis au grand physicien anglais une médaille com- mémorative en or. En même temps, M. A. Cornu lui présentait, au nom de l’Académie des Sciences dont M. Stokes est Correspondant, la médaille Arago, réservée aux savants qui ont rendu à la Science les plus éminents services. A l’occasion de ce jubilé, l'Université de Cambridge REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899. a conféré le grade de docteur ès sciences honoraire à quelques-uns de ses hôtes les plus distingués : MM. A. Cornu, G. Darboux, A. Michelson, G. Mittag-Læffler, G.-H. Quincke et W. Voigt. Elections à la Société Royale de Londres. — Dans sa séance du {°" juin, la Société Royale de Lon- dres a procédé à l'élection de cinq Associés étrangers. Ce sont : MM. Ludwig Boltzmann, professeur de Phy- sique à l'Université de Vienne; Antoine Dohrn, ancien directeur de la Station zoologique de Naples; Emil Fis- cher, professeur de Chimie à l'Université de Berlin; Neumayer, de Hambourg, et Treub, directeur du Jardin botanique de Buitenzorg. $ 2. — Nécrologie Ch. Naudin. — Bien peu, parmi nos contempo- rains, ont connu Naudin. L'Académie des Sciences, qui l'avait accueilli en 1863, ne le voyait plus depuis long- temps ; il avait quitté Paris et n’y revenait pas. Ce n'est pas pourtant qu'il eût, comme son contemporain Tulasne, cessé de s'intéresser à la science en quittant la capi- tale. Comme jadis A.-P. de Candolle, il appréciait les avantages de la vie de province, moins tourmentée et moins distraite que celle de Paris, et la jugeait favo- rable à la continuité du travail. Il se trouvait bien de la retraite où il vivait. Il suivait de loin les progrès des sciences : aucune d'elies ne lui était étrangère ; mais il se faisait un devoir de connaître toutes les branches de la Botanique. Il lisait attentivement les mémoires qui lui arrivaient; il les analysait, la plume à la main, quand il en reconnaissait la valeur; il en faisait la critique en quelques lignes brèves, pour son usage personnel; il se plaisait à se faire une idée des hommes d’après leurs œuvres ; il la soumettait volontiers aux personnes qu'il croyait plus au courant que lui du mouvement scienli- fique; ses jugements étaient fort justes le plus souvent. Grâce à ces lectures auxquelles il était fidèle, il suivait de près les questions scientifiques. IL n'a pas inler- rompu non plus ses études personnelles, et son dernier travail marque la date de sa mort. Naudin était un vivilluri lorsque j'eas l'honneur de 12 458 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE UE. SENS le connaitre, il y a bientôt vingt ans. Séparé du com- merce habituel des hommes par une surdité complète, il inspirait dès l’abord un grand respect; sa taille dépas- sait la moyenne; sa longue barbe blanche et une che- velure abondante encadraient des traits vigoureux, amaigris par la souffrance. Son œil profond interro- geait sans cesse. Son regard très vif s'animait beaucoup à la conversalion et prenait une expression remarquable d'intelligence et de bienveillance. C'était, en somme, une figure très personnelle que celle de Naudin : elle était le miroir de son intelligence toujours active et de son àme débordante de sympathie. Chose rare parmi les hommes atteints de surdité, il était demeuré ce qu'il avait été dans sa jeunesse, un brillant causeur. Il pas- sait volontiers son ardoise aux personnes avec les- quelles il se trouvait et posait une question; c'était, pour peu qu’on l'y encourageàt, le thème d'une discus- sion où il apportait beaucoup de losique et de charme. Charles Naudin est né à Autun, le 14 août 1815. Ses débuts dans la vie furent difficiles. Son enfance fut errante comme la carrière de son père; transporté de bonne heure à Baïilleul-sur-Thérain, dans l'Oise, il con- tinua ses études à Limoux sur les bords de l’Aude. Son père, instituteur instruit, lui avait inspiré le goût des lettres, qu'il conserva toujours; il connaissait ses auteurs latins et les citait volontiers. C'est à Montpellier qu'il fut recu bachelier. Il y commenca ses études médicales après avoir enseigné pendant quelques mois dans de modestes institutions; mais la Médecine ne lui plut pas; il y renonca pour se consacrer d’une manière exclusive à l'étude des sciences naturelles, et parlit pour Paris en 1539. C'était une décision héroïque de la part d’un jeune homme qui n'avait point de ressources, à une époque où les sciences naturelles ne donnaient accès à aucune carrière Jucrative. Le jeune Naudin en prit son parti. Il veilla la nuit pour gagner durement sa vie. Recu licen- cié en 18#1, docteur ès sciences en 1842, il avait déjà donné aux Annales des Sciences naturelles une Note relative au développement de bourgeons adventifs sur la feuille d’un Drosera. Sa thèse de docteur le classa d'emblée dans celte phalange de botanistes, ses con- temporains, tous disparus auiourd’hui, qui honorèrent la science et la France pendant la moitié du siècle. Mis en rapport avec Aug. Saint-Hilaire, il accepta de -e savant la collaboration à un Synopsis de la flore du Brésil; mais la maladie du collaborateur principal inter- rompit souvent ce travail, qui fut abandonné après la publication de quelques mémoires imprimés aux Annales des Sciences naturelles, de 1843 à 1845. L'acti- vité de Naudin était engagée dans une voie nouvelle; il la suivit en consacrant sept années à l'étude monogra- phique des Mélastomacées, à peine connues jusque-là. Il en décrivit 250 genres et plus de 500 espèces nou- velles dans un grand Mémoire accompagné de 27 plan- ches dessinées par lui. Naudin avait alors quarante-deux ans: sa vie maté- rielle n’était pas encore assurée. Appelé à Rouen par Pouchet, pour s'occuper de la détermination des plantes du Jardin botanique de cette ville, il y avait passé quel- ques mois. L'amitié de Decaisne Jui avait valu une chaire de Zoologie au collège Chaptal, où lui-même enseignait la Botanique. Au moment où il pouvait se croire sûr du lendemain, il fut atteint de névralgies faciales qui ne cédèrent à aucun traitement; il en souf- frit cruellement jusqu'à son dernier jour. Obligé de renoncer à l’enseignement, il fut admis au Muséum comme employé temporaire, sans traitement fixe; c'est dans ces conditions qu'il acheva la monographie des Mélastomacées. Lorsque Decaisne succéda à de Mirbel comme professeur de Culture, en 1854, il s’'attacha Naudin comme aide-naturaliste. La maladie qui priva Naudin des relations ordinaires avec ses semblables paraît avoir exercé une grande in- fluence sur la suite de ses travaux. À partir de ce moment, il poursuit avec une étonnante persévérance le but qu'il s’est proposé. 11 consacre près de dix ans à l'étude des Cucurbitacées ; lesidéesles plus contradictoires régnaient sur ces plantes, étrangères, ponr la plupart, aux pays tempérés. La culture d’un nombre énorme de variétés de Courges et les essais de croisement dont elles furent l’objet permirent à Naudin d'affirmer que cette multitude de formes, si étrangement dissemblables d'aspect, de port, de grandeur et de saveur, se ramenaient aisément à trois espèces naturelles parfaitement limitées et tou- jours reconnaissables à des caractères tranchés et cons- tants, malgré leur prodigieuse variabilité. Naudin éta- blit, en outre, que ces espèces refusent de se croiser entre elles et de donner des hybrides; que chacune d'elles a produit pourtant un nombre immense de races et de variétés, parfois plus différentes les unes des autres, dans une même espèce, que ne le sont les espèces elles-mêmes; que les races bien caractérisées se montrent aussi stables et aussi invariables dans une longue suite de générations que les espèces elles-mêmes, à la condition d’être fécondées par leur propre pollen. Ainsi, dans ce groupe de plantes, la possibilité ou l’im- possibilité des croisements fertiles fournit le critérium le plus sûr pour la distinction des espèces et la recon- naissance des races et des variétés qui leur appar- tiennent. Les travaux de Naudin ont permis à A. de Can- dolle de découvrir la patrie des Melons, des Concombres et des Potirons de nos jardins. Ces études sur les Cucurbitacées furent le point de départ de recherches sur l'hybridité des végétaux, qui valurent à leur auteur le grand prix de Physiologie végétale en 1861. On se préoccupait beaucoup alors de l'origine des espèces et du rôle possible des hybrides dans leur formation. Darwin n'avait pas encore publié son beau livre sur ce sujet. Naudin fut un précurseur de la théorie évolutionniste. La philosophie de la Nature avait hanté son esprit dès le début de sa carrière. Ses cahiers de notes mon- trent avec quel soin et quel sens critique il examinait les théories philosophiques qui ont occupé notre siècle. Dès 1852, il avait développé des Considéralions philoso- phiques sur l'espèce et la variété. L'espèce et la race lui semblaient alors des groupes de même nature, dont les caractères, une fois produits par l’action du milieu, peu- vent être fixés par l'hérédité accumulée. Les types pri- mitifs auraient possédé une plasticité extrême, source de variations indéfinies, fixées maintenant « par le nombre prodigieux de générations qui se sont succédé depuis l'origine des espèces actuelles ». Darwin devait donner, six ans plus tard, une autre interprétation des faits, tout en étant d'accord avec Naudin sur le fond de la doctrine. Renseigné par trente années d'expériences et d'observations, Naudin revient sur ce sujet en 1874, à l’occasion des publications de Jordan; il s'éloigne définitivement de Darwin en rejetant l'hypothèse de la sélection naturelle; suivant lui, la force évolutive de la substance vivante était extrême au début; elle va s’affai- blissant, comme toute force diminue en raison du tra- vail qu'elle produit. En un mot, Naudin est essentielle- ment évolutionniste, mais il n’est pas {ransformiste. En 1872, désireux sans doute de s’isoler de plus en plus du monde, il se retira à Collioure, dans un joli vallon du Roussillon. 11 s'y livra plus particulièrement à des essais d'acclimatation et de Botanique expérimen- tale. 11 y passa neuf ans, collaborant aux publications horticoles et agricoles, poursuivant la solution de pro- blèmes qu'il s'était posés depuis longtemps. Il céda pourtant aux instances de Decaisne en acceptant la direction de la villa Thuret, offerte à l'Etat par Me Thu- ret-Fould, pour devenir un laboratoire de recherches botaniques. C'est là que s’acheva sa vie, au milieu de là plus riche collection de végétaux vivants qui soit en France, avec des moyens d'étude considérables, dans un site merveilleux. Il mit à profit les ressources dont il disposait à Antibes en abordant l'étude de groupes mal connus et difficiles. Il réunit une nombreuse collec- tion d'Eucalyptus, qu'il cultiva pendant longtemps et dont il fit la monographie. C'élait un travail d'autant plus ingrat que les nombreuses espèces et formes de ce LL shnlodlsisssrie mhbaté sd dé DR dé de de All, Load Sd: genre cultivées en Europe ont subi spontanément, ou par le travail des horticulteurs, des fécondations croi- sées à l'infini et sont arrivées à cette période de la varia- tion désordonnée sur laquelle Naudin a le premier appelé l'attention. Il a donné vers le même temps un Manuel de l'Acclimateur, où l’on trouve les résultats de ses expé- rieuces de Collioure et d'Antibes. Nous ne pouvons songer à rappeler, encore moins à analyser l’œuvre entière de Naudin; nous ne pouvons que nous efforcer d'en donner une idée suffisamment exacte. Il conserva jusqu’à la fin de sa vie une éton- nante verdeur physique et les mêmes qualités intellec- tuelles; son dernier travail, daté de cette année même, jette la lumière sur les Pitlosporum cultivés dans le midi de la France. Son écriture est demeurée jusqu’à la fin ferme et régulière; il n’a pas cessé de répondre lon- guement et sans compter à toutes les lettres qu’il rece- vait, prodiguant les avis à ceux qui les lui deman- daient. Ce grand caractère a été pourtant soumis aux plus terribles épreuves. Aux cruelles souffrances physiques qui ne lui ont pas laissé de répit pendant cinquante avs, les douleurs morales les plus poignantes se sont ajou- tées. 11 perdit plusieurs fils, objels de ses espérances ; deux d’entre eux succombèrent à l’âge d'homme, lente- ment, sans que l’art ait rien pu pour les sauver. Au malheur qui pesait sur lui, Naudin opposa un courage stoïique; à ses amis les plus fidèles, il n’aimait pas dire son chagrin. La philosophie n'avait fait qu'affermir sa foi profonde dans le dogme chrétien ; certain que la vie de l’homme ne finit pas ici-bas, soutenu par le courage d’une épouse vaillante entre toutes, la sérénité de son àme ne fut pas troublée; il travailla jusqu’au bout, il espéra toujours et mourut dans la paix sans avoir laissé échapper une plainte. Il serait difficile d'imaginer une vie à la fois plus laborieuse, plis douloureuse et plus digne. Ch. Flahault, Professeur de Botanique à l'Université de Montpellier. O.-Ch. Marsh.— Les Etats-Unis viennent de perdre un de leurs savants les plus éminents daos la personne de M. O.-Ch. Marsh, décédé récemment à New-Haven (Connecticut). Marsh était né en 1831; il fit la plus grande partie de ses études à l'Université de Yale ; puis il vint en Europe, où il se consacra plus spécialement à l'étude de la Géo- logie et de la Paléontologie dans les laboratoires de Berlin, de Breslau et de Heidelberg. Rentré aux Etats- Unis, il fut nommé, en 1866, professeur de Paléonto- logie à l'Université de Yale, poste qu'il n’a jamais quitté. Il était également, depuis plusieurs années, paléonto-- logiste du Service géologique des Etats-Unis. Le nom de Marsh restera attaché, avec ceux de Leidy et de Cope, aux découvertes de Vertébrés fossiles dans les Montagnes Rocheuses qui ont eu un si grand reten- lissement dans la seconde moitié de ce siècle. En 1869, il commençait ses explorations dans les environs de Fort-Bridger, à la base des Monts Uinta. De 1872 à 1879, il faisait connaitre les grands oiseaux à dents du Crétacé (Ichtyornis, Hesperornis) et les gigan- tesques Dinosaures du Jurassique (Brontosaure, Atlan- tosaure). En 1889, il s’attaquait aux formations créta- cées de Laramie dans les montagnes du Dakota et en retirait un immense Dinosaure à corne qui dépassait tous ses prédécesseurs du Jurassique. Marsh ne recula devant aucune fatigue pour mener à bien ses explorations ; il n’a pas traversé moins de vinet et une fois les Montagnes Rocheuses, de 1869 à 188$. Possesseur d'une grande fortune, il l'a consacrée entiè- rement à l'arrangement de ses collections et à la publi- cation de magnifiques ouvrages dans lesquels il les décrivait. Tout récemment, d'ailleurs, il en faisait don à plusieurs établissements publics des Etats-Unis. Aussi le nom de Marsh restera-t-il honoré par tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de la vie dans les temps passés. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 459 $ 3. — Physique La luminosité des terres rares exposées aux rayons cathodiques dans le vide, — On sait que, dans l'éclairage au gaz par incandescence, il est nécessaire d'employer des mélanges définis de terres rares pour obtenir le maximum de luminosité des manchons. Ainsi, un manchon composé, soit de thorite, soit de cérite pures, ne donnera, dans la flamme d'un bec de Bunsen, que le onzième de la lumière obtenue avec un manchon composé de 99 0}, de thorite et 1 °/, de cérite (composition ordinaire des manchons Auer). Plusieurs théories ont été proposées pour expliquer ce remarquable phénomène; c'est en vue d'élucider ce problème qu’un savant anglais, M. A. Campbell Swin- ton, a entrepris une série d'expériences, qui consistent à soumettre des manchons composés d’oxydes purs ou mélangés, au bombardement cathodique dans le vide. Les manchons ont été préparés suivant la méthode ordinaire d’Auer, et, pour obtenir des comparaisons plus exactes, ils ont été formés de pièces rapportées, chaque manchon complet se composant de deux ou : quatre sections imprégnées séparément de solutions différentes. Les manchons étaient placés dans le tube à vide, de telle facon que les rayons cathodiques tom- bassent également sur toutes les parties; une égale por- tion d'énergie se trouvait donc communiquée à chaque pièce. Dans ces conditions, le mélange ordinaire d'oxyde de thorium avec 1 °/, d'oxyde de cérium donne à peine un peu plus de lumière que l’oxyde de thorium pur; la différence n'excède pas 5 °/,. Mais, au commencement de la décharge, le mélange d’oxydes se chauffe plus rapidement jusqu'à l’incandescence, et, à l'interruption de la décharge, il se refroidit plus rapidement que l’'oxyde de thorium pur. D'autre part, avec une intensité de rayons cathodiques qui donnait une brillante lumière pour l’oxyde de thorium pur ou pour le mé- lange d'Auer, un mélange de 50 °/, de thorite et de 50 °/, de cérite, ou encore de l’oxyde de cérium pur, ne produisent aucune lumière, devenant à peine rouges. Les [uminosités maxima ne peuvent être obtenues qu'à un très haut (et très instable) degré de vide, ce qui vend les mesures photométriques peu précises. Toute- fois, avec l’oxyde de thorium pur, dans des conditions favorables, la quantité de lumière est au moins de 150 bougies par pouce carré de surface incandescente, la dépense d'électricité étant approximativement de 4 watt par bougie, à une tension de 8.000 volts. Les rayons cathodiques exercent une action réduc- trice sur les oxydes; ceux-ci se décolorent sous le bom- bardement et se recolorent par oxydation lorsqu'on laisse rentrer une petite quantité d'air. Cet air est rapi- dement absorbé; lorsqu'on a exécuté plusieurs fois cette opération, le degré de vide qui donne l'incan- descence maximum s'est beaucoup modifié; le gaz résiduel semble devenu moins conducteur. Si l’on remplace l'air pur de l'oxygène ou de l'hydrogène comme gaz résiduel, la luminosité n’est pas modifiée, En résumé, les oxydes de thorium et de cérium, soit seuls, soit mélangés, se comportent très différemment suivant qu'ils sont portés à l’incandescence par le bom- bardement cathodique ou par une flamme de Bunsen. Dans cette dernière, l'oxyde de (horium, mélangé à 1°}, d'oxyde de cérium, donne beaucoup plus de lumière que l’oxyde de thorium pur; avec des rayons cathodi- ques, la différence de luminosité, quoique de même signe, est juste appréciable. En outre, dans la flamme, l'oxyde de cérium donne autant de lumière que l'oxyde de thorium; avec les rayons cathodiques, le dernier donne une brillante lumière, tandis que le premier n’en produit pratiquement pas. ; Si l'on veut établir une théorie satisfaisante des pro- priétés lumineuses des terres rares, les résultats de M. Campbell Swinton devront être pris en très sérieuse considération. 460 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE La Télégraphie sans fil entre la France et ! (fig. 1) d'un levier ABC, mobile en B autour d’un l'Angleterre. — Dès que Hertz eut rattaché l'Elec- | axe horizontal. Quand le levier oscille, lors de l'envoi tricité à l'Oplique, en établissant que les actions d'in- | du télégramme, son extrémité CG, relevée, demeure duction se propagent par voie de vibration à la facon | constamment séparée du contact métallique D. L’opé— de la chaleur et de la lumière, le principe fondamental | rateur manœuvre le bouton A, à la manière des télé- de la télégraphie sans fil fut posé. graphistes qui expédient une dépêche, c'est-à-dire qu'il M. Lucien Poiucaré a indiqué ici-même, l'an der- | lui imprime, à intervalles inégaux, des mouvements nier‘, d'une part le système général qui devait guider | verticaux : chaque fois, et pendant tout le temps que la les chercheurs, d'autre part les tentatives déjà faites ! pièce A vient toucher le butoir E, elle ferme le circuit dans l’ordre de l'application. Nous ne reviendrons pas | AEGHKIBA d'une pile GH, représentée en l'espèce aujourd'hui sur Ja doctrine, à laquelle, d’ailleurs, le | par deux accumulateurs. Ce courant actionne une même auteur vient de consacrer une importante étude | bobine d'induction L, susceptible de donner des étin- dans un récent article de la Revue ?. La théorie étant, | celles de 15 centimètres. Les extrémités M et N du fil | Fig. 1, 2 et 3. — Appareils de M. Marconi, à Wimereux. — La figure 1 représente la disposition générale du système transmetteur et du système récepteur: la figure 2, les connexions électriques du coherer; la figure 3, la face antérieure de la caisse qui met le coherer à l'abri des ondes émanées du manipulateur voisin. grâce à lui, connue de tous nos lecteurs, nous nous | induit de cette bobine sont reliées respectivement avec bornerons à décrire, sans explication, les curieux appa- | deux sphérules de cuivre O et P. L'une P est en rela- reils dont un jeune et très ingénieux inventeur, | tion avec la Terre; l’autre O, d’une part, avec le butoir G M. Marconi, se sert actuellement pour transmettre, | (isolé pendant toute la durée de l’envoi du lélégramme), sans conducteur matériel, des messages télégraphiques | d'autre part, avec un fil 0Q, dont l'extrémité Q est fixée de France en Angleterre et d'Angleterre en France. au sommet d'un mât de bois, haut de 50 mètres (fig. 1 M. Marcoui a établi deux postes, l’un à Wimereux, | et #). À ; près de Boulogne-sur-Mer, l’autre en un point de la Chaque fois que le contact de A et de E (fig. 1) éta- côle anglaise, distant du premier de 50 kilomètres. | blit ou interrompt le courant primaire dans la bobine L, Chaque poste comprend un disposilif pour l'envoi des | un courant induit, de moindre intensité, mais de poten- dépêches et un dispositif pour la réception. tiel plus élevé, se produit dans le fil fin de la bobine, Le manipulateur employé pour l'envoi se compose | et il en résulte une série de décharges oscillatoires entre les boules O et P; par suite, le fil 0Q, relié à la boule O, est le siège d'oscillations électriques dont les l lieux naturels. dans la Revue générale des Sciences périodes d'établissement et d'interruption se trouvent es milieux naturels, dans la Hevue générale des Sciences du se re Le ire url nantes a es 30 janvier 1898. t. 1X, p. 53 et suiv. exactement correspondre aux à re RCE APE Fat # L. Porxcaré : Revue annuelle de Physique, dans la Revue de levé du bouton A. Le mouvement vibratoire ainsi générale des Sciences du 30 mai 1899, t. X, p. 387 et suiv. engendré se propage dans toutes les directions de 4 L. Porxcaué : La transmission de l'énergie à distance par | CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE AG1 l’espace. A la distance de 50 kilomètres, où se trouve, sur la côte anglaise, le poste récepteur, les vibrations électriques sont encore assez puissantes pour aclionner l'appareil d’auscultation que nous allons décrire. Cet appareil se compose essentiellement de deux parties. L'une est le long fil OQ ci-dessus désigné; en chaque poste, il sert tour à Lour à la transmission et à la réception; siège des oscillations électriques pro- voquées durant la transmission par la bobine L et les boules de décharge O et P, il voit aussi, pendant la réception, sou état électrique varier et osciller sous l'influence des ondes qui lui viennent alors du poste opposé. Il est relié à la borne C, laquelle, pendant le | repos du manipulateur ABC, pèse sur le contact D. Ce contact est, par un fil «3, relié à une caisse y ÈS qui renferme Île coherer ou second élément de l'appareil d’auscultalion. Ce coherer est (fig. 2) un petit tube de verre R, à l'intérieur du- quel deux minus- cules cylindres d'argent S et T, très rapprochés J'un de l’autre et comprimantentre eux de la fine li- maille de fer U, sont en liaison électrique avecles pôles d'une pile V. Ce système ar- gent-fer-argent, placé dans le cir- cuit de la pile V, offre au courant une résistance de 1.500 à 2.000 ohms, que celui-ci ne peut vaincre. Mais, — fait capi- tal, — dès qu'il est soumis à l'in- duction dévelop- pée dans le fil OQ, sx résistance élec- trique éprouve une chute consi- dérable : subite- ment, elle se ré- , duit à quelques ohms;et,ducoup, le courant de la pile V traverse le coherer. Ce cou- rant aclionne un relai X composé d’une voile et d’un électro-aimant, Cette dernière pièce, chaque fois et pendant tout le temps qu'elle subit l’aimantation, ferme le circuit d'une batterie d'accumulateurs Y, la- quelle batterie commande un récepteur Morse Z{(fig.i et2). Ce récepteur Morse fonctionne comme ses congénères dans nos bureaux de télégraphe; les variations de sa marche traduisent toutes les variations de résistance du coherer provoquées par les ondes que lui envoie le transmetieur. Ses appuis et ses levés correspondent donc exactement aux appuis et aux levers du manipu- lateur ABC de la figure 1. En pratique, chaque poste, possédant un système transmetteur et un récepteur, place ces deux appareils côte à côte sur la même table (fig. 1). Mais, comme les ondes émanées du transmrtteur agiraient sur le récep- teur du mème poste, si ce dernier n'en élait isolé, on à Fig. 4. — Mät de 50 mèlres de hauteur pour sowtenir le fil expéditeur ou récepteur des oscillations électriques, à Wimereux. — Vers la droite, chalet où sont contenus les appareils de la figure 1. (Photographie de M. Lormier, de Boulogne-sur-Mer. soin de le renfermer dans une caisse de tôle + (lg. 1 Celle-ci est close de toutes parts, sauf en sa face d'avant : dans cetle face est ménagée, au moyen d'un coulisse, une fente à (fig. 3), de grandeur variable, qui rappelle par sa forme et ses dimensions l'ouverture de nos boîtes aux lettres: c'est par cetle fente que les ondes d’inductionamenées par lesfilsO Q etæg(lig. 1), pé- nètrent jusqu'au coherer. Les piècesR (coherer), V(pile) et X (relai) de la figure 2 sont, en effet, contenues dans la caisse y. ÿ On y renferme aus8i un trembleur actionné du de- horset qui choque, à très courts intervalles, le coherer, de facon à lui restituer sa résistance primitive. Telle est, dans son schéma, la disposition générale des appa- reils. Actuellement, ils fonction- ù nent à souhait. On ma- nœuvre le bouton A (lig.1 un peu moins vite que dans la télégra- phieordinaire. Dès que le mani- pulateur de Wime- reux fonctionne, le télégramme s’enregistre de lui-même au poste opposé sis sur la côte anglaise; el à peine l'opéra- teur de Wimereux cesse-t-il l’expé- dition, que, sur la table à laquelle il est accoudé, com- mence à s'inscrire la réponse de son correspondant d'outre - Manche . On fait mieux pour ne pas as- ireindre les télé- grapbistes à sé- journer dans la pièce même où sontréunisles ap- pareils, on met une sonnette élec- trique (timbre mn par un électro-ai- mant), en dériva- tion sur le sys- ième récepteur; aussitôt que le ma- nipulateur A du poste anglais en- ire en fonction, la sonnelte du poste conjuguécaril- lonne; l'employé de service qui se trouve à quelque distance, soit dans les autres pièces de la maison, soit sur la plage, accourt, et, — toujours sans fil entre le continent et l'ile, —- sonne en Angle- terre, et la communication télégraphique commence. Nous avons assisté à plusieurs échanges de messages dans ces conditions entre les deux rives du Pas-de- Calais et constaté qu'ils s'effectuent avec une absolue précision. D'autre part, les opérateurs nous ont affirmé que le brouillard, loin de constituer un obstacle à la transmission, semble la favoriser. Ces résultats merveilleux étant aujourd'hui bien acquis, beaucoup de questions se posent : Jusqu à quelle distance la communication sans fil est-elle pos- sible avec les instruments actuels? Comment empê- cher un poste autre que le destinalaire de s’outiller de la mème facon que celui-ci et de recevoir un télé- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE gramme destiné à son congénère et non à lui? Quels corps, en dehors des métaux, connus pour former écran à l'égard des ondes hertziennes, s'opposent au pas- age de ces ondes? Sous quelles épaisseurs le bois, la brique, le verre, etc. .cessent- ils d'être tra- versés par elles? On ne sait en- core rien ou presque rien à ce sujet. Il serait prématuré de dis- cuter aujourd'hui les idées que suscitent en l'esprit la transmis- sion de l'énergie, telle qu'on la voit s'effectuer, sans conducteur matériel,entre les deux rives de la Manche. Nous n’examinerons pas non plus. la part qu'ont prise à cette belle invention M. Marconi, l'or- ganisateur du système établi à Wimereux, M. Ducretet, l'habile constructeur d'appareils analo- gues, et, avant ces physiciens, notre éminent compatriote M. Branly, et un savant russe également estimé, M. Popoff. Dans les lignes précédentes, nous avons seulement voulu donner au lecteur une idée du dispositif actuellement employé. La Revue trailera en temps opportun de l'histoire des découvertes qui ont rendu possible la télégraphie sans fil, de même qu'elle expo- sera, au fur et à mesure de leur apparition, les faits et les idées que le perfectionnement du pro- cédé actuel fera surgir. Louis Olivier. V7 4. — Géographie et Colonisation Les observations scien- tifiques de la Mission Fou- reau-Lamy.— Les résultats scientifiques de la Mission Fou- reau- Lamy ne pourront être ex- posés qu'après le retour des vail- lants explorateurs. Dès à pré- sert, cependant, il semble inté- ressant d'indiquer, même som- mairement, quelques-uns des faits d'ordre géographique qu'il leur a été donné d'observer en cours de route. M. Fernand Foureau, qui a déjà fait neuf expéditions au Sahara, est parti, comme on sait, pour la dixième fois à la fin de 1898 dans le but de se rendre d’Al- gérie au Soudan en passant par l'Aïr; il est parvenu déjà dans ce dernier pays et l’on peut es- pérer qu'il pourra réaliser avec un plein succès le plan qui lui est tracé. Depuis 1890, l'infatigable ex- plorateur s'était trouvé presque chaque année en relation avec les Touareg Azdjer, ceux qui, en 1862, avaient signé avec le colo- nel de Polignac le traité de Gha- damès. Ceux-ci déclaraient bien que le traité tenait toujours, mais leurs exigences. mettaient Itinéraire de la Mission : Biskra, Merayer, 5 Amran, #e ari, Tougoure, amar., el Merguen, AS Ngoussa, ete. Sedratæ :S $M Maatallah sd: el Biodhf. -1# > NORD 0) \s If PU NS, S NY Ÿ \ À > TAURS S “sh 4 Tabalbalet, 29-30 Ta ù os RSS À EN °1377,17 ! Pig 1000 0701045) O.Aoudjedit,rs-13 chaque fois M. Foureau dans l'impossibilité de poursuivre sa marche avec les ressources in- suflisantes dont il disposait. Il fallait donc employer une autre méthode de pénétralion, qui con- sistait à s’entourer d’une escorte suffisamment forte et à se pas- ser des Touareg. C’est ce qui put être fait en 1898. On sait que la direction mili- taire de l'expédition a été con- férée au commandant Lamy, ayant sous ses ordres le capi- taine Reibell et cinq lieutenants; l'effectif total est de trois cent dix hommes. Avec M. Foureau, sont partis, comme membres ci- vils, MM. Villatte, Dorian, du Pas- sage et Leroy. M. du Passage, chargé de mission du Muséum, à laissé l'expédition à Tebalbalet pour rentrer en France. La caravane de M. Foureau s’est mise en route, de Biskra, le 24 septembre 1898. Elle est arri- vée, le 12octobre,à Ouargla (fig.4), où s'est faite la concentration dernière. Le 18 novembre, elle a atteint Temassinin.Deux routes s’ouvraient pour gagner l'Aïr. La première, par Amguid, était celle qu'avait suivie le colonel Flatters dans sa seconde mis- sion; l’autre était la route de l'Igharghar, plus à l’est, dans le parcours des Touareg Azdjer. Cette dernière roule fut choisie par la mission qui reprit ainsi, au départ de Temassinin, l'ili- néraire de la première mission Flatters, itinéraire déjà suivi par M. Bernard d’Attanoux et par Ligra de partage dès CS 13627 Dunes Thodayen 1260 Ni Fe presenter Se D, Pa fers cu s 5 pe AE 1299,0. De 2 e ee, Dj. Aho 1152? oTihedoucd. , Opera ro57+10 À C3 à 1106 EE Tkéneouernn GA È C.rsarce, 150 +12 Le] 2 É < O.Ilag ghar\s245,13 D A Ÿ 14-15 100, O.Adjou 22,H.Tadjenout ê : E È Pou où a ét massacré $ 16,1200 ere ee re havens Le colonæ Flarters O.Abrakhouate,9512s 29 0793, /rhellaouene Sud de Tissallatine,7030 7° 0$ 0000009 COR EINCITE) D 17 Févr; 593,0. Tagharba Puits d'Assiôu,g 549 Lat 20"5s'-Long 5-10 2F9 540, Puits In-Axæoun Fig. 1. — Jlinéraire de la Mission Foureau- Lamy entre Ouargla el Assiou (1898-99). (Carte communiquée par la Société de Géographie). M. Foureau lui-même. En se rapprochant des Azdjer, la mis- sion se trouvait rejoindre la route de Ghàt à l'Air, parcourue en 1850 par Barth et en 1857 par Erwin de Bary. La route s'élève graduellement el insensiblement à partir d'Ouar- gla qui est à 96 mètres d'alti- tude. À AïnTaiba, elle atteint 250 mètres; à El Biodh (fig.1et2), 350 mètres; Temassinin est à 375 mètres d’allitude. Au delà de ce point la mission s’esl dirigée droitausud. Une colline pierreuse qu'on nomme Khanfousa (le Sca- rabée) s'élève à 583 mètres; c'est le premier indice d’une région montagneuse. La belle source de Tebalbalet (alt. 454 m.) indique bientôt aussi que l'on entre dans une région nouvelle. Les sources se rappro= chent, signalant le voisinage d’un important massif montasneux. Ici, apparaît une plante d'une grande importance industrielle, le gommier; les espèces saha= riennes du nord tendent à dis- paraître. On rencontre alors une véritable chaine de montagnes pierreuses qui forme comme un promontoire nord-est au Tassili des Azdjer (on appelle Tassili AC dt d des plateaux élevés et étendus de formation pier- reuse). La partie occidentale du Tassili des Azdjer porte le nom de Tindesset. La traversée du Tindesset, à travers les grès dévo- niens, a été très pénible pour la mission; on passe par des altitudes de 1.400 mètres. Les voyageurs, qui se maintiennent à l’est, sont toujours dans le bassin de l'Igharghar, contrairement à ce qu'indiquent les cartes. La région qui les entoure, surtout du côté de l’est, est essentiellement volcanique. L'obstacle du Tassili fran- chi, la mission est arrivée à l'Ouad Affattakha. Le 9 jan- vier 1899, elle passait, par 1.362 mètres d'altitude, la ligne de partage des eaux de la Méditerranée à l’Atlan- tique, dans le massif du mont Ahorrene. Il ressort d’une lettre de M. Foureau, que la carte des régions parcourues par lui depuis Aïn-el-Hadjadj, est complètement erronée. La mission avait devant elle, à l’est, un massif puis- sant et élevé, l'Adrar, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 163 En quittant Tadent, la mission était à une altitude voisine de 1.200 mètres. Les montagnes sont formées de granit auquel sont mélangés des schistes el des quartz. À mesure qu'on avance vers le sud, l'altitude diminue régulièrement; le terrain conserve la même composition géologique, mais il forme une plaine de gravier hérissée de blocs de granit. A la cote 650 mètres apparait le grès qui, dès lors, se substitue partout au granit. Le 29 janvier, la mission a rejoint l'itinéraire de Barth, à courte distance au sud du puits d'Issala, et elle n'a pas cessé de le suivre jusqu'à Assiou. Le puits d’Assiou n'existe pour ainsi dire plus comme point d’eau; il est remplacé par In-Azaoua, un peu plus au sud, où la mission a été camper le 2 février. La mission est enfin aujourd'hui installée à Agadès, dans lAïr, où elle va faire un assez long séjour. L'Aïr ou Asben, si bien décrit par Barth, forme un pla- teau dont l'altitude moyenne est de 1.200 à 1.500 mè- . dont on n'avait jamais 8 tres. Quelques hauteurs atteignent cependant jusqu’à signalé l'existence, dans £ 1.800 mètres. Les flancs de ces collines sont couverts celte direction du moins. er d'une végétation assez pauvre, mais le fond des vallées Les cartes avaient jus- 8 Falaise daTimassénine est livré à la culture et qu'ici donné le nom [£ Soyeé/fheywr, TÉRSALSS fournit des produits d'Adrar à une partie du Eos SN ee res TRE A à auenemsou— abondants; les dattes et sud du Tassili, avecune À, ! namaada MPa om ! "EI #agal iusur Je séné sont les princi- orientation générale “ : Jéharghar COLE SRE CRETE : paux articles du com- nord-ouest sud-est. Or, l'Adrar, à partir de là, s'étend du nord au sud sur une assez grande merce d'exportation de l'Aïr. Dans les vallées, vivent des troupeaux de moutons, de chèvres et Ligne de partage des eaux mtre Las aflumts du onadi Taffassasset et cœur de l'ound de Taden: Ligne de partage des eaux entre la Méditerrande et LAdlantique 62m Lautude Ns23° - Longitude E= 5° Jo, 0 [kohaouene, TADENT Puits de lO Amanemghad) \(orgé de gs En T4 NO. Ubarz Ouehechara Die Irsare Ofmanemghad|, 1 Erg de Tihoda s ÿ Û See EI NANVOr PAR VO Tiremest | 0 0bedens ji ot Cuvette de Tihodayen i à OTissaddamarine | Gour Ikeneouen s ‘ On2\) ! |, Sortiedes Gorges Le CA TE 5 HasÿL Tirest : OTamerhäta) Ve tirs fenanann Re: , 1 , Quad à ñ ü rl 0 J 0 7 Surce d'Ahellegjem. |}; \ Quad Afara p Afottäkha 0 Imariguéla D'gour 11 | Upontofatmassacre Fans Lt manu Li OR Die nf à OP ei lil! OAoudjedis 1! 1, nr AS$Si, 11 Lafhos L, ï D Co AE ET PAUL kalous D'AAUTEE CE art fe TPE, Oued Timmécaad ai ie Col ile Un OTe NE &à D ee nn es Vi NÉ Ve, ! 1 ' i Et RO DBren ' Ni NS 4 H TADJENOUT 700 KILOMÈTRES Fig.2.— Profil de La route suivie par la Mission Foureau-Larny (1898-99). (Carte communiquée par la Société de Géographie.) longueur et est dominé par des pics élevés, entre autres le Télout ou Télit, pic volcanique de 1.800 mèlres envi- ron. L’Adrar est extrêmement coupé de ravins. Les cartographes ont placé le mont Ounan beaucoup trop à l'est; il doit être reporté dans l'ouest d'au moins d0 kilomètres. De même, le Télout doit être reporté dans le sud-est de la même quantité, ou à peu près. La mission a franchi la région montagneuse de l'Anahef, dont les chaînes étranges sont rugueuses et arides. Le massif est composé de granit, de gneiss, de schistes à la base et de masses de quartz. On ne trouve sur cetle route que peu de végétation. M. Foureau et ses compagnons sont arrivés le 17 jan- vier à Tadent, sur la route des caravanes de Ghât dans l'Air. Les coordonnées provisoirement établies par M. Foureau pour Tadent sont : latitude nord, 23°; lon- gitude est, 5930", Sur la carte au 1/2.000.000° du Service géographique, Tadent se trouve trop au nord de 26! et trop à l'est d'environ 25! d'arc. De Tadent, M. Foureau a été, avec le commandant Lamy, visiter le point où a eu lieu le massacre du colonel Flatters. Le puits du massacre se nomme Tad- jenout et non Bir el Gharama, il est situé dans l’ouad Johadene, et vient du massif du Djebel Serkout, qui est plus loin à l’ouest-nord-ouest. de bœufs; le pays possède de nombreux chameaux. La capitale, Agadès (que les Touareg prononcent Agadé), a perdu de son importance et n’a plus guère aujour- d’hui que 7.000 habitants. De l’Aïr, il est vraisemblable que la mission Foureau- Lamy se dirigera vers l’oasis de Taghelel, dans le Da- mergou, point vers lequel elle rejoindra la mission Voulet-Chanoine, à la tête de laquelle vient d’être placé le lieutenant-colonel Klobb. Le contact de la mission avec le nord à été assuré par le capitaine Pein, chef du poste d'Ouargla, qui, le 15 novembre, avant l’arrivée de la mission, a été établir un poste à Temassinin. De là, il s’est porté vers Tik- hammar par une autre route que la mission, et a gagné Afara que, d'abord, il ne comptait pas dépasser ; mais la nécessité d'assurer le retour de l’escorte d’un dernier convoi que le lieutenant de Thézillat a dû accompagner jusqu’à Assiou, l’a contraint à s’avancer jusqu'à Tadent. Grâce à son organisation, la mission Foureau-Lamy a donc réussi à atteindre l’Aïr sans être inquiétée par les Touareg, comme l'ont été les voyageurs ayant une escorte insuffisante. Les Touareg mènent une existence misérable, et le passage d'une caravane est ordinaire- ment pour eux une bonne aubaine dont ils cherchent à profiter. Gustave Regelsperger. F. SCHRADER — LE LEVÉ ET LE TRACÉ AUTOMATIQUES DES FORMES DU TERRAIN LE LEVÉ ET LE TRACÉ AUTOMATIQUES DES FORMES Depuis que les hommes ont entrepris de mesurer la surface de la Terre qui les porte, de la partager entre eux et d'en retracer l'image réduite à une dimension maniable, deux méthodes ont été em- ployées: l’une, celle des mesures directes sur le terrain; l’autre, celle des visées dans l’espace. La té première, graduellement perfectionnée, a con de tout temps dans le transport, sur le terrain à définir, d'objets de longueur connue, et dans la constatation du rapport existant entre les dimen- sions du terrain et celles de ces objets. C'était la méthode la plus simple tant qu'on n'avait affaire qu'à des surfaces peu mouvementées ou peu éten- dues. Mais dès que le terrain accidenté obligeait à des montées ou à des descentes, ou à mesure que l'accroissement des surfaces à mesurer nécessitait une plus longue série de déplacements successifs, on fut amené à substituer partiellement le regard à l'opération manuelle. Comment, en effet, les opérateurs, obligés de ramper en quelque sorte au ras du sol en y trans- portant leurs objets de mesure, auraient-ils pu ne pas songer à la rapidité de la vision instantanée, ne pas regarder à l'horizon, sous le ciel limpide de l'Égypte ou de la Mésopotamie, vers les montagnes lointaines qui marquaient le terme de leur inter- minable travail ? Que de fois le désir a dû naitre, dans l'esprit des arpenteurs de Sésostris, d'arriver d'un seul coup au but final, au lieu de peiner dans la vase chaude sous un soleil de feu! Si lun d'eux avait pu solidifier les lignes droites qui se prolon- geaient de son œil aux milliers de points à déter- miner sur son horizon, s'il avait pu recueillir ma- tériellement ces lignes, les diviser en parties égales, conserver leur direction dans l'espace, les réduire à l'échelle du plan demandé, les obliger en quelque sorte à cristalliser sous son commande- ment, il est vraisemblable que la « Géométrie », la mesure de la Terre, aurait eu des destinées toutes différentes. Mais soixante siècles devaient s'écouler avant que la photographie ou le phonographe pussent rendre captives les vibrations lumineuses ou sonores. Comment donc nous étonner de ce que le rayon visuel est resté tout aussi longtemps sans se transformer en une ligne matérielle, capable de calculer et de reporter elle-même sa longueur et sa direction ? I Entre les géomètres primitifs et ceux de nos jours, le progrès des méthodes a précisément con- DU TERRAIN sisté dans l'introduction de plus en plus large de la visée dans la mesure. C'est ainsi que les niveaux sont intervenus pour aider à la définition des pentes et à la réduction des surfaces obliques à l'horizontale et à la verticale qui permettent de les définir. C'est ainsi que les jalons, les équerres d'arpenteur, les graphomètres sont venus peu à peu compléter ou relier par des lignes menées dans l'espace les lignes de base préalablement mesurées sur le sol. C'est ainsi enfin que les astrolabes, les lunettes, les planchettes, les sextants, les tachéo- mètres, les théodolites, les cercles répétiteurs ont graduellement donné à l'opération de visée une précision croissante et permis, en partant d'une base connue, de déterminer « par triangulation », les points accessibles ou inaccessibles de la Terre ou de l'espace céleste. D'une manière générale, tous ces instruments procédaient du même principe : diriger une visée vers un point de l’espace; chiffrer et noter l'angle que formait cette visée avec le plan horizontal et un plan vertical donné, puis calculer, à l'aide de ces angles et d'une base connue, la situation dans l'espace du point visé, et finalement en reporter la distance sur une surface plane à une échelle déter- minée. Seules, la planchette et les méthodes qui en dérivent avaient fait un pas de plus, mais un pas immense et qui contenait en germe bien des pro- grès futurs. Sur la planchette, en effet, telle que Prætorius l'avait combinée, la constitution d’un triangle rectangle, à hypoténuse variable, situé dans un plan vertical et correspondant à celui formé par la visée, permettait la détermination instantanée du rapport existant entre cette visée, hypoténuse des deux triangles proportionnels, et les deux côtés verticaux et horizontaux de ces triangles. Il restait encore un pas à faire pour réaliser cette matérialisation de l'opération de levé dont nous parlions tout à l'heure : c'était de trouver un organe mécanique, rattachant ce triangle réel à son image réduite, de telle façon que les éléments de l'un se reproduisissent spontanément dans l’autre. Faute de ce lien entre le point de départ et le point d'ar- rivée, l'opération ne pouvait se produire ; aussi le triangle de Prætorius tomba-t-l bientôt dans l'ou- bli, d'où il a été tiré récemment par le bel ouvrage du colonel Laussedat*. 1 Laussenar : Recherches sur les instruments, les méthodes el le dessin topographiques. Paris, 1889. F. SCHRADER — LE LEVÉ ET LE TRACÉ AUTOMATIQUES DES FORMES DU TERRAIN 465 En y regardant de près, c’est de la disposition primitive de la planchette prætorienne que rele- vaient, à l'insu de leurs auteurs, les instruments imaginés au cours du xtx° siècle pour obtenir le caleul ou le levé mécanique des plans et des cartes. Ces instruments sont assez nombreux; depuis les tachéomètres auto-réducteurs jusqu'à l'homolo- graphe de Peaucellier et Wagner, on peut suivre le développement graduel du même principe demander à la visée même les éléments du calcul et de la construction géométrique. IT Ce problème, nous croyons l'avoir résolu au moyen de l'appareil suivant, dit Zacñéographe, que nous allons décrire. Le but à atteindre était celui-ci : par le seul fait d'une visée dirigée vers un objet de dimension connue, obtenir la distance de cet objet, la déter- mination de sa direction dans l'espace, la réduction mécanique de cette distance à une échelle donnée, et de cette direction en ses éléments verticaux et horizontaux; enfin, le report, également mécani- que, du point visé sur la surface du plan ou de la carte. Les calculs devenaient dès lors inutiles, et, quant à la construction graphique, elle était éga- lement coexistante avec l'opération de la visée. Nos lecteurs remarqueront que cette solution consiste uniquement dans la matérialisation des éléments constitutifs de toute dans Ja suppression de lout ce qui n'est pas un de ces élé- ments. C’est donc par simplification absolue que le problème s'est trouvé résolu de lui-même; il ne s'agissait que de le bien poser. En cela réside peut-être loute l'originalité de la méthode et de l'instrument. Puisque, pour reporter sur une carte ou sur un plan un point situé dans la direction d'une visée, il faut connaitre : 1° La longueur et la direction de la v sée; 2° La longueur de l'horizontale qui, partant de l'une des extrémités de la visée, se prolongerait jusqu'à la rencontre de la verticale passant par l’autre extrémité ; 3° La longueur de celte verticale ; étant donné que l'horizontale du triangle rec- tangle ainsi formé représente la distance en plani- métrie de la station de visée à la verticale du point, et cette verticale, la différence de niveau entre la station et le point visé, la ligne de visée complète ainsi le triangle rectangle et en constitue l'hypo- ténuse. Ce triangle rectangle, situé dans un plan ver- tical, pourra être représenté matériellement par un triangle formé de trois règles articulées, l’une visée et verticale, l'autre horizontale, la troisième oblique. L'angle droit formé par l'intersection de la vert cale et de l'horizontale sera seul invariable; et par le fait que l'hypoténuse sera dirigée vers le point visé, les deux triangles, réel et réduit, auront des angles égaux chacun à chacun et des côtés respec- tivement proportionnels. Jusque-là, nous ne sortons pas sensiblement des méthodes connues. C'est ici, en effet, que nous nous trouvons devant la donnée finale qui nous permettra d'obtenir le résultat définitif et de sup- primer tous les caleuls et toutes les constructions à l'établissement desquels servirait le triangle dont nous venons de parler. Si, en effet, nous parve- nons à établir la proportionnalité matérielle des deux calculs, lectures, construction, tracé, se réaliseront #pso facto. C'est précisément sur ce point délicat qu'après triangles, une vinglaine d'années de tätonnements et de sim- plifications graduelles nous avons fini par aboutir à la solution qui, semble-t-il, aurait dû s'imposer d'elle-même tout d'abord. En effet, si au point visé se trouve une mire de longueur donnée, la dimension apparente de cette mire variera pour l'observateur en raison inverse de la distance; cela est élémentaire. Imaginons maintenant que la lunette de l'instrument, paral- lèle à la règle hypoténuse, soit munie d'un réticule à fils mobiles, dont l'écartement sera réglé par la longueur apparente de la mire. Pour cela, armons notre hypoténuse d’une came présentant une cour- bure telle que, pour chaque longueur de visée correspondant à un développement proportionnel de l'hypoténuse, la came règle lécartement des fils du réticule suivant l'écartement apparent des voyants de la mire. Il suffira dès lors que les fils et les voyants coïncident, pour que le triangle rec- tangle réduit soit précisément dans le rapport demandé avec le triangle réel, et pour que l’en- semble des opérations de triangulation et de nivel- lement se produise de lui-même. Arrivé à ce point, nous n'avons plus qu'à placer un organe traceur à l'intersection de la de l'horizontale, pour recueillir sur une surface horizontale plane la position en planimétrie du pointvisé, en même temps que deux échelles divisées pourront nous donner, l'une. la distance horizontale chiffrée, et l’autre, la différence de niveau. On le voit, le fait seul de la visée suffit pour obtenir la solution chiffrée et écrite. Pour arriver à ce résultat, nous avons sim- verticale et plement donné aux lignes du réticule la possibilité de suivre les dimensions apparentes de la mire. Au réticule fixe, dont les fils coïncidaient avec des divisions différentes de la avons substitué le réticule mobile, qui se conforme au mouvement même de cette mire. Et il a suffi d'une mire, nous 466 modification aussi légère pour que toutes les nota- tions, les calculs d'angles, l'emploi des tables de logarithmes, les lectures, les transcriptions et les constructions se trouvent remplacés par ce simple “apport établi entre le point de départ et le point d'arrivée, entre l'énoncé du problème et la solution finale. Un regard jeté sur la figure qui accompagne ces lignes suffira maintenant au lecteur pour saisir le fonctionnement el la construction du tachéogra- phe. La lunette LL’ dirigée parallèlement à l'hy- poténuse, les deux côtés, vertical et horizontal, du triangle rectangle, avec leurs échelles respec- tives V et HH permettant la lecture directe, le porte-crayon T placé derrière l'intersection de ces deuxrèglesàa angle droit n'ont pas be- soin d'explication. Il ressort égale- ment de l'examen de la figure que l'ensemble de ‘ces organes peut se déplacer autour d'un axe vertical central À, en de- meurant toujours F. SCHRADER — LE LEVÉ ET LE TRACÉ AUTOMATIQUES DES FORMES DU TERRAIN ; du plateau et un limbe vertical, visible dans la figure au-dessus de la lunette, donnent les me- sures d'angles à une minute centésimale près, et permettent ainsi, en cas de besoin, de recourir à des triangulations de vérification ou de contrôle. Quant à la portée de l'instrument, elle varie naturellement avec la mire employée et l'échelle adoplée. La dimension du plateau permet, à l'échelle du 41/1000, de tracer les point contenus dans un cercle de 240 mètres de diamètre. En dou- blant la longueur de la mire, on diminuera l'échelle de moitié et on peut opérer avec tracé sur une distance double et une surface quadruple, et ainsi de suite, sans autre limite que les convenances du travail à opérer. III Ilest inutile de parler de la rapi- dité d'une opéra- tion qui est, pour ainsi dire, instan- tanée. Quant à la précision obtenue, elle atteint cou- ramiment une ap- proximation de dans un plan ver- 0,05 pour 100mè- tical commun. De- tres dans le tracé vant la lunette se profile la règle hy- poténuse qui porte la came C, dont le des distances, soit à 14/1000, une pré- cision de 0",00005 dans la situation Re TA Fig. 1. — Tachéographe ou appareil pour Le levé et le tracé automaliques : PE mouvement règll des formes du ET — Aa È axe vertical supportant les ee du point tracé. Il l'écartement des mobiles de l'instrument; P, plateau circulaire horizontal divisé en grades convient d'ajouter ee AO sur sa circonférence et destiné à recevoir la feuille de papier ou de PRO fils du réticule métal où se fait l'inscription graphique des points visés au moyen de Œue celte précision placé dans le plan focal de la lunette. Quant à la ma- nœuvre, elle est des plus simples : Après avoir amené la lunette dans la direction de l'objet visé, on se sert du large bouton B figuré le long de la règle horizontale pour amener cette règle et, par suite, les autres parties mobiles de l'instrument jusqu'au point où se produit l'inter- section des voyants de Ja mire par les fils du réti- cule. L'opération est terminée; la différence de l'échelle crayon peut marquer sur une feuille de papier ou de métal tendue sur le plateau P la distance et la direction du point; la distance de ce point, réduite à niveau est indiquée sur verlicale, le l'horizontale, peul également se lire, si on le désire, l'échelle horizontale; le levé chiffré et phique est done oblenu dans les conditions énon- sur gra- cées plus haut. Ajoutons qu'une division circulaire traceur TT’; LL!', lunette; C, came réglant l'écartement variable des fils du réticule placé dans le champ focal de la lunette L; V, échelle ver- ticale des hauteurs; HH, échelle horizontale des distances ; B, bouton moteur destiné à amener les fils verticaux du réticule en coïncidence avec les voyants de la mire placée sur le point à déterminer; RR', vis de rappel. n'est pas nomi- nale, mais réelle, puisque le tracé, strictement auto- matique, élimine toutes les inexactitudes de construction. Quant à la précision des mesures lues, elle peut devenir beaucoup plus grande, par la réitération des lectures, très simple et très rapide. Avec deux ou trois lectures, on arrive rapidement à une approximation de 0,02 pour 100 mètres. On doit même la dépasser. Le dessin topographique se complète sur le ter- rain même, après achèvement du travail de visée et de tracé, aucune opération ultérieure n'étant nécessaire. La détermination automatique de courbes de niveau successives peut être obtenue d'un même centre de station sans autre opération que la visée directe, les points caractéristiques de ces courbes de niveau élant indiqués, mesurés et tracés par l'instrument. La méthode adoptée est, comme on l'a déjà vu, celle par rayonnement. La mise en place des cen- tres successifs de stations s'oblient par la coïnci- dence de points communs à deux ou plusieurs cercles de levé. Le report des levés partiels sur un plan d’en- semble s'opère très simplement et avec une exacti- tude extrême par le rattachement de chaque cercle D' CARL AMTHOR — LES CAUSES DE LA RANCIDITÉ DU BEURRE 167 aux cercles voisins au moyen de points communs et de directions communes. Enfin, mentionnons une dernière simplification qui augmente en même temps la précision des résultats : la mise au point pour une distance quel- conque, jusqu à la limite du travail utile, s'opère automatiquement el par le fait même de l’allonge- ment ou du raccourcissement de la visée". F. Schrader, Directeur du Service Géographique de la librairie Hachette. LÉS CAUSES DE LA RANCIDITÉ DU BEURRE On n'a pas réussi jusqu'à présent à établir d’une manière indiscutable les causes qui produisent la rancidité du beurre, c'est-à-dire à trouver, en dehors de l'examen organoleptique, une formule susceptible de caractériser un beurre comme rance, ou même comme avarié jusqu à un certain point. A ce sujet un grand nombre d'expériences ont cependant été faites, et beaucoup d'opinions, sou- vent peu concordantes, ont élé émises. Nous nous bornerons à relater les principales, puis nous décri- rons nos recherches propres sur la matière. Küttstorfer! pensa trouver cette formule par le dosage des acides libres. Il admit que le degré de rancidité est proportionnel à la quaritilé d'acides gras mis en liberté. W. Hagemann * conslala que le passage à l’état rance (das f'anzigwerden) n'est pas précédé d’une fermentation butyrique, mais que l'odeur et la saveur rances du beurre sont dues aux acides gras volatils qui préexistent à l’état libre, et principale- ment à l'acide butyrique. C’est l'acide lactique, formé par la fermentation du sucre de lait, qui produirait le dédoublement des glycérides de l'acide butyrique. Virchow® ne put établir un rapport fixe entre la quantité d'acides gras libres et la rancidité. D'après O0. Schweissinger *, le degré de rancidité d'un beurre n’est pas en rapport avec sa teneur en acides gras volalils; et celle-ci diminue souvent avec une teneur croissante en acides gras libres. Duclaux conteste l'influence des bactéries sur x le passage à l’état rance, et limite leur effet à la décomposition rapide d’un beurre déjà fortement alléré par la caséine et le sucre de lait. Voici, brièvement, comment il explique la réaction : la graisse est décomposée, sous l'influence de l’oxy- gène et de la lumière, en glycérine et acides gras libres; ces produits sont transformés ensuite par oxydalion en acides oxyoléique (Oxyülsaüre), for- mique, et carbonique. L'eau active la décomposi- tion. Les glycérides des acides gras volalils y résis- tent moins que ceux des acides non volatils. D'après Duclaux, le beurre frais contient de 0 gr. 005 à 0 gr. O1 d'acides libres par kilo; sa saveur est déjà altérée d'une façon préjudiciable, quand on arrive au chiffre de 0 gr.02 à 0 gr. 03 par kilo. Stockmeier * se rangea, en partie, à la façon de voir de ÆXüllstorfer, tandis que Âalenke émettait des doutes. Selon Stockmeier, le degré de rancidité d'une graisse pourrait n'être pas forcément en rapport avec l'élévation de la quantité d'acide; néanmoins, les graisses du beurre, ayant, en acides, une teneur égale à 8 (centimètres-cube d’alcali nor- mal pour 100 grammes de matière grasse), ont, sous tous les rapports, une saveur rance nauséa- bonde. Berthelot ® croit que le passage à l’état rance est dû à un procédé de saponification, sous l'influence immédiate de l'action oxydante de l'oxygène de l'air. D'après M. Grüger*, il est vraisemblable que les graisses sont décomposées par l’eau en glycérine et acides gras, mais que ces produits de décompo- sition sont immédiatement repris par l'oxygène de 1 Zeilschr. f. analyl. Chemie, 18, 199, 431 (1879). Ein Beilrag zur Frage der Butter-conservirung, 1882. 3 Repert. der anulyt. Chemie, 1886. S. 494. * Pharm. Centralhalle, 28, 294 (1881). 3E. Duccaux, JIf. Mémoire sur le lail, élude du beurre. Nancy, 1896. Le lait, études chimiques el microbiologiques. Paris, 1887. ! Qu'il me soit permis, en terminant, de remercier M. J. Carpentier de la perfection, pour ainsi dire absolue, qu'il a apportée dans la construction du Tachéographe. ® Ber. über die 8. Vers. bayer. Vertr. der angew. Chemie, 1889. S. 85. 3 Journ. de pharmac. et de chimie (3° sér.), 4 Zeilschr. für angewandle Chemie, 1889. S. 62. 21, 96. 468 l'air. Les acides gras se transforment alors en acides moins riches en carbone et plus riches en oxygène, appartenant les uns à la série grasse, les autres à la série de l'acide oxalique; parmi ces der- niers, il faut mettre au premier rang l'acide azé- laïque, qui se forme également par oxvdation arti- ficielle des acides gras au moyen de l'acide azo- tique. L'oxydation s'étend probablement aussi à la glycérine, dont on ne peut démontrer la pré- cence à l'état libre. Ed. Ritsert "a confirmé les résultats de Duclaux. Selon lui, le passage à l'état rance de la graisse de pore et du beurre n’est pas produit par les bacté- ries, mais c'est un procédé d’oxydation par l'oxy- gène de l'air. La rapidité de la réaction serait pro- portionnelle à l’action de la lumière. Pour empêcher la graisse de rancir, il faudrait une suppression complète de l'air, moyennant quoi le passage à l'état rance ne se produirait pas, que, d’ailleurs, la graisse soit ou non exposée à la lumière. Il constala, au reste (aussi bien dans les graisses que dans le beurre), après une période de trente à soixante jours, une odeur et une saveur fortement rances, cependant que le degré d’acidité montait à 3°,6 — 30,8 — 5° — 70 — 3°,2. J, Arata? a contesté aussi l'influence des micro- organismes. Schweissinger*, B. Fischer * el C. Besana* dé- montrèrent, sur ces entrefaites, que la rancidité, décelée par la saveur et l'odeur, n’est pas toujours en rapport avec la quantité d'acides gras contenus dans la graisse du beurre. D’autre part, Bondzynski et Aufi® constatèrent la formation et l'augmenta- tion d'acides gras non volatils, les acides volalils ne se manifestant qu'à un élat assez avancé de décomposilion. Tout au contraire, F. LafarT et Olaf Sigismund ‘ firent jouer aux microorganismes, et surlout aux bactéries, le rôle principal dans le passage du beurre à l’état de rancidité. Valerian von Klecki”, plus éclectique, déclare que, dans le beurre, laci- dilé est due en première ligne à l’activité des bac- téries, et beaucoup moins à l'influence de l'air et de la lumière, tandis que la rancidité est le terme final 4 Nalurwissenschaft. Wochenschrift, 5 (1890) et tir. à part. Berlin, 1890 (chez Ferd. Dümmiler). = Annali dell Instituto d'Igiene sperim. della Universila di Roma, 1891. Vol. IT. Fasc. 2, p. 5. 3 Zeilschr. f. angew. Chemie, 1890. S. 696. 5 Jahresber. de) Unlers.-Anst. der Stadt Breslau, 1890-1891. 5 Chemicker Zeilung, 189. S. 410. 5 Zeilschr. f. anal. Chemie, 29, 5 (1890). 7 Bakt. Studien über Butter, Archiv f. Hygiene, 1891, 5.4. 5 Unlers. über die Rancidilül der Buller. Inaug.-Diss, Halle, 1893. * Disserlation, Leipsig, A89%, et Zeilschr. anal. Chemie, 34, 633 (1895). chem. D' CARL AMTHOR — LES CAUSES DE LA RANCIDITÉ DU BEURRE de l'action de tous ces facteurs. Le principal résultat de ses recherches, c'est que, dans les conditions ordinaires, la formation des acides (die Saüerung) du beurre doit être rapportée à l'activité des bac- téries et non à l'oxydation. Il découvrit tout parti- culièrement qu'un beurre, conservé au soleil ou à la chaleur, peut être rance, sans être acide. Il n'y a donc pas lieu de rattacher le procédé d'oxydation, en corrélation avec le passage à l’élat rance, à l'acidité produite par l'activité des bactéries. V. Alecki comptait cinq espèces de bactéries anaé- robies auxquelles est dévolu le principal rôle dans la formation des acides, puisqu'elles réduisent le sucre de lait préexistant dans le beurre. Sendiner ‘ est venu confirmer les vues de 2. Fis- cher, de Schweissinger et de Besana, d’après les- quelles la rancidité n’est pas toujours proportion- nelle à la quantité d'acides graslibres. 4. Kümmerer, de son côté, les a confirmées aussi récemment. Sur toutes ces questions, les opinions sont, comine on voit, très diverses. Von Æaumer ? croit que la détermination des acides libres donnerait toujours un point de repère ; qu'un beurre ayant un degré d’acidité supérieur à 8 serait, en règle géné- rale, gàté, tandis qu'un beurre semblable, ayant moins de 8 degrés, ne serait pas toujours bon. D'après lui, l'évaluation des acides voilalils ne four- nit aucune base solide à l’estimation de la graisse rance. Conformément aux observations ci-dessus rela- tées, Ed. Spaeth* fait du passage à l’état rance un processus d'oxydation dû, avant tout, à l'influence de la lumière et de l'oxygène de l'air. Alors les acides gras non saturés (acides oléiques) sont repris sous la forme particulière d'acides ayant une faible teneur en carbone. Dans la suite, il se forme aussi des produits de la série des aldéhydes, ainsi que des acides gras oxygénés. Au fur et à mesure de l’oxy- dation et de la formation d'acides libres, les acides volatils augmentent considérablement. J.-A. Mjoën*, de son côté, a constaté que, dans le passage à l’état rance de la graisse de beurre complètement fondue, le coefficient acide, le coef- ficient de saponilicalion etle coefficient de Æeichert, subissent une augmentation considérable pour les deux premiers, beaucoup moindre pour le dernier. Il admet que, comme l'augmentation sensible d'acide va de pair avec une diminution du pouvoir réducteur en présence de l’iode (/odadditionsver- môügen), il se produit en même temps un dédouble- ment du composé dans les acides gras non saturés. 1 Forschungs-Berichle über Lebensmillel, etc., 1895, S. 290. ? Forschungs-Berichte über Lebensmitlel, etc., 1895,S.290. # Zeilschr. f. anal. Chemie, 35, #11 (1896). 1 Forsch.-Berichle über Lebensmittel, etc., 1897, S. 195. VESF 717. morose mt ne til ben ibid de 00 lames hot amet els Ce 0 de de me detente Milihotenls phdbet À De fe dé SES St st de doté D' CARL AMTHOR — LES CAUSES DE LA RANCIDITÉ DU BEURRE — — 169 Des expériences à la lumière solaire lui donnè- rent les résultats suivants : Une graisse de beurre, exposée pendant trois jours à cette lumière, accusa le chiffre de 10,7 d'acide pour 30,9 d'iode, landis qu'il fallut environ cinq semaines pour produire, sous l'influence d'un courant d'air, une égale quan- tilé d'acide, cependant que la quantité d'iode tom- bait à 19,8. Mjoën s'élant servi, pour ses expé- riences, non pas de beurre, mais de graisse de beurre filtrée, épurée, ne présentant pas un terrain favorable au développement des microorganismes, on ne peut que sous toutes réserves appliquer ces résultats au beurre du commerce. Virchow (loc. cit.) et Stochkmeier (loc. cit.), avaient, d’ailleurs, attiré déjà l'attention sur ce point. Rapportons enfin l'opinion de A4. Schmid! qui distingue la graisse acide, la graisse rance et la graisse à la fois rance et acide. D'après lui, une graisse est acide quand sa teneur en acides gras libres est très anormale, tandis que la quantité de gycérine libre n’a pas varié. Une graisse est rance quand, la teneur en acides gras libres étant peu élevée, la glycérine a été oxydée, en partie ou en totalité, à l’état d'aldéhydes ou de cétones. Une graisse est à la fois acide etrance, quand, à côté d’une teneur élevée en acides gras libres, on trouve des produits d’oxydation de la glycérine. L'auteur croit que l'examen d'une graisse fraiche, ainsi que d’une graisse à odeur et saveur rances, en vue de la recherche des aldéhydes et des céto- nes, donnera des résultats qui font espérer la possibilité prochaine d'évaluer par voie chimique le véritable degré de rancidité d’une graisse. Pour rechercher les aldéhydes et les cétones, il emploie une solution à 1 °/, de chlorhydrate de métaphé- nylènediamine, et les produits de distillation du beurre par la vapeur d’eau. La différence de colo- ration des produits de distillation d'une graisse fraiche ou rance élait semblable à celle que l'on a constatée dans la Nesslerisation (das Nesslerisiren) d’une eau pure ou fortement contaminée. J. Mayrhofer? a confirmé les expériences de A. Schmid ; il ajoute que, dans les produits de distil- lation des variétés de beurre rance, il se produirait aussi des combinaisons acides qui, à ce qu'il sem- ble, ne jouent pas le principal rôle dans la forma- tion de l'odeur si caractéristique du beurre rance. IT En comparant les travaux ci-dessus, il est aisé de voir, abstraction faite des deux dernières publica- tions, que le point essentiel pour évaluer la ranci- 4 Zeilschr. f. anal. Chemie, 37, 301 (1898), ? Zeilschr. {. die Unters. der Narungs-u. enussmittel, 1898, S. 5952, dité par voie chimique, réside dans la connaissance des acides gras volatils et non volatils préexislants. Pourtant, des objections sérieuses se sont éle- vées contre celte hypothèse, sans qu'on ait réussi à établir la véritable cause de la rancidité. Ces objections se fondaient sur ce que, très souvent, on à observé des beurres rances ayant une faible teneur en acides libres. Certains observateurs con- testent l'influence des bactéries, landis que d’autres, par exemple VW. von Alecki, leur assignent la part la plus active dans la production de la rancidité. Comme, depuis un certain temps,je m'applique à découvrir les causes qui produisent la rancidité, je crois que le moment est arrivé de publier mes observations. Je pense qu’elles pourront, surtout quand elles seront plus complètes, jeter un peu de lumière sur le processus chimique du phénomène. La forte odeur d’éther butyrique qu'exhale sou- vent le beurre à un haut degré de rancidité, m'en- gagea à rechercher la présence de ces éthers dans du beurre frais doux, fait avec de la crème (Suss- rahmbutter), dans du beurre aigre fait dans les mêmes conditions, et dans du beurre rance, tout en tenant compte de la teneur croissante en acide libre et surtout en acide libre volatil. On distilla 10 grammes de beurre par la vapeur d'eau, jusqu'à ce que 500 fussent passés; on en détermina l'acide volalil par titrage avec de l'alcali normal à 1/10; après quoi, on ajouta 59° d'aleali normal à 1/10, et on fit bouillir une demi- heure dans l'appareil à condensation. L’alcali libre fut üitré de nouveau. La différence indiqua la quan- tité d’alcali nécessaire à la saponification de l’éther. Il faut, autant que possible, se servir, pour ces recherches, du beurre naturel et non de la graisse de beurre épurée par la fusion et le filtrage, car l'élévation de chaleur fait disparaitre les principes volalils: c'est pour cela que divers observateurs ne constatèrent, dans le passage à l'état rance, qu'une élévation très lègère ou même nulle de la quantité d'acides volatils. Si l’on veut rapporter les valeurs obtenues à la graisse de beurre pure, il faut éva- luer ja quantité de celle-ci dans une portion spé- cialement prélevée. Déjà Virchow (loc. cit.) avait remarqué que, par la simple conservation, le beurre peut éprouver une perte considérable en acides gras volatils. Nous avons obtenu, par exemple, la quantité d’éther suivante pour : Gc. d'alcali normal à 1/10. Beurre de crème doux (Süssrahmbutter) . . . 11 Lesméme, fondue BRIE NT; Beurre de crème aigre (Sauerrahmbutter). . . 4,6 Le même, fondu et filtré. . DAS PE FA Acide volatil pour le beurre de crème aigre . 0,8 Perméeme (OnbNEL IIIe NO; 0 Nos chiffres sont élablis pour 100 grammes de graisse de beurre. La quantité d’éther donne, en centimètres cubes, la quantité d’alcali normal à 1/10, nécessaire à la saponification des éthers de 100 grammes de beurre. Le beurre servant à ces recherches fut conservé dans un vase de porcelaine entouré de papier, à la température ordinaire, protégé contre l'influence directe des rayons solaires et bien conservé; avant chaque prélèvement d’échantillon, on avait soin Tableau I. | QUANTITÉ d'éther en cc. d'alcali normal ACIDE volatil en cc. d'alcali normal. TOTAL des acides en ce. d'alcali normal. Beurre frais, 30 juillet 1896. . — 22 août 1896. . . — 5 septembre 1896. — 16 juillet 1897 . Beurre de crème doux ‘ : rails MA/ant Et ASE EEE 1er septembre 1897. . 21 septembre 1897. 20 novembre 1897 . . 15 décembre 1897 . 24 avril 1898. . Beurre de crème doux : Frais, 26 mai 1898 . Rance, 7 juillet 1898 . . Très rance, 26 juillet 1898. —— 10 août 1898. . — 22 août 1898. . . Beurre de crème aigre : Frais, 28 mai 1895. . . Rance, 7 juillet 1898 . Très rance, 29 juillet 1898. . Excessiv. rance, 10 août 1898. CT Oo C0 = CAE ww © ND Cr O meccse OC WNSrIz 12 moe QE ko oo DE N © Le SRwNr Dee Co No © SSSne Cr 09 coco de bien l’agiter. Le tableau I ci-joint résume les déterminations opérées. Ces recherches prouvent l'existence, dans le beurre saponifiable par la potasse, de produits volatils, et en plus grande quantité dans le beurre de crème aigre que dans le doux. La présence dans le beurre rance d'éthers éthy- liques des acides gras volatils du beurre, principa- lement de l'acide butyrique, est décelée par l’arome caractéristique, et, d'ailleurs, maintes recherches l'ont également prouvé. Cinquante grammes de beurre rance furent dis- tillés par la vapeur d'eau, jusqu'à ce que 500. fussent passés; il s'éleva d’abord une odeur pénétrante d'éther butyrique. Ces 500%., qui con- tenaient aussi des acides gras volatils libres (prin- cipalement de l'acide butyrique), furent neutralisés complétement et redistillés. Le produit de distilla- 1 Dans ce beurre, on ne pouvait déceler la présence d'al- cool jusqu'au 1°" septembre; ce ne fut possible que le 21 septembre et le 20 novembre. Le coefficient ou indice de eichert monta, le A1 août, à 24,9; le 24 avril 1898, à 21,8. Fresenius, Zeilschr. f. anal, Chemie, XXXVWI; Jahrgang 1. Heft 2. D' CARL AMTHOR — LES CAUSES DE LA RANCIDITÉ DU BEURRE tion, qui devait alors contenir l’éther, fut, après déplacement par l'hydrate de potasse, bouilli une demi-heure dans l'appareil à condensation. On distilla alors complètement, et le produit formé fut concentré par la méthode habituelle. Il donna à la distillation les stries oléagineuses caractéristiques, une forte réaction avec l'iodoforme, se colora en vert par le bichromate de potasse et l'acide sulfu- rique, et put, après concentration par la chaux vive, dissoudre l'iode. Il y a donc un alcool qui se forme par la saponification de l’éther. Les résidus alcalins de la distillalion furent repris par l'acide sulfurique et distillés. Le produit de distillation exhalait une forte odeur d'acide butyrique. Il fut neutralisé par le carbonate de chaux. Le sel de chaux contenait, dans un cas, 17,38 °/, de calcium, tandis que le butyrate de chaux en a besoin de 18,69 °/,. Il semble donc exister, outre l’acide butyrique, une faible quantité des acides gras du beurre, d'une série plus élevée. Dans un cas, on employa à neutraliser les acides volatils de 100 grammes de beurre rance, 9%, 6 d'alcali normal à 1/10, 2%. pour ceux qui y étaient contenus à l’état d’éthers; tandis que, pour le beurre de crème aigre ordinaire, non rance, il suffit de 0,23 d'alcali à 1/10. On put trouver des traces d'alcool dans du beurre de crème aigre frais; on ne put le déceler dans du beurre de crème doux : ainsi, en démontrant la présence de l'alcool, on peut séparer le beurre de crème aigre ou le beurre rance du beurre de crème doux. Quand le beurre devient vieux, la quantité d’éther tombe à 0 ou à peu près, et, à ce moment-là, tout arome a presque entièrement disparu; il ne reste plus qu'une faible odeur de suif caractéris- tique. De nos observations, il ressort : que le beurre de crème aigre et le beurre rance contiennent de l'alcool. Tout beurre renferme des produits volatils, saponifiables par la potasse. Le beurre rance con- tient, à côté des acides gras volatils libres, leurs éthers, principalement l’éther éthylique de l'acide butyrique. L'élat de rancidité du beurre est caractérisé avant tout par un développement intense de l’a- rome, qui le rend déjà impropre à la consomma- tion, bien que la saveur en reste encore normale, et que la teneur en acides libres soit encore sensi- blement éloignée du chiffre-limite (Grenzzahl) 8 de Stockmeier. L'odeur rance est due surtout au mé- lange, à doses faibles, d'acides gras volatils libres et d’éthers ; au début, les acides paraissent dominer et produire une odeur semblable à celle que dégage la sueur des pieds (fussschweissartigergeruch); tandis qu'avec l'augmentation de la rancidité, c’est l'odeur d'acide butyrique qui domine. Pour se XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE ! 1 convaincre que ce dernier existe cependant déjà au début du rancissement, mais qu’il est masqué par l'odeur des acides volatils, il suffit de neutra- liser les acides volalils des produits de distillation du beurre rance par l'eau. Lorsqu'on distille, il se dégage au début une odeur pénélrante d’éther butyrique. Quand le beurre devient vieux, le développement de l’arome, après avoir atteint un maximum, retombe presque à 0. A cet état le beurre a l'aspect du suif. Le beurre de crème doux résiste bien mieux au rancissement que le beurre de crème aigre, et son arome se dé- veloppe également moins vite. La formation dans le beurre d’un gaz aromatique est due sans contredit aux microorganismes qui produisent l'alcool aux dépens du sucre de lait. En même temps se produit un dédoublement des gly- cérides, puis l'acide est employé à la formation d'éthers. Le glycéride de l'acide butyrique étant de médiocre importance, c'est cet acide lui-même qui entre surtout en ligne de compte. La glycérine libérée est l'origine d’autres transformations, tan- dis que prennent naissance, suivant Schmid et Mayerhofer, des composés du genre aldéhyde et même, jusqu'à un certain point, du genre cétone. La teneur en acides volatils et en éthers des acides gras libres du beurre étant le critérium essentiel du beurre rance, il faudra évaluer quantitativement, d'après un grand nombre d'expériences sur des beurres plus ou moins rances, la teneur en acides gras volalils libres et en acides volatils combinés à l’état d'éthers. Je tiens à la disposition des col- lègues qui s'intéressent à celte question les tra- vaux qui la concernent. Le fait que le beurre frais contient aussi des principes volatils saponiliables par la potasse, nous force à conclure que la quantité d’éther n’est pas un critérium suffisant, mais qu'il faut évaluer, en outre, la leneur en éther butyrique. Je ne puis que me rattacher à la manière de voir récemment remise en lumière par Schmid, et d’a- près laquelle le passage à l'état rance ne serait pas identique au passage à l'état acide. Le processus de rancissement du beurre au stade du dégagement de l’arome, doit être séparé du passage à l’état rance d’autres graisses, où l'odeur ne joue qu'un rôle secondaire et dans lesquelles c’est surtout le goût irritant qui rend la graisse inutilisable *. D' Carl Amthor, Collaborateur à la Zeitschrift für analytische Chemie. L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE DEUXIÈME PARTIE : COMPARAISON AVEC L'ÉTRANGER Nous avons dil' que d’autres pays que la France se livrent à la culture et au commerce des pommes et à l'industrie du Cidre. À ce sujet, nous croyons utile d'entrer dans quelques détails sur l’indus- trie du Cidre en Allemagne et sur l’industrie des pommes évaporées en Amérique. Il est du plus grand intérêtque nos agriculteurs et nos industriels français se rendent un compte exact de ces indus- tries étrangères, et qu'ils leur empruntent ce qui peut les intéresser. I. — PRODUCTION EN ALLEMAGNE. La région où se fabrique le Cidre en Allemagne a pour centre Francfort, ou plutôt, le faubourg de Sachsenhausen, situé en face de Francfort, sur la rive opposée du Mein. On récolte les pommes à Sachsenhausen, Bonnheim et Offenbach. La variété de pommes la plus estimée pour la fabrication du ‘ Voyez la première partie de cette élude dans la Revue du 15 juin 4889, t. X, p. 427 et suiv. Cidre serait la Reinette de Cassel, fruit très sucré et peu tannique. Cette récolte commence en automne quand les pommes sont bien mûres. Quand elle est insuffisante, les Allemands achètent des pommes à l'étranger; ils ont fait, à plusieurs reprises, des achats très importants en Normandie. Nous n'avons nullement lieu de nous réjouir de celle source d'exportation de nos produits, car, avec ces pommes, les Allemands préparent des Cidres clairs et mousseux qui, revêtus d’une belle et trompeuse étiquette, vont faire à nos Vins de Champagne une concurrence déloyale. Le Cidre se fait chez les cultivateurs, et d'une manière très simple. Les pommes sont netloyées, puis elles sont jetées dans le loup (Wolf), où elles sont divisées en fragments assez gros. Elles passent 1 Les recherches que je viens de relater ont été commen- cées en collaboration avec M. J. Zink, et achevées avec l'aide de M. le D° Landenberger. — Le présent article est publié en allemand dans la Zeilschrift für analylische Chemie, t. XXXVIIT, n° 1. 472 XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE ensuite entre des cylindres qui les écrasent. Jus el | et le vin blanc. Le goût de la pomme y est très pulpes macèrent pendant vingt-quatre heures, puis on les met au pressoir. L'extraction du jus se fait dans des presses ordinaires; mais, dans quelques établissements, on emploie des presses hydrau- liques. Les mares sont utilisés, à Francfort, pour la nourriture du bétail. Dans le Luxembourg, on s'en sert pour fabriquer une eau-de-vie qui jouit, parait- il, d'une certaine réputation. Le Cidre fabriqué à l'automne est « traversé », quatre fois, et il est Cidre est de couleur limpide; il est con- c'est-à-dire souliré trois ou livré à la consommation. Ce jaune verdâtre; il est assez sommé dans l’année. Cette consommation locale du Cidre ne présente pas grand intérêt; ce qui en offre davantage pour nous, c'est la fabrication du Cidre d'exploitation ou Vin de pommes : Aepfelwein. Cette fabrication est faite par un certain nombre de ra/ffineurs de Cidre qui achètent le Cidre brut aux cultivateurs, le soignent, l'épurent, et, finalement, le mettent dans des bouteilles analogues à celles des vins du Rhin, pour le vendre en Allemagne et à l'Etranger. Les raffineurs de Cidre de Francfort opèrent comme les négociants bordelais, qui achètent, chez les propriétaires récoltants, le vin brut, et lui donnent les soins destinés à le bonifier et à lui faire acquérir toutes ses qualités. Les raffineurs laissent vieillir le Cidre au moins pendant un an, en ayant soin de le soulirer de quatre à six fois pendant la première année. Ce Cidre est ensuile filtré, puis collé. Le collage se fait avec du sang de bœuf, de la gélatine ou de la colle de poisson. | | affaibli par les soutirages, les collages, ete. La lim- pidité y est done obtenue au détriment du goût de fruit. Ces Cidres sont peu acides ; ils sont fort bien préparés. Ils sont aussi très bien présentés; leur embouteillage est analogue à celui des vins blanes du Rhin. Les principales sortes sont désignées sous les noms de Zxport, Speierling et Borsdorfer. Ces deux derniers noms sont ceux de deux villages; ils désignent des crus estimés. Les prix de ces Cidres sont élevés. Le tableau’ I ci-contre résume les prix, en gare de Sachsenhau- sen, d'une grande maison de Francfort dont la vente annuelle est de 26.000 hectolitres. Tableau I. — Prix des Cidres allemands. QUALITÉ DU CIDRE PAR HECTOLITRE PAR 100 BOUTEILLES Export. 32 marcs (40 fr.) | 50 mares (67,50) Speierling 35 — (43,50) | 55 — (68,80) Borsdorfer . . . .|[ 40 — (50 fr.) | 60 — (75fr.) Nous avons dit qu'à côté de ces Aepfelwein, on fabriquait à Francfort des Cidres simili-champagne. Ceux-ci se font principalement à Offenbach. Les bouteilles sont revêtues d'étiquettes luxueuses; aucune indication ne fait supposer qu'il s'agit de Cidre, et celui-ci est vendu en concurrence avec nos vins de Champagne. Dans la maison dont nous don- nions ci-dessus les prix, la bouteille de Cidre-Cham- pagne vaut 1 marc 40 (1 fr. 75), et la demi-bou- teille 0 mare 90 (1 fr. 10). Tableau II. — Analyse des Cidres allemands. CIDRES MOUSSEUX CIDRES SECS EN BOUTEILLES GENRE VINS DU RHIN Borsdorfer | Speierling 5045 1580 22,40 243 Alcool °/, en volume . ; Extrait sec à 100° par litre. . — danslevide — : Sucre réducteur. 1,34 CENATES PUMA EEE UMR EL 2,21 Acidité totale en SO#H? . . . . 2,79 — fixe. 5 — volatile . Acide tartrique . Tan Ce À ç libre ° ( total. Acide sulfureux. Export 5095 18£80 25,60 1,80 2,99 3,18 2,58 0,60 0,29 traces 0,022 EN BOUTEILLES GENRE CHAMPAGNE EEE EE | Speierling | Borsdorfer |Troisétoiles|Deuxétoiles| Une étoile 1095 86536 609 110564 25,60 9%,00 122,20 110,60 2,43 66,55 83,47 81,9% 2.99 238 » » » 3,14 3,93 3,50 3,06 2,14 2,14 2,94 2,60 0,40 0,49 0,56 0,46 0,29 0,42 0,34 0,50 » 0,24 0,36 0,27 traces 0,015 ï » » 0,018 0,05 » » 605 19516 102 98£4 Ces Cidres sont très limpides, mais ils sont com- plètement fermentés el, par conséquent, tout à fait secs. Leur aspect est celui du vin blane; quant à leur goût, il ne peut pas facilement se comparer à celui de nos Cidres. Ces « vins de pomme » tiennent le milieu entre le Cidre tel que nous le préparons Nous avons fait l'analyse de Cidres d’exportalion allemands, mousseux et non mousseux, et consigné dans le tableau IT ci-joint les résultats qu'elle nous a donnés. Le degré alcoolique de ces Cidres est voisin de 6° en moyenne; c’est le degré alcoolique moyen de nos bons Cidres. XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE 113 Ces Cidres sont complètement fermentés; ils ne contiennent pas plus de 2 grammes de matières réductrices par litre; ils sont, par suite, faibles en matières extraclives; ils sont même beaucoup plus faibles que nos Cidres. Cela pourrait faire supposer qu'ils ont été additionnés de sucre ou légèrement alcoolisés. Il est très possible cependant que ce fait soit dû uniquement aux nombreux soulirages que subissent ces Cidres. La composition de la partie minérale, ainsi que l'ensemble de l'analyse, exclut, à notre avis, l'idée de mouillage. Un des points les plus intéressants est relatif à l'acidité; comme on le voit, ces Cidres sont peu acides et ils sont surtout peu chargés en acide acétique. Cela indique qu'ils sont l'objet de soins attentifs et d'une surveillance toute scientifique : ils sont manutentionnés dans des fûts propres; ces fûts sont ouillés fréquemment; on prend, en un mot, toutes les précautions pour empêcher la fermentation acétique d’envahir ces liquides. Nous insistons sur cette particularité que nous offrent les Cidres allemands, parce qu’elle prouve bien qu'avec des soins on peut faire du Cidre sec, mais non acide; neuf fois sur dix, le Cidre sec, en France, est du Cidre paré, c'est-à-dire piqué, forte- ment envahi par la fermentation acélique. Parmi les autres éléments qui figurent dans les analyses ci-dessus, citons encore l'acide tartrique, qui existe en très faible quantité ; cet acide ne doit pas être ajouté pendant la fabrication : il doit pro- venir du fruit. Le tannin existe en quantilé faible. Il est très possible qu'il y ait eu addition de tannin au cours de la fabricalion de manière à faciliter le collage; ce lannin a été, bien entendu, précipité pour une partie, avec la gélatine ou l'albumine employée à ce collage. Enfin, nous constatons que ces Cidres ne contiennent qu'une très faible dose d'acide sulfureux. Ce n'est donc pas à cet antisep- tique qu'ils doivent de conserver leur limpidité. En résumé, la composition de ces Cidres implique une fabrication bien faite, et scientifiquement conduite : ia fermentalion est complète, les souti- rages fréquents, les fûts propres, maintenus bien pleins et bien bondés. On ne peut reprocher à ces Cidres que leur:« amaigrissement » résultant des collages et des soutirages. IT. — Propucrion Aux EraTs-Unis. Les Américains des Etats-Unis mettent depuis longtemps en pratique la dessiccation des pommes. Le Jury de l'Exposition universelle de 1878 avait classé au premier rang les fruits secs de Califor- nie. Depuis, nos concurrents ont perfectionné cette fabrication, et le commerce des fruits « évaporés » a pris chez eux une très grande extension. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1599, Ces fruits peuvent être préparés soit par dessic- cation au soleil, soit par dessiccation dans des étuves. Ce dernier mode de fabrication est plus industriel; néanmoins on prépare en Californie des fruits par dessiccation à l'air libre en les exposant simplement sur des claies au soleil. Tous les producteurs de pommes savent que beaucoup de fruits à couteau ne peuvent être vendus à un prix rémunérateur, parce qu'ils sont véreux, galeux, noués, tachés ou trop petits. En Amérique, tous ces fruits trouvent un écoulement avantageux. La récolte est triée; les beaux fruits sont vendus à l’état frais, les fruits tachés servent à faire les white fruits (fruits blanes); les fruits véreux sont ulilisés pour faire les chops (tranches) (que l’on nomme aussi Pommes Amiral sur nos marchés de Rouen et au Havre). On nomme while fruits des tranches ou des quar- tiers de pommes desséchées après avoir été pelées et débarrassées du cœur et des pépins. On appelle chop des pommes coupées en disques, sans avoir au préalable été pelées ni privées du cœur et des pépins. La majeure partie des chops est expédiée en Europe, où elle sert à préparer des Cidres, de l'Eau-de-vie et du Vinaigre. Le séchage des pommes à l'évaporateur donne encore une troisième qualité de produits, le waste (rebut). Ce sont les peaux et les cœurs des fruits blancs qui, séchés à l'évaporateur, sont vendus pour faire des gelées. M. Nanot a donné la description de l'appareil américain d'Alden (fig. 1). Il se compose d'une grande caisse verticale divisée en compartiments munis chacun d'un tiroir T. Le fond de ces tiroirs est formé d'une toile métallique galvanisée sur laquelle reposent les pommes à dessécher; les tiroirs per- mettent de surveiller la marche de l'opération à différentes hauteurs de la caisse à fruits sans déranger les autres compartiments. Afin de faciliter l'introduction et l'enlèvement des pommes, deux planchers CD et IK entourent la caisse à fruits. Un mécanisme spécial sert à soulever celte caisse et permet ainsi de glisser à sa partie inférieure les compartiments remplis de pommes fraiches. Chaque fois qu'on introduit un nouveau comparti- ment de fruils frais à la partie inférieure, on retire un compartiment de fruits desséchés à la partie supérieure. Celui-ci est de nouveau rempli de fruits frais, et ainsi de suite, de telle sorte que les pommes parcourent successivement toute la hau- teur de la caisse de bas en haut. Il faut environ cinq heures pour dessécher les fruits et on introduit un compartiment toutes les six à dix minutes. Le chauffage se fait au moyen d’un poêle F enve- loppé d'un cylindre de tôle et placé à la partie inférieure. Le courant d'air chaud s'élève dans la 12* = % XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE caisse à dessiccation. À la base de l'appareil, la température est de 90 à 100°,. Les pommes sont d'abord pelées à la machine, puis la pulpe est découpée en spirale jusqu'au niveau de l’endocarpe (cœur du fruit). Avec une machine à peler coûtant de 20 à 25 francs, un enfant exercé épluche de 3 à 400 fruits par heure. Afin d'éviter que les fruits ne brunissent à l'air pendant la dessiccation,les Américains brûlent des Fig. 1. — Appareil Alden pour sécher les pommes. — F, poële; R, rideau; T, tiroir; A, tuyau intérieur enlevant les produits de la combustion; B, tirage d'air chaud; CD, IK, planchers. mèches soufrées à la base des caisses à fruils des évaporaleurs. On a construit d'autres appareils que celui que nous avons décrit précédemment; ils sont basés sur le même principe; mais, pour éviter de leur donner une grande hauteur, on les a disposés hori- zontalement. ; Dans l'appareil construit par M. Delaroche, les cases à sécher sont inclinées. Le canal du sé- choir est double, ouvert à son extrémité, et de hau- teur telle qu'il puisse recevoir deux ou trois claies. Le fourneau est à double enveloppe; le foyer est intérieur ; dans la double enveloppe se produit l'air chaud et sec. Il y a donc dans l'appareil un courant d'air violent. Nous avons vu que, dans les appareils à casiers horizontaux, la dernière claie introduite se trouve toujours immédiatement au-dessus du foyer. Il en résulte que l'humidité enlevée à ces fruits traverse tout l'appareil et retarde la dessicca- tion des fruits des casiers supérieurs. Dans l’appa- reil Delaroche, le mouvement est inverse. On place un groupe de deux à trois claies superposées dans le tiroir supérieur ; le groupe suivant fait glisser le premier et ainsi de suite. Ainsi placées, les claies se dirigent vers le fourneau. Arrivées en bas du tiroir supérieur, -elles recommencent le trajet dans le tiroir inférieur. L'appareil construit par M. Tristschler présente une disposition analogue. M. Tristschler, qui a publié une intéressante élude sur ce sujet, dit que la dessiccation ne nécessite pas de grands frais d'établissement. On construit des évapora- teurs permettant de dessécher de 100 à 2.000 ki- los de fruits par jour. Une seule personne suffit pour un évaporateur de 4 hectos (environ 200 ki- los). La dépense de combustible s'élève, au maximum, à À fr. 25. Avec 4 hectos de pommes fraiches, on prépare 25 kilos de fruits blancs, qui, vendus au prix moyen de 1 fr. 10, pro- duisent 27 fr. 50, ce qui fait ressortir, après avoir déduit les frais de combustible et de main- d'œuvre, l'hecto de pommes à 6 francs. À ceprix, il faut ajouter le prix de vente des 15 à 18 kilos de résidus (cœurs et peaux), qui se vendent 0 fr. 50 le kilo. L'hecto de pommes se vend donc ainsi 8 francs. Au lieu de dessécher les rebuls, on peut les employer à la fabrication du vinaigre. Le vinaigre de pommes se vend,en Amérique, de 22 à 25 francs l’hectolitre. Le pelage et l’enlevage des cœurs se font au moyen d'une machine. Une femme peut pe- ler et parer plus d'un hecto de pommes à l'heure. Les chops, plus connus en France sous le nom de pommes Amiral, se vendent en moyenne 0 fr. 45 le kilo. Un hecto de pommes de la dernière qualité, dont on ne pourrait se débarrasser à aucun prix, peut donner en moyenne 15 kilos de tranches sèches. Si l’on en déduit les frais de fabrication, l'hecto se trouve vendu à raison de 5 francs. Le tranchage des chops se fait au moyen d’une machine. Une femme peut couper de 7 à 9 hectos à l’heure. Les appareils à dessécher sont fort répandus en Amérique. Déjà, en 1882, M. Ch. Jolly signalait ce fait dans le Journal de la Société d'Horticulture : « Aujourd'hui, dit-il, dans toute ferme (des Etals- Unis) un peu importante, il y à un évaporaleur, comme il y a un tarare ou une faucheuse méca- nique. Dans les années de grande abondance, on a l'immense avantage de ne pas envoyer forcément nt aan e es XAVIER ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU CIDRE EN FRANCE / — Ÿ sur les marchés et de ne pas sacrilier dans les bas cours une marchandise précieuse. On peut l'em- magasiner et l'expédier au loin au moment pro- pice de la vente et sous une forme très réduite, puisqu'on lui laisse sa valeur intrinsèque en ne lui ôtant que sa partie aqueuse, qu'on lui rend au moment de l'utiliser. Enfin, on décuple le nombre des acheleurs, et on augmente beaucoup le produit des fermes placées loin des grandes villes. » N'avons-nous pas là un exemple à suivre pour utiliser les pommes dans les années de surpro- duction, et ne pourrions-nous faire avantageuse- ment, sur une échelle plus restreinte, ce que les Américains ont trouvé grand profit à faire ? Nous recevons acluellement d'Amérique une quantité assez considérable, et qui va croissant, de ces pommes et fruits évaporés, qui s'emploient dans l'alimentation journalière pour confectionner des compotes, des gâteaux, ete. Pourquoi n’enraie- rions-nous pas celle imporlation, puisque nous pouvons nous-mêmes installer chez nous celte in- dustrie qui viendrait apporter son supplément de bénéfices aux régions bretonne et normande? « Nous sommes persuadé, dit M. Jules Nanot, en faisant allusion à ces évaporateurs américains, que des entrepreneurs de dessiccation, possesseurs de bonnes machines, trouveraient dans nos cam- pagnes une clientèle assurée et réaliseraient un bénéfice certain ». Dans les années de grande abondance, il peut être avantageux de dessécher tout ou partie de la récolte, car les pommes évaporées se conservent plusieurs années lorsqu'elles sont mises en caisses avec soin. On peut done attendre le moment le plus propice pour la vente ou pour l'emploi. Nous pensons aussi qu'il y aurait intérêt à faire ce travail. Ne serait-ce pas, par exemple, pour les bouilleurs ambulants, une occupation qu'ils pour- raient aisément cumuler avec leurs travaux ac- tuels ? Ils joindraient à leur matériel de distillation un matériel de dessiccation, qui pourrait peut- êtresecombiner ingénieusement avec lui, et feraient la dessiccation à facon comme ils pratiquent la distillation à façon, III. — ConcLusIoNs. Pour conclure, nous chercherons à tirer un en- seignement de ce que nous venons d'exposer suc- cinctement et nous nous demanderons dans quel sens devront se diriger les efforts des agriculteurs et des industriels désireux de perfectionner leurs travaux et de donner à cette intéressante industrie française du Cidre l'essor dont elle est susceptible. C'est d’abord aux agriculteurs qui produisent la malière première de cette industrie, qu'il faut de- mander l'amélioration continue des vergers, tant au point de vue de la qualité des arbres qu'à celle des fruits. [ls ont pour cela d'excellents guides et n'ont qu'à mettre en pratique l'enseignement que leur ont donné, et que leur donnent encore, les dis- tingués pomologistes français dont nous avons mentionné les travaux. Mais, pour que les agriculteurs soient encouragés à modifier leurs vergers de manière à produire des fruits de meilleure qualité, il faut aussi que l'ache- teur tienne comple de cette amélioration. On ne saurait donc trop encourager les brasseurs de Cidre à faire l'essai des pommes qu'ils achètent, leur intérêt étant de ne faire entrer en fabrication que de bons fruits. De cette manière, l'agriculteur et l'industriel recueilleront tous deux les bénéfices de l’amélioralion des vergers. Au point de vue industriel, il y a encore beaucoup à faire. La brasserie du Cidre est loin d’avoir pro- gressé comrne la brasserie de la Bière, et c'est vers cette dernière que les fabricants de Cidre devraient tourner leurs regards et chercher des exemples. On ne saurait, à notre avis, trop appeler l’atten- tion des fabricants de Gidre sur la nécessité absolue d'apporter à toutes les opérations, préparation du moût, fermentation, soutirages, etc.,les plus grands soins et surtout la plus grande propreté. Ce sont là des conditions indispensables pour le succès, con- ditions qui sont d’ailleurs communes à toutes les industries de la fermentation. Nos agriculteurs et nos industriels suivront ainsi avec intérèt le développement de l’industrie du Cidre en Allemagne et celui de l'industrie des pom- mes évaporées aux États-Unis; ils pourront aussi faire leur profit des procédés en usage dans ces pays. Nous avons la conviclion que l'industrie du Cidre, qui occupe déjà une place honorable parmi nos industries agricoles, a devant elle un avenir des plus prospères. Elle doit diriger ses efforts vers un double but: en premier lieu, nous placerons la production de la « boisson » : celle-ci, qui sert jour- nellement aux populations normandes el bretonnes, doit être saine et à un prix peu élevé. Il semble rationnel de recommander pour sa préparation la méthode de la diffusion. Le second but que doivent poursuivre aussi bien les cultivateurs que les brasseurs de Cidre, est la production de Cidres mousseux ou non mousseux, bien fabriqués, clairs, parfumés, qui trouveraient non seulement une clientèle de consommateurs dans les pays de production, mais qui pourraient donner lieu à un commerce important, aussi bien en France qu'à l'Etranger. Xavier Rocques, Ingénieur-Chimiste, Ex-Chimiste principal au Laboratoire municipal de Paris, 476 A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE Un des caractères les plus saillants de la Méde- cine actuelle est l'application qu'elle met à étudier les phénomènes morbides chez les animaux. Elle considère les raisons et les effets de la maladie, les efforts réactionnels de l'organisme, non seulement sur les Vertébrés supérieurs, mais sur toutes les espèces du règne animal. La facon dont se com- porte le Radiolaire le moins compliqué vis-à-vis de la zooxanthelle parasite, la manière dont une che- nille s'infecte, les processus qui rendent une poule tuberculeuse, les effets d'un poison dont on altère les cellules d'un cobaye ou d'un chien, l'immuni- salion d'un cheval contre la diphtérie ou la peste, tout cela constitue aujourd'hui l'étude la plus inté- ressante, la plus profitable, la plus directement utilitaire pour l’homme. La Médecine, en s’enga- geant dans cette voie qu'ont ouverte toute grande le génie de Pasteur et la persévérance de son École, n'a fait en cela que suivre l'évolution des idées philo- sophiques et des sciences naturelles. Nous sommes obligés de suivre pas à pas les enseignements de la nature et de nous aider de la Médecine animale, car ce qui est danger pour l'animal est encore péril pour nous. Aussi ne s'étonnera-t-on pas, au cours de cette revue de Médecine quil y soit presque autant question des animaux que de l'homme. Il ne peut en être autrement, puisqu'ils sont le sujet de nos expériences, l’objet de nos observations comparées, et qu'aujourd'hui même les animaux occupent une grande place dans la Thérapeutique, l’un en apportant un sérum immu- nisant (Sérothérapie), l’autre les principes de ses organes sains pour suppléer au défaut des nôtres (Opothérapie). Quelques-unes des maladies dont nous allons brièvement examiner la récente évolu- lion scientifique en sont un exemple net. I. — TUBERCULOSE. $ 1. — Toxithérapie. Depuis l'apparition de la première tuberculine de Koch, on n'a cessé de chercher, dans le même ordre d'idées, une lymphe ayant les propriétés cura- tives qui lui avaient élé un instant attribuées. Cer- taines substances (tuberculine purifiée, tubercu- lines TO, TR) ont été successivement proposées. La tubereuline TR est celle qui, à cause de son inno- cuité, fut l’objet des essais les plus nombreux. La tuberculine TR fut obtenue par Koch de la facon suivante : Des bacilles tuberculeux sont des- séchés, puis triturés. Les délayant ensuite dans de l'eau distillée, on centrifuge le tout et on obtient un liquide superficiel sans débris de bacilles et un dépôt résiduel formé de corps bacillaires. Le liquide superficiel décanté est la tuberculine TO : elle a des propriétés particulières non immunisantes. Le dépôt est ensuite repris, desséché, broyé, délayé, centrifugé et on à de nouveau un liquide et un dépôt. On recommence exactement les mêmes opé- ralions jusqu à ce que la masse bacillaire ne forme plus de dépôt appréciable. Le liquide résultant de ces diverses manipulations est la tuberculine TR. Elle contient en solution la plupart des parties constitutives des corps des bacilles tuberculeux, hormis celles qui se trouvent dans TO. La tuberculine TR est employée en injections hypodermiques, soit pure, soit en dilution, mais toujours à doses infinitésimales au début, à 1/500 de milligramme. Expérimentée de toutes parts, la tuberculine TR a aujourd'hui autant de détracteurs que de partisans. Les uns, comme Letulle et Péron, doutent de l'efficacité de cette substance; d’autres, Baudach, Splengler, Petruschky, en ont obtenu de bons effets. Les succès rapportés dans un impor- tant mémoire de S. Dauriac vinrent cependant réveiller les espérances. La tuberculine TR semble agir avec plus d'effi- cacité sur les tuberculoses locales, ganglionnaires, osseuses, etc., que sur la tuberculose pulmonaire. Les expériences de Zimmermann sur la tuberculose oculaire expérimentale du lapin méritent considé- ralion. Zimmermann contamine ses animaux par inoculation irienne ; il les laisse un mois sans trai- tement pour permettre à la maladie de se bien développer; puis il commence les injections de tuberculine TR à 1/500 de milligramme au début el va progressivement jusqu à 20 milligrammes. Il n'aurait jamais provoqué la moindre réaction, sauf danses cas d'injection massive d'emblée de 3 mil- ligrammes. Les animaux s'améliorèrent rapide- ment. Cependant, Arloing, Courmont et Nicolas, après s'être livrés à de rigoureuses expériences de con- trôle sur la tuberculine TR, déclarent qu'ils n’ont observé aucune action curative nette, mais qu'elle jouit d’une innocuité relative. Hirschfelder à obtenu de meilleurs résultats en modifiant la tuberculine. Son oxytuberculine est stérilisée et oxygénée par la chaleur et l'addition d’eau oxygénée. Jusqu'à ce que l'accord se fasse parmi les cher- cheurs, il faut adopter les conclusions de Lan- douzy. L'éminent professeur, dans son Rapport fail au dernier Congrès de la Tuberculose, a mis celte question au juste point en disant qu’on ne peut dès De : A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 417 aujourd'hui donner au sujet du pouvoir curatif de la nouvelle tubereculine une affirmation positive, ni surtout générale. Il a montré que les essais ont porté sur des cas qui ne sont point comparables entre eux. Il demande avec instance qu'on procède avec méthode et surtout qu'on s'attaque à des cas de tuberculose pure, autant que possible non com- pliquée de ces infections multiples qui envahissent les tuberculeux dès qu'ils portent des lésions ulcé- reuses. De ce fait, nous voici au pied d'un pro- blème clinique capital, celui du diagnostic précoce de la tuberculose. Certes, nos procédés actuels d'investigation, convenablement employés, permet- tent souvent de faire un diagnostie sûr ou d’avoir de sérieuses présomplions en faveur d’une tuber- culose commençante ; mais il sera sans doute possible d'aller plus loin. C'est ce que le sérodia- gnostic appliqué à la tuberculose permet d'espérer. za 2. — Sérodiagnostic'. Arloing à tenté avec succès des essais de séro- diagnostic appliqué à la tuberculose. Ici, la diffi- culté était d'obtenir des cultures liquides où les bacilles fussent uniformément répartis et isolés les uns des autres, puisqu'il s'agit de provoquer leur agglutination. Arloing étant arrivé à ce résultat, il put étudier le pouvoir agglutinant du sérum sur le bacille de Koch dans des conditions variées. L'ag- glutination se fait 94°/, dans la tuberculose pul- monaire, 91 °/, dans les tuberculoses chirurgicales, et 22 °/, chez les individus sains en apparence. Au cours de ses expériences, Arloing a pu cons- tater que des substances chimiques tout à fait étrangères aux microbes, injectées dans le sang, pouvaient également y provoquer des réactions ag- glutinantes vis-à-vis des bacilles tuberculeux. C'est ainsi que des chèvres, ayant subi des injections d'huile eucalyptolée, gaïacolée, créosotée ou de so- lutions de sublimé, finissaient par fournir un sérum jouissant des mêmes propriétés agglutinantes pour le bacille que les chèvres inoculées avec des cultures de bacilles virulents ou avec la tuberculine. Ce qui est pour le sang existe pour diverses au- tres humeurs. Courmont a fait d'intéressantes re- cherches sur l’action des épanchements séreux sur les cultures du bacille de Koch en milieu liquide; et il aboutit à ces conclusions que les sérosités pa- thologiques non tuberculeuses constituent un mi- lieu de culture favorable pour le bacille de Koch, mais qu'elles ne l'agglutinent pas, tandis que les sérosités provenant d'épanchements (uberculeux ont un pouvoir bactéricide sur le même bacille, 1 Nous avons expliqué, peu après sa découverte, la mé- thode dite du sérodiagnostic, à propos de la réaction de F. Widal chez les typhoïdiques. Voir Rev. génér. des Sc., numéro du 30 avril 1897. qu'elles agglutinent même à l'état de dilution. Dans ce dernier cas, le pouvoir agglutinant de la sérosité est généralement plus grand que le sérum lui- même. $ 3. — Sérothérapie antituberculeuse. Les premiers essais de sérothérapie remontent déjà à une époque éloignée : ils datent du jour où Richet et Héricourt eurent l'idée d'injecter à des animaux tuberculeux du sang d'un autre animal appartenant à une race réputée réfractaire à la tuberculose. On a pensé ensuite à immuniser des animaux contre la tuberculose et à injecter leur sérum avec ses propriétés immunisantes. Dans quelques cas de tuberculose chirurgicale, ce pro- cédé donna quelques profits, et Broca et Charrin purent, en l’employant, constater des améliorations notables, mais on n'a pas encore obtenu des résul- tats décisifs. Dans cette voie, mentionnons les travaux de- À. de Schweinitz et de Dorset. Ces auteurs recon- nurent qu'on pouvait, en inoculant progressi- vement des cobayes avec des cultures atténuées de bacille tuberculeux, ralentir considérablement l'action des cultures virulentes. Après plusieurs tentatives pour obtenir des sérums immunisants sur divers animaux, ils parvinrent à faire supporter à des chevaux des doses considérables de cultures tuberculeuses : 4 litres et demi en huit mois. Ces chevaux donnèrent alors un sérum qui ralentit encore la virulence du bacille injecté au cobaye; et dans deux cas il semble qu'une immunisation com- plète se soit produite. En outre, ils purent précipiter du sérum une substance, qu'ils considèrent comme l’antitoxine même, car elle a les qualités immunisantes du sé- rum et s'oppose à l'ascension thermique que pro- voque la tuberculine. Behring, au dernier Congrès de la Tuberculose, annonça qu'il avait pu obtenir un sérum de vache contenant une antitoxine tubereuleuse capable de neutraliser une certaine quantité de toxine. Et ac- tuellement, il poursuit des recherches dans le but de rendre certains oiseaux capables de fournir un sérum spécifique. C'est donc vers ce procédé : production d'un sé- rum immunisant par infections à doses répétées, que se tourne l'attention des chercheurs. Aronson et d'autres ont fait, dans ce but, des tentatives d'im- munisation sur le cheval. La question est à l’ordre du jour. Nous nous contenterons de mentionner les essais d'opothérapie pulmonaire annoncés depuis quel- ques années. Différant totalement des pratiques bactériologiques, ils ne peuvent s'appuyer que sur des données d'empirisme presque pur. Et à ce jour, 418 A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE ils n'ont pas, dans la tuberculose, tout au moins, produit des résultats favorables. $ 4. — Bacille de Koch. Chaque année apporte son contingent de notions à l'histoire du bacille lui-même, sur ses conditions vitales et ses effets pathogéniques. Comme la plu- part des germes morbides (Bouchard, Charrin), le bacille de la tuberculose compte, parmi ses pro- duits d'élaboration, des poisons dont l’action sur l'organisme est des plus variées. L'un influence la circulation, l’autre le système nerveux, un autre le système glandulaire ou une glande particulière, ete.; d'où, pour une même cause, une multitude d'effets en apparence très éloignés. Parmi les toxines tu- berculeuses, l’une a la propriété de produire la dégénérescence graisseuse de certains parenchymes et en particulier du foie. Péron, en injectant dans les veines d’un chien une culture très virulente de tuberculose, put déterminer une stéatose totale du foie. Il reconnut que la chaleur (100°) fait perdre au bacille ce pouvoir stéatosant. Dans la tubercu- lose, la stéatose d'un organe est d’ailleurs fonction de la virulence et surtout de l'infection massive de cet organe. De nouvelles expériences sur la vitalité du ba- cille de Koch ont été faites par Sabrazès. Il à vu que celle-ci persistait après un séjour de plusieurs mois dans le lait, et que ce milieu ne subissait pas de ce fait d’altération sensible. D'autre part, le même auteur à constaté la résistance du bacille de Koch à l’action du suc gastrique. Il ne perd sa vita- lité qu'au bout de trente-six heures : c’est un résul- tat conforme à ceux déjà obtenus par Straus et Wurtz. Il y a lieu de supposer que le bacille tuber- culeux jouit de cette résistance vis-à-vis du suc gas- trique à cause de la coque graisseuse qui le protège. Divers autres microbes pathogènes (b. typhique, bactéridie charbonneuse, ete.) acquièrent, en effet, cette même propriété quand on les a au préalable mélangés à des graisses, de l'huile, etc. (Silvestrini et Baduel). Aronson a d’ailleurs retiré des bacilles tuberculeux une substance grasse analogue à la cire et qui semble être un produit de sécrétion du bacille. Nous devons encore -une mention à la variété mobile du bacille tuberculeux obtenue par Ar- loing. $ 5. — Histologie pathologique. Péron à poursuivi ses très intéressantes recher- ches sur l'histogénèse des lésions dans la tubercu- lose pleurale. Il y montre la formation de la lésion élémentaire, iniliale. Les bacilles sont arrivés à la surface de la plèvre; les globules blancs se portent vers eux, tandis qu'un très mince réticulum fibri- neux se forme et qu'une petite exsudation séreuse se produit. Les leucocytes à gros noyau englobent les bacilles; puis, certains leucocytesse rapprochent, : se confondent et déterminent par leur amoncelle- ment plus ou moins nettement orienté la cellule géante. Tel est le premier stade. Deux phénomènes se passent alors. Ou les ba- cilles ne se reproduisent pas, les leucocytes les englobent (phagocytose) au fur et à mesure, et la maladie est annihilée; ou bien les bacilles se mul- tiplient, les leucocytes sont insuffisants, et, au lieu de faire mourir les bacilles, ils sont détruits par eux. La maladie se poursuit, mais la réaction de l'organisme continue. De la surface de la plèvre naissent des bourgeons vasculaires qui s’enfoncent dans l’exsudat composé de fibrine et de leucocytes agglomérés que nous avons vu se former plus haut. Cette prolifération conjonctive s'infiltre entre les ilots fibro-leucocytaires et les encercle. Elle prend donc les îlots bacillifères comme un limon engloberait des pierres éparses sur lesquelles il s'écoulerait. Là encore, deux alternatives : ou l'ac- tion du microbe faiblit, la prolifération conjonctive domine et la maladie s'arrête; ou les microbes prolifèrent à la surface de la membrane qu'a cons- tituée le processus précédent et l'affection se pour- suit, en même temps qu'elle se dissémine dans l’économie entière. De plus, il faut remarquer que les « pierres » qui ont été encastrées dans le « limon » ne sont pas inertes. Ce sont des ilots de bacilles vivants, qui continuent à vivre, tuent les cellules avec lesquelles ils se trouvent et les désa- grègent de façon à former un noyau Ccaséeux, qui s'accroit par la périphérie, se joindra aux ilots voi- sins et fera des cavités plus ou moins considérables. Lorsque la nécrose des leucocytes et des cellules conjonctives s'arrête, le foyer subit un enkystement plus réel, la barrière conjonctive résiste et le nodule tuberculeux subit des modifications. Quel que soit l'organe affecté, quand l’évolu- tion tuberculeuse est terme, les foyers tuberculeux subissent soit la transformation fibreuse par résorption graduelle du contenu, soit la transformation graisseuse du caséum, soit la transformation crétacée. Le tubercule devient pier- arrivée à ce reux. Ce sont là trois formes de guérison, au moins temporaire. $ 6. — Unicité des tuberculoses humaine et aviaire. La question de l'identité des tuberculoses de l'homme et des Oiseaux n'avait cessé d'être diseu- tée. Les uns, depuis longtemps, étaient unicistes; les autres, retranchés derrière des différences cul- turales et biologiques incontestables, maintenaient la dualité. M. Nocard a apporté des preuves impor- tantes en faveur de l’unicité des deux tuberculoses A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 419 humaine et aviaire. N'insistons ici que sur la preuve expérimentale. M. Nocard met dans le périloine de poules une ampoule de collodion remplie d'une culture viru- lente de tuberculose humaine. L'ampoule reste dans le péritoine, isolant les microbes, formant une bar- rière suffisante pour qu'ils ne soient pas envahis par les cellules phagocytaires, mais permettant cependant un passage osmotique des liquides de l'organisme dans le sac et vice versa. Les microbes sont ainsi nourris et peuvent se développer dans l’ampoule close. Sacrifiant ces poules au bout de quelques mois, il retrouve les sacs de collodion remplis de bacilles vivants. Ceux-ci réensemencés donnent des cultures, non plus de bacilles de tuber- culose humaine, mais de bacilles de tuberculose aviaire. M. Nocard a donc pu transformer artificiel- lement une race de bacilles humains en une race de bacilles aviaires. En outre, au cours de ses recherches, il eut l’occasion d'observer le fait sui- vant : un sac rempli de tuberculose humaine s'étant, dans une expérience, rompu dans le périloine d’une poule, celle-ci devint tuberculeuse. Rappin, de son côté, a pu déterminer chez le cobaye, avec de la tuberculose aviaire, des lésions tout à fait semblables à celles de la tuberculose humaine. Cette démonstration a, outre son intérêt scienti- fique, une importance pratique. Elle confirme l'hypothèse que la tuberculose peut se communi- quer de l’homme aux Oiseaux et réciproquement, et qu'il peut être dangereux pour l'homme de faire usage de la chair de volailles tuberculeuses. IT. — PSEUDO-TUBERCULOSES. — TUBERCULOSE ZOOGLÉIQUE. Il existe des maladies dont la marche clinique est similaire, dont les lésions anatomo-patholo- giques sont identiques à celles de la tuberculose vraie, due au bacille de Koch, mais dont la cause est toute différente. Ces maladies forment en Patho- logie une classe à part, et on les range provisoire- ment, jusqu'à ce que des observations plus nom- breuses les aient fait mieux connaitre, sous la rubrique pseudo-tuberculoses. Parmi ces affections, les unes sont le résultat de la réaction des tissus de l'organisme sur des substances inertes (poudres diverses, lycopode, petits fragments disséminés de corps étrangers, etc.), d’autres sont produites par la présence de parasites ou de leurs œufs (tubercu- loses vermineuses), d’autres par des Champignons. L'une de ces dernières, et des plus intéressantes, est l’Aspergillose", causée par l'Aspergillus fumiga- ? L'ouvrage récent le plus important sur celte question est celui de Réox : Etude sur l'Aspergillose chez les animaux et tus. D'autres, enfin, reconnaissent pour cause des microbes. Les espèces décrites jusqu'ici sont très variées, tant chez l'homme que chez les animaux. Charrin et Roger ont décrit un bacille spécial trouvé chez un cobaye; Dor a constaté, dans d’autres cas d'infection spontanée chez l'animal, un strepto- bacille ; Courmont, chez l’homme et chez le bœuf, Preisz et Guinard, chez le mouton, ont également trouvé des pseudo-tuberculoses bacillaires. M. Ro- ger !, dans un récent article sur les pseudo-tuber- culoses, a pu en réunir et classifier quatorze espèces ou variétés. Celle qui, jusqu'ici, a retenu davantage l'atten- tion des médecins à cause de sa fréquence chez l'homme, est la tuberculose zoogléique de Malassez et Vignal. Ces auteurs trouvèrent (1883), chez un enfant, des amas zoogléiques qu'ils purent réino- culer en série. Mais, au bout d'un certain temps, ces zooglées, chez les animaux qu'elles tubereuli- saient, disparurent et furent remplacées dans les lésions par des bacilles semblables à celui de Koch. Depuis lors, des auteurs nombreux (Éberth, Nocard, Chantemesse, Grancher et Ledoux-Lebard, etc.) ont publié des cas de tuberculose zoogléique et, plus récemment, J. Masselin vint apporter un document intéressant et nouveau. Recherchant le bacille de Koch dans des crachats d’un malade présentant les lésions cliniques de la tuberculose vulgaire, il ne le trouva point. L'inoculation de ces crachats à des cobayes lui permit de constater l’éclosion d'une pseudo -tuberculose généralisée avec formation d'abecès épiploïques, ne contenant pas le bacille de Koch, mais des amas microbiens analogues aux zooglées de Malassez et Vignal. III. — ACTINOMYCOSE. L'Actinomycose est une affection dont la décou- verte est relativement récente. C'est aujourd'hui une des mieux déterminées. De 1850 à 1868, de- puis la mention qu'en fit Davaine pour la première fois jusqu'à Rivolta, qui spécifia la maladie, ce ne sont que des faits isolés et vaguement interprétés. Les vingt dernières années ont suffi à compléter son étude. On détermina son caractère cryptoga- mique (Perroncito, Bollinger); et Harz (1879) donna au parasite le nom d’'Actinomyces. Celte année même, Poncet et Bérard ont publié un chez l'homme. Paris, 1891. Les Allemands tiennent encore l'As- pergillose pour une maladie associée. En France, on tend à en faire une entité morbide. L'Aspergillus peut, en effet, être associé au bacille de Koch, se grelfer sur les lésions que celui-ci a produites; mais il est susceptible de créer à lui seul une maladie, que les travaux de Lucet et de Rénon ont mise en relief. 1 H. Rocer : Pseudo-tuberculose in Traité de Médecine Bouchard-Brissaud, t. 1, 2° édition, 1898. 480 A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE Traité de l'Actinomycose qui réunit toutes les no- lions acquises à ce jour. L'affection est due à la présence dans les tissus d'un Champignon : Streptothrix Aclinomyces (Do- Il forme de petits grains jaune d'or. Ils sont quelquefois blanchätres, plus rarement noirs. Ces grains sont des agrégats de petites granulations, dont chacune représente une colonie parasite. Celle-ci est composée d'un feutrage central de fila- ments mycéliens, d'où partent en rayonnant une infinité de fibrilles qui s’épanouissent à la péri- phérie et se renflent à leur extrémité libre en for- Tia). mant des crosses, des massues. Au milieu de ce bouquet, on trouve de petites masses réfringentes. L'Aclinomyces se prête à la plupart des eul- tures usuelles. Il se développe sur les milieux solides, sérum, agar glycériné, gélatine, pomme de terre, elc., comme dans les milieux liquides, lait, bouillons, etc. Les cultures ont permis d’étu- dier le développement du Champignon et la formation des formes d'involulion qui sont com- munes aux organismes inférieurs et qui se re- trouvent chez certains bacilles, tels que celui de la tuberculose. Cest la similitude de ces formes qui à fait comparer les filaments ramifiés et ren- flés observés dans les vieilles cultures du bacille de Koch aux filaments ramifiés et bourgeonnants de l'Actinomyces. L'Actinomycose peut être inoculée aux animaux. Mais, contrairement à ce qui a lieu pour les patho- gènes ordinaires, dont on peut exaller la virulence en faisant des passages successifs aux animaux, ce Champignon tend à perdre sa végétabilité en pas- sant par l'animal ou l'homme. Il reprend, au con- traire, un regain de vitalité si on le fait coloniser sur un végétal, sur une graine par exemple. En outre, le Champignon ne produit pas de toxines comme les bactéries. Ses produits d'élaboration sont peu toxiques quand on les inocule au lapin. Cela explique la chronicité des affections qu'il détermine soit chez l'homme, soit chez les animaux. L'habitat commun de l'Actinomyces est surtout le règne végétal. Il vit sur les plantes, les vieux bois, les herbes, les céréales. Aussi sont-ce les animaux herbivores qui en souffrent le plus. Le cheval, le mouton, le porc, le chien peuvent être affectés, mais les Bovidés, en certains pays, lui paient le plus large tribut. Les moyennes des sta- tistiques donnent en France 0,7 °/,, (la Villette, Lyon). pays septentrionaux. Elles indiquent pour la Rus- °/,, l'Allemagne 5 °/,, l'Angleterre 8 °/,. Au Danemark, il y a quelquefois de véritables épidé- Elles sont beaucoup plus fortes dans les sie 2,5 mies correspondant aux saisons où se fait la manu- tention des céréales. L'homme prend l'Actinomycose des plantes ou des animaux : aussi est-elle plus commune dans les pays que nous venons de citer qu'en France. L'inoculation du Champignon se fait le plus sou- vent à la faveur d'une excoriation produite, soit à la bouche, soit aux membres par des épis de cé- réales où des piquants d'herbes sèches. La carie dentaire, les lésions gingivales préalables servent aussi fréquemment de portes d'entrée au parasite. C'est pourquoi, chez l'homme comme chez les ani- maux, l'Aclinomycose siège avec une cerlaine pré- dilection à la face, au voisinage de la bouche, à la langue. Elle détermine la formation de tumeurs dures ou de foyers ramollis et suppurés. Les os sont cariés, vermoulus, creusés de cavités rem- plies de pus où se trouve le parasite et qui s'ouvrent au dehors par des trajets fistuleux. Quand l'affection a un siège externe, le dia- gnostie est facilité par l'attention qu'on porte actuellement à l'Actinomycose; mais quand son siège est viscéral, elle est le plus souvent mé- connue ou confondue avec la tuberculose. Ce n'est qu'après que les circonstances ont amené le para- site à la portée de l'investigation directe que la nature du mal peut être dévoilée. L'Actinomycose donne, en effet, de la pneumonie chronique, des. pleurésies qui ont tendance à former des adhé- rences pleurales, à produire des abcès pleuraux qui envahissent la paroi thoracique et viennent s'ouvrir au dehors. La difficulté est plus grande: encore l'Actinomycose abdominale. C'est dans la région de l'appendice et du cæcum qu'elle se développe de préférence, ou encore dans le foie. Les centres nerveux mêmes (cerveau, moelle) peuvent être envahis par le parasite. Dans les formes viscérales, le diagnostic est parfois assuré par la reconnaissance d'un foyer actinomycosique latent à siège bucco-pharyngé et qui a servi de point de départ à la dissémination morbide. Quand les foyers d'Actinomycose sont facilement abordables et que leur siège le permet (difficultés des opérations très étendues à la face), l'interven- tion chirurgicale est le traitement de choix. L'Acti- nomycose est nganmoins curable par les moyens purement Ceux-ci consistent surtout dans la médication par l'iode ou l'iodure de potas- sium. Ce médicament doit être administré à doses un peu élevées et progressives (Netter, Du- dans médicaux. guet, elc.). IV. — CAPSULES SURRÉNALES. Les fonctions de ces capsules, sans être encore bien établies, commencent à être au moins soup- connées. Autrefois, on élait réduit sur leur compte à des hypothèses très approximatives. Aujourd'hui, on peut les classer avec certitude PL en PPT ee 7 A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 181 parmi les glandes : comme elles ne possèdent pas de canal d'exerétion connu, leur sécrétion est exelu- sivement interne, c'est-à-dire qu'elles échangent directement avec le sang et la Iymphe leurs pro- duits d'élaboration. Quand ces produits font défaut ou qu'ils sont modifiés, le fait le plus saillant qu'on observe est une diminution considérable de la force musculaire, une asthénie généralisée; puis une pigmentation anormale des téguments et des séreuses, telle qu'elle se révèle chez les Addisoniens, dont la maladie est le plus souvent causée par une tuberculisation des cap- sules surrénales. La pigmentation n'est toutefois pas constante. En ajoutant que ces capsules contien- nent un principe qui élève la tension sanguine en déterminant la vaso - constriction des vaisseaux, nous aurons donné à peu près le bilan de ce que nous connaissons de leur action. Quoi qu'il en soit, on a essayé de faire entrer l'ad- ministration de la substance surrénale dans la thérapeutique, soit par l'ingestion de pulpe hachée et crue, soit par l'injection d'extrait aqueux ou gly- cériné. Comme on ne connait qu'une maladie au cours de laquelle on puisse faire avec quelque certitude le diagnostic de la lésion des capsules surrénales, et c'est la maladie d'Addison, le suc surrénal n'a guère été employé que contre elle. Les résultats furent très différents. Nombre d'observa- teurs ont conclu, les uns à un effet nuisible, les autres à un effet négatif, d'autres à une légère et fugace amélioration. M. Béclère seul a publié un cas de guérison par l'opothérapie addisonienne. Dans diverses autres affections, où le suc surré- nal a été employé en quelque sorte empiriquement, les effets furent aussi variables. MM. Gilbert et P. Carnot” ont réuni, dans une monographie récente consacrée à l'opothérapie, les tentatives faites jus- qu'à ce jour. Certains auteurs ont pensé qu'en greffant des capsules surrénales sur le malade même, on oblien- drait une action plus décisive et plus prolongée. Mais les cas rapportés par Courmont, où des cap- sules de chien avaient été greffées à l'homme, sont des moins encourageants. Soit que la glande gref- fée ait joué un rôle toxique en qualité d'organe animal transféré à l'homme, soit que les sujets, de leur propre fait, aient eu une insuffisance surrénale trop accentuée, des accidents rapides se sont décla- rés, et ont entrainé le collapsus et la mort. V. — INTOXICATIONS SPÉCIALES. $ 1. — Mal du Frien. Unintéressant travail a été consacré par le Profes- 1 À. Gicgerr et P. Carvor : L'Opothérapie. Monographie de l'OŒEuvre médico-chirurgical. Paris, Masson, 1898. seurR. Blanchard, dans un récent fascicule des A7- chives de Parasilologie à une affection spéciale, encore mal connue, causée par les spores d'un champignon parasite du roseau, de la canne de Provence. Nous relenons ici ce fait parce qu'on observe fréquem- ment une mullitude de phénomènes morbides ana- logues dont l’étiologie est fort indécise et qui sont, à n'en pas douter, de même ordre. Le plus souvent ils déterminent des éruptions eczémaliformes ou polymorphes, qu'on ne peut caractériser ; quelque- fois des symptômes généraux troublants viennent s’y joindre. Chaque médecin possède par devers soi des observations de ce genre : la nature, mais la confirmation définitive manque, faute d'expériences de contrôle. Dans les pays méridionaux, on a fait depuis longtemps la remarque qu'en certaines conditions la manipulation de certains roseaux et en partieu- lier de la canne de Provence (Arundo Donax) occa- sionnait aux hommes et aux animaux qui se trou- il en soupconne bien vaient en contact avec ces végétaux des troubles graves. Blanchard rapporte une relation de Fave de Montpellier (4835), où des travailleurs qui avaient râtissé des roseaux secs et moisis, des enfants qui se trouvaient dans le voisinage, une änesse dont on avait fait la litière avec des feuilles, avaient été pris de céphalée, éternuements, larmoiement, déman- geaisons, érythème pseudo-érysipélateux phlycté- nulaire, de bronchite avec toux quinteuse, épistaxis, gonflementdes parties génitales, hématuries,anurie, etc., etc. Fave incrimine nettement la poussière fine dontlesroseaux sontrecouverts.Ultérieurement, des observateurs divers mettent en cause les spores du champignon de la canne, qui, dans les cas de Särra, a été reconnu pour l'Ustilago hypodytes (Schlecht.). Plus récemment (1891) le Professeur Heckel, de Marseille, a étudié plus attentivement cette affec- tion, qu'en Provence on nomme la maladie du Frien, le frien étant la dénomination populaire de la moisissure de la canne. Heckel n'a pu savoir exactement quelle espèce végélale était la cause réelle de l'affection. Les spores qui constituent le frien appartiennent, en effet, à quatre espèces diver- ses au moins : cependant l'Æelminthosporium dona- cinum lui a semblé devoir être surtout incriminé. Pour s'opposer aux accidents morbides, déjà les ouvriers avaient eu l'idée de débarrasser la canne de ses moisissures avant de la travailler, soit en la lavant à grande eau, soit en la faisant bien sécher et en l'époussetant. Mais ces moyens étaient inli- dèles et le procédé mis en œuvre sur le conseil d'Heckel semble plus efficace. Il consiste à laver les cannes avec une solution faible de sublimé ou à faire brûler du soufre dans les meules. Les spores de ces champignons agissent à la fois mécaniquement et chimiquement. Elles con- 182 A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE tiennent, en effet, un principe toxique (alcaloïde ou autre) auquel Blanchard rapporte les phénomènes que l'anurie, l'hématurie, ete. Il signale, d'ailleurs, d’autres spores d'Ustilaginées intenses, tels douées de propriétés toxiques. Il est à présumer que certaines affections similaires bénéficieront de l'attention spéciale accordée au mal du « frien ». $ 2. — Kubisagari (Maladie de Gerlier). Elle est peut-être encore à rapprocher des in- toxications dues à des spores de végétaux, cette maladie que Gerlier ! a décrite sous le nom de verlige paralysant et a identifiée avec l'affection connue au Japon sous le nom de Kubisagari. En 1884 et 1885, Gerlier observa dans diverses localités du département de l’Aïn et dans les pays suisses limitrophes une maladie étrange, dont quelques médecins suisses avaient rencontré des exemples. Mais, si celle maladie élait presque ignorée chez nous, on en avait donné au Japon une description précise. Les médecins japonais Nakano et Onodera l'avaient étudiée sous le nom de Kubi- sagari, dénomination populaire et descriptive du mal. Ce mot désigne, en effet, « celui dont la tête penche ». Dans un travail plus récent, Miura (de Tokio) identifia le Kubisagari avec la maladie de Gerlier. Cette affection se développe dans les campagnes et presque uniquement chez des sujets qui vivent auprès des bestiaux, manient les litières et cou- chent à l’étable. Elle se manifeste épidémique- ment, frappant certaines maisons, certaines loca- lités à l'exclusion des autres. Les malades subissent des paralysies plus ou moins accentuées et durables avec des troubles oculaires et des douleurs verté- brales. Gerlier donne ce résumé de l'accès : « Le berger, dit-il, veut traire et ses doigts refusent de serrer le pis de la vache; il veut faucher et sa faulx lui échappe des mains; il veut manger etsa bouche ne peut s'ouvrir; il veut marcher et ses jambes fléchissent sous lui. Cependant, il ne sent aucun mal, l'intelligence est nette, il dort, il a de l'appétit, il ne souffre pas. » Ces parésies frappent de préférence certains muscles et par suite donnent au malade des atti- tudes variées. La parésie du releveur de la pau- pière est la plus commune, d'où le nom de vertige plosique proposé par David. Le sujet ne se sent pas suffisamment malade pour cesser ses occupalions, et travaille, soutenant sa paupière avec un doigt. ! Gerlier vient de publier tout récemment, dans les Archi- ves générales de Médecine (mars et avril 4899), une mono- graphie très complète et éminemment intéressante sur le vertige paralysant. Un autre, dont la Lète penche, à cause de la para- lysie des muscles de la nuque, appuie la tête sur quelque obstacle, se maintient le menton avec la main ou, comme le berger que représente une figure typique de Gerlier, tient sa tête relevée en l'appuyant sur le flanc de la bête qu'il trait. Ces parésies sont curieuses : elles frappent sou- vent les museles qui sont mis en jeu par le travail coutumier. Elles procèdent par accès, rendent iner- tes des groupes musculaires qui, après un instant de repos, peuvent récupérer leur fonctionnement. Toutefois, après quelques tentatives fructueuses, la contractilité musculaire s'épuise et l'acte devient impossible. Gerlier décrit des parésies des exten- seurs du dos qui empêchent le redressement du tronc, de la mâchoire, qui produisent un faux trismus ne permettant plus au malade de manger, des paralysies de la langue, des lèvres, des joues, etc. Les troubles visuels sont les plus constants. Ils déterminent un état verligineux (vertige paraly- sant) qui obscurcit la vision des objets, les entoure d'un brouillard, et moins souvent donne l'illusion du déplacement des objets. Comme l'affection atteint les muscles, ceux qui sont innervés par le moteur oculaire commun sont le plus souvent frappés de parésie : d'où une diplopie plus ou moins persistante. D'autres phénomènes oculaires s’observent, tels la photophobie, la dyschromapsie. A ces divers symptômes s'ajoutent des douleurs qui dans les muscles de la nuque causent une sorte de torticolis, dans les muscles lombaires, un lum- bago, etc. Cette singulière maladie procède par accès. [ls durent peu de temps, une à deux minutes ; mais, comme ils renaissent facilement sous l'in- fluence d’une excitation banale, ils peuvent se rap- procher les uns des autres et constituer une sorte d'état de mal qui oblige le patient à garder l'im- mobilité absolue. Les accès sont surtout diurnes. A la condition que le malade ne se livre à aucune occupation, ils disparaissent après le coucher du soleil, ne se manifestent pas quand le malade est au lit. Gerlier cite le cas suivant : « Un berger de Collex se rend à Versoix sur la fin du jour, la route est des plus pénibles, il n'est pas un tas de pierres sur lequel il ne se soit assis. La nuit arrive, il revient sans fatigue, marche allègrement comme s'il n'eût jamais été malade. » Ces accès se reproduisent très irrégulièrement. Ils se manifestent au printemps, surtout en été, et disparaissent l'hiver : ce qui concorde avee l'hypo- thèse très plausible de la nature mycosique de la maladie. D' A. Létienne. PAS PET OR D UP TT DUR LUS] F AT D TT PRIT VTT A d'rertod tri. CT BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 183 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques NC Aulay (Alex.), Professeur de Mathématiques et de Physique à l'Université de Tasmanie. — Octonions. A development of Clifford’'s Biquaternions. — 1 vol. in-8° de xiv-254 pages. (Priæ : 13 fr. 10.) Clay and Sons, éditeurs. Londres, 1899. Les lecteurs francais qui suivent le mouvement ma- thématique soupconnent peut-être l'étendue des appli- cations de la méthode des quaternions et de celle de Grassmann, notamment en Angleterre et aux Etats- Unis. Ces applications concernent surtout la Mécanique et la Physique mathématique, où les méthodes en question apportent une grande simplification d’écri- ture, sans parler d'autres avantages. Cependant, la force de l'habitude est si grande dans notre pays, que personne, pour ainsi dire, n'y tire parti des découvertes d'Hamilton et de Grassmann. C'est à peine si la notion de vecteur a été timidement introduite au début de la Mécanique, et encore simplement dans le langage plu- tôt que pour en profiter réellement. Il est curieux de constater le contraste qui existe, sur ce point particulier de la science, comme sur beaucoup d'autres, entre la France et les pays anglo-saxons. Alors que nous en restons au point que je viens de dire, les Anglais et les Américains ne se contentent plus d'appliquer l'algèbre géométrique d'Hamilton; voici qu'ils entreprennent de la généraliser, en en poussant le symbolisme beaucoup plus loin, et avec ce souci des applications directes, qui est l’un des traits distinctifs de leur caractère. Tel est le but du livre de M. Mc Aulay, qui s'engage en cela dans la voie où l’a précédé M. Clifford. Comme on doit s’y attendre, sa terminologie se com- plique un peu dès le début. Un latewr (lator) est spécifié par une direction et une grandeur ordinaire; un ?ofa- teur (rotor) par une direction, une droite parallèle à cette direction (axe) et une grandeur ordinaire; un moteur (motor) par un rotateur et un lateur qui sont parallèles; l'axe du rotateur est appelé axe du moteur. Un octonion est spécifié par un moteur et deux gran- deurs ordinaires. Un quaternion-axial, où un axial, est un octonion dans lequel le lateur et l’une des deux quantités ordinaires deviennent nuls à la fois. Tels sont les éléments essentiels qui entrent dans le calcul symbolique dont M. Mc Aulay entreprend d'expo- ser les règles. Cette nouvelle algèbre symbolique prend, on le devine, un caractère de complexité qui en rend la première étude pénible; mais il serait téméraire de se prononcer prématurément, comme tant de gens ne sont que trop enclins à le faire. L'ouvrage se divise en cinq chapitres : Quaternions formels ; Octonions considérés comme quaternions for- mels; Adaptation aux applications physiques; Moteurs considérés comme grandeurs du premier ordre dans les « Ausdehnungslehre »; Exemples de l'application des octonions. A priori, nous serions tenté de critiquer, dans la partie purement doctrinale du début, la préoccupation qu'a l'auteur d'établir les règles fondamentales indé- pendamment de l’origine géométrique des symboles. C'est précisément cette origine qui est la justification, la raison d’être de l'algèbre nouvelle qu’on veut exposer. En résumé, il faudrait une étude plus attentive et plus profonde pour prononcer définitivement sur la valeur effective de ce nouveau calcul symbolique. Il faudrait surtout regarder de près les applications. Ce qu'on peut dire, malheureusement, c'est que de telles théories n'ont à l'heure actuelle aucune chance de pénétrer dans notre pays, d’après ce que nous avons dit plus haut. Mais la tentative de M. Mc Aulay n'en est pas moins intéressante et digne d’éloges, aux yeux des personnes qui ont la préoccupalion de l’avenir en matière scientitique. C.-A. Laïsanr, Examinateur d'entrée à l'Ecole Polytechnique, 2° Sciences physiques Trutat (Eug,), Directeur du Musée d'Histoire naturelle de Toulouse. La Photographie animée (Avec une une préface de M. J. Marey, de l'Institut). 1 vol. in-8° de 186 pages avec 146 figures. (Priæ : 5 fr.) Gau- thier-Villars, éditeur. Paris, 1899. Le nouvel ouvrage de M. Trutat est précédé d’une préface de M. le Professeur Marey, consacrant la valeur dé ce livre ; mais, tout en admirant les merveilleuses épreuves animées données par les appareils desynthèse du mouvement, notre illustre maître laisse deviner ses regrets que les méthodes d'analyse aient été quelque peu délaissées par suite du succès de la nouvelle décou- verte. Nous ne saurions trop partager cette manière de voir, car, si la cinématographie a ses charmes incontes- tables, son intérêt particulier, elle n'a pas, au point de vue scientifique, la valeur de la chronophotographie, laquelle nous permet d'analyser les phénomènes qui échappent à notre œil et d’en déduire les lois qui pré- sident à leur genèse. M. Trutat rappelle d’abord les divers appareils qui ont été proposés pour donner l'illusion ou la sensation du mouvement par la succession rapide de dessins re- présentant les différentes phases de celui-ci. C’est par suite de la persistance des impressions lumineuses sur la rétine que des séries d'images se succédant rapide- ment devant notre œil arrivent à nous donner l'effet d’un mouvement continu. Les pius connus sont: le Phé- nakisticope de Plateau, le Zootrope, le Praxinoscope de Reynaud; puis ceux plus récents de M. Abadie: Du- temps, le Phakinescope à prisme, à hélice, à prismes séparés, à disque. Du jour où on à pu substituer aux dessinsfaitsarbitrairement des séries d'images photogra- phiques obtenues à des intervalles réguliers, ces appa- reils ont cessé d'être des jouets et ils ont été utilisés avec profit pour la synthèse du mouvement. L'auteur examine alors les diverses méthodes qui ont été proposées pour obtenir des séries d'images repré- sentant les diverses phases d'un phénomène quel- conque : il rappelle les travaux originaux de Muybridge, qui utilisait des batteries de chambres noires disposées parallèlement à la piste parcourue par le modèle en expérience, ceux de Anschufz et de nous-même avec des chambres à bjectifs multiples. Il signale égale- ment un dispositif du même genre qu'il a employé au Musée d'Histoire naturelle de Toulouse, Dans un autre ordre d'idées, il étudie les appareils qui n'utilisent qu'un seul objectif et le principe de l'obturateur rotatif à fentes. Cette méthode, qui a donné de si beaux résultats dans les mains de M. le Professeur Marey, nécessite l'emploi du fond noir et elle permet d'exécuter l'analyse graphique d'un mouvement quel- conque. : Nous arrivons alors à la dernière catégorie d'appareils qui, au lieu de la plaque de verre, utilisent les pelli- cules photographiques. Grâce à la légèreté du support adopté, il devient possible de déplacer la pellicule au foyer de l'objectif d’un mouvement discontinu et fort rapide d’ailleurs, de telle sorte qu'à chaque passage de 48% BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX l'obturateur la surface sensible présente une nouvelle partie vierge d'impression. On peut obtenir ainsi des séries d'images aussi nombreuses qu'on le désire. Ce principe : emploi de la pellicule et son déplacement sacçadé au foyer de l'objectif, appartient sans conteste au savant directeur de la Station physiologique du Parc-aux-Princes : il a conduit à des progrès notables en chronophotographie et il est la base de la plu- part des appareils cinématographiques, Mais M. Ma- rey, ne s'occupant que des applications scientifiques de la nouvelle méthode, laisse à d'autres le soin de populariser la Photographie animée. C'est ainsi qu'Edi- son présente son Kinétoscope, dans lequel on aperçoit des images pleines de vie et d'une perfection qui n'a pas été dépassée. M. Demeny, ancien collaborateur de M. Marey, in- dique divers appareils intéressants : le Photophone, le Bioscope, le Chronophotographe. Nous arrivons alors au Cinématographe de MM. Lumière, qui a permis l’exhibition régulière des vues animées en projection. Ce résultat a consacré la réputation des savants indus- triels de Lyon. Etant donné que le principe était connu, c'est par la création d’un mécanisme spécial et par de nombreux perfectionnements de détails que les auteurs sont arrivés à des résultats pratiques qui n'avaient pas été atteints auparavant. M. Trutat examine alors toute une série d'appareils similaires, ne différant d’ailleurs que par des disposi- tions spéciales du mécanisme, et qui ont tous pour but le déplacement saccadé de la pellicule. Si MM. Lumière se servent d'un système de griffes pour entrainer la pellicule, la majorité préfère les cxlindres dentés qui fatiguent moins les perforations. Ce n’est du reste qu'à l'usage qu'on peut juger de la supériorité d’un modèle ou d'un autre. Dans les appareils originaux qui diffèrent des précé- dents, il convient de citer l'appareil de M. F. Gossart, qui est basé sur le déplacement synchrone de la pelli- cule et de l'objectif. Ce principe original permet d'ob- tenir des épreuves chronophotographiques de grand for- mat, chose à peu près impossible avec le principe de la marche saccadée de la pellicule. Le cinématographe de MM. W. Schmidt et A. Christophe est eusuite signalé, car il utilise des plaques de verre au lieu de pelli- cules. D'une grande perfection de fabrication et d’une ingéniosité très grande de mécanisme, il doit attirer l'attention, car on sait que l'usage des pellicules n’est pas sans de graves inconvénients. À citer enfir l'Alétho- rama de MM. Chéri Rousseau et Mortier, qui parait pré- senter, pour la projection des images cinématogra- phiques, des avantages sérieux. L'ouvrage de M. Trutat se termine par des explica- tions pratiques sur le fonctionnement des appareils, le développement des bandes pelliculaires, l'obtention des posilifs et leur projection. Cet ouvrage sera utile non seulement au savant qui désire utiliser la Photographie comme moyen d'analyse, mais encore à tous ceux qui, dans un but quelconque, veulent tirer parti de la découverte qui marquera la fin de ce siècle : la Photographie animée. ALBERT LONDE, Directeur du Service photogravhique de la Salpètrière. 3° Sciences naturelles Dereims (A.), Chef des Travaux pratiques de Géologie à l'Université de Paris. — Recherches géologiques dans le Sud de l’Aragon. (Thèse de lu Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol. in-8° de 200 pages avec figures et 2 cartes en couleurs. Le Bigot frères, impri- meurs. Lille, 1899. C'est un fait bien connu que l'exploration scienti- fique des pays neufs est, en général, l'œuvre presque exclusive de savants étrangers à ces pays, et l’on peut en dire autant des pays déchus de leur ancienne civili- salion, comme le prouve l'exemple de l'Espagne et en particulier l’histoire de son exploration géologique, à laquelle les nationaux n’ont pris qu'une part tout à fait minime. C'est à des Francais que sont dues la plupart des connaissances que nous possédons actuellement sur la géologie de ce pays. Il convient de citer en première ligne les magnifiques études d'E. de Verneuil et de ses collaborateurs Collomb, de Lorière et Lartet, qui sont résumées dans la première carte géologique de la Péninsule, publiée en 1864. Une part importante revient également à Coquand, à M. Vézian, à M. Barrois, qui explora les Asturies avec le succès que l’on sait, à M. Carez, qui étudia la bordure méridionale des Pyré- nées, et surtout à la Mission qui visita l’'Andalousie en 1885 sous les auspices de notre Académie des Sciences et sous la direction de M. Fouqué. Plus récemment, des thèses de doctorat, fruit de patientes recherches sur le terrain, furent soutenues devant la Faculté des Sciences de Paris, sur la province d’Alicante, par M. Nicklès, sur la Vieille-Castille, par M. Chudeau, sur la province de Burgos, par M. Larrazet. Ajoutons, enfin, que c'est principalement à Hermite et à M. Nolan que sont dues les données que nous possédons sur la géologie des îles Baléares. La thèse de M. Dereims continue la belle tradition des explorations francaises dans la Pé- ninsule, elle est tout à fait à la hauteur de ses devan- cières. La région étudiée dans ce travail est située en grande partie dans la province de Teruel; elle comprend la terminaison méridionale des chaines Hespérique et Ibé- rique, qui délimitent au N.-E. la Meseta et la séparent du bassin tertiaire de l'Ebre. On comprendra les diffi- cultés que l’auteur a dù rencontrer pour dresser sur deux cartes au 1/500.000 une esquisse géologique de la région, lorsque l'on saura qu'il n'avait à sa disposi- tion d'autre carte topographique que celle au 1/1.500.000 de l’atlas Stieler. Les terrains qui prennent part à la constitution géologique du Sud de l’Aragon sont les suivants : Cambrien, Silurien, Dévonien inféricur, Trias, Juras- sique, Crétacé moyen, Danien lacustre, Evcène, Oli- gocène, Miocène. Il n’est pas possible d’insister ici sur les particularités que présente chacun de ces terrains, mais il est quelques points d'un intérêt général qu'ilim- porte cependant de mettre en évidence. C'est d'abord, en ce qui concerne les terrains paléozoïques, l'identité presque complète que présentent leur succession, leurs caractères paléontologiques et même lithologiques avec les formations de même àge du Sud et de l'Ouest de la France. Ainsi, le Cambrien moyen est-il en tout point semblable aux couches de la Montagne Noire dans lesquelles M. Bergeron a découvert la faune primordiale, et au Grès armoricain de l'Ordovicien, de même que le Coblentzien de la Sarthe se retrouve avec des caractères identiques dans la province de Teruel? Des analogies tout aussi frappantes existent entre le Juras- sique de la région et celui du bassin de l’Aquitaine, surtout pour le Jurassique moyen, taudis que le Juras- sique supérieur présente souvent une ressemblance réellement extraordinaire avec celui de la Souabe. Il y à lieu de signaler encore l'absence complète du Callovien supérieur, l'Oxfordien inférieur faisant suite immé- diatement au Callovien moyen; or l’on sait que cette lacune existe également en France, en de nombreux points situés sur le pourtour du Massif Central, ainsi que dans quelques localités du Jura et dans les Alpes de Glaris. On ne pouvait pas prévoir a priori des analogies aussi parfaites entre des régions aussi éloisnées, et seule une étude approfondie comme celle que vient de publier M. Dereims pouvait mettre ces faits en pleine évidence. Euice HauG, Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. ‘ Voyez le compte rendu dans la Revue générale des Sciences du 15 mars 1897, t. VIT, p. 213. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 185 Emery (Carlo), Professeur de Zoologie à l'Université Royale de Bologne. — Compendio di Zoologia. — 1 vol. gr. in-8° de 456 pages avec À carte et 600 figures. Nicola Zanichelli, éditeur. Bologne, 1899. À une époque où la bibliographie scientifique est aussi encombrée qu'elle l’est aujourd’hui et où les trai- tés de Zoologie se multiplient dans tous les pays, il est difficile de faire dans ce genre une œuvre à la fois concise, claire et originale. M. Emery y est cependant arrivé et les quelques imperfections ou oublis, qui se produisent forcément dans un temps où il est impos- sible d'être encyclopédique, même dans une seule science, seront facilement réparables dans les éditions ultérieures, qui ne manqueront certainement pas de se produire. En écrivant ce manuel, l’auteur avait en vue d'écrire un ouvrage sérieux capable de remplacer les lecons autographiées dontona coutume de se servir dans les Facultés italiennes. Voulant rendre service aux étu- diants etne pas surcharger inutilement leur mémoire, il s'est efforcé d’élaguer tous les menus détails, pour ne conserver que les grandes idées et les faits impor- tants qu'un zoologiste n’a pas le droit d'ignorer. Mais de ce que l'auteur n’a pas cherché à être complet, il en résulte que, si le texte est très condensé, il n'en est pas moins extrêmement clair, ce qui doit ètre la pre- mière qualité d’un ouvrage didactique. C’est ce qui nous permet d'augurer un succès certain pour le présent travail; succès d'autant plus certain que le côté icono- graphique à été aussi très soigné : les figures, dont beaucoup sont originales, sont très nombreuses, judi- cieusement choisies et surtout facilement intelligibles. Pour ma part, je félicite l'auteur du soin tout particu- lier qu'il a pris de placer sous les yeux du lecteur les principaux parasites de l'homme et des animaux do- mesliques. Les premiers chapitres du Manuel sont consacrés à la biologie générale. C'est la partie travaillée avec le plus de soin et cela ne doit pas nous étonner, car les grands problèmes biolosiques ont depuis longtemps préoccupé M. Emery, et nous devions nous attendre à le voir exposer dans ce livre ses idées personnelles. Partisan convaincu de Lamarck et de Darwin, il accepte :es théories de Weismann et de Roux, mais non sans y apporter de réserves. Toute cette partie de l'ouvrage est exposée de main de maitre, et l’auteur a su lui don- ner une telle empreinte personnelle que tous ceux qui auront le livre de M. Emery entre les mains liront ces premiers chapitres avec un vif plaisir. C’est que, bien maître de son sujet, il a pu, non seulement expo- ser les résultats certains ou ceux admis comme tels dans la science, mais aussi tous les problèmes qui doi- vent se présenter à l’esprit-des chercheurs, ouvrant ainsi un horizon plein de promesses à ceux qui ne crai- gnent pas de se lancer dans une science à l’état de continuelle rénovalion, mais dont chaque révolution est un pas nouveau vers la conquête de la vérité. Dans la partie spéciale du Traité, M. Emery classe les animaux d’après les grands principes de l’évolution. Persuadé qu'une classification vraiment zoologique doit chercher à représenter l'arbre généalogique du règne animal, il a naturellement adopté les classifications les plus modernes. 11 divise les animaux en deux grands règnes : les animaux unicellulaires ou Protozoaires et les animaux pluricellulaires ou Métazoaires, qui com- prennent : les Spongiaires, les Célentérés, les Vers, les Echinodermes, les Mollusques, les Arthropodes et les Cordés, lesquels comprenuenteux-mêmesles Tunicierset les Verlébrés. Mais, pour l'étude de chacun des embran- chements, on constate aussi que l’auteur s'est inspiré des travaux les plus récents, en même temps qu'il s’est efforcé de suivre le plus scrupuleusement possible les règles de la nomenclature zoologique. En résumé, M. Emery vient de doter ses compatriotes d'un excellent Traité de Zoologie. A notre époque, où l'on voit se multiplier les traités volumineux destinés aux travailleurs, on ne saurait trop encourager ceux qui, à l'exemple de M. Emery, cherchent à enrichir la bibliothèque des étudiants d'ouvrages condensés et clairs où ils pourront acquérir les éléments qu'il leur est indispensable de connaître, pour avoir une idée suffisamment nette de la science zoologique. Dr J. Guiarr, Chef des travaux pratiques de Parasitologie à la Faculté de Médecine de Paris. 4° Sciences médicales Laborde (D: J. V.), Membre de l'Académie de Médecine, Directeur des Travaux physiologiques à la Faculté de Médecine de Paris. — Léon Gambetta, biographie psychologique.Le cerveau,la parole.— La fonction et l’organe.— Histoire authentique de la maladie et de la mort. — 1 vol. in-8° de xu-162 payes avec des documents inédits de dix gravures, dont cinq hors texte (Prix 5 fr.). Schleicher frères, éditeurs. Paris, 1899. M. Laborde, qui fut le camarade d'enfance de Gam- betta et son ami, a, dans ce petit volume, retracé d’a- près ses souvenirs personnels les traits les plus carac- ténistiques de la physionomie psychologique de l'il- lustre orateur ; il a tenté de dégager et de mettre en lumière, en s’aidant des renseignements que lui four- nissait une correspondante inédite entre Gambetta et le D' Fieuzal, où le jeune avocat, le chef de parti du lendemain, s’épanchait en toute liberté, les facultés maîtresses de son esprit : la ténacilé souple de sa volonté, la conscience nette et lucide de la force qui était en lui, sa prodigieuse mémoire, son aptitude à s’assimiler avec une rapidité et une sûreté extrême les idées et les faits qui lui étaient les plus nouveaux et les plus étrangers, et par-dessus tout, son don mer- veilleux d'invention verbale et d'action oratoire. Il se revèle beaucoup plus calculateur et prudent, infiniment plus maître de lui en ses élans les plus passionnés, doué d’une énergie plus mesurée, plus froide et plus sûre d'elle-même que sa fougue intempérante et les éclats enflammés de sa parole ne l’auraient pu faire supposer à des observateurs superficiels : ce sont con- trastes assez fréquents chez les méridionaux. M. La- borde a mis en évidence son goût à la fois pour les idées générales et pour les faits positifs et précis; il était avant tout oraleur, mais homme d'Etat aussi et de gouvernement, organisateur, administrateur né. La structure de son cerveau, dont l’extrème complica- tion anatomique rachetait le faible poids (1.160 gram- mes, qu'il faut, en raison de la perte de poids que lui avait fait subir une injection conservatrice, élever, d’après les calculs de M. Duval, à 1.246 grammes), était celle même qu'on aurait pu attendre. Les centres du lan- gage articulé présentaient un développement anormal etle cap du pied de la circonvolution de Broca était chez lui doublé. L'ouvrage de M. Laborde contient, d'après les docu- ments authentiques, une minutieuse étude clinique de la maladie à laquelle succomba Gambetta (périty- phlite compliquée de péricolite secondaire), et le procès- verbal de l’aulopsie qui fut pratiquée, en présence de nombreux médecins, par le Professeur Cornil. La lu- mière est faite définitivement sur l’accident qui fut, par le repos forcé et l’alitement qu'il nécessita, la cause occasionnelle de cette maladie. On trouvera dans cette esquisse de la vie mentale d'un homme, qui a toujours parlé et « mimé » sa pensée, et que caractérisa une étrange puissance à créer des tours et des mouvements oratoires, d'utiles contributions à la psychologie du langage, et dans l'analyse anatomique de son cerveau une démonstration nouvelle de l'étroite corrélation qui unit l'organe à la fonction. Ceux mêmes qui ne sont pas de leur métier psychologues ou neurologistes seront reconnaissants à M. Laborde de leur avoir fait mieux connaitre le po- litique fougueux et sage, dont le rôle a été capital dans l'histoire de la troisième République. MARILLIER, ré de l'Université. n 480 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 29 Mai 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Darboux montre qu'étant donnée une surface isothermique quelconque (M), on peut lui faire correspondre, avec similitude des éléments infiniment petits et conservation des lignes de courbure, une infinité d'autres surfaces isothermiques (M') qui, prises chacune avec (M), constituent les deux nappes d'une enveloppe de sphères. — M. C. Guichard étudie les réseaux cycliques qui contiennent un système de géodésiques. A chaque surface (M), on peut faire correspondre une infinité de surfaces (M'), telles que : 1° les rayons de courbure correspondants sont égaux; 2° les lignes de courbure # — constante ont même lon- gueur; 3° les lignes de courbure v — constante ont même rayon de courbure aux points correspondants. — M. Lerch a recherché le caractère analytique des séries de Dirichlet aux environs du point s—0. — M. E. Vallier donne les formules qui indiquent la répartition des pressions dans l'âme des bouches à feu en fonction des résullats acquis {vitesse et pression maximum). 29 SCIENCES PHYSIQUES.— M. H. Pellat relate quelques expériences qui l'ont conduit aux conclusions suivan- tes : Un diélectrique (solide ou liquide) placé brusque- ment dans un champ électrique constant prend une polarisation, qui n’est pas instantanée, mais qui croit avec le temps et atteint asymptotiquement un maxi- mum. Sile champ vient à cesser, la polarisation décroit et redevient nulle au bout d’un certain temps, théori- quement défini. — M. A. Leduc, en étudiant les expériences de M. Natanson, a constaté que la molécule d'hypoazotide (Az?0*) se dédouble nettement à mesure qu'on élève la température ou qu’on diminue la pres- sion. IlLen est de même de l'acide acétique, qui, vers la température d'ébullition, serait composé d’un mélange de molécules simples et de molécules doubles, les pre- mières devenant de plus en plus nombreuses à mesure que la température s'élève. — MM. Ch. Fabry, J. Macé de Lépinay et A. Pérot ont mesuré en longueurs d'onde les dimensions d’un cube de quartz d'environ 4 centi- mètres de côté. Leur méthode consiste à placer le cube entre deux plans de verre argenté en laissant une mince lame d'air de chaque côté et à mesurer par le procédé interférentiel la distance des deux plans de verre argenté et l'épaisseur des deux lames d'air. La moyenne des résultats a été de 40.106, 841. — M. Pierre Lefebvre énonce deux relations qui existent entre les points de Bravais et les pôles d’un système optique centré, et qui permettent de déterminer facilement les seconds au moyen des premiers : 1° La distance d'un point quelconque de l'axe à un pôle est moyenne géométrique de ses distances aux points de Bravais; 2° la distance d'un point quelconque de l’axe à Ja droite qui joint les pôles est moyenne arithmétique de ses distances aux points de Bravais. — M. A. Joannis a reconnu que le sulfate de cuivre ne peut être employé pour doser le phosphure d'hydrogène dans les mélanges gazeux qu'en l'absence de gaz absorbables par les sels cuivreux, et que, dans ce cas, l’on doit employer dès le début une dose suffisante de réactif (plus de deux molécules de sulfate pour une de phosphure). Dans le cas contraire, il se formerait un composé cuivreux intermédiaire qui réagirait sur les autres gaz ou remet- trait en liberté du phosphure. — M. H. Baubigny a procédé à la séparation de traces de chlore en présence d'un très grand excès de bromure de potassium par la méthode ordinaire, basée sur la décomposition du bro- mure par le sulfate de cuivre et le permanganate de potasse. Aucune trace de chlore n’a été entraînée par le brome. — M. V. Thomas a dissout de l’iodure de plomb dans une solution saturée chaude de bromure de plomb; par refroidissement, il se dépose d’abord des lamelles d'iodure de plomb; puis, peu à peu, celles-ci se trans- forment en fines aiguilles qui sont constituées par un bromoiodure. Si l’on chauffe, les aiguilles se dissolvent et, par refroidissement, le même cycle d'opérations recommence. La solution de chlorure de plomb saturée d'iodure se comporte de même. — MM. G. Wyrouboff et A. Verneuil indiquent un procédé qui permet d'ob- tenir du premier coup la presque totalité du cérium existant dans un mélange de terres rares à l’état abso- lument pur. Le mélange des oxydes est dissous dans HAz0$, évaporé jusqu'à consistance sirupeuse, puis re- dissout dans l’eau et précipité par le sulfate d'ammo- niaque; le précipité, filtré, lavé et calciné au blanc, renferme 90 °/, du cérium à l'état pur. Le reste du cérium est précipité par un nouveau traitement au persulfate d'ammoniaque et à l'acide acétique. — M.Minguin, en plongeant dans le toluène ou le b-nzène des cristaux de benzylidène-camphres droit el gauche, a obtenu de belles figures de corrosion sur les faces m du prisme orthorhombique; les figures formées sur le cristal gauche sont énantiomorphes avec celles formées sur le droit. — M. J. Moitessier a préparé des combi- paisons d'un certain nombre de sels métalliques avec la phénylhydrazine et l’aniline d’une part, avec la phénylhydrazine et la naphtylamine d'autre part. Ce sont des corps cristallisables, en général peu solubles dans l'eau. — M. E. Grégoire de Bollemont a fait réagir le formiate d'amyle sur l’éther cyanacétique sodé et a obtenu du formylcyanacétate d’amyle, dont il a préparé les sels de baryum et d'argent. Il a ensuite fait réagir le cyanacétate d'amyle sur l’orthoformiate d’éthyle en présence d'anhydride acétique et a obtenu l’éthoxyméthylènecyanacétate d'amyle; avec l'ortho- formiate de méthyle, on obtient le méthoxyméthylène- cyanacélate d'amyle. — M. A. Briot a reconnu que le sérum normal de beaucoup d'animaux possède, à des degrés divers, la propriété d'empêcher la coagulation du lait par la présure. Cette propriété est due à la pré- sence, dans le sérum, d’une substance présentant les caractères suivants : 1° elle n’est pas dialysable; 2° elle est destructible par la chaleur; 3° elle est précipitable parle sulfate d'ammonium et l'alcool. C’est une diastase. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. F. Le Dantec étudie la question du centrosome dans la fécondation; pour lui, le centrosome n’est qu'une figure en relation avec les courants substantiels qui accompagnent l'assimilation; il n'intervient pas dans la fécondation, — M. E.-L. Bouvier a réuni un nombre considérable de Péripates américains dont il a fait l'étude. Tous présentent les deux caractères suivants communs aux autres espèces : 4° leurs dents linguales sont formées par une sorte de cône chitineux dont la cavité interne s'ouvre au dehors par un orifice apical; 2° contrairement à l'opinion admise, ils sont munis d’une ligne dorsale médiane claire. Mais, d'autre part, ils formentun grand nombre de petits groupes régionaux, ayant leurs espèces ouleurs variétés particulières. — M. Henri Devaux à constaté que les tissus profonds des tiges ligneuses sont, à partir d’un certain diamètre, en état d'asphyxie. L'oxygène libre leur manque; ils subissent la fermentation propre avec dégagement de CO? et d'alcool. Cette asphyxie partielle est augmentée par une élévation de tempé- rature; mais elle existe dès la tempéralure ordinaire, PONT PP PP msi tutt sms. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 187 — M. Henri Jumelle a déterminé un arbre à caout- choue de Madagascar nommé guidroa par les indigènes. Il appartient au genre Mascarenhasia, de la famille des Apocynées. IL donne un lait abondant, qui se coagule presque immédiatement en formant un caoutchouc de bonne qualité. — M. Ed. Heckel à observé de curieux faits de parasitisme chez le Ximenia americana L. Les racines et le chevelu radicellaire de cette plante portent des suçoirs multiples, qui, lorsqu'ils ne peuvent s'ap- pliquer sur les racines des plantes voisines, d'espèce différente ou de même espèce, se sont fixés sur la tiye propre de la plante ou même sur sa graine. — M. A. Lacroix a étudié des rhyolites à aegyrine et à riebeckite rapportées du pays des Somalis. Ces roches présentent deux structures : l’une normale, d'origine ignée; l'autre plus cristalline, résultant de l'action sur la rhyolite normale de la vapeur d'eau et des fume- rolles ayant accompagné son éruption et sa consolida- tion. — MM. L. Duparc et E. Ritter ont éludié les roches éruptives néo-volcaniques du Cap-Blanc (Algérie). L'examen pétrographique et l'analyse chimique les amènent à considérer ces roches comme des quartz- porphyres néo-volcaniques, d'un caractère basique, à structure microgranulitique ou vitroporphyrique. Séance du » Juin 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. —M. Emile Picard montre qu'on peut obtenir des développements en série des intégrales des équations différentielles, tant que ces iutégrales restent continues, par la simple application de la méthode élémentaire employée par Cauchy pour démontrer l'existence des intégrales des équations dif- férentielles. — M. Edmond Maillet énonce quatre théorèmes sur les équations indéterminées à deux et trois variables qui n'ont qu'un nombre fini de solutions en nombres entiers. — M. J. Coulon communique ses recherches sur l'intégration des équations aux dérivées partielles du second ordre à caractéristiques réelles. — M. P. Gautier est arrivé, par des procédés pure- ment mécaniques, à construire un miroir plan de deux mètres de diamètre. Le miroir était ajusté sur un grand plateau circulaire; au-dessus du plateau étaient fixées deux glissières parallèles, sur lesquelles se déplacait, dans un mouvement rectiligne de va-et-vient, un équi- page portant un plateau de bronze chargé d’user et de dresser la surface du miroir. — M. H. Deslandres pré- sente les photographies stellaires qu'il a prises à l'Ob- servatoire de Meudon avec la grande lunette, pendant l’année 1898. Elles sont relatives à la Lune, Jupiter, Sa- turne, et à un grand nombre d'étoiles, d’amas d'étoiles, et de nébuleuses. La grande longueur focale de l’ins- trument permet de résoudre partiellement ou totale- ment les amas serrés. — M.J. Janssen donne quelques renseignements sur les deux grands instruments que possède l'Observatoire de Meudon; l’un, la grande lu- nelte double, oculaire et photographique, est précieuse, | comme J'a montré M. Deslandres, par son grand pou- voir séparateur. L'autre, le télescope à court foyer et à grande ouverture, est précieux par son énorme pou- voir lumineux. 20 SGiENCES PHYSIQUES. — M. Maurice Hamy montre que la déterminalion exacte des longueurs d'onde des raies du spectre serait beaucoup facilitée si l’on possé- dait, dans toute l'étendue du spectre, un grand nombre de points de repères déterminés directement, par com- paraison avec la raie rouge du cadmium, par des me- sures interférentielles. L'auteur a commencé à entre- prendre la détermination interférentielle des longueurs d'onde des raies simples émises par différents corps. — M. E. Mathias indique le moyen de calculer facile- ment la quantité a, dont la constance est nécessaire et suffisante pour que les diamètres rectilignes des corps obéissent au théorème des élals correspondants. Les corps simples gazeux (oxygène, azote, chlore, brome) sont en général ceux qui présentent les plus petites valeurs de a. Les variations de « prouvent que le théo- 1ème des états correspondants ne s'applique pas aux diamètres rectilignes pris en bloc. — M. Ch. Féry a constaté que la détermination de la vitesse de l’équi- page d'un galvanomètre à cadre mobile peut servir à mesurer, avec une grande précision, l'intensité du cou- rant qui le traverse. Il faut seulement que le moment d'inertie de la bobine soit très faible et les vitesses pe- lites. — M. H. Le Chatelier propose de compenser l'aptitude insuffisante à la détonation des explosifs au nitrate d'ammoniaque par l'adjonction d'un peu de chlorate de potasse. Celle-ci peut se faire sans danger et d'autant mieux que les deux sels peuvent cristalliser ensemble en donnant des mélanges isomorphes en toutes proportions. L'auteur a préparé un certain nom- bre de ces mélanges. — M. F. Osmond a conslalé que certains aciers, plongés dans l'air liquide, subissent une transformation caractérisée par l'apparition du magnétisme, la diminution de la densité et l’augmen- tation de la dureté. Ces aciers contiennent une certaine proportion de carbone, de nickel et de manganèse. — M. E. Rubénovitch a étudié l’action du phosphure d'hydrogène sur le cuivre, l'oxydule de cuivre et les solutions ammoniacales des sels de cuivre. Avec tous ces corps, il donne le même composé, un phosphure de cuivre, PCw. C’est un corps gris, amorphe, décom- posable à 100°en donnant de l’anhydride phosphorique et du cuivre métallique. — M. E. Léger a retiré de l’aloès de Natal deux aloïnes, la nataloïne, déjà connue, et l'homonataloïine, qui en diffère par CH° en moins. La nataloïne répond à la formule de Bochleder C'5H#07 et renferme 4 groupes OH; l'homonataloine C'*H!607, renferme aussi ces qualre groupes. Ces deux corps se distinguent de la barbaloïne en ce que leur solution sulfurique, additionnée d'un grain de bioxyde de man- ganèse, prend une belle coloration verte. — M. A. Trillat a préparé un grand nombre de dérivés du té- traméthyldiamidodiphényléthane dissymétrique : le chlorhydrate, le sulfate, l'acétate, le bromoéthylate, l'iodoéthylate, qui sont des sels cristallisés, et le dérivé nitré. — MM. À. Haller et P. Th. Muller ont déter- miné les réfractions moléculaires, la dispersion molé- culaire et le pouvoir rotatoire spécifique des combinai- sons du camphre avec quelques aldéhydes aromatiques. L'addition de ces aldéhydes au camphre à pour effet, non seulement d'augmenter les réfractions et la disper- sion moléculaires, mais encore d’exalter le pouvoir ro- tatoire des molécules jusqu'à le décupler. — M. L. Tétry a obtenu, par condensation du chlorure de phé- nyloxanthranol avec l’anisol (en présence de AlFCI°) la méthoxydiphénylanthrone, avec le phénétol l’éthoxy- diphénylanthrone,avec la diméthylaniline la diméthyl- amidodiphénylanthrone. — M. Edm. Jaadrier a re- connu que les oxycelluloses fournissent des réactions colorées caractéristiques, lorsqu'on les traite par l'acide sulfurique en présence d'un phénol. Le phénol donne une teinte jaune d'or, l’a-naphtol du violet, Facide gal- lique du vert. — M. F. Parmentier a trouvé, dans la région du Mont-Dore, une source, dite Source Croizat, qui ne parait pas avoir d'analogues dans toute la ré- gion. Elle se distingue par une forte teneur en sel marin, l'absence presque totale de fer et la présence de quantités notables d'arsenic.— M. M. Berthelot présente quelques remarques sur les précautions à prendre pour observer et déterminer l'alcool qui préexiste dans un certain nombre de plantes et sur la signification du rapport entre l'acide carbonique produit et l'oxygène consommé. 30 SCIENCES NATURELLES. — MM. L. Camus et E. Gley rappellent qu'ils ont signalé les premiers la propriété du sérum sanguin d'empêcher l’action coagulante de la présure sur le lait, mais ils n'avaient pas rapporté ce phénomène à la présence d'une diastase, comme M. Briot l'a établi. — Les mêmes auteurs ont constaté que le liquide de la prostate externe du hérisson possède la propriété de coaguler le liquide des vésicules séminales du même animal, en formant une colle épaisse. Cetle action est due à la présence d'un ferment, destructible par la chaleur, et qui portera ie nom de Vésiculase-e. 488 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES — M. L. Hugounenq a déterminé la composition des éléments minéraux chez un fœtus humain à terme. Il a reconnu que la loi de Bunge, d'après laquelle le lait de la mère fournit au jeune animal les substances inorganiques exactement dans la proportion où elles lui sont nécessaires pour se développer, ne s'applique pas à l'espèce humaine. La raison en est peut-être que le rapport de la durée de l'allaitement à celle du développement est beaucoup plus faible chez l’homme que chez l'animal.— M. G. Marinesco décrit les lésions des centres nerveux observées chez le lapin à la suite de l’épilepsie expérimentale d'origine absinthique. Elles consistent principalement en une chromatolyse péri- phérique. Elles reconnaissent probablement pour causes un trouble de nutrition dû à l'intoxication et des phénomènes d'usure dus à la fonction exagérée de la cellule nerveuse. — M. W. Palladine a constaté qu'à la suite d’alternances de température, l'intensité de la respiration est fortement augmentée chez certaines plantes. Des pousses, placées antérieurement à des températures basses, ont présenté une augmentation de 40 °/,; celles qui avaient subi antérieurement des températures élevées ont présenté une augmentation de 53 °/,. — MM. L. Matruchot et Ch. Dassonville exposent les raisons qui leur font placer les Tricho- phyton et les formes voisines dans la famille des Gyfnnoascées : 4° caractères et développement des formes fructifères culturales ; 2° analogie des sub- strats naturels; 3° production de pigments jaunes ou rouges; 4° analogie des articles fuselés pluricellu- laires. — M. A. Caralp décrit les variations litho- logiques et les divers facies du Carbonifère des Pyrénées centrales. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 23 Mai 1899. M. François-Francka recherché quels effets produit la résection du sympathique cervical sur la circulation du corps thyroïde, sur celle du cerveau, sur l'appareil oculaire et sur le cœur. Le cordon cervical du sympa- thique agit comme nerf propulseur du globe oculaire ; il agit sur la circulation intra-oculaire à la fois comme constricteur et comme dilatateur des vaisseaux. Il n’agit pas comme vaso-dilalateur thyroïdien, et il n’est pas prouvé qu'il ait une action excito-secrétoire sur la thyroïde. Son action vaso-constrictive cérébrale n'est pas douteuse. Enfin, le cordon cervical du sympathique ne fournit qu'une faible portion de nerfs cardiaques accélérateurs. — M. le D' Darier donne lecture d’une note sur les massages en thérapeutique oculaire. — M. le D" Foveau de Courmelles lit un travail sur le mode d'exploration de l'estomac par les rayons X. Séance du 30 Mai 1899. L'Académie procède à l'élection de deux correspon- dants nalionaux dans la Division de Médecine. — MM. Vincent (de Rochefort) et Coyne (de Bordeaux) sont élus. — M. A. Laveran analyse un mémoire du I L. Roché, qui signale la disparition complète du paludisme en Puisaye, depuis 1884. Ce fait étrange doit reconnaitre pour causes les travaux exécutés dans ce pays (création de routes et de chemins de fer, de tra- vaux d'art pour faciliter l'écoulement des eaux), l’aug- mentalion de la culture et l'amélioration de l'hygiène générale, — M. Dieulafoy étudie le traitement chirur- gical des kystes hydatiques du foie. La laparotomie avec incision et ablation du kyste doit être réservée pour les kystes anciens, volumineux, et surtout si l’on redoute l'infection. La ponction aspiratrice aseptique a son indication dans les autres cas, mais il faut que le liquide kystique soit évacué autant que possible en totalité. — M. J. Renaut a expérimenté la médication arsenicale dans un cerlain nombre de maladies, sous forme d'injections rectales de liqueur de Fowler diluée et de cacodylate de sodium. Dans la leucémie, les ané- mies graves, le goitre exophtalmique, le diabète, la tuberculose encore remédiable comme la prétubereu- lose, le médecin doit faire intervenir cette médication, souvent comme méthode de choix. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 20 Mai 1899. M. H. Roger a observé que l'injection de petites doses de strychnine détermine souvent la mort chez des cobaves télaniques, alors qu'elle est sans action sur des cobayes sains. Les secousses dues à l’iutoxication strychnique se produisent d’abord dans les membres qui ont reçu l'inoculation télanique. — MM. Hallion et Laran conseillent d'employer avec prudence les com- posés du vanadium. Ils produisent chez le chien des troubles circulatoires, caractérisés par de l’hyperten- sion, suivie d’une hypotension marquée; si l’on arrête l'injection avant la mort, la tension se relève et peut rester longtemps au-dessus de Ja normale. — MM. Gil- bert et Castaigne ont observé deux cas de cirrhose hypertrophique commune, avec hépatomégalie, mais presque sans augmentation de la rate. — M. Lépine a pratiqué des réchauffements d'organes en les mettant à nu par laparatomie et en faisant circuler à leur surface des courants d’eau chaude. Des chiens, dont la rate avait été ainsi surchaulfée, supportaieut des doses de toxine typhique mortelles pour deschiens témoins.— M. Sicard a pratiqué des injections sous-arachnoïdiennes de co- caine,; elles provoquèrent de l’anesthésie avec perte de mouvement. — M. J. Binot a injecté de la toxine téta- nique au cobaye en divers points du corps; la dose mortelle est la mème que dans l'injection sous-cutanée; lincubation est plus longue, mais la marche plus rapide ensuite. — Ml: Pompilian expose ses recherches sur l'excitation nerveuse chez le dytique. Séance du 27 Mai 1899. MM. Roger et Josué décrivent les lésions produites dans la moelle osseuse du lapin par l'intoxication phosphorée. — MM. H. Claude et V. Balthazard consi- dèrent que la toxicité vraie d’une solution est sa toxi- cité chimique, par opposition à l'osmotoxicité ou toxicité physique. La toxicité globale, mesurée dans les injec- tions intravasculaires, est la somme de la toxicité vraie et de l’osmotoxicité. — M. Ch. Michel expose les résul- tats de ses recherches sur la composition chimique du corps de l'embryon humain aux différentes périodes de la grossesse. — M. Gilbert compare la cirrhose hyper- trophique alcoolique à la cirrhose d'Hanot sans ascite ; dans cette dernière forme, tout l'organisme réagit, d’où la longue survie dans cette entité morbide. — M. Hayem a observé, dans des anémies intenses, une infiltration granuleuse de leucocytes. — M. Egger a constaté que les impressions sensibles peuvent se transmettre par les nerfs du périoste. — M. Garnier envoie une note sur la transformation du glycogène en glycose après la mort. — MM. Marie et Cluzet communiquent leurs recherches sur la contractilité des muscles après la mort. — M. Goduchau expose les résullats de ses es- sais d’opothérapie de la rate. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY Séance du 31 Mai 1899. M. A. Haller, en traitant un certain nombre de mo- lécules sodées comme les éthers malonique, acétoacétique, cyanacé- tique, benzoylacétique, par de l'épichlorhydrine, à constaté qu'il y avait combinaison avec dégagement de chaleur et formation de produits chlorés. Ses études étaient commencées quand MM. W. Traube et E. Leh- ee ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES mann ont publié une note préliminaire sur le même sujet dans Ber. d. deutsch. chem. Ges., 1899, p. 720. Après ententé amicale avec ces savants, il a été con- venu qu'à l'exception de l'étude de l’action de l’épi- chlorhydrine sur les éthers cyanacétique et benzoyl- acétique et l’acétylacétone sodés, qui était réservée à M. flalier, MM. Traube et Lehmann poursuivraient l'étude de l’action de l'oxyde d'éthylène et de l'épi- chlorhydrine sur les autres molécules de la forme : eue À R. La présente note a pour but de montrer qu'en faisant agir de l’épichlorhydrine sur de l’éther benzoylacétique sodé en présence d'alcool, on observe un dégagement de chaleur, et le liquide, après refroidissement, se prend en une masse d’aiguilles qui, après purification dans l'alcool, fondent à 85°. L'analyse de ce corps et la dé- termination de son poids moléculaire par voie cryo- scopique, conduisent à la formule C'H“CI0*. On peut le considérer comme une lactone répondant à la for- mule de constitution : CO — 0 C°H5 — CO — Che ( CH° — CH — CH°CI. L'étude de ce corps, ainsi que celle de l’action de l'épi- chlorhydrine, de la monochlorhydrine et de la dichlor- hydrine glycériques sur les molécules citées plus haut, sont continuées. — MM. A. Haller et A. Guyot ont appliqué la méthode générale de préparation des dial- coylamidoanthraquinones qu'ils ont décrite dans leurs précédentes communications à l’obtention de l'éthyl- benzylamidoanthraquinone. Ils préparent d’abord l'acide éthylbenzylamidobenzoylbenzoiïque SE MC — ERA C°H TT NCo:H. (P. f. : 172°) par condensation de l’éthylbenzylaniline avec l'anhydride phtalique, le transforment par réduc- tion au moyen de la poudre de zinc en milieu alcalin en acide éthylbenzylamidobenzylbenzoïque : CH° C2 — CoHt — Az Nc! co SCOH. (P.f. :145°) et chauffent ce dernier vers 80° avec 10 par- ties d'acide sulfurique concentré. Il y a condensation anthranolique, formation d'éthylbenzylamidoanthranol que le perchlorure de fer oxyde et transforme quantita- tivement en éthylbenzylamidoanthraquinone : Co C°H° CRC D CHA co *C7H7. fines aiguilles rouges, fondant à 131°. — M. A. Guntz communique ses recherches sur le sous-oxyde d'argent Ag'O. Il à trouvé que la tension de dissociation de ce composé : Ag'0— Ag* + O est de 49 atm. à 3580 (vapeur de mercure bouillant). On peut donc obtenir facilement ce composé Ag*0 en chauffant de l'argent métallique où de l'oxyde d’argent sous une pression d'oxygène supé- rieure à 49 atm. et inférieure à 85 atm., limite inférieure de dissociation de Ag°0 à cette même température. — M. Minguin donne les constantes cristallographiques des dérivés bromés du benzalcamphre et du benzyl- camphre*. Benzylcamphre bromé fondant à 82° : pris- mes orthorhombiques de 11830". Pour b — 1.000, h — 686,7. Faces observées habituellement : 0, e., M, dis Ja quelquefois a. Benzylcamphre bromé fondant ! Bull. Soc. Chim., t. XV, p. 988, t. XXI-XXII, p. 116, 324. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. à 940 prismes orthorhombiques de 93°10'. Pour b — 1.000, À — 642,6. Les faces observées sont : m, h,, 9, e,, e.. Benzalcamphre bromé dans le noyau fon- dant à 130°. Prismes orthorhombiques de 10212! ; pour b — 1.000, k — 1.101,5. Les faces observées sont : p, m, b,,e,, a. Benzalcamphre bromé dans le noyau fon- dant à 105° : prismes monocliniques de 92030!, Incli- naison de 11°28'. Pour b — 1.000, h — 391,8. Les faces observées sont p, mn, g,: Qs, h,,e,, 4%, L'auteur montre les photographies des figures de corrosion dissymé- triques obtenues sur » du benzalcamphre bromé fondant à 105°. Il montre également les photographies des figures de corrosion faites sur les benzalcamphres droit et gauche‘. Ces figures montrent d’une facon indiseu- table la relation entre le pouvoir rotatoire et l'hémié- drie plagièdre (loi de Pasteur), tandis que la forme extérieure est d'une symétrie complète. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES SCIENCES NATURELLES. A. C. Seward : La structure et les affinités du Matonia pectinata R. Br., avec un aperçu sur l’his- toire géologique des Matoninées. — Le genre Mato- nia est, depuis longtemps, considéré comme un type isolé parmi les Fougères existantes. Il est représenté par deux espèces, le Matonia pectinata R. Brown, et le M. sarmentosa Baker, toutes deux confinées dans la région malaisienne. Le Matonia n'a pas encore été étu- dié au point de vue anatomique, et sa classification, par quelques auteurs, entre les Cyathéacées et les Glei- chéniacées, est basée sur la structure des sores, qui, par le petit nombre des sporanges et leur forme circu- laire, ressemblent à celles de la dernière famille, tandis que la présence d’un indusium et la position de l’an- neau le rapprochent de la première. Dans le Matonin pectinata, la fronde a un aspect caractéristique, avec un grand nombre de longues pin- nules portant des segments linéaires, dont la plupart sont fertiles. Les sores sont circulaires et indusées ; elles se composent de huit grandes sporanges avec un anneau oblique incomplet, contenant 64 spores tétraé- driques. Le rhizome dichotomique, qui eroît à la surface du sol, est couvert d'un feutrage épais de poils multi- cellulaires; il donne naissance à sa face supérieure aux frondes à tige allongée, et à quelques racines effilées qui croissent sur toutes les parties du tronc. La tige est polystélique, du type gamostélique; il peut y avoir deux stèles annulaires, le centre de la tige étant occupé par du tissu principal, ou bien, dans les branches les plus courtes du rhizome, un troisième cordon vasculaire peut occuper la région axiale. Chaque stèle se compose de trachéides ligneux et de paren- chyme associé, entourés d'un liber formé de larges tubes criblés, avec des plaques criblées sur les faces latérales et un parenchyme libérien; un endoderme et un péricycle entourent chaque stèle, et, dans le cas de stèles annulaires, ces membranes se trouvent exté- rieurement et intérieurement. Aux nœuds, la stèle annulaire extérieure se transforme dans le pétiole et uue branche se détache de bord de l'ouverture formée dans la stèle; le cordon vasculaire axial peut être ou non en continuité avec le méristèle de la feuille. Le pétiole est traversé par une seule stèle, de forme ana- logue à celle de certaines Cyathéacées; vers l’extré- mité du pétiole, la stèle se modifie pour donner les branches en forme d'U qui se trouvent dans les pin- nules. Le trait le plus intéressant de la structure des pin- nules est la forme papilleuse des cellules épidermiquee inférieures. Les racines ont une stèle triple, renfermée dans une série de couches de cellules seléreuses brunes. 4 Bull. Soc. Chim., t. XXI-XXII, p. 325. 490 Le Matonia pectinata présente donc, par sa structure, des affinités avec d’autres familles de Fougères, comme les Cyathéacées; mais ses particularités sont Lelles qu'il doit former une division séparée des Filicées. Au point de vue géologique, le Matonia peut être comparé aux genres Laccopteris el Ma‘onidium et à d'autres Fougères mésozoïques avec lesquelles il pour- rait être rangé dans un même groupe. Le Matonia semble donc être le survivant d'une famille de Fougères aujourd'hui confinée dans l’ile de Bornéo et la péninsule malaise, et représentée seule- ment par deux espèces, mais qui, à l'époque méso- zoïque, avait une distribution géographique plus éten- due et était répandue, en particulier, dans l'aire européenne, E. Waymouth Reid : L’absorption intestinale du sérum, de la peptone et du glucose. — L'auteura étudié expérimentalement l'absorption, par l'intestin, de solutions de peptone et de glucose et du propre sérum de l'animal en observation. La méthode em- ployée était celle de Leubuscher, dans laquelle deux boucles intestinales sont isolées simultanément, l’une pour l'expérience, l'autre pour le contrôle. Les conclusions générales sont les suivantes : 1° L'activité physiologique de l’épithélium intestinal dans l'absorption est démontrée par : à) l'absorption par l'animal de son propre sérum dans des conditions qui excluent la filtration dans les capillaires san- guin ou lymphatiques et l’osmose; b) la cessation ou la diminution de l'absorption du sérum quand l’épithélium est enlevé, lésé ou intoxiqué (l'enlèvement facilitant cependant l’osmose et la filtration). 2 L'activité des cellules est caractérisée par une plus faible absorption des solides organiques du sérum que de l’eau, et une absorption plus grande des sels que de l’eau. Les relations entre les absorptions de ces divers constituants varient avec les régions de l'intestin. 3° Il n'a pas été possible de démontrer l'existence de fibres absorbantes spécifiques dans les nerfs mésen- tériques. 4 Le degré de nutrition des cellules est le facteur principal de leur activité; il est intimement associé à la circulation sanguine. 5° Lorsque le degré d'absorption diminue (non pour cause de réseclion de l’épithélium), l'absorption des divers constituants du sérum est réduite dans la pro- portion où ils existent dans le liquide primitif. 2 6° L'activité des cellules peut être augmentée par excitation avec de l'alcool faible, sans que la circulation augmente pour cela. 7° La bile n'a pas d'action stimulante sur les cel- lules. 8° Les cellules exercent une action d'orientation sur les sels en solution(spécialementle chlorure de sodium). Dans une anse intestinale avec cellules lésées, le chlo- rure de sodium entre dans la paroi du côté du sang, tandis qu'il est activement absorbé dans une anse nor- male témoin du même animal. 9° L'absorption de l’eau des solutions introduites dans l'intestin dépend de deux facteurs : a) la relation phy- sique entre la pression osmolique de la solution dans l'intestin et la pression osmotique du plasma sanguin ; b) Faction physiologique régulatrice de la différence des pressions osmotiques par le mécanisme d’orienta- tion des cellules. 10° Le facteur principal dans l'absorption de la pep- tone est une assimilation par les cellules, tandis que, dans l'absorption du glucose, le facteur important est la diffusion, variable suivant la perméabilité des cel- lules (en rapport, donc, avec leur condition physio- logique). 119 Par résection de l’épithélium, le rapport normal de l'absorption de la peptone à celle du glucose est renversé, et sa valeur tend vers celle de la diffusion de ces substances à travers du papier parchemin dans du sérum, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 120 L’absorption dans l'iléon inférieur est plus grande pour les substances solides organiques du sérum, et moindre pour la peptone et le glucose que dans l'iléon supérieur. L'absorption relative de l’eau dans les deux iléons est variable. 13° L'imperméabilité relative de l'iléon inférieur pour le glucose, disparaît avec l'enlèvement de l'épi- thélium. 14° L'absorption dans le côlon, pour tous les consti- tuants du sérum, pour la peptone et le glucose, est moindre par unité de surface que dans la région moyenne de l'iléon. 15° L'excès relatif de l'absorption des sels du sérum sur l’absorption de l'eau est le plus marqué dans le côlon; il est plus grand dans l'iléon inférieur que dans le supérieur. 160 L'auteur conclut que l'activité cellulaire qui produit le passage du sérum dans le sang, est de la même nature que celle qui cause l'orientation des cellules, d'après les sels en solution. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 12 Mai 1899. M. Lehfeldt a déterminé la tension de vapeur des solutions de substances volatiles. La variation de ten- sion de vapeur d'un dissolvant produite par la solution d'une petite quantité d'une substance volatile a été calculé par Nernst, sur la base d'une note de Raoult. L'auteur interprète comme suit la règle de Nernst : Lorsqu'une pelite quantité d’une substance volatile est dissoute dans un liquide, la tension de vapeur du liquide varie dans le rapport de la fraction moléeu- laire du dissolvant dans le liquide à celle qui est dans la vapeur. L'auteur a cherché à vérifier cette règle pour des mélanges d'alcool et de tétrachlorure de car- bone respectivement avec le benzène et le toluène. La formule s'applique assez bien aux mélanges qui ne contiennent pas d'alcool. Les autres présentent une tension de vapeur maxima; il n'y a que le cas des solu- tions très diluées qui se rapproche des valeurs données par la formule, — MM. W. B. Morton et Barton en- voient une nouvelle note sur le critérium pour la dé- charge oscillaloire d'un condensateur. Dans la discus- sion qui s'engage à ce sujet, on fait ressortir que le résultat obtenu par les auteurs (c'est-à-dire que, la distribution du courant dans le fil étant prise en consi- dération, le condensateur ayant une capacité critique, d'après la théorie, donne une décharge oscillatoire) semble en contradiction avec le fait bien connu que la résistance du fil est plus grande et l’inductance moin- dre pour des courants oscillatoires que pour des cou- rants continus. L’explication de ce paradoxe apparent doit être cherchée dans l'effet de l'amortissement sur l'inductance. — M. Addenbrooke décrit un électro- mètre à quadrants pour la mesure des courants alter- natifs. Il a substitué aux quadrants circulaires deux séries de plaques planes, la série supérieure étant ré- glable à volonté. Le champ de l'instrument est ainsi considérablement augmenté. En abaissant l'aiguille sur les quadrants du fond, puis en descendant une des plaques supérieures, l'électromètre peut être transporté sans danger. La suspension consiste en un fil de bronze phosphoré, dont la torsion est parfaitement uniforme. L'enveloppe de l'instrument est percée de fenêtres qui permettent de voir l'aiguille dans deux directions à angle droit. Les quadrants sont supportés par des tiges de laiton passant à travers de longs manches d’ébonite plantés au fond de l'instrument; l'isolement est très bon et ne nécessite pas la présence d'acide sulfurique. La sensibilité de l'instrument est environ douze fois plus grande que celle des appareils de Kelvin, Mascart et Haga. Avec l'adjonction d'un voltmètre et d'un ampèremètre, il est possible, au moyen de cet instrument, de mesurer tous les facteurs d’un système alternatif, PP PE ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 94 SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du % Mai 1899. MM. Harold B. Dixon et E. J. Russel ont fait quel- ques expériences sur Ja combustion du sulfure de car- bone. Son point d'inflammation varie beaucoup; il n’est pas inférieur à 232; sa vapeur subit, d’ailleurs, dans l'air une combustion phosphorescente analogue à celle du phosphore, de l’éther, etc. Quoique le sulfure de carbone se décompose en ses éléments sous l'influence d'un choc violent, la décomposition ne se propage pas dans sa vapeur. En présence d'un excès d'oxygène, celle-ci explode en formant de l’anhydride carbonique et sulfureux, avec un peu d’oxysulfure et d'oxyde de carbone. Si la quantité d'oxygène est insuffi- sante pour la combustion complète, il reste du sulfure de carbone non brûlé, et il se forme en outre du soufre. — MM. Harold B. Dixon et J. D. Peterkin ont cons- taté que si l'on mélange à 27° des volumes égaux de bioxyde et de peroxyde d'azote, il se produit une légère variation de volume, due à la formation d'un composé instable, l’anhydride nitreux (Az0 —- Az0? — Az°0°), en grande partie dissocié à cette température et se dissociant de plus en plus à mesure que la tem- pérature s'élève. M. W. Ramsay félicite les auteurs d'avoir démontré l'existence réelle de l'anhydride nitreux gazeux, rejetée par la plupart des chimistes ; on admettait seulement son existence sous forme du liquide bleu, qui est complètement dissocié par évapo- ration. M. J. Dewar ajoute que l'anhydride nitreux se forme probablement dans l'arc électrique, car les produits qu'il a recueillis répondent à sa composition. D’après M. C. E. Groves, le même corps se forme aussi par l’action de l'anhydride arsénieux sur l'acide nitrique, car si l’on recueille dans l’eau glacée les gaz qui se dé- gagent, on obtient une solution d'acide nitreux. — M. Harold B. Dixon a étudié la combustion du car- bone. On admet généralement qu'il se forme, par union directe du carbone et de l'oxygène, de l’anhydride car- bonique et que l’oxyde de carbone provient d’une réaction secondaire de l’anhydride carbonique sur le carbone. L'auteur, en faisant passer un courant d'oxy- gène sur du carbone chauffé à 500° (température à laquelle l’anhydride carbonique n'est pas réduit par le carbone), a obtenu cependant un peu d'oxyde de carbone. D'autre part, si l'on fait passer à 5000 un mélange de 80 0/, d'oxygène et 20 °/, d'oxyde de carbone sur du coke, on observe ce qui suit : si le cou- rant est fort, l’oxyde de carbone est brûlé en anhydride carbonique en grande partie; si le courant diminue, l'oxyde de carbone ne brûle plus, mais sa proportion augmente; si le courant est très faible, sa proportion diminue beaucoup. Ges faits ne peuvent s'expliquer qu'en admettant la formation directe à 500 de l'anhydride carbonique et de l’oxyde de carbone à partir des éléments, les deux composés pouvant ensuite réagir respectivement sur le carbone et sur l'oxygène. — MM. Henry J. Horstmann Fenton et Henry Jackson ont obtenu par ébullition de l'acide dihydroxymaléique de l’aldéhyde glycolique. La solution de ce dernier, évaporée à 100, se polymérise en grande partie en donnant un hexose, C'H'*0%. Mais en mème temps, il se forme sur les parois du vase une petite qnantité d'une substance cristalline qui n’est autre que l'aldé- hyde glycolique pur. La détermination eryoscopique indique d'abord un poids moléculaire double, mais si on laisse reposer la solution pendant plusieurs jours, la valeur diminue jusqu'à celle qui représente la formule simple C*H*0?. — MM. Orme Masson el B. D. Steele ont constaté que le sel bleu de la solution de Fehling contient un radical négatif complexe renfer- mant le cuivre; ce sel peut être précipité à l’état pur par l'alcool; desséché dans le vide, il possède la com- position K*C'2H'Cu‘O!*, 4 HO. Il peut former, par double décomposition, une série de cuprotartrates des métaux lourds; l'acide cuprotartrique étant instable ne peut être obtenu à l'état libre, — M. S, B. Schryver, en faisant réagir les phénols sodés sur les anhydrides d'acides organiques bibasiques, en présence d'un hydro- carbure inerte, a obtenu des sels phénoliques acides de ces acides bibasiques, suivant l'équation : CO, C00X nie SO + XONa—R£ “CO SCOONa Il a ainsi préparé : les camphorates acides de phénol, de thymol, de gaïacol. de &-naphtol, d’eugénol, les suc- cinates acides de thymol et de gaïacol, etc. Toutefois, cer- tains phénols ne donnent pas cette réaction : ce sont l'ortho et le paranitrophénol, ainsi que quelques phénols diorthosubstitués. — M. R. W. Allen à déterminé la pression maximum de la vapeur de naphtalène à diffé- rentes températures par la méthode de l'évaporation et la méthode barométrique. Il en a déduit le poids de naphtalène nécessaire pour saturer un mètre cube de gaz de 0 à 130°. — M. Art. G. Perkin a étudié la scoparine, matière colorante du genêt. Il a confirmé les résultats de Stenhouse et Hlasiwetz, qui lui assignent la formule C*H?20‘° et la rangent dans le groupe de la quercétine, parce qu'elle donne du phloroglucinol et de l'acide pyrocatéchique par fusion avec les alcalis. L'acide iodhydrique enlève à la scoparine un groupe méthyle en la transformant en un nouveau corps, doué de fortes propriétés tinctoriales, la scoparéine. Par ébullition avec la potasse, la scoparine se décompose en phloro- glucinol, acide vanilique et éther monométhylique de la dihydroxyacétophénone. La scoparine est probable- ment une méthoxy-vitexine. — MM. E. C. Szarvasy et C. Messinger sont arrivés, par des considérations théoriques, à prévoir l'existence d'un composé AsiTe*, Ils l'ont préparé par fusion des composants en tube scellé et ont vérifié son existence réelle par la détermi- nation de sa densité de vapeur. — MM. Wyndham R. Dunstan et Ernest Goulding ont constaté que la tri- méthylamine, en solution aqueuse froide, est oxydée per l'eau oxygénée diluée, avec production de trimé- thyloxamine. On obtient de la même facon la triéthyl- oxamine, et, à partir de la diéthylamine, la 6-diéthyl- hydroxylamine. — MM. William Jackson Pope et Stanley John Peachey ont préparé un certain nombre de tétrahydroquinaldines actives. Ladenburg avait obtenu la dextrotétrahydroquinaldine par laction de l'acide lartrique sur la base compensée extérieurement. Les auteurs, en faisant réagir sur celte même base inactive l'acide chlorhydrique et l'acide dextro — « — bromocamphosulfonique, ont obtenu un corps dont ils ont retiré la lévotétrahydroquinaldine : CH — CH — C — CH? — CH? I CH — CH — C —AzH — CH.CHS C'est une huile incolore très réfringente ; [ax = — 570,125. On en prépare facilement le dérivé benzoylé. Des eaux mères du liquide dont on retire la lévotétra- hydroquinaldine, on peut extraire ensuite la dextroté- trahydroquinaldine, qui donne de même un dérivé benzoylé. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 25 Mars 1899 (suite). jo Sciences PHYSIQUES. — M. J.-D. van der Waals : « Une anomalie de la forme du lieu des points de plis- sement d'un mélange de substances anomales ». Dans le Zeitschrift für physikalische Chemie (t. XXVIIT, fasci- cule 2), MM. Kuenen et Robson ont publié le résultat de leurs expériences se rapportant à un mélange d’éthane avec de l’éthyle alcool ou un des alcools sui- vants. Ils trouvent que la ligne des points de plisse- ment se compose de deux parties distinctes qui se coupent et aboutissent sur la ligne de la pression à trois phases. Dans leur diagramme (lis. 1), G, et (0 représentent les points critiques de l'éthane et de l’al- 192 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES cool, C, et C, indiquent les points où les branches CC, et CC, de la ligne des points de plissement se ter- minent sur la ligne de la pression à trois phases. Ce- pendant un théorème connu exige que sur la sur- face W, quand la température s'élève, un point de plissement ne s'engendre que par la décomposition d'un pli et ne disparaisse qu'à cause de la coïncidence de deux points de plissement, de manière qu’une branche du lieu de ces points ue se termine en un point qu'aux points critiques des composantes ou à l'infini. Donc, l’auteur s'est demandé de quelle ma- nière ces deux parties distinctes CC, et C,C, peuvent être complétées à une branche unique; la manière la plus simple est indiquée à l’aide de la ligne pointillée. Les deux droites parallèles à l’axe OP de Ja pression entre lesquelles la partie fermée est comprise font connaître des températures (f, et {,) maximum et mi- nimum. La température minimale correspond au point où le pli transversal se fend en deux, d'où partent à droite et à gauche deux points de plissement vers les points critiques des composantes. Le point qui se meul vers C, n'éprouve pas d'irrégularité. Au contraire, celui qui se meut vers C, rencontre un autre point C QI SSSR Er Ce 0 ti E Fig. 1. — Ligne des points de plissements d'un mélange de substances anomales. de plissement parti de C, et, au point de rencontre qui correspond à la température maximale, son mouve- ment se termine. Cependant sur le plan VX, les trois chemins indiqués ne forment qu'une ligne continue. A une température donnée comprise entre les deux limites !, et f,, la projection de la ligne spinodale con- siste en deux parties distinctes. Cette supposition re- présentée par la ligne pointillée du diagramme cor- respondant entièrement à une description exacte des phénomènes, l'auteur a voulu s'expliquer comment elle peut être mise d'accord avec le résultat de la théorie des mélanges que, dans les cas ordinaires d'un mélange de deux substances, il ne peut se présenter qu'une seule des deux températures limites. Il croit en avoir trouvé la solution dans la circonstance que, des deux composantes du mélange de MM. Kuenen et Rob- son, l'alcool est une substance anormale. En effet, comme les alcools ne se soumeltent pas à la loi des états correspondants, on leur attribue, à l'état fluide, des molécules complexes. Si cette supposition corres- pond à la vérité, le caractère de la ligne de plissement du mélange de deux substances non associantes doit différer de celle représentée par la figure. Mais cela n'implique pas le théorème réciproque. Donc, le pli longitudinal de MM. Kuenen et Robson n'est en vérité qu'un pli transversal tant soit peu déformé. Ensuite, l’auteur s'occupe de la cause pour laquelle le mélange d'éthane et de méthyle-alcool se comporte d'une ma- nière tout à fait différente. Il termine en indiquant le vrai critérium pour un pli longitudinal. — M. H. W, Bakhuis Roozeboom présente au nom de M. E. Cohen : « Sur la vitesse de réaction électrique » (seconde com- munication, voir Revue générale des Sciences, t. X, p. 372) Ici, ils’agit de la vitesse de la réaction. Zn + Hg,SO, a Es Hg, + ZnsO.. La représentation graphique de la vitesse de réaction en fonction de la température donne lieu à deux courbes, dont l’une a trait à la modification stable, tandis que l’autre se rapporte à la modification méta- stable. 20 SCIENCES NATURELLES. — MM. C. Winkler et J. Wiardi Beckman : « L'influence de l'excitation fara- dique de quelques nerfs sur la respiration ». Dans la communication précédente (Revue gén. des Se., t. IX, p. 920), les auteurs ont publié les résultats de quelques expériences sur des chiens ; d’après ces expériences, une partie déterminée de l'écorce frontale réagit sur des excitations faradiques par une activité extraordi- naire des centres d'inspiration, cherchés d'ordinaire dans la « medulla oblongata ». Des courants assez forts causent une inspiration forcée avec suppression de l’ex- piration ; des courants faibles mènent à une respiration accélérée. Ces deux effets peuvent se présenter l'un à côté de l’autre. De plus, les expériences montraient qu'une respiration régulière est assez rare chez les ani- maux d'expiration, probablement à cause de deux circonstances supplémentaires, le narcose et l’opéra- tion. C'est pourquoi les auteurs ont fait une étude préalable sur l'influence de la morphine et de l’opé- ration. Ensuite ils ont examiné successivement l’in- fluence de l'excitation du nerf optique, du nerf trifacial et des lobes olfactifs sur la respiralion. Leurs résultats sont déposés dans un grand nombre de représentations graphiques. — M.H.J. Hamburger : « L'influence des solutions salines sur le volume des cellules animales » (seconde communication, voir Revue gén. des Sc., t. IX, p. 596). Ici, l’auteur étend ses expériences à l’épithé- lium. Il trouve que les cellules épithéliales de l'intestin et de la trachée, soumises à l’action de solutions salines de différente concentration, ne changent pas de volume, tandis que les épithéliums de la vessie et de l’œsophage se rétrécissent par des liquides hyperisotoniques et se gonflent par des solutions hypoisotoniques. Le degré de ces variations de volume correspond précisément à celui que présentent les corpuscules rouges. De ces faits l’auteur dérive que les épithéliums de l'intestin et de la trachée sont perméables aux solutions salines de différente concentration, l'épithélium de la vessie et de l’æsophage, au contraire, seulement à l’eau. Ces qualités concordent avec les fonctions de ces organes. — Rap- port de MM. C. A. Pekelharing et C. Winkler, sur la communicalion de M. G. C. van Walsem (voir Revue gén. des Se., t. X, p. 256).Si l'auteur avaitatteint com- plètement le but qu'il s'était proposé, il aurait fait une œuvre faisant époque, d’une influence réformatrice sur le travail dans les laboratoires d'anatomie et de patho- logie du cerveau. Il est lui-même le premier à recon- naître qu’à présent cela est encore impossible. Cepen- dant il a inventé — et appliqué pendant des années à Meerenberg, près de Harlem — une méthode satisfaisant à des exigences considérables de l'examen macroto- mique et microtomique des cerveaux. L’excellence de sa méthode est due à la sagacité avec laquelle l’auteur analyse d'avance la signification d’un grand nombre de petits artifices; ces artifices le mènent à des résultats pas encore atteints au moyen d’une autre méthode de section des cerveaux. Le mémoire paraîtra dans les publications de l'Académie. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, {, rue Cassette. date ds à 10° ANNÉE N° 143 15 . REVUE GÉNÉRALE JUILLET 1399 DES SCIENCES $ 1. — Physique | Le repérage des raies en Speetroscopie.— On sait que, dans les spectroscopes, les positions des } mêmes raies obser- vées sur l'échelle mi- crométrique diffè- rent avec l'instru- ment employé, et exigent, pour la com- parabilité des mesu- res, d’être ramenées à une méme unité, qui est la longueur d'onde.Chaque spec- troscope doit donc être étalonné par la construction d'une courbe ou d’une table numérique, établie au moyen de raies déjà con- nues, et permettant a transformation en ongueurs donde des lectures faites sur l'appareil. Si, d'autre part, on veut comparer rapidement l'aspect général d'un spectre avec les planches d'un allas, on ne trouve pas de cor- respondance entre l'échelle de la figure et celle de l’appa- reil. M. A. de Gramont a cherché à rendre réalisable à volonté cette co‘ncidence entre des planches données dans un ouvrage et les lectures directes failes dans l’ins- PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 1° L'échelle micrométrique, A {+ Fig. 1. — Schéma du nouveau speclroscope de M. de Gramont. — P, prisme en flint, mobile autour de son arête; ses déplacements sont lus sur la division D: F, fente du collimateur, recouverte d'une plaque de quartz Q; C, crémaillère de l’oculaire O de la lunette d'observation: V, V', volets permettant d'isoler, dans le champ, une partie du spectre; M, division micrométrique éclairée à travers une glace dépolie G, et solidaire du tube T», commandé par la crémaillère Cm; L, lentille fixe dans le tube T; L,, lentille mobile avec le tube T,, commandé par la crémaillère C,. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899. divisions tracées sur le tirage. foyer variable du système LL, correspondent un gros trument ordinaire à un prisme en flint, en établissant rapidement dans le champ l'échelle adoptée. Il fallait, pour cela, faire varier deux termes de l'observation : c'est-à-dire l'équidis- tance de deux des traits consécutifs qui la composent; 2° La dispersion apparente, c’est-à- dire les rapports en- tre les distances an- gulaires des diffé- rentes parties du spectre. M. de Gramont y est arrivé au moyen du dispositif dont la figure 1 représente le schéma. L'échelle micro- métrique ordinaire M, destinée à être réfléchie dans Île champ de l’oculaire 0, est mise au foyer de deux lentilles L et L,,plan-convexes, les parties bombées à l’intérieur, de dis- tance réciproque va- riable depuis le con- tact jusqu'à près de 5 centimètres, et fonctionnant ainsi comme un seul ob- jectif à foyer varia- ble. Cetécartementdes leutilles estréglé par le bouton de cré- maillère C, et lu en À chaque valeur du 13 49% sissement el une mise au point particuliers du micro- mètre M, établis au moyen du second bouton de cré- maillère Cm et repérés sur le lirage. du tube intérieur. Comme on le voit, l'emploi d’un pareil système per- met de projeter, entre les extrémités d’un faisceau d'angle donné, un nombre voulu de divisions d’une échelle choisie, c’est-à-dire de diviser cet espace angu- laire en tel nombre de traits qu'il convient pour le but proposé. D'autre part, pour faire varier la dispersion du fais- ceau émergeant du prisme P, on a eu recours simple- ment au déplacement de celui-ci autour de son arête réfringente et au voisinage des minima de déviation‘. On reconnaît alors aisément qu'un léger mouvement de rotation du prisme augmente ou diminue notable- ment la dispersion (fig. 2), c’est-à-dire que le spectre s'est resserré ou dilaté, et que les positions réciproques des raies ont varié sur l'échelle micrométrique, celle-ci restant dans ce cas à un grossissement constant, et ramenée à une même origine, par exemple la double raie du sodium à la division 100. Le prisme P a donc élé fixé sur une plate-forme mobile et portant un ver- nier dont les déplacements sont lus en degrés et dixièmes sur la platine divisée D D. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE limité et arrêtés à l'avance, tels que : 4) Définition et fixalion de certaines unités (pression, échelle de dureté, quantité de chaleur, grandeurs photométriques, ‘échelle du spectre, etc.); b) Bibliographie de la Physique; c) Laboratoires nationaux ; 2 Visites à l'Exposition, à des laboratoires, à des ateliers ; 3° Conférences sur quelques sujets nouveaux. La Commission d'organisation recevra avec recon- naissance toutes les observations el propositions qu'on voudra bien lui adresser; elle fixera ensuite le pro- gramme définitif des travaux. Le prix de la carte du Congrès sera de 20 francs; elle donnera droit : 1° à la participation à tous les tra- vaux, à toutes les assemblées, à toutes les visites qui seront organisées; 2° à la réception du compte rendu des travaux du Congrès, aussitôt après la publica- tion. Les communications doivent être adressées à M. Ch.- Ed. Guillaume, secrétaire pour l'Etranger, au pavillon de Breteuil, Sèvres (Seine-et-Oise), et à M. Lucien Poincaré, secrétaire pour la France, 105 bis, boulevard Raspail, à Paris. : $S2.— Chimie de l'appareil ou Na, Hg fi La Chimie sur le boisseau. 8, pes] I desterres ra- La graduation res. — La chi- de l'appareil 70 pourrait être mie des terres rares est très peu avancée. Ce n’est faite parlecons- 6 tructeur, qui le livreraitavecles 5, indications per- mettant d’avoir pourtant que par l'étude chimique de cesterres, qui vont de la tho- immédiatement rine à l’yttria en telleéchelledon- | passant par les née. M. de Gra- LEE oxydes du cé- mont préconise Bo 90 100 NO 120 130 0 150 160 170 180 190 200 210 220 np du lan- 1 i Ile Ë = Ro thane, etc. a Fig. 2. — Courbes donnant en abscisses les déviations, lues sur le micromètre, de qu'on ‘parvien- 2 "OS Tai sl » (65 à (486. 134 "ai m Boiébaudien. trois raies de l'Hydrogène [H, (656.3), Hg (4 6.1), H} (434.0)] et de la raie du date dont l'ouvrage et les planches Spectres Lumi- neux, Paris, 1874, sont bien connus et où se trouvent des tables très exactes de transformation en longueurs d'onde, des divisions micrométriques de son échelle, facile à repro- duire désormais par le dispositif nouveau ?. Celui-ci a pu être adapté à des appareils anciens et à peu de frais, sur les indications de l’auteur, dans les ateliers de M. Ph. Pellin. On évitera ainsi toute construclion de courbe ou de table et tout calcul pour rendre les observations com- parables. Congrès international de Physique. — La Société francaise de Physique a pris l'initiative de provo- quer, à l'occasion de l'Exposition universelle de 1900, une réunion en Congrès international de toutes les personnes qui s'intéressent aux progrès de la Physique. Un Comité d'organisation a été constitué, qui a décidé que le Congrès s’ouvrirait le lundi 6 août 1900 et dure- rait une semaine. Il n'a pas semblé au Comité que l’on dût, dès à pré- sent, fixer d’une facon définitive le programme des tra- vaux du Congrès. Toutefois, ce programme pourrait comporter trois parties : 1° Rapports et discussions sur des sujets en nombre 1 La netteté et la pureté des raies ne sont donc pas sen- sihlement altérées. ? On en obtient la réalisation avec les conditions de la figure 2, en placant le prisme à 500. Les positions des raies sur l'échelle sont alors indiquées par la ligne pointillée parallèle à l'axe des abscisses et marquée. (L. de B.) Plomb [Ph,,(405.8)], ef en ordonnées les positions du prisme en degrés, au voisinage des minima de déviation, dont les positions, indiquées pour chacune des raies considérées, sont sur une droile oblique. tivement l'iden- tité de chacune d'elles, à trou- ver des sépara- tions intégrales et à fixer leur place dans la suile des éléments. MM.Wyrouboffet Verneuil ont entrepris d'ap- porter un peu de lumière dans ce coin obscur de la Chi- mie, et M. Wyrouboff a récemment exposé, dans une très intéressante conférence faite à la Société Chimique, les résultats qu'ils ont obtenus. Nous résumerons ici cette conférence. Lorsqu'on étudie les terres rares et leurs sels, on est amené à les considérer comme formées de molécules complexes : l'oxyde de cérium CeO, par exemple, est tel que, si l'on considère trois de ses molécules, les deux premières se comportent autrement que la troisième. Par oxydation, une molécule sur trois fixe un alome d'oxygène et on obtient l'oxyde Ce*0*ou CeO.Ce0.Ce00; ou bien, deux molécules sur trois fixent chacune un atome d'oxygène, la troisième pouvant se combiner à un acide comme l'acide acétique, et l'on a Ce*0*Ac ou Ce00.Ce00.CeO0Ac. Si l'on considère le sulfate de l'oxyde CeO, on remarque que l'acide sulfurique peut y ètre remplacé, dans une molécule sur trois, par l'acide azotique, pour donner CeO0S0*.Ge0S0*.Ce0A7*05; l'acide chlorhydrique se substitue à l'acide oxalique dans une molécule sur trois d’oxalate. L'oxyde de thorium el ses sels donnent lieu à des remarques analogues. Les mo- lécules des terres rares sont donc multiples et à fonc- tions multiples. ; Les terres rares se polymérisent. La thorine oblenue par la calcination de l’oxalate, de l'oxyde hydraté, du chlorure, du nitrate, etc., chauffée quelque temps avec de l'acide chlorhydrique à 50 °/,, donne une fraction insoluble dans l’eau, et qui ue peut être attaquée que ST PT TO TE eg . M. ARTHUS — LA SÉCRÉTION DU SUC GASTRIQUE ET DU SUC PANCRÉATIQUE 503 rester absolument inactif, suivant la nature des substances introduites. Il y a sécrétion chimique à à la suite d'introduction de lait dans l'estomac, mais surtout à la suite d'introduction de viande. La viande n'agit pas, d'ailleurs, par ses matières protéiques, mais par les substances extractives (sels, créaline, etc.) qu'elle contient, ear l'extrait de viande provoque admirablement l'apparition de cette sécrétion chimique, tandis que la viande dé- barrassée, par épuisement prolongé, de ses sub- stances extraclives, se montre sans action. Le pain, l’'amidon, les graisses ne provoquent point de sé- crétion chimique. Les substances actives agissent directement sur la muqueuse et non pas après avoir été absorbées et transportées par le sang au contact des cellules glandulaires; car, introduites dans le rectum ou dans l'intestin grêle, elles ne provoquent point de sécrétion gastrique, bien qu’elles soient absorbées dans ces viscères et entrainées par le sang cireu- lant dans toute l'économie et notamment dans la muqueuse gastrique. Jes substances actives n'agissent pas directe- ment sur les cellules sécrétantes : car, introduites _ dans l'estomac, elles provoquent la sécrétion des glandesdesculs-de sac de Heidenhain et de Pawlow- Khigine. Elles agissent par l'intermédiaire du sys- tème nerveux. Les fibres nerveuses qui interviennent pour pro- voquer l'activité des glandes ne sont plus, comme pour la sécrétion psychique, des fibres du pneumo- gastrique, car la sécrétion chimique se produit après la seclion des pneumogastriques, car elle se produit dans le cul-de-sac de Heidenhain, dont les connexions avec les pneumogastriques ont été détruites. LA Nous avons dit que le pain, l’amidon, les graisses sont des substances incapables d’engendrer une sécrélion chimique, des substances inactives, se- rait-on tenté de dire. L'expression ne serait pas exacte, car ces substances modifient profondément les caractères d’une sécrétion existante. Supposons, par exemple, que sur un chien porteur d'une fis- tule gastrique, d’un cul-de-sac de Pawlow-Khigine, et œsophagotomisé, on ait provoqué une sécrétion psychique par un repas fictif; introduisons dans son estomac, par la fistule, du pain ou de l'amidon, nous constatons que le suc sécrété par le cul-de-sac angmente d’acidité et surtout de pouvoir digestif. Au lieu de pain, introduisons des matières grasses émulsionnées, le suc du cul-de-sac a un pouvoir digestif considérablement diminué. Ces fails nous permettent de prévoir ce que sera comme qualité et quantilé le suc gastrique produit à la suite d’un repas déterminé, et quelles seront les conditions de sa production. Supposons un animal prenant un repas de viande. Environ cinq à six minutes après le commence- ment du repas apparaît une sécrélion caractérisée par sa forte acidité et son pouvoir digeslif élevé; c'est une sécrétion psychique pure, engendrée par un acte nerveux réflexe ayant comme point de départ la muqueuse gustative et comme voie de reflexion les filets pneumogastriques. De quinze à trente minutes après le commencement du repas, à cetle sécrétion psychique s'ajoute une sécrétion chimique provoquée par l'action des substances extractives de la viande sur les terminaisons ner- veuses intramuqueuses et transmises aux glandes par des rameaux sympathiques; cette sécrétion chimique est caractérisée par une acidité et un pouvoir digestif moindre que ceux de la sécrétion psychique. La sécrélion psychique a son maximum quantitatif vers la fin de la première heure; à ce moment la sécrétion chimique est bien établie; c'est donc à la fin de la première heure que se produit le maximum de la sécrélion; le maximum d'activité digestive correspondant à la sécrétion psychique seule se produira pendant la première demi-heure. Supposons un repas de pain. Il se produit une sécrétion psychique, et point de sécrétion chi- mique. Nous savons, en outre, que l’'amidon du pain modifie les caractères d'une sécrétion psy- chique. Donc, après le répas de pain, nous obser- verons une sécrétion se produisant après 5 à 6 minutes, augmentant progressivement d'activité digestive jusqu'à une valeur considérable, et se tarissant rapidement. Supposons un repas de lait. Le lait ne provoque point de sécrétion psychique importante, mais seu- lement une sécrétion chimique. Par ses graisses émulsionnées, il agit sur les caractères de cette sécrétion, et diminue son pouvoir digestif. Done, à la suite d'un repas de lait, la sécrétion apparait tardivement, dure longtemps et est remarquable par la faiblesse de son pouvoir digestif. Tous ces faits, qu'on pouvait prévoir, ont été vérifiés sur des chiens porteurs du cul-de-sac de Pawlow-Khigine. Les notions que nous venons d'exposer nous per- mettraient également de prévoir les caractères de la sécrétion gastrique à la suite d’un repas quel- conque. Elles nous montrent que la sécrétion gas- trique est, pour ainsi dire, à chaque instant, adap- tée à l'aliment. y L'étude de la sécrétion pancréatique a été faite, soit par la méthode des fistules temporaires, 504 M. ARTHUS — LA SÉCRÉTION DU SUC GASTRIQUE ET DU SUCG PANCRÉATIQUE soit par la méthode des fistules permanentes. Si l'on introduit dans le canal paneréatique ineisé une canule dont l'extrémité est maintenue hors de la plaie opératoire abdominale, on a réalisé l'opé- ration de la fistule temporaire : lemporaire, parce qu'au bout d'un temps généralement court (quel- ques jours), la canule tombe. Cette méthode pré- sente deux graves inconvénients : elle ne permet pas de faire des expériences prolongées et compa- ratives sur un même animal; elle ne permet d’ob- server la sécrétion pancréalique que pendant les jours qui suivent l'établissement de la fistule, c’est- à-dire à une époque où le mécanisme délicat de la sécrétion pancréatique est extrémement troublé par le shock opéra- toire. Aussi a-t-on été conduit à substituer à ces fistules tempo- raires des fistules permanentes. Pour réaliser une fistule permanente, divers procédés ont été pro- posés. On peut, après avoir ouvert la cavité abdominale, faireune incision longitudi- nale sur le bord libre du duodénum, en face de l’orifice du canal pancréatique, el su- intestinale en suturant RM à RN, et traite le lambeau détaché comme Heidenhain traitait le sien. La méthode de Pawlow n’a d'autre avantage sur celle d'Heidenhain que de réussir plus facilement. L'observation de chiens porteurs d’une fistule pancréatique permanente a confirmé ce qu'on savait déjà des conditions de production et de durée de la sécrélion pancréatique. La sécrétion apparaît peu 15 minutes en général, augmente rapidement d’in- tensité jusque vers la fin de la première heure se maintient pendant 12 à 15 heures, pour dis- paraître ensuite complètement. chez un chien à fis- tule pancréatique per- ) de l'œsophagotomie, ( ) on constate qu'un re- de faire apparaitre, au bout de 10 à 15 mi- \ ) pancréatique. Cette expériencedémontre, sible, que la présence des aliments dans de temps après le commencement du repas, 10 à après le commencement du repas; ensuite, elle Si l'on pratique, Pr | A’ manente, l'opération + pas fictif est capable ( nutes, la sécrétion ( on sanscontestalion pos- l'estomac ou le duo- Fig. 4. Fig. 5. dédum n'est pas une turer les bords de Fig. #4 et 5. — Méthode de Heidenhain pour la ons du ue condition nécessaire Adie on An num el l'élude de la résection pancréalique. — CP, canal pan- delosecrehosdoee lèvres de la plaie ab- dominale, de façon à établir une; fistule duodé- nale. Par cette fistule, on peut cathétériser le canal pancréatique sans difficulté. Mais cette opération a un grave inconvénient : il faut obturer, par une canule convenable, la fistule duodénale, pour éviter l'évacuation des matières alimentaires ; et tous ceux qui ont pratiqué des fistules intestinales savent combien cette obturation est difficile à réa- liser d'une façon satisfaisante. Heidenhain a employé la méthode de résection du duodénum. Par deux incisions transversales, ce physiologiste isole un petit segment du duodé- num AB (fig. 4) correspondant au canal pancréa- tique CP. Il rétablit la continuité du duodénum en suturant les deux bouts G et D; puis il incise le segmenL intermédiaire suivant sa génératrice AB, l'étale suivant ABA'B' (fig. 5) et suture les bords de ce lambeau, aux bords de la plaie abdominale. Pawlow emploie une méthode analogue : au lieu de séparer un segment duodénal, il en enlève seu- lement un coin; il pratique deux incisions intesti- nales suivant MR et NR (fig. 6), rétablit la continuité créatique. pancréatique. Nous savons qu'au moment du repas fictif, les phénomènes sensoriels qui ont leur point de départ dans la muqueuse guslative provoquent la sécré- tion du suc gastrique, de sorte que nous pouvons rechercher la cause de Ja sécrétion pan- En, TARN \ créatique consécutive M! au repas fictif, soit “| ( dans les phénomènes sensoriels qu'il déter- mine, soit dans les RK phénomènes de sé- crétion gastrique qu il al \ provoque, soit dans ÿ\ x / l’action du suc gas- trique sécrélé sur la muqueuse gastrique ou sur la muqueuse inteslinale. Supposons qu'on dispose d'un chien porteur d'une fistule pancréa- tique permanente, d’une fistule gastrique et œæso- Fig. 6. — Mélhode de Pawlow pour la résection d'un coin duodenal.— MR, NR, sections ; CP, canal pancréaltique. M. ARTHUS — LA SÉCRÉTION DU SUC GASTRIQUE ET DU SUC PANCRÉATIQUE 505 phagotomisé. Ouvrons la canule obturatrice de la | tions alcalines ne détermine aucune sécrétion du fistule gastrique pour permettre aux produils sé- crélés de s'écouler facilement au dehors; faisons prendre le repas fictif et observons la fistule pancréatique. La sécrélion ne s'établit point net- tement. Cette expérience démontre que la sécré- tion pancréatique n'est pas provoquée par les phénomènes psychiques du repas fictif, ni par les phénomènes de la sécrétion du suc gastrique. C’est le suc gastrique sécrélé qui provoque, par une action sur la muqueuse digestive, la production du suc pancréatique. Cette action se produit-elle sur la muqueuse de l'estomac ou sur la muqueuse de l'intestin? On ne peut donner de réponse trop catégorique actuellement. Il semble toutefois que l’action doive porter sur la muqueuse de l'intestin, car, dans l'expérience que nous venons d'indiquer, le suc gastrique sécrété en abondance ruisselle sur les parois gastriques avant de s'écouler au dehors par la fistule, sans provoquer de sécrétion pan- créatique. Tous ces faits démontrent que la présence des aliments dans l'estomac n'est point une condition nécessaire de la sécrétion pancréalique, et que cette dernière sécrélion se produit à la suite d'une sécrétion gastrique. Ils ne prouvent point que la sécrétion pancréatique ne peut pas avoir une autre origine ; que, par exemple, l'action mécanique exercée sur les parois gastriques par les aliments ingérés ne peut pas produire de son côlé cette même sécrétion. Mais supposons que chez un chien porteur d'une fistule gastrique et d’une fistule pan- créatique nous introduisions directement dans l'estomac, par la fistule gastrique, des morceaux de pain : nous savons qu'il ne se produit point, dans ces conditions, de sécrétion gastrique appré- ciable; nous constatons qu'il ne se produit pas de sécrétion pancréalique. Cette sécrélion pancréa- tique apparait, au contraire, quand le pain est absorbé par la bouche, dans le repas réel; et nous savons qu'il y a alors sécrétion gastrique. La sécrétion pancréatique nous apparait ainsi toujours comme la conséquence d'une sécrétion gastrique; elle a pour cause déterminante l’action exercée sur les parois du tube digestif par le suc gastrique. On peut établir que la substance du suc gastrique active pour engendrer la sécrétion pancréatique est l'acide qu'il contient. Supposons, en effet, que chez un chien à fistules gastrique et pancréatique, on introduise dans l'estomac, par la fistule gas- trique, une solution diluée d'acide chlorhydrique, des liqueurs acides, des jus de fruits acides, on voit apparaitre ie suc pancréatique sécrété en abon- dance. Au contraire, l'introduction dans l'estomac de solutions sucrées, de solutions salines, de solu- suc pancréatique. Seules, les graisses émulsionnées sont capables d’engendrer la production d'une pelite quantité de suc pancréatique, infiniment moins importante toutefois que celle due à l'action des acides. Le mécanisme nerveux de la sécrétion pancréa- tique n'est pas convenablement connu. On peut seulement établir l'existence de fibres sécrétoires dans les filets du pneumogastrique et dans les filets du sympathique destinés au pancréas. Toutefois, la démonstration en est fort délicate. L'observation et l'expérience élablissent que le pancréas est extré- mement sensible aux variations circulatoires : un trouble léger de la pression et de la vitesse du sang dans ses artères suffit souvent à arrêler com- plètement sa sécrétion. Or, les nerfs sympathiques du pancréas contiennent des fibres vaso-constric- tives ; si l’on excile ces nerfs, on provoque une vaso- constriction pancréatique; de sorle qu'en suppo- santque ces nerfs contiennent des fibres sécrétoires, la démonsiration n’en saurait être faite directe- ment, puisque ces nerfs sont impuissants sur une glande anémiée. Les nerfs pneumogastriques con- tiennent des fibres cardiaques, lesquelles, en modi- fiant le rythme du cœur, modifient aussi la cir- culation générale et notamment la circulation pancréatique : il est donc nécessaire de les exciter au-dessous de l'émergence des filets cardiaques ; mais c'est ià une opéralion pénible déterminant des réflexes vaso-moteurs (généralement vaso-cons- tricteurs dans les viscères), cause d’insuccès dans la recherche des fibres sécrétoires que pourrait contenir le pneumogastrique. On peut toutefois écarter toutes ces causes d’erreur en procédant de la facon suivante. Les réflexes vaso-constricteurs dont nous venons de parler ont comme voie centrifuge, à partir du bulbe rachidien, la moelle épinière cervicale : si donc on sectionne cette moelle au-dessous du bulbe, on élimine complètement ces réflexes. Les splanchniques contiennent des fibres vaso- constriclives ; mais, si l’on sectionne ces nerfs, ces fibres sont inactives après quatre jours; et si l'on excile les nerfs par des chocs répétés ou par des courants d'induction très espacés (de seconde en seconde), ils ne manifestent point leur aclivilé. On peut donc éliminer l’action vasculaire de ces cor- dons nerveux. Les pneumogastriques également sectionnés depuis quatre jours, ou excités comme nous venons de le dire, n’exercent aucune action cardiaque et aucune action vasculaire. Supposons qu'on excile ces deux calégories de nerfs, soit par la méthode ordinaire, quatre jours après leur section, soit mécaniquement ou par des 506 VIVIOE BUCC, LORIE TR re, -M. ARTHUS — LA SÉCRÉTION DU SUC GASTRIQUE ET DU SUCG PANCRÉATIQUE courants d'induclion espacés chez un chien dont la moelle épinière aura été sectionnée, nous aurons réalisé les conditions indispensables à la démons- tration de leur rôle sécréteur. On constate, dans ces conditions, qu'ils provoquent, les uns et les autres, une sécrétion paneréatique. VI Si nous résumons les notions que nous avons établies !, nous pourrons nous faire, de la sécrélion digestive, l’idée suivante : Au moment du repas, par suite de l’action gus- tative des aliments, il se produit une sécrétion 4 Index bibliographique. — 1° Travaux récents sur la sécrélion gastrique : J. P. Pawcow et Scaumow-Simaxowsxy : Innervation des glandes stomacales du chien (Centralblaté für Physiologie, 1889, n° 6, et Vratsch, 1890, n° 41). Kerrscuex : L'excitation réflexe de la cavité buccale et la sécrétion gastrique (Thèse de Saint-Pétersbourg, 1890). N. JurGexs : Sur la sécrélion stomacale chez les chiens ayant subi la section sous-diaphragmatique des nerfs pneumogastriques (Arch. des sciences biologiques, t. I, p. 323). A. Sanorzky : Sur les stimulants de la sécrétion du suc gastrique (Arch. des sciences biol., t. 1, p. 589). Scuoumow-SiyanowskYy : Sur le suc stomacal st la pepsine chez les chiens (Arch. des sciences biol., t. II, p. 463). P. KuiGine : Travail sécrétoire de l'estomac du chien (Thèse de Saint-Pétersbourg, 1894). Rrasaxrsew : Sur le suc gastrique du chat (Arch. des sciences biol., t. II, p. 216). P. KuiGixe: Etudes sur l’excitabilité sécrétoire spécifique de la muqueuse du canal digestif. Troisième mémoire. Acli- vité sécrétoire de l'estomac du chien (Arch. des sciences biol., t. III, p. 461). J. P. PawLow et E. O. Scuumowa-Simaxowskasa : Beiträge zur Physiologie der Absonderungen. Die Innervation der Magendrüsen beim Hunde (Arch. für Physiologie, 1895, p. 53). V. G: Ovccuakorr : Le nerf vague comme nerf sécréteur de l'estomac (Arch. des sciences biol., t. IV, p. 429). J. P. PawLow : Remarques historiques sur le travail sécréteur de l'estomac (Arch. des sciences biol., t. IV, p- 520). J. O. Losassor : Sur l'excitabilité sécrétoire spécifique de la muqueuse du canal digestif. Quatrième mémoire. Sécré- tion gastrique chez le chien (Arch. des sciences biol., t. V, p. #25). 20 Travaux récents sur la sécrélion pancréatique : PawLow : Travaux de la Société des Naturalisles de Saint-Pélersbourg, t. XI. PawLow : Innervation du pancréas (Gazelle clinique heb- domadaire, 1888). KOUYCHINSKY De l'influence de quelques substances | gastrique très énergique qui dure pendant deux heures environ : les caractères de cette sécrétion sont modifiés par la nature des aliments ingérés. Ces aliments peuvent provoquer eux-mêmes, par aclion directe sur la muqueuse gastrique, une sécrétion gastrique qui se prolonge pendant toute la durée de leur séjour dans la cavité de ce viscère. Les combinaisons acides du suc gastrique agissant sur la muqueuse digestive, provoquent une sécré- tion pancréalique, qui se maintient tant que dure la sécrétion gastrique. Maurice Arthus, Professeur de Physiologie à l’Université de Fribourg. nutritives et médicales sur la sécrétion du suc pancréalique (Thèse de Saint-Pélersbourg, 1888). Merre : Sur l'innervation du pancréas (Thèse de Saint- Pétersbourg, 1890). KoupreveTzxY ; Contribution à la physiologie de la glande sous-stomacale (Thèse de Saint-Pélersbourg, 1890. PawLow : Bcitriâge zur Physiologie der Absonderungen. Innervation der Bauchspeicheldrüsen (Arch. für Physiologie, Suppl. Bd., 1893, p. 116. B. N. Vassiziew : Contribution à la physiologie et à la pharmacologie de la glande pancréatique (Arch. des sciences biol., t. [l, p.219). M. Becker : I. Contribution à la physiologie et à la phar- macologie de la glande pancréatique. 11. De l'influence des solutions de bicarbonate de soude, de sel marin, d'acide carbonique et de quelques eaux alcalines sur la sécrétion du suc pancréatique (Arch. des sciences biol., t. I, p. 433). Mevre : Beiträge zur Physiologie der Absonderungen. Zweite Mittheilung. Weilere Mittheilungen zur Innervation der Bauchspeicheldrüsen (Arch. für Physiologie, 1894, p. 58}. KunrewerTzky : Beiträge zur Physiologie der Absonderun- gen. Dritte Mittheilung. Chemismus der Pankreas absonde- rung unter dem Eintlusse der Nervenreizung (Arch. für Physiologie, 1894, p. 82). : Gorrcres : (Arch. für experim. Pathol. und Pharmakol. ‘vol. XXXIII, p. 261). Morar : Nerfs sécréteurs du pancréas (Comples rendus de la Soc. de Biol., 1894, p. 440). Pawcow : Note bibliographique sur les nerfs sécrétoires du pancréas (Arch. des sciences biol., t. III, p. 189). J. Dounsky : Eludes sur l’excitabilité sécrétoire spécifique de la muqueuse du canal digestif. Premier mémoire. L'acide comme stimulant de la sécrétion pancréatique (Arch. des sciences biol., t. III, p. 399). J. ScnirokikH : Etudes sur l'excitabilité sécrétoire spéeifi- que de la muqueuse du canal digestif. Deuxième mémoire. Sur l’ineflicacité des irritants locaux comme stimulants de la sécrétion pancréatique (Arch. des sciences biol., t. II, p. 419). JaBcoxsky : Contribution à la physiologie et à la pharma- cologie de la glande pancréatique (Arch. des Sciences biol., tALNENp Sn) ut. à. LÉ Se nl me ne dé ff he Oo de de ANDRÉ BROCA —— LES ORGANES DE LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL 507 LES ORGANES DE LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL Les lecteurs de la Âevue ont tous des notions exactes sur les principes de la Télégraphie sans fil, par les diverses publications de M. L. Poincaré sur ce sujet*. Il n'y a donc pas lieu de revenir sur la théorie des ondes hertziennes. Le dispositif expérimental est connu aussi, par l'article de M. Louis Olivier dans la dernière livraison *. Il semble donc que tout est dit, et qu'il n y a plus qu'à se laire sur cette question, au moins ici. Mais il y a, dans le fonctionnement des appareils utilisés, certains points controversés, sur lesquels il est bon d’insis- ter. Les deux éléments dont je veux parler sont, d’ailleurs, les éléments essentiels de la télégraphie sans fil : le cohéreur et l'antenne. I. — LE COHÉREUR. Le principe de cet instrument est dû à M. Branly. En 1885, M. Calzecchi Onesti, en Italie, avait bien vu que les limailles métalliques, placées entre deux électrodes, avec un serrage convenable, présen- tent une résistance électrique considérable, et que cette résistance diminue énormément quand on fait passer dans la limaille la décharge d’une bobine d’induction. Mais ce travail était resté dans l'oubli, et M. Branly, en 1890, retrouva cette pro- priélé, peu intéressante d'ailleurs, et en vit une nouvelle, qui a, au contraire, pris une importance considérable en ces derniers temps. Le changement de conductibilité des tubes contenant des limailles métalliques se produit même quand la décharge de la bobine ne passe pas directement dedans : il suffit de faire jaillir dans le voisinage du tube une étincelle électrique quelconque. Il vit que cette action se produit alors même que le tube est à assez grande distance de l’étincelle, et dans une salle voisine, séparée par des murs épais. Il vit aussi que celle action n’est pas supprimée quand on met la limaille en suspension dans un diélec- trique, comme la paraffine, par exemple. Il crut que cette action est due à une modification, sous l’action de l'étincelle, du diélectrique situé entre les grains de limaille, celui-ci devenant alors con- ducteur. Enfin, ces tubes sont régénérables par un choc léger : ils reprennent sous cette action la haute résistance qu’ils avaient perdue sous l’action de l’étincelle. Quelque temps après, M. Lodge eût l'idée d'em- 1 Revue générale des Sciences des 30 janvier 1898 et 30 mai 1899. ? Revue générale des Sciences du 30 juin 1899, t. X, p. 460. ployer le tube à limaille de Branly pour étudier les oscillations de Hertz. Il montra que ce procédé est infiniment plus sensible que le résonateur de Hertz ou les autres procédés employés par les divers savants. Il remarqua toute l'importance, pour la production régulière du phénomène, de la couche d'oxyde formée autour des grains de limaille, et il émit l’idée que la variation de résistance observée est due à la production de petites étincelles entre les pointes si fines de la limaille, et à des soudures ou au moins des contacts très intimes des pointes mélalliques ainsi mises à nu et fondues. Il y a, en effet, production d'étincelles entre deux conducteurs quelconques dans un champ hertzien un peu intense. Ces élin- celles sont facilement observables entre deux pièces de monnaie. La théorie que nous venons d'exposer amena M. Lodge à donner à cet appareil le nom de cohéreurs. Son interprétation ne rallia pas M. Branly, à cause de l'expérience des limailles incluses dans un diélectrique; et, dans l’état où était alors la question, le doute était parfaitement possible. Je vais indiquer maintenant les expériences récentes qui semblent établir nettement, à mon avis au moins, l’exaclitude de la conception de Lodge. M. Marconi avait montré l'utilité de très petites quantités de limaille pour avoir de la sensibilité. Les électrodes fixes ont 2 à 3 millimètres et sont à 0,5 à 1 millimètre l’une de l’autre; ce petit espace est plein à 1/5° seulement de limaille. En 1898, M. Arons exagéra encore les conditions indiquées par M. Marconi et étudia sous le mi- croscope ce qui se passe dans un cohéreur extrê- mement petit quand il est soumis à des ondes électriques puissantes. Il constitua son cohéreur par deux lames de papier d'étain taillées en triangle aigu et opposées par le sommet, collées sur verre; cela forme un résonateur ouvert. Entre les deux pointes, il placa quelques grains de limailles. Il vit alors, sous l'action des ondes électriques, des élincelles jaillir entre les pointes de la limaille et les grains s'orienter en se soudant les uns aux autres, formant ainsi des ponts conducteurs qui se brisent au moindre choc. La conductibilité diminue alors et redevient ce qu'elle était avant l'action des ondes électriques. Il restait à expliquer ce qui se passe quand les grains de limaille sont enveloppés dans un isolant. M. Arons a vu dans ce cas se former des bulles gazeuses infiniment pelites autour des pointes de >08 limaille. Il a même observé que ces bulles se résorbent spontanément au bout d'un certain temps. Il s'agit de comprendre comment ces bulles de gaz peuvent permettre à la conductibilité de s'établir. M. Arons à alors éludié ce qui se passe entre les deux pointes d’un résonaleur en papier d'élain collé sur verre, quand les deux pointes sont aussi rapprochées que possible, et quand on ne met pas de limaille entre les deux pointes. Dans ces conditions, la résistance est infinie au début. Quand les ondes agissent, il y a des étincelles qui jaillissent entre les pointes, et une certaine conduc- tibilité permanente s'établit par volatilisation des pointes de papier d’étain, et dépôt de la vapeur ainsi formée en une couche infiniment mince sur le verre. Ceci semble bien confirmer les vues de Lodge. Mais nous devons indiquer d'autres expériences encore. M. Branly avait montré, au début de ses recherches, que, si un choc convenable rétablit dans les tubes l'état initial, il n'en est pas de même des trépidalions répétées. Gelles-ci peuvent, au contraire, quand elles sont puissantes, produire un effet analogue aux ondes électriques, quoique beaucoup moins marqué. Ce phénomène a été étudié en détail l'année dernière par MM. Auer- bach et Leppin, dont les recherches ont été mentionnées dans la revue annuelle de Physique de M. Poincaré”. Ils ont d'ailleurs vu tous les deux que les ondes sonores devaient êlre très intenses pour produire un effet notable. Nous ne pouvons pas entrer ici dans les détails de leurs expériences, ni dans ceux des expériences de M. Dorn ou de M. Van Gulik. Nous insisterons seulement sur un travail de M. Aschkinass. Pour M. Aschkinass, on ne doit pas adopter la théorie de Lodge. Il donne à ce sujet un certain nombre d'arguments, dont un seul, à mon avis, semble au premier abord vraiment solide : c'est que le cohéreur fonctionne méme dans le vide le plus absolu. L'auteur a fait à ce sujet une expérience netle, en metlant sur la pompe, simultanément, un tube à décharge ordinaire et un cohéreur. Il a vu que le cohéreur continuait à fonctionner même alors que le tube à décharge était devenu tout à fait résistant, et que la décharge passait plutôt par l'extérieur que par l'intérieur. Il en conclut que, dans ces condi- tions,aucune décharge ne pouvant se produire dans un vide pareil, la théorie de Lodge, qui demande la production d'étincelles, ne se soutient pas. Cela est démontré faux par des expériences que j'ai commencées en 1895, et dont j'ai publié en- core des conséquences en 1899. J'ai montré que, dans le vide le plus grand possible, il jaillit 1 Voyez la Revue du 30 mai 1899, p. 397. ANDRÉ BROCA — LES ORGANES DE LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL des élincelles entre deux pointes suffisamment rapprochées pour éliminer l'influence des parois du tube; j'ai même montré que, dans ce cas, il se forme un cratère à l'anode, et que les par- tüicules métalliques volatilisées se comportent comme des rayons anodiques, de propriétés iden- tiques à celles des rayons cathodiques, mais dues à des charges positives. L'objection de M. Aschki- nass tombe donc, puisque les limailles ont précisé- ment de petites pointes extrèmement voisines, parfaitement disposées pour ce genre de décharges. M. Branly à présenté aussi comme objection à la théorie de Lodge les tubes à limaille d’or pur ou de platine pur, pour lesquels on ne peut invoquer l’exis- tence d’une couche isolante d'oxyde, et dont il s’est servi pour l'usage de la télégraphie sans fii. Nous allons indiquer à ce sujet le résullat des travaux de MM. Blondel et Dobkéwitch, qui con- cordent assez bien avec ceux de M. Dorn. Quand on emploie les limailles de métaux inoxydables entre électrodes de même espèce, le tout soigneusement lavé à l’éther, on n'obtient aucun effet. Il n’en est pas de mème quand, au lieu d'opé- rer ainsi, on prend des électrodes en mélaux oxy- dables. Dans ce cas, les tubes fonctionnent moins bien, il est vrai, que les tubes à limailles ordinaires, mais ils fonctionnent cependant. C’est surtout la durée qui est moindre. Au moment de la construc- tion, les tubes sont à peu près aussi bons avec ce système qu'avec le système ordinaire. M. Blondel a donné à ces instruments le nom de cohéreurs inverses. Il semble donc bien, par celte expérience, que c'est à la couche d'oxyde que l’action est due. M. Blondel à étayé cette opinion par deux séries d'expériences : Dans la première, il a étudié tous les métaux usuels, et il a reconnu qu'il fallait, pour un usage commode, qu'ils fussent oxydables. De tous les mé- taux purs, le plus convenable estle nickel; on peut employer le fer, le cuivre, le chrome, l'aluminium. Ce dernier métal est cependant moins bon, même dès le début. Les différences s’accentuent de plus en plus à mesure que la limaille vieillit, c'est-à-dire reste exposée à l'air après avoir été faile. Dans ces conditions, toutes les limailles deviennent mau- vaises au bout d'un temps plus ou moins long. Celles dont l'oxydation est la plus lente durent le plus longtemps. C'est le cas du nickel. Il faut, d'ailleurs, évidemment lenir compte du pouvoir isolant de l'oxyde formé. C'est ainsi que l'alumi- nium donne des résultats médiocres, l'alumine étant très isolante. Dans ces idées, trois vérifica- lions se présentent à l'esprit : 4° Si, au lieu d'oxyder la surface, on l’altaque par un agent autre que l'oxygène, le résultat doit C'est ce qui se produit avec ètre le même. À in , ANDRÉ BROCA — LES ORGANES DE LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL de la limaille d'argent, qui ne donne aucun résultat quand le métal est parfailement propre, si l'on a soin de la sulfurer très légèrement par l'acide sulf- hydrique. On obtient ainsi des appareils qui don- nent de bons résullats, mais qui sont d’une conser- vation assez mauvaise, les grains d'argent étant trop mous. M. Tissot a employé des cohéreurs basés sur ce principe d'une manière pratique, eten a tiré des résullats salisfaisants. M. Blondel à oblenu simultanément le même résultat, mais a renoncé à ce système pour les raisons précédentes. 2° Un cohéreur sensible doit rester tel pendant très longtemps, si l'on arrête complètement l’action de l'oxygène, par exemple en fermant l'appareil et faisant le vide. Cela avait été préconisé par Lodge dès 1894. Des expériences suivies ont montré la nécessité absolue d'opérer ainsi pour avoir des r NN NT NT NT POS MTT Ds VOPOTE sit at instruments durables. 3° On doit obtenir les meilleurs résultats en employant des métaux d'une oxydabilité réglable. C'est ce qui a lieu pour les alliages des métaux précieux avec le cuivre. En particulier, les alliages monétaires donnent des résultats excellents. Leur oxydation est très difficile. Un peut la faire en chauffant légèrement, et, dans ces conditions, on a une limaille très slable. Enfin, d’autres conditions sont encore à remplir pour qu'un cohéreur donne d'excellents résultats. Il faut que la limaille soit en quantité convenable, et il faut pouvoir la changer parfois, probablement parce que les pointes des particules de limaille s'usent à la longue. M. Blondel a alors constitué son cohéreur de la façon suivante : En un point du petit espace qui contient la limaille est soudé à angle droit un tube de verre terminé par une poche soufflée. Celle-ci contient la limaille. On conçoit facilement qu'on puisse, avec cet appareil, en l'in- clinant convenablement, ‘introduire entre les deux électrodes fixes-la quantité voulue de limaille et la changer quand le besoin s'en fait sentir. Un cohéreur ainsi constitué a une très longue vie et une très grande sensibilité. Il semble donc que, pour l'instant, la théorie de M. Lodge se confirme. L'action des vibrations acous- tiques puissantes ne l'infirme pas. En effet, sous l’ac- tion de ces vibrations, les grains de limaille frottant les uns sur les autres, les minces couches d'oxyde peuvent se déchirer, et le contact peut s'établir entre les mélaux dénudés. Cela fait prévoir un résultat de l'expérience : c'est qu'il faut une vibra- tion puissante pour produire ces effets. II. — L'’ANTENNE Si nous sommes encore dans la période des lälonnements en ce qui concerne les idées relatives REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899, 509 au cohéreur, les choses sont bien moins avancées encore en ce qui concerne l'antenne. On nomme ainsi un long fil, de 50 mètres de haut dans les expériences de M. Marconi, qui est en communica- tion avec un des pôles de l’étincelle active, alors que l’autre pôle est à la Terre. M. Sylvanus Thompson, M. Blondel considèrent le système comme un demi-oscillateur de Hertz. Les ondes propagées le long du fil étant normales à celui-ci et à la Terre, celle-ci joue le rôle du plan de symétrie dans un excitateur de Herlz'ordinaire, et la mise à terre a pour but d'obtenir l'ondulation de totalité de l'antenne, sans avoir besoin de deux de ces organes. Cela me semble contraire à l'expérience. On sait, en effet, que, quand on produit une perturbation‘ au bout d’un long fil présentant une capacité et une self-induction uniformément réparties, une ondu- lation se propage le long de ce fil, avec une vitesse caleulable par la formule dite « des télégraphistes», et avec diffusion. La limite de cette vitesse pour les ondulations de haute fréquence est la vilesse de la lumière. Ces phénomènes sont bien connus par les expériences de Fizeau et Gounelle, Siemens et Blondlot. Il est donc probable que, quand une étincelle éclate à l’origine d’un fil, il y a une limite à la lon- gueur de ce fil qui prend part à l’ébranlement initial. Une expérience bien nette le prouve. Quand un fil est assez long, d'une dizaine de mètres, par exemple, l'adjonction d'une capacité notable à son extrémité ne modifie pas le régime de l'étincelle active, alors que celte même capacilé, ajoutée près de l’étincelle, la modifie profondément. Bien entendu, il faut que la capacité ne soit pas trop grande, car alors elle modifie notablement le potentiel maximum à l’étincelle due à l'ondulation lente de la bobine, quand il y a communication directe de la bobine et de la capacité. Il semble donc qu'on ne doive pas considérer comme active, dans la lélégraphie sans fil, la vibration qui aurait une longueur d'onde égale à quatre fois la longueur de l'antenne. L'antenne a cependant un rôle aisé à com- prendre. Quand un ébranlement se produit à l’ori- gine d'un fil, il est concentré par celui-ci, en for- mant une onde qui se propage le long du fil presque sans perte. Cela ressort nettement des expériences de M. Blondlot sur la vitesse de pro- pagalion des ébranlements électro-magnétiques. Il - faut comprendre alors comment l'antenne peul émettre les ondes, après les avoir concentrées sur elle, ce qui semble nuisible au premier abord. 1 Voir à ce sujet, pour plus de détails, mon opuscule : La Télégraphie sans fil. Paris, Gauthier- Villars, éditeur, Quai des Grands-Augustins, Paris, 1899. 1930 D10 21 J. MACHAT — LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES DU SOUDAN ÉGYPTIEN Les premiers expérimentlateurs qui ont étudié la réflexion des ondes au bout des fils, Hertz, M. Sarasin et de la Rive, ont vu qu'à l'extrémité d'un filil y avait une perturbation. M. Birkeland évalue au tiers la perte d'énergie en ce point. D'ailleurs, une onde qui se propage le long du fil se réfléchira partiellement à son extrémité, revien- dra jusqu'à la boule de l’excitateur, puis retour- nera à l'extrémité, ete., et, finalement, la plus grande partie sera rayonnée par cette extrémité. Ce point deviendra donc l'origine d'une onde electro-magnétique qui, d'après la théorie électro- magnélique de la lumière, devra se comporter comme une onde élastique. Cette onde ne sera pas identique dans toutes les directions. La direction du fil lui donne une droite de symétrie. Nous aurons donc à considérer cette onde non comme une onde de lumière ordinaire, mais comme une onde sphé- rique de lumière polarisée. La théorie de l’élasti- cité nous apprend que l'énergie n’est pas unifor- mément répartie sur une pareille onde. Elle est maxima dans le plan normal à la vibralion élee- tique (ou de Fresnel) de la source, et sa puissance par unité de surface dans une direction donnée est inversement proportionnelle au carré du cosinus de l'angle de cette direction avec le plan de polari- sation. On voit ainsi que la présence de l'antenne concentre l'onde électro-magnétique dans un plan normal à sa direction. On aura donc la portée maxima, soit en plaçant l'antenne verticalement, soit en la plaçant horizontalement, etnormalement à la direction de transmission. C'est ce que l’expé- rience à vérifié d'une manière parfaitement nette. Les expériences à entreprendre pour étudier en détail ces phénomènes ne sont pas bien difficiles à concevoir; mais il faut, pour les réaliser, de vastes espaces et des installations d'antennes fort coù- teuses, qui les rendent difficiles à aborder. André Broca, Professeur agrégé de Physique à la Faculté de Médecine de Paris. LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES DU SOUDAN Lors de l'insurrection du Mahdi, le Soudan Egyptien comprenait, nominalement au moins, tout le bassin du Nil, de Ouadi-Halfa au lac Albert, avec Souakim, Massaouah et Harrar; l'Abyssinie était considérée comme une enclave, dont les fron- tières politiques ne furent jamais établies. Au point de vue géographique, cette vaste région ne présente pas d'unité, et l'appellation de Soudan Egyptien ou Oriental doit être restreinte aux terriloires compris entre la Nubie, le massif Abyssin, le bassin fermé du lac Rodolphe, le plateau des Grands Lacs, les bassins du Congo et du Tchad, le désert de Lybie. Î. — PRINCIPAUX TRAITS DE LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE, $ 1. — Relief du sol. La cohésion géologique et orographique des con- trées ainsi délimitées apparait avec une netteté extrème (fig. 1). De chaque côté de la dépression où coule le Nil, tantôl fossé relativement étroit, tantôt vaste plaine alluviale, se succèdent des pla- teaux de ce grès triasique si commun dans tout le continent africain. Ils sont surmontés ici, comme dans le Soudan Occidental, par des massifs de roches granitiques; primitives, el vers le sud-est par des roches néo-volcaniques, qui constituent par endroils une ceinture véritable au bassin. ÉGYPTIEN Dans le Dar-Four, le Kordofan, le Dar-Sennar, les pays Chillouks, sur les terrasses ondulées du Bahr-El-Ghazal, les voyageurs ont vu ces roches percer, sous forme de simples blocs, de mame- lons, de collines, de dos élendus, de montagnes tourmentées, l'épais manteau détritique ou laté- ritique. Au Dar-Four, Nachtigal a traversé, par des cols de plus de 1.000 mètres, un ensemble com- pliqué de chaines granitiques, dont la structure rappelle les lignes de hauteurs du Tibesti et du Borkou, qu'elles conlinuent, et dont l'altitude dans le massif du Marrah ne doit pas être inférieure à 1.700 ou 1.800 mètres, selon les levés égyptiens *. Au Kordofan, les collines de granit du Dar-Nouba et du Djebel-Kordofan ne dominent guère que de 200 mètres un plateau bossué, qui aurait 650 mètres vers El-Obéid. Au Dar-Sennar, chez les Chillouks, dans le Bahr-El-Ghazal, de simples blocs grani- tiques, ou des protubérances isolées, attestent encore l'unité géologique du Soudan. Les traits généraux de la Nubie, de l’Abyssinie, du plateau des Grands Lacs, sont lout à fait diffé- rents, et les frontières naturelles du Soudan, de ces côtés-là, se perçoivent à la lettre dans la réalité. 1 Scottish Geogr. Magazine, fév. 1899 : The Egyptian Su- dan (non signé). A l'est des hautes dunes du désert de Lybie, les bas plateaux crayeux et graniliques de Nubie, aux formes tabulaires, à la surface poreuse, effritée et seulptée comme celle des « hamadas », les soliltudes de pierres (Batn-El-Haggar) de noue, de l'El- Djezirah, de l'Hadendoa, au travers desquelles le #de 500 à 1000 7. [O2 de1000 à 1500 2. N 5 Wex dessus de 1500 7. 2 S ÉOuadi Halfa Îee ide 0 à Soom. DESERT È { N DE 1 Vie Dongola / = AR «sorkou . pune$ Fe à LI BY E ENNEDI , _ Omdurman, 375 G IE KANEM Rbéchrg Waë DAN É YPT Lac Tchad £ “il oËl Facher ‘KORD OF A N / 244 OUADAÏ _DAR“ FOUR, : _… # pl 2. Bakars- = Re C7 Are 84 SHoonr \ + - VW cheri M'Hara AIRE : iber ; rs PAR BANDA P4 “HAUT OUBANGÜL.. { 4 a = fQ° E 7 L.Léopola 11 J. MACHAT — LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES DU SOUDAN ÉGYPTIEN nn ni, EL" Mel hraë «Rel 11 les pays Chillouks, par une falaise abrupte, de plus de 1.500 mètres parfois, qui parail se continue vers le sud, et servir aussi de limite occidentale à la région disloqnée du lac Rodolphe. M. de champs, qui vient de traverser ce gradin gigan- tesque, le décrit comme établissant une coupure, y 30n- - El Obéiä. < o C © s#zaville Gran Foot © Léopoldville Fig. 1. — Schéma du relief du sol du Soudan Égyptien. Nil déroule, depuis la sixième cataracte, son ruban sinueux d'oasis, sont encore le Sahara, ou annon- cent déjà l'Arabie !. L’entassement des montagnes éthiopiennes plonge à l’ouest sur le Dar-Sennar et 1 Service Géographique de l'Armée, carte de la Nubie et de la partie nord.du Soudan, 1898. Parmi les dernières descrip- tions de la Nubie, je citerai celles données par M. Cuécu : Le Nil, le Soudan et l'Egypte, 4°, Paris, 1891, pp. 123 et suiv.; et par Agsare-Pacna : Dongola et la Nubie, Bull. de la Soc. khédiv. de Géogr., 1897, p. 145 | la fois physique et anthropologique : « La passe est un sentier à peine tracé, serpentant sur des pentes d'une déclivité extrême, couvertes de forêts impé- nétrables, et bordées de précipices et d'abimes ; au delà, le nom même de Ménélick et les usages abyssins sont inconnus‘ ». Vers le sud enfin, le Nil n'entre au Soudan qu'après avoir parcouru, du lac 4 Bull. de la Soc. de Géogr. de Paris, 4° trim,, 1898, p. 406. 512 J. MACHAT — LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES DU SOUDAN ÉGYPTIEN Albert à Lado, un défilé tortueux et inégal dans un plateau granitique. Ce plateau, correspondant à l’ancienne Equatoria, s'élend du lac Rodolphe aux sources du Kibali, et se raccorde avec celui des Lacs. Mais la contrée montueuse et bouleversée des Lacs est en contraste absolu avec lui, comme le prouvera une simple citation du D° Stuhlmann : « Les rochers tombent presque à pic dans l’eau (du lac Albert), de 6.900 pieds de hauteur. Çà et là s'ouvre une perspective sur de belles gorges boisées et romantiques; des chutes d’eau écument en mu- gissant d'une hauteur considérable... On se sent presque entrainé à penser aux paysages norwé- giens; car, dans l'air clair de midi, sont visibles des sommets couverts de neige * ». A l'ouest, au contraire, le Soudan Egyptien lient étroitement à l'Afrique Centrale, fait capital, dont on devine déjà les mulliples conséquences géogra- phiques. Le Ouadaï est à peine séparé du Dar-Four par la dépression désertique de l'Oued-Selamal, et les paysages des deux pays diffèrent très peu dans la relation de Nachtigal. Schweinfurth, Junker, Wilson et Felkin, les membres des missions orga- nisées par M. Liotard dans le Bahr-El-Ghazal, ont reconnu qu'il n'exisle pas de vérilable ligne de faite au nord-est du haut Oubanghi : de simples croupes granitiques s'allongent, de Ouadelaï au Dar-Fertit, isolées souvent les unes des autres, et n'alteignant nulle part plus de 1.450 mètres *. $ 2. — Climat. Entre les parties du Soudan Oriental géogra- phique, le climat (fig. 2) ne constitue pas un lien. Sans m'arrêter à citer des chiffres, je note que les écarts de température diminuent du nord au sud. Khartoum, le seul point pour lequel on possède de longues observations, est à cet égard en opposition complète avec le Bahr-El-Ghazal et l'Équatoria : les extrêmes notés y sont de + 10° et +-46°5 C., ce qui atteste des conditions quasi-sahariennes. Mais le phénomène important est que l'humidité, source de toute vie en ces parages, se trouve, de l'Équa- Leur à la Nubie, très diversement répartie entre les saisons. Le voisinage du lac Albert-Édouard et du Victoria a deux saisons sèches, l’une de mai à octo- bre, et l’autre correspondant au milieu de l'été austral. Ouadelaï et Doufilé n'ont qu’une courte période de sécheresse relative, de décembre à février, ou de novembre à mars, pendant l'hiver 1 Mit Emin-Pacha in Herz von Afrika, p. 216 ({re partie). Le chapitre XXXIV est une très belle étude d'ensemble du plateau des Grands Lacs. ? V. en particulier, Juxker : Reisen in Afrika, t. I, pp. 145-148. « Sur un sul vallonné, le sentier (en venant du N.), monte peu à peu... le long de petits cours d'eau profondément en'aillés dans la terre... C’est comme une élévation du sol continue, en forme de larges dos... » boréal : c’est la zone des pluies équaloriales. Vers Lado (5° Nord), commence à s'introduire dans la grande période de pluies une pelite saison sèche d'été, qui dure de mai à juillet dans le Bahr-El- Ghazal, et de juillet à septembre à Fachoda : il existe ainsi, jusqu'en aval de Fachoda, une zone subéquatoriale, dans laquelle les pluies sont répar- ties en deux périodes, et qui correspond, au nord de l’Équateur, à la région des Grands Lacs !. Enfin, le Dar-Sennar, Khartoum, le Kordofan et le Dar- Four appartiennent au régime tropical tranché des pluies d’été et de l'entière sécheresse hivernale. Pendant l'hiver (« el sef ») dominent ici les souffles desséchants du Nord. Le printemps est radieux et lorride, comme à Saint-Louis du Sénégal. Puis surviennent, fin avril à Khartoum, fin mai au Dar- Four, de violentes averses et des tourbillons de sables apportés souvent par des vents de Sud ? : c'est le « rouchach », saison qui voit la terre nue reverdir tout à coup, les insectes pulluler, les semailles se faire hâtivement. Les longues ondées de l'été (« el kharif ») durent ensuite jusqu'en octobre à Khartoum, jusque fin août au Dar-Four. Dongola ne recoit d’eau que de mai à juillet, l'ile de Méroé de juin à août. À Berber, on a vu quel- quefois une année entière se passer sans une goutte de pluie. Il est impossible, en somme, de n'être pas frappé par le contraste complet qu'offrent au point de vue climatérique les deux contrées extrêmes du Soudan. Les bassins du Niger et du Sénégal sont soumis à l'alternance régulière des vents de Nord et de Sud, et reçoivent {oute leur humidité de la mous- son eslivale du golfe de Guinée. Dans le Soudan Égyptien, situé à la même latitude, les pluies con- tinues d'été se trouvent limitées à la moilié environ du bassin du Nil, et ne sont pas apportées par la mousson de l'Océan Indien, comme en Abyssinie et au sud des Grands Lacs. Ici la source principale d'humidité parait être l’évaporation des eaux douces dans la région même, fait acquis pour les abords du lac Albert et pour le Bahr-El-Ghazal, et que l’on doit étendre aux pays soudaniens siluëés plus au nord. La dépression du Kir, où l’eau stagne sur une surface de 60.000 kilomètres carrés, ne le cède guère comme foyer de vapeur au lac Victoria : de là surtout s'élèvent les ondées du Dar-Four et du Kordofan, simples trop-pleins de l'énorme masse d'eau soulevée sur place dans l'atmosphère, 4 De Marroe: Die Hydrographie der oberen Nil-Beckens, Zeilschrift der Gesellsch. für Erdkunde zu Berlin, 1891, carton 9. L'article plus haut cité du Scolt. Geogr. Magaz., donne, comme limite nord à cette zone, une ligne passant par Gebbala, Sennar et Gedaref. ? V. une description de ces orages à Khartoum, dans le livre récent de M. Henri DEnÉRAIN, le Soudan sous Méhémel- Ali, p. 158. IT TT LT TT CO ST DS US NS PE PS PT J. MACHAT — LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES DU SOUDAN ÉGYPTIEN 513 vers le temps des équinoxes, et qui vaudrait à | dit, mais une combinaison de formes hydrogra- Fachoda, d'après certains voyageurs, des hauteurs | phiques diverses, dépressions lacustres reliées de précipitations de 2 mètres par an. par des rapides, marais à superficie plus ou moins 1 | étendue selon les saisons, qu'alimentent ou que $ 3. — Hydrographie. | vident d’incertaines voies d’eau. Le Nil traverse ces différentes zones climaté- C'est un fleuve inachevé, qui résume en lui tous Pluies equatoriales UZZAZones subequatoriales [2sais.sèches) N {Au 5-0. de cette ligne, plus deSocm. SE Quadi Halfa d'eau paran. DESERT — Au S-0. de cette ligne. plus de150 cm. N BIE desu par an Abou Hamed É Les chiffres 1ndiqguent approximahv{ les DE D LS æQ ouakim les chutes d'esau annuelles en centimètres UE és. ert NS Berber el Djesirah FR. 20 ennen Z?PYE nes Oo Ile de De Méréé À bKassala erce / & Abechr Ÿ Dar Ge NY F <\ KORDO FA N dSennar 7 ere Se COS NT DAR FOUR EI Obéid FU ; Gondar N , LA TS e EU ", W 1% A/ S>e* SNS NS FT | ( L. Rodolphe KR Quadelat ENS \ 2 20 > 5 TT Te Re ù \ LOY U, ) 7 a#zaville Stanley Pool £ éopoldville riques par un cours de direction sud-nord, dont la | les caractères physiques du Soudan Égyptien ‘ longueur est de 3.500 kilomètres environ, depuis Abstraction faite de l’Abyssinie, la sécheresse de les sources de la Kagera jusqu'à Berber (fig. 3). Sur | ces contrées augmente du sud-ouest au nord-est. cet espace, la pente générale est faible (0",50 en | Jusqu'à Khartoum, le Nil est done nourri presque moyenne), mais l'inclinaison varie beaucoup dans | exclusivement par les eaux du plateau des Lacs et le détail : nulle, par exemple, au Kir, elle atteint | du Bahr-El-Ghazal. entre Doufilé et Lado 1,20 par kilomètre, et La réserve liquide des lacs Victoria, Albert et davantage sur le Nil de Sommerset. En consé- quence, le Nil n’est pas un cours d’eau proprement 1 V. les ouvrages cités de MM. Chélu et de Martonne 14 J. MACHAT — LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES DU SOUDAN ÉGYPTIEN Albert-Édouard, sans cesse entretenue par les pluies et les neiges, est très considérable. Leurs bassins ont, au total, une surface de 515.000 kilo- mètres carrés, presque celle de la Erance ‘; les descriptions, ‘données par Stanley, du Semliki, par [Speke et Baker, du Nil de Sommerset, mon- arrêtèrent d’Arnauld et Werne; mais son débit: n'est jamais inférieur à 500 mètres cubes à la seconde, et peut s'élever jusqu'à 1.200, au milieu des crues de juin à septembre. Dès avant Gamba-Chambeh, l'inclinaison kilo- métrique n’est même plus de 0,05 ; en aval, elle re Cours d'eau mal connus =: … intermittents \ È x N (Ouadi et Hhiran) À es ÉOuadi Halfa DESERT Fe MB E SH Nil ee DE 4 Abou Hamed \ Dongola\ ect 5£ Cat. KR BORKOU (Desert Berber rÂPjesirah E \ LUI BOYPE, Eee Les \ ENNEDI Re de Ne \ duega SAKhartoum 2 Kassala À SQUDAN ÉGYPTIENV "* | KANEM Abechr Dar : N\ rater er oEl Facher KORDOFA Le . dSennar 2e =) ï UN HObeig "Re DEN D'AR FOUR or IE ET I BAGUIRMI et \ a f S de "| f ) Se \ LE ù .. À B ê&4 patrie < Addis:e baba , Se 5 27 SE Nasser ere $ C\H A DAR-FERTIT )&, Mefhraë Kek'=) & - Chan. Dem Ziber ; à ARE EE ê [es DAR BANDA ous2 > 3L. Abba/a HAUT OUBANGUI G ACL Le A L.Stéphanie BA NE L.Rodoïphe bougli o.Piplr FRIQUE OR: | # e OR. ALLEMANDE Stanley Pool L.Tanganyika Fig. 3. — Hydrographie du Soudan Égyptien. trent dans ces cours d’eau de véritables fleuves alpestres. Le Bahr-El-Djebel, émissaire du lac Albert, reflète exactement ces conditions, altendu qu'il n’est grossi d'aucun autre affluent permanent que l’Assoua. Il à un lit à pente médiocre (0,20 par kilomètre), embarrassé de bancs de sable et de limon, de curieux barrages de coquilles qui # La surface du lac Victoria est de 68.000 kilom. carrés. devient nulle. Là convergent, au milieu d’épais fourrés d'ambatch et de papyrus, les eaux du Bahr-El-Djebel, celles apportées par le Bahr-El- Homr du pays des Niam-Niam, par le Bahr-El- Arab du Dar-Fertit et du Dar-Four, et les flots rouges que la Sobat amène des territoires Chillouks et de l'Abyssinie?. Dans le bas-fond, entre Gamba- * CaéLu: ouv. cit., p. 1. ? D'après Schweinfurth et Junker, le Soueh, affluent du Lien : D édit sr dat ET 2 il dé ins LÉ S Den de CS nd ie hé éont-itènl: dèd lé cède, di, J. MACHAT — LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES DU SOUDAN ÉGYPTIEN 515 Chambeh, Meschra-Er-Rek, Fachoda et Nasser, véritable delta intérieur, les collecteurs de ces rivières serpentent parmi la mer d'herbe inha- bitée, s'effrangent en faux bras (« majeh ») aux rives et au fond sans consistance, se nouent en lacs temporaires aux nombreuses îles de boue, comme le lac Nô. Ces voies d’eau et ces nappes sont sans courant, mais ont des crues très sensibles; elles sont obstruées sur des kilomètres par des barrages d'herbes floltantes (« sedd »), si serrés qu'ils peuvent porter de grands animaux, et que plus d’un voyageur y est resté plusieurs mois en proie à la faim‘. Dans le Kir, l'évaporation est intense, et les herbes, retenant l'eau, diminuent la rapidité de décharge vers l'Égypte. Le Nil Blanc (Bahr-El- Abiad), à pente d’ailleurs faible (0,07), à lit en- caissé sur la rive droite, et sans {alus à gauche, a donc des crues particulièrement lentes, mais consi- dérables, qui 2500 mcb, mètre. Non navigable pendant la sécheresse, il le devient d'avril à février sur près de 500 kilomètres, jusqu'au Fazol et débite à la seconde, en août, 3.590 mètres cubes d'eaux rouges et limoneuses, apportées par les torrents de mousson des terres volcaniques d'Abyssinie. Ce sont ces eaux qui on‘ colmaté les fertiles plaines du Dar-Sennar, et qui véhiculées par celles du Nil Blanc, distribuent à l'Égypte la prospérité. En aval de Khartoum, les deux maxima s’additionnent, du 15 août au 15 sep- tembre, et sont complétés avant Berber par l'ap- port torrentiel et fécondant de l'Atbara, analogue comme régime au Nil Bleu, mais plus précoce, et roulant dès juillet 4.000 mètres cubes (fig. 4). Dès lors finit le Soudan; le Nil devient le fleuve du désert, lentement bu par l'air embrasé et par la terre aride, brisé de profil et coudé à angles brusques par les amas de craie et de granit de la Nubie, dont il fait vivre les oasis. La sixième cata- racte est une succession de rapides, non une chute d'eau soudai- ne, compara- ble aux dé- nivellations brusques que font monter son débit de *’”— ZT M ë 3500 — 310 à 4.350 a R 3000 — mètres cubes, et qui com op IMPNCENLAAES FEAR | finavrilavant les pluies iro- < … DiCAlES POUR D OONE RE 0 0) ee | Re PE RE, Attendre leur Janvier Mars Jum Août Sept. Déc Fig. 4. — Apports comparés du Nil Blanc, du Nil Bleu el de l'Albara, en amont maximum en septembre. Alors, les eaux vertes, chargées de matières orga- niques provenant des marais, charrient lentement, le long de la rive orientale, des paquets d'herbes arrachés au sedd, et débordent du côté du Kor- dofan jusqu'à 6 kilomètres par endroit. Au même moment, le Nil Bleu (Bahr-El-Azrek) est, depuis plusieurs jours, monté de 7 mètres à Khartoum, où les Égypliens avaient installé un nilo- Babr-El-Homr, roulerait jusqu'à 1.600 mètres cubes à la seconde. La Sobat, non navigable pendant la sécheresse, aurait en juin et juiilet 1.000 mètres cubes; l’un des deux bras qui la forment, le Baro, est très puissant (be Bon- cHAMPs : ouv. cil., p. 420). 1 Il existe de nombreuses descriptions du Kir. Je citerai celles de Marxo : Pelermann's Miltheilungen, 1881, pp. #11- 426, de Junker : owv. cil., t. Il, pp. 80-81, de WiLsON ET Fexix : Uganda and the Egyplian Sudan, t. 1, p 293, de M. le capitaine Bararter (de la colonne Marchand) : Bull. du Comm. de l'Afr. Eranc., déc. 1898. Voici comment en parle le major Casarr (Deeci anni in Equatoria, t. 1, p.32): « La scène change : plus de végétation arborescente, plus de villages, ni d'habitations, plus de variété dans la nature environnante. Le long du fleuve (le Bahr-El-Ghazal), des herbes très hautes des deux côtés, partout des marécages élalés, de l’eau glauque, une uniformité muette et oppri- mante, des moustiques et des mouches, des hippopotames par groupes, la tête à fleur d’eau, des bancs de boue qu'as- siègent les crocodiles, » de Berber (d'après Chélu). subit le fleuve dans l’Équa- toria : sur 16 à 18 kilomè- tres, le paysage est déjà celui de la Haute-Égypte- « Des rochers d'un gris noirätre encombrent le Nil, très élevés au-dessus de son niveau.. ; en plusieurs endroits, le lit est à sec sur une grande étendue, les eaux disparaissent sous les pierres... ; ailleurs, de petites cascades tombent par gradins, formant un archipel d'ilots !. » $ 4. — Flore et Faune. La cohésion orographique et climatérique de la partie sud-ouest du Soudan Egyptien avec FAfrique centrale, a pour effet l’intrusion dans le bassin du Nil, de ce côté, des formes et des formations végétales caractéristiques du Soudan intérieur et du Congo (fig. 5). La forêt vierge continue de l’'Arououimi et du haut Kibali, décrite par Stanley, Schweinfurth, Stuhlmann et Junker, ne pénètre sans doute pas dans le Bahr-El-Ghazal, et ne se trouve qu'exceptionnellement représentée dans l'Ouest du plateau des Grands Lacs. Mais la moitié sud-occidentale du Bahr-El-Ghazal, toute l'ancienne Equatoria, la région interlacustre du Semliki au , 1 Augare-PACHA : ouv. cil., p. 746. 516 Nil de Sommerset, sont occupées par le « parc », grasse prairie semée de bouquets de bois, sil- lonnée le long des cours d’eau par les épais rubans d'arbres de la « forêt-galerie! ». Là se retrouvent presque toutes les espèces végétales de l'ouest et du centre africains, les palmiers à huile et à vin, des pandanus, les dracæna, les bananiers, le kolatier et la liane à caoutchouc parfois; le chimpanzé et les variétés occidentales de perroquets habitent en même temps ces parages ?. Pourtant, le paysage naturel lypique du Soudan Egyplien est celui de la savane. Celle qui couvre le nord du Bahr-El-Ghazal jusqu'au Kir, et la rive droite du Nil, entre Doufilé et la Sobat, a frappé tous les voyageurs par son aspect. Ce sont des nappes con- tinues de très hautes herbes, avec des bouquets d'acacias, de lamarins, de sycomores, de palmiers- éventails, des baobabs isolés, parfois des forêts (« chaba ») sur les protubérances granitiques de la plaine, et, loin des rivières, des brousses, presque toujours sèches, où domine l’euphorbe candélabre. Nul territoire africain ne possède une faune plus variée et plus riche : l'éléphant habite là par trou- peaux, et, à côté, l'hippopotame, la girafe, le buffle, le zèbre, les antilopes, le phacochère, le lion et le léopard. Dans l'est seulement, au pied des gradins boisés d'Abyssinie, l'herbe est moins luxu- riante : vers le Baro, la plaine est garnie de mi- mosas el d’acacias près des rivières, mais aride à distance, avec des arbres rares et des « steppes rases comme des landes #: » Schweinfurth et de Pruyssenaere* ont dépeint de façon à peu près analogue la savane souda- nienne des bords du Nil Blanc. « Le paysage du Nil Blanc, dit le second, avec ses rives plates et partoul boisées de mimosas, est encore plus uni- forme que celui de l'Égypte et de la Nubie…. L'homme parait absent de cet horizon immense, qui en reçoit un rare caractère de grandeur triste. Mais, à peine le soleil est-il levé que les deux rives, où pullulent les oiseaux d’eau, se peaplent d’ani- maux en foule sans cesse accrue : gazelles, singes, hippopolames, crocodiles... Les bords forment un long mur d'herbe qui paraît s'étendre à l'infini. une plaine marécageuse et couverte 1 Juxxer : ouv. cil., t. Il, pp. 145-148; SCHWEINFURTH : Au cœur de l'Afrique (trad. franc.), t. I, p. 460. 2 STUHLMANN : ouv. cil., cartes; DE MARTONNE : La vie des peuples du Haut-Nil, Ann. de Géogr., t. V, p. 510, carte I. # D’Arxauzp et WExNxE ont vu, du fleuve, des troupeaux de 28 bêtes; le second appelle la contrée à droite du Nil : « Eine wahre Elephantweide » (un vrai pâturage à élé- phants). V. DEHERAIN : ouv. cil., pp. 296-298; JUNCKER : owv. cil., I, 324. * De Boxcuamps + SCHWIENFURTH : : ouv. cil., p. 407. ouv. cit., 1, p. 44; E. de Pruyssenare's Reisen und Forchungen im Gebiete des Weissen und Blauen Nil (par Zorprirz), Pelerm. Millh. Ergünz, n° 50, pp. 1-2. J. MACHAT — LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES DU SOUDAN ÉGYPTIEN d'une épaisse végétation, puis la zone de l'acacia, qui se trouve assez loin du fleuve, et enfin le steppe où vivent les Baggara. » Le Dar-Sennar, au sol gras, a des herbes hautes, en partie remplacées déjà par les cultures, et de petites forêts de palmiers doums et delebs. Plus maigres, et moins continus au Kordofan, pays du baobab et de l’autruche, les riches gazons à bou- quets de bois reparaissent dans le montueux Dar- Four; là, ils ne font guère place que vers le Ouadaï aux laillis nains de la brousse « Buschwald », et Nachtigal y a vu, presque sans exception, toutes les espèces animales du Nil Bleu‘. Au Nord enfin, une étroite lisière de steppes, verts seulement quelques semaines, à l'arrivée des pluies, tout à fait dépourvus d'arbres, aussi déshérités que ceux du voisinage de Tombouetou, forment la transition vers le Sahara désolé. II. — CARACTÈRES ESSENTIELS DE LA GÉOGRAPHIE HUMAINE $ 1.— Composition ethnographique et genre de vie. La complication ethnographique parait moindre au Soudan Oriental que dans les bassins du Niger et du Sénégal, mais le caractère dominant de la géographie humaine y est le même (fig. 6). Partout, les peuples sédentaires, agriculteurs, pé- cheurs ou industriels, les plus nombreux, y ont été asservis par des pasteurs ou chasseurs no- mades, qui avaient réussi par endroits, avant l'époque de la conquête égyptienne, à organiser des sortes de fédérations de petits royaumes”. Le fond de la population du Dar-Four et du Kor- dofan est formé par des hommes noirs, des Nilo- tiques, habiles agriculteurs, sachant tisser le coton et travailler le cuivre, que les pasteurs arabes et berbères de la savane, de couleur foncée, comme les Touareg du Sahara méridional, avaient groupés en sullanats, pour les exploiter. Nachtigal a décrit le sultanat du Dar-Four, où il séjourna au Facher, comme un centre de populalion nègre (Foriens), où les Arabes El-Ferazah et les Berbères Zo- ghaouah étaient les maîtres. Au Kordofan, les pas- teurs, méêlés de quelques Ethiopiens, s'appellent « Kababich » ou « Baggara », selon qu'ils pra- tiquent l'élevage du mouton ou du bœuf à bosse. Pour ces Sémites, le Dar-Fertit, le Dar-Sennar, le Dar-Nouba sont restés jusqu’à la dernière expé- 1 Sahara und Sudan, t. IN, pp. 314, 327-328. 2 Ce fait important a été très bien mis en lumière pour la partie méridionale par M. ne Marronne dans l'étude, plus haut citée, des Ann. de Géogr., 1. V et VI. Comparez: Pauz Coxsranrix-Mever : Erforschungsgeschichte und Staaten- bildungen des Westsudan, Pet. Mitth. Ergänzungsh, n° 121 (1897), principalement en ce qui concerne les invasions des Foulbé. LL ie. sin <, J. MACHAT — LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES DU SOUDAN ÉGYPTIEN 517 dition anglo-égyptienne, des terrains de razzias, | ces hommes, d’un brun bistre foncé, grands et où ils s’approvisionnaient d'esclaves !, sveltes!, toujours armés de longues lances, mon- Sur le Bahr-El-Djebel et dans le nord du Bahr- | tés parfois à cheval, si peu civilisés qu'ils vont El-Ghazal, les Néo-Nilotiques, Chillouks, Nouërs, |! nus, sont restés fétichistes, et ne connaissent Denkas, chasseurs, pasteurs, pêcheurs quelque- | aucune écriture. Ils n'ont jamais créé de grands fois, jouent le même rôle que les Sémites dans le | États dans le pays, où le morcellement était com [7] Sieppe avant désert [TI Ssvane N 77 Parc ’ SPOuadi Halfa Fre] Forét verge continue DESERT Désert. _ Timite dela flore de Afrique occle Fe, ; y vel He a NE, = je RER Dors € Aboullamed ee À = 207 aTUS : A: < mr \ LS POELE Dongofa\. de Souakim 5 \ {Hadendoa) Desert Berber 4—.-Au nord de cette limite les palmiers 2e sont pas representes ennombreuses espèces ENNEDI KANEM Abeckï \\ Lac Tehad de o — es OUADAI BAGUIRMI D Galerie ns “ 978% = M . HAUT OUBANGUIS> *L.Léopold 1 N OR ALLEMANDE \£.Zanganyrka Fig. 5. — Formes végélales du Soudan Égyptien. Soudan Egyptien septentrional. La savane est à | plet lors des expéditions de Méhémet-Ali. Mais ils dominent leurs voisins. Les Denkas exploitent les 4 V. dans Sonwenrurmn : ouv. cit. f. 1, pp. 68-73, le récit | Petits royaumes des Bongos, Vieux-Nilotiques, qui d'une razzia. Frogexits (die Heiden-Neger des egyptischen | sont agriculteurs et forgerons, et habitent le Bahr- Sudan, 8°, Berlin, 1893, p. 120) fait la curieuse remarque LC me pee ES 2 que les conquérants sémites n’ont pas converti les popula- EEGhazal, vers lomhrmite dupare et de la savane tions noires à l'islamisme, et ce afin de pouvoir selivrer àla | Les Chillouks, dont l'ancienne capitale serait traite. Les Egyptiens s'associèrent dès les premiers temps de l'occupation à la chasse à l'homme dans le Dar-Nouba 1 Frobenins les appelle x nègres de marais ». (Sumpfeu- et dans le Fazolq, d'où venaient des esclaves abyssines | ger). très eetimées (DEMERAIN : ouv. cl., p. 173). 2 STUHLMANN : ouv, cil., 1re partie, pp. 206-226. o18 J. MACHAT — LES CONDITIONS GÉO GRAPHIQUES DU SOUDAN ÉGYPTIEN Fachoda, ont pénétré jusque chez les nègres du Haut-Oubanghi, les Makraka et les Mombouttou. Enfin, M. de Bonchamps a récemment vu sur le Baro, les Yambos, pêcheurs et agriculteurs, en proie aux incursions des Nouërs. Près de la ligne de faite, entre le Bahr-el-Ghazal et le Congo, en arrière de cette ligne, c’est-à-dire, en somme, dans le pare, des nègres de race ban- tou, surtout agriculteurs, sont dominés à l'Ouest par des nègres cannibales et chasseurs, venus de la forêt vierge où vivent les nains Akkas, et dont les Niam-Niam, visités par Schwenfurth, sont le type parfail'. Entre les lacs enfin, à l’est et au nord du Victoria, les Bantou (Massaï) et les Vieux- Nilotiques (Bari et Latouka), sont gouvernés par des pasteurs de race hamitique, Gallas principale- ment, venus du nord-est, et qui ont organisé, dans les régions de population dense et d’agricul- ture plus perfectionnée, des États de constitution assez analogue à ceux du Dar-Four, de l'Ounyoro, de l'Ouganda, du Rouanda. | $ 2. — Mise en valeur du sol. Tous ces peuples n'ont évidemment qu'une in- dustrie rudimentaire, et les mots même d'agricul- ture et d'élevage ne doivent pas ici faire illusion. Sauf au nord-ouest du lac Victoria et dans le Dar- Four, où seraient réunis des groupes de 2 millions d'habitants ?, exception faite aussi de quelques points privilégiés du pare, dans le Bahr-El-Ghazal, où la densité atteindrait 10 à 12 âmes au kilomètre carré, les hommes ne se trouvent pas en assez grand nombre sur ces terres, pour les avoir mises en valeur, et ils y sont restés en majorité soumis aux conditions naturelles #. Ainsi que l'indique la figure 6, une ligne correspondant à peu près à l'ilinéraire de Wilson et Felkin, de Lado au Dar- Fertit, circouscrit au nord une zone, qui est, en gros, celle du pare, dans laquelle on ne connait comme animaux domestiques que le chien et les volailles, et comme nourriture que le gibier, les bananes et le riz sauvage, avec, en simple appoint, le manioc, le maïs et quelques fruits cultivés. Plus près du Bahr-El-Djebel, les Bongos forgerons ont des chèvres, et font produire au sol quelques céréales, par des procédés rudimentaires *. Mais les peuples ! FroBenIUS : ouv. cit, pp. 131-138. « Les Niam-Niam apparaissent au premier coup d'œil comme race supérieure aux autres par leur structure musclée et élancée. .; on ne peut les appeler cultivateurs, car ce sont des esclaves bantou et des femmes qui s'occupent chez eux du néces- saire à ce sujet. » © SruuLMANN : ouv. cil., carles; NacuriGaL : ouv. cèt., t. IL, p.5. * Les Chillouks ne sont que 1.000.000 à 4.200.000, et les habitants du pays Niam-Niam 600.000 seulement, d'après Junker, Sur la savane, la densité ne dépasse guère 4 âmes au kilomètre carré; elle est nulle dans le Kir. * FROBENIUS : ouv. cil., p. 133. 11 en est de même des Yambos de la savane nilotique, Denkas, Chillouks, Bari, Latouka, ne possèdent pour toule richesse dans leur « zéribas » que des troupeaux de grands zébus à la robe gris clair et aux cornes contournées, dont les missions de Méhémet-Ali semblent, d'ailleurs, avoir exagéré le nombre. Il faut aller au Dar-Four, au Kordofan, au Dar-Sennar pour rencontrer réunies toutes les sortes de bétail et presque toutes les cultures connues des Egyptiens, sauf le palmier- dattier, qui n'existe guère en dehors de l'étroite bande des oasis de Nubie. Le Dar-Four, le Kordofan ont des champs de doukhn, de dourah, d'orge, de coton, d’'arachides, de tabac, même des légumes obtenus par les procédés égyptiens de travail et d'irrigation ‘. Les riches alluvions du Dar-Sennar sont le terrain de la dourah « féterit », du coton et du sésame”. 3. — Conditions commerciales. un Il est {rès remarquable, mais peu étonnant en résumé, que le Soudan Egyptien n'exportät guère, au moment de l'insurrection mahdiste, que des produits naturels en pelite quantité. Telle semble bien être pour longtemps encore, selon l'aveu exprimé par lord Cromer, dans son récent Rapport sur l'Egypte, la destinée de ces pays, dont quel- ques-uns pourtant sont riches, ainsi qu'on l’a vu. Méhémet-Ali, en entreprenant la conquête, n'avait guère été guidé que par la préoccupation de se pro- curer de l’or, de l'ivoire et aussi des soldats *, En 1884,quand succomba Khartoum, aucune exploi- tation agricole n'avait été tentée, aucune voie de communication créée ou organisée. Le khédive s'était contenté de monopoliser les différents commerces, sauf celui des esclaves, qu'il se contenta de tolérer. Les barques d'acacia des Egyptiens, leurs grandes « dahabiés » à voiles, les 15 vapeurs eux-mêmes de la flottille nilotique, ne parcoururent jamais le fleuve, surtout à la remonte, qu'avec de notables difficultés, et le Nil aboutissait, au nord du Soudan, à l'impasse des cataractes *. Quelques barques seulement allaient de Berber à Dongola. C'était par des caravanes qu'affluaient à Khartoum, et de là à Berber et Souakim, les marchan- dises rassemblées dans les marchés ou « okels » (ve Boncaawes : ouv. cil., pp. 410-414). Les groupes d'habita- tions sont, chez les uns et les autres, plus confortables. 1 NacumGaL : ouv. cil., t. I], p. 314 : « De nombreux champs de céréales et de coton, en même temps que des troupeaux de bêtes à cornes, annoncent le voisinage des villages. » ? Cuécu : ouv. cil., pp. 103-105. 5 Pour 13 millions de francs environ : Ibid, p. 105. * DERÉRAIN : ouv. cil., pp. 15-17. 5 Les vapeurs mettaient de 25 à 45 jours pour aller de Kharthoum à Gondokoro, et l’on comptait 3 mois au moins pour les barques, du Caire à Khartoum (CuéLu : ouvr. cit., p- 14). dam“ dam Éd RS dde ES de te dé matorné dés à fe 0 ui tirée ns bte ns . J. MACHAT — LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES DU SOUDAN ÉGYPTIEN de Kobbeh, d'El-Obeid, de Sennar, de Gédaref', les ! plumes d’autruche, les gommes, l'ébène, le henné, l’encens, le muse, l'or, les esclaves, l'ivoire même, auquel le fleuve ne servait pas de chemin unique. Kassala commercait directement avec Souakim qui étaitlaprincipale porte de sortie de tous les produits. Semites Ære -Vieux-nilotiques _—Wéo -nilotiques Nègres __…Zes flèches indiquent le mouvement des peuples — /#oute des caravanes en 1884 en. /u nord de cette hgne, tous les ani- IMAUX domestiques ettoutes les cultures ———/u S.0. de cette Lyne, elevage nul, cultures rares, LKANEM Fe \Lac Tchad à DRE of OUADAI”/ RE |! DAR FOUR BAGUIRMI \ Doukhn, coton, etc. BA \ arachide, tabac - 7 We œr—., 0 2 2250 VENTES Po ECIOTEN 9 a ue À Le" 27 6e me #7 A B S INIE cHarar "7 \ Cuivre se Addis-Ababa , HARAR: ie Do CH A HREDJ\ DARF os >. Chart ste Fu BANDA . .) ŸL.Abbala À Bananrers,elà Pre: ù B etriz sauvage etc. ‘JLLASAAMITE Mort 7 à Bangu WL.Stéphanie À : à ort .Léopold 1! Brazzaville JStanley Fool 019 se trouvait formellement abandonné par le khédive, sur l’injonction de l'Angleterre, chargée du con- trôle de l'Egypte depuis 1882. Jusqu'en mars 1895, ces pays furent l'objet des entreprises de plusieurs Puissances européennes, qui eurent lieu selon le droit international établi Sennar ELObéid , AZough, coton Géndar nn À sesage, le US © Ê ES) E #. Mere } oR ALLEMANDE $ jt L.Tanganyrka AN “Léopoldville L ré: Fig. 6. — Condilions anthropologiques du Soudan Égyplien. $ 4. — Etablissement des Européens au Soudan Oriental. Les populations de presque tout le Soudan Oriental se soulevèrent à la suite du Mahdi, avant même la fin de la conquête égyptienne, el redevin- rentindépendantes en 1884-1885.En 1889, le Soudan 1 Khartoum avait environ 50.000 habilants et El-Obeid 25.000. On trouvera la description de Khartoum à cette époque dans le livre cité de M. DEUÉRAIN. pour l'Afrique par le dernier Congrès de Berlin, et auxquelles la Grande-Bretagne parlicipa ou con- sentit. Elle s'établit à Zeilah, comme à Souakim. Au sud-est du Soudan, après le traité de partage de l'Afrique orientale avec l'Allemagne, elle permit à la Compagnie brilannique à charte ‘ ! Les territoires de la Compagnie ont été rachetés par la Couronne en 1895. 520 J. MACHAT — LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES DU SOUDAN ÉGYPTIEN l « Zbea » d'annexer l'Ouganda, de 1890 à 1892, puis l'Ounyoro, en 1895. Les Belges, venus du Congo, prirent librement la partie ouest de l’an- cienne Equatoria, où un officier de la Mission van Kerkhoven arriva à Ouadelaï, en août 1892. Massaouah fut abandonnée à l'Italie (1891). Le Gouvernement français put envoyer à M. Liotard, installé dans le Haut-Oubanghi, la colonne Decazes, pour occuper le Bahr-El-Ghazal; et la Convention franco-belge de 1894, non protestée par l'Angle- terre, stipula expressément que l'influence fran- çaise pourrait s'étendre jusqu'au Nil à l’est, et à 5 degrés de latitude Nord, au sud!. En mars 1895, une déclaration de sir Edw. Grey prétendit tout à coup établir que l'Angleterre avait un droit de préférence personnelle dans le Soudan Oriental, à cause de sa situation en Égypte. Ce document était dirigé contre la France, dont le point d'appui dans l'Oubanghi était alors plus sûr que ceux des Anglais et des Belges dans l'Ouganda et le Congo. Les affirmations de sir Edw. Grey furent repoussées au Sénat francais par M. Hano- taux (5 avril 1895), et l'Europe les regarda comme non avenues, puisque l'occupation du Soudan con- ünua. Les Belges s'emparèrent de Lado (1896) et de Redjaf (février 1897). M. Liotard, arrivé à la ligne de faite du Bahr-El-Ghazal, à Tamboura, en février 1896, fonda un poste à Dem-Ziber, en juin 1897, et recut une colonne de renfort partie de Brazzaville, en mars, avec M. le commandant Marchand ?, En même temps, l'Angleterre poussait l'Italie à conquérir sur les Abyssins les anciennes dépendances de Kassala. Elle signait avec le Négus, au printemps de 1897, un traité qui lais- sait intacte la question des provinces abyssines du Soudan? (Mission Rennell Rodd). Elle semblait seu- lement vouloir, et avec raison, faire admettre l'Égypte au partage, car une expédition anglo- égyplienne, après avoir repris Dongola, en sep- tembre 1896, s'avancait sur Berber. Au commencement de 1898, la situation apparut tout à coup changée. La tentative italienne, au nord du Soudan, avait abouti à un désastre, et la gar- nison brilannique de Souakim avait dû occuper Kassala le 24 décembre 1897, en même temps que le corps anglo-égyplienatteignait lentement Berber. Le major Mac-Donald, envoyé du Sud, en juin 1897 pour devancer M. Marchand sur le Nil, avait été obligé de rebrousser chemin, à cause de la révolte de l'Ouganda. Au contraire, M. Lagarde, gouver- neur français de Djibouti, avait obtenu de Ménélick ! Cette convention annulait un traité anglo-belge, cédant le Babr-El-Ghazal à la Belgique, en échange de l’ « enclave de Lado ». ? V. sur l'expansion française un bon article de M. KE- GELSPERGER : Rev. Encyclop., 4 mars 1899. le passage vers l’ouest de plusieurs Missions ; l'une, celle de M. de Bonchamps, se trouvait engagée dans le bassin de la Sobat, où opérait aussi une Mis- sion abyssine'. On sut alors en Europe qu’au prix d'une énergie admirable, M. Marchand et ses offi- ciers s'étaient établis à Fort-Desaix, sur le Soueh, et s’apprêtaient à gagner le Nil par eau. Hors d'état encore de faire la guerre au Négus, la Grande- Bretagne protesta contre la France; la presse et les hommes politiques d’outre-Manche, sans distinction de parti, reprirentla déclaration de sir Grey, et par- lèrent avec menaces d’ « agression » française : ils furent appuyés par quelques-uns de nos journaux. En septembre 1898, le général en chef de l'armée anglo-égyplienne, Kitchener-Pacha, après avoir détruit la principale armée du khalife à Omdur- man, et remonté le Nil en hâte, rencontra à Fa- choda M. Marchand, qui s'y trouvait installé depuis deux mois, ayant battu de son côté les mahdistes, et, comme on l’a su depuis?, exploré le cours infé- rieur de la Sobat à la recherche de M. de Bon-° champs. Le gouvernement anglais demanda au ministère français l'évacuation immédiate de Fa- choda, tout en faisant des préparalifs de guerre navale contre nous. L’évacuation fut accordée à la force, le 4 novembre 1898 : aucune autre raison sérieuse n'en a été donnée à la tribune de la Chambre dans la séance du 23 janvier 1899. Il n'y avait pas eu en France le même accord qu'en Angleterre, où tout le monde s’unit aux im- périalistes 5. L'abandon de Fachoda, le 11 dé- cembre 1898, a été pour ceux-ci un triomphe, qui ne laisse pas entière, quoi qu'on en ait dit, la ques- tion égyptienne, M. Chamberlain, approuvé à plu- sieurs reprises par lord Salisbury ‘, a déclaré publi- quement que l'Angleterre « s’assurait par là le contrôle de toute la vallée du Nil » (Manchester, 15 novembre 1898), et que sa situation « devenait désormais incontestable en Égypte » (Wolverhamp- ton, 18 janvier 1899). Le 19 janvier 1899, une con- vention anglo-égyptienne, non protestée par nous, a établi, avant même que la question du Bahr-El- Ghazal eût élé discutée, le coprotectorat de la Grande-Bretagne et du Khédive sur tout l'ancien Soudan égyptien au sud de 22° lat. nord, Et le récent traité franco-anglais du 21 mars 1899 (fig. 7), n'a fait que confirmer cet arrangement; 1 Ménélick a revendiqué, en 1891 et en 1897, le Soudan jusqu'au Nil et à 2° de latitude nord. Le 5 février 1898, M. d'Orléans, partant de Paris pour prendre, avec le comte de Léontief, la direction des « Provinces Equatoriales d'Abyssinie », a publiquement confirmé ces prétentions. 2 Compte rendu de la Soc. de Géogr. de Paris, février 1899. 8 V. en particulier un article de M. ne Lanrssan: Ques- tions diplomatiques et Coloniales, 15 novembre 1898. 4 Notamment aux communes, où fut invoqué par lui « le droit de conquète ». 11 a été dit aussi que les Anglais « ne sont pas vassaux du khédive ». ‘nous avons abandonné le Bahr-El-Ghazal, dont nous occupions solidement la partie occidentale, en échange des territoires à l’est du Tchad, qui nous étaient acquis en fait et en droit depuis longtemps!. Les motifs de cette concession demeu- rent peu perceptibles en droit strict, malgré les J. MACHAT — LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES DU SOUDAN ÉGYPTIEN 521 Une clause du traité du 21 mars, présenté dans son ensemble comme le complément de la récente convention du Niger, que la Chambre a votée à mains levées, le 12 mai, a étendu aux possessions françaises de l’est du Tchad et au Bahr-El-Ghazal la réciprocité commerciale décidée pour la majorité Œ FEZZAN Mourzouk TIBESTI (F) BORKOU (F) | ZZZIimites elablies par traités oo Chemin de fer construit a Pre] ele ou en construction ——— Telegraphe L.+..Zone de reciproctte douanière franco -anglaise elDjesirah F Die de Omdurman Khartoum fSOUDAN ÉGYPTIEN/ Méroe % D 4e ce che he he me me che me ee ce me ee fe ee fe 3 oEl Facher OUADAI Z (F) BAGUIRMI (F) 2 Ad ANGLAISE } DU NIGER/ , 4 1 7} CAMEROUN (ALL) À NN + À ay Pool Z': atout KORDOFAN El Obéid VA AB INIE jé is-A SOMALIE Addis baba ur C\H vi * Z ] 1. Rbbara ch À muy Ÿ & Fig. 1. — Conditions politiques du Soudan Égyplien. notes officielles, et ceux-là mêmes qui approu- vèrent sans réserves l'abandon de Fachoda, ne se sont pas trompés en écrivant que l'Angleterre « élablissait son protectorat sur la vallée du Nil?. » 1 On trouvera les textes de la convention du 19 janvier et dutraité du 27 mars, notamment dans le Bulletin du Comité de l'Afrique française, février et avril 1899. ? Dg Lanessan : Queslions diplomaliques el coloniales, Aer avril 1899, p. 389. des pays du Soudan Occidental. Les libre-échan- gistes français eux-mêmes ont trouvé celte stipu- lation excessive. Il ne semble guère douteux, en effet, que l'Angleterre doive en profiter à notre exclusion. Tandis que l'accès au Nil nous sera des plus difficiles, n'étant plus installés au Bahr-El- Ghazal, le Soudan Égyptien esl destiné à être, à bref délai, un point de dispersion des marchan- dises dans l'Afrique centrale, but expressément 522 J. MACHAT — LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES DU SOUDAN ÉGYPTIEN visé par le parti industriel et impérialiste d'outre- Manche. Sans parler de l'avance commerciale et industrielle des Anglais, l'Égypte, où les progrès de la Grande-Bretagne ne sont pas plus niables que ses sacrifices', constituera pour l'Angleterre une base d'opérations excellente, attendu qu'elle y fait la plus grande partie du commerce, et que la convention du 19 janvier a affranchi de tous droits les denrées entrant au Soudan de ce côté. En attendant que soit organisée la navigation sur le Nil par l'établissement des barrages submersibles dans la zone des cataractes?, et que le chemin de fer dépasse l’Atbara, deux autres portes exclu- sivement anglaises sout ouvertes. Souakim, point de sortie traditionnel des produits du Soudan Oriental, principal relai et principal point d'attache des càbles dans la mer Rouge, est demeurée, d’a- près la Convention, possession britannique, et, depuis novembre 1898, se trouve reliée par un télégraphe et une route postale à Berber et à Kas- sala. Au sud-est, le chemin de fer, dit de l'Ou- ganda, atteindra, dans quelques années, le lac Victoria *. Il n'est pas décidé encore à qui sera Harrar, 4 Je citerai l'achat de la Khédivieh, et les projets actuels pour enlever à la Commission internationale le contrôle des chemins de fer, des postes, du port d'Alexandrie. 2 La concession de ces barrages, dont le projet est dû à l'ingénieur francais M. Prowpr, vient d'être faite, sans adju- dication, à une compagnie anglaise. 3 Voici les principales relations de voyage dans la région du Soudan Egyptien : Bruce : Voyage en Nubie et en Abyssinie (trad. fr.), 5 vol. 40, Paris, 1790. Browwne : Voyage en Afrique (trad. fr.), 2 vol. 8°, Paris, an VII. BurokuarDr : Travels in Nubia, 4°, Londres, 1819. Cazaun : Voyage à Méroé, au fleuve Blanc,etc., 5 vol. 8, Paris, 1826-27. Lixanr DE BELLEroNDs : Journal of a voyage on the Bahr-El- Abiad, Journ. of the Roy. Geogr. Soc. of London, 1832. D'ArxauLp : Lettres, Bull. de la Soc. de Géogr. de Paris, 1842-44. Mouammep-ec-Touxsy : Voyage au Darfour (trad. fr.), 8, Paris, 1845. Wenxe : Expédition zur Entdeckung der Quellen des Weissen Nil, 8°, Berlin, 1848. Brux-Rozer : Le Nil Blanc et le Soudan, 8°, Paris, 1855. Taisaur : Expédition à la recherche des sources du Nil, 80, Paris, 1856. PETHERICK dres. 1861. : Egypt, the Sudan and Central Africa, 8°, Lon- ancienne dépendance du Soudan Égyptien, et qui se trouvera prochainement relié par les rails au port français de Djibouti. La question, comme celle des Provinces Équatoriales d'Abyssinie, dépend du maintien de la puissance du Négus. Or, c'est à détruire cette puissance que l'Angleterre semble momentanément porter (ous ses soins : en même temps que les majors Martyr et Mac-Donald ont été envoyés de l'Ouganda vers le Nord, le gros du corps anglo-égyptien a abandonné la poursuite du Khalife, réfugié au Kordofan, et, massé vers Kas- sala et Gédaref, reçoit des renforts continuels. L'organisation de l'Abyssinie, si imparfaite que les différents «ras », surtout ceux du Nord, ne gar- dent à Ménélick qu'une fidélité relative!, pourrait bientôt amener de nouveaux événements. J. Machat, Agrégé d'Histoire et de Géographie. SrEkE : Journal of the discovery of the source of the Nile, 8°, Londres, 1863. Burron : The Nile basin, 80, Londres, 1864. StEuDxER : Reise auf dem Bahr-El-Abiad und dem Bahr-El- Ghazal, Zeitschrift der Gesellsch. für Erdkunde zu Berlin, 1864. LEJEAN : Voyage aux deux Nils, 49, Paris, 1865. Heuceuin : Reisen in das Gebiet des Weissen Nil und seiner westlichen Zuflüsse, 80, Leipzig, 1869. ScnwenrurTa : Au cœur de l'Afrique (trad. fr.), 2 vol. 80, Paris, 1815. : Cuarzzey-LonG : Central Afrika. Expédition au lac Victo- ria et au fleuve Blanc (trad. fr.), 8°, Paris, 1871. PRAYSSENAERE : Reisen und Forschungen im gebiete des Weissen und Blauen Nil, Pelerm. Mitth. Ergänzungshefte, 50 et 51 (1877). NacuriGaL : Sahara und Sudan, 3 vol, 8°, Leipzig, 1879. Mizson AND Feckn : Uganda and the Egyptian Sudan, 80, Londres, 1882. Enun-Pacua : Eine Sammlung von Reisebriefen und Berichten.. (édit. par Schweinfurth et Ratzel), 8°, Leipzig, 1888. Juxxer : Reisen in Afrika, 3 vol. 8°, Vienne et Olmütz, 1889-90, et Peterm. Milth. Ergänzungsh, n° 92, 93. OnrwaLver : Aufstand und Reich des Mahdi im Sudan, und meine zehnjährige Gefangenschaft dortselbst, 59, Innsbruck, 1892. Sruazuanx : Mit Emin Pacha ins Herz von Afrika, gr. 8°, Berlin, 1894. Casari : Dieci anni in Equatoria e ritorne con Emin Pascia 2 vol. 8°, Milan 1895. SrrEvens : With Kitchener to Khartoum, 8°, Edimbourg et Londres, 1898. DE Bonxcuawes : Une Mission au Nil Blanc, Bull. de la Soc. de Géogr. de Paris, 4° trim. 1898, et Revue Coloniale. 15 jan- vier, 15 fév., 15 mars 1899. 4 Bararteut : Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1899. nb sen d bé mé rot de mnerocèns hé 0 ne à PT TD Res 2. LR RE ES Li 0 | ARR à bé dé Dé dé Lt dé R. MAIRE — LES ESPÈCES VÉGÉTALES SOCIALES 523 LES ESPÈCES VÉGÉTALES SOCIALES FORMATION ET RÉPARTITION DES SOCIÉTÉS Chacun sait que certaines espèces végétales, au lieu de vivre par individus plus ou moins dissé- minés au milieu d'autres espèces, envahissent exclusivement, ou à peu près, des espaces souvent considérables, éliminant toutes les autres plantes ou permetlant à quelques-unes seulement de vivre avec elles : ce sont les espèces sociales. Un exemple banal vient de suite à l'esprit dès qu'on en parle: qui ne connait la Callune-bruyère et les landes qu'elle forme ? On peut distinguer deux types parmi les espèces sociales : le premier, type social constant, se com- pose d'espèces qui ne se rencontrent guère qu'à l'état social et envahissant; le second, /ype social inconstant, est représenté par des espèces dont les individus peuvent vivre et vivent souvent dissémi- nés, mais qui, sous l'influence de certaines com- binaisons de facteurs de climat et de sol, se mettent à pulluler et à peupler exclusivement ou presque exclusivement les espaces soumis à ces actions. On peut encore distinguer à un autre point de vue deux types : Le {ype unisocial, où la société est composée d'une seule espèce; le type plurisocial, où elle se compose de deux ou quelques espèces mêlées en quantités à peu près égales. Les exemples du type social constant sont fré- quents et bien caractérisés chez les Muscinées, où les sphaignes le présentent au plus haut degré. Ceux du type social inconstant sont, au contraire, communs chez les Phanérogames ; quant aux types plurisocial et unisocial, les sphaignes, dont nous parlions tout à l'heure, en fournissent aussi des exemples excellents : telle tourbière est constituée par une sociélé de Sphagnum cymbifolium seul, telle autre par une société de Sphagnum cymbifo- lium el Sphagnum recwrvum, etc. La présence d’une de ces sociétés en un point y crée des condi- tions biologiques particulières, auxquelles certaines plantes se sont adaptées. Ces plantes, que l'en peut nommer plantes satellites, ne peuvent d'ordinaire vivre qu'en présence d'une société donnée : sous son couvert, quand elle est arborescente; entre ses touffes, quand c’est une société de sphaignes ou de bruyères. Ces plantes satellites ne font pas parlie inté- grante de la société, mais en dépendent d’ordi- naire d’une manière absolue : la société peut exister sans elles, mais elles ne peuvent vivre sans la société. On peut citer comme exemples : les Drosera, qui sont satellites des sphaignes et autres mousses turfigènes sociales ; le Goodyera repens, satellite des sociétés de Conifères, etc. Il ne faut pas confondre les types sociaux dont nous venons de parler avec les types de formations de Lecoq : ces derniers ont un sens bien plus géné- ral: ils désignent des unités supérieures d'associa- tion, comme la forêt, le pré, la broussaille, ete., c’est-à-dire le plus souvent des types plurisociaux extrèmement complexes, de caractères peu cons- tants et qui, par là même, s'éloignent des véritables sociétés, mais aussi parfois des types sociaux. Le type de formation est donc au type social ce que le général est au particulier. Il peut être très intéressant, au point de vue de la Biologie générale et de la Géographie botanique, de suivre la répartition des espèces sociales et d'étudier les condilions nécessaires à l'établisse- ment des sociétés. Nous allons, pour le montrer, donner ici quelques exemples, entre mille, de so- ciétés végétales, exemples que nous avons pu observer dans le bassin de la Saône, région qui nous est bien connue. La nardaie, formée par le Vardus strictu, pré- sente le type unisocial constant; elle est très déve- loppée dans le Jura, à partir de 900 mètres, et dans les Vosges, à partir de 800 mètres, dans tous les endroits découverts où se trouvent réunis l'humus et la sécheresse et un sol sans carbonate calcique. Elle envahit de vastes espaces et ne s’en laisse déloger par aucune autre espèce, el cela gràce à une adaptation des plus remarquables à la séche- resse et à la päture. Le nard forme, en effet, des touffes extrêmement courtes et serrées, à feuilles très étroites, fortement silicifiées, à gaines très dures. Le bétail ne peut les brouter : quand il ne trouve plus rien d'autre à se mettre sous la dent, il en déracine quelques pieds, qu'il ne peut d'ail- leurs manger complètement; aussi les pâturages sont-ils souvent parsemés de ces touffes arrachées et desséchées. Il y a là un moyen de défense extré- mement puissant et qui assure à son possesseur un régime incontesté sur tous les pâturages où les conditions biologiques de ce dernier sont réalisées. Un bon exemple de type plurisocial éminemment inconstant se trouve réalisé dans les vaivres de la Saône, Ce sont des forêts situées sur des alluvions siliceuses ou argilo-siliceuses dans le lit majeur de ©t 19 rss R. MAIRE — LES ESPÈCES VÉGÉTALES SOCIALES la rivière; elles sont colmatées par les inondations tous les hivers. Dans ces forêts, dont les conditions biologiques sont toutes spéciales, trois arbres, qui d'ordinaire sont disséminés au milieu d’autres, s'associent en une tririté sociale qui peuple à peu près exclusivement les vaivres. Ces trois arbres sont le chêne pédonculé (Quercus pedunculata Ehr.), l’orme, parfois l'orme champêtre (Ulmus campestris L.) et l'orme blanc (U/lrnus pedunculala Foug.), etle frêne (Fraxinus excelsior L.). C'est à peine si, par hasard, on rencontre cà et là, dans une vaivre occu- pée par ce triumvirat, un charme ou un coudrieret quelques prunelliers croissant en sous-bois, ainsi que des saules, sur le bord des noues ou royes, an- ciens lits de la Saône qui sillonnent presque toutes les vaivres. En Bresse, le chène pédonculé ordinaire recule de plus en plus devant une de ses variétés mieux adaptée aux conditions du milieu, le chêne tardif ou chêne de juin, qui, par le retard considé- rable de sa végétation, échappe aux gelées printa- nières. Les jeunes sociétés de chènes de juin qui pros- pèrent et élendent sans cesse leur invasion dans la Bresse depuis un siècle seulement, contrastent vi- vement avec les vieilles sociélés de chênes cerris, d'origine tertiaire, qui déclinent et se meurent à quelque distance dans les forêts de Saint-Vit (Doubs). Nous assistons ici à l'aurore d'une espèce en même temps qu à l'extinction (dans la région) d'une autre. IT Il est une catégorie aussi intéressante que spé- ciale de sociétés végétales : ce sont celles qui for- ment les végétations littorales. Elles ont été très bien étudiées dans nos lacs du Jura par M. Ma- gnin, d'après qui nous ellons les décrire rapide- ment. On les trouve surtout bien caractérisées dans les lacs à beine. La beine, ou blane-fond, est une sorte de terrasse liltorale que forme dans les lacs à bords rocheux l'action des eaux; la coupe primi- tive de la cuvette est représentée par la ligne AB (fig. 1); mais le travail des vagues rongeant le rivage a remplacé la ligne AB par la ligne ACEDB. La partie CD, qui forme une lerrasse peu inclinée, est la beine, se divisant en beine d’érosion CE et beine d’alluvion DE. Les bords du lac dans la région sont occupés presque loujours par un type de formalion très complexe, la caricaie (u) (Carex vesicaria, ampul- lacea, paludosa, elc., etbien d'autres plantes aceces- soires). Puis vient la ceinture liltérale proprement dite ; sur le talus sous-lacustre, qui domine la beine, etsur les trois quarts supérieurs de cette beine elle-même prospère la phragmitaie (6), société de roseaux (Phragmites communis) à type unisocial constant, parfois remplacée par d'autres plantes comme le Cladium mariscus ou les 7ypha. Le Phrag- miles vit ainsi de 0 à 2 mètres sans pouvoir descen- dre plus bas à cause de l’organisation aérienne de ses tiges et de ses feuilles et du temps limité dans lequel il doit accomplir tout son développement. Plus bas, sur le bord de la beine et le haut du talus qui lui fait suile, de 2 à 3 mètres, est installée la scirpaie (y), société de Scirpus lacustris. Cette espèce a des tiges organisées pour la vie aquatique et des feuilles submergées, aussi peut- elle descendre plus bas que le roseau. Au delà de cette ceinture littorale, croissent des plantes à rhizomes submergés donnant naissance à des pétioles et pédoncules susceptibles d'un allongement considérable. La profondeur à laquelle elles peuvent descendre n’est dès lors plus guère œ 8 D: té Fig. 1. — Schéma des zones de végétations littorales d'un lac à beine, d'apres M. Magnin. soumise qu'à la durée de leur période de végéta- tion. Ces plantes forment d'ordinaire deux socié- tés : la nupharaie (Nuphar luteum) (à), de 3 à 4 mètres, et la polamogitonaie (plusieurs espèces du genre Potamogiton) (2), qui s'arrête vers 6 mè- tres de profondeur. Au delà vivent les plantes flottantes, comme les Utricularia et Ceratophyllum, et des plantes de fond, Vajas où Chara (Ë), dont l'extension en pro- fondeur ne dépend plus que de l'absorption des radiations lumineuses, calorifiques et chimiques par l’eau, absorption qui empêche la formation de la chlorophylle et l'assimilation au delà d'une cer- taine profondeur, variant de 6 à 12 mètres dans les lacs du Jura. Ces sociétés, si bien caractérisées dans les lacs du Jura,se retrouvent presque toutes dans les eaux de la plaine; ainsi, dans les parties presque stag- nantes de la Saône, on retrouve nettement la cariçaie, la phragmitaie (de 0 à 1",50), la scirpaie (de 14%,50 à 2 mètres), la nupharaie, souvent rem- placée par une villarsiaie { Villarsia nymphoides) de PL PORC NT D PU TS ——. à R. MAIRE — LES ESPÈCES VÉGÉTALES SOCIALES 523 2 à 3 mètres; la potamogitonaie, de 3 à 4 mètres; la najadaie, de 3 à 5 mètres. Il y a souvent interposition, entre la cariçaie et la phragmilaie, d'une iridaie de 0 à 0",50. Dans les eaux de plaines, les profondeurs convenant à de mêmes sociélés sont plus faibles que dans les lacs du Jura, ce qui tient à la moins grande transpa- rence de ces eaux. III Pour terminer, nous dirons quelques mots des conditions biologiques nécessaires au développe- ment de la sphagnaie, c'est-à-dire des tourbières à sphaignes, bien étudiées dans la Côte-d'Or et le bassin de la Saône par M. Langeron. On sait que la végélation des sphaignes est subordonnée à un certain nombre de conditions, qui sont : une tempé- rature moyenne basse, une grande humidité de l'atmosphère, un sol hygroscopique sans CaCO*, et enfin une eau sans troubles argileux, absolument limpide. Or, la température moyenne dans le val de la Saône est de 10° à 109,5, un peu au-dessous de la plus haute moyenne compatible avec le déve- loppement des sphaignes; le sol y est souvent hygroscopique, sans CaCO*, les eaux presque chi- miquement pures; l'humidité de l'air y est entre- tenu par l'abondance des forêts et des rivières : les conditions semblent donc favorables. Et ce- pendant les sphaignes se montrent rarement et seulement dans les étangs à fonds sableux situés sur des hauteurs, en dehors du régime hydrogra- phique général de la contrée. Cela paraît d'abord paradoxal; mais, si l'on se souvient des expériences de Sidell, Brewer, Hil- gard, etc., qui ont démontré qu'une eau se clarifie d'autant plus vite qu'elle est plus minéralisée, on comprendra que la pureté chimique de la plupart des eaux du Val de Saône est un obstacle à l’éta- blissement de la sphagnaiïe, qui se développe seu- lement dans les petits bassins séparés où les eaux sont toujours limpides. Dans quelques localités, l'eau est très chargée de SO‘Ca (Bois de Pontailler : O0 gr. 126 par litre), quoique toujours aussi pauvre en CaCO”, ce qui lui permet de se clarifier très vite et amène le déve- loppement de la sphagnaie dans des bassins non séparés. Dans d'autres localités, la minéralisation de l’eau, due à un peu de CaCO* accompagnant le SO‘Ca, ne permet qu’à une seule espèce de Spha- gnum, le S. subsecundum, le moins calcarifuge de tous, de se développer. Le plus difficile dans ce cas, pour les sphaignes, est de s'établir, car, une fois qu'elles ont formé un peu de tourbe, l’eau qui arrive à la plante se trouve décalcifiée, probable- ment par suite de la précipitation du calcaire y contenu par les produits ulmiques. J’arrêterai là l’'éauméralion de ces exemples déjà trop nombreux, et qui démontrent nettement que la répartition des sociétés végétales est liée à des combinaisons complexes de facteurs, dont les prin- cipaux sont la nature physique et chimique du sol, le climat, les concurrences vitales, etc., et que la formation même de ces sociétés dépend abso- lument de conditions de milieu très précises, aux- quelles la plante sociale est seule, ou est la mieux adaptée. R. Maire, Préparateur d'Histoire naturelle à la Faculté de Médecine de Nancy. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. 13" BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Czuber (Em.), Professeur à l'Ecole Technique supérieure de Vienne. — Vorlesungen über Differential und Integralrechnung. — 2 vol. in-8° de xin-526 pages et 112 figures, et de 1x-428 pages avec 79 figures. (Prix, cartonnés : 27 fr. 50). B.-G. Teubner, éditeur, Leipzig, 1899. Manuel d'analyse dont la matière correspond en France à peu près, par exemple, aux cours de Mathéma- tiques spéciales et de l'Ecole Pelytechnique. N'y figurent toutefois pas les fonctions elliptiques et les méthodes récentes d'intégration des équations différentielles. Cet ouvrage d'enseignement est rédigé avec beaucoup de soin. LÉON AUTONNE. Maitre de Conférences à l'Université de Lyon d'Ocagne (Maurice), Ingénieur des Ponts et Chaus- sées, Professeur à l'Ecole des Ponts et Chaussées, Répé- titeur à l'Ecole Polytechnique. — Traité de Nomo- graphie (Théorie des abaques, applications pratiques). — 1 vol. gr. in-8°, de xiv-480 pages. (Prix : 44 fr.). Paris, Gauthier-Villars, 1899. Quand l’auteur, en 1891, publiait une modeste bro- chure : Les Calculs usuels effectués au moyen des abaques; essai d'une théorie générale, et proposait pour la pre- mière fois l'emploi du mot Nomographie, il était difficile de prévoir l'étendue considérable que prendrait le sujet. C'estlà cependant l’origine de l'important volume qu'il vient de nous donner, et qui est édité par M. Gau- thier-Villars avec la perfection d'exécution matérielle à laquelle nous sommes habitués. L'abondance des matières traitées est si grande que le lecteur nous permettra de débuter par une analyse, un peu sèche peut-être, mais que nous nous efforcerons de rendre précise, et qui lui permettra de se rendre compte du contenu de l'ouvrage. Le but poursuivi est l'établissement d’une théorie de la représentation gra- phique cotée des équations à un nombre quelconque de variables, et la constitution de cette théorie sous sa forme la plus générale; comme conséquence, toutes les méthodes particulières de construction d’abaques viennent se rattacher à la théorie en question. Les principes de l’homographie et de la dualité passent ici du domaine de la spéculation pure dans celui de l'uti- lisation pratique; ils permettent de déterminer les meilleures dispositions d’abaques pour les équations de type usuel. De nombreux exemples, empruntés à la pratique courante des arts techniques où intervient le calcul, complètent cette exposition. Six chapitres composent l'ouvrage ; nous présenterons un aperçu des questions les plus essentielles traitées dans chacun d’entre eux : Chapitre I. — Etude des échelles de fonctions, notion primordiale; réduction des échelles utilisables à quel- ques types principaux (étalons de graduation). L'étude des abaques à deux variables, des échelles accolées, ou mises en correspondance par l'emploi d’une courbe (abaques cartésiens), l'emploi d'un transparent, et l'indication d’une première idée de l’anomorphose, complètent le chapitre. Chapitre IT. — Abaques cartésiens par un système de courbes cotées sur un quadrillage coté pour représen- ter d’une facon générale les équations à trois variables. Accroissement du champ d'utilisation, par la superpo- sition des graduations; cas où les courbes se réduisent à des droites; transformation du quadrillage pour transformer les courbes en droites. Abaques hexagonaux de M. Lallemand; leur amélioration. Anamorphose graphique empirique, anamorphose générale de M. Mas- sau; usage de la transformation homographique; exemple : abaques à cercles entrecroisés; emploi des déterminants. Emploi des coordonnées polaires. Chapitre IT. — Transformation dualistique ; abaques à points alignés; emploi des coordonnées parallèles. Etude de systèmes particuliers d’un usage fréquent. Abaques à trois échelles rectilignes. Abaques à deux échelles rectilignes parallèles et une curviligne; équation de Képler; équation trinôme du troisième degré. Abaques à trois échelles curvilignes; exemples remarquables; loi physique reconnue par la construc- tion d'un abaque. Abaques à plus de trois variables; divers systèmes dérivant des abaques à alignement. Chapitre IV. — Représentation de deux équations simultanées entre quatre variables. Exemples : calcul du point à la mer, profils de remblai et de déblai; emploi de la transformation homographique. Chapitre V. — Au delà de quatre variables, il n’y a pas de méthode pour une équation quelconque, mais il y en a qui sont applicables à des types généraux qui semblent comprendre toutes les applications pos- sibles. Deux notions fondamentales : éléments à plusieurs cotes, systèmes mobiles. Eléments à deux cotes. Points condensés. Echelles binaires, échelles binaires accolées. Abaques hexagonaux à échelles bi- paires (4, 5, 6 variables). Points alignés à deux cotes (4,5, 6 variables). Exemples nombreux. Doubles enve- loppes et trajectoires de contact. Abaque à équerre de M. Massau; abaque à trois dimensions de M. Mehmke. Eléments à cotes, Echelles multiples. Systèmes à trans- lation. Systèmes à rotation; échelles tournantes. Ana- morphose logarithmique. Images logarithmiques. Ap- plications. Chapitre VI. — Modes possibles de représentation pour des équations à un nombre quelconque de varia- bles; théorie générale. Eléments à n cotes; contact d'éléments quelconques; plans superposés. Types d’abaques pour un nombre donné de variables. Types d'équation; leur rattachement aux types d'abaques. Etude des équations représentables par trois systèmes linéaires de points alignés. Représentation des équa- tions quadratiques; interprétation géométrique de M. Duporcq. La fin de l'ouvrage, on le devine, fournit l'exemple de questions de Mathématiques pures soulevées par l'étude de la Nomographie; celle-ci, par conséquent, mérite d'attirer l'intérêt des analystes et sollicite leur attention. Mais là n’est pas le caractère essentiel et distinctif de l'ouvrage de M. d'Ocagne. Il porte surtout une marque polytechnicienne. J'entends par là que le livre dont il s’agit ne pouvait assurément sortir que de la plume d'un éminent mathématicien, mais qu'il ne l'aurait jamais composé s'il avait été seulement, exclusivement, mathématicien. L'ingénieur a largement apporté sa collaboration au géomètre. La préoccupation dominante de l'auteur est l’utilisation pratique des principes de la science mathématique. Or, c'est sous l'empire de cette préoccupation, que fut fondée l'Ecole Polytechnique; c'est la pensée constante qui a inspiré sans cesse les hommes qui eurent à en diriger l’ensei- gnement. x Parmi les applications pratiques de la Géométrie ana- lytique, en particulier, je ne crois pas qu'on puisse jusqu'à présent citer un autre exemple aussi complet, aussi étendu. Et peut-être, par cela même, à côté des services directs qu'il ne manquera pas de rendre, l'ouvrage dont nous venons de parler atteindra-t-il un BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 597 autre but, non moins désirable : montrer aux ingé- nieurs que la Science n’est pas seulement un objet de luxe où un prétexte à concours. C.-A. LAISANT, Examinateur à l'Ecole Polytechnique. 2° Sciences physiques Recueil de données numériques, publié par la Société française de Physique. — Optique, por M. Dufet, maître de Conférences à l'Ecole Normale Supérieure. — Premier fascicule : LONGUEURS D'ONDE. INDICES DES GAZ ET DES LIQUIDES. — Deuxième fascicule : PROPRIÉTÉS OPTIQUES DES SOLIDES. — 2 vol. in-8°, de 780 pages. (Prix : 30 fr.) Gauthier-Villars, éditeur. Paris, 1898 et 1999. : Il y à déjà longtemps que la Société française de Physique, à côté de l’œuvre de la publication des mémoires originaux, a conçu et entrepris la confection de tables complètes contenant des données numéri- ques. La partie la plus importante de cet ouvrage a été confiée à M. Dufet, que ses travaux sur l'Optique et la Minéralogie avaient particulièrement préparé à cette tâche. Le présent ouvrage est le fruit de longues années de labeurs et de recherches patientes. Il faut avoir eu besoin soi-même de rechercher des nombres dans des mémoires pour se faire une idée de la somme énorme de travail que représente le contenu des 780 pages de ces deux premiers fascicules. La réunion d'un tel tableau de chitfres suppose le dépouillement d'un nombre prodigieux de collections périodiques relatives à la Physique ou à la Chimie, et il ne faudrait pas croire qu'un pareil dépouillement peut se faire en feuilletant rapidement les mémoires pour courir aux nombres que l’on cherche. Outre que les auteurs sont généralement peu soucieux de réunir en un seul tableau clair et bien isolé l’ensemble de leurs résultats numé- riques, il faut encore tenir compte de ce que, lors- qu'un pareil tableau existe, il est encore nécessaire d'y joindre des données supplémentaires indiquant au moins succinctement dans quelles conditions les expé- riences ont été faites. Par exemple, dans le tableau de la page 105, M. Dufet a distingué, dans les mesures d'indices du benzène, celles qui paraissent avoir été faites sur un composé chimiquement pur et celles qui semblent avoir porté sur un liquide commercial. Il a pris également la peine de recalculer tous les nombres trouvés en les rapportant à la température de 20°, ce qui permet de faire immédiatement les comparaisons. Ce seul exemple montre avec quelle conscience et quel souci d’être utile aux travailleurs M. Dufet a rédigé son ouvrage. D'autre part, il a évité de nous donner un livre qui ne fût utile qu'aux seuls praticiens, et, s’occupant des indices, il nous fournit les nombres les plus variés relatifs aux recherches les plus différentes, depuis les indices des gaz liquéfiés jusqu'aux indices des métaux déterminés par la méthode du prisme où calculés à partir des constantes de la réflexion métal- lique et les résultats des recherches relatives à la dispersion anormale. Le travail de M. Dufet est, en quelque sorte, une encylopédie numérique; il a extrait la substance des mémoires et fourni au physicien le moyen de se renseigner d'un coup d'œil sur ce qui l'intéresse le plus, c'est-à-dire sur les chiffres obtenus par les différents expérimentateurs. Ajoutons que, si la lecture des travaux utilisés a dû être faite avec beaucoup de sens critique, il a fallu encore pratiquer un choix judicieux et un émondage raisonné dans l'énorme faisceau des documents qu'ont accumulés les recherches modernes. Ce choix, qui est de toute nécessité, n'était peut-être pas la partie la moins délicate et aussi celle qui demandait le moins d'abnégation. Le physicien, comme le littérateur, ne sait écrire que s’il sait se borner; mais ce devoir est peut-être plus pénible pour lui, parce qu'il peut craindre que les omissions qu'il s'impose ne diminuent l'intérèt que les savants attachent à son œuvre, et que ceux qui se laissent impressionner seulement par le format et l'épaisseur des volumes ne lui tiennent pas assez de compte d’un travail de cabinet, qui à pourtant ce résultat utile d'émonder un grand nombre de chiffres douteux et de nombres qu'il est préférable de ne pas connaître. A notre époque, la question de la bibliographie inquiète gravement un grand nombre de savants; avant d’aviser aux moyens de permettre aux physiciens de suivre, au moins par des titres, la production scientifique, il est évidemment nécessaire de les mettre à même de compulser rapide- ment les résultats obtenus jusqu’à ces dernières années; des renseignements, même journaliers, ne seront pas très utiles s'ils ne sont le complément d'une encyclo- pédie de la matière établie définitivement à une époque donnée. Dans son genre, le livre de M. Dufet me semble faire ce premier pas indispensable; les savants qui l’auront consulté pourront être sùrs qu'à part des points de détail insignifiants, ils n’ont à faire de re- cherches que dans les périodiques parus depuis le jour où a été close chacune des tables. M. Dufet nous rend ainsi un service inappréciable, dont nous aurons maintes fois l’occasion de lui témoigner notre reconnaissance. La lisibilité des caractères et la clarté de l'impression contribuent largement à l'utilité d'un ouvrage tel que celui-ci; sil est devenu banal de faire l'éloge à ce point de vue des livres qui sortent des presses de Gauthier-Villars, on doit reconnaitre qu'il est difficile de concevoir quelque chose de plus parfait, de plus facile à lire et de plus élégant que ce recueil de données numériques. La Société française de Physique ne me reprochera pas, j'espère, mon indiscrétion si j'ajoute que l’em- barras financier qu'aurait pu lui causer la généreuse entreprise qu'elle a conçue a été dissipé par le con- cours d'un savant que je ne nommerai pas, pour ne pas blesser une modestie qui n’a d’égale que sa libé- ralité, et aussi par la contribution notable qu'ont four- nie à cette œuvre Albert Gauthier-Villars, récemment décédé, et son fils, le chef actuel de la maison. C. RAveau. De Saporta (A.). — Physique et Chimie viticoles. (Avec une préface de M. P.-P. Dehérain, membre de l'Institut). — 1 vol. in-8° de 300 pages avec 43 figures. (Prix : cartonné, 5 fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs, 3, rue Racine. Paris, 1899. Si l'agriculteur praticien voulait un jour s’improviser professeur de Physique ou de Chimie, il trouverait cer- tainement dans ses bâtiments de ferme, ou sur ses champs, les matières premières nécessaires à son ensei- nement. Produits chimiques, appareils de Physique rien ne manquerait pour illustrer ses démonstrations. Telle a été en quelque sorte la pensée maîtresse, rappe- lée au début de l'ouvrage, qui a présidé à la rédaction de la Physique et de la Chimie viticoles, que vient de pu- blier M. A. de Saporta. L'auteur, après avoir consacré un très petit nombre de pages à l'exposé de quelques principes théoriques, entre de suite dans le vif de son sujet avec l'exposé des méthodes d'analyses agricoles. Mais le lecteur, déjà pré- venu du but pratique de l'ouvrage, ne doit pas s’atten- dre à trouver dans ce premier chapitre un résumé des méthodes officielles en usage dans les laboratoires de Chimie agricole. M. A. de Saporta se borne à décrire les appareils de mesure qu'il proposera d'utiliser pour le dosage des matières fertilisantes contenues dans le sol ou ajoutées comme engrais. Ce matériel d'analyse sera, d'ailleurs, très réduit, et l’on pourrait en quelques lignes en donner la nomenclature : balance trébuchet, carafe jaugée, burette graduée, aréomètre, thermomètre en sont les termes principaux. Dansun troisième chapitre : Les Vignobles et le Sol, l'au- teur étudie l'influence de la constitution des sols sur le développement de la vigne. L'étude du pouvoir chloro- sant des sols calcaires y occupe une large place, justi- fiée par l'importance que présente la connaissance de la teneur et de l'état physique du calcaire pour le viti- 528 culteur hésitant sur le choix du cépage à adopter pour la reconstitution de son vignoble. Les calcimètres de MM. Bernard, Trubert, Clémencot, A. de Saporta, le cal- cimètre enregistreur de M. Houdaille y sont successi- vement décrits, et la manipulation de ces appareils est tellement prise sur le vif qu’il apparaît clairement que l’auteur est avec eux en pays de fréquentes et excel- lentes relations. Dans le quatrième chapitre, Les Engrais, M. A. de Saporta indique les principes généraux de la restitution des éléments minéraux absorbés par la vigne et expor- tés sous forme de sarments ou de vendange. Le dosage simplifié des engrais appliqués aux vignobles est suc- cessivement indiqué pour chacun des trois termes : l'azote, la potasse et l'acide phosphorique. Pour le do- sage de l’azote nitrique, l’auteur recommande le procédé Schlæsing au perchlorure de fer, avec mesure du volume de bioxyde d'azote formé. Pour l'azote ammoniacal, l’auteur porte ses préférences sur le dosage volumétri- que à l’hypobromite de soude. Ce même procédé permet sgalement le dosage de l'acide phosphorique après l'avoir transformé en phosphate ammoniaco-magnésien. Réduire une analyse chimique à une simple mesure de volume ou de longueur, tel paraît être le but du chi- miste agriculteur, dont les instants sont précieux et dont le laboratoire ne possède le plus souvent qu'un outillage assez rudimentaire. Il sem ble que, pour le calcaire, l’a- cide phosphorique et l'azote, le résultat recherché soit bien près d'être atteint. Seule, la potasse reste réfrac- taire, refusant jusqu'à ce jour de se prêter à des sim- plifications désirables. La météoroloyie viticole est réduite, dans le Traité de Physique et Chimie viticoles de M. de Saporta, à la des- cription des principaux appareils d'observation per- meltant à l’agriculteur de préciser la constitution de l'atmosphère qui intéresse son vignoble. Toujours par- tisan des simplifications, l’auteur préfère l'emploi d'un veilleur de nuit à l'installalion d'un thermomètre aver- tisseur. Le sixième chapitre : Les Remèdes, ne parle des mala- dies de la vigne que pour en indiquer la guérison; l’em- ploi du sulfure de carbone, le badigeonnage des sections de taille (procédé Rassiguier) pour combattre la chlo- rose, l'application des bouillies cupriques et du verdet sont particulièrement étudiés et conduisent nos vignes en parfaite santé jusqu'au septième chapitre : La Vinifi- cation. M. de Saporta ne s'attarde pas longuement à l'exposé des anciennes et des nouvelles méthodes de vinification ; il se borne simplement, chemin faisant, à signaler aux viticulteurs œnologues, et tous sont appelés à le devenir, les divers essais qui leur permettront de suivre de plus près et quelquefois de corriger la marche de leurs fer- mentations vinaires. Le dosage du sucre, celui de l’aci- dité, la mesure des températures des moûts par les mé- thodes les plus simples, sont successivement indiqués, et, si la limitation du cadre qu'il s'est imposé empêche l’auteur de suivre dans tous leurs détails les procédés modernes de vinification, il prend cependant le temps de mettre le lecteur en garde contre les promesses exa- gérées des producteurs de levures sélectionnées et de le renseigner sur les voies et moyens les plus simples à adopter pour se livrer à des essais de vinification en blauc des raisins rouges ou de pressurage des marcs sans pressoir, selon les nouvelles formules. Lorsque le vin est tiré, il faut, dit-on, le boire; ce n’est pas l'avis de l’auteur, qui estime qu'avant tout il faut savoir le conserver s'il est en bonne santé, le guérir s’il est malade. Pour obtenir ce double résultat, il faut connaitre son vin, doser son alcool, mesurer son acidité, apprécier son fanion; il faut aussi pouvoir reconnaitre ses principales altérations et y porter remède par la pasteurisalion. Et si, enfin, la maladie a une issue fa- tale, il faul encore tirer parti du produit avarié par la distillation ou, sur une échelle plus réduite, par la fa- brication du vinaigre. Tous ces points sont successive- ment abordés, et l'illustration du texte par de nom- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX breuses gravures rend si claires les démonstrations des méthodes ou les descriptions d'appareils, qu'arrivé au terme de l'ouvrage, le lecteur se prend à regretter que l'auteur n'ait trop consciencieusement réalisé son pro- gramme, en ie limitant au cadre, un peu étroit, des seuls principes et des seules méthodes utiles au viticulteur praticien. F. HOUDAILLE, Professeur à l'Ecole Nationale d'Agriculture de Montpellier. 3° Sciences naturelles Dierckx (Fr.). — Etude comparée des glandes pygidiennes chez les Carabides et les Dytis- cides, avec quelques remarques sur le classe- ment des Carabides.— 1 brochure in-4° de 144 pages avec 5 planches. (Extrait de « La Cellule », t. XVI, Ier fasc.) A. Uystpruyst, éditeur. Louvain, 1899. Les glandes tégumentaires et buccales des Insectes ont fait l'objet de nombreuses recherches, mais, jus- qu'à ce jour, les naturalistes ont presque complète- ment oublié de s'occuper des autres glandes des Arti- culés. M. Fr. Dierckx vient combler cette lacune et arrive, après une étude approfondie de coupes en séries et de préparations d'Anatomie comparée, à dé- crire magistralement la structure anatomique, cytolo- gique et embryologique des Carabides et des Dytis- cides. Chez les Coléoptères de la première de ces familles, les pseudo-acini ou glandes monocellulaires sont des lobes sécréteurs qui, par leur morphologie superti- cielle, paraissent être analogues à la « glande en grappe » des animaux supérieurs, mais qui ont une forme cytologique tout à fait différente. L'aspect his- tologique de la glande varie d’une tribu à une autre, et ses modifications se montrent aux lobes sécréteurs, au réservoir collecteur ou simultanément aux deux parties de cet organe. Après avoir classé en un tableau synop- tique les acini de cinquante-cinq espèces de Carabides, l’auteur décrit minutieusement les types généraux sui- vants : Omaseus vulgaris L.; Brachynus crepitans L.; Ca- lathus fulvipes Gyll; Carabus auratus L. et Panagaeus cruxæ-major L. Il les examine au point de vue anatomique et physio- logique, puis il s'occupe des caractères physiques, chimiques et du fonctionnement de la glande anale du Brachynus crepitans; et il mentionne que, chez cet insecte, qui à un « réservoir à peine musclé », le liquide défensif se volatilise au moment précis de la crépidation. î On sait que Leydig avait écritque le jet du bombardier : était formé d'acide nitrique. M. Dierckx est loin de parta- ger cette manière de voir. Pour lui, le contenu chimique de la glande est liquide à + 15°. Il est porté à croire que celui-ci est peut-être « un principe immédiat nouveau, bouillant à la température ordinaire et maintenu liquide par pression ». Pour rendre sa thèse rationnelle et lo- gique, l’auteur a fait une série d'expériences de contrôle. Il à constaté que, en dessous du point d'ébullition, la glande de cet insecte peut parfaitement fouctionner. Pour corroborer la valeur de son argumentation, il signale que, dans son tableau des tensions de vapeur des différents liquides, Renault cite que l’éther, qui bout à 35°, « équilibre encore 287 millimètres de mercure, soit plus d’un tiers d'atmosphère lorsqu'il est à 10° ». C’est avec raison qu'il redit que, sous l'effet de la turgescence, les cellules végétales peuvent résister à des pressions énormes de 3,7 et 13 atmosphères, et qu'à celle de 530 atmosphères on rencontre encore une faune très variée de Poissons. Nous partageons entièrement l'opinion de M. Dierckx, mais nous pen- sons aussi, comme lui, que les parois cuticulaire et musculaire exercent une certaine action dans l'éjacula- tion du bombardier. Il termine le curieux chapitre du Brachynus crepitans en disant que, comme les plantes, ces Coléoptères peuvent supporter une pression de 2 ou 3 atmosphères et que leur explosion semble se produire Ve à BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 529 à « une pression supérieure de quelques millimètres de mercure à la pression atmosphérique ». En se basant sur des observations positives, l’auteur discute, en détail, la classification actuelle des Cara- bides; et il croit que celle du D' Horn, acceptée en partie par Preudhomme de Borre, est loin de nous montrer les véritables affinités de ces Insectes, tandis que celle du D' Schaum correspond plus exactement, si on en excepte le genre Loricera, à celle du savant jésuite de Louvain. Un tableau synoptique des sous- familles des Carabidæ fait saisir quelques-unes des véritables affinités naturelles de ces Arthropodes. Après une longue discussion sur la place exacte que doit occuper le genre Chloenius, M. Dierckx énonce comme une loi, que nous avons déjà esquissée en 1897 ‘, que c'est par l'étude anatomique, histologique et embryologique des espèces européennes et exo- tiques qu'il sera possible de « mettre un terme aux incertitudes actuelles de la classification » admise par les meilleurs entomologistes. Disons, en passant, que le minutieux monographe a vérifié les observations de Bordas, souvent si superficielles ou même entièrement fausses. La glande pygidienne des Dyliscides, qui sert à entourer l'insecte d'un enduit protecteur propre à faciliter les phénomènes respiratoires, a une fonction qu'on peut comparer à celle de la glande uropygienne des oiseaux, avec cette différence, toutefois, que, chez ceux-ci, on ne voit pas de glandes sébacées et sudori- pares. L'examen comparé des glandes pvgidiennes, qui nous permet d’entrevoir les premières bases de la clas- sification vraiment naturelle des Carabidæ, ne fournit que très peu de caractères spécifiques importants. Comme M. Bedel, le R. P. Dierckx, S. J., pense aussi que tout le classement est encore à créer dans la sous-famille des Harpalinæ et que les différences morphologiques qui se constatent d’une tribu à l'autre empêchent de donner une idée sur l’enchainement logique de leurs genres. A cause des immenses recherches d'Anatomie qu'il serait nécessaire de faire sur les Carabides, il sera probablement toujours im- possible de connaître « les véritables affinités de la famille la plus intéressante des Coléoptères ». Le beau mémoire de M. Dierckx, orné de figures admirablement dessinées, est très suggestif au point de vue de la philosophie entomologique. Il montre pé- remploirement qu'il ne sera possible d'établir une classification naturelle des Insectes que le jour où on aura scruté, dans les moindres détails, les organes externes et internes de leurs stades larvaires et de leur imago. FERNAND MEUNIER. 4 Sciences médicales Carnot (Paul), Ancien interne des Hôpitaux de Paris. — Les Régénérations d’Organes. — 1 brochure in-12 de 96 pages avec 16 figures, de la Biblothèque des Actua- lités médicales. (Prix cartonné : 4 fr. 50.) J.-B. Baillière et fils, éditeurs. Paris, 1899. La régénération, comme on sait, est le remplacement d'un organe disparu, à la suite d’une extirpation phy- siologique ou traumatique, par un organe néoformé, qui peut être ou non identique au premier; il y a tous les passages entre sa forme la plus simple, la cicatri- sation banale d’une blessure, et sa forme la plus par- faite, qui aboutit à la réintégration complète de por- tions parfois considérables de l'individu (pattes de Triton, bras d'Astérie, etc.). Après avoir exposé rapi- dement, mais d’une facon cependant assez complète, ce que l’on connaît sur la régénération traumatique chez ? Meunier : Quelques réflexions au sujet du nouveau système de classification des insectes « Muscides » de M. Girschner. Ann, de la Soc. scientifique de Bruxelles. Louvain 1897, t. XXI, p. 40-44. les Animaux inférieurs, M. Carnot étudie les phéno- mènes observés chez l'Homme et les Animaux supé- rieurs, surtout dans un but médico-chirurgical. On sait que l'Homme et les autres Vertébrés supé- rieurs sont assez mal doués sous le rapport régéné- ralif, par comparaison avec les Lézards, les Batraciens et la plupart des Invertébrés : ce sont presque unique- ment des processus de cicatrisation qui permettent la continuation de la vie après un traumatisme. C'est dans cette catégorie qu'il faut faire rentrer la réparation osseuse dans les cas d’intégrité du périoste, utilisée couramment en Chirurgie (résection sous-périostée dans la tuberculuse, l'ostéomyélite et le redressement), ainsi que la cicatrisation des surfaces épidermiques (peau, cornée), atteintes, soit superficiellement, soit profondé- ment, qui se réparent par glissement épithélial, proli- fération épidermique, intervention de la fibrine qui s'organise en tissu conjonctif rétractile. La régénération des nerfs sectionnés, aux dépens de la portion qui ren- ferme le corps cellulaire, est un phénomène un peu différent : c'est la cellule qui tend à reproduire sa forme primitive, à la manière des Protozoaires méro- tomisés, en émettant des prolongements dont quelques- uns trouvent le bon chemin en suivant le trajet de l’ancien nerf. La réparation des canaux et cavités, tels que cholédoque, uretère, utérus, vessie, vésicule biliaire, qui ont subi une incision, offre cette particu- larité que la forme primitive est restituée grâce à l’in- tervention d'organes voisins où bien d’un exsudat fibri- neux; l’uretère, par exemple, sectionné largement et étalé, acquiert un nouveau plafond par adhérence du grand épiploon aux lèvres de la section ; la face devenue interne de ce dernier est recouverte ensuite par l'épi- thélium, soit par glissement, soit par greffe, et en quelques jours un nouveau canal, ne présentant pas la moindre fuite, est reconstitué. A côté de ces régénérations et cicatrisations, qui aboutissent, en somme, quel que soit le procédé, à la restitution de la forme ancienne de l'organe enlevé ou malade, il y a un autre processus qui, sans restituer la forme, permet cependant à l'organe atteint de remplir comme auparavant sa fonction habituelle (restitution fonctionnelle); ainsi, à la suite de la résection étendue d'organes glandulaires, tels que foie, pancréas, rein, glandes salivaires, lesticule, on observe le plus sou- vent une restitution fonctionnelle intégrale, soit par hyperplasie du reste de l'organe, soit par hypertrophie de l'organe symétrique intact ou des organes similaires ; mais il n’y a pas du tout restitution de la forme. C’est certainement à cet ordre de processus qu'appartien- nent les régénérations pathologiques, qui tendent à réparer des lésions généralisées et multiples (hypertro- phie du foie à la suite de kystes hydatiques ou de cir- rhoses, régénération du rein à la suite d’infarctus, hypertrophie compensatrice du rein ou du testicule, réparation d’un musele après atrophie, etc.). La resti- tution fonctionnelle présente un iniérêt tout particu- lier, car elle constituera peut-être une méthode théra- peulique rationnelle, si l’on arrive à connaître et à diriger les causes qui la provoquent; on aura, en effet, l'espoir de remplacer l'organe déchu par un organe neuf (?) et de guérir ainsi les maladies causées par des insuffisances fonctionnelles. Le petit livre de M. Carnot est une excellente mise au point du problème général de la régénération; en outre des parties originales (plaies épidermiques, cavi- tés, foie, pancréas), il renferme une bibliographie som- maire, mais suffisante, qui permet de se reporter aux travaux originaux. L. Cukxor, Professeur à l'Université de Nancy Petit (Georges), Membre du Comité médical de l'OŒuvre des Enfants tuberculeux. — Pour nos Enfants. Con- seils d'Hygiène physique et morale. — 1 vo/.in-18 de 136 pages. Société d'Editions scientifiques, Paris, 1899 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 12 Juin 1899. M. A. Cornu rend compile des fêtes du Jubilé de sir G. G. Stokes et du Centenaire de l'Inslitution Royale de Grande-Bretagne, auxquelles l'Académie avait délé- gué plusieurs de ses membres. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. D. Eginitis com- munique les observations d'étoiles filantes qu'il a faites à Athènes pendant les trois derniers mois de l’année 1898. Un certain nombre de radiants nouveaux ont été mis en évidence. —M. E. Phragmén montre que le théorème de M. Mittag-Leffler sur la représentation d’une branche uniforme d'une fonction homogène peut être démontré d'une manière tout à fait élémentaire, si l’on suppose connue la représentation analogue de la fonc- tion » représentation qu'on peut obtenir très faci- T lement, soit par la méthode de M. Mittag-Leffler lui- même, laquelle se simplifie singulièrement dans ce cas particulier, soit par d'autres méthodes. — M.P. Vieille met en évidence le régime oscillatoire des pressions produites dans un tube par une charge explosive placée à l'une de ses extrémités. L’onde initiale se propage en S'affaiblissant, mais elle peut subir des renforcements par la réflexion, en raison du déferlement de la masse gazeuse contre la paroi fixe des fonds. — M. A. Blondel, à propos d'une récente note de M. Petot, fait remarquer qu'il à modifié, lui aussi, dans ses ouvrages, les for- mules de traction données pour l'équation du mouve- ment d’une automobile. Il y tient compte de l'inertie des roues et des moteurs au moment des changements de vitesse. — M. E. Caspari rend compte des épreuves auxquelles ont été soumis les instruments destinés aux expériences sur la décimalisation des angles. Les chro- nomètres, désignés sous le nom de tropomètres, ont une durée de battement de 1/200.000 de jour moyen, soit 2 milligrades. Une aiguille a parcourt en 50 battements un premier cadran divisé en 100 milligrades. Une aiguiile b parcourt un cadran divisé en 100 décigrades, chacun répondant à un tour entier de 4; enfin une aiguille c parcourt un cadran divisé en 40 parties de 10 grades, chacune répondant à un tour complet de b. Sur les 14 instruments présentés, 12 ont donné des marches très satisfaisantes. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Le Chatelier a étudié la dilatation de divers alliages métalliques dans le but de mettre en évidence l'existence de solutions solides. Ea effet, quand un alliage est constitué par la juxta- position en proportion variable de deux éléments isolé- ment bien détinis, un mélal et une combinaison par exemple, la dilatation de l’alliage sera nécessairement intermédiaire entre celles de ses deux constituants : si, au contraire, elle est toute différente, on a affaire à une solution solide. Ces considérations se vérifient sur des alliages de cuivre et antimoine et de cuivre et alu- minium, qui présentent une solution solide au voisi- nage du point de fusion maximum. — M. A. Ponsot a mesuré la pression osmotique de solutions de NaCI très diluées par la méthode directe qui lui avait servi pour les solutions de sucre de canne. Les résultats le con- duisent à une valeur limite de à inférieure à 2. — M. S. Leduc a constaté qu'une pointe électrisée par une ma- chine électrostatique émet des rayons possédant les propriétés des rayons violets et ultra-violets du spectre. — M. R. de Forcrand à délerminé de nouvean la cha- leur de formation de Na°O en mesurant la chaleur de dissolution dans l’eau d’un mélange de Na20 et Na°0°. La moyenne des résultats est de + 90,985 cal., nombre inférieur d'un dixième à ceux qu’on admettait généra- ralement jusqu'à aujourd'hui. — M.J. Riban a montré que le chlorure cuivreux absolument pur et incolore n’attaque pas le mercure; il doit être préféré au sulfate de cuivre pour le dosage de l'hydrogène phosphoré dans les mélanges gazeux. — M. E. Péchard a constaté que dans la réaction de l'iode sur la soude il se forme de l'hypoiodite, de l’iodate et de l’iodure de sodium, tandis qu'il reste un peu d’iode libre; en effet, l'hypoiodite réagissant sur l’iodure pour donner de l’iode libre, il s'établit un équilibre dans la solution. L'iode libre dimi- nue à mesure que la soude augmente jusqu'à 2 °/, d'iode libre ; l’iodate formé est maximum pour [2Na0OH. — M. Maurice François élablit que la décomposition de l'iodomercurate Hgl.AzH'I.H?0 par une grande quantité d'eau produit de l'iodure mercurique précipité et de l'iodure d’ammonium dissous. Mais AzH'I à un pouvoir dissolvant considérable pour Hgl; il l’exerce et se sature de Hgl à la température de l'expérience. Le sel Hgl.2AZH'I n'existe pas. On trouve des résultats analogues pour l'iodomercurate de potasse. — M. Alb. Colson à préparé, en réduisant l'oxyde de cuivre par l'hydrogène vers 250°, du cuivre naissant. Il présente les mêmes propriétés que le cuivre ordinaire, obtenu au rouge, mais il est beaucoup plus actif. Une goutte de brome l’enflamme. Il doit son activité à son immense porosité; il suffit de le marteler pour la faire dispa- raître. — M. A. Béhal, en faisant réagir l'acide for- mique sur l'anhydride acétique, à obtenu de l'anhy- dride mixte formique-acétique ; il se produit aussi de l'acide acétique et il reste une partie des réactifs non décomposés. L’anhydride mixte formique-acétique est un liquide mobile, bouillant à 29° sous 17mm, Sa réac- tion caractéristique est sa décomposition par les bases tertiaires en oxyde de carbone et acide acétique. Il réagit sur les alcools pour donner les éthers formiques correspondants. — M. Houdas a retiré du lierre plu- sieurs glucosides dont l'un, l'hédérine, est un corps soluble dans l'alcool et l’acétone, et dextrogyre, de for- mule C#H1%0%, Par ébullition avec l'acide sulfurique dilué, il se décompose en donnant un corps insoluble, l'hédéridine, C?°H#0#, et deux matières sucrées, l'hédé- rose, C‘H!?05, dextrogyre, et le rhamnose, C°H1205, — M. L. Bréaudat a montré que le suc des /ndigofera con- tient deux diastases : l'une douée d’un pouvoir hydra- tant, capable de dédoubler l'indican ; l’autre possédant des propriétés oxydantes qui se manifestent surtout en présence de chaux, de soude ou de potasse. Ces bases ne sont pas les seules capables de contribuer à la for- mation de l’indigo; elles peuvent être remplacées par l’ammoniaque, le baryte, la magnésie, les carbonates alcalins ou alcalino-terreux dissous ou en suspension dans l'eau. — M. A. Duboin a recherché, par la mé- thode de M. A. Gautier, la présence de l'iode dans l'eau de la source Eugénie, à Royat. Elle ne renferme pas d'iode à l'état de sel, mais on y trouve environ 4 milligrammes de ce corps par litre engagé à l’état de combinaison organique. 30 SCIENCES NATURELLES. — MM. Ch. Bouchard et H. Guilleminot ont étudié, à l’aide de la radiographie, l'angle d'inclinaison des côtes à l'état sain et à l'état morbide. Chez les sujets sains, la pente moyenne des côtes est la même à droite et à gauche; l'amplitude oscillatoire varie de 3 à 5°. Chez les pleurétiques et anciens tuberculeux, les pentes costales sont dissem- blables, toujours plus prononcées du côté malade; l'am- plitude oscillatoire des côtes pendant la respiration est très diminuée. — M. Aug. Charpentier à reconnu que NT y K ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES les oscillations qui se produisent dans les nerfs à la suite des excitations unipolaires sont de nature pure- ment physiologique. Il cherche à mesurer leur vitesse de prupagation par une méthode nouvelle, qui consiste à produire, sur deux points déterminés du nerf, deux excitations identiques, séparées par des intervalles de temps variable, et à enregistrer les oscillations dans l'intensité de la réaction musculaire provoquée. — M. A. Joanin a étudié l'effet physiologique et toxico- logique des injections d'hédérine, glucoside retiré du lierre par M. Houdas. Les symptômes observés chez les cobayes et les lapins se résument ainsi : abattement, frissons, hypothermie souvent très accentuée, météo- risme, diarrhée parfois sanguinolente, coma, mort. Chez le chien, l'hédérine, en injection stomacale, agit comme émétique et purgatif. — M. J. Chevalier à identifié le champignon parasite qu'il avait trouvé dans les lésions du cancer avec celui signalé antérieurement par M. Bra. — M. E. Bodin a découvert une troisième forme culturale du Microsporum du cheval ; elle appar- tient au genre Ospora (Streptothrix) et naît de la forme Acladium sous l'influence de certaines conditions. — M. A. Lacroix a étudié un gîte de magnétite en relation avec le granite de Quérigut (Ariège). Pour lui, la for- mation de la magnétite est postérieure à la consolida- tion du granite; elle est due à l’exagéralion locale de la teneur en fer des émanations ayant accompagné la mise en place du granit. — M. J. Toulet a dressé une carte bathymétrique de l'archipel des Açores en se servant de la carte du Dépôt de la marine et des son- dages du Challenger et de la Princesse-Alce ; il a tracé les isobathes de 500, 1.000, 1.500, 2.000, 2.500 et 3.000 mètres. Séance du 19 Juin 1899. 19 SGiENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Féraud, Doublet, Esclangon et Courty communiquent leurs observa- tions de l'éclipse partielle de Soleil du 7 juin 1899, faites à l'Observatoire de Bordeaux. — M. G. Darboux caractérise les surfaces (Z;), (Z;) qui se rattachent à la déformation d'une quadrique générale et qui forment un groupe nettement défini, compris dans l’ensemble infiniment plus étendu des surfaces isothermiques les plus générales. — M. Emile Picard s'occupe de l'extension du problème de Dirichlet aux équations aux dérivées partielles du second ordre et montre com- ment on peut en déterminer les intégrales par leurs valeurs sur un contour fermé. — M. H. Lebesgue propose une nouvelle définition des surfaces applica- bles : Une surface est applicable sur le plan s'il est pos- sible d'établir entre les points de cette surface et les points d'une aire plane une correspondance univoque et continue telle qu'à toute courbe rectifiable de la surface corresponde dans l’aire plane une courbe rec- tifiable ayant même longueur, et inversement. Il recherche ensuite s'il n'existe pas des surfaces appli- cables sur le plan autres que les surfaces développa- bles. — M. Paul Painlevé développe quelques consi- dérations sur le calcul des intégrales des équations différentielles par la méthode de Cauchy-Lipchitz. 29 SGIENCES PHYSIQUES. — M. R. Blondilot a constaté que si l’on place symétriquement les deux bornes d'un électromètre capillaire dans une flamme de gaz en forme d’éventail, l'électromètre reste au zéro. Mais si la flamme se trouve entre les deux pièces polaires d’un électro-aimant, et qu'on fasse passer le courant, l'élec- tromètre est dévié. La flamme est done le siège d'une force électro-motrice dirigée de l’un de ses bords laté- raux vers l’autre. — M. C. Gutton à comparé la vitesse de propagation des ondes électromagnétiques dans l’air et le long des fils. Pour cela, il envoie deux systèmes d'onde à un même tube de Branly, de facon à ce que leurs actions s’annulent: le trajet de l’un des systèmes est formé entièrement de fils métalliques; le second effectue dans l'air une partie de son trajet. Si l’on remplace ensuite une partie du trajet aérien par la même longueur de fils, l’action sur le tube Branly ne varie pas. Les vitesses de propagation sont donc égales. — MM. H. Bordier et Salvador ont constaté que des phénomènes électrolytiques prennent nais- sance dans un électrolyte dont les électrodes sont situées dans le voisinage d'une ampoule de Crookes en activité. La polarisation des électrodes n’est pas due à l’action des rayons X, mais à la décharge obscure dérivée à partir de l’anode et de la cathode de l’am- poule ; celle-ci équivaut à un courant constant de haute pression, mais de faible intensité, qui se formerait à travers l’électrolyte voisin. — M. F. Osmond a étudié les aciers à aimant qui doivent leurs propriétés à l’ad- dition, en proportions convenables, de certains corps étrangers (Mn, Ni, Tu, Cr) qui, par eux-mêmes ou par leur action sur le carbone, abaissent suffisamment, pendant le refroidissement lent, à partir d’une tempé- rature suffisante, les points de transformation du fer. — M. D. Gernez a étudié la vaporisation des cristaux d'iodure mercurique jaune et rouge. La vapeur des cristaux jaunes. condensée sur un tube à des tempéra- tures variables, donne toujours des cristaux jaunes; la vapeur des cristaux rouges, même proauite à une tem- pérature inférieure à celle de la transformation en iodure jaune, se condense toujours en cristaux jaunes. Mais on peut produire à volonté des cristaux jaunes ou rouges si l’on a répandu sur le tube condensateur des poussières cristallines de l’une ou l’autre variété. — M. R. de Forcrand tire de ses déterminations des cha- leurs d'oxydation du sodium quelques remarques sur la fonction chimique de l’eau et celle de l'hydrogène sulfuré. Lorsqu'on remplace les deux H de l'hydrogène sulfuré par le sodium, on obtient deux dégagements de chaleur successifs de 44,45 cal. et de 31,80 cal.; les deux H ont la même fonction. Pour l’eau, le remplace- ment de un H par Na dégage 31,19 cal., mais le rem- placement du second H absorberait, au contraire, 11,68 cal. Le premier H est donc seul acide, et l’eau, à cet égard, est un composé tout à fait différent de l’hy- drogène sulfuré. — M. O. Boudouard à étudié la décomposition de l’oxyde de carbone en présence des oxydes métalliques à 800. La réaction de décomposi- tion est fonction du temps; la quantité d'acide carbo- nique croit d'une facon régulière, mais elle est limitée; la réaction s'arrête dès que le mélange contient 7 °/, de CO? et 93 °/, de CO. — Le même auteur a étudié la décomposition de l'acide carbonique par le charbon à 8009. Comme dans la décomposition de l’oxyde de car- bone, la réaction s'arrête lorsque le mélange contient 1 c/, de CO? et 93°/, de CO. A 925°, il ne reste que 40/, de CO? non décomposé. — M. Aug. Durand, en fixant l'acide prussique sur l’éther oxalacétique sodé et en traitant la cyanhydrine formée par l’acide chlorhy- drique bouillant, a obtenu un acide OH CO’H —C NS CO2H CH? — CO°H, homologue de l'acide citrique, et n’en différant que par CH° en moins. Le même procédé peut s'appliquer aux acides acétoniques. — Mile S. Gruzewska est par- venue à faire cristalliser les albumines du sérum du cobaye, du chat, du bœuf, de la couleuvre, par le pro- cédé suivant : Le sang, centrifugé, puis débarrassé de ses globulines par saturation avec le sulfate d’ammo niaque et filtration, est porté à la glacière pendant un certain temps, puis ramené à la température ordinaire, où il cristallise bientôt. 30 ScrENCES NATURELLES. — MM. Lannelongue et Gaillard ont mesuré la toxicité urinaire chez l'enfant à différeuts états. Chez l'enfant normal, elle est infé- rieure à celle de l'adulte. Les urines de l'enfant atteint d'appendicite aiguë sont beaucoup plus toxiques que les urines normales (environ trois fois plus). De même, la densité, la couleur, la somme des matières extractives sont différentes de l’état normal; tous ces éléments figurent en plus grande quantité dans l'urine patholo- 332 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES gique et tous contribuent à lui donner une part de sa toxicité. — M. S. Arloing a constaté que le sérum antidiphtérique exerce une action thérapeutique qui dépend en partie de la voie choisie pour son introduc- tion dans l'organisme. Chez le chien, la voie sanguine est supérieure, sous ce rapport, à la voie conjonctive; chez le cobaye, la voie conjonctive est supérieure à la voie péritonéale. — M. Edouard de Ribaucourt à étudié les glandes de Morren chez les Lombricides d'Europe. Dans le genre Lumbricus, il y a quatre spécia- lisations glandulaires de Morren et non pas trois; la sécrétion se fait suivant trois modes différents. La glande postérieure de Morren du Lumbricus est la plus ancienne ; l’antérieure et les deux moyennes n'en sont que des différenciations secondaires. — M. A. Tison à observé la chute des feuilles et la cicatrisation de la plaie. Le détachement se produit par dédoublement de la paroi entre deux des assises de la couche sépara- trice qui se forme à la base de la feuille. La cicatrisa- tion a lieu par une modification scléro-subéreuse des parois dans l’une des couches cellulaires du coussinet, ou par formation d'une couche péridermique en arrière de la surface de détachement. Quelquefois, les deux processus sont associés. — M. A. Müntz a étudié, sur un grand vignoble du Roussillon, l'effet d’un arrosage tardif de la vigne, vers la fin d’un été très sec. L'arro- sage a entraîné des frais supplémentaires; il a, de plus, abaissé la richesse saccharine du moût, et, par suite, la teneur alcoolique du vin; mais la quantité totale de sucre a augmenté, et la production du vin a été plus abondante. Ensomme, l’arrosage tardif a done produit un bénéfice notable. — M. Munier-Chalmas précise la position des formations d’estuaire dans les assises supérieures du terrain jurassique du Bas-Boulonnais. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 6 Juin 1899 M. le Président annonce le décès de M. A. Char- pentier, membre de l'Académie. — M. Armand Gautier a employé l'acide cacodylique et ses dérivés dans un certain nombre de maladies : phlisie, anémie grave, adénie, impaludisme, maladies de la peau, et a obtenu de bons résultats. Il est supporté à hautes doses par les malades sans produire d’intolérance gastrique, de dyspepsie, d’éruptions, de paralysies musculaires et de stéatose, comme les préparations arsenicales ordi- naires. Il agit en activant la vitalité, la reproduction, le rajeunissement des tissus; c’est un excitant de la nutrition. Séance du 13 Juin 1899. L'Académie procède à l'élection d'un membre dans la Section d’Anatomie pathologique. M. Raymond est élu. — MM. Albert Robin et Maurice Binet ont constaté que l'injection d’arséniate de soude chez divers malades, atteints de tuberculose ou d'adénite, diminue l'acide carbonique produit et l'oxygène consommé par kilogramme de poids et par minute, et qu'il exerce, par conséquent, une action modératrice sur les échanges respiratoires. Cette action est donc inverse de celle de l'acide cacodylique, mise en évidence par M. A. Gautier. — M. H. Huchard à reconnu que le sphygmographe de Dudseon donne des indications défectueuses, exposant à des erreurs de diagnostic ou d'interprétation. Le sphygmographe de Marey doit lui être préféré. — M. Delorme signale deux cas de plaies pénétrantes de poitrine, dans lesquels l’immobilisation, préconisée par M. Lucas-Championnière, n'a pas empêché les hémor- ragies de se succéder et de produire une anémie pro- fonde. On se décida alors à ouvrir complètement le thorax gt à rechercher les vaisseaux lésés pour prati- quer une ligature afin d'assurer l'hémostase. Les deux opérés moururent, l'un de pyémie consécutive, l’autre d'anémie; mais M. Delorme croit néanmoins que l'in- tervention énergique est nécessaire, toutes les fois que l'immobilisation n'aura pas arrêté les hémorragies. Séance du 20 Juin 1899. M. J.-V. Laborde présente un rapport sur les com- munications et présentations de MM. les D'S Barthé- lemy et Oudin concernant les rayons X, la radioscopie et la radiographie. Il fait ressortir la grande part prise par ces deux savants dans le perfectionnement et la vulgarisation en France de ces nouveaux moyens d'in- vestigation, surtout au point de vue de leurs appli- cations médico-chirurgicales. — M. Laborde présente ensuite un autre rapport sur un mémoire de M. le D' Nachtel, décrivant l’organisation du Service d'Hy- giène publique de la ville de New-York. — M. Bucquoy analyse une note de M. C. Savoire relative à l'emploi de doses élevées de créosote dans le traitement de la tuberculose pulmonaire. L'auteur a reconnu que la toxicité de la créosote était très faible. L'administration de doses de créosote s’élevant de 6 à 10 grammes, et même à 15 grammes, pendant plusieurs mois, n'a pro- voqué aucun trouble; elle a produit, au contraire, une augmentation nolable de l'appétit et de la nutrition, des modifications de la toux, de la fièvre, de l’expec- toration, la disparition des bacilles. — M. Hervieux signale les expériences faites par M. Carteret sur de jeunes soldats et démontrant que la vaccinoïde ou fausse vaccine est en réalité de la vaccine vraie, mais atténuée, laquelle peut communiquer l’immunité à une autre personne. — M. le D' Catrin doune lecture d’un mémoire sur l’étiologie de la tuberculose. — M. le D' Tourtoulis-bey lil un travail sur un cas de lèpre guéri par des injections sous-cutanées d'huile de Chaulmoôgra. — M. le D' Mendel donne lecture d’un mémoire sur le traitement des affections broncho- pulmonaires et en particulier de la tuberculose par les injections trachéales d'huile volatile. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 3 Juin 1899. M. Touche rapporte l'observation d'un malade atteint d'un ramollissement limité du pli courbe droit; après l'attaque, la lecture était courante avec quelques omis- sions de mots, mais l'écriture altérée dans tous ses modes.— MM. Gilbert et Castaigne signalent trois cas de uoitre exophtalmique survenu à la suite de lésions toxiques infectieuses du corps thyroïde. — MM. Charrin et Levaditi apportent de nouvelles preuves de la démi- néralisation de l'organisme pendant le cours de la ges- tation. — M. Féré a injecté de l'iodure de potassium dans l’albumine d'œufs fécondés; le résultat a été nul, car les embryons se sont développés normalement. M. Ch. Richet a observé qu'une chienne ayant recu de fortes doses d’iodure de potassium, et fécondée, expulsa des masses placentaires sans embryon. M. J.-V. La- borde cite de nombreux cas de femmes devenues en- ceintes, quoique soumises au traitement bromuré; ce traitement est même efficace sur le produit de la con- ception chez les épileptiques. — M. Maurice Faure décrit des altérations des cellules cérébrales observées dans des cas de troubles mentaux d'origine infectieuse. — M. Léger envoie une note sur les tubes de Malpighi des Insectes. — M. Mauduit communique ses recher- ches sur l’action du suc pylorique de la truite. Séance du 10 Juin 1899. M. Lereboullet rapporte un cas qui vient à l'appui de la théorie d'après laquelle la cirrhose hypertro- phique biliaire reconnaît pour origine une angiocholite infectieuse. — MM. Gilbert et Weil ont mesuré la. pression du liquide dans les ascites dues à une gêne dans la circulation de la veine porte; dans ce cas, la pression de la cavité péritonéale peut atteindre et même dépasser les plus fortes pressions normales de la veine porte. — M. Widal à pratiqué, sur des animaux, des tnt tes ACADÉMIESHET SOCIÉTÉS SAVANTES injections intra-hépatiques et intra-spléniques assez considérables sans provoquer d'accidents ; la résorption se faisait rapidement. — MM. Hallion et Laran ont étudié les effets de l'injection du métavanadate de soude; il est moins actif et moins toxique que l'acide vanadique à doses égales. — M. Frouin a séquestré l'estomac de deux chiens, qu'il a ensuite laissés à jeun pendant trente-deux heures. La muqueuse à continuë à sécréter du suc gastrique en l'absence de tout phéno- mène réflexe; le liquide sécrété à l’état de jeûne est neutre ; additionné de HCI, il digère l’albumine. — MM. E. Toulouse et N. Vaschide ont poursuivi leur étude de l’olfaction sur les enfants. La sensibilité olfac- tive brute se développe jusqu'à l’âge de six ans, puis diminue ensuite; au contraire, la faculté de différen- ciation des odeurs devient de plus en plus fine avec l’âge. La femme est toujours supérieure à l’homme. — M'e Pompilian a déterminé le temps des réactions réflexes musculaires chez l'escargot. — Ml: Elmassian a isolé, dans des cas de coqueluche, un bacille fin ces- semblant à celui de l’influenza. à Séance du 17 Juin 1899. M. Netter expose ses recherches bactériologiques sur l'épidémie parisienne de méningite cérébro-spinale de 1898-1899. Dans un grand nombre de cas, il a trouvé le Diplococcus meningitidis intra-cellulaire de Wichsel- baum; dans d’autres, il a rencontré le pneumocoque et le streptocoque de Bonome. — M. Griffon a cultivé ce diplocoque sur sang gélosé et dans des tubes de sérum de lapin. Inoculé à la souris sous la peau, il n’est pas pathogène ; inoculé dans la plèvre, il détermine une pleurésie séro-hémorragique avec infection du sang. — M. Bezançon expose ses recherches sur l’ac- tion des différentes toxines tuberculeuses. — M. Chap- man présente une communication sur la copulation chez les éléphants, sur la gestation, qui dure vingt et un mois, et sur la parturition. Le jeune éléphant nait enveloppé des membranes embryonnaires. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 2 Juin 1899. M. le Secrétaire général a recu de M. Abraham une lettre signalant qu'un appareil, très peu différent de celui de M. Vedovelli, décrit à la précédente séance, a été exposé à Londres, en 1885, par M. Hedges; cet ap- pareil est décrit dans la Lumière Electrique, tome X VIT. — M. H. Pellat décrit un appareil à combustion pour prendre le potentiel de l'air, et compare les résultats qu'il fournit avec ceux de l'appareil à écoulement d'eau. Les indications de ce dernier appareil sont très lentes; M. Pellat place un flacon de verre au voisinage d'une grande feuille de papier d’étain, qu'il charge au moyen d'une pile de 100 éléments Leclanché; l’électromètre indique d’abord une déviation brusque par influence; au bout de six minutes, on a atteint les huit dixièmes de déviation totale, mais il faudrait attendre une demi- heure pour que l'aiguille se fixe dans sa position défi- nitive. Ces nombres correspondent à un débit de 16 Litres en vingt-quatre heures. La mèche imprégnée d'azotate de plomb, employée par lord Kelvin, fournit des résultats encore moins rapides; il y a, en outre, des irrégularités qui peuvent atteindre quelques cen- taines de volts. Un simple bec de gaz fournit une prise de potentiel beaucoup plus rapide; en employant un cylindre portant une rampe circulaire de gaz, on évité le risque d’extinction par le vent et on peut avoir, en quinze secondes, la déviation définitive. Dans une expérience faite à l'air libre, M. Pellat a pu constater que la position de l'aiguille variait continuellement. L'avantage de ce dispositif résulte de la grandeur du débit électrique, qui rend moins nécessaire un isole- ment parfait. 11 a l'inconvénient d’être trop sensible et d'enregistrer des variations si rapides que le dépouille- ment des courbes et l'établissement des moyennes 533 deviendraient très difficiles; le prix du gaz brûlé pour- rait devenir aussi un empêchement. M. A. Chauveau observe que, dans le dispositif de M. Pellat, les effets de capacité sont considérables et le débit beaucoup plus lent que dans les appareils courants des observatoires, qui laissent écouler 60 ou 70 litres en vingt-quatre heures. Les effets de capacité diminueraient beaucoup si l'on employait un flacon métallique. Dans la pratique, on cherche, au contraire, à éliminer les variations très rapides par l’enfploi de capacités; c’est ainsi que l’on environne le flacon d'une caisse de bois formant con- densateur. — M. le général Bassot, parlant d’une nou- velle mesure de l’are du Pérou, expose rapidement l'his- toire des grandes opérations géodésiques. Il rappelle que la mesure de l'arc du Pérou et de l’arc de Laponie ont été entreprises par l’Académie des Sciences dans le but de vérifier si, conformément à la théorie de Newton, la Terre était aplatie vers les pôles, c’est-à-dire si la longueur du degré allait en croissant à mesure qu'on s'éloigne de l'équateur. Les résultats de ces travaux, de même que la mesure de la méridienne de Delambre et Méchain, ne présentent pas assez de précision pour qu'on puisse les comparer aux travaux modernes. L’arc de Paris a été mesuré de nouveau et la triangulation française a été reliée à celle de l'Angleterre et de l'Espagne; en 1879 on a poussé jusqu'à l'Afrique et les mesures portent actuellement sur un arc allant des îles Shetland jusqu'à Laghouat; cet arc sera bientôt continué jusqu'à Ouargla, par Gardaïa, et mesurera près de 30°. On a reconnu aussi la nécessité de faire des mesures du degré sous des latitudes aussi distantes que possible; la Russie et la Suède s'occupent actuelle- ment de mesurer un arc de # ou 5° dans des régions encore plus septentrionales que celles où a été étudié l'arc de Läponie. Pour les mesures équatoriales, on a encore proposé le Congo, mais le relief du terrain est insuffisamment mouvementé pour l'établissement des signaux. En 1889, à la réunion de l'Association géodé- sique internationale tenue à Paris, un géodésien amé- ricain, M. Davidson, a insisté sur l'intérêt que présen- terait une nouvelle mesure de l’are du Pérou; il à déclaré que les Etats-Unis, tout en reconnaissant le privilège de la France, étaient prêts à exécuter ce tra- vail si la géodésie française ne l’entreprenait pas. Des négociations furent alors entamées avec la république de l’Equateur, dont le territoire occupe actuellement la région où Bouguer, La Condamine et Godin avaient étudié leur arc; ces négociations laborieuses venaient d'aboutir, lorsque le président de la République de l’'Equateur fut déposé par une révolution. En 1898, à Stuttgart, un autre géodésien américain, M. Preston, tenait le même langage que M. Davidson; M. Faye sai- sissait de nouveau les pouvoirs publics de cette mise en demeure, et la mesure de l’arc du Pérou fut décidée. Deux officiers, les capitaines Maurain et Lacombe, du Service.géographique de l’armée, sont partis à destina- tion de Quito, dans le but de faire une enquête sur les conditions dans lesquelles pourra s'effectuer la nouvelle mesure ; la république de l’'Equateur a promis son con- cours moral. Quand cette première expédition, qui doit durer environ cinq mois, sera terminée, on demandera le vote des crédits nécessaires, et la France entre- prendra encore une de ces grandes opérations qui l'ont mise autrefois hors de pair dans le domaine de la géo- désie. — M. Dussaud, au nom des établissements Pathé frères, présente le nouveau phonographe Stentor. Les progrès sont dus, d’une part, au diamètre plus grand des cylindres employés, et, d'autre part, à la disposition nouvelle des diaphragmes enregistreurs et répétiteurs dans lesquels la chambre d’air et le tube porteur des sons sont établis suivant les lois rationnelles de l’acoustique. Le grand diamètre des cylindres per- met aux mots de s'inscrire sur une surface plus grande et, par conséquent, avec plus de détails, ce qui aug- mente la qualité du timbre. D'autre part, le rayon de courbure étant plus grand, le style pénètre mieux dans le sillon et donne une plus grande intensité aux sons 234 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES reproduits. Les diaphragmes permettent aux sons d’ar- river et de repartir sans faire de coude qui les déforme et les diminue; de plus, la nature et le maniage des pièces vibrantes, ainsi que les dimensions de la chambre d'air, ont été très étudiés, afin d'éviter les vibrations accessoires discordantes des fondamentales; pour cela, on à réduit la chambre à une minime épaisseur et choisi un cristal très pur solidement fixé par ses bords. Le style est également tenu par un nouveau système d'attache qui le rend très fixe et, d'autre part, évite les vibrations accessoires de la plaque vibrante. C. RAVEAU. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY Séance du 31 Mai 1899 (suite). M. L. Maillard, après avoir démontré précédem- ment que l'addition de sulfate d'ammoniaque abaisse la toxicité du sulfate de cuivre, étend cette pro- priété aux sulfates de sodium et de potassium. Cette coïncidence vient à l'appui de l'hypothèse que cette action des sulfates alcalins est due aux ions SO“ qui font régresser la dissociation de CuSO*. L'auteur a fait une série de 14 expériences quantitatives avec des Ë £ Le M solutions de CuSO* comprises entre les dilutions 3 et = pures ou avec addition de + 1, 2, 3, molécules de Na*SO*. Chaque liquide a servi à la culture d’une coni- die de Penicillium glaucum avec toutes les précautions d'ordre physiologique pour obtenir des résultats com- parables. Les poids de récolte ont confirmé le phéno- mène avec une grande concordance. L'étude cryosco- pique des solutions a montré que le développement des cultures n’est pas exactement en raison inverse du nombre des ions Cu. Il y a donc aussi une intervention de la molécule CuSO* dans la toxicité du sel; mais la discussion des chiffres montre que cette intervention doit être au moins trente fois moins importante. Peut- être même n'est-elle qu'indirecte : le rôle des molé- cules peut se borner à remplacer les ions Cu qui ont agi sur le protoplasma. La toxicité des sels métalliques serait alors due en grande partie à l’action des ions métalliques. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES SCIENCES NATURELLES. Alexander Edington : Quelques remarques nouvelles sur la Fièvre du Texas ou « red-water ». — L'auteur, dans une précédente communication, était arrivé aux conclusions suivantes : Le sang d'animaux, eux-mêmes en bonne santé, mais provenant d’une région contaminée, devient dangereux s’il est inoculé à un animal qui souffre déjà d’une autre maladie. Le sang d'animaux atteints de la forme bénigne ou modi- fiée de Ja fièvre du Texas peut être inoculé sans dan- ger à un animal sain par la voie sous-cutanée, mais l'inoculation par la voie veineuse est dangereuse. L'ino- culation sous-cutanée confère à l'animal sain une forme atténuée de la maladie, Puisque le sang d’un tel animal est virulent, lorsqu'il est iniecté par la voie veineuse à un autre animal, il faut en conclure que l'animal atleint de la forme bénigne jouit d’une certaine immunisation. L'auteur avait fondé sur ces constatations un procédé d’inoculation préventive. Depuis lors, il à eu l’occasion d'observer un certain nombre de faits nouveaux. Un animal est inoculé le 22 décembre 1897; le 8 décembre 1898, on lui retire du sang qui, après avoir été défibriné, est injecté à un jeune bœuf à la dose de 20 centigrammes par voie intra- veineuse; celui-ci meurt au bout de 28 jours. L’expé- rience montre que le premier animal, inoculé avec du sanginfecté, mais ayant survécu sans être très malade, est néanmoins resté infecté, puisque son sang retiré une année plus tard, est encore capable de tuer un animal susceptible, après lui avoir été injecté dans les veines. Ce fait s'est trouvé corroboré dans les expériences d'inoculation préventive dans la colonie du Cap. Quatre animaux immunisés (trois pour avoir déjà eu la mala- die et en avoir guéri, le quatrième parce qu'il était né et s'était développé dans une région perpétuellement infectée) servirent à ces expériences. Sept semaines auparavant, ils avaient été fortifiés, c'est-à-dire réino- culés avec du sang virulent. Vingt animaux recurent du sang défibriné de l’un des quatre immunisés, à la dose de 10 à 20 cc.; tous présentèrent une réaction fébrile et des symptômes légers de la maladie, mais guérirent rapidement. Sept autres têtes de bétail furent inoculées avec le sang d'un autre des quatre, aux doses de 10 à 15 cce.: le résultat fut analogue. Le 1° novembre, les quatre animaux immunisés furent de nouveau fortifiés par l'injection intraveineuse de 5 cc., et sous-cutanée de 10 cc. de sang virulent. Vingt-neuf jours après, ils furent saignés et leur sang servit à inoculer deux lots de bétail. Le premier com- prenait 107 animaux n'ayant jamais été infectés; ils recurent de 10 à 25 cc. de sang, dose un peu supé- rieure aux doses normales, Dix-sept d'entre eux moururent de la fièvre; les autres guérirent. Le second lot, composé de 53 animaux ayant loujours vécu sur un sol infecté, ne donna aucun signe de réaction. Cette expérience montre qu'il ne faut pas excéder la dose normale, à moins que les animaux immuuisants n'aient été laissés à eux-mêmes depuis un nombre considé- rable de mois. Voici un exemple montrant la résistance des ani- maux inoculés à une infection subséquente. En mai 1898, dix têtes de vieux bétail furent inoculées avec le sang d'un animal inoculé lui-même, six mois aupara- vant, avec du sang virulent. Ces animaux furent immé- diatement envoyés dans une région infectée avec dix têtes de jeune bétail, non inoculé, mais moins sujet que le vieux bétail à mourir de la maladie. Or, tousles jeunes animaux ont été infectés et trois sont morts; parmi les vieux, pius susceplibles, aucun n’a montré le moindre signe de maladie et les vaches ont donné naissance à des veaux sains. L'inoculation préventive a, en général, donné des résultats si satisfaisants, que les fermiers de la colonie ont pris l'initiative d’une pétition pour l'établissement d’une station d’inoculation à Graham’s Town. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 26 Mai 1899. MM. S. Young et Rose-Innes présentent une deuxième communication sur les propriétés thermiques du pentane normal. Dans un premier mémoire, ils ont montré que les relations existant entre le volume. la température et la pression du pentane normal peuvent être représentées par l'expression : RT e l p= (1 +) 555 Si l’on utilise cette formule pour l’isopentane, on constate que les valeurs de R et de {/e sont les mêmes pour les deux isomères. Les auteurs ont trouvé que si Let e sont pris respectivement égaux l’un à l’autre, et si les constantes # et g sont calculées d'après les expé- riences sur le pentane normal, il existe une différence de 2c°/, entre le caleul et les résultats de l'expérience. Si l'on prend les valeurs de R, //e et g égales pour les deux pentanes, et qu'on détermine les constantes Let, alors la formule est juste à 4 °/ près. Les auteurs concluent que les différences de pression entre deux isomères à un volume et à une température donnés sont du même ordre que les déviations à loi de Boyle, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 333 c'est-à-dire proportionnelles au carré de la densité. M. Rose-Innes ajoute que la formule proposée ne donne pas la solution absolue du problème, mais que c'est la meilleure de toutes celles qui ont été essayées. Elle a été appliquée avec succès aux expériences d’'An- drews sur l'acide carbonique, ainsi qu'à l'éther et à l'hexane. On a objecté à cette formule sa complexité et le nombre de constantes qu'elle renferme. L'auteur croit que cela est nécessaire, le problème traité n'étant pas un problème simple. Il compare, d’ailleurs, la for- mule avec celles de Clausius, de Sutherland et de Tait, qui ont respectivement #4, 4 et 6 constantes, et avec l'équation originale de van der Vaals. L'accord est plus parfait et s'étend sur une plus grande échelle. M. Cal- lendar demande si les constantes de la formule ont une signification théorique. M. Rose-Innes répond que Rest le R de l'équation des gaz parfaits et que Let e correspondent respectivement à $ et « de l'équation ordinaire de van der Waals. Séance du 9 Juin 1899. M. C.-G. Lamb envoie un mémoire sur la distribu- tion de l'induction magnétique dans un long barreau de fer. La longueur du barreau était égale à 250 lois son diamètre; l’auteur traçait la courbe de B et H par les mesures ballistiques faites au moyen d’une bobine exploratrice placée au centre du barreau. On déplaçait ensuite la bobine le long du barreau et on déterminait la variation de l'induction pour des forces magnéti- santes variant de H—0,74 à H—35. Jusqu'à des champs de 3,35, l'induction diminue de plus en plus rapide- ment quand H augmente, mais au-dessus l'induction se maintient. Des courbes tracées on déduit l'induction moyenne, ainsi que la distance entre le pôle produit et le milieu du barreau; cette distance diminue d’abord, puis croît avec l’augmentation de la force du champ. D'après la théorie ellipsoïdale, elle devrait être cons- tante. — M. Rose-Innes lit une communication sur la valeur absolue du point de congélation. Partant de l'équation de lord Kelvin, pour le passage sous pression d'un gaz à travers un robinet, l’auteur a obtenu une formule donnant la valeur absolue du point de congéla- tion, qui peut être déduite des recherches expérimen- tales de Regnault. La formule est basée sur le fait, vérifié expérimentalement par Joule et Kelvin, que le rapport entre l'effet réfrigérant dù à la différence de pressions et la pression est constant pour toutes les pressions. En appliquant la formule aux expériences de Regnault, on trouve, pour les points de congélation, des valeurs presque identiques à celles de lord Kelvin; les différences sont probablement dues aux inexacti- tudes de la méthode de Reynault, qui opérait à pression constante. La valeur calculée d'après les expériences de M. Chapuis sur l'hydrogène à volume constant est de 237,04, si l’on regarde l'hydrogène comme un gaz parfait; si on lui applique une correction thermodyna- mique à cause de sa déviation de la loi des gaz parfaits, la valeur du point de congélation devient 237,19, la- quelle se rapproche beaucoup de celle de lord Kelvin, qui est 237,14. M. Lehfeldt pense que les variations de la chaleur spécifique du gaz doivent affecter la for- mule de l’auteur. M. Rose-Innes répond que Regnault a montré expérimentalement que la valeurde la chaleur spécifique est constante. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 18 Mai 1899. MM. James J. Dobbie et Alexander Lauder dé- crivent leurs recherches sur la corydaldine, C°H7Az0 (OCH*}, l'une des substances obtenues par l'oxydation de la corydaline au moyen du permanganate de po- tasse. Elle donne un dérivé nitrosé qui, chauffé avec une solution de soude, perd de l'azote en se trans- formant en un anhydride monobasique C‘‘H20!: oxydée par le permanganate de potasse à 100, la cory- daldine se transforme en acide métahémipinique. Les auteurs concluent que la corydaldine ne diffère de l’'anhydride w-amidoéthylpiperonylearboxylique que par deux groupes méthoxyles remplaçant le groupe pipéro- nyle; elle est donc en relation étroite avec l'oxy-hydras- tinine. — MM. C. F. Cross, E. J. Bevan et T. Heiberg ont étudié l'oxydation du furfural par le peroxyde d'hydrogène, en présence d'une faible quantité de sels de fer. Au premier degré, il se produit de l'hydroxy- furfural et de l'acide hydroxypyromucique. Si l'oxyda- tion est poussée plus loin, le noyau de furfurane est brisé et il se forme de l'acide formique, avec un peu d'acide acétique et oxalique; il parait exister, comme produits intermédiaires, des acides hydroxycétoniques. L'hydroxyfurfural produit est spécialement intéressant par ce fait qu'il donne, avec le phloroglucinol et le résorcinol, en présence de HCI, des réactions colorées identiques à celles des lignocelluloses. II semble donc prouvé que les ligno-celluloses renferment comme constituant un furfural-phénol. — M. F.-S. Young à constaté, comme les auteurs précédents, que le peroxyde d'hydrogène attaque aussi énergiquement le benzène en présence de sels de fer, avec production de phénol, c'est-à-dire avec remplacement d’un hydrogène par un hydroxyle. — M. R.-H. Adie a étudié l’action de l'acide sulfurique sur un grand nombre d'éléments ; il donne dans un tableau les températures de décompo- silion et la nature des produits formés. Il fait les re- marques suivantes : 1° L’acide sulfurique est décomposé par la plupart des éléments avec formation d'anhyäride sulfureux et d'hydrogène. L'hydrogène sulfuré ne se produit que dans quelques rares cas. 2° Dans chaque groupe d'éléments, la température de décomposition devient plus basse à mesure que le poids atomique des éléments s'élève. 3° Le cuivre, le nickel et le palladium forment des sulfures noirs. — MM. H.-C. Harold Car- penter et William H. Perkin jun., en faisant réagir le bromure d’étylène sur le cyanacétate d’éthyle sodé, ont obtenu le triméthylènecyancarboxylate d'éthyle. Il est saponilié par la potasse avec production d'acide triméthylènecyancarboxylique : CH2 CAz L,)C C2” \CoH. Ce corps se convertit facilement en acide triméthylène- dicarboxylique par ébullition avec la potasse. En faisant réagir de même le bromure de triméthylène sur le cyanacétate d'éthyle sodé, les auteurs ont obtenu le tétraméthylènecyancarboxylate d’éthyle, qui est sapo- nifié à froid par la potasse alcoolique et donne l'acide tétraméthylènecyancarboxylique : CHE — CHE | CHE — C(CAz) COH. Par ébullition avec la potasse aqueuse, il se transforme en acide tétraméthylènedicarboxylique. — M. R.-W. Allen à déterminé, par deux méthodes différentes, les tensions de vapeur maximum du camphre de 0° à 80°. Séance du 1°" Juin 1899. M. W. Popplewell Bloxam, en cherchant à préparer les sulfures, hydrosulfures et polvsulfures de sodium et de potassium, a reconnu que toutes les méthodes indi- quées jusqu'à présent pour l'obtention des polysulfures purs, ne donnent jamais qu'un mélange de ces corps avec les thiosulfates, et qu'il n'existe actuellement aucun procédé pour les séparer. Il a préparé à l'état pur les hydrates de sulfure de potassium suivants : KES, 2H20; K°S, 5H°0; K?S, 12H°0. Ces sels peuvent être déshydratés entièrement sans décomposition dans un courant d'hydrogène sec. Par saturation d'une solu- tion de potasse avec l'hydrogène sulfuré, on obtient des cristaux d'hydrate d'hydrosulfure de potassium 2KHS, H°0, qui peuvent de même être déshydratés sans décomposition. Enfin, en dissolvant du soufre dans 536 des solutions chaudes d’hydrosulfures, l’auteur a ob- tenu les hydrates de polysulfures suivants : K*S5,10 H°0; K:S®, 6H20; K:S5, 19H20; K'S?, xH°0; HS, æH20. Le sodium donne des composés analogues, mais de for- mules différentes. — M. Sydney Young a étudié la valeur relative des diverses formes de tubes et de dé- phlegmateurs dans Ja distillation fractionnée. MM. William A. Bone et C.-H.-G. Sprankling ont préparé deux isomères symétriques de l'acide diiso- propylsuccinique, par l'action du bromure d'isopropyle sur le dérivé sodé de l'isopropyleyansuccinate d'éthyle, et par nydrolyse de l’éther obtenu. L'acide trans est presque insoluble dans le benzène et fond à 226°;: l'acide eis est soluble dans le benzène à chaud et fond à 172. L'anhydride de l'acide trans, chauffé avec l'anhy- dride acétique pendant plusieurs heures, se transforme dans l’anhydride cis, d'où l'on prépare un acide cis absolument semblable à celui qu'on obtient directe- ment. — M. Alex. Mc. Kenzie a déterminé l'effet du remplacement de l'hydrogène actif par un groupe alcoyle sur le pouvoir rotatoire de l'acide mandélique. Il a préparé les acides I-phénylméthoxy-, éthoxy-, pro- pyloxy- et isopropyloxyacétiques. La rotation molécu- laire de l'acide I-phénylméthoxvacétique et de ses sels est un peu plus élevée que celle de l'acide I-mandé- lique mesurée pour des concentralions équivalentes. Celles des autres acides I-phénylalcoyioxyacétiques est bien inférieure à celle de l’acide I-mandélique. — M. A. More a analysé l’oléorésine du Dacryodes Hexandru; elle contient une huile essentielle et une substance cristalline de formule C**H#0. L'huile essen- tielle est formée de pinène et de sylvestrène gauches; la substance cristalline est probablement identique à l'alcool ilicique de Personne. — M. David Smiles Jerdan a obtenu, par condensation de l’éthylate de soude avec l’acétonedicarboxylate d'éthyle, deux com- posés : l'orcinetricarboxylate triéthylique et une lac- tone CH‘007, En condensant le chloracétate d’éthyle avec l'acétonedicarboxylate d'éthyle en présence de magnésium, l'auteur à obtenu encore l’orcinetricar- boxylate diéthylique. Comme ces corps peuvent donner des dérivés de l'acide orcinedicarboxylique, l'acide orcinetricarboxylique doit être représenté par la for- mule asymétrique : CH°.CO'H HO CO°H H OH CO®H ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM Séance du 22 Avril 1899. SCIENCES PHYSIQUES. M. H.-G. van de Sande Bakhuyzen : Nécrologie de Petrus Leonardus Ryke (1811-1899), jusqu'à 1881, professeur de physique à l'Université de Leyde. — M. H. Kamerlingh Onnes présente au nom de M. E. van Everdingen, une com- munication intitulée : « Les phénomènes galvanomé- triques et thermomagnétiques dans le bismuth » (seconde partie, voir Rev. générale des Sciences, t. IX, p. 835). Dans la théorie de M. Riecke, la conduction totale de la chaleur est attribuée au mouvement de particules chargées ; au contraire, d’après M. van Ever- dingen, du moins une explication qualitative de tous les phénomènes transversaux galvanométriques et ther- momagnéliques peut être déduite de la supposition que le courant de chaleur dans les métaux est purement un courant d'énergie, pas accompagné d'un courant de matière pondérable. La question de savoir si cette sup- position peut mener aussi à une explication quanti- tative doit être décidée par l'expérience. Ensuite l’auteur cherche si l'hypothèse dans laquelle les phé- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES nomènes longitudinaux s'expliquent par un changement du nombre des ions libres suffit pour que les théories moléculaires de l'électricité thermale puissent rendre compte du signe de la variation de la différence thermo- électrique, par exemple entre bismuth et cuivre; son résultat est négatif. — M. J.-D. van der Waals pré- sente une communication : « Sur la déduction de l'équation caractéristique », contenant une discussion avec M. L. Roltzmaun (voir Rev. générale des Sciences, t. X, p. 55). L'auteur reconnait que les valeurs des coefficients She etc., qui entrent dans l'équation ca- ractéristique, trouvées par M. Boltzmann, diffèrent de celles qu'il a trouvées lui-même, néanmoins que cha- cune des deux solutions du problème posé offre tous les caractères de la vérité. Il en conclut que la diver- gence des résultats doit être causée par une différence dans la forme du problème que se sont proposé les deux investigateurs. D’après lui, M. Boltzmann s’est occupé du problème suivant : Comment se distribuent un grand nombre de points matériels mobiles, soumis à une cohésion qui mène à une pression superficielle égale à — s’il leur est impossible de diminuer leurs distances mutuelles au delà d'une limite donnée (dia- mètre de la molécule)? Si les points sont effectivement des points matériels, le travail de la pression thermique disparaît; alors l'équation de M. Boltzmann s’applique- rail à des phases coexistantes. Seulement, cette équa- tion n'implique done pas une solution du problème de la distribution des molécules tridimensionales. Ainsi il n'ya plus lieu de s'étonner sur la divergence des résul- tats; au contraire, il est bien remarquable que l'accord soit encore si grand, etc. — M. H.-W. Bakhuis RooZe- boom : « Points de fusion de systèmes d'isoméres optiques. « Communication des résultats des expé- riences de M. Adriani ayant rapport à ‘deux exemples donnant la certitude que la substance inactive est une composilion racémique; le premier est celui de l’éther tartrique diméthylique où les formes dextrogyre et lévogyre ont un point de fusion plus bas que l’éther racémique, le second est celui de l’éther diacéthyle- #0 20 0 100% 80 60 Fig. 1 et 2. — Points de fusion d'un mélange de corps r'acé- miques avec un de leurs constiluants actifs. — En abs- cisse, on a indiqué le pour cent de molécules racémiques. tartrique diméthylique où, au contraire, l'éther racé- mique a le point de fusion le plus bas. Les diagrammes I et IL ci-joints donnent la représentation graphique des moitiés droites des résultats, ils correspondent res- pectivement aux figures 5 et 6 de la communication précédente de M. Roozeboom (voir Rev. gén. des Sciences, t. X. p. 332). mm —_——"—" D pppppDpDpDpDpDpDpNpDpDpDppOCEE———————————— Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. —————————————_—_— Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 10° ANNÉE N° 14 30 JUILLET 1599 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Nécrologie William Henry Flower, — Le distingué natu- raliste qui vient de mourir était né en novembre 1831, à Stradford-sur-Avon, Il fit une grande partie de ses études à University College de Londres, où il mérita la médaille d'or Sharpey, pour la Physiologie et la mé- daille d'argent Grant pour la Zoologie. Adjoint au Service médical de l'Armée en 1854, il fit la campagne de Crimée, où s1 santé s’altéra. De retour en Angleterre, il devint préparateur d'Anatomie au «Middlesex Hospi- tal», puis curateur du Musée. C'est à ce moment qu'il publia ses premiers ouvrages d'Anatomie et de Chirur- gie. En 1861, il fut nommé Curateur du « Hunterian Museum » au Collège des Chirurgiens, puis bientôt « Hunterian Professor ». Mais il abandonna dans la suite la pratique chirurgicale pour se consacrer plus entièrement à son Musée, et vingt ans plus tard, en lui remettant la Médaille Royale de la Société Royale de Londres, le Président pouvait dire avec justice : « C'est surtout à cause de son long et persévérant travail que le Musée du Collège royal des Chirurgiens doit de posséder aujourd'hui la collection de matériaux la plus complète, la mieux ordonnée et la plus accessible pour l'étude anatomique des Vertébrés. » Quelques années plus tard, en 1884, à la suite de la retraite de Sir Richard Owen, Flower était nommé Directeur du nouveau Musée d'Histoire naturellè de Londres. Il consacra le reste de ses forces à l’organi- sation et au développement des collections, jusqu'à ce qu'en 1898 l'état de sa santé l'obligeñt à suspendre définitivement le cours de son activité scientifique. L'œuvre de Sir William Flower a porté principalement sur deux points : l'étude de l'Anatomie comparée des Mammifères et l'organisation des divers Musées qu'il a dirigés. Comme anatomiste, Flower se joignit à Huxley pour l'aider à réfuter les idées d'Owen, quant à la différence entre le cerveau de l’homme et celui des singes. Il pu- blia, avec Turner, Humphrey et Rolleston, d'importants mémoires sur celte question, Puis il s’'adonna entière- ment à l'étude des Cétacés, et depuis la mort de P. J. van Beneden et Gervais, il n'avait de rivaux, dans la connaissance de cette famille, que Turner. C'est lui REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899, qui a si bien complété l'admirable collection de baleines du Muséum de Londres, qu'il l'a rendue sans égale dans le monde. Flower a publié des recherches sur d’autres groupes de Mammifères, en particulier les Marsupiaux ; il s'occupait également d’'Anthropologie et il fut prési- dent de l’Institut anthropologique. Mais c'est peut-être comme directeur du Musée qu'il a exercé la plus grande influence sur les idées de son temps. Si l’on compare la condition actuelle de la plupart des grands musées d'Histoire naturelle de l'Europe avec celle qui caractérisait les inslitutions si- milaires de la Grande-Bretagne avant 1864, on cons- tate un important changement, qui est dû en grande partie à l'influence des théories de Flower, théories qu'il appliqua d’abord au Musée du Collège des Chirur- giens, puis au Musée d'Histoire naturelle de Londres. Le premier grand principe posé par Flower est celui- ci : Les richesses d’un grand musée d'Histoire naturelle doivent être divisées en deux parties distinctes, qui seront traitées séparément; la collection publique, des- tinée à être exposée aux yeux de tous, et la collection spéciale ou collection privée, qui n’est pas ouverte au grand public, mais qui est facilement accessible à tous les chercheurs et aux personnes spécialement quali- fiées. D’après ce principe, les galeries publiques doi- vent être débarrassées de l'excès de spécimens qui souvent les encombrent, et ces derniers soigneusement réservés pour l'usage des spécialistes. Pour Flower, les pièces de la collection publique doivent alors être disposées de facon à démontrer au visiteur un fait ou une série de faits bien définis; aussi elles doivent être bien visibles, isolées plutôt que cachées par le voisi- nage des autres, et pourvues d'une inscription claire et simple indiquant la cause et l'intérêt de leur présence. Flower a donc voulu diminuer le nombre des pièces communément placées dans les musées, mais augmen- ter l'intérét et la beauté de chacune, offrir à l'œil du public une véritable sélection. Le grand naturaliste anglais a insisté souvent sur um second principe, qu'il n'a malheureusement pu appli- quer complètement dans le Musée de Londres, vu la disposition des locaux. Dans les galeries publiques d’un ée, les squelettes d'animaux ne doivent pas être placés dans une chambre, les peaux empaillées dans 14 538 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE une seconde, les organes conservés en bocaux dans une troisième, tandis que les restes fossiles d'animaux parents, mais éleints, se trouvent dans une quatrième pièce plus ou moins éloignée; mais le visiteur doit voir, côte à côte, l'animal empaillé, son squelette, les parties importantes de sa structure interne et les restes de ses alliés disparus. Ainsi, le visiteur étonné n'aura pas besoin de traverser trois ou quatre collections et de faire un effort mental considérable pour coordonner les faits qu'il aura vus se rapportant à un mème animal, mais d'un seul coup d'œil il pourra embrasser toute son histoire. Flower n'a pas seulement posé des principes géné- raux; il s'occupait lui-même des plus petits détails d'organisation : il choisissait la couleur des cases et des supports, il indiquait la meilleure place pour chaque pièce, il réglait le mode et le degré d'éclairage de chaque salle. On voit qu'il existe tout un art « d'orga- nisation des musées à l'usage du public », art qui est encore dans l'enfance, et qui a été en grande partie fondé, au moins en ce qui concerne l'Histoire naturelle, par Sir William Flower. En reconnaissance des services rendus à la science, Flower avait été élu membre de la Société Royale de Londres et Correspondant de l'Académie des Sciences de Paris. Il fut plusieurs fois président de la Société .Zoologique et de l'Institut Anthropologique de Londres et de l'Association britannique pour l'avancement des Sciences !. S 2. — Astronomie physique La mesure de la chaleur rayonnée par les étoiles. — Il y a quelques années, le Professeur Vernon Boys faisait connaître ses essais infructueux pour déceler la chaleur rayonnée par les étoiles. 1l se servait d'un radiomicromètre très délicat, associé à un télescope réflecteur de 16 pouces, et il aurait pu mettre en évidence une chaleur équivalente à celle d'une bou- gie placée à 2.700 mètres. Mais, malgré la sensibilité de son appareil, il n'obtint aucune déviation avec Vénus, Jupiter, Saturne, Mars, Arcturus, Capella, Véga et bien d’autres astres. M. E.F. Nichois vient de reprendre les expériences de M. Vernon Boys, à l'Observatoire d’Yerkes (Elats- Unis), avec un radiomètre perfectionné, dont la sensi- bilité est supérieure à celle du radiomicromètre et du bolomètre. Ce radiomètre consiste essentiellement en un système suspendu, formé par deux disques de mica, de 2 millimètres de diamètre chacun, noircis sur une face et supportés par un léger bras en croix de chaque côté d'un mince barreau de verre, suspendu par un fil de quartz excessivement fin dans un vide partiel. Les deux ailes sont exposées à la radiation du Ciel, au foyer d'un miroir en verre argenté de 24 pouces d'ouverture et 8 pieds de foyer. Les rayons de l'étoile sont réfléchis dans le miroir concave au moyen d’un sidéroslat à large miroir plan en verre argenté. Ils entrent ensuite dans le radiomètre à travers une fenêtre de fluorine. Avec cet appareil, une déviation de 0,1 millimètre cor- respond à la chaleur d’une bougie placée à 24 kilomètres en supposant une réflexion totale sur lessurfaces argen- téeset en négligeant l'absorption atmosphérique). Quand l'image de la Lune tombe sur l’une des ailes, l'échelle de mesure sort du champ de l'instrument. Le radiomètre de Nichols est cinq fois plus sensible que le radiomicro- mètre de Vernon Boys, et l'aire du miroir télescopique est de 2,4 fois plus grande que dans les expériences de Boys. J Les expériences sur les étoiles ont été faites dans la chambre à héliostat de l'Observatoire d'Yerkes, de facon à préserver l'appareil des courants d'air et autres causes de trouble. La grande fixité de l’image lumineuse sur ‘ D'après l’article de M. Ray Lankaster dans le nu méro 1550 du journal anglais Nature. l'échelle rendait possible la mesure de déviations d’un dixième de millimètre. Sept séries de déterminations de la chaleur rayonnée par Arcturus ont été faites; elles ont donné une dévia- tion moyenne de 0,60 millimètre, avec une erreur probable variant de 0,08 à 0,17 millimètre. Sept séries de mesures ont été également faites sur Véga; elles ont donné une déviation moyenne de 0,27 millimètre. Le rapport entre les chaleurs rayonnées par Arcturus et Véga a été aussi mesuré cinq fois; la moyenne a été de 2,1. Ces résultats n'ont pas été corrigés pour tenir compte de l'absorption atmosphérique. Les chiffres obtenus doivent être considérés comme suffisamment exacts, d'après M. Nichols. Ils nous mon- trent que nous ne recevons d’Arcturus pas plus de chaleur que celle qui proviendrait d’une bougie placée à 8 ou 9 kilomètres, sans tenir compte de l'absorption atmosphérique dans ce dernier cas. K 3. — Météorologie Etablissement d’un service météorolo- gique en Islande. — Depuis longtemps, un certain nombre de météorologistes avaient insisté sur le grand intérêt qu'il y aurait à être renseigné chaque jour sur l'état de l'atmosphère en Islande en vue de la prévision du temps en Grande-Bretagne et dans les pays du Nord de l'Europe. Mais le faible trafic commercial entre l'Islande et l'Europe ne permettant pas de rémunérer la pose d’un câble, l'établissement de communications télégraphiques entre cette île et la côte écossaise élait resté à l’état de projet. La solution de la question vient de faire un grand pas par suite de l'intelligente initiative du Gouverne- ment Danois et de l'appui de la Grande compagnie des télégraphes du Nord. Cette dernière Société s'engage, moyennant une subvention annuelle de 337.500 francs pendant vingt-cinq ans seulement, à établir et à exploiter un câble partant des Shetland, touchant aux îles Féroë et aboutissant à l'Islande. De son côté, le Gouvernement Danois prend à sa charge l'établissement et le fonc- tionnement des stalions météorologiques nécessaires et la dépense de télégrammes météorologiques journa- liers; il s'engage à compléter les travaux hydrographi- ques nécessaires pour Ja pose du câble; enfin, il alloue une subvention annuelle. de 125.000 francs pendant vingt ans. Il ne reste done plus qu'à trouver une subvention annuelle de 212.500 francs pour assurer définitivement une communication télégraphique avec l'Islande, laquelle servira aussi bien aux nécessités commerciales qu'aux besoins météorologiques. Il est permis de croire que les Etats du nord de l'Europe et de l'Amérique qui sont intéressés à ce sujet voudront bien assurer la somme qui manque encore. $ 4. — Métallurgie Les desiderata de l'Industrie de lArtille- rie en France. — L'un de nos collaborateurs mi- litaires a exposé avec quelques détails, dans de précé- dentes livraisons de la Revue, l'organisation et les conditions d'existence des principales usines d'artillerie à l'Etranger ‘. Il nous semble intéressant aujourd’hui de résumer et de compléter ces indications, en mon- trant parallèlement dans quelles conditions se trouvent placées les usines francaises, tant du fait de la législa- tion que du fait des traditions en ce qui concerne la ER 1) Voyez: Usine Krupp, ses développements, sa puissance actuelle, dans la Revue du 15 février 1897; les Etablisse- ments Armstrong, leur origine, leur situation actuelle, dans la Revue du 15 mars 1897; les Usines d’Artillerie américaines, Bethleem, Midvale, etc., dans la Revue du 15 novembre 1897; les Etablissements Vickers à Sheffield, Erith, Barrow-in- Furness, dans la Revue du 15 juillet 1899. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE confection et l'entretien du matériel appartenant à l'Etat. Si, en Allemagne, l'usine Krupp peut faire rapide- ment face à toute commande, de quelque importance qu'elle soit, c’est d'abord que lArtillerie ln accorde une collaboration régulière; c'est aussi qu'elle entre- tient dans ses bureaux des officiers émérites; grâce à ces concours, elle à réussi à maintenir ses tracés et ses modèles de tous genres dans des conditions de simpli- cité compatibles avec les nécessités de la pratique, tandis que, d'autre part, le débit de ses ateliers, assuré par les commandes allemandes, permet d'aborder dans de bonnes conditions l'exécution des demandes des Puissances étrangères. De même en Angleterre, les établissements Arm- strong et Vickers, puissamment outillés, disposant de capitaux considérables, mettent à la tête de leurs ser- vices d'anciens ofticiers anglais de haute notoriété comme Sir Andrew Noble, à Newcastle, et M. Dawson, à Sheflield, et associent leurs études et leurs expériences à celles de l’Arsenal national de Woolwich.De même aussi les commandes officielles sagement distribuées garan- tissent à leurs ateliers une marche régulière, d'où il suit encore qu'ils peuvent offrir des prix avantageux aux commandes étrangères. Aussi, la plupart des Puissances sont-elles tribu- taires de l'Angleterre et de l'Allemagne. Il n’y a guère d'exception à ce sujet que pour : {° les Etats-Unis, qui commencent même à disputer le marché à leurs rivaux d'Europe; 292 la Russie, qui s'efforce de concentrer sur les usines de son propre territoire l'exécution de ses commandes; 3° la France, dont nous allons parler. La loi de 1885, qui a autorisé en France la fabrication des armes de tous calibres, n’a pas donné aux indus- triels une liberté comparable à celle dont jouissent leurs concurrents étrangers. Le monopole des poudres et des substances explosives que s'est réservé l'Etat pèse d'un poids bien lourd sur ces établissements. Les Puissances étrangères, en effet, peuvent, dans certains cas, préférer aux poudres françaises des poudres d’au- tres types, et imposer au constructeur l'emploi de ces poudres. Il faudrait donc que ce dernier püt aisément en importer, tant pour les essais à effectuer au cours des études préliminaires et pendant la fabrication, que pour les fournitures à livrer au client : car celui-ci préférera toujours n'avoir à traiter qu'avec une seule maison. Cet avantage, les grands établissements étran- gers le possèdent au plus haut degré : ils vont jusqu'à livrer les cuirassés tout pourvus de leur artillerie et d'une abondante provision de munitions, car la fabri- cation et le commerce des poudres sont libres en Alle- magne comme en Angleterre. Une autre conséquence de la liberté, c'est la facilité d'étudier en détail l’organisation des projectiles et des fusées; sous ce rapport, nos concurrents abordent la lutte dans de bien meilleures conditions que nos com- patriotes, et cependant le projectile est plus essentiel peut-être à bien réaliser que la bouche à feu elle- même. IL résulte de fout cela que le matériel d'artillerie construit par les maisons francaises, remarquable à bien des points de vue par l'ingéniosité des dispositifs, par la bonne entente et la meilleure exécution des détails, ne possède pas toujours les mêmes qualités «militaires » que celui de leurs concurrents. Cela tient non seulement, comme nous venons de l'indiquer, à la question des munitions, mais aussi à ce que les usines étrangères ont mis à la tête de leurs services techniques des officiers de haute valeur, tels que MM. Noble, Dre- ger, Dawson, qui, à la science de l'ingénieur, joignent la connaissance intime de tous les autres éléments des problèmes, et sont plus aptes à saisir et à discuter les desiderata et les objections de la clientèle, L'industrie française gagnerait, certes, à imiter ses rivaux sur ce point, en renforcant son personnel d'ingénieurs par un élat-major technique suffisamment autorisé, de mème qu'elle fait appel pour ses navires aux ingénieurs D 3) de la Marine; elle remédierait ainsi, dans une certaine mesure, aux causes d'infériorité que nous avons signa lées, et l'Etat aurait tout avantage à l’encourager dans cette voie, Au reste, le rôle et le concours de l'Etat dans toute cette question nous semblent devoir être tout autres qu'ils ne s’exercent aujourd’hui. Au lieu de laisser ces usines vivoter de quelques commandes étrangères, et des commandes que nous leur faisons d'éléments ébauchés qui s'achèvent et s'assemblent dans nos arsenaux, il y aurait touf avantage à les associer plus largement à la fabrication du matériel national. La Marine est entrée quelque peu dant celte voie, et l’on voit des canons Hotchkiss ou Canet à bord de nos navires de guerre; cette mesure ne pourrait-elle pas se généraliser ? Pourquoi l'Etat ne renoncerait-il pas à centraliser dans ses ateliers l'immense fabrication de tout son matériel, alors qu'il pourrait, en répartissant ses commandes, alimenter en divers points du terri- toire des centres de production précieux, surtout en cas de guerre? Les conditions économiques de la lutte de ces établissements avec l'Etranger en seraient gran- dement améliorées. L'Etat se bornerait, dans ses arse- naux, à étudier les types de matériel à expérimenter et à établir les modèles, ne conservant de l'exécution cou- rante que ce qui est nécessaire à la régulation du mar- ché et la fabrication de certains organes que l’on aurait iutérèt à ne point divulguer, tandis que par des sou- missions analogues à celles de l'habillement, les usines privées alimenteraient, l’une la région du sud-est, une autre celle du nord-ouest, etc., ete. Il n’est pas plus difficile de fournir des batteries ou affûts conformes à un type donné que des chaudières ou des locomotives, Et même, allons plus loin dans ce rapprochement : les locomotives du P.-L.-M. diffèrent de celles du Nord; l’ensemble des chemins de fer français n’en fonctionne pas moins, du moment que ces machines sont cons- truites pour la même voie normale et pour les mêmes gabarits. Ne peut-on penser de même que, pourvu que des canons Lirent le même projectile avec la même charge de poudre et la même vitesse, il n’est point indispensable que l'engin employé au nord soit iden- tique à celui qu'on utilise en Provence ? En laissant aux usines uve certaine initiative dans les tracés, sous toutes garanties des conditions de contrôle el de recette, ne créerait-on pas un courant d'études et de perfec- tionnements, pour le plus grand profit de notre propre armement ? L'examen des usines étrangères est là pour répondre et pour tracer la voie à nos industriels, aux bureaux de la Guerre et au Parlement. L,10; S 5. — Chimie industrielle L’iniection des bois par les résidus de Ia distillation du naphte. — On sait que les divers bois qui sont employés pour certaines constructions (pilotis, traverses de chemin de fer, pavage, elc.) ne peuvent être utilisés tels quels : sous l'influence de l'humidité et de certains micro-organismes, ils se pour- riraient rapidement. Ils doivent donc être préalable- ment injectés de substances antiseptiques, qui assurent leur conservation pour une assez longue durée. D'après M. Philipoff, les produits antiseptiques desti- nés à préserver les bois contre la putréfaction doivent répondre aux conditions suivantes : être des antisep- tiques énergiques; ne pas détériorer le bois; s'injecter facilement dans le bois et s’y fixer de manière à ce qu'aucune humidité ne puisse les en chasser, former dans le bois des composés chimiques stables; être dia- lysables afin de pénétrer facilement dans le tissu du bois; ne présenter aucun danger pour la santé des ou- vriers qui les manipulent. M. Karitschkoff ajoute à ces conditions celle que le corps injecté possède une com- position stable et déterminée. Un très grand nombre de substances ont été proposées pour l'injection des bois, mais aucune ne répondait D40 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE complèlement aux conditions indiquées et n’a, par conséquent, donné de résultats absolument salisfai- sants. Le naphte, entre autres, dont il a été beaucoup question dans ces dernières années, n'a pas réalisé les espérances qu'on en attendait. Il n’imbibe point le bois dans toute son épaisseur, quelle que soit la pression à laquelle se fait l'injection, et, d'ailleurs, MM. Karit- schkoff et Kautos viennent de montrer qu'il n'empêche nullement le développement du Bacillus umylobacter. Cependant plusieurs chimistes russes poursuivaient leurs recherches du côté du naphte et de ses dérivés, car ce corps se récolte abondamment dans la région du Caucase et revient à un prix relativement peu élevé. L'un d'eux, M. Karitschkoff, semble être arrivé à la so'ution de cette importante question en montrant que les acides organiques qui se trouvent dans le naphte brut et qui, après reclitication du pétrole par la soude caustique, restent à l’état de sels de soude, constituent des préservatifs puissants contre la putréfaction du bois. L Déjà, en 1862, Wagner avait trouvé la nature antisep- lique des acides organiques et les avait proposés pour injecter les bois ; ses essais, faits avecl oléate d alumine, l'oléate de cuivre, le palmitate de zinc, réussirent complètement. Plus tard, Muller fit injecter des morceaux de chène avec du savon et du sulfate de cui- vre ; il trouva que le bois ainsi imbibé se conserve bien dans l'humidité. Mais si l'emploi des sels des acides orgavuiques, malgréleurs fortes propriétés antiseptiques, ne se répaudit pas, c'est que leur prix était et est en- core aujourd'hui très élevé. Aussi la découverte de M. Karitschkoff sera-t-elle certainement accueillie avec faveur, le prix de revient des acides organiques du naphte étant bien inférieur à celui des acides organi- ques ordinaires du commerce. tyDN raid La constitution des acides du naphte a été élucidée, il y a quelques années, par MM. Morkovnikolf et Oglo- bine, qui trouvèrent qu'ils appartiennent au groupe des acides, CH?202. Ils dérivent des hydrocarbures CH? (groupe du naphtène), d'où le nom d'acides naph- téniques. Ce sont des liquides huileux, jaunes, inso- lubles dans l’eau. Ils forment des sels neutres et des sels acides, tous lessels acides, ainsi que les sels neutres des métaux lourds, sont solubles dansles hydrocarbures. M. Karitschkoff a étudié en détail les propriétés anti- septiques de ces acides et de leurs sels. Des expériences faites sur le Bacillus amylobucter, il conclut que les propriétés antiseptiques de l’acide sont supérieures à celles de ses sels; parmi les sels, celui de cuivre agit mieux que les autres. Dans d’autres expériences faites avec un des agents les plus actifs de la putréfaction, le Polyporus sulfuwreus, des copeaux de bois injectés, puis plongés dans l'eau, étaient encore intacts au bout de huit mois, tandis que, dans des copeaux non injec- tés, le parasite s'était développé au bout de quelques jours. 4 Les propriétés antiseptiques des acides du naphte sont donc incontestables. Mais l'auteur a dû écarter l'empioi des acides purs, quine se fixent pas sur le bois et dont la stabilité et la résistance à l’eau sont donc douteuses. Parmi les sels, celui de cuivre s'imposail comme ayant donné les meilleurs résultals aux essais. L'auteur le prépare de deux façons, soit en faisant réagir l'acide libre sur des copeaux de cuivre à l'air libre, soit par double décomposition du sel de soude de l'acide et du sulfate de cuivre. Le second procédé est le plus rapide. ‘ Il restait à trouver un dissolvant, les sels des acides naphténiques étant insolubles dans l’eau. On aurait pu, à la vérité, produire le sel de cuivre par double décomposition à l'intérieur même du bois, en introdui- sant d'abord le sel de soude, puis le sulfate de cuivre. Mais l'opération est longue et compliquée, et extraîne la perte d’une partie du produit qui se forme à l'exté- rieur du bois. L'auteur à heureusement trouvé un dis- solvant qui remplace avantageusement l'eau; c’est um autre produit de la distillation du naphte : la ligroïne. Elle dissout facilement les acides naphténiques et leurs sels. Elle présente un inconvénient : sa grande inflam- mabilité, qui peut être évitée en prenant les précautions nécessaires et en se servant d'appareils spéciaux. Mais elle est supérieure aux autres dissolvants, car : 1° elle permet d'éviter des manipulations doubles; 2° son éva- poralion exige neuf fois moins de chaleur que celle de: l'eau, grâce à sa chaleur latente qui est neuf fois plus faible; 3° son évaporation n'entraine aucune altération des bois. ; L'opération de l'injection des traverses, telle que M. Karitschkoff la pratique, se fait de la facon sui- vante : Les traverses sont desséchées dans des séchoirs spéciaux; on peut aussi en éliminer la plus grande partie de l’eau qu'elles contiennent en les plaçant dans un courant de vapeur de ligroïne. Puis l'injection se fait dans un cylindre spécial par le procédé Bettel; comme la ligroine est parfaitemont dialysable, il suffit d’une pression de quatre atmosphères. Enfin, on éli- mine le dissolvant par l’évaporation à l'air chaud dans les cylindres mêmes qui ont servi pour l'injection. Chaque traverse exige 800 grammes d’antiseptique; l'injection d'une traverse revient à environ 50 centimes. Les acides naphténiques fournis par la distillation à Bakou suffiraient pour injecter 22 milions de traverses par an !. K 6. — Agronomie Congrès international d'Agriculture. — À l'occasion de l'Exposition universelle, le sixième Con- grès international d'agriculture se tiendra à Paris, du {er au 8 juillet 1900. Le Congrès se partagera en sept sections : 1e Section : Economie rurale (Crédit agricole, Asso- ciations agricoles, Cadastres, Questions agraires, ete.). 2 Section : Enseignement agricole (Stations agro- nomiques, Champs d'expériences et de démonstra- tions, etc.). 3° Section : Agronomie (Application des sciences à l'agriculture, améliorations agricoles et pastorales). 4° Section : Economie du bétail et production cheva- line. 5e Section : Génie rural, cultures industrielles et in- dustries agricoles. 6? Section : Cultures spéciales du Midi (Sériciculture, primeurs, fleurs à parfum, etc.) et cultures des colo- nies. 7e Section : Lutte contre les parasites, protection des animaux utiles (mesures internationales). Les travaux de chaque section sont préparés par un Comité spécial désigné par la Commission d'organisa- tion du Congrès. Les Comités des sections prépareron- des rapports sur les questions qu'ils décideront de sout mettre au Congrès.Ces rapports seront imprimés avant le Congrès, puis discutés dans les sections et en séances générales. La cotisation des membres du Congrès est fixée à 20 francs. Elle donne le droit d'assister aux séances, aux visites organisées pendant le Congrès, et à la récep- tion du compte rendu des travaux du Congrès. Les inscriptions au Congrès sont recues par M. Henry Sagnier, secrétaire de la Commission d'organisation, 106, rue de Rennes, à Paris. 1 D'après le Bulletin de la Société d'Encouragement de juin 1899. ALFRED CORNU — LA THÉORIE DES ONDES LUMINEUSES 5 = LA THÉORIE DES ONDES LUMINEUSES : SON INFLUENCE SUR LA PHYSIQUE MODERNE ‘ THE REDE LECTURE * (1% JUIN 1899) Notre époque $e distingue des àges précédents par une merveilleuse ulilisation des forces natu- relles ; l’homme, cet être faible et sans défense, a su, par son génie, acquérir une puissance extra- ordinaire et plier à son service des agents subtils ou redoutables, dont ses ancêtres ignoraient même l'existence. Cet admirable accroissement de la puissance matérielle de l'homme dans les temps modernes est dû tout entier à l'étude patiente et approfondie des phénomènes de la Nature, à la connaissance précise des lois qui les régissent et à la savante combinaison de leurs effets. Mais ce qui est particulièrement instructif, c'est la disproportion qui existe entre le phénomène primilif et la grandeur des effels que l’industrie en a fait jaillir. Ainsi, ces formidables engins fondés sur l'électricité ou la vapeur ne dérivent ni de la foudre, ni des volcans ; ils tirent leur origine de phénomènes presque imperceptibles qui seraient 4 En dehors de l'intérêt que présente un coup d'œil d'en- semble sur les progrès et l'influence de l'Optique, cette ‘lecture offre les conclusions d’une étude approfondie du Traité d'Optique de Newton. On verra que la pensée du grand physicien a été singulièrement altérée par une sorte de légende répandue dans les traités élémentaires où la théorie de l'émission est exposée. Pour rendre plus claire la théorie des accès, les commentateurs ont imaginé de matérialiser la molécule lumineuse, sous la forme d'une flèche rotative se présentant alternativement par la pointe et par letravers. Ce mode d'exposition a contribué à faire croire que toute la théorie newtonienne de l'émission était renfermée dans cette image un peu enfantine : il n’en est rien. Nulle part, dans son Traité, Newton ne donne une représentation mé- canique de la molécule lumineuse : il se borne à décrire les faits, puis les résume dans un énoncé empirique, sans explications hypothétiques. 11 se défend même de faire aucune théorie, quoique l'intervention des ondes excitées dans l'éther lui apparaisse comme fort probable. De sorte que l'impression générale résultant de la lecture du Traité d'Optique, et surtout des « Questions » du troisième livre peut se résumer en disant que Newton, loin d'être l'adver- “saire du système de Descartes, comme on le représente généralement, est, au contraire, très favorable aux principes de ce système : frappé des ressources qu'offrait l'hypothèse ondulatoire pour l'explication des phénomènes lumineux, il l'aurait sans doute adoptée, si l’objection grave relative à la propagation rectiligne de la lumière, résolue seulement de nos jours par Fresnel, ne l'en avait détourné. ? La Rede Lecture est une fondation faite à l'Université de Cambridge en 1524 par Sir Robert Rede, Lord Chief Justice of the Common Pleas. Le lecturer est désigné par le vice-chancelier au commencement de chaque année et la lecture est faite dans la Senate House. C’est la première fois qu'un savant étranger au Royaume-Uni a été appelé, pour «ette cérémonie, qu'on a fait coïncider avec le Jubilé de Sir G. Stokes. (Note de la Direction.) demeurés éternellement cachés aux yeux du vul- gaire, mais que des observateurs pénétrants ont su reconnaître et apprécier. Cette humble origine de la plupart des grandes découvertes dont l’humanilé bénéficie montre bien que c'est l’espril scientifique qui est aujour- d'hui le grand ressort de la vie des nations et que c'est dans le progrès de la Science pure qu'il faut chercher le secret de la puissance croissante du monde moderne. De là une série de questions qui s'imposent à l'attention de tous. À quelle occasion le goût de la Philosophie naturelle, si chère aux philosophes de l'Antiquité, abandonnée pendant des siècles, a-t-il pu renaitre et se développer? Quelles ont été les phases de son développement? Comment ont apparu ces notions nouvelles qui ont si profondé- ment modifié nos idées sur le mécanisme des forces de la Nature? Enfin, quelle est la veie féconde qui, insensiblement, nous conduit à d ad- mirables généralisations, conformément au plan grandiose entrevu par les fondateurs de la Phy- sique moderne ? Telles sont les questions que je me propose, comme physicien, d'examiner devant vous : c’est un sujet un peu abstrait, je dirai même un peu sévère; mais nul autre ne m'a paru plus digne d’attirer votre attention, à la fête que l’Université de Cambridge célèbre aujourd'hui, pour honorer le cinquantenaire du professorat de Sir George-Ga- briel Stokes, qui, dans sa belle earrière, a précisé- ment touché d'une main magistrale aux problèmes les plus profitables à l'avancement de la Philoso- phie naturelle. Ce sujet est d'autant mieux à sa place ici qu’en citant les noms des grands esprits qui ont le plus fait pour la Science, nous trouverons ceux qui honorent le plus l'Université de Cambridge, ses professeurs ou ses élèves, Sir Isaac Newton, Thomas Young, George Green, Sir Gedrge Airy, Lord Kelvin, Clerk Maxwell, Lord Rayleigh ; et le souvenir de gloire qui se perpétue à travers les siècles jusqu'au temps présent rehaussera l'éclat de cette belle cérémonie. I Cherchons donc, dans un rapide coup d'œil sur la Renaissance scientifique, à reconnaître l'in- N ACTES SALES 542 ALFRED CORNU — LA THÉORIE DES ONDES LUMINEUSES fluence secrèle, mais puissante, qui a été la force directrice de la Physique moderne. Je suis porté à penser que l'étude de la lumière, par l'attraction qu'elle a exercée sur les plus vigou- reux esprits, à été l’une des causes les plus efi- caces du retour des idées vers la Philosophie naturelle, et à considérer l'Optique comme ayant eu sur la marche des Sciences une influence dont on ne saurait exagérer la portée. Cette influence, déjà visible dès la création de la Philosophie expérimentale, par Galilée, a grandi dans de telles proportions qu'on prévoit aujour- d'hui une immense synthèse des forces physiques, fondée sur les principes de la Théorie des ondes lumineuses. On se rend compte aisément de cette influence lorsqu'on songe que la voie par laquelle arrive à notre intelligence la connaissance du monde exté- rieur est la lumière. C'est, en effet, la vision qui nous fournit les notions les plus rapides et les plus complètes sur les objets qui nous entourent; nos autres sens, l’ouïe, le coucher, nous apportent aussi leur part d'instruction, mais la vue seule nous fournit une abondance d'informations simultanées, forme, éclat, couleur, qu'aucun des autres sens ne peut nous donner. Il n’est donc pas étonnant que la lumière, lien perpétuel entre notre personnalité et le monde extérieur, intervienne à chaque instant, par toutes les ressources de sa constitution intime, pour pré- ciser l'observation des phénomènes naturels, Aussi chaque découverte relative à quelque propriété nouvelle de la lumière a-t-elle eu un retentisse- ment immédiat sur les autres branches des con- naissances humaines ; souvent même, elle a déter- miné la naissance d'une science nouvelle en apportant un nouveau moyen d'investigation d'une puissance et d’une délicatesse inattendues. L'Optique estvéritablementune seiencemoderne: les anciens philosophes n'avaient pas soupconné la complexité de ce qu'on appelle vulgairement la lumière : ils confondaient sous la même dénomina- tion ce qui est personnel à l’homme et ce qui lui est extérieur, Ils avaient cependant apercu une des propriétés caractéristiques du lien qui existe entre la source lumineuse et l'œil qui percoit l’im- pression : la lumière se meut en ligne droite. L'ex- périence vulgaire leur avait révélé cet axiome, en observant les trainées brillantes que le Soleil trace dans le ciel en percant les nuées brumeuses ou en pénétrant dans un espace obscur. De là élaient résullées deux notions empiriques : la défi- nilion des rayons de lumière et celle de la ligne droite; la première devint la base de l'Optique: l’autre, la base de la Géométrie. Il ne nous reste presque rien des livres d'Optique des anciens; nous savons, toutefois, qu'ils con- naissaient la réflexion des rayons lumineux sur les surfaces polies et l'explication des images formées par les miroirs. Il faut attendre bien des siècles, jusqu’à la Re- naissance scientifique, pour rencontrer un nouveau progrès dans l’Optique; mais celui-là est considé- rable, il annonce l'ère nouvelle : c’est l'invention de la lunette astronomique. L'ère nouvelle commence à Galilée, Boyle et Des- cartes, les fondateurs de la Philosophie expérimen- tale: tous trois consacrent leur vie à méditer sur la nature de la lumière, des couleurs et des forces. Galilée jette les bases de la Mécanique, et, avec le télescope à réfraction, celles de l'Astronomie phy- sique ; Boyle perfectionne l'expérimentation; quant à Descartes, il embrasse d’une vue pénétrante l’en- semble de la Philosophie naturelle; il repousse toutes les causes occultes admises par les scholas- tiques; il pose en principe que tous les phéno- mènes sont gouvernés par les lois de la Mécanique. Dans son système du monde, la lumière joue un rôle prépondérant ‘ ; elle est produite par les ondulations excitées dans la matière subtile qui, suivant lui, remplit tout l'espace. Cette matière subtile (qui représente ce que nous appelons aujourd'hui l'éther), il la considère comme formée de particules en contact immédiat; elle constitue donc en même temps le véhicule des forces exis- lant entre les corps matériels qui y sont plongés. On reconnait là les fameux tourbillons de Descartes, tantôt admirés, tantôt bafoués aux siècles derniers, mais auxquels d'habiles géomètres contemporains ont rendu la justice qui leur est due. Quelle que soit l'opinion qu'on porte sur la rigueur des déductions du grand philosophe, on doit rester frappé de la hardiesse avec laquelle il affirme la liaison des grands problèmes cosmiques, et de la pénétration avec laquelle il annonce des solutions dont les générations actuelles s’appro- chent insensiblement. Pour Descartes, le mécanisme de la lumière et celui de la gravitation sont inséparables; le siège des phénomènes qui leur correspondent est cette matière subtile qui remplit l'Univers et leur propa- gation doit s'effectuer par ondes autour des centres actifs. IL Cette conception de la nature de la lumière heur- tait les idées en faveur: elle souleva de vives oppo- sitions. Depuis l'Antiquité, on avait coutume de se 1 Le Monde de M. Descartes ou le Trails de la Lumière. Paris, 1664. ALFRED CORNU — LA THÉORIE DES ONDES LUMINEUSES 5 = représenter les rayons lumineux comme la trajec- loire de projectiles rapides lancés par la source radiante, leur choc sur les nerfs de l'œil produisant la vision; leur rebondissement ou leur changement de vitesse, la réflexion ou la réfraction. La théorie carlésienne avait toutefois des aspects séduisants qui lui amenèrent des défenseurs : les ondes excilées à la surface des eaux tranquilles offrent une image si claire de la propagation d'un mouvement autour d'un centre d’ébranlement! D'autre part, n'est-ce pas par ondes que nous arri- vent les impressions sonores? L'esprit éprouve donc une véritable satisfaction à penser que nos deux organes les plus précis et délicats, l'œil et l'oreille, sont impressionnés par un mécanisme de même nature. Cependant, une grave différence subsiste ; le son ne se meut pas nécessairement en ligne droite comme la lumière; il tourne les obstacles qu'on lui oppose et parcourt les routes les plus sinueuses presque sans s’affaiblir. Les physiciens se partagèrent alors en deux camps : les uns, partisans de l'émission, les autres, partisans des ondes. Comme chacun des deux sys- tèmes se prétendait supérieur à l’autre, et l'était en effet sur quelques points, il fallait en appeler à d'autres phénomènes pour trancher entre eux. Le hasard des découvertes en amena plusieurs qui auraient dû décider en faveur de la théorie des ondes, ainsi qu'on le reconnut ur siècle plus tard; mais les claires vérités n'apparaissent jamais sans un long labeur. Un compromis singulier s'établit entre les deux systèmes, à l'abri d'un nomillustre entre tous, et la victoire fut attribuée, pendant un siècle, à la théorie de l'émission; en voici l'étrange histoire : En 1661, un jeune élève plein d’ardeur et de pé- nétralion entrait à Trinity College de Cambridge. il se nommait Isaac Newton; il avait déjà lu dans son village l’Optique de Kepler. A peine entré, tout en suivant les leçons d'Optique de Barrow, il étudie avec passion la Géométrie de Descartes; il achète sur ses économies un prisme pour étudier les cou- leurs et, entre temps, médite déjà longuement sur les causes de la gravité. Huit ans après, ses maitres le trouvent digne de succéder à Barrow dans la chaire lucasienne, et il enseigne à son tour l'Optique. L'élève dépasse bientôt le maitre et annonce une découverte capitale : La lumière blanche, qui semblait le type de la lumière pure, n'est pas homogène ; elle est formée de rayons de diverses réfrangibilités. Et il le démontre par la célèbre expérience du spectre solaire, dans laquelle un rayon de lumière blanche est décomposé en une série de rayons colorés comme l’arc-en-ciel: chacune de ces couleurs est simple, car le prisme ne la décompose plus. Telle est l'origine de l'ana- lyse spectrale. Cette analyse de la lumière blanche amena New- ton à expliquer les colorations des lames minces qu'on observe en particulier sur les bulles de savon; l'expérience fondamentale, dite des an- neaux de Newton, est l’une des plus instructives de l’Optique, et les lois qui la résument sont d’une admirable simplicité. Il en exposa la théorie dans un discours adressé à la Société Royale sous le titre : Hypothèse nouvelle concernant la lumière et les couleurs. Ce discours provoqua de la part de Hooke une vive réclamation. Hooke avait antérieurement observé aussi les colorations des lames minces et cherché à les expliquer dans le système des ondes : il avait eu le mérite (que Newton lui-même recon- nut sans peine) de substituer à l'onde progressive de Descartes une onde vibratoire, notion nouvelle et extrêmement importante; il avait même apercu le rôle des deux surfaces réfléchissantes de la lame mince, ainsi que l’action mutuelle des ondes réflé- chies. Hooke eût été ainsi le véritable précurseur de la théorie moderne, s’il avail eu, comme New- ton, la perception claire des rayons simples; mais ses raisonnemen{s vagues pour expliquer la colo- ration Ôôtent toute valeur démonstrative à sa théorie. Newton fut très affecté de cette réclamation de priorité; il combat les arguments de son adver- saire en rappelant que la théorie des ondes est inadmissible, parce qu'elle ne rend pas compte de l'existence du rayon lumineux et des ombres. Il se défend d’avoir constitué une théorie, il déclare qu'il n’admet ni l'hypothèse des ondes, ni celle de l'émission; seulement il est obligé, pour abréger le discours et faire image, d'avoir recours à l'une et à l’autre, comme s'il les admettait. Et, en fait, dans la XII° Proposition, au Il° livre de son Oplique!, qui constitue ce que l'on a appelé depuis la fhéorie des accès, Newton reste absolu- ment sur le terrain des faits. Il dit simplement : « Le phénomène des lames mincés prouve que le rayon lumineux est mis alternativement dans un accès de facile réflexion ou de facile transmission. » Il ajoute, toutefois, que si l’on désire une explication de ces alter- nances, on peut les attribuer aux vibrations exci- ! Prop. XII. — Tout rayon de lumière dans son passage à travers une surface réfringente est mis dans un certain état passager qui, dans la progression du rayon, revient à intervalles égaux et dispose le rayon, à chaque retour, à être facilement transmis à travers la prochaine surface réfringente, et entre les retours, à être aisément réfléchie par elle. (Sir Isaac Newton, Oplicks or a Treative of the Reflections, Refractions, Inflexions and Colours of Light. —London, 1718, second edition, with additions, p. 253.) Os rs te ALFRED CORNU — LA THÉORIE DES ONDES LUMINEUSES tées par le choc des corpuscules sous forme d'ondes par l’éther!. En résumé, malgré son désir de rester sur le terrain solide des faits, Newton n’a pas pu s'em- pêcher d'essayer une explication rationnelle; il a trop lu les écrits de Descartes pour n'être pas, au fond, comme Huyghens, partisan de l'universel mé- canisme el pour ne pas désirer secrètement trou- ver, dans les ondulations pures, l'explication du beau phénomène qu'il a réduit en lois si simples. Son admirable livre des Principes porte la trace de ses profondes médilations sur la propagation des ondes, car on y trouve, pour la première fois, l’ex- pression mathématique de leur vitesse, aussi bien pour les vibrations longitudinales des corps com- pressibles que pour les vibrations transversales des surfaces fluides. Mais c'est surtout le troisième livre de son Optique, qui témoigne le plus vivement de ses aspirations cartésiennes et surtout de sa perplexité. Ses fameuses « Questions » sont un exposé si com- plet des arguments en faveur de la théorie des ondes lumineuses que Thomas Young les citera plus tard comme preuve de la conversion finale de Newton à Ja doctrine ondulatoire. Newton aurait certaine- ment cédé à ce secret entrainement si la logique inflexible de son esprit le lui avait permis; mais, après avoir énuméré loutes les ressources dont la théorie des ondes dispose pour expliquer la nature intime de la lumière, arrivé aux dernières ques- tions, il s'arrête comme pris d’un remords subit et la rejette résolument. Et le seul argument qu'il donne, c’est qu'il n'y voit pas la possibilité de rendre compte du rayon lumineux rectiligne*. et propagées 1 Loc. cit., p. 255. ? Voici, d'abord, un extrait des « Questions » qui prouve Ja tendance des vues de Newton vers la théorie ondulatoire et les idées cartésiennes, « Question 12. — Les rayons de lumière, en frappant le fond de l'œil, n’excitent-ils pas des vibrations dans la /unica relina ? Ces vibrations, étant propagées le long des fibres solides des nerfs optiques dans le cerveau, causent la sen- ‘sation de la vision. « Question 13. — Les diverses sortes de rayons ne font- elles pas des vibrations de diverses grandeurs, qui, suivant leurs diverses grandeurs, excitent les sensations des diverses couleurs, de la même manière que les vibrations de l'air, suivant leurs diverses grandeurs, excitent les sensations des divers sons ? Et, en particulier, ne sont-ce pas les rayons les plus réfrangibles qui excitent les plus courtes vibrations pour produire la sensation du violet extrême: les moins réfrangibles, les plus grandes, pour produire la sensation du rouge extrème, etc.?.. « Question 18. — La chaleur d'un espace chaud n'est-elle pas transmise à travers le vide par les vibrations d’un milieu beaucoup plus subtil que l'air, qui reste dans le vide après que l'air en a été enlevé? « Et ce milieu n'est-il pas le même que le milieu par lequel la lumière est réfractée et réfléchie, par les vibrations duquel la lumière communique la chaleur aux corps et est mise dans les accès de facile réflexion et de facile trans- mission ? « Et ce milieu n'est-il pas infiniment (exceedingly) plus Considéré à ce point de vue, le troisième livre de l'Optique n’est plus la discussion seulement impar- tiale de systèmes opposés; il apparaît comme la pein- ture des souffrances d’un génie puissant, tourmenlé par le doute, tour à tour entrainé par les sugges- lions séduisantes de l'imagination et rappelé par les exigences impérieuses de la logique. Nous assis- tons à un drame, à l’élernel combat de l'amour et du devoir, et c'est le devoir qui a été le plus fort. L rare et sublil que l'air et infiniment plus élastique et actif ? Et ne remplit-il pas tous les corps ? Et (par sa force élastique) ne se répand-il pas dans tout l’espace céleste ? » Newton examine ensuite le rôle possible de ce milieu (l'éther) dans la gravitation et dans la transmission des sensations et du mouvement chez les êlres vivants (ques- tions 19 à 24). Les propriétés dissymétriques des deux rayons du spath d'Islande attirent également son attention (ques- tions 25 et 26). Puis arrive cette volte-face soudaine, cette espèce de remords d’avoir exposé avec trop de complaisance les res- sources de la théorie cartésienne fondée sur le plein : il fait, en quelque sorte, amende honorable et continue ainsi: « Question 27, — Ne sont-elles pas erronées toutes les hypothèses qui ont été inventées jusqu'ici pour expliquer les phénomènes de la lumière par de nouvelles modifications des rayons?» « Question 28. — Ne sont-elles pas erronées toutes les hypothèses dans lesquelles la lumière est supposée consister en une pression où un mouvement propagé à travers un milieu fluide ? « Si elle (la lumière) consiste seulement en une pression ou un mouvement propagé instantanément ou progressive- ment, elle se courberait dans l'ombre. Car une pression ou un mouvement ne peut pas se propager en ligne droite dans un fluide au delà de l'obstacle qui arrête une partie du mouvement; il y a inflexion et dispersion de tous côtés dans le milieu en repos situé au delà de l'obstacle. «…… Carune cloche ou un canon peuvent s'entendre au delà d'une colline qui intercepte la vue du corps sonore, et les sons se propagent aussi bien à travers des tubes courbés qu’à travers des tubes droits. Tandis que l’on ne voit jamais la lumière suivre des routes tortueuses, ni s’infléchir dans l'ombre. » ‘Devant cette objection, Newton se voit obligé de revenir à la théorie corpusculaire. « Question 29. — Les rayons de lumière ne sont-ils pas de petits corps émis par les substances brillantes ?... » « Question 30. — Les corps grossiers de la lumière ne sont-ils pas convertissables l’un dans l'autre? Le change- ment des corps en lumière et de lumière en corps matériels est très conforme au cours de la nature, qui se plait aux transmutations. » La logique le force à poursuivre l'hypothèse du vide et des alomes et même à invoquer (question 28, p. 343), à ce sujet, l'autorité des anciens philosophes de la Grèce et de la Phénicie : on ne doit donc pas s'étonner de voir sa per- plexité se traduire par les paroles suivantes : « Queslion 31° et dernière. — Les petites particules des corps n ont-elles pas certains pouvoirs, vertus ou forces, par lesquels elles agissent à distance non seulement sur les rayons de lumière pour les réfléchir, les réfracter ou les infléchir, mais aussi les unes sur les autres pour produire une grande partie des phénomènes de la Nature? » Mais il s'apercoit qu'il va peut-être un peu loin et qu'il va se compromettre : aussi ses secrètes tendances, développées dans la première question, reparaissent-elles un instant : « Comment ces attractions (gravité, magnétisme et élec- tricité) peuvent-elles se produire, je ne m'y arrête pas ici. Ce que j'appelle attraction peut être produit par des impul- sions ou par d'autres moyens que j'ignore. » Il y aurait encore bien des remarques curieuses à faire sur l'état d'esprit du grand physicien, géomètre et philosophe, ALFRED CORNU — LA THÉORIE DES ONDES LUMINEUSES 545 Telle est, j'imagine, la genèse intime de la Théo- rie des accès, mélange bizarre des deux systèmes opposés; elle a été beaucoup admiree à cause de l'autorité du grand géomètre qui a eu la gloire de ramener l'ensemble des mouvements célestes à la loi unique de la gravilation universelle. Aujourd'hui, cette théorie est abandonnée; elle est condamnée par l’experimentum crucis d'Arago, réalisé par Fizeau et Foucault : on doit pourlant reconnaître qu'elle a constitué un réel progrès par la notion précise et nouvelle qu'elle renferme. Le rayon de lumière considéré jusque-là était simple- ment la trajectoire d’une particule en mouvement rectiligne : le rayon de lumière tel que le décrit Newton possède une structure périodique régulière, et la période ou longueur d'accès caractérise la couleur du rayon; c’est là un résultat capital. Il ne manque plus qu'une interprétation convenable pour transformer le rayon lumineux en une onde vibratoire; mais il faut attendre un siècle, et c’est le D' Thomas Young qui, en 1801, aura l'honneur de la découvrir. III Reprenant l'étude des lames minces, Thomas Young montre que tout s'explique avec une extrême simplicité, si l’on suppose que le rayon lumineux homogène est l'analyse de l'onde sonore produite par un son musical; que les vibrations de l'éther, soumises aux lois des petils mouvements, doivent se composer, c'est-à-direinterférer,suivantl'expres- sion qu'il propose pour exprimer leur action mu- tuelle. Quoique Young eût pris l'habile précaution de se réclamer de l'autorité de Newton', l'hypothèse n'eut aucune faveur; son principe d'interférence conduisait à cette singulière conséquence que la lumière ajoutée à de la lumière pouvait, dans cer- 4ains cas, produire l'obscurité; résultat paradoxal, contredit par l'expérience journalière. La seule vérification que Young apportât était l'existence des anneaux obscurs dans l'expérience de Newton, obseurité due, suivant lui, à l'interférence des ondes réfléchies aux deux faces de la lame; mais, comme la théorie newtonienne interprétait le fait autre- qui se révèle naïvement dans ces « Queslions ». Les courts extraits qui précèdent suffisent, je crois, à justifier la con- clusion qui ressort de cette étude, à savoir, que Newton n'avait pas, sur le mécanisme de la lumière, les idées +rvé- tées qu’on lui prête en le considérant comme initiateur de la théorie de l'émission. En réalité, il hésite entre les deux systèmes opposés dont il aperçoit clairement l'insuffisance et, dans cette discussion, il s'efforce de s'éloigner le moins possible des faits bien établis : voilà pourquoi il ne formule aucune théorie doginatique. Il serait donc injuste de rendre Newton responsable de tout ce que les partisans de l'émis- sion ont abrité sous son autorité. * The Bakerian Lecture, on the Theory of Light and Co- lours. — By Thomas Young. Philos. Tansactions of the “Royal Sociely of London, 1802, p. 12. ment, la preuve restait douteuse; il fallait un erpe- rimentum crucis, Young ne réussit pas à l'oblenir. La théorie des ondes retombait done encore une fois dans l'obscurité des controverses, et le terrible argument dé la propagation rectiligne se dressait de nouveau contre elle. Les plus habiles géomètres de l'époque, Laplace, Biot, Poisson, s'étaient natu- rellement rangés à l'opinion newtonienne : Laplace en particulier, le célèbre auteur de la Mécanique céleste, avait même pris l'offensive; il était allé atta- quer la théorie des ondes jusque dans le plus solide de ses retranchements, celui qui avait été élevé par l'illustre Huyghens. Huyghens, en effet, dans son 7railé de la Lumière, avait résolu un problème devant lequel la théorie de l'émission était restée muette, à savoir, Fexpli- cation de la biréfringence du cristal d'Islande ; la théorie des ondes, au contraire, ramenait à une construction géométrique des plus simples la marche des deux rayons, ordinaire et extraordi- naire ; l'expérience coufirmait en tous points ces résultats. Laplace réussit, à son tour, à l’aide d'hy- pothèses sur la constitution des particules lumi- neuses, à expliquer la marche de ces étranges rayons. La victoire de la théorie particulaire pa- raissait donc complète : un nouveau phénomène arrivait même tout à point pour la rendre écla- tante. Malus découvrait qu'un rayon de lumière natu- relle, réfléchi sous un certain angle, acquiert des propriétés dissymélriques semblables à celles des rayons du cristal d'Islande ; il expliqua ce phéno- mène par une orientation de la molécule lumi- neuse, et, en conséquence, nomma cette lumière, lumière polarisée; c'était un nouveau succès pour l'émission. Le triomphe ne fut pas de longue durée; en 1816, un jeune ingénieur, à peine sorti de l'Ecole Polytechnique, Augustin Fresnel, confiait à Arago ses doutes sur la théorie en faveur et lui indiquait les expériences qui tendaient à la renverser ; s’ap- puyant sur les idées d'Huyghens, il avait attaqué la redoutable question des rayons et des ombres et l'avait résolue ; tous les phénomènes de diffraction étaient ramenés à un problème d'analyse et l'ob- servation vérifiait merveilleusement le calcul. Il avait, sans les connaitre, retrouvé les raisonne- ments de Young, ainsi que le principe des interfé- rences; mais, plus heureux que lui, il apportait l'experimentum crucis, l'expérience des deux mi- roirs ; là, deux rayons issus d’une même source, purs de toule altération, produisent par leur con- -cours, tantôt de la lumière, tantôt de l'obscurité. L'illustre Young fut le premier à applaudir au suc- cès de son jeune émule et Jui témoigna une bien- veillance qui ne se démenlit jamais. ALFRED CORNU — LA THÉORIE DES ONDES LUMINEUSES Ainsi, grace à l'expérience des deux miroirs, la théorie du D' Young, c'est-à-dire l'analogie com- plète du rayon lumineux et de l'onde sonore, est solidement établie. En outre, la théorie de la diffraction de Fresnel montre la cause de leur dissemblance ; la lumière se propage en ligne droite parce que les ondes lumineuses sont extrêmement petites ; au con- traire, le son se diffuse parce que les longueurs des ondes sonores sont relativement très grandes. Ainsi s'évanouit la terrible objection qui avait tant tourmenté l'esprit du grand Newton. Mais il restait encore à expliquer une autre dif- férence essentielle entre l'onde lumineuse et l'onde sonore ; celle-ci ne se polarise pas, comment se fait-il que l'onde lumineuse se polarise ? La réponse à cette question paraissait si difficile que Young déclara renoncer à la chercher. Fresnel travailla plus de cinq ans à la découvrir; elle est aussi simple qu'inattendue : L'onde sonore ne peut pas se polariser parce que ses vibrations sont longitudinales ; la lumière, au contraire, se polarise parce que ses vibrations sont transversales, c'est-à-dire perpendiculaires au rayon lumineux. Désormais, la nature de la lumière est complète- ment établie; tous les phénomènes présentés comme des objections absolues s'expliquent avec une merveilleuse facilité, jusque dans leurs plus minutieux délails. Je voudrais pouvoir vous retracer par quel ad- mirable enchainement d'expériences et de raison- nements Fresnel est arrivé à cette découverte, l'une des plus importantes de la science moderne; mais le temps me presse. Il m'a suffi de vous faire com- prendre la grandeur des difficultés qu'il a fallu vaincre pour l’accomplir; j'ai hâte d'en faire res- sortir les conséquences. EN Vous avez vu, au début, les raisons purement physiologiques qui font de l'étude de la lumière le centre nécessaire des informations de l'intelligence humaine. Vous devez juger maintenant par les pé- ripéties de ce long développement des théories optiques, quelle préoccupation elle a loujours causée aux puissants esprits qui s'intéressent aux forces naturelles. En effet, Lous les phénomènes qui se passent sous nos yeux impliquent une transmission à ou de mouve- infiniment grande, comme dans les espaces célestes, ou infiniment pe- distance de force ment; que la distance soit tite, comme dans les intervalles moléculaires, le mystère est le même. Or, la lumière est l'agent qui nous amène le mouvement des corps lumineux: approfondir le mécanisme de cette transmission, c'est approfondir celui de toutes les autres, et Descartes en avait eu l'admirable intuition lorsqu'il embrassait tous ces problèmes dans une même conception mécanique : voilà le lien secret qui a toujours attiré les physiciens et les géomètres vers l'étude de la lumière. Envisagée à ce point de vue, l’histoire de l'Op- tique acquiert une portée philosophique considé- rable; elle devient l'histoire des progrès successifs de nos connaissances sur les moyens que la Nature emploie pour transmettre à distance le mouvement et la force. La première idée qui est venue à l'esprit de l’homme, dès l’état sauvage, pour exercer sa force hors de sa portée, c'est le jet d'une pierre, d'une flèche ou d'un projectile quelconque ; voilà le germe de la théorie de l'émission : cette théorie corres- pond au système philosophique qui suppose un espace vide où le projectile se meut librement. À un degré de culture plus avancé, l'homme, de- venu physicien, a eu l'idée plus. délicate de la transmission du mouvement par ondes, suggérée d'abord par l'étude des vagues, puis par celle du son. Ce second mode suppose, au contraire, que l’espace est plein : il n'y a plus ici transport de ma- üère, les particules oscillent dans le sens de la pro- pagalion, el c'est par compression ou dilatation d'un milieu élaslique continu que le mouvement et la force sont transmis. Telle a été l’origine de la théorie des ondes lumineuses; sous celte forme, elle ne pouvait représenter qu'une partie des phé- nomènes, ainsi qu'on l’a vu précédemment; elle était donc insuffisante. Mais les géomètres et les physiciens avant Fresnel ne connaissaient pas d’au- tre mécanisme ondulatoire dans un milieu continu. La grande découverte de Fresnel a été de révéler un troisième mode de transmission, tout aussi na- turel que le précédent, mais qui offre une richesse de ressources incomparable. Ge sont les ondes à vibralions transversales excitées dans un milieu continu incompressible, celles qui rendent compte de toutes les propriétés de la lumière. Dans ce mode ondulatoire, le déplacement des particules met en jeu une élasticité d'un genre spécial; c'est le glissement relatif des couches concentriques à l’ébranlement qui transmet le mouvement et l'ef- fort. Le caractère de ces ondes est de n'imposer au milieu aucune variation de densité, comme dans le système de Descartes. La richesse de ressources annoncée plus haut provient de ce que la forme de la vibration trans- versale reste indéterminée, ce qui confère aux ondes une variété infinie de propriétés différentes. Les formes rectiligne, circulaire, elliptique, ca- raclérisent précisément ces polarisalions si inat- ALFRED CORNU — LA THÉORIE DES ONDES LUMINEUSES 547 tendues que Fresnel a découvertes et à l’aide des- quelles il a si admirablement expliqué les beaux phénomènes d'Arago produits par les lames cris- lallisées. L'existence possible d'ondes se propageant sans changement de densité a modifié profondément la théorie mathématique de l'Élasticité. Les géomètres retrouvèrent dans leurs équations ces ondes à vi- brations transversales qui leur étaient ineontiues ; ils apprirent, en outre, de Fresnel la constitution la plus générale des milieux élastiques, à laquelle ils n'avaient pas songé. C’est dans son admirable Mémoire sur la double réfraction que le grand physicien émet l’idée que, dans les cristaux, l'élasticité de l’éther doit être va- riable avec la direction, condition inattendue et d'une extrême importance qui transformera les bases fondamentales de la Mécanique moléculaire ; les travaux de Cauchy et de Green en sont la preuve frappante. De ce principe, Fresnel conclut la forme la plus générale de la surface de l’onde lumineuse dans les crislaux et retrouva (comme cas particulier) la sphère et l’ellipsoïde que Huyghens avait assignés au cristal d'Islande. Cette nouvelle découverte excila l'admiration universelle parmi les physiciens et les géomètres; lorsque Arago vint l’exposer devant l'Académie des Sciences, Laplace, si longtemps hostile, se déclara convaincu. Deux ans après, Fresnel, élu membre de l'Académie à l'unanimité des suffrages, était élu, avec la même unanimité, membre étranger de la Société Royale de Londres; ce fut Young lui-même qui lui transmit la nouvelle de cette distinction avec l'hommage personnel de son admiration sin- cère. Y L'établissement définitif de la théorie des ondes impose la nécessité d'âdmettre l'existence d'un milieu élastique pour transmettre le mouvement lumineux. Mais toute transmission à distance de mouvement ou de force n'implique-t-elle pas la même condition? C'est à Faraday que revient l’hon- neur d’avoir, en véritable disciple de Descartes et de Leibnitz, proclamé ce principe et d'avoir résolu- ment attribué aux réactions du milieu ambiant l'apparente action à distance des systèmes élec- triques et magnétiques. Faraday fut récompensé de sa hardiesse par la découverte de l'induction. Et, comme l'induction s'exerce même à travers un es- pace vide de matière pondérable, on est forcé d'ad- mettre que le milieu actif est justement celui qui transmet les ondes lumineuses, l’éther, La transmission d’un mouvement par un milieu élastique ne peut pas être instantanée: si c'est vrai- ment l’éther luminifère qui est le milieu transmet- teur, l'induction ne doit-elle pas se propager avec la vitesse des ondes lumineuses. La vérification était malaisée ; Von Helmholz, qui tenta la mesure directe de cette vitesse, trouva, comme autrefois Galilée, pour la vitesse de la lumière, une valeur pratiquement infinie. Mais l'attention des physiciens fut attirée par une singulière coïncidence numérique : le rapport de unité de quantité électrostatique à l'unité électro- magnétique est représenté par un nombre précisé- ment égal à la vitesse de la lumière. L’illustre Clerk Maxwell, suivant les idées de Faraday, n'hésita pas à voir dans ce rapport la mesure indirecte de la vitesse d'induction, et, par une série d’intuitions remarquables, il parvint à élever cette célèbre théorie électro-magnétique de la lumière, qui identifie, dans un même mécanisme, trois groupes de phénomènes en apparence com- plètement distincts : Lumière, Électricité, Magné- tisme. Mais les théories abstraites des phénomènes na- turels ne sont rien sans le contrôle de l'expérience. La théorie de Maxwell fut soumise à l'épreuve et le succès dépassa toute attente. Les résultats sont trop récents et trop bien con- nus, ici surtout, pour qu'il soit nécessaire d'y insister. Un jeune physicien allemand, Henry Hertz, enlevé prématurément à la Science, empruntant à von Helmholz et à Lord Kelvin leur belle analyse des décharges oscillantes, réalisa si parfaitement des ondes électriques et électro-magnétiques, que ces ondes possèdent toutes les propriétés des ondes lumineuses; la seule particularité qui les distingue, c'est que leurs vibrations sont moins rapides que celles de la lumière. Il en résuite qu'on peut reproduire, avec des décharges électriques, les expériences les plus déli- cates de l'Optique moderne : réflexion, réfraction, diffraction, polarisation rectiligne, circulaire, elliptique, etc. Mais, je m'arrête, Messieurs; je sens que j'ai assumé une tâche trop lourde en essayant de vous énumérer toutes les richesses que les ondes à vibrations transversales concentrent aujourd'hui dans nos mains. J'ai dit, en commencant, que l'Optique me parais- sait être la Science directrice de la Physique moderne. Si quelque doute a pu s'élever dans votre esprit, | j'espère que cette impression s'est effacée pour faire place à un sentiment de surprise et d'admira- tion en voyant tout ce que l'étude de la lumière à apporté d'idées nouvelles sur le mécanisme des forces de la Nature. babes à : 0 + 518 C. DEPÉRET, A. OFFRET er J. VALLOT — LE CHEMIN DE FER DU MONT BLANC Elle à ramené insensiblement à la conception cartésienne d'un milieu unique remplissant l’es- pace, siège des phénomènes électriques, magnéti- ques et lumineux; elle laisse entrevoir que ce milieu est le dépositaire de l'énergie répandue dans le monde matériel, le véhicule nécessaire de toutes les forces, l'origine mème de la gravitation universelle. Voilà l'œuvre accomplie par l'Optique ; c'est peut- être la plus grande chose du siècle! L'étude des propriélés des ondes envisagées sous tous leurs aspects est donc, à l'heure actuelle, la voie véritablement féconde. C’est celle qu'a suivie, dans sa double carrière de géomètre et de physicien, Sir George Stokes, à qui nous allons rendre un hommage si touchant et si mérité. Tous ses beaux travaux, aussi bien en Hydrodynamique qu'en Optique théorique ou expé- rimentale, se rapportent précisément aux trans- formalions que les divers milieux font subir aux ondes qui les traversent. Dans les phénomènes variés qu'il à découverts ou analysés, mouvement des fluides, diffraction, interférences, fluorescence, rayons Rüntgen, l’idée directrice que je vous signale est toujours visible, et c'est ce qui fait l'harmonieuse unité de la vie scientifique de Sir George Stokes. Que l’Université de Cambridge soit fière de sa chaire Lucasienne de Physique mathématique, car, depuis Sir Isaac Newton jusqu'à Sir George Stokes, elle contribue pour une part glorieuse aux progrès de Ja Philosophie naturelle. Alfred Cornu, de l'Académie des Sciences et de la Société Royale de Londres, Professeur à l'école Polytechnique. LE CHEMIN DE FER DU MONT BLANC Un habile entrepreneur français, M. Saturnin Fabre, avait été vivement frappé du mouvement qui se produisait à l'Etranger, et particulièrement en Suisse, dans le sens de la construction de lignes de chemin de fer d'accès vers les hautes cimes des Alpes. La faveur marquée du publie touriste, tous les jours de plus en plus nombreux, pour les che- mins de fer de montagne s’est traduite dans ces derniers temps par le projet, déjà entré, du reste, dans la période de réalisation, du chemin de fer de la Jungfrau. Il à paru indispensable à M. Fabre que la France, qui possède en Savoie la plus haute cime de l'Europe, c'est-à-dire le Mont Blanc, ne restät pas plus longtemps en arrière de ce mouve- ment de conquête industrielle des grandes cimes, et il a nourri l’idée de tenter un grand effort pour doter notre pays de la plus grandiose de ces lignes ferrées, qui doit, dans sa pensée, faire affluer vers la vallée de Chamonix un flot immense de voya- geurs, désireux de poser le pied, sans fatigue, sur le sommet du Géant des Alpes. Dans le but de s'éclairer sur les conditions scien- tüliques dans lesquelles pourrait se réaliser cette belle entreprise, M. Fabre a eu tout d’abord l'idée (assez rare en France dans les entreprises de cette nature pour être notée en passant) de s'adresser aux professeurs d'une Université francaise, et il a choisi l'Université de Lyon, comme étant le grand centre scientifique de la région où devail s'accom- plir cette étude préalable. Une première entrevue eut lieu en décembre 1896 entre M. Fabre et M. Depéret, professeur de Géo- logie, doyen de la Faculté des Sciences de Lyon, entrevue dans laquelle M. Fabre put développer son projet de voie ferrée, en grande partie souter- raine, devant s'élever jusqu'au Mont Blanc en sui- vant la pente de la montagne, et pour la construc- tion et l'exploitation de laquelle il se proposait d'utiliser l'énergie électrique empruntée au courant de l’Arve ou à d’autres chutes d’eau de la région. M. Favre demandait à M. Depéret de l’éclairer sur le meilleur tracé à choisir, au point de vue topo- graphique et géologique, parmi ceux qui peuvent donner accès vers la cime. Après une revue biblio- graphique et cartographique sommaire du massif du Mont Blanc, M. Depéret crut pouvoir indiquer au hardi entrepreneur le tracé partant des Houches pour s'élever au Mont Blanc par l’arête de l’Aiguille du Goûter, comme lui paraissant à la fois plus court et plus pratique au point de vue de la continuité des roches le long du parcours de la voie souter- raine projetée par M. Fabre. Eu plein hiver, le jour de Noël, M. Fabre arri- vait aux Houches, el, après avoir exposé au maire et au Conseil municipal les avantages indiscutables qui résulteraient pour la commune du choix de ce tracé, oblenait,après quelques pourparlers, une con- cession ferme de trois ans, en vue de l'établissement d'un avant-projet de la ligne par la crête indiquée ci-dessus. Ainsi prémuni contre toute tentative de concurrence, au moins de ce côté de la montagne, M. Fabre s’enquil alors de constituer, avec l’aide de l'Université de Lyon, une Commission d’études chargée d'explorer le massif du Mont Blanc et d’étu- dier comparativement la valeur des différentes voies d'accès possibles dans la direction du som- di é C. DEPÉRET, A. OFFRET er J. VALLOT — LE CHEMIN DE FER DU MONT BLANC 549 mel. Celte Commission fut constituée de la ma- P nière suivante : M. Depéret, président; M. Offret, professeur de Minéralogie théorique el appliquée à l'Université de Lyon; M. Joseph Vallot, directeur de consentir à apporter à l'œuvre commune de ses longues études et de sa savante expérience du massif du Mont Blanc. l'Observatoire météorologique du Mont Blanc, qui voulut bien — EXPOSÉ DES DIVERS PROJETS. Nous ne nous allarderons pas à discuter les projets différents qui ont été lancés dans la presse pour accéder au sommet du Mont Blanc soit par un tracé à l'air libre, soit par un trajet horizontal avec ascenseur verlical (projet Issartier). La seule conception possible, à notre avis, est l'utilisation par un tracé en grande partie souter- rain el incliné suivant la pente générale de la le fruit IN VAN AN abanes \ Le c c “rés j9 per M ce dlssure 2249 uN AR = A “MtBlanc F déTacul 3438 4 3635 ae de Se C DE: le Capucin 5 F Col dé laTourRonde!# Geant WA 11 € 3 ae, 3h ane D \ f] IR ue IN es RE Ne [ BDs les PES » Ee fut? ? ; nr ÿ some ED l À À É LY & VF HE À 14 D PA er AÂg de JADNEE SE" 2) = “à D D Lepage del° Fig. 1. — Carte du Massif du Mont Blanc montrant le projet de tracé du chemin de fer. M. le D' Lépine, professeur à la Faculté de Méde- cine de Lyon, à été adjoint à cette Commission au point de vue des questions biologiques qui se rat- tachent à la construction et à l'exploitation de la voie ferrée. Après une série d'études préalables, d'après les cartes et documents publiés sur la région, la Com- mission s'est rendue sur le terrain au mois de juillet 1897, et, après plusieurs courses préalables dans les parties inférieures du massif, suivies de l'ascension au sommet du Mont Blane de MM. De- pérel et Offret, elle a pu se rendre compte des con- ditions générales de cette entreprise. montagne, de l’une des crêtes parlant de la vallée de l’Arve el aboutissant au sommet du Mont Blanc. Il suffit, en effet, d'examiner l'une des cartes topographiques du Mont Blanc, et, en particulier, soit celle de M. le capitaine Mieulet, soit celle d'Imfeld et de Kurz, pour constaler que la topo- graphie générale du Mont Blanc proprement dit (si on le suppose dépouillé de sa couverture de névés et de glaciers) consiste en une série de crètes aiguës séparées par des vergeant vers une arête blement E.-0 Des glaciers importants non seulement vallées profondes et con- terminale orientée sensi- remn- 550 C. DEPÉRET, A. OFFRET #r J. VALLOT — LE CHEMIN DE FER DU MONT BLANC plissent le fond de ces vallées, mais débordent en bien des points par-dessus les arêtes elles-mêmes, de facon à masquer à l’œil la continuité rocheuse de ces crêtes. Il s'agissait de faire un choix parmi ces crêtes au point de vue de leur continuité, de leur longueur, de la nature des roches, de la pente générale de la ligne. Enfin, ce chemin de fer devant être avant tout un chemin de fer d'agrément, il nous à paru indispensable de pouvoir ménager de temps à autre des stations à ciel ouvert aux endroils les plus remarquables, aussi bien pour la beauté des points de vue que pour l'accès facile sur les glaciers envi- ronnants. Il n'existe, en réalité, que trois crêtes auxquelles il était permis de songer. Nous allons les examiner successivement (fig. 1). Projet I. — Rive droite du glacier des Bossons; Mont Blane (Rochers-Rouges), Mont Maudit, Mont Blanc du Tacul, Aiguille du Midi. — A partir de ce point et en aval, deux itinéraires sont, à la rigueur, possibles : 1° À l’est, par l'Aiguille du Plan et le Montan- vert: 9 Aunord, par Pierre-à-l Échelle, Pierre-Pointue et la Cascade du Dard, route ordinaire des ascen- sions au Mont Blanc. Ce tracé, avec ses deux variantes, nous à paru présenter d'énormes difficultés dans la section supérieure comprise entre Aiguille du Midi et le Mont Blanc. Les plus grosses de ces difficultés consistent dans linterruption des saillies rocheuses par des cols neigeux de profondeur inconnue, mais cerlai- nement très grande. Citons en particulier le col du Midi entre l’Aïguille du Midi et le Mont Blanc du Tacul, le col de la Brenva situé entre le Mont Blanc du Tacul et le Mont Maudit, et enfin la profonde dépression du Corridor. Ces inconnues, en dehors d’autres considérations lirées de la longueur de la galerie, du moindre pit- toresque des vues et d’autres motifs que nous ferons valoir plus loin, nous ont amenés à consi- dérer ce tracé comme irréalisable. 0] Projet II. — Crête intermédiaire entre le glacier des Bossons et le glacier de Tuconnaz (crêle des Grands-Mulets). — Cette arête, qui commence dans la vallée de Chamonix par la montagne de la Côte, se trouve bientôt recouverte en amont entre cette montagne et les Grands-Mulets par l'énorme accu- mulation de glaces de la Jonclion, dont la profon- deur inconnue, mais rendue appréciable par les effrayantes crevasses du glacier en cet endroit, est cerlainement considérable : en amont des Grands- Mulets, la crête émerge bien ça et là au rocher Pitchner, au rocher de l'Heureux-Retour, ete. Mais, d'une part, cette crête est plus déprimée dans son ensemble que les autres, et, d'autre part, on vient se heurter comme précédemment à la traversée du Corridor. Ce tracé présente également des aléas tels qu'il nous a paru inutile de nous y arrêter. Projet TITI. — Rive qauche du glacier de Tacon- naz. Mont-Blanc(Rochers-Rouges), arête des Bosses du Dromadaire, Rochers des Bosses (Observatoire Val- lot), Dôme du Goûter, Aiguille du Goûter. — A partir de ce point et en aval, plusieurs itinéraires sont, à la rigueur, possibles. 1° À l’ouest, par les crêtes de la rive droite du glacier de Bionnassay, Tête-Rousse, les Rognes, Mont-Lachat, pavillon de Bellevue, col de Voza, Saint-Gervais ; 2° Crète de la montagne des Faux, le hameau de la Griaz (commune des Houches); 3° Arête principale de l’Aiguille du Goûter, mon- tagne de Taconnaz, hameau de Taconnaz (commune des Houches). Laissant de côté, pour le moment, l'examen de la partie supérieure du tracé pour nous borner uniquement à celui des seclions inférieures, nous pouvons éliminer de suite la solution vers Saint- Gervais, pour deux raisons : 1° À cause de la longueur incomparablement plus grande de la ligne, 6 kilom. 5 de souterrains en projection horizontale de l'Aiguille du Goûter jusqu'au col de Voza, et 6 kilomètres à vol d'oiseau de prolongement obligatoire de la ligne à air libre jusqu'à la gare du Fayet; 2° À cause de la nature des lerrains traversés, qui comprendraient une très large bande (4kilomètres) de sédiments calcaires liasiques très délitables qui seraient la cause d’éboulements dangereux aussi bien au point de vue de la construction que de l'exploitation de la ligne. La solution par la crète de la montagne des Faux ne présente pas d'inconvénients au point de vue de la longueur, mais celte montagne est profondément ravinée, grâce à une zone de schistes pourris. Son arête est rendue très étroile par ces ravinements et ne parait pas assez solide pour se prêter à l'exécution d'une voie ferrée. Enfin, l’ab- sence de vue sur les grands glaciers rendrait le trajet beaucoup moins pittoresque. Reste la solution par l’'Aïguille du Goûter, qui parait, au contraire, réunir l'ensemble des condi- tions voulues, lant au point de vue de la brièveté du trajet, que de la continuité de la crête rocheuse allant de la vallée au sommet de l'Aiïguille du Goûter, et enfin de la nature des roches solides el résis- lantes qui conslituent la montagne de Taconnaz. ‘ ' C. DEPÉRET. A. OFFRET £er J. VALLOT — LE CHEMIN DE FER DU MONT BLANC 551 IL. — TRACÉ PROPOSÉ. À la suite de ces éliminations successives, nous arrivons done au choix du trajet suivant : 1° Section inférieure : Arète de la montagne de Taconnaz et crête principale de l’Aiguille du Goûter jusqu'au sommet de l'Aiguille (3.843) ; 2 Section supérieure : De l'Aiguille du Goûter au Mont Blanc. Dans cette deuxième section, à partir de l'Aiguille du Goûter, le tracé passerait sous le Dôme du Goûter pour aboutir à l'Observatoire de M. Vallot (4.362") (Rochers des Bosses); enfin, il contournerait par une courbe l'extrémité du Grand- Plateau, au pied des grands névés terminaux du Mont Blanc et viendrait déboucher sur le flane nord à une gare terminus que nous serions disposés à placer aux Petits Rochers-Rouges (4.580). Nous allons étudier, avec quelques détails, les différents points de ce trajet. $ 1°, — Section inférieure. La section inférieure ne nous parait présenter aucune difficulté spéciale de construction. Laissons de côté, pour le moment, le choix de la gare de départ, qui serait forcément placée sur le territoire de la commune des Houches, ainsi que l'étude de la portion de la ligne à air libre située dans la plaine, et occupons-nous seulement du tracé en montagne. _ L'entrée en galerie aurait lieu, un peu en amont du hameau de Taconnaz, vers l'altitude de 1.100 mè- tres. On aurait à traverser d’abord une bande étroite de schistes liasiques en couches verticales, puis une petite bande de trias avec du gypse intercalé. La traversée de ces bandes peut présenter quelques difficultés de construction en raison de la nature assez délitable de ces terrains ; mais la longueur totale du trajet dans ces couches ne dépasserait pas 500 mètres, et ce seraient proba- blement les seules difficultés d'ordre géologique que présenterait le projet que nous proposons. On atteindrait, en effet, immédiatement les schistes anciens, compacts et imperméables, passant rapi- ment à des gneiss alternant avec des amphibolites. Et ce sera là, d'après ce que l’on sait de la consti- tution du Mont Blanc, vraisemblablement la série alternante que l’on rencontrera jusqu'au sommet, où, vers les Rochers-Rouges, on abordera la pro- logine. Toutes ces roches sont imperméables, en couches solides, et se prêteront certainement très bien au percement d’une galerie. Cette galerie s'élèverait par une pente d'abord assez rapide en suivant l’arête de la montagne de Taconnaz à une profondeur suffisante pour éviter de déboucher dans les ravins latéraux qui servent, dans la mauvaise saison de couloirs d’avalanches, Elle passerait sur le flane Est du pic du Grand- Béchar (2.565%) et s'élèverait avec un pente un peu moins raide dans l'intérieur de l’arête rocheuse continue qui relie le Grand-Béchar à l’Aiguille du Goûter (3.843). La longueur totale de cette section principale inférieure serait en projection horizontale de 4.700 mètres, soit environ à kilomètres, en réalité. L'exécution de cette galerie pourrait être rapide- ment menée, grâce à la facilité des accès pour les ouvriers sur un grand nombre de points de cette arête. Le choix de ces chantiers d'accès serait déterminé par leur utilisation ultérieure comme points d'arrêt el garages du chemin de fer, pen- dant l'exploitation, afin de permettre l’établisse- ment de balcons procurant aux voyageurs des aperçus sur les magnifiques points de vue que présentent le glacier de Taconnaz et les montagnes neigeuses du massif du Mont Blanc. Vers le sommet de l’Aiguille du Goûter, où se trouve déjà une cabane qui facilitera le séjour des ouvriers en ce point, il sera nécessaire d’éta- blir une gare-hôtel importante permettant aux voyageurs d’y séjourner, Ils y jouiraient d'abord d'une vue merveilleuse et ils pourraient faire de celte station le point de départ d’exeursions sur le glacier. La nécessité de celte station s'impose d'autant plus que nous prévoyons l'achèvement préalable el même le fonctionnement de la section inférieure avant l'ouverture des travaux de la section supé- rieure. 2, — Section supérieure, V2 La section supérieure présentera, en effet, des difficultés de construction plus grandes que la section inférieure, tant en raison des hautes alti- tudes qui rendent le travail des ouvriers plus pénible que du petit nombre des points d’accès des arêtes rocheuses. La conception du projet dans celle section supé- rieure serait la suivante : De la station de l’Aiguille du Goûter, qui constiluera un point d'attaque de première importance (surtout lorsque la ligne fonctionnera jusqu à ce point), la galerie se dirigera directement sous le Dôme du Goûter dans la direc- tion de l'Observatoire Vallot situé sur les Rochers des Bosses (4.362) où serai établie une nouvelle stalion. La distance qui sépare ces deux points est de 2.500 mètres environ, dont il faut prévoir le percement sans points d'attaque intermédiaires. Le passage de la galerie sous le Dôme du Goûter nous vraisemblablement réalisable. La grande masse des névés du Dôme parait, en effet, reposer sur un socle de rochers assez large, ainsi semble © © Lg C. DEPÉRET, A. OFFRET er J. VALLOT — LE CHEMIN DE FER DU MONT BLANC que le montrent plusieurs affleurements de rochers sur le flanc Nord-Est du Dôme, affleurements que nous avons pu constater nous-mêmes dans notre étude de la montagne. De son côté, M. Vallot, qui à séjourné à diverses reprises dans son Observatoire, a vérifié la continuité de la paroi rocheuse sur les flanes Sud et Sud-Ouest de cette grande croupe neigeuse. Il est done certain qu’en se tenant à une profondeur qui n'aurarien d'excessif au-dessous du sommet du Dôme, on n'aura pas à craindre de déboucher dans le névé. En ce qui concerne la partie du trajet comprise entre les stations de l'Aiguille du Goûter et celle de l'Observatoire Vallot, nous avions à formu- ler au début une réserve provisoire relativement à deux dépressions ou cols occupés par les neiges, l'un entre l’Aiguille du Goûter et le plateau du Dôme, l'autre entre le Dôme et l'Observatoire Vallot. A la fin de notre campagne d'études de 1897 nous avions reconnu la nécessité de déterminer l'épaisseur de la neige sur ces deux dépressions, à l'aide de sondages. M. Vallot voulut bien se charger de procéder à ces sondages, à l’aide d'un appareil qu'il avait fait construire pour son usage personnel. A la suite de ses observations de 1898, M. Vallot affirme maintenant la continuilé de la roche à nu depuis l’Aiguille du Goûter jusqu'au Rocher de la Tournette : il a constaté qu'elle n'est interrompue par aucun couloir de glace : tous les couloirs ces- sent un peu avant le haut. Il considère cette cons- tatation comme devant lever toute difficulté au sujet de la possibilité du tracé. Reprenons maintenant le tracé au delà de l'Ob- servaloire Vallot. Il contournerait en amont le Grand-Plateau, dans l'intérieur du cirque à parois abruptes qui se dirige vers les Rochers-Rouges en passant au pied des grands névés lerminaux du Mont Blanc. Le long de celle paroi, on voit le rocher affleurer en un très grand nombre de points, ce qui rend plus que probable la continuité de cette muraille rocheuse de nature très compacte. Nous eslimons à 1.300 mètres environ, sans points d'attaque intermédiaires, la longueur de cette dernière section, depuis l'Observatoire Vallot jusqu'au débouché terminus de la galerie, dont nous allons maintenant nous occuper. Il nous à paru, ainsi qu'à M. Vallot, impossible de se proposer d'accéder au sommet de la calotte de glace d'épaisseur *inconnue eb probablement irès grande qui constitue Île Mont Blanc. En revanche, il parait tout à fait possible de sommet du prendre comme point lerminus l’un des rochers qui émergent sur le flanc septentrional. Les Grands Rochers-Rouges (4.508) offriraient une surface commode pour y édifier une gare-hôtel terminus. Mais, ils sont en partie occupés déjà par une construction de M. Janssen, et, en outre, ils se trouvent encore à 350 mètres en verticale au- dessous du sommet. Les Petits Rochers-Rouges (4.580) sont situés à près de 80 mètres plus haut, et leur solidité (ils sont en protogine compacte) ainsi que leur étendue horizontale, nous paraissent se prêter au but que l'on se propose. Quant aux Petits-Mulets (4.6902), leur affleurement est restreint, et la nature schis- teuse de leurs roches en couches verticales ne semble pas se prêter aussi bien à leur utilisation pour l'usage proposé. Si l’on adople, comme nous le proposons, les Petits Rochers-Rouges /4.580") comme stalion ter- minus, il n'y a plus entre ces rochers et le sommet du Mont Blanc (4.810") qu'une différence de niveau de 230 mètres, que l’on franchit aisément sur une pente douce de neige durcie. Il serait facile pendant la belle saison d'établir sur la neige un càble- traineau, permettant de conduire les voyageurs de l'hôtel jusqu'au sommet lui-même. III. — COMPARAISON DES TRACÉS. Si nous discutons comparativement les avantages et les inconvénients que présentent les différents tracés de lignes ferrées que nous avons indiqués plus haut, nous allons voir que le tracé que nous proposons par le$ Houches (hameau de Taconnaz), la montagne de Taconnaz, l'Aiguille du Goûter, les Rochers des Bosses, les Petits Rochers-Rouges, offre des avantages sérieux, à différents points de vue, sur tous les autres tracés. 4° Au point de vue de la lonqueur : Ce tracé a une longueur approximative de 9 kit. 200 se répartissant ainsi : section inférieure, 5 kil. 400; section supérieure, 1" partie, 2 kil. 300; 2par- tie 1 kil. 300. Ilest facile &e constater,en comparant ces chiffres à ceux que nous avons indiqués pour les différents. projets, qu'il ne peut exister de tracé plus court. Les trajets par les Grands-Mulets où par Pierre Pointue et l'Aiguille du Midi, ou encore par la Montagne des Faux et l'Aiguille du Goûter, ne sont pas sensiblement plus longs, mais nous les rejetons pour d’autres motifs. Quant au projet par le Montanvert et l'Aiguille du Midi, ou au projet par Saint-Gervais et le col de Voza, leurs longueurs, bien plus grandes, per- mellraient déjà, à elles seules, de les rejeter, même sans tenir compte des autres considéralions que nous avons fait valoir. 2° Au point de vue de la beauté du trajet : La vue que l'on pourra ménager en un grand 0 cm en Lara Réel dis she LS S SS tés PTS PP PI TP I TE Y. DEPÉRET, A. OFFRET Er J. VALLOT — LE CHEMIN DE FER DU MONT BLANC 553 nombre de points sur le flanc Est de la montagne de Taconnaz et la vue incomparable que l'on aura de la station de l'Aiguille du Goûter sur l'ensemble des glaciers du Mont Blanc, sur la série des pics aigus de l'Aiguille du Midi, du Mont Blanc, du Tacul et du Mont Maudit, sur les vallées de l'Arve et de Bionnassay, donne à ce projet des avantages de pittoresque de premier ordre, avantages que ne présenteraient pas au même degré les autres projets. 3° Au point de vue de la continuité des arêtes rocheuses : Nous avons vu que le iracé auquel nous nous arrêtons présente d’abord une continuité parfaite de rochers solides jusqu'à l'Aiguille du Goûter, et qu'à partir de ce point, de très grandes probabi- lités se montrent en faveur de la traversée sous le Dôme, jusqu'à l'Observatoire Vallot, et de cette station jusqu'au point lerminus. Au contraire, les projets par les Grands-Mulets, d'une part, et par PAiguille du Midi, de l’autre, présentent des inter- ruptions certainement très profondes, que nous avons indiquées, telles que la Jonction, le col du Midi, le Corridor. 4° Au point de vue de la nature des terrains : Notre tracé ne rencontre, nous l'avons dit, qu'une bande très étroite (500%) de terrains délitables situés à l'entrée même de la galerie et ne rencontre ensuite que des roches compactes et imperméables (schistes anciens, gneiss et prologine) qui ne nous donnent aucune inquiétude sur la solidité de la galerie. Il en serait d’ailleurs sensiblement de même pour les tracés partant de Chamonix, tandis qu'au contraire le tracé vers Saint-Gervais traverserait des schistes décomposés et des schistes calcaires de nature à créer des difficultés sérieuses. Enfin, l'existence d'une concession accordée par la commune de Houches, à M. Fabre, entrepre- neur, esi encore une raison importante en faveur de notre tracé emprunté au territoire de la com- mune de Houches. Sur le territoire de la commune de Chamonix, il n'existe, à l'heure actuelle, aucune concession analogue, et il est vraisemblable lque l’on rencontrerait de très grandes difficultés à en obtenir. IV. — Coxczusrons. À la suite de notre première campagne d'études, nous pouvons formuler les vantes : conclusions sui- 1° I est possible d'établir un avant-projet de construction d'un chemin de fer en grande partie REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899, souterrain, parlant de la vallée de l’Arve, s'élevant, le long de l’arête de Taconnaz, jusqu’à l'Aiguille du Goûter, puis repartant de l’Aiguille du Goûter, passant sous le Dôme du Goûter pour reparaître au jour à l'Observatoire Vallot, et se dirigeant enfin, en contournant le Grand-Plateau, vers l'un des rochers qui émergent sur le flanc septentrional. Nous avons choisi provisoirement les Petits Rochers- Rouges comme point terminus. Il sera facile de ménager dans la section infé- rieure un grand nombre de jours devant servir soil comme points de vue pour les voyageurs, soit de points de départ pour les excursions sur les glaciers environnants. Dans la section supérieure, nous ne pouvons prévoir de débouchés au jour qu'aux rochers de l'Observatoire Vallot et à la gare ter- minus. 2° L'établissement de cette galerie ne rencon- trera point de difficulté sérieuse, ni au point de vue de la solidité des roches traversées, qui son! solides et imperméables, ni au point de vue des pentes, qui ne s'écarteront guère de la moyenne 10 0/,. 3° À notre avis, le percement de la seclion infé- rieure et l'établissement de la ligne jusqu'au sommet de l’Aiguille du Goûter s'imposent comme devant précéder le commencement des travaux de la section supérieure. C'est le seul moyen d'amener aisément à des altitudes où le travail devient pénible les équipes d'ouvriers et le matériel néces- saires. Grâce à ce chemin de fer, les ouvriers pourraient tous les jours aborder sans faligue le chantier principal de la section supérieure, placé à la station de l'Aiguille du Goûter. Il sera vraisemblablement possible d'établir en même temps un deuxième chantier important à l'Observatoire Vallot, ce qui permettrait d'attaquer en son centre la sectiofh supérieure dans les deux sens: la durée des travaux en serait considéra- blement abrégée. Enfin, peut-être pourra-t-on son- ger à installer un chantier au point lerminus. Dans tous les cas, on peut affirmer qu'en raison du petit nombre de points d'altaque, le percement de la section supérieure sera forcément assez long, les longueurs de chacune des deux parties de cette section supérieure élant de 2.500 mètres et de 1.300 mètres, atlaquables à la rigueur par les deux bouts. Du reste, pendant cette deuxième période de tr2- vaux, rien ne s'opposerail à la mise en exploitation de la section inférieure. Une ascension en chemin de fer à l’Aiguille du Goûter offrirait déjà, en effet, au voyageur, un intérêt de premier ordre, tant par la magnificence des points de vue sur la chaine du Mont Blanc ou 14* ee 7 24 HENRI DEHÉRAIN — MADAGASCAR DEPUIS L'OCCUPATION FRANÇAISE sur les vallées de l'Arve et du Mont Borrant, que par la facilité relative des excursions qu'il serait possible d'organiser au départ de cette station sur les névés et les glaciers environnants. Cet article, contenant les résultats que nous venons d'exposer, peut êlre considéré comme la préface d'un avant-projet définitif plus précis et plus détaillé. Ce dernier sera l’œuvre de la Société d'études qui vient d’être constituée par M. Fabre, sous la présidence de M. Joseph Vallot. A. Offret, Professeur de Minéralogie théorique et appliquée à la Faculté des Sciences de Lyon. C. Depéret, Doyen de la Faculté des Sciences de Lyon. J. Vallot, Directeur de l'Observatoire du Mont Blanc. LA MISE EN VALEUR DE MADAGASCAR DEPUIS L’OCCUPATION FRANÇAISE Une œuvre déjà importante a été accomplie à Madagascar depuis près de quatre années que la France y domine. Le moment où le général Galliéni revient est opportun pour la considérer dans son ensemble. Ce bref exposé constituera une suite modeste à l'étude très complète que la Revue géné- rale des Sciences consacrait à Madagascar, pendant la campagne de 1895”. La première année d'occupation a élé complèle- ment perdue; il n'y a pas eu progrès, mais recul. Nous étions certainement beaucoup moins les maitres à la fin de septembre 1896 qu'un an aupara- vant, au lendemain de la prise de Tananarive. La forme du régime politique resta longtemps en question. L'expédition avait été entreprise dans le seul but d’affermir notre protectorat, et M. Hano- taux, ministre des Affaires étrangères, en remet- tant, le 29 mars 1895, ses /nstructions au général Duchesne, commandant le corps expéditionnaire, insistait sur la nécessité de maintenir dans son intégrilé l'organisation politique des Hovas. En se servant de cet instrument, grossièrement façonné sans doute, mais qui avait le grand mérite d'être à la portée de la main, on espérait administrer Mada- gascar aussi économiquement que possible. Le traité de Tananarive, signé par la reine Ranavalo, le 1° octobre 1895, est empreint de cet esprit con- servaleur. Immédiatement après la victoire, le régime du protectorat fut appliqué. ! Voyez, dans la Revue générale des Sciences du 15 août 1895, les articles de : MM. E. Cavsrier, sur le Monde malga- che; A. Mrexe-Epwanps, sur la Faune de Madagascar; A. Dg FAvmoneat, sur les grandes cultures à Madagascar; L. SugenBie, sur les Gisements aurifères à Madagascar: L. KFoucarr, sur l'état actuel du Commerce à Madagascar ; 1. Lacaze, sur la Pathologie de Madagascar; L. OLrvier, sur l'application des études précédentes à la polilique colo- niale française, Voyez aussi sur l'Ethnographie de Madagas- car l'article de M. Grandidier (livraison du 30 janvier 1895). Toutefois, en France, une partie de l'opinion publique, émue des difficultés rencontrées par le corps expédilionnaire pendant la campagne, désap- prouvait les ménagements dont les Hovas avaient bénéficié. Avoir dépensé lant de millions et perdu 5.000 homnres pour obtenir finalement un traité qui nous faisait (en apparence du moins) non les maitres de Madagascar, mais seulement les colla- borateurs des [lovas, parut une duperie. Le résultat ne sembla pas proportionné à l'effort. On eût voulu que les vaincus sentissent le poids de la puissance de la France. On reprochait, en outre, au traité du 1°" octobre de ne pas faire entendre d’une manière assez catégorique aux Puissances étrangères que, désormais, nous occupions dans l'ile une place pré- pondérante et que c'était avec le représentant du gouvernement de la République, et avec lui seul, que les consuls auraient dorénavant des rapports. Il suffit d'étudier attentivement le texte du traité incriminé pour demeurer convaincu que ces griefs sont mal fondés. Cependant, le Gouvernement, dirigé par M. Léon Bourgeois depuis le 3 novem- bre 1895, abonda dans celte opinion, et, par son ordre, le Résident général M. Laroche (succédant au général Duchesne) fit signer à la Reine, le 48 jan- vier 1896, un second traité par lequel elle recon- naissait que le Gouvernement français prenait pos— session de Madagascar. On inaugurait ainsi une sorte de régime mixte, car si, à l'égard de l'Étran- ger, Madagascar devenait terre française, on se flattait en même temps de continuer par économie à appliquer le protectorat. Mais les Puissances étrangères, qui étaient entrées en relations diplomatiques avec les Hovas bien avant 1895, étonnées de ces fluctuations et inquièles de ce qu'il adviendrait de leurs traités, demandèrent des éclaircissements. Si bien que, pour sorlir enfin de l’équivoque, M. Hanotaux, revenu au quai d'Orsay en avril 14896, proposa de déclarer colonies francaises Madagascar et les îles qui en dépendent. Une loi, promulguée le 6 août, af HENRI DEHÉRAIN — MADAGASCAR DEPUIS L'OCCUPATION FRANÇAISE 355 en ordonna ainsi. Mais, depuis la prise de Tanana- rive, dix mois s'élaient écoulés. Pendant ce temps, à Madagascar, la situation s'aggravait chaque jour davantage. Les attentats contre les Européens se multipliaient. Le mission- naire Johnston, sa femme et leur enfant sont assas- sinés en novembre 1895, Mercier et Molyneux en février 1896, Duret de Brie, Grand et Théophile Michaud en mars, lrois missionnaires en avril, Sevonyan Regal, Colin Mery, le P. Berthieu en juin. Les communications de Tananarive avec Tamatave sont constamment interrompues, les insurgés arré- tent les courriers, coupent les poteaux lélégra- phiques et emportent des kilomètres de fil. Ils allaquent les postes les plus voisins de Tanana- rive, et, de la capitale, on aperçoit chaque soir des villages en flammes. La colonie et la garnison fran- çaises de Tananarive subissent une sorte de blocus, les vivres s’y épuisent, et on commence à y craindre la famine. Les auteurs de ces actes de violence ne sont pas de ces brigands, de ces fahavalos dont les méfaits se sont de tout temps exercés dans l'ile. Ce sont les Hovas qui se soulèvent ou plutôt qui continuent la campagne, que l’on croyait terminée. Les avantages obtenus par la France sont entiè- rement remis en question. Du palais de Tanana- rive, des ordres précis et coordonnés partent à l'adresse des chefs de bandes, qui manœuvrent dans les vallées de la Mananara, de la Betsiboka et de l'Ikopa. On évite de renseigner avec exactitude le Résident général. Bref, le gouvernement hova ne se propose rien moins que de nous expulser de Madagascar, IT Le général Galliéni fut investi le 28 septem- bre 1896 des fonctions de Résident général et de Commandant en chef des troupes. Lorsqu'il débar- qua dans l'ile, l'anarchie y régnait, et la colonisa- sation n’en était pas commencée; actuellement {mai 1899), la plus grande partie du pays est paci- liée et des mesures très nombreuses ont déjà été prises pour permettre aux Francais de tirer parti de leur nouvelle possession. Voilà, brièvement résumée, l'œuvre de deux ans et demi. Le général Galliéni se préoccupa d'abord de rétablir l’ordre. Dès octobre 1896, l'Imerina est divisée en plusieurs cercles, commandés chacun par un officier qui réunit les pouvoirs adminis- tralif, politique et militaire. Au système des grandes colonnes, qui dispersaient momenta- nément les bandes sans réussir à les dissoudre, est substitué celui du réseau serré de petits postes permanents ; tout le ‘pays conquis sur l'ennemi est définitivement occupé. On rend aux populations fidèles les moyens de se défendre. Après la prise de Tananarive, le général Duchesne avait tenté de procéder à un désarmement général. Les gens paisibles seuls avaient remis leurs armes, les malintentionnés avaient conservé les leurs, si bien qu'ils terrorisèrent les premiers, à qui il ne restait plus, selon leurs propres expressions, que leurs poings pour se défendre. , La reine Ranavalo est déposée. Jamais elle ne s'était soumise franchement, jamais elle n'avait eu l'intention d'appliquer loyalement le protectorat. Combien son atlitude différa de celle que Moham- med Sadok, bey de Tunis, observa après le traité du Bardo ! Elle ne comprit pas ou feignit de ne pas comprendre les engagements qu'elle avait con- tractés, en paraphant et en scellant les deux actes diplomatiques du 1° octobre 1895 et du 48 janvier 1896. Les chefs de l'insurrection affirmaient à leurs hommes qu'en combattant les Français, ils com- battaient pour leur reine, el toute sa conduite jus- tifiait leurs propos. Dans la soirée du 27 février 1897, à huit heures, elle fut avisée qu'elle avait cessé de régner. En quatre heures, elle dut ras- sembler les fanfreluches innombrables, dont, en bonne reine négresse, elle ne pouvait se passer. À minuit, elle monlait en filanzane, et, quand le jour se leva, elle était déjà loin de Tananarive. Internée d’abord à la Réunion, elle ne parut point ultérieurement assez éloignée de son ancien royaume pour enlever àses derniers partisans toute velléité de tenter une restauration. On lui a ré- cemment assigné une résidence en Algérie. Gräce à ces mesures, la zone pacifiée s'étendait chaque mois davantage. En avril 1897,les insurgés étaient rejetés hors des limites de l'Imerina; en mai et en juin, les deux grands chefs de bande Rabezavana et Rainebetsimisarakase soumettaient. Pendant la saison sèche de 1897, on commencail la conquête des régions du sud et de l’ouest, des pays baras et sakalaves, œuvre qui se continue actuellement. En même temps que la pacification « faisait la tache d'huile », le général Galliéni effacait les derniers vestiges de la domination hova dans toutes les parties de l'île où elle avait essayé de s'établir depuis le commencement du siècle. Il introduisit à Madagascar la politique dite des races, dont ailleurs déjà il avait éprouvé les bons effets. De même que, dès son arrivée dans le Haut- Tonkin, il avait renvoyé à Hué les mandarins étrangers au pays, choisi des chefs locaux, et souvent invité les populations à procéder elles- mêmes à ce choix, de même à Madagascar, il fil rentrer à Tananarive les gouverneurs hovas de Fianarantsoa, de Tamatave, d'Andevorante, de Vohemar, elc. 5956 HENRI DEHÉRAIN — MADAGASCAR DEPUIS L'OCCUPATION FRANÇAISE Les Hovas continuèrent à exercer des charges dans l’Imerina, leur propre pays, mais les Betsiléos furent gouvernés sous le contrôle d'un administra- teur français, par un Betsiléo, les Betsimisarakas par un Betsimisaraka, les Antaimoros par un An- taimoro, etc. La polilique de la France est donc revenue par un détour à proximité de son point de départ : ou projetait d'exercer un protectorat sur les Hovas, on exerce en fait autant de protectorats qu'il y a dans l'île de peuples divers : application judicieuse du vieil adage : divide, ul imperes, qui fit jadis la fortune politique de Rome. III Si, en débarquant à Madagascar, le général Gal- liéni estimait qu'il fallait commencer par y faire régner la sécurité, il n'était pas moins préoccupé d'ouvrir le plus tôt possible la colonie à l’exploita- tion. Il a répété et a montré par ses actes, qu'il voulait faire de Madagascar une « colonie de co- lons ». On sait qu'elle était restée jusqu en 1895 absolu- ment dépourvue de routes. Seuls des sentiers, tra- cés par l'usage, qui tantôt traversaient les marais, tantôt escaladaient les hauteurs abruptes, mettaient les localités en rapport les unes avec les autres. Plusieurs photographies publiées par la Revue en 1895, font sauter aux yeux la misère des voies de communication malgaches. Les Hovas avaient isolé leur pays, pour le proté- ger contre une conquête éventuelle. L'événement faillit, en 4895, justifier celle précaution, qui fit éprouver à l'ennemi, c'est-à-dire aux Francais, des pertes considérables. Construire des routes a donc été l'une des préoccupations dominantes du Gouvernement général. Le colonel Roques, directeur des travaux publics, a principalement porté ses efforts sur la route car- rossable de Tamatave à Tananarive. Plusieurs tron- cons en sont déjà utilisables, mais la nature du so] a provoqué de nombreux mécomptes. Des éboule- ments se sont produits dans certaines parties de la route considérées comme achevées, si bien que la nécessité de recommencer sans cesse les mêmes travaux justifie l'épithète pittoresque de « route de Pénélope », qui lui a été donnée. En revanche, la grande route de l’ouest, qui doit unir Tananarive à Mevatanana, point extrême de la navigation de la Betsiboka, est beaucoup plus avancée ; il reste, pour la lerminer, à jeter des ponts sur les cours d'eau qu'elle franchit encore à gué. Déjà des voitures attelées de mulets ou de bœufs cireulent d'un bout à l’autre et ont récem- ment apporté à Tananarive des pièces non démon- tées, dont quelques-unes pesaient 1.000 kilo- grammes. La construction de cette route a cepen- dant occasionné des frais beaucoup moins élevés que celle de sa rivale de l’est. L'entretien en est aisé, car elle se développe dans une région qui jouit de huit mois de sécheresse par an. D'autres routes sont en conslruction ou même déjà livrées à la circulation : de Tananarive à Am- batondrazaka au nord et à Fianarantsoa au sud, premiers tronçons de la future grande voie mé- diane de l'ile (Diego-Suarez-Fort-Dauphin); de Tananarive à Andevorante et à Foulpointe; de Mahabo à Ambalondrazaka, dans la région Ant- sihanaka: de Morondava à Mahabo dans l'ouest. Aussitôt après la conquèêle, on a pensé à mettre Tananarive en communication avec la côte par un chemin de fer. Plusieurs tracés ont déjà été étu- diés. Dans le projet qui parait actuellement jouir de la plus grande faveur, on utiliserait les lagunes de la côte orientale, qu'on réuniraiten coupantleurs pangalanes, c'est-à-dire les seuils qui les séparent. On communiquerait done de Tamatave à Tana- narive : 1° par un chemin de fer de Tamatave à Ivondro ; 2° par le canal des Pangalanes d'Ivondro à Andevorante: 3° par un chemin de fer d’Andevo- rante à Tananarive. Le petitchemin de fer de Tama- tave à Ivondro, long de 10 kilomètres, a été inau- guré dans les premiers jours du mois de mai. Il est malheureusement certain que les mêmes difficultés qui retardent l'achèvement de la route s'opposeront à l’exéculion prompte et économique du chemin de fer. S'il est nécessaire de transporter rapidement hommes et marchandises, lransmettre vite les nou- velles n'importe pas moins. Le télégraphe électri- que unit Tananarive à Tamalave, à Majunga et à Fianarantsoa. La ligne Tananarive-Tamatave, cons- truite en 1887, avait été détruite par les Hovas en 1895, elle a été rétablie et pourvue d'un second fil. La ligne Tananarive-Majunga communique par un cäble sous-marin avec Mozambique, point d’atter- rissage du càble le Cap-Suez. Sur la côte orientale, Tamatave est reliée à Mananjary. Enfin, une ligne de télégraphe optique met en rapport Tananarive avec les pays sakalaves de l'ouest. Des courriers postaux circulent assez régulièrement dans la par- tie déjà pacifiée. Le Gouvernement général a cherché à élablir un judicieux régime de propriété foncière : de nom- breux exemples ont, en effet, prouvé, comme l'a dit M. P. Leroy-Beaulieu, qu'un bon régime des terres a, sur l'avenir d’une jeune colonie, une influence décisive. Le système adopté repose sur une imita- tion de L « Act Torrens », lequel a déjà été appliqué avec succès dans la Nouvelle-Galles du Sud ainsi qu'en Tunisie, et qui consiste à délimiter les im= meubles, à en établir le plan et à les immatriculer. LL £ HENRI DEHÉRAIN — MADAGASCAR DEPUIS L'OCCUPATION FRANÇAISE 597 Les indigènes restent propriétaires des lerrains sur lesquels ils ont déjà bäti, ou qu'ils ont l'habitude de cultiver. Les terres domaniales sont concédées de deux facons, à titre gratuit pour les immeubles ne dépas- sant pas 400 hectares, et à titre onéreux. Pour éviter au nouvel arrivant les hésitations el les ennuis de l'attente qui entrainent des perles d'argent et engendrent le découragement, des bureaux de colonisation ont été créés dans les chefs- lieux de provinces. Les fonctionnaires qui les dirigent ont pour mission de reconnaitre les territoires suscepli- bles d’être ouverts à la colonisation, de les diviser et d'établir pour chaque lot un dossier de rensei- gnements. En examinant la liste des lots dispo- nibles, le futur colon peut, dès son arrivée à Mada- gascar, jeter son dévolu sur un domaine conforme à son goût el à ses ressources el en devenir, sans délai, le possesseur. Des arrêtés relatifs aux conditions de l’exploita- tion des forêts et des mines, aux rapports, si déli- cats, des colons européens et des ouvriers indigènes, ont également été promulgués. Le général Galliéni a ouvert des enquêtes sur l'état du commerce, de l’industrie et de l’agriculture, et les renseignements recueillis ont été publiés dans des documents acces- sibles à tous. La mise en valeur de l'ile n’a cessé de le préoc- cuper. À ses compatriotes manifestant des velléités d'émigration, mais ignorants et inexpérimentés, il faisait répondre des lettres longues, précises, dé- taillées. Il voit le colon là, devant lui, non pas un personnage abstrait et imaginaire, mais le Français de 1899 avec son caractère, ses besoins, ses qualités et ses défauts. Il ne croit indigne de ses hautes fonctions ni de le conseiller sur son logement, sur son alimentation, sur son vêtement, ni de l’avertir des dangers de l'usage de l'alcool. Ce gouverneur général de colonie prend à cœur l'intérêt de ses colons et leur prospérité, — fait assez rare pour être remarqué. La politique suivie depuis deux ans à Madagascar a donc été une politique économique. Tout en conservant ce caractère, il faut qu'elle en acquière un autre et devienne aussi une politique humani- taire. IV Avant noire arrivée, les Malgaches vivaient d’une vie propre. Leur organisation avait certainement de graves défauts ; elle leur suffisait cependant. Ce n'est pas à leur requête que nous sommes venus, mais bien contre leur gré. Nous nous sommes spon- tanément décerné le périlleux honneur de les gou- verner : noble ambilion, sans doute, mais que nos actes doivent justifier. Or, oserait-on affirmer que jusqu'à présent ils l’aient pleinement justifiée ? Qu'au début de l’occu- pation, la nécessité impérieuse de maintenir l'ordre ait expliqué les mesures rigoureuses prises contre les fauteurs de troubles, nous l’'admettons. Mais, depuis la pacification, des actes arbitraires ont été commis qui sont inexcusables. Nous pourrions citer tel district du nord-est où une faute légère a été réprimée d'une façon presque barbare. Quand un lirailleur sénégalais d’un avant-poste s’en va choi- sir dans un troupeau un bœuf de belle apparence, que le propriétaire s'élait réservé pour une céré- monie, puis, très brave parce qu'il se sent le plus fort, paie la bête la moitié ou le quart de sa valeur, croit-on qu'il donne dans le pays une haute idée de l'honnèteté des Français ? Il est certain, d'autre part, que l'impôt de prestation, déjà si lourd en soi, n’a souvent été perçu ni avec toute la modéra- tion, ni avec toute l'équité désirables. Toute politique fondée sur l'injustice est con- traire aux traditions de la France, qui possède encore, de par le monde, une belle réputation de libéralisme. Je me souviendrai toujours d’un Ture, qui, aux iles des Princes, me disait un jour par l'interprète : « Je voudrais savoir le français, la langue de la liberté! » Passer dans le monde pour le peuple juste par excellence, est une gloire qui oblige. Il n'est permis ni aux colons par esprit de lucre, ni aux fonctionnaires par suffisance et dédain, d'entacher cette réputation, el ceux qui disposent d’une parcelle quelconque du pouvoir, depuis le Gouverneur général jusqu'au dernier des soldats, doivent constamment se rappeler que, si la conquête de Madagascar nous a donné des droits, elle nous a encore et surtout imposé des devoirs. Henri Dehérain, Docteur ès lettres, Sous-bibliothécaire de l'Institut. bht] BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Oltramare (G.), Doyen de la Faculté des Sciences et Professeur de Mathématiques à l'Université de Genève. — Calcul de Généralisation. — 1 vol. in-8° de 192 pa- ges. (Prix : 8 fr.) A. Hermann, éditeurs. Paris, 1899. Soient x, y, z,... et uw, v, w,.... deux systèmes de n lettres, qui jouent un rôle tout différent. Les premières sont des variables ordinaires; les secondes sont les variables à généraliser. C'est sur celles-ci seulement que portera l’opéralion symbolique G, que l’auteur nomme généralisation. Prenons la fonction + (x, y, z,...); G sera définie par les deux égalités : (4) G(A + B)= GA + GB. (2) GutyP…… — Es à ArtAyP..... CRIS EEE =ÿ# Développons en série taylorienne YU, vs) — eu tutos (a, v,...) et traitons chaque terme de la série par l'algorithme G suivant (2). On obtient un développement, d’où w, 0... ont disparu et qui représente Q {æx, y, z,....). M. Oltra- mare dit que Q est la fonction Y généralisée. Il y a évi- demment autant de généralisations différentes que de fonctions +. Par exemple, si WW — eau + bv E-.-e. (GA LES — Ctes), alors QD—yp(x+a,y +0...) On voit que le fond des choses consiste en une nota- tion particulière pour les dérivées partielles, notation reposant sur l'égalité (2). Sont généralisées les fonctions usuelles (rationnelles, logarithmiques, circulaires, eulériennes, ....). On a recours à des intégrales définies multiples où + figure sous le signe /. Le calcul symbolique dit « de généra- lisation » fournit un moyen de transformation pour les formules. M. Oltramare applique son procédé à diverses ques- tions : dérivées el intégrales d'indice fraclionnaire ; calcul. intégral (équations linéaires; équations aux dérivées partielles;..….) calcul des différences finies; calcul des différences mêlées ; … Citons l'intégration d'équations différentielles ayant un ordre infini. LÉON AUTONNE, Maître de Conférences à l'Université de Lyon. Fourrey (E.). — Récréations arithmétiques. — 1 vol. in-8 viu-261 pages avec figures. (Prix : 6 fr.) Nony et Gi, éditeurs. Paris, 1899. « Les récréations mathématiques, dit l’auteur, au début de son avant-propos, étaient fort en honneur chez nos pères, et plus d'unsavant éminent des temps passés n'a pas dédaigné de leur consacrer une partie de ses recherches. Après être tombées dans un oubli injustifié, elles paraissent être revenues tout à fait en faveur de nos jours. » La publication des Récréalions mathématiques de E. Lucas, de son Arithmétique amusante, des Récréations el problèmes mathématiques de M. Ronse Ball (traduits en français) et de beaucoup d'autres ouvrages moins récents ou moins conaus, vient confirmerl'appréciation de M. Fourrey en faveur des récréations mathéma- . tiques. Cette appréciation est profondément juste, sur- tout au point de vue pédagogique, et c'est peut-être encore là que les récréations mathématiques pénètrent le moins jusqu'à présent; elles ne font guère que piquer la curiosité de certains esprits originaux qui y trouvent une sorte de passe-temps, mais elles sont assez généralement dédaignées de nos savants mo- dernes, qui n'y voient qu'un amusement indigne d'eux; Euler, et avant lui Fermat, ne furent pas de cet avis. On croirait qu'à notre époque on s’est donné pour mission de rendre la science mathématique (et surtout la première initiation à cette science) rebutante et dif- ficile ; ce défaut d'amabilité à eu pour résultat d'amener le découragement et le dégoùt chez beaucoup d’intel- ligences bien douées, el d’engendrer, en dehors du monde spécial des mathématiciens de profession, une ignorance à peu près générale, et plus profonde encore que générale en matière mathématique. Pour mon compte, je voudrais, au contraire, voir l'introduction des récréalions devenir systématique dans l’enseignement et c'est ce qui me fait saluer au passage toutes les ten- fatives pouvant nous acheminer dans cette voie. Le livre de M. Fourrey est l’une de ces tentatives. Il s’est borné, comme l'indique le titre, à l’Arithmétique, et même à une région de l'Arithmétique; nous ne l’en blämons pas, car sur de tels sujets il est bon de savoir se borner. C’est par de petits volumes successifs, plutôt que par de gros ouvrages, qu'on finira par atteindre le but. L'auteur a divisé son sujet en trois parties : Les nom- bres abstraits. — Les applications. — Les carrés ma- giques. La première comprend : Particularités des nombres. — Opérations arithmétiques. — Progressions. — Nom- bres polygonaux. — Carrés. — Cubes. — Diviseurs. — Problèmes divers sur les nombres. Les chapitres de la deuxième partie sont intitulés : Le jour de la semaine. — Les nombres pensés. — Pro- blèmes anciens. — Problèmes curieux où amusants. Eufin, dans la troisième partie sont examinées : la formation des carrés magiques, les formes diverses de ces carrés, el les transformations des carrés magiques. Nous ne pouvons songer ici à énumérer les très nom- breux problèmes qui sont traités dans cet ouvrage, et qui, pour beaucoup d’entre eux, n'ont évidemment pas la prétention d'être inédits. À titre d'exemple, nous pouvons citer cependant la curieuse propriété suivante du nombre 16 : lorsqu'on y intercale successivement les chiffres 1,5, les nombres 1156, 111.556, que l’on obtient, sont tous des carrés. Il en est de même pour 9, 4489, 444880. Nous devons noter aussi (p.189), un amusant article sur l'Arithmétique à l’Académie francaise. Nous y appre- nons que dans la dernière édition (1877) du Dictionnaire de l'Académie française, on trouve des perles comme celles-ci : Proouir : Nombre qui résulte de deux nombres multi- pliés l'un par l'autre.(D'où il suit que 3><5 <8 n’est pas un produit.) Noure PREMIER : Tout nombre qui ne peut étre divisé exactement el sans reste par aucun nombre que l'unité. (D'après cette définition, 1 serait le seul nombre pre- mier.) Carré : Se dit d'une surface plane qui a quatre côtés et quatre angles droits. (Donc, Lout rectangle est un carré.) Cyziwore : Corps de figure longue et ronde et d'égale grosseur partout (!). Et dire qu'il y a toujours, de par la tradition, des représentants de l’Académie des Sciences, parmi les tac te ton uns TOR BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 559 membres de l’Académie française! Que deviendrait donc le Dictionnaire s'il en était autrement ?... Dans sa rapide étude des carrés magiques, nous ne saurions assez féliciter M. Fourrey d'avoir indiqué les “léments essentiels de la théorie géniale de M. Gabriel Arnoux sur les lignes arithmétiqueset lescarrés hyper- magiques. C’est certainement ce qui a été faët de plus véritablement scientifique sur ce sujet au cours du xixe siècle, et les savants qui voudront s’en inspirer, y trouveront matière à bien des découvertes nouvelles, Mais il ne conviendrait pas d’allonger outre mesure une analyse que j'aurais voulu rendre plus concise; et je me borné, en terminant, à recommander la lecture «lu très intéressant ouvrage de M. Fourrey à tous ceux qui s'intéressent à la science des nombres, et aux professeurs qui ne croient pas que, pour instruire les enfauts, il soit exclusivement indispensable de les ennuyer. C.-A. LaAISANT, Examinateur d'admission à l'Ecole Polytechnique. 2° Sciences physiques Rodet (J.), Ingénieur des Arts ct Manufactures. — Distribution de l'énergie par courants poly- phasés.— 1 vol. in-8° de 338 pages, avec 142 fiqures, (Priæ : 8 fr.) Gauthier-Villars, éditeur. Paris, 1899. L'introduction des courants polyphasés dans l’indus- trie électrique est, sans contredit, l’un des plus grands progrès qui aient été réalisés dans ces dernières années, et il est bien probable que, désormais, toutes les grandes installations se feront en courants tri- phasés ; les journaux techniques sont remplis chaque jour de renseignements sur le développement de ces installations dans toutes les parties du monde; de lon- gues études théoriques, souvent très savantes, mais hétérogènes, et sans lien apparent les unes avec les autres,s' y publient constamment, et, au milieu de cette abondance de documents, le lecteur, un peu désorienté, perd souvent courage et ne trouve pas la base solide Qui doit lui servir de point de départ. Un auteur qui veut donner à ses lecteurs cette base solide doit, avant tout, éviter une compilation indigeste ui ne ferait que reproduire, une fois de plus, la même gène, le même embarras, et c’est le premier mérite que nous voulons reconnaître à M. Rodet, d’avoir sw éviter cet écueil. Son œuvre est très personnelle et y gagne un caractère reposant d'unité et de netteté; après quel- ques pages sur l'historique et les principes généraux du sujet qu’il va traiter, M. Rodet aborde ce sujet et y suit l'ordre logique : production, canalisation, trans- formation et utilisation des courants polyphasés. Au milieu de ce plan, qui se développe d'une manière très sûre, nous distinguerons quelques points qui nous ont particulièrement frappé. Dans l'étude des génératrices, nous trouvons un paragraphe très intéressant sur la réaction d’induit : c'est là un point capital, et l’un des plus obscurs de la théorie des alternateurs: l'auteur donne une formule permettant de calculer les ampèretours inducteurs capables de compenser la réaction d'induit pour le débit normal et un décalage quelconque; on peut regretter qu'il n'ait pas cru devoir donner, au moins en appendice, la démonstration de cette formule; ces quelques pages, à notre avis, mériteraient de plus longs développements dans une édition future. Le chapitre sur la canalisation est en partie la reproduction de l'ouvrage que l’auteur avait publié en 1893 avec la collaboration de M. Busquet, en partie formé d'articles que nous avions lus avec intérèt dans l'Industrie électrique; les points à signaler sont surtout les suivants : étude approfondie des répartitions des tensions sur les réseaux non équilibrés et calcul des chutes de tension dans les lignes, dues à l'inductance soit des appareils récepteurs, soit de la ligne elle-même. Vient ensuite la question de la transformation des .CH? Il est identique avec un acide cétonique obtenu par Walker dans l'électrolyse de l’allocamphorate d'éthyle. Les auteurs le désignent sous le nom d'acide cam- phononique. — M. Arthur Lapworth a étudié l'acide intermédiaire non saturé CH!*BrO?, qui se forme dans la réaction de l'acide nitrique sur l'«-dibromo- camphre en présence du nitrate d'argent. Il est iden- tique à l'acide bromocamphorénique de Forster. D'après ses réactions, il paraît répondre à la formule suivante : ,GBr.C(CH*}° cHŸ DCCHP)COPH. CH?.CH* M. À. G. Perkin à étudié la matière colorante des fleurs du coton (Gossypium herbaceum), qui est em- ployée pour la teinture aux Indes. C'est un glucoside, la gossypétine, de formule C'H#0%; par fusion avec les alcalis, elle donne du phloroglücinol et de l'acide pyro- catéchique; c'est probablement un corps du groupe des flavones. — MM. H. A. Auden, W. H. Perkin jun. ct J. L. Rose ont cherché à faire la synthèse de l'acide camphorique en préparant un acide de formule : 1) COH.C.OH(CH*) HCCH°} | CO°H.CH — CH? — CH? et dans l'espoir que, par élimination d’eau, il se for- merait un acide : CO?H:C(CH5)— C(CHS): CO°H. du. CH. ls constitution qui, d'après Perkin, serait celle de l'acide caniphorique. Les auteurs ont donc traité l’isoamyla- cétoacétate d'éthyle parle cyanure de potassium et l'acide chlorhydrique, ee qui leur à donné l’&-isoamyl-68-h y- droxycyanobutyrate d'éthyle; par hydrolyse de ce der- uier corps, il se forme de la méthylhydroxyisoamylsuc- cinimide, qui, bouillie avec du carbonate de soude, donne l'acide & «-méthylhydroxy-x'-isoamylsuccinique, qui répond à la formule (1)ci-dessus. Mais, par élimina- tion d’eau dans ce deroier, on n’a oblenu dans aucun cas l'acide camphorique. Il se produit, par élimination de deux molécules d’eau, l'anhydride méthylisoamyl- maléique : OC.C.CI ol OC.G.C5H" lequel, réduit par l'acide iodhydrique et le phosphore, donne un mélange d'acides cis- et transméthylisoam yl- succiniques : CO*H.HC.CH* | CO®H.HC.CSH4, M. W. Trevor Lawrence, dans le but de faire la syn- thèse de l'acide camphorique, est arrivé aux mêmes résultats que les auteurs précédents. Il a préparé l'acide a-Cyan-a-méthyl-'-isoamylsuccinique CO*H. C (CAz) (CH®). CH (C*H"). CO*H, qui, par hydrolyse, lui a donné aussi un mélange d'acides cis- et transméthylisoamyl- succiniques. Les deux acides sont facilement sépara- bles par la ligroïne, dans laquelle l'acide trans- est insoluble. — MM. Francis R. Japp et Alexandre Findlay, en condensant l'anhydracétonebenzil avec la benzaldéhyde, ont obtenu le benzylidèneanhydracé- tonebenzyl : CH, C— CH | >co C°H°.C(OH).C— CH:C'H°: Cette réaction permet de décider de la constitution des dérivés monosubstitués de l’anhydracétonebenzyl, pour lesquels on ne savait si la substitution se faisait dans le groupe CH? ou dans le groupe CH. Si elle se fait dans le groupe CH?, le dérivé substitué ne pourra plus réagir avec la benzaldéhyde ; les auteurs ont constaté qu'il en était ainsi pour les dérivés alcoylés. Par contre, si la substitution a lieu en CH, le dérivé réagira avec la beuzaldéhyde; c'est le cas pour l’acide anhydracétone- benzylcarboxylique, qui a donc la constitution : CO’H CH. C—© cf | » 0 CH5.C (OH).CHE. Les mêmes auteurs, en faisant réagir le benzonitrile sur l'acide benzylique en présence d’acide sulfurique concentré froid, ont obtenu la triphényloxazolone : C(OH)/C'H) CSH5.CAz + | — COH O—C(CHS) -L H°0, En même temps, il se forme de l'acide benzimidoxydi- phénylacétique: C°H°C(AzH).0.C(CSH°)>.CO?H. Chauffé avec l'anhydride acétique, il se convertit en oxazolone, tandis que cette dernière, bouillie avec de la potasse diluée donne le sel de l'acide. L’acide, traité par la potasse concentrée, perd de l’anhydride carbonique et se transforme en oxyde benzimidobenzhydrilique : C'H5,C(AzH).0.CH(C5H5). — MM. Siegfried Ruhemann et A. V. Cunnington ont montré que l’éther éthylique de l'acide phénylpropiolique donne avec l’acétylacétate ou le benzoylacétate d’éthvle des composés cycliques dérivant de l'a-pyrone. {l n'en est plus de même de l'acétylènedicarboxylate d’éthyle, qui forme un dérivé du triméthylène, de formule probable : CO®.C2H5.CH—CH.CO?,C*H5 (CH ou C'H5):CO.C:CO2: CHE: Le Directeur-Gcrant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. Ed 40° ANNÉE N° 45 15 AOÛT 1899 REVUE GÉNÉRALE S OUIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Météorologie L’exploration de l'atmosphère par les cerfs-volants et les ballons-sondes. — Dans une des dernières séances de la Société francaise de Physique, M. L. Teisserenc de Bort a donné des rensei- gnements très intéressants sur l'étude de l'atmosphère à diverses hauteurs par l'emploi des cerfs-volants et des ballons-sondes portant des instruments enregistreurs. Les cerfs-volants employés sont généralement de forme cellulaire et ressemblent assez à une boite n'ayant ni fond ni couvercle, dont les parois seraient faites d’étoffe vernie avec un large ajourage au milieu de la boîte. Ce modèle, dù à M. Hargrave, est très employé en Amérique, où l’usage du cerf-volant pour la Météorologie a pris une grande extension. L'observa- toire de Blue Hill a déjà fait d'importants travaux avec ces cerfs-volants, et on a pu reconnaître que certaines variations de température se faisaient sentir à 2,000 mètres d'altitude plusieurs heures avant d’arriver au sol. Les altitudes maxima atteintes ont été 3.685 et 3.802 mètres. L'Observatoire de Météorologie dynamique procède depuis deux ans à des sondages par cerfs- volants par les mêmes méthodes que M. Rotch à Blue Hill. Ces sondages faits à Trappes, montrent que la force du vent dans les aires de haute pression diminue beau- coup entre 2.000 et 3.500 mètres, et que l'existence, dans l'après-midi, d'une variation de température très lente ou même négative dans la verticale jusqu’à 1.000 ou 1.500 mètres, est un signe presque infaillible de beau temps pour le jendemain, Les hauteurs atteintes, qui, pendant la première année, étaient restées inférieures à 2.000 mètres, ont pu être portées beaucoup plus haut et, dans ces derniers jours, on a atteint l'altitude de 3.860 mètres, dépassant ainsi un peu la hauteur obtenue en Amérique. L'orateur a indiqué les perfectionnements apportés au matériel et, notamment, l'emploi, à Trappes, d’un treuil müû par Mcrrioité, qui fonctionne avec une régularité par- aite. Comme les cerfs-volants exigent la présence du vent et ne montent qu'à de faibles hauteurs, il faut avoir recours au ballon-sonde pour étudier l'atmosphère d’une facon plus complète. L'emploi de ces ballons a REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899, été proposé, comme on le sait, par M. le colonel Renard, et des expériences très intéressantes ont été faites depuis quelques années par MM. Hermitte et Besançon, si bien qu'une enteute internationale à eu lieu à la suite de ces travaux et qu'à certaines dates choisies des ballons s'élèvent de Paris, Berlin, Strasbourg, Vienne, Munich, Saint-Pétersbourg. Ces expériences sont en petit nombre et séparées par de longs intervalles, en sorte que M. L. Teisserenc de Bort, tout en y prenant part, a cherché à procéder à de fréquents sondages méthodiques avec des instruments bien semblables et par toutes les situations météorologiques. Dans l’inter- valle de quatorze mois, plus de 80 ballons ont rapporté des courbes de température et de pression. La hauteur de 13.000 mètres a été atteinte 19 fois, celle de 15.000 mètres 2 fois. En limitant la discussion aux altitudes inférieures à 10.000 mètres, qui ont été atteintes très souvent, les observations montrent que, dans lessix ou sept premiers mille mètres, la température décroît rapidement ; quand on s'élève dans une aire debasse pression, la va- riation est voisine de celle qui est due à la détente adiabatique. On voit aussi que les différences d’un jour à l’autre peuvent être plus considérables à 7 ou 8.000 mètres qu'au voisinage du sol, contrairement à ce que l'on avait pensé. La plus basse température atteinte a élé de — 76°, le 29 mars, à 12.600 mètres; au niveau du sol, le thermomètre marquait — 9°, Plu- sieurs perfectionnements importants ont été apportés à la technique des ballons-sondes, perfectionnements qui sont en voie d'adoption à l'Etranger. $ 2. — Chimie physique Recherches photographiques sur les spec- tres de phosphorescence et découverte d'un nouvel élément : le Victorium. — On sait depuis longtemps que certaines substances placées dans un tube à vide deviennent brillamment phosphorescentes quand elles sont soumises au bombardement molécu- laire de l’électrode négative. Le rubis, l'émeraude, le diamant, l’alumine, l'yttria et un grand nombre d'oxydes métalliques émettent une vive lumière dans ces circonstances, Examinée au spectroscope, cette 15 57 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE lumière donne, pour certains corps, un spectre presque continu, mais, pour d’autres, comme l'yttria, elle se résaut en bandes plus ou moins larges et en lignes. Depuis 1879, M. William Crookes s'est livré à l'étude de ces spectres de phosphorescence, principalement de ceux des terres du groupe de l’yttria, et il est arrivé par le fractionnement chimique à séparer de ce groupe des corps dont le spectre consiste seulement en séries de lignes. Dans ces dernières années, il a étendu ses recherches au delà du spectre visible et photographié la partie ultra-violette du spectre de ces corps. Les résultats obtenus semblent mettre en évidence l’exis- tence d'un nouvel élément, que M. Crookes propose de nommer Victorium. Voici la méthode de fractionnement qui a été em- ployée dans ses recherches : La matière première est l'yttria impure, retirée de la gadolinite, de la samarskite ou d’autres minéraux analogues. Une première opéra- tion consiste à la débarrasser des terres du groupe du cérium, en utilisant la propriété des sulfates doubles de potassium et des terres du groupe de l'yttrium d'être solubles dans le sulfate de potassium concentré, tandis que les sels analogues du groupe du cérium sont presque insolubles. L'yltria brute est alors convertie en nitrate et sou- mise à une première série de fractionnements. Le ni- trate est chauffé jusqu'à fusion complète ; il commence à se décomposer en dégageant des vapeurs rouges. Au bout d'un certain temps, la masse fondue est versée soigneusement dans de l’eau, qui est portée à l'ébulli- tion. Il se forme un précipité blanc de nitrate basique, tandis que le nitrate non décomposé reste en solution. Il est séparé par filtration. Le nitrate basique est dis- sous dans l'acide nitrique et donne une autre solution. Les solutions normale et basique sont évaporées à sic- cité et soumises à une nouvelle décomposition partielle par la chaleur, qui fournit, pour chacune, une partie soluble et une partie insoluble., La partie insoluble qui provient du nitrate normal est mélangée à la par- tie soluble provenant du nitrate basique, de telle sorte qu'on obtient trois parties distinctes. On continue la même série d'opérations jusqu'à ce que la quantité de matière soit devenue trop faible pour permettre un nouveau fractionnement. Si l’on examine au spectroscope les 13 portions obte- nues après le 12° fractionnement, on remarque des dif- férences sensibles dans le spectre visible; mais ces différences sont encore plus marquées en ce qui con- cerne un groupe de lignes de l’ultra-violet. Celles-ci sont presque absentes des portions terminales; eiles vont en augmentant d'intensité vers le milieu et attei- gnent un maximum dans les portions 8 à 11. Ce fait montre qu'il y a trois corps en présence, un dont le nitrate se décompose difficilement (portions 4 à 7 sur- tout); un second dont le nitrate se décompose aisément se trouvant en majeure partie dans les portions 12 et 13); enfin un troisième, occupant une position intermé- diaire. La méthode de fractionnement par décomposition des nitrates ne peut donner des produits purs que lors- qu'il y a deux corps seulement en présence; quand on a affaire à trois substances distinctes, il est nécessaire de recourir à un deuxième mode de fractionnement. Pour cela, les portions contenant le plus du nouvel élément probable, le victorium, sont transformées en oxalates et soumises à la cristallisation fractionnée, comme sui : A une solution acide bouillante du nitrate, on ajoute un peu d'acide oxalique. La solution reste d’abord claire, mais, après une agitation énergique, il se dépose un peu d'oxalale insoluble. On le filtre et on le lave à l’eau bouillante. La partie filtrée est de nouveau addi- tionnée d'un peu d'acide oxalique et agitée jusqu'à ce qu'il se dépose une nouvelle quantité d'oxalate inso- luble, qui est filtré. On continue jusqu'à ce que tous rdes présents soient précipités, et on obtient ainsi de six à douze portions différentes. Les oxalates sont les OX dissous de nouveau dans l'acide nitrique, et on répète les opérations précédentes sur chacun d’eux. On suit les progrès de ce fractionnement au moyen de photo- graphies spectroscopiques et on mélange les portions obtenues suivant les renseignements donnés par la spectrographie. On arrive ainsi, après une longue série de précipitations, à concentrer le victorium dans un petit nombre de portions, qui sont alors soumises à un nouveau traitement. Ces portions sont converties en nitrates, qui sont décomposés partiellement par la chaleur jusqu'à ce qu'il ne reste plus de nitrate soluble. On obtient ainsi de six à douze fractions, formant une série régulière et différant par la stabilité de leur nitrate. Le victorium se trouve dans les portions du milieu. Celles-ci sont réunies, converties en sulfates et additionnées d'un peu de sulfate de potassium. On obtient un précipité et il reste une solution. Le précipité est redissous, puis pré- cipité de nouveau avec le sulfate de potassium, ainsi que la solution primitive ; on obtient ainsi quatre frac- tions, dont deux sont mélangées, et l'on continue de nouveau les opérations. On suit le fractionnement par l'examen photospectroscopique et l’on obtient au bout d'un certain temps des portions centrales très riches en victorium. L'oxyde de victorium, obtenu à l’état le plus pur, est une terre brun pâle, aisément soluble dans les acides. Ilest moins basique que l’yttria et plus basique que la plupart des terres du groupe de la terbia. Au point de vue chimique, il se différencie nettement de l’yltria. D'une solution nitrique chaude, l'oxalate de victorium se précipite avant l’oxalate d'yttrium et après celui de terbium. Le sulfate double de potassium et de victorium est moins soluble que le sel correspondant d'yttrium, mais plus soluble que les sulfates doubles du groupe du terbium et du cerium. Si l’on assigne à l'oxyde de victorium la composition Ve*0*, le poids atomique du métal doit être environ Aie La photographie du spectre de phosphorescence de l’oxyde de victorium montre une paire de fortes lignes à À— 3.120 et À 3.117, avec d’autres lignes plus fines à 3.219, 3.064 et 3.060. La paire des deux fortes lignes se confond souvent en une seule, mais peut être vue séparée. La présence ou l'absence d’autres terres exerce une grande influence sur la netteté des lignes du spectre de phosphorescence; il est probable que ces lignes apparaîtront plus distinctes quand l'oxyde de victorium aura été débarrassé des corps qui l’accom- pagnent encore. La découverte du victorium est un bel exemple du résultat dù à l'emploi des méthodes physiques comme moyen de contrôle du fractionnement chimique. S 3. — Photographie Action de certaines substances sur la plaque photographique dans lobseurité. — Nous avons récemment décrit les belles expériences de M. W.-J. Russel relatives à l’action de certaines subs- tances sur la plaque photographique dans l'obscurité 1. Une surface métallique polie où une couche d'huile siccative, placées à distance, produisent sur la plaque photographique des effets similaires et développables de la mème facon que ceux dus à la lumière ordinaire. L'auteur a écarté par un certain nombre d'expériences l'hypothèse d'une phosphorescence ou de l'émission de rayons actiniques, et il a admis l’existence d’une action chimique produite par des vapeurs émises par les corps employés. Les nouvelles recherches que nous allons résumer semblent montrer que ces vapeurs actives sont constituées par du peroxyde d'hydrogène. M. Russel a d’abord constaté que tous les effets obte- nus par les substances actives sur la plaque photogra- 1 Revue générale des Sciences du 15 septembre 1898, pages 694 et 695. 3 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 571 phique s'observent également bien avec le peroxyde d'hydrogène. Les expériences peuvent se faire très sim- plement avec une petite cuvette ronde en verre, au fond de laquelle on verse le liquide à étudier et qu'on re- couvre ensuite de la plaque sensible. Si la cuvette ren- ferme de l'eau pure, on n'observe aucune action, méme au bout de vingt heures; mais, si l'on y ajoute une trace de peroxyde d'hydrogène, un noircissement rapide de la plaque se produit, Quand il n'y à qu'une partie de H°0? pour un million de parties d’eau, on observe une faible action au bout de dix-huit heures; la réaction est donc très délicate. D'autre part, si un morceau de papier buvard (inactif par lui-même) est mouillé avec une solution de peroxyde d'hydrogène à 1/500.000°, puis séché dans une chambre chaude, et placé pendant deux heures en contact avec une plaque sensible à 55°, une image distincte apparait au développement; le même effet peut être obtenu avec un corps poreux inactif quelconque. : On sait que l’action des différentes substances qui influent sur la plaque photographique est arrêtée par des lames de verre, de mica, etc., tandis qu'elle se transmet plus ou moins facilement au delà de feuilles de gélatine, de celluloïd, de gutta-percha, de papier à décalquer, de parchemin. Le peroxyde d'hydrogène se comporte, vis-à-vis de ces différentes membranes, absolument de la même facon que les autres corps actifs. Il faudrait donc admettre que les corpsquiagissentsur la plaque sensible forment du peroxyde d'hydrogène. En ce qui concerne les métaux, qui sont, dans l’ordre d'activité : le magnésium, le cadmium, le zinc, le nickel, l'aluminium, le plomb, le cobalt, le bismuth et l'étain, il est bien permis de supposer qu'ils sont capa- … bles de décomposer l’eau et de former, en présence de l'oxygène, du peroxyde d'hydrogène; l’ordre dans lequel ils sont placés est précisément celui dans lequel cette formation aurait lieu. Il est d'ailleurs aisé de vérifier cette formation au moyen des papiers à la tétraméthyiparaphénylènediamine du D' Wurster. Ces papiers, mouillés et mis en contact avec les métaux qui occupent la tête de l’énumération précédente, se colorent rapidement en bleu foncé; avec les autres mé- taux, la coloration est moindre et plus lente à appa- raître. Avec les métaux inactifs, il n’y a pas de colo- ralion. Si le peroxyde d'hydrogène est l'agent actif de l'ac- tion exercée par les métaux, ceux-ci, placés dans de l'air humide, devront produire une action plus forte; c'est ce que l’on peut vérifier de la facon suivante : Un tube de verre, contenant des rognures de zinc, est traversé par un courant d'air qui se rend dans une boîte noire contenant une plaque sensible. Avec de l'air ordinaire, l’action est très faible; avec de l'air chaud et humide, la plaque est rapidement noircie. Si l’on enlève le zinc et que l’on fasse passer de l'air hu- mide, chaud ou froid, on n'observe aucune action. Si nous passons aux corps organiques qui agissent sur la plaque photographique, nous constaterons qu'ils appartiennent en grande partie à la classe des ter- pènes, et il est bien connu que ces corps, en s’oxydant, donnent naissance à du peroxyde d'hydrogène. Quant aux huiles végétales, qui sont également actives, elles donnent la réaction caractéristique avec le papier à la tétraméthylphénylènediamine. On a vu que le peroxyde d'hydrogène agit, comme les corps actifs, au travers de membranes de gélatine ou de celluloïd d'épaisseurs diverses, et cela d'autant plus facilement que la membrane est plus mince, Com- ment se transmet cette action? Ce n’est certainement pas par le procédé ordinaire de diffusion, car le per- oxyde d'hydrogène ne peut diffuser à travers ces corps. Il y a donc probablement dissolution, ou bien combi- naison avec la membrane ou un de ses constituants, ce qui permet au peroxyde d'hydrogène de cheminer jus- qu'à l'autre côté. Les expériences suivantes sont de nature à jeter quelque lumière sur la question : placée dans un cuvette; celle-ci est recouverte d'une feuille de gélatine très mince (de 0®",25 d'épaisseur puis on place par-dessus la plaque sensible et on aban- donne pendant 20 minutes. Au bout de ce temps, il n'y à aucune action, si l'on substitue immédiatement une nouvelle plaque et qu'on la laisse de nouveau pen- dant 20 minutes, on observe une faible impression. Une troisième, puis une quatrième plaque donnent une image de plus en plus forte; mais toutes les plaques suivantes semblent de la mème intensité. La quantité de peroxyde émise par la face supérieure (le la gélatine ya donc en croissant pendant une heure vingt minutes, puis l’action devient uniforme. On observe un effet analogue avec le zinc et les essences organiques. Par quel corps se transmet done le peroxyde d'hy- drogène dans la gélatine? C’est très probablement par l'eau qu'elle contient. On peut s’en assurer pour d’au- tres substances, comme le carton bristol ordinaire. Si l’on interpose, en effet, entre un corps actif et une pla- que sensible, du bristol sec d'une part, et du bristol mouillé d'autre part, d’un côté on n'obtient aucune action, tandis que de l’autre on observe une impression très marquée. Ce résultat pourrait être attribué à l’ac- tion de l'humidité du bristol sur le corps actif, qui pro- duirait ainsi une plus grande quantité de peroxyde d'hydrogène. Mais on pare à cette objection en plaçant une feuille de papier à calquer à l'avant du bristol; celle-ci laisse passer l'influence du corps actif, mais arrête la vapeur d'eau. Or, le résultat est absolument identique. On peut imbiberle bristol avec de l'alcool et on observe également le même effet. l’eau et l'alcool peuvent donc servir de véhicule au peroxyde d’hydro- gène à travers diverses membranes. Pour le celluloïd, qui est un milieu très transparent, on ne saurait invoquer la présence de l’eau; dans ce cas, il semble que c’est le camphre qui la remplace, comme le montrent les expériences suivantes : Le camphre est un corps absolument inactif par lui-même. Mais, placé pendant un certain temps au-dessus d’une solution de H°0° ou d’une couche d'huile essentielle, il acquiert la propriété d'impressionner une plaque sen- sible. D'autre part, si l'on place un morceau de camphre de 3 millimètres d'épaisseur entre une solution de peroxyde et une plaque sensible pendant soixante-six heures, on observe une impression assez forte. Le camphre (qui est un des constituants prin- cipaux du celluloïd) peut donc absorber le peroxyde d'hydrogène et se laisser traverser par lui. La perméabilité des membranes de gutta-percha et de caoutchouc s'explique d'une facon analogue : quoi- que la constitution chimique de ces corps ne soit pas entièrement élucidée, on sait qu'ils renferment des constituants proches parents du camphre. Parmi les liquides organiques inactifs se trouvent l'alcool, l’éther et le chloroforme. Si l’on place un morceau de zinc au fond d'un vase, puis qu'on le recouvre complètement d’un de ces liquides inactifs purifiés et qu'on place au-dessus une plaque photo- graphique, on observe cependant une action au bout de quelques jours. De même, les liquides inactifs ayant séjourné une semaine au contact de tournures de métaux actifs, ont aequis la propriété d'impressionner la plaque sensible. D'autre part, si l'on ajoute un peu de peroxyde d'hydrogène à un de ces liquides inactifs, on le rend aussitôt assez actif. Il est donc naturel de supposer que les métaux, en présence d'une trace d'humidité, ont produit un peu de peroxyde d'hydro- gène, qui a communiqué ses propriétés au liquide inactif dans lequel il se trouvait. Ef, en effet, si les liquides inactifs sont purifiés de manière à perdre toute trace d'humidité, les métaux actifs n'ont plus la propriété de les rendre actifs. Nous pourrions citer bien d'autres ingénieuses ex- périences que M. W.-J. Russel à fait connaitre récem- ment à la Société Royale de Londres; nous croyons en avoir dit assez pour justifier la conclusion de l’auteur, Une solution de peroxyde d'hydrogène à 2: est CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE à savoir que le peroxyde d'hydrogène est l'agent par l'intermédiaire duquel certains métaux et certaines substances orgariques agissent sur la plaque photo- graphique dans l'obscurité. M. Russel se propose maintenant d'élucider le méca- nisme de l'action du peroxyde d'hydrogène sur la couche sensible de la plaque photographique. $S 4. — Zoologie La formation de la perle fine. — La formation de la perle chez l'Huitre perlière a été l’objet de nom- breuses études, mais on à presque toujours confondu, dans les explications qui ont été données de cette for- mation, la perle fine ou perle à orient avec certaines concrétions calcaires produites par la sécrétion des glandes du manteau des Mollusques. Une de ces concrétions provient de la sécrétion spéciale des glandes du manteau, dont le rôle, dans les conditions habituelles, est de pourvoir, par un apport constant de calcaire, à la réparation et à l’ac- croissemeut de la coquille. Cette sécrétion peut, en se déposant sur un corps étranger, produire des dépôts de nacre qui se présentent quelquefois sous forme de concrétions plus ou moins sphériques, auxquelles les pêcheurs de perles, à cause de leur forme, ont donné le nom de perles de nacre. Celles-ci, qui ont été bien étudiées, se différencient nettement, par leur aspect, de la perle fine. Elles ne possèdent qu'à un faible degré les reflets irisés qu’on est convenu d'appeler orient; leur éclat est le même que celui de la coquille qui les a fournies. Quant à la perle fine, son origine et sa véritable nature étaient restées jusqu'à aujourd'hui ignorées. M. Léon Diguet, à la suite de patientes recherches sur la Meleagrina margarilifera, vient de les mettre en évidence. D’après lui, la perle fine est une véritable calcification pathologique, effectuée, au sein même des tissus, suivant un processus particulier; voici quelles seraient les phases de ce processus : Au début, elle se manifeste sous la forme d'une am- poule, remplie d’une humeur dont la matière organique en solulion, se condensant progressivement, arrive, après s'être maintenue un certain temps à l’état gélati- neux et avant de se calcifier, à se transformer en une substance analogue à la conchioline. Cette condensa- tion accomplie, la masse, par suite d'un mécanisme spécial, se subdivise en une série de couches concen- triques plus ou moins régulières, laissant entre chaque zone des interstices que le dépôt calcaire cristallisé viendra occuper. Cette stratification concentrique doit, davs la nature, s'effectuer simultanément avec la pénétration de la solution calcaire fournie parles liquides de l'organisme ; on peut la produire expérimentalement en plongeant une perle gélaltineuse, à une période pas trop avancée de sa condensation, dans de l'alcool concentré On voit aussilôt ce sphéroïde, après avoir subi un léger retrait, se subdiviser en nombreuses couches concen- triques et présenter, en quelque sorte, l'apparence d’un grain d'amidon ; les couches, visibles par transparence, disparaissent ensuite lorsque la matière devient opaque par suile de sa déshydratation complète. La calcification s'accomplit progressivement; c'est d'abord une sorte d’incrustation du magma cristallin qui vient prendre naissance dans les intervalles pro- duits par le retrait de la matière organique, laquelle, réduite en mincés feuillets, forme des planchers de cristallisation sur lesquels les premiers dépôts se nour- rissent par l'apport ou l'endosmose des liquides chargés de calcaire de l'organisme. Pendant toute son évolution, la perle reste contenue dans l'ampoule qui lui a servi, en quelque sorte, de matrice; cette enveloppe, pendant l'opération de calei- fication, s’use et se détruit, au point que, lorsque l’évo- lution de la perle sera complètement achevée, il n’en restera plus qu'une faible membrane que le motlusque pourra rompre au moindre effort, ce qui lui permettra d'effectuer facilement l'expulsion de la perle. En résumé, conclut M. Diguet, la perle fine n’est pas, comme on l'avait cru jusqu'ici, un simple dépôt de nacre produit accidentellement par des sécrétions glan- dulaires, mais bien le résultat d'une opération physio- logique ayant pour but d'éliminer de l'organisme un parasite ou une cause d'irritation. ES 5. — Hygiène publique La stérilisation des viandes suspectes par Ia cuisson. — On sait qu'en France les viandes sont inspectées dans les abattoirs, et que toute la viande altérée ou suspecte est généralement saisie pour être détruite. En Belgique, un arrêté ministériel a permis, depuis 1895, de livrer à la consommation publique, après stérilisation, les viandes des animaux de bouche- rie atteints de tuberculose à un degré déterminé. Un assez grand nombre de villes (Saint-Nicolas, Alost, Me- nin, Duffel, Turnhout, Neufchâteau, etc.) ont fait l'ac- quisilion d'appareils destinés à stériliser ces viandes par la cuisson. Ces viandes sont ensuite vendues au public, ainsi que les graisses et jus stérilisés, au prix d'environ 50 centimes le kilo. On les a d'abord achetées avec quel- que répugnance; puis le bon aspect qu'elles présen- taient a vaincu les appréhensions du publie, et auJour- d'hui la demande surpasse souvent les quantités disponibles. Les frais d'installation des étuves ont varié de 4.000 à 5.000 francs. A Saint-Nicolas, on a effectué, en 1898, 93 stérilisations qui ont porté sur 17.000 kilos de viande suspecte et fourni aux propriétaires des ani- maux abattus une somme de plus de 6.000 francs; celle-ci, jointe aux indemnités que leur accorde le Gouvernement, compense la perte qu'ils ont éprouvée. Le Gouvernement belge s’est préoccupé d'étendre à un plus grand nombre de villes le bénéfice de ces ins- {allations de stérilisation. Dans une circulaire en date du 2% mars 1899, et insérée dans le Bulletin officiel du Service de surveillance des denrées alimentaires, le minis- tre de l'Agriculture recommande au personnel des services d'inspection de rappeler aux administrations locales qu'à l’aide d’un appareil de stérilisation, elles pourront fournir à leurs concitoyens, à un prix réduit, une quantité fort importante de viande d'excellente qualité. Le ministre les prie de s’enquérir des motifs qui empêchent ces administrations d'organiser ce ser- vice et de leur rappeler que l'Etat et certaines provinces interviennent, par voie de subside, pour faciliter l’éta- blissement d’étuves stérilisatrices. M. E. Vallin, en signalant ces faits dans la Revue d'Hygiène et de Police sanitaire, ajoute : « Il serait dési- rable qu'en France l'Administration encourageàt de la même facon l'utilisation, après cuisson faite dans l'in- térieur des abattoirs et sous la surveillance du vétéri- naire-directeur, des viandes simplement suspectes. Les inspecteurs, dès lors, hésiteraient moins à saisir les viandes faiblement altérées, en particulier celle des animaux partiellement tuberculeux, parce que toute viande saisie est aujourd'hui détruite et perdue pour la consommation. On combattrait ainsi la répugnance et les préjugés, assez naturels d’ailleurs, du public contre ces viandes sérieusement stérilistes à l’abattoir. » D' ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 513 LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE EN ALLEMAGNE PREMIÈRE PARTIE : ORGANISATION DES ASSURANCES ET CRÉATION Il y a deux mois, le 27 mai de cette année, se réunissait à Berlin un Congrès international pour la lutte contre la tuberculose, maladie endémique qui, tous les ans, tue 150.000 personnes en France, 90.000 en Allemagne, 60.000 en Hongrie, presque autant en Italie, en Autriche, en Angleterre. Ce congrès réunit près de 3.000 médecins, tant alle- mands qu'étrangers ; de leurs travaux sortit la conclusion que le meilleur moyen de prophylaxie et de traitement de la tuberculose que nous possé- dions aujourd'hui, est l'hospitalisation des tubercu- leux dans des sanatoria, où ces malades suivraient le traitement hygiénique par le repos, l’aéralion continue et une bonne alimentation. Ce traitement, appliqué d’une facon systématique, depuis trente ans, par Brehmer et plus tard par Dettweyler, a donné, entre les mains de ces deux praticiens, des résultats tout à fait remarquables. Dans le sanatorium de Gürbersdorf et plus tard dans celui de Falkenstein, établis tous les deux pour des tuberculeux aisés, Brehmer el Dettweyler obte- naient 30 à 35 °/, de guérisons et 40 à 45°/, d’amé- liorations, celles-ci assez accentuées pour per- mettre aux malades de reprendreleurs occupations. Guérisons et améliorations étaient d'autant plus fréquentes, d'autant plus durables que les malades se trouvaient plus près du début de leur tubercu- lose pulmonaire. Le temps nécessaire pour obtenir cette guérison ou celte amélioration n'était pas très long : pour les tuberculeux au début ou peu avancés, les seuls qui pouvaient bénéficier du trai- tementhygiéno-diététique, il fallaitcompter quatre, cinq, six, quelquefois huit mois, suivant l’ancien- neté relative de leur tuberculose. Lorsque ces faits furent définitivement établis, ons’est demandé, dans le monde médical allemand, s'il n'était pas possible de créer des sanatoria populaires pour des ouvriers tuberculeux et d'une façon générale pour des tuberculeux pauvres. M. le professeur von Leyden, auquel se joignirent plus tard les professeurs von Ziemsen, Gerhardt, von Leube, B. Fraenkel, se fit l’apôtre de cette idée, qu'il développa dans plusieurs congrès allemands, ainsi qu'aux congrès internationaux de Budapest et de Moscou. La création des sanatoria populaires avait encore DE SANATORIA un autre avantage. En effet, le sanatorium ne constitue pas seulement un moyen thérapeutique : c’est aussi et surtout une école de prophylaxie. Un ouvrier Ltuberculeux, parqué avec sa famille dans un étroit logement, ou avec ses compagnons dans un atelier malsain, est une source d'infection con- stante pour sa famille et pour ses camarades. Il ne connaît pas les dangers qui résultent pour son entourage de ce qu'il crache par terre ou dans son mouchoir, et, s’il les connait, il n’est pas assez dis- cipliné pour se servir d’un crachoir de poche, ou bien il ne sait pas s’en servir. Le sanatorium qui captera pour ainsi dire cette source d'infection, le lui apprendra pendant les quatre mois qu’il y pas- sera; l’ouvrier y apprendra encore à respirer par le nez, à faire tous les jours des ablutions de tout son corps; on lui enseignera, comme nous allons le voir plus loin, les éléments indispensables de l'hygiène anti-tuberculeuse, l'utilité de la fenêtre ouverte jour et nuit, la possibilité et les avan- tages de remplacer la bière et l’eau-de-vie par le lait, etc. En sorlant guéri du sanatorium, notre ouvrier devient ainsi un vérilable commis voyageur en pro- phylaxie tuberculeuse, tant par son exemple que par ses conversations sur ce qu'il à appris pendant son séjour au sanatorium. École de prophylaxie, moyen de traitement ren- dant à la société 70 °/, de !uberculeux voués, sans cela, à une mort certaine, tels sont les avantages qu'offrent, d'après M. von Leyden, les sanatoria populaires. Avec une ténacité et une énergie qui ne se sont pas démenties un seul instant, au moyen de réunions, de conférences, d'une propagande dans et par la grande presse, lui et ses collaborateurs, parmi lesquels il convient de citer le D° Pannwitz, arrivèrent à intéresser à cette idée toutes les classes de la société allemande et à créer un irrésistible courant en faveur des sanatoria populaires pour tuberculeux. Rien saurait mieux caractéri- ser l'intensité de ce mouvement que ce fait, qu'à l'heure actuelle l'Allemagne possède une trentaine de sanatoria populaires pouvant soigner près de 10.000 tuberculeux par an. Pour apprécier la grandeur de ce résultat, il me suffira de dire que, chez nous aussi, il est question, depuis quatre ans, ne 74 D: ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE d'ouvrir un sanatorium avec 100 lits, à Angicourt, et qu'il n'y & encore rien de fait. La société allemande donna, dans cette occasion, un exemple qui certes ne saurait trop être imité. Le Gouvernement, qui s'était rendu compte de l'importance sociale et économique de l'œuvre des sanatoria, lui prêta son concours. Mais il est juste de dire que, si le mouvement en faveur des sana- toria populaires a pu si rapidement aboutir à des résultats pratiques, c'est que, dans sa marche en avant, il pouvait s'appuyer à chaque pas sur deux institutions sociales tout organisées : les Caisses d'assurance contre l’invalidité et la vieil- lesse et les Caisses d'assurance contre la maladie. C'est l'action combinée de la Société, du Gouver- nement et des Caisses ouvrières, qui à assuré la viabilité de l'œuvre; mais, en dernière analyse, ce sont les caisses qui peuvent revendiquer la part principale du succès tous les jours grandissant. Avant d'aller plus loin, nous sommes donc obligé de nous arrêter un instant sur l'organisation et le fonctionnement decesassurances, encore peu con- nues en France. [. — FonNCTIONNE- MENT DES RANCES. ASSU- cultative) est organisée au moyen de caisses régio- nales. La loi stipule notamment qu'il doit y avoir un « Établissement d'assurances » pour chaque État confédéré et, dans les grands États, pour chaque circonscription administrative. Il y en a ac- tuellement 31 pour tout l’Empire : 43 pour la Prusse (Berlin et douze provinces), 8 pour la Bavière, 10 pour la Saxe royale, le Wurtemberg, la Hesse, les deux Mecklembourg, l’'Oldenbourg, le Bruns- wick, l’Alsace-Lorraine, les villes hanséatiques et les États de Thuringe‘. Chaque « Établissement » est dirigé par un di- recteur assisté de délégués patrons et ouvriers. Le directeur est nommé par le Gouvernement si l’as- surance embrasse tout le territoire d'un État, ou par la représentation provinciale (Conseil général), si l'assurance ne s'étend que sur une seule province. Les délégués sont élus pour cinq ans par les direc- teurs ou administrateurs des Caisses d'assurances. contre la maladie. Tous ces Établissements sont surveillés par l'Office impérial d’assurancess qui est encore chargé de répartir le sions et de faire la statistique re- lative à l’exécu- tion des lois. L'assurance elle-même ne En Allemagne, Fig. 1. — Timbres d'assurance contre l'invalidilé el la vieillesse, tels qu'ils comporte aucune NAN sont collés sur la carte d'un employé. — Is portent le nom de la ville où 4 les assurances se trouve la caisse, l'indication de la classe et de la somme versée. formalité propre- ouvrières sont,en dehors des cas d’accidents, de deux sortes : 1° con- tre l’invalidité et la vieillesse; 2 contre la maladie. $ 4. — Assurance contre l’invalidité et la vieillesse. D'après la loi du 22 février 1889, sont soumises à l'obligation de l'assurance contre l'invalidité et la vieillesse. toutes les personnes âgées de plus de seize ans occupées contre salaire ou traitement qui ne dépasse pas la somme annuelle de 2.500 francs. Ces personnes, que la loi énumère, sont : les ou- vriers, les aides-compagnons, les apprentis, les domestiques, les employés de commerce ainsi que les apprentis ou commis, les personnes faisant partie, contre salaire ou traitement, de l'équipage de bâtiments de mer ou d'embarcations fluviales. A côté de celte assurance, obligatoire pour les personnes qui viennent d'être énumérées, il en existe une autre, facullative, applicable aux petits pa- trons travaillant à domicile, ainsi qu'aux petits en- trepreneurs qui n'occupent pas régulièrement un ouvrier salarié au moins. L'assurance obligatoire (ainsi que l'assurance fa- ment dite et s'ef- fectue, on ne peut plus simplement, au moyen d'une carte divisée en cinquante-deux cases, correspon- dant au nombre de semaines de l’année, et d'une série de timbres, sorte de timbres de quittance (fig. 1), dont la valeur varie avec le salaire de l’ou- vrier. La carte est délivrée gratuitement la première fois, et plus tard contre l’échange de l’ancienne. Les timbres d'assurance sont achetés par le pa- tron, aux bureaux de poste. Quand un ouvrier entre dans une fabrique, il remet sa carte au patron. À la fin de la semaine, le patron, qui garde les cartes de tous ses ouvriers, y colle les timbres d'assurance. Au moment de la paie, il retient, sur le salaire de son ouvrier, la moitié de la somme dépensée en timbres d'assu- rance: de celte façon, l'assurance est payée tous les huit jours, moitié par le patron, moitié par l'ouvrier. Quand toutes les cases sont recouvertes ? par des: i Les mineurs et les ouvriers et employés des chemins de fer sont assurés dans des établissements particuliers dits: caisses spéciales. 2 La maladie, dûment constatée, et le service militaire, pour le temps de leur durée, comptent comme versements. montant des pen Rd Sue re à 2 à D' ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 575 timbres (d'après la loï, les cotisations payées pen- dant quarante-sept semaines valent pour une année complète d'assurance), la carte est remise par l'ouvrier à l'autorité désignée, qui annule les timbres, fait la récapitulation, donne une quittance à l'assuré et lui délivre une nouvelle carte. La carte remplie est adressée ensuite au Service central de l'Établissement d'assurance. Il existe quatre timbres d'assurances correspon- dant chacun à une « classe de salaire » : Are classe : Ouvriers gagnant moins de 437 fr. 50 par an. gén Ver _ de 437 fr. 50 à 687 fr. 50 par an. DR — _ — de 687 fr. 50 à 1062 fr. 55 — AO — _ — plus de 1062 fr. 50 par an. Les timbres qui correspondent à chaque classe sont : De 14 pfennigs (17 cent. 1/2) pour la 1e classe, — 20 — (25 centimes) — 2e — — 2% — (30 centimes) —- 3° — — 30 — (37 cent. 1/2) — 4e — Quand l’ouvrier est augmenté, il passe d’une classe dans une autre. Le patron colle alors sur le carton de son ouvrier les timbres correspondant à la nouvelle classe de salaire. Quand un assuré devient invalide, quand il a . perdu sa capacité de travail autrement que per un accident, il a droit à une rente dite d'invali- dité *. La rente annuelle à servir est calculée de la facon suivante* : l'État donne 62 fr. 50; l’établis- sement d'assurance 75 francs. À cette somme de 62 fr. 50 + 75 francs — 137 fr. 50, on ajoute : 4 Selon la loi, il y a invalidité de travail, si l'état de santé intellectuel ou matériel de l'assuré ne lui permet plus de gagner une rétribution égale au sixième du salaire moyen qu'il a reçu dans les cinq dernières années, plus un sixième du salaire moyen annuel d'un journalier dans la localité où il a travaillé en dernier. Prenons, comme exemple, qu'il a gagné en moyenne, annuellement 1.500 francs ; le sixième estdonc de 250 francs ; le salaire moyen du journalier est, sup- posons, évalué à 750 francs; le sixième est de 125 francs. Notre ouvrier sera donc considéré comme invalide s’il ne gagne pas plus de 250 + 125 — 375 francs. Une autre condition nécessaire pour avoir droit à une rente d'invalidité, c'est d’avoir fait un « stage » (Warlezeit ou Carenzeil) de cinq ans, c’est-à-dire avoir été assuré pendant cinq ans, c'est-à-dire posséder cinq cartes-quit- tances d'assurance avec 5 X 41 — 9235 timbres. * J'apprends par le journal Worwarts qu'à la date du 45 juin 1899, la loi relative à l'assurance contre l'invalidité et la vieillesse vient d'être modifiée dans le sens suivant. Pour ce qui est de la rente d'invalidité, la durée du stage (Carenzeil) est abaissée de 235 semaines à 200 semaines ;en second lieu, une incapacité de travail pendant 26 semaines (au lieu de 52 semaines) suffit pour avoir droit à la rente. Enfin, la subvention fixe de l'établissement d’assurance, qui était de 75 francs pour toutes les classes de salaires, sera dorénavant de 15 francs pour la 1" classe, de 87 fr. 50 pour la 2e classe; de 100 francs pour la 3° classe; de 112 fr. 50 pour la 4° classe. La rente de vieillesse est ainsi légèrement augmentée pour chaque classe. Cette loi entrera en vigueur au 4er jan- vier 1900. 2 pfennigs (2 cent. 1/2), par chaque timbre collé de 1re classe de salaire. 6 pfennigs (7 cent. 1/2), par chaque timbre collé de 2° classe de saluire. 9 pfennigs (11 cent. 1/2), par chaque timbre collé de 3° classe de salaire. 13 pfennigs (16 cent. 1/2) pour chaque timbre collé de 4° classe de salaire. De celte façon, plus l'assuré aura fait de verse- ments hebdomadaires, plus élevée sera sa rente. Un ouvrier, par exemple, a « collé » 100 timbres de 4'° classe, 150 timbres de 2° classe, 50 timbres de 3° classe et 300 timbres de 4° classe; il a été malade pendant 40 semaines et a passé au service mililaire 10 semaines. Le temps de maladie et de service militaire étant compté au taux de 2° classe de salaire, cet ouvrier aura droit à une rente éva- luée de la façon suivante : Subvention fixe de l'Etat D N-, G2 ET 100 Subvention fixe de l'Etablissement d’'as- SUTONCE NN Me ele nu bente Tohfrn» 100 timbres (semaines) de 1"e classe à 2 pfennigs (ou 2 cent. 1/2). . . . . 2 fr. 50 150 timbres (semaines) de 2e classe à 6 pfennigs (ou 1 cent. 1/2). . . - . 11 fr. 25 50 timbres (semaines) de 3e classe à 9 pfennigs (ou 14 cent. 1/2) . . - - 5 fr. 625 300 timbres (semaines) de 4° classe à 13 pfennigs (ou 16 cent. 1/2). . . . 48 fr. 75 40 timbres (semaines) de maladie à 6 pfennigs (ou 1 cent. 1/2). . . . . 3 fr. » 10 timbres (semaines) de service mili- taire à 6 pfennigs (ou 7 cent. 1/2). Ofr. 75 NERO TES on 209 fr. 375 Il aura, par conséquent, droit à une rente de 209/fr. 37 c. 1/2: La rente de vieillesse, qui est due à l’ouvrier ayant atteint 70 ans, est établie suivant un calcul analogue. Sans entrer dans les détails de cette question, disons seulement que cette rente ne peut jamais dépasser la somme de 238 fr. 95 par an”. Les fonds disponibles des établissements d'assu- rance doivent être placés à intérêt dans les caisses d'épargne, en titres émis ou légalement garantis par l'Empire allemand. Les deux statistiques que je tiens à citer donne- ront une idée suffisante des sommes dont dispo- sent les caisses d'assurance contre l’invalidité et la vieillesse : 1 Quiconque fait valoir ses droits à une rente d'invalidité ou de vieillesse doit s'adresser à l'autorité administrative inférieure (sous-préfet, autorité municipale), et présente à l'appui de sa demande les cartes de quittances, des certi- ficats de maladie, etc. L'autorité administrative fait une enquête, forme un dossier et l'envoie avec les pièces au directeur de l'établissement d'assurance auquel les derniers versements ont été faits. Le directeur examine la demande et accorde ou n'accorde pas la rente. Dans le premier cas, le bureau de poste le plus voisin est chargé de payer la rente mensuellement et d'avance. En cas de refus, l'assuré peut en appeler à un tribunal arbitral (composé d'un fonction- naire, qui est président de droit, d'un patron et d'un ouvrier assuré) et, en dernière instance, à l'Office impérial d’assu- rances. 576 D' ROMME — LES ASSURANCES OUVRIER RECETTES DÉPENSES En 1892. 119.672.210 fr. 33.618.128 fr. — 1896. 143.170,942 — 46.271.166 — AVOIR TOTAL DES CAISSES AU 31 DÉCEMBRE En 1891. . 96.002.798 fr. — 1892. . 189.204.352 — — 1893. . 263.234.380 — — 1894. . 319.463.087 — — 1895. . 485.986.121 — — 1896. . 5175.198.568 — $ 2. — Assurance contre la maladie. Les Caisses d'assurance contre la maladie sont réglées actuellement par les lois du 15 juin 1883 et 10 avril. Les personnes soumises à cette assu- rance sont à peu de choses près les mêmes qui sont soumises à l'assurance contre l’invalidité et la vieillesse. Les différentes caisses reconnues par la législa- tion sont : 1° les caisses d'assurance communales ; 2° les caisses locales; 3° les caisses de fabrique; 4° les caisses d'entreprises de construclion; 5° les caisses de métiers; 6° les caisses libres indus- trielles; 7° les caisses libres d'Etats particuliers ; 8° les caisses minières. Nous n'étudierons ici que les quatre premières caisses et plus particulièrement les caisses locales, les autres caisses jouant un rôle secondaire. Toute commune, si elle n’est pas trop petite ou trop pauvre, doit se constituer en assurance, en caisse d'assurance communale, ce qui consiste à établir une comptabilité spéciale pour les recettes et les dépenses de ce service. La cotisation des assujeltis est basée sur le salaire moyen, qui est fixé par l'autorité. Le montant normal des cotisa- tions hebdomadaires ne doit pas dépasser 1 {/, °/, à 2 °/, du salaire quotidien moyen du journalier. Les secours alloués consistent en soins médicaux, en médicaments, y compris les lunettes, les ban- dages et objets analogues. Si la maladie comporte l'incapacité du travail, le malade à droit — à partir du troisième jour — el pour chaque jour ouvrable, à la moitié du salaire moyen local d’un journalier ordinaire. Les caisses communales ne doivent des secours que pendant treize se- maines. Le législateur semble considérer la caisse d'assu- rance communale comme un pis aller, s’appliquant plus particulièrement aux communes peu peuplées. Suivant la loi, les communes plus grandes doivent chercher à se débarrasser de l'obligation directe d'assurer en cas de maladie, en formant dans leur sein des caisses locales. S'il se trouve dans une commune une centaine d'individus d'une même profession, l'autorité doit les réunir en société, en caisse locale, caisse de tailleurs, de charpentiers, de serruriers, etc., etc. D'une facon générale, la NI ES ET LA LUTTE CONTRE LA TURERCULOSE cotisation des caisses locales est fixée également à 2°/, du salaire moyen quolidien. Ce sont ces caisses locales entretenues par des in- dividus de lamême profession, qui semblent former l'institution normale pour le législateur. Comme dit M. Block, « il les traite avec une sorte de tendresse » en leur conférant une série de droits : 1° Le secours, en cas de maladie, peut être pro- longé au delà des treize semaines el jusqu'au maximum d'une année. 2° L'indemnitlé peut être payée à partir du pre- mier jour de maladie (au lieu du troisième) et comprendre les dimanches et fêtes (au lieu des jours ouvrables seulement). 3° L'indemnité, en cas de maladie, peut être portée aux {rois quarts du salaire. 4 Les malades, traités dans les hôpitaux, qui n'ont pas de membres de leur famille à leur charge, peuvent recevoir, en outre, une indemnité égale au huitième de leur salaire (argent de poche). 5° L’indemnité à la famille, en cas de décès de l'assuré, peut dépasser vingt fois le montant du salaire. Il peut y avoir aussi une indemnité d’en- terrement lors de la mort de la femme ou de l’en- fant de l'assuré. Pour nous rendre compte du fonctionnement d ces caisses, je vais prendre comme exemple celui de la caisse locale (de Berlin) des commis et des employés de commerce et de pharmacie, dont j'ai les statuts sous les yeux. Les affiliés à cette caisse paient un droit d'entrée fixé à 1 fr. 25. Les cotisations hebdomadaires varient suivant les cinq classes de salaire et sont de : 63 pfennigs (ou 178 cent. 1/2) pour un salaire quotidien de 4 fr. 12 et au-dessus (1re classe). 54 pfennigs (ou 67 cent. 1/2) pour un salaire quotidien de 3 fr. 31 à 4 fr. 12 (2e classe). 42 pfennigs (ou 52 cent. 1/2) pour un salaire quotidien de 2 fr. 25 à 3 fr. 31 (3° classe). 27 pfennigs (ou 33 cent. 3/4) pour un salaire quotidien au- dessous de 2 fr. 25 (4° classe). 24 pfennigs (ou 30 cent.) pour les membres âgés de moins de 16 ans. Comme dans toutes les caisses locales, on doit aux membres les soins médicaux, les médicaments et une indemnité de maladie qui, suivant la classe de salaire, est de : 2 fr. 25 par jour pour la re classe. 1 fr. 87 — — 2e — 1 fr. 50 — — 3e — 0 fr. 93 — — ke — 0 fr. 81 — — (ie — L'indemnité de décès est de : 112 fr. 50 pour la 1re classe. 93 fr. 15 — 2e — Hot: — 3e — 46 fr. 85 . — 4e — 40 fr. 60 — 5° — U D' ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 577 Cette caisse est dirigée par un comité composé de six patrons et six assurés élus pour trois ans. Les fonctions sont gratuites, mais ils touchent des jetons de présence de un mark pour chaque réu- nion. Le comité directeur nomme un trésorier dont les appointements ne dépassent pas 2.800 francs par an, trois employés aux appointements de 1.800 à 2.000 francs, et un garcon de recettes aux appoin- tements de 1.500 francs. Toutes les semaines, et au plus tard toutes les quatre semaines, le garçon de recettes passe chez les patrons qui emploient les membres de la caisse, pour toucher le montant des cotisations et timbrer les livrets gardés par le patron, qui retient, les jours de paye, sur le salaire de ses employés, le tiers de la somme versée ; autrement dit, la cotisa- tion est pour les deux tiers à la charge de l'assuré et pour un tiers à la charge du patron. Les fonds de réserve de la caisse sont placés dans la caisse d'épargne de la ville. Quand un assuré tombe malade, il prévient la caisse, qui lui envoie un bulletin devant être remis au médecin atlaché à la caisse. L'indemnilé de maladie est payée à la fin de chaque semaine. La troisième catégorie des caisses d'assurances contre la maladie est celle de caisses de fabrique. Tout fabricant qui occupe au moins cinquante ouvriers peut fonder une caisse d'assurance contre la maladie, et ses ouvriers doivent en faire partie. L'autorité supérieure peut même l'y obliger sur la demande de la commune ou sur celle de la caisse d'assurance qui desservait jusqu'alors les ouvriers de cette fabrique. Les caisses d'entreprises de cons- truclion sont des institulions temporaires. En commençant la construction d’un chemin de fer, d'un canal, d’une digue, l'entrepreneur doit, si son personnel est nombreux, fonder une caisse qui durera autant que le travail. Tant que cette caisse n’est pas fondée, les ouvriers font partie d’une caisse locale ou communale, et l'entrepreneur \ verse les cotisations de son personnel et la sienne. Les caisses de fabriques, d'entreprises de cons- truction sont soumises aux mêmes règles que les caisses locales. L'importance respective de chacune de ces caisses ressort de la statistique suivante : NOMBRE DES ADHÉRENTS en 1888 en 1892 Caisses communales. 110.959 41.179.845 AN AOCAlES PAR ENE 2.220 131402998718 OP MADTIQUES RE 0232 6611 42743.828 — d'entreprises deconstruction. 28.627 29.743 Et de MéÉrs ANNEE : 55.428 16.411 — libres enregistrées . . . 645.111 196.340 ibres d'Etat RCE 142.895 151.49% Le nombre des assurés augmente tous les ans, comme on le voit dans la slalistique suivante : NOMBRE TOTAL DES ASSURÉS en 1588 5.298.418 en 1892 en 1896 en 1897 1.944.820 8.331.319 6.954.449 Les recettes et les dépenses, en francs, suivent également une marche ascendante : DÉPENSES TOTALES OT — en 1897 en 1588 en 1892 en 1596 85.517.181 117.719.318 122.250.000 133.940.000 RECETTES TOTALES DÉPENSES TOTALES 1888. 11%.893.053 106.895.476 1892. 155.001 .2 147.149.147 1896. 194.767.5 152.812.500 1897. 209.762.500 167.425.000 Connaissant l’organisalion des caisses d'assu- rance, nous pouvons aborder maintenant l'étude proprement dite des sanatoria. II. — CRÉATION DES SANATORIA. C’est en 1892 que fut ouvert en Allemagne le premier sanalorium populaire pour tuberculeux. Cette initiative a été prise par une société de bienfaisance de Francfort-sur-le-Mein (Frankfurter Verein für Rekonvalescentenanstalten), qui avait pour but l'entretien des maisons de convalescence pour ouvriers et pour nécessileux. Frappée de ce fait que la plupart de ses pensionnaires étaient des tuberculeux, elle eut l’idée de construire un sana- torium populaire pour les malades appartenant à cetle catégorie. Celte tentative réussit pleinement. Pourtant, elle ne fit pas beaucoup de bruit. Le véritable mouve- ment en faveur des sanatoria populaires ne date, en réalité, que de 1895, à la suite de l'intervention de la Croix-Rouge allemande; voici dans quelles circonstances : En juin 1895, lors des fêtes données à l’occasion de l’ouverture du canal de Kiel, on a eu à s'occuper de l'établissement d'un poste de secours pour les accidents qui pouvaient se produire. Comme on prévoyail une affluence considérable, on se décida pour la création d’un hôpital provisoire, d'autant plus qu'on craignait de voir à cette occasion reparaître le choléra, qui, en 1894, avait visité celte région. M. von dem Knesebeck, président de la Croix- Rouge, eut l’idée d'utiliser les baraques de la Croix- Rouge, lesquelles baraques ne doivent, en principe, servir qu'en cas de guerre. Un hôpital composé d'une vingtaine de baraques de la Croix-Rouge fut établi au milieu d’un bois, à 400 mètres d'Holtenau, et mis sous la direction de M. Pannwilz, médecin militaire, assisté d’un autre médecin militaire, M. Muller. Lorsque les fêtes furent finies et que l'hôpital 518 provisoire dut disparaître, M. Pannwitz proposa au Comité directeur de la Croix-Rouge d'utiliser ces baraques pour établir au voisinage de Berlin, à titre d'essai, un sanatorium populaire pour tuber- culeux, devant fonctionner du 1° mai au 4°" no- vembre 4896 et pouvant soigner pendant ce temps 200 tuberculeux. Les frais (démontage, transport et montage des baraques, literie, linges, frais de médecin, de per- sonnel, entretien des malades, etc., etc.), devaient se monter en tout, pour ces six mois, à 185.000 fr. environ. En mettant le prix du séjour du malade à 3 fr. 15 (2 marks 1/2) par jour (payé par les caisses contre la maladie ou par les malades), on pouvait compter, pour couvrir les frais, sur la somme de 110.000 franes. Restait un déficit de 75.000 francs. Ce projet fut pourtant agréé après avis du Comité directeur, dont font partie M. von Coler, chef du service de santé militaire, M. Kœhler, directeur de l'Office impérial de santé, M. le professeur Gerhardt, directeur de la deuxième clinique de l'hôpital de la Charité, M. Bædicker, président de l'Office impé- rial d'assurances, M. Gaebel, directeur de l’Office impérial d'assurances, etc., ete. L'œuvre des sana- toria populaires de la Croix-Rouge (Volkheil- slätten-Verein vom Rothen Xreuz), ainsi fondée, fut placée sous la protection de l'Impératrice et la pré- sidence d'honneur de la princesse Hohenlohe-Schil- lingfurst. Pour avoir les fonds nécessaires, un appel fut lancée aux 2.000 sociétés affiliées à la Croix-Rouge. Cet appel fut entendu et l'argent afflua. Le projet de M. Pannwitz a pu être réalisé, et un sanatorium composé de baraques de la Croix-Rouge fut installé à Grabowsee, près d'Oranienburg, à 30 kilomètres de Berlin. Une année plus tard, avec l'argent resté en caisse et de nouvelles cotisations, on à pu cons- truire, à Grabowsee, à côté des baraques utilisables seulement pendant l'été, un bâtiment central. Au- jourd'hui, le sanalorium populaire de Grabowsee peut loger 80 pensionraires pendant l'hiver et 160 pendant l'été, quand on utilise les baraques. L'impulsion ainsi donnée, ne s'arrêta L'exemple donné par la section berlinoise de la Croix-Rouge fut imité par d’autres sections, no- tamment par les sections de Cassel et de Weimar, qui, avec le concours des autorités et des déléga- tions provinciales, fondèrent chacune, avec des co- tisations et des dons, un sanatorium sur le modèle de celui de Grabowsee. Dans une réunion plénière tenue en 1896, à Wurzbourg, l'Association des Dames allemandes décida de se consacrer à l'œu- vre des sanatoria, soit en plus. fournissant les fonds nécessaires, soit en participant aux frais de traite- ment des malades, à l'entretien de leurs familles, ele. D: ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE Dans le courant de la même année, en 1895, le professeur von Leyden, dont nous avons déjà si- gnalé linitiative, parvint à fonder à Berlin une autre Société pour l'établissement des sanatoria populaires (Berlin- Brandenburger Heilstättenve- rein). Grâce à la propagande active de M. von Leyden, se conslitua un Comité, dans lequel entrè- rent les sommités du monde politique, scientifique, commercial et industriel. La presse prêta à cette œuvre un concoursillimité; des conférences furent organisées un peu partout, si bien qu'en peu de temps on réunit les sommes nécessaires (près de 150.000 francs) pour la construction d'un sanato- rium de 92 lits, à Belzig, petit pays aux environs de Berlin. Lorsque le mouvement en faveur des sanatoria populaires se généralisa, quand, dans un véritable élan humanitaire, les communes, les districts, les villes, les associations corporalives, les sociétés de bienfaisance et de secours mutuels, les personnes privées se firent un point d'honneur d'apporter chacun son obole à cette œuvre grandiose, il a fallu, de toute nécessité, régulariser et canaliser ce mouvement. C’est alors que, dans une réunion tenue par le Comité de la Croix-Rouge et par le Comité de Berlin-Brandenburg, on décida la création d'un « Comité central pour la création des sanatoria populaires pour tuberculeux » (Deutsches Central-Comite zur Errichtung von Heil- stätten für Lungenkranke). Afin de ne pas entraver ni ralentir l'activité d’autres sociélés poursui- vant le même but, il fut décidé que seules les per- sonnes appartenant à d'autres sociétés pouvaient faire partie du Comité central. Ge Comité, présidé par le comte Posadowski-Wehner, sous-secrétaire d'État à l'Intérieur, nomma pour secrétaire le doc- leur Pannwitz, qui devint l'apôtre de l'œuvre des sanatoria populaires. Les attributions assignées au Comité central furent multiples. Avant tout, il y avait la question d'argent. Sa situation financière fut assurée par les cotisations des membres, les dons des parti- culiers, l'émission de loteries autorisées par le Gouvernement, le droit qui lui futaccordéde placer dans tous les endroits publics des troncs pour les sanatoria. Tous ces moyens furent largement exploités, et, pour caractériser la prospérité de ce Comité, il me suffira de dire qu'en deux ans il envoya aux divers sanatoria des subsides pour la somme de 275.000 francs, et qu'à la fin de l’année 1898, il avait en caisse la somme de 225.000 francs. Mais à cela ne se limita pas l'activité du Comité central. Il entra en relationsavec toutes les sociétés et associations qui, ces temps derniers, se sont formées pour favoriser l'œuvre des sanatoria. Il leur établit les devis nécessaires, les aide dans D: ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 519 le choix de la localité, leur indique les derniers perfectionnements apportés dans la construction et l'ameublement des sanatoria, étudie leurs pro- jets, les met en rapport avec des ingénieurs, des architectesetdes médecins compétents.Ilenvoie des commissaires pour étudier sur place les conditions locales; s'il y a quelques difficultés avec les auto- rités, il les aplanit grâce à ses relations officielles. Il organise les réunions, les conférences, les quêtes, les fêtes, etc. Enfin, depuis le 1° octobre 14897, il publie, sous la direction de son infatigable secré- taire, le docteur Pannwilz, une Revue de sana- toria (Aeilstülten-Correspondenz), consacrée aux questions multiples qui se rattachent à la création, l'installation et le fonctionnement des sanatoria. Le Comité de la Croix-Rouge allemande, le Comité de Berlin-Brandebourg, et enfin le Comité central dont le docteur Pannwitz est la cheville ouvrière, peuvent revendiquer à juste titre la part principale dans la création d’un courant d'opinion irrésistible en faveur des sanatoria populaires. C'est grâce à leur activité, grâce à leur propagande incessante, que l'Allemagne compte à l'heure ac- tuelle 33 associations diverses ayant pour but la création et l'entretien des sanatoria populaires pour tuberculeux. Je citerai notamment les asso- ciations de Stettin, d'Hanovre, de Schwelm, de Minden, de Wiesbaden, de Munich, l'Institut pa- triolique des dames de Saxe, l'Association pour la lutte contre la tuberculose du duché d’Anhalt, l'Association patriotique des dames de Cassel, l'Association des villes rhénanes, etc., etc. Elles tirent leurs ressources des cotisations, des quêtes, des fêtes de bienfaisance, des loteries, des dons, et, à cette occasion, il aurait élé injuste de ne pas citer les noms du baron von Heyl,qui dernièrement fit don de 3.750.000 francs au Comité central ; ceux de Gustave Selve et Carl Berg, qui donnèrent le premier 125.000 francs et le second 50.000 francs pour la création du sanatorium d'Altena; de la famille Bleichrüder qui, d'abord, mit à la disposition du Comité Berlin-Brandebourg, un million et demi de francs, et s'engagea plus tard à verser tous les ans la somme de 100.000 francs. Une dame qui a gardé l’anonyme à envoyé la somme de 325.000 fr. à l'Association de la ville de Cassel. Ces chiffres, ces noms que je choisis au hasard, ont pour nous une seule signification : ils montrent d’une façon suffisamment caractéristique l'intensité du mou- vement en faveur des sanatoria populaires. Mais, comme nous l'avons dit au début de notre article, ce qui assura le succès définitif de ce mou- vement, ce fut la participation logique, inévitable des deux organisations sociales dont nous avons décrit plus haut le fonctionnement : les Caisses d'assurance contre l'invalidité et la vieillesse et les Caisses d'assurance contre la maladie. Ce sont des considérations d'ordre purement financier et éco- nomique — et l’on sait que ces considérations sont d'une sincérité et d’une éloquence hors conteste — qui ont décidé ces organisalions à prendre la tête du mouvement. Pour les Caisses d'assurance contre l'invalidité, la question a été nettement posée au Congrès de Stuttgart, en 1895, par le D' Gebhardt, le directeur de l'Établissement hanséatique d'assurance contre l'invalidité et la vieillesse. 11 a tout d’abord montré que la majeure partie de rentes d'invalidité était payée à des tuberculeux (22 °/, par l'Établisse- ment de Hesse, 22,2 0/, par l'Établissement de Bade, 19,1 °/, par l'Établissement de Saxe, ete.), et que, ce qui est encore plus grave, le nombre d'ouvriers tuberceuleux auxquels on servait des rentes aug- mentait tous les ans. Ainsi la proportion de rentes (en °/,) payées à des ouvriers tuberculeux par les établissements d'assu- rance contre l'invalidité était : En 1892. En 1895. Pour Berlin! de. . . 9,47 °/0 12,45 0/0 — Westphalie. . 10,98 18,14 —RAUTINeENt UMA 2137 20,6 — Mecklembourg . . . 2,28 6,02 Toujours d’après M. Gebhardt, sur 60.000 rentes d'invalidité, 8.500 sont servies à des tuberculeux, et, comme leur nombre augmente, on peut prévoir le moment où toutes les ressources des caisses d'invalidité seront absorbées par des tuberculeux. C'est pour parer à ce danger que M. Gebhardt proposa aux Caisses d'invalidité de se charger en partie de l'entretien des tuberculeux hospitalisés dans des sanatoria. Les caisses d'invalidité de- vaient réaliser, de cette façon, un bénéfice notable*. La question revint deux ans plus tard, en 1897, 1 Pour la ville de Berlin, l'enquête faite par la Commission centrale des Caisses d'assurance contre la maladie a donné un chiffre plus élevé. Le pourcentage des rentes payées à des tubereuleux invalides serait de 9,47 /, en 1892, de 11 °} en 1893, de 18,14 0/, en 1894, de 18,14 en 1895, de 24,8 0/, en 1896. IL faut encore compter avec ce fait que certains de ces « rentiers » sont considérés comme atteints de catarrhe bronchique ou pulmonaire, si bien que pour|l’année 1897, la proportion de ces tuberculeux serait de 27,5 °/, pour les hommes et de 17,8 °/, pour les femmes. ? Voici le calcul de M. Gebhardt: Un ouvrier tuberculeux qui ne peut plus travailler reste ordinairement à la charge de la Caisse d'invalidité (avant de mourir) pendant deux à trois ans. Sa rente annuelle étant en moyenne de 235 francs, il coûte à la Caisse 470 à 100 francs. Mais si, dès le début de sa tuberculose, l'ouvrier était placé dans un sanatorium d'où il sortirait au bout de trois mois pour reprendre son travail, la Caisse d'invalidité payant, par exemple, seulement la moitié des frais de trai- tement (qui est de à francs par jour), aurait à dépenser 225 francs (90 jours à 2 fr. 50 par jour). Dans ces conditions, 1.000 ouvriers tubereuleux lui coûteraient 225.000 francs, tandis qu'aujourd'hui ils lui reviennent à 475.000 francs en rente payable pendant deux ans. 580 au congrès de Francfort. Dans l'intervalle, le para- graphe 12 de la loi sur les assurances contre l’inva- lidité ayant élé modifié par la circulaire du 22 mai 1896!, on avait construit des sanatoria, on savait comment ils fonctionnaient et, d’une façon plus précise, les résultats qu'ils donnaient. Aussi M.Lie- brecht, directeur de l'établissement d’assurance de Hanovre, a-t-il pu soutenir au congrès, chiffres en mains, que les compagnies d'assurances contre linvalidité avaient toui intérêt à prendre à leur charge la construction des sanatoria et les frais de traitement des malades, si l'État voulait avancer les capitaux nécessaires en les prenant, par exem- ple, dans les Caisses d'épargne. Pour diminuer les frais, il proposa même d'établir dans les sana- toria populaires des sections pour tuberculeux aisés; la journée du malade y reviendrait à 1 fr. 50 par jour; mais en majorant ce prix de 3 fr. 75, c'est-à-dire en mettant le prix de la journée à 12 francs (8 marks), on aurait les sommes nécessaires pour les tuberculeux nécessiteux qui, de cette façon, ne coûleraient rien aux caisses d’as- surance. D’après une autre proposition, faite par M. Heyd- weiller, ce seraient les communes qui se charge- raient de la construction et de l'entretien des sanatoria, et cela dans l’intérél social du pays. Prenant pour base d'évaluation un sanatorium de 100 lits, pouvant, par conséquent, hospitaliser 400 tuberculeux dans le courant de l’année, il a montré que la richesse sociale de la région sera augmentée tous les ans de 135.000 francs, en admet- tant que la moitié des malades pourraient, en sor- tant du sanatorium, reprendre leur travail, même pendant trois ans seulement*. À Les raisons d'ordre économique et financier (nombre considérable de tuberculeux, longue durée de la maladie) qui ont décidé les Caisses d'assurance 1 La loi votée le 15 juin 1899 accorde définitivement aux établissements d'assurance contre l’invalidité le droit de construire des sanatoria et d'y soigner les tuberculeux. ? M. Heydweiller établit son calcul de la facon suivante : Un sanatorium de 100 lits peut hospitaliser, dans une an- née, 400 tuberculeux. En admettant que la moitié de ces malades puissent reprendre leur travail et en mettant le sa- laire annuel moyen à 1.125 francs (900 marks), on trouve que la richesse sociale, le capital social du pays ayant un tel sanatorium serait augmenté de 1.125 X 200 — 225.000 fr. En en défalquant les frais de traitement de 400 tuberculeux, on trouve un bénéfice de 135.000 francs par an. Un calcul analogue a été établi par l'Office impérial d'Hy- giène : en admettant que sur les 90.000 malades de 15 à 60 ans qui meurent tous les ans de tuberculose, 12,000 soient désignés pour suivre le traitement dans des sanatoriums, et que sur ceux-ci 9.000 puissent, par suite de ce traitement, reprendre encore pendant trois ans le travail interrompu, il s'ensuit qu'en portant à 625 francs en moyenne le chiffre du salaire annuel, le bénéfice social sera de 3 X 625 X 9.000 ou de 16.875.000 francs; si de ce chiffre on déduit les frais de traitement et les intérêts des capitaux engagés, ce bénéfice restera de 8.375.000 francs. D° ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE contre l'invalidité d'intervenir dans cette question des sanaloria populaires, se retrouvent égale- ment dans la position prise par les Caisses d'assu- rance contre la maladie. L'enquête faite par la Commission centrale des (Caisses d'assurance contre Ja maladie de la ville de Berlin et de ses environs, a notamment montré que 52,6 °/, des sommes allouées aux malades vont aux tubercu- leux, comme on peut le voir d’après les statistiques que je reproduis en note'. Dans ces conditions, surtout en face d’un maladie qui dure longtemps, les tuberculeux coûtent fortcher, absorbent la plus grande partie des revenus des caisses et mettent celles-ci dans l'impossibilité d'améliorer leur situa tion et celle de leurs clients, de constituer un fonds de réserve, de prolonger la durée des secours ou d'augmenter le montant de ceux-ci, comme on l'aurait désiré. Il y a des tuberculeux qui coûtent aux caisses 1.065 francs, 1.260 francs, 1.830 francs, 2.150francsetmême, dans certains cas, 2.500francs. La caisse des bijoutiers, qui ne compte que 1.561 membres, à dépensé en quelques années, pour ses tuberculeux, la somme de 33.750 francs! Pour parer à cette situation, la Commission centrale des Caisses contre la maladie a émis le vœu que les Caisses d'assurance contre l’invalidilé, beaucoup plus riches et disposant de capitaux considérables fussent chargées de la construction des sanatoria et de l'entretien des malades. Les caisses d'assurances contre la maladie prendraient alors à leur charge les secours aux familles des ouvriers tuberculeux hospitalisés. En effet, pour la cure de la tuberculose, le repos psychique n'est pas moins nécessaire que le repos physique et une bonne hygiène, et il est certain qu'un grand nombre de tuberculeux qui savent leur famille dans la misère quittent le sanatorium avant d’être complètement guéris. Ainsi, dans la statistique du sanatorium de Grabowsee, sur 393 malades qui ont quitté cet établissement, 281 sont sortis seulement améliorés, afin de venir en aide à leurs familles restées sans ressources. S Ce vœu fut pris en considération, et dernièrement le Gouvernement allemand nomma une Commission pour modifier, dans un sens favorable, les statuts des caisses d'assurance, tant contre l’invalidité et la vieillesse que contre la maladie. Mais, à l'heure actuelle, les attributions respectives de ces deux 1 35 °/, de tuberculeux dans la Caisse des macons. 41 _ —- charpentiers. 45 — — limonadiers. 47 - _— relieurs. 50 — — bijoutiers. 54 — — tourneurs. 60 — — passementiers. 6% — = relieurs. 65 — ee tapissiers. 85 — — doreurs. Fe : Nu 0 ed Cat D' ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE caisses restent ce qu'elles étaient en 1897. Toute- fois, les statistiques permettent de constater que les caisses d'assurance contre l'invalidité participent de plus en plus à la créalion des sanatoria et à l'entretien des malades. La statistique du sanatorium de Grabowsee nous donne les résultats suivants (tableau |) : Tableau I.— Participation des caisses d'assurance à l'entretien des tuberculeux dans les sanatoria. NOMBRE NOMBRE SOMBRE i NOMBRE TOTAL! Ge malades de malades soignés soignés ANNÉES de aux frais des | aux frais des caisses contre|caisses contre] malades l'invalidité la maladie 1896-97. . . 210 158 52 1897-98. 290 221 i 69 1898-99. 211 240 31 158 HOtalRe en 619 Une autre statistique, établie par l'Office impérial d'Hygiène, nous fournit, à ce sujet, les renseigne- ments suivants : Sur 2.610 tuberculeux soignés de 1896 à la fin de 1898 dans 13 sanatoria, les frais de traite- ment ont été assurés pour 819 par les familles des malades, pour 1.068 par les caisses d’assu- rance contre l’invalidité, pour 128 par les caisses d'assurance contre la maladie, et pour 55 par diverses sociétés philanthropiques ou de secours mutuels. Disons enfin, en restant dans le même ordre d'idées , que l'Etablissement hanséatique des assu- rances contre l’invalidité a dépensé, en 1898, pour le traitement de ses tuberculeux, 298.325 francs, et, sur cette somme, l'apport des caisses contre la maladie et de quelques sociétés de bienfaisance n'a été que de 56.558 francs. Voici, du reste, un tableau qui provient du même établissement d'assurance et montre la part, de 581 plus en plus grande, qu'il prend tous les ans dans l'entretien des tuberculeux. Cet établissement anotamment dépensé, pour ses assurés tuberculeux hospitalisés dans des sanaloria : En 1893. 805 fr. 1894. 28.000 » 4189520 115.021 » 1896. 114.843 » # 1897. 232.051 » 1898. 298.325 » Al'heure actuelle, les caisses d'assurance contre l'invalidité possèdent 8 sanatoria disposant d’un total de près de 600 lits et pouvant, par conséquent, soigner plus de 2.000 tuberculeux par an. Une dizaine d'autres sont à l'état de projet ou près d'être terminés, tel le sanatorium de Beelitz, que fait construire la Caisse d'assurance contre l’inva- lidité de la ville de Berlin : il contiendra 550 lits et est conçu de manière à pouvoir être agrandi pour loger 2.000 tuberculeux. Nous ne voudrions pas terminer cet article sans donner un aperçu de ce que coûtent la construc- tion, l'installation et l'établissement d'un sanato- rium. Généralement, on estime à une somme variant de 3.700 à 7.000 francs par lit, suivant les condi- tions locales, le coût d'installation d'un sanatorium : le prix d'entretien par jour et par malade est de 9 francs afro Dans un second article, nous examinerons les conditions générales d'organisation des sanatoria populaires en Allemagne et les résultats qu'ils ont donnés. D' R. Romme, Préparateur à la Faculté de Médecine de Paris. 1 Voici à ce sujet quelques chiffres précis : L'installation complète (terrain, bâtiments, aménagement, laboratoires, meubles, galeries de repos, etc., etc.) du sana- torium de Kôünigsberg contenant 57 lits a coûté 252.500 francs; celle du sanatorium de Schwarzenbach avec 60 lits, 346.250 francs; celle du sanatorium de Saint-Audreasberg avec 120 lits, 923.500 francs, etc. 582 HENRI JUMELLE — MARSEILLE ET LES PRODUITS COLONIAUX MARSEILLE ET LES PRODUITS COLONIAUX Au moment où la Chambre de Commerce de Marseille vient d'inslituer un Cours de produits coloniaux ‘, il semble intéressant d'énumérer, avec mention de ce que l'étude scientifique peut en faire, les produits de nos colonies qui trouvent aujour- d'hui un important débouché sur le marché de notre grand port méditerranéen. I. — Corps GRAS. Marseille est le plus grand marché de l'Europe pour les graines oléagineuses d’arachide et de sésame. Le sésame vient surtout, parmi les colonies francaises, de l'Inde et de la Guinée; l'arachide vient de l'Inde et du Sénégal. L'’arachide fut, d'ailleurs, introduite au Sénégal, où la culture en est aujourd'hui si importante, par un Marseillais, M. Jaubert. Quant aux autres huiles courantes, telle que l'huile de palme (Ælæis quineensis), l'huile de coton, le beurre de coprah, c'est également Mar- seille qui “en est, en même temps qu'un des prin- cipaux ports de débarquement, un des premiers centres d'utilisation. C'est, en effet, à Marseille qu'on est parvenu, depuis quelques années, à préparer un beurre de coprah qui peut entrer dans la consommation. La proportion d'acides gras qu'il contient s'élevant en effet rapidement, son rancissement n'avait pas jus- qu'alors permis de l'utiliser pour les usages culi- naires, comme on le fait dans les pays d’origine, et il ne pouvait êlre employé que pour la fabrica- tion des savons. Pourtant, depuis longtemps déjà (1870), des es- sais étaient tentés, en France et à l'Étranger, pour débarrasser ce beurre des acides ; mais cen’est qu’en ces dernières années que ces essais ont abouti et qu'on est parvenu à préparer en grand, à Marseille, le produit connu sous le nom de végétaline où taline. La taline peut aujourd’hui, dans la consom- malion, remplacer le beurre de vache, et, en outre, présente l'avantage de ne pas rancir; elle est fusible à 31° et est de saveur agréable. A côlé des graines grasses usuelles, d’autres, qui ont été l'objet de recherches au Musée colonial de Marseille, surtout de la part de son savart directeur M. le D' E. Heckel, mériteraient d'être mieux con- nues dans l’industrie. C'est d'abord la graine plate ! Ce cours, rattaché au Musée Colonial de Marseille, a été confié à M. H. Jumelle. L'article qu'on va lire est extrait de la lecon d'inauguration. et luisante d’un arbre très commun au Congo, l'Owala des indigènes, le Pentaclethra macrophylla des botanistes. Cet Owala, qui remonte, sur la eôte occidentale d'Afrique, jusqu'au Rio Nunez, est une belle légumineuse de dix à vingt mètres de hau- teur, qui, en certaines régions, est si abondante que ses graines, dit-on, couvrent le sol au point de gêner la marche, le pied glissant sur leur surface lisse et comme vernissée. Or, ces graines donnent une huile qui, pour la stéarinerie, posséderait cet avantage qu'elle est riche en acides gras dont le | point de fusibilité est très élevé (58°); on peut, par suile, avec ces acides gras, fabriquer des bougies fondant plus difficilement que d'ordinaire, et, pour celle raison, coulant peu. Ce sont des graines qu'ii y aurait donc intérêt à exporter el qui, cependant, sont encore à peu près délaissées; on n’en expédie actuellement guère plus de 8 à 10.000 kilos par an, du Congo français. On ne peut malheureusement même pas en dire autant d’autres graines oléagineuses qui nous vien- nent aussi du Gabon; celles-là sont à peu près complètement inutilisées. L'une d'elles, celle du Coula edulis, fournit cepen- dant une très belle huile,qui présente cet intérêt très grand — et c'est peut-être le seul exemple jusqu'a- lors connu parmi les huiles végétales — d'être une huile simple, composée uniquement d’oléine, alors que, comme on sait, toutes les autres huiles sont des mélanges de corps gras en divers proporlions: palmitine, oléine, stéarine, ete. Tout aussi intéressantes sont les graines de l'Zrvingia gabonensis, qui est l'O’ dika ou Oba des Gabonais et qui, pour ces peuples, joue le rôle d'arbre à beurre. Avec ses graines torréfiées, en effet, les Pahouins préparent une pâte qui leur sert pour leurs besoins alimentaires; el, comme les graines grillées ont un peu l'odeur du cacao, on peut, en les mélangeant à du sucre et à des aroma- tes, préparer une sorte de chocolat. Mais, pour nous, ces graines offrent surtout cet intérêt que le beurre qu'elles contiennent peut, d'après les recherches de M. Heckel, être avantageusement employé en stéarinerie et en savonnerie, comme le pourrait être aussi le beurre de cay-cay de la Co- chinchine, qui provient d'une autre espèce du même genre, les /rvingia étant à la fois asiatiques et africains. Je pourrais presque à l'infini multiplier les exemples; je me contenterai de citer encore le Maloukang et le Karilé. Le Maloukang, dont M. Heckel à été Le premier à HENRI JUMELLE — MARSEILLE ET LES PRODUITS COLONIAUX 583 faire l'étude, est le Polygala butyracea de la côte occidentale d'Afrique. Et, pour donner une idée de la valeur de ses graines, qui sont vendues sur le marché de Sierra Leone, il suffit de reproduire la réponse que fit à M. Treub, directeur du Jardin botanique de Buitenzorg, M. le D' Mouton, direc- teur de la Fabrique de margarine de La Haye: « Cette graisse pourrait être parfaitement employée dans la fabrication du beurre de margarine, si on nous la faisait parvenir à l’état frais.» C'estla graisse elle-même qui avait été, en effet, envoyée de Java à La Haye ; si l'on expédiait les graines, qui seraient alors pressées sur place, il est certain qu'on pour- rait obtenir un produit rémunérateur. Aussi M. Heckel a-t-il envoyé dans quelques-unes de nos colonies, au Sénégal et dans l'Inde notamment, des échantillons de ces graines, qui y ont été semés, et sur la destinée desquels nous serons fixés dans quelque temps. Quant au Xarité, bien connu, c'est, par excellence, l'arbre à beurre du Soudan, et il est aux Soudanais ce qu'est l'O’ dika aux 'Gabonais. Ce Karité est un grand arbre qui abonde dans toute la région du Haut-Niger et qui descend jusqu'au Haut-Congo, vers l'Oubanghi et la Sangha, sans toutefois — et c’est son caractère géographique dominant — arri- ver jusqu'à la côte. Le Karité est toujours éloigné de la zône littorale. Ce Karité est peut-être intéressant à un double titre. Il l’est d'abord par ses graines, d'où l’on retire un corps gras qui est très employé par les Souda- nais, soit comme graisse pour l'alimentation, soit comme graisse à brûler, soit encore comme pom- made, et qui, d'autre part, à Marseille, est assez fréquemment utilisé maintenant sous le nom de beurre de Galam, pour la fabrication des savons et des bougies. IT. — LATEx. Le Karité offre un autre intérêt, dû au lait qui s'écoule de son tronc quand on l'incise. Ce lait concrété a, en effet, l'aspect de cette substance aujourd'hui de plus en plus rare, la gutta-percha. Et, d’après les analyses de MM. Heckel et Schlag- denhauffen, il n'y aurait pas seulement ressem- blance d'aspect mais grande ressemblance aussi de composition, puisque ce produit du trone du Karité renfermerait, et à peu près dans les mêmes pro- portions, les mêmes résines que la gutta ordinaire. S'il était prouvé, comme il est souhaitable tout au moins qu'on le recherche, que la gutta de Karité pût être industriellement employée dans les mêmes conditions que les vraies guttas de Palaquium de la Malaisie, qui sont, au surplus, de la même famille, il y aurait là pour nous un fait d'une importance capitale. Autant, en effet, dans nos colonies et | dans tous les pays chauds, les arbres à caout- chouc sont nombreux, autant les arbres à gutla sont rares. Le caoutchouc, nous le tirons d’une foule de végélaux. En Amérique, il est fourni par les Æevea du Brésil et du Pérou, par le Manihot Glaziovii (ce caoutchouc de Céara qu'on à tenté d'introduire dans nos colonies africaines et qui n'a pas donné les résullals qu'on en espérait), par les Castilloa du Mexique et de l'isthme de Panama, les Mangabeira du Brésil; en Asie et en Océanie, nous l'obtenons de certains Ficus, des Urceola et des Willughbeia; en Afrique, des Landolphia. De la gulta, au contraire, nous ne connaissons jus- qu'alors qu'une seule source : les Palaquium de la Malaisie et de la presqu'ile de Malacea; c'est-à- dire un seul genre d'arbres, limité exclusivement à une seule région du monde. Et, pour surcroît de malechance, il se trouve que ces arbres ne peuvent guère être exploilés avant l'âge de trente ans, et que chacun, même à cet àge, fournit une si faible quantité de produit qu'il est nécessaire de les abattre. On a bien, ilest vrai, proposé quelques procédés nouveaux qui permettraient de ne pas recourir à cette extrémité; on a cherché, par exem- ple, à extraire la gutta des feuilles par des dissol- vants tels que le toluène ou l’essence minérale. Mais aucun de ces procédés ne semble jusqu'alors avoir élé définitivement adopté, et les arbres tom- bent toujours. De telle sorte qu'on peut entre- voir le moment où la vraie gutta deviendra sur les marchés une substance des plus rares, et à l'instant, précisément, où ses usages se mulli- plient. Trouver une plante qui pourrait donner une ma- tière analogue à celle de ces Palaquium, ce serait, du même coup, rendre un signalé service à l'indus- trie et assurer la richesse d’une colonie. En ce qui concerne le Karité, en particulier, si l'hypothèse que j'énonçais plus haut et qui a sa base dans des analyses précises, étaitconfirmée dans la pratique, ce serait, pour notre Soudan, un avenir d'autant plus assuré que, dans toute cette région, le Karité abonde. Je suppose, d’ailleurs, que le jour où la gulta de Karité serait reconnue utilisable, nous ne montre- rions pas, pour l'exploiter, cette indolence dont nous faisons trop souvent preuve pour l’exploita- tion de certaines ressources de nos colonies. Celle crainte, je suis amené à l’exprimer en pensant à une substance qui est voisine de ces gultas, bien qu'elle n’en ait pas tout à fait les mêmes usages : le balata. Le balata, produit d'un très grand arbre de l'Amérique tropicale, le Mimusops Balata, ne se ramollit pas aussi facilement par la chaleur que la gutta, et c'est pourquoi, bien qu'il soit isolant comme la gulta, il ne peut guère ètre employé 584 HENRI JUMELLE — MARSEILLE ET LES PRODUITS COLONIAUX AN ORA CRT dans le même but. Mais, par contre, comme il est d'une grande souplesse et en même temps très fort et peu élastique, c'est une matière première précieuse et de plus en plus utilisée pour la fabri- cation, par exemple, d'instruments de chirurgie et surtout de courroies de transmission. Le Mimusops Balata, qui donne cette variété de gutta, est un arbre de l'Amérique tropicale; on le trouve surtout en abondance au Vénézuéla et dans les Guyanes. Dès lors, il semble que notre Guyane francaise devrait être un des principaux pays d'exportation. En fait, on exporte le balata du Vénézuéla, des Guyanes hollandaise et anglaise ; mais sur notre territoire qui, en certains points, est couvert de Mimusops, ces arbres sont délaissés et leur exploitation semble être la dernière de nos préoccupations. Le Musée colonial de Marseille n’a pourtant pas manqué d'appeler, par son directeur, l'attention des pouvoirs publics sur cette importante ques- tion. En 1890, en effet, M. le D' Heckel sollicitait du Sous-Secrétaire d'Etat, qui était alors M. Etienne, l'envoi, dans nos colonies, d’une double mission. L'une, confiée à M. le D' Rançon, avait pour but la recherche et l'étude de ces arbres dont je viens de parler, les Karités. L'autre, dévolue au pharmacien des Colonies Geoffroy, à qui, hélas, elle devait coù- ter la vie, car cet explorateur mourut peu de temps après son retour en France, avait pour objectif l'étude sur place, en Guyane française, des Balatas, de leurrépartition dans les divers territoires de la colonie, de leur rendement, des qualités de leur produit et des modes possibles d'exploitation. Les notes de M. Geoffroy, réunies par les soins de M. Heckel, après la mort de l'explorateur, ont été publiées dans les Annales de l'Institut colonial de Marseille et seront une mine précieuse de ren- seignements pour ceux qui se décideront enfin, un jour, à récolter le balata dans la Guyane française, comme nos voisins ne dédaignent pas de le récolter dans les Guyanes hollandaise et anglaise. Il est à souhaiter que la mission Geoffroy ait ainsi, tôt ou tard, les résultats pratiques qui lui sont biens dus, puisque l'explorateur les a payés de sa vie. Le D' Rancon, qui avait été chargé en même temps d'une mission dans la Haute-Gambie et dans le Soudan, fut plus heureux : il rapporta de son voyage de nombreuses notes, qui remplissent le second volume des Annales de l'Institut colonial. III. — RÉSINES, GOMMES ET TANNINS. Ces deux missions, d’ailleurs, n'ont pas été les seules qui furent envoyées dans les colonies fran- caises sur l'instigalion du D' Heckel et qui ont contribué à enrichir le Musée de Marseille. Deux ans auparavant, M. Heckel avait fait charger deux agents de colonisation, MM. Jeanneney et Bom- pard, de jeter un peu de lumière, par des re- cherches sur place, en Nouvelle-Calédonie, sur la valeur réelle de produits qui abondent dans l'ile océanienne : les résines et les gommes-résines. C'est, en grande partie, avec les échantillons nombreux envoyés par M. Jeanneney que M. Heckel a pu publier ses différents mémoires, qui nous font connaitre, mieux qu'ils ne l'avaient été jusqu'alors, ces produits néo-calédoniens. Telle est, en premier lieu, la résine de Æaori, qui est la résine fossile d’une conifère, le Dam- mara Moorei, avec laquelle on peut fabriquer de très beaux vernis, et qui peut être employée, comme rambre, pour faire différents objets, tels que des porte-cigares. Telles sont encore les gommes-résines d'arbres voisins des Dammara, les Araucaria Cooki et brasi- liensis. La substance que laissent exsuder, même sans incision, le tronc el les branches de ces Arau- carias présente cet intérêt qu'elle est à double emploi. C'est à la fois une gomme et une résine. Or, rien n'est plus facile que de séparer ces deux substances, puisque l’une est soluble dans l’eau et l’autre insoluble; et M. Heckel s’est assuré que. l'opération, même en grand, est des plus simples par des essais qu'il a fait tenter sur une à deux tonnes du produit. Une fois séparées, les deux substances peuvent être utilisées industriellement. La gomme, d'après les recherches de M. Heckel, est tout à fait identique à la gomme arabique qu'on retire, par incision, des Acacias africains. Elle pré- sente seulement cet inconvénient qu'elle conserve l'odeur et la saveur de la résine à laquelle elle était associée; elle ne pourra donc jamais, pour cette rai- san, ètre employée pour la confiserie ou la pâtisse- rie. Mais elle pourra servir dans l’apprêt pour la teinture des soies, dans le collage des papiers, des cotons et des bois, dans le gommage des bois, de la chapellerie, ete. Ses débouchés sont donc encore nombreux. D'autre part, la résine associée à cette gomme se rapproche des copals et des dammars; elle peut donc entrer dans la préparation des vernis gras ou à l'alcool. Et, comme il est établi que ces vernis résistent aux ardeurs du soleil et ne se craquèlent pas, ils sont tout indiqués pour le vernissage des voilures de luxe ou des devantures de magasins. Les Araucarias étant nombreux en Nouvelle-Calé- donie, il y a là une exploitation possible qui serait peut-être rémunératrice. Et pourrait l'être également, toujours en Nou- velle-Calédonie et d’après les mêmes recherches, celle d’un autre arbre qui forme des forêts dans la colonie, le Spermolepis qummifera où Chène-gomme. M. Heckel a établi que l'écorce de ce Chène-gomme nn HENRI JUMELLE — MARSEILLE ET LES PRODUITS COLONIAUX 585 renferme, y compris l'acide gallique, 80 °/, de tan- nin. C’est là une proportion bien supérieure à celle que donnent les autres arbres employés en tannerie. Les paléluviers ne rendent que 22 °/,, les gousses _de Cassia 27 °/,, et les racines de cette plante, dont on à beaucoup parlé en ces dernières années, et qui est employée en Amérique, la Canaigre ({umex hymenosepalum), 32 °/,. C’est dire que, tant que la tannerie aura recours aux écorces, le Chêne-gomme de Nouvelle-Calédonie sera l’un des arbres sur les- quels il y aura le plus lieu d'attirer l'altention. IV. — PRODUITS MÉDICINAUX. Mais, puisqu'il faut nous borner, quittons le domaine industriel et passons au domaine mé- dical. Là encore nous pourrions citer une longue liste de plantes qui ont été, comme les précédentes, étudiées à l’Institut colonial de Marseille. Je n’en retiendrai que deux : le Æola et le Xinkélibah. Le Kola! Ses propriétés sont aujourd’hui trop connues de tous pour qu'il soit nécessaire même de les rappeler. Il est certes peu de substances pharmaceutiques, — bien que le kola soit plutôt, à proprement parler, un aliment qu'un médicament, mais il entre surtout chez nous dans les prépara- tions médicinales, — qui soient passées plus rapi- dement dans l'usage courant que ces graines, dont les qualités étaient depuis longtemps connues des indigènes de la côte occidentale d'Afrique, mais dont l'emploi ne date en France que de l’époque où furent publiés les travaux de M. Heckel. Malheu- reusement, l'arbre qui produit ces graines, le kola- tier (Sterculia acuminata), a une aire géogra- phique assez limitée. On ne le trouve sauvage que sur la côte occidentale d'Afrique, entre le Rio Nunez au nord, vers le 10° degré de latitude nord, et le Congo français au sud, vers le 5° degré de latitude sud. Il était donc de toute utilité de chercher à acclimater ce kolatier dans d'autres colonies, et c'est ce qui a été fait. Par les soins du Musée colonial et du Jardin bo- tanique, des graines ont été envoyées aux Antilles françaises, en Guyane, en Cochinchine, à La Réu- nion et à Madagascar. Il est encore un peu tôt pour savoir ce qu'il adyiendra de ces semis. Cependant, nous savons déjà, par une note publiée dans le Bulletin économique de l'Indo-Chine, qu'un pied provenant des graines envoyées a fleuri au Jardin botanique de Saïgon, et un fruit a pu être recueilli. Il est donc permis de bien augurer de l'acclimata- tion future de ces kolatiers si précieux, dans quel- ques-unes au moins de nos possessions. En outre, des récolles suivies sont aujourd'hui assurées tant à la Guadeloupe qu’à la Martinique, où il existe des pieds ayant quinze ans d'âge et qui sont en plein rapport. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. Je citerai encore le Xinkelibah, qui est le Combre- tum Raimbaulli d'Heckel, de la côte occidentale d'Afrique. Grand déjà est le nombre de nos fonc- tionnaires coloniaux qui, soit à leur départ pour les colonies, soit à leur retour, sont venus au Musée colonial en faire une provision et s'en sont bien trouvés, dans les cas si fréquents de fièvre bilieuse hématurique. M. le D' Rancon, dont j'ai déjà cité le nom tout à l'heure, et qui, comme correspon- dant du Musée colonial, connaissait mieux que per- sonne les propriétés de la plante, l’a employée avec grand succès pendant la dernière campagne de Madagascar et avec encore plus de succès actuelle- ment dans l'Inde où il est médecin en chef de l'Hô- pital colonial. V.— TEXTILES ET Bois. Aux produits précédents viennent s'ajouter les textiles dont il importe de développer de plus en plus la culture dans nos colonies. Le cotonnier n'est pas, en particulier, cultivé autant qu'il devrait l'être. Nos colonies n'expor- tent guère annuellement plus de 2.000 tonnes de coton, qui, d'ailleurs, vont presque entièrement à l'Etranger. Mais 2.000 tonnes de coton, cela repré- sente à peu près le millième de la production connue du monde entier. Dans une conférence qu'il faisait tout récemment à la Société de Géo- graphie de Marseille, le Père Piolet, qui connaît bien Madagascar, où il a résidé longtemps, mettait le cotonnier au premier rang des cultures qui doi- vent être entreprises sur une vaste échelle dans notre grande île africaine. Le cotonnier, à Mada- gascar, pousse admirablement. Une autre de nos colonies à laquelle il faut tout de suite penser quand il s’agit de la culture des textiles, c'est l'Indo-Chine, où existent en grande quantité, dans certaines régions, le Musa textilis, qui donne le chanvre de Manille, et les Crotalaria. On sait que c’est une espèce de Crotalaria, le Cro- talaria juncen, qui donne le chanvre de Madras. Mais le textile qu'il faudrait, plus que tous les autres, recommander dans notre possession d'Ex- trême-Orient, c'est le Corchorus olitorius ou le Corchorus capsularis, qui donnent le Jute. Et il y a à celte recommandation la raison parliculière que voici : C'est que le jute, dont le grand centre de production est l'Inde anglaise, et qu'on mélange quelquefois au chanvre quand il est bien préparé, sert surtout, en fait, à la confection des toiles gros- sières, des toiles, par exemple, avec lesquelles on empaquète le riz, le coton ou le café. Or, dans l’Indo-Chine, où l'exportation principale est celle du riz, on importe annuellement plus de 2 mil- lions de francs de sacs de jute. Le jute préparé en Indo-Chine trouverait sur place, et sans frais, un 15° 586 écoulement facile. Du reste, des essais de culture de la plante ont déjà été faits en Indo-Chine, surtout par M. Haffner, le directeur du Jardin botanique de Saïgon, el ont complètement réussi; de même que réussissent les cultures de cette autre plante à laquelle on doit également songer en Indo-Chine, la Ramie. Après ces textiles, n'oublions pas, comme autres ressources végétales de nos colonies, les bois. Bois qui abondent en Guyane, où l'on ne songe pas assez qu'il y a des essences remarquables pour l'ébénisterie, en Indo-Chine où il y a bien d’autres arbres que le teck qui peuvent être utilisés, et à Madagascar enfin, où il faut dire pourtant qu’une étude très sérieuse de ces arbres, au point de vue industriel, est encore à faire. On sait bien au juste quelle est l'origine botanique du palissandre de Madagascar — c'est le Dalbergia Baroni —, on sait moins bien à quelles espèces rapporter, entre autres, l'ébène — car il y a beaucoup d'espèces de Dyospiros. — etle bois de rose. Et ce ne sont là que quelques-unes des essences que peuvent nous four- nir les forêts de Madagascar. Pour prouver l'importance que peut prendre une telle exploitation, il suffit de rappeler que, sur la côte occidentale. l'acajou du Sénégal (Æhaya senegalensis) est devenu le principal objet de commerce de la Côte d'Ivoire. En 1896, celte colonie en a exporté plus de 8 millions de kilos et son exportation, dans le 1: semestre de 1897, a été supérieure de 4 millions de kilos à celle de la période correspondante de l’année précédente. VI. — AUTRES PRODUITS. Pour terminer l'énumération des produits de nos colonies qui arrivent dans notre grand port médi- terranéen, nous devrions passer en revue la longue série des plantes féculentes, le manioc, l’arrow-rot, le Laro, le toloman, le riz, l’igname, la patate, les plantes saccharifères, c'est-à-dire la canne à sucre, le sorgho à sucre et différents palmiers; les légu- mes, les fruits, les épices et les aromates. Nous devrions nous arrêter longuement sur le café, le cacao, le thé, le kola, que j'ai déjà cité, la coca, le maté et le cât. Nous devrions nous occuper encore des matières colorantes, qui, il est vrai, ont une importance de moins en moins grande, mais dont quelques-unes, néanmoins, ne sont pas à négliger. Il y aurait de même une place à faire aux en parfumerie, telles que l'ylang-ylang, dû à une Anonacée très callivée aujourd'hui à la Réunion. [1 y aurait un mot à dire également du tabac, de l'aréquier et du bétel. Tous ces produits sont des produits végétaux, et il nous reste encore tous les produits d’origine ani- male ou minérale, Comme produits animaux citons : essences employées HENRI JUMELLE — MARSEILLE ET LES PRODUITS COLONIAUX L'ivoire, les peaux et la cire qui sont envoyés à Marseille, le premier par la côte occidentale d'Afrique, les autres par cette même côte occiden- tale et par Madagascar ; Les poissons séchés de Saint-Pierre et Miquelon; Les écailles de tortue de la Guadeloupe: Les écailles et la nacre de Tahiti et de Nouvelle- Calédonie. Comme produits minéraux, c’est, en Afrique, le sel du Soudan, l'or du Bambouck, du Sénégal, de la Côte d'Ivoire et de Madagascar. En Amérique, c'est l'or de la Guyane, dont la recherche est la principale et peut-être la trop exelusive préoccupa- ion du pays. En Nouvelle-Calédonie, c'est le nickel, ainsi que les minerais d'or, de chrome, de cobalt et de cuivre. En Asie, ce sont les mines de houille du Tonkin. VII. — ConcLusIons. On voit quelles sont les richesses accumulées dans cet empire colonial que M. Bonvalot a, d’un mot si heureux, appelé la France extérieure. Il ne me reste plus qu'un souhait à exprimer : c'est que, d'ici à quelques années, de nombreuses recherches viennent augmenter le nombre de ces produits coloniaux qui nous sont uliles et par- faire la connaissance particulière que nous avons des propriétés de chacun d’eux. Cet espoir nous est, je crois, permis. L'histoire naturelle coloniale, cela n’est pas douteux, est arri- vée à cette période que toutes les sciences ont tra- versée et à partir de laquelle, après une première phase plus ou moins longue de piétinement sur place, chaque jour marque une élape nouvelle dans. la voie des découvertes. L'histoire naturelle colo- niale, jusqu'alors quelque peu délaissée par les savants, n'était pas, hier encore, la « science à la mode »; elle le sera certainement demain. Et, notre Exposition de 1900 aidant, beaucoup de points obscurs seront dans quelques années élu- cidés, beaucoup de plantes seront mieux connues, peut-être avec des emplois que nous ne soupçon- nons pas, où dont nous n’avons pas encore entrevu l'importance. En désirant que ces progrès soient le plus rapides possible, souhaitons que les savants français y con- tribuent dans la plus large mesure. Il ne s’agit pas seulement de satisfaire notre amour-propre scien- tifique; ce qui est en jeu peut-être aussi, étant donnée l'activité déployée actuellement à l'Étran- ger sur ce terrain, c'est notre avenir industriel et commercial. Henri Jumelle, Professeur-adjoint à la Faculté des Sciences et Chargé de Cours à l'Institut Colonial de Marseille, 1 ; F4 DURE Tr PPS ER PT Tr: A. GRANGER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FAIENCERIE EN FRANCE 587 L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L’INDUSTRIE DE LA Depuis le commencement du siècle, l'emploi des produits céramiques pour les usages domestiques s'est généralisé, et maintenant le métal se trouve pour ainsi dire absolument proserit de la confec- tion des services de table et de nombreux usten- siles de ménage. C'est en partie au développement et à l'amélioration de la fabrication de la faïence qu'est due cette transformation. Si la porcelaine s'est emparée de la production d'objets plus relevés comme décoration, la faïence s'est contentée sur- tout de nous fournir ce qui peut nous être d'un service journalier, et son bas prix lui a assuré une place importante sur le marché. Sous ses diffé- rentes variétés, elle est l'objet d'un commerce très actif dans lequel l'Allemagne, l'Angleterre et la France représentent les plus grands producteurs. Nous aurons lieu d'examiner plus loin leur situa- lion respective. Sous le nom de faïence, nous désignerons toutes les poteries à pâte perméable recouverte d'un sili- cate fondu. Dans la pâte de faïence, les éléments sont choisis de telle manière qu'avec les propor- tions dans lesquelles ils entrent dans la consti- tution de la pâte, l'action de la chaleur ne puisse pas déterminer de ramollissement pendant la cuis- son. La masse garde alors l'aspect d'une terre cuite ; elle est poreuse ; aussi est-il nécessaire de la recouvrir d'un vernis fondu pour l'empêcher de s'imprégner des matières pâteuses ou liquides avec lesquelles elle peut se trouver en contact. Ce ver- nis, auquel nous donnerons plus spécialement le nom de glaçure ou de couverte, est une sorte de verre dont nous connaîtrons plus loin la compo- sition, car elle varie avec celle des pâtes. Les poteries des faïenciers forment deux groupes principaux : les faïences communes et les faïences fines. Nous allons étudier successivement ces deux sortes de produits. Ï. — FAÏENCES COMMUNES. Les poteries communes ont été d’un emploi géné- ral pour les usages domestiques depuis le xrr° siècle, affirme-t-on. Actuellement bien déchues de leur importance, elles sont d'un usage très restreint dans les villes, que les chemins de fer peuvent ali- menter d'objets moins rustiques. Ce sont les pro- duits d’une industrie très primitive, comme nous allons le voir, et qui n'a sa raison d'être que dans les campagnes privées de moyens économiques de FAIENCERIE EN FRANCE transport, où les paysans, attachés à leurs habi- tudes, préfèrent, à prix égal, le produit de la fabrique locale à un produit similaire, mieux fait, mais venant d'une usine éloignée. Exceptionnelle- ment, certains objets, qu'il faut livrer à très bas prix, continueront à faire vivre de petits potiers régionaux, alimentant les environs de terrines, marmites, calottes à confitures, pots à fleurs ver- nissés, ele., objets, en somme, dont les frais de transport ne seraient pas en rapport avec la faible valeur. La pâte est homogène, tendre, à cassure terreuse, à texture poreuse, opaque, colorée; elle est recou- verte d’un vernis transparent où opaque. $ 1. — Poterie vernissée, Sous ce nom, nous désignerons plus spéciale- ment les objets recouverts d’une glaçure plombeuse transparente. La pâte est faite principalement avec une argile presque toujours calcaire et ferrugineuse, par suite peu réfractaire, que l’on dégraisse, si cela est néces- saire, avec du sable el quelquefois aussi de la craie, si lamatière plastique est pauvre en chaux. Comme, dans beaucoup de ces pâtes, il y a excès de silice, la pâte a une tendance à absorber la glacure, à laquelle elle prend de l'oxyde de plomb; la pré- sence de la chaux en quantité notable devient une nécessité, et, si l'argile n'en contient pas suffisam- ment, il faut lui ajouter des matériaux calcaires pour éviter ce genre d'accident. Pour le façonnage, il faut une certaine plasticité; aussi un excès d’élé- ments amaigrissants rend-il le travail difficile et même impossible si l’on dépasse certaines limites. Une trop grande quantité d'argile dans la pâte à encore l'inconvénient de fournir une poterie sup- portant mal les changements de température, et qui se brise quand on veut la faire aller au feu. Pour la vaisselle destinée à la cuisine, on prend, en général, de 60 à 80 d'argile et de 40 à 20 de sable. Quelques fabriques obtiennent qualités requises pour un bon façonnage en mélangeant deux terres ; aussi, sous la rubrique «argile » dési- les gnons-nous en réalité le mélange argileux. Les argiles qui servent à fabriquer ces poteries sont assez complexes comme conslilution; en outre de la craie et des pyrites, on peut y rencontrer des matières marneuses en plus où moins grande quan- tité. Quelques-unes de ces terres sont même tota- lement formées de marnes. 288 Pour faire la pâte, on humecte d'eau l'argile épluchée pour la débarrasser des grosses impu- retés, on mélange à la pelle et on marche la masse pour lui donner de l'homogénéité. Le façonnage se fait sur le tour, et les anses, becs, pieds, ete., sont moulés et rapportés par collage. Les formes ne sont jamais bien compli- quées, elles sont toujours très rustiques. Quelques pièces, à cause de leur forme, exigent le moulage ; c'est la minorité. Les pièces façonnées sont alors abandonnées à la dessiccation, et, si les conditions climatériques permettent aux objets d'acquérir une solidité suffisante pour recevoir la couverte sans danger, on pose la couverte sur cru. Si cette opé- ration peut amener des déformations, on fait subir un premier feu, qui donne à la masse la fermeté nécessaire, tout en conservant la porosité indis- pensable pour la prise de la glaçure. Dans la poterie commune, la glaçure se pose par immersion ou par arrosement. Dans le premier cas, la pièce est trempée dans de l’eau contenant la cou- verte en suspension; dans le second, on verse ou on applique la couverte délayée sur la pièce. Cette glaçure est plombeuse; c'est un silicate de plomb qui se forme pendant la cuisson, et ce sont ses éléments mélangés convenablement que l'on pose à la surface de la pièce. En général, sa com- position est comprise entre : PbO. 1,5 Si0? et PhbO. 3 SiO®. Le plomb est introduit le plus souvent à l’état de litharge ou de minium et la silice à l’état de sable quartzeux. Les formules de ces glaçures sont extré- mement variables; mais il faut, pour obtenir un bon résultat, rester dans les limites indiquées et ne jamais augmenter la quantité d'oxyde de plomb au delà de 4 molécule pour 1,5 molécule de silice. Avec un excès de plomb, il peut rester de l’oxyde non combiné, et ce cas se présente malheureuse- ment souvent; la poterie devient alors dange- reuse *. # L'emploi d’une glaçure plombifère est évidemment nui- sible toutes les fois qu'il s'agit de vases destinés à la cuis- son des aliments. Dans quelques régions on a opéré (et on opère peut-être encore) avec un mépris absolu de l'hygiène la plus élémentaire. Voici comment Brongniart, dans son Trailé des arts céramiques, décrit le procédé employé pour fabriquer et poser la glacure des poteries communes dans le Morbihan et le Finistère : « Le vernis plombeux se com- pose, non pas de minium, ni de litharge, ni de galène, mais de plomb métallique. On prend du pelit plomb de chasse ou des rognures de plomb; on les réduit en grains et en râpures le plus petit possible, et comme il ne serait pas possible de suspendre un tel vernis dans un liquide, on méle ces grenailles et räpures de plomb avec de la bouse de vache, de manière à en faire une espèce de pâte ou bouillie très épaisse, qu'on étend sur les parties de la pièce qu'on veut vernisser. On porte les pièces revètues de cet enduit au four où elles cuisent à une faible température, suffisante cependant pour que le plomb s'oxyde, se combine avec la silice de la pâte et donne aux pièces un vernis vitreux pur A. GRANGER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FAIENCERIE EN FRANCE En général, voici comment on prépare la glacure plombeuse : On mélange les matières premières, puis on les broie sous des meules de grès et on délaie alors la poudre dans l'eau. À la silice et à l'oxyde de plomb, qui sont les matériaux fondamentaux, on ajoute souvent un peu d'argile pour rendre plus plastique la couverte, mais alors on diminue la fusibilité. Il faut alors modifier le rapport de la silice à l’oxyde de plomb, en évitant, bien entendu, de sortir des limites que nous avons indiquées. Les fabricants ne se livrent pas à des considérations de ce genre : suivant la quantité d'argile qu'ils jugent nécessaire d’intro- duire, ils déterminent les quantités de sable et de litharge, de manière à obtenir une composition fusible à leur feu de cuisson; aussi, souvent, l'usage de leurs produits est-il préjudiciable à la santé, par suite d’un excès de plomb. Par l’adjonetion au mélange de quelques cen- tièmes d'oxyde de manganèse ou de cuivre, on obtient des couvertes brunes ou vertes qui masquent assez bien la couleur jaune ou rouge de la terre. Quelquefois, on préfère masquer la coloration de l'argile cuite par engobage : on recouvre alors les pièces d’une couche d'argile blanche. Cette opéra- tion se fait comme la pose de la couverte, qu’elle précède naturellement. Il n’est pas facile de trou- ver une engobe satisfaisante, car l'argile choisie doit avoir même retrait que la terre sur laquelle elle est placée, faute de quoi il se produit des plis- sures ou des déchirures. Cette difficulté a amené les faïenciers, désireux d'obtenir des poteries à fond blanc, à employer des glaçures blanches opaques à base d'oxyde d'étain, dont nous parle- rons à propos de la faïence stannifère. Une fois les pièces en couverte, on les porte au four. Les fours de potier sont de deux types prin- cipaux : verticaux ou horizontaux. Ces appareils sont parfois réduits à leur plus simple expression. Suivant les régions, les formes diffèrent; mais elles sont toujours peu compliquées, et c'est la tradition qui les fait se conserver dans chaque localité. La température de cuisson est plus ou moins élevée, suivant la nature de la päte et la consti- tution de la couverte. Si la cuisson est double, comme le second feu n'a pour effet que de fondre la glaçure, on dispose les pièces en couverte dans la partie la moins chauffée. La fabrication des poteries communes, comme très bien étendu. Les grenailles de plomb ne fondent pas toutes, tellement qu'on en voit encore des grains à peine déformés sur certaines pièces. » Ce procédé barbare se pra- tique peut-être encore dans quelque coin ignoré où le con- trôle des commissions d'hygiène ne peut se faire; en tout cas, je l'ai cité pour donner une idée de cette fabrication qui, parfois, peut être tout à fait primitive, comme dans ce cas particulier. A. GRANGER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FAIENCERIE EN FRANCE nous l'avons déjà dit, s'opère dans de petites fabriques locales avec un matériel des plus rudi- mentaires ; aussi est-il inutile de chercher à perfec- tionner la confection d'un produit dont la seule qualité est le bon marché. Tout changement ne pourrait qu'amener plus rapidement la disparition de ces potiers campagnards, dont la plupart n'ont comme aides et ouvriers que leur propre famille. Ils sont tour à tour pâtier, tourneur, modeleur, chauffeur, émailleur, et ne subsistent que parce qu'ils sont à proximité de carrières d'argiles sans grande valeur. Ils peuvent, en utilisant une main- d'œuvre non rétribuée, mettre en valeur leur temps, mais ils ne réalisent pas d'assez gros bénéfices pour pouvoir songer à améliorer leur installation, en admettant que cette idée vienne à leur traverser l'esprit. En outre, ils n'auraient pas assez de débou- chés s'ils développaient leur fabrication, et, de plus, s'ils élevaient leurs prix, pour compenser de nou- veaux frais, ils ne pourraient soutenir la concur- rence des poteries similaires, plus avantageuses, que fournit l'industrie. Le seul perfectionnement que l'on peut apporter à la poterie commune réside dans la suppression de la glaçure plombeuse. Certaines recherches pour l'amélioration de ces couvertes avaient d’abord conduit à remplacer une partie de l’oxyde de plomb par les alcalis. Plus tard, on à proposé d'introduire dans la glaçure de la chaux et l’on a composé des glaçures alcalino-calcaires dans lesquelles on avait remplacé une partie de la silice par de l'acide bo- rique. La préparation de ces nouvelles couvertes obligeait à rompre avec de vieilles habitudes et demandait aux potiers de se familiariser avec de nouveaux procédés, qu'il fallait étudier pour s’en rendre maitre; aussi les vernis non plombifères se sont-ils peu répandus. Les fabricants de ces sortes de produits étant, pour la plupart, incapables de comprendre l'utilité de ces tentatives, ont donc gardé les anciennes traditions; encore est-il heu- reux si quelques-uns ont su tenir compte de la méthode d'essai prescrite par le Comité d'Hygiène”. $ 2. — Faïence stannifère. La faïence émaillée ou faïence stannifère est une ‘ « Faire bouillir doucement pendant une demi-heure, dans les vases, du vinaigre étendu de son volume d’eau, en remplaçant le liquide à mesure qu'il s'évapore et en propor- tionnant son volume à la capacité (50 grammes de vinaigre pour un vase d'un demi-litre); laisser refroidir, filtrer et ajouter, à la dissolution incolore, de l'hydrogène sulfuré dis- sous dans l’eau, ou y faire passer un courant de ce gaz. La présence du plomb sera décelée par un précipité noir ou au moins par une coloration brune. Dans une autre part de la liqueur, l'iodure de potassium produira un précipité jaune d’iodure de plomb. » C'est évidemment très simple pour ceux qui ont des notions de Chimie, mais, pour des paysans, c’est au-dessus de leur savoir. 589 variété de faïence commune. Sa pâle est opaque, colorée ou blanchâtre, à texture lâche, à cassure terreuse, mais elle est recouverte d'une glaçure plombifère opacifiée par addition d'oxyde d'élain, d'où son nom. Introduite en Europe vers le xvr siècle, elle a eu son moment de splendeur, mais, à la fin du xvin® siècle, la porcelaine et la faïence fine ont commencé à la remplacer. La faïence émaillée se fabrique encore, mais les belles fabriques, si célèbres par le décor de leurs pièces, sont bien déchues et quelques-unes n'’exis- tent plus. Les anciennes faïences de Nevers, Rouen, Strasbourg, Lunéville. Marseille, Moustiers, etc., sont recherchées des collectionneurs, et le goût des amateurs pour les choses du passé a certainement influé sur la continuation de cette fabrication. Les petites productions de faïences dites d’art ont main- tenant une importance sur laquelle il ne faut pas s'illusionner; leur rôle est de copier de vieilles formes et d'anciens décors, quelquefois même de les truquer en leur donnant une ancienneté factice. Il y a encore en France une production assez im- portante de faïence stannifère, car cette fabrication avait pris un grand développement dans notre pays avant l'établissement des fabriques de faïence fine. Plus soignée que la poterie commune, la poterie émaillée est faite avec des argiles lavées. Ebau- chées d’abord au tour, certaines pièces sont reprises après dessiccation et tournassées, c’est-à-dire que leur profil est repris et dégrossi sur le tour avec un outil de métal. On cuit d’abord avant d’émailler, puis on émaille et on soumet à un second feu. On fabrique à Paris deux sortes de ces faïences : l’une brune, l’autre blanche. La première est em- ployée dans la confection de la vaisselle de cuisine, car elle ne se fend pas quand on la chauffe; la se- conde ne peut être utilisée que pour fabriquer des ustensiles n'ayant pas à subir de changements brusques de température. La faïence de Paris est faite avec de l'argile plastique d'Arcueil, de la marne verte argileuse, et une marne blanche cal- caire dégraissée avec du sable. La päte de la faïence brune est plus riche en argile que la pâte de la faïence blanche; la marne calcaire entre, par exemple, pour une quantité moindre dans sa com- position. L'introduction de cette marne permet d'obtenir un produit plus compact, mais on est obligé de limiter la proportion de cette matière dans la faïence allant au feu, car elle augmente les chances de rupture sous l'influence des change- ments de température. Néanmoins sa présence est nécessaire, car la glaçure ne prendrait pas bien sur une päte non calcaire. Pour ces deux sortes de faïence, on emploie des glaçures plombifères opacifiées. La glacure brune, 590 que l’on applique à l'extérieur des pièces, est colo- rée par de l’oxyde de manganèse et rendue opaque par de l'argile ou une matière terreuse conve- nable; la glaçure blanche est stannifère. L'oxyde d'étain est introduit dans les couvertes mélangé à de l'oxyde de plomb, autrement dit sous forme de calcine. Sous ce nom, on désigne une poudre jaunätre provenant de l'oxydation directe d'un alliage de plomb et d'étain. Généralement cet alliage contient, pour #00 parties de plomb, de 22 à 25 parlies d'étain; ces proportions ont été reconnues les meilleures par la pratique. La cal- cine se prépare souvent dans un four à réverbère spécial, appelé fournette, dont la sole a une assez grande surface afin de pouvoir étaler les matières à oxyder sur une faible épaisseur. L'oxydation de l’étain associé au plomb se fait très facilement: ceci n'aurait pas lieu si l’on opérait sur de l'étain pur : il faudrait prolonger la durée de l'opération et éle- ver la température. On peut colorer l'émail de faïence, et les colora- tions que l’on voit sur ce genre de poterie (jaune, bleu, vert jaune et violet) sont obtenues en ajou- tant à l'émail blanc quelques centièmes d’antimo- niate de plomb ou d'oxydes de cobalt, cuivre ou manganèse. On émaille les pièces par immersion générale- ment; quant aux objets émaillés de deux couleurs, par exemple en brun à l'extérieur et en blanc à l'intérieur, on procède partie par arrosement, par- tie par immersion. Les fours employés pour la cuisson de la faïence émaillée sont tantôt des demi-cylindres couchés, tantôt des cylindres ou des prismes à axe vertical. Le modèle le plus connu est le four dit carré. Le four est divisé en deux étages, et sous la sole se trouve une petite chambre de même section que le four. La flamme, provenant d'un foyer extérieur, pénètre dans cette chambre par une large ouver- ture antérieure et passe dans le four à travers les carreaux de la sole. Dans la partie la plus élevée se cuit le cru, disposé en charges; en bas du four se trouvent les pièces émaillées, placées en gazelles ou en échappades. La température de cuisson de la faïence émaillée n'est pas suffisante pour décomposer complètement le carbonate de chaux qu'elle contient; aussi la pâte cuite fait-elle effervescence avec les acides. La décoration que l’on peut appliquer sur l'émail stannifère n'est jamais bien compliquée; elle est faite avec quelques tons faciles à préparer. Au dé- but de la fabrication on posait la couleur sur émail cru; plus tard, on à préféré peindre sur émail cuit et passer alors à un troisième feu. La faïence stannifère, comme la faïence com- mune, n'est pas uniquement employée à la fabrica- A. GRANGER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FAIENCERIE EN FRANCE tion de la poterie; nous verrons plus loin, à propos des faïences architecturales, que l’on peut en tirer parti pour l’ornementation. IT. — KFAÏïENCES FINES. Sous ce nom on désigne des faïences présentant un certain nombre de variétés, mais dans les- quelles on retrouve toujours les propriétés géné- rales suivantes : pâle fine plus ou moins blanche, dense, sonore, dure, opaque, à cassure serrée, recouverte d'une glaçcure plombeuse transparente et contenant de l'acide borique. La pâte de la faïence fine est très siliceuse; c'est la silice qui forme le fond de la masse à laquelle elle apporte de la dureté, mais, comme il n'est pas possible de façonner une pâte exclusivement sili- ceuse, on est obligé d'ajouter de l'argile plastique pour faciliter le façonnage. La présence d'un fon- dant, agglomérant tout l'échafaudage, estnécessaire également; aussi verrons-nous les faïenciers recou- rir à trois sortes d'éléments pour leur fabrication. La première faïence fine française est connue sous le nom de terre de pipe. On la fabriquait avec du sable quartzeux, de la craie, quelquefois aussi une fritte alcaline, et une argile blanche réfractaire, comme celles qui servent à faire les pipes. Cette matière donna son nom au produit. On supprima plus tard la chaux, et le cailloutage français et l'earthenware anglais employèrent comme matières premières du silex, du feldspath (ou mieux du cornish-stone) et de l'argile plastique réfractaire. On comprendra très bien qu'avec des matériaux très divisés, une dose plus ou moins forte de fon- dants etune cuisson plus ou moins élevée, on puisse, dans ce même genre de poterie, obtenir des pro- duits plus ou moinsfins et présentantdes différences de structure. On a créé diverses variétés, surtout en Angleterre, et, pour attirer le consommateur, on à cherché le plus possible à se rapprocher de la por- celaine par l'aspect général. Ces faïences fines particulièrement blanches sont désignées souvent sous le nom de porcelaine opaque ou de demi- porcelaine. La fabrication française actuelle à recours aux matières premières suivantes : l'argile, le kaolin, le cornish-stone ou le feldspath, le silex et le sable siliceux. L'argile employée pour préparer la pâte de faïence fine doit être réfractaire et très plastique. C’est le produit cher de la pâte; aussi cherche-t-on à en mettre le moins possible dans la masse. Provins, Montereau, Rilly fournissent de bonnes argiles réfractaires et plastiques. Le kaolin que l'on emploie dans la préparation de ces pâtes n’est qu'une terre de second choix, PET CE + A. GRANGER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FAIENCERIE EN FRANCE car le beau kaolin est cher et sert alors à fabriquer la porcelaine. Son rôle est d'apporter de la blan- cheur et de tenir de la place. Comme beaucoup d'argiles réfractaires cuisent grisätres ou légère- ment jaunâtres, on corrige ce défaut par l'addition de kaolins peu plastiques, que l’on peut alors se procurer à un prix peu élevé. Ils contiennent sou- vent du mica et du quartz. Le feldspath est du type orthose, mais contient toujours un peu d'albite. On préfère le cornish- stone (feldspath altéré des Cornouailles) au feld- Spath quand on peuts'en approvisionner facilement, car ce minéral est friable et se broie facilement. La silice provient soit du silex soit de sables sili- ceux. Les silex de la craie les plus noirs sont pré- férés; on les choisit de préférence roulés par la mer; ils sont ainsi nettoyés de la gangue crayeuse qui les entourait. Certaines fabriques emploient aussi des sables siliceux micacés. La provenance des matériaux de la faïence fine est assez variée; elle est liée naturellement à la position géographique. Les Anglais, grands fabri- cants de ce produit, ont, dans leur pays même, de grandes quantités de kaolin el de cornish-stone ; aussi ont-ils cherché à les écouler facilement. À Anvers se trouvent des agences qui, gràce aux tarifs peu élevés des chemins de fer belges, peuvent faire des offres avantageuses aux usines qui n’en sont pas trop éloignées. Le feldspath, quoique répandu, arrive en assez grande quantité de Norvège. Les navires qui trans- portent du bois sont obligés de prendre du lest pour enfoncer convenablement ; ce lest est souvent du feldspath. Le silex et le sable quartzeux français doivent suffire à la consommation, sauf dans des situations exceptionnelles. $ 1. — Préparation des pâtes et façonnage. L’argile plastique et le kaolin sont délayés el lamisés. Le cornish-stone et le feldspath (si l'on emploie ce dernier corps, on doit d'abord le briser ou le concasser et l'écraser sous des meules) sont broyés à l’eau jusqu’à ténuité extrême. Le silex est pulvérisé également, mais après élonage. Tous les matériaux sont alors en suspension dans l'eau, autrement dit à l’état de barbotine. Pour constituer la pâte, on mélangera les barbotines sans ramener la matière à l’état sec. Au moyen d'une table de densités, on déterminera facilement la teneur en matière sèche de chaque barbotine: il sera facile alors, une fois la densité déterminée, de con- naître dans quel rapport les volumes doivent être mélangés. Une fois le mélange fait, il n’y a plus qu'à raffer- mir la barbotine, ce qui se fait au moyen d'un filtre 591 de presse. La pâle raffermie est ensuite malaxée de nécessaire pour le faconnage, manière à acquérir Jl'homogénité physiqu Le travail mécanique, qui permet de faire de nombreuses pièces identiques en un temps relali- vement court, a complètement remplacé l'ancien travail du potier sur le tour. Les quelques ébau- cheurs que l'on peut encore rencontrer ne sont plus que des exceptions. Actuellement, on combine le moulage et le tournage, et nous allons donner quelques exemples de façonnage. Sur le plateau qui termine l'axe du tour à potier, on dispose des moules qui, suivant les cas, donne- ront la surface externe ou interne des pièces. Une pièce de métal, l’estèque, convenablement décou- pée et suspendue à une articulation mécanique, sera descendue au contact de la päle pendant la rotation et découpera l'autre surface. Pour faconner un bol, on se sert d’un moule qui donne le profil extérieur et l'estèque représente le prolil intérieur. L'ouvrier place le moule sur le tour, puis il lance dans le moule une balle de terre et descend les- tèque lentement. Celui-ei force la pâte à s'étaler le long du moule et à en épouser la forme; une fois l’estèque à fond, il le remonte, enlève le moule et le donne à l'apprenti, qui le porte au séchoir. Si l'on veut fabriquer une assiette, on recouvre un moule donnant la surface intérieure de l'assiette d'une croûte de pâte et on descend sur le moule ainsi garni, animé d'un mouvement de rotation, un estèque qui découpe le profil de la surface externe. En général, une machine à faire les assiettes occupe trois personnes : un premier apprenti qui fait la croûte de pâte en écrasant une balle sur une tournette, l'ouvrier qui place le moule et ma- nœuvre l'estèque, et un deuxième apprenti qui porte les moules au séchoir et les rapporte une fois débarrassés des pièces moulées. Ce façonnage mécanique est plus rapide que l'ébauchage au tour, même exéculé par des ouvriers habiles. J'ai vu ébaucher une soupière en quatre minutes; en faconnant mécaniquement, la même opération n'en demande pas trois. Pour dégrossir les pièces et leur donner leur fini, on les porte sur un lour horizontal, une fois raffermies, et on les affine avec un outil dur : c'est le tournassage. Le façonnage mécanique permet une production considérable; il exige, en revanche, une quantité assez grande de matériel, soit appareils, soil moules en plâtre. Pour garnir les pièces, c'est-à-dire ajouter leurs anses. becs, etc., on moule ces accessoires avec des colombins débilés par une presse mécanique. 592 A. GRANGER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FAIENCERIE EN FRANCE $ 2. — Mise en couverte et Cuisson. Une fois sèches, les‘pièces sont cuites en biscuit. On les introduit dans des gazettes en.terre réfrac- taire, les unes dans les autres, de manière à ce qu'elles occupent le moins de place possible. I n'y a aucun inconvénient à les disposer ainsi, puis- qu'il n'y a pas de vitrification et, par suite, pas de collage possible La cuisson en biscuit se fait à une température voisine de 1200°; on juge de la température par des procédés assez variables et assez empiriques. L'un des meilleurs consiste dans l'emploi de montres fusibles, dont la fusion successive indique l'ascen- sion de la température. Les fours dans lesquels on cuit le biscuit de faïence sont cylindriques. En France, on leur donne souvent une assez grande hauteur (7 mètres pour un four de 150 mètres cubes). Cette grande éléva- tion n'est pas très avantageuse; elle oblige à faire des piles de gazettes très hautes, ce qui présente l'inconvénient de charger très fortement la base des piles et, par suite, de nécessiter un matériel d'encastage très épais pour éviter des ruptures et des affaissements Ces fours à faïence, en Angleterre, sont généra- lement plus larges que hauts et les fabricants fran- çais qui ont adopté les modèles d'outre-Manche ont eu une marche au moins aussi régulière, avec un travail plus facile pour l'entrée et la sortie des produits. Généralement, ces appareils de cuisson sont à flamme renversée, mais les dispositifs d'entrée et de sortie des gaz de la combustion sont assez différents. Il habitudes qui, jointes à des idées quelquefois pré- conçues, font employer des instruments assez com- existe, dans certaines usines, des pliqués. Les pièces, une fois cuites, sont prêtes à être mises en couverte. La glacure est faite avec du feldspath, du borax, de la craie et de l'oxyde de plomb. C'est donc un silicoborate alcalin, alcalino- terreux et plombeux. On fait d'abord une fritte avec du borax, du feldspath, de l'oxyde de plomb et de la craie, puis on ajoute à celle fritte du feldspath et de la silice, Il est d'abord la partie du mélange contenant les alcalis, et on broie le tout. nécessaire de fritter parce que sans cela les éléments solubles seraient entrainés par l'eau nécessaire pour le broyage et la mise en couverte la couverte Dans en suspension dans l’eau, on trempe les pièces en les lenant par la plus petite surface possible ; quelquefois même on les ma- nœuvre avec des pinces, puis on les met à égoutter. Une fois séchées, les pièces sont mises en gazettes, mais avec des précautions spéciales. Pour éviter les points de contact entre les pièces, chaque con- tact amenant un collage, on dispose les objets sur des supports spéciaux qui, tout en les isolant, ne les toucheront que par quelques points et ne lais- seront pas de traces sur les pièces. La cuisson des pièces en couvertes se fait dans des fours semblables à ceux qui cuisent le biscuit, de dimensions assez souvent plus restreintes. La température nécessaire pour glacer la couverte est moins élevée que celle de la cuisson de la pâte; elle est néanmoins supérieure à 1000°. Cette cuisson de la couverte nécessite des pré- cautions, car avee un feu trop réducteur il y aurait des noircissements et même des métallisations, dus à la mise en liberté de plomb par les produits car- burés de la flamme. $ 3. — Décoration. La faïence fine doit être une poterie bon marché ; il y a donc lieu de n'employer pour son décor que des procédés peu coûteux. On peut décorer au grand feu ou au petit feu; dans le premier cas, la cuisson sera faite dans le four ; dans le second cas, on effec- tuera l'opération dans un appareil spécial, le moufle ‘. On pourra, au grand feu, appliquer la décoration sur le biscuit et émailler ensuite : ce sera la décoration sous couverte ; la décoration sur couverte sera obtenue avec des couvertes colorées. Au petit feu, on décorera sur couverte avec des couleurs contenant un fondant capable de faire corps avec la couverte, mais néanmoins plus fusible que cette dernière. Pour l'industrie qui nous occupe, un faible prix de revient est le point capital; aussi devra-t-on faire porter les perfectionnements sur tout ce qui peut simplifier la main-d'œuvre. Actuellement, la décoration par impression est générale et la pein- ture est réservée uniquement aux objets d'art d’un prix élevé. Pour les dessins monochromes, on imprime, avec une planche de cuivre aciéré, en se servant comme encre de la couleur mélangée à de l'huile de lin, puis on applique, sur la pièce, l'épreuve tirée sur une feuille de papier. Avec un papier convena- blement fabriqué, on peut très bien séparer le papier de la couche et laisser le dessin coloré bien appliqué sur la pièce. Pour les sujets polychromes, 1 On appelle ainsi de petites chambres en terre réfractaire, chauffées par un foyer inférieur. Il y a tendance, en ce mo- ment, à adopter un matériel plus perfectionné et à se ser- vir de moufles continus. Les pièces décorées, placées dans des corbeilles de fer, viennent alors traverser une enceinte constamment chauffée à température convenable. Ces appareils continus ne peuvent rendre de services réels qu'à des usines ayant une production suffisante pour les alimen— ter continuellement. A. GRANGER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FAIENCERIE EN FRANCE on fait autant de reports qu'il y a de tons et c'est le motif complet, avec toutes ses nuances, que l'on reporte sur l'objet à décorer. On est arrivé main- Lenant à imprimer jusqu'à dix couleurs, ce qui est grandement suffisant. Une fois l'épreuve faite sur papier, on peut la transporter tout de suite ou bien la laisser sécher et la conserver pour un emploi ulté- rieur. On trouve dans le commerce des dessins tout préparés, qu'il suffit de mixtionner et d'appli- quer sur la surface à décorer. Le procédé est une variante de la décalcomanie. Les couleurs sont faites en additionnant un fon- dant plombeux d’oxydes métalliques. Les colorants les plus employés sont les oxydes de cobalt, de fer, de chrome, de cuivre, de manganèse et d'étain, le chromate et l'antimoniate de plomb, le pourpre de Cassius qui donnent des bleu, rouge, vert, brun, violet, blanc opaque, jaune et pourpre. Avec une préparation spéciale, le pinck, on obtient de jolis roses. Avec des fondants alcalins, c'est-à-dire des fondants dont une partie de l’oxyde de plomb est remplacée par un alcali, on a créé les émaux alca- lins. Dans ce nouveau milieu, certains oxydes ont pris des tons nouveaux particulièrement éelatants, qui ont fait le suceès de cette palette. III. — FAÏENCES DOMESTIQUES ET ARCHITECTURALES. L'emploi de la faïence n'est pas borné unique- ment à la poterie; depuis longtemps on a fait des carreaux, et tout le monde connait les carreaux de poële et les carreaux de revêtement. Les carreaux de poêle sont en faïence stannifère et sont fabriqués comme cette matière, à peu de chose près. Ils doivent pouvoir résister à un chauf- fage inégal; ils nécessitent done une pâte particu- lièrement étudiée à ce point de vue; avec de l'argile additionnée de sable ou mieux de ciment, c'est-à- dire d'argile calcinée, on fait de bonnes composi- tions supportant bien les variations brusques de température. (Les produits réfractaires, par exem- ple, sont fabriqués avec des pâtes de ce genre.) Malheureusement une telle masse serait poreuse, ce qui ne vaudrait rien pour l'émaillage ; il a donc fallu trouver un moyen terme entre les deux con- ditions contradictoires : structure poreuse donnant la résistance au feu, et pâte compacte prenant bien la glacure. Nous avons vu que l'on devait, dans la fabrication de la faïence de Paris, ajouter une marne calcaire pour donner de la compacité à la masse el n'en mettre qu'une quantité limitée pour ne pas rendre les objets trop fragiles; dans la fabrication qui nous intéresse, nous serons obligés de faire de même. La pâte sera faite d'argile et de marne dégraissées avec du ciment et du sable, et on n'ajoutera de matière plastique que ce qu'il 593 faut pour le façonnage. Ici la texture physique de la marne joue un rôle assez important; aussi les dosages à employer sont-ils déterminés par la struc- ture à donner aux matériaux. Le façonnage de ces carreaux se fait par moulage, el, après dessiccalion, on redresse les carreaux gau- chis avant de les cuire. La cuisson et l'émaillage se font comme pour la faïence émaillée ordinaire. En outre du carreau blanc émaillé, on fait mainte- nant des carreaux avecd’autrescolorations,obtenues avec des émaux opaques colorés. Certains fabricants ont réussi à poser des émaux transparents après avoir engobé les pièces. Avec une pâte analogue à celle de la faïence stannifère, on fait aussi des carreaux de revêtement blancs émaillés. Moulés dans des formes en plâtre, à la main ou avec l'aide de presses, ces carreaux sont émaillés directement sur cru; on évite ainsi un feu, ce qui permet d'abaisser leur prix. Quel- quefois ils portent une décoration simple et mono- chrome, mais on en emploie encore beaucoup de blancs. Quand on désire employer le carreau de revêtement pour la décoration, il est préférable de recourir au carreau de faïence fine, que l'in- dustrie livre à des conditions avantageuses, et avec des motifs plus riches et plus variés. Les carreaux de revêtement blancs ou décorés en faïence fine sont fabriqués mécaniquement. La pèle, au sortir du filtre-presse, est desséchée jusqu'à ce qu'elle ne contienne plus que 8 °/, d'eau environ ; dans cet état, elle n'a plus de plasticité, mais l'hu- midité qu'elle contient est suffisante pour faire adhérer les unes aux autres les molécules. On brise alors les blocs de pâte desséchée, on les pulvérise et on tamise la poussière obtenue. On façonne alors à la presse dans des moules en acier. On a fait des carreaux ayant jusqu'à 30 centimètres de côté, mais c'est une limite difficile à atteindre; on peut considérer pratiquement la fabrication comme limitée à 20 centimètres. On peut naturellement décorer les carreaux comme la faïence fine; pour les motifs très ordinaires, on à recours au pochoir, qui est encore plus simple que l'impression. Les carreaux permettent de fabriquer des pan- neaux décoratifs de toute grandeur; il suffit de couper convenablement le sujet à représenter, de manière à éviter des raccords malheureux. Pour le revêtement, il est nécessaire d'avoir des couleurs éclatantes: aussi se sert-on beaucoup de fondants alcalins qui donnent à certains tons un éclat extrêmement vif. La faïence fine étant fabriquée dans de grandes usines munies d’un matériel permettant une pro- duction considérable, ces carreaux se sont beaucoup répandus et les industriels ont cherché à dévelop- de décoration, tant par son bon per ce genre 594 marché que par la variété. On trouve maintenant un assortiment de sujets qui permet d'utiliser un mode d'ornementation intérieur évidemment plus sain que le papier peint et les tentures, et qui à l'avantage de pouvoir se laver. Depuis quelques années, un mouvement nouveau s’est dessiné et l'on a compris le parti à tirer de la céramique au point de vue architectural. La faïence a pris beaucoup d'extension et l'on s'est adressé à toutes ses variétés. Toute terre cuite sur laquelle on pose une glaçure devient une faïence, et l'on comprend qu'en appli- quant sur une pièce de terre cuite des émaux et des couleurs, on à pu jeter une nouvelle note dans la construction et rompre la monotonie de la teinte si connue des briques et des tuiles. Le bel effet que les Orientaux ont tiré de la faïence décorée dans leurs constructions nous est connu depuis longtemps, et, en développant chez nous cette fabri- cation, nous pourrons en tirer un parti avantageux si nous savons user avec modération de ce genre d'ornementalion. Il faut, pour qu'une pâte supporte convenable- ment une glaçure, indépendamment de l'accord dont nous parlerons plus loin, une surface lisse; aussi doit-on unir les pièces ou les engober. Sur les pièces de terre rougeàtre, une glaçure plombeuse transparente donnera une coloration rouge assez intense. On pourra aussi obtenir des bruns et des noirs en ajoutant à la couverte quel- ques centièmes soit d'oxyde de manganèse, soit d'un mélange d'oxydes de fer et de manganèse et de cobalt. Les pâles qui permettent d'augmenter la palette avec le vert à base de cuivre el le de cobalt. cuisent jaunâtres bleu Pour les tons très clairs, il faudra recourir aux couvertes opacifiées à l'oxyde d'étain. On pourra aussi appliquer sur ces faïences des émaux ‘alcalins, et cela d'autant mieux que les pâtes seront généralement plus sili- ceuses. Avec des glacures bien faites et S'adaptant bien sur ces pales, ces produits doivent être assez résis- tants; des couvertes qui se fendillent et des pâtes trop poreuses sont exposées à voler en éclats quand le froid fait geler l'eau qui s'est déposée à l'intérieur pendant les pluies. En résumé, dans tous les genres de faïences que nous avons examinés, il est possible de trouver matière à créations nouvelles dans cet ordre d'i- dées depuis la faïence commune jusqu'à la faïence fine. Nous avons pensé que, pour mieux mettre en évidence ce débouché nouveau pour l'industrie de la faïence, il y avait lieu de consacrer à la faïence d'ornementalion un paragraphe spécial. A. GRANGER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FAIENCERIE EN FRANCE IV. — CONDITIONS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES DE LA PRODUCTION DE LA FAÏENCE EN FRANCE. La fabrication de la faïence en France est surtout importante dans ses deux variélés : la faïence stannifère et la faïence fine. Nous avons fait remar- quer la situation particulière du potier de faïence vernissée au début de cet article, nous n'y revien- drons pas. Si la faïence stannifère représente un certain trafic, il est évident que, maintenant, le goût du public l'entraine vers la faïence fine, dont les formes, le décor et la variété lui ont plu. Dissé- minée dans des usines de moyenne importance, la fabrication de la faïence stannifère est en décrois- sance, et, si nous consultons les statistiques, nous verrons que notre situation, au point de vue de l'exportation de cette matière, perd de son impor- tance, puisque de 2.270.084 francs en 1895, elle tombe à 1.804.686 en 1897 et à 1.685.739 en 1898. Ce n'est pas à une fabrication inférieure que nous devons cette perte sur le marché, car l'im- portation n'a augmenté que dans de faibles pro- portions (de 119.902 francs en 1896, elle monte à 144.350 francs en 1898); notre situation de vendeur est encore bien supérieure à celle d’acheteur, et il faut faire la part de la vogue de la faïence fine, qui se répand de plus en plus et prend la place d’une matière similaire plus ancienne et plus francaise. Je ne pense pas, devant le mouvement actuel, qu'il y ait lieu de chercher beaucoup à relever cette fabrication par des perfectionnements apportés à un produit passé de mode. Nous devons surtout veiller à ne pas être tributaires de l'Étranger et tächer de retrouver, dans un surcroil de production de faïence fine, le débouché perdu pour la faïence émaillée. L'industrie de la faïence fine présente une orga- nisation différente ; les usines sont peu nombreuses, mais disposent de moyens puissants, qui per- mettent une production considérable. Telles sont, par exemple, les manufactures de Digoin, Vitry- le-Francçois, Gien, Lunéville, Montereau, Choisy-le- Roi, Longwy. Ces grandes installations peuvent seules résister à la concurrence étrangère, car leur outillage perfectionné leur permet d'augmenter leur rendement sans frais nouveaux de personnel, et, par suite, de diminuer le prix de revient de la main-d'œuvre. La situation des industriels vis-à- vis des ouvriers peut être parfois difficile, mais les produits amenés du dehors empêchent toute majoration des salaires et, pour faire face aux exi- gences d'une bonne exploitation, la rétribution ne doit plus porter que sur la production réelle de l'ouvrier, c'est-à-dire sur le nombre de pièces fa- connées. Cette condition du travail entraine alors les ouvriers à un effort constant, car la diminution A. GRANGER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FAIENCERIE EN FRANCE des prix de vente oblige à maintenir la main- d'œuvre à bas prix; l’ouvrier faïencier doit arriver à une habileté assez grande pour se faire un gain journalier convenable”. Si l’on veut réfléchir un instant à la somme d'opérations que représente un service de 70 pièces, au prix actuel de 25 francs, on peut se rendre compte que le façonnage doit être effectué dans des condilions particulièrement économiques, puisque le prix moyen d’une pièce est de O fr. 35 environ*. En se reportant au cycle que doit parcourir un objet pour passer de l’état de terre à celui de poterie, le lecteur se rendra compte que l'amélioration constante des procédés doit être la préoccupation perpétuelle du fabricant et qu'une économie, à première vue minime, peut devenir très importante puisque le peu de valeur de la matière fabriquée ne peut amener de rémunération à l’entreprise que si sa production est considé- rable. Les améliorations à apporter dans la fabrication sont de deux sortes : on peut, en effet, chercher à rendre la production moins coûteuse, soit en perfectionnant le façonnage, soit en diminuant les chances d'accidents. Au premier ordre d'idées se rattachent les tentatives de perfectionnement du matériel, car toutes ont pour but d'accroitre le rendement des machines et d'en corriger les im- perfections. On ne trouve malheureusement pas dans toutes les usines francaises celle préoccupa- tion de faire mieux qui anime les fabricants en Angleterre et en Allemagne, et nous allons voir que sur le terrain de la faïence fine, nous sommes en présence de concurrents avec lesquels nous devons compter. Les Anglais, qui ont certainement amené l'in- dustrie de la faïence fine à une assez grande per- fection, n'ont pas compris leur rôle de producteurs de lamême manière que nous. Sur 870 fabriques, qui sont en activité en Grande-Bretagne, untiersenviron se trouve groupé dans la mème région (district des poteries) du Staffordshire. Ces faïenciers se sont as- sociés moralement pour la réussite de l'œuvre com- mune, solidarisant un peu leurs découvertes pour le profit de leur pays. Ces usines, rassemblées dans le même lieu, constituent un champ d'expériences très vaste, d’où l’on a dû tirer de sérieux avan- ? Ce gain dépend naturellement de la qualité de l’ouvrier; mais il varie aussi suivant les régions. C'est ainsi qu'il est plus élevé aux environs de Paris que dans les départements, où la vie est à bon marché et la main-d'œuvre moins demandée. En général, il n'est pas inférieur à 6 francs par jour et s'élève jusqu'à 9 francs. Remarquons toutefois que le samedi, jour de paie, l’ouvrier produit moins et gagne moins. Le lundi aussi, le plus souvent, son ardeur au tra- vail est ralentie et son salaire s’en ressent. ? La pièce qui sort de l'usine se vend en moyenne 0 fr. 12, au moins dans une grande manufacture que nous connais- sons. 595 lages. Ainsi, tous les métiers accessoires de la poterie (mécaniciens, broyeurs de matières pre- mières, pâliers, fabricants de couleurs, construc- teurs de fours) se trouvent représentés dans le district et peuvent vivre facilement, puisque leur utilisation est certaine, grâce à cette aggloméra- tion. Cette organisation permet à chaque fabricant de limiter ses efforts à la partie céramique pro- prement dite. Dans le district, il est très facile, à celui qui pos- sède quelques ressources, de monter une petite fabrique, car on y trouve des usines installées à louer à des prix raisonnables. La division du travail caractérise ce genre d'exploitation, tandis que nos usines francaises, éloignées les unes des autres, doivent moyens et entretenir un personnel varié. Les autres fabriques anglaises sont dispersées avoir recours à leurs propres sur le territoire du Royaume-Uni, et n'ont pas les facilités que l’on rencontre dans le Staffordshire, mieux desservi par les chemins de fer et les canaux. Elles ont reconnu l'avantage du groupement; aussi de nouveaux centres (moins importants que le district des poteries) se sont-ils formés, et leur importance ne peut qu'augmenter. Les faïenciers allemands procèdent comme leurs concurrents français, avec des usines en nombre restreint, mais considérables. En établissements sont montés par actions, et cette général, ces réunion de capitaux permet de leur donner un dé- veloppement inconnu chez nous. Il en résulte un abaissement des frais généraux et la possibilité d'entretenir un matériel de choix, et de le renou- veler quand le besoin s'en fait sentir. Le matériel mécanique est très étudié et nous verrons tout à l'heure que tout ce qui peut contribuer scientifi- quement au perfectionnement de la fabrication est tenu en considération. Avec des tarifs de transport modérés et une main-d'œuvre moins élevée que la nôtre, la production est forcément plus avantageuse que chez nous. Il faut remarquer, en outre, que la faïencerie allemande n'a pris un grand essor que depuis quelques années; elle s’est installée dans d'excellentes conditions, profitant de l'expérience acquise, avec un matériel nouveau et muni des dernières améliorations. Maintenant que nous connaissons la siluation de nos rivaux et la nôtre, nous allons dire quelques mots de la marche de notre commerce en faïence line. Les trois dernières années sont satisfaisantes el montrent que nous pouvons, en continuant nos efforts et en cherchant à les rendre aussi utiles que possible, tenir une bonne place sur le marché. Voici la valeur de notre exportation et de notre importation depuis 1896 : 596 FAÏENCE FINE ER 1596 1897 1898 Exportation. 931.903 1.028.051 1.254.400 Importation 1.931.530 1.244.051 1.214.290 Différence. . — 693.627 — 216.317 + 40.140 On voit que nous avons restreint notre importa- tion et augmenté notre exportation à ce point que cette dernière contre-balance aujourd'hui la valeur de ce que nous recevons de l'Etranger. C'est d'un bon augure. Pour continuer dans cette voie, nous aurons évidemment beaucoup à travailler, car l'industrie similaire allemande, quoique plus jeune que la nôtre, nous à dépassés. Les comptes rendus officiels allemands donnent pour 1898 une expor- tation d'une valeur de 1.981.250 francs, contre seu- lement 475.000 fr. d'importation, soit 1.506.250 fr. d'écart. Nous malheureusement que 40.140 francs d'excédent de notre exportation sur notre importation. C'est peu. n'avons V — LA SCIENCE ET LA FABRICATION DE LA FAÏENCE. Le cadre de cet article ne permet pas d'envisager tous les accidents qui peuvent se produire dans les d'examiner rapidement un des plus importants et des plus fréquents d’entre eux : le manque d'accord de la couverle avec la pâte, et de montrer que des recherches entreprises méthodiquement avec l’aide faïenceries; nous nous contenterons de la science peuvent amener des améliorations dans la fabrication. La couverte d’une faïence repose sur une masse qui doit avoir même dilatation que ce silicate fondu; elle est retenue par les aspérités de la pâte et elle en imprègne la surface. La couverte doit être d'accord avec son support et suivre toutes ses le depuis le point de solidification jusqu'à la tempéra- transformations, pendant refroidissement, ture ambiante. Avec une contraction de la couverte supérieure à celle de la pâte, autrement dit avec une couverte dont le coefficient de dilatation est plus grand que celui de la pâte, il arrive que la glaçure se trouve tendue sur la pièce et que, sison élasticité est inférieure à l'effort exercé, elle se brise. La surface de la pièce est alors recouverte la couverte a tressaillé. Au contraire, la pâte vient-elle d'un réseau plus ou moins fourni de fêlures : à diminuer de volume plus vite que la couverte, celle dernière se trouve en excès, comprime la päte et peut se briser en éclats : c'est l'écaillage. Pour éviter ces accidents, le fabricant a donc inté- rêt à connaitre comment se dilatent les pâtes et les couvertes, el surtout à savoir modifier leurs dila- talions. Cette question de l'accord des pâtes et des cou- A. GRANGER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FAIENCERIE EN FRANCE vertes n'a pas élé délaissée; elle n’est pas résolue complètement. Un certain nombre de travaux ont été publiés et, grâce à leurs résultats, nous sommes en mesure d'augmenter ou de diminuer la dilata- lion d’une pâte ou d'une couverte pour faciliter l'accord de ces deux parties d'une poterie. De nom- breuses déterminations, effectuées d'une manière plus précise, depuis quelques années, nous ont donné d’intéressants aperçus sur le rôle des élé- ments constitutifs des pâtes et couvertes et de la température de cuisson. Sans permettre de prévoir l'accord absolu d'une pâte et d'une couverte, l'étude des dilatations nous à mis en main des moyens de faire varier les coefficients de dilatation et d'éviter, dans certains cas, une dilatation irré- gulière. Cesrecherches,ettouteslesrecherchesentreprises au point de vue de la céramique amèneront-elles de rapides progrès dans la fabrication? Je me per- mets d'en douter, car le perfectionnement de cette industrie par les moyens scientifiques est difficile, du moins en France. Beaucoup de nos industriels se sontintéressés à ces travaux, il en ont même sub- ventionné quelques-uns, mais leur attente a été un peu déçue, une fois les expériences terminées. En effet, la présentation des faits acquis était peu facile à saisir pour beaucoup d’entre eux ; on leur soumet- tait un mémoire, d'apparence purement scienti- fique, dont les conclusions leur semblaient diffi- ciles à interpréter. Quantité d’industriels, formés dans l’industrie elle-même, manquent de cette instruction scientifique générale nécessaire pour tirer parti des nouvelles voies tracées; les savants ont alors travaillé inutilement pour eux, et un col- laborateur technique leur a semblé un luxe dont ils pouvaient se passer. Quelques-uns ont cependant compris l'obligation de marcher avec leur siècle et ont cherché des aides dont l’érudition et lhabileté leur permettraient d'adapter à leur production les découvertes modernes. Leurs efforts, malheureu- sement, ont été souvent infructueux, car s'ils ont réussi à trouver des chimistes ayant une réelle habitude du laboratoire, ils ont dû reconnaitre que leur ignorance de la Céramique était presque com- plète. Cette difficulté de recruter le personnel technique a permis à la routine de garder sa place dans beaucoup d'installations, car les fabricants ont reculé devant la tâche qui leur incombait de faire l'éducation céramique complète d'un chimiste. Il résulte de cet état de choses que, quoique les situations soient rares en faïencerie, il peut arriver que les offres de positions soient en plus grande quantité que les demandes, et j'ai vu des faïenciers français, travaillant avec des capitaux français, obligés de recourir à des conseils étrangers, tant l'étude de Ja Cé amique est délaissée des chimistes A. GRANGER — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FAIENCERIE EN FRANCE 397 français. Nous avons pourtant tenté d'installer un enseignement technique, et l'École d'application de la Manufacture de Sèvres doit former des contre- maitres instruits; seulement, cette fondation est unique, ce qui est peu quand on compare notre organisation avec celle de l'Allemagne et de lAu- triche, où les écoles sont nombreuses, comme nous le verrons tout à l'heure. Cette école prépare des artistes-décorateurs et des techniciens pour l'industrie. L'enseignement, qui dure quatre années, com- prend une période préparatoire de deux années, pendant lesquelles on traite l'Algèbre, la Géomé- trie, la Chimie, la Technologie céramique, l'Histoire de l’art, la Composition décorative, l'Histoire de la Céramique, le dessin, l’aquarelle, le tournage, le moulage et le modelage; puis, au bout de ces deux ans, les programmes sont séparés, les techni- ciens partageant leur temps entre le laboratoire et la fabrication et les artistes se consacrant à l'étude des formes et à la décoration. De l’autre côté de la Manche, le travail se fait d'après des recettes que l’on se transmet, et l'empi- risme règne en maitre. La fabrication de la faïence fine s'est néanmoins développée énormément en Angleterre, malgré ces mauvaises conditions, et les directeurs d'usines ont acquis dans la pratique une habileté qu'il faut bien reconnaitre. Il est probable que, fortement intéressés par leur métier, les industriels ont su voir et observer et qu'ils ont pu trouver, dans leur longue expérience, les remèdes de beaucoup d'accidents sans en connaitre le mode d'action. Cet exemple des Anglais a-t-il influé sur les faïenciers français? C'est très possible, et la supériorité reconnue de leur faïence, fabriquée sans l’aide de techniciens instruits, a dû souvent servir d'argument pour éliminer les hommes de laboratoire. L'empirisme anglais a pourtant été funeste à ses partisans toutes les fois que des industriels du continent ont eu recours à lui. Un ingénieur du Staffordshire se trouve dépaysé quand on le transporte dans une autre région, et, comme les bases de son savoir s'appuient sur des matériaux anglais, tout son bagage de formules de- vientalors inutile. Quand on veut l'obliger à utiliser les matières premières locales, son habileté s'éva- nouit etil est aussi embarrassé que ceux qui ont fait appel à lui pour établir la production avec sécurité, En Allemagne, la conception est autre; l'ensei- gnement dans le laboratoire occupe une large place, et l'industriel reconnait lui-même l'utilité des hommes de science. En outre des laboratoires de science pure, se sont créés des laboratoires de Chimie appliquée et des écoles où l’on forme des céramistes, et des laboratoires privés où des chi- nistes instruils étudient certaines questions inté- ressant les industriels et leur servent de conseils. Ces écoles ont certainement rendu des services, car leur nombre s'est développé. Actuellement, elles sont au nombre de huit : à Bunzlau (Silésie), à Munich, à Berlin, à Karlsruhe, à Tolkemit, à Ober- leutensdorf, à Landshut (Bavière), à Grenzhausen (Anbalt) et à Lauban (Silésie), et sont fréquen- tées par plusieurs centaines d'élèves, presque toujours payants. L'enseignement de ces établisse- ments est essentiellement pratique : c'est la note dominante de cet enseignement technique alle- mand; il diffère du nôtre par la suppression pres- que radicale, dans les programmes, des questions artistiques : on s’est proposé de doter l'industrie d'ouvriers instruits et l'esthétique a été laissée de côté. Avec des aides ainsi formés et des directeurs soigneusement préparés, l'exploitation doit être bien guidée, puisque le travail y est raisonné, Cette fabrication, plus jeune que la nôtre, a pro- fité des améliorations déjà établies ; ses recherches ont été dirigées scientifiquement, les ingénieurs ont été consultés pour la construction du matériel, et les chimistes encouragés à étudier la chimie de la Céramique, de manière à faire profiter l’indus- trie des découvertes. Il faut joindre à cela les publications allemandes qui, sans avoir une impor- tance exagérée, sont assez nombreuses, et, en général, bien informées. La vérité nous oblige à avouer que nos compatriotes ont fait preuve jus- qu'ici d'une indifférence presque complète pour les journaux industriels; il est vrai qu'en Angle- terre on va plus loin, car je ne connais, concernant la poterie, que des publications commerciales et des recueils de formules. Il est hors de doute que cette organisation alle- mande ne soit excellente, et nous pouvons voir qu'elle a déjà porté ses fruits en étudiant la situa- tion du commerce céramique allemand. La fabri- cation se développe chaque jour, dépassera ‘la fabrication anglaise si ses progrès continuent, et finira par occuper une place très importante si nous nous maintenons dans le s{atu quo. En résumé, placés l'Allemagne et le Royaume-Uni, nos industriels n'ont pas les avan- tages matériels que les ressources intellectuelles et financières du pays seraient en droit de leur faire espérer. Il y à un progrès, comme nous l'avons fait constater, mais, si la méthode ne s'introduit pas avec autorité dans nos usines, il est probable que toutes les qualités de notre race n'empécheront pas le travail régulier el continu de nos concurrents de nous distancer constamment et de nous réléguer au second plan. entre A. Granger, Docteur ès sciences, Professeur de Technologie céramique à l'Ecole d'Application de la Manufacture Nationale de Sèvres. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Duporcq (Ernest), ancien élève de l'Ecole Polytech- nique, ingénieur des Télégraphes. — Premiers prin- cipes de Géométrie moderne {à l'usage des élèves de mathématiques spéciales et des candidats à la Licence et à l'Agrégation). — 1 vol. in-8° de vir-160 pages. (Prix : 3 fr.) Paris, Gauthier-Villars, éditeur, 1899. Lorsque m'est arrivé, il y a peu de jours, le petit livre dont il s'agit, j'ai voulu le parcourir rapidement pour en prendre une idée générale. Puis, de proche en proche, je me suis laissé aller à couper tous les feuillets et à suivre l'auteur d’un bout à l’autre de son dévelop- pement, tellement cette lecture devenait altachante, bien que forcément superficielle. On ne trouverait, en effet, guère d'exemple compa- rable d’une pareille condensation d'idées et de résultats en si peu de pages. On pourrait dire que toute l'essence des théories de la Géométrie supérieure récente et de leurs applications à la Théorie des courbes et des surfaces, au moins des surfaces du second ordre, se rencontre dans les six chapitres qui composent l’ou- vrage : Préliminaires. — Divisions et faisceaux homo- graphiques. — Transformations homographiques et corrélalives. — Principales propriétés des coniques. — Principales propriétés des quadriques. — Etude de quelques transformations. Essayer de détailler les matières qui composent ces chapitres seraitune tâche impossible, àmoins de repren- dre pour ainsi dire le volume lui-même. La plupart des sujets traités rentrent dans des théories connues. M. Duporcq y a cependant ajouté beaucoup du sien, quand l’occasion s’en présentait, et, dans tous les cas, ce qui lui appartient bien en propre, c’est l'ordonnance générale de l'ouvrage, c'est le mode d'exposition, sobre, net et précis. Nous devons une mention spéciale, cependant, à la très intéressante étude sur la transfor- mation de Lie, faite à un point de vue géométrique nouveau. Au fond, il y a dans le titre de l'ouvrage une partie qui n'est pas tout à fait exacte; il n’est pas « à l'usage des élèves, » mais « à l'usage des très bons élèves »; il est aussi « à l'usage des professeurs » qui auraient peut- être à y apprendre eux-mêmes quelque chose, à y recueillir des notions sur des choses sues autrefois et un peu oubliées; ïils v trouveraient surtout, avec un peu de travail, des éléments précieux à intro- duire dans leur enseignement. Cette remarque est moins un bläme qu'un éloge à l’adresse de l’auteur; son extrème concision est un grand mérite; mais il ne faut pas se dissimuler qu’elle nuit un peu à la clarté, pour les lecteurs qui n’ont pas encore assez de connaissances acquises. Tout le bien que je dis, et que je pense, de ce petit livre m'aulorise à présenter aussi quelques critiques concernant la terminologie. Pourquoi M. Duporcq, après tant d’autres, et avec son esprit exact et précis, emploie-t-il l'expression malheureuse de surfaces du n° degré, au lieu de surfaces du n° ordre? Le degré appartient à l'équation; celui de l'équation ponctuelle, c'est l'ordre; celui de l'équation fangentielle, c'est la classe; ilest toujours bon d'éviter les confusions, surtout quand on veut agir sur l’enseignement. Pourquoi, encore, le vocable si fâcheux fransformation par rayons vecteurs réciproques, qui représente au fond une idée inexacte et incomplète, lorsqu'on possède celui d’in- version ? Mais ce ne sont là que des détails. Le livre dont nous ET INDEX avons essayé de donner une idée est, croyons-nous, le premier du jeune géomètre à qui nous le devons, et que de nombreux travaux ont déjà fait connaître. Sa science et son talent nous sont un garant que d'autres ouvrages, soit d'ordre purement scientifique, soit intéressant l’en- seignement, ne manqueront pas de succéder à celui-ci; et, pour être excellents de tous points, il leur suffira de ressembler à leur aîné. C.-A. LalsanT, Examinateur d'admission à l'Ecole Polytechnique. Tikhomandritzki (Mathieu). — Kours tiéorii vié- roïatnosteï (COURS DE LA THÉORIE DES PROBABILITÉS). — 1 vol. in-8° de 103 pages. Kharkoff, 1899. M. Tikhomandritzki, professeur à lUniversité de Kharkoff, bien connu par ses travaux sur le calcul des différences finies, sur les intégrales abéliennes, a publié son cours sur le calcul des probabilités. Le livre est un ouvrage d'enseignement, mais avec un caractère élevé, et s'adresse à des lecteurs déjà fami- liers avec l’analyse. IL va sans dire qu'on y chercherait en vain des réflexions criliques analogues à celles de M. Poincaré (Revue du 15 avril 1899); l’auteur se con- tente d'exposer le calcul des probabilités dans sa forme classique, mais dans un langage élégant et précis. Ce caleul à été une matière de prédilection pour les alsébristes russes (Tchébicheff, Imchenetzki...), qui ont beaucoup travaillé sur les théorèmes de Jacques Ber- nouilli et de Poisson sur les grands nombres. Parmi les diverses questions successivement traitées, et en dehors, bien entendu, de l'exposition des théories fondamentales, je signalerai les suivantes : Probabilité pour qu'en rompant en trois et au hasard une tige mince, on puisse construire un triangle avec les trois fragments ; Probabilité d'atteindre, avec un projectile, un disque tournant; Justification de la méthode des moindres carrés... Je remarquerai, en terminant, qu'on édite fort bien les mathématiques à Kharkoff. L'impression ne le cède guère à celle de la maison Gauthier-Villars. LÉON AUTONNE, Maître de Conférences à l'Université de Lyon. 2° Sciences physiques Neumann (D'Carl), Professeur à l'Université de Leipzig. — Die Electrischen Kräfte. Darlegung und Er- weiterung der von hervorragenden Physikern entwickelten mathematischen Theorien. Erster Theil: Die durch die Arbeiten von Ampère und F. Neumann angebahnte Richtung. 1 vol. gr.in-8° de 272 pages avec 15 fig. (Prix: 9 fr.), 1873. — Zweiler Theil: Ueber die von Hermann von Helm- holtz in seinen älteren und in seinen neueren Ar- beiten angestellten Untersuchung'en. {1 vol. in-8° de 462 pages (Prix : 17 fr. 50) 1898. B.-G. Teubner, éditeur, à Leipzig. Dans le quart de siècle écoulé entre l'apparition des deux volumes formant l'ouvrage de M. Carl Neumann, la science électrique a si fortement dévié de la route qu'elle semblait devoir suivre que, sous peine d'être vieux à sa naissance, le deuxième tome devait rompre franchement avec son programme primitif. Bien que contenue implicitement dans la loi élémentaire de Weber, l'idée de l’action par l'intermédiaire d’un mi- lieu — l'existence d'une vitesse duns cetle loi n'ayant pas d'autre signification — était totalement étrangère aux spéculations classiques il y a quelque vingt ans. Et cependant, quelque simple que pussent alors paraitre BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 599 les lois de l'Électrodynamique, leur validité semblait douteuse à plus d'un physicien. Déjà, à cette époque, M. Carl Neumann ne se faisait aucune illusion sur le sort réservé aux théories à l'examen desquelles son ouvrage est entièrement consacré. Aujourd'hui encore, il qualifie les théories électriques et magnétiques de « très imparfaites » et « tout à fait provisoires », et s'explique leur état d'enfance par le temps relativement court durant lequel les savants les ont méditées, com- paré aux vingt siècles de recherches sur la dynamique des corps pondérables. Cependant, depuis une cinquantaine d’années, les lois intégrales des actions électrodynamiques et de l'induction sont acquises pour le cas des corps en repos, — cette restriction n'existe pas dans les travaux antérieurs à Maxwell, — alors que les lois élémentaires, considérées comme probables à la suite des travaux d'Ampère pour les premières de ces actions, sont encore enveloppées d'une profonde obscurité, suivant l’expres- sion de M. Neumann, dans le cas de l'induction. D'ailleurs, la loi d'Ampère peut être partiellement vraie sans l'être en entier. En dehors de l'expression numérique de la force, il se peut que sa direction ne soit pas celle que lui assigne Ampère. Le doute à cet égard a été souvent exprimé, et plus d'une tentative fut dirigée contre la loi d'Ampère. Ainsi, en 1873, Helmholtz essaya de substituer à cette expression sa loi potentielle, dont le plus gros défaut, mis en évidence par M. C. Neumann et M. Riecke, était d’être en oppo- sition formelle avec des faits d'expérience. Helmholtz, il est vrai, appuya son hypothèse sur les phénomènes obscurs qui se passent au point d'entrée du courant dans le solénoïde d'Ampère, mais alors la question devient d'une grande complication. On voit la nature des difficultés auxquelles s'attaque M. C. Neumann, et l'intérêt qui s'attache à leur étude approfondie. Il en a faitjl'œuvre de sa vie; il a donné à la lutte pour la vérité une sorte de passion qui rend très humaines ses pages bourrées de calculs et remplies d’abstractions. Dans ce domaine, que d'illustres maîtres ont exploré, M. Neumann ne se borne pas à rassembler leurs idées; il les discute, donne ses opinions personnelles sur leurs résultats, et fait clairement ressortir tout ce qui paraît encore douteux. Les anciens travaux de Helmholtz partaient de la loi newtonienne. Les nouveaux procèdent des équations de Fourier. M. Neumann pense que « si l’on veut ap- profondir les vrais principes des actions électriques, il s’agit, en définitive, de l'examen des principes géné- raux par lesquels on peut réunir en un seul faisceau les phénomènes de la gravitation et ceux de la chaleur. Ces principes « dont nous croyons avoir devant nous quelques vagues reflets... » S'il en est ainsi, les chercheurs ont de belles années en perspective, el nous pouvons nous consoler de comprendre si peu ef si mal les théories électriques, à l'idée que tout sera clair pour nos lointains descen- dants, qui auront mieux que de vagues reflets des prin- cipes universels. À première vue, il semble que les deux façons d'a- border l'étude des phénomènes électriques en soient deux représentations diverses, mais exclusives l’une de l'autre. M. Neumann ne le pense pas; il considère l'é- lectricité comme susceptible de former le lien entre les deux ordres de phénomènes dont l'étude directe a servi de type aux recherches sur l’ lectricité. C’est pour celle raison qu'il expose les anciens travaux de Helmholtz concurremment avec les plus récents, qu'il considère comme le summum de la connaissance des phénomènes électriques. La suite des idées sur l’action de milieu, dans les travaux de Faraday, de Maxwell, de Heaviside, de Poyn- En: et de Hertz ont pu, dit l’auteur, être considérés comme des feux follets — frrlichter pourrait aussi être traduit par lumières caplieuses, — tandis que, pour la première fois, le principe du minimum de Helmholtz les rassemble et leur donne la consistance qui leur fai- sait défaut. M. Neumann envisage l'introduction dans la science de ce nouveau principe comme un progrès éminent, qui, pour la première fois, permet de saisir l'ensemble des travaux sur l'action de milieu. D'ailleurs, ce prin- cipe n'est pas limité aux phénomènes électriques. Helmbholtz en a déduit des résultats remarquables en Hydrodynamique, comme on pouvait s'y attendre, puis- que le point de départ de ses recherches est dans les équations d’Euler et de Lagrange. On conçoit que, tenant cette recherche en si grande estime, l’auteur y tende dans toute la dernière partie de son ouvrage. Les formules fondamentales de Helm- holtz sont-elles établies d’une façon rigoureuse ? l’au- teur ne le pense pas; il les considère comme créées par une sortie de divination, privilège du génie. Malgré tout, il reste beaucoup à faire ; c'est là surtout ce qui ressort de l'ouvrage de M. Neumann, dont la lec- ture, fort absorbante, a entre autres bons effets de faire comprendre, dans uue certaine mesure, pourquoi les théories électriques sont encore si peu satisfaisantes. Cu.-En. GUILLAUME, Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. Rocques (Xavier), Ancien chimiste principal du Labo- ratoire municipal de Paris. — Les Eaux-de-Vie et Liqueurs. — 1 vol. in-8° de 224 pages avec 65 figures de la Bibliothèque de la Revue générale des Sciences. (Prix cartonné : 5 fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1899. Ayant énuméré les alcools naturels et les alcools d'industrie, l’auteur traite d’abord en détail des eaux-de- vie de vins, puis, sous une forme plus abrégée, des eaux-de-vie extraites des fruits à pépins ou à noyau ainsi que du rhum, du wisky et, finalement, des eaux-de- vie de fantaisie, Après avoir parcouru cette série dégres- sive et intéressé le lecteur aux nobles produits charen- tais comme aux humbles spiritueux qui, sagement préparés, n’offensent pas encore trop le goût ni la santé du consommateur, M. X. Rocques passe à l'examen des liqueurs, apéritives ou non, des fruits à l'eau-de-vie, des eaux aromatiques distillées et même des sirops. Les derniers chapitres du livre renferment des rensei- snements condensés, mais nourris, sur le commerce des spiritueux, les fraudes des eaux-de-vie et liqueurs, leur influence hygiénique. Quelques pages relatives à l'alcool envisagé au point de vue législatif et fiscal terminent l'ouvrage. Il nous semble intéressant de résumer ici l'opinion d’un spécialiste comme M. Rocques sur deux questions très discutées aujourd'hui : la nocuité des alcools commerciaux et le monopole de ces alcools. De longues séries d'expériences montrent que la première ques- tion, beaucoup moins simple qu'on ne le croit « priori, doit être reprise à nouveau, avec le concours de physio- logistes et de chimistes, pour être élucidée à fond. Quant à la seconde, au fond connexe avec l’autre, elle ne peut guère se trancher, s'il faut en croire M. Rocques, par la séduisante proposition de M. Alglave. M. Rocques préfère supprimer le privilège des bouilleurs de cru, — mesure selon nous d'utilité contestable, — puis contrôler étroitement les alcools d'industrie livrés à la consommation publique, — ce qui est mieux, — puis encore augmenter les droits sur l’alcool, — ce qui est bien, — puis enfin prendre des mesures destinées à restreindre la consommation au cabaret, — ce qui est parfait. ANTOINE DE SAPORTA. 3° Sciences naturelles Dakhy1 (H.-N.), Docteur en médecine. — Physiologie raisonnée. — 1 vol. in-12 de 560 pages. (Prix : 8 fr.) Société d'éditions scientifiques. Paris, 1899. Physiologie « raisonnée » nous parait quelque peu ambitieux, comme titre, tout au moins. « Physiologie 60) BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX par questions et réponses », voilà le titre exact de ce volume. C’est un traité de Physiologie où l’auteur, au lieu de recourir à la méthode didactique, procède par questions et réponses. Nous avons eu autrefois, voici bien des années, les « Pourquoi et les Parce que », la Physique élémentaire enseignée par voie d'interroga- tions, et, à la vérité, de facon fort intéressante. La mé- thode en elle-même n'est pas mauvaise, tant s’en faut ; elle permet plus de fantaisie, elle permet plus de variété, et éloigne la fâcheuse monotonie en permet- tant à l’auteur d'introduire, cà et là, des formules plus saisissantes et plus propres à se graver dans la mé- moire. Mais encore faut-il l’'employer de la bonne manière; et peut-être aussi ne se prète-t-elle pas également bien à l’enseignement de sciences différentes. D'autre part, — et ceci concerne non plus la forme, mais le fond, dont l'importance est plus grande, — il y a dans le livre de M. Dakhyl des lacunes. Prenons un chapitre au hasard : voici, par exemple, celui qui con- cerne la sécrétion salivaire. Nous y trouvons des défauts d’exactitude. C’est aiusi que, parlant du rôle excito-sécrétoire de la corde du tympan, M. Dakhyl ne distingue pas nettement les effets de l'excitation de ce nerf : il ne dit pas, comme il faut le dire au débu- tant, que ce nerf exerce deux actions, vaso-dilatatrice et sécrétoire; il ne parle pas du rôle excito-sécrétoire du sympathique, qui stimule les éléments glandulaires tout en provoquant la vaso-constriction. Toute cette importante question est traitée de manière par trop succincte, nous semble-t-il. Au chapitre nutrition, il faudrait encore indiquer que le glycogène provient aussi bien des graisses que des féculents et des albuminoïdes : la graisse ne se brûle pas en nature, lors du travail musculaire. Et encore, à la question « l'existence de la glycose où est-elle nécessaire dans l’économie? » M. Dakhylaurait dû répondre en insistant plus clairement sur ce fait que la glycose est l'aliment essentiel non pas des «éléments anatomiques » mais spécialement des muscles; et que, dès lors, le foie est la principale source d'énergie du système musculaire. Encore, à propos de la glycose, il eût fallu signaler les travaux récents de Chauveau sur la grosse question de l'isodynamie, sur la question de la substitution des aliments, de la proportion où les albuminoïdes, sucres et graisses peuvent être substlitués les uns aux autres, en tant que sources d'énergie musculaire. Trop court aussi le chapitre sur le bilan de la nutrition. Cela n'em- pêche pas qu'il y a de très bonnes parties dans le livre de M. Dakhyl; mais il gagnera à être revu de près, et mis bien au courant de la science. Il nous paraît encore que la méthode suivie n’est pas la meilleure. Les « Pourquoi etles Parce que » veulent des réponses rigoureusement nettes et certaines : or, en Physiologie, sur bien des points, il y a controverse et incertitude, et dès lors la réponse perd de sa netteté, on bien risque d'être erronée. H. DE VARIGNY. Daniel (Lucien), Docteur és sciences, professeur au Lycée de Rennes. — La Variation dans la Greffe et l'Héré- dité des caractères acquis. — 1 vol, de 226 pages avec 10 planches et 19 figures dans le texte (Extrait des Annales des Sciences naturelles, Bolanique, 8° série, t. VIII). G. Masson, éditeur. Paris, 1899. Cet ouvrage a le mérite d'aborder et de résoudre des questions qui présentent un grand intérêt au double point de vue de la science pure et de la science appli- quée : la Biologie générale et la Botanique agricole sont intéressées par les conclusions qui découlent de ce travail. Les botanistes modernes semblent admettre que la greffe est un moyen de fixation et de conservation des variétés, et considèrent comme non démontrées les influences spécifiques entre le sujet et le greffon. D'un autre côté, la transmissibilité des caractères, acquis par influence directe du milieu, est loin d'être acceptée par la majorité des biologistes. Par ses expériences compa- ratives, persévérantes et bien conduites, l’auteur obtient des résultats qui paraitront, je le crois, très persuasifs, et capables de fixer l'opinion en sens inverse des idées couramment admises. D'après M. Daniel : 1° il y a variation dans la greffe; 2 il y a une influence très nette du sujet sur le greffon et du greffon sur le sujet; 3° ces influences et les autres variations sont susceptibles de transmission héréditaire. — Les changements amenés par la greffe, dans la nutri- tion générale des plantes associées, peuvent influencer la vitesse et la capacité de croissance du sujet et du greffon, la résistance relative des deux plantes aux para- sites et aux agents extérieurs. Par des greffes variées de plantes herbacées, on voit très nettement se mani- fester, par exemple, l'influence du sujet sur la résis- tance du greffon aux parasites. On peut savoir gré à l’auteur, qui s’est spécialisé dans l'étude de la greffe depuis de longues années, d’avoir essayé une théorie de la greffe, opération pra- tique restée jusqu'ici purement empirique. Telle qu'elle est formnlée, cette théorie est basée sur le régime de l'eau dans l’association plus ou moins parfaite du sujet et du greffon. Elle impute aux variations du régime de l’eau la plupart des dépérissements inexpliqués, tem- poraires ou définitifs, des plantes greffées, et donne une explication satisfaisante des variations de nutrition générale. Dans une plante normale, ce qui règle surtout l’ab- sorption (Ca), c'est la consommation (C,), ou capacité fonctionnelle d’assimilation des parties aériennes. Si l’un des facteurs C, ou C, diminue, l'autre facteur subit l'effet de ce contre-temps et a une tendance à diminuer pour se rapprocher de l’état d'équilibre. Par exemple, si C; diminue par suite de la sécheresse du sol, les produits de l'assimilation, au lieu de concourir égale- ment au développement de l'appareil absorbant et de l'appareil assimilateur, serviront surtout à accroitre le premier, de facon à augmenter la surface d'absorption sans augmenter autant l'appareil d’assimilation. Il y a là, d'ailleurs, plus qu'une hypothèse, car c'est un fait d'observation, très souvent cité, qu'une plante, sur sol désertique par exemple, a un sysième souterrain qui se développe proportionnellement bien plus que sa partie aérienne. Expérimentalement, le même résultat a été obtenu‘. Cette donnée générale est applicable à la greffe. Quand on greffe une plante au collet, ou sans laisser de rameaux au sujet, on intervient pour garder au sujet sa propre capacité d'absorption C,; mais on rem- place la totalité de son appareil d’assimilation C, par celui du greffon, dont la capacité fonctionnelle est C/,, qui caractérise une autre plante. Les varialions peu- vent donc provenir des causes suivantes : 1° I] n’y a que rarement équilibre entre @ et C%, et la plante grelfée est impuissante, surtout au début, à ramener ses fonc- tions à un équilibre fonctionnel momentané, en déve- veloppant inégalement ses appareils : le sujet est ainsi exposé à la réplétion aqueuse et à la pourriture, et le greffon est exposé à la dessiccation et à l'encombre- ment des réserves amylacées qu'il élabore. Ces condi- tions si anormales produisent, on le comprend, des variations accentuées dans la nutrition et la croissance. 2 L'existence du bourrelet constitue une entrave à la circulation, de sorte que la greffe d’un individu her- bacé sur lui-même détermine déjà un antagonisme entre sujet et greffon. 3° Il peut arriver que, par le fait d'une différence osmotique des membranes, l'absorption du sujet n'amène pas dans le greffon tous les sels, et aux doses nécessaires ou favorables à son développe- ment. Des modifications spéciales en sont la consé- quence et affectent la taille, la structure et la saveur... C'est un fait bien connu, en effet, que l'arrivée de l’eau et l’osmose dans le greffon sont naturellement influen- cées par le sujet. On le constate nettement en compa- rant les bois d'une même variété de Poirier, greffée sur 1 Ann. des Sc. nat, Bot., 1895, p. 121. Pr BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 6014 Cognassier et sur franc. Différant anatomiquement, le bois est plus dur et moins cassant sur ce dernier sujet. De même que le gui du Pommier subit l'influence du sol qui supporte son hôte, de même le greffon a deux supports qui l’influencent : le sol et le sujet. On arrive ainsi à cette conclusion que la conduite des arbres greffés doit être basée non seulement sur la répartition des sèves, mais aussi sur les rapports fonctionnels du sujet et du greffon, ces rapports variant suivant la nature du sol et suivant le climat. En ce qui concerne la question bien intéressante des réactions réciproques du sujet et du greffon, l’auteur apporte aussi des expériences et cite des cas indé- niables que chacun peut vérifier. Je mentionnerai seu- lement le Néflier de Bronvaux : une Epine blanche porte depuis longtemps un greffon de Néflier. Or, au-dessous de la greffe, lEpine a donné naissance à une branche de Néflier, qui garde seulement les piquants qui carac- térisent le sujet, et porte feuilles, fleurs et fruits de Néflier. On note, en même temps, que l'inflorescence est en corymbe comme celle de l'Epine. Sur la même branche, on trouve, d’ailleurs, des organes représen- tant des types intermédiaires. On a nié l'authenticité du cas presque analogue, mais inverse, présenté par le Cytisus Adami. Ici, la critique est désarmée complète- ment, puisque le cas peut être vérifié, et que l'hybri- dation ne peut expliquer la forme des feuilles et des fleurs. Dans les expériences sur les Aubergines, Tomates, Piments, Helianthus, les résultats viennent corroborer l'observation des faits précédents. Dans la sorte de symbiose du sujet et du greffon, il se produit une réac- tion mutuelle des cytoplasmes différents. Cette réaction amène, plus ou moius rapidement et plus ou moins nettement, une sorte d'hybridation aseæuelle‘ compa- rable jusqu'à un certain point avec l'hybridation sexuelle, dont elle affecte l'allure générale par l'inéga- lité de ses effets suivant les plantes considérées. Cette action affecte les régions de la plante qui sont encore malléables au moment où elle s'exerce. On peut accen- tuer, d’ailleurs, cette sorte de métissage ou d'hybrida- tion indépendante de la sexualité. L'auteur y arrive par la greffe mixte, c’est-à-dire celle où le sujet garde quelque temps encore des organes d’assimilation qui fonctionnent en même temps que ceux du greffon. En ce qui concerne l’hérédité des caractères acquis, les résultats ne sont pas moins nets et précis. Darwin et Weissmann admettaient encore dernière- ment que « les variations ne se produisent jamais que lorsque plusieurs générations ont permis aux conditions ambiantes d'influencer le plasma germinatif, moins accessible que le soma ». Or, les expériences de M. Daniel viennent infirmer cette règle : elles démon- trent que la greffe peut déterminer, dès la premiére génération, une variation importante qu'il est possible de fixer et de diriger. C’est ainsi que les variations de nutrition générale ont été transmises dès la première génération, de sorte que, entre autres résultats, l’on peut, par exemple, obtenir le nanisme par la greffe. Ajoutons, cependant, que la greffe influence toujours la variation, mais sans parfois parvenir à l’orienter. La conclusion relative aux hybrides et aux métis indi- rects de greffe peut être formulée ainsi : non seule- ment l'influence de la greffe sur le soma peut se mani- fester directement sur les plantes greflées elles-mêmes, ‘ Il nous semble intéressant de rappeler ici l'analogie de ces phénomènes avec ceux qui sont désignés en Zoologie sous le nom de télégonie, ou influence du premier mâle. Dans le cas de l'être double, formé par la mére et son fœtus, par le même mécanisme que ci-dessus, la race peut tendre à s'unifier entre les éléments des deux individus unis comme le grellon et le sujet. De sorte que la femelle peut garder des caractères de la race du mäle qui lui ont été transmis par l'embryon. Ultérieurement, ces caractères acquis par la femelle sont certainement partiellement trans- missibles comme dans le cas de la greffe. (E. G.) REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, mais elle peut produire une réaction indirecte sur les éléments reproducteurs. Dans ce cas, à la suite du semis des graines fournies par les plantes greffées, on voit apparaître dans les nouvelles plantes des carac- tères nouveaux, intermédiaires ou non, suivant les plantes, entre les caractères propres des variétés gref- fées entre elles. La greffe peut donc être considérée comme un moyen précieux de modification et de per- fectionnement systématique des espèces végétales. Toutes ces données sont pour la plupart nouvelles et appuyées d’une façon décisive. C’est dire l'intérêt qui s'attache à la lecture et à la discussion de ce travail, dont on peut dire qu'il fait grand honneur à son auteur. Epmonn Gain, Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Nancy. 4 Sciences médicales De Rothschild (Henri), Ancien externe des Hôpitaux de Paris. — Hygiène de l’Allaitement. — Un vol. in-18 de 200 pages, avec 21 figures. (Prix : 4 fr. 50.) G. Masson et Ci, éditeurs. Paris, 1899. Voici un bon petit livre, écrit par celui qui devait l'écrire, par un auteur tout particulièrement compétent dans la question. Le D: de Rothschild s’est adonné à ces études si inté- ressantes de l'hygiène et de l'alimentation des enfants et il nous expose dans son ouvrage des faits d’une haute importance, suivis de conclusions appuyées par de nom- breux documents. Les uns de ces documents résullent de ses obser- vations personnelles et des relevés de sa clinique; les autres, des travaux persévérants et féconds du D' Budin et de ses collaborateurs, les D's Michel et Perret, les savants médecins de la Maternité de Paris. Si le livre de M. de Rothschild s'adresse plus spécia- lement aux mères de famille, si sa lecture devrait être pour elles nécessaire, indispensabie même, l'ouvrage est cependant aussi intéressant pour tout le monde: car c'est de la vie et de l'avenir de nos enfants dont on parle; il faut que nous sachions tous comment nous avons chances de conserver l'existence fragile de ces petits êtres et combien grave et lugubre est la réponse des statistiques à l’égoisme ou à l'indifférence de cer- taines mères, pour lesquelles l'enfant est ennuyeux et constitue une charge désagréable dont on cherche à se débarrasser. L'auteur, en diseutant les conditions diverses de l'alimentation des enfants, arrive à parler des laits stérilisés, peptonisés, etc., et nous donne de bons renseignements sur la préparation industrielle de ces produits, utiles auxiliaires de l'alimentation maternelle. KR. LEzÉ, Professeur à l'Ecole de Grignon, 5° Sciences diverses La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des Lettres, des Sciences et des Arts, paraissant par livrai- sons de 48 pages gr. in-8 colombier, avec nombreuses figures intercalées dans le texte et planches en couleurs. (Prix de chaque livraison : 1 fr.; Prix du volume broché : 25 fr.; relié : 30 fr.) Bureaux 61, rue de Rennes, Paris. Dans le 25° volume, qui vient de paraître, les Sciences sont assez largement représentées; en Géologie, nous devons signaler une étude sur l'Oural par M. Félain ; en Histoire naturelle, les monographies des Oiseaux par M. Trouessart et des Orchidées par M. Maindron; en Médecine, les articles sur la nutrition par M. P. Langlois et sur l'œil par M. Pinel-Maisonneuve; en Géographie, les articles sur l'océan et l'Océanie par M. L. Marchand. Ce volume renferme également une remarquable bio- graphie de Newton par MM. G. Lyon et L. Sagnet. 15% 602 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 17 Juillet 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Lœwy présente deux photographies lunaires adressées par M. Weïineck, directeur de l'Observatoire de Prague. — M. E.-O. Lo- vett poursuit ses recherches sur les transformations des droites. — M. C. Guichard énonce un certain nombre de propriétés des congruences de sphères et de cercles : Pour que les congruences décrites par une sphère S et un cercle C soient harmoniques, il faut el il suffit que la sphère S passe constamment par le cercle C. Pour que les congruences décrites par une sphère S et un cercle G soient conjuguées, il faut et il suffit que le cercle C passe par les deux points où la sphère $S touche son enveloppe. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. F. Beaulard a cherché à vérifier expérimentalement les formules de Mossoti- Clausius et de Betti, qui donnent la valeur de la constante diélectrique dans la théorie de la polarisation des dié- lectriques. Il s’est servi des résultats obtenus au moyen de deux lames constituées par un mélange, aussi homo- gène que possible, de limaille de cuivre et de paraffine. Les deux formules concordent également bien avec les résultats expérimentaux. — M. E. Bouty a cherché si les gaz raréliés possèdent la conductivité électrolytique. Il a constaté que le vide de Crookes est absolument dénué de conductivité, même avec une différence de potentiel de 2.000 volts. Le vide des tubes de Geissler présente un état analogue pour de faibles champs; mais il devient conducteur pour un voltage suffisant ; à ce moment, si le tube est placé dans l'obscurité, il se remplit d’une lueur instantanée. — M. Ch.-Ed. Guil- laume a éludié les variations des aciers au nickel réversibles, Une barre forgée, ramenée de la tempé- rature de la forge à 100°, puis ayant subi des recuits de 20 en 20° jusqu'à 40°, s’est allongée, au bout de deux ans, d'environ 8, et sa longueur, à une tempé- rature déterminée, est maintenant fixée à 0,54 près. Mais, en mème temps, la barre à subi une autre va- riation, sous l'influence de la température ambiante, et qui atteint environ 1,54 pour les variations extrêmes annuelles de température. Enfin, une barre étirée subit encore une {troisième sorte de variation à 4000. — M. M. Berthelot a étudié l’action de l’effluve électrique sur des mélanges de sulfure de carbone et d'hydrogène, d'azote, d'argon, d'oxyde de carbone. Avec l'hydrogène, il se produit un dérivé résineux, jaune, solide, qui parait ètre un dérivé persulfuré du glyoxal; avec l’oxyde de carbone, il se forme aussi un corps jaune, qui paraît étre un acide oxysulfuré. En même temps, il se forme toujours des produits de condensation du sulfure de carbone. — Le même auteur a observé les conditions de la combinaison de l'azote et de l'oxygène sous l'influence de leffluve électrique et en présence de potasse caustique. Le bioxyde d'azote AzO qui se forme primilivement se combine d’abord à un atome d'oxygène pour former l’anhydride azoteux Az*0*; celui-ci, par suite de la diffusion rapide des gaz, est absorbé en partie sous forme d'azotite de polasse, avant qu'il n'ait eu le temps de s'unir à un second atome d'oxygène pour donner du peroxyde d'azote Az0?, lequel est absorbé à son tour, moitié à l’état d'azotite, moitié à l’état d'azotate. IL y a donc un excès d’azotite formé.— M. A. Recoura a constaté que l'acétate de chrome présente quatre formes isomères, douées de propriétés différentes. L'acétate normal, Cr(C?H4°0*}°, s'obtient à l’état de solution verte par double décomposition du sulfate de chrome normal et de l’acétate de baryum. Cette solution, abandonnée à elle-même, passe par trois séries de transformations, reconnaissables aux variations de couleur, et corres- pondant chacune à la formation d’un acétate anormal, de nature basique, dans lequel le chrome n’est plus précipitable par la soude. — MM. E. Abelous et E. Gérard ont reconnu que le ferment soluble qu'ils ont extrait de l'organisme animal (rein de cheval) réduit non seulement le nitrate de polasse, mais aussi le nitrate d'ammoniaque ; il décolore le bleu de méthylène et parait donner de l’aldéhyde butlyrique aux dépens de l’acide butyrique. Son activité croit avec la tempé- rature jusqu'à 40-459 ; elle est paralysée par la présence d'acide carbonique. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. V. Babes et Bacou- cea montrent d’une manière indiscutable, par des expériences très nettes faites sur des lapins sains, que des injections de substance nerveuse, en quantité suf- lisante, faites même deux jours avant l'inoculation d'un agent épileptogène (esseuce d’absinthe), empêchent les accès épileptiques et la mort. Les auteurs expliquent le fait en supposant que l’épilepsie est due à l'intoxi- cation des centres nerveux par le poison, lequel, dans le cas d'animaux injectés avec de la substance ner- veuse, se porte d'abord sur cette dernière. — M. Abel Buguet a observé, au moyen de la radiographie, les phases successives du processus de la régénération osseuse chez divers petits animaux auxquels on avait amputé un membre. — MM. Albarran et Contremoulin ont découvert, au moyen de la radiographie, chez un malade atteint de cystite rebelle, des calculs dans le rein gauche. L'opération de la néphrolithotomie a per- mis de retirer ces calculs, qui étaient constitués par du phosphate de chaux. — M. H. Guilléemonat présente un appareil qui permet de dissocier la révolution car- diaque en autant de phases qu'on le juge à propos et de prendre, pendant une série de révolutions, la radiogra- phie de la phase choisie à l'exclusion de toutes les autres. — M. Vaschide communique une série de recherches expérimentales sur les rêves. 11 croit pou- voir conclure qu'il y a continuité des rêves pendant tout le sommeil, même le sommeil le plus profond, et qu'il n'y à d'ailleurs pas de sommeil sans rêves, — M. Sappin-Trouffy a étudié la spermatogenèse chez l’homme. 1l a observé deux modes de division princi- paux du noyau : la kariokynèse, qui fournit des cellules de multiplication à un seul noyau; la fragmentation directe, qui fournit des cellules de réduction polynu- cléées ou cellules-mères des spermatozoïdes. —M.F. Le Hello a éludié le rôle des organes locomoteurs chez le cheval : 1° Les muscles ischio-tibiaux-fémoraux et pectoraux-grand-dorsal sont les agents essentiels de la progression. 2° Les forces opérant suivant l'axe général des membres, qui sont les intermédiaires né- cessaires dans la mise en œuvre des actions précé- dentes, n'ont qu'une participation directe difficilement admissible dans la création des forces dirigées pour produire les déplacements en ce sens. 3° Les muscles importants de la partie antérieure de la croupe doivent surtout être considérés comme des abducteurs du membre tout entier et des continualeurs de l’action de l'iléo-spinal en arrière. — M. Etienne Rabaud tire, de ses études sur des blastodermes monstres de Poule, des conclusions intéressantes pour l'Embryologie nor- male : 1° Les rapports des vaisseaux avec l’endoderme d’une part, la diminution quantitative du mésoderme d'autre part, sembleraient indiquer que le système vasculaire possède une origine endodermo-parablas- tique. 2 D'autres faits semblent montrer que la corde DR, CS ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES dorsale dérive, non pas de l'endoderme d'invagination ou gastruléen, mais de l’endoderme de différenciation ou vitellin, — M. A. Eug. Malard est parvenu à accli- mater des Turbots dans un bassin du Laboratoire mari- time de Tatihou et à obtenir naturellement la ponte et la fécondation des œufs, La pisciculture du Turbot est done facile, mais elle nécessite des bassins de grande capacité pour que les jeunes arrivent à leur dévelop- pement complet. — M. Edmond Bordage a constaté qu'on ne peut pas provoquer l’autotomie des membres des deux premières paires chezles Orthoptères sauteurs, mais on peut les séparer du corps par une forte trac- tion. Si l'insecte est encore à l’état de larve, la régéné- ration peut se produire et donner un membre parlait ou . un moignon plus ou moins rudimentaire. La même Séparation peut se produire dans une mue par auloto- mie exuviale, et elle est suivie d'une régénération analogue. — M. P.-P. Dehérain communique un cer- tain nombre d'expériences faites à Grignon pour démon- trer l'efficacité des cultures dérobées d'automne comme engrais vert. Le rendement, en pommes de terre ou en betteraves, sur des parcelles où l'on avait enfoui des quantités variables de vesce avec une quantité uniforme de fumier, s’est montré proportionnel aux quantités d'engrais vert et toujours supérieur à celui des lots ayant recu du fumier seulement. Il est nécessaire d'enfouir les cultures dérobées déjà à l'automne; si l'on retarde jusqu'au printemps suivant, la première récolte qui suit ne peut en profiter. Séance du 24 Juillet 1899. 1° ScreNcEs MATHÉMATIQUES. — M. N. Saltykow étend le résultat de ses recherches sur les équations résolues par rapport aux dérivées partielles aux équalions quel- conques en involution. — M. Edmond Maillet, en s'appuyant d'une part sur les méthodes de Kummer, d'autre part sur certains résultats trouvés par lui anté- rieurement, a obtenu quelques théorèmes nouveaux sur les équations indéterminées de la forme 7} 4-y}—cz}. — M. A. Demoulin établit une correspondance parti- culière entre des droites d et d”' et montre que si une droite d engendre une congruence de normales, la droite d' en engendre une autre, 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. W. de Nikolaieve à constaté expérimentalement qu'un pôle magnétique placé à l'intérieur d'un courant tubulaire (constitué par un cylindre creux indéfini parcouru par un courant suivant les génératrices du cylindre) subit un couple magnétique. — M. E. Bouty a montré que, quand on place un tube à gaz raréfié dans un champ électrosta- tique uniforme, il y a une intensité critique f du champ telle que, pour toute intensité inférieure à f, le gaz est un diélectrique parfait, tandis que, pour toute intensité supérieure, le gaz livre passage à une décharge. L'’au- teur a recherché la relation qui existe entre l'intensité f (qui mesure la cohésion diélectrique du gaz) et la pression p; elle est représentée par une hyperbole asymptole à l'axe des f et à une droite f—A (1 + Bp). — MM. H. Abraham et J. Lemoine ont recherché si le phénomène de Kerr (apparition de la biréfringence dans un milieu isotrope sous l'influence d'un champ électrique) est instantané ou se produit avec un certain retard par rapport à l'établissement du champ. Ils ont trouvé que ce retard, s’ilexiste,ne dépasse pas un quatre cent millionième de seconde. — MM. Charbonnier et Galy-Aché décrivent un bathymètre (instrument des- tiné à mesurer la profondeur des mers) fondé par l'em- ploi de cylindres crushers; ce sont de petits cylindres en cuivre qui s'écrasent sous l'influence de la pression. une table de tarage donne la pression qui correspond à l’écrasement observé. — M. A. Recoura a étudié l’acétate chromique anormal violet, qui est le premier produit de transformation de l’acétate normal vert. On l'obtient à l'état solide en évaporant sa solution en pré- sence d'acide sulfurique et d'acide acétique; il forme des lamelles vitreuses, violettes, qui, exposées à l'air, perdent jusqu'à une molécule d'acide acétique. Ce com- 603 posé n'est pas un sel de chrôme, car, en solution, des trois radicaux acides qu'il renferme, deux ne peuvent être déplacés, ni par les alcalis, ni par les acides forts, et sont, par conséquent, engagés dans le radical chro- mique. L'auteur considère donc ce corps comme un acide chromo-monoacélique [Gr (C*H#0?)*| C?H40?,2H°0. — M. P. Sabatier, en faisant réagir sur l'hydrate de cuivre des solutions de sels argentiques, a obtenu des sels basiques mixtes, qui dérivent de deux types dis- tincts : tricuivrique [3Cu (0H}Ÿ.2AgA70"; 3 Cu(OH)2. Ag°S0] et bicuivrique [2Cu(0H}.2 AgAz0"; 2Cu (OH},2AgCI0*; 2Cu(0H)°.Ag?S?20°]. Sauf pour le sul- fate, ces sels peuvent être également obtenus par l’ac- tion de l'oxyde d'argent sur les sels cuivriques. — M. E. Leïidié décrit une méthode de purification de l'iridium. Elle consiste à le transformer en chlorure, puis en azolite double, ainsi que tous les métaux qui l’accompagnent; le carbonate de soude précipite d'abord le fer, le plomb et l'or. Puis le ruthévium et l’osmium sont transformés en peroxydes volatils par un courant de chlore qui les entraine. Il ne reste plus que du rho- dium et de l'iridium, qui sont transformés en chlorures doubles, puis celui de rhodium en sesquichlorure inso- luble dans l’eau, qui est éliminé par filtration. II ne reste plus que le sel d'iridium, d’où l’on régénère faci- lement l'iridium métallique. — M. L. Brizard à pré- paré, par l’action de l’azotite de potassium sur une so- lution tiède de chlorure double complexe de ruthénium et de potassium, un azotite double de ruthénium et de potassium, Ru°.H°.(Az0°):.3 AzO?K.4#H°0. IL cristallise en cristaux jaune orangé qui perdent leurs # molécules d'eau à 1002 sans décomposition. — MM. Duboin et Gauthier ont préparé le bore et le silicium en rédui- sant leurs oxydes par l'aluminium fondu. En soumet- tant le mélange intime de bore ou de silicium et d’alu- mine qui résulte de ces expériences à l’action des halogènes, il se forme du chlorure, bromure ou iodure d'aluminium et il reste dans le tube de l'acide borique ou de la silice. — M. André Kling est parvenu à oxyder le propylglycol par l'eau de brome et a obtenu un acétol identique avec celui quise produit dans l'oxydation du propylglycol sous l'influence de la bactérie du sorbose. La réaction est : ‘ CH. CH (OH).CH? (0H) + 0 —CH°.C0.CH?(0H)-+H°0. M. R. Lespieau a vérifié que le nitrile résultant de l’action de l'acide prussique sur l’épichlorhydrine pos- sède bien la formule CH?CI — CH (OH) — CH? — CAz. Il donne, en effet, par l'action de l'acide iodhydrique et du phosphore rouge, de l'acide crotonique : CH — CH — CH.CO*H. — M. A. Mouneyrat a fait réagir le brome sur le bromure d'isobutyle en présence de bromure d'aluminium. Il a obtenu : 4° un peu de bromure d'iso- butylène; 2° 50 à 60°/, de tribromoisobutane CH° — CBr (CH5) — CHBr°; 3° un peu de tribromoisobutane isomère du précédent; 4° un peu de tétrabromoisobutane CHBr — CBr(CH°) — CHBr°. Avec le chlorure d’alumi- nium, on obtient de 50 à 60 °/, de bromure d’isobuty- lène CH° — CBr(CH*) — CH°Br.— M. Emile Leroy com- munique le résultat de ses recherches thermochimiques sur les alcaloïdes de l'opium. Au point de vue de l'intensité de leur fonction basique, ils se rangent dans l’ordre décroissant suivant : codéine, morphine, thé- baïne, papavérine, narcotine. — M. Armand Gautier a déterminé la quantité d’iode qui se trouve dans les Algues. L'iode est un élément constant du protoplasma des Algues à chlorophylle, aussi bien de celles qui ha- bitent la mer (60 milligrammes par 100 grammes d’Algues sèches) que de celles qui croissent dans les eaux douces (0,25 à 2,40 milligrammes par 100 grammes). Les Algues bactériacées d'eaux sulfureuses, dénuées de chlorophylie, tiennent le milieu entre les précédentes avec 36 milligrammes d’iode par 100 grammes d’Algues sèches. Les autres Algues non chlorophylliennes ne semblent pas contenir nécessairement de l'iode. Les Champignons en contiennent des quantités variables, mais l'iode ne parait pas être un élément indispen- 604 sable de leur protoplasma. — MM. Em. Bourquelot et EH. Hérissey ont obtenu, par hydrolyse ménagée de l’albumen de la graine de caroubier, du galactose et du mannose bien caractérisés. La parlie qui reste après hydrolyse est vraisemblablement un hydrate de carbone plus résistant que ceux qui ont fourni les sucres pré- cédents. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Béclère, Chambon, Ménard et Coulomb ont observé la transmission intra- utérine de l’immunité vaccinale et du pouvoir anti- virulent du sérum. 1° L’immunité à l'égard de l'inocula- tion vaccinale s'observe, chez les enfants nouveau-nés, exclusivement parmi ceux dont la mère possède elle- même cette immunité. 2 La transmission intra-utérine de l’immunité vaccinale ne s'observe pas chez toutes les femmes en possession de cette immunité au moment de l'accouchement, mais exclusivement chez celles dont le sang, antivirulent à l'égard du vaccin, a transmis, à travers le placenta, ses propriétés antivirulentes au sang du fœtus. — M. Œchsner de Coninck a mesuré l’éli- mination de l'azote et du phosphore chez les nourris- sons; les rapports entre les deux éliminations sont presque identiques à ceux qui ont été obtenus récem- ment par M. A. Keller. — MM. L. Camus et E. Gley ont reconnu que d’autres animaux sont,comme le Hérisson, pourvus de l’immunité vis-à-vis du sérum d'anguille; ce sont : la grenouille, le crapaud, la poule, le pigeon, un chéiroptère. Cette immunité est d'ordre. cytologique, c'est-à-dire due à une résistance spécifique des globules rouges. Elle existe chez le lapin à sa naissance, mais disparaît du 15° au 20° jour. — M. L. Camus a constalé que l'extrait aqueux de la glande de l'albumen de l'Helix pomatia contient une substance qui a la pro- priété d'agglutiner très rapidement les globules du sang et du lait. Cette agglutinine est capable d’agglutiner des corps de nature très différente. — M. M. Causard a observé que, lorsque des Polydesmidus sont déposés dans l’eau, la partie terminale de leur tube digestif se dévagine et vient faire saillie au dehors sous forme de deux poches ou ampoules. Celles-ci sont parcourues par un courant sanguin et semblent jouer le rôle de véritables branchies, des échanges gazeux pouvant se produire entre le sang et l'air dissous dans l’eau. — M. W. Kilian a signalé, dans le vallon de l’Alpet, près du Mont-Genèvre, l'existence d'une brèche polygénique, contenant des fragments de dolomie mêlés à des débris de micaschistes d’origine éruptive. Cette brèche est identique à celle trouvée par M. Termier dans le massif de Prorel-Eychauda. Un nouveau gisement, découvert près de Mont-Dauphin a permis de préciser son âge; elle doit appartenir à l’éogène (Priabonien ou Sannoisien). Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 11 Juillet 1899. M. Hervieux fait connaître les ravages causés par la variole parmi la population indigène de l’Indo-Chine, et le projet de réorganisation des services vaccinaux de la colonie qui en a été la conséquence. Il comprend la création de cinq postes nouveaux de vaccine mobile et leur rattachement direct à l’Institut Pasteur. M. Her- vieux voudrait voir y joindre l'obligation vaccinale. —— M. Paul Berger présente plusieurs malades sur les- quels il a pratiqué la rhinoplastie par la méthode ita- lienne (restauration du nez au moyen d'un lambeau de chair pris au bras); il a obtenu des résultats extrême- ment satisfaisants. En général, cette méthode ne doit être appliquée que chez des sujets jeunes et forts qui sont capables de supporter la fatigue que détermine la fixation prolongée du membre supérieur sur la tête. — M. H. Rendu cite l'observation d'une jeune femme présentant les stigmates dystrophiques de la syphilis héréditaire (avec malformation cardiaque congénitale) et chez laquelle se développa la syphilis acquise (avec chancre et accidents secondaires). Celle-ci fut rapide- ment modiliée par le traitement classique, comme si ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES la malade n’eùt présenté aucune tare antérieure. À ce propos, M. Fournier montre qu'il y a deux sortes d'hérédité syphilitique : 4° l'hérédité directe, ou trans- mission de la maladie en nature de l’ascendant au descendant; 2° l’hérédo-syphilis, constituée par des tares de dégénérescence, réalisables par d’autres héré- dités. Les hérédo-syphilitiques peuvent plus tard con- tracter la syphilis de leur fait, par contamination per- sonnelle. Un fait remarquable à signaler, c'est la prédisposition à l'avortement ou à l'accouchement prématuré constituée par l’état hérédo-syphilitique de l’un des générateurs. — M. E. Vidal décrit l’organisa- tion et le fonctionnement du sanatorium « Alice- Fagniez », à Hyères, construit pour les jeunes filles pauvres qui sont seulement à la période de début de la tuberculose pulmonaire. Les résultats obtenus sont très encourageants. — M. Lereboullet signale les résul- tats qu'il a obtenus par l'injection du sérum du lait; cette injection, aux doses de 10 à 20 centimètres cubes, est bien supportée par l'homme; elle produit une augmentation de forces et d'embonpoint. Cette médi- cation était donc toute indiquée dans les maladies caractérisées par une débilité organique profonde, et, de fait, elle a donné de bons résultats dans l’anémie, la neurasthénie, la phtisie. Séance du 18 Juillet 1899. M. A. Laveran examine les faits signalés par M. Lan- cereaux à l'appui de son hypothèse de l’origine palu- déenne de l'aortite en plaques et se refuse à y voir une relation äe cause à effet. Dans sa pratique et dans celle de plusieurs autres médecins, il n'a jamais cons- taté d'aortite au cours du paludisme. — M. Pinard, à propos de la discussion sur la syphilis héréditaire, pense que, si les tares de dégénérescence observées dans l'hérédo-syphilis peuvent être produites par d’autres infections, la présence seule de ces tares chez un individu ne doit pas toujours le faire considérer comme un syphilitique héréditaire. — MM. Cornil et Coudray ont praliqué l’évidement de la moelle osseuse sur une certaine hauteur du canal médullaire du tibia chez le chien. Pendant les trois premiers jours, il se produit un épanchement de sang dans la cavité médul- laire, puis il se forme un tissu cellulaire inflammatoire. Le quatrième jour, ce tissu commence à s'ossifier; l’os- sification se continue les jours suivants, donnant nais- sance à un tissu osseux aréolaire dont les travées s'épaississent progressivement et dont les espaces mé- dullaires sont occupés par du tissu conjonctif et des vaisseaux. — M. Javal commuvuique quelques études sur la physiologie de l'écriture. Celles-ci ont pour but de rechercher les meilleurs procédés à employer pour enseigner à écrire aux enfants, afin d'éviter la produc- tion de la myopie et de la scoliose. — MM. Albert Robin et Leredde ont constaté que la dyspepsie joue un rôle considérable dans la pathogénie d’un grand nombre de dermatoses, le prurigo en particulier. La dyspepsie la plus ordinaire chez les prurigineux est celle de fermentation, surtout celle à forme butyrique. Ces troubles intestinaux agissent sur la peau par lin- termédiaire du milieu sanguin qu'ils altèrent, et surtout par irritation directe des filets sensitifs du derme au moyen de l'élimination cutanée des produits des fer- mentations gastriques. — M. le D' Delahousse donne lecture d'un travail snr l'air confiné et sa stérilisation. — M. le D' Morestin communique une observation de trépavation pour des accidents cérébraux consécutifs à une fracture de l’os temporal compliquée d'un vaste épanchement sanguin intra et extra-cranien. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 8 Juillet 1899. MM. Toulouse et Vaschide ont étudié l’odorat chez les épileptiques. La sensation brute est aussi développée chez les épileptiques, même débiles, que chez les sujets normaux sains, mais la perception est plus faible, sur- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES tout chez les débiles. — Les mêmes auteurs ont vérifié, pour les sensations olfactives, la loi de Fechner, d’après laquelle, pour que la sensation croisse de quantités égales, il faut que l’excitation croisse de quantités tou- jours proportionnelles à elle-même. — MM. Toulouse et Marchand ont constaté que l'alitement accentue l’amaigrissement des individus tendant à la cachexie et arrête l'accroissement de poids des convalescents. Le lever a des effets contraires. — MM. P. Courmont et Cade ont observé un cas de fièvre typhoïde chez une nourrice avec transmission du pouvoir agglutinant aux humeurs du nourrisson. — M. Gouges a déterminé la toxicité, pour le cobaye, des acides qui produisent l'in- toxication dans le coma diabétique et se retrouvent dans les urines (acides oxybutyrique, acétylacétique, etc.). L'acide oxybutyrique est le plus toxique: un tiers de goutte peut suffire à tuer l'animal. — MM. Charrin et Levaditi ont observé des embolies cellulaires dans les vaisseaux d'une femme morte de fièvre thyphoïde au cours d’un accouchement. — M. Nicolas envoie une note sur les caracières microscopiques des cultures de tuberculose humaine et aviaire. — M. G. Weiss étudie la variation de contracture des muscles sur des gre- nouilles soumises à des températures différentes. Séance du 15 Juillet 1899. MM. Roger et Garnier ont observé un cas d'inflam- mation gangreneuse de la mamelle chez une accouchée atteinte en même temps de scarlatine. Le pus renfer- mait un microcoque particulier, à la fois aérobie et ana- érobie, pathogène pour le lapin. Il se rapproche de ceux qu'on à trouvés dans les mammites des femelles lai- tières.— MM. A.Charrin et P. Langlois présentent des tracés de pression sanguine obtenus chez des animaux après injection d'extrait de capsules surrénales de nou- veau-nés. — M. A. Thomas a éludié l’atrophie cellulaire conséculive aux lésions du cervelet. — M. Boinet décrit les lésions qu'il a observées sur des rats auxquels il avait pratiqué l’ablation des capsules surrénales. — M. Comte envoie une note sur l’atténuation du virus claveleux par la chaleur. — M. de Rouville commu- nique ses recherches expérimentales sur les fonctions de la vessie. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 16 Juin 1899. M. G. Sagnac présente une note de M. W. de Nico- laieve sur les aclions mécaniques de la décharge disrup- tive. 1° La décharge électrique produit un canal allongé en éclatant à travers un tampon d'ouate soit sèche, soit imbibée d’eau ou d'huile, en sorte que l'effet de l'explosion est le même dans les liquides que dans l'air. 2° L'auteur a étudié la déformation et la perfora- tion des feuilles métalliques par la décharge; l'éléva- tion de température et la perforation se produisent même quand la feuille métallique étudiée est pressée entre les électrodes sphériques de la batterie. M. G. Sa- gnac décrit, en outre, un dispositif de M. de Nikolaieve, qui permet de démontrer la rotation électro-magné- tique d'un électrolyte. — M. Cauro expose les résul- tats d’un travail d'ensemble qu'il a entrepris pour me- surer les divers éléments, tant acoustiques qu'électri- ques, qui interviennent dans la transmission d'un son musical par le microphone. Le circuit primaire com- prenait la pile, un microphone d’Arsonval à réglage magnélique, le primaire de la bobine d'induction et une résistance auxiliaire. Le circuit secondaire com- prenait, outre le secondaire de la bobine, deux télé- phones, et le secondaire d’une bobine d'induction à l’arrivée. Ce qui réalisait les conditions de la pratique. On se plaçait chaque fois dans le cas du son le plus fort susceptible d’être transmis sans crachements (ce qui est facilité par ce fait que le phénomène des cra- chements fait varier brusquement toutes les quantités qui intervienuent), puis dans le cas d'un son que l’on pouvait entendre dans le téléphone par l'intermédiaire 605 de l’air, enfin dans le cas du son le plus faible percep- tible. Les résultats ont toujours été extrèmement con- cordants, à condition d'attendre que l’état permanent fût établi, ce qui éliminait les phénomènes variables dus aux extra-courants et aux effets thermo-électriques. L'amplitude de la vibration de l’onde sonore agissante étant de quelques centièmes de millimètre, la vibration de la plaque du microphone transmetteur et la vibra- tion de la membrane du téléphone récepteur sont des fractions de micron. L'intensité du courant dans le circuit primaire comprend un terme alternatif dont la valeur efficace est de 1/4 environ pour les sons les plus forts. Cette intensité efficace est à peu près pro- portionnelle à l'amplitude de l’onde agissante et ne semble pas dépendre de la hauteur du son. La force électromotrice efficace en circuit ouvert dans le secon- daire est d'environ 1*,5 pour les sons les plus forts dans le cas du La,. Elle varie sensiblement comme l'amplitude de l'onde sonore, et en raison inverse dela période. La différence de potentiel aux bornes du télé- phone récepteur est représentée, dans le cas du son le plus fort, par des centièmes de volt, et l'énergie absor- bée par des millionièmes de walt. L'intensité efficace du courant secondaire est de l’ordre des cent millièmes d’ampère pour le son le plus fort et descend au-des- sous du millionième d'ampère pour des sons très net- tement perceptibles. Elle est sensiblement proportion- nelle à l'amplitude de l'onde sonore et ne semble pas varier avec la période. L'action sur la membrane télé- phonique étant proportionnelle à l'intensité du cou- rant, le déplacement de cette membrane sera propor- tionnel à l'amplitude de l'onde agissante et ne dépendra pas de la période. On peut conclure de ces résultats expérimentaux que les sons ne doivent pas être modifiés d’une façon différente par le téléphone, et, par suite, que le timbre ne doit pas être trop alléré dans le cas d’un son musical complexe. — M. L. Teis- serenc de Bort expose comment on arrive à étudier l'atmosphère par le moyen des cerfs-volants et des ballons-sondes. Nous renvoyons le lecteur au petit article que la Revue publie sur ce sujet dans la chro- nique du présent numéro. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY Séance du 27 Juillet 1899. M. A. Haller a observé qu’en traitant du bornéol sodé droit ou gauche par les aldéhydes benzoïque, méthylsalicylique, anisique et pipéronylique, on obtient respectivement les benzylidène, méthylsalicylidène, anisylidène et pipéronylidène-camphres. La formation de ces combinaisons, qui ont des propriétés identiques à celles que possèdent les mêmes composés obtenus dans l’action des aldéhydes sur le camphre sodé, ferait supposer que, dans cette dernière réaction, c’est le bornéol sodé qui intervient dans la réaction, et non le camphre sodé. On pourrait aussi admettre que les aldéhydes aromatiques agissent comme réducteurs sur le bornéol sodé et qu'il se produit ensuite du camphre sodé, sur lequel l'excédent d’aldéhyde agitensuite dans le sens déja supposé. Cette étude sera continuée sur d’autres alcools primaires, secondaires et tertiaires. — M. Klobb, en faisant réagir à 100° l’isocyanate de phé- nyle sur l'acide diphénylbenzoylpropionique, a obtenu en même temps que de la diphénylurée un anhydride interne qui n'est autre que la triphénylerotolactone de Japp et Klingemann : CSH5 — C — CH — C(C£H5) — CO — “ mais, contrairement à ce qui se passe dans le cas général, ainsi que l’a établi M. Haller, cet anhydride, très stable, n’est pas atlaqué par la diphénylurée à 200°, pour donner une anilide. L’anilide de cet acide n’a pu être préparée par la méthode générale (chauf- fage avec de l’aniline à à 450-1800). Il se forme, dans ces conditions, qu'on parte de l'acide ou de son olide, de la tétraphénylpyrrolone : CSH5 — C — CH — C(CH°) — CO — Az — CAS, | | qui, cristallisée dans le benzène, retient une mslécule de benzène de cristallisation. Au sein de l'alcool), ce dérivé se dédouble, dans certaines conditions encore mal établies, en deux modifications : l’une hexagonale, peu abondante, fondant à 123-1249, l’autre clinorhom- bique, fondant à 133-1340. — M. Tétry a condensé le chlorure de phényloxanthranol avec l'éthybenzylanilive, la naphtaline, l'« méthoxynaphtaline, le phénol, en présence du chlorure d'aluminium, puis le chlorure de phényloxanthranol avec l'aniline et a obtenu : l'éthylbenzylamidodiphénylanthrone, la naphtylphény 1- anthrone, l’x méthoxynaphtylphénylanthrone, c'est-à- dire : R | CH PAG paul “Hé, SCGHS où R—C'HAz Nco/” Nc? CUS et COHOCH «: puis l’éther phénolique de la phénylanthrone : Ci L OCEH5 A VA UN CHOC! Nco/ et la phénylphénylamidoanthrone : C5H® U AMC ) co to NCO” — MM. A. Haller et P. Muller ont déterminé les vo- lumes moléculaires d’une série de composés du camphre en solution dans le toluène. Etendant à ces solutions la méthode de M. J. Traube, ils ont réussi à fixer la va- leur de la contraction due à la présence du noyau cam- phre. La connaissance de cenombre permettra désormais de décider si, dans les dérivés du camphre, on a affaire à un ou plusieurs noyaux. Les auteurs comptent appli- quer prochainement la méthode à un certain nombre de dérivés nouveaux. — M. Arth a repris et complété ses expériences sur la dissolution d’une anode de fer dans une solution d'acélate de soude et d'acide acé- tique, pour constater la formation du sel ferrique et-du sel ferreux suivant les circonstances. Ilreste cependant encore à déterminer les causes et les moments précis des changements de régime observés. — M. Held décrit un appareil destiné à doser facilement l'acide carbonique libre ou combiné dans les eaux minérales, SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES PHYSIQUES. Magnus Maclean : De l'effet de l’étirement sur les propriétés thermo-électriques des métaux. — On sait que la trempe et le recuit ont une grande in- fluence sur les propriétés thermo-élec triques des mé- taux. L'expérience suivante, due à Magnus, est carac- téristique. On enroule un fil mé tallique étiré el trempé autour d'un dévidoir, puis on en recuit certaines parties; si, ensuite, l'on chauffe les points qui séparent les parties du fil recuites des autres parties, on observe un courant thermo-électrique. Pour l'ar gent, l'acier, le cadmium, le cuivre, l'or et le platine, Te courant va de la partie douce à la partie trempée en passant par la jonction chaude; c’est le contraire pour le maillechort, le zinc, l'étain et le fer. Lord Kelvin a exécuté aussi un grand nombre d'expé- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES riences pour déterminer la direction du courant thermo- électrique dans un même métal dont une partie est normale, tandis que l’autre a élé soumise à différents effets. Ce sont ces expériences que l’auteur a reprises et complétées en opérant sur les métaux suivants : 1° Fil de cuivre pur électrolytique; 20 Fil de cuivre commercial ordinaire (contenant 99,4 °/, Cu; 0,44 °/, As; 0,08 °/0 Pb); 3° Fil de cuivre enployé pour 99,850; Cu): 4° Fil de cuivre dur commercial (98,35 °/, Cu); 5° Fil de cuivre doux (99,08 °/, Cu; 0er % Ph) ; 6° Fil de cuivre de laboratoire (98,51 °/, Cu); 7° Fil de plomb commercial (98,9 °/, Pb): 8° Fil de plomb pur (98,97 °/, Pb); 9° Fil de platinoïde; 10° Fil de maillechort; Al° Fil de réostène; 12° Fil de manganine. Ces fils furent étirés à travers une filière, de facon à réduire leur diamètre; ils étaient ainsi soumis à une tension longitudinale et à une compression latérale, Pour le cuivre, le plomb et le réostène, le courant ther- moélectrique allait de la partie non étirée à la partie étirée du fil en passant par la jonction chauffée, tandis que le contraire se produisit pour le platinoïde, le maille chort et la manganine Le tableau I donne la valeur du courant par degré de différence de température : les alliages d'or Tableau I. ÉTAT DU CONDUCTEUR COURANT Le courant va de 1 à 2|en microampère à travers par degré la jonction chaude jusqu'à 100° CONDUCTEUR pon étiré. ÉtIrE us non étiré. étiré. . non étiré. étiré. . non étiré. étiré. non étiré. étiré- non étiré. étiré. non étiré. étiré . non étiré. éliré . non étiré. étiré . étiré . : non étiré. . étiré. à non étiré. . étiré. . 5 non étiré. . Cuivre 0,0057 Cuivre 0,0279 Cuivre 0,010% Cuivre 0 ,0068 Cuivre 0,031 Cuivre n° 6. . = Ne NeNe= NENEe NE 0,0087 Plomb commercial . 0,0126 Réostène. . 0,173 Plalinoïde . 0,533 Maillechort. 0,105 Manganine . . 0,031 = De DE Dee tt \ ( \ l \ l Plomb pur. . .. 4 \ l N l \ : EEE D L'auteur a déterminé le poids spécifique et la seclion transversale des fils non étirés et étirés. Le tableau II donne les valeurs obtenues. On remarquera que la densité du cuivre, du plomb commercial, du platinoïde et de la manganine étirés est plus grande que celle du fil non étiré; pour le maillechort, elle est la même dans les deux états: pour le réostène et le plomb pur, le fil non étiré est plus dense que le fil étiré. L'auteur a enfin mesuré la résistance des fils non étirés sur une longueur de 60 centimètres pour chacun d’entre eux; le tableau II donne les résultats. Si l’on rapporte les résistances à la même section transversale, d’après les données du tableau IT, on constate que la résistance des fils étirés est généralement un peu supé- rieure à celle des fils non étirés. Au moyen des résis- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Tableau II. SECTION DENSITÉ transversale des fils des non étirés fils non étirés et étirés en cm? et étirés 0,01172 0,00218 0,01171 0,002233 0,01174 0002086 8,9607 Cuivre n° 8,996 Cuivre n° 2 Cuivre n° 3 0,0146 0 ,002018 0 ,006506 0.002421 0,01192 0.002458 # # 2 \ : n Û 2) 0,01145 3 A L 5 | ie "482 8,898 9,074 8,832 8,908 Cuivre n° 4. Cuivre n° : Cuivre n° 6. Plomb pur. 0002418 0,01181 0,00240% 0,01142 0,002531 0,01114 0,002316 0.0116 0.002295 0,016 0.,002%45 Plomb commercial. Réostène. Platinoïde . Maillechort. Manganine. lances, on peut calculer la différence thermo-électrique par degré entre les deux fils. Tableau III. RÉSISTANCE DIFFÉRENCE en ohms internationaux |thermo-électrique de 60 em. de fil en microvolts par degré de différence de température MÉTAL non étiré étiré 0,0089 0,0460 0,0163 0,0106 0,0483 0,0675 0,048 0,0273 0,6463 1,477 0,2638 0,0843 Cuivre n° 1. . . . 0,0086 no 9. » .|| 0,0239 n° 3. . . .| 0,0095 no 4%, | 0:0091 n° 5. . . .| 0,0155 HENHAMONS 0,0089 Plomb pur. 0,1088 — commercial. 0,1123 Réostène. 0,4058 Platinoïde . 0,2186 Maillechort. 0,1673 Manganine. 0,212 0,062 0,1254 0,0536 0,0523 0,0417 0,0431 0,5043 0,5517 1,831 1,052 0,845 1,008 L'auteur a étudié ensuite l'effet de la torsion. Un fil de cuivre de laboratoire fut tordu successivement de 1, 3, 5, 7 et 8 1/2 tours par centimètre ; il fut ensuite recuit partiellement, Voici les résultats” qu'il donne : DIFFÉRENCE thermo-électrique entre le fil tordu et le fil ordinaire en microvolts par degré. NOMBRE de tours par centimètre du fil tordu. 4” SL MEME LE Na D 0 0054 LE 0,0223 5e 0,0262 Jie 0,0419 OR ON RME et TE CE ARTE 8M/2/(recuit partiel). . .1: « : « … 0,0345 Sur un fil de cuivre étiré, l'effet de la torsion esl 607 d’abord (pour 1, 2 et 3 tours par centimètre) de dimi- nuer la différence thermo-électrique due à l'étirage ; pour # ou 5 tours, l'effet de la torsion devient nul. Si le fil de cuivre étiré et tordu est soigneusement et complètement recuil, puis joint à un fil non étiré et non tordu, le courant à travers la jonction chaude est renversé, c'est-à-dire qu'il va du fil étiré, tordu et recuit au fil normal. Des expériences analogues sur un fil de platinoïde ont donné des résultats semblables. William Ramsay, F. R. S., et Morris VW. Travers : Préparation et propriétés de Le pur. — Lorsqu'au commencement de 1895, Lord Ray- leigh et M. W. Ramsay publièrent leur mémoire sur l'argon, nouveau constituant de l'atmosphère, ces au- teurs considéraient le gaz obtenu comme à peu près pur. Mais des recherches ultérieures ont montré que l'argon, tel qu'il avait été préparé primitivement, se trouvait mélangé à à de petites quantités de gaz élémen- taires, qu’on à isolés successivement par des procédés divers et qui portent les noms de néon, krypton, mé- targon et xénon. 11 devenait donc intéressant de déter- miner à nouveau les propriétés de l’argon débarrassé de ses impuretés; c’est le travail que MM. Ramsay et Travers ont entrepris. Pour préparer 15 litres d’argon, les auteurs ont opéré sur 1.500 litres d'air atmosphérique. L° oxygène est absorbé par le passage sur du cuivre métallique chauffé au rouge. Le mélange restant d'azote et d’ar- £on est passé deux fois sur du magnésium métallique. Enfin, le gaz riche en argon obtenu est débarrassé du reste d'azote et d'un peu d'hydrogène par le passage sur un mélange de chaux anhydre et de magnésium en poudre chauffé au rouge, puis sur de l'oxyde de cuivre. L'argon obtenu est ensuite liquéfié au moyen de l'air liquide bouillant à basse pression. Puis l’argon li- quide est soumis à la distillation fractionnée pour en séparer les autres gaz, qui passent dans les premières ou les dernières portions : les portions moyennes peu- vent être considérées comme constituées par de l’ar- gon pur. C’est sur ces portions que les déterminalions suivantes ont été faites. Densité à l'état guzeux.— Six déterminations ont ee les résultats suivants : 19,65 ; 19,95 ; 19,95 ; 19,91 ; 49,c 19,95. L'échantillon n° Î contenait encore un peu de néon et d'hélium; le n° 4, examiné au spectroscope, montrait une trace d'azote. La moyenne des autres déterminations donne la valeur : 19,955. Une plus grande quantité de l'échantillon n° 5 fut de nouveau purifiée, et pesée après vérification de sa pureté par l'examen speclroscopique. La moyenne des déterminations a été de 19,957, nombre qui ne diffère pas beaucoup du précédent et doit être considéré comme représentant la vraie densité de l’argon. Le nombre obtenu primilivement par Lord Rayleigh (19,94) n'en différait pas beaucoup. Réfr aclivité. — La réfractivité a été mesurée par rap- port à l'air, d'après la méthode de Lord Rayleigh. La moyenne de quatre déterminations a donné la valeur 0,9665. La présence de néon ou d'hélium abaisse un peu ce chiffre (0,9620); celle du Hton l’'augmente beaucoup (1,030). Le nombre trouvé d'abord par Lord Rayleigh était 0,961. Densité de l'argon au point d'ébullition de l'oxygène. — Il était intéressant de savoir si l’argon se polymérise aux basses températures. Voici les” résultats de deux séries d'expériences : Thermomètre à hydrogène. / UI TEMPÉRATURE PRESSION VOLUME LA Ds de = 990,7 c. 1.091mm 5 1,0026 29362 00,0 S0gmm 2 10000 2 9421 — 1820 7 269mm,6 0,9933 2 9715 608 Thermomètre à argon. 1000,1 1.414mm,9 1,0026 3,8095 00,0 1.040m 0 1,0000 3,8082 — 820,7 333mm,2 0,9953 3,8930 Quoique la température la plus basse soit très près du point de liquéfaction de l'argon (—187°), l'examen BVE : , des rapports T° cette température comparé aux autres montre qu'il n'y a pas de polymérisation. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 15 Juin 1899 (suite). MM. Francis R. Japp et Andrew N. Meldrum ont reproduit une réaction déjà connue entre la phénan- thraquinone, l’acétone et l’ammoniaque; ils attribuent au composé formé la constitution : CSH*.C(AzH?) CH°.CO.CHS | CSH*.CO, qui en fait une acétonylaminophénanthrone. Par l'ac- tion de la phénanthraquinone, de l'acétophénone et de l'ammoniaque alcoolique, on obtient un composé de constitution : CSH#.C(AzH®) CH°.C0.C‘H5 I | CSH4.C(AzH°) CHE. CO. C'H5, le diphénacyldiaminodihydrophénanthrène. Il est hy- drolysé par l'acide oxalique en solution et donne la phénacylhydroxyphénanthrone : CSH*.C(OH).CH*.CO.C‘HS | dette. do. L'action de la phénanthraquinone, de l’acétophénone et de l'ammoniaque aqueuse donne la phénacylamino- phénanthrone : CH*.C(AzH®) CH*.CO.C‘H$ | CSHS.CO, corps analogue à l’acétonylaminophénanthrone. L’ac- tion de l'ammoniaque sur la phénacylhydroxyphénan- throne semble produire un composé identique au pré- cédent.— Les mêmes auteurs ont obtenu, en chauffant un mélange de benzoïne et de phénol avec de l'acide sulfurique à 73 °/,, du paradésylphénol : CSH°.CH.C°H*.0H | C'H5.CO. Si le groupe désyle se trouvait en position ortho par rapport à l'hydroxyle du phénol, il pourrait se former par élimination d’eau un dérivé du furfurane : ZNC=CH.CH NN — Con [ — || L & Jo CO.CSHS LU À Ecur + H°0O. 0 C'est ce qui se produit dans la réaction de la benzoïne sur le thymol, qui donne un mélange de désylthymol et de cymodiphénylfurfurane : CA° CSH°.CH.C‘H° (CH) (CH) OH UN C.cHS et | Il | C‘H5.C0 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Le résorcinol et la benzoïne, de même que le quinol, donnent des dérivés contenant un ou deux groupes diphénylfurfurane; le phloroglucinol produit du benzohexaphényltrifurfurane. — Les mêmes auteurs, en chauffant la benzoïne avec la métaphénylènedia- mine et un peu de son chlorure, ont obtenu la méta- benzolétraphényldip yrrhole Je (Ga = C.CHS | SNA pee à Avec la paraphénylènediamine, il se produit la bidesyl- paraphénylènediamine : CH“ [Az H.CH (C5H®).CO (C‘HS)}°. Enfin, avec l’orthophénylènediamine, on obtient, en présence d'HCI, le phénylbenzimidazol AzH CH” Nc.cH:; N 4z 7 avec la base libre, il se forme, au contraire, par suite d'une oxydation, de la diphénylquinoxaline : C. CH° — M. William Jackson Pope, en mélangeant une solution de dextro-«-bromocamphosulfonate d'ammo- nium à une solution de chlorure d'ac-tétrahydro-6-naph- tylamine synthétique, a obtenu le dextro-:-bromocam- phosulfonate de dextro-ac-tétrahydro-B-naphtylamine, d'où l’on peut retirer facilement la base active par l’action de la soude. — MM. W. J. Pope et Edmund Milton Rich ont résolu parle même moyen la tétrahy- droparatoluquinaldine racémique en ses constituants actifs : C(CH*).CH : C.CH®.CH® Ua. CH : CAzH.((CHS). L'action du dextro-«-bromocamphosulfonate d'immo- nium donne un sel de la lévotétrahydroparatoluqui- naldine, d'où l'on extrait la base par l’action de la soude. Un procédé analogue avait déjà permis de ré- soudre la tétrahydroquinaldine. — M. Frederic Stan- ley Kipping, en combinant l'«-hydrindamine avec l'acide bromocamphosulfonique, a obtenu deux sels répondant à la même composition : C°H‘Az.C!‘H‘“BrO. SO'H, mais différant par leur solubilité et leur point de fusion et pouvant être séparés par cristallisation frac- tionnée. La base régénérée de chacun de ces sels, quoi- que renfermant un atome de carbone asymétrique, est opliquement inactive. L'acide bromocamphosulfonique n'a donc pas le pouvoir de la dédoubler en ses consti- tuants actifs. L'acide cis-7-camphanique (gauche) donne également avec l'hydrindamine deux sels isomères, sépa- rables par cristallisation fractionnée : C'H‘*Az.C!°H#0, Mais la base régénérée de ces sels est également inac- tive. Le sel le plus soluble, comme dans le cas précédent, se transforme dans son isomère lorsqu'il est évaporé avec un excès d’une solution d'hydrindamine. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. j 2 ÿ 10° ANNÉE N° 46 30 AOÛT 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE à $S 1. — Nécrologie Balbiani. — La science française vient de perdre l'un de ses représentants les plus éminents. M. Balbiani, professeur d'Embryogénie comparée au Collège de France, s'est éteint à Meudon, le 25 juillet dernier, après une longue et douloureuse maladie. D'origine italienne, et ayant recu une première édu- cation allemande, Balbiani n’en fut pas moins, comme Henri Milne-Edwards, un savant bien français. Son père, descendant d'une vieille famille des bords du lac de Côme, les comtes Balbiani, s'était fait naturaliser Fran- cais, avait épousé une Francaise, el s'était fixé à Saint- Domingue, où naquit, en 1822, Edouard-Gérard Balbiani. Envoyé très jeune à Francfort-sur-le-Main, il fut élevé dans une famille de professeur, et l'allemand devint pour lui une seconde langue maternelle. Il vint à Paris vers 1840, et commenca par étudier le droit, mais, attiré de bonne heure vers les sciences naturelles, il fréquen- tait plus volontiers les lecons de de Blainville, au Muséum, que les amphithéâtres de l'Ecole de droit, et il renonca bientôt à l'étude du Code, pour suivre les cours de la Faculté de Médecine et de la Faculté des Sciences. Reçu docteur en 1854, Balbiani, à qui sa situation de fortune permettait l'indépendance, se consacra uniquement aux sciences naturelles, et commenca ses recherches personnelles. Appelé en 4867, par Claude Bernard, à diriger les travaux histologiques du Laboratoire de Phy- siologie générale au Mu-éum, il occupa cette fonction jusqu'en 1874, époque à laquelle il remplaça Coste dans a chaire d'Embryogénie comparée, au Collège de France. L'œuvre de Balbiani est considérable et demauderait, pour être exposée convenablement, une place dont nous ne pouvons disposer ici. Nous nous bornerons à indi- quer ses principaux travaux et à faire ressortir leur im- portance. Doué d'une patience admirable et d'une habileté peu commune à manier les plus petits objets, Balbiani commença par étudier les Protozoaires. Ses recherches sur les Infusoires ciliés sont devenues de bonne heure classiques. Il établit les lois de la scissi- parité de ces organismes, dont le plan de division varie suivant la forme el la position du noyau, et REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899. montra qu'il existe chez eux une véritable copulation s’accompagnant de curieuses transformations du noyau Re DA) et du nucléole (micronucléus). Tous les aits qu'il décrivit à cette époque (1861), et qu'il observa avec les moyens d'investigation imparfaits qu'on pos- sédait alors, ont été pleinement confirmés par tous les savants qui, depuis, se sont occupés de cette intéres- sante question; seule, l'interprétation qu'il en donna a changé. Voyant apparaitre à un moment donné dans les nucléoles des filaments parallèles, il considéra ces filaments comme les éléments mâles, les spermatozoïdes des Infusoires. Si sa manière de voir était erronée, ses figures représentaient exactement les divers stades de division du micronucléus tels qu'ils furent observés, quatorze ans plus tard, par Bütschli et l'on peut dire que c'est Balbiani qui fit, sans le savoir, les premières observations les plus complètes relatives à la karyoki- nèse. Du reste, il reconnut plus tard son erreur, et ses nouvelles recherches, avec celles de Bütschli, de Gruber, de R. Hertwig et de Maupas, nous ont fait connaître exactement les phénomènes intimes de la conjugaison des Infusoires. Ces organismes furent toujours l'objet de ses études de prédilection : il pensait très juste- ment avec Müller, von Siebold et Claude Bernard, que c'est chez les formes les plus simples d'organisation qu'il faut rechercher les phénomènes intimes et élémen- taires de la vie. Comme Nussbaum, Gruber, Verworu, il appliqua aux êtres anicellulaires les méthodes de viviseclion employées par les physiologistes chez les animaux supérieurs, el ses patientes recherches sur la mérotomie des Ciliés l’amenèrent à déterminer le rôle respeclif du protoplasma et du noyau chez les êtres unicellulaires !. Son dernier: mémoire, dont la première partie seule a été publiée, a trait à l'action des solutions salines sur les Infusôires; il avait commencé toute une série de recherches intéressantes à ce sujet, étudiant sur les êtres unicellulaires l’action des modifications du milieu comme l'ont fait Hertwig, Roux et leurs élèves pour les œufs des Métazoaires et leurs larves. Lorsque Pasteur entreprit de combattre la pébrine 1 Voir HexxeGuyx : La biologie cellulaire étudiée par la mérotomie. Revue générale des Sciences. 1893. 16 610 qui ruinait la sériciculture, Balbiani étudia de son côté le parasite, cause de la terrible maladie, et en recon- nut le premier la véritable nature; il montra que les corpuscules vibrants de Cornaglia ne sont autre chose que les spores d’un Sporuzoaire dont le plasmodium envahit tous les organes du Ver à soie. Il étendit plus tard ses recherches aux autres groupes de Sporozoaires, aux Grégarines, aux Coccidies, aux Myxosporidies; les remarquables lecons qu'il professa sur ce sujet au Collège de France, et qui furent publiées (1884), con- tribuèrent à attirer l'attention sur ces parasites, dont l'importance est reconnue de jour en jour. C'est sous son inspiration que l’un de ses élèves, le regretté Thé- lohan, fit sa belle monographie des Myxosporidies, le travail le plus complet que nous possédions aujour- d'hui sur ces êtres si curieux. Dans ses recherches sur l'embryogénie des Méta- zoaires, Balbiani fut toujours porté vers les faits les plus intéressants, mais aussi les plus difficiles à étudier: l'origine et la constitution des éléments sexuels, de l'œuf el du spermatozoïde, leur union lors de la fécon- dation et les premiers stades du développement. Lrappé par l'existence presque constante, dans l'œuf des différents animaux, d'un élément particulier qu'il étudia avec soin, la vésicule embryogène ou noyau vitellin de Balbiani, il pensa que cel élément jouait un rôle important dans l'ovogenèse, que c'était une sorte d’élé- ment mâle exerçant une préfécondation de l'ovule et y déterminant la formation du germe. Ses observa- tions sur la génération des Pucerons vivipares et ovi- pares le corroborèrent dans cette idée. Il retrouva, en effet, dans l'œuf des individus parthénogénésiques un corps quil assimila à la vésicule embryogène et qu'il considéra comme suflisant pour déterminer le déve- loppement de ces œufs. Il admit également que le Les- ticule renferme à la fois des éléments mâles et femelles et que les spermatozoïdes résultent de l'action réci- proque de ces éléments. Cette théorie de l'hermaphro- disme primitif des éléments reproducteurs à été, comme on sail, reprise sous des formes différentes par plusieurs embryogénistes et est encore défendue au- jourd'hui. Parmi les travaux embryogéniques de Bal- biani les plus connus, nous rappellerons ses recherches sur le développement des Aranéides, sur l'origine des cellules sexuelles chez les Insectes, sur l'embryogénie des Pucerons, ses lecons sur la génération des Verté- brés et sur la fécondation. Quand la découverte des phénomènes qui accom- pagnent la division indirecte du noyau détermina une étude plus approfondie de la structure intime de la cellule, le savant professeur du Collège de France, n’oubliant pas que le premier de nos établissements scientifiques a surtout pour but d'enseigner les sciences nouvelles, comprit l'importance de la Cytologie, qui est la base des études embryogéniques, et se consacra à cette branche de l'Anatomie générale, pour laquelle il était si bien préparé par ses travaux sur les Protozoaires. On lui doit la découverte de la structure si curieuse du noyau des glandes salivaires des Chironomus, structure qu'il retrouva dans d’autres noyaux, mais avec moins de netteté, de nouvelles recherches sur le corps vitellin qu'il considéra comme un centrosome dégénéré, et sur- tout ses expériences de mérotomie sur les Ciliés dont nous avons déjà signalé l'importance au point de vue de la biologie cellulaire. Si tous les travaux de Balbiani ont un caractère purement scientifique, quelques-uns d’entre eux cepen- dant ont eu une portée pratique incontestable. Ses con- naissances spéciales sur la reproduction des Aphidiens le désignèrent à l'Académie des Sciences, qui le chargea, en 187%, avec M. Maxime Cornu, de faire une élude complète du Phylloxera. Il commença par établir le cycle reproducteur d'une espèce très voisine du para- site de la vigne, du Phylloxera du chêne, et il ne tarda pas à prouver, en découvrant l'œuf d'hiver du Phyllozera rvastatrir, que cet Insecte a la même évolution que son congénère du chêne, L'espèce, qui se reproduit pendant CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE plusieurs généralions par parthénogenèse et dont la fécondité diminue progressivement à chacune de ces générations, présente finalement une génération sexuée qui donne l'œuf d'hiver : de ce dernier sort au printemps suivant un nouvel individu parthénogéné- sique qui récupère toute la fécondité primitive de l’es- pèce et qui est le point de départ d'un nouveau cyele reproducteur. Balbiani attacha une grande importance à la destruction de l’œuf d'hiver pour la défense des vignobles et préconisa à cet effet le décorticage et le badigeonnage des ceps. Des expériences, faites dans les environs de Montpellier, démontrèrent d'une manière éclatante l'efficacité de son procédé ; malheureusement, à cette époque,les viticulteurs, découragés par de nom- breux insuccès, renoncaient à la lutte contre le Phyl- loxera et ne voyaient le salut que dans la reconstitution des vignobles par les cépages américains. Le procédé de Balbiani ne fut sérieusement appliqué que par quelques rares adeptes, qui, grâce à l'association des traitements souterrains et des traitements contre l'œuf d'hiver, ont réussi à conserver leurs vieux cépages indigènes. Balbiani fut un savant modeste, cultivant la science avec le plus grand désintéressement, se consacrant uniquement à son enseignement et à ses recherches. D'humeur un peu sauvage, il ne fréquentait que quel- ques rares amis, fuyant le monde et toutes les occupa- tions qui auraient pu le détourner de ses travaux ; mais tous ceux qui venaient lui demander des conseils et faire appel à sa vaste érudilion savent avec quelle bien- veillance ils étaient toujours recus,et il ne ménageait ni son temps, ni sa peine pour les renseigner. Il ne sollicita jamais aucune faveur ni pour lui nipour ses élèves et repoussa même celles qu'on Jui offrait. À deux reprises différentes, malgré les plus vives instances de ses collègues et de ses amis, il refusa d'entrer à l'Académie des Sciences où son élection était assurée ; il ne fréquentait que la Société de Biologie dont il fut l'un des premiers membres. S'il n’a pas voulu de son vivant la consécration officielle de son œuvre, ses travaux et ses découvertes, plus connus encore peut-être à l'Etranger qu'en France, lui assurent un nom glorieux à côté de ceux de son prédécesseur Coste et de son maitre Claude Bernard. $ 2. — Bibliographie scientifique Liste des publications scientifiques de M. Willard Gibbs. — Plusieurs de nos lecteurs nous ont demandé de leur indiquer la liste des travaux de l'illustre chimiste américain ‘ qui se trouvent épars dans un grand nombre de publications. Nous avons le plaisir de leur donner ci-dessous cette bibliographie, qui à élé dressée par M. W. Bancroft, professeur à l'Université d'Ithaca (New-York). Méthodes graphiques dans la thermodynamique des fluides | Trans. Connecticut. Acad. 2 (1873) |. Représentation géométrique des propriétés thermo- dynamiques des corps { Trans. l'onn., Acad. 2 (1873)1. Equilibre des substances hétérogènes [Trans. Conn. Acad. 3 (1876)]. Densité de vapeur du peroxyde d'azote, etc. [ Am. Journ. of Sciences (3) 18 (1879)]. Deux lettres sur la thermodynamique électrochi- mique [Rapports de l'Association britannique pour luvan- cement des Sciences (1886) et (1888)]. Parois semiperméables et pression [Nature, 18 mars 1897]. Notes sur la théorie électromagnétique de la lu- mière : I. Double réfraction et dispersion dans les milieux osmolique ‘ Le professeur J. Willard Gibbs, né à New-Ilaven en 1839, entre à Yale College en 1854, prend ses grades en 18358 et 1863; il passe trois ans en Europe à étudier la Physique à Paris, Berlin et Heidelberg; en 1871, il est nommé à Yale College professeur de Physique mathéma- tique et occupe aujourd'hui encore la même chaire. cms . AAA CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 611 absolument transparents [Ain. Journ. Se. (3). 23 (1882). II. Double réfraction dans les milieux parfaitement transparents qui présentent le phénomène de la pola- risation rolatoire | Am. Journ. Sc. (3) 25 (1883)|. II. Sur les équations générales d’une lumière mono- chromatique dans les milieux de différente (transparence [Am. Journ. Sc. (3) 25 (1883)]. Sur la détermination de la vitesse de la lumière par le miroir tournant de Foucault [Nature 33. 582 (1885)]. Eléments de l'analyse vectorielle destinés aux étu- diants en physique [Imprimé par l'auteur (1881). Algèbre multiple {Assoc. Am. pour l'avancement des Sciences. Discours du Vice-Président de la section de mathématiques et astronomie]. Détermination des orbites elliptiques en partant de trois observations [Mém. Nul. Acad. Sc. 4}. Lettres à la Nature sur l'analyse vectorielle et les qua- ternions [Nature, 43 et 44 (1891); 48 (1893)1. Listes des titres de W. Gibbs. 1879. Membre de l'Académie nationale des Sciences (Washington). 1880. Membre de l’Académie des Arts et des Sciences (Boston). 1886. Membre étranger de la Société Hollandaise des Sciences (Haarlem). 1889. Correspondant de la Société Royale des Sciences (Güttingen). 1891. Membre honoraire de la Soc. phil. des Sciences (Cambridge). 1892. Membre étranger de l’Acad. Roy. des Sciences (Amsterdam). 1897. Membre étranger de la Société Royale (Londres). 1893. Docteur honoraire de l'Université d'Erlangen. 1893. Docteur honoraire de l'Université de Willams- College. 1896. Docteur honoraire de l'Université de Princelon- College. 1880. Médailie Rumford décernée par l'Académie américaine des Arts et des Sciences. $ 3. — Physique Expériences sur la diffusion des ions dans les gaz. — On sait que, lorsqu'une masse gazeuse est soumise à l’action des rayons de Rôntgen, ses mo- lécules se dédoubleut progressivement en ions chargés d'électricités de sisne contraire, et le milieu devient peu à peu conducteur. Si un gaz ainsi modifié est aban- donué à lui-même, sa conductibilité disparaît graduel- lement. Ce fait tient, en parlie, à ce que les ious posi- tifs et les ions négatifs, en se rencontrant, se recom- binent; en partie, aussi, aux parois du récipient, qui déchargent les ions venant en contact avec elles. Il était intéressant de déterminer dans quelle proportion se produit ce dernier phénomène, qui dépend principale- ment du degré de diffusion des ions à travers le milieu gazeux non modifié. M. John S. Townsend a entrepris des recherches dans cette direction, et il a récemment communiqué à la Société Royale de Lontres les premiers résultats obtenus. La méthode qu'il emploie, pour déterminer le degré de diffusion des ions dans les gaz, consiste à faire passer un courant unilrme de gaz à travers un tube métallique, ce gaz ayant été soumis à l'acton des 1ayons de Rôntg n juste avant son entrée dans le tube. Le diamètre du tube est choisi de telle facon que le nombre des 1 ns qui viennent en contact avec les pa- rois soit très grand par rapport à celui des ions qui se recombinent. Le proslème à résoudre se présente de la facon suivante : Si une petite quantité d'un gaz A (les ions), mêlée à un autre gaz B (le gaz non ionisé), tra- verse un tube dontles parois absorbent complètement A, quelle est la quantité de A qui sortira du tube avec B. On voit immédiatement que si les gaz diffusent rapide- ment l’un dans l'autre, une grande proportion de A viendra en contact avec la paroi du tube et sera absor- bée; si, au contraire, la diffusion est faible, les imolé- cules en À traverseront le tube en lignes droites paral- lèles à l'axe et très peu d'entre elles viendront en con- tact avec la paroi. L'auteur a traité mathématiquement le problème et, après une assez longue analyse, il est arrivé à la for- mule suivante qui donne le rapport entre le nombre de ions (ou molécules de gaz A) qui sout sortis du tube avec B et celui des ions qui y soul entrés": 14,5 Xz 2aV 7,318 Az R— 4 [0,1952 e — 2a2V 0,023 FL oRet SE où K est le coefficient de diffusion des ions, z la lon- gueur du tube, a son rayon, V la vitesse moyenne du gaz B. Ayant déterminé le rapport R par la réduction de la conductibilité du gaz ionisé, on oblient les valeurs suivantes du coefticient de diffusion des ions (ta- bleau f). Tableau I. — Coefficients de diffusion des ions dans les gaz. KAPPORT des 2 valeurs | de Æ VALEUR moyenne de X K K ions + | | 0.0347 0,0323 0.0245 0.0156 ( Air. \ Oxygène . ) C0> ni | Hydrogène 0 ,0274 0,025 0,023 0,123 0,042 : 0,0396 Secs MER 0,0335 0,0323 0,025 0,130 0,032 0,0288 0,0245 0,128 \ Air. :1.:) Oxygène . nn | C0 . H ydrogène Ces nombres doivent être considérés comme exacts AOLMPLES. M. Townsend a tiré de ces résultats quelques concelu- sions intéressantes. Soient N le nombre des molécules dans un centimètre cube de gaz à la pression atmosphé- rique et à la tempéralure de 15°, (température à la- quelle K a été déterminé) et e la charge électrique de chaque ion. On oblient facilement les valeurs suivantes de Ne pour les différents gaz (en unités électrosta- tiques) : Aie LENCO Ne! ASS SC 4010 OXVLENRE EN ER PT M2 XMIO EU Acide carbonique . . . M — do0 OO HYArOSÉRE RE ED UE C41020 Ces valeurs sont sensiblement égales, exceplé pour l'hydrogène, mais les conditions dans lesquelles cette dernière a été obtenue montrent précisément qu'elle est trop faible. Or, les expériences sur l’électrolÿse ont montré que, lorsqu'une unité électrodynamique d'élec- tricité passe à travers un électrolyte, elle met en liberté 1,23 ec. d'hydrogène à la température de 15° et à la pression ordinaire. Le nombre d'atomesdans ce volume est de 2,46 N, de sorte que si Eestla charge d'un atome d'hydrogène, 2,46 NE — 1 unité électrodynamique de quantité — 3 X 1010 unités électrostatiques, d'où NEt—="1,22%<1010 Comme N est constant pour tous les gaz, on conclut que les charges des ions produits par l'action des rayons de Rüntgen dans l'air, l'oxygène, l'anhydride carbonique et l'hydrogène sont toutes les mêmes et égales à la charge de l'ion hydrogène daus un électro- lyte liquide. Le professeur Thomson à trouvé, pour la charge des ions hydrogène et oxygène, dans un gaz 612 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE rüntgenisé, la valeur 6 X 10 —1° en unités électrostati- ques; ce nombre doit donc être pris pour tous les gaz. Connaissant e, on peut maintenant calculer le nombre N de molécules dans un centimètre cube de gaz, ce nombre est 2 X 10'%. On peut en déduire le poids d’une molécule d'hydrogène : 4,5 X 10°* grammes. Une dernière conclusion des expériences de M. Townsend, c'est que les charges des ions positifs et négatifs doivent êlre égales. Si cette assertion est vraie, le rapport des coefficients de diffusion des ions doit être égal au rapport de leurs vitesses. Ces vitesses ont été déterminées par le Professeur Zeleny, qui a trouvé que les ions négatifs se propagent plus vite que les ions positifs. Les rapports des vitesses sont : 1,24 pour l'air et l'oxygène, 1,145 pour l'hydrogène et 1,0 pour l'acide carbonique (gaz humide). La concordance est assez bonne avec les résultats du tableau I. $ 4. — Agronomie Congrès international de l'alimentation rationnelle du bétail. — Ce Congrès aura lieu à Paris, à l'occasion de l'Exposition universelle de 1900, du 21 au 23 juin. Il promet, dès maintenant, d'être très intéressant, ainsi qu'on pourra en juger par l'examen des questions suivantes, qui feront l'objet de rapports et seront sou- mises à la discussion : 1° Succédanés du lait pour l'alimentalion des veaux d'é- levage et de boucherie. — Rapporteurs : MM. Gouin et Saint-Yves Ménard : 29 Influence de l'alimentation sur la teneur du lait en matières grasses. — Rapporteur : M. Dechambre, pro- fesseur à l'Ecole nationale d'agriculture de Grignon ; 3° Du rôle des matières sucrées dans la nutrition : em- ploi des mélasses et des sucres dans l'alimentation du bétail. — Rapporteur : M. Grandeau, inspecteur général des stalions agronomiques ; 4° Importance des proportions relalives de matières azo- tées el non azotées dans la ration des animaux de travail. — Rapporteur : M. Lavalard, administrateur délégué de la Compagnie des Omnibus à Paris; 5° Vente et achat des aliments d'après analyse : contrôle des aliments. — Rapporteur : M. A.-Ch. Girard, profes- seur à l'Institut national Agronomique ; 6° L'ensilage. — Rapporteur : M. Jules Le Conte, conseiller référendaire à la Cour des Comptes; 7° Procédés de dessication applicables à la conservation des substances alimentaires riches en eau (betteraves, porn- mes de terre, fourrages verts, ete... — Rapporteur : M. Grandeau. Les agriculteurs et savants de tous les pays sont invités à transmettre au Comité d'organisation les observations et les travaux sur les questions inscrites au programme ainsi que les documents qui s’y rap- portent. La cotisation est fixée à 10 francs pour les membres francais ; elle est facultative pour les membres étran- gers qui peuvent se faire inscrire gratuitement. Seuls es membres ayant versé la cotisation recevront gra- tuitement les publications du Congrès. Les adhésions doivent être envoyées à M. Gallo, secrétaire-trésorier du Comité d'organisation, 69, rue de la Victoire, à Paris. $ 5. — Hygiène publique Les opérations du Laboratoire de la Pré- fecture de Police. — On sait que, conformément aux décisions du Conseil général de la Seine et du. Conseil municipal de Paris, le Laboratoire de la Pré- fecture de Police fait gratuitement l'analyse qualitative des denrées alimentaires qui lui sont apportées de tout le département de la Seine. D’autre part, la Préfecture fait visiter régulièrement, par des experts-inspecteurs, les marchés et magasins de Paris, où un certain nombre d'échantillons sont prélevés pour être analysés. Les échantillons déposés au Laboratoire et ceux qui ont été saisis par les experts-inspecteurs sont géné- ralement soupconnés être de mauvaise qualité. Ils ne peuvent done, dans ces conditions, représenter la qualité moyenne des denrées alimentaires mises en vente par le commerce parisien. Nous avons cependant jugé intéressant de faire connaître à nos lecteurs le résultat des analyses de ces échantillons; on verra ainsi quelles sont les falsifications les plus usuelles que subissent les denrées alimentaires. Voici le relevé des principales opérations faites au Laboratoire de la Pré- fecture pendant le mois de juillet dernier : Sur 580 échantillons de vins, 78 étaient bons, 175 mouillés, 3 plâtrés au delà de 2 grammes par litre, 5 vinés, 2 salicylés et 227 passables. Sur 43 vinaigres, 2 étaient bons, 8 additionnés de vinaigre d'alcool et 3 passables. Sur 56 bières, 27 étaient bonnes, 11 bisulfitées, 2 saccharinées, les autres passables. Sur 18 cidres, 7 étaient mouillés, 3 colorés arlifi= ciellement, 3 sucrés ou saccharinés, 5 passables. Sur 50 spiritueux divers, 23 contenaient de l'alcool d'industrie. L Sur 72 eaux et glaces, 17 étaient bonnes, 5 mauvaises par excès de matières minérales, 38 mauvaises par excès de matières organiques et 12 passables. Sur 252 laits, 102 étaient bons, 36 mouillés, 80 écré- més, 2 colorés artificiellement, 35 additionnés d'acide. borique, de formol ou de chromate de potasse et 35 passables. Sur 222 beurres et fromages, 217 étaient bons; 5 beurres étaient additionnés de margarines. Sur 18 huiles comestibles, 5 étaient bonnes; 13 huiles d'olives étaient additionnées d'huiles étrangères. Sur 59 pains et pâtes, 37 étaient bons, 16 contenaientM des farines étrangères et 6 étaient passables. Sur 70 viandes et conserves, 51 étaient bonnes, 1 avaz riée, 12 colorées artificiellement, salicylées ou addi= tionnées d'acide borique, 4 additionnées de matières étrangères et 2 passables. : L'analyse bactériologique a fait connaître que 27 vins contenaient des ferments aceti ou vini. Au point de vue bactériologique, 113 eaux et glaces étaient bonnes, 63 passables, 42 mauvaises. Ajoutons que la Préfecture a dû faire opérer 23 des= tructions, portant sur des poissons, des fruits, des légumes et des champignons. GÉRARD LAVERGNE — LA DEUXIÈME EXPOSITION INTERNATIONALE D'AUTOMOBILES 613 LA DEUXIÈME EXPOSITION INTERNATIONALE D’'AUTOMOBILES La deuxième Exposition, organisée par « l'Auto- mobile-Club de France », s'est tenue aux Tuileries, du 15 juin au 9 juillet 4899. Trois cent soixante-six stands, sans compter ceux qui se rapportaient à l'Exposition d’aérostation, tenue sous le patronage de « lAéro-Club de France », témoignaient de l’'empressement avec lequel on avait répondu à l'appel du Comité. Aussi peut-on dire, malgré les quelques critiques de détail qui lui ont été adres- sées, que le suecès de cette très importante mani- festation a élé fort grand. Les nouveautés qu'elle nous a fait connaitre ne son! pas de nature à révolutionner l’art automobile ; elles ont pourtant leur importance, tout au moins dans la partie électrique : venue plus tard que la vapeur et le pétrole dans la pratique automobile, l'électricité exploite un domaine plus neuf, et il lui est plus facile qu'à ses deux ainés de nous montrer de l’inédit. On constate, d'ailleurs, dans les trois branches de l’industrie qui nous occupe, des perfectionne- ments de détail intéressants, et surtout une préoccupation de l'esthétique, dont on pouvait regretter l'absence dans d'autres occasions. Main- tenant que la parlie mécanique s’est, du moins provisoirement, à peu près fixée, les formes s’affi- nent et le confort reprend ses droits. Nous allons brièvement signaler les points qui nous ont paru mériter particulièrement l'attention, dans les trois domaines de la vapeur, du pétrole et de l'électricité. EL — Vapeur. M. de Lambilly avait exposé un moteur rotatif, caractérisé par le travail simultané de deux palettes, entrainant l'arbre moteur à l'aide d'un anneau- piston calé sur lui : l’une des palettes est aclionnée à l'extérieur de l'anneau, l’autre à l'intérieur. L'étanchéité, pierre d'achoppement de presque tous les moteurs du genre, serait assurée par un réglage du cylindre (à l'intérieur duquel tourne l'anneau) dans le sens vertical, et de l'anneau dans le sens horizontal ; enfin, par l'action de ressorts appliquant sur les parois du cylindre les segments mobiles dont sont armées les palettes. L'expérience nous dira ce que vaut le système. Comme véhicules à vapeur, signalons les deux yoilures exposées par la Société européenne d'Au- ! Sur l'état actuel de l'Automobilisme, voyez les articles de M. Gérard Lavergne dans la Revue du ?8 février 1899, p.130 à 145; du 15 mars, p. 190 à 196: du 30 mars, p. 224 à 237 et du 15 avril, p. 257 et 258. tomobiles et surtout la voiturelte de M. Serpollet. Celle-ci, seule, sans les deux voyageurs, ne pèse que 250 kilos en ordre de marche, c'est-à-dire avec ses approvisionnements (8 litres de pétrole lampant et 15 litres d'eau lui assurant, paraît-il, un parcours de 60 kilomètres). Cela a permis, tout en se tenant dans les termes du règlement du 10 mars 1899, de re pas lui donner de marche arrière, et de réduire à 29 kilos le poids de son moteur, pourtant capable de développer très aisément 3 chevaux. Ce moteur, comme d'ailleurs tout le mécanisme, est du système que nous avons décrit *. Le châssis tubulaire est suspendu, avec tous les organes mécaniques, au-dessus des essieux. Un seul levier commandant les pompes à pétrole et à eau permet d'obtenir des vitesses variées. La voi- turetle fait en moyenne 25 kilomètres à l'heure, gravit facilement les rampes, et ne dépense guère que 1/8° à 1/10° de litre de pétrole par kilomètre. M. Serpollet a monté, avec le concours d’un Amé- ricain, M. Gardner, une grande usine qui va per- mettre au public d'apprécier la valeur pratique de ses ingénieuses voitures. La Société des Chaudières et Voitures à vapeur, système Scott, nous montrait ses omnibus et trains bien connus, mais avec l'augmentation de force qu'une pratique déjà longue l’a amenée à leur donner : la pression de la vapeur a été portée de 12 à 14 kilos par centimètre carré, la force du mo- teur de 20 à 27 chevaux. IL. — Pérroce. Tout ce qui se rapporte à l'application du pétrole constitue, comme bien l’on pense, le gros morceau de l'Exposition, au point de vue de l'importance numérique. Le carburateur constitue, à proprement parler, le cœur du moteur à pétrole; aussi son perfection- nement est-il toujours l’objet des préoccupations de nos constructeurs. M. Lepape a modifié le sien ? par l’adjonction : 1° d’une seconde soupape, qui, avec celle de son précédent modèle, forme une chambre dans laquelle le liquide est admis avant d'être amené au contact l'air, et de laquelle il déborde, chaque fois, en quantité convenant à la cylindrée ; 2 d’une virole à persiennes permettant de faire varier l’arrivée d'air froid. Le carburateur Jupiter est caractérisé par l'existence : 1° autour de 1 Revue générale des Sciences, 28 février et 30 mars 1899, 2 Revue générale des Sciences du 28 février 1898, p. 1:8. 614 GÉRARD LAVERGNE — LA DEUXIÈME EXPOSITION INTERNATIONALE D'AUTOMOBILES l'ajutage d'arrivée d'essence, de rainures hélicoï- dales, imprimant un au courant d'air, avant sa rencontre avec le liquide ; 2° dans la chambre du mélange, de deux étages de palettes, montées sur un arbre vertical, qui, sous l’action même de l'air, tournent et brassent le mélange. M. de Roussy de Sales a combiné un saturateur-doseur, dans lequel l'air, saturé d'es- sence en traversant des couches alternées de toiles métalliques et de tissu spongieux, est additionné d'air frais, de manière à faire varier le dosage du mélange dans les proportions voulues. mouvement giratoire On sait l'élasticité que donne au moteur à pé- trole l'emploi de l'allumage électrique. MM. Simms et Bosch ont imaginé un appareil dans lequel est employée une magnéto, dont l’aimant en fer à che- val et la bobine sont fixes, et entre lesquels une pièce de fer doux est animée d'un mouvement alternatif. Ce mouvement dégage dans la bobine un courant, qui est interrompu, au moment oppor- tun, dans la chambre d'explosion. Un dispositif d'avance à l'allumage permet de faire jaillir l’étin- celle au point que l’on veut de la course du piston. Cet appareil est employé par la voiture Orient- Express. La bougie constitue, dans l'allumage électrique, un organe fragile, qu'il faut souvent remplacer : les bougies démontables Bassée et Michel, Reclus, la bougie à hélice témoignent des efforts faits par les électriciens pour améliorer son service. La suppression du courant d’eau est, dans un moteur, une grande simplification : pour augmen- ter le pouvoir refroidisseur des ailettes, M. Sire les recouvre d'un dépôt galvanique de cuivre, en quantité d'autant plus considérable qu'elles se trouvent sur une partie plus exposée à s'échauffer : le cuivre mat assure un écoulement de la chaleur plus actif que la fonte ou le noir de fumée dont elle est parfois recouverte. MM. Grouvelle et Arquembourg, indépendam- ment des tubes à ailettes de fer ou d'aluminium simplement forcées, qu'ils fabriquent depuis long- lemps, en font maintenant avec des ailettes en fer soudées, pour augmenter leur pouvoir radiant. Comme moteurs, se présente à nous la nom- breuse lignée du de Dion-Bouton. Nous ne voudrions pas garantir que les modifications, toujours fort simples qui lui ont été apportées, suffisent pour assurer à Lous ses descendants l'augmentation de puissance que revendiquent pour eux leurs cons- tructeurs ; cerlaines pourtant constituent des per- fectionnements véritables. Dans l'Aster, le carburateur est muni d’un flot- leur, qui nage à la surface du liquide et diminue les irrégularités de carburation produites par les variations de niveau du liquide; des ailettes en cuivre sont rapportées autour du eylindre : l'em- ploi de ce métal, trois fois plus conducteur que la fonte, permet de faire les ailettes plus minces et plus larges, et même de les onduler. Dans le Cyclone, il faut signaler : 1° l'existence, à la partie supérieure de chaque cylindre, d’une cloison, qui évile tout mélange des gaz neufs avec les gaz brûlés, dans le voisinage de la bougie, de manière à rendre plus sûre et plus efficace l’inflammation ; 2° la commande des deux soupapes d'échappement | par une came à rainure double, dont les deux | branches se croisent. Mentionnons aussi le mo- teurs le Sphinx et celui de M. Gaillardet. | Ce dernier construit, en même temps que son | moteur de 2 chevaux 3/4, un moteur de 10 che- | vaux, muni de deux systèmes d'allumage; au | centre, sont les deux bougies: de chaque côté se trouve un brûleur genre Longuemare ; normale- ment, c'est l'électricité qui esl employée; à son défaut, on a recours aux tubes. M. Mors à combiné pour sa voiturette un moteur de 4 chevaux, constitué par deux cylindres hori- zontaux, placés à peu près en face l’un de l’autre, et muni d'un régulateur de vitesse, bien que le système d'allumage soit électrique. Le moteur AVoël, qui se fait jusqu'à 3 chevaux, est caractérisé par la présence de deux soupapes d'échappement pour un seul cylindre : l’une, placée à la parlie supérieure du moteur, commandée par lui, comme d'habitude; l’autre, automatique, placée un peu avant la fin de la course du piston. Cette dernière évacue par anticipation une partie des gaz chauds de la combustion : la soupape ordi- naire ne se détériore plus autant sous l'action du martelage, qu'elle subit ainsi à une température réduite, et souffre moins de la corrosion des gaz : nous avons constaté qu'on pouvait, après plusieurs heures de marche, toucher à la main le cylindre, la culasse et les boites à soupape. Si avec cela l'utilisation de la force élastique des gaz de l’explo- sion n'est pas diminuée, le progrès est réel. On sait les avantages qu'il y a, pour réaliser celte bonne utilisalion, à pouvoir faire varier le moment de l'allumage. Cette faculté était jusqu'iei restée l'apanage de l'inflammation électrique ; avec l’allumage par incandescence, l’explosion se produisant quand la compression amène au con- tact du tube les gaz neufs, le moment en était, dans une chambre d’explosion donnée, réglé une fois pour loutes. Mais, avec une chambre de volume variable, on n’a qu'à restreindre celui-ci pour que la compression s'en trouve augmentée et qu'elle amène plus vite le contact voulu. C'est justement ce procédé, dont on parlait depuis quelque temps | déjà, que M. Hautier a mis en œuvyre; à cet effet, les cylindres, au lieu d'être boulonnés sur le carter, GÉRARD LAVERGNE -—- LA DEUXIÈME EXPOSITION INTERNATIONALE D'AUTOMOBILES glissent chacun dans un tube greffé sur celui-ci, et leur position, assurée par des vis de 40 millimètres de diamètre, peut êlre réglée du siège. Ce dispo- sitif donne, parail-il, de bons résultats, en aug- mentant très sensiblement la puissance du moteur. Celui qu'a exposé M. Ravel, ce pionnier de la locomotion à pétrole, repose sur un principe qu'il à inventé depuis longtemps, mais dont il vient de perfectionner la réalisation. Dans le carter et dans le bas des cylindres, utilisés comme pompe, les deux pistons simullanément aspirent de l'air, que, dans leur course descendante, ils envoient, à lra- vers un carburateur qui le charge de gazoline, dans la partie supérieure de l’un des cylindres, à tour de rôle. Ce cylindre recoit ainsi double charge, et, de ce fait, sans augmenter ses dimensions, on double sa puissance. Le carburateur agit par lami- nage de l'essence el condensation des gouttelettes, de sorte que l'air carburé arrive sec au cylindre. En outre, comme il est loujours plein d'air, à 100 ou 120 grammes de pression par centimètre carré, il y règne constamment une température de 30 à 35°, et cela lui permet de bien fonctionner, hiver comme été, même avec les essences les plus lourdes qu'on puisse rencontrer, pesant jusqu'à 735. Enfin, les choses sont disposées pour que la boîte de dis- tribution ne contienne jamais que du gaz carburé neuf; il s'ensuit que l'explosion se produit loujours bien. M. Ravel affirme que son moteur de 8 che- vaux ne consomme que 300 grammes d'essence par cheval-heure effectif sur l’arbre. La construction étrangère était représentée aux Tuileries par le moteur /déal, genre Phénix, à cir- culation d’eau par pompe semi-rotalive, à régula- tion assez simple (un moteur de 8 chevaux était monté sur un châssis de voiture Vincke, Roch- Brault et C, de Malines); par le moteur Canello- Dürkopp, que caractérise une commande des sou- papes d'échappement, combinée pour assurer la régulation du mouvement (il est appliqué aux voi- ltures construites en Allemagne et en Autriche par la Bielefelder Maschinen Fabrik, et, en France, par une sociélé récemment créée, avec siège à Courbevoie). En ce qui concerne les transmissions, nous pou- vons citer le changement de vitesse appliqué par la maison Peugeot à ses trieyeles, le dispositif à deux vitesses de M. R. de Metz pour motocycles et voitures légères; dans la classe des voitures, le bloc-transmission de MM. Montauban et Marchan- dier, dont la forme condensée facilite le montage de la voiture; les nouveaux dispositifs des anciens établissements Panhard, de MM. Champly, Gé- rard.. Le système adopté par M. Gaillardet com- porte, indépendamment du différentiel ordinaire, un second différentiel pour les changements de G15 marche (qui permet de marcher en arrière à toute vitesse, et surtout de passer très vile de la marche avant à la marche arrière, sans avoir à changer préalablement de vitesse comme d'ordinaire). Le mouvement est transmis à l'arbre intermédiaire par un entraineur élastique avec rondelles Belle- ville (qui donne une grande douceur à l'entraine- ment), et aux roues motrices par un arbre à la Cardan, qui agit sur les fusées dont elles sont solidaires. Sans quitter les transmissions par engrenages, nous devons signaler l'appareil Humpage à engre- nages hélicoïdaux pour changements de vitesse et embrayage progressif. Alors que deux roues dentées ordinaires ne donnent que des réductions de vitesse relativement faibles (celles de M. Kriéger en don- nent une de 18.5, qui n'a guère été dépassée), les engrenages Humpage assurent, sous un volume fort condensé, des réductions aussi considérables qu'on le désire, avec, parait-il, un rendement très élevé. En outre, par suite de l'emploi de deux équipages satellites, diamétralement opposés, le mouvement de rotation est remplacé par un couple, les réactions sur les paliers sont supprimées et les dents fatignent beaucoup moins. Nous ne sachons pas que le système ait encore élé appliqué à une automobile; mais il mérite de l’être. Une bonne poulie extensible, donnant commo- dément l'embrayage et diverses vitesses, consti- tuerait un organe précieux : M. Haulier en à exposé un modèle et M. Buchet un autre, qui nous a paru particulièrement ingénieux. L'emploi du pneumalique se généralise beau- coup : sur les 1.272 voilures exposées, 80 °/, en étaient munies, presque toutes avec enveloppes à talons. Aussi beaucoup de marques nouvelles ont- elles surgi; les pneus actuels sont assurément meilleurs que leurs aînés; pourtant, comme leurs crevaisons constituent une source de pannes sinon graves, du moins fréquentes, il est à désirer que leur fabrication soit encore perfectionnée. Leur ré- sistance augmente, d'ailleurs, avec leur diamètre, qui de 90 millimètres est déjà passé à 120 et même 130 millimètres, en attendant mieux. Le suprême du genre nous est fourni par la roue pneumatique : imaginez un moyeu entouré d'un pneu énorme, et vous aurez celte dernière qui, parait-il, supporte un poids considérable, 500 kilos, par exemple, sans que la pression par centimètre carré dépasse celle des pneus de bicyclettes. Elle est en usage sur certains omnibus de Londres ; l'expérience nous dira ce qu'elle vaut. Le chässis rectiligne, qui a l'avantage d'être bien rigide el de se prêter à une précieuse interchan- geabilité des caisses, n’est pas gracieux. Nous avons remarqué plusieurs tentalives pour le faire 616 GÉRARD LAVERGNE — LA DEUXIÈME EXPOSITION INTERNATIONALE D'AUTOMOBILES descendre entre les deux essieux. Quand le moteur et les roues qu'il actionne sont tous les trois à l'arrière, comme dans les voitures Peugeot et Jean- taud, ou à l'avant, comme dans celles de M. Krié- ger, le décrochement est facile à obtenir. Quand le moteur est à l’avant, au-dessus du châssis, et les roues motrices à l'arrière, comme dansles Panhard, on ne pourrait avoir du décrochement qu'en ména- geant, dans l'intérieur de la caisse, un couloir central clos, qui serait gènant pour les voyageurs; quand le moteur est au-dessous du châssis, l'axe de transmission passe seul sous le plancher de la caisse, et on peut donner du décrochement, mais on perd, à mettre le moleur sous le châssis, ce coffret d'avant, qu'avec M. Forestier, auquel nous emprun- tons ces remarques, nous trouvons bien automobile. Les alliages d'aluminium, qui peuvent faire économiser 100 et même 200 kilos sur le poids de la caisse, sont très employés; ils n’ont que l’incon- vénient d'exiger, à la peinture, un tour de main spécial pour empêcher la production, aux points de jonction du métal avec les cornières, d'une matière grisätre qui donne lieu à un véritable foisonnement. Dans la section des freins, qui intéresse à un si haut degré la sécurité de la circulalion, nous avons vu avec plaisir plusieurs systèmes de freins à enrou- lement, produisant le serrage dans les deux sens, notamment les freins Renault et Hautier. M. Cuénod aaussiexposéunechèvre-frein, fonelionnantcomme frein de secours en appliquant deux sabots sur le sol, et comme chèvre pour soulever l’essieu moteur. En fait de voitures intéressantes, signalons les Panhard de 12 chevaux, avec lesquelles Charron et R. de Knyff sont arrivés premier et second dans la course Paris-Bordeaux, réalisant une vitesse moyenne de plus de 48 kilomèlres à l'heure; la Peugeot, de 18 chevaux, avec laquelle M. Lemaitre a gagné, dans une forme remarquable, la course de Nice-Castellane, à profil si accidenté, et a alteint dans la course du mille la vitesse de 74 kilomètres à l'heure. On voit que la puissance des moteurs augmente toujours : plusieurs Amédée Bollée, de 20 chevaux, avec celte forme de bateau ou de tor- pilleur, qui est fort rationnelle, viennent de prendre part au Tour de France, que M. de Knyff a si bril- lamment gagné avec sa Panhard de 16 chevaux, réalisant cet interminable ruban 2.175 kilomètres de route, la vitesse moyenne de 51 kilom. 100 à l'heure. Comme marques plus ou moins nouvelles, men- tionnons les voitures Ducroiset, Gobron et Brillié (notamment un phaéton d'une grande élégance), Henriod, Gaillardet; la « Bolide » de M. L. Lefeb- vre qui, avec ses 16 chevaux, a élevé à 62 kilo- mètres’à l'heure le record du kilomètre, officielle- ainsi, sur de 1 NAS ment chronométré sur le parc agricole d'Achères; la voilure Raouval, à direction progressive par secteur parabolique et pignon exceniré, et qui ne peut reculer, lorsqu'elle est à la marche avant, pas plus qu'avancer lorsqu'elle est à la marche arrière; les voitures Vincke et Roch-Brault, et Canello- Dürkopp, dont nous avons déjà mentionné les moteurs. Quant aux voilurettes, elles élaient légion : à celles que nous avons déjà mentionnées !, Decau- ville, Krebs, de Dion-Bouton, ajoutons les types Peugeot (d'un modèle très élégant, et qui n'est, pour le mécanisme, qu'une réduction de la grande voiture des mêmes constructeurs), Delahaye, Dar- racq, celle-ci construite sur le modèle de M. Léon Bollée, avec un moteur de 5 chevaux 1/2, simple- ment refroidi par l'air. Malheureusement, la plupart de ces voiturettes dépassent le prix de 4.000 franes, qui devrait être le maximum d'un véhicule de ce genre à deux places : au-dessus, nous eslimons qu'il faut aller à la grande voiture, toujours plus endurante et plus confortable. Sans méconnaître le rôle important réservé à la voiturelte, il ne faut pas oublier qu'elle n’est en somme qu'un produit hybride, né principalement de l'intérêt qu'il y a à rendre l’automobilisme accessible aux petites bourses. III. — ELECTRICITÉ. Une vingtaine d'exposants nous ont montré une soixantaine de voitures électriques, appartenant surtout aux Lypes voiture de maitre ou fiacre, mais aussi à d’autres plus variés (omnibus, voitures de livraison, véhicules divers). Ces nombres sont à peu près le double de ceux de 1898, et cette aug- mentation témoigne du développement pris par la construction électrique dans ces derniers mois. De nouveaux types d’accumulateurs ont apparu : Pulvis, Vulcain, à formation -autogène; Phébus, Phénix, à oxyde rapporté; Blot-Fulmen et l’un des types de la Société pour le travail électrique des métaux, à plaques positives Planté et à pla- ques négatives Faure. Mais c'est toujours l'accumu- lateur à oxyde rapporté, et notamment l'accumu- lateur Fulmen, qui est le plus employé. Le Fulmen doit sa vogue à son poids fort réduit; la question de sa durée reste toujours indécise, et plus d'un ingénieur électricien estime qu'on fait fausse route en s’altachant surtout à la légèreté de l’accumula- teur; et qu'il vaudrait mieux, puisque la dépense d'énergie électrique n'entre que pour une part minime dans les frais d’une automobile, avoir franchement recours à des accumulateurs plus pesants, mais du moins susceptibles de recevoir un | | | | : | | | | ottoman tt nt tt et né 1 Revue gén. des Sciences du 15 avril 1899 p. 257. GÉRARD LAVERGNE — LA DEUXIÈME EXPOSITION INTERNATIONALE D'AUTOMOBILES 617 nombre de charges autrement considérable que les batteries légères. C'est nolamment l'avis de M. de Clauronne, chef du Service électrique de la Compagnie générale des Voitures à Paris, où sont principalement employés des accumulateurs à for- mation mixte, relativement lourds. M. Hospitalier est, au contraire, un partisan résolu de l’accumu- lateur léger. Le concours qui se poursuit actuelle- ment sur plusieurs modèles, sous le contrôle d’une Commission de l'Automobile-Club de France, est destiné à nous fixer sur celte question de première importance. Pour ce qui est du couplage des batteries, on à d'abord cru que celui en tension devait être le meilleur au point de vue de la bonne conservation des accumulateurs; les résultats des deux con- cours de fiacres semblent battre en brèche cette opinion. M. Hospitalier croit qu'on reviendra au couplage en quantité. Ces batteries alimentent des moteurs de 2 ou 3 kilowatts, dont le rendement oscille entre 80 et 88°}. Pour la transmission du mouvement aux roues de la voiture, on tend à renoncer à la chaîne; celle-ci, dont l'emploi est presque indispensable avec le moteur à pétrole, parce que son couple irrégulier a besoin d'une connexion souple, devient inutile avec un moteur aussi constant que le moteur électrique : celui-ci peut, sans inconvénients, être attelé à des engrenages qu'il aclionne sans aucun choc, et qui sont enfermés dans un carter, permet- tant ainsi le lavage de la voiture à la lance. Au surplus, la suppression d'un axe intermédiaire réduit d'environ 10 °/, la perte de force par la transmission. Les châssis tubulaires et les roues métalliques tendent àse multiplier. La direction se fait parfois par avant-train mobile autour d’une cheville ouvrière, comme dans les fiacres de la Compagnie générale des Voitures à Paris, mais le plus souvent par essieu brisé; la commande par barre franche, prescrite pour les voitures à pétrole, est plus admissible avec les véhicules électriques, à cause de leur vilesse rela- tivement minime, mais il faudrait la rendre irré- versible, comme cela se fait dans les voitures Canello-Dürkopp à pétrole. Comme voilures françaises, nous avons retrouvé celles de MM. Jeantaud, Krieger, Bouquet, Garcin et Schivre, Mildé, Patin, à peu près telles que nous les avons vues l'an dernier; la forme des voitures Kriéger s’est affinée. M. G. Richard a exposé une voilure sans caractère spécial, mais à un prix plus abordable que le taux jusqu'ici courant. M. Monnard a exposé un phaëéton à 5 places ali- menté par des accumulateurs à formation autogène, dont le poids représente environ la moitié de celui de la voilure en ordre de marche. Le moteur, qui ne tourne guère qu'à 600 tours par minute, afin de diminuer la perle par transmission, n'a qu'un indueleur pour deux induits, sur lesquels sont calées les deux portions de l’essieu, de manière à supprimer la nécessité du différentiel. L'excitation séparée, employée pour l'inducteur, permet le freinage par récupération aux faibles vitesses; mais si les quatre accumulateurs, qui assurent cette excitalion, sont épuisés avant ceux induits, cela doit mettre les moteurs dans de mau- vaises conditions de rendement. M. Monnard a employé, pour ses induits et pour ses roues, des roulements à rouleaux, qui évitent les coincements possibles avec les billes; sa voituretle est assuré- ment l’une des premières à les avoir employés. MM. Vcdovelli el Priestley ont exposé une voi- Lure très originale caractérisée par son tabiier, qui la rend instantanément transformable de cab à deux places en vis-à-vis à quatre places, sa mon- ture en tricycle', la commande de ses roues motrices-directrices par deux moteurs indépen- dants et un appareil de direction à différentiel, qui lui permet de pivoter sur place; enfin, par l’ad- jonction facullative à la voiture d’une petite usine électrogéne, capable de recharger ses accumula- teurs pendant la marche et à l'arrêt. M. le capitaine Draullette a construit un autocab, de forme très spéciale, dans lequel on accède par l'avant, et qui offre à ses passagers quatre ou cinq places disposées en rond. Dans le stand de la Compagnie internationale des Transports automobiles, on pouvait voir la « Jamais contente », voiture torpille avec laquelle M. Jenatzy s'est adjugé le record du kilomètre, par une vitesse de 105 kilomètres à l'heure : les induits des moteurs sont directement calés sur l’essieu d'arrière. L'Exposition de 1898 nous avait fait faire la con- paissance des voitures Columbia”; celle de 1899 nous en a montré des types variés, fabriqués à Levallois par la société l'Electromolion, dans des conditions de prix moins exorbitantes, mais encore fort élevées, et nous a présenté les voitures étudiées par M. Sperry et construites par la Cleveland Machine Screw C°. Elles portent 375 kilogrammes des 1 La roue d'avant, simplement porteuse et seulement pour une très faib'e partie du poids total, est, comme les roulettes de meubles, mobile autour d’un axe vertical placé un peu en avant de son axe horizontal : elle prend d'elle-même la direction de la tangente à la (rajectoire instantanée de la voiture. Comme, en outre, le centre de gravité de celle-ci se trouve sous l’essieu, cette monture en lricyele échappe aux deux reproches qu'on fait très justement aux voitures à trois roues ordinaires, de manquer d'adhérence à leur roue directrice et de n'avoir qu'une stabilité réduite. ? Revue gén. des Sciences du 30 mars 1899 p. 231. 618 D' ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE d’accumulateurs pour un poids total de 800 à 900 kilogrammes en ordre de marche. Un moteur bipolaire série, donnant 2 chevaux sous 86 volts, à 1.800 tours par minute, et pouvant supporter une surcharge de 150 °/,, est attaché au milieu de l’es- sieu d’arrière par deux coussinets à billes situés de chaque côté du différentiel, au châssis par une suspension élastique. La transmission du mouve- ment au différentiel se fait par engrenages à double réduction; il y a aussi un changement de vilesse mécanique. Le châssis est composé de deux tringles tubulaires reliant les essieux, et renforcé par des bielles joignant des points voisins des roues d'avant à deux autres des longerons. La caisse repose à l'avant sur le milieu d’un ressort trans- versal, par un axe horizontal permettant à l'essieu d'osciller dans un plan vertical. La barre franche de direction manœuvre aussi le combinateur, et sert de levier d'arrêt et de levier de frein; une pédale permet d’actionner un autre frein. La sociélé l'Automobile exposait une voilure Riker et son châssis nu; le système Riker est un des premiers qui aient élé appliqués en Amérique; il va être aussi construit chez nous. Le châssis, en tubes d'acier étiré, a ses deux pelits côtés formés par l’essieu d'avant et le tube creux qui entoure l'essieu d'arrière : l'un des grands côtés est articulé autour de l’essieu d'avant et les deux peuvent tour- ner autour de celui d’arrière; il en résulte une très grande souplesse, les roues pouvant toujours s’ap- pliquer sur le sol, les essieux restant dans des plans verticaux parallèles. Les roues d'avant pivo- tent sur place dans les virages; leurs axes ne sont pas comme d'habitude en dehors d'elles, mais à l'intérieur : les pivots sont montés sur pointes, au dedans des tambours autour desquels tournent les moyeux montés sur billes. Dans les types légers, un seul moteur, articulé par deux colliers sur le tube-enveloppe de l'essieu, suspendu à la caisse par une tige munie de deux ressorts, attaque le différentiel: dans les types lourds, un moteur actionne chaque roue. Signalons enfin la voiture pétroléo-électrique des établissements Pieper, de Liège, munie d'un moteur à gazoline, d'une puissance moyenne (2.500 watts), sur l’arbre duquel est monté l'induit d’une dynamo, qui fonctionne lantôt comme géné- ratrice, pour charger les accumulateurs de la voi- ture (quand la force du moteur n’est pas absorbée tout entière par le travail de la route), tantôt comme réceptrice, avec le courant qui lui est resti- Lué par la batterie (quand le moteur devient impuissant à donner le coup de collier qui lui est demandé). La marche arrière s'obtient en fermant l'arrivée de l'air carburé au moteur à pétrole eten inversant le courant dans l'induit du moteur élec- trique. Dans les longues descentes, on peut aussi ne plus alimenter le moteur, qui fonctionne alors à vide en faisant frein, tandis que l'excès de puis- sance produite par la pesanteur actionne la dynamo qui charge les accumulateurs et s'oppose à l’em- ballement de la voiture. En palier, la vitesse peut atteindre 30 kilomètres; la voiture peut gravir des rampes de 12 °/, à la vitesse de 12 kilomètres. Ce système, fort séduisant en théorie, est d'une réali- salion plus simple qu'on ne se le figure avant d'avoir vu la voiture Pieper. Gérard Lavergne, Ingénieur civil des Mines. LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE EN ALLEMAGNE DEUXIÈME PARTIE : ORGANISATION ET RÉSULTATS DES SANATORIA: ÏJ. — ORGANISATION GÉNÉRALE DES SANATORIA. Dans le court historique du mouvement en faveur des sanatoria populaires, j'ai essayé de dégager la part de la Société et celle de l'État, par l'intermé- diaire de ses caisses d'assurances. Des deux côtés, on semble avoir compris l'intérêt humanitaire, économique et social que présente la lutte ration- nelle contre la tuberculose et la grandeur de la 1 Voyez la première partie de cet article dans la Revue du 15 août, pages 573 à 581. tâche qu'on s'imposait. C'est grâce à celle action commune, grâce à cet accord entre la Société et le Gouvernement, qu'on a pu très rapidement obtenir des résullats palpables qui étaient un encourage- ment pour la marche en avant, avec espoir, pour ne pas dire cerlilude, de sortir vainqueurs de la lutte engagée contre la tuberculose. Nous pouvons maintenant aborder l'étude pro- prement dite du sanalorium, la façon dont il est établi et fonctionne, la vie qu'y mènent les malades et les résultats thérapeutiques qu'il donne. D' ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 619 Lors d'un récent séjour à Berlin, j'ai eu l'occa- sion de visiter en détail le sanatorium de Gra- bowsee. Mais pour rendre cette description plus complète, j'utiliserai en même temps le remar- quable rapport présenté à la Députation perma- nente de Liège par une Commission composée du Professeur E. Malvoz et de MM. Biery, Grégoire et Remonchamps qui, l'année dernière, ont visité six sanaloria populaires allemands. Les emplacements choisis pour les sanatoria sont partout des plus heureux, bien que la règle qui préside à ce choix soit que tout tuberculeux peut et doit être guéri dans son propre pays, là où il devra vivre et travailler après son départ de l'asile. Presque toujours le sanatorium est entouré d'un grand parc, quand il n’est pas situé au voisi- nage immédiat d'un bois ou d'une forêt; autant que possible, on choisit un site piltoresque, assez loin des endroits habités, en dehors du bruit des agglomérations humaines, de façon que l’air soit exempt des poussières, des impuretés et des fumées. Les bâtiments et constructions qui forment le sanatorium sont abrités contre les vents du Nord, de l'Est et de l'Ouest, et leur orientation est telle que les malades peuvent séjourner à l'air, tournés vers le Midi, et que les rayons du soleil, le plus puissant et le moins coûteux désinfectant, comme dit M. Malvoz, puissent pénétrer au moins pendant quelques heures dans les chambres. Au point de vue de la disposition générale des constructions, on tend de plus en plus, dans les sanatoria récents, à réaliser le type suivant: grand bâtiment principal avec façade au Midi, flanqué d'ailes latérales formant un angle plus ou moins obtus avec l'édifice central. Ce dernier, à deux ou trois étages, renferme des salles d'attente, de visite, le bureau, le cabinet du médecin, le labora- toire de chimie et de bactériologie avec la pharma- | cie, les salles de bains et de douches, les chambres d'inhalation, de gymnastique, etc. Dans les ailes, on place de préférence les cham- bres des malades, les salles de jeux et de réunion, avec la lingerie, dans les combles: au sous-sol, sous les ailes, se trouvent les chaudières, la buan- derie, l'étuve à désinfection, la machine produc- trice de lumière électrique. Ces deux dernières ins- tallations se trouvent parfois placées dans des pavillons séparés. Comme le lait est largement distribué aux ma- lades, certains sanatoria ont des vacheries modèles, établies dans des constructions spéciales. Il va de soi que les vaches ont été éprouvées à la tuberculine. Les cuisines et réfectoires sont ordinairement installés à part, dans une petite construction, pla- cée au nord du bätiment central et reliée à ce der- nier par une galerie couverte. Cette séparation de l'office évile la pénétration des odeurs de cuisine dans les chambres et salles des malades. Dans tous les sanaloria, il existe des galeries de repos, sortes de vérandas ouvertes, où les ma- lades passent une grande partie de la journée, étendus commodément sur des chaises longues et soumis ainsi à la cure d'air, un des principes essentiels du traitement hygiéno-diélétique. Ces vérandas, exposées au midi, sont protégées, par des dispositifs appropriés, contre le soleil, la pluie, la neige et le vent. Souvent elles sont séparées du bâtiment central et installées dans le parc qui en- toure le sanatorium (Grabowsee); dans d’autres (Oderberg), elles courent devant la facade prinei- pale ou bien elles sont placées (Sulzhayn) devant chaque étage. On s’est efforcé de rompre la monotonie de ces longues galeries de repos par des cloisons qui réunissent les malades en petits groupes; de jolis motifs de décoration, imaginés par les malades eux-mêmes (images coloriées, peintures, affiches artistiques), en rendent le séjour plus agréable. Un éclairage convenablement aménagé permet au ma- lade de lire dans la position couchée ou demi assise. Chaque malade a sa chaise longue; le modèle habituel est en cannes de bambou. Le malade est toujours convenablement enveloppé d'épaisses couvertures en laine fournies par le sanalorium. La villa du médecin avec ses dépendances (écu- ries, ete.) est habituellement séparée du sauato- rium, mais disposée de telle facon que le médecin- directeur puisse, des fenêtres de son habitation, surveiller ce qui se passe dans l'établissement et principalement dans les galeries de repos. Partout, on a adopté le chauffage central à la vapeur. L’éclairage est fait à la lumière électrique ou à l’acétylène. Dans les cuisines, on utilise généralement, pour la cuisson de la plupart des aliments, sauf les rôtis, des appareils très perfectionnés, activés par la vapeur de la chaufferie : celle-ci alimente de même l’étuve à désinfection. La buanderie, le lessivage, le calandrage sont activés au moyen d'appareils mécaniques très perfectionnés. Les water-closets, très nombreux partout, sont irrigués à l'eau courante quand l'établissement à suffisamment d’eau à sa disposition. Dans les sana- toria où l’eau est plus rare, on a adopté le système de tinettes à la tourbe : le mélange de matières fécales et de tourbe est jeté dans une grande fosse étanche et utilisé, comme fumier, au fur et à me- sure des besoins de l’agriculture. Les eaux ména- gères et autres sont dirigées, quand la chose ne présente pas d'inconvénients, vers la rivière voi- 620 D° OMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE sine ; dans d’autres senatoria, elles sont amenées à la surface des terrains qu’elles irriguent. Le contenu des crachoirs de poche ou des cra- choirs qui se trouvent dans l'établissement et ses dépendances est ramassé tous les jours et détruit soit par la cuisson à l’eau bouillante, soit au foyer des chaudières après avoir été mélangé avec de la tourbe. Les crachoirs eux-mêmes sont désinfectés tous les jours. Quant aux détails de la construction et de l’ameu- blement, tout à été disposé et combiné pour éviter le plus possible le dépôt des poussières, maintenir facilement la propreté et désinfecter sans difficulté. Les angles sont partout arrondis, même ceux que forme le plancher avec les murs et les parois. Les murs sont revêtus d'enduits spéciaux (couleurs à l'émail, etc.), inaltérables, très clairs et d'une bonne conservation. Les parquels sont revêtus de linoléum. Les chambres des malades renferment habituel- lement 2, 3, 4, au maximum 6 lits. Les médecins directeurs se déclarent tous adversaires de la chambre à un seul lit, leurs tuberculeux n'aimant pas la solitude. Toutefois, chaque sanatorium pos- sède un certain nombre de chambres à un lit, pour les malades atteints d'infections aiguës ou d'acci- dents réclamant l'isolement. Les malades disposent ordinairement de35 mètres cubes d'air par tête. L'ameublement de chaque chambre est fort sim- ple. Dans une chambre, pour quatre malades, par exemple, on trouve : 1° quatre lits en fer avec matelas segmentés, faciles à introduire dans l’'étuve à désinfecter et formés de matériaux résistant à de nombreux passages dans cet appareil; 2% quatre tables de nuit; 3° une commode à quatre tiroirs (un tiroir pour chaque malade); # une armoire pour les vêtements; 5° quatre chaises. Tables de nuit, sièges, commodes, armoires sont de construction simple, facilement stérilisables. Le même ameublement se retrouve dans les baraques de la Croix-Rouge qu'on utilise pendant l’été dans un grand nombre de sanatoria. Ces baraques, ordinairement installées pour huit ma- lades, sont ordinairement divisées en trois com- parliments : deux compartiments extrêmes, qui renfermentchacun quatre lits, et un compartiment du milieu, où se trouvent une lable qui sert de bureau aux malades, deux commodes à quatre tiroirs, deux armoires pour les vêtements, an fourneau. L'aéralion continue, qui constitue un des élé-- ments principaux de la cure, est réalisée d'une facon variable. Les doubles fenêtres avec vasistas à la partie supérieure ont été généralement adoptées ; dans certains sanatoria, il n'y à pas de doubles fenêtres, mais des volets ingénicusement construits qui permettent d'aérer jour et nuit sans courant - nuisible. Les réfectoires sont installés avec un souci de. confort et de bien-être qui rend les repas gais, ani- més et en fait une joyeuse distraction pour les. malades. On tend de plus en plus à ne pas servir des portions, mais à faire circuler les plats. Dans certains sanatoria, les murs sont couverts de pein- tures ou de devises et de proverbes dans le genre. de ceux-ci : « L'alcool creuse aux hommes un tombeau pré- maturé : cesse d'en prendre dès à présent. » «L'air pur est un médicament : prends-en, il ne coûte rien. » « Laisse pénétrer à flots l'air et la lumière par ta fenêtre, car ils font fuir la maladie, la mé- lancolie et les peines. » Après les repas, les malades se rincent soigneu- sement la bouche avec des liquides antisepliques ; dans un certain nombre de sanatoria, il existe pour cela de petites salles spéciales renfermant les brosses à dents et les verres numérotés par ma- lade. ; Dans chaque sanatorium existe une grande salle | de réunion où se trouvent la bibliothèque, un piano, un billard, des jeux d'échecs, de dames, de dominos, ete. Du reste, c'est un grand souci du personnel directeur des sanaloria que d'imaginer des moyens de distractions variés pour éviter la monotomie du séjour, et c'est dans ce but qu'on organise assez souvent des conférences, des réu- nions, des fêtes, etc. Disons enfin que, dans un cerlain nombre de sanatoria, on a installé des ateliers où les tubercu- leux améliorés travaillent à des métiers hygié- niques : peinture sur porcelaine, tabletterie, mar- queterie, gainerie, ete. Aujourd'hui, il est même question d'étendre ces ateliers, dans lesquels les ouvriers tuberculeux exercant des métiers malsains apprendraient, pendant leur séjour dans le sanato- rium, une profession plus hygiénique et leur per- metlant de gagner la vie d’une facon relativement facile. IT. — LA VIE INTIME DANS LES SANATORIA. Telle est l'organisation générale des sanatoria. Mais pour nous faire une idée du fonctionnement et de la vie intime des sanaloria, nous allons prendre un ouvrier au moment où il entre à Grabowsee, par exemple, et nous le suivrons pendant le temps qu'il restera dans cet établissement. C'est un ouvrier qui, depuis quelque temps, a maigri, a faibli, tousse, et chez lequel le médecin de la caisse contre la maladie à laquelle il est affilié a reconnu une tuberculose pulmonaire, tubereu- D' ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 621 lose peu avancée, susceptible de guérir par le trai- tement hygiéno-diététique, tel qu'il se pratique dans un sanatorium. Le médecin remplit un bulletin imprimé, et avec ce bulletin le malade se rend à la policlinique du professeur Gerhardt, médecin surveillant du sana- torium de Grabowsee, où il est de nouveau examiné. Le diagnostic du médecin de la caisse est reconnu exact et M. Gerhardt contresigne le bulletin. Le malade n'a qu'à se présenter à Grabowsee. On lui dit, en même Lemps, d'emporler un costume et du linge de rechange, un parapluie et des galoches en caoutchouc. S'il n'en possède pas, on les lui fournira. Deux ou trois jours après, notre ouvrier prend le train à la gare d'Oranienburg, et, après une heure de chemin de fer, il débarque à Grabowsee. Il a encore près de 4 kilomètre à faire soit à pied, soit en voiture, avant d'arriver au sanatorium. Arrivé à Grabowsee, il est conduit dans le cabinet du médecin-directeur : il est réexaminé, pesé, et ses crachats examinés au point de vue de la présence des bacilles. Il sera ainsi examiné, pesé, ses cra- chats étudiés bactériologiquement, tous les quinze - jours, el plus souvent s'il élait nécessaire. Il est reçu et le médecin lui remet une sorte de fiche-ordonnance. Au verso, un certain nombre de cases pour des indications thérapeutiques (diète, hydrothérapie, exercices respiratoires, etc.); au recto, il voit son nom, la date de son entrée, puis au-dessous, il lit les prescriptions générales que 2voici : « Marcher lentement. Se tenir droit. Respirer par le nez. Cracher dans le crachoir de poche ou dans les crachoirs communs remplis d’eau. Ne pas souiller de crachats la barbe et les vêtements. Manger et boire lentement. » La sœur diaconesse le conduit alors dans sa chambre, et là il peut lire et méditer le règlement de la maison, dont on lui avait remis un exemplaire, où, entre autres choses, il lit ceci : Les malades sont tenus de se lever et de se cou- cher aux heures indiquées par le médecin. Avant de quitter leurs chambres à coucher, ils doivent ouvrir les fenêtres. Suivant l'avis du médecin, les fenêtres resteront ouvertes pendant la nuit. Les malades, à moins d'être dispensés, doivent, en se levant, faire leurs lits et brosser leurs vêtements. Il est défendu de fumer; toutefois, et à titre exceptionnel, le médecin peut en accorder la per- mission aux malades; on ne doit fumer que dans le local désigné à cet effet. L'usage des boissons alcooliques, sauf celles qui sont fournies par l'établissement, est proscrit d'une facon absolue. Dans l'intérèt de tous les malades et de la réussite du traitement, les malades ne doivent cracher que dans leurs crachoirs de poche ou dans les crachoirs communs. En aucune façon ils ne doivent cracher par terre ou dans leurs mouchoirs. Les malades qui le désirent peuvent travailler, si le médecin le permet, das les ateliers du sana- torium. Ce travail peut quelquefois être rémunéré. Les malades peuvent recevoir des visites, les mardis, jeudis et dimanches, de deux à six heures, exceptionnellement les autres jours avec la per- mission du médecin. Il est défendu d'apporter aux malades des aliments, des boissons, etc. Les permissions de sortie ne sont accordées qu'exceptionnellement. Si les malades ont à se plaindre, ils peuvent écrire leurs plaintes sur un registre mis à leur disposition ou en faire part de vive voix au mé- decin. La non-observation de ces règles, l'ivresse, l'in- conduite envers le personnel féminin, sont suivis d'expulsion immédiate du malade. Le voilà initié un peu au règlement de la maison. Ce qui lui manque encore, il l'apprendra vite de ses camarades lorsqu'il aura vécu de leur vie pendant quelques jours. Cette vie va être réglée de la facon suivante : On se lève à 7 heures. À 7 heures et demie, les malades prennent leur premier déjeuner, composé de lait et de pain blanc au beurre. Le lait est à discrétion. Une heure après, les malades sont dou- chés ou frictionnés. Second pelit déjeuner à 9 heures et demie : lait, pain avec du beurre. Les malades récemment en- trés se reposent à l’air dans l'intervalle des repas. Les anciens et ceux qui sont améliorés font des promenades dans le parc. La durée de ces pro- merades est déterminée pour chaque malade par le médecin et graduellement augmentée suivant l'étal des forces, suivant l'amélioration du malade. Une heure avant le diner, tous les malades sans exception doivent rester couchés sur leurs chaises longues dans les galeries de repos. Le diner a lieu à midi. Il se compose de pain noir, de viande rotie à volonté, de lait, de légumes, d'un dessert et d’une canette de bière. Après le diner, les malades restent couchés pendant trois heures, soit sur leurs chaises longues dans les galeries de repos, soit dans le parce. Ils doivent avoir soin de s’envelopper dans deux couvertures de laine que le sanatorium donne à chaque malade. Bien entendu, le malade qui a de la fièvre ou d'autres accidents reste toute la journée dans sa chambre couché dans son lit. À 4 heures, nouveau repas composé de café au lait et de pain au beurre. De 4 à 6 heures, les anciens, ceux qui sont déjà suffisamment amé- liorés, peuvent se promener dans le pare, aller en 622 D' ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE barque, pècher, ou bien encore, quand le cœur leur en dit, travailler dans l'atelier, se tenir dans la salle de réunion, lire, jouer au billard, aux échecs, écouter la musique si, parmi les malades, il s’en trouve qui savent jouer du piano, etc. Les nou- veaux malades ou ceux qui ne sont pas suflisam- ment améliorés restent sur leurs chaises longues à lire, à causer, dans les galeries de repos. Mais avant le souper, tout le monde doit rester une heure sur la chaise longue. Le souper a lieu à 7 heures: le menu est le même que pour le diner, la soupe en plus. Entre 7 et 10 heures, les uns se promènent dans le pare, d’autres restent dans les galeries de repos, d’autres encore se tiennent dans la salle de réunion. À 10 heures, tout le monde doit être couché et on éteint la lumière. On voit que l'esprit qui règne dans un sanatorium est absolument contraire à celui de la plupart des rébarbatives administrations hospitalières. Le lu- berculeux admis est pour chacun un sujet perpétuel d'attention. Depuis le directeur jusqu’au dernier des infirmiers, chacun désire le voir guérir ou se rétablir au plus vile. C’est de celte vie que l'ouvrier tubereuleux va vivre pendant trois, quatre, cinq mois; c'est ainsi qu'il sera bien nourri, qu'il se reposera, qu'il respirera un air pur et vivifiant. Peu à peu il re- prendra des forces, engraissera, toussera et cra- chera de moins en moins. Les bacilles deviennent de moins en moins nombreux dans ses crachats, quelquefois ils en disparaissent même complè- tement. Il est guéri ou amélioré en tout cas, et le médecin-directeur pense qu’ peut quitter l’éla- blissement et laisser sa place à un autre. Le malade va donc partir. On lui remet une fiche détaillée de sa maladie pour son médecin, et, pour qu'il n'oublie pas ce qu'il a appris dans le sana- lorium, on lui donne encore la nolice que voici : « Continuez à mener, autant que possible, une vie hygiénique, comme on vous l’a appris dans notre établissement. « Avant loul, ayez soin que votre logement et surtoutvotre chambre à coucher soient toujours bien aérés. Quand vous êtes dans votre chambre, laissez la fenêtre ouverte; s'il fait froid ou du brouillard, s'il y a du feu dans votre chambre, vous pouvez entre-bâiller la fenêtre. N’encombrez pas votre logement de lapis, de rideaux, de tapis de table, de coffrets, etc., qui neservent qu’à amas- même ser la poussière de votre appartement. « Faites lous les jours une promenade, si courte yelle soit, et, pendant cette promenade, faites de temps en temps des respirations profondes. Respi- rez toujours par le nez, la bouche fermée. Une fois par jour au moins, rincez-vous la bouche et le nez avec de l'eau, afin de les débarrasser de la pous- sière qui s'y est accumulée. « Menez une vie aussi régulière que possible. Ayez soin de manger toujours à la même heure et cou- chez-vous de bonne heure. Evitez les efforls, aussi bien quand vous travaillez que lorsque vous vous amusez. La bicyclette et la danse ne vous con- viennent pas. Si vous avez une heure de libre, uli- lisez-la pour aller vous promener, mais n'allez pas la passer dans une brasserie pleine de fumée. Ne prenez jamais d’eau-de-vie, ne buvez jamais de bière avant le déjeuner. Plus vous dépenserez pour votre nourriture et votre lait, plus long sera le temps pendant lequel vous pourrez vivre et travailler. « Tous les matins ou tous les soirs, lavez-vous vu frictionnez-vous en entier. Lavage ou frictions ne doivent durer que quelques secondes. Les baius de rivière et les bains de mer vous sont nuisibles. Ne crachez que dans votre crachoir de poche ou dans un crachoir public. Tous les jours, vous viderez votre crachoir dans la fosse d’aisance et vous le neltoierez ensuite à l'eau bouillante. Vous savez que si vous ne le faites pas, si vous erachez par terre ou dans un mouchoir, vous risquez de conla- miner votre famille et vos camarades d'atelier. «Si, un jour, vous vous sentez tant soit peu indis- posé, allez de suite voir votre médecin. Si, parmi vos amis, vous en connaissez qui, depuis quelque temps, toussent el crachent, transpirent la nuit, se sentent tous les jours faiblir et sont enroués, insis- tez auprès d'eux pour qu'ils aillent consulter un médecin. » III. — RÉSULTATS OBTENUS. Notre ouvrier a guéri, mais tel n'est pas le cas de tous les malades hospitalisés dans les sanatoria. Soit que les malades y arrivent trop tard, soit que la tuberculose ait pris dès le début une allure grave, soit pour une autre cause encore, le fait est qu'à côté des malades qui guérissent ou qui sortent améliorés, il y en a d’autres qui ne profitent pas de leur séjour et, au bout de quelque temps, quittent le sanatorium pour aller mourir chez eux ou dans un hôpital. Quelle est done la proportion des guérisons, des améliorations et des échecs ? Les statistiques que nous allons citer vont nous le dire et nous permel- tront en même temps de voir si les résultats qu'on obtient méritent l'effort qui a été fait. Je citerai ici trois statistiques qui se complètent en quelque sorte : 4° la statistique de Grabowsee, c'est-à-dire d'un seul établissement, allant du 25 avril 1896 jusqu'au 31 mars 1899; 2° la statis- tique de l'Etablissement hanséatique d'assurances contre l'invalidité, qui possède 3 sanaloria à lui | ti de D' ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 623 et envoie ses malades dans 7 autres: celle statis- tique va de 1893 jusqu'à la fin de 1898; 3° la statis- tique de l'Office impérial d'Hygiène, qui va de 1896 jusqu'à la fin de 1898. Dans ces slalistiques, je laisserai complètement de côté les points purement médicaux (augmentation du poids, disparilion des bacilles, des crachats, fièvre, etc., etc.) qui, du reste, découlent des chiffres relatifs à la guérison complète de ces malades ou à leur amélioration con- sidérable avec possibilité de reprendre leur travail. Tableau I. — Statistique des malades sortis 3. Statistique de l'Office impérial de Santé à la fin de 1898). de 1896 Nombre de malades : 2.610. Guéris ou améliorés . . . 84,6 0/5 Etat stationnaire. 9,0 c/o Agsravation . 3,1 2/0 Morts . . 2,6 °/o Les trois statistiques concordent donc assez bien en montrant qu'avec un séjour moyen de trois à quatre mois dans un sanatorium, on oblient 6 à du Sanatorium de Grabowsee de 1896 à 1899. AMÉLIORÉS : 697 — 78,1 0/0 GUÉRIS Capacité de travail | Capacité de travail|Capacité de travail complète partielle nulle 501 (56,2 0/0) NON AMÉLIORÉS : 133 — 14,9 0/0 | MORTS | Capacité de travail | complète Capacité de travail partielle Capacité de travail| nulle | 81 | 8 | (0,9 o/e) 1. Statistique de Grabowsee (du 25 avril 1896 au 31 Mars 1899). a) Nombre de malades traités : 989. b) Nombre de malades sortis : 892. Le tableau [ donne pour ces derniers la propor- tion des guérisons et des améliorations. 2. Statistique de l'Etablissement hanséatique d'us- surances (de 1893 à 1898). Nombre de malades trailés : 2.162, seulement entrent en ligne de compte : dont 2.132 A. — Lésions locales. Disparition des lésions pulmonaires très En à RER EE 315 (17,6 0/0) Etat stationnaire des lésions Mie da très légères. 351 (16,1 9/0) Amélioration des lésions pulmonaires : as- SEZIACCEDLUÉES. 42 . 954 (44,8 0/0) Etat stationnaire des lésions pulmonaires assez accentuées. 297 (13,8 0/0) Aggravation des lésions pulmonaires pré- CARTR ETES ne D ce ce 147 (06,9 0/6) OS EE Es à, ee à » se 4 (00,2 0/0) 2432 B. — Elat général. Amélioration considérable de l'état gé- Amélioration de l'état général. RER A ne 632 (29,6 0/5) Amélioration inappréciable ou nulle de l'état général. . . . Motos: 146 (06,9 °/o) Aggravation de l'état général . Re de 42 (02,0 0/5) ro nat EEE 4& (00,2 0/0) 2.132 C. — Capacité de travail. Capacité de travail complète et probable- ment persistantes "he ere 1: k44 (20,7 0/0) Capacité de travail complète ; Due HACOLÉAIDE".E. F RECEE 1.185 (55,6 0/0) Capacité de travail incomplète, mais ilx n'y a pas lieu de servir une rente. . . . 243 (11,4 0/0) Capacité de travail nulle; le malade est à à la charge de la caisse d' assurances . . 259 (12,1 o}o) Lt RSR ESS 4 (00,2 0/0) 2.132 17 °/, de guérisons complètes et 57 à 72 °/, d'amé- liorations avec retour complet de la capacité de travail. L'écart dans les chiffres s'explique aisé- ment par ce fait que certains sanaloria ne reçoivent que des malades tout à fait au début de leur tu- berculose, landis que d’autres se montrent moins rigoureux. Les résultats ainsi obtenus sont-ils durables? Il est certainement difficile de répondre à cette ques- tion d’une facon précise, puisqu à l'heure actuelle la plupart des sanatoria ne fonctionnent que depuis trois à quatre ans. Néanmoins, on peut s’en faire déjà une idée, d’après les statistiques qui ont été publiées. 1. Statistique de Grabowsee. — Pour Grabowsee, nous avons deux enquêtes, faites, l'une en avril1898, l’autre en mars 1899. Le lableau IT en donne les résultats. 2. Stalistique de l'Office hanséatique d'assu- rances. — L'enquête faite, à la fin de l’année 1898 et au commencement de 1899, auprès des malades soignés depuis 1893 jusqu'à la fin de 1897, a porté sur 4.442 malades. On n'a pu utiliser que 1.336 ré- ponses, qui ont donné les résultats suivants : Morts . . . . 257 (49,2 0j.) Capacité de travail nulle . 4120:( 9: 9/0) Capacité de travail complète ou partielle . 959 (71,8 0/0 1.336 Chez 959 anciens malades, on à pu établir depuis combien de temps durait la capacité de travail : La capacité de travail durait depuis 8 mois aMPan Che 2e RTRET UN USB 08;1007e) Depuis 1 à 2 ans chez. . . . . 376 (39,2 0/0) — 2à3ans —.. 345 (35,9 0/6) — 3à4ans —.. 187 (19,5 o),) — plus de 4 ans. 45 (01,7 9/0) Ainsi donc, et pour ne prendre que la statis- tique de Grabowsee, nous trouvons, au bout de 3 ans, 5°/, de guérisons et 70 °/, d’amélioralions avec reprise complète du travail. Mais, pour rendre ces chiffres plus éloquents, nous allons leur subs- tiluer les existences humaines cachées derrière eux. Faisons donc le calcul suivant. Il meurt tous les D° ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE IV. — LES SANATORIA ET LA POLITIQUE SOCIALE. Le sanatorium n’est pas seulement un excellent moyen de traitement et une école de prophylaxie de la tuberculose, c'est encore un engrenage. Je veux dire par là que la mise en œuvre des sanato- ria populaires comporte une série de mesures et de réformes accessoires, dont l'application étend Tableau II. — Statistique des résultats permanents obtenus au Sanatorium de Grahowsee. L'ÉTAT GÉNÉRAL EST Très bon Sur le nombre total de malades soignés en 1896 ont répondu 102 partis guéris ou améliorés. 28 (1,84 0/0) | (27,45 0/0) Sur le nombre total de malades soignés en 1897 ont répondu 189 partis guéris ou améliorés. malades soignés en 1896 ont répoidu 68 partis guéris ou améliorés. (35,29 9/0) Satisfaisant a) Enquêle faile en Avril 1898. 29 (21,57 0/0) (30,16 ©/0) ONT TRAVAILLÉ — Re + SONT MORTS Presque tou- jours de temp: en Toujours temps 10 (9,80 0/) TE — 53 — 51,96 °/o 92 18 (48,67 o/o) | (9,52 0/0) 6 (3,11 0/0) rm 110 — 58,19 0/0 Sur le nombre total de 5 94 15 (22,06 0/4) b) Enquéle faite en Mars 1899. 35 12 (51,41 07) | (17,64 oo) RE CR AE 41 — 69,11 0/6 Sur le nombre total de malades soignés en 1897 out répondu 131 partis guéris ou améliorés. 35 (26,74 0/0) 20 (45,96 9/0) 56 | 29 0/0) | (46,19 0/0) 18 — 59,54 0/0 Sur le nombre total de malades soignés au 30 septembre 1898 ont ré- pondu 183 partis guéris ou améliorés. 20 25. Jo) | (13,66 oo) | (10,92 0/0) 120 — 65,57 0/0 ans en France 150.000 tuberculeux. En admettant que la tuberculose tue son malade dans l’espace de trois ans, nous pouvons meltre à 50.000 le nombre d'individus qui, tous les ans, deviennent tubercu- leux. Supposons ces50.09)0 tuberculeux soignés, dès le début de leur tuberculose, dans des sanatoria. D'après la statistique de Grabowsee, nous pour- rons alors sauver définitivement 2.500 existences, et rendre à la vie et à la société, au moins pendant trois ans, 85.000 autres. Et ces chiffres sont certai- nement au-dessous de la réalité, car la statistique de Grabowsee, que nous avons prise pour base de calcul, correspond au nombre notable de tubercu- leux plus ou moins avancés, Landis que nous avons supposé les 50.000 malades soignés dès le début de leur maladie. considérablement le domaine du sanatorium d'E- tat tel qu'il existe déjà en Allemagne. Le lecteur en jugera après avoir pris connaissance de quelques propositions et vœux qui ont été for- mulés au Congrès de Berlin. Ainsi, la première question qui se pose est la suivante. Pour donner des résultats satisfaisants, c'est-à-dire des guérisons cliniques et des guérisons « économiques », comportant la reprise du travail pendant un temps suffisamment long, le sanato- rium ne doit, en principe, recevoir que des malades dont la tuberculose est tout à fait au début. Com- ment assurer le recrutement de ces tuberculeux de premier degré ? Les médecins des Caisses contre la maladie ont aujourd'hui le mot d'ordre, et font tout leur pos- D Fr. D' ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 625 sible pour dépister la tuberculose commencante et envoyer leurs malades dans les sanatoria. Mais le médecin ne peut que conseiller l'entrée dans un sanatorium, et le malade ne l'écoute pas toujours. Aussi M. Mayer voudrait-il que l'Etat reconnaisse aux Caisses contre la maladie le droit d'envoyer d'office, sur l'avis du médecin, leurs malades dans un sanatorium; et qu'en second lieu les Caisses aient le droit légal de soumettre à un examen médical tous les assurés au moment de leur affilia- tion à une caisse, et de s'opposer à ce que les ouvriers prédisposés à la tuberculose exercent une profession ayant une aclion fàcheuse sur les voies respiratoires. Dans le même ordre d'idées, M. Friedeberg, secrétaire de la Commission cen- trale des Caisses ouvrières de Berlin, a proposé qu'une fois par an tous les ouvriers faisant partie d'une caisse contre la maladie soient examinés par le médecin : ceux qui seront reconnus malades seront dirigés d'office dans un sanalorium; ceux qui seront considérés comme simplement menacés seront mis en demeure de choisir une autre pro- fession, en leur fournissant les frais d'apprentissage. Mais en altendant ces mesures obligatoires, on peut assurer le recrutement des tuberculeux d'une autre facon. La tuberculose étant une maladie insi- dieuse, M. Friedeberg désirerait que les masses populaires fussent autant que possible mises au cou- rant des premiers symptômes de cette maladie. Gette éducation spéciale du publie pourrait se faire au moyen des conférences régulières que les médecins feraient aux affiliés de leurs caisses; par des con- férences que les médecins des sanaloria feraient à leurs malades hospitalisés, qui, plus lard, propa- geront ces idées dans leur entourage; par des brochures populaires distribuées gratuitement à profusion par l'organe des Caisses ouvrières; par des placards affichés dans les endroits publics, les aleliers, etc. Les frais de cette propagande seraient à la charge de l'Office impérial d'Hygiène. Une autre question, non moins importante, que nous avons déjà signalée plus haut, est celle de l'assistance de la famille de l’ouvrier hospitalisé dans un sanatorium. Pour que le malade profite de son séjour dans le sanatorium et puisse y rester le temps nécessaire, il faut qu'il sache sa famille à l'abri du besoin. Tous ceux qui ont pris la parole sur celte questin, MM. Pannwitz, Friedeberg, Gebhardt, etc., ont été d'accord sur ce point que les Caisses contre l’invalidité doivent prendre à leur charge les frais de traitement landis que les Caisses contre la maladie se chargeraient de l'assistance de la famille du malade ‘. Un appoint 1 Le sanatorium de Grabowsee a dépensé, pour l'assistance des familles de ses malades, 4.905 francs en 1897 (47 familles), 8.506 francs (66 familles) en 1898, 1.835 francs (17 familles) REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899. à celte assistance pourrait être apporté (en argent, vêlements, bons de lait, de viande, etc.), par les diverses Sociélés de et de charité privée, organisées aujourd'hui par le Comilé cen- tral de Berlin. Il y a encore la grande question de l'avenir du tuberculeux sortant guéri ou amélioré du sanalo- rium. Sa famille, pendant son absence, a élé assis- tée dans la mesure du possible; les économies, bienfaisance quand il en existait, ont été dépensées, el il ya des dettes. La place qu'il avait est quelquefois prise: ou bien, s'il retrouve sa place, c'est dans un atelier enfermé, plein de poussière. Que va-t-il faire ? Les proposilions qui ont été faites au Congrès, pour remédier à cet état de choses, se réduisent à ceci. Tout d’abord il serait à désirer que le secours alloué à la famille fût conlinué encore pendant quelque temps. Mais ceci n’est qu'une mesure pro- visoire qui ne fait qu'ajourner la solution radicale. Une autre proposition, faite par M. Pann'witz, con- siste à créer des maisons de convalescence dans lesquelles les ouvriers sortants d'un sanatorium apprendraient un métier facile (gainerie, marque- terie, ete.), relativement hygiénique et d'un rap- port ultérieur plus ou moins sûr; ou bien encore on annexerait à ces maisons de convalescence une exploitation agricole, sorle d'école d'agriculture ‘. Dans les deux cas, on pourrait uliliser les ateliers qui existent déjà dans cerlains sanatoria, et, au besoin, y annexer des exploitations agricoles. A l'heure actuelle, où cette question n'est pas encore réglée, les choses se passent de la facon suivan!e : L'œuvre des sanatoria de la Croix - Rouge compte, parmi ses sections, une chargée exclusive- ment de l'assistance des ouvriers sortant des sa- natoria. Cette section, placée sous la présidence d'honneur du Chancelier et sous la présidence effective de la comtesse von Knorr, recoit les de- mandes des ouvriers convalescents, et, suivant leurs capacités, essaie de les placer. Les emplois les plus demandés sont ceux de garçon de courses, de portier, d'employé aux écritures, d’employé de bureau. À Berlin, où ces places sont assez nom- breuses, on arrive encore assez souvent à satisfaire aux demandes. Mais en province, où ces places sont plus rares, les facilités sont beaucoup moins grandes. En règle générale, l'ouvrier reprend son ancien pendant le premier trimestre 1899. Les sommes versées à chaque famille ont varié entre 19 et 950 francs, soit en moyenne 117 francs par famille. 4 M. Gebhardt considère ces exploitations agricoles peu pratiques, en raison de ce fait que les ouvriers agricoles doivent fournir une somme de travail incompatible avec l'état de santé des tuberculeux convalescents. 16* 626 métier. La Société intervient alors auprès du patron et obtient de lui que l'ouvrier convalescent soit placé dans l'atelier le moins antihygiénique; qu'on lui donne un lravail facile sans diminuer son salaire; qu'on lui accorde plus de temps pour ses repas, ses sorlies, Son repos, ete. En second lieu, elle intervient directement en fournissant aux ouvriers nécessiteux des bons de lait (4 à 2 litres par jour, pendant plusieurs mois), de viande, lui paie quelques médicaments, donne des vêtements, quelquefois de l'argent. Deux mots sur la prophylaxie de la tuberculose, considérée au point de vue de la lutte contre cette maladie. Les mesures préconisées, au Congrès, contre la dissémination de la tuberculose par les crachats desséchés ou humides! sont les mêmes qu'on cherche à introduire en France. Nous n'avons donc pas à nous y arrêter. Mais ce qui mérite d'être signalé, c'est la sanction de l'Etat, l'obligation légale pour certaines mesures particulièrement imporlantes. Ainsi, pour que la désinfection des locaux habités par des tuberculeux puisse devenir un moyen pro- phylactique efficace, M. Roth demande que la loi impose au médecin l'obligation de déclarer à la police, dans un délai déterminé, les cas de tuberculose pulmonaire, laryngée ou intestinale qu'il a à soigner; de signaler chaque changement de domicile de ses tuberculeux et de faire la déclaration de la mort du malade aussitôt après le décès, afin que la désinfection du logement puisse être faite rapidement. Une autre sanction exigée par M. Roth, c'est que le logement désinfecté ne puisse être loué de nouveau qu'au bout d’un certain temps. [Il y va de soi que les objets, les vêtements, la literie, etc., ayant appartenu aux tuberculeux, ne pourront être mis en circulation qu'après leur désinfection. Je citerai aussi la proposition de M.Rubner, ten- dant à la création d'un corps d'inspecteurs des logements, dont feraient partie les médecins. Entre aulres attributions, ces inspecteurs auront à examiner les projets et plans de construction des fabriques, des ateliers et des logements ou- vriers; leur visa, sans lequel on ne pourrait com- mencer les travaux, ne sera donné qu'aux plans réalisant les conditions hygiéniques nécessaires. Dans le même ordre d'idées, M. Rubner demande encore la création des médecins inspecteurs des fabriques ayant le droit d'envoyer d'office, dans les sanatoria, les ouvriers reconnus tuberculeux, et d'empêcher les ouvriers prédisposés à la luber- culose, par leur hérédité ou leur conformation physique, de travailler dans des métiers malsains. 1 V. Rev. gén. des Sciences, 1899, n° 8, p. 298. D° ROMME — LES ASSURANCES OUVRIÈRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE V. — ConCLUSIONS. J'espère que le lecteur s’est fait peu à peu une idée juste de la grandeur de l’œuvre entreprise par l'Allemagne. Les imperfections, les hésitations, les incertitudes qüe nous avons signalées ne sont que fort naturelles, si l'on veut bien songer que ce mou- vement ne date que de quatre ans. Et combien grands déjà les résultats obtenus à l'heure ac- tuelle ! Et quand on connait l'esprit de suite, de méthode et d'organisation des Allemands, on a la conviction que l’on ne s’arrètera pas à mi-chemin et que, dans quelques années d'ici, tout ouvrier en train de se tuberculiser aura sa place dans un sanaltorium. Il y trouvera ce qu'il n'a peut-être jamais connu : le repos et la paix, le repos phy- sique et le repos moral, puisque lui et sa famille seront à l'abri du besoin. Il y trouvera un air pur, une bonne alimentation, une chambre gaie et claire, un pare dans lequel il peut se promener toute la journée, une forêt dans laquelle il peut flâner; si le cœur lui en dit, il peut lire, écouter de la musique, apprendre un métier facile, s'instruire, assister aux conférences, Il se sentira à chaque instant l'objet d'une sollicitude affectueuse. Il sait qu'il va guérir et, pendant trois ou quatre mois, ce déshérilé de la fortune va vivre d'une vie qui, jusqu'ici, n'était réservée qu'aux heureux de ce monde. Et pour apprécier à sa juste valeur l'œuvre en train de s’accomplir en Allemagne, je prie ceux de mes lecteurs qui ne connaissent pas les hôpitaux parisiens de demander aux médecins de leur con- « naissance de les conduire un jour à Lariboisière « ou à Laënnec où sont parqués les tuberculeux de Paris. Là ils verront de grandes salles sombres, tristes, aux murs nus, avec deux rangées de lits, 30, 40 lits dans une seule pièce. Ces lits sont sépa- rés par des tables de nuit où l'on voit une assiette ébréchée, un verre, un paquet de biscuits et, au milieu, un crachoir à moitié rempli de crachats. Dans ces lits sont étendus les malades. Il y en a qui n'ont plus que quelques jours à vivre : réduits à l’état de squelette, les pommettes rouges, le nez pincé, les lèvres desséchées, les veux brillants, ils sont là sans force, le bonnet enfoncé sur la tête, les mains décharnées sorties hors de la couverture. D'autres sont moins malades : ils sont assis, le dos appuyé contre l'oreiller, en train de lire un vieux journal, une vieille revue salie et couverte de poussière. Quelques-uns peuvent encore se lever: lentement, péniblement, secoués par des accès de toux, ils enfilent la capote réglementaire et, en s'arrêlant à chaque pas, ils descendent dans la cour ou le jardin pour se chauffer un peu au soleil. Onze heures sonnent. C'est l'heure du déjeuner. ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE Un roulement se fait entendre et un lourd chariot apparaît dans la salle et s'arrête devant chaque lit. Un morceau de pain est mis sur la table de nuit, le flacon est rempli de vin; dans l'assiette que tend le malade on jette un morceau de viande et quelques légumes. Le malade n'a qu'à manger. Assis dans son lit, son mouchoir en guise de serviette, il mange comme il peut. En cinq minutes, c'est fini. Il est nourri. Et la même distribution avec le même cérémonial sera faite, à 5 heures, pour le diner. La nuit tombe, on allume un bec de gaz et un voile de tristesse poignante enveloppe la salle. Tout le monde est couché. Les uns ont la fièvre, le délire, divaguent, gémissent, crient; d’autres toussent, d’une toux incessante, énervante, fali- gante, empêchant tout sommeil; on proteste, on se querelle, on se dispute et l'infirmier arrive pour mettre un peu d'ordre dans la salle. Cependant, un des malades vient de rendre son dernier soupir. L'infirmier Lire les rideaux de son lit, en attendant qu'on vienne chercher le cadavre. C'est ainsi que Paris, la Ville-Lumière, soigne ses enfants, ceux qui font sa gloire et sa richesse. C'est ainsi que tous les ans meurent en France 150.000 tuberculeux !! D' R. Romme, Préparateur à la Faculté de Médecine de Paris, REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE TI. — LA DISSYMÉTRIE DE L'HÉMISPIIÈRE NORD. Dès 1875, M. Suess publiait, dans une brochure mémorable sur l'origine des Alpes (die £ntstehung der Alpen), une première ébauche des études syn- | thétiques sur les chaines de montagnes, qu'il devait développer plus tard avec tant d'éclat dans son grand ouvrage, la Face de la Terre. Dès 1875, ül formulait de la manière suivante un des résultats principaux auxquels ses recherches l'avaient con- duit : « Le mouvement des masses dans l'Amérique septentrionale et en Europe est dirigé principale- ment vers le N.-0., le N. et le N.-E.; dans l'Asie centrale, par contre, vers le S. ou le S.-E. » M. Suess désignait par « direction du mouvement des masses » le sens vers lequel les plis d'une région montagneuse se trouvent déversés et, dans toute sa brochure, il s’efforcait de mettre en évi- dence le déversement unilatéral et la dissymétrie des chaînes de montagnes. Cette idée directrice se trouve dans le premier volume de la Face de la Terre et elle doit surtout être développée dans le tome III, que le monde savant attend avec impa- tience. Dans une note présentée à l'Académie des Scien- ces de Vienne, l’auteur nous donne, dès à présent, un résumé succincl des nouvelles études synthéti- tiques sur l'hémisphère nord, qui feront l'objet de plusieurs chapitres du nouveau volume. I suffit de jeter un coup d'œil sur une carte pour se rendre compte de la disposition en festons ouverts vers le nord que présentent les chaînes de l'Asie méridionale, et M. Suess a démontré depuis 1 E. Suess : Ueber die Asymmetrie der nôrdlichen Halb- kugel, Sifzungsber. d. k. Akad. d. Wissensch, vol. CNIL. I. Avril 1898. longlemps que, dans chaque feston, — arc iranien, arc himalayen, arc malais, — le déversement des plis a lieu du centre de l’arc vers la périphérie, où se trouvent les plis les plus récents. Une disposi- ion tout à fait analogue existerait dans le Nord de l'Asie. Les plissements kirghises, orientés S.-0.- N.-E., formeraient, avec les monts Oural, une sorte de cirque ouvert au nord el entourant la grande plaine de la Sibérie occidentale ; le Chara-Oulach, les monts de Werchojansk et les monts Stanowoï du Nord décriraient un are immense, s'étendant de l'embouchure de l'Olenek au détroit de Behring, 1 Bibliographie : M. Bock : Les assurances ouvrières en Allemagne. Paris, 1895. P. Guizcor : Les assurances ouvrières. Paris, 1897. R. FreuxD : Wegweiser durch das Invaliditäts und Alter- versicherungsgesetz. Berlin (sans date). Krankenversicherungs-Gesetz vom 15 Juni, 1883. Berlin, 1892; édité par le journal Vorwärts. Tu. Somwerrecn : Zur Geschichte der Lungenheilstatten- frage. Berlin, 1899. : Die Volkheilstätte vom Rothen Kreuz Grabowsee. Berlin, 1899; édité par la Croix-Rouge. B. Fragnker. : Der Berlin-Branderburger Heilstattenverein in Berlin. Klin. Wochenschr., 1898, n° 46. Scbriften der Centralstelle für Arbeiter-Wohlfartseinrich- tungen, n° 12. Berlin, 1897. G. SersiRon : Les phtisiques adultes et pauvres. Thèse de Paris, 1898. Nerrer et BEAULAVON, SERSIRON, KouINDIY, in Congrès pour l'étude de la tuberculose (4 session). Paris, 1898. Zur Schwindsuchts-Bekampfung. Berlin, 1899; édité par la Commission centrale des Caisses de Berlin. La lutte contre la tuberculose. — Annexes à l'exposé de la situation administrative de la province de Liège (session de 1899). Liège, 1899. Encezuanx : Die Erfolge der Freilufthehandlung bei Lun- genschwindsucht (édité par l'Office impérial d'Hygiène). Berlin, 1899. Die Handhabung der Heilverfahrens bei Versicherten durch Hanseatische Versicherungsanstalt im Jahre, 1898. Hamburg, 1899. Bulletins de l'Office du Travail, 1896-1898, vol. III-V. 628 ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE avec concayilé dirigée vers le nord, dans le même sens que celle de l’arc des îles Aléoutiennes, dont le raccordement avec les chaînes sibériennes est encore mal connu. Plus au sud existe, d’après M. Suess, un grand amphithéâtre de chaînes très anciennes, également ouvert vers le nord, qui entoure la région du lac Baïkal, et cet amphithéâtre forme le centre autour duquel viennent se grouper tous les arcs monta- gneux plus récents de l’Asie centrale et méridionale à déversement périphérique *. En Europe, par contre, les chaînes, — des Hébri- des, calédonienne, armoricaine-variscique, alpine, — tout en étant, d'une manière générale, de plus en plus récentes à mesure que l'on se dirige vers le sud, sont en partie superposées et leur déverse- ment a lieu vers le nord. La chaine des Hébrides ou chaine huronienne a été envisagée par M. Marcel Bertrand comme le bord méridional d’un très ancien continent, le continent nord-atlantique de M. Suess, qui compre- nait le « bouclier canadien » et sa continualion vers l’est au nord de l’Europe. Plus au sud, la chaine armoricaine avait son prolongement vers l’ouest, au travers de l'Atlantique, dans l’île de Terre-Neuve, dans l’ancienne Acadie et dans la chaine des Apalaches. Des travaux récents ont montré que celte chaîne, au lieu de se terminer au sud dans l'Alabama, subit une inflexion de la direction N.-E.-S.-0. vers la direction O.-E., et plonge sous la plaine du Mississipi, pour reparai- tre dans les monts Ouachita (Texas), décrivant ainsi un are immense, ouvert au N.-0., et entou- rant le Vorland ancien, vers lequel les plis sont uniformément déversés ?. C'est exactement l'inverse de ce que l’on observe en Asie et c’est l'exagération du phénomène cons- taté déjà en Europe. M. Suess explique les faits qu'on observe en Amérique par une sorte d'afflux (« Zufluss ») de matière vers l’ancienne masse con- 1 On pourrait être tenté, par l'examen des cartes, de don- ner de la structure géologique de la Sibérie une interpré- {ation tant soit peu différente de celle que propose M. Suess. Si l'on admet que l'Ala-tau, c'est-à-dire la chaîne septentrio- nale du Tiau-chan, se continue, au delà de la dépréssion de l'Aral, par les monts Mogoudjares et par l'Oural et si l'on considère la Nouvelle-Zemble comme le prolongement direct de ce dernier; si, d'autre part, on raccorde les monts de Werchojansk par les monts Stanowoï du Sud et non par les monts Stanowoï du Nord, on est conduit à voir, dans les lignes directrices de la Sibérie, non plus des arcs ouverts vers le pôle, mais, comme le fait M. Sacco, une série de chaines concentriques, décrivant des courbes fermées sur elles-mêmes, entouraut entièrement le massif archéen de la Sibérie centrale. Mais ce n’est que lorsque le travail détaillé de M. Suess aura paru qu'il sera possible de discuter cette question avec fruit. ? ]] semble même que l'on puisse aller plus loin et que l'on soit en droit d'envisager les Montagnes Rocheuscs comme la continuation de l'arc des Apalaches. tinentale, tandis qu'en Asie on se trouverait en présence d'un écoulement (« Abfluss ») allant de la masse continentale vers la périphérie, de sorte que l'hémisphère nord présentlerait dans sa struc- ture une véritable dissymétrie, dont l'origine remon- terait au moins à l’époque cambrienne. M. Suess entrevoit une corrélation entre l’écou- lement et l'aplatissement de la terre aux pôles, el. il émet l'hypothèse que l’afflux est peut-être en. relation avec le magnélisme lerresitre, puisque le pôle magnétique se trouve précisément au centre de la région de l’afflux. Il y a incontestablement quelque chose de sédui- sant dans ces conclusions de M. Suess, mais on remarquera qu'elles ont pour point de départ l'hy- pothèse du déversement unilatéral des plis dans des chaines de montagnes encore mal connues, dont nous nous faisons une idée schématique que des découvertes nouvelles peuvent chaque” jour venir modifier. Pour les chaines de l'Europe, on avait admis un déversement uniforme vers le nord ; or, des observations ultérieures sont venues entièrement modifier cette conception, et il est aujourd'hui établi que ni les Alpes occidentales, ni les Alpes orientales, ni les Pyrénées, ni lAtlas,. ni le Caucase ne possèdent la dissymétrie quem M. Suess avait cru y reconnaître. Il semble plutô que ces chaines présentent une disposition en éventail, les plis étant déversés, de part et d’autre d'un axe médian, vers les deux bords. Aussi M. Suess s'est-il trouvé conduit à envisager l'Eu- rope comme parlicipant à la fois de la structure des chaines de l'Asie et de celles de l'Amérique du Nord: Toutefois pour l'Amérique du Nord des difficultés analogues surgissent, car les Coast Ranges de la Colombie britanrique et de la Californie sont déversées vers l’ouest, c'est-à-dire en sens inverse« des Montagnes Rocheuses ; mais peut-être sommes= nous en présence d'un afflux qui se manifesterait sur le pourtour du Pacifique de la périphérie vers le centre. M. Suess se trouve ainsi conduit à admettre, comme je l'ai fait dans une précédente revue, que les chaines entourant le Pacifique sont: plus anciennes que cet océan lui-même. Il conclut en se prononcant nettement contre La théorie de la permanence des grandes dépressions océaniques. II. — LES NAPPES DE RECOUVREMENT. Personne ne met plus en doule aujourd'hui le rôle joué, dans certaines régions, par les grands | charriages horizontaux, qui amènent, sur des sur faces souvent très étendues, des terrains en super-« position anormale sur des terrains plus récents. IL a élé souvent question ici de ces phénomènes, dont M. Marcel Bertrand’ a été un des premiers à faire ressortir la généralité. Les divergences d'opinion portent actuellement non plus sur la possibilité même des grands charriages, mais d’une part sur la nécessilé d'avoir recours à leur existence pour interpréter la tectonique de certaines régions, d'autre part sur le mécanisme par lequel on doit expliquer ces charriages. L'atlention des géologues a de nouveau été attirée sur la zone des Préalpes du Chablais et de la Suisse romande par un travail récent de M. Schardt ?, dans lequel l'auteur expose, pour la première fois en détail, ses arguments en faveur de l'hypothèse qui envisage la zone en question | comme une gigantesque masse de recouvrement, | résullant de la superposition de plusieurs nappes originaires de la région centrale et méridionale des Alpes. J'ai déjà consacré ici-même un article? à cette hypothèse, que j'ai cherché à réfuter; le | mémoire nouveau de M. Schardt n'apporte aucun argument décisif en faveur de l'origine exotique des Préalpes et, jusqu'à présent, il n'existe aucune raison péremptoire qui nous empêche d'admettre que celte région soit en place. En Provence, par contre, il ne semble plus, après les derniers tra- vaux de M. Marcel Bertrand, que l'on puisse dou- ter du rôle prédominant joué dans la tectonique du pays par les grands charriages horizontaux. Quant au mécanisme des charriages, on sait que, suivant l'interprétation courante, le pli couché était envisagé comme l’accident tectonique préexis- tant au chevauchemeut, le flanc inverse du pli étant étiré ou entièrement supprimé, soit par laminage, soit par rupture. On sait aussi que M. Rothpletz, pour lequel les chevauchements ne sont autre chose que des failles obliques ou horizontales sans pli préexislant, s’est élevé contre l'assimilation des charriages horizontaux à des plis couchés déroulés, à flanc inverse laminé. Récemment encore, le savant de Munich à publié un grand mémoire 5 sur les chevauchements des Alpes de Glaris, dans lequel, prêtant aux couches une rigidité presque absolue et leur refusant la faculté de s'étirer, il s'élève une fois de plus contre la conception du double pli glaronais, lui substituant celle de chevauche- ments, provenant les uns du N.-0., les autres de l'E. M. Schardi tend à attribuer les charriages à la ! V. surtout : Les récents progrès de nos connaissances orogéniques, Revue gén. des Sc., 15 janv. 1892. ? Les régions exotiques du versant nord des Alpes, Bull. Soc. Vaud. Sc. nal., vol. XXXIV, p. 113-219. Lausanne, 1898. # Le problème des Préalpes. Revue gén. des Sc. du 15 sept. 4897. * Le bassin crétacé de Fuvean et le bassin du Nord, A4n- | nales des Mines, juillet 189$. — La grande nappe de recouvre- ment de la Basse Provence. Bull. Serv. Carle géol., n° 68,1899. * Das geotektonische Problem der Glarner Aipen., 1 vol. ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE in-80, 251 p., avec atlas in-40 de 11 pl. lena, 1898. 629 seule action de la pesanteur; la nappe principale des Préalpes serait une masse de sédiments, siluée primitivement dans le voisinage de la région axiale des Alpes, qui se serait détachée de son emplace- mént primitif et aurait coulé, pour ainsi dire, sur un plan incliné, pour venir occuper sa position actuelle sur le bord septentrional de la chaine. Sans se prononcer sur les causes du charriage, M. Termier renonce également, dans son interpré- tation de la tectonique du Briançonnais!, à l'hypo- thèse d’un pli couché préexistant. Il suppose qu'une immense nappe composée de Schistes lustrés, « venue de loin », aurait été douée d’un mouve- ment horizontal dirigé de l’est vers l'ouest. Cette nappe principale aurait entrainé dans son mouve- ment de vastes lambeaux arrachés au substratum, qui, chevauchés par elle et se chevauchant les uns les autres, formeraient actuellement des « écailles ou lames de charriage », au nombre de trois, dont le déplacement horizontal serait beaucoup plus limité que celui de la nappe principale. La zone du Briançonnais se trouverait ainsi con- slituée par quatre nappes superposées, poussées vers l’ouest, indépendamment de tout phénomène de plissement, el plissées après leur charriage, comme si elles constiluaient des couches concor- dantes en superposition normale. M. Kilian et l’au- teur de cette Revue ont déjà présenté un certain nombre d'objections à l'ingénieuse hypothèse de M. Termier; il n'y a lieu de mentionner ici que celle qui a lrait au mécanisme du charriage. En admet- tant même l'indépendance des quatre nappes su- perposées, on ne peut pas les interpréter comme des lames de charriage, comme des écailles repro- duisant plusieurs fois la superposition normale des terrains du Briançonnais, car les coupes de M. Ter- mier indiquent l'existence, au contact de deux nap- pes, de séries renversées, de sorte que l'on est en droit d'envisager chaque nappe comme un pli cou- ché, dont le flanc inverse aurait, en beaucoup d'’en- droits, échappé au laminage. Rien ne s'oppose à ce que des plis couchés empilés soient plissés énergi- quement après l’empilement et l'on ne voit pas en quoi la difficulté d'admettre un plissement ultérieur serait plus grande que dans le cas de nappes che- vauchées. M. Marcel Bertrand, lui-même, qui mieux que tout autre avait montré « qu'un phénomène de su- perposition anormal pouvait, en général, s'expli- pliquer par une faille ou par un pli » semble ac- luellement disposé à voir, dans les recouvrements de la Provence, autre chose que l’exagération de plis couchés dus à la compression latérale. Sans entrer dans des détails dont l'exposé nécessiterait 4 Les nappes de recouvrement du Brianconnais. Bull. Soc. géol. Fr., 4° sér., t. XXVII, p. 41-84, pl. I, 1899. 630 ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE des figures ou tout au moins de longues descrip- tions, il serait difficile de donner ici un aperçu de l'interprétation de la structure de la Provence, que publie aujourd'hui M. Marcel Bertrand; je ne puis que mentionner les trois nappes superposées, dont l'existence paraît aujourd'hui démontrée, au moins en ce qui concerne le massif de l'Étoile. C'est d'abord une grande nappe charriée supérieure, constituée par des terrains en série normale; on rencontre ensuite une seconde nappe, comprenant exclusivement des terrains en série renversée, et enfin une lame de charriage, entrainée dans le mouvement vers le nord des deux nappes supé- rieures et située entre la nappe renversée et la sé- rie des terrains en place. L'ensemble a subi des plissements énergiques, postérieurs au charriage, de telle sorte que, en bien des points, on observe le phénomène curieux des « plis retournés ». Comme on le voit, l'hypothèse par laquelle M. Termier cherche à expliquer la tectonique du Briançonnais est calquée sur l'interprétation que M. Marcel Bertrand a proposée pour les faits obser- vés en Provence; mais, tandis que les recouvre- ments du Briançonnais ne sont rien moins que dé- montrés, la nécessité d'admettre l'existence de ceux de la Basse-Provence s'impose maintenant au lecteur du dernier mémoire de M. Marcel Bertrand. D'ailleurs il semble que, d'ici peu d'années, l'hypo- thèse qui envisage le massif jurassique de l'Etoile comme dépourvu de racines et entièrement super- posé au Crétacé doive recevoir une vérification di- recte, car la galerie à la mer, dont la Société des Charbonnages des Bouches-du-Rhône a entrepris le percement, passera sous le massif de l'Etoile, précisément à l'endroit qu'il aurait fallu choisir pour éclaircir le problème géologique; il est proba- ble qu'elle ne rencontrera ni le Jurassique, ni le Trias sous-jacent, ni même les terrains de la nappe renversée et qu’elle traversera uniquement les ter- rains crétacés du substratum. L'étude détaillée des phénomènes de recouvre- ment de la Basse-Provence ne porte encore que sur une partie de la région; nous attendons avec impatience l'étude de la Sainte-Beaume et des mas- sifs voisins, qui permettra à M. Marcel Bertrand d'étendre ses conclusions à l’ensemble de la Basse- Provence et de nous faire connaître, en partant de cet exemple concret, ses vues théoriques sur « les immenses trainages effectués périodiquement à la surlace de notre planète ». IT. — L'INISTOIRE PLÉISTOCÈNE pu MASSIF FENNO-SCANDIN VE. Il est peu de questions qui aient autant préoc- cupé les géologues et les géophysiciens que celle des « plages soulevées » de la Scandinavie, Ces traces d'anciens rivages, accompagnées sou- vent de dépôts liltoraux, indiquent avec certitude des déplacements répétés du niveau de la mer, et ces déplacements ont été attribués tantôt à des mouvements du sol, tantôt à des oscillations dans le niveau absolu de la mer, résultant soit de causes générales soit de causes locales. C'est surtout M. Suess qui s'est fait le défenseur de la thécrie des variations du niveau des mers et, en ce qui concerne la Scandinavie, l'illustre géologue vien- nois a donné un excellent résumé de l’état de nos connaissances il y à une quinzaine d'années. De- puis, les observations se sont mullipliées et il était réservé à M. de Geer de les réunir de manière à en dégager une loi générale qui confirme définitive- ment le rôle des oscillations du sol. Ce n’est que l’année dernière que le mémoire général de M. de Geer’, publié en 1896, en suédois, est parvenu aux bibliothèques de Paris, et, peu après, paraissait un excellent travail de M. Wilhelm Ramsay sur l'his-\ toire de la péninsule de Kola pendant la période quaternaire?, dont les résultats complétaient d’une manière très heureuse les conclusions du savant suédois. La péninsule de Kola ou Laponie Russe doit être en effet envisagée, avec la Finlande et la Carélie, comme faisant géologiquement partie du massif scandinave et son histoire géologique est indissolublement liée à celle de ce massif. M. Ram- say propose de réunir l’ensemble des régions an- ciennes du Nord de l'Europe, situées entre la mer Blanche et la mer du Nord, au nord de la mer Bal- tique, sous le nom de « Fenno-Skandia ». Nous em- ploierons ici de préférence l'expression de massif fenno-scandinave et nous relracerons l'histoire de ce massif pendant la période pléistocène en nous basant sur les mémoires de M. de Geer et de M. Ramsay. Nous ne savons que fort peu de choses sur lan période préglaciaire en Scandinavie; c’est proba- blement de cette époque que date le creusement, par les eaux courantes, des vallées qui ont été envahies plus tard par la mer pour former les fjords. La grande glacialion pléistocène a recou- vert la totalité du massif scandinave, débordantw bien au delà des limites de ce massif et s'étendant jusque dans l’ouest de la Grande-Bretagne, isque dans le centre de l'Allemagne et jusque dans la | 1 G. ne Geer : Om Skandinaviens geografiska utveckling eft eristiden. Sveriges Geol. Undersükning. Ser. C. Afh. ouh uppsatser. No 161. Stockholm, 1896, 160 p., atlas de 6 pl. Ré- sumé en allemand de E. Geinitz, dans Neues Jahrb. f. Mirer., 1899, [, p. 148-155. À 2 Wicuezm Ramsay : Ueber die geologische Entwicklung der Halbinsel Kola in der Quartürzeit. Fennia, XVI, n° 1. Helsingfors, 1898 ; 151 p., 1 carte, à pl. | ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 631 Russie centrale et méridionale. Les limites de cette grande glacialion figurent déjà dans tous les ouvrages classiques, mais elles ne sont pas mar- quées par la présence de moraines frontales. L'existence d’une période interglaciaire, pendant | laquelle le grand glacier du Nord a presque entiè- rement disparu, est attestée par la découverte de dépôts interglaciaires dans le Nord de l'Allemagne, connus depuis longtemps; en Scandinavie, le gla- cier s'était retiré fort loin, car on a découvert, dans le Dovrefjeld, des restes de Mammouth dans des couchesinter- calées entre élait doncrelalivement doux, même dans l'extrème Nord de l'Europe. La calotie glaciaire de la deuxième glaciation pléistocène recouvrait des surfaces infiniment moins considérables que celle de la première. En combinant les observations de M. de Geer, celles des géologues allemands et celles de M. Ramsay, on peut tracer les limites de la deuxième glacia- tion. C’est ce que nous avons fait sur la figure 4. En Norvège, le glacier s’étendait à peine jusqu'à la côte; dans la Suède moyenne, on observe ses mo- raines dans la région des deux dépôts morainiques ; mais l'attri- bution défini- tive à la pé- riode inter- glaciaire de dépôts ma- rins,trèséten- dus dans le Nord de la Russie, est un des résultats les plus re- marquables du mémoire deM.Ramsay. Ces dépôts de la«transgres- sion marine boréale avaient été envisagés par M. Tschernys- » lacs; en re- vanche, d’a- près M. de Geer, le Sud de la Suède était épargné et se trouvait contourné, le glacier pous- sant une lan- gue vers l’ouest jusque sur la côte orientale du Danemark, Dans le Nord de l'Allema- gne, On Con- nait la morai- ne frontale correspon- dant à la der- nière glacia- LIMITES DE LA: ; 22 GLACIATION PLÉISTOCENE DANS LE NORD DE L'EUROPE d'après DE GEER et W.RAMSAY : #1] Lion sur une cheff comme ie an ae à longueur de postglaciai- rer TE TR 650 kilomè- REPÈRE Jeur Fig. 1. — Limite de la 2° glaciation pléistocène dans le nord de l'Europe, tres, depuis superposilion : d'après MM. de Geer et W. Ramsay. le Schleswig à des dépôts jusque dansla glaciaires est nettement établie. Mais il résulte non moins nellement de plusieurs observations que des dépôts morainiques recouvrent, en certains points, les dépôts de cette « transgression marine boréale », et que, de plus, ces dépôts se trouvent à des altitudes que les dépôts marins postérieurs à la dernière glaciation n'ont jamais atteintes (pres- qu'ile des Pécheurs, île Kildin). Leur faune indi- que un climat plus modéré que le climat actuel : elle ne comprend pas Yoldia arctica, qui indique des eaux très froides, et renferme par contre le Cardium edule et V'Astarte sulcala, qui ne vivent plus actuellement sur les côtes septentrionales de la Russie. Le climat de la période inlerglaciaire province de Posen, et sa continuation vers l'Est a été indiquée au travers de la Lithuanie. Dans le Nord- Ouest de la Russie, il est incontestable que les innombrables petits lacs qui sont éparpillés sur le pays indiquent une lopographie glaciaire d’origine récente; aussi ne peut-on qu'approuver M. Ramsay de placer à l'Est de la mer Blanche la limite orien- tale de l'extension maximum des glaces lors de la dernière glaciation. En revanche, dans la pres- qu'ile de Kola, la côte Murmanienne ne semble pas avoir été recouverte par la calotte glaciaire-et les glaciers ne devaient y parvenir que sous la forme de langues étroites, conformément à ce qui se produisait aussi en Norvège. L'extension des glaces 532 ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE à l'Est de la mer Blanche avait pour résultat de refouler vers l'Est les cours d'eau qui se jellent actuellement dans cette mer; la Dvina et la Pinega devenaient tributaires du golfe de Mesen en sui- vant le cours actuel du Kuloi. C'est exactement pour les mêmes raisons que la Vistule et l'Oder ne pouvaient se jeter dans la mer Baltique et que, pendant la dernière période glaciaire, ces deux fleuves élaient devenus tribulaires de la mer du Nord, en se jetant dans l’'Elbe. Au moment de la deuxième glaciation, le massif fenno-scandinave devait présenter Ja plus grande ressemblance avec le Groenland actuel, recouvert de sa calolte d’ « inlandsis ». Lors de la fusion graduelle du glacier, il se forma de nombreuses moraines stadiaires, et c’est à l’une des phases de retrait que l’on doit attribuer la grande moraine de la Finlande méridionale, connue sous le nom de Salpausselkü. C’est à Lort, d'après M. Ramsay, que M. de Geer a envisagé celle moraine comme la moraine frontale corres- pondant au maximum d'extension du giacier lors de la deuxième glacialion. En même temps que le glacier se retirait, le massif fenno-scandinave s’affaisait et ses bords se trouvaient envahis par les eaux de la mer. On ren- contre dans l'intérieur des terres, dans l'Est de la Suède, dans le Sud de la Finlande, à l'Ouest de la mer Blanche, des dépôts argileux superposés aux moraines de Ja dernière glaciation et ces dépôts renferment une faune marine, caractérisée par la présence de deux espèces essentiellement arctiques, un Lamellibranche, l'Foldia arctica, et un Crus- tacé, l'Zdothea enlomon. La température de cette «mer à Voldia » devait être très basse. En certains points, les argiles sont dépourvues de fossiles, car la surface de la mer y élait vraisemblablement gelée ou couverte de banquises. Mais l'intérêt principal de ces dépôts marins réside dans les alti- tudes auxquelles on les rencontre; celles-ci sont essentiellement variables et oscillent entre 0 et 210 mètres. La quantité dont le sol s'est affaissé n'est donc pas partout la même : ainsi, d’après les évaluations de M. de Geer, Stockholm devait se trouver à 120 mètres au-dessous de son niveau actuel, Krisliania à 200 mètres. En réunissant tous les points où les terrasses marines correspondant à une même transgression se trouvent actuellement à une même altitude, M. de Geer a obtenu des courbes qu'il a désignées sous le nom d'isobases etqui Jui ont permis, en espaçant les courbes de 50 en 50 mètres, de faire ressortir sur une carte le de la fin de la deu- xième période glaciaire dans toute la région scan- dinave et ballique. Les observations de M. Ramsay sur les côles de la mer Blanche ont fourni à cet caractère de l'affaissement 4 auteur les éléments nécessaires pour compléter les tracés fournis par M. de Geer. Les courbes amor- cées précédemment se trouvent maintenant fer- mées et leurs tracés sont à peu près concentriques. De plus, elles épousent très fidèlement la forme du massif ancien fenno-scandinave, comme on pourra s'en rendre compte par la carte ci-jointe (fig. 2), que nous empruntons au mémoire de M. Ramsay. Cette carte est le couronnement de l’édificel construit par M. de Geer el dont le plan général avait été entrevu par Bravais dès 1842. Au moment du maximum d'extension de la mer. à Yoldia, le haut plateau scandinave élait séparé par un large détroit de la Suède méridionale qui, en revanche, était réunie par un isthme étroit aux iles danoises, réunies elles-mêmes à la presqu'ile du Jutland et au continent. La mer à Yoldia com- muniquait sans doule largement vers l'Est avec la mer Blanche; le haut plateau scandinave formait done, avec la péninsule de Kola et les parties hautes de la Finlande, une grande île. Il ne restait plus de la grande calotte glaciaire de la dernière glaciation qu'une masse peu étendue confinée sur le versant ballique du baut plateau; la ligne de faite était dépourvue de glace et endiguait les lacs qu'ali- mentail la fonte graduelle du glacier. Sur la terre ferme vivaient encore une faune et une flore arc- tiques. La fusion réduit maintenant de plus en plus la surface occupée par la calotte glaciaire, mais, en même temps, il se produit un soulèvement, insi- gnifiant dans la région du haut plateau scandinave, suffisant plus au Sud pour amener la fermeture des détroits qui réunissaient la Ballique de l'époque à la mer du Nord et à la mer Blanche. La mer Baltique devient ainsi un immense lac, beaucoup plus étendu en surface que la Baltique actuelle « (570.000 kilomètres carrés contre 410.000), el ses eaux se trouvent graduellement adoucies, si bien que le caractère de la faune est bientôt complète- ment modifié (Ancylus fluviatilis, Limnea ovata, Planorbis marginatus, Bithynia tentaculata, Pisi- dium amnicum, Neritina fluviatilis). C’est le « lac à Ancylus », dont les dépôts sableux se rencontrent surtout en Esthonie, dans la Finlande méridionale, dans l'Est de la Suède, dans les iles de Gothland et d'Oland; son déversement a lieu dans la Suède centrale, à peu près à la latitude de Stockholm. Le climat est beaucoup plus doux que pendant la période précédente. Sur la terre ferme vivent l'Elan, l'Aurochs, le Bison, l'Ours, le Loup, le Castor. C’est à ce moment que l'Homme fait son apparition en Scandinavie. Une nouvelle phase d'affaissement fait suite à cette phase d'exhaussement. Le Sund, le Grand Beltet le Petit Belt sont définitivement envahis par les eaux marines. Le lac Baltique est restitué au domaine marin, et la nouvelle mer est plus pro- fonde, plus élendue, plus salée que la Baltique actuelle; elle envahit la Suède orientale et toutes les régions basses de la Finlande; le lac Ladoga est une dépendance de la mer, mais la communi- calion qui existait entre la mer à Yoldia et la mer Blanche et celle qui passait par la région des lacs de la Suède centrale sont désormais fermées. Les mollusques marins envahissent de nouveau l’ancien lac, et la faune, comprenant notamment Tapes de- cussalus, Mya EMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 633 Yoldia, et l'on constate d'une manière générale une grande conformité dans le dessin des isobases des deux transgressions glaciaire et postglaciaire, conformité qui a été également vérifiée dans le Nord- Est du massif fenno-scandinave par M. Ramsay. La température des eaux qui baignaient la presqu'ile de Kola à l'époque de la mer à Liltorines était beaucoup plus élevée qu’à l'époque de la mer à Yoldia; elle paraît même avoir été plus élevée qu'à l'époque actuelle, car l’on rencontre, dans les dépôts des anciennes plages, des espèces qui n'existent plus aujour- _ arenaria,Cur- dium edule, Lillorina lit- torea, Neriti- na fluviatilis, Tellina bal- tica, Mytilus edulis, indi- que nettle- ment que la «mer à Litto- rines » possé- dait, dans toute son éten- due, une sa- lure plus éle- vée que celle de la Baltique actuelle, où, comme l'on d'hui sur les mêmes côtes (Venus qalli- na, Trochus tumidus, Tro- chus cinera- rius, Utricu- lus truncatu- lus). Ce résul- tat est con- forme avec ce que nous sa- vons de la faune terres- tre, car le Cerf, le Che- vreuil, le San- glier vivaient dans les envi- sait, les eaux rons du lac | du golfe de ISOBASES Ladoga, attes- Bothnie sont DE LA MER ‘A YOLDIA tant un climat presque entiè- d'aprés W. RAMSAY beaucoup rement dessa- a — plus doux que lées. Les du- Fra) Massif FennoScandinave P celui de la nes litlorales, 10 5 DS == période ac- les lignes de Gravé par EBorremums I7rue S'Sunee Parts tuelle. rivage et les Fig. 2. — Isobases de la mer à Yoldia et Massif Fenno-Scandinave. Même à l’é- dépôts de pla- poque de la ge de cetle mer sont souvent conservés el l'on ya | rencontré des restes de l'activité humaine sous la forme de«kjükkenmüddinger »etde haches de silex. Des plages de la même époque sont connues depuis longtemps sur la côt: de Norvège et, d'après les observations récentes de M. Ramsay, sur le pour- tour de la péninsule de Kola. Partout elles occupent actuellement une allitude bien moindre que celles de la mer à Yo/dia; dans la Laponie russe, elles ne se rencontren{ guère à des altitudes supérieures à 20 mèlres; dans le centre du massif fenno-scan- dinave, l’isobase de 75 mètres de la mer à Litto- rines correspond presque exactement comme emplacement à l'isobase de 200 mètres de la mer à mer à Litlorines, la région littorale actuelle de la Baltique se trouvait encore à une certaine altitude au-dessus du niveau de la mer; mais, à une époque plus récente, on constate des traces évidentes d’un affaissement de toute cette région, qui se traduit par une invasion marine, à laquelle est due la forme actuelle des côtes, et cet affaissement s'est continué jusqu'à nos jours!. Ce fait, bien connu, mérile d'être rappelé pour 4 On trouvera des faits intéressants relatifs aux oscillations posiglaciaires de la côte méridionale de la Baltique dans une note récente de E. Geinitz : Der Conventer See bei Doberan. Mit{h. a. d. grossh. Meckl. geol. Landesanst., IX, 1898. 634 ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE êlre mis en opposition avec les mouvements du sol qui se sont produits en Scandinavie postérieu- rement à l'invasion de la mer à Lillorines. À la période d’affaissement pendant laquelle a eu lieu cetle invasion, fait suite une nouvelle période de soulèvement, au cours de laquelle les plages anciennes furent portées à leur niveau actuel. L'exhaussement du sol est surtout bien marqué sur les côtes du golfe de Bothnie, où il a continué à se faire senlir, quoique très faiblement, jusque dans le courant de notre siècle. Lors de l’affaissement postglaciaire, les glaciers avaient presque entièrement disparu sur la sur- face du massif scandinave et leur extension était moindre qu'à l'époque actuelle. La phase de progression des glaciers, qui se continue jusqu'à nos jours, coïncide avec la dernière phase de sou- lèvement. Quittant le domaine des faits, sur lequel M. de Geer et M. Ramsay se sont maintenus dans leurs mémoires, on peut se demander quelles sont les causes des soulèvements et des affaissements qui ont affecté le massif fenno-scandinave pendant le cours de la période pléistocène, et l’on peut se demander aussi quelle est la corrélation qui existe entre ces oscillations du sol et les phases de l'extension des glaciers. La réponse à la première question nous parail découler directement de la constatation du parallé- lisme qui existe entre le tracé des isobases et le pourtour du massif fenno-scandinave. Si l’on envi- sage ce massif comme une aire anticlinale en forme de dôme très surbaissé!, ses mouvements ascen- dants et descendants rentrent dans la catégorie des mouvements orogéniques. Pour répondre à la seconde question il suffit de constater que les périodes d'extension maximum des glaces ou périodes glaciaires coïncident avec les périodes d'exhaussement et que les périodes de retrait des glaces se confondent avec les périodes d’affaissement et d'invasion marine, pour voir dans cette coïncidence une relalion de cause à effet. Il est évident que, pour un point déterminé, un soulève- ment d'un certain nombre de mêlres aura pour effet un abaissement de la limite des neiges perpé- tuelles du même nombre de mètres et que, par conséquent, les condilions météorologiques pour- ront être plus favorables à la formation ou à la marche progressive des glaciers. Dans tous les cas, on peut considérer comme définitivement écartées les théories qui altribuaient les déplacements des lignes de rivage sur le pour- tour du massif fenno-scandinave, soit à des oscilla- 1 V. Revue annuelle de géologie, Revue gén. des Sc., 1897, p' 151. | tions générales du niveau des mers, soità une attrac- tion des eaux de l'Océan par la calolte glaciaire Cette dernière hypothèse, en particulier, est en con: tradiction manifeste avec les faits observés, car les lransgressions marines, loin de coïncider avec les phases d'extension maximum des glaces, se pro duisent au contraire, comme on l'a vu, au moment. du retrait des glaciers. IV. — L'ORIGINE ET L'AGE DU LOESS. Le loess, trop souvent désigné à tort sous le nom de lehm et confondu avec le limon des plateaux est une des formations les plus intéressantes de la série pléistocène. Son origine a donné naissance 4 de longues discussions, mais actuellement l'opinion dominante tend à en faire une formation éolienne Dans plusieurs notes récentes * se trouvent exposée les notions acquises sur sa composilion, sur ses caractères stratigraphiques et paléontologiques, sur son origine, sur son âge. Le moment parait venu de résumer utilement ces données. Le loess non altéré est une roche gris jaunâtre, essentiellement homogène, meuble, poreuse, per méable et dépourvue de plasticité, constituée par des grains de silice extrêmement fins el par du car- bonate de chaux très divisé, très pauvre en argile« et renfermant, en revanche, à l'état disséminé,« de petits cristaux de silicates semblables à ceux des roches cristallines. Une décalcification partielle« donne lieu à la concentration du calcaire et à 1 formation de concrétions, connues sous le nom de « poupées du loess » (Loesspuppen, Loesskindel). Une décalcification plus complète produit un limon que l’on désigne souvent sous le nom de lehm, mais qu'il importe de ne pas confondre avec les lehms« dus au ruissellement sur les pentes, qui doivent d’ailleurs quelquefois leur origine au loess lui- même. Le loess recouvre indistinclement les terrains less plus variés, sans présenter de variations qui soient en relation avec la nature de ces terrains. Il est donc impossible de l’envisager comme un produit autochtone de désagrégation ; aussi a-t-on surtout eu recours à deux théories pour expliquer son: mode de formation, la théorie fluviatile et la théo- rie éolienne. La théorie fluviatile, défendue encore il y a quelques années par Sandberger, Leppla, Wahnschaffe, etc., assimile le loess aux limons ! Srerxmanx : Ueber die Entwickelung des Diluviums in Südwest-Deutschland. Zeitschr. d. D. geol. Ges., 1898, p. 83 106. — J. Frun : Der postglaciale Lôss im St. Galler Rhein- thal mit Berücksichtigung der Lüssfrage im allgemeinen Vierleljah®sschrift d. Nalurf. Ges. in Zürich, 1899, p. 157-M 191. — In. : Ueber postglacialen, intramoränischen Lôss im schweizerischen Rhonethal. Eclog. Geol. Helv., t. II, p. 41 59, 1899. ÉMILE HAUG -- REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE déposés par les grands fleuves alpins au moment des grandes crues. L'absence presque complète de stratification dans le loess typique et sa présence à des altitudes fort élevées constituent des argu- ments sérieux contre cette hypothèse, qui perd tous les jours des adhérents. Cependant il y a lieu d’at- tribuer une origine fluviatile à certains loess très sableux, qui sont cantonnés dans le fond des vallées et se rencontrent souvent à la base du loess proprement dit. La théorie éolienne, proposée dès 1873 par le baron de Richthofen, à la suite de ses observations dans le centre de la Chine, suppose un climat sec, un climat de steppes, permetlant le transport par le vent des poussières résultant de phénomènes de désagrégaltion. On possède de nombreuses preuves paléontolo- giques de l'existence d’un climat de steppes dans le centre et le Nord de l’Europe, à certains moments de la période pléistocène. Je rappellerai les Mam- mifères, étudiés par Nehring et attribués par cet auteur à une faune des steppes. Les Mollusques du loess indiquent, pour la plaine suisse et le Sud de l'Allemagne, un climat plus froid, plus alpin que le climat actuel ; mais les listes données par Früh ne sont pas tout à fait concluantes. En revanche, la vé- gétalion du sol sur lequel se déposait le loess parait avoir été constituée à peu près exclusivement par des Graminées xérophiles. Les tubes verticaux qui traversent le loess, et le long desquels s'est opérée surtout la décalcification, sont attribués de- puis longtemps à des racines; mais, tandis que MWahnschaffe et Steinmann considèrent l’action des racines comme postérieure à la formation du sédiment, Früh est d'avis que la végétation et la sédimentation ont été deux phénomènes contempo- rains et corrélatifs. Les arguments minéralogiques el stratigra- phiques que l’on a invoqués en faveur de l’origine éolienne du loess sont plus probants. On voit sou- vent le loess proprement dit passer latéralement à des sables de dunes ou se charger de « galets à facettes » faconnés par le vent. D'autre part, le loess est souvent localisé sur les versants situés à l'abri du vent et la distribution des coquilles est extrèmement inégale. Les coquilles d’eau douce n'existent que dans le loess sableux des vallées. Le loess recouvre de grandes surfaces dans l’Europe centrale et septentrionale (il manque au Sud des Alpes), dans l'Amérique du Nord, dans les Pampas de la République Argentine, en Perse, en Chine, etc. Partout il se retrouve avec des carac- tères à peu près identiques. Il semble que sa pré- sence soit liée à celle d'anciens glaciers et que ce soient les matériaux meubles, glaciaires et fluvio- les périodes de sécheresse qui succédèrent aux pé- riodes glaciaires, aient fourni les éléments des poussières transportées par le vent. Cette hypo- thèse s'accorde très bien avec ce que nous savons actuellement de l’âge des dépôts de loess dans l'Eu- rope centrale. D’après les résultats concordants des géologues de l'Allemagne du Sud et de la Suisse, la plus grande partie du loess doit être attribuée à la phase interglaciaire du Pléistocène, c'est-à-dire à la période qui a fait suite à l'avant-dernière grande glacialion, soit à l'extension maximum des glaces, ses dépôts sont, en effet, superposés en général aux moraines externes et à la haule terrasse et, d’après Penck et du Pasquier, ils seraient recouverts par les moraines internes de la dernière glacialion. Il existe cependant aussi, d'après Früh, des dépôts de loess postglaciaires, reposant sur les moraines de fond de la dernière glaciation. Cet auleur à cons- taté leur superposition aux dépôts de la moraine interne dans la vallée du Rhin (canton de Saint- Gall) et dans la vallée du Rhône (Vaud, Valais). On sait, d'ailleurs, que, dans les environs de Lyon, d'après M. Depéret, la grande masse du loess est également potsglaciaire. Nous possédons par conséquent les preuves de deux périodes favorables au dépôt du loess, consé- eutives toutes deux à la fonte des grands glaciers alpins. La première période, interglaciaire, a cer- tainement été de bien plus longue durée que la seconde, postglaciaire, et elle peut elle-même être divisée en deux périodes de sécheresse, séparées par une période à climat humide, que M.Steinmann désigne sous le nom de zone de récurrence et qui correspond à une moyenne terrasse, signalée depuis un certain temps dans l'Allemagne méridionale. On doit, en effet, distinguer dans le loess rhénan deux subdivisions, séparées par des dépôts nettement fluviatiles : la subdivision inférieure comprend du loess souvent presque entièrement décalcifié et transformé en lehm: le loess de la subdivision supérieure est, par contre, altéré seulement dans sa partie tout à fait superficielle Il est évident que la décalcification de la subdivision inférieure s’est effectuée pendant la période humide qui sépare les deux loess et qu’elle était achevée quand le loess supérieur à commencé à se déposer. V. — LES TERRAINS SECONDAIRES DE LA ROUMANIE. Je n'ai à signaler cette année aucun ouvrage de straligraphie générale qui ait fait progresser d'une manière sensible nos connaissances sur l’un ou l’autre des terrains sédimentaires, mais, parmi les études de géologie régionale, il en est un certain nombre qui fournissent des contributions précieuses glaciaires qui, après le retrail des glaces et pendant | à l'histoire des mers anciennes. C'est à ce litre que 636 ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE je dois dire quelques mots de deux mémoires’ sur la géologie de la Roumanie, qui sont dus à deux jeunes géologues roumains et qui, tous deux, ont été présentés comme thèses de doctorat devant la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. Ces deux mémoires sont consacrés à deux régions dont l’histoire géologique a été bien diffé- rente, l’une, la Dobrogea (ou Dobroudja), faisant partie d'une ancienne chaine, dont les plissements sont antérieurs aux terrains secondaires, l'autre, constituant un segment des Carpathes roumaines, c'est-à-dire une région appartenant au système des plissements alpins de la fin de la période ter- tiaire. Si l'on met en évidence le contraste qui existe entre la succession des lerrains sédimen- taires des deux régions, on aura donné, de ce fait, un résumé des traits principaux de la géologie de toute la Roumanie. Je ne parlerai que des terrains secondaires, qui seuls sont traités dans l'ouvrage de M. Anastasiu, les chapitres qui leur sont consa- crés par M. Popovici étant également les plus remarquables de la thèse de cet auteur. Les terrains triasiques font entièrement défaut dans les environs de Campulung et de Sinaïa; on ne les connait que plus au Nord, dans la Bukowine et dans les régions attenantes de la Moldavie, où ils affleurent avec des caractères semblables à ceux du Trias de la Dobrogea, fait d’aulant plus digne de remarque que celte région carpathique est située dans le prolongement des plis anciens de Macin, de Babadag, etc. On en conclut que la bande tria- sique ne suivait pas la grande courbure que décri- vaient les Carpathes et les Balkans en entourant la plaine du Bas-Danube. Quoique le faciès des dépôts triasiques soit essentiellement alpin et que le Werfénien à Zirolites, le Virglorien avec la faune de Han Bulog et de la Schreyer Alm se retrouvent dans la Dobrogea, la série triasique de celte région possède cependant certains caractères qui rappellent plutôt le Trias germanique, puisque le Muschelkalk y est représenté par des calcaires à Ceratites nodosus ? et à Encrinus liliüiformis, et puis- que le Trias supérieur y est manifestement régres- sif, élant développé à l'état de calcaires dolomi- tiques ou de psammites. Ce dernier fait doit être mis en opposition avec la transgressivité que pré - sente le Trias supérieur dans les régions alpines. Le Lias manque aussi bien dans les Carpathes 4 V. Axasrasio : Con!ribulion à l'élude géologique de la Dobroga (Roumanie). Terrains secondaires. 1 vol. in-8°, 133 p., 14 fig., 1 carte au 1/800.000. Paris, 1898. V. Porovicr-Harzc : Elude géologique des environ: de Campulung el de Sinaïa (Roumanie). 4 vol. in-8°, 220 p., 21 Gg.. 1 carte au 1/21)0.000. Paris, 1898. ? ]l est regrettable que les fo:siles les plus nouveaux pour la Dobrogea, comme Tirolites cf. dinarus et Ceratites nodosus, n'aient pas été recueillis en place par M. Anastasiu. roumaines que dans la Dobrogea ; en revanche, le Jurassique moyen est représenté dans les deux régions par des lambeaux reposant sur les schistes cristallins. Il en est de même du Callovien, après lequel la différenciation s’accuse à nouveau. Dans les environs de Campulung et de Strunga, le Portiandien, représenté par des calcaires blancs tithoniques, repose en transgression sur les couches plus anciennes, comme cela a lieu dansune grande partie de la province méditerranéenne. Dans la Dobrogea, une masse de calcaires, représentant le Rauracien et le Séquanien, renferme une faune presque jurassienne. Tandis que ces deux étages et le Kimeridgien paraissent faire entièrement défaut dans les Carpathes, c’est au contraire le. Portlandien qui manque dans la Dobrogea. Les Carpathes roumaines se comportent comme un élément du système alpin, la Dobrogea possède la même succession et les mêmes facies que l'avant- pays non plissé; le contraste entre les deux régions est donc frappant : il est tout à fait comparable à celui qui existe entre la Meseta ibérique et l’An- dalousie, entre la Bohême et les Alpes orientales. Le même contraste se poursuit au Néocomien. Dans la région carpathique, cet étage est inti- mement lié au Portlandien, auquel, comme en général dans les régions alpines, il passe par tran- sition insensible, présentant, au moins dans sa partie supérieure, le type bathyal méditerranéen (Barrémien de Valea Muieri). Dans la Dobrogea, au contraire, il possède le facies zoogène du type jurassien, mais son substratum est malheureu- sement inconnu; M. Anastasiu y a trouvé de beaux Rudistes et des Zoanthaires. Le Cénomanien transgressif (conglomérats de Bucegi) existe dans les Carpathes; on ne le connaît pas dans la Dobrogea. En revanche, le Sénonien est transgressif dans les deux régions; mais il a un caractère plutôt alpin dans les Carpathes, tandis que, dans la Dobrogea, il rappelle beaucoup la Craie de la Pologne et de la Russie méridionale. Il résulte donc des excellents travaux de MM. Popovici-Hatzeg et Anastasiu, que le plus re- marquable contraste n'a cessé d'exister, pendant toute la durée des périodes jurassique et crétacée, entre les Carpathes roumaines et la Dobrogea, les deux régions élant pour ainsi dire complémen- taires. Les terrains secondaires plissés des Car- pathes roumaines rappellent, par leurs facies et leur succession, ceux des régions plissées de tout le systèmealpin; les terrains secondaires de la Dobro- gea, reslés horizontaux, se rapprochent plutôt des séries qui caractérisent l’avant-pays. Emile Haug, Maître de Conférences à la Facullé des Sciences de l'Université de Paris. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 637 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 4° Sciences mathématiques Laussedat (Colonel A.), Membre de l'Institut, Directeur du Conservatoire des Arts-et-Méliers. — Recherches sur les Instruments, les Méthodes et le Dessin topographiques. Tome 1: APERÇU HISTORIQUE SUR LES INSTRUMENTS ET LES MÉTHODES. LA TOPOGRAPHIE DANS TOUS LES TEMPS. — Un vol. in-8°, de 450 pages, avec 1% planches et 145 figures (Prix : 15 fr.). Gauthier- Villars, éditrur, Paris, 1899. En plaçant en tête de son ouvrage un apercu historique sur les instruments et les méthodes de la Topographie, l'auteur s’est proposé de montrer que, depuis la plus haute antiquité, les efforts des géomètres ont lendu à réduire le nombre des mesures directes de longueur à effectuer sur le terrain et que l’utilisation des vues panoramiques pour la construction des plans topogra- phiques peut être considérée comme le couronnement naturel de ces efforts. Cet historique fait l'objet du volume que nous analysons. Il est subdivisé en deux chapitres se rapportant, le premier, à l'histoire des instruments et des méthodes, et le second, à celle du dessin topographique, Un second volume sera consacré aux méthodes de lever basées sur l'emploi des vues panoramiques natu- relles ou photographiques. Le premier chapitre du tome I est une revue des procédés topographiques en usage depuis la période gréco-romaine jusqu'à nos jours. Si l'historique ne remonte pas à une époque plus reculée, c'est que les premiers renseignements un peu précis sur le sujet émanent des géomètres grecs; cependant, dès la plus haute antiquité, certains peuples, particulièrement les Chaldéens et les Egyptiens, cultivaient déjà avec succès la Topographie; c'est même vraisemblablement de ces derniers que les Grecs tenaient quelques-uns de leurs ingénieux instruments de mesure. Plusieurs siècles avant notre ère, les Grecs subdivi- saient les terrains à lever en triangles dont ils mesu- raient tous les côtés et dont ils calculaient la surface en fonclion de ces derniers. Les limites sinueuses étaient rapportées à des droites par des perpendicu- laires (coordonnées rectangulaires) tracées à l’aide de jalons et d’une équerre d'arpenteur, appelée gromu. Les longueurs étaient mesurées au pas, avec un podomètre automatique (compte-pas), ou avec un cordeau divisé en coudées. La mesure des hauteurs (nivellement) s’effectuait, comme de nos jours encore sur beaucoup de chantiers, avec un niveau d'eau et des mires à voyant. . Pour résoudre divers problèmes de géométrie pra- tique, notamment pour évaluer de grandes longueurs en n'en mesurant que de petites, les Grecs utilisaient les propriétés des triangles semblables et employaient la dioptre, sorte d’alidade à pinnules portée par une colonne rendue verticale avec le fil à plomb et disposée sur un pied à trois branches; à l'aide de deux cercles dentés et de vis, la dioptre était rendue mobile autour d’un axe horizontal et d'un axe vertical; pour l'usage des astronomes et en vue de la mesure des angles, elle était munie d'un plateau circulaire divisé. Enfin, on pouvait la transformer en niveau d’eau par l'adjonc- tion, entre les pinnules, d’un tube à deux branches verticales en verre. Au n° siècle de notre ère, dans les ouvrages de Pto- lémée, on trouve déjà trace des quadrants où quarts de cercle pour les observalions stellaires. Les Romains utilisaient les mêmes instruments que les Grecs; ils avaient, en outre, un niveau appelé cho- ET INDEX robate que l'on employait, soit comme niveau d’eau, en versant de l'eau dans une longue cuvette, soit comme niveau à perpendicules (le niveau de macon élait connu depuis la plus haute antiquité). A cette époque, et même bien antérieurement, exis- taient des instruments astronomiques très intéressants, le gnomon, sorte de cadran solaire servant à la mesure du temps, qui a dù être employé par les Chaldérns ou Babyloniens, les Egyptiens, les Chinois, les Indiens et même par les Aztèqueset les Incas; lescaphé, formé d’une demi-sphère concave sur laquelle on suivait la marche de l'ombre de l'extrémité d'un style, ou gnomen. pour étudier les mouvements du Soleil; la sphère armillaire, formée de cercles diversement orientés, d’anneaux ou armilles figurant l'horizon, le méridien, le cercle équinoxial, les cercles arctique et antarctique, etc. ; l'astrolube d'Hipparque (cercle divisé avec alidade pour la mesure de la hauteur des astres), etc. Après le démembremeut de l’empire romain, au ive siècle de notre ère, les arts et les sciences dispa- rurent, comme on sait, de l'Occident, mais les Arabes, profitant des découvertes déjà anciennes des Indiens et des Chinois, dont la civilisation était depuis longtemps fort développée, re tardèrent pas à jeler un nouvel éclat sur les diverses branches des connaissances bu- maines. Aux Indiens, ils empruntèrent les chiffres que nous connaissons sous le nom de chiffres arabes, et aux Chinois, la boussole. De nombreux ouvrages furent alors publiés, mais il faut arriver jusqu’au xm° siècle pour trouver le plus important d'entre eux, écrit par Aboul Hhassan-Ali, de Maroc, qui traite de l’Astronomie et contient la description de la plupart des instruments en usage à l’époque : quadrants ou quarts de cercle divisés, montres solaires, horloges mécaniques, sphères, armilles, plinisphères et astrolabes. Les astrolabes, outre leur division en 360° et souvent aussi en vingt-quatre heures, portaient une foule d’autres rens-ignements utiles pour résoudre divers problèmes astronomiques. Ils servaient à la détermination des latitudes. Pour calculer les longitudes, on observait les éclipses lunaires et on mesurait le temps avec des clepsydres ou des horloges mécaniques. Enfin, la boussole, dite à eau ou sans eau, suivant que l’aiguille flottait à la surface d’un vase rempli d'eau ou était portée par un pivot, guidait les navigateurs et les voyageurs de l'Occident, comme depuis longiemps les Chinois. Au moyen âge et jusqu'à la Renaissance, l’astrolabe resta fort en honneur. Pendant la longue période dont nous parlons, les topographes, les voyageurs et les astronomes em- ployaient les mêmes instruments. Pour mesurer les distances et les hauteurs « par une seule station » ils se servaient du triquetrum de Ptolémée et d'instruments analogues composés de réglettes divisées, disposées en triangles dont on pouvait faire varier la forme; ces instruments, ainsi que l’arbalestrille, le quarré où le quadrant géométriques et l’astrolabe, fournissaient la grandeur des angles. : De la Renaissance à la fin du xvue siècle, les anciens instruments reçoivent de nombreux perfec- tionnements et le matériel des topographes devient plus spécial; l'astrolabe est muni d’une boussole qui le rend propre à la détermination des azimuts; ïes Hol- landais Le transforment même complètement et il prend le nom de cercle hollandais : le cercle porte deux alidades fixes formant équerre et une alidade mobile; il se monte sur un pied; la boussole est munie de pin- nules et sert à rapporter les plans. 638 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Dans la seconde moitié du xvi® sièle apparait le graphomètre, à peu près tel que nous le connaissons aujourd'hui; il est beaucoup employé pour exécuter des levés par intersections et pour déterminer, par le calcul trigonométrique, les distances des points des- tinés à servir de repères; pour des usages analogues, on utilise aussi le trigomètre et le pied de roy géométrique. A la même époque, on (rouve encore la planchelte cir- culaire à pourtour divisé, la planchette carrée simple et on imagine le théodolite, pour mesurer simultanément les angles verticaux et horizontaux; en même temps, on perfectionne l'alidude de la planchette en la dotant d'un éclimètre. Enfin, au xvu° siècle sont inventés trois organes que l'on retrouve dans tous les instruments modernes : le vernier, la lunette d'approche et le niveau à bulle d'air. A partir de ce moment, les instruments antérieurement connus {boussole, planchette, théodolite) reçoivent les derniers perfectionnements dont ils paraissent suscep- tibles. Pour mesurer les distances sans les parcourir, Green avait, dès 1770, transformé la lunette astronomique en lunette stadimétrique en disposant au réticule deux fils parallèles entre lesquels on observait l'intervalle intercepté par une mire divisée, ou s{adia. Mais les distances obtenues par ce procédé ont pour origine, comme l’a montré Reichenbach, le foyer antérieur de l'objectif. Pour supprimer la correction ainsi rendue nécessaire, Porro, vers 1850, imaginait d'intercaler dans la lunette une lentille supplémentaire dont le déplace- ment permet de faire varier la position du point-origine des distances ou centre d'anallatisme, et de l'amener, eu particulier, à coïncider avec l'axe principal de l’instru- ment : la lunette anallatique était ainsi créée. En la substiluant à la lunette ordinaire du théodolite et en ajoutant à l'instrument un dévlinaloire permet- tant d'orienter le limbe, Porro construisait le tachéo- mètre, que Moinot ne tardait pas à introduire en France. Les longueurs, généralement inclinées, fournies par la lunette stadimétrique et anallatique, doivent être réduites à l'horizon avant de servir à l'établissement des plans. Pour supprimer ce calcul, divers dispositifs ont été imaginés : Porro lui-même et, après lui, les capi- taines Peaucellier et Wagner ont construit, vers 1868, des lunettes auto-réductrices, ou sthénallatiques, très in- génieuses, mais peut-être délicates. En 1866, M. Sanguet, géomètre, faisait breveter un longimètre qui résolvait le même problème au moyen d'une lunette astronomi- que ordinaire, c'est-à-dire munie d’une simple croisée de fils, à laquelle on imprimait un petit mouvement de bascule pour déterminer l'angle stadimétrique voulu; cet instrument, transformé et perfectionné, est devenu le tachéomètre aulo-réducteur. Le même inventeur a créé depuis, sous le nom de longialtimètre, un nouveau type offrant certaines particularités intéressantes. En 1892, M. Champigny, Ingénieur civil des Mines, réalisait également avec son tachéométre, dit aulo-calcu- lateur, le même résultat par un déplacement angulaire de la lunette obtenu au moyen de dispositions méca- niques intéressantes mais délicates. Enfin, d’autres appareils fournissent par projection les distances réduites à l'horizon : tels sont le tachéo- mètre de Wagner-Fennel (Allemagne, 1871) et celui de Kreuler (Autriche, 1874); avec ces instruments, on lit d'abord la distance inclinée sur la mire, puis on ma- nœuvyre une équerre pour obtenir la projection. L’ho- molographe des capitaines Peaucellier et Wagner et le tachéographe, plus récent, de M. Schrader, géographe, échappent à cette complication. Dans ces derniers appareils, le rélicule possède un fil fixe et un fil mobile que l’on pointe sur des voyants fixés à la mire; comme leurs noms l’indiquent, ces deux instru- ments sont disposés de manière à rapporter automali- quement le plan sur une feuille de papier ou de métal recouvrant le plateau horizontal. L'auteur examine ensuite les derniers perfectionne- ments apportés à la planchette et à l’alidade, qui a été. elle-même dotée de la lunette stadimétrique. Le premier chapitre se Lermine par un rapide exa- men des méthodes d'exécution du cadastre, en France età l'Etranger, et des instruments utilisés dans les levers forestiers, souterrains, de reconnaissance et d'explo- ration. Signalons aussi un intéressant paragraphe sur l’em- ploi du baromètre pour la détermination des hauteurs. Dans le chapitre IT, intitulé la Topoyraphie dans tous les temps; Vues pittoresques et plans géométriques, l'auteur « étudie les évolutions du dessin topographique. Dès la la plus haute antiquité, les arpenteurs el architectes dressaient des plans géométraux, avec les élévations rabattues sur le plan, pour faire connaïîlre, par exem-. ple, la forme et la hauteur des bâtiments représentés. A l’époque gréco-romaine, les plans géométraux étaient parfois accompagnés de vues cavalières qui dénotent une connaissance partielle des lois de la perspective. Les artistes chrétiens, à partir du x° siècle, recou- raient uniquement à la perspective pour représenter le terrain avec ses monuments ou constructions. Aux xve et xvi® siècles, les peintres et architectes firent usage de procédés mécaniques pour arriver à une représentation aussi fidèle que possible de la nature, et les perspectoyraphes dont ils s'aidèrent mirent en évi- dence certains principes, jusque là ignorés, de la pers- pective. À cette époque d'ailleurs, la nécessité de se procurer des plans plus exacts amena les topographes à revenir à la demi-perspective, qui avait été en faveur dans l'antiquité, c'est-à-dire aux plans géométraux sur lesquels les accidents naturels ou arüficiels étaient figurés par des sortes de rabattements perspectifs des objets à représenter. Le règne de Louis XIV nous a laissé de très intéressants documents de cette nature. Déjà on commençait aussi — et cetle pratique n’a fait que se développer depuis — à séparer le plau géomé- tral des vues perspectives ou profils. Au siècle dernier, au moment où les ingénieurs géo- graphes produisaient leurs plus beaux travaux (la carte dite des Chasses du Roi, notamment), et où l'on com- mencait à coter les plans et à utiliser les propriétés des courbes de niveau, était entreprise, par Cassini, la pre- mière grande carte de France appuyée sur une {rian- gulation générale. Malgré le mérite de cette carte, prise dans son ensemble, on peut lui reprocher son insuffi- sance sous le rapport du dessin et surtout de la repré- sentation du relief. À ce point de vue, la carte au 80.000°, dite de l’Etat-Major, réalisa un immense pro- grès. On peut regretter seulement que, pour la figura= tion du relief, on ait adopté l'éclairage zénithal et non l'éclairage oblique qui eût donné à l'œuvre un caractère plus artistique et plus expressif. L'ouvrage dont nous venons de faire un résumé for- cément un peu sec est d’une lecture fort instructive et très attrayante. En remontant aux sources les plus cer- taines, l’auteur a voulu rendre justice aux véritables inventeurs; son travail considérable restera comme un des plus beaux monuments consacrés à l'histoire de la Topographie. E. PRÉvOT. Chef du Bureau du Nivellement général de la France 2° Sciences physiques Aubusson de Cavarlay (E.), ingénieur de la Marine. — Cours d’Electricité (professé à l'Evole d'Applica- tion du Génie maritime). Tome I : Lois ET THÉORIES USUELLES. UNITÉS ET MESURES ÉLECTRIQUES. DYNamos 4 COURANT CONTINU. — { vol. gr. in-8 de 564 payes, avec 618 figures. A. Challamel, éditeur. Paris, 1899. Rien n’est difficile aujourd'hui comme d'écrire les préliminaires d'un cours d’Electricité que l'on veut moderniser ; les masses électriques sont vieux jeu, on voudrait n’en pas faire mention, et, cepentlant, le pro- ] fesseur ne peut pas oublier qu'il a été élève, et qu'il a M V2 : 1 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 639 cru comprendre bien des choses lorsqu'il avait saisi la décomposition du fluide neutre en électricité positive et négative. lel est le cas de l’auteur. Il voudrait se limiter aux champs de force, dont l'exposé est comme le programme de son ouvrage; il y fait de sérieuses et fort louables lentatives, dessine et explique fort clai- rement des champs très divers, et, presque malgré lui, retombe par instants dans le vieux vocabulaire. Cepen- dant, il n'en est pas dupe; le premier paragraphe de son livre représente les vieilles hypothèses comme près d'être abandonnées; s'il garde les anciennes locutions, c'est pour simplifier l'exposé, et pour rester d'accord avec la terminologie encore fréquemment employée; il avertit, d'ailleurs, que l'on devra soigneusement dis- tinguer l'hypothèse du fait expérimental. Le caractère général du cours professé par M. Au- busson de Cavarlay était imposé par les besoins futurs et la préparation antérieure de ses élèves. Lorsqu'on entre à l'Ecole d'application du Génie maritime, on n'est plus un débutant, et le professeur peut se borner à synthétiser et à généraliser les points de départ. Mais, comme le but du cours est de familiariser les futurs ingénieurs avec les applications de l'électricité à bord du navire, la connaissance des éléments de cons- truction des machines comporte de minutieux détails. C'est là que l'étude approfondie du champ magnétique trouve son utilité. Procédant du simple au composé, l’auteur considère d’abord le champ en dehors de la substance magnétique, puis dans le corps magnétique lui-même, dont il étudie les propriétés, enfin combine le tout pour l'étude du circuitélectrique. Les propriétés du courant électrique ont été rapidement passées en revue, un peu trop rapidement peut-être; puis, après l'étude complète du champ magnétique constant, nous arrivons aux courants variables, sinusoïdaux et poly- phasés, et, par conséquent, aux champs tournants. Les propriétés d'un circuit à la fois résistant, impédant et capacitant, pour l'étude desquelles on en était à peu près réduit jusqu'ici à lire des mémoires disséminés, sont fort clairement exposées, et rendues plus faciles à saisir par des analogies mécaniques bien choisies. Un très court chapitre sur les unités conduit à l'étude des instruments de mesure, dont les galvanomètres font à peu près tous les frais; puis vient la description des étalons, enfin celle des méthodes de mesure, limi- tée volontairement aux procédés susceplibles d’être employés industriellement. Un compteur est décrit à titre d'exemple; enfin les méthodes les plus courantes pour l’essai des corps magnétiques sont rapidement passées en revue. Il nous semble que quelques indica- tons numériques eussent été ici à leur place; peut- être sont-elles réservées au deuxième volume. Dans la troisième partie de l'ouvrage, l'auteur décrit les machines dynamos, apportant une attention parti- culière au circuit magnétique, dont les travaux de ces dernières années ont montré l'importance capitale, un peu méconnue au début. Puis il sépare les machines en généralrices et réceptrices pour en exposer le fonc- tionnement, la mise en marche, la mise en circuit iso- lément ou collectivement, et, après quelques pages consacrées aux transformateurs à courant continu, il termine sur l'essai des dynamos. Tel est, à grands traits, le contenu de ce premier volume d'un ouvrage qui, spécialement destiné à une école, lui emprunte le caractère de son enseignement, mais mérile d'être lu par tous ceux qui veulent pren- dre contact avec l'état actuel de l'industrie électrique, logiquement développé d'après les principes de la science d’où elle émane, ? Ch.-Ed. GUILLAUME. Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. Brunel (Georges). — Les Agrandissements et les Projections. — { vel. in-12 de 148 pages, avec 72 figures, de l'Encyclopédie de l' Amateur photographe. (Prix ; 2 fr.) B. Tignol, éditeur, 53 bis, Quai des Grands-Augustins, Paris, 1899. 3° Sciences naturelles Sébire (R. P. A.), Directeur du Jardin d'Essai el du Pénitencier de Thiès (Sénégal). — Les Plantes utiles du Sénégal. — 1 vol. in-12 de LXX-341 pages, avec 44 figures (Prix : 4 fr.). J. Baillière et fils, éditeurs. Paris, 1899. L'ouvrage que vient de publier le R. P. Sébire con- tient, sous forme d'introduction, un certain nombre d'indications intéressantes sur les principales plantes cultivées au Sénégal et quelques pages sur les condi- tions dans lesquelles ces cultures sont pratiquées. Le R. P. Sébire paraît connaître très bien les ressources du pays qu'il habite, el son travail rendra certainement des services à tous ceux qui vont s'élablir à la côte occi- dentale d'Afrique. - À propos de chacune des plantes indiquées dans l'introduction, l'auteur aurait pu fournir les détails contenus dans le corps même du livre; au contraire, il a cru devoir adopter, pour la partie principale de son travail, la division en familles, et il se trouve amené à décrire en même temps les plantes qui sont indigènes au Sénégal, celles qui ont pu y être acclimatées, et même celles qui sont complètement inconnues dans le pays, ce qui provoque une confusion d'autant plus regrettable qu'il était facile de l’éviter. Une figure repré- sentant la récolte du thé pourrait faire croire, par exemple, que la culture de cette plante est pratiquée au Sénégal, alors qu'en réalité la photographie reproduite se rapporte à la cugillette du thé à Ceylan. Une critique plus sévère au point de vue des espèces à indiquer était peut-être désirable dans un livre tel que celui du P. Sébire : le Lithophilum (p. 224), par exemple, qui a élé autrefuis l’objet d’une description très fantaisiste dans le Journal officiel, ne méritait guère que l'oubli. 11 en est de même d’un certain nombre de plantes. Ces quelques observations ne nous empêchent pas de déclarer que l’auteur a rendu un véritable service aux colons du Sénégal en écrivant ce livre, et nous le félicitons très vivement d’un zèle aussi recommandable. HENRI LECOMTE, Professeur au Lycée Saint-Louis. Seurat (L.-G.) — Contributions à l'étude des Hy- ménoptères entomophages. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol. in-8° de 160 pages, avec figures et 5 planches. G. Masson et Ci, éditeurs, Paris, 1899. Dans ce travail, M. Seurat a étudié la biologie et l'anatomie des larves et adultes d’un certain nombre d'Ichneumonides, Chalcidides et Braconides, qui vivent dans leur jeune âge aux dépens d'autres Insectes, ainsi que les métamorphoses externes et internes d’un Bra- conide. La femelle du Doryctes gallicus, dont les larves sont parasites des larves d’un Goléoptère (Callidium sangui- neum) qui vit dans les büches de chêne, pond une quinzaine d'œufs autour d'une larve de Callidium; les petits parasites, une fois éclos, appliquent la bouche contre la peau de leur hôte, font un trou avec leurs mandibules et aspirent le sang. Arrivées à l’état adulte, les larves, qui sont munies de glandes séricigènes très développées, filent un cocon à côté du cadavre de leur hôte et y passent l'hiver; les imagos sortent en mai, en percant l'écorce qui les sépare du dehors, et vivent libres de huit à quinze jours, sans prendre de nourri- ture. Il est très remarquable que, dans tous les cas observés, parmi les individus de Doryctes sortis d'une même galerie de Callidium, il y a toujours un müle, et rien qu'un, fait des plus intéressants au point de vue de la détermination du sexe. Notons à ce propos que chez les Entomophages, de même que chez lesautres Insectes, le sexe parait déterminé très tôt, car on reconnait les testicules et les ovaires chez les très jeunes larves. D'autres espèces vivent, non pas à l'extérieur, mais BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX dans le corps même de divers Insectes, telles l’Apan- teles glomeratus de la chenille du chou, l'Aphidius fa- barum des pucerons, etc.;la femelle, guidée sans doute par le sens olfactif, lorsqu'elle a trouvé l'hôte conve- nable, en perfore la peau avec sa tarière et dépose un ou plusieurs œufs dans la cavité du corps; quelques formes sont même hyperparasites, comme les Chal- cidiens, qui déposent leurs œufs à l’intérieur des larves de Braconides (Apanteles et Aphidius), elles-mêmes logées à l’intérieur de chenilles ou de pucerons. Ces parasites internes se nourrissent surtout du sang et du corps adipeux qu'ils dilacèrent avec leurs mandi- bules, respectant les organes essentiels de l'hôte, qui continue à manger et à assimiler; ce n’est qu'à la fin de leur développement que les parasites entament les viscères. Chez tous les Entomophages, l'estomac est fermé en arrière et ne communique pas avec le rectum; aussi le rejet des excréments n'a-t-il lieu qu'à l’intérieur du cocon, au moment de la nymphose, après qu'il s’est établi une communication libre entre ces deux parties du tube digestif. La respiration des larves internes s'opère d’une facon intéressante : au début, elles respirent par osmose, puis le système trachéen apparaît, mais entièrement clos, le gaz qu'il renferme étant puisé par osmose dans le sang de son hôte; les stigmates existent, mais fermés, et ne s'ouvrent que lorsque le parasite sort du corps de l'hôte. Les larves internes présentent assez souvent des organes locomoteurs, vé- sicule caudale des Microgastérides, appendice caudal d’un Encyrtus et de divers Ichneumonides, qui leur permettent de se déplacer dans le corps de l'animal parasité. La métamorphose du Doryctes gallicus se fait par une série de changements continus, externes et internes; les premiers sont réalisés par trois mues successives: une avant le ftlage du cocon,une deuxieme au moment de la nymphose, et une troisième d’où sort l’imago avec sa cuticule définitive et colorée; l’auteur décrit avec précision le mode de formation de la têle, du corselet et des armatures génitales, et leurs rapports avec les parties correspondantes des larves. Les transformations internes du tube digestif, du système trachéen, la concentration du système nerveux, la dévagination des disques imaginaux ne s'écartent pas sensiblement de ce qu'on connaît chez les autres Insectes; cependant, d'après M. Seurat, l'histolyse des üssus ne serait pas accompagnée de PÉSEAETIOSC, ce qui est assez surprenant. L'épithélium de lintestin moyen se forme sous l’ancien épithélium, de sorte que celui-ci finit par se trouver dans la cavité de l'estomac de l'imago, où il est digéré comme un aliment; les tubes de Malpighi larvaires sont également remplacés et tombent dans la cavité du corps, où ils régressent sur place. On pourrait peut être reprocher à l'auteur d’avoir un peu négligé le côté histologique : le corps adipeux, les œnocythes, les cellules terminales des trachées, le tissu péricardial ne sont cependant pas sans intérêt; mais sa monographie n’en constitue pas moins une utile contribution à nos connaissances sur les Entomo- phages. L. CuÉxor, Professeur à l'Université de Nancy. 4° Sciences médicales Duclaux (E.), Membre de l'Institut, Directeur de l'Insti- tut Pasteur, Professeur à la Sorbonne et à l'Institut agro- nomique. — Traité de Microbiologie. Tome II. Diastases, Toxines et Venins. — 1 vol. gr. in-8 de 600 pages, avec figures. (Prix : 15 fr.). G. Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1899. C'est à propos du second volume, récemment paru, que nous signalons ici cet ouvrage capital. Consacré à l'étude des diastases, toxines et venins, le second volume a une importance considérable. Il met au jour, avec la clarté qui caractérise l’émiuent biolo giste, des faits, des actes biologiques dont la découverte est toute récente et dont l'interprétation se rappor aux phénomènes les plus obscurs de la vie. Le rôle de diastases semble, en effet, devenir prépondérant dans la nutrition cellulaire. Outre l’achon de dislocation qu'on leur attribuait presque uniquement jusqu'ici sur les matériaux nutritifs, il faut leur reconnaître une action inverse : le pouvoir de produire par synthèse d'autres subsiances, semblables ou différentes de celles vis-à-vis desquelles elles se trouvent. M. Duclaux classe les diastases en : 1° Diastases de coagulation et de décoagulation. Les unes coagulent la matière alimentaire comme la présure coagule le lait; les autres peuvent décoaguler, comme la caséase dis sout la caséine coagulée. — 2 Diastases d'hydratation et de déshydratation. Elles servent, les unes, les hydra lantes, à disloquer une molécule en éléments plus simples au moyen d'un certain nombre de molécules: d’eau; les autres, les déshydratantes, peuvent recons tituer les corps qui ont subi l’action hydrolytique pré- cédente. — 3° Diastases d’oxydation et de réduction L'action de celles-ci entraine une action chimique plus profonde et une modification plus grande de la matière alimentaire. M. Duclaux insiste à leur propos sur l’ac- tion parallèle de ces deux ordres de diastases, car il es clair que ces deux phénomènes d’oxydation et de réduction sont en connexion intime, puisqu'une OXy= dation ne peut se produire qu'à la condition qu'une désoxydation ait lieu. — 4° Biastases de décomposition et de recomposition. Les unes décomposent certaines molécules en molécules plus simples, comme la diastase de Buchner qui dédouble le sucre en alcool et en acide carbonique. Elle est à la fois oxydante et réductrice D'autres, suivant la prévision de M. Duclaux, existent, qui peuvent recomposer. 1 Les diastases sont des produits de la vie cellulaire. Elles donnent lieu à des actions chimiques, mais avec: cette caractéristique qu'il y a une disproportion énorme entre l'effet et la cause. En outre, elles sont capables. de conserver leur activité indéfiniment, restent en dehors des actions chimiques qu’elles déter minent, celles-ci se passant aux dépens des corps su lesquels la diastase agit. Les toxines, avec leurs pro= priétés particulières et leurs affinités singulières, on une grande analogie avec les diastases. C’est sur ces prémices que s'ouvre l'ouvrage qui, dans ses divers chapitres, va exposer et expliquer tout ce que l’on sait de ces substances : leur sécrétion dans les graines, les causes qui influent sur cette sécrétion, leur préparation, leur différenciation, les lois générales de leur action, les diverses influences qu’elles subissent, les phénomènes physiques et chimiques auxquels elles donnent lieu. La 2 partie est rés:rvée à l'étude parti= culière des diastases connues : amylase, sucrase, mal= tase, lipase, uréase, zymase, oxydases, ele, Je n'ai pu, dans cette analyse, que donner des pro= positions sommaires. Cet ouvrage, comme toute œuvre de créateur, ne se prête pas à l'analyse banale. Il faut lire, étudier ce livre dans toutes ses pages : il traite de matières nouvelles, inconnues; on ne peut exposer d'une plume courante les idées et les raisonnements qui enchaînent les faits. Je viens de lire ce livre, et je ne le connais pas. Il m'a produit un étonnement parti= culier, qui ne se dissipera que plus tard par une étude plus appesantie. Et en terminant ce compte rendu, je sens œue j'eusse mieux fait de barrer toutes les lignes précédentes et de dire simplement : « Il vient de paz= raitre, de M. Duclaux, un livre fondamental qu'il es essentiel au monde savant de connaître. » D' A. LÉTIENNE. Ostwalt (F.). — Des verres périscopiques et de leurs avantages pour les myopes. (Avec une préfucesr de M. C. M. Gariez, membre de l'Académie de Méde- cine). — 1 vol. in-8 de 88 pages, avec figures. G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1899. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES GA ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 31 Juillet 1899. M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de M. Rieggenbach, Correspondant pour la Section de Mécanique, survenu à Olten le 25 juillet. 1° SGIENGES MATHÉMATIQUES. — MM. Bourget, Montan- gerand et Baïllaud ont observé en juillet la nébuleuse annulaire de la Lyre, à l'Observatoire de Toulouse. Ils ont constalé des changements d'éclat très sensibles dans ia nébuleuse; l'étoile centrale, en particulier, est devenue nettement visible. — M. M.Luizet a étudié à l'œil nu, par la méthode des degrés, l'étoile 8 de la Lyre, à l'Observatoire de Lyon. Les 104 observations faites d'avril à décembre 1898 concordent avec les élé- ments donnés par M. Pannekoek, mais non pas avec ceux de Schur. — Le même auteur a observé aussi l'étoile variable (DM+12°,3.557). Elle est du type Alsol; son éclat est constant pendant 17 h. 28 m.; il diminue pendant 4 h 58 m. et augmente pendant 1h. 55 m. — MM. W. Ebert et J. Perchot ont appliqué une méthode de M. Læwy pour la détermination des latitudes qui consiste, en introduisant les données du pendule, à déduire la coilimation polaire des deux observations d'une étoile très voisine du pôle, sans s’astreindre à la symétrie par rapport au premier cercle horaire. — M. F.-A. Forel a déterminé les variations de l'horizon apparent par des expériences sur le lac de Genève ; ces varialions dépendent de la température de l'air, de celle de l’eau, de l'humidité de l'air, de lagitation de l'air, de la direction et de la qualité du vent, de la pres- sion atmosphérique. L'erreur possible sur la position de l'horizon vrai est plus grande quand l'air est calme que quand il est agité, quand l'air est plus chaud que l'eau et vice versa. — M. E. O. Lovett démontre qu'une équation de Pfaff {aux différentielles totales linéaires), intégrable ou non intégrable, peut admettre des intégrales singulières (æ,,2.,..4n )— 0, dont la détermination se fait sans intégration. — M. Henri Dulac étudie l'équation différentielle du premierordre, prise, au voisinage d'un point singulier, sous la forme : (+...) dy = dx (y +. : il montre que, dans le cas où À est positif et commen- surable, ily a une infinité d'intégrales allant passer par l'origine. — M. E. Vallier indique comment on peut appliquer sa formule sur la loi des pressions dans les bouches à feu; il donne, à titre d'exemple, une application de sa méthode aux expériences exécutées en Russie par M. Zaboudski sur un canon de 42 lignes. 24 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Le Châtelier a déter- miné la dilatation du fer et de l’acier aux environs des points de changement d'état de ces corps. Au point de recalescence de l'acier, il se produit une diminution, puis une augmentation de dilatation, lesquelles se compensent à peu près exactement dans l'acier normal de 0,9 ./° de carbone. Au point de transformation magnétique du fer, la variation de dilatation, si elle existe, est trop faible pour être mesurable. Enfin, au point de transformation supérieure du fer, la tempé- rature de transformation et le changement des dimen- sions varient sans raisons apparentes. — M. Paul Sacer- dote a établi théoriquement les lois des déformations électriques des diélectriques solides isotropes des con- densateurs. Pour les condensateurs infiniment minces et pour le condensateur plan, la dilatation est la même dans toutes les directions perpendiculaires aux lignes de force et quelles que soient la forme et la grandeur du condensateur; elle est proportionnelle au carré du REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, potentiel. Pour les condensateurs épais, le calcul con- duit à des formules complexes. — M. G. A. Hem- salech a observé le spectre de différents métaux et gaz en photographiantles décharges oscillantes obtenues en intercalaut dans le circuit extérieur d'une bouteille de Leyde une bobine d'induction. Dans ces spectres de décharges oscillantes, les raies de l’air sont lotalement absentes et les raies caractéristiques du métal excessi- vement nettes. Ce faitest dû à l'abaissement de la tem- pérature de l’étincelle dù à la self-induclion ; on voit, en effet, les raies de haute température du métal s’af- faiblir ou disparaitre. — M. Maurice de Thierry a dosé l'anhydride carbonique de l'air aux Grands-Mulels (Mont-Blanc). Comme de Saussure l'avait déjà remarqué, la quantité d'anhydride carbonique diminue très peu avec l’allitude ; 1400 mètres cubes d'air pris à 3050 m. en contiennent 25,9 litres au lieu de 32,1 litres à Mont- souris. —M. À. Recouratermine l'étude des acétates iso- mériques de chrome.lla isolé : 1° l’acétate anormal violet biacide,ouacidechromo-diacétique, répondant à lacons- titution [Cr (C?2H°0?)](C2H'0??, dans lequel deux molé- cules d'acide acétique sont neulralisables par la soude et le chrome non précipitable ; 2° l'acétate anormal vert monoacide ou acide chromomonoacétique vert, répon- dant à la formule brute Gr (C2H30°) + H20, ressemblant beaucoup au même acide violet, dont il est probable- ment un polymère. — M. Georges Lemoine a constaté qu'en introduisant du magnésium dans les solutions de ses sels (chlorure, acétate, sulfate, azotate), il se dégage de l'hydrogène. Il y a là une action de présence qui doit avoir pour origine une décomposition partielle, si faible qu'elle soit, des solutions salines en magnésie et acide libre, acide qui attaque ensuite le métal introduit. — MM. W-R. Lang et A. Rigaut ont étudié la disso- ciation du chlorure de cadmium hexammoniacal Cd CE 6 Az H°, produit, soit par l'action d'un courant prolongé de gaz ammoniac sur le chlorure de cadmium anhydre à la température ordinaire, soit par l'action de l’'ammoniaque liquide sur le même sel à 80°. Le corps obtenu est stable Jusqu'à 62°. A 1009, c'est le corps Cd CE. 2 Az H5 qui est stable; c’est donc entre ces deux températures qu'il faudra préparer les composés Imter- médiaires. — M. Maurice François a étudié la dissocia- tion de l'iodure de mercure-diammonium Hg P.2 Az H. Pendant la première phase de la dissociation, ce corps se décompose en gaz ammoniac et en un composéblanc 3 Hg E.4 Az H°; cette décomposition est caractérisée par une forte tension de dissociation. Pendant la seconde phase, le composé intermédiaire est dissocié à son tour en iodure mercurique Hg P et gaz ammoniac; cette décomposition est caractérisée par une faible tension de dissociation. — M. C. Hugot a fait réagir le sodammonium et le potassammonium sur le sélénium. Lorsque l'ammonium alcalin est en excès, on obtient les séléniures anhydres Na° Se et K?Se ; lorsque le sélénium est en excès, on obtient les corps Na° Se* et K? Se'. — MM. G. Urbain cet A. Debierne ont préparé les acétylacétonates de fer, de manganèse, de cobalt, de chrome et d'aluminium par l’action de l’acétylacétone sur les hydrates des sesquioxydés de ces métaux. Tous ces corps répondent à la formule générale M CH (CO. CH:}°}, et non à une formule double comme on peut le vérifier par la cryoscopie. — M. Balland a constaté que le dosage du gluten à l’état coagulé (par l’action de l'eau bouillante) offre plus de garanties que le dosage à l'état humide qui se fait habituellement. Le gluten se modifie par le vieillissement des farines; il perd la faculté de se rassembler et il est entrainé en plus grande quantité par les lavages. AG 642 ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 39 SCIENCES NATURELLES. — MM. Charrin, Guille- monat et Levaditi ont injecté à des lapins, pendant quelques semaines, des solutions de sels minéraux ou d'acides organiques, puis leur ont inoculé des cultures pyocyaniques. Les lapins ayant recu les acides suc- combent plus vite que les témoins; les lapins ayant recu des sels résistent au contraire plus longtemps. Cette augmentation de résistance tient à une modifica- tion de l'économie due à l'influence des sels. Le sang est devenu moins favorable à l'évolution des bacilles ; la moelle osseuse a beaucoup proliféré. — M. Ch. Bou- chard, à propos de la commuuication précédente, montre que certaines substances minérales inertes peuvent, au même titre que l'injection de toxines bac- tériennes, provoquer un certain état d'immunité de l'organisme contre les infections. Ces substances agissent en modifiant l’activité nutritive des cellules, et par cela la composition des humeurs, qui peuvent devenir un milieu de culture plus nuisible aux microbes. — M. A. Chauveau décrit les expériences qui lui ont per- mis d'établir définitivement que le travail positif prend de la chaleur aux moteurs animés qui l’exécutent, et que le travail négatif leur en donne. La chaleur prise ou rendue est équivalente au travail mécanique pro- duit ou détruit — M. A. Kowalevsky a éludié le phé- nomène de limprégnation hypodermique dans la copulation chez l'Hæmentaria costata de Muller. Les spermatozoïdes pénètrent dans le cœlome; là, ils sont en plus ou moins grande partie absorbés et digérés par les organes phagocytaires où capsules néphri- diennes; les autres se rendent dans la matrice et pénètrent dans les ovaires. Séance du T Août 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Appel indique une forme simple d'équations, analogue à celle de Lagrange, et s'appliquant aux mouvements de corps solides, assujettis, nar certaines liaisons, à rouler et à pivoter les uns sur les autres. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Le Châtelier a con- tinué ses déterminations de la dilatation des fers et aciers. Ils ont des coefficients de dilatation seusible- ment identiques, voisins de 0,000011 à la température ordinaire et croissant régulièremeut jusque vers 738° (température de transformation), où le coefficient est voisin de 0,000017. Au-dessus des (températures de transformation, la dilatation des aciers varie très rapi- ment avec leur teneur en carbone. — M. Emile Vigou- roux est arrivé à préparer le chlorure de silicium au moyen d'un mélange de silice et d'aluminium. Cette préparation se fait en deux temps : 4° réduction, au rouge, de la silice par l'aluminium et épuisement par les acides de la poudre obtenue; 2° attaque par le chlore du résidu abandonné par les acides. — M. E. Ru- binovitch a fait réagir le phosphure d'hydrogène sur l’'oxyde, l'hydrate et le carbonate de cuivre; dans tous les cas, la réaction est très vive. Il se forme de l'acide phosphorique et un phosphure de cuivre P?Cu° gris noir, amorphe, très soluble daus l'acide azotique et l’eau bromée. Il réduit le permanganale de potassium. — M. M. Bérthelot a procédé à un certain nombre de déterminations thermochimiques sur l'acide cholalique, l’amygdaline, la conicine et l'éthylènediamine. Ce der- nier corps est très important, car c'est le type le plus simple des alcaloïdes polyazotés bivalents. La chaleur de formation de son hydrale, à partir de la base anhydre, est comparable à celle de l’hydrate d'ammo- nium à partir de l'aramoniaque. La chaleur de formation de son dichlorhydrate à partir de l'acide et de la base, ainsi que sa chaleur moyenne de neutralisation, est plus faible que celle qui correspond au chlorhydrate d'ammonium, MM. M. Berthelot et M. Delépine ont étudié l’azotate d'argent ammoniacal et le consi- dèrent comme le dérivé d'un alcali complexe, l'oxyde d'argentammonium. AzH° (AZHAg) à à AzH° (AzH°Ag) Celui-ci peut être préparé à l'état dissous et sa neutralisation par les acides montre que c’est un alcali de force comparable à celle des alcalis minéraux les plus énergiques. — MM. Em. Bourquelot et H. Hé- rissey ont constaté que la phénylhydrazine peut servir à doser le mannose (par suite de la formation d’une hydrazone insoluble à froid) sans que la présence d'autres sucres modilie sensiblement les résultats. Ceux-ci seront suffisamment préeis si l'on opère à une température aussi basse que possible et sur des solu- tions renfermant de 3 à 6 °/, de mannose. — M. Gabriel Bertrand a constaté que la dioxyacétone peut exister" sous deux formes, douées de propriétés différentes, et correspondant à des états d'agrégalion moléculaire différents. La première forme, amorphe, composée de molécules simples, est extrèmement soluble dans l’al- cool, l'éther et l’acélone, et présente des phénomènes de sursaturation et de surfusion remarquables. La seconde forme, cristallisée, correspond à une formule double et estcomplètement insoluble à froid; l'influence de la chaleur la transforme en molécules simples. — M. J.-V. Laborde a étudié les causes des variations de la quantité de glycérine produite pendant la fer- mentation alcoolique du sucre. La production de glycé-= rine parait être en raison inverse de l’activité de la levure; elle augmente avec la concentration du sucre et l'acidité naturelle. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Ed. Heckel a étudié la structure anatomique des tiges des Vauilles aphylles, (V. Phalænopsis, V. aphylla, V. planifolia). Il a constaté l'existence de canaux sécréteurs particuliers, laissant couler un pseudolatex blanc ou incolore, formé de raphides et de mucilage. — M. Henri Jumelle décrit les caractères d’une liane à caoutchouc de Madagascar, le piralahy. I en fait une espèce nouvelle, le Landolphiaw Perieri. Le caoutchouc qu'il fournit est excellent; il ne contient qu'une infime proportion de résine. — MM. W. Kilian et E. Haug ont exploré le bord. extrême du Briançonnais. Contrairement à l'hypothèse de M. Termier, qui fait du flysch de cette région une zone absolument indépendante et en place, les auteurs ont constaté que le facies brianconnais se retrouve au cœur même du flysch, et qu'au point de vue tectonique, la solidarité de la zone du flysch et des plis du Brian- connais est non moins évidente. — M. Jean Brunhes a observé les marmites des ilots granitiques de la cata- racte du Nil à Assouan. Ses observations confirment l'opinion que les deux types principaux des marmites observés jusqu'à présent, les marmites à fond concaye etles marmites à fond conique avec dépression annu= laire, représentent un même type à deux moments de la formalion. Très peu de ces marmites contiennent des galets; la plupart renferment du sable fin, c'est avec ce sable seul que les tourbillons ont creusé le granit: Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 25 Juillet 1899. L'Académie émet un avis favorable à la vente du sérum antipesteux fabriqué par l’Institut Pasteur de Paris. — M. Potain présente l'observation d'un paludique qui, pendant la durée de la fièvre intermittente, présente une ampliation manifeste de la crosse aortique. Il conclut à l'existence d’une aortite aiguë transiloire d'origine paludéenne. — MM. Paul Berger el F. Bezançon citent trois observations de tuberculose ganglionnaire à forme pseudo-lymphadénique (lymphome tuberculeux). C'est une affection localisée essentiellement à un ganglion ou à un groupe de ganglions, à évolution excessivement lente,avec accroissement graduel et parfois considérable des ganglions malades. L'examen histologique est le seul moyen certain d'établir le diagnostic entre le lym= phadénome et la tuberculose ganglionnaire. L'extirpaz lion de la tumeur doit être considérée comme le traite= ment de choix dans la majorité des cas. — M. Pierre Budin indique le résultat obtenu par la consultation de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES nourrissons qu'il à organisée à la Clinique Tarnier et par les services analogues qui existent à Paris et en province. A la Clinique Tarnier, on reçoit chaque se- maine les enfants des femmes accouchtes dans le ser- vice et qui sont élevés à domicile, Ils sont examinés et pesés. On encourage le plus possible l'allaitement au sein par la mère; lorsque celui-ci est insuffisant ou im- possible, la mère recoit une quantité variable de lait stérilisé. Le taux de la mortalité des nourrissons ainsi examinés est lrès faible. — M. Cornil signale deux observations de tumeurs du tissu cellulaire sous-cutané et des bourses séreuses chez deux jeunes filles; ces tu- meurs renferment des corpuscules particuliers et sem- blent être d'origine coccidienne. — M. Vidal a constaté la fréquence des manifestations herpétiques dans la grippe-influenza. — M. Delore établit que la môle vési- culaire est due à un enchondrome du placenta. — M. le D' Menière lit un travail sur une stalistique de 3.710 opérations de tumeurs adénoïdes du pharynx nasal. — M. le D' Bazy donne lecture d'un mémoire sur trois calculs extraits par la néphrolithotomie. — M. le D° Torkomian lit un mémoire sur un médecin arménien du xu° siècle, Mékhilar de Her, et son Traité des Fièvres. — M. le D' Bovet donne lecture d'un tra- vail sur les nucléosels. — M. le D' Darier lit une note sur un moyen de rendre indolores les injections sous- conjonctivales et sous-cutauées de cyanure de mercure. —— M. le Dr Delarue donne lecture d'un traviul sur un nouveau crachoir. — MM. Champetier de Ribes et Var- nier communiquent un mémoire sur l'anatomie de l'insertion vicieuse du placenta. — M. le D. Bouffe lil un travail sur le traitement du psoriasis par les injec- tions d’orchitine. L'Académie entre en vacances jusqu’au 19 septembre. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 22 Juillet 1899. MM. Ettlinger et Nageotte décrivent une dégéné- rescence descendante particulière des cordons posté- rieurs au renflement lombo-sacré qu'ils ont observée dans deux cas de lésions transverses de la moelle. — M. Pitres a mesuré, au moyen du manomètre, la pression du liquide abdominal dans l’ascite. Elle n'est Jamais très élevée; elle augmente pendant l'inspiration et diminue pendant l'expiration. — M. Féré a reconnu que le bromure n'entrave pas le développement de l'embryon des jeunes poulets; il en est de même dans la grossesse. M. Bouchard pense que cela tient au faible développement du système nerveux chez l’em- bryon. — M. M. Letulle montre, sur des coupes, le dé- veloppement du muguet dans les couches du derme et de l’épiderme. Le même auteur a pris les tracés d'un malade présentant le type respiratoire de Cheyne- Stokes. — M. Bourquelot a trouvé du galaciose et du mannose dans l’albumen de la graine de caroubier. — M. Auscher a étudié l’action des liquides du kyste de l'ovaire; ils déterminent une sclérose du côté des reins. — M. Haushalter envoie un travail sur les modifica- tions de la moelle osseuse chez l'enfant. Séance du 29 Juillet 1899. M. le Président annonce le décès de M. Balbiani, membre de la Société. — MM. Roger et Josué ont étu- dié la moelle osseuse chez le cobaye; elle est remar- quable par sa coloration rouge et sa consistance molle; elle contient beaucoup de cellules et peu d'éléments graisseux. — M. Dominici a injecté le bacille d'Eberth dans les ganglions rétro-auriculaires du lapin et à ob- servé des modifications analogues à celles de la septi- cémie. — Le même auteur a trouvé, dans l'épiploon de fœtus nés avant terme, des ilôts périvasculaires consti- tués par des agglomérations d'hématies nucléées. — MM. Mongour et Gentes montrent que la glycosurie alimentaire positive, dosable, suppose un rein perméa- ble; si l'épreuve de la glycosurie est négative, il est in- dispensable, pour interpréter le résultat obtenu, d'éli- miner le facteur perméabilité rénale par les deux épreuves de la phloridzine et du bleu de méthylène. — MM. Charrin, Guillemonat el Levaditi onl mis en lumière l'influence du terrain dans l'infection, én in- jectant d'abord à des lapins des sels minéraux ou des acides organiques, puis en leur inoculant une culture pyocyanique.Les premiers résistent plus longtemps que les témoins; les seconds, au contraire, succombent plus vite. — MM. Hulot et F. Ramond ont pratiqué l'injection lente et continue de tuberculine pendant six mois à des lapins adultes. Elle produit d'abord une hypergenèse des éléments figurés du sang, suivie bien- tôt d'une anémie prononcée. — MM. Oulmont et F. Ramond signalent un cas de leucémie aiguë, ayant débuté par une angine érythémateuse, suivie d'une hypertrophie des ganglions cervicaux, puis de tous les ganglions. À l'autopsie, on trouva une infiltration em- bryonvaire diffuse des appareils lymphatiques. — MM. A. Gilbert et M. Garnier ont observé, dans trois cas d’anémie pernicieuse, une hépatomégalie particu- lière. Elle peut être soit de nature compensatrice (peur réparer la perte de plasma sanguin), soit le résultat d'une adaptation au milieu sanguin anémique (comme il y a hyperglobulie par adaptation à la raréfaction de l'air). — M. S. Arloing a constaté que le sérum agglu- tinant n'a pas d'action bactériolytique ou bactéricide sur le bacille de Koch. — M. Nageotte a observé, dans la pie-mère spinale de certains tabétiques, un réseau de fibres à myéline de nouvelle formation. Ces fibres proviennent de la régénération de quelques fibres des racines antérieures préalablement lésées. — M. Trénel a étudié, chez deux sœurs, une maladie nerveuse in- termédiaire entre les paralysies spasmodiques familiales et les folies périodiques et démences familiales. — MM. Toulouse et Vaschide ont étudié l’olfaction dans l'épilepsie par la méthode de l’eau camphrée. L'accès convulsif est précédé d’une hyperesthésie olfactive; pendant la crise, l’olfaction est abolie; ensuite elle est diminuée pour redevenirnormaleaprès quelques heures. La Société procède à l'élection d'un Secrétaire géné- ral. — M. E. Gley est élu. — Ensuite, M. P. Marie est élu membre titulaire. — Puis la Société entre en va- cances jusqu'en octobre. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 7 Juillet 1899. M. le Président annonce à la Société la perte qu'elle vient de faire en la personne de M. Roger. — M. Da- niel Berthelot rappelle que, lors du mélange de deux gaz, il se produit en général une faible augmentation de pression Ap. Il a cherché à calculer Ap en imaginant une suite d'opérations telle que la diffusion se fasse à l'état gazeux parfait. Il est nécessaire pour cela de counaitre, en plus de la compressibilité des deux gaz séparés, celle du mélange. Cette donnée faisant défaut jusqu'ici, M. Berthelot a exécuté une série d'expériences en colla- boration avec M. Sacerdote pour obtenir des coeffi- cients d'écart, de divers mélanges, à la loi de Mariotte, et trouvé que les valeurs de Ap que l’on en déduit pré- sentent un accord satisfaisant avec celles que donue l'expérience directe : Ap observé. Ap calculé. SO? + CO? . {um 36 1mm 52 240? ..... Omm9 Om {7 LAZ ONE (0 mm 01 L'auteur a cherché à aller plus loin et à calculer la compressibilité du mélange et, par suite, l'augmenta- tion de pression Ap d’après les compressibilités des gaz séparés. Il admet que la compressibilité d'un mélange de # molécules d'un premier gaz avec 1 —x molécules d'un second gaz est représentée par la formule de van der Waals; que le covolume B du mélange est égal à la moyenne des covolumes b et b' des constituants : B = bx + b'A— x), 644 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES et que l'attraction spécifique moléculaire s’oblient en écrivant que, si l'attraction réciproque de deux molé- cules du premier gaz est proportionnelle à a, celle de deux molécules du second à a’, l'attraction d'une molé- : cule du premier gaz sur une molécule du second est proportionnelle à Vaa', en sorte que : A — aa? + 2Vaax (1 — x) + a! (1 — x}. Il arrive ainsi, pour les coefficients d'écart à la loi de Mariotte A£, entre 1 et 2 atmosphères, à des valeurs voi- sines de celles qu'il a observées directement: ! observé. A! calculé. CO* + SO? . 143 X 10—6 149 X 10 —6 H+0. —92X 10-56 0 X10—56 4£Az+LO. 5 X 10 —6 5 X 10—56 De même, les valeurs de Ap calculées concordent en général à 0m,2 près avec celles qu'ont obtenues MM. Braun, Leduc, Sacerdote et l’auteur : Ap observé. Ap calculé. SO? + H2. . 3mm 9 gum 7 SO COM {um 4 Amm,f CO? + AZ0. . Omm 1 mm, 0 CO? + HE. jm 0 omm,9 CO? + air 0nm,35 QG REAOUME omm 2 Omm 05 4Az+0O . um () omm 0 M. H. Deslandres est allé représenter la Société francaise de Physique aux fêtes données, à Cambridge, en l'honneur du Jubilé du Professeur Stokes, auquel il a remis en mains propres l'adresse de félicitations rédigée par M. le Secrétaire général. Il à assisté à une conférence faite à la Royal Institution, par M. Dewar, dont il a visité le laboratoire. L'emploi de la détente, inauguré par M. Cailletet, a permis de liquéfier, à l'ex- cepuon de l'hydrogène, les gaz autrefois réputés per- manents. Ces gaz ont été réduits à l’état de liquides slatiques par Wrobblewski et Olszewski, et les appareils récents de Linde et de Hampson permettent d'obtenir ces liquides en grande quantité. Olszewski a liquéfié l'hydrogène dans un appareil clos; le Professeur Dewar a réussi, le premier, à obtenir l'hydrogène liquide per- sistant dans un vase ouvert. Dans la conférence à la- quelle assistait M. Deslandres, on a produit 200 centi- mètres cubes de liquide. Une des grandes difficultés de la liquéfaction est la nécessité de préparer un gaz d’une pureté absolue; l'air qui subsiste se solidifie dans la détente et obstrue les serpentins. L'air atmosphérique se précipite en neige sur l'hydrogène liquide; il se condense également dans un tube barométrique qu'on plonge dans le liquide et on obtient ainsi un vide ins- tantané. La détermination des températures atteintes par l'ébullition de l'hydrogène sous pression réduite est très dilficile, à cause de la présence de l'air solide et aussi parce que l'évaporation est extrèmement ra- pide; les divers appareils employés : pile thermo-élec- trique, résistance de platine ou de maillechort, ont douné des résultats différents; pourtant il semble pro- bable que la loi de variation de la résistance du platine pur en fonction de la température subisse, à ces tem- pératures très basses, une modification profonde. La liquéfaction de l'hydrogène est le résultat de deux ans de travaux poursuivis dans un laboratoire où tous les efforts tendaient à ce seul but; l'abaissement relatif de température absolue qu'il fallait obtenir pour liquéfier l'hydrogène, en partant de la température de l'air liquide, était le même que pour liquéfier l'air en par- tant de la température de liquéfaction du chlore sous la pression atmosphérique. — M. J. Cauro commu- nique ses expériences sur la mesure de l'intensité des ondes sonores. La source sonore est constituée par la caisse de résonance d’un diapason de M. Mercadier à entretien électrique, sur lequel est collé un petit mi- roir ; par la réflexion d'un faisceau lumineux, on peut vérifier à chaque instant que l'amplitude du son n'a pas varié, et la retrouver assez longtemps après. La comparaison des amplitudes des ondes sonores se fait par l'observation directe au moyen du microscope, en employant la méthode stroboscopique. Une membrane en baudruche caoutchoutée, très légèrement tendue, est placée sur un petit tambour : au centre est collé un petit disque de verre très léger, et, perpendicu= lairement à celui-ci, un fil de verre rigide, portant à son extrémité une feuille d'aluminium mince percée d'un trou que l'on observe avec un bon microscope muni d'un micromètre oculaire. On stroboscope en éclairant par un faisceau qui est interrompu par un disque percé de trous. Au moment où la stroboscopie du diapason de la source sonore est atteinte, celle de l'image observée dans le microscope se produit aussi, et cetle image reste au point constamment lorsque l'appareil est réglé, ce qui indique que le mouvement. du style est une translation suivant sa propre direc- tion et représente en vraie grandeur le mouvement du centre de la membrane. En enlevant l'oculaire du microscope et en faisant réfléchir le faisceau émer- gent sur le miroir porté par le diapason de la source de facon que les deux mouvements soient perpendicu= laires, on obtient sur un écran les courbes de Lissa- jous; on trouve toujours la forme caractéristique de l'unisson. La membrane suit done bien fidèlement le mouvement de l'onde sonore qui vient la frapper et permet de le mesurer. — M.J. Cauro, pour mesurer la vibration des plaques téléphoniques, a eu recours au phénomène des anneaux colorés et à la stroboscopie. Sur la plaque du téléphone on colle un petit disque de verre très mince, travaillé optiquement avec grand soin, eton forme (en lumière monochromatique) les anneaux, avec un plan de verre placé devant, à une distance dem 2 millimètres environ, ce qui supprime les effets dus à" la viscosité de l'air et à l'attraction des deux plaques. On envoie dans l'appareil le courant téléphonique; les anneaux se brouillent; on leur rend leur netteté en stroboscopant. On les voit alors se mouvoir lentement. Au moyen d'un quadrillage formé sur la lame de verre qui est en avant, on peut mesurer le déplacement. Celui-ci a toujours été une fraction de frange dans les cas des sons les plus forts transmissibles sans crache- ments. Le phénomène est trop petit pour qu'on puisse étudier comment il dépend des divers éléments : inten= sité du courant, hauteur du son, etc. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 26 Mai 1899. M. Auger à étudié ce qu'on a nommé les résines benzylènes, dont le type est (CSH5.CH=)". Il a cons taté par la cryoscopie que les résines obtenues avec C'H5,CHCI et CSH.CH°OH avaient un poids moléculaire très élevé : environ 16 à 18 molécules. Toutes ces résines, soumises à l’action de chlorure d'aluminium en présence de benzène, fournissent du diphénylmé- thane. Tous les alcools primaires aromatiques fournis- sent des résines analogues par déshydratation sulfu- rique; il en est de même des alcools secondaires. Les alcools tertiaires ne réagissent pas. — M. Wyrouboff, en son nom et en-celui de M. Verneuil, communique le résultat de leurs études sur les oxydes du groupe du cérium. La Revue en a donné un résumé dans sou numéro du 16 juillet (page 494). Séance du 9 Juin 1899. M. Léger a repris l'étude des diverses aloïnes ; ila coustaté que, si l’on fait abstraction de la nataloïne,s les aloès ne renferment que deux aloïnes; la barba= loïine C!*H*507 et un corps nouveau qu'il désigne sous le nom d’isobarbaloïne. Il à préparé quelques dérivés de ces deux aloïnes. Il a reconnu, en outre, que l’aloès de Natal renferme, outre la nataloïine C'‘H{#07, un homologue inférieur de ce corps : l’homonataloïne C'5H607, — M. Blaise, en son nom et en celui de M. Blanc, communique le résultat de leurs recherches sur l’amine isolauronolique et homocampholénique. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Séance du 23 Juin 1899, M. Job communique les résultats qu'il a oblenus en étudiant les solutions des sels de cérium dans le car- bonate de potassium, Il a séparé un carbonate double de potassium et de peroxyde de cérium dont la for- mule analytique est : 3Ce0?.3C0?.4C0°K2.12H20. M. H. Moissan, après avoir rappelé les expériences “de M. Dewar sur ce sujet, présente une note de M. Do- remus sur la combustion du diamant, chauffé au préa- lable, dans l'oxygène et dans le protoxyde d'azote liquides. — M. Auger a obtenu, avec les acides bromo- propionique, bromobutyrique, bromo-isoralérique et “hromoheptylique, les nitroéthanes correspondants. Il a constaté que lorsque, dans l’acide bromé, le brome est relié à un carbone tertiaire, il se forme un pseudo- “ritrol ; ainsi, l'acide isobutyrique bromé et l'acide valé- rique actif bromé ont fourni les deux pseudonitrols “correspondants. — M. Marquis étudie le benzoylfur- —urane, qu'il a préparé par l'action du chlorure de —pyromucyle sur le benzène en présence du chlorure “d'aluminium liquide, Eb. 135° sous 43 mm., d—1,183 “à 49. L'oxime fond à 1370. — La réduction de cette “oxime donne une base liquide, Eb. 144%-145° sous “7 mm. L'action de l'anhydride acétique sur l'oxime “donne deux dérivés acétylés, f. à 67-699 et 1090, L'étude le ces différents corps est continuée. — M. Pouret à étudié la cryoscopie des beurres et des margarines; il “a trouvé un poids moléculaire à peu près constant, qui est pour les beurres de 640 et pour les margarines de “810. L'auteur pense qu'en présence d'une telle diffé- rence, la cryoscopie peut donner des indications pré- cieuses sur la nature d’un beurre. — M.Labbé a repris les expériences faites par M. Tiemann sur les précipi- lalions comparées, en solution bisulfitique, des deux aldéhydes citral et citronnellal, par une liqueur bary- tique. La quantité de citral précipité est, après 2 mi- -nutes, de 18 °/, environ du poids total. Au bout du même Lemps, 85-86 °/, du citronnellal sont précipités. Les quantités de citral précipitées, d'après M. Tiemann, lorsque sa solution sultitique provient d’une extraction directe de l'essence de lemon-grass, sont, du reste, du même ordre de grandeur que celles qui avaient été indiquées par M. Labbé. Dans ce dernier cas, le citral régénéré du précipité bisulfitique barytique ne fournit pas un acide citryl-B-naphtocinchoninique à point de fusion net. — M. Labbé, à propos du récent mémoire de M. Tiemann (Ber., 32, p. 825), dit qu'il a aussi observé la présence, dans le citronnellal commercial, d'un alcool cyclique secondaire. Poursuivant ses recher- ches sur l'origine de cet alcool, il ne l'a pas isolé des essences naturelles fraîches. Mais en prenant du citron- nellal pur, bouillant à 112°, 5-114°,5 sous 24 mm.,ila conslaté qu'il se transformait, sous l'influence du temps, et en proportion très notable, en un dérivé alcoolique bouillant à 205-207 sous la pression ordi- aire. L'oxydation de ce produit par le mélange chro- Mmique fournit une cétone dont la semi-carbazone fond à 1(M-1720, L'alcool secondaire qui se forme dans ces conditions est donc de l’isopulégol. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES PHYSIQUES. J-\. Harker et P. Chappuis : Comparaison des thermomètres à fil de platine et des thermo- mètres à gaz. — On sait qu'en 1886 le Professeur Calendar à fait connaître une nouvelle méthode de mesure des températures, basée sur la détermination de la résistance électrique d’un fil de platine. Cette méthode est générale et peut donner des résultats constants et exacts pour une longue échelle de tem- pératures. Si R est la résistance de la spirale de platine d’un thermomètre à 0°, et R, sa résistance à 100°, on peut 645 établir, pour ce fil particulier, une échelle de tem- pératures, appelée échelle des températures du platine, et telle que si R est la résistance à une température quelconque T, cette température sur l'échelle du pla- tine sera X 1000, Cetle quantité est désignée Re par le symbole pt; sa valeur dépend de l'échantillon de platine choisi. Pour ramener à l'échelle ordinaire les indications d'un thermomètre à fil de platine, il est nécessaire de connaitre la loi qui relie T et p{. Ces quantités sont, il est vrai, égales à 0° et à 100°, mais la courbe qui exprime leurs relations entre ces températures extrêmes doit être déterminée par l'expérience. Callendar a établi, pour un fil particulier, la rela- tion : SC NN PUEUT a=T—pt | (55) | qui se vérifie de 0° à 600°, T étant mesuré au thermo- mètre à air à pression conslante. D’autres expériences de Callendar et Griffiths ont montré que cette expression se vérifie pour tous les fils de platine suffisamment purs. Ils ont proposé de dé- terminer la valeur de la constante à en prenant la résistance des thermomètres dans la vapeur du soufre. Cette température a été déterminée soigneusement avec le thermomètre à air, sous la pression de 760 mil- limètres; elle est de 444053. En 1897, le Comité de l'Observatoire de Kew se pro- posa de comparer les thermomètres de platine qu'il utilisait avec les thermomètres étalons du Bureau in- ternational des Poids et Mesures. Ces comparaisons se divisent en plusieurs groupes. Dans une première série, les thermomètres à fil de platine furent comparés avec les premiers thermomè- tres-étalons à mercure entre — 230 et + 80°. Au-dessus de 80°, les thermomètres à mercure furent remplacés par des thermomètres à gaz; la comparaison fut faite entre 80° et 200° degrés dans un bain d'huile en agita- tion. Au-dessus de 200°, on substitua au bain d'huile un bain de nitrates de potasse et de soude, qui permit de pousser la comparaison jusqu'à 460° pour deux ther- momètres et 590° pour un troisième. Au moyen des thermomètres de platine, les auteurs ont fait une nouvelle détermination du point d'ébulli- tion du soufre à l'échelle de l'azote. La moyenne des observations a été de 445°,27, valeur qui diffère seule- ment de 09,7 de celle trouvée par Callendar et Griffiths à l'échelle du thermomètre à air. En adoptant la formule parabolique pour la réduc- tion des températures de l'échelle de platine, et en prenant pour à la valeur qui se déduit de la nouvelle détermination du point d'ébullition du soufre, on trouve qu'au-dessous de 100° les différences entre les valeurs du thermomètre à fil de platine et de celui à azote sont excessivement faibles, et que, même aux hautes températures, elles ne dépassent pas quelques centièmes de degré. R. T. Günther et J. J. Manley : Les eaux du lac salé d’'Urmiah. — En juin 1897, l’un des auteurs fut chargé, par la Société Royale, d'aller étudier la faune et la flore du grand lac salé d'Urmiah. Les chan- gements extraordinaires que le niveau des eaux de ce lac a éprouvés et éprouve encore aujourd'hui, avaient montré le grand intérêt d’un examen périodique de la nature de ses eaux. D'autre part, si, comme l'ont prouvé Schmankewitsch, Morgan, Loeb, Vernon, tout chan- gement de salinité des eaux d’un lac est accompagné d’une variation rapide et correspondante de la struc- Lure anatomique des représentants de sa faune halo- phile, là encore la détermination des changements de la composition a une grande importance. Le lac Urmiah a une superficie d'e plus de 2.000 kilo- mètres carrés; pour une aussi grande surface, sa pro- fondeur est très faible : les sondages les plus profonds n'ont pas excédé 12 mètres, et la profondeur moyenne 646 est probablement de 6 mètres seulement. La tempéra- ture d’un volume d’eau si étendu etsi mince doit varier considérablement avec les saisons. Au mois de juillet, elle variait de 2598 à 2708 C. à la surface, et elle était de 25° à 72,5 de profondeur. Deux bouteilles d'eau du lac ont été apportées en Europe pour être soumises à un examen détaillé. Les deux échantillons (A et B) ont été recueillis, le 16 sep- tembre 1898, aux pieds du Bezau Daghi, sur la côte ouest du lac. Examen physique. — La densité des deux échantillons a été déterminée par la méthode de Sprengel; elle a donné les résultats suivants : A B Densité à 150 C. 1,11338 1,11389 Densité à 093 C. 1,11891 1,11945 Différence 0,00553 0,00556 Les indices de réfraction ont été mesurés au moyen d'un prisme de quartz et d’un spectromètre, à une tem- pérature de 1292 C. A B LR ES GATO 1,36122 Enfin, les points d'ébullition des deux échantillons ont été déterminés avec des précautions spéciales pour éviter la concentration pendant l'ébullition : Point d’ébullition sous la A B pression normale . 103084 C. 104088 C. Les résultats concordent bien pour les deux échan- tillons; tout au plus peut-on admettre que l'échantillon B s’est un peu plus concentré que A pendant le voyage. Analyse chimique. — Elle a été faite par la méthode de Dittmar. Le calcium a été précipité à l’état d'oxalate, filtré, lavé et pesé à l'état d'oxyde. La magnésie a été précipitée par le phosphate de soude. La potasse a été précipitée du mélange des sulfates par le chlorure de platine. Enfin, la soude a été évaluée par différence entre le poids total des sulfates et le poids des sulfates des autres métaux. Voici la quantité de composés mi- néraux existant dans 100 grammes d’eau : A B Ca0. 0,0603 0,0706 Mg. 0,6265 0,6266 K°0. 0,1394 0,1402 Na°0 6,188 6,814 Re 8,496 8,536 SO 0,6205 0,6312 16,7307 16,8186 A déduire l'oxygène équiva- lent au chlore. 1,9167 1,928 Sels totaux dans 100 gr. d'eau. 14,814 14,893 On déduit de là la composition approximative sui- vante de 100 parties de sels : A B > AT Dares 5 NaCI. . 86,332 86,203 86,203 MgCE .. . 6,661 6,816 6,816 MgeSO. , . . . 4211 1,150 3.915 CasO! . 0,988 1,151 A 151 K°S0" . 17 1,741 4,741 99,933 100,061 99,826 La composition Ba a été obtenue en calculant Mg SO: d’après l'acide sulfurique restant, et Bb d’après le magnésium restant. Aucune trace d'acide carbonique combiné n'a été trouvée dans l’eau du lac Urmiah, malgré la présence de roches et de galets calcaires sur ses rives; il est vrai qu'il n'existe pas de base libre à laquelle il puisse se combiner ; par contre, on y a reconnu des traces d'acide carbonique dissous : B A CO? en solution °/,. 0,028 0,017 Ni l'iode, ni le brome n'ont pu être décelés dans la faible quantité d’eau analysée; le spectroscope a mon- tré l'existence d’une trace de baryum. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Frank Clowes : Sur le dépôt de sulfate de baryum comme ciment des grès. — Il y a quelques années, l’auteur découvrait un grès particulier, très répandu à Bramcote et à Stapleford, dans les environs de Nottingham. Ce grès était remarquable par sa forte densité; l'analyse chimique, aidée de l'examen micros- copique, prouva que ce poids spécifique élevé provenait de la présence, dans le grès, d'une assez grande propor- tion de sulfate de baryum bien cristallisé. La proportion de ce corps variait de 33,3 à 50,1 °/,, et c'était là évi- demment le ciment qui servait à lier les grains de sable. A l’examen minéralogique de morceaux brisés, on trouva que les petites écailles de clivage présentaient les caractères optiques du sulfate de baryum eristallisé. Ce sulfate de baryum se trouve distribué en masses M cristallines irrégulières, qui entourent les grains de sable. Dans certaines parties de la roche, le sulfate se présente en veines réticulées, englobant de petites masses de grains de sable plus ou moins liés; dans d'autres parties, le sulfate forme des masses sphé- riques ou ovales, entre lesquelles du sable libre est répandu; plus rarement le sulfate est uniformément distribué, L'apparence présentée par les parties de la roche ex- posées à l'air varie suivant le mode de distribution du sulfate de baryum. Quand il est uniformément réparti, il constitue une protection presque complète contre les intempéries; la disposition réticulée produit une sur- face rongée et sillonnée, de laquelle dépassent seule- ment les veines de sulfate; enfin, lorsque le sulfate se présente en masses ovales ou sphériques, celles-ci res- sortent sous forme de cailloux aussitôt que le sable qui les séparait a été enlevé par les agents atmosphé- riques. M. Bedson a observé que le chlorure de baryum se trouvait présent, dans la proportion de 137,2 parties sur 100.000 dans les eaux des houillères du Durham, et que le sulfate ferreux et l'acide sulfurique, provenant des pyrites de fer qui se trouvent dansleslits de charbon, provoquaient fréquemment la précipitation du baryum de ces eaux sous forme de sulfate. M. F. Clowes émit l'hypothèse que le sulfate de chaux présent dans les eaux du district de Nottingham produirait de la même facon le dépôt de sulfate de baryum dans les eaux char- gées de chlorure de baryum. Mais l'existence du baryum n'avait pu être mise en évidence à Nottingham. Or, au commencement de cette année, M. J. White, en forant un puits artésien à Hkeston (village voisin des gisements de grès de Bramcote et de Stapleford), a trouvé, dans les eaux jaillissantes, du chlorure de ba- ryum dans la proportion de 40,7 parties pour 100.000. Comme cette substance semble être un constituant nor- mal de l’eau, on peut raisonnablement supposer que “ des sels solubles de baryum se trouvent dans tout le district, et qu'ils ont été l'origine des dépôts de sulfate de baryum dans les couches de sable originelles. Depuis lors, l’auteur à examiné un grand nombre de grès provenant des mêmes couches que ceux de Bram- cote afin de déterminer si la présence du baryum était la caractéristique de tous les grès de cette époque géo- logique. Le résultat a été négatif. Il faut donc admettre que l'existence du sulfate de baryum dans les grès de Bramcote et de Stapleford est due à l’action de causes M purement locales. Ces causes locales peuvent, d’ailleurs, se retrouver dans d’autres endroits. C’est ainsi que MM. J. Lomas et C. C. More ont reconnu que le sullate de baryum cris- tallisé existait dans les grès triasiques de Prenton et de idston, en proportions variant de 12,4 à 33,8 /,. Le sulfate est incolore et bien cristallisé; il adhère si bien aux grains de sable qu'il a dà être déposé in situ aussi- tôt après. 29 SCIENCES NATURELLES. F. O0, Bower : Etudes sur la Morphologie des plantes sporifères. IV. Les Fougères leptosporan- gées. — Les caractères employés pour les classifica- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 6 tions courantes des Fougères ont besoin d'être renfor- cés. En ces dernières années, la connaissance plus détaillée du prothalle a été utilisée dans ce but, mais Pauteur considère le développement végétatif du pro- thalle comme un guide incertain pour une classification générale. D'autre part, l'archégone est si uniforme qu'il mapporte que peu de secours, et la comparaison des anthéridies n’est pas suffisante pour le détail. L'auteur, dans son mémoire, a cherché à renforcer les caractères tirés de l'étude des sores, et il a employé, pour sa clas- …sification, certains d'entre eux qui avaient jusqu'à présent été méconnus; ce sont : 4° l’époque relative “d'apparition des sporanges dans la même sore; 2° cer- lains détails de structure du sporange, y compris son édoncule; 3° l'orientation des sporanges relativement à la sore entière ; 4° Ja productivité potentielle du spo- “range déduite de ses cellules sporifères el de sa pro- duclion de spores. L'observation de ces caractères chez la plupart des muenres vivants a conduit l’auteur à diviser ainsi les Fougères homosporées : Marattiacées. Eusporangiées. s Osmundacées . Simplices. Schizæacées. ne 3 Gleicheniacées Matoninées . : Hyménophyllacées Leptosporangées. Cyathéacées. . . . Dicksoniées . | Dennstedtiinées . . . . Mixtes . Toutes les Polypodiacées Ces divisions sont basées d’abord sur l'ordre d’appa- rilion des sporanges dans la sore, les Simplices ayant tous les sporanges formés simultanément, les Gradées les ayant disposés en succession basipétale, et les … Mixtes ayant des sporanges de différents âges mélés. …— D'autres caractères importants sont parallèles à ces derniers : les Simplices et les Gradées ont un anueau oblique, les Mixtes un anneau vertical. Aucune de ces dernières ne produit plus de soixante-quatre spores - par sporange, landis que les Gradées en ont beaucoup plus et que les Simplices en ont une très grande quan- lité. Les Simplices et les Gradées ont des tiges relalive- ment courtes et épaisses, les Mixtes des tiges longues - et minces. L'orientation des sporanges dans les Sim- plices et les Gradées est généralement définie; chez les Mixtes, elle est indéfinie. La somme de ces caractères … paraît donner uue base substantielle à la classification. Une vérification très importante de cette classifica- lion dérive de la comparaison des anthéridies, que - Heiïm considérait comme le caractère le plus sûr pour “les comparaisons. Il en a distingué deux types, d'après leur mode de déhiscence; or, l’un de ces types com- prend, à l'exception de deux genres de Schizæacées, toutes les Simplices et les Gradées, tandis que l’autre … comprend les Mixtes. F. W. Mott, F. R. S., et NV. D. Halliburton, F. R.S.: L'action physiologique de la choline et de la neurine. — Le liquide cérébro-spinal qu'on retire dans les cas d’atrophie du cerveau, spécialement les cas de paralysie générale chez les aliénés, produit, lorsqu'il est injecté dans la circulation d'animaux anesthésiés (chiens, chats, lapins), une chute de la pression arté- rielle, avec peu ou point d'effet sur la respiration. Ce liquide pathologique est plus riche en matières protéides que le liquide normal; parmi les protéides, il se trouve un nucléo-protéide. Mais la chute de la pression san- guine n'est pas due à ce dernier, non plus qu'à un corps inorganique; elle est provoquée par une substance organique soluble dans l'alcool, précipitable par l'acide phospho-tuugstique, et qui peut être identifiée à la choline. Le nucléo-protéide et la choline proviennent, sans aucun doute, de la désintégration des tissus du cerveau, et leur présence fait supposer que quelques-uns des symplômes dé la paralysie générale sont dus à une | Loxsomacées _Gradées. . auto-inftoxicalion ; ces substances doivent passer dans le sang, car le liquide cérébro-spinal fonctionne comme la lymphe du système nerveux central. Les auteurs ont, en effet, retrouvé la choline dans le sang retiré des veines de ces malades pendant les attaques con- vulsives. Le fluide cérébro-spinal normal ne contient ni nu- cléo-protéide, nicholine, ou, du moins, si ces substances sont présentes, elles sont en trop petite quantité pour être déterminées. Le liquide normal, ni le sang normal, ne produisent, d’ailleurs, d'effet sur la pression arté- rielle. Li présence de la choline dans les liquides patholo- £iques n’explique pas tous les symptômes de la para- lysie générale; elle ne rend pas compte des convul- sions. Mais sa présence est le signe d'une forte désintégration des tissus cérébraux; il peut se former là d'autres substances toxiques, lesquelles sont encore à découvrir. Les auteurs ont cependant jugé utile de déterminer expérimentalement avec précision l’action physiolo- gique de la choline, et celle d’un alcaloïde voisin, la neurine. Choline. — Les doses employées variaient de 1 à 10 cc. d'une solution à 0, 2°/ soit de choline, soit de son chlorhydrate; elles étaient injectées dans les veines. La chute de la pression sanguine est due, en quelque mesure, à l’action sur le cœur, mais surtout à la dilatation des vaisseaux périphériques, spécialement dans la région intestinale. Les membres et les reins diminuent un peu de volume; la rate se contracte d'abord fortement, puis se dilate. La modification des vaisseaux splanchniques est due à l’action de la base sur le mécanisme neuro-musculaire des vaisseaux eux- mêmes; car, après que l'influence du système nerveux central a été abolie par la section de la corde spinale ou des nerfs splanchniques, la choline produit toujours la chute typique de pression. L'action des ganglions périphériques doit être exclue également. Les auteurs n'ont obtenu aucune preuve de l’action directe de la choline sur les vaisseaux cérébraux. La choline à peu ou point d'effet sur les troncs nerveux, comme le montre leur réponse à l'excitation électrique. La choline n’a pas d'effet sur la respiration. L'action de la choline disparaît bientôt et la pression sanguine redevient normale. Cela est dû d’abord à la grande dilution de la substance injectée dans le volume total du sang, puis probablement à son excrétion ou à sa décomposition en substances plus simples. On ne retrouve pas de choline dans l'urine. Si l'animal a été préalablement anesthésié avec un mélange de morphine et d’atropine, la choline produit une élévation de la pression artérielle. Les autres anes- thésiques n'ont pas d'action semblable. Ce fait est très important, car il montre comment l’action d'un poison peut être modifiée par la présence d’un autre. Cela présente une certaine relation avec la paralysie géné- rale ; la tension artérielle, dans cette maladie, est géné- ralement élevée, et non basse, comme cela devrait être si la choline était le seul toxique à l’œuvre. Neurine. — Iles doses employées ont varié de {1 à 5 ceulimètres cubes d’une solution à 0,1 0/4. La neurine produit une chute de la pression arté rielle, suivie d’une élévation marquée, se lerminant par un abaissement jusqu’à la pression normale. Quelque- fois, surtout avec les faibles doses, la chute prélimi- naire manque; d'autres fois, surtout avec les fortes ‘oses, qui affectent profondément le cœur, l'élévation fait défaut. L'effet de la neurine est beaucoup plus prononcé que celui de la choline. La lenteur et l’affaiblissement du cœur, combinés dans quelques cas avec une dilata- lion des vaisseaux périphériques, sont la cause de la première chute de pression. L'élévation subséquente est due à la constriction des vaisseaux périphériques. La neurine conserve ses mêmes effets après aboli- lion de l'influence du système nerveux central. Mais, 648 après que l'influence des ganglious périphériques a été abolie par la nicotine, la neurine ne produit plus qu'une chute de pression sanguine. La constriction des vais- seaux provient donc de l'action de la neurine sur les ganglions. Chez les animaux anesthésiés par la morphine et l'atropine, l'injection de neurine produit seulement une élévation de la pression sanguine, due à la constriction des vaisseaux périphériques. La neurine est très loxique pour les troncs nerveux. Elle produit un effet marqué sur la respiration. Celle- ci augmente d'abord beaucoup, mais, pour chaque dose successive, l’effel est moindre; la respiration finit par diminuer et même cesser ; l'animal ne peut être main- tenu en vie que par la respiration artificielle. L'aug- mentlation des mouvements respiratoires ne dépend pas de l'élévation de pression sanguine, les deux phéno- mènes n'étant généralement pas synchroniques. Les auteurs ont vérifié que, conformément à i'opi- nion de Cervello, la veurine agit comme le curare sur les extrémités nerveuses des muscles volontaires; c'est ainsi qu'elle produit la cessation de la respiration. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 15 Juin 1899 (suite). M. F. Stanley Kipping et Me I. Hall ont préparé, par l’action du chlorure d'aluminium sur le chlorure phénylvalérique, une cétone qui est probablement le phénokéloheptaméthylène, produit par une conden- sation intra-moléculaire analogue à celle qui donne naissance à l'«-hydrindone et à l'a-kétotétrahydronaph- talène, comme le montrent les formules suivantes : CH? CH° CH mt 0H: POS ie ei | 1H CH° CH° AA MA A co O0 - a - Hydrindone. x - Kétotétrahydro- Phévokétohepta- naphtalène. méthylène. MM. F. Stanley Kipping et Lorenzo L. Lloyd on! préparé une série de dérivés organiques du silicium. Dans la préparation du silicium-tétraphényle, on obtient comme produit accessoire du triphénylsilicol (C5H°} Si.OH, cristallisable, fondant à 148°. Dissous dans l'acide acétique et chauffé avec un peu d'acide nitrique, il donne l'éther du triphénylsilicyle (C5H5)* SiOSi (CSH5}, fondant à 2210. — M. Meyer Wilderman a étudié la vitesse des réactions avant l'équilibre com- plet. Il a expérimenté sur la solidification de liquides ou de solutions en surfusion, sur la séparation de solides de solutions sursaturées, etc. 11 à reconnu que la vitesse de réaction est directement proportionnelle à l'éloigoement de l’état d'équilibre, à la surface de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES contact des deux parties réagissantes du système hété- rogène et à une constante d’instabilité K. Quand un système, en état de surfusion ou de sursaturalion, dépasse une certaine limite indiquée par K, il doit spoulanément cristalliser. — M. A. Wynter Blyth a étudié le spectre d'absorption ultra-violette de l’albu- mine d'œuf, du sérum, de l’albumine, de la légumine, de la caséine, de l'albumose de Schrotter, de certaines toxalbumines et de la tyrosine, La baude d'absorption de l'albumine ordinaire est identique à celle de la « tyrosine; la gélatine, l’albumose de Schrotter et cer- tains autres albuminoïdes ne présentent pas celte bande; la tyrosine doit en être absente. — MM, A. G. Perkin etÆ. G. Newbury ont trouvé dans le Genista tincloria (genêt des teintures) deux matières colorantes, l’une identique avec la lutéoline de la gaude (Reseda luteola), l'autre nouvelle, la genistéine. Elle forme des aiguilles incolores, de formule C'#H!°05; fondue avec les alcalis, elle donne du phloroglucinol et un acide C“H"O", qui parait ètre l'acide parahydroxyphénylacétique. Les auteurs donnent provisoirement à la génisléine la constitution d’une trihydroxyphénylkétocumarane : 0 OU CHE NCH.CHS (OH). : Nco/ — M. Henry E. Armstrong étudie les lois qui com- mandent la substitution chez les composés à noyau benzénique. Il cherche à démontrer le point de vue sui- vant : Dans les composés qui forment ordinairement des méta-di-dérivés, le radical (Az0?, CO*H, etc.) est non seulement dénué d'attraction ou du pouvoir d’orien- tation ortho-para, mais il exerce même une influence inhibitrice sur ces posilions : aussi, lorsque les deux éléments d'un agent de substitution entrent en posi- lions 3 et 4 dans le noyau du benzène, la séparation à lieu en 4 plutôt qu'en 3, et le méla-dérivé devient le produit principal. Dans les amines primaires et secon- daires du groupe du benzène et les phénols, l'azote et l'oxygène présentent respectivement cette force attrac- live et ce pouvoir d'orientation, et ils donnent lieu à là formation de composés ortho ou para. Ainsi, lorsque l'acétanilide est soumise à l’action d'agents sulfonants, elle donne d'abord de l'acide acétylsulfamique, qui se transforme rapidement en acide ortho ou para-sullo- nique, suivant les conditions: il ne se produit que des traces d'acide métasulfonique. Mais si l'on détruit le pouvoir d'orientation ou la force attractive de l'azote ou | opérant sur la bromacétaniline ou l’acétoluine (ortho ou para), on obtient un acide dans lequel le groupe sulfonique est en position méla. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. or Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 10° ANNÉE NOT 15 SEPTEMBRE 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES Quoique, en réalité, une erreur füt impliquée dans cette assertion, la méthode expérimentale employée PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Nécrologie Edward Frankland. — La science a fait, dans le mois qui vient de s’écouler, denx pertes considéra- bles en la personne de Bunsen, auquel nous consa- crons plus loin une notice, et de Frankland, un des doyens des chimistes anglais, décédé le 9.août, au cours d’un voyage en Norvège, où il aimait à aller se reposer tous les étés. Sir Edward Frankland était né à Churchtown, dans le comté de Lancaster, le 15 janvier 1825. 11 fit ses pre- mières études au collège de Lancaster, les continua à Londres et alla les compléter en Allemagne, où il tra- vailla successivement dans les laboratoires de Bunsen et de Liebig, à Marburg et à Giessen. De retour en Angleterre, il fut bientôt nommé professeur de Chimie à Owens College (Manchester), où il resta de 1851 à 1858, époque à laquelle il fut appelé à Londres pour diriger le Laboratoire de Chimie de Saint-Bartholomew's Hospital. En 1863, il entra dans la chaire fullérienne de Chimie à la Royal Institution, et enfin, en 41865, il remplaca Hofmann au Collège de Chimie. Il conserva celte dernière chaire lorsqu'elle fut transportée suc- cessivement à l'Ecole des Sciences, puis à l'Ecole royale des Mines, et il ne la quitta qu’en 1885 pour prendre sa retraite. L'œuvre principale de Frankland se place dans les années qui vont de 1848 à 1868. Depuis 1840, les tra- vaux de Liebig et de Dumas sur la nature des compo- sés organiques du carbone avaient attiré l'attention de tout le monde des chimistes, dont les efforts se dirigè- rent principalement vers le problème de l'isolement des radicaux composés que ces corps étaient supposés con- ‘tenir sous forme d'oxyde, d'hydrate, de chlorure, etc. Le radical de l'alcool ordinaire fut l'un des premiers ‘objets de l'activité des chercheurs; Frankland, entre autres, se consacra entièrement àson étude. Il réussit, en 1848, à isoler une substance à laquelle il donna, ainsi que tous les chimistes de l'époque, le nom d'éthyle, dans la pensée que c'était réellement le radi- cal dont l'alcool ordinaire est l'hydrate, et l’éther com- mun l'oxyde, et qui est présent, comme base caracté- ristique, dans les nombreux éthers de cet alcool. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899, conduisit à la découverte d'une remarquable série de composés, connus sous le nom d’organo-métlalliques, et à la reconnaissance du fait que les métaux et les métalloïdes peuvent s'unir avec dés nombres variables de radicaux d’atomes alcooliques, d'halogènes ou d'oxygène. L'établissement de cette variabilité de « capacité combinatoire » et le fait que chaque atome élémentaire possède une capacité maximum au delà de laquelle son pouvoir de se combiner ne peut plus s'étendre, ont servi de base à la doctrine moderne de la valence et à toutes celles qui en ont été la consé- quence, comme la théorie de Kékulé sur la structure des composés organiques. A côté de ces travaux, qui forment la partie la plus importante de l'œuvre de Frankland, il faut signaler ses recherches relatives à la combustion des gaz et à l'influence de la pression sur la luminosité des flam- mes. Il s'est également occupé un peu de Biologie et de Météorologie. Enfin, Frankland est connu par ses études sur les eaux d'alimentation. Nommé en 1863 membre de la « Commission Royale- pour l'étude de la pollution des rivières et de l'alimentation des eaux domestiques », il n'a jamais cessé de s'occuper de ces importants sujets, et il avait acquis une grande autorité dans la question de l'examen chimique des eaux. Pendant plus de trente ans, il a été responsable de la qualité des eaux qui servent à l'alimentation de la ville de Londres, et c'est peut-être plus pour les services qu'il a rendus dans cette fonction que pour la valeur de son œuvre chimi- que que la reine lui conféra, en 1897, le titre de che- valier. Les honneurs n'avaient d’ailleurs pas manqué à Frankland. Membre de la société Royale de Londres depuis 1853, il. en à été pendant les cinq dernières an- nées le secrétaire pour l'étranger; en 1894, il en avait recu la médaille Copley. Il fut président de la Société chimique de Londres en 1871. Il élait aussi Associé étranger de l'Académie des Sciences de Paris el cor- respondant d'un grand nombre d'autres associations savantes. 17 650 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Pre: Len ! PETER v we à J Robert Wilhelm Bunsen.— Le 16 aoûts'éteignait à Heidelberg l'un des plus illustres savants de notre époque, Bunsen. Il était né le 31 mars 1811 à Gottingue. Il fit ses études à l'Université de sa ville natale, et alla les compléter à Paris, à Berlin et à Vienne. De retour à Gottingue en 1833, il y fut nommé professeur de Chimie, mais il en repartait trois ans plus tard pour aller enseigner la Chimie et la Technologie, du haut de la chaire qu'avait occupée Woebhler, à l'Ecole Poly- technique de Kassel. L'année 1838 le vit arriver à Mar- burg comme professeur extraordinaire; il y resta, de 1841 à 1851, comme professeur ordinaire et directeur de l’Institut chimique. Enfin, après un court séjour à Breslau, Bunsen accepta une chaire en 1852 à Heidel- berg, où il se fixa définitivement et fit école. Il se retira en 1889, à l’âge de soixante dix-huit ans. L'œuvre de Bunsen est considérable ; nous ne pouvons que la résumer brièvement. Ses premières recherches sontrelatives aux composés organiques de l’arsenic, en particulier à la série du cacodyle. Puis il s’occupa de l'étude des gaz, de leur absorption, de leur diffusion, de leur combustibilité; on connaît sa méthode pour la mesure des densités des gaz d'après leur degré de diffusibilité; il a, en même temps, perfectionné au plus lui le fait suivant, à propos de la découverte du césium. Pour préparer les sels de ce métal, il avait fait évaporer plusieurs tonnes d'eau mimérale de Durckheïm, mais, du résidu, il ne put guère retirer que 5 à6 grammes de chlorure de césium. Malgré cela, il réussit, avec cette quantité relativement faible, non seulement à préparer et à analyser tous les sels importants du césium, mais encore à déterminer leur forme cristalline exacte par des mesures goniométriques. Il put ainsi obtenir toutes les données nécessaires pour fixer la posilion du nou- vel élément et il établit ses relations avec le potassium et le sodium. Bunsen a été, d'autre part, un de ceux dont le désir d'éclaircir les secrets de la nature ne fut pas mêlé à l'espoir de tirer profit de l'application de ses découvertes. Il répétait souvent : « A l’un appartient le devoir de la découverte, à un autre celui de l'appliquer aux besoins de la vie pratique. » 1l refusa toujours de s'éloi- gner de la voie de la recherche scientifique pure, et, quoique trop clairvoyant pour méconnaitre l'importance des applications scientifiques à la vie de tous les jours, il jugea qu'il devait se consacrer entièrement à une œu- vre plus haute et plus noble, celle de reculer constam- ment les limites de la science. Tableau I. — Influence de la corrosion sur les tubes en fer et en acier au nickel. DURÉE DES IMMERSIONS SUCCESSIVES PERTE POIDS MATÉRIEL primitif totale de poids 92 h. | 168 h. 24 h. Acier au nickel . Fonte. VUE Acier au nickel . Fonte - en 533 h. POIDS EN GRA 188 140 186 137 haut les moyens de mesure et d'analyse des gaz, en créant pour cela des appareils nouveaux. En même temps, il faisait progresser les méthodes de l'analyse volumétrique. Bunsen est encore connu par ses études sur la pho- tochimie, sur l'affinité chimique, sur les décompo- sitions chimiques, en particulier celle de la poudre à canon, sur l'influence de la pression sur la fusion. Il s'est consacré particulièrement aux applications de l'électricité à la chimie; le premier, il prépara le magnésium par la voie électrolytique, et il fit connaître l'application de ce métal à l'éclairage. I produisit aussi le chrome par la voie galvanique. Il à aussi inventé la pile et le brüleur qui portent son nom. Mais la découverte qui a surtout illustré Bunsen, c’est celle de l'analyse spectrale, faite en commun avec Kirchhoff en 1860. Fraunhôfer et Masson avaient cons- taté l'existence de raies caractéristiques dans le spectre de divers corps; Bunsen et Kirchhoff rendirent la dé- termination des raies plus facile en faisant tomber l'image spectrale sur l’image d'une échelle divisée de position invariable. Ils utilisèrent comme miroir la face du prisme tournée vers l'observateur. Enfin, après beaucoup d’études et d'essais, ils nous ont donné le merveilleux instrument que l’on connaît, et qui nous a dévoilé la nature de tousles astres qui nous entourent. Un des premiers résultats de l'emploi de l'analyse spectrale fut la découverte, par Bunsen, de deux corps simples nouveaux, le césium et le rubidium. Les pro- cédés mis en œuvre ont servi de modèle à tous les ex- périmentateurs qui ont suivi cette voie. Quelques points ressortent de l'étude de la carrière de Bunsen. Ce n'étail pas seulement un maître de la pen- sée; c'était un manipulateur de premier ordre. On cite de Bunsen joignit à sa grande science les plus belles qualités du caractère. Aussi l'un des plus éminents chi- mistes actuels, qui fut son élève, Sir Henry Roscoe, a-t-il pu rendre de lui ce témoignage : « Comme savant, il était grand; comme professeur, il était plus grand en- core ; mais comme homme et comme ami, il était le plus grand. » $ 2. — Mécanique L'emploi de lacier au nickel pour les tubes de chaudière. — À la dernière réunion de l'Institution of Naval Architects, tenue à Newcastle-on- Tyne, à la fin de juillet, M. A. F. Yarrow a lu un im- portant mémoire sur l'emploi de l'acier au nickel pour les tubes de chaudière. Les essais signalés par l’auteur ont eu pour but de comparer la facon dont se comportent, dans une chaudière, des tubes en acier à 20 ou 25 °/, de nickel et des tubes ordinaires en fonte soumis aux conditions. les plus défavorables. On sait que les allérations aux- quelles sont généralement soumis les tubes provien- nent, soit des acides gras contenus dans l’eau, soit de la surchauffe et de l'oxydation des parois extérieures, soit enfin de la force brisante de la vapeur surchauffée sur les parois intérieures. Les deux sortes de tubes ont été soumises d'abord à des essais de corrosion; on employait pour cela un mé- lange de deux parties d’eau et d’une partie d'acide chlo- rhydrique. Le tableau I indique les résultats obtenus. La durée des divers essais a varié de 21 à 168 heures; elle a été, en tout, de 533 heures. Dans le premier essai, le tube d'acier au nickel a perdu 5 grammes, soit 2,63 2/6; le tube de fer a perdu 98 grammes, soit 52,68 °/,. Dans CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 651 le deuxième essai, les pertes ont été respectivement de 3,72 et 53,19 0/,. En résumé, la perte pour les tubes de fer à été en moyenne 16 1/2 fois plus grande que our les tubes d'acier au nickel. Quoique l’action de l'acide chlorhydrique dilué ne corresponde pas à celle des acides qui se trouvent dans l’eau des chaudières, on peut néanmoins tirer de ces essais des conclusions dignes de considération. Ensuite, on a procédé à des essais de chauffe. Les deux tubes ont été placés côte à côfe dans un petit fourneau en terre réfractaire et soumis au même échauffement. Le tube d'acier au nickel pesait primi- tivement 192 grammes, celui de fer 185 grammes. La plus grande perte de poids après le chauffage jusqu'à lincandescence fut de 47 grammes, soit 27,47 °/,, pour le premier, et de 145 gr., soit 78,37 °/,, pour le second. Dans un deuxième essai, les pertes furent respective- ment de 27,66 et 76,06 °/,; elles sont donc, en moyenne, 2 1/2 fois plus grandes pour le fer que pour l'acier au nickel. Les résultats ci-dessus ont été obtenus par Sir John Durston, qui a étudié ensuite l'influence de la vapeur surchauffée sur la paroi extérieure des tubes. L’essai a été fait dans un petit four rectangulaire en terre réfrac- En résumé, l'acier au nickel est plus résistant que le fer fondu ; il est aussi plus dur et plus difficile à tra- vailler. Son emploi paraît être indiqué dans la cons- truction des tubes de chaudière; ses avantages com- pensent et au delà son prix plus élevé. $ 3. — Chimie La production artificielle des asphaltes, — On à émis depuis longtemps l'hypothèse que les bitumes sont le résultat de la distillation des matières organiques qui sont accumulées dans différentes cou- ches de l'écorce terrestre. Un chimiste américain, M. William C. Day, a eu l'idée de soumettre cette hypothèse au contrôle de l'expérience, et il vient de communiquer les recherches qui l’ont conduit à pré- parer synthétiquement des substances possédant les propriétés caractéristiques des asphaltes. Nous allons les résumer brièvement. M. Day soumet d'abord à la distillation, dans une cornue de fer, un mélange de poisson frais et de bois de pin, en partie sous forme de sciures, en partie sous forme de baguettes. La cornue est reliée à un court tube de verre et celui-ci à un tube en fer de 1#,20 de Tableau I. — Composition des asphaltes naturelles et artificielles. NOM DE LA SUBSTANCE Huile de poisson et bois. . . . Gilsonite artificielle (1re préparation). ; ). =— — 92e — — de l'Utah . . Asphalte de poisson seul . Elatérite de l'Utah Asphalte de bois seul. Nigrite de l'Utah . CARBONE HYDROGÈNE SOUFRE OXYGÈNE CENDRES —— | ——— 10,00 Non déterminés. 1.14 » 7.06 0,08 10.59 0,26 0,10 9,10 0,19 0 9,45 3,17 traces 8,28 trace 0 8.69 0,42 0,12 aire; l’air y arrivait par des trous pratiqués dans la sole, et les gaz de la combustion s’échappaient par des trous percés à la partie supérieure. Les deux tubes d'essai, placés côte à côte, étaient introduits par des trous percés dans les parois latérales et ressortaient de chaque côté d’une certaine quantité; ils pouvaient se contracter ou se dilater librement au moyen d’un dis- positif spécial. A l'entrée de la vapeur surchauffée, un manomètre indique la pression. Les deux tubes d'essai avaient 52% millimètres de lon- ueur et 25,4 millimètres de diamètre extérieur. On y it circuler pendant 10 heures de la vapeur fortement surchauffée, en même temps qu'ils étaient chauffés extérieurement. Le tube de fonte fut si fortement atta- qué qu'il laissa échapper de la vapeur en certains points. L’essai fut interrompu. Les deux tubes, qui pesaient primilivement 612 grammes, avaient perdu : celui en acier au nickel 12,7 grammes, celui en fonte 85,2 grammes. On recommenca l'essai avec le même tube d'acier au nickel et un tube de fonte neuf; après 8 heures, on dut remplacer ce dernier par un troisième. Enfin, au bout de 3 heures du nouvel essai, le tube en acier au nickel s'altéra à son tour. On en conclut que la durée de résistance de tubes d'acier au nickel, chauffés extérieurement et parcourus intérieuremént par un courant de vapeur surchauffée, est de 21 heures, tandis que les tubes de fonte ne résis- tent que pendant 9 heures. Une chaudière à tubes de fonte devra donc être pourvue de nouveaux tubes 2 fois 1/2 plus souvent qu'une chaudière avec (ûbes en acier au nickel. Les tubes de fer soumis à l’action de la chaleur se raccourcissent; les tubes d'acier au nickel éprouvent, au contraire, un léger allongement, variable, d’ailleurs, suivant la proportion de nickel. Il y aurait donc danger à employer en même temps les deux sortes de tubes pour la construction d'une chaudière. longueur, chauffé au rouge par un fourneau à combus- tion. La cornue est chauffée au gaz et la distillation poussée jusqu'à complète carbonisation de la matière organique. Un condensateur de Liebig recoit le mé- lange qui sort du tube chauffé au rouge. Il se dépose de l'eau colorée en jaune rougeûtre, et une huile mobile foncée, presque noire, qui flotte sur l’eau en grande partie; à la fin de la distillation, quelques gouttes commencent à tomber au fond. L'huile est séparée de l'eau, puis séchée sur du chlorure de cal- cium et enfin analysée. L'huile sèche est alors soumise à la distillation dans une cornue de verre. A 80°, il passe quelques gouttes d'huile avec un peu d'humidité ; à 1209, il distille un liquide jaune-citron, légèrement troublé par l'humidité. Aux températures supérieures et jusqu'à 4250, Le distil- latum est de plus en plus foncé; il reste dans la cornue uu liquide noir, mobile, homogène, ne contenant pas de particules solides. Si on le laisse refroidir, il se soli- difie en une masse noire, luisante, fragile, à cassure conchoïdale, pulvérisable en une poudre brune. Cette substance présente la plus grande ressemblance avec une asphalte naturelle, la gilsonite, qui se trouve parti- culièrement sur le territoire d'Utah. Si l’on soumet de nouveau le corps obtenu à la distil- lation, il reste toujours, comme résidu, une huile noire, qui se solidifie par le refroidissement et présente à peu près les mêmes caractères que ci-dessus, sauf qu'elle est moins gluante et moins soluble dans le sulfure de carbone; sa composition chimique varie très peu, ainsi qu'on peut en juger par les chiffres du tableau 1, où l’on trouvera également la composition de la gilsonite. Il y a une certaine différence entre les chiffres des deux substances, naturelle et artificielle, mais il est juste de rappeler que des différences aussi grandes existent entre deux asphaltes naturelles prises à des endroits mème voisins. L'analogie entre le corps préparé par M. Day et la gilsonite se poursuit quand on étudie leurs solubilités relatives dans différents dissolvants. Le tableau IT in- dique les résultats obtenus. Toutes les solutions des deux corps sont caractérisées par une fluorescence verdâtre. L'acide nilrique concentré agit de la même facon sur la gilsonite et son homologue synthétique, en donnant une solution rouge foncé, d’où l’eau précipite de gros flocons. L’acide Sulfurique extrait, d'autre part, des huiles provenant de la distillation de la gilsonite des composés basiques, qui peuvent être reprécipités par l’action des alcalis; ils semblent appartenir à la série de la pyridine ou de la quinoline. Il en est aussi de même avec les huiles obtenues par distillation de la gilsonite artificie Ile. La présence de ces composés ba- siques n'établit pas seulement une relation entre les Tableau II. — Solubilités des asphaltes naturelles et artificielles. Ï | | TÉRÉBEN- ALCOOL | SLRER absolu | NOM DE LA SUBSTANCE 46,71 63,08 .40 | 81 67,03 73,08 | Gilsonite artificielle. de l'Utah. | Asphalte de poisson IMiSeul:-1e Asphalte seul. RES 35.19 Gr de bois 90,12 96,13 61,60 deux produits, mais encore entre eux et le pétrole de Californie. Day procéda ensuite à une seconde expérience, consistant à distiller une certaine quantité de poisson seul. L'opération fut conduite comme précédemment et donna comme produit une émulsion jaune d’eau et d'huile. On sépara l'huile en chauffant le tout au bain- marie, l'huile venant se rassembler à la surface. Il se produisit en même temps beaucoup d’ammoniaque; l'huile fut desséchée en y faisant barbotter un courant d'air sec et chaud. Cette huile ne peut être distillée dans une cornue ordinaire, car il se forme des bulles de vapeur d'eau qui projettent le liquide dans le condensateur. L’auteur sest servi alors d'un-creuset en fer, qu'on chauffe d'abord soigneusement jusqu'après le dégagement de l’eau, puis fortement ensuite. Si l'on refroidit après quelques instants, on obtient un résidu semi-liquide, épais, gluant, ressemblant beaucoup à un bitume du Montana. Si l'on chauffe de nouveau cette substance et qu'on la laisse refroidir après avoir bouilli un certain temps, on obtient alors un solide noir et élastique * il peut être coupé, mais non pulvérisé; dans certains cas, il peut être brisé en morceaux à cassure conchoïdale. Si ou le refroidit fortement, il devient dur, moins élasti- que et même cassant. La composition de ce corps, ainsi que ses autres propriétés, en particulier sa solubilité, se rapprochent de celles d'une autre asphalte naturelle, l'élatérite de l'Ulah. Les tableaux I et IT permettent de s'en rendre comple. Enlin, M. Day a procédé à une troisième série d’ex- périences. Il à soumis à la distillation-du bois de pin seul. La réaclion est accompagnée par la production d'une fumée blanche, qui n’a pu être épaisse con- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE densée; les produits obtenus sont fortement acides. La partie huileuse, après avoir été séchée, est soumise elle-même à la distillation; entre 90 et 2450, elle donne des fractions allant du jaune pâle au noir verdâtre. I reste comme résidu un liquide noir, très mobile, qui, se solidifie par le refroidissement en une masse noire, brillante, très fragile, à cassure conchoïdale ; les écailles de ce corps ont un reflet pourpre. Celle substance se pulvérise facilement, mais la poudre, au bout de quel- ques jours, se cimente à nouveau en une masse dure et solide. La composition de ce corps se rapproche beaucoup de celle d'une DORE asphalte naturelle, la nigrite d'Utah (tableau 1). Sa solubilité est donnée par le ta- bleau IH. Les huiles qu'il produit dans sa distillation ne l renferment pas de composés basiques. En résumé, M. Day à réussi à reproduire artificiel- lement, par la distillation de composés organiques, trois asphaltes naturelles. La présence de l'azote dans ces dernières avait déjà conduit les savants à leur attribuer. une origine animale; mais le produit de décomposition. de substances animales devait contenir une grande quantité d'oxygène. Il faut donc admettre aussi à l’ori- gine l'existence de substances végétales; au moment de la distillation, l'oxygène des premières a réagi sur les hydrocarbures gazeux provenant de la décomposition des secondes pour “donner de l’eau et de l'acide carbo- nique, et le produit résultant s’est trouvé très pauvre en oxygène. C'est ce qui découle clairement des expé- riences de l’auteur; le produit de la distillation du bois et du poisson mélangé contient plus de deux fois moins d'oxygène que le produit de la distillation du poisson seul (tableau 1). De mème, si l’on recueille l’eau dégagée dans les trois expériences de M. Day, et si l'on calcule l'eau qui doit se produire dans la distillation du poisson et du bois mélangé d'après celle qu'on recueille dans la dé- composition du poisson seul et du bois seul, on cons tate que la quantité d’eau obtenue est plus grande que la quantité calculée, ce qui prouve bien la production supplémentaire d'eau par réaction de l'oxygène et des hydrocarbures. Les expériences de M. Day confirment, d'autre part, les théories de M. Peckham sur la genèse des pétroles, bitumes et asphaltes. Ce savant attribue une origine commune à tous ces corps; ils sont le résultat de la « distillation, produite sous l'influence de la pression des couches et de la température interne, des éléments. organiques accumulés dans l’intérieur de la Terre; suivant leur composition, ils ont produit des hydrocar- bures gazeux, liquides ou solides, qui, dans la suite des âges, se sont plus ou moins modifiés ou chargés de, substances étrangères pour donner les corps que nous retrouvons aujourd'hui dans certains étages géologi- ques‘. L La solidification de l'hydrogène. — M. James Dewar a récemment télégraphié à M. H. Moissan, à Paris, qu'il était parvenu à solidifier l'hydrogène. Le solide obtenu fond à 16° au-dessus du zéro absolu. M. J. Dewar va probablement communiquer le résultat complet de ses expériences à la réunion de l Association britannique pour l'Avancement des Sciences, qui va s'ou= vrir dans quelques jours à Douvres. Nous liendrons nos lecteurs au courant des procédés qui ont conduit l'éminent savant à ce remarquable résultat. 1 American Chemical Journal, no 6, vol. 21 GÉNÉRAL SÉBERT — LES TRAVAUX RÉCEI S DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE 26) 693 I. — LES DÉBUTS DE L'ŒUVRE DU RÉPERTOIRE BIBLIO- GRAPHIQUE UNIVERSEL BASÉ SUR LA CLASSIFICATION DÉCIMALE. La fevue générale des Sciences a déjà, à diverses reprises, entretenu ses lecteurs de l’œuvre entre- prise par l’/nstitut international de Bibliographie, fondé à Bruxelles en 1895. On sait que l’un des objectifs principaux de cette institution était d'assurer la publication de Ré- pertoires bibliographiques sur fiches, dérivés d'un Répertoire prototype universel, dont l'exemplaire original doit être établi et conservé au siège social de l'Institut”. Ce répertoire prototype doit réunir les AMotices bibliographiques, se rapportant aux œuvres de toute nature, publiées dans tous les pays. Il ne doit pas se borner seulement aux titres des ou- vrages publiés sous forme de volumes, mais doit comprendre aussi les sommaires des articles parus dans les recueils imprimés et les publications périodiques. Il n'exclut même pas les titres des simples articles de journaux ou de revues, quand ceux-ci présentent un intérêt particulier, et il admet non seulement des sommaires bibliographiques simples, c'est-à-dire reproduisant purement et simplement les indications fournies par les titres mêmes, tels qu'ils sont imprimés, mais aussi des sommaires analytiques comportant des sous-titres explicatifs ou même de véritables analyses, celles- ci pouvant préciser le contenu des articles, mais devant éviter, en principe, d'en apprécier la valeur. ; Un répertoire de ce genre ne peut avoir la pré- tention d’être jamais l'inventaire complet des pro- ductions intellectuelles du monde entier: mais on peut concevoir qu'une organisation suffisamment puissante réussisse à assurer, au moins à l'exem- plaire prototype, un développement qui lui per- mette d'approcher de cet idéal. On peut même admettre qu'une organisation de ce genre fournira le moyen d'enregistrer, avec une régularité suffisante, les productions journalières de l'esprit humain, pour permettre de tenir à jour le Répertoire, lorsqu'il aura été une première fois © Voir l'article de M. Gariel dans la Revue générale des Sciences du 30 septembre 1895. LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE LE RÉPERTOIRE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSEL DE L'INSTITUT INTERNATIONAL DE BIBLIOGRAPHIE DE BRUXELLES ET LE CATALOGUE DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES complété en ce qui concerne la bibliographie ré- trospective. Ainsi conçue, l'œuvre du Répertoire bibliogra- phique universel présentait une tâche immense, capable de rebuter les meilleures volontés. Les fon- dateurs de l'Institut de Bruxelles l'ont abordée néanmoins avec une ardeur incomparable, en se donnant pour programme de réunir, pour la fin du siècle, un Répertoire manuscrit qui pût consliluer déjà un inventaire presque complet de l'œuvre im- primée du monde entier, ag moins de celle existant sous forme de volumes, de sorte qu'il n’y eût plus qu'à chercher à la lenir au courant des productions nouvelles de l'esprit humain. Pour arriver à ce résultat, ils avaient eu la pensée de recourir à la coopération internationale la plus étendue, en faisant appel au concours, dans chaque pays, de groupes de spécialistes, préparant, sur un plan uniforme pour les différentes branches de sciences, des bibliographies particulières qui viendraient se fondre dans un ensemble unique pour constituer le prototype du Répertoire biblio- graphique universel. JIs comptaient, en outre, pour faciliter leur en- treprise, sur l’appui des pouvoirs publics, et ils espéraient qu à l'exemple du Gouvernement belge, qui avait donné, dès le début, son patronage et son appui à leur œuvre, les gouvernements étrangers ne refuseraient pas de subventionner les sections del’Institut qui se constitueraient dans les différents pays pour coopérer à l'œuvre centralisée à Bruxelles. Si ce dernier espoir ne s'est pas réalisé jusqu à ce jour, l'initiative individuelle n'a pas fait défaut pour seconder les efforts de l’Institut international de Bibliographie, et, au fur et à mesure que son œuvre s'est affirmée et a fixé les bases de son dé- veloppement, des appuis plus nombreux lui ont été apportés de la part des Sociétés savantes, des Institutions ou des particuliers qui ont compris l'intérêt qui s’atlache à une semblable entreprise, susceptible, ainsi que l'a signalé M. Gariel, d'ho- norer la génération qui aura su la mener à bonne fin. L'Institut de Bruxelles a pu mettre aussi à con- tribulion, pour constituer le Répertoire sur fiches de la bibliographie rétrospective, les catalogues déjà établis par un certain nombre de grandes | bibliothèques publiques, telles notamment que la [ep] Ce bibliothèque du British Museum, et un certain de recueils bibliographiques estimés, comme le grand catalogue des « Scientifie Papers » de la Société Royale de Londres, catalogue qui est formé déjà de seize volumes grand in-4° à deux colonnes de huit cents pages chacun, et comprend, classées par noms d'auteurs, les notices bibliogra- phiques concernant les articles de science pure sciences physiques, mathématiques et naturelles) parus depuis le commencement du siècle jusqu'en 1880, dans les publications périodiques et les comptes rendus des sociétés savantes du monde entier. Pour pouvoir utiliser ces documents, il lui a suffi, ainsi que nous le verrons plus loin, d'en compléter les indications par des rubriques de classement convenables. Par ces moyens, l’Institut international de Biblio- graphie de Bruxelles a pu déjà réunir et classer, dans une série imposante de meubles appropriés, un double exemplaire du Répertoire bibliogra- phique universel, composé de près de trois mil- lions de notices bibliographiques et formant deux séries de fiches identiques, classées les unes alpha- bétiquement d’après les noms d'auteurs et les autres par ordre de matières, à l’aide de numéros classificateurs, d’après le système que nous rap- pellerons plus loin. Malgré son étendue, ce répertoire est encore loin de représenter le relevé complet des richesses bibliographiques qu'il se propose d'inventorier, et il reste beaucoup à faire pour remplir le pro- gramme que nous avons indiqué. Si l’œuvre, malgré les encouragements et les appuis qu'elle a reçus de divers côtés, n'a pas pris un essor plus rapide, c’est qu'elle a rencontré, sur sa route, deux séries d'obstacles qui proviennent d'une question d’un ordre cependant secondaire, celle du système de classement à adopter pour assurer un groupement uniforme el régulier de ous les matériaux réunis, quelles qu'en fussent la provenance et la nature, Pour assurer le succès de la coopération inter- nalionale, sur laquelle était basée l’entreprise, il fallait, on le concoit, adopter un plan de travail uniforme, reposant, pour le classement des ma- lériaux, sur un système de classification métho- nombre dique, s'appliquant à l'universalité des connais- sances humaines etpermettant d'assigner, à chaque notice bibliographique, au moins une place bien déterminée et facile à trouver dans la série conti- nuellement croissante des fiches déjà classées. Ce résullat pouvait s'obtenir par l'adoption du système connu sous le nom de classification biblio- graphique décimale proposé, en 1873, par M. Melvil Dewey, président de l'Association des Bibliothé- GÉNÉRAL SÉBERT — LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE caires américains, et qui, après s'être répandu peu à peu aux Étals-Unis, commençait à peine à être connu en Europe, au moment où les fondateurs de l'Institut internalional de Bibliographie s'occu- paient de la mise en train de leur œuvre. Ceux-ci avaient donc pris avec empressement ce système de classification comme base de leur œüvre, persuadés que les mérites certains de ce système le feraient d'autant plus facilement accep- ter sur le continent européen qu'il se rattachait aux systèmes de numération décimale en faveur sur ce continent. Ils pensèrent qu'on ne pouvail faire d’objections de principe à l'emploi d'un système de classifica- tion qui était d'un usage des plus commodes et qui, embrassant l’universalité des connaissances humaines, permettait d'altribuer une place déter- minée à chaque sujet considéré dans une œuvre intellectuelle, et avait surtout le grand mérite de permettre, à tout moment, d’interealer, dans les tables de classification, de nouvelles rubriques de classement ou même de nouvelles branches de sciences, sans supprimer ni altérer aucune des divisions précédemment établies. Ils avaient compté sans l'opposition que devaient faire à ce système les bibliothécaires de profession, qui pouvaient craindre de voir bouleverser, par l'adoption d'un nouveau système de classement, l'œuvre, lentement élaborée par beaucoup d'entre eux, de la mise en ordre de bibliothèques souvent considérables, dont les installations ne se prêtent pas à un remaniement général, et aussi parfois l'œuvre de préparation de catalogues importants conçus sur un plan dans lequel un système de classification spécial pouvait jouer un grand rôle. Il y à lieu, en effet, de rappeler qu'en Amérique, où les bibliothèques sont de fondation récente et ont pu être presque toutes construites sur des plans méthodiques, la classification décimale a pu sou- vent être appliquée non seulement à l'élablisse- ment des catalogues sur fiches de ces bibliothèques, mais aussi au groupement de leurs livres dans les salles et sur les rayons. Il en est résulté pour certaines de ces biblio- thèques, comme par exemple celles d’Albany, des dispositions extrêmement intéressantes et satis- faisantes qui ont été citées souvent comme des exemples à suivre, chaque fois qu'on le pourra. Bien que l'œuvre de l'Institut international de Bibliographie fût, en principe, limitée à la prépa- ration de catalogues et de répertoires sur fiches, elle a, par suite, dès le début, souffert de préven- tions provenant de ce qu'elle préconisait l'emploi de la classification décimale. Le choix du mode de classement à adopter n'était cependant qu'une question d'ordre secon- 0 nn 4. à ao songer an OA GE nt d'en 7 1ETAE “mt aé or __ dr de diffs dt. hist Éd Sd dre DE mA fo dié ét font. spots eue (on GÉNÉRAL SÉBERT — LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE daire dans la conception et l'organisation de l’en- treprise, car on aurait pu, pour le début, se con- tenter de réunir toutes les fiches en les classant par noms d'auteur el réserver, pour une époque ulté- rieure, la queslion de leur classement par ordre de matières. Les critiques formulées, sous l'empire de ces préventions et de ces préoccupalions, contre la classification décimale, ont été d'ailleurs, le plus souvent, sans mesure comme sans fondement. Faites parfois par des personnes qui ne s'étaient pas donné la peine de chercher à en comprendre les principes ou à en saisir exactement le méca- nisme, elles visaient à jeter le ridicule sur le sys- tème en lui aitribuant des défauts imaginaires. Recueillies et tenues pour vraies par des lecleurs superficiels, ces objections ont constilué le premier obstacle que nous mentionnions plus haut. Un autre obstacle est venu de ce que, dans leur impatience à faire progresser leur œuvre, les fon- dateurs de l'Institut international de Bruxelles ne se sont pas assez préoccupés, au début, de l'insuffi- sance de l'outil dont ils disposaient pour la mise en application de la classification bibliographique décimale. Si les tables préparées par M. Melvil Dewey, et parvenues déjà, en 1894, à leur 5° édition, étaient suffisamment développées pour s'appliquer, sans difficultés sérieuses, au classement de tous les ouvrages de bibliothèque n'ayant pas un carac- tère par trop spécial ou limité, c’est-à-dire à toutes les œuvres traitant d’un sujet embrassant une cer- taine étendue, il n’en était pas de même lorsqu'il s'agissait de classer de simples articles de revues, pouvant traiter de sujets plus étroitement limités, ou mème de traités s'adressant à des spécialistes et consacrés à des sujets parfois extrêmement res- treints. Si certaines parties des tables, grâce à la coopé- ration des spécialistes dont Melvil Dewey a utilisé le concours, ont déjà recu une exteusion suffisante pour salisfaire aux besoins d'une classification très détaillée et poussée aux limites des subdivisions actuelles des branches de sciences correspon- dantes, il y a encore de nombreuses sections dans lesquelles les divisions n’ont été amenées qu'à un degré insuffisant pour permettre de spécialiser des sujets peu étendus. Pour opérer un classement convenable de nom- breuses notices bibliographiques, il ne suffisait pas d'ailleurs de trouver une subdivision à laquelle on pût raltacher le sujet traité, il fallait encore pouvoir modifier le classement pour spécifier soit la forme sous laquelle ce sujet était traité, soit le point de vue sous lequel il élait envisagé. Il était même désirable de pouvoir indiquer, par le numéro 655 de classement adopté, dans quelle langue l'œuvre est rédigée, quel pays ou quelle époque elle con- cerne, de quelle origine elle émane, ou encore à quelle catégorie de lecteurs elle s'adresse. Bien que M. Melvil Dewey, par la création d'indices spéciaux qu'il avait désignés sous le nom d'indices de formes, entrant dans la cons!itution même des nu- méros classificateurs, eût déjà mis à profit la fécon- dité des principes de son système de classification pour créer, au moins en germe, un mode de forma- tion de nombres composés permettant de rattacher, à un nombre principal, de nombreuses modalités du genre de celles qui sont mentionnées ci-dessus, celte conception était restée, dans ces tables, à l’état embryonnaire pour ainsi dire, et ilétait difficile de faire systémaliquement usage des principes qu'il avait entrevus et qu'il avait appliqués, suivant des modes parfois divers, dans les différentes divisions des tables. Enfin, l'édition complète des tables générales de Dewey n'existait qu'en langue anglaise et, c'était là encore un obstacle pour l'emploi qu'avaient à en faire les lecteurs usant de la langue française. Ce second obstacle s'opposa plus sérieusement en core aux progrès de l’œuvre que l'opposition faite dans certains milieux au système mêmede la classi- fication décimale, car les personnes que n’arrêtaient pas d’injustes et puériles critiques et qui se mon- traient disposées à prêter leur concours à l'Institut de Bruxelles, soit en collaborant directement à son œuvre, soit en travaillant à propager sa méthode de classification, se trouvaient souvent arrêtées par des difficultés d'application qui les rebutaient ou les retardaient. Il fallut, avant d'aller plus loin, reprendre l'œuvre de Melvil Dewey, en faire la traduction française et en même temps la développer et la refondre pour la rendre d’une application plus facile et plus étendue. La besogne présentait des difficultés, car, tout en se proposant de développer les différentes par- ties des tables qui étaient restées relativement incomplètes dans l'édition anglaise de 189% et en cherchant à coordonner et systématiser les prin- cipes de formation des nombres composés dont M. Melvil Dewey avait fail usage, sous des formes variables, dans les différentes parties de ces tables, on s'était donné pour règle de ne pas modifier de fait les numéros de classement déjà adoptés. On devait se borner, à la rigueur, à les compléter par certains signes auxiliaires, ou encore, à l'extrème limile, à laisser certains d'entre eux dorénavant sans emploi, en évitant de leur donner une signi- fication nouvelle, Dans ce lravail d'étude des perfectionnements et des développements à apporter aux tables de 656 classification de Melvil Dewey, les membres du bureau de l'Institut de Bibliographie de Bruxelles furent aidés, aussi bien dans leur propre pays que dans la plupart des autres contrées d'Europe, et notamment en France, en Suisse, en Italie, en Portugal, en Autriche, en Allemagne et en Russie, par d’ardents collaborateurs qui entretinrent avec eux une correspondance suivie, tant pour leur signaler les desiderata et les lacunes qui les arré- taient que pour leur suggérer des idées de per- fectionnement et d'amélioration, et qui contri- buèrent ainsi puissamment à l'avancement du travail de refonte des tables. Un moment on put croire qu'un appui considé- rable serait apporté à l'œuvre par le concours de la Société Royale de Londres. Cette puissante instilution se proposait de pu- blier une édition, classée par ordre de matières, du grand catalogue dont nous avons parlé plus haut et qui renferme, classés par noms d'auteurs, les sommaires des articles parus dans les nombreuses publications périodiques consacrées aux sciences pures. Lo Il avait été proposé d'adopter la classification décimale pour le classement de ces documents qui devaient êlre réimprimés sur fiches, et l’on aurait continué à faire paraitre, sous la même forme, les fiches relatives aux mémoires ana- logues qui seront publiés à l'avenir dans le monde entier. Le lravail ainsi conçu serait venu tout natu- rellement s'incorporer, à sa place, dans le Réper- toire bibliographique universel de l'Institut de Bruxelles, dont il n'eûl constitué qu'une partie, puisque ce dernier n’est pas limité exclusivement aux sciences pures. Les travaux faits par tous les collaborateurs de cet Institut auraient pu, d'autre part, veuir aussi contribuer à l'œuvre de la Sociélé Royale. Nous verrons plus loin les motifs qui ont em- pêché d'obtenir ces résultats. IT. — Concours APPORTÉ A L'ŒUVRE DE L'INSTITUT DE BRUXELLES PAR LES BUREAUX BIBLIOGRAPHIQUES DE ZURICH ET DE PARIS. Un concours considérable et des plus efficaces a élé, au contraire, apporté, dès la première heure, à de l'Institut international de Bibliographie de Bruxelles par la fondation, à Zurich, €’un Bureau bibliographique, créé sous le patronage des autorités helvétiques et placé sous la direction du D' Herbert Haviland Field. Ce bureau, désigné sous le nom de Concilium bibliographicum, a limilé son action à la publica- tion de répertoires sur fiches de certaines branches l'œuvre GÉNÉRAL SÉBERT — LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE de sciences se rapportant à l'Histoire naturelle, mais il s'est aslreint à suivre le plan fixé par l’Institut international de Bibliographie, en adop- tant les types de fiches admises par cet Inslitut ainsi que le système de classification décimale, de facon à faire de ses publications des parlies inté- grantes du Répertoire bibliographique universel. Gräce à la persévérante et laborieuse direction du D° Field, ce bureau a réussi à assurer la publi- cation, à ce jour, de plus de 3 millions de fiches imprimées, limitées d'abord à la Zoologie et à l’'Analtomie, mais qui ont été récemment étendues à la Physiologie, comme continualion de l'œuvre entreprise originairement par M. Ch. Richet, qui paraissait seulement sous forme de fascicules. Le Concilium bibliographicum a fait paraître une édition latine des tables de classificalion déve- loppées des branches de sciences relatives à la Zoologie, à l’'Anatomie et à la Physiologie. D'autre part, des groupes de savants francais, agissant de leur propre initiative, sont venus ap- porter aussi un concours sérieux à l'Institut de Bruxelles. C'étaient, pour la plupart, des hommes que leurs antécédents n'avaient pas spécialement initiés aux travaux bibliographiques, mais qui avaient élé frappés de l’infériorité de notre pays en ce qui concerne les sources d'informations bibliogra- phiques, pour les sciences appliquées notamment. Convainceus de l'intérêt qu'il y aurait, pour le déve- loppement de la science et de l'industrie en France, à multiplier les sources d'informations relatives aux progrès des sciences pures et appliquées et à provoquer la création et la diffusion de Répertoires bibliographiques tenus à jour et faciles à consulter, ils se sont groupés dans le but de coordonner les efforts de tous ceux qui voudraient, en France, apporter leur concours à l'œuvre entreprise par l'Institut international de Bibliographie. Ils ont constitué, à cet effet, sous lenom de Bureau bibliographique de Paris, une associalion ayant pour principal objectif la création matérielle et la tenue à jour de Répertoires bibliographiques sur fiches destinés à être mis à la disposition des travailleurs, tant au siège de la Société pour le Répertoire com- plet,oblenu par duplicata du prototype de Bruxelles, que pour des Répertoires partiels limités à des branches spéciales de sciences, et qui pourraient être déposés, tant à Paris qu'en province, dans dif- férents centres d'étude, soit aux sièges des sociétés savantes qui s'affilieraient à l’œuvre, soit dans les établissements d'instruction. Comme conséquence de ce programme, le Bureau bibliographique de Paris a été amené à coopérer aux travaux préparatoires de réunion des maté- riaux du Répertoireuniversel prototype de Bruxelles, PR AT TRE EE à à GÉNÉRAL SÉBERT — LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE 657 en cherchant à provoquer la création ou à faciliter la préparation de publicalions bibliographiques susceptibles d'être utilisées pour la constitution de ce Réperloire et pour la multiplication des repro- ductions partielles. …. Toul d'abord, il a eu à intervenir dans la refonte des tables de classificalion. Nous avons dit plus haut que, pour pouvoir donner à l'œuvre du Réper- toire bibliographique universel l'extension néces- Saire, il était, en effet, indispensable de compléter les tables de Dewey et d'en développer un certain nombre de parties, surtout en ce qui concerne les divisions concernant les sciences pures et appli- quées. Il fallait, en outre, comme nous l'avons indiqué, donner au système une élasticité plus grande, afin de permettre, par la création de nombres classifi- cateurs composés, d'exprimer des idées multiples et de classer les œuvres intellectuelles en tenant compte non seulement des sujets traités, mais aussi de la façon dont ils étaient traités et de la forme donnée aux œuvres qui les concernaient. La fixation des règles à adopter pour apporter ces perfectionnements et ces développements au système de classification décimale imaginé par Melvil Dewey, sans modifier les tables déjà établies -par lui, présentait de grandes difficultés, et l'élabo- ration de ces règles avait donné lieu, comme nous l'avons dit, à l'échange de longues correspondances entre l’Institut international de Bibliographie de Bruxelles et ses adhérents des divers pays. Les promoteurs du Bureau bibliographique de Paris prirent une part active à ce travail et purent con- tribuer ainsi utilement à la publication de l'édition en langue francaise des tables refondues de la classification décimale qui en a été la conséquence. Le premier fascicule de ces !lables est consacré à l'Introduction, qui comprend un exposé som- maire du système de la classification décimale et un résumé des règles adoptées pour l'établissement et l'emploi des tables et des répertoires. Le second fascicule comprend les tables des sub- divisions dites communes et qui, en se combinant avec les nombres classificateurs principaux eonte- nus dans les‘autres parties des tables, permettent de constituer des nombres composés, spécifiant les points de vue sous lesquels sont traités les divers sujets ou les formes qu'affectent les articles. Les fascicules suivants seront consacrés isolé- ment aux différentes branches de sciences. Ce mode de publication permettra de constituer facilement, pour les spécialistes, des extraits des tables de classification, dans lesquels on réunira seulement, avec les règles d'emploi et les subdivi- sions d'un usage général, les parties qui concernent les branches de science intéressant ces spécialistes. Des tables spéciales de ce genre sont en cours de préparalion, déjà en ce qui concerne les sciences physiques, les sciences photographiques et les sports. Elles ont été entreprises à la demande de la So- ciété française de Physique, de la Société francaise de Photographie et du Touring-Club de France, et on à joint à chacune d'elles des explications et renseignements qui en font de véritables manuels ou guides pour l'emploi de la classification déci- male et la constitution des Répertoires à l'usage des spécialistes qu'elles concernent. Le Bureau bibliographique de Paris a pris en main la publicalion de ces manuels, et il compte apporter aux sociétés intéressées son concours pour l'établissement et la tenue à jour des Réper- toires sur fiches, consacrés à ces branches spéciales de sciences qu'elles se proposent de réunir. Le Bureau bibliographique de Paris intervient également en ce moment dans la préparation des tables refondues et développées de différentes branches de sciences dont ont bien voulu se char- ger de nombreux collaborateurs. De concert avec l'Institut international de Bruxelles, il en prépare des canevas, destinés à guider ces collaborateurs, et il revoit les manus- crits pour éviter les doubles emplois ou les erreurs. Gräce aux nombreux concours déjà réunis, on peut espérer voir paraitre bientôt, indépendam- ment des tables de la Physique, de la Photographie et des Sports déjà mentionnées ci-dessus, les tables des Mathématiques, de la Chimie, de la Botanique, des Sciences agricoles, de la Mécanique appliquée, de l'Électricité industrielle, des Industries chi- miques, des Sciences mililaires, elc. On voudrait, au moment de la réunion du Congrès de Bibliographie qui doit se tenir à Paris en 1900, pouvoir présenter l'édition française com- plète des tables refondues, et il n’est pas téméraire d'admettre que l’on y parviendra. En ce qui concerne la préparation des Réper- toires mêmes, dont les tables de classification sont destinées à permettre la mise en ordre, le Bureau bibliographique de Paris se préoccupe, d'autre part, de faciliter la réunion des matériaux destinés à les composer en provoquant notamment, de la part des principales revues scientifiques, la publication des sommaires bibliographiques des articles contenus dans leurs numéros successifs ou, de la part de so- ciétés savantes et de collaborateurs isolés, le dé- pouillement des publications importantes pour en relever, sous forme de notices bibliographiques, établies sur le type voulu, les arlicles qu'il y a lieu de faire figurer dans le Répertoire. Les sommaires bibliographiques du Bulletin de la Société d'Encouragement pour l'Industrie na- 658 GÉNÉRAL SÉBERT — LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE tionale et les sommaires analytiques des séances de la Société francaise de Physique qui sont déjà en cours de publication, constituent deux types de notices bibliographiques qui peuvent être don- nés pour modèles de ce genre de contribution à l'œuvre du Répertoire bibliographique universel. ‘Le Bureau bibliographique de Paris cherchera à obtenir que cet exemple soit largement suivi par les sociétés savantes qui publient des comptes rendus de leurs travaux ou par les éditeurs des grandes Revues scientifiques. Il voudrait, notam- ment, assurer la publication régulière de som- maires bibliographiques pour les Comptes rendus de l'Académie des Sciences, pour la Revue générale des Sciences, les Annales de Physiques et de Chimie el les grandes Revues francaises du même genre. Un travail analogue devant être fait dans chaque pays, on pourrait oblenir, par voie d'échange, les éléments de la constitution d’un cerlain nombre d'exemplaires du Répertoire sur fiches, limité à des branches de sciences déterminées. Le Bureau bibliographique de Paris se propose encore de tenir à jour, dans les locaux où son siège social sera définitivement établi, un exemplaire aussi complet que possible du Répertoire biblio- graphique universel, établi sur des fiches rangées dans des meubles classeurs du modèle adopté par l'Institut international de Bibliographie. Cet exem- plaire sera la reproduction du prototype conservé à Bruxelles. Il a pris, en outre, des dispositions pour pouvoir faire déposer, au siège social des sociétés qui en feraient la demande ou dans les grands établis- sements ou les centres d'élude qui le désireraient, des meubles semblables, dans lesquels il ferait déposer et tenir périodiquement à jour des fiches constituant des répertoires partiels limités à des branches de sciences spéciales. Il collaborera enfin à l'élaboration des différents Répertoires en publication, pour l'échange de ren- seignements avec les autres Bureaux nationaux et le Bureau central de Bruxelles. ILespère être secondé dans cette tâche par l’adhé- Sion de tous ceux qui s'intéressent aux progrès de l'instruction et à la diffusion des sciences notre pays, par les subventions des sociétés sa- vantes qui profiteront de son concours et aussi par l'appui des pouvoirs publics, qui auront sans doute à cœur d'encourager une œuvre nalionale, concue dans un esprit large et vraiment scientifique, plu- tôt qu'une œuvre imparfaite comme celle de la Société Royale de Londres, qui, tout en prenant dans l'apparence d’une œuvre internationale et faisant appel à l’aide financière de tous les gouvernements, reste de fait, comme nous le verrons, une œuvre anglaise, concue à un point de vue particulariste. III. — L'OŒUvVRE pu CATALOGUE DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES. Nous avons dit déjà comment la Société Royale de Londres, se proposant de publier une édition, classée par ordre de matières, de son grand Cata- logue des œuvres de science pure parues dans les publications scientifiques, avait eu d’abord l’idée d'adopter, pour cette publication, la classification décimale et de continuer, pour l'avenir, sur le même plan, la publication d'un Répertoire des sciences pures en en imprimant les éléments sur fiches. Mais ce plan ne tarda pas à être abandonné, car en adoptant en principe la classification décimale, la Société Royale n'avait pas entendu accepter pour cela les tables déjà existantes. Dès le début, en effet, sans tenir compte de la grandeur de l’œuvre déjà poursuivie, pendant une période de plus de vingt ans, par Melvil Dewey; sans chercher suffisamment à s'assimiler les bases de classement admises pour chacune des branches de sciences pures par les collaborateurs dont il était entouré; sans chercher surtout à mettre à profit l'avantage que possède le système de permettre la création et l’intercalation d’embranchements nou- veaux, en respectant l’ordre primitif, les promo- teurs de l’œuvre de la Société Royale se lancèrent dans la création de classificalions nouvelles pour les différentes branches de sciences dont ils avaient à s'occuper. La préparation de ces différentes classifications fut demandée à des savants éminents dans chaque spécialité. Ce n’était pas le moyen d'assurer l'unité de l’en- semble, ni même celui d'obtenir les meilleurs ré- sultats. Un savant éminent, qui a fait progresser une branche de science et qui est arrivé, le plus sou- vent, à concevoir pour elle un nouveau mode d’en- seignement ou d'exposition, est peu prédisposé, par cela même, à se plier à la besogne terre à terre du bibliographe, qui doit avoir pour objectif de catalo- guer et classer non seulement les œuvres de l’ave- nir, mais aussi celles des temps présents et passés, et qui doit réserver une place aussi bien aux tra- vaux les plus élémentaires qu'aux conceptions éle- vées et d'ordre transcendant. Nous aurons l’occasion de revenir plus loin sur les erreurs de principe et de détail commises, à notre sens, dans l'établissement des projets de classification préparés par les soins de la Société Royale. Nous dirons seulement iei que, dans l'élaboration de ces projets, on n'a pas cherché à ménager les liens nécessaires entre les différentes branches de | | ! GÉNÉRAL SÉBERT — LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE 659 sciences considérées, et que le classement a été établi avec l'intention arrêtée de ne s'occuper que des sciences pures et de laisser systématiquement de côté les applicalions des sciences. C'était, par cela seul, enlever à grande partie de son utilité pratique. Dans chaque branche de sciences, le système de classement est basé sur l'emploi de numéros d'or- - dre qui, bien que constitués à l’aide des signes de la numération décimale, n’ont que l'apparence de la classification décimale telle que l’a concue Melvil Dewey’et ne présentent pas les avantages que pos- sèdent les indices numériques de cette dernière. Chacune des branches de sciences pures dont la Société Royale se propose de publier la biblio- graphie est, d'autre part, désignée par une lettre capitale qui précède, pour chaque notice bibliogra- phique, le numéro indiquant la subdivision appli- cable. Les indices classificateurs employés par la Société Royale sont donc constitués par un système mixte de lettres et de chiffres, et leur réunion ne constitue pas, comme pour la classification bibliographique décimale de Melvil Dewey, un ensemble coordonné embrassant l'universalité des connaissances hu- maines et permettant d'attribuer une place déter- minée à toute œuvre intellectuelle quelle qu'elle soit. Cette seule raison empéchait l'œuvre de la Sociéfé Royale de Londres de pouvoir se combiner avanta- geusement avec l'œuvre du Répertoire universel de _ l'Institut de Bruxelles, et l'on peut dire que, bien qu'elle ait réussi à faire appel, pour son développe- ment, aux subsides des Gouvernements étrangers, celte œuvre, s'il n'y est pas apporté d'importantes modifications, est condamnée # rester vne œuvre anglaise, limitée dans sa sphère de propagation et dans son utilité. Mais les travaux faits par la Société Royale pourront toujours probablement être utilisés pour l’œuvre de l’Institut de Bruxelles, à la condition de leur faire subir une transformation et une adap- l'œuvre une ! On verra plus loin que les numéros classificateurs, dont fait usage le système de classification bibliographique déci- male, bien qu'écrits sous la forme de nombres entiers, ne sont, en réalité, que des fractions décimales dont on a, pour simplifier l'écriture, supprimé le zéro et la virgule devant les chiffres significatifs. Les numéros classificateurs em- ployés par la Société Royale de Londres ont été mis sous la orme de nombres entiers, systémaliquement complétés à quatre chilfres par l'addition, au besoin, du nombre nécessaire de zéros à la droite. Ce système limite donc assez étroite- ment les subdivisions possibles d'une même science et entraine souvent, d'autre part, l'emploi de chiffres inutiles, sans parler des inconvénients résultant de l’emploi des lettres initiales combinées avec les chiffres. Il y a lieu d'ajouter, d'ailleurs, que les différentes tables de classification qui ont été proposées d'après ce système, pour les différentes branches de sciences, ne sont pas encore définitivement adoptées. tation dont les frais auraient pu être évités si la Sociélé Royale s'était mieux prêtée à la coopéra- tion qui lui était proposée. En entreprenant son œuvre, la Société Royale parait, en outre, avoir fait abstraction de tout ce qui avait pu être fait déjà à côté d'elle en ce qui concerne la bibliographie scientifique. Elle n'a cherché à mettre à profit ni les travaux bibliographiques déjà existants, qui pouvaient fournir des matériaux, au moins en partie élaborés, pour la création d'un Répertoire bibliographique universel, ni les méthodes déjà étudiées ou appli- quées pour la réalisation d’une œuvre de ce genre, ni les institutions ou les organismes fonctionnant déjà et qui pourraient prèter leur concours à celte œuvre. Si l’on serend bien compte du but poursuivi et de la marche adoptée, on reconnait que la question peut se résumer ainsi : Après avoir entrepris une œuvre considérable et remarquable, celle de la publication, formant au- jourd'hui seize gros volumes, du catalogue des tra- vaux scientifiques (Scientific Papers) parus depuis le commencement du siècle, dans les principales publications scientifiques du monde entier, la So- ciété Royale s’estjaperçue que ce travail ne pouvait rendre des services en rapport avec sa valeur, parce que les documents réunis élaient simplement classés par noms d'auteurs et ne pouvaient être facilement trouvés lorsque l’on se proposait de rechercher tous les articles parus concernant un sujet donné. Pour faire disparattre ce défaut, il fallait opérer une réimpression du calalogue, en groupant les documents d'après un ordre méthodique. La Société Royale en organisa d’abord l’entre- prise avec ses seuls moyens et avec l’aide des sub- sides de généreux donateurs; mais les savants appelés à coopérer à l'œuvre ou au moins à la diriger n'étaient pas préparés aux travaux biblio- graphiques. D'autre part, il ne fut pas établi de plan d'en- semble pour le travail et aucune tentative ne parait avoir été faite au début pour la relier aux œuvres bibliographiques existantes. Groupant en un cer- tain nombre de branches de sciences les notices bibliographiques à classer, on demanda simple- ment aux savants les plus éminents, dans ces diverses spécialités, d’élablir des projets de classe- ment pour chacune de ces branches de sciences considérées isolément. Nous avons dit déjà quels mauvais résultats devait donner ce système. Le travail n’aboutissant pas et les dépenses déjà faites étant considérables, la Société Royale eut l'idée de faire appel aux Gouvernements des divers 660 GÉNÉRAL SÉBERT — LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE pays pour subventionner son œuvre, en.offrant de lui donner en même temps un caractère interna- tional. Des conférences, auxquelles assistèrent des délé- gués officiels des principaux pays, se tinrent à Londres en 1896 et 1898, pour éludier et résoudre la question. La Aevue générale des Sciences a rendu compte sommairement des débats de ces conférences et des résolutions qui y furent prises!. A lire superficiellement ces dernières on pourrait croire l’œuvre en bonne voie et prête enfin à en- trer en exécution. Mais si l'on examine la question de près, on re- connait que les choses sont loin d'être aussi avancées. D'après l'organisation définitivement proposée par la Société Royale de Londres, des Zureaux ré- g'onaux seraient constitués dans chaque pays pour réunir les matériaux des notices bibliographiques et transmettre celles-ci à un Pureau central ins- lallé à Londres, bureau qui comprendrait un di- recteur général, des assistants spécialistes pour chaque branche de sciences, des employés et un comité consultatif de spécialistes. Tout ce per- sonnel, largement appointé, serait placé sous les ordres d’un Conseil international, composé d’un membre délégué par chacun des bureaux régio- naux. Ce Conseil, qui serait chargé de l’adminis- tration du catalogue, se réunirait à Londres au moins une fois tous les trois ans et agirait d'après les instructions et les règles édictées par une Con- vention internationale. Celle-ci serait formée des délégués des divers gouvernements, au nombre maximum de trois pour chacun d'eux, et se réuni- rait elle-même à Londres tous les dix ans. Enlin, il existerait encore un Comité international de conseils techniques (Referees), qui serait nommé par le Conseil international et devrait être composé de cinq membres pour chaque science, choisis par les divers pays: c'est ce Comité qui serait consulté par le directeur général sur les questions de classi- fication non prévues par les règles. Il n’est guère besoin de faire ressortir combien une pareille organisation est compliquée et peu en rapport avec le but à atteindre. On remarque tout d'abord, comme nous l'avons dit déjà, que la Société Royale n'utilise par ce système aucun des organes bibliographiques existants dans les différents pays, mais en crée de toutes pièces, en faisant appel à l'intervention gouvernementaie. En partant du point de départ adopté par la Société Royale de Londres, c’est-à-dire en admet- ! Voir les numéros du 15 novembre 1896, pages 894 et 895, L pas et du 30 novembre 1898, p. 837. ches de sciences considérées, il eût été plus facile de constituer un bureau international pour chaque science, que de constituer des bureaux régionaux, en adoptant pour la division du travail une base territoriale, car, le travail devant être fait par des spécialistes, il faudra autant de fois seize spécia- listes qu'il y aura de bureaux régionaux constitués puisque le projet admet seize sciences à classement indépendant. Comment organiser un pareil service dans chaque pays et que de dépenses à prévoir, en dehors de | la contribution que demande la Société Royale à chacun de ces pays! Cette contribution est, par elle-même, considé- rable puisque les frais à prévoir, pour le per- sonnel du seul bureau de Londres, sont évalués à 50.000 francs par an, si l’on ne considère que les catalogues imprimés sous forme de livres, et à 114.000 francs si l'on y ajoute l'impression sous forme de fiches. Il y a lieu de remarquer, en outre, que ces sommes ne comprennent pas les frais d'impression et de port. En tenant compte de ces dernières dépenses et calculant sur un tirage annuel de 16 volumes à 1.000 exemplaires pour le calalogue imprimé en volumes, à 200 exemplaires pour les fiches primai- res et pour les fiches secondaires de références supposées au nombre de trois chacune (ce sont les conditions les moins coûteuses prévues), on arrive à une dépense globale annuelle de 366.000 francs. Ce chiffre parait tellement élevé que la Société n'avoir à demander aux divers pays participant à l'œuvre qu'une cotisation annuelle globale de 150.000 francs. Mais que devient alors le projet primitif qui n'élait réellement intéressant que parce qu'il pre- nait comme base la publication de répertoires sur fiches, qui seuls se prêtaient à toutes les combi- naisons de groupement pour constituer des réper- toires partiels et limités, à l'usage des spécialistes ? En outre, malgré la réduction des subventions demandées ainsi aux divers États, il est évident que ceux-ci ne pourront prendre de décision, du moment surtout où il s’agit de prélever des crédits sur un chapitre budgétaire qu'après avoir évalué la charge totale qui leur incombera pour l'installa- tion des bureaux régionaux; et, dans ce caleul, ils auront aussi à tenir comple de ce fait que s'ils allouent une subvention de ce genre pour les sciences pures qu'envisage seules le catalogue de | la Société Royale, ils auront à en réserver d'autres, | qui devront être calculées proportionnellement, | pour venir en aide aux travaux bibliographiques tant l'indépendance relative des différentes bran- Royale propose de ne publier pour commencer qu'un catalogue sous forme de livre, de facon à … alt A AA, Ve for Re PO L r 7, Res Ge pr rod \ ci L'aCiE PA *, * A e" ; . ki AL 2 GÉNÉRAL S BERT — LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE 664 applicables aux autres branches des connaissances humaines et notamment aux diverses applications des sciences à l'industrie et aux beaux-arts, car ces lravaux peuvent avoir pour la grandeur et la prospérité matérielle du pays une influence plus directe et plus immédiate que ceux concernant les sciences pures. ; Les sacrilices à prévoir ainsi, pour chaque pays, deviendraient alors si considérables qu'ils effraie- ront certainement même ceux d'entre eux où la plaie du fonctionnarisme est le plus développée et où l’on pourrait être tenté de voir, dans la créalion de ces nouveaux organismes, l'occasion de consti- luer une nouvelle catégorie d'employés salariés. S'il faut justifier ces nouvelles dépenses devant un Parlement, on ne manquera certainement pas de raisons pour critiquer l'attribution de crédits aussi forts à une œuvre ne présentant pas un Carac- {ère nalional et qui, malgré son apparence inter- nationale, ne produira, en fait, de résultats réel- lement utiles que pour les pays de langue anglaise. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que, d'après les dispositions admises, le catalogue n'aura qu'une édition anglaise, dans laquelle tous les termes explicatifs et surlout les mots classificateurs (signi- ficant ou predominan! words) dont on fera usage concurremment avec des symboles par chiffres el lettres, pour opérer le classement des fiches de références, seront forcément en langue anglaise, et l'on ne voit pas comment on en fera usage dans les pays où l'on ne se sert pas couramment de cette langue. Ilyabien d'autres observations encore à faire au sujet des tables de classification proposées pour chacune des sciences considérées et des symboles adoptés pour désigner les subdivisions établies dans chacune d'elles. Nous avons dit déjà que les seize sciences consi- dérées sont désignées par les seize premières let- tres majuscules de l'alphabet latin; les divisions sont marquées, en outre, par des nombres complé- tés systématiquement à quatre chiffres par l'addi- tion de zéros. — Ces zéros disparaissent et sont remplacés par des chiffres significatifs si l'on veut, à un moment donné, prolonger plus loin une sub- division qui n'aurait été poussée qu'à deux ou trois chiffres. Cette disposition, qui offre l'inconvénient cons- tant d'entrainer l'emploi de caractères inutiles et qui ne permet pas de pousser au delà d'une certaine limite les embranchements, ne pré- senle, comme nous l'avons dit déjà, que l'apparence des avantages du système de la classification décimale proposé par Melvil Dewey. Il est facile de faire voir combien elle est moins satisfaisante pour l'esprit comme pour les yeux, en comparant, par exemple, les notations respectives qui désignent la polarisation rolatoire dans les deux systèmes : CLASSIFICATION SOCIÉTÉ ROYALE DÉCIMALE — Sciences naturelles. 5 D. Physique. 53 D 5000. Optique. 335 D 5400. Polarisation. 535 D 5440. Polarisation rolatoire. 53° La Sociélé Royale de Londres n'emploie pas d'ailleurs seulement les lettres majuscules et les chiffres pour constituer ses symboles. Elle introduit encore, dans certaines branches de sciences, des let- tres minuscules pour représenter des divisions géo- graphiquesetconstituer de véritables nombres com- posés, comme, par exemple, en Géologie : H 7000 de. Le Jurassique allemand, résultant de la combinaison de H. 7.000 (Terrain jurassique) avec / de (Géographie de l'Empire d'Alle- magne), mais il est à remarquer que, contraire- ment à ce qui a lieu pour la classification décimale, ces divisions géographiques ne peuvent se com- biner qu'avec les nombres de la Géologie, de la Botanique et de la Zoologie el ne sont pas, par suite, d'un usage général comme les divisions géographiques de la classification décimale. Les tables de classification de la Société Royale admettent encore d’autres notalions qui viennent compliquer les symboles employés. En Chimie, on introduit dans les symboles de classification les notations classiques de la nomen- clature chimique, de sorte que le Gallium par exemple est noté F. 3.300 (Ga), et pour les composés du carbone on indique en exposant le nombre d'atomes.Onajoute même des subdivisions formées par des lettres grecques pour spécifier certaines opérations telles que 8 préparation d'un élément, de sorte qu'on écrira : F 1020 CINO* 8 — Préparation du nitropropène. Nous n'entrerons pas dans plus de détails à ce sujet, car les projets de tables de classification ou schédules proposées par la Société Royale ont subi déjà de nombreuses transformations et il n'est pas dit qu'elles soient parvenues à leur dernière forme. Dans la conférence de 1896, les projets présentés par la Société Royale, et qui avaient été déjà l'objet de modifications successives, donnèrent lieu encore à de nombreuses critiques. On décida par suile de demander de nouveaux projels à des délégués choisis dans les différents pays. Ces projets ne nous sont pas tous connus, mais ilest peu probable que chacun d'eux pris isolément satisfasse d'autres personnes que son auteur, et comme leur conception ne répond à aucune vue d'ensemble qui puisse amener à passer sur les 662 GÉNÉRAL SÉBERT — LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE défants particuliers, il n’est pas probable que l’on arrive delongtempsàäuneententepourleuradoption, d'autant plus que, pour les raisons que nous avons précédemment indiquées, il est fort à craindre que la majorité de ces projets ne liennent pas compte des exigences bibliographiques et visent plus la science de l'avenir que celles du présent et du passé. IV. — LES TABLES REFONDUES DE LA CLASSIFICATION BIBLIOGRAPHIQUE DÉCIMALE. Le sort commun des projets de classification est de donner lieu à de nombreuses critiques quand on les examine dans leurs détails, car aucun d'eux ne peut être fondé sur des bases naturelles et immuables. Touteclassification de nos connaissances ne peut, en réalité, reposer que sur des bases artificielles et sur des méthodes qui différeront suivant les pays et les temps. On ne peut donc attacher à ces systèmes de classification une importance bien grande, el le mieux, sans réclamer une perfection qui ne peut exister, est d'adopter ceux qui, répon- dant à peu près aux vues les plus générelement admises, attribuent à chaque sujet une place bien délerminée ou, le cas échéant, plusieurs places également bien spécifiées, suivant le point de vue sous lequel il est envisagé et de choisir surtout ceux qui ont le grand avantage d'avoir été mis déjà en pratique. Tel est le cas qui se présente pour la classification bibliographique décimale, qui, depuis l'année 1873, n'a cessé de recevoir des applications de plus en plusnombreuseseta prouvé, parles développements qu'elle a sucessivement reçus, qu'elle possède une souplesse et une élasticité qui la rendent d'un emploi des plus avantageux. Nous ne pouvons done mieux terminer cet article qu'en donnantun apercu des développements qu'ont recus les règles posées par Melvil Dewey, déve- loppements qui permettent d'apprécier les res- sources qu'apportent aujourd’hui les tables refon- dues de la classification décimale à ceux qui se proposent d'utiliser ce système de classification. Nous emprunterons, à cet effet, au premier fasci- cule formant l'introduction de l'édition francaise des Tables refondues qui vient de paraitre, l'énu- méralion des signes et des symboles qui ont per- mis d'élendre, d'une facon remarquable, le champ des tables de la classification décimale, sans faire , Dans la conférence qui vient d'être tenue à Londres le 5 août 1899, il a été décidé d'ajourner jusqu’en 1901 la mise en train de l’œuvre, qui a rencontré de nouvelles diffi- cultés, et on a définitivement renoncé à l'idée de publier un catalogue sur fiches. disparaitre le principe de généralité et d'unité du système de numération employé. Pour rendre plus claires toutes ces explications, nous croyons tout d'abord utile de rappeler le prin- cipe même du système, en reproduisant à peu prés textuellement l'exposé qui en est donné dans l'in- troduetion dont il s’agit. La conception première du système repose, on se le rappelle, sur les données suivantes : Pour établir la série des numéros classificateurs adoptés, on a supposé l'ensemble des connaissances humaines divisé en groupes formant dix grandes classes , dans lesquelles on devra répartir tous les sujets qui peuvent faire l'objet d'une œuvre intel- lectuelle. Chacune de ces classes est partagée, à son tour, en dix divisions entre lesquelles on répartit les su- jets qui composent ces classes. Ces divisions se subdivisent de nouveau chacune en dix, et ainsi de suite. Chacun des dix premiers groupes, auxquels cor- … respondent les grandes divisions des connaissances humaines, peut donc être considéré comme une fraction décimale de l’universalité de nos connais- sances, dont l’ensemble serait représenté par lu- nité. On obtient dès lors une classification encyclopé- dique dont chaque science particulière doit former une partie intégrante, susceptible d’'ètre représen- tée par une fraction déterminée et de se subdiviser elle-mème en fractions plus petites également dé- terminées et se ratlachant à l’ensemble par une filiation régulière. Le premier groupement en classes a été fait de la façon suivante : Le premier dixième, qui embrasse tous les nom- bres décimaux compris entre 0 et 0,1, a été affecté aux œuvres traitant de sujets généraux ou concer- nant plusieurs des divisions qui suivent. Il comprend donc les œuvres encyclopédiques, les œuvres bibliographiques, etc., ainsi que les œuvres diverses qui n’ont pas pu trouver réguliè- rement place dans les classes suivantes. Les neuf autres classes sont établies comme il suit : 0,4 Philosophie. 0,2 Religion. — Théologie. 0,3 Sciences sociales. — Droit. 0,4 Philologie. 0,5 Sciences naturelles. 0,6 Sciences appliquées. 0,7 Beaux-Arts. 0,8 Littérature. 0,9 Histoire et géographie. Si l'on considère, à titre d'exemple, la division des sciences naturelles ou sciences pures 0,5, elle se divise à son tour, comme il a été dit plus haut, en divisions comprenant les Mathématiques, l'As- D NO EE WE. DA. : UE À ' ge ï GÉNÉRAL SÉBERT — LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE 663 tronomie, la Physique, la Chimie, ete., de telle sorte que l'on a, par exemple : 0,5 Sciences pures. 0,53 Physique. 0,53,5 Optique. 0,53,57 Optique physiologique. 0,53,57,5 Rôle de la rétine dans la vision. La division peut être poussée encore plus loin, et d'une façon indéfinie, par l'addition de nouveaux chiffres à la droite du dernier nombre décimal ob- tenu. Get exemple fait voir comment une nouvelle di- vision, plus précise ou plus détaillée, d'une branche de sciences peut venir s'intercaler, sans rien trou- bler, entre deux divisions antérieurement établies, grâce à l'emploi des nombres décimaux fraction- naires pour constituer les numéros classificateurs. Dans la pratique et pour simplifier les écritures, endiminuant le nombre des caractères emplovés,on supprime le zéro et la virgule qui forment le com- mencement de tous les numéros classificateurs et lon écrit ceux-ci sous la forme apparente de nombres entiers. On obtient ainsi les dix nouveaux groupes prin- cipaux ou classes : Ouvrages généraux et bibliographie. Philosophie. Religion. — Théologie. Sciences sociales. — Droit. Philologie. Sciences vaturelles. Sciences appliquées. Beaux-Arts. Littérature. Histoire et géographie. Don RwNrES Dans ces conditions, l'exemple cité plus haut s'écrira 53.57 Optique physiologique, maisil ne faut pas perdre de vue que tous les numéros classifica- teurs, mis sous cette forme dans les tables, repré- sentent, en réalité, des nombres décimaux et doi- vent être, par la pensée, supposés écrits en les faisant précéder du zéro et-de la virgule. La plupart des critiques qui ont été formulées contre la classification décimale bibliographique proviennent de ce que l’on perd de vue cette don- née essentielle de son principe. Il en est de même des difficultés que l’on a cru pouvoir attribuer à son emploi et qui ne sontle plus souvent qu'apparentes, comme celle qui résulterait de la prétendue nécessité de subdiviser loujours en dix chaque branche de science. En réalité, les groupes que l’on forme pour chaque nouvelle subdivision d’un nombre classifi- cateur peuvent rester au-dessous de dix ou peuvent contenir chacun plus d’une rubrique de classement, et le seul inconvénient que présente la méthode, quand on trouve plus de dix nouvelles rubriques à faire entrer dans la formation d'une subdivi- sion nouvelle, est de nécessiter l'emploi de deux nouveaux chiffres, au lieu d’un seul, pour repré- senter chaque rubrique élémentaire. C’est ainsi, par exemple, que dans la division 621 Industrie mécanique, les moteurs à air chaud, les moteurs à gaz et les moteurs à vent se trouvent groupés dans la même division 6214, et qu'il faut recourir à une nouvelle subdivision et à l'emploi d’un chiffre de plus pour les séparer en 621.41 Moteurs à air chaud, 621.42 Moteurs à air comprimé, etc. En dehors des chiffres arabes composant les numéros classificateurs, le système de classifica- tion bibliographique décimale fait usage des signes de ponctuation suivants, qui sont employés soit comme signes d’abréviation, pour éviter des répé- titions, soit comme signes de combinaison, pour la formation des nombres composés. Les deux points ou signe de division Lestiret.— Le double tiret ou signe d'égalité — La parenthèse ( ) Les guillemets ou double parenthèse « ». On emploie aussi, dans certains cas, le signe d'addition et l’accolade, ainsi que les lettres de l'alphabet latin de À à Z. Enfin, on fait usage des points pour décomposer en tranches les nombres un peu longs, afin d'en faciliter la lecture, et on les place de préférence de facon à délimiter des tranches qui correspondent à des branches de sciences ayant un caractère défini ;- ainsi par exemple, on écrira : 53.57. Optique physiologique, si l'on veut mettre en évidence la division 53 Physique, mais on pourra écrire aussi 535.7 si l'on veut mettre en évidence la subdivision 535 Optique. Les dix chiffres sont employés, sans distinction et de la même facon, pour la composition des nu- méros classificateurs, sauf toutefois le zéro qui donne lieu à quelques règles spéciales. En dehors du cas où il est placé en tête des nu- méros classificateurs, c’est-à-dire du cas où il s'agit de documents oppartenant à la classe des ouvrages généraux, le zéro est réservé pour coopérer à consti- tuer un signe de combinaison dont il sera parlé plus loin. Le zéro intercalé dans un nombre classificateur prend done une signification particulière, mais sans qu'il en résulte un changement dans son ordre de succession, qui reste fixé en tête des autres chiffres significatifs. Les lettres de À à Z sont employées pour com- pléter certains numéros classificateurs, en y ajou- tant les initiales de certains mots entrant dans la composition de noms d'institutions ou de publica- tions. On fait même, dans certains cas, usage de noms propres, écrits en entier, pour compléter 66% GÉNÉRAL SÉBERT — LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE certains numéros classificateurs concernant des œuvres littéraires, des variétés d'espèces animales et végétales, des biographies et des œuvres géogra- phiques. Le classement de ces lettres ou de ces noms est naturellement déterminé par l'ordre alphabé- tique. : Quant aux signes de ponctualion, pour lesquels il existe un ordre de succession, l’ordre adopté est le suivant : La parenthèse, les guillemets, les deux points et le signe d'égalité. Les signes se classent, d'ailleurs, immédiatement avant les lettres et celles-ci avant les chiffres, dont la série commence par 0. L'ordre complet de succession pour tous les signes et caractères employés par la classification décimale est, par suite, le suivant : PA ES — AE AMOR 1,18, 9. 5, 6, Le point, le signe d’addition et le tiret, dont on verra plus loin les usages, n’ont pas d'ordre de succession pour le classement. Pour donner plus d'extension à l'emploi des tables, sans en accroître le développement, on fait usage, comme nous l'avons dit déjà, de nombres classificateurs composés. Ces nombres sont formés en combinant entre eux élémentaires correspondant chacun à une des rubriques de classement qui peuvent contribuer à caractériser l'espèce ou le contenu d'un document bibliographique de nature complexe. Ces éléments des nombres composés peuvent être constitués par des nombres principaux, empruntés aux différentes parties de la classification générale, ou par des nombres secondaires, ayant le caractère de subdivisions Communes applicables à des parties différentes de la classification et qui font l'objet des tables spéciales dont il sera parlé plus loin. Pour distinguer les uns des autres les éléments les nombres des nombres composés ainsi formés, on fait sim- plement usage, pour les séparer, de tirets ou traits d'union, sauf à omettre même ces signes quand les nombres élémentaires sont déjà pourvus d’un autre signe spécial de combinaison, comme la parenthèse simple ou double, avec le zéro inter- calaire. On peul encore former des nombres composés, d'une facon tout à fait générale, en combinant des nombres quelconques, pris dans des parties dif- férentes de la classification et les réunissant sim- plement par l'intermédiare des deux points ou signe de relation. Aïnsi, on écrira : Les salaires — dans l'industrie textile, ou encore: 31 : 331,2 : 671. Stalislique — des salaires — dans l'industrie textile. La formalion des nombres composés de ce genre est absolument facultative et les nombres ainsi formés sont réversibles, de sorle que l'on peut écrire aussi : CYTÉOC CT RESTE L'industrie textile — Ses salaires — Statistique. Mais ce mode de formation conduisant parfois à des nombres très longs, on a été amené, pour simplifier, à chercher un moyen d'utiliser des embranchements déjà créés, dans certaines parties des tables, pour les appliquer à d'autres divisions auxquelles ils se trouvent pouvoir également convenir. On réalise ainsi ce que l'on nomme des embran- chements par soudure. On obtient ce résultat en écrivant simplement en regard de ces dernières divisions la mention : A subdiviser comme — et faisant suivre ces mots du numéro de la division dont les embranchements déjà créés peuvent être utilisés comme subdivi- sions complémentaires. Ainsi les subdivisions de 621.1, Machine à va- peur, pouvant convenir à la division 536.81, qui dans les Sciences physiques correspond aussi à la Machine à vapeur, considérée au point de vue de l’enseignement théorique, on pourra écrire 536.81-8 pour appliquer à cette division 536.81 la 8° subdi- vision de 621.1 qui correspond à l'étude spéciale de la production de la vapeur dans ces machines, mais on devra, à cet effet, inscrire dans les tables, en re- . gard de 536.81 ,la mention: À suhdiviser comme 621.1. On voit que pour éviter des confusions, la créa- tion des embranchements par soudure ne peut être rendue facultative comme celle des nombres com- posés en général el que ces embranchements ne pourront être ulilisés que dans les cas où les tables l’indiqueront expressément. On verra d'ailleurs plus loin qu'à l'aide des tables des subdivisions communes, qui en prévoient largement l'usage, on à pu néanmoins en rendre l'emploi très fréquent. Lorsque le mode de formation des nombres composés par soudure est appliqué à la combi- naison de nombres appartenant à une même branche de sciences el commençant, par suite, par les mèmes chiffres, le tiret remplace les chiffres qui auraient été répétés si l'on avait adopté le mode général de formation des nombres composés au moyen du signe de relation. Il prend, par suite, la valeur d'un signe de répéti- > dt 2e pitt cabine: “Ca dB dCi éd. de, métis GÉNÉRAL SÉBERT — LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE tion ou d'abréviation et l'on peut, dans ce cas, éviter d'inscrire dans les tables la mention habituelle de renvoi aux embranchements voisins ulilisables; il suffit de prendre simplement la précaution d'in- Hercaler un second tiret à la suite du radical dont la répétition est évitée. On dispose ainsi d'un nouveau moyen de créer des embranchements facultatifs ; c'est ainsi qu'au lieu de 58.21 : 58.332 Maladies des plantes — légumineuses, » on pourra écrire : 58—21—332. Par l'emploi des autres signes que nous avons mentionnés plus haut, la parenthèse et les guille- - mets (remplacés parfois par le signe d'égalité), et “ussi du zéro intercalaire, on forme des séries de “ nombres faisant, comme nous l'avons dit, l'objet “de tables spéciales qui permettent d'exprimer d'une facon uniforme des idées qui se représentent fréquemment dans l'analyse des sujets à classer. Ces nombres peuvent ainsi être employés comme des subdivisions communes pour compléter les - numéros classificateurs donnés dans les tables. Ils peuvent s'appliquer soit dans toute l'étendue -de la classification, soit seulement dans certaines parties spécialement indiquées. Ces subdivisions communes comprennent les ‘divisions de lieu. de temps et de langue, les divi- - sions de généralités et de formes, et enfin les divi- sions dites analytiques qui correspondent à de mul- tiples idées ou points de vue pouvant se présenter, d'une façon analogue, pour des sujets différents. Ces divers types de divisions sont caractérisés par des signes différents. La parenthèse, en combinaison avec les nombres commençant par un chiffre autre que zéro, est employée pour former les subdivisions de lieu, savoir : lieu géologique (nombres commencant par le chiffre 1), lieu physique (nombres commen- ant par 2), et enfin lieu politique (nombres com- mencant par les chiffres de 3 à 9). Ces subdivisions sont empruntées en partie aux nombres classificateurs de la Géologie, de la Géo- graphie physique et de l'Histoire. Elles font l'objet d'une table spéciale qui porte le numéro 2. Exemples : terrains carbonifères (115), lacs (282), France (44), Australie (94). Les guillemets ou doubles parenthèses servent à former les subdivisions selon le temps en enfermant entre ces signes, et en les écrivant suivant certaines conventions abréviatives, les dates qui délimitent ou qui fixent la période ou l'époque des événe- ments. H'n'y a pas, à proprement parler, de table spé- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899. 665 ciale de ces subdivisions, attendu qu'elles sont les mêmes que celles de la chronologie ordinaire. Les règles relatives à l'emploi de ces signes sont seule- ment résumées sous une forme synoptique dans un tableau portant le numéro 2. Exemples : «1853 », année 1853; «185», période de 1850 à 1860, «14», xv° siècle ou toutes les années qui ont suivi 1400 jusqu'à 1499. Le double tiret ou signe d'égalité sert à former les subdivisions marquant l'idiome dans lequel sont rédigées les œuvres considérées. On oblient ces subdivisions de langues en placant ce signe devant des nombres empruntés, avec quelques modifica- tions, aux divisions de la Philologie. Ces subdivisions font l’objet d'une table spéciale portant le numéro 3. On peut aussi marquer ces subdivisions à l’aide de guillemets encadrant les nombres correspon- dants. Exemples : « 4», ouvrage écrit en français ; « T », ouvrage écrit en latin; 42 « 2-4 », diclion- naire anglais-francais, à l'usage des Anglais. La parenthèse, en combinaison avec les nombres commençant par zéro, donne lieu à des subdivi- sions qui sont employées pour distinguer la forme, l'origine, la destination ou la nature spéciale des œuvres considérées. Exemples : (03), ouvrages sous forme de diction- naire ; (05), publication périodique ; (06), publication émanée d’une Société; (07), œuvre destinée spécialement à l’enscigne- ment. Ces subdivisions font l’objet de tables détaillées, sous le nom de subdivisions de généralités et de formes. Ces subdivisions sont applicables dans toute l'étendue de Ja classification décimale, mais on à prévu l'emploi de subdivisions spéciales, commen- cant par un double zéro et qui ne sont applicables que dans l'étendue d’une science déterminée pour désigner les documents d’une nature particulière applicables spécialement à une science donnée. Exemple, pour la division 62, art de l'ingénieur, (008) brevets. Ces subdivisions particulières font l’objet de tables spéciales pour chaque science, c'est-à-dire de tables applicables seulement dans l'étendue de sec- tions déterminées de la classification décimale. Accessoirement, on peut étendre l'application de la classification décimale aux documents de toute nature autres que les livres, comme, par exemple, les gravures, les morceaux de musique, les médailles, les tableaux, etc. On estconvenu, à ceteffet, d'indiquer par un zéro placé entre parenthèses, à la suite du numéro clas- sificateur correspondant au sujet considéré, qu'il 11° 666 GÉNÉRAL SÉBERT — LES TRAVAUX RÉCENTS DE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE s'agit non d'une œuvre sur ce sujet, mais de l’objet même dont il est question. Ainsi on écrira : 784. OEuvres concernant les chansons. et 784 (0). Les chansons elles-mêmes, et, par suile : 355 : 784. La chanson dans l’armée. 355 : 784 (0). Les chansons relatives à l'armée. Les subdivisions analytiques sont constituées par des nombres commençant par zéro et destinés à être placés, sans interposition de parenthèses, à la suile des nombres classificateurs donnés par les tables générales.f Ces nombres forment des subdivisions communes permettant de spécifier, d’une façon uniforme, cer- laines particularités du sujet que l’on considère, telles que le point de vue sous lequel la question est traitée, l'objectif principal envisagé, les opéra- tions ou fonctions décrites ou étudiées, les parties constitutives examinées, etc. Certaines de ces subdivisions analytiques sont communes à toute l'étendue de la classification décimale, c'est-à-dire qu'elles peuvent servir à compléter toutes les divisions des tables. Ce sont les divisions analytiques générales ou communes; elles commencent par un double zéro et font l'objet d'une table spéciale portant le numéro >. Exemple : 621.16.0012. Machine à vapeur. Etude théorique d’un projet. Les autres subdivisions analytiques qui commen- cent par un simple zéro ne s'appliquent que dans l'étendue d'une même science et ont, par consé- quent, un sens spécial pour chaque science ou pour une certaine catégorie de divisions voisines. Elles font l'objet de tables spéciales placées en tèle des divisions auxquelles elles s'appliquent et qui font connaître les limites entre lesquelles elles doivent être employées. Par la combinaison des divisions analytiques avee les divisions ordinaires ou principales de la classification décimale, complétées par l'emploi des subdivisions de généralités et de formes et des subdivisions de lieu, de temps et de langue, ainsi que par l'emploi du signe de relation, on voit com- ment il devient possible, avec des tables générales de classification renfermant un nombre relative- ment restreint de divisions principales, d'exprimer une quantité considérable d’idées multiples et variées, à l’aide d'une série peu nombreuse de rubriques de classement, qui ont l'avantage, par leur disposition uniforme et symétrique, d'intro- duire l'harmonie et la clarté dans l'écriture des nombres classificateurs, dont la quantité utilisable se trouve multipliée dans des proportions considé- rables. La rédaction des tables de classification princi- pales se trouve ainsi grandement facilitée et ces { modérées. C'est ce qui a permis, en préparant la nouvelle édition des Tables, d'abréger certaines parties qui se trouvaient plus développées dans l'édition anglaise de 1894. Les subdivisions communes ont, en outre, l’avan- tage d'introduire, dans la classification, des élé- ments d'un caractère mnémonique qui rendent ainsi souvent compréhensible, à simple lecture, le lan- gage par chiffres de cette classification. Il est à remarquer, enfin, que l'emploi des subdi- visions auxiliaires, appelées à se combiner avec les divisions principales, n'empêche nullement d'ajou- ter, à tout moment, de nouveaux développements à ces divisions principales et d'introduire, dans les tables de classification générales, de nouveaux embranchements permettant de suivre les progrès des sciences. La précaution de rendre les divisions auxiliaires loujours reconnaissables à leur forme « où à un signe particulier, rend possible, en effet, “ d'intercaler, sans confusion, de nouveaux chiffres « entre les divisions principales et les subdivisions « auxiliaires. | Enfin, l'emploi des embranchements par soudure permet de ne créer que dans une seule partie des tables les développements des embranchements. dont les subdivisions peuvent s'appliquer à des nombres différents classés dans d’autres parties, et l’on à été conduit ainsi à développer spécialement les nomenclatures données en certaines parties des tables et susceptibles d'être utilisées aussi dans. d’autres. L'édition refondue des Tables de la classification décimale, établies sur les principes qui viennent. d'être exposés, se compose de tables disposées en. ordre méthodique et de tables ou index alphabé- tiques. Les tables méthodiques comprennent les tables. générales de la classification, ordonnées dela divi- sion O0 à la division 9, et les tables des divisions. communes qui sont applicables les unes dans toute l'étendue de la classification, les autres seulement dans l'étendue de certaines branches de sciences, en tête desquelles elles sont inscrites. Les tables alphabétiques comprennent une pre- mière table alphabétique générale pour les sujets mentionnés dans les tables méthodiques générales, y compris les tables des divisions analytiques spé- ciales aux différentes branches de sciences qui y sont incorporées, et des tables alphabétiques spé- ciales pour chacune des subdivisions communes, à l'exception de la table générale des temps dont l'index alphabétique ne pourrait être qu'un diction-m naire chronologique complet. On admet que les tables ainsi établies pourront G. URBAIN — LES TERRES YTTRIQUES 667 être complétées par la publication de Lables parti- culières développées, à l'usage des spécialistes, pour certaines branches de sciences comportant des développements considérables, comme la Mé- decine, l'Histoire naturelle, ete. Le travail de publication de ces Tables a été com- plété par la préparation d'instructions spéciales sur la rédaction des notices bibliographiques desti- nées à figurer dans les répertoires sur fiches et sur les dispositions à observer pour l'établissement, le classement et l'emploi de ces répertoires. Le Bulletin de l'Institut international de Biblio- “graphie à en outre publié, sous le titre de Manuel “de la Classification décimale, un exposé complet des principes et des règles admis pour les développe- “ments apportés au système et aux tables de Melvil - Dewey. Il a fait paraître aussi des modèles des dif- Bents types de notices bibliographiques éditées “en différents pays comme contribution à l’établis- - sement du répertoire universel. Ces indications permettent de juger de l’impor- tance de l’œuvre accomplie par l’Institut interna- tional de Bibliographie de Bruxelles, avec l’aide de ses collaborateurs des différents pays, pour rendre absolument pratique l'emploi de la classification bibliographique décimale et pour faciliter la pré- paration el la diffusion des répertoires sur fiches rentrant dans le plan du répertoire bibliographique universel. Il est à espérer qu’au moment de l'ouverture de l'Exposition universelle de 1900, l’exemplaire pro- totype de ce Répertoire, que l'Institut de Bruxelles se propose d'exposer dans la salle des Pas Perdus du Palais des Congrès, constituera un monument digne d’être adopté comme type pour les travaux que le siècle nouveau devra voir se développer et se poursuivre avec mélhode et ensemble, si l’on veut pouvoir conserver trace des productions de plus en-plus nombreuses de l'esprit humain. L'édilion, en langue francaise, des Tables refon- dues de la classification décimale sera alors assez avancée pour permettre à tous de coopérer facile- ment à ces travaux. Le Congrès de Bibliographie, quifse tiendra à Paris au mois d'août 1900, aura à juger des résultats obtenus et pourra avoir l'honneur de présider à la mise en marche définitive de l’œuvre dont nous venons de retracer les débuts. Général H. Sébert, Membre de l'Institut. LES TERRES + Les ferres rares se divisent en trois groupes, fon- dés sur la solubilité de leurs sulfates doubles po- tassiques dans une dissolution saturée de sulfate _ de potasse. Au premier groupe appartiennent les terres dont les sulfates doubles potassiques sont insolubles dans une dissolution saturée de sulfate de potasse ; ces terres comprennent le thorium, le cérium, le lanthane et le didyme ; Au second groupe se rattachent les terres dont les sulfates doubles potassiques sont peu solubles dans ces conditions; Au troisième, enfin, appartiennent les terres dont les sulfates doubles potassiques sont aisément solubles. Ce sont les terres du 2° et du 3° groupe que l’on désigne sous la dénomination générale de terres yllriques. J'appellerai le premier de ces deux groupes, groupe terbique, et le second, groupe yttrique. TL. — HisTorIQUE. Les terres yltriques furent découvertes, en 1794, par Gadolin, qui les considéra comme un corps unique, auquel il donna le nom d'yttria. YTTRIQUES En 1842, Mosander établit que l'yttria était un complexe, et y signala l'existence de trois corps auxquels il donna les noms d’yftria, d’erbine et de {erbine. En 1860, Berlin, reprenant l'étude des terres yttriques, ne put isoler que deux de ces compo- sants. Il nia l'existence de la terbine, et rendit la question obscure dès ses débuts en confondant les noms par lesquels Mosander avait désigné deux de ses corps. Depuis, les appellations de Berlin furent consacrées par l'usage el ses idées prévalurent quelque temps : Bahr et Bunsen d’une part, Clève et Hoglund d’autre part, nièrent l'existence de la terbine, malgré les avis de Delafontaine, qui avait isolé le troisième corps de Mosander, En 1878, Lawrence Smith annonca l'existence, dans la samarskite, d’une terre nouvelle qu'il dé- signa sous le nom de mosandrum. Marignac, en établissant d'une façon définitive l'existence de la terbine, identifia avec elle la terre de Lawrence Smith. Après cette première étape de l’histoire des terres yttriques, on considérait done que l'yttria de Gadolin était, ainsi que l'avait annoncé Mosan- der, un mélange des oxydes de trois corps : A0 L'yttrium, à poids atomique faible (89), à 668 oxyde blanc et dont les sels incolores ne présentent pas de spectre d'absorption ; à poids élevé (160 environ), à oxyde rose et dont les sels roses présentent un spectre d'absorption caractéristique ; 3° Le ferbium, à poids atomique élevé, mais indéterminé, à oxyde plus ou moins orangé, et dont les sels incolores ne présentent pas de spectre d'absorption. De ces trois substances, l'yttrium seul est actuel- lement considéré comme un corps simple. Toute- fois, M. W. Crookes et M. de Boisbaudran engagè- rent sur sa nature élémentaire une polémique célèbre. M. W. Crookes, en examinant dans le tube à ma- tière radiante divers échantillons d’yttrium consi- dérés comme purs, constata qu'ils présentaient tous une vive phosphorescence, qui, examinée au spec- troscope, présentait un beau spectre de bandes qu'il considéra comme caractéristiques de l’yttrium. Il se livra sur ces substances à des milliers de fractionnements, et observa une série continue de variations spectrales. Les bandes dont l'inten- sité relative variait s'éliminaient successivement et M. Crookes en conclut que l'yttrium était com- plexe et que chaque bande de phosphorescence caractérisait un composant. Il ne put isoler aucun considéra cet isolement comme irréalisable, même en admettant que plu- sieurs générations d'expérimentaleurs y consa- crassent tout leur temps. Il désigna ces compo- sants insaisissables sous le nom de méta-éléments. 90 ['erbium . de ces composants et &. URBAIN — LES TERRES YITRIQUES M. Crookes constata bien que certains de ces méta- éléments appartenaient au samarium, qui est de la série du didyme, mais il ne renonca point, mal- gré cela, à sa théorie originale ef séduisante contre laquelle s'éleva M. de Boisbaudran, avec tant de force et d'autorité. D'après cet auteur, dont les expériences peuvent ètre considérées comme décisives, l’yttrium et tous les corps dont les dissolutions ne présentent pas de spectre d'absorption ne sont phosphorescents que lorsqu'ils sont impurs, et les bandes de phospho- rescence qui, aux yeux de M. Crookes, caracté- visent les méta-éléments de l’yttrium seraient dues simplement à des traces de terres absorbantes en si faibles proportions qu'elles n'influent pas sur le poids atomique de cet élément. Par une série de ces traces s’échelonnent de ter- mes en elles ne peuvent être éliminées qu'au prix de difficultés presque insurmontables, et M. de Boisbaudran est peut-être le seul auteur qui ait pu atteindre ce résultat. fractionnements, termes : Jusqu'en 1878, l'erbine à sels roses fut considé- rée comme homogène. À cette époque, Delafontaine annonca qu'il en avait extrait une terre nouvelle, | la philippine. Cette substance n'est elle-même qu'un mélange où dominaient l'yltria et la terbine.M À partir de cette époque, l’erbium fut l’objet de nouvelles recherches, et jamais substance initiale ne fut scindée en plus de corps nouveaux. Les terbines de Marignac présentaient un spectre d'absorption notablement distinet de celui de l’an-« cien erbium, et Soret, qui les examina, en conclut que l’erbium était un mélange complexe, renfer- mant une substance à spectre d'absorption particu: lier, substance qu'il désigna provisoirement par X. Personne, à ma connaissance du moins, n'a encore isolé l’X de Soret à l’état de pureté. M. Clève chercha ce corps, le retrouva et lui donna le nom de holmium. M. de Boisbaudran, fractionnant… l'holmium à son tour, en isola une substance spectroscopique nouvelle, le dysprosium. La hol-= mine et la dysprosine sont des bases plus fortes que l’erbine. | Marignac de son côté, put isoler de l’ancienne * erbine une base plus faible et dont les sels inco- ‘ lores ne présentent pas de spectre d'absorption : l’ytterbine, et M. Clève annonca l'existence d’un corps spectroscopique absorbant : le {hulium. à Enfin Nilson, en fractionnant l'ytterbium de s Marignac, put en extraire une lerre nouvelle, moins basique encore que l'ytterbium, et dont le radical \ métallique, de poids atomique très faible (45), a reçu le nom de scandium. Divers auteurs ont con-. firmé ces résultats. En résumé, l’ancienne erbine est un mélange com- plexe qui, exempt d’'yttria vraie et de terres du groupe terbique, renferme deux groupes de corps : 1° Des corps dont les sels incolores ne présentent pas de spectres d'absorption : a) le scandium; b) l'ytterbium: 2° Des corps dont les sels colorés présentent des. spectres d'absorplion caractéristiques : a) le thulium ; b) le néo-erbium ; c) le néo-holmium ; d) le dysprosium. L'existence de ces six substances parait être hors de doute. Krüss et Nilson, reprenant la théorie « une bande ; M un élément » de M. Crookes, admettent que le holmium renferme au moins quatre éléments, le dysprosium trois, l'erbium deux, ainsi que le thu- lium. À l'appui de cette théorie, ils montrent que l'intensité relative des bandes varie pour des * échantillons de terres yttriques de provenances diverses. Je ne partage pas celte manière de voir, et je ne considère pas leurs expériences comme probantes. J'ai cherché à observer le fait en comparant des G. URBAIN — LES TERRES YTTRIQUES 669 échantillons variés, et je n'ai jamais constalé, après des fractionnements mulliples, qu'on puisse con- clure des variations spectrales qu'à chaque bande correspond un élément distinct. Peu après avoir confirmé les travaux de Dela- fontaine et de Lawrence Smith, Marignac montra que l’ancienne terbine de Mosander n'était pas elle-même homogène. Il put en extraire deux substances, dont l'une se rapprochait beaucoup du didyme et put être identifiée avec le samarium, découvert par M. de Boisbaudran, et déjà entrevu par Delafontaine, et dont l’autre se rapprochait davantage de la terbine. Ce corps, étudié par M. de Boisbaudran, a recu le nom de gadolinium. Son oxyde est blane et ses sels sont incolores, sans spectre d'absorption. Les sels de lerbium présentent les mêmes caractères, mais la terbine se distingue de la gadoline par une basicité plus faible et par la facilité avec laquelle lun de ses sels dont l'acide n'est pas fixe peut donner un peroxyde quand on le calcine à l’air. Ces différents caractères rapprochent le gadolinium du lanthane et le terbium du cerium. Enfin tout récemment, M. Demarçay a isolé, parmi les terres de ce groupe, une terre nouvelle qu'il a désigné par le symbole Y!. Quoique ce rapide historique soit bien incomplet, il suffit pour montrer combien est grande la com- plexité élémentaire des terres yttriques. Si l’on ajoute qu'il n'existe aucune fonction caractéris- tique et distinctive sur laquelle on puisse établir une méthode efficace de séparation, on comprendra Sans peine que les terres yttriques furent, sont et seront pour les chimistes à imagination vive une Mine inépuisable d'hypothèses hardies. C’est ainsi que Popp, après lestravaux de Mosan- der et de Berlin, a soutenu que les terres yttriques sont homogènes. Un éminent esprit, Schutzenber- ger, a faitune hypothèse analogue après les travaux de M. de Boisbaudran, de M. Demarçay, de M. Cleve, de Delafontaine et de Marignac. Pour Schutzenberger, l'œuvre de Stas n'avait remporté qu'une victoire temporaire, et il lui op- posait les judicieuses critiques de Hinrichs. M. Crookes à vu dans les terres yttriques des sub- slances en voie de genèse, des corps simples non définitifs, sujets à des transformations lentes et mystérieuses. Quelle serait la philosophie actuelle de la science chimique si les éléments des divers groupes avaient eu des fonclions aussi voisines que les éléments du groupe yttrique ? 1. Au moment de publier cet article, j'apprends que M. Crookes vient de signaler l'existence d'une terre yttrique nouvelle, le viclorium. Les lecteurs de la Revue trouveront l'exposé de ses recherches dans le numéro du 15 août. Il. — THÉORIE DES FRACTIONNEMENTS. Il ne sera pas inutile d'insister sur la seule méthode employée pour séparer entre elles les terres rares et plus particulièrement les terres yttriques. Cette méthode est celle des fraction- nements. Je la décrirai très succinctement, j'en exposerai brièvement la théorie et je profiterai de cette circonstance pour opposer aux idées de Sehützenberger et de M. W. Crookes la théorie des limites qui, tout en s'harmonisant avec les lois fondamentales de la Chimie et les principes acquis, suffit à l'interprétation des faits et rend compte des méprises dont l'histoire des Terres rares est par- semée. Il est impossible de formuler des règles précises sur la manière dont un fractionnement doit êlre conduit. En général, elle dépend essentiellement Fig. 1. — Séparation, par fractionnement, d'un mélange de deux corps. des réactifs dont on fait usage, du degré de com- plexité des mélanges que l’on fractionne et du ré- sultat que l’on se propose d'atteindre. On peut, cependant, indiquer le schéma général de ce mode particulier de séparation, qui est en usage dans d’autres branches de la Chimie. Je n’envisagerai qu'un cas théorique et simple : celui où l'on se propose de séparer par fraction- nement un mélange de deux corps (fig. 4). Soit À, le mélange initial. Par une première opération, on le divise en deux fractions B, et B.. Par un second tour de fractionnement, on divise B, en deux portions, ainsi que B,, et l’on réunit les portions intermédiaires. On continue de la sorte, ainsi que le représente le schéma de la figure 4. Il ne faut pas, en général, sub- diviser indéfiniment le mélange que l’on fractionne Ce serait un travail fastidieux et inutile. On suit la marche des fractionnements par un ou plusieurs caractères; l'on proportionne la grandeur des 670 G. URBAIN — LES TERRES YTTRIQUES diverses fractions aux caractères que l’on observe, et l’on arrête le fractionnement lorsque la quantité des produits intermédiaires est devenue aussi petite que possible. On a séparé de la sorte le mélange initial en deux fractions principales, et les fractions extrêmes sont les plus pures. Théoriquement, il faudrait un nombre infini de tours de fractionnement pour obtenir des substances pures, et l’on voit que le rendement ne dépend que du nombre des opérations effectuées. Tous les chimistes connaissent et appliquent cette méthode, principalement dans les distillations fractionnées à pression constante. L'indication que l’on observe alors est celle du thermomètre. À ce mode de séparation se rattache la décomposition fractionnée des nitrates des terres rares par la chaleur. Dans le cas des précipitations partielles ou des cristallisations fractionnées, on opère à tempéra- ture constante, J'ébaucherai une théorie de ce dernier cas que j'ai étudié plus spécialement, en généralisant la belle théorie de M. Konowalow sur les distillations fractionnées isothermiques. Supposons que l’on ait une dissolution de deux sels et qu'on l’abandonne à température constante à l’évaporation spontanée dans une atmosphère illimitée. Deux cas peuvent se présenter, s’il ne peut se for- mer de sels doubles : 1° Les sels ne sont pas isomorphes; 2° Les sels sont isomorphes. Dans le premier cas, lorsque la dissolution de- vient saturée de l’un des deux sels, celui-ci se dé- pose à l’état de pureté. La cristallisation se pour- suivant, dès que la dissolution est saturée des deux sels à la fois, le dépôt cristallin conserve une compo- sition constante jusqu'à la fin de la cristallisation. Il n’en est pas de même si les sels sont iso- morphes. Les premiers cristaux qui se déposent ne renferment jamais, à l'état de pureté, un seul des deux composants et la composition des cristaux varie d’une facon continue d'un bout à l’autre de la cristallisation. C’est ce que l’on observe avecles sels des terres rares, qui sont tous isomorphes. Après un nombre suffisant de cristallisations, on peut penser que l’on arrivera à obtenir, comme termes extrèmes, les deux composants du mélange dans un élat aussi voisin de la pureté qu'on le voudra. Ce résullat n’est pas nécessaire et l'étude du fractionnement des terres rares par cristallisa- tion le prouve surabondamment, quoique le nom- bre des composants d'un mélange soit, dans ce cas, généralement supérieur à deux. Il arrive fréquemment que, pour l’un des termes extrêmes ou même pour tous deux, le travail de la séparation présente des difficultés de plus en plus grandes à mesure qu'il s'effectue, et finit par de- meurer stationnaire, quoique la solubilité des sels purs, considérés isolément, puisse ètre notable- ment différente. On à atteint alors la limite théorique du fraction- nement. : Ce cas est comparable à celui d’un mélange phy- sique de deux liquides, qui distille à température constante sous une pression donnée, quoique les points d'ébullition des corps purs soient notable- ment différents. Le phénomène s’'interprète d'ailleurs d'une ma- nière analogue dans les deux cas. M. Konowalow en a établi la théorie dans le cas des distillations frac- tionnées, en s'appuyant sur ce fait qu'au cours d’une distillation isothermique, la tension de vapeur du mélange liquide ne peut que diminuer. M. Backhuis Roozeboom, comparant la pression Fig. 2. — Courbe de solubililé isolhermique de deux sels 1s0- morphes. osmolique d’une dissolution de sels isomorphes à. la tension de vapeur d'un mélange de liquides, a, par une généralisation de la théorie de Konowalow, interprété les particularités que peut présenter la solubilité de deux sels isomorphes dans une même dissolution, et sur lesquelles Rüdorif a, le premier, attiré l’attention des chimistes. Portons en abcisses, à partir de deux origines 0 et 0’, le pourcentage de chacun des composants du mélange dans un même poids de sels dis- sous, et en ordonnées les pressions osmotiques, ou plutôt une grandeur qui leur soit proportionnelle : le nombre de molécules dissoutes dans un poids donné de dissolvant. Les ordonnées extrêmes A et B se rapportent à chacun des deux sels dissous à l’état de pureté. La figure 2 schématise l'allure la plus générale que puisse présenter la courbe relative à la solubilité isothermique de deux sels isomorphes. Le point M correspond à un maximum, le point N à un mini- mum de solubilité. Or. lors d'une cristallisation, se concentrent dans les eaux mères les portions de plus en plus so- LARMES ESS ti lubles. Si le mélange initial, par exemple, est repré- G. URBAIN — LES TERRES YTTRIQUES 671 J'ai observé le fait en fractionnant des éthyl- sulfates de la série du didyme. Avec un mélange senté par le point P, on aboutira, après un nombre infini de fractionnements, au point N pour les têtes, au point M pour les queues et l’on ne pourra jamais obtenir ainsi les sels purs A et B, sauf si ces points toïncident avec les points M et N. Si le mélange initial est compris, soit entre les points À et M, soit entre les points Bet N, on ne » pourra jamais obtenir qu'un seul des composants à l’état de pureté, Les points M et N sont les limites théoriques du fractionnement. De telles limites s'observent fréquemment dans - les fractionnements des terres yltriques. - Plusieurs auteurs, se méprenant sur la cause de “la constance de propriétés de ces limites, les ont considérées comme des éléments nouveaux aux- quels ils ont donné des noms. C’est ainsi que Dela- fontaine annonça la découverte du philippium, et - cependant on doit à cet auteur de remarquables travaux sur les terres rares, puisqu'il soutint l'exis- tence des terbines, en dépit des dénégations de savants aussi illustres que Bahr et Bunsen et M. Clève, puisque, vingt ans avant M. Auer von Welsbach, il avait observé, accompagnant les - terres yttriques, un didyme à spectre d'absorption incomplet, probablement le néodyme, ainsi que - M. Boudouard l'a fait remarquer depuis. Le philippium n'existe pas : il n’est qu'une limite - de fractionnement de formiates yttriques, ainsi que - l'ont prouvé les recherches de M. Roscoë d'abord, de M. Crookes ensuite. Plus récemment, M. Schützenberger se méprit également sur la nature d'une terre yttrique de poids atomique sensiblement égal à 100. Cette limite présente une fixité remarquable et parail être commune à un grand nombre de mé- thodes de fractionnements, et ce n’est qu'après de longues recherches que je suis arrivé à scinder cette substance en yttria vraie, de poids atomique voisin de 89, et en terres appartenant au groupe des terbines, de poids atomique 152. La plupart des chimistes qui ont fractionné les terres yltriques savent qu'une méthode ne donne presque jamais de résultats qu'à ses débuts : cela tient à ce qu'on atteint rapidement ses limites, et si, en s'acharnant, on arrive, après des milliers d'opérations, à obtenir un faible résultat, c'est que des variations de température permettent un dé- placement des limites, comme le permettent des variations faibles de pression dans les distillations isobares. La théorie précédente nous montre encore que les résultats que l’on peut obtenir dépendent es- sentiellement de la composition initiale des mé- langes sur lesquels on opère. renfermant peu de néodyme et beaucoup de pra- séodyme, j'ai vu le néodyme s’accumuler dans les têtes du fractionnement ; avec un mélange ren- fermant beaucoup de néodyme et peu de praséo- dyme, c’est l'inverse que j'ai observé. Les terres yttriques brutes renferment, outre des terres dont les sels sont incolores, des terres dont les sels sont colorés et dont les dissolutions présen- tent des bandes caractéristiques d'absorption. Ce caractère permet de suivre le progrès et l'allure des fractionnements d'un mélange initial renfer- mant toutes ces terres; mais il n’existe pas de mé- thode dont l'unique emploi permette d'isoler à l'état de pureté l’une de ces terres absorbantes. On constate que, d'un bout à l’autre d’un fraetionne- ment, l'intensité de ces spectres varie, que le rap- port des intensités des différentes bandes se modifie. Parmi les fractions qui présentent encore des bandes d'absorption, on peut observer des spec- tres absolument distincts, mais jamais l'emploi d'une seule méthode ne permet d'isoler ces terres pures, et lorsque l’on a afteint des états station- naires, et que l’on change de procédé de fraclion- nement, on observe que l'intensité des spectres d'absorption varie de nouveau. Comment pourrait-on mieux interpréter ces faits que par la théorie des limites? Dans un grand nombre de cas, ces limites peu- vent être très voisines de la pureté. M. Crookes, pour étudier les variations speetrales de l'yttrium phosphorescent, a fait des milliers de fraetionne- ments sur de l’yttrium considéré à cette époque comme pur, et M. de Boisbaudran à démontré depuis que l'yttrium pur n’est pas phosphorescent. Enfin, on peut expliquer, par une généralisation de la théorie des limites, que les mélanges yttri- ques bruts, tels qu'on les obtient par un premier traitement à partir des minéraux, ont presque tou- jours la même composition, ainsi que l’a démontré M. Nordenskjold. La nature, dans ses sélections premières, n'a- t-elle pas atteint les limites des procédés de frac- tionnement dont elle disposait ? III. —— LES PROCÉDÉS DE FRACTIONNEMENT. Le procédé le plus communément employé pour fractionner les terres yttriques est la décomposi- tion ménagée des nitrates par la chaleur. Cette méthode sépare les terres dans l'ordre suivant, qui est aussi celui de leurs basicités : 1° Scandium ; 20 Ytterbium ; 3° Erbium ; 19 am r. URBAIN — LES TERRES YTTRIQUES 4° Holmium ; 5° Terbium : 6° Gadolinium ; 7 Yttrium. Le travail de Bahr et Bunsen offre la mesure de ce que peut donner cette méthode, qui ne conduit pas à de bons résultats si les terbines se trouvent en quelque abondance dans le mélange initial. Il importe donc, avant d'appliquer cette mé- thode, de séparer les terbines d'abord. Marignac et la plupart des auteurs ont eu recours à la faible solubilité de ces terres dans des solutions de sul- fate de potasse. Cette méthode ne réussit qu'à la suite d'opérations longues et nombreuses. J'ai proposé de substituer à ce procédé celui du fractionnement des éthylsulfates, qui m'a donné, en moins de temps et avec moins de peine, de meilleurs résultats. Dans ce dernier fractionnement, on recueille d'abord les terres du groupe terbique, et les terres du groupe yttrique s'accumulent dans les eaux mères. Ces dernières sont rigoureusement exemptes de terbines quand leurs oxydes calcinés à basse température ne présentent plus aucune coloration orangée, mais une teinte rose pure caractéristique du néo-erbium. En même temps que les terbines, s'éliminent la dysprosine et la holmine, et les dissolutions, com- parées aux dissolutions franchement roses des queues, présentent une teinte indécise verdâtre et de tous points comparable à des dissolutions étendues de praséodyme qui renfermeraient encore des traces de néodyme. Les terres du groupe vttrique se séparent sans trop de difficultés, soit par la décomposition frac- tionnée des nitrates, soit par des précipitations partielles par l’ammoniaque. Ces méthodes don- nent de mauvais résultats avec les terres du groupe terbique. La plupart des méthodes que l'on peut employer pour séparer les terres de groupe (précipitations ou cristalisations) isolent le gadolinium dans les têtes de fractionnement. Du moins, la précipitation des sulfates potassiques ou des formiates, la cris- tallisation des nitrates en liqueur acide, qui permit à M. Demarcay d'isoler son corps À, se comportent ainsi. IV.— RÉACTIONS DES TERRES YTTRIQUES. PLACE DE LEURS MÉTAUX DANS UNE CLASSIFICATION DES ÉLÉMENTS. Les terres vttriques en dissolution présentent généralement les bandes caractéristiques de l’er- bium et abandonnent dans ce cas des sels roses par cristallisation. Leurssulfates, leurs chlorures, leurs Ils forment avec nitrates sont aisément solubles. les terres du groupe cérique, renfermant le cérium. le lanthane, les didymes et le thorium, un groupe unique qui se place, au point de vue analytique, entre les métaux alcalino-terreux et l'alumine. Parmi les corps qui ne sont pas précipités de leurs dissolutions par l'hydrogène sulfuré, mais qui en sont précipités totalement par les alcalis, les terres rares sont les seules doit les oxalates soient inso- lubles en liqueur légèrement acide. Les terres yttriques;se reconnaissent aisément, dans un mé- lange de terres rares, par leur solubilité dans une dissolution saturée de sulfate potassique. On détermine approximativement leur compo- sition par la manière dont se comportent leurs divers sels au fractionnement, par l'intensité rela- tive des bandes de leurs spectres d'absorption, par la couleur de leurs oxydes et par leur capacité de saturation par l'acide sulfurique. Il paraît difficile d’assigner aux métaux des terres rares une place dans une classification rationnelle des éléments. M. Wyrouboff a exposé ses idées personnelles sur ce point à plusieurs reprises, et à fait à ce sujet de judicieuses et peut être un peu vives cri- tiques du système de Mendeleeff. En vérité, les. critiques de M. Wyrouboff visent plus haut que la classification périodique, et s'élèvent contre l’enva- hissement de la Chimie par les théories physiques. Je me garderai de suivre ce savant sur, ce dernier terrain. Mais lorsqu'il combat l’aveuglement où un enthousiasme irréfléchi pour des théories brillantes a précipité quelques auteurs, je ne puis que l’ap- prouver. La formule des oxydes des terres rares est à juste titre contestée; la facilité avec laquelle les oxydes des terres rares s’'attaquent en général, même après une forte calcination par les acides faibles, l’insolubilité des oxalates, et la non-volati- lité des chlorures et tant d’autres caractères, sont de puissants arguments qui plaident en faveur de la divalence des radicaux métalliques des terres. rares. D'autre part, la chaleur spécifique de leurs mé- taux conduit à les considérer comme trivalents, mais c’est la seule raison qui milite en faveur de cette hypothèse, si l'on excepte les exigences de la classification périodique. Car Mendeleeff, choisis- sant ses oxydes arbitrairement, éloigne les uns des autres des éléments aussi voisins que le cérium, le: lanthane et le didyme, ce qu'il ne peut faire qu'en. prénant à son gré, parmi les déterminations incer— taines de poids atomiques, celles qui sont en har- monie avec sa théorie. Qui pourrait rejeter sans parti pris ces justes critiques de M. Wyrouboff ? N'aurait-il pas été plus sage de rejeter ces corps D' A. LOIR — LES PRATIQUES MÉDICALES DES ARABES TUNISIENS dans une neuvième colonne du tableau périodique en attendani des mesures certaines et des argu- ments probants ? JL est vrai que la découverte du scandium de Nilson, en s'identifiant avec l'ékabore de Mendeleeff, parut justifier les idées théoriques du savant russe ; mais quels caractères de périodicité pourront pré- senter des corps aussi semblables que le gadoli- nium et le Z, l'ytterbium, le thulium, le holmium, le dysprosium et l’erbium, tout aussi intéressants que le scandium, et dont à priori on pouvait nier l'existence avec les mêmes arguments? Toutes ces critiques diminuent certainement la valeur de la classification de Mendeleeff, mais de- vons-nous rejeter systématiquement une première approximalion, si grossière qu'elle soit et qui ren- ferme sans doute le germe d’une loi naturelle ? Les découvertes récentes sur les gaz de l'air, sur les corps radiants de M. et M"° Curie et sur les terres rares exigeront bientôt une classification établie sur des bases nouvelles. La classification de Mendeleeff est une première élape : elle est au- jourd’hui insuffisante, mais quelle sera celle de demain ? G. Urbain, Docteur ès sciences. LES PRATIQUES MÉDICALES En Tunisie, lorsqu'une femme arabe accouche, elle est assistée par une sage-femme indigène. Comme celle-ci n’a pour toute science qu'une cer- taine habitude de la profession d'accoucheuse, les victimes de son ignorance sont nombreuses, mal- heureusement. C'est elle qui apporte la chaise de bois qui sert de lit de douleur aux femmes arabes. Ce siège, recouvert de toile cirée, à la forme d'une chaise percée largement échancrée à la partie an- térieure : l'accouchement se fait dans la position assise. Au moment de l'événement, la chambre de la malade est envahie par les parents, les suivantes, “es enfants de tous les âges, qui entrent el qui sor- tent à leur gré. Quelquefois le vacarme est tel qu'il couvre les cris de souffrance de celle qui va être mère. Tous les hommes se sont éloignés, même le mari. Dès qu'une femme est prise de douleurs, c'est un sauve-qui-peut général parmi eux. Si un homme, même étranger à la famille, se trouvait dans la maison pendant la délivrance d’une femme, il est obligé d'y passer sept jours claquemuré. S'il s'en allait avant, ce serait de mauvais augure. Après l'accouchement, la femme est placée sur son lit, assise et non couchée, ce qui est peut-être la cause d'hémorragies qui paraissent assez fré- quentes. On essuie l'enfant et on enroule autour de son corps une très longue bande en calicot. Il est coiffé d'un petit capuchon; ses bras, ses mains sont prisonniers dans le maillot qui l'enveloppe; la fi- gure seule est apparente, avec les yeux noircis de khol (poudre d'antimoine). Il ressemble ainsi à une petite momie vivante. On le pose sur une couver- ture pliée en plusieurs doubles, la tête placée sur un petit oreiller. Cette couverture sert à transporter l'enfant et fait le même office que les porte-bébés de nos nourrices. On suspend au lit de l'accouchée un œuf et un CHEZ LES ARABES TUNISIENS morceau de charbon contre la jetlatura; avec du harkous (cosmétique noir avec lequel les femmes se font des mouches sur le visage), on fait entre les sourcils une marque noire à la mère et à l'en- fant pour les préserver du mauvais œil. Les femmes en couches en ont une vraie terreur. S'il leur sur- vient une fièvre, un abcès au sein ou un rual quel- conque, on attribue cel accident à Finfluence né- faste d'une des visiteuses. Celles-ci passeraient pour n'être pas de bon ton si elles négligeaient, en com- plimentant la mère sur la beauté de l'enfant, de dire une injure à celui-ci ou de le toucher avec leur doigt mouillé de salive. Nous avons vu une vieille juive tunisienne cracher dans la bouche d’un nou- veau-né. Les Arabes ont un grand égard pour les envies des femmes enceintes. Les sages-femmes indigènes sont les ennemies ju- rées des médecins. Elles craignent qu'ils ne leur fas- sent du tort (car nombre d'Arabes intelligents et eivi- lisés n'hésitent pas s'adresser à un homme de l’art en pareille circonstance) ; aussi elles cherchent par tous les moyens à faire partager cette haine aux musulmans. Selon’ elles, la science de la médecine est donnée par Dieu. C'est une fetha (écriture d'en haut). Nul ne peut l'apprendre ni l'enseigner. Les tebibs arabes (derviches faisant l'office de méde- cins) seuls ont reçu ce don. Quant aux médecins européens, elles prétendent qu'ils sont incapables de se prononcer sur une maladie, surtout s'il s'agit d'une grossesse. Les Arabes croient qu'un enfant peut rester plu- sieurs années dans le sein de sa mère, très long- temps après la conception. Il est rakad (endormi). Voici un fait relaté par une de ces sages-femmes en présence de la femme à qui une aventure de ce genre était arrivée et qui est persuadée de la véra- cité de ce conte. L'enfant avait, paraît-il, dormi D' A. LOIR — LES PRATIQUES MÉDICALES DES ARABES TUNISIENS trois ans dans le ventre de sa mère avant de venir au monde. Le mari, familiarisé avec les mœurs euro- péennes, s'était formellement opposé à ce qu'elle fût soignée par une accoucheuse ou un tebib indi- gène. Comme l’état de santé de sa femme l’inquié- tait, il fit venir plusieurs médecins, qui tous décla- rèrent qu'il n'y avait pas d'apparence de grossesse. Une sage-femme française lui dit mème qu'à son àge elle ne pouvait plus avoir d'enfants. On lui avait fait absorber tellement de remèdes qu'elle craignait que l'enfant ne fut /esed (gâté), d'autant plus qu'elle ne le sentait remuer qu'à de rares intervalles, puis plus du tout pendant un certain temps. À ce moment, elle perdit un fils et cette mort lui causa une grande douleur ; alors celui qui dormait dans son sein eut pilié d'elle et se réveilla complètement. « Je l’entendis d’abord, a-t-elle dit, remuer doucement, comme un remous (mous- tique), puis de plus en plus fort, et, quand il fut définitivement sorti de son sommeil, j'eus tous les symptômes d'une grossesse ordinaire. Malgré cela, les médecins disaient toujours que je n'étais pas en- ceinte. Je fis venir une de nos sages-femmes, celle que vous voyez ici, quand je sentis que le moment de la délivrance élait proche. Elle seule a reconnu mon état. Dès que je fus sur la chaïse, j’accouchai d'un fils que Dieu m'a envoyé pour remplacer celui que je pleurais. » Un de mes confrères, Italien, exerçant la médecine à Tunis, me racontait qu'il avait eu l’occasion de voir le produit de l'accouchement d’une de ces grossesses prolongées, diagnostiquée par une sage- femme arabe qui venait d'extraire des parties géni- tales d’une femme un superbe beefsteak de viande de bœuf, mettant ainsi un terme à l'aventure. Une autre femme, soignée par un médecin euro- péen, était morte en accouchant de trois enfants mort-nés. La sage-femme arabe s’en allait répétant à tous que, si elle eût été appelée, elle eût sauvé la mère; mais que, lorsque le médecin vit apparaitre le second enfant, il s'était enfui en disant qu'il refusait de s'occuper de la malade, qu'elle pouvait encore avoir dix enfants dans le ventre et qu'il n'était venu que pour en tirer um seul; et ces insinualions grossières impressionnent ces esprits ignorants. Les sages-femmes arabes prétendent reconnaître si une femme (même lorsque celle-ci n'est pas encore mariée) est plus ou moins prédisposée à avoir beaucoup d'enfants. Elles serrent le bras au dessus du coude; si la femme ressent une douleur vive à une légère pression, elle pourra avoir de nombreux enfants. Moins le bras est sen- sible, moins elle en aura. Sept jours après l'accouchement, on réunit la famille, et on donne un nom à l'enfant. La circon- cision, qui se fait chez les Israélites huit jours après la naissance, ne se pratique chez les Arabes qu'à l'âge de six ans. C'est aussi sept jours après la naissance que la mère reçoit ses parentes et amies en grande toilette. Souvent elle quitte son lit ce même jour, qui est fêté avec plus ou moins de so- lennité. Les femmes des douars ne prennent même pas ce repos de sept jours. On a vu des moisson- neuses bédouines se délivrer elles-mêmes, envelop- per leur enfant dans une guenille et reprendre leurs travaux. Mais la vie des femmes des tribus nomades est lotalement différente de celle des musulmanes des villes. Si une hémorragie se présente, la sage- femme fait mettre à la malade des compresses de vinaigre dans la région du bas-venire, et à l'in térieur, si elle est abondante, on se sert d'un tampon de poils de chameau (oubar), roussis à la flamme et trempés dans du vinaigre; ce flambage superficiel est presque de l’asepsie. Immédiatement après la délivrance, dans les cas ordinaires, on met un tampon de linge enduit d'un onguent, composé de vin pur, de résine, de sucre en morceaux (kallab); tout cela a été cuit ensemble, de façon à avoir l'apparence d'un sirop assez épais. Ce pansement se renouvelle deux ou trois fois pendant Les sept premiers jours. Les sages-femmes disent qu'elles doivent toucher le moins possible l'accouchée, que la guérison doit être naturelle et qu'elle dépend presque totalement de l'urine, qui cautérise les parties malades et les fait se cieatriser si elle est abondante ; aussi surveille-t-on beaucoup la facon dont la femme émet l’urine. On ne peut qu'approuver cette abstention de la part de ces femmes, ignorantes des soins élémentaires de pro- preté. Si un abcès au sein se déclare, on le soigne comme tous les autres abcès, c'est-à-dire en mettant dessus un peu de charpie imbibée de miel; dès qu'il est ouvert, on place une mèche semblable, puis on recouvre toute la partie malade d’un emplàtre composé de jaune d'œuf, de suere, de térébenthine et de beurre fondu (c'est aussi avec le beurre fondu que l’on soigne les brûlures). Le septième jour, on lave l'enfant pour la pre- mière fois; pour cela, la sage-femme trempe ses pieds dans un bain et place l'enfant sur ses pieds. À partir de ce moment, on lui fait une toilette sommaire tous les matins. Ce lavage est souvent insuffisant ; l'humidité et l'irritation causées par les déjections produisent des excoriations que l'on saupoudre avec de l'amidon. Lorsque les enfants ne dorment pas, on leur donne constamment, el cela même dans les plus grandes familles, des infusions de têtes de pavots. On peut dire que chaque enfant arabe absorbe en infusion une tête de pavot chaque soir et cela jusqu'à l’âge de deux ans. ; et #Y 5 - à D' A. LOIR — LES PRATIQUES MÉDICALES DES ARABES TUNISIENS 019 Beaucoup d'enfants meurent en bas âge, faute de soins. Quelquefois on a recours au {ebib (méde- cin arabe) lorsqu'ils sont malades; on leur applique aussi souvent des remèdes légués par la tradition dans les familles. Une pauvre pelile avait le mu- guet; le père, fanatique. refusait de la faire voir à un médecin en disant que, sile remède dont il usait n'amenait aucune amélioration, c'est parce qu'il était écrit que l'enfant ne devait pas guérir ; ce remède consistait à placer la petite fille sous un chameau dont l'urine devait guérir la mauvaise influence amenée, disaient les parents, par « l'air du hibou » qu’elle avaitrespiré. Pour la coqueluche, on mène l'enfant en pèlerinage sept fois, et tou- jours le samedi, à une zaouia aux environs de la ville; c'est presque un changement d’air que cette promenade. Là, on prend un couteau tourné du côté opposé au tranchant et on le passe sept fois sur la gorge de l'enfant. On considère comme un remède très efficace contre les maladies des enfants de suspendre dans la chambre où ils cou- chent une sorte de chapelet fait de boules en fiente de chameau. Quarante jours après ses couches, la femme se rend au bain; c’est sa première ablution après sa délivrance. C'est un bain de purification. Quand c'est la mère qui nourrit, elle garde l’en- fant dans son lit; s’il a une nourrice, c'est avec elle qu'il couche. Il tette jusqu’à l’âge de deux ans si c'est un garçon, de dix-huit mois, si c’est une fille. Dès qu'il commence à manger, on lui donne indiffé- remment de tous les mets, même des plus épicés. Quand il essaie de marcher, on lui retire complète- ment le maillot; à un an, l’on teint au henné ses pieds, ses mains, ses cheveux, on l’habille avec un palelot long jusqu'aux pieds et on lui met des amu- lettes : ce sont des sachets et des cassolettes en argent retenus par une chaîne, qui renferment des morceaux de papier sur lesquels sont écrits des versets du Koran. C'est seulement vers l’âge de quatre ans qu’on fait porter la chechia aux jeunes Arabes. Jusqu'à cet âge, ils sont coiffés du tartour, sorte de petit capuchon qui est la coiffure des enfants du premier âge. La mère dort généralement avec tous les jeunes enfants; sur les grands lits tunisiens la chose est facile. Souvent les garcons et les filles couchent ensemble dans un autre lit, mais dans la même chambre que les parents. La promiscuité la plus grande règne entre les maitres et les domestiques. C'est dans un nombreux personnel que consiste le principal luxe des riches Arabes, mais souvent c’est une cause de ruine. Ces domestiques ne sont pas rétribués, mais entretenus, ainsi que tous leurs enfants. Quand un enfant est sevré, la nourrice reste presque toujours dans la famille de son nourrisson. Lorsqu'une jeune négresse est dans une posilion intéressante et qu'elle a des raisons pour ne pas oser avouer son état, elle cherche presque toujours à se faire avorter, soit à l’aide de certains breuvages, soit en allant au hammam, où le massage a une certaine réputation. Quelquefois, elle s'adresse à une vieille matrone expérimentée, et, après la déli- vrance, on fait disparaître le corps de l'enfant dans un puits ou une citerne de la maison, Certaines femmes sont réputées pour leur adresse et'on m'en citait une qui vendait ses services à prix d'or. Cependant la chose est rare pour les blanches, car les mauresques sont généralement de très bonnes mères. Si elles négligent les principaux soins à donner à leurs enfants, c'est l'ignorance qui en est surtout la cause. Ce ne sont pas les sages-femmes arabes qui font la vaccination, mais des juives spécialement char- gées de ce soin; cette opération est du reste peu répandue. Peu à peu le médecin européen pénètre dans la famille arabe ; souvent il voit librement la femme qu'il doit soigner; elle accepte de se laisser faire ou de laisser faire à ses enfants des injections sous-cutanées, des injections de sérum antidiphté- rique ; nous avons fait, avec un de nos confrères, un tubage du larynx, une dilatation forcée pour hémor- roïdes à la suite de couches. D’autres fois, on refuse de vous laisser voir la femme, mais on vous auto- rise à l’examiner. J'ai été un jour appelé auprès d’une malade; la sage-femme était là; après avoir parlé au mari, j'entre dans une chambre où l’exa- men devait avoir lieu. J'apercois sur le lit un mon- ceau de linge, qu'on me désigne du doigt sans plus d'explication; c'est par hasard seulement que je distingue un point métallique dans un pli de l’étoffe. C'était l'entrée d'un spéculum, au fond duquel se trouvait un museau de tanche; c'était tout ce que l’on voyait de la musulmane. Après avoir expliqué l'impossibilité où j'étais de faire l'examen, je fus, après beaucoup d'hésitations, autorisé par le mari à soigner sa femme comme si elle était une Européenne. Souvent l'homme de l’art est appelé pour des applications de forceps. En somme, le médecin, lorsqu'il a su gagner la confiance, entre facilement dans la maison de l’Arabe. Le Koran, du reste, autorise la musulmane à paraitre devant ses domestiques hommes et le médecin peut être compté comme un mercenaire à la solde de ses clients. Plus nous pénétrerons dans ces intérieurs, plus nous pourrons donner des con- seils d'hygiène et plus vite nous verrons disparaitre ces terribles épidémies qui entrainent la mort d'un si grand nombre d’indigènes. D' A. Loir, Directeur de l'Institut Pasteur de Tunis, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques André (Ch.), Directeur de l'Observatoire de Lyon, Pro- fesseur d'Astronomie à l'Université de Lyon. — Traité d'Astronomie stellaire. Première Purtie : Etoiles simples. — 1 vol.qr.in-8 de 344 pages avec 29 figures et 2 planches. (Prix : 9 fr.) Gauthier-Villars, “diteur, Paris, 1899. Le Traité d'Astronomie stellaire de M. Ch. André a été conçu en vue de remettre en honneur, dans notrepays, l’Astronomie sidérale, sur laquelle les découvertes d Herschel ont jeté un si vif éclat. Le premier volume, qui vient de paraître, est consacré uniquement aux étoiles simples ; il résume les travaux du grand astro- nome anglais sur ce sujet et tous ceux qui ont élé accomplis postérieurement, jusqu'à notre époque. M. André parle d'abord des miroirs et des objectifs. Laissant de côté l'étude géométrique des images, suf- fisamment connue, il se préoccupe spécialement des phénomènes lumineux que l’on observe en dehors du foyer. Herschel a annoncé ce fait surprenant que l’image d'une étoile, dans une très bonne lunette, est formée d'un disque brillant, d'autant plus large que l'objectif est moindre, entouré d'anneaux alternativement bril- lants etobscurs. Ce phénomène est longtemps demeuré inexpliqué, jusqu'au jour où Airy le rattacha à la théorie de la diffraction de Fresnel. Le travail le plus complet sur la question est de l'auteur lui-même, et son livre en contient un résumé substantiel. Après avoir défini le pouvoir séparateur, M. André parle des écrans de diffraction, qui peuvent servir à l’'augmenter et à fournir des données sur la constitu- tion physique de certains astres. Il s'occupe ensuite des effets de la diffraction sur les images des astres à srands diamètres, effets auxquels sont dus les liga- ments obscurs constatés lors des passages des planètes inférieures sur le Soleil. } Après ces préliminaires, l’auteur aborde son sujet. Il suit, dans son exposition, l'ordre historique, pour les motifs indiqués dans la préface : « J'ai suivi autant que possible l’ordre historique, afin de mettre en évidence les moyens simples à l’aide desquels nos prédécesseurs sont arrivés à de si grandes et de si sublimes décou- vertes, et de même, toutes les fois que je l'ai pu, j'ai réservé momentanément le recours aux méthodes phy- siques nouvelles, pour montrer que, même aujourd'hui, un observateur zélé trouve encore dans l’Astronomie stellaire un champ fertile où, avec des ressources ins- trumentales restreintes, il récoltera de bonnes et abon- dantes moissons. » Cette manière de voir n'est pas personnelle à l'auteur; bon nombre d'astronomes pensent comme lui. Les faits viennent d'ailleurs à l'appui d’une pareille thèse. On ne saurait trop répéter qu'une des plus belles découvertes astronomiques de notre temps, — celle des liens qui unissent les essaims d'étoiles filantes à certaines comètes périodiques, — est le fruit de recherches exécutées sans l'intervention d'aucun instrument. Après avoir décrit le ciel étoilé, parlé des catalogues et de la carte photographique du ciel, M. André expose les recherches accomplies en vue de définir, d’une facon nette, les grandeurs des étoiles. Ce sujet l'amène à examiner, en détail, les effets de l'absorption atmos- phérique, dont la connaissance est nécessaire pour com- parer les éclats d’astres occupant dans le ciel des posi- tions très différentes. Le dénombrement des étoiles selon la grandeur, leur distribution sur la sphère céleste, mettent en évidence l'importance de la voie lactée dans la structure du ciel étoilé et la nécessité de son étude détaillée. Le cha- pitre que M. André consacre à ce sujet, sert dedémons- tration à cette magnifique conception d'Herschel : «Le Soleil et toutes les étoiles, que l'œil ou les lunettes peuvent nous montrer dans le firmament, font partie d'un même système général dont la partie centrale constitue la voie lactée ». Il semble, du reste, à mesure que l’on avance dans le livre, que rien de ce quitouche à la constitution de l'Univers n’a échappé au grand astronome anglais; à chaque page on retrouve son nom. C'est à lui que sont dues les premières notions précises sur le déplacement du système solaire dans l’espace, à peine soupçonné auparavant. Il en assigna la grandeur et la direction à une époque où les don- nées faisaient presque défaut. Les recherches modernes, fondées sur la connaissance des mouvements propres d’un assez grand nombre d'étoiles, n’ont guère mo- difié ses résultats, que confirme aussi la considé- ration des vitesses radiales des étoiles dont la détermi- nation repose sur le principe Doppler-Fizeau. C’est également grâce aux méthodes qu'il créa que fut tran- chée définitivement la question controversée de la parallaxe des étoiles par Bessel, qui mit hors de doute l'existence d’une parallaxe sensible pour la 61€ du Cygne. L'auteur s'étend, avec raison, sur ce su- jet et induit des valeurs des parallaxes connues, encore peu nombreuses, que « les éclats de toutes les étoiles, réduits à la même distance, sont en moyenne les mêmes », et que « leur distribution est uniforme dans l’espace absolu ». La méthode photographique, proposée récemment par M. Kapteyn, ne peut manquer de fournir des données nouvelles sur les parallaxes des étoiles; aussi est-il à souhaiter que M. André revienne, dans la suite, sur cette branche de la science, actuelle- ment en voie de transformation. A cette question des parallaxes se rattache celle des dimensions des étoiles, supérieures, vraisemblablement pour la plupart, à celles du Soleil, mais cependant comparables. L'auteur examine ce sujet après avoir parlé des diamètres des étoiles. - Un dernier chapitre, consacré aux variations d'éclat des étoiles, résume ce que l’on sait sur les étoiles varia- bles. Un tableau des étoiles variables à longues périodes termine le volume. L'ouvrage de M. André, élégamment rédigé, très au courant de la science moderne, est un des plus inté- ressants qui aient été écrits en France sur l'Astronomie. D'une lecture facile, presque sans calculs, il est à Ja portée de tous les savoirs. On ne saurait trop louer l’au- teur de cette œuvre importante sur laquelle il n'ya aucune critique à formuler. Maurice Hany, Astronome-adjoint à l'Observatoire de Paris. Baudry de Saunier (L.) — L'Automobile théo- rique et pratique. Traité élémentaire de Locomo- tion à moteur mécanique. I. Motocycles et voiturettes. — Un vol. in-5°, de 416 pages avec 194 figures (Prix : 9 fr.). Chez l'auteur, 22, boulevard de Villiers, Neuilly-Levallois (Seine), 1899. M. Baudry de Saunier est un vulgarisateur, avec les qualités maitresses de l'emploi : la clarté, l’ordre, l’'é- légance. Il les a, dès la première heure, mises au service de l’'automobilisme naissant, par son Cours de Locomotion au pétrole, qui a initié les lecteurs des Petits Annales du Cycle et de l'Automobilisme aux mécanismes des nouveaux véhicules. Semblable initiation est nécessaire, car une automobile, et tout particulièrement une voiture à pétrole, offre, à l'œil du profane, un singulier enchevé- trement de cylindres, de soupapes, de tubes, d’engre- _. RSS = F 0 À Ÿ. Le ‘ BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 677 nages, de chaines et de leviers, pour l'exploration duquel il a besoin d’un guide compétent. Et, d’un autre côté, c'est plaisir de voir comme la clarté se fait vite dans son esprit, dès qu'on lui a montré le rôle que joue dans l'ensemble chacun de ces organes, à première vue si embrouillés. Le volume en question est le premier d’une série, qui traitera de tous les véhicules mécaniques employés sur route, de ceux, ajoute l’auteur, qui auront fait leurs preuves et affirmé leur valeur; mais cette restriction laisse encore à sa charge une œuvre de longue haleine. Il commence par exposer très clairement, sans con- sidérations théoriques inutiles, mais non pas sans aper- eus originaux, le fonctionnement du moteur à pétrole. Son mouvement est transmis aux roues du véhicule par des organes assez compliqués, parce qu'ils ont des fonctions aussi diverses qu'importantes à remplir : embrayage et débrayage du moteur, marche aux diver- ses allures, recul, freinage, indépendance des roues motrices indispensable à la sécurité des virages. Tout cet ensemble est étudié sous la rubrique Transmissions. Ces généralités une fois éclaircies, l'auteur passe à l'étude bien détaillée d'un tricyele de Dion-Bouton, puis à ce qu'il appelle fort justement la progéniture du de Dion, une famille qui est déjà légion. La voiturette Léon Bollée, les voiturettes Benz et G. Richard, les deux dernières qui sont, à vrai dire, de véritables voitures, sont analysées dans les chapitres v eb VI. Le vu® donue des renseignement divers sur ce qui touche à la locomotion nouvelle : associations, presse spéciale, règlement sur la circulation, impôts, tarifs de de transport et de douanes, autant de choses qui inté- ressent le chauffeur, et qu'il sera heureux de trouver réunies dans ce volume. Sa lecture aussi agréable que facile, son caractère hautement pratique sont bien faits pour gagner à l’au- tomobilisme une foule d'amateurs, que leur ignorance de la mécanique risquait fort d'en tenir longtemps éloignés. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines, 2° Sciences physiques Truchot (P.), Ingénieur Chimiste. — L’Eclairage à incandescence par le Gazet les liquides gazéifiés. — 1 vol. in-8° de 256 pages avec T0 figures. (Prix, car- tonné : 5 fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1899. La Bibliothèque de la Revue générale des Sciences vient de s'enrichir d’un volume sur l'éclairage par incandes- cence. M. P. Truchot a fait un exposé très complet de cette question. Le bec Auer est maintenant connu de tous, et il est très intéressant de suivre les phases de la découverte d’Auer von Welsbach, qui nous a doté d’un des meilleurs modes d'éclairage et à eu, en outre, une très grande influence sur l'étude des terres rares et sur l'industrie du gaz. L'ouvrage de M. P. Truchot comprend douze cha- pitres. Le premier chapitre rappelle les notions théoriques relatives à la production de la lumière par incandes- cence et les hypothèses destinées à expliquer le phé- nomène de l’incandescence. Le deuxième chapitre est un historique très déve- loppé, en particulier en ce qui concerne le procédé d'Auer von Welsbach, Dans le chapitre mm, l’auteur décrit les minéraux employés dans la fabrication des manchons à incandes- cence el les méthodes proposées pour séparer les terres rares qu'ils renferment. Le chapitre 1v traite de la fabrication des manchons. Les chapitres v à 1x renferment la description des nombreux becs et brüleurs à gaz, à pétrole, à alcool, à acélylène et des applications de l'éclairage à incan- descence. Les considérations économiques du chapitre montrent que l'éclairage par incaudescence peut lutte avec avantage contre l'éclairage électrique et l'acéty- lène, Une liste des brevets très nombreux concernant l'éclairage par incandescence termine l'ouvrage de M. Truchot, que tout le monde pourra lire avec intérêt. MarcEL GUICHARD. Seyewetz (A.), Sous-directeur et Chef des Travaux à l'Ecole de Chimie industrielle de Lyon. — Le Dévelop- pement de l’image latente en Photographie. — { vol. in-18 de 100 pages (Prix: 2? fr. 75.) Gautnier- Villars, éditeur, Paris, 1899. Le développement de l’image latente est assurément celle des opérations photographiques qui s'est le plus inspirée des ressources multiples qu'offrent les progrès incessants de la Chimie moderne. Aussi, les propriétés développatrices, qui, autrefois, paraissaient si com- plexes, sont-elles devenues peu à peu d'une concep- tion plus simple, à mesure qu'on reconnaissait qu'elles obéissaient à des lois déterminées. Ces lois ont été étudiées et vériliées par MM. Auguste et Louis Lu- mière, qui ont mis en évidence l'existence d'une véri- table fonction développatrice. Le nombre des substances douées de propriétés révélatrices s’estaceru depuis lors dans d'énormes proportions. L'ouvrage de M. Seyewetz a pour but de permettre aux photographes de faice un choix judicieux parmi ces dernières. Dans une première partie, l'auteur indique l’état actuel de nos connaissances sur l’opéra- tion du développement, ainsi que les travaux théori- ques relatifs aux développateurs. La seconde partie est consacrée à la pratique du développement avec les révélateurs qui répondent le mieux aux desiderata formulés précédemment. 3° Sciences naturelles Rutot (A. — Sur l’âge des Gisements de silex taillés découverts sur le territoire de Haïne- Saint-Pierre, Ressaix, Epinois, etc., canton de Binche, province de Hainaut (Belgique). — Une br. de 124 pages et 181 figures (Extrait de la Soc. Anthrop., t. XVII). Hayez, éditeur, Bruxelles, 1899. En abordant l'étude des gisements à silex signalés par M. de Puydt, le savant géologue du Musée de Bruxelles a eu particulièrement en vue de donner des renseignements stratigraphiques plus précis sur l’âge de certaines stations paléolithiques de la province de Hainaut. L'auteur, en faisant l’esquisse topographique de la région comprise entre Saint-Vaast et Morlanwelz au nord, Binche et Anderlues au sud, indique que c'est par l’action des pluies du sud-ouest que «les affleure- ments des couches du sous-sol apparaissent sur les versants ayant la même orientation ». Après un court aperçu des couches préquaternaires du sous-sol et des érosions et dénudations de la fin de la période tertiaire, M. Rutot s'occupe des terrains moséen, campinien, hesbayen et flandrien. Il fait remarquer «que la cons- titution des couches quaternaires et modernes est simple » et que l'étude de la question se résume à l'examen du cailloutis moséen et du limon hesbayen. A Helin, le cailloutis de la base du gravier campinien se confond avec celui du moséen et en partie avec le cailloutis landenien. Les silex de l'industrie mesvi- nieone de cette localité n'ont. pas été taillés d'après une idée préconcue, mais suivant « la fantaisie de ropérateur appliquée au hasard de l'éclat » . Il est impossible de faire un classement rigoureux des ma- tériaux observés, qui peuvent cependant se diviser en pereuteurs, grattoirs et poincons. Parmi une dizaine de formes d'instruments différents, l'auteur a vu des spécimens grossiers de la pointe « dite moustérienne » de M. G. de Mortillet, observée déjà dans le Mesvinien, 678 le Néolithique, et faconnée à tout âge de l’époque de la pierre. D'autres pièces, taillées intentionnellement dans un silex noir ou gris, se rapprochent de la hache en amande el paraissent faire le passage de l’industrie mesvinienne à l’acheuléenne. Le perfectionnement de la taille s’est fait pendant la période acheuléenne cor- respondant à l'étage campinien belge. Aux environs de Mons, les silex se rencontrent encore dans ce dépôt, mais manquent entièrement dans l'ergeron et le limon hesbayen. L'outillage campinien est paléolithique et la faune de cet âge se compose de dents de cheval, de restes de mammouth et d’ossements de Rhinoceros tichorinus. Les hommes des cavernes de la deuxième période des temps campiniens se font remarquer par une plus grande habileté à tailler le silex, et les pièces néolhltiques, à forme encore mixte, sont remplacées plus tard par l’industrie magdalénienne, contemporaine de l’époque du renne ou de l’âge flandrien. Au com- mencement de l’ère campinienne, la vitesse des eaux de la Haine et de la Trouille a produit le creusement entier et définitif des vallées de ces rivières. Sous l'influence de la recrudescence des eaux submergeant momentanément « le fond des vallées », les premiers pionniers acheuléens ont quitté les lieux primitifs de l'atelierde taille. Ces phénomènes permettentd'expliquer comment, aux environs de Mons, lesgisements, situésen apparence au même niveau géologique, ne sont jamais mélangés de silex acheuléen et mesvinien. Dès le retrait des hautes eaux campiniennes, les habitants de ces parages se sont installés « sur les sables fluviaux asséchés », qui renferment des traces irrécusables de leur outillage acheuléen. A Mons, le gisement néoli- thique, placé au-dessus de l’ergeron flandrien, com- mence par des silex absolument mesviniens. À Ressaix et Epinois, les mêmes phénomènes ne se sont pas présentés, car, avant la période campinienne, les vallées étaient déjà suffisamment creusées pour que les eaux « ne puissent plus recouvrir de sédiments aucune partie des plaines émergées». L'auteur mentionne que l'homme à pu « théoriquement » habiter ces endroits pendant les temps moséen-hesbayen. Cette hypothèse est accep- table, car le refroidissement, qui semble s'être produit vers le milieu du campinien, a progressivement obligé nos ancêtres à se retirer dans les cavernes et à y perfectionner leur industrie primitive. Après avoir con- trôlé les observations de M. de Puydt, en les étayant par des preuves lui paraissant positives, puisqu'elles sont basées sur des données stratigraphiques et archéo- losiques, M. Rutot croit pouvoir conclure qu'aux endroits signalés par cet auteur « le gisement du silex est le caïlloutis moséen mis plus ou moins à dé- couvert par la dénudation du limon hesbayen ». L'outillage mesvinien est assez fortement mélangé de silex à facies intermédiaires et de types acheuléens purs. Près de Mons, cette dernière industrie a persisté plus longtemps et son atelier de laille renferme seule- ment des « formes pures etclassiques».Danslegisement de Haine-Saint-Pierre, de Warimez, du Lutia, des en- virons de la fosse Sainte-Barbe, des bois du Carnois et de la Haie, M. Rutot a vu des silex mesviniens de transition, ainsi que des pièces véritablement acheu- léennes. Donnons maintenant un résumé des conclusions gé- nérales du livre de l'auteur. Pour lui, l’inondation hesbayenne a recouvert le caïlloutis moséen et cam- pinien et l’a préservé de toute cause de destruction. Pendant l'âge flandrien, il a été insensiblement mis à découvert par les pluies du sud-ouest dont l’action érosive semble devoir remonter vers l'aurore de l’âge moderne. L'auteur estime que l’industrie mesvimienne, bien distincte seulement aux endroits où existe le cailloutis moséen ou les argiles à silex, s’observe sur une superficie d’à peu près 3.000 hectares. Depuis l’âge moséen, l'outillage mesvinien de l’homme paléolithique parait avoir périclité lentement et a été remplacé en d'autres lieux par l'industrie acheuléenne. Pour finir, disons que le savant géologue bruxellois à eu soin BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX d'orner son texte de bonnes figures zincographiques, faisant mieux saisir la forme des silex mesviniens, de transition et acheuléens. L'œuvre de M. Rutot, (out inachevée qu'elle est encore, prouve que son auteur a des connaissances très étendues en Stratigraphie et en Archéologie pré- historique. Comme MM. de Puydt, Forir et Lohest ont des vues différentes sur l’âge précis de certains gise- ments à silex, il faut attendre que ces savants fassent connaître le résultat de leurs recherches personnelles avant de conclure pour ou contre la véracité de quelques opinions émises par M. Rutot. En complétant le mémoire de M. de Puydt, l’auteur semble parfois s'être laissé guider par plusieurs idées théoriques qui ne seront probablement pas confirmées lorsque l'étude des divers gisements à silex du Hainaut sera basée sur un plus grand nombre de faits positifs et indiscutables. Quoi qu'il en soit, le savant monographe a eu l'énorme mérite d'ouvrir des horizons nouveaux, etses laborieuses recherches le feront désigner comme un des meilleurs collaborateurs lors de la publication de la Carte d’ar- chéologie préhistorique de la Belgique. FERNAND MEUNIER, Assistant au Service géologique de Belgique. Lecomte (Henri), Professeur au Eycée Saint-Louis. — Les Arbres à Gutta-percha; leur culture. — 1 vol. in-8° de 96 pages avec figures et À carte. (Prix: 2 fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 4899. Au mois de juillet de l’année dernière, M. Lecomte était chargé, par le Ministère des Colonies, d'assurer le transport, aux Antilles francaises et à la Guyane, d’une partie des jeunes plants de Palaquium, où arbres à gutta, rapportés queiques mois auparavant de Java et de Sumatra par le pharmacien des colonies Raoul. La seconde partie du volume qui vient de paraître est la reproduction du rapport que l'auteur a adressé, au retour de sa mission, à M. le Ministre des Colomies. On verra, en la parcourant, que M. H. Lecomte s'est acquitté avec un soin scrupuleux de la tâche qui lui avait été confiée. Le transport d'arbres aussi délicats que les Palaquium nécessitait des précautions minu- tieuses et de tous les instants, dont un botaniste seul pouvait se rendre compte. Non seulement M. Lecomte a réussi à mener à bon port les plants dont il avait la garde, mais il s’est encore préoccupé, à la Guadeloupe comme à la Martinique et à la Guyane, de rechercher et d'indiquer les endroits où les Palaquium auront chances de s’acclimater. A cet égard, tous ces détails étant relatés duns le rapport, la seconde partie du volume sera lue avec intérêt et avec fruit par les planteurs : c’est une étude à la fois des exigences culturales des arbres à gutta et des conditions de climat et de sol de différents points de nos trois colonies. La première partie a le défaut de n'être guère qu'une réédition des récents ouvrages parus sur le même sujet; mais il n'en pouvait, d’ailleurs, être autrement, peu de faits nouveaux ayant été signalés sur la culture et l'exploitation des Palaquium et des plantes voisines en ces dernières années. Ce sont des connaissances, au surplus, qu'il est bon de vulgariser dans la plus large mesure possible. M. Lecomte décrit les diverses espèces de Palaquium et de Payena exploitables, dit quelques mots du Mimu- sops Balata et signale quelques autres genres de Sapo- tacées, qui sont d'ordinaire indiqués comme fournis- sant un produit plus ou moins succédané de la vraie gutta-percha. M. Lecomte, à ce propos, s'élève avec très juste raison contre la facilité avec laquelle on nomme guttas des produits résineux sans valeur aucune. On annonce, en effet, ainsi trop souvent, même dans les rapports officiels, de prétendues découvertes d'arbres à gu‘'ta, baplisés quelquefois, par surcroît, — nous ajoutons cette remarque à celle de M. Lecomte — de noms ullra-fantaisistes que toutes les revues répètent RL ES ENT BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET;INDEX 679 à la légère et qui introduisent autant d'idées fausses dans l'esprit des colons. N'a-t-on pas écrit qu'on avait trouvé au Soudan un arbre à gutla qui était une Capri- foliacée, et auquel, pour mieux préciser, on à donné le nom de Lühophila alba (?). Au sujet de la récolte du produit dont il fait l'étude, M. Lecomte rappelle les méthodes d'extraction des feuilles qu'on a tentées en ces dernières années au moyen des dissolvants. Ces procédés, on le sait, n’ont pu jusqu'alors entrer dans la pratique courante, et, dit l'auteur, « ceux-là seuls qui n’ont jamais eu l'occa- sion de parcourir une forêt tropicale peuvent s'en étonner. Comment recueillir les feuilles ou rameaux des arbres à gutta dans la forêt vierge, quand les es- sences les plus diverses sont mélées de facon inextri- cable? » Nous ne croyons pas pourtant que ce soit là, au moins jusqu'alors, la vraie raison qui a fait délaisser les procédés en question. D’après un article récent de M. de Jouffroy d'Abbans, consul de France, le commerce des feuilles de gutta sèches se fait actuellement à Sumatra, à Bornéo et dans la péninsule de Malacca : les feuilles sont pressées en ballots de 150 à 200 kilogs et expédiées en Europe. À Singapore, ces feuilles sont vendues de 3 à 5 dollars le picul de 60 kilogs. Ce n’est donc pas, pour l'instant, le manque de feuilles qui a fait échouer la _ nouvelle industrie. La cause plus probable est celle qu'indique M. d’Abbans : pendant la dessiccation des feuilles, la gutta s'oxyde et le dissolvant n'’abandonne qu'un produit altéré. Il serait alors nécessaire d'opérer sur place et sur des feuilles fraîches. Au point de vue de la culture, M. Lecomte fournit, d’après M. Obach, ce renseignement, important à re- tenir, que le marcottage est le meilleur moyen à em- ployer: il doit être pratiqué au moment où les plants ont une taille assezélevée. Tel est cet ouvrage où, sous une forme condensée, on trouvera bien exposé l’état actuel de la question des arbres à gutta. On n’y relève pas de ces inadvertances telles qu'il s'en est glissé plusieurs fois, par manque de contrôle suffisant, dans le précédent ouvrage du même auteur sur le cacaoyer. HENRI JUMELLE, Chargé de Cours à la Faculté des Sciences de Marseille. Herzen (A.), Professeur de Physiologie à l'Université de Lausanne. — Causeries physiologiques. — 1 vol. in-12 de 350 pages. (Prix : 3 fr. 50.) F. Payot, éditeur à Lausanne, et F. Alcan, éditeur à Paris. 1899. Une dizaine de causeries — ou d'articles — sur des sujets physiologiques qui ne sont, d’ailleurs, nullement connexes. Rien de didactique : le livre n’en est pas moins fort intéressant. M. Herzen est au courant des travaux et des idées : il parle en connaissance de cause. Parmi les différents sujets traités, il en est d'ordre général : la vie, définition, conditions, origine; les mi- crobes; irritabilité et nutrition; influences réciproques du physique et du moral; les conditions déterminantes de nos actions. Ce sont des chapitres que chacun peut lire, ou peu s'en faut, sans posséder une éducation physiologique, mais avec la certitude d'apprendre beaucoup de choses, et exposées de facon fort claire. Il en est, toutefois, qui sont d'ordre plus spécial, et qui s'adressent plus particulièrement au psychologue et au physiologiste : tels les deux chapitres sur le bilan dynamique de l'organisme et sur l’action réflexe. Il est toutefois regrettable que, dans le premier, l’auteur s’en soit tenu aux généralités et n'ait point parlé des tra- vaux plus récents, relatifs aux phénomènes intimes de la nutrition et de la calorification. Par contre, en ce qui concerne les réflexes, il entre dans de grands détails — plus exactement dans les petits détails — et ce cha- pitre est fort complet. Le physiologiste lira avec plaisir les Causeries de M. Herzen : et ceux qui ne sont point de la « partie » les liront avec grand profit. C’est ici de la bonne vulgarisation. H. DE VariGNy. 4° Sciences médicales Vaquez (H.), Professeur agrégé à la Faculté de Méde cine de Paris, médecin des hôpitaux. — Hygiène des Maladies du cœur. {Préfuce de M. C. Porain, membre de l'Institut.) — 4: vol. in-16 de 320 pages (Prix : [5 fr. G. Masson et Ce, éditeurs. Paris, 1899. Le nouveau volume de la B'bliothèque d'Hygiène théra- peulique est présenté au public par M. le professeur Potain. Nous ne saurions mieux faire, pour en exposer à notre tour le contenu à nos lecteurs, que de repro- duire quelques passages de la Préface de l’éminent savant. « L'évolution de la plupart de maladies du cœur, dit M. Potain, comprend deux phases fort distinctes : la première, habituellement assez courte, durant laquelle, sous l'influence de quelque processus inflammatoire ou régressif, se constituent et s'organisent les alté- rations myocardiques ou valvulaires, source de tous les désordres que ces maladies, dans la suite, jetteront dans l'organisme entier; la seconde, indéfiniment pro- longée, où se développeront peu à peu les funestes con- séquences des lésions qui se sont ainsi primilivement constituées. C’est dans la première de ces deux phases qu'ont à se concentrer tous les efforts thérapeutiques propres à enrayer, à arrêter, à faire rétrocéder même le travail pathologique, tandis qu'il crée des lésions si redoutables. Celles-ci, une fois formées et parvenues à un état cicatriciel sur lequel rien ne saurait plus avoir prise, la thérapeutique vaincue, ne pouvant plus rien, doit passer la main à l’hygiène. « C’est alors à l'hygiène qu'il appartient d'agir, soil qu'elle aide le cœur à acquérir la puissance nécessaire pour lutter efficacement avec l'obstacle que la lésion a créé, soit qu'elle réglemente les diverses fonctions de l'organisme de telle manière qu'aucune n'ait à requérir du cœur plus de travail qu'il n’est en état d’en fournir sans perturbation grave. « Etablir un juste équilibre dans l’accomplissement de ces indications différentes et parfois quasi-opposées est un problème compliqué qui s'impose aux médecins en face de toute maladie du cœur... » C'est là le problème difficile et complexe dont le D: Vaquez a étudié dans son livre tous les éléments et dont il a cherché à indiquer les solutions possibles. Il l'a développé dans son premier chapitre intitulé : «Phy- siologie et thérapeutique générales », que nous ne rap- pelous ici que pour mémoire, nos lecteurs n'ayant pas oublié que l’auteur a bien voulu leur en réserver la primeur (numéro du 30 avril 1899). Après avoir dit quelques mots de l’hygiène au cours des accidents aigus, M. Vaquez aborde l'hygiène pallia- tive des lésions chroniques, qu'il divise en deux parties: médications systématiques, médications rationnelles. Les médications systématiques comprennent soit les méthodes ayant pour but d'augmenter la résistance du cœur (méthode d'Oertel, basée sur un régime spécial destiné à améliorer la nutrition générale et sur l’em- ploi des exercices actifs), soit les méthodes ayant pour but de diminuer la résistance périphérique (gymnas- tique suédoise et massage, et méthode de Schott, com- binaison de la première avec l'hydrothérapie). Pour l'auteur, il n'y à pas de médication systématique des affections du cœur; aussi les méthodes indiquées ci- dessus n’ont-elles pas toujours denné de bons résul- tats. Mais elles renferment des éléments précieux, dont le praticien devra tenir compte dans la pratique usuelle. Dans la partie consacrée aux médications ration- nelles, l'auteur envisage d’abord l'hygiène du cardiaque au point de vue social, et il étudie successivement les questions du choix d’une profession, du service mili- faire et du mariage; puis il passe à l'hygiène privée, qui comprend les prescriptions habituelles communes, relatives à la vie courante, au climat, à l'habitation, au vêtement, puis les questions du régime alimentaire, de l'exercice musculaire et de l'hydrothérapie. is Ne 680 ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 14 Aovt 4899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Fayet adresse ses observations de la comète périodique Tempel (1873 11), faites à l'Observatoire de Paris, à l’'équatorial de la Tour de l'Ouest, les 31 juillet, 9 et 16 août. — M'e D. Klumpke communique ses observations des Perséides, faites à l'Observatoire de Paris du 9 au 13 août. Les Perséides, moins nombreuses que l’année précédente, présentaient les caractères suivants : elles étaient blanches, très rapides, à traînée courte et peu lumineuses en général. — M. Ch. André, en observant la pluie des Perséides à l'Observatoire de Lyon, dans la nuit du 11 août, à apercu un bolide remarquable, excessivement lumineux, d'une teinte blanc bleuâtre au début et rouge-orangé à sa disparition, — M. E.-0. Lovett continue l'étude de la correspon- dance entre les lignes droites et les sphères. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Le Chatelier a étudié la préparation des terres cuites noires, qui sont fabri- quées en cuisant les poteries dans des atmosphères confinées, chargées de vapeurs goudronneuses; la pâte s’imprègne de carbone et la surface se recouvre d'une couche mince de graphite. L'imprégnation de carbone est intimement liée à la présence du fer dans la pâte ; lorsque celui-ci est en quantité convenable, le dépôt de graphite peut diminuer jusqu'à disparaitre. — Le même auteur élablit que les anciens Egyptiens fabriquaient de la porcelaine véritable. Il a analysé, en effet, uu frag- ment de statuette funéraire, portant des inscriptions hiéroglyphiques, qui est en véritable porcelaine, diffé- rente de la porcelaine de Chine ; la pâte, dure et trans- lucide, est colorée en bleu pâle par du cuivre. — M. C. Hugot a étudié l’action du sodammonium et du potassammonium sur le soufre et le tellure. Avec un excès de métal alcalin, on obtient les composés Na’, KS, Na°Te, K°Te; ils sont amorphes, blancs, solu- bles dans l'eau, insolubles dans le gaz ammoniac, liquide et ils n’absorbent pas le gaz ammoniac. Avec un excès de métalloide, on oblient les corps Na°S, K?S° Na°Te*, K°Te’: ils sont cristallisés, solubles dans l’eau et le gaz ammoniac liquide et ils absorbent le gaz ammoniac. — MM. M. Berthelot et M. Delépine ont étudié, au point de vue thermochimique, les dérivés de l’acétylène, les acétylures, dont le type leur a été fourni par l'acétylure d'argent C?Ag?, puis les dérivés de cet acétvlure, les sels d’agentacétyle (C*Ag')R' {azotate, sulfate, chlorure, iodure, etc.). Ils arrivent aux conclusions suivantes : L'acétylène CH? et les acétylures C?M° peuvent être assimilés à l'ammoniaque AzH$ et aux azotures correspondants AzM°. De même que l’ammoniaque peut s'unir aux acides pour former des sels, dans lesquels on admet l'existence de l’'ammo- niuin AzH*, de mème les acétylures (et en particulier l'acétylure d'argent) peuvent s'unir aux sels du même métal et former des sels, dans lesquels on est autorisé à admettre l'existence d’un radical métal-acétyle CM argentacétyle C?Ag* dans le cas de l'argent). — M. M. Berthelot a recherché si les radicaux mercuriels organiques absorbent l'azote et l'argon sous l'influence de l'effluve électrique. Le diméthylmercure absorbe l'azote, mais non pas l'argon. Le diphénylmercure, au contraire, quoique à l'état solide, absorbe peu à peu l’argon, en donnant la luminescence verle carac- téristique des expériences antérieures de l'auteur. Cette luminescence est donc attribuable au concours du phényle, du mercure et de l'argon. — MM. Em. Bour- . la composition de l’albumen de la graine de caroubier. quelot et H. Hérissey ont poursuivi leurs études sur Celui-ci pourrait être utilisé avec avantage pour la fabrication du mannose cristallisé puisque la partie facilement hydrolysable de cet albumen en donne de 40 à 50 °/,. — M. E. Louise indique un procédé très sensible permettant de trouver et de doser le phos- phore, même à l'état de traces dans les huiles et les Corps gras. Si l’on ajoute de l’azotate d'argent en solu- tion concentrée à l'huile phosphorée étendue d'environ vingt fois son volume d’acétone ordinaire, on obtient un précipité noir très Lénu, qu'on peut séparer par fil- tration. La liqueur limpide recueillie ne noircira plus par une nouvelle addition d’azotate d'argent si elle ne contient plus de phosphore libre. Le dosage peut dore se faire aisément au moyen d'une série de solutions litrées. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Antoine Pizon à re- connu que les taches ou lignes colorées observables chez les Tuniciers sont dues à des granulations pigmen- taires, généralement de très petite taille, et que ces granulations sont animées, sur le vivant, de mouve- ments très rapides dans l'intérieur des globules qui les renferment. La motilité des grauules pigmentaires paraît être un fait général dans la série animale; on l’a observé chez les Vertébrés; il s'agit là, en général, de mouvements browniens, mais cette conelusion n’est pas absolue. — M. C. Flammarion a étudié le déve- loppement des vers à soie soumis à l’action des diverses radiations lumineuses. La production maximum de la soie a lieu sous le verre incolore, puis sous le verre vio- let pourpre clair, et le minimum sous le bleu foncé, où elle est les 0,75 de celle du verre incolore. Les diverses radiations paraissent influencer aussi la distribution des sexes : le nombre des femelles est de 56 °/, sous le verre incolore et de 37 °/, seulement sous le verre bleu foncé. Séance du 21 Ao’it 1899. M. le Secrétaire perpétuel annonce à l'Académie les deux pertes qu'elle vient de faire dans les personnes de M. Edward Frankland, Associé étranger, décédé en Norvège le 9 août, et de M. R.-W.-E. Bunsen, Associé étranger, décédé à Heidelberg le 15 août. 1° SUIENGES MATHÉMATIQUES. — M. Ch. André signale un phénomène remarquable de trainée lumineuse ayant duré pendant vingt minutes et apercu de l'Obser- vatoire de Lyon pendant la nuit du 12 ou 13 août. Les caractères du phénomène paraissent démontrer nette- ment que les trainées lumineuses persistantes, obser- vées déjà pour certains météores, sont uniquement dues à la propagation successive des fragments dans lesquels ils se partagent lors de leur rupture. — M. E.-O. Lovett poursuit ses précédentes communi- cations par l'étude d'un groupe continu infini de trans- formations de contact entre les droites et les sphères. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Geo K. Burgess décrit le principe d’un nouvel appareil destiné à mesurer la valeur de la constante newtonienne. Il a conservé le principe de la balance de torsion, mais il a rendu les masses suspendues aussi lourdes que possible. Pour supprimer la tension du fil fin qui les suspend, il em- ploie un support auxiliaire, constitué par un flotteur cylindrique métallique creux, plongé dans un bain de mercure ef supportant un bras de levier qui supporte les masses utilisées. L'appareil, une fois les causes d'erreurs éliminées, donne des déviations concor- dantes. — M. L. Teisserenc de Bort à étudié les varia- tions de la température dans l'atmosphère libre, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 681 d'après les observations de quatre-vingt-dix ballons- sondes. 1° La température à diverses hauteurs pré- sente, dans le cours de l’année, des variations impor- tantes et bien plus considérables qu'on ne l’a admis d'après les anciennes observalions faites en ballon; 90 11 semble qu'il y ait, même jusque vers 10.000 mètres, une tendance assez marquée à une variation annuelle de la température, le maximum thermique ayant lieu vers la fin de l'été, le minimum à la fin de l'hiver. — M. Georges Claude a déterminé les propriétés magné- tiques du fer aux basses températures. Ses expériences «confirment jusqu'à — 185° les conclusions que M. Thies- - sen a tirées d'essais poussés à — 80° seulement, à savoir que, pour des inductions considérables, la perméabi- lité et la perte hystérélique du fer resteraient cons- tantes, sauf une légère tendance à la diminution. Pour de faibles inductions, au contraire, la perméabilité et l'hystérésis semblent diminuer d’une manière très no- table avec la température. — M. Georges Viard a étu- dié la décomposition du phosphate monomanganeux (PO? Mn H°+2 H°0 par l'eau à froid et à chaud; on sait qu'il se forme à froid un précipité cristallisé de phosphate dimanganeux et à chaud un précipité cris- tallisé de phosphate ditrimanganeux. À 0°, quelle que soit la proportion de phosphate, la décomposition est d'autant plus accentuée que la proportion d’eau est moiudre; à 100, il en est encore de même pour les solutions renfermant moins de 20 °/, de phosphate; pour les solutions plus concentrées, la décomposition est de moius en moins accentuée à mesure que la pro- portion de sel augmente. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Antoine Pizon à observé que la persistance des contractions du cœur chez le Botrylloïdes rubrum pendant les phénomènes de régression de l’oozoïde est générale chez les Ascidies composées. D'autre part, le cœur est aussi le premier organe qui entre en fonction dans le bourgeon en voie de développement. Cette vitalité du cœur ne paraît pas être autre chose qu'un réflexe provoqué par les globules eux-mêmes. Séance du 28 Aoùt 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Jean Mascart in- forme l’Académie qu'il a découvert, dans la nuit du 26 au 27 août, à l'Observatoire de Paris (équatorial de la Tour de l'Ouest), une nouvelle planète EP, de grandeur 41— 11,5. — M. C. Flammarion adresse les obser- vations des Perséides faites à l'Observatoire de Juvisy pendant la nuit du 10 août. La moyenne horaire du nombre d'étoiles filantes a été de18,9 avec un maximum de 25. Il y a 110 Perséides et 20 météores provenant d’autres radiants. — M. P. Appell revient sur la forme nouvelle des équations de la Dynamique qu'il a exposée précédemment. L'avantage de cette forme est de per- mettre d'employer des paramètres qui ne sont pas de véritables coordonnées, mais qui sont liés aux coordon- nées par des équations différentielles non intégrables. 20 SciENcEs PHYysiQuEs. — M. C. Maltézos a cherché à expliquer le phénomène des battements des sons émis par une corde vibrante en faisant intervenir la rigidité dans l'équation différentielle des vibrations transver- sales. On arrive ainsi à trois lois, dont une seule est vérifiée par l'expérience : c'est que le nombre des battements est inversement proportionnel à la racine carrée de la tension. Il faut donc faire intervenir une autre cause dans l'explication du phénomène : proba- blement l'élasticité différente suivant deux directions perpendiculaires de la section droite de la corde. — MM. M. Berthelot et H. Le Chatelier ont déterminé la vitesse de propagation de la détonation de l’acétylène sous différentes pressions. L'acétylène était contenu dans des lubes de verre horizontaux; l'allumage se fai- sait, à l'une des extrémités, électriquement à l'aide d’une amorce de fulminate ou de poudre chloratée. L'image de la flamme qui parcourt le tube était enregistrée sur une plaque photographique. Les auteurs ont constaté que la propagation de la détonation de l’acétylène s’ef- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. fectue avec une vitesse qui croît avec la pression, soit de 1.000 mètres à 1.600 mètres par seconde lorsque la pression passe de 5 kilos à 30 kilos. — M.J. Dewar télégraphie de Londres qu'il est arrivé à solidifier l'hy- drogène en une écume blanche ou en une masse sem- blable à un verre transparent; l'hydrogène solide fond à 16° au-dessus du zéro absolu. L'hélium pur change d'état lorsqu'il est refroidi au moyen de l'hydrogène so- lide et sous une pression de 8 atmosphères. Louis BRUNET. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 19 SCIENCES PHYSIQUES. Richard Threlfall et J. A. Polloeck : Sur une « balance de gravité » à fil de quartz. — Le prin- cipe de la construction est 12 suivant : Un fil de quartz, préparé avec beaucoup de soin, est tendu hori- zontalement entre deux supports, auxquels il est soudé. A l’une de ses extrémités, le point d’altache est au centre d’un ressort de construction particulière, capable de se déplacer dans la direction du fil, mais incapable de tout mouvement ou vibration transverse. A l’autre extrémité, le fil est attaché à l’axe d’un bras de vernier se déplaçant sur un sextant; en tournant l'axe, le fil peut être plus ou moins tordu et la torsion se lit sur les divisions de l’arc du sextant. Au milieu, entre les deux supports, le fil est soudé à un court fil de cuivre, ajusté de telle facon que son centre de gra- vité soit à une certaine distance du fil. Le fil de cuivre formant levier est alors tourné autour du fil de quartz comme axe, de manière que les deux moitiés de ce dernier aient fait trois tours entiers et que la torsion ait juste la valeur nécessaire pour assurer au levier une position horizontale. On y arrive en chargeant le levier d’un petit morceau de métal. La « balance » qui détermine la position du levier par rapport au plan horizontal est composée d’une part de la force de la gravitation terrestre, d’autre part des forces de retour du fil de quartz tordu. Si la gravita- tion augmente, le centre de gravité du levier s’abaisse, et son extrémité décrira un arc de cercle versla terre; pour le ramener à la position horizontale, il faudra tordre un peu plus le fil au moven du vernier. Les dif- férences de la gravité en différentes stations seront donc exprimées en fonction de la quantité dont une extrémité du fil de quartz aura été tordue ou détordue pour maintenir le levier dans la position horizontale. Pour être utilisable dans la pratique, l'instrument doit être portatif et avoir une sensibilité telle qu'il indique des variations de un cent-millième dans la valeur de g. Pour cela, les supports du fil font partie d'un système suspendu, contenu dans un tube isolé thermiquement. Pendant le transport, le levier est arrêté par un mécanisme qui le fixe dans une position définie à une pression déterminée. L'extrémité du levier est observée avec un microscope, qui esttoujours placé dans la même position relative par rapport au plan horizontal qui passe par le fil de quartz. Comme il est nécessaire de conserver la balance dans une atmosphère de densité constante, si l'on ne veut pas avoir à corriger les observations d’après les change- ments de pression barométrique, l'instrument est con- servé dans un espace absolument clos. On manœuvre donc l'axe du vernier à travers une boite bien bou- chée, les joints étant assurés par du mercure. On a constaté que les fibres de quartz, quoique infi- niment préférables à tout autre matériel, ne sont cependant pas suffisamment parfaites au point de vue des propriétés élastiques; même au bout de deux ans d'emploi, elles éprouvent encore une déformation visqueuse continue, quoique faible. Il faut donc corri- ger ces propriétés pour arriver à la sensibilité néces- saire. Une autre difficulté provient de ce que, par une augmentation de température, le quartz devient plus raide, de sorte que les lectures faites dépendent de la AT" 682 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES température. On adjoint donc à l'appareil un thermo- mètre à résistance de platine. Voici les erreurs maxima dont peuvent être enta- chées les observations. Le thermomètre donne des indications à un centième de degré près, ce qui cor- respond à une incertitude de 1/700.000° sur la valeur de g. Les lectures sur l'arc de sextant peuvent com- porter une incertitude de 5”, ce qui correspond sur la valeur de g à une erreur de 1/1.300.000°. Enfin, les erreurs de nivellement n'influent pas pour plus de 1/700.000°. L'erreur maximum totale sur la valeur de g est donc d'environ 1/300.000°. Pour essayer leur instrument, les auteurs ont fait un voyage de 40.000 kilomètres environ, partie en chemin de fer, partie en bateau, de Sydney à Melbourne et à la Tasmanie. Ils ont obtenu des résultats très concor- dants. Pour eux, la précision de l'appareil est double de celle que donnent les meilleurs pendules. Les observations sont rapides; il est seulement nécessaire que la température soit invariable. J.-A. Ewing. F. R.S., et Walter Rosenhain : Expériences sur la Micrometallurgie. Effets de l’étirement. — Quand une surface métallique bien polie, puis légèrement attaquée, est examinée au micros- cope, elle montre une structure constituée par des grains de forme irrégulière, à contours bien délimités. La face de chaque grain consiste en une mullitude de facettes crislallines d’une orientation déterminée. Obser- vées sous une illumination oblique, ces facettes se révèlent en ce qu'elles réfléchissent la lumière d'une manière uniforme pour chaque grain, mais d’une ma- nière différente pour les divers grains. Lorsqu'un mélal est soumis à des traitements comme le martelage, le laminage ou le trélilage à froid, les grains qui le composent sont déformés. Par l’étirement, les grains deviennent plus longs dans la direction où le métal s’est étiré. Mais si l'on chauffe le métal assez haut, la structure primitive se reforme et les grains ne présentent plus de dimension prédominante dans un certain sens. Les grains nous apparaissent donc comme le résultat de cristallisations, plus ou moins simultanées, parties d’un certain nombre de centres, et qui, en se rencon- trant, leur ont donné une forme irrégulière, plus ou moins polygonale. C’est là une vue généralement adop- tée; on est moins d'accord lorsqu'il s’agit de déterminer le rôle joué par les substances étrangères, qui contri- buent probablement à former un ciment entre les grains. Les auteurs ont pensé jeter quelque lumière sur cette question en étudiant la facon dont se comportent les grains cristallisés pendant l’étirement du métal. Les expériences ont été disposées de telle façon qu'on pouvait observer d’une facon continue, au microscope, l'aspect d'une surface métallique polie pendant que le métal était graduellement soumis à la traction jusqu'à sa rupture. Quand une pièce de fer ou d’un autre métal, présentant la structure granulaire ordinaire, est étirée au delà de ses limites d'élasticité, on constate un chan- gement remarquable de la surface polie et attaquée, vue sous une illumipation verticale. Un grand nombre de lignes noires fixes apparaissent sur les faces des graius; sur chaque grain, elles sont plus ou moins droites et parallèles, mais elles n'ont pas la même direc- tion sur les différents grains. Les premières lignes qui se forment sont perpendiculaires à la direction de la traction ; sur les autres grains, elles sont obliques. L'apparence générale de chaque grain est celle d’un glacier crevassé, car, au premier abord, on prendrait ces lignes sombres pour des fissures. 11 n'en est rien. Un examen plus attentif montre qu'on se trouve en présence de petites bandes situées le long de plans de clivage ou de glissement. En effet, au delà de la limite d'élasticité, Les cristaux dont est formé le grain glissent les uns sur les autres en prenant la forme de gradins obliques,et ce sont les parties de surfaces obliques ainsi mises au jour qui, ne réfléchissant pas la lumière verti- calement, se présentent comme des lignes ou d'étroites bandes noires. En lumière oblique, au contraire, elles apparaissent brillantes sur un fond noir. Lorsque le métal est plus fortement étiré, un second système de bandes se présente sur plusieurs grains, croisant le premier sous un certain angle. Ces bandes sont dues à un glissement ayant lieu suivant un second plan de clivage. Les cristaux des métaux sont générale- ment cubiques, mais l'angle des deux systèmes de bandes dépend de l'inclinaison de la surface polie sur les plans de clivage. Occasionnellement, on peut aper- cevoir un troisième système de bandes. Pendant que l'étirement se produit, la surface métal- lique, d’abord lisse, devient inégale, par suite du che- vauchement des grains et des inclinaisons ou des exhaussements qui en sont la conséquence. Sous le microscope, celte surface est pleine de trous et de bosses et nécessite, pour être étudiée, un changement continuel de mise au point. Lorsqu'on ulilise une surface métallique polie, mais non attaquée, les bandes apparaissent également bien; les limites des grains ne sont pas visibles avant l'étire- ment, mais ensuite les bandes forment des sortes de hachures croisées qui déterminent exactement Le con- tour des grains. Les bandes de glissement peuvent être produites aussi bien par compression que par traction; dans les deux cas, elles présentent les mêmes caractères et l'exa- men microscopique ne permet pas de les différencier. La torsion d'une barre de fer au delà des limites d'élas- ticilé fait apparaître les mêmes bandes, parallèlement et perpendiculairement à l’axe de torsion. Enfin, la flexion dans les mains d’une simple lame de fer ou de cuivre les produit encore, d'un côté par exteusion, de l'autre par compression. Les bandes de glissement présentent un aspect un peu différent suivant les métaux employés. Avec l'ar- gent, elles se montrent particulièrement bien; les cris- laux sont grands et les lignes droites. Pour le cuivre, les lignes sont plus droites et plus résulièrement espa- cées que pour le fer. Dans les aciers carburés, les bandes sont bien plus difficiles à observer que dans le fer forgé; cela tient à la structure granulaire plus fine de l'acier. Dans l'acier doux, on les voit suffisamment, mais dans un acier élevé en carbone, on ne peut les observer dans la ferrite qu'avec un grossissement de 1.000 diamètres. Ces expériences semblent apporter quelque lu- mière sur les caractères des déformations plastiques des métaux et des autres agrégats cristallins irrégu- liers. La plasticité est due au glissement d'une partie des cristaux le long des surfaces de clivage ou de glis- sement. Chaque grain cristallin est déformé par de nombreux glissements intérieurs se produisant par intervalles à travers sa masse. En général, ces glisse- ments ont lieu suivant trois plans, et peut-être plus, et la combinaison des trois permet au grain de s'ac- commoder à son enveloppe de grains voisins pendant l'étirement. L'action est discontinue; ce n’est pas une déformation homogène, mais une série de glissements déterminés, la partie du cristal qui se trouve entre deux glissements se comportant comme un solide rigide. Le processus de glissement prend un certain temps, et peut être comparé à la déformation d’un liquide visqueux. On peut en déduire que l'écoulement ou déformation non élastique des métaux a lieu par le glissement l’une sur l'autre de parties de cristal, dans le grain cristal- lin, le long de surfaces de clivage ou de glissement. Il n'est pas besoin de supposer que les parties qui glis- sent ne sont pas parfaitement élastiques. Le glissement suppose une dépense de travail irréversible. C'est parce que le métal est un agrégat de cristaux irréguliers qu'il est entièrement plastique et peut être déformé d'une manière quelconque. La plasticité demande que chaque partie puisse changer de forme et de position; cela n'est possible aux grains que par le glissement interne. A à ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 20 SCIENCES NATURELLES H. G. Plimmer et J. Rose Bradford : Note sur la morphologie et la distribution de l’orga- nisme trouvé dans la maladie causée par la mou- che tsé-tsé. — L'organisme qui est l'agent de la ma- ladie causée par la piqûre de la mouche tsé-tsé a été découvert par le major Bruce, qui l’a classé dans la famille des Trypanosomes. MM. Plimmer et Bradford, qui ont été chargés par la Société Royale d’en pour- suivre l'étude, sont arrivés aux résultats suivants : I. Description de la forme adulte. — La meilleure mé- thode pour examiner le Trypanosome à l’état adulte est d'étaler, entre deux plaques de verre, une goutte de sang fraichement tiré de l’animal malade. Dans les conditions ordinaires d'illumination, l'organisme appa- raît comme une masse protoplasmique homogène et uniforme, de forme vermiculaire, dont une extrémité est épaisse et raide, et l’autre terminée par un long flagellum ondulé. Elle se meut activement; ce mou- vement parait être causé par les oscillations du flagel- lum, les contractions et dilatations rapides du corps et les vibrations d’une membrane ondulée, attachée sur une surface du corps, ef qui paraïif se mouvoir syn- chroniquement avec les contractions du corps. Cette membrane est très transparente, excepté sur son bord libre. Si l’on épaissit le milieu par l'addition d'un peu de gélatine, le Trypanosome devient plus tranquille; il apparaît alors comme une forme ovale, longue, avec une extrémité émoussée; la membrane est attachée sur un côté et se continue, à l’autre extrémité, par le fla- gellum. En lumière oblique ou monochromatique, le proto- plasme n'est plus homogène. L'organisme est percu comme un corps très réfringent; près du milieu ou vers l’arrière, on voit un corps sombre plus réfringent que le reste du corps; c'est le macronucléus; près de l'extrémité épaisse, on trouve un tout petil corps encore plus réfringent; c’est le micronucléus. Aux environs de ce dernier se place une vacuole. Le proto- plasme lui-même n’est pas uniforme; il semble pré- senter une structure alvéolaire, analogue à celle qu'a décrite Bütschli. Les procédés ordinaires de coloration ne donnent pas d'autres détails. Les auteurs ont alors appliqué la mé- thode d’Ehrlich-Romanowsky, basée sur le principe suivant : Si une couleur acide et une couleur basique sont mélangées, il se forme un corps neutre possédant une réaction spécifique colorée avec la chromatine. Par l'emploi d'un mélange de bleu de méthylène et d’érythrosine, le macronucléus se colore en cra- moisi clair, le micronucléus en rouge foncé et le protoplasme en bleu clair; celte dernière coloration n'est pas uniforme, ce qui confirme l'existence de la structure alvéolaire ; la vacuole reste incolore. Le macro- nucléus présente une forme ovale el allongée; il est, soit coloré uniformément, soit disposé en fines trai- nées (c’est surtout le cas quand il va se diviser); le micronucléus apparaît comme un point rond ou comme un court bâtonnet (ce dernier cas au moment de la division). Le flagellum et la membrane vibratile restent incolores. L'organisme se meut généralement avec le flagellum en avant; ses dimensions varient considéra- blement avec les périodes de la maladie, IL. Distribution du Trypanosome. — a) Dans le corps des animaux normaux. {1° Dans le sans. La forme fla- gellée se trouve en grande quantité dans le sang de la souris, à la fin de la maladie; dans le sang du rat, du chien, du chat, au bout de quelques jours de maladie ; elle est très rare dans le sang du lapin. 2° Dans les glandes lymphatiques. On trouve de bonne heure le Trypanosome dans les glandes situées près du point d'inoculation ; vers la fin de la maladie, on le trouve généralisé dans toutes les glandes, excepté chez le lapin, dont les glandes en sont dépourvues. 3° Dans la rate. L'organisme adulte ne s'y trouve que rarement, mais d’autres formes y sont assez abondantes. La rate 683 subit une hypertrophie considérable pendant la ma- ladie.#° Dans la moelle des os. La moelle est altérée dans sa couleur et dans sa structure, mais ne renferme que peu de Trypanosomes. b) Dans le corps d'animaux splénectomisés. Chez le chien splénectomisé, les formes adultes apparaissent plus tard dans le sang que chez l'animal normal. Les glandes contiennent une plus grande quantité d'orga- nismes; elles sont agrandies et rougeâtres, mais c’est là une conséquence de la splénectomie. La moelle est plus altérée; elle contient un grand nombre de formes adultes et autres. Chez le lapin splénectomisé, il y a peu de formes adultes dans le sang, mais beaucoup d’autres formes. IT. Infection. — Le sang et les organes d’un animal infecté ont perdu, vingt-quatre heures après la mort, leur pouvoir d'infection. Mais on trouve encore des organismes vivants au bout de six jours dans le sang retiré de l'animal encore vivant, et, même après que ce sang ne contient plus de formes flagellées, il garde encore sa virulence pendant quelques jours. D'autre part, le sang du chien est déjà virulent deux jours avant qu'il ne renferme des Trypanosomes adultes, et le sang du lapin spléneclomisé, qui contient très rare- ment ces formes, est toujours virulent. Il faut donc admettre que le Trypanosome se trouve dans l'orga- nisme sous d’autres formes que la forme adulte déjà décrite, formes qui servent à la reproduction de l’ani- mal et à la transmission de l'infection. Ces formes ont pu être mises en évidence par un éclairage très soigné ou par le procédé de coloration déjà mentionné. Dans ces conditions, on observe, dans le sang du chien, du chat, du lapin, de la souris, à côté des orga- nismes déjà décrits, des formes adultes en train de se diviser, soit longiludiualement, soit transversalement. D'autres se rapprochent et se fusionnent en partie par leurs micronucléi. Certaines formes, assez grandes, présentent la chromatine du macronucléus brisée en un grand nombre de petits granules. Il y a d’autres formes, que les auteurs appellent « amiboïdes », carac- térisées par un aspect tout à fait irrégulier et indéfini ; ces structuresnucléaires sont entourées d’une enveloppe protoplasmique très délicate; quelques fois, elles sont formées presque uniquement de chromatine. Enfin, il existe des formes dites « plasmodiales », constituées par l'agrégation ou la fusion de deux ou plusieurs formes amiboïdes; elles montrent souvent des signes de division et paraissent donner géuéralement naissance à quatre organismes du type adulte. Dans le sang des animaux splénectomisés, il peut n’y avoir que des formes amiboïdes et plasmodiales; il en est de même dans le sang virulent du chien avant qu'il ne contienne des formes adultes. Les glandes renfer- ment aussi des formes plasmodiales. Mais c’est surtout dans la rate qu'on les rencontre en grande abondance ; l'hypertrophie de cet organe doit être attribuée à l'énorme quantité de plasmode qui s'intercale entre les cellules. La moelle renferme également les formes amiboïdes et plasmodiales chez les animaux splénec- tomisés. \IV. Cycle évolutif du Trypanosoma Brucii. — Les obser- vations précédentes ont permis aux auteurs de déter- miner le mode de reproduction de l'agent de la maladie causée par la mouche tsé-tsé, qu'ils proposent de nom- mer Trypanosoma Brucii. Il peut y avoir reproduction par simple division, long- tudinale ou transversale, mais c’est là le cas le moins fréquent. La reproduction ordinaire a lieu par conjugaison de deux formes adultes, consistant essentiellement dans la fusion de deux micronucléi. Le nouvel organisme doit ensuite probablement donner naissance aux formes dans lesquelles la chromatine est finement divisée et répandue dans toute la masse. Ces dernières doivent donner à leur tour les formes amidoïdes, avec ou sans flagelles, de contour et de grandeur variables. Celles-ci se fusionnent alors pour produire les formes plasmo- 684 diales, qui se divisent enfin pour donner naissance aux formes adultes flagellées, qui se reproduiront de nouveau par les mêmes processus. Un mémoire sur le Trypanosome du Rat, paru récem- ment dans la Zeitschrift fur Hygiène, et dù à Mie Rabi- nowitch et à M. W. Kempner, vient de confirmer la plupart des observations de MM. Plimmer et Bradford. C. A. Mae Munn : La glande gastrique des Mollusques et des Crustacés décapodes; sa struc- ture et ses fonctions. — En 1883, l’auteur communi- quait à la Société Royale un mémoire où il signalait l'existence d’un pigment, ressemblant à la chloro- phylle végétale, dans le « foie » des Invertébrés. Il nomma cette substance « entérochlorophylle ». Dans un second travail, publié en 1886, dans les Philosophical Transactions, l'auteur décrivait les caractères micros- copiques de ce pigment, tel qu’il se trouve dans la glande digestive, et en soumettait les solutions aux réactions considérées comme distinctives de la chloro- phylle. Il trouva quelques légères différences. Comme divers auteurs ont récemment remis le sujet en ques- tion, l'auteur s’est livré de nouveau à des recherches complètes sur le pigment. MM. Max Weber et Frenzel, pour les Crustacés, MM. Barfurth et Frenzel pour les Mollusques, se sont livrés à une étude complète de la glande digestive ou glande gastrique, et du pigment, au point de vue his- tologique. M. Mac Munn n'a pu que répéter leurs obser- vatious. La préparation de la glande pour l'examen microscopique offre de grandes difficultés. Après de nombreux insuccès, l’auteur a trouvé que le formol, en solution concentrée (20 à 30 °/.) est le meilleur fixateur; au bout de 12 à 24 heures, la préparation est transportée dans de l'alcool à 95 °/,, puis dans un mé- lange d'alcool et d’éther, enfin, dans une solution de celloïdine. La préparation est ensuite coupée et les sections sont colorées, soit avec l'hæmalum et l’éosine, soit avec la mucicarmine, la thionine, etc. L'épithélium glandulaire, chez les Crustacés, ren- ferme, d’après Max Weber, deux sortes de cellules: les cellules hépatiques et les cellules ferments. Celui des Mollusques contient, d'après Barfurth, les mêmes sortes de cellules. M. Mac Munn croit que la distinction tranchée établie par ces observateurs entre ces deux sortes de cellules n'existe pas réellement, car il a trouvé beaucoup de formes de transition. Le contenu de ces cellules est coloré en partie par l’entérochloro- phylle ou un lipochrome. Pour identifier le pigment de ces cellules, il n'y a qu'une seule méthode pratique : l'étude de son spectre d'absorption à bandes, faite quantitativement au moyen de la spectrophotométrie. L’analy-e élémen- taire n'est pas applicable dans ce cas, le pigment ne pouvant être préparé à l’état pur. 1 J Le spectrophotomètre employé est celui de Vierordt modifié. Quand une solution de chlorophylle végétale dans l'alcool est comparée à une solution analogue d’entérochlorophylle par le moyen des courbes obte- nues au spectrophotomètre, ces courbes ne correspon- dent pas. Mais si l'on transforme la chlorophylle végé- tale dans la forme modifiée, ou forme légèrement acide, au moyen d'acide acétique, et qu'on fasse la comparaison au bout de quelques heures, on constate que les maxima et minima des courbes coïncident presque, de sorte que les deux pigments paraissent être semblables. En outre, si l’on ajoute de l'acide chlorhydrique à une solution alcoolique de chloro- phylle végétale et à une solution d’entérochlorophylle, on observe encore une bonne concordance au spectro- photomètre. L'auteur a examiné, au même point de vue, la chaetoptérine de Lankester, et a constaté une concordance analogue; mais la chaetoptérine est soluble dans la glycérine, tandis que l’entérochloro- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES phylle ne l’est pas. Or, en examinant le (haetopterus, « on trouve qu'une solution alcoolique du contenu de l'intestin, aux environs de la partie colorée par la chaetoptérine, donne exactement le même spectre qu'une solution de celte dernière. D'autre part, l'auteur a trouvé l’entérochlorophylle sous forme granulaire fine dans l’épithélium intestinal de la Patella, et, dans les pseudo-villosités de l'estomac glandulaire du même mollusque, on peut voir des masses de leucocytes s’'insinuant entre les cellules épithéliales en forme de colonnes. On en déduit que les leucocytes emportent les substances qui ont été absorbées par les cellules épithéliales à un état plus ou moins digéré. Quelques auteurs ont supposé que ces granules étaient excrétées dans le lumen de l'intestin, mais M. Mac Munn a constaté qu'elle a lieu dans le lumen des alvéoles, des acini ou des tubes de la glande gastrique. En résumé, on doit considérer l’entérochlorophylle comme un pigment, pris à l’origine dans l'intestin et dissous dans un milieu gras, puis transporté, soit par les leucocytes, soit d'une autre manière, avec la graisse et peut-être d'autres produits, dans la glande gastrique. La nature de sa relation avec la chlorophylle végétale est encore à déterminer. WW. de W. Abney : Les sensations colorées en fonction de la luminosité. — L'auteur a cherché à déterminer les sensations colorées en fonction de la luminosité des trois principaux composants qui forment la lumière blanche. A l'extrémité rouge du spectre, il n'y a qu'une seule couleur allant jusqu'aux environs de la ligne C, et il n'existe aucun autre mélange de cou- leurs qui soit capable de former cette couleur-là. A l'extrémité violette du spectre, jusqu'aux environs de G, on constate la même homogénéité de lumière, mais celle-ci est due au mélange de deux sensations, une rouge et une bleue, la dernière étant également toujours pure. Si l’on cherche dans le spectre la place où la sensation bleue n’est mêlée d'aucune autre excepté le blanc, on trouve que c’est aux environs de la ligne du lithium, et qu'un mélange de cette sensation bleue pure et du rouge pur donne exactement le violet du spectre mêlé d’un peu de blanc. Pour trouver la sen- sation verte, on remarque que la couleur complémen- taire du rouge dans le spectre est à une position telle que le vert et le bleu y sont présents en proportions exactes pour donner du blanc, et qu’à un point situé plus près du rouge, le rouge et le bleu seraient dans des proportions convenables pour donner du blanc, mais avec un excès de sensation verte. Ce premier point fut déterminé, ainsi que celui où le jaune est complémentaire du violet. Ensuite, on égala la couleur du bichromate de potasse en mélangeant du rouge pur et du vert; pour cela il fallut ajouter un peu de blanc au bichromate. De la luminosité du rouge pur et du blanc, on déduisit la luminosité du vert pur existant dans la couleur spec- trale équivalente au bichromate. Connaïssant le pour- centage de luminosité de deux sensations colorées en ce point, la luminosité des trois sensations dans le blanc fut déterminée en égalant la couleur du bichro- mate avec du jaune (complémentaire du violet) et du rouge pur. De là, on déduisit la composition du jaune. En faisant du blanc avec un mélange de jaune et de violet, on détermina l'équation de sensation en blanc. Les autres couleurs du spectre furent successivement employées à faire du blanc, et de leurs équations de luminosité, on déduisit leur composition pour cent en sensations, Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 10° ANNÉE N° 18 30 SEPTEMBRE 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 1. — Spectroscopie La présence du vanadium dans les mé- téorites. — M. M.-B. Hasselberg, qui s’est livré à de longues et consciencieuses recherches sur la constitu- tion des météorites et sur la présence de métaux rares dans ces corps, vient de faire connaître les résultats qu'il a obtenus relativement au vanadium t. Il a examiné trente et un spécimens différents, et a pris des photographies de leur spectre (spécialement de la région allant de À 4268,78 à À 4444,40) quand ils sont volatilisés dans l'arc électrique. La discussion des tables donnant l'intensité relative des lignes caractéristiques du vanadium a conduit l’auteur aux conclusions sui- vantes : 4° La quantité de vanadium présente dans les météo- rites est excessivement faible, mais les différences sensibles trouvées pour les divers spécimens ne laissent aucun doute sur la réalité de la présence de cet élé- ment. Les météorites de New Concord, Lundsgarden, PAïgle, Kniahynia et Alfianello sont celles dans les- quelles le métal est le plus facilement reconnaissable, 29 Il y a une distinction marquée entre les météorites métalliques et les météorites rocheuses; les premières ne contiennent aucune trace de vanadium, tandis que les secondes en renferment des quantités variables. 3° Dans les méso-sidérites, de composition intermé- diaire, la présence du vanadium est très douteuse. $ 2. — Chimie La détermination des poids atomiques et Pinstitution d’un « Comité international des Poids atomiques ». — Le professeur F. W. Clarke, membre de la Société Chimique Américaine, vient d'adresser au professeur W. A. Tilden, de la Société Royale de Londres, une lettre fort intéressante sur la nécessité d'instituer un « Comité international des Poids atomiques ». Nous en détachons les passages suivants : - «. Tous les chimistes qui ont étudié avec un peu 1 Mem. Soc. degli Spelt. ital., vol. XXVIII, p. 113-119. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. d'attention la détermination des poids atomiques ont remarqué les discordances qui existent entre les indi- cations de la plupart des tables. Non seulement des valeurs surannées y persistent toujours, mais encore. d'autres données ne sont pas d’accord entre elles, eton constate souvent l'existence de la plus facheuse confu- sion en ce qui concerne les étalons de référence. Une table est basée sur le poids atomique de l'oxygène égal à 16, une autre sur un poids égal à 15,88, etc. Dans une même table, il y a plusieurs étalons simultanés; certains poids atomiques se rapportent à l’un, le reste se rapporte aux autres, Des tables de poids atomiques qui éteient bonnes il y a dix ans réapparaissent dans des livres d'aujourd'hui, sans que l’auteur paraisse s'être douté qu'il y a eu les changements depuis lors. « Pour remédier, au moins en partie, à cette confu- sion dans nos constantes fondamentales, la Société chimique américaine me chargea, en 1892, de préparer un Rapport annuel sur les poids atomiques. Chaque année, depuis lors, j'ai soumis à la Société un Rapport donnant la liste des déterminations effectuées et une table des valeurs abandonnées. Cette œuvre semble avoir été utile; mais elle n’a pas eu assez d'influence, car elle n'avait d'autre autorité que celle qu’on attache aux opinions d'une seule personne. Plus de critique, plus d'échanges de vues avec d’autres chimistes, étaient évidemment désirables. C’est pourquoi un mouvement en faveur d’une entente internationale est le seul ca- pable de porter des fruits. « En 1898, la question a été reprise par la Société Chimique Allemande, qui a nommé une Commission comprsée de MM. Landolt, Ostwald et Seubhert. Cette Commission dressa une table de poids atomiques, en recommandant l'adoption de O0 —16 comme étalon, et proposa que des Commissions semblables fussent nommées par d’autres Sociétés pour coopérer à l’œuvre. Sur cette demande, la Société Chimique Américaine nomma une Commission composée de MM. F. W. Clarke, J. W. Mallet, E. W. Morley, T. W. Richards et E. F. Smiths, qui se mit en relation avec ses sœurs d'Allemagne et d'Angleterre. Un grand nombre de Sociétés européennes ont recommandé l'adoption de la 18 686 table dressée par la Commission allemande, mais il faudrait maintenant une réunion plénière de toutesles parlies intéressées. La question des poids atomiques sera probablement discutée au Congrès de Chimie de Paris l’année prochaine, mais il sera impossible d’élu- cider entièrement la question. Par contre, un Comité international pourrait être maintenant rapidement formé, el ses décisions auraient une grande autorité. « Quelle Aves être l'œuvre accomplie par le Comité? Dans quelles directions devra-t-il exercer son influence ? Ce sont là des questions auxquelles il faut répondre d'avance, car des réponses dépendra l'opportunité de l'action. Deux ordres d'idées se présentent tout de suite. D'abord il faudra décider le premier étalon de référence et fixer si ce sera O0 —16 où H—1. Puisil faudra discuter les déterminations existantes, el déter- miner leur degré de précision. Cela conduira à la pré- paration d'une table de poids atomiques pour l'usage courant. Cette table aura besoin d'être revisée de temps en temps, chaque année peut-être, et c’est pourquoi le Comité devra être un corps permanent, pouvant pren- dre des décisions soit dans des réunions, soit par cor- respondance…. « L'œuvre du futur Comité, telle qu’elle a été esquissée ci-dessus, a déjà été accomplie en partie par les Com- missions allemande et américaine; ie chemin est donc bien battu. Mais quelque chose de plus est désirable ; la tâche du Comité doit être plus importante encore. Les points faibles de notre système de poids atomiques ayant été mis en lumière, il faudra chercher à les renforcer; c'est dans ce sens que l'influence combinée d'une réunion de savants compétents peut utilement s'exercer. Aujourd'hui, toutes les recherches dans ce champ d'investigation sont individuelles et l’on voit les problèmes les plus faciles attaqués simultanément par plusieurs travailleurs, tandis que des questions impor- tantes sont laissées dans l'oubli: Une division du champ de travail et la coopéralion dans la recherche peuvent aisément être obtenues, non par un acte d'autorité du Comité, mais par le consentement mutuel des cher- cheurs, travaillant en conférence, et guidés par les sugsestions du Comité international... « Enfin, il y a un problème encore plus général que le Comité devra considérer: celui des méthodes. Quelles sont les meilleures méthodes expérimentales pour la détermination des rapports des poids atomiques, et comment les résultats doivent-ils être traités mathé- matiquement? Les méthodes actuelles sont le plus souvent conventionnelles, et auraient besoin d'un examen rigoureux. Elles ne sont pas suffisamment variées dans leurs délails pour éliminer tout danger d'erreurs constantes ou cumulatives, et de nouvelles lignes d'attaques, de nouveaux points de vues doivent être considérés et développés. « Il est à espérer que bientôt quelques grands labo- ratoires entreprendront une partie de l'œuvre systéma- tique que j'ai indiquée. Les constantes fondamentales de la Chimie ont autant d'importance que la valeur de l’'ohm, la forme de la terre ou la parallaxe solaire, et des institutions comme le Reichsanstalt de Berlin, le Bureau international des Poids et Mesures de Sèvres ou le Laboratoire Davy- Faraday de la Royal Institution doivent contribuer à leur détermination. Dans cette direclion, un Comité international exercera une in- fluence bien plus grande que celle d’un seul individu et même d'une Société... » M. W. Tilden, après avoir lu cette lettre au Congrès de Douvres de l'Association britannique pour l’Avance- ment des Sciences et insisté sur l'importance théorique et pratique d'une connaissance exacte des poids atomi- ques, s’esl associé entièrement aux conclusions de son auteur. Espérons qu'une entente entre les chimistes des différents pays permettra bientôt de résoudre cette importante question. L'hydrogène solide. — M. James Dewar a ré- cemment communiqué à l'Académie des Sciences de Paris, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE puis à l'Association britannique pour l'Avancement des Sciences, les procédés qui l'ont conduit à la solidification de l'hydrogène. Voici un apercu de ses expériences : On place de l'hydrogène liquide dans une petite éprouvelte à double paroi, entourée elle-même d'un bain d'hydrogène liquide renfermé dans une éprou- velte plus grande, également à double paroi et à vide de Crookes. Cette éprouvette était fermée et mise en c ommunication avec une pompe pneumatique. On fit le vide jusqu'à une pression de 10 millimètres; l'hydrogène s’évapora, mais aucune solidification ne se produisit. Au cours de nouvelles expériences, on observa qu'il y avait un léger suintement d'air au travers des bou- chons aux endroits où passaient le tube et les fils. Cet air, se congelant sous forme de neige sur l'hydrogène liquide, à une pression d'environ 60 millimètres, eut pour effet de provoquer sa solidification en une masse mousseuse ressemblant à de l'écume gelée. En augmen- tant la pression, le solide s’évapora petit à pelit. Une deuxième expérience fut disposée de la facon suivante : Un ballon d'environ un litre de capacité, rempli d' hy drogène pur et sec, porte, sur le côté, un long tube de verre recourbé. La partie inférieure de ce dernier est plongée dans un récipient contenant de l'hydrogène liquide; dès qu’on abaisse la pression dans le récipient, de l'hydrogène liquide se rassemble éga- lement au bas du tube recourbé. Puis, quand l'hydro- gène liquide du récipient a été solidifié en une masse blanche ressemblant à de l'écume solide, l'hydrogène du tube recourbé se solidifie à son tour en une glace transparente, dont la surface seule a un aspect mous- seux. L'hydrogène solide fond lorsque la pression de la va- peur saturée atteint environ 55 millimètres. La tempé- rature du solide, déterminée avec un hydrogène sous une pression de 35 millimètres, est de 16° absolus. On en déduit, par une formule, que le point de fusion, à la pression de 55 millimètres, est si- tué à 1697 absolus. nbudednélanré à tentes. #'\ de 9.0. T dt ant - D thermomètre à On peut noter que la température critique de l'hy- drogène étant de 30 à 32° absolus, le point de fusion est représenté par un nombre qui est moitié environ de celui qui correspond à sa température crilique. Une observation semblable a été faite pour le point de fusion et la température critique de l'azote. $ 3. — Géographie et Colonisation L'huile de Méné (ou Méni) du Sénégal et de Ia côte occidentale d'Afrique. — Après l’article de M. Jumelle, que nous avons fait paraître dans notre numéro du 15 août, sur Marseille et les Pro- duits coloniaux, nous sommes heureux de donner ici la primeur inédite d’un travail du professeur Ileckel, qui va paraître chez Challeme}, éditeur, et dans le volume annuel (1899) des Annales de l'Institut colonial de Mar- seille, sur les graines grasses nouvelles et peu connues des Colonies françaises. Cet article montrera la méthode qui préside aux travaux de ce genre, faits en vue de metire en valeur, par la science, les produits encore inconnus de nos vastes possessions d’outre mer. L'huile de Méné ou de Méni est fournie par la graine du Lophira «lata Banks, beau végétal, assez commun sur la côte occidentale d' Afrique, depuis le Sénégal jusqu’au Congo, et que les auteurs placent le plus sou- vent, mais à tort certainement, dans la famille des Diptérocarpées. Bien que non commerciale encore, cette huile a son réel intérêt. Certains auteurs l'ont signalée, et je dois relater d'abord De Lanessan (PI. ut. des Col. françaises, p. 811): « Cet arbre laisse exsuder, dit cet auteur, en Cazamance, une sève résineuse, balsa- mique*. Les semences sont huileuses, les feuilles servent ‘ Malgré mes demandes réitérées, je n'ai pas pu me pro- curer celte sève résineuse et balsamique, qui parait être inconnue sur la côte occidentale d'Afrique. Il y a peut-être lieu d'inciser les troncs pour en obtenir l'écoulement. D ns msn. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE à composer des charmes, les femmes emploient le fruit comme ornement. » Moloney (Sketch of the forestry of W. Africu, Londres, 1887) dit que ce « végétal est ap- pelé à Sierra Leone du nom de Laintlaintain : des fruits, on extrait une huile nommée Méué en Séné- - gambie el à Sierra Leone. On l'emploie pour la cui- sine e& pour les cheveux (cosmétique). Le bois est dur et pesant; il pourrait recevoir un emploi. La feuille est usitée comme charme dans les pays du Nil, et le calice du fruit comme ornement par les femmes. » Enfin, le R. P. Sébire s'exprime ainsi dans ses Plantes utiles du Sénégal, 1899, p. #1: « On le trouve dans les forêts de la Gambie et de la Cazamance à l'état d'arbre de 9 à 40 mètres de haut, presque pyramidal, à belles feuilles luisantes et petile noix coriace. C'est un bois de charpente dur et pesant : on en fait des callebasses et des mortiers pour piler le mil...» Guillemin et Perrotet ont donné une description … détaillée de ce végétal dans leur Floræ Sencg. Ten- . lanen. Cet arbre est abondant dans les forêts de la Ga mbie et de la Cazamance, et même dans les lieux secs, le long de ces fleuves. On le voit aussi, mais rarement, “sur la route de Niaral et de N’dout, dans le royaume lu Cayor. Il fleurit de janvier à juin. Cette espèce pa- —rait être une plante particulière à la région occidentale et intertropicale d'Afrique : elle croît aussi sur la côte de Sierra Leone, où elle a élé trouvée par Don, et dans «le royaume d'Oware... La beauté de cet arbre, sous le rapport de son feuillage et de ses fleurs, devrait attirer - l'attention des horticulteurs ; ce serait une acquisition “ précieuse pour nos serres chaudes et pour les colonies .intertropicales d'Asie et d'Amérique. J'ai déjà dit que - cet arbre existe aussi au Gabon et au Congo, pays d'où … j'en ai recu des graines. — Contenue dans le fruil coriace, brun marron et “indéhiscent dont il a été question ci-dessus, la graine “se pré-ente sous la forme d’un corps ovale, turbiné, cou- “leur crème à l'état frais et passant rapidement au cho- - colat foncé dès que l’épiderme a été mis au contact de l'air. Deux cotylélons (sans trace d'endosperme), le plus souventinégaux, forment cette sraine grasse, qui, à l'état frais, présente une saveur d’ahord douce, puis “amère, astringente, comme la graine de Kola. Sa con- sistance est ferme; toutefois, par pression à l’ongle, le tissu se déprime et laisse exsuder de l'huile. Dessé- chée, la graine brüle sans flamme fuligineuse. Une coupe transversale de la graine (perpendicu- laire au grand axe des cotylédons), plongée dans la liqueur de Labarraque, prend tout de suite une teinte orange. Éxamiuée au microscope, on voit que cette couleur est due à des cellules spéciales ayant un con- tenu granuleux (de nature résineuse) et de l’'amidon à très pelits grains. Ces cellules, par ce coloris et par leurs plus grandes dimensions, se distinguent, dans le parenchyme cotylédonaire, de leurs voisines, qui ren- ferment des sphérules d'huile et aussi de l’amidon, Dans ce parenchyme, formé de cellules à parois ténues, il y a donc des cellules à résine nombreuses, plus tas- sées vers la périphérie de la graine et des cellules à huile : les unes et les autres renferment de l'amidon. — En coupe longiludinale, on voit, dans le même paren- chyme, des séries de ces cellules à contenu granuleux, dans le voisinage des faisceaux. Elles se colorent en jaune orange par l'hypachlorite de soude; ce sont des files de cellules sécrétrices, représentant sans doute les canaux sécréteurs qui font défaut dans cette plante. Le contenu granuleux de ces cellules est de nature rési- neuse et soluble dans l'alcool. Il attaque fortementle fil du rasoir quand on pratique des coupes microscopiques. Sous l'influence de la teinture d'iode, les cellules grasses se colorent en jaune et les cellules résineuses en brun plus ou moins foncé. — Les globules sphériques d'huile se colorent en rouge par la teinture acétique d'orca- nette fraiche et par le carmin boraté : ils ne paraissent pas contenir de grains d’aleurone. A l’état frais, le poids moyen du fruit avec sa graine et son calice accru est 687 de 0 gr. 80, celui de la graine seule de 0 gr. 52; le fruit a donc un poids moyen de 0 gr. 28, c'est-à-dire environ un tiers du poids total du fruit et de la graine réunis. La décortication en est facile, la coque étant assez peu résistante à l'état frais. Sur des fruits plus vieux et secs, j'ai trouvé 37 °/, de coques (fruit) et 63 °/, d’a- mandes (cotylédons). L'huile obtenue par pression est semi-solide et prise en bloc peu consistant daus la plus grande partie de sa masse : à la partie supérieure, toutelois, flotte une couche liquide. Cette huile est jaune verdätre. Obtenue par le sulfure de carbone, elle est d’un jaune plus foncé, sale, mais prise totalement en masse, sans parlie liquide flottante. Elle a une saveur légèrement amère et résineuse, même obtenue très fraîche, ce qui semble indiquer qu'elle ne peut, à aucun titre, être considérée comme comestible. J. Bouis, dans l'article « Huiles » du Dictionnaire de Chimie, de Würtz, indique au sujet de cette huile les données suivantes : Poids de l’hecto- litre, 67; perte en eau à 100°, 3,80; cendres, 1,44; ma- tière grasse en poids pour 100 parties de produits natu- rels, 48,87; matière grasse en poids pour 100 parties de produits desséchés, 45,60 ; densité, 0,951 à 159. Cette graine m'a donné le rendement suivant par le sulfure de carbone : sur la totalité de la graine fraîche et du fruit, 45,85 °/,; sur la graine seule, 27 °/,. Avec des fruits plus vieux et secs, j'ai trouvé 27,17 °/, d'huile sur l’ensemble fruit et graine, el 41,54 sur la graine seule. L'huile a donné comme rendement en acides gras de distillation, 82 °/; en acides gras solides de distilla- tion, 58 °/,. Le point de solidification des acides gras de saponification est de 460, celui des acides gras de distillation est de 48°; enfin, celui des acides gras soli- des de distillation de 53°. Le rendement de l'huile en glycérine est de 9,30 °/. En raison du point de solidification de ces acides gras et du rendement de l'huile en acides gras de soli- dification, ce beurre trouverait son emploi dans la stéa- rinerie. En outre, il est à peine besoin de dire qu'elle pourrait servir à la fabrication des savons. Jusqu'ici, cette graine n’a pas été régulièrement exploitée. Mais en raison de l’apondante production de ce végétal, de sa beauté comme plante ornementale et de l'emploi possible de son huile, il serait à désirer que les récoltes de la côte occidentale d'Afrique ne fussent pas perdues, et que ce végétal fût même introduit dans nos colonies tropicales françaises. Voici l'analyse du tourteau obtenu par le sulfure de carbone, faite, sur ma demande, par M. le professeur Schlagdenhaulffen : Extrait au pétrole. 5,25 Corps gras. Extrait à l'alcol . .. 12,22 Mat. indét. et sucre. Extrait aqueux . . . 1,3852 Gomme :t mat. amylacée. Par incinération. . 3,6180 Cendres blanches. k Traitement à la chaux sodée. ... 21,6645 Mat. albuminoïdes. Par différence. . . . 35,8623 Cellulose, matière amylacée, ligneux et pertes. 100,0000 Ce tourteau, n'était son odeur spéciale et sa saveur amère, pourrait servir à l'alimentation des bestiaux ; à défaut, il fera un bon engrais. Je suis heureux de pouvoir joindre à cette étude sur le Méné un rapport commercial très intére-sant de M. Famechon, chef du Service des douanes de la Guinée francaise à Konakry, et dont je dois la connaissance à l'Office colonial du Ministère des Colonies. Il +erait vivement à désirer que des rapports du même genre fussent adressés par les fonctionnaires compétents avec les produits sur lesquels il y a lieu d'appeler l'attention du commerce et de l’industrie métropolitaine ; de cette facon, la mise en valeur de nos colonies serait rapide- ment assurée. Voici ce document in extenso: « Dans tous les points de la colonie où la terre est 688 EEE sablonneuse, et où l’on voit des affleurements de grès, on rencontre un arbre, dont les plus gros sujets’ arri- vent à 6 ou 7 mètres de haut, et dont le feuillage lan- céolé rappelle, par ses tons vert tendre, vert foncé et mordoré, le chêne d'Europe, tandis que le tronc noueux et tourmenté aurait plutôt de l’analogie avec le poirier. « Cet arbre porte, en langue soussou, le nom de « Méné »; quant à son nom scientifique, il doit en avoir un que j'ignore, et que personne dans la colonie ne connait. « Le Méné ne pousse presque jamais isolé, mais tou- jours par bosquets, ou même par forêts, qui peuvent avoir des étendues considérables. Il se rencontre non dans les bas-fonds, mais dans les terrains vallonnés dont se compose le pays Soussou, intermédiaire entre les montagnes du Fouta, dont ils sont les dernières ondulations, et les terrains plats et marécageux de la côle. « La graine tombée à terre germe, à la saison des pluies, et il sort du sol, vers le milieu de la saison sè- che, un bouquet de feuilles qui tombe six mois après; puis de nouvelles feuilles naissent et l'arbre croit ainsi très lentement. « Les feuilles du Méné sont annuelles, et c’est là la raison majeure qui empêche cet arbre de preudre de grandes proportions. Ces feuilles, en effet, tombent Sous les arbres et s'y accumulent au début de la saison sèche, Quelques mois plus tard, elles sont devenues sèches comme du papier et excessivement inflam- mables. « Cest le moment où les nègres, paresseux, routi- niers et inintelligents, brûlent la brousse, souvent sans but déterminé. Les incendies se propagent de proche en proche, et atteignent les forêts de Ménés. Les feuilles sèches et quelques graminées qui poussent entre les arbres flambent ; en un instant, les troncs sont calci- nés: l'écorce, peu adhérente et heureusement très épaisse, est charbonnée; enfin, les jeunes feuilles, qui sont près deterre, sont rôties, sèchent et tombent, celles les élevées de plusieurs mêtres pouvant seules résister. Si le Méné entrait en exploitation, les administrateurs des cercles pourraient très bien interdire ces incendies, ainsi qu'y est presque arrivé M. Rey, administrateur du cercle de la Mellacorée. « Les feuilles tombées à terre, s’'accumulant et pour- rissant, constitueraient un humus riche en matières azotées et dont les facultés nutritives décupleraient la production des arbres qui, actuellement, vivent dans le sol sec, sablonneux, aride, où aucune autre plante ne peut se mainteuir. « Quoi qu'il en soit et dès maintenant, on peut voir {au mois de janvier) les Ménés qui ont atteint trois mètres de hauteur, se couvrir defleurs blanches rappe- lant un peu celles de l'oranger et dégageant une odeur faible, mais agréable. Rien n'est plus joli qu'une forêt de Ménés à ce moment. « Les arbres de moins de trois mètres n'ont que des feuilles: ceux de plus de trois mètres ne fleurissent pas tous, seulement un sur trois environ, et ces arbres blancs, comme saupoudrés de neige, qui tranchent sur le fond vert tendre du feuillage, constituent un tableau on ne peut plus agréable à la vue. « Il semble que le Méné ne produise que tous les deux ou trois ans: mais en raison de l’âge différent des indi- vidus, on peut, tous les aus, avoir une récolte abon- dante. « Les graines se forment en février; au moment où j'écris, elles sont à peu près à leur grosseur définitive, mais ne seront müres que dans un mois (commence- ment de mai). « La graine décortiquée a l'apparence d'une grosse arachide et est plus riche en huile que cette dernière. La décortication est très facile et pourrait avoir lieu sur place. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE « La cueillette des graines devrait se faire en mai; à ce moment les indigènes ont fini les récoltes et les défrichements pour les plantations de riz, qui, elles, n’ont lieu que plus tard. Cette occupation ne nuirait, par conséquent, pas aux autres cullures. « Il faut noter aussi que là où il y a du Méné,iln'y a jamais de palmiste. Ces graines pourraient être récol- tées dans certaines régions, comme les palmistes dans d'autres. « 1] reste à voir, maintenant, ce que coûterait le Méné et ce qu'il peut rapporter. « La graine de Méné présente une grande analogie avec l’arachide; elle a, à peu près, la même densité, mais elle est plus grosse. Enfin, il n’y a qu'à la ramas- ser ; donc pas de culture à faire, avantage très sérieux dans un pays où les bras manquent, etoù les gens sont paresseux au delà de ce qu'on peut imaginer. « La graine est légèrement amère au goût; elle donne une huile plus riche en matières grasses que l'huile de palme. Celle, préparée par les indigènes, fige de 15 à 160. Elle est légèrement teintée en jaune et, après avoir été cuite, très comestible. J'en ai mangé et ne l'ai pas trouvée désagréable : quant aux noirs, ils en sont très friands. « Je ne puis mieux comparer cette huile qu'à l'huile de noix. Les tourteaux pourraient servir à l’engrais du bétail et à la fumure des terres. « L'arachide du Rio Nunez se paye 12 fr. 50 les 100 kilos en marchandises, aux indigènes. Or, 12 fr. 50 marchandises représentent pour le commerçant une dépense de 6 à 8 francs selon ce qui est demandé. Admettons que le Méné soit payé le même prix, les frais seraient pour le négociant de Marseille : La tonne : Achats Me ee RERO Frais de transport jusqu'au port d’embar- quement 0 NIET Fe RE TN D Mn 1 GI Droits de douane de sortie . . . . - . . . 5 Total maximum . 135 fr. « Tous les chiffres donnés ci-dessus sont majorés, etje ne doute pas qu'on ne puisse de beaucoup les réduire. « Les qualités de cette graine, qui est connue de tous ceux qui ont fréquenté le pays, avaient, il y a quinze ou dix-huit ans, tenté la maison anglaise Fischer et Randall, au moment où le commerce des arachides étant en décroissance, celui du caoutchouc n'avait pas encore donné à la colonie sa prospérité actuelle. « À ce moment, le commerce voulait réaliser des bénéfices de 300 0/,; or, le Méné est une marchandise relativement pauvre; le fret était alors plus élevé que maintenant, et les négociants, trouvant les bénéfices qu'ils pouvaient faire insuffisants, y renoncèrent après en avoir acheté une vingtaine de tonnes. « Depuis lors, les choses ont changé, et un bénéfice de 30 c/, est susceptible de tenter des capitaux. « Le Méné est très abondant : entre Boké et Kandia- fana, il y en a une forêt de 35 kilomètres de large, au milieu de laquelle est une rivière navigable : le Rio Pongo en est rempli de Thia à Bacoko; il y a une forêt w entre le Foboutaï et le Bramaya ; une autre, de 15 kilo- mètres, entre Maurécata et la rivière Grande Scarriez, près de la frontière anglaise. Le Sombaya etle Moubaya en ont des bosquets de plusieurs kilomètres, ainsi que le Kaloum, et il y en a une forêt près de Figuiagbé qui pourrait donner un fret sérieux au chemin de fer. « Comme on le voit, le produit est très abondant, et nul doute qu'en offrant les prix que j'indiquais plus haut on ne puisse en recueillir tant que l'on voudra. » Prof. E. Heckel, Directeur de l'Instilut et du Musée colonial de Marseille. L. GESCHWIND — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CENDRES PYRITEUSES 689 L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L’INDUSTRIE DES CENDRES PYRITEUSES L'industrie des cendres pyriteuses a pour but d'exploiter certains gisements de lignite argileux, imprégné de bisulfure de fer, et de transformer ce minerai, par des réactions appropriées, en sulfate de fer et en alun ammoniacal et potassique. Cette industrie a toujours été localisée, en France, dans les départements de l'Aisne et de l'Oise, à cause de l'abondance du minerai dans ces régions et de la facilité de l'exploitation. La première usine fut créée à Urcel en 1786; elle fut suivie par celle de Bourg, puis par celle de Chailvet en 1807. L'historique technique de la fabrication ne pré- sente que peu d'intérèt, les progrès réalisés ayant été, pour ainsi dire, nuls. La cause en est dans la situa- tion longtemps prospère des usines, situa- tion due à l'ab- sence de con- currence, qui, en avilissant les prix, aurait forcé les producteurs à fabriquer plus économi- quement. Elle existe également dans l'insuffisance de l'éducation technique des usiniers, qui se sont trouvés désarmés lors de l’arrivée des moments de crise. Cette crise fut provoquée, à partir de 1866, par le développement d’une industrie nouvelle, celle du sulfate d’alumine, créée par Pommier vers 1845. A cette concurrence vint bientôt s'ajouter celle cau- sée par l'expansion des diverses aluneries étran- gères el l’entrée en Frânce, à bas prix, des aluns anglais de Spence, des aluns et sulfates d’alumine belges de l’usine d'Ampsine, des aluns italiens de la Tolfa, ete., ces derniers venant mème s'établir, par la suite, à Rouen, où une usine fut fondée sous les robinets des établissements Malétra, pour le traitement de l’alunite de celte provenance. Les aluniers de l'Aisne, qui tenaient la tète du marché, crurent leur industrie perdue, et, de fait, elle ne fit depuis que péricliter; le groupement, en un syndicat, d'une partie des producteurs francais, ne put que ralentir le mouvement sans parvenir à l’enrayer complètement. Quant au sulfate de fer, sa consommation deve- Urcel Fig. 1. — Coupe longitudinale des gisements de ligniles dans le département de l'Aisne, à Chailvet-Urcel. — À, Banc de lignite; à, naissance du banc; €, argile plastique; b, tourbières. nait grandissante, son écoulement rémunérateur. Ce ne fut pas pour longlemps. La concurrence anglaise, l’utilisation, par diverses industries métal- lurgiques, par celle des pétroles et des huiles, de résidus jusqu'alors inutilisés, venant fournir au commerce du sulfate de fer plus pur, plus sec que le produit des aluneries, il s'ensuivit fatalement une baisse de prix qui précipita la chute de la majorité des usines francaises. Il ne reste plus actuellement que deux exploita- tions importantes qui, par suite de circonstances économiques diverses, emplacement, proximité des voies de transport, puissance d'outillage, etc., purent subsister. Ces deux usines, sises, lune à Urcel, l’autre à Chailvet, près de Laon, livrent encore annuellement à la consom- mation envi- ron 2.500 à 3.000 tonnes d'alun,soiten- viron le quart de ce qui est consommé en France, et de 5 à 6.000 tonnes de sulfate de fer. Chailvet I. — GISEMENTS DU MINERAI. Le minerai utilisé est appelé communément cendre pyriteuse, cendre noire, etc. C'est, en réa- lité, un lignite argileux, imprégné de bisulfure de fer. Les gisements sont assez répandus sur notre sol : en Picardie, dans l'Oise, les Ardennes, la Champagne, etc. C'est surtout dans le département de l'Aisne qu'ils se présentent avec le plus de régu- larité et de puissance et que leur exploitation est le plus facile. Ce sont des formations stagnantes, dues aux anciennes lagunes tertiaires. On les rencontre, à la base de l'argile plastique, sous la forme de bancs, interrompus, au niveau des vallonnements, par des failles d'entrainement (fig. 1). La figure 2 représente la coupe des terrains à Chailvet; la légende en indique la nature et la puissance. Le minerai exploité, formé par le mélange des strates ligniteuses et des strates argileuses e, ren- 690 ferme de 20 à 30 °/, de matières organiques. Sa composition est assez variable, selon le lieu du pré- lèvement. La cendre de naissance est très pauvre en pyrite (8 à 9°/,); la cendre de plein bane a une teneur un peu plus élevée (12 à 15 °/); la partie inférieure du banc est exceptionnellement riche (20 à 30 °/.). Au point de vue industriel, on peut compter sur une moyenne de 15 °/, de bisulfure de fer. A part cet élément principal, la cendre pyrileuse contient une notable quantité d'argile, une forte proportion d'oxyde de fer, combiné à des matières organiques, Fig. 2.— Coupe des terrains à cendre à Chailvet. — a, terre végétale; 6, sable siliceux; c, gravier Ostrea belloracina ; d, sables argileux; e, strates alternatives de lignite et d'argile; g, argile plastique; A, zone à rognons de pyrite. un peu de magnésie el de chaux, des traces d'acide phosphorique et de potasse et 0,2 à 0,3 d'azote. II. — EXPLOITATION ET PRÉPARATION DU MINERAI. $ 1. — Extraction. Il faut d'abord enlever le décomble au moyen de wagonnets. Le service de chaque wagonnet est assuré par 3 hommes. Leur salaire moyen est de 3 francs et représente, par homme et par jour, un enlèvement de 8 à 9 mètres cubes de terre. Le ter- rassement coûte donc environ 0 fr. 35 le mètre cube. Ce travail préparatoire s'accomplit pendant l’hi- ver. Dès le mois d'avril, on attaque le bane exploi- table. C'est un travail de. terrasse qui; en raison de la plus grande compacité de la matière, est payé 0 fr. 40 le mètre cube. Les wagonnées de cendre sont amenées sur le sol de l'usine par rames de 5 à 6 wagons et vidées par une équipe d'ouvriers spé- ciaux, qui accumulent le minerai en longs tas pris- L. GESCHWIND — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CENDRES PYRITEUSES maliques et parallèles, à raison de 3 mètres cubes par mètre courant; il faut donc, pour le travail du minerai, un emplacement considérable. $ 2. — Efflorescence et grillage. Par la nalure des divers éléments qui la compo- sent, la cendre pyrilteuse constilue une malière éminemment oxydable. De fait, sous l'influence de l'aération et de l'humidité, la pyrite ne tarde pas à fixer de l'oxygène ; la lempérature des tas s'élève considérablement, et, si on laisse le phénomène se poursuivre, au bout de 1 mois à 1 mois 1/2, la matière s'enflamme spontanément. On n'attend pas que ce point soit atteint; pour activer et, en même temps, régulariser l'oxydation, on favorise l'accès de l'air en reprenant les tas, de bout en bout, à la pelle, tout en allumant de place en place de petils foyers, recouverts au fur et à me- sure, en ménageant, au moyen de fascines, de pe- tites cheminées d'appel. Ce travail, appelé premier relenage, est payé à raison de 0 fr. 40 à 0 fr. 12 par mètre cube. Sous l'influence de celte opération, surtout si les circonstances climatériques sont favorables, l'oxy- dalion s'active, la combustion se propage petit à petit du centre à la périphérie, les tas se recou- vrent d’efflorescences jaunàtres et il se produit un abondant dégagement de vapeur d'eau, d'acide carbonique et d'acide sulfureux. Dès que le feu a gagné la surface, on modère la combustion, en pla- quant, sur les parties où elle s'effectue trop active- ment, du minerai lessivé mouillé ou en injectant de l'eau. Au bout de 4 à 5 semaines environ, on procède au second retenage, qui a pour effet, laut en aérant la matière, d'empêcher une combustion trop complète. On laisse alors müûrir pendant quelque temps et, dès que la mauvaise saison s'annonce, on procède à la mise en gros tas de 20 mètres de base sur 12 mètres de hauteur, ou bien on jumelle les petits tas, en les conjuguant 2 par 2, et on les couvre de roseaux. Examinons maintenant les réactions entrant en jeu pendant ce long espace de temps et ces manu- tentions successives. L'efflorescence est due à la fixation de l’oxygène de l’air par la pyrile avec production de sulfate ferreux et d'acide sulfurique. Cet acide sulfurique attaque l’alumine de l'argile et donne du sulfate d'alumine. Ces réactions, qui paraissent si peu compliquées, sont cependant loin de pouvoir s'exprimer sous la forme simple suivante : (1) FeS? +70 + SH°0 = SO‘Fe, 7 H°0 + SO‘H? (2) 3 SO“H? + AO — (SOA + 3H°0. En réalité, les choses se passent tout autrement, à di L. GESCHWIND — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CENDRES PYRITEUSES Tout d'abord, sous l'influence de la chaleur intense de la masse, une fraction du soufre de la pyrite distille et vient former, à la surface des tas, de magnifiques cristallisations d’un jaune citrin. L'oxydation de la pyrite donne bien du sulfate fer- reux, mais l'acide sulfurique produit directement ne représente qu'une minime fraction du soufre de FeS?, dont la majeure partie de dégage dans l'atmosphère à l'état de SO*. Une portion de cet acide sulfureux est retenue au passage, et, sous l’action des matériaux de la cendre, jouant le rôle de corps poreux, fixe lui-même de l'oxygène, et donne de l'acide sulfurique, qui se porte sur l’alu- mine de l'argile. Ce phénomène est favorisé par la présence d’une certaine quantité d’eau, et c'est pour celte raison qu'on n'attend pas, pour faire le retenage, que la combustion se produise spontanément.Outre qu'elle se ferait de la surface au centre, ce qui serait mau- 691 ment, cette destruction des sels de fer pourrait même s'effectuer d'une manière à peu près com- plète. Cette méthode était employée par les anciens aluniers qui obtenaient, ainsi, des cendres rouges, totalement grillées, contenant une forle proportion de sulfate d'alumine, mais pauvres en sulfate ferri- que el surtout en sulfate ferreux !. Les réactions mises en jeu sont donc extréme- ment complexes et le réglage en est très difficile, d'autant plus que leur bonne marche dépend des circonstances climatériques. La composition cenlésimale du minerai prêt à être lessivé variera donc dans des limites très élen- dues (V. tableau I). La partie insoluble est principalement constiluée par des malières organiques, de la silice, de l’ar- gile non attaquée, du peroxyde de fer, du sulfure non oxydé. Le prix de revient du minerai prêt à être lessivé Tableau I. — Composition de plusieurs échantillons de minerai grillé. NUMÉROS D'ORDRE gr. Sulfate ferreux, SO‘Fe,7H°0 . . 11,50 Sulfate ferrique (SO*#Fe?, 9 H20 Sulfate d'aluimine (SO*Al?,16 H°0 . Sulfate de chaux, SO‘Ca . . . . . . Acide sulfurique, SO* . Insoluble ts". Eau. 6 180 gr. 13,70 1,50 4 9,10 66,00 ,90 6 ,0Ù » vais au point de vue de l’utilisation du soufre, elle se produirait dans un milieu desséché, et on n'ob- tiendrait, comme résullat, qu’une grande quantité de sous-sels insolubles et d'oxyde de fer, avec une quantité relalivement restreinte de sulfate d'alu- mine. L’allumage qui provoque le grillage doit done se faire sur la matière encore humide. Le sulfate ferreux formé n'est pas stable; il absorbe lui-même de l'oxygène et se transforme en sulfate ferrique soluble et en divers sous-sels inso- lubles. L'acide sulfureux, au contact de ces sels de ferricum, s'oxyde avec production d'acide sulfuri- que, tandis que le sulfate ferreux reconstitué rede- vient apte à fixer l'oxygène de l'air pour oxyder ensuite une nouvelle quantité d'acide sulfureux. La présence de l’eau est encore ici nécessaire à la bonne marche de la réaction. Les divers sulfates de fer jouissent de la pro- priété bien connue de dégager leur acide sulfuri- que à une cerlaine température avec production d'oxyde de fer. Lors du grillage, la chaleur atteint souvent le degré d'intensité nécessaire à cette décomposition. Il se produit encore, de ce fait, une cerlaine quanlité de sulfate d'alumine. Si on laissait le grillage se poursuivre enlière- varie de 3 fr. 50 à 4 fr. 50 le mètre cube, suivant les années, la distance des extractions à l'usine, l'achat du terrain, la nature et la hauteur du décomble. Il peut en moyenne s'établir ainsi Prix de revient d'un mèlre cube de minerai, prél à élre lessivé. Extraction, terrassements, charrois, etc.. . . . . 2,15 Frais d'outils . . . 0,25 Retenages. . 0,30 Mise en tas. RENE AIO TS 00530 Valeur AUTRE EM era se CL COR Intérêt et amortissement des frais extraordinaires d'extraction. . . 0,75 Soit : Prix de revient par mètre cube . . Le poids du mètre cube est d'environ 1.000 kilos, 4 Les anciens aluniers avaient remarqué que leur matière première s'améliorait avec le temps et qu'ils en obtenaient des rendements en alun plus élevés, en la laissant vieillir, que s'ils l'avaient lessivée immédiatement après le faconnage. Cela résulte d'un complément d'oxydation et surtout de l’action du sulfate ferreux et du sulfate ferrique sur l'argile en excès de la matière. En effet, ces sels, en présence de matières argileuses, réagissent sur l’alumine avec formation du sulfate de cette base. Cette action est évidemment lente, mais il n'en est pas moins vrai qu'il y a tout intérêt à laisser vieillir la cendre avant le lessivage. 692 L. GESCHWIND — L'ÉTAT ACTUEL DE III. — FABRICATION DU SULFATE DE FER. La caractéristique de celte fabrication est une consommation considérable de combustible, et la manutention d’une quantité énorme de liquide ; pour éviter des frais exagérés, on a disposé les usines sur des terrains en pente afin de permettre aux liqueurs de s’écouler naturellement d'un atelier dans l’autre, le lessivage des matières premières s’effectuant au point culminant. $ 1. — Lessivage. Ce lessivage comporte comme installalion : 1°) Une série de bassins en pierre de taille, à L'INDUSTRIE DES CENDRES PYRITEUSES Le degré Baumé des liqueurs, au soutirage, est en année normale de 28° B. Les petites eaux mar- quent 10° B. On obtient environ 600 litres d’eau à 28° par mètre cube de cendre. Ces liqueurs, emma- gasinées dans des réservoirs spéciaux, y laissent déposer l'argile et les impuretés qu'elles ont en- trainé ; leur coloration est rouge brun foncé et elles montrent à l'analyse des variations considérables dans le rapport de leurs éléments, suivant la na- ture de la cendre traitée (V. tableau IT). Ces lessives, après dépôt des matières terreuses, sont acidifiées à raison de 20 kilogrammes d'acide sulfurique à 60° B., par mèlre cube, puis verdies, de manière à détruire les sels ferriques qui sont Tablèau II. — Analyses de quelques échantillons de lessives (par litre). NUMÉROS D'ORDRE. . . . . Sulfate d'alumine (SO‘}s AP. . Sulfate ferrique (SO) Fe° . Sulfate ferreux SO: Fe. Sulfate de chaux. Résidu sec BamE mire ce Poids spécifique . double fond formé d’un plancher recouvert de ro- seaux. Ces récipients sont reliés entre eux par une canalisation permettant la mise en communication de l’un quelconque d’entre eux avec tous les autres ou avec l'extérieur ; 2°) Des réservoirs en moellons ou pierres de taille, destinés à recevoir les liqueurs fortes ou fai- bles provenant du lessivage ; 3°) Une pompe ou un Kærting pour la rentrée des liqueurs faibles sur les lessivoirs ; 4°) Des voies et des aiguilles pour le service des wagonnetls. Le lessivage se fait à l'air libre et méthodique- ment. À Chailvet, l'installation comporte huit les- sivoirs, chacun de 100 mètres carrés de surface et 0,90 de profondeur. Ces huit éléments consti- tuent deux batteries distinctes. Le service se fait au wagonnet. Les lessiveurs, payés à raison de 3 fr. 75 par jour, doivent, pour celte somme, amener au lessivoir 6 mètres cubes de cendre, en égaliser la surface et enlever le résidu correspondant de l'élément en vidange. Ces résidus, désignés sous le nom de cendres lessivées, sont une réelle cause de gène à cause de leur volume. À Chailvet, où ilss’accumulent depuis quelque 90 ans, ils recouvrent une surface de 5 hectares sur une épaisseur de 10 à 12 mètres !. { Ces matières ont une certaine valeur comme engrais, car elles renferment une notable proportion de matières ulmiques et de 0,25 à 0,40 d'azote. Par suite de la présence nuisibles ; elles sont pour cela traitées par de vieilles ferrailles. Celte opération, appelée verdis- des ratières ulmiques et d'une certaine quantité de sels solubies non enlevés au lessivage, elles ont la propriété, en mélange avec du phosphate, de solubiliser une certaine quantité d'acide phosphorique. Elles retiennent l'azote ammoniacal avec une grande énergie. Nous avons pu fixer sur un tel produit jusqu'à 3 0}, d'azote ammoniacal. On a essayé d'utiliser la cendre lessivée comme combus- tible sans obtenir de résultats satisfaisants. L'analyse sui- vante, que nous devons à l'obligeance de M. A. Vivien, a été faite en vue de l'élude de ce produit à ce point de vue par- ticulier. EAU 02 LU ARE ec Hs 3 ., { Carbone, 9,59 Matières organiques totales. . 18,83 Carbures, 9,33 Matières minérales . 55,84 100,00 Soufre des pyrites. . 2 kil. 52 Soufre libre. . 0 kil. 17 SO? des sulfates. . 2 kil. 71 Aeide sulfureux dégagé par la combustion. . 8 kil. 07 Pouvoir calorifique pour 1 kilo humide . . . 1.700 c. La matière organique nous a donné à l'analyse les chiffres suivants, assez rapprochés de ceux publiés par Knapp, dans son édition francaise de 1816 (Trailé de Chimie technologique él industrielle, par Fr. Knarp; traduction française de E. Méni- Jor et A. DEBIZE). KNAPP C— 63 5,92 65,44 O et Az — 32 28,26 28,58 H=— 5 5,82 5,97 On peut encore utiliser ces résidus, mais sans grand profit, en leur faisant subir un nouveau grillage afin d'oxyder, avec production de sulfates de fer et de sulfate d'alumine, le peu de bisulfure de fer qu'ils contiennent. LÉ ni L. GESCHWIND — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DES CENDRES PYRITEUSES 693 sage, est activée par l’action d'une légère chaleur, Les liqueurs gagnent au verdissage, par suite de la dissolution de la ferraille, de 2 à 3 B. et leur coloration brune fait place à une belle teinte verte. Ces liqueurs sont envoyées à la concentralion. $ 2. — Concentration. Les eaux rouges verdies doivent êlre amenées à marquer 40° B. Cette concentration réclame une quantité considérable de combustible. La quantité de charbon nécessitée pour la production de 1.000 à 1.200 tonnes d'’alun et 2.500 à 3.000 tonnes de sulfate de fer atteint et dépasse 1.500 tonnes, dont 1.000 tonnes pour la concentration. Peu de dispositions ont été expérimentées pour arriver à une bonne utilisation du combustible, et, somme toute, la nature des liqueurs à évaporer, leur acidité, la facilité avec laquelle, sous l'in- fluence un peu prolongée de la chaleur, elles don- nent des dépôts de sulfate ferrique basique et de sulfate ferreux deshydraté, insolubles, sont des difficultés contre lesquelles il était assez difficile de lutter. Le four à réverbère, adopté d'abord en Angle- terre, où il a subi de sérieux perfectionnements, a été également usilé en France. L'utilisation du calorique y était passable. Son principal inconvé- nient résidait dans l'entrainement des suies et cendres venant salir les liqueurs et dans son entre- tien coûteux. Il a été remplacé par des chaudières en plomb, qui ont l'avantage d'être d'un entretien rela- tivement peu coûteux, de ne pas salir les liqueurs et de conserver, en cas de démolition, laplus grande partie de leur valeur. Elles utilisent malheureuse- ment la chaleur d'une facon déplorable. Cette utili- sation ne se traduit guère que par 4 kilog.5 à 5 kilogrammes d'eau évaporée par kilogramme de charbon brûlé *. Les chaudières ont de 20 à 25 mètres carrés de surface sur 4 mètre de profondeur. Elles sont chauffées à feu nu. Le coup de feu seul est protégé par une voûte blette. Chaque chaudière a deux foyers conjugués. Les gaz chauds de chaque foyer accomplissent Cela tient : 19 A la grande épaisseur qu'il est nécessaire de donver au plomb pour éviter les déformations sous l'action de la cha- leur; 20 Au faible coefficient de transmissibilité de ce métal; 30 A la production d'incrustations de sulfate de chaux, sulfate ferrique basique, sulfate ferreux déshydraté, venant encore gèner la transmission de la chaleur ; 40 A la viscosité des liqueurs à évaporer; 50 À la grande surface évaporante du liquide, conduisant à une perte considérable par le fait du rayonnement; 60 Au ralentissement de l'évaporation à la fin de l’opéra- tion, et, surtout lorsque le temps est froid, par la production, à la surface du liquide bouillant, d'une pellicule saline venant gêner l'élimination de la vapeur d’eau. un triple circuit dans des carnaux en maçonnerie dont le plafond est constitué par les ondulations du fond de la chaudière. L’épaisseur du plomb est de 12 millimètres. Le coulage des liqueurs concen- trées s'effectue par l'avant au moyen de goulottes, oblurées en marche par des tampons en bois. À Urcel, le chauffage est effectué par des foyers spéciaux genre Godillot, dans lesquele on brûle des fines. À Chailvet, les foyers ne présentent au- cune particularité et on y brûle des tout-venant. Dans cette dernière usine, on a essayé un système d'évaporation en couche mince, les liqueurs faibles arrivant continuellement en queue de la batterie et en sortant concentrées par un trop-plein disposé en têle. On a dû renoncer à évaporer de la sorte les liqueurs verdies. Au bout de quelques heures de marche, il se produisait presque subitement un dépôt blanchâtre et lourd, augmentant très rapidement, faisant prise comme le plätre dès qu'on le retirait de la chaudière !. On s’est alors contenté d’évaporer directement les eaux rouges acidifiées, quitte à faire verdir immédiatement après concentration. Ce système a permis de réaliser une certaine économie de charbon. Il est d’ailleurs avantageux, en ce sens que, l'évaporation porlant sur des liqueurs non verdies, on peut enlever en premier jet, toutenne dépassant pas la limite de concentration, la quan- tité d’eau correspondant aux 2° ou 3° B. qu'aurait gagné la liqueur si elle avait été soumise préala- blement au verdissage. On obtient ainsi, en premier | jet, un plus fort rendement en sulfate de fer, et des eaux mères pour alun plus concentrées. Le prix de revient, essentiellement variable, peut ainsi s'établir : Pour une opération de 36 mètres cubes : Cendre : 59 mètres cubes à 4 fr. 20 . 248 fr. Lessivage . ER EE EE ME ACT MNT PES Usure du matériel, outils, entretien, huile, surveil- lance. 19. » Pompage et entretien ‘des pompes. : V1 AIORES Charbon (pour la concentration) : 5 000 kil. à 18 fr. 90 » Erais d'évaporationt Entrer er PCM» Acide sulfurique à 60° B. : 800 kil. à 5 fr. 20. . 42 » Ferraille : 800 kil. à 3 fr. 50. 28 » Frais généraux, contributions, assurances, : etc. 144725» Totale Se CC PROMO ÈtE On obtient : Sulfate de fer : 12.000 kil. à 2 fr. 25. 270 fr Eau mère (eau à breveter) 24 mètres cubes à à 15 fr. 360 » Totale” 630 fr ‘ Ce précipité soumis à l’aualyse nous a donné des chiffres conduisant à la formule SO*Fe,4#H°0. TROUVÉ CALCULÉ Eau H°0 33,300 39,14 Fer (Fe) M Rene 24,500 25,00 Acide sulfurique (SO*H°) 42,100 43,75 Ce sulfate ferreux déshydraté se reproduit facilement au laboratoire en maintenant longtemps à l'ébullition une so- lution saturée et acide de sulfate ferreux normal. S 3. — Cristallisation, épuration, emmagasinage du sulfate de fer. | La cristallisation s'effectue dans des cristalli- soirs en pierre de taille, d'une capacité de 30 à | 36 mètres cubes. On emplit normalement un de ces récipients par 24 heures. Les liqueurs amenées dans les cristallisoirs sont laissées en repos et, au fur et à mesure du refroi- dissement, le sulfate de fer cristallise. Il est essentiel que cette cristallisation s'effectue en liqueur franchement acide; si celte condition n’est pas réalisée, le sulfate de fer ne se conserve pas; il jaunit en se recouvrant de sulfate ferrique basique. On tâche, en pratique, de se tenir à une acidité libre des liqueurs, en SO‘H?, d'au moins dix grammes par litre. Au bout de 20 à 25 jours de refroidissement, on décante l’eau mère, au moyen de pompes en bois, très primitives !. Cette eau mère, qui prend main- | tenant le nom d'eau à breveter, est envoyée dans de L. GESCHWIND — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CENDRES PYRITEUSES assez volumineux sur les parois du cristallisoir est désigné sous le nom d'ordinaire (0). Il titre de 88 à 92 °/, SO'Fe.7H°0: 3° La troisième variété est constituée par le sel très ténu qui s’est déposé dans les réfrigérants. Ce sel doit d'abord subir un égouttage très prolongé, pendant lequel il se transforme en blocs d’une assez grande dureté. Pour mettre ce produit sous une forme marchande, on lui fait subir un écra- sage, en le piétinant sur une aire dallée. Ce tra- vail revient à 0 fr. 20 environ. Le sulfate de fer ainsi écrasé litre de 82 à 85 °/, SO*Fe.7H°0. Le sulfate de fer est livré au commerce en sacs ou en vrac. Son prix de vente moyen en usine est de 2 fr. 70 à 2 fr. 80. IV. — FABRICATION DE L'ALUN,. L'eau mère de la cristallisation du sulfate de fer est la matière première dont il s’agit de retirer Tableau III. — Analyses de quelques échantillons d’eau mère à alun. NUMÉROS D'ORDRE Sulfate ferrique (SO1)Fe? . . Sulfate ferreux SO'Fe .7 H°0. Sulfate d'alumine (SO‘SAEE . Sulfate de chaux . : Acide libre SO*H°. gr. gr 12,00 | 45,00 149,00 | 212,00 256,00 | 250,00 1,00 9,00 » » gr. 31,00 919,00 264,00 7,50 186,00 206,00 vastes bassins réfrigérants en plomb où il se dépose une quantité nolable de sulfate de fer en cristaux très ténus. Les sels sont extraits des bassins de cristallisa- tion par une équipe de 4 ouvriers”, et menés dans | un récipient à double fond. On les lave avec une | liqueur saturée de sulfate de fer et on laisse | égoutter. Le sulfate de fer se purge ainsi peu à peu de son eau mère alumineuse, et, au bout de 12 heures, on peut le conduire au magasin. Toute cette manutention revient à environ 0 fr. 20 par 100 kilos. Celte fabrication livre au commerce trois varié- tés de sels : | 1° Le sulfate de fer qui s'est déposé sur le fond des cristallisoirs, en cristaux assez petits, est dési- gné sous le nom de petit sel (P S). Il titre de 85 à 88 °/, SO‘Fe.7H?0. | 2° Le sulfate de fer qui a cristallisé en grains 1 A Chailvet, on a remplacé récemment ces vieux bas- sins par des cristallisoirs plats, surélevés au-dessus du sol, en bois doublé de plomb; dans ces récipients, la cristallisa- tion est beaucoup plus rapide et la main-d'œuvre ultérieure est très diminuée. = Deux seulement dans le cas des cristallisoirs en plomb, et cela pour une quantité de sel à peu près équivalente. l'alun Son degré Baumé est en moyenne de 36°. Sa composition, assez constante, est indiquée pour 1 litre par les chiffres du tableau IIT. Elle contient de plus une minime quantité d'alun. $ 1. — Brévetage. C'est l'opération pendant laquelle on constitue l’alun en ajoutant à l’eau à breveter, soit du sul- fate d'ammoniaque, soit du sulfate de potasse, soit du chlorure de potassium. Quand le prix du sulfate d'ammoniaque le permet, il y a lout avantage à l'utiliser, le travail étant beaucoup plus beau et facile qu'avec le sulfate de potasse. Quant au chlo- rure de potassium, il donne de très mauvais résul- tats au point de vue des rendements, et, de plus, les eaux mères chargées d'acide chlorhydrique doivent être rejelées. Les liqueurs sont amenées dans une chaudière et réchauffées à la vapeur ou à feu nu. Dès que la température a atteint 80° à 90° C., on laisse couler dans des cristallisoirs, en jetant à la pelle du sulfate d'ammoniaque et en agitant constam- ment, puis on laisse en repos. Il se forme de l’alun qui cristallise au fur el à mesure du refroidisse- ment. L'un dt - wide, 84 ' L. GESCHWIND — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CENDRES PYRITEUSES 695 La quantité de sulfate d’ammoniaque nécessaire est déterminée au laboratoire, par un essai en petit”. L'insolubilité de l’alun dans son eau mère n'est que relative et varie beaucoup suivant les circon- stances. Tout d'abord, il va de soi que, pour obtenir de bons rendements, c'est-à-dire pour que la perte de sulfate d'ammoniaque soit faible, il faudra trai- ter des liqueurs concentrées et le plus chargées possible en sulfate d'alumine. L'acidilé a une haute importance. Il faut que la teneur de l’eau à breveter soit au moins de 10 à 15 grammes SO‘H? libre par litre. Si on brevète une liqueur neutre,les rendements sont déplorables (tableau IV). Tableau IV. — Influence de l’acidité sur le rende- ment en alun. 1 Liqueur neutre 2 3 4 5 gr. SO#H2?|10 gr.SO#H?|20 gr.SO‘H® par litre par litre par litre Alun oblenu d'un essai. Perte 0/0. gr 18,450 8,88 Br: 18,400 9,13 gr. 18,00 11.11 gr. 15,040 95,12 Lors du brevetage, on a soin de n'ajouter du sulfate d'ammoniaque qu'en quantité insuffisante pour transformer en alun tout le sulfate d'alumine de la liqueur. On laisse toujours par mètre cube une quantité de sulfate d’alumine correspondante à 200 ou 250 kilos d'alun. Effectivement, la solubi- lité de l’alun, dans sor eau mère, décroit avec la . teneur en sulfate d'alumine libre de cette eau mère. La présence d’une minime quantité de sulfate ferrique ne peut nuire. Si la dose s'élève et atteint 39 à 40 grammes par lilre, il se forme de l’alun de fer qui souille l’alun ammoniacal et entraîne une perte de sulfate d'ammoniaque. L'acide chlorhydrique est très nuisible et sa pré- sence fait immédiatement baisser les rendements dans une forte proportion : 2 20 ce. eau acidulée 1 à raison 50 cc. de 33 gr. HCI eau pure par litre er > gr. gr. Alun wis à cristalliser . 20, » 20, » Alun retrouvé . 17,21 14,48 BTE AE MERE 13,95 27,60 Température du liquide refroidi. 6° C. 60 C Il en est de même avec les chlorures. Un essai effectué dans les mêmes conditions que les deux précédents, c'est-à-dire en dissolvant à chaud 20 grammes d’alun dans 50 centimètres cubes d'eau, mais en addilionnant le tout de 10 grammes ! Voir : L. GescuwinD, Industries du sulfale d'aluminium, des aluns, etc., p.208. Gauthier-Villars, 1899, Paris. NaCI, ne nous a laissé retrouver, après refroidisse- ment, que 15,770 d’alun, avez une perte par consé- quent de 21,15 °/. Cette influence de l'acide chlorhydrique explique pourquoi fa fabrication de l’alun au moyen des chlorures donne de si mauvais résultats. Ainsi, si on brevète 50 centimètres cubes d'une même eau à breveter, respectivement par des doses équivalentes de sulfate d'ammoniaque et de chlo- rure d'ammonium, on oblient : 9 Avec tes Avec chlorure d'ammoniaque. d'ammonium. gr. AUD : 197,500 gr. ARR CT 23,500 Soit en moins avec AzZH'CI . . » 4,000 De même avec le sulfate et le chlorure et le potas- sium : 1 9 Avec sulfate Avec chlorure de potasse. de potassium. gre gr. Alun . ER ROUE 32,10 30,30 Soit en moins avec KCI. . . . » 2,40 Le brevetage est donc assez délicat et demande à êlre suivi avec soin. Le prix de revient peut ainsi s'établir : Pour un brevetage de 25 mètres cubes : Eau à breveter, 25 mètres cubes à 15 fr.. Sulfate d'ammoniaque à 25 fr., 1.200 kilos . 300 » Charbontade tr 14000kK1loS EEE EE) Mäain-d'œuyre, entretien,.etc. "125. Rotal ET CNne CLe tr Alun breveté : 1.200 X 6,175 — 8.100 kil. Perte (y compris la perte d'épu- ration) 10 0/0. . 810 kil. Alun cristallisé . AE 7.290 kil. à 7,44 — 541 35 Eau brévetée : 16 mètres cubes à 11,05. . 176 65 Total égal. 118 fr. Lorsque le refroidissement dans les cristallisoirs est suffisant, c’est-à-dire au bout de 15 à 20 jours, l'eau mère, dite eau brevetée, est décantée. Pour compléter son refroidissement et lui faire aban- donner le peu d’alun qu’elle tient en suspension, on la fait circuler dans des chicanes, puis on la rentre à l’évaporation. Le degré Baumé moyen de de ces eaux mères est de 32°. Elles contiennent, en plus d'une cerlaine quantité d’alun : 1 2 3 Re Sulfate ferreux, SO'Fe,7H!'O . . . 276 293 223 Sulfate ferrique (SO‘)Fe?. . . . . 63 4 3,5 Sulfate d'alumine (SO‘)SAI. . . . 116 143 170 L'alun brut, cristallisé sous la forme de cristaux brunälres, est pioché, levé et conduit dans des réci- pients spéciaux munis de doubles fonds. On lui fait subir trois lavages successifs avec de l’eau d'alun de plus en plus pure. Les eaux de lavage sont en- voyées au lessivage. L. GESCHWIND — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CENDRES PYRITEUSES $ 2. — Purification de l’alun. Le lavage à éliminé la majeure partie de l'eau mère et le peu de sulfate ferreux qui avait pu cris- talliser avec l'alun. L'alun n'est cependant pas encore assez pur pour être livré au commerce et d’ailleurs ne se présente pas sous une forme mar- chande. Il faut lui faire subir une deuxième cristal- lisalion. Pour cela, on le redissout dans une chau- dière en plomb ou en cuivre, de manière à obtenir une solution à #41°-43° B. On la laisse en repos pendant quelques minutes, pour permettre aux impuretés de se déposer, puis on la coule dans des formes. qui ont une capacité de 2.000 litres environ, sont tronc-coniques et sont doublées de plomb. Elles sont obtenues par la juxtaposition de deux panneaux, formés de douves en chêne réunies par des cercles en fer. L'étan- chéité aux points de jonction est obtenue par deux lames de caoutchouc et le serrage des cercles au moyen de vis et d'écrous. Le joint avec le sol dallé est fait avec de l'argile. La forme ainsi préparée, et remplie de la solution d’alun, est livrée au refroi- dissement pendant une quinzaine de jours. On enlève alors les deux panneaux et on se trouve en présence d’nn bloc d’alun dont les parois ont 25 30 centimètres d'épaisseur, et contenant de 4 à 5 pl d'eau mère. Cette eau mère relient en solution de 80 à 90 kilos d’alun par mètre cube. Elle est recueillie dans des citernes et sert au lavage de l'alun brut. Ces formes, On divise le bloc à la hache, on concasse les mor- ceaux en fragments de la grosseur du poing, et l’alun est prêt à être livré à la consommation. C’est l’alun ordinaire ou alun de glace. Il s'en faut que la totalité de la masse soit cons- lituée par de l’alun marchand. Seul, ee qui en terme de métier s'appelle le lard, c’est-à-dire l’alun qui a cristallisé sur le pourtour de la forme, peut être vendu tel quel, sauf une partie du pied, rendue légèrement noirâtre par des impuretés, qui est demandée par les corroyeurs, sous le nom d’alun gris, et les parties les plus belles dans les déchets qui, après un écrasage préalable, peuvent être livrées à la consommation. Le reste, constitué par le pied de Ja masse, très impur, et par les déchets légèrement souillés, doit subir une nou- velle épuration. chargé de malières argileuses, Une masse d’alun, exigeant pour sa formation 2,200 kilos d’alun de brevetage, donne en moyenne : Alun de glace . . : URUIOEETLOS Alun écrasé . 260 — Déchets à refondre . 600 — Alun gris. : 300 — Alun perdu dans l'eau mére AU KOtai ee 2,200 kilos Les 600 kilos de déchets doivent subir une pre-… mière recristallisation à faible concentration, 28 à 30° B., pour séparer l'insoluble. C’est la refonte pour 1/2 AE, dont le prix derevients’établit comme suit : Débris : 6.000 kilos à 6 fr. 59. . . . 395 fr. 40 Eau d'alun : 8 mètres cubes à 0 fr. 50. 4 » Charbon : 700 kilos à 18 francs. . . . 12 60 Main-d'œuvre, usure, ete. . . - …: . - 15 » Alun obtenu : 4.400 kilos à 9 fr. 70 427 fr. =» L'alun ainsi obtenu, très pauvre en fer, est redis- sout et coulé en masses, dites de 1/2 À E. Le produit de ces masses subit une nouvelle recrislallisation en masses, dites d'AE. C'est l’alun épuré brut que l'on obtient encore en faisant recristalliser l’alun de glace. Cet alun épuré brut est débité, cassé et mis à macérer pendant douze heures avec de l’eau saturée d'alun, puis avec de l’eau pure. On laisse égoutter, 3 : î ! À 2e 4e he DC it à À Sin is on sèche sur des claies et on obtient l'alun épuré « marchand. Toutes ces refontes successives entraînent une dépense de main-d'œuvre considérable et la perte de beaucoup d’alun, en dissolution dans les eaux » mères. Gelte épuralion est donc très coûteuse. PRIX DE REVIENT : 1. — Alun de glace. Alun de brevetage macéré : 2.200 kilos à 7 fr. 9#. 175 fr. Charbon AIO RENE 1 80 Usure, entretien, divers. Re ot à 2 20 Main-d'œuvre. . . Pl Los la 2 50 Usure et entretien des formes Va LE 6 2 50 Charrois, emballage, main-d'œuvre diverse es Total... ONU Pour obtenir 2.160 kilos d’alun : Alun de glace et alun écrasé : 1.260 kil. à 10 fr. 10. 427 25 Alun gris 300 los 2 10 EEE 2 Débris.: 600 kilos à 16 fr. SOMME RS I Total égal. . 199 fr 2. — Alun de 1/2 AE. Alun pour 1/2 AE : 1.580 kilos à 9 fr. 10: . . . . . 155 20 Débris d’alun de glace : 600 kilos à 6 fr. 59 . . . . 39 55 Charbon Me EE NE RE EN TE PE 1 8û Usure, entretien, divers, main-d'œuvre . . . . . . 4 95 Entretien des formes. £ 2 50 Total . 204 fr Pour obtenir 2.160 kilos d’alun : Alun à refondre en AE : 1.500 kilos à 9 fr. 70 145 60 Alun à refondre en 1/2 AE : 660 kilos à 8 fr. 85 . . 58-40 Total;égal..."".1 NS SERA 3. — Alun épuré. Alun de glace : 1.100 kilos à 10 fr. 40 All » Alun de 1/2 AE : 1.100 kilos à 9 fr. 70. . on. LObE Charbon . . : 1 80 Usure et entrelien de Ja chaudière, main- 4 œuvre, usure et entretien des formes, ete.. . . . . . . . 7 50 Cassage et baignage, outils, charrois, emballages, etc. "25% NOIRS E do ce AOL ONE on NO L. GESCHWIND — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CENDRES PYRITEUSES 697 Pour obtenir 2.010 kilos d'alun : Aluo épuré : 1.100 kilos à 14 fr. 50 PRE 05950 Débris à refondre ou à écraser en épuré eu poudre : 910 kilos à 9 fr. 95. 90 50 Total égal *. 250 fr, V. — PROGRÈS A RÉALISER. La fabrication telle que nous venons de la décrire est coûteuse. Malgré cela, telle qu’elle est, elle peut encore rapporter un certain bénéfice, faible en réa- lité, mais justifiant, en dehors de toute autre con- sidération, la recherche de procédés de production plus économiques. Cette recherche doit porter sur tous les points de la fabricalion, mais plus particulièrement sur les points suivants : . 4° Obtention d’un minerai plus riche ; 2° Diminution de la consommation du combus- tible; Pour nous rendre compte si cetle idée était réa- lisable, nous avons fait divers essais qui, tous, ont été concluants, Parmi ces essais, nous n’en citerons qu'un seul, qui a élé effectué dans des conditions de précision assez grandes pour qu'il n’y ait aucun doute dans l'interprétation des résultats". Nous avons d'abord fait prélever et mélanger minutieusement une certaine quantité de cendre, puis nous avons prélevé 3 prises d'essais de 50 kilos très exactement pesées. Ces 3 prises ont élé versées dans des boiles en bois. La première fut addition- née de 5 kilos d'acide sulfurique à 60° B. et de 2 kilos d'eau, la seconde de 10 kilos d'acide 60° B. et de 3 kilos d'eau, la troisième fut laissée telle quelle. Les 3 boîtes furent munies de leur cou- vercle et placées à l'intérieur d'un tas pendant un mois, puis la matière fut repesée de nouveau et le conteuu total de chaque boîte passé au moulin. Sur la poudre obtenue, on préleva les échantillons des- Tableau V. — Essai sur l'enrichissement de la matière première. CORPS DOSÉS CENDRE TÉMOIN Insoluble Fer total en SO#Fe. 7H20. Sulfate d’alumine anhydre . Acide sulfurique en SO#H®? . . Prix de revient du mètre cube . CENDRE à 10 °/,, acide 60° CENDRE à 20 °/,, acide 609 3 61,67 30,16 18,77 31,82 OBSERVATION A ———— ——— ——" La cendre essayée paraissait re- lativement riche en matières ar- gileuses, ce qui explique l'écart entre la composition du témoin et la composition moyenne de la cendre d'une année entière. 3° Meilleure épuralion du sulfate de fer ; 4° Diminution de la perte d’alun; 5° Diminution des frais d'épuration de l’alun. Les essais que nous avons effectués, dans cet ordre d'idées, nous ont permis de constater qu'il y avait là de grosses économies à réaliser. $ 1. — Enrichissement de la matière première. Si nous considérons que, même après plusieurs mois, la température à l’intérieur des gros tas est encore au moins égale à 100° C., il pouvait paraitre rationnel d'utiliser ce calorique et de s'en servir pour attaquer, par de l'acide sulfurique, l'argile en excès de la cendre pyriteuse. ‘ Qu'on nous permette de signaler une particularité curieuse des diverses liqueurs provenant du traitement des cendres pyriteuses. Ces liqueurs paraissent être un excellent milieu de culture pour certains microorganismes. C'est ainsi que le Penicil- lium glaucum s’y développe parfaitement. Sur l'eau brevetée particulièrement, cependant saturée de sulfate de fer, de sulfate d'alumine et d'aluo, et très acide, mais contenant une minime proportion de matières organiques solubles, ce Penicillium glaucum se développe avec une telle énergie qu'il vient former, avec le temps, un tapis feutré épais de 1 cen- timètre, recouvrant toute la surface du liquide, IL est évidemment très intéressant de voir la vie se déve- lopper dans des conditions aussi anormales. tinés à l'analyse. Les résultals rapportés aux poids retrouvés sont consignés dans le tableau V. On peut conclure de ces analyses : 1° Que l'acide ajouté est retrouvé intégrale- ment; 2° Qu'il est entièrement fixé par les éléments de la cendre; 3° Qu'il a altaqué, de préférence au bisulfure de fer et à l’oxyde de fer, l'alumine de l'argile en don- nant du sulfate d’alumine. Si nous calculons le résultat économique de l'opé- ration, nous voyons que, pour une production de 1.200 tonnes d'’alun, le bénéfice aurait été de 3.414 francs pour la deuxième cendre et de 1.659 francs pour la troisième cendre comparée à la cendre témoin. De plus, comme on produirait ainsi des liqueurs plus chargées en sulfate d’alumine, le prix de revient de l’alun diminuerait encore. L'opération est donc avantageuse et pourrait l'être d'avantage encore en se servant d'acides résiduaires tels que les goudrons de pétrole. 1 Pour plus de détails sur cette question, voy. : L. GEscu- Winp, loc. cil., p. 234 et suiv. 698 L. GESCHWIND — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CENDRES PYRITEUSES \ k à comptant aux générateurs de vapeur une vaporisa- $ 2, — Lessivage à chaud. | PRES < 14 P Avec une telle matière première, la question du | sur les grilles. lessivage devient très importante. Nous avons pensé à faire cette opération à chaud. Il est en effet DR rer ETS Er facile d'imaginer un appareil, une sorte de batterie Nous pourrions ici appliquer l’essorage tel qu'il « de diffusion, à éléments aplalis pour faciliter la fil- | se pratique en sucrerie. tration, munis d'une surface filtrante en amiante Cette épuration n'aurait, en réalité, en raison du ou en verre filé, chauffés par des calorisaleurs, etc. | bas prix de la matière, qu'une importance relative. La ballerie serait complétée par des réservoirs en | Le bénéfice résultant de l'opération serait d’ailleurs charge pour forcer la cireulaiion des liqueurs, d'un | négligeable, sauf peut-être en ce qui concerne le décanteur réchauffeur pour l'élimination des boues | sel précipité, qui, après traitement, se présente entrainées, etc. sous la forme d'une poudre très fine, à peu près Tous ces appareils seraient doublés en plomb. On | sèche, de très bel aspect et d’une plus grande marcherait à l'eau; le chauffage, afin d'éviter les | valeur marchande. pertes de chaleur dans les résidus, se ferait seule- L'épuration du sulfate de fer et sa mise sous la ment en tête de la batterie. Les eaux brevetées | forme d'un produit à haut litrage auraient cepen- seraient rentrées et le lessivage pourrait se faire en | dant cet avantage d’en faciliter l'écoulement dans liqueur acide. le commerce. Quelle serait l'économie du procédé? Quoi qu'il en soit, voici les chiffres que nous Avec la marche par évaporation, il faut coneen- | avons obtenus en essorant diverses variélés de sels. Tableau VI. — Influence de l’essorage sur le rendement en sulfate de fer. SEL SEL SEL PETIT PETIT PETIT Ï PETIT PETIT précipité précipité précipité sel sel sel sel sel Sulfate de fer avant essorage.. 69,65 83,58 82,58 80,59 93,03 91,04 92,04 Sulfate de fer après essorage.. 82,58 85,91 81,56 86,56 93,53 94,52 97,01 trer les liqueurs de 28° B. à 42 B., les 2 degrés | au moyen d'une petite essoreuse à main dont le étant comptés à 15° C., c'est-à-dire qu'il faut élimi- | panier avait 50 centimètres de diamètre (ta- ner une quantité d'eau donnée par la formule (en | bleau VI). supposant la chaleur spécifique des liqueurs égale à 1): | d'— $ 4. — Epuration de l’alun. Les principaux éléments du prix de revient, en dehors du sulfate d’ammoniaque, sont une main- d'œuvre considérable et des perles. Ces deux facteurs, dont l'importance serait assez restreinte si l’alun brut était exempt de matières terreuses, deviennent très onéreux par suile des est de 256.886 calories. Il faut y ajouter la quantité | refontes successives nécessitées par l'épuralion, de chaleur nécessaire pour porter à 400° la tempé- | car il faut obtenir de l’alun bien blanc et le plus rature du volume restant, soit 49.300 calories. La | possible exempt de fer. dépense totale devient donc 306.186 calories. | L'élimination des matières lerreuses nous semble Avec le lessivage à chaud, l'évaporation serait | assez facile à obtenir par une simple filtration à supprimée. Il ne faudrait plus dépenser que | chaud de la solution destinée à être coulée en 19.300 calories, c'est-à-dire la quantité de chaleur | masse. Il nous parait que l'on pourrait, sans nécessitée par le chauffage à 100° du liquide soutiré. | grandes difficultés, établir un filtre spécial, avec C'est-à-dire, pour fixer les idées, que, pour une | réchauffeur, de manière à ce que la température de consommation de 4.000 {tonnes de charbon, soit | la liqueur ne s’abaisse pas pendant la filtration, ce 18.000 franes, par le système des évaporalions, il | qui est un point capital. La masse d’alun ainsi faudrait, avec le lessivage à chaud, une consomma- | obtenue serait exempte de matières insolubles ef, tion de 164 tonnes, soit 2.898 francs. Le bénéfice | par conséquent, ne fournirait qu'une quantité serait, par conséquent, de 15.000 francs environ. Il | extrêmement minime de déchets. est à remarquer que ce chiffre serait obtenu en Dans ces condilions, même en supposant une d — 420 litres d'eau par mètre cube. V — 1.000 TE, La chaleur nécessitée par cette opération, donnée par la formule : Q = P (606,5 + 0,305 X { — 6), | tion de 4 à 5 kilos d'eau par kilo de charbon brûlé» L. GESCHWIND — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CENDRES PYRITEU 699 somme de à francs par masse pour les frais de fil- tration, et un poids de déchets égal à 160 kilos, le prix de revient s'abaisse à 9 fr. 70, laissant sur l'ancienne manière de procéder un bénéfice de F 0 fr. 50 par 100 kilos d'alun. En admettant une fabrication de 800 lonnes d'alun de glace, ce béné- fice serait donc de 4.000 francs. La fabrication de l'alun épuré est la moins rému- néralrice. En dehors de ia filtration, qui aurait en- core ici son application, il y aurait lieu d'examiner s'il ne serait pas possible de produire cet épuré directement avec l'alun de brevetage. L'essorage vient encore nous permetlre de ré- soudre le problème. Il suffit, en effet, pour que la refonte d’un alun en alun épuré soit possible, que le titre en sulfate de fer de cet alun ne dépasse pas 0,02 à 0,03 °/,. On arrive très facilement à ces chiffres en essoraut et clair- çant énergiquement l'alun brut, le faisant ensuite macérer dans de l’eau saturée d'alun, puis l’esso- . rant de nouveau. Pour que cetle opéralion puisse s'effectuer, il faut évidemment que l'alun soit mis sous une forme particulière et qu'il se présente en très petits cristaux, analogues à ceux du sucre de second jet en sucrerie. Cette condition est facilement réalisée en opérant le brevetage à plus basse température et en troublant la cristallisation par l'agitation. Si nous supposons que le coût de ces opérations soil de 1 fr. 50 par 100 kilos, le prix de revient de l’'alun épuré saute immédiatement à 41 fr. 50 ou 12 francs, laissant par conséquent sur l'ancien mode de faire un bénéfice de 2 fr. 50 à 3 francs par 100 kilos, soit, pour une fabrication de 400 tonnes, un bénéfice de 10 à 12.000 francs. Faisons remarquer que nous n'avons pas tenu compte de la diminution des pertes en alun résul- tant de la diminulion du nombre des refontes, de la diminution du combustible occasionnée par les mêmes causes, etc. Il est certain que ces améliorations ne seraient pas les seules possibles; nous n'avons traité que des principales, et il resterait encore beaucoup à reprendre à l'ensemble de la fabrication. VI. — COoNDiriONS SOCIALES DU TRAVAIL. $ 1. — Salaires. Le travail est actuellement fait, pour la plus grande partie, à la lâche. Contrairement à ce qui s'est passé dans les centres populeux, les salaires sont restés relativement peu élevés. Cela résulte de la situation toute particutière de l'industrie des cendres pyrileuses et de la facon d'être toute spéciale de son personnel. Éloignés des centres populeux, dans une région essentielle- ment peu industrielle, les ouvriers n'ont senti s'accroitre leurs besoins que dans une assez faible mesure. Presque tous sont, d’ailleurs, propriétaires ou locataires d’un lopin de terre, qu'ils cultivent à temps perdu, et cela leur est facilité par le mode de pointage usité dans les usines, qui n'oblige pas à un travail régulier et à heures fixes. Cependant l'augmentation des salaires, compara- tivement à ce qu'ils étaient il y a un certain nombre d'années, a été très considérable, ainsi que le montre le tableau VIT. Tableau VII. — Variations des salaires des ouvriers. 1850 ANNÉES 1890 Chauffeur, salaire moyen de jour et de nuit . “ Charrov, salaire moyen. . Maréchal, à Maçon, Charretier, Alunier, Manouvrier, — 1 19 19 19 OtOrE OL OI Or UE SOkRNE It 4 3 3 3 3 3 2 19 ©7 D CS CS © = $ 2. — Hygiène. Seul le travail de préparation du minerai est malsain. Les ouvriers qui en sont chargés respirent “un air chargé d'acide sulfureux el sont rapidement anémiés. La période de travail où l'acide sulfureux se dégage en grande quantité est heureusement fort courte, de sorte que son influence sur la santé des ouvriers n’est que relative. Dans l’état actuel, il serait d’ailleurs difficile de parer à cet inconvé- nient, et il faudrait, pour cela, changer le mode de préparation du minerai. Le procédé que nous avons indiqué dans le cours de ce travail aurait cet avantage que, la quantité de minerai à préparer devenant très reslreinte, la période où les condi- tions hygiéniques du travail sont les plus défec- tueuses deviendrait extrèmement courte. 3. — Statistique de la production. tn Le nombre d'ouvriers occupés par l’industrie des cendres pyriteuses est maintenant fort restreint. De 4.000 à 1.200 qu'il était, il est tombé à 150 en- viron. C'est là un sûr indice des difficultés que traverse actuellement cette industrie. Si la diminution dans le nombre des bras occupés est considérable, la diminution dans la production est également très grande. Dès le début, l'industrie des cendres pyriteuses fournissait, au conimerce, pour ainsi dire la pres- que totalité de l’alun consommé; puis elle dut faire place aux produits fabriqués avec l’alunite, la bau- xile, etc., et actuellement elle ne représente guère que le quart environ de la production totale de la 709 France. Cette production totale peut être évaluée à environ 10.000 tonnes par an, représentant à peu près la consommation. Cette consommation de l’alun a été constamment en baissant depuis 1860, et cela à cause de la concurrence du sulfate d’a- lumine. Il est assez difficile d'établir l’histoire exacte de l'industrie de l’alun en général. Jusqu'en 1860 elle a été très prospère, n'ayant à craindre ni la con- currence étrangère, les droits d'entrée en France étant de 30 francs par 100 kilos, ni la concurrence intérieure, le sulfate d’alumine n'étant pas encore un produit industriel, et l'alunite de la Tolfa n'ayant pas encore monté son usine à Rouen. Puis, à partir de 1860, la fabrication de l’alun devient de moins en moins rémunératrice. Le droit d'entrée de 30 francs est abaïissé à 0 fr. 75, ce qui permet l'importation; l'industrie du sulfate d'alu- mine se développe de plus en plus, et les prix de vente subissent une baisse de plus en plus pro- noncée. Le tableau VIII est très intéressant à consulter. Il montre, d'une manière très nette, quelle a été lin- fluence de cet abaissement des droits de douane. Tableau VIII. — Importation, exportation et prix moyen de l’alun de 1883 à 1889. ANNÉES IMPOR TATIONS | EXPORTATIONS| PRIX MOYENS tonnes 667 947 1883 . 1884 . 1885 . 1.842 JD EE ET 2.26% PAST EEE 2.696 3 2 1888 . 3.185 1889 F .585 Ces chiffres comprennent le sulfate d'alumine dont l'exportation, en 1889, peut être évaluée à 100 tonnes, et l'importation à 1.200 tonnes, en majeure partie venant d'Allemagne. En 1892, un droit de 3 fr. 75 vint réduire cette importation et rendre un peu de stabilité au mar- ché. Les prix, arrivés à la dernière limite, se main- tiennent. Quant au sulfate de fer, la statistique générale de sa production et de sa consommation est impos- sible à faire. C'est une industrie essentiellement flottante. Le sulfate de fer est, ou peut être le résidu de nombre de fabrications, et selon les cours probables, le manque ou l'augmentation des im- L. GESCHWIND — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CENDRES PYRITEUSES portations, l'augmentation, pour une cause ou pour une autre, de la consommation, ces résidus sont ou ulilisés ou rejetés. On ne peut donc avoir d'élé- ments probants de statistique générale. La concurrence étrangère, favorisée par des droits d'entrée très restreints, a été cependant un facteur important de la baisse de prix de ce pro- duit et elle a été constamment en augmentant. De 1889 à 1891, elle a presque quintuplé. ANNÉES 1889 1890 1891 tonnes. PA tonnes, Importations. 878 1.230 4.282 Exportations. . 1.337 1.990 1.731 A partir de 1892, l'application d'un droit d'entrée de 0 fr. 80 n'a pas été suffisante pour enrayer cette importation. Actuellement elle est encore très im- portante, tandis que nos exportations, de même que pour l’alun, sont devenues presque nulles. Toutes les causes qui ont influé sur les industries de l’alun et du sulfate de fer, considérées dans leur ensemble, ont eu, comme nous l’avons vu, leur répercussion sur l'industrie des cendres pyriteuses, et le tableau IX, embrassant une assez longue période, fait bien ressortir la diminution de pro- duction et d'importance de cette industrie. Tableau IX. — État de l'industrie des cendres pyri- teuses de 1868 à 1896. PRODUCTION EXPORTATION FRIX MOYEN RS ME ANNÉES sulfate de fer sulfate alun de fer tonnes 1.930 980 200 150 tonnes .500 00û tonnes 3.200 2.000 100 tonnes 8.300 -600 .400 5.200 4.500 .000 .800 1868. . . 1814. . .| 6. 3.300 3.900 .600 2,500 .100 1880. . 1889. . 1892. . 18927 1896. . L'industrie des cendres pyriteuses, après avoir eu son heure de prospérité, semble donc tomber de plus en plus. Il serait pourtant à désirer qu'un peu d'initiative de la part des fabricants vienne empêcher de disparaitre complètement une fabri- cation qui ulilise, comme matière première, un minerai très abondamment répandu dans notre sol. À L. Geschwind, Ingénieur-Chimiste. L. PERVINQUIÈRE — LES RÉCENTS MOUVEMENTS DU SOL AUX ÉTATS-UNIS 701 LES RÉCENTS MOUVEMENTS DU SOL * DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS (ÉTATS-UNIS) Depuis un certain nombre d'années, l'idée a pré- valu que les grands changements géologiques se sont accomplis lentement et progressivement ; il est donc logique d'admettre que les mouvements, faibles, à vrai dire, constatés dans les temps mo- dernes, ne diffèrent en rien de ceux qui ont eu lieu aux précédentes époques, et qu'ils pourront alleindre l'importance de ces derniers. Jusqu'à présent ces mouvements du sol ont élé observés sur les bords de la mer (Scandinavie, Groenland, baie d'Hudson, Labrador), car on avait ainsi un niveau de repère; mais il n'y a point de raisons pour que l'intérieur des terres soit plus stable; seulement, il devient très difficile de constater ce déplacement, et encore plus de le mesurer. Récem- ment, M. G.-K. Gilbert a eu l’idée d'employer les grands lacs de l'Amérique du Nord comme plan de référence, et il a publié à ce sujet un mémoire des plus intéressants, que nous allons brièvement résumer !. Les observations les plus anciennes sur la ques- tion qui nous occupe paraissent être celles de M. Stuntz, faites en 1852-53 sur le lac Supérieur, et communiquées en 1869 à l'Association Américaine pour l’'Avancement des Sciences. Cet auteur cons- tate qu'un moulin placé sur Saint-Mary's River (E. du lac Supérieur) est à sec; l’eau a donc baissé en ce point; par contre, à l'extrémité Ouest du lac, à Bois-Brûlé, dans l'Ontonagon River et dans la Saint-Louis River, le lac s’avance dans les vallées etempiète sur les rives, formant des marais à l’em- bouchure de ces cours d’eau. Cette progression du lac serait assez rapide pour avoir été constatée par les Indiens, qui affirment que le premier rapide de Pigeon River (limite des Élats-Unis et du Canada) a maintenant disparu sous l’eau du lac. M. Stuntz conclut de là à une oscillation du bassin, dont l'Ouest devient plus bas que l'Est. Une deuxième preuve de ce mouvement est tirée des changements subis par cette région depuis le le Pliocène; le système d'écoulement des grands lacs a été très modifié, même depuis l'apparition de l’homme. À la fin du Pliocène, pendant que fondait le grand champ de glace laurentien qui a couvert tout le bassin, il s'est formé sur son bord ? Recent earth movement in the great lakes region, by G.-K. Givegnr (18h Annual Report of the U. S. G. S., 1898). REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, méridional une série de lacs qui avaient un écou- lement vers le Sud, au-dessus des terres basses séparant le bassin du Saint-Laurent d'une part, de celui du Mississipi, du Sequehanna et de l'Hudson d'autre part. Plus tard, par suite de changements dans les barrières de glaces, des lacs furent réunis en un seul, tandis que d’autres étaient séparés en tron- cons. Enfin, quand la glace eut entièrement dis- paru, ilse constitua un système d’écouiement pro- fondément différent de celui qui existe actuelle- ment, car le lac Huron, au lieu de se déverser dans le lac Érié, déchargeait son surplus dans le Saint- Laurent, en passant par North Bay (Canada), la Mattawa et l'Ottawa. Pour que ce mode d’écoule- ment ait pu être remplacé par celui qui règne actuellement, il faut qu'un mouvement du sol se soit produit. Les lignes de côtes des lacs disparus donnent, du reste, de précieuses indications sur ce sujet, en permettant de reconstituer l'histoire de la région. Des terrasses de sables et graviers peuvent, en effet, se suivre sur de grandes distances; toutes sont inclinées, et plorgent en général vers le S.-S.-0.; en outre, quand il y a plusieurs terrasses successives, elles ont une pente différente et crois- sante, la plus ancienne étant toujours la plus inclinée. D'où l’on conclut que les changements se sont produits d'une manière continue pendant toute l'époque qui a précédé la nôtre; au sud du lac Ontario, la pente est de 3 pieds 1/2 S.-S.-0. par par mille; sur une autre partie de la même côte, elle est de 3 pieds par mille. Le caractère des embouchures des rivières donne une nouvelle évidence à ce phénomène de bascule. Cet envahissement des embouchures, déjà cité par Sluntz pour le lac Supérieur, est aussi manifeste sur les lacs Erié et Ontario. Sur leur bord sud et vers l'extrémité ouest, il est très facile de voir que les cours d’eau ne débouchent pas directement dans le lac, mais dans un estuaire, qui n'est que la partie basse de la vallée maintenant submergée”, De récentes observations, faites par M. Moseley sur le lac Erié et communiquées à l'Ohio Academy of Sciences (décembre 1897), ajoutent une nouvelle force à l'hypothèse. Au nord de Sandusky-Bay existe 1 Ceci est très particulièrement visible, sur une carte à grande échelle, vers le lac Ontario entre la Genesee (Koches- ter) et Oswego ; — sur le lac Erié entre la Cuyahoga (Cleve- land) et Maumee Bay (Toledo). 18* 702 un essaim d’iles de quelques milles d'étendue, sé- parées de la terre par des détroits tellement peu profonds qu'un relèvement du fond de 10 à 15 mè- tres les réunirait au continent. On y trouve une flore dont l’origine est intime- ment liée à l'histoire géologique. Il y eut un mo- ment, après la retraite des glaces, où tout le bassin fut couvert par le lac glaciaire; si le niveau du lac s'élait graduellement abaissé au niveau actuel, les iles seraient stériles, ou ne produiraient que des plantes dont les graines peuvent d'une façon quel- conque traverser un détroit de 2 ou 3 milles; mais L. PERVINQUIÈRE — LES RÉCENTS MOUVEMENTS DU SOL AUX ÉTATS-UNIS de l'eau et partiellement envahies par elles. Dans ces cavernes, M. Moseley a trouvé des stalactites descendant du plafond jusqu'à l'eau et des stalag- mites immergées sous plus d'un mètre d’eau; or il est bien évident que celles-ci n'ont pu se former qu'à l'air libre; donc le lac a empiété en ce point sur la terre ferme depuis qu'elles se sont produites. Ces îles étant situées au S.-0. du lac Erié, la con- clusion est encore en faveur d'un mouvement du sol, avec affaissement vers le S.-0 ou S.-S.-0. Ce phénomène d’'oscillalion s'accorde, du reste, très bien avec d’autres faits connus. On sait, en OrXoragor Dtthf LE sous À \ o Sandushy Ligne joignent les couples de stations" PR Direction hypothétique du plongement Isobases menées par Les embouchures des Lacs - Cnavë par LPorremans, ITrue STFulpice ares. Fig. 1. — Région des grands lacs américains. ici ce n’est point le cas. La flore des îles est iden- tique à celle de la côte voisine, autant que la com- position chimique du sol le permet. De l’état des lignes de côtes, leur pente et divers autres faits, on infère que, quand le lac glaciaire s'est parliellement asséché, le lac Erié occupait seulement la partie E. de son emplacement actuel; landis que l'O., où se trouvent précisément les îles, faisait partie de la terre ferme. Quand l’eau s’avança vers l’O., par suite du mouvement du sol, la plaine basse fut submergée et les collines demeurèrent à l'état d'îles. C'est ainsi qu'elles possèdent les mêmes espèces botaniques que la côte voisine. Ces îles donnent lieu à une autre constatation, amenant au même résultat, Dans South Bass et Pulin Bay existent des grolles ouvertes au niveau | | | | | | | effet, que la côte Atlantique s’affaisse au S. du Connecticut, et, d’après le P' G. H.. Cook, cet affaissement serait de 2 pieds par siècle dans le New-Jersey. D'autre part, le D' Robert Bell a établi que la région d'Hudson-Bay et James-Bay s'élève de 5 à 7 pieds par siècle. Il est donc naturel que le bassin des grands lacs, à peu près silué entre les deux régions citées, participe à ce mouvement, qui coïncide sensiblement ea grandeur et en direction avec celui indiqué par les terrasses. Ce mouvement paraît donc bien réel; il y a même des raisons permettant de le considérer comme relativement moderne, car il est en rapport avec le renversement de l'écoulement des grands lacs, phénomène dont il a déjà été question, et ce renversement lui-même est lié à un certain état des | | i … + L. PERVINQUIÈRE — LES RÉCENTS MOUVEMENTS DU SOL AUX ÉTATS-UNIS chutes du Niagara, dont on peul approximali- vement fixer la date. On sait, en effet, que l’eau bondit sur un calcaire solide, épais de 30 mètres, recouvrant des schistes tendres qui sont facilement affouillés; les blocs de calcaire éboulé forment bélier, augmentent l’excavation creusée au pied de la cataracle et causent de nouveaux éboulis du banc calcaire, et ainsi la cataracte recule d’une façon notable, évaluée à 4-5 pieds par an. Dans le système actuel, le Niagara emporte l'excès d'eau des lacs Supérieur, Michigan, Huron, Erié, mais, quand ces lacs étaient tributaires de la Mattawa et l'Oltawa, le Niagara n’était alimenté que par le lac Erié ; son débit était alors environ le huitième de ce qu'il est aujourd'hui, et sa puissance était réduile dans la même proportion. Aussi, à cette époque, le Niagara a-t-il dû se borner à couper une ° gorge étroite dans le calcaire. Or, cette gorge est - facile à reconnaitre; elle se trouve à la tête de « Whirlpools Rapids », à 11.600 pieds (environ 3.500") en aval de la cataracte actuelle. Si on prend 4 pieds et demi pour moyenne annuelle du recul, on trouve quil a fallu à la cataracte 2.600 ans pour se déplacer de 3 kilomètres 5. Mais, tenant compte de divers facteurs, M. F.-B. Taylor estime ce temps à 5.000 ans. L'inversion de pente du bassin a donc eu lieu à une époque relalivement récente. De plus, . quand le lac Huron changea son embouchure, le plan de sa surface d’eau s'étendait de North-Bay à —…_Port-Huron;or,maintenantNorth-Bay està 140 pieds au-dessus de Port-Huron; ce qui donne une diffé- _ rence de 6 pouces par mille, différence qui s'est produite en une période de 5.000 ans. On est donc en droit de se demander si ce mou- vement ne se continue pas encore de nos jours. Le D°J. W. Spencer, qui a beaucoup éludié le Niagara et les grands lacs, pense qu'il en est ainsi, etil calcule même que, par suite de cette oscillalion persistante, l’eau des grands lacs sera détournée du Niagara vers l'Illinois et le Mississipi dans 5 ou 6.000 ans; ce résullat sera atteint avant que la cataracte du Niagara ait reculé jusqu'à Buffalo. IT Ces induclions, forcément peu précises, ne suf- fisant pas à contenter la légitime curiosité de M. Gilbert, il a cherché à leur substituer des me- sures directes. Sa méthode repose sur les consi- dérations suivantes : Quand on prend le niveau de la mer comme plan de référence, on peut, par une longue série d'observations, éliminer les causes d'erreurs dues aux marées, aux vents, à la varia- tion de pression atmosphérique, et même négliger les apports fluviaux. Il n'en est plus de même quand on opère sur les lacs, et, si les erreurs dues 703 aux rois premières causes peuvent êlre corrigées de la même façon, la variation de niveau produite par la plus ou moins grande quantité d'eau déver- sée par les fleuves n’est jamais négligeable, cette varialion pouvant dépasser un pied par an, quan- tité déjà bien supérieure au déplacement probable du sol pendant le même temps. Le niveau d’un lac ne peut donc être pris directement comme plan de comparaison ; aussi l’auteur a-l-il recours à une méthode indirecte basée sur le principe suivant : Si le niveau moyen de l’eau est déterminé en deux points de la côte, au même moment, on peut con- sidérer les deux plans de la surface d’eau en ces points comme parties d’une même surface de niveau, et déterminer la hauteur relative de deux objets pris sur la côte, au-dessus de cette surface de niveau. Si, après un certain intervalle de temps, on répète les mesures, un changement dans les hauteurs relatives des deux objets peut être dé- couvert et mesuré. Par exemple, soit ACB le profil du bassin lacustre (fig. 2). À un certain moment, le A RC BE Ÿ * Y AN Nr X ou LR NS EE Fig. 2. — Schéma de la disposition adoptée pour la mesure des mouvements du sol sur le bord des grands lacs. plan moyen de la surface d’eau est XX'; avec l’aide d’un instrument approprié on mesure la hauteur de À au-dessus de ce plan en X, et la hauteur de B au-dessus de ce même plan horizontal en X', La différence des mesures est la différence d'altitude entre À et B. Après plusieurs années, on répète la même opération; l’eau est alors en YY'. La diffé- rence des hauteurs de À au-dessus de YY'et de B au-dessus du même plan YY'estencore la différence d'altitude de À et de B. Si, dans l'intervalle, il s'est produit un mouvement du sol, on en aura le sens et la valeur. Partant de ce principe, M. Gilbert a soumis à la discussion les renseignements fournis par l'U. S. Lake Survey, et les U. S. Engineer Records; mais il a dû récuser la plupart des chiffres publiés, par suite d'incertitudes sur les conditions dans les- quelles avaient été faites beaucoup de mesures, et sur la limite des erreurs dont elles pouvaient être entachées. Finalement, il a choisi Les expériences relatives à quatre couples de stations, dont trois seulement sont indépendants, les deux derniers ayant une station commune. Les faits géologiques indiquant un plongement $, 27° O., il fallait donc que la ligne joignant les deux stations conjuguées se rapprochàt de cette direction; il fallait, en outre, 704 que la distance fût considérable, et la durée des observations aussi longue que possible. Ces con- dilions imposées expliquent le peu de chiffres retenus par M. Gilbert. Ils se rapportent aux points suivants : Ontario : 1896. Erié : Cleveland et Port-Colborne, 1858 et 1895. Michigan : Escanoba et Milwaukee, 1876 et 1596. Michigan-Huron Milwaukee et Port-Austin, 1876 et 1896. Enfin, quelques mesures furent faites en 1596 pour compléter les renseignements antérieurement acquis. L'auteur expose en détail et discute les chiffres obtenus, mais nous ne reliendrons que les résul- Charlotte et Sacketts Harbor, 1874 et L. PERVINQUIÈRE — LES RÉCENTS MOUVEMENTS DU SOL AUX ÉTATS-UNIS + "ere qu’on à pu étudier; mais, dans le cas, il était im- possible de faire une meilleure supposition. Il importe aussi de remarquer que ce chiffre de 0,42 n'offre qu'une très faible précision, car l'erreur sur les mesures est forte (de 14 à 50 °/); en outre, certains repères ont pu se déplacer légèrement par suite du tassement des édifices qui les portaient, ete. Il serait donc d’un intérêt scientifique et même pralique, comme on le verra plus loin, de déterminer avec exatitude la valeur des mouvements auxquels sont soumises les terres qui avoisinent les grands lacs. M. Gilbert a élaboré, dans ce but, tout un plan de recherches. Il propose de prendre comme stations Mackinaw, Chicago, Port-Huron, et Parry Sound, qui forment deux triangles réguliers dont les côtés ont de 225 à 320 milles et dont les angles tats généraux (tableau I). Comme le montre la | ont 45° environ. Il faudrait chercher, dans ces Tableau I. — Mouvements du sol dans la région des grands lacs. oo ERREUR à DISTANCE INTERVALLE CHANGEMENT CHANGEMENT DISSNCE réduite entre les dates dans pour 100 milles Pt directe en direction des les hauteurs Gels DrÉCÉ ARTE à S. 27e(0. deux mesures relatives et 100 ans FRS en milles en milles Années en pieds en pieds = GE Sacketts Harbor . -t ss 16 99 0.061 0.37 Charlotte. - . . | ÿ Fe 2 ? Port-Colborne. . -{ 158 A4l 31 0.239 0.46 Cleveland \ L < } là Port-Austin - 259 17€ 20 0,137 0,39 Milwaukee . 3 + à Ê ; Escauoba. . l 192 186 20 0.161 0.43 Milwaukee . 1) D à L 9 5 MOVE ETC » » » » 0,41 Moyenne discutée. . . . . » » » » 0,42 + | carte de la figure 1, les stations sont réunies par des lignes à peu près N.-E. S.-0.. Pour permettre une comparaison plus facile, à la suite de la dis- tance directe, on a inscrit (2 colonne du tableau) la distance réduite suivant la ligne de plongement (S. 27° O.) La 5° colonne donne la valeur du dé- placement séculaire entre deux points distants de 100 milles, suivant la direction du plongement. Il résulte donc de ce tableau que les résultats sont tous de même sens; c’est toujours la station N.-E. qui parait s'être élevée par rapport à l'autre, et cette dénivellation est à peu près constante (de 0,37 à 0, 46 pied par 100 milles et par siècle, avec une erreur <2 + 0,05 pied) soit environ 0,42 pied. Mais il ne faut pas oublier que ce calcul supposait deux hypothèses : 4° que toute la région se meut en bloc, et bascule sans torsion ; 2° que la direction du plongement actuel est identique avec la direction du changement total accompli depuis l'époque où a eu lieu le renversement de l'écoule- ment des lacs. Et, à vrai dire, celte uniformité n'est nullement montrée parles mouvements terrestres expériences, à éliminer avec soin tous les facteurs d'erreurs : apports d’eau de pluie, courantslocaux, marées lunaires et solaires, vents, variations de pression atmosphérique, ele., utiliser des appareils enregistreurs contrôlés par des observations di- rectes, et établir plusieurs repères indépendants en chaque station. Mais nous ne pouvons suivre l’auteur dans le détail des expériences à réaliser. Aussi, pour le moment, nous accepterons le chiffre de 0,42 comme exact, et nous l’utiliserons pour calculer l'époque à laquelle s'est produit le renversement de l’écoule- ment des lacs. Nous trouvons ainsi que ce phéno- mène a eu lieu il y a 10.000 ans. Or, de l'étude du Niagara, Taylor déduit une date comprise entre 5.000 et 10.000 ans. L'accord est donc assez salis- faisant et témoigne en faveur de l'exactitude au moins relative des calculs cités. Mais après avoir scruté le passé, cherchons à prévoir l'avenir de ces régions. Nous admettrons encore comme correct que tout le bassin des lacs s'élève sur un bord, tandis que l’autre est déprimé, ve A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE 705 de facon que son plan s'incline vers le S.-S.-0., et que l'intensité du mouvement est telle que, sur une ligne de 100 milles dirigée S.-S.-0., une extrémité s'affaisse de 0,42 pieds en cent ans. Constatons d'abord que l’eau s'élève en général sur les côtes S. et O. des lacs, tandis qu'elle s'abaisse au N. et à l'E. Dans l'Ontario, l'eau avance sur tous les bords, avec un maximum à Hamilton de 6 pouces par siècle. De même l’eau s'avance sur tous les bords du lac Erié, surtout à Toledo et Sandusky (8 à 9 pouces par siècle). Sur le lac Huron, l’eau baisse plus vite au N. et N.-E., où la distance à l'isobase ! de Port-Huron est la plus grande; elle baisse de 6 pouces par sièele à Mackinaw et 10 pou- ces à l'embouchure de la French River. Sur le lac Supérieur, l'eau gagne sur la rive S. E. et aban- donne celle du Canada. Les côtes du lac Michigan sont coupées par l’isobase de Port-Huron, de sorte que dans la partie située au N. de Ocanto et Ma- nistee l’eau s'abaisse, tandis qu'elle s'élève au $. de cette ligne d’une quantité égale à 5-6 pouces par siècle à Milwaukee et de 9-10 à Chicago. De là découle une conséquence économique de la plus haute importance, à savoir que, si l’art de l'ingénieur n’y met obstacle, dans quelques siècles le Michigan s'écoulera dans l'Illinois et le Missis- sipi, utilisant un ancien lit de rivière qui servail de déversoir à un lac Pleistocène. Le point le plus élevé de ce lit est maintenant à 8 pieds au-dessus du niveau moyen du lac, el on peut calculer le moment où il sera submergé. À vrai dire, cette voie de décharge pourra d’abord n'être utilisée que d’une façon intermittente et seulement quand les eaux du lac seront très hautes. Cela se pro- duira, d'après Gilbert, pour la première fois dans 1.000 ans ; environ dans 1.500 ans, il n’y aura plus d'interruption dans le courant de cette future ri- vière ; dans 2.000 ans, l'Illivois et le Niagara rece- vront des lacs une égale quantité d’eau; dans 2.500, la chute du Niagara deviendra intermittente, et ne se produira plus quand les eaux de l’Erié seront basses, et enfin, dans 3.500 ans, il n'y aura plus de Niagara; l'Erié sera tributaire du Huron, le courant sera renversé dans Detroit Channel et Saint-Clair River, les villes bâties sur les bords affaissés des lacs seront envahies, et Chicago sera submergé sous des torrents d’eau cherchant leur voie vers le Mississipi ! L. Pervinquière. REVUE ANNUELLE DE CHIMIE I. — CuimIE GÉNÉRALE. Les densités de vapeurs et les hypothèses qui en ont élé déduites ont fait progresser la Chimie et donné lieu à des discussions à peu près éleintes aujourd'hui. Maintenant, la doctrine des ions rem- place certainement la loi d'Avogadro dans les préoccupalions des savants, et il est bien dési- rable de voir les physico-chimistes français abor- der de plus en plus, par la voie de l'expérience, une série de faits qui ne manqueront pas de se préciser et devenir, peut-être sans nous et malgré nous, la loi de demain. Erreur ou vérité, il y a là beaucoup de recherches à faire. À la densité de vapeur nous devons la mesure certaine de nombreux poids moléculaires. Il semble bien que l'ionisation doive pénétrer plus avant dans l'intimité des phénomènes chimiques de tout ordre et atteindre les gaz incandescents aussi bien que les solides en dissolution en passant par les ? On nomme ésobase une ligne normale en chaque point à la direction du plongement; tous les points d'une isobase ont été soulevés d’une même quantité; il est évident que si, dans le soulèvement, le plan primitif horizontal a été sou- mis non seulement à un mouvement de bascule mais aussi de torsion, les isobases ne seront plus des lignes droites. liquides. La théorie des ions ne donne certes pas en ce moment une bonne impression de science claire et précise, mais pouvait-on mieux penser de l'électricité il y a un siècle? Souvent, dans celte Revue, il a été question des ions, fragments molé- culaires libres transportant une charge électrique; HCI, NaOH, CE, Na°, SO* H° sont des réalités visibles; CE, Naf, So‘ H*, OH- sontleurs ions. Dans les so- lutions, dans l’électrolyse, dans l'organisme, tout dépend, dit-on, des ions et surtout de ces ions prin- cipaux H+ et OH, venant de tout ce qui est acide ou basique, et formant l'eau HOH. On sait que HCI liquéfié sec est un liquide isolant, privé, en faitet par définition, des ions H+etCl-con- voyeurs de courant. Mélangé d'eau, également iso- lante, il devient de suite conducteur; tel autre li- quide le laisserait isolant. Dès le début, les promo- teurs de la théorie ont pensé que ce fait capital et incompréhensible ne devait pas les arrêter dans une première tentative. É Aujourd'hui, passant à une seconde approxima- tion, on se demande quelle cause sépare en ions des éléments aussi puissamment rivés qu'ils le sont dans l'acide chlorhydrique HCI. La conductibilité électrique d'un sel dans un solvant est proportionnelle à l'ionisation. Dutoit et 706 A. ETARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE Aston, mesurant cette quantité dans un grand nom- bre de dissolvantis, sont arrivés à croire que les liquides que M. Ramsay démontre formés d'agré- galions moléculaires très complexes sont ceux qui disloquent le mieux les sels en ions. Mais des exceptions se sont trouvées. Nernst a émis l'opi- nion que les liquides à faible constante diélec- trique étaient ceux qui rompaient le mieux les mo- lécules. H. Euler ‘ a entrepris un imporlant travail de revision, à la suite duquel il conclut dans le sens de Nernst. Toutenconstatantl importance que prend uneidée nouvelle encore imprécise, on ne lit pas sans ennui des livres qui, par elle, veulent expliquer toutes choses. Il faudra bien un jour que cela se mesure en quantités d'énergie consommée ou libérée. Main- tenant l'hypothèse est émise. On ne peut la laisser en présence de l'œuvre solide de la Thermochimie, fondée, par M. Berthelot et son École, sur l’expé- rience. Il faut examiner de près si la théorie con- corde avec la réalité; cela est d'autant plus facile que les documents thermiques ne sont plus à créer. Les ions auront alors un sens mécanique réel, et c'est bien ce qui a été compris par les principaux auteurs, trailant superficiellement ces questions dès l'origine. L'ionisation n'a pas, depuis ses débuts, apporté de fails nouveaux; la théorie marche toujours, laissant l'expérience trop loin derrière elle. Si, par les ions tels qu'ils sont conçus, la matière chimique entre en relations de plus en plus proches avec l'Électricité, cette année, par le phénomène de Becquerel etles métaux de M. et M"° Curie, il s’éta- blit, de plus, une relation entre les corps simples et l'Optique dans ce qu'elle a elle-même de plus nouveau, touchant l’origine et la nalure des radia- tions. M. Becquerel ? observe après trois ans de l'ura- nium mélallique enfermé dans une double caisse en bois et plomb; ce métal émet toujours des radia- tions. En a-t-il tellement pris il y a trois ans qu'il puisse rayonner aussi longtemps? M. Becquerel pense que les radiations émises par cet uranium, aussi bien que celles du polonium et du radium de Curie, se rapprochent de la nature des rayons ca- thodiques. Seraient-ce alors les courants terrestres qui feraient jouer à ces singulières substances le rôle de tubes de Rüntgen ? Au temps de Régnault, la loi de Mariotte était déjà reconnue incomplèle; par rapport à elle on avait trouvé des gaz imparfaits, moyens et plus que parfaits. Le savant physicien avait donné, 1 Zeilchr. für phys. Chem., 1899. ? Compl. rend., 1899. pour représenter la variation des gaz en fonction de la température, de la pression et du volume, des segments de courbe exacts, mais bien restreints. Aujourd'hui, on ne connait plus les gaz perma- nents. M. Dewar les a liquéfiés par l'extrême froid ; MM. Cailletet, Amagat ont fait varier les pres- sions par centaines d'atmosphères; MM. Berthelot, Vieille, Le Châtelier ont suivi la température jusque dans la flamme de l'onde explosive. Les courbes complètes, entre la fusion de l'hydrogène à — 265° et l'état maniable des vases en platine vers 4.300°, peuvent être données dans un intervalle de 1.6002 Beaucoup de ces résultals sont publiés, plus encore restent à mesurer. D'ordinaire, ces travaux sont résumés dans des colonnes de chiffres, documents précieux et précis, mais ne laissant pas une impression nelte dans l'esprit. Quand les documents sont suffisants, on peut résumer ces nombres en équations plus ou moins complexes et qu'on n'apprendra pas pour chaque gaz. Il serait bien souhailable de voir vul- gariser ces beaux travaux par la méthode graphique en série de courbes à petite échelle pouvant occu- per quelques pages dans un livre d'enseignement in-8°. Le volume des corps simples, en fonction de la température et même de la pression, entre leur point de solidification et le rouge, peut être main- tenant représenté dans plusieurs cas. Les travaux de Chimie physique sont fort nom- breux, mais ne nous apportent cette année d’autres fails nouveaux que ceux que nous avons mention- nés. Les autres publications, parfois fort longues, sont le plus souvent consacrées à l'examen numé- rique des théories mises en avant depuis dix ans. Ce sont des déterminations de conductibilités élee- triques pour coefficients d'icnisation ou moyens d'électrolyse, vérifications de formules proposées par divers auteurs. Ainsi M. H. Goldschmidt! se propose d'opter entre les formules de Van't Hoft et une autre très voisine de van Laar, établissant une relation entre la solubilité s, la chaleur de dissolu- tion q et le coefficient d'ionisation « : ôls q ® ST at Aucune des deux formules ne s'accorde conve- nablement avec l'expérience. Je ne suis nullement surpris de cela, car ces expressions ne contiennent qu'une parlie des facteurs existant visiblement dans les cas de solubilité. Ces expériences n’ont été faites qu'entre 20° et 30°; on se demande quel aurait été l'écart dans un plus grand intervalle. Quel que soit l'intérêt de ces travaux de mesure pour les spécialistes, on conçoit qu'ils ne puissent trouver place ici. ! Zeilschr. für phys. Chem., t. XXV. ï Î È 35 ? L | LTÉE A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE II. — CniMIE INORGANIQUE. Les corps simples, depuis quelques années, ont notablement augmenté en nombre. Il n'y en à pas loin de 90, si l’on admet 20 à 22 métaux des terres rares, 5 éléments du groupe Argon, Hélium, Crip- ton, Néon, Coronium (??) et 2 métaux radiogènes: Polonium et Radium. Où placer ces nouveaux venus? On n'hésite pas à vouloir le faire dans la Table de Mendeleef qui, gràce aux réels services qu'elle a rendus, retient encore à présent les meil- leurs esprits. La classique Table de mulliplication de Pythagore peut s'étendre indéfiniment, car la loi d’accroissement des nombres est régulière et illimitée, mais la Table chimique, fondée sur moins de 60 poids atomiques sans loi régulière, tels que 1, 9.441244) 16; 19% 93. ne peut ad- mettre, avec certitude, 30 corps simples de plus que par une interpolation strictement définie et respec- tant l’ensemble des analogies chimiques. Autre- ment ce serait vouloir canaliser la Nature. La né- cessité de classifier par familles naturelles indé- pendantes dans le sens de Dumas se manifeste de plus en plus. Nous ne connaissons vraiment aucune relalion mathématique entre les corps simples, et, avant qu'on n’en découvre une, nous devons les classer comme les zoologistes qui, en attendant la décou- verte d’ancètres communs, classent les Mammifères et les Mollusques en séries à part, toujours prêtes à s'étendre et à converger. Jusqu'à présent aucun poids atomique ne dépasse celui de l'uranium, 240: les poids des nouveaux éléments compris entre 1 et 240 ont ainsi des chances croissantes de coïncider. Voici, en effet, quelques cas (pour O0 — 16,00) : Ce — 140 P 5 Ca — "40 Argon — 40; Te — 127 5 Ni — 58,7. C0=—159 Ni —! Identités ou différences sont bien près de l’ordre des erreurs d'expérience. I} y a quatre coïncidences, cela est trop. Comment superposer, dans la classi- fication, le métal calcium basique et le gaz argon neutre ? comment aussi les éloigner sans enfreindre le principe de succession périodique en ordre crois- sant, qui fait le fond de la classification, et a per- mis, par interpolation légitime, la prévision de nou- veaux éléments trouvés bientôt après ? La Table n’a en rien contribué à la découverte des nouveaux gaz inertes ni des éléments radio- gènes ; il ne faudrait pas pour cela les accueillir à regret. La notion de relation entre les éléments tendant à affirmer l'unité de la matière est d'un grand in- térêt philosophique ; espérons que sa démonstration viendra, soit avec le temps, soit à la suite de quel- qu'une de ces éclatantes découvertes relativement 707 fréquentes de nos jours. En attendant, un corps simple est une individualité dont les actions sont souvent imprévues, et cette année nous a apporlé sur ces êtres inorganiques de nouveaux documents. L'atomicité ou la valence d'un corps simple sont des mots on ne peut plus souvent employés. Dans la pralique courante cela est très commode pour la plupart des sels. Le zinc est diatomique, le bismuth triatomique, l'argent monoatomique. En gros, tout cela est vrai. L'atomicité, c’est-à-dire la capacité de saturation des éléments qui, dans un lemps, a passé pour un moyen de classification et une preuve d'identité, ne peut plus être invoquée aujourd'hui dans un but théorique. Nous devons nous borner encore à constater un phénomène de la plus haute importance sans aller au delà. Alors on avait cru savoir l’alomicité de nombreux corps simples, parce qu'on n'avait pas une connaissance suffisante des combinaisons ultra-réduites et super- oxydées pas plus que des véritables poids molécu- laires. Le fer était Fe et Fe!’, car il formait des composés que l'usage faisait écrire FeCP et CIFe — FeCl, soit Fe°Cl. Ses atomicités élaient paires. Maintenant on écrit FeCl; le fer est triatomique dans ce cas. L'argent et l'oxygène sont respective- ment des types d'éléments mono et dialomiques; l'oxyde sera alors Ag —0— Ag. Il y avait à côté de cela un oxyde Ag‘O, qu'il fallait écrire : en faisant l'oxygène tétratomique comme le soufre, ou employer une formule d'imagination faisant l'argent diatomique comme l'or : Quoique l'idée de l'oxygène tétratomique ne soit pas neuve, je crois que, le plus souvent, on se disait que cet oxyde était peu important, assez incertain, gênant à coup sûr. Pourquoi lant tenir à nos con- jectures ? Un seul fait bien constaté doit toujours être tenu pour plus important que nos théories, exactes seulement quand elles expliquent tous les cas. M. Güntz'a refait une fois de plus l'oxyde Ag‘O, mais il a bien défini ses conditions de stabilité vis- à-vis de la température et de la pression. L'oxyde Ag‘O est, par ce fait qu'il existe, tout aussi impor- tant que Ag°0; il sert à poser une question d’ato- micité soil pour Ag, soit pour O. Il semble que cette négation de notre savoir sur l'atomicité soit un acte de critique systémalique et d'esprit rétrograde ; non. À mesure que le Lemps poursuit la ruine de connaissances incertaines, il 1 Compt. rend., 1899. 108 accumule de nombrenx et riches matériaux en vue d'une conception plus exacte et plus cohérente de l'atomicité. L'attribution de telles ou telles atomicités aux corps simples remonte à l'époque déjà ancienne où s’est formée la théorie atomique ; ilest temps de faire intervenir les fait acquis pen- dant près d'un demi-siècle. Il y a longtemps déjà’, j'ai rangé le bore parmi les composés pentatomiques dans une série B:Va. Nb.Ta, ayant découvert à cette époque un composé stable, de formule B°0‘BaO, correspondant à P?0', l'acide hypophosphorique, età Va?0f.S. Tanatar a obtenu cette année le composé peroxydé BONa. 4H°0, correspondantau métaphosphate PO*Na et par conséquent à l'acide phosphorique. Il y a done, pour le bore, les degrés d'oxydation B*0*.B°0*.B°0*. Les mesures thermochimiques prises par S. Tanatar montrent que BO*Na.AH°O n'est pas un composé contenant le groupement endothermique de l’eau oxygénée. L'hydrogène vient d’être solidifié par Dewar à 263° au-dessous de zéro. Depuis vingt ans, les physiciens s'avancent vers le nombre — 273° du zéro absolu avec aulant de persévérance que les géographes vers le pôle. Et, dans les deux cas, on touche au but. L'hydrogène solide n'est pas cette grenaille métallique que l’on pensait; il ressemble fort à de la glace qui, au lieu d’un kilogramme, ne pèserait que 70 grammes par litre, ainsi que du co- ton. Par cet élément les corps simples tendraient-ils versl'immatérialilé, vers quelque limite d'équilibre inconnue où la substance chimique trouve une équivalence physique? Ce sont là des conjectures inoffensives, mais tout acte d'imagination serait-il interdit devant les faits nouveaux apportés par l'étude de l'uranium et des corps radiogènes? Des chimistes italiens compétents, Massani et Anderlini*, annoncent avoir observé, parmi le gaz émanant du Vésuve, à Pozzuoli, la raie 531,6 correspondant à celle du Coronium, supposé, par suite de sa pré- sence àl’extrème limite dela couronne solaire, plus léger que H. Rien ne s'oppose à ce qu'un élément plus subtil que l'hydrogène devienne un jour la base des poids atomiques. Un autre métal ayant résisté à un demi-siècle d'efforts vient d'être obtenu en lingot pur par M. Moissan‘; ils'agit du calcium. Ce métal, supposé jaune et de densité 1,5, ressemble passablement à du zinc, bien que moins bleutre. Le calcium a été préparé pur par une méthode que tous les chimistes avaient sous la main, mais qui passait pour donner de mauvais résultats. * Compl. rend., 1880. ? Zeilschr. für phys. Chem., &. XXVI. 3 Afli R. Acc. dei Lincei, 1899. # Compt. rend., 1899, t. CXXVIL. A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE Cela était vrai; il fallait trouver le moyen de s'en servir, ainsi qu'il arrive souvent. M. Moissan‘ arrive au résultat en fondant de l'iodure de calcium avec un grand excès de sodium. Dans ce cas, le calcium formé se dissout dans le sodium et y cristallise par refroidissement. La masse métallique est, à son tour, jetée dans de l’al- cool absolu, qui attaque tout le sodium, et, si l'on va assez vile, ne touche pas aux cristaux de cal- cium qu'on sépare par lévigation. Le métal, séché à l'alcool, puis à l’éther, est comprimé à la presse, puis fondu dans le vide. Le métal pur n’est jamais jaune; sa densité est de 1,85; il fond à 760°. Sa chaleur de combustion est la plus grande connue : Ca + O0 — Ca0 solid — 145 cal; Ca + O0? + H°— Ca (OH)? sol — 229ca1, Le calcium, dont on connaît par ce brillant tra- vail les propriétés, donne directement un hydrure CaH° fixe, transparent, semblable à du chlorure de calcium, et un azoture Ca*Az?. Ces deux composés sont détruits par l’eau avec formation de chaux. Un autre métal rare, le glucinium, a été isolé par M. Lebeau* en électrolysant du fluorure double de glucinium et de polassium. On a pu constater, par des méthodes physiques, le degré de polymérisation de quelques substances en vapeur ou en solution; tel est le cas du soufre. Il y a, par contre, des métalloïdes durs et infu- sibles qu'on s'attendrait à voir gazeux; Lel est le cas du bore, dont le fluorure est un gaz et dont l’oxyde se volatilise avec la vapeur d'eau, et qui a un poids atomique 11, inférieur à celui de l'azote 14. Si ce corps est extraordinairement réfractaire, c'est, croit-on, qu'il est, par rapport à sa forme théo- riquement vraisemblabie de gaz, plus polymé- risé sur lui-même que le phosphore rouge ne l’est par rapport au phosphore blanc. Dans cet ordre d'idée, les oxydes durs et infusibles, alors que les chlorures correspondants sont très volatiles, ont été supposés polymérisés. Cela a été prouvé pour quelques-uns et la polymérisation par 5 est fré- quente; il existe un oxyde d'étain Sn°0", on le sait, parce que la combinaison Sn°0'.H°0 existe. MM. G. Wyroubof et A. Verneuil ont montré, par des analyses très exactes, que, dans le groupe des terres rares, ces degrés de polymérisation sont bien plus élevés; Foxyde de cérium condensé, ou, si l’on veut, combiné vingt fois à lui-même, ne se dissout plus dans les acides. Serail-ce là une des causes de l'insolubilité d’un grand nombre de pré- cipités ? ! Compt. rend., t. CXXVI et CXXVIT, 1899. 2 Compt. rend., t. CXXV. 5 Compt. rend., 1899. PT CRE ET En in Lou um us Sté SI A A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE 709 Selon ces savants, l'azolate du polyoxyde de cé- rium est (Ge*0*)?4AZO'H + 2H°0. D'autres oxydes, qui paraissent ne se dissoudre que dans des conditions capricieuses, tels que ThO° et Zn0?, auraient des formules de polymérisation analogues. Aucun autre travail d'ensemble n'a été fait cette année sur les terres rares, mais un groupe d'élé- ments, dont l'analogie avec d'autres n'est pas connue, nous apparait comme nouveau. M. et M2° Curie, avec un électromètre de leur invention et d'une prodigieuse sensibilité, ont pu examiner les propriétés radiogènes d'un grand nombre de minéraux. Dans la pechblende se trouve, parmi les sulfures du groupe plomb bismuth et mélangé avec eux, un sulfure légèrement volalil au rouge.Ce mélange de sulfures est dix fois plus actif que l'uranium au point de vue des radiations de Becquerel. À mesure qu'on élimine le plomb et le bismuth, le précipité restant dévient plus actif jusqu'à atteindre quel- ques centaines de fois la valeur de l'uranium. Le sulfure de polonium n’a pas encore élé obtenu à l’état de pureté faute de matière, et il semble que les effets radiogènes intenses dont il vient d'être parlé soient dus à de minimes quantités de polonium. Un second métal plus actif encore reste attaché au carbonate de baryum : il a été nommé radium. Il n’est pas besoin d'un appareil de phy- sique pour observer ces radiations sur le carbonate de baryum radifère : il émet de la lumière directe- ment visible à l'œil et paraît ne la prendre nulle part. I ya maintenant le plus grand intérêt à tenir objectivement les éléments qui produisent ces sin- guliers effets. Une constatation curieuse a été faite par W. Hit- torf!. Le chrome, sous l'influence d'actions phy- siques telles que la chaleur, par exemple, peut exister sous deux états différents. L'un, le chrome aclif, se comporte comme du zinc vis-à-vis des acides et se dissout au pôle négatif à l’état de sel chromeux. Le chrome inactif se rapproche, tant qu'il est dans cet état, du platine. Insoluble dans les acides, il se dissout cette fois au pôle positif en passant à l’état d'acide chromique. Le chrome, dans les conditions qui nous sont accessibles, peut donc être un métal ou un métal- loïde à volonté. Si le point de transformation qui nous le fait voir toujours sous les deux états était un peu éloigné de notre portée, nous n'hésite- rions pas à mettre Cr tout à côté du fer ou bien à le maintenir comme analogue du soufre selon l'usage actuel qui est excessif. 1 Berich. Berl. Akad., T1, p. 193. Parmi les questions minérales confinant à la bio- logie, on sait que M. A. Gaultier a montré l’impor- tance des phénomènes de la vie dans la formation des dépôts de phosphates. Cette année ”, le savant chimiste à pu déceler de minimes quanlilés d'iode dans les eaux et observer le cent millionième de ce mélalloïde. En possession de ce moyen d'inves- tigalion, M. Gautier a pu montrer que l'iode dissé- miné dans l'océan n'y est nullement à l'état d'iodures métalliques dissous dans l’eau. L’iode n'existe dans la mer que combiné soil à la matière organique soluble, soit aux algues et diatomées microscopiques. En réalité, l'iode est localisé dans celte nourrilure océanique diffusée qu'on nomme le plankton, qui vient du déchet des êtres et leur retourne sans cesse transformé par la vie. III. — CHIMIE ORGANIQUE. La Chimie organique est de beaucoup la partie de notre science où l’on travaille le plus. Elle fournit le plus grand nombre de mémoires et de thèses. La rénovation de la Chimie minérale faile en France puis en Angleterre, la Chimie physique et la Chimie biologique naissante, attirent cepen- dant sur elles tous les regards. La Chimie orga- nique pure est en voie de prendre en ce moment la siluation que la Chimie minérale a eue pendant quelques années avant l'isolement du fluor et les réductions au four électrique par M. Moissan. Si la première période héroïque est passée, il en est resté un admirable système cohérent avec lequel on peut travailler en toute perfection. De temps à autre quelques grandes questions : les pyridines, le thiophène, les sucres, les conden- sations..…., sont abordées et résolues en très peu d'années. En deux ans, il n'y avait plus rien à faire d’intéressant sur le thiophène. Les alcaloïdes, les couleurs naturelles des fleurs, les essences et terpènes sont d’une étude de beaucoup plus diffi- cile, mais l'attaque de la question se fait avec une méthode prévue et efficace, et déjà il apparait que la Nature varie peu ses formules fondamentales pour créer des nuances délicates de couleurs ou de parfums; dans les deux eas, elle fait des mélanges concentrés ou dilués de ses quinones ou cétones préférées. Cela se comprend assez bien. La coloration des fleurs, les parfums et terpènes et les poisons des plantes paraissent destinés à agir sur les insectes; peu de types de construction moléculaire suffisent à ce service. Les hydrates de carbone et les dérivés poly- phénoliques qui s'en rapprochent participent à un travail incessant de mobilisation ou de réserve 1 Compt. rend., t. CXXIIT, 1899. 710 A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE de matière; leurs formes isomères el stéréoiso- mères doivent être fort complexes. Dans le groupe des albuminoïdes, toxines, chlo- rophylles et diastases, alors que les molécules travaillent sans cesse à créer, transformer et dé- truire tout ce qui précède, la complication ne peut que varier indéfiniment et à loule heure, selon les besoins des cellules qui n’hivernent pas et ne constituent pas souvent de réserves immobiles, comme les hydrates carbonés des végétaux. Les modes d'alimentation, les climats et même la pensée agissant sur les êtres, on conçoit la variélé infinie des types moléculaires biologiques ou vivants. Les questions de nomenclature chimique res- tent dans le même état. Ceux qui au début ont pensé trouver là une simplification continuent à en faire usage dans les cas simples. Mais comme, au cours d’un travail compliqué, il faudrait fréquem- ment s'arrêter afin de construire un mot très long pour désigner une matière nouvelle selon les règles d'une linguistique conventionnelle, il n'y a pas de progrès. Je ne suis pas le seul à penser que dans une science où il est possible d'écrire indéfini- nient des formules lisibles seulement pour un public très limité, il est inutile d'essayer de pro- noncer ces formules. Tout cela est répertorié en Ci Cr Cr MAZINAZ Az" MetEsetrouve en lieu et place. D'ailleurs, la nécessité fait loi, et M. E. Fischer, devant la complexité de la remarquable série d'uréides qu'il a produits, n’a pas hésité à nommer cela le groupe « purique », et il a ainsi des chloro ou des oxypurines 1, 2, 3..., selon les places subsli- tuées dans la formule fondamentale. Ainsi ferait un mathématicien. À côté de la systématisation un peu laborieuse de la nomenclature, il y a, par contre, un bien grand nombre d'inventeurs de néolo- gismes. Un auteur veut faire précéder de « Gem » (ju- meau) le nom de ce qui est bisubstilué sur un seul carbone Un autre parle d'un groupe camphocéanique par analogie à picéanique. Un autre propose les pré- fixes nouvelles alphyl, arryl, alpharryl. Comment saurons-nous ce que cela veut dire après quelques années de production? Les formules ont également une grande liberté de formes; voici un des stéréoisomères attribués à la tropylamine : CH À | Cd CH | l AZH?CH Que | CH? — Az ae 7 ml hexagone d'un côlé, heptagone de l’autre, série grasse au milieu, et remarquons que cela pourrait aussi justement s'écrire comme un dérivé de l’hexane normal : CH? (2) CH? — CH — CIE — CH. AZH? — CH? — CH rare Az.CH° Voici maintenant un octogone !, l'azelaone, qui eût été condamné il y à cinq ans au nom de la théorie de la flexion des létraèdres : CH° — CH? — CH° — CH° (3) | CH — CH? — CH° — CO. Il est plus ou moins scientifiquement démontré que des formules telles que (1) représentent le véritable arrangement des atomes; rien ne prouve que (2) ne vaille autant, ni que (3) soit certain. IL suffit que ces formules soient proposées el soute- nues par un groupe de chimistes ou un journal pour qu'elles soient répétées sans notable discussion. D'ailleurs, si les mots de la nomenclature sont plutôl encombrants, il n'y a pas d’inconvénient à proposer des formules; c'est de l'ensemble de ces images que ressortent les relations vérilables. C'est ce moyen souvent inexact el abusif qui a fait disparaitre la nolion étroile de série strictement grasse ou aromatique. La formule (1) confond tous les cas et admet que la Nalure peut réunir comme elle l'entend les fonctions chimiques. Nous n'avons vu au début de la Chimie que des organisations simples, n’en faisons pas une loi générale; les observations d'abord, on peut ensuite tout oser : ceux qui osent le plus et le plus souvent, qui jettent le plus de formules sur le marché de la cri- tique, sont après quelques années les premiers. Les faits d’oxydation, de substitution, d'hydro- lyse (hydratation), de condensalion paraissent bien simples. On part d'une matière de conslilution connue, et, après quelques minutes ou quelques jours, on arrive, par des réactifs appropriés, à une autre substance — ou dérivé — non moins bien connue. Après s'être contentés de savoir que, parlis le soir, ils étaient arrivés le malin, les chimisles veulent connaïlre ce qui s’est passé dans la nuit des réactions moléculaires. Cela est difficile et long, c'est la fransposition ou migration moléculaire, c'est un enchainement, une succession continue de réactions de mieux en mieux établies maintenant. En présence de la chaleur ou d'un réactif, d'un oxydant, comme l'acide chromique par exemple, il y a d'abord addition — il faut bien que les matières ! DERLON, Berichlte, t. XXXI. - fois de grands progrès sont accomplis. n pour longtemps la question. Voici cette formule : A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE entrent en contact — puis il y a réduction, car si un corps organique s'oxyde, CrO? se réduit. Il se fait des sels, puis, sur certains points, des groupes OH qui deviennent acélones ou aldéhydes et acides. Dans la suile des réactions qui ne laissent pas de traces, les groupes changent de place et de stéréoi- somérie et on les retrouve là où ils n'étaient pas attendus. J'ai tort de dire qu'il ne reste pas de traces. En Chimie organique, on obtient le plus souvent peu de rendement; les diverses malières accessoires et les goudrons sont la trace des réactions que l'on n'a pu voir. L'étude altenlive des déchets donne- rail une idée du nombre et de la nature des équa- tions passées inaperçues entre l'instant du départ et celui de l’arrivée. Le groupe lerpénique reste encore la grande difficulté et le plus important sujet d'étude ; toute- Dans ce groupe, le camphre, depuis trente ans au moins, passe pour un composé hexagonal, car il donne du cymène en rendements théoriques par les déshydratants. La preuve semblait directe: il parait cependant bien certain que le camphre et l'acide camphorique et leurs dérivés ont pour noyau fon- damental un pentagone. Examinons d’abord le cas de l'acide camphorique. Bredt et Tiemann lui ont altribué deux formules pentagonales distinctes. M. L. Bouvault*, interpré- tant les nombreuses expériences passées et notam- ment celles de Noyes et Walker, propose une troisième formule qui, cette fois, parail résoudre CH CH SCD CE CH? 1 NS C A Nco2H CO2H cal16/ Nx Par une voie distincte, M. G. Blanc est arrivé à retrouver cette même formule. Il à établi solidement pour l'acide isolaurono- lique la formule de constitution : 3 3 CH > CH ca \c—cH cl cor, puis l’a dérivé de l'acide camphorique par perte de CO + H°0, soit COH HH. IL suffit de comparer avec la formule de Bouvault,. Maintenant le camphre, dont l'acide camphorique dérive toujours si simplement par oxydation, sera : ! Bull. Soc. chim.,t. XVII. CH° H CIF sf CH* CHERS \c/ ( CIF fl CH? / C£ ( ge 5 JC k F. EMUTE Cu CHE L I CHE C£ HER LR SH , Campbhre. las Cymène. Certes, celte formule (1) n'explique pas la for- mation, si facile, du cymène (2) à partir du campbhre; il y a là un nuage qui toutefois n’infirme pas la formule. C'est dans ce cas qu’il y a lieu d'in- voquer une transposition moléculaire des plus complexes et il serait bon d’en démontrer les phases. Altendons à l’année prochaine pour appré- cier la valeur des altaques que pourraient subir ces formules. Si les transpositions sont aussi fréquentes qu'on l’admet, la nalure des réactifs doit influer beau- coup sur ce qu'on oblient, et cela est d'observation courante. Alors les formules hexagonales des ter- pènes selon Baeyer, qui agit souvent par bromura- tion, restent-elles intactes ? L'oxydalion directe du camphène donne du camphre en abondance ; réciproquement, la nou- velle formule du camphre prévoit un camphène : CH, CH CAM CHAN A CH la CRE 62 H que je n'ai pas encore vu proposer. La formule du terébenthène, du même coup, est mise en question. Serait-elle pentagonale ? On sait que les uréides sont faits de molécules d'urée pouvant se condenser avec de nombreux acides, tels entre autres que les acides malonique, pyruvique, tartronique, oxalique…. Les plus importants de ces uréides pour la bio- logie sont ceux qui gravitent aulour de la formule de l’acide urique et qui, de facons bien différentes, en dérivent. Il fallait délimiter et systématiser ce groupe très compliqué à lui seul. M. E. Fischer, à la suite de travaux très importants, l'a constitué sous le nom de « groupe purique ». Le mot uréide devra être appliqué en Chimie organique dans un sens tout à fait général. n'y a pas lieu d'exposer ici les méthodes de M. Fischer’, ni tous les corps qu'il a obtenus en partant des dérivés méthylés et chlorés de l'acide urique. Le type de la série est la purine, matière très 1 Berichte, t. XNXI, p. 104, 441, 542, 1980, 2546, 2350, 2620. 742 A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE | bien cristallisée, soluble dans l'eau. Etant la ma- tière la plus simple, possédant la construction caractéristique des composés uriques, tous ceux- ci lui sont rapportés à litre de dérivés oxydés ou oxymélhylés en des points désignés par des chif- | fres. Le mieux sera ici d'écrire quelques formules : (6) (1) Az = CH H Az — CO (End (2) HC (5) C— AzH H C C — AzH a RE 0 [| Sue un (3) Az — C — Az A7 —IC—"Az (4) (9) Purine. 6-Oxypurine (hypoxanthine). HAz — CO HAz — CO | OC C— AzH oc C — AZH Ÿ cH > FA 2 HAz — C— Az HAZz — C — AzH 2-6-Dioxypurine (xanthine). 2-6-S-Trioxypurine (acide urique). A7—IC 0 CHSAz — CO [ | | | OC C— Az — CH3 OC C— Az — CH: NC ë Nc | > | | > CH — Az — C — Az 6-Hydroxy-2-oxy-3-7-diméthyl- CHSAZ — C — Az 2-6-dioxy-1-3-7-triméthylpurine purine (théobromine). (caféine). Az = C — AzH? HAz — CO He, ! — Le AzH° — l CO — iQ L_L2" Else 6-Aminopurine (adénine). 2-Amino-6-oxypurine (guanine). IL est bon de remarquer, pour les personnes qui ne s'occupent pas spécialement de Chimie, que ces rectangles, plus faciles à imprimer, ne sont autre chose que des hexagones aromatiques ou deux fois pyridiques substitués : Az nc” \cx nl ue CH Pyridine, Az AzH nc” Ÿcx oc” \co re PT x HA PA C A2 AUS CEA Purine. Acide urique. Les alcaloïdes sont toujours l'objet de travaux nombreux, mais convergent trop rarement vers un but. J. Tafel' s'occupe de la strychnine, base conte- nant au moins un groupe quinoléine, mais les tra- vaux dans cette voie sont trop peu avancés pour que nous en puissions parler. C’est sur les racines chimiques de l'atropine et de la cocaïne que s’est exercée le plus la persévérance des auteurs. R. Willstätter ‘, d'après quelques travaux syn- thétiques, voit dans ces bases des dérivés internes 1 | 4 en Az — CH® de la subérone : | | CH? — CH? — CH? ; | Nco. CH==— CH? — CHE À Dès lors, la tropinone et la tropine deviennent : ë CH? — CH — CH° DR ne = ETIs i CH DATE CH? — CH — CH Tropinone. (Eds ZÆ 8 CH? — CH — CH Lou D CHOH. | CH? — CH — CH Tropine. Par ce fait qu'il se forme un pont AzCH° dans la | 1 formule de la subérone, il apparait un hexagone. Ce groupement par six d'atomes plus ou moins hété- rogènes est tellement fréquent en Chimie qu'il me semble qu'on doit le respecter comme une loi, sur- tout pour l’enseignement. L'hexagone mis en évi- dence par une simple transformation d'écriture, les parties complémentaires seront écrites en déri- vation. Ainsi la formule de la tropine se représen- terait, en respectant les relations de l’auteur, par : C'est alors une hydrométhylhydroxypyridine substituée par de l'éthylène. Ne voit-on pas sou- vent des subslitutions par le méthylène? La tropidine mettrait encore mieux en évidence le caractère pyridique qu'ont en réalité ces bases : CHE ———= CH? : 2 a AzCH* CH? — CH — CH? Se L/ ne HE " CH CH LL | ( | CH? — CH — CH El Le Tropidine avec K ve pont. K 22 CH Tropidine hexagonale. Les formules de l'ecgonine et de la cocaïne sont, d'après l'auteur : CH? — CH — CH (OH) de Az(CH*) CH — CO’H. Az(CH°) > | 74 CH? — CH — CH? Ecgonine. 1 Liebig's Ann. d. Chem., t, CCCI. 1 Berichte, t. XXXI. 1 NT Fi LES 2 1 e rs nt ni Net u / ” T4 - A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE 713 CH2— CH — CH? NS O—CO— CH, Az (CH?) dC£ 7. NCO—OCH:, H°— CH — ÉH* a-Cocaïne. toutes deux faciles à écrire en hexagone afin d'uni- fier les expressions. > On sait, par l'exemple des matières colorantes, que des substitutions altèrent relativement peu les propriétés tinctoriales. C'est l'architecture géné- rale qui a l'importance capitale. C'est peut-être ce dont s'est souvenu M. Ludwig Knorr !, en cons- truisant d'imagination, sur le plan grossièrement connu de la morphine, un dérivé naphtalique azoté : CH? (OÙ CH— 0 — cH* | Se D la naphtalane-morpholine. Cette ébauche fruste de morphine, par son dérivé méthylique, a sur l'homme une action physiologique tout à fait comparable à celle de la morphine. Dans cet ordre d'idées, on peut espérer s'affranchir de la culture des plantes à alcaloïdes coûteux et créer même des agents thérapeutiques que la nature végétale n’a pas eus à créer, pour les maladies que l’homme tient de sa propre espèce et aussi de sa civilisation. Dès à pré- sent, tel est le cas de l’antipyrine. A ce point de vue, je suis frappé du trop faible nombre de physiologistes qui existent par rapport aux chimistes. Il n’est possible ainsi de porter un jugement physiologique fondé que sur une part minime de la production des laboratoires. Après avoir parlé de cette simili-morphine, il convient d'ajouter que, d'après les expériences accumulées, L. Knorr* admet pour la morphine, qui est un dérivé phénanthrénique, la formule sui- vante : pe CH ANNE cr NAN —0—C4: HOH OII Ceci donne une idée très sensiblement exacte du point où l’on est arrivé progressivement dans la connaissance des alcaloïdes les plus importants. Dès à présent, on doit prévoir la fin du commerce de l’opium, au moins en Europe, pour un avenir peu éloigné. La classification bien ordonnée du groupe pu- 1 Berichtle, 1899, t. XXXII. = ? Loc. cil. rique, en corps méthylés ou oxydés dans des positions connues, a déjà donné l'idée de recher- cher dans quels organes il y a maximum d'oxyda- tion, de méthylation, ou bien quelles sont les com- binaisons de position numérique les plus fré- quentes. Cela est peu avancé. Cependant une inté- ressante analyse de la désassimilation a été faite sur l'urine. Krüger et Salomon ! ont analysé le résidu de 10 mètres cubes d'urine. Voilà évidem- ment, par les grandes quantités, le moyen de seruter sérieusement les actions biologiques. Voilà une analyse d'urine. Cela représente 200 kilos d'urée. Du résidu on a retiré 3 gr. 5 d’adénine, 8 gr. 5 d'hypoxanthine, 10 grammes de xanthine, 15 grammes de paraxanthine, 31 kilos de mé- thylxanthine — 1. Cela est l'analyse d'un acte biologique non pro- voqué. Si l’on veut espérer connaitre le mécanisme de la nutrition et de la désassimilation, il est évi- dent que ce ne sont pas les études În vitro qui nous apperteront une grande clarté. Il faut faire tra- vailler les cellules elles-mêmes, libres ou fixes, sur les combinaisons chimiques connues qu'elles peuvent supporter sans mourir. Dans cette voie, Pasteur le premier, puis son École — répandue dans le monde entier — ont déjà acquis les plus surprenants résultats théoriques et pratiques. Cette année, M. G. Bertrand? agissant sur les cel- lules libres de la bactérie du sorbose, a montré qu'elles avaient le pouvoir d’oxyder les sucres disposés selon la symétrie (1), à l'exclusion de ceux contenant le groupe stéréoisomère (2) : H OH H OH | | (1) HOCH—C—C— (2) [| OH OH HOCH? — b — Û — du 1 Albert Brion a agi sur les cellules d’un animal supérieur. Le chien, recevant des doses des diffé- rents acides tartriques, digère et brûle les acides lévo et mésotartriques; le dextrotartrique et le racémique traversent l'organisme sans altération notable. Vis-à-vis des cellules animales, il semble que les alcaloïdes des végétaux, encore si utiles, seront considérés dans l'avenir comme des agents gros- siers. Ce seront les antitoxines délicates de l’es- pèce attaquée qui devront empoisonner les ennemis de cette espèce. On sait dans cette voie quels bien- faits sont sortis des efforts combinés des pasto- riens français, MM. Duclaux, Roux, Metschnikoff, Yersin, Martin. A. Etard, Examinateur à l'Ecole Polytechnique, Professeur à l'Ecole de Physique et de Chimie industrielles de la Ville de Paris. 4 Zeilsch. für physiol. Chem., t. XXIV et XXVI. 2 Compt. rend., t. CXXVI. 114 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Eee AA QIle Lafouge (Général). — Essai synthétique sur la Formation du Système solaire. Première parlie : FORMATION DU SYSTÈME. — Un vol. in-8° de 256 pages avec figures. Gauthier-Villars, éditeur à Paris, et Mar- tin frères, éditeurs à Chälons-sur-Marne. 1899. Dans cel ouvrage, le système solaire est considéré comme résultant de la condensation d'une nébuleuse froide, de densité évanouissante à l'origine, et animée, - dans toutes ses parlies, d'un mouvement de rotation uniforme. L'auteur admet que, sous l'influence des attractions extérieures, la trajectoire du centre de gravité de la nébuleuse à dù acquérir une forme courbe, avant la condensation, et regarde la rotation comme une conséquence de ces attractions. Avec le temps, la nébuleuse a perdu peu à peu son homogénéité pre- mière; un ou plusieurs centres attractifs se sont formés dans la masse, puis, successivement, des anneaux à des distances de plus en plus grandes du centre. Ges anneaux se sont décomposés plus tard, en donnant lieu à des tourbillons qui ont constitué les embryons planétaires; les globes en formation ont ensuite appelé à eux les matériaux qui les précédaient et les-suivaient dans les anneaux. L'auteur cherche à expliquer les particularités que présentent les planèles (volumes, masses, excentricités, inclinaisons, etc.), puis s'occupe des satellites, considérés comme résultant de la des- truction de petits anneaux, formés autour des planètes pendant la condensation. Les comètes, regardées comme provenant, en majeure partie, de la décomposilion des anneaux planétaires, seront étudiées dans un second volume. Les théories développées dans l’ouvrage ont quel- ques points de contact avec les systèmes de Laplace et de M. Faye; dans l’ensemble, elles ont un caractère de nouveauté bien marqué. On ne saurait d’ailleurs prévoir jusqu'à quel point les idées, souvent ingé- nieuses, émises par l'auteur, seront acceptées de ceux que la Cosmogonie intéresse. M. H. Bourlet (C.), docteur ès sciences, membre du Comité technique du Touring-Club de France. — Ta Bicy- clette, sa construction et. sa forme. — 1 vol. gr. in-8° de 228 pages avec 263 figures. Le Génie civil et Gauthier-Villars, éditeurs. Paris, 1899. Si paradoxale que cette affirmation puisse paraître, il n'est peut-être point exagéré de dire qu'aucune inven- tion, parmi les plus grandes dont notre siècle a été prodigue, n'a transformé les conditions de l'existence dans la même mesure et surtout avec la même rapidité que la bicyclette. Sans doute, elle n'a pas l'importance internationale des chemins de fer; mais la vie de tous les jours, la vie de tout le peuple en est plus profon- dément affectée. Au siècle dernier, on n'entreprenait guère un voyage de quelques centaines de kilomètres sans faire son testament; grâce aux chemins de fer, nous sommes devenus plus mobiles, mais encore ne partons-nous pas pour le moindre voyage sans avoir à consulter un indicateur et... notre bourse. Objet de plaisir et de délassement pour le cycliste des dimanches, la bicyclelte est aujourd’hui un instru- ment de première nécessité pour une fort intéressante population des grandes villes, employés ou ouvriers, palrons mêmes, dégagés de la servitude de loger leur famille dans les quartiers populeux où est leur travail, et pouvant, dès lors, leur faire goûter les bienfaits de la campague tout en s'assurant les emplois bien rétri- A-ce point de vue, la bicyclette pourrait être consi- dérée comme l’un des agents les plus puissants de la santé, et, par conséquent, de la moralité publique. Il y a plus : le cycliste ayant à chaque instant à compter sur lui-mème, à prendre une décision rapide et à l’exécuter sans hésitation, en arrive peu à peu à une hardiesse plus grande dans l’entreprise, à une plus grande con= fiance en ses moyens; il devient homme d'initiative. Voilà quels peuvent être les bienfaits lointains de l'usage constant de la bicyclette : une action permanente et salutaire sur les caractères généraux d'une nation. Etant donné ce qu'est la bicyclelte et ce qu'elle pro- met, on peut être surpris que sa littérature de librairie ne soit pas plus nombreuse. Peut-être craint-on que l’adepte de la pédale n'ait plus le loisir ou le goùt de la. lecture. Cependant, si, en été, il préfere la selle au meilleur fauteuil, l'hiver lui reste, et, s'il est un fidèle, « il ne demandera qu'à mieux connaitre la machine à laquelle il doit tant de bons moments. D'ailleurs, l'expérience en est faite. M. Bourlet avait écrit, pour l'Encyclopédie des Aide-Mémoire, un traité de la bicyclette qui, certes, n'était pas d'une lecture facile pour la majorité des cyclistes; cependant, l'édition a été rapidement épuisée, et l'ouvrage en un volume a reparu sous une forme nouvelle, dédoublé et toujours avec le même succès. Ne peut-on, dès lors, prédire un très grand nombre de lecteurs au nouvel ouvrage de M. Bourlet qui, sous. sa forme entièrement descriptive, s'adresse indifférem- ment à tous, si rudimentaire que soit leur préparation M mathématique, à la seule condition que les mécanismes aient pour eux quelque attrait. L'ouvrage qui est, en effet, à quelques modifications près, la reproduction d’une série systématique d’études publiées dans le Génie civil, est entièrement consacré à la description minutieuse de toutes les variétés d’or- ganes essentiels et de pièces détachées de la bicyclette, et à l'emploi pratique de cet instrument. M. Bourlet distingue deux périodes dans le cyclisme. La première part de 1790 pour se terminer eu 1885, époque où parut la bicyclette. La célérifère, la drai- sienne, le petit et le grand bicycle, tels sont les instru- ments qui marquent les époques de la première pé- riode. La seconde débute en même temps que la multiplication et la diminution du diamètre de la roue motrice. 11 a suffi de quatre ou cinq ans pour faire l'élimination de tous les types hybrides et peu viables, et, depuis 1890, le type définitif est fixé à quelques détails près. Nous voyons successivement défiler et disparaître le kangaroo, le crypto, le rover, le pioner, la bicyclette à corps droit et à pivot, faisant place au cadre et à la douille. La jante aussi se modifie dans cette période ascendante, s'adaptant aux caoutchoucs de plus en plus gros jusqu'au pneumatique. Nous voilà donc doués du type bicyclette à cadre et pneu, avec les tandems, triplettrs, quadruplettes, etc., enfin les grandes poutres en treillis montées sur roues que sont les quintuplettes. C'est là que commence la partie descriptive de l'ouvrage de M. Bourlet, les époques antérieures dont nous avons une vue en perspective n'occupant qu'une trentaine de pages. Dans la suite, l'auteur prend chaque organe en délail, dans toutes ses variétés, le cadre, la direction, les rou- lements, les transmissions, les changements de vitesse, les roues et les bandages, etc., pour terminer par quelques conseils sur le choix de la machine et la ma- DR Te - re TT IT PT Te le HIT US ee PU Us TL TR 4 Mae. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX nière de s’en servir. Enfin, un chapitre rédigé par le D: Mally renferme tous les conseils pratiques concer- nant les soins hygiéniques du cycliste, fort ou faible, le costume, les étapes, la nourriture et les soins de la peau, bref tout ce qu'ont négligé les débutants que l'on voit les lundis, courbaturés et avec la langue blanche. Cu.-En. GUILLAUME, Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. 2° Sciences physiques Lippmann (G.), Membre de l'Institut. — Unités élec- —triques absolues — { vol. gr. in-8° de 240 pages avec = F r - : PA . . . “ . “cité durent subir de profondes modifications, impérieu- + figures. G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1899. Parmi les Maitres qui surent mettre leur enseigne- “ment d'accord avec les besoins nouveaux, lorsque les “méthodes utilisées en France pour l’etude de lElectri- sement commandées par les progrès de la science, “M. Lippmann prit une place toute particulière. Chargé, d t * an sn re: A LE SEE à cetle époque, du cours de Physique mathématique à la Sorbonne, l'illustre physicien n'était lié par aucun prosramme d'examen; il pouvait, par suite, donner libre cours à son esprit si profondet si orisinal, et il ne craignait point de sortir un instant des sentiers tra- cés si quelque point de vue intéressant sollicitait sa curiosité en éveil. Ces lecons, professées en 1884-1885, qui ont laissé un inoubliable souvenir dans l'esprit de ceux qui eurent la bonne fortune de les entendre, ont élé recueillies ‘par M. Berset. Elles constituent le lond du livre que vient de publier, avec de nombreuses et belles figures, da librairie Carré et Naud. C'est la question, toujours primordiale, mais alors plus particulièrement à l'ordre du jour. des unités élec- triques qui fait l’objet principal du livre. Sans entrer ‘dans le detail des descriptions de méthodes et d’appa- reils, l'auteur donne, à cet égard, des renseignements précis, mais il a surtout en vue les principes. Il montre comment, grâce à l'emploi des mesures absolues, se .(rouvent reliés plusieurs chapitres distincts de l'Elec- tricité. Trois parties sont successivement traitées : dans “la première, on étudie le système électrostatique; dans la seconde, le système électromagnétique; dans la troi- sième, enfin, la comparaison des deux systèmes con- duit à la détermination du nombre V et à la théorie électromagnétique de la lumière. Mais, en passant, combien d'idées originales, com- bien d'apercus curieux sont rencontrés par le lecteur. Signalons, en particulier, les développements relatifs aux analogies entre l’Électricité et la Thermodyna- mique, qui conduisent au principe de la conservation de l'Electricité, et l'exposition très simple de la théorie électromagnélique de la lumière dans le cas d'une onde plane. Les leçons de M. Lippmann fournissent à la fois, grâce à l'emploi très modéré de l'analyse, à la simpli- cité et à la clarté des méthodes, un excellent guide pour les jeunes physiciens et une lecture particulièrement sugsestive pour ceux qui, plus avancés dans l'étude de la science, désirent cependant remonter parlois aux principes fondamentaux. Lucien Poincaré, Chargé de Cours à la Sorbonne. Lévy (Lucien), Professeur de Distillerie à l'Ecole Natio- nole des Indushies agricoles de Douai. — La Pratique du Maltage. — 1 vol. in-8° de 248 pages avec 53 fi- grues. (Prix, cartonné : 5 (r.) G. Carré et C. Naud, édi- teurs. Paris, 1899. Malgré les ardentes recherches de nombreux savants, les diastases restent mystérieuses dans leur origine, leur être et leurs actions. Aussi doit-on enregistrer avec reconnaissance tous les travaux publiés sur ce délicat sujet, toutes les études qui coniribuent à éclairer de quelque lumière, même T5 pâle, ces phénomènes étranges, ces réactions énormes provoquées par de pelits agents, à l'instar de ces chà- teaux de cartes, volumineux édifices, qu'un coup de doigt vient renverser. M. L. Lévy traite de la fabrication du malt d'orge pour brasseries ou distilleries; le malt est de l'orge dans lequel on a développé, par la germination, la diastase qui est destinée, par la suite, à transformer l’amidon en matières sucrées solubles et plus ou moins fermentes- cibles. Après avoir parlé du choix des orges, du nettoyage des grains, l’auteur aborde, dans un long chapitre fort bien traité, tous les phénomènes de la germiralion, mais sans jamais perdre de vue le litre de son livre, qui est La Pratique du Maltuge. Toutes les considérations théoriques ou scientifiques sont présentées en vue de la pratique même et lou- jours. C'est la première fois que l’on voit exposés, avec autant de méthode que de clarté, tous les différents procédés de germinalion : germination sur le sol, ger- minations pneumatiques diverses, et que ces procédés sont discutés dans leurs résultats. Puis nous arrivons à la dessiccation du malt. L'auteur ne nous donne pas grands détails sur les tourailles ; il n’en décrit que quelques types et encore assez sommairement, mais il sait indiquer, avec beau- coup de soin, toutes les conditions à remplir et les ré- sultats des différents modes de dessiccation en tant que qualités et propriétés des malts obtenus. Enfin, nous arrivons à un chapitre bien neuf et qui sera hautement apprécié des praliciens. La dernière partie de l'ouvrage traite des méthodes d'analyse des malts et, en particulier, de la mesure du pouvoir diastasique ; la méthode d’Effront, entre autres, paraît appelée à rendre de grands services en brasserie eu introduisant dans la pratique un nouvel élément de contrôle du travail, un complément de comptabilité des plus utiles. On consultera avec fruit l'excellent livre de M. Lévy, on le lira avec plaisir même, car l'ordonnance générale en est claire et méthodique et beaucoup, dont je suis, souhaiteront que l’auteur complète par d’autres ou- xrages sur les industries de fermentations, une œuvre qu'il a si bien commencée et dans laquelle sa compé- tence est connue. à R. Lezé, Professeur à 1 Ecole d'Agriculture de Grignone 3° Sciences naturelles Beresford{(Lord Charles). — The break up of China. — 4 vol. in-8° de xvur-509 pages avec cartes. Harpers and Brothers, éditewrs, Londres et New-York, 1899. Lord Charles Beresford, contre-amiral et membre du Parlement, fut, l'an dernier, chargé, par l'Union des Chambres de commerce de la Grande-Bretagne, d'une mission en Chine. Il devait étudier sur place la ques- tion suivante : L'administration et l’armée chinoises offrent-elles des garanties suffisantes de sécurité au commerce pour engager les négociants anglais à entre- prendre des affaires nouvelles? Lord Bereslord a sé- journé en Chine de septembre 1898 à janvier 1899. Il à visité les localités où des maisons de commerce anglaises sont établies et recueilli les doléances des négociants. Îl a été reçu à Pékin par le Tsung-li-Yamen et, sur huit vice-rois qui gouvernent les provinces, il en a vu six. Il a passé des armées en revue, et fait manœuvrer des troupes. Il a inspecté des navires de guerre et des arsenaux. Bref, il a déployé pendant quatre mois une activité toute anglo-saxonne. De ses impressions personnelles, des conversations qu'il a entendues, des rapports qui lui ont été remis, il a composé un gros livre, touffu et confus, plein de redites et de digressions, désordonné à souhait pour faire souffrir un Français amoureux de clarté et de méthode, assez intéressant cependant, en tant que description de la dissolution de la Cnine. Personne au monde, pas même le Gouvernement, ne connaît actuel- lement la force réelle des armées chinoises. Les géné- raux avancent des chiffres d’effectif inexacts, et tel qui prétend commander 10.000 hommes en a réellement $00 sous ses ordres. Pas d'unité dans l’organisation des armées : les unes sont mandchoues et les autres chi- noises; les premières ont des privilèges, inconnus des secondes. Pas d'unité dans l'armement : quatorze mo- dèles de fusils sont simultanément en usage. Des corps d'archers subsistent encore, mais les soldats que Beres- ford a vu s'exercer cherchaient moins à atteindre la cible qu'à observer certaines attitudes conformes aux règlements. La Chine possède un beau réseau de voies navigables naturelles et de canaux, mais on ne l’entre- tient pas, bien loin qu'on pense à l'améliorer. Les finances sont dans la confusion. Il est impossible de se reconnaître au milieu des innombrables types de mon- naies en circulation. Une concussion éhontée règne du haut en bas de la hiérarchie des mandarius. Des faits qu'il expose, lord Beresford tire cette première conclu- sion, que le commerce manque de sécurité en Chine, et que personnes et marchandises sont exposées à l'ar- bitraire des mandarins. Il conclut en second lieu à la nécessité de l'intervention des puissances européennes. Cette intervention peut se manifester de deux façons : ou bien les puissances peuvent se partager la Chine, comme elles ont fait de l'Afrique, s’y tailler des protectorats, des zones d'influence, où bien elles peuvent, d'un commun accord, étayer le vieil édi- fice vermoulu, maintenir la porte de la Chine ouverte à tous, y obtenir des concessions de douanes, de chemins de fer, de mines, substituer leurs nationaux instruits et intègres aux fonctionnaires chinois, ignorants et cor- rompus. Chacune de ces politiques a déjà recu un com- mencement d'exécution. L'occupation de Hong-Kong et de Wei-Hai-Wei par les Anglais, celle de Kiao-Tchéou par les Allemands, celle de Port-Arthur par les Russes, constituent les actes préliminaires d'un partage éventuel de la Chine. Les concessions de voies ferrées accordées par le gouver- nement chinois à des syndicats anglais, allemands, américains, russes, français, belges, appartiennent à la politique de la porte ouverte. Lord Charles Beresford est un partisan résolu de la seconde méthode d'intervention européenne en Chine. A tout propos, il vante les avantages de la politique de l'open door. I déclare bien haut que chaque puissance y trouvera son compte; il déclare plus bas, mais encore assez haut pour qu'on l’entende, que la Grande-Bretagne y trouvera son compte plus que les autres. Lord Charles Beresford, qui est un défenseur déter- miné des idées impérialistes et même jingoes, possède de l'influence. Ses opinions pourraient bien avoir leur contre-coup sur la politique britannique en Extrême- Orient. Tant à ce titre, qu'en raison des faits curieux qu'il renferme, son livre mérite de ne pas passér ina- perçu. Henri DERÉRAIN, Docteur ès lettres, Sous-bibliothécaire de l'Institut. Berthault(F.), Professeur à l'Ecole Nationale d’Agricul- ture de Grignon. — Les Prairies. Prair'es naturel- les : Pâturages. Feuillards et Ramilles. — 1 vol. in-16 de 168 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix: broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) G. Masson et Gauthier- Villars, éditeurs. Paris, 1899. Le livre que nous signalons aujourd'hui est le (roi- sième ouvrage que l’auteur consacre à l'étude des prairies naturelles. Les prairies nalurelles, qu'il a très nettement définies et qu'il a ainsi séparées des prairies temporaires et des prairies artificielles, sont elles-mêmes divisées en prai- ries de fauche, examinées dans un premier volume, en prairies d'engraissement ou herbages qui font l’objet d’un second volume, et en pâturages qui ont été réser- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX vés pour le troisième. Ce dernier ouvrage, après quel- ques considérations générales, étudie les pälurages ne diverses parties de la France et de l'Algérie, donne es d'exploitation des prairies naturelles; enfin, en termi- nant, il résume les notions acquises récemment sur la valeur des feuillards et ramilles, produits par nos plantations et forêts, ces prairies aériennes. On retrouve dans ce livre toutes les qualités que M. Berthault a déjà montrées dans ses autres ouvrages et que nous avions signalées dans une précédente analyse: Les divers chapitres qu'il écrit contiennent un grand nombre de chiffres et de faits; on y reconnaît le savant qui à beaucoup voyagé, « beaucoup vu et beaucoup retenu », qui à étudié sur place tous les sujets dont il parle et qui tient à faire profiter ses contemporains des remarques qu'il a accumulées. C'est le meilleur éloge que l’on puisse faire d’un volume rédigé sur un pareil sujet, dans lequel le point de vue pralique est d’uve importance primordiale et doit toujours accom- pagner les considérations théoriques. A. HÉBERT. 4 Sciences médicales Prunier (Léon), Membre de l'Académie de Médecine, Pharmacien en chef des Hôpitaux, Professeur à l'Ecole Supérieure de Pharmacie. — Les Médicaments chi- miques. 2° partie : Composés organiques. — 1 vol." gr. in-8° de 832 pages avec 41 figures. (Prix : 45 francs.) G. Masson et Ci°, éditeurs. Paris, 1899. Ce volume est la seconde partie du Cours de Phar- macie chimique professé par l’auteur à l'Ecole supé- rieure de Pharmacie de Paris; il fait suite à celui des composés minéraux publié en 1896 et, comme celui-ci, il constitue un excellent résumé de tous les documents qui, à des titres divers, se rapportent à l'étude chi- mique des composés organiques employés en Théra- peutique. Pour l'ordre adopté dans la description des différents composés, l’auteur s’est inspiré de la classification par fonctions, introduite par M. Berthelot dans l’enseigne- ment de la Chimie organique. Cette division par fonc- tions, qui présente de si grands avantages en ce qui concerne le groupement naturel des corps, permet, en outre, dans le cas présent, de laisser tout à fait au second plan certains composés dénués d'intérêt au point de vue médical. Le plan suivi pour l'étude des différents corps est le même que pour les composés minSraux, c'est-à-dire qu'après avoir exposé le mode de préparation et la puri- fication, s'il y a lieu, l’auteur décrit ses propriétés en insistant sur celles qui peuvent servir à le caractériser. Passant ensuite à l'examen des impuretés et des fal- sifications, il indique les méthodes d'essai permetiant d'effectuer le dosage du produit principal et des matières étrangères qui l'accompagnent. Enfin, pour un certain nombre de médicaments anciens ou nouveaux, dont la constitution n’est pas encore parfaitément établie, la description générale est le plus souvent suivie de l’ex- posé soit de quelques expériences inédites, soit de quelques discussions intéressantes au point de vue des relations générales de ces composés avec des corps de constitution connue. En résumé, ce livre, qui témoigne d’un labeur consi- dérable, est un exposé consciencieux et très clair des théories les plus récentes et de toutes les questions les plus délicates qui se rapportent à l'étude chimique des médicaments. Il est d’une utilité mauifeste pour tous ceux qu'intéressent à un titre quelconque les progrès de la Thérapeutique, et nous ne doutons pas que ce second et dernier volume ne rencontre, auprès des étu- diants en Pharmacie et en Médecine, un accueil aussi favorable que le premier. H. GAUTIER, Professeur agrégé à l'École Supérieure de Pharmacie. modes d'entretien, d'amélioration, de création, « T2) J'ai sectes et pres: ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 4 Seplembre 1899. 4° SGrENCES MATHÉMATIQUES. — MM. G. Rayet et A. Féraud communiquent leurs observations de la comète Swift (1899, a), faites au grand équatorial de l'Observatoire de Bordeaux. Dans les derniers jours de mai, la partie brillante de la comète avait la forme d'un V, dont la pointe était dirigée vers le Soleil. En juin et juillet, la comète a progressivement faibli sans changer de forme; le 15 juillet, elle présentait une nébulosité ronde, avec noyau diffus excentré. — M. L.-J. Gruey présente les observations de Ja pla- nète E P (J. Mascart, 1899 août 26), faites à l’équatorial coudé de l'Observatoire de Besançon par M. Chofardet. — M. D. Eginitis transmet ses observations des Per- séides faites à l'Observatoire d'Athènes. Le maximum de la chute des météores a eu lieu le 10 août, de 12 h. - à 14 h.; leur couleur était généralement jaune; presque tous étaient faibles et rapides. L'essaim des Perséides possède un grand nombre de points radiants. — M. Arthur Berry a trouvé trois nouvelles surfaces du quatrième degré qui admettent une intégrale de différentielle totale de première espace. Ces surfaces, ainsi que les deux déjà signalées par MM. Picard et Simart, ont le genre numérique (p,) négatif et égal à — 1. 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. James Dewar à soli- difié l'hydrogène liquide en l’évaporant à une pression inférieure à 60 millimètres. La solidification se produit à la suite de la formation d’une petite quantité d'air solide; le liquide se prend alors en une écume mous- seuse. On peut l'obtenir également sous forme d’une glace transparente. Son point d'ébullilion est de 21° absolus sous 760 millimètres et de 16 à 17° sous 55 millimètres. Pour l'auteur, ces expériences sem- blent détruire l'hypothèse que l'hydrogène puiss2 être un métal. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Edmond Bordage a signalé, chez les Insectes et les Arthropodes, le mode de croissance en spirale des appendices en voie de ré- génération après section. Mais ce fait ne se rencontre pas chez tous les Arthropodes; chez le homard, par exemple, les membres thoraciques en voie de régéné- ration eroissent d’une facon rectiligne. Il semble que le développement d'un membre se fait suivant le mode spiralé ou le mode rectiligne, selon qu'il y à eu flacci- dité ou turgescence du rudiment de ce membre de remplacement dès le début de sa formation. Louis BRUNET. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 28 Juillet 1899. M. Hanriot présente une note de M. A. Gautier : Sur la répartition de l’iode dans l’eau de mer et sur la densité de cette eau à diverses profondeurs. — M. E. Charon a ouvert un pli cacheté déposé par lui le 24 mars 1899. Dans ce pli, il signale la généralité du fait suivant : Lorsque l’on sature partiellement deux doubles liaisons éthyléniques voisines dans les com- posés de la forme : R — CH = CH — CH = CH — R il y a déplacement de la double liaison et formation du dérivé symétrique. En bromant partiellement, on obtient par exemple : R — CHBr — CH = CH — CHBr —R, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899, M. Charon signale un certain nombre de cas où la réaction se passe d’une manière identique. — M. Blanc considère comme absolument inexacte la formule de l'acide camphorique donnée par M, W.H, Perkin junior, soil : CH° CH° NAVA LL 72 CH* CE GK | “ CO'H | COSH — CH — CH? Il fait ressortir trois points importants : 4° L’acide isolauronolique est inactif; en tout cas il ne pourrait être que racémique; or, lorsque l’on traite l’'anhydride a « racémocamphorique par le chlorure d'aluminium, on obtient un acide isolauronolique identique à celui que l'on prépare par l’anhydride camphorique droit. Il en résulte que, purs, les dérivés isolauronoliques de M. Perkin ne doivent pas avoir de pouvoirs rotatoires. 20 On obtient très facilement les acides &« « diméthyl- succinique et oxalique par l'oxydation de l'acide iso- lauronolique à l’aide du permanganate de potasse; on n'obtient pas trace d'acide diméthyl-hexanonoïque. 3° L'acide dénommé acide dihydro-isolauronolique n’est pas un acide alcool, mais un dérivé cétonique. Il donne une oxime et une semicarbazone. On peut le réduire par l'amalgame de sodium ; on obtient ainsi un acide fondant à 153° et donnant un lactone fusible à 530-540, — M. Guerbet a constaté que l'hydrogène naissant de l’action du sodium ‘sur l'alcool amylique transforme le formamide, l'acétamide, le benzamide, en amines correspondantes. — M. Ponsot constate qu'une étude complète des anomalies de la cryosco- pie serait très utile. — M. Georges Lemoine a étudié l’action du magnésium et de l'aluminium sur leurs solutions salines. L'hydrogène dégagé correspond à une quantité beaucoup plus considérable que celle qui devrait résulter du passage du métal en solution. Il y a donc une action de présence que l’on ne peut expliquer que par l’action due à la décomposition par- tielle, si faible qu'elle soit, de ces sels par l’eau. — MM. Ch. et G. Tanret, en hydrolysant par l'acide sul- furique étendu de la xanthorhamnine, ont obtenu non pas du rhamnose pur, mais un mélange de 1 °/, de galactose et 2 °/, de rhamnose. Ces deux produits pro- viennent eux-mêmes de l’hydrolyse d’un polysaccha- ride encore à l'étude. — M. Labbé a constaté que les bisulfites alcalins se fixent sur les liaisons éthyléniques voisines d’autres fonctions que la fonction aldéhyde. La réaction marche à chaud. L'acide cinnamique donne ainsi le sel de sodium de l'acide hydrosulfocin- namique. Avec l'alcool cinnamique la réaction est beau- coup plus difficile; cependant, après huit à dix beures de chauffe, l’auteur aurait obtenu le composé : C°H5 — CH — CH? — CHOH | SO®Na, Signalons encore : une note de M. Ph. Barbier : Sur le lémonal de l'essence de Lippia citriodora; une note de M. C. Lepierre : Sur l’action de l’aldéhyde formi- que sur les matières albuminoïdes. Transformation des peptones et albumoses en produits de régression albu- minoides; une note de M. F. Chancel : Sur les cen- dres et la cellulose dans les Posidonia caulini; une note de M. Weisberg : Observations sur la solubilité de la chaux dans l’eau et dans les liquides sucrés; une note de M. Pierron : Sur la réduction électrolytique LE 718 des dérivés nitrés gras; une note de M. Nageli : Sur la préparation du diphénylméthylène aniline et sur la nitration à température élevée; une note de M. Duche- min : Sur les huiles d'acétone. E. Cuaron. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES T.-G. Bonney, V. P.R.S. : La roche-mère du dia- mant dans le sud de l’Afrique. — On sait que le dia- mant, découvert d’abord en 1867 dans des graviers du fleuve Orange, a été trouvé plus tard dans des dépôts particuliers, qui se présentent localement dans une région où la roche dominante est un schiste noir, inter- calé de graviers durs ou associé à des roches igrées parentes du basalte. Ces dépôts constituent des sur- faces rondes irrégulières, ressemblant d’une facon géné- rale aux dômes volcaniques. La substance diamanti- fère, près de la surface, est meuble, jaunâtre, très décomposée; en profondeur, elle devient vert bleuâtre et plus dure. Elle possède un aspect bréchoïde; le ciment, finement granulaire, est composé en majeure partie de serpentine, puis d’un carbonate de chaux; il entoure des grains des minéraux suivants : olivine, enstatite, smaragdite, diopside chromifère, mica brun, grenat (surtout le pyrope), magnétite, chromite, ilmé- nite,etc.Ces miné- raux sont souvent accompagnés de DT I IT IT IV AV: VI ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ellipsoïdal, provenant probablement du roulage d'un bloc rectangulaire La roche est à grains grossiers et composée apparemment de deux minéraux verts, l’un plus foncé que l’autre, et de grenats rouges de dimen- sions variables, dont plusieurs font saillie. A la surface, on aperçoit dix diamants, de forme octaédrique, inco- lores et très brillants; ils sont implantés dans la partie verte. Examinée au microscope, en coupes minces, la roche présente les caractères suivants : Le grenat est généralement clair, avec des fissures fréquentes et irré- gulières. Il est enveloppé d’une pellicule, plus épaisse vers l'extérieur. Dans ce dernier cas, elle est brune et plus cristalline et correspond à un mica du groupe de la biotite; vers l'intérieur, elle est verte et sous forme d’agrégat. L'auteur considère cette enveloppe comme due à la décomposition; c’est une forme de l'anneau de kélyphite, quelquefois un mica, quelquefois une chlorite, peut-être les deux, associés avec un peu de hornblende. Le second minéral important est le diop- side chromifère (omphacite ou sahlite). Il se présente en plages vert pâle, avec deux clivages à angle droit, dont l’un est très marqué (clinopinacoïde). Sur ses bords et le long des fissures, le diopside se transforme souvent en un autre minéral, moins granuleux et même fibreux, qui offre quelques caractères de la hornblende. D'autre part, il renferme quelques inclusions d’olivine ferrifère. En ré- sumé, cet échan- M Vie KM Tone roche à VI IV VI IV | AR y = fragments de ro- ches, variables en quantité et en di- mensions ; ce sont quelquefois des morceaux des schistes noirs en- vironnants ; d’au- tres fois, ils sont l'état inaltéré est un mélange holo- cristallin grossier de grenat et de diopside chromi- grisätres avec un aspect porcelainé, plus ou moins an- guleux et bordés d'une teinte plus sombre. Des morceaux de roches cristallines ont été signalés, mais très rarement. Quant à la genèse du diamant, les opinions varient. M. Lewis considère le ciment comme une forme por- phyrique de la péridotite, une lave, maintenant serpen- tinisée, dans laquelle le diamant a été produit par l'ac- tion de la roche fondue sur une substance carbonifère. D'autres considèrent le ciment comme une vraie brèche, mais, parmi eux, les uns pensent que le diamant a été formé in situ par l’action de la vapeur ou de l’eau chaude, à une époque d'activité solfatarique du volcan, tandis que les autres admettent que le diamant provient, comme les grenats, les pyroxènes, etc., d'une masse holo-cris- talline profonde, amenée au jour par des explosions. M. T.-G. Bonney a eu le privilège d'examiner récem- ment deux spécimens fort remarquables provenant des mines de Newland (West Griqualand). Les ouvriers de ces mines ont rencontré des masses rondes, en forme de noyaux, d'une roche cristalline plutôt grossière, garnies de grenats, et d'environ un pied de diamètre. Ces masses présentent quelques petits diamants à la surface; à l'intérieur, elles en contiennent d’autres. Un examen attentif a montré que ces roches ne sont pas une concrétion de la « roche bleue » {blue ground), mais qu'elles sont de nature holo-cristalline et parentes des éclogites. Un fragment pulvérisé de ces masses présente les mêmes caractères que le ciment pulvé- risé de la « roche bleue ». Il semble donc que le dia- mant se trouve à l’origine associé au grenat dans des roches voisines des éclogites, lesquelles se décompo- sent ensuite pour former les couches diamantifères. L'auteur s’est livré à une étude détaillée de ces roches. I. Galets déclogites contenant des diamants. — Le premier spécimen examiné est un fragment d’un noyau Fig. 1. — Coupe d'une cheminée diamantifère. fère, renfermant un peu d'olivine; en un mot, c’est une variété d'é- clogite d’origine ignée. Un deuxième spécimen exami- né présente des caractères analogues au précédent. Sur la surface exté- rieure, près du point de rencontre de deux fractures, se trouve un diamant (fig. 2). D'un côté, il est fixé à un grenat pyrope, dont la surface adjacente est incur- vée; il en est séparé par la bande verte de kélyphite. En coupe mince, les grenats présentent des traces de clivage parallèles; celte structure indique la pression. Les anneaux de kélyphite sont peut-être un peu plus larges, et le mica brun y passe à un minéral vert. Mais il n’y a pas de différence réelle avec l’éclogite. Il. Galets d'éclogite sans diamants. — M. Bonney a exa- miné quelques fragments de galets d'éclogite, présentant tous les carac- tères des précédents, mais ne renfer- mantaucundiamant.Plusieursoffrent, ! par contre, des particularités remar- quables. L'un d'eux, déjà assez décom- posé, semble, à l'œil nu, constitué par trois minéraux : du grenat, un peu plus pâle que dans les précédentes roches; un pyroxène vert émeraude, et un minéral jaunâtre ou verdàtre, en plaques ou fibreux, qui paraît être un second pyroxène plus altéré. En coupe mince, le grenat montre des clivages parallèles et des inclusions microlithiques d’un minéral prismatique; le premier pyroxène ne diffère pas sensiblement du diopside déjà décrit. Le troisième minéral est une enstatite altérée. En même temps, un quatrième constituant, très rare, apparaît : c'est un mica brun pâle, peut-être de la phlogonite. La présence de l'enstatite distingue cette roche de toutes les précédentes, en la rapprochant des eulysites à olivine. On pourrait en faire un type Fig. 2: — Frag- ment d'un qa- let d'éclogite. — 1, diamant 2, grenat; 3, enveloppe de kélyphite. CRE ENT ATEN TT s à ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES nouveau, appelé newlandite; mais l’auteur préfère la rattacher aux éclogites, sous le nom d'éclogile à enslalite. Un second spécimen de roche, trouvé dans l'étage jaune, est beaucoup plus décomposé, mais il offre néanmoins les mêmes constituants que le spécimen précédent. Un troisième fragment de roche sans diamant offre — un contour très irrégulier dû à la fracture de son LS A CP OT, 727 s principal constituant, un minéral semblable au diallage. Les cristaux de ce dernier sont gros, d’une couleur gris vert, à éclat submétallique, avec un clivage do- minant et des clivages secondaires qui lui donnent un aspect fibreux. La roche renferme de nombreux petits grenats, mal définis. La nature de la roche empêchant d'en faire de bonnes coupes minces, l’auteur a détaché quelques plages de son constituant principal qu'il à examinées au microscope. Ce minéral appartient au groupe de la bastite. La roche serait donc une bastite à grenats. ILL. La roche bleue et les roches associées.— L'exploitation diamantifère où ont été recueillies la plupart des roches décrites précédemment a une forme très exception- nelle. La surface peut être comparée à un triangle aux angles arrondis, contre la base duquel est appuyée l'extrémité d'une navette plutôt courte; à une profon- deur de 300 pieds, le triangle se resserre et la navette se termine en pointe. La roche bleue semble donc rem- plirune fissure, s’élargissant en deux endroits, et au tra- vers de laquelle on peut faire une coupe comme celle de la figure 1. Des deux côtés se trouve une roche ignée, compacte, appartenant au type des diabases, un peu feldspa- thiques. Entre les deux murs de diabase, un intervalle d'environ 12 pieds de largeur, est rempli par des couches alternées de « roche bleue » et de terrain meuble; les couches centrales sont les moins allérées. Les bandes V, VI et VII ont été examinées : la couche VII ressemble, comme texture, couleur et dureté, à une serpentine de Cornouailles; elle présente des taches rondes plus sombres, d’autres jaunätres, La couche VI est analogue, mais plus décomposée. La couche V a un … aspect stratifié, avec des bandes sombres carbonifères. La couche IIT est une couche meuble traversée par une veine d'étage bleu décomposée. La couche Il, près du diabase, est une roche compacte, un peu bigarrée, res- semblant à la roche bleue, traversée par des veines de carbonate ; la couche IV, du côté opposé, est analogue. En coupe mince, le magma se trouve composé d’un mélange variable de grains de calcite ou de dolomite, de serpentine, de pyroxène et d’oxydes de fer, au milieu desquels on aperçoit des plages d'un mica brun; ce mica est un produit secondaire. Dans les couches épaisses, on trouve des grains et des fragments de roche ; les premiers sont un mélange de deux minéraux fi- breux : de l’actinolite et de la serpentine; ce fait et certaines structures caractéristiques conduisent à sup- poser qu'ils sont un produit d'altération du diopside. Dans les couches minces, les grains sont composés en partie d’un minéral fibreux comme ci-dessus, en partie d'un minéral clair, ressemblant au quartz. Les frag- ments de roche sont rares dans la couche VII; dans la couche VI, ils sont plus communs; ce sont surtout des diabases, dont plusieurs à structure ophitique; dans la couche V, il y a plus de carbonates. La veine de la couche IT contient peu de fragments, généralement très altérés. Les couches II et IV sont à peu près sem- blables; la dernière contient quelques morceaux de diabase et d’un grès cristallin. Les veines sont remplies de calcite et d’autres minéraux secondaires, et bordées d'une mince couche d’un minéral micacé. Ces deux couches attestent des changements minéralogiques semblables à ceux produits par le passage de l’eau chaude. F M. Bonney à étudié d’autres fragments de roches sédimentaires situées au voisinage de la mine de dia- mants. Plusieurs contenaient des fragments de roches 719 ignées : diabases, trachytes, andésite, à un état de décomposition plus ou moins avancé. [V. Conclusion. — La conclusion générale du travail de l’auteur est que le diamant accompagne une roche ignée. L'étage bleu n'est pas son lieu de naissance, non plus que celui des grenats, des pyroxènes, de l'olivine ou autres minéraux plus ou moins fragmen- tés qui l'entourent. Le diamant est un constituant de l'éclogite, comme le zircon peut être un constituant du granite ou de la syénite. Sa forme régulière montre qu'il a été le premier à cristalliser. Mais une difficulté se présente : le diamant n'a été trouvé jusqu'ici que dans le fer météorique; c'est le même métal qui a per- mis à M. Moissan et à d’autres dele préparer artificiel- lement. On a bien signalé le diamant dans des roches à forte teneur en silice (itacolumité, granite, etc.), mais cette indication a besoin d'être confirmée. Or, quoique l’éclogite ait une teneur en silice à peine aussi élevée que la dolérite, il est difficile de comprendre comment une si petite quantité de carbone a échappé à l'oxyda- tion. L'auteur avait toujours pensé-qu'une péridotite ou un magma encore plus basique, pouvait être le lieu d'origine du diamant. Le diamant a-t-il cristallisé dans ce milieu basique, lequel, encore fondu, a été injecté d'un magma plus acide, pour former l'éclogite. M. Bonney ne fait qu'indiquer la difficulté sans la ré- soudre ; mais le fait en lui-même est indiscutable : le diamant existe, quoique plutôt sporadiquement, comme constituant de l’éclogite, laquelle roche doit être considérée comme son lieu de naissance. Cette découverte met fin à une autre controverse, concernant la nature du «bleu dur » des mineurs (Kimberlite du prof. Lewis), dans lequel on trouve gé- néralement le diamant. Les galets décrits dans le pré- sent mémoire ont été roulés par l’eau; ils doivent provenir d’un conglomérat grossier, formés par l’action d'un fort courant ou des vagues d’un lac sur des frag- ments de roches cristallines plus anciennes. Les résidus minéraux du lavage de la roche bleue sont également constitués par des fragments roulés. La présence de ces derniers, en grande abondance, montre que la roche bleue est une vraie brèche, produite par la destruction de roches variées. Le nom de Kimberlite doit donc dis- paraître de la liste des péridotites, et même de la lit- térature pétrologique, à moins qu'il ne soit conservé pour désigner ce type remarquable de brèche. Les galets décrits ci-dessus se trouvent probable- ment à la base de la série sédimentaire, à proximité du fondement cristallin. Les couches du Karoo, dans le sud de l'Afrique, sont soutenues à plusieurs endroits par un grossier conglomérat, très épais et très étendu, le conglomérat de Dwyka, qu’on suppose appartenir à l'âge permien ou permo-carbonifère. Il s'étend au- dessous des couches du Karoo non loin du district des diamants, et il se trouve aussi probablement au-dessous de ce dernier. Si c’est ce dépôt qui a fourni les galets d'éclogite, la date de la genèse du diamant doit être reculée au moins aux âges paléozoïques, et peut-être à une aire plus lointaine encore de l'histoire de notre Terre. H. G. Plimmer : Note préliminaire sur certains organismes isolés du cancer et leurs effets patho- géniques sur les animaux. — L'auteur a étudié pen- dant les six dernières années les inclusions cellulaires! observées dans le cancer. Pour cela, iln'a pas examiné moins de 1.278 cancers d'organes divers. Parmi ce très grand nombre, il n’y en a eu que 9 présentant des inclusions cellulaires excessivement nombreuses, de telle facon que, sur le bord de croissance et même à l'intérieur de la tumeur, il y eul à peine une cellule sans inclusions, et que plusieurs cellules en renfer- 4 M. Plimmer entend par inclusions cellulaires ces corps, trouvés dans les cellules cancéreuses, qui ne peuvent être considérés comme un produit de dégénérescence et qui ne constituent pas non plus une partie de la cellule, 720 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1$ maient jusqu'à 36. Ces corps sont similaires à ceux que Metschnikoff, Ruffer, d’autres et l’auteur lui-même ont considérés et décrits comme des parasites, ayant une relation de cause avec la maladie. M. Plimmer a réussi à isoler d'un de ces cancers un organisme, qui est pathogène, d'une manière particulière, pour certains animaux, et dont la virulence peut être conservée intacte pendant plusieurs mois. Les seuls essais importants de reproduction expéri- mentale des tumeurs cancéreuses, chez les animaux, sont dus à Sanfelice et à Roncali. Sanfelice a produit des tumeurs chez les animaux avec des organismes qu'il isolait d'infusions de fruits variés; lui et Roncali ont aussi isolé des organismes du cancer. Mais l’orga- nisme de Sanfelice semble très difficile à isoler du cancer humain à l'état virulent et à conserver de même. Aussi ce savant s'est-il borné à étudier l'effet, sur les animaux, des organismes dérivés des infusions de fruit. Plusieurs pathologistes allemands mettent en doute les résultats de Saufelice; l'auteur lui accorde, au contraire, le pMs grand crédit pour avoir, le pre- mier, fait passer l'étude de l'étiologie du cancer du terrain histologiqve sur le terrain expérimental. Le cancer, avec lequel l’auteur à fait ses expériences, avait été enlevé à la poitrine d’une femme de trenté- cinq ans; il n'avait que deux mois de formation et était encore en état de croissance rapide au moment de l'opération. Immédiatement après l'enlèvement, en exa- minant une raclure fraiche, on constate une quantité extraordinaire d'inclusions dans les cellules. L'auteur coupa des {ranches minces de la tumeur et les placa avec un peu du liquide exprimé de la surface coupée dans une bouteille contenant le liquide suivant, soi- gneusement stérilisé : une infusion de cancer préparée comme le bouillon de bœuf ordinaire, et additionnée, après neutralisation, de 2 °/, de glucose et 1 °/, d'acide tartrique. Ce milieu empèchait la croissance d’autres bactéries. Comme, dans l'organisme, les corps sont pla- cés à l'abri de l'air, on fit le vide dans les bouteilles, on y passa de l'hydrogène et on les scella. Par ces moyens, on conserve la virulence; les cultures sont aujourd'hui aussi actives qu'il y a quatre mois. L'organisme, qui se développe au bout de trois à cinq jours dans les cultures, est apparemment un saccharo- myces; mais, d'après certains auteurs, les Saccharo- mycèles ne seraient que des stades de développement de champignons appartenant aux Phyco, Asco ou Basi- diomycètes. On soutient même que, pour plusieurs champignons à mycélium, des organes simples, comme les conidies, peuvent croître sous la forme saccharo- myces dans certains milieux nutritifs. Il faut donc renoncer pour l'instant à classifier l'organisme de la culture. Sanfelice et Roncali ont rangé les organismes qu'ils ont isolés dans les Blastomycètes. Quand ils cruissent dans le milieu décrit, les orga- nismes produisent un trouble, qui devient visible au bout de quarante-huit heures et s'accroît jusqu'au sixième jour. La culture tombe alors au fond et le milieu devient clair; il ne se forme ni écume, ni pelli- cule. Poussant sur le même milieu solidifié avec de l'agar, les organismes produisent de petites colonies rondes, séparées, d'abord blanches, puis jaunes. La gélatine n’est pas liquéfiée, et la culture sur ce milieu n'est jamais belle. Sur la pomme de terre, il se forme une couche blanche épaisse, qui recouvre en deux semaines toute la surface en devenant d’un jaune bru- nâtre. Les organismes peuvent croître aérobiquement, mais jamais bien, et ils perdent rapidement leur viru- lence. Microscopiquement, ce sont des corps ronds, crois- sant fréquemment en bouquets, avec une portion cen- trale qui se colore fortement et, dans la plupart des cas, une capsule mince, très réfractile, généralement à double contour. Le diamètre varie de 0,004 millimètre à 0,04 millimètre. La reproduction paraît se faire par bourgeonnement. Ces corps correspondent morphologi- quement à ceux trouvés dans la tumeur originale et aussi à ceux décrits par Rüffer et d'autres ayant étudié le cancer au microscope. Les résultats de l'infection expérimentale par les organismes cullivés peuvent se résumer comme suit: A) Résultats négatifs. 4° Des lapins ayant recu des ino- culations intra-veineuses et intra-péritonéales, et des lapins et des cobayes ayant recu des inoculations sous- cutanées sont morts dans un délai variant de 15 jours à 14 semaines sans lésions. 20 D'autres animaux sont morts sans lésions visibles, mais on à pu faire des cultures pures de l'organisme avec quelques-uns de leurs organes ; ce sont des lapins ayant subi la trépanation et chez lesquels les organismes avaient été placés sous la dure-mère. Après la mort, les organisines se trouvent dans le cerveau, la colonne ver- tébrale et les viscères. 30 Des lapins, ayant recu une inoculation dans la cornée, présentent de vrais néoplasmes. Il y a une pro- lifération considérable de l’épithélium cornéen, dans toutes les directions à partir du point d’inoculation, soit intérieurement, soit entre les couches fibreuses du tissu cornéen. Les organismes se trouvent dans les cel- lules épithéliales. B) Résultats positifs. 4° Les animaux meurent avec la production de nouvelles croissances; c’est le cas pour les cobayes avec inoculations intra-péritonéales. La mort arrive du 13° au 20° jour, le foie, les poumons et le péri- toine sont remplis de nouvelles tumeurs de couleur blanche et de nature endothéliale. On peut en faire des M cultures pures. En résumé, on peut produire expérimentalement des tumeurs malignes chez les animaux par des organismes isolés d’une tumeur maligne de l’homme. Ces tumeurs expérimentales sont, à une exception près, d'origine endothéliale; cela provient du fait qu'il est difficile de mettre en contact les organismes avec l'épithélium ; toutes les méthodes d’inoculation ci-dessus, excepté une, conduisent à des surfaces endothéliales. L'expé- rience sur la cornée est la seule dans laquelle une sur- face épithéhiale ait été utilisée; dans ce cas, la grande prolifération de l'épithélium, l'apparence des organismes dans les cellules et lirritation produite sont très frap- pantes. De ces observalions et de ces expériences, on peut conclure ce qui suit : 1° Il y a certains cancers, qui se présentent très rare- ment, dans lesquels existent un nombre considérable de corps intracellulaires du genre décrits par Rüffer et l'auteur. (De la rareté de ces cas et de leur marche relativement rapide, on pourrait déduire qu'ils ne sont pas dus à la même cause que le cancer ordinaire; mais il n’y a certainement pas plus de différence entre eux et les cancers ordinaires qu'entre les tuberculoses aiguë et chronique.) 2 Les corps intracellulaires peuvent être isolés et cultivés en dehors de l'organisme humain ou animal. 3° Les cultures, introduites chez certains animaux, peuvent causer la mort avec production de tumeurs; celles-ci, à l'exception des croissances cornéennes, sont d'origine endothéliale. Des cultures pures peuvent être faites à partir de ces tumeurs, et, inoculées à d’autres animaux, reproduire des tumeurs semblables. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. ut à 6 4e DE ÉTÉ G RE PE en à 9 ES AT D PI AS 1 D PAL. 2 10° ANNÉE N° 19 15 OCTOBRE 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Chimie photographique Emploi de liodure mercurique comme renforçateur des clichés photographiques. — L'emploi de l'iodure mercurique comme renforça- teur direct des phototypes aux sels d'argent a été signalé depuis longtemps. On le dissout, pour cela, dans l’hyposulfite de soude, dans la proportion d'une molécule d'iodure pour deux d'hyposulfite. L'intensifi- cation des clichés a non seulement lieu avec une grande énergie et peut être à volonté modérée par l'addition d’eau, mais encore on peut suivre directe- ment le renforcement de l’image en l’examinant par transparence, ce qui n'est pas le cas dans l'emploi du renforçateur ordinaire au bichlorure de mercure, qui nécessite un deuxième bain d'ammoniaque pour ra- mener l'image à sa couleur et à son intensité finales. Cette méthode de renforcement n’a cependant pas pu se généraliser jusqu'ici, car elle présente un inconvé- nient capital : les images renforcées manquent de sta- bilité; elles jaunissent à la longue et diminuent peu à peu d'intensité. MM. Lumière frères et Seyewetz se sont proposé de remédier à cet inconvénient. Pour cela, ils ont établi d'abord la théorie des opérations de renfor- cement. L'hypothèse qui leur a paru la plus plausible entre beaucoup d’autres, c’est que la dissolution de l'iodure mercurique dans l'hyposulfile dé soude a lieu par suite de la formation d'un sel double Hgl? Æ 2Na°$°0%. Sous l'influence de l'argent du cliché, l'iodure mercurique est réduit à l’état d'iodure mercureux en même temps qu'il se forme de l'iodure d'argent; dans une seconde phase, l'iodure mercureux, en présence de l’hyposul- lite de soude, se décomposerail en mercure métallique et en iodure mercurique, qui se redissoudrait dans l'hyposulfite, La réaction totale serait exprimée par la formule : {2Hgl°+2Ag 2Na*S*0%—2 Agl + Hg + Hol°.2Na25°05. L'intensification du cliché serait donc due au mélange de mercure et d'iodure d'argent qui prennent nais- sance dans Ja réaction. L'altération de l’image se pro- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, duit lorsqu'on laisse à l’air les clichés renforcés, mais on peut l'obtenir beaucoup plus rapidement en plon- geaut ceux-ci dans l’eau pendant quelques heures. On en déduit que, sous l'influence de l'humidité et de l'oxygène, le mercure, en s’oxydant, forme, avec l’io- dure d’argent, une combinaison, de couleur jaune, qui est peut-être HgO, Agl. Les réactions que l’on peut effectuer sur la plaque altérée confirment pleinement cetle hypothèse. Pour empêcher cette combinaison de se former, MM. Lumière frères et Seyewetz ont pensé à transfor- mer l'iodure d'argent en argent métallique; ils y sont arrivés très facilement par l'emploi d'un des réducteurs photographiques ordinaires. Mais, en même temps, ils s’apercevaient que l'hyposulfite de soude peut être remplacé avantageusement par le sulfite de soude pour dissoudre l’iodure mercurique. Voici donc le nouveau procédé qu'ils proposent pour le renforcement des clichés par l’iodure mercurique, sans altération ulté- rieure possible. Le +ulfite de soude peut être employé en quantité quelconque par rapport à l’iodure, sans que le mélange perde ses propriétés renforcatrices. Cependant, on obtient les meilleurs résultats en se servant de 1 gr. d'iodure pour 10 gr. de sulfite dans 100 gr. d’eau. Plongée dans ce bain, l’image s’intensifie graduellement en prenant une teinte brun foncé. On peut suivre pas à pas les progrès du renforcement et l’arrêter au point voulu. L'opération peut avoir lieu directement après le fixage du cliché, un lavage sommaire étant suffisant. L'image obtenue est altérable el prend, dans la suite, une coloration jaune verdâtre identique à celle du procédé à l'hyposulfite et due probablement aux mêmes causes. On évitera complètement cette altéra- tion de l’image en la plongeant, au sortir du renfor- cateur, après un lavage sommaire, dans un des ré- ducteurs de l'iodure d'argent : développateurs au paramidophénol, au diamidophénol, à l'hydramine, à l'acide pyrogallique, à l’hydroquinone, etc... Dans ces conditions, on arrive à transformer intégralement l'iodure d'argent en argent métallique et il ne reste plus d'iode dans l’image. On peut alors conserver indé- finiment l'épreuve sans qu'aucun jaunissement se 19 produise. Des épreuves déjà altérées peuvent toujours être réduites par le bain développateur, en prolongeant l'action de ce dernier pendant un temps suffisant. L'image renforcée peut être affaiblie de nouveau au moyen d'une solution d'hyposulfite de soude, qui dissout une partie de l'iodure d'argent. Cet affaiblis- sement ne peut évidemment être obtenu qu'avant la réduction de l'iodure d'argent par le développateur final. F On peut constituer d’autres renforçateurs à l'iodure mercurique, en le dissolvant dans des substances comme l'iodure de potassium, les chlorures d'ammo- nium, de sodium où de potassium. Mais le renforcateur au sulfite de soude est encore celui qui présente les plus grands avantages et donne les meilleurs résultats. S 2 S 2. — KHlectro-métallurgie Le four électrique Stassano pour lobten- tion directe du fer et de l'acier. Les applica- tions de l'Electricité à la Métallurgie sont à l’ordre du Fig. 1. — Elévalion el coupe du four électrique Stassano. — À, chambre: B, soupape hydraulique; G, creuset; €, c, électrodes de charbon; £, L, prises du four; T, trémie. jour : le‘prochain Congrès international des Mines et de la Métallurgie, qui se réunira à Paris du 18 au 23 juin 4900, traitera de la question. Les lecteurs de la Revue générale des Sciences doivent donc être mis au courant de tous les travaux ou essais qui s’y rapportent. C’est à ce point de vue que nous leur signalons le procédé proposé par un capitaine d'artillerie italieu, M. Stassano, en vue de produire du fer et de l'acier au four électrique, en utilisant la chaleur de l'arc pour réduire les oxydes de fer et fondre la masse métal- lique qui résulte de l'opération. Les essais de ce pro- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE cédé viennent d'avoir lieu à Rome et ont, paraît-il, donné plein succès. Le four électrique employé a sensiblement la forme, en réduction, d'uu haut fourneau ordinaire. Il se com- pose de deux troncs de cône juxtaposés par leur grande base et constituant la chambre A (fig. 1), où le minerai est réduit et se fond. Le métal fondu se rassemble dans le creuset C faisant suite au tronc de cône inférieur et s'écoule par le trou f. À la hauteur de l'ouvrage sont placées les deux électrodes en charbon ce, cylindres de 0%,10 de diamètre et de 1 mètre de longueur, dont l’écartement est réglé au moyen d’un appareil actionné à la main, d’après les indications du voltmètre et de l’'ampèremètre. Le laitier est extrait par un trou spécial pratiqué dans la partie supérieure du creuset, tandis que les gaz produits par les réactions s'élèvent dans la cuve, concourant ainsi à la réduction, et s’échappent par les prises {{ du four. Ces conduites peuvent être isolées de l'intérieur du fourneau par une soupape hydraulique B, afin d'éviter les rentrées d'air au moment de l'ouverture du gueu- lard : celui-ci est fermé par un appareil à trémie T, qui sert à l'introduction des charges. Dans le procédé Slassano, il faut faire subir aux matières à réduire une préparation préalable. Les minerais de fer que l’on a à traiter sont des oxydes ou des carbonates, ces derniers après grillage. Ils sont d'abord finement pulvérisés et, autant que possible, séparés de leur gangue et enrichis par des procédés magnétiques ou autres. Alors, l'analyse permet de déterminer exactement les proportions de charbon, de chaux ou de silice nécessaires pour réduire le mé- lange, scorilier les gangues pendant la suite des opéra- lions et obtenir un mélal d’une composition donnée. Toutes ces matières sont, comme le minerai, réduites en poudre et intimement mélangées avec lui et avec 5 à 10 °/, de goudron agglomérant. Puis, la pâte résul- tante est soumise à une pression hydraulique de 2 à 300 kilos par centimètre carré et transformée dans un moulin à cannelures spéciales en briquettes de 0,04 environ. Après séchage, ces briquettes sont chargées au four électrique. Lorsqu'il s’agit de préparer des alliages de fer contenant du manganèse, du nickel, du chrome, du tungstène, du molybdène, etc., on mélange au minerai l’oxyde des métaux en question. A la cha- leur intense de l'arc (3.500°), les oxydes métalliques sont décomposés et forment, en présence du carbone, de l'acide carbonique qui, lui-même, est bientôt ramené à l’état d'oxyde de carbone combustible. D'après The Iron and Coal Trades Review, à qui nous empruntons ces renseignements, l'énergie nécessaire pour la production de la tonne de métal est de 3.000 chevaux-heures. Voici par quelles considérations M. Stassano arrive à ce chiffre : ‘ MAGNÉTITF ou carbonate grillé Fe30O# HÉMATITE rouge Fe°0% Quantité théorique de minerai pour — — 1.380 kil. produire 1 tonne de métal . . . 1.429 kil. Quantité théorique de combustible pour produire 1 tonne de métal. 351 — 311 — Chaleur nécessaire pour la réduc- tion du métal.5...0. 27 SON MED TIcal 60e Chaleur nécessaire pour la fusion dumétal 0 se Mt 400 — 100 — Chaleur développée par la trans- formation de GC en CO . . . . . 113 cal. 686 cal. Chaleur restant à fournir pour ob- tenir les réactions . . . . . . . 1.334 cal. 1.314cal Puissance électrique en chevaux- heures Shan esse 2e 00 D MIDDRGR 2 OT RE Quantité de (O0 produite par tonne de métal. . . 750 kil. 666 kil. Quantité de chaleur en résultant à 1.826 cal. 1.622 cal. Pour la réduction de Fe*O*, par exemple, il faut 1380 X 48 232 tible contenant 90 o/, de G. S'il s’agit de produire — 285 kilos de CG, soit 317 kilos de combus- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE F2 de l'acier, un peu plus de G est nécessaire, mais on peut remarquer qu'il n'est pas tenu compte du carbone contenu dans le goudron employé pour agglo- mérer les briquettes. Or, il faut 1.600 calories pour réduire les 4.000 kilos de métal de Fe*0! et 400 calories pour fondre la masse résultante, soit au tolal 2.000 ca- lories. En en déduisant la quantité de chaleur que développe l'oxydation du C, soit 686 calories, il reste 4.31% calories, qui doivent être fournies par l'énergie électrique et correspondent à 2.070 chevaux-heures, D] soit à “2 OS 60 chevaux-heures effectifs, si l'on évalue le rendement du four à 75 °/,. Les 3.000 che- vaux-heures, dont on a parlé, paraissent donc suflisants dans tous les cas. Le prix de ces 3.000 chevaux serait “de 18 lires seulement et, malgré le coût des opérations préliminaires, c'est-à-dire de la préparation des bri- quettes, dont on n'a pas à tenir compte dans le pro- œédé ordinaire, malgré l'entretien du four et des élec- trodes, qui doit être certainement considérable, la très rande économie réalisée sur la fusion permettrait arriver à un prix de revient final très inférieur pour “la production de la tonne de fer en barre, puisque, d'après l'auteur, celle-ci ne coûterait que 100 lires “ contre 160 lires. Ajoutons que, pour expliquer un tel écart, on fait intervenir aussi l'emploi de l’oxyde de carbone recueilli, qui peut être immédiatement utilisé au chauffage des fours de laminoir. Dans le cas du traitement de Fe0', 666 kilos de CO se dégageraient, dont la combustion produirait 1.622 calories : ce chiffre dépasse celui des calories nécessaires pour les réac- “tions (1.314 calories), par suite de la plus grande afti- nité de l'oxygène pour le carbone que pour le fer. Il s'ensuit donc que les éléments mis en présence passent dans une combinaison plus stable. Les minerais italiens sont des hématites, magnétites et sphérosidérites. On trouve des hématites rouges et du fer oligiste dans l'ile d Elbe, du fer magnétique dans le val d'Aoste, dans le district d'Ivrea et au cap Cala- mite ; enfin des dépôts étendus de sphérosidérites existent dans la vallée de Camonica et dans le val ÆMrompio (provinces de Brescia et de Bergame), où de nombreuses stations avec force hydraulique peuvent être installées économiquement. Un four d'essai de 100 chevaux de puissance à été établi à Rome pour traiter des minerais de Camonica : l'énergie était four- nie par deux dynamos de 300 chevaux et le potentiel réduit par des transformateurs à 50 ou 60 volts. Après avoir fait passer le courant à vide pendant vingt mi- nutes, on introduisit la charge graduellement et on la traita durant trente-cinq minutes; de temps à autre, l'intensité du courant variait par suite de la résistance rencontrée par le passage de l'arc au travers du mi- nerai. On obtint ainsi une scorie très fluide et 8 kilos de métal qui contenait 1,02 de manganèse et 2,06 de carbone. Ces teneurs élevées s’expliquaient, d'une part, par la forte proportion de manganèse des mine- rais de Camonica, et, d'autre part, par la détérioration des électrodes et du garnissage du creuset qui était en graphite. L'énergie dépensée était de 2,70 chevaux- heures par kilo de métal. A la suite de quelques essais préliminaires, on se décida à incliner les électrodes pour faciliter le déga- gement du métal fondu, à changer les supports qui, jusque-là, étaient en cuivre et fondaient trop facile- ment, enfin à remplacer dans le garnissage du creuset le graphite par de la magnésie. Les nombreux essais effectués dans ces conditions semblent avoir suffisam- ment convaincu les intéressés, puisqu’une société s'est formée pour l'exploitation du procédé et l'installation prochaine, dans la vallée de Camonica, de trois fours continus de 500 chevaux chacun, dont la production globale annuelle est évaluée à 4.000 tonnes. Il est regrettable que les renseignements donnés sur le procédé soient trop vagues pour permettre de faire des comparaisons et de discuter, point par point, les éléments du prix de revient des produits obtenus. On admettra difficilement que, pour la fabrication du fer ordinaire, l'emploi du four électrique soit plus éco- nomique que la mise en usage des procédés connus avec tous leurs perfectionnements. Il n’en est pas moins vrai que le procédé Stassano présente un certain inté- rêt pour le traitement des minerais où le fer est allié à d’autres métaux plus réfractaires et l'obtention de fers ou aciers spéciaux, notamment dans les pays où le combustible est cher et où la force hydraulique peut être utilisée sur une large échelle et à des prix très bas. Emile Demenge, Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. $ 3. — Sciences médicales L'Institut bactériologique de Constantino- ple. — Plusieurs personnes, parmi celles qui ont pris part à la récente croisière de la Revue à Constantinople, en Crimée et au Caucase, ayant visité l’Institut bacté- riologique de Constantinople, nous nous sommes, pour la circonstance, enquis de l’origine, de l’état actuel et des besoins de cet Etablissement. Nos lecteurs pren- dront sans doute intérêt aux renseignements recueillis à ce sujet. 1. Historique. — Le choléra ayant éclaté à Constanti- nople en août 1893, le Sultan s'adressa à Pasteur pour lui demander d'envoyer d'urgence un de ses élèves, afin de diriger les mesures sanitaires. Le D' Chantemesse, désigné, se rendit à Constantinople, mena à bonne fin la tâche qui lui était confiée et fit ressortir la nécessité de créer un Institut bactériologique. Le Sultan approuva pleinement cette idée et accepta la candidature du D: Nicolle, proposée par le D' Chautemesse et appuyée par Pasteur. Le D: Nicolle arriva en Turquie en novem- bre et se mit à l'œuvre. En attendant la construction d'un Laboratoire, dans l'enceinte de l'Ecole de Méde- cine, il s’occupa de faire l'analyse des eaux et d’exami- ner les cas de choléra, qui se prolongèrent à l’état dis- cret pendant longtemps encore. Le Laboratoire fut construit très lentement; jusqu'à la fin de 1894, une installation des plus sommaires, dans le Service de Chi- mie de l'Ecole de Médecine, dut suffire aux besoins urgents. Le Laboratoire, une fois édilié, servit aux analyses et à l’enseignement. Bientôt il se trouva trop petit et, en 4895, l’Institut actuel fut installé dans une maison située à Nichan-Tach. La préparation du sérum antidiphté- rique fut en même temps confiée au D’ Nicolle. Depuis 4897, les études sur la peste bovine et la fabrication du sérum antipestique (dirigée contre cette affection) sont venues s'adjoiodre aux travaux habituels. Récemment, le Service antirabique vient d’être transféré dans l’Ins- titut de Nichan-fach. Enfin, d'autres applications bac- tériologiques sont imminentes, si bien que, dès aujour- d'hui, l’Institut ne peut plus convenir aux nécessités des divers services. La création d’un vaste Institut s'im- pose d'urgence, si l'on veut éviter la perte d’un temps précieux. 2. Services que rend l'Institut bactériologique. — L’Ins- titut fournit l'enseignement technique et pratique aux médecins et vétérinaires (militaires et civils). Les cours se font par séries, comme ceux de l’Institut Pasteur de Paris. Un Chef des travaux pratiques, assisté de deux préparateurs, dirige la préparation des lecons et les manipulations des élèves. L'enseignement est donné en francais, langue familière aux médecins et aux véléri- paires. Grâce à l'application des élèves, les résultats n'ont jamais laissé à désirer. Mälheureusement, — sans qu'on en connaisse bien la raison, — les médecins militaires n'ont pas été envoyés depuis deux aus à lfns- titut; c’est là un desideratum des plus regrettables. Le Laboratoire est chargé des analyses médicales et vétérinaires, publiques et privées. Il prépare aussi, avons- nous dit, le sérum autidiphtérique, dont l'emploi est absolument général dans l'Empire ottoman; les résul- tats obtenus ont toujours été parfaits. Le sérum est 1 [KL] ra CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE envoyé dans tous les vilayets sur la demande écrite ou télégraphique des Gouverneurs. Ceux-ci ont soin d'in- diquer le nombre des doses gratuites et payantes qu'ils désirent. L'Institut a fait construire un modèle spécial de seringue, entièrement métallique, pour la sérothé- rapie. Ce modèle a rendu de grands services, surtout dans les régions éloignées du centre de l'Empire, où la perte des corps de pompe ordinaires (en verre) ren- drait à chaque instant toute inoculation impossible. Le Laboratoire prépare en grand le sérum antipes- tique (peste bovine). Ce sérum est livré au Ministère de l'Agriculture, qui en confie l’application à son personnel vétérinaire (personnel ayant fait un stage à l’Institut). Les résultats de la sérothérapie antipestique ont été des plus satisfaisants, soit préventivement, soit curative- ment. La peste bovine constitue une des plaies de l'agriculture en Turquie et les populations des cam- pagnes ont accueilli avec reconnaissance la nouvelle application bactériologique. Cette reconnaissance se traduit constamment par des télégrammes de remerci- ments-adressés au Sultan. Rien de plus naturel, si l’on songe que, parfois, dans un seul district, plus de 30.000 têtes de bétail étaient enlevées en deux à trois semaines. La sérothérapie antipestique est un exemple frappant des services que peut rendre le Laboratoire et quil rendra lorsque son extension aura été décidée. Le Service de la rage, jadis confié à l'Ecole de Méde- cine, vient d'étre rattaché à l'Institut. Par iradé du Sultan, le Dr Marie, de l’Institut Pasteur, a été désigné pour prendre la direction de cet important Service, jusqu'alors insuffisamment assuré. En dehors des applications bactériologiques, le Labo- ratoire s'occupe de recherches d'ordre médical et vété- rinaire. Celles-ci sont publiées au fur et à mesure des découvertes. Des travaux sur la technique générale, le choléra, la diphtérie, le bouton d’Alep, la peste bovine, la pneumonie des chèvres, la malaria des bovidés, etc., ont été insérés dans les Annales de l'Institut Pasteur. Ces travaux sont l'œuvre du directeur et des divers chefs du Laboratoire.| 3. Personnel. — Le personnel de l'Etablissement comprend : 4° un Directeur, le D' Nicolle, qui s'occupe spécialement de la Bactériologie générale et vétérinaire (il est assisté d’un chef de Laboratoire particulier, Adil Bey, ancien préparateur à l'Ecole d'Alfort) ; 2° un Sous- Directeur, le D' Marie, qui s’est réservé la Bactériologie médicale et le Service antirabique (il est assisté du Dr Zia Bey, comme chef de Laboratoire particulier); 3° trois chefs de Laboratoire : le D' Noury Bey (Service anti- diphtérique); le Dr Réfik Bey et le vétérinaire Réfik Bey (Service antipestique); 4° un Chefdes travaux pratiques, le D: Rifat Bey; 5° trois préparateurs : le D° Haim Effendi et les vétérinaires Moustafa Effendi et Osman Noury Effendi; 6° un Administrateur-comptable, Yous- souf Bey Chiha; 7 un Aide de Laboratoire, M. Picci- nini; 8 dix garçons, un palefrenier et un bouvier. Le personnel ottoman ne mérite que des éloges pour son assiduité et son dévouement. 4. Services que peut rendre l'Institut bactériologique. — Pour répondre aux besoins du pays, la création de nombreux Services s'impose. Voici les plus importants : préparation des sérums antitétanique et antistreptococ- cique ; préparation de la malléine et de la tuberculine ; fabrication du vaccin charbonreux; ouverture d’un laboratoire de Chimie biologique et d’un laboratoire de Bactériologie agricole. Une extension plus grande devra être donnée aux enquêtes et recherches sur les affections humaines et animales. Pour cela, la construction d'un nouvel Ins- titut, largement doté, est absolument indispensable. Les sacrifices faits par le Gouvernement ottoman se trouve- ront d’ailleurs rapidement compensés, et au delà. 5. Rapports avec les autorités ottomanes. — Le Sultan a toujours porté le plus grand intérêt à l'Institut. Aucune demande émanée de cet Etablissement n’a été repous- sée. Bien au contraire, chaque iradé concernant les applications bactériologiques a été rendu dans les termes les plus flatiteurs pour le personnel du Labo- ratoire.Le secrétaire particulier du Sultan s’est toujours montré un intermédiaire bienveillant. Malheureusement, les Rapports ne constituent qu'un mode d'exposition sec et limité, et des explications orales avanceraient infiniment plus les choses. Présenter ces explications, ce serait, croyons-nous, plaider une cause gagnée d'avance. L'Institut est sous la dépendance immédiate du Direc- teur général des Ecoles militaires, le maréchal Zéki Pacha, un des personnages les plus remarquables de la Turquie. Celui-ci a toujours fait preuve des meilleures dispositions vis-à-vis de l'Institut; son aide et ses encou- ragements n'ont jamais manqué. La récente nominalion du D' Marie est due à son initiative. On se plait à recon- nailre l'attitude cordiale de Zéki Pacha vis-à-vis des fonctionnaires français placés sous sa direction. L'Institut est en rapport quotidien avec le Ministre de l’Agriculture, Sélim Pacha Melhamé, et le Directeur de l'Agriculture, Eram Effendi. Les études sur la peste bovine et la sérothérapie de cetle affection ont été entreprises sur la demande du Ministère et grâce aux moyens matériels fournis par lui. Le Ministère a cons- tamment prêté son concours moral et financier à l’Ins- ütut et se propose de favoriser encore davantage le développement des applications vétérinaires et agri- coles. L'Institut se trouve enfin en rapport avec les Minis- tères de la Guerre et de l'Intérieur et avec la Préfecture de la Ville, Le préfet de Constantinople, Redvan Pacha, a reporté sur le Laboratoire l'estime que lui avait ins- pirée le D° Chantemesse, et son appui n’a jamais fait défaut pour toutes les questions intéressant l'hygiène publique. En résumé, l'Institut n'a rencontré que des sympathies de la part des autorités ottomanes. Les services qu'il a rendus ont été unanimement appréciés. Avec l'appui de la France, — et nous savons qu’en France l'Institut Pasteur se fait un devoir de le soutenir, — il lui sera facile de continuer à s'étendre et même d’être traité en privilégié. Tout le monde en France comprendra le grand intérêt que nous avons de soutenir en Turquie une institution de fondation et d'esprit français, déve- loppée grâce aux solides qualités du personnel otto- man, particulièrement appréciée du Sultan et encou- ragée par les personnages officiels. N'oublions pas que la grandeur de l'Allemagne et son influence croissante en dehors de ses frontières ont pour base la foi en la science et le soin qu’elle a de soutenir partout ses savants. 6° Conclusions. — L'Institut constitue aujourd'hui l'unique poste scientifique (supérieur) d'où puisse s’exer- cer l'influence francaise. Voilà plus de quinze ans que le Gouvernement ottoman demande au Gouvernement francais des médecins et des vétérinaires compétents. Il n’est que temps de répondre à ces avances, car déjà nous constatons la main mise par les Allemands sur l'enseignement médical en Turquie, en attendant qu'ils s'emparent de l’enseignement vétérinaire en ce pays. Forts de l'appui de leur Gouvernement, les Allemands conquièrent peu à peu toutes les chuires, toutes les situations où peut s'exercer leur influence ; ne laissons pas leur autorité scientifique supplanter — el bientôt complètement écarter — la nôtre. $ 4. — Enseignement Ecole municipale de Physique et de Chi- mie industrielles. — Le laboratoire d'Etudes el de Recherches de l'Ecole de Physique et de Chimie indus- trielles sera ouvert, comme Îles années précédentes, le: 2 novembre prochain. Depuis un an, une salle réservée à l'Electrochimie et à l'Électrométallurgie à été au- nexée à ce laboratoire. Pour tous renseiguements, s'adresser au Surveillant général de l'Ecole, 42, rue Lhomond. » MAX LE BLANC — LES IDÉES NOUVELLES SUR LA THÉORIE DES PILES LES IDÉES NOUVELLES SUR LA THÉORIE DES PILES Sous le nom d’élément électrique, on désigne tout système qui est susceptible de fournir de l'énergie électrique, à la faveur de réactions chimiques ou de phénomènes physiques, tels que la diffusion. Fréquemment aussi, on emploie le terme d'élément galvanique, qui rappelle le nom de Galvani, auquel nous en devons la découverte. C’est, en effet, dans Pexpérience bien connue de Galvani, que nous trouvons le premier exemple d’un pareil système. Galvani avait relié l’une à l’autre, au moyen du nerf sciatique et d'un muscle de grenouille dissé- “quée, les extrémités d’un are métallique formé de deux métaux. A la vérité il était lui-même bien “éloigné de pressentir l'importance de sa découverte et de s’en faire l’idée que nous en avons aujour- - d'hui. À ses yeux, le courant électrique qui provo- quait les contractions du muscle de la grenouille prenait son origine dans le tissu animal, qu’il com- parait à une bouteille de Leyde : le muscle et le nerf constituaient les deux armatures, et le rôle de l'arc métallique se réduisait à celui d'un excitateur - produisant la décharge. Il espérait même tirer parti de sa découverte pour éclaircir quelque peu l'énigme de la force vitale. C'est Volta qui mit en évidence la fragilité de cette théorie. Par ses expériences, il établit que toujours, quand deux fils métalliques, plongés dans - un liquide, sont réunis à l'extérieur du liquide par . des contacts métalliques, il se produit un courant électrique : ce courant se forme à travers les deux fils et le conducteur liquide qui les unit. Il insista sur l’analogie de ce dispositif avec celui de l'expé- rience de Galvani : la grenouille disséquée, humide, n'est elle-même qu'un élestroscope extrêmement sensible que les courants les plus faibles suffisent à faire se contracter. L'organisme de l'animal n’a par lui-même rien à faire avec la production de l'électricité. Dès lors, se posait la question : Où l'électricité prend-elle en réalité naissance? Est-ce au contact des deux métaux avec le liquide? est-ce au con- tact direct des deux métaux? Volta se prononce pour cette dernière alternative, et, ce faisant, il jette les fondements d'une théorie, dontaujourd'hui encore nous n'avons pu nous affranchir complète- ment. À cette époque, on n'avait pas encore énoncé le principe de la conservation de l'énergie, et Volta ignorait que l'énergie du courant électrique ne pouvait se produire qu'aux dépens d’une autre forme de l'énergie. Il croyait encore à la possibilité du mouvement perpétuel et pensait réussir à trou- ver un système susceptible de fournir indéfiniment de l'énergie électrique sans s’user et sans être sur- veillé. Mais, vers le milieu de ce siècle, on énonca la loi de la conservation de l'énergie, et il fallut modifier la théorie de Volta. Les réactions chimiques, qui se produisent entre les métaux et le liquide, considérées tout d'abord comme un phénomène accessoire, sont désormais regardées comme la source du courant : elles four- nissent l'énergie nécessaire. Chose remarquable, on n'en continua pas moins à placer le siège de la force électromotrice au contact des deux métaux. On sent ici cette répugnance à l'égard de toute idée théorique nouvelle, qu'on rencontre maintes fois dans l'histoire de la science. Il ne serait pas logique cependant, sans raison péremptoire, de regarder les réactions chimiques qui se passent aux électrodes comme la cause du courant électrique et de placer, malgré cela, le siège de la force électro- motrice en un autre endroit; nous pourrions tout aussi bien dire que, dans un circuit d'où se dégage de la chaleur en un point, la différence de tempéra- ture correspondante se produit en un autre point. L'hypothèse la plus simple à faire, c’est que l’en- droit où se produit l'énergie électrique est aussi l'endroit où se produit le saut de potentiel. C'est la seule hypothèse justifiée tant qu'on ne l'a pas mise en contradiction avec les faits. Elle permet, d'ail- leurs, de grouper les phénomènes sans prèter à au- cune objection, et actuellement la force électromo- trice d'un élément est pour nous principalement la résultante des deux sauts de potentiel qui se produisent au contact des deux électrodes et du liquide. Après avoirreconnu, dans les réactions chimiques qui se passent dans l'élément, la source de l'éner- gie électrique, il restait à chercher si la totalité de l'énergie chimique devenue libre est transformée en énergie électrique, ou si la transformation n’est que partielle. Cette vérification ne présente aucune difficulté. Considérons l'élément Daniell, formé d'une lame de zinc plongée dans une dissolution de sulfate de zinc et d'une lame de cuivre plongée dans une dissolution de sulfate de cuivre. La réaction chimique qui se produit quand l'élé- ment entre en activité consiste dans la disso- lution du zinc et la précipitation du cuivre. Nous pouvons déterminer le phénomène calorifique qui accompagne cette réaction en précipitant le cuivre d'une dissolution de son sulfate au moyen du 726 MAX LE BLANC — LES IDÉES NOUVELLES SUR LA THÉORIE DES PILES zine métallique et mesurant la quantité de chaleur dégagée : cette quantité est de 25.050 calories pour un équivalent exprimé en grammes. Supposons maintenant que nous ayons placé l'élément dans un calorimèlre, mais en laissant en dehors le fil qui réunit les deux pôles ; la résistance électrique de ce fil doit être choisie très grande, de sorte que l'énergie électrique se retrouve en lotalité (prati- quement) sous forme de chaleur dans le circuit extérieur. Si réellement la totalité de l'énergie chimique se transforme en énergie électrique, le calorimètre ne doit éprouver aucun changement de température, ni élévation, ni diminution : en effet, grace au dispositif employé, l'énergie mise en liberté par les réactions chimiques qui se produi- sent dans le calorimètre, n'apparait sous la forme chaleur qu'à l'extérieur de ce calorimètre. En réalité, les choses ne se passent d’une manière aussi simple que dans un petit nombre d'éléments. La plupart du temps, on observe une élévation ou une diminution de la température du calorimètre; en d’autres termes, les éléments ou bien transfor- ment en énergie électrique une fraction seulement de l'énergie chimique, ou bien ‘produisent uné quantité d'énergie électrique supérieure à l’équiva- lent de l'énergie chimique. Dans ce dernier cas, c'est la chaleur empruntée au milieu ambiant qui fournit la différence, d'où le refroidissement du calorimètre. On s'explique aïnsi ce fait, qui parait d'abord paradoxal, que certains éléments ont un rendement qui atteint 100 °/, et même 120 °/,, si l'on prend comme unité l'énergie calorifique mise en jeu par le phénomène chimique. Il n'y a pas très longtemps que les recherches de Gibbs, de Braun, de Helmholtz ont permis d’éta- blir une relation entre l'énergie électrique, l'énergie #4 AE EAUT chimique et la variation GTR de la force électro- motrice de l'élément avec la température. En possession de deux de ces grandeurs, on peut calculer immédiatement la troisième. II Tout récemment, en s'appuyant sur des vues théoriques particulières, on a pu se représenter les phénomènes qui se passent dans les éléments de pile sous une forme beaucoup plus complète et très exacte. Celte représentalion repose sur la théorie de Van t'Hoff* et sur la théorie de la disso- ciation électrolytique d’Arrhénius?. D'après Van t’Hoff, les substances dissoutes dans les dissolu- tions étendues se comportent comme les gaz et 4 Voyez à ce sujet la Revue du 15 avril 1850, p. 193. 2 Voyez à ce sujet la Revue des 15 et 30 mai 1898. suivent des lois analogues : d’après Arrhénius, tous M les corps dont les dissolutions conduisent le cou- rant électrique sont dissociés en ions ou particules M chargées électriquement. Dans une dissolution de chlorure de sodium, par exemple, se trouvent les ions Na et CI à l’état libre. Comme encore aujour- d'hui beaucoup de personnes éprouvent quelque difficulté à se figurer ces particules électrisées et qu'on entend souvent demander quelle est l'ori- gine de ces charges électriques, je ne crois pas inutile de dire en quelques mots ma manière de voir sur ce sujet. Considérons du sodium métallique et de l’iode métallique, si l’on veut me permettre cette dernière expression : ils possèdent une certaine somme d'énergie chimique ou énergie interne. S'ils s’unis- « sent pour former de l'iodure de sodium, le déga- gement de chaleur qui accompagne cette réaction indique que de notables quantités d'énergie s'éli- minent. Le système [iodure de sodium] renferme donc moins d'énergie que le système {sodium métallique: +- iode métallique]. Mais il n'en renferme pas moins encore une cerlaine quantilé d'énergie, de la grandeur de laquelle nous n'avons aucune idée. Mettons l’iodure de sodium dans l’eau : une partie de cette énergie se transforme en énergie électri- que et nous trouvons là l’origine des charges élec- triques positives et négalives que possèdent les. ons. Les ions Na et CI se distinguent donc du sodium métallique Na et de l’iode métallique [ d’un côté: par la quantité d'énergie qu'ils renferment, laquelle est moindre dans le cas considéré, et, d'un autre côté, parce qu'ils possèdent cette énergie sous forme d'énergie électrique. On peut ramener facilement. les ions à l’état métallique, en faisant traverser la dissolulion, dans des conditions convenables, par un courant électrique. Dès que les ions ont récu- péré la quantité d'énergie nécessaire, la transfor- mation d'énergie électrique en énergie chimique à lieu et l'élément métallique se reconstitue et se dé- pose sur l’électrode. On peut se demander encore : Pourquoi cette transformation de l'énergie chimique en énergie électrique au moment de la dissolution, et comment des particules électrisées positivement et négative- ment peuvent-elles subsister côte à côte dans la dissolution sans s'unir pour former des particules à l’état neutre? La seule réponse possible à ces questions, c'est d'altribuer ces phénomènes à l’ac- tion propre du dissolvant, et c'est précisément en cela que consiste l'hypothèse de la dissociation électrolytique. La seule chose qui importe, c'est que cette hypothèse des ions soit utile au progrès de ; adnee 9e Æ“" MAX LE BLANC — LES IDÉES NOUVELLES SUR LA THÉORIE DES PILES 727 nos connaissances scientifiques. La réponse n'est | tif s'attirent, ou, en d'autres termes, il se produit pas douteuse : grâce à cette hypothèse, nous som- mes en mesure aujourd'hui de grouper systémati- quement quantité de faits jusqu'alors sans lien apparent entre eux : elle s'est toujours révélée comme un guide sûr vers les nouvelles décou- vertes. Aussi ne peut-on qualifier cette hypothèse que de très féconde : quiconque renonce à s'en servir se prive d'une vue d'ensemble que seule actuelle- ment elle peut lui donner. Dans ce qui va suivre, nous aurons lieu nous-même de nous convaincre de son ulilité. Imaginons que nous ayons dissous dans 1.000 litres d’eau une molécule, soit 58 gr. 35 de chlo- rure de sodium : nous aurons, à très peu près, + dans la dissolution, un ion Na (en grammes) et un ion CI (en grammes). Ces deux ions exercent en- semble une pression osmotique précisément égale à la pression qu'exerceraient deux molécules d’un gaz enfermées dans le même volume. On attribue, de plus, aux substances susceptibles de former des ions, notamment aux métaux, une {ension de disso- lution électrolytique. Cette dénomination a été suggérée par l'analogie qu'on peut établir entre le phénomène de la disso- ciation électrolytique et celui de la vaporisation. Un liquide (ou, d’ailleurs, tout autre corps) possède une certaine tendance à se transformer en vapeur ; cette tendance est une quantité mesurable, et le nombre qui l'exprime est la force élastique ou la tension de la vapeur du corps considéré. Pareille- ment, beaucoup de substances solubles possèdent la tendance à se décomposer, à se dissocier en ions, ce qu'on exprime en disant qu'ils possèdent une tension de dissociation électrolytique. C'est le rapport entre celte tension de dissociation et la pression osmotique que possède l'ion métallique correspondant dans la dissolution qui règle la dif- férence de potentiel se produisant au contact de l'électrode métallique et de l’électrolyte dans un élément de pile. Nous pouvons, dès lors, nous représenter le fonctionnement de l'élément de la facon suivante : Plongeons dans l'eau pure une lame de mélal; grâce à la tension de dissolution électrolytique, il va se produire quelques ions métalliques chargés positivement; en conséquence, le mélalse chargera négativement; car, dans toute apparition d'énergie électrique, les deux sortes d'électrisation doivent se produire simultänément en quantité équivalente. La dissolution acquiert une électrisation positive, le métal une électrisation négative; à la surface de contact prend naissance une couche double. Les ions positifs entrés en dissolution et le métal néga- entre eux une différence de potentiel. La tension de dissolution électrolytique tend à faire entrer un nombre d'ions de plus en plus grand dans la dissolution ; l'attraction électrostatique tend à empêcher cette dissolution, etil est évident que l'équilibre s’établira quand ces deux causes oppo- sées seront égales entre elles. Comme les charges liées aux ions sont très grandes, cet équivalent sera réalisé dès qu'une quantité imperceptible d'ions seront entrés en dissolution. Si nous avions affaire à de l’eau pure, la puissance de la couche double el la grandeur de la différence du potentiel ne dé- pendraient que de la tensionde dissolution. Mais, si nous plongeons un métal dans une dissolution d'un de ses sels, il existe, dès le début, des tons libres dans la liqueur. La pression osmotique qu'ils exercent s'oppose à l'entrée des ions de même espèce dans la dissolution, et il peut arriver, dans ce cas, que la pression osmotique de ces ions mé- talliques fasse équilibre à la tension de dissolution du métal. Alors celui-ci ne peut plus émettre de nouveaux tons, il ne prendra plus de charge élec- trique; bref, dans ces conditions, il n'apparaîtra plus de couche double ou de différence de poten- tiel. Peu importe la nature des ions négalifs : ils ne jouent aucun rôle. Si la pression osmotique des ions métalliques a une valeur différente de celle qui fait équi- libre à la tension de dissolution, nous avons deux cas à distinguer suivant qu'elle est supérieure ou inférieure à cette valeur. Si elle lui est supérieure, les ions se sépareront du métal et entreront dans la dissolution comme dans l’eau pure. A vrai dire, ils ne pourront se dissoudre en aussi grande quantité que dans l’eau pure, car la pression osmotique des ions déjà existants dans la dissolution contrarie la tension de dissolution. Si la pression osmotique est plus faible que la tension de dissolution, les ions métalliques se sépa- reront de la dissolulion et se déposeront à l’état de métal sur le métal lui-même en abandonnant à ce dernier leur électrisation positive. Le métal se charge donc positivement; la dissolution, qui, dans son état primitif, renfermait en nombre égal les ions positifs et négatifs, se charge négative- ment. Cette fois encore, il se forme une couche double, dont l'attraction contre-balance la pression osmo- tique d'abord prépondérante et s'ajoute à la tension de dissolulion. Le phénomène se poursuit jusqu'à ce que l'équilibre soit atteint. La quantité d'ions qui doit se déposer pour obtenir ce résultat est ici encore imperceplible ; la puissance de la couche double et la grandeur de l'attraction électrostatique qu'elle exerce dépendent de la pression osmotique 128 des ions métalliques qui existent dans la dissolution. En résumé, en désignant par P la tension de dissolution du métal, par p la pression osmotique des ions correspondants, nous aurons trois cas à distinguer : 1% Cas : P=p. Il y a équilibre; pas de couche double, pas de différence de potentiel; 2° Cas : P>p. Le mélal est électrisé négative- ment; la dissolution positivement : l'attraction électrostatique contrarie la tension de dissolution; 3° Cas : P? Le Report doune (1, p.72-5), sans crainte de divulguer un secret précieux, le nombre des wagons destinés au service militaire, ambulances, fourgons à chevaux, etc. # On fonde de grandes espérances sur Karachi, à condition que le tracé sur Delhi soit raccourci. Deux projets sont à l'étude. L'exécution de ce plan se butera à la jalousie de Bombay, qui perdrait la clientèle du Radjputana. On prétend qu'avec le tracé réduit, le gain serait de 1 shilling par quarter de blé exporté, et de 3 sh. 6 d. par balle de grey shirlings importée de Manchester. La fortune de Karachi a trouvé des champions exaltés. Sir Ch. Napier s'écriait : « Oh! Ka- rachi, that 1 might come again and see you in your glory, Empress of the East! » (F. C. Consragce: The isolation of | Karachi. An Imperial Mistake. Calcutla Review, vol. 102, & 4 A dé de (Me BERTRAND AUERBACH — LES CHEMINS DE FER DE L'INDOUSTAN IL. — LES RÉSEAUX DU GANGE ET DE LA PÉNINSULE. Les deux grands plans inclinés de l'Indus et du Gange se recoupent en un faite de partage à peine 1 [ee — tion de deux provinces naturelles et historiques. La vallée maitresse, que forment la Jamna et le Gange, s'abaisse en pente douce, el entre les af- fluents du Nord ne courent que de faibles renfle- 65e 70° 75 ie 30 85° Que» 7" : VE Me ME] = ————— _— IL PES ENCRES | about 9 CC IACHMIR x DJAMOUx*" SEA | Peshasvents QE: Srinagar Cou Cu I Be) LTÉE di di hs a+ / À EE | Le ne ADD). EN 4 us AFG QUEE PHieri . ù 00 ANISTAN = Go, nr ho — œ Ê D > >= XF 5 tthitéhot) es TS S a lsmtal-Ahan P S A K J FA 5 L.Tehargout (Y4] ÉA x : Val b | Th 8 | + SE RE hs JS < R Da 5 a LagamRhe à = | À faut à THuliirrnut. ES | | OUTCHISTAN: , sa} Amba E ( LA LTengriNor Dera-Chaxz- 077 10 la Æ D Dehoh Dun + == #7; KE ERIEE 9 Eee Lhassa © Ê + } Pi #7 1 x con Male | 1 Ca u 7 * rc db a | RON de (aug À BHOVTAN $ z Adrat ar Bari S FE 7 ; 7 Ë Ê ARE D MR Papur TS \ D ET at Salpaigurt à Ë Dre Vas aa GR =D ONES LT , ri PS Ë 1 : LP) Ti un otre HAZEL ô | Fat oe Lure LD png | 4 laide, mañhot Q | Marianur, À Tran 2 ur ÿ x T . ] 2 « < ] le A / OC N ER UE NN GC m7 : Harharbi = (22 "1 FPS urulux Jessor Jabber ne pi Es, lotpr'o a Kans Xghpur LUTTE . igabeu Bis, PROVINCES Bonduguda Sambabpur Æ | à + EN, Godavers gr À tore. 2 É = : = A \A B A D £ SE : Wara, D Ê - | : | —ÿ5 = — — =| E = = + = - —Æ B ZE à = ; f = =: ENG TS = AA = Pere ler =——= = rode Signes conventionnels É DUnbatore Fe Voie normale... — RE = = . Pet en CONS ÉPUCLION = 5 == (401 “ Æ = re NT Mere es. ps F = mor ” _ en construction ai = Timite d'Etat CRIE ASS ver LANE—= ” de Frovince Le 2-0 UT 70% AT 80° ; 85° Gravé par: l: Borremans, 11 rue StSulpice- Paris. Fig. 1. — Réseau des chemins de fer de l'Indoustan. saillant, mais dont l'axe, malgré ses oscillations et l'insignifiance du relief, coïncide avec la démarca- ments. C'est dans ce bassin empli d'une puissante couche d’alluvions, fertilisées par les eaux monta- Avril 4896, p. 46, sq.). Tout récemment, on a agité en Angle- terre le projet d'un railway de Calais à Karachi par Bakou, | le Transcaspien et l'Afghanistan; on évalue le tracé à | 7.400 kilomètres qui seraient franchis en une semaine ! 132 BERTRAND AUERBACH — LES CHEMINS DE FER DE L'INDOUSTAN gnardes ou par les ondées copieuses de la mousson humide, que les hommes se sont agglomérés, que les villes sont épanouies le long des fleuves sacrés. C'est donc là que les voies ferrées se multiplient et se croisent avec les canaux : le canevas est des plus compliqués'. Chacune des grandes villes, Delhi, Agra, Lucknow est un foyer d'irradiation. Depuis Cawnpore, la ligne principale, doublant la route du Grand Trunk, se rapproche du Gange, qu'elle côtoie depuis Allahabad, par Bénarès et Patna, puis s'en- fonce à travers le Bengale droit sur Calcutta. C'est sur celte métropole que converge tout le mouve- ment de la vallée du Gange, et celui du coin mon- tagneux du Haut Bengale aux riches plantations. Darjiling, où le railway grimpe jusqu'à 2.450 mètres au seuil du massif des Sikkins, est la tête de,ce trafic. Calcutta drainera aussi dans un avenir peu lointain le bassin du Brahmapoutre; déjà deux pe- tits tronçons ébauchés semblent s'appeler à tra- vers le Delta. On peut aujourd'hui évaluer le déve- loppement des rails, dans le domaine du Gange, à 9.000 kilomètres environ, sans les constructions projetées. . Par contraste avec la zone dont le plissement a bouleversé les traits primitifs, la péninsule propre- ment dite montre la physionomie d'un paysage très ancien et qui depuis longtemps a passé l'ère des agilations. Les saillies n'y sont plus que les témoins de plateaux tabulaires abrasés, découron- nés; tels les Aravalli, dont les rampes bornent à l'Est la région désertique; tels ces escarpements qui, sous le nom de Vindyah, de Kaimur, sur- plombent les fossés de la Narbaddah et de la Sone. À travers ces socles, dont le plus ample est celui du Décan, couvert d'un manteau de trapp, les rivières ont creusé des sillons larges aux berges molles, au profil régulier : ce sont des chemins tout tracés. Seule la côte occidentale est dominée par une arête, celle des Ghâts; encore cette falaise est-elle percée de brèches, dont la plus connue est celle de Palghat, entre les Nilgirri et le pâté des monts de Travancore. Quant aux Ghâts orientaux, ce sont les talus par où retombent les plateaux de Mysore, de Caddapah, etc., et que franchissent en quelques bonds les rivières. Le rôle des chemins de fer consiste ici à relier l'Inde péninsulaire avec les deux systèmes de l'In- dus et du Gange, et à réaliser, à travers le trian- gle qui s'effile de plus en plus, la jonction d’une côte à l’autre. Le problème se simplifie encore, parce que tous les réseaux ont, si l'on peut dire, un lieu géométrique commun, Bombay. 3ombay est la tête de deux grands groupes, l'un Le Constables Hand: Allas of India consacre trois cartes aux railways et canaux navigables (Planches 18-20). qui, à travers le Radjputana, plonge jusque dans le Pandjab et qui se déploie sur 4.500 kilomètres‘: l'autre, dont les branches croisent la péninsule et dont l'artère maitresse est le Great Indian Penin- sula. Au premier de ces systèmes s'annexe celui de la presqu'ile entre les golfes de Casch et de Cambay, région sucrière, parcourue par plus de 800 kilomètres de rails Le Great Indian Peninsula bifurque en deux sections, l'une du N.-E. sur Jab- balpur (990 kilom.), la seconde du S.-E. sur Rai- chur (660 kilom.). A Jabbalpur a lieu la soudure avec l’£ast Indian sur Allahabad (306 kilom.). À Raichur se raccorde la ligne de Madras, et à quelque distance au sud, Guntakal est le nœud de tous les systèmes méridionaux. La première de ces voies unit, à travers les monts Satpura, les vallées de la Tapti? et.de la Narbaddah; la seconde rejoint la Kistna; mais l’une et l’autre courent de préférence sur les hauteurs, au-dessus des aires d’inondations mal- saines et dangereuses pour les travaux d'art. Chose unique, le sillon de la Godavery, longtemps évité, va être longé par une voie de Manmad à Haiderabad par Aurengabad et Indor (626 kilom.), grace aux avances de fonds de sa Hautesse le Nizam. ; Entre les deux branches principales du Grea Indian Peninsula S'allonge une ligne d'une impor- tance capitale ; c’est celle qui, par Nagpur, rallie la grande voie du Bengale : c’est le lien entre Calcutta et Bombay (1.500 kilomètres). C'est par le rameau méridional du G. Z. P. que Bombay communique avec le midi et la côte de Coromandel. Le réseau méridional a pour génératrice la ligne transversale de Goa à Bezwada (pointe du delta de Kisina (850 kilomètres), sur laquelle se greffent au nord des tronçons verticaux qui desservent les districts cotonniers de l'Etat, de Haidérabad et la bordure interne des Ghâts entre Goa et Bombay. A cette génératrice du Southern-Mahratta fait pen- dant, plus au sud, la bande ferrée qui se protile par l’isthme, entre Calicut et Nagapatam; tout le canevas intermédiaire a pour chevet Madras. Ma- dras envoie, vers le N. O., sur Guntakal, un bras de 480 kilomètres; sur Calicut, au S. O., une ra- mure de 600 kilomètres, qui se prolonge jusqu'à Cannanore; au milieu de la fourche une section sur Bangalore et Maïssur. Madras est aussi la tête du South Indian, qui des- ‘ Ce chiffre est celui que donne, pour cet ensemble (Home system), le tableau de la carte du volume II du Report (No XIX). * La vallée de la Tapti sera prochainement côtoyée par une section de 260 kilomètres, reliant le Bombay Baroda au GMQP: BERTRAND AUERBACH — LES CHEMINS DE FER DE L'INDOUSTAN sert tous les havres de la côte : Pondichéry, Cud- dalore, Karikal et la pointe extrême de la pénin- sule : Trichinopoli, Madura, Tuticorin; la longueur du réseau dépasse 1.700 kilomètres. Mais la lisière littorale, au nord de Madras, est assez dépourvue. Entre Madras et Bezwada, la jonetion n'est pas faite; par conséquent le grand port du sud est isolé de Calcutta; mais l'union par rails sera dans peu de temps un fait accompli. Tels sont les linéaments, assez compliqués, du réseau ferré de l'Inde. On peut distinguer cepen- dant quelques groupes géographiques : celui de l'Indus et celui du Gange; un trait de jonction de la Jamna à Bombay suivant l'orientation générale des coupures Sône-Narbaddah; des artères direc- trices transversales, d’une horizontalité plus ou moins parfaite, Bombay-Calcutta par Nagpur; Bom- bay-Bezwada, Goa-Bezwada, Calicut-Nagapatam, toutes reliées entre elles par des chaînons verti- caux. Ce dessin se moule assez bien sur le relief sans s’y adapter servilement. Il n'a rien de géométrique. Ce serait, d'ailleurs, faire violence à la réalité que d'établir un ordre dans un complexe aussi désor- donné à tant de titres et dont l’incohérence est consacrée aujourd'hui — bien que déplorée — par l'administration de l'Inde. III. — HISTORIQUE DE LA CONSTRUCTION DES CHEMINS DE FER. Légendaire par ses richesses et sa fécondité, l'Inde resta misérable tant qu'elle manqua de routes. Le cultivateur ne savait comment écouler ses récoltes et vivait à la merci du courtier en grains. Pendant la saison des pluies, tout trafic était interrompu; par les beaux jours, les trans- ports se faisaient à dos d'animal, avec lenteur et à gros frais‘. Les voies fluviales elles-mêmes étaient mal aménagées et impraticables lors des crues. La Compagnie des Indes avait régi son Empire à la facon des princes indigènes, c'est-à-dire sans aucun souci des travaux publics; elle redoutait de faci- lilzr les communications entre ses sujets, toujours prêts à s'unir dans l'insurreclion. « La Compagnie considérait la construction d'une route ou d'un canal à peu près du même œil qu'une guerre, c'est-à-dire comme un mal inévitable, qu'il faut subir ?. » Et, de fait, c’étaient là des entreprises rui- neuses ; en 1836, la routede Calcuttaà Delhi, prolon- 1 Le transport du coton de la Narbaddah et de Nagpur à Mirzapur, sur le Gange, entre Allahabad et Bénarès (800 ki- lomètres) se faisait à dos de bœuf : chaque animal portant 460 livres et marchant 11 à 12 kilomètres par jour, le fret de la livre s'élevait ainsi à 2,pence et demi. 2 Srracaey : L'Inde. Trad. Harmand, 1892, p. 124. gée jusqu'à Peschawar, coûta 37 millions et demi de francs. En 1849, celle de Calcutta à Bombay, 15 mil- lions’. De 1835 à 1849, l'ouverture des routes absorba 86 millions de francs ?. Si les intérêts com- merciaux seuls avaient été en jeu, on se fût long- temps contenté de cet effort. Mais des révoltes écla- tèrent sur plusieurs points; on sentit la nécessité de porter rapidement des forces sur les lieux me- nacés et de relier les pays conquis au centre du gouvernement. Cette idée s'imposa particulière- ment à l'homme d'État qui, en celte période cri- tique, prit en mains les destinées de l'Inde. Le marquis de Dalhousie *, nommé vice-roi en 1847, poursuivit d’abord une politique de conquêtes et d'annexions; le Pandjab, le Sikkim, la Basse- Birmanie, Nagpur et Oudh furent maitrisés en peu dé temps (1848-1852). Les quartiers militaires essai- més à travers ces territoires ne pouvaient rester isolés et en l'air. Des chemins de fer seuls pou- vaient assurer la sécurité de ces postes dispersés et, du même coup, le prestige de la domination bri- tannique. Mais la pensée du marquis de Dalhousie dépassa d'emblée ce programme, exclusivement stratégique, trop étroit. A la tête du Board of Trade, en 1845, dans le ministère de Robert Peel, il avait présidé à l'œuvre des chemins de fer en Angleterre même, et s'était trouvé aux prises, dès le début, avec la Aailway Mania. apporta donc dans l'Inde des idées müûries par l'expérience. Partisan, dit-on, de l'exploitation des lignes fer- rées par l'Etat en Grande-Bretagne *, il nourrit pour l'Inde une autre conception. Le programme qu'il esquissa en 1853 s'inspirail, en quelque mesure, du système français; l'exécution des travaux devail être confiée à des Compagnies garanties, avec retour des lignes à l'État au bout de quatre-vingt- dix-neuf ans ?. Ce programme a été fort discuté 5. Mais il était alors, quoi qu'on en ait dit, le seul praticable. L'État ne pouvait assumer l'entreprise : les expé- ditions militaires qu'avaient nécessitées les derniers soulèvements, la réorganisation administrative qui ! Pour une longueur de 1.170 milles, environ 1.900 kilo- mètres, le prix kilométrique ressort à 80.000 francs. 2 Wicurau P. Axorew : Indian Raïlways as connected with British Empire in the East, 4° éd. avec carte. Londres, Allen, 1884, p. {1 et suiv. 3 Epwix ArxoLD : The marquis of Dalhousie's Administra- tion of British India, 2 vol., Londres, 1865. Waiccram Wizsox Hunter : The marquess of Dalhousie. (Collection des Rulers of India. Oxford, Clarendon Press, 1890.) 4 HuNTER, p. 21. 5 Tuornton : Indian Public Werks. Londres, Macmillan, 1815, p. 34. 5 Anprew : Ouv. cité, où sont reproduits plu-ieurs articles d'ancienne date, par exemple, p. 102 : Suggestions as to the mode of introducing the railway system into the India. L'auteur était président du Conseil d'administration de la Scind, Punjab and Delhi Railway Cv. 134 BERTRAND AUERBACH — LES CHEMINS DE FER DE L'INDOUSTAN s'imposait après le déplorable gouvernement de la Compagnie, absorbaient toutes les ressourees. Quant au crédit, il était impossible de le solliciter dans l’Inde même : les princes indigènes, posses- seurs d'immenses fortunes, les négociants Indous et Parsis avaient d'excellentes raisons de se défier d'une nouveauté qui devait être un instrument de domination et de concurrence au service de l’Etran- ger et du conquérant. C'est done à la seule Angle- terre qu'il fallait demander les capitaux. Mais ceux-ci allaient-ils s'aventurer sur un théâtre loin- tain, troublé, où la rémunération était douteuse ‘? Ils exigèrent un intérêt garanti. Le laux en fut fixé à 5°/,, chiffre plus que médiocre à cette époque et au regard des risques encourus ?. Mais, la Cour des Directeurs de la Compagnie sut compliquer le projet raisonnable et discret de lord Dalhousie, au point de rendre l'opération singulièrement allé- chante pour les actionnaires : ces messieurs avaient pour cela, soupçonna-l-on, des motifs qui les tou- chaient de près *. Les Compagnies de chemins de fer reçurent carte blanche pour leurs dépenses de premier établissement et un délai excessif pour la construction, sans parler du terrain qui fut gra- cieusement octroyé par L'État et qui fut, du coup, affecté d’une plus-value énorme. Ces «conventions scélérates » pesèrent sur les finances de l'Inde. Elles contenaient encore une clause désastreuse. Comme type normal de la voie, fut adopté d'emblée l'écartement de 5 pieds 6 pouces (1°,67), trop large pour le mouvement à prévoir et trop dispendieux pour les dimensions du matériel*. C'est dans ces conditions que les travaux furent inaugurés. A la fin de 1853, les 32 premiers kilo- mètres du Great Indian Peninsula étaient construits ; à la fin de l'année suivante, les rails s'allongeaient sur 53 kilomètres seulement; l'£ast Indian était 1 M. J. Chailley-Bert (Les travaux publics dans les colo- nies et l'intervention de l'Etat. Les chemins de fer de l'Inde anglaise. La Quinzaine Coloniale, 10 février 1899, p.65 et suiv.) tire argument de l'exemple de l'Inde britannique en faveur de sa thèse sur la nécessité de l'interveution de l'Etat, mé- tropolitain ou colonial. La comparaison avec l'histoire toute récente des chemins de fer de l'Indo-Chine est de mise et d'actualité (V. surtout le Rapport de M. de Lanessan, n° 489, annexe au procès-verbal de la séance de la Ch. des dép. du 8 déc. 1898, et le compte rendu de la séance du 15 déc). IL serait intéressant aussi d'exposer quelle a été la parti- cipation financière de la France à la construction des petites lignes qui desservent les territoires de Pondichéryet Kari- kal. On trouvera les origines de la question dans une étude de Ch. Ducos de la Haille : Chemin de fer de Pondichéry au Madras Railway. Paris, 186%. 2 Andrew, p. 132. A Calcutta, les banques payaient alors 6 0}, pour les dépôts à trois mois. 3 Ce régime de la « soi-disant initiative privée » compor- tait, en effet, le partage des bénéfices au-dessus d’un cer- tain taux (5 °/, du capital) entre actionnaires et amortisse- nent. À * Andrew loue le type large, bien plus favorable au confort des voyageurs. amorcé sur 60 kilomètres. Cette dernière ligne prit les devants : à la fin de 1857, elle avait posé 193 ki- lomètres de rails, le G. Z. P. n'en exploitait encore que 140. Après la grande insurrection, éclata aux yeux la nécessité de jeter, à travers l'Inde, un lien matériel entre les foyers de la puissance anglaise : de vastes espaces furent, en un clin d'œil, zébrés d'un ruban de fer; le G.Z. P. fit un bond de 170 ki- lomètres, et l'£ast Indian de 150 en une année. Puis, entrèrent en activité le Madras qui, de 4859 à 1861, poussa de l'avant de 320 kilomètres (152 en 1859, 476 en 1861); celte mème année 1861, s'ouvrent le Seind, Pandjab and Delhi (sur 171 kilo- mètres); le Bombay-Baroda and Central India (sur 240 kilomètres). Puis, peu à peu, trop lentement au gré des circonstances et des besoins, — guerre de Sécession qui provoque une recrudescence d'expor- tation cotonnière, famines qui exigeaient une prompte distribution de vivres pour inspirer aux populations, encore frémissantes de l'insurrection, le sentiment des bienfaits de la tutelle britannique, — le réseau s'agrandit, se lLissa par tout le territoire. Cette lenteur s'explique par les lourds sacrifices du Trésor. Outre que les Compagnies avaient recouru sans vergogne à ce complaisant banquier, il faut rappeler que la construction d'une voie ferrée en Indoustan est enlravée par une nature hostile : sous les ondées copieuses de la saison humide, le sol s'affaisse et se délite; les cours d’eau, dans leurs crises, emportent les travaux d'art; ouvriers et ingénieurs sont enleyés par les fièvres. C'est pourquoi, en 1869, lord Lawrence se décida pour la prise en charge des lignes nouvelles par l'Etat, par raison d'économie el aussi de politique : il im- portait, en effet, que le Gouvernement fûtle maître direct des voies qui traversaient les territoires des princes indigènes. On se résigna à ne pas faire grand; on ne construisit que des voies simples. Enfin, on réduisit, autant que possible, les sections neuves à la largeur de 3 pieds 3 pouces 3/8 (lisez: 1 mètre) et, parfois, à un module plus rétréci encore. Ce changement de type (break of qauge) fut une véritable calamité : il provoqua des transbor- dements longs et onéreux, des avaries, des dépré- dations ‘. Mais, les Indous sont gens patients et ‘ Andrew, p. 61, énumère les conséquences du break of gauge. Le transbordement expose les marchandises à se détériorer; par suite d'une averse en janvier 1811, l'East Indian a perdu 28.000 liv. st. En 1883, la Compagnie Oudh and Rohilkand a dù refuser du transport par suite d'encom- brement à la gare terminus de Howrah, à la jonction de l'East Indian : d'où, perte de 25.000 liv. st. D'autre part, il s'est organisé des bandes pour piller les marchandises accu- mulées et mal surveillées aux points de transbordement. On prétend aussi que la voie étroite est impropre au trans- port de la grosse artillerie, de la cavalerie, des balles de coton et de jute. G. FurnrwaLL : Railway Communications of India. (Journ. Manchester Geogr. Soc., VII, 1891, p. 216.) nest BERTRAND AUERBACH — LES CHEMINS DE FER DE L'INDOUSTAN 735 EE —— —"—— —"——— ] —]—]—]—] _ .. _ _ _ "_"—"— |" " " " " U "| | —”—”—"|—"—"—"—"——___— fatalistes. La première ligne d'un mètre (Radjpu- tana-Malwa) fut livrée au trafic en 1873; depuis celle date, au grand dam du service, les deux types ont progressé simultanément et se sont amalgamés {ant bien que mal”. A la fin de 1897 étaient exploités : REÉSTANT À ACHEVER Voie normale . 19.250 kiloro. 3.173 kilom. — delmètre. 13.330 AIDE étroite... 496 — 260% — 33.076 kilom., dont 1.900 à double voie *. L'Inde n'a donc que 8 à 9 mètres de rails au kilo- “mètre carré*. Les ingénieurs affirment que l'œuvre, au point de vue technique, est des plus honorables : “elle ne pouvait être menée à la légère en un pays où lestravaux humains sont menacés par des fléaux “destructeurs, pluies torrentielles, crues énormes, cyclones *. Toutefois, on juge avec raison que l'Inde est encore trop pauvre en chemins de fer. En sep- - tembre 1896, une conférence s’est réunie à Simla sous la présidence du vice-roi pour arrêter un programme systématique *. Actuellement, plus de 16.000 kilomètres sont à l’élude ou projetés, dont “quelques grandes artères à travers des régions * ingrates qu'on rêve de vivifier®. —. L'œuvre est loin d'être consommée. A-t-elle été féconde? Ce qui embarrasse les recherches, ici, c'est que l'élat civil des chemins de fer des Indes est un des plus compliqués que l'on connaisse. On “les classe ainsi : 1° lignes d'Etat exploitées par des Compagnies ; 2 lignes d'Etat exploitées par l'Etat; 32 lignes exploitées par les Compagnies avec ga- rantie d'intérêt (guaranteed C®); 4° lignes des Com- soi? 4 M. Ja carte du Report, vol. Ier. Sur le développement du réseau ferré de l'Inde, à la date de la modification du type de voie, on consultera E. pe VaLgezex : Les progrès matériels de l'Inde (Revue des Deux-Mondes, 15 février 1875), et la subs- tantielle étude de M. Vipaz pe LA BLacue : Les voies de communication de lInde. (Rev. scientifique, T avril et 1% juillet 1877.) 2 Ce chiffre est une moyenne, que la statistique établit entre les deux semestres ; il arrive souvent que la longueur des sections exploitées soit réduite pendant le second se- mestre par suite d'accidents. À la fin de 1898, le réseau exploité s est accru d'un millier de kilomètres. 5 La Belgique possède 200 mètres de voie ferrée par kilo- mètre carré; l'Angleterre, 109; la France, 78; mais la Russie d'Europe,1 mètres seulement. + Furniwall, p. 219. V. dans chacun des Reports le chapitre spécial consacré aux //ood-damages. E. W. Sroxey : Extra- ordinary floods in Southern India : their causes and des- tructive effects on Railway Works. P, I. Civil Engineers, vol. 134, p. 66-118, 1898. L'Admanistralion Report for 1891- 1898 (Part. 11, 60-69) donne un tableau des principaux ponts (61) et tunnels (43) avec détails et coût de la construction. 5 Report, 1896-1897, I, p. 6. 5 P. ex. une ligne de Jungshashi sur le delta de l'Indus à Wadhwan et Petlad sur le golfe de Cambay par la steppe bordière du Catch (plus de 600 kilom. standard); une ligne de Muttra (près d’Agra), à Nagda (près d'Indore) 570 kilom. standard); une autre de Raïpur à Vizagapatam, près des bouches de la Godveary, 480 kilom. standard, etc. pagnies subventionnées (assisted Ci); 5° lignes possédées par les Etals indigènes, mais exploilées par des Compagnies ; 6° lignes des Etats indigènes exploitées par uneadministration déléguée de l'Etat (State raihway agency); 7° tronçons possédés el exploités par un Etat indigène”. Outre ce slatul personnel, on groupe séparément, sous chaque rubrique, les sections à voie normale (s/andard gange), les seclions d'un mètre, les sections à voie étroite. I n'y à pas lieu d'insister ici sur les résullals financiers *. Indiquons seulement que les recettes ont suivi, sur tous les réseaux. de 1856 à 1896, une marche ascendante, malgré de rares dépres- sions. L'exploitation est-elle économique et fruc- lueuse ? Elle mange sur la plupart des lignes plus de la moitié des recettes‘: le rapport varie entre 31°/, sur l'Zast Indian à 94°/, sur l'Assam Bengal, livré depuis peu, il est vrai, à la circulation. Sans doute, les circonstances climatériques ne sont pas étrangères à ce taux. La voie d'un mètre coûte plus cher que la voie large. Si l’on se demande quelles lignes sont adminis- trées avec le plus de succès, celles de l'Etat, celles des Compagnies garanties, celles des Compagnies assistées, il faut comparer le rendement net par rapport au capital engagé, mais avec celle réserve que le mouvement des chemins de fer dans l'Inde se ressent par contre-coup des phénomènes phy- siques, si extrêmes, dont la péninsule estle théâtre. En général, le rendement net ressort, en regard du capital engagé, comme assez médiocre, si l'on considère le réseau dans son ensemble. Si lon entre dans le détail (tableau I), on constate que les lignes d'Etat exploitées par les Compagnies ont produit, dans l'exercice 1896, 6,87 °/, sur la voie large, 5,14 °/, sur celle d'un mètre. Ce chifire élevé n’est dû qu'à l’appoint de l'actif réseau de l'£ast Indian, qui donne 9,56 °/, (10,40 en 1897) et pour la voie d’un mêtre par le Xadjputana Malwu, qui donne 8,26 (7,29 en 1897). 1 V. Andrew, p. LXXVIIT, le contrat avec la premiére compagnie assistée Bengal-Central et avec la Southern Mahratta;: ces deux contrats sont de types très différents. Les contrats d'assistance offrent les clauses les plus variées. 2 V. le tableau détaillé des lignes suivant leur état civil au 31 mars 1895 dans l'Adm. Report for 1897-1898. Appen- dice D, p. CXXXI-CCLXIII, et suivant leur distribution géo- graphique. Appendice E. 8 Le calcul des dépenses de premier établissement serait des plus compliqués, car le taux de la régie a singulière- ment varié. On trouvera (Report, 1896, I, p. 98-100) un tableau instructif du coût par mille, d'après les types de voie el l'état civil des lignes. Mais pour donner aux chiffres, et sur- tout aux moyennes, leur véritable portée, il faut se souvenir que sur un territoire aussi vaste que l'Indoustan, les con- ditions d'établissement diffèrent d'une région à l’autre, et Les conditions d'exploitation d'une saison à l'autre, 4 Report, 1, p. 103 pour les exercices 1895-1816. 736 On ne saurait non plus discerner l'influence du type de voie sur le revenu net; d’après des moyen- nes — très générales — le revenu net de la voie Tableau I. — Rendement des diverses Compagnies de chemin de fer de l’Indoustan. RENDEMENT NET °/, du capital engagé en 1896. DÉSIGNATION des Lignes et des Compagnies. Standard! Mètre . Lignes d'Etat exploitées Compagnies : . Lignes d'Etat exploitées par l'Etat. - Compagnies garanties . . . . Compagnies assistées. ; /. Lignes des Etats indigènes . . par les normale par train-mille serait de roupies 2,23, celui de la voie d’un mètre de 1,56 ; les frais d'exploita- lion sur le premier type se montent à 47,17°/, des recettes brutes, sur le second à 50,56 (Exercice 1896) ! Pour les dividendes, point d'uniformité encore; sur trois réseaux qui se touchent, Æ£ast Indian, Midland et Bengal Nagpur, le premier rapporte, depuis 1892 jusqu'à 1896, de 9 à 10°/,; les deux autres oscillent autour de 2 à 3°/,. Mais cerlains chiffres permettent de voir où le mouvement est le plus intense, ou, pour mieux dire, le plus heureux: par exemple sur la ligne de Jodhpore, sur la section nord de l'£astern Bengal, sur le Radjputana- Malwa, etc. Nous nous dispenserons d’autres comparaisons, parce que l'interprétation risque d'être faussée; trop d'éléments sont impossibles à contrôler. Nous nous bornerons à indiquer le problème: les Com- pagnies administrent-elles mieux ou plus mal que l'Etat? On ne saurait invoquer les résultats del'Inde à l'appui de solutions que l'on préconise ailleurs. Ajoutons que la question des chemins de ferdel'Inde se complique de la crise du change, de la dépré- ciation de l'argent; c'est une lourde charge que la dette à servir en Angleterre. L'histoire financière des chemins de fer de l'Inde, si accidentée déjà, quoique vieille à peine d’un demi-siècle, n’est pas close, et jusqu'ici, il ne s’en dégage, à l'usage des Européens, aucune lecon pratique. ! Les chiffres pour 1896, dans le Report de 1897-1898 (II, p. 10) différent un peu, nous ne savons pour quelle cause. Les prix d'exploitation par rapport aux recettes brutes sont : 1896 1897 Standard." 00: 46,73 47,50 Meétre Re nice 49,86 50,92 Voie étroite... 154,55 60,19 BERTRAND AUERBACH — LES CHEMINS DE FER DE L'INDOUSTAN IV. — RÔLE ÉCONOMIQUE DES CHEMINS DE FER INDOUS. Les chemins de fer de l’Inde sont, au premier chef, les véhicules des matières premières desti-" nées à l'exportation, à un moindre degré les distri- buteurs d'articles étrangers : en période de famine, ils ont pour mission spéciale de porter des vivres sur les régions en souffrance; ils sont des agents de salut public. Le trafic subit le contre-coup immé- diat des fluctuations climatériques auxquelles sont soumises les cultures, et le choc en retour des mou- vements économiques sur les marchés lointains‘. De 1890 à 1896, le transport des céréales a singulière- ment oscillé, ainsi qu'il ressort du tableau suivant : NOMBRE DE TONNES TRANSPORTÉES ? (en millions) 1890 1891 1892 1893 1894 1895 18% GreatIndianPen. 313 544 388 319 161 . 131 1427 Bombay-Baroda. 40 215 140 49 60 107 54 North Western . 438 OT16 34% 385 543 581 2625 L'exportation s'est ressentie des besoins du dehors et du dedans; l’on remarquera, entre les chiffres du trafic et le taux de l'exportation, un cer- tain rapport : RAPPORT ©/o DE L'EXPORTATION ET DE LA PRODUCTION 1890 1891 1892 1894 1895 1896 2,31 1893 113 20,45 16,14 7,99 3,60 7,88 Survienne une sécheresse, elle provoque une baisse sur les lignes exportalrices de céréales ; sur les lignes pourvoyeuses, au contraire, une hausse. Ainsi, de 1895 à 1896, l'£'ast Indian, le North Wes- tern ont perdu de ce chef; l’?Zndian Midland et le Great Indian Peninsula ont gagné. Une répartition géographique rigoureuse du tra- fic de l'Inde exigerait une enquête aussi vaste que délicate. L'Administration a délimité un certain nombre de groupes ou de blocs, au nombre de seize : les quatre grands ports constituent indivi- duellement un bloc. Quelques-uns de ces blocs correspondent à une province politique, telle que le Maissur, le territoire du Nizam, ou l'Assam; la plu- part embrassentetles territoires britanniques et les territoires des États feudataires : ainsi en est-il du bloc de Madras, qui englobe, outre ce que l'on con- tinue à appeler la Présidence (à l'exclusion du port), le Coorg, les États indigènes et les établisse- ments français de l'Inde‘. # On pourrait citer, entre autres exemples, les variations. dans le commerce de sacs et toiles de jute, suivant les be- soins de l'industrie cotonnière des Etats-Unis ou de l'indus- trie lainière d'Australie. ? La tonne anglaise vaut 1.015 kilos. * Administration Report for 1896-1897, I, p.120. * Relurn showing the weighls and values of articles car- red by rail and river in British India during the year. BERTRAND AUERBACH — LES CHEMINS DE FER DE L'INDOUSTAN 731 Nous ne voulons pas étudier dans son ensemble A considérer le tonnage total des chemins de fer le commerce intérieur de l'Inde. Nous nous bornons | indiens — abstraction faite des combustibles con- à rechercher comment il se distribue par réseaux | sommés par les locomotives et qui ne sont rien : he” Le, sy , Signes conventionnels D O M AN le) Cdtre de ri. + .,... des cereales Îles Laquedives’ du coton x 7 L3 7 PRES 7 OUTCHISTAN:/ fs LA ONE) ba f HEpRe dou | HS re : | KE BHOUTAN NN | | uragrule NS À LS °”4f Ti | K ÿ, NY do Bouches (GRO LCELE Se 15° = = —, ETES 7 Seerp eee Trineapaurgites houllers en exploitation LS Bel Limite d'Etat. RS PR bn 7 de Province. 1702 75° 80° 85° Grave par F Borremans, 17 rue S! Sulpice. Paris. Fig. 2. — Rapports des chemins de fer avec les régions de grande cullure el les gîtes d'exploitation minitre. et quelles matières alimentent plus particulière- | moins qu'un fret productif — les céréales et grains ment chaque réseau. en prennent un quart. Les graines oléagineuses, Publication annuelle, dont le volume pour 1892-1893 contient | Trade carried by rail and river in India. Le grand défaut une carte des blocs. Ce document s'est amplifié dans ces | de ce document est de ne pas distinguer le trafic des voies dernières années et s'intitule actuellement : Accounts of the | ferrées et celui des voies navigables. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, 19* 738 le jute, le coton brut ou manufacturé, un autre quart; ces quatre où cinq articles accaparent la moitié au moins du trafie, réparti sous trente-deux rubriques. Le gros fret est fourni par les céréales; mais la direction et l'intensité changent avec les besoins locaux. Ainsi, en 1896-1867, les provinces du North Westont dû être secourues : le Bengale etle Pandjab leur ont expédié de forts approvisionnements de blé. Sur quelques sections, ce transport donne la prin- cipale recette. On nous dispensera d'aligner des chiffres. Cet article est si commun que, malgré son importance, il perd de son intérêt. Le trafie du coton est commandé par Bombay : de tous les centres producteurs, la matière pre- mière y converge. De 1890 à 1895, 9 à 11 millions d’acres ont été plantés en coton. Le Bérar et la province de Bombay comprennent la plus grande étendue de cotton ground cultivée, de 2 à 3 millions d'acres. Dans les provinces de Madras et du North West, la surface cotonnière dépasse 1.200 mille acres, et par années, alteint 1.700 mille. Les grands transporteurs sont le &. /. P. et le Bombay Ba- roda, dont les wagons chargent plus de balles de coton que de houille; le Æadjputana Malwa écoule la récolte du North West; le Southern Mahratta celle de la province de Madras. Comme récepteur du coton, Bombay éclipse Calcutta et Karachi. Le coton brut est ouvré dans les ports, converti en filés ou pièces de cotonnade. Les provinces du North West sont aussi manufacturières et expor- lent des indiennes. Comme de juste, l'Æast Indian, qui dessert la région la plus densément peuplée de l'Inde, tient la tête pour le chiffre du tonnage : il fait l'office de distributeur. Le Æ#adjputana Malwa déploie son activité comme expéditeur. Le jute a pour patrie le Bengale, où il prospère sur 2.200.000 acres; c'est dans ce pays qu'il est traité: la matière brute, aussi bien que les sacs et toiles (gunny bags and eloths), se dirigent sur Cal- cutta. Ilen a circulé 23 millions et demi de maunds"* en 1896-1897 (870.000 tonnes de 1.000 kilos). Le réseau de l'£astern Bengal en a accaparé 520.000, l'£ast Indian une centaine de mille, et le Bengal Central plus de 50.000. Entre autres produits naturels, le thé ne tardera pas à actionner le trafic des tronçons qui ont péné- tré dans les pays de plantations, c’est-à-dire l'As- sam avec les districts de Cachar et Sylhet et le Ben- gal : en dix ans, de 1885 à 1895, la surface cultivée en thé s'est accrue de 284.000 acres à 422.000, et la production de 32 millions à 61 millions de kilos. Cependant, à ce point de vue, la statistique du trafic et des voies ferrées réserve des surprises. En 1 Le maund vaut un peu plus de 37 kilos. BERTRAND AUERBACH — LES CHEMINS DE FER DE L’INDOUSTAN 1895, le système de l’Assam Bengal a transporté en tout une tonne; en 1896, 26 tonnes de thé: : l'Eastern Bengal en a véhiculé environ 40.000 vers. Calcutta, etle Bombay-Baroda à peu près la même quantité sur Bombay. Sans entrer dans d’autres détails, on peut se rendre compte que certains réseaux se sont consa- crés à une spécialité prédominante (paddy, coton, jute, thé) : c’est là le trait le plus original des che- mins de fer indiens. Parmi les produits minéraux, il en est trois d’um intérêt plus particulier : un comestible, le sel, et deux combustibles, le charbon et le pétrole. Le sel se tire de lieux de production divers : lacs salés de l'intérieur, mines, marais salants. Les. lacs les plus renommés sont silués dans le pays de Radjputana au pied des Aravalli, à la bordure du steppe : c'est le Sambhar, long d'une trentaine de kilomètres, large de 3 à 11; ce sont les cuvettes du Pachpadra (Etat de Jodhpur). Le sel gemme est exploité surtout dans le Bengale, le long du Salt Range, entre Jhelam et Indus. Les salines mari- times bordent le Rann de Catch et la côte de Coro- mandel, vers Madras. La quantité de sel indigène extraite varie suivant l’état climatérique : de 1892 à 1896, entre 800.000 et plus de 1.200.000 (onnes; les fortes pluies tombées sur le Sambhar réduisent singulièrement la production; en 1892, celle-cis'est abaissée à 32.000 tonnes, elle a sauté à 277.000 en 1894, après une sécheresse efficace. Les salines du littoral sont affectées par le même phénomène. Le trafic local du sel sur chemins de fer et voies navigables — à l'exclusion de celui qui a pour ori- gine les ports — ressort à 250.000 ou 300.000 ton- nes : les grands foyers sont la province de Bombay et le Radjputana. Le gros mouvement se dénonce sur les réseaux /adjputana Malwa et Bombay Ba- roda. Le sel importé de l'étranger est distribué par Calcutta. Le système des voies ferrées de l'Inde eût été condamné à l'atrophie si cette terre, jadis fameuse pour ses pierres rares, ne recélait un trésor plus précieux encore : la houille. La houille se rencontre un peu partout et dans des séries géologiques diverses, sauf celles de la période carbonifère, dans la plaine indo-gangétique aussi bien que dans la Péninsule. Cependant le Bengale tient la têle par le nombre des mines exploitées et le rendement. En 1878, les houillères indiennes livraient 4 mil- lion de tonnes; en 1896, 3.848.000 tonnes, dont 3.037.000 sont la part du Bengale; c'est le territoire: du Nizam qui vient en seconde ligne avec 260.000 à 300.000 tonnes, longo sed proximus intervallo; cette. région, exploitée depuis une dizaine d'années seu- lement, est pleine de promesses. Les réseaux indiens peuvent se déployer sans. # € | 3 BERTRAND: AUERBACH — LES CHEMINS DE FER DE L'INDOUSTAN 139 redouter l'indigence. Ils ont, en 1896, consommé 1.280.000 tonnes, quantité bien inférieure au ren- dement total; encore ces 1.280.000 lonnes ne sont pas toutes de provenance indoue, 106.000 sont de source anglaise. Il est naturel que les ports ou les lieux placés loin des centres d'extraction consom- ment le charbon d'Angleterre apporté à peu de frais par les navires: cependant le charbon indou évince peu à peu l'anglais. Les chemins de fer ont eux-mêmes acquis el mis en œuvre des houillères. L'£as! Indian possède les gites de Karharbari et Serampur (Bengale) !, d'où il tire près de 500.000 tonnes el où il emploie un personnel de 5.800 travailleurs; tout n'est pas consommé par ses machines; un fort contingent est vendu au publie. Les chemins de fer de l'Assam ont trois gites qui leur ont fourni 176.000 tonnes en 4896. Certains réseaux sont intéressés dans des entreprises minières auxquelles ils assurent leur clientèle : ainsi le Vorth Western State est le com- mandilaire de plusieurs bassins, eutre autres ceux de Khost et Sharigh, en Béloutchistan, d’une valeur encore précaire. L'Etat lui-même est grand propriétaire de mines : celles de Warora (au sud de Nagpur) dont la teneur est estimée à 1.700 millions de tonnes; celles d'Uma- ria ( Prov. Centrale) où s’approvisionnent le Great Indian Peninsula, l'Indian Midland, le Bengal Napgur ?. Un des champs les plus considérables est celui de Singareni (Haiderabad), où puisent sept systèmes de voies ferrées ; le charbon de Singaroni, dès que les travaux commencés seront étendus, envahira le marché de Bombay et mettra en péril le charbon britannique. Les différentes sections d’un réseau s'alimentent à des centres différents, méthode à la fois écono- mique et rapide. Ainsi le North Western, pour les transports militaires du Beloutchistan, use de la houille ; mais entre Kotri et le port de Karachi, il sollicite la houille ou la briquette anglaise. Le Great Indian Pen. consomme 8 sortes, dont 2 étrangères, anglaise et japonaise; la première est de beaucoup le plus haut cotée, 17 roupies (18 f1. 56), au port de Bombay; la japonaise revient de 13 à 15 roupies; les indigènes (sauf celles qui sont transportées par mer du Bengale, et dont le prix flotte de 13 à 15 roupies) sont d'un prix beaucoup plus bas, 4 à 6 roupies ?, On comprend qu'avec ces ressources à peine entamées, l'industrie des chemins de fer, sans parler des autres, n'héSite pas à se déployer, et 1 Review of mineral production in India for 1896, p. 11. ? Report, 1, p. 49. Cf. Review, p. 11. # V. Tableau Report, I, p. 182 où sont relevées les lon- gueurs des sections sur lesquelles les différentes sortes de charbon sont employées. qu'il s'élabore des programmes de constructions vastes et ambitieuses. Certains réseaux de l'Inde trouveront un com- bustible autre que la houille, le pétrole. Deux pro- renferment des nappes de ce précieux liquide: la Birmanie, dont la production atteint déjà environ 68 millions de litres, et l'Assam, avec les vinces bassins de Makum et de Digboiïen pleine extension. La stalistique ne signale encore qu'un emploi insi- gnifiant du pétrole comme aliment des maehines (14 tonnes sur le North Western), mais c'est une ressource d'avenir ‘. V. — TARIFS ET MOUVEMENT DES VOYAGEURS. Les Hindous sont de grands migrateurs, malgré leur attachement pieux au sol natal. Sans parler des expatriations définitives d'une province dans une autre, sur lesquelles les recensements fournissent de curieux détails ?, des déplacements en masse se produisent dont profitent les chemins de fer. Des raisons climatériques, économiques, religieuses commandent ces mouvements. La première pousse à l'exode des populations qui vont chercher ailleurs subsistance el travail; les industries qui éclosent attirent des ouvriers qui, après une saison passée à l'atelier, retournent aux champs; les construc- tions de chemin de fer ou autres travaux publics provoquent un afflux de coolies; enfin les pèleri- nages périodiques, les fêtes du culle*?, les marriage parties, sont autant de causes de mobilisation. Le nombre des voyageurs s’est enflé énormément de- puis quinze ou vingt ans. En 1880, il ressorlait à 48 millions; cinq ans après, à 80 millions, et de 18835 à 1896, en dix ans, ila simplement doublé. Ce qui montre bien que le chemin de fer n’est pas réservé aux Européens ou aux gens de distine- tion, c'est la progression des voyageurs par classes : la 3° accapare 97,36 °/, (en 1896); la seconde 2,25; { Il faut signaler aussi l'emploi du bois comme combus- tible ; les contreforts de l'Himalaya, les Ghats de l’ouest, les crêtes du plateau central vers la dépression du Gange sont couverts de forêts. Aussi les locomotives brülent par an plus de 300.000 tonnes de bois, dans les sections qui traversent ou frôlent ces régions forestières ; ainsi le North Western, sur toute la ligne de l'Indus en amont de Kotri et jusqu'à Lahore, a consommé 99.000 tonnes de bois provenant du Pandjab et du Sind, contre 150.000 de houille; le Madras a brûlé 83.000 tonnes de bois et seulement 64.000 de houille ; le Southern Mahratla, le South Indian sont en bonne par- tieencoreapprovisionnés par les Ghats. (Report, 1, p.118,$14.) 2 V. surtout Report on the Census of British India taken on the 17% February 1881, vol. I, chap. vs, p. 217 et suiv., à comparer avec le General Report de 1891, p.68 et suiv. # L'éclipse de lune de mars 1896 a influé sur les recettes du Bengal Central (Report, 1, p. 126). L'East Indian (p.121), le Jodhpore-Bikaner Railway (p.135) signalent l'accroissement de leur trafic grâce aux marriage parties et aux péleri- nages, etc. V. Les chemins de fer et les pèlerinages hindous (A travers le Monde, 21 mai 1899). 740 BERTRAND AUERBACH — LES CHEMINS DE FER DE L'INDOUSTAN la première, 0,39. La distance moyenne parcourue | 13 millions. Mais, pour le nombre des voyageurs par chaque voyageur de 3° classe est d’une soixan- | kilométriques, l'£ast Indian l'emporte sur les taine de kilomètres seulement. autres réseaux (1.121.613.000); le Vorth Western, KRACHMIR Er F) |" VALOUrCHIsTaN EVT7r = NNIQEE + C3 *L d a - pi c K (1/22 rap e Es E .. £, ; RLNNS K Z RS \ EÈ Signes conventionnels #00habitants et plus au mille carré 3a#00Zcbitants aurmille carré. PRE 22500..n "p 1200... ORAOO EN EE CREME ON E Linie déFtati.- "1 <2 de Province... Gravé par Porremnans, 11 rue st Sulpice _ Fe Fig. 3. — Rapports du réseau ferré avec la densilé de la population. ES Comme de juste, les plus grands réseaux sontles | au second rang, ne donne que 760 millions et le plus fréquentés; le Great Indian Peninsula et | Great Indian Peninsula moins de 700 millions. l'£ast Indian qui, en 1896, ont transporté chacun Quelques réseaux ou sections! paraissent consa- plus de 17 millions de personnes; puis le Bombay Baroda, plus de 16 millions, et le South Indian, ! Report I. Tableau n° 30, p. 154 et suiv. R. LEZÉ — ÉMULSIONS ET CRISTAUX crés plutôt à la circulation des voyageurs qu'au trafic des marchandises. Les plus petits troncons classés n'ont qu'un mouvement commercial insignifiant !. Même le Zengal Central perçoit 65 °/, du transport humain et 35 °/, seulement du trafic des marchan- dises ; le South Indian 54°, du premier chef contre 46 du second. Il semble, d’après la moyenne, que les voies d'un mètre soient parcourues par plus de voyageurs — relativement — que les voies nor- males ; ici les routes ne représentent pas 35 °/, de l'ensemble ; là elles montent à environ 44 °/.. Si l'Indou voyage aisément pour affaires tem- porelles ou spirituelles, c'est que les tarifs sont bas; la dernière classe se paye 2 ou 3 pies par mille; l’avant-dernière ou intermédiaire, 3 ou À pies ?. La tarification n’est pas uniforme, surtout dans les classes supérieures; elle varie de 12 à 18 pies, au mille, et, comme de juste, sur les sec- tions les plus coûteuses, telles que les chemins de fer de montagne, le taux s'élève; le parcours sur le Durjeclinç-Himalayan se chiffre à 72 pies au mille. Pour drainer la matière transportable, les compa- gnies ou administrations consentent à des réduc- tionsincessantes,quis'imposententempsde famine. - | = = VI. — ConcLUSIONS. Le chemin de fer est, à tous les titres, un instru- ment de vie. Son rôle dans l’Indoustan est moral autant que matériel. Il mêle les classes sociales; confond, dans une implacable promiscuité, les castes que la religion sépare; le brahmine, en wa- gon, s'habitue à la contamination d'êtres moins purs et subit la notion de l'égalité. De fait, les groupes, longtemps étrangers entre eux, se rap- prochent d'un bout du monde indou à l’autre, se pénètrent. « Les chemins de fer, s'écrie un histo- rien de lord Dalhousie, feront pour l'Inde ce que les dynasties n'ont jamais fait, ce que le génie d'Akhbar le Magnifique n'a pu réaliser par son gouvernement, ni la cruauté de Tippou-Sahib par violence. Les chemins de fer feront de l’Inde une nation ! ». Cette très vieille société se transforme, à l'heure présente, en un jeune peuple. Et en consi- dérant leur œuvre, les Anglais prononceront bien- tôt peut-être le sic vos non vobis ?. Bertrand Auerbach, Professeur de Géographie à l'Université de Nancy. ÉMULSIONS ET CRISTAUX Une émulsion est constituée par un corps ambiant dans lequel sont uniformément réparties de très petites particules d'un autre corps, non soluble dans le milieu. En général, on restreint quelque peu cette défi- nition : on admet que le corps émulsionné est liquide, ou à été liquide au moment de l’émulsion, de sorte que les particules sont sphériques. Parlons de cette définition et étudions les con- ditions d'existence de cet ensemble complexe : une multitude de petites sphères dans un milieu enveloppant. Une des constantes caractéristiques de cette émulsion est le rapport du volume du corps divisé en sphérules au volume total. Lorsque l’on considère l'émulsion limite, com- posée de particules sphériques tangentes entre elles, laissant le moins de vide possible, on peut se pro- poser de rechercher s'il n'existe pas un rapport limite des pleins au volume total, rapport qui appa- raitrait lorsqu'un vase de forme quelconque serait rempli d'un nombre considérable de petites billes 1 RECETTES DES VOYAGEURS Dares 92 0/, du trafic total. Deoshure es... 2.871006 2 1 pie — 0 d.083 — 0 fr. 0087. aussi rapprochées que possible les unes des autres. Or, si l’on calcule le rapport cherché dans le cas d'une pile de boulets à base triangulaire ou à base carrée, d'un cube rempli de boulets, et en sup- posant que le nombre de boulets très petits soit énorme, on trouve dans tous les cas et toujours que 5] A . le rapporte limite égale x 4 EnwiIx ARNoLD : Ouvr. cilé. ? Est-ce pour ce motif que l'on a si parcimonieusement abandonné aux Etats indigènes la propriété et l'exploitation de leurs chemins de fer? La plupart des voies qui traver- sent ces Etats appartiennent aux Compagnies ou à l'Etat. (Table ofrailways constructed in, or traversing native states. Adm. Report, 1897-8, II, Appendice F.) Les réseaux possédés et exploités par les feudataires — réseaux à voie étroite — se déploient dans la principauté de Morvi, sur 150 kilomètres; dans celle de Gwalior, sur 120 à peu près. Les princes ne sont maitres que nomivalement de quelques lignes dont la longueur totale ne dépasse pas 300 kilomètres (The Gaekwar, Däbhoi, Rajpipla, Rewa, Cooch Behar). Il semble que le gouvernement écarte de parti pris, de ces territoires jalou- sement gardés, les initiatives trop vivifiantes. (Enw. Dicev: Raïlways in Native states. Nineleenth Century, 1892, XXXII, p- 7152-62.) C’est ainsi qu'on hésite à jeter des rails dans le Kachmir, dont le Maharadjah et le peuple appellent le chemin de fer : les trains de Wazirabad et de Jammeu s'arrêtent net à la frontière ; outre que le Kachmir abonde en ressources minérales et en territoires fertiles, ce tracé est d'intérêt stra- tégique, car, au bout de cette voie, c'est le Thibet qui s’en- tr'ouvre. (Dircomaricus : The Kashmir Railway, in Asiaf. Quarterly Rev., Avril 1891, p. 2175-82.) 742 R. LEZÉ — ÉMULSIONS ET CRISTAUX Proposons-nous de chercher ce rapport dans le cas où l'on voudrait remplir de très petites billes, avec le moins de vides possibles, un vase de forme cubique à parois légèrement déformables. Nous pouvons admettre deux modes différents de rem- pliss age, ou d'arrangement. On va, par exemple, ranger les billes en files parallèles de x billes, deux de lignes droiles orthogonales, puis étaler sur ce fond une deuxième rangée horizontale dans les vides. On forme ainsi des files parallèles aux premières, dans un plan horizontal, dont la distance au premier égale 9y Ve = D de n°, peut suivre chacun de ces plans, rentrant sur le précédent suivant certaines lignes, le dépassant suivant d’autres, de sorte qu'en somme on à un cube gaufré. Désignons par n' le nombre desbilles en hauteur dans le cube ; on a : les centres formant systèmes un 3° plan de billes, toujours au nombre RN 2 rraidot en n\2 Le nombre total des billes est : n° X n ÿ2— n° V2. A DRE Leur volume est : n°12. gt. Le volume du cube est 8n%r°. Le quotient, rapport cherché — NL 72 34/9. 773 (+ 2 n DUT rene CAUICE Ce 7 Ÿ 3 Sn'r 6 Prenons une autre disposilion possible : une rangée de » billes, puis une autre rangée parallèle, mais dont les billes sont logées dans les vides de la première; une autre rangée reproduisant la première En verticale, une rangée de » billes dans les premiers interslices les billes élant tangentes à trois billes horizontales, ele. : etc: ire rangée n billes. : : : ; 2n 2e rangée perpendiculaire en plan. . . . . . nl ——. V5 c £ 4 on 3e rangée en hauteur . ET a OP CR MR TL à 23 ven NON nn bemombretotal nn EM EE VE va V2V3 Leur volume Le volume du cube . 1/9 DEPApDOTI PR ER CEE —=7rV*. Si l’on avance un peu plus et que l’on recherche la structure moléculaire de ces édifices, il est facile de s’apercevoir que, dans ces deux derniers cas, qui résument toutes les combinaisons pos- sibles, une bille quelconque est entourée de douze billes tangentes géométriquement réparties. Il existe : Quatre groupes de trois billes ; Ou bien, trois groupes de quatre billes ; Ou, enfin, quatre systèmes de six billes avec une bille commune à deux systèmes: Il y a donc dans l’ensemble : Trois axes quaternaires; Quatre axes ternaires; Et si, dans les deux cas, on mène les plans tan- gents aux douze sphères aux points de contact, ces plans découpent dans l’espace un polyèdre qui est le dodécaèdre rhomboïdal. Ce solide peut être construit de la manière suivante : Du centre d’un cube, on mène des arêtes aux huit sommets, on découpe le cube en six pyra- mides identiques, el si, maintenant, l'on retourne chacune de ces six pyramides sur la face corres- pondante, si l'on construit sa symétrique, on forme précisément le dodécaèdre cherché, dont le volume est, d'après la construction même, égal au double du volume primitif. Soit a l'arête du cube généra- teur; le volume du dodécaèdre est 2 a. La sphère inscrite est tangente aux arêtes; son rayon est a V2 4 9/2 5; son volume 370 = mo rapportau polyè- LON ET V2 dre enveloppant est: gra oem Il est bien facile de pt. que toul l'espace peut être subdivisé, sans vides, en dodécaèdres rhomboïdaux juxtaposés, de sorte que, d’après celle construction, on retrouve le rapport-limite o me pour les pleins au volume enveloppant. Ces résultats évoquent l'idée d’une cristallisation avec cohésion maxima; il y à un rapprochement curieux à établir entre cet arrangement de molé- cules sphériques tangentes avec le minimum de vides et la cristallisation de corps tels que le dia- mant, les grenats, etc. Dans le carbone, on semble entrevoir quelque rapprochement entre l’atomicilé de 4 et le dodé- caèdre du diamant, l'hexagone du graphite; dans les grenats, la formule trahit cette structure de dodécaèdre : R?, R°, Si’, O!? R' étant un radical comme l’Aluminium ou F Fer: On remarque, dans celte hypothèse de la cohé- sion maxima, l'apparition du prisme hexagonal avec deux pointements qui ne sont pas identiques ; d'où tendance à l'hémiédrie, aux stries dans les cristaux (Quartz). Ces stries doivent peut-être se retrouver parfois dans la cristallisation en cube; et, en effet, elles sont fréquentes dans les pyrites. Enfin, cetle structure si intéressante de dodé- caèdre nous fait soupçonner l'existence de certains plans de cohésion minima, la tendance à des cli- vages, celui de l’octaèdre entre autres, si net et si facile dans la fluorine. R. Lezé, Professeur à l'Ecole Nationale d'Agriculture de Grignon. CE ou Liu te Les AA bee CR <> « L'entéralgie peut revêtir deux formes D: ED. SPALIKOWSKI — LES DIARRHÉES GOUTTEUSES 743 LES DIARRHÉES GOUTTEUSES Les‘manifestations de la goutte sont loin d'être Suffisamment connues, el si certaines d’entre elles ont attiré l'attention des cliniciens, en revanche les diarrhées goutteuses sont passées à peu près ina- perçues. Ayant eu précisément l'occasion d'étudier de près ces dernières chez trois sujets arthritiques, j'ai résolu de pousser mes recherches en ce sens, et j'ai pu être assez heureux pour en noter les moin- dres particularités symptomalologiques. Parmi les travaux publiés jusqu'à ce jour sur la goutte, un seul mentionne nettement ce symptôme. Voici, en effet, ce qu'en dit M. Létienne dans le cha- pitre « Goutte » du Manuel de Médecine, publié sous la direction de MM. G.-M. Debove et Ch. Achard : : se mani- fester par des coliques spasmodiques très violentes, parfois avec rétraction du ventre, plus souvent avec météorisme abdominal, ou bien constituer une en- térite vraie avec diarrhée dysentériforme®. » C'est exclusivement de cette dernière que je vais m'occuper ici. Il _ L'étiologie est des plus simples: il suffit d'être arthritique pour être atteint. Je n'ai donc pas à m'étendre sur les signes qui révèlent un tempéra- ment arthritique : l'hérédité, bien entendu, doit en- ter en ligne de compte ; les migraines, les épis- taxis, les éruptions eczémateuses, les hémorroïdes, . la dyspepsie sont autant de signes précurseurs. . J'airemarqué, de plus, chezles sujets étudiés, que tous étaient des nerveux, et j'ai tiré de là certaines “conclusions fort intéressantes pour la pathogénie, sur laquelle je reviendrai tout à l'heure. L'âge ne joue aucun rôle, pas plus que le sexe; mes trois sujets comprenaient deux hommes et une femme, les deux premiers de vingt-quatre et trente deux ans, la dernière de soixante-quatorze ans. Les saisons, au contraire, doivent exercer une légère influence sur l'apparition des symptômes, puisque c’est habituellement à l'automne et au printemps qu'ils se sont manifestés. Le climat humide prédispose également. Il n’est pas nécessaire d'avoir ressenti aupara- vant l'accès de goutte aiguë, pour voir l’entérite survenir. La véritable cause immédiate de la diar- rhée goutteuse est la fatique et le surmenage. Ceci est indiscutable. Toutes les crises, si je puis me ser- vir de celle expression, sont déterminées par une surexcilalion musculaire trop intense, par des sou- is moraux ou des travaux intellectuels prolongés. 1 Tome VII. Maladies générales loxiques et dyscrasiques. Paris, 1897, p. 541, J'avais longtemps pensé que l'alimentation pou- vait avoir quelque action sur la genèse de la diar- rhée, J'ai donc soumis un sujet à des repas d'é- preuve composés exclusivement d'œufs, d'eau rougie, de bière légère ou de viande crue; tout cela a été impuissant à éviter la diarrhée, le sujet s'étant surmené ce jour-là. Je considère donc la fatigue comme le seul facteur de cette débâcle intestinale. La pathogénie est assez intéressante à étudier de près, par ce fait que je n'ai observé l’entérite que sur des sujets nerveux. Celà confirmerait à mer- veille la théorie attribuant la goutte à l’épuise- ment de l'énergie nerveuse, théorie défendue par Braun, Copland et Cullen. On sait que, tout récem- ment, en 1880 et 1892, sir Dyce Duckworth sou- tenait que la goutte se rattache à une maladie nerveuse!, et je suis d'avis d'admettre, dans le cas qui nous intéresse, que les lésions porteraient sur les nerfs viscéraux influençant la sécrétion. IT Les symptômes sont toujours les mêmes et appa- raissent dans l'ordre suivant : quelques heures avant d'être atteint, le malade sent sa crise venir ; il se montre inquiet et triste, car il sait quelles souffrances l’attendent. Cette crise se produit fou- jours la nuit. Le malade se couche avec la quasi- certitude qu'il se réveillera au bout de peu de temps. En effet, il éprouve bientôt un impérieux besoin de déféquer. Quand l'attaque de goutte est violente, le patient compte jusqu'à onze ou quinze selles par nuit, chaque fois accompagnées de vio- lentes coliques, de ténesme douloureux au point d'arracher parfois des cris. Le pouls est petit, une sueur profuse couvre le visage du malade, la température axillaire peut monter jusqu'à 38°9; lorsque le patientse recouche, un refroidissement général se produit, mais le ré- chauffement s'opère, de courte durée il est vrai, puisque, au bout d'une demi-heure environ, le ma- lade doit se relever pour une nouvelle selle. La nature des excreta varie en l’espace de quel- ques heures. Au début ils sont assez durs, puis ils se ramollissent, et finalement c’est une véritable lientérie. Abondantes au commencement de la nuit, les selles sont minimes vers le matin. Quand vient l'aurore, une légère amélioration se manifeste, le patient se lève plus rarement et peut même reposer, mais il sort de son lit com- plètement abattu, parfois dans un tel état de fai- 1 Traité de la goutte; traduit de l'anglais par le D" Paul Rodet, Paris, F, Alcan. 1892. ; 744 : D' ED. SPALIKOWSKI — LES DIARRHÉES GOUTTEUSES blesse qu'il ne peut se tenir longtemps debout. Le décubitus latéral favorise singulièrement les selles, le décubitus dorsal a une action moins prompte, mais certaine. Aussi le malade, ennuyé de se relever constamment, prend-il parfois le parti de dormir dans un fauteuil; par ce moyen, il diminue la fréquence des évacuations. Les complications ne sont pas à craindre, la seule véritable consiste dans l'apparition du flux hémorroïdal : aussi ne faut-il pas s'étonner de voir les déjections souillées de sang, ce dernier ne provenant pas de l'intestin, mais de l'anus. Dans l'intervalle des crises, le sujet est bien portant, quelquefois constipé, mais plus souvent bien réglé. Cet état de tranquillité peut durer trois, quatre, cinq ou six semaines, deux mois, même plus, selon les occupations, les habitudes et le genre de vie. La durée de la crise dépasse rarement une nuit. Le jour, tout rentre dans l'ordre; il n’y a plus qu'un peu de courbature ou de migraine. Parfois cependant, la nuit suivante la diarrhée reparait, mais moins douloureuse et moins forte. Le pro- nostic est donc favorable. A mon avis, ces crises d'entérite remplacent l'accès de goutte aiguë, et ce qui m'autorise à le penser et même à l’affirmer, c’est que les individus qui souffrent d’entérite n'ont jamais ressenti de douleurs au gros orteil. De plus, les caractères sont à peu prèsidentiques. Dans chacun des deux accès, la période prodromique est courte, les douleurs vives et nocturnes, elles durent cinq à six heures et diminuent sub galli cantu, comme disait Sydenham. Le diagnostic est assez délicat tout d’abord, surtout si le médecin est appelé pour la première fois, et s'il ne connait pas le tempérament de son client. L'idée d'empoisonnement viendra tout d'abord à son esprit, mais elle devra être rejetée, en l'ab- sence de nausées, de vomissements; d’ailleurs, les commémoratifs seront là pour l'aider. La dysenterie aiguë a quelque analogie, mais les signes pré- moniloires et les selles bilieuses n'existent pas dans l’entérite arthritique, et, de plus, l'aspect des évacuations est différent, les lambeaux charnus manquant presque totalement dans celle-ci. - Onne confondra pas, non plus, la diarrhée gout- teuse avec l'entéro-colite membraneuse, les masses glaireuses faisant défaut. Enfin, dans l’entérile urémique, des désordres gastriques accompagnent toujours les troubles intestinaux, tandis que, chez les goutteux, l'estomac reste indemne. III presque Le traitement doit être à la fois préventifel cura- tif. Le régime devra être sévère et le malade s’ap- pliquera à l'observer en tous points. Comme moyen préventif, lemédecin recomman- dera aux goutteux une vie sobre et paisible. Les excès de toute nature seront évités, les bals, les soirées, les réunions mondaines complètement bannis, les travaux qui nécessitent une dépense de forces excessives et de surmenage intellectuel rigoureusement défendus. Le froid humide devra être combattu par l'usage des vêtements de flanelle, ou mieux de laine. L'alimentation sera celle du goutteux : peu de viandes rouges, mais plutôt grillées, rôlies, bouil- lies ou étuvées; les graisses seront absorbées en petite quantité; les légumes verts, au contraire, primeront sur la table, les fruits cuits seront pré-" férés aux non cuits; quant à la boisson, elle consis- tera en vin additionné d’eau, en bière française, c'est-à-dire légère; le lait et le cidre sont générale- ment mal supportés. La bicyclelte est permise aux goutteux diar- rhéiques, à la condition qu'ils n'en fassent point abus; dans ce cas, loin de leur profiter, cet exer- cice rappellerait les accidents. Au sujet du traitement de l'accès, je serai pessi- miste, car l'emploi des divers médicaments que j'ai essayés ne m'a guère donné de résultats favorables. L'opium calme, il est vrai, les douleurs, mais ne diminue pas la fréquence des selles. Le perchlorure de fer et surtout les préparations de tannin sontles seuls remèdes vraiment sérieux sur lesquels il soit permis de compter. Le perchlorure agit, d'ailleurs, très efficacement sur les hémorroïdes. On l’administrera surtout en ! lavements : Perchlorure de fer à 300. Eau. 2 gr. 500 gr. On peut également l’absorber en potion : Perchlorure de fer. Sirop de sucre. 15 gr. 985 gr. Quant au tannin, la solution suivante me paraît la meilleure : Alcool. 10 gr. Glycérnine Er 300 gr. Tannin à l'alcool. 30 gr. Une cuillerée à bouche toutes les trois heures daps de l’eau ou du vin. En résumé, l’entérite arthritique a une impor- tance de premier ordre pour servir à l'établisse- ment du diagnostic de goutte, et son apparition exclusive chez les nerveux réclame une étude plus approfondie, dont les résultats seraient de jeter un jour nouveau sur les théories encore si controver- sées de la pathogénie de la goutte. D' Ed. Spalikowski. KR . ‘Je CORTE BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1 = BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Engel (Friedrich) et Stäckel (Paul). — Urkunden zur Geschichte der nichteuklidischen Geometrie. I. Nikolaj Iwanowitsch Lobatchefskij. 1"° partie : Traduction de ses œuvres, 2° partie : Remarques sur la vie et les travaux de Lobatchefskij, par M. F. ENGEL. — 4 vol. in-8° de 476 pages avec figures et 1 portrait. (Prix : 17 fr. 50.) B.-G. Teubner. Leipzig, 1899. MM. Engel et Stäckel ont entrepris une publication qui rendra les plus grands services à tous ceux qui vou- dront se livrer à une étude approfondie des théories de la Géométrie non euclidienne‘. Ils se sont proposé de publier, en langue allemande, les travaux fondamen- taux relatifs à ces théories et d'y joindre les annotations que pourrait exiger la clarté du texte. Leur publication, une fois terminée, constituera une importante contri- bulion à l'histoire de la Géométrie non euclidienne. Au premier volume, paru en 1895 et comprenant la Théorie des parallèles depuis Euclide jusqu'à Gauss, vient sé joindre aujourd'hui un fort volume entièrement con- sacré à Lobatchefskij. C’est M. Engel qui s'est chargé de cette publication, tandis que M. Stäckel prépare en ce moment le volume relatif aux recherches de J. et de W. Bolyai. Le présent volume est divisé en deux parties bien distinctes. La première partie contient la traduction de deux mémoires qui, jusqu'ici, n'étaient guère acces- sibles aux mathématiciens. C’est dans ces recherches que le savant géomètre de Kazan a établi les fonde- ments de sa théorie. Le premier travail (p. 1-66), inti- tulé Sur les éléments de la Géométrie, est extrait du Cour- rier de Kazan (1829-30); le second, de beaucoup le plus étendu (p. 67-236), a été publié dans les Mémoires de l'Université de Kazan ; il a pour titre : Nouveaux éléments de Géométrie. Ces deux mémoires présentent les éléments de la Géométrie non euclidienne sous une forme systéma- tique ; ils constituent un véritable traité qui pourra être adopté avec succès pour une première étude des élé- ments. Une place importante a été accordée aux exer- cices : calculs de longueurs d’arcs, d'aires et de volumes. La seconde partie débute par un chapitre très remar- quable, comprenant une série de notes (p. 237-345) rédi- gées par M. Engel dans le but de faciliter la lecture des deux mémoires cités. Puis vient (p. 345-349) le tableau des formules qui jouent un rôle fondamental dans la Géométrie de Lobatschefskij. L'auteur consacre ensuite une centaine de pages à la biographie du célèbre géo- mètre russe. On y trouve une foule de détails du plus grand intérêt sur l'activité déployée par Lobatschefskij dans les domaines les plus divers. H. Fer, Privat-docent de l'Université de Genève, De Graffigny (H.), Ingénieur civil. — Les Moteurs légers. — 1 vol. gr. in-8° de 335 pages, avec 216 fig. (Priz : A0 fr.) E. Bernard et Ci°, éditeurs. Paris, 1899. Le développement remarquable de l'automobilisme a produit une floraison extraordinaire d'ouvrages trai- tant de la question; la liste des livres consacrés au sport à la mode s’allonge, en effet, chaque jour. Si l’on doit juger de la demande par l'offre, on peut croire que les éditeurs vendent rapidement ces petits traités, * Le tome IT (1891) de la Revue contient (p. 769 à 714) un article dans lequel M. H. Poincaré a exposé d'une facon remarquable les caractères essentiels des Géométries non euclidiennes. ET INDEX qui diffèrent les uns des autres plutôt par le titre et la couverture que par le fond. Mais quels sont donc les acheteurs de cette littérature toute spéciale? Je crains que les vrais chauffeurs ne lisent peu; c'est dès lors aux automobilistes en chambre qu'il faut s'adresser surtout pour écouler ce flot de livres sortant des presses de nos éditeurs parisiens M. de Graffigny a donc écrit pour eux cetouvrage, dans lequel sont signalés plutôt que décrits à fond tous les moteurs à vapeur, à pétrole, à essence, à gaz et élec- triques, répondant à la spécification de moteurs légers. L'énumération est fort complète et le lecteur du livre y puisera des notions variées sur les divers types de machines utilisables à la traction mécanique. Soyons indulgents pour quelques définitions inexactes ou quelques données erronées qui seront signalées à l'auteur avant qu'il donne le bon à tirer de sa seconde édition; fermons les yeux sur quelques figures que l'éditeur fera graver à nouveau et souhaitons à tous les deux cette réédition, qui est le critérium des bons livres. AIMÉ Wirz, Professeur à la Faculté libre des Sciences de Lille. Bazin (H.), Inspecteur général des Ponts et Chaussées. — Expériences nouvelles sur l'écoulement en déversoir (ewveutées à Dijon de 1886 à 1895). — 1 vol. in-8° de 200 pages avec 75 figures et planches. (Prix 12 fr. 50.) Veuve Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1899. Cet ouvrage est un résumé méthodique de six articles publiés de 1888 à 1898 dans les Annales des Ponts et Chaussées, qui contenaient eux-mêmes les éléments détaillés de 205 séries d'expériences faites à Dijon, avec l'appui du Ministère des Travaux publics, par M. Bazin, aidé de M. Hégly, ingénieur des ponts et chaussées. Ces longues recherches ont montré que l'écoulement en déversoir n'est pas un phénomène nettement dé- fini : les nappes fluides peuvent prendre sur un déver- soir plusieurs formes distinctes, qui constituent en réalité des modes d'écoulement différents, exigeant chacun une étude particulière. D'un autre côté, lorsque la nappe n'est pas en communication avec l’atmo- sphère sur sa face inférieure, il existe une étroite cor- rélation entre la valeur du coëfficient de débit et la pression de l’eau qui reste enfermée au-dessous, sans participer au mouvement de translation de la veine : l'importance de celte pression a d’ailleurs été mise en relief parles études théoriques récentes de M. Bous- sinesq. Le cas le mieux défini est celui d’une nappe s’écou- lant sur un seuil en mince paroi, sa surface inférieure restant soumise à la pression atmosphérique : les nappes correspondant à différentes charges ont alors comme profils des courbes presque semblables. C'est à ce type, parfaitement défini par des opérations] de tarage spéciales, que M. Bazin a rapporté tous les autres, et il a déterminé les coefficients propres à chacun d'eux en faisant passer un même volume d’eau sur un déversoir élalon et sur celui qu’il était en train d'étudier. Le simple rapport des charges correspon- dantes lui a ainsi fourni des séries de coefficients entièrement comparables. Le chapitre 1 est consacré à la définition des diffé- reutes espèces de nappes, et à l'étude des phénomènes qui se produisent, lors du passage d’une forme à une autre. Les procédés d’expérimentation employés, et les opérations de tarage du déversoir type font l’objet du chapitre 11. Dans les chapitres 11, 1v, v, sont exposées les expé- | re [ep] riences sur l'écoulement en mince paroi. Les cha- pitres vi et vu sont relatifs aux déversoirs à poutrelles, si usités dans la pratique à cause de leur facilité d’ins- tallation, mais sur lesquels les lois de l'écoulement sont si compliquées. Les chapitres vit à x donnent les résultats fort variés obtenus avec des déversoirs de profils divers, à talus inclinés vers l’amont ou vers l'aval, crètes plus ou moins larges, seuils arrondis... Dans les chapitres x1 et xn1, l'auteur s'occupe du cas, encore peu étudié, où le déversoir est noyé par une retenue d’aval s'éle- ant au-dessus du seuil. Les deux suivants montrent de nombreux profils de nappes. Les chapitres xv à xvit donnent les résultats des recherches faites sur la répartition des pressions et des vitesses dansl'intérieur des nappes déversantes. Le chapitre xvur est un résumé des études théoriques de M. Boussinesq, dont nous avons parlé en commençant. Enfin le chapitre xix est consacré à quelques considéralions générales sur l'emploi des déversoirs comme moyen de. Jaugeage. Cette nomenclature, forcément un peu sèche, montre du moins l’importance de ces recherches, bien faites pour augmenter la juste réputation que M. Bazin s’est depuis longtemps acquise comme hydraulicien. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines Sciences physiques Beaulard(E.), Professeur adjoint à l'Université de Gre- noble. — La décharge électrique dans les gaz raré- fiés (Rayons de cathode et rayons de Rôntgen).— 4 vol. gr. in-8° de 364 pages avec figures. Imprimerie Allier frères. Grenoble, 1899. La littérature relative aux rayons cathodiques et aux rayons X est déjà énorme, mais je ne crois pas quil existe un autre livre aussi complet et aussi au courant que celui de M. Beaulard. L'auteur a fait un travail his- torique et bibliographique considérable. On trouvera, rassemblés dans son ouvrage tous les documents rela- tifs à ces questions et à l'étude de la décharge élec- trique dans les gaz raréfiés. Certes, dans l'avenir, un très grand nombre des mémoires que l’auteur a pris la peine d’éludier et d’ana- lyser disparaitront dans l’oubli, mais l'heure de la cri- tique n'est pas encore venue pour ces questions neuves, et, en laissant de côté des recherches qui paraissent mal conduites, on risquerait peut-être de passer sous silence l'origine de futures et importantes découvertes. M. Beaulard à donc probablement visé à être complet avant tout, et ce but il l’a atteint. Les analyses qu'il donne sont faites avec la plus grande clarté, la plus grande impartialité : on sent qu'il a voulu tout lire lui- même; aussi son livre est-il indispensable à tous ceux qui travaillent dans ces régions aujourd'hui si fréquen- tées de la Science; il dispensera souvent de recherches laborieuses et difficiles. L'auteur a, d’ailleurs, pris soin de donner partout des indications bibliographiques complètes el exactes. LUCIEN Poincaré, Chargé de Cours à la Sorbonne. Jarry (R.), Préparateur de Chimie à lu Faculté des Sciences de Paris. — Recherches sur la Dissocia- tion de divers composés ammoniacaux au contact de l’eau. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.) — Brochure in-8° de 64 pages. Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1899. La dissociation des chlorures d'argent ammoniacaux a été étudiée autrefois par Isambert. Ce travail, publié dans les Annales de l'Ecole Normale Supérieure, fut très remarqué. Aux phénomènes de dissociation, hardiment découverts par Henri Sainte-Claire-Deville, son collabo- rateur Debray avait donné la première mesure numéri- que, en étudiant le carbonate de chaux; Isambert, avec son étude sur les chlorures d'argent ammoniacaux, apportait une confirmation des mêmes lois, plus com- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX plète encore que la première, puisque deux combinai- sons successives des mêmes malières, toutes deux en proportions définies, se dissociaient l’une après l’autre. Le soin avec lequel ces recherches avaient été condui- tes, etla netteté des résultats acquis devaient, semblait- il, laisser peu de chose à trouver à des recherches entre- é prises sur le même sujet. M. Jarry a repris le travail d'fsambert, mais dans des conditions toutes différentes. Isambert avait eu soin, dans ses expériences, d’exclure totalement la présence de l’eau à l'état liquide, admettant que la présence de ce corps aurait pu modifier singulièrement le phéno- mène. Les expériences de M. Jarry sont faites, au con- traire, presque toutes, en présence de l'eau. Les combinaisons du chlorure d' argent avec l'ammoniaque, obtenues par lui à l’état crislallisé, ce qui n'avait pas été fait antérieurement, sont soumises à la dissociation à des températures maintenues constantes, et leurs ten- sions de dissociation sont soigneusement mesurées. Ces combinaisons se dissocient dans l'eau comme dans le vide. La tension du gaz ammoniac présent au-dessus de la liqueur aqueuse lorsque la décomposition s’'ar- rète est la même que la tension de gaz ammoniac qui limite la décomposition de la combinaison anhydre dans une SHnOSpRère sèche. L'auteur a fait d'utiles vérifications des résultats obtenus par lui. L'examen de la solubilité du chlorure d'argent dans les liqueurs ammoniacales montre qu'il y a des discontinuités. Ces discontinuités s'expliquent facilement si l'on admet que les liqueurs faiblement ammoniacales contiennent en dissolution du chlorure d'argent, que celles dont la teneur est moyenne con- tiennent en dissolution la combinaison AgCl. 1,5 AzH*, enfin que les liqueurs riches en ammoniaque contien- nent à l’état dissous la combinaison AgCI, 3 AzH3. Cette étude de la solubilité a été faite par des moyens à la fois très simples et très précis, dont on aime à lire le détail dans le mémoire de l’auteur. Les méthodes qui ont fourni, pour les combinaisons du chlorure d'argent, les résultats exposés plus haut, ont été appliquées par l’auteur, avec le même succès, d'une part au bromure et à l'iodure d'argent, remplaçant le chlorure, d'autre part aussi à la monométhylamine, remplaçant l'ammoniaque. Ce mémoire ne doit pas être jugé sur l'étendue, assez limitée, du sujet : la sûreté des méthodes expérimen- tales employ ées par l’auteur, l'élégance et la simplicité des appareils, la rigueur et la concision avec lesquelles les résultats sont exposés, font honneur au jeune chi- miste qui nous a donné ce bon travail. LEON PIGEON, Professeur adjoint à l'Université de Dijon. Girard (Ch.), Directeur du Laboratoire municipal de Paris, et Cuniasse (L.), Chiniste expert de la Ville de Paris. — Manuel pratique de l’analyse des al- cools et des spiritueux. — 1 vol. in-8 de 445 pages. Prix cartonné : T francs.) Masson, éditeur. Paris, 1899. Le volume de MM. Girard et Cuniasse résume les études qui ont été poursuivies depuis une quinzaine d'années et qui ont permis d'établir des méthodes d’ana- lyse des spiritueux et des bases de comparaison pour la détermination des fraudes dont ils sont l'objet. Un premier chapitre est consacré à la dégustation des spiritueux, qui précède généralement l'analyse chi- mique et qui en est, en tous cas, le complément pres- que indispensable. Les auteurs étudient ensuite le dosage de l'alcool. Je regrette qu'ils n'aient pas suivi, dans l'exposition des modes de dosage de l'alcool, un ordre méthodique, et qu'ils aient intercalé dans cette partie de l'ouvrage les méthodes d'essai de l'alcool au point de vue de ses im- puretés, essais qui, logiquement, auraient dû trouver leur place dans un chapitre spécial faisant suite à la recherche qualitative des impuretés. Les méthodes de dosage de l'alcool n’en sout pas moins énumérées fort complètement, Les auteurs passent d’abord en revue ; BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 147 des appareils qui ont été proposés pour effectuer le dosage direct de l'alcool, et qui sont basés sur diverses ropriétés physiques : les ébullioscopes, le dilatomètre, e vaporimètre, l’alcoomètre Perrier (basé sur la com- paraison des tensions de vapeur), le capillaromètre et Je réfractomètre. Ces méthodes physiques ne sont pas applicables au dosage de très petites quantités d'alcool. “Celui-ci peut s'effectuer par des méthodes chimiques (méthodes: de Nicloux, de Bordas et Raczkowski, de ‘Cotte), qui sont décrites à la suite des procédés phy- siques. Le dosage de l'alcool par la distillation vient “ensuite. Il est décrit avec soin; les auteurs indiquent les récautions à prendre pour éviter les causes d'erreur et unilier les résultats chtenus. De nombreuses tables très complètes accompagnent ces différents chapitres. Les tables de comparaison entre les étalons francais et les alcoomètres étrangers, usités dans iles transactions commerciales, ont élé vérifiées et sont exactement reproduites. —_ L'examen des substances fixes que l'on rencontre dans les spiritueux fait l’objet d'un chapitre. Le dosage des divers sucres, qu'il est nécessaire d'effectuer dans “les liqueurs pour y déceler l'addition de glucose, est traité avec tous les détails nécessaires pour la pratique “de ces recherches. - La recherche qualitative des impuretés de l'alcool — fait l'objet du chapitre suivant. . C'est à la suite de ce chapitre que les auteurs auraient Aù placer les méthodes quantitatives générales permet- - tant d'évaluer en bloc les impuretés des alcools (méthode de Rose, de Barbet, de Savalle, etc.). . L'analyse des alcools peut être faite à deux points de vue différents : on peut se proposer de classer les alcools industriels par qualités; dans ce cas, l'essai de Barbet au permanganate, ou l'emploi d'une méthode globale de dosage des impuretés, seront utilement appliqués. S'il s’agit, au contraire, de juger des eaux-de-vie de con- - sommation (cognacs, rhums,etc.), l'essai global sera de — peu d'utilité et 1l sera préférable d'adopter une méthode telle que celle employée par le Laboraloire municipal .de Paris. C’est cette méthode qui est décrite dans le -chapitre suivant, à mon avis, l'un des plus intéres- sants du volume. Cette méthode, qui a fait, depuis une douzaine d'années, l’objet de travaux de M. Ch. Girard -et de ses collaborateurs, me parait, dans l’état actuel de nos connaissances, la plus pratique et la meilleure pour remplir le but que doit poursuivre le Laboratoire municipal, c’est-à-dire pour caractériser les diverses eaux-de-vie naturelles et les eaux-de-vie de fantaisie -(c'est-à-dire celles à base d'alcool d'industrie). Cette méthode a été critiquée à plusieurs reprises; néanmoins, elle présente les avantages suivants : 1° Elle à d'abord le grand avantage pratique de ne pas exiser une quantité considérable de liquide; un demi-litre d'eau-de-vie suffit pour toutes les recherches; 29° Elle n'est ni trop longue, ni trop délicate; à ce point de vue, son application dans les laboratoires n’est pas plus difficile que celle des méthodes d'analyse du vin, de la bière, etc.; 3° Elle fouroit l'évaluation des diverses impuretés par groupes, ce qui donne plusieurs éléments d'apprécia- tion pour fixer le jugement à tirer des résultats aualy- tiques. À ce point de vue, les résultats qu’elle fournit sont plus instructifs que ceux qui sont donnés par l’ap- plication des méthodes globales: 4° Enfin, si cette méthode ne fournit pas des chiffres absolus, c'est-à-dire donnant la teneur réelle et exacte en aldéhydes, éthers, etc., elle fournit des chiffres rela- tifs, toujours comparables entre eux. Ce sont, en somme, des données analytiques conventionnelles, comme on est souvent obligé d'en adopter dans l'analyse si com- plexe et si délicate des matières alimentaires. Le dosage de l'extrait sec d’un vin et celui de l'acidité volatile d’un beurre, pour ne prendre que ces deux exemples, ne sont-ils pas de simples données analytiques conven- tionnelles? Le premier n'indique pas la quantité abso- -lue de matières solides contenues dans le vin, et le | | | second la proportion exacte d'acides volatils renfermés dans un beurre. Néanmoins, ces chiffres sont fort utiles à l'analyste et lui fournissent de précieux renseigne- ments sur la composition des produits qu'il examine. Ce qu'il faut, avant tout, demander à ces procédés con- ventionnels, c’est de donner des résultats constants et comparables. C'est le cas des procédés analytiques dont nous parlons. De nombreux documents analytiques figurent dans le volume de MM..Ch. Girard et Cuniasse, et permettent de tirer des conclusions des analyses. Les auteurs indi- quent les bases sur lesquelles on peut établir ces Con- clusions. Enfin, un chapitre est consacré à l'essai des alcools dénaturés et des méthylènes. Les auteurs ont donné une bibliographie de l'alcool et ils reproduisent textuellement, en appendice, les cir- culaires émises récemment par la Direction des Contri- butions indirectes pour la réglementation fiscale des alcools et spiritueux. Le volume de MM. Ch. Girard et Cuniasse sera donc consulté, avec un grand intérêt, par les chimistes qui s'occupent de l'analyse des eaux-de-vie et liqueurs. X. RocqQues, Ex-chimiste principal du Laboratoire municipal de Paris. 3° Sciences naturelles Perrier (Rémy), Maitre de Conférences à la Facullé des Sciences de Paris. — Cours élémentaire de Zoologie. — 1 vol. in-8° de 714 pages avec 693 figures. (Prix : 10 fr.) G. Masson et C'°, éditeurs. Paris, 1899. M. R. Perrier est chargé, à la Faculté des Sciences de Paris, du cours de Zoologie pour le certificat P. C. N. Bien qu'il ne le présente pas comme lel d'une manière explicite, son ouvrage est évidemment Île résumé des lecons qu'il professe et il est destiné aux candidats à ce certiticat. Celte remarque pourra pa- raître quelque peu naïve, mais que l’on compare le livre de M. R. Perrier au programme officiel de la Zoologie pour le certificat P. C. N., et l’on constatera qu'il ne s'y adaple en aucune manière. Et ceci est très heureux, car, sans vouloir criliquer ce programme, il est permis de constater que les professeurs chargés de donner l’enseignement de la Zoologie pour le P. C. N. daus nos Universités ne le suivent guère. M. R. Perrier a pensé, avec quelque raison, que dans un enseisne- ment de Zoologie on devait surtout enseigner de la Zoo- logie et que, puisque le cours était élémentaire, il devait comporter des notions élémentaires d’Analomie com- parée, d'Embryologie et de classification. L'étude préa- lable, et forcément très sommaire, de l'anatomie de l'homme ne serait d'aucune utilité à des jeunes gens qui, à la sortie du P. C. N., devront apprendre celte anatomie avec la précision et la minutie que l’on sait. Quant à la Physiologie, elle est aussi enseignée d’une manière très complète et très savante dans les Facultés de Médecine et son étude peut être différée, sans aucun incouvénient, d'une ou de deux années. L'étude comparative des animaux doit logiquement précéder celle de l'homme, car, sans compter les con- naissances utiles qu'elle fournit, elle seule permet de comprendre, par les gradations qu'elle fait suivre, une organisation aussi compliquée que celle de l’homme. L'ouvrage de M. R. Perrier répond donc entièrement à l’idée qu'il a eue, et que ses collègues des autres Universités ont eue avec lui, de la direction à douner aux études zoologiques pour le certificat P. C. N. Indé- pendamment d’ailleurs du but spécial pour lequel il a élé écrit, ce livre répond à un besoin et il comble une lacune. Il préparera les futurs naturalistes à la lecture des grands ouvrages qui sont maintenant entre les mains des candidats à la licence : Anatomie comparée, de R. Perrier; Traité de Zoologie, d'Ed. Perrier; Anato- mie comparée et Embryvlogie compurée, de Roule. Le Cours élémentaire de Zoologie ne fait pas non plus double 748 emploi avec le seul ouvrage élémentaire de Zoologie que les étudiants du P. GC. N. possédaient jusqu'à maintenant : je veux parler du Cours de Zoologie géné- rale et médicale, de Roule. Le premier, en effet, plus descriptif, prépare plus spécialement à l'étude de l’'Anatomie comparée et de la Zoologie pure; le second reste plus général et prépare aux études embryogé- Hiques. Les quelques lignes qui précèdent indiquent sufli- samment dans quel esprit le livre de M. R. Perrier a été écrit; il me reste à énumérer succinctement les diffé- rentes parties qui le composent. Dans une première partie, ou livre I, intitulée : Zoo- loyie générale, l'auteur, après avoir posé quelques défi- nitions, indique les caractères généraux des êtres vivants, puis il aborde l'étude de la cellule et de sa division en insistant sur l'importance du noyau comme subsiratum des propriétés héréditaires. Il s'occupe ensuite de questions générales, telles que l’hérédité, les croisements, la valeur et la variation de l'espèce, les systèmes de classification, le mimétisme, etc., et il expose enfin dans ses grands traits la théorie du trans- formisme. Ces questions sont traitées d'une manière succincte, mais néanmoins très suflisante et surtout très claire. Après l'étude des Protozoaires, qui font l'objet du livre II, l’auteur consacre le livre III à des généralités sur les Métazoaires, qui trouvent nécessairement leur place après les Protozoaires et ne pouvaient êtredonnées dans le livre 1, puisqu'elles se rapportent exclusive- ment aux êtres pluricellulaires. Un premier chapitre traite de la reproduction des Métazoaires et comprend l'étude de la multiplication asexuée et de la reproduc- lion sexuée, de la fécondation et des premiers dévelop- pements de l’embryon. Les chapitres suivants sont consacrés à des nolions sommaires d’histologie et à l'étude comparée des principaux lissus des animaux. L'étude spéciale des Métazoaires fait l’objet du livre {V, qui occupe naturellement la plus grande partie de l'ouvrage. L'auteur, suivant l'exemple de son frère, divise les Métazoaires en Phytozoaires el Artizoaires. Je n'ai aucune remarque à faire sur la classification des premiers, qui renferment les Spongiaires, les Cæ- lentérés et les Echinodermes. Quant aux seconds, ils sont divisés par M. R. Perrier en sept embranchements qui sont : les Monomérides (Rotifères, Bryozoaires et Brachiopodes), les Vers (Annelés et Plathelminthes), les Némathelminthes, les Arthropodes, les Mollusques, les Protochordés et les Vertébrés. On remarquera que les Mollusques sont complètement séparés des Monomé- rides qui ne comprennent que des formes simples et primitives. M. R. Perrier admet, en effet, que les Mol- lusques dérivent des Vers annelés, qui ont été égale- ment le point de départ des Plathelminthes, manière de voir déjà soutenue par M. Ed. Perrier. Les Chordés dérivent aussi des Vers annelés. Quant aux Némathel- minthes, leurs atfinités restent toujours très douteuses: M. Perrier les rapproche volontiers des Arthropodes, mais sans les réunir à ces derniers en un même groupe de Chitiniphores. Les derniers chapitres du livre, qui traitent des Chordés (Protochordés et Vertébrés), présentent peut- être plus d'intérêt encore que les autres pour de futurs étudiants en médecine. Certes, ce n’est pas une intro- duction à l'anatomie humaine qu'il faudra chercher dans ces chapitres; j'ai dit plus haut que l'ouvrage de M. R. Perrier était un ouvrage de Zoologie. Les généra- lités sur les Vertébrés et sur les différentes classes de cet embranchement renferment des notions d’Anato- mie comparée et d'Embryologie dont la connaissance est d'autant plus indispensable aux médecins que de nombreuses particularités anatomiques de l'homme, organes rudimentaires ou autres, susceptibles d'ailleurs de subir des transformations pathologiques, restent incompréhensibles pour celui qui n'a pas suivi l'his- toire de leur évolution phylogénétique. L’embryologie de l’homme demande à être expliquée par l'anatomie BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX . comparée des Vertébrés et il n'y a pas lieu de regretter l’époque, bien peu éloignée encore, où la majorité des médecins terminaient leurs études sans connaître ni l’une ni l’autre. La lecture de l'ouvrage de M. R. Perrier ne sera pas seulement utile aux élèves du certificat P. C. N. ; elle estu à recommander également aux candidats à la licence ès sciences naturelles — ou plus exactement au certificat supérieur de zoologie — qui abordent la préparation à cet examen sans posséder le diplôme P. G. N. et qui, par une anomalie singulière, sont autorisés à s'inscrire dans nos Universités sans présenter d’autres titres qu'un baccalauréat d’où l'histoire naturelle est exclue, Dr R. KŒHLER, Professeur de Zoologie à la Faculté des Sciences de Lyon. 4 Sciences médicales Le Dantee (F.), Docteur ês sciences. — La Bactéridie charbonneuse (Assimilalion, Variation, Sélec- tion). — 1 vol, in-18° de 200 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire, publiée sous la direction de M. H. Léauté, de l'Institut (Prix: broché, 2 fr. 50; car- tonné, 3 fr.) G. Masson et Gauthier-Villars, éditeurs. Paris, 1899. Le livre que M. Le Dantec a consacré à l'étude de la bactéridie charbonneuse est une étude de biologie géné- rale et non la monographie d'une espèce pathogène déterminée. Aussi ne faut-il point y chercher les carac- tères biologiques particuliers au Bacillus Anthracis, qui n'y sont que très brièvement indiqués. A cet égard, la magistrale monographie de Straus, quoique vieille de dix ans, est de beaucoup plus documeutée et plus com- plète. M. Le Dantec a choisi, se plaçant à un point de vue différent, la bactéridie charbonneuse comme thème pouvant servir au développement d’aperçus généraux M sur l'assimilation, la variation et la sélection. Dans la première partie, après avoir établi par ana- logie avec la Chimie « l'équation de la vie manifestée », l'auteur étudie les termes de cette équation. Ce sontles conditions nécessaires au développement de la bacté- ridie et les produits de cette assimilation. Puis il passe en revue les effets que produisent, sur la vitalité et le développement de la bactéridie, les diffé- rents agents physiques ou chimiques, les conditions nécessaires à la prodution des spores, les causes de la virulence chez les différents animaux. Dans la deuxième partie, après avoir présenté des considérations générales d'ordre purement mathéma- tique, M. Le Dautec décrit le mode de formation du charbon asporogéné (variation morphologique) et les causes de diminution de virulence des cultures (varia- tion physiologique). Enfin, dans la troisième partie, il étudie la lutte pour l'existence : d’abord entre les variétés d’une même espèce, dans les cas où il y a variation morphologique (bactéridie à spores et bactéridie asporogène), puis dans les cas où il existe des différences physiologiques, atténuation et exaltation des virus. Ces variations dans la virulence peuvent tenir, soit à la lutte des microor- ganismes entre eux, soit à des passages successifs à travers l'organisme d'animaux réceptifs. Les conditions de concurrence vilale entre espèces el races microbiennes, et de lutte entre microbes et éléments histologiques sont ensuite passées en revue. Un appendice intéressant traite de la structure et du mode de nutrition de la Gromia fluviatilis, où M. Le Dantec expose les expériences de nécrotomie qu'il a faites pour étudier l'action digestive du protoplasma. Il termine par un résumé en langage biologique ordinaire et le soumet à la comparaison avec un résumé formulé en langage'purement clinique. C'est à ce dernier qu'il donne toutes ses préférences. R. Wunrz, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1 _ ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 11 Septembre 1899. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. C. Flammarion pré- sente les observations des Perséides faites à l'Observa- moire de Juvisy les 11, 12 et 13 août. Le maximum de Vaverse a eu lieu dans la seconde moitié de la nuit du 11, vers 2 heures du matin, lorsque la moyenne horaire s’est élevée à 36. La comparaison de la position du radiant dans les quatre nuits (y compris le 10) accuse un léger déplacement vers l’est. — M. Bouquet de la Grye fait remarquer que les Perséides sont des signaux presque instantanés, se passant à de grandes hauteurs. Elles pourraient servir aux géodésiens à dé- terminer des différences de longitude, dans des régions dépourvues de télégraphe, en utilisant des étoiles …filantes partant d’un mème radiant. — M.S. Mangeot étudie quelques dépendances géométriques entre deux systèmes de points définis par des équations algébri- ques. — M. P. Appell résume par le théorème suivant la forme nouvelle des équations de la Dynamique, qu'il a précédemment donnée : Soit un système à liaisons données, soumis à des forces pouvant dépen- dre des positions, des vitesses el du temps; désignons par J l'accélération d’un point quelconque du système, “ par » sa masse et par F la force donnée qui lui est appliquée; puis formons la fonction : R=— EmJ—5FJcos É J: DI—= à un instant quelconque, la position du système et l'état des vitesses étant regardés comme déterminés, es accélérations ont des valeurs rendant la fonction R minimum. Séance du 18 Septembre 1899. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Renaux étudie le développement d’une fonction holomorphe à l'intérieur d’un contour en une série de polynomes. — M. Consi- dère a déterminé les variations de volume des mortiers de ciment de Portlaud, résultant de la prise et de l’état hygrométrique; il a expérimenté simultanément sur des prismes armés et non armés, placés dans l’air ou dans l’eau. Le mortier de ciment pur non armé, con- servé dans l’eau douce, s'allonge de 0,5 millimètre en moins d'un mois, de 1 millimètre en moins d'un an et tend vers la valeur de 1,5 à 2 millimètres ; le mortier de ciment mélangé de sable silicieux se dilate beau- coup moins; l'armature réduit également la dilatation du ciment. A l'air, les ciments et mortiers non armés se contractent d’une façon irrégulière; les prismes armés, au contraire, ont une contraction continue et régulière, quoique beaucoup plus faible; mais cette contraction aboutit à la formation de fissures. _2° Sciences PHYsiQuEs. — M. W. de Nikolaiève décrit diverses expériences destinées à confirmer l'hypothèse d'Ampère, relative à la direction de l'action élémentaire électromagnétique ; toujours les phénomènes se pro- duisent comme si les champs magnétiques de tous les courants linéaires d'un système solénoïdal subsistaient indépendamment les uns des autres, malgré l'absence de force magnétique à l'extérieur du solénoïde., — M. H. Le Chatelier est arrivé à reconstituer les sta- tuettes funéraires de l’ancienne Egypte, à pâte sableuse et éclatante couverture bleue. Il a employé pour la pâte un mélange de 5 parties d'argile et 95 de sable broyé, et pour la couverte un mélange de 20 parties de sable broyé et 80 parties d’un verre bleu ayant la composi- tion 4S10°.0,33Cu0.0,67 Na°0. La couverte est glacée en la badigeonnant avec une solution de carbonate de soude et en chauffant quelques instants vers 8006. Séance du 23 Septembre 1899. M. Mascart rend compte à l'Académie de la cérémo- nie organisée à Côme pour fèter le centenaire de la découverte de la pile par Volta. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Guillaume envoie ses observations du Soleil, faites à l’Observatoire de Lyon (équatoriai Brunner) pendant le premier trimestre de 1899. Les taches ont beaucoup diminué, surtout dans l'hémisphère boréal; le nombre des groupes de facules a un peu augmenté au sud de l'équateur et diminué au nord. — M.Ch. André a comparé, pour les éclipses partielles de Soleil, les heures de contact données par l'observation directe à celles que l’on déduit d’une série de mesures de longueurs de la corde commune faites au voisiuage de chacun d'eux. A l'entrée, les deux nom- bres obtenus coïncident ; à la sortie, l'accord est moins satisfaisant ; il semble néanmoins que les mesures de la corde commuue ont une importance réelle et ne doivent pas être négligées. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. A.-B. Chauveau a éludié les variations diurnes de l'électricité atmosphérique au Bureau central et au sommet de la Tour Eiffel. Il con- elut : 4° qu’une influence du sol, maximum pendant l'été, et dont le facteur principal, suivant les idées de Peltier, est peut-être la vapeur d’eau, intervient comme cause perturbatrice dans l'allure de la variation diurne ; 20 que la loi véritable de celte variation, ceile dont toute théorie, pour être acceptable, doit rendre compte, se traduit par une oscillation simple, avec un maximum de jour et un minimum (d’ailleurs remarquablement constant) entre # et 5 heures du matin. — M. H. Le Chatelier rappelle que certaines transformations réver- sibles des corps s'effectuent intégralement à pression et température invariables; il ne faudrait pas conclure de là à l'existence constante de points fixes de trans- formation. En effet, si l’on applique la théorie des équi- libres chimiques de Gibbs au cas des transformations, on constate qu'il n'y a plus de raisons pour que le point de transformation soit plutôt fixe que variable. — M. M. Berthelot a fait diverses expériences sur le tri- méthylène et le propylène, corps isomériques gazeux à la température ordinaire. L'auteur a d’abord constaté que le triméthylène produit par la méthode ordinaire contient un peu de propylène ; mais on obtient du tri- méthylène pur si l'on rejette les premiers produits de la réaction. Les deux isomères sont absorbés par le brome, mais le propylène plus rapidement que le tri- méthylène; de sorte que, si un mélange des deux est soumis un instant à l’action du brome, le propylène est absorbé avec un peu de triméthylène et il reste du tri- méthylène pur. L'action du chlorure de zinc ou de l'acide sulfurique sur l'alcool propylique normal, engen- dré par le triméthylène, régénère du propylène exempt de triméthylène. Le chlorure de zinc transforme len- tement le triméthylène en propylène à une température élevée ; la chaleur seule agit de même. L'action du zinc sur les bromures de propylène et de triméthylène pro- duit, dans le premier cas, du propylène pur; dans le second, du triméthylène mélangé de propylène. En résumé, le triméthylène est moins stable que le propy- lène et se transforme facilement en son isomère. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. Edmond Bordage a constaté que, chez les Insectes, lorsque la régénération d’un membre a lieu à la suite d'une section artificielle, la partie en voie de croissance peut demeurer entière- 750 ment cachée jusqu'à la plus prochaine mue par suite d’un déplacement plus ou moins accentué des muscles sectionnés, qui remontent à l'intérieur du fourreau chitineux du membre. Chezles Phasmides, la croissance se fait avec la plus grande lenteur, et ce n'est souvent qu'après deux ou trois mues que le membre mutilé se trouve complété. — M. N. de Zograf a étudié les or- ganes céphaliques latéraux des Glomeris. La combinaison des cellules glanduleuses et sensilives et la structure des cellules rappellent beaucoup les organes olfactifs ; il estdonc possibie d'attribuer cette fonction à ces or- ganes. Dans ce cas, les organes céphaliques des Glomeris seraient homologues et peut-être même analogues à ceux des Annélides. — M. Vital Boulet a étudié les premiers phénomènes de la désorganisation cellulaire sur une feuille d'Elodée, détachée de sa tige à l'état de vie manifeste et abandonnée dans l’eau même où vivait la plante. Is consistent en un accroissement considérable de la pression osmotique, et l’apparition, dans le con- tenu de l’hydroleucite, de nombreux éléments bacilli- formes, qui sont des cristaux d’oxalate de calcium, eten une modification de la structure du protoplasme.: — M. Ed. Heckel établit qu'il existe, dans les Guttifèrés, deux catégories de graines dépourvues de canaux sécré- teurs : les unes (Garcinia) n'en forment jamais pendant la période germinative; les autres (Allanblackia) en for- inent de nombreux et par un processus tout différent «le celui qui est admis comme unique jusqu'ici. Ce pro- cessus se retrouve dans Ochrocarpus. — M. Albert Gau- dry donne quelques renseignements sur la découverte du Néomylodon, nouvel animal fossile trouvé dans une grotte de la Terre de Feu par M. 0. Nordenskiôld. On a découvert des ossements, encore garnis de muscles desséchés, recouverts d’une peau, consolidée par de nombreux ossicules et pourvue de poils; à côté, il y avait encore des crottins et de la paille hachée menue. Il n’est pas impossible que cet animal n'existe encore à l'état vivant. Séance du 2 Octobre 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Comas Sola a observé le 24 août, à Català (Espagne), un bolide d'un éclat supérieur à dix fois au moins celui de Vénus; il fit son apparition dans le Serpentaire et disparut, après dix secondes environ, près de l'étoile du Capricorne. Sa vitesse relative élait de 24 kilomètres par seconde, sa vitesse absolue de 50 kilomètres. — M. Georges Poisson, s'appuyant sur une remarque de M. Maurice Lévy, d’après laquelle, dans les problèmes d'élasticité à deux dimensions, la répartition des pressions est in- dépendante de la valeur des coefficients d'élasticité, montre que, dans ce cas, la recherche des pressions peut souvent se ramener à l'étude du mouvement per- manent d’un liquide. 2° SciENCES PHYSIQUES. — M. Gustave Hermite décrit l'ascension qu'il a exécutée Le 16 septembre avec M. Maurice Farman. Partis du Landy (Saint-Denis), les deux aréonautes sont atterri le lendemain matin sur les bords de la Méditerranée, près de l'embouchure du Rhône. Ils ont jeté en route dix mille feuilles question- naires, qui leur ont été renvoyées en grande partie et qui leur ont permis de reconstituer non seulement leur trajectoire, mais aussi toutes les variations de leur vi- tesse horizontale. — M. A. Poincaré étudie les écarts barométriques sur le méridien du Soleil aux jours suc- cessifs de la révolution tropique de la Lune. — M. Ed. Defacqz n’a pu préparer l'hexabromure de tungstène par l’action de l'acide bromhydrique liquide sur l’hexa- chlorure en tube scellé vers 70°, mais 1l a obtenu deux chlorobromures : l’un, le plus stable, qui se forme vers 70°, est l’hexachlorotrihexabromure TuCl‘3TuBr®: l’au- tre s'obtient vers 15° et a pour formule TuCl‘TuBr°; c'est l'hexachlorobromure. Ces deux composés sont les premiers chlorobromure de tungstène connus. — M: R. Engel à obtenu l'hypophosphite de baryum, molécule à molécule. Le sulfate de baryum se dépose et peut être séparé par filtration; en ajoutant ensuite de l'alcool ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ————————_—— fort, il se forme un précipité cristallin blanc d'hypo- phosphite de cuivre qu'on recueille et dessèche. Le pal- ladium fraichement précipité décompose à froid l'hypo- phosphite de cuivre en cuivre métallique, hydrogène et acide phosphoreux; la chaleur le décompose actuelle- ment. — MM. Delépine et Rivals ont déterminé à nouveau les chaleurs de formation de l'acide et de l’al- déhyde salicyliques, puis celles de l’aldéhyde paraoxy- benzoïque et du salicylhydramide. Quelques réactions de contrôle, comme la transformation du salicylhydra- mide en paraoxybenzoate de potasse, et celle de ce der- nier en aldéhyde salicylique, réalisées à titre de vérifi- cation, ont douné des résultats concordants. 3" SCIENCES NATURELLES. — MM. Bonmariage et Pe- trucci on! observé, sur un blastoderme d'œuf de poule, un monstre double sternopage en voie de formation, fait jusqu'à présent unique chez l'oiseau. L'œuf avait été mis à incuber dans une atmosphère d'oxygène ; c’est celte condition anormale qui est certainement la cause de la production du type monstrueux. — M. Stanislas Meunier a étudié une coupe faite au travers d'un pla- cage de terrains caillouteux, dans la direction de plus grande pente, par suite de travaux exécutés entre Blonay et Charnex (Vaud). L'examen de cette coupe a VOS hote mi, ex confirmé son hypothèse d'après laquelle les stries des galets de calcaire polis renfermés dans ce terrain ne sont pas dues à l'influence des glaciers, maisse ratla- chent au mécanisme de la dénudation souterraine. Louis BruNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 19 Septembre 1899. M. le Secrétaire annuel donne lecture des procès- verbaux des séances de la Commission permanente, qui s’est réunie chaque semaine pendant les vacances de l'Académie. Les notes suivantes ont été présentées : M. Bernard : Sur la gymnaslique pulmonaire M. le lieutenant-colonel A. Baudouin : Etude sur la strych- nine, ses effets curaltifs dans les accidents tétaniques ; l’antidote de la strychnine; M. F. d’'Hérelle : Sur un procédé de stérilisation du lait; MM. G. Schneider et Buffard : Contribution à l’étude de la dourine. M. le Président annonce le décès de MM. R. W. Bunsen, associé étranger, et Mauricet, correspondant national. — M. Chauvel lit un rapport sur le concours du Prix Daudet. — M. Moncorvo a constatéque l’action anlithermique du gaïacol synthétique (x),employé sous la forme de badigeonnages cutanés, très active et très prompte contre la fièvre et la tuberculose, reste, pres- que sans exception, nulle dans les cas de fièvre pa- lustre. Cette diversité d'action du gaïacol lui prête une valeur incontestable pour éclairer le diagnostic diffé- rentiel entre la tuberculose et la malaria aiguës. — Le même auteur signale un cas d’abcès du foie chez un enfant de deux ans, survenu à la suite d’un trauma- tisme violent; l'intervention chirurgicale fut suivie d'une guérison complète. Ce cas est excessivement rare dans le jeune âge. — M. Gaube lit un travail sur la remiuéralisation appliquée au traitement des rhuma- tisants chroniques. — M. Le Damany donne lecture d'un mémoire sur une épidémie d’angines streptococ- ciques. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 4° SCIENCES MATHEMATIQUES Ch. Godfrey : Sur l'application des intégrales doubles de Fourier aux problèmes d'optique. — La perturbation provoquée par un corps lumineux en un point quelconque est un vecteur, variable avec le temps. Il peut être défini par ses résolvantes le long de trois axes rectangulaires; soit f(t) l'une d’entre elles, En général, f (t) ne sera pas une fonction périodique, mêmes si la lumière est approximativement monochromatique. D'après le théorème de Fourier sur les intégrales doubles, on a : PT = à ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 194 œ f(t) = ÿh (Gcos ut +S sin ul)du, où + 1 ES e : EE ‘(v)cos uvdv tt S—— v) sin uvdv. (0: = f1 v)COS uvc € = f c — — Cela est toujours exact, pourvu que f{t) satisfasse à certaines conditions, qui se rencontrent d’ailleurs dans tous les problèmes de physique. Au moyen du théo- rème ci-dessus, l’auteur cherche alors à prouver si nous sommes fondés à considérer un mouvement lumi- meux plan polarisé comme équivalent à la combinaison de vibrations harmoniques simples, de périodes va- riant de 0 à æ. Les éléments de l’intésrale suggè- rent une vibration d'amplitude du VC2S, de phase 2 lang et de période ae L'auteur trouve que cette in- terprétation est possible, notamment dans certains cas très généraux, comme celui de la lumière « constante », qui présente une apparence régulière. Les calculs permettent de déterminer la largeur des lignes dans le spectre d’un gaz incandescent, en pre- nant en considération non seulement la vitesse des molécules, mais encore l'effet des collisions sur l’amor- tissement relatif des vibrations moléculaires. 20 SCIENCES PHYSIQUES. J.-A. Ewing et W. Rosenhaïin : La structure cristalline des métaux (Bakerian Lecture). — Dans une précédente communication‘, les auteurs ont ex- posé déjà quelques-uns des résultats auxquels ils sont arrivés en étudiant les métaux par les méthodes mi- croscopiques, préconisées d'abord par Sorby, puis par Andrews, Arnold, Behrens, Charpy, Osmond, Roberts Austen, Stead et autres. Le présent mémoire contient la suite de leurs recherches. On sait que l'attaque de la surface polie d’un métal révèle, en général, une structure consistant en grains de formes irrégulières, avec des contours bien définis. Chaque grain est un cristal, dont la croissance a été arrêtée par sa rencontre avec les grains voisins. Cette conception est confirmée par l'apparence de la surface attaquée en lumière oblique; les grains refléchissent -la lumière comme s'ils étaient composés d’une multi- tude de facettes d'orientation définie, la même pour un grain particulier, mais différente de grain à grain. Cette formation est semblable à celle qu'offre, sur une échelle infiniment plus grande, la surface interne d’une masse de bismuth qui se solidifie, lorsqu'on enlève le métal encore fondu. L'acier à # 1/2 °/, de silicium constitue un exemple également remarquable de cette structure; lorsqu'on le brise, il présente sur la cassure de grands cristaux, et, en attaquant fortement sa sur- face polie, on observe un développement magnifique des éléments régulièrement orientés, sans qu'il soit besoin d’un fort agrandissement. Cette structure est typique pour la plupart des mé- taux, et il est même fort peu probable qu'un métal existe à l'état non cristallisé. Le caractère cristallin des barres ou plaques de fer forgé s’observe, sur une sur- face polie et atiaquée, non pas tant à l’apparence des grains en lumière oblique, mais surlout au développe- ment de cavités géométriques sur la surface. Ces cavi- tés ont une orientation définie sur chaque grain, et l'orientation change d'un grain à l’autre. Ordinairement, dans le fer commercial le plus pur, leur contour est celui de sections planes d’un cube, incidemment d'un octaèdre. Dans certains cas, on n’observe que quelques cavités isolées relativement grandes; dans d'autres, toute la surface des grains est couverte de cavités pe- lites et grandes. Pour produire des surfaces métalliques uuies sans les polir, les auteurs versèrent des métaux fondus sur des plaques de verre. La surface produite montrait bien les limites des grains, et, dans certains cas, témoignait de leur nature cristalline par des cavités géométriques, formées à la surface par suite de la présence de petites bulles d'air ou plutôt d'un gaz dégagé par le métal pendant la solidilication, Le cadmium offre particuliè- rement bien cet aspect, ainsi que l'étain et le zinc. Ces cavités à air, grossies mille fois, ressemblent à des cristaux négatifs, orientés similairement sur chaque grain, ayant pour le cadmium un contour hexagonal. Les auteurs ont observé les effets de la tension sur la structure en se servant soit de surfaces polies, soit de surfaces coulées sur une plaque de verre. La tension, au delà de la limite d'élasticité, produit sur chaque grain l'apparition de systèmes de lignes droites et pa- rallèles, de direction différente de grain à grain. Ces lignes augmentent avec la tension, deviennent de plus en plus larges, et il peut se former plusieurs systèmes croisés. Leur nature a été élucidée dans un mémoire précédent. Ce sont des bandes le long de plans de cli- vase ou de glissement des cristaux; l'effet de chaque glissement est de produire une marche d'escalier sur la surface polie. Ces bandes sont vues sombres ou bril- lantes suivant la direction de l'illumination. Les auteurs ont développé ces bandes dans le fer, le cuivre, l'or, l'argent, le platine, le plomb, l'étain, le bismuth, le cadmium, l'aluminium, le nickel, ainsi que sur l'acier, le laiton, le bronze et d’autres alliages. Elles sont, par elles-mêmes, une preuve de la struc- ture cristalline, et elles montrent comment cette struc- ture se comporte vis-à-vis de la plasticité, et comme elle persiste après la tension plastique. L'écoulement, ou extension non élastique d’un métal, a lieu par des glissements nombreux et finis dans chacun des grains cristallins dont le métal est un agrégat. Les parties élémentaires qui glissent les unes sur les autres gar- dent leur caractère cristallin; leur mouvement étant un mouvement de translation, leur orientation reste la mème. En effet, lorsqu'on examine des métaux ayant été soumis à des déformations violentes, leur surface polie et attaquée présente toujours des grains cristallins. Leur forme est passablement modifiée, mais s'ils sont soumis à une tension additionnelle, on voit se déve- lopper des bandes coinme précédemment. L'attaque produit également des cavités géométriques semblables et orientées de la même facon sur chaque grain, malgré la distorsion que celui-ci a subie. Les bandes des métaux qui ont une structure cristal- line sont quelquefois parallèles, mais le plus souvent inclinées par rapport aux faces des cubes, apparemment suivant le plan de l’octaèdre. On voit fréquemment des lignes en gradin, et aussi des lignes qui paraissent courbes parce qu'elles n'ont pu être résolues en gradins, même aux plus forts grossissements. Dans les métaux très plastiques, comme le plomb, le cuivre et l'or, les lignes sont particulièrement droites. Pour plusieurs métaux, des mâcles apparaissent dans la structure cristalline après la tension. Le cuivre, qui ne montre pas de mäceles à l’état ordinaire fondu, en apparaît rempli lorsqu'il a été forgé; elles ne disparais- seut pas quand on le recuit. L'or et l'argent offrent des mäâcles analogues après forgeage et recuit. Le nickel, le cadmium, le plomb, le zinc en présentent également, soit à l’état brut, soit après tension. A la demande de MM. Heycock et Neville, les auteurs ont cherché l'effet de la tension sur les alliages eutec- tiques. La structure de ces alliages a déja été décrite par Osmond. L'alliage présente généralement des grains plus larges, dont la structure est très différente de celle des métaux purs, car elle consiste en un mélange intime des deux constituants, dont l’un apparaît en crislaux séparés où dendritiques dans un champ formé par l'autre constituant. La tension a pour ellet de rendre cette structure intime plus apparente, en produisant des glissements qui provoquent des différences de niveau 1 Voir la Revue gén. des Sciences du 15 sept. 1899, p. 682. | entre les deux constituants. L'étude de la structure microscopique des alliages suggère une explication possible des particularités qu'ils présentent en ce qui concerne la variation de la conduc- tibilité électrique avec la température. Les deux consti- tuants peuvent se comporter individuellement comme des métaux purs, mais, si leurs coefticients de dilatation sont différents, le serrage de leurs joints dépendra de la température. Si le métal le plus dilatable existe à l'état de particules de forme quelconque dans l’autre, l'effet d’une élévation de température sera de serrer les contacts, ce qui aura pour effet de réduire l'augmen- tation de résistance que produit généralement la chaleur; dans des cas extrêmes, on aura même un coefficient de température négatif. La haute résistance des alliages peut être altribuée d'une façon géuérale au grand nombre de joints par lesquels le courant doit passer. 3° SCIENCES NATURELLES H. Marshall Ward: Sur un champignon détrui- sant la corne : l'Onygena equina (Willd). — Le genre Onygena comprend une demi-douzaine d'espèces de champignons, très imparfaitement connus, remarqua- bles par leur propriété de croilre sur les plumes, les poils, les cornes, les sabots, sur lesquels leurs sporo- carpes apparaissent comme des corps en forme de baguette de tambour, hauts de 5 à 10 millimètres. L'au- teur a récemment étudié d'une facon complète une de ces espèces, croissant sur les cornes de vache, et a pu, non seulement vérifier le peu que l’on connaissait de sa structure, mais encore la cultiver, suivre son cycle vital et donner quelques détails relatifs à son action sur la corne. Les points nouveaux mis en lumière concernent le développement des sporophores, qui se présentent comme des masses d'hyphes en forme de dôme ou de massues, se recouvrant à l'air d'une poudre blanche brillaute. Une recherche plus avancée montre que cette dernière est constituée par une forme de spores non encore reconnue pour le champignon : des chlamydo- spores, qui se développent aux extrémités libres des hyphes. La nature de ces spores à été prouvée par leur culture dans des gouttes suspendues. La germination, la croissance en un mycelium et la biologie particu- lière de ces spores a été suivie en détail, et, dans cer- tains cas, de mouvelles moissons de chlamydospores vnt été obtenues directement de ces cultures. Le déve- loppement du péridium, des asques et des ascospores à été également étudié en détail. Jusqu'à présent, on n'avait pas pu observer la germi- nation des ascospores, — les seules spores primitive- ment connues chez ce champignon, — et de Bary lui- même avait échoué dans ses recherches. M. Ward à reconnu que ces spores doivent d’abord être digérées par le suc gastrique. En employant du suc gastrique artificiel, et, comme milieu, de la glu ou d’autres pro- duits d'hydrolyse de la corne, l’auteur a suivi sous le microscope tous les détails de la germination de ces spores et de la formation d'un mycelium capable d'in- fecter la corne. Il a également constaté que la digestion gastrique provoque, d’une façon analogue, la germina- tion des chlamydospores, et que le jeune mycelium formé, transporté sur des rognures de corne, les infecte également. Il est donc évident que les spores d’Onygena passent à travers le corps d’un animal avant de servir à une nouvelle infection ; l'extrait de fumier d'animaux cons- titue un bon milieu de culture pour ce champignon. Il est probable que les bestiaux lèchent les spores d'Ony- gena sur leurs propres poils, cornes ou sabots, ou sur ceux des autres, ce qui explique pourquoi le champi- gnon est si rarement observé sur l'animal vivant. La constitution de la corne est encore peu connue, et de nouvelles recherches sont nécessaires pour déter- miner l’action qu'exerce sur elle le champignon. Ces recherches seront en même temps une contribution utile à la question de la décomposition des débris ani- maux employés comme engrais en agriculture. ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 27 Mai 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. G. van de Sande Bakhuyzen communique un travail de M. H. J.Zwiers: Le sytème de Sirius, d'après les observations les plus récentes. Dans le numéro 3336 des Astronomische Nach- richten, l'auteur a donné les éléments de l'orbite de l'astre qui accompagne Sirius. Les observations qui servaient de base au calcul dataient de 1860 jusqu'a 1890, époque où l'on apercut celte compagne pour la | dernière fois à Lick-Observalory. Après s'être cachée pendant six années dans les rayons de l’astre principal, la compagne reparut en 1896, et l’on put l'observer de nouveau à Mount-Hamilton. Maintenant l'auteur, en se servant de ces nouvelles observations, cherche à cor- riger les éléments des orbites du système double inté- ressant. D'après les mesures héliométriques de MM. Gill et Elkin sur la parallaxe de Sirius, la masse des deux corps célestes équivaut à 3,51 fois la masse du Soleil; d'après Aurærs, plus des deux tiers de cette masse appartiennent à Sirius. — M. P. H. Schoute présente, au nom de M° A. Bool Stott : On certain series of sections of the regular four dimensional hypersolids. Sont nommés rapporteurs MM. Schoute et J. Cardinaal. — Nomination d'une Commission pour l'observation de l'éclipse totale du Soleil en 1901 aux Indes Orientales; sont nommés : MM. H.-G. van de Sande Bakhuyzen, E. F. van de Sande Bakhuyzen, W. H. Julius, J. C. Kap- teyn et J. A. C. Oudemans. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Kamerlingh Onnes présente une communication de M. L. H. Siertsema, intitulée : Mesures de la polarisation rotatoire magné- tique de l'oxygène à des pressions différentes. L'auteur s'est servi de la même méthode que dans les mesures antérieures du même genre. Seulement la déterminalion de la pression est améliorée à l'aide d'un manomètre à hydrogène. Les rotations à des pressions de 97, 73, 49 et 38 atmosphères sont trouvées proportionnelles à la- densité du gaz. — M. J. M. van Bemmelen présente un travail de M. F. A.H. Schreinemakers, intitulé : Le système eau-phénol-acétone. L'apparition ou la dispa- rition de points de plissement sur la surface ç, c’est-à- dire sur cette feuille de la surface $ qui se rapporte à l'état fluide, se fait de deux manières différentes : 1° au bord de la surface; 2 quelque part sur la surface elle- mème. Le premier cas a été réalisé en plusieurs com- munications précédentes; le second se sous-divise encore en deux : d’abord il arrive qu'un pli se fend en deux, de même que la ligne connodale qui fait connaître les équilibres des deux phases liquides, ce qui se présentetrès probablement chez le système eau- alcool-nitrile d'acide succinique à 4° (voir Rev. gen. des Sciences, 1. X, p. 84). Mais il existe encore une autre possibilité que M. Schreinemackers vient de dé- couvrir. Supposons que la surface £ soit convexe-con- vexe à une température donnée T et qu’un changement de température fasse apparaître quelque part un point de plissement; alors ce point de plissement peut se transformer en un pli, de manière qu'on obtient des lisnes connodales à deux points de plissement. Alors on trouve que les trois composantes sont parfaitement mélangeables, deux à deux, à la température T, quoique cela ne soit pas le cas dansles mélanges ternaires. Ce cas se réalise daus le système eau-phénol-acétone, examiné récemment par l’auteur. — M. C. A. Lobry de Bruyn présente, au nom de M. A. F. Holleman : Nitration de l'acide benzoïque et de quelques-uns de ses éthers. 30 Sciences NaTURELLES. — Rapport de MM. J. M. van Bemmelen et H. W. Bakhuis Roozeboom, sur un travail de M. J. Lorié : Nos eaux de sol salées, alca- Nnes et ferrugineuses. P.-H. Scouts. EE —ooooDopDpDpUpp——…—…—…— _—…"”"———_———_—.—— Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. — Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. sv RUN FEUSPSNS 2 LA ü té . L 2 10° ANNÉE N° 0 30 OCTOBRE 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Nécrologie Aug. Scheurer-Kestner. — La science et l'in- dustrie viennent d’être de nouveau cruellement frap- pées : après Schützenberger et Friedel, voici Scheurer- Kestner qui nous est enlevé; la disparition de ces trois grands chimistes, de ces trois nobles représentants de l'Alsace, laisse dans nos cœurs une douloureuse émo- tion. Scheurer n'a pas été seulement un savant et un in- dustriel éminent, il fut un grand citoyen. Après l'avoir prouvé pendant la guerre, 1l le prouva encore au len- demain de la guerre : la France avait besoin, pour se relever, du concours de tous ses enfants; sans hésiter, il sacrifia ses occupations préférées pour entrer dans la vie publique. Là, comme partout, l'élévation de son ca- ractère, la fermeté de ses opinions, la clairvoyance de son esprit le portèrent aux premiers rangs ; s’il rencon- tra un jour des amertumes et des injustices odieuses, il eut du moins la rare satisfaction de se sentir estimé, même par ses adversaires. Nous, ses amis, nous pleu- rons sa perte et nous honorons sa mémoire comme celle d'un homme juste et bon. Il aima la justice et la vérité jusqu à leur sacrifier sa vie. Auguste Scheurer-Kestner est né à Mulhouse le 11f6- vrier 1833, dans une de ces vieilles familles alsaciennes chez lesquelles le patriotisme, l'amour du travail, le respect du devoir, l'affection pour les humbles, sont considérés comme des dogmes intangibles. Il fut élevé dans ces nobles pensées et toute son existence en porta l'empreinte. A sa sortie du Collège de Thann, en 1848, il entra au Gymnase protestant de Strasbourg pour terminer ses études ; là, sous la direction de maitres distingués, il se confirma dans l'amour des sciences, auxquelles il devait se donner fout entier; mais il ne goûla pas moins l'éducation classique et en sentit toute la valeur « Sans l'étude du latin et du grec, me disait-il souvent, je n'aurais pas développé mes facultés intellectuelles. » De retour à Thann, en 1851, il passa uue année dans la fabrique de son père et pensa faire sa carrière dans l'industrie des toiles peintes; mais il reconnut bientôt REVUE GÉNÉIAIE D£S SCIENCES, 1899. que ses connaissances chimiques étaient insuflisantcs, et vint à Paris. Wurtz l’accueillit dans son laboratoire de la rue Garancière, où il resta dix mois, de novembre 1852 au mois d'août 1853, et l’'emmena ensuite au labo- ratoire de l'Ecole de Médecine. De cetle époque date l'amitié qui unit ces deux hommes et qui prit un carac- tère de grande intimité; jusqu'à la mort de Wuity, Scheurer resta en correspondance suivie avec notre cher grand maitre; lors de ses voyages à Paris, il ne man- quait jamais d'aller s'entreteuir avec lui. En même temps qu'il travaillait au laboratoire, il poussait avec ardeur ses études théoriques, sous la di- rection de Nicklès; cet homme excellent lui prodigua ses conseils et ses lecons sans vouloir jamais en rece- voir le prix, et Scheurer aimait à répéter que c'était dans son enseignement qu'il avait pris la passion de la Chimie et qu'il lui en devait une éternelle reconnais- sance. En 1854, il rentra dans la fabrique de son père; il y resta jusqu'en 1857, sauf quelques mois qu'il passa, en 1856, au laboratoire d'Emile Kopp, rue Monsieur-le Prince. A la suite de son mariage avec Mie Céline Kestner, il quilta définitivement l'industrie des toiles peintes pour diriger les importantes fabriques de produits chimiques de son beau-père, qui prirent, enire ses maius, une grande extension. Après la guerre, la mai- son de M. Charles Kestner fut transformée en Société par aclious, et Scheurer fusionna ces établissements avec la fabrique d'’anilioe de M. Courtois, de Mulhouse, sous la raison : Fabriques d2 produits chimiques de Thann et de Mulhouse. Il en conserva la direction tech- nique jusqu'à sa mort. De 1869 à 1872, il fut secrétaire du Comité de Chimie de la Société industrielle de Mulhouse ; en 1878, il obtint l’un des grands prix de l'Exposition universelle; plus tard, la Société industrielle de Mulhouse lui décerna sa grande médaille d'or; en 1889, il fut élu président du jury des récompenses ; en 1894, la Société Chimique de Paris l'appela à diriger ses travaux. Sa place était indiquée à l’Académie des Sciences, mais sa modestie et l'indépendance de son caractère l’'empêchèrent toujours de faire les déma:- 20 1 © = ches qu'un usage antique impose aux candidats. Les fonctions qu'il remplit n'ont point été, pour lui, des sinécures flatteuses ou agréables : il avait la volonté d'agir et de laisser derrière lui la trace de son pas- sage. Je n’en citerai qu'un exemple: lorsque les suffrages des membres de la Société Chimique l’appe- lèrent à la présider, il usa de sa haute situation indus- trielle et de toutes les séductions de son esprit pour réunir les ressources financières qui faisaient défaut à la Société et il assura ainsi son existence pour de longues années. A ee Le rôle politique qu'a joué Scheurer-Kestner ne doit pas être passé sous silence, même dans un recueil scientifique. Républicain convaincu, il lutta courageu- sement sous l'Empire et paya par six mois de prison, en 1862, l'ardeur de ses manifestations ; il profita d’ailleurs de cet éloignement forcé de ses usines, pour écrire une brochure lumineuse sur la Théorie des types. En décembre 1870, il fut nommé directeur de l'Etablissement de Pyrotechnie de Cette, où il rendit à la Défense nationale de signalés services ; le 6 février 1871, il fut envoyé par le département du Haut-Rhin à l'Assemblée nationale de Bordeaux, qu’il quitta avec ses collègues de l’Alsace-Lorraine après le vote des préliminaires de la paix; le département de la Seine le reoomma représentant du peuple le 2 juillet 1871; en 1875, il fut élu sénateur inamovible par l'Assemblée nationale, puis, en 1876, secrétaire du Sénat ; il occupa ce poste pendant plusieurs années ; en 1895, il devint vice-président du Sénat. Au cours de cette vie si occupée, il fit partie d’un grand nombre de Commissions importantes, dans les- quelles sa voix autorisée était toujours écoutée avec respect et avec profit. Bien qu'il ait refusé, à diverses reprises, d'entrer dans des combinaisons ministérielles, les relations intimes qui le liaient aux chefs du Gou- vernement lui permirent fréquemment de les éclairer de ses conseils et de sa grande expérience des affaires. Il ne cessa, pendant ces longues années, de mener de front ses travaux parlementaires avec la direction de ses usines, et il donna ainsi la mesure de sa prodigieuse activité et de la fécondité de son intelligence. Les deux dernières années de sa vie ont été consa- crées à une œuvre de justice: il avait acquis la certitude qu'une grande erreur ou une grande iniquité avait été commise, qu'un officier alsacien, condamné comme traître, n'était pas coupable du crime qu'il expiail. Scheurer-Kestner en fut remué jusqu'au fond du cœur; son amour de la vérité, l'horreur du supplice infligé à un innocent, la honte qui rejaillissait sur sa chère Alsace, ie déterminèrent à sacrifier sa tranquillité, ses intérêts personnels, sa situation politique, à la répara- tion de cette iniquité. La France, le monde entier furent secoués par son appel. Chacun connait les péri- péties de ce drame, dont on attend encore le dernier acte. Scheurer, hélas! n’a pas assisté au triomphe définitif de la cause qu'il avait prise en mains; sa santé, si vigoureuse cependant, n’a pu résister à tant d'épreuves. Il est mort le 19 septembre 1899; il laisse derrière lui le souvenir d’un grand serviteur de la justice, d’un ardent patriote, d'un savant éminent. L'œuvre scientifique de Scheurer-Kestner est exposée dans environ 150 mémoires ou notes qui ont paru dans les Annales de Physique et de Chimie, les Comptes rendus de l’Académie des Sciences, les Bulletins de la Sociélé Chimique de Paris et de la Société industrielle de Mulhouse. Elle comprend : d'une part, l'exposé de ses travaux personnels ; d'autre part, des monographies dans les- quelles il a présenté, avec une rare lucidité, les progrès successifs des principales industries chimiques. Ses écrits portent l'empreinte de son caractère : finesse d'observation, patience, loyauté absolue; les résultats qu'il a fait connaitre sont restés définitivement acquis à la science. pe CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Les circonstances dans lesquelles s’écoula la carrière de Scheurer-Kestner expliquent la nature spéciale de ses travaux. Bien qu'il eût un goût prononcé pour les spéculations théoriques, il fut naturellement entraîné par ses occupations journalières vers l'étude des ques- tions industrielles. 1] avait, pour débrouiller une ques- tion complexe, un fai merveilleux. « Je ne suis pas un inventeur, me disait-il, mais je me sens capable d'éclaircir les questions les plus obscures de notre in- dustrie ». Nous ne pouvons donner ici qu'une analyse très suc- cincte des travaux de Scheurer-Kestner; nous avons condensé en quelques lignes son œuvre considérable et nous présentons ce résumé en donnant un apercu, d'abord, de ses recherches personnelles, découvertes, analyses, ete., puis de ses publications et de ses mono- graphies. I. — Recneroues. 1. Pouvoir calorifique des combustibles solides, liquides el gazeux. — Scheurer-Kestner a consacré de longues années de sa vie à l'étude du pouvoir calorifique des combustibles ; ses premières expériences datent de 1868; le volume qui les résume a été publié en 1896. Elles ont été entreprises par Scheurer seul; il les a continuées et terminées avec la collaboration de M. Ch. Meunier-Dollfus. Elles ont eu pour objectif la détermi- nation de l'énergie totale que peut développer un com- bustible sous forme de chaleur, et l'étude des méthodes les plus pratiques pour cette déterminalion. Puis il a fixé et fait connaître les règles à suivre dans les expériences industrielles, qui ont pour but de fixer le pouvoir calorifique d'un combustible : il ne suffit pas de savoir quel est l'effet utile d’une houille lorsqu'elle sert à la production de la vapeur; il faut encore con- naître le rapport qu'il y a entre la chaleur totale qu'elle est susceptible de dégager en brûlant et celle qui est réellement utilisée. Celle comparaison seule permet à l'ingénieur de se rendre compte de l'étendue et de la nature des pertes éprouvées pendant l'opération indus- trielle et, par conséquent, des remèdes à y apporter. Deux méthodes sont usilées pour déterminer Ja puissance calorifique d’un combustible, L'une est basée sur la composition chimique de ce combustible (Dulong), l’autre repose sur sa combustion dans un calorimètre. Après avoir démontré que l'application de la loi de Dulong conduit à des résultats erronés, Scheurer a adopté nettement la seconde méthode : il à étudié tous les calorimètres connus, depuis celui de Favre etSilber- mann, avec lequel ses expériences ont été faites pen- dant longtemps, jusqu'à la bombe de M. Berthelot, qu'il a employée Jusqu'à ces dernières années; c'est de tous les calorimètres, dit-il, celui qui offre le plus d'avan- tages, tant au point de vue de la facilité des opérations qu'au point de vue de la précision des résultats. Il à fait, ainsi, un nombre considérable de détermi- nations calorifiques : les houilles de France, d'Angle- terre, de Russie, d'Allemagne, d'Autriche, etc., ont été successivement étudiées. Toutes ses expériences prou- vent qu'il est impossible de se rendre compte de la valeur des houilles par la connaissance de leur com- position élémentaire : il y a des houilles dont la chaleur de combustion dépasse celle des éléments; d'autres se rapprochent de la loi de Dulong; d'autres enfin ont une chaleur de combustion inférieure à ce que donne la loi de Dulong. Il n'est pas possible de déterminer autrement que par une expérience calorimétrique le pouvoir calorifique d'un combustible minéral. Ses expériences ont porté non seulement sur les houilles, mais encore sur tous les combustibles : li- gneux, schistes et pétroles, coke, charbons, gaz de toutes provenances. Dans la partie du travail de MM. Scheurer-Kestner et Meunier-Dollfus, qui a trait à l'étude du pouvoir calori- fique de la houlle brûlée sur un foyer de chaudière à vapeur, les auteurs indiquent toutes les précautions à prendre pour arriver à des déterminations rigoureuses : » CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE pesées, prise d'essai, analyse de la houille et des cendres, mesure de la quanlilé d’eau vaporisée, de la température de la vapeur, analyse des produils gazeux de la combustion, détermination du noir de fumée, etc. Le résumé de leurs observations est le suivant : la vapeur d'une chaudière à trois bouilleurs suivie d’un réchauffeur à bouilleurs absorbe 58 à 67 °/, des calories “totales fournies par la houille; 3,8 à 7,7°/, sont entrai- nées par les produits gazeux de la combustion; 2,4 à 9,7 °/, sont perdues par la production des gaz combus- tibles ; 0,3 à 0,75 °/, sont perdues par suite de la forma- tion du noir de fumée; 2 à 3,7 °/, sont absorbées par la formation de la vapeur d'eau dans les produits gazeux de la combustion. Les calories non retrouvées ont varié de 19,4 à 24,7°0/,; elles doivent être considé- Yées comme résultant du rayonnement des appareils par leurs surfaces inutilisées pour la production de la vapeur. 2, Travaux divers sur l'acide sulfurique. — L'analyse des gaz provenant de la combustion des pyrites a cons- tamment donné à l’auteur un déficit d'oxygène; d'autre “part, tous les fabricants avaient noté la formation d'abon- dantes fumées blanches accompagnant l'acide sulfureux dans la combustion des pyrites, et ils l’attribuaient à la résence d'acide sulfurique. Scheurer a établi qu'elles ont constituées par de l’anhydride sulfurique, provenant “non d'une décomposition de l'acide sulfureux ou de l’oxy- “lation de cet acide par l'air, comme on aurait pu le penser, mais bien de l’action du peroxyde de fer des mpyrites sur l'acide sulfureux en présence de l'air, cet oxyde ferrique servant de moyen de transport entre l'air et la substance oxydable. Cest à la formation de cet anhydride, dont la pro- orlion peut atteindre 8 à 9 °/, de l'acide sulfureux, qu'est dû le déficit de l'oxygène constaté dans les ana- 2 des gaz. L’auhydride est transformé en acide sulfu- fique, qui se condense dans la tour de Glover; de là, en partie du moins, l'augmentalion de rendement due à lemploi de cet appareil : on sait qu'il atteint 15 à 200}, le la production des chambres de plomb. ……Scheurer-Kestner à signalé et a fait adopter par l'in- “dustrie l'emploi des appareils Kærting pour provoquer J'aspiration, dans les chambres de plomb, des gaz, qui, “depuis l'application des condenseurs Gay-Lussac, du lover et des fours à pyrites, rencontraient une force “de résistance {rès nuisible à la marche de la fabrica- tion. On peut les placer en tête de la première cham- bre de plomb ou après les appareils dénitrants. Le platine est attaqué par l'acide sulfurique : l'au- teur à montré que la perte en platine, qui est, selon la concentration de l'acide, de { à 9 grammes par tonne d'acide produit, peut aller jusqu'à 1.000 grammes par tonne d'acide sulfurique fumant. Il a, pour éviter ces pertes, proposé de commencer seulement la concentra- tion de l'acide sulfurique dans le platine et de la ter- -miner dans des cuveltes en fonte. 3. Sur le chlorure de chaux. — 1° La chaleur due à la combinaison du chlore et de la chaux est favorable à Pabsorption du gaz; elle peutimpunément atteindre 55 , 29 il faut éviter l'envoi dans les chambres à chlorura- tion d'un excès de chlore, qui abaisserait le degré chlo- rométrique du produit lorsque le maximum a été atteint; 3° lorsque l'hydrate de calcium renferme un excès d'eau, cette eau est déplacée par la chloruration. 4. Sur la soude Leblanc. — La théorie de la forma- tion de la soude par le procédé de Leblanc a été l'objet de nombreuses controverses; elle a été établie définiti- vement par Scheurer-Kestner, Dumas avait admis que, dans les fours à soude, le sulfate de sodium est décomposé par la craie avec for- mation de carbonate de sodium et de sulfate de cal- cium; ce dernier serait réduit par le charbon à l'état de sulfure qui, lui-même, se combinerait à la chaux pour former un oxysulfure de calcium, Scheurer a prouvé, à la suite d'une longue étude et 755 de nombreuses analyses, que la réaction est autre, etil a fait connaitre tout le mécanisme des réactions com- plexes de cette fabrication. Le sulfate de sodium est transformé en sulfure par le charbon, et c'est ce sul- fure qui, au contact de la craie, donne du carbouale de sodium. La soude brute renferme du carbonate et du chlorure de sodium, de l’oxyde, du sulfure et du carbo- pate de calcium, du charbon ; par l’action de l’eau, ces différents corps réagissent les uns sur les autres : Ja chaux transforme une partie du carbonate en soude caustique; le sulfure de calcium donne naissance au sulfure de sodium. Ces deux corps se retrouvent, en effet, dans les lessives de soude. La pralique à jugé indispensable de mettre dans le mélange initial un excès de calcaire; Scheurer a mon- tré que cette pratique est justifiée, d'abord parce que, pendant la cuite, une partie de la craie est transformée en chaux et que la chaux ne réagit pas sur le sulfure de sodium, ensuite parce que l’on évite ainsi la forma- tion de sulfures colorés qui jaunissent la soude ; enfin, parce que l'on oblient ainsi un dégagement d'oxyde de carbone, qui donne à la masse la porosité nécessaire à sa dissolution ultérieure. Le carbonate de sodium obtenu par le procédé Leblanc ne renferme pas tout le sodium contenu dans le sulfate mis en œuvre; les praticiens admettaient que la perte est due à la volatilisalion d’une partie du sodium, qui se serait produit pendant la réaction. Scheurer a prouvé qu'il n’en est rien; celte perte (qui est d'environ 5 °/,) est due, sans doute, dit-il, à la formation d'une combinaison insoluble de carbonate de soude et de chaux (plus tard, on a constaté, en effet, la formation de la gay-lussite dans la réaction); l'hydrate de calcium relient aussi de la soude interposée, que les lavages les plus prolongés ne peuvent enlever. Il à indiqué comme moyen de désulfuration des les: sives de soude brute l'emploi de l'hydrate de zinc; le sulfure de zinc obtenu est redissous ensuite et rentre dans la fabrication. 5. Sur le silicale de sodium. — On prépare ce silicate par la fusion d'un mélange de quartz et de carbonate de sodium, et on prend de ces substances des quan- tités relatives telles qu'on obtienne un produit aussi peu alcalin que possible, qualité exigée par des indien- neurs. Le silicate sortant des fours à pour composition 3S10®Na?0 ; mais la dissolution el l’évaporalion le dé- composent partiellement avec dépôt de silice; aussi convient-il de ne pas dépasser la concentration à 20° AB ; si on la pousse jusqu'à 50° AB, le produit oblenu est un bisilicate 2Si0?Na°0. Scheurer-Kestner a cherché, mais inutilement, à évi- ter la fusion, toujours dispendieuse, en remplacant la silice par diverses roches facilement attaquables, comme la gaize, et en les trailant soit à air libre, soit sou pression par des dissolutions de soude; les produits obtenus sont toujours restés trop alcalins pour les besoins de l’industrie. Les réactions qui se passent dans les fours à verre ou dans les fours à silicate n'avaient pas été étudiées d'une manière spéciale. On admettait que le sulfate alealin mis en œuvre se transforme en silicate en même temps que le soufre s'en dégage à l’état d'acide sulfureux. En fait, la silice décompose le sulfate avec formation d'anhydride sulfurique, qui est de suite décomposé en oxygène et en acide sulfureux; le charbon réagit sur ce produit, donne de l’oxyde de carbone, de l'acide car- bonique et du soufre libre; ce n'est qu'après avoir subi l’action de la flamme oxydante du foyer que ce soufre est transformé en acide sulfureux. 6. Recherches sur les sels de fer.— On sait que les sels de fer sont employés en très grandes quantités, comme mordants, dans les industries de la leinture et de l’im- pression. L'examen des divers composés du fer a élé pour Scheurer-Kestner l'occasion de nombreuses et im- portantes découvertes : il a préparé et étudié de nou- veaux nitrates ferriques, a publié des observations 1 © (en intéressaules sur l'oxydalion des sels ferreux, et signalé l'existence d'une classe nouvelle de sels de fer: ces sels ont été obtenus soit en faisant agir les acides monoalo- miques ou les hydracides sur l’hydrate ferrique, et fai- sant intervenir le temps et la chaleur, soit en oxydant par l'acide nitrique un sel ferreux additionné d'acides différents de celui qu'il renferme : il a préparé ainsi des acétonitrales, des acétochlorures, des formioacétates, ete., ete., tous corps bien cristallisés et dont il a fait con- naître les propriétés et la composition. Ces recherches, outre l'intérêt pratique qu'elles présentent, ont con- ficvmé les vues théoriques de Wurtz, qui considérait le ferricum comme hexatomique. Ces sels ferriques polyacides sont (rès avantageux comme mordants : les analyses qu'a faites Scheurer d'un grand nombre de mordants du commerce préparés empiriquement, ont montré que ces mordanis sont des sels polvacides, analogues à ceux qu'il avait découverts. Il a fait connaître également des faits intéressants sur la dialyse des sels ferriques et l'obtention d’une mo- dification soluble de l’oxyde de fer hydraté. 7. Sur les sels d'étain et le stannate.— L'action de l'oxy- “ène sur le chlorure stanneux a donné lieu aux oberva- lions suivantes : en faisant passer un courant d'oxygène dans une dissolution concentrée de chlorure stanneux, iln'y a pas d'oxydation; de même, l'oxygène est sans ac- tion sur l'hydrate stanneux. Ce n’est qu'en présence de solutions étendues de chlorure sfanneux que l'oxydation a lieu. Pour doser l’élain avec le permanganate, il faut opérer avec de l’eau bien purgée d'air par l'ébullition. Scheurer à obtenu, par la cristallisation à basse tem- pérature d'une dissolution peu concentrée de sl'annate de sodium pur, des cristaux prismatiques de plusieurs centimètres de longueur, auxquels il a reconnu la com- position suivante : SnNa*0$ + 10H°0. 8. Sur le vert Guignet. — La composition de cette couleur très importante était indécise. Il s'agissait de déterminer si ce vert est un hydrate de chrome, un borate de chrome, ou un composé complexe de chrome et de potasse, hypothèses qui avaient été successivement émises. Scaeurer a prouvé, par ses analyses et par des expériences directes, que le vert Guignet est &e l'hy- drate de chrome; il se forme par l’action de l’eau sur le borate de chrome, qui résulte lui-même de la réaction de l'acide borique sur le bichromate de potassium ou sur l'acide chromique. Nous groupons ici un certain nombre de (ravaux moins importants, mais qui présentent cependant un réel intérêt: 9. Acide arsénieux, — L'acide arsénieux s'obtient sous forme de prismes rhomboïdaux droits lorsqu'il cristallise par voie sèche et dans un courant d'acide sulfureux; on n'a pu les obtenir, en effet, dans un tube de verre hors du contact de cet acide. De tels cristaux ont été recueillis dans le canal qui conduit l'acide sulfureux des fours à pyrites à la chambre de plomb. L'auteur a constaté que l'acide arsénieux a une grande affinité pour cerlaines matières colorantes : une dissolution de cet acide dans CIH bouillant, additionnée de teinture de bois colorant ou d'acide sulfindigotique, dépose, par refroidissement, des cristaux d'acide arsé- nieux colorés en rouge ou en bleu. Du chlorure ou du sulfate de sodium, ajouté à ces solulions et cristallisant en même {emps que l'acide arsénieux, se dépose à l'état incolore. “ 10. Nitrobenzine et aniline. — La réduction de la nitrobenzine par l'acide acélique et le fer donne, si elle est conduite trop vivement, de la benzine et de l'ammoniaque. Pour la fabricalion des matières colorantes, on peut réduire la nitrobenzine par l'étain et l'acide chlorhy- drique, déplacer l'étain par le zinc et opérer directement sur ces solutions sans isoler l’aniline. Les anilines du commerce renferment, à côté de CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE CSH'Az, d’autres amines, utiles ou nécessaires à la for- mation des matières colorantes. On sait que ce fait important a,été confirmé ultérieurement. 11. Saponification par les carbonates.— Les corps gras neutres chauffés à 250° au contact des carbonates alca- lins où du carbonate de calcinm, forment des savons; la glycérine se décompose et disparait entièrement, 12. Huile pour rouge. — Gelte huile, employée dans la fabrication du rouge turc, a été étudiée par Scheurer, qui l’a préparée par l’action de l'acide sulfurique sur l'huile de ricin; 11 se forme des acides sulfonés en mème temps que des acidés ricinoléiques polymérisés ; ces deux acides ont des propriétés différeutes dans l’avivage du rouge turc. 13. Abrastol. — La substance vendue sous ce nom est du naphtylsulfate de calcium; elle est employée pour clarilier le vin et l'empêcher de tourner. Scheurer en a éludié les propriétés et a démontré qu'elle ne saurait, comme on l'a aflirmé, donner naissance à de l'acide sulfurique au contact du vin; en conséquence, ses propriétés anliseptiques {très énergiques peuvent être utilisées pour la conservation des vins. . IT — Anazyses. 1° Dosage industriel de l'albumine (par le permanga- pate de polasse). 2 Titrage de l'acide pyroligneux : il convient de le distiller sur de l'acide phosphorique à 15°A3 et de titrer le produit de la distillation. 3° Dosage de l'acide tartrique dans les tartres : mé- thode à suivre en présence de tartrate et de sulfate de chaux. 49° Analyse du violet d'aniline au chromate. 5° Dosage du stannate de sodium : dissoudre, filtrer, traiter par l'acide chlorhydrique, puis par le zinc; re- dissoudre l'étain et titrer le chlorure d'étain par le manganate. La soude est litrée alcaliniraétriquement. 6° Analyse de certains rés/dus de grillage de pyrites de Saint-Bel : ces pyrites renfermaient 46 0/, de soufre, de l'arsenic, du sélénium. Les résidus contiennent des“ quantités variant de 3 à 40 °/, de soufre. . 7° Analyse d’ossements fussiles des envü'ons de Colmar. Ces ossements renferment, outre l’osséine, une sub- stance azotée qui en dérive. Sila teneur des os en azole permet d'en tirer des indications sur les dges respectifs de ces ossements, cette donnée devient encore plus pré- cise du moment où l'azote peut être partagé entre deux composés dont l'un est plus soluble que l’autre. L'auteur à constalé à cette occasion que l’osséine or- dinaire est soluble dans l'acide chlorhydrique faible (HCI étendu de huit fois son poids d'eau); mais elle est insoluble dans l'acide étendu de quarante fois son poids d’eau. 8° Analyse de produits réfractaires. III. — Pupricarions. Parmi les monographies les plus importantes publiées par Scheurer-Kestner, il convient de citer celles qu'il a écrites : " Pour le Bulletin de la Société Chimique, sur l'industrie de la soude Leblanc et de la soude à l'ammoniaque, sur les fours à pyrites, sur l'outremer artificiel, sur les matières colorantes dérivées de la naphtaline; Pour le Dictionnaire de Wurtz, sur l'acide sulfurique et sur l'acide tartrique ; Pour la Revuè Alsacienne (1884), sur Gerhardt et Lau-m rent ; J Pour le Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse (1896), sur son père Scheurer-Rott. | Deux conférences faites l’une à la Société d'Encoura-M gement en 1886 sur Nicolas Leblanc et la soude arlifi-m cielle; l’autre à la Société Chimique en 1888 sur la 2 combustion de la houille. + 1 ei Le rl, d AN : > ü CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 757 Il a publié en outre deux volumes, l’un en 1862 sur les Principes de la théorie chimique des types; l'autre en 1896, sur le Pouvoir calorifique des combustibles solides, liquides et gazeux. Charles Lauth, Directeur de l'École municipale de Physique et de Chimie industrielles. K 2. — Astronomie Eléments approchés des comètes pour 1900. — M. G. Fayet, assistant à l'Observatoire de Paris, vient de terminer le tableau des éléments appro- thés des comètes pour 1900 ‘, complétant ainsi le céle - bre relevé d'Oppolzer, qui s'arrêtait à 1869. Désormais, lors de l'apparition d’une nouvelle comète, les astro- homes, après en avoir déterminé approximativement l'orbite, auront immédiatement la possibilité d’en comparer les éléments à ceux des comètes déjà classées. M. G. Fayet énumère, dans son Tableau, 105 comètes elliptiques, 207 paraboliques, £1 dont les éléments sont encore incertains. Pour plusieurs de celles-ci, il a donné, d'après les relevés de M. Galle ?, les deux systèmes d'é- léments les plus écartés. $ 3. — Métallurgie Les arrêts momentanés des hauts four- neaux.— Lors des récentes grèves du Creusot, plu- sieurs journaux ont discuté sur la possibilité d'arrêter momentanément les hauts fourneaux en pleine marche, sans que la reprise du travail soit la cause d'une démo- lition complète de l'appareil. IL n’est pas inutile de rappeler à nos lecteurs que l’on arrive très bien à bou- cher un fourneau et à y maintenir la fonte liquide pendant un certain nombre de mois, et que, en prenant toutes les précautions nécessaires, on peut éviter que des désordres graves se produisent au moment de la remise en marche, Lorsque des circonstances particulières, telles que guerres, grèves, diselte de combustibles ou de minerais, mévente des produits, etc., obligent à suspendre la marche d'un haut fourneau, on diminue progressive- ment les charges de minerai pour les remplacer par quelques charges blanches, ne comprenant que des combustibles et la quautité de castine nécessaire à la fusion des cendres. Le creuset est complètement vidé de laitier et de fonte, et le vent arrêté ; on retire alors les tuyères, on bouche hermétiquement avec de l'argile les ouvertures et l'on supprime toutes les causes exté- rieures de refroidissement. On charge, d'autre part, à la partie supérieure du fourneau, une certaine quantité de sable; puis l'appareil de chargement est fermé et les conduites de gaz réunies directement à la cheminée. Pour remettre en marche, on souffle d'abord à vent froid avec une très faible pression, ou mieux après avoir préalablement réchauffé de l'extérieur les appa- reils à air chaud, lorsque cela est possible. La pression est ensuite augmentée, tandis que l’on charge soit uni- quement, en premier lieu, du coke mouillé, si les con- duites de gaz sont encore légèrement chaudes, soit immédiatement ou ensuite des charges de minerai un peu plus faibles que celles qui existaient avant l'arrêt. Dans ces conditions, il ne se produit aucun accrochage ; le creuset reprend sa température, et la sole, qui s'était surélevée par suite du refroidissement, est ramenée à sa hauteur antérieure, dès que les charges blanches y parviennent. M. Lurmann cite un haut fourneau dans une usine voisine de la frontière franco-allemande où, en 1870, à l'approche de l’armée française, les ouvriers construi- sirent à la hâte une macounerie autour du creuset et 1 Bullelin Aslronomique, t. XVI, 1899, n° 8. # Verzeichniss der Elementle der bisher berechnelen Come- tenbahnen nebst Anmerkungen und Lileratur-Nachweisen, Leipzig. 1894. tassèrent de l'argile dans l’espace annulaire ainsi formé : le travail y put être repris trois mois après sans incon- vénients. Nous connaissons, d'ailleurs, des fourneaux dans la région de Longwy, pour lesquels lapériode d’arrèt fut encore beaucoup plus longue. WVagons pouvant transporter 50 tonnes de minerai de fer. — Un des principaux facteurs de la réduction des prix de revient de la fonte, permettant à la concurrence américaine de venir s’aftirmer de plus en plus en face de la production européenne, c'est l'éco- nomie considérable réalisée de l’autre côté de l'Atlan- tique sur les frais de transport. Sans nous arrêter aux abaissements de tarif et aux facilités de manutention et de raccordement aux canaux que présentent les mul- tiples réseaux de chemins de fer, nous sigualerons seu- lement la ‘transformation du matériel et l'augmentation colossale de capacité des wagons, en vue de réduire l'influence des poids morts. Depuis deux ans, les grands chemins de fer de Pensylvanie employaient, sur leurs lignes, des wagons de 45 tonnes, mesurant 9 mètres de longueur, destinés au transport des minerais. Aujour- d'hui, pour répondre aux exigences du tralic toujours croissunt, la Ca'edonian Railway Company vient de mettre en coustruction, dans ses usines de Saint-Rol- lox, un wagon contenant 50 tonnes de 2.240 livres anglaises (50.800 kilos) et susceptible de passer par toutes les courbes : il mesure exactement, entre lam- pons, 41,70 de longueur et se compose d'un châssis tout en acier, porté sur deux boggies ; de chaque côté, trois portes facilitent le déchargement. Les dimensions de la caisse sont 10,500 X 22,300 X 1,220 ; la distance entre les roues extrêmes est de 8,90 el celle entre les deux roues d’un même boggie 1", IL est à remar- quer que ce wagon pourra transporter la même quan- tité de minerai que 7 wagons ordinaires de 7 à $ tonnes et que son poids mort, par rapport à celui de ces 7 wa- gons, sera à peu près réduit de moitié. De plus, le char- sement de ces wagons monstres pouvant être effectué très rapidement, le rendement du matériel s'en res- sentira nécessairement. Ce sont là deux points capitaux dans l'économie des transports. Comme autre consé- quence, les convois ne seront plus formés que d’énor- mes wagons, en petit nombre, qui encombreront beau- coup moins les voies, et cela permeltra un mouvement intensif et d'une ponctualité absolue. $ 4. — Géographie et Colonisation Nouvelles plantes à gutta-percha.— La gutta- percha est fournie par des arbres du genre Palaquium (famille des Sapotacées), dont l'aire de dispersion parait limitée à la Malaisie. L'exploitation barbare des arbres qui produisent cette précieuse substance en à réduit con- sidérablement le nombre, et les bonnes sortes de guttas deviennent de plus en plus rares. Toutes les tentatives qu'on a faites pour substituer d’autres substances à la gutta-percha ont échoué plus ou moins complètement, et le problème actuel parait être d'assurer pour l'avenir la production de la gutta-percha plutôt que d'en recher- cher des succédanés. C'est pour obéir à cette préoccu- pation que le Ministère des Colonies chargeait, il y à trois ans, le pharmacien en chef Raoul d'aller à Suma- {ra rassembler un lot des divers Palaquiuwm producteurs de gutta, et qu'il a fait distribuer à nos colonies tropi- cales les plants rapportés par le dévoué chef de mis- sion ‘. La gutta-percha diffère bien plus du caoutchouc par ses propriétés physiques que par sa composition chi- mique, et, de ce fait, il résulte naturellement qu'il est plus difficile de la caractériser que si elle présentait des réactions très neltes et des propriétés chimiques bien déterminées. Cependant, on peut indiquer quel- 1 Le pharmacien en chef Raoul est mort à son retour en France, victime d'uve maladie contractée pendant son sé- jour das les forêts de Sumatra. 1 Qc (0 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ques différences essentielles : La gulta est plastique, mais dépourvue élasticité ; le caoutchouc, au contraire, est élastique, mais privé de plasticité. Le caoutchouc se combine au soufre pour donner un produit homogène et élastique; la quitta est réfractaire à cette combinaison. Certains caoutchoucs chargés de résines présentent, au premier examen, quelques caractères de la gutta, et tous les voyageurs qui ont eu l’occasion de faire coa- guler les nombreuses sortes de latex qu'on peut se procurer dans les forêts tropicales, ont obtenu, avec quelques-uns de ces latex, des substances présentant la couleur de la gutta et possédant sa plaslicité. Mais ces analogies, pour importantes qu'elles soient, ne suffisent pas pour caractériser le produit. Pour se rendre compte de sa valeur, il convient de ne pas se borner à un exa- men superficiel, et, alors même que l'analyse chimique viendrait confirmer les analogies extérieures, il faudrait encore réserver son opinion, car des essais d'ordre industriel peuvent seuls trancher une question aussi délicate, C'est assez dire que la préparation de quelques grammes d'une substance analogue à la gutta, si elle constilue une indication précieuse, ne saurait cepen- dant donner prétexte à une appréciation délinilive. A ce propos, signalons, en passant, un article que vient de publier la Revue Coloniale du Ministère des Colonies', et qui se trouve être le complément d’un Rapport du même auteur, dont le Journal officiel du 14 septembre 1896 publiait déjà des extraits étendus. L'auteur, M. Sarrazin, vétérinaire en premier au Sou- dan, dit avoir découvert une liane produisant de la gutta; il lui a décerné le nom de Lytophilum alba (sic), et la range dans la famille des Caprifoliacées (?), bien que les caractères indiqués dans la note ne soient pas ceux de cette famille. La substance, obtenue par coagu- lation du latex, contiendrait 10,2 à 13,2 °/, de gutta ou de produit analogue, d'après l'Administration des Postes et Télégraphes; des analyses de M. Sarrazin portent cette proportion à 62,9 °/.. De telles contradictions nous imposent une certaine prudence, et, pour juger le pro- duit annoncé, nous attendrons de le voir faire ses preuves industrielles, tout en exprimant dès aujourd’hui les réserves les plus expresses au sujet des caractères botaniques de la plante et des quelques détails fournis par l’auteur sur la nature du latex. D'autre part, MM. Dybowski et Fron viennent de com- muniquer à l’Académie des Sciences? une note très intéressante sur la production d'une gutta-percha par l'Eucommia ulmoides, plante du sud de la Chine (et non du nord, comme il est dit dans la note), qui pourrait être acclimatée dans les pays d'Europe et qui se trouve rattachée par Oliver à la famille des Euphorbiacées. A yrai dire, ce rattachement un peu arbitraire du genre Eurommia à la famille des Euphorbiacées ne nous parait pas définitif, si nous en croyons Chimari*, qui signale chez cette plante des laticifères très différents de ceux des Euphorbiacées. L'Eucommia est cultivé dans les districts de Chang- Jang et de Patung, et la description en a été donnée dans Hooker's Icones Plantarum®*. Les Chinois l'utilisent surtout à titre de médicament. Le latex contenu dans les nombreux vaisseaux lati- cifères de la tige, des feuilles et du fruit se coagule spon- tanément, et, si l’on vient à déchirer, avec quelque pré- caution, une feuille sèche ou une branche ou, mieux encore, un fruit, on voit les deux parties réunies par une multitude de filaments nacrés. Cette particularité ne manqua pas de frapper les botanistes anglais, et, dès 1892, F.-Ernest Weiss publiait une étude de la plante et de son produit; d'après lui, l'Eucommia contiendrait une forte proportion de caoutchouc mélangé de résine. 8 octobre 1899, p. 590. Séance du 9 octobre 1899. Bot. Centralblall, vol. LXI, n° 13. Vol. X, 2° partie, planche 1950, (Septembre 1890.) Transact. of the Linn. Soc., 2 série, vol: III, T° partie, p. 243, avec 2 planches. ® > & à » Nous savons de bonne source que des observateurs français, auxquels le Muséum avait communiqué des fragments d'herbier, n’ont pas trouvé autre chose que les résultats signalés par l'auteur anglais. MM. Dybowski et Fron, ayant repris cette question à l'aide de matériaux prélevés sur un plant provenant de la maison Vilmorin et Ce, ont extrait le produit à l'aide du toluène (méthode Jungfleisch); le tableau L ci-dessous résume leurs résultats : Tableau I. — Analyses du latex des Eucommia. POIDS QUANTITÉS de Le substance soluble : traitées dans 0/ le toluène. RENDEMENT ORGANES | Feuilles sèches. TULIS ee ) « Le produit obtenu, disent MM. Dybowski et Fron,“ est de couleur brune, avec des reflets métalliques. Plongé dans l’eau chaude, il se ramollit, s'étire en feuilles minces analogues à de la baudruche et prend bien, sous la compression, l'empreinte d'une médaille.M En se refroidissant, il perd de la souplesse et devient résistant. » Il nous paraît évident que les faibles quantités obte-M nues n'ont pu permettre d'apprécier la valeur du pro-« duit; ce n’est pas avec 8 grammes de substance qu'on peut poursuivre des essais industriels. D'autre part, la présence du caoutchouc nous parait incontestable et ferait alors ranger le produit entre le caoutchouc et la gulta-percha, ce qui en limiterait singulièrement l'em-l ploi. Nous nous permettrons, d’ailleurs, de signaler à MM. Dybowski et Fron un moyen très simple de se procurer le produit de l’Eucommia sans aucune disso- lution : il suffit de piler, avec quelque précaution, des feuilles bien sèches, dans un creuset. Les tissus végé- taux desséchés se brisent en fragments très pelits, qu'on peut facilement éliminer, du moins en grande partie, et les filaments produits par le latex coagulé forment un réseau très fin. Ce procédé se rapproche beaucoup de celui qu'on emploie pour teiller le chanvre et le lin. Souhaitons, en terminant, que la « gutta » annoncée par MM. Dybowski et Fron ne subisse pas le sort des nombreux produits analogues qu'on nous annonce depuis quelques années et qui disparaissent aussi rapi- | dement qu'ils prennent naissance. Les concessions au Conge.— Les lecteurs qui 1 s'intéressent au mouvement actuel de colonisation ne seront peut-être pas fâchés de connaitre le nombre et l'étendue des concessions accordées au Congo francais, depuis le 28 mars jusqu'au 29 août 1899. La surface totale accordée aux concessionnaires s'élève à 475.000 kilomètres carrés et représente la superficie d'un carré ayant environ 690 kilomètres de côté. Cet énorme ter- ritoire est divisé en 38 lots, dont le plus important neM compile pas moins de 53.000 kilomètres carrés (carré de plus de 230 kilomètres de côté). Les capitaux enga- gés dans ces entreprises (au moins nominativement) s'élèvent à environ 50 millions de francs. Il nous faut peut-être regretter la concession immédiate de terri- toires situés dans l'intérieur, sans communication actuelle avec la côte. Les Sociétés concessionnaires, si elles ne réussissent pas à créer ces voies de commu- nication, seront fatalement amenées à rot ee leurs territoires sans y avoir fait œuvre utile et sans M, avoir fait fructifier leurs capitaux. De tels échecs, qu'il faut prévoir, ne sont pas faits pour diminuer la réserve avec laquelle les capitaux francais ont, jusqu'à ces derniers temps, affronté les entreprises coloniales. ( "| H. LE CHATELIER — LA LOI DES PHASES 159 LA LOI DES PHASES Parmi les applications de la Thermodynamique aux phénomènes chimiques, la loi des phases du Professeur J. Willard Gibbs occupe une place à part. Son succès est dû, en grande partie, aux re- marquables recherches expérimentales dont elle à été le point de départ. Son interprélalion par le Professeur Van der Waals a inspiré à un petit groupe de chimistes hollandais, —- MM. Bakkhuis Roozeboom, Schreinemakers, Stortenbeker, — un ensemble de travaux d'une importance capi- tale. Il ne sera peul-être pas inutile de faire aux lecteurs de la /?evue un exposé de cette loi, dé- pouillé de l'appareil mathématique dont le Pro- fesseur J.-W. Gibbs l’a entourée. La loi des phases, comme toute la théorie des équilibres chimiques de J.-W. Gibbs, repose sur un postulatum que ce savant n'énonce nulle part, mais introduit au cours de ses développements mathématiques d’une façon progressive. Que vaut alors, objectera-t-on, une loi qui repose sur une hypothèse indémontrable ? Elle ne vaut ni plus ni moins que les lois de la Mécanique rationnelle, appuvées sur une sériè de postulatums échappant à toute démonstration directe, et ne tirant leur justification que de la vérification expérimentale de conséquences mulliples, mais souvent loin- taines. Celte justification, estimée aujourd'hui plus que suffisante pour les postulatums de la Méca- nique rationnelle, n’est guère moins complète pour le postulatum fondamental de la Mécanique chi- mique. Si, pourtant, quelques chimistes se refusent encore à en admettre la rigueur absolue, ils ne peuvent cependant lui refuser un degré de proba- bilité très grand et ils doivent accorder la même confiance à loutes les conséquences de ce postula- tum. Toute expérience contradictoire avec la loi des phases doit, en conséquence, être tenue pour suspecte, parce que la probabilité d'une erreur expérimentale n’est jamais nulle. Voyons maintenant en quoi consiste le postula- tum fondamental, L'idée directrice de W. Gibbs a été que toutes les formes de l'énergie sont régies par des lois similaires; cela est certain pour le travail, la chaleur, l'électricité; pourquoi en serait-il autre- ment de l'énergie chimique ? Certains changements des systèmes matériels susceptibles de se produire spontanément, comme la descente d’un corps pesant, la chute de chaleur d'un corps chaud à un corps froid, la dissolution d’un métal dans un acide,ont la propriété de pou- voir, dans cerlaines conditions convenables d'utili- sation, provoquer dans d’autres systèmes matériels des changements similaires, mais de sens inverse : tels, l'élévation d'un corps pesant, le passage de la chaleur d'un corps froid à un corps chaud, la décomposition d’un sel métallique. Ces nouveaux systèmes acquièrent alors la propriété que les pre- miers possédaient primitivement et qu'ils ont perdue, de pouvoir se transformer spontanément, de pouvoir provoquer des changements contraires aux leurs. Cette propriété, cette puissance que possédaient les premiers systèmes s’est ainsi trans- mise aux seconds. On mesure la puissance cédée par un système matériel dans l'un de ses change- ments, par la grandeur d'un changement inverse produit dans un autre système matériel, — le sys- tème et le changement, arbitrairement choisis pour la mesure, restant {oujours les mêmes, — par exemple, par l'élévation d’un poids de 1 kilo. Si l’on compare la mesure, ainsi obtenue, de la puissance à la grandeur des phénomènes dévelop- pant cette puissance, on arrive à des relations d'une simplicité remarquable. La puissance mécanique est reliée aux déplace- ments dæ,, dx,, etc.…, de chacun des corps et aux forces f,, f...., qui sollicitent chacun d'eux, par la relation : dw = f,dx, + fadxe + ... fndtn =Xfdx. Chacun des termes de cette somme ne renferme que des grandeurs relatives à un seul des corps du système. C'est-à-dire que chaque corps intervient dans la valeur de la puissance totale pour une part qui ne dépend que de son élat et de ses change- ments particuliers, qui est absolument indépen- dante de ce qui se passe dans les autres parties du système; un corps, sollicité par une même force et prenant un même déplacement, développera une même quantité de puissance molrice, quel que soit le système matériel plus ou moins complexe dont il fasse partie. Le même fait se reproduit avec les autres formes de la puissance motrice. La puissance élastique, mise en jeu dans le chan- gement de volume de corps différents soumis cha- cun à des pressions uniformes, donne lieu (en appelant : dv le changement de volume; p, la pres- sion) à la relation : do = pidu, + psdus + ... pndun = Epdo. La puissance cinétique, en appelant « la vitesse, 760 H. LE CHATELIER — LA LOI DES PHASES et mdu la variation de la quantité de mouvement, donne lieu à la relation : do =uymdu, + u,; mdu, ... = Eumdu. La puissance calorifique, en appelant { la tem- . dq He ; : pérature absolue, et ds — FF la variation d'entropie: du — tds, + tds, ...—Ztids. La puissance électrique peut encore être exprimée de la même facon, si l'on admet l'existence de tensions électriques absolues, bien que nous ne sachions mesurer que des différences de tension. Si e est la tension électrique et di la varialion de la quantité d'électricité, on à : dw —e;di, Pe.dis...—Zxedt. L'identité de ces relations pour loutes les formes de la puissance motrice permet d'admettre, avec beaucoup de vraisemblance, l'existence d'une rela- tion semblable pour la puissance chimique. C'est le postulatum de Gibbs : do —=y;dm, + v.dm. ... =Eudm, dans laquelle dm est le changement de masse d'un corps donné, et & une grandeur dépendant de de l'état actuel de ce corps, qui peut être prise pour la mesure de sa force chimique, ce que Gibbs appelle le potentiel du corps considéré. L'existence d'une semblable relation n’est pas évidente a priori; on ne peut pas non plus la sou- meltre à un contrôle expérimental direct, parce qu'il n'existe aucun moyen de mesurer la force chi- mique d'un corps, comme on sait mesurer SOn poids, par exemple. Il est facile de voir, en procédant par analogie, que la mesure directe de la force chi- mique nécessiterait la transmutation des corps les uns dans les autres, ou tout au moins leur trans- mutalion en l’un d’entre eux que l'on prendrait comme étalon de force chimique. Nous admettrons done comme un postulatum que l'expression de la puissance chimique peut se diviser en une somme de termes dont chacun d'eux ne dépend que de l'état actuel et du changement de masse d'un corps donné. Dans la suite de cet article, les symboles pp, .…., u, seront rapportés à l’unité de masse de chaque corps, et celte unité de masse sera le poids moié- culaire. Les symboles dm, représentant les chan- gements de masse, exprimeront donc le nombre de molécules qui apparaissent ou disparaissent soit par le fait d'une réaction chimique, soit par le fait d’un échange entre deux parties différentes d'un même système. Prenons comme exemple la puissance mise en jeu dans la combinaison de l’hy- drogène et de l'oxygène pour former de l'eau sui- vant la formule de réaction : H? + 0,5 O2 —11*0 — 0, on aura, d'après les conventions admises : dm, =1 dm; =— 1, dms—=0,5 et, par suite, pour l'expression de la puissance : do vi + 0,5us— Va ou, d'une facon plus générale, pour une formule de réaction : di, + GsAs ... —n\n=0, où À sont les symboles des différents corps rap= portés à leurs poids moléculaires, l'expression de la puissance motrice sera : du = 4yy4 + Asus + .. — AnYn. Dans le cas d’un corps échangé entre deux par- ties d'un système, de l'eau par exemple passant d'une dissolution liquide dans une atmospère de vapeur, la diminution de la masse du corps dans une des parties est égale à son augmentation dans l'autre partie. Si l’on prend : dm, = 1, on aura : dm, = —A1, et, par suite : do = y; —v". Ces formules conduisent à une première applica- tion importante du postulatum pour les systèmes chimiques en équilibre. -— Le principe fondamental de la science de l'énergie : «2! est impossible de créer de rien de la puissance motrice » — généralisation du vieux principe mécanique de l'impossibilité du mouvement perpétuel — exige que toute réaction infiniment petite, s’effectuant à partir d'un état d'équilibre, mette en jeu une quantité de puissance infiniment petite, du second ordre, c'est-à-dire que la différentielle première soit nulle : dw = 0, et, en se reportant à l'expression de de donnée plus haut, on aura : Quby À Aus eee — Ann = Ù, pour chaque réaction chimique intervenant dans l'équilibre considéré; et pa — 0 = 0 pour chaque échange possible d'un corps entre deux parties distinctes du système en équilibre entre elles. Ce que l’on peut énoncer d'une façon générale en disant que, dans un système en équilibre chimique, tous les corps ou ensembles de corps pouvant se transformer l’un dans l'autre ont des potentiels égaux, étant entendu que ces potentiels sont rap- portés à des quantités pondéralement équivalentes de matière. H. LE CHATELIER — LA LOI DES PHASES 761 IT Le postulatum de Gibbs formulé et ses premières conséquences établies, arrivons à la loi des phases. Qu'est-ce d'abord qu'une phase? Voici la défini- tion qu'en donne le Professeur Gibbs dans son ou- vrage sur l'équilibre des systèmes hétérogènes": « Dans l'étude des différentes masses homogènes qui peuvent être obtenues avec un même groupe de substances constituantes, ilest commode d'avoir un terme qui vise seulement la composition et état thermodynamique de chaque masse, abstrac- tion faite de sa grandeur et de sa forme. On appel- lera de semblables masses, envisagées seulement au point de vue de leur différence de composition et d'état, des phases différentes de la matière considérée, en envisageant toutes les masses qui diffèrent seulement par la grandeur et la forme, comme des exemples différents d'une même phase ». D’après cette définition, deux cristaux différents de glace sont deux exemples d’une même phase parce qu'ils ne diffèrent que par la gran- deur, la forme et la position dans l’espace. De la vapeur d'eau et un mélange d'hydrogène et d'oxy- gène sont, au contraire, deux phases chimique- ment différentes, formées des mêmes substances constituantes ; de même encore, deux polymères : a benzine et l’acétylène, deux isomères, deux va- riétés dimorphiques : l'iodure rouge et l'iodure jaune de mercure sont deux phases différentes d'une même substance; la glace, l'eau liquide et la vapeur sont trois phases physiquement diffé- rentes; de la vapeur d'eau prise à des tempéra- lures el pressions différentes constitue une série de phases thermodynaniquement différentes. La prise en considération des phases, au lieu des corps homogènes réels avec leur masse actuelle, est motivée, dans l'étude des phénomènes chimi- _ ques, par ce fait que la grandeur de la masse des différentes parties d'un système n'intervient en au- cune facon dans la déterminalion des conditions de l'équilibre. À un morceau de glace de 1 gramme en équilibre avec une cerlaine quantité d'eau li- quide on peut ajouter 1 kilo de glace sans modifier aucunement l'élat d'équilibre. C'est là une loi ex- périmentale tout à fait générale, dont la loi des tensions fixes de vapeur ou de dissociation n’est qu'un cas particulier. Nous avons maintenant loutes les données néces- saires pour établir la loi des phases. La définition d'une phase exige la connaissance de la grandeur des diverses quantités qui la caractérisent soit chi- * Equilibre des systèmes chimiques, par J.-W. Gibbs, tra- duction par II. Le Chatelier, p. 68. Carré et Naud, éditeurs. Paris, 1599. | miquement, soit physiquement, soit thermodyna- miquement. Ce sera d'abord la quantité des diverses substances constituantes, ou, plus exactement. leur rapport à l'une d'entre elles, puisque là phase est indépendante de la masse lotale, puis lu grandeur des différents paramètres qui définissent l'état thermodynamique (pression, température. force électromotrice, ele.). Si la phase renferme substances différentes et si elle est soumise à y influences thermodynamiques äislinctes, il faudra pour sa définition connaître la mesure de : m—1+?p grandeurs distinctes. Si, au lieu d'envisager une phase unique, c’est-à- dire une seule masse homogène, on considère un système hétérogène composé de 7 phases distinetes, par exemple un sel cristallisé, une dissolution de ce sel et de la vapeur d'eau, il faudra, pour définir le système Lotal, m—1l+pr grandeurs distinctes. Un semblable système pour- rait éprouver un nombre égal de varialions in- dépendantes, si chacune de ces phases n’avail aucune relation entre elles, si les corps qui la com- posent ne pouvaient se lransformer les uns dans les autres. Dans le cas d'un système en équilibre chimique, ces différentes grandeurs ne peuvent plus être con- sidérées toutes comme des variables indépen- dantes:; il existe entre elles un certain nombre de relalions nécessaires pour l'équilibre. L'équilibre thermodynamique des différentes phases entre elles exige que leurs tensions d'énergie (pression, température, force électromotrice) soient égales entre elles, c’est-à-dire, en indiquant par une même acceuluation les grandeurs se rappor- tant à une même phase, que : DD — pt [A — 4! e! —- o" soit en tout p (r—1) relalions semblables. Pour l'équilibre chimique des phases entre elles, il faut que le potentiel de chaque corps soit partout le Inéme : soit en tout » (r —1) relations. Enfin, si les différentes substances peuvent se transformer les unes dans les autres par suite des réacliens chimiques, on aura entre les potentiels autant de relations de la forme A4 E Ale so + AnUn = 0 qu'il y à de réactions chimiques différentes en jeu 162 H. LE CHATELIER — LA LOI DES PHASES dans le phénomène d'équilibre considéré. Soit g le nombre de ces relalions. Pour avoir le nombre des variations indépendantes dont un système est sus- ceptlible quand il est et reste en équilibre, il faudra diminuer le nombre des variations possibles en dehors de tout état d'équilibre d'une quantité égale au nombre des relations qu'entraine l'état d’équi- libre. Cela donne : (m—1+pir—plr—-t=m(r—1)—q=m+p—q—?+r, expression dans laquelle : m est le nombre des substances différentes: p. le nombre des actions physiques influant sur le système ; q, le nombre des réactions chimiques interve- nant dans l'équilibre ; r, le nombre des phases du système. Si quelques-unes des » substances n’existaient pas dans quelques-unes des » phases, le nombre des variations totales et celui des équations des conditions seraient diminuées de la même facov, de telle sorte que leur différence ne serait pas changée. On remarquera que le nombre 7» n'est pas dé- terminé, parce que l’on peut de plusieurs façons différentes exprimer la composition d'un même mélange. Soit, par exemple, une masse de vapeur d'eau à l'état de dissociation partielle; on pourra exprimer sa composition au moyen des quantités tolales de H et O libres ou combinées qu'elle ren- ferme, et alors m—72. Ou bien on pourra expri- mer celle composition au moyen des quantités de H,0 libres et H?0 qu’elle renferme, et alors m=— 3. Mais, en même temps, la grandeur de q va- riera. Dans le premier cas, g —0 et dans le second q —=1, de telle sorte que, dans les deux cas, m—q — 2. Si donc m et g sont isolément indéterminés, leur différence m — q est au contraire entièrement déterminée pour un système donné, c’est-à-dire indépendante de l’ensemble des substances arbi- lrairement choisies pour représenter la composi- lion du système. Si l'on pose : Mm—qJ—=N, n représente ce que Gibbs appelle le nombre des constituants indépendamment variables du système ; il exprime le nombre des variations chimiques dif- férentes que l’on peul faire subir au système sans porter atteinte à l'état d'équilibre. Soit, par exemple, le mélange fondu des quatre sels KCI, NaCI, KBr, NaBr. Dans ce système, m— 4. Les proportions rela- tives des différents sels peuvent changer, mais ne peuvent pas éprouver simultanément de change- ments quelconques sans que l'équilibre cesse. Il doit exister entre les potentiels la relation : Ba + Us — Ya — 0, qui découle, comme on l'a vu plus haut, de l'équa tion chimique : RCI + NaBr—KBr—NaCl= 0, de telle sorte que : M4 A3 n. à F4 Le nombre des constituants indépendammentw variables n'est que de trois, bien qu'il soit impos- sible d'exprimer la composition d'un semblable mélange avec moins de quatre variables, soit les quantités des quatre sels, soit les quanlités des quatre corps simples qu'ils renferment. ù En introduisant la grandeur # à la place de las différence »m—q dans l'expression qui donne le nombre de varialions indépendantes possibles d'un système donné, ce que nous appelons son degré de liberté, en ne considérant, ce qui est le cas le plus fréquent, que les systèmes influencés par les seules actions mécaniques et calorifiques, pour lesquels p — 2, on a, pour le degré de liberté d'un système composé de p phases et renfermant n constituants indépendamment variables, la valeur : L'ES Degré de liberté = n+2—7. C'est-à-dire que le degré de liberté d'un système matériel dont toutes les parties sont en équilibre chi- mique et physique est égal à l'excès du nombre des consliluants indépendamment variables sur le nom- bre des phases, augmenté de deux unités. III Tel est l'énoncé de la loi des phases de Gibbs. Il reste maintenant à faire voir quel intérêl une semblable loi présente pour l'expérimentateur. On peut formuler cet intérêt en deux mots : Il existe, entre tous les systèmes chimiques possédant le mème degré de liberté, des analogies profondes, qui permettent, en partant de la connaissance des cas les plus simples, d'aborder fructueusement l'étude des cas les plus complexes et qui permet- tent ensuile de grouper les faits connus de façon à en rendre l'intelligence générale plus facile. Les travaux de recherches de MM. Bakkhuis Rooze- boom et Schreinemakers, l'ouvrage didactique de M. W. Bancroft, intitulé : La loi desphases, donnent une démonstration saisissante de ce double intérêt. Quelques exemples isolés suffiront pour faire com- prendre ce double rôle de la loi des phases. 1. Systèmes invariants : n+2—7r—0.— Dans ces systèmes, le degré de liberté est nul; il est im- possible de faire varier aucune des grandeurs dont dépend l'état du système sans détruire l'équilibre. Celui-ci ne peut exister que pour une seule tempé- rature, une seule pression, une seule proportion H. LE CHATELIER — LA LOI DES PHASES 163 relative des constituants dans chaque phase. Passons successivement en revue des systèmes de plus en plus complexes, c’est-à-dire renfermant de plus en plus de constituants et, par suile aussi, de plus en plus de phases. Pourn— 1,c'est-à-dire pour une seule substance, il faudra trois phases, c'est-à-dire r —3. Dans le cas de l’eau, le système invariant est composé des trois phases : glace, liquide et vapeur, prises à la température de fusion de la glace sous une pression égale à celle de la tension de la vapeur saturée, c'est-à-dire au voisinage de et d'une pression de 4,6 de mercure. Une seule substance pourra donner plus d’un système invariant si elle peut se présenter sous plus de trois états physiques différents; tel le soufre qui, à l’élat solide, possède deux variétés dimorphes. Il peut donner lieu aux quatre systèmes invariants suivant(s : e 0° Soufre prism, soufre oct., vapeur, à . 950,4 Soufre prism, liquide, vapeur, à . 1200 Soufre oct., liquide, vapeur, à. en UE Soufre oct., soufre prism, liquide vers . 1350 D'une facon générale, le nombre des systèmes invariants sera égal au nombre des combinaisons arithmétiques triples des divers états physiques de la substance. Pour n —2, on devra avoir r— 4. — Ce sera le cas, par exemple, d'un sel avec de l’eau —. Pre- nons tout de suite un système un peu complexe, le sulfate de soude et l'eau, qui, par leur mélange ou leur combinaison, peuvent donner naissance à un grand nombre de phases chimiquement distinctes, entre autres : Le sulfate anhydre &. | La dissolution. Le sulfate anhydre 6. Le sel à 7H°0. Le sel à 10H°0. La glace. La vapeur d'eau. Autant de fois on pourra grouper quatre de ces phases différentes, autant il y aura de systèmes invariants théoriquement possibles. On n'a jus- qu'ici réalisé expérimentalement que les suivants : Vapeur, glace, solution, sel décahydraté, vers . . . 00 Vapeur, solution, sel à 1H°0, sel anhydre & à . 240,2 Vapeur, solulion, sel à 10H°0, sel anhydre & à. 320,4 Vapeur, solution, sel auhydre «, sel anhydre &, vers. 2000 Pour n — 3, il faudra avoir » —5. De nombreux exemples de semblables systèmes invariants ont été observés dans la dissolution des sels doubles et des sels acides en présence d'un excès de l’un ou de l’autre des constituants du sel complexe; tels les systèmes FeCl, HCI et HO ou FeCl°, AzH*CI et H°O étudiés par M. Bakkhuis Roozeboom. Dans tous les procédés de représentation géo- métrique des systèmes chimiques, les systèmes in- variants sont représentés nécessairement par des points, puisque leurs coordonnées sont invariables. Dans les courbes de tension de vapeur de l’eau, le point invariant est le point où se coupent les deux courbes de tension de vapeur de l’eau liquide et de la glace. Dans les courbes de solubilité du sulfate de soude, les points invariants correspondent aux points d’intersection, deux à deux, des courbes de solubilité du sel anhydre, des deux hydrates à 7 et 10H°0, de la glace, etc. Tous les systèmes invariants peuvent fournir, pour la thermométrie, des points fixes aussi rigou- reusement déterminés que le point de fusion de la glace, point invariant de l’eau. On a, dans ces der- niers temps, proposé un certain nombre de points fixes semblables empruntés à des systèmes bi- naires ou ternaires, dont quelques-uns ont le grand avantage de se trouver au voisinage immédiat de la température ambiante. Dans les systèmes binaires, on peut citer les points suivants dont la température a été repérée avec le thermomètre à hydrogène par M. Richards. Ils sont constitués par un hydrate cristallisé stable à la température ordinaire, l'hydrate suivant obtenu par une élévation de température, la dissolulion salurée et la vapeur : 19085 Chromate de soude. . Sulfate de soude. Carbonate de soude Hyposulfite de soude. Bromure de sodium . Chlorure de manganèse. . Chlorure de strontium . Phosphate de souie . Hydrate de baryte . Comme point fixe emprunté à un système ter- naire, on peut citer le point invariant d'un système composé de NaCI, SOfNa’, SOfNa?. 10H°0, solution salurée et vapeur, en tout cinq phases dont la tem- pérature a été fixée à 18°, par MM. Meverhoffer et Sauncers. La déterminalion expérimentale de ces systèmes invariants présente une très grande importance au point de vue de l'étude des équilibres chimiques, parce qu'iis constituent des points singuliers au- tour desquels se groupe tout l’ensemble du phéno- mène. Sur la représentalion géométrique, ils cons- lituent les sommets de surfaces polyédriques, et, souvent, ces sonimets sont assez rapprochés pour que leur ‘détermination suffise sans autres expé- riences pour donner une idée assez précise des faces et arèles de la surface représentative; on le montrera plus loin par un exemple. Pour cette déterminalion expérimentale, on peut partir d'un système toujours facile à obtenir, qui renferme une phase de moins. On ajoute alors progressivement une nouvelle phase; celle-ci disparait d'abord au fur et à mesure de son introduction ; mais si l’on 164 s'oppose en même temps à tout changement de volume, à tout échange de chaleur avec l'extérieur, la pression et la température changeront en même temps que la composition de certaines phases, jus- qu'au moment où le système invariant sera réalisé. C'estaiosi qu'en prenant, à latempérature ordinaire, eau, vapeur, et y ajoutant progres- sivement de la glace, on arrivera, par suite de l'abaissement de température dû à la fusion de la glace, au syslème invariant : glace, eau, vapeur. De même, en ajoutant du sulfate anhydre de soude sel décahydraté, solution, vapeur, lhydratalion du premier sel élèvera peu à peu la température jusqu'au point invariant de 32°,4, où elle se fixera. le système : au système 2. Systèmes monovariants:n +2—7r—1.— Dans tous les systèmes satisfaisant à cette condition, on peut fixer arbilrairement une des variables dé- linissant l'état du système ; mais, par cette fixalion, toutes les autres grandeurs sont délerminées. Si l'on prend, par exemple, la température comme variable indépendante, à chaque température cor- respondra une pression déterminée du système, une composition délerminée de chaque phase. Toutes les représentations géomélriques des pro- priétés du système, ne possédant ainsi qu'un degré de liberté, seront nécessairement des lignes, et ces lignes aboutiront aux points invariants, où, en dehors des cas de sursaturation, elles seront limi- tées. Telles sont, par exemple, les courbes de ten- sion de vapeur, de tension de dissociation, de solu- bilité, ete. Pour n —1, on ar —2. Par -exemple:“eau liquide et vapeur, ou eau solide et vapeur ou eau liquide et eau solide Les trois courbes représenta- lives de chacun de ces systèmes monovariants se coupent au point triple qui représente le système invariant. Pour n—9, on ar —3. Par exemple : sulfate de soude décahydraté, solution saturée et vapeur. A chaque température, la composition de la solution (courbe de solubilité) et la pression (courbe des tensions de vapeur) ont des valeurs entièrement déterminées. Les liquides incomplètement misei- bles en sont encore un exemple. Les deux couches liquides superposées et le mélange de vapeurs constituent trois phases. À chaque température la pression, la composition de la vapeur et celle des deux couches liquides sont entièrement détermi- nées. S'il n'y avait qu'une phase liquide, sa compo- sition ne serail plus déterminée. On peut, à une même lempérature, mêler 1 eau et l'alcool en toute proportion; il n'en est pas ainsi pour les deux couches superposées d'eau et d'éther. La dissociation du carbonate de chaux donne H. LE CHATELIER — LA LOI DES PHASES un autre exemple de système monovariant; il y a trois phases en contact : deux solides : CaO et CaO. C0O°; une gazeuze, CO?. Par conséquent, à chaque température correspond une tension déter- minée. Ce fait est généralement connu sous le nom de Loi des tensions fixes de dissociation; celte loi de correspondance des pressions et des tempéra- tures a été découverte d’une façon purement empi- rique et indûment généralisée à un grand nombre de cas dans lesquels elle est inexacte. Si le nombre des phases lombe au-dessous de trois, la pression n'est plus déterminée par la température. Le car- bonale de baryte, par exemple, est fusible et peut dissoudre une certaine quantité de baryte, il ne présentera pas de tension fixe à une température donnée tant que la décomposilion n'aura pas fourni une quantité de baryte assez grande pour saturer le carbonate fondu et en laisser un excès à l’état solide qui constituera alors la troisième phase. Il n'y à pas davantage de tensions fixes dans la dis- socialion des hydrures alcalins et de bien d’autres composés semblables. Pour n —3, on doit avoir » — 4. Soit, par exemple, la décomposition du sulfate mercurique par l'eau; il y a trois constituants indépendants : acide sulfurique, oxyde de mercure et eau. L'état du système n’est complèlement déterminé par la fixation de l'unde ses éléments variables, la tem- pérature, par exemple, que s’il y a quatre phases en présence : le sulfate mercurique cristallisé, le sous-sulfate insoluble, la solulion et la vapeur. Tant que la solution n'est pas saturée de sulfate mercurique, l'état du système, par suite la quantité d'acide sulfurique libre, dans la dissolution, n'est pas déterminée par la température seule. Quand on fait varier une des grandeurs du sys- tème en l'isolant, la température, par exemple, à volume constant, l'équilibre peut se rétablir sans disparition d’une phase, par un simple changement de la pression. En échauffant de l’eau enfermée dans une capacité de volume invariable, la pression croitra avec la température; de même, en chauffant une dissolution au contact d'un excès de sel solide, l'équilibre se rétablira par un changement de con- centration. Par ce procédé, on fera donc parcourir au système une série d'étals monovariants, dont la représentation géométrique sera une ligne, et on arrivera finalement au point terminal de cette ligne, qui est le point représentatif d'un système inva- riant. Au delà de ce point invariant, on passera sur une autre ligne représentant une autre série d’étals monovariants; le nombre des phases sera le même que dans la première série, mais les phases ne seront pas toutes les mêmes, certaines auront permulé au moment du passage par le point invariant. Il résulte de ce fait un procédé très sim- ple pour la délerminalion expérimentale des sys- tèmes invariants. Soit le système sulfate de soude décahydraté, solution et vapeur ; par échauffement, on arrivera au point invariant, on le dépassera, et au delà on retombera sur un nouveau système monovariant différent du premier par la subslitution du sulfate de soude anhydre au sulfate décahydraté. Ce chan- gement, accompagné d'une grande absorption de chaleur et d'une grande variation de volume, s’est entièrement produit à la température fixe du point invariant. L'observalion de la marche du thermo- mètre ou celle d'un dilatomètre permettra très - aisément de reconnaitre le passage par le point invariant, pourvu que la masse relative des deux phases qui s'échangent soit un peu considérable. Cette méthode d'observalion à été employée avec grand succès par M. van 'Hoff et ses élèves. Si, dans un svslème monovariant, toutes les grandeurs qui définissent l’état du système sont déterminées, quand on se donne l’une d’entre elles, il n'en résulte pas que nous connaissions dans lous les cas la forme des fonctions qui rattachent ces grandeurs les unes aux autres. La relalion entre la pression et la température est seule connue d'une facon rigoureuse; son expression, donnée par J.-W. Gibbs", est la suivante : D TES Le cell na AE TTL (4 ( | (2 fl D My M7 ol m, dp = ml dt ë Vas dans laquelle v', v",..…., r!, 7", …, sont les volumes et entropies des différentes phases en présence. Cette expression, pour 7 —1, se réduit, en tenant compte de la relation entre les différences d'entro- pies et les chaleurs latentes de réaction, à la for- mule bien connue de Clapeyron-Carnot. 3. Systèmes divariants : n +2— r—92.— On peut, dans ce cas, se donner arbitrairement deux des grandeurs qui déterminent la phase: la pression et la température, par exemple. Les autres grandeurs sont alors déterminées. La représentation géomé- tique d’une de ces grandeurs en fonction des deux variables indépendantes sera nécessairement une surface. L'intersection de deux surfaces semblables sera une ligne représentative d'un système mono- variant. Soit n —1, on aura alors r —1. De la vapeur, de l'eau liquide, prises isolément, peuvent être por- tées à une température et une pression choisies arbitrairement; mais alors toutes leurs autres pro- priétés seront déterminées. Sin —72, on doit avoir r — 9. Par exemple : une ! Equilibre de système chimique, de J.-W. Gibbs. — Tra- duction par Le Chatelier, p. 71. H. LE CHATELIER — LA LOI DES PHASES 765 dissolulion saline au contact de sa vapeur; un sel cristallisé au contact de sa dissolution. Dans le premier cas, une fois la pression et la température délerminées, la composition de la dissolution le sera également; elle arrivera, par suite d'un chan- gement de pression, de température, à cette com- posilion nécessaire soit par une évaporation, soil par une condensalion de vapeur d’eau. Si n —3, on devra avoir r —3, el ainsi de suite. On peut, dans un système divariant, faire varier une seule des grandeurs déterminantes sans ame- ner la disparition d'aucune phase; il y aura seule- ment des phases qui pourront changer de composi- tion. Ainsi, dans l'exemple précédent d'une solution saline surmontée de sa vapeur, un changement de pression ou de température n’amènera généra- lement qu'un changement de composition de la dissolution. Sy lÈMES ITA RE TRI TI n'existe aucun système semblable avec un seul constituant, puisque alors le nombre des phases est égal à zéro. Avec deux constituants, — vapeur d'eau à l'état de dissocialion, par exemple, — le système trivariant sera composé d'une seule phase, et ainsi de suite. Il est inutile de continuer celte énumération qui amènerait à étudier des cas trop complexes pour être abordés expérimentalement. IN Il ne suffit pas, pour établir l'exactitude d’une théorie, d'exposer les arguments qui lui sont favorables; il faut encore discuter les objections qui peuvent lui être opposées. Dans bien des cas, il semble que le degré de liberté ne soit pas celui auquel conduit la formule n+2— 7. En ne retenant que les faits précis et correctement interprétés, il est facile de montrer que le désaccord provient d'une fausse interpréta- tion de la formule. Dans les piles, l'expérience montre que le degré de liberté est d'une unité inférieur à celui de la formule; cela tient, ainsi que l’a fait remarquer M. W. Bancroft, à ce que l'établissement de la formule suppose expressément l'absence de toul phénomène électrique. Le nombre 2, qui corres- pond aux différentes actions physiques qui in- fluencent le système, doit être porté à 3 quand il y a des phénomènes électriques en jeu. Dans certains mélanges solides, alliages, — roches cristallisées, — les nombres des éléments différents, c’est-à-dire des phases distinctes, est Lel qu'au mo- ment de la solidification finale le nombre des phases en présence a dû être supérieur à celui d'un système invariant, c'est-à-dire supérieur à sa plus 766 H. LE CHATELIER — LA LOI DES PHASES grande valeur possible. Pour expliquer celte ano- malie, il suffit de remarquer que l'établissement d'un état d'équilibre exige un temps souvent très long, surtout quand il entre en jeu de gros cristaux, et que le refroidissement a pu être trop rapide pour permettre le rétablissement continu de l'état d'é- quilibre. Soil, par exemple, une solution bouillante de borax que l’on fait refroidir; il va d'abord se déposer des cristaux à 5 molécules d'H°0, qui pour- ront devenir assez volumineux. En passant par le point invariant, voisin de 60°, ces cristaux devraient tous disparaitre pour faire place à des cristaux à 10 molécules d'H°0. Mais, en général, il n’en sera rien: une quantité parfois importante des premiers cristaux subsistera. Après refroidissement jusqu'à congélation complète, on aura ainsi trois espèces de cristaux différents, au lieu de deux, c’est-à-dire qu'au dernier point invariant, où se fait la solidifi- cation finale, on a eu en présence 5 phases : glace, sel à 5H°0, sel à 10H°?0, dissolution, vapeur, tan- dis qu'il n'aurait dû y en avoir que quatre. Mais cela n'est pas un phénomène d'équilibre, et il n'y a plus à parler d'une formule exelusivement applicable au cas d'équilibre. Dans l'étude des dissolutions, des mélanges fon- dus, un examen superficiel peut conduire à penser que le degré de liberté est d'une unité inférieur à celui de la formule. On considère, en effet, générale- ment que la solubilité d'un sel est entièrement dé- terminée par la température. Cependant, avec deux phases seulement, — solution et sel, — un système formé de deux constituants devrait êlre divariant; il l’est bien en réalité, car la solubilité varie non seulement avec la tempéralure, mais encore avec la pression; seulement, les variations de solubilité dues aux changements de la pression atmosphé- rique sont des infiniments petits qui échappent à tous nos procédés d'observation. Praliquement, tout se passe comme si la pression élait nulle, c'est-à-dire s'il n’y avait aucune intervention d'ac- lions mécaniques; dans ce cas, le nombre 2, rapportant aux aclions physiques, devrait être remplacé, dans la formule, par 1. Dans tous les systèmes où il n'existe pas de masses gazeuses et que l’on étudie au voisinage de la pression atmo- sphérique, on peut faire abstraction de celle-ci et prendre pour expression du degré de liberté la formule : se n+i—r. faire intervenir dans les sys- tèmes de corps non volatils une phase vapeur plus ou moins ficlive. Mais la véritable difficulté, longuement discutée par le professeur J.-W. Gibbs, se rapporte aux sys- tèmes dans lesquels la transformabilité réversible de certaines substances les unes dans les autres Cela dispense de reste douteuse; le nombre des équations de condi- tion est alors également douteux, et par suite aussi celui des constituants indépendamment variables, et en conséqnence celui du degré de liberté du sys- tème. Soit un mélange de H,0 et H°0. À la tempéra- ture ordinaire, il ya évidemment trois constituants indépendants, parce que l'hydrogène et l'oxygène. ne peuvent pas se transformer en eau, ni récipro- quement. Aux lempératures élevées, à 2.000, par exemple, il n'y a certainement, au contraire, que deux constituants indépendants. Mais, dans l'in- tervalle, que se passe-t-il? On peut supposer qu’à certaines températures les réactions se produisent complètement, mais avec une extrème lenteur. On devra alors prendre trois constiluants dans le cas de variations très rapides du système, et deux dans le cas de varialions infiniment lentes. Un cas sem- blable, très intéressant, a été étudié par M. Ban- croft et ses élèves : celui des oximes, qui présentent deux variétés allotropiques pouvant exister aussi bien à l'état cristallisé qu'à l’état solide et qui se transforment l’une dans l’autre avec une extrême lenteur. Dans les variations rapides de lempérature, le mélange fondu se comporte comme un mélange de deux constituants, analogue à une dissolution; dans les variations lentes, il se comporte comme un corps unique fondu. Mais il peut arriver, et c’est là le point compliqué, queles transformations des corps ne soient que partiellement possibles, et s'arrêtent avant d'avoir atteint l'état d'équilibre. Ce serait, d'après MM. Gautier et Helier, le cas des mélanges d'hydrogène et d'oxygène entre 200 et 500°; ce serait, d’après les recherches de M. Os- mond, le cas de toutes les transformations du fer et des aciers. Il n’y a pas, dans les cas semblables, d’ailleurs très peu nombreux jusqu'ici, d'équilibre proprement dit; il ne faut pas leur appliquer la loi des phases, qui vise seulement les phénomènes d'équilibre nettement caractérisés. V Pour terminer cet exposé, nous résumerons deux exemples d'équilibre chimique dont l'étude a été faile en se laissant guider par la loi des phases : la dissociation des chlorures d'iode étudiée par M. Stortenbeker, les équilibres entre l’eau, l'acide chlorhydrique et le chlorure ferrique, par M. Bak- khuis Roozeboom. A. Chlorures d'iode. — Les phases solides pos- sibles sont au nombre de cinq. L'équilibre de cha- cune d'elles avec une phase liquide et une phase vapeur constituent cinq systèmes invariantis dis- tincts : H. LE CHATELIER — LA LOI DES PHASES 767 * ls TEMPÉRATURE PRESSION NM CRE . —102 11 atm. DER". RE A114.2 91 m/x de Hg. Ole 20 0 -h/97,9 37 m/n de Hg. 4. — ICIÉ (instable) . + 13,9 » CC ee -L 101 16 atm. = les autres. Les numéros inscrits sur les courbes sont ceux des différents systèmes invariants. On a laissé de côté la région voisine du chlore solide qui n'a pas été l’objet d'expériences précises. IL existe, en outre, cinq autres systèmes inva- 2. Chlorures ferriques. — L'exemple du sys- Phase Phase Phase Pressions liquide vapeur solide 2 7 2 0 A 1 | | 5 =] © = — 2 ou — -Q == ce € 2 o LE al 3 — 1 à O CI Û Fig. 1. — Dissocialion des chlorures d'iode. — On a porté partout la température en ordonnée. Pour les diagrammes des hases liquide, vapeur et solide, on a porté en abcisses les proportions de chlore et iode en molécules. Les chiffres se P q » VAT P 1 Ê s proportion: rapportent aux points invariants désignés dans le texte. —riants composés de deux phases solides réunies … aux phases liquide et vapeur : PHASES DÉSIGNATION t p liq. vap. —IClu, liq., vap. 10,9 A11m/m (0,66 CI? 0,92 CI? ICla— ICE — — > _220 7 42m/m, A /19/C1214,15 CI E—ICI3 — — 00,9 » 0,120 » Q—ICF — — 120 » 1,10 CI® » CÉ—ICÉ — — <—1020 » » » La détermination de ces dix points invariants suffit pour se faire. une idée très précise de l’ensemble du phéno- mène, comme on peut en juger par les graphiques de la figure 1. Chaque courbe représente une des grandeurs déterminant le 0 système rapprochée de la tem- pérature, qui est partout portée en ordonnée; ces grandeurs sont la pression et la composition de chacune des pha- ses; celles-ci sont exprimées par le nombre des molé- cules d’iode sur 100 molécules de mélange. Le dia- 0 gramme despres- 0 10 20 sions n'est pas du tout à l'échelle, parce qu'il eût élé impossible de représenter à la fois des pressions se comptant les unes par atmo- sphères, les autres par millimètres de mercure, c'est-à-dire 1.000 fois plus grandes les unes que Fig. 2. — Représentalion des équilibres entre l'eau, l'acide chlorhydrique el le chlorure ferrique. tème FeCl°, HCI, H°0 est peut-être plus probant encore pour montrer l'intérêt de la loi des phases; sa complexité est telle qu’il eût été impossible de s’y reconnaitre sans un guide théorique. Le mode de représentation géométrique employé dans ce cas, connu sous le nom de diagramme triangulaire, est encore dû à Gibbs. La composition d'un sys- lème ternaire est représentée par un point pris dans l'intérieur d’un triangle équilatéral: la dis- tance de ce point à chacun des côtés du triangle représente la proportion centésimale de cha- que corps, si l’on convient que la hauteur du triangle vaut 100. En élevant en chacun des points ainsi déterminés une perpendi- culaire d'une longueur égale à la grandeur d’une des propriétés, Fe? CIS 2HCI,4+H20 la température, par exemple, on obtiendra une sur- face représentant une cerlaine pro- priété d'une phase en fonclion de la composition de celle-ci. La figure 2 re- présente la pro- jection horizontale de la surface représentative des températures rap- prochée de la composition de la phase liquide. Le diagramme triangulaire, donnant Ja composition de la phase liquide, a été tracé en portant les HCI% H CI,H20 Fe CI$ % 30 #0 768 L. MAILLARD — LES APPLICATIONS BIOLOGIQUES DE LA THÉORIE DES IONS quantités de chaque corps (nombre de molécules), non pas suivant la direction des hauteurs, mais suivant celle des côtés, ce qui donne le même résultat. Les points invariants qui ont permis de définir cette surface sont au nombre de 31, dont 12 sont les points de fusion des composés définis (ils n’ont pas été indiqués sur la figure); ils ne comprennent chacun qu'une phase solide; 8 sont des invariants binaires ne renfermant qu'un corps avec l’eau : soit le chlorure de fer, soit l'acide chlorhydrique, et 12 sont des invariants lernaires renfermant, par conséquent, 3 phases solides en plus de la disso- lution et de la phase vapeur. Sur le diagramme triangulaire ainsi obtenu, les points se trouvent sur une nappe donnée de la surface, représentent un système divariant comprenant vapeur, dissolu- tion et un corps solide cristallisé. La nature de ce dernier est inscrite sur chaque nappe, et la compo- sition de la solution est indiquée par la position du point dans le triangle. Les points situés sur les arêtes représentent des systèmes monovariants à deux phases solides appartenant aux deux nappes adjacentes. Et, enfin, les points de rencontre de ces arêtes correspondent aux systèmes invariants à trois phases solides appartenant chacune à l’une des trois nappes adjacentes. H. Le Chatelier, Professeur de Chimie minérale au Collège de France. LES APPLICATIONS BIOLOGIQUES DE LA THÉORIE DES: IONS La théorie des ions est aujourd'hui suffisam- ment répandue pour qu'il soit superflu d'en rap- peler ici les grandes lignes*. Nous la supposerons élablie et bonne, autant d’ailleurs que peut l'être une théorie jeune encore et souvent inachevée, mais ingénieuse, satisfaisante et féconde. Laissant de côté les profits qu'en retireront la Chimie gé- nérale et la Physique, nous appellerons seulement l’altention sur les services que les sciences phy- siologiques sont en droit d'en espérer. Il S'il est vrai que l'étude des principaux lypes de réaclions a permis d'attribuer aux ions nombre de propriétés chimiques importantes comme l'acidité ou l’alcalinité, il parait évident que les phénomènes de la Chimie biologique doivent se ressentir gran- dement de l'action des ions libres. Mais je tiens à préciser le problème : la question n'est point de savoir si une réaction chimique de l'organisme sera influencée, dirigée ou même déterminée par le nombre et la nature des ions en présence. Poser cette question, c'est la résoudre; accepter le rôle des ions en Chimie générale, c'est le reconnaitre en Chimie biologique, et l'hésilation ne serait per- mise qu'à un vilalisie irréductible de la vieille École, si tant est qu'il püût encore en exister. Cependant la vérification devient indispensable lorsqu'il s'agit, non plus d'une réaction, mais de l'ensemble de toutes celles dont la résultante cons- litue la vie d'une cellule organisée. La variable introduite par le degré d'ionisation d'une des subslances réagissantes aura sûrement son effet 1 Voyez à ce sujet : Hocranp : Les théories modernes de l'Electrolyse, dans la Revue des 15 et 30 mai 1898. dans la réaction considérée; mais il n’est pas prouvé que cet effet trouvera sa répercussion tangible dans la vie totale de la cellule, plutôt que d'être com- pensé, effacé, noyé dans la foule des autres réac- tions si nombreuses et si variées dont la même cel=n lule peut devenir le siège. Un organisme entier, avee ses multiples fonctions et l'énergie potentielle d'un système nerveux régulateur, peut se montrer plus réfractaire encore à la traduction des effets primilivement causés par l'ionisation variable d'un corps quelconque. L'expérimentalion seule peut élucider le pro- blème, ramené à la recherche de substances suffi- samment puissantes pour qu'une variation, même faible, de leur intensité d'action produise une variation sensible dans la vilalité du sujet d’expé- rience : les phénomènes loxicologiques sont tout indiqués. Prendre un poison en solution titrée, étudier quantilativement ses effets physiologiques; les comparer simultanément avec la concentration brule du toxique et la concentration de ses ions % telle est la marche à suivre. Les chances de suecès seront d'autant plus grandes que l'organisme choisi sera moins com plexe et plus homogène au point de vue fonc- lionnel: les bactéries et surtout les champignons inférieurs sont à recommander pour les premières expériences, tant pour ce molif que pour leur manipulalion facile et leur grande résistance. « 2TY k t IT Les recherches se heurteront néanmoins à une grave cause d'erreur, sur laquelle j'insisterai parce qu'elle jette une forte suspicion sur les travaux des premiers expérimentaleurs : je veux parler des L. MAILLARD — LES APPLICATIONS BIOLOGIQUES DE LA THÉORIE DES IONS phénomènes osmotiques, doublement dangereux par la plasmolyse et par les vitesses de diffusion". La plasmolyse, bien connue des botanistes avant qu'elle eût suggéré à van’t Hoff les éléments de son théorème célèbre assimilant les solutions aux masses gazeuses, est un phénomène en relation seulement avec les valeurs de la pression osmo- tique, mais pas avec la nature des corps qui la pro- duisent. Plongée dans une solulion qui n'a pas la même pression osmotique, qui n'est pas isoto- nique à la cellule vivante, celle-ci se voit forcée de chercher l'équilibre ; elle subit une perte où un gain d’eau, une contraction ou une dilatation, qui peuvent désorganiser irrémédiablement la strue- ture protoplasmique : c'est la mort de la cellule. Mais, cet effet funeste ne dépend pas de la nature du liquide : toxique ou nutritif, ionisé ou non disso- - cié, peu importe le corps; le nombre seul des par- ticules dissoules entre en jeu, et l'eau distillée tue - la cellule aussi sûrement que les poisons les plus - violents. D'où la nécessité d'une sévère critique vw: des essais où l'organisme, plongé dans un liquide toxique, peut traduire aussi bien l'effet banal de la pression osmotique que l’action spécifique d'un ion. Ce n’est pas tout; la vitesse de diffusion de l'ion expérimenté à travers les différentes zones proto- plasmiques n’est pas déterminée, et, pour bien faire comprendre son importance, il est nécessaire d'en- trer dans quelques détails. Le meilleur moyen d'étudier le rôle d'un ion -consisle à essayer une série de solutions, identi- ques par la concentration brute de l'élément sus- ceptible de constituer cet ion, mais différentes quant au degré de dissociation. Soit une solution? de chlorure mercurique HgCP ; ajoutons-y du chlo- rure de sodium NaCl; si le nombre des ions CI qui peuvent exister libres n’est pas indéfini, les deux chlorures contribueront à en produire, et le sublimé en fournira moins pour sa part que lorsqu'il était pur. Il en résulte une baisse de la teneur en ” + Fr . n ions Hg. Or, Paul et Krünig® ont trouvé que le sublimé, à la dilution de 16 litres, est 50 fois moins loxique pour les spores de Bacillus anthracis, lors- ! Tu. PauL u. B. KnôniG : Ueber das Verhalten der Bakte- rien zu chemischen Reagentien. (Zeit. f. physikal. Chemie, 1896, t. XXL.) — B. Krônie u. Tn. Pau : Die chemischen Grundlagen der Lehre von der Giftwirkung und Desinfek- lion. (Zeit. f. Hygiene, t. XX, p. 1, 1897.) ? Pour l'historique et la discussion complète des expé- riences, voir : L. MaiLLar», De l'intervention des ions dans les phénomènes biologiques. Recherches sur la toxicité du sulfate de cuivre pour le Penicillium glaucum. Journ. de Physiol., no 4, juillet 1899, p. 651 et p. 673. * Je cite le sublimé, parce qu'il a servi aux expériences de Paul et Krënig; ce n'est cependant pas un bon exemple, à cause de la faible dissociation des sels mercuriques et de leur propension à former des sels doubles qui peuvent compli- Auer le problème. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, qu'il est additionné de son poids de sel marin, cela pour une immersion de 6 minutes. Merveilleux résultat, preuve éclatante de la toxicité du mercure ionisé et de lui seul! Malheureusement, c'est une illusion. Au moment de l'immersion, les pressions s'égalisent par toutes les espèces de particules pré- + sentes, et, comme dans le second cas les ions Hg sont en infime minorité, ils ne prennent qu'une petite part à cette égalisation. L'ion He pénètre la bac- | térie plus lentement en solution salée qu'en solu- tion pure; quand on retire la bactérie après quel- ques minutes, elle à reçu moins de mercure : quoi d'étonnant à ce qu'elle ait mieux résisté? Plus l'immersion se prolonge, plus la cause d'erreur s'atténue en mème temps que la différence osmo- tique. Lorsque l'expérience dure une demi-heure, Paul et Krünig eux-mêmes trouvent la toxicité di- minuée seulement d'un tiers de sa valeur et non plus 50 fois. Le dernier chiffre seul est accep- table, et l'importance de l'écart excusera auprès du lecteur cette digression longue, mais nécessaire. III Les botanistes arnéricains furent les premiers à s'attaquer au problème. L. Kahlenberg et R. H. True ! ont essayé, dès 1896, de délerminer la con- centralion de divers réactifs nécessaires pour tuer des plantules de lupin blanc. Pour la série des acides minéraux, par exemple, le classement des pouvoirs toxiques était le même que celui des coefficients de dissociation, d'où attribution à l'ion M de la toxicité des acides. Pour les différents sels d’un même - métal, les plus ionisés étaient aussi les plus toxiques. Mais, outre que la durée des expériences est trop faible pour éliminer le rôle des différences osmo- tiques, les dilutions des sels sont aussi trop espacées pour déterminer la dose toxique avec la précision qu'exige la délicatesse des résultats cherchés. F. D. Heald ? reprit les mêmes travaux en s'adressant à d'autres graines. F. L. Stevens * publia, à la fin de 1898, des recherches identiques faites sur des champignons inférieurs. Enfin J. F. Clark * tenta de déterminer la toxicité relative des différents ions. Tous ces travaux ne sont que la continualion de ceux de Kahlenberg et True, et souffrent des mêmes défauts : ils ont donné bon 1 L. KauLex8erG a. R. H. TRUE : On the toxic action of dis- solved salts and their electrolytic dissociation. (fhe Botani- cal Gazelle, t. XXII, n° 2, p. 81, août 1896.) 2 F. D. Hearn : On the toxic effects of dilute solutions of acids and salts upon plants. (The Bolanical Gazelle, t. XXU, n° 2, p. 125, août 1896.) #F. L. Srevess : The effect of aqueous solutions upon the germination of fungus spores. (The Botan. Gazette, t. XXVNI, n° 6, p. 311, décembre 1898.) “J. F. Crank : Electrolytic dissociation and toxic effect. | (The Journ. of physisal Chem., t. UX, n° 5, mai 1599.) 20* 11 L. MAILLARD — LES APPLICATIONS BIOLOGIQUES DE LA THÉORIE DES IONS espoir et fortifié la conviction a priori des cher- cheurs, mais ils n'ont pas apporté la certitude qu'on acoutume d'exiger dans les sciences physiques. Les expériences de J. Læb! offrent beaucoup plus de précision dans les chiffres, car le crité- rium physiologique choisi est, d'une part, l'absorp- tion de l'eau par un muscle de grenouille aux dépens de la solution ambiante, et d'autre part la limite d’excitabilité du musele par les courants induits. Les résultats numériques ont établi des sérialions fort instructives dans les différents groupes chimiques : acides, bases, sels d'un métal donné, séries parallèles, d’ailleurs, à celles des ionisations. Mais, comme une augmentalion de la dissociation augmente aussi la pression osmolique, on ne sait trop auquel des deux facteurs attribuer les variations de phénomènes aussi suspects que l'imbibition d'un muscle. En même temps que Kahlenberg et True, et d'une manière indépendante, Paul et Krünig * avaient fait à Leipzig des essais aussi nombreux qu'intéressants sur l’action des antiseptiques sur les bactéries. Nous avons déjà cité l’un d’eux ; il est inutile d'insister sur la discussion des expé- riences, que j'ai exposée longuement ailleurs *. Ces trois dernières années ont donc vu s'effecluer un grand nombre d'essais. Par suile du défaut de précision numérique, ou de l'intervention malen- contreuse des phénomènes osmotiques, aucun n'a pu fournir une preuve; mais aucun n'a jamais rien présenté qui füt en contradiction avec le rôle spécifique des ions en matière de toxicologie. Ces conclusions m'ont indiqué la marche à suivre. Dès 1897, j'avais abordé la question, que je croyais alors neuve‘. Mais je m'étais bien vite convaincu qu'une seule expérience, pour offrir des garanties, devait durer des mois entiers. Je me suis alors attaché à l'étude approfondie d’un seul cas pris pour type, eslimant qu'une solulion rigoureuse donnerait par extension aux travaux de Kahlenberg et de Paul la précision qui leur manque, et pourrait, à son tour, leur emprunter un caractère de généralité. Je me suis adressé à un organisme remarquable pour sa vigueur et sa docilité, le Penicillium glau- cum, que j'ai soumis à l'action du sulfate de cuivre en modifiant à volonté l'ionisation du sel par des additions convenables de l’anion SO*, c’est-à-dire 1 J. Lors : Physiologische Untersuchungen über lonenwir- kungen. (Arch. f. ges. Physiol., t. LXIX, p. 1, 1898.) 2 Loc. cil. a Journ. de Physiol., juillet 1899, p. 651. à Voir L. Marian» : Rôle de l'ivnisation dans la toxicité des sels métalliques; sulfate de cuivre et Penicillium glau- cum. (Bull. Soc. chim. de Paris, t. XXI, p. 16, 5 janv. 1899.) __ Du rôle de l'ionisation dans les phénomènes vitaux. C.R. Soc. Biol., 4 janv. 1899.) par des sulfates alcalins. Les conidies de la mucé- : dinée ramenée à un type biologique certain par de nombreuses générations en milieux définis, étaient transportées dans les ballons d'expériences dès qu'elles avaient formé de petits flocons mycé-= liens assez visibles pour être isolés un à un. Chaque pied séjournait pendant 1, 2, 3 ou mème 4 mois. dans un liquide nutritif analogue au liquide Raulin‘, mais additionné de sulfate de cuivre et de sulfates alcalins. De la sorte, l'équilibre osmo= tique, alteint dès les premières heures, restait inal-. téré pendant des mois, et h'influait pas sur Le poids de la récolte. : Les sulfates alcalins ont produit une baisses remarquable de la toxicité du sulfate de cuivre. Je citerai seulement une série de 14 expériences simul- lanées, ayant duré 35 jours à la température cons-" tante de 18. Le tableau ci-dessous indique les con centrations en CuSO* et Na’SO*, puis les poids de récolle séchée à 110°: POIDS de récolte ? NORMALITÉ des solutions Nos des cultures Lie. 0,016 2 Eos 0,0412 + 1 d | CuSO! + 2 Na°S0! 00488 \ # 4. mens .: 0,0505 J one 8. CusO* ar Na°SO! : 0,0542 J 6. | CusO‘ = NaSO# ; 0,0710 \ D] de | CREUSE (0,0493) $ . S. CuSO' + Na&s0! . 0 ,0697 8 9. CuSO!# + 2 NaSO! 3 1,0403 8 100] LE REMPARTS . 0,0646 (l 1 Fe CusO: + 3 Na’sO! 0.0679 (l 127 DRE STE 13 Cus0s ee Na2801 1.5582 14. Cu£O! + 3 Na°S0! 2,477 10 Non seulement les cultures prospèrent mieux en présence de NaSO*, mais il suflit de comparer les numéros 6et10 pour voir qu'un liquide deux fois plus 1 Les liquides de ce genre, ne contenant que des sucres et de très faibles quantités de sels, peuvent être considérés comme sans influence sur l'ionisation des sulfates. Je m'en suis assuré par des expériences cryoscopiques. 2 Un seul résultat, le n° 7, concorde mal. Pour les n°5 9, L. MAILLARD — LES APPLICATIONS BIOLOGIQUES DE LA THÉORIE DES IONS riche en cuivre peut être moins toxique si l'apport d'un autre sulfate a diminué assez son ionisalion. Il y a plus. En calculant autant que possible le poids de Cu à l’état d'ions pour chaque culture, on trouve que le produit du poids des ions Cu par la récolte de Penicillium est à peu près constant. Si donc on admet que la récolte soiten raison inverse de la toxicité du liquide’, on arrive à cette loi presque exacte : La toxicité du sulfate de cuivre pour le Penicillium est proportionnelle au nombre + x ” des ions Cu de la solution. Le problème est résolu. IV Le cas si frappant que je viens de citer est choisi au hasard; nous pouvons légitimement croire qu'il en est de même pour tous les sels et pour tous les organismes. Les recherches déjà faites se sont adressées aux colonies bactériennes, aux mycé- liums immergés des champignons inférieurs, au tissu musculaire des Batraciens. Tous ces objets, homogènes au point de vue structural comme au point de vue fonctionnel, ont manifesté le rôle pré- pondérant des ions dans les phénomènes vitaux. Là s'arrête aujourd'hui l'expérimentation : il reste à la poursuivre dans un organisme complexe aussi élevé que possible. Nous avons montré que l’em- preinte donnée par les phénomènes d'ionisation à une réaction de la cellule survit à l’antagonisme chimique des autres réactions du même tissu: il reste à montrer qu'elle survit encore à l’antago- nisme fonctionnel des différents tissus. Mais, dès aujourd’hui, nous sommes en droit de mettre en œuvre les résultats acquis. Demeurons d'abord sur le terrain toxicologique : nous sommes désormais avertis de tenir compte, non seulement de la dose totale du Corps, mais aussi de son degré de dissociation. « Corpora non agunl, nisi soluta », disaient les alchimistes : Arrhénius nous à donné l'explication de ce vieil axiome, mais il nous a appris encore que la dilution, la température, les Corps dissous accessoirement jouent un rôle impor- lant. Le mode d'administration d’un toxique, le véhicule employé sont des causes chimiques à joindre aux variations physiologiques individuelles qui rendent parfois si flottante la détermination d’une dose toxique. La théorie des ions sera peut- être d'un grand secours pour aborder les problèmes de la toxicité, surtout quand la Chimie physique aura élucidé les modes de réaction encore obscurs de tant de molécules organiques. La dissociation électrolytique peut aussi fournir 13 et 14, la culture s’est développée si bien qu'elle a pu émerger en partieet croître alors bien plus rapidement. ! Cette hypothèse n'est évidemment qu'approximative, ce qui empêche d'aboutir à une loi mathématique. 171 à l'organisme des moyens de défense automati- ques. On sait qu'il est difficile de déterminer exac- tement l'isotonie des globules sanguins; l'injection d'eau dans les veines d'un animal ne produit pas toujours une extravasalion immédiate de l’hémo- globine : il y a un retard à la plasmohyse de l’hé- matie. Or, l'injection des premières quantités d'eau augmente l'ionisation des sels du plasma, c'est-à- dire le nombre des particules dissoutes, ce qui empêche la pression osmotique de baisser autant : il y a un retard à l'abaissement de la Pression osmo- tique. Sans vouloir rien affirmer encore, n'est-on pas tenté de chercher là une relation de cause à effet? Dans tous les cas, ce rôle régulaleur des sels du plasma sanguin (surtout le chlorure de sodium) semble bien prouvé déjà par les travaux de M. Win- ter sur le point de congélation des liquides de l'or- ganisme, travaux qui ont conduit à l'analyse eryos- copique des laits et amené M. Bouchard à l'étude cryoscopique des urines pathologiques. Cette régulation de la pression osmotique par la dissocialion permet jusqu'à un certain point de comprendre l’acclimatation des animaux marins à l'eau douce et vice-versa. Les variations osmotiques internes sont bien moindres qu'on ne serait tenté de le croire, et pourraient même s’annuler dans des circonstances favorables. On saura de même que l'emploi des antiseptiques exige certaines précautions, et qu'il faut se garder surtout des mélanges hasardeux. D'autant plus que, dans ce cas, la baisse de dissociation s'aggrave d'une augmentation de la pression osmolique, très funeste dans les désinfections rapides, telles qu'on les fait dans la pratique chirurgicale. Je rappelle qu'on diminue cinquante fois la valeur du sublimé lorsqu'on le met en pastilles avec son poids de NaCI, sous prétexte d'activer sa dissolution. On pourrait chercher et trouver une liste inter- minable d'applications physiologiques de la théorie des ions, car l'emploi des phénomènes toxicolo- giques n'a eu pour but que de faciliter les recher- ches, et les conclusions que nous avons obtenues s appliquent évidemment aux processus normaux de la Chimie biologique. L'avenir montrera quels sont les cas où l'emploi judicieux des théories phy- sico-chimiques pourra conduire à des interpréta- tions nouvelles et à des résultats heureux. J'ai pensé qu'il n'était pas inutile d'attirer dès mainte- nant sur ce point l'attention des physiologistes, en leur prouvant que des variations quantitalives des ions d’un seul corps peuvent avoir une répercussion intense surde fonctionnement des tissus, et proba- blement aussi sur la vie des organismes les plus élevés. L. Maillard, Préparateur de Chimie à la Faculté de Médecine de Nancy. ot 12 A. LEHEUP — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE ET DE L'INDUSTRIE DU TABAC LOHAMN ACTUEL DE LA CULTURE ET DE L'INDUSTRIE DU TABAC Le tabac est, non seulement en France, mais aussi dans la plupart des autres pays, une des sources les plus importantes de revenu pour le budget de l'État. Cette source s’est accrue considérablement d'année en année, tant par le développement de la consommation, que par l'abaissement des prix de revient, obteau, malgré l'élévation des salaires, par les progrès de l'outillage mécanique. Certes, ce serait, entre tant d’autres, une cause de grand étonnement pour un fabricant de tabac du siècle dernier de voir ce qu'est devenue dans une de nos manufactures actuelles la fabrication de la poudre par exemple. Sans doute, le dernier mot n'est pas dit : en dépit des tentatives qui ont été et qui sont encore faites, certaines mains-d'œuvre, toute fabrication même, celle des cigares, sont restées jusqu'à présent rebelles à l'introduction de la machine. Mais on peut regarder avec satisfaction ce qui a élé fait et il est permis d'espérer que de nouveaux progrès ne larderont pas à ètre réalisés. une I. — CULTURE. $ 1. — Nomenclature des principales. espèces de tabac. Dans presque tous les pays, on à essayé de cul- tiver le tabac. On n'a pas partout réussi. Au Por- tugal, par exemple, où la Compagnie fermière est obligée var son contrat avec l'État d'acheter aux planteurs indigènes tout le tabac qu'ils produisent, les feuilles sont de si médiocre qualité que la plus grande partie ne peut être utilisée dans aucune fabrication. Les pays où l’on cultive un tabac marchand sont disséminés un peu partout sur le globe. Les plus riches, en quantilé comme en qualité, sont ceux-là mêmes d’où nous est venu le tabac : les pays du Nouveau-Monde; et de ces contrées favorisées la première est, sans contredit, Cuba. Le tabac de la Havane est, en effet, sans rival pour l’arome, cet arome si agréable qui le fait aimer de tous, même de ceux qui ne fument pas. L'ile de Cuba ne produit pas tout entière ce précieux tabac; c'est seulement une assez petite région située près de la Havane, et appelée Ja Vuelta-Abajo. Le tabac des autres parties de l'ile, Partidos ou Vuelta-Arriba, est de qualité inférieure ; certains fabricants étrangers ne se font du reste aucun scrupule de l'employer sous le nom de tabac de la Havane. Le prix des feuilles de Havane, dans l'ile même, varie de 6 francs à 50 francs le kilogramme, suivant les qualités. Les Havanais ne distinguent pas moins de dix-sept qualités, depuis le petit tabac grossier et déchiré, qui ne peut être utilisé qu'après hachage pour faire des cigarettes, jusqu'aux feuilles de grandes dimensions, de belles couleurs, bien élas- tiques, destinées à la couverture des cigares chers. Les feuilles de chaque récolte, ou véga, sont minutieusement classées dans les différentes qua- lités, suivant les dimensions, la finesse et la couleur. Après séchage, elles sont réunies en ma- noques homogènes, et les balles sont composées régulièrement de quatre-vingts manoques. Le tabac est protégé dans la balle par une enve- loppe en feuilles très épaisses de palmier. Cet emballage est un modèle qui devrait bien être suivi pour d'autres tabacs, fragiles et d'un prix élevé, tels que le Sumatra, insuffisamment protégés par l'enveloppe extérieure. Les voisins des Cubains ont tenté d'obtenir un … tabac semblable : Porto-Rico, Saint-Domingue, « la Floride ont fait des essais. Mais, jusqu’à présent, leurs produits sont loin de pouvoir rivaliser, quant à l’arome, avec ceux de la Vuelta-Abajo. N'a-t-on pas vu d'ailleurs que dans l'ile même de Cuba une petite région seulement donne de bon tabac? Le Mexique produit un tabac développé, quel- quefois trop épais et à nervures trop saillantes, mais qui cependant offre des ressources assez con- sidérables pour la couverture des cigares imitant le Havane. Les Belges font un grand usage de cette espèce. Le goût en est un peu pâteux, parfois amer et généralement peu aromatique. Le Brésil fournit le marché de Bahia d’une grande quantité de tabac, généralement trop petit et à nervures trop crispées pour qu'on en puisse lirer des robes de cigares, mais d'un goût droit et d'un arome fin qui le font apprécier comme tabac d'in-n térieur; son prix est de 3 francs le kilogramme environ pour la moyenne des-qualités employées par la France. Les États-Unis sont un des grands pays produc- teurs du tabac: le Maryland et l'Ohio donnent des tabacs légers, d'un arome france, très goûtés du ". meur français dans le scaferlati ou la cigarette ; less feuilles de Virginie et de Kentucky, grasses el corsées, sont employées dans la poudre, le tabacs à chiquer et les cigares à un sou. Un essai {rèsx intéressant d’acclimatation des graines de Havane à . Ë : ? ù A. LEHEUP — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE ET DE L'INDUSTRIE DU TABAC 173 a été fait dans le nord des États-Unis : il en es résullé un tabac spécial, connu sous le nom de Seed- leaf, dont on récolle une grande quantité el qu'on emploie à l'étranger concurremment avec Île Havane, bien qu'il n'ait avec cette espèce qu'un rapport lointain au point de vue des qualités essentielles. Java et surtout Sumatra produisent un tabac très fin, dont la couleur blonde est recherchée de la plupart des consommateurs : aussi cette espèce est-elle, malgré son goût amer et piquant, le tabac par excellence pour robes de cigares. Le prix du Sumatra peut s'élever jusqu'à 24 francs le kilo: il est en moyenne de 11 à 12 francs pour les tabacs ordinairement employés à la couverture de nos cigares francais : londrécitos et londrès. Le tabac de Manille n'arrive en France que sous forme de cigares, dont il est importé un peu plus de deux millions et demi par an. Ces cigares, bien inférieurs comme goût aux Havane, sont appréciés d'une certaine catégorie de fumeurs. La Turquie et l'Asie Mineure fournissent un tabac d’une espèce toute particulière, à feuilles très petites, de couleur jaune clair, d'un arome spécial très prononcé, qui le fait goûter d'un assez grand nombre de fumeurs de cigarettes. Tous les pays d'Europe, sauf l'Angleterre et l'Espagne où la culture est prohibée, produisent chacun une certaine quantité de labac, utilisée pour la consommation intérieure. Ces tabacs sont généralement de médiocre qualité. S2. — Procédés de culture. Les procédés de culture et de séchage des feuilles varient suivant les pays. Nous décrirons la cullure du tabac en France. Elle y est soumise à une régle- mentalion sévère. Les surfaces maxima à eulliver sont fixées chaque année par le Ministre des Finances. La répartition de ces surfaces est faite entre les planteurs, sur la proposition du Directeur des tabacs de chaque circonscription, par une Commission spéciale. Les terrains doivent être désignés d'avance et ne peuvent être changés ensuite sans autorisation; on n'accepte d'ailleurs que les terres légères et sablonneuses, dont la nature est reconnue propice à la culture du tabac. Les graines sont distribuées aux planteurs par l'Administration, qui fait cultiver avec des soins Spéciaux, par des planteurs choisis et sous la sur- veillance de ses employés, les plantes porte-graines. La graine du tabac est extrêmement petite : un cen- timèlre cube en contient de 4.000 à 10.000. On la tamise et on la passe au soufflet pour éliminer les graines trop petites ou trop légères, qui ne donne- raient pas des plants vigoureux. Chaque planteur fait son semis proportionné à la surface de culture qui lui a été attribuée. Le terrain du semis doit être particulièrement soigné, et protégé contre le soleil, les gelées, le vent. Géné- ralement on le fait sous chàssis. Lorsque le plant a alteint 0",10 de hauteur envi- ron, on le repique sur le terrain destiné à la cul- ture. La compacilé est déterminée par l'Adminis- tration suivant les départements et la nature des tabaes : elle varie de 10.000 à 45.000 pieds à l’'hec- are. La plantation est faite au cordeau, à inter- valles réguliers, de facon à faciliter la vérification : car les planteurs doivent justifier du nombre de feuilles, déterminé par le nombre de plants, chaque plant devant porter le même nombre de feuilles. Il est interdit de planter du labac sur une terre déjà cultivée dans l’année. Dans certains départe- ments, les plants doivent être protégés, soit par des haies, soit par des plantations de vigne ou de maïs, en particulier dans le département de Vau- cluse, où l'action du mistral pourrait être dan- gereuse. Lorsque le bouton du haut qui donnerait la fleur apparait, le planteur l’enlève avec l'ongle; c'est l’écimage. Il enlève de même les bourgeons qui poussent ensuite sous l'aisselle des feuilles, avant qu'ils aient pris un trop grand développe- ment, préjudiciable à celui des feuilles qu'on veut conserver. Le planteur soigne sa terre; il à à faire le sarclage, le binage, le buttage, puis il procède à l'épamprement. La culture est surveillée par les vérificateurs; les mauvais planteurs, outre l'infé- riorité du classement de leur récolte, s'exposent à voir diminuer l’année suivante l'importance de la surface à cultiver. j Quand les feuilles sont mûres, ce qui se recon- nait aux marbrures jaunâtres apparaissant sur le parenchyme, on procède à la cueillette. En France, la cueillette se fait feuille à feuille; dans d’autres pays, on coupe la Lige au pied; dans d’autres, on sec- tionne la tige en plusieurs tronçons, pour obtenir des couples de deux feuilles. À la Havane, où ce dernier mode est employé, on laisse ensuite pousser sur le pied une nouvelle lige, qui fournit bientôt des feuilles de regain. On obtient de même un second et quelquefois un troisième regain. Les feuilles récoltées sont ensuite séchées. Lors- qu'on les a cueillies une à une, on les enguirlande en les enfilant, par une fente pratiquée dans le pédoncule, sur une ficelle ou sur une baguette de bois. Lorsqu'on les récolte avec la tige, on les met à cheval sur des perches, soit en les réunissant deux à deux par le pied,soit en se servant du pé- doncule d’une des feuilles inférieures. La dessiccation doit être suivie de près. On l'opère à l'air libre, ou de préférence dans des séchoirs aménagés de manière qu'on puisse les 174 A. LEHEUP — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE ET DE L'INDUSTRIE DU TABAC aerer ou les fermer suivant l'état de l'atmosphère et celui des feuilles mêmes. Aux Etals-Unis, on emploie une méthode de séchage au feu très pratique, mais qui demande beaucoup d'expérience. Il s’agil, la-bas, d'obtenir le maximum des feuilles jaune clair, très recher- chées par les Américains et qui se vendent 30, 40 etmême 50 °/, plus cher que les tabacs rouges et bruns. La température est portée progressivement, et suivant certaines règles, de 32° à 76°. Ce mode de séchage à l'avantage de ne durer que 4 ou 5 jours, tandis que le séchage à l'air libre dure 2 ou 3 mois. En France, les tabacs après séchage sont triés par les planteurs, conformément aux types donnés par l'Administration, mis en manoques de 25 ou 90 feuilles, puis en ballots de 100 manoques. Ils sont alors transporlés aux magasins où une Com- mission d'expertise les classe. En 1897, les prix payés aux planteurs pour les différentes catégories de classement ont été les suivant(s : Surchoix. . . . . 140 à 460 fr. les 100 kilos. ArMquolté M NID AM SONfr: — 2e — COOP AMOOMT: — 3e — - 80 à 90 fr. == Non marchands. . 20 à 70 1r. — La même année, 57.970 planteurs ont livré 26.433.097 kilos de tabac pour une surface cultivée de 16.489 hectares, soit un rendement moyen de 1:600 kilos à l’hectare. Le prix moyen a été de 90 fr. 30 les 100 kilos. Dans les magasins, les tabacs sont mis en masses pour produire une fermentation. La tempé- rature s'élève vers 40°. On retourne alors les feuilles et on construit de nouvelles masses. Lorsque la fermentation est achevée, on met le tabac en balles de 4 mètre cube environ, pesant 400 kilos, à l’aide de presses hydrauliques. La culture est autorisée en France dans 25 dé- parlements, produisant les uns des espèces corsées, les autres des espèces légères. La carte de la figure 1 indique l'importance de la culture du tabac dans les divers départements. En Algérie, la culture est libre. Elle a fourni en 1897, à la régie francaise, 41.851.799 feuilles. kilos de $ 3. — Composition du tabac. L'étude de la composition du tabac, intéressante au point de vue scientifique, n'est pas inutile au point de vue de l’amélioration des procédés de culture et des qualités du tabac. Le tabac renferme des composés minéraux et des composés organiques. Les composés minéraux entrent pour environ 22 °/, dans le poids du tabac sec; ce sont les acides nitrique, chlorhydrique, phosphorique, l'ammoniaque, la potasse, la chaux, la magnésie, le fer, le mangañèse, la silice et le sable. ) Le taux d’ammoniaque, nul dans les feuilles vertes, varie de 0,25 à 0,75 ° dans les feuilles séchées. L'ammoniaque est un produit de la fer- mentlation, et provient de la décomposition de la malière azotée. Lorsque des feuilles ont commencé à fermenter dans les balles, elles dégagent, lors de l'ouverture de celles-ci, une forte odeur ammo- niacale. Le taux d'acide nitrique est très variable : il est plus élevé dans les côtes que dans le parenchyme ; dans les feuilles écôtées, il peut aller de 0,02 à 2 °/, suivant les espèces ; dans les côtes, il va de 0,15 à 6 °/.. Le taux de nitrate n’a aucune relation avec la combuslibilité des tabacs, comme on pourrait se l'imaginer à priori. Cette qualité essentielle du tabac dépend, sans lui être proportionnelle, de sa teneur en potasse, qui varie de O0 à 3,5 °/,. Les expériences décisives failes par M. Schlæsing ont établi ce fait. La potasse est fournie tout entière aux plantes par le sol: il convient donc de cultiver de préfé- rence le tabac là où eïle abonde. Le tabac em- porte annuellement 100 kilos de polasse à l'hec- tare, tandis que le blé n'en prend guère que 15 kilos. La production continue de potasse dans un sol s'explique par la décomposition lente des minéraux ; mais cette production assez régulière ne dépasse pas un certain chiffre par an. Il faudra donc, avant d'établir la culture du tabac dans une terre, examiner si l'entretien d’un taux convenable de l’alcali y est assuré, en analysant les fumiers qui Sy produisent. On utilisera le principe des assolements, en faisant succéder au tabac des cullures qui permettent à la terre de récupérer la potasse perdue. Au reste, l'emploi comme engrais du sulfate de potasse, dont le prix n'est pas aujour- d'hui très élevé, permet de donner à la terre ce qui pourrait lui manquer et de cultiver sur la même terre le tabac sans interruption. La combustibilité du tabac ne résulte pas de la présence de la potasse même, mais des sels orga- niques de polasse, qui produisent un charbon poreux, où le feu se propage facilement. Lorsque la potasse est combinée à des acides minéraux, elle n'a pas d'effet sur la combustibilité. Ainsi, les tabacs renfermant une trop forte proportion d'a- cide chlorhydrique, qui accapare la potasse au dé- triment des acides organiques, sont peu combusti- bles. Les terres riches en chlore ne sont done pas convenables à la culture du tabac, car l'acide chlorhydrique est assimilé par la plante en même temps que la potasse, et neutralise celle-ci, Des essais concluants à cet égard ont été faits en Algé- A. LEHEUP — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE ET DE L'INDUSTRIE DU TABAC 119 rie. Un procédé a élé proposé, dans ce cas, comme équivalant à l'augmentation de la dose d'engrais - potassés, c’est la déchloruration du sol, au moyen de plantes avides de chlore, comme la ficoïde _glaciale. Parmi les sels de potasse, le sulfate convient moins que le sulfate, mais mieux que le chlorure. Les composés organiques du tabac sont nom- breux. Ce sont les acides malique et citrique, entrant chacun dans la proportion de 5 à 6°/,, l'a- cide oxalique, l'acide pectique (4 à G°/,). Le tabac contient encore de l'acide acétique, | rl (ll un (LIL W ses Gore D Et Hu dl Al | IT tnt TT ANAL 7 ST PUY DE DOME! \ p.#9 \ h.8 K.18,618 x , + + CHES DU RHONE! S7H3730! = { 1 ù SIA == k188 Grave par EBorremans 17 rue S*Sulpice Fig. 1. — Répartition de la culture du tabac en France. Départements où la culture n'a qu'une trés faible importance et n'atteint pas 20.000 kilogrammes. = a très bien comme engrais, parce que la base seule de ce sel est assimilée par la plante, tandis que l'acide, qui serait nuisible à la combustibilité, est | éliminé. Le carbonate et le nitrate conviennent p, nombre des planteurs; L, nombre d'hectares cultivés ; 4, nombre de kilogrammes récoltés en 1897. , d'importance moyenne, est comprise entre 60.000 et 300.000 kilogrammes. est très développée et atteint de 100.000 à 4.300.000 kilogrammes. dont la proportion ne dépasse pas 0,25 °/, dans les feuilles, mais atteint 3 °/, dans le tabac à priser, avec de petiles quantités d'acide butyrique et d'acide valérianique. Comme principes hvdrocar- 716 A. LEHEUP — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE ET DE L'INDUSTRIE DU TABAC bonés, cilons: l'amidon, qui existe dans le tabac vert, mais à disparu dans le tabac sortant des ma- gasins ; le sucre, en très faible quantité et seulement dans le tabac vert; la cellulose, comme dans lous les végélaux, constitue les enveloppes des cellules et concourt à la rigidité et à la fermeté du tissu avec le pectate de chaux, qui forme le squelette de la feuille dans les côtes et les nervures. La proportion de cellulose est de 5 à 8 °/,; lestabacs fins, comme le Maryland, en contiennent le plus, surtout dans les parties rigides. Le tabac renferme 5 à 6 °/, de résines vertes, huiles, graisses el essences, dont l'analyse immé- diate n'a pas encore été faite, et qui contiennent 80 ©/, de carbone. 300 à 400 kilos de tabac traité par distillation ont donné une quinzaine de gram- mes d'essence, ayant une odeur de vieux cuir si persistante qu'une seule goutte jetée dans un litre d'eau, dont on renouvelle quatre ou cinq fois le contenu, suffit pour communiquer encore au liquide du dernier lavage son odeur très caractéristique. L'analyse de cette essence n’a pas été faite. Du reste, cela a peu d'importance au point de vue pra- lique, car elle n'entre que pour une faible part dans le parfum de la fumée, résultant d'une foule d'odeurs : ammoniaque, nicotine et produits volatils prenant naissance pendant la combustion des prin- cipes immédiats. En traitant du jus de tabac par l’acétate de cui- vre, on oblient une poudre brune Lrès combustible, qui, déduction faite du poids de l’oxyde de cuivre, contient 12 °/, d'azote. Or, l'albumine végétale, d'où provient celte malière azolée, en contient 16,5 °/,. Il y a donc eu une altération profonde pendant la dessiccation et la fermentation des feuil- les. On n'obtient pas ainsi un principe immédiat défini. Il serait intéressant d’examiner la matière azotée telle qu'elle existe dans le tabac vert. Le dosage direct de la matière azotée du tabac n'a pas été réalisé. On la dose indirectement en déduisant du poids total d'azote, déterminé par l'analyse élémentaire du tabac, l'azote micotineux, l'azote ammoniacal et l'azote nitrique : la différence repré- sente le poids d'azote contenu dans la matière azolée proprement dite, dont on calcule le poids pour les feuilles vertes le taux de 16,5 °/,, qui est celui de l’albumine végétale; pour les feuilles séchées, il convient de prendre le chiffre de 12 °/,, Il faut encore ajouter aux éléments déjà cités, 10 °/, de principes extractifs, matières indélermi- nées, solubles dans l’eau et non encore séparées par l’analyse immédiate. en admettant comme nous l'avons vu plus haut. J'ai gardé en dernière ligne le principe caracté- ristique du tabac : la nicotine. Le laux de cet alca- loïde varie de 2 à 9 °/, suivant les espèces; il a une influence considérable sur la force du tabac. Le taux de nicotine dépend non seulement des variétés de tabac, mais encore des conditions climatériques particulières à chaque année, de la nature des ter- rains et des procédés de culture. Le taux de nicotine croit graduellement pendant la végétation. Il varie dans les différentes parties de la même feuille, augmente à mesure qu'on s'éloigne de la côte. Des recherches ont été faites sur l’acclimatation des variétés étrangères: question du plus haut intérêt. Les essais exécutés par M. Schlæsing sur différentes espèces, et en particulier sur le Havane, ont démontré que les produits issus de graines étrangères conservent fidèlement, au moinspendant un certain nombre d'années, les caractères phy- siques et même le taux de nicotine des plantes- mères venues dans les pays originaires. Il n’en est malheureusement pasde l’arome comme des autres qualités du tabac. Il ne suit pas la plante dans les divers pays où elle est cullivée; bien au contraire, il semble appartenir au sol et au climat des régions produelives. « Il en est du tabac comme du vin : tel coteau, tel cru !. » II. — FABRICATION. Les formes sous lesquelles estconsommé le tabac sont au nombre de cinq : tabac à priser ou poudre, tabac à chiquer (rôles, carottes), tabac à fumer ou scaferlati, cigarettes, cigares. S 1. — Tabac à priser. La fabrication du tabac à priser en France peut être considérée comme parvenue au plus haut degré de perfection, tant au point de vue de la qualité des produits obtenus qu'à celui de la sim- plification des mains-d'œuvre, devenues presque toutés mécaniques et ne nécessitant qu'un très petit nombre d'ouvriers. Les espèces de feuilles employées dans la fabri- “ation du tabac à priser sont corsées, pour donner du montant au produit, et capables de résister aux fermentalions, de manière à fournir un grain ré- gulier. On choisit les espèces riches en nicotine. La composition de la poudre ordinaire comprend du Virginie, des indigènes (Lot, Nord, Ille-et- Vilaine, Lot-et-Garonne), et des débris non utili- sables dans d'autres fabrications. Les tabacs destinés à la poudre sont mouillés avec de l’eau salée; les feuilles recoivent un excédent de15°/,, dont 3 de sel. Il existe pour celte fabrication une humidité absolue maxima, au delà de laquelle on s'expose à des accidents (mauvaise fermentation, mauvais grain). On doit donc caleuler 1 Tu. SonroessixG : Cours de Chimie organique. A. LEHEUP — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE ET DE L'INDUSTRIE DU TABAC 777 soigneusement les taux de mouillade des diverses matières, en particulier si l’on mouille avec des jus, de manière que, dans l'ensemble, la quantité totale d'eau introduite ne dépasse pas le taux voulu en tenant compte de l'humidité naturelle des feuilles. La mouillade des feuilles se fait encore dans quelques manufactures, — bien que cet appareil d'un entretien difficile et coûteux tende à dispa- raitre, — à l'aide du mouilleur mécanique. Le mouilleur est constitué par un grand cylindre en de laquelle le Llabac est entrainé entre deux rou- leaux cannelés. Un hachoir peut couper de 1.000 à 1.200 kilos à l'heure. À la manufacture de Pantin. les manoques sont hachées au sortir même de la balle. Pendant le transport aux masses, qui se fail automatiquement à l'aide d'une vis sans fin, le tabac reçoit, par un procédé également automa- tique, et analogue à celui qu'on verra plus loin employé pour le râpé sec, l’eau nécessaire à la mouillade. Fig. 2.— Atelier de râpage (fabrication du labac à priser) à la Manufuclure de Pantin. — Le labac, après avoir passé dans le blutoir qu'on apercoit dans la cage du haut, est amené, par une vis sans fin régnant dans toute la longueur de l'étage supérieur, au-dessus des moulins, dans lesqueis il se déverse par des gaines en toile. Après avoir subi l'action des moulins, le tabac est repris au-dessous et transporté par une noria, qui est derrière la figure, dans le plutoir du haut, qui sépare le tabac bien räpé du tabac trop gros, lequel repasse aux moulins. Le cycle est ainsi fermé, et il suffit d'alimenter de tabac nouveau un ou deux moulins de la rangée. bois, animé d’un mouvement de rotation continue autour de son axe, et muni à l'intérieur de deux uervures hélicoïdales, qui, par leur mouvement même, font avancer les matières sur lesquelles une pompe à débit réglable a déversé la quantité d’eau déterminée, el, en les brassant, répartissent l'eau très uniformément. On mouille avec cet appareil 1.300 à 1.400 kilos à l'heure. A la sortie du mouilleur, les tabacs sont hachés en lanières d’un centimètre de largeur, au moyen d'un appareil formé d'un tambour porte-lames lournant en face d'une contre-lame fixe, en avant Les tabacs subissent ensuite la fermentation en masses. L'élude chimique et microbiologique de cette fermentation a été faite par M. Schlæsing et a permis d'apporter dans les anciennes pratiques d'importants perfectionnements. Il se produit dans les masses une combustion très nette, aux dépens de l'oxygène de l'air, entraînant un dégagement d'acide carbonique. Il se développe en outre, aux dépens des acides organiques et de la nicotine, une quantité notable d'huile essentielle aromatique d'une part, d'acide acélique et d'ammoniaque d'autre part. Le taux de nicotine est réduit dans 110 A. LEHEUP — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE ET DE L'INDUSTRIE DU TABAC une très forte proportion; il tombe de 6 °/, à 2 ou 3 °/. L'ammoniaque formée se dégage et dispa- rait. La fermentalion microbienne n'intervient pas sensiblement pour produire les modifications indi- quées. Celles-ci proviennent de réactionschimiques, s'effectuant sans le concours des ferments à des températuresrelativement élevées. Mais lesferments jouent dans la pratique de l'opération un rôle très important : ils élèvent progressivement la tempé- rature, par le dégagement de chaleur auquel donne lieu leur travail prélimivaire, à un point où les réactions chimiques peuventse continuer d’elles- mêmes. Au laboraloire, les modifications chimiques et physiques que le tabac doit subir en masses s'ac- complissent en fournissant par jour à la masse un volume d'air égal au sien, en 2 mois à la tempé- rature de 70°, en 10 à 12 jours à 100°. Dans la pratique, la fermentation part doucement jusqu'à 20° ou 25° sous l’action des ferments. À partir de là, elle marche franchement et peut s'élever jusqu'à un degré dangereux. Quand elle dépasse 80°, il y a lieu de faire une tranchée, pour éviter la production du rôti ou même un incendie. Cet accident est devenu fort rare, depuis qu'en aérant les masses par le pied on est devenu, pour ainsi dire, maitre de la fermentation, dont la durée a été réduite d'un an à 4 mois. Les masses sont formées entre des panneaux en bois. Leurs dimensions sont d'environ 6"X47X 3"; elles contiennent 40.000 kilos de tabac. Le tabac sorlant du hachoir est amené mécaniquement, au moyen d'une noria et d’une vis sans fin, au-dessus de la masse à construire; cinq thermomètres placés un à chaque coin et un au centre donnent des indications sur la fermentation. Lorsque les masses sont arrivées au point voulu, elles sont démolies, et le tabac est transporté au 2),qui a pour but de lui donner la forme de poudre à grain régulier sous laquelle on livre au public le tabac à priser. Le ràpage se fait dans des moulins, dont la noix en fonte, {partiellement équilibrée de facon à exercer sur les matières une pression convenable, est armée de lames en acier; elle est animée mécaniquement d'un mouvement de rotation alternatif dans une cuvette tronconique, armée également de lames en acier suivant les génératrices. Après le räpage, le tabac est tamisé dans des bluloirs mécaniques, d'où le tabac trop gros est ramené aux moulins par une vis sans fin. Le tabac convenablement ràpé est repris par un système de vis sans fin et de noria, qui le transporte râäpage(lig. dans des cases dites de râpé sec, où il séjourne un mois; il n'y subit pas de fermentation appréciable. On le mouille ensuite, de facon à lui donner une humidité absolue de 33 °/,, avec une solution salée. Cette mouillade, qui doit être très régulière, se fait dans un triturateur, constitué par deux plateaux eu fonte verticaux garnis de dents en cormier, l’un fixe, l'autre animé d'un mouvement de rotation. Le tabac estamené par une vis sans fin, après avoir reçu d'un auget à niveau constant la quantité d’eau salée nécessaire, au centre du plateau mobile, et, projeté par la force centrifuge, subit l'action des dents qui brisent les mottes. Après la mouillade, le ràpé subit la fermentation en cases. Au cours de ces fermentations apparaît le montant, c'est-à-dire l'odeur piquante que possède le räpé parfait, due à un dégagement de vapeurs ammoniacales et nicotineuses. L’arome, qui tient aux substances essentielles produites dans la fer- mentalion en masses, n’est pas modifié dans les cases. La fermentation en cases, bien que celles-ci soient fermées, ne s'opère pas comme en vase clos à l'abri de l'air. L'oxygène intervient, mais à un degré beaucoup moindre que dans les masses. Pendant cette opération, les laux d'ammoniaque et de nicotine demeurent à peu près invariables ; le dégagement d'alcali est dû à la destruction d'acides organiques, en partie contrebalancée par une abon- dante production d'acide acétique. À mesure que la fermentation avance, le caractère alcalin du ràpé, c'est-à-dire le montant, se manifeste davantage. L'humidité du labac reste sensiblement la même pendant cetle transformation. Bien que l'étude microbiologique de cette fer- mentalion n'ait pas précisé jusqu'ici le rôle des microorganismes qu'on y rencontre, il est fort probable qu'elle est due à de véritables ferments cryptogamiques. Cette hypothèse à fait concevoir diverses mesures sanctionnées par l'expérience. Tels sont l'emploi d’eau chaude pour la mouil- lade, l'addition, comme réchauffant, de ràpé en pleine fermentation dans les cases de formation, les transvasements successifs des râäpés d'une case dans une autre. Les deux premières opérations ont pour but, en élevant la tempéralure d’origine, de surexciter la vie des organismes microscopiques, et de faciliter ainsi le départ de la fermentation. On doit cependant éviter la température de 70° dans la crainte de coagulerles ferments. La seconde a, en outre, pour effet d'introduire dans le mélange les ferments qui pourraient y manquer. La troisième est destinée à renouveler les surfaces de contact; elle déplace des organismes peu mobiles, qui finissent par épuiser les parties de la case dans lesquelles ils se développent et se mulliplient; elle les transporte dans les régions encore intactes, susceplibles de leur fournir un nouvel aliment; elle ameublit le ràpé, qui se lasse avec le Llemps et devient probablement trop compaet pour permettre A. LEHEUP — L'ÉTAT ACTUEL DE aux ferments de le pénétrer; enfin, elle éloigne de ceux-ci des produits d’excrétion qui leur sont nuisibles. La fermentation en cases dure 11 mois et néces- site trois transvasements. En ajoulant à cette durée celle de la fermentation en masses et du séjour en cases de ràpé sec, ainsi que des différentes mains- d'œuvre, on arrive à une période de 17 mois comme nécessaire pour la fabrication du tabac à priser. Cette fabrication est, au point de vue scientifique, la mieux étudiée et la plus intéressante. LA CULTURE ET DE L'INDUSTRIE DU TABAC 119 rouet Andrews, marchant mécaniquement, el donne une corde de 18 millimètres de diamètre. Le rôlage qui suit le filage consiste à enrouler le filé en hélices aussi serrées que possible, de manière à faire des paquets, analogues aux pelotes de ficelle, de 100 grammes ou de 500 grammes. Les rôles, après avoir été ou non trempés dans du jus de tabac, sont soumis à l’action d'une presse hydrau- lique qui à pour effet d'extravaser le jus et d'en retirer l'excès. Ils sont ensuile séchés et emballés. Les carottes, qui peuvent être utilisées comme Fig. 3. — Atelier de hachage dans la fabrication du labac à fumer à la Manufacture de Dieppe. — Le panier-chariot qui se voit au fond contient des feuilles de tabac allongées, vrêtes à entrer dans le hachoir. L'appareil de gauche, dont le couteau est au haut de sa course, laisse voir le gâteau de tabac se présentant à l'embouchure; le couteau en s'abais- sant en découpe une tranche, qui tombera dans la manne placée au-dessous. $ 2. — Tabac à chiquer. Les qualilés recherchées dans les feuilles pour tabac à chiquer sont: une bonne consistance et un développement suffisant, une couleur foncée, un bon arome, la richesse en gomme et en nicotine. Les tabacs de Virginie et de Kentucky, les indi- gènes du Nord, Lot, Ille-et-Vilaine, Lot-et-Ga- ronne, répondent à ces conditions et sont employés dans les trois variétés de tabac à chiquer : menu-filés, gros rôles et carottes. rôles La confection de ces divers produits comprend une mouillade à l’eau salée, un écôtage, un filage qui, pour les menu-filés, se fait à l'aide d'un rouet mû à la main et donne une corde de 5 millimètres de diamètre; pour les gros rôles, se fait à l'aide du tabac à fumer, à chiquer ou à priser, sont obte- nues en réunissant par des ficelles huit bouts de 5 centimètres du filé de gros rôle, et en les sou- metlant, d'abord entre des plateaux puis dans des moules, à l'action de presses hydrauliques très puissantes, donner 150 atmosphères. Cette pression a pour effet de faire adhérer les brins de filé entre eux, de les souder et de les transformer en une masse com- pacte, dont la forme, bien connue, sert encore d'enseigne à beaucoup de débits de tabac, bien que ce produit, autrefois très en faveur’, soit devenu pouvant une pression de d'une vente restreinte. ! L'adoption de ce produit par la Ferme, en 1726, fut la cause d'une augmentation considérable des recettes du A. LEHEUP — L'ÉTAT ACTUEL DE IA 750 CULTURE ET DE L'INDUSTRIE DU TABAC $ 3. — Tabac à fumer. On emploie dans la composilion des tabacs à fumer des espèces légères et aromatiques. Il y a des variétés de scaferlati en tabac d'Orient pur, en Maryland el autres. Mais la plus grande partie du scaferlati francais est fabriquée avec un mélange de feuilles des différentes espèces : Samsoun, Ken- tucky léger, Maryland, indigènes légers, Algérie. On distingue le scaferlati supérieur vendu 16 fr. le kilo, le scaferlati ordinaire vendu 12 fr. 50, et les scaferlatis de troupe, de zone ou d'hospice vendus à prix réduits ; ces lrois variélés ne difrè- rent guère que par la finesse de la coupe et la pro- portion plus ou moins grande de côtes qu'ils contiennent. La mouillade se fait à l'eau salée, en deux fois, généralement, pour éviter la formation des débris. On a soin, pendant cette opération, de mélanger aussi intimement que possible les feuilles des dif- férentes espèces entrant dans la composilion du scaferlati, afin d'assurer l'homogénéité du produit final. Les feuilles sont ensuite capsées, c'est-à-dire ullongées dans le même sens; puis elles sont por- tées au hachoir. Le modèle de hachoir généralement employé dans les manufactures francaises est constitué ainsi qu'il suit (fig. 3). Une sorte de caisse, formée par deux flasques entre lesquelles sont montés des rouleaux, à pour fond et pour dessus des toiles sans fin qui passent sur les rouleaux et forment un peu l’enlonnoir. C'est entre les deux rouleaux d’ar- rière que se fait la charge du tabac, dont l'avance est obtenue par le mouvement des toiles. Les rou- leaux d'entrainement sont aclionnés par un rochet dont le nombre de dents détermine la largeur’de la coupe. Le gàteau de tabac arrive ainsi sous les organes de hachage qui comprennent une embou- dressée formant contre-lame, et un couteau mobile dans des glissières verlicales, rece- chure bien vant d’un balancier commandé par un vilebrequin alternatif. La est montée comme un fer de rabot, entre deux traverses en ‘onte ; elle est inclinée de 22° sur la verticale, et le tranchant fait un angle de 20° avec l'horizontale ; c'est l'angle de cisaillement reconnu le plus favo- rable pour la malière dont il s'agit. On coupe avec 100 de scaferlati ordinaire à l'heure ; les lames doivent être changées toutes les heures. un mouvement lame ce hachoir kilos On emploie aussi pour le tabac d'Orient le hachoir snglais Legg. Dans cet appareil, l'entrainement du tabac se fait entre un tambour de gros diamètre garni de bois et deux rouleaux supérieurs animés monopole, ce qui donna lieu à cette époque au dicton: « Hors la carotte, point de salut ». chacun d'un mouvement de rotalion. Le couteau, à mouvement alternalif, au lieu de se mouvoir sur directrices rectilignes, décrit un arc de cercle de grand rayon, grâce à une bielle oscillant autour d'un axe fixé à la partie postérieure du bâti. L'excédent d’eau, introduit dans le tabac pour permettre le hachage, doit être enlevé, car il nui- rait à la conservalion et à la combustion du tabac. La dessiccalion doit, d’ailleurs, s'opérer dans des conditions assez délicates : si le tabac élait chauffé M à plus de 4140°, il prendrait un goût de four désa- gréable, et cependant il faut qu'il soit soumis à une tempéralure suffisamment élevée pour arrêter les mouvements de fermentation qui ont pu commen- cer. La limite minima est de 70%. La lorréfaction se fait dans un appareil fermé pour que cette opé-" ralion ne soit pas insalubre. Le torréfacteur est un grand cylindre en tôle, muni d'hélices intérieures qui, par le mouvement de rotalion imprimé au cylindre, font avancer le tabac ; ce cylindre tourne au-dessus d'un feu soigneusement surveillé. Il est parcouru inlérieurement par un courant d'air chauffé par les gaz du foyer et dont l'intensité est réglable au moyen de valves. L'entrée et la sortie du tabac sont réglées automatiquement et de facon à laisser le moins d'accès possible à l'air froid exlérieur. La lorréfaction ne permet pas de sécher complè- tement le scalerlati. On achève la dessiccation à l'air froid au moven du sécheur mécanique, qui a aussi pour effel de refroidir le tabac et d’en extraire les poussières. C'est un grand cylindre en bois, analogue au mouilleur mécanique, tournant autour de son axe. Un courant d'air froid appelé par un ventilateur le parcourt en sens inverse du mouve- ment du labac, comme il est rationnel : en effet, l'air, à mesure qu'il se charge d'humidité, ren- contre des matières de plus en plus humides, et rend ainsi le maximum d'effet utile. Le tabac séché est mis en masses. Le séjour en masses à pour résullal de faire disparaitre le goût de four qui reste toujours après les opérations de séchage; il dure un mois environ. On observe la température des masses avec des thermomèlres placés au centre. La température ne doit pas trop s'élever, sinon on fait une tranchée et on repasse le tabac au sécheur ou même au torréfacteur. Au sortir des masses, les tabacs sont paquelés en 40, 50, 100 ou 500 grammes. Le système de paquetage en usage dans la plupart des manufac- tures françaises consiste à former une poche de papier autour d'une douille à entonnoir et à com- primer dans cette poche la quantité de tabac pesée préalablement. La pression est donnée à l’aide d'une pelite presse hydraulique. On a cherché à réaliser mécaniquement les opérations qui, dans le paque- v- à st she A. LEHEUP — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE ET DE L'INDUSTRIE DU TABAC tage hydraulique, se font à la main. M. Belot, ingé- nieur à la manufacture du Gros-Caillou, a construit une machine à faire les sacs et une machine à paqueter, dont les résullals paraissent salisfaisants, Le scaferlali supérieur est protégé contre les variations du taux d'humidité extérieure par un papier doublé d'une feuille paraffinée, qui a rem- placé les feuilles d'étain autrefois employées à cet usage. La préparation et le découpage du papier paraffiné se font entièrement à la machine de M. Cahen, ingénieur. Fig. 4. 751 | mités du moule fermé. Le bouquin, formé d'un carton roulé en spirale, est introduit, S'il y à lieu, dans la partie du tube laissée vide. Les tubes sont fabriqués soit à la main autour d'un mandrin, soil à la machine Decouflé. Cette machine, très ingé nieuse, produit des tubes non collés, mais agrafés. Le papier d'une bobine continue, dont la largeur correspond à la circonférence du tube à faire, augmentée de la couture, vient envelopper progres- sivement une broche d'un diamètre convenable | placée parallèlement à la longueur. Il passe d'abord — Alelier de confection des cigares à la Manufacture de Reuilly. — Au premier plan et au milieu, on apercoit les deux parties. — mäle et femelle, — d'un moule-bloc. Les alvéoles de la partie femelle sont remplies par les poupées de cigares. En dehors des tables, des ouvriers donuent avec des presses à bras la pression nécessaire à un groupe de cinq blocs. Entre les poteaux, on voit les poëles à vapeur servant au chauffage de l'atelier. Enfin, le poids des ‘paquets est soigneusement vérifié, de façon à assurer au consommaleur le poids minimum de tabac qui lui est dû. Cette véri- fication s'opère soit à l'aide d’une balance oscillant seulement lorsque le poids du paquet est en dehors des limites, soit à l'aide de la machine très curieuse imaginée par M. Dargnies, directeur, qui classe automatiquement les paquets de tabac en trois catégories : légers, bons et lourds. $ $ 4. — Cigarettes Les cigarettes de luxe sont faites à la main. La dose de tabac est introduite dans un moule à char- nière, puis refoulée dans le tube en papier dont l'ouvrière a préalablement coiffé l'une des extré- entre la broche et une bague qui lui fait faire l’an- neau, puis ses deux bords, guidés par une rainure dé la broche et un onglet viennent s'engager dans la fente d'une pièce dite escargot, encastrée dans la broche et dont le profil détermine les plis et l'agrafage des deux bords. Celte jonction est ensuite rendue stable par un sertissage entre deux mol- lettes, lune petite, inlérieure à la broche, l’autre, extérieure à la broche actionnée par le mécanisme, qui produit l'entrainement du papier et dont la circonférence détermine la longueur du Celui-ci est coupé par des ciseaux et rangé dans une boite. tube. Les cigarettes ordinaires sont entièrement faites | à la machine. Le problème de la confection méca- 182 A. LEHEUP — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE ET DE L'INDUSTRIE DU TABAC nique des cigarettes a beaucoup occupé les inven- teurs et les occupe encore, bien qu'on soit déjà arrivé à un très haut degré de perfeclion. Les machines Durand, Lejeune et Leblond fabri- quaient des cigarettes avec tubes collés. La machine Decouflé, qui les à remplacées dans la plus grande parlie dans nos manufactures, a eu beaucoup de succès par l'innovation des tubes sans colle. Elle est constituée par la réunion de la machine à tubes décrite plus haut, et d’une machine à faire les bou- dins de tabac, qui ne diffère pas notablement de la machine Leblond : cuirs sans fin entraïnant sous une glace une couche uniforme de tabac jusqu'à un couteau, qui découpe la quantité voulue pour faire la cigarette et la transporte dans un compresseur, où elle prend la forme cylindrique; une broche pousse le boudin de tabae ainsi formé dans le tube en papier, amené el maintenu en regard du boudin. Ces machines font loutes des cigarettes par le procédé du bourrage, qui donne quelquefois des produits durs et qui, en tout cas, oblige à l'emploi de tabac un peu see. Le consommateur préfère les cigarettes qu'il roule lui-même avec du tabac frais. Aussi, dans les dernières années, a-t-on commencé à fabriquer les cigarettes roulées dites à la main. On a d'abord utilisé pour cette fabrication de petits moules comme ceux qu'on vend dans le commerce, puis on à construit des appareils pouvant rouler plusieurs cigarettes à la fois. Enfin, l'adaptation mécanique du roulage a été faite par M. Belot, dont la machine en service à la manufacture du Gros- Caillou fabrique des cigarettes roulées, avec tubes collés, il est vrai, mais dont le recouvrement à la couture esl plus faible que dans les tubes agrafés et qui donne, par conséquent, des produits conte- nant moins de papier que les machines Decouflé. Les bondons en papier dans lesquels on met les cigarettes sont fabriqués et imprimés à la machine Belot. En dehors des cigarettes à tubes de papier, la Régie française livre à la consommation des ciga- reltes sans papier, Ninas, Damilas, Senoritas. qui sont plutôt de pelits cigares. L'intérieur est en tabac haché, Brésil et Havane; le tube en papier est remplacé par une cape, ou lanière de tabac enroulée en spirale autour du boudin de tabac à l'aide d'un petit moule avec toile sans fin, et collée à l'extrémité. $S 5. — Cigares. Cest dans la fabrication des cigares que le mächinisme a, jusqu'à présent, trouvé un obstacle insurmontable. Je dis : jusqu’à présent, parce qu'il ne faut pas désespérer, même devant un problème aussi difficile. Mais, à l'heure actuelle, le meilleur moyen de faire un cigare, c’est encore de le faire à la main. Les meilleurs cigares, ceux de la Havane, sont ainsi faits. Un cigare se compose de trois parties : la tripe, formée de morceaux de tabac de la longueur du cigare, écôtés et bien allongés suivant l'axe, et de quelques débris pour donner, s'il y a lieu, au cigare le ventre convenable {dans certains produits, très rares d’ailleurs, la tripe est entièrement formée de débris}; — la sous-cape, constituée par un mor- ceau de feuille assez grand pour envelopper com- plètement la tripe; — la cape ou robe, lanière de tabac fin et souple qui s'enroule en hélice depuis Je pied jusqu’à la tête du cigare où elle est collée. La confection des cigares (fig. 4) se fait à l’aide de moules simples et de moules-blocs en bois. Le moule simple se compose de deux parties iden- tiques, dont le creux a la forme d'un demi-cigare. L'ouvrière, après avoir préparé la poupée en rou- lant la sous-cape autour de la tripe, la place dans un demi-moule, superpose l'autre demi-moule, et mouline, c'est-à-dire frotte les deux parties l'une contre l’autre pour faire rentrer tout le tabac dans le moule sans bavure. Les deux demi-moules sont ensuite maintenus en contact par un fermoir en fer-blane. Le moule-bloc est constitué par vingt moules à emboîlement juxtaposés. L'ouvrière place les pou- pées dans les fiches femelles, puis emboîte la partie du bloc portantles fiches mâles. Une pression éner- gique, produite par une presse à vis et maintenue sur plusieurs blocs à la fois par des étriers en fer et des cales, donne aux poupées la forme des alvéoles. En les retournant de 90°, on fait dispa- raître la bavure, qui se forme par suite du défaut d'ajustage entre la partie mäle et la partie femelle. Les poupées terminées, la cigarière découpe elle- même ses robes (sauf dans les confections infé- rieures) avec un couteau circulaire dans les demi- feuilles bien élalées, puis elle cape ses cigares. Pour faire la tête, elle taille l'extrémité de la robe en spirale avec des ciseaux, de facon à pouvoir former la pointe, et la colle soit avec de la colle de farine colorée par du jus de tabac pour les cigares. ordinaires, soit avec de la gomme adragante pour les cigares supérieurs. Les cigares achevés sont examinés par des ou- vrières spéciales, qui rejettent les mauvais: ceux qui ont été recus sont mis en paquets ou en coffrets. de diverses contenances. Les cigares en labac de la Havane, qui sont fabriqués à la manufacture de Paris-Reuilly, sont boités dans des coffrets en cédra : l'odeur de cette essence de bois se marie. très bien à l’arome du Havane. IL est à remarquer que les cigares faits en France avec les meilleures végas de la Havane n’ont pas la qualité des cigares fails avec les mêmes feuilles dans l'ile même de: A. LEHEUP — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE ET DE L'INDUSTRIE DU TABAC -Q9 19 —— Cuba. Des expériences très concluantes ont été faites à ce sujet. Des feuilles ont été écôtées à la Havane et, avec les demi-feuilles, on a constitué deux lots identiques; ces deux lots ont été em- ployés à faire des cigares, l'un à la Havane même, l'autre à la manufacture de Reuilly, où l'on essayait artificiellement de se rapprocher autant que pos-" sible des conditions elimatériques de l'ile. La dégustation des deux lots de cigares à permis de constater une différence très sensible dans le goût et l'aro - des Contribulions Indirectes, dépendant toutes deux du Ministère des Finances. La culture est autorisée dans les départements suivants : Ain, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Corrèze, Côte-d'Or, Dordogne, Drôme, Gironde, Ille-et-Vilaine, Isère, Landes, Lot, Lot-et-Garonne, Meurihe-et-Moselle, Meuse, Nord, Pas-de-Calais, Puy-de-Dôme, Hautes-Pyrénées, Haute-Saône, Savoie, Haute-Savoie, Var, Vaucluse, Vosges. La cul- ture estrigoureusementsurveillée par des employés de la Régie. e = 395,244281/0r. 2 : me. Cette dif- “? fr Les tabacs li- férence tient .___."Risssamk vrés par les sans doute à planteurs des raisons sont emma- microbiolo- gasinés et em- giques, qui ballés dans n'ont pas été (ei) 29 magasins. élucidées. Les tabacs On a cons- 26151603k exotiques truit différen- sont reçus tes machines, , dans 5 maga- soit pour fa- sins de tran- briquer les sil: Bordeaux, poupées, soit Dieppe, Dun- pour les ca- kerque, Le per. Dans la Havre et Mar- première ca- seille. tégorie, la Les manu- machine Mil- factures de ler et du Brüll | tabac sont au donne de nombre de bons résul- 20: Bordeaux, tats, mais elle Châteauroux, ne fait que EE Dieppe Di les cigares en CRIE, so8lzaox Jon, Le Ha- débris. Dans 3106611k veille tie re 976,933k Gurbe de Ynte des \Tabacs à quen en poids 2" 1472345k , la seconde eme meme ue Mans, Lyon, catégorie, les 1861 1865 1810 D ne 60 1885 1890 1895 1897 Marseille, machines Fig. 5. — Flucluations de la vente des différentes espèces de labacs fabriqués Morlaix, dET- Hoehnel et de 1861 à 1897. cy, Nantes, Reuse sont très intéressantes, mais elles ne constituent pas encore pour nous la solution définitive du pro- blème, soit que leur rendement ne dépasse pas celui du capage à la main, soit que l'augmentation d'emploi du tabac de capes qu'elles nécessitent, compense et au delà l’économie obtenue sur la main-d'œuvre. IT. — OrGaxisarIon pu MoxoPoLe. La culture, la fabrication et la vente du tabac en France sont interdites aux particuliers. La culture el la fabrication sont régies par la Direction géné- rale des Manufactures de l'État, la vente par celle Nice, Orléans, Pantin, Paris (Gros-Caillou), Paris (Reuilly), Riom, Tonneins, Toulouse. Il existe à Limoges un atelier de construction pour les manufactures de l'État. Le service dans les manufactures de tabac est partagé entre 5 sections, suivant la nature des pro- duits à fabriquer : 1" section (mouillade et prépa- rations générales des feuilles), 2° section (tabac à priser), 3° seclion (tabac à chiquer), 4° section (sca- ferlati et cigarettes), 5° section (cigares). La fabri- cation y est dirigée par des ingénieurs sortant de l'École Polytechnique. Le personnel des 21 manufactures était, au 31 décembre 1897, de 726 préposés, hommes et femmes, chargés de la surveillance des ateliers, et 784 D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE de 15.137 ouvriers, dont 13.580 femmes. Il a dimi- aué depuis quelques années dans une assez forte proportion, le recrulement des ouvrières ayant élé suspendu pendant près de quinze ans. La consommation totale du tabac a toujours été cependant en augmentation; mais la faveur du public a négligé les cigares, dont la fabrication à la main exige un nombreux personnel, pour se porter sur des produits comme le scaferlati et les cigarettes (fig. 5) qui se font mécaniquement. Les graphiques de la figure 5 montrent les varia- lions de la vente des différents produits depuis 1861. La courbe des recettes indique que Je bénéfice du monopole des tabacs augmente constamment. En 1897, on a vendu 37.388.479 kilos de tabac pour une somme de 395.244.281 francs. Le bénéfice nel a été de 325.597.720 francs. Le taux moyen des salaires pour une journée de 10 heures a été, en 1897, de 5 fr. 32 pour les ouvriers, et de 3 fr. 39 pour les ouvrières. A Paris, ce taux dépasse 6 francs pour les hommes et 4 fr. pour les femmes. Au point de vue de l'hygiène des ateliers, cer- tains auteurs, évidemment peu informés, n'ont pas craint de parler de « l’état de santé déplorable auquel sont condamnés les gens qui passent leur vie dans les manufactures de tabac, en dépit des précautions qu'on peut prendre pour les garantir des émanalions pernicieuses de la nicotine ». Les condilions hygiéniques du travail dans les ateliers où l'on manipule le tabac sont absolument les mêmes que dans toute industrie, à cela près que l'amélioration du bien-être des ouvriers est l’objet des soins constants de l’'Administralion, dans les limites où la renferment les crédits votés par le Parlement. Quant aux prélendues émanations de la nicoline, il suffit, pour en faire justice, de citer cette consta- tation de M. Schlæsing, consignée dans le Mémorial des Manufactures de l'Etat : le taux de nicotine d'un échantillon de tabac, conservé pendant 18 ans, à varié durant tout ce temps de 2,44 °/, à 2,34 °/,. À la torréfaclion, opération la plus favorable de toutes au dégagement de la nicotine, puisque le tabac y est porté à une température voisine de 100°, le laux de nicotine ne diminue pas de 0,1 °/, du poids du tabac. Cette perte, proportionnellement insignifiante, pourrait avoir des effets pernicieux, par suite de la grande quantité de tabac passant au torréfacteur ; mais l'air qui se charge de vapeurs nicolineuses est aspiré par une cheminée spéciale, el ne peut vicier l'atmosphère des ateliers. En résumé, sans prélendre que les ateliers des manufactures de labac soient installés dans les conditions idéales, on peut affirmer qu'ils sont éta- blis dans des conditions très convenables et qu'ils pourraient servir de modèle à bien des industries. A. Leheup, Ingénieur des Manufactures de l'Etat. REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE Comme dans nos précédentes revues, nous expo- serons successivement un certain nombre de ques- tions d'ordre général, abordant ensuite le résumé des travaux publiés au cours de l’année sur la chirurgie de divers organes. : 1. — QUESTIONS GÉNÉRALES. S 4er, — Asepsie et antisepsie. La question de l'asepsie opératoire reste toujours «une des plus importantes de la Chirurgie. Comme, malgré des précaulions en apparence minutieuses, on voit encore survenir de temps à autre des acci- «lents sepliques, on à cherché le point de départ de ces infections, on à incriminé en particulier les nains de l'opérateur et la projection de parti- cules de salive sur le champ opératoire. Contre l'infection manuelle, les chirurgiens alle- ands ont préconisé des gants en filoselle, gants qui, au dire de Berger, sont dangereux, car ils lais- seraient passer, bien que cela paraisse paradoxal, plus de microbes qu'il n'y en a à la surface de la peau. Les gants en caoutchouc seraient parfaits s'ils ne se déchiraient souvent, ce qui est alors dangereux, la peau devenant très vite septique sous ces gants par le fait de la sudation qui amène à sa surface les microbes contenus dans sa pro- fondeur. Pour éviter l'infection des plaies par la salive, Mikuliez a conseillé l'emploi de masques. Le pro- fesseur Berger, qui a adopté celte pratique, se sert d'un masque qui recouvre l’extrémité du nez, les narines, la bouche, la barbe et le devant du cou. Toutes ces précautions nous semblent un peu exagérées, et actuellement nous nous en tenons au lavage fréquent des mains pendant le cours d'une opération, ayant soin de ne jamais parler avant d'avoir terminé. $ 2. — Anesthésie. À différentes reprises, nous avons eu l'occasion de parler des divers modes d’'anesthésie dont «Ce RE TA MAP PORT Ne Re 4. D ue us L'AIR ANT D I RE 8 " D: HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 785 dispose le chirurgien. Jusqu'ici, toutes les méthodes décrites pouvaient être classées dans deux grou- pes : l'un correspondant aux anesthésies générales dues à la perle de connaissance consécutive à l'in- halation de divers agents (chloroforme, éther, etc.) ou aux pratiques de l'hypnotisme; l’autre compre- nant les diverses anesthésies locales causées par le froid, l'injection de la cocaïne, etc., sur les nerfs sensitifs d’une région limitée. Bier (de Kiel) vient de décrire un troisième mode d'anesthésie qui occupe, pour ainsi dire, le milieu entre l'anesthésie générale et l’anesthésie locale, car, tout en laissant complètement intactes les facultés psychiques du sujet, il insensibilise les deux tiers du corps environ. Après injection d'une solution de cocaïne dans le canal rachidien, il a pu faire sur les membres inférieurs des résections et des évidements osseux “sans provoquer la moindre douleur. Par une ponc- tion lombaire, il injecte un demi à trois centimètres cubes d'une solution de chlorhydrate de co- caïne au demi ou à 1 °/,, introduisant ainsi de 5 à 15 milligrammes de cocaïne dans le canal rachi- dien. Cinq à huit minutes après l'injection, on voit se produire une analgésie complète des membres “inférieurs, qui gagne peu à peu le tronc, peut re- monter jusqu'au mamelon et persiste trois quarts d'heure environ. Le tactlet la sensibilité thermique persistent, mais la douleur disparait. Les expériences de Bier sont encore trop peu nombreuses pour nous permettre de conclure à Vutilité du nouveau mode d’anesthésie qu'il nous présente. Dès aujourd'hui on peut dire qu'il n’est pas sans inconvénient : trois malades sur six ont eu des vomissements et une céphalalgie intense qui a persisté plusieurs jours. Dans une expérience faite sur Bier lui-même, il y eut un écoulement abondant de liquide céphalo-rachidien, ce qui en- traina des vertiges se produisant constamment dans la position debout, et n'ayant cessé qu'après un séjour d'une semaine au lit. Nous rapprocherons de ces expériences celles inédites faites par un de nos élèves, M. Mignot, qui a pu exécuter diverses interventions sur les extré- mités en faisant des injections de cocaïne dans l'atmosphère celluleuse des gros nerfs se distri- buant à la région sur laquelle on voulait opérer. $ 3. — Troubles psychiques post-opératoires,. Deux importantes discussions ont eu lieu sur les troubles psychiques post-opératoires, l'une à la So- ciélé de Chirurgie de Paris, l’autre au Congrès des aliénistes tenu à Angers. Le résultat de ces longues discussions a été bien exposé dans un article de Marandon de Montyll. Il faut distinguer les délires toxiques, accidents REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899. transitoires, et les folies, accidents permanents. Les délires post-opératoires peuvent éclater chez tous les opérés sans exception, en tant que délire d'empoisonnement médicamenteuxetl septicémique, et chez tous ceux intoxiqués antérieurementsoit par vice, soit par profession, soil par suite d'une maladie organique, tandis que les folies post-opératoires nécessitent, pour se produire, la prédisposition vésanique. Si on laisse de côté les opérations sur le corps thyroïde, — qui seules ont une action spéciale sur l'intelligence, — toutes les autres ont, relativement aux troubles psychiques post-opératoires, une influence identique, et c'est à tort qu'on a incri- miné plus particulièrement les opérations gynéco- logiques. $ 4. — Rayons X. Nous ne mentionnerons pas tous les travaux aux- quels a donné naissance l'emploi systématique des rayons X. Pour tout ce qui regarde les frac- tures et les luxations, l'emploi de ce mode d’exa- men a fait ses preuves, et aujourd'hui il n’est plus permis de laisser dans le doute une lésion trauma- tique osseuse ou un déplacement articulaire. Toutes les fois que l'examen ne permet pas de faire im- médiatement le diagnostic, il faut recourir à ce mode de recherche. C'est surtout pour les lésions viscérales que l’em- ploi des rayons X est encore à l'étude. Disons que, pour le rein, on a pu en retirer des résultats appréciables. Divers opérateurs ont pu photographier des calculs du rein, et nous-même, dans un cas douteux, nous avons pu faire, d’après une photographie du D° de Bourgade, le dia- gnostie d'un néoplasme de l’extrémité supérieure du rein qui, saillant en haut sous le diaphragme, n'élait pas accessible au palper abdominal. II. — TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L'ÉPILEPSIE. A diverses reprises, nous avons déjà eu l'occasion de parler, dans cette Revue, du traitement chirur- gical de l’épilepsie!. Deux importantes discussions, l’une de la Société allemande de Chirurgie, l’autre de la Société de Biologie, nous amènent à revenir sur cette question. A la Société de Biologie, la sympathectomie, pré- conisée par M. Chipault, a été l'objet de critiques assez vives. Les expériences de Laborde ont mon- tré que la résection du sympathique, même avec ablation du ganglion cervical supérieur, faite, dans un but préventif ou thérapeutique, chez des cobayes rendus épileptogènes par section du sciatique ou hémisection de la moelle, n'a entravé en rien, chez 1 Voir Revue générale des Sciences, 1892, p. 710; 1898, p. 949. DD 780 4 D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE ces animaux, la marche ou l'intensité des crises épileptoïdes. Ces résections du sympathique ne seraient de plus pas innocentes. Dejerine a insisté sur ce fait que, pour une amélioration probléma- tique, on court le risque de provoquer des troubles trophiques dans le domaine de la face el dans le territoire cérébral ; Dupuy a rappelé que la sympa- thectomie peut entrainer une atrophie cérébrale chez le jeune animal, et Gley, qu'elle est suivie non seulement d’altérations cérébrales, mais en- core d'allérations musculaires. Enfin Féré, se fon- dant sur ce fait que, chez un épileptique, un trau- matisme banal entrave pour un temps les crises convulsives, qui reprennent ensuite leur intensité première, pense que la sympathectomie agit comme une opération quelconque, améliore tem- porairement les malades ; mais, qu'avant de parler de guérison, il faut laisser, après l'opération, s'écouler un temps assez long. En somme, le trai- tement chirurgical de l'épilepsie, au moins en ce qui concerne la sympathectomie, ne parait que peu goûté par les membres de la Société de Biologie. Il n'en à pas été de même au Congrès des chi- rurgiens allemands, où nous voyons exposé et dé- fendu le traitement chirurgical de l’épilepsie. Il est vrai qu'il ne s’agit plus de la sympathectomie, mais de la trépanation. Pour que celle-ci donne des succès, il faut, nous disent Kocher, Bergmann, Lauenstein, qu'elle amène une décompression céré- brale, l'augmentation de la tension intra-cranienne étant constante dans l’épilepsie; il ne faut donc pas se borner à trépaner la paroi osseuse, il faut, si l'on veut avoir des succès, inciser la dure-mère; peut-être même est-il indiqué de chercher à empé- cher la cicatrisation de l’incision faite à ceile der- nière, en rabattant, comme l'a conseillé Berezowsky, les lambeaux résultant de l’incision dure-mérienne sur les bords de la perte de substance osseuse. III. — ABDOMEN. $ 1. — Foie. 1. Aystes hydatiques,— Jusqu'à ces dernières an- nées, il était de règle, dans le traitement des kystes hydatiques du foie, de recourir à l'incision large avec suture des lèvres de l'incision kystique à la paroi abdominale et drainage consécutif. L'opéra- tion était incontestablement très simple, mais on voyait, après elle, des suppurations interminables, quelquefois même la production secondaire de fis- tules biliaires avec des cholerragies épuisant les malades. Aussi a-t-on cherché à guérir rapidement les kystes hydatiques aseptiques en enlevant sim- plement l'hydatide et capitonnant la membrane adventice, comme Delbet, ou même plus simple- ment en suturant l'incision faite à la membrane adventice après avoir enlevé le kyste, comme Bobrof l’a conseillé et comme nous l'avons fait après lui. La membrane adventice ne sécrète rien; on peut donc, sans inconvénient, suturer en tota- lité la poche sans drainer. Ainsi se trouve simplifié d'une manière considérable le traitement consé- cutif des kystes hydatiques non suppurés du foie. 2. Néoplasmes. — L'an dernier, nous avons déjà dit un mot de la possibilité d’extirper des néoplasmes hépatiques. Cette possibilité est bien établie par la publication d'un mémoire de Keen (de Philadel- phie), qui a pu réunir 75 opérations. Pour ce chi- rurgien, le meilleur mode d’excision consiste à employer le thermocautère porté au rouge sombre pour sectionner les parties, liant simplement les gros vaisseaux et tamponnant la plaie à la gaze iodoformée. $ 2. — Estomac. Les observations de gastrectomie pour cancer se multiplient; on peut dire que, actuellement, il s'a- git là d’une opération définitivement entrée dans la pratique. Il en est de même de la gastro-entérostomie. L'excellence des résultats immédiats de cette der- nière n'est plus à démontrer. Restaient à étudier les résultats éloignés de l'intervention. Un certain nombre de travaux avaient déjà été publiés soit en France, soit surtout à l'Étranger, lorsqu'avec le D' Soupault nous avons repris cette étude en exa- minant en détail l'état de vingt de nos anciens opérés. Le résultat le plus frappant, c'est la dis- parition ou tout au moins l'atténuation considé- rable des troubles subjectifs (douleurs, aigreurs, éructations, vomissements); en même temps sur- vient une amélioration très nette dans l’état général (retour des forces et surtout augmentation de poids). Un point intéressant à noter, c’est que le nouvel orifice créé est continent et que la digestion gastrique continue à se faire. L'’acidité du contenu stomacal diminue, fait surtout appréciable chez les hyperchlorhydriques, ce qui tient peut-être à l’ar- rivée presque constante d’un peu de bile dans l'estomac; ce retour n'a manqué que chez un de nos vingt opérés; il nous a paru sans aucun incon- vénient, au point de vue de la digestion, fait en accord avec les expériences physiologiques anté- rieures de Dastre, d'Oddi et de Massek. Aussi peut-on conclure actuellement que lan gastro-entérostomie, qui soulage les malades atteints de cancer du pylore, est merveilleuse dans ses résultats chez ceux atteints de pylorique fibreuse ou d'ulcère douloureux rebelle, . n + » malades qui jusqu'ici trainaient, pendant un temps es. ! , ; ; EE s: 7 plus ou moins long, une existence misérable entre les mains des médecins. D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 187 A propos d'une opération personnelle, nous avons, d'autre part, pu montrer quelle amélioration on pouvait espérer par la gastrorraphie combinée à la gastropexie chez les malades devenus cachec- tiques à la suite d’une dilatation avec ptose gastrique. À L $ 3. — Appendicite. L'éternelle question de l’appendicite a encore occupé cette année un grand nombre de séances de la Société de Chirurgie. Pour tous les chirurgiens, l'opération est indiquée dans l’appendicite; mais, tandis que quelques-uns veulent qu'on opère tou- jours dans tous les cas, quelles que soient la forme et la période d'évolution de la maladie, d'autres tiennent à prescrire au début le traitement médical (glace sur le ventre, opium et diète hydrique) pour ne procéder à l’ablation de l’appendice qu'une fois la période aiguë terminée. Tout en admettant que, dans certains cas, en présence d’un gâteau inflammatoire indiquant la limitation des lésions, on peut attendre, nous pensons que l'opération idéale est celle qui est faite dans les 48 heures de l’évolution de la maladie. D'une simplicité plus grande encore que l'opération à froid, celte opé- ration précoce épargne au malade une longue période de souffrances, ne le laisse pas exposé pendant un temps assez long aux accidents pos- sibles de la perforation et donne des résultats excel- lents. Il faut seulement ne la pratiquer qu'avec un diagnostic ferme d’appendicite grave, diagnostic qui, pour nous, se fonde sur les signes suivants : brusquerie du début des accidents, douleur loca- lisée, défense de la paroi, élévation simultanée du pouls et de latempérature. Lorsque cesdivers signes ne sont pas réunis, nous préférons nous abstenir et nous borner au traitement médical. IV. — GYNÉCOLOGIE. Deux grandes réunions gynécologiques ayant eu lieu cette année, celle de la Société allemande de Gynécologie de Berlin et celle du Congrès interna- tional de Gynécologie et d'Obstétrique à Amster- dam, nous pouvons sur quelques points préciser la tendance qui se dégage des discussions. $ 1. — Fibromes utérins. L'accord ne semble pas encore fait sur le traite- ment des fibromes utérins. Les traitements indirects (cureltage, électrisation, castration ovarienne, ligature des artères utérines, ete.) semblent avoir perdu un terrain considérable depuis quelques années. L'observation suivie des malades a, en effet, montré que; si ces divers traitements amé- liorent quelquefois les malades, ils ne les guérissent Jamais. On était autorisé à y recourir autrefois à cause de la gravité des opérations d'exérèse, mais, comme aujourd'hui celte dernière a beaucoup diminué, l'argument ne subsiste plus. Aussi les discussions n'ont-elles guère porté que sur le meilleur mode d’exérèse. Il est évident que pour tous les myomes pédiculés, saillants dans la cavité utérine, à fortiori apparaissant dans le vagin, l’ablation pure et simple par les voies natu- relles constitue le traitement de choix. Aussi ne s'est-on pas arrêté à discuter ces cas, sur lesquels l'accord semble fait. Étant donné que, pour les autres cas, c'est l'abla- tion de l’organe qui semble le traitement de choix, on a recherché quelle était la voie la meilleure à employer ; il semble à cet égard que la voie vagi- nale ait subi un recul. De l'avis même de ses plus chauds partisans, c'est une opération dont on a beaucoup abusé et dont les indications doivent être plus restreintes qu'on ne l’a dit. C'est donc la voie abdominale qui convient au plus grand nombre des fibromes. Quelle opération pratiquera-t-on par cette voie? Un certain nombre de gynécologues conseillent de faire simplement des myomectomies abdominales. Théoriquement, ces myomectomies semblent devoir être le meilleur de tous les traitements : elles suppriment la ou les tumeurs, conservant à la fois l'utérus, les ovaires et les trompes. En pratique, elles ont des inconvé- nients, Car on ne sait jamais si l’on a enlevé tous les noyaux fibromateux, si bien que l'opération laisse la malade dans des conditions telles qu’une nouvelle opération devient secondairement néces- saire. Aussi,ses partisans sont-ils moins nombreux que ceux qui veulent qu'on recoure à l'amputation de l'organe. Disons cependant que lorsqu'on trouve un gros myome pédiculé ou tout au moins extério- risé de l’utérus, on peut se borner à son ablation. Le plus souvent, c’est à l'ablation de l'organe que l’on a recours, les uns la faisant totale, les autres se bornant à l’amputation supravaginale, conser- vant même quelquefois, comme Zweifel, une cer- taine étendue de la muqueuse utérine pour éviter à la malade les désagréments parfois fort pénibles d’une ménopause anticipée et artificielle. En tous cas, il semble inutile d'enlever les ovaires s'ils sont sains, leur conservation ayant un cerlain intérêt, car elle permet à ces organes de continuer leur sécrétion interne, qui n’est peut-être pas sans importance. $ 2. — Rétrodéviations utérines. La discussion qui eut lieu au Congrès d'Amster- dam sur le traitement des rétrodéviations utérines a montré qu'aujourd'hui les gynécologues ont, pour la plupart, abandonné l'hystéropexie, tant abdomi- nale que vaginale, la création d'une fixation patho- 788 © HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE logique de l'organe n'étant pas toujours sans inconvénient tant au point de vue des conceptions ultérieures (hystéropexies vaginales) qu'à celui de la création dans l'abdomen de brides pouvant ulté- rieurement être le point de départ d’un étrangle- ment intestinal (hystéropexies abdominales). C’est au raccourcissement des ligaments ronds, soit par la voie suspubienne médiane, soit par la voie ingui- nale qu'il faut recourir, n'hésitant pas, quelle que soit la voie adoptée, à toujours ouvrir le péritoine et à examiner les annexes, toutes les fois qu'on n'est pas sûr de leur intégrité. $ 3. — Cancer de l'utérus. L'an dernier, dans notre revue‘, nous avons déjà parlé des opérations abdominales faites contre le cancer de l'utérus et des tentatives d’ablation par cette voie de cancers étendus; nous disions, à ce moment, que ces essais ne nous semblaient pas devoir être couronnés de succès et que, si l’on vou- lait arriver à la cure du cancer de l'utérus, il fallait à la fois faire un diagnostic précoce et une opéra- tion précoce. Les faits publiés nous ont donné rai- son. On continue aujourd'hui à préconiser la voie abdominale; mais ce n’est plus, comme il y a un an, pour attaquer des cas inextirpables par le va- gin, c'est pour enlever plus largement les cancers qu'on lraitait autrefois par l'hystérectomie vagi- nale. On revient aux moyens purement palliatifs pour les cancers étendus. $ 4. — Valeur de l’antisepsie et de la technique dans les résultats de la gynécologie opératoire. La question mise à l'ordre du jour au Congrès d'Amsterdam était : Valeur relatwe de l'antisepsie et des perfectionnéments de la technique dans les ré- sultats actuels de la gynécologie opératoire. Il y a eu sur ce point accord à peu près complet entre les divers orateurs qui ont pris part à la dis- cussion. Il leur a semblé que si, depuis l'emploi de l'antisepsie, quelques améliorations ont été dues au perfectionnement des méthodes de stérilisation, elles n’occupent qu'une petite place à côté de celles qu'ont amenées les modifications de la technique. A cet égard, l'introduction en gynécologie de l'hystéreclomie vaginale a, au dire de quelques- uns, constitué un progrès considérable. Sur ce point cependant les avis sont partagés. Au contraire, tout le monde semble aujourd’hui parfaitement d'accord sur les améliorations qu'ont apportées dans les résultats les modifications de la technique des opé- rations abdominales ; la limitation exacte du champ opératoire, obtenue par l'emploi méthodique de compresses stérilisées et facilitée tant par la posi- 1 Voir Revue générale des Sciences, 1898, p. 951. tion élevée du bassin que par une bonne chlorofor- misation ; la suppression des gros moignons et des“ ligatures en chaînes ; la suppression des surfaces, cruentées par l’enfouissement des ligatures sous… une suture soignée du péritoine du pelit bassin, 4 sont autant de points qui, par leur mise en pra tique, ont grandement modifié les résultats de las gynécologie abdominale. $ 5. — Opérations sur le col et grossesse. A la Société Obstétrique et de Gynécologie d'él Paris, une longue discussion a eu lieu sur la ques tion des suites des opérations pratiquées sur le cor utérin au point de vue des grossesses et des accouche ments ultérieurs. Des diverses communications faites, il semble ressortir que, si les accoucheurs“ ont observé quelquefois, à la suite de ces opéra- tions, soit des troubles fonctionnels au cours de la grossesse, soit même des accidents graves au mo-" ment de l'accouchement, cela résulte de ce que les opérations ont été exécutées dans de mauvaises conditions, en particulier de ce fait qu’elles ont abouti à la création de tissu cicatriciel. Si donc on veut, à la suite d’une quelconque des opérations plastiques pratiquées sur le col, avoir de bons résultats, il faut la faire avec soin et réaliser, tant par une antisepsie parfaite que par une coaptatiom exacte des parties, une réunion parfaite qui se fera, dès lors, sans tissu cicatriciel consécutif. V. — OBSTÉTRIQUE. Bien que nous n'abordions que rarement dans cette revue les questions obstétricales, comme plu- sieurs de ces questions ont été traitées et tranchées au Congrès internalional d'Amsterdam, disons deux mots sur les conclusions auxquelles on est arrivé. La première discussion a porté sur l'influence de la position sur la forme et les dimensions du bassin. Il est définitivement établi que les variations des dimensions du bassin dans les différentes attitudes. ont été non seulement soupçonnées, mais étudiées | expérimentalement avant Walcher, que quelques Allemands regardent à tort comme l’auteur de cette” découverte. D'autre part, l’expérimentation sur des cadavres de femmes mortes en état puerpérak amontré que l'agrandissement du détroit supérieur produit par l’hyperextension forcée est loin d'être aussi considérable que le prétend Walcher : il ne« dépasse pas en moyenne 3 millimètres. La discus= sion du Congrès a donc abouti à confirmer les con= clusions posées par Varnier, en France, dès 1896. La deuxième question à l’ordre du jour portai sur l'indication de l'opération césarienne considérée: en rapport avec celle de la symphyséotomie, de 1 craniotomie et de l'accouchement prématuré artificiel sonne otanst RTE CNET ER se Le as D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 189 Le pivot de la discussion a été un Rapport docu- menté du Professeur Pinard, contre lequel sont venues se heurter des argumentations de détail. Il st à regrelter que, dans cette discussion d’impor- ance capitale, la plupart des orateurs n'aient pas apporté la statistique intégrale de tous les cas SRE dans des bassins viciés, qu'ils ont eu à traiter. La discussion aurait gagné en préci- Bo et en intérêt. Quoi qu'il en soit, il semble, d'a- | près les communications faites, qu'à l'heure ac- “tuelle, pour les bassins à diamètre utile supérieur à 65 millimètres, le dékat soit scientifiquement eirconscrit entre la symphyséotomie et l'opération césarienne à indication relative. à Li * VI. — QUESTIONS DIVERSES. S 1. — Effets des projectiles de guerre. os + md PZ£ Bien que les plaies produites par les armes de “guerre ne se rapprochent pas des plaies opéra- loires, nous croyons intéressant de dire ici un mot - de l'effet de certains projectiles, l’armée anglaise « ayant utilisé, dans les derniers combats qu'elle a livrés, soit aux Indes, soit au Soudan, des projec- ; tiles perfectionnés. … Aux Indes, les Anglais se sont servis de balles “dites Dum-Dum bullet, balles de plomb à chemise - de nickel incomplète (à l'extrémité, le plomb dé- » passe le nickel), si bien que l'on dénomme en- - core ces projectiles balles à pointe découverte. - Dans une série d'expériences faites sur des cada- … vres à Tubingen, Bruns a montré que ces projec- - tiles produisent des lésions infiniment plus graves “ que celles de tous ceux employés jusqu'ici. Les “ parties molles sont dilacérées en une foule de — lambeaux; il y a comme une véritable explosion à …— l'intérieur des tissus; les lésions sont encore plus “— marquées si la balle a frappé un os. Cet effet con- . sidérable est dû à la déformation du projectile. La pointe non revêtue de chemise s’aplatit au contact de la peau, et cette déformation du plomb “fait sauter la chemise en de nombreux fragments enroulés. Le ‘plomb lui-même éclate en une mul- titude de morceaux, qui se dispersent dans les tis- sus de l'organisme. Au Soudan, on a vu paraître un nouveau type de balles, la balle à pointe creuse, qui offre à sa pointe une petite cavité ouverte tapissée entièrement par la chemise en nickel du projectile. Ses effets ont été de même étudiés par Bruns. Dans le tir à grande distance à plus de 600 mètres, cette balle ne subit que peu de déformation et ses effets sont alors à peu près analogues à ceux d’une balle pleine; mais, à des distances plus courtes, la chemise nickelée éclate près de sa pointe et le plomb s'étale en champignon au-devant d'elle, en provoquant de di - LR UTP vastes déchirures. Les lésions osseuses sont plus graves qu'avec la balle Dum-Dum. Enfin, les ravages sont épouvantables, lorsque la balle à pointe creuse pénètre dans un organe cavilaire contenant du liquide, la balle éclatant alors en un grand nombre de morceaux qui transpercent et détruisent les tissus tout autour. Ces diverses balles sont donc, au point de vue de leur action, de véritables balles explosibles, et comme telles seraient interdites d’après la conven- tion internationale signée à Saint-Pétersbourg en 1868, si les conventions entre États avaient une importance aussi grande que les conventions entre simples particuliers. Comme on a de plus en plus tendance à réduire le calibre de la balle, il est à craindre qu'on ne soit dans l’avenir tenté de com- penser la diminution de calibre par une augmen- tation du pouvoir destructeur, et qu’on arrive ainsi non plus à rendre incapables de combattre pour un temps les blessés, mais à rendre définitivement infirmes ceux qui n'auront pas été tués sur le coup. $ 2. — Traitement de la furonculose. Nous terminerons cette revue par l’exposé d’un nouveau traitement d'une affection banale, qui n'a rien à voir avec ce qu'on appelle la grande Chi- rurgie, mais qui néanmoins est intéressante par sa fréquence, et par la résistance qu'elle opposait autrefois à nos médications, nous voulons parler du traitement des vulgaires clous qui, par leur répétilion, constituent chez certains malades une véritable source d'ennuis. Dès 1852, un médecin anglais Mosse déclarait avoir traité avec succès les furoncles par de la levure de bière donnée à la dose de trois cuillerées à café par jour, délayée dans un peu d’eau; mais son travail n’attira pas l’altention des médecins et il faut arriver jusqu'à cette année, pour voir ce traitement, préconisé depuis 1894 par les médecins du Nord, en particulier par Debouzy, se vulgariser. Sans donner des résultats constants, ce trai- tement des furoncles par la levure de bière guérit. semble-t-il, plus de malades que tous les trai- tements conseillés jusqu'ici. Il suffirait, nous dit Brocq, de prendre trois fois par jour, au com- mencement de chaque repas, une à trois cuillerées à café de levure de bière fraiche, délayée, dans un verre à Bordeaux, d’eau ordinaire ou d’eau miné- rale alcaline. Le seul inconvénient de cette médi- cation serait de donner quelquefois de légers troubles gastro-intestinaux (pesanteurs d'estomac, aigreurs, renvois acides, diarrhée). D' Henri Hartmann, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, Chirurgien des Hôpitaux. 790 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Smith (William Benjamin), Professeur de Mathéma- tiques à l'Université de Tulane. — Infinitesimal Ana- lysis. Vol. I : Elementary. Real Variables. — 4 vol. in-8° de 352 payes avec figures. Macmillan et Cie, éditeurs. Londres, 1899. Dans plusieurs traités d'Analyse, parus ces der- nières années, on expose simultanément le calcul diffé- rentiel et le calcul intégral. Cette méthode offre, en effet, de grands avantages lorsqu'il s’agit de l’enseigne- ment des éléments. C'est aussi celle qu'a adoptée M. Smith dans son traité d'Analyse infinitésimale. Le premier volume, qui seul vient de paraître, est consacré à l'Anaiyse des variables réelles. Il contient, avee quelques innovations, l’ensemble des matières que l'on trouve dans tous les ouvrages élémentaires. Nous pouvons donc nous borner à indiquer les titres des neuf chapitres que comprend ce volume, afin de donner une idée de la marche suivie par l'auteur : I. Notions fondamentales et opérations. — II. Intégra- tion. — II. Applications; séries; formes indétermi- nées; maxima et minima. — IV. Interprétation géomé- trique des dérivées d'ordre supérieur; contact; conca- vité et convexité; courbure d'une courbe plane; cercle osculateur. — V. Problèmes divers d'intégration ; qua- drature; rectification; volume ; applications. — VI. Dé- rivées partielles; changement de variables; élimina- tion. — VII. Intégration partielle. — VIII. Différentiation et intégration sous le signe /'; la fonction PF. — IX. Tracé d’une courbe donnée par son équation. Ce qui fait le mérite de cet ouvrage, c’est que son auteur est à la fois un excellent mathématicien et un professeur expérimenté. M. Smith a groupé dans ce volume l'ensemble des notions fondamentales indis- pensables à une étude approfondie de l'Analyse et il les a présentées avec beaucoup de clarté en s’efforçant toujours de maintenir l'exposé à la portée de l'étudiant. Un grand nombre d'exercices et de problèmes ont été placés à la fin des divers chapitres. H. Fer, Privat-docent à l'Université de Genève. Knap (Géorgia), constructeur-mécanicien. — Les Se- crets de fabrication des Moteurs à essence pour motocycles et automobiles. — 1 vol. in-8° de 336 pages avec 95 figures (Prix : 18 fr. 50.) V. Marte- let, imprimeur-éditeur. Troyes, 1899. Le moteur à essence est un merveilleux engin que beaucoup de constructeurs ont la tentation de réaliser, parce qu'il n'offre au premier abord aucune complica- tion; mais, sous son apparente simplicité, beaucoup de difficultés se cachent, contre lesquelles n'est pas suffi- samment en garde quiconque n'a pas de ce moteur une pratique approfondie. Un ingénieur, M. Géorgia Kuap, constructeur lui-même d'un moteur connu, s'est donné pour täche de faciliter à ses successeurs leurs débuts dans cette fabrication toute spéciale. Il commence par les prémunir contre la constatation qui les attend, lors de l'essai de leur moteur, même si celui-ci est né viable, qu'il ne donne pas la force pour laquelle il a été calculé ; le moteur reste le premier jour inférieur à ce qu'il sera peut-être plus tard pour des raisons bien diverses: le cylindre n'a pas été du premier coup bien alésé, le piston est trop juste ou mal rodé, les segments n'épousent pas bien la forme du cylindre, les soupapes (surtout celles d'échappement) fonctionnent mal, l'allumage n'est pas bien réglé. Toutes ces causes heureusement peuvent être guéries BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX et l'ouvrage de M. Knap indique leurs remèdes dans ses chapitres successifs. Le second est consacré à l'étude du cylindre (pour lequel il indique un procédé d’alésage fort exact), aux pistons, aux segments, aux bielles, dont l’accouplement etle graissage doivent être fort précis pour éviter les grippage. | Le chapitre ur s'occupe de l'aspiration, des dimen- sions et de l'emplacement à donner aux soupapes, des précautions à prendre pour éviter dans le carburateur des retours de flamme, qui pourraient provoquer son explosion. N Le chapitre 1v traite de l’échappement, autrement délicat que l'aspiration; il préconise la soupape en nickel, brasée sur tige d'acier recouverte de nickel], pour éviter la corrosion par les gaz brülés. Il montre l'utilité, d'assurer à l'échappement une avance qui lui est encore plus nécessaire qu’à l'allumage, et au con- traire une fermeture coincidant bien avec la fin de la course d'échappement du piston. On peut dire que si l'échappement n’est pas la fonction vitale du moteur, la facon dont il est réglé décide pourtant de la marche de ce dernier. Par quelques considéralions sur les mo teurs à ailettes, qui seraient peut-être mieux placées dans le chapitre xn, relatif au refroidissement des cy- lindres, M. Knap semble leur prédire la victoire com- merciale, à cause de leur simplicité et de leur bas prix: il reconnaît pourtant que jusqu'ici, au-dessus d’une certaine force, le refroidissement par un courant d'air reste nécessaire. Dans le chapitre v est décrit l'allumage électrique; il a la préférence de l'auteur, à cause de son élasticité, qui lui permet d'assurer si bien la bonne utilisation du mélange combustible et qui a, sur l'allumage par brû- leurs, l’avantage de permettre la marche malgré que la compression soit faible; avec ces derniers, si la com- pression descend au-dessous d'un taux assez voisin de sa normale, l'allumage ne se produit plus, parce ques les gaz neufs n'arrivent pas au contact du tube, et la voiture reste en panne. | Le chapitre vr montre l'intérêt d'adapter à chaque carburateur un allumage approprié: aux carburateurs à léchage, l'allumage électrique ; aux carburateurs à pulvérisation, l'allumage par tubes. L'intensité de l’al- lumage a aussi son importance : des expériences per- sonnelles ont montré à M. Knap que la substitution d'un appareil Houpied, basé sur l'emploi d'une magnéto, à un simple accumulateur, a produit pour un moteur un . gain de force très appréciable. Dans le chapitre vu, l'auteur montre que beaucoup d'éléments : le volume de la cylindrée, le taux de la compression sont, dans la construction des moteurs, régis par le seul empirisme, sans souci véritable de leur importance, notamment au point de vue de la consom- mation d'essence. Nous partageons absolument cette manière de voir : l'automobile, restée jusqu'ici l’apa- nage des riches amateurs, qui dépensent sans compter, ne se vulgarisera réellement que le jour où elle sera devenue plus économique. . LR f . Dans le chapitre vur, M. Knap s'élève contre la ma- joration qui, à son avis, et surtout pour les moteurs à w un seul cylindre, est complaisamment attribuée à leur puissance enchevaux. Cette critique assez vive aura eu le bon effet de provoquer un concours de moteurs, dont la Locomotion automobile vient avec beaucoup de raison de prendre l'initiative. C'est de la régulation du mouvement que traite le chapitre 1x: les moteurs à allumage électrique, dont la vitesse peut être modérée par une variation appro- | . 1 k Sac nat si Gt BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 791 priée de l'avance à l'allumage, n’ont pas, en général, d'organe particulier de régulation; celui-ci est, au con- “raire, indispensable avec l'allumage par brûleurs, qui noffre aucun moyen d'empêcher l’emballement du oteur, pendant la marche à vide. Ce même chapitre écrit quelques types de carburateurs. Les deux suivants examinent les principales causes “d'arrêt ou de mauvais fonctionnement des moteurs à “allumage électrique et à brüleurs. Des tableaux, d'un “crand intérêt pratique, les énumèrent et tracent la “marche à suivre pour les reconnaître méthodiquement “et les faire cesser. —… Le chapitre x11 s'occupe du refroidissement des cy- “lindres, des dépôts calcaires auxquels donne lieu le “courant d'eau qui est souvent chargé de le réaliser. — Dans le chapitre xt, l’auteur raconte l'histoire des “principales pannes qu'il a subies dans sa pratique de “chauffeur de la première heure. Comme la plupart “puettent celui de la seconde, la lecture leur en sera “des plus profitables. Le dernier chapitre traite la question, si importante men pratique, du graissage. s … Le livre est écrit en un langage fort clair, sans for- “nules prétentieuses, d'une lecture facile pour tous : il st parsemé de renseignements utiles que l’on cherche- rait vainement ailleurs. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines. Le 2° Sciences physiques “Cauro (J.), Préparateur au Laboratoire des Recherches physiques à la Sorbonne. — Mesures sur le Micro- phone. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.) — 4 vol. in-8° de 60 pages avec figures. G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1899. … La thèse de M. Cauro est une importante contribution l'étude expérimentale du téléphone et du microphone. Jl s'est particulièrement attaché à un point qui n'avait Miamais été traité avec exactitude et netteté : la mesure de l'amplitude des vibrations sonores produites au trans- metteur ou au récepteur. Pour opérer sur quelque chose de défini, l’auteur “emploie exclusivement des sons musicaux. Il a recours “à des diapasons, entretenus électriquement, munis de Jeur caisse de résonance. On notera chaque fois la hau- “teur du diapason choisi, et l'amplitude de la vibration des branches du diapason, amplitude qu'il est aisé de mesurer par une méthode optique. — Mais ce qu'il importe de connaître, c'est l'amplitude “lu mouvement vibratoire de l'air provoqué par le dia- “pason, à une distance donnée de la caisse de résonance “15, 16, 20 centimètres, par exemple). Il faut savoir quelle est l'amplitude de l’onde sonore qui frappe la plaque du microphone. M. Cauro a dû, à cet effet, cons- tituer un appareil de mesure de l'intensité des sons. Après divers essais, il s'est arrêté à une membrane de baudruche caoutchoutée, très légèrement tendue et placée sur un petit tambour. Au centre de cette mem- brane est collé un tout petit disque de verre, et sur celui-ci, tout droit, un fil de verre rigide portant une petite feuille d'aluminium mince, percée d'un trou. Ce trou, très vivement éclairé, est examiné avec un bon microscope muni d'un micromètre oculaire :on mesure aisément la longueur de la ligne lumineuse dessinée au cours de Ja vibration. M. Cauro a eu soin de vérifier que la membrane ainsi placée au voisinage de la caisse de résonance d’un diapason vibre exactement à l’unis- son, et donne, comme le diapason, une vibration har- monique sans introduction d'aucun mouvement propre, d'aucun son supérieur ; en combinant, par une méthode optique, la vibration du diapason lui-même et celle de la membrane, il a réalisé, en effet, des courbes de Lis- Sajous parfaitement régulières, ne décelant la présence d'aucun harmonique. Il semble donc qu'on a, dans ce petit appareil si simple, un moyen de faire de bonnes mesures — au moins des mesures relatives — de l’am- plitude des vibrations de l'air. Fee 2 Pour mesurer l'amplitude des vibrations de la mem- brane du microphone ou de la plaque du téléphone récepteur, on n'a pu employer une méthode analogue, les déplacements n'étant que de quelques microns au lieu de se compter par centièmes de millimètre. Ou a produit entre la membrane vibrante et une lentille de verre fixe des anneaux de Newton : ils se troublent durant la vibration; on les observe par une méthode stroboscopique et, en ralentissant leur mouvement, on peut les suivre et mesurer l'amplitude du déplacement des franges. Dans ses mesures électriques, M. Cauro adopte éga- lement des méthodes et des appareils marqués au coin de la simplicité la plus ingénieuse. Il indique une transformation de l’électrodynamomètre de Giltay qui permet d'en obtenir, parune méthode de zéro, la mesure rigoureuse de l'intensité efficace des courants télépho- niques, au moins tant qu'ils restent des courants alter- natifs sinusoïdaux. D'un simple fil métallique rectiligne parcouru par le courant variable, et placé dans un champ magnétique intense, il fait un oscillographe; et en attachant à ce fil métallique, disposé horizontale- ment, un fil de soie qui supporte un charbon de micro- phone, il en fait un relais microphonique. Les principales conclusions sont les suivantes : Le circuit primaire, comprenant une pile, le micro- phone et le primaire d'une bobine d'induction, étant parcouru en temps normal par un courant continu, la vibration du microphone a pour effet de superposer à ce courant continu un courant alternatif, dont l’inten- sité efficace est une fraction de l'intensité du courant continu. Cette fraction atteint 1/4 environ pour les sons les plus intenses qu'on puisse transmettre sans crache- ments. L'intensité efficace du courant alternatif est sen- siblement proportionnelle à l'amplitude de la vibration sonore qui actionne l'appareil, contrairement à ce que pensait Maxwell. Dans le circuit secondaire (comprenant le secondaire de la bobine d'induction, une ligne artificielle variable faisant l'effet d’une ligne réelle de même valeur nomi- nale, et le téléphone), la f. 6. m. efficace, en circuit ouvert, n'a pas dépassé 1,5 volt; la différence de poten- tiel aux bornes du téléphone ne dépasse pas quelques centièmes de volt. L'intensité efficace du courant secon- daire est de l’ordre du cent millième d’ampère : elle est encore sensiblement proportionnelle à l'amplitude de l'onde sonore, et ne semble pas varier avec la période. Le dépla- cement de la membrane téléphonique sera donc pro- portionnel à l'amplitude de l'onde agissante, et ne dépend pas de la période; on s'explique ainsi que, au moins pour les sons musicaux, le timbre ne soit pas altéré par la transmission téléphonique. Ces indications suffiront pour montrer l'intérêt scien- tifique en même temps que l'intérêt pratique de l’étude de M. Cauro. Pourquoi faut-il que le jeune savant, qui débutait si brillamment dans la carrière de la recherche scientifique, nous ait été enlevé par cette mort tragique dont la nouvelle a causé une émotion universelle ? BERNARD BRUNHES, Professeur de Physique à la Faculté des Sciences de Dijon. Mourlot (A.), Préparateur-adjoint à l'Ecole des Hautes- Études.— Recherches sur les Sulfures métalliques. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.) — Bro- chure in-8° de 68 pages. Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1899. M. Mourlot a appliqué les hautes températures du four électrique à l'étude des sulfures. L'emploi du four électrique, avec lequel M. Moiïssan et ses élèves ont obtenu des résultats très nouveaux, permet, en effet, non seulement d'atteindre des températures énormes, évaluées à 3.500°, mais encore de graduer la chaleur fournie, tant pour l'intensité que pour la durée. L’are électrique est donc devenu un agent à la fois puissant et docile. En appliquant ainsi la chaleur avec précau- tion, et en quelque sorte aux doses les mieux choisies, 1 Le) 19 M. Mourlot effectue dans un même creuset soit la pré- | paration d’un sulfure, lorsqu'il chauffe, par exemple, le sulfate correspondant avec du charbon, qui le réduit, soit la destruction ou la volatilisation de ce sulfure, lorsqu'il insiste sur l'intensité de la chaleur ou sur Ja durée pendant laquelle il la fournit. Les sulfures de manganèse, d'aluminium, de magnésium, fondent au creuset électrique sans se volatiliser; au contraire, les sulfures de zinc, de cadmium, de plomb, d'étain, se volatilisent; le sulfure de zinc, volatil à ces hautes températures, se dépose dans les régions moins chaudes sous forme de wurtzite. Le travail de M. Mourlot a précisé les notions acquises sur les sulfures. Il a fait voir que plusieurs d’entre eux, préparés d'abord à l'état amorphe, peuvent cristalliser. Certains d'entre eux, comme ceux de magnésiun et de manganèse, acquièrent aux températures élevées de l'arc électrique une densité plus grande que leur densité habituelle ; malgré ce changement de densité, la chaleur que dégage, dans les acides, l'une ou l'autre de ces variétés, est la même dans les deux cas. LÉON PIGEON, Professeur adjoint à l'Université de Dijon. 3° Sciences naturelles Boirivant (Auguste). — Recherches sur les Orga- nes de remplacement chez les Plantes. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-8° de 100 pages avec 5 planches et 16 figures. Masson et Ci°, éditeurs. Paris, 1899. Par cultures en solution ou sur terre tamisée, l’auteur a étudié expérimentalement les différentes phases de remplacement d'un organe détruit par un organe ana- logue. Les individus blessés ont été comparés à des échantillons intacts de même espèce et de même âge. La destruction de la racine principale a pour effet de produire un système radicellaire plus développé que si la plante était restée intacte. Les radicelles de rempla- cement modifient leur structure en augmentant le nombre de leurs faisceaux primaires et des vaisseaux qui les constituent; les formations secondaires sont en outre plus abondantes et plus précoces. En définitive, la radicelle de remplacement a une structure qui ressemble plus à celle d'une racine prin- cipale qu'à celle d'une radicelle ordinaire. En ce qui concerne la tige, les résultats sont analo- gues : le rameau latéral de remplacement à qui in- combe la fonction de tige principale crée une structure corrélative. Le chapitre relatif au remplacement des feuilles par les tiges indique aussi d'une facon détaillée le résultat anatomique de la mutilation. Quand on enlève les feuil- les d'une plante on voit nettement augmenter la colo- ration verte des tiges; les tissus chlorophylliens sont plus abondants et le nombre des stomates s'accroît. C'est le résultat d’un balancement organique qui est im- posé à la plante par les conditions désavantageuses aux- quelles on la soumet. On peut dire, en résumé, qu'une mutilation mécanique impose, plus ou moins, à la par- tie restante, de suppléer à la fonclion qui appartenait à la partie enlevée. Celle-ci modifie sa structure dans une mesure variable, parfois très accentuée. Comme l'indique M. Boirivant, les lésions du végétal sont parfois trop importantes pour que les individus blessés atteignent un développement comparable à celui des plantes témoins. Il eût été intéressant d'aborder un peu cette partie de la question, en l'envisageant au point de vue de la biologie générale. Les résultats dans cette ligne eussent été variés et peut-être d’une certaine | importance philosophique. L'auteur s'était proposé une étude morphologique | qui a été bien conduite et qu'on lira avec intérêt. Epmonxp Gain, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX | dont il vient de faire paraître une 2° édition, plutôt Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Nancy. | Bousquet (Fernand), Préparateur des Travaux prati= ques de Chimie à la Faculté de Médecine de Paris. Recherches ceryoscopiques sur le Sérum san- guin. La Plasmolyse et l’Isotonie chez les êtres. vivants. — 4 vol. in-8°, de 136 pages. E. Bernard € Cic, éditeurs. Paris, 1899. | Dans son développement régulier, la Physico-Chimie pénètre peu à peu la Biologie; nous la voyons aborde l'étude des milieux liquides de l'organisme. Il faut savoir gré à M. F. Bousquet de nous avoir donné, dans sa thèse inaugurale, une monographie bien faite où se retrouvent un exposé complet de la question, en même temps qu'un lot important de recherches originales: Le chapitre premier est consacré aux généralités di la cryoscopie; puis viennent les applications à la Bio: logie, les travaux des botanistes (Traube, de Vries), l'action de l’eau et des solutions salines sur les glo bules sanguins, les applications de la cryoscopie à l'étude de la tension osmotique des liquides de l’orga= nisme et spécialement du sérum sanguin. Signalons une bonne étude de l'abaissement du point de congé- lation du sérum des diverses espèces et, chez le même individu, du sérum prélevé dans différents territoires vasculaires à l'état normal ou au cours des procès pa thologiques. C'est ici que se placent les résultats qui. appartiennent en propre à l’auteur. | Ces résultats établissent que la tension osmotique présente, dans le sang pathologique, de grands écarts” (A — 0,49 à — 1,04); mais aucune loi bien nette ne paraît se dégager des valeurs trouvées. Nous en dirons tout autant des travaux de Koranyi, Fisch, Kovacs et autres auteurs, sur l'application de la pression osmotique à la formation de la lymphe, à l’ex- crélion de l'urine, à l'absorption intestinale, etc., etc. C'est à bon droit que l’auteur leur fait une large place dans sa thèse : car ces tentatives sont d'un grand intérèt et méritent d'être suivies avec persévérance. Mais ce ne sont encore que des tentatives; aucune conclusion saillante n'apparait, pour le moment. Koranyi, par exemple, aboutit, au terme d'un travail, très consciencieux, à cette affirmation qui n’est peut être pas très neuve, à savoir que la tâche principale du rein consiste à maintenir constante la composition du sang. On aurait tort cependant, en mettant en parallèle l'effort déployé et les résultats acquis, de dédaïgner ces tentatives. Elles semblent avoir établi que les phéno- mènes physiologiques, tels que l'excrétion urinaire, ne sont pas sous la dépendance exclusive de la pression osmotique; mais, d'autre part, ce facteur paraît bien. avoir un rôle dans ces phénomènes complexes, et c'est à définir ce rôle qu'il faudra s'attacher désormais; Car on pressent qu'il y a là un chapitre nouveau de Phy=… sico-Chimie à éclairer par des travaux nombreux el bien faits. Ce n'est pas exagérer le mérite de M. E. Bousquet que de classer sa thèse parmi ces travaux : elle en est digne à tous égards et par la mise au point de la ques= tion et par l'effort personnel qu'elle révèle. Ajoutons qu'un grand nombre de renseignements pratiques et une longue bibliographie de ce sujet encore peu connu, complètent heureusement cette mono= graphie. Dr L. HUGOUNENQ, Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon, Membre correspondant de l'Académie de Médecine: 4 Sciences médicales Bard (L.), Professeur à la Faculté de médecine de Lyon: — Précis d'Anatomie pathologique (2° édition). 4 vol. in-12 de 804 pages avec 125 figures. (Prix : 8 fr.) G. Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1899. M. Bard considère le Précis d'Anatomie pathologique, « comme un manuel propre à servir de guide au observations personnelles de chacun » que « commeun résumé d'Anatomie pathologique destiné à la prépara= BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX tion des examens ». Qu'il nous permette d'affirmer que son ouvrage pourra rendre des deux facons les plus - grands services. Les considérations générales par lesquelles s'ouvre l'ouvrage, celles qui sont semées partout et qui impri- ment à tous les chapitres un cachet philosophique, l'ordonnancement méthodique des malières suivant la règle didactique, tout cela est d'un véritable Traité d'Anatomie pathologique. Ce Traité a pu être réduit néanmoins aux proportions d'un Précis. Il a été, en effet, presque complètement débarrassé des données historiques et des indications bibliographiques. Il fait, au début de chaque chapitre, l'économie du chapitre traditionnel d'anatomie normale de l'organe, et suppose cette anatomie connue. Il laisse de côté les lésions des « organes génitaux, des organes des sens et de la peau, - sous prétexte que les affections de ces divers organes … font aujourd’hui l’objet d'enseignements spéciaux : … suppression qui ne nous parait justifiée au point de vue . pratique que pour les maladies de la peau, et qui théo- « riquement est inadmissible ; car les sectionnements de … Ja Pathologie nécessités par les besoins de l’enseigne- . ment clinique ne sauraient entamer en rien l'unité de … l'Anatomie pathologique, pas plus que l'Electricité ne - doit cesser d'être un chapitre de la Physique du jour où … l'Electrothérapie a pris naissance. Les lésions les moins importantes et les plus rares des divers organes ont été avec raison négligées. Grâce à ces diverses élimina- üons, le Traité d'Anatomie pathologique est devenu un Précis, convenant parfaitement aux étudiants ; ils y trouveront la substance compacte d’un énorme volume, condensée dans des descriptions où la concision ne fait _ aucun tort à la clarté. Cet ouvrage peut aussi servir de guide aux travail- . leurs, qui sont, en premier lieu, les étudiants eux- . mêmes, à présent que la pratique de l'Anatomie patho- logique est devenue une nécessité d'examens. Une technique des autopsies, qui termine ce volume, sera très utile. De bonnes figures aident à l'intelligence du texte ; elles ont cependant le tort d'être trop rares, et souvent elles ne font que traduire purement et simple- ment le texte par un graphique, au lieu de représenter la réalité tout en la schématisant. . Ecrit pour les étudiants, ce « modeste Précis », comme veut le nommer l'auteur, est cependant un ouvrage scientifique d’une haute portée. M. Bard y a rassemblé pour des savants les doctrines personnelles … qu'il avait répandues dans un grand nombre de mé- … moires. Se füt-il trompé, en écrivant pour les savants alors qu'il croyait rédiger pour des étudiants, que l’au- - teur n'aurait trompé piles uns ni les autres. Les savants seront heureux de trouver dans ce livre un véritable régal . de théories intéressantes. Aux étudiants mêmes, il faut … non seulement des descriptions, mais encore l'interpré- 4 tation théorique des faits; l'étudiant studieux, en effet, —…_ n'accepte comme utile que le fait interprété, expliqué k à la faveur d'une théorie ; l'enseignement théorique est … nécessaire pour développer chez l'élite l'esprit philoso- phique dont elle sera dépositaire. M. Bard peut donc n'avoir aucun scrupule au sujet du caractère trop per- sonnel qu'il a craint de donner à son livre, Médecin plus encore qu'homme de laboratoire, observateur plutôt qu'expérimentateur, M. Bard a pris, jour base des classifications qu'il a adoptées, la Patho- génie et la Physiologie pathologique. Les causes et les mécanismes, il les prend tels que la clinique les donne et non pas tels que la médecine expérimentale les reproduit; car il paraît avoir si médiocre confiance dans l'exactitude de la reproduction, qu'il préfère se passer de l'explication étiologique plutôt que de l’em- prunter à l'expérimentation, et se borner, si la clinique est muette, à constater les effets anatomo-pathologiques et à chercher ensuite à en induire les causes. Telle est la … méthode générale, la manière scientifique de l’auteur. Sa personnalité de savant se traduit par ces doc- trines générales de l’ « induction vitale », de la « spéci- ficité cellulaire », de la « fermentation des proto- 193 plasmas », nées de la méditation du médecin pathogé- niste plutôt que de l'observation de l’anatomiste. Par ces doctrines très grandioses, très élevées, le patho- logue plane au plus haut de la Biologie ; mais l'observa- teur est bien plus inégal. On peut, par exemple, se demander comment l'auteur, plus heureux qu'aucun embryologiste, a pu voir « l'électivité de certains réactifs tinctoriaux commencer déjà à s’accuser sur les diverses cellules embryonnaires », tandis qu'il n'a pu faire aucune observation qui l’eût conduit à concevoir les globules rouges du sang autrement que comme une « substance dérivée, une substance intercellulaire figurée ». Les principales idées générales, propres à l’auteur, qui dominent ce livre, sont celles de la spécificité d’ac- tion des causes pathogènes, de l'induction vitale, de la fermentation des protoplasmas, et d’autres encore. Laissant de côté la seconde (qui n'est pas de notre compétence), la spécificité cellulaire, que l'auteur a été des premiers à proclamer au nom de l’Anatomie patho- logique, n'a jamais été niée, que nous sachions, d’une facon absolue, par d’autres que par les pathologistes, qui seuls sont responsables d'avoir introduit dans la science l'idée rétrograde d'étager les cellules de la « plèbe conjonctive » à la « noblesse nerveuse ». Tous les biologistes de profession admettent cette spécificité cellulaire, de plus en plus étroite à mesure du dévelop- pement de l'individu ; et l'auteur n'est pas si loin qu'il le croit de penser à ce sujet comme tous les biologistes. L'induction vitale, force supérieure qui discipline les tissus, comme la définit M. Bard, n'est cependant qu'un Principe, qu'un Deus ex machind dont le nom doit s'écrire Induction vitale : principe, d’ailleurs excellent, qui permet à l'auteur, entre autres avantages, d'expli- quer de facon très salisfaisante la genèse des tumeurs. Car dans la production d'une tumeur, tout se passe comme si ce lien qui maintient et discipline harmoni- quement nos tissus « faisait tout à coup défaut entre l'organisme et une des cellules nouvelles », qui, échap- pant alors à l'influence générale exercée par l'orga- nisme, se multiplie anarchiquement et donne lieu à une tumeur. Tout se passe aussi comme dans le cas de ces nombreuses expériences de blastotomie qu'on à prati- quées sur l'embryon dans ces derniers temps et que l'auteur a peut-être tort de ne pas mentionner. Ici encore, M. Bard est moins éloigné certainement qu'il ne le pense, avec l'induction vitale et son interprétation des tumeurs, des autres théories proposées pour l’expli- cation de celles-ci, à ne considérer que ie principe, et question des mécanismes mise à part. Peu d'idées sont plus séduisantes que celle de la fer- mentation virulente du protoplasma, sous l'influence de virus-ferments autonomes, encore inconnus: classe de parasites, dit l’auteur, plus infime que les microbes mêmes, analogues aux ferments solubles et aux dias- tases et cependant êtres vivants. Analogie bizarre, entre organismes indépendants et parties de l'organisme cellulaire, et qui déjà, il y a quarante ans et plus récemment, créa la plus grosse difficulté à la théorie des microzymas et à celle des bioblastes. Car les bio- blastes d'Altmann, tour à tour parties constituantes de la cellule et organismes autonomes, ne pouvant plus aujourd'hui être des bactéries, comme le supposait leur inventeur, coïncident avec les ferments de M. Bard. L'idée des ferments protoplasmiques n'a donc de neuf que sa forme et son application à la Pathologie. C'est encore beaucoup, et cela demeure l'incontes- table mérite de l’auteur d’avoir pensé en biologiste, d'avoir interprété des faits particuliers à la lumière d'idées générales, d'avoir fait de la Pathologie un cas spécial de la Biologie générale. Aussi tout biologiste et à plus forte raison tout médecin est-il tenu de lire les chapitres généraux de cet ouvrage, auxquels il trouvera un intérêt considérable. Les qualités de la description en font, d'autre part, un livre de choix pour les étudiants. Dr A. PRENANT, Professeur à la Faculté de Médecine de Nancy. 1 = LL ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 9 Octobre 1899. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Cruls propose une modification à la méthode de Bessel pour le calcul des occultations, qui consiste à se servir de l'heure de la conjonction apparente des deux astres, lorsqu'on la connaît avec une précision suffisante. L'avantage qui en résulte est non seulement de fournir par un seul calcul la précision que l’on n'obtient généralement qu’à l'aide d'une deuxième approximation, mais, en outre, de se prêter aisément à une construction graphique et à une interprétation géométrique plus simple des diffé- rents éléments dont dépendent les conditions du phé- nomène. — M. P. Chofardet adresse ses observations de la-comète Giacobini (1899, e), faites à l'équatorial coudé de l'Observatoire de Besancon. — M. Emile Picard envisage quelques complications qui se présen- tent dans la recherche précise du nombre des inté- grales doubles distinctes de seconde espèce relatives à une surface algébrique. — M. Renaux étudie les fonc- tions fondamentales etle développement d'une fonction holomorphe à l’intérieur d'un contour en série de fonctions fondamentales. — M. Maurice Lévy donne la résolution du problème de l'équilibre élastique d’une plaque rectangulaire dont deux bords opposés sont ap- puyés sans encastrement, chacun des autres bords pouvant être libre ou appuyé avec ou sans encas- trement. Le résultat peut s'appliquer aux portes d'é- cluses. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. J.-A. Le Bel confirme ses résultats de 4891 relatifs à la stéréochimie de l'azote. Il a préparé un nouveau corps, renfermant autour de l'azote les quatre radicaux isobutyle, propyle, éthyle et amyle, et doué du pouvoir rotatoire à droite. Il con- clut qu'il n'y a aucun doute que l'isomère optique, ainsi que l’isomérie chimique, existent dans les dérivés du chlorure d'ammonium renfermant autour de l'atome d'azote quatre radicaux différents et contenant dix atomes de carbone au moins. Ces deux sortes d'isomé- ries sont peu stables dans les dérivés moins riches en carbone. — M. M. Tsvett a observé que la gélatine se dissout dans la résorcine aqueuse; si, dans le li- quide saturé, on ajoute un surplus de gélatine, celle- ci gonfle et se transforme en une masse homogène parfaitement fluide. On obtient ainsi deux couches liquides parfaitement délimitées : la couche supérieure est une solution de gélatine dans la résorcine aqueuse; l'inférieure, une dissolution de résorcine dans la géla- tine. La gélatine n'est pas modifiée chimiquement; elle peut être récupérée par la dialyse ou précipitée par l'eau. — M. Armand Valeur propose une méthode de dosage des quinones fondée sur leur réduction par l'acide iodhydrique; celui-ci est remplacé par un mé- lange équivalent d'acide chlorhydrique et d'iodure de potassium. L'iode mis en liberté reste dissous dans l'iodure de potassium non décomposé ; il peut être titré avec beaucoup d'exactitude au moyen de l'hyposulfite de soude. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. Joannes Chatin a étudié la structure du noyau dans les myélocytes des Gastéropodes et des Annélides. Contrairement à cer- taines assertions, les myélocytes d'Invertébrés peuvent offrir une membrane nucléaire très nette. Dans ces mêmes myélocytes, la formation nucléinienne se mon- tre comparable à ce qu'elle est dans les « petites cel- lules nerveuses pauvres en protoplasma des Vertébrés » étudiées par Ramon y Cajal. Lorsque la chromatine ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES tend à se localiser, elle se répartit surtout en grains disposés sur les nœuds du réseau nucléinien; parfois elle y ique des nucléoles. — M. C. Sauvageau, en étudiant les Cutlearia, a constaté que les oosphères de Cutleria, qu'elles soient fécondées ou parthénogéné- tiques, de même que les zoospores d'Aglaozonia, peu- vent donner ou bien un Cutlearia ou bien un Aglaozo- nia. L’alternance de générations n'est pas nécessaire, mais variable, suivant, sans doute, certaines conditions non encore précisées. La colonnette, qui paraît être l'origine nécessaire d’un Aglaozonia, peut donc produire aussi un Cutlearia. — MM. Dybowski et Fron ont cul- tivé une plante, l'Eucamia ulmoïdes Over, de la famille des Euphorbiacées, dont les feuilles renferment des canaux lacticifères qui laissent écouler un latex ana- logue à celui des Palaquium. Ce produit, extrait par la méthode de Jungfleisch, puis desséché, donne une masse brune constituant une gutta-percha de bonne qualité. L'Eucomia ulmoïdes, qui est originaire du sud de la Chine, pourra être cultivé facilement dans les régions tempérées. — M. Henri Coupin a étudié l'ac- tion des vapeurs anesthésiques sur la vitalité des graines sèches et humides. Ces vapeurs, mêmes saturées, sont sans action sur le protoplasma à l’état de vie ralentie; au contraire, les graines dont la vitalité a été ranimée par l'humidité sont très sensibles aux vapeurs anesthé- siques qui ralentissent leur germination ou les tuent à une dose très faible. ; Séance du 16 Octobre 1899. 1° ScrENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Rambaud et Sy adressent leurs observations de la comète Giacobini (29 septembre 1899) faites à l'équatorial coudé de l'Ob- servatoire d'Alger. — M. E. Goursat démontre qu'à toute transformation de contact en (x, p) de l’espace à trois dimensions correspond un mode de correspon- dance entre deux droites qui change toute congruence de normales en une nouvelle congruence de normales et réciproquement. — M. F. Marotte montre que la classification des groupes projectifs de l’espace à n di- mensions se ramène à la recherche des multiplicités, ponctuelles ou non, sans éléments singuliers, qui res- tent invariables par ces groupes projectifs. — M. Mi- chel Petrovitch énonce un théorème sur le nombre de racines d'une équation algébrique comprises à l’in- térieur d’une circonférence donnée. — M. P. Appell a déterminé les positions d'équilibre d’un navire avecun chargement liquide en étendant à ce problème la mé- thode de M. Guyou pour l'équilibre d'un flotteur sans liquides intérieurs. — M. le Ministre des Affaires étran- gères communique un rapport du Consul de France à Smyrne sur un tremblement de terre survenu dans cette ville et en Anatolie dans la nuit du 19 au 20 sep- tembre. Les conséquences ont surtout été désastreuses dans la vallée du Méandre. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Lippmann indique une nouvelle méthode pour la mise au point d'un col- limateur. Elle consiste à intercaler, entre le collimateur et la lunette, un bilame, c'est-à-dire le système de deux lames de verres à faces planes et parallèles, inclinées l'une et l'autre d'environ 45° sur le faisceau lumineux et à peu près perpendiculaires entre elles, leur inter- section étant parallèle à la fente. Tant que le réglage n'est pas parfait, on voit deux images de la fente; lorsque le réglage devient parfait, les deux images se rapprochent jusqu'à se confondre. — M. A. Blondel cherche à déterminer les réactions d'induit des alter- nateurs en se basant sur la proposition suivante : Pour tout décalage intermédiaire 4, la réaction de l'induit Ms 'éien Pa 2 PR CDR LE on hé à ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 195 peut être considérée comme la résultante d'une réac- tion directe due au courant déwatté et d'une réaction transversale due au courant watté. En somme, la "réaction d'induit est définie par deux coeflicients de ….self-induction ou par trois, si l’on met les fuites à part. — MM. Jean et Louis Lecarme ont expérimenté la m\clégraphie sans fil entre Chamonix et le sommet du Mont-Blanc, points situés à une distance de 12 kilomè- “tres et une différence de niveau de 3.350 mètres. L'absence d’eau à l’état liquide sur le sol n’a pas em- pêché les communications; des nuages interposés entre les deux postes n'ont pas empêché les signaux. — L'électricité atmosphérique, bien qu'ayant fait fonction- “ner l'appareil à plusieurs reprises, n'a pas produit une action capable de nuire à la télégraphie pratique. — MM. Abel Buguet et Victor Chabaud, pour éviter J'échauffement des ampoules radiographiques au focus cathodique, qui limite rapidement leur durée d'activité, “ont construit un modèle dans lequel l’anticathode est refroidie par une circulation d'eau que lui amène un gros tube de platine entouré d’un manchon de verre. … — M. A. Debierne a isolé des portions de la pechblende —‘lont les solutions acides ne précipitent pas l'hydrogène …sulfuré, mais précipitent complètement par l'ammo- | niaque ou le sulfhydrate d'ammoniaque, une substance, voisine du titane par ses propriétés analytiques, mais « présentant une radio-activité environ 100.000 fois plus … crande que celle de l'uranium. Elle se distingue du - radium en ce qu'elle n’est pas spontanément lumineuse. “ — M. Henri Moissan, en faisant réagir une grande “quantité de fluor sur l’eau à basse température, a - obtenu de l'oxygène contenant en moyenne 14,19 °/, … d'ozone. La concentration de l'ozone pourrait encore « être augmentée en prenant certaines précautions. Cette - nouvelle préparation pourrait devenir industrielle; car “il n'y a pas de réactions secondaires et l'ozone obtenu “ ne renferme pas trace de composés oxygénés de l'azote. “ —_ M. Henri Gautier a procédé à de nouvelles déter- minations du poids atomique du bore en se servant de composés nouveaux; le sulfure de bore, préparé par . l'action de l'acide sulfhydrique sec sur le bore amorphe, a donné comme valeur moyenne 11,041; le borure de “carbone, préparé au four électrique, a donné le nom- bre 10,997. — M. R. Engel, en décomposant par la - chaleur Je carbonate double de magnésium et d'am- - monium, a obtenu un carbonate de magnésium anhydre, bien distinct du carbonate naturel et du carbonate préparé par Sénarmont. Il est très avide d’eau et —s'hydrate à l'air; il est soluble dans l’eau et s’y trans- “forme en carbonate cristallisable à trois molécules + — MM. Delépine et Hallopeau ont mesuré la $ chaleur d'oxydation du tungstène et ont trouvé : lu + 0° — Tu0° = + 131,4 cal. —2X-65,1 cal. (pr. const.). «Iu0*+0 — TO NE ee 0: 0Cale —_ Le tungstène se place entre les métaux alcalins, alca- lino-terreux, le magnésium, l'aluminium, le silicium, le zinc, d'une part, qui décomposent ses oxydes, et .l'antimoine, le plomb, le cuivre, le mercure, l'or, l’ar- gent, d'autre part, dont il décompose les oxydes. — M. C. Hugot a fait réagir le potassammonium sur - l’arsenic. Quand l'’ammonium alcalin est en excès, il se forme un corps rouge brique AsK*, AzH*, qui perd de lammoniac par la chaleur et se transforme en un corps noir AsK*. Quand l’arsenic est en excès, il se produit un corps orangé As‘K°, AzH*, qui perd également de l'ammoniaque à 300° pour se transformer en arséniure rouge As'K°. — MM. À. Mouneyrat et Ch. Pouret,en traitant par le brome en présence de chlorure d’alumi- nium, quelques dérivés chlorés du benzène, ont obtenu des dérivés chlorobromés dans lesquels tous les atomes d'hydrogène sont remplacés par du brome. — M. Tsvett est parvenu à isoler, d'une facon parfaite, la matière colorante des feuilles en soumettant les cellules chloro- phylliennes à l'action d’une solution concentrée de résorcine, qui liquéfie la matière verte sous forme de grosses gouttelettes oléagineuses, la chloroglobine. Ainsi qu'il résulte de ses réactions, la chloroglobine paraîl être une substance complexe où la chlorophylle et la carotine sont faiblement unies à un radical de nature apparemment protéique. — MM. Em. Bourquelot et H. Hérissey ont constaté que, pendant la germination de la graine de Caroubier, il se produit un ferment so- luble, agissant sur l’albumen corné de cette graine à la facon de la diastase sur les albumens amylacés, mais donnant naissance à du mannose et à du galactose. — M. Balland a déterminé la composition et la valeur alimentaire des principaux fruits. A part de rares exceptions, les fruits sont peu nutritifs el ne peuvent être considérés comme des aliments; leurs sucs, qui flattent plus ou moins nos goûts par leur odeur, leur saveur ou leur acidité, jouent plutôt le rôle de condi- ments. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. S. Arloing et Duprez ont constaté que l'injection du sérum sanguin d'une génisse ou d'un bœuf fortement immunisé contre la péripneumonie, si elle ne peut créer une immunité passive capable de prévenir temporairement l'infection naturelle, constitue un moyen préventif ou curatif d'at- ténuer les inconvénients de l'inoculation willemsienne; on sait que celle-ci a pour but l'immunisation par l'inoculation scarifiée de la sérosité des lésions pulmo- naires, mais qu'elle cause souvent des lumeurs mor- telles. — M. Henri Stassano a constaté que l'hypoleu- cocytose qui se produit dans le sang à la suite de l'injection de sels solubles de mercure est due à la désagrégation d’un certain nombre de leucocytes dont le contenu se dissout dans le plasma sanguin. Ce der- nier est en effet plus riche en nucléine et en acide phosphorique (constituants des leucocytes) chez un lapin injecté que chez un lapin normal.— MM. Maurice Caullery et Félix Mesnil créent un ordre nouveau dans la classe des Sporozoaires, celui des Aplospori- dies, caractérisées par la simplicité qu'offrent leur cycle évolutif et la structure de leurs spores. Cet ordre a pour types les genres Bertramia, Aplosporidium et Cœlo sporidium, tous parasites d'Annélides ou d’autres Invertébrés. — M. Ch.-Eug. Bertrand a trouvé dans le terrain houiller d'Hardinghen (Pas-de-Calais) des plaques tubéreuses calcifiées, paraissant provenir d’une même espèce végétale, le Lepidodendron aculeatum. C'est un exemple remarquable de localisation élective d'une espèce minérale sur un substraium organique déterminé. — M, J. Thoulet présente la première feuille d'une carte lithologique sous-marine des côtes de France. Les divers fonds représentés sont: la roche, la vase sableuse et le sable vaseux, la vase, le gravier gros et fin, les galets, les pierres, les coquilles vivantes ou entières, les coquilles brisées, moulues, les madré- pores et les herbiers. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 26 Septembre 1899. M. A. Laveran lit le rapport sur le concours du Prix Larrey. — M. Morel-Lavallée donne lecture d’un travail intitulé : Les poussées dénutritives de la syphilis au cours des périodes de guérison apparente. Séance du 3 Octobre 1899. M. P. Berger présente un rapport sur le concours du Prix Chevillon. — M. Hallopeau lit le rapport sur le concours du Prix Ricord. — M. Delorme donne lec- ture du rapport sur le concours du Prix Amussat. — M. J.-V. Laborde communique quatorze nouveaux cas de rappel à la vie, par les tractions rythmées de la langue. Treize personnes avaient séjourné plus ou moins longtemps dans l’eau. La dernière avait été asphyxiée par le gaz d'éclairage. En réponse à une demande de M. L. Colin, l'auteur signale que, dans les cas d’asphyxie et de mort apparente par submersion, le sang présente les caractères asphysiques complets. 1 [Je] [er] SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 7 Octobre 1899. M. H. Roger a observé sept cas de dysenterie nos- tras et a isolé des déjections un bacille pathogène, res- semblant à la bactéridie charbonneuse, mais plus court et ne se colorant pas par la méthode de Gram. Il se cultive sur tous les milieux, et les cultures inoculées à des lapins déterminent la mort avec diarrhées dysenté- riformes et ulcérations du gros intestin. — MM. J. Ni- colas et Ch. Lesieur ont fait ingérer à des poissons, pendant sept mois, des crachats tuberculeux renfer- mant des bacilles de Koch; il ne s'est développé au- cune lésion tubereuleuse, mais des bacilles sont restés dans l'organisme des poissons, car des fragments ino- clés au cobaye ont tuberculisé celui-ci. — MM. L. Bé- rard et J. Nicolas ont constaté que le persulfate d'am- moniaque, corps très oxydant, est doué d'un pouvoir antiseptique assez marqué.— M. H.Julia de Roig cri- tique le procédé de Léo pour la détermination de l'acide chlorhydrique libre dans l'estomac; le principe n’en est pas exact et les expériences sont d'autant plus entachées d'erreur que la manipulation est pluslongue, car les phosphates acides sont successivement saturés par le carbonate de chaux. —- M.Thomas décrit les lé- sions de sclérose cervico-dorsale en plaques observées à l’autopsie d'une ancienne syphilitique morte de pneu- monie. — M. Nicolle (de Rouen) est parvenu à inoculer le chancre mou à une espèce de singes. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES G. Johnstone Stoney, F. R. S.,et A. M. NW. Downing, F. R. S. : Les perturbations des Léo- nides. — Nos connaissances sur les perturbations des Léonides sont dues aux recherches faites il y a trente ans par le Professeur J.-C. Adams. Son objet était d'é- valuer la variation des nœuds de l'orbite météorique due aux perturbations et de comparer le résultat du calcul avec celui que le Professeur Hubert A. Newton avait déduit d'observations remontant à un millier d'années. Les perturbations calculées étaient les perturbations moyennes et Adams employait pour cela la méthode de Gauss, dans laquelle la masse de la planète perturba- trice est supposée distribuée autour de son orbite en quantités proportionnelles aux temps que la planète met à franchir chaque portion de sa trajectoire. Cette élégante méthode donne la valeur moyenne de chaque perturbation en supposant que les époques périodiques du corps troublé et de la planète perturbatrice sont in- commensurables, de telle façon que, dans le cours d’une période, les deux corps se présentent l’un à l’autre dans toutes les positions possibles. Cependant cette condition n'a été qu'imparfaitement remplie dans cette période de mille ans sur laquelle s'étendent les observations, surtout dans le cas des trois planètes qui influencent le plus les Léonides et qui sont, en somme, les seules dont l'attraction doit ètre prise en considération : ce sont Jupiter, Saturne et Uranus. Une comparaison des périodes montre que 14 révolutions de Jupiter correspondent, à un cinquiè- me d'année près, à 5 révolutions des météores; 2 d'U- ranus, moins À 3/4 année, équivalent au même temps; enfin 9révolutions de Saturne correspondent à peu près à 8 des météores. Ces cycles se sont répétés plusieurs fois pendant la période d'observations, et une de leurs conséquences a été de produire des oscillations dans le degré d'avan- cement du nœud sur la valeur moyenne, de sorte que les temps prévus pour les averses, en appliquant à l'or- bite la variation moyenne du nœud, ont souvent différé de plusieurs heures des temps vrais. Ainsi, en 1533, l'averse a devancé de vingt-six heures le temps calculé, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES à » i et une déviation d'importance comparable dans la di=M rection opposée est à prévoir pour celte année. Aussi quand bien même le seul but des auteurs serait de permettre aux astronomes de prédire à l'avenir d'une» facon plus satisfaisante les époques des grandes averses de Léonides, il serait nécessaire de s'y préparer en étudiant Ja valeur actuelle des perturbations dans cha= que révolution et pour des météores occupant des posi- tions variées le long du courant. Car, en fait, les perturbations n'ont pas seulement différé aux différentes révolutions, mais même dans le cours d'une seule révolution, les météores qui occupent des positions successives dans le flux météorique étant différemment affectés par les planètes environnantes, comme l'a confirmé M. Berberich en assignant succes- sivement deux époques pour le passage au périhélie.La partie dense du flux météorique, qu'on peut appeler l'ortho-courant',est actuellement si longue que les posi-= tions dans lesquelles ses diverses parties se présentent aux planètes perturbatrices sont très différentes. Aussi, les perturbations ont produit dans cette longue chaine à la fois des sinuosités et une distribution inégale de la densité. Les premiers efforts pour acquérir une connais= sance plus profonde de ces phénomènes, ainsi que deu l'histoire passée de l’essaim, doivent donc porter sur l'étude des perturbations. Pour cela, les auteurs ont décidé de calculer les perturbations actuelles d’une portion définie du courant pendant toute une révolution ; ils ont choisi cette partie de l’ortho-courant, dont Adams a déterminé l'orbite, et ont étendu leurs calculs de la grande averse de novembre 1866 jusqu'au jour de janvier 1900 où lan même partie du courant reviendra dans l'orbite de la Terre. Les calculs d'Adams sont basés sur la détermi- nation du point radiant faite en 1866, à une époque où la photographie n'avait pas encore apporté à l'Astro- nomie le concours qu'elle lui donne aujourd'hui. En outre, le fait que la Terre déviait les météores alors observés d'une quantité qui variait quand l’averse pro- gressait, n'avait pas été reconnu par les observateurs.» A cause de ces imperfections, il y a une erreur pro- bable considérable dans la moyenne des détermina- tions de 1866 et une incertitude correspondante dans la valeur des éléments calculés d’après cette moyenne. On ne peut donc considérer l'orbite d'Adams que comme approximative. Mais heureusement une erreur dans l'orbite, de la quantité qu'on peut prévoir, n’affec- tera pas matériellement les perturbations de l'orbite. Le courant moyen des Léonides — l’ortho-courant — est étroit et très long et il est préférable de le diviser en segments, chacun d'une longueur modérée. L'un d'eux, que l’on nommera segment A, a été traversé par la Terre en novembre 1866, qui lui soustraya alors une petite partie de ses météores; ceux qui tombèrent dans l'atmosphère terrestre furent détruits; ceux qui. passèrent très près furent déviés, accélérés ou retardés, et devinrent des clino-Léonides. C'est à la grande majorité des météores du segment À qui échappèrent à ces destinées et continuèrent à être des ortho-Léo- nides que s'appliquent les résultats d'Adams. il déter- mina leur orbite. C'est en partant des éléments ainsi déterminés que les auteurs ont calculé les perturba- md æ side nn 1 Pour faciliter l'étude des Léonides, il est bon de distin- suer entre la grande masse d'entre elles — les or{ho-Léo- nides — qui circulent autour du Soleil suivant des orbites presque identiques, et une autre classe de Léonides — qu'on peut appeler elino-Léonides — qui poursuivent des trajec= toires différaut à un degré assez considérable de l'ortho-ortnle, c'est-à-dire la moyenne des orbites des ortho-Léonides. Les ortho-Léonides forment actuellement un courant com- pact d'une longueur telle qu'il met près de trois ans à passer chaque point de son orbite et si étroit que la terre le tra verse obliquement en cinq ou six heures. Les clino-Léonides forment une masse moins dense et plus large, qui s’est ré pandue sur toute son orbite et qui produit chaque année, en novembre, quand la Terre traverse sa trajectoire, une faible pluie météorique qui dure plusieurs jours. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 797 tions qu'elle a subies depuis, perturbations qui sont résumées dans le tableau [. On a pris en considération lattraction exercée par Mars, Jupiter, Saturne et “Uranus. Au commencement des calculs, on y ajouta celle de Vénus et de la Terre, mais comme elle était “insensible, elle fut ensuite négligée. La méthode adop- “tée a été celle des quadratures mécaniques, les déter- “minations des variations des éléments étant faites à des intervalles de trente-six jours, excepté dans la “période de mai 1871 à décembre 1894 où, les perturba- tions étant faibles, les intervalles furent de deux cent « seize jours. Les faits les plus saillants sont un fort rapproche- “ment de Saturne en avril 1870 et de Jupiter en août 1898. Uranus n'a produit que peu d'effet, à cause de son éloignement quand l’essaim traversa son orbite. - L'influence de Mars est légère. — Dans le tableau I, €, qui est appelé, suivant les con- { de même pour les autres éléments. Ainsi la distance moyenne des météores du segment À a subi une telle augmentation que ces météores se trouveront, à la fin de la révolution, avec une période plus longue d'un tiers d'année, changement qui affectera fortement leur histoire future, à moins que cette grande perturbation ne soit compensée par d’autres événements. Le 15 novembre 1899, la longitude du nœud sera de 52°41!,7, position que la Terre atteindra ce même jour à 48 heures. Il est probable que le milieu de l’averse de cette année aura lieu à peu près à cette époque, car le segment A est situé dans le courant à moins de trois mois de chemin derrière le segment que la Terre ren- contrera en novembre et qu'on peut appeler segment B. Cette conclusion repose sur deux hypothèses : 1° les sesments À et B se mouvaient en 1866 sur des orbites peu différentes; 2° ils ont subi également des pertur- bations peu différentes. Ces deux hypothèses sont très Tableau I. — Perturbations des éléments de l'orbite du segment A. ÉLÉMENTS de l'ellipse osculatrice le 13 no- vembre 1866, à 13 h. cal- culés par Adams. 580 10/2 580 19! 510 28! 160 46" 640 46!8 10,3402 —1171857 — 4183 — 5137 99133 14192 3139 Longitude moyenne de l'orbile. Longitude du périhélie . Longitude du nœud. . Inclinaison. . . Angle d'excentricité. . Distance moyenne . . . . . Mouvement quotidien de e . I. Intervalle du 13 novembre 1866 au 3 mai 1871. Dans cet intervalle le segment A a croisé les orbites de Jupiter et de Saturne. 11. Intervalle du 3 mai 1871 au 28 décembre 1894. Dans cet intervalle, le segment A a croisé l'orbite d'Üranus à l'aller et au retour. II1. Intervalle du 28 décembre 1894 au 30 décembre 1897. Recroisement de l'orbite de Saturne. IV. Intervalle du 30 décembre 1897 au 18 mai 1899. Recroisement de l'orbite de Jupiter. V. Intervalle du 18 mai 1899 au 27 janvier 1900. Le segment A revient à son nœud descendant. ventions, longitude moyenne dans l'orbite, est en réalité - la somme de deux angles situés dans des plans diffé- rents, soit la longitude du nœud, plus l'angle entre les “rayons du Soleil au nœud et à un corps imaginaire, partant du périhélie à la même époque que le seg- - ment À et se mouvant ensuite uniformément dans une orbite circulaire autour du Soleil-dans le même plan et avec la même période que les météores. De même 7, la longitude du périhélie, est la somme de deux angles, 1 la longitude du nœud mesurée le long de l'écliptique, plus l'angle du nœud au périhélie mesuré dans le plan de l'orbite. La distance au périhélie, dans l'orbite d'Adams, au 13 novembre 1866, est de 0,9855 ; le 27 jan- vier 1900, elle sera de 0,97296. Il y a une différence correspondante dans les distances du nœud au Soleil, différence qui serait suffisante pour faire passer le seg- ment À à l'intérieur de l'orbite de la Terre sans la couper quand il la rencontrera le 27 janvier 1900, à moins que la hauteur du flux météorique vers le Soleil ne soit plus grande que sa largeur lorsqu'il est à 90° de cette position, où cette largeur est alors d’en- viron 100.000 milles. La longitude du nœud au 27 janvier 1900 serait de 53025; si elle avait été calculée de la manière usuelle, en appliquant à la longitude de 1866 la variation moyenne apparente déterminée par le professeur Newton, et qui est de 102”,6 annuellement. Au lieu de cela, elle est de 53042! dans le tableau. On voit que la valeur de la perturbation du segment À a été plus que 3 ‘/, fois sa valeur moyenne et il en est probablement + 0,015660 2-0! 004069 PERTURBATIONS DES ÉLÉMENTS DANS LES INTERVALLES CHOISIS VALEURS calculées des éléments le 27 jan- vier 1900, à 15 h. — 0132 + 10/70 + 715 1'o01 1'70 —0,021271 — 0/005481 — 27/98 — 6141 — 1169 + 1/43 —28'60 + 12/06 + 765 + 0,033726| + 0,038238 + 0!008618| + 0/009763 — 13199 — 475 + 10!'83 —0!70 — 0/60 + 0109 — 001 + 0'32 + 0,001747 + 0! 000441 580 34"4 580 40'6 530 41!8 —1692917 = Hot Ur —10, 40832 ——1!16110 probables; toutefois la prévision ne doit être accep— tée qu'avec réserves. Si l'averse à lieu au temps prévu, elle sera visible en Europe et en Amérique. 20 SCIENCES NATURELLES M'e M. A. Whiteley et M. Karl Pearson : Contributions au problème de l’évolution chez l'homme. I. Première étude sur la variation et la corrélation de la main. — Depuis environ cinq ans, quelques savants attachés au Département des Mathé- matiques appliquées à l'University College de Londres ont réuni des documents relatifs à la variation et à la corrélation des différents organes et caractères de l'homme. Ces documents seront publiés sous forme d'une série de mémoires, donnant simplement les résultats numériques obtenus et quelques conclusions évidentes qui se dégagent de leur examen, en réservant pour une époque ultérieure la considération des ré- sultats en général, et leurs conséquences quant au pro- blème de l’évolution et de la corrélation des diverses races humaines. Le présent mémoire est relatif à un seul caractère dela main, pour un seul sexe et une seule race. Quoique la corrélation des parties anatomiquement simple du squelette de la main ait une grande importance, il ne s'ensuit pas que les articulations complexes de la main vivante ne soient pas également, si ce n’est plus signi- ficatives en ce qui concerne l'aptitude à la lutte pour l'existence. Mais, autant que les auteurs l'ont pu cons- tater, quoiqu'on ait beaucoup écrit sur l'aptitude de la 198 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES main à ses diverses occupations, on n'a jamais cherché à fixer quantitativement le degré de corrélation de ses parties. Leur premier objet a donc été d’élucider ce point en mesurant une des parties les plus importantes de la main; ils ont choisi pour cela la première arti- culation des doigts. La mensuration comprenait la tête du métacarpien et toute la phalange adjacente; bien que cela ne constitue pas une partie anatomiquement simple, elle n’en a pas moins une grande importance au point de vue de l'aptitude, et la mesure peut être faite avec beaucoup d’exactitude en observant quelques précautions. Les mesures étaient prises au moyen d’une réglette graduée au dixième de pouce et pourvue d'un vernier donnant le 100°. Les mains de 551 femmes de plus de {$ ans ont été mesurées. Dans Les tableaux, les résultats sont donnés au 1/20° de pouce, et les moyennes, les déviations-étalons, les coefficients de déviation et les coefficients de corrélation, ainsi que leurs erreurs pro- bables, ont été calculés par les procédés de M. Pearson dans ses «Contributions mathématiques à la théorie de l’évolution ». Voici les notations employées : D, = première articulation de l'index de la main droite. D} — _ — du médius — De— _ —_ de l’annulaire — Di _ — du petit doigt — (CRE — de l'index de la main gauche. Ê= - — du médius — Gi — —_ de l’annulaire — (RES _— — du petit doigt — Voici les dimensions absolues de ces articulations en pouces : G 1) ,0030 9,9952 + 0,0031 2) .0033 2 3667 + 0,0033 3) ,0031 2 18178 + 0,0031 4) 0,0028 1,8197 0,0028 On conclut immédiatement que les articulations sont plus longues dans la main droite que dans la main gauche. La différence, qui est d'environ 0,02, est beau- coup plus grande que l'erreur probable de celle-ci : V2 X 0,003. On pourrait conclure que la main droite est plus longue que la gauche, conclusion directement opposée à celle de Pfitzner; mais les auteurs préfèrent s’en tenir pour le moment au fait strictement établi que la première articulation et la première phalange sont plus longues dans la main droite que dans la main gauche. Voici les résultats obtenus quant à la variabilité : VARIATION ÉTALON COEFFICIENT DE VARIATION 2,6945 EL 0,0954 3:1432 + 0,0964 49345 E 0,1000 D, 01055 0,0021 D, 0,11332+ 0,0023 Di 01091 0,0022 D, 0,0986+ 0,0020 5,3531 + 0,1090 G, 0,1088+ 0,0022 4,8917 + 0,0994 G; 0,1137—+ 0,0023 4,8933 E 0,0976 G; 0,1082+ 0,0022 Gi 0,0975 + 0,0020 4,9475 + 0,1010 5,3614+ 0,1090 Si nous considérions les variations absolues, l'index et le médius de la main|droite seraient moins variables, j'annulaire et le petit doigt plus variables que ceux de la main gauche. Mais si l’on examine les coefficients de variation, on voit que toutes les premières articu- lations de la main gauche sont plus variables que celles correspondantes de la main droite, et c'est précisément ce que l’on peut attendre s'il y a une plus grande adap- tation par sélection ou par usage de la main droite. Plus grande est la sélection, moindre est la variabilité. Dans la main gauche, l’ordre relatif de variabilité (mesuré par le coefficient de variation) est celui de la grandeur des doigts; dans la main droite, il est un peu modifié : l'index serait moins variable que le médius. L'ordre général d'utilité des doigts serait donc médius, index, annulaire, petit doigt. La cause de ce fait provient peut-être, les sujets mesurés appartenant à la classe élevée, du grand usage de l'index pour l'écriture. Le calcul des coefficients de corrélation à donné les” résultats suivants : € Main droite. D, De Ds Ds D, 1 0,8994—+-0,0055 0,87%53—0,0067 0,8173—+0,0095 De 0,8994 + 0,0055 1 0,9031--0,0053 0,8243+ 0,009 Dy 0,87%3—-0,0067 0,9031-+0,0053 1 0,8629 + 0,0073 M D; 0,8173--0,0095 0,8243—0,0092 0,8629+ 0.0073 Il 1 Main gauche. Gi Ge Ga Ga Gi 1 0,9091+0,0050 0,8798-È0,0069 0,8204-+0,0094 2 0,9097+ 0,0050 ! 0,9141-0,0047 0,8227 + 0,0093 F E0,0065 0,9141-0,0047 Î 0,8710 + 0,0069 Ga 0,8204--0,0094 0,8227-0,0093 0,8710 + 0,0069 1 Mains droite et gauche. D, De Ds D G1 0,9249# 0,0042 -- ARBRES rot CRE. E Ge : 0500 M0 000370. LE LENS RER IEEE Ce LT . 1,0 ue + 01092875 0;0039 ER GR MONO MR FRERE A PES PSS 0,9039 + 0,003 On tire d'importantes conclusions de l'examen de ce tableau. La main est l'un des organes qui présentent le plus de corrélation, elle est bien au-dessus du crâne, et un peu au-dessus des os longs. On a l'habitude de donner à l'homme la supériorité dans la vie à cause de la puissance de son cerveau, et il est probable que le cerveau offre le plus de corrélation dans ses parties. Le crâne, par contre, est très individuel et offre peu de corrélation ; un homme peut être identifié par des mensurations de la tête, là où les mensurations de la main seraient d'un bien moins grand secours. En somme, la main est beaucoup plus rapprochée d'un type que le crâne. Les parties de la main gauche offrent beaucoup plus de corrélation que celles de la droite. La seule excep- tion est la corrélation de D, et D, qui est plus grande que celle de G, et G,;; mais comme la différence est inférieure à l'erreur probable de cette différence, la règle doit être considérée comme générale. C'est là un résultat remarquable; comment doit-il ètre interprété? Est-ce un résultat de la sélection ou un effet de l'usage? On admet généralement que plus grande est la sélec- tion, moindre est la variabilité et la corrélation. On voit que plus on entre dans l'étude quantitative du problème de l'évolution, plus apparaît l'importance de la déter- mination de l'influence de l'accroissement et de l’usage sur la variabilité et la corrélation. L'ordre de corrélation des premières articulations des doigts est identique pour les deux mains. Cet ordre est le suivant : 1° Les doigts externes ont la moindre cor- rélation et le petit doigt l’a toujours moindre que l'index; 20 Un doigt a toujours plus de corrélation avec un se- cond qu'avec tout autre doigt dont il est séparé par le second. Si l’on considère la corrélation des parties corres- pondantes des deux mains, on observe que les paires extrèmes ont également la moindre corrélation. M. Pearson avait exprimé des doutes au sujet de la valeur des indices de corrélation pour la mesure de la corrélation organique. Cependant, les auteurs ont pensé qu'il ne serait pas sans intérêt de chercher les corréla- tions entre les articulations en prenant celle du petit doigt comme unité. Les indices peuvent être obtenus par deux méthodes: soit directement en formant les rapports et en les groupant dans des tables de corréla- tion, soit indirectement d’après les variations et corré- lations en se servant d’une formule de M. Pearson. Le dernier procédé est le plus facile; pour en justifier l'emploi, les auteurs ont déterminé deux indices par les deux méthodes, et ont obtenu des résultats à peu près identiques. Ils ont donc calculé tous les autres ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 799 par la deuxième méthode et obteuu les résultats sui- vants : INDICE VALEUR MOYENNE DÉVIATION ÉTALON D,/D, 1,2210 0,03187 D./D, 1,2968 0,0395% D,/D, 1,2004 0,03270 , EvtÉr 1,2238 0,03799 ? G./6, 13016 0,04004 . G:/G 1,2030 0,03186 —…. On voit que les indices sont plus grands pour la main gauche que pour la droite, c'est-à-dire que l'index, le médius et l'annulaire sont relativement plus grands par rapport au petit doigt dans la main gauche que dans la droite. En somme, la variabilité de la main droite est moindre que celle de la gauche. Si l’on calcule la corrélation totale des indices, on a: £ D,/D, D,/D, D:/D,|G:/G: G:/G G:/G D,/D, 1 0,7631 0,6632 | 1 0,7114 0,6581 G/G: DD./D, 0,:631 1 0,1310 |0,7174 À 0,1590 G,/G4 D,/D, 0,6632 0,17310 1 0,6387 0,17590 1 G:/G; : Ici, mais non pas d'une facon aussi accusée que dans le cas des grandeurs absolues, la main gauche offre une plus grande corrélation. Celle-ci devient, d’ailleurs, D décisive si l’on considère la corrélation | illégitime ou bâtarde des indices * donnée ci-dessous : D;/D, D./D, D:/D,|G/G G/G Gs/G D,/D, 1 0,5628 0,5529 | 1 0,5502 0,5429 G/Ga “D,/D, 0,5628 1 0,5504 | 0,5502 1 0,5413 G:/Ga …D./D, 0,5529 0,5504 1 0,5429 0,5473 1 G:/G, » — Dans chaque cas, la main droite présente une corré- ;: lation illégitime plus grande que la gauche, ce qui con- | firme les conclusions précédentes : la main gauche a une plus grande corrélation organique de ses parties que la - droite. Comment l'expliquer ? 1] est nécessaire que de nouvelles recherches viennent démontrer si c’est la - sélection ou l'usage qui différencie les deux mains. Des mensurations faites sur les mains des enfants élevés ou - non élevés, et de certains travailleurs exerçant des pro- fessions particulières jetteront probablement quelque - lumière sur ce problème. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Dernières communications. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. C. Kluyver s'occupe de la continuation d’une fonction univalente représentée par une série doublement infinie. Dans un mémoire paru dans les Mathematische Annalen (t. LI, —….p. 181), M. A. Hurwitz a fixé l'attention des géomètres sur l'analogie parfaite entre les nombres de Bernoulli B, - une autre classe de nombres rationnels E,, figurant comme coefficients dans le développement d’une fonc- tion elliptique particulière pu, dont le parallélogramme des périodes est un carré. Ici, M. Kluyver fait voir qu'il … est possible de pousser encore un peu plus loin cette analogie. En effet, tandis que les nombres B, sont en rapport intime avec les valeurs de la fonction transcen- dante entière ({-Le—7#)t{z) qui correspondent aux « valeurs entières et positives de z, les nombres E, de Hurwitz admettent une interprétation tout à fait sem- blable. — M. H. G. van de Sande Bakhuyzen fait une communication sur la réapparition de la comète de Holmes, d’après les calculs de M. H. J. Zwiers. Dans un mémoire publié en 1894 par l’Académie d’Amster- dam, M. Zwiers a donné les éléments de l'orbite de la comète périodique de Holmes (voir Rev. gén. des Sc., t. VI, p. 198). Il trouva que l'orbite la plus probable est une ellipse, dans laquelle la comète se trouve, dans son aphélie, près de l'orbite de Jupiter et, dans son périhélie, près de l'orbite de Mars, et que la durée 1 Voir la Revue du 15 août 1897. d'une révolution montait à six ans et onze mois. Pro- bablement en 1898 et 1899, la comète se rapprocherait de nouveau de la Terre, de manière à pouvoir être retrouvée. Dans le mémoire cité, M. Zwiers s’est occupé des perturbations que subirait la comète jusqu’à la fin de 1898. Plus tard, il a poussé ces calculs des pertur- bations jusqu'au 9 septembre 4899 (Astronomische Nach- richten, t. CXLIX, p. 9); il y a ajouté une éphémtride faisant connaitre les positions que devrait occuper la comète d’après les calculs. A l'aide de cette éphéméride, la comète a été retrouvée, le 10 juin, par M. Perrine (Lick-Observatory), sous la forme d’un très petit nuage nébuleux, s’éloignant de 22”,2 en ascension droite, et de 417" en déclinaison de la position calculée. Il est probable que, des éléments calculés par M. Zwiers, la durée de la révolution seule aura besoin d’une correc- tion; cependant, cela ne se décidera qu'après la con- naissance de plusieurs observations nouvelles. Pour ce moment, M. Zwiers a calculé une éphéméride corri- gée. Une éphéméride tout à fait correspondante a paru dans le n° 464 du Astronomical Journal. — Rapport de MM. Schoute et Cardinaal surle mémoire de Mr: À. Boole Stott : « On certain series of sections of the regular four dimensional hypersolids » (Sur certaines séries de sections des hypersolides réguliers à quatre dimen- sious). L'étude intéressante, illustrée par plusieurs figures et diagrammes, va paraitre dans les Mémoires de l’Académie. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Kamerlingh Onnes : « Manomètres étalons à gaz (Piézomètres de précision à volume variable pour des gaz)». Dans ce travail, illustré par deux grandes planches, l’auteur décrit les instru- ments qui fonctionnent depuis quelque temps dans le Laboratoire de Physique de l’Université de Leyde, Suc- cessivement, il s'occupe du but, de l'arrangement géné- ral, des piézomètres eux-mêmes, des cylindres de com- pression et des robinets, du nettoyage, du cémentage et du remplissage, de la calibration, de la détermination du volume du tube et de la mesure du volume normal du gaz inclus. —M. H.-A. Lorentz: «La théorie élémen- taire du phénomène de Zeeman. Réfutation d'une objec- tion de M. Poincaré ». Dans un article récent, paru en L'éclairage électrique, t. XIX, p. 5, M. Poincaré parvient à la conclusion que la théorie généralement connue du phénomène de Zeeman — d'après laquelle chaque par- ticule lumineuse contient un seul ion mobile ou un certain nombre de ces ions dont les vibrations sont indépendantes les unes des autres — est bien à même de rendre compte de la ligne double se présentant dans la direction des lignes de force, mais incapable d'expli- quer les lignes triples dans la direction perpendiculaire aux lignes de force. Ce résultat est oblenu en substi- tuant l'absorption dans les champs magnétiques à la place du traitement direct de l'émission, et il est remarquable que cette même manière de raisonner à conduit M. Voigt à des équations qui impliquent l’exis- tence du triplet. D'après l’auteur, la cause de cette divergence des résultats est l'omission d’un certain terme par M. Poincaré. Avant de le démontrer, l’auteur compare entre elles les diverses formules qui peuvent être appliquées à la propagation de la lumière dans un gaz absorbant soumis à l'action de forces magné- tiques. — M. J. D. van der Waals présente, au nom de M. N. Quint Gzn, une communication intitulée : « La détermination d’isothermes pôur le mélange HCI, C,H,. » D'après la théorie, il y a des mélanges qui montrent, quand on les condense à une certaine température, le phénomène de la condensation rétrograde du second type. M. Kuenen n'ayant pas réussi dans ses efforts à réaliser cette condensation, l’auteur a choisi des subs- tances où ce phénomène devrait se montrer théorique- ment. Cette remarque détermine le choix des substances HCI et C,H,. Ces substances ont été mêlées en quatre proportions. Malheureusement, l'auteur constata, en observant le premier mélange, qu'il ne réussirait pas non plus à montrer la condensation rétrograde en | question, à cause de la petite différence entre la tem- 800 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES pérature critique du point de contact et celle de la | courbe des points de plissement. Les résultats de la | détermination des isothermes sont déposés en six ta- bleaux. — M. H. W. Bakhuis RoozZeboom s'occupe d'un exemple de conversion de cristaux de mélange dans une composition. À la séance du 25 février (voir Rev. gén. des Se., t. X, p. 332), l'auteur a distingué les trois Lypes où la congélation mène à la formation: 1° d’un congloméral; 2° de cristaux de mélanges; 3° d’une composition racémique. Dans le Zeitschrift d.phys. Che- mie, t. XX VIII, p. 512, il a développé, en plus de détails, les phénomènes qui se présentent à un refroidissement continué, quand ces trois types se transforment l’un daos l’autre. Maintenant, il fait connaître les résultats obtenus par M. Adriani, qui a étudié le cas intéressant de l’oxime du camphre, où des cristaux de mélange se composent au-dessous d'une certaine température. L'oxime dextrogyre avait été préparé par M. Adriani lui-même, l'oxime lévogyre avait été procuré par M. le professeur Beckmann, de Leipzig. D'abord, on a déter- miné les points de fusion des deux oximes et de leurs mélanges; on trou- vait pour tous la température 118°,8. Dans le diagramme de la figure 1, la droite AB y corres- pond. D'après M. : Pope, les deux iso- 1050 mères aussi bien & que leurs mélanges subissent bientôt, après la congéla- tion, une transfor- malion de cristaux réguliers en cris- 120° 115° Er 110° — 100° ques; les tempéra- tures correspon- dantes sont indi- quées par la courbe 7 CDE. En continuant le refroidissement, les cristaux mono- Fig. 1. — Représentalion graphique de la conversion des cristaux d'un symétriques, se mélange des oximes du camphre. Wansforment de nouveau en entrant dans une compo- sition racémique; les températures qui s'y rapportent sont indiquées par la courbe FGH.— M. Roozeboom présente encore, au nom de MM. E. Cohen et C. van | Eyk, une communication intitulée : « L'énantiotropie de l’étain ». Les négociants russes en étain savent tous que, sous l'influence d’une extrême froideur, l’étain blanc se transforme en une poudre grise. Ce phéno- mène est si fréquent en Russie qu'on le distingue par un nom particulier, qu'on peut rendre par l'expression « la dispersion de l’étain »; il a été constaté par Erd- mann, Fritschke, Lehwald, Rammelsberg, Oudemans, Walz, Petri, Schertel, Markownikoff, Hjelt, Stockmeyer | et Schaum. Non seulement des saumons d'étain pur de Banca, mais aussi des objets d'étain comme des luyaux d'orgue, des boutons d'uniforme, des cafetières, etc., montrent cette transformation. Cependant, on n'est pas d'accord sur les causes qui effectuent le change- ment. Quelques auteurs ne parlent que de la froideur, d'autres pensent à l'action combinée de la froideur et de vibrations, d’autres encore s'expriment encore plus vaguement, en l'attribuant à l'influence d'un refroi- dissement plus ou moins vite après la fusion. Fritschke constata qualitativement une dilatation qui‘accompagne la transition de l’état blanc à l'état gris; plus tard, Schertel et Rammelsberg trouvaient, à 19°, 5,8 et 7,3 pour le poids spécifique de ces deux modifications. Jusqu'ici, les faits indiqués restaient isolés; de plus, les différents auteurs ne s'accordent pas sur plusieurs points. Il était donc nécessaire de reprendre le sujet et taux monosymétri- | d'examiner si un traitement quantitatif rigoureux, se basant sur les idées physico-chimiques récentes, ne | pouvait amener plus de lumière. Les auteurs dispo-" saient de 25 grammes d’étain gris, grâce à la bienveil- lance de M. E. Hjelt, professeur à Helsingfors. Il est impossible d'indiquer ici tous les résultats. Qu'il suffise de dire que les auteurs ont constaté que la transition « est facilitée extrêmement par l'addition d'une solution de sel rose (Sn CI, 2NH“CI), que la méthode dilatomé- trique limitait la température de transition entre 40° et 20°, tandis que la méthode électrique fixait cette température à 20° centigrades, sous la pression d'une atmosphère. Donc, à l'exception d’un seul jour bien chaud, tout notre monde d'étain blanc se trouve dans une condition d'équilibre métastabile. — M. C. A. Lobry de Bruyn présente, aussi au nom de M. A. Steger,une communication sur « L'influence de l’eau sur la vitesse de la formation d'éther ». Les auteurs, en continuant une étude antérieure (voir Rev. gén. des Sc., t. IX, p. 919), ont trouvé une réaction qui leur semblait un désideratum, où les deux alcools en question admet- traient une détermination de la vitesse de réaction, dès l'alcool absolu jusqu'à l'eau pure. Cette réaction s'est présentée dans le procédé de formation d’éther, en se servant d’un iodure d'alcoyle et d’alcoolate d'un côté et d'iodure de méthyle de l’autre. Ces réactions sont : I. NaOC?HS + CHSJ, II. NaOCH® + CH'J, III. NaOC?H5 + CH5J, IV. NaOCHS + C*H°J, où se joint encore la transposition : CHSJ + NaOH = CHONa + Na]. Pour les quatre réactions, les diagrammes de la figure 2 font connaître la variation de la vitesse de réaction avec 20 so 60 40 H.0 . — Variations de la vilesse de réaction de: mélange de deux liquides en diverses proportions. Z os [2 la constitution du mélange. — M. E. Mulder présente : Sur un peroxysulfate d'argent (sixième communica- tion). — Rapport de MM. J. M. van Bemmelen, S. Hoo- gewerff et H. W. Bakhuis Roozeboom sur la circulaire de la Société chimique allemande sur les poids ato- miques. L'avis d'accepter la proposition de MM. Lan- dolt, Ostwald et Seubert, et de prendre part au travail d'une Commission internationale, est approuvé à l'una- nimité; les rapporteurs sont priés d'indiquer l'un d'eux comme délégué de l’Académie. P. H. SCHOoUTE. ——————_—_—_—_—_—_—_—_EaEaEEEEEE ———— Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, {, rue Cassette. 10° ANNÉE 15 NOVEMBRE 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Chimie L'éclairage à l’acétylène, système Blériot. — On a imaginé une foule d'appareils générateurs d'acétylène, plus ou moins compliqués, afin d'arriver à la régularisation de l’attaque du carbure de calcium par l’eau et d'éviter la swrproduction du gaz, c’est-à-dire le dégagement qui se produit, par l’action sur le carbure de l’eau fixée par la chaux, lorsque la consommation est interrompue ou même reste constante. L'emploi de l’acé- tylithe, inventé dans ce but par MM. Létang et Serpollet et exploité par M. Blériot, semble avoir donné des résul- tats très pratiques pour l'éclairage des tramways et des automobiles, et mérite une mention particulière, en raison de la grande simplicité des appareils qu'il entraine. L'acétylithe est du carbure de calcium ordi- paire que l'on a immergé dans le pétrole pendant plu- sieurs semaines, jusqu'à ce qu'il se soit imprégné bien à cœur, et qui a été ensuite enrobé de glucose à la facon des dragées. La présence de ce dernier corps amène, au fur et à mesure de la production de la chaux, la forma- tion d'un sucrate de chaux tribasique soluble. Quant au pétrole, il empêche le carbure d'être trop sensible à l'humidité, de sorte que l’acétylithe doit être complète- ment noyé pour qu'il yaitréellement dégagement de gaz. Le gazogène employé fonctionne comme un briquet à hydrogène : c'est un récipient cylindrique A (fig. 1) en laiton étamé, rempli d’eau aux trois quarts; en fermant le couvercle, auquel est reliée une cloche B, qui relient intérieurement un panier à acétylithe C, on plonge cette cloche dans l'eau, et l'air emprisonné refoule le niveau de l'eau au-dessous de la charge du panier. Il ne se produit donc aucune atlaque jusqu’au moment où, par l'ouverture du robinet R, l’air s'échappe et l’eau s'élève à travers les mailles du panier. La pression de l’acéty- lène ne dépasse pas 18 centimèlres d'eau. Si, au contraire, on ferme le robinet, le gaz qui continue à se dégager refoule l’eau sous la cloche et la produc- tion de gaz s'arrête. Les brüleurs sont des becs genre Manchester, c'est-à-dire qu'ils se composent de deux ajutages convergents par lesquels les jets de gaz s'échappant se rencontrent un peu après leur sortie et s'étalent en une flamme mince très éclairante sous forme REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. de papillon. Ces ajutages sont très massifs, en stéatite, de sorte que, une fois bien réglés, ils restent fixes et sont, autant que possible, soustraits aux mouvements de dilatation et de contraction dus à la chaleur. Avant de sortir de l'appareil générateur pour se rendre aux brüleurs, le gaz traverse, dans le tube qui relie la cloche au couvercle, une cou- che de carbure ordi- 2 naire maintenue en- tre deux tampons de -R ouate : là il se des- sèche et s'épure. Le générateur sys- tème Blériot peut s’ap- pliquer aux lampes- phares, et, avec une consommation de 3 ki- los d’acétylithe, il dé- gage { mètre cube de gaz brülant durant 7 à 8 heures dans un groupe de brüleurs d'une puissance de 200 bougies. La Com- pagnie générale des Omnibus vient d'en faire l’essai pour éclai- rer les voitures de la ligne du Louvre-Ver- sail'es : celles-ci sont généralement munies de cinq lampes aux- quelles un éclairage global de 50 bougies est fourni par un gazo- gène placé sous l'es- calier, qui dépense environ ?70 grammes d’acétylithe par heure. Le prix du carcel-heure par voilure ressort à 0 fr. 037 en acétylithe et les résultats obtenus font prévoir une application du même procédé à l'éclairage des nouvelles lignes de la future Exposition. Fig. 1. — Généraleur d'acétylène. — À, récipient; B, cloche; C, panier à acétylithe; D, plateau percé de trous; E, tampons de ouate; F, carbure de calcium ordinaire; G, acétylithe; MN, niveau de l'eau dans le récipient; PQ, niveau de l’eau dans la cloche; R, robinet, 21 $ 2. — Mines et Métallurgie Les nouveaux gisements de tungstène en Espagne et en Amérique. — Le tungstène se trouve dans la nature sous forme de scheelite (tungstate de chaux) ou de wolframite (tungstate de fer et de man- ganèse), minéraux du même groupe que la cassitérite. La scheelite n'apparaît guère que comme produit d’al- tération superficielle etseule la wolframite forme des gise- ments exploitables industriellement. Mais ces gisements ne sont pas nombreux. Une certaine quantité du tungs- tène utilisé provient du traitement des minerais d’étain et même du triage des anciennes haldes en Cornwall. On cite encore les mines d’Altenberg, Graupen et Geyer en Saxe, de Schlaggenwald en Bohême et de Saint- Léonard en Limousin. En raison de la faible production et de la demande croissante des métallurgistes, les prix du wolfram sont très élevés; de plus, les Allemands de Hanovre et de Francfort ont su accaparer la presque totalité du mar- ché de ces minerais et cette sorte de monopole n'est pas faite pour en faciliter l'emploi : c'est ainsi qu'un wolfram à 70 °/, de WO* se vend actuellement de 2 fr. 50 à 3 francs le kilo. On s'explique donc l'intérêt que présentent les découvertes de nouveaux gisements de tungstène, et c’est à ce titre que nous signalons les re- sultats des recherches récentes effectuées en Espagne et en Amérique. Dans la province d'Orense, aunord-ouest de Carballino, entre Ribadavia et Santa-Maria de Béariz, s'étend la région de l’Avion, qui comporte des massifs de granu- lite entrecoupés de schistes siluriens. De nombreuses fissures de retrait, plus ou moins irrégulières, sont remplies par une exsudation de quartz, et, sur les épontes de ces veines, le bioxyde d'étain a cristallisé. D'autres fissures, presque parallèles en certains en- droits, mais moins nombreuses, remplies probablement à une époque très rapprochée de la première, renfer- ment spécialement du wolfram et du quartz avec une faible quantité d'oxyde d'étain. Les deux genres de filons sont généralement accompagnés de mispickel et de pyrites de fer et de manganèse. Un certain nombre de concessions, dites Rara, Eloïsa, Belgica, Efigénia, ont déjà été prises, et, dans quelques-unes d’entre elles, on a commencé l'exploitation aussi bien des minerais de filon où l’on trouve 100 à 150 kilos de wolfram au mètre cube abattu que des alluvions qui contiennent encore de 5 à 7 kilos par mèlre cube. La séparation nécessaire du tungstène et de l’étain, dont le mélange existe très intime dans ces minerais, ne présente plus de grandes difficultés pratiques depuis l'emploi des trieurs magnétiques, Un autre dépôt de wolfram a été découvert au cap Breton, très près de Northeast Margaree, dans un ravin situé entre deux collines d'environ 260 mètres de hau- teur, au travers d'un massif de granite rouge, où l’on recherchait du plomb. Là encore le minerai de tungs- tène se rencontre enrobé dans du quartz, et, d'après les analyses faites à Halifax et à Londres, il est de très bonne qualité et contient 68 °/, de WO%. Les travaux de prospection suspendus pendant l'hiver reprendront au printemps prochain. Les usages du tungstène sont bien connus : on en tire certains produits chimiques, le fungstate de soude, quirendles étoffes incombustibles, le tungstate de baryte, qui donne aux peiutres une belle couleur blanche bien supérieure à la céruse. Enfin, le tungstène mélangé à l'acier, même en assez faible proportion, lui transmet des qualités remarquables comme résistance, ténacité et surtout dureté. Les véritables damas contenaient du tüungstène, et l’on a reproduit l'acier Wootz en refondant le métal avec du wolfram. Un acier contenant au delà de 2 0/, de tungstène devient, il est vrai, fragile, mais la présence du manganèse diminue cette fragilité en augmentant la malléabilité à chaud et permet l’intro- duction d’une quantité de tungstène allant jusqu'à 9°/,. Dans ces conditions, l'acier est assez dur pour ne CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE pas avoir besoin d'être trempé et il constitue néanmoins des outils, des matrices, des étampes d'une résistance à toute épreuve. Un outil d'acier au tungsiène, simple- ment martelé après chauffage au rouge cerise et affûté sur une meule d’émeri, peut être employé sur les aciers trempés les plus durs. Nous donnons ci-dessous l’ana- lyse d’un acier à oulil anglais : W — 8,80 Mn—2,60 C— 0,50 Les mineurs sauront apprécier l'avantage de travail- ler avec des forets, qui percent à toute vitesse sans se détremper et ont rarement besoin de revenir à l'usine. Pour la fabrication des projectiles, canons et blindages, l'emploi d'un mélal spécial de ce genre est tout indi- qué. On se souvient que, dans la récente guerre hispano-… américaine, la plupart des canons furent mis hors d'usage, après avoir tiré soixante à cent coups, par suite de la dégradation de la chambre à poudre. Un faible pourcentage de tungstène suffira pour en durcir uniformément les parois intérieures et les soustraire à une usure aussi rapide. Sans doute le poids spécifique. très élevé de ce métal (18,7) conduit à bien des diffi- cultés, lorsqu'il s’agit d'obtenir un mélange bien homo- gène et d'éviter la ségrégation, surtout avec des lingots de grosse masse. Mais avec des précautions spéciales et un soin tout particulier au moment de la coulée, il n’est pas impossible que le dernier mot reste au praticien. Si = 0,15 La fabrication des ferrosiliciums riches au four électrique. — Les ferrosiliciums sont des fontes spéciales, contenant une proportion notable de silicium, que l’on emploie en métallurgie dans le but d'obtenir des moulages d'acier sans soufflures. C’est un ingénieur français, M. Pourcel, qui, en 1875, aux anciennes usines de Terre-Noire, réussit à fabriquer au haut fourneau du ferrosilicium tenant 12 à 13 °/, de silicium, en marchant à une allure très chaude et avec des laitiers réfractaires et pas trop basiques, afin que la silice soit isolée et puisse se réduire sous la double affi- nité du carbone et du fer. Son procédé, qui fut surtout appliqué en Angleterre, n’était pas sans présenter cer- taines difficultés; mais, en tout cas, il ne permettait absolument pas de fabriquer des fontes avec une teneur en silicium dépassant 15 °/. Au four électrique, au contraire, on y arrive (rès aisé- ment, et des alliages de fer et de silicium, contenant jusqu'à 50 °/, de Si, peuvent être maintenant obtenus. A l'usine de Holcomb-Rock de la Wilson Aluminium Cy, on emploie un four continu système Chalmot, fonc- tionnant sans arrêt pendant une semaine, dans lequel les charges sont introduites par le haut et le ferrosili- cium recueilli au trou de coulée à intervalles réguliers. Les matières premières se composent de bon minerai de fer, de préférence siliceux, de coke de qualité quel- conque et de sable de rivière qui contient un peu de manganèse et de titane. Les fondants calcaires sont rejetés, car ils diminueraient le rendement. Toutes les matières sont finement broyées, à l'exclusion de la silice, corps peu dense, qu'on laisse à l’état de sable grossier, pour éviter des entrainements par le faible tirage du four; puis elles sont intimement mélangées entre elles et soumises à l’intense chaleur de l'arc élec- trique. Les scories sont en faible proportion si le mélange a été fait convenablement et le métal coulé est très homogène. Pour compenser les pertes par volatilisation, il faut évidemment employer un excès de silice, excès qui varie avec la teneur recherchée, et, comme cette volatilisation correspond à une perte d'énergie, la dépense en force motrice est plus élevée, toutes proportions gardées, dans la fabrication des fer- rosiliciums très riches. Ainsi les alliages à 35 °/, coù- tent deux fois plus en force motrice que les alliages à 26 °/,. Jusqu'ici, les fours employés n'ont qu’une puissance de 150 chevaux électriques, mais on réduira considérablement le prix de revient du produit en ins- tallant des fours de 1.000 chevaux. Il semble qu'il existe trois composés distincts de fer CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 803 et de silicium : Fe*Si®, FeSi®, FeSi, contenant respecti- vement 25 °/,, 33 °/, et 50 /,. Les ferrosiliciums, dont les teneurs en Si varient entre 25 et 33,33 et 50 °/,, parais- sent être constitués par des alliages de ces trois compo- sés. Lorsque, par exemple, on abandonne au refroidis- sement lent un ferrosilicium à 28 °/,, amené à l’état liquide, le composé Fe*Si® se sépare en cristaux très bien développés, dont quelques-uns atteignent 13 milli- mètres de longueur. Mais, alors que le fer et le silicium se trouvent chimiquement combinés dans les ferrosili- ciums renfermant jusqu'à 50 /, de Si, au contraire, au delà de cette limite, le silicium existe à l’état libre, et son excès se sépare sous forme de petits cristaux noirs. Les siliciures de fer sont toujours cristallins et d’une couleur plus ou moins argentée, suivant la moins ou plus grande teneur en Si. Leur densité diminue et leur point de fusion s'élève avec l'accroissement en Si. Lorsque les ferrosiliciums sont refondus au cubilot, une certaine quantité de silicium bràle et disparait (environ 5 °/o); les moulages deviennent d'autant plus cassants et plus souffleux qu'ils contiennent plus de silicium. Ces corps sont généralement très peu magnétiques, et, au delà de 30 °/, de Si, ils ne le sont plus du tout. Ils sont bons conducteurs de l'électricité et inaltérables à l'air, à l'eau et aux agents d'oxydation acides. Dans ces conditions, ils constituent une matière première d’un prix assez bas pour être employée comme anodes dans lélectro- lyse des solutions aqueuses. Quant aux ferrosiliciums à teneur relativement faible, ils servent à la fonte des objets d'art et des statuettes, d'autant mieux que le polissage leur donne un très bel éclat. La galvanisation électrolytique des tubes par ie procédé Cowper-Coles. — On sait que la galvanisation des objets en fer ou en fonte a pour but de les préserver de l'oxydation et que, malgré l’étymo- logie du nom qui lui a été donné, cette opération se pratiquait surtout jusqu'ici en plongeant simplement l'objet bien décapé dans un bain de zinc en fusion. En présence des nombreux inconvénients du zingage à chaud, tels que l’altération rapide du bain et des cuves, limmobilisation d'une grande quantité de zinc et une assez forte dépense de sel ammoniac, qui soustrait le zinc liquide à l’action de l’air, il était naturel d'avoir recours à la voie électrolytique et les procédés n’ont pas manqué. Tous consistent à faire passer, à lra- vers la solution d'un sel de zinc, un courant électri- que, les anodes étant constituées par des plaques de zinc et les cathodes formées des objets mêmes à galva- niser. En Angleterre, les tubes Belleville sont galvani- sés par le procédé Cowper-Coles. Pour que le dépôt de zinc se fasse bien, il faut nécessairement que la surface des tubes soit complètement débarrassée des oxydes ou autres matières étrangères. On y arrive ordinaire- ment par un décapage à l'acide, mais on ne doit pas perdre de vue que l'hydrogène naissant, produit alors, peut modifier dans un sens défavorable la résistance du métal soumis à cette opération, et que cet inconvé- nient ne disparait complètement que si les tubes sont légèrement recuits après décapage, ou même restent un assez long temps en repos. Cowper-Coles emploie comme solution décapante un bain chaud contenant seulement 1 °/, d'acide sulfurique, mais il y fait passer un courunt électrique, dont il renverse le sens de temps en temps au moyen d'un commutateur spécial. Après quelques renversements, l'opération totale durant environ dix minutes, les oxydes se détachent de la pièce et tombent. On lave les tubes à grande eau et on les porte immédiatement au bain de galvanisation, de facon à éviter une nouvelle oxydation. On pourrait aussi nettoyer les tubes en injectant du sable à leur surface, comme on le fait pour les moulages d'acier, et ce procédé nous parait devoir présenter moins d’incon- wénients que le décapage acide, au moins en ce qui 1 Ce corps a été isolé par MM. Carnot et Goutal (C.R, Acad. des Sc., 19 et 26 juillet 1897). concerne la surface extérieure des tubes. Le bain de galvanisation se compose d’une solution de sulfate de zinc contenant environ 200 grammes au litre. Les tubes sont suspendus au moyen de crochets à deux tringles en laiton courant le long de la cuve. Les anodes sont constituées par des plaques de plomb ou de zinc sup- portées de la mème facon et alternant avec les catho- des. Le voltage aux bornes de la dynamo étant 6, le courant employé est de 150 à 200 ampères par mètre carré de surface de cathode. On obtient une circula- tion rapide de la solution au moyen d’une petite pompe centrifuge ou d’un compresseur à air. Enfin, pour régé- nérer en zinc cette solution, on la fait passer sur un lif filtrant composé de charbon, coke ou sable, mélangé avec de la poudre de zinc obtenue dans un état de divi- sion très fine comme sous-produit pendant la distilla- tion des minerais. L'observation des conditions dans lesquelles se fait le dépôt du zinc durant l’électrolyse a conduit à une nouvelle application de la galvanisation. Le zinc, préci- pité par le courant, même en couche très mince, pré- sente des solutions de continuité aux endroits où la surface du métal cesse d’être absolument nette, et de cette facon les pailles, gravelures, criques, etc., qui pourraient échapper à un premier examen superficiel, ressortent admirablement bien. Il y avait donclà, pour le contrôle, un moyen de se rendre compte de la qua- lité des pièces à recevoir, et l’amirauté anglaise, bien- tôt imitée par la marine francaise, s’est empressée de l'imposer pour l'examen de la surface des tubes de chaudière et leur réception. La galvanisation des tubes par le procédé Cowper- Coles ou d’autres analogues: est couramment employée maintenant, à ce point de vue, dans les usines fran- çaises qui fabriquent le tube pour la Marine. IL n’est pas inutile de mentionner, à ce propos, un nouvel appa- reil optique, proposé par M. Vinsonneau et construit par M. Secrétan’, qui a pour objet l'examen des sur- faces intérieures des tubes, même de très petit dia- mètre, dont jusqu'ici l’état n'avait pu être observé que très difficilement par les contrôleurs. On en fait en ce moment l'essai chez MM. Delaunay-Belleville. $ 3. — Sciences naturelles Les collections de Crosse. — Notre confrère Le Naturaliste nous prie d'annoncer que, du 20 au 30 de ce mois, à huit heures du soir, aura lieu à la maison Sylvestre, 28, rue des Bons-Enfants, la vente aux en- chères de la bibliothèque et des collections de coquilles de Crosse, le célèbre fondateur du journal de Conchyo- logie?. $ 4. — Sciences médicales La Peste. — La Revue a eu plusieurs fois l’occasion de s'occuper de la peste *. La récente épidémie d'Oporto ayant remis cette question à l’ordre du jour, nous allons signaler ici les faits nouveaux établis par les travaux les plus récents * et dont la vérification clinique, théra- peutique et bactériologique a pu être faite à Oporto. Le premier fait qu'il importe de signaler, c'est l'ex- tension progressive de la maladie. Après Hong-Kong et * Communication faite par M. Secrétan le 27 octobre der- nier à la Société d'encouragement pour l'Industrie nalio- nale. * Le catalogue est adressé sur demande faite aux experts de la vente, MM. « les fils d'Emile Deyrolle », 46, rue du Bac, à Paris. 3 C. Huarr : Le sérum antipesteux du Dr Yersin. gén. des Se., 1896, n° 17, p. 733. Foxroynonr : La lutte actuelle contre la peste. Rev. gén. des Sc., 1897, n° 3, p. 109. # L. Lanoouzy : Les sérothérapies. Paris, 1898. G. Carré et Naud, édit. Nerter : La peste. Presse médic., 1899, t. II. CALMETTE : La peste. bubonique de Porto. Bullet. méd., 1899, n° 85, Fev. 80% la Chine, où elle existe encore, la peste a passé dans l'Inde, en Perse, en Arabie, en Egypte, en Portugal. Grâce à l'extension du mouvement colonial, elle a fait son apparition à Madagascar, à l'ile de Ja Réunion, à l'ile Maurice, au Mozambique. Par voie de terre, elle s'est manifestée à travers la Mongolie et le Turkestan, et est venue s'implanter aux rives de la mer Caspienne et de la Volga. Elle a même franchi l'Atlantique, et, depuis quelque temps, elle est signalée dans l'Amérique du Sud, à l'Assomption, à Montevideo, à Buénos-Ayres, à Santos. Ainsi donc, le monde entier se trouve menacé de celte maladie, qu'on croyait éleinte à jamais. Il est vrai que, jusqu'à présent du moins, la peste a gardé, quant à son extension, un caractère de bénignité relative, qui ne rappelle en rien les grandes pandémies des siècles précédents. Tout porte à espérer qu'elle gardera ce caractère ultérieurement. Pour ce qui est de son mode de propagation, les recherches récentes ont pleinement confirmé la jus- tesse des vues de Simond. Eu 1877, dans l'Inde, il a déterminé d’une facon très précise l’un des principaux modes de transmission de la maladie de l'animal à l'homme. On sait que, depuis des siècles, on avait déjà remarqué que les épidémies de peste sont toujours précédées d’une grande mortalité chez les rats et les souris. Or, Simond a constaté que, lorsqu'un rat pestiféré succombe, les puces qui vivaient sur lui l'abandonnent pour aller sur d’autres rats ou sur des hommes, et que l'intestin de ces puces est fréquemment bourré de bacilles pesteux, qui peuvent y conserver pendant longtemps leur vitalité et leur virulence. En enfermant dans des bocaux des souris indemnes et des puces infectées, M. Simond a vu les souris prendre la peste. Il est donc incontestable que les insectes parasites de l'homme, puces, punaises, moustiques, peuvent trans- porter et inoculer le microbe spécifique de cette maladie. Un autre mode de contagion est la pénétration des bacilles pesteux dans les voies respiratoires. Childe, Wyssokowitch, Zabolotny ont montré que la peste prend souvent une forme pneumonique d'emblée, sans manifestations ganglionnaires apparentes. Les malades atteints de ces pneumonies pesteuses expectorent en abondance des crachats sanguinolents remplis de mi- crobes de la peste. Les produits d’expectoration, dessé- chés et mêlés aux poussières de l’air, constituent un danger très grave de contamination pour ceux qui les aspirent. Du reste, Roux et Bazarof ont constaté que, pour donner sûrement la peste pneumonique au co- baye, il suffit de badigeonner les fosses nasales de cet animal avec un pinceau trempé dans une culture récente de virus pesteux. Nous pouvons laisser de côté lout ce qui touche à la bactériologie proprement dite et à la clinique de la peste, — que nos lecteurs connaissent du reste, — pour arriver à la grosse question de la sérothérapie, tant prophylactique que curative. Le sérum, expérimenté à Oporto par la Commission française, était le sérum récemment préparé par l'Ins- titut Pasteur et obtenu par l'inoculation des chevaux, directement dans les veines, avec de très grandes quan- tités de bacilles pesteux tués par la chaleur. Ce sérum, comme M. Calmette a pu le constater à Oporto, était infiniment plus actif que le premier sérum de Yersin. Ses effets curatifs ressortent très nettement de ce seul fait qu'avant l'emploi de ce sérum, la mortalité hospi- talière parmi les malades atteints était de 33 °/,; après son emploi, cette mortalité est tombée à 13 0/4. D'après M. Calmette, il est nécessaire d'injecter de grandes quantités de sérum aux malades et de répéter ces injections chaque jour jusqu'à ce que la tempéra- ture indique que tout danger est écarté. On ne doit donc pas craindre d’en injecter 20 ou 40 centimètres cubes tous les jours; c'est ainsi que, chez une malade, on a injecté en six jours la quantité de 320 centimètres cubes, et cette malade à guéri. Dans la forme pneumonique, qui CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE jusqu'à présent était fatalement mortelle, M. Calmette injectait le sérum directement dans les veines à la dose de 20 centimètres cubes par jour, et il a eu la satisfac- tion de voir ses malades guérir. Ce qui montre bien l’action spécifique du sérum, c'est que lorsqu'on examine le sang des malades vingt- quatre heures après la première injection, on n'y trouve presque plus de bacilles. Quant à la valeur prophylactique, au pouvoir immu- nisant de ce sérum, les expériences faites à Oporto sur les animaux et sur l'homme ontété tout à fait démons- tratives à cet égard. On à vacciné un grand nombre de personnes très exposées, pour la plupart, à la conta- sion : les médecins et les employés des laboratoires de bactériologie et d'hygiène, les équipes de désinfec- teurs, les pompiers auxquels incombait le devoir de transporter au cimetière les cadavres des pestiférés. Aucun cas de peste n'a été observé parmi eux. Cette vaccination par le sérum est très facilement acceptée et ne présente aucun inconvénient. Elle donne une immunilé immédiate; mais celle-ci n’est malheu- reusement pas durable : elle s'épuise après vingt: ow vingt-cinq jours. Aussi, lorsque les sujets vaccinés doi- vent continuer à résider dans un foyer de peste, est-il indispensable de renouveler l'injection de sérum environ toutes les trois semaines, On s’est beaucoup préoccupé de chercher une méthode de vaccination capable de donner une immunité de plus longue durée. M. Calmette a essayé d'injecter simultanément un mélange de sérum antipesteux et de cultures de microbes tués par la chaleur. Il semble que l'immunilé conférée de cette facon soit un peu plus longue que celle que donne le sérum seul. Quelles sont les mesures à prendre contre l'extension de la peste? Pour répondre à cette question, il nous suffit de citer ici textuellement les conclusions auxquelles est arrivé M. Calmette. Il estime notamment qu'en pré- sence d'une calamité publique aussi terrible que læ peste, il convient de prendre les mesures suivantes : D'abord, transporter et isoler obligatoirement dans un hôpital spécial tout malade atteint de peste. Vac- ciner obligatoirement toutes les personnes qui ont été en contact avec le malade ou qui ont habité la même maison ; Incendier, ou, si la chose n’est pas possible, désinfec- ter, aérer et abandonner pendant au moins vingt jours toute maison où un cas de peste aura été constaté. Détruire méthodiquement les rats et les souris dans les magasins, dansles appartements et dans les égouts, en se gardant toutefois de toucher aucun cadavre de ces animaux avec les mains. On les ramassera autant que possible avec une pince métallique et on en prati- quera l'incinération, ou l'immersion dans l’acide sulfu- rique. Si la population cache les cas de peste, comme cela s’est produit à Oporto et dans la plupart des localités atteintes, on ne devra pas hésiter à organiser, suivant l'exemple de la municipalité de Bombay, des Commis- sions de recherches composées de médecins, d'intir- miers, de voitures d'ambulance et de gendarmes. Ces. Commissions, instiluées par quartiers, devront visiter, deux fois par jour, tous les logements de leur section et s'assurer qu'il n'y existe aucun malade. On peut espérer que de telles mesures, intelligem-— ment appliquées, ne tarderaient pas à entrayer la dif- fusion de l'épidémie, et l’éteindraient sans doute en quelques mois. $ 5. — Géographie et Colonisation Du Soudan à la Côte d'Ivoire. — On peut … ét RME remarquer sur la carle d'Afrique qu'il existe des par- ties blanches de quelque étendue entre nos colonies dw Soudan et de la Côte d'Ivoire; cela tient à plusieurs causes qu'il peut être intéressant de signaler. Il est d’au- tant plus à propos de le faire que, il y a peu de jours, le Ministre des Colonies a donné l'ordre au lieutenant. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Wellfel, au Soudan, de s'arrêter dans sa marche vers le sud. Nous rappelons que celte mission, organisée dans le cercle de Beyla, au Soudan, avait pour but de tendre la main à la mission Hostains-d'Oilone, partie du bas Cavally (Côte d'Ivoire). L'une des raisons qui ont longtemps empêché la jonc- tion effective du Soudan et de la Côte d'Ivoire a été la présence de Samory qui, pendant seize années environ, na pas cessé de dévaster toute la région comprise entre jes vallées du haut Niger et le pays de Kong, et s’est en même temps opposé à tout progrès de notre part. Aujourd'hui que la puissance de Samory est détruite, cetle cause d'insuccès n'existe plus. Mais, outre le danger de se heurter aux bandes de Samory, nos explorateurs ont rencontré des difficultés tenant à l’état physique du pays et aux populations sédentaires qui l'habitent. C’est encore là ce qui a arrêté la mission Weællfel. Ces difficultés se présentent rincipalement dans la partie occidentale de l'hinter- and de la Côte d'Ivoire, c'est-à-dire dans celle qui est la plus voisine de la République de Libéria; dans l'In- dénié, au contraire, qui est à l’est, la communication est mieux établie, car là on a créé successivement les osles de Bettié, de Zaranou, d’Atiakrou, celui d’Assi- asso en 1896, enfin, en 1897, celui de Bondoukou, qui à relié de ce côté la Côte d'Ivoire avec Bouna, poste LÉ avancé du Soudan français. La disparition de Samory a permis aussi aux troupes du Soudan de descendre plus à l’est jusqu'à Bouaké, au nord de Kodiokofi, et d'établir ainsi une seconde ligne de jonction avec la Côte d'Ivoire. La région encore incomplètement explorée est sur- tout celle qui renferme les hauts bassins du Bandama, du Sassandra et du Cavally. De ce côté, l'obstacle natu- rel est la grande forêt qui forme une barrière entre la zone côtière et l'intérieur de la boucle. Cette forêt s'étend sur une largeur qui varie de 90 à 300 kilo- inètres ; elle forme une ligne ondulée qui tantôt empiète vers le nord et tantôt avance assez loin vers le sud. Cette zone forestière est comparable, par la den- sité de la végétation, par la hauteur des arbres, par l'enlacement des lianes, à la grande forêt équatoriale découverte par Stanley. Très large dans les bassins du Cavally et du Sassandra, à l’ouest, elle l'est moins dans celui du Bandama, et elle occupe à nouveau une zone assez profonde dans le bassin de la Comoé à l’est. Eile se prolonge également, en dehors de notre colonie, dans l’arrière-pays de Libéria, à l’ouest, et dans l'hinterland de la Côte d'Or à l’est. Mais ce n'est pas encore la grande forêt qui forme l'obstacle le plus insurmontable, ce sont plutôt les populations sauvages qui y sont fixées. Il existe, en effet, entre le Soudan et la Côte d'Ivoire, des populations très primitives, que l’on peut consi- dérer comme autochtones et dont quelques-unes sont anthropophages; elles sont très différentes des Malinkés, qui forment la race dominante au nord de la grande forêt, et aussi des populations de la côte. De ce nombre sont les Dioulas, parmi lesquels on distingue les Dioulas indépendants ou anthropophages, qui résis- tent encore victorieusement aux attaques des Malinkés, et ceux qui sont asservis par les Diomandés. Les prin- cipaux autres peuples primitifs qui habitent la région de la forêt sont les N'Guérés, les Manous, les Blons, les Ouobés, les Los, les Gouros. Toutes ces populations se montrent réfractaires à la pénétration européenne. Elles ont résisté aussi à Samory et aux autres conquérants maliukés qui ont cherché à pénétrer chez elles. Ces populations sauvages ne se rendront que par la force. C'est à elles que se sont heurtés la plupart des explorateurs qui ont cherché à passer de la Côte d'Ivoire au Soudan, ou réciproque- ment. Leur pays produit la kola et l'huile de palme, qui sont très recherchées au Soudan et qu'elles rap- potent elles-mêmes aux marchés voisins. Le capitaine Marchand a eu, il est vrai, la bonne for- tune de pouvoir traverser, en 1894, sans être atlaqué, 805 les immenses forêts qu'habitent les Gouros où nul n'avait encore pénétré. Moins heureux que lui, MM. J. Eysséric et Coroyé furent arrêtés, en février 1897, par le mauvais vouloir des mêmes indigènes, dans le haut bassin du Bandama, à Elengué, situé à quelques jours de marche dans le sud de Séguéla, où fut tué le capitaine Ménard en 1892. M. Eysséric à rapporté des renseignements nombreux sur ce peuple des Gouros qui était très mal connu jusqu'alors. Il pense que ces populations, très analogues à celles qui habitent l'hin- terland de Libéria, ont occupé autrefois une aire plus vaste et que, refoulées par les invasions qui se sont produites dans la zone découverte, elles ont dû se réfu- gier dans le territoire protégé par la forêt. Le 6 mars de la même année, le lieuteuant Blon- diaux, venu du Soudan, était à Sakala, el une rencontre fortuite aurait pu avoir lieu entre les deux missions, sans les difficultés qu'elles avaient l'une et l’autre éprouvées avec les indigènes. Mais le lieutenant Blon- diaux, qui à fait, dans toute cette région, une explora- tion très remarquable, n'a pu traverser la région fores- tière ni chez les Los, ni chez les Ouobés, ni chez les N'Guérés. Les Los, sur lesquels nous renseigne le lieutenant Blondiaux, sont un peuple guerrier qui ne s’est jamais laissé entamer par les invasions. Ils ne sont pas anthro- pophages, du moins ceux du nord. Ils occupent toute Ja région comprise entre le Bandama à l'est, et à l’ouest le Férédougouba, qui n'est autre, comme l'a reconnu M. Blondiaux, que le Sassandra. En 1898, deux voyageurs français, MM. Adrien Pauly et G. Bally-Forfillère, ont été victimes des attaques de ces mêmes populations guerrières et insoumises qui habitent entre la côte et le Soudan. Ils ont été massa- crés, le 46 mai, entre les rivières Loffa et Saint-Paul, dans la partie nord de la République de Libéria, d'où ils espéraient gagner le Cavally. La mission Wellfel, qui vient d'ètre interrompue, n'avait pas, davantage que les précédentes, trouvé dans les populations le concours nécessaire à une marche pacifique. Il y a done là évidemment une région dont l'accès est particulièrement difficile, mais il importe- rait de tenter un effort pour la franchir, afin que la communication soit établie de ce côté, comme elle l’est du côté du Baoulé et de l'Indénié. Le moment serait d'autant plus opportun que le décret du 17 octobre 1899 réorganisant l'Afrique occidentale a eu en vue de rendre plus faciles les relations commerciales entre la côte et l'hinterland. Gustave Regelsperger. $ 6. — Congrès Congrès de sauvetage et des premiers secours en 1900. — Le 17 juillet 1900 s'ouvrira un Congrès de sauvetage et de premiers secours dans le- quel seront étudiées toutes les formes du sauvetage et tous les moyens de secours, sur mer, sur terre, dans l'eau et dans le feu, ainsi que les services d’ambulances et de brancardiers en temps de paix et en temps de guerre, La Commission d'organisalion, présidée par M. Bou- cher-Cadart, a divisé les travaux du Congrès en huit sections : 4° Sauvetage maritime; 2° Sauvetage fluvial; 3° Sauvetage dans les incendies; 4° Secours sur la voie publique ; 5° Secours dans les ateliers et usines; 6° Rôle des sauveleurs en temps de guerre; 7° Secours aux sauveteurs victimes de leur dévouement; 8° Commis- sion des Concours. Les personnes qui désirent prendre part au Conxrès sont prices de bien vouloir envoyer le plus tôt possible leur adhésion à M. Félicien Michotte,21, rue Condorcet. La cotisation est de 5 francs pour les membres ordi- naires et de 20 francs pour les membres donateurs. En raison des sujets traités et pour permeltre une mise en œuvre rapide des décisions prises, la Commis- sion serait désireuse de voir de nombreuses municipa- lités représentées dans le Congrès. 806 C. PHISALIX — ESSAI SUR LE MÉCANISME DES PHÉNOMÈNES EN SÉROTHÉRAPIE ESSAI SUR LE MÉCANISME DES PHÉNOMÈNES EN SÉROTHÉRAPIE Ce rève d'un âge d'or, où l'homme, capable de modifier les microbes, de les sélectionner, les emploierait à la guérison des maladies qu'ils engen- drent, ce rêve qui, depuis l'ère de Pasteur, hante l'esprit des chercheurs, est entré dans le domaine de la réalité le jour où un enfant, terrassé par le croup, à été arraché à la mort par le sérum bienfai- sant. Dès ce moment, la voie était ouverte à une nouvelle méthode thérapeutique. Aussi, au début de la Sérothérapie, dans l'enthousiasme des pre- mniers succès, on pensait que toutes les maladies infectieuses seraient justiciables de cette nouvelle méthode. Par suite d'une généralisation trop hâtive, on à voulu appliquer dans tous les cas le mème procédé qui avait si bien réussi pour la diphtérie. Malheureusement, les résultats n'ont pas répondu aux espérances qu'on avait conçues. Pourquoi? C'est ce que je voudrais essayer d'analyser dans cet article. Il serait l'origine el la définition du mot sérothérapie, si, par une extension non justifiée, il n'avait pas été appliqué à des procédés de traitement qui n'ont aucune rela- tion avec celui dont le sérum des animaux immu- superflu de donner nisés constitue la base. Les expériences fondamen- tales qui ont enrichi la Médecine de cette méthode féconde ont été exécutées en France. Charles Richet el Héricourt (5 novembre 1888) ont constaté que le sang du chien, animal réfractaire au Staphylo- coccus, étant transfusé à un animal sensible, confère une demi-immunité, mais qu'il peut conférer une inmunité complèle si le chien réfractaire a été antérieurement vacciné, Dans ces expériences, le sang était transfusé dans sa totalité; c'était de l'hématothérapie. Or, MM. Bouchard et Charrin ont montré, avec le Bacille pyocyanique, que le sérum des animaux vaccinés possède les mêmes propriétés que le sang entier, d'où le nom de sérothérapie qui a définitivement prévalu dans la science. Il était donc bien établi, par les travaux de l'École francaise, que le sérum d'un animal vacciné contre un microbe acquiert le pouvoir de préser- ver un autre animal contre l'infection par ce microbe : il est antinfeclieux ou anlimicrobien. C'est alors que parut le travail de Behring et Kilasato (4 décembre 1890). Ces auteurs ont décou- vert que le sérum des animaux vaccinés contre le télanos, non seulement s'oppose à la multiplication du baeiïlle de Nitolaïer, mais encore à l'empoisonne- ment par les toxines de ce microbe. Un mélange de sérum d'animal immunisé et de toxine tétanique est complètement inoffensif. Cela serait dû à ce que, d'après ces auteurs, le sérum détruirait chimique- ment le poison. Mais Roux, par une démonstration directe, Phisalix et Bertrand, par une preuve indi- recte, ont montré qu'il n'y avait pas destruction de la toxine ou du venin. Le sérum n'agit pas comme un antidote chimique ; le mélange in vitro est done inutile, et l'on peut inoculer séparément et dans des points différents du corps le poison et le contre- poison. Le sérum agit directement sur les cellules de l'organisme, et les rend insensibles au poison . par un mécanisme vraisemblablement d'ordre chimique. Pour exprimer ce fait, nous dirons que le sérum est antiloxique. On comprend que, suivant la plus ou moins grande rapidité d'action de la toxine, il se passe un temps plus ou moins long avant que les lésions cellulaires soient devenues irréparables, et le sérum, dont l'absorption est généralement assez rapide, peut encore agir efficacement pendant cette période : dire qu'il est thérapeutique, c'est done simplement rappeler le moment tardif où s'exerce la propriété antitoxique. Si, au lieu d'inoculer le sérum après la toxine, on le fait un jour ou deux avant, on obtient aussi les mêmes effets; cela résulte, pour une grande part, de ce que le sérum non encore éliminé imprègne l'organisme; aussi le terme de préventif n'implique pas nécessaire- ment un autre mécanisme que celui de l'action antitoxique. D'après les auteurs, l'immunité conférée par le sé- rum —- qu'on l'administre avant, en même temps ou serait pureme passive, c'est-à- dire occasionnée par la présence même du sérunx sans intervention active de l'organisme. Cette conception est trop absolue : j'ai démontré que, dans le sérum antivenimeux, il existe des sub- après la toxine stances vaccinantes, c'est-à-dire douées de la pro- priété de faire réagir l'organisme. Celte réaction demande un certain temps pour s'accomplir : c’est la période d'incubation pendant laquelle les orga- nes élaborent des contre-poisons. Il en résulte une immunité active. Elle peut durer plus ou moins longtemps. Mais cette question de durée ne suffit pas, à elle seule, pour établir des distinctions entre des phé- nomènes dont le mécanisme intime ne saurait, pour le moment, être différencié. Nous appellerons done C. PHISALIX — ESSAI SUR LE MÉCANISME DES PHÉNOMÈNES EN SÉROTIÉRAPIE 807 vaccins les corps qui ont la propriété de provoquer dans l'organisme des phénomènes réactionnels aboutissant à l’immunité. Il ne suffil pas qu'une substance injectée préventivement empêche le poi- son d'agir pour la qualifier de vaccinante. On sait, en effet, que certains produits chimiques, le chlo- rure de chaux par exemple, déposés sous la peau, y provoquent des inflammations qui mortifient les tissus, et produisent comme des kystes artificiels dans lesquels l'injection d'une toxine, même très active, reste sans effet, parce qu'elle n’est pas absor- bée. Si les deux substances, venin et chlorure de “chaux, ont été injectées dans des points séparés du corps, l'animal meurt. Voilà donc ce qu'on peut appeler, à juste titre, une fausse vaccination. De même, il ne suffit pas qu'une substance mélangée à une toxine en annibile les effets pour la consi- “dlérer comme antitoxique, ou comme antidotique. La pulpe cérébrale à laquelle on a incorporé de la toxine tétanique peut être inoculée impunément, et cependant cette pulpe n'agit ni comme anti- toxique, ni comme antidote, mais par un procédé encore inconnu. En somme, les différents moyens par lesquels une substance protège contre les microbes ou les poisons se réduisent à deux : 1° Modification de l'organisme, générale ou locale; 2 Action directe sur le microbe ou le poison. Ces notions générales étaient d'autant plus néces- saires qu'il existe actuellement dans le vocabulaire de l’immunité la plus grande confusion, relative- ment à la valeur exacte des termes employés par les différents auteurs. Aussi pouvons-nous aborder maintenant l'exposé des faits et des théories rela- tifs aux propriétés du sérum des animaux vaccinés. En suivant l’ordre même des découvertes succes- sives, nous aurons à examiner l'action du sérum sur les microbes et sur leurs toxines, puis nous étudierons les modificatious du sérum produites par les poisons animaux analogues aux toxines microbiennes, tels que le venin des serpents; enfin, nous étudierons en dernier lieu la manière dont les sérums agissent et comment ils se forment. Le sérum des animaux vaccinés contre certaines infections, la diphtérie par exemple, possède à la fois des propriétés antimicrobiennes etantitoxiques. Aussi ces maladies ne se prêtent-elles pas à une étude analytique distincte de ces deux propriétés. Dans d'autres cas, le sérum des vaccinés préserve les animaux contre l'infection par le microbe, mais on ne saurait dire s'il peut empêcher les effets du poison fabriqué par ce mierobe, car on ne connait pas encore ce poison. Il y a une maladie qui se prête admirablement à l'étude de ces deux phénomènes el qui, dans ces dernières années, à fait l'objet de nombreux tra- Vaux : mentalement les principaux symptômes de cette affection terrible par l'inoculation aux animaux des cultures du microbe provenant de l'homme. C'est ce choléra de laboratoire qui nous servira de type pour notre description. Mais, tout d'abord, pourquoi distinguer l'infection par le microbe de l'empoisonnement par sa toxine ? N'’est-il pas admis, c'est le choléra. On à pu reproduire expéri- comme une notion classique, que le microbe agit par les poisons solubles qu'il fabrique, par ses toxines? Oui, sans doute, c'est la toxine qui engendre les accidents, mais cette toxine peut varier en qualité et en quantité, suivant la voie d'introduction du microbe, et ensuite, pour la fabri- quer, le microbe met un certain temps; il faut qu'il se multiplie sur place, qu'il désagrège les tissus et se prépare un milieu de culture propice à sa nutri- tion, qu'il paralyse l'influence du système nerveux, Pendant ce temps, il est soumis à toutes les causes de destruction naturelles ou artificielles. On con- çoit que, dans cette période de végétation, le microbe puisse être affaibli dans sa vitalité, puis complètement dissous, digéré, sans que l'agent de cette destruction soit nécessairement une substance antagoniste du poison qu'il aurait pu élaborer. C'est précisément ce qui arrive dans les expé- riences de Pfeiffer. Les animaux immunisés contre le choléra, avec des cultures stérilisées par la cha- leur ou par addition de chloroforme, fournissent un sérum d'une activité extraordinaire pour empêcher la péritonite cholérique expérimentale du cobaye. Ce sérum immobilise et agglomère les vibrions, les transforme en granules; il est doué d'une action bactéricide intense. Et cependant, ce sérum est inca- pable d'empêcher l'empoisonnement par la toxine cholérique. Ces faits demandent à être analysés. Pour cela, reportons-nous au Mémoire de Metsch- nikoff, Roux, Salimbeni, qui ont donné la clef et l'explication des phénomènes. On sait combien il est difficile de reproduire sur les animaux le choléra humain avec ses symptômes caractéristiques. L’ingestion des cultures du vibrion ne réussit que rarement, et encore est-il nécessaire d'employer certains artifices. D'après Zabolo{ny, le Spermophile, petit rongeur de la Russie méridio- nale, partagerait avec l'homme le triste privilège de contracter le choléra intestinal. Quant à la voie intra-péritonéale ou sous-eulanée, elle se prête mieux à la multiplication du microbe, mais, dans ce cas, l'animal meurt avec un ensemble de symp- tômes qui rappellent plutôt ceux des septicémies que ceux du choléra humain. Metschnikoff a montré que les associations microbiennes jouent un rôle 808 C. PHISALIX — ESSAI SUR LE MÉCANISME DES PHÉNOMÈNES EN SÉROTHÉRAPIE considérable dans le développement du choléra | tinetes. Et alors on est en droit de se demander sn un corps unique pourrail provoquer ces deux réa” intestinal, soit en l’entravant, soit en le favorisant, et il a vu que l'intestin des jeunes lapins d’un à quatre Jours constitue un terrain des plus favo- rables au vibrion, surtout si l'on a préalablement fait ingérer au lapin une culture favorisante, comme, par exemple, celle d’une Torule ou d'une Sarcine isolées de l'estomac de l'homme. Ces jeunes animaux, ainsi infectés, meurent avec tous les symptômes du choléra humain, sans que le microbe, dans la plupart des cas, pénètre dans la circulation. On a bien là la preuve d'un empoi- sonnement par une toxine soluble ; mais une autre démonstration a été fournie par l'expérience sui- vante. Metschnikoff, Roux, Salimbeni introduisent, dans le péritoine de trois cobayes, un sac de collo- dion hermétiquement fermé contenant une solution de peptone à 2 °/,. Chez le premier cobaye, cette solution à été ensemencée avec un vibrion cholé- rique très virulent; chez le deuxième, elle a été mélangée avec une grande quantité de microbes morts, et chez le troisième, pris comme témoin, elle a été laissée intacte. Or, tandis que ce dernier est resté en bonne santé, le premier meurt avec tous les signes de l’'empoisonnement cholérique, le deu- xième ne montre qu'une légère hyperthermie et un peu d'amaigris D'après ces résultats, il paraît certain que les substances excrétées par la cellule microbienne et qui diffusent dans le milieu de culture, sont bien différentes de celles qui constituent la trame de son protoplasma ou qui restent fixées sur celui-ci. C'est là un fait qui est d'accord avec tout ce que nous savons sur la physiologie de la cellule en général et qui peut suffire à expliquer pourquoi le sérum des animaux immunisés par les microbes morts possède des propriétés bactéricides éner- giques contre ces mêmes microbes vivants, tandis qu'ils ne peuvent empêcher l'empoisonnement par la toxine. Le ne devient antiltoxique que si les animaux ont élé immunisés par le poison cho- lérique soluble; il est d'autant plus antitoxique sérum que les animaux ont reçu des quantités plus grandes de poison. Un cheval immunisé pen- dant six mois fournit un sérum dont un centimètre cube neutralise quatre fois la dose mortelle de toxine. Mais il faut 150 fois moins de ce sérum pour protéger un cobaye contre le vibrion vivant intro- duit dans le péritoine : il est donc antiinfectieux en même temps qu'antitoxique. Cette disproportion énorme entre les quantités de sérum nécessaires pour obtenir ces deux résultats différents, ainsi que la possibilité de donner au sérum le seul pou- voir antiinfectieux, semblent démontrer que les deux propriétés sont dues à des substances dis- tions différentes, et si la toxine ne serait pas, en! réalité, un mélange dans lequel, outre les produits de désassimilation de la cellule microbienne, se trouverait aussi une pelile quantité de ces sub= stances ordinairement fixées sur son protoplasma. Le lecteur se demandera peut-être quelle est l'utilité de toutes ces hypothèses. N'est-il pas suffi= sant de savoir qu'en saturant un animal d'une toxine dont on connait le mode de préparation, on peut transformer son sang en un remède contre Ie“ choléra expérimental? C'est, en effet, une arme nouvelle dont les re- cherches de laboratoire ont doté la sérothérapie, eté bien légitime est l'espoir de s'en servir contre Ie choléra humain. Mais ces résultats eux-mêmes ont été obtenus à la suite de travaux purement théo- riques; n est-il pas superflu de dire aux adeptes de Pasteur que les études spéculatives sont le prélude nécessaire de tous les progrès en Médecine et en Thérapeutique? Depuis son origine, la méthode sé- rothérapique s'est inspirée des mêmes idées direc- trices, qu'elle applique indistinctement dans tous les cas. On inocule à un animal la culture d'un mi- crobe vivant, ou les produits de cette culture sépa- rés par la filtration, ce qu'on appelle improprement sa toxine, et après avoir accoutumé les animaux à des doses élevées de ces diverses substances, on pré-" lèveleur sang pour essayer les propriétés antimicro- biennes et antitoxiques du sérum. Dans ces condi- LL tions, il étaità présumer que les résultats seraient variables avec l'espèce et la nature du microbe et son mode d'action sur l'organisme. Pour certaines espèces, nos milieux de cultures habiluels fournissent des matériaux nutritifs avec lesquels le microbe élabore des produits plus aptes à combattre ceux qu'il fabrique dans l'organisme ; pour d'autres espèces au contraire, les principes formés dans nos bouillons favorisent plutôt et l'envahissement des tissus par le microbe et l'in- toxicalion par ses produits solubles. En général, les substances favorisantes et antagonistes sont mélangées en proportions variables et ont pu dans certains cas être séparées. Aussi, quand on inocule en bloc les produits de culture d'un microbe, on agit d’une manière empirique : les effets sont sus- ceplibles de varier suivant des conditions nom- breuses et indéterminées. Si l'on en juge par ce que nous savons de l'action physiologique des urines, le fonctionnement de la cellule microbienne se rapproche beaucoup de celui des cellules de l'or- ganisme. Dans l'urine, comme dans les cultures microbiennes, il existe des poisons antagonistes, et M. Bouchard, en nous initiant à la notion de la complexité des poisons urinaires et des poisons “ C. PHISALIX — ESSAI SUR LE MÉCANISME DES PIHÉNOMÈNES EN SÉROTHÉRAPIE 809 a —— microbiens, à ouvert un nouveau champ aux expé- rimentateurs. Que d'efforts ont été faits pour sépa- rer les substances utiles etles substances nuisibles, les vaccins et les toxines! Les résultats obtenus, quoique encourageants, ne sont évidemment pas en rapport avec le nombre considérable de travaux exécutés. En suivant tous le même chemin, les pionniers de la science pastorienne en ont souvent foulé les mêmes pierres, exploré les mêmes dé- tours, rencontré les mêmes sources, sans trouver “celle qui se cache encore dans les arcanes mysté- rieux de la Chimie et qui doit faire germer tous les “crains épars. Pour ces poisons microbiens, sou- vent d'une puissance inouïe, nous avons le réactif physiologique, mais le réactif chimique nous fait défaut. En attendant, continuons notre patiente analyse des phènomènes, et souhaitons la venue du nou- veau géant dont les hautes épaules nous permet- tront d'embrasser d'un coup d'œil nos travaux de Jilliputiens. A la complexité des cultures microbiennes ré- pond une complexité non moins grande dans les modifications qu'elles impriment au sérum des “animaux vaccinés. - Reprenons l'exemple du choléra expérimental. “On à vu plus haut que le sérum des vaccinés était “antimicrobien ou antitoxique, suivant la nature “des produits utilisés pour cette vaccination. Nous allons étudier ces deux cas séparément. Le sérum antimicrobien, comme son nom l'in- dique, préserve les animaux contre le microbe, “cest un vaccin; en outre, on sait que, mélangé, in vitro, aux vibrions cholériques, il les agglomère et les détruit: il est bactéricide; on pouvait donc croire que la vaccination d'un animal par ce sérum résultait directement de ce pouvoir bactéricide S'exerçcant 27 vivo. Il n'en est rien. Ces deux pro- priétés sont distinctes et peuvent être dissociées -par la chaleur; C. Frænkel et Sobernheim ont vu que le choléra-sérum chauffé à 70° perd son pou- voir bactéricide, tout en conservant son pouvoir vaccinal. Inoculé au cobaye, il donne à son sang les propriétés bactéricides et préventives ordi- naires du sang des vaccinés. Voilà donc un sérum, privé par la chaleur d'une de ses propriétés essentielles, capable de provoquer dans le sang d'un animal neuf une réaction qui fait réapparaitre cette propriété, comme si, par une combinaison chimique, la substance douée de cette propriété s'était de nouveau reformée. De fait, les expériences de Bordet semblent confirmer cette hypothèse. Cet expérimentateur a vu que le cho- léra-sérum dont on a détruit le pouvoir bactéricide par la chaleur, peut recouvrer intégralement ses propriétés si on le mélange à du sérum frais. Cette curieuse expérience nous amène à parler du pou- voir microbicide propre du sérum d'un animal toute inoculation ou maladie anté l'état nombre d'animaux indemne de rieure. À normal, le sérum d'un grand exerce sur les microbes une influence défavorable, qui se traduit, soit l'agglutinement et fractionnement et la par l'agglomération, soit par le dissolution. Et cela à lieu non seulement pour les microbes, mais encore pour les globules rouges d'une autre espèce. Le sérum du chien détruit les globules rouges de cobaye ou de lapin, en deux ou trois minutes. N'est-ce pas là un exemple saisissant, connu depuis longtemps, de l'influence directe des humeurs sur les cellules? Cette adaptation étroite entre le globule rouge et le milieu où il vit, qui constitue un des caractères physiologiques de l'espèce, vient-elle à être troublée, qu'immédiatement on voit le nombre des globules augmenter ou diminuer. Inutile d'in- sister sur l'importance théorique et pratique de cette notion, qui a suscité de nombreux travaux. Pour le moment, il suffit d'établir que le sérum est plus ou moins bactéricide, suivant l'animal qui le fournit et le microbe employé. Cette action dé- favorable du sérum sur les microbes se manifeste par trois signes, qui ne représentent peut-être que des phases plus ou moins avancées de la bacté- riolyse : ce sont l'immobilisation, l’'amoncellement ou l’agglutination, et enfin la transformation en granules, qui précède la dissolution complète. Ces différents phénomènes s'accentuent considérable- ment si, au lieu de sérum normal, on emploie le sérum des vaccinés. Depuis que Charrin et Roger ont attiré l'attention sur l'aspect particulier des cultures du B. pyocyanique en sérum d'animaux immunisés, de nombreux travaux ont surgi sur la propriété agglomérante ou agglutinante de ces sérums. Metschnikoff, Bordet, Grüber et Durham, Peiffer, Vidal, Arloing, P.Courmont, Nicolas, pour ne citer que les principaux, ont considérablement augmenté nos connaissances à cet égard. On sait quelle importance a prise subitement ce phénomène de l’agglutination, après les travaux de F. Vidal. Cet auteur a vu que le sérum acquiert la propriété agglutinante dès la période d'infection, et, en ap- pliquant cette donnée à la clinique, il à reconnu que,chezles typhiques, le sang ou le sérum mélangé, à dose minime, à une culture de bacille d'Eberth, provoque une agglutination microbe. De par cette observation, la méthode du spécifique de ce séro-diagnostic franchissait le seuil du laboratoire pour s'installer au lit du malade. P. Courmont l'a utilement complétée par l'adjonction du séro-pro- nostic. Ce n'est pas là un des moindres résultats de ces travaux arides, généralement plus fertiles en déceptions qu'en découvertes. Aussi, par contre- 810 €. PHISALIX — ESSAI SUR LE MÉCANISME DES PHÉNOMÈNES EN SÉROTHÉRAPIE : coup, le laboratoire a-t-il obtenu un regain de faveur, ce qui, par ces temps d’utilitarisme, n’est pas à dédaigner. Retournons donc à nos micro- scopes et cherchons à pénétrer plus loin dans l'intimité des phénomènes. L'action bactéricide d'un sérum n'est pas tou- jours facile à constater à l'œil nu : un microbe ensemencé dans le sérum d’un animal immunisé peut donner une culture abondante. Il ne faudrait pas en conclure que ce sérum est inoffensif. L'as- pect ordinaire des cultures, la forme du microbe peuvent conserver leur apparence normale, alors que la virulence est déjà sensiblement atténuée. Comme l'a constaté M. Chauveau pour le Strepto- coceus puerperalis, la propriété ne dépend pas nécessairement de la forme dans le monde des bac- Les fonctions de nutrition d'un microbe sont fréquemment troublées sans que cela reten- tisse d'une manière apparente sur sa structure, sur sa vitalité. N'en est-il pas de mème chez les êtres plus élevés en organisation? Combien de maladies restent inaperçues et même insoupçonnées au début, alors que, malgré un trouble profond de la nutrition, le facies général n'est pas encore sensi- blement altéré? Dans ces cas, le médecin met au léries. service de sa perspicacité les moyens d'investi- gation les plus perfectionnés. Il arrive toutefois que des symptômes très apparents, la coloration de la peau, par exemple, lui servent immédiate- ment de guide pour établir son diagnostic. Parmi les microbes, quelques-uns trahissent aussi, par des changements de coloration, l'état de leur santé générale. Gette particularité a permis à M. Charrin d'enrichir la Pathologie générale d'une foule de notions nouvelles. Le bacille pyocyanique, dont la biologie nous est maintenant si familière, perd ses fonctions chromogènes dans un grand nombre de circonstances, et en particulier quand on le cultive dans le sérum d'animaux vaccinés. Sur les bactéries non chromogènes, l'action du sérum se traduit souvent par une atténuation de virulence, que le développement abondant de la culture n'aurait pu faire prévoir. M. Metschnikoff a vu que la bactéridie charbonneuse s’atténue dans le sérum des moutons réfractaires. Le strepto- coque de l'érysipèle, comme l'ont montré Charrin et Roger, se cultive avec la plus grande facilité dans le sérum des animaux vacecinés, mais il y perd à peu près complétement sa virulence. Dans d'autres cas, diphtérie, fièvre typhoïde, en même temps qu'il s'atténue, le microbe se laisse agglutiner par le sérum (J. Nicolas, P. Courmont). Entre toutes ces modifications imprimées aux microbes, il est possible qu'il existe des relations étroites, mais, pour le moment, les savants sont encore loin de s'entendre sur le mécanisme de ces CES phénomènes. Pour ne parler que de l'agglutination, plusieurs théories ont été émises pour l'expliquer. Grüber l’attribuait au gonflement de la cuticule et H à un état visqueux qui ferait adhérer les microbes les uns aux autres. De fait, Roger à mis en évi-# dence ce gonflement sur l'Oidiwm albicans impres- sionné par le sérum des animaux vaccinés contre ce parasite. | * L'observation importante de Kraus, à savoir que” le choléra-sérum détermine un précipité spécifique dans une culture filtrée et limpide du vibrion cholérique, a montré que le phénomène était plus complexe et a fait surgir de nouvelles explications. Bordet fait intervenir dans l'une des phases de l'agglutination le principe des attractions molécu- laires, auquel M. Duclaux fait jouer un rôle con-. sidérable dans la coagulation. — Nous n'entrerons pas dans le détail de toutes ces théories et nous renverrons au Mémoire de cet auteur. Le fait capital à retenir, c'est que le choléra-sérum agglutine les vibrions, supprime leur mobilité et favorise l'influence altérante de la matière globü- licide que l’on trouve dans le sérum des animaux neufs. C'est à cette matière, véritable diastase dis- solvante, qu'il faut attribuer le gonflement de la cuticule, première phase de la bactériolyse. Jai constaté ce phénomène sur la bactéridie charbon- neuse, que, jusqu'à présent, on n'a pas vu s'agglu- liner par le sérum des vaccinés. En 1892, inoculant à des souris la bactéridie rendue asporogène et atténuée par la chaleur, j'ai constaté que cette bactéridie était très rare dans le sang des animaux morts; qu'elle était localisée dans de petits coagulums; qu'elle subissait une allération caractéristique, consistant dans un gon- flement énorme de la gaine, qui présente quelque- fois des renflements successifs. Les articles proto- plasmiques sont aussi modifiés; plusieurs ne prennent plus la matière colorante et ont le même aspect que la gaine. Depuis, j'ai de nouveau ob- servé les mêmes phénomènes en cultivant la bacté- ridie dans le sérum de mouton vacciné et dans le sérum de chien, Si l'on ensemence, dans du sérum de chien récemment préparé, une goutte de culture charbonneuse âgée de quinze à vingt heures, il se produit un trouble léger ou de tout petits flocons cotonneux, puis les microbes tombent au fond et le liquide s’éclaireil; il se trouble très facilement par agitation. Si l'on fait tomber une goutte de cette pre- mière culture dans un nouveau tube de sérum de chien, elle ne se mélange pas au liquide, elle se met en petits grumeaux qui flottent : c'est une véritable agglutination. L'examen microscopique donne à ce moment des renseignements intéres- sants. Sur une préparation fraiche, les bacilles et les filaments sont d'une teinte pàle, comme gon-. C. PHISALIX — ESSAI SUR LE MÉCANISME DES PHÉNOMÈNES EN SÉROTHÉRAPIE 811 flés, avec des renflements fusiformes ou sphériques de distance en distance. Après coloration au violet de gentiane, cet aspect est encore plus nel : ces formes monstrueuses, dites d'involution, se dis- tinguent immédiatement; en laissant la prépara- tion se décolorer, on voit au centre le bàtonnet segmenté, plus ou moins granuleux, encore forte- ment teinté, tandis que l'enveloppe avec ses ren- flements est d'un violet pàle. Sur des préparations sèches colorées à la thio- nine, le bâtonnet est bleu, tandis que la gaine est d'un rouge clair. Il n’y a pas à en douter, le sérum de chien exerce Sur les bacilles charbonneux une action défavo- rable qui en détruit un certain nombre, mais qui, dans les conditions de culture in vitro, ne persiste pas très longtemps. Il est probable que dans l’or- ganisme le pouvoir bactéricide est plus accentué. Jai essayé de m'en convaincre par l'expérience Suivante. Le 15 février 4893, j'introduis, dans un segment isolé entre deux ligatures de la veine fé- 2 » T0 de cen- timètre cube de culture charbonneuse très virulente âgée de six heures. Le 16 février, je fais la même opération sur la veine fémorale droite. L'orifice de la piqûre de la canule a été fermé par une troi- sième ligature. Le 17 février, j'enlève ces deux seg- ments veineux longs de 1 cent.1/2, et j'en inoculele contenu à deux cobayes: Aucun de ces deux ani- maux n'a contracté le charbon; la bactéridie a donc été, sinon totalement détruite, du moins très atténuée par le contact du sang veineux. A la vérité, cette expérience ne nous renseigne pas sur ce qui se passe dans le sang en circulation. Mais, en admettant que le pouvoir bactéricide du sang de chien ne soit pas plus élevé que l'indiquent les expériences in vitro, peut-on en conclure que les humeurs ne jouent aucun rôle dans l’immunité de cet animal ? Il suffit de se reporter à l'expérience de Bordet, citée plus haut, pour prévoir que ce qui a lieu dans un verre de montre peut aussi se faire Sous la peau du chien. Ici, la substance préven- tive serait sécrétée par les bacilles charbonneux, comme elle l'est par les vibrions cholériques, et elle se combinerait avec un principe particulier de l'exsudat sous-cutané pour constituer la substance bactéricide spécifique, et le milieu serait bientôt rendu impropre à toute végétation du microbe. Il est admissible, du reste, que,suivantla composition chimique des humeurs de l'animal, la bactéridie fabrique des produits variés qui favorisent ou en- travent son développement, puisque c'est exacte- ment ce qui arrive dans nos bouillons de culture. Chez le lapin, malgré le grand pouvoir bactéri- cide du sérum, le bacille charbonneux se développe morale gauche d'un chien de 30 kilos | rapidement et occasionne la mort : le microbe trouve donc, dans les tissus de cet animal, une substance favorable à sa multiplication, substance plus abon- dante que l'antagoniste. Celle-ci finit par exercer seule son action, si l'on empêche la mort de l'ani- mal, en-enfermant le bacille dans un sac de collo- dion. Au bout de vingt-sept jours, d'après Sana- relli, le contenu du sac n'est plus virulent et les filaments sont asporogènes et complètement morts. On conçoit, dès lors, qu'il n'existe pas nécessaire- ment un parallélisme absolu entre l'immunité plus ou moins grande d'un animal pour un microbe et les propriétés bactéricides de son sérum. Le pro- blème est d'autant plus complexe que nos connais- sances chimiques sur la composition des humeurs et sur le mode de nutrition des microbes sont moins étendues. Ainsi donc, il paraît bien établi qu'il existe, dans le sérum normal, des substances impropres à la vie des microbes comme à celle des globules d'une autre espèce; que l'effet de ces substances peut être augmenté (animaux réfractaires) ou annihilé (ani- maux sensibles) par l'intervention de substances favorisantes ou antagonistes. À côté de ces substances du sang qui agissent directement sur le microbe, il en est d'autres qui, sans l’influencer, ont la propriété de faire naître dans l'organisme un état de résistance à l'infection qui se traduit par l'accroissement du pouvoir bac- téricide. C'est, du moins, ce qui a lieu pour quelques sérums vis-à-vis de certains microbes. Pfeiffer a observé, en effet, que le sérum de cheval confère aux cobayes une immunité contre le vibrion cholérique ; Bordet l'a également constaté; il a vu, en outre, qu'une injection sous-culanée de 3 c. c. de sérum de cheval augmente assez notablement le pouvoir bactéricide du sérum de cobaye. Les sub- stances préventive et bactéricide existent donc dans le sang normal comme dans le sang des vaccinés. N'y aurait-il entre l'état normal et l'état vaccinal qu'une différence de degré? C'est là une question que nous discuterons plus tard, quand nous aurons étudié l'action des sérums antitoxiques. IT Par opposition au sérum anticholérique qui, suivant le mode de préparation, agit contre le microbe ou contre la toxine, nous allons étudier maintenant un sérum pour ainsi dire dépourvu de propriétés microbicides, mais qui possède au plus haut degré le pouvoir de neutraliser la toxine. C'est le sérum antitétanique. Dans le sérum fourni par les animaux vaccinés, le bacille du tétanos se cultive parfaitement et élabore un poison d'une grande activité. Est-ce à dire que le microbe puisse 812 C. PHISALIX — ESSAI SUR LE MÉCANISME DES PHÉNOMÈNES EN SÉROTHÉRAPIE pulluler dans l'organisme des animaux immunisés? Évidemment non. Les spores déposées sous la peau y sont englobées par les phagocytes. Mais, quoique ce mécanisme, bien étudié par Vaillard, soit la cause principale de préservation de l'organisme, il ne faudrait pas en conclure que les humeurs n'exercent aucune influence sur le microbe. En effet, si, à l'exemple de Vaillard, on enferme les bacilles du tétanos dans des sacs de collodion, à l'abri des leucocytes, et qu'on les laisse séjourner six à sept jours sous la peau des cobayes réfrac- taires, on constate alors qu'ils ont été sensible- ment afflaiblis dans leur vitalité; réensemencés dans du bouillon ordinaire, ils semblent végéter comme à l'ordinaire, mais ils restent asporogènes, et cette modification morphologique se transmet héréditairement. Ce fait, rapproché de celui de Sanarelli relatif à la dégénérescence du bacille charbonneux sous l'influence prolongée des hu- meurs ‘du lapin, montre que c'est bien là le pre- mier degré d'une action bactéricide. De leur côté, J. Courmont et Jullien ont mis en évidence les pro- priétés agglutinantes du sérum antitétanique. Mais, ce qui caractérise surtout le sérum des animaux immunisés, cest son pouvoir antitoxique. Pour mieux comprendre la manière dont les substances antitoxiques apparaissent dans le sang, il est indis- pensable d'analyser les propriétés physiologiques de la toxine et les conditions qui les modifient. Parmi ces propriétés, il en est une qui constitue un des chapitres les plus intéressants de l'histoire physiologique du tétanos, chapitre qui a été ouvert en 1893 par les travaux de Courmont et Doyon. La toxine tétanique n'agit pas immédiatement, comme la strychnine par exemple. Quelle que soit la dose, quelle que soit la voie d'introduction dans l'orga- nisme, il y a toujours une période silencieuse, dite d'incubation, pendant laquelle la méthode gra- phique ne décèle aucun des troubles de la circula- lion ou de la respiration si caractéristiques du tétanos confirmé. Pendant cette période, l'orga- uisme est le siège de réactions chimiques qui se traduisent par une plus grande activité des échanges gazeux, par des troubles de la thermogénèse enre- gistrés par d’Arsonval et Charrin. Ce travail chi- mique intérieur semble avoir pour résultat la des- truction de la toxine. Chez les animaux sensibles, la toxine disparait plus ou moins rapidement du corps suivant l'espèce. Chez le lapin, d'après A. Marie, on n'en retrouve plus dans aucun tissu dès la seconde moité de l'incubation. Comme cette toxine s'élimine peu ou pas par les urines, il est vraisemblable qu'elle se modifie; dans cette hypothèse, les accidents tétaniques résulteraient, par voie directe ou indirecte, de la formation d'un corps nouveau, quelle que soit du reste Ja théorie 74 adoptée pour la genèse de ce corps. La nécessité d'une température élevée pour produire ces phéno théorie chimique. On peut done dire qu'à la suite de l'injection de toxine tétanique, il se produit dans l'organisme une réaction toxique. C'est là une notion nouvelles Jusqu'ici, nous ne connaissions que la réaction vac cinante ou anlitoxique provoquée dans l'organisme par les vaccins, et sur laquelle M. Bouchard a, le premier, attiré l'attention. Cette réaction vacci nante est aussi provoquée par les cultures filtrées du bacille tétanique, mais le plus souvent elle es annihilée par la réaction toxique. Pour la mettre en évidence, il faut supprimer les substances toxiques de ces cultures par le chauffage, par le mélange” avec l'iode ou avec l'extrait de thymus. La coexis-« tence, dans le bouillon tétanique, de poison et des vaccin à effets antagonistes n'est pas une hypo= thèse gratuite : les expériences de Metschnikoff sur les crocodiles en fournissent une preuve indirecte: C'est ainsi qu'on peut inoculer à un caïman de 5 kilogs, sans provoquer le moindre trouble, unes dose de toxine suffisante pour donner le tétanos à 600.000 souris. La réaction toxique télanisantes ne se produit pas dans l'organisme du caïman. Si l'on accepte l'hypothèse chimique de cette réaction, il faut admettre que, dans les tissus de ce reptile, la substance nécessaire pour produire la combinaison ou le dédoublement de la toxine fait complètement défaut, puisque cette toxine reste inaltérée dans les sang. Il n’en est pas de même de la réaction vacci- nante. Si l'animal a été placé à une température de 32 à 37°, il produit déjà de l’antitoxine au bout de vingt-quatre heures. Huit jours après l'injection, le sang du caïman est antitoxique à la dose infinité- simale de 0 e.c.0005. Il existe donc, dans le sang et" les tissus du caïman, une substance capable dem devenir une antitoxine sous l'influence des matières vaccinantes. Chez les tortues, de même que chez les scorpions, on peut inoculer de grandes quantités de poison tétanique sans qu'il se pro- duise aucune réaction toxique ou antitoxique; OnM le retrouve tel quel dans leurs tissus, souvent au bout de plusieurs mois. De tous ces faits, il ressort que l’antitoxine ne dérive pas de la toxine, que les phénomènes de l'empoisonnement et de la vaccina- tion tétanique sont indépendants et provoqués chacun par une substance distincte qui, pour agir, a besoin du concours d'une autre substance sécrétée par l'organisme. Et c'est précisément à cause de cette intervention nécessaire que la Pathologie comparée peut jeter une vive lumière sur certains mécanismes des phénomènes de l'im= munité. Les différences si considérables dans la composition des humeurs suivant les espèces, le , # RNA BAR AQU À 1% C. PHISALIX — ESSAI SUR LE MÉCANISME DES PHÉNOMÈNES EN SÉROTHÉRAPIE 813 genre, la fanille, lembranchement, différences que Ja Chimie est souvent impuissante à déceler, mais que les microbes et leurs toxines révèlent, sont pour nous un précieux moyen d'analyse. Elles nous permettent de réunir dans une vue d'ensemble des faits jusqu'ici épars et peu compréhensibles. La résistance plus ou moins considérable des animaux à la toxine télanique s'explique aisément dans Phypothèse de deux principes actifs qui s'unissent, Pun à la toxine pour former le poison spécifique, autre au vaccin pour produire le contre-poison. Suivant que l’un ou l’autre de ces principes domine, t'est la réaction toxique ou la réaction vaccinante qui l'emporte. Ainsi, le principe tétanigène fait défaut chez certains Insectes, chez des Hirudinées, chez des Poissons, des Reptiles; d'où limmunité naturelle de ces animaux pour la toxine tétanique, Le principe antilélanigène, qui commence à appa- raitre très développé chez le caïman, comme nous Vavons vu plus haut, existe aussi en grande quan- tité chez la poule ; mais, chez cet oiseau, le principe fétanigène, quoique faiblement développé, mani- “este son activité si, comme l'ont vu J. Courmont ét Doyon, on lui injecte une dose suffisante de cul- “ture filtrée. Si l'on reste un peu au-dessous de la dose mortelle, c'est la réaction antitétanigène qui seule a lieu: l'oiseau est dès lors vacciné, son sang est antitoxique, alors quil ne l'était pas avant linoculation. Si donc la poule offre un certain “degré d’immunité vis-à-vis de la toxine tétanique, c'est que la substance antitétanigène, plus abon- dante que la tétanigène, se modifierait facilement au contact des matières vaccinantes, pour former Jantitoxine spécifique. Celle-ci ne préexiste pas dans l'organisme, mais ce qui préexiste, et cela en plus grande abondance que chez les animaux sen- Sibles, c'est le principe actif nécessaire à sa pro- duction. L'absence d'une antitoxine préformée dans le Sang des animaux réfractaires, tout au moins en ce qui concerne la toxine létanique, ne saurait être invoquée d'une manière générale contre la théorie humorale de l'immunité. Une telle déduction serait en désaccord avec d'autres faits positifs, d'après lesquels le sérum d'animaux réfractaires est mani- festement antitoxique, et il faudrait admettre que, dans ces derniers cas, il y a simple coïncidence. Avant d'en arriver à cette conclusion, il semble plus logique d'étudier la composition des anti- toxines, leur mode de formation, et d'examiner si, . comme cela à lieu pour d'autres corps, la pepsine par exemple, il n'existerait pas, chez certains ani- maux réfractaires, une sorte de proantitoxine susceptible de se transformer très rapidement en antitoxine sous l'influence de quelques substances Spécifiques. Dans le cas où les deux principes pro- antitoxine et vaccin spécifique se lrouveraient réunis dans le même organisme, l’antitoxine se formerail d’une manière continue, et alors, tout naturellement, on la trouverait dans le sang. C'est ce que l’on peut observer chez certains animaux venimeux, comme la vipère. D'après les vues précédentes, le processus de l'immunité est beaucoup plus complexe qu'avait pu le faire concevoir au début la découverte de Ja Sérothérapie; les phases en sont multiples, et tant qu'une de ces phases nous sera cachée, il sera impossible d'embrasser le problème dans son ensemble. {1 faut donc se garder des généralisa- tions trop hâtives. Une hypothèse qui ne s'accorde pas avec l’ensemble des faits ne saurait être érigée en loi; toutefois, elle n'est pas annihilée parce que des observations négatives semblent en diminuer la valeur. Il suffit souvent d'élargir le cadre des conceptions qu'elle inspire pour lui donner une nouvelle vigueur. Un vaste champ est ainsi ouvert à la recherche, jusqu'à ce que de nouveaux faits viennent à leur tour susciter de nouvelles interpré- tations. C'est ainsi que, d'étape en étape, la science se constitue par jalons successifs. TITI Au point de vue de la Physiologie générale, il existe entre les cellules microbiennes et les cellules des tissus animaux de réelles analogies. Dans ses grandes lignes, le processus de la nutrition est le même, et, dans le mélange complexe des produits de désassimilation qui s'éliminent par les émonc- toires des animaux, il en est dont les propriétés physiologiques ressemblent beaucoup à celles des sécrétions microbiennes. Chez un grand nombre d'animaux, certains organes se sont spécialement adaptés à la sécrétion et à l'élimination de ces substances, qui deviennent alors des moyens de conservation de l'espèce. C'est le cas des animaux venimeux, dont les glandes spécifiques servent tantôt pour l'attaque, tantôt pour la défense. Le liquide sécrété par ces glandes, le venin, varie avec l'espèce qui le fournit, comme les toxines micro- biennes avec les microbes producteurs, mais il possède les mêmes propriétés générales que ces toxines. Ces propriétés ont été l’objet d'un grand nombre de travaux déjà exposés dans cette Revue !. Aujourd'hui; nous n'aborderons que le côté relatif au sérum des animaux immunisés et des animaux naturellement réfractaires. De même que la toxine tétanique, le venin des serpents, atténué par la chaleur ou mélangé avec un agent chimique, comme l’hypochlorite de chaux, ! Revue générale des Sciences, 29 Février 1896. 814 C. PHISALIX — ESSAI SUR LE MÉCANISME DES PHÉNOMÈNES EN SÉROTHÉRAPIE détermine chez les animaux auxquels on l'inocule une réaction vaccinante, due à une substance parti- culière, l'échidno-vaccin, que l’on peut séparer par la filtration ou la dialyse. Les phénomènes d'in- toxication, qu'il provoque quand il n’a pas été atté- nué, apparaissent plus ou moins rapidement sui- vant les doses et le mode d’inoculation. Introduit par la veine marginale de l'oreille du lapin, le venin de vipère amène rapidement la mort de l'animal par coagulation intra-vasculaire géné- ralisée. Il est probable que les agents de cette coa- gulation ne sont pas les mêmes que ceux dont l'activité se manifeste sur les centres nerveux, par- ticulièrementsurle centre respiratoire. Pour ceux-ci, il y a peut-être une période d'incubation, mais, en tout cas, on la raccourcit considérablement en aug- mentant les doses, et elle n'est pas comparable à celle qui, dans le tétanos, aboutit à laréaction toæique dont nous avons parlé plus haut. Quant à la réaction vacci- nante, elle est très accentuée et elle se traduit, comme pour le tétanos, par la formation dans le sang de substances antitoxiques. Le sérum des ani- maux immunisés contre le venin des serpents peut neutraliser, chez des animaux neufs, des quantités plus ou moins considérables de venin, suivant le degré auquel a été poussée l’immunisation. Si celle-ci à été très faible, le sérum peut n'être pas antitoxique, tandis qu'au contraire ses propriétés préventives sont déjà très accusées. Si l'on aug- mente le nombre des inoculations vaccinales, le sérum devient de plus en plus antitoxique, mais son pouvoir préventif se développe parallèlement et est toujours le plus accentué, de telle sorte qu'a- vec de faibles doses de sérum antivenimeux on peut, par inoculation préventive, conférer à un animal une forte immunité contre le venin, alors qu'avec la même dose l'action antitoxique est nulle. Cela montre que, dans l'organisme, les pro- cessus physiologiques qui aboutissent à la forma- tion du sérum uniquement préventif, d'une part, du sérum à la fois préventif et antitoxique, d'autre part, se développent d’une manière inégale et suc- cessive. Ces deux élapes, dans la formation du sérum an- tivenimeux, in vivo, se retrouvent dans la destruc- tion lente, sous l'influence du temps, de ce même sérum conservé ?n vitro. En effet, le sérum antive- nimeux, gardé à l'obscurité, dans les meilleures conditions, perd peu à peu son pouvoir antitoxi- que, tout en conservant la plus grande partie de ses propriétés préventives. En admettant que ces deux propriétés sont dues à des substances distinc- tes, la substance préventive est donc beaucoup plus abondante et plus stable que la substance antitoxique. L'apparition de la première précède toujours celle de la seconde; elle peut exister seule cs chez les animaux faiblement vaccinés: elle cor respond au premier degré de la vaccination. Aussi on est en droit de se demander si la substance antitoxique ne proviendrait pas d'une transformas tion de la première, qui jouerait alors le rôle d'unén véritable proantitoxine. Celte théorie, inspirée pal celle des proferments, à cet avantage qu'elle pers met de coordonner et de rendre plus compréhensi= bles certains faits en apparence discordants. La vipère, la couleuvre, le hérisson, l'anguillé possèdent vis-à-vis du venin de vipère une immu nité plus ou moins grande. Or, chez lous ces ani maux, le sérum est doué de propriétés préventives très accusées à peu près équivalentes, tandis qu'a contraire la propriété antiloxique varie considés rablement avec l'espèce. Très accentuée chez la vipère et la couleuvre, elle l’est beaucoup moins qu'au contraire, il est très abondant chez la vipère et la couleuvre. Nous savons, en effet, de façon cer taine, que les principes du venin qui se fabriquent dans la glande spécifique pénètrent dans la cireus lation par le mécanisme de la sécrétion interne. Et dès lors, l'échidno-vacein, qui est un des éléments de cette sécrétion, peut agir constamment sur I substance préventive du sang pour la transformer en antivenin. Le mécanisme par lequel les animaux, venimeux deviennent si résistants à leur propre venin est done très analogue à celui qui se produite dans l'immunisation des animaux sensibles : il cons siste en une vérilable auto-vaccination. Quelle quen soit la valeur de cette théorie, elle aura eu ce mérite” de provoquer la découverte de faits nouveaux dont l'existence des glandes à venin chez la couleuvre ne constitue pas le moins important. Rappelons en. deux mots cette question de la couleuvre. On savait depuis Fontana que ce reptile était très résistant au venin de la vipère. En cherchant la cause de cette immunité, nous avons constalé, Bertrand eb moi, que le sang de la couleuvre est toxique, à peu près au même degré et de la même manière que celui de la vipère. Si, d'après notre hypothèses de la sécrétion interne des glandes venimeuses, le sang devait cette toxicité à des principes actifs du venin, on devait trouver chez la couleuvre des« glandes venimeuses. Et c'est précisément ce que l'expérience a vérifié. É Il y a évidemment des différences entre le venin de vipère el de couleuvre, en ce qui concerne la | sécrétion externe, différences qui portent surtoub sur les proportions relatives des principes actifs; €. PHISALIX — ESSAI SUR LE MÉCANISME DES PHÉNOMÈNES EN SÉROTHÉRAPIE 815 mais au point de vue de la sécrétion interne, on ne saurait faire de distinction. Chez ces deux reptiles, le sang possède les mêmes propriétés immuni- gantes et antitoxiques contre le venin, parce que les produits de la sécrétion interne de la glande venimeuse, en particulier l'échidno-vaccin, y agis- Sent de la même manière pour la formation de Pantitoxine. Faut-il en conclure que la présence de glandes venimeuses soit indispensable à la genèse de cette antitoxine? L'exemple du hérisson est là pour montrer le contraire. Ce qui se passe chez cet animal, où le sérum est antitoxique sans aucune intervention d'une substance venimeuse, suggère J'idée que l’antitoxine pourrait bien être un produit normal de l'organisme, plus ou moins abondant Selon l'espèce, et dont la formation ou la puissance ‘serait favorisée par des influences diverses. Cette antitoxine existe, quoique en très faible quantité, dans les sérums de cheval et de cobaye. Elle est beaucoup plus abondante dans le sérum de chien qui, mélangé au venin, dans certaines conditions, peut non seulement retarder, mais empêcher la mort par le venin. Parmi les excitants qui mettent en jeu cette fonc- lion antitoxique rudimentaire, il faut placer en première ligne l’'échidno-vaccin; mais il y a beau- coup d’autres substances qui, à des degrés divers, sont capables de produire le même résultat. Ce sont tout d’abord les produits de l'organisme lui-même. C'est ainsi que le sérum de chien, de grenouille, inoculés au cobaye, le vaccinent contre le venin. On pourrait attribuer cette propriété à l’action spé- -cifique de substances particulières au sang de chien, de grenouille; mais il n’en est rien, car on obtient absolument le même résultat en inoculant du sérum de cobaye sous la peau d’un autre cobaye. C’est un fait bien curieux que le sérum d’un animal sensible au venin puisse provoquer chez un autre individu de la même espèce une réaction vaccinale si caractérisée. On dirait que, pour mettre en jeu cette fonction antiloxique, les tissus et les organes qui en forment pour ainsi dire le substratum, sont les meilleurs stimulants. Car, indépendamment du sérum, certains organes possèdent, à un haut degré, la propriété vaccinante. Ce sont le pancréas, le corps thyroïde, le thymus, les capsules surrénales. La sécrétion biliaire a aussi le pouvoir non seu- lement de vacciner contre le venin, mais encore de le détruire, Au premier abord, il parait étonnant que des éléments aussi divers puissent produire chez un animal les mêmes réactions défensives contre le venin. Et il y a lieu de se demander si ce résultat est dû à une substance identique com- mune à ces différents corps ou, au contraire, à des substances différentes. La question n’était pas facile | à résoudre en ce qui concerne les organes, mais la bile, dont on connaît les principes actifs, se prétait mieux à l'analyse. Voici, à cet égard, ce que dit l'expérience : les sels biliaires, glycocholate et tau- rocholate de soude, de même que la bile entière, sont en même (emps des vaccins et des antidotes chimiques, mais ils n’agissent pas comme antidotes physiologiques, comme antitoxiques. La choles- elle, agit comme antitoxique. Ces premiers faits établis, il était rationnel de penser que d'autres principes chimiquement défi- nis pourraient remplir le rôle de vaccins. Et c’est, térine, également comme vaccin et en effet, ce qui a lieu pour la tyrosine que l'on trouve en abondance dans les tubercules de dablia, dans les champignons. Il est à remarquer que ces végétaux sont aussi doués de propriétés vaccinales. D'après ce qui précède, il est évident que la vac- cination contre le venin ne dépend pas exclusi- vement des principes mêmes du venin, mais qu'elle peut ètre provoquée par des substances définies n'ayant rien de commun avec ce venin, et que, pour cette raison, on peut désigner sous le nom de vaccins chimiques. Du moment où les corps susceptibles de vacciner sont aussi différents dans leur essence, il y a lieu de rechercher si le produit de cette vaccination ne varierait pas comme les vaccins producteurs, en un mot si l’antitoxine venimeuse est une et toujours identique à elle-même, ou si, au contraire, il y à plusieurs antitoxines. Cette dernière hypothèse parait plus vraisemblable, si l'on se rappelle que le sérum des animaux vaccinés contre la rage ou le tétanos est antitoxique contre le venin de cobra (Roux, Calmette). Mais, dans l'ignorance où nous sommes des principes actifs auxquels les sérums doivent leur antitoxicité, il serait difficile d'affir- mer que les substances auxquelles les sérums anti- tétaniques et antirabiques doivent leur propriété antivenimeuse diffèrent de celles du sérum anti- venimeux proprement dit. Aussi la constatation de propriétés antitoxiques dans un corps défini comme la cholestérine devait-elle donner plus de corps à cette hypothèse. Nous admettrons donc pour l'ins- tant que, pour un même venin ou une même toxine, l'organisme, sous l'influence de vaccins différents, peut produire des antitoxines différentes par leur nature et leur puissance. Dans ce cas, le vaccin spécifique contre une toxine serait celui qui engen- drerait les antitoxines les plus puissantes à com- battre les effets de cette toxine. IV Après avoir passé en revue les principales pro- priétés des sérums thérapeutiques, il nous reste à 816 C. PHISALIX — ESSAI SUR LE MÉCANISME DES PHÉNOMÈNES EN SÉROTHÉRAPIE savoir comment ils agissent et comment ils se forment. L'action protectrice des sérums s'exerce de deux manières : ils empêchent le développement de la cellule microbienne, en latténuant ou en la détruisant, ils sont alors bactéricides; ou bien ils se fixent sur les tissus, se combinent avec les cel- lules de l'organisme de telle sorte que celles-ci sont rendues insensibles à l'action des toxines; en un mot, ils sont antitoxiques. On avait cru tout d'abord que ces derniers sérums se comportaient comme des antidotes chimiques en détruisant les toxines ; il a été démontré que le mécanisme était d'ordre physiologique (Roux, Phisalix et Bertrand). Toutefois, il est possible que certains sérums agis- sent comme antidotes-himiques et on peut, au moins provisoirement, conserver le cadre des sé- rums antidotiques. La propriété bactéricide ne se traduit pas tou- jours et nécessairement par la destruction complète des microbes; elle est plus ou moins active suivant les conditions de son développement; et les diffé- rents phénomènes observés jusqu'ici, atténuation de virulence, perte des fonctions chromogène et sporogène, gonflement de la cuticule, fragmenta- tion du protoplasma ne paraissent être que des degrés successifs d’une même influence chimique, qui aboutit à la dissolution de l'élément bactérien, à la bactériolyse. À quelle substance du sérum faut-il attribuer cette action microbicide? Pour nous en faire une idée, remontons à l'origine des théories de la vaccination microbienne. A la théorie pastorienne de l'épuisement nutritif des milieux organiques par le microbe, M. Chauveau a substitué celle de l'imprégnation de ce milieu par les pro- duits solubles de ce microbe, produits qui rendent les tissus impropres à une nouvelle culture, qui les stérilisent. Il se passerait dans l'organisme direc- tement ou indirectement ce que l'on constate dans les milieux de culture où, malgré la présence d'élé- ments nutritifs suffisants, le développement des bactéries s'arrête par suile de l'accumulation de substances nuisibles. La démonstration de ce fait a élé donnée par M. Bouchard pour le bacille pyo- cyanique. Les matières empêchantes sécrétées par ce bacille exercent aussi une action défavorable sur la pulullation de la bactéridie charbonneuse. Elles sont de nature protéique. Charrin et Guignard ont repris ces études et ont montré la multiplicité de ces substances nuisibles. Parmi les recherches faites dans cette direction, le récent travail de R. Emmerich et O. Loïs mérite d'être signalé. Ces auteurs auraient réussi à isoler des cultures du bacille pyocyanique une diastase d'une activité bactéricide considérable. Un centi- mètre cube d'une solution de zymase pyocyanique dissout dans l'espace de douze à vingt-quatre heures des millions de bacilles typhiques ou diphtériques, ou de vibrions cholériques. Elle dissout égalèmen les bacilles pesteux. Injectée à un animal rendu charbonneux, elle le guérit facilement et sûrement dans l’espace de trente heures. D'après ces mêmes auteurs, le principe actif des sérums immunisants ne serait autre chose qu'une combinaison de la zymase spécifique avec une substance albuminoïde d'origine animale, et le phénomène d'agglutination serait le premier stade de la dissolution des bactéries par la zymase. L'existence d’une zymase bactériolytique est aussi admise par Bordet qui, dans son dernie | | pliquer l'action des sérums bactéricides. 1 ÿ D'après Bordet, la matière bactéricide et globu licide, sorte de diastase dissolvante des vibrions où! | propriétés spéciales des sérums des vaccinés exis=… tent en germe dans les sérums neufs. Cette théorie de l'organisme. Au premier abord, il ne parait pas facile de com parer le mécanisme d'activité des sérums microbi cides et des sérums antitoxiques. L'action des pre miers s'exerce sur des cellules libres; on peut e antitoxique sur les cellules : c’est quand ce sérum a pour fonction de protéger les divers éléments du destruction des globules blancs par le poison spé cial de ce microbe. Cette toxine, désignée sous IEM corps de la cellule n'est plus représenté que pan une mince membrane, contre laquelle est blotti le noyau ; enfin, le globule perd ses mouvements ami | boïdes et meurt. Le sérum des lapins vaccinés con= lient un contre-poison, l'antileurocidine; en effet, si} C. PHISALIX — ESSAI SUR LE MÉCANISME DES PHÉNOMÈNES EN SÉROTHÉRAPIE 817 au liquide riche en leucocidine, on ajoute un peu de sérum d'animaux vaccinés, les globules blancs restent inlacts et continuent à se mouvoir comme Slils se trouvaient dans un milieu tout à fait nor- mal. Par quel mécanisme sont-ils protégés? L'anti- leucocidine détruit-elle la leucocidine ou bien se fixe-t-elle sur le globule blanc pour le rendre insen- Sible au poison? C'est le même problème que pour Jes sérums antitoxiques, mais ici il n'y à pas, comme pour le sérum antivenimeux et le venin, de procédé qui permette de neutraliser laction de Jantileucocidine sans modifier en même temps la Jeucocidine. La question reste done en suspens. Camus et Gley ont essayé de la résoudre indirec- tement avec le sérum antiglobalicide des animaux vaccinés contre l'ichthyotoxique de Mosso ; d'après “es auteurs, le sérum détruirait chimiquement la toxine. Comme on le voit, il reste encore beaucoup d'in- connues à déterminer pour avoir une idée précise sur le mécanisme d'action des sérums thérapeu- “tiques. Sommes-nous plus avancés en ce qui con- cerne le lieu et le mode de formation des sub- -stances actives de ces sérums? C'est ce qu'il nous reste à examiner maintenant. Chez un animal qui résiste à une infection micro- bienne, les réactions défensives varient, du moins sous cerlains rapports, avec chaque espèce de microbe. C'est ainsi qu'en général, le sérum d'un racciné acquiert des propriétés bactéricides et agglutinantes pour l'espèce microbienne contre laquelle il est vacciné et pour celle-là seulement. D'autre part, on sait qu'à l'état normal, il existe dans le sang des substances bactéricides pour un grand nombre de microbes. On peut faire deux hypothèses pour expliquer ces faits : ou bien c’est une substance unique qui, dans le sang, serait - défavorable à toute espèce microbienne, ou bien la quantité et la différenciation des substances bacté- ricides seraient en rapport avec celles des groupes naturels de microbes. Dans le premier cas, la spé- cificité de la substance unique serait due à l'in- “fluence des corps vaccinants sécrétés par le microbe ; dans le second cas, les substances bacté- æicides du sérum seraient elles-mêmes spécifiques, £t dans ce cas, les vaccins, par une excitation spé- ciale, en augmenteraient la quantité ou en favori- seraient l'action. Cette dernière hypothèse n'a rien ‘’inyraisemblable. Les organismes les plus élevés en organisation peuvent être considérés comme des “colonies de cellules différenciées à l'infini, où chaque variété a conservé les principales pro- priétés de la cellule ancestrale. On conçoit dès lors que, par le jeu régulier de leur fonctionnement, ces cellules éliminent dans Je sang des produits de désassimilation impropres REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, à leur vie el, par conséquent, à celle des cellules analogues qui vivent à l'état libre. On concoit aussi que, parmi ces cellules, il y en ait dont les pro- duits soient favorables à la multiplication de telle ou telle espèce. Cette manière de voir trouve une confirmation dans les expériences de Roger. Cet auteur a montré que le foie joue un rôle protecteur puissant contre la bactéridie charbonneuse, tandis qu'au contraire, il offre au streptocoque un excellent milieu de cul- ture. Quant à ce dernier microbe, c'est le poumon qui le détruit. On sait aussi, d'après les expé- riences de J. Courmont, de L. Blumreich et M. Jacoby, sur les animaux splénotomisés, que la rate atténue ou empêche certaines infections pour en favoriser d’autres. Cette action des organes vis-à-vis des microbes peut s'exercer non seulement in situ, mais encore à distance, tant par leurs sécrétions internes que par leurs cellules mobilisées, qui vont porter leurs principes actifs là où cela est nécessaire. Ces cel- lules, dont les variations de forme et de fonction sont probablement en rapport avec leur origine, jouent un rôle considérable dans les modifications des liquides de l'organisme. Les phénomènes de coagulation, d'oxydation, pour ne citer que les mieux connus, sont en grande partie sous l'influence de ces organites. On peut les considérer comme des êtres unicellulaires libres dans le sang et dans la lymphe, où ils se meuvent, se nourrissent et meurent. De même que les cellules embryonnaires absorbent et digèrent les granulations vitellines, les leucocytes ont la propriété d'englober dans leur protoplasma et d'assimiler un grand nombre de particules solides en suspension dans le sang. C'est le phénomène de la phagocytose. À un moment donné de son cycle évolutif, le leucocyte se fixe dans les tissus, se désagrège pour servir d'aliment à d’autres cellules, ou bien s'élimine par les glandes et fait partie intégrante des sécrétions ; c'est ce qu'on pourrait appeler l'histolyse leucocytaire. Le premier de ces phénomènes a été brillamment étu- dié par Metschnikoff et ses élèves, qui ont montré le rôle important qu'il joue dans l'immunité contre les infections microbiennes; le deuxième a été mis en lumière par Ranvier, qui en fait un des actes les plus importants de la réparation des tissus. Evidemment lhistolyse leucocytaire met en liberté un grand nombre de principes actifs, sur- tout des ferments, mais il est probable que le leu- cocyte les sécrète déjà pendant sa vie active, à la manière d'une glande unicellulaire; il contribue donc comme d’autres glandes à modifier la compo- sition chimique des humeurs dont l'existence est fonction directe et nécessaire de la vie cellulaire. Vouloir faire une distinction entre les cellules et 21* S18 L. LINDET — L'ÉTAT ACTUEL DES ALCOOLS D'INDUSTRIE EN FRANCE les humeurs, serait ressusciter les discussions stériles des scholastiques au moment même où le problème soulevé par la lutte entre Pasteur et Liebig vient d'être résolu par la très importante découverte de Büchner. Revenons à la question de l'origine des sub- stances actives du sérum des animaux vaccinés. Si ces substances sont réellement dues à la mise en activité de certains organes ou de certaines cellules, elles doivent se reformer de toutes pièces dans le sang abondante. préci- sément ce que démontre l'expérience de Roux et Vaillard. Ces savants retirent, en très peu de temps, à un lapin vacciné contre le tétanos, un volume de sang égal au volume total de celui qui circule dans son corps, sans que le pouvoir antitoxique de son L'antitoxine se repro- duit donc au fur et à mesure qu'on la puise. Salo- monsen et Madsen ont vérifié le fait pour l'anti- toxine diphtérique. Ils ont vu également que la pilocarpine exerce une excitation sur les organes produeteurs de cette antitoxine. Quels sont ces organes ? Quelle est la compo- sition exacte du produit qu'ils sécrètent? Est-il identique à celui qui se trouve dans le sang? Autant ce après une saignée C'est sérum baisse sensiblement. L'ÉTAT DE LA CONSOMMATION DES ALCOOLS D'INDUSTRIE EN FRANCE On désigne d'ordinaire sous le nom d’alcools d'industrie ceux qui résultent de la transformation soit du sucre contenu dans les betteraves, les topi- nambours, les mélasses de betteraves, soit de l'amidon accumulé dans les tubercules des pommes de terre et les grains de céréales. Cette dénomination pourra évidemment s'éten- dre à d'autres alcools, dont la matière première serait un jour reconnue avantageuse à traiter indus- triellement, mais elle exclut les alcools qui pro- viennent de la distillation des boissons alcooliques, dites naturelles, telles que le vin et le cidre, des résidus de ces boissons, tels que les mares et les lies, et enfin des jus de fruits fermentés, tels que ceux de prunes, de merises, etc., et même des jus et mélasses fermentés de la canne à sucre (rhum, tafia, etc.). Cette distinction entre les alcools d'industrie et les alcools naturels est bien fragile; elle tire son origine d'un certain mépris dans lequel les hygié- nistes et les consommateurs après eux ont tenu les alcools, qui sont venus, au moment de la disette de questions qui ne peuvent pas encore recevoir de En ce qui concerne le dernier point, je serais porté à croire, d'après quelques expériences encore incomplètes, que l’antitoxine n’est pas sécré tée directement par les organes, mais que ceux-ci déversent dans le sang une sorte de proantitoxine qui se transformerait au contact des principes actifs du sang. Arrivé au terme de cette étude, je serai heureux si le lecteur à pu m'accompagner jusqu'au bout: C'est une route ardue que celle de la Sérothérapie; à peine a-l-on détourné une petite pierre qu'on en rencontre une plus volumineuse; le plus souvent, on est obligé de la contourner péniblement pour continuer un peu plus loin et rencontrer de nou- veaux obstacles. On s'arrête, on forme des plans pour les franchir. Quand et comment y arriverons- nous? L'histoire de la science pastorienne nous le 1 dit : c'est en nous attachant à cette bonne fée qui a guidé le Maitre et qui, en nous éclairant à traverse le dédale des atomes et des molécules, nous ouvrira, comme à lui, les portes d’un nouveau domaine. C. Phisalix, Assistant de Pathologie au Muséum. réponse. ACTUEL ET DE LA PRODUCTION des eaux-de-vie, parfaire aux exigences du com- merce. Fabriqués, il est vrai, au moyen de pro- cédés plus complexes et plus industriels que celles- ci, ils étaient taxés inconsidérément de malsains,« et seuls les alcools dits naturels étaient regardés comme hygiéniques. Les travaux des chimistes et des physiologistes ont montré, dans ces dernières années, ce qu'il fallait penser d’une distinction, « purement sentimentale, entre les alcools naturels et f les alcools d'industrie. M. X. Rocques a, dans cette Revue, en 1896, d’une façon aussi intéressante que complète, présenté une. { étude sur la situation des eaux-de-vie et liqueurs”, 4 etils’est trouvé forcément entraîné à comparer leur production avec la production des alcools d'in- dustrie. Je me garderais bien de revenir sur cette ques. tion, si, depuis cette époque, une situation nou- velle n'avait été créée, dont les distillateurs pour-| Û “2 sets She car 24 L'état actuel et les besoins de l'indus=" Revue générale des 1 X. ROCQUES : trie des eaux-de-vie et des liqueurs. Sciences du 30 mars 1896. L. LINDET — L'ÉTAT ACTUEL DES ALCOOLS D'INDUSTRIE EN FRANCE 819 ront largement profiter. Le droit de 37 fr. 50 qui frappait les alcools dénaturés a été, par la loi du 16 décembre 1897, réduit à 3 francs par hectolitre. L'emploi de l'alcool au chauffage et à l'éclairage, à la production de la force motrice, à la fabrication “des produits chimiques et pharmaceutiques va, sous l'influence de cette loi, se développer, comme il s'est développé en Allemagne. Jusque-là, on ne pouvait parler d'alcool de betteraves ou de grains sans penser que cel alcool était destiné à être bu ; aujourd'hui, sans méconnaitre l'immense consom- mation que l'on en fait à l’état de liqueurs, il faut admettre que cel alcool peut être destiné à nous éclairer, à nous chauffer, à nous transporter, à fabriquer divers produits à côté de l'alcool l'outillage perfectionné dont disposent déjà nos distilleries, ne permettront pas d’abaisser sensi- blement le prix de revient de l'alcool; les débou- chés offerts à l'alcool semblent, au contraire, deve- nir de plus en plus nombreux, et la consommation semble devoir se développer dans différentes direc- tions; c'est donc la consommation, le doit, qui va donner ses ordres à la production, c'est-à-dire à l'avoir, et c'est elle dont, tout d’abord, nous étu- dierons les besoins. $ 1. — Emploi de l’alcool à la consommation de bouche. C’est, naturellement, vers la fabrication des eaux- de-vie artificielles, des liqueurs, etc., que se fait les ressources dont l'industrie de la distillerie dispose pour faire face aux nouveaux besoins de la consommation, en un mot soumettre à ses lecteurs le tableau du doit et de l'avoir de la fabrication de l'alcool d'industrie. Î. — EMPLOIS DIVERS DE L'ALCOOL. La fabrication et la consommation d'un produit industriel sont étroitement liées, et il est fort dif- ficile souvent de décider si le perfectionnement de la fabrication et l'abaissement du prix de revient du produit fabriqué déterminent l'aug- mentation de la consommation, ou bien si de nou- velles applications de ce produit suscitent, de la part des industriels, une fabrication plus abon- dante. C'est plutôt ce dernier cas qui se présente ici; car le prix auquel le cultivateur peut livrer ses betteraves, ses grains, ses pommes de terre, de bouche, se principalement place l'alcool | | l'exode del’im- domestique et E 7 mense quantité Valcool de tra- 1600 : 2 or A d'alcool fabri- vail. Cp =! ee 27 A quée par nos Le directeur 1400 ni: FA PAS Æ— distilleries. de la Æevue à _ 5: 2 : Cette con- a 1200 4 . pensé que le a | | El] | | sommation de ARTE 4 LA moment était AAA er - bouche, ainsi favorable pour DAC que l’a montré exposer les »200- ZE . M. Rocques nouveaux dé- AAA #5 È Le. dans l’article u 5 & y 600 PAS + . pouchés qu L 77) | | auquel j'ai fait offrent à la 2/47 : | | | allusion,aaug- fabrication des VA É 1 - | + menté d’une alcoolsd'indus- 390 41 HET | F- || AE facon presque _ ses EEE constante de- sés du droit qui a du M Eu puis 1850; de entravait jus- ÉSREÉOQIRARE RAR SAR TAN ANA S DE A An 600.000 hecto- Li SE Sea 00. qu'ici leur em- Ÿ litres, qui vers loi exposer Fig. 1. — Consommalion de bouche des alcools d'industrie comparée à la consom- cette époque P + P malion lotale des alcools de bouche. — Eu ordonnée, chaque division correspond CE P Ki en même temps + à 100.000 hectolitres. étaienttaxésau droit de con- sommation, les chiffres officiels ont passé graduel- lement à 15, 16 cents'et mème 1.800.000 hectolitres (1.799.493 en 1898), portant la consommation an- nuelle de chacun de nous de 3 à 9 litres, estimée en eaux-de-vie à 50°. Cependant, il convient de remarquer, pour rester dans les limiles du sujet qui m'occupe, que les alcools d'industrie ne sont pas seuls à subvenir à la consommation. Les eaux-de-vie, dites naturelles, entrent en ligne de compte sans que l’on puisse en déterminer la proportion, et, si l’on veut avoir une idée de ce qu'est la consommation des alcools d'in- dustrie, il faut supposer que les eaux-de-vie pro- duites sont bues l’année même de leur production, et retrancher de la consommation totale cette consommation présumée des alcools naturels. Ce procédé, nous l'avons appliqué pour établir le diagramme de la figure 1, qui indique la consom- 820 L. LINDET — L'ÉTAT ACTUEL DES ALCOOLS D'INDUSTRIE EN FRANCE mation des alcools d'industrie relativement à la consommation totale. Ce diagramme nous apprend que, de 1880 à 1898, la distillerie des alcools d’in- dustrie n'a guère trouvé, du côté de la consomma- tion de bouche, de clients nouveaux. La consom- mation s'est maintenue, sauf peut-être en 1890, 1891, 4892, à un chiffre voisin de 1.400.009 hecto- litres, pour remonter en 1898 à un chiffre beaucoup plus considérable (1.600.000 hectolitres). Ce qu'a dit M. Rocques de la transformation de ces alcools en eaux-de-vie artificielles et liqueurs me permet d'être bref; ces alcools, convenable- ment purifiés par la rectification, additionnés de véritables eaux-de-vie de vin, de kirsch, de rhum, de thé, d'infusions végétales diverses, d’éthers fa- | [e] ; briqués synthéliquement par voie chimique, sucrés, caramélisés, prennent en partie, sous l'habile expérience du fabricant, le goût et l’ardme des eaux-de-vie vraies de vins. Ils entrent en même temps dans la fabrication des autres liqueurs, fruits à l’eau- cassis, aniselte, curaçao, absinthe, de-vie, etc. Tous ces à espérer que le peu d'eau-de-vie vraie dont nous disposons n'est pas consommé en dehors de France La Erance profile de la grande réputation dont ses eaux-de-vie ont joui autrefois à l'Etranger, e elle profite également de l'habileté professionnell que nos fabricants d'eaux-de-vie artificielles on acquise : nulle part ailleurs qu'en France, on n'es parvenu à imiler avec tant d'exactitude la mer= veilleuse eau-de-vie des Charentes. Mais la concur- rence est terrible, surtout de l'autre côté du Rhin, déloyale même, puisque l’on a vu bapliser du nom de cognac des produits qui n'avaient jamais vu même le sol francais. Aussi, et malgré tous le efforts, l'exportation est-elle restée sensiblement stationnaire au chiffre de 260 à 280.000 hectolitres, sauf pendant la période de 1870-1875, comme l'indique le diagramme de la figure 2 $ 3. — Emploi de l'alcool à l'éclairage, au chauf… fage et à la production de la force motrice. C'est évidemment dans l'application de l'alcool à l'éclairage, au chauf- ER ÈEE ET @ a E faits, toutes ces trans- formations sont con- nus, et nous ne sau- rions les faire entrer dans le cadre de cette étude. Le seul point sur le- quel nous croyons devoir insister, c'est la néces- sité où le fabricant se trouve placé de ne recevoir du distillateur que des alcools très purs, exempts des produits secondaires de la fermentation, mais exempts surlout cle ce que l’on nomme le goût d'origine ; ce goût est donné par des produits mal | définis, différents dans l'alcool de betteraves de ce qu'ils sont dans l'alcool de grains ou de mélasses. S 2 $2, — Exportation de l'alcool. Les tableaux publiés par le Ministère des Finances nous indiquent que, tous les ans, la France exporte environ 300.000 hectolitres d’alcool (fig. 2). Qu'est- ce que c'est que cet alcool? Les mêmes documents nous mortrent que la plus grande partie de cet alcool quitte le territoire français avec l’éliquette d’eau-de-vie, c'est-à-dire de cognac. Quelle que soit la proportion dans laquelle figurent les eaux- de-vie naturelles dans les alcools exportés, nous pouvons, pour nous rendre compte des débouchés offerts à la distillerie, compter ces alcools comme alcools d'industrie ; nous avons en effet déduit de la consommation totale la consommation présumée des eaux-de-vie naturelles, et nous ne saurions les figurer de deux côtés. L'exportation des alcools dépasse, d’ailleurs, de beaucoup la produc- faire tion deseaux-de-vie; il est donc à présumer et même 2.— Exportation des alcools. — En ordonnée, sion correspond à 100.000 hectolitres. fage domestique, à lan production de la force motrice dans les mo teurs industriels ou les automobiles, que les distillateurs fondent le plus d'espérance. Là, la consommation semble devoir s'étendre, et s'éten- drait indéfiniment, en effet, si le prix de vente de l'alcool, comparé au prix de vente des autres com- bustibles, lui permettait de lutter. Quel est donc, quant à présent, le prix de vente du pétrole, qui, comme on le sait, est, au triple point de vue de l'éclairage, du chauffage et de la pro duction de la force motrice, le principal concur rent de l'alcool. On admet que l'huile lampante peut être vendue 0 fr. 40 à 0 fr. 55 le litre, suivant qu'elle est plus ou moins purifiée, et que le prix des l'essence ne s'élève pas à plus de O fr. 55 le litre. Comparons ce prix à celui de l'alcool dénaturé. . Le cours de l'alcool est naturellement variable M il est aujourd'hui de 35 à 36 francs l’'hectolitre. Mais le prix de l'alcool dénaturé est plus ou rable que celui de l'alcool pur, d’abord parce qu'il esta frappé d'un droit de3 francs par hectolitre, ensuite parce qu'il est grevé du prix du dénaturant, revendu plus cher que l'alcool lui-même. L'alcool méthy- lique, additionné d’acétone, qui est, quant à pré-« sent, le dénaturant légal, doit être additionné à l'alcool que l’on doit dénaturer à la dose de 10 °/; or, ce dénaturant vaut 100 francs l’hectolitre; done l'alcool dénaturé ne peut guère être vendu à moins de 50 francs l'hectolitre, soit 0 fr. 50 le litre. Bien des efforts ont été faits pour abaisser Len chaque divi- L. LINDET — L'ÉTAT ACTUEL DES ALCOOLS D'INDUSTRIE EN FRANCE 821 prix de l'alcool dénaturé; on à demandé, sans pouvoir l'oblenir jusqu'ici, à ce qu'il n'y ait, comme en Allemagne d’ailleurs, aucun droit, si ce n'est un droit de statistique de 0 fr. 25 par hectolitre (projet de loi Dansette). On a demandé également la substitulion au dénaturant actuel, d'un dénatu- rant proposé par le D' Lang, directeur du labora- toire de la Régie Fédérale suisse, et qui est, pour la majeure parlie, formé par un mélange d’acétones supérieures à la méthylcétone, dit « huile d'acétone ». MM. Buisine ont montré que l'on trouvait, dans les eaux de désuintage des laines, les éléments ca- “pables de fournir l'huile d'acétone en quantités pour ainsi dire illimitées. La Commission spéciale instituée au Ministère des Finances s'est montrée “favorable au maintien du statu quo, c'est-à-dire à la dénaturation de l'alcool au moyen de 10 °/, de dénaturant. Mais elle a émis l'avis que, dorénavant, - et pour éviter les fraudes, l'Etat, tout en conser- | vant dans le dénaturant 60 °/, de méthylène, puisse A France Allemagne Fig. 3. — Consommation de l'alcool pour l'éclairage et le chauffage. — En ordonnée, chaque division représente 100.000 hectolitres. secrètement faire varier la nature des produits qui accompagnent celui-ci. Le méthylène Régie doit êlre, en effet, considéré comme un simple témoin, et les procédés si élé- gants et si précis de M, Trillat, pour la recherche de l'alcool mélhylique, sont assez sensibles pour que l'État puisse être garanti contre la fraude. En Allemagne, l'alcool est dénaturé par l'addition de 4 °/, d'alcool méthylique à 30 °/, d’acétone, et de 41 °/, de bases pyridiques. - Avant même que la loi du 16 décembre 1897 fût votée, c'est-à-dire avant même que l'alcool déna- turé ait été déchargé de ceténorme droit de 37 fr. 50, la consommalion pour le chauffage et l'éclairage . avait, d'année en année, sensiblement augmenté, comme l'indique le diagramme de la figure 3. Il y a donc tout lieu de croire que la consommation augmentera encore, sous l'influence de la réduction des droits qui la frappaient. En Allemagne, sans que l’on puisse faire la part de l’un et l’autre, la consommation de l'alcool des- tiné au chauffage et à l'éclairage a augmenté, de 1890 à 1898, de 244.000 hectolitres à 671.000. Elle est, à l'heure actuelle, neuf fois plus forte qu'en France. L'éclairage à l'alcool peut être pratiqué dans deux condilions différentes. On peut brûler, dans des lampes à mèches, de l'alcool additionné de carburant, c'est-à-dire d'un corps plus riche en carbone que l'alcool et capable d'augmenter l'inten- sité lumineuse de celui-ci; ce carburant peut être, comme le Leuchtspiritus, un mélange d'hydrocar- bures aromatiques, bouillant de 80 à 180°, addi- tionné de naphtaline. L'’alkolumine, produit fran- çais, est de composition analogue. On peut également transformer l'alcool en va- peurs et brûler ces vapeurs, comme on brûlerait du gaz dans un bec Bunsen, au contact d'un capu- chon imprégné, ainsi que les manchons Auer, de sels extraits de ce que l’on nomme les {erres rares. Si l'alcool gazéifié est brûlé au contact de l'air com- primé (principe de la lampe Denayrouse), il pro- duit une lumière plus vive, pour une même quan- tité d'alcool consommé, que s’il brûlait à l'air libre. Les premières lampes à alcool nous sont venues d'Allemagne ; ce sont les lampes, qui, sur l’ordre de l'Empereur, ont éclairé l'extérieur du palais de Postdam, qui ont été placées sur les promenades de Thiergarten, de la gare de Stettin à Berlin, au port de Memel, sur la Baltique. M. Barbier, ingé- nieur-constructeur, envoyé par le Gouvernement français en Allemagne, nous en a fait connaitre les principaux types. On a beaucoup discuté, dans ces derniers temps, sur la valeur relative des lampes à alcool et des lampes à pétrole. Mais on a peut-être eu le tort de séparer trop nettement le côté scientifique et le côlé pratique de la question. Quand on prend en considération les calories fournies par le pétrole et par l'alcool, quand on compare, au photomètre, la lumière fournie par les lampes de l’un et de l’autre système d'éclairage, l'avantage reste incontestablement au pétrole ; l'avantage n’est pas très considérable si l’on com- pare, comme on l’a fait maintes fois, la flamme à alcool, munie de manchon, avec la flamme à pétrole, brûlant à l’air libre, en prétextant que les manchons ne peuvent s'adapter aux lampes à pétrole, sans être rapidement détruits ; mais il est très marqué si l’on interpose dans l'une et l’autre flamme le manchon système Auer. La Société nationale d'Agriculture à été saisie dernièrement de cette question, et la conclusion du rapporteur de la Commission, M. Ringelmann, a élé que l'alcool ne pourrait, dans les conditions actuelles, lutter à lumière égale avec le pétrole que si son prix de vente pouvait ètre diminué de 4/10 de la valeur qu'il atteint aujourd'hui. La Société a voté à l'unanimité, dans la séance du 822 L. LINDET — L'ÉTAT ACTUEL DES ALCOOLS D'INDUSTRIE EN FRANCE 2{ juin 1899, les conclusions de la Commis- Les avantages, il faut bien le reconnaitre, n sion, ainsi conçues : « Il résulte des expériences portant sur tous les systèmes de lampes que la Commission à pu se procurer, que les conditions économiques actuelles ne sont pas favorables à l'emploi de l'alcool pour l'éclairage. » Les expériences qui ont permis de formuler une telle condamnation de l'alcool sont incontes- tables; faites sous la direction de la Commission et de son président, M. Mascart, elles prennent dans la discussion de la question une position décisive qu'aucune autre n'avait pu prendre. Mais la Société n'a pas cru devoir décourager les producteurs d'alcool et les constructeurs de lampes, et, par un vote additionnel, elle a déclaré qu'elle «ne voulait pas préjuger l'impossibilité d'utiliser l'alcool, quand les efforts combinés des produc- teurs et des pouvoirs publics auront modifié suffi- samment les conditions actuelles ». Nous sommes donc aulorisé, par cet amende- ment, à plaider encore la cause de l'alcool, sans méconnaitre que la cause n’est pas des meilleures, mais en constatant, avec tous les agriculteurs, que le condamné est digne de tout intérèt, qu'il pour- rait enrichir notre pays, tandis que son antagoniste, le pétrole, fait sorlir de France chaque année une somme de 38.000.000 francs. Nous ferons remarquer, tout d’abord, que de l'avis même de la Commission, les lampes à alcool sont d'autant plus économiques qu'elles sont cons- truites pour une plus forte intensité, et, si elles sont munies de manchons, la dépense qu'elles entrainent peut être comparée à celle de lampes à pétrole brûlant à flamme libre. Cette observation condamne les lampes de ménage, les lampes de petite intensilé; condamnons-les et occupons- nous des lampes à grande intensité, de celles qui peuvent éclairer les gares, les ports, les places et les rues de nos villes et de nos villages. Il y a là un débouché bien assez étendu pour satisfaire l'ambition industrielle de nos producteurs. Il nous semble, en outre, que, dans toutes ces expériences, on s'est trop préoccupé de la dépense et pas assez de la convenance. Demandez à chacun de nous ce que brûle par carcel-heure, en huile, en pétrole, en gaz, en électricité, la lampe qui éclaire son bureau; il ne s'en est jamais préoc- cupé ; il a choisi tel mode d'éclairage plutôt que tel autre, parce qu'il le considérait comme plus pra- tique. La dépense par carcel-heure est peut-être plus élevée pour la bougie que pour la chandelle. Le consommateur n'en a pas moins donné sa pré- férence à la bougie. Au lieu de discuter sur des dépenses, définies par des centimes, il vaut mieux rechercher les avantages et les inconvénients domestiques que l'alcool présente sur le pétrole. sont pas tels qu'ils puissent imposer l'alcool à 1 consommation, et les inconvénients, empressons nous de le dire, ne sont pas tels qu'ils puissen le faire repousser. L'allumage est lent, c'est A un grand défaut. La lumière est fixe, comm pour le pétrole. Au mème titre que lui, l'alcoo dégage de l'acide carbonique et aucun autre gaz il donne naissance, par sacombustion, à une quan tité plus grande de vapeur d’eau, mais ilne dégag pas d’odeur. Il ne suinte pas, et l’on peut prendr la lampe sans se salir les doigts. Il est plus dangez reux à manier que l'huile lampante de pétrole; mais les accidents causés par l'alcool ont été bien peu nombreux. La lumière produite par la vapeur d'alcool, brûlant sur manchon, est un peu blafarde, et les personnes groupées autour d’une lampe peu= vent légitimement se plaindre du mauvais teinb qu'elles semblent avoir. Mais cet inconvénient peut être corrigé ; car on sait, paraît-il, en modifiant las composition des oxydes qui imprègnent le man- chon, en forçant la dose de thorium, modifier la nature des radiations lumineuses. On pourrait aussi, pensons-nous, colorer légèrement en rose ou en rouge le verre qui entoure la flamme, Nous avons tenu à signaler cet inconvénient; car on à vu bien des fois la coquetterie et la mode arrêter l’évolution d’un progrès. Nous n'avons pas grand'chose à dire du chauffage par l'alcool. Le publie connaît les Lypes de lampes : M. Barbier, ingénieur, et M. Chalmel, oni rapporté, de leur mission en Allemagne, divers réchauds qui semblent plus perfeclionnés que ceux dont nous faisons d'ordinaire usage. Des expériences plus nombreuses ont été faites pour comparer l'alcool au pétrole dans la produc- ion de la force motrice. L'alcool s’est toujours, au point de vue de la dépense imposée, montré infé- rieur au pétrole; 1 kilo d'essence de pétrole fournit, en brûlant, 9.500 calories, tandis que l'alcool à 90° n'en fournit que ».600; cette infériorilé n’a donc pas. lieu de nous surprendre. Mais nous pouvons répéter ce que nous disions tout à l'heure à propos ; de l'alcool d'éclairage : il convient d'étudier l'alcool au point de vue pratique. ) M. Lévy! a montré que, dans un même moteur, 1 kilo d'alcool fournissait 3 chevaux 23, landis que 1 kilo de pétrole en fournissait 6,75, c'est-à-dire sensiblement le double. } C'est à des résultats analogues qu'ont abouti les recherches de M. Ringelmann?; le rapport entre la dépense de l'alcool et la dépense de pétrole, pour obtenir un même travail, a été de 1 Bullelin de l'Associalion des chimistes de sucrerie el de | distillerie, 1896-97, p. 991. # Bulletin du Ministère de l'Agricullure, 1898, p. 425. L. LINDET — L'ÉTAT ACTUEL DES ALCOOLS D'INDUSTRIE EN FRANCE 823 4,56 à 2,05 quand on a employé un moteur horizontal, et de 4,66 à 2,35 quand on lui a substi- tué un moteur vertical (Tableau 1). Tableau I. — Consommations d'alcool et de pétrole par divers moteurs. CONSOMMATION RAPPORT par heure des consom- mations : alcool pétrole Alcool dénaturé Essence minérale grammes 2.967 1.767 1,396 Moteur horizontal : ( avide et Par cheval 4 à 1/2 charge. { en charge. . . grammes 1.10% 0,950 0,892 Moteur vertical : FAUNE Par cheval 4 à 1/2 charge. l en charge.. 0,328 0.619 0.407 0,771 1.097 0.763 Dans ces conditions, et étant donné que le prix de l'alcool dénaturé et le prix de l'essence miné- - rale sont sensiblement les mêmes, il semble que l'alcool doive être abandonné. Mais ceux qui, d'or- dinaire, possèdent et manœuvrent des automobiles sont dans une situation de fortune qui leur permet - cet excédent de dépense et ne nous font guère pitié. La critique la plus sérieuse que l’on puisse faire à l'emploi de l'alcool, c’est que, pour par- courir le même chemin, il faut emporter deux fois plus d'alcool que de pétrole. Mais l'alcool n’en- crasse pas les cylindres et surtout ne dégage pas cette affreuse odeur que trainent derrière elles les automobiles mues par l'essence de pétrole. Plusieurs mécaniciens prétendent que l'alcool ne saurait être, avec économie, brûlé dans des mo- teurs à essence minérale, et que les dépenses en pétrole et en alcool, pour produire le mème travail, ne pourront être comparées qu'en brûlant ces deux liquides dans des moteurs différents, spécialement fabriqués. D'autre part, on peut dire que ces prix du pétrole et de l'alcool ne sont pas immuables. Le jour où l’automobilisme au pétrole, qui emploie des huiles légères, prendra plus d'extension qu'il n'en possède aujourd'hui, sans que pour cela l'éclairage et le graissage au pétrole, qui emploient les huiles lampantes et les huiles lourdes, recoi- vent de nouvelles applications, l'essence minérale, qui n’est qu'un produit de la rectification du pétrole brut, augmentera de prix, et l’automobi- lisme ou la production de force motrice par l'alcool paraîtra économique. Il convient donc d'attendre, pour se prononcer, que de nouveaux essais soient faits avec de nou- veaux moteurs; il faut voir également si dans quelques années le cours de Palcool eb celui do l'essence minérale seront différents. L'alcool à fait son entrée dans le monde des automobiles le 11 avril dernier : une voiturette à deux places ayant un moteur de 3 chevaux 5, a fait un trajet de 138 kilomètres (Paris-Chantilly et Alcool pour vernis Alcool pour vinage Alcool pour vinaigre Alcool pour produits chimiques Alcool pour éclairage et chauffage Alcool d'exportation Alcool de bouche Fig. 4. — Quantilés d'alcool consommées à différents usages en 1898. retour) en 8 heures avec une consommation de 38 litres d'alcool. $ 4. — Emploi de l'alcool à la fabrication des pro- duits chimiques et pharmaceutiques. C'est certainement du côté de la fabrication des produits chimiques et pharmaceutiques que la consommation devra se développer, le jour où nos fabricants pourront gagner sur les marchés européens et même sur les marchés francais la place qu'y occupe l'Allemagne; celle-ci, dont la législation à été réformée plus tôt que la nôtre, a 824 L. LINDET — L'ÉTAT ACTUEL DES ALCOOLS D'INDUSTRIE EN FRANCE pu prendre, pour ainsi dire, le monopole de la fabrication des produits à base d'alcool. La fabricalion de l’éther dit sulfurique, dont la préparation des poudres sans fumée a développé l'importance, entraine la consommation d'environ 50.000 hectolitres d'alcool par an. La fabrication aulres éthers, du chlorure d'éthyle, par exemple, demande encore l'emploi de l'alcool. Il en est de mème du fulminate de mercure, du coton-poudre, du collodion, de la soie artificielle et mème d’un produit nouveau, le pégamoïd. Il faut encore de l'alcool pour préparer certains produits de la parfumerie : la coumarine, la vanil- line, le musc arlificiel, l’'éther œnanthilique, les essences artificielles de fruits, de rhum, ete. La pharmacie el la droguerie consomment de l'alcool! dénaturé. On en use de grandes quantités pour la fabrication du chloral, de l’antipyrine, du sulfonal, du trional, des glycérophosphales et même de la terpine; on en use de plus grandes quantités encore pour extraire de certains végé- aux les alcaloïdes qu’ils renferment, la caféine, l’aconitine, l’atropine, la vératrine, la brucine et la strychnine, la cicutine, l'hioscyamine, la pilo- carpine, la digitaline, l'ésérine, la spartéine, la pelletiérine, ete. L’Administralion autorise l'emploi de dénatu- rants Spéciaux quand le dénaturant légal est de nature à nuire à la préparation que l’on se propose de faire. Ces dénaturants sont, en général, consti- tués par une cerlaine quantité soit du produit qui constitue l'objet de la fabrication (éther, chloral, elc.), soit des matières premières qui entrent en jeu dans cetle fabrication même (iode et phosphore pour la préparation de l'iodure d'éthyle, aniline et acide chlorhydrique pour la préparation de la diphénylaniline). La fabrication des produits chimiques et phar- maceuliques correspond à une consommalion annuelle de 60.000 hectolitres d'alcool. des $ 5. — Emploi de l'alcool à la fabrication des vernis. Les vernis à l'alcool, qui exigent chaque année 15 à 16.000 hectolitres d'alcool, sont en général des vernis à la gomme laque. L'Administration autorise l'emploi en franchise des huiles provenant de la rectification des alcools, à la condition qu'elles ne renferment pas plus de 6 °/, d'alcool éthylique et soient accompagnées chez le fabricant d'un acquit à caution. $ 6. — Emploi de l'alcool au vinage. Les droits pleins que l'Administration perçoit sur l'alcool destiné au vinage ne permet pas de | de développement et de perfectionnement (fig. 5). l'employer pour les vins ordinaires. Seuls les vin dits de liqueurs, comme le Frontignan, le Ver mout, les vins d'imitation, c'est-à-dire ceux que l’on fabrique dans le Midi, et spécialement à Cette, et auxquels on est parvenu fort habilement donner le caractère du Madère, du Porto, du Xérès, elc., sont additionnés d'alcool. Les alcools que l'on emploie sont, en général, des 3/6 de vins, ou eaux-de vie de Montpellier ; les alcools d'indus- trie, qui ne peuvent pas eux-mêmes apporter le parfum du vin, ne servent qu’au vinage des pro- duits inférieurs. La consommation des alcools destinés au vinage est, d’ailleurs, faible. Elle représente 20 à 25.000 hectolitres (24.353 hectolitres en 1897) et ne peut s'élever que dans de faibles limites. $ 7. — Emploi de l’alcool dans la préparation du vinaigre. L'abaissement des récoltes des vins, le bon accueil que certains vins peu alcooliques, qui, comme les vins du Loiret, les vins Nantais, étaient autrefois destinés à la vinaigrerie, ont rencontré depuis dans le commerce de consommalion ont développé l'emploi de l'alcool à la fabrication du vinaigre. L'alcool, additionné de matières hydro-" carbonées, azotées et minérales capables de nourrir « le mycoderme oxydant, soumis à l'oxydation en présence de copeaux de hêtre, se transforme, comme on le sait, rapidement en acide acélique. L'alcool déclaré pour la vinaigrerie peut être dénaturé au moyen de vinaigre. On a déclaré, en 1897, 51.629 hectolitres d'alcool destiné à la fabrication du vinaigre. La figure 4 représente proporlionnellement les quantités d'alcool réclamées par les divers débou- chés. IT. — DIvERS PROGÉDÉS DE FABRICATION DES ALCOOLS. Nous venons de voir l'immense quantité d’alcoo que la consommation réclame chaque année à l'industrie; nous sommes autorisé à croire que cette consommation se développera, parce que le problème de l'éclairage, du chauffage, de la pro- duction de la force motrice par l'alcool, de l'emploi de l'alcool dans l'industrie, se trouve sur le point d'être résolu par la création de nouveaux appa- reils, par l'abaissement du droit de régie et même par son abolition probable. Comment l'industrie des alcools va-t-elle faire face à ces nouvelles demandes ? À quelles malières premières va-t-elle s'adresser ? Examinons sommairement les matières pre- mières et les procédés employés dans la fabrica- È lion des alcools, pour voir s'ils sont susceptibles M Fe L. LINDET — L'ÉTAT ACTUEL DES ALCOOLS D'INDUSTRIE EN FRANCE 825 $ 1. — Distillerie de betteraves. Les betteraves employées en distillerie ne pos- sèdent pas la richesse saccharine des betteraves employées en sucrerie. La substitution de celles-ci à celles-là serait désavantageuse dans la plupart des cas. La proportion de pulpe que laisse la bette- rave épuisée est la même, quelle que soit sa richesse; mais le rendement en racines et par conséquent en pulpe, à l’hectare, est d'autant plus faible que la betterave est plus sucrée ; le cultiva- - teur qui se préoccupe d'avoir de la pulpe pour “ nourrir les animaux de sa ferme a intérêt à conti- nuer à cultiver de la betterave à 11 et 12 °/, de sucre. La distillerie de betteraves est exercée en France dans 3 ou 400 dislilleries agricoles, c'est-à-dire “ dans des fermes qui cultivent elles-mêmes leurs bet- teraves et consomment leurs pulpes. Celles-ci tra- vaillent journellement de 20 à 50.000 kilogrammes de betteraves. Celte industrie est presque entière- ment agricole. Dans les distilleries industrielles, on räpe les betteraves, on les presse, et le jus, acidulé par l'acide sulfurique, est mis en fermentalion. Dans les distilleries agricoles, on suit le procédé Cham- ponnois, qui consiste à extraire le sucre des betteraves, en faisant macérer celles-ci, préala- . blement découpées en cossettes, au contact des vinasses, c'est-à-dire des résidus épuisés d'alcool, provenant de la distillation des jus fermentés. Les vinasses, riches en sels et en matières organiques, n’enlèvent aux cosseltes, par osmose, que le sucre, et les cosseltes se présentent aux animaux moins délavées, plus nourrissantes que si on les avait épuisées par l’eau. Au lieu de faire usage, pour la macéralion de ces cosseltes, de cuviers en bois, comme Champonnois l'avait indiqué, on emploie aujourd'hui, dans un grand nombre de distilleries, des vases clos, en fonte, communiquant entre eux, et semblables aux diffuseurs de nos sucreries. Les jus, acidulés, refroidis, sont soumis, par addition de levure, à la fermentation alcoolique; distillés, ils fournissent, en même temps que les vinasses, qui rentrent en travail, un flegme, c’est- à-dire un alcool brut, qu'il convient de rectifier. Le rendement en alcool est de 5 à 6 °/, du poids de la betterave. Sur cette fabrication de l'alcool de betteraves est calquée, pour ainsi dire, la fabrication de l'alcool de topinambours, qui, malgré l'excellente qualité de l'alcool qu’elle fournit, ne s'est jamais dévelop- pée en France. Les tubercules sont, à cause de leur forme, difficiles à laver et détériorent les couteaux du coupe-racines ; le rendement, qui n'atteint guère plus de 30.000 kilogrammes à l’hectare, ne permet pas au topinambour de lutter contre la betterave, qui donne jusqu'à 50.000 kilogrammes, tout en fournissant une quantité d'alcool sensi- blement égale. La production de l'alcool de betteraves, à peu près nulle vers 1850, a progressivement aug- menté d'importance, atteignant annuellement 3 à 400.000 hectolitres de 1870 à 1880, 5 à 600.000 hectolitres de 1880 à 1885, passant ensuite à 700.000, puis à 800.000 hectolitres. Aucune mesure administrative, aucun fail n'est venu jusqu ici entraver la production de l'alcool de betteraves ; au contraire, les mesures prises contre la distillerie de grains, et dont il sera parlé plus bas, ont été dirigées en sa faveur. Peut-être la distillerie de betteraves eût-elle désiré davantage; elle souhaitait de voir le Gouvernement lui accor- der des primes de fabrication, analogues à celles que le Gouvernement allemand accorde à ses dis- tilleries agricoles. Celles-ci auraient une grande influence sur le développement de la culture de la betterave de distillerie. Mais le Gouvernement à pensé qu'il suffisait de faire peser sur les grains un impôt considérable pour permettre à la distil- lerie de betteraves de prendre le pas sur ses con- currentes. $ 2. — Distillerie de mélasse. Les mélasses, qui conslituent le résidu ultime du travail de la sucrerie de betteraves, renferment toutes les impuretés solubles que le jus de belte- raves renfermaitprimilivement, et que les procédés de purificalion ont été impuissants à éliminer; la solution de ces impuretés organiques et minérales est nécessairement saturée de sucre, et la propor- tion de celui-ci varie entre 44 et 50 °/.. Il semble, dans ces conditions, que la levure ait beau jeu pour se développer dans la mélasse suffi- samment étendue d’eau; il n'en est rien, et il faut corriger la composition du milieu qu'on lui offre, si l'on veut qu'elle évolue; il faut saturer par une addition d'acide sulfurique l’alcalinité que la mé- lasse présente; il faut détruire les nitrates par une ébullition prolongée en présence de l'acide; il faut amorcer le développement dela levure en lui offrant un bouillon de culture, constitué par du maïs saccharifié. On fait donc, d'une part, cuire la mé- lasse avec la quantité d’acide sulfurique nécessaire pour obtenir, une fois la mélasse diluée, une acidité de 2 gr. à 2 gr. 5 par litre; puis, d'autre part, on prépare un pied de cuve avec du maïs saccharifié à l’acide sulfurique, un peu de mélasse, de l’eau et de la levure, et, quand la fermentation de ce pied de cuve est bien active, on ajoute à la cuve le reste de la mélasse. La mélasse fermentée est distillée, et la vinasse 826 L. LINDET — L'ÉTAT ACTUEL DES ALCOOLS D'INDUSTRIE EN FRANCE évaporée et calcinée forme un amas de cendres à demi fondues, riches en sels de potasse, el que l’on nomme le salin de betteraves. Le flegme, qui possède un goût de mélasse caractéristique, est purifié par la rectification. Le rendement en alcool s'élève à 25-28 °/,. La fabrication, atteignit même, en 1892 et 1893, plus de 900.000 hec- tolitres, pour revenir, dans les années suivantes, au chiffre moyen de 7 à 800.000 hectolitres. La distillerie de mélasses est donc protégée par la loi, puisque, grâce à cette prime, elle est assurée de sa matière première. Cependant, le droit d'en- trée sur les mé- Alcools de betteraves de l'alcool del lassesétrangères mélasses à al (0 fr. 10 par de- la première à sel gré de sucre) développer. Dé- butante vers l'oblige, pour ainsi dire, à s’ap- 1840-1850, elle provisionner en a, dès 1875, al- France. De plus, teint un chiffre de production qui, pendant dix la loi du 14 juil- ans, s'est main- let 1897,concur- tenu constam- rencée par l’agri- ment aux envi- culture ,quijouit, rons de 700.000 pour l’acquisi- tion de ces mé- hectolitres. La loi de 1884, qui déplaçait Pac- lasses, de la même prime. cise de l'impôt de la sucrerie,et L'alimentation du bétail par la faisait doréna- mélasse n'est en- vant payer le core praliquée droit de consom- que timidement, mation sur la mais on sait que betterave en- les expériences trant à l'usine, entreprises dans devait engager celte direction les fabricants de ont donné de sucre à conser- bons résultats. ver leurs mélas- € ER ses pour les 1 | $ 3. — Distillerie trailer par les dé gas procédés de la La distillerie sucrerie. La pro- de grains estloin duction de l'al- de jouir des fa- cool de mélasses DEEE E veurs fiscales. diminua donc : | BE Et] | | dont jouissent «1 Ame » EX 10 10 © ALI M M. © EE D JONSUAIOQN AU UR A d = œ “oc à es considérable- 5 BÉBSESSS ESS Ssssise 8 8 & ses concurren ment, en 1886- 5 tes. Affectant, de- O= . . Œ . LS 1887; mais la loi Fig. 5. — Production des alcools en France. — En ordonnée, chaque division puis 1830, com- du 4 juillet 1887, réclamée par les distillateurs de mélasses qui manquaient de ma- üière première, changea tout cela : elle donnait au fabricant de sucre une prime équivalente à 4 fr. 20 par 100 kilogrammes de mélasses allant en distille- rie; celle prime était suffisante pour que les fabri- cants de sucre eussent intérêt à renoncer au bé- néfice de leur traitement et à les envoyer aux distillateurs. Dès lors la production se releva, représente 100.000 hectolitres. me le montre le diagramme de la figure 5, une production régulièrement crois- sante, parlie de 40.000 hectolitres pour atteindre, en 1886 et 1888, 800.000 hectolitres, elle a faibli tout d’un coup, de 1889 à 1891; cela tient à ce que elle se trouve au- … jourd'hui, de par . È la matière première la plus avantageuse pour la distillerie de grains est le maïs, qui nous vient î de l'étranger. La loi de douane de 1889 à pro- 4 tégé l’agriculture française, en faisant peser sur ODA GOLD TT E SAP PER EE ee L. LINDET — L'ÉTAT ACTUEL DES ALCOOLS D'INDUSTRIE EN FRANCE 527 le maïs un droit de 3 francs par 100 kilogrammes, droit que la loi de douane de 1892 à maintenu. La production des alcools de grains reste fixée aujourd'hui aux environs de 400.000 hectolitres, c'est-à-dire qu'elle est moitié moindre de celles des alcools de betteraves et de mélasses. Exceplionnel- lement, et parce que le prix du maïs a été peu élevé par rapport à celui de l'alcool, la distillerie de grains a produit en 1898 près de 700.000 hectolitres. Le procédé, qui repose sur la saccharilication par l'acide de l’amidon contenu dans les grains, em- ployait presque exclusivement le maïs; ne per- mettant pas de fabriquer de la levure, fournissant une drêche non alimentaire, il a perdu beaucoup de son importance. C'est en employant à la saccharification de l'ami- don des grains, non plus les acides, mais la diastase de l'orge germée, du #alt, que presque toules les distilleries de grains travaillent aujourd'hui. Les grains qu'elles traitent sont un mélange de maïs, de seigle et d'orge germée, généralement en parties égales. Le maïs concassé est cuit à 1009, puis addi- tionné, à la température de 60-65°, du malt et du seigle, préalablement concassés. Quand la saccha- rification est terminée, on refroidit et on met en levain, au moyen d'un pied de cuve de grains que l'on a laissé s’acétifier par la fermentation lactique et que l’on a ensuite ensemencé de levure. Pendant la fermentation alcoolique du moût, on récolte la levure qui vient se présenter à la partie supérieure des cuves, et cetle levure, lavée, passée au filtre- presse, est livrée à la boulangerie, à la pâtisse- rie, etc. Les moûts sont distillés; ils donnent un flegme de qualité supérieure, et une vinasse char- - gée de drèche, qui constitue pour le bétail un aliment de premier ordre. _ Le rendement des grains en alcool {1/3 maïs, 1/3 seigle, 1/3 malt) est de 28 à 33 °/,, suivant que l’on recueille ou que l’on ne recueille pas la levure. Le D'Calmette, MM. Collette et Boidin ont étudié l'emploi, en distillerie, d'une Mucédinée extraite des levures chinoises, l'Amylomyces Rouxii, qui a l'avantage de saccharifier l'amidon. Les grains de maïs, préalablement cuits sous pression, sont trai- tés à 70° par une très faible quantité de malt (2 °/), de facon à liquéfier l'amidon et le rendre attaquable par l'Amylomyces. Puis le moût est sté- rilisé, refroidi, ensemencé d'une culture pure d'Amylomyces à la température de 39°, et, quand on juge que la saccharification est suffisamment avancée, on refroidit à 29°, on ajoute une culture de levure pure qui, travaillant en symbiose, avec la Mucédinée, fournit de l'alcool. Le rendement est de 4 à 5 °/, plus élevé que dans les procédés ordi- naires ; l'alcool est très pur. Les inventeurs de ce procédé ont abandonné au- jourd'hui l’'Amylomyces et l’on remplacé par une autre Mucédinée, le Mucor 8, qui permet de travail- ler en moûts deux fois plus concentrés et d'obtenir des vins à 6 ou 7 °/, d'alcool. $ 4. — Distillerie de pommes de terre. Après les travaux d’Aiïmé Girard, on pouvait supposer que la distillerie de pommes de terre allait s'implanter en France, et que nos distillateurs allaient suivre l'exemple des distillateurs alle- mands, qui demandent à la pomme de terre près des 8/10 de la production totale de lalcool. Nos distillateurs n'ont pas voulu abandonner la belte- rave; ils ont considéré que la vinasse, c'est-à-dire le résidu de la distillation, était trop aqueuse et qu'il fallait, pour peu que la fabricalion soit impor- tante, un nombre plus considérable d'animaux pour la consommer sur place; car elle ne se con- serve pas, et il est difficile de la concentrer écono- miquement. En Allemagne, les distilleries agricoles touchent une prime d'autant plus forte qu'elles sont de plus petite importance. Il n'y à pas moins de 12.500 distilleries agricoles pour fabriquer 2.618.000 hectolitres, ce qui représente une pro- duction moyenne de 220 hectolitres par an. Notre régime fiscal ne nous permet pas de travailler sur une aussi petite échelle, sans grever le prix de revient. Le procédé, employé en Allemagne et dans quel- ques distilleries en France (7 en 1898), consiste à cuire la pomme de terre en autoclave à 130-140°, à saccharifier au moyen du malt vert, à refroidir, à faire fermenter et à distiller. Le rendement est, avec les pommes de terre riches, de 10 à 13 °/.. Le flegme est de grande qualité. $ 5. — Rectification. C’est en soumettant le flegme à une nouvelle dis- tillation dans des colonnes dites rectificatrices que l’on en extrait l’alcool neutre qui sert à fabriquer les eaux-de-vie et liqueurs. Les produits qui pas- sent au début de la reclfication, dits mauvais, moyens, bons goûts de tête, renferment les aldéhy- des, les éthers; puis vient l'alcool pur ; puis, à la fin de la rectification, passe l'alcool souillé par les al- cools supérieurs, les bases, le furfurol; ce sont les bons, moyens, mauvais goûts de queue. Les meil- leurs de ces produits sont reclifiés de nouveau, et les produits inférieurs sont destinés à être dénatu- rés ou à fabriquer des vernis. Mais il convient de remarquer que le jour où la consommation des alcools dénaturés sera supé- rieure à la production des mauvais goûts de tête et de queue que l’on réserve à la dénaturation, l'in- dustrie pourra substituer à ces mauvais goûts des 828 J. BOUYSSOU — LES PRODUCTEURS LATICIFÈRES DANS LE BASSIN DE L'OGOOUÉ flegmes à haut degré, à 90° par exemple, et suppri- mer par conséquent les frais de rectification. III. —"ConNcLUSIoNS: Nous venons de voir sur quelles bases la distille- rie est organisée, et 1l ressort de cette étude que les matières premières de l'alcool ne se présentent pas toutes au distillateur avec les mêmes avantages. Quelle est celle de ces matières premières qui sera appelée à fournir ce que la lampe, le réchaud, le moteur, l'industrie peuvent bientôt demander? La mélasse est un résidu nécessaire de la sucre- rie; on tend, par les nouveaux procédés de purili- cation, à en abaisser la proportion. La quantité d'alcool fournie par la mélasse est donc limitée. De plus, la mélasse peut aller un jour à l’alimentalion du bétail. Enfin, une loi nouvelle peut détruire la loi de 1887: les mélasses seront alors, comme elles le sont en Allemagne, traitées pour en extraire le sucre. La produelion du grain est illimitée; mais la distillerie ne peut se passer de maïs, et la guerre que l'on fera toujours, au nom de l’agriculture, à celte céréale tiendra la distillerie de grains en respect. Nous avons vu que la pomme de terre n'avait pas trouvé crédit auprès de nos distillateurs. Rien ne fait prévoir un changement de ce côté. Reste la betterave, qui symbolise, pour nos légis- lateurs, l’agriculture tout entière; c’est elle qui bien probablement sera le héros de la fète. Mais il faut souhaiter que la distillerie agricole de belte- raves, mieux organisée, travaille d'une façon plus scientifique. C’est le mouvement qui se dessine au- jourd'hui, el qui seul la maintiendra au-dessus de ses concurrentes. Les distilleries produiront plus d'alcool, sans que, pour cela, elles deviennent plus nombreuses; il suffira que ces usines abandonnent le procédé de macération, emploient la batterie de w diffusion pour doubler leur travail journalier. C'est la révolution à laquelle nous avons assisté en sucre- … rie, le seul progrès qui permette, en diminuant les frais généraux, d’abaisser le prix de revient de l'alcool. L. Lindet, Docteur ès sciences, Professeur à l'Institut National Agronomique. LES Les producteurs laticifères, nombreux dans le bassin de l’'Ogooué, sont, dans cette région, l'objet d'une exploitalion importante, bien qu'encore très irrégulièrement conduite. Il y aurait, croyons-nous, avantage à les bien connaitre, et à en classer les produits. Ces plantes se divisent en producteurs de caoutchouc et producteurs de gutta; les pre- mières comprennent de nombreuses variétés d’ar- bres et de lianes; les secondes, peu connues encore, sont représentées principalement par des Sapotacées et des Mimusopées. Ï.— ÉNUMÉRATION DES ESPÈCES. Arbres. — Les arbres à latex donnent, en général, du caoutchouc de médiocre qualité; le plus répandu estle Xickæia africana, que l'on trouve sur la côte nord du Congo tout aussi bien que dans le Mayombe et dans l'intérieur des terres. Il est très abondant sur les rives d'un affluent de l'Ogooué, la Lolo, et dans la région des Chakés, à N'Doro. Sans vouloir faire la description botanique de cet arbre, je crois qu'il est intéressant de donner quelques renseignements qui permettront d’élu- cider la question importante de la valeur du.pro- duit qu'il donne. PRODUCTEURS LATICIFÈRES DANS LE BASSIN DE L’'OGOOUÉ On avait cru, jusqu'à ces derniers temps, qu'il n'existait qu'une seule variété de Æickria; aussi de nombreuses suppositions avaient été failes pour expliquer la valeur du caoutchouc fourni par le Kichæia du Lagos. L'hypothèse de l'existence de plus d’une variété a été confirmée, et le D'Preuss; du Jardin d'Essai de Victoria (Cameroun), a trouvé quatre variétés, dont deux donneraient de bon caoutchouc identique à celui du Lagos. La distinction de ces variélés n’est pas encore connue, mais la certitude d'une bonne variété de Kickæia est établie ; elle doit sans doute exister au Congo français, quoique les Aichxia que j'ai inei- sés sur un grand nombre de points m'aient donné de mauvais produits. Le latex du Æickxia ordinaire, tout comme les mauvais latex, ne se coagule que par une concen- tration ou une ébullition prolongée; le produit que l'on obtient est mou, visqueux, extensible sans être élastique; sec, il devient dur et cassant par suite de la grande quantité de résine qu'il ren- ferme, 60 °/, environ. Le Æickæia du Lagos donnant un bon produit est appelé « Ofumtum » par les indigènes. On rencontre souvent un producteur laticifère dont le produit est identique à celui du Aichæia re art hgéact Re he J. BOUYSSOU — LES PRODUCTEURS LATICIFÈRES DANS LE BASSIN DE L'OGOOUÉ 829 ordinaire ; il est appelé « Aban » par les Pahouins, et donne un fruit comestible. Le rendement de 1 « Aban » est faible et le produit est mauvais. Il existe aussi de nombreuses variétés de icus qui toutes donnent un caoutchouc non exploitable. Pourtant, dans la Sangha il existerait une variété de Ficus donnant un produit qui est de bonne qua- lité. Trouvé par MM. Goujon et Lemaitre, cet arbre n’a encore élé l'objet d'aucune étude, malgré l'in- térêt qu'il y aurait à déterminer sa valeur ecultu- rale, si importante pour la colonie du Congo, par suite de la disparition des producteurs de caout- chouc et de la non-réussite des essais d'acclimata- tion des espèces introduites. Le Manihot Glaziowii, introduit depuis quelques années au Congo français, n'a donné, au point de vue du rendement, que de médiocres résultats, quoique ayant une croissance très rapide. L'accli- malation de cet arbre, sur lequel on fondait de grandes espérances, a amené une diminution dans la quantité de latex. En général, tout arbre ou plante introduite modifie un ou plusieurs de ses organes pour s'habituer à son nouveau milieu le chanvre, par exemple, produit non pas un textile, mais un narcotique ; la vigne coule; la ciguë ne contient plus de principes vénéneux ; la tomate donne des fruits de la grosseur du pouce; à la seconde génération, le rendement du Manihot est diminué; l'acclimatation, pour ce dernier, a donc modifié ses organes lalicifères. Je crains qu'il en soit de même pour les Æevea importés ; aussi le colon ne doit fonder aucune espérance sans essais préalables, sans résultats acquis, sur les producteurs laticifères introduits, et c'est pour cette raison que l’étude du produc- teur laticifère de la Sangha s'impose, car, se trou- vant dans son pays d'origine, il ne donnerait pas lieu aux déceptions éprouvées pour le WManihot, qui donne un maximum de 200 grammes de caout- chouc, alors qu'un arbre, dans la région del'Ogooué, doit donner 1 kilo de caoutchouc commercial pour qu'on puisse le cultiver en vue d’une exploilation. 2. Lianes. — Si le bassin de l'Ogooué est dé- pourvu d'arbres producteurs de caoutchouc, les lianes, au contraire, sont nombreuses, mais toutes ne donnent pas un caoutchouc commercial. Les lianes laticifères appartiennent soit au genre Landolphia, soit au genre Clitandra, soità la famille des Carpodinées; le premier contient la plupart des producteurs de caoutchouc commercial. Les ZLandolphia donnant un bon caoutchouc appartiennent au Z. owariensis, au L. Foreti et au L. Klainii. Le Landolphia owariensis se rencontre dans presque tout le Congo, le Landolphia Foreti au Fernand-Vaz principalement, et le Zandolphia Klainii dans le bassin de l'Ogooué. Ces trois Lan- dolphia ont de grandes analogies au point de vue botanique; les différences portent principalement sur les feuilles et la grosseur du fruit. Le Landolphia le plus commun dans la région de l’Ogooué est le Z. Florida; on avait cru, tout d'abord, qu'il produisait un caoutchouc utilisable: mais son produit à l’état frais est flasque, exten- sible sans être élastique ; sec, il est dur et cassant : il n’a aucune valeur. Il en est de même du Z. comorensis, que l’on rencontre souvent. Le Landolphia Petersiania se trouve dans toute notre colonie du Congo; il donne un caoutchouc de mauvaise qualité. M. Jumelle signale, au Fernand-Vaz, quelques lianes donnant des produits inférieurs à ceux fournis par les L. owariensis, Foreti et Klainü; ce sont : Carpodinus Foretiana (Okouendé N'Gowa en N'Komi); le Gnongo, l'Ivogué (Carpodinus Jumelli) ; l’Ébourendé, l'ILomba, le Bouéla, l'Ogoumou, etc. Cette énumération montre la richesse du Congo français en lianes laticifères; mais, sauf les trois Landolphia cités plus haut, les autres lianes n'ont guère de valeur par suite du produit médiocre qu'elles donnent. Si l'indigène les exploite, ce n’est que dans un but de fraude seulement, afin de mélanger le mau- vais latex avec celui que fournissent les Z. owa- riensis, Æoreli el ÆÂlainiü et que les indigènes désignent sous le même nom, celui de N'Dembo. Il est très difficile de déterminer la richesse de la forèt équatoriale en lianes produisant du bon ou du mauvais caoutchouc ; mais, en général, les régions où l'exploitation du caoutchouc n'est pas faite, par suite de l'absence de marchandises ou de communications, sont riches en producteurs laticifères. Dans les régions où l’exploilation est faite, la quantité de lianes diminue progressivement, à la suite des procédés employés ; aussi, la plus grande partie de la région côtière et le Bas-Ogooué sont actuellement dépourvus de lianes productives. IT. — J,ATEX. Si on examine le latex au microscope, on cons- tate qu'il est formé, tout comme le sang et le lait, de globules en suspension dans une solution riche en substances azotées. La précipitation de ces substances azotées amène la précipitation des globules de caoutchouc ainsi que leur soudure ; il en est de même pour la coagulation du sang et du lait, de sorte que l'ana- logie entre le latex et ces deux dernières subs- tances est grande. La précipitation des globules de caoutchouc 830 J. BOUYSSOU — LES PRODUCTEURS LATICIFÈRES DANS LE BASSIN DE L'OGOOUÉ peut se produire soit sous l’action des acides, soit sous l'action d’une fermentation. Quel que soit le mode de précipitation, la masse solide retient avec elle une certaine partie d’eau-mère putrescible, qui modifie la composition du caoutchouc et donne une odeur caractéristique, que l’on remarque sur- tout dans le cas du Manihot Glaziowii. La fermen- tation diminue la valeur du produit, et on doit la supprimer si l'on veut avoir du caoutchouc de bonne qualité. Pour éviter la fermentation, il suffit de couper le caoutchouc frais en morceaux aussi pelils que possible et de les laver fortement afin d'enlever l’eau-mère putrescible. On peut encore empêcher la fermentation au moyen d'antiseptiques ; il suffit de mettre un anti- septique dans le latex pour qu'après la coagu- lation aucune fermentation ne se produise. Au Para, le caoutchouc de l'Æevea braziliensis s'obtient en exposant à la fumée de noix d’uürucuri (A{talea excelsa) le latex pris au moyen d'une palette. La coagulation se produit immédiatement, le caout- chouc retient la créosote contenue dans la fumée. Ce procédé d'enfumage doit se recommander ; on peut remplacer les noix d’urucuri par les noix de palme. Certains latex se coagulent à l'air libre peu après l'incision:; tels les latex du Manihot, de l'Hevea, des L. owariensis, Klainii et Foreti. Le caoutchouc oblenu dans ce cas est toujours de bonne qualité, bien meilleur que le caoutchouc dont la coagulation a été obtenue soit par la chaleur, soit par les acides ou les bases. Plus la coagulation à l'air libre est rapide, plus le caoutchouc esi de bonne qualité ; lorsque le latex a besoin d'une exposition plus ou moins longue pour se coaguler, la qualité du caoutchouc diminue. Pour le Aickxia ordinaire, l'évaporation, qui se fait dans des auges en bois, demande plu- sieurs jours d'exposition. Si le latex nécessite une exposition longue, il sera répandu en couches minces dans des auges poreuses pour faciliter la coagulation. Le procédé de coagulation par la chaleur est un des plus employés : les latex se coagulant rapide- ment, c'est-à-dire donnant un bon caoutchouc, ne nécessitent qu'une faible élévation de tempéra- ture pour amener la précipitalion du caoutchouc. Les latex donnant un caoutchouc inférieur exigent une élévation assez grande de température, par- fois même une ébullition et souvent une concen- tration. En résumé, les bons caoutchoucs s’obtiennent toujours soit par une coagulation rapide du latex à l'air libre, soit avant l'ébullition. Les acides sont des agents de coagulation éner- giques, mais qu'il est souvent difficile de se pro- curer dans la forêt, et qui offrent cet inconvénient $ que la composition du caoutchouc varie suivant l'acide employé. Certains latex ne présentent aucune précipitation avec les acides et sont préci-: pités par les bases: l'inverse aussi se produit parfois. Si, avec un papier de tournesol, on examine le latex, on constate que certains latex sont acides et d’autres basiques ; les acides ne donnent pas de précipitation avec les latex acides; ils sont préei- pités par les bases, et inversement. L'acidité ou la non-acidité d'un latex doit être connue afin de déterminer si les acides ou les bases produiront une précipitation. Les acides minéraux, sulfurique, azotique, étendus d'eau constituent de bons coagulants, mais ne sont pas employés au Congo, où l'indigène se sert, toutes les fois qu'il le peut, soit de citron, soit du jus acide de certaines oseilles ou Euphor- biacées. Dans le cas des latex acides, les bases peuvent être employées; le sel est utilisé au Congo; l’alun est aussi un bon coagulant. Un procédé préconisé récemment pour obtenir du caoutchouc de très bonne qualité est le barat- age de R.-H. Biffen. Le latex filtré est baratté dans une sorte d'écrémeuse centrifuge, tournant à 6.000 tours à la minute; les globules montent à la surface; ils sont ensuite fortement lavés, ce qui évite toute fermentation, puis pressés pour obtenir du caoutchouc. Ce procédé permet d’utili- ser des latex inférieurs pour obtenir du caout- chouc ordinaire; il doit être recommandé. En résumé, les meilleurs procédés sont les sui- vants : barattage, enfumage, coagulation du latex, soit à l'air libre, soit avec une faible élévation de température. La chaleur, une évaporation prolon- gée, la concentration ne donnent que des produits inférieurs. III. — RENDEMENTS ET PROCÉDÉS D EXTRACTION. Le rendement des arbres en latex dépend des méthodes d'extraction. Si sur un Manihot on pratique une incision dont la section S est représentée par la figure 1, on cons- tate que la plus grande partie du latex s'écoule par la lèvre m; au bout d’un moment, l'écoulement cesse en /, pour À se continuer en 7”. Si à 2 ou 3 centimètres M" au-dessus et au-dessous de cette incision on en pratique deux nouvelles, le latex cesse de couler à la première incision (/m); on ne recueille qu'une très petite quantité de latex à l’incision supérieure, tandis que l'incision inférieure en donne la plus grande partie. Fig. 4 Le J. BOUYSSOU — LES PRODUCTEURS LATICIFÈRES DANS LE BASSIN DE L'OGOOUÉ 831 De ce qui précède on déduit que le latex est une sorte de sève ascendante; pour en oblenir une grande quantité du même arbre, la force ascen- sionnelle doit être conservée aussi longtemps que possible, ce que l’on obtient en commencant les incisions aussi haut que l’on peut, tout en les continuant en descendant pendant plusieurs jours successifs, jusqu'au niveau du sol. A cet effet, une incision demi-cireulaire (1) sera 1 Fig. 2. faite avec les incisions verticales linéaires im- paires (fig. 2). Le lendemain, l'incision (2) sera pratiquée et on “fera les incisions linéaires paires de la canalisa- “tion (1) et les incisions linéaires impaires de la canalisation (2), etc. Par ce procédé j'ai obtenu par Manihot 175 grammes de caoutchouc, alors que le système d'incisions ordinaires n'a donné que 80 grammes. La moyenne de rendement de Manihot adultes a été de 125 grammes par pied. Le procédé par incisions ne peut être employé pour les lianes; la première difficulté qui se pré- sente est que la liane ne peut être incisée que sur une faible longueur, car l'hypothèse de faire courir les lianes au niveau du sol n’est pas admissible à cause du grand espace et du grand travail que cette pratique exigerait. En employant le procédé par incisions, on n'obtient qu'une faible quantité de latex, correspondant à 100 grammes de caoutchouc, alors que la liane pourrait en fournir une moyenne d'environ 500 grammes. De plus, une liane incisée ne donne par la suite qu'un faible rendement, car souvent elle répare difficilement les dégâts causés par l’incision. La liane, en outre, ne peut être incisée que pen- dant un temps relativement court; pour toutes ces raisons, le procédé par incisions ne peut être employé. Les indigènes coupent la liane au niveau du sol,et, si elle n'a qu'un faible diamètre, ils la sectionnent en morceaux de 25 à 30 centimètres de longueur, en la coupant en biais de façon que les sections soient comprises entre deux plans paral- lèles. Si la liane à un diamètre dépassant 5 centi- mètres, ils la coupent à la première intersection des branches, la couchent sur le sol en la maintenant à quelques centimètres au-dessus; après le cou- page, ils se contentent de recueillir Le latex, lequel s'écoule par les deux sections extrèmes. Le lende- main, ils fontavec leurs couteaux des incisions cir- culaires tous les 15 ou 20 centimètres environ; le latex est recueilli dans des feuilles repliées en godet. Le procédé de coupage de la liane permet de recueillir la presque totalité du latex qu'elle ren- ferme, mais, en la coupant au niveau du sol, la liane meurt, la plupart du temps, sans produire de rejets, et c'est pour cetle raison que le Congo Fran- çais est dépourvu, sur un grand nombre de points, de lianes à caoutchouc. Habituellement, les lianes émettent, jusqu'à un mètre au-dessus du sol, des racines adventices que l’indigène coupe pour en extraire le latex; si un rejet pousse sur l’une d'elles, il aura bien moins de vigueur que le rejet r,r,, r,,.. (fig. 3), qui pous- sera au-dessus de la dernière racine, au point p par exemple ; ce dernier aura pour nourriture toute la sève poussée dans le sol: il grandira plus rapidement que les rejets poussés sur les racines D TEE EMIONNE constaté qu’au bout de six ans, le rejet poussé en p sera de la grosseur du poignet, alors qu'il faudra une dizaine d’an- nées aux rejets pous- sés sur les racines secondaires pour avoir la même grosseur, tandis que la liane semée met une quinzaine d'années pour deveuir exploitable. Malgré tout ce que l’on a prétendu, laliane doit être coupée au-dessus de la dernière racine, c'est- à-dire à 4* 50 environ au-dessus du sol. Ce procédé permet d'obtenir le maximum de caoutchouc: il n'entraine pas la disparition de la liane, puisqu'au bout de cinq ans le nouveau rejet peut être exploité; aussi c'est le seul qui doit être préconisé Fig. 3. J. Bouyssou, Ingénieur-agronome de l'Institut National Agronomique. Chargé d'une Mission scientifique au Congo français. S32 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 4° Sciences mathématiques ou raréfié: M. Boulvin aurait pu y adjoindre les cana lisations de gaz combustibles et (onnants, qui consti- Genocechi (Angelo). — Diferentialrechnung und | tuent un des meilleurs modes de trausport de l'énergie, Grundzüge der Integralrechnung. (Publié par M. G. Peaxo. Traduction allemande de MM. G. Bonz- Mann et À. Scnepr). Deuxième partie, — 1 vol. in-8° de 176 pages. (Prix : 6 fr. 25.) B. G. Teubner, éditeur, Leipzig, 1899. Le second fascicule de l'édition allemande des lecons d'Analyse de Genocchi est consacré au Calcul intégral. Il comprend deux chapitres et un appendice; lun des chapitres traite des intégrales indéfinies, l’autre des intégrales définies. Il ne s’agit pas d’un exposé complet de ce calcul et de ses applications, mais simplement d'un examen approfondi de certaines questions fonda- mentales. L'auteur présente d’abord la notion de fonction pri- mitive et les règles qui se rattachent à la détermina- tion des intégrales usuelles ; puis il examine successi- vement le problème de l'intégration pour les cas suivants : intégration des fonctions ralionnelles; inté- sration de fonctions irrationnelles; différentielles binômes; intégrales de fonctions transcendantes. Le chapitre suivant débute par une étude détaillée de la définition de l'intégrale définie et de ses consé- quences. Ces considérations purement analytiques sont suivies de quelques applications géométriques : aire d’une surface plane, volume d’un solide, rectifica- tion d’une courbe plane. Viennent ensuite la détermi- nation d’une intégrale définie et l'étude des intégrales dont l'élément différentiel devient infini ou dont une limite estinfinie. Le chapitre se termine par quelques théorèmes relatifs au développement en série d’une intégrale définie. L'Appendice comprend : 4° (p. 309-335) une série de notes historiques et bibliographiques relatives aux divers sujets traités dans les deux fascicules; 20 (p. 336-395), cinq notes dues à M. Peano et consa- crées à l'étude de certaines questions d'Analyse envi- sagées à l'aide des méthodes de la Logique mathéma- tique. Ces articles sont extraits des travaux du savant professeur de Turin; ils portent les titres suivants : la Logique mathématique; définitions de l’arithmétique; sur la formule de Taylor; sur la définition de l'inté- grale; les nombres complexes. H. Feu, à Privat-docent à l'Université de Genève. Boulvin (J.), Ingénieur des Constructions maritimes de l'Etat belge, professeur à l'Université de Gand. — Cours de Mécanique appliquée aux Machines, 8° fas- cicule : Appareils de levage; transmission du travail à distance. — Un volume grand in-8°, de 248 pages, avec 200 figures dans le texte. (Prix: 7fr.50.) E. Bernard et Cie, éditeurs, Paris, 1899. Ce fascicule complète le remarquable ouvrage de l'éminent professeur de l'Université de Gand : le grand savoir de l’auteur, son jugement éclairé et sa haute compétence pratique font un véritable monument de ce cours publié en 8 volumes, comprenant 2.136 pages, et 1.629 gravures. Toutes les questions de la Mécanique appliquée y sont traitées avec une autorité et une ampleur qui font de cette œuvre une véritable encyclo- pédie des ingénieurs mécaniciens, et un compendium complet des applications de la Thermodynamique. Le huitième et dernier fascicule est partagé en deux parties : la première est consacrée à la transmission et à la distribution du travail à distance par les appa- reils télédynamiques, hydrauliques et à air comprimé grâce au perfectionnement des moteurs à gaz. Les appareils de levage l'ont l’objet de la seconde partie, qui est divisée en quatre chapitres: Chapitre I. Machines servant aux opérations élémen=« taires : crics, palans, treuils et cabestans. Chapitre IL. Grues, bigues et ponts roulants. Chapitre IT, Appareils dépendants d’une station cen= trale. Chapitre IV. Ascenseurs müûs par arbres et ascen=M seurs hydrauliques, à action directe ou indirecte. L'auteur n’a rien négligé pour être clair et complet, et ses éditeurs ont illustré l'ouvrage de belles gra-m vures, dessinées avec un grand sens pratique et bien exécutées. Ù Ce fascicule est complété par un index alphabétique des malières contenues dans les huit fascicules formant l'ouvrage complet, qui permet d'apprécier l'étendue de l’œuvre de M. Boulvin, et qui constitue une sorte de dictionnaire extrêmement utile au lecteur. AIMÉ Wirz, Professeur à la Faculté libre des Sciences de Lille. 2° Sciences physiques Berthelot (M.), Membre de l'Institut, Professeur au Collège de France, et Jungfleiseh (E.), Professeur à l'Ecole de Pharmacie et au Conservatoire des Arts et Métiers. — Traité élémentaire de Chimie organique. Tome 1 (4 Edition). — 1 vol. in-8° de 752 pages, avec 70 figures. (Prix : 20 fr.) VY* Ch. Dunod, éditeur, Paris, 1899. L'ouvrage de MM. Berthelot et Jungfleisch, dont la quatrième édition est en ce moment publiée, a reçu des auteurs, pour cetle édition nouvelle, avec un dévelop-n pement beaucoup plus considérable, d'importantes transformations. [l y est fait partout usage des notions de structure des molécules, dont l'emploi a permis de représenter, d'une facon satisfaisante, les isoméries.\ Ces notions fondamentales de structure sont exposées, au début de l'ouvrage, immédiatement après les cha= pitres relatifs à l'analyse organique et à la détermina- tion des poids moléculaires. En même temps sont men- tionnés, dès le début, les divers cas qu'il convient de disünguer dans l’isomérie. L'étude des diverses fonc- tions est ensuite abordée. Elle commence par les car- bures, aussi bien ceux à chaine ouverte que ceux à chaine fermée. Viennent ensuite les composés ternaires, alcools et phénols; les aldéhydes et les quinones sont encore étudiés dans celte première partie de l'ou- vrage. Le tome second, qui sera prochainement publié, comprendra d'abord les acides, puis les composés qui contiennent de l’azote dans leur molécule. Les méthodes générales de transformation sont expo- sées dans leur ensemble avec l'autorité des savants qui ont composé l'ouvrage. Le lecteur leur saura gré d’avoir mis leur livre au courant des progrès les plus récents acquis à la science; le chapitre sur les sucres et les autres hydrates de carbone présente un intérêt parti=n culier. L'ordre systématique et l'exposé des théories guident avant tout l'agencement des chapitres; mais les auteurs n'ont pas accepté de tout sacrifier à la théorie. Un cer- tain nombre de traités, notamment parmi les ouvrages élrangers, se préoccupent avant tout de classer avec mé-" thode les corps étudiés, el d'en mentionner un très 833 grand nombre; les méthodes de transformation y sont souvent exposées l’une après l’autre, en grand nombre, il est vrai, mais sans critique et sans choix, comme Sans noms d'auteurs et sans dates. Les méthodes expé- rimentales y sont aussi soit passées sous silence, soit exposées avec sécheresse et comme à regret. Le mérite qui reste à un pareil ouvrage est celui d'un catalogue méthodique et complet; il rend de véritables services à telui qui s’en sert comme d'un répertoire ou d’un dic- ionnaire; un tel livre, destiné à celui qui possède éjà les notions les plus importantes, n’est pas fait pour tre lu. Rien de pareil n'existe dans le présent ouvrage. ur tous les points importants, une indication histo- ique rapide rapporte à chacun de leurs auteurs les rogrès faits sur la question; cette brève indication suffit au lecteur pour voir par quelles phases succes- sives et par quelles associations d'idées ont été acquises les connaissances qui forment le domaine actuel de … Ja Chimie. — Enfin dans cette édition, comme dansles précédentes, mes méthodes expérimentales sont exposées avec un | soin particulier. Si belles et si fécondes que puissent être les théories générales, dont la haute importance nest plus à discuter, il doit y avoir quelque chose de “concret dans l’enseignement de la Chimie : elle ne s’ap- “prend qu'au laboratoire. Aussi les auteurs ont donné une réelle importance aux préparations classiques, aux “propriétés physiques el chimiques, aux caractères de “pureté, aux principales applications industrielles. Il y a là, par conséquent, out ce qu'il faut pour donner à celui qui entreprend l'étude de la Chimie, non seule- rent les moyens de saisir clairement les principes essentiels de la Chimie organique, mais de prendre, en l'étudiant, le sens et le goût de l'expérience. LÉON PIGEON, Professeur adjoint à l'Université de Dijon. —_Moureu (Ch.), Professeur agrégé à l'Ecole supérieure de Pharmacie de Paris, Pharmacien en chef des Asiles de la Seine. — Détermination des Poids moléculaires (Constantes physiques utilisées). — 1 vol. in-8° de 154 pages avec figures. (Prix : S fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1899. — Voici un volume auquel nous souhaitons cordialement m1 bienvenue; destiné, comme son titre J'indique, à faire connaître les méthodes qui permettent d'établir les poids moléculaires par voie purement physique, il remplacera avec avantage, pour toutes les personnes qui s'intéressent à ces questions et n'ont pas le loisir de remonter aux sources, tout un chapitre des traités de Chimie générale auquel, faute d'espace, les auteurs ne peuvent donner l'importance qu'il mérite. Peut-être ce défaut est-il encore sensible dans l'ou- xrage de M. Moureu, que, pour notre part, nous aurions désiré voir s'étendre un peu plus sur chacune des ques- tons qu'il embrasse. La mesure expérimentale de la densité des corps gazeux, celle de la vitesse du son dans les gaz, la méthode si originale de M. Schlæsing fils, ainsi que les derniers dispositifs adoptés en Alle- magne pour l’ébullioscopie, méritaient certainement une description de quelques pages ; l'exemple de l'ar- on, celui du fluor, un exposé succinct des recherches e M. Leduc auraient mis en lumière quelques-unes des difficultés que l’on rencontre dans cet ordre de recherches; en adjoignant enfin un peu plus de calcul à ces données pratiques, l’auteur aurait fait un livre de fond au lieu d’un livre d'étude, que le maître eût consulté aussi utilement que l'élève. Il n’a pas jugé utile de Le faire et nous en prévient d'ailleurs à plusieurs reprises dans son préambule; j'espère néanmoins qu'il le fera dans une seconde édi- tion, que je lui souhaite prochaine ; la tâche est facile à qui est aussi bien armé. RE rs Tel qu'il est, le livre de M. Moureu sera jugé par tous excellent, bien entendu dans ses divisions, qui com- prennent l'état gazeux, l'état critique et l'état liquide; il est surtout d’une clarté d'exposition qui fait regretter REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899, davantage encore l'étroitesse des limites entre lesquelles l’auteur a cru devoir resserrer son sujet. La forme de l'ouvrage est parfaite et fait, comme d'habitude, honneur à la maison qui l’édite. Un mot enfin pour terminer : il est certes très bon d'apprendre aux Jeures qu'il existe des relations étroites entre les différentes branches de la science et que l’une d'elles peut souvent fournir aux autres des indications importantes; il est mieux encore, ce me semble, de les mettre en garde contre toute idée fausse pouvant surgir d’un enseignement trop exclusif ou mal compris. En ce qui concerne notamment la notion de grandeur moléculaire, telle que nous l’entendons en Chimie, il me parait indispensable de leur rappeler d'abord qu'elle résulte essentiellement de l'ancienne et excellente loi de Proust, la seule dont on puisse dire, après la loi de Newton, que sa rigueur dépasse celle de nos procé- dés de mesure, et que l’unique moyen d'évaluer sûre- ment le poids moléculaire d’un corps est de le soumettre à une élude chimique approfondie. Les méthodes physiques leur apparaîtront alors sous leur véritable jour, c’est-à-dire comme de simples mé- thodes d’approximalion, d’une exactitude souvent in- suffisante pour distinguer même les termes voisins d'une série homologue, et dont le contrôle, parfois pré- cieux, est rarement nécessaire. Il y à là une précaution à prendre, qui est surtout d'ordre pédagogique, mais qui a son importance quand il s’agit de former une génération nouvelle de travail- leurs; M. Moureu, qui a cette charge, ne semble pas y avoir songé; c'est pourquoi je me suis permis de lui faire, en passant, cette petite observation, pour qu'il en tienne, d’ailleurs, tel compte qu'il lui conviendra. L. MAQUENNE, Professeur au Muséum d'Histoire naturelle. 3° Sciences naturelles Gauchery (Paul-Auguste), Préparateur à la Faculté des Sciences de Paris. — Recherches sur le Na- nisme végétal. (Thèse de la Fucullé des Sciences de Paris. — 1 brochure in-8° de 100 pages avec 4 planches, et 30 figures. Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1899. Jusqu'ici, nos documents sur les nains végétaux sont à peu près nuls, et cependant on connaît un très grand nombre de causes qui produisent le nanisme. M. Gauchery s'est rallié à la définition de Geoffroy Saint-Hilaire, et réserve le nom de nains aux petits individus qui ont conservé la perfection des formes des adultes. Il admet un nanisme accidentel quand la peti- tesse de la taille est expliquée par une cause apparente : obstacle à la nutrition de l'embryon ou de l'adulte, mutilations mécaniques, influences cosmiques, telles que sécheresse, froids des hautes latitudes et des hautes altitudes avec leur périodicité spéciale, action parasi- taire, concurrence. vitale. L'auteur exclut aussi de la catégorie des vrais nains les cas si nombreux de pyg- méisme normal qui caractérisent certaines races, va- riétés ou espèces. Que reste-t-il alors dans la caté- gorie des nains proprement dits ? Il reste le nanisme constitutionnel, dû à une cause interne, celui qui est con- tenu à l’état latent dans la graine, et qui sera réalisé fatalement quand la germination se produira. Les indi- vidus issus des graines d’une même génération et d’une même lignée ancestrale ne possèdent pas la même capa- cilé de croissance quand ils sont placés dans des con- ditions identiques. Il y a donc des géants et des nains constitutionnels. Cependant, s'il nous est permis une critique, nous trouvons que, fréquemment, le nanisme constitutionnel n’est autre chose qu'un nanisme acci- dentel. Il est visible, en effet, que toutes les graines d’un fruit ou surtout d’une plante-mère diffèrent très fré- quemment par des causes trèsapparentes : densité, poids des graines, degré de maturité à la déhiscence du fruit, durée de la vie ralentie, situation du fruit sur la plante, moment de sa production par rapport à la durée de la vie de la plante-mère,.… etc. Ces causes, ici énumérées, 21 854 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX ne peuvent pas rentrer dans le groupe des influences indéfinissables qui constituent le passé ancestral de l'individu, et, au contraire, sont des accidents impor- tants du début de la vie de la jeune plante. Le nanisme constitutionnel peut-il résulter d'in- fluences héréditaires ? Certainesexpériences le prouvent nettement, mais on voit que certains cas sont produits indépendamment de toute hérédité, par les conditions accidentelles de maturation ou de conservation de la graine par exemple. Ce que nous venons de dire laisse donc supposer que l’auteur, en étudiant la morpho- logie des nains constitutionnels, a dù étudier des nains produits par des causes variées. L'indétermination de la définition a dàù entrainer un peu d'indétermination dans les résultats observés, et explique en partie certains résulltats inverses enregistrés par l’auteur. M. Gauchery expose soigneusement les modifications de morphologie externe et d'anatomie topographique présentées par les nains constitutionnels. Les transfor- mations sont souvent profondes. On peut voir dispa- raître le caractère spécifique de l’inflorescence (Sene- cio) ou le type phyllotactique (Helianthemum). On voit apparaître un type floral tétramère chez des fleurs pentamères (Anagallis, Erythrœu). La forme des feuilles est très simplifiée ; la ramilication, les proportions relatives des dimensions des organes sont, en général, différentes. La morphologie interne s'est montrée aussi très in- fluencée dans la racine et dans la tige. Chez les nains, le tissu cortical est plus développé; le péricycle, le nombre des faisceaux et le calibre des vaisseaux sont souvent plus réduits, el chaque tissu subit des réduc- tions non proportionnelles. Dans un chapitre spécial, l’auteur signale des compa- raisons morphologiques et anatomiques intéressantes. Il compare un type nain à un type géant, tous les deux adultes ou tous les deux jeunes, puis un type nain adulte à un échantillon de même taille, mais encore en voie d’actif développement Il constate, en résumé, que la sclérose fixe la structure primaire de la tige du nain, qui est tout à fait ou presque définitive, tandis que le gigantisme se traduit par le grand développe- ment des tissus secondaires, Et il existe toute une série de types intermédiaires var la taille etles caractères de structure anatomique. Le nain est donc surtout carac- térisé par une évolution arrêtée plutôt que rapide. M. Gauchery conclut, avec raison, que les nanismes d'origines différentes ont des caractères propres. Etant donnés les résultats importants auxquels il est arrivé, il serait maintenant d'un grand intérêt de comparer, chez une espèce facilement variable, le développement et les structures réalisées quand on fait agir séparément les diverses causes qui produisent les nanismes consti- tutionnels ou accidentels. L'auteur, déjà connu par ses travaux sur les hybrides, a abordé, avec succès, un nouveau sujet très intéressant. Son travail a été fécond, et la question mériterait de ne pas être abandonnée. Epmono GAIN, Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Nancy. Cligny (A.), Agrégé des Sciences naturelles. — Ver- tèbres et Cœurs lymphatiques des Ophidiens. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8° de 122 pages avec 5 planches. L. Danel, imprimeur. Lille, 1899. M. Cligny s’est proposé l'étude d’un certain nombre de questions de morphologie pure relatives à la ver- tèbre et surtout à la côte, en n'utilisant comme maté- riel que des Ophidiens et des Sauriens actuels. Certains Poissons, tels que le Polypterus, possèdent à chaque vertèbre deux paires de côtes superposées; d'autre part, il semble que la paire unique des Séla- ciens correspond à la paire dorsale, tandis que la paire unique des Téléostéens correspond à la paire ventrale. On peut donc supposer que l'ancêtre commun des Poissons avait deux paires de côtes coexistantes, comme Polypterus, et que tantôt l’une, tantôt l'autre, s’es atrophiée chez ses descendants. Or, les Batraciens e les groupes à respiration aérienne qui viennent ensuit ont très souvent des côtes qui s’articulent sur la vertè= bre par deux têtes (côtes bicipitales); on s’est demandé: (Dollo) si ces côtes, au lieu de correspondre seulemen aux côtes dorsales des Poissons, ne seraient pas for- mées par la fusion incomplète des deux côtes inférieure et supérieure, ce qui expliquerait leur bifidité. L'embryogénie semble montrer que quelques côtes bicipitales de Batraciens se constituent par deux ébau-« ches superposées (Gütte), qui se fusionnent ensuite; mais ce n’est pas d'une telle évidence qu’on soit forcés d'accepter l'hypothèse de Dollo, tout au contraire M. Cligny a examiné les vertèbres des Ophidiens pour y chercher des arguments pour ou contre cette théorie :« il était vraisemblable qu'il n’en trouverait pas beaucoup, puisque les Batraciens, plus près de l'ancêtre très hypothétique à deux paires de côtes, n'avaient rien donné de décisif. La lecture de son travail ne dément pas cette prévision : il admet, après un examen très succinct du développement des côtes de Vipère, que” celles-ci, unicipitales à l’état cartilagineux et osseux, sont probablement bicipitales à l’état précartilagineux ; il en conclut, sous réserves d’ailleurs (combien justi- fiées !},que la côte des Reptiles, actuellement à une seule tête, est morphologiquement bicipitale et compa- rable, par suite, à la côte des Batraciens urodèles. Il est connu que, chez les Ophidiens, il se trouve, de chaque côté de la colonne vertébrale, à l'origine de la queue, un cœur lymphatique, qui est encadré par les dernières côtes du tronc et les pleurapophyses des pre- mières vertèbres caudales, de facon à être protégé dor- salement et ventralement. M. Cligny donne des détails précis sur la forme des vertèbres, la position de ces cœurs et leurs connexions avec l'appareil lymphatique etl’appareil circulatoire à sang rouge (Vipère, Coronelle, Orvet). Il discute copieusement la signification de ces « lymphapophyses » bifurquées et conclut que la bifurcation n’est pas l'indice d’une dualité primitive, mais est en rapport avec la présence du cœur lym- phatique. Les vertèbres caudales des divers Sauriens et Ophi- diens possèdent une segmentation transversale qui permet(?) de les comparer aux vertèbres fragmen- taires, comme celles d’Amia et de la queue de Cricotus; l'anneau intervertébral ne correspond pas à une portion de ces vertèbres fragmentaires (hypocentre); c'est une formation accessoire et inconstante. Les apophyses épineuses inférieures (hypapophyses) des vertèbres d'Ophidiens sont des hémapophyses soudées, persistant dans le tronc pour fournir un point d'appui à la muscu- lature particulièrement aclive de ces animaux. On pourra peut-être trouver un peu maigres les ré- sultats positifs renfermés dans cette thèse ; c'estheaucoup « moins, sans doute, de la faute de l’auteur que du sujet choisi et du procédé de recherche. Les études sur la morphologie et l'homologie des pièces squelettiques ou autres, dans une série d'animaux, ne peuvent avoir d'intérêt que si elles s'étendent à un nombre considé- rable de types, fossiles et actuels, et ce n’est pas l'examen de quelques coupes transversales d'embryons de Serpents qui peut suffire à résoudre des problèmes aussi difficiles. Nous connaissons trop la puissance de la convergence et des influences mécaniques, le peu d’exaclitude de la répétilion de la phylogénie par l'ontogénie, pour ne pas avoir quelque scepticisme sur les résultats de mor= phologie pure acquis par une méthode aussi simple et aussi rapide. Sofin, M. Cligny me paraît avoir oublié que les organes métamériques, des vertèbres par exemple, ne sont pas du tout homologues les uns des autres, mais bien homodynames, ce qui n’est pas du tout la même chose. Les homologies sont du domaine positif et peuvent être recherchées; les homodynamies sont presque de la métaphysique. L. CUÉNOT, Professeur à l'Université de Nancy. } | BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 835 a —_—_———— ————————————————————_———————————————…—…—…—…—…—…—…—…— —…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…——…——…——…———…—…—…—_—…—————<—<>.…<—û—…—0ûûm 4 Sciences médicales Ferrari (Henri-Maxime). — Une chaire de Médecine au xve siècle. Un professeur à l’Université de Pavie de 1482 à 1472. — 1 vol. in-8° de 334 pages, — avec un fac-sSimile d'autographes et cinq gravures. (Prix : 8 fr.) F. Alcan, éditeur. Paris, 1899. M. Ferrari s'est attaché, en ce livre, à faire revivre Ja figure, aux traits un peu effacés par le temps, de lun de ses ancêtres, Glammateo Ferrari da Grado, “plus connu peut-être sous son nom à forme latine, de ohannes Matheus de Gradibus, qui enseigna à l'Uni- ersité de Pavie de 1432 à 1472. Les renseignements ue donnent, sur cet illustre médecin d'autrefois, les crivains médicaux de langue francaise, de Portal à Dechambre, sont d'ordinaire fort inexacts : ses biogra- hesitaliens ont bien retracé avec fidélité les principaux épisodes de son heureuse et fructueuse carrière, mais so vécut et à M. Ferrari de le replacer dans le milieu où 1l vécut et de mettre sous nos yeux cette esquisse, “vivante et précise à la fois, de la vie universitaire et “de la pratique médicale dans les villes lombardes à la rime aube de la Renaissance, à ce moment où les “traditions et les habitudes de l’âge précédent gardaient encore tout leur empire, mais où déjà apparaissaient “les signes avant-coureurs de la grande révolution scien- tilique qui, au cours du siècle suivant, allait partout “slopérer. La copieuse et solide érudition qui se montre “en ces pages, où il semble souvent sentir la main d’un “historien de profession, donne une valeur et une auto- -rité singulières à cette sobre et attachante étude des procédés d'enseignement et des méthodes thérapeu- tiques que les Italiens du xv® siècle appliquaient, doci- “lement fidèles aux doctrines et aux maximes des écri- “vains arabes, dont les livres emplissaient leurs étroites bibliothèques. … La première partie de l'ouvrage est consacrée à la “fois à la biographie de Jean-Mathieu Ferrari et à l'his- “hoire de l'Université de Pavie au xv° siècle;les relations de l’Université avec les ducs de Milan, les Viscontiet les “Sforza, la condition des étudiants et des professeurs, les grades universitaires et les examens, l'organisation de l'enseignement, les relations du corps des professeurs et “du collège des médecins, ont été pour M. Ferrari l’objet “de recherches heureuses, dont il nous fait connaître les résultats avec une élégante brièveté. L'histoire person- nelle du médecin pavesan, c'est essentiellement celle de ses démêlés avec ses collègues et de ses affectueuses relations avec les ducs de Milan ; M. Ferrari a pu la faire, grâce surtout à la correspondance inédite de son lointain aieul, qui est conservée aux archives de Milan et dans celles de l'Université de Pavie. Il a publié à la fin du volume une soixantaine de ces lettres échangées entre J. M. de Gradibus et ses correspondants : les mille détails qu'elles donnent sur la vie quotidienne d’un Italien du xv° siècle leur confèrent un très réel intérêt. Dans la seconde partie, M. Ferrari a fait une étude rapide des doctrines médicales du Moyen-Age, doc- trines empruntées aux Grecs par l'intermédiaire des Arabes; il expose tout d'abord par quelles voies et grâce surtout à quels hommes les connaissances et les théories médicales ont pénétré en Occident, et s'attache à montrer le manque presque complet d'originalité desécrivains musulmans, disciples dociles d'Hippocrate, de Galien, de Paul d'Egine, des anatomistes et des cli- niciens de l'Antiquité. Il montre que ce même esprit anime, au x1v° et au xv° siècles, les médecins de France et d'Italie : Galien et Avicenne sont pour eux des oracles ; attachés à l'étude des ouvrages arabes, se plai- sant à disserter à perte de vue sur les doctrines qui y sont contenues, se souciant beaucoup plus de com- puiser un manuscrit que d'examiner avec soin les faits, ils nous apparaissent surtout comme des érudits, hommes de cabinet et de bibliothèque. A leur senti- ment, tout a été dit par leurs devanciers et il ne s’agit que de bien comprendre leurs livres; il est donc fort important de savoir de quels livres ils usaient, et la partie la moins utile de l'ouvrage de M. Ferrari n’est point, à coup sûr, la publication du catalogue de la bibliothèque de J. M. de Gradibus (p. 83-93). Sa compo- silion est celle de presque toutes les « librairies » mé- dicales du temps. « Les Grecs n’y figurent guère que pour mémoire; les Arabes et leurs commentateurs, imitateurs ou disciples serviles, y abondent; les Saler- nitains n'y sont admis que pour les ouvrages de re- celles. » M. Ferrari expose alors à grands traits la doctrine galénique, qui repose sur la double théorie des quatre éléments et des quatre humeurs, et fait une étude rapide de la littérature médicale du xv° siècle, prenant pour exemples les trois ouvrages de son aïeul : la Prac- tica, les Erpositiones et les Consilia, qui correspondent aux trois types de livres de médecine les plus habi- tuels à cette époque, le Traité d'ensemble, les Remar- ques sur certaines affections spéciales, et le Recueil d'observations. I insiste sur le manque absolu de nou- veauté de ses descriptions anatomiques qui procèdent de Galien et montre qu'on lui a attribué à tort la découverte de la signification véritable des glandes génitales de la femme, des ovaires; il avait cependant pratiqué quelques dissections, mais qui ne furent pas poussées très loin et qui ne le firent jamais s’affran- chir des erreurs enseignées par Avicenne. Les dissec- tions, du reste, étaient alors fort rares, etil était malaisé de se procurer des cadavres; anatomiser un corps humain, c'était un acte solennel, et les étudiants rele- vaient en leurs notes commeunévénement mémorable le fait d'y avoir assisté. L'Eglise et les musulmans voyaient d'ailleurs cespratiques avec lamême réprobation. Les chi- rurgiens cependant avaient, plus fréquemment que les médecins, une connaissance directe de l'Anatomie, qu'ils avaient puisée non pas dans les livres, mais dans l’é- tude même du cadavre; en Italie, ils n’étaient pas tenus dans la même mésestime qu'en France, et prenaient rang dans l'Université auprès des docteurs en méde- cine, leurs confrères. Mais ces chirurgiens, 1ettrés et beaux diseurs, avaient une timidité opératoire singu lière et ils laissaient aux «maîtres», aux non gradués, le soin d'intervenir dans tous les cas où une intervention pouvait mal tourner; M. Ferrari donne sur les rapports des médecins et des chirurgiens et sur leurs communes relations avec les empiriques les plus intéressants dé- tails. Il décrit ensuite les règles prescrites pour l'examen du malade et qui sont conformes à un invariable for- mulaire, le cérémonial usité dans les consultations, la thérapeutique à laquelle on recourait; il insiste sur l'importance toute particulière attachée à l'hygiène, au régime, à la diète, suivant l'expression d'alors; puis il fait l'inventaire sommaire de la matière médicale qui était en usage, et donne sur la saignée et sur la méde- cine magique de curieux renseignements. La troisième partie de l'ouvrage est constituée par un choix des consultations du professeur de Pavie, que leur intérêt, au point de vue de l’histoire de la Méde- cine ou de l'histoire des mœurs, a déterminé M. Ferrari à traduire; les maladies nerveuses et les maladies des femmes y tiennent une grande place. Il a fait suivre ces extraits des Consilia de la table des matières de la Practica. Dans la quatrième partie figure la bibliographie de l'œuvre de J. M. Ferrari da Grado, où sont décrites les éditions de la Practica, des Consilia et des Expositiones, imprimées de 1471 à 1560. Des fac-simile des premières ages et des titres des plus anciennes permettent de se aire une idée de la typographie au temps de Johannes Matheus de Gradibus, qui fut l’un des initiateurs de l'imprimerie. Un Index bibliographique, qui comprend 122 numéros, aidera les lecteurs à contrôler et à pous- ser plus loin, s'ils le souhaitent, les recherches de l'au- teur. En appendice sont données en leur texte, latin ou italien, les lettres dont nous avons parlé plus haut. L. MARILLIER, Agrégé de l'Université. 836 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 23 Octobre 1899. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Humbert étudie certaines surfaces remarquables du quatrième ordre, à quinze points doubles, pour chacune desquelles les coordonnées d'un point sont des fonctions abéliennes de deux paramètres ; il montre la possibilité d'obtenir des surfaces analogues à quatorze, treize, douze, etc., points doubles. — M. P. Appell ramène la question de l'équilibre d'un flotteur avec un chargement liquide à la recherche de la plus courte distance d’un point fixe au plan tangent à une surface. 20 ScIENCES PHYSIQUES. — M. A. Potier reprend les calculs de M. Blondel sur la réaction d'induit des alter- nateurs et y introduit des modifications qui permettent de tenir compte des fuites. — M. À. Aignan et E. Du- gas ont déterminé par leur méthode les coefficients de solubilité de deux liquides; le cas de l’aniline et de l'eau, où il n'ya pas de réaction, est le plus simple; dans le cas de l'alcool amylique de fermentation et de l'eau, il y a une contraction très marquée provenant d'une combinaison entre les deux liquides; l'alcool amylique se combine avec l’eau en excès. — M. M. Ber- thelot a constaté, par une série d'expériences, que, -sous l'influence de l'oxygène libre ou fourni par l'eau oxygénée, influence activée par la lumière et lentement exercée dès la température ordinaire, l’éther ordinaire subit à la fois une double réaction : l’une oxydante, qui fournit de l’aldéhyde et de l'acide acétique, et l'autre hydratante, qui fournit de l'alcool. Les phénomènes spontanés observés sur l’éther sont applicables en prin- cipe, et probablement en fait, à une mullitude de com- posés végétaux et animaux, tels que le sucre de canne, les saccharoses, les hydrates de carbone naturels, les glucosides, les glycérides, les nitriles, uréides et corps, azotés, lous composés susceptibles d'hydratation et d'oxydalion. La connexité de ces deux actions doit exister également dans l’ordre des réactions physiolo- giques, c'est-a-dire accomplies au sein des êtres vivants. 30 SGiENCES NATURELLES. — M. Yves Delage a étendu aux Mollusques et aux Vers le résultat qu'il avait obtenu précédemment chez l'Oursin, c’est-à-dire la fécondation d'une moitié d'œuf ne contenant pas de noyau et son développement en un embryon. Il propose d'appeler ce processus du nom de méroyonie. Ces résultats le con- duisent à admettre que, dans la fécondation, le phéno- mène essentiel est nan pas, comme on le croyait, la fusion d'un noyau femelle et d’un noyau mâle dans le cytoplasma ovulaire, mais l'uuion d’un noyau sperma- tique à une masse donnée de cyloplasme ovulaire et le transfert à ce cytoplasme ovulaire d'un plasma énergé- tique spécial contenu dans le shermocentre. — M. Henri Stassano à consta 6 que la prédom-nance du mercure dans les organes les plus sanguins après qu'il a été in- jecté dans l'organisme provient de ce que l'endothélium vasculaire exerce sur lui une grande aflinité et le retient en majeure partie; cet endothelium agit de même vis-à- vis d’auires poisons, tels que la strychnine et le cu- rare. Les-cellules endothéliales fonctionnent donc dans l'économie tantôt comme organe d'absorption, tantôt comme organe d'arrêt. — MM.J.-L. Prévost et F. Bat- telli ont déterminé, sur des chiens, des lapins et des cochons d'Inde, le mécanisme de la mort par les dé- charges électriques. Les effets mortels sont proportion- nels non à la quantité Q, mais à l'énergie W. Les effets de la décharge se divisent en cinq phases proportion- nellement à l'énergie employée : 1° contraction muscu- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES laire généralisée unique; 2 convulsions cloniques; 3° convulsions toniques; 4° inhibition générale du sys tème nerveux; 5° arrêt complet du cœur. — M. Lucien. Daniel a réussi à pratiquer la greffe anglaise simple de la Vanille et du Philodendron sur eux-mêmes. On em déduit que la greffe des Monocotylédones, même dé pourvues de couches génératrices, ne doit plus être considérée comme impossible. La reprise dépend de l'étendue des surfaces en contact, du procédé de gref= fage et de la nature des plantes que l'on veut associer: — M. Delacroix a étudié la maladie des Haricots, de nature bactérienne, appelée communément la graisses Les gousses sont d’abord envahies, puis les graines peu= vént être attaquées. L'auteur a isolé un bacille, qui est peut-être le Bacillus Phaseoli de M. Smith, qui se cultivem facilement sur les milieux artificiels, mais dont la viru= lence diminue rapidement dans les cultures successives? L'infection se transmet par le sol. — M. Stanislas Meunier a constaté que le dépôt de travertins calcaires des Préalpes vaudoises se trouvé lié à un phénomènes physiologique. L'eau qui les produit, chargée de carbo= nate de chaux et d'acide carbonique, contient une infi nilé de Protococeus et de Nostocs, qui, au soleil, décom= posent l'acide carbonique en dégageant de l'oxygène, en même temps que le carbonate de chaux se précipite Séance du 30 Octobre 1899. À 1° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Poincaré pré sente la Connaissance des Temps pour l'année 1902, qui donne pour la première fois les positions moyennes des 1600 étoiles du catalogue de M. Newcomb. — M. Perro- tin communique les éléments de la comète Giacobini,s découverte le 29 septembre, éléments basés sur unes vingtaine d'observations faites dans divers observatoires — M. G. Humbert étudie une surface hyperabéliennem particulière et les irrationnalités qui s'y rattachent. = M. E. Goursat indique un mode de construclion géo métrique pour définir la correspondance la plus géné rale entre deux droites, qui change toute congruence dem normales en une autre congruence de normales. 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. Albert Turpain décrit les expériences qu'il a imaginées en vue de décider entre les théories de Maxwell et d'Helmholtz-Duhem sur la propagation des oscillations électriques dans less milieux diélectriques. Les résultats sont en accord com- plet avec la loi de Helmholtz-Duhem, qui admet la pro= pagation de flux de déplacements transversaux et celles de flux de déplacements longitudinaux. — M. Edouard Branly à étudié la transmission des ondes hertziennes à travers les liquides. L'eau distillée et l'eau de source exercent une absorption bien supérieure à celle de l'air et de l'huile; l'eau de mer produit une absorption com= plète sous une épaisseur assez mince. Les sulfates de zinc, de soude, de cuivre ont présenté des absorptions moindres, mais comparables encore à celle du chlorure de sodium. — M. £. Rothé signale un phénomènem curieux présenté par l'interrupteur électrolytique Wehnelt; pour une force électromotrice donnée, il existe une résistance limite telle que, pour toute résis= tance inférieure, le régime variable est seul possible. Pour toutes les résistances supérieures, on peut avoir soit le régime variable, soit le régime continu et cela suivant la facon dont on a établi le courant. — M. Hen- ri Gautier à poursuivi ses déterminations du poids atomique du bore en opérant sur le chlorure et le bro= mure de bore, obtenus par l'action du chlore et du brome sur le bore amorphe préparé suivant le procédé de M. Moissan. La valeur trouvée pour le bromure est en moyenne de 11,021 + 0,006; pour le chlorure, elle ) est de 11,011 + 0,008. En combinant ces résultats à Ceux obtenus précédemment pour le sulfure de bore et le borure de carbone, on obtient comme moyenne générale, la valeur 11,016. — M. A. Béhal a recherché Si, conformément à l'opinion de Rousset, les anhydri- des mixtes des acides cycliques et des acides acycliques n'existent pas en tant que combinaison et forment un simple mélange. Il n'en est rien pour l'anhydride acéto- benzoïque, qui existe réellement; il peut se former par combinaison des deux anhydrides sous l'influence de la chaleur. L'action de l'ammoniaque sur les anhydrides nixies donne l'amide du résidu le moins carboné; elle des alcools à chaud donne également l'éther le moins carboné. — M. G.-F. Jaubert, en oxydaut la naphtazarine par l'acide sulfurique et le bioxyde de manganèse, a obtenu une matière colorante rouge, la naphtopurpurine, qui a la constitution d'une trioxy-«- naphtoquinone. Elle teint en rouge carmin le coton mordancé en alumine, et la laine chromée, teinte en bain acide (acétique), se colore en brun soutenu. 30 SciENCES NATURELLES. — M. A. de Lapparent, à propos de la communication récente de M. Stan. Meu- nier, rappelle que Cohn a déjà signalé, en 1862, le rôle que jouent les mousses et les algues microscopiques dans le dépôt du calcaire de certaines eaux. — Le même auteur présente à l'Académie les deux premiers fascicules de la quatrième édition de son Traité de Géo- logie. — M. Fouqué attire l'attention sur une innova- tion introduite dans ce Traité ; il s'agit, à la suite de la description de chacune des périodes géologiques, du tracé de la distribution correspondante des continents et des mers. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 10 Octobre 1899. M. J.-V. Laborde, en s'appuyant sur deux cas, montre les heureux résullats qu'on est en droit d'at- tendre des tractions rythmées de la langue dans les cas d'asphyxie toxique; mais il ne faut pas hésiter à les prolonger aussi longtemps que possible et à réin- tervenir de nouveau quand les résultats d'une première application ne se maintivnnent pas. — M. Le Dentu présente un rapport sur un mémoire de MM. Auché et W. Binaud, relalif à un cas de leucokératose du gland et d'épithélioma du prépuce. Pour lui, les deux lésions représentent deux stades de la même affection : le stade leucoplasique pur et le stade épithéliomateux. — M. E. Vallin lit le rapport sur le concours du Prix Clarens. — M. Magnan lit le rapport sur le concours du Prix Lorquet. — M. H. Huchard donne lecture du rapport sur le concours du Prix Desportes.— M.Andeer libune note sur la résorcine comme moyen de diagnostic du diabète sucré. Séance du 17 Octobre 1899. M. Ferrand présente un rapport sur un mémoire du D: Torkomian, relatif à un médecin arménien du - xue siècle, Mekhitar de Her. Une seule de ses œuvres nous à été conservée: elle est relative aux fièvres. — M. E. Vallin lit le rapport sur le concours du Prix Vernois. — M. Roux donne lecture du rapport sur les travaux présentés pour le Prix Barbier. — M. Motet lit le rapport sur le concours du Prix Herpin. — M. Jules Boeckel signale deux cas de tumeurs de la vessie, le premier intéressant par le volume de la tumeur, qui remplissait toute la cavité vésicale, le deuxième offrant cette particularité que, dix-huit mois après la guérison, il se forma un calcul, qui nécessita une deuxième taille suivie de guérison. Les deux malades sont aujourd'hui complètement guéris. — M. Doléris lit un mémoire sur la septicémie tuberculeuse après l'accouchement. Séance du 24 Octobre 1899. M. Brouardel présente un rapport sur un mémoire du D' A. Loir (de Tunis), relatif à l'époque à laquelle ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 837 doivent se faire les vaccinations dans les pays chauds. Pendant l'été, la chaleur atténue la virulence du vaccin, qui produit souvent des résultats négatifs, compromet- (ant la valeur dé la vaccination aux yeux des indigènes. Dans les pays chauds, les vaccinations doivent donc être faites pendant les mois relativement frais. — M. A. Pinard donne un compte rendu des séances du 3° Congrès international de Gynécologie et d'Obsté- trique, tenu à Amsterdam du 8 au 12 août. — M. Th. Jonnesco lit un mémoire sur la craniectomie temporaire pour bégaiement. — M. Aug. Reverdin donne lecture d’une note sur un procédé d'anesthésie. — M. A. Cour- tade lit un travail sur la cause de la surdité de J.-J. Rousseau. — M. Castan donne lecture de deux notes : l'une sur le traitement du chancre induré et des plaques muqueuses par les injections intra-musculaires d'huile au biiodure de mercure; l’autre sur une tumeur tuber- culeuse du cou, guérie par les injections interstitielles d'huile au biiodure d'hydrargyre, alors que celles d'huile iodoformée pure avaient échoué. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance cu 14 Octobre 1899. M. Jean Roux a étudié les lésions des fibres à myé- line du grand sympathique dans trois cas de tabes. Les grosses fibres à myéline, provenant des ganglions ra- chidiens latéraux, restent inlactes; les petites fibres à myéline, provenant de la moelle, diminuent en nombre d'un tiers ou de moitié. —MM. E. Toulouse et N. Vas- chide ont recherché, par la méthode de l'eau camphrée, quelle est la narine la plus sensible, la droite ou la gauche. Dans la majorité des cas, l'olfaction est plus développée à gauche. Les auteurs expliquent le fait par le non-entrecroisement des nerfs olfactifs; le cerveau sauche ayant une prédominance physiologique, la na- rine gauche, qui est sous sa dépendance, doit avoir une sensibilité plus grande. — M. H. Roger à injecté, dans les veines périphériques et dans la veine porte des la- pins, des cullures du bacille qu'il a isolé dans la dy- senterie. Les cultures vieilles amènent la mort rapide, car elles sont chargées de toxines auxquelles l’animal ne peut résister. Les cultures ieunes, injectées dans la veine porte, n'entrainent pas la mort, mais produisent des abeès autour des veines hépatiques. — M. À. Raillet montre des Bilharzia qu'il a trouvés dans le foie des bœuts de l'Annam. — M. E. Bourquelot a constalé la formation de mannose par ferments solubles dans la germination de certaines garines. Séance du 21 Octobre 1899. M. Eug. Laborde à étudié, sur l’homme, l'influence des alcools et des alcools-acides sur la digestion des albuminoïdes. Les alcools méthylique, isobutylique et la glucose favorisent à doses faibles la digestion pep- sique et la digestion pancréatique ; les alcools éthylique, propylique, les acides lactique et tartrique les retar- dent, au contraire, nettement. — M. J.-V. Laborde dit que les résultats obtenus sur les animaux corroborent les recherches précédentes. — M. A. Chauveau pense qu'il ne faut pas exagérer et que le vin ne saurait con- trarier la digestion. — M. N. Gréhant a injecté dans l'estomac d’un chien 650 centimètres cubes d'alcool à 10 °/,. Des prises successives de sang, faites de demi- heure en demi-heure, montrent que la quantité d'alcool daus le sang va en croissant; à la deuxième heure, l'ani- mal est complètement insensible à la cornée. — M. A. Sicard relate quelques expériences faites avec le mi- crobe de Læwenberg. Il s’est montré viruleut pour la souris (injection sous-cutanée), pour le lapin (injection intra-veineuse), pour le cobaye et le chien (injection intra-péritonéale). Le sérum des animaux inoculés à petites doses n’a jamais présenté de pouvoir agglutinant vis-à-vis du microbe. — M. A. Laveran a examiné le sang de moutons ayant succombé à une épidémie spé- ciale à Constantinople et y a trouvé un hématozoaire analogue à celui du paludisme, mais plus petit, — 838 M. Onimus signale l'état nauséeux comme hémosta- tique; ainsi le mal de mer arrête les hémorragies. L'ipéca peut arrêter des métrorragies. M. Barrier est élu membre de la Société. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 19 SCIENCES PHYSIQUES. C. T. R. Wilson : Sur l'efficacité comparée des ions positifs et négatifs comme noyaux de conden- sation. — Les expériences suivantes ont été entreprises dans le but de jeter quelque lumière sur la question fondamentale des effets électriques de la précipitation el par conséquent de la relation entre la pluie et l’élec- tricité atmosphérique. Le professeur J.-J. Thomson a montré que si lés ions positifs et négatifs diffèrent dans leur pouvoir de con- denser de l’eau autour d'eux, des gouttes peuvent se former sur une série de ions seulement; la séparation de l'électricité positive et négative aura alors lieu à la précipitation des gouttes, le travail nécessité pour la production du champ électrique étant dû à la pesan- teur. Pour que ce phénomène puisse être considéré avec raison comme une source possible de l'électricité atmo- sphérique, il est nécessaire de donner des preuves suffi- santes : 1° que l'air atmosphérique, dans les régions où la pluie se forme, contient des ions libres: 2 que les ions chargés positivement et négativement diffèrent quant à leur efficacité comme noyaux condensateurs. C'est de ce second point que l’auteur s'est principa- lement occupé, et il est parvenu à démontrer que l’eau se condense beaucoup plus rap‘dement sur les ions négatifs que sur les ions positifs. Les expériences ont consisté à mesurer l'expansion nécessaire pour provo- quer la condensation, en forme de gouttes, dans une atmosphère initialement saturée, et contenant des ions alternativement presque tous positifs et presque tous négatifs. Le rapport du volume final au volume initial étant représenté par w,/v,, la sursaturation nécessaire pour provoquer la condensation de l'eau sur des ions chargés négativement à atteint une limite correspon- dant à l'expansion v,/v, — 1,25, c'est-à-dire une sursa- turation quadruple, Pour la condensation sur les ions positifs, la sursaturation a atteint une limite beaucoup plus élevée, correspondant à l'expansion v,/v, —1,31 (c'est-à-dire une sursaturation presque sextuple). On voit que si les ions agissent comme noyaux de condensation dans l'atmosphère, ce sont surtout ou peut-être seulement les ions négatifs qui le font; done, une prépondérance d'électricité négative sera transpor- tée dans les régions inférieures lors de la précipitation à la surface de la terre. Incidemment, l'auteur montre que la différence entre les effets, comme noyaux de condensation, des ions positifs et négatifs ne doit pas être expliquée en suppo- sant que la charge portée par les ions négatifs est deux fois plus grande que celle des ions positifs, car des nombres égaux d'ions positifs et négatifs sont produits par l’ionisation d’un gaz neutre. Maintenant, y a-t-il quelque probabilité pour que des ions soient présents dans l'atmosphère dans les condi- tions normales ? Des expériences antérieures tendraient à l’affirmer. Quand de l'air humide sans poussières est soumis à une expansion brusque, une condensation en forme de pluie à toujours lieu si la sursaturation maxi- mum excède une certaine limite. Cette limite est iden- tique à celle qui est requise pour que de l’eau se con- dense sur des ions; l'identité est même si parfaite qu'elle donne presque une preuve convaincante que l'air humide ordinaire est toujours un peu ionisé. Le nombre de ces noyaux est trop faible pour que l’ab- sence de conductibilité électrique sensible de l'air dans les conditions ordinaires puisse être opposé à l'idée de l'existence de ions. Toutefois, tous les essais d'enlèvement de ces ions par l'application d'un champ électrique fort, qui aurait ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ——————.——— fait disparaitre des ions ordinaires aussitôt après leur formation, ont échoué. I] en est de même pour less noyaux de condensation produits par l'action de la lu= mière ultra-violelte faible sur l'air humide. De tels noyaux ne peuvent done être regardés comme des ions libres, à moins que l'ionisation ne se déve- loppe par le procédé qui produit la sursaturation. Cette question reste donc à l'étude. 29 SCIENCES NATURELLES Miss Mary Beeton et Karl Pearson, F. R.S.: Documents pour l'étude de l’évolution chez l’homme. II. Première étude de la longévité et de la sélection dans la mortalité chez l’homme. — D'après Wallace et Weismann, la durée de la vie pour chaque organisme est déterminée par la sélection naturelle. Un organisme vit aussi longtemps qu'il est avantageux qu'il vive, non pour lui, mais pour son espèce. Mais il serait aussi impossible à la sélection naturelle de déterminer la durée convenable de la vie que de fixer un autre caractère quelconque, si ce caractère n'était pas héréditaire. L'hypothèse qui vient d’être rappelée suppose donc que la durée de la vie est un caractère héréditaire. Nous sommes accoutumés à entendre dire de certaines personnes qu'elles appar- tiennent à des familles dont les membres sont morts très âgés, mais il ne paraît pas qu'on ait jusqu'à pré- sent déterminé par des mesures quantitatives l'héré- dité de la durée de la vie. Cette absence d'investigations sur ce point paraît d'autant plus remarquable que la connaissance de la valeur de l'hérédité de ce caractère serait d'une importance commerciale capitale, au point de vue des assurances sur la vie et des annuités. L'inté- rêt biologique du problème n'est d'ailleurs pas moins grand. Il faut d'abord reconnaître que le problème n'est ni facile, ni direct. Les âges à la mort de jarents même rapprochés peuvent être trouvés dans les statistiques ou recueillis ab initio. Si l'on prend les statistiques comme celles de la Pairie, des Baronets, de la noblesse de province, des familles historiques et des généalogies privées, on constate des omissions variées. D'abord les âges des femmes sont rarement indiqués, et le recen- sement montre combien fréquemment on est exposé à les trouver erronés. Les généalogies ne comprennent le plus souvent que la ligne masculine. Exception doit être faite pour les histoires des familles de Quakers, comme celles de Backhouse, Whitney, etc.; là, les indications sont données aussi bien pour les femmes que pour les hommes, mais il est évident que l'histoire d'une seule famille même nombreuse ne peut donner des matériaux équivalents à ceux que la Pairie et la Noblesse de province fournissent pour le cas de l'homme seulement; pour cette raison, les auteurs se sont bornés dans leur travail à l'étude de l'hérédité de la longévité dans la branche male seulement. En second lieu, les sources indiquées plus haut omet- tent plus ou moins complètement l'indication de l’âge à la mort des enfants en bas âge et des adolescents. Sur 1.000 enfants mâles nés en Angleterre, plus de 300 meurent avant l'âge de vingt ans. Mais si l'on prend 1.000 cas de pères et fils dans la noblesse, on constate seulement 31 morts de fils avant l’âge de vingt ans. Sur 2.000 frères pris dans la Pairie, on n’en signale que 21 morts avant l’âge de vingt ans. Dane les familles de Quakers, on trouve 16 °/, de morts avant vingt ans. On reconnait donc clairement que les morts prématu- rées ne sont pas représentées avec leur vraie propor- tion dans ces statistiques. Les auteurs ont donc été contraints de limiter leur étude aux cas où les deux parents considérés étaient morts à un âge plus élevé que vingt ans. Dans le cas des pères, pour la corréla- tion entre les âges des pères et des fils à leur mort, celte limitation n'eut aucune portée pratique, car on ne trouva aucun père mort avant vingt ans; pour les fils, au contraire, elle établit une démarcation accusée, soit à vingt, soit à vingt-cingans, suivantlesstatistiques. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 839 La durée le la vie est un caractère très différent de Ja couleur des yeux ou même de la grandeur des orga- nes à l’état adulte. La couleur des yeux est bien déter- minée; elle peut changer faiblement avec l’âge; mais de bleu-clair, elle ne peut devenir brune. De même la nourriture et l'usage affectent certainement la gran- deur des organes, mais ils influencent le père et le fils, Ie frère et le frère de la même facon, car ils sont mem- bres de la même famille et de la mème classe. Au con- traire, la mort dépend non seulement de la constitu- tion héréditaire, mais aussi d'innombrables éléments chanceux de voisinage et de circonstauces. Le voisi- nage à la fois d'habitation et d'époque est plus grand pour deux frères que pour un père et un fils; la nour- privee, l'hygiène, le genre de vie, diffèrent considéra- …blement d'une génération à l’autre, et deux frères “ont des chances de vie plus égales qu'un père et qu'un fils. Mais, même entre deux frères, l’un peut vivre sur les terres de sa famille et l’autre ruiner sa santé en Afrique ou aux Indes. Par conséquent, tandis que la mortalité non différentielle n'altérera pas les corrélations entre la plupart des caractères des parents, elle doit affecter sérieusement la corrélation entre les durées de vie d’un père et d’un fils, et à un degré moindre entre deux frères. Une bonne famille peut mieux être protégée contre la mort qu'une faible, “ mais aucune famille ne peut résister à certaines atta- ques. Donc, si nous considérons la mort comme un ha- bile tireur, p °/, de ses coups sont sûrs d'être effectifs “ où qu'ils frappent (c’est la mortalité non différentielle), le reste, 100 — p°/,,de ses attaques n'étant couronnées de succès que sur les familles faibles. L'effet de cette conception de l’action de la mort est que la table de — corrélation des äges à la mort de chaque paire de parents doit être considérée comme un mélange de documents non corrélatifs (morts dues à la mortalité … non différentielle) et de documents corrélatifs (morts … dues à la mortalité différentielle ou sélective). Aux diffé- … rentes périodes dela vie, l’une de ces mortalités peut don- ner à la table plus de matériaux que l’autre; dansle cas des pères et des fils, on peut prévoir que les contribu- tions de la mortalité non différentielle seront plus nombreuses que dans le cas des frères. L'un des auteurs a démontré antérieurement que quand les matériaux corrélatifs sont mélangés avec des matériaux non corrélatifs, le résultat est de réduire approximativement le coefficient de corrélation dans le rapport de la somme de matériaux en corrélation avec le total des matériaux. Si l’on admet que la cor- rélation actuelle entre les forces constitutionnelles qui résistent à la mort est donnée, approximalivement, par les valeurs déterminées pour d'autres caractères dans un mémoire sur «la loi de l'hérédité ancestrale », on possède une méthode pour fixer jusqu'à un certain point la proportion de la mortalité sélective à la mortalité non sélective. Dans la suite on verra que, de l’âge de vingt ans à la mort, les tables donnent une corrélation entre la durée de vie du père et du fils d'environ 0,12 à 0,14, et entre les frères de 0,26. D'après la loi de l'hérédité ancestrale, ces quantités devraient être environ 0,3 e! 0,4. On en conclut que les proportions de matériaux corrélatifs dans les deux cas sont de 40 à 50°/, et de 65 °/,. Mais si pN est le nombre de cas dans lesquels la mortalité est sélective pour N individus, p°N sera le nombre de cas dans lesquels elle est sélective quand on prend les individus par paires. En d’autres mots, la mortalité sélective dans le premier cas sera de 63 à 70 °/, et dans le second 80 °/, de la mortalité totale. Sans attacher une grande importance à ces nombres, les auteurs pensent qu'ils sont suffisamment approchés pour démontrer qu'une mortalité sélective est actuellement à l'œuvre dans l'humanité, et qu'avec le même environnement, elle peut atteindre jusqu'à quatre fois la mortalité non sélective. En d’autres termes, après avoir démontré que la durée de la vie est réellement héréditaire, ils ont démontré que la sélection naturelle agit puissam- ment; cette sélection n’est pas, en premier lieu, un résultat de la lutte des individus entre eux, mais des individus contre ce qui les entoure et les défauts de leur physique personnel. Les matériaux des auteurs peuvent se résumer dans les trois séries suivantes, dans lesquelles M? est la moyenne de l’âge des pères, Mr; la moyenne de l’âge des fils, My la moyenne de l’âge des frères, op la déviation étalon des pères, om celle des fils, sx. celle des frères, rpm la corrélation des pères et des fils, re la corrélation des frères, Brie = rar — le coefficient de op régression des fils sur les pères, Rrw le coeflicient de régression des pères sur les fils et Ryr le coeffi- cient de régression des frères : PREMIÈRE SÉRIE Pairie. Pères et fils de 25 ans el au-dessus. Mr .. 35 années. Mri. . GT TEE GP. 14,6382 — GFi. . 17,0872 — V'FiP 0,1149+0,0210 Rpri . 0,0985 + 0,0182 Rrip . 0,1341+0,0367 DEUXIÈME SÉRIE Noblesse provinciale. Pères el fils de 20 ans el au-dessus. Mr.. 65,9625 années. Mri . 60,9150 — Cid ot à 14,4308 — GFi. . 17,0986 — rriP 0,1418 + 0,0209 Rpri 0,1496+0,0178 Rrir . = 0,1682+0,0371 TROISIÈME SÉRIE Pairie. Frères au-dessus de 20 ans. Mr. . 60,971 années. GRR SOS Le 16,8354 — DEF. . 0,260? 0,0199 RFF . . 0,2602+ 0,0216 Les données fondamentales ont servi à construire divers diagrammes, de l'examen desquels les auteurs ont retiré d'intéressantes déductions. Ainsi un fils mort au-dessous de l’âge moyen a géné- ralement un père mort au-dessous de l’âge moyen, et un fils mort au-dessus de cet âge moyen a de même un père mort au-dessus de l’âge moyen. Un second point intéressant dévoilé par l'allure de la courbe de régression, c’est que la mortalité de la vie moyenne (de 32,5 à 52,5 ans) n’est presque pas héré- dilaire; c’est dans cette période que la mortalité non sélective est prédominante. Mais au delà, cette même courbe indique nettement l'hérédité de la longévité. En decà, dans le jeune àge, il semble qu'il y a aussi une hérédité de l'inverse de la longévité. Entre les frères, la corrélation est beaucoup plus grande, par suite de la diminution de la mortalité non sélective. Celle-ci n'apparait même plus du tout vers le milieu de la vie, ce qui suggère qu'à cette époque le milieu des pères et des fils diffère beaucoup plus que celui des fils. Les auteurs terminent leur mémoire en donnant quelques formules pour l'estimation de l’âge de la mort d'un homme; ils se basent sur la théorie de la corré- lation multiple et sur les valeurs des deuxième et troi- sième séries. Soient P l’âge probable en années d’un homme à sa mort, F l’âge de son père à sa mort, S, celui de son premier fils, S, de son second fils, B, celui de son premier frère, B, celui de son second frère. On a: P—49,8201 +0,1682 F 2—16,9259 P—45,1063 + 0,2602 B, 2—16,2555 P—58,61171 +0,1196 S, E2—14,2850 P=—31,6647—+ 0,1 ! —16,4099 P—:8,199 M Ut 35,17930 + 0,206475 (B, + B. Z—15,9002 ,3928 + 0,09497 (S, ee E— 141981 4,2601 + 0,1046 S+ 0 2514 B E—13,5508 X est la déviation-étalon du tableau des hommes pour chaque groupe. De telles formules semblent aux au- teurs donner une exactitude quantitative suffisante. Basées sur une plus grande quantité de documents et sur une plus grande série de parentés, elles seraient d'un grand secours aux médecins et aux actuaires. Si leur importance est reconnue par les offices d’assu- rances, il est probable que les données nécessaires se trouveront rapidement. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 27 Octobre 1899. M. S.-W. Richardson lit un mémoire sur les pro- priétés magnétiques des alliages de fer et d'aluminium. Les observations ont été l'aites sur quatre alliages, con- tenant respectivement 3,64, 5,44, 9,89 et 18,47 °/, d’alu- minium. Ces alliages, employés sous forme æ anneaux et enroulés dans des bobines primaires et secondaires, ont été soumis à une série de températures allant de — 83° C. à 900° C. Les températures basses étaient produites par l'évaporation rapide d’éther, entouré de glace pilée et de sel ou de neige carbonique; les tem- pératures élevées étant obtenues électriquement ou par des fourneaux à gaz. Dans les deux cas, la température était déterminée d’après la résistance d’un fil de platine formant le secondaire et enroulé près de l’alliage. L'auteur a employé la méthode du zéro de Maxwell pou mesurer l'induction mutuelle, en accroissant la sensibilité par l'introduction d’un secohmmètre, faisant trois révolutions par seconde. Pour s'assurer de l’exac- titude de la méthode, l’auteur a refait quelques expé- riences avec un galvanomètre ballistique, et a obtenu une bonne concordance entre les résultats. Voici les principales conclusions qu'il tire de ses recherches : 1° les alliages se comportent, au point de vue magné- tique, comme s'ils étaient composés de deux milieux distincts superposés; 2° la rondeur générale des courbes et leur continuité près du point critique semblent indiquer que les alliages possèdent une structure hétérogène ; 3° la perméabilité décroit avec l'élévation de température près du point critique jus- qu'à un minimum, après lequel une nouvelle élévation de température ne produit plus qu'une diminution insensible, si elle existe, de la perméabilité; 4° Ja valeur maximum de la perméabilité pour un alliage contenant 40 °/, d'aluminium est atteinte à environ —90°C.; un alliage contenant 18,470/, d'aluminium pos- sède un point critique à environ 25° C. et ne semble pas présenter d'hystérèse de température. Cet alliage a probablement une perméabilité maximum bien au-des- sous de — 90° C. À haute température, il y a ua second maximum dans la courbe d'induction, mais celui-ci devient de moins en moins appréciable à mesure que le champ augmente. — M. Barrett communique une note sur les propriétés électriques et magnétiques des aciers à l’aluminium et autres. La première partie de la note traite de la conductibilité électrique de divers alliages et de l'influence de la composition et du recuit sur cette dernière. La seconde partie se rapporte aux effets magnétiques. Le phénomène le plus remarquable produit par l’adjonction de l'aluminium au fer est la réduction de la perte par hystérèse. La perméabilité des aciers au nickel est très influencée par le recuit. L'addition d'une petite quantité de tungstène au fer ne modifie guère l'induction maximum, mais augmente la ténacité et la force de coertion. Les expériences “montrent que le meilleur acier pour aimants permanents est celui. qui contient 7}, °/, de tungstène. — M. S.-P. Thomp- son attire l’altention sur la série étendue de tempéra= tures sur laquelle M. Richardson a fait ses expériences; il est regrettable que le nombre des alliages n'ait pas été plus grand, ce qui aurait probablement permis d'arriver à des conclusions plus étendues. Comment la composition des alliages a-t-elle été déterminée ? M. Ri- chardson répond que cette composition a été déter=- minée par des analyses faites à la fin des expériences il a préparé de nouveaux alliages sur lesquels il va poursuivre ses recherches. M. W.-E. Ayrton consi- dère comme remarquable la concordance obtenue par l’auteur entre la méthode du galvanomètre ballis- tique et celle du zéro de Maxwell, rendue plus sensible. — M. Addenbroke présente un modèle qui illustre quelques effets du flux d’un courant électrique. Le modèle consiste en une spirale de fil d'acier, représen- tant un circuit fermé. A l'intérieur de la spirale, on place un fil qui est supposé transmettre le courant, et qui dirige le mouvement de la spirale. Un mouvement rolatoire provoqué en un point de la spirale est transmis par le fil et produit un mouvement rotatoire en une autre partie de la spirale. Le rebondissement du ressort représente la capacité et la torsion la force électro- motrice; la self-induction peut-être représentée par le poids du ressort. M. Everett fait remarquer que la cor- respondance entre la propagation et la rotation s’ac- corde bien avec celle entre la direction d’un courant et la direction de la force magnétique. M. S. P. Thompson reconnaît que le modèle peut servir à plusieurs ana- logies, mais il montre, par un ou deux exemples, qu'on peut tirer des conclusions erronées en poussant la comparaison trop loin. — M. W. Watson répèle quelques expériences faites avec l'interrupteur Wehnelt par le Professeur Lecher. Ces expériences montrent, d’une facon claire et saisissante, que les étincelles sui- vantes tendent à passer à travers la portion d'air qui a été échauffée par la première. Dans la première expé- rience, le mouvement de l'air chauffé est causé par des différences de densité; dans les dernières, parce que les étincelles se produisent dans un champ électro- magnétique intense. La rotation continuelle de l’étin- celle dans un champ donné prouve la nature unidirec- tionnelle de la décharge. M. W. E. Ayrton se réfère à l’une des expériences dans laquelle les électrodes consistent en deux fils de cuivre situés dans un plan vertical, mais inclinés légèrement l’un vers l’autre et plus rapproc hés à leur extrémité inférieure. Lorsqu'on établit le courant, l’étincelle passe entre les pointes imfé- rieures, mais à mesure que l’air ionisé, qui constitue le milieu le plus conducteur, s'élève, l'étincelle aban- donne les pointes pour remonter le long des élec- trodes. Quand l'air chauffé s'est dégagé, l'étincelle recommence en bas. On peut supposer que ce phéno- mène est dû à la force magnétique produite par le cireuit lui-même; les effets similaires observés dans l'arc électrique sont dus à cette cause. M. Watson répète l'expérience dans d’autres conditions et montre que l'explication du phénomène ne doit pas être cherchée dans la tendance du cireuit à s'élargir grâce aux force- magnétiques. M. V. Boys fait ressortir que la relation de l'effet calorifique au courant, qui est faible dans l’are électrique, est très grande dans la décharge par étin- celles; donc le mouvement de l’étincelle dans le cas discuté est pratiquement déterminé par l'effet caloris fique à cause de l'importance relativement faible de l'effet électro-magnétique. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 10° ANNÉE N°22 30 NOVEMBRE 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 1. — Nécrologie Oscar Baumann.— Il ya des hommes qui ne don- nent pas, avant la maturité, la mesure de leur valeur. Ils grandissent lentement et forcent peu à peu l'estime de ceux qui longtemps ne les avaient que médiocre- ment considérés. Il en est d’autres, au contraire, qui, à peine sortis de l’adolescence, se signalent par des ac- tions d'éclat et sont déjà célèbres à l'heure même où d'ordinaire la plupart cherchent encore à distinguer leur voie parmi les sentiers de la vie, multiples et entre-croisés. L'explorateur Oscar Baumann, qui est mort à Vienne, le 12 octobre 1899, appartenait à la catégorie des pré- coces. Il était né en 1864; depuis un an, il avait cessé de travailler, par raison de santé; il a donc terminé sa carrière à trente-quatre ans. Il a cependant eu le temps d'accomplir en Afrique quatre grands voyages, qui tous ont fait progresser la connaissance de ce continent. Docteur en philosophie, élève de l'Instilut géogra- phique militaire de Vienne, Baumann accompagna Oscar Lenz]| en 1885, quand celui-ci entreprit la traver- sée de l'Afrique, de l'embouchure du Congo à celle du Zambèze. Il releva avec beaucoup d’exactitude les rives du Congo depuis les cataractes du bas fleuve jusqu'aux Stanley-Falis. Tombé malade et contraint d'abandonner son chef, il alla se rétablir à Fernando Po, et, à son retour en Europe, composa une excellente monographie de cette île, actuellement dernier débri de l’immense empire colonial de Charles-Quint et de Philippe IL. Dorénavant, l'Afrique orientale devient le terrain d'action de Baumann. En 1887, à Leipzig, il fait la con- naissance de Hans Meyer, récemment revenu de Kilima Nijaro, et accepte de l'accompagner dans un nouveau voyage. Le succès en paraissait certain : tous deux étaient des « africanistes » expérimentés et instruits. Hans Meyer savait aussi bien se servir de la chambre noire que Baumann du sextant : ni l'équipement, ni l’'approvisionnement ne laissaient rien à désirer; mais ils arrivèrent dans un pays en pleine insurrection, furent retenus prisonniers par le chef arabe Boudchin et ne purent recouvrer la liberté que moyennant une forte rancon. Baumann réussit cependant à sauver du RE' UE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. désastre le relevé cartographique de la région située entre l'Umba et le Pangani ‘. Il compléta ses observations dans un second voyage et rapporta en 1890 une carte de l'Usambara au 300.000° accompagnée de cartes de détail relatives à la géologie, à la végétation, à l’ethnographie de la région traversée =. En 1891, Baumann partit pour le grand voyage qui restera son principal titre de gloire. Il traversa le steppe des Massaïs, pasieurs pillards, qui avaient jus- qu'alors inspiré beaucoup de crainte aux explorateurs européens; mais la peste bovine et la famine avaient alors réduit les Massaïs à la misère, et Baumann traversa leur pays sans être inquiété. Coupée de failles, par- semée de petits lacs, tels que l’Eyassi et le Manyara, giboyeuse, très chaude le jour, et très froide la nuit, au demeurant d’une très minime valeur économique, voilà comment Baumann caractérise cette region. Ayant atteint la rive orientale du lac Victoria, il pouvait s’en tenir strictement aux instructions de son manda- taire, la Société anti-esclavagiste allemande, et consi- dérer sa mission comme terminée; mais il était attiré par les pays situés entre Victoria et Tanganika : Ruanda, Urundi, Uha, à peine entrevus par ses prédé-- cesseurs. Il remonta l'étrange vallée en paliers et le Kagera, le plus grand tributaire du lac Victoria et pre- mière forme du Nil. Il crut même, mais à tort d’ailleurs, avoir découvert la source la plus lointaine de la Kage- ra et, par conséquent, du Nil; d’où le titre de son ouvrage : Durch Massailand zur Milquelle. Nommé en 1896 consul général d'Autriche à Zanzibar, il publia deux monographies : l’une sur Zanzibar, l’autre sur l’île Mafia. Ses longs séjours à la côte, ses voyages avaient fait de Baumann, l'Européen le plus populaire de l'Afrique orientale. Quand, en 1891, il organisa son expédition, au lieu de confier à un recruteur indou l’enrôlement de ses porteurs et de ses soldats, comme c’est l’habi- tude des explorateurs, il entreprit de constituer lui- 1 Deulsch Ostafrika wahrend der Aufstandes, 1 vol. in-80. 1888. ? Usambara und seine Nachbargebiele, 1 vol. in-89. 1890. 22 même son personnel. Non seulement il groupa aisé- ment autour de lui une troupe de choix, mais encore il se vit rejoint en route par des individus qui avaient abandonné leur métier pour le suivre. Parlant couramment le kisuaheli, la langue univer- selle de l'Afrique Orientale, il se plaisait dans la société des nègres et se passa, deux ans, de tout compagnon européen, sans en éprouver d’ennui. On sent dans ses livres une grande commisération pour la pauvre bête de somme africaine, le porteur noir, robuste et simple, dupé par le marchand indou de Zanzibar, retors et malhonnèête, qui l’exploite et sait s’y prendre pour ne pas le payer. Mais, chez Baumann, la pitié n'excluait pas l’é- nergie. Sa Caravane avançait militairement au pas accéléré ; ce n'était pas un troupeau qui se trainait sur le sentier. Un jour, sur la rive du lac Victoria, un chef demande un péage : Baumann le prend de très haut, se pose en souverain, et, bien loin de payer, riposte en exigeant un tribut. Homme d'action, il aimait aussi à écrire et à dresser des cartes. Outre ses livres, il laisse quantité d'articles de revue et de journal. Il avait dans la forme un tour humoristique fort agréable. Un jour, arrivant au mnilieu d'une population qui n'avait jamais vu de blancs, il comptait bien exciter la curiosité; mais il y avait un chameau dans la caravane : tout le succès alla à lui. Baumann se montra un peu vexé et jugea que ses nouveaux amis avaient bien mauvais goût. Baumann était l’un des hommes les plus remar- quables du petit groupe d'Autrichiens, Lenz, Slatin, Ohrwalder, etc., qui, soit de leur propre volonté, soit par le hasard des circonstances, ont depuis vingt ans apporté leur contribution à l'histoire et à la géographie de l'Afrique. Sa jeunesse permettait d'attendre de lui une longue suite de travaux, et sa disparition préma- turée est éminemment regrettable. Henri Dehérain, Docteur és lettres, Sous-Bibliothécaire de l'Institut. $ 2. — Astronomie Sur les Léonides. — L'essaim d'étoiles filantes connu sous le nom de Léonides, parce que ses météores viennent d'un point de la constellation du Lion, est en connexion avec la comète périodique 1866. I, décou- verte par Tempel à Marseille à la fin de 1865. Cet essaim a donné lieu à d'abondantes pluies d'étoiles filantes, au moins à partir de l’an 845 après J.-C., et notamment en 1766, 1799, 1833 et 1866. On pou- vait donc s'attendre à une pluie analogue en 1898 et sur- tout en 1899; aussi de tous côtés on avait fait de sé- rieux préparatifs pour l'observer avec soin. Ainsi M. Weiss, directeur de l'Observatoire de Vienne, s'était rendu dans l'Inde, en prévision du cas où le phéno- mène n'aurait pas été observable en Europe; à l'Obser- vatoire de Paris nous avions pris des dispositions pour photographier les plus belles étoiles filantes et les bo- lides; d'autres observateurs sontmoutés en ballon pour percer la couche de nuages qui cachait le ciel. Mais cette année, comme en 1898, on n'a vu qu'un nombre restreint de Léonides, et la chute attendue n’a pas eu lieu. On pourrait s'étonner du vague que présente la pré- diction de ces chutes, si l'on ne savait qu'en réalité le problème n’est nullement déterminé. Ce que l’on sait uniquement, c'est que, dans des orbites assez Joisinesde celle de la comète 1866 I, il circule un certain nombre de nuages cosmiques pouvant donner lieu à des chutes d'étoiles filantes; mais on ne connaît ni leur nombre, ni leurs dimensions, ni l'orbite exacte d'aucun d'eux, car ces orbites peuvent différer de l’un à l’autre. Cependant, certains astronomes, M. Berberich d’un côté, MM. Downing et Stoney de l’autre, ont essayé, en faisant certaines hypothèses, de serrer le problème de plus près. Ainsi, M. Berberich a calculé d’abord que, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE | lors de la pluie d'étoiles filantes du 13 novembre 1866, M le nuage cosmique qui a donné cette pluie était à la dis- tance 0.0065 (972.000 kilomètres) de la comète-mère. Puis, considérant deux essaims hypothétiques, circulant dans l'orbite même de celte comète, et dont l’un passe- rait près de la Terre en 1898, l’autre en 1899, il a trouvé que les perturbations de Jupiter et de Saturne auraient éloigné de la Terre l’essaim de 1898, et l’auraient porté à la distance 0,0163 (2.437.000 kilomètres); celui de 1899 aurait été éloigné aussi, mais sa distance à la Terre n'aurait été que 0,0048 (718.000 kilomètres) : c’est pour celte raison que l'on pouvait avoir quelque espoir pour 1899. Les chutes n'ayant pas eu lieu, on doit con- clure seulement, ou que les hypothèses faites ne sont pas exactes, ou que le rayon du nuage est moindre que 718.000 kilomètres. Dans ces couditions, il est bien regrettable que la co- mète 1866 1, de trente-trois ans de période, n'ait pas été retrouvée dans sonretour actuel; mais on ne pou- vait avoir beaucoup d'espoir à ce sujet, car son orbite est fort incertaine (en 1866 la comète ne fut observée que pendant vingt jours), et l'apparition de 1866, où elle était faible, eut cependant lieu à peu près dans les plus favorables circonstances. G. Bigourdan, Astronome titulaire à l'Observatoire de Paris. $ 3. — Génie civil Les nouvelles applications de lémulsion dans les chaudières. — M. Bellens a fait, à la séance du 19 novembre de la Société d Encouragement pour l'Industrie nationale, une communication fort do- cumentée concernant les derniers essais effeclués sur des chaudières munies de l’'émulseur Dubiau. Nous rappellerons au lecteur que ce dispositif fut imaginé, il y a quelques années, par M. Paul Dubiau, direeleur de l’Associa- tion des propriétaires d'appareils à vapeur du $S.-E. de la France, dans le but d'obliger à une circulation éner- gique etcontinue l’eau contenue dans les gé- nérateurs. Le petit ap- pareil de laboratoire représenté par la fig. 1 en explique rapide- ment la théorie. Deux ballons A, B, super- posés, mais séparés par un diaphragme CD, sontremplis d'eau, le ballon inférieur complètement, le se cond jusqu'à un cer- tain niveau MN; ils communiquent d’ail- leurs sur le côté par un tube EF. Au tra- vers du diaphragme passent deux tubes verticaux TT', dont l’'extrémilé supérieure est un peu recourbée el qui, à l’autre bout, se terminent chacun par une ouverture taillée en biseau. Si l’on chauffe le ballon inférieur, la vapeur qui se dégage vient s'accumuler au-dessous du diaphragme en refoulant l’eau, dont elle prend la place, ce qui élève naturel- lement le niveau MN et établit dans le ballon infé- ricur B un second niveau PQ, dit niveau d'émulsion. Fig. 1. — Schéma de l’émulseur Dubiau. — A, B, ballons; C, D, diaphragme; E F, tube latéral; T,T", tubes faisant communiquer les deux ballons; P Q et MN, niveau de l'eau dans les deux ballons au moment de l'émulsion. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Bientôt ce niveau affleure l'ouverture des tubes, puis continue encore à baisser, jusqu'à ce que la colonne d'eau contenue dans les tubes ne puisse plus faire équi- libre à la force élastique de la vapeur : à ce moment, le ménisque de raccordement formé par l’eau à l’extré- milé de chaque tube se brise, isolant ainsi l’eau des tubes de la masse liquide ; la vapeur pénètre dans les tubes et en soulève la colonne d’eau, tandis que le plan on 843 sées à l’action directe des flammes. On prévoit que, par suite, la vaporisation doit être rendue plus active pour une même dépense de charbon. Le système Dubiau peut être appliqué aux très nom- breux types de chaudières qui existent, mais nécessai- rement les dispositions varient suivant les cas. D’un autre côté, le sens de la circulation varie avec l’empla- cement que l'on attribue au faisceau de tubes émul- Fig. 3. : E. 2. — Application du système Dubiau à une chaudière ordinaire à un bouilleur. — C, C!, cuissards; A, tubes émulseurs ; & B, gros tube permettant la circulation de l'eau de la partie supérieure à la partie inférieure suivant le sens des flèches E, E. e 1g. 3. — Apnlicali-n de l'émulsion à une chaudière à plusieurs bouilleurs. — E, E, émulseurs; M, B, conduites de retour, ‘émulsion revient affleurer leur ouverture inférieure. ‘Une bulle de vapeur se trouve ainsi emprisônnée dans chaque tube et refoule devant elle un petit piston d'eau ; elle est suivie par de nombreuses autres bulles placées dans les mêmes conditions, de sorte qu'un mouvement ascensionnel continu et rapide d'eau et de Fig. 4 — Applicalion de l'émulsion à une chaudière mullti- lubulaire. — À, B, corps cylindrique; C, D, collecteur: E, F, caisse fermée; T, T, émulseurs; G, H, conduite de retour. vapeur se produit à l'intérieur des deux tubes, tandis que l'excès d’eau amené ainsi dans le ballon supérieur fait retour au second ballon par la communication extérieure, Un dispositif analogue, appliqué en grand dans une chaudière, amène un renouvellement suc- cessif des couches d'eau au contact des surfaces expo- seurs. Au début de la mise en pratique du brevet, on adoptait généralement le sens ordinaire de la circula- tion de l’eau dans une chaudière ordinaire, circulation que l'interposition de l'appareil avait nécessairement pour résultat d'accroître dans de grandes proportions. C'est ainsi que, dans une chaudière ordinaire à un bouilleur (fig. 2), on fermait les deux cuissards C C', on placait à l’avant les tubes émulseurs A et à l'arrière un gros tube B plongeant jusqu'à la partie inférieure du bouilleur. Dans ces conditions, le sens de la circulation était celui indiqué par les flèches EE, et l'eau de retour se réchauffait progressivement dans le bouilleur avant d’être portée à l’ébullition au droit de la grille. Au contraire, dans toutes les applications récentes, on s'attache à donner au courant d’eaule sens opposé : on y trouve le grand avantage de rafraîchir constamment les tôles de foyer exposées aux coups de feu, sans d’ailleurs nuire en aucune facon à l'intensité de la cir- culation. La figure 3 représente un type de chaudières à bouil- leurs installées à l'usine électrique des tramways d'Amiens de la Compagnie francaise Thomson Houston. L'usine possède trois chaudières identiques marchant avec économiseur Green. Les surfaces de chauffe et de grille de chacune d'elles sont respectivement 95 mètres carrés et 3%°,72, L'une de ces chaudières fut essayée avec et sans émulseur, le combustible restant iden- tique durant les deux expériences (Briquette d'Anzin qualité marine). Les résultats obtenus furent les sui- vants : 3 SANS AVEC ÉMULSEUR ÉMULSEUR Daterde essai CAE 12Sept.99 16Sept.99 Duréeide:l'essai. M "APR 8h18! 6h15! Charbon brûlé brut." 1.415k 1.437K Poids des cendres. DEAN L4k 18k5 POIs dUAMACDE EPP RE EE 18k 87k5 CHaTDONbENÉnE EEE EE 1.331k Eau vaporisée totales. + . . . . 14.7R5k 13.340K Température de l'eau d'alimenta- tion sortant du Green. . . . . . 117045 113050 Pression moyenne de la vapeur. . 1K5 6k28 CHRONIQUE ET CORRESPINDANCE _ . SANS . AVEC EMULSEUR EMULSEUR Eau vaporisée par heure et m° de surface de chauffe. Third 14K9 22k4 Eau vaporisée par kilogramme de Charbon net der mt CE 8k907 10k023 Augmentation de vaporisation due d l'émulseuri PES ER » 48,9% Augmentation de rendement due à L'ÉMUISEUT EN EE SEEN » 16,2% M. Bellens à encore cité un autre essai comparatif exécuté par M. Witz, avant et après l'application de l'émulseur Dubiau, sur deux chaudières multitubulaires de la raffinerie de sucre de MM. Bernard, à Santes (Nord). On voit, sur la figure 4, que, dans ces deux chaudières, l'appareil émulseur composé de 15 fais- ceaux était disposé à l'avant du corps cylindrique AB et au-dessus du collecteur CD qui vénait déboucher dans une caisse fermée EF, où pouvait s'établir le niveau d’émulsion, et que le retour d’eau se faisait par deux grosses conduites à l'arrière GH. Le sens de la circulation était donc inverse de celui établi dans les chaudières précédentes. En employant du charbon provenant de la même livraison, M. Witz obtint les chiffres suivants : 2 SANS AVEC EMULSEUR EMULSEUR Date de l'essai . . . . . 22 Juin 99 18 Août 99 Surface de chautfe. . 400m? 400m? Surface de grille 9,4 11,38 Durée de l'essai. . . su Sn15! Charbon brûlé brut. . . . 5.020Kk 7.600K Humidité de combustible . A10K 167K Cendres et scories. RE Le 1175K 1.413k Charbon brlémet- EE GaSE 6.020k Eau vaporisée totale. . . . . . . . 31.013k 56.891k Température de i'eau d'alimentation. 1302 1209 Pression moyenne de la vapeur. 5Kk95 5Kk26 Eau vaporisée par heure et m° de surface de chauffe. . 11K6 17K24 Vapeur sèche fournie par heure. . 4.598k 6.819k Vapeur sèche par kilogramme de charbon net, . A FALSE ONE 7k94 9k3% Calories de la vapeur fournies par DEUTE NAN APE Me Me ee Se D24-040 4.480.093 Augmentation de vaporisation due AÉMUISEUr EE EME RE » 48,2% Augmentation de rendement due à DÉMUISEUDE MENT NUE » 17,6% Les chiffres résultant des essais qui précèdent ont beaucoup d’analogie : c'est là une garantie de leur exactitude et on peut en déduire que l'appareil émul- seur de M. Dubiau, appliqué à une chaudière d’un type quelconque, permet d'en augmenter le rendement dans les proportions de 16 à 18 °/, et la puissance de vaporisation d'environ 50 °/;. Ces résultats seront d'autant plus intéressants pour les propriétaires de gé- nérateurs que les frais d'entretien et de nettoyage se trouvent considérablement réduits, grâce à l'intensité de la circulation créée par l’émulseur. $ 4. — Mécanique industrielle La fabrication automatique des boîtes de conserves. — Les Américains fabriquent une grande quantité de conserves, notamment de conserves de viandes. Dans leurs usines ils adoptent, en général, un seul modèle de boîtes, ce qui simplifie beaucoup la fabrication. Ils ont porté l'outillage qui sert à l’obten- tion de ces boîtes à un haut degré de perfection. C’est ainsi qu'ils ont imaginé des machines réduisant au minimum le travail à main d'hommes et produisant automatiquement les boites. La boite américaine est entièrement soudée. Elle se compose d’un corps cylindrique agrafé et soudé, et de deux fonds emboutés, qui s'adaptent extérieurement à ce cylindre et y sont soudés; l’un de ces fonds est plein; —————— | l’autre est percé d’une ouverture circulaire qui sert au | remplissage de la boîte. La fermeture se fait au moyen d'une rondelle de fer-blanc, que l'on fixe au couvercle. par une soudure. Voici la description d'une machine toute récente servant à fabriquer ces boîtes de conserves. Cette ma” chine, d'origine américaine, a été construite à Lubeck par M. Ewers. Elle est montée pour fabriquer un modèle unique de boîtes : la boile américaine du format quatre quarts ou litre. | Une cisaille, placée en tête de l'appareil, découpe à la fois cinq à huit plaques de fer-blanc de la dimension! exacte nécessaire pour former le corps cylindrique de la boîte. Ces plaques se présentent successivement l'entrée de la machine; elles sont enroulées et le cylin= dre obtenu est agrafé sur la génératrice. Le corps cy= lindrique, placé sur deux glissières horizontales, est entrainé par un système de griffes qu'actionne une chaîne, la partie agrafée placée en bas. Celle-ci passe sur un chiffon trempé dans un bain à décaper, puis dans un bain de soudure d'une longueur de 42,50; à est maintenu à la température convenable par des brù leurs à gaz. Un tampon essuyeur est disposé à la suite. du bain de soudure. Le ; corps cylindrique soudé est guidé dans un chemin mé- tallique qui porte à un moment de sa course un butoir, qui le fait dévier de 90° et le dépose sur un plan incliné. Il roule alors et tombe dans une machine qui y adapte les deux fonds préalablement -emboutis. La boîte munie de ses fonds est élevée par une chaine au-dessus d’un se- cond bain de soudure, où elle se présente avec une inclinaison de 30° environ. La boîte inclinée roule dans le bain de soudure. Ce mouvement est obtenu par une chaîne sans fin qui pèse sur les boîtes et les force à passer successive- ment au décapage, à la sou- dure et à l'essuyage. Quand l’un des fonds est soudé, L la boite se retourne automatiquement et l'autre fond est soudé à son tour. La boite entièrement fabriquée doit être essayée au point de vue de l'étanchéité. A cet effet les boiles passent dans un dernier appareil formé essentiellement d'une roue inclinée, dont les rayons sont des tubes re cevant l'air comprimé à 2 kilos produit par unes pompe à air. A chaque extrémité des rayons est dis posée une rondelle de caoutchouc, qui vient obturer exactement l'ouverture de la boîte. La boite pénètre dans cet appareil, l'ouverture vient s'appliquer sur le caoutchouc, et l’autre fond est maintenu solidement. Lan partie inférieure de la roue plonge dans un bain d'eau’ de telle manière que toutes les boites viennent plon= ger entièrement et successivement dans l’eau. Si une boîte n’est pas entièrement étanche, on s'en apercoit, aisément par le dégagement des bulles d'air, qui se produit sous l'influence de la pression. Un homme sur veille cet appareil; son seul travail consiste à faire ma nœuvrer un taquet placé sur la roue, en face de chaque. boite. Ce laquet se trouve donc placé d’une mauière spéciale pour les boîtes non étanches (que l’on nomme boiîtes-fuites). La roue continue à tourner et deux bu toirs font tomber successivement et séparément les boîtes bonnes et les boîtes-fuites. Ces dernières, qu doivent être peu nombreuses, sont resoudées à la main et replacées dans l'appareil à essai d'étanchéité. , Cette machine fabrique 3.000 boîtes à l'heure. è | Û i —_——— ‘ Fig. 1. — Schéma montrant les différentes parties d'une boite de conserves améri= caine. NT" CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 5. — Chimie industrielle L'application de lacétylène dissous à léclairage. — La Compagnie P.-L.-M. va faire l'essai, pour l'éclairage de ses voitures et de ses feux avant et arrière, d'un nouveau mode d'emploi de l'acé- tylène, qui présente, sur la plupart des procédés con- nus, de grands avantages, notamment au point de vue de la sécurité. Lorsque le gaz acétylène n'est pas pro- duit au lieu même de consommation et qu'il devient nécessaire d'en transporter une certaine provision sous un petit volume, on l'emmagasine dans des réservoirs, soit sous pression, soit à l'état liquéfié. L'un ou l’autre moyen entraine forcément encombrement ou danger d'explosion. Restait à utiliser la propriété qu'ont cer- tains liquides de dissoudre les gaz en forte proportion, comme cela se produit, par exemple, dans un siphon d'eau de seltz, et à trouver, dans le cas particulier de V'acétylène, le liquide absorbant pouvant servir d’inter- médiaire. En cherchant dans cette voie, MM. Claude et Hesse “ont découvert que l’acétone dissout, à la température de 15°, 24 fois environ son volume d’acétylène par atmosphère ‘. IJ semblait donc déjà possible, par l’em- ploi de ce liquide, et en utilisant des pressions pas trop élevées, d'emmagasiner de grosses quantités de gaz; néanmoins, la sécurité ne paraissait pas encore absolue, puisque la partie de volume du réservoir laissée libre par suite du dégagement de gaz et pour tenir compte de la dilatation possible finissait par former une capa- cité pouvant devenir dangereuse. Pour se mettre com- plètement à l'abri de semblable éventualité, la Compa- gnie francaise de l'acétylène dissous appliqua l’un des principes énoncés par M. Henri Le Chatelier au cours de ses classiques recherches sur les propriétés de l'acéty- lène : Lorsque ce gaz traverse un tube d'un diamètre suffisamment petit, son inflammation ne peut plus se propager. Il fallait donc trouver le moyen de faire cir- culer le gaz à travers une infinité de tubes très étroits, et l'on en vint naturellement à l'idée de plonger dans le récipient un bloc en céramique de matière poreuse, dont la forme extérieure remplit exactement sa capa- cité. L'acétylène dissous se dégage à travers les pores de cette brique avant de passer aux brûleurs et les causes d’explosion sont ainsi complètement écartées. Dans ces conditions, il est vrai, un réservoir d’un litre rempli d’acétone ne dissout plus, sous la pression de 40 kiloyrammes, par exemple, qu'environ 400 litres dacétylène, mais cette proportion est encore assez forte pour que l'emmagasinage obtenu soit industriel. L'acétone employé s'obtient par la distillation sèche de l’acétate de chaux. Le résidu, une fois desséché par du chlorure de cal- cium et décanté, puis rectifié une ou deux fois par dis- tillation, laisse un liquide d'une odeur éthérée, de 0,814 de densité à 0°, et dont le point d'ébullition est 56°, On s'en procure facilement. Du reste, le même liquide peut resservir indéfiniment, sauf quelques pertes provenant de l'évaporation ou des manipula- tions. L'emploi de l'acétylène dissous semble donc être la solution la plus pratique pour obtenir sans encom- brement et sans dauger un gaz portatif très éclairant. $ 6. — Sciences médicales L'élément psychique de la démorphinisa- tion. — On sait que lorsqu'on veut déshabituer un 1 D'après une communication récente de M. Georges Claude, transmise par M. d'Arsonval à l'Académie des Scien- ces (séance du 30 avril 1899), la solubilité de l’acétylène dans l'acétone augmente avec une rapidité extrême lorsque la température diminue. L'acétone refroidi à 800, sous la seule pression atmosphérique, dissout plus de 2.000 fois son volume d'acétylène ; le volume du liquide, après satura- tion, étaut de 4 à 5 fois le volume initial. morphinomane de sa morphine, on a recours habituel lement à la démorphinisation progressive, c'est-à-dire qu'en partant de la dose que le morphinomane avait l'habitude de s’'injecter, on la diminue progressivement pour arriver, enfin, à la suppression complète du poi- son. Au cours de cette démorphinisation progressive, on observe pourtant, malgré toutes ces précautions, des accidents redoutables (collapsus cardiaque, pouls fili- forme, tendance aux syncopes, vomissements, etc.,etc.). Or, d'après les faits qui ont été cités dernièrement au cours de la discussion soulevée à la Société médicale des Hôpitaux, les accidents en question, qui semblent relever d’un trouble profond de l’économie apporté par la suppression du poison, seraient en grande partie ima- ginaires, c'est-à-dire qu'ils ne se produisent pas quand le malade ne sait pas qu'on lui supprime la morphine. Le cas rapporté par M. Linossier est, sous ce rap- port, particulièrement typique et constitue une véri- table expérience in vivo. M. Linossier avait à soigner un morphinomane, qui s'injectait jouruellement 40 centigrammes de mor- phine. Ce malade, ayant pris la fièvre typhoide, M. Linossier en prolita pour tenter la suppression gra- duelle du poison. Le malade ne s’en apercut absolu- ment pas et continua à s'injecter des solutions de plus en plus faibles et, finalement, de l’eau claire. Or, ces injections lui produisaient exactement la même impres- sion que les anciennes injections de morphine. Bien plus, un jour, M. Linossier injecta à ce malade 4 centigramme de morphine, en lui disant que le liquide injecté était de la caféine. L'effet produit fut absolument nul. Mais, une demi-heure après, le malade était obligé de refaire lui-même une soi-disant injec- tion de 3 centigrammes de morphine et, immédiate- ment, il ressentit le bien-être habituel. Le seul jour où se manifestèrent les symptômes de démorphinisation fut celui où le malade qui, depuis quelque temps, ne prenait plus de morphine, apprit qu'il était complètement démorphinisé. Un autre cas, non moins probant, a été observé par M. Joffroy. Un morphinomane soumis une première fois à la démorphinisation a présenté des accidents tellement graves qu'il a fallu interrompre la cure. M. Joffroy fit une nouvelle tentative de démorphinisa- tion, mais cette fois à l'insu du malade et de son entourage. Elle réussit pleinement sans que le malade ait présenté le moindre accident. Autre fait non moins curieux. M. Rendu a connu un morphinomane dont les douleurs étaient calmées par le simple simulacre d'une injection faite avec une seringue qui ne contenait aucun liquide et dont on se bornait, une fois l'aiguille enfoncée, à faire manœuvrer le piston à vide. De même, M. Siredey à observé une dame devenue morphinomane, par le fait des douleurs occasionnées par un ulcère de l'estomac; brusquement et à l'insu de la malade, les injections de morphine furent remplacées par des injections d'eau salée. La malade ne s’apercut pas de cette substitution el ses douleurs ne reparurent plus. Tous ces faits montrent une influence psychique très évidente dans la genèse des accidents de la démorphi- nisation. On peut done dire que la notion, très répandue dans le public, de la difficulté et des dangers de la démorphinisation contribue beaucoup et à la rendre difficile et à confirmer bien des morphinomanes dans leurs fâcheuses habitudes. $S 7. — Géographie et Colonisation Deux nouvelles publications coloniales. — La littérature coloniale vient de s'enrichir de deux nouvelles publications périodiques. L'une nous vient des Indes orientales : c’est le Bulletin de l'Institut Bota- nique de Buitenzorg; l’autre, des Indes occidentales : c'est le West Indian Bulletin. L'Institut Botanique de Buitenzorg est bien connu de nos lecteurs par la description qu'en a donnée M. Chail- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ley-Bert, ici même‘, l'année dernière. On se rappelle non seulement les services que cette institution à ren- dus à la science, mais encore et surtout l'influence profonde qu’elle a exercée sur le développement agri- cole et économique des Indes néerlandaises par les indications qu’elle a fournies aux planteurs de cannes à sucre, de tabac, de café et de thé, relativement à la culture de ces plantes. Les résultats des travaux entre- pris dans ce but au Jardin Botanique de Buitenzorg parvenaient jusqu'à présent au public principalement par la voie de trois publications : deux d’entre elles, les « Mededeelingen » et les » Jaarverslagen » rédigées exclusivement en langue hollandaise, ont surtout pour lecteurs des Hollandais; la troisième, les « Annales du Jardin Botanique de Buitenzorg », rédigée dans l'une des trois langues francaise, anglaise et allemande, est plus répandue et plus connue, mais présente le léger in- convénient de paraître à dates assez éloignées. Le nouveau « Bulletin » de l'Institut Botanique sera, lui aussi, rédigé en l'une des trois langues française, anglaise et allemande. Il renfermera principalement des communications préliminaires sur les travaux en cours au Jardin Botanique et des résumés des mémoi- res plus importants qui paraîtront dans les autres pu- blications de l'Institut. D'autre part, il publiera de courtes notices présentant un intérêt général pour les colons et les planteurs. Ce Bulletin est distribué gratuitement aux savants et aux colons auxquels ses indications peuvent être utiles ; à ce titre, nous avons cru intéressant de le signaler à nos lecteurs. La situation peu prospère de plusieurs colonies an- glaises des Antilles, provenant, d’une part, des terribles cyclones qui dévastent chaque année ces îles, d'autre part, de la manière dont l'agriculture, qui fournit les principales ressources, y est pratiquée, a fait depuis longtemps l’objet des préoccupations du Gouvernement anglais. Reconnaissant le concours précieux que peu- vent apporter à l’agriculture coloniale les jardins bota- niques, il a favorisé le développement de ces institu- tions. De deux qu'ils étaient, il y a à peine quelques années, leur nombre a passé à douze. A la plupart d’entre eux sont annexés des champs d'expériences et des écoles d'Agriculture. Mais le Gouvernement est allé encore plus loin dans cette voie ; il a reconnu la néces- sité de créer un Département spécial de l'Agriculture pour les Indes occidentales et il a chargé un des savants botanistes du Jardin de Kew, M. D. Morris, de l’orga- niser. Ce dernier se mit à l'œuvre à la fin de l’année dernière et, après une rapide visite des Antilles anglaises, il s’établissait à La Barbade, choisie comme siège du nouveau Département. En janvier, une confé- rence rassemblait dans cetteile les principales autorités des colonies voisines en matière d'Agriculture, et l'œuvre du « Département impérial d'Agriculture pour les Indes occidentales » en recevait une vigoureuse impulsion. Les travaux de ce Département seront publiés dans le West Indian Bulletin, dont le premier numéro nous est parvenu récemment. Celui-ci est consacré presque entièrement au compte rendu de la conférence de La Barbade, mais les communications qui y ont été pré- sentées sont de première importance. La culture de la canne à sucre, l’une des plus répandues aux Antilles, y a été examinée en détail. M. J. P. d'Albuquerque, chi- miste de la station botanique de La Barbade, a donné le résultat de ses expériences sur l'emploi de divers engrais chimiques, et M. J. R. Bovell, superintendant de la même station, a décrit ses essais de traitement en grand des maladies de la canne. La question des fabriques de sucre a été présentée par MM. W. Douglas et Fr. Watts, qui ont montré tout l'intérêt quil y aurait, pour réduire les prix de revient, à installer dans ‘ Revue générale des Sciences, du 30 mri 1898, t. - x, p. 397-#11. 1 chaque île une seule ou un petit nombre d'usines cer trales, pourvues d’un outillage moderne perfectionné Enfin, la question de l'instruction agricole, soit dans les écoles, soit dans les collèges, soit dans des établis sements spéciaux, a fait l’objet de rapports de M. J P. d'Albuquerque, de M. William Fawcett, directeur des jardins publics et des plantations à la Jamaïque, et de M. W. Simms. Le premier numéro du West Indian Bulletin contient encore d’intéressantes notices sur les industries coloniales, les méthodes agriculturales aux Indes occidentales, les précautions à prendre pour éviter l'introduction de maladies parasitaires. Nous croyons qu'il est inutile d'insister davantage pour montrer l'intérêt de cette publication et les efforts soutenus du Gouvernement anglais en vue de relever et d'étendre la production agricole de ses colonies des Antilles. Nos colonies de la Martinique, de la Guade loupe et de la Guyane, situées dans les mêmes régions, et se livrant aux mêmes cultures, sont appelées à pro fiter dans une grande mesure des expériences de leurs voisines. : L’Exploitation du Balata à la Guyane. Rien n’est plus instructif que les comparaisons. En ma: tière coloniale surtout, elles font ressortir les qualités etles défauts des divers systèmes de colonisation® Nous en voulons aujourd'hui donner un exemple à pros pos de l'exploitation d’un succédané de la gutta-percha qu'on désigne sous le nom de Balata. Les arbres qu fournissent ce produit (Mimusops Balata, Gærtn.) appars tiennent, comme le Palaquium, producteur de la guttas à la famille des Sapotacées, et on les rencontre dans” les forêts de la Guyane, du Vénézuéla et de Trinidad. M A la Guyane francaise, on n’exploite rien; l’agricul ture est complètement délaissée; les forêts, qui comp= tent au nombre des plus riches du globe, ne sont visi tées que par les prisonniers en rupture de ban, et tous les regards sont tournés vers les mines d'or. Le balata n'est donc pas récolté et on trouve seulement chez les commercants de Cayenne quelques cravaches, comme spécimen de ce produit, fabriquées dans les forêts par les libérés. Les exportations n'existent donc pas, où bien elles n’atteignent qu'une valeur négligeable. D'ail=, leurs, l'Administration de notre colonie ne s'occupe même pas des produits exportés ou, du moins, elle ne leur accorde qu'une attention très intermittente. L'An nuaire de la Guyane, pour 1898, donne seulement 1 tableau des exportations de 1893, et ce n'est certaines ment pas dans cette publication officielle qu'il faut chercher des documents de fraiche date. Si nous rap= portons ce dernier fait, c'est uniquement pour mettré en évidence une fois de plus l'incurie bien connue de notre administration coloniale. L A la Guyane anglaise et à la Guyane hollandaise, au contraire, l'agriculture est en particulière faveur et on y poursuit activement l'exploitation des richesses fore Es tières et agricoles. En ce qui concerne le balata, la Guyane hollandaise tient le premier rang, et, si nous en croyons un rapport récent du D Preuss, les exploi tations de Surinam ont atteint les chiffres suivants pour les cinq dernières années : | 108.286 kilos. SRE NC RE RE EE MTL, — 1896. . MONA — 4897. . 159.253 . — 1898. 113.431 — Ce produit se vend, sur place, 2 francs à 2 fr. 5011 kilogramme. ; k Bien que les chiffres d'exportation ne soient pas très considérables, ils dénotent une activité qu'il serait désirable de trouver à la Guyane française. Il suffit, d'ailleurs, de visiter successivement Demerart, Surinam et Cayenne pour être en mesure d'établir une compa raison entre les trois Guyanes, et cette comparaisons nous n'avons pas besoin de le dire, n'est pas à l’avans tage de notre colonie. G. MILHAUD — LA GÉOMÉTRIE AU TEMPS DE PLATON 847 LA GÉOMÉTRIE AU TEMPS DE PLATON Les écrits de Platon sont pleins d’allusions à la Géométrie, à l'Arithmétique, à la Musique, à l’Astronomie, et les Anciens ont écrit un certain nombre de livres pour exposer les connaissances mathématiques nécessaires à la lecture des dia- logues. D'ailleurs, une tradition qui remonte pro- bablement à Eudème, et qui, en tout cas, s’est formée et conservée dans toute l'Antiquité, nous présente Platon comme ayant déployé un zèle infa- tigable pour la Géométrie et comme lui ayant fait prendre un très grand essor. Il se serait particuliè- rement occupé d’une méthode nouvelle de démon- stration, l'analyse, — du problème de la duplica- tion du cube, — et aurait donné un puissant élan à la théorie naissante des Seclions coniques. Ce qui est certain, c'est qu'il a connu un certain nombre d'hommes qui tous ont leur nom inscrit dans l’histoire de la Géométrie. C’est Théodore de Cyrène, dont il suivit les leçons ; c’est Théétète, qu'il a mis en scène dans le dialogue de ce nom; c'est Eudoxe de Cnide, dont nous dirons le très grand rôle dans la constitution des Éléments; c'est Ménechme, qui passe pour avoir le premier étudié les sections du cône; c'est le pythagoricien Ar- chytas, avec qui Platon semble s'être lié d'amitié en Sicile; c'est Amyclas d'Héraclée; c'est Dinos- trate, frère de Ménechme; c'est Theudios de Ma- gnésie, c'est Athénée de Cyzique, et d'autres, dont Proclus nous dit qu'ils ont contribué, chacun pour sa part, aux progrès de la Géométrie. Si nous ne pouvons assigner avec précision l'œuvre person- nelle de Platon, nous avons du moins la certitude que, de son temps, près de lui, souvent peut-être, comme l'indique Proclus, sous sa direction, un travail énorme s'est accompli. L'admiration de Platon pour les Mathématiques, qui déborde de ses œuvres et qui se dégage de tout ce que la tradition nous dit de lui, n’a donc rien d'extérieur ni de superficiel. I] Les a connues, cultivées avec passion ; et, quand il demande, dans la République, aux futurs philosophes, de s’enfermer longtemps dans l'étude et dans la méditation de ces sciences, c’est qu'ilen a subi le charme puissant, et qu'il a le sen- tüiment de puiser à leur source même ce qui peut le mieux justifier l'élévation de ses doctrines. Mais il importe de connaitre, au moins dans leurs grandes lignes, les progrès de la Géométrie au ve et au 1v° siècle. Nous constaterons ensuite que l'œuvre accomplie par les contemporains de Platon n'ajoutait pas seulement à une liste déjà longue un certain nombre de vérités nouvelles, mais qu'elle élait de nature à appeler lout partieu- lièrement la pensée du géomètre sur des concep- tions qui, si elles n'étaient pas tout à fait neuves, prenaient désormais une signification plus pro- fonde. I. — LEs INCOMMENSURABLES. — LA MÉTHODE INFINITÉSIMALE. Proclus, dans son résumé historique, signale particulièrement Eudoxe et Théétèle comme ayant fait progresser la Géométrie. On peut se rendre compte, en prenant pour guide M. P. Tannery!, de l'importance de leurs travaux. D'une part, un passage de Suidas attribue à Théétète la rédaction d'une étude sur les cinq solides, c'est-à-dire sur les polyèdres réguliers, qui font l’objet du livre XIII des Éléments. Ce qui intéresse, d’ailleurs, dans l’étude de ces polyèdres, telle que la présente Euclide, c’est la construction du côté de chacun d'eux, étant connu le rayon de la sphère circonscrite, et l’auteur des Éléments fait intervenir des lignes irrationnelles de genres spéciaux. Or, il est naturel d'attribuer à Théétète la classification des irrationnelles, qui remplit le X: livre, d'après un passage du Théélète de Platon, où le jeune géomètre, parlant des travaux qui se poursuivent dans l’entourage de Théodore, s'élève à une conception générale des lignes racines carrées incommensurables d’aires rationnelles : son maître Théodore avait personnellement étudié les racines de 3,5..., jusqu'à 17. Ces remarques se confirment donc et montrent qu'on peut consi- dérer comme due à Théétète toute la partie qui a pour objet la classification des divers genres de lignes irrationnelles, et l'application qui en est faite aux polyèdres réguliers. Les pythagoriciens avaient découvert, on le sait, l'incommensura- bilité de la diagonale et du côté du carré; en d’autres termes, si l’on veut, ils avaient constaté le caractère irrationnel de la ligne racine carrée de 2. Leurs travaux à cet égard n'étaient pas allés bien loin, puisque Théodore devait montrer l'irra- tionalité de ÿ3, et c’est au temps de Platon seu- lement que les développements sur les irration- nelles en général devaient prendre l'importance d'un chapitre spécial de la Géométrie. Mais la notion générale d’incommensurabilité n'est-elle pas, en dehors des racines carrées, im- pliquée dans celle du rapport de deux grandeurs de même espèce, toutes les fois que ce rapport La Géométrie grecque, Gauthier-Villars, 1881. 848 n'est pas numériquement exprimable? Et n'est-elle pas dès lors enveloppée dans toute considération sur les rapports de longueurs, de surfaces ou de volumes, si seulement, en nommant ces rapports, on s’abstient [de spécifier que les grandeurs sont commensurables ? En particulier, quand on écrit que quatre longueurs forment une proportion, sans aucune restriction sur la nature des rapports qu'elles donnent deux à deux, n’implique-t-on pas, consciemment ou non, l'idée d'incommensurabilité, dont l'irrationalité de la racine carrée n'est qu'un cas particulier? Si donc les pythagoriciens ma- niaient depuis longtemps les médiétés, il est peut- être d’un intérêt médiocre que Théétète, au temps de Platon, soit venu donner quelques types parti- culiers (les irrationnelles de divers genres), de lignes incommensurables? Eh bien, si étonnant que cela paraisse, nous avons les plus fortes raisons de croire que les pythagoriciens n'avaient pas osé accepter, dans sa généralité, la notion des incom- mensurables ; qu'ils s'étaient bornés à noter le cas de la diagonale, comme une scandaleuse exception; qu'ils n'avaient jamais manié dans leurs démon- stralions que des rapports supposés exprimables numériquement; et qu'enfin c'est seulement avec Eudoxe que la Géométrie allait décidément écarter cette restriction. Des témoignages concordants permettent, en effet, d'attribuer au Cnidien le contenu du v° livre des Eléments. Ce livre débute par les définitions tout à fait générales des nolions de rapport et de proportion. Elant données deux grandeurs de même espèce, ce qu'on nomme leur rapport, c'est, — avant toute préoccupation de savoir si elle sera ou non repré- sentable par un nombre arithmétique, — une cer- taine manière d’être quantitative des grandeurs, l'une par rapport à l'autre. Et, si A, B — C, D, sont deux couples de grandeurs, on dira que leurs rapports deux à deux sont égaux, ou qu'elles forment une proportion, si, quels que soient les nombres entiers m et p, l'une des relations mA > pB mA < pB mA = pB entraine l'égalité de même rang du tableau : mC> pD mC< pD mC = pDO. Ces définitions une fois posées, le v° livre d'Eu- clide expose toutes les propriétés des propor- lions. On s'étonnera peut-être que quatre livres tout Pour plus de clarté, nous employons les notations mo- dcrnes. G. MILHAUD — LA GÉOMÉTRIE AU TEMPS DE PLATON entiers, où se trouvent déjà les principaux théo- rèmes de la Géométrie plane, aient pu se dérouler sans que le géomètre fit jamais appel à la notion de similitude. Et il est curieux, en effet, de cons- tater que, dans toutes les occasions où cette idée parait être d’une application naturelle, Euclide fait un détour pour s'en passer. Si nous observons que les quatre premiers livres des Eléments sont assurément les plus anciens, et remontent à peu près complètement aux pythagoriciens eux-mêmes, nous trouverons là un indice significatif du trouble secret que leur causait la pensée des incommen- surables, et nous apprécierons à sa valeur l’ini- tiative d'Eudoxe. En même temps, nous pouvons altribuer au même géomètre, — d’après un témoignage précis d'Archimède, — avec la mesure de la pyramide et du cône, la méthode qui sert à l'obtenir, qui sert aussi à démontrer que les aires de deux cercles sont proportionnelles aux carrés de leurs rayons, les volumes de deux sphères proportionnels aux cubes de leurs rayons, et qui servira d’une façon générale aux quadratures et aux cubatures d’Ar- chimède. C’est la méthode infinitésimale des An- . ciens. On la désigne souvent sous le nom de méthode d’exhaustion. Pour éclairer ces indicalions par un exemple, voici en substance la démonstration de la propor- tionnalité des aires de deux cercles aux carrés de leurs rayons, telle que la donne Euclide, et telle que nous avons le droit de l’attribuer à Eudoxe : Soient O et O' deux cercles, D et D'leurs diamètres. D Supposons que le rapport D soit égal non pas à 12 20 : ne : 0° mais à —, À étant une aire différente de 0’; je dis qu'on sera conduit à une absurdité. Si, par exemple, È est inférieur à O', je pourrai inscrire dans le cercle O'un polygone régulier P' d’un assez grand nombre de côtés pour que la différence entre l'aire de ce polygone et celle du cercle O' tombe au-dessous de la différence entre X et O0’: dès lors, l’are P' surpassera X. Or, si en même temps nous considérons le polygone régulier P, sem- blable à P', inscrit dans le cercle O, nous aurons PAS D) ARE SCD PO —— et, d’après notre hypothèse, pis 408 enfin égalité absurde, car P est inférieur à ONE PP" O, tandis que P’ est supérieur à &. L'œuvre d'Eudoxe marque un point culminant dans le développement de la Géométrie. Il est vrai- semblable qu'elle arrivait d’ailleurs à son heure, préparée par les recherches de ses prédécesseurs immédiats. La preuve en est dans le travail d'Hip- pocrate de Chios sur la quadrature de certaines G. MILHAUD — LA GÉOMÉTRIE AU TEMPS DE PLATON 849 lunules!, qui date du milieu du v° siècle. La re- constitution assez récente d’un texte d'Eudème cité par Simplicius® a jeté quelque lumière sur ce travail, qu'il ne faut décidément confondre avec aucune tentative de quadrature du cercle, — en dépit d’un mot d’Aristote, peut-être interpolé, — et qui donne, au contraire, une assez haute idée du géomètre Hippocrate. Ses raisonnements s'ap- puient déjà sur la proportionnalité des aires de deux cercles aux carrés des rayons, et des aires de deux segments semblables aux carrés des cordes. Sans attendre la méthode infinitésimale qu'Eudoxe devait fonder, avait-il donné de ces théorèmes une démonstration spéciale? ou avait-il admis comme évident que les relations connues pour les polygones réguliers inscrits s'étendent tout naturellement aux cercles? La notion in- tuitive de limite aurait simplement précédé de quelque temps dans ses applications spontanées la théorie savante et rigoureuse : cela ne parait pas impossible. IT, — LIGNES COURBES. — LIEUX GÉOMÉTRIQUES. C’est à peu près au temps de Platon qu’on fait commencer l'étude des sections du cône, ellipse, hyperbole, parabole. Mais ces mots eux-mêmes rappellent certains travaux des pythagoriciens : ils correspondaient, on se le rappelle, aux trois cas distincts d'une construction, où un rectangle d'aire donnée est en défaut (ellipse), ou en excès (hyper- bole), sur un autre, d'un certain carré — ou enfin ni en excès, ni en défaut (parabole). La théorie géométrique des sections du cône commença le jour où l'on s’apercut que, suivant la position du plan sécant, selon qu'il coupe une seule nappe du cône, ou qu'il coupe les deux nappes, ou qu'il est parallèle à une génératrice de façon à couper une seule nappe suivant une courbe ouverte à l'in- fini, l’'abscisse et l’ordonnée d'un point de la courbe se’ prêtent respectivement aux trois rela- tions connues. Citons comme exemple le cas de la section parabolique, en empruntant à Apollonius les indications qu'il nous donne d’après les créa- teurs de la théorie. Soit un cône de sommet A (fig. 1), dont la base soit le cercle BF, le plan ABT contenant l'axe; coupons le cône par un plan dont la trace sur le plan ABFT soit ZH, parallèle à AT, et qui coupe le plan de base suivant la droite AE, perpendiculaire au diamètre ZH. Soit enfin une longueur Z® qui soit à ZA comme le carré construit sur BF est au rectangle des côtés AB, AT. — K étant un point quelconque ‘ On appelle ainsi la portion du plan comprise entre deux arcs de cercle sous-tendus par la même corde. ? Cf. P. Tanxery : La Géom. grecque. Hippocrate de Chios. | de la section, et KA perpendiculaire à ZH, ZA, l'ab- scisse du point K, est justement la longueur à con- struire dans la parabole de l'aire du carré de l'ordonnée KA faite sur la droite Z®. En d’autres ZA KA Lorsque ZH n'est plus parallèle à AT, Apollonius démontre que l’abscisse ZA est toujours la lon- gueur à construire dans la parabole del'aire KA?, mais, suivant les cas,en hyperbole ou en ellipse d'un rec- tangle semblable à un rectangle donné, fait sur une droite connue. D'où les noms d'hyperbole et d'ellipse aux sec- tions correspon- dantes. Au fond, l’abscisse ZA étant désignée par +, et l’ordonnée KA par y, c'est la distinction des trois courbes faite d'après l'équation y =px+gx", où q est nul, positif ou négatif. Jusqu'où les contemporains de Platon allèrent- ils dans l'étude des sections coniques? Il est difficile de le préciser. Apollonius nous dit lui- même, au mm° siècle, que leurs principales pro- priétés étaient connues avant lui. Et, d’ailleurs, cela se trouve confirmé par l'application qui en avait été faite, ainsi que nous le dirons dans un instant, au problème de la duplication du cube. Dès les premières recherches sur les coniques, c'est-à-dire, en somme, une fois posée leur défi- nilion mathématique, les propriétés géométriques durent apparaitre en abondance. En même temps que naissait cette théorie, d’au- tres courbes étaient imaginées pour servir à la solution de quelques problèmes spéciaux, quadra- ture du cercle, trisection de l'angle, duplication du cube. Telle, par exemple, la quadratrice, qu'in- venta peut-être Hippias d'Elis, mais à laquelle pourtant la tradition a attaché de préférence le nom de Dinostrate, frère de Ménechme. En voici la définition : Soit AOB le quart d'un cercle (fig. 2). Imaginons que le rayon décrive d’un mouvement uniforme l'angle AOB pendant le même temps qu'une paral- lèle à OA s'élève d’un mouvement uniforme de la position OA jusqu'à celle de la tangente BT. A chaque instant, le rayon et la droite mobiles, OP, MQ, se coupent en un point M : la quadratrice est la trajectoire de ce point. termes, 850 G. MILHAUD — LA GÉOMÉTRIE AU TEMPS DE PLATON Cette trajectoire supposée tracée, on divisera facilement l'angle AOB en autant de parties égales qu'on voudra, en trois, par exemple, comme le demandait le problème de la trisection de l’an- gle : il suffit, en effet, de prendre le tiers de OB, soit OD, et de mener par D la parallèle DQ à OA. Cette parallèle coupera la quadratrice en M tel que le rayon OM ré- ponde à la question. Pourquoi ce nom de quadratrice? (reroxywvi- Couou). C'est que cette courbe peut encore servir (et c'était peut-être là son principal usage aux yeux de l'inventeur) à la quadrature du cercle. Ce problème (construire un carré équivalent à un cercle donné) exige seulement que l’on puisse construire deux lignes dont le rapport soit celui de la circonférence ou d'une fraction de la circonférence au rayon. Or, si Cest le point limite de la courbe situé sur OA, on voit sans difficulté que les longueurs OA et OC sont dans le rapport du quadrant AB au rayon OA". Le problème de la duplication du cube, appelé encore problème de Délos (parce que la légende attribue à Apollon lui-même l'initiative de cette recherche par le désir qu'il aurait exprimé de voir doubler son temple de Délos), peut s'énoncer ainsi : Etant donné un cube dont le côté est A, construire le côté d’un cube double du précédent. Cette ques- tion avait pu paraitre aux géomètres du v° siècle analogue à celle qui se trouvait résolue dans le plan : Construire un carré double d’un carré donné. Le côté du carré double est la diagonale du pre- mier. Dans l'espace, quand on substitue le cube au carré, le problème est beaucoup plus com- pliqué; on pourrait même dire qu'il est insoluble si l’on exigeait que la construction du côté du cube double se fit à l’aide de la règle et du compas. Nous dirions aujourd'hui que, si À est le ecté du cube donné, A est son volume, et par consé- quent le côlé inconnu est la racine cubique de 2A*, c'est-à-dire A V2. Mais cela n'aurait rien signifié pour les géomètres anciens. Nous les voyons, à partir Fig. 2: ‘ En langage moderne, nous pouvons représenter la qua- dratrice par l'équation : DRM fr iésint ; R POUM ED — ON TOC IL est bien entendu, d'ailleurs, que ce n’est pas une solu- tion, à proprement parler, de la quadrature du cercle, parce que la longueur OC ne s'obtient pas à l’aide de la règle et | du compas. d'Hippocrate de Chios, ramener le problème à la recherche de deux moyennes proportionnelles" entre À et 2A, le côté cherché étant la première de ces moyennes. En d'autres termes, À étant le côté du cube donné, X le côté inconnu du cube double, la question revenait pour eux à trouver deux longueurs, X et Y, satisfaisant à la doubl relation Et, enfin, ils avaient le sentiment très net, s'ils n'en possédaient pas une démonstralion rigou- reuse, que la construction de ces moyennes ne pouvait se faire avec la droite et le cercle. Ils avaient done recours à des lignes nouvelles, qu'ils jugeaient à propos de définir, ou aux sections coniques. Eutocius, le commentateur d'Archimède, nous. a conservé deux solutions de Ménechme : l’une fait. intervenir deux paraboles, l'autre une parabole et" une hyperbole. Voici, par exemple, la première solution : Soient (fig. 3) deux paraboles ayant respecti- vement pour axes les | droites rectangulaires Ox, Oy, l’une de para- mètre a, l'autre de pa- ramètre b; et soit P le P Ÿ ñ point où elles se cou- j pent. Les ordonnées PQ, PR sont les moyennes proportionnelles entre a 8 Le les longueurs a et b. — En effet, à cause de la propriété qui caractérise les points de la première parabole, on a : a PQ D CEA PG OQ PQ PR’ et de même, P étant un point de la seconde para- bole, on a: / PRO OR BHO b PR D'OTAPEE ou enfin : D LEE QE RRE RE POMMPRENR Eudoxe aurait construit pour le même problème, d'après Eutocius, certaine courbe de son invention : nous ne la connaissons pas. Archytas imaginait une ligne définie sur un cylindre droit par son intersection avec un tore !, et déterminait ensuite les moyennes en coupant cette ligne par un certain cône. Platon enfin se serait occupé de la question, et Eutocius nous dit quelle aurait élé sa solution. Le ! Surface de révolution engendrée par un cercle qui tourne autour d'un axe situé dans son plan. G. MILHAUD — LA GÉOMÉTRIE AU TEMPS DE PLATON 851 caractère pratique de ce procédé est fait pour nous inspirer les doutes les plus sérieux sur son attribu- tion à Platon lui-même". Longtemps encore après Platon, la construction des deux moyennes suscitera les recherches des géomètres, et la liste des courbes définies et étu- diées par eux s'augmentera sans cesse. Ces courbes seront toutes, comme les premières, des lieux géométriques, c'est-à-dire des ensembles de points ayant une propriété particulière, une propriété caractéristique, le cüurroux, comme dit Proclus, qui contient en lui-même l'essence de la courbe, et donne, avec la définition, toutes les propriétés. C'est, en somme, ce qui équivaut pour nous à l'équation. Les lieux géométriques deviennent assez nombreux pour que des tentatives de classification soient faites dès l'Antiquité. S'il faut en croire Pro- clus (d'après Geminus), en un passage que con- firment, d'ailleurs, à peu près les Définitions du Pseudo-Heron ?, une distinction aurait été faite en courbes circulaires, hélicoïdes et campyles, c'est-à- dire cercles, courbes qui s’engendrent autour des solides comme les hélices, et sections des solides. Mais cette classification serait postérieure à Platon, qui, après avoir distingué les lignes simples, droites et cercles, réunissait, en un seul genre de courbes mixtes, toutes celles qui ont été appelées depuis hélicoïdes et campyles. IT. — Quesrions pe MÉTHODE ET DE TECHNOLOGIE. Proclus attribue à Platon l'invention de la méthode analytique, c’est-à-dire de celle qui con- Imaginons un instrument tel que ABCD (fig. 4), formé d'une règle fixe AB, et d’une règle mobile CD qui se déplace entre les montants AC, BD, tout en restant parallèle à AB. Soieut OE, OF deux droites perpendicu- laires et respective- mentégales auxlon- gueurs a et b entre lesquelles on veut construire les deux moyennes propor- tionnelles. On dis- posera l'instrument de telle facon, que les points E et F soient l'un sur le bord de la règle fixe, l’autre sur le bord de la règle mobile, en même temps que les prolongements de OE et de OF passent par les sommets C et A du rectangle formé par les règles et les montants. les triangles EAC, FCA, étant rectangles, la hauteur de chacun d'eux est moyenne proportionnelle entre les seg- ments de l'hypoténuse, de telle sorte que l'on a : OE = OA 0C OAPOCHEOE B E A Fig. 4. OA et OC sont les longueurs cherchées. = CF. P. Taxxeny : Bulletin des Sc. Mathémaliques. Sur les lignes et les surfaces dans l'Antiquité, 1884, 1. siste à prendre pour point de départ la proposition à établir et à en déduire une série d’autres jusqu'à ce que l’on parvienne à une vérité connue. Cette marche régressive s'oppose à la méthode dite syn- thélique, qui va de propositions déjà connues à une vérité nouvelle. En fait, nous trouvons au commencement du XIII! livre d'Euclide des exem- ples de démonstration analytique, suivies chaque fois, d’ailleurs, de la démonstration synthétique du même théorème. Cette idée, qui n'est appliquée qu’à la fin des Éléments, remonterait-elle à Pla- ton? Remarquons, en tout cas, qu'il ne saurait être question pour lui, à proprement parler, de l'inven- tion de la méthode. Elle s’appliquait déjà d'’elle- même quand, à propos d'un problème à résoudre, les géomètres le ramenaient à un autre plus simple. La tradition a désigné sous le nom d'éruywyf celte réduction d’un problème à un autre plus facilement abordable, plus près d'être résolu ; et Hippocrate de Ghios, par exemple, est cité pour son éraywyf célèbre, la réduction du problème de Délos à l'insertion dé deux moyennes proportionnelles. D'autre part, s'il s’agit d’un théorème à établir, et non plus d’un problème à résoudre, la démonstra- tion par l'absurde n'est-elle pas un exemple de marche analytique? Une proposition dont on veut démontrer la fausseté est posée avant tout, et on en tire ensuite une série de conséquences, jusqu'à ce que l’on parvienne à une proposition contradic- toire. C’est mème là l'emploi idéal de la marche régressive, car, dans de pareils cas, elle se suffit à elle-même, tandis que, lorsqu'il s’agit d'établir une proposition, comme au XII: livre d'Euclide, le fait qu'une vérité comme B peut s’en déduire ne suffit pas à prouver l'exactitude de la première. Il y a là seulement une indication : Si toutes les réci- proques sont vraies, et dans cette hypothèse seule- ment, il est permis de renverser la chaîne des pro- positions; c’est pourquoi il faut faire une vérifica- tion en essayant la synthèse, comme Euclide en donne l'exemple. Or, la démonstration par l'absurde, que Zénon d'Élée maniait si habilement dans sa polémique contre les partisans de la pluralité, s'em- ployait déjà sans aucun doute en Mathématique : il suffirait de rappeler cette démonstration de l'in- commensurabilité de la diagonale que, d’après un témoignage d’Aristote, nous pouvons attribuer aux pythagoriciens, et qui consistait à montrer qu'un nombre n'est pas à la fois pair et impair. Il semble donc difficile de prendre à la lettre le passage de Proclus relatif à l'invention de l’ana- lyse, et peut-être faut-il y voir, comme le soup- çonne M. P.Tannery, une confusion avec la double marche ascendante et descendante de la méthode philosophique décrite à la fin du VI livre de la République. G. MILHAUD — LA GÉOMÉTRIE AU TEMPS DE PLATON En tout cas, il est permis de rapprocher cette | grandeur incommensurable prit enfin sa place na- indication de Proclus d'une foule d’autres portant, à propos de l'histoire de la Géométrie, non pas précisément sur la matière de cette science, mais sur sa forme. Il s'agit tantôt de discussions sur les diverses sortes de principes, axiomes, hypothèses, postulats, définitions, tantôt de la distinction à faire des différentes espèces de propositions, théo- rèmes, problèmes, porismes,.….; tantôt ce sont les parties de la démonstration qui sont séparées et recoivent des noms distincts. Ces sortes de préoc- cupations, dont nous trouvons l'écho dans le com- | mentaire de Proclus, ne remontent pas toujours à une haute antiquité, mais du moins, en dehors de ce qui concerne Platon, quelques allusions très précises à Ménechme et à Speusippe nous auto- risent à penser que les questions de méthode et de technologie étaient déjà à l’ordre du jour parmi les contemporains de Platon. Nous pouvons arrêter là ce résumé, nécessaire- ment incomplel, des recherches géométriques au v° et au 1v° siècle, tel qu'il est permis de le pré- senter sans trop d'incertitude. Des dernières remarques qui précèdent nous conclurons seulement que la pensée mathématique avait acquis déjà, au temps de Platon, assez de maturilé pour devenir elle-même matière à médita- tion, et pour que la forme de la langue mathéma- tique fournit un aliment précieux à la réflexion des géomètres. Quant à l’ensemble des travaux que nous avons mentionnés, s'il donne l'impression d'un accroissement très appréciable de connais- sances, il marque aussi une évolution fort impor- tante des concepts fondamentaux. Tout d’abord l'étude des incommensurables est devenue de plus en plus complète. D'une part, le géomètre est amené à manier et à classer une foule de lignes irrationnelles: d'autre part, l’in- commensurabilité des grandeurs n'est plus un obstacle à l'application des rapports et proportions aux longueurs, aux surfaces et aux volumes. Ce qui s'était présenté comme une redoutable antinomie, comme un scandale logique, ce fait que deux lon- gueurs peuvent exister entre lesquelles il n'y a pas de rapport numériquement exprimable, ces- sait désormais de troubler l'esprit du géomètre. Mais, en même temps, nous sommes peu surpris de voir un penseur tel que Platon attacher aux incommensurables une importance énorme, comme si, pour lui, leur notion élait un des points fonda- mentaux de la Géométrie. S'il y fait de si fréquentes allusions, s'il ne peut s'empêcher de les mentionner toutes les fois qu'il cherche dans le domaine de la Science l'exemple d'une vérité que tout le monde devrait connaitre et méditer, la raison n’en est pas difficile à saisir. Pour que la notion nouvelle de la turelle en Géométrie, il n'avait fallu rien moins, au | fond, qu’une transformation radicale de l'idée de l nombre. Considérons deux grandeurs telles que la diago- nale et le côté d'un carré; ne sont-elles pas liées entre elles par une certaine manière d'être quanti- tative, comme dit Euclide, indépendante de tout calcul, de tout procédé qui pourrait nous servir à l’exprimer? C'est là, dans ce qu'il aura de plus général, le Acyos, le rapport des deux gran- deurs. Il ne revét pas la forme particulière d’un nombre entier ou d’une fraction; qu'importe? Cela prouve simplement que les moyens qui nous fai- saient aboutir à cette sorte d'expression étaient insuffisants; que l’idée de quantité, de rapport, de nombre, n'était pas épuisée par la méthode qui consistait à ajouter simplement, à juxtaposer des éléments identiques, unités ou fractions d'unité. Lorsque nous disons, en présence de nos deux longueurs, que l’une est déterminée en quelque facon par l’autre, qu'elle en participe de quelque manière, nous sommes en même temps dans l’im- possibilité absolue de montrer certains éléments de l’une, dont la répétition permettrait de reconsti- tuer l'autre. C'est tout simplement que ce mode nouveau de participation échappe à toute image additive. Dira-t-on qu'il y a là un genre de quantité tout à fait singulier, n'ayant aucun rapport avec le nom- bre, seul connu jusqu'ici? Il est, au contraire, assez facile de donner une place au nombre nou- veau dans l'échelle de ceux dont nous disposions auparavant. Il suffit, pour cela, de se laisser guider par Platon qui, précisément, à choisi ce problème pour faire Menon témoin des merveilleux effets de la réminiscence. Le procédé est très clair; mais il n'a plus aucun rapport avec la comparaison des nombres de l'Arithmétique primitive : il consiste à comparer des longueurs entre elles, non plus par les sommes d'éléments qu'elles représentent, mais par les carrés qu'elles sont en puissance de fournir. L'intuition géométrique prend désormais un rôle spécial et nouveau, en tant que représentative de la quantité. D'une part, elle a révélé des états de grandeur que la simple addition d'éléments identiques ne suffit plus à constituer, et en même temps elle a fourni elle-même le moyen de les faire entrer dans l'échelle des nombres. D'autre part, comme elle généralise certaines propriétés quanti- tatives, les nombres arithmétiques ne sont que très rarement des carrés; 2, par exemple, n'est pas un carré: Or, en Géométrie, si l'on part du carré de côlé 1, c'est-à-dire du carré 1, il suffira de cons- truire, comme dans le Menon, le carré qui aurait G. MILHAUD — LA GÉOMÉTRIE AU TEMPS DE PLATON 853 la diagonale pour côté; ce sera le carré 2. Les nom- bres 4 et 2 étaient, à cet égard, dissemblables; la Géométrie leur rerd la similitude. Après cette étude (celle de l’Arithmétique), lisons-nous dans T£pinomis, « vient immédiatement celle que l’on nomme ridiculement Géométrie (mesure de la Terre), et qui consiste à donner à des nombres naturellement dissemblables une similitude se ma- nifestant sous la loi des figures planes. C’est là une merveille qui, si l’on arrive à la bien comprendre, apparaîtra clairement, comme venant non de l'homme, mais de la divinité », Mais il est une autre façon d'envisager les incom- mensurables. Si l'on essaie de trouver la mesure de la diagonale d'un carré, en prenant pour unité le côté, il est entendu qu'on peut diviser ce côté en autant de parties égales qu’on voudra; jamais un nombre de ces parties ne représentera la diago- nale. Et cependant, il est aisé d'obtenir des nom- bres qui la mesurent avec une approximation de plus en plus grande. C’est ainsi que, par exemple, si elle contient une fois le côté, elle contient 44 dixièmes, 141 centièmes, 1.414 millièmes de ce côté, el il est clair que les longueurs 4, — 1,4, — 4,41, — 1,414... diffèrent de moins en moins de la diagonale. L’impossibilité d'obtenir la mesure exacte se confond alors avec l'impossibilité de par- venir au terme d'une suite qui est sans fin, en vertu même de la règle qui sert à la former, et on peut dire de la ligne incommensurable qu'elle est, dans ces conditions, la limite inaccessible de la série des longueurs que nous lui substituons. Or, cette manière de voir les choses, qui, au fond, n’est autre que la méthode d’exhaustion, va pouvoir s'employer dans une foule de cas. Qu'il s'agisse, par exemple, de l'aire d'un cercle, de la surface ou du volume d'un corps rond, de la longueur d'un arc de courbe, il n'est pas permis d’en parler lout d’abord avec clarté. Qu'est-ce qu'une aire plane limitée par une courbe? Qu'est-ce que la longueur d'une ligne qui n’est pas composée exclusivement de droites, ou le volume d'un solide que ne limi- tent pas seulement des faces planes? On se pose ces questions comme on se demandait ce que pou- vait être un rapport non exprimable par un nom- bre. Pas plus que dans ce dernier cas, la Géométrie ne voudra renoncer aux aulres considérations quantitatives, sous prétexte que d’elles-mêmes elles n’ont pas un sens précis. Et l’on peut dire que, dès les travaux d’Eudoxe, il n'y a plus dans ces sortes de questions aucune impossibilité. Chaque fois qu'interviendra une quantité quelconque rela- tive à la circonférence du cercle, celle-ci sera con- sidérée comme la limite d'un polygone régulier inscrit dont le nombre des côtés augmente indéfi- niment, D'une façon générale, quand l'intuition géométrique semblera offrir, par ses exigences de forme, quelque irréductibilité au nombre, la notion de limite et la méthode d'exhaustion sauront faire tomber l'obstacle. Par là disparaît tout ce qui semblait faire entrave à la fusion du nombre et de l'étendue continue. En même temps, les problèmes de la trisection de l'angle et de la duplicalion du cube amènenttout saturellement Platon et ses contemporains à ma- nier, avec les sections coniques, d’autres lignes plus ou moins compliquées, et à faire rentrer la notion générale de courbe dans celle de lieux géo- métriques. On se rappelle, en effet, si nous prenons en exemple les sections du cône, dans quelle propriété quantitative spéciale, caractéristique d'un quelconque deleur points, étaient leur signification et leur importance. Cela apparaît avec une clarté sai- sissante si l’on examine de près quelque problème où interviennent ces lignes, tel, par exemple, que les solutions de Ménechme pour la question des deux moyennes proportionnelles. Dans celle que nous avons citée, que représentent les deux para- boles, sinon chacune un lieu de[points dont {l'abs- cisse et l'ordonnée satisfont à une certaine rela- tion? Le point où elles se coupent, c’est le point auquel correspondent deux relations, et il se trouve Justement que la simultanéité des deux relations équivaut au fait géométrique que deux lignes par- ticulières de la figure sont les moyennes cherchées C'est déjà, deux mille ans avant Descartes, la Géo- métrie analytique qui prend naissance, sinon dans sa forme, au moins dans son esprit. Une courbe tire toute sa raison d'être, toutes ses propriétés d'une relation quantitative entre des longueurs et des surfaces qui correspondent à chacun de ses points. Au fond, elle est tout entière dans cette relation, qui est son caractère spécifique. Et c’est ainsi que tous les progrès de la Géométrie, au temps de Platon, concouraient à une pénétration de plusen plus étroite de la quantité dans le continu de l'intuition. La participation des formes spaliales au nombre, que les pythagoriciens avaient devinée plus qu'ils ne l'avaient comprise, et qu'en tout cas ils interpré- taient si naïvement en projetant simplement le nombre discret dans l'étendue continue, cette par- ticipation pouvait donc prendre désormais un sens autrement profond. Non seulement la quantité ne risquait pas d'entrer en conflit avec le continu de l'intuition sensible, mais elle recevait de lui l’ex- tension la plus féconde. Ce n’est pas l'arithméticien, celui qui forme le nombre par addition finie d'u- nités, c'est le géomètre pour lequel toute figure exprime de quelque facon, des rapports quantita- tifs, qui seul est capable de saisir toute la signifi- cation du nombre. Ainsi, les qualités de forme, de 854 FÉLIX LE DANTEC — L'ÉQUIVALENCE DES DEUX SEXES DANS LA FÉCONDATION figure, de continuité, toutun ensemble de caractères qui touchent à des considérations d'ordre synthé- tique, en ce sens qu'ils échappent à une vue purement analytique comme celle de l’arithméti- cien, — loin d’exelure le nombre ou de ne l’ad- mettre qu'en se dissolvant, comme le supposait l'École de Pythagore, — semblent être désormais les conditions les plus favorables à l'épanouisse- ment complet de la quantité. Certes, la théorie des proportions et les éléments de la méthode d'exhaustion sont, de la part d'Eu- doxe, une intéressante tentative de dissiper la synthèse et de ramener ainsi à des vues analy- tiques rigoureuses tout ce qui semblait échapper aux conceptions primitives de la Mathématique. Mais s'il y a là la trace d’une élaboration toute naturelle dans une science qui poursuit sans cesse le maximum d'intelligibililé, de semblables efforts aboutissent surtout à donner droit de cité à des nolions complexes, qui ne sauraient d'un coup, dans l'imagination du géomètre, se dépouiller de tout ce qu'y avait mis l'intuition sensible. C'est ainsi qu'un Platon, tout imprégné qu'il soit de la Science analytique par excellence, ne songe cer- tainement pas à dépouiller les conquêtes de la Géométrie nouvelle de toutes leurs richesses, sous prétexte qu’elles changent les condilions d’intelli- gibilité. Bien au contraire, il les accueille avec enthousiasme, il les admire, etchez lui il en résulte simplement, à côté des tendances naturelles à tout mathématicien, une attitude nouvelle, qui lui fait rejeter volontiers les explications purement addi- tives ou mécaniques, et l’entraine sans cesse, — tout en lui laissant le sentiment qu'il atteint de mieux en mieux la réalité, — vers des préoccupa- tions dynamistes et qualitatives. G. Milhaud, Chargé du Cours de Philosophie à l'Université de Montpellier. L'ÉQUIVALENCE DES DEUX SEXES DANS LA FÉCONDATION L'existence de deux sexes, de deux types mor- phologiques différents, chez les animaux supérieurs au moins, semble avoir été connue de tout temps. L'observation de l'espèce humaine a naturellement amené les hommes à considérer que la sexualité devait être la règle chez les êtres vivants et l’on sait que la découverte des premiers cas de parthé- nogénèse fit crier au miracle. On savait bien aussi que, chez les Mammifères, chez les animaux voisins de nous par leur organisation, l'intervention des deux sexes était nécessaire à la procréation des jeunes; mais, aux diverses époques de l'histoire des sciences, on n'a pas répondu de la même manière à la question de savoir quel était le rôle de chacun des deux procréateurs dans l'acte essentiel de la reproduction. Il semble bien que la manière de voir le plus anciennement admise ait été celle qui attribue au mäle seul la fabrication de l’enfant, la mère four- nissant uniquement le terrain où le fœtus doit se développer; cette interprétation découlait natu- rellement de ce fait que la substance fournie par le mâle est de toute évidence, tandis que celle qui provient de la femelle, dans l'espèce humaine au moins, ne peul être découverte que par une obser- vation plus minutieuse. Il résultait immédiatement de cette opinion que l’hérédité devait être exelusi- vement paternelle, à part, peut-être, une certaine influence exercée par la mère sur l'embryon pendant la gestation. Cependant, même plusieurs siècles avant Jésus- À Christ, il s'est trouvé des penseurs qui, devant l'évidence de la possibilité de transmission aux jeunes des caractères des deux parents, ont accordé aux deux sexes des rôles équivalents dans l'acte de la reproduction. Hippocrate, entre autres, a supposé que la femme fournit, comme l'homme, un liquide séminal, et que le fœtus résulte du mélange des deux liquides. Suivant les proportions du mélange, l'enfant ressemble à son père ou à sa mère, mais il est possible qu'il tienne de l’un comme de l'autre. Nous savons aujourd'hui que cette liqueur sémi- nale femelle imaginée par Hippocrate n'existe pas, et, cependant, cela n'empêche pas que l'illustre : médecin de Cos ait, avec cette hypothèse erronée, plus approché de la vérité qu'aucun de ses con- temporains et même de ses successeurs pendant une longue suite de siècles. C’est qu'il inaugurait, par cette conception du fluide femelle analogue au fluide mâle, une méthode de raisonnement qui consiste à accorder, dans l'interprétation d'un acte comme la fécondation, plus d'importance aux conséquences de cet acle qu'à l'apparence des éléments qui entrent en jeu dans sa consomma- tion; l'évidence de la transmission équivalente des caractères mâles et des caractères femelles à l'enfant l’empêchait de croire à l'inéquivalenee des éléments reproducteurs des deux sexes, et, comme il ne connaissait pas l'élément femelle, il l'imaginait semblable à l'élément mäle. Malheureusement, Hippocrate n'a pas eu beau- coup d'imitateurs et l'on constate, dans la plupart des interprétations de la reproduction, une ten- dance très marquée à attribuer plus de valeur à la figure des éléments sexuels qu'à l'aspect du produit qui résulte de la fécondation; on oublie trop souvent, dans ce genre d'interprétation des faits, combien l'observalion microscopique peut être trompeuse, combien souvent elle amène à considérer comme identiques des choses aussi essentiellement différentes qu'une bactérie vivante et une bactérie morte par exemple, et vice versa. Je ne cite que pour mémoire la fameuse querelle qui divisa, il y deux siècles, les spermatistes et les ovistes. Les premiers prétendaient que le sperma- tozoïde contient une réduction de l’homme tout entier el que la femelle fournit seulement à cette “réduction, à cet komunculus, les conditions néces- “saires à l'évolulion. Les ovistes, au contraire, . croyaient que l’ovule contenait l'embryon réduit et que le sperme n'avait pour rôle que de donner “une impulsion à son développement. Les sperma- … Lozoïdes n'étaient, pour eux, que des vers parasites “de la liqueur mäle. Entre la théorie d'Hippocrate, “attribuant au mâle et à la femelle des rôles abso- -lument équivalents, et la théorie des spermalistes ou ovisles, considérant un seul des éléments comme “une réduction de l'être à venir, il a existé une ma- L. nière de voir intermédiaire, qui a eu des adeptes, “plusieurs siècles avant Jésus-Christ; c'est celle qui “consiste à attribuer au père et à la mère des rôles également importants dans la fabrication du jeune, “ mais non des rôles équivalents. Pour Aristote, par exemple, la mère fournissait le corps, le père l’âme de l'enfant. Pour d'autres, les éléments du corps même étaient divisés en deux catégories, dont lune provenait du père, l’autre de la mère’ Linné, par exemple, dans la reproduction des végétaux, “ atlribuait au père la formation des organes in- - ternes, à la mère celle des organes externes, etc... ILest essentiel de détruire immédiatement cette théorie, car nous verrons que des découvertes mi- croscopiques récentes ont semblé lui donner un regain de vitalité. Voici, je crois, un exemple capa- ble de montrer lumineusement que cette interpré- tation est erronée. Si vous divisez les caractères de l'individu en deux catégories, — l’une A trans- missible par le père, l’autre B transmissible par la mère, — comment expliquerez-vous ce fait si connu, qu'un enfant ressemble à son grand-père maternel? Car, s’il lient des caractères de sa mère, ces caractères ne pourront faire partie que du groupe Bdes caractères individuels. La mèren’atenu de son père que des caractères appartenant au groupe complémentaire A ; il est donc impossible que, parmi les caractères qu'elle transmet à son enfant, il y ait un seul des caractères du grand-père. | FÉLIX LE DANTEC — L'ÉQUIVALENCE DES DEUX SEXES DANS LA FÉCONDATION 855 Or, le fait de l'hérédité de grand-père maternel à petit-fils est indiscutable; donc l'hypothèse précé- dente est absurde. N'oublions pas cette conclusion, qui nous sera très utile par la suite. L'étude de l'hérédité prouve que lous les caractères du père peuvent être transmis, aussi bien que tous les carac- tères dela mère, suivantles hasardsdel’amphimixie; il faudra donc accueillir avec défiance toute inter- prétation d’une observation microscopique tendant à établir une différence fondamentale entre les élé- ments paternel et maternel. I. — PARTHÉNOGÉNÈSE PARTIELLE. Avant d'entreprendre l'étude minutieuse des éléments sexuels qui entrent dans la constitution de l'œuf fécondé, il importe de passer en revue certains faits de sexualité imparfaite dont la con- naissance est essentielle à l'interprétation des phénomènes. Aujourd’hui toul le monde sait que certains êtres, appartenant à des espèces sexuées, sont suscep- tibles, dans certaines conditions, de se reproduire par parthénogénèse, c'est-à-dire par le moyen d'un élément cellulaire unique emprunté à un seul pa- rent. Je n’insiste pas sur ce fait très connu, et qui ne se raltache pas directement à la question que j'étudie en ce moment, mais il y a des cas intermé- diaires à celui de la parthénogénèse absolue et à celui de la sexualité absolue. J'entends par parthé- nogénèse absolue la formation d'éléments repro- ducteurs qui se développent d'eux-mêmes sans pouvoir emprunter en aucun cas le secours d’un élément complémentaire provenant d'un autre individu. J'entends, au contraire, par sexualité absolue la formation d'éléments reproducteurs qui, en aucun cas, ne peuvent se développer par eux- mêmes sans le secours d'un élément complémen- taire emprunté à un autre individu. Les cas inter- médiaires s'appellent cas de parthénogénèse partielle. Ce sont les cas dans lesquels il se produit des éléments reproducteurs capables, d’une part, de se développer par eux-mêmes en un adulte donné; d'autre part, de s'unir à un autre élé- ment d'origine différente et de donner ensuite naissance à un adulle autre que le précédent. L'exemple classique de la parthénogénèse par- tielle est celui de l'abeille, mais il n’est pas le seul; on le retrouve, par exemple, chez les pondeuses d'œufs mâles d'Aydatina senta, etc... Rappelons en quelques mots l’histoire de l’abeille. La reine produit des éléments reproducteurs qui peuvent avoir deux destinées différentes : ou bien ces éléments se développent seuls, sans le secours d’un autre élément complémentaire, et alors ils donnent toujours des faux bourdons; ou 836 FÉLIX LE DANTEC — L'ÉQUIVALENCE DES DEUX SEXES DANS LA FÉCONDATION 4 bien ils sont fécondés par un spermatozoïde de faux bourdon, et alors ils donnent naissance à des rei- nes ou à des ouvrières ‘. lei, il est évident que le problème de l'hérédité se pose d'une manière nou- velle. Les expériences d'hybridation résolvent le problème avec beaucoup de clarté; elles ont été faites sur deux espèces : Apis liqustica et Apis mel- lifica. Les mâles, résultant du développement sans fécondation d’un œuf parthénogénétique pondu par une reine, sont de la race pure de la reine; celà était facile à prévoir et n'apprend rien de nou- veau. Au contraire, les œufs d'une reine de la seconde espèce, qui ont été fécondés par des sper- matozoïdes d'un faux bourdon de la première espèce, donnent des reines ou des ouvrières qui tiennent à la fois des caractères des deux espèces parentes. Ces expériences, destinées à prouver que les mâles proviennent effectivement d'œufs non fécondés, ont pour nous une autre importance. Elles prouvent que, même dans le cas où l'œuf était susceptible de se développer sans fécondation, son imprégnation par un spermalozoïde donne nais- sance à un adulte qui tient à la fois du père et de la mère. Notons encore cette particularité, qui nous sera très utile tout à l'heure, et revenons mainte- nant à l'étude des cas de sexualité absolue. II. — DISCUSSION DE L'ÉQUIVALENCE MICROCHIMIQUE DES ÉLÉMENTS SEXUELS. Le rôle des idées préconçues est très grand dans l'histoire des découvertes scientifiques; en Cytolo- gie, presque toutes les découvertes importantes ont été faites par des savants qui cherchaient à vérifier une hypothèse résultant de faits précédem- ment connus : dans cerlains cas, même, quelques- uns se sont laissé entrainer par le désir de voir une chose prévue, et ont découvert des particula- rités qui ont été démontrées ensuite ne pas exister, comme cela a eu lieu, par exemple, pour le fameux quadrille des centres d'Hermann Fol. Quand on a commencé les études microchimiques sur les éléments sexuels, l’idée de l’équivalence des éléments mâles et femelles au point de vue du rôle héréditaire était à peu près adoptée par tous. On espérait donc trouver, dans les particularités morphologiques de la structure de ces éléments, quelque chose qui correspondit à cette équivalence et en expliquät le mécanisme. Nous allons voir que, pour certaines parties du sujet, on a éprouvé, quelques déceptions, si pour d’autres on a trouvé au contraire, des vérifications dépassant toute altente. Pour exposer cette histoire méthodique- ‘ Exceptionnellement aussi à des mâles, d'après Pérez. ment, envisageons successivement les découvertes faites sur les diverses parties constitutives des élé ments sexuels. A Une cellule peut être considérée au point de vue descriptifcomme contenant trois parties distinctes: le cytoplasma, le centrosome, le noyau; je laisse 4 Los sl côté la membrane et toutes les parties accessoires: Etudions donc d'abord le cytoplasma des éléments. sexuels : ù $ 1. — Cytoplasma. Iei, dèsle début, nous constatons, au point de À morphologique, une différence extrêmement consi=M dérable : le spermatozoïde est presque toujours ridieulement petit en comparaison de l’ovule; chez. le Fucus vesiculosus, parexemple, on peutconsidérer l'ovule comme soixante mille fois plus volumineux que l’élément mâle; dans certains cas, ce qu'on appelle cytoplasma semble être presque nul dans le spermatozoïde et est au contraire extrêmement volumineux dans l’ovule. Mais cela n'a pas d’im- portance si l’on veut envisager seulement la valeur des éléments de sexe différent au point de vue de l'hérédité dont ils sont les véhicules, car il est bien certain que les substances vivantes seules, c'est-à- dire les substances actives dans l'assimilation mor- phogénique, peuvent être les véhicules de la trans- mission des caractères. Or, tout le monde sait que ! les ovules sontencombrés d’une énorme quantité de substances nutritives inertes; au contraire, les spermatozoïdes sont réduits à leurs parties essen- tielles. On ne peut certainement pas affirmer qu'il y à équivalence entre les parties vivantes du cyto- plasma de l’ovule et celles du cytoplasma du sper- matozoïde, puisque l’on n'a, en ce moment, aucun moyen pratique de doser ces parties vivantes; mais on ne peut non plus, en se basant uniquement sur les différences de dimensions des éléments, nier cette équivalence !. Il vaut mieux laisser la question pendante en ce qui concerne le cyloplasma ; on ne peut en tirer d'argument ni pour ni contre l’équi- valence des éléments des deux sexes. $ 2. — Centrosome. Passons maintenant à l'étude du second élément figuré des cellules sexuelles. Et d’abord, qu'est-ce qu'un centrosome? Le centrosome fut découvert par Van Beneden dans les cellules des Dicyémides en 1876 seulement. C'est, en effet, un corpuscule très petit (il a souvent moins d'un micron) et très difficile à apercevoir. Au moment de la division des cellules par karyokinèse, on le remarque assez facilement au centre de la sphère attractive en- tourée de ses radiations formant aster, mais il est 1 Cependant, la rareté de la polyspermie semble être une preuve indirecte en faveur de l'équivalence des cytoplasmas. FÉLIX LE DANTEC — L'ÉQUIVALENCE DES DEUX SEXES DANS LA FÉCONDATION plus difficile à trouver dans les cellules au repos. On le considère néanmoins aujourd'hui comme un organe constant et permanent de la cellule, quoique, dansles cellulesmusculaires, par exemple, on n'ait pas encore réussi à l'apercevoir en dehors de la période de mitose. On a beaucoup discuté sur l’origine et le rôle du centrosome. Quelques-uns le considèrent comme d'origine protoplasmique, d’autres comme d’origine nucléaire; d’autres enfin, comme Bürger, le con- sidèrent seulement comme une figure mécanique momentanée, mais celà n'est guère soutenable, puisque, dans presque tous les cas, ilse maintient comme élément à contour défini en dehors de la période de mitose; Watasé y voit un microsome analogue aux autres microsomes du cytoplasma. Quant à son rôle, sa situation au centre des “asters a naturellement amené Boveri à y voir le ‘ centre dynamique de la cellule, et cetle question est intéressante au point de vue des échanges et - des courants de substance dans la vie cellulaire, mais nous n'avons pas à l’étudier ici. Enfin, on a considéré aussi le centrosome comme un organe donnant, par sa propre division, une impulsion qui détermine la division des autres parties de la cel- lule et celà est certainement faux, puisque, dans beaucoup de cas, les éléments chromatiques du noyau se divisent bien avant le centrosome. Nous verrons précisément dans les phénomènes de fécon- dation l'interprétation qui a donné naissance à cette théorie. Quoi qu'il en soit, on est aujourd'hui obligé d'admettre que le centrosome est un élément dé- fini de la cellule, et il y a lieu de rechercher, si, au point de vue de cet élément défini, il y a équi- valence entre le spermatozoïde et l’ovule. C'est probablement celte idée préconcue qui à amené Hermann Fol à la description de son fameux quadrille des centres. Il annonca en 1891 que l’ovule possède un centrosome ou ovocentre, et le spermatozoïde également un centrosome ou spermocentre. Quand le spermatozoïde pénètre dans l’ovule pour la fécondation, le spermocentre d’une part, l’ovocentre d'autre part se divisent en deux parties, et chaque demi-ovocentre s'unit à chaque demi-spermocentre; ainsi se forment les deux centrosomes de la première figure karyokinétique de l'œuf fécondé qui va se diviser. Aujourd'hui, personne ne croit plus au quadrille des centres; M, Guignard, qui en a été un des derniers partisans, l’a abandonné cette année même en découvrant les anthérozoïdes des Phané- rogames angiospermes. Mais, pour ne plus admeltre le quadrille des centres, je crois qu'il est néanmoins très dangereux de nier, au point de vue du centrosome, l’équiva- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, 857 lence de l'élément mâle et de l'élément femelle, Voici en effet l'opinion qui a cours aujourd'hui : L'ovocentre n'existe pas; l'ovule mûr dérive, il est vrai, de cellules qui avaient un centrosome, mais il n’a pas de centrosome. Au contraire, le spermatozoïde à un centrosome; c’est ce petit cor- puscule que l’on voit entre la tête et la queue. Donc, dans l'œuf fécondé, le centrosome est fourni par le spermatozoïde et uniquement par lui; l’ovule avait perdu, avec son centrosome, la faculté de se diviser; le spermatozoïde la lui rend en lui appor- tantun nouveau centrosome d'origine exclusivement male. Pourquoi appelle-t-on centrosome ce petit cor- puseule que l’on voit entre la tête et la queue du spermatozoïde? C'est parce que, une fois entré dans l'ovule, ce corpuscule s’entoure d'un aster rayon- nant qui lui donne tout à fait l'aspect du centro- some normal des figures karyokinétiques. Je ne prétends pas que cette interprétation soit erronée ; mais, comme je n'oublie pas la notion indiscutable de l’équivalence des deux éléments sexuels au point de vue de l’hérédité, je n'accepte qu'avec défiance une théorie qui réduit à néant cette équi- valence, surtout lorsque, comme je vais le montrer maintenant, une autre interprétalion, au moins aussi logique, des faits observés permet de faire accorder la microchimie et l'hérédité. On a constaté que les cellules d’où dérive l’ovule mûr ont un centrosome; l'ovule mûr n'en a pas’, mais jamais, au cours de la maturation, on n'a vu l'ovule éliminer ce centrosome. Je pense donc qu'il est logique d'admettre qu'au cours des modifica- tions chimiques qui déterminent la maturation, le centrosome, au lieu de rester un élément figuré, se dissout dans la masse totale de l’ovule, où il existe à l’état diffus. La substance correspondante reste au contraire figurée dans le spermatozoïde, où les conditions d'équilibre sont bien différentes, et constitue un granule que j'appelle le procentrosome mûle. Lors de la fécondation, le procentrosome mäle attire à lui la substance du procentrosome femelle diffus dans l’ovule, et c’est précisément de cette attraction que résulte la figure aster que l’on voit autour du prétendu spermocentre. De telle sorte que le centrosome de l'œuf fécondé résulterait de la fusion de deux éléments équivalents, l’un mâle, l’autre femelle, le premier figuré, le second diffus. Il n'y à ici qu'une interprétation théorique des faits, mais, je le répète, cette interprétation est, au moins, aussi logique que celle qui est enseignée partout, puisque personne n’a jamais vu éliminer ! Cependant, celà n'est peut-être pas général. Wheeler, par exemple, annonce que, dans le myzostome, c’est l'ovo | centre qui existe et non le spermocentre, 225 858 FÉLIX LE DANTEC — L'ÉQUIVALENCE DES DEUX SEXES DANS LA FÉCONDATION l'ovocentre, et, d'autre part, elle a l'avantage de s'accorder avec l’équivalence indiscutable des deux éléments sexuels au point de vue de l’hérédité. $ 3. — Noyau. Restent les éléments nucléaires; jusqu'à ces derniers temps, tout le monde était d'accord sur leur équivalence; et, en effet, nous allons voir qu'elle se manifeste morphologiquement d'une manière surprenante. Pour bien nous en rendre compte, rappelons d'abord en quelques mots comment se comporte le noyau au cours de la karyokinèse ou division normale d'une cellule ordinaire. Les études micro- chimiques ont révélé que le noyau est loin d’avoir une structure homogène; les substances qui le constituent sont nettement distinguées les unes des autres par leurs affinités différentes pour les couleurs d'aniline. En dehors de la période de di- vision, pendant l'intervalle que les micrographes appellent la période de repos (quoique ce soit le moment de la grande activité chimique qui déter- mine l'accroissement de la cellule), les substances les plus avides de matière colorante ou substances chromatiques sont réparties d’une manière variable au milieu des substances les moins faciles à colorer. On attribue une importance plus grande aux pre- mières, parce que leur sort est plus facile à suivre au microscope ; mais il y a peut-être là un abus. Au moment où la karyokinèse se prépare, il se passe deux phénomènes distinets : 4° la substance chromatique se rassemble en un long filament con- tourné qui se divise bientôt en plusieurs segments placés bout à bout, ou chromosomes, dont le nombre est caractéristique d’une espèce donnée; 2° en mème temps, la membrane du noyau disparait, de sorte que tout ce qui, dans le noyau, n’est pas chromosome, est devenu indistinct du cytoplasma ambiant. Si l’on a quelque souci de la précision du langage, on ne doit donc pas conserver le nom de cyloplasma à la masse cellulaire totale. dans laquelle baignent les chromosomes pendant celte phase de la karyokinèse, car il est certain que ce prétendu cytoplasma comprend une grande partie de ce qu'on appelait noyau pendant la phase dite de repos. Je n'insiste pas sur les particularités ultérieures de la karyokinèse, ni sur le rôle du centrosome dans ce phénomène remarquable; qu'il suffise de savoir que chacun des chromosomes se fend en deux et que tout se passe de telle manière que chaque moitié de chaque chromosome appartiendra à l'une des deux cellules-filles; chacune des deux cellules-filles aura donc reçu une quantité égale de substances chromatiques et se trouvera contenir, dès le début, lenombre spécifique de chromosomes. Chacune des deux cellules-filles a'également recu la moilié du centrosome primitif; quant aux autre substances du cytoplasmä et du noyau, ce n'est que par induction que l'on croit à leur partage égal entre les deux cellules-filles. Voilà les traits généraux du phénomène de Ja karyokinèse, dont les découvertes récentes tendent à généraliser l'existence dans toutes les divisions cellulaires normales. Passons maintenant aux éléments sexuels. Il esf: aujourd'hui établi que les éléments sexuels, tant mâles que femelles, ne possèdent que la moitié d ! nombre de chromosomes caractéristique de leurs espèce. Voilà, au point de vue des éléments figurés! de la cellule, un argument qui plaide en faveur de l'équivalence ; et en effet tout le monde admettait. jusqu’à ces derniers temps l'équivalence nucléaires du spermatozoïde et de l'ovule, quoique cette équivalence ne fût démontrée en réalité que pour les substances chromatiques des noyaux. Et cette équivalence nucléaire suffisait à satis= faire les biologistes soucieux de faire accorder la microchimie avec l'hérédité; il n’y avait, pour tout concilier, qu'à admettre que le noyau était le véhi- cule des propriélés héréditaires, à l'exclusion de tous les autres éléments de la cellule, et c’est ce qu'on a fait; mais je ne sais pas jusqu'à quel point celte affirmation est justifiée. Les idées de Weissmann ont exercé une grande influence sur l'interprétation des phénomènes sexuels et, maintenant que son système est défini- tivement condamné, il serait peut-être bon de se débarrasser de toutes les conceptions qu'il a con- tribué à introduire dans la science. En particulier, c'est à lui que nous devons la manière, erronée à mon avis, dont on explique aujourd'hui le dédou- blement du nombre des chromosomes spécifiques» dans les éléments sexuels. Il faut avouer, d’'ail= leurs, que ce dédoublement, il l'avait pour ainsi dire prévu, au moyen d'idées théoriques lrès ingé- nieuses, mais absolument téléologiques, de sorte” que la découverte de la réduction chromatique dans l’ovule et le spermatozoïde sembla être une vérification a posteriori de ses hypothèses et donna une nouvelle solidité à son système. 1 Sa théorie des plasmas ancestraux est indissolu-« blement liée à celle de l'individualilé des éléments figurés de la cellule; je vais essayer de la résumer grossièrement en quelques mots : 4 Partons de Protozoaires-ancêtres très nombreux, chacun d'eux ayant ses caractères ! représentés par 2 1 1l est inutile de revenir ici sur l'abus de mots qu'il y al dans cette hypothèse de la représentation des caractères (2 par des particules. Tout le monde a compris aujourd'hui que, derrière cette apparence de précision, il n'ya en réalité absolument rien. ; FÉLIX LE DANTEC — L'ÉQUIVALENCE DES DEUX SEXES DANS LA FÉCONDATION 859 une parlicule très petite, appelée un plasma. La nature, soucieuse d'introduire de la variété dans les individus, détermine la fusion de deux prolo- zoaires différents en un seul, qui accumule ainsi deux plasmas (Weissmann considère cette fusion hypothétique et extraordinaire comme une généra- tion sexuelle !); puis, elle détermine encore la fusion de deux cellules à double plasma, ce qui fait une cellule à quadruple plasma, et ainsi de suite; au bout de 10 fusions semblables, il y a déjà 1.024 plasmas ancestraux dans la cellule résul- tante. (C’est comme cela que Weissmann explique Pévolution progressive; mais je n'ai pas à discuter ici tout son système : je veux seulement montrer quelle influence a exercée ce système sur l'interpré- lation du rôle des éléments figurés de la cellule. Quoique très petits, ces plasmas occupaient tout de même une certaine place et leur nombre ne pou- vait pas s'accroîitre indéfiniment, de sorte qu'au bout de quelque temps, il y a eu des cellules satu- rées de plasmas ancestraux et ne pouvant plus en acquérir. Voilà la nature bien ennuyée de ne pouvoir con- tinuer à introduire de la variété dans les individus, ce qui était pourtant nécessaire au progrès par sélection naturelle ! Aussi, qu'a-t-elle imaginé? Elle a dédoublé quelques cellules, leur a enlevé la moitié de leurs plasmas ancestraux, pour leur per- meltre de se fusionner à d’autres cellules égale- ment dédoublées, et l’on conçoit que cela va per- meltre une variation infinie, à laquelle rien ne mettra plus désormais de limite. Or, ces plasmas ancestraux de Weissmann, leur inventeur les loca- lise dans les chromomères, qui sont les éléments constitutifs des chromosomes; chaque chromosome, composé de plusieurs chromomères, représente donc un certain nombre, très considérable, de plasmas ancestraux; chaque chromosome est une individualité définie, à laquelle sont inhérents tous les caractères représentés par les plasmas qu'il contient dans ses chromomères. Le fait dela réduc- tion du nombre de chromosomes dans les éléments sexuels prend ainsi, dans la théorie de Weissmann, une signification immédiate; c’est la préparation naturelle à la fusion, qui donnera un individu nou- veau, accumulant des caractères d’origine diverse {. Cependant, ce triomphe de Weissmann n'a pas été de longue durée, car, si, dans certains cas clas- siques, comme celui du cyclope ou de la salamandre, les partisans de l'individualité des chromomères trouvent une réduction vraie, un dédoublement vrai ‘ Il est à peu près impossible d'admettre aujourd'hui que la fécondation introduit des variations dans les espèces ; il semble, au contraire, très probable que la fixité des carac- tères d'une espèce résulte précisément de la fécondation croisée, du nombre des plasmas, il yen a d’autres, également classiques, comme celui de l’'Ascaris, chez lesquels, malgré la diminution du nombre des chromosomes, ilest évident qu'il n’y a pas eu réduction du nombre des plasmas ancestraux, l'ensemble des chromo- somes de l'élément sexuel contenant certainement le quart de chacun des chromomères des cellules- mères qui avaient le nombre normal de chromo- somes. Il est curieux de constater la foi robuste des par- tisans de Weissmann qui, devant une constatalion pareille, aiment mieux nier le /ait observé que de lâcher leur théorie. Wilson, par exemple, dit qu'il attendra, avant de croire ce qui a élé découvert chez l'Ascaris, que de nouvelles recherches viennent en donner une confirmation. L'un des résultats les plus néfastes de la théorie de Weissmann à été de faire considérer la réduc- tion chromatique dans les éléments sexuels comme la cause de la maturation, alors qu'il est bien évi- dent, en réalité, que c’est la maturation qui est cause de la réduction. Il suffit, en effet, decomparer, sans parti pris, tous les faits bien connus aujour- d'hui, pour voir que, s'il ya un phénomène vérila- blement commun à toutes les maturations d'élé- ments sexuels et à elles seules, ce n’est pas le dédou- blement du nombre des chromosomes. Le plus souvent, en effet, ce dédoublement du nombre des chromosomes, c'est-à-dire du nombre de segments bout à bout en lesquels se fragmente le filament chromatique, se montre dans l’avant- dernière bipartition des cellules de la lignée sexuelle. Mais cela n’a pas toujours lieu ; la réduc- tion du nombre des chromosomes apparait quel- quefois beaucoup plus tôt dans la lignée sexuelle, et se transmet de bipartition en bipartition jus- qu'aux éléments sexuels eux-mêmes; ainsi en est-il, par exemple, chez le cyclope et la salamandre. C'est encore bien plus remarquable chez les plantes: chezles Cryptogames vasculaires, comme l'Osmonda par exemple, le nombre des chromosomes est réduit de moitié, depuis la cellule-mère de la spore qui donne naissance au prothalle, et dans tous les éléments du prothalle, jusqu'aux éléments sexuels. C’est là, évidemment, un résultat très remarquable et qui prouve, dans tous les cas, une différence entre les cellules de la lignée sexuelle et les cellules somatiques ; mais, jusqu'à l'avant-dernière divi- sion, celte différence ne se manifeste que par cette réduction du nombre des chromosomes; à part cela, tout se passe de la même manière dans les deux catégories de cellules : chaque karyokinèse est suivie d’une phase de repos, c'est-à-dire d'une période d’assimilation, grâce à laquelle les divers éléments de la cellule ont doublé au moment de la division sui- vante. De cette manière, la quantité de substance 860 FÉLIX LE DANTEC — L'ÉQUIVALENCE DES DEUX SEXES DANS LA FÉCONDATION vivante ne diminue pas d'une généralion à la sui- vante. Pour les deux dernières divisions donnant naissance aux produits sexuels, il n’en est plus de même. Ces deux bipartitions ne sont pas séparées par une phase de repos intermédiaire ; il n°y a donc pas place à un phénomène d’assimilation entre ces deux bipartilions, et voilà, à mon avis, le phéno- mène caractéristique de la maturation. En y réflé- chissant bien, on voit d'ailleurs, que c’est le seul vraiment général, si l'on compare le cas de l’Asca- ris à celui du cyclope et des plantes. Toutes ces considérations amènent à considérer la maturation comme un phénomène chimique, atta- quant probablement à la fois toutes les parties de la cellule et modifiant, par suite, les conditions d'équilibre général, de manière à diminuer de moitié la dimension possible de sa masse totale de substance vivante; d'où ces deux bipartitions sans phase de repos intermédiaire, qui sont le seul phé- nomène général optiquement constatable dans la maturation. En raisonnant ainsi, on arrive naturellement à penser que ces phénomènes chimiques desquels résulte la maturation et qui transforment les élé- ments des deux sexes en cellules incomplètes et complémentaires, que ces phénomènes chimiques, dis-je, sont également complémentaires dans les deux sexes, et que, si telle partie du protoplasma, par exemple, ou de toute autre substance consti- tutive de la cellule, est détruile par la maturation dans l'élément femelle, c'est précisément cetle même partie qui est conservée dans l'élément mâle; ou, en termes plus précis, étant donnée une molé- cule quelconque d’une cellule spécifique, une par- tie de cette molécule sera conservée dans l'élément mâle, la partie complémentaire étant, au contraire, conservée dans l'élément femelle ; et celà permet de comprendre rigoureusement ce qu'on entend par équivalence des éléments des deux sexes, indépen- damment de leur morphologie propre. Je n’insiste pas sur cette interprétation, que j'ai longuement développée ailleurs‘. Après avoir discuté l'équivalence des éléments sexuels envisagés seuls, il faut maintenant les étu- dier dans l'acte de la fécondation. III. — FÉCONDATION. C'est un fait absolument général que les élé- ments des deux sexes d'une même espèce s’at- tirent quand ils se trouvent à une distance, même assez considérable, dans un milieu déterminé; le plus petit, ou élément mâle, se déplace donc vers le plus gros ou élément femelle et pénètre à son { La Sexualité. Collection Scientia. intérieur. C’est là le phénomène de la fécondation: N'envisageons, pour le moment, que les cas de sexualité absolue, comme nous les avons défi plus haut, c'est-à-dire les cas dans lesquels chacur des éléments, considéré seul, est incapable de s& développer. Alors, avec notre interprétation précés dente de la maturalion, le phénomène de la fécons dalion se comprend très bien: chaque molécul& incomplète de l'élément mâle complète la molée incomplète correspondante de l'élément femelle, d'où résulte une cellule nouvelle, formée de toute les substances vivantes de l'espèce considérées, c'est l'œuf fécondé, qui sera le point de départ du nouvel individu. Celà explique parfaitement l'éatii valence absolue des deux sexes au point de vue dll la transmission des propriélés héréditaires. 1 Mais, revenons au langage morphologique co rant : on considérait jusqu'à ces derniers temp que, dans l'acte de la fécondation, l'élément fe melle fournissait le protoplasma (tout ou parties suivant les auteurs) et la moitié du nô yau ; l'élément mâle apportait, peut-être un peu de protaplasmaÿ le centrosome et la moitié du noyau. J'ai montr plus haut qu'il était un peu hâtif de considéren l’inéquivalence des éléments des deux sexes comme établie en ce qui concerne le protoplasma et le centrosome; mais, du moins, tout le monde sem* blait d'accord au sujet de l’équivalence des élé= ments nucléaires des deux sexes. Des expériences récentes viennent de tout remettre en question. Depuis plusieurs années déjà, les frères Hertwig avaient montré que des ovules d'oursin auxquels on avait réussi, par une agitation convenablement} réglée, à enlever leur noyau, pouvaient néanmoin$ attirer des spermatozoïdes, et qu'un spermatozoïdes pénétrant dans un de ces ovules sans noyau, déter= minait sa segmentation. Un peu plus tard, Boverir montra que de telles fécondations d'ovules énu= cléés, non seulement donnaient lieu à une segmen” tation, mais même pouvaient arriver à produire de petites larves qui ne différaient des larves normales que par leur dimension moindre ; à part cela, ces larves naines avaient tout à fait l'apparence de larves provenant de la fécondation d’ovules nu cléés. Cette expérience aurait conduit à douter de l'utis lité du noyau de l’ovule dans l'acte de la fécons dation et aurait ainsi détruit la notion de l'équiväl lence dans son dernier retranchement, si un remarque du même auteur n'avait immédialemer mis en garde contre une interprétation trop hâtive On sait que les différentes espèces d’oursins pré: sentent, comme caractère commun de développe= ment, d’avoir une forme larvaire extrèmement, curieuse, le pluteus, qui ressemble grossièrement à une petite tour Eiffel. Pour quelques espèces, ces| es 4 FÉLIX LE DANTEC — L'ÉQUIVALENCE DES DEUX SEXES DANS LA FÉCONDATION 861 pluteus ne diffèrent pas sensiblement les uns des autres; cependant, les larves de Sphærechinus qra- nularis et d'Echinus microtuberculatus sont extré- mement distinctes. Eh bien! en fécondant avec un spermatozoïde de la seconde espèce un ovule énu- cléé de la première, Boveri a obtenu un pluteus, nain il est vrai, mais identique, sauf les dimen- sions, à ceux de l’espèce Z. microtuberculatus, sans aucun caractère emprunté à l'espèce Sp. granu- laris. Cette observalion est très importante au point de vue de l'interprétation du rôle du noyau femelle dans la fécondation, car elle montre, en toute évi- dence, que, dans les fécondations normales, ce noyau joue un rôle considérable, puisqu’une fécon- dation d’un ovule nucléé d'une espèce, parles sper- matozoïdes de l'autre espèce, aurait donné unpluteus hybride à caractères mixtes. Il y à encore aulre chose dans cette dernière observation de Boveri : car, ainsi que le fait re- marquer M. Giard, elle prouve que la fécondation des oursins considérés n'a pas lieu dans un cas de Sexualité absolue. Cette particularité du spermato- zoïde de l'espèce microtuberculatus se développant dans un morceau de protoplasma énucléé de Sp. granularis en donnant une larve microtuberculatus PURE, prouve qu il y a là, en réalité, un cas de par- thénogénèse. Le spermalozoïde en question n'était pas une cellule vraiment incomplète: sa matura- tion, c'est-à-dire ce phénomène chimique destructif auquel nous avons fait allusion précédemment, avait été imparfaite, puisqu'il suffisait de lui don- ner les éléments nutritifs qui lui manquaient pour lui permettre de se développer; il trouvait ces élé- ments nutritifs dans le cytoplasma de l'espèce Sp. granularis et se développait gràce à cela, sans quil y eût eu, à proprement parler, fécondation. Et ce cas serait, à mon avis, tout à fait compa- rable à celui que nous avons vu plus haut, être normal chezlesabeilles ; seulement, chezles abeilles l'élément à maturation imparfaite était l’ovule ; ici, c'est le spermalozoïde. À part cela, indépendam- ment de l'emprunt de réserves nutritives faite à un morceau de protoplasma ovulaire dans le cas de l'oursin, on peut établir entre les deux types un parallélisme absolu : 4° L'ovule d'abeille, se développant seul, donne une abeille de race pure; le spermatozoïde d'our- sin, se développant seul, donne un pluteus de race pure ; 2° l'ovule d'abeille, fécondé par un sperma- tozoïde d'une autre espèce, donne une abeille hy- bride ayant des caractères mixtes; le spermato- zoïde d'oursin, fécondant un ovule nucléé d’une autre espèce, donne un pluteus hybride ayant des caractères mixtes. On voit donc que, interprétée ainsi (et cette inter- prétation est très vraisemblable), l'expérience de Boveri n'apporte aucune notion nouvelle l'étude fécondation; elle nous apprend seulement que, probablement, la sexualité des spermatozoïdes d’oursin n’est pas absolue; mais elle n'apporte pas d'argument réel contre l'équiva- lence nucléaire des éléments des deux sexes dans le cas de sexualité parfaite. Une autre chose inté- ressante, dans les résultats de Boveri, est le nanisme des larves; à ce point de vue, des expé- riences de Morgan sont encore plus curieuses; cet auteur a pu obtenir des larves normales extrème- ment petites au moyen de fragments d'œufs de Sphærechinus qui n'avaient guère ‘qu'un cinquan- ième de l’œuf entier. M. Delage” a repris les expériences de Boveri et de Morgan, et il a obtenu des résultats analogues, mais plus complets; il a donné le nom de mérogonie à la fécondation d’un morceau d’ovule par un sper- matozoïde ; ses expériences ne se sont pas limitées aux Échinodermes : il a oblenu des larves mérogo- niques avec des fragments énucléés d'ovules de Mollusques (Dentale) et de Vers (l'annélide poly- chète, Lanice conchylega). Pour tous ces types, M. Delage a obtenu un développement complet jusqu'à la forme larvaire typique : pluteus chez l'oursin, veliger chez le Mollusque, trochosphère chez l'annélide; il a eu aussi une blastule naine, mais normale, au moyen d’un morceau d'œuf qu'il dans de la 1 ; évalue à de l’ovule normal, ce qui rappelle les observations de Morgan. Enfin, il a réussi des hybri- dations mérogoniques entre trois espèces d'our- sins ; mais il ne dit pas si, comme Boveri, il a cons- taté que le pluteus fût de l'espèce pure qui avait fourni le spermatozoïde. De tous ces résultats, M. Delage a tiré de nom- breuses conclusions, dont quelques-unes sont par- ticulièrement intéressantes et dont d’autres sont, au contraire, bien difficiles à accepter : « D’après certaines théories actuellement en cours, dit-il, les chromosomes auraient une individualité, une personnalité permanentes au milieu des mul- tiples avatars de leur évolution. Les expériences de mérogonie m'ont permis de soumettre cette idée au contrôle de l'expérience, quand on auraitpu croire qu’elle était condamnée à rester dans le domaine de la spécu- lation. Les cellules somatiques de l’Echinus ont 18 chro- mosomes; les cellules sexuelles mûres en ont donc 9. Les œufs normaux en ont 9 maternels et en reçoivent 9 du spermatozoïde, ce qui rétablit le nombre nor- - mal 18. Dans la mérogonie, le fragment ovulaire a 0 chromosome, le spermatozoïde lui en apporte 9; il devrait donc y en avoir 9 seulement dans les cellules de la larve. Or, il y en a 18; voilà le fait! J'ai pu, sur- montant des difficultés très grandes, les colorer et les mettre en évidence chez les deux larves sœurs jumelles 1 Y. DELaGE : Sur la fécondation mérogonique et ses ré- sultats. C. R. Acad. Sc., 23 octobre 1899. 862 FÉLIX LE DANTEC — L'ÉQUIVALENCE DES DEUX SEXES DANS LA FÉCONDATION issues d’un même œuf, et constater qu'elles avaient, l'une comme l'autre, 18 chromosomes, comme les larves provenant d'œufs intacts. Que s'est-il done passé ? Il s'est passé ceci que la cellule de l'embryon mérogo- nique, qui, à un moment donné, a recu 9 chromosomes seulement, a néanmoins, en sortant de l’état de repos, sectionné son filament chromatique en 18 morceaux. » Pour ce qui est de la négation de l'individualilé des chromosomes, je trouve que M. Delage a par- faitement raison; j'ai moi-même essayé, il y a plu- sieurs mois, de montrer que cette manière d'envi- sager les fails est erronée '; elle est entrée dans la science avec le Weissmannisme et elle doit être abandonnée comme lui. Je crois que les chromo- somes sont des figures qui dépendent des condi- tions d'équilibre réalisées dans la cellule et que, s'il y en a deux fois moins dans les éléments sexuels et souvent dans leurs ancêtres immédiats, c’est pour des raisons mécaniques spéciales, réa- lisées dans ces cellules. Aussi trouvé-je, dan cette constatation de M. Delage, du retour au nombre normal dans les cellules de la larve, une vérification de l'interprétation que j'avais donnée de la réduction chromatique. Je fais remarquer, en passant, que Boveri avait annoncé le résuliat contraire; il avait dit que le nombre de chromosomes restait réduit dans les larves naines résultant de la fécondation mérogo- nique. Cette divergence entre les résultats de deux observateurs consciencieux, tient à l'extrême difficulté de la numération des chromosomes dans les larves d'oursin. Le résultat de M. Delage parait, à mon avis, plus vraisemblable que celui de M. Boveri. Mais voici des conclusions du mémoire de M. De- lage, qui me semblent appeler, au contraire, les plus expresses réserves : « En faisant la statistique des réussites de féconda- tion chez les œufs coupés et les œufs intacts, placés, pour le reste, dans des conditions absolument iden- tiques, l'on arrive à cette constatation surprenante que, dans les expériences bien faites, la proportion des réussites est, au moins, aussi grande pour les œufs cou- pés que pour les intacts; fréquemment, elle est plus élevée. Si l’on tient compte de ce fait que le trauma- tisme opératoire ne peut que nuire aux œufs section- nés, on est conduit à cette conclusion, qui s'impose, malgré son apparence paradoxale, que la mérogonie favorise la fécondation. Je ne puis affirmer, maïs tout porte à croire que c’est à l'absence de noyau qu'est dû cet avantage. On a longtemps cru que l’ovule entier était fécondé; il a fallu reconnaître qu'il ne peut l'être qu'aprèsavoir éliminé lestrois quarts de son noyau?.On a longtemps cru que son centrosome élait indispensable à son évolution ; il a fallu reconnaitre que, le plus sou- ————_—…—…—…————— 1 Les éléments figurés de la cellule et la maluralion des produits sexuels. Rev. scientifique, 21 mai 1899. 2 Mais, précisément, ces prétendues parties éliminées sont elles-mêmes fécondables, comme l’a montré Francotte; la division en quatre, qui donne naissance aux trois glo- bules polaires et à l'ovule, est une conséquence et non la cause de la maturation. vent, il disparaît avant la fécondation. On est maint nant forcé d'admettre, d'après les expériences de mé rogonie, que seul le cytoplasma ovulaire est nécessaire à la fécondation; et l'on est conduit enfin à se demande si ce quart restant du noyau n’est pas au mcins inutil à la fécondation et peut-être à la formation de organes de l'embryon, si (en mettant à part les avan tages qui peuvent résulter pour l'espèce du fait d l'amphimixie nucléaire) un œuf qui éliminerait tout soi noyau, sans traumatisme, par un processus nature analogue à l'émission des globules polaires, ne serai pas en meilleure condition pour être fécondé et en aussi bonne condition pour se développer, que l’'œu normal intact. » Ainsi donc, il ne resterait plus absolument rien d cette fameuse équivalence que les phénomènes d'hérédité rendent si certaine! Après le centro some, localisé chez le màle, voici maintenant que le noyau a le même sort! Pour M. Delage, en un mot, la fécondation se réduit à ceci : la femelle fournit le cytoplasma, le mâle apporte le centroÆ some et le noyau. Comment alors expliquer que le petit-fils tienne de son grand-père maternel? Car, s’il tient de sa mère les caractères cytoplasmiques, comme elle tenail de son père exclusivement les caractères nucléaires etcentrosomaliques, il n'aura rien de son grand-père, ce qui est la négation d’un fait acquis. Heureusement, si les expériences des M. Delage sont très intéressantes par elles-mêmes, elles sont susceptibles d'une interprétation autre que celle que leur donne le savant auteur. D'abord, si, comme l'a suggéré M. Giard, et comme nous l'avons dit plus haut, il y a là un cas de parthénogéaèse mâle, les expériences précé- dentes, tout en nous donnant la notion instruclive de cette parthénogénèse nouvelle, n'intéressent en rien la question même de la fécondation, puisque nous sommes dans un cas de sexualité incomplète, comparable à celui de l'abeille. | L'observation de M. Boveri, de l'hérédité unila- térale, manifestée dans son pluteus hybride, plaide en faveur de cette manière de voir et démontre, en même temps, que le noyau femelle joue un rôle indéniable dans la fécondation. | Mais écarlons même cette ingénieuse hypothèsen et nous verrons que, néanmoins, l'équivalence des éléments sexuels dans les cas de sexualité absolue n’est pas menacée. J'ai déjà montré plus haut que le centrosome pouvait logiquement être considéré comme diffus dans l'ovule et non comme déficient. Une remarque analogue peut se faire au sujet de la substance nucléaire, dont une grande partie, au moins, nous l'avons vu, pendant la karyokinèse, se trouve mélangée au cyloplasma et, dans l'ovule, reste mélangée au cytoplasma. De sorte que, ce qui serait fécondé par un spermatozoïde dans les expé-" riences de mérogonie, ce serait, non pas un mor- ceau de cytoplasma pur, mais une sorte de sub- stance monérienne contenant, intimement mélan- D' ÉLOPHE BÉNECH — LA QUESTION DES PEPTONES 863 gées sans forme figurée, toutes les substances constitutives de la cellule, protoplasma, centro- some, noyau. Tout autrement en est-il de l’ovule non mûr qui a encore sa vésicule germinative et où, par consé- quent, les substances nucléaires ne sont pas dif- fuses dans le protoplasma; aussi, un morceau d'ovule non mûr ne peut être fécondé, comme le fait remarquer M. Delage, ce qui, d’ailleurs, était bien évident a priori, puisque l'ovule non mûr, n'ayant pas subi les phénomènes chimiques de maturation, n’attire pas le spermatozoïde. Que, dans cette nouvelle interprétation, qui ne fait pas appel à une parthénogénèse mâle, l'héré- dité soit exclusivement du côté du père pour Phybride de Boveri, cela s'explique parfaitement en faisant intervenir les substances constitutives du mâle et de la femelle avec leurs quantités propres ; mais je n'ai pas à insister là-dessus dans cet article. Qu'il me suffise d’avoir montré que ni les obser- valions sur l'absence de centrosome figuré chez l'ovule mûr, ni les expériences de mérogonie de Boveri, Morgan, Delage..., n'obligent à renoncer à la notion de l'équivalence des éléments des deux sexes dans l'acte de la fécondalion. Autrement, il faudrait, en sciences naturelles, renoncer à la logique humaine; l'équivalence est péremptoire- ment démontrée par les faits d'hérédité; si l'on arrive à prouver, par l'étude directe des éléments sexuels, que cette équivalence n'y est pas mor- phologiquement constatable, cela condamnera seu- lement la méthode de raisonnement qui consiste à attribuer aux parties figurées de la cellule une importance invariable et amènera à tenir plus de compte des substances chimiques actives, dont le microscope, à lui seul, ne peut pas toujours révéler la présence dans les éléments cellulaires. Félix Le Dantec, Chargé de cours à la Faculté des Sciences de Paris LA QUESTION La question des peptones est une de celles qui intéressent le plus vivement le médecin, car depuis le jour où le phénomène de la digestion a été connu dans ses grandes lignes, on à été tout naturelle- ment amené à chercher à utiliser les produits de la décomposition peptique de l’albumine pour sup- pléer à l'insuffisance de la fonction stomacale du malade. On voulait ainsi donner tout prêt un ali- ment directement absorbable. Il est donc de la plus haute importance de chercher à bien se rendre compte de ce qu'on doit entendre exactement par lemotpeptone, etnotre but, dans cette courte étude, est de montrer ce que les différentes Écoles com- prennent aujourd'hui sous cette dénomination. Nous ferons d’abord {rès rapidement l'historique de la question, pour bien faire saisir comment on à été amené peu à peu aux conceptions actuelles. I C'est un Français, Mialhe', qui chercha le pre- mier, en 1846, par des procédés précis, à se rendre compte des transformations subies par les ma- lières albuminoïdes dans la digestion stomacale, la seule dont nous nous occuperons ici. C'est lui qui, pour désigner le mélange final, créa le mot albu- minoses, et c’est lui qui eut le grand mérite de voir 4 Gazelle méd. des Hôpitaux, 1846, n° 32, et C. R. Aca- dérmie des Sciences, 1846. DES PEPTONES que la plus grande partie des albuminoses est pré- cipitée par les sels des métaux lourds, observation qui devait être plus tard si bien utilisée par l'École allemande. En 1850, Lehmann ‘ appelle peplones les sub- stances qui résultent de la digeslion peptique. Il constate que leurs propriétés sont très voisines de celles des albuminoses de Mialhe et il a soin de distinguer une albumine-peptone, une fibrine- peptone, une caséine-peptone. Le premier, il émet l'opinion que les peptones sont directement absor- bées dans l'intestin. Puis Mülder* montre que la digestion de l’albu- minose peut être poussée assez loin pour qu'on n'ait plus de précipité par la neutralisation de la liqueur. Donc, jusqu’en 1858, on ne signale qu'un groupe de corps obtenus dans la digestion peptique et on appelle ces corps albuminoses (Mialhe) ou peptones (Lehmann). Meissner * fait une étude plus appro- fondie du sujet. 1l constate que la neutralisation du liquide de digestion donne, en général, un précipité : il l'appelle parapeptone (aujourd’hui syntonine). 11 voit que certaines substances donnent toujours un résidu inattaquable par le suc gastrique : c’est la ! Zehrbuch der physiol. Chemie, 1853, vol. I, p. 317-319. > Archiv f. d. holländ Beitrage zur Natur und Heilkunde, vol. II, 1858. 5 Zeil. f. ral. med., VII, VII, X, XII, XIV. 864 D' ÉLOPHE BÉNECH — LA QUESTION DES PEPTONES dyspeptone (aujourd'hui nucléine). Enfin, dans la partie soluble, il signale trois peptones : 4, b, c, qu'il distingue suivant leur mode de précipitation par l'acide nitrique et le ferrocyanure de potassium acétique. La peptone n'est précipitable ni par l'acide azotique, ni par le ferrocyanure de potassium acélique c'est cette définition qu'accepteront simultanément, vingt ans plus tard, Herth‘ en Alle- magne, Henninger? en France, Danilewski en Russie. Le travail de Meissner fut vivement critiqué par ses successeurs et en particulier par Maly*. Ce dernier soutint que la différence des précipités obtenus par Meissner tenait beaucoup plus à la concentration des dissolutions qu'à la nature des substances dissoutes. C'est une critique que nous retrouverons à propos des travaux des Écoles mo- dernes. Meissner avait cru que, sous l'influence de la digestion, la molécule albuminoïde se séparait en deux groupes dont l'un constituait la parapeptone ; Brücke * eut le mérite de voir que cette parapep- tone n’est pas un produit final de la digestion, mais, au contraire, un produit intermédiaire, qu'on obtient facilement sous l'influence seule des acides dilués. Il distingua ensuite deux sortes de peptones : l’une soluble dans l'alcool chaud ou froid, alcophyr, l'autre, insoluble, hydrophyr, ayant encore des propriétés très voisines de celles de la substance albuminoïde primitive. Adamkievicz® fit une remarque très intéres- sante : c'est qu'avec une dilution convenable, les précipités des peptones disparaissent à chaud, ce que ne font pas les précipités des matières albu- minoïdes. Schmidt-Mulheim® ne fit pas faire un pas à la question : sa propeptone est la parapeptone de Meissner ou syntonine actuelle. Enfin Salkowsky ? admit trois degrés dans la peptonisation des matières albuminoïdes, et il dis- üngua : les syntonines précipitables par simple neultralisation, les propeptones précipitables par le chlorure de sodium en présence d'acide acétique, les peptones restant en solution. Nous n'avons pas l'intention de donner iei le tableau complet de toutes les tentatives qui ont été faites pendant les trentes dernières années, surtout en Allemagne, pour arriver à une connaissance plus exacte des différents produits de la digestion pep- 1 Zeit. f. physiol. Chem. Bd I, p. 277, 1871. 2 C. R. Acad. des Sc., vol. LXXXVI, 1879. 3 Pflüger's Archiv, IX, 1884. 4 Sitzungsber. d. Wien. Akad. d. Wiss. 1859 et 1870. Vorle- sungen über Physiologie, Bd I, p. 316-320, 1885. 5 Die Natur und Näbrwerth des Peptones. Berlin, 1871. 6 Archiv f. Anal. und Physiol., 1880. 7 Virchouw's Archiv, Bd LXXXI. tique. Cette énumération serait fastidieuse et, étant, donnés les résultats obtenus par les différents" auteurs, servirait fort peu à éclairer la questions aux yeux de nos lecteurs. Mais nous devons revenir sur n0s pas, remonter à une époque antérieure eb voir comment les belles recherches de M. Kühne et de ses élèves ont amené l'École allemande à une conception assez précise, longtemps acceptée, des différents produits de la digestion peptique des matières albuminoïdes. Le début des travaux de M. Kühne‘ sur la di gestion remonte à une trentaine d'années; il les a poursuivis avec la plus louable assiduité pendant" tout le cours de sa longue carrière de professeur, et" encore aujourd'hui c'est avec acharnement qu'il défend son œuvre, menacée pourtant par les. recherches des Écoles voisines. Comme Meissner, : M. Kühne admet que, sous l'influence de la diges- tion, la substance albuminoïde se décompose en deux groupes : l’hémi-groupe et l’anti-groupe, de” sorte qu'on à immédiatement l’hémi-albumine el l’anti-albumine, identique à l'hémi-protéine de Schützenberger *. Puis, chacun des deux groupes s'hydrate parallèlement, donnant l'hémi-albumose et l’anti-albumose ; le troisième degré de la diges- tion comprend l’hémi-peptone et l’anti-peptone. Leur mélange constitue l’ampho-peptone, et c’est toujours l’'ampho-peptone que donne la digestion physique. k Enfin, dans chacun des deux groupes d'albu- moses, hémi et anti, M. Kühne distingue les proto- albumoses, les hétéro-albumoses, les dysalbumoses et les deutéro-albumoses : La proto-albumose est soluble dans l’eau froide ct dans l'eau chaude; elle est précipitée de ses so- lulions par le chlorure de sodium à saturation ; L'héléro-albumose est insoluble dans l’eau froide et dans l’eau chaude, mais soluble en présence de chlorure de sodium; un excès de sel la précipite; Dans la digestion de la syntonine, il y a formation sunullanée de proto-albumoses et d’hétéro-albu- moses aux dépens de parties différentes de la molé- cule albuminoïde ; L'hétéro-albumose, laissée longtemps en contact avec l'eau ou, au contraire, desséchée, subit une - sorte de dénaturation qui la rend insoluble dans l’eau chaude ou froide et insoluble dans lessolutions salines : c'est la dysalbumose. Elle est soluble dans les acides et les bases, et elle est alors précipitée par le chlorure de sodium ; La deutéro-albumose est soluble dans l’eau; elle est précipitée par le chlorure de sodium, mais seu- lement en présence d'un acide, par exemple de l'acide azotique. 1 Virchow's Archiv, Bd XXXIX, p. 130, 1867. 2 Bulletin Soc. chim., Paris, t. XXIII, p. 166, 1875. D: ÉLOPHE BÉNECH — LA QUESTION DES PEPTONES 865 Enfin, c’est par la saturation avec le sulfate d'am- moniaque que M. Kühne sépare les peptones. Nous verrons son procédé avec plus de détails en cons- tatant le parti qu’en a tiré de M. Neumeister. Rete- nons seulement que les membres de l'hémi-groupe se peptonisent bien plus facilement que ceux de l'anti-groupe et que l'hémi-peptone, attaquée par la trypsine, donne des produits de décomposition plus avancés, tels que les acides amidés, pen- - dant que l'anli-peptone résiste, du moins d’après M.Kühne. NI Mieux que cette énumération aride, le schéma suivant fera saisir les modifications successives que subit l’albumine au cours de la digestion gastrique : Albumine Syntonine Proto-albumose Hétéro-albumose (Dysalbumose) | Deutéro-albumose Deutéro-albumose | | Peptone Peptone Mais ce schéma met mal en évidence l'hypothèse de M. Kühne relative à l'existence de deux groupes hémi et anti. En voici un second, emprunté à l'ou- xrage de M. Neumeister (p. 248), où l’on voit clai- rement les décompositions successives que -su- bissent les deux groupes hémi et anti : Albumine Hémi-groupe Anti-groupe = Hétéro-albumose (ampho-albumose) Proto-albumose Anti-albumide (ampho-albumose) Deutéro-albumose (anti-albumose) | Deutéro-albumose (ampho-albumose) Deutéro-albumose (ampho-albumose Amphopeptone Amphopeptone Antipeptone Il est évident, à l'inspection de ce schéma, comme le fait remarquer M. Neumeister, que l’expression hémi-peptone n’a plus qu'une signification théo- rique et que, d'autre part, le terme hémi-albumose doit disparaître de la littérature. D'ailleurs, que cette partie théorique ne nous fasse pas perdre de vue le côté pratique de la ques- tion, et rappelons-nous que c’est toujours l'ampho- peptone qu'on cherche à obtenir dans la digestion gastrique. Voici comment M. Neumeister ‘ sépare ces diffé- rents produits : Etant donné un liquide de digestion, bien clair après filtration, on le neutralise avec de la lessive de soude étendue : les syntonines se précipitent; on filtre, on acidifie la liqueur très légèrement avec quelques gouttes d'acide acétique étendu, et on ajoute un volume égal d’une solution saturée de chlorure de sodium; on fait bouillir: l'albumine, qui avait été simplement dissoute et non atteinte par la digestion, se coagule ; après refroidissement, on la sépare par filtration. Pour isoler les albumoses, la liqueur acidifiée est saturée de sulfale d’ammoniaque en poudre. Les albumoses sont précipilées; on les retient sur un filtre et on les reprend par de l’eau distillée. Les sels sont enlevés par la dialyse ou par la baryte. Le chlorure de sodium permet ensuite de séparer les produits les uns des autres. Voici, enfin, le procédé employé par M. Kühne ! pour obtenir les peptones gastriques. Le liquide de digestion convenablement étendu, privé de l’al- bumine el de toutes les autres substances coagu- lables, est neutralisé, puis saturé à l’ébullition par du sulfate d'ammoniaque en poudre. Après refroi- dissement, on sépare les albumoses précipitées et aussi l'excès de sel qui s'est déposé. On chauffe de nouveau le liquide et, à ébullition commençante, on le rend fortement alcalin avec de l’'ammoniaque et du carbonate d'’ammoniaque. On le sature alors de sulfate d'ammoniaque ; on laisse refroidir et on sépare les albumoses précipitées. Enfin, on chauffe pour la troisième fois le liquide, et jusqu'à dispa- rilion de toute odeur ammoniacale; on sature encore une fois à chaud avec du sulfate d’ammo- niaque, et on acidifie notablement avec de l'acide acélique; on a un troisième précipité, qu'on sépare après refroidissement. Les peptones restent alors seules en solution. Pour éliminer les sels, la liqueur acide est évaporée à l’ébullition. La solu- tion concentrée est débarrassée du dépôt salin se : 1 formé après refroidissement et traitée par 5 de son volume d’alcool ; on filtre, etlaliqueurse divise bien- tôt en deux couches : une couche supérieure riche en alcool, une couche inférieure riche en sels. Avec une ampoule à robinet, il est facile de les séparer. On traite de nouveau la solution riche en sels par de l'alcool jusqu'à commencement de précipitation, et, comme précédemment, au bout de quelque temps on sépare, au moyen de l’ampoule à robinet, les deux couches formées, et l’on répète l'opération. Finalement on n’a qu'un résidu très riche en sels, qu'on rejette. Les solutions riches en alcool sont réunies; elles contiennent relativement peu de sul- fate d'’ammoniaque, mais beaucoup de peptones. Placées dans un mélange réfrigérant, elles aban- - 4 von R. NEUMEISKER 1897, p. 238. : Lehrbuch der physiolog. Chemie, 1 Zeit. f. Biologie, N. F., Bd. 11, 1891. — Lire aussi : P. BALkE : Zeil. f. phy:iol. Chemie, Bd XXII, 1877, p. 249. 866 D: ÉLOPHE BÉNECH — LA QUESTION DES PEPTONES donnent encore du sel. Le liquide séparé est con- centré à l'ébullition, ce qui élimine l'alcool; puis, par le carbonate de baryte, on élimine l'acide sul- furique; on filtre pour séparer l'excès de carbo- nate de baryte et le sulfate de baryte formé. On chauffe le filtrat et l'excès d’ammoniaque est enlevé par un fort courant d'air; les dernières traces de baryte sont précipitées par de l'acide sulfurique étendu. L'opération est lerminée quand un essai ne se trouble ni par l'acide sulfurique ni par le chlo- rure de baryum. La liqueur est concentrée au bain- marie aussi fortement que possible, puis traitée par l'alcool absolu. Le précipité est bien lavé à l'alcool et la peptone est finalement desséchée dans le vide sur l'acide sulfurique. M. Neumeister (p. 239) ajoute que la peptone ainsi obtenue ne contient plus qu’une trace de chlo- rure de sodium, si on a eu soin de prendre de la pepsine et de la fibrine, l'une et l’autre bien pures. Tel est le procédé que M. Kühne et ses élèves ont longtemps utilisé pour obtenir les différentes albu- moses ou les peptones. On voit que, par définition, le professeur allemand appelle « peptones » l'ensemble des corps qui, dans un liquide de digestion, ne sont pas précipitables par le sulfate d'ammoniaque. I obtient ainsi un mélange très complexe, qui se présente sous l'aspect d’une poudre amorphe, jaune comme du miel, d'un goût amer, excessivement désagréable (Neu- | | volume d'alcool à 98°; après ur repos de deux meister, p. 234). Ce sont les caractères que présen- | tent, en général, les peptones du commerce. Or, comme l’a bien fait observer en France M. le | Professeur A. Gautier, ces caractères indiquent la | ' | répondre à cette queslion en donnant l'avis de présence de produits de décomposition plus avancés que les peptones, tels que toxalbuminesoualcaloïdes solubles dans l'alcool, el c’est la purification de ces | peptones qu'a poursuivie l'École francaise. Elleare- | noncé complètement à l'emploi du sulfate d'ammo- | niaque, qui est toujours très pénible à enlever, et elle .| a repris la vieille définition de Meissner qui appelait peptones les corps qui, dans un liquide de digestion, ne précipitent plusparle ferrocyanurede potassium acétique ‘. M. A. Gautier ? utilise uniquement l'al- cool pour obtenir ces produits. Voici son procédé : Après avoir fait unedigestion en milieusulfurique (6 /), cet acide est éliminé par l’hydrate de baryte. On filtre, on évapore à consistance siru- peuse, et on ajoute peu à peu de lalcool à 83°, jusqu'au moment où le liquide se trouble et se sépare en deux couches : l’'uneinférieure, visqueuse, peu abondante; l’autre supérieure, peu colorée. On sépare cette dernière et on la verse par minces 1 On lira, dans la thèse de M. Henninger (De la nature et du rôle physiol. des peptones. 1h. méd. Paris, 1878, n° 193), comiwent l’auteur préparait les peptones. 3 A. GaurTien et J. ALBanary : Cent vingt exercices de Chimie pratique (Masson, éditeur). filets, en agitant sans cesse, dans six fois son jours, le dépôt qui s’est formé est redissous dans le minimum d'eau possible, et de nouveau précipilé par l'alcool fort, comme il vient d'être dit. Cette peptone est alors épuisée par l'alcool à 93° bouil- lant, qui la dissout et la laisse se reprécipiter par concentration. On rejette les eaux-mères chaque fois ; enfin on traite cette peptone à deux ou trois reprises par l’éther. On la reprend par l'eau et la solulion aqueuse, concentrée, est enfin repréci- pilée une dernière fois en la versant lentement dans de l'alcool à 99°, qu'on agite constamment. Tel est le procédé recommandé par M. le Pro fesseur A. Gautier pour obtenir les peptones. Ainsi préparées, elles forment une masse pulvéru- lente, amorphe, blanche, sans odeur, de saveur très faible, à peine sensiblement amère *. Leur solu- tion ne se précipite pas par le ferrocyanure de potassium acétique; elle ne blanchit pas quand on ajoute du sulfate d’ammoniaque en poudre et en excès. Ces peptones répondent donc bien à la défi- nition de M. Kühne. Elles ont sur les peptones allemandes le grand mérite d'être débarrassées de produits toxiques sur lesquels nous aurons à re- venir plus loin. III Mais les peptones ainsi définies, en dehors de l'intérêt scientifique qu'elles présentent, méritent- elles d'attirer l'attention du médecin? Nous allons l'École russe. Le Professeur Morokowetz (de Moscou) s'est toujours élevé contre l'hypothèse de Kühne sur la formation des deux groupes hémi et anti. Avec Salkowski, il se borne à distinguer les syntonines, les albumoses et les peptones. D'ailleurs, ce sont surtout les travaux de M. Dani- lewski? (de Saint-Pétersbourg), poursuivis pa- tiemment pendant de longues années, qui sont généralement acceptés en Russie. Or, l'éminent | professeur considère comme un mélange abso- lument hétérogène, tout au plus bon à être rejeté, tout ce qui, dans un liquide de digestion, n’est pas précipitable par le sulfate d'ammoniaque. Les pep- tones russes ne sont dès lors que des albumoses françaises ou allemandes. Et voici le raisonnement ! Dans un ouvrage paru tout récemment : « Guide pra- tique pour les analyses de Chimie biologique », M. le D: F. Martz estime qu'une bonne peptone doit être blonde. C'est là certainement une erreur, car la couleur blonde est alors due à un défaut de manipulations. 2 Dr D. Lawrow : Sur le chimisme des digestions pepsi- ques et tryptiques des substances albuminoïdes. Th. méd. (en russe), 1898. de M. Danilewski : Il admet quel’unique but de la di- gestion estl'hydratation de la molécule albuminoïde, qui la rend ainsi absorbable; mais, d'après lui, ne sont absorbés dans le tube digestif que les grou- pements fondamentaux qui, par une déshydratation ultérieure, provoquée par la cellule, pourront reconstituer une molécule albuminoïde. Or, dit M. Danilewski, si nous prenons l’ensemble des substances qui restent en solution dans un liquide dedigestion après précipitation parun grand excès de sulfate d'ammoniaque, on aura beau essayer de les déshydrater, on n'arrivera jamais à obtenir une substance présentant les réactions colorantes classiques d'Adamkiewiez, de Pettenkofer et de Liebermann, tandis qu'il en est tout autrement pour les substances précipitées par le sulfate d’ammoniaque. Donc les peptones, telles que les admet M. le Professeur Gautier, telles que les concoit l'École de M. Kühne, sont considérées par M. Danilewski comme un mélange de substances n'ayant plus les caractères fondamentaux des matières albumi- noïdes et ne pouvant plus jouir que d’une valeur alimentaire excessivement restreinte. Le pro- fesseur russe use d'ailleurs d'un réactif auquel il attribue la plus grande importance pour recon- naître si une solution de peptones ou d’albumoses contient tous les groupements de l'albumine : c’est le ferment-lab. Utilisant une observation de Okounieff qui avait vu que le ferment-lab coagule les solutions d'albumine, M. Danilewski estime qu'un liquide de digestion ne pourra jouir de propriétés nutritives que si les albumoses en solu- tion sont coagulables par ce ferment!. Or tous les produits désignés en France et en Allemagne sous le nom de peptones, qui ne sont plus précipitables par le sulfate d’ammoniaque, ne donnent pas cette coagulation. Ils ne doivent donc avoir qu'une valeur alimentaire très restreinte. C'est aussi l'avis de M. le Professeur Kossel (de Marbourg). À la suite des travaux faits dans son laboratoire, son École tend à admettre, de plus, que les deutéro-albumoses et les peptones de M. Kühne doivent être confondues, partant de ce principe que le sulfate d'ammoniaque ne permet pas de séparer rigoureusement ces produits. Dès lors, dit l'École de M. Kossel, si les peptones de M. Kühne jouissent encore de quelques propriétés de l'albumine et possèdent quelque valeur alimentaire, elles le doivent uniquement à une certaine quantité de deutéro-albumoses non précipitées par le sul- 1 Le mot « coagulation » est pris ici dans un sens tout particulier et correspond plutôt à un phénomène de conden- sation. 2vox Dr Lawrow : Zur Kenntniss des Chemismus der Verdauung der Eiweisstoffe. Zeit. f. physiol. Chemie, 1899. Bd XXVI, H. 6. D‘ ÉLOPHE BÉNECH — LA QUESTION DES PEPTONES 867 fate d'ammoniaque, qui est un mauvais réaclif, Mais voyons la théorie complète de M. Dani- lewski. Il soumet à la digestion l'albumine d'œuf (ilen distingue d’ailleurs deux espèces). Il la traite par une solution chlorhydrique étendue à la tem- pérature de 45°. Il a une solution qui, neutralisée, donne un précipité : c'est la syntonide. La solution de syntonide, soumise à l'action de la pepsine, donne deux groupes de substances : l’un syntlopro- talbique, l'autre peptique. Le premier groupe com- | prend les syntoprotalbines «, B, y, toutes trois inso- lubles dans l’eau froide et l’alcool froid. Elles diffèrent entre elles par leur solubilité dans l’eau chaude et l'alcool chaud, la solubilité allant en augmentant de x à 7. Elles diffèrent aussi par leur manière de réagir en présence de l'acide azotique. La solution aqueuse de « donne avec l'acide azotique un précipité insoluble dans un excès d'acide; la solution de B donne un précipité soluble dans un excès d'acide; la solution de y ne précipile pas. Le premier terme du groupe peptique est le syn- togène à réaction neutre ; puis, viennent les pseudo- peptones et les peptones, qui ont des réactions acides et décomposent facilement les carbonaies. Ces trois produits sont solubles dans l’eau froide et diffèrent entre eux par leur solubilité dans l'alcool. Le syn- togène se dissout dans l'alcool à 10-15 °/, ; les pseudo-peptones dans l'alcool à 30-35 ©, ; les peptones dans l'alcool à 70-75 °/,. En outre, le ferrocyanure de potassium a, sur ces trois groupes de corps, une action caractéristique. Les syntogènes sont précipitées immédiatement ; les pseudo- peptones ne sont précipitées que très lentemenl; les peptones ne sont pas précipitées par ce réactif. Les peptones soumises à une digestion plus pro- fonde donnent ensuite des produits qui ne con- tiennent plus tous les groupements de la molécule albuminoïde. L'un de ces produits et le plus impor- tant est le glutinoïde, qui ne contient plus de leu- cine ni de tyrosine, qui peut donner du glycocolle et qui fournit encore la réaction du biuret. Voici maintenant le procédé suivi par M. Dani- lewski pour obtenir ces différents produits : La digestion terminée, on peutralise, on filtre et on précipite par le sulfate d’ammoniaque à satura tion à chaud, en milieu successivement neutre, alealin et acide, suivant la méthode de M. Kühne. Le précipité est repris par l’eau. Le sulfate d'ammo- niaque est éliminé par la baryte. On filtre, on évapore à siccité et on épuise par de grandes quan- tités d'alcool de concentrations différentes. On à ainsi les différents termes du groupe peptique. Comme on le voit, M. Danilewski appelle peptones le groupe de corps qui est précipitable par le sulfate 868 D: ÉLOPHE BÉNECH — LA QUESTION DES PEPTONES d'’ammoniaque et qui, pourtant, n'est pas précipi- table par le ferrocyanure de potassium acétique. Voilà donc une peptone qui diffère de la peptone de M. Gautier et de la peptone de M. Kühne, et nous avions aussi raison de dire que la peptone de M. Gautier différait de la peptone de M. Kühne. M. Kossel va plus loin et croit que tous ces pro- duits ne sont que des mélanges. IV Malheureusement, bien peu d'expériences vrai- ment scientifiques ont été faites pour confirmer on infirmer les hypothèses des différentes Écoles con- cernant la valeur nutritive de ces matières. Cela se comprend un peu, car la préparation de ces corps est toujours très pénible si l’on veut en obtenir une pro- vision suflisante et, d'autre part, toutes les recher- ches faites avec des peptones du commerce n'ont évidemment aucune valeur. Il semble pourtant résulter de quelques recherches que les peplones n'ont qu'une très faible valeur alimentaire, bien plus faible mème que les albumoses; nous sommes tenté de croire, quant à nous, que les albu- moses, elles-mêmes, ne sont pas préférables aux mälières albuminoïdes données en nature, même à des malades. D'ailleurs, à propos des peptones et surtout à propos des albumoses, il est une question très importante qu'on ne peut passer sous silence, c'est celle de leur toxicité. On a beaucoup discuté, ces dernières années, surtout en France, la question de la toxicité des peptones. Nous ne serons pas surpris de ce que les auteurs, trouvant des résultats différents, aient prétendu chacun de son côté, être dans le vrai, car chacun d'eux avaitraison. Mais chacun d'eux aurait dû aussi commencer par définir ce qu'il entendait par le mot « peptone » et ne pas appliquer les résultats qu'il avait trouvés aux produits non com- parables des autres expérimentateurs. Au fond, c'était là une simple querelle de mots. Mais il est un point que nous tenons à bien mettre en lumière. M. le docteur Fiquet', qui croit avoir préparé des peptones d’après le procédé de M. Gautier, et qui a étudié leur toxicité et leur pou- voir nulrilif, propose comme conclusion de son travail, « de ne donner ces produits aux malades que lorsque leur pureté aura élé constatée et qu'une injection intra-veineuse de 2 grammes au moins par kilogramme d'animal faite à des lapins ou à des cobayes n'aura pu troubler leur état général. » ‘ E. Frquer : Contribution à l'étude des dérivés protéiques des alhbuminoïdes naturels. Thèse de la Facullé de Médecine, Paris, 1897. Nous nous élevons formellement contre ce crité- rium et voici pourquoi : Certainement, comme l'a très bien vu M. le Professeur Gautier, les peptones du commerce contiennent, en général, des alca- loïdes toxiques ; mais ces alcaloïdes n'ont pas encore été suffisamment éludiés pour qu'on ne puisse pas chercher une autre cause à la toxicité des peptones. Vous croyons, quant à nous, que, pour la plus grande partie, cette toxicité tient, non à ces alcaloïdes, mais aux résidus protaminiques mis en liberté par la digestion gastrique. En injection intra-veineuse, les protamines sont excessive- ment toxiques (Kossel, Lilienfeld, Thomson). Dans le tube digestif, au contraire, elles sont bientôt décomposées et donnent des produits secondaires, qui ne provoquent des accidents que si on en absorbe de grandes quantilés. Il en est de même, d’ailleurs, avec les nucléo-albumines. On n’a donc pas le droit de conclure de la toxi- cité d’une peptone en injection intra-veineuse à sa toxicité en tant qu'aliment. La thèse de M. Fiquet nous permet même de conclure contre ses asser- tions. Il a trouvé, en effet, que les altumoses sont plus nutrilives que les peptones purifiées (p. 60). Or, ses albumoses en injection intra-veineuse em- pêchent toujours la coagulation du sang chez le chien. Il n’y a donc pas de rapport entre leur pou- poir anticoagulant et leur pouvoir nutritif. C'est un raisonnement semblable que nous appli- querons aussi aux recherches de Pollitzer”, qui, dès 1885, avait vu que la protalbumose, l’antipeptone et l’'amphopeptone n'empêchent pas la coagulation du sang à la dose de 0,30 par kilo d'animal, tandis que l'hétéroalbumose l'empêche déjà à très faible dose. Cettedifférence detoxicité dépend, selon nous, d'une teneur plus ou moins grande en substances prota- miniques. Dès lors, si une albumose ou une pep- tone en injection intra-veineuse n'est pas toxique, c'est qu'elle est débarrassée de ses toxalbumines d'abord, mais aussi et surtout des résidus pro- taminiques. Mais alors c'est un aliment incom- plet, dans le sens où l'entend M. le Professeur Dani- lewski, et on ne doit pas s'étonner de ne plus lui trouver qu'une valeur alimentaire restreinte. | Mais les peptones ont-elles au moins une com- position définie? Nous pouvons répondre hardiment par la négative et sans avoir recours aux nombreu- ses analyses qu'on en a faites et qui prouvent qu'on n'a jamais pu obtenir deux fois de suite le même corps; nous rappellerons que, dès 1871, M. Luba- rine* voyait déjà qu’une digestion peptique poussée à fond avec une bonne pepsine peut donner de la ! Verhand. der nat. med. Vereins zu Heidelberg N. F., Bd III, Heft 4, p. 292. 2 von F. Hovre-SeyLer : Med. chem. Untersuch. Bd IV, 1 p. 463-485. E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 869 leucine et de la lyrosine. Henninger ! a vérifié le même fait pour la leucine. M. Kuhne nie ces ré- sultats, mais on reviendra certainement sur ces travaux. Laissant de côté l'amphopeptone, M. Siegfried ? lutle en ce moment pour faire admettre au moins l’antipeptone comme une entité. Notre conviction est qu'il se donne là une peine bien inutile, car | déjà M. le D' Kutscher * a pu isoler dans ce produit, dit puritié, bien des corps divers, et, parmi eux, les bases hexoniques. \ Comme conclusion, nous dirons donc que scien- tiiquement nous ne connaissons encore rien de la nature des peptones ou de:leur constitution, et que les expériences correctement conduites manquent pour établir la valeur alimentaire de ces produits, sur la préparation desquels les avis sont si parta- gés. Que pourrons-nous dire dès lors des peplones commerciales? Les observations cliniques faites jusqu'à ce jour avec ces produits ne prouvent abso- lument rien. Mais, hélas! il faut tenir compte de la mode et de l'influence de la réclame. M. le D'R. Romme écrivait récemment ici-mêème ‘ que la somatose était, tout au plus, bonne à provo- quer la diarrhée, ce qui indique déjà un pouvoir toxi- que assez considérable. Cela n'empêchera pas le bon public de continuer à acheter de la somatose, ni les médecins de trouver des malades qui leur diront que cel aliment leur à certainement sauvé la vie. Notre opinion, et c’est par elle que nous termine- rons, est que nos honorables confrères auront grandement tort de ne pas se méfier de ce que leurs clients leur diront à ce sujet, car certaine- ment, eux médecins, quand ils prescriront des pep- tones, ne sauront jamais ce qu'ils font absorber à leurs patients. D' Elophe Bénech. REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE‘ 1. — HISTOLOGIE GÉNÉRALE. CYTOLOGIE, $ 1. — Le protoplasma. Depuis une vingtaine d'années, les études cyto- logiques se sont considérablement développées; mais l'intérêt tout particulier qu'offrit d’abord aux chercheurs, munis de nouvelles méthodes d’inves- tigation, le noyau, avecses métamorphoses variées pendant la division, la maturation, etc, fit négliger un peu le protoplasma. Puis, il faut l'avouer, jusque dans la science, la mode se glisse et vient exercer son habituelle tyrannie, et l’on tra- verse ainsi des périodes d’engouement momentané pour tel ou tel sujet. Mais la cellule est un orga- nisme dont les deux parties capitales, noyau et protoplasma, sont tellement solidaires qu'on ne saurait longtemps les séparer. Aussi, voici, cette année et dans les toutes dernières, un regain de travaux sur le corps cellulaire. Devons-nous d'abord conserver ce mot de prolto- plasma? Flemming”, qui l’a attaqué depuis long- 1 Th. méd., Paris, 1878. ? Zeil. f. phys. Chemie, 1899. 3 Ibid. * Sollicité un peu tardivement de faire la Revue annuelle d'Anatomie, délaissée par M. le Professeur Beauregard qui tient à se consacrer désormais exclusivement aux études botaniques, je ne donnerai cette année qu'un court article. Je resterai, d'ailleurs, dans la tradition suivie jusqu'ici, en ne m'attachant chaque année qu'à un petit nombre de ques- tions, dont l'aspect me paraîtra avoir subi un changement assez marqué pour mériter d'attirer particulièrement l'at- tention des lecteurs de la Revue. E. L. ® W. Femme : Morphologie der Zelle, in Ergebnisse der k temps, revient à la charge à propos d’un article de Ballowilz, qui a eu le malheur de s’en servir. Mot vague, employé d’abord en des sens très différents, il a été irrémédiablement compromis à l’époque où l’on crut à tort que le protoplasma était une combinaison chimique définie, l’albuminoïde vivant. On sait aujourd'hui que c'est un mélange très variable de substances, non défini chimi- quement. Le mot n’a plus qu'une valeur histo- rique : c’est une de ces reliques qu'il faut en- tourer de respect, mais qui n'ont plus d'usage. Flemming propose, en lieu et place, le mot de substance cellulaire (Zellsubstanz) détaché du titre de son beau livre, qui fut la grammaire des cytolo- gistes. Malheureusement, le mot est en français un peu long, un peu vague, et risquerait d’être mal compris. Malheureusement aussi, le terme proto- plasme n'est plus réservé aux seules discussions savantes; il est entré depuis longtemps dans le domaine public, d’où on ne l’expulsera pas aisé- ment. Et l’on continuera vraisemblablement à dire « protoplasme » comme on à continué, malgré d'énergiques tentatives, à dire « cellule », ce quise justifie encore moins. Beaucoup préféreront, au moins, le mot cytoplasme, déjà bien plus précis. L'important est d'éviter la confusion entre le corps cellulaire, c’est-à-dire l’ensemble de tout ce qui n'est pas noyau, et le cytoplasme, partie de cet Anatomie und Entwickelungsgeschichte de Merkel et Bonnet. Wiesbaden, 1898, p. 403. 1 Revue générale des Sciences, 30 mai 1899. 870 ensemble, et substance génératrice de toutes les autres. La plupart des cytologistes continuent à admettre que le cytoplasme est strucluré; mais chacun aussi continue à prêcher pour sa théorie, cette structure étant, selon l’auteur, granuleuse, filaire, réticulaire, spongieuse, alvéolaire, etc. Pourtant, le nombre et la précision des observations aug- mentant chaque jour, un certain départ commence à se faire entre ces opinions. Malgré les travaux d'Altman et de ses disciples, la théorie granulaire ne parvient pas à s'imposer; on admet bien qu'il peut y avoir, qu’il y a souvent, sinon toujours, de fins granules plus ou moins nombreux dans le cyto- plasme, mais on se refuse, en général, à leur attri- buer la valeur d'éléments essentiels, et surtout d'êtres vivants élémentaires (Bioblastes d'Altman). On sait, d'autre part, que l'aspect granuleux peut êèlre souvent dû aux réactifs employés. Les théories filaire et réticulaire ont, en quelque sorte, fusionné depuis que Flemming admet que, dans certains cas au moins, les filaments peuvent s’ordonner en un véritable réseau, depuis qu'il pose simplement en principe qu'il existe deux substances dans le cytoplasme, une substance homogène, intertilaire, et une filamenteuse, celle-ci pouvant se présenter sous des aspects très divers. Sa doctrine de la charpente filaire (Fadengerüstlehre), plus largement comprise, reste donc, en définitive, à peu près seule debout en face de la doctrine alvéolaire de Bütschli. Nous disons doctrine : Flemming proteste, en effet, de façon très vive contre le nom de théorie. Ces deux manières de comprendre le cytoplasme sont, dit-il, l’une et l'autre, non des vues de l’es- prit, mais des doctrines, s'appuyant sur un grand nombre d'observations et les généralisant. Bal- lowitz, tout en se plaçant sur le terrain de la doc- lrine de la charpente filaire, admet que les travées du reticulum peuvent s'élargir et créer ainsi une texture spongieuse, ou même, par exagération de ce processus, donner naissance à une série d’al- véoles fermées de toutes parts. Flemming admet également l'existence de la structure alvéolaire; il la considère comme très possible, sinon démontrée, chez beaucoup de Protozoaires, où Bütschli l’a par- ticulièrement étudiée. Mais il comprend autrement le mode de formation de ces alvéoles; elles sont, pour lui, dues à l’apparition de nombreuses et très fines vacuoles au sein de la masse interfilaire. Les deux structures pourraient done coexister, se superposer, comme semble l'admettre aussi Martin Heidenhain!' chez les Végétaux. Bütschli, pour Flemming, n'aurait qu'un tort: c’est de vouloir trop 1 Manrix Herdenuan : Eiviges über die sogenannten Pro- toplasmastrémungen. Sifzungsberichte der physic. medic. Gesellschaft. Würlzhur. 1898. E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE généraliser, et d'admettre l'existence de cette structure en des points où elle est au moins dou- teuse, c'est-à-dire dans la plupart des cellules des animaux supérieurs. Arnold ! reprend l'étude de la structure du cyto- plasma par la méthode de la dissociation, après macération dans la solution iodo-iodurée. Beau- ARE Br gr rl À id coup d'éléments, les leucocytes et les cellules de la » moelle osseuse notamment, finissent ainsi par se résoudre en une foule de corpuscules arrondis, ou plus souvent allongés en bâtonnets, qu'il appelle les plasmosomes, et qu'il ne faut pas confondre avec les granules d'Altman. Ils sont généralement plus gros, plus complexes, possèdent des prolongements filiformes, terminaux et latéraux, au moyen des- quels ils s'unissent entre eux de diverses façons, donnant l'impression d’une structure tantôt fila- menteuse, tantôt réticulaire ou spongieuse. Ils interceptent des espaces remplis par un paraplasme hyalin. Ce sont, en somme, comme le remarque Flemming, des faits en faveur de la théorie rétieu- laire ; mais, il faut, ajoute-t-il, se tenir en garde contre les gonflements et les déformations plus ou moins considérables que ce réactif occasionne fatalement. Ainsi, ce sont évidemment des altéra- tions de ce genre qui font décrire à Arnold les fibrilles des fibres lisses comme interrompues par des grains, ces grains ne se présentant point par . les autres méthodes, et apparaissant d'autant plus nombreux que l'action du liquide a été plus longue. Klemensiewiez ? trouve, lui aussi, une structure réticulaire très nette, non seulement dans les leu- cocytes, mais dans l’amibe, généralement présenté comme un des types de structure alvéolaire. Un auteur américain, Me Andrews*, après avoir étudié un grand nombre de cellules vivantes, ou à l’état frais, conclut partout, au contraire, en faveur de la structure alvéolaire, et montre envers les réactifs fixateurs une défiance pleine de sagesse, mais un peu exagérée. Ballowitz #, dans les épithé- liums des Salpes, conclut en faveur de la structure réticulaire, tout en admettant, comme nous l'avons déjà vu, que l’alvéolaire puisse en dériver parfois. Il y a donc, dans ce dernier auteur, comme chez Flemming, une tendance à la conciliation entre les principales conceptions. D'ailleurs, bien des histo- logistes, avec Kælliker, Henneguy, etc, poussent 1J. ArNoLo : Uber Struktur und Architectur der Zellen. Archiv für mikroskopische Anatomie, 1898, Bd 52. ? Kemexsiewicz : Neue Untersuchungen über den Bau und die Thätigkeit der Eiterzellen. Milleitung des Vereins der Arzle, 1898. 5 G. F. Anorews : The liviog substance, as such and as organism. Boston, 1891. # Bazzowurz : Zur Kenntnkiss der Zellsphäre. Eine Zell- studie am Salpenepithel. Archiv für Anatomie und Physio- logie. Analom. Abtheilung, 1898. E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE depuis longtemps déjà l'éclectisme plus loin, et demandent qu’on leur permette, jusqu'à plus ample informé, d'accueillir tous les faits bien vé- rifiés sans se hâter de généraliser, qu'on leur per- mette de considérer le cytoplasme comme pouvant être parfois homogène, parfois structuré, et de structure essentiellement variable avecles éléments. Les conceptions filaire et alvéolaire sont des doc- trines, soit; mais ne menacent-elles pas de rede- venir de simples théories entre les mains de bien des auteurs, qui, moins prudents que Flemming, posent en principe, en abordant l'étude d'un élément, et sur quelques constatations sommaires, que le cytoplasme est, de sa nature, soit réticu- laire, soit alvéolaire, et édifient sur cette base _ fragile -toute une série de conclusions morpholo- giques et physiologiques? La distinction, par exemple, entre un réseau etuncomplexus alvéolaire est chose parfois si délicate que toute affirmation est bien hardie, et demande un contrôle très ré- pété et très sérieux. On distingue souvent, et avec quelque raison, entre l'architecture de la cellule et la structure du cytoplasme. Voici un élément rempli de gros grains de sécrétion qui se touchent pres- que ; certains concluent à l'existence d’un proto- plasme granuleux, d’autres à celle d’un proto- plasme alvéolaire dont chaque alvéole contient un grain. Mais ces grains ne sont très généralement plus du protoplasme ; ce sont des enclaves, des produits non vivants, élaborés par la substance cytoplasmique; ils sont en réalité en dehors d'elle. Etil se peut très bien qu'entre deux grains, la véritable structure de la lame cytoplasmique inter- posée soit homogène, ou filaire. On peut parler en ce cas d’une architecture alvéolaire du corps cel- lulaire pris dans son ensemble, mais non d’une structure alvéolaire du cytoplasme. Tant que va- cuoles ou grains sont gros et ont des réactions spécifiques neltes, celte distinction entre architec- ture etstructure reste facile; mais, là où ces qualités leur manquent, où finit l'architecture et où com- mence la structure? C'est ce qu’il est beaucoup plus difficile de déterminer, et c'est un terrain sur lequel il convient de ne s'avancer qu'avec la plus grande précaution. De là vient sans doute que bon nombre d'auteurs récents laissent assez volontiers au second plan le problème de la structure générale du fond cyto- plasmique, souvent un peu flou, pour s'attacher à l'étude de certaines portions de ce même cyto- plasme, qui, en se différenciant plus ou moins légèrement, prennent des formes nettes et des caractères spécifiques, de ce qu'on peut souvent, en un mot, appeler, avec Prenant, des cytosomes. C'est ainsi que Ch. Garnier, M. et P. Bouin, élèves du Professeur Prenant, étudient, sous le 871 nom d'ergastoplasme (de egyafouu, j'élabore en transformant), dû au premier d’entre eux, des for- mations filamenteuses d’une importance tout à fait spéciale. Ch. Garnier ! reprend l'étude de filaments déjà signalés dans plusieurs cellules sécrétantes, et désignés récemment par B. Solger sous le nom de filaments basaux. I fait pressentir leur impor- tance dans la sécrétion. M. et P. Bouin? s'adressent à des cellules qui n’excrètent pas, mais qu'on peut mettre en parallèle avec les éléments sécréteurs, parce qu'elles élaborent comme eux des matériaux, destinés ici à constiluer une réserve. Chez les végétaux, c'est la cellule-mère du sac embryon- naire. Ils la prennent chez les Liliacées. Ils y montrent, à mesure qu'elle s'accroît, une struc- ture d'abord mal définie, puis assez nettement réticulaire, C’est alors que commence la différen- ciation de l’ergastoplasme. Au voisinage du noyau, un grand nombre de travées concentriques du réticulum s'épaississent, se régularisent, et finale- ment se séparent des voisins sous forme de bà- tonnets allongés, fusiformes, ayant une affinité toute particulière pour les colorants basiques d’ani- line (safranine, gentiane), et pour l’hématoxyline au fer de Martin Heidenhain; ces bâtonnets se réunissent secondairement en plusieurs groupes distinets. Le plus souvent, dans chaque groupe, les filaments se rapprochent, se fusionnent, subissent une sorte de gélification, se transforment, en un mot, en un corps paranucléaire destiné à disparaitre bientôt lui-même. Les filaments ergasloplasmiques n'ont rien de commun avec la partie achromatique des fuseaux de division, ni avec les asters, car filaments et corpuscules disparaissent bien avant la prophase de la première division. Ils ne peuvent donc être utilisés par la cellule que dans ses fonc- tions antérieures, qui consistent essentiellement dans la formation du deutoplasme de réserve. Mal- heureusement, les auteurs n'ont pu assister à la genèse de ce deutoplasme. Chez les animaux, ils ont retrouvé des formations tout à fait analogues dans la cellule fonctionnellement correspondante, c'est-à-dire dans l’oocyte, même en voie d’accrois- sement, élaborant aussi ses réserves. C’est chez l’'Asterina gibbosa qu'ils ont fait cette constatation”. 1 Cn. Gauxier : Les « filaments basaux » des cellules glan- dulaires. Bibliographie anatomique, 1897. Nous ne faisons que signaler ce travail, nous réservant de revenir dans une autre occasion sur les cellules sécrétantes, actuellement étudiées de plusieurs côtés. 2 M. et P. Bou: 1. Sur la présence de filaments particu- liers dans le protoplasme de la cellule-mère des Liliacées. Bibliographie anatomique, 1898, n° 1. — 2. Développement de la cellule-mère du sac embryonnaire des Liliacées. Archives d'Anatomie microscopique, 1898, p. 419. 5 M. et P. Boum : Sur la présence de formations ergasto- plasmiques dans l'oocyte d’Asterina gibbosa. Bibliographie anatomique, 1898. 872 E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE Hammar dans les cellules de l’épididyme, Arn- Graf dans les néphridies de la clepsine, Schnie- wind-Thies dans les nectaires des diverses plan- tes, font des constatations du même genre. Prenant ‘ rassemble et groupe tous ces faits, très intéressants, pour montrer l'existence dans le cyto- plasme de substances plus actives, réalisant la forme la plus parfaite de la matière vivante, d'un proto- plasme de choix, d'un protoplasme supérieur. Cette substance, l'ergastoplasme n'en est qu'une forme: l'autre, c’est le kinoplasme de Strassburger, à peu près analogue, d’ailleurs, à l'archoplasme de Boveri. Pour Strasshurger, le kinoplasme est la substance qui forme les fibres du fuseau dans les caryokinè- ses, et parconséquent celle aussi qui constitue les sphères attractives (archoplasmes de Boveri). C'est essentiellement le plasma moteur de l'élément, celui qui constitue, avec le centrosome et le noyau, l'individu-cellule, l'énergide. Pour de nombreux auteurs (van Beneden, Carnoy, M. Heidenhain, Büt- schli, Eismond, etce...), si l'archoplasme ou le kino- plasme apparaissent sous une forme figurée nette, et généralement plus réfringents, plus colorables, ce n’est pas une raison pour en faire une espèce de protoplasme spécial; ces propriétés sont simplement dues à ce qu'en ces points la trame cytoplasmique est plus serrée. Tel n’est pas l'avis de Prenant. Avec Haacke, Rhumbler, etc., il est pour l'existence réelle de cette forme de protoplasme supérieur. Il groupe les observations montrant ses qualités morpholo- giques spéciales, ses réactions colorées, souvent très distinctes de celles du fond cytoplasmique. Ces faits élablissent l'existence générale et constante dans les cellules de l’archoplasma, du kinoplasma et de l'ergastoplasma, sous la forme différenciée de corpuscules, remarquables, comme les chromosomes du noyau, par leur vive affinité pour les colorants, et constituant, parallèlement à eux, comme une sorte de chromatine cytoplasmique. C'est pourquoi il leur donne le nom de cytosomes. Ils sont en con- tinuité, au moins à l'origine, avec la trame cyto- plasmique, dont ils ne représentent qu'une diffé- renciation ; ils ont une forme nettemenl définie une coloration spécifique, une évolution déter- minée. Prenant serait disposé à faire de ce proto- toplasme supérieur un organe cellulaire constant, mais non permanent. S'il apparait, en général, en toute cellule, sa présence ne correspond guère qu'à une phase donnée de l’activité cellulaire, en dehors de laquelle il diminue et peut disparaître complète- ment. Les deux formes principales du protoplasme supérieur, kinoplasme et ergastoplasme, paraissent analogues, mais non identiques, et correspondent laire qui ne se manifestent jamais en même temps. Le kinoplasme est développé au maximum dans la cellule en division indirecte, en caryokinèse, l’ergas= toplasme, dans la cellule en train d'élaborer un pro-" duit quelconque. Division et élaboration sont less deux seules formes possibles du mouvement cellu-« laire. « Toute cellule qui ne se divise pas s’hyper-« trophie ou fabrique des matériaux de réserve.Toute cellule qui se divise est incapable de se repro- duire. » Kinoplasme et ergastoplasme, division et élaboration, alternent, mais ne coïncident pas, ou plutôt ne coïncident qu'exceptionnellement. Il est à souhaiter que l'étude de cytosomes bien définis de forme et de réaction continue à attirer l'attention des chercheurs. Ce problème, aau moins, autant d'intérêt que celui de la structure générale du cytoplasme, et les recherches ne peuvent man- quer de fournir lentement, mais sûrement, des do- cuments utiles à la solution de l’une et de l’autre question. $ 2. — Le corpuscule central. à deux modalités bien distinctes de l’activité cellu- 1 4 C'est encore dans le cytoplasme qu'on trouve l’organite si intéressant que van Beneden nomma le corpuscule central, et qu'on appelle souvert au- jourd'hui le centrosome. Flemming ! insiste aussi de nouveau sur la nécessité d'abandonner ce dernier . terme, si commode pourtant, parce qu'il a été em- ployé par Boveri dans un sens un peu différent. On sait que, lors de la division indirecte de la cellule ou caryokinèse, il se partage aussi en deux moi- tiés, qui, se plaçant chacune à l’un des pôles du fuseau achromatique, semblent y jouer le rôle de centres attractifs, répartissant également entre les deux cellules-filles la chromatine, partie essentielle du noyau.Or, une grande controverse divise depuis quelques années les cytologistes. Le corpuscule cen- tral est-il, comme l'avait d’abord pensé van Bene- den, un organe permanent de la cellule, toujours environné d'un amas de cytoplasme condensé, dit sphère attractive? ou bien peut-il manquer ? n'est- il, tout au moins, qu'une formation transitoire, se développant au moment seulement de la division, condamnée à disparaitre ensuite ? peut-être issue du noyau? La lutte reste ouverte, toujours très vive, entre les deux camps. En 1896, Strassburger et ses élèves cherchaient en vain le centrosome dans les caryokinèses des végélaux supérieurs. En 1897, Guignard*, au contraire, les mit en évidence chez plusieurs d’entre eux. L'an dernier, Bolles Lee niait leur présence dans les spermatocyles de l’escargot; cette année, O. von Rath, Meves et Korff, Flemming les trouvent 1 Prenant : Sur le protoplasme supérieur (archoplasme, kinoplasme, ergastoplasme). Etude critique. Journal de L' Anatomie el de la Physiologie, 1898, p. 6517. 1 Loco cilato. | 2 Guicnarp : Les Centrosomes chez les végétaux. C. R. den l'Académie des Sciences, décembre 1897. 1 E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 873 « très évidents » sur le même objet, Mais c’est surtout entre Carnoy', d’une part, et Flemming, de l’autre, que la lutte autour de cel infiniment “petit, simple point aux plus forts grossissements, prend les allures d'une bataille en règle. Carnoy ige une attaque violente contre la permanence t l'ubiquilé des centrosomes el des sphères, qui, “Selon lui,ne survivraient jamais à la cinèse, et seraient condamnés à disparaitre après chaque di- vision. Il reproche à Flemming d'avoir soutenu de sa grande autorité la théorie contraire, et de battre ‘aujourd'hui par trop prudemment en retraite. Mais passons les épithètes, car il s’agit de querelles personnelles qui ne font en rien avancer la science. emming en profile pour répéter qu'il n'a jamais affirmé l’ubiquité et la permanence, mais les a Seulement considérées comme vraisemblables. Il + Voici précisément un travail de Ballowitz ? qui semble venir juste à point à l'appui de ses dires. Dans divers épithéliums (manteau, pharynx, cloa- Que) des Salpes, cet auteur montre les sphères tractives persistant au-delà de la division dans les cellules au repos, sous forme d’une masse rela- ivement énorme, déprimant le noyau, {rès nette par la plupart des réactifs, visible sur la cellule Vivante mème comme une grosse tache claire ré- “iringente, et contenant un double centrosome également très net. D'aucuns ont dit que ces for- “mations n'exislaient que chez l'embryon, aux Périodes de croissance et de multiplication cellu- ne. active. I1 n’en est rien ici. Chez l'embryon, les sphères sont peu neltes, et c'est précisément chez ladulle qu'elles atteignent leur maximum de volume et de netteté. Ballowitz® montre également l'existence d’un double corpuscule central dans les cellules épithéliales et conjonctives de la cornée de l’homme adulte. Zimmermann * trouve le même diplosome (c'est ainsi qu'il nomme le centrosome double) dans les cellules de plusieurs glandes ou conduits excréteurs glandulaires. De tels travaux montreront vraisemblablement les centrosomes de plus en plus abondants, ce qui 4 ? Carxoy : A propos de fécondation. La Cellule, 1898. Ré- ponse à v. Erlanger et à Flemming. ? Bazcowrrz : Zur Kenntniss der Zellsphäre. Eine Zellstu- die am Salpenepithel. Archiv für Anatomie und Phystol. Anat. Abth., 1898, p. 145. k. * Baccowrrz : Centralkürper in den fixen Hornhautzellen und in den Zellen des Epithels der hinteren Corneafläche erwachsener Säugetiere. Verhandlungen der Analom. Gesell. Kiel, 1898. # Zimmenmanx : Beiträge zur Kenntniss einiger Drüsen und Epithelien. Archiv für mik. Anatom. 1898. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899. n'empêche pas de dire, avec Giglio-Tos! (il les signale dans les (hrombocytes), et comme l'admet Flemming lui-même ?, que ces corpuscules peuvent dégénérer, se transformer, et aller jusqu'à dispa- raitre dans les cellules où l'activité de l'élément a pris une direction particulière qui les rend inutiles. Ce qui n'empêche pas non plus d'admettre que, là même où ils sont uliles, ils peuvent (antôt être permanents, lantôt se détruire après cinèse et se reformer, suivant les cas et les besoins. L'étude des faits particuliers arrivera seule à la longue à nous fixer sur ce point, et ce serait vraisemblable- ment s'exposer à rétractation que d'admettre dès aujourd'hui une règle générale. Si, comme on tend à le croire, les corpuscules centraux sont des cen'res cinétiques, régulateurs des mouvements, il ne faut pas s'étonner de les trouver en action dans la cellule ailleurs qu'au moment de la division. C’est, en effet, ce qui arrive; Henneguy montre, äans les spermatides des Lépi- doptères, des centrosomes associés en forme de crochet. De chaque extrémité du crochet naît un filament qui sort de la cellule, et, devenu libre, forme un flagellum moteur. Meves arrive au même résultat, à quelques détails près. Le corpuscule central représente donc ici à la fois un centre d'origine et un centre cinétique pour le flagellum De là à admettre que vraisemblablement le corpus- cule basal que l’on trouve à l'insertion de chaque cil vibratile dans les épithéliums ciliés, est un centre cinétique de même nature, un kinocentre, il n’y a qu'un pas, et ce pas, Henneguy ? n’hésite pas à le faire. Lenhossek * arrive aux mêmes conclusions. Dans l'épithélium épididymaire (lapin, rat), ül trouve un mélange de cellules ciliées et non ciliées ; dans les secondes, le double corpuscule central est situé immédiatement au-dessous de la surface libre ; dans les premières, on ne l’apercoit point, mais on trouve à la même place les corpuscules basaux des cils. Nous ne nous arrêlerons pas sur la question de l’origine première des corpuscules centraux et des sphères, c’est-à-dire sur la question de l’origine de ces formalions dans la cellule primordiale, dans l'œuf en division. Sur ce poinlencore, l'entente est loin de se faire. Nous rappellerons seulement qu'à l'heure actuelle les auteurs sont sur ce point di- visés en trois partis. Les uns (Guignard, Carklin, Blanc, van der Stricht) ont retrouvé et admettent avec H. Fol le quadrille des centres, c'est-à-dire la 4 Giezro-Tos : I trombociti degli Ittopsidi e dei Sauropsidi. Memorie dell” Acad. reg. delle Science. Torino, 1897-98. 2 HenneGuy : Sur les rapports des cils vibratiles avec les centrosomes. Archives d'Analomie microscopique, t. 1, 1897. 3 Lexnossex : Uber Flimmerzellen. analomische Gesellschaft, Kiel, 1898. Verhandlungen der 99** 874 E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE persistance et l'union, dans l'œuf fécondé, des centrosomes des cellules mâle et femelle, l'union du spermocentre et de l’ovocentre. La majorité (Boveri, Vejdowsky, Henking, Julin, Reinke, Rückert, v. Kostanecki, Sobotta, v. Erlanger, ete.) fait disparaître les ovocentres, les spermocentres persistant seuls. Enfin une troisième manière de voir, qui ne manque pas d'ingéniosité et qui mérite d'être contrôlée avec soin, est celle de Carnoy et Lebrun ‘, de Herla. D'après eux, ovocentres et sper- mocentres disparaissent également ; l'archoplasme mäle de la cellule se répand dans le cytoplasme pour le remanier profondément « et en faire une entilé nouvelle de nature mixte » (Carnoy et Lebrun). C'est cette « entité » qui élabore ensuite de toutes pièces le nouvel archoplasme, les sphères qui président à la segmentation. C’est en somme le résultat du quadrille des centres atteint d'une manière indirecte. Nous n'en finirons pas avec la Cytologie sans mentionner un livre d'A. Labbé ?, consacré à l'étude expérimentale de la cellule, et particulièrement de ce qu'on a appelé la Cytomécanique. II. — ORGANES DE LA CIRCULATION. — Développement du cœur et des premiers vaisseaux. SRE Le cœur provient-il du feuillet moyen du blasto- derme, comme on le croyait autrefois, ou du feuillet interne, comme on tend à le croire aujourd'hui? La queslion reste toujours en suspens, les auteurs qui ont étudié les Poissons osseux, les Oiseaux, les Mammifères, élant encore en majeure partie en faveur du mésoderme, tandis que ceux qui ont étudié récemment les Amphibiens tiennent presque tous en faveur de l’entoderme. A paru sur ce point, en 1898, un travail très important de Brachet* de Liège. Frenant pour type un amphi- bien urodèle, le 7rilon alpestris, il nous montre de la façon la plus nette l’ébauche du cœur en train ‘ de naitrecomme une saillie pleine médiane de l'hypoblaste (feuillet interne), déjà différencié en tube digestif. Cette saillie augmente sous forme d'un large cordon cellulaire plein antéro-postérieur, qui bientôt se pince vers le milieu de sa longueur, et se détache de la paroi du tube digestif, avec laquelle il reste provisoirement continu à ses extré- 4 Carxoy et Lesrux : La cytodiérèse de l'œuf. La vésicule germinative et les globules polaires chez les Batraciens. La Cellule, 1898, t. XIV. 2 ALPuoxse Laggé : La Cylologie expérimentale. Essai de Cylomécanique. Analysé dans la Roue du 15 avril 1899, p. 287. 3 Bracuer : Recherches sur le développement du cœur, des premiers vaisseaux et du sang chez les Amphibiens urodèles (Trilon alpestris). Archives d'Analomie microseo- pique, t. Il, 1898, p. 171. mités antérieure et postérieure, toutes deux bifides, et qui représentent l’une l’origine des aortes, l’autre celle des veines omphalo-mésentériques ou vitel- lines. Secondairement, ce cordon plein se creuse par écartement des cellules. Il se détache de plus en plus de l'hypoblaste, et, à sa suite, se délachent peu à peu les deux artères et les deux veines prin- cipales. C'est secondairement aussi que l'ébauche cardiaque se trouve entourée par l’épithélium péri- cardique, d'origine mésodermique ; elle refoule vérilablement ici la paroi du sac péricardique pour s'en coiffer. Aucune image ne permet d'admettre une parlicipation quelconque du mésoblaste à la formation ou à l'accroissement de l’endothélium cardiaque. « Ce dernier s'accroit par multiplication sur place des cellules préexistantes. » Cœur et vais- seaux à la suile ne sont aucunement reliés à l’ori- gine avec les îlots sanguins, et ne contiennent auzun élément figuré, aucun globule du sang. Les premiers réseaux capillaires et le sang se développent plus tardivement, d'une façon tout à à fail indépendante, mais aux dépens du feuillet interne également. Sur les embryons de Tritons de trois millimètres, Brachet voit se former unilot sanguin unique, mais antérieurement bifurqué, médian, volumineux. Il est constitué par un amas de petites cellules serrées en voie de prolifération et faciles à distinguer des éléments de l'anypoblaste vilellin quiles entourent. Puis ces éléments s’arron- dissent, se dissocient pour former les premiers globules rouges; un plasma liquide apparaît entre elles. C’est tardivement que quelques cellules isolées d'abord, puis réunies en une mince mem- brane et dont l'origine n'est pas complètement établie, viennent limiter cet amas à la périphérie et former autour de lui l'endothélium du vaisseau. Vers ce moment seulement l'ilot entre en commu- nication avec les veines vilellines, et les hématies peuventse répandre dans le cœur et les gros vais- seaux. Ces données sur le développement des vaisseaux et du sang concordent très heureusement en général avec celles antérieurement obtenues par Schwink. Gôütte, Houssay, Davidoff, avaient éga- lement conclu en faveur de l’origine hypoblastique. Mais Brachel ne retrouve pas la disposition méta- mérique de l'ilot ventral, signalée par Houssay. En ce qui concerne le cœur lui-même, la descrip- tion de Brachet complète celle de Rabl sur le même objet (Salamandre). Gôütte, Rabl, Schwink admet- taient déjà l'indépendance des ébauches du cœur et de l'aire vasculaire, du cœur et du sang. Rabl, Schwink, Houssay soutenaient l'origine hypoblas- tique du cœur. Mais Schwink le faisait provenir de cellules migratrices délachées une à une de l’hy- poblaste vitellin, Houssay d’une sorte de parablaste. E. LAGUESSE — REVUE hwink et Houssay admetlaient, en outre, la du- cité primitive de l’ébauche cardiaque. Les figu- très claires et très nettes de Brachel, confir- ant les quelques données déjà fournies par Rabl, semblent ne devoir laisser aucun doute sur ces s points : Chez les Amphibiens urodèles,le cœur ît du feuillet interne; il s'en détache à la façon n cordon plein, nettement limite ; il est impair, nique et médian à son origine. Comment concilier ce fait avec celui de l’origine Hésodermique, qui parait rester bien établie dans érlains groupes et notamment chez les Poissons sseux? Ziegler, Schwink estiment que l'origine ntodermique peut exister dans certains groupes, ar suite d'une sorte de raccourcissement du dé- eloppement, autrement dit par suite d'un proces- de cænogenèse. Comme le dit Brachet, l'expli- ition est certainement ingénieuse, mais il est sage ajourner toute discussion de fond, jusqu’au jour où tout le monde sera d'accord sur la provenance réelle du cœur dans tous les groupes de Verlébrés, ot ce jour est vraisemblablement assez éloigné. $ 2. — Structure du cœur. Sur la structure du muscle cardiaque nous trou- ons égalément quelques détails nouveaux et d’un Ssez grand intérêt. Hoche !, vérifiant une descrip- jon donnée par Przewosky, montre qu'il n’y a pas, proprement parler, de limites entre les différen- s cellules du myocarde. Dans une file d'éléments, à structure fibrillaire se continue d’une cellule à autre. Au point de passage, on trouve, sur chaque faisceau de fibrilles, une sorte de disque intermé- liaire épaissi, allongé, et plus vivement colorable. auteur croit voir, en outre, autour des cellules, ne très mince membrane comparable au sarco- émme. Minervini ? étudie la fibre du cœur aux di- fers âges de la vie. Chez l'adulte et le vieillard il rouve deux variétés de fibres. Les premières ré- dondent à la descriplion ordinaire, sont remplies ke faisceaux de fibrilles, les uns périphériques ou primaires, les autres centraux ou secondaires. Les secondes, plus petites, plus riches en sarcoplasme, ne contiennent qu'une rangée de faisceaux primai- es ou périphériques, et ont conservé leur forme imilive arrondie. Celles-ci abondent surtout chez s vieillards. Il semble donc qu'il y ait dans la vieil- sse néoformation de fibres qui ne peuvent arriver à leur complet développement. Minervini consi- dère les cellules de Purkinje, sous-endocardiques, comme des formes de cellules musculaires hydro- piques, dégénérées. 1 Hocue : Du mode de réunion des cellules myocardiques. “Bibliographie analomique, 1897. 2 Mixer vin : Particolarita di struttura delle cellule musco- Alari del cuore. Analomischer Auzeïger, Bd xv, 1898. ANNUELLE D'ANATOMIE II. $ 1. — Tégument externe. Structure de l’épiderme. — TÉGUMENTS. Récemment encore, on considérait les cellules de la couche cornée de l’épiderme comme de simples écailles aplaties. Pourtant plusieurs auteurs, Hans Rabl ‘ entre autres, ont insisté sur ce fait que non seulement ces écailles sont creuses, mais qu’en certains points (paume des mains, plante des pieds) leur cavité a une capacité notable, Mais qu'y a-t-il dans cette cavité ? On a remarqué depuis longtemps que la couche cornée tout entière est susceptible de noireir par l'acide osmique, réactif histologique des graisses. Mais on pensait volon- tiers que c’est parce qu'elle se laisse imbiber par le sébum, matière grasse élaborée par les glandes sébacées, et déversée à la surface du tégument. Le Professeur Ranvier ?, reprenant celle question, arrive à des résultats tout différents. Pour éliminer le sébum et même la faible quantité de graisse con- tenue dans la sueur, il choisit une région qui « ne renferme ni poils ni glandes d'aucune espèce ». C’est la peau de la plante des pattes du cochon d'Inde. Et pourtant, des coupes faites dans cette région après dessiccalion, gonflées dans l’eau, puis placées pendant une heure dans l'acide osmique, prennent, au niveau du s/ralum corneum, la colora- tion noire caractéristique. Elles contiennent donc une matière graisseuse ou une substance de réac- tions analogues. Mais celte matière est-elle répan- due entre les cellules ou dans les cellules mêmes ? C'est dans les cellules mêmes, car une coupe très mince où toutes les écailles creuses ont été ouvertes par le rasoir, et où la substance colorable a pu s'écouler, reste incolore; les coupes d'épaisseur moyenne sont tachelées de noir, comme ligrées. Quant à la nature de la substance contenue, il fal- lait, pour arriver à la connaitre, pouvoir l’isoler en assez grande quantité. M. Ranvier y est arrivé en plongeant un membre humain entier pendant trente secondes dans l’eau bouillante. L'épiderme se détache comme un gant. Il est mis à macérer pendant vingt-quatre heures dans une petile quan- tité d’éther, et l’on obtient par décantalion et éva- poration quelques décigrammes de graisse épider- mique. Celte substance jaunâtre, solide, noircie par l'acide osmique, a la consistance et la plasticité de la cire d'abeille; elle fond, comme elle, à 35°. La cellule épidermique devient donc, dans les couches superficielles, une écaille cornée creuse à contenu cireux : la « cire épidermique ». Le corps est revêtu par un véritable vernis protecteur; la couche cor- 4 H. Rae: Untersuchungen über die menschliche Ober- haut. Archiv für mik. Anulomie, Bd XLVII. 2 Ranvier : Histologie de la peau. Archives d'Analomie microscopique, t. 11, 1898, et C. R. de l'Acad. des Sc. 816 née, si mince soit-elle, « nous défend par sa struc- ture subéreuse contre les injures mécaniques et, par sa cire, contre les actions chimiques ». Pourquoi l'épiderme de la patte du poulet, exa- miné dans les mêmes conditions, fournit-il une graisse onctueuse, toute différente, ressemblant à un mélange de cire et d'huile? C’est qu'il y a dans ce produit un véritable mélange de cire épider- mique fournie par la couche cornée, et d'huile contenue dans les cellules les plus profondes de la couche muqueuse de Malpighi, au-dessous des par- ties écailleuses. & 2, — Présence de vaisseaux dans les épithéliums. Les tissus épithéliaux ne contiennent pas de vaisseaux sanguins, telle est la règle générale sur laquelle il n’y a pas à revenir; c'est un des carac- tères essenliels des épithéliums. Mais à cette règle il y a quelques exceptions, signalées depuis long- temps par Ranvier, Külliker, Waldeyer, Retzius (strie vasculaire du canal cochléaire), Bovier (épi- thélium olfactif du cobaye), Phisalix (jabot du pigeon). J'en ai montré une moi-même dans l'épi- thélium intestinal du Protoptère. La question prend un regain d'actualité cette année avec les mémoires de Maurer‘, de Leydig? et de H. Joseph *. Maurer trouve des capillaires pénétrant dans l’épithélium de la muqueuse buccale chez les Amphibiens de nos pays (Grenouille, Crapaud, Salamandre, Triton), et il signale ce fait d'un épithélium vascularisé comme absolument nouveau, ce qui lui attire deux répliques de sens contraire. Dans l’une, Leydig rappelle que chez plusieurs Amphibiens exotiques, notamment chez le Menopoma lgiganteum, le Pleu- rodeles Valtlii, il a décrit depuis longtemps de très nombreuses anses capillaires s’enfonçant dans l'épiderme, et rentrant dans le derme sans s'être unies en réseau. Il rappelle également que F. et P. Sarasin ont montré un véritable réseau capil- laire intra-épidermique très serré chez l'Zchtyophis glutinosus, enfin que, chez les Vers (Lumbricines, Hirudinées), Mojsisowies et lui ont également décrit des épithéliums vascularisés. La réplique de H. Joseph, élève du professeur Sigmund Mayer, est concue dans un sens tout différent. Pour lui, Maurer s’est simplement laissé abuser par certaines dispositions très particulières et mème déjà signalées du réseau capillaire dans la région palatine des Amphibiens. Le réseau est immédiatement sous-épithélial, les vaisseaux sont 4 MAURER Blutgefässe im Epithel. Morphologisches Jahrbuch, Bd XXV, 1891. 2 LeypiG : Vascularisirtes Epithel. Arch. f. 1898, p. 152. ; 3 H. Josern : Einige Bemerkungen zu F. Maurer's Abhan- dlung Arch. fur mik. Anat., 1898, p. 167. mik. Anat., E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE même recus dans des demi-gouttières creus dans l’épithélium. En outre, ils sont pourvus super ficiellement de nombreux diverticules, cupu Mais jamais on ne voit une anse se détacher du réseau, cheminer dans l’épithélium et rentrer dans le chorion. Alors seulement on pourrait parler de vaisseaux intra-épithéliaux, et ce serait le renver sement de toutes nos notions histologiques. | pas devoir ébranler notre conception actuelle d épithéliums. Dans le domaine de la Biologie, il n° a guère de règle absolue; la vie est faite de ménaz gements, d'accommodements, de transitions. Plus la loi est stricte, plus intéressantes sont les quels ques exceptions qu'elle peut présenter. Du reste; ces exceptions auraient ici un but particulier Comme l’admet Leydig, la présence de vaissea dans l’épiderme serait en rapport avec la respi- ration culanée, très développée, comme on le sait, chez les Batraciens, et ces vaisseaux abonderaïent d'autant plus que l'espèce vit davantage dans l’eaus Les observations de Maurer, qui donne la même raison d'être à ses vaisseaux palatins, sont d'accord! avec les données de Marcacei et de Camerano, pour lesquels, chez les Amphibiens, la cavité buccale“ vestibule des poumons, sert déjà, dans une certainel mesure, à la respiration. Il en est vraisemblablement de même de l'intes tin du Protoptère, quand l'animal s'enferme dans son cocon. Partout où il y a échange de gaz, les vaisseaux doivent s'approcher aussi près que pos= sible de la surface : autre loi non moins stricte, qui viendrait ici contrarier la première. 11 est évident» néanmoins, qu'il faudra reprendre en plusieurs points la question des épithéliums vascularisés, en tenant le plus grand compte des descriptions eb des criliques de H. Joseph, et surtout des causes d'erreurs qu'il signale. Il est très possible que dans le cas de Maurer notamment, on n'ait affaires qu'à de simples diverticules. Leydig, du reste, bor= nait à ces diverticules la pénétration des vaisseaux Réduit à celà, et considéré même comme une papilles rudimentaire uniquement vasculaire (H. Joseph), le vaisseau, pénétrant jusque entre les cellules épi théliales, mériterait encore d'attirer particulière ment l'attention. E. Laguesse, Professeur d'Histologie à la Facuité de Médecine de Lille M 4° Sciences mathématiques Dariès (G.), Conducteur au service des Eaux de Paris, licencié ès sciences. — Calcul des Canaux et Aque- ducs. — Un vol. in-16 de 180 pages, avec 48 figures, le l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Priz : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier- Villars et G. Masson, éditeurs. Paris, 1899. L'auteur commence par établir l'équation fondamen- tale de l'écoulement en mouvement uniforme, corres- pondant à une même section transversale et à une mème pente longitudinale du cours d’eau, comme c'est Je cas ordinaire dans un canal. Dans cette équation, “Qui lie les trois éléments du problème : section, pente, Vitesse moyenne, cette dernière entre par une fonction “dont Prony, Etelwein, Saint-Venant et d'autres ont donné diverses expressions, aujourd'hui délaissées, “parce qu'elles ont le grave défaut de supposer constante “la résistance due à la rugosité des parois, dont les “expériences de Darcy et de Bazin ont montré la nature fort variable. Ges expériences, faites de 1845 à 1859, “ont conduit à une formule qui est seule emoloyée en “France depuis plus de vingt ans. Il en existe pourtant d'autres : celle que M. Bazin lui-même a donnée en 1897, et qu'il a déduite de 700 expériences exécutées dans la “plupart des pays d'Europe, aux Etats-Unis, dans l'Inde- “anglaise; celles de M. Glauckler, de Hagen, de Gan- “cuilletetKutter, employées en Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis; celle de l'Anglais Manning ; ces deux dernières donnent des résultats pratiques aussi bons que ceux de la formule de M. Bazin. La loi de variation des vitesses dans la section du anal, qui serait si utile à connaitre, a été l’objet de nombreuses recherches: par M. Bazin, sur la rigole du anal de Bourgogne, la Seine et la Marne; par Cunnin- gham, sur le Gange; par Humphreys et Abbot, sur le Mississipi. Elles ont seulement prouvé que cette loi était fort compliquée, variait d’un cas à l’autre, et ne pouvait être traduite en formule générale. Dans le chapitre 1, M. Dariès, après avoir comparé au canal la conduite forcée équivalente, applique à la solution de quelques problèmes les formules qu'il à données dans le chapitre r. [l emprunte ces exemples aux canaux de Roquefavour, de La Roche de l'Ourcq, aux aqueducs de l’Avre, de la Vanne, du Potomac; il montre comment on calcule un égout à section ovoide. 11 applique à la solution de certains de ces problèmes les abaques de M. d'Ocagne. Le chapitre rt est consacré au mouvement varié, toujours en supposant le régime permanent établi; il donne l'équation générale de ce mouvement, et sa forme différentielle, sous laquelle elle estordinairement employée. Il étudie successivement les remous (remous d'exhaussement, dont il apprend à tracer la courbe par deux procédés; remous d’abaissement, auquel s’ap- plique le premier de ces procédés, fondé sur l’intégra- tion par la méthode de Simpson) et le ressaut. …: Les formules du mouvement varié se simplifient et J'intégration devient plus simple quand la profondeur est faible par rapport à la largeur, ou que la pente est à peu près nulle. L'ouvrage examine ces deux cas, établit des formules de jaugeage du débit, étudie les effets d’un changement de section du canal : retrécis- sement de faible longueur, retrécissemeut brusque, et — donneenfin les tables numériques nécessaires à l’appli- = cation des diverses formules que nous avons indiquées. ; GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 871 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 2° Sciences physiques Lafay (A.), Capitaine d'artillerie. — Sur la Polarisa- tion de la Lumière diffusée par le verre dépoli (Thèse de lu Faculté des Sciences de Paris). — 1 bro- chure in-%° de 60 pages avec figures. Gauthier- Villars, imprimeur. Paris, 1899. Desains avait ébauché l'étude de la dépolarisation de la chaleur et de la lumière diffusées par les corps dépolis. Après lui, M. Gouy observa que la lumière obtenue par la diffusion d'un faisceau polarisé « pré- sente, en général, les caractères d’un mélange de lumière naturelle et elliptique, dans lequel la propor- tion de cette dernière peut atteindre une valeur no- table ». Il observa, en outre, que, lorsque la lumière tombe sous une incidence assez grande sur une plaque dépolie, il ya deux directions suivant lesquelles la frac- tion de lumière polarisée est polarisée cirreulairement : la vibration est sinistrorsum pour l’une d'elles, dextror- sum pour l’autre. Sur les conseils et dans le laboratoire de M. Gouy, M. le capitaine Lafay a entrepris une étude plus com- plète de la dépolarisation par diffusion. La complexité que présente le phénomène et qui tient à la nature des choses, empêche malheureusement de pouvoir énoncer, en un langage dont on apercoive aisément la signification, la plupart des résultats de ses patientes et importantes recherches. En étudiant des plaques de verre dont le grain du dépoli est de plus ea plus fin, M. Lafay a reconnu que, dans la lumière diffusée, la proportion de lumière polarisée augmente à mesure que le grain devient plus fin; les mesures deviennent très difficiles lorsque la plaque approche du poli parfait, car alors l'intensité de la lumière émise en dehors de la direction de reflexion régulière devient très faible. La définition du degré de dépoli est fondée sur la valeur de «l'angle limite de réflexion distincte », donnée importante, remarque justement l’auteur, et qui serait plus précieuse encore si la « distinction » de l’image réfiéchie d’un objet pouvait être fixée elle-même d'une façon qui ne comportat aucun élément subjectif. M. Lafay nomme foyers les points où les deux direc- tions de polarisation circulaire percent la surface d'une sphère ayant pour centre le point d'incidence ; sur cette sphère, ou plutôt sur une carte de cette sphère, il trace un diagramme indiquant, pour une valeur déter- minée de l'incidence et une valeur de l’azimut de pola- risation de la lumière incidente, l’orientation du grand axe de l'ellipse qui correspond à chaque direction de diffusion, et la valeur du rapport des axes de cette ellipse. Sur ces diagrammes, les foyers apparaissent nettement; on reconnait aussi qu'en un point quel- conque (c’est-à-dire pour une direction de diffusion quelconque), « l’ellipse qui caractérise la lumière pola- risée a ses axes à peu près dirigés suivant les tangentes aux deux coniques sphériques homofocales qui, pas- sant par ce point, ont pour foyers les deux foyers ». L'auteur a étudié la déformation du diagramme et le déplacement des foyers quand, pour une même valeur de l’incidence, on fait tourner le plan de polarisation de la lumière incidente. Dans ces conditions, les deux foyers décrivent deux courbes qui se coupent en un point situé dans le plan d'incidence : la direction cor- respondante est nommée par l’auteur direction princi- pale. Suivant cette direction, on peut avoir de la lumière diffusée circulaire, qui est polarisée dextrorsum ou sinistrorsum, pour deux orientations convenablement 8178 choisies de la vibration incidente : pour cette direction, les deux composantes de la vibration parallèle et nor- male au plan d'incidence ont entre elles une différence de phase de 1/4 de période. On a essayé l'effet de lumières de diverses couleurs, de lumière rouge et de lumière bleue. Le défaut d’in- tensité de la lumière diffusée ne permettait pas des mesures spectrophotométriques. Le résultat général de cette étude comparée est celui-ci : Quand on passe du bleu au rouge, les phénomènes varient comme si l'on aug- mentait légèrement le degré de polissage. « On peut concevoir à priori, dit en terminant M. Lafay, la possibilité d'expliquer les phénomènes décrits au cours de ce travail, en considérant la diffu- sion comme due à des réflexions partielles sur un grand nombre de petites facettes irrégulièrement dis- tribuées à la surface du corps dépoli; mais étant don- née l'impuissance où l’on est d'imaginer une distribu- tion des aspérités superficielles conforme à la réalité, une semblable théorie comporterait un grand degré d'arbitraire et présenterait par suite peu d'intérêt. » Il n’est pas bien sûr qu'on ne puisse pas édifier une théorie intéressante de la diffusion sur cette simple hypothèse que les orientations des facettes réfléchis- santes sont distribuées « au hasard ». N'est-ce pas sur des hypothèses aussi peu soucieuses des réalités indi- viduelles que sont fondées toutes les théories physiques « stalistiques », telle la théorie cinétique des gaz? Ce n’est pas à dire qu’une pareille théorie de la diffusion soit aisée à faire, et l’on ne peut qu'approuver M. Lafay d’avoir jugé prudent, avant de s'engager dans cette voie, de commencer par une minutieuse étude expéri- mentale du phénomène. BERNARD BRUNHES, Professeur de Physique à la Faculté des Sciences de Dijon. Ostwald (W.), Professeur de Chimie à l'Université de Leipzig. — Grundriss der allgemeinen Chemie. (Précis de Chimie générale), 3° édition. — 1 vol. in-8 de 550 pages avec figures. (Prix : 15 fr.). W. En- gelmann, éditeur. Leipzig, 1899. M. Ostwald vient de remanier complètement, dans une troisième édition, le Précis de Chimie générale, publié pour la première fois en 1889. Rien n’est plus intéressant que de comparer entre eles la première et la dernière édition de cet excellent ouvrage. Il en ressort une impression très nette du développement considérable, depuis dix ans, de ce que le savant professeur de Leipzig a désigné autrefois sous le nom de « Chimie générale » et qui prend de plus en plus le caractère d'une véritable « Chimie rationnelle ». Le plan général adopté soit dans la première et la deuxième édition, soit dans le traité complet du même auteur (Lehrbuch der allgemeinen Chemie), n'a pas été modifié. Par contre, la substance en a été complètement remaniée, de façon à faire de ce Précis un ouvrage tout à fait à la hauteur des travaux les plus modernes de la Chimie physique; nous ne croyons donc pas nécessaire de revenir ici sur le plan général, connu, d'ailleurs, du public scientifique français par l’excel- lente traduction publiée en son temps, par M. Charpy. Nous nous bornons à attirer l'attention sur les cha- pitres entièrement refondus, relatifs aux dissolutions étendues, à la Thermochimie, à la Mécanique chimique et à l'Electrochimie, qui donnent une idée très nette des conceptions les plus nouvelles dans ces domaines. En ce qui concerne la Thermochimie, M. Ostwald inaugure une notation entièrement nouvelle: toutes les données calorimétriques, au lieu d’être exprimées, comme {précédemment, en calories-kilo ou calories- moyennes, sont publiées aujourd'hui en kilo-joules. Cette innovation heurtera sans doute bien des habi- tudes d'esprit; mais il faut reconnaitre qu’au point de vue dés applications et notamment des applications à l'Electro-Chimie, de jour en jour plus nombreuses, cette notation introduira de grandes simplifications dans les calculs. Nous n'hésitons pas à la regarder comme très BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX heureuse. Il est même à désirer que les thermoclif mistes se mettent rapidement d'accord pour suivre l'exemple du savant professeur de Leipzig, sinon l’em ploi de quatre unités différentes (calorie-kilo, calories gramme, calorie-moyenne et kilojoule), créerait une confusion regrettable. Il y a là une intéressante ques tion à soumettre au prochain Congrès internationale Chimie. Nous signalons enfin, d’une facon spéciale, les ch pitres relatifs à l'Electrochimie, dans lesquels on trou vera réunies d'une façon très claire, et pourtant ave des détails suffisants, toutes les questions les plus @ tuelles de ce domaine; elles le sont, il est vrai, à un point de vue scientitique et abstraction faite des appli cations à l’industrie. Les techniciens qui désirent r ter au courant des progrès de cette branche de 4 science, trouveront dans le Précis de M. Ostwald w guide à la fois très sûr et très moderne. Pu.-A. GUYE, Professeur de Chimie à l'Université de Genève, Charabot (E.), Professeur à l'Institut Commerci Dupont (J.), Ancien préparateur à la Facullé de Sciences de Paris, et Pillet (L.), Ingénieur-chimiste. = Les Huiles essentielles et leurs principaux consti” tuants. (Avec une préface de M. E. Grimaux, Membre de l'Instilut.) — 1 vol. in-8° de 1.000 pages avec fig nécessaire de créer des organes ou des traités où chercheur, qu'il soit homme de science ou industriel puisse trouver, sous une forme condensée, tous faits, toutes les données qui ont un rapport quelconque avec le sujet qui l'intéresse. Or, il est notoire que, des puis quelques années, les huiles essentielles et les pars fums sont l’objet de recherches multiples et suivies, tant en France qu'à l'Etranger, et que les résult obtenus ont une répereussion inévitable sur l'Industrie des parfums qui, il faut bien le dire, si elle a élé pen» dant longtemps une industrie presque exclusivement française, tend de plus en plus à s’acclimater à l'Etran> ger. Jusqu’alors, on ne trouvait les documents concers nant les essences que d’une façon éparse dans les grands traités comme dans le Dictionnaire de Wurtz, ou dans quelques périodiques comme le Bulletin de Société d'Encouragement pour l'Industrie nationale, Je Moniteur scientifique, ete., qui, depuis quelques années s'attachent à donner périodiquement une revue des progrès réalisés dans l'étude et l’industrie de ces ma tières. Le traité très documenté et volumineux que MM. Charabot, Dupont et L. Pillet viennent de publie a donc, outre sa valeur intrinsèque, le grand mérité de paraître à point nommé, pour combler une lacune existant dans notre littérature chimique et industrielle Nuls n'étaient, d’ailleurs, mieux préparés pour mene à bien une pareille tâche. Appliquant à ce Traité une idée déjà émise par deux d’entre eux, dans un article publié jadis dans l’Agenda du Chimiste (1897), les auteurs rangent les essences en faisant entrer, dans un même groupe, celles dont le constituant intéressant appartient à la même fonction chimique. Ils voient, dans cette facon de procéder. l'avantage que les mêmes considérations analytiques s’appliqueront à toutes les essences d’un même groupe Ils arrivent ainsi à classer les essences en onz® familles : I. Alcools terpéniques et leurs éthers; IT. Aldéhydes; III. Cétones; IV. Lactones; V. Phénols et dérivés; VI. Aldéhydes-phénols; VII. Cinéol; VILI. Terpènes et sesquiterpènes; 7 p' sy" 20 OR {X. Ethers d'alcools de la série grasse; X. Composés sulfurés; XI. Corps a séries. Chacune de ces familles se divise en autant de roupes qu'il y à d'individualités chimiques de même onction; ainsi, dans la famille des alcools terpéniques, “on à le swroupe du bornéol, du linalool, du géra- … niol, etc.; la famille des cétones comprend : l’érone, “ la carvone, la pulégone, le camphre, etc... Cette elas- sification est suivie de considérations générales sur l'examen des huiles essentielles : essai organoleptique, détermination des constantes physiques, analyse chi- mique. Chaque famille est ensuite étudiée dans ses constituants principaux, leur caractérisation et leur dosage ; puis, chaque essence, il y en à 150, fait l'objet d’une étude spéciale tant au point de vue de sa compo- sition que de ses falsilications. L'ouvrage se termine très heureusement par une série de tableaux schéma- tiques indiquant les relations entre les principaux ter- mes de la série terpénique. Qu'il nous soit permis de signaler une petile lacune dans le tableau V, un des plus intéressants et des plus captivants. Il s'agit des relations entre le pinène, le camphène, le camphre et les principaux dérivés du camphre. Dans ce schéma, les auteurs ont oublié de mentionner la campholide dérivée de l'acide ou plutôt de l'anhydride campho- rique, campholide qui peut être transformée en acide homocamphorique en partant du camphre.Ilen résulte qu'on peut remonter de l'acide camphorique et, par suite aussi, de l'acide campholique au camphre. Cette légère observation, suggérée plutôt par un amour-pro- pre d'auteur, n’enlève rien au mérite de MM. Chara- bot, Dupont et Pillet, qui ont fait une œuvre appelée à rendre de très grands services à tous c-ux, hommes de science, praticiens et industriels, qui s'occupent, à des titres divers, des huiles essentielles. A. HALLER, Professeur à la Faculté des Sciences de Paris, Correspondant de l'Institut. 3° Sciences naturelles Grélot (Paul), Chargé de Cours à l'Ecole supérieure de Pharmacie de Nuncy. — Origine botanique des caoutchoucs et gutta-percha. (Thèse présentée au Cuncours d’agrégation du 20 mai 1899.) — 1 vol. in-8° de 276 pages. Beryer-Levraull et Ce. Nancy, 1899. On ne peut se plaindre, aujourd'hui, du manque d'ouvrages sur les plantes à caoutchouc et à gulta. Aux diverses publications parues, en ces dernières années, tant en France qu'à l'Etranger, vient encore s'ajouter le travail qu'a présenté, comme thèse, M. Grélot, au dernier concours d’agrégation de pharmacie, Et M. Grélot a cherché à réunir, dans son mémoire, le plus grand nombre possible de documents. On peut s’en rendre compte déjà, simplement en feuilletant le volume. Les trois premiers chapitres sont consacrés à l'étude des propriétés et de la composition des caoutchoucs, à l'historique de leur découverte et de leur exploitation, et aux divers modes de récolte et de coagulation usilés aujourd'hui dans tous les pays de production. L'auteur examine ensuite longuement, en ch-rchant à préciser leurs caractères distinetifs, toutes les sortes commerciales. Puis il donne une idée du mouvement commercial actu-l et des essais de culture tentés de tous côtés. Il continue par l’élude scientifique des laticifères et du latex; et enfin, il décrit toutes les plantes caoutchoutifères actuellement connues, ainsi même que celles qui sont à étudier industriellement ou qui sont encore indéterminées. La seconde partie du travail est une étude analogue de la gutta-percha, concue à peu près sur le même plan que précédemment ; mais l'auteur examine, en outre, quelques succédanés de cette substance, tels que le balata. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 8.9 Peut-être pourrait-on faire à M. Grélot le reproche général de n'avoir pas suffisamment conformé son plan au titre même de l’ouvrage ; c’est la première impression qui se dégage lorsqu'on à parcouru le livre. Il ne s'agissait peut-être pas lant, en somme, de faire une histoire complète du caoutchouc et de la gutta que de chercher à apporter un peu de lumière sur l'origine botanique, encore si obscure, des différents caoutchoues commerciaux. Et M. Grélot s’est peut-être plus préoccupé, au contraire, de leur origine gévgra- phique. Nous nous hâlons de dire que, pour notre part, — nous souciant peu du titre — nous ne nous en plai- gnons pas, car c'est certainement, à notre avis, dans cette partie qui concerne à la descriplion des sortes commerciales, que l'auteur a apporté le plus grand nombre de faits inédits. Il faut citer, en particulier, la longue étude des sommes de l'Etat indépendant du Congo, qui est la plus documentée et la plus précise que nous connaissions jusqu alors. Quant à l’origine botanique, nous savons, mieux que personne, combien il est difficile de l'élucider; et M. Grélot, étant donnés le but qu'il poursuivait et les conditions particulières dans lesquelles était entrepris son travail, ne pouvait que reproduire, en les réunis- sant et en les condensant, toutes les opinions antérieu- rement émises. C’est ainsi qu'il attribue, à son tour, d'après Morellet, presque tout le caoutchouc de Bornéo au Calotropis gigantea. Nous sommes persuadé qu'il y a là une erreur: le produit du Calotropis yiganteu n'est qu'une sorte de résine, ainsi que celui du Calotropis procera ; et les gommes de Bornéo proviennent plutôt, croyons-nous, de l'Urceola elastica et des Willughbeia firma et Treacheri. De même notre avis est qu'il faut rayer tout au moins le Ficus religiosa du nombre des espèces de Ficus qui fournissent le caoutchouc dans l'Assam, à Malacca et à Java. Mais ce sont là des faits qu'il était impossible, pour l'auteur, de contrôler. 11 a dù se résoudre également bien des fois, ainsi que ses prédécesseurs, à citer comme bonnes productrices de caoutchouc, dans une réxion, des plantes, telles que les Landolphia Heudelotü et florida, qu'il signale, quelques pages plus loin, dans une autre contrée, et, d'après d'auires données, comme absolument sans intérêt. Au sujet de Madagascar, M. Grélot fait remarquer que le vahy ne doit pas être seulement, comme nous l'avons dit, le Landolphia madagascariensis, et doit correspoudre à plusieurs espèces ; et la preuve en serait que l’auteur d’une récente petite brochure, publiée à Madagascar, a fiauré, sous le nom de vuhy, deux plantes absolument différentes. À vrai dire, nous n'avons jamais cru affirmer que le vahy élait une liane déterminée, à l'exclusion de toute autre. Pareille affirmation est toujours impossible quand il s'agit de noms indigènes, et nous avons, nous-même, fait remarquer, à maintes reprises, que cesfermes de toll, de mada, de guidroa, de n'djembo, etc. s'appliquent à des catégories de plantes entre lesquelles les noirs ne savent établir aucune différence : c'est une restriction établie une fois pour toutes. Nous ajouterons que, en ce qui concerne le vahy, nous nous rallions, en parti- culier, complétement à l'opinion de M. Grélot, pour une raison, toutefois, différente de la sienne. Dans la brochure à laquelle nous faisions allusion tout à l'heure, il y a certainement une erreur : les deux plantes figurées sont trop dissemblables pour que les noirs leurs donnent absolument un même nom, puisque l'une à pour fruit une baie et l’autre un double folli- cule ; c'est là un caractère trop visible et trop frap- pant pour que des indisènes mêmes n’en tiennent pas compile. Si nous admettons qu'il y a plusieurs vahy, c'est plutôt parce que nous avons reçu dernièrement, sous le nom de piravahy, une liane que nous avons démontré ne pas être le Landolphia madagasrariensis. En réalité, vous aurions même tendance à croire qui n'y à pas véritablement de wahy, mais bien plutô 880 beaucoup de plantes variées auxquelles les Malgaches donnent ce nom, en y ajoutant un qualificatif distine- tif. Le nom de vahy indiquerait uniquement que la plante est grimpante : n'y a-t-il pas une légumineuse volubile appelée, dans l’île, par les indigènes voavahy? Nous iusistons sur ces détails parce que le travail de M. Grélot, qui est l'accumulation d'un grand nombre de faits, ne comporte pas d'autre analyse que celle que nous avons donnée en commencant. On ne peut que le signaler aux personnes — nombreuses aujourd’hui — que la question intéresse et même passionne, car elle se rapporte à l’une des branches les plus importantes de l'exploitation coloniale. Elles y trouveront beaucoup de renseignements intéressants, dont quelques-uns viennent compléter les ouvrages antérieurs, car chaque jour apporte sur le sujet quelques données nouvelles, à tel point qu'une publication qui date de six mois pré- sente des lacunes — et c’est le cas même déjà aujour- d'hui de la thèse dont nous parlons. Elles y trouveront également la description, non seulement des espèces reconnues comme caoutchoutifères, mais aussi de celles qui ont été signalées comme telles. M. Grélot en a peut-être même un peu exagéré le nombre, car beaucoup de celles qu'il cite sont certainement sans intérêt ; peu importe, si les clefs, d'emploi assez facile, qui y sont données peuvent aider quelquefois à la détermination sur place, et permettre ainsi de rectifier quelques-unes des erreurs, trop nombreuses, que les rapports locaux, faits presque toujours sans contrôle scientifique — faute de volumes dans le genre de celui de M. Grélot — contribuent à propager. HENRI JUNELLE, . Professeur-adjoint à la Faculté des Sciences de Marseille. 4 Sciences médicales Roger (H.), Professeur agrégé à la Faculté de méde- cine de Paris. — Introduction à l’étude de la Médecine. — 1 vol. in-12 de. pages. (Prix, cartonné : 6 fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 4899. Le livre de M. Roger porte un titre suggestif et il tient tout ce qu'il promet. L'auteur prend le Jeune étu- diant au seuil du temple de la Médecine et il lui en montre les harmonieuses proportions, l'élévation et la profondeur. vs : M. Roger à un rare lalent d'exposition : il sait être clair et concis; les questions les plus abstraites de la science contemporaine sont traitées avec cette netteté et cette simplicité que donne seule la pleine possession de son sujet. La lecture de ce livre est attrayante pour quiconque s'intéresse aux problèmes de la vie. Partant de ce principe, que la vie n'est que la réac- tion des cellules organiques contre les forces exté- rieures, l'auteur montre que l’état de santé confine par des transitions insensibles à l'état de maladie : la Phy- siologie, c'est-à-dire la connaissance de l'homme sain, est inséparable de la Pathologie, qui a pour objet l'étude de l’homme malade. Les actions extérieures sont le primum movens des réactions organiques qui consti- tuent la vie; celle-ci sera normale ou pathologique par une simple question de degré. M. Roger passe alors en revue toutes les causes exté- rieures qui influencent l'être vivant, et c’est Jà l’étiologie : agents mécaniques, physiques, chimiques, animés. Ces derniers ne sont autres que les microbes, et toute cette étude de l'étiologie et de la pathogénie des maladies infectieuses est faite par un homme à qui ces hautes questions sont familières. Après cette revision des causes étiologiques, arrive naturellement l'exposé des réactions organiques; cette partie du livre pourrait être intitulée : la lutte pour la vie, BIBLIOGRAPHIE —— ANALYSES ET INDEX | | | Les réactions nerveuses, les troubles de la nutrition | les auto-intoxications normales et pathologiques sont étudiés tour à tour; car, si la cause des maladies est. extérieure, leur évolution lient aux réactions cellu-" laires : ainsi se créent les affections organiques. Mais la fonction cellulaire, une fois déviée, l'organisme peu lransmettre à sa descendance ces aptitudes nouvelles, et ici se pose la double étude de la pathologie du fœtus et de l'hérédité. La pathologie du fœtus, abstraction faite des actions physiques, relève de l’intoxication et de l'infection, car le placenta peut, dans certaines conditions, laisser passer les poisons et les microbes: de là, les maladies congénilales dont les réalisations sont, suivant les cas, prochaines ou éloignées: l'hérédo-syphilis, par exem= ple, peut affecter ces deux modalités. L'hérédité proprement dite tient dans l'influence an= tagoniste des deux grandes lois de la conservation du type ancestral et de la loi d'évolution. Existe-t-il donc deux ordres de cellules? Les unes appartenant au plasma germinatif, qui seraient immortelles et assure- raientle maintien de l'espèce, et les autres, constituant le corps, qui seraient destinées à périr ? Or, l'ovule et le spermatozoïde représentent chacun une demi-cellule, et le développement n'est possible que quand la fusion est complète et la cellule entière reconstituée. Ainsi se mêlent les aplitudes des deux générateurs qui, soit qu’elles se fondent ou que les unes prédominent, con- stituent l'hérédité, L'hérédité s’opère donc par le père et par la mère : hérédité des troubles nutritifs qui donnent les dia- thèses, hérédité des intoxications et des infections dont le mécanisme est bien voisin, puisque, dans les deux” cas, il s'agit de poisons solubles; hérédité nerveuse; toutes ont pour origine la détermination fonctionnelle des cellules des procréateurs. M. Roger étudie alors les grands processus morbides, « l’inflammation, la Suppuration, la gangrène, les septi- cémies variées, puis lesinflammations spécifiques, dont la tuberculose est le type. Il note les conséquences orga- niques des maladies, les scléroses et toute la série des dégénérescences cellulaires. Mais, si les causes pathologiques sont extérieures et générales, s'il n'y a pas de maladies d'organes, mais bien des affections organiques, celles-ci, une fois réa- lisées, ne restent jamais locales, car c'est l'harmonie fonctionnelle qui constitue la santé. Et s'il était besoin de démontrer la solidarité, qui unit tous nos appareils, la pathologie s’en chargerait : ces répercussions fonc- tionnelles font l’objet d'un chapitre intitulé : Synergies . fonctionnelles et sympathies morbides. Cela nous amène à l'étude de l'évolution des mala- dies. Le jeune étudiant peut alors s’instruire au lit des malades. Cet examen du malade et l‘appiication à la clinique des procédés scientifiques sont établis avec la précision que donne seule la pratique hospitalière, et ils con- duisent naturellement à l'étude des méthodes générales de la Thérapeutique, qui est, ne craignons pas de le dire, le but et la fin de la Médecine. À notre époque, où dans certains milieux la Clinique semble en défaveur, je suis heureux de citer cette phrase de l’auteur : « Je ne puis admettre l’abdication de la Clinique devant le flot montant de la Bactériologie ». J'avais écrit moi-même :«I] n'ya pas de raison d’opposer l'antique Médecine à la nouvelle : il n°y à qu'une science médicale, basée sur l’observation séculaire des faits bio- logiques, et dont le génie de Pasteur a démesurément agrandi l'horizon, » Cette conformité de vue me rend plus sympathique l'œuvre de M. Roger, qui apporte à ce principe fonda- mental la sanction d’une autorité particulièrement compétente. D° P. Durrocu, Médecin des Hôpitaux. D CIO NN TS ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 881 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 6 Novembre 1899. 19 SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. E. Vallier montre que les formules qu'il à récemment communiquées sur la loi des pressions dans les bouches à feu permet- tent d'établir le tracé des freins hydrauliques dans des conditions de précision supérieures à celles actuelle- ment réalisées. Le travail du frein correspondant à la période de détente des gaz de la poudre après la sor- tie du projectile n'avait pas été mis en formules faute de données suffisantes sur les conditions du phéno- mène; cela est maintenant possible grâce aux tracés des pressions dus à l’auteur. 29 ScrencEs PHYSIQUES. — MM. Ch. Fabry, J. Macé de Lépinay et A. Pérot communiquent leurs der- nières recherches sur la masse du décimètre cube d’eau à 4°, Ils ont mesuré exactement, par des métho- des optiques différentielles, les dimensions et le volume d'un cube de quartz d'environ # centimètres de côté, puis la masse d’eau qu'il déplace (au moyen de sa masse et de sa densité). On en déduit que la masse du décimètre cube d’eau à 4 est de 1 kilogr. — 21 me£r 4 à quelques milligrammes près. — M. Alphonse Ber- get a enregistré, par l'intermédiaire d'un microphone, les battements de l’échappement d’un chronomètre sur un cylindre noirci en rotalion. Cette méthode supprime l'erreur personnelle dans l'observation du chronomètre ; elle permet d'employer, avec une précision aussi grande qu'on veut, la méthode des coïncidences à la comparaison du chronomètre avec une pendule. — M. et Me P. Curie ont constaté que les rayons émis par les matières fortement radioactives (polonium, radium), en agissant sur des substances inactives, peuvent leur communiquer la radioactivité, laquelle persiste pendant un temps assez long. Les auteurs ont reconnu que le phénomène n’est pas dû au transport de matière radioactive, sous forme de vapeurs ou de poussières, sur le corps inactif, mais qu'on est en pré- sence d’une véritable radioactivité induite. — M. H. Becquerel remarque que les observations précédentes n'ont pu être faites que grâce à l'énorme radioactivité des matières employées; dans ses études personnelles, la recherche du même phénomène sous l'influence de Vuranium n'avait pas donné des résultats. — M. Eug. Demarçay a examiné au spectroscope des échantillons de chlorure de baryum contenant du radium en pro- portions croissantes. A côté du spectre du baryum et de quelques raies faibles provenant d'impuretés, on trouve une série de raies nouvelles qui caractérisent le radium ; les plus fortes sont : À — 4.826,3; 4.683,0 ; 4.340,6; 3.814,7; 3.649,6. — M. P. de Heen, en élec- trisant un plateau de résine et en le saupoudrant de fleur de soufre, puis en disposant autour du plateau un ou plusieurs foyers d’ébranlement de l’éther (flammes, etes électriques), a reproduit les figures de Savart, telles qu’on les obtient généralement à l’aide de lames liquides. — M. Marcel Guichard a étudié les oxydes de molybdène qui se forment par l’action de l’anhy- dride molybdique sur le molybdate d’ammoniaque et dans l'électrolyse de l’anhydride molybdique fondu, et auxquels on altribuait des formules intermédiaires entre Mo0? et Mo0'. Il à constaté que les produits obtenus et convenablement purifiés ne sont autre chose que du bioxyde Mo0°. -- M. M. Berthelot expose ses recherches thermo-chimiques sur la diéthylène-diamine (pipérazine). On la trouve dans le commerce sous forme d’un hydrate, C'‘H'°Az°, 6H°0. Soumis à la dis- tillation, il passe d'abord de l’eau, puis l'hydrate, puis la base anhydre. La chaleur de dissolution dans l’eau de cette dernière est de 5,16 cal. Sa chaleur de forma- tion à l’état cristallisé est de 16,6 cal. et sa chaleur de combustion de 705,6 cal. Si l'on compare la diéthylène- diamine avec l'éthylène-diamine, on conslate que la transformation de la seconde dans la première dégage de la chaleur, tandis que l'introduction d'un groupe C?4° dans les autres corps absorbe généralement de la chaleur. La différence est due évidemment à une con- densation du carbone, donnant lieu à une saturation iuterne. Enfin, l’auteur donne les chaleurs de formation des chlorhydrates de pipérazine. — M. M. Berthelot rappelle que la chaleur dégagée pendant la neutralisa- tion d’un acide fort monovalent par les monoamines est à peu près proportionnelle à la dose progressive de cet acide; paur les polyamines, au contraire, les valen- ces successives correspondent à des caaleurs de neu- tralisation très inégales. Il en‘déduit une méthode pour le dosage des diamines, basée sur l'emploi de carbures colorants : la phtaléine, qui vire lorsque la première basicité de la diamine est neutralisée, et le méthyl- orange qui accuse la double basicité. Les poids de base calculés d’après les deux titrages donnent des résultats concordants. — M. Armand Gautier prépare le glyco- gène en épuisant par l’eau bouillante la matière pre- mière, divisée puis broyée. Dans la liqueur obtenue et filtrée, on précipite la presque totalité des corps azotés par l’acétate de mercure; après une nouvelle filtration, on précipite le glycogène par l’alcool et on le purifie par divers procédés. Cette méthode de préparation est en même temps une méthode de dosage, car tout le glycogène est obtenu. Il contient de { ‘/, à 5 °/, d’eau suivant sa provenance. Chauffé en autoclave en pré- sence d'un acide pendant plusieurs heures, il se trans- forme en un mélange de sucres réducteurs ; le pouvoir réducteur varie aussi suivant la provenance. — M. Georges Lemoine a étudié la transformation du styrolène en métastyrolène sous l'influence de la lumière solaire directe. Comme dans le cas du mélange d'acide oxalique et de chlorure ferrique, les expérien- ces montrent que le rôle principal de la lumière est d'accélérer une transformation exotherinique qui se serait produite dans l’obscurité à la même température mais beaucoup plus lentement. — MM. Charles et Georges Tanret ont étudié le premier produit de l'hydrolyse de la xanthorhamnine, glucoside des fruits du Rhamnus infectoria. On l’obtient par l’action du fer- ment rhamnase; c’est un sucre, de formule C!H*0*", appelé rhamninose. Il est hydrolysé par les acides éten- dus et donne du rhamnose et du galactose. Il est réduit par l’amalgame de sodium en un sucre plus réduc- teur, la rhamminite, C:8H%O!*, qui peut s'hydrolyser en dulcite et rhamnose. L'oxydation du rhamninose par le brome donneunacide rhamninotrionique. —M. Eugène Charabot a étudié le développement progressif de l'essence de bergamote dans les fruits du Citrus berga- mia. Pendant la maturation, la proportion des acides libres diminue légèrement; la proportion d’'acétate de linalyle augmente d’une facon très sensible; la richesse totale de l'essence en linalol diminue; enfin la portion terpénique augmente, les proportions relatives de ses constituants (limonène et dipentène) restant cons- tantes. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. E. Wertheimer et L: Lepage exposent leurs recherches sur l'innervation sécrétoire du pancréas. Ils ont vu le pancréas, isolé de toute connexion non seulement avec le système ner- veux cérébro-spinal, mais aussi avec les centres abdo- 882 minaux du sympathique, obéir encore à une excilation dont le caractère réflexe n'est pas douteux, puisque l'introduction d'acide dans le duodénum ne peut agir qu'à dislance sur la cellule glandulaire. Il faut done que les centres sécrétoires aient leur siège, soit dans le duodénuu, soit dans le pancréas lui-même, — M. Louis Mangin a étudié une nouvelle maladie des OEillets, qu'on observe en Provence, et qui est caractérisée par la dé- composition de la base de la tige et le flétrissement des feuilles. Dans les parties infectées, on rencontre des Champignons variés, des Bactéries et des Anguillules. Mais il est probable que l'agent destructeur est consti. tué par un mycélium polymorphe, portant des fructifi- calions intermédiaires entre les Cercosporella ét les Cylindrophora. La maladie semble se propager par le bouturase. — M. Matteucci a examiné récemment l'état des principaux volcans de l'Europe méridionale. Au Vésuve, l'activité strombolienne du cratère termi- nal marchait de pair avec un épanchement latéral de laves ; cet écoulement vient de cesser, mais il n’e-t pas impossible qu'il recommence. L'Etna, en repos depuis 1592, vient de présenter de fortes explosions et semble se préparer à un afflux lavique. Vulcano traverse une de ses phases solfatariennes habituelles. Stromboli conserve son activité explosive normale, avec un léger accroi-sement. Santorin, après trente années d’émis- sions gazeuses, semble se préparer à reproduire l'impo- sant spectacle de flammes et d'explosions qu'il a déjà donné dans la mer gée. Séance du 13 Novembre 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. C. Guichard étudie les congruences de cercles et de sphères qui inter- viennent dans l'étude des systèmes orthogonaux et des systèmes cycliques. Il démontre le théoreme suivant : Si une sphère S décrit une congruence, le cercle C qui a pour pôles les points A et A! où la sphère S touche son enveloppe décrit aussi une congruence. — M. Paul Painlevé expose ses recherches sur la question sui- vante : étant donnée une équation dY TUNER q me = R (9x2), reconnaitre si elle à ses points critiques fixes, el (quand il en est ainsi) l'intégrer ou la ramener à un type canonique irréductible. L'auteur ramène toutes les équations de la forme (1) à 23 types, dont 5 seuls sont irréductibles. — M. H. Padé généralise les développe- ments en fractions continues, donnés par Gauss et par Euler, de la fonction (1 + x)". 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Sagnac fait connaître une nouyelle manière de considérer la propagation des vibrations lumineuses à travers la matiere. Il suppose que les vibrations se propagent à l'intérieur d'un Corps par l'intermédiaire d'un milieu identique à l’éther du vide. Il w’envisage pas de réactions mécaniques entre l'éther et la matière : enfin, il {ait intervenir directe- ment la discontinuité de la matière suivant un méca- nisme principalement cinémalique. Cette nouvelle conception permet de traiter avec précision: et simpli- cilé des problèmes liés actuellement à des considéra- tions dynamiques complexes. - M. F. Gaud présente les résultats qu'il a obtenus dans l'étude spectrophoto- métrique des lumières électriques à incandescence et à arc comparées à la lumière solaire. Ces données ont été oblenues en décomposant chacune des lumières par des écrans de couleurs homogènés et appréciant l'intensité des faisceaux transmis au moyen d'un simple appareil photométrique de Foucault où Bunsen. — MS. Curie a retiré des résidus de minerai d’urane une certaine quantité de chlorure de baryum mélangé d'une substance fortement radio-active. Par des cris- lallisations et des précipitations fractionnées, elle a concentré la subslance radio-aciive et observé en même temps que le poids atomique augmentait pro- gressivement jusqu'à 145,8 (Ba—138). Ces expériences ACADÉMIES ET SOCIËTÉS SAVANTES MOTS FIRE et confirment l'existence du nouvel radium et montrent qu'il possède un poids atomique plus élevé que le baryum. — M. A. Jaboin a préparé au four électrique, en réduisant par le charbon les phosphates correspondants, les phosphures de stron- üum et de baryum cristallisés, dont les formules sont respectivement P?Sré et P'Bas, Ces corps, très stables, qui jouissent d'une grande activité chimique, ont la propriété de décomposer l’eau à la température ordi- naire en donnant de l'hydrogène phosphoré et de lhydrale de strontiane ou de baryte. — M. M. Ber- thelot signale une petite rectification relative à sa pré- cédente communication sur les diamines. — MM. W.- J. Pope et S-J. Peachey, en traitant l'iodure d'«-benzylphénylallyIméthylammonium par le dextro- camphorosulfonate d'argent, ont obtenu un mélange de deux dextro‘amphorosulfonates Az (C7H7. CSH$. C°H°. CH°) CH '5OSO®, droite et gauche, séparables par cristallisation fractionnée; c’est là un nouvel exemple de composés actifs formés par l'association autour de l'azote de quatre radicaux inactifs différents et une. confirmation des vues de Le Bel sur la stéréochimie de l'azote. — M. Ch. Marie propose de doser le phos- phore dans les composés organiques en oxydant ces derniers par le perimanganate de potasse en solution nitrique. Après avoir éloigné l'excès d'acide azolique, on precipite l’acide phosphorique par la solution mo- lybdique et on continue par le procédé ordinaire. Cette méthode donne d'excellents résultats et simplifiera l'analyse des glycérophosphates. — M. P. Bourcet à déterminé la quantité d'iode absorbée par un certain nombre de végétaux, en cultivant ceux-ci dans des ter- rains renfermant une proportion égale de ce métalloide. Il a constaté que les Liliacées et les Chénopodées accu- mulent beaucoup plus d'iode (0,38 à 0,9% mer. par kgr. de plante) que les Solanées ou les Ombellifères (0 à 0.14 mgr. par kgr.). Û 3° SCIENCES NATURELLES. — M. N. Gréhant, à l'aide d'une sonde æsophagienne, a injecté dans l'estomac de quelques chiens de grandes quantités d'alcool et à mesuré ensuite la proportion de ce corps absorbée par les différents organes. A partir d'une heure et demie après l'injection dans l'estomac et Jusqu'à quatre heures après, la proportion d'alcool dans le sang est constante et évale à Oce.57 par 100 ce. ; c'est la période d'ivresse profonde; puis elle diminue jusqu’à dispa- raître. Les autres organes contiennent, après trois. heures, les proportions suivantes d'alcool : cerveau, 0 cc. #1 pour 100 grammes; muscles, 0 ce. 33; foie, 0 cc. 325; reins, 0 ce. 39. — MM. E. Hédon et J.Arrous ont étudié les relations entre les actions diurétiques et les propriétés osmotiques des sucres en injection intra- veineuse. L'activité diurétique des sucres croît en raison directe de leur tension osmotique et en raison inverse de leurs poids moléculaires. La toxicité des sucres parait aussi, d’une manière générale, en rapport avec leur poids moléculaire, de telle sorte que les plus diu- rétiques sont aussi les plus toxiques. — MM. Ch. Achard et A. Clerc ont déterminé le pouvoir lipasique du sérum (pouvoir de saponilicalion des graisses) dans divers cas patholosiques. Si l’on admet que l’activité lipasique normale (ortholipasie) est représentée par un chiffre allant de 15 à 20, on constate qu'il y a hyperli- pasie chez les diabétiques, les obèses, les myxædéma- teux. Il ÿ à ortholipasie dans un certain nombre d’af- fections aiguës et chroniques n'ayant pas présenté une grande gravité. Il y a eu hypolipasie pour les mêmes affections, lorsqu'elles ont été mortelles à brève échéance. La diminution extrême du pouvoir lipasique peut donc être tenue pour un signe de fâcheux augure. — MM. M. Caullery et F. Mesnil ont étudié la mor- phologie et l'inversion sexuelle d’un Epicaride parasite des Balanes (Hemioniscus balani Buchholtz). Les pre- miers, ils apportent une preuve positive indiscutable de l’hermaphrodisme de ces êtres; ils ont, en effet, observé la série complète des stades de transformation depuis le mâle jusqu'à la femelle adulte. Le développe- élément appelé l ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 883 ment de la chambre incubatrice présente aussi des phénomènes intéressants. — MM. Prillieux et Dela- croix out observé la maladie qui ravage les cultures d'œillets dans la région d'Antibes et confirment les résultats des recherches dé M. Mangin. Ils attribuent aussi la maladie à la forme mycélienne polymorphique signalée par M. Mangin. Ils ont observé trois formes de fructifications conidiennes : conidies hyalines, aiguës aux deux bouts; conidies hyalines, à extrémités arron- dies; chlamydospores globuleuses; mais ils n’ont pas obtenu la forme ascospore. Ils désignent le parasite sous le nom de Fusurium Dianthinov. sp. — MM. Gr. Coua- non, J. Michon et E. Salomon ont fait de nouvelles expériences sur la désinfection antiphylloxérique des plants de vignes. Ils ont constaté qu'une immersion dans l’eau chaude à 53°, pendant cinq minutes, est.un moyen pratique et économique pour désinfecter des plants de vignes quelconques, racinés où non racinés. Insectes et œufs sont tués et les plants vivent et vé- gètent normalement. — M. L. Maquenne à déterminé la quantité d’eau qui se trouve dans des graines pla- cées dans différentes conditions de température el d'humidité. Le résultat le conduit à envisager les graines comme de simples corps hygroscopiques inerles, se mettant en équilibre d'humidité avec le milieu dans lequel elles se trouvent. — M. F. Wallerant expose ses idées sur l'origine de la symétrie dans les corps cristallisés et du polymorphisme. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 31 Octobre 1899. M. Hervieux, à l’occasion du procès-verbal de la pré- cédente séance, fait remarquer que les conclusions de M. Loir, tendant à ce qu'on s'abstienne de vacciner dans les pays chauds pendant l'été, sont trop absolues. Agir ainsi serait ouvrir la porte toute grande à la va- riole et à la variolisation. — M.Bourquelot présente le rapport sur le concours du Prix Nativelle. — M. Ribe- mont-Dessaignes lit un rapport sur le concours du Prix Capuron. — M. Armand Gautier donne quelques renseignements sur les préparations cacodyliques et leur mode d'administration. En règle générale, l'acide cacodylique doit être prescrit à l’état de cacodylates. neutres de soude ou de chaux, employés purs et en injections hypodermiques, à des doses pouvant varier de 0 gr. 05 à 0 er. 15 d'acide cacodylique par jour. — M. le D° Tuffier lit un travail sur l'extraction des projectiles intra-craniens déterminés par l'appareil de Contremou- lins. — M. le D' Boinet donne lecture d’un mémoire sur la chorée préparalytique. — M. M. de Fleury lit un travail sur la petile urémie nerveuse. Séance du 7 Novembre 1899. M. Delorme lit un rapport sur le concours pour le Prix Laborie. — M. Ch. Monod présente le rapport sur le concours du Prix d'Argenteuil. — M. Landouzy lit le rapport sur le concours pour le Prix de la fondation Monbinne. — M. Roux donne lecture d’un rapport sur les ouvrages présentés pour le concours du Prix Audif- fred.— M. C. Gariel présente le rapport sur le concours du Prix Buignet. — M. Ed. Kœnig donne lecture d’un mémoire sur les complications orbitaires provenant de l'inflammation des cellules ethmoïdales. — M. Chiaïs lit un travail sur les variations qualitatives et quantita- tives de la vapeur d’eau à Paris. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 28 Octobre 1899. M. G.-H. Lemoine a trouvé, dans treize cas de dy- senterie, le bacille décrit par M. Roger. En injections intra-péritonéales, il tue rapidement le lapin, le cobaye et le chat. L'ingestion de cultures produit également une diarrhée intense et la mort au bout de dix jours à “n mois. — MM. Gilbert et Castaigne ont observé, dans la colique hépatique, un phénoméne d'iuh]ition des fonctions du foie, se traduisant par de la glyco- surie.— M. Delezenne, poursuivant ses recherches sur les substances anticoagulantes, montrent que celles-ci doivent localiser leur action sur le globule blanc. — MM. S. Arloing et Dumarest combattent l'hypothèse d'un prétendu antagonisme entre la fievre typhoïde et la tuberculose. L'immunisation typhique du cobaye n'empêche nullement l'infection par le barille de Koch. —M. Pinoy a infecté, par le bacille de Koch, la glande sous-maxillaire d'un chien en injectant la culture dans le parenchyme glaudulaire et en supprimaut par l'atro- pine la sécrétion salivaire pour permettre l'infection par voie ascendante canaliculaire. — M. Lépive à ob- servé, chez des chiens possédant des lésions du cer- veau, une hyperthermie du pancréas; chez d'autres chiens, présentant diverses intoxications, la lempéra- ture du pancréas était, au contraire, inférieure à celle du rectum. — MM. Bacaloglu ct Fossard ont observé deux cas de pseudohermaphrodisme. — M. Laguesse expose ses recherches sur l'origine du zymogène, qui naitrait du protoplasma cellulaire de la cellule pan- créatique. Séance du 4 Novembre 1899. M. C. Phisalix a constaté qu'un chien fortement vacciné contre l’action anticoagulante du venin ne l'est pas contre la peptone. Inversement, la p-ptone inoculée préventivement au lapin ne le vaccine pas contre les coagulations intra-vasculaires produites par le venin. On en conclut que ces substances ne sont pas anti-coagulantes par le même mécanisme. — MM. de Grandmaison et Cartier ont observé une jeune accouchée ayant succombé à la seplicémie. Le sang contenait le bacille d'Eberth pur; la pulpe du rein, de la rate, du foie ont également donné des cultures du bacille. L'infection sanguine parait s'être faite par la plaie utérine. — MM. Maurel et Lagriffe ont observé l'effet des températures sur la vie des poissons. Les chondrostomes, tanches, gardons, goujons et congres ne sauraient vivre dans une eau au-dessus de + 33° ou au-dessous de 2. La mort au delà de ces tempé- ralures parait due à une modification physique des éléments histologiques. — M. Marchoux à observé au Sénégal un grand nombre de cas de dysenterie et a toujours trouvé les amibes déjà décrits. Les injections aux chats des déjections dysentériques reproduisent la maladie avec abcès du foie et ulcérations intestinales. — M. Manuelian envoie un travail sur les cellules du lobe optique des oiseaux. — M. Bohn expose ses re- cherches sur l’intexication des êtres inférieurs par l’ammoniaque. : SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 3 Novembre 1899. M. H. Pellat expose, d'après une communication faite par M. Blaserna au Congrès des Electriciens de Côme, les recherches de M. Folgerhaïter sur les varit- tions de l'inclinaison magnétique en Italie depuis l'anti- quité. Les briques et poteries ferrugineuses prennent, au moment de la cuisson, une aimautalion qu'elles gardent indéfiniment. M. Folgerhaiter a constaté que les briques d'un mur construit par les Romains présen- taient des aimantations{rès différentes, malgré la régu- larité de leur disposition; l'aimantation a donc été prise dans le four à cuire. Par contre, des poteries, dont la forme verticale indique avec certitude la posi- tion qu'elles ont dû occuper pendant la cuisson, ont conservé une aimantation qui est la même pour fous les vases de même époque et de même forme. En fai- sant cuire des vases semblables à ceux qui ont été conservés, dans des positions variables, on peut arriver à déterminer une relation entre l'incliuaison de l’ai- guille aimantée et celle de la ligne neutre des poteries et résoudre ensuite le problème inverse. Parmi les vases étudiés par M. Folgerhaiter, les plus anciens © e 2] tres remontent au vin siècle avant J.-C. :ils sont au nombre de 26; l’inclinaison était négative à cette époque, sa valeur était de 5° environ. Sur 93 vases des vue, vi et v° siècles avant J.-C., l'inclinaison passe du négalif au positif; au vi® siècle, l'équateur magnétique traversait l'Italie. Cent ans avant J.-C., l’inclinaison était boréale et presque aussi grande qu'actuellement (58°); cent ans après, elle atteignait 66°; elle a donc passé par un maximum. Ces faits semblent contredire absolument les théories qui considèrent l'équateur maguétique comme grossièrement coincidant avec l'équateur géographique. — M. Abraham expose les recherches qu'il a faites, en commun avec M. Lemoine, sur le phénuméne de Kerr. Dans ces expériences, le faisceau elliptique sortant du condensateur a été étudié par la méthode photométrique : entre l’analyseur et le condensateur on place un prisme biréfringent, orienté parallèlement au nicol polariseur; l'analyseur et ‘le polariseur sont croisés, ce qui produit l'extinction des deux images. L'une d'elles reparaït quand on chargele condensateur; on tourne l’analyseur dans un sens et dans l'autre jusqu'à voir les deux images avec la même intensité; l'angle d'écart mesure directement la différence de phase des deux composantes du rayon immergent. On peut montrer le phénomène de Kerr avec de l’eau distillée sans aucune précaution; les deux pôles d’un transformateur (bobine de Rubm- korff) sont reliés à l'appareil de Kerr par l'intermé- diaire de deux condensateurs en cascade; pendant la 500 du condensateur de Kerr sont au même potentiel; pen- dant la décharge, qui se fait par une étincelle en déri- vation sur les bornes du transformateur, la différence du potentiel moute très brusquement, puis descend lentement par suite de la conductibilité de l’eau. Les recherches avaient pour but de déterminer au bout de combien de temps le phénomène de Kerr disparait quand on supprime le champ électrique ; M. Bichat et M. Blondlot ont étudié la question à l'aide d’un miroir charge, qui dure de seconde, les deux armatures tournant et sont arrivés à la limite de de se- 1 40.000 conde. Ce nombre indique la limite de sensibilité de la méthode du miroir tournant; on peut aller beau- coup plus loin en mesurant l’espace parcouru par la lumière dans l'intervalle très court qu'il s’agit d’éva- [l 300.000 .000 4 mètre, tandis qu'avec un miroir faisant 1.000 tours par seconde, un point lumineux distant de 5 mètres ferait 60 kilomètres par seconde et dans la fraction de seconde indiquée 0,2m"®, Dans les expériences, qui portent sur les liquides bien isolants, la bobine est fer- mée directement sur le condensateur, qui est déchargé par les étincelles, lesquelles servent de source lumi- neuse. La lumière, réfléchie par quatre miroirs, dé- crit, avant d'atteindre le condensateur, un trajet va- riable; si la durée de ce trajet est assez longue, il arrivera, que le phénomène, qui a commencé à dé- croître au moment où l’étincelle a jailli, ne soit plus observable. On observe les rotalions suivantes pour diverses valeurs du trajet : luer; en de seconde la lumière parcourt 20cm 100cm (10,3 80,7 00cm << 00,5 ; au delà de 400 centimètres, on observe indéfiniment un phénomène non mesurable. Au bout du temps que met la lumière à parcourir 180 centimètres, le phénomène est notablement réduit. Ainsi le phénomène de Kerr, une fois établi, peut disparaître en un temps extrê- mement court, inférieur à un quatre cent millionième en de seconde; il est bien peu vraisem- blable qu'il soit dù à une déformation élastique, le ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES chemin parcouru par une onde pendant ce temps étant de l'ordre du micron. C’est un phénomène élec- trique, qui pourra servir à l'étude des ondes électro- magnétiques. C.. RAvEaAuU. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES F. C. Penrose : Sur l'orientation des temples grecs, d’après des observations faites en Grèce et en Sicile. — L'orientation du temple de Cabéirion, près de Thèbes, dont l’angle avait été discuté, a été de nouveau mesurée au théodolithe, et les résultats antérieurs de l’auteur confirmés. Un exemple analogue est donné par le temple archaïque de Neptune dans l'ile de Paros, où l'on a employé la brillante étoile zodiacale Régulus. En Sicile, la re-examination des temples de Girgenti a permis de préciser quelques éléments de détail; la date d'orientation du temple de Juno Lacinia est reportée à la période de colonisation hellénique de cette ville. À Le point le plus intéressant concerne les deux temples athéniens Theseum et Erechtheum; l’auteur montre que les jours des mois dans lesquels le lever du soleil, précédé par l'étoile, illuminait le sanctuaire, coïincidaient exactement, dans certaines années du cycle météonique, avec les jours des mois lunaires athéniens dans lesquels trois fêtes importantes, en relation au mois avec un de ces temples, étaient données. Les années ainsi déterminées concordent remarquablement avec les dates probables de la dé- dicace de ces temples. 20 SCIENCES NATURELLES R. C. Punnett : Sur la formation du plexus pelvique, avec référence spéciale au collecteur nerveux, dans le genre Mustelus. — Le principal objet de cette recherche était de déterminer si, à une période quelconque du développement de l'animal sé- lectionné, le nombre des branches composant le col- lecteur nerveux est plus grand qu’à la période adulte. On peut supposer, comme une conséquence logique de la théorie de Gegenbaur, qu'il en est bien ainsi, et l'histoire ontogénique du collecteur nerveux exposée ici, son développement maximum dans les jeunes embryons, et sa diminution graduelle subséquente dans les âges avaucés de l'existence embryonnaire conduisant à sa condition adulte, doivent correspondre à son caractère primitif s’il y a quelque chose de vrai dans la théorie de la récapitulation. L'histoire du collecteur postérieur, dont la vraie existence n'avait pas été décrite jusqu'à présent, jette une lumière considérable sur la théorie ci-dessus mentionnée. Nous avons ici un collecteur formé dans l'embryon et dont, plus tard, les nerfs composants se séparent pour courir séparément jusqu'à la na- geoire. Ce fait montre clairement que la condition du collecteur est plus primitive que la condition dans laquelle les nerfs l’atteignent sans effectuer d'abord aucune jonction les uns avec les autres. L'auteur montre que la formation de ce collecteur est due à la migration de la nageoire rostrale entière, et non à une contraction de l’aire caudale, comme on le voit par le fait suivant : les deux espèces Mustelus lævis et M. vulgaris diffèrent l’une de l’autre surtout par la position plus rostrale de la ceinture pelvique du dernier. Il est très improbable que cette condition provienne de l’excalation des vertèbres entre le pelvis et la région antérieure du M. lævis, à cause des deux faits suivants : a) La grande quantité d’excalations et d'intercalations qui auraient lieu dans différentes parties de l'animal par suite d’une telle hypothèse ; b) Dans plusieurs cas, le nerf de la ceinture peut passer en partie au-dessus, en partie au travers de celle-ci en ne montrant pas cette rigidité qu'on pourrait supposer d'après la théorie de l'excalation; c) Le ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 885 nombre sérial du nerf de la ceinture peut être différent des deux cotés du même individu. Dans l'hypothèse de la migration, les faits reçoivent une explication facile qui est aussi d'accord avec l'existence d’une plus grande extension caudale de l'aire d'innervation de la nageoire pelvique dans les mâles que daus les femelles de M. laevis et avec la varia- bilité de M. lævis, dont les espèces doivent être dérivées d'une forme plus stable, comme le M. vulgaris, par une migration rostrale de la ceinture pelvique. Comme la migration est rendue très probable par d'autres raisons encore, le collecteur postérieur doit être considéré comme un résultat direct de cette migration, et sa connexion non douteuse avec le changement de la nageoire le long de la colonne vertébrale est d’une grande importance en expliquant la formation du collecteur nerveux antérieur. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 18 Novembre 1899. M. F. S. Spiers lit un mémoire sur l'électricité de contact. Le but de ses recherches a été de déterminer d’une façon plus satisfaisante que précédemment le rôle joué par le milieu dans la différence de potentiel qui se produit quand deux métaux dissemblables sont placés en contact. Les premières expériences ont été effectuées avec l’appareil d'Ayrton et Perry, dans lequel les mélaux en contact sont capables d'une rotation de 180° autour d'un axe vertical et placés entre deux inducteurs verticaux reliés à un électromètre à qua- drants ; l’auteur y a introduit l’arrangement de com- peusation de Lord Kelvin, de facon à mesurer les diffé- rences de potentiel par la méthode du zéro. Les métaux employés ont été le platine et l'aluminium. Dans le but d'enlever les couches d’air adhérentes aux surfaces des métaux, le tube qui contient ces derniers a élé plu- sieurs fois chauffé et vidé d’air; pendant ces opéra- tions on observe que la différence de potentiel entre les plaques diminue graduellement. Cet effet est dû à l'oxydation de l'aluminium, car, en polissant la sur- face, on oblient de nouveau les différences originales. L'auteur a cherché à enlever l'oxygène en le déplacant par de l'hydrogène. Mais, après quatre lavages avec du gaz pur et sec à basse pression, il restait encore assez d'oxygène pour oxyder complètement l'alumi- nium; même au rouge l’oxyde d'aluminium n'est pas décomposé par l'hydrogène. L'auteur a alors substitué le fer à l'aluminium et brûlé tout l'oxygène avec de l'hydrogène en enfermant la partie inférieure de l’ap- pareil dans un tube de cuivre et en chauffant au cha- lumeau. Par cette méthode, la valeur de l'effet Volta entre le fer et le platine dans une atmosphère d'hy- drogène a été trouvée égale à 0,6 volt, le platine étant positif. Ce résultat diffère en grandeur et en signe de celui obtenu en prenant l'air comme milieu. M. O. Lodge, qui s’est beaucoup occupé de l'électricité de contact, considère comme remarquables les expériences de l’auteur, Il à toujours reconnu qu'il était impos- sible de se débarrasser par le vide des couches d'air adhérentes aux surfaces; le procédé de combustion est le seul qui résolve complètement la question. M. Lehfeldt rappelle que l’action de l'hydrogène sur l’'oxyde ferrique est limitée et qu'il est impossible d’ar- river à une désoxydation complète par ce moyen. M. Armstrong pense qu'un grand pas a été fait vers la solution du problème, mais n'est pas complètement satisfait par les résultats, L'auteur ne s’est pas gardé vis-à-vis de l'humidité. Les gaz doivent être à la fois impurs et humides avant qu'une action chimique se produise, et on ne pourra pas arriver à une solution du probléme avant d'avoir chassé non seulement l'oxygène, mais encore les impuretés et l'humidité qui l'accom- pagnent. Il est impossible de faire le vide complet dans l'appareil, et il reste toujours un nombre de molécules plus que suffisant pour produire l'effet Volta, La mé- thode de Dewar, basée sur l'emploi de l'oxygène ou de l'hydrogène liquides, permeltrait de se débarrasser des gaz et de la vapeur d’eau, et d'exécuter des expé- riences absolument concluantes; mais le phénomène pourrait disparaitre aux basses températures. L'auteur s'est peut-être aussi trouvé en présence d'effets de combinaison, car il est prouvé que l'hydrogène s'allie au platine et au fer au rouge sombre. M. $. P. Thomp- son rappelle les arguments des partisans de la vieille théorie du contact. Ils prétendent que la propriété des mélaux qui détermine la différence de potentiel quand ils sont mis en contact est aussi fixe et définie que les autres propriétés physiques, comme la densité, et que la différence de potentiel apparente observée dans l'air est à peu près la même que la différence vraie. D'après Pellat, l'effet Volta réel est voisin de l'effet observé dans l'air. La valeur de l'effet Volta dérivée de consi- dérations thermodynamiques concernaut l'effet Pellier est beaucoup plus petite que les différences de potentiel d'ordre chimique, qui sont de l’ordre du volt. M. Perry croit que l'effet Pellier n'est pas distinct de l'effet Volta; il n'en est que le coefficient différentiel. M. O. Lodge dit que si un cireuit contenant l'effet Pellier est traité thermodynamiquement, comme s'il était une machine à feu réversible, on arrive à une équation reliant la valeur des effets Peltier avec le degré de variation de la force électromotrice tolale dans le circuit avec la température. La force électromotrice qui varie n’est pas nécessairement l'effet Volta M. Perry croit que si. M. Ayrton pense que l'étendue de l'effet Peltier prouve la variation de l'effet Volla avec la température ; mais, si celle-ci est faible, il ne s'ensuit pas nécessairement que l'effet Volta soit faible. On n'arrivera d’ailleurs probablement pas à décider entre les deux théories avant d'avoir réalisé une variation cyclique des phéno- mènes, c’est-à-dire avant d'avoir pu faire varier les surfaces et le milieu d’une facon parfaitement définie afin d'être capable de revenir à l'état primordial. M. O. Lodge désirerait également voir exécuter des expériences de cette nature. La difficulté est d'éviter l'action chimique; celle-ci n’est pas nécessaire pour obtenir l'effet Volta, M. Spiers répond à M. Lehfeldt qu'il avait, dans ses expériences, très peu d'oxyde ferrique et beaucoup d'hydrogène, de sorte que la presque totalité de l'oxyde a été décomposée. II compte poursuivre ses expériences en tenant compte des re- marques qui ont été présentées. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Communications reçues pendant les vacances. MM. William A. Bone et Charles H. G. Sprankling exposent les méthodes de préparation des acides sucei- niques alcoyl substitués. Ceux-ci s'obtiennent très faci- lement à partir des cyanosuccinates d’éthyle, obtenus par l'action des cyanacétates d'éthyle sur les éthers des acides gras a-bromés. — M. Francis E. Francis a fait réagir la benzalaniline sur la dibenzylkétone et a oblenu trois produits isomères, suivant les équations de R. Schiff. La desoxybenzoïine, traitée de la même facon, donne trois substances analogues, plus une qua- trième, moins soluble et possédant un point de fusion plus élevé. — Mile Emily C. Fortey a éludié l’action de la lumière et de l'oxygène sur la dibenzylcétone. A l'air et sous l'action du soleil, elle se décompose en ben- zaldéhyde, acide benzoïque et acide phénylacétique. En tube scellé et en présence d'oxygène, elle donne de l’oxyde de carbone, du toluène et une substance de formule C!:5H#0. M. Sidney Young et Ml: E,. C. Fortey ont retiré par distillation fractionnée l’hexamé- thylène du pétrole de Galicie’ et l'ont obtenu sous forme d’un liquide se solidifiant à 4°,7. Ils en ont dé- terminé la densité (0,79675), le point d'ébullition (800,9) et les constantes critiques. — MM. W. R. Langet Albert Rigaut ont déterminé la composition et es tensions de dissociation des chlorures de cadmium ammouiacaux. Par l’action de l’ammoniaque liquide à — 10°, on obtient le corps CdCP®, 6AzH*. Chauffé à 100°, 886 ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES il se décompose en donnant le corps GdCP,2AzH°, très stable, ne commencant à se dissocier qu'au-dessus de 2100. L'étude des tensions de dissociation montre que le cnmposé hexammoniacal ne peut exister au-dessus de 60°: les composés penta, tétra et triammoniacaux doivent done se former entre 60 et 100°. — MM. Ju- lius B. Cohen et Frederik B. Skirrow ont constaté que le couple aluminium-mercure est un bon agent de condensation. En sa présence, le chlorure de soufre S2CE réagit énergiquement sur les hydrocarbures aro- matiques en les transformant en disulfures. On obtient ainsi les disulfures de diphénylène C‘H#:S?:C°H", de di- toluylène. La distillation de ces disulfures donne séné- ralement lieu à la production de sulfhydrates : sulfhy- drate de cumène CH'SH, etc. — MM. Julius B. Cohen et Henry D. Dakin ont employé le couple aluminium- mercure comme agent d'halogénation. Avec le brome, ils ont obtenu très facilement des produits de sub-titu- tion des hydrocarbures aromatiques et des paraffines : bromo-benzène, bromo toluène, bromo-méta-xylène, chloro-bromobenzène, bromure d'heptyle, tétrabromo- heptane, etc., ete. — MM. W. H. Perkin junior et Jo- celyn Field Thorpe, dans le but de faire la synthèse de l'acide isocamphoronique, ont fail réagir le dérivé sodé du cyanodiméthylglutarate d’éthyle sur le broma- cétate d’éthyle et ont obtenu le cyanodiméthylbuta- netricarbox; late d’éthyle : C211°COZ.C(CAz).C/CHS2. CH? | CHE.CO?C°H° docs Ce dernier, hydrolysé par l'acide sulfurique, produit l’a- cide diméthylbutanetricarboxylique (CO*H).CH?.C(CH°)°. CH(CO®H)CH2.CO°H et non l'acide isocamphoronique. Cet acide, en effet, n'a pu être cristallisé; il donre un anhydro-acide. — MM. Jocelyn Field Thorpe et Wil- liam Udall , en faisant digérer le cinnamate d'éthyle avec le cyanacétate d'éthyle sodé, ont obtenu le phényl- cyanoglutarate d'éthyle sodé : CO?(C*H°).CH°.CH (C°H°). CNa(CAz).CO*C?H5. Celui-ci se combine avec le broma- cétate d'éthyle pour former le phényleyanobutanetri- carboxylate d'éthyle CO?(C*H°). CH? CH(C'H5). G(CAz) (CO2C2H°).CH2.CO?C#H5). Cet éther, par hydrolyse, est transformé en un mélange des acides cis et trans- phénylbutanetricarboxyliques : CO*H.CH*.CH(C°H*).CH (CO®H).CH?.COH; on les sépare par cristallisation frac- tionnée. Ces deux acides, traités par le chlorure d'acé- tate, donnent le même anhydro-acide. — MM. Sieg- fried Ruhemann et Alfred Cunnington ont montré que les sels éthyliques des acides non saturés se com- binent avec la pipéridine; dans le cas du phényl- propiolate d’étyle surtout, cette union à lieu avec un grand dégasement de chaleur. 11 en est de même avec la benzamidine, qui forme un composé cyclique, la | benzalphénylglyoxalidone : CSH5.CH : C — CO C‘HS.CH :C — CO Er : (en | Az AH ou HAz Az V4 K C.CSH5 C.CSH° Le sodiomalonate d'éthyle réagit sur le dibromomaléate, mais non suivant la manière indiquée par G. Pum, qui croyait obtenir du dimalonylmaléate d’éthyle. La vraie réaction est la suivante : CH50°C | + 2NaCH(CO®C*H5} — C2H50*C.C.Br C*HSO?C:C CH(CO*CH°)} + | + 2NaBr. C*H50°C.:C CH(CO*CIIS On obtient donc de l’éthanetétracarboxylate d'éthyle et de l'acélylènedicarboxylate d'éthyle, mais ce dernier s’unit immédiitement à une molécule de malonate d'éthyle pour donner du propènetétracarboxylate d’é- thyle. — M. Alex. Mac Kenzie a résolu l'acide man- délique inactif en ses deux constituants actifs par l'emploi de la quinidive et de la cinchonine. Il a pré- paré ensuite les sels des acides droit et gauche ainsi obtenus avec un certain nombre de bases organiques et de métaux. — MM. David Leonard Chapman et F. Austin Lidbury out examiné des échantillons du sous-oxyde hypothélique de phosphore préparé par les méthodes de Goldschmidt et Reinitzer, ou de Mi- chaelis et Pitsch, et ont comparé leurs propriétés phy- siques et chimiques avec celles du phosphore rouge à l’état finement divisé, préparé par l'action de la lumière sur une solution concentrée de phosphore dans le sul- fure de carbone. Il y a une coïncidence complète dans les deux cas, et aucune propriété observée ne permet de distinguer les deux substances. Les analyses montrent que le pourcentage du phosphore est tou- jours plus grand que celui qui correspondrait à la for- mule P‘0. Les impuretés du phosphore sont dues sur- tout à la présence d'acides du phosphore formés par l'action de Peau durant la préparation. Les auteurs concluent que le sous-oxyde n’est qu'une forine impure du phosphore rouge.— MM. W.-J. Sell et F.-W. Doot- son, en faisant agir le chlore sur le sel chlorhydrique de la pyridine, ont obtenu : 1 une nouvelle dichloro- pyridine; 2° une tétrachloropyridine; 3° la penta- chloropyridine; #° une amino‘richloropyridine, et 5° un composé de formule C!CI"“AzH*, dérivant de deux noyaux pyridiques. — MM. Raphael Meldola et Perey P. Phillips ont poursuiri l'étude de l'éthényl- triamido-naphtalène. Le caractere acide du groupe AzH de l'amidine a été mis en évidence par la forma- tion d’un composé argentique et d'un dérivé méthylé correspondant. Le caractère diazotable du groupe AzH? a été étudié, et les auteurs montrent que l’ami- doamine est capable de se combiner avec les sels de diazonium d’autres bases. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 30 Septembre 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Cardinaal pré- sente au nom de M. K. Bes une communication pro- visoire intitulée : « Sur la formation de la résullaute. » Il s'agit de l'élimination de » — 2 de n variables entre n — 1 équations homogènes d'ordre quelconque. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Kamerlingh Onnes : « Méthodes et ressources en usage dans le Laboratoire cryogène de l'Université de Leyde. » Dans cette com- munication, illustrée par quatre planches, l’auteur s'occupe successivement du cryostat (vase à ébullition et boîte à ébullition) pour des mesures sur des gaz liquéfiés (surtout sur l'oxygène liquide), du com- presseur à air de Brotherhood, destiné à la compres- sion des gaz dont on désire conserver la pureté en empêchant l'air de s'y mêler, du décantage de petites quantités de Az?0, de l’ébullition de grandes quantités de A0, de la circulation de Az0. Il signale Par- ticle intéressant de M. E. Mathias dans la Revue géné- rale des Sciences, t. VII, p. 381-390. — M. Onnes pré- sente encore au nom de M. W. van Bemmelen : « Spasmes dans la force magnétique de la Terre. » Cette communication est introduite par M. J.-P. van der Stok, président de l'Institut météorologique de Batavia, en retraite, dans les mots suivants : « Les lignes courbes enregistrées par le magnélographe, en particulier par le magnélographe à suspension bifi- laire, accusent des mouvements particuliers qui se présentent aussi chez les lignes fouruies par les seis- mographes de construction différente. Seulement, les enregistrations du magnétographe admeltent une re- cherche statistique de quelque importance, ces instru- ments fonctionnant déjà depuis vingt ans. Cette re- cherche a été faite par M. van Bemmelen quant aux mouvements de courte période, quil appelle des spasmes et qui diffèrent des pulsations ordinaires. Il s'est proposé d'étudier aussi les lois auxquelles satis- font ces spasmes; seulement, cette élude est restée sans résultat jusqu'ici, parce qu'il n'a pas réussi à es à - ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 887 construire un instrument enregistreur assez sensible. » — Enfin, M. Ounes présente au nom de M.F. Ha- senoehrl : « Les constantes diélectriques de l'acide ni- trique et de l'oxygène liquides. » L'auteur explique d'abord la méthode et décrit ensuite les appareils, l'arrangement des expériences, l'étalonnage du con- densateur, les mesures elles-mêmes, pour s'occuper, enfin, de l'application des résultats à la formule Clau- sius-Mos tti. — M. V.-A. Julius présente, au nom de M. A. Smits : « Recherches avec le micromanomètre ». M. Smits continue une étude antérieure (voir Revue générale des Screnres, L. VIII, p. 123), curieux de savoir si les résultats obtenus en expérimentant avec des dis- solutions de NaCI, de KOH et de sucre de canne, se pré- sentent aussi chez d’autres dissolutions. Après avoir répété en partie les expériences antérieures avec un micromanomètre perfectionné, il s’est occupé des dis- solutions de H°S04, CuSO.5H°0 et KAzO*; seulement, KAz0* se comporte d’une manière différente des autres. Enfin, l’auteur compare ses propres résultats avec ceux obtenus par M. Dieterici, à l’aide d'un anéroïde très sensible; de plus, il indique comment il s’est assuré que ses dissolutions ne contenaient pas de petites quantités d'air dont la possibilité avait été posée par M. Jahu. — M. J.-D. vau der Waals présente, au nom de M. E.-H.-J Cunaeus, une communicalion intitulée : « La détermination du comme méthode de recherche des phases coexistantes de mélanges d’acétone et d'éther. » Le but de cette étude est la recherche du rapport entre la composition de la vapeur au-dessus d’un mélange de deux fluides, celle du mélange et la pression. Au début des expé- riences, on ne connaissait que le travail de Linebarger 1 d'août 1895; depuis, les travaux de Leh- feldt et Harmann ont paru. La délermina- tion précise de la com- posilion de la vapeur forme la grande dif- ficulté du problème. Inspiré par les épreu- ves de MM. Ramsay et Travers, l’auteur s’est efforcé à y par- venir, sans condensa- tion de la vapeur et sans analyse chimi- que, à l’aide du pou- voir réfractif qu'il dé- termina d'après la méthode de Lord Ray- leigh. Description de l'appareil, discussion de la correction du pouvoir réfractif à cause des déviations des lois de Boyle et de Gay-Lussac. Ta- bleaux des résultats, etc. — M. van der Waals présente en- core, au nom de M.R. Sissingh : « Les pro- priélés générales de la représentation op- tique par des rayons centraux dans une série de surfaces sphé- riques centrées.» Sont nommés rapporteurs : MM. H. Kamerlingh Onnes et H.-A. Lorentz. — M. T. Zaayer présente, au nom de M. W. Einthoven : « Contribution à la théorie de l’électromètre capillaire de Lippman. » Dans un mé- moire paru en 1896 (Pflügers Arch, t. XLIII, p. #40), M. Hermann prétend que les résultats obtenus par Fig. 1. — Graphique de la con- version des crislaux mixles de À HgBr? et HgE. pouvoir réfraclif | MM. Burch et Einthoven, à l'aide de la recherche sur le mouvement du mercure dans l’électromètre capil- laire et donc empiriquement, sont des conséquences immédiates de sa théorie et en forment donc une véri- fication. Dans sa réponse à M. Hermann, l’auteur s'ef- force de faire avancer la connaissance des lois qui ré- gissent le mouvement du mercure dans l'électromètre capillaire à l'aide de quelques nouvelles expériences. — M. H. Haga montre un négatif obtenu à l’aide de rayons d'uranium, fournis par la composition « À » de l'usine de Haën (Annales de Wiedemann, août 1899). — Ensuite M. Haga présente la thèse de M. E. Bouw- man : « Aclion rélardataire de la torsion et décroisse- ment logarithmique des oscillations de torsion de fils minces. » — M. H.-W. Bakhuis Roozeboom présente la thèse de M. W. Reinders : « Cristaux mixies de Hg et HgBr°. » Ce cas appartient à un des types les plus simples. La ligne de fusion AB (fig. 4) qui joint le point de fusion de HgBr° (236°,5) à celui de Hgl° (2550,4), montre un minimum C de 2160,1 à 59 0/, de HgBr®. Dans ce minimum, la matière se solidifie en des cris- taux mixtes de constitution égale. A droite, les cris- taux ont une teneur plus grande en H£l°, à gauche, ils ont une teneur plus grande en HgBr*. Seulement, les différences sont tres petites; car la ligne des cristaux (courbe inférieure ACB) reste dans la proximité de la ligne de fu-ion (courbe supérieure ACB). Au-dessous de 216° on trouve des cristaux mixtes, de toute propor- tion possible, du système rhombique. À 127°, le cons- tituant HE pur se transforme dans les cristaux tétra- gonaux rouges (point D). Ce point de transition s'abaisse par l'addition de HgBr?. De plus, il se trans- forme dans un intervalle de transition, limité par deux courbes, la courbe DE des cristaux jaunes et la courbe DE des cristaux rouges, etc. — Eusuite, M. Roozeboom présente, au nom de M. E. Cohen et C. van Eyk, la seconde partie de « L'énantiotropie de l’étain » (voir Revue géntrals des Sciences, t. X, p. 800). Les résultats de leurs expériences sont déposés dans le graphique (fig. 2), les températures formant les abscisses et la vitesse de transformation les ordonnées. A la tempé- rature de — 48° la AE vitesse de trausfor- malion adimet un = maximum. Les au- teurs ont prouvé, en outre, les lois sui- vantes 4° l'étain blanc sec se trans- forme à — 7 en étain gris ; le procédé est lent et commence par les bords ; 2° l’étain blanc sec en contact _ avecdesquantités mi- nimales d'élain gris Fig 2. — Enanliotropie de l'étain. en forme de poudrese — Graphique faisant connaitre transforme beaucoup la relation entre la vitesse de plus vile; 3° la pré- transition et la température. sence du sel rose augmente encore davantage la vitesse de la transfor mation. La présence de quantités d’étain gris et de sel rose à la fois est le plus efficace. — Enfin, M. Rooze- boom présente au nom de M. E. Cohen : « Une nou- velle espèce d'éléments de transition (espèce sixième). » Ces éléments sont construits d'après le schéma : + 13 Vitesse de transition. Li 30" 4 —50 —19 —30 —w 0° iv go Électrode du mé- | Solution d'un sel | Électrode du mé- tal M dans la du métal M. tal M dans la modification modification stable. métastable. Cette combinaison peut être réalisée, eu égard aux propriétés particulières de l’étain, dans la forme : Solution d'un sel d’étain. Électrode d'étain blanc. Électrode d'étain gris. 888 Dans la figure 3, qui représente un élément de cette | espèce, a et b sont deux éprouvettes, réunies par le tube-milieu ce, de même capacilé, et portant l’une la modification grise, et l’autre la modification blanche, toutes les deux en poudre. Dans ces pou- dres descendent deux fils de platine 71, fondus en verre et re- courbés en bas en forme d'anneau. Après avoir rempli 4, b,c d'une dis- solution aqueuse d’un sel d’étain, a et b sont fermées par des bou- chons de liège, enve- loppant les fils. L'élé- ment est porté par une (2 tige en verre g, etc. L'auteur donne d’abord la théorie de cet élé- ment,ensuiteils’occupe | des tensions électroly- tiques et de la relation entre la variation du point de trausition avec .làa pression extérieure et les coefficients de température de lélé- ment. — MM. C.-A. Lo- bry de Bruyn et H.-C. Byl1 : « L'isoaldane. » Dans ses recherches in- téressantes sur l’aldol, M. Wur!z a décrit deux | produits de condensa- tion formés de deux | molécules d’aldol avec soustraction d’une molécule d’eau. Un d'eux, le dial- dane, qui se forme de l’aldéhyde en mème temps que l’aldol, a été étudié par lui. D'après lui, on a : 2 (CHS.CHON.CH?COH) — CH$.CHOH CH°.CH : CH.CHOH.CHÈCOH + H°0. 7° Fig. 3. — Élément de transition de sixième espèce. — a, b, éprouvettes réunies par le tube c; r,, +, fils de platine. Le second, qui s'appelle isodialdane, n'a été obtenu qu'en très petite quantité. Déjà, en 1884, l’auteur a publié (Bull. Soc. Chim., t. XLII, p. 161) une expé- rience qui procure l'isodialdane d’une manière beau- coup plus facile ; maintenant il en fait connaître la formule de structure. Il trouve que, par perte d’une molécule d’eau, deux molécules d'aldol se transforment en : CH* CHA | | CH—0—CH | | CH? CH? | OX | HCÇ DCE (8) un système assez stable, excepté sous l'influence d'acides dilués. D'après cette formule, l'isodialdane est une substance analogue au sucre de canne, en ce sens que la relation entre l’isodialdane et les deux molécules originales d'aldol rappelle la relation entre le sucre de canne et la glucose et la fructose (lévulose). L'auteur croit qu'il est permis de supposer, dans la molécule de saccharose dont la composition est incon- nue, l'existence d’un même complexe de carbone et d'oxygène que dans l'isodialdane. Alors en se servant | des formules stéréochimiques de fructose et de glu- cose, on trouve le schéma (1) ci-après, où la partie zauche représente la molécule de fructose et la partie rites la molécule de glucose. — M. S. Hoogewerff présente la thèse de M. W. van Dam : « Sur la réaction de l’hypobromite de potassium en dissolution alca- ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES M an : TE CHÆOH (1) | HCOH HCOH | CHEOH HCOH CHEOH line sur les amides des oxyacides aromatiques. » 3° SCIENCES NATURELLES. — M. W. Beyerinck : « Sur la formation de l'indigo dans la guède (Isatis tinctoria). » Il y a quelques années, M. E. Alvarez s’est occupé de la fermentation indigotique (Comptes rendus, t. CN, p. 286). Il examina une plante des Indigofera et trouva les résultats suivants : « Si l’on fait une décoction de la plante, qu'on stérilise après l'avoir placée dans des éprouvettes ou en des ballons Pasteur, on peut con- server au liquide sa coloration rougeâtre plusieurs mois, sans que l'indigo se produise. Au contraire, si l’on ajoute quelques microbes de la pellicule de fer- mentation ordinaire, soit la bactérie spéciale isolée, on obtient, au bout de quelques heures, une abondante production d’indigo. » M. Beyerinck, après avoir pris connaissance du mémoire cité, essaya de faire une dé- coction de la guède(Isatis tinctoria) qui, de même, devrait contenir l'indican, pour répéter les épreuves de M. AI- varez. Seulement, il ne réussit pas à obtenir une sub- stance qui restât invariable à l'air, ni par l’ébullition, ni. par l'extraction à une température basse. Toujours la | fermentation de l'indigo se présentait d'elle-même sans aucune influence de microbes. Plus tard, l'auteur s'est convaincu que les résultats de M. Alvarez sont exacts, néanmoins, aussi bien par rapport à la décoc- tion d'Indigofera leptostachya que par rapport à celle de Polygonum tinctorium. Donc les plantes indigotiques appartiennent à deux groupes physiologiquement diffé- rents. Le but de ce mémoire est d'examiner les deux espèces de matières chromogènes en question. La ma- tière chromogène de la guède n’est pas de l’indican, comme on suppose généralement; plutôt elle est l'in- | doxyle très instable CSHTAzO. Au contraire, Indigofera leptostachya et Polygonum tinctorium contiennent le glucoside très stable indican, dont les matières cons- tituantes, d'accord avec l'hypothèse de MM. Marchlewski et Radcliffe (Chem. Centralblatt, t. LXV, p. 204, 1898), sont l'indoxyle et le sucre. Parce que la guède ne con- tient pas de glucoside d’indigo, elle ne contient non plus un enzyme à même de décomposer cette gluco- side. Au contraire, les deux plantes à indican pos- sèdent cet enzyme. Cet enzyme a été préparé en très | grandes quantités. La différence importante entre les deux espèces se manifeste dans les diverses méthodes d'extraction, etc. — M. A.-A.-W. Hubrecht présente au nom de M. J.-F. van Bemmelen : « Résultats de re- cherches comparatives des régions du palais, de l’or- bite et de la tempe des Monotrema'a. Les recherches ont rapport à Ornithorynchus et Echidna. — M. K. Mar- in présente un travail de M. F. Noetling (service géologique de l'Inde anglaise intitulé : « The miocene of Burma. » Sont nommés rapporteurs MM. Martin et Th.-H. Bæhrens. — M. B.-J. Stokvis présente, au nom de M. J. Forster de Strasbourg, la thèse de M. H. Conradi : « Zur Frage der Toxinbildung bei den Milzbrandba- cillen, » (Formation de toxine chez les bacilles de l'an- thrax) et celle de M. R. Weil: « Zur Biologie der Milzbrandbacillen » (La biologie des bacilles de l’an- thrax). P.-H. ScHouTE. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 16° ANNÉE N° 23 15 DÉCEMBRE 1899 REVUE GÉNÉRALE ES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER VOYAGES D'ÉTUDE DE LA REVUE. CROISIÈRE EN TUNISIE, À TRIPOLI ET À MALTE AVEC LE CONCOURS DE LA COMPAGNIE DES MESSAGERIES MARITIMES (VACANCES DE PAQUES : 7 AVRIL -29 AVRIL 1900) Les deux livraisons que la Revue a consacrées, vers la fin de 1896, à l'étude scientifique de la Tunisie‘, et qui ont tant contribué à faire connaître l'œuvre du Pro- lectorat francais dans la Régence, ont inspiré à un grand nombre de nos lecteurs le désir de visiter le pays. Beaucoup nous ayant exprimé ce désir, nous nous sommes fait l'interprète de leurs vœux près du Comité de Patronage de nos voyages. Nous avons au- jourd'hui le plaisir d'annoncer aux intéressés que le Comité a approuvé notre dessein de conduire une croi- sière sur les côtes tunisiennes, à Tripoli et à Malte aux prochaines vacances de Pâques. D'autre part, la Compagnie des Messageries mari- times a bien voulu nous promettre pource voyage son «beau navire le S'négal, si justement apprécié de nos touristes, ou, à défaut, un paquebot de même impor- lance et de même type. La durée de la croisière sera de vingt-trois jours. Les escales et les excursions à terre seront combinées de façon à faire voir aux passagers l’ensemble du pays et à leur laisser, en chaque lieu, le temps d'étudier à loisir tous les faits qui s’imposeront à leur aitention. Ces faits se rapportent, comme on sait, à des sciences diverses. Avec beaucoup de raison, M. Ga-ton Boissier a fait remarquer ici mème’ qu'en Tunisie tous les 1 Monographie de la Tunisie. comprenant vingt quatre ar- ticles publiés daus la Revue générale des Sciences du 30 no- vembre et du 45 décembre 1896. Malgré le tirage de plusieurs éditions de ces livraisons, toutes sont aujourd'hui épuisées. Mais la monographie de la Tunisie qu'elles contenaient a été publie à nouveau, sous forme d'un ouvrage de luxe intitulé : La Tunisie. et édité cette année par la librairie Ch. Delagrave. 2 Gasron Boissier : L'Ilistoire en Tunisie, Revue générale des Sciences, 39 novembre 1896, t. VII, p. 949. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, genres de curiosité trouvent à se satisfaire. Les civilisa tions qui se sont succédé dans cette partie de l'Afrique y ont laissé d’éloquents témoins de leur splendeur éva- nouie : pour ainsi dire, à chaque pas sur le sol de la la- Régence, l'archéologue rencontre des monuments grandioses où se lit le génie des races qui les ont éri- gés : mosaïques, tombeaux, temples, arènes, théâtres, fontaines, aqueducs, palais racontent au visiteur lhis- toire du pays, depuis l'ère des Ibères jusqu'à l'époque actuelle, en passant par la période phénicienne, la do- mination et la colonisation romaines, l'invasion arabe, l'intervention des Croisés, la conquête turque, le gou- vernement des beys et les événements qui ont abouti à l'établissement de notre Protectorat, Ni l’ethnographe, ni le géologue, ni l'ingénieur, ui l'agronome, ni l'économiste ne parcourront nou plus avec indifférence cette terre de Tunisie, si riche, si variée, peuplée de races si diverses par les aptitudes et les mœurs, avec lesquelles nos industriels et nos colons sont forcés d'entrer en relation, soit pour extraire du sol le fer, le zinc, les phosphates qu'il con- tient, soit pour le couvrir d'abondantes moissons. L'artiste aussi aimera pérégriner en Tunisie pour y jouir de l'extraordinaire spectacle que donnent en ce pays les bazars des villes, quelques coins de Nature, et, par-dessus tout, les nomades du désert, les habitants des oasis, la population du littoral et des iles. Enfin, nos excursions en Tunisie apprendront à tous les touristes ce qu'ont déjà fait de ce pays les Français qui sont en train de le transformer : ceux d’entre nous qui connaissent déjà l'Algérie pourront comparer aux méthodes culturales usitées dans cette partie de l’an- cienne Barbarie, les méthodes mises en œuvre dans la Régence, aux pratiques de colonisation, d'administration et de gouvernement longtemps en vigueur dans notre 23 890 ancienne colonie, celles qu'un esprit plus scientifique et plus humain a introduites dans le pays voisin que nous avons charge de rendre prospère. Ils étudieront sur place la‘facon dont sont conçus en Tunisie les rapports des indigènes et de nos nationaux, le respect dù à la personne et aux biens des habitants, les efforts et le talent déployés par d'éminents représentants de la France pour donner, dans tout le pays, à la fois au colon et à l’autochtone, les moyens de s’instruire et de travailler utilement. En vue de rendre l'observation en ces malières plus féconde, nous avons, avec l'autorisation de M. Reué Millet, Résident général de la République Française à Tunis, sollicité le concours de quelques savants pré- posés à de grands Services administratifs dans la Régence. Nous avons demandé à M. Machuel, Directeur général de l’Instruction publique en Tunisie, à M. Gauc- kler, Directeur des Antiquités, à M. Paviller, Directeur général des Travaux publics, à M. Hugon, Directeur de l'Agriculture et du Commerce, à M. le D' Adrien Loir, Directeur de l'Institut Pasteur de Tunis, de vou- loir bien accueillir nos passagers, et donner à ceux d'entre eux qui désireront les entendre, soit en réunion générale, soit dans des séances de groupes, des confé- rences sur toutes les questions d'ordre scientifique ou économique ayant trait au passé, au présent et à l'avenir de la Régence. Nous remercions ici nos émi- nents compatriotes de l’aide très précieuse qu'ils ont l'amabilité de nous promettre. Après avoir visité toute la Tunisie depuis Bizerte et Tunis jusqu'à Gabès, vu Carthage et ses environs, la vallée de la Medjerdah, Béja, Hammam-Hif, le domaine « et les celliers de Potinville et de l’Enfida, Kairouan, Sousse, Monastir, Mehdia, El-Dj-m etson amphithéâtre, Sfax et sa forêt d'oliviers, Gafsa et ses mines de phosphites nouvellement exploitées, les oasis de Gabès et le curieux système de culture qui yest pratiqué, l'ile de Djerba,encore vierge de toute invasion européenne, puis, dans tout le Sud-Tunisien, Médénine, la merveille du désert, nous nous embarquerons pour Tripoli. Une visite à ve port, Lêle des caravanes pour l'Afrique Centrale, complétera de la facon la plus heureuse les nolions que nous aura permis d'acquérir l'étude des oasis et du désert compris entre le Sahel tunisien et la Tripolitaine. Au retour, nous ferons escale à Malte, transition in liquée entre le monde musulman, que nous viendrons d'observer, et notre civilisation d'Occident. Nous passerons une pleine journée, temps suffisant pour bien voir l'ile, ses habitants, — gouvernauts el gou- vernés, — ainsi que ses monuments, où se conserve impérissable le souvenir d’un glorieux pas-é. Enfin, notre navire s'arrêtera à Naples: pendant deux journées et demie, les touristes pourront visiter tout à l'aise cette grande cité, la baie magnifique qui l'entoure, et, dernier adieu au monde romain étudié en Tunisie, la ville éteinte de Pompei. Le départ de France aura lieu à Marseille, le 7 avril. Le retour s'effectuera en ce même port, le 29 du même mois. Louis Olivier. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Election à l’Académie des Sciences. — Le lundi 4 décembre dernier, l'Académie des Sciences à procédé à l'élection d'un membre dans sa Section de Chimie, en remplacement de Charles Friedel, récem- ment décédé. Sept candidats se tion avait présenté : En première ligne : M. A. Etard. Ea seconde ligne : M. Le Bel. En troisième ligne : MM. Colson, Hanriot, Jungfleisch, H. Le Chatelier et G. Lemoine. Au premier tour de scrutin, le nombre des votants étant 57 : M. Lemoine a obtenu. . . . . . 21 suffrages M. Etard — 19 — M. Le Bel — 17 —- Au deuxième tour : M. Lemoine a obtenu. . . . . . 23 suffrages M. Etard — 19 — M. Le Bel —= 15 — Enfin le scrutin de ballotage a attribué : A M. Lemoine... . . . . ... . "32 suffrages ANT AP ÉATOE RR E D — En conséquence, M. Lemoine a été déclaré élu. Ce succès est d'autant plus flatteur pour lui qu'il avait comme concurrents des savants de très haute valeur. $ 2. — Physique Les rayons de Becquerel et les corps nou- veaux. — Parmi les découvertes de ces derniers mois, il en est peu qui offrent l'originalité et la haute trouvaient en présence. La Sec- : portée de celle à laquelle M. et M”° Pierre Curie ont attaché leur nom. Les physiciens | savent et se le disent entre eux, mais le public l'ismnore. La nature très élevée de cette recherche et l'extrôme modestie des auteurs en sont des causes suffisantes. Découvrir des corps nouveaux n'est pas banal, et, si l’année qui va finir en a vu appiraître trois ou quatre, c'est qu'elle a été privilésée, car en tout un siècle on n’a pas atteint la centaine; — mais, ce qui est plus rare, c'est d'imaginer une tméth de propre à les faire découvrir, surtout là où les procédés déjà usités étaient en défaut. Il y a moin: de deux ans, on connaissait les rayons uraniques ce qu'en avait vu Niepce de Saint-Victor dans des travaux trop oubliés, ce qu'en avait vu M. H. Bec- querel, qui eut le mérite de montrer, après les avoir découverts à nouveau, qu'ils sont absolument dis‘inets de la phosphorescence, enfin quelques détails ajoutés au travail de ce savant par des physiciens anglais ou allemands. Alors, déjà se posait avec insistance la question suivante : Quelle est la source d'énergie à laquelle ces radiations jeuvent être attribuées ? Aucune des théo- ries connues ne permettait d'y répondre , — et c'est probablement l'extrème difficulté du problème qui tenta M. et Mre Curie. On sait que les rayons uraniques se révèlent par des actions photographiques ou électriques { : ils noir- cissent les plaques sensibles et déchargent les corps électrisés qui se trouvent au voisinage de leur source. Or, les action< photographiques Report n° 59; U. S. Department of Agriculture (Was- hington), 1899. tions dont les feuilles sont le siège; quand, au con- traire, le temps est trop humide, il faut combattre danger des moisissures par une application soigneuse de la chaleur artificielle, M. Lœw distingue deux périodes dans le séchage : pendant Ja première, qui dure seulement quelques Jours, les feuilles -ont encore vivantes et subissent les effets du jeûne : l’amidon est dissous, et le sucre qui en résulte, partiellement consommé par la respiration, partiellement aussi transporté dans les nervures, où, comme Müller-Thurgau l'a montré, il repasse à l'état d'amidon. Dans la seconde période, les ferments solu- bles qui préexistai: nt dans la feuille verte et ceux qui se sont formés sous l'influence du jeûne, agissent à l'exclusion du protoplasme. On prolonge cette période quatre semaines et même davantage, suivant les cas. Pendant le séchage, les feuilles se colorent en brun et prennent une odeur, d'abord analogue à celle des concombres, mais qui fait place, dans la suite, à l’odeur grossière de paille forte du tabac sec. Quand les feuilles ont atteint l'état convenable par le séchage, on les soumet à la fermentation. Leur teneur en eau est alors de 18 à 25 °/,. On les empile dans des chambres maintenues tièdes et humides. La tempéra- ture des piles s'élève d'abord beaucoup, par suite de la fermentalion ; on démonte les piles de temps en temps pour la modérer et, du même coup, changer les feuilles de place et les mettre, tour à tour, dans des conditions analogues. C'est, en effet, une ox\dation, comme M. Schlæsing l'a montré pour les tabacs manufacturés en Europe, qui caractérise cette phase de la fermen- talion ; aussi, les feuilles doivent-elles passer alternati- yementpartoutes les couches,profondeset supertcielles, de la pile, pour atteindre toutes au même degré de maturation. La fermentation dure à peu près six à huit se emaines, pendant lesquelles l'odeur grossière du tabac séché fait place, peu à peu, à l'arôme délicat du tabac fini. En même temps. les feuilles prennent un aspect lustré et une texture particulière. Ces changements sont accom- pagnés d’une diminution du taux de nicotine et des nitrates, de la disparition du sucre et d’une production sensible d'ammoniaque. Les feuilles réservées pour les enveloppes de couleur claire exigent une fermentation plus froide et plus longue que celles employées pour les enveloppes fon- cées ou le remplissage des cigares. Quelques manufacturiers font subir au tabac une préparalion spéciale dans le but d'obtenir une colora- tion plus intense souvent demandée pour les feuilles de remplissage. Cette opération, qu'on pourrait appeler pétunage (the petuning), se pratique pendant ou après la fermentation. Elle consiste à pulvériser sur les feuil- les une solution de carbonate d'ammoniaque préparée soit avec de l’eau seule, soit avec une décoction de tabac, additionnée ou non de rhum, de mélasse, etc. Le carbonate d'ammoniaque augmente la réaction alca- line des feuilles due à la fermentation et augmente l'intensité des processus oxydants, D’après Lœæw, aucune bactérie ne concourt à la trans- formation des feuilles de tabac. La teneur en eau est, d'ailleurs, insuffisante pour porter les substances nutri- tives de l’intérieur des cellules à la surface des feuilles, seul endroit où l’on puisse rencontrer quelques micro= organismes. Les principaux changements chimiques ont lieu sous l'influence des ferments solubles. C'est ainsi que, pendant le séchage, l’amylase et une sorte de trypsine agissent concurremment avec les ferments solubles que M. Gabriel Bertrand a découverts et étudiés sous le nom d'oxydases‘'; durant la fermentation, les oxydases interviennent presque seules. Contrairement à la théorie de Sucheland, il n'y a donc pas à s'occuper des prétendu-s bactéries spécifiques de l’arôme : le dé- veloppement de cet arôme et celui de la couleur sont dus surtout à l'action des oxydases. ! Voir Revue générale des Sciences, décembre 1896. $ 2. — Mines et Métallurgie Carburation du vent au haut-fourneau. — La quantité de combustible consommée pour la labri- cation de la fonte au haut-fourneau est l'élément qui joue le plus grand rôle dans le prix de revient du métal, et son influence se fait particulièrement sentir par les temps de disette de coke, comme ceux que nous traversons. Aussi les inventeurs s'évertuent-ils à réduire leur consommation par tous les moyens possibles. M. Pugh, directeur du haut-fourneau de Gouraincourt, près Longwy, y a fait l'application d'un appareil de son invention, ayant pour but de fournir des éléments combustibles et réducteurs à l'air chaud avant son introduction dans le fourneau. Nous donnerons quelques détails sur ce dispositif en raison de son originalité. Entre l'appareil Cowper et la canalisation d'air abou- tissant aux tuyères est interposée une chambre en tôle de forme cylindrique, C (fig. 1), garnie intérieurement de briques réfractaires, dans les parois de laquelle, à la partie inférieure, sont pratiquées quatre fenêtres g. Chacune d'elles est obturée par une plaque p,avec trou central 0, qui ménage l'entrée des hydrccarbu- res envoyés par | i un injecteur, D, placé à l’exté- Î rieur. L'air chaud CL LL U D est amené dans le bas de la chambre par la conduite in- férieure, se car- bure intimement au contact des jets d'hydrocar- bure qu'il rencon- tre et continue sa marche dans ce nouvel état en se dégageant par la conduite supérieure qui l'amène au fourneau. Des boites à soupape, EE, sont reliées aux conduites à l'avant et à l'arrière de l'appareil, ce qui permet d'isoler ce dernier en cas de nettoyage, sans arrêter pour cela la marche de l'exploitation. On peut remarquer qu'il serait possible de remplacer les injecteurs par des brüleurs, en pratiquant, dans la plaque p, un certain nombre de trous d'admission d'air à section variable : on réglerait ainsi la combustion et on obtiendrait, à la sortie même des tuyères, l'oxyde de carbone et l'hydrogène, c’est-à-dire les agents réduc- teurs à des températures très élevées. Cette disposition peut être intéressante dans le cas où l’on aurait à trai- ter des minerais peu réduclibles et à produire des fontes riches en manganèse et en silicium. Quoi qu'il en soit, les essais de M. Pugh sont à suivre, au double point de vue de la rapidité de la réduction et de l’économie réalisée dans la consom- malion du coke. Fig. avec G; I, $ 5. — Géographie et Colonisation Les questions coloniales au Congrès inter- national d Agriculture de 1900. — Le Congrès international d'Agricullure, qui se tiendra à Paris au moment de l'Exposition, doit compreudre septsections, dont la sixième, consacrée aux cultures spéciales du midi et aux cultures des colonies promet d’être particulièrement intéressante. C'est, en effet, la première fois que seront traitées, dans un congrès, ces questions multiples d'a- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE . — Appareil pour la carburalion du vent dans les hauls-fourneaux. — A, LEE fourneau ; B, appareil à air chaud Cowper; D, injecteur; E, E, boiles à soupape; F, F, soupapes: G, conduite circulaire de vent chaud ; 4, conduite mettant les différents Cowper en relation directe tuyère; g, ouverture; p, plaque; o, trou central ile la plaque par lequel les hydrocarbures peuvent être injeclés. gricullure tropicale de première importance pour les peuples européens qui poursuivent avec l'acharnement, que l’on sait, leur œuvre d'expansion coloniale. Il ne suffit pas, en effet, de s'assurer la possession de M colonies nombreuses et étendues; cette possession ne serait qu'une cause de ruine — el nous ne le savons que trop — si on néglige l'exploitation de leurs mines ou celle de leurs richesses agricoles et forestières. Comment d’ailleurs poursuivre et oblenir l'éducation d'un peuple primitif autrement que par le travail? Les seules colonies prospères sont les colonies où l’agricul- ture, largement pratiquée, fournit aux indigènes le travail quotidien, à la fois source inépuisable de profits, condition essentielle du bien-être, et instrument in- comparable d'éducation morale. Un Congrès d'agriculture coloniale ne peut donc que réunir dans une même pensée et pour un effort com- mun tous ceux qui ont à cœur la prospérilé coloniale de la France. Le Comité chargé de préparer l'organisation de cette section du Con- grès international de l’Agricullure a choisi pour prési- dent M. Milne-Ed- wards, le savant directeur du Mu- séum naturelle, dont on connaît le dévoue- mentéclairé à tou- tes les œuvres de colonisation. J\X Des questions | Elle multiples et tou- CI) LL tes {rès intéres- santes seront {rai- tées dans ce Con- grès, dont le pro- Pérrreerrserresrerresess C, appareil carburateur; gramme com- prend les articles suivants : lo Situalion ac- tuelle et progrès récents de l’agriculture dans les colo- nies et dans les pays tropicaux en général; 20 Statistique comparée de la production agricole dans les colonies des divers pays; 3° La main-d'œnvre agricole dans les colonies ; 49 Le crédit agricole ; son influence sur le développement de l’agriculture; 50 L'élev age aux colonies : difficultésloca!es qu'ilrencontre; 6° Cultures à propager dans les pays tropicaux et inter- tropicaux : T0 Les jardins coloniaux; leur influence sur le développe- ment agricole d'une colonie ; 8° Le régime économique des colonies. Tarifs de douane; rapports entre la métropole et ses colonies. Un programme aussi étendu et aussi intéressant ne peut que provoquer des discussions particulièrement instruclives, et nous sommes persuadé que les résul- tats en seront remarquables si l’on en juge par la valeur des savants ou des agriculteurs francais et étrangers qui ont accepté de présenter des rapports au Congrès et qui prendront par conséquent une large part ‘aux discussions. Le nombre des adhérents, déjà considérable, fait prévoir que la réunion de la Section coloniale du Con- grès d'agriculture de 1900 constituera la première ma- nifestation imposante el presque officielle de l'agricul- ture tropicale. Toutes les communicalions ou adhésions doivent être adressées à M. H. Sagnier, secrétaire général de la Commission d'organisation du Congrès “international d'Agriculture, 106, rue de Rennes, à Paris. d'histoire : de. 31,1 D' R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE 895 Lorsqu'en 1652 les premiers colons hollandais s'élablirent au Cap de Bonne-Espérance, ils trou- vèrent la région occupée par deux races, sembla- bles à certains égards, mais très différentes l'une de l’autre au point de vue de la taille. La plus grande peuplait le littoral et les plaines fertiles, et se donnait le nom de Ahoï-Khoï où Quaqua ; nous l'appelons aujourd'hui race hottentote. La popula- tion de pelite taille vivail dans les déserts de l’inté- rieur el élait désignée par ses voisins sous le nom de Säb (au pluriel Sän), mot qu'on peut traduire par aborigène; ce sont les Pos- Jjesmans des Hollandais ou les Bushmen des Anglais, autrement dit les «Hommes des buissons ». Du nom hol- landais nous avons fait celui de Zoschismans. Nous voudrions donner un aperçu des races humai- nes qui ont peuplé le sud- est de l'Afrique et réussi à s’y implanter. Nous dirons d'abord quelques mots des Boschimans, qui, d'après les traditions des Hotten- lots, auraient précédé loutes les races actuellement éta- blies dans le pays. I. — LEs Boscnismans. À l'heure actuelle, les Boschismans se rencontrent encore, en pelit nom- bre, dans les contrées occupées par les Euro- péens; mais la plupart ont émigré vers le nord, en plein désert de Kalahari, où ils errent par bandes de quinze à cinquante individus, qui changent constamment de place. Ce sont de véri- tables nains, dont la taille moyenne ne dépasse pas 1",37 pour les hommes et 1",22 pour les femmes. Malgré leur faible stature, ils se mon- trent vigoureux el remarquablement agiles. Par les caractères de leur chevelure, par les traits de leur face, par les proportions de leur corps, les Boschismans sont des nègres (fig. 1),et, néanmoins, leur peau n’est pas noire : elle offre un ton d’un jaune sale. Leurs cheveux sont noirs et si crépus qu'ils s’enroulent, dès la sortie de la peau, en petites touffes r. 1. — Slinée, femme boschismane, âgée de 32 ans. LES BOERS ET LES RACES DE L’AFRIQUE AUSTRALE qu'on a comparées à des grains de poivre. Leur cràne est allongé d'avant en arrière et quelque peu aplati à sa partie supérieure. Leur face affecte une forme losangique, à cause de l’étroitesse du front, du rélrécissement de la du visage et de la saillie exagérée des pommettes; le nez est à la fois court, large et épaté; les mächoires sont proéminentes et la bouche, relalivement petite, est entourée de lè- région inférieure vres volumineuses ; le men- ton, enfin, est singulière- ment fuyant. Je ne saurais passer sous silence un caractère que l'on observe chez les fem- mes : je veux parler de la stéatopygie, c'est-à-dire du développement énorme des fesses, dans lesquelles la graisse s'accumule en abon- dance. La région fessière parait d’aulant plus renflée qu'il existe au-dessus une ensellure très accusée de la région lombaire. Chez nous, le Boschis- man Où sa compagne pas- seraient difficilement pour des types de beauté. On nous en a montré des spé- cimens au Jardin d'Accli- matation et nous avons pu juger de leur laideur. Il est vrai que tous les goûts sont dansla Nature; Saarlje Barimann, la fameuse Vé- nus holtentote qu'on exhiba à Paris en 1815 et qui était en réalité une Boschismane, a trouvé des ado- rateurs dans la Ville-Lumière, comme elle en avait trouvé en Angleterre. Notre Muséum d'histoire nalurelle en possède le squelette, le portrait, le moulage sur nature, et chacun de nous peut se rendre compte de la séduction que cette belle per- sonne devait exercer sur le sexe fort. Ce n'est pas le costume qui est de nature à em- bellir les Boschismans : les hommes jettent une peau sur leurs épaules; les femmes en fixent par- fois une seconde à la taille. Les deux sexes s’ornent de colliers, d'une étroite ceinlure de verroleries, de larges anneaux d'oreilles, mais ils négligent les soins de propreté les plus élémentaires. Non con- tentes de la crasse qui les couvre, les femmes s'en- 896 D' R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE duisent d'une pommade faite de beurre fondu et d’une substance colorante. La pauvreté des contrées dans lesquelles ils errent oblige les Boschismans à consacrer la majeure partie de leur Lemps à chercher leur nourri- ture. Aussi n'ont-ils qu'une industrie des plus misé- rables ; leurs huttes sont des abris rudimentaires en branchages; leurs ustensiles, peu variés, sont géné- ralement en bois, quoiqu'ils sachent fabriquer de grossières poteries, dont ils ne font guère usage, car elles seraient exposées à se briser dans les déplacements continuels de la tribu. Les hommes fabriquent des sagaies et des ares qui leurs servent à lancer des flèches empoisonnées. Le poison qu'ils emploient leur est fourni par les entrailles d’une chenille ou bien par le lait de l'euphorbe, auquel ils mélangent du suc d'amaryllis loxique et du venin de serpent. Plus d'une fois, les Boers ont connu, à leurs dépens, les effets de ces poisons. À part quelques chiens misérables, les Boschis- mans n'élèvent que fort peu d'animaux domes- tiques; c'est à peine si ceux du.nord possèdent quelques chèvres, dont ils ne mangent pas la chair, qui leur inspire une répugnance superstilieuse. Le gibier, les plantes sauvages qu'ils rencontrent for- ment le fond de leur alimentation. Jamais l'homme ne se préoccupe de la nourriture de sa moitié, car il prétend qu’elle est assez habile pour ne pas se laisser mourir de faim. L'existence pénible qu'ils mènent développe chez ces nomades une acuité extraordinaire des sens. Ils ont un flair tout particulier pour suivre une piste; s'ils découvrent des empreintes de pieds humains, ils reconnaissent à quelle race, à quelle tribu appartient l'être qui à traversé leur pays. En revanche, ils cultivent peu leur intelligence : à peine savent-ils compter jusqu à trois. Chaque petite tribu élit son chef, dont les pou- voirs ne sont pas héréditaires et qui, souvent, n’a sous ses ordres que quinze à vingt personnes, en comprenant dans ce chiffre les femmes et les enfants. Aussi, n'est-il pas surprenant que les Bos- chismans ne soient pas en état de résister à des soisins qui les traquent sans cesse, et que leur nombre aille en diminuant de jour en jour. Leur disparition peut être prédile el sera hâtée par leurs luttes intestines. Livingsione nous raconte qu'il a rencontré un vieux Bushman qui avait tué cinq personnes de sa race. C'élait un homme instruit, car il savait compter jusqu'à cinq. Il se montra d'abord farouche; mais, après avoir reçu un morceau de viande, il se familiarisa avec le voyageur, S'assit près de son feu et lui narra ses exploits : « Parmi les personnes qui avaient suc- combé sous ses coups, « deux étaient des femelles, nous dit-il, en complant sur ses doigts : le troisième était un mâle, et les deux autres des veaux ». — « Il faut, lui dis-je, que vous soyez bien endurci pour vous vanter d’avoir tué des femmes et des enfants, surtout de votre propre nation; qu'est-ce que Dieu vous dira lorsque vous paraîtrez devant lui? » — « Que je suis un homme adroit », répondit ce vieillard, qui me parut n'avoir pas la moindre conscience, et qui, par conséquent, ne songeait point à la responsabilité de ses œuvres ». Cependant, les Boschismans paraissent croire à une autre vie; quand un homme meurt, on l’en- terre avec sa sagaie pour qu’il puisse encore se défendre etchasser. Les missionnaires apostloliques ont même découvert chez eux toute une série de croyances religieuses : un dieu suprême (Goha), une sorte de vierge ({o), un démon (Ganna). Mais ces êlres surnaturels rappellent tellement ceux du chrislianisme qu'on est en droit de se demander si ce ne sont pas les missionnaires eux-mêmes qui ont interprété à leur façon la mythologie des Bushmen. Ce qui est certain, e’esl qu'il n'existe chez eux ni prêtres, ni sorciers. La langue des Boschismans est toute spéciale ; elle est caractérisée par des voyelles claquantes, des Æliks, qui la rendent fort peu harmonieuse. Assurément, la petite race dont je viens de dire quelques mots n'a jamais été pour les Boers un ennemi bien redoutable. Toutefois, les /ommes des buissons n'ont pas abandonné sans lulte le pays qu'ils occupaient primitivement, et, dans plus d’une occasion, les colons ont pu juger des effets de leurs flèches empoisonnées. Les Khoï-Khoï ont été, sans contredit, des adversaires avec lesquels il a fallu compler davantage. IT. — Les Kuoï-Kuoï. La race Khoï-Khoï ou Quaqua comprenait jadis seize nations prospères. Elle a bien perdu de son importance, et les seuls groupes qui comptent à l'heure actuelle sont ceux des Aottentots, des Namaquas, des Koranas et des Griquas. Physiquement, ces tribus ressemblent beaucoup aux Boschismans, mais, chezelles, la taille moyenne s'élève à 1%,66 (fig. 2). Leur crâne est petit et très allongé d'avant en arrière ; il n’est pas aplati dans sa région supérieure. Les pieds et les mains soul d'une pelitesse remarquable chez les Hottentots et leurs congénères. Le costume et les objets de parure rappellent tellement ceux qui sont en usage chez les Boschis- mans qu'il est inutile de les décrire de nouveau. Mais les Khoï-Khoï se distinguent de ceux-ci par le genre de vie, l'industrie et le caractère. Pasteurs avant tout, ils élèvent une grande quantité de bes- liaux ; par suite, ils sont forcément nomades. Dans D' R. VERNEAU — LES BOERS ET les endroits où ils campent, ils construisent des huttes, ou kraal, qui se composent de matériaux légers, facilement transportables. La bête somme qu'ils emploient pour effectuer ce lrans- port c’est le bœuf. Lorsque l'animal est jeune, ils lui introduisent dans la cloison du nez un bàlon qui servira plus tard à le diriger. Les Hollentots savent travailler le fer el le cuivre; ils fabriquent de nombreuses poteries. Leurs armes sont la sagaie, l'arc et le bouclier; pour la chasse, ils se servent de petites flè- ches empoisonnées. Ce sont, en effet, de grands chasseurs, qui vivent principalementde gibier et de lailage; il leur répugne de luer leurs animaux domesliques. D'humeur belliqueuse, lesKhoï-Khoï pratiquent de fréquentes razzias chez leurs voisins. Aussi leur organisalion sociale se ressent-eile de leur caractère batailleur. A la tête de chaque tribu est placé un chef mili- taire; en seconde ligne vient le chef civil, puis le médecin et enfin le surri ou prètre. La po- lygamie existe chez eux, mais, en général, le Hot- tentot se contente de deux épouses. On à pré- tendu que les femmes étaient de véritables es- claves; toutefois, d’après M. Halm, ce n'est qu'en public qu'elles sont ru- doyées par leurs maris; à la maison, les rôles sont intervertis, el l'époux ne peut manger une bou- chée de viande sans en avoir recu l’aulorisation de sa moitié. On est tout surpris de trouver chez des peu- plades aussi primitives un système décimal com- plet, qu'elles ont sans doute emprunté à des voi- sins. Mais, ce qui leur est particulier, c'est leur esprit fortement salirique; un mariage dispropor- tionné, un chef impopulaire fourni-sent matière à couplets. Souvent ces satires sont prises en mau- vaise part, el il s'ensuit des duels à coups de pied, à coups de bâton, ou bien encore à la sagaie. Foncièrement superstitieux, les Hottentots croient à toutes sortes d'êtres surnaturels, les uns de LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE Fig. 2. — Jacob Moïlié, Holtentot, âgé de 34 ans. 397 bons, les autres méchants. Dans le du génie du mal vont habiter, après la mort, les vieil- lards qu'ou a laissés mourir de faim, soil parce qu'ils n'élaient plus en état de se procurer eux-mêmes leur nourriture, soil parce qu'ils élaient soupçonnés de sorcellerie, et les individus qui n'ont pas recu les honneurs de la sépulture. Malgré l'existence des surri, qui paraissent plutôt des maitres de cérémonie que des prêtres proprement dits, on ne trouve chez les Khoï-Khoï ni temples ni idoles. Toutefois, des cérémo- nies religieuses ont lieu à la nouvelle et à la pleine lune; on sacrifie alors des animaux, om fait des libations de lait et on se livre à des dan- accompagnées de chants. La langue des Qua- qua possède les £riks de la langue boschismane, quoiqu'elle en diffère autant que l'anglais du sanserit. Toutes les tri- bus du groupe se com- prennent entre elles, si éloignée que soit leur aire d'habitat. royaume ses Les Griquas ne for- ment pas une race spé- ciale; ils se rattachent intimement aux Hotten- tots. Jules Verreaux, qui avait vécu chez eux, fut vivement frappé desres- semblances existant en- tre les deux groupes, et, dès 1840, il n'hésitail pas à déclarer que les premiers tiraient leur origine des seconds. Mais, les lois en vigueur dans la colonie du Cap ne s’élendaient pas jusqu'au pays où avaient émigré les Griquas pour fuir l'oppression des Blancs; aussi virent-ils « leur nombre se grossir de beau- coup de déserteurs, lesquels prirent des femmes chez les Koranas, ce qui fait que beaucoup d’indi- vidus de cette tribu liennentautant aujourd'hui des Cafres que des Hottentots et des Blancs ». (Dele- gorgue). Le métissage est tellement apparent dans certains endroits que Livingstone en est arrivé à regarder tous les Griquas comme des métis d'Eu- ropéens et de femmes indigènes, hottentotes ou boschismanes. Parmi les déserteurs dont parle Delegorgue, qui 898 D° R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE vinrent mêler leur sang à celui des indigènes pour donner naissance à la population actuelle des Gri- quas, se sont trouvés de nombreux individus ayant commis des crimes ou des délits; ils fuyaient pour ne pas faire trop inlime connaissance avec la jus- tice des Hollandais ou des Anglais. La moralité de ces individus élait plus que douteuse et ils ne con- tribuèrent pas à élever la mentalité des tribus chez lesquelles ils se sont réfugiés. Il n'est donc pas surprenant que les Griquas se montrent moralement inférieurs à la plupart de leurs voisins. IT. — Les CAFRES. Plus belliqueux que les Boschismans, les Hottentots furent, pour les premiers colons, des adversaires plus redoutables. Mais les tribus qui, depuis 1786, ont surlout engagé la lulte contre les Boers, ce sont les tribus ca- fres. Elles forment un grand ensemble, qui comprend toules les populations vivant dans l'Afrique trale, au delà du Zam- bèze (à l'exception des peuplades dont je viens de parler), et qui se divise en lrois groupes principaux : aus- 1° Les Péchuanas ou Bakalaharis ; 2° Les Bassoutos ou Bakonis ; 3° Les Cafres. des l'Est. Aux Béchuanas se raltachent les fameux Wako- lolos, qui, sous le règne de leur grand chef Sébi- touané, ont étendu leur domination jusqu'à la rivière Chiré el qui ont joué un rôle important dans les démélés entre Je Portugal et l'Angleterre. Il serail beaucoup trop long de faire une étude détaillée des Cafres; aussi me contenterai-je de donner à leur sujet quelques indications générales. Ce sont des hommes robustes (fig. 3), d'une taille élevée, qui atteinten moyenne 1",70. Les Makololos sont cependant un peu moins grands. La coloration Matabélés ou Fig. 3. — Cafre-en costume crdinaire. pur. Leurs cheveux sont noirs, épais et fortement crépus. Ils ont le crâne allongé d'avant en arrière et la face allongée de haut en bas, avec un nez large et épaté, des lèvres volumineuses et un menton fuyant. Les femmes sont généralement « bien faites; dans leur jeunesse, elles offrent, dit Lichtenstein, «ce contour arrondi et gracieux que nous admirons dans les antiques (fig. 4); leur phy- sionomie annonce la 1 douceur el la gaïelé». Parmi les Matabé- lés, on trouve une po- pulalion assez diffé- rente des autres par ses caractères physi- ques; ce sont les Zou- lous. Leur coloralion est souvent moins fon- cée, leurs traits sont plus fins, leur nez s’al- longe et fait plus de saillie, leurslèvres sont moins volumineuses que chez les autres Cafres. C'est qu'ils ont reçu une certaine quan- lité de sang arabe. On que les Arabes avaient fondé des co- lonies sur la côte orien- tale d'Afrique, depuis Quiloa jusqu'à Sofala et qu'ils s'étaient éta- blis sur plusieurs points de Madagascar. Ils se croisèrent avec les Nègres du voisi- nage, el, lorsque la lutte s'engagea pour la possession des mines d'or, les vaincus, mé- lis ou sémites, se réfu- gièrent plus au sud, où ils s'alhièrent de nouveau avec les populations nigriliques indigènes. C'est ainsi que l'influence arabe se fit sentir dans une assez large mesure chez les Zoulous, qui conservèrent cependant les mœurs de leurs frères restés purs. Ils continuent, par exemple, à aller complètement nus jusque vers l'âge de dix-huit ans. A cette époque, le garçon se mel une ceinture d'écorce, à laquelle il suspend deux pelits morceaux de peau, l'un par devant, l'autre par derrière. La jeune fille couvre sa nudité à l’aide d'une ceinture large. de trois doigts à peine (fig. 5). Quand elle sera mariée, elle aura le sait de leur peau varie du brun noirâtre au noir presque | droit de porter une sorte de manteau à longs poils vt D' R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L’AFRIQUE AUSTRALE 899 ment après son mariage que la femme est autorisée à rele- ver ses cheveux en chignon. Les guerriers portent un costume moins simple; ils ont même deux costumes diffé- rents, dont ils s’affublent sui- vant les circonstances, quel- que chose comme la grande et la petite tenue de nos mili- aires. Ces uniformes consis- tent en queues de bœufs et d'autres animaux, fixées par un bout seulement aux bras, aux jambes, sur le dos et sur la poitrine. La têle est sur- montée d'un immense pana- che. Lorsque les guerriers exécutent leurs danses et pi- rouettent sur eux-mêmes, tou- tes ces queues voltigent en produisant le plus singulier effet. Ce n'est pas seulement l'amour du panache que les Cafres onl de communavec les civilisés d'Europe; comme nous, ils aiment à se cou- vrir d'objets de parure. Aux bras, aux jambes, aux oreilles, ils por- tent des anneaux d'ivoire ou de cui- yre; au cou, ilsont des colliers aussi nombreux que va- riés. Ils se pei- gnent le visage et le corps avec de l'ocre délayée dans de l’eau etils fixent cette pein- ture en s’endui- sant d'une couche de graisse. Les femmes montrent parfois quelques tatouages, Dans certaines tribus,notamment chez les Bassou- {os, on rencontre Fig. 4. — Jeune fille cafre. ig. 5. — Jeunes filles cafres. - qui lui servira de couverture la nuit. C'est égale- | chargées d'une telle quantité d’anneaux de cuivre que leurs chevilles en sont toutes gonflées. Mais elles sup- portent ces instruments de supplice avec le même stoï- cisme que nos élégantes en- durent un corset trop serré ou des chaussures trop étroites. Les Cafres vivent dans des demeures assez spacieuses, construites en branchages re- courbés et présentant toujours une forme hémisphérique (fig. 6). Ces habitations ou kraal sont réunies en villages, auprès desquels on rencontre invariablement les parcs à bestiaux. C’est que tous ces Nègres élèvent de nombreux troupeaux, en même temps qu'ils se livrent à l'agricul- ture et à la chasse. Leur ali- mentalion se compose surtout de millet, de lait et de gibier; jadis, ils ne buvaient que de l'eau pure; mais, depuis qu'ils sont en contact avec les Eu- ropéens, ils font volontiers abus des boissons al- cooliques. Là, comme ailleurs, c'est à l’aide d’al- cool frelaté que beaucoup de Blancs cherchent à civiliser les po- pulations primi- tives. Je ne passerai pas en revue l’in- dustrie des Cafres; je me bornerai à signaler, en pas- sant, les corbeilles en jonc tressées par les femmes avec tant d’habi- leté qu'on peut y conserver des li- quides sans qu'une goultes’'en échappe. J'ajoute- rai que les hom- mes travaillent les des personnes du beau sexe dont les jambes sont | métaux et qu'ils apportent un soin particulier à 900 D' R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE la confection de leurs armes, qui consistent essen- tiellement dans la sagaie el dans une masse de jet en bois dur. Je ne saurais non plus passer sous silence leur grand bouclier en peau de bœuf séchée au soleil (fig. 7). La belle capacité du crâne cafre permeltrait, à elle seule, de supposer que la race est intelligente. Elle compte des orateurs et des artistes qui montrent certaines dispositions pour le dessin, la sculplure et lamusique. Tous les Cafres ont une véritable passion Malgré la cruauté dont ils ont donné maintes preuves en temps de guerre, les Cafres se mon- trent, en temps de paix, généreux et hospitaliers: l'étranger qui vient chez eux avec des intentions pacifiques est reçu poliment et il est assuré de se procurer facilement le nécessaire. La polygamie est d'un usage général parmi eux. Un homme possède autant de femmes que ses moyens lui permettent d'en acheter. Une fille coûte dix à douze vaches. Si grand que soit le nombre Fig. 6. — Femmes cafres broyant du grain, pour la danse. Delegorgue a assisté à une fête dan- sante qui a laissé dans son esprit un souvenir que le temps n'aurait pu effacer : 23.000 guerriers zoulous y prirent part en présence du roi entouré de 80 belles négresses. L'intelligence s'allie chez ces tribus à la bravoure el à l'énergie. Réunis en grandes communautés qui obéissent chacune à un chef, les Cafres reconnurent de bonne heure un roi, et celui-ci dispose d’une armée fort disciplinée. Il est vrai que plusieurs de ces despotes usèrent de procédés efficaces pour maintenir la discipline. Djacka, par exemple, un roi zoulou, punissait de mort ses sujels convaineus de lächeté et de désobéissance. des épouses, la jalousie ne se glisse jamais parmi elles. On voit, au contraire, la première femme travailler sans relâche afin de réaliser assez d'éco- nomies pour permettre à son mari d'acquérir d'autres épouses. Il n’est pas rare de voir un homme à la Lête de vingt ou trente femmes. On à prétendu que les Cafres croyaient à un être suprême et à une autre vie. Toutefois, on ne trouve chez eux ni fétiches, ni trace de culte. Is n'ont pas pour les morts ce respect que l’on rencontre chez les populations convaincues qu’une partie de l’in- dividu survit au corps. Lorsqu'un homme meurt, ses parents se gardent bien de toucher son cadavre; ils se contentent de passer quelques cordes sous le D: R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE 901 “corps pour le trainer à 4 ou 500 mètres du village. Ils laissent aux hyènes le soin de lui donner la … sépullure. —. Nous dirons bientôt le rôle qu'ont joué les Cafres “dans l'histoire de la nation boer, dont nous avons maintenant à parler. IV. — Les Bons. fer, - Nous avons rappelé, au début de cet article, que “les Hollandais s'élablirenten 1652 au Cap de Bonne- “Espérance. Ce fut la Compagnie des Indes qui en- - voya Van kRiebeck y fonder une station pour le ra- vitaillement de ses navires; Van Riebeck emmena avec lui sa famille et une centaine de soldats. Plus tard, la ville d'Amsterdam ex- pédia dans la _colonienaissante des orphelins, qui parlirent ac- compagnés de . marins et de sol- . dats libérés du service. En 160, il y avail 600 Eu- ropéens au Cap. | Cinq ans plus lard, lors de la po de à re ie ; PE Car l'édit de Nantes, des protestants - français, fuyant _ les dragons de _ Louvois, deman- dais eux-mêmes. Quelques années plus tard, l'usage de leur langue fut interdit aux Francais, tant pour les communications officielles que pour le service divin. Quoi qu'il en soit, nous ne saurions oublier la cordiale réception faite à nos malheureux com- patriotes obligés de fuir la terre natale. D'ailleurs, les procédés qu'on a lant reprochés au premier gouverneur de la colonie du Cap s'expli- quent aisément : les émigrants étaient peu nom- breux au début, et, pour résister aux races indi- gènes mentionnées ci-dessus, ils durent se sou- mettre à une discipline sévère. $ 1. — Établissement des Boers en Afrique. Les premières relations avec les naturels de l'Afrique. aus- trale ne furent cependant pas mauvaises. Les colons achetè- rent d'abord aux nègres des Ler- res, qu'ils mirent en valeur; mais bientôt ils ex- proprièrent pu- rementetsimple- ment les vieux propriélaires du sol, qu'ils rédui- sirent même en esclavage. C'est làäune lache dans l'histoire de la nation boer ; no- dèrent un refuge Fig. 7. — Cafre Zoulou du Natal portant le bouclier. tre désir étant de ] . È - à la Compagnie pce Indes, qui les envoya dans la colonie fondée “par Van Riebeck. Un premier convoi, composé de « 300 personnes (hommes, femmes et enfants), y À parvint en 1688. D'autres suivirent, et ainsi se - forma la nation boer (prononcez hour), mélange intime de Hollandais et de Français. C’est cette nation qui à colonisé le Cap de Bonne-Espérance, le Natal, l'État libre d'Orange et le Transvaal. Dès leur arrivée, nos compatriotes calvinistes reçurent un chaleureux accueil des Hollandais, qui leur distribuèrent de l'argent, des vivres, du bétail, et leur assignèrent comme résidence Stellenbosh, la vallée de la Perle et celle des Eléphants, aujour- d'hui appelée le Coin français. Toutefois, ils durent se soumettre à cerlaines conditions, notamment accepter le monopole de l1 Compagnie des Indes pour l'achat des denrées dont ils auraient besoin. Il est vrai que la même obligation avait été imposée par le gouverneur Van Riebeck aux colons hollan- la faire connaître sous son vrai jour, nous ne saurions passer ce fait sous silence. Ces hommes qui, à maintes reprises, même aux époques les plus troublées, ont montré des sentiments si nobles et si humains, qui pous- sent l'amour de la justice à un si haut point, ces hommes, dis-je, ont fait preuve, à l’égard des indi- gènes, d'une dureté qui nous surprend. Mais, pour eux, l'esclavage était une institution logique, et le grand Prétorius lui-même déclarait que la servi- tude du noir au blanc était d'institution divine. Profondément religieux, ils trouvaient dans la Bible la justification de leurs actes : « Quand vous approcherez d’une ville, y est-il écrit, combattez contre elle. » Ils ne trouvaient pas de ville à prendre, mais ils s’'emparaient sans compensation des terres occupées par les tribus nègres. Com- bien de faits de ce genre n'ont-ils pas élé accom- plis au nom de la religion par ceux-là mêmes qui aujourd'hui jettent la pierre aux Boers? 902 D° R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE Les Boers, croissant el multipliant, se trouvèrent vite à l’étroit dans le pays qu'ils avaient occupé à l’origine. Aussi, un certain nombre de colons se virent-ils dans la nécessité d'émigrer vers le nord, emmenant avec eux femmes, enfants, esclaves et troupeaux. Cet exode ne s’accomplit pas sans luttes; les Boers n’avançaient qu'en combattant. En 1786, ils alteignirent le pays des Cafres, et c'est alors que l'Angleterre voulut, pour la première fois, s'emparer de leur territoire. Personne n'ignore que la flotte anglaise fut battue, aux îles du Cap- Vert, par l'escadre franco-hollandaise. En 1795, les Boers avaient proclamé leur indépendance. La Grande-Brelagne, prise soudain d'un grand zèle pour la maison d'Orange, voulut lui conserver sa colonie; elle s'en empara sans difficulté et elle l’a gardée pour elle. Le régime auquel furent soumis les colons amena, en 1815, une première révolte, qui fut noyée dans le sang. En 1834, lassée du traitement que lui faisaient subir les Anglais, une partie de la population boer se dirigea vers le nord-est el fonda un nouvel État entre le fleuve Orange et le Vaal; ce nouvel État recul le nom de République libre d'Orange. Trois ans plus tard, les émigrants franchirent le Vaal, mais ils se heurtè- rent aux Matabélés, qui en massacrèrent un grand nombre; les survivants se mainlinrent néanmoins sur le terrain conquis. C'est alors que Pieter Retief, colon d’origine francaise, se mit à la tête d'un parti qu'il conduisit dans la riche contrée du Natal, laquelle était à ce moment au pouvoir des Zoulous. Atliré dans un guet-apens, Retief fut tué par le roi cafre. Les Boers vengèrent leur chef: sous les ordres d'André Prétorius, ils infligèrent, en 1838, une sanglante défaite à 36.000 Zoulous. Quelque mois plus tard, le 16 décembre de la même année, Dingaan, le grand chef des ennemis, fut de nouveau baltu ; il reconnut alors la suzerai- neté des Boers, qui, le 14 février 1840, procla- mèrent la Aépublique de Natalia. En 1843, les Anglais s'annexèrent la jeune République. Prétorius dut se replier sur le Vaal et il orga- nisa l’£tat libre d'Orange (1848). Poursuivi par les Anglais el vaincu, il eut la douleur de voir l'État d'Orange devenir une province britannique. La plupart de ses compagnons ne voulurent pas accepter la domination de l'Angleterre ; ils chargè- rent leurs femmes et leurs enfants sur leurs cha- riots à bœufs et allèrent retrouver ceux de leurs frères qui avaient franchi le Vaal. La République du Transvaal date de cette époque. Les Anglais avaient mis à prix la tête de Prétorius: les Boers leur répondirent en le nommant président de la République nouvelle. Enfin, le gouvernement de Londres, renonçant à réduire ces hommes intré- pides, reconnut en 1852 l'indépendance du Trans- vaal et de l'État libre d'Orange. Une constitution républicaine fut votée; un volksraad, ou assemblée du peuple, fut élu par le suffrage universel. Voici en quels termes M. Edgard Roels résume, dans une fort intéressante brochure, les événe- ments qui se sont produits depuis cette époque : « Jusqu'en 1877, l’histoire des Boers se résume en sanglants et perpétuels combats contre les Cafres de différentes tribus, combats pour protéger la tente et la famille, combals pour l'occupation de nouveaux districts plus au Nord; un fait ste ro cependant s'élait produit pendant cette période : la découverte de gisements aurifères. : « On peut, sans erreur, y rattacher la décision prise par le Gouvernement anglais le 12 avril 1877 d’annexer le Transvaal. - « Le représentant de sa Gracieuse Majesté vint, « sans plus d'averlissements, à Prétoria, accom- pagné d'hommes armés, et proclama la souverai- nelé de lAngleterre; l’année suivante, Lord Wolseley renouvelait cette déclaration, au mépris du traité de 1852. « Les Boers, instruits par leur passé et par la récente aventure de leur voisin, l'État d'Orange, qui s'élait vu prendre, en 1870, par l'Angleterre, sans autre forme de procès, la région diaman- tifère de son terriloire, aujourd'hui Kimberley, résolurent de combattre, malgré l’affaiblissement où les avait conduits leurs luttes continuelles contre les indigènes et la précarité de leur arme- ment. « Pleins de foi dans la sainteté de leur cause, ils proclamèrent la guerre de l'indépendance : Paul Kruger, Joubert et Prétorius, le fils du premier Président, en furent les chefs. « En trois rencontres, les troupes anglaises furent vaincues ; dans la dernière bataille, le 27 février 1881, sur la colline de Majuba, le général Joubert les écrasa complètement; toute la brigade anglaise y fut détruite, et son chef, le général Colley, se brûla la cervelle. « L'Angleterre dut traiter. « L'Angleterre fut cependant encore assez adroile pour conserver, dans la Convention de 1881, le proteclorat sur le pays qui venait de lui faire subir de si graves échecs militaires. « Les Boers protestèrent contre celle suzeraineté, ant et si bien que le gouvernement britannique M recut, à Londres, une délégation boer à la lête de | laquelle se trouvait le président Kruger, et qui « était envoyée par le Transvaal pour réclamer l’abo- lilion de la suzeraineté. Le nouveau trailé de 1884, qui fut la conséquence de ces négociations diploma- tiques, ne contient, en effet, plus trace du mot suze- raineté, et la République sud-africaine rentra dans tous ses droits souverains, sauf une restriction : à LES CR l'Angleterre a, pendant six mois après leur rédac- - tion, le droit d'opposer son veto aux trailés que le - Transvaal conclurait avec d'autres Etats que la République d'Orange *. » Les Boers élevèrent à la mémoire des viclimes de Ja guerre de l’in- dépendance le monument de Paarde-Kraal (he 9); is.s y rassemblent tous les ans, le jour de Dingaan,c'est- à-dire le 16 dé- cembre, anniver- saire de la ba- taille à la suite de laquelle le chef Zoulou dut, en 1838, faire sa soumission COmM- plète, ainsi que je l'ai dit plus haut. En somme, de- puis la seconde moitié du xvu siècle, les Boers armes à la main l’Angieterre vint de leurs efforts et de leurs vicloires. Cette histoire, il est bon de le remarquer, explique surabondam- D' R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE 903 Fig. 8. — Cascade de Kruger, dans le Magaliesberg. $ 2. — Nature et ressources des pays occupés par les Boers. Des pays occupés par les Boers nous ne dirons que quelques mots. L'Afrique australe est loin de se composer uniquement de plaines ou de déserts ; dans maintes ré- gions s'élèvent de haules mon- tagnes entre les- quelles existent des défilés bien propres aux ern- buscades (fig 10). De grands cours d’eau pren- nentnaissance au pied de ces mon- tagnes el fertili- sent les contrées qu'ilslraversent. Parfois, les eaux seprécipitentdes hauteurs en ma- gnifiques casca- des qui augmen- tent le pitlores- que du paysage; ont dû avoir constamment les | telle est, par exemple, la cascade de Kruger, dans . Chaque fois qu'ils réussirent à | le Magaliesberg (fig. 8). s'emparer d'un nouveau territoire sur lesindigènes, Dans le sud du Transvaal et l'Etat libre d'Orange, pour leur ravir le fruit légitime | le climat est à peu près celui de l'Europe méridio- nale; dans le nord, la température est plus chaude, Fig. 9. — Monument de Paarde-Kraal. ment la rivalité des premiers colons hollandais et français d’une part, et les Anglais d'autre part. 1 E. Roris, La Question sud-africaine, Paris, édition de l'Humanilé nouvelle, 15, rue des Saints-Pères, 1889. — Cf. aussi du même auteur : Boers el Anglais. Autour des mines d'or du Transvaal, Paris, A. Hennuyer, 1898. Fig. 10. — Vue générale des Gorges de Krugersdorp. qui existe entre les descendants tandis qu'elle s'’abaisse au voisinage du Cap. Aussi, les Européens s'y acclimatent-ils sans peine, d'au- tant plus facilement que les maladies épidémiques sont rares et qu'ils n’y sont exposés à aucune ma- ladie endémique sérieuse. Il serait oiseux de parler des richesses minéra- logiques de la région. Les gisements d'or et de 904 D' R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE houille, les champs de diamant sont trop connus pour qu'il soit utile de les rappeler au lecteur. Une grande partie de ces gisements est, à l'heure ac- tuelle, exploitée par des Européers, qui emploient souvent pourcetteexploitation l'ou- tillage le plus perfectionné (fig. 12). Mais ce qu'on sait moins, c'est que les pays sud-africains qui entou- rent le désert de Kalahari sont appelés à un grand avenir agri- cole; partout où la charrue peut creuser un sillon, le sol se montre d'une merveilleuse fertilité, et les céréales y poussent admirable- ment. La République du Transvaal parait être la plus favorisée à ce point de vue. Gràce à son climat, on peut y culliver, à côté des oran- gers, des cilronniers et des plantes semi-tropicales, les arbres fruitiers de nos pays, notamment, le poirier et le pommier. Le tabac transvaa- lien est d'une qualité qui le fait rechercher dans toute l'Afrique australe. La flore spontanée est d’une richesse remar- quable : elle comprendrait au moins 12.000 espèces, c'est-à-dire deux ou trois fois plus que n’en compte l'Europe entiè- re. Parmi les végétaux du Transvaal, je si- gnalerai l'Ar- bre merveilleux, qu'on voit aux environs de Jo- hannesburg.On désigne sous ce nom un arbre qui forme, à lui seul, tout un bois. Il s'étend à la façon du banian \ Ficus bengalensis); lorsque ses branches tou- chent la lerre, elles poussent des racines et deviennent au- tant de troncs qui ne cessent d'être reliés à Ja souche primitive. La vie est donc facile, dans cette région, pour une population se livrant à l’agriculture et à l’éle- vage, comme le fait la nation boer. Et aux pro- Fig. 11. — Un vieux Boer. Fig. 12. — Une exploilation aurifere au Main Keef. — Dans le fond, maisons de Johannesburg. duits que fournissent les champs et les troupeaux, on peut aisément Joindre ceux de la chasse. Le gibier abouude partout, et il n’est pas nécessaire de faire un long voyage pour trouver à tirer une anti- lope. Dans ces conditions, le Boer, qui ne sort, pour ainsi dire, pas sans son fusil, ne pouvait manquer de devenir chasseur, et c'est un chas- seur d'une adresse prodigieuse. $ 3. — Caractères physiques et genre de vie des Boers. Qu'ils soient d'origine française ou d’origine hollandaise, les 340.000 Boers disséminés dans l'Afrique australe, et dont 125.000 habitent le Transvaal, sont des hommes très grands, très soli- dement charpentés ; leur taille moyenne ne serait pas inférieure à 1,80, d'après plusieurs auteurs. Ils ont conservé les traits de leurs ancètres, et, malgré les croisements qui se sont opérés entre les deux populations ayant donné naissance à la race, on rencontre fréquemment deux types qu'il est facile de distinguer : l’un montre des che- veux blonds et des yeux bleus (fig. 11), l'autre des cheveux bruns et des yeux fon- cés. On ne sau- rait être surpris de rencontrer le type blond avec plus de fré- quence, car les Hollandais ont contribué pour une bien plus large part à la formation de la nalion que les Français. Quoi qu'on en ait dit, le milieu a fort peu agi sur les caractères phy- siques des co- lons. C'est évi- demment à leur genre de vie qu'ils doivent, en grande partie, leur robuste consti- tution et leur force de résistance; mais la physiono- mie estrestée française ou hollandaise. On a affirmé que les femmes boers avaient acquis une véritable stéalopygie, c'est-à-dire un développementde graisse D' R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE dans la région fessière, qui rappellerait, de loin il est vrai, ce qu'on observe chez les Boschismanes ou les Hottentotes ; il n’en est rien. Les personnes du beau sexe qui offrent celte particularité sont des métisses et elles ne font pas partie de la nation boer. Assurément, la chair est faible dans l'Afrique - australe, comme elle l'est dans tous les pays du monde: des femmes, des hommes se sont parfois laissés aller à la tentation; mais le fait est plutôt rare. Les unions légilimes avec les populations noires sont tout à fait exceptionnelles, car les indi- vidus qui oublient ainsi leur dignité sont mis au ban de la société. Le nègre esl, aux yeux des co- lons, un être trop inférieur pour qu'il soit permis de s’allier à lui. Si, en dehors du mariage, un Boer commet une faute avec une négresse, il ne recon- nail jamais les enfants qui peuvent naître de ces Fig. 13. — Chariol boer traversant une rivière. relations illégitimes. Si une femme blanche, füt-elle une prostituée, accorde ses faveurs à un homme de couleur et qu'on le sache, elle est immédiate- ment mise à l'index. Cette sélection explique fort bies la persistance chez les colons des caractères de leurs ancêtres européens. Personne n'ignore qu'en hollandais, le mot boer signifie paysan. Les colons de l'Afrique australe méritent d'ordinaire ce nom par leur carrure et par la lourdeur de leur démarche. Ils possèdent en même temps l'esprit d'ordre et d'économie qui caractérise nos paysans, dont ils ont toute la téna- cité. C'est que le Boer est essentiellement l'homme des champs. Il vil souvent isolé avec sa famille dans une ferme, ou plaat, qui n'offre guère de confort. Le fermier construit lui-même sa maison à l’aide de briques qu'il a fabriquées de ses pro- pres mains et qui sont simplement séchées au soleil. Les murs de l'habitation sont blanchis à la chaux et le loit est en paille. Dans ces chau- mières, on trouve deux ou trois chambres sans REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1899. 1 905 autre parquet que le sol baltu, et meublées de la facon la plus sommaire; elles ne contiennent pas toujours de lits pour les enfants, auxquels il arrive de coucher par lerre, sur des peaux. A côté de la ferme, si elle est située dans une région où l'eau soit rare, le paysan s'empresse de creuser un étang, autour duquel il mettra une cer- laine étendue de terrain en cullure. Des jardins admirablement entretenus, d'arbres variés existent à proximité d'un grand nombre de maisons de paysans. C'est dans ce milieu que le Boer mène une vie toute patriarcale, entouré de sa famille et de nombreux troupeaux. Il aime, en effet, l'élevage et, grâce aux gras pâlu- rages qu'on rencontre dans les plaines, notamment dans le voisinage des pans, c'est-à-dire des réser- voirs naturels qu'on trouve fréquemment dans le des vergers plantés Fig. 14, — Chariols boers au marché de Johannesburg. pays, il lui est facile de nourrir un nombre parfois considérable de bœufs et de moutons. En général, les fermes sont fort distantes les unes des autres; pour se rendre chez ses voisins, le paysan a de longues marches à faire. Aussi ignore-t-il les relations de voisinage, les veillées au coin du feu, les lectures en commun. Toutefois, le père ne manque jamais, au moment des repas et _le soir, de lire, à haute voix, dans la Bible quelque passage édifiant; c’est dire que la Bible fait partie du mobilier de chaque habitation. Les centres sont généralement trop éloignés des fermes pour que les enfants puissent fréquenter l’école; par suile, le paysan boer est obligé de s'adresser à des instituteurs ambulants, qui louent leurs services à des prix très modesles. Dans ces conditions, l'instruction ne saurait être très développée. Les riches fermiers, les citadins eux- mêmes laissaient fort à désirer à ce point de vue; mais le gouvernement à compris qu'il ÿ avait là une lacune à combler, et il a créé dans tous les 23" 905 centres importants des établissements d'instruc- tion à divers degrés. Pendant longlemps encore l'homme des champs se bornera à savoir lire, écrire et compter; la population urbaine, au con- traire, sera bientôt en état, si elle ne l’est déjà, de remplir lous les emplois exigeant des connais- sances sérieuses, emplois pour lesquels on était fréquemment obligé de recourir à des étrangers. De nombreux jeunes gens viennent compléter leurs éludes en Europe et retournent chez eux munis Fig. d'une instruction solide, qui leur permettra de rendre de grands services à leur pays. Revenons aux paysans. Montégut, qui a em- prunté ses renseignements à un Anglais, c'est-à- dire à un ennemi héréditaire des Boers, s'exprime en ces termes : « Les maitres sont à l'avenant du logis. Si vous y pénétrez, vous serez rarement reçu par des hôtes en habit de fête : le Boer porte des habits qui sont toujours vieux, et ainsi sont tous ceux de sa famille, car la vanité n'a pas de prise sur les jeunes garçons, ni la coquetterie sur les jeunes filles. Dans cet intérieur peu brillant, vous trouverez cependant un accueil cordial, car, en dépit de sa laciturnilé, le Boer est hospitalier, et il vous offrira, avec une politesse se ressentant | l D' R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE des manières d'autrefois, un repas, dont il vaudra mieux ne pas surveiller les apprêts, et un lit, qu'il vaudra mieux ne pas visiler avant d'en user. » Pas plus que Monlégut, je ne suis allé dans le Trans-. vaal ni dans l'Élat libre d'Orange; mais ce sont des pays qui ont recu la visite de quelques Euro- péens et où l'on se promène en chemin de fer. Or, j'ai lu bien des relations de voyages et je dois déclarer que les auteurs ne signalent point comme générale cette insigne malpropreté dont parle 15. — Johannesburg en 1893. l'écrivain que je viens de citer. Dans le récit du major Serpa Pinto, il est bien question d'une vieille sorcière dont la personne et les manières n'avaient rien d’avenant:; mais, en revanche, le voyageur à rencontré des femmes avenantes, propreltes, el des maisons fort bien Lenues. S'il eût été de ceux qui se laissent volontiers aller à généraliser, il n'eut pas manqué de nous dire que les Boers se nourrissaient d'herbe, tout comme leurs besliaux. En effet, deux enfants, qui avaient élé chargés par leur père de le guider, avaient disparu; on se mit à leur recherche, et le major les vit occupés à manger une sorte de graminée. Poussé par la eurio- sité et mû par le désir de s'instruire, il cueillit une poignée de cette espèce de fin roseau, se mit à en D' R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE 907 macher et ne fut pas peu surpris de lui trouver | dételés (fig. 1%). Cerles, le mode de locomotion une saveur très douce, qui rappelait celle de la canne à sucre. C'était une simple gourmandise que s'offraient ses petits compa- gnons de voya- ge. Cela ne les empêchait pas de se nourrir habituellement de riz, de maïs, de viande de chevreau et de lait, comme tous les pay- sans de la con- trée. Il n'est pas très rare de rencontrer des Boers à demi- nomades; ce sont ceux qui se sont établis sur des points où les rigueurs de l'hiver se font sentir. À l'approche du froid, ils chargent sur un chariot leur mobilier sommaire, leurs femmes et leurs enfants et vont passer la mauvaisesaison dans un endroit plus propice. Ces chariots des paysans, que souvent on dé- signe sous Je nom de wagons, sont faits de poutrelles et de fer et reposent sur quatre gros- ses roues de bois (fig. 13); leur longueur atteint 6 à 7 mé- tres. On y at- telle seize, vingt- quatre, trente- deux bœufs et on trouve le moyen de leur faire franchir les ravins et les rivières. C'est dans ces véhicules qu'on transporte les denrées aux marchés qui se tiennent dans les villes et qui offrent le coup d œil le plus pittoresque avec les chariots dépourvus de leurs bâches et les bœufs Fig. 16. — Afrikan Bank Company, à Johannesburg. Fig. 11. — Brasserie à Johannesburg. dont il s'agit manque de rapidité; mais il en existe d'autres, et, à l'heure actuelle, tous les grands centres sont reliés par des voies ferrées. A lui seul, le Transvaal pos- sède 1.200kilo- mètres de che- mins de fer, comme il pos- sède ses pos- tes, ses télé- graphes, ses téléphones, qui fonctionnent avec une régu- larité que par- fois nous se- rions tentés de lui envier. Chez les fer- miers, on se marie jeune. Dès qu'un gar- çon a alteint l’âge requis pour contracter union, il commence par dresser la liste de toutes les jeunes filles des districts environnants, met une plume à son chapeau, monte à cheval (car le Boer marche peu à pied), et il com- mence une cu- rieuse tournée de fiançailles. « Arrivé au lo- gis quil s'est proposé de visi- ter en premier, ilentre sansmot dire et exhibe de sa poche une boîte de prunes confites, frian- dise très recher- chée des Boers, etunechandelle de cire, langage symbolique que la mère et la fille comprennent à l'instant. Les prunes sont pour la mère, et elles ne sont jamais refusées ; la chandelle est pour la jeune fille, et elle est quel- quefois repoussée; dans ce cas, le galant remonte à cheval sur l'heure et reprend sa tournée, Si la chan- 908 D: R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE delle est acceptée, elle est allumée sur-le-champ, et la mère se relire en fichant une épingle à un pouce ou deux de la flamme pour mesurer au jeune couple ses heures d'entretien » (Montégul). Les Boers, que j'ai eus en vue jusqu'ici sont les vrais paysans; mais il existe de riches fermiers, qui pos- sèdent des habitations con- fortables, des chevaux de luxe et des cabriolets. Près des villes, le colon s’esl embourgeoisé au point qu'il n'est pas rare d'entendre chez lui un piano jouant l'hymne national ou quel- que danse nouvelle: c'est un cadeau qu'il à fait à sa fille après avoir vendu quelques têtes de bétail. Dansles villes elles-mêmes, les Boers vivent à l’euro- péenne; mais là, ils ne cons- lituent souvent qu'une in- fime minorité. A Johannes- burg, par exemple, dans celte cité de l'or qui à poussé en quelques années (Hig. 15), on compte actuel- lement 100.000 habilants, sur lesquels les blancs n'atteignent que le chiffre de 50.000; or, parmi ces Blancs, ce sont les An- glais qui prédominent. Ce sont eux qui ont fondé Fig. 18. — La Tour du téléphone, à Johannesburg. liser avec les grands établissements similaires d'Europe. Il ne faudrait donc juger des Boers, comme on à trop de tendance à le faire ni par la | population des villes, où l’on rencontre des aglo- teurs venus des quatre points cardinaux, ni par celle des centres miniers, où le vrai Boer est en infime minorité. $S4. — Mœurs et Civilisation des Boers. Les Boers ont certaine- ment des défauts, et nous n'avons pas cherché à les dissimuler; mais quelle est la nation qui n'en a pas? On les a accusés d'inhu- manité, et nous avons vu, en effet, qu'ils se sont sou- vent montrés durs avec les indigènes et qu'ils ontlong- temps lulté pour maintenir l'esclavage. J'ai dit que leurs idées religieuses y avaient contribué dans une large mesure ; leur histoire nous à fait voir que, dans bien des cas, ils avaient été contraints de prendre les armes, soit pour conquérir de nouveaux lerri- loires lorsqu'on venait leur ravir ceux qu'ils avaient mis en valeur, soit pour repousser les attaques des nègres. Mais, à l'égard des blanes, LÉ. BANANE DEL 14 . 4 Fig, 19. — Hôtel des postes, à Johannesburg. les principaux établissements de commerce, les banques les plus importantes comme l'Afrikan Bank, par exemple (fig. 16), et une foule de mai- On cette ville des brasseries (fig. 17) qui peuvent riva- sons industrielles. trouve nolamment dans Fig. 20. — Parc de Johannesburg. ils ont toujours été loyaux, francs et hospila- liers. Même envers la nation ennemie, ils font preuve de sentiments humains. « Les blessés, écri- vit le général White après le combat de Lady- smith, ont été traités avec beaucoup d'humanité par D' R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE les Boers. Le général Joubert m'a aussitôt envoyé une lettre dans laquelle il m'offrait un sauf-conduit pour les médecins et pour l’ambulance, afin de transporter les blessés. » Chaque jour le comman- dant en chef de l’armée transvaalienne montre les mêmes qualités de cœur, et son exemple est suivi par tous ceux qui servent sous ses ordres. Le palriotisme des Boers leur à valu l'admiration du monde entier. À l'heure actuelle, tout le peuple est debout et les membres du Gouvernement eux- Fig. 21. — Commissioners, mêmes, le président Kruger en têle, sont partis aux armées. Ses huit fils servent sous les ordres du général Joubert; et au moment où nous rédi- geons ces lignes, la nouvelle arrive en Europe de la mort du procureur général de Prétoria, qui s'est fait tuer à Glencoe, et de celle du sous-secrélaire d'État à l'Instruction publique, tombé glorieusemeat devant Ladysmith. Et lous ces hommes font leur devoir simplement, sans forfanterie, car dès leur enfance on leur à appris ce qu'ils devaient à leur patrie, si elle venait à être menacée. Parmi ces vail- lanis figurent de nombreux descendants de Fran- cais : le commandant en chef en est un, et, dans son armée, on trouve des Du Toit, des Hugo, des Vil- 909 liers, des Plessis, des Roubaix et bien d’autres. [ls ne parlent plus notre langue, mais c'est notre sang qui coule dans leurs veines. On à adressé au Gouvernement transvaalien des reproches qui me paraissent lout aussi immérilés que la plupart de ceux qu'on adresse aux paysans. C'est, dit-on, un gouvernement arriéré, qui ne fait rien pour favoriser le commerce et l'industrie, qui pressure les Sociétés minières, qui gaspille les deniers publics, qui refuse loute salisfaction aux Streel, à Johannesburg. étrangers. À ces griefs, M. Roels a répondu, non par des phrases, mais par des faits et par des chiffres. Lisez ses brochures, et vous verrez que ce gouvernement chaque année 6 millions à l'instruction publique sur un budget arriéré consacre qui dépasse à peine 100 millions; qu'il a construit, comme je l'ai rappelé 4.200 kilomètres de voies ferrées; qu'il a organisé un service de postes, de télégraphes et de téléphones logés dans de véri- tables palais (fig. 18 et 19); qu'il a construit des bourses pour favoriser le commerce et l'industrie; que l'assemblée du peuple siège, à Prétoria, dans un édifice qui est aussi un magnifique palais (fig. 22). Les étrangers, il les a laissés s’élablir 910 D° R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE dans le pays, et il n’a rien fait pour entraver le développement de Johannesburg, par exemple, où les burghers, autrement dit les citoyens boers, ne constituent qu'une minime partie de la population. En dehors des monuments que je viens de citer et qui ont été construils aux frais du Transvaal, la cité possède des rues, lelle que « Commissioners’ Street » (fig. 21), qui peuvent rivaliser avec celles de nos grandes villes européennes, un pare ravis- sant, où croissent une foule de belles plantes, (fig. 20) et des attraclions de toutes sortes. Il est vrai que quatorze années de résidence élaient imposées aux étrangers avant que la qualité de burghers (d’électeurs) leur fût concédée; mais, en agissant ainsi, le Gouvernement ne faisait que lutter pour son existence. « Nous n'élions, disait dernièrement le président Kruger, que 10 à 12.000 burghersel nous nous serions exposés à être submergés dans le flot des immigrants; aujourd'hui la Répu- blique compte 30 à 10.000 ciloyens, nous pouvons done ouvrir plus largement les por- les de la cité, Plus tard, nous pourrons nous montrer plus ac- cueillants encore. Mais, avant tout, les Boers doivent veiller à ne pas se laisser exproprier d'un pays qui est le leur. » Et, dans un grand esprit de conciliation, il en arriva à proposer de conférer la naturalisation aux étrangers après sept années de séjour. Quel est le pays d'Europe, demanderai-je avec M. Arthur Desjardins et avec M. Paul Leroy-Beaulieu, qui se montre aussi libéral ? Il est encore parfaitement exact que la plus grosse part des impôts est prélevée sur le produit des mines. Mais la République sud-africaine n'’est- elle pas libre de voter les lois fiscales qui lui conviennent? Pour notre part, nous ne nous sen- tons pas le courage de la blàmer de faire surtout peser les taxes sur ces willanders, ces étrangers venus aux champs d'or pour y faire des fortunes scandaleuses. On est assez surpris vraiment de voir l'Angleterre prendre parli pour les uitlanders, comme s'il s'agissait de sujets anglais, quand ils sont venus de tous les pays du monde. Voulez-vous savoir ce qu'ils sont en réalité? Relisez les passages suivants de la belle leltre que le général Joubert adressait à la reine Victoria quelques jours avant la déclaration de guerre. Après avoir rappelé la décou- Fig. 22. — Rue de Préloria el Palais du Gouvernement. verte de riches gisements d'or dans le Transvaal, le général, qui est en même temps vice-président de la République, écrivait : « Cette découverte n'a certes pas profité aux malheureux Boers. Des hommes qui, pour toutes sortes de raisons, ne pouvaient plus rester dans leurs pays respeclifs, et dont aucune nation ne pouvait plus rien attendre, envahirent par flots le nouvel Eldorado, entrainant à leur suite la tourbe des spéculateurs éhontés. Puis arrivèrent les capitalistes ambilieux, pernicieusement in- fluents, préoccupés uniquement de décupler leurs fortunes par n'importe quels moyens, et indiffé- rents quant aux destinées de notre pays. « Que Votre Majesté réfléchisse donc un peu sur les agissements de ces hommes, qui, à pré- sent, crient à l'oppression! « Opprimés! eux ?ces hommes qui ont amassé des fortunes dans notre pays et qui sont plus riches que jamais ne le fut aucun des vieux trekkers (immigrants) boers et que ne le se- ront jamais leurs en- fants et leurs petils- enfants. « Opprimés, ceux qui ont essayé de renverser la République sud-afri- caine et qui ont pro- voqué la panique à Jo- hannesburg, causant ainsi le départ de beaucoup d'habilants apeurés; ceux-là qui sont responsables du terrible accident de chemin de fer survenu en Natalie et qui coûta la vie à tant de créalures humaines! Opprimés, enfin, ceux qui auront à répondre du sang répandu pendant l'infâme invasion de Jameson et du sang qui coulera demain... » Certes, il y a de braves gens parmi les étrangers; mais combien sont nombreux les hommes à anté- cédents douteux! Voici une anecdote qui viendra confirmer l'opinion du général Joubert. À Johan- nesburg s'est fondé un cercle qui ne compte guère que des membres appartenant à l’aristocralie de la finance; chaque clubman doit payer 1.250 franes de droit d'entrée et verser une cotisation de 62 fr. 50. Un jour, un ancien magistrat de Kim- berley demanda son admission; il ful repoussé. Cet échec suscila un vif étonnement dans la ville, et, comme un ami exprimait sa surprise au can- didat évincé, celui-ci répondit en souriant : «Il ya dans ce club trop d'anciens habitants de Kimberley qui ont des raisons de m'en vouloir et de ne pas D: R. VERNEAU — LES BOERS ET LES RACES DE L'AFRIQUE AUSTRALE 911 me pardonner mes anciennes fonctions de juge! » Ne vaut-il pas mieux faire principalement peser les charges sur ces hommes que de pressurer les malheureux fermiers ? J'ai dit que l'argent provenant des impôts élait employé à de louables usages, les plus grosses sommes étant affectées aux grands services publics et aux villes qui en ont le plus besoin par suile du développement qu'elles ont pris. À Prétoria, les dépenses sont infiniment plus réduites qu'à Johan- nesburg; la simplicité continue à régner dans la capitale, où les grandes rues (fig. 22) ne sauraient êlre comparées à celles de la cité de l'or. La ré- sidence du président de la République lui-même ne rappelle guère les somptueux palais de nos chefs d'État eu- ropéens, ni même les hôtels de nos minis- tres. Pour le bud- get de la guer- re, il suffit, en temps ordinai- re, dé sommes relativement faibles, car l’ar- mée perma- nente ne com- prend que les 600 hommes du régiment d'artillerie de Prétoria et les 2.000 hom- mes des troupes de police. Mais, de seize à 16 à 60 ans, tous les individus valides doivent le service militaire en cas de guerre; alors la Répu- blique sud-africaine et l'État libre d'Orange peuvent mettre sur pied 55.000 hommes au courage éprouvé, qui partent en guerre sans autres bagages que leur fusil, leur carlouchière et un morceau de bœuf salé attaché à la selle de leurs chevaux. Et quel usage savent faire de leur arme ces soldats improvisés, mus par le plus ardent patriolisme! Dès l'enfance, on leur à appris à s'en servir : à peine adolescents, ils considèrent comme un jeu d’abaltre à 250 mètres un gnou ou une anti- lope Dans un combat leurs balles portent, et, gräce à leur sang-froid, ils tirent comme à la cible Nous ne voulons rien conjecturer de l'issue de la guerre actuelle; mais ce que nous pouvons prédire, c'est que les Boers lutteront vaillamment. [ls défen- dront jusqu'à la mort leur chère République, à la- quelle ils ont juré fidélité. Qui ne sail avec quel empressement ils ont prêté, à Krugersdorp, le ser- ment de verser leur sang pour elle le jour où elle serait menacée. Chaque homme apportlait une pierre Fig. 23. — Monument boer, à Krugersdorp. qu'il déposait sur le sol et promettait de ne jamais trahir ni la Constitution ni la patrie. Les pierres s’entassaient et un monument d'une touchante sim- plicité s'élevait rapidement fig. 23). Le monument n'a pas disparu et les Boers n'ont pas oublié leur serment, S'ils succombent, comme le disait tout récemment le président Kruger, le monde sera étonné de la résistance qu'ils auront opposée à eurs ennemis. Ils ont déjà montré ce dont ils étaient capables; nous savons que les femmes elles-mêmes ont fait preuve d'un courage Sans égal. Dans la guerre contre les Zoulous, elles excitaient leurs maris, rechargeaient leurs armes, tuaient à coups de hache les ennemis qui cher- chaient à passer en rampant sous les chariots rangés autour du camp. La race n'a pas dé- généré; en ce moment, des centaines de femmes et de jeunes filles combattent aux côtés de leurs maris ou de leurs frères. En il nous semble impos- sible, quelque opinion que l'on vérilé, puisse avoir, de ne pas saluer avec respect ce petit peuple qui n'a pas craint de s'exposer à toutes les horreurs de la guerre plutôt que de s'incliner devant le droit du plus fort. Au début de l'humanité, la force a, sans doute, primé le droit, comme elle le prime encore chez les populations restées au bas de l'échelle sociale. Mais nous sommes à la fin du xix° siècle; des progrès ont élé accomplis depuis l'époque où nos ancêtres luttaient, comme dit le poète lalin, pour se procurer des glands ou des tanières; nous avons la prétention de marcher à la tète de la civilisation, et nous n'avons pas encore de tribunaux d'arbi- trage. Il serait temps de renoncer aux pratiques que nous n'hésitons pas à condamner chez les sau- vages et de proclamer que l'idéal de toute nation vraiment civilisée doit être de faire passer avant la force le droit et la justice”. D' R. Verneau, Assistant d'Anthropologie au Muséum. 1 Conférence faite le samedi 28 octobre, dans la salle des Prévôts, à l'Hôtel de Ville. (Enseignement populaire supé- rieur de la ville de Paris.) 912 GABRIEL BERTRAND — LES PENTOSANES LES PENTOSANES Il n'est pas actuellement de chimiste, de bota- niste ou d'agronome qui ne connaisse, au moins pour l'avoir lu ou entendu prononcer, le nom de pentosane; et beaucoup, qui ne s'occupent pas Spécialement de celte question, peuvent croire qu'il s'agit là d'un groupe de substances parfaite- ment étudiées, dont on n'ignore ni l'origine, ni les propriétés, ni le rôle physiologique. Il n’en est cependant pas tout à fait ainsi : l'étude des pento- sanes est fort difficile, et, malgré de nombreuses recherches, bien des points sont encore dans l'ombre. J'essaierai de les faire ressortir en résu- mant l'ensemble des fails acquis. I On sait qu'il existe, très répandues chez les êtres vivants, un grand nombre de substances ternaires qu'on à appelées hydrates de carbone, parce que l'hydrogène et l'oxygène s'y lrouvent exactement dans le même rapport que dans l’eau: telles sont, par exemple : l'arabinose CH!05, le glucose GH"0%, le sucre ordinaire C°“H*02l’amidon CFH10}, etc. Les plus simples de ces substances, celles aux- quelles toutes les autres peuvent étre rapportées, sont les glucoses, dont on distingue deux groupes principaux : celui des hexoses, qui a six atomes de carbone, avec la formule générale C'H05, et celui des pentoses, plus nouveliement connu, qui a seu- lement cinq atomes de carbone et se représente par la formule générale C°H!05. Tous ces glucoses sont susceptibles de s'unir les uns aux autres, molécule à molécule, et cela en nombre indéfini, grâce à des déshydrations suc- cessives que représentent les formules ci-dessous : 2(CSH1205) — C'2H2#01 _ H°0 Glucose ord. Maltose. Eau. 3(CSH2O6) — Cispi20ue + 2H°0 Glucose ord. Tréhalose, ACER DI = Glucose ord. C£aH 12 (n —2) (6 (n—1) de Cellulose, amidon, etc. n—1)H°0 Il en résulte des corps de plus en plus com- plexes, ayant toujours la formule brute d'un hydrate de carbone, mais, en outre, la propriélé caractéris- üique de se résoudre en sucres réducteurs, quand on les hydrate par ébullition avec les acides dilués. Les termes les plus élevés de cette union, ceux qui résullent de la soudure d'un grand nombre de molécules sucrées, sont complètement insolubles dans l'alcool, tout au plus gonflés par l’eau bouil- lante et absolument amorphes. On leur a donné le nom d'herosanes quand ils dérivaient d'hexoses, et celui de pentosanes quand ils dérivaient de pen- toses. D'après cela, on conçoit qu'il doit y avoir une grande analogie de propriélés entre les deux groupes de corps. C'est, en effet, ce qui a lieu, etil suffit de se rappeler les caractères des principales hexosanes, c'est-à-dire de l’amidon, de la lichénine, de la cellulose ordinaire, de la galaclane, de Ja mannocellulose, pour se représenter en même temps, d'une manière assez exacle, ce qu'on appelle des pentosanes!, II La plus anciennement et, sans doute aussi, la mieux connue des pentosanes estla gomme de bois, découverte par Poumarède et Figuier. Contraire- ment à l'opinion de Foureroy, Payen avait montré, en 1838, que le ligneux n'est pasun principe immé- diat défini, mais qu'il renferme, à côté de la cellu- lose fondamentale, toute une série de corps, qu'il désigna, en bloc, sous le nom de matières incrus- tantes. Malheureusement, les résultats qu'il obtint, basés sur l’action de la polasse fondante sur la sciure de bois, ne pouvaient passer pour bien précis. Parlant de cette idée, Poumarède et Figuier opérèrent à froid, avec une solution de soude à 40 °/,. Ils observèrent que le bois cédait alors à la lessive alcaline une sorte de gomme de même composition centésimale que la cellulose et proba- blement analogue, pensaient-ils, à la pecline de Braconnot?. La question en resta là jusqu'en 1879. époque à laquelle Th. Thomsen remarqua que la gomme de bois se transforme, par ébullition avec l'acide sulfurique étendu, en un sucre réducteur et infer- mentescible, sucre qui, un peu plus tard, fut pré- paré par Koch à l’état de purelé sous le nom de sucre de bois, et rapproché par ce chimiste de l'arabinose de Scheibler®, Celle observation importante aurait suffit à dé- terminer la constilution chimique de la gomme de bois, si l'on avait connu, à cette époque, la véritable formule de l’arabinose ; mais on ignorait s'il y avait d'autres sucres réducteurs que ceux à six atomes de carbone. Ce fut seulement lorsque ‘ Les pentosanes donnent, par exemple, des dérivés nitrés analogues au fulmicoton. Plusieurs pouires pyroxylées con- liennent certainement des nitropentosanes. * Mémoire sur le ligneux et sur les produits qui l’accom- pagnent dans le bois. Comptes rendus Acad. des Sc. * Pharmaceutische Zeitschrift für Russland (1886). GABRIEL BERTRAND — LES PENTOSANES 913 Kiliani eut montré que l’arabinose est un glucose en C°,que Wheeler et Tollens ! reprirent l'étude du sucre de bois — aujourd'hui xylose — et le clas- sèrent définitivement dans le groupe des pentoses. Du mème coup, ils créèrent l'expression de pento- sanes pour désigner toutes les substances, plus ou moins voisines de la gomme de bois, qui se trans- forment en pentoses par ébullition avec les acides étendus. De telles substances se rencontrent abondam- ment dans la Nature : la plupart donnant de l'ara- binose, quelques-unes, d’après les expériences de - Maquenne et celles de Tollens, un méthylpentose ?. Peut-être même existe-t-il des pentosanes mixtes, dérivant d'un mélange de plusieurs sucres en C* et jusqu'à des hexopentosanes, dans la constitution desquelles entreraient à la fois des hexoses et des pentoses. Toutefois, ce sont là des questions encore incertaines et, semble-t-il, assez loin d'être … résolues. 11 est fort difficile, en effet, d'étudier et surtout d'isoler les pentosanes. Toutes ces substances sont umorphes, comme les rares combinaisons dans lesquelles on peut les engager, — non sans crainte d’altération irrémédiable — et, de plus, insolubles dans presque tous les dissolvants neutres. L'eau seule en atlaque quelques unes, surtout à chaud, en donnant des dissolutions épaisses, diffi- ciles à filtrer, rendant les précipités colloïdaux, en résumé, se prélant mal aux purifications el aux déterminations précises. En général, on extrait les penlosanes en traitant les produits qui en renferment, par une solulion alcaline. On filtre, on salure par un acide et l’on précipite par l'alcool. Dans ces conditions, il est presque impossible quele précipité ne renferme pas soit des matières albuminoïdes, soit des hexosanes, soit d'autres malières inconnues. On peut, il est vrai, s'assurer s'il contient ou non de l'azote, déduire les cendres, faire d’autres compensations, mais jamais on n’a la certitude de pouvoir décrire un corps pur el surtout une pentosane unique. Toutes ces difficullés font que, jusqu'ici, on à trop souvent recherché les penlosanes chez les êtres vivants par des méthodes indirectes. La moins mauvaise consiste dans l'hydrolyse des produits à examiner par ébullilion avec un acide étendu, et la recherche du ou des pentoses qui ont pu prendre naissance au cours de l'opéralion. Mais cette mé- thode a encore élé trouvée trop longue, et beaucoup se sont contentés de la réaction dite du furfurol. On distille en présence d'acide chlorhydrique moyen- nement concentré ; les pentosanes passenl rapide- ! Sur le xylose ou sucre de bois, un deuxième penlaglu- cose. Liebig's Annalen, t. CCLIV, p. 304 (1889). * C’est le cas pour les algues du genre Fucus. ment à l'élat de pentoses, puis, ceux-ci, se déshy- dratant, engendrent le furfurol d'après la réaction suivante : CHEOH CH.OH CI—CH ra RADAR cons HN CH.OH () COH Le furfurol est volatil; on le reconnait dans le liquide distillé, à la coloration rouge très intense qu'il donne à froid avec l'acétale d’aniline ou, à chaud, avec la phoroglucine et l'acide chlor- hydrique. Ainsi mise en pratique, la recherche des pento- sanes est soumise à plusieurs causes d'erreur et peut très bien indiquer la présence de ces subs- lances quand il n’y en a pas. C’est ainsi que l’acide glycuronique, l'oxycellulose, etc., se transforment facilement en furfurol, que les hexoses et leurs générateurs en fournissent de petites quantités, que le rhamnose et beaucoup de glucosides donnent du méthylfurfurol, lequel peut être confondu avec le furfurol ordinaire, etc. Une réaction très simple et extrêmement sen- sible, que j'ai indiquée pour distinguer les hexoses des pentloses, donne des résultats plus exacts". Un petit fragment de la substance, celle, par exemple, qu'on à extrail à l’aide de la soude, est doucement chauffée dans un tube à essais avec quelques milli- grammes d'orcine el 2ou 3 centimètres cubes d’acide chlorhydrique concentré. Le liquide se colore en bleu violet si l'on a affaire à un penlose ou à une pentosane. Il devient, au contraire, rouge-orangé avec les hexoses, les méthylpentoses et les divers corps susceplibles de fournir ces sucres par hydro- lyse. Malgré les causes d'erreurs signalées plus haut, la méthode au furfurol à été préconisée non seule- ment pour la recherche des pentosanes, mais encore pour le dosage de ces corps. On doit opérer alors dans des condilions qui soient, autant que pos- sible, toujours les mêmes, et l’on détermine la quantité de furfurol produite. L'incertitude dépasse quelquefois 10 °/,; mais, en dépit de cette imper- fection, la méthode à pu donner quelques résultats instruclifs. ITL Les penlosanes sont extrêmement répandues dans les végélaux. La gomme de bois ou æylane, surtout, a été signalée dans des organes apparte- nant aux plantes les plus diverses. En résumant les ! G. BERTRAND : Sur quelques réaclions colorées des hy- drates de carbone. 1891. Bull. Société Chimique (3), t. V, p- 939, ctt. VI, p 259. 914 GABRIEL BERTRAND — LES PENTOSANES recherches faites à ce sujet par Poumarède et Figuier, Thomsen, Koch, Wheeler et Tollens, Hé- bert, Stone et Lotz, et moi-même, on peut dire que la xylaue fait partie du tissu lignifié de Loutes les plantes angiospermes, que ce lissu appartienne à la tige, aux feuilles ou aux fruits. Elle accompagne alors, à titre de matière incrustante, la vaseulose de Fremy et cette espèce de résine à fonelion phé- nolique que j'appelle lignol”. Chez les plantes gym- nospermes(Conifères, ete.),le bois n'a pas tout à fait la même composition; il ne cède aux lessives alca- lines que des traces d’une gomme, que j'ai reconnue comme un mélange de galactane et de xylane; par contre, j'y ai trouvé une quantité importante de mannocellulose. Ainsi, l’étude des pentosanes con- duit à reconnaitre des processus chimico-physiolo- giques distincts chez deux classes de végétaux, angiospermes et gymnospermes, que l’on sait pro- fondément séparés par leur morphologie et leur structure anatomique. Il y a là, me semble-t-il, comme une indicalion des services que la Chimie pourra rendre un jour à la Systématique. La même différence de composition présente encore un autre intérêt, mais d'ordre plus pratique. Quand on säccharife à fond du bois de Conifères, cellulose comprise, on obtient un mélange de sucres où dominent, d'après ce qu'on a vu plus haut, le glucose et le mannose. Au contraire, la même opé- ration portant sur du bois de hêtre, de charme ou d'une autre angiosperme, donne du glucose et du xylose. Or, le glucose et le mannose seuls sont fer- mentescibles; le xylose résiste à l'action de la levure. On ignorait ces détails quand on à voulu créer l'industrie, bien vite tombée, de l'alcool de bois. La xylane n'existe pas seulement dans les tissus lignifiés ; on en a trouvé aussi dans cerlaines graines, capucine, pivoine, balsamine, quelques mucilages et même, d'après Voswinkel, dans plusieurs Cham- pignons. Si les faits relatifs à la xylane sont assez nets, nous n'avons, par contre, des pentosanes dérivées de l’arabinose, que des connaissances peu pré- cises. On n'a même pas encore isolé de principe immédiat qui puisse être désigné simplement sous le nom d'arabane. C'est en hydrolysant, avec des élendus, des composés gommes de toules sortes, principalement de la acides pectiques, des 1 G, Benrnaxo : Sur la composition immédiate des tissus végétaux, Comples rendus Acad. des Se., t. CXIV, p. 1492 1892), et Note sur les tissus lignifiés, Bull. Soc. Chimique 3), t. VIT, p. 468 (1892), dans laquelle il faut lire (ligne 1b) ozalique au lieu de malique. J'avais d'abord employé le nom de Lignine, mais pour éviter une confusion avec la lignine des auteurs allemauds, qui comprend l'ensemble des matiè- res incru-tantes autres que les hydrates de carbone, j'atopte aujourd'hui celui de lignol. gomme arabique ou de cerisier, que Scheibler et d'autres chimistes ont obtenu l’arabinose. Or, dans toutes ces expériences, l’arabinose semble avoir toujours élé accompagnée de galaclose, sucre à six alomes de carbone; d'où il faudrait conclure que les matières premières sus-indiquées renferment un mélange de plusieurs hydrates de carbone, ou peut-être même des hexopentosanes. Je ne puis insister davantage ici, la littérature chimique manquant de documents, sur les liens qui paraissent exister au point de vue chimique entre les gommes et les composés pectiques; je dois me borner à signaler l'intérêt que pourrait présenter l'étude de cette question sous le rapport de la dégénérescence gommeuse des Lissus végé- taux. Les composés pectiques, en effet, constituent presque totalement, d'après les expériences de Payen et celles de Mangin, la zone intercellulaire des Lissus non lignifiés. On ignore encore si dès pentosanes existent nor- malement chez les animaux. Salkowsky et Jastro- witz ont seulement signalé la présence de petites quantités de pentoses dans certaines urines. Mais ces sucres pouvaient provenir aussi bien des ali- ments que de la désintégration des cellules. Les pentoses sont difficilement assimilés el, comme le montrent les expériences d'Ebstein el les miennes, il suffit d'absorber quelques grammes de ces sucres pour les voir apparaître rapidement dans l'urine. On détermine ainsi un pseudo-diabèle dont la durée est, en quelque sorte, proportionnelle à la dose de sucre ingérée. Les pentosanes qui entrent pour une part notable dans la composition des fourrages, ne sont guère mieux utilisés par les herbivores. Il en disparaît une partie seulement dans leur tube digestif, pro- bablement comme la cellulose, sous l'influence des microbes. C'est même une chose assez surprenante de voir ces substances si aisément saccharitiables, présenter une telle résistance aux sues digestifs et aux ferments microbiens. On les retrouve, beau- coup moins altérées que la cellulose, dans le fumier de ferme consommé, el, tout récemment, Tollens a pu en doser des quantités notables jusque dans la tourbe. En résumé, les penlosanes sont des principes constiluants essentiels des lissus végétaux. À ce titre, l'étude de leur répartition, de leurs rapports réciproques et de leurs propriétés, intéresse non seulement plusieurs branches de la science pure, mais encore celles qui s'appliquent à l’économie rurale et à diverses industries. C’est une raison pour croire bientôt résolus la plupart des problèmes qu'elle présente encore à l'heure actuelle. Gabriel Bertrand, Assistant au Muséum. X. ROCQUES — LA CONTAMINATION DES EAUX DE SOURCE DÉRIVÉES A PARIS 915 Le fait de la propagation de maladies d'origine bactérienne, de la fièvre typhoïde en particulier, par les eaux servant à l'alimentation, a été constaté avec une telle netteté dans un si grand nombre de “cas qu'il justifie les précautions dont on s’entoure “pour amener dans les villes des eaux de source “exemples de toute contamination. Paris n'avait autrefois pour sa consommation “que l’eau de rivière et celle des puits urbains. Bel- “grand y amena les eaux des sources de la Vanne et de la Dhuis. Plus récemment, les eaux de source de l'Avre ont été captées et amenées à Paris !, de sorte que l'alimentation journalière en eaux de source de la Capitale est en moyenne de : . MT | Vannes #4: 110.000 mètres cubes. Avre 75.000 — Dhuis 19.000 — S'il est incontestable que l'usage de ces eaux de bonne qualité ait été la cause de la diminution considérable des cas de fièvre typhoïde observés à Paris, il n’en est pas moins vrai que celte maladie “na pas disparu. Cela tient peul-être à ce que cetle affection reconnait d'autres modes de propagation de son contage que le transport par l'eau; mais - cela tient surtout : 1° à ce que la quantité d'eau de source est insuffisante et que l’on distribue encore de l'eau de rivière, au moins à litre temporaire pendant les périodes de sécheresse estivale; 2° à ce que nos eaux de source ne sont pas irrépro- chables, et que leur accès n'est pas suffisamment interdit au bacille d'Eberth. Celte année nolamment, l'attention publique à - été appelée par deux fois sur nos eaux de source. En janvier, les eaux de l'Avre arrivaient à Paris, laiteuses, et leur opacité durait environ deux mois. On signalait en même temps une épidémie de fièvre typhoïde dans le xIm° arrondissement, alimenté par ces eaux. Une campagne de presse détermina l'envoi d'une Commission qui se rendit le 42 février à ces sources. En juillet el août, une épidémie de fièvre typhoïde, cette fois plus géné- rale et plus intense, se déclara principalement dans les quartiers alimentés par l'eau de la Vanne. Nous dirons quelques mots de cette épidémie, qui a été étudiée par le D' Thoinot, mais nous com- mencerons par examiner les conditions dans les- quelles se trouve l'eau de source de l'Avre. Celte eau a, en effet, été mise en suspicion, au commen- 4 Les études définitives du captage furent faites en 1887, les travaux en 1890-93, et la mise en service de l'eau eut lieu le 1er avril 1893. LA CONTAMINATION DES EAUX DE SOURCE DÉRIVÉES A PARIS cement de l’année, par le Laboratoire municipal de Paris. Le D'° Thoinot, si compétent dans ces questions d'épidémies d’origine hydrique, a for- mulé, au sujet de la pureté des eaux de l’Avre, des réserves formelles; enfin, un ingénieur, M. Félix Brard, connaissant parfaitement la région dans laquelle les sources de cette rivière prennent nais- sance, a fait une étude sur les pertes et sur les sources de l’Avre, qui montre nettement la nature vauclusienne de ces dernières et les dangers de contamination qui peuvent en résulter. La partie de la vallée de l'Eure qui nous inté- resse est caractérisée par un grand nombre d’exca- vations, dont quelques-unes atteignent de très grandes dimensions. Ces excavations résultent d'effondrements et sont dues à la corrosion du sous- sol calcaire par les eaux souterraines. Elles affec- tent, la plupart du temps, la forme d’un entonnoir et se désignent sous le nom de mardelles. M. Bon- nin, dans une notice sur la vallée de l'Iton, voisine de celle de l'Avre, a signalé une mardelle-enton- noir ayant 70 mètres de diamètre sur 16 mètres de profondeur, soit un creux de 30.000 mètres cubes environ. M. Félix Brard a visité, dans les vallées de l’Avre et de la Vigne, plus de 150 excavations, trous, gouffres, mardelles. Les mardelles de cette vallée ont de 4 à 30 mètres de diamètre, de 2,50 à 7 mètres de profondeur, soit un eube de 50 à 2.000 mètres cubes. Il a cherché à se rendre compte, par le calcul, de la quantité de marne calcaire dissoute annuelle- ment par les eaux souterraines, de manière à expliquer l'importance des vides souterrains. Les eaux de l'Avre renferment, avant de se perdre, environ 36 milligrammes de chaux par litre. D'autre part, les eaux des sources, situées en aval, en renferment environ 82 milligrammes. L'excès de chaux provient inconteslablement de la dissolution du sous-sol calcaire. Or, le débit des sources élant de 90.000 mètres cubes par jour, la différence ci-dessus correspond à 2.698 lonnes de carbonale de chaux par an. La densité du calcaire élant de 1,6, cela fait 1.686 mèlres cubes, et, en tenant compte de l'argile, on peut estimer à 2.000 mètres cubes la quantilé de sous-sol calcaire enlevé annuellement par les eaux. Il n’est donc pas étonnant qu'il y ait des vides de 2.000 mètres cubes dans le bassin de l’Avre et de 30.000 mètres 916 X. ROCQUES —— LA CONTAMINATION DES EAUX DE SOURCE DÉRIVÉES À PARIS cubes pour l'ensemble des mardelles reconnues par M. Brard. Si nous insistons sur l’existence et la formation de ces mardelles, c'est parce que ces entonnoirs communiquent avec le sous-sol, y amènent direc- tement les eaux superficielles et, avec elles, toutes les impurelés provenant du lavage des sols el du fumier par les eaux pluviales Dans la même région, les rivières et les ruis- seaux disparaissent dans des béloires. On nomme Beaulieu , G Chenne brun Source da Beaulieu £ sé © He Scale Te M de Pal #7 © Le E de tnt, 1 PRE j) Random #ÿ OS p Re 5 du Fournc: | gé : Are D M Hs Finn | le DCIOIrI pére és À D “Tor Il En ; £ \ MP®ME (IH y, Ÿ (Qi / “S=de Ja Heuniërè Fe ous: spre UE TEcdhtacht D'Écerartiert LTÉE y | [ Stang 6 Fes Re. r laPotene 7 De | Ill an ET. raines et servant à lieu de les alimenter. Les sources de l’Avre captées el amenées à Paris se composent de deux groupes de sources (fig. 4): 1° la source du Breuil, 2 le groupe des quatre sources dites de Aueil ou de la Vigne, parce qu’elles formaient, avant le captage, le ruisseau de la Vigne. Ce sont les sources d'£rigny, de Foisy, des Graviers et du ouvet. La source du Breuil parait être une source Vérie. l'écoulement de ces eaux au I pupile Mic juLLUN nn j pis eMandres d ane SE de La Valcl{e yo Courtoilles sms” . Legende de la fig À [TND Limite du Bassin de Vavre ==] a dela Vigne ——— fuseau coulanteur un solimperméable | | | Le St sommet) | mé "LL M E duBeloy D o Re mr MNT ni Ll je TT Mr “it —-—. lat à sec dans un sol imperméable J Forét du f (Perche Mme gr Mn nr” Lss d permeable / Il / à o Botoies Lu pi BASSIN DE LA LOIRE à mue _-BO e Mardelles - Een SH © —d - sources . MS e : -—d? *=entonndirs-..ME = Sources ordinaires... ..S Fig. 1. — Carte des Sources de la vallée de l'Avre et de la Vigne. ainsi des « boit-tout » résultant de l'érosion de la couche argilo-sableuse qui forme le lit de la rivière et sert de manteau imperméable au gravier per- méable du sous-sol. L'eau, n’étant plus retenue à la surface par un sol imperméable, pénètre dans la béloire. Cette eau va rejoindre les eaux souter- raines dans le sous-sol calcaire. Ajoutons, pour terminer cet aperçu, qu'a côté de la mardelle-entonnoir et de la béloire, telles que nous venons de les décrire, il faut aussi ciler : 1° Ja mardelle-béloire, qui n’est autre que la mar- delle-entonnoir, produite dans le lit d’un ruisseau el formant un gouffre dans lequel disparait toute l'eau du rivulet; 2° la mardelle-source, formée par une mardelle située en contre-bas des eaux souter- table. Elle ne se trouble pas, ou très légèrement; elle a un débit régulier (80 à 90 litres à la seconde) et doit avoir un assez long parcours souterrain dans le gravier filtrant de la vallée. Le groupe des sources de la Vigne a, au con- traire, un débit irrégulier (660 à 1.400 litres à la seconde); ces eaux se troublent souvent à l’époque des crues.Ce ne sontdonce pas des sources véritables. M. Brard les compare à des mardelles-sources. Les sources de la Vigne, dit le D' Thoinot, sont des sources vauclusiennes, comme un grand nombre de sources des sols crayeux (sources de la Houe, du Lison, de la Fontaine de Vaucluse, elc.); il peut donc, de ce fait, résulter pour elles des dangers de contamination. X. ROCQUES — LA CONTAMINATION DES EAUX DE SOURCE DÉRIVÉES A PARIS 917 « L'élude des sources vauclusiennes, ajoute le … D' Thoinot, est nouvelle en Hygiène, etelle y appa- -rait déjà comme fort importante. Ces eaux comp- lent à leur actif plusieurs épidémies de fièvre …typhoïde, telles celle de Sauve (Gard), étudiée par … M. Martel, celle de Besançon‘ ». Toutes les eaux de la rivière de l'Avre et de ses | “affluents se perdent, en partie ou en totalité, dans per parcours. Les pertes se font, soit par des fis- “sures invisibles, soit par des bétoires, el les eaux perdues reparaissent au jour avec les sources nom- Mer de la Lambergerie, pas une goutte d’eau de l'Avre n'arrivait en été à Verneuil; lout se perdait en route. Aujourd'hui fonctionnent seules des fissures invisibles, encore assez nombreuses et volumi- neuses pour tarir la rivière aux époques de faible débit. L’Avre n'est pas seule à se perdre. Tous les ruisseaux de cette vallée ont le même sort; le ruisseau de Ruth se perd dans les bé- loires des Haies- Blot ; le ruisseau de Saint-Nicole, dans Ê A #|\ À #4 » ! L F. Gr / + ÿ \ 2 F ; \ A L ! \ na -— mr ee 2 L é [l Li | «| " m FE 2 2 1 Zéro He Ja plue 7 ) 2 ro) A L LA EP À Graphe # < En P 7, | ni % 1 JS GIVE: | 4 k. y Crap 110 ne des cz Zéroldes bacteries | Zero de BmRhere orga 7 e 1898 LÉ 1 =: - | F duiliet Août Septembre) Octobre | Novembre | Décembre| Janvier | Février Mars | Avr: Ma | Jun Juilet : . Fig. 2, — Perles de l'Avre el de ses affluents. — Relations entre les graphiques de la pluie tombée, de la matière organique, des bactéries et du degré hydrotimétrique. breuses et puissantes qui sillonnent la contrée, et au nombre desquelles figurent les sources de la Vigne. Dans son parcours, depuis sa source dans la forêt du Perche jusqu’à son entrée dans l'Eure à Chenne- brun, celte rivière coule sur un sol imperméable et son volume va en augmentant. A parlir de Chenne- brun, ses pertes commencent. A Armentières (au moulin de Pel), à la Lambergerie, existent, ou mieux existaient des bétoires énormes, qui pou- vaient absorber plusieurs centaines de litres à la seconde. Avant l'obturation des bétoires d'Armentières et Etudiée par le Dr Thoinot en 1894, la béloire de la Vallée; le ruisseau de Saint-Maurice disparaissait autrefois au Trou-d’Arlet, qui a été obturé, etc. Que deviennent les eaux qui disparaissent ainsi dans le sol? Des expériences de M. Ferray, phar- macien à Evreux, exécutées en 1887, ont permis de s'en rendre compte. M. Ferray a employé la fluo- rescéine, matière colorante verte, soluble dans l’eau, et dont l'intensité colorante considérable a été souvent mise à profit pour cet usage. Il a versé le 8 septembre, à 7 heures du matin, 3 kilos de fluorescéine dans l’Avre, au niveau de la bétoire de la Lambergerie.'Le 10 septembre, à 7 heures du matin, l'eau des sources Gonord élait colorée; le même jour, à » heures, la fluorescéine apparaissait 918 dans l’eau de la source Poëlay, et le 11, à 5 heures du matin, la coloration apparaissait dans les trois sources que devait capter la Ville de Paris: Erigny, les Graviers et Foisy. Une nouvelle expérience, faite en jetant de la fluorescéine dans le Trou-d’Arlet, où se perd le ruisseau de Saint-Maurice, eut pour résultat de colorer les sources Gonord, Poëlay et du Nouvet. Dans ces deux expériences, la vitesse d'écoule- ment des eaux a élé de 3 kilomètres par 24 heures. Il est done bien démontré que les eaux pro- venant des pertes de l’Avre peuvent cheminer sous les plateaux séparant les vallées de l'Avre et de la sources de Gochepies X. ROCQUES — LA CONTAMINATION DES EAUX DE SOURCE DÉRIVÉES A PARIS ches soulèveraient à nouveau la question de savoirs leseaux de l’Avre sont toujours vraiment potables. » Les essais conlinus de MM. Miquel et Albert Lév à l'Observatoire municipal de Paris, montrent auss que tout est variable dans les eaux de source d l'Avre : degré hydrotimélrique, teneur en chaux, en nitrates, en matières organiques, en bactéries. Si l’on compare graphiquement, comme l’a fai M. Félix Brard, le degré hydrotimétrique, la teneu en malières organiques et en bactéries de l’eau de de pluie tombée dans le bassin de l'Avre, on peut source du Biîme de Cerëly Fig. 3. — Sources de la vallée de la Vanne, d'après une carle dressée par le Service des eaux de la Ville de Paris. Vigne, et venir réapparaitre dans les sources de la Vigne situées en aval, IT Les éludes chimiques et bactériologiques effec- tuées sur les eaux de l'Avre, en montrant les variations de composition que subissent ces eaux, viennent confirmer les craintes qu'a fait naître leur origine. Dans des recherches poursuivies de mars 1895 à avril 1898, M. Schlæsing a trouvé que les eaux de l’Avre présentaient des variations étendues dans leur teneur en acide nitrique. Il conclut à la présence, dans leur lit, d'eaux de deux origines : les unes provenant d'infiltrations pluviales, épurées par les procédés naturels; les autres, fournies par des ruissellements absorbés par des lerrains trop perméables el arrivant aux sources lrop peu de lemps après leur absorption. « Les eaux de l'Avre dérivées à Paris, dit M. Schlæsing, ne seraient donc pas toutes cer- lainement des sources vraies, ne débitant leurs eaux qu'après un séjour prolongé etun déplacement méthodique dans un sol épurateur; et mes recher- On voit d'abord que le degré hydrolimétrique quand cette dernière augmente, le degré baisse très niques et des bactéries sont inverses; elles crois- sent quand la quantité de pluie tombée s'élève. Ces variations trouvent une explication des plus M. Schlæsing. Les eaux de source de l'Avre sont constituées par un mélange de deux sortes d'eaux: les unes souterraines, cheminant dans un sous-sol calcaire, sontriches en chaux etpauvres en matières organiques et bactéries; les autres, fournies par les ruissellements absorbés par les mardelles et les bétoires, ont été peu en contact avec le calcaire et n'ont pas eu le temps de s'épurer; elles sont donc pauvres en chaux et riches en matières orga- niques, et en micro-organismes. Il y alà, comme on le voit, une explication simple et rationnelle des variations que subissent les eaux de l’Avre. III Est-il possible d'apporter un remède à cette | Siluation el d'éviter, en ce qui concerne l'Ayre, les sources, d'une part; et, d'autre part, la quantité faire plusieurs observalions très instructives (fig. 2) est en relation avec la quantité de pluie tombée: sensiblement. Les variations des matières OTga- simples, si l'on adopte la manière de voir de X. ROCQUES — LA CONTAMINATION DES EAUX DE SOURCE DÉRIVÉES À PARIS 919 causes de contaminalion que nous avons signa- lées? M. F. Brard répond affirmativement à celte question. On peut arriver à améliorer considéra- blement le régime des eaux de l’Avre en oblitérant des bétoires et des mardelles. En 1877, on a déjà oblitéré, tant dans la rivière de l'Avre que dans le ruisseau de Saint-Maurice, 171 mètres de longueur de bétoires. Ces travaux, exéculés en ciment armé, ….—.— LITTLE À ATTONCISSEMENT ARE _ d°_ de Puarlier Fe |LFlace, 4 [ Ces ét ln FBorremans, 17 rue S*Sulprce ner l’eau en aval, de façon que les pertes se fissent par des terrains perméables où la filtration serait lente et régulière, au lieu d'une absorption bru- tale qui ne laisse le temps ni à la matière orga- nique ni aux micro-organismes d'être détruits. Le desideratum est d’oblitérer les bétoires etsurtout les mardelles-bétoires el de laisser les eaux filtrer lentement dans le sol, là où le terrain des fonds de vallée est perméable. » Le (a 7 Rjchec chou (de FER AIN x. JE Fll# Forte; À Hope rl Vo aan RUE x SM 41 [I Te UrLE N° Fig. 4, — Dislribulion des eaux de source dans les divers arrondissements el quartiers de Paris, ont coûté, en moyenne, 73 francs le mètre courant. On pourrait donc, sans engager une somme élevée, oblitérer les bétoires des Haies-Blot et de la Vallée, les mardelles-bétoires du Souci et du Buternay, les bétoires de la Lamblore et de la vallée de la Cha- pelle-Fortin, les mardelles-bétoires des prairies de Chennebrun. A ces mesures, il faudrait joindre l'application des arrêtés préfectoraux, interdisant l'irrigation des prairies qui ont des fonds plus bas que les prairies situées en aval, ou des gouffres absor- bants. « L'oblitération des bétoires des affluents de l'Avre, dit M. F. Brard, aurait cet avantage d’ame- IX Nous avons insisté longuement sur la contami- nation de l’eau de l’Avre, à cause des discussions auxquelles cette source a donné lieu; nous dirons maintenant quelques mots de l’eau de la Vanne. Les eaux de source qui arrivent à Paris sous le nom de Vanne sont formées par la réunion de diverses sources : les unes proviennent de la vallée de la Vanne; les autres forment le groupe des sour- ces de Clochepies (fig. 3). Le groupe des sources de Clochepies paraît bon. Les eaux de la vallée de la Vanne peuvent se diviser en plusieurs calégories : les unes, — qui constituent d’ailleurs la majeure 920 X. ROCQUES — LA CONTAMINATION DES EAUX DE SOURCE DÉRIVÉES À PARIS partie deseaux collectées, — proviennent de sources légitimes et bien protégées (sources d'Armentières, Bouillarde, Cerilly, Saint-Philibert); les autres sont des eaux de source de deuxième catégorie (sources Gaudin, Noé et source du Wiroir). Enfin il entre dans l’aqueduc des eaux superficielles re- cueillies par des drains à une profondeur variable, mais, en général, assez faible (drains de Ælacy, des Pütures et du Maroy). En raison de ces origines diverses, la pureté des eaux de la Vanne a été l’objet de critiques de la part des hygiénistes. eaux que l'on boit à Paris, sous le nom « Les NS NN \NN N Moyenne annuelle \ N NÈ années es 1895 à 1898 (1290 cas S d'eau de la Vanne, dit le D' Thoinot, sont contami- nables, et leur excellente qualité générale peut se trouver détruite par des pollutions accidentelles ». Cela est tellement vrai qu'on a constaté, à deux reprises au moins, la contamination de ces eaux. De février à mai 1894, il y a eu, à Paris, une épi- démie de fièvre Lyphoïde, qui fut étudiée par les D' Thoinot el Dubief, et qui était due aux eaux de la Vanne. En juillet et août 1899, une nouvelle épidémie, étudiée par le D' Thoinot, doit également être altri- buée aux eaux de la Vanne. Voici, en effet, comment ont été répartis les cas de fièvre typhoïde pour les vingt neuvième, trentième et trente et unième semaines, en les (otalisant suivant la distribution 9 ge fe! ri ht ER O_19 + Oo © © D + oO & O©n œ De pi 100 000.2 9° 30° D SN Zone Vanne, 33 cas /Lone ‘Are 11 CAS P 100000 Zône Dhürs I0CAS P 100000 Fig. 6. — Répartilion de la fièvre lyphoide des 29e, 30e et 31e semaines de 1899 à Paris. d'eaux (fig. 4) et en les proportionnant pour chaque zone à 4 pour 100.000 habitants (fig. 6) : 1° Zone de la Vanne (47 quartiers récevant exclu- sivement l’eau de la Vanne, ou quartiers recevant des eaux de source mélangées dans lesquelles pré- domine la Vanne) : 33 cas pour 100.000 habitants ; 29 Zone de l'Avre (11 quartiers recevant exe Te vement l’eau de l’Avre et 6 quartiers recevant un mélange d'eaux de source dans lequel domine cette eau) : 41 cas pour 100.000 habitants : 3° Zone de la Dhuis (6 quartiers recevant exelusi- vement la Dhuis) : 40 cas pour 100.000 habitants. La source du Miroir parait avoir été l’origine de cette épidémie. En effet, à Theil, où cette source prend naissance, toute la population boit de l'eau de l’eau de la source du Miroir. Or, dans l’une de ces familles a éclaté, le 6 août, un cas de fièvre typhoïde, toute là population alimentée à l'eau de puits restant absolument indemne. Cette source du Miroir a déjà été soupçonnée de contamination; elle communique, dit le D° R. Moreau, de Sens, Vi promene à semaines de pool ps de ô 5 SN . avec les pièces d’eau stagnante de l’ancien château ENS de Theil, et cela malgré la tranchée faite en 1895 pour l'isoler. V La fièvre typhoïde a sévi cette année avec une grande intensité à Paris. Alors que, pendant les quatre années 1895 à 1898, il y avait eu 5.152 cas el 912 décès, soit, en moyenne, 1.290 cas et 228 dé- cès par an, il y à eu, pendant les quarante-quatre premières semaines de cette année, plus de 3.500 cas et plus de 600 décès (fig. 5 et 7). Nous avons dit que, dès le début de l’année, le Laboratoire municipal de Paris avaitappelé l’atten- tion sur nos eaux de source et sur les dangers de contamination qu'elles pouvaient présenter. On doit reconnaitre que ses prévisions pessimistes n'ont été, malheureusement, que trop vérifiées. Puisqu'il est acquis mainte- nant que sont les eaux servant à l'alimentation qui sont le principal véhicule des germes épidémiques, il fauten conclure qu'il y a des vices dans notre service des eaux et se demander quels sont ces ce Fig. 1. D: — Décès par De lyphoïde. À, 44 premières se- maines de 1899 (plus de 600 décès); B, moyenne annuelle des années 1895 à 1898 (228 décès par an). vices. Le premier est, con- tredit, le mélange des eaux de rivière aux de source, sans eaux vient insuffisant. Le second résulle de la contami- nalion eaux de source, contaminalion quin'est, fort heureusement, pas permanente, et qui résulte de l’adjonclion aux eaux de source recon- nues pures, de sources insuffisamment protégées. même des de puits, à l'exception de deux familles qui boivent “ j 1 mélange qui se fait lorsque le débit de source de- PT X. ROCQUES — LA CONTAMINATION DES EAUX DE SOURCE DÉRIVÉES A PARIS 921 « De 1894 à 1899, dit le D' Thoinot, nos diverses eaux de source ont toutes à leur actif des cas de fièvre typhoïde, ce qui, d’ailleurs, est parfaitement en rapport avec ce que nous savons de leur nature et de leur protection. La Vanne réclame, pour sa part propre, l'épidémie de 1894 et celle de 1899. Ni l'Avre, ni la Dhuis n'ont encore causé d'épidémie, mais l'Avre a eu un rôle nocif dominant de 1895 à 1897. Nouvelle venue à Paris, elle n’a certes pas donné toute sa mesure ; j'ai la ferme conviction que ses eaux sont à la merci d'un accident, dont on devine les conséquences pour Paris. Je ne verrais pas sans grande crainte pour notre ville l’éclosion d'une épidémie de fièvre typhoïde dans un des vil- lages traversés par la rivière de l’Avre ou ses affluents avant leur perte ». Le malheur est que nos ingénieurs se préoccupent avant tout d'amener à Paris le plus d'eau possible et que, dans ce but, ils sont tentés d’être un peu trop tolérants quand il s’agit de la pureté des eaux amenées. La quantité d’eau de source que possède Paris serait, cependant, largement suffisante si une grande partie de cette eau n'était pas distraile de son vérilable emploi : l'alimentation. On sait, en effet, que dans nombre d'immeubles l’eau de source sert à faire les chasses du tout-à-l'égout, les ma- nœuvres des ascenseurs, elc. I1 serait à désirer que les eaux destinées à être amenées à Paris fussent soumises à un contrôle plus sévère. On peut donner comme exemple l'or- ganisation en usage à Liège, où une Commission, composée de géologues, de chimistes, de médecins et d'ingénieurs autorisés, éludie l’origine et la pureté des eaux deslinées à être amenées dans la ville. Or, notre alimentation en eau de source va bien- tôt s’'augmenter par l’addilion de quelques sources de la vallée du Loing et du Lunain. Est-on assuré que ces eaux se présentent avec toutes les garan- ties de pureté, qu'avec nos connaissances actuelles on est en droit d'exiger pour Paris? Cela parait douteux, si l’on en croit le D' Thoinot : « J'ai bien peur, dit-il, que les eaux des deux sources de Saint- Thomas et de Villemer (vallée du Lunain), prove- nant d’une région à pertes, que nous a fait con- naître le travail de M. Viré‘, d'une région analogue, en un mot, à celle du bassin de l’Avre supérieure, 4 Les eaux souterraines en pays de plaine. La vallée du Lunain, par A. Viré, Spelunca, n°° 9 et 10, 1897. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, n'aient pas plus droit à notre confiance que les sources de la Vigne. » « Le Comité consultatif d'Hygiène, sur le Rapport de M. Jacquot, en 1894, avait demandé que la Ville renoncçât à l'amenée de deux sources de la vallée du Loing (les sources de Bignan et du Sel); ces deux sources n'en ont pas moins été comprises dans les travaux et n’en seront pas moins amenées à Paris ! « Nos ingénieurs sont, en effet, dominés par une inéluctable nécessité résultant de la facon, vicieuse à mon avis, dont ils ont compris l'assainissement de la ville ». On le voit, la nécessilé de tracer un plan de réorganisation de notre service des eaux s'impose absolument aujourd’hui. Les faits que nous avons résumés sont de nature à appeler l'attention sur la question si importante des eaux d'alimentation. Il est malheureusement avéré aujourd'hui que la fièvre Lyphoïde n'est pas encore rayée de la liste des maladies parisiennes. IL est non moins incon- testable, d'autre part, qu'il faut attribuer, en grande partie, sinon entièrement, cet état de choses à une organisation défectueuse du service des eaux emploi fréquent d’eau de source à des usages tout à fait étrangers à l'alimentation, mélange des eaux de rivière aux eaux de source pour compléter l’eau manquant du fait de ces emplois non alimentaires; addition aux eaux de source reconnues pures d'eaux de sources de pureté douteuse, qui y sont jointes, toujours dans le but d'augmenter la quan- tité d'eau amenée; tels sont les principaux faits qui peuvent expliquer la possibilité de contamination de nos eaux. Il n’est pas impossible de remédier à ces incon- vénients. On peut améliorer le régime des eaux des vallées de l’Avre et de la Vigne par l'oblitéra- tion des bétoires et des mardelles; on peut re- noncer à l'emploi des eaux insuffisamment pro- tégées; on peut surveiller plus étroitement la pureté des eaux et ne faire à l'avenir que la capta- lion de sources de pureté non douteuse; ce ne sont point là des améliorations irréalisables. Nous avons l'espoir que nos administrateurs tiendront compte de l'avertissement que le bacille d'Eberth leur à donné cette année et qu'ils voudront n'offrir aux Parisiens et à leurs hôtes de 1900 que des eaux de pureté irréprochable. X. Rocques, Ex-Chimiste principal au Laboratoire municipal de Paris. 23" 4° Sciences mathématiques Poincaré (Henri), Membre de l'Institut. — Cinéma- tique et Mécanismes. Potentiel et Mécanique des Fluides. (Cours professé à la Sorbonne et rédigé par M. A. Guillet). — 1 vol. in-8 de 392 pages avec 279 figures. ( Priæ : 15 fr.). G. Carré et C. Naud, édi- teurs, Paris, 1899. Avant d'être chargé d'enseigner la Physique mathé- matique à la Sorbonne, avec l'éclat que l’on sait, M. Poincaré avait professé pendant quelques années la Cinématique. Ses lecons avaient été recueillies à cette époque par M. A. Guillet et viennent de paraître sous forme d'un fort volume imprimé de près de 400 pages. Il ne faut pas chercher dans cet ouvrage sur des ques- tions élémentaires la nouveauté des vues et la finesse d'analyse qui se trouvent à chaque page des ou- vrages que M. Poincaré a consacrés chaque année aux plus difficiles questions de Physique mathéma- tique et qui lui ont donné dans ce domaine une au- torité aussi incontestée que celle dont il jouissait déjà dans le monde entier en Mathématiques pures. Les Lecons de Cinématique sont un ouvrage classique, avec toutes les qualités de simplicité et de rigueur dans les démonstrations, de variété dans les applications, quele nom seul de l’auteur suffit à nous garantir. Le volume est divisé en deux parties, correspondant aux deux semestres d'enseignement : Dans la première partie, composée de six chapitres, nous trouvons la Cinématique et les Mécanismes. Cha- pitre I : Cinématique. Chapitre II : Mouvement d'une figure plane invariable glissant sur un plan; application au tracé de la tangente à un lieu géométrique; roule- ment et glissement des courbes; centre de courbure de diverses trajectoires; recherche des points d’inflexion; mouvement épicycloïdal. Chapitre II : Mouvement d'un corps solide invariable; mouvement épicyeloïdal sphé- rique; rotations successives. Chapitre IV : Mouvement hélicoïdal. Chapitre V : Mouvement relatif d'un point; théorème de Coriolis. Chapitre VI : Mécanismes; en- grenages; engrenages coniques; engrenages hélicoi- daux de Hooke et de White; engrenages à axes concou- rants; joint de Cardan; engrenages à axes quelconques; vis sans fin; bielle; excentrique; cames diverses; cou- lisse de Stephenson; centre instantané de la coulisse; théorème de Philipps; mouvement du tiroir; balancier et contre-balancier; parallélogramme de Wait; inver- seur de Peaucelier. La deuxième partie se subdivise elle-même en deux, conformément aux traditions de la chaire de Cinéma- tique à la Sorbonne. — Premier sujet. Chapitre [: Fonc- tion des forces; potentiel; flux de forces; équation de Poisson; exemples. Chapitre IT : Théorème de Green et ses applications; problème de Dirichlet. Chapitre II : Attraction exercée par un ellipsoide. — Deuxième sujet. Chapitre IV : Mécanique des fluides; hydrostatique et applications; stabilité; corps flottants: baromètre. Cha- pitre V : Hydrodynamique; théorème de Lagrange; théorème de Bernouilli; ondes liquides; tourbillons; théorème de Helmhollz; exemples de mouvements tour- billonnaires; mouvement d'un corps solide plongé dans un liquide; sphères pulsantes. È Cette seconde partie constitueune excellente introduc- tion à la Théorie du Potentiel Newtonien qui vient de pa- raître, et à la Théorie des Tourbillons de M. Henri Poin- care. Familiarisé avec les éléments par l'étude du volume que j'analyse, le lecteur pourra aborder avec fruit la BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX discussion des parties les plus difficiles de la science dans les deux autres volumes. M. BRiLLOUIN, Maître de Conférences à l'Ecole Normale Supérieure. Tisserand (F.), Membre de l'Institut, Directeur de l'Ob- servatoire de Paris, et Andoyer (H.), Maître de Con- férences à la Faculté des Sciences de Paris. — Leçons de Cosmographie (2° édition). — Un vol. in-8° de 369 pages, avec 140 figures et 12 planches. (Priæ : 6 fr.). Armand Colin et Cie, éditeurs. Paris, 1900. Les Leçons de Cosmographie, de MM. Tisserand et An- doyer, dont la maison Armaud Colin vient de donner une seconde édition, ont paru peu de temps avant la fin prématurée et, si regrettable de l'éminent directeur de l'Observatoire de Paris, auquel un touchant hom- mage vient d'être rendu dans sa ville natale. La rapidité avec laquelle cette nouvelle publication succède à la première atteste un succès que les juges les mieux qualifiés avaient prévu dès le début. Ce n’est jamais chose aisée que d'écrire un traité élé- mentaire irréprochable : l'auteur doit dominer son sujet de très haut; être à même d'apprécier les points où il faut insister, ceux sur lesquelsil peut glisser plus rapi- dement, ceux enfin qu'il doit négliger pour ne pas sur- charger son ouvrage sans utilité réelle. La difficulté est surtout grande quand la science dont il expose les principes confine à une autre beaucoup plus ardue, dont l'accès est encore interdit à son lecteur, et dont il doit néaumoins parler discrètement en en faisant com- prendre l'étendue, en même temps qu'il lui emprunte des résultats dont il ne peut que formuler les énoncés sans en donner la démonstration. Tel est le cas de la de la Cosmographie vis-à-vis de la Mécanique céleste. La connaissance approfondie, que possédaient MM. Tisserand et Andoyer, de toutes les parties les plus élevées de la science astronomique, jointe à leur com- pétence professionnelle pour ce qui a trait à la pratique des observations, les meltail mieux que personne en état de produire une œuvre parfaite, et il n’est point exagéré de dire qu'ils y ont réussi. L'étude du mouvement diurne de la sphère céleste avec la déliuilion des systèmes usuels de coordonnées, l'exposé des procédés d'observation, la description du Ciel ne laissent rien à désirer ni comme clarté ni comme élégance. Les quatre chapitres suivants, consacrés à la Terre, au Soleil, à la Lune, aux Planètes, aux Comètes et aux Étoiles filantes, diseut tout ce qu'il est essentiel de savoir sur ces objets multiples, y compris les faits d'actualité fournis par les observations les plus récentes. Le chapitre VI, consacré à l'Astronomie stellaire, mé. rile les mêmes éloges. Là se termine le traité didactique proprement dit. On ne saurait trop louer les auteurs d'y avoir ajouté des nolions succincles sur l'histoire de l'Astronomie. Bien des noms plus ou moins célèbres devaient naturellement être omis dans l'énumération rapide, qu'ils font, des fondateurs de la science et de leurs principaux succes- seurs. Qu'on nous permette néanmoins de regretter de n'y point trouver celui du francais Picard, ce créateur de la Géodésie, auquel l'Astronomie pratique est rede- vable de si grands progrès. Cinq savantes nolices, précédemment écrites par Tisserand pour l'Annuaire du Bureau des Longitudes, enrichissent ce volume, qu'illustrent aussi de belles planches hors texte. E. STrEPHAN. Correspondant de l'Institut. Directeur de l'Observatoire de Marseille. dès À Es 2 ES BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 923 2° Sciences physiques Broca (André), Professeur agrégé de Physique à la Facullé de Médecine de Paris. — La Télégraphie sans fils. — Un vol. petit in-8° de la Collection d'actua- lités scientifiques (202 p. et 34 fig.) Gauthier- Villars, éditeur, Paris. 1899. Lorsque la presse quotidienne annonça que des signaux électriques pouvaient être transmis à quelques dizaines de kilomètres sans l'intermédiaire d’un fil, ce fut, dans le grand public, une grosse émotion. Ceux pour qui le nom de Faraday était passé au lointain sou- venir de l’école, ceux qui ignoraient Maxwell et Hertz, virent l'invention du jeune savant italien Marconi sortir tout armée de ses recherches, et le sacrèrent grand génie. Certes, dans la télégraphie sans fils, Marconi à des mérites très grands; par un judicieux emploi des appareils existants, par d'ingénieuses inventions de détail, il a fait franchir à l'immense domaine des ondes électriques le seuil du laboratoire; il lui a fait faire son entrée dans le monde. Si, d'une part, les non-initiés pouvaient être tentés de faire à Marconi une situation trop exclusive, on pou- vait craindre, d'autre part, qu'un physicien de métier méconnût son œuvre pour ne songer qu'aux prédéces- seurs; on peut donc considérer comme très heureux pour la diffusion future de l'histoire impartiale de la télégraphie sans fils que le premier ouvrage de vulga- risation ait été confié à un physicien d'un esprit sûr, à la fois érudit et nourri de modernisme, et ayant vu d'assez près l'invention pour estimer à leur valeur les détails d'expérience qui en ont assuré le succès. Faire un exsosé populaire des idées modernes sur la transmission de l'énergie dans l’espace n’est pas facile. L'analogie hydraulique des phénomènes qui accompa- gnent le courant électrique semble un peu usée, connue de tous et partant dénuée d'intérêt. Ce ne sera pas le moindre mérite de M. Broca de Favoir rajeunie, et de l'avoir développée au point d'en faire une image {très suffisante de l'onde frontale et même de l'induction. Jusqu'ici, on avait admis un canal rigide. M. Breca, rappelant les beaux travaux de M. Marey, compare le conducteur électrique à un tuyau de caoutchouc, sus- ceptible d'éprouver un gonflement local, dû à une brusque compression interne, el se propageant en se diffusant. On comprend ainsi l'étalement de l'onde électrique, dont l'importance dans la télégraphie sous- marine est capitale. Mais, pour expliquer l'induction, il faut faire un pas de plus. M. Broca le franchit en supposant le tuyau de caoutchouc noyé dans un liquide incompressible, et capable lui-même de propager, extérieurement au conducteur, l'onde produite par sa déformation. Cette réaction du milieu augmente encore la diffusion de l'onde, dans la réalité comme dans l'image. Nous voilà donc en possession de tous les principes de la propagation du courant; nous avons aussi COM- pris l'induction. Mais ici J'auteur est pris d’un scru- pule : Le lecteur ne pourrait-il pas croire qu'une image aussi fidèle est la réalité même? Les physiciens ne le pensent pas, mais alors il faut montrer comment le lien peut exister entre deux ordres de phénomènes de nature absolument distincte. La solution nous est don- née par le beau théorème de Vaschy sur l’action des masses scalaires et des masses vectorielles en des points déterminés d’un champ de force. Nous savons alors que tout se passe comme si les masses électriques existaient, et nous pouvons passer outre. C'est de là que part M. Broca pour aborder l’histoire de la télégraphie sans fils; et, sachant ce qui vient d'être dit, on ne sera pas surpris de le voir débuter par les expériences de Fizeau et Gounelle, suivies bientôt de celles de Siemens sur la propagation d’un ébranle- ment le long d’un fil. C'était bien déjà l'onde frontale que l'on observait, plus ou moins diffusée suivant les propriétés au conducteur, Les signaux bridés de lord Kelvin forment, pour ainsi dire, le passage entre l'onde unique et l'oscillation. C'est à cette dernière que sont consacrés les deux chapitres suivants, la production et la réception des ondes. Nous revoyons rapidement l'histoire de la question, depuis les immortels travaux de Hertz, pour arriver, très nalu- rellement, à une étude détaillée du mystérieux récep- teur de M. Branly, le radioconducteur suivant l’inven- teur lui-même, le cohéreur d'après M. Lodge, ces deux désignations correspondant à une idée particulière du mode d'action de l'instrument. Ne pourrait-on point le nommer simplement un branly, comme on dit un Aughes ou un baudot? La propagation de l'induction dans les diélectriques forme l'objet des deux chapitres qui suivent. Ici, le con- ducteur et le producteur d'ondes disparaissent de plus en plus; c'est de la lumière que nous nous rappro- chons: nous retrouvons la réflexion, la réfraction, la diffraction et les interférences, avec des différences cependant, comme la résonnance multiple. Le rôle de l'antenne n’est pas toujours bien compris. M. ‘Broca, qui a longuement médité sur la question, montre que l'énergie, guidée par l'antenne, s échappe par sa pointe, conformément à une expérience de MM. Sarasin et de la Rive, mais ne se propage pas en ondes sphériques. L'analogie qu'il relève fort ingénieu- sement entre l'énergie ainsi propagée et le phénomène de Zeerman nous ramène d'ailleurs à l'Optique. Quant à l'antenne réceptrice, qui à donné lieu à tant de com- pétitions, il rappelle que son emploi est dû à Franklin. Nous sommes aux deruiers chapitres, et l'auteur ne nous a encore parlé que des éléments de la télégraphie sans fils. Fermerons-nous le livre sans l'avoir appris? Une douzaine de pages encore, et nous Sommes com- plètement renseignés. Les appareils sont simples, et, comme tous les principes nous étaient parfaitement connus, quelques rapides explications suffisent pour que plus rien ne nous reste mystérieux. Au seuil de ce chapitre, un lecteur attentif et doué d'un peu d'imagi- nation eût pu tout combiner. D'autres donneront, plus tard, la minutieuse description des appareils. Pour le moment, il vaut infiniment mieux en connaitre à fond les principes. Cu.-En. GUILLAUME, Docteur ès sciences, Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. Riban (J.), Chargé de Cours à la Fuculté des Sciences de Paris. — Traité d'Analyse chimique quantita- tive par Electrolyse. — 1 vol. in-8° de 304 puges avec 96 figures. (Prix : 9 fr.) G. Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1899. L'ouvrage que vient de publier M. Riban sur l'analyse électrolytique comble une lacune regrettable, car aucun ouvrage original n'existait en français sur ces questions, et les quelques traductions que nous possédons corres- pondent à des livres déjà anciens et assez imparfails. L'analyse électrolytique quantitalive prend, depuis quel- ques années, un développement important; après avoir été pendant longtemps appliquée seulement à un très petit nombre de cas spéciaux, pour lesquels elle est particulièrement commode et précise, tels que le do- sage du cuivre, elle tend maintenant à devenir une méthode générale ou du moins assez étendue. Les applications de l'électricité à l'analyse chimique ont probablement été souvent entravées par le manque de précision dans la définition des conditions à réaliser que comportaient la plupart des travaux qui y étaient relatifs. Pendant longtemps on à évalué l'intensité des courants employés en centimètres cubes de gaz ton- nant dégagés par minute, el on indiquait les intensilés à employer avec un appareil spécial au lieu de les rap- porter à l'unité de surface d'électrodes; certains auteurs se bornaient même à indiquer le nombre de piles à employer. Le livre de M. Riban ne donne pas prise à cette cri tique; pour plus de précision, l'auteur à jugé utile de décrire en détail ces appareils de production et de me- 924 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX | sure des courants électriques. C’est ce qui fait l’objet des trois premiers chapitres. Le chapitre IV est consacré à la description des appareils d’électrolyse, de leur montage et de leur groupement dans différents cas; beaucoup de disposi- tifs ingénieux sont dus à l’auteur du livre; signalons spécialement l’appareil d’électrolyse à électrodes hé- misphériques qui constitue un progrès important en permettant de définir rigoureusement les conditions de chaque analyse. Les chapitres suivants comprennent la description des différentes méthodes d'analyse électrolytique; ils forment trois parties, relatives : la première au dosage individuel des métaux et des métalloïdes, la deuxième, à la séparation quantitative des métaux, la troisième, à diverses analyses industrielles ou spéciales. Les diffé- rentes méthodes sont décrites très complètement et d'une facon très claire et discutées avec l'autorité que donne à l’auteur sa longue pratique de l'analyse et de l'enseignement. L'ouvrage de M. Riban est mis au cou- rant des travaux les plus récents, tels que ceux de Neumann, de Vortmann, de Ducru, de Hollard, etc., et constitue ainsi un guide nécessaire et suffisant pour le chimiste qui veut employer les procédés de l'analyse électrolytique. G. CHarpy, Docteur ès sciences. k Charabot (Eugène), Professeur d'Analyse chimique à l'Institut Commercial de Paris. — Les Parfums arti- ficiels. — 1 vol. in-12 de 300 pages. (Prix : à fr.) J.-B. Baillière et fils, éditeurs, 19, rue Hautefeuille, Paris, 1899. Comme le beau Traité sur les huiles essentielles au- quel l’auteur a collaboré", le volume sur les parfums vient à son heure et comble une lacune dans la série des monographies dont la maison J.-B. Baïllière et fils a entrepris la publication. On sait, en effet, toute l'exten- sion qu'a prise l'industrie des parfums artificiels, dans ces dernières années, et la concurrence active qu'elle fait aux parfums naturels. L'importance de cette fabri- cation est telle qu'il existe en France et en Allemagne des usines spéciales qui produisent ces matières sur une grande échelle, et ne produisent qu’elles. Ce volume intéressera donc tout à la fois les chimistes qui désirent se mettre au courant de la question, les industriels, qui y trouveront des indications précieuses, et les fabricants de parfums composés, qui pourront se rendre compte, gräce aux données fournies, de la qualité et de la pu- reté des matières premières qu'ils emploient. Pour faciliter l'exposition, l'auteur a rangé les divers parfums d’après leurs fonctions chimiques, puis traite, en tête de chaque chapitre, à un point de vue général, de l'identification, du dosage, de l'extraction et des modes de préparation applicables à tous les corps ayant une même fonction chimique et réunis en un même groupe. C'est ainsi qu'on a le chapitre des composés nitrés, avec le nitrobenzène ou essence de mirbane, et les nombreux muses artificiels; le chapitre des alcools et éthers, avec le bornéol, le terpinéol, le géraniol, menthol, etc., benzoales, cinamates, salicylates de méthyle, d'éthyle, etc.; celui des phénols et éthers de phénols; le chapitre des aldéhydes; celui des cétones, et enfin celui des olides, avec un seul représentant : la coumarine. Tous les parfums artificiels employés de nos jours sont-ils décrits dans ce petit volume? Il serait bien té- méraire de l’affirmer, un certain nombre de fabricants ayant des produits qui leur sont propres et dont ils se gardent bien de divulguer la composition. C'est ainsi, par exemple, que, pendant plusieursannées, une des mai- sons les plus renommées d'Allemagne a fourni au com- merce, sous le nom d'essence de néroli artificielle, un produil qui devait son parfum principalement à l'an- ! Sur ce Trailé, voyez la Revue du 30 novembre 4899, t. X, page 878. thranilate de méthyle, lequel se trouve, d'ailleurs, éga- lement dans l'essence de néroli naturelle. A. HALLER, Professeur à la Faculté des Sciences de Paris Correspondant de l'Institut. 3° Sciences naturelles Joergensen (Alfred), Directeur du Laboratoire de Physiologie et de Technologie des Fermentations à Co- penhague. — Les Microorganismes de la Fermen-. tation. (Traduction de M. Pauz Freuno), 2° édition. — 4 vol. in-8° de 432 pages avec 79 figures. (Priæ : 8 fr.) Société d'Editions scientifiques. Paris. 1899. L'ouvrge de M. Joergensen a trouvé en France le mème succès qu'en Allemagne, et il est devenu main- tenant tout à fait classique pour tous ceux qui s’occu- pent de Bactériologie à un point de vue non médical. M. Joergensen était spécialement qualifié pour écrire un tel livre, avec sa grande compétence et les travaux si importants faits dans son laboratoire ; mais quoiqu'il s'agisse d'un traité classique, l’auteur n’a pas voulu que cette deuxième édition fût une simple réimpression, il a tenu à ce que son livre fût maintenu au couraut des plus récentes recherches. Il a introduit ainsi les bactéries alcoogènes, celles à action diaslasique ou peptonisante, de nouveaux dé- tails sur les organismes du Képhir : parmi les moisis- sures, l'Amylomyces Rouxii occupe une place corres- pondant à l'importance qu'il a acquise en distillerie, et l'Oidium non plus que le Peronospora ne sont oubliés. Dans le chapitre relatif aux levures alcooliques, un magistral exposé historique donne même les travaux de Buchner, et, pour les levures pures, M. Joergensen attribue très impartialement au grand savant Hansen la part qui lui revient à côté de Pasteur. Signalons enfin une intéressante revue des progrès réalisés pratiquement dans diverses industries par l’ap- plication des recherches scientifiques et une bibliogra- phie mise à jour, telle qu'on en rencontre rarement d'aussi complète. La traduction très consciencieuse de M. Freund a respecté la clarté et les aperçus très-larges de l’auteur, et la deuxième édition de ce livre prendra certainement place à côté de la première sur la table de travail de {ous ceux qui s'occupent de fermentations. P.: Perir, Professeur à la Faculté des Sciences, Directeur de l'Ecole de Brasserie de Nancy. Pizon (Ant.), Agrégé des Sciences naturelles. — Etudes biologiques sur les Tuniciers coloniaux fixés. — 4 vol. in-8° de 56 pages avec 16 planches. (Extrait du Bulletin de la Société des Sciences naturelles de l'Ouest de la France, Vol. VIII, fasc. 1.) Nantes, 1899. Il est très difficile d'élever et de conserver en capti- vité les Tuniciers coloniaux; de plus, le pigment abon- dant de la plupart des espèces vient souvent s'opposer à des observations microscopiques approfondies. Aussi, pour reconstituer l’histoire des générations successives qui depuis l'individu primordial issu de l’œuf (oozoïde) ont, par bourgeonnements répétés, formé la colonie, a-t-on généralement été réduit à récolter et à comparer des échantillons à des stades différents pour déduire de ces observations isolées une connaissance de l’évo- lution complète des Tuniciers. M. Pizon a pu élever et faire vivre une jeune colonie de Botrylloïides, qu'il avait réussi à fixer sur une plaque de verre et dont il a suivi l'évolution depuis le début de février jusqu'à fin mai: il a pu observer huit générations successives de bour- geons (Blastozoïdes) se formant aux dépens les uns des autres, s'épanouissant et régressant. Son mémoire est l'exposé détaillé de ses observations. Parmi les principaux points mis en lumière par M. Pizon, je signalerai plus particulièrement ses re- cherches sur la manière dont les divers individus de la colonie se groupent en systèmes à chaque génération et BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 925 la facon dont se fait la dégénérescence des individus. A cet égard, M. Pizon met en évidence le rôle du cœur, qui bat de très bonne heure dans le bourgeon et con- tioue à fonctionner longtemps après que l'individu à cessé d'exister physiologiquement. IL était intéressant de mesurer aussi la durée de chaque génération. M. Pizon a trouvé quatre à cinq semaines pour la durée totale, mais l’état adulte et fonctionnel ne comprend pas plus de cinq à six jours. Toutefois, il faut remarquer à ce sujet que la durée de l’évolution de chaque génération dépend incontesla- blement de la nourrilure, de la température et de plu- sieurs autres facteurs; il en est de même du développe- ment des produits sexuels. Or, la vie en aquarium est, malgré tout, très précaire; elle est beaucoup plus active en mer où, de plus, elle est influencée par une foule de circonstances extérieures qui n'agissent pas sur les êtres tenus en captivité. Les phénomènes qu'on observe sur ces derniers n'offriront donc souvent qu'une image atténuée, parfois même ivexacte, de la réalité. Cette réserve faite, il faut reconnaitre que l'éducation des colonies de Tuniciers, telle que l’a réalisée M. Pizon, est très précieuse par les résultats directs qu'elle four- nil, et, de plus, elle offre un moyen de contrôler les résultats obtenus par des observations faites sur les échantillons recueillis à l’état de liberté. Elle permet l'intervention de l’expérimentation véritable et fait ainsi espérer la solution de nombreux problèmes que sou- lève l'étude des Tuniciers coloniaux. M. Pizon annonce d’ailleurs la publication d’un deuxième mémoire ayant pour objet le genre Botryllus et quelques autres espèces d’Ascidies composées. D' R. KœuLer, Professeur à l'Université de Lyon. 4° Sciences médicales Nimier (H.), Professeur au Val-de-Grâce, et Laval (Ed,), Médecin aide-major de première classe. — Les Projectiles des armes de guerre. Leur action vul- nérante. — 1 vol. in-18 de 212 pages avec figures. (Prix : 3 fr.). F. Alcan, éditeur, Paris, 1899. M. le Professeur Nimier vient d'examiner l'intéres- sante question de l'action vulnérante des projecliles de guerre dans son cours de Chirurgie d'armée, professé au Val-de-Grâce. La première partie est consacrée à l'étude des projectiles d'infanterie; la seconde, à celle des projectiles d'artillerie. L'infanterie utilise les petits projectiles dont on a cherché, en ces dernières années, à réduire la masse. tout en augmentant la force vive dont ils sont animés. La supériorité balistique, sinon vulnérante, des balles ac- tuelles de petit calibre sur leurs devancières existe au triple point de vue de la diminution du calibre, de l'augmentation des vitesses, de la difficulté de la défor- mation. La force de pénétration dans les tissus se trouve accrue dans des proportions que l'on a essayé de déter- miner expérimentalement. A 300 mètres, une balle Lebel, dont le calibre est de 8 millimètres, la longueur de 30 millimètres, le poids total de 15 grammes, la vitesse initiale de 640 mètres, perfore quatre cadavres et tra- verse le bras d’un cinquième ; à 500 mètres, elle per- fore trois cadavres el reste dans le quatrième; à 1.000 mètres, deux cadavres sont perforés et la clavicule du troisième est brisée; à 1.700 mètres, un seul cadavre est traversé et la balle s'arrête dans le second. La balle du Mosin russe (calibre 7,62, longueur 30 millimètres 50, poids total 13 grammes 70, vitesse initiale 643 mètres) a pu perforer, à 600 mètres, sept cadavres. Enfin, la balle du nouveau fusil des Etats-Unis, du calibre 6, traverse deux ou trois hommes à 4.570 mètres; elle en perfore un à 5.490 mètres. De tels projectiles, dont le tir abondant compensera la réduction du calibre, amèneront en grand nombre des blessures immédiatement mortelles. Mais, si le chiffre des tués Sur le champ de bataille doit être important — et il le sera d'autant plus que des masses énormes prendront part ordinairement à l’action — les blessés qui auront pu être relevés auront plus de chances de guérison que jadis. La petitesse et la netteté du trajet, l'étroitesse des orifices cutanés réduiront au minimum les dangers d'infection; la perfection de la technique chirurgicale, les progrès de la thérapeutique conservatrice créeront des conditions favorables à une guérison, qui sera, en outre, plus souvent définitive, et permettra par sa rapidité de remeltre en ligne un certain nombre de blessés, pour peu que les hostilités se prolongent. Le caractère des projectiles employés par l'artillerie est leur réductibilité en de très nombreux petits pro- jectiles. IIS ne sont donc plus destinés à agir sur l’en- nemi par leur masse intacte, comme les anciens boulets; leur efficacité tient non seulement à l'accroisse- ment de leur vitesse restante lors de l’arrivée au but, mais aussi à leur mode de fragmentation. La vitesse initiale de l’obus est notablement inférieure à celle de la balle, mais les gros projectiles conservent plus que les petits leur mouvement de propulsion. Quant aux effets vulnérants des obus, on en est encore réduit à des suppositions. L'éclat ou la balle — projectile secondaire — doit, d’après certaines expériences, pour mettre un homme hors de combat, être animée d’une vitesse d’au moins 110 mètres. Il faut tenir compte aussi du souffle du projectile qui, tiré à l’air libre, provoque des effets dangereux dans une zone de 3 à 4 mètres autour du point d'éclatement, et qui, en espace clos, est capable de faire des ravages considérables tant par la violence des gaz dégagés que par le pouvoir asphyxiant des va- peurs nitreuses produites par l'explosion. De là, l’action morale de l'artillerie, qui est la résultante des im- pressions multiples, auditives et visuelles, subies par les combattants. Tels sont le principaux points traités dans cette inté- ressante étude où l’on trouvera, condensé sous un pelit volume, tout un ensemble de renseignements très com- plets sur le sujet. D' GABRIEL MAURANGE. 5° Sciences diverses Jost, Inspecteur général de l'Enseignement primaire, Membre du Conseil supérieur de l'Instruction publique. — Annuaire de l'Enseignement primaire (publié sous la direction de M. Jost, 16° année (1900). — 1 vol. in-18 (Prix, broché : 3 fr.) Armand Colin et Ci°, édi- teurs, Paris, 1900. Cet Annuaire est divisé en deux parties. La première partie comprend la liste des fonctionnaires de l'admi- nistration centrale, des départements et des colonies, et tous les renseignements susceptibles d'intéresser les personnes qui se préoccupent de l'Enseignement pri- maire à un titre quelconque : Décorations et distinc- tions honorifiques, Candidats reçus aux examens supé- rieurs, Auteurs prescrits, Textes des épreuves écrites données aux examens des certificats d'aptitude, Résumé des documents officiels. Dans la seconde partie figurent un certain nombre d'articles sur les questions pédagogiques à l’ordre du jour. Nous devons signaler particulièrement, parmi les articles de cetie année, ceux de MM. les Inspecteurs généraux P. Foncin, A. Gilles, Edouard Petit, sur l'Enseignement colonial à l'Ecole, les Expériences à l'Ecole, les Œuvres post-scolaires; ceux de MM. Mutelet, directeur d'Ecole normale, Cavé, L.-C. Bon, professeur d'Ecole normale, sur le Livre à l'Ecole, la Mutualité sco- laire, l'Ecole allemande et l'Ecole française comparées. e Lis L e- =! ACADÉMIES ET SOCIETÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 20 Novembre 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Lœwy donne un résumé des observations des Léonides faites dans les divers observatoires francais. Du 12 au 17 novembre, peu de nuits ont élé favorables et partout le nombre des météores visibles a élé faible. On savait, d’ailleurs, qu'une parlie de l’essaim avait été déviée par les per- turbations de Jupiter et de Saturne; on conclut, en même temps, que le développement de l’essaim en largeur n'est pas considérable. — M. J. Janssen communique le résultat de l'observation des Léonides faite à Meudon. Afin de s'affranchir des chances de mauvais temps, deux séries d'observations ont été faites en ballon, les unes par MM. Tikhoff et Lespieau, les autres par M'e Klumpke et M. de Fonvielle. M. Janssen s'est également renseigné sur les observa- tions faites dans d’autres pays. A Delhi, à Poulkowo, à Vienne, à Potsdam, à Chicago, on n'a rien observé; à Strasbourg, Cambridge (Etats-Unis) et San-Francisco, on a apercu un certain nombre de météores. — M. G. Bigourdan envoie le détail des observations des Léonides faites à l'Observatoire de Paris du 13 au 46 novembre. — M. Baillaud adresse des renseigne- ments analogues relatifs à l'Observatoire de Toulouse. — M. H. Deslandres avait pris des dispnsitions spé- ciales, à l'Observatoire de Meudon, pour photographier les Léonides qui pourraient se présenter. Un certain nombre de météores ont été observés à l'œil, . mais aucun n'a impressionné les plaques, par suite de leur trop faible éclat. — MM. Rambaud et Sy adressent leurs observations des nouvelles planètes EW et ER, faites à l'équatorial coudé de l'Observatoire d'Alger. — M. J. Guillaume communique ses observations du Soleil, faites à l'Observatoire de Lyon, pendaut le deuxième trimestre de 4899. Il y a eu une diminution peu sensible du nombre des taches, mais assez forte en ce qui concerne les surfaces. Les facules continuent à diminuer, mais presque entièrement au sud de l'équateur. — M. Edm. Landau démontre que la série u (x) log x =. qui se rencontre dans la théorie de la fonction € (s) de Riemann, est convergente et a pour somme — 1. — M. Andrade se demande si l'hypothèse fondamentale de la Mécanique peut être vérifiée par l'étude des seuls mouvements relatifs des points matériels supposés tous observables. Il montre que la vérification n’est possible que si l’on connaît deux ou plusieurs systèmes isolés ou simultanés. 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. J. Boussinesq recherche ce que devientun système d'ondes planes latéralement indéfinies, dans un milieu transparent isotrope, mais hétérogène, formé de couches planes et parallèles. Le calcul montre que l'onde se propage à travers toutes les couches, en gardant ses caractères, mais en pre- nant des amplitudes sensiblement inverses à V, cost l'étant égal à (i est l'angle de la normale à l’onde Lo] avec l'axe des æ et w la vitesse de propagation de l'onde). — M. G. Sagnac explique, au moyen de sa nouvelle théorie, c'est-à-dire par des considérations purement cinématiques, les phénomènes d’entraine- ment de l'éther par la matière, en particulier l'effet Fizeau, dans lequel des vibrations lumineuses qui se propagent suivant l'axe d’un tube plein d’eau sont comme entrainées par le mouvement de l’eau. — M. Emile Berger a reconnu qu'il serait avantageux de remplacer, dans certaines professions, la loupe mono- culaire par un appareil binoculaire, qui éviterait le surmenage de l'œil qui travaille et donnerait la vision stéréoscopique, si nécessaire pour les travaux de grande finesse. Il a construit une loupe binoculaire dans laquelle l’angle d'incidence est élargi par l'inclinaison des lentilles à l'horizontale; cette inclinaison ne doit pas dépasser une certaine limite à cause de l'astigma- tisme qu'elle produit. — M. et Mue P. Curie ont cons- taté que les rayons émis par le chlorure de baryum radifère sont capables de produire des effets chimiques très marqués. Ainsi, ils transforment l'oxygène en ozone, le platino-cyanure de baryum en un corps jaune, puis brun. Ils communiquent au verre une coloration violette, aux sels de baryum une coloration rose. — M. Aïlb. Colson, par l'emploi du vide de Crookes, qui élimine l’action perturbatrice de l'oxygène atmosphérique et des gaz retenus par les corps solides, a établi que le déplacement direct de l'argent par le mercure est, dans certains cas, une réaction réversible limitée par une tension de vapeur métallique, comme une dissocialion hétérogène l’est par une tension gazeuse. Le même mode opératoire a montré que le sulfure et l’oxyde de cadmium sont dissociables au- dessous de 600° et que le cadmium possède par trans- parence une couleur bleu violacé. — M. H. Moissan a étudié l’action de l'acide fluorhydrique et du fluor sur le verre parfaitement sec. L'acide fluorhydrique attaque le verre dans toutes les expériences, même quand toute trace d’eau a été enlevée. Le fluor pur, au contraire, n’altaque pas le verre; mais il suffit qu'il soit mélangé d'une trace d'acide fluorhydrique pour que l'attaque se produise. — M. V. Thomas, en faisant réagir le bioxyde d'azote sur des vapeurs d'acide chlo- rochromique CrO?CE, à obtenu une poussière blar- châtre se transformant rapidement en une substance de couleur brune. Celle-ci renferme du chrome à l'état d'oxyde de chrome et à l’état d'acide chromique, du chlore et de l'azote. Elle répond approximativement à la formule Cr°Cl‘07.2470*; mais elle est peut-être constituée par un mélange de plusieurs corps. — M. Marcel Delépine, par l’action de l'acide sulfurique sur l’aldéhyde formique (à l’état polymérisé de tri- oxyméthylène), a obtenu un produit neutre, blane, cristallisé : AS 0/ 2/ 02 CH € SO, qu'il nomme sulfate de méthylène ou méthylal sulfu- rique, et qu'il considère comme l'éther sulfurique neutre du glycol méthylénique hypothétique. Ce corps réagit à chaud sur les alcools avec formation de formal et d'éther sulfurique acide de l'alcool employé. — M. P. Cazeneuve a préparé synthétiquement l'acide parabanique en faisant réagir l’oxamide sur le carbo- nate de phényle, conformément à l'équation : CO.AzH® pu CO. AZ, | CO | ©CO + 2CH.0H CO. AZI Nocers CO.AzH La formule du produit obtenu a été vérifiée par l’ana- lyse du sel d'argent et le dosage de l'eau de cristalli- sation, Cette nouvelle réaction, quoique à faible rende- ment, permettra, si elle est applicable aux homologues : PRE ne RE de l'oxamide, de préparer synthétiquement des homo- logues de l'acide parabanique. 30 SCIENCES NATURELLES. — MM. Ch. Richet et Ed. Toulouse ont pensé que, dans le traitement de l’épi- — Jepsie par le bromure de sodium, on pourrait, en pri- Ÿ vant l'organisme de chlorure, le rendre plus sensible au bromure et en diminuer la dose el par conséquent — Lintoxication bromurique. Dans la plupart des cas, des —. doses de 2 grammes de bromure par jour (au lieu de 8 —…. à45 grammes), font cesser les accès épileptiques quand à le régime alimentaire pe contient pas de chlorures — ajoutés. —MM. H. Claude et V. Balthazard ont reconnu … que la cryoscopie des urines peut fournir des rensei- … guements utiles au médecin sur le fonctionnement des — reins. Un facteur important à connaître est le nombre àV - desmoléculesachloréesélaboréesen vingt-quatre heures, — divisé par le poids du corps P. Ce facteur est peu va- — riable chez l'individu sain, et oscille dans les limites — assez voisines pour les divers sujets; il s’abaisse forte- ment dans les maladies où la perméabilité rénale est — diminuée. -— M. Mendelssohn a poursuivi ses recher- —…. ches sur le courant nerveux axial (courant provenant —._ d'une différence de potentiel électrique entre deux sur- faces de seclion transversale du nerf) Il a constaté que le courant axial manifeste, à l’état d'activité du nerf, une variation négative dont l'intensité varie, et est en moyenne de 45 à 20 °/, de l'intensité du courant axial au repos. — M. Hagenmuller a observé, vivant en parasite sur un Pleuronectidé, le Flesus passer Moreau, une nouvelle Myxosporodie, qu'il nomme Nosema Ste- — phani. Elle infeste, sous forme d'infiltration diffuse ou de kystes, les parois du tube digestif. La membrane . limitante des kystes est composée d'éléments provenant des tissus de l'hôte, et sa formation résulte d'une réac- tion de l'organisme envahi. — M. R. Maire décrit les hénomènes cytologiques précédant et accompagnant a formation de la téleutospore chez le Puccinma Lilia- cearum Duby.— M. Marin Molliard a éludié les modifi- — cations histologiques produites dans les tiges par l’action des Phiÿtoptus. Les modifications chimiques qui corres- …._ pondent à la présence de ces parasites déterminent la formation d’un tissu nouveau qui se différencie aux . dépens de cellules quelconques, quelle que soit la des- + tinée de chacune de celles-ci dans les conditions ordi- naires de développement. Séance du 27 Novembre 1899. La Section de Chimie présente la liste suivante de candidats pour la place laissée vacante par le décès de M. Friedel : en première ligne, M. Etard ; en seconde ligne, M. Le Bel ; en troisième ligne, MM. Colson, Hanriot, Jungfleisch, H. Le Chatelier, Lemoine. — M. le Secrétaire perpétuel rend compte à l’Académie de l’état présent de la souscription pour élever un monu- ment à Lavoisier. Le total des sommes recueillies s'élève actuellement à 93.553 francs. 1° SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. J. Guillaume adresse ses observations des Léonides faites à l'Obser- valoire de Lyon, les 12, 13 et 16 novembre. — M. Ch. Trépied communique les mêmes observations relatives à l'Observatoire ‘d'Alger, et faites les 13, 14 et 15 novembre. Environ 40 °/, des météores observés pen- dant ces trois nuits n'apparlenaient pas à l’essaim des Léonides. — M. Harold Tarry adresse les observations des Léonides faites à Alger par une quarantaine d'as- tronomes amateurs. — M, H. Lebesgue donne une définition de l'aire d’une surface qui présente la plus grande analogie avec la définition de la longueur d’une courbe. Soit une surface rectifiable S limitée par une courbe quarrable Z. Décomposons S en morceaux par des courbes quarrables. La somme des aires minima de ces courbes tend vers une limite, indépendante du choix des courbes de division, quand le diamètre maximum de ces courbes tend vers zéro. Celte limite est l'aire de la surface. -- M. Michel Petrovitch donne le complément de la démonstration d’un théorème sur le nombre des racines d’une équation algébrique com- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 927 prises à l'intérieur d'une circonférence donnée, — M. H. Padé généralise les trois développements en fractions continues, donnés par Lagrange, de la fonc- tion (1x), — M, P.Duhem établit, par une méthode analytique, les conditions nécessaires et suffisantes pour la stabilité d’un flotteur solide, qui nage à la sur- face d'un liquide unique, compressible suivant une loi quelconque, et porte ou non un chargement liquide, compressible suivant une loi quelconque (les divers corps du système étant d’ailleurs soumis à des forces extérieures quelconques), — M. P. Appell rappelle que le but des deux notes qu'il a présentées récemment sur le même sujet était de montrer qu'on peut arriver au même résullat par un raisonnement de géométrie élémentaire. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Boussinesq étudie la propagation, dans un milieu transparent hétérogène, d'un pinceau latéralement limité de lumière parallèle, il intègre les équations du mouvement et trouve, en particulier, que le faisceau proposé se transmet suivant le sens normal aux ondes, mais pas (du moins en quantité appréciable) dans les sens qui leur sont tan- gents. — M. F. Dussaud a étudié le rendement de la transmission du son par l'électricité. Il est d'autant meilleur qu'on enferme davantage de membranes microphoniques dans une caisse de résonnance au poste transmetteur et que l’on donne, au poste récep- teur, plus de facettes à chacun des pôles de l’électro- aimant, chaque facette ayant en face d’elle une plaque vibrante. Dans. ces conditions, le rendement de la transmission est suffisant pour actionner un phono- graphe. — M. P. Villard a constaté que les Rayons X, après avoir agi longtemps sur le verre, lui communi- quent une teinte violette, probablement due à l'oxyda- tion du manganèse. Le phénomène est analogue à celui observé par M. et Mme Curie pour les rayons émis par les substances radio-actives. — M. Jouniaux a étudié l’action réductrice de l'hydrogène sur le chlo- rure d'argent ; elle commence vers 200 et tend vers une limite déterminée pour chaque température. Inversement l'acide chlorhydrique sec attaque l'argent à partir de 400° et la réaction est aussi limitée pour chaque température. Mais, au-dessous de 600°, la limite des deux réactions inverses est bien différente suivant le système dont on est parti, tandis qu'au-des- sus de 600%, les limites sont les mêmes quel que soit le système considéré. — MM. E-E. Blaise et G. Blanc ont préparé, par un nouveau procédé, la camphénylone pure, puis son oxime qui, par déshydration, donne le nitrile camphocéénique. La réduction de ce dernier donne des bases absolument différentes de celles qu'on obtient par réduction de son isomère, le nitrile isolau- ronolique. La camphénylone et ses dérivés ne ren- ferment donc plus le noyau triméthyleyclopentanique de la‘série du camphre. — MM. Adrian et A. Trillat ont retiré, des résidus de la préparation de la digitaline cristallisée à partir de la Digitalis Lutea, une matière colorante jaune, de formule (C*H*0)*, Elle présente une grande stabilité et une grande résistance aux divers agents chimiques. Elle a une certaine analogie avec la matière jaune retirée de l’absinthe, mais en diffère par son point de fusion et sa formule. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Charrin et Levaditi ont observé, à l’autopsie d'une femme morte de fièvre typhoïde, des éléments figurés dans les vaisseaux du foie, du cœur, du poumon; ces éléments paraissaient être tantôt des débris de cellules de la glande biliaire, tantôt des fragments musculaires myocardiques. IL semble donc établi que le courant sanguin peut trans- porter des cellules constitutives des différents organes de l’économie; ces embolies cellulaires n’ont lieu qu'aux derniers moments de la vie. — M. Paul Berger rapporte une observation typique d’endothélium des os. Cette affection est caractérisée par des tumeurs à développement rapide; elles déterminent souvent de bonne heure des fractures spontanées au niveau des points où elles se développent. Elles présentent des 928 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES pulsations artérielles; ce sont des sortes d'anévrismes des os. Ce sont des tumeurs éminemment malignes; l'amputalion du membre atteint ne met pas toujours à l'abri d'une récidive ou d'une généralisation. — M. A. Herzen à pu produire la variation négative dans des nerfs normaux aboutissant à des organes périphériques intacts, mais sans activité physiologique, ces nerfs ayant été rendus inexcilables sous l’action de la chloralose. On voit donc que la varialion négative n'est pas un signe infaillible d'activité nerveuse, quoique la réciproque soit vraie. — M. Lanfrey a cherché à détruire le phylloxera en répandant sur les pieds de vigne une solution aqueuse d'acide picrique. Tous les insectes contenus sur les tiges et racines ont été détruits, ainsi que le ver blanc. La meilleure époque pour l'opération est en juin, juillet et août.— M. Victor Jodin à observé que des graines de pois et de cresson alénois, chauffées directement à 98°, sont complèlement tuées. Mais, chauffées d'abord à 60° pour les débarrasser de leur eau hygrométrique, puis ensuite à 98°, la plupart conservent leur pouvoir germinatif. — M. E. de Mar- tonne, en explorant les Carpathes méridionales, y a trouvé des traces incontestables d’une période gla- ciaire, déjà signalée par Lehmann. C'est d'abord l'existence de cirques terminant les hautes vallées, et dont la lopographie est la même que celle des cirques glaciaires des Alpes et des Pyrénées; puis la présence de roches moutonnées et de quelques stries glaciaires. Plusieurs faits semblent démontrer l'existence de deux et peut-être trois périodes glaciaires. — M. J. Thoulet a fait, au large de Brest, des déterminations de la vitesse et de la direction des courants marins en surface et en profondeur. Il se servait de floltteurs composés de deux bouteilles reliées par un fil, l'une située à la surface, l'autre à différentes profondeurs. Au moment du flot, il y à une vitesse maximum à la surface, minimum et de direction inverse à 10 mètres de profondeur. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 14 Novembre 1899. M. Paul Reclus lit le rapport sur le concours du Prix Godard. — M. Fournier présente une communi- cation sur la prophylaxie de la syphilis par le traite- ment. Les mesures administratives qui constituent actuellement notre unique sauvegarde contre la syphi- lis et les maladies vénériennes sont d’une insuffisance absolue. Elles réalisent le peu de bien qu'il leur est permis de réaliser, mais elles ne peuvent donner plus. Il est donc urgent de chercher à mieux faire, par un ensemble de mesures d'ordre médical ayant pour ob- jectif la stérilisation de la syphilis quant à ses dangers pour autrui. Dans l'état actuel, notre organisation hospitalière pour le traitement de la syphilis n’est pas comprise et dirigée comme elle pourrail et devrait l'être pour répondre à celte intention spéciale de prophy- laxie. Ce n'est pas avec des hôpitaux qu'on peut trailer et stériliser la syphilis, mais bien avec un système fortement organisé de consultations externes. Or, telles qu'elles fonctionnent actuellement, nos consultations hospilalieres pour la syphilis sont bien plutôt faites pour en détourner les malades que pour les y appeler et les y retenir, et cela : parce que ces dites consulta- tions sont insuffisantes comme nombre et conséquem- ment encombrées à l'excès; parce qu'au lieu d'être gratuites, elles sont pécuniairement onéreuses pour les malades (en leur faisant perdre leur temps de travail); parce que, sous leur forme actuelle, elles sont déplaisantes, désoblizeantes, inconvenantes, vexatoires, odieuses de par la confession forcée et publique de la syphilis. M. Fournier (erminera sa communication dans la prochaine séance. Séance du 21 Novembre 1899. M. Porak présente un rapport sur les travaux et mémoires adressés à la Commission permanente de l’'Hygiène de l’enfance en 1897 et 1898. Il constate que le fonctionnement de la loi Roussel entre de plus en plus dans les mœurs administratives. — M. Fournier termine sa communication sur la prophylaxie de la syphilis par le traitement. Concu dans un tout autre esprit qu'actuellement, le traitement prophylactique de la syphilis devrait avoir pour organes des dispen- saires rattachés à nos hôpitaux, — dispensaires mul- tiples; — dispensaires méthodiquement répartis dans les divers quartiers de la capitale; — fonctionnant à jours et heures propices aux malades, voire peut-être le soir, si une expérience tentée en ce seus était bien accueillie du public parisien; — fonctionnant avec dis- tribution gratuite de médicaments; — fonctionnant avec le système expéditif et indispensable des fiches indivi- duelles; — offrant à tout malade, au verso de chaque ordonnance, une instruction élémentaire propre à l'éclairer sur les dangers de la syphilis, non seulement pour lui-même, mais par rapport à autrui. Et surtout il faudrait qu'à l'intolérable système de la consultation publique par fournées fût substituée la consultation individuelle, privée et secrète. Devenant le pivot du système proposé, les consultations externes conslitue- raient un service exclusif de tout autre, confié aux médecins titulaires des hôpitaux. Il y aurait intérêt général, comme intérêt scientifique, à ce que le traite- ment de la syphilis et des maladies vénériennes fût confié à un personnel de médecins qui, à tous les degrés de l’échelle hiérarchique, seraient recrutés par con- cours spéciaux, et que ce service médical eût son auto- nomie, à la facon du corps des accoucheurs des hôpi- taux. — M. le D' Mendelssohn lit un mémoire sur les variations de l’état électrique des muscles chez l'homme sain et l'homme malade. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 11 Novembre 1899. M. Tuffier a pratiqué des injections intra-arachnoï- diennes de cocaïne dans la région lombaire et a obtenu une analgésie absolue des membres inférieurs, qui lui a permis de faire plusieurs opérations. M. J.-V. La- borde avait déjà reconnu dans ses expériences que l'action de la cocaïne peut se généraliser. M. Tuffier répond que l’anesthésie était complète pour les membres inférieurs, mais que le tronc et les membres antérieurs avaient conservé toute leur sensibilité. M. Bouchard estime que la méthode d'injection intra-arachuoïdienne est dangereuse et ne doit être considérée que comme une méthode d'exception. — M. C. Phisalix a constaté que le sang des reptiles se coagule lentement et diffi- cilement; ce fait est dù à ce que les globules rouges intacts laissent transfuser une substance anti-coagu- lante; chauffés à 580, ils favorisent au contraire la coagulation. — M. Sicard a inoculé au singe le pus d'un chancre vulvaire simple par scarification à la région frontale; il s’est produit des ulcérations chan- creuses typiques, mais qui se sont cicatrisées au bout d'une vingtaine de jours. — MM. Hédon et Arrous ont constaté que les sucres sont d'autant plus toxiques que leur poids moléculaire est plus élevé et par conséquent qu'ils sont plus diurétiques. — M. Linossier a éludié l'action inhibitrice des alcools de fermentation sur la digestion peptique, pancréatique et trypsique. — M. Boinet a observé des troubles nerveux chez un sujet atteint de la maladie d'Addison, et qui avait recu de trop fréquentes injections d'extrait de capsules surré- nales. Séance du 18 Novembre 4899. MM. Toulouse et Vaschide exposentleurs recherches sur la mesure de la fatigue olfactive, desquelles il résulte que l’odorat est un des sens qui se fatigue le moins rapidement. M. Henriot fait remarquer que l’odorat, fatigué par certaines odeurs, est cependant impressionnable par d'autres. M. Lapieque explique la formation des sensalions par les variations de l'excita- ras LE Te, Msn TULLS 1) & <- CE7 ICRA ANA CN PNA he, nn ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 929 tion. — MM. Maurel et Lagriffe ont poursuivi leurs recherches relatives à l’action de la chaleur et du froid sur les Poissons. Ceux-ci ne peuvent vivre que dans des liquides n'ayant pas plus de 30° d'écart, et encore leur existence n'est régulière que dans un inter- yalle de 12 à 15°. Ils semblent mieux organisés pour résister aux extrêmes de froid que de chaleur. La mort au delà des températures extrêmes n’est pas due à la rigidité musculaire, ni à une auto-intoxication, mais probablement à une modification physique de certains éléments histologiques. — M. Laguesse a observé des portions de la glande pancréatique, où le tissu endo- crine prédomine sur l2 tissu exocrine. — M. Lefas à remarqué des amas lymphoïdes chez l’homme adulte, au niveau de la glande sous-maxillaire, dans l’adénie simple. M. Guyesse a étudié les capsules surrénales et leur produit d'élaboration chez la femelle du cobaye en gestation, SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 17 novembre 1899. M. J. Blondin fait connaitre les principaux résul- tats des recherches expérimentales de M. Turpain, sur les oscillations électriques. Celles-ci ont porté tout d’abord sur le champ ordinaire de Hertz à deux fils. On déplace dans le champ un résonateur dont le plan est succes- sivement maintenu perpendiculaire à la direction des fils (position I), en coïncidence avec le plan des fils (position II), en coïncidence avec le plan de symétrie des fils (position IN). On trouve que les longueurs d'onde relatives aux trois positions sont égales. Les ._ ventres de la position I coincident avec les nœuds des positions IT et III (qui coincident entre eux) et inverse- ment. Les champs concentrés par un fil unique et le champ ordinaire de Hertz à deux fils donnent le mème système de ventres et de nœuds. Si l’on concentre le champ par deux fils issus de plaques terminales voi- sines du mème plateau de l'excitation, le champ ainsi constitué ne donne plus aucun système de ventres et de nœuds : c’est le champ interférent à deux fils. Un champ interférent peut être transformé en champ ordi- naire. Les champs interférents peuvent être utilisés dans le domaine des applications pratiques, en par- ticulier en télégraphie. M. Turpain étudie ensuite le fonctionnement du résonateur. Il énonce les prin- cipales lois auxquelles conduit l'étude du résona- teur complet. Il indique qu'un résonateur qui pré- sente, indépendamment du micromètre, une coupure, résone avec une grande facilité. Les lois auxquelles conduit l'étude du résonateur à coupure peuvent se résumer dans l'énoncé suivant : Dans un réso- nateur à coupure, la coupure joue le rôle que joue le micromètre dans le résonateur complet. La propa- gation des oscillations dans les diélectriques copsti- tue la dernière partie des recherches de M. Turpain. Il trouve que les longueurs d'onde des oscillations qui excitent un résonateur dans la position II sont les mêmes dans l'air et daus un diélectrique autre que l'air. Pour les oscillations qui excitent le résona- teur dans la position I, le rapport de la longueur d'onde dans l'air à la longueur d'onde dans un diélec- trique est égal à la racine carrée du pouvoir inducteur spécifique du diélectrique par rapport à l'air. Le dis- positif employé par M. Turpain lui permet une inter- prétation théorique plus complète que celle à laquelle conduisent les expériences sur les diélectriques qui ont précédé les siennes. En permettant de fixer l'hypothèse à admettre concernant la période du résonateur, elles apportent une confirmation de la théorie de Helmholtz-Duhem, M. Abraham rappelle que, dans des expériences récentes, M. Gutton s'est occupé de déterminer de quelle facon les vibrations hertziennes se transmettent de l'extrémité d'un fil à un conducteur voisin; la théorie qu'il a donnée des phénomènes repose uniquement sur la considéra- tion des lignes de force; elle est vérifiée par l'étude directe du champ électrique, au voisinage des dis. continuités et des arêtes des conducteurs. Il est pro- bable qu'une étude entreprise dans le même esprit donnerait l'explication des faits observés par M. Tur- pin, qui sont, en définitive, des actions des fils de con- centration sur un résonateur amené dans leur voisi- nage. — M. G. Sagnac expose une nouvelle manière d’en- visager la propagation des ondes lumineuses à travers la matière. Il montre comment on peut expliquer la pro- pagation de la lumière à travers la matière en admet- tant que les vibrations lumineuses y sont transmises par le même milieu éther que dans le vide sans que les propriétés de ce milieu soient altérées en aucune facon par la présence des particules matérielles; le rôle de celles-ci est de renvoyer les vibrations en tous sens à la manière de petits corps parfaitement conduc- teurs dont chacun réfléchirait et diffracterait en tous sens des vibrations électriques de longueur d'onde suf- fisamment grande. On peut, dans ces idées, expliquer d’une manière purement cinématique, sans entrer dans aucune considération électromagnétique ou dynamique, la loi de la réflexion ou de la réfraction, l'existence d'une couche optique de passage, indépendante de l'hétérogénéité superticielle du milieu, l'existence d’un indice de réfraction supérieur à l'unité. M. Sagnac expose d'une manière détaillée comment les phéno- mènes optiques d'entrainement de l’éther par la malière s’expliquent directement et simplement dans sa ma- nière de voir, bien qu'il n’admette ni un éther plus dense que celui du vide, ni aucune réaction méca- nique entre l'éther et la matière. Sa théorie cinéma- tique de l’entrainement de l’éther ne rencontre aucune difficullé ni aucune cause de complication dans l’exis- tence de la dispersion, ni dans celle de la double ré- fraction. Il annonce qu'il a pu étendre son hypothèse à l'explication de la dispersion anormale et découvrir des phénomènes optiques normaux; il présente ses vues théoriques comme propres à suggérer des idées de recherches expérimentales. C. Raveau. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES J.-C. Ewart, F. R.S. : Contributions expérimen- tales à la théorie de l’hérédité. A. Télégonie. — La croyance à la télégonie (qu'on désigne encore sous le nom d'« infection du germe » ou de « réflexion due à un père antérieur ») existe depuis longtemps. Au xvure siècle, les physiologistes ont discuté fréquem- ment cette théorie, et depuis que lord Morton, en 1820, adressa à la Société Royale une lettre sur ce sujet, le nombre des partisans de la télésonie a été constam- ment en augmentant. Il s’est toutefois glissé une cer- taine confusion dans leurs doctrines, les uns confon- dant la télégonie avec la simple réversion ou l’ata- visme, les autres réservant ce terme à la réapparition -chez un descendant d’un ou plusieurs caractères du premier ou d’un précédent père. M. Ewart, à la suite d'une série d'expériences sur divers animaux, est arrivé à cette conclusion que, si la télégonie existe, elle est beaucoup plus le résultat de l'influence d'un des ancêtres de la mère que du pre- mier père. Au point de vue général, on croyait que la télégonie résultait des cellules germinatives inutilisées du pre- mier père, allant se mêler avec les cellules germi- nalives non mûres dans les ovaires de la mère. Les observations de l’auteur lui ont montré que cela est absolument impossible chez les Equidés. Les sperma- tozoaires logés dans la partie supérieure dilatée de l'oviducte de la jument sont déjà morts huit jours après l’insémination; il n'y a pas de raisons pour sup- poser qu'ils vivent plus longlemps autour de l'ovaire. D'autre part, quoique, au moment de la fécondation, il puisse y avoir, dans chaque ovaire, plusieurs follicules de Graaf contenant des ovules en maturation, tous ont disparu bien avant la fin de la gestation. Les poulains suivants se développent à partir d'une nouvelle série 930 d'ovules, dans la composition desquels il est impos- sible qu'aucun spermatozoaire du premier mâle soit entré. Au point de vue particulier, M. Ewart a considéré d’une facon critique un des cas les plus connus de télégonie, celui communiqué en 1820 par le comte de Morton. Une jument marron de race arabe presque pure appartenant à lord Morton fut couverte par un cheval arabe noir et donna naissance à trois poulains de couleur jaune clair, à robe plus ou moins rayée. On en conclut qu'elle avait été infectée par un quagga, duquel elle avait produit un hybride quelques années auparavant. L'un des trois petits de la jument, une pouliche, avait, en plus des raies, une crinière sem- blable à celle du quagga, mais le fait ne semble pas avoir été suffisamment précisé. Pour l'auteur, la pré- sence des raies ne semble pas une preuve suffisante de télégonie. Ou admet généralement que les raies ne sont pas rares chez certaines races de chevaux, tandis qu'on ne les trouve pour ainsi dire jamais chez les chevaux arabes. Or, l'auteur à constaté que, même chez les étalons les plus purs, le fait n’est pas aussi général qu'on le suppose. Il a observé en particulier une pou- liche, qui présente de nombreuses bandes sombres; sa généalogie est bien connue et exclut loute possibilité d'infection par un zèbre. Les raies des poulains de lord Morton différaient d’ailleurs par leur disposition des raies du quagga. On voit donc que si des chevaux de race pure présentent souvent des raies, les poulains pouvaient en porter également sans que cela fût la conséquence de ce que leur mère avait été couverte antérieurement par un quagga. Les raisons tirées de la crinière de la pouliche n'ont pas plus de valeur à cause de l'incertitude où l’on se trouve sur sa forme et sa nature exacte, qui ont été décrites et dessinées diffé- remment. Les mêmes remarques peuvent être failes dans l'étude des autres cas connus de télégonie chez les Equidés. Mais, l’auteur, pour arriver à une plus grande certitude sur le sujet, s'est décidé à répéter l'expérience de lord Morton. Il s’est procuré trois zèbres et un certain nom- bre de juments, dans l'intention de faire couvrir ces dernières par les zèbres, puis, après la naissance des hybrides, par des chevaux de race pure, et d'étudier les produits de cette seconde fécondation. Les expériences suivantes ont été faites avec le con- cours de lord Arthur Cecil. Une jument du West fligh- land noire, Mulatto, descendant probablement des che- vaux de l’Armada, et reliée probablement à des chevaux mexicains et argentins souvent rayés, est couverte par un zèbre. L'hybride, né en août 1896, tient plus du zèbre que du cheval; il est plus rayé que son père, il possède une crinière semi-droite, qui change chaque année, et une queue comme celle d’une mule, dont les poils les plus longs muent aussi chaque année. La couleur du corps varie de l'orange foncé au gris foncé; les raies sont rouges-brunes sur la tête, et d'un brun foncé allant presque au noir sur le tronc et les jambes. Dans ses mouvements, l'hybride ressemble aussi à son père; il est comme lui, fort alerte, très actif et méfiant à l'égard des objets von familiers. Le se- cond poulain de la jument Mulatlo est né en juillet 1897; il avait pour père un cheval arabe gris de haute lignée. Comme le poulain de lord Morton, il ressemble aux poulains ordinaires par la forme, l’action et le tempé- rament, mais il en diffère en présentant un certain nombre de bandes indistintes, dont plusieurs seulement visibles à certaines lumières. Ces bandes diffèrent peu de la couleur du corps et varient du bai foncé au brun. Ces bandes deviennent de plus en plusindistinctes avec la croissance, et en novembre la plupart avaient disparu. Malheureusement le poulain mourut à cinq mois, et on ne peut savoir si l’une des bandes aurait persisté. Ce cas apporte peu de lumière dans l'étude de la question. Enfin Mulatto a eu récemment un troisième poulain, dont le père était un poney du West Highland. Ce troi- sième poulain a autant de bandes que le second; elles ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sont plus distinctes sur la croupe et la partie posté- rieure du corps; et comme pour le second, elles diffè- rent à la fois de celles de l’hybride et du zèbre. Le cas du troisième poulain, comme celui du second, semble- rait plutôt en faveur de la théorie de la télégonie. Mais depuis lors, deux autres juments ont été couvertes par le père du troisième poulain : une jument brune et une presque noire; et, quoiqu'elles n'aient jamais eu de rapprochement avec un zèbre, leurs poulains présen- tent les mêmes bandes que ceux de Mulatto, même plus persistantes. Pour expliquer les bandes de ces derniers, il n'est donc pas besoin de faire intervenir la télégonie. M. Ewart a fait de nouvelles expériences avec des poneys d’autres races. Une jument de Shetland, couverte par un zèbre, a donné un hybride ressemblant à celui de Mulatto. Avec d’autres poneys des Shetlands, elle a donné ensuire trois poulains, dont le dernier, à l'âge d’un an, n'a aucune trace de raies. Or, avant d'être couverte par le zèbre, cette jument avait donné des poulains à raies. Une jument d'Islande a donné avec un zèbre un hybride qui, de toute la série, ressemble le moins à son père. Avec des poneys d'Islande et des Shetlands, la jument à donné ensuite des poulains qui ne présentent pas trace de télégonie. Deux juments irlandaises ont élé couvertes par un zèbre et ont donné chacune un hybride, puis ultérieu- rement des poulains de race pure. L'une des juments a un hybride bai fortement rayé, l’autre un hybride à raies indistinctes. Les poulains ultérieurs, l’un venant d'un cheval marron pur sang, l’autre d'un poney ordi- uaire, sont dépourvus de raies et ne peuvent faire soupconner en aucune manière que leur mère a été couverte antérieurement par un zébre, D’autres expériences faites sur des juments pur sang anglaises ont conduit à des résultats analogues. En résumé, l'auteur conclut que toutes les expé- riences n'apporlent aucun témoignage en faveur de la télégonie. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 24 Novembre 1899. M. C. H. Lees étudie la conductibilité de certains milieux hétérogènes pour un flux régulier possédant un potentiel. Deux formules ont été proposées pour expri- mer la conductibilité d’un mélange en fonction de celle de ses constituants. Dans la première formule, la con- ductibilité est représentée comme la somme d’un ngm- bre de termes dont chacun est le produit de la con- ductibilité de chaque constituant par la proportion où il se trouve dans le mélange. Dans la seconde formule, la résistance d’un mélange est exprimée de la même facon en fonction de Ja résistance et du pourcentage des constituants. En général, la première hypothèse donne des résultats supérieurs aux valeurs expérimen- tales, la seconde des résultats inférieurs. Si l’on sup- pose que le mélange est composé d’une série de colonnes des divers constituants s'étendant normale- ment entre deux surfaces équipotentielles, alors la conductibilité sera exactement représentée par la pre- mière formule. Si, par contre, on considère les cons- tiluants comme disposés en couches parallèles, la seconde formule est applicable. Dans son mémoire, l’auteur recherche d'abord la relation qui existe entre les conductibilités quand les coustituants sont arrangés alternativement dans le mélange, comme les carrés sur un jeu de dames. S'il y a seulement deux compo- sants, le problème se réduit à trouver la forme des courbes équipotentielles et des lignes de courant dans un carré qui est divisé, par une diagonale, en deux parties de natures différentes. Au moyen de la repré- sentation conforme, l’auteur a rapporté le carré à un quadrilatère en forme de cerf-volant, avec deux angles opposés droits et les deux autres déterminés par les conductibilités des constituants de façon à donner des »:jqre ACADÉMIES ET SOCIETES SAVANTES 931 lignes équipotentielles droites dans les deux parties de la figure qui représentent les deux milieux et qui sont séparées l’une de l’autre par l'axe de symétrie. La rela- tion générale qui existe entre les coordonnées vecto- rielles des deux systèmes est représentée, comme l'a montré Love, par des fonctions elliptiques ; mais, près des points angulaires de la figure, on oblient une ap- proximation suflisante par l’emploi d'une simple expression exponentielle. En prenant la solution con- nue du problème dans le cas du quadrilatère, il est facile de calculer le résultat pour le carré considéré ; on arrive à cette conclusion que la conductibilité du carré est la moyenne géométrique des conductibilités de ses constituants. Si le milieu est ensuite pulvérisé, et qu'on y introduise de nouveaux corps, on trouve que je logarithme de la conductibilité du mélange est égal à la somme d’un certain nombre de termes dont chacun est le produit du logarithme de la conductibi- lité d’un des constituants par sa proportion dans le mélange. Cette loi se vérifie encore pour une superpo- sition de flux en plusieurs directions, et l’auteur consi- dère qu'elle est valable pour un flux quelconque. — M. Lees communique un second mémoire sur les con- ductibilités thermiques des mélanges et de leurs cons- tituants. Il a appliqué les trois formules considérées dans sa communication précédente à des mélanges de liquides et a comparé les résultats du calcul à ceux de l'expérience. La formule la moins satisfaisante est la première ; la meilleure est la formule logarithmique. M. Appleyard rappelle qu'il est souvent très important de pouvoir déterminer la résistance d’un mélange de gutla-perchas d’après celle des composants. La formule ancienne ne donne aucun résultat, et il serait désira- ble de rechercher si la formule de M. Lees s'applique dans ce cas. Il importe toutefois de remarquer que la nature des contacts influe beaucoup sur la conducti- bilité. M. Campbell pense que la différence entre les résultats calculés et observés provient des proprié- tés thermoélectriques des constituants: Lord Rayleigh a observé que la haute résistance des alliages est due à- une force électromotrice produite par le contact de métaux différents. M. Lees répond qu'il a utilisé des contacts au mercure dans toutes ses expériences. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 2 Novembre 1899. Le Président rend hommage à la mémoire de deux illustres chimistes décédés pendant les vacances : Sir Edward Frankland, ancien président de la Société, et Robert Bunsen, associé étranger. M. A. Vernon Harcourt expose une méthode de do- sage des quantités relatives d’air et de chloroforme gazeux dans un mélange des deux. On n'est jamais arrivé à déterminer exactement la composition du meilleur mélange chloroformique pour produire l’anes- thésie. On a utilisé pour cela la réaction qui a lieu entre le chloroforme et une solution alcoolique chaude de potasse; mais plusieurs auteurs prétendent que, par ce moyen, tout le chlore du chloroforme n'est pas transformé en chlorure. M. Harcourt a constaté, en effet, dans ses expériences, qu'on obtient toujours par cette méthode un résultat de % °/, trop faible; il propose de lui substituer la suivante : Si, dans un mé- lange d'air et de chloroforme, on introduit de la vapeur d’eau à 50 et 60°, puis un fil de platine maintenu à l'in- candescence, tout le chloroforme est transformé d’après la réaction: 2 CHCE + 2H20 + 0? — 6 HCI + 2C0°; l'acide chlorhydrique est dissous dans de l’eau et titré au moyen d'une solution ammoniacale. La réaction est complète en une heure s'il y a suffisamment de vapeur d’eau et si le fil est bien incandescent. L'auteur prépare des mélanges d'air et de chloroforme davs des propor- tions quelconques et de composition constante en souf- flant de l'air dans un mélange de chloroforme et d'al- cool. Tant que la densité et la température de ce dernier restent constantes, la proportion de chloroforme enlevé est aussi constante; on se débarrasse ensuite de la vapeur d'alcool par barbottage dans l'acide sulfurique et dans l'eau. M. J. Lewkowitsch montre que la théo- rie de la saponification, d'après laquelle l'hydrolyse des triglycérides est considérée comme une réaction tétra- moléculaire, doit être abandonnée en faveur de la théorie de Geitel, qui regarde la réaction comme bimo- léculaire. S'il en est bien ainsi, des diglycérides et des, monoglycérides doivent se formér dans les graisses partiellement hydrolysées. L'auteur a démontré leur présence en acétylant les produits intermédiaires, dé- barrassés de glycérol, et constaté que les produits acétylés augmentent, puis diminuent avec les progrès de la saponification. On obtient une preuve complé- mentaire en déterminant les quantités d'acides gras insolubles des produits acétylés, et leur valeur de sa- ponificalion. — M. F. G. Edmed a constalé que si l’on fait agir de l'acide nitrique de densité 1,25 à froid sur l'acide oléique, celui-ci subit un changement isomé- rique complet en acide élaïdique.—MM.S. Ruhemann et H. E. Stapleton, en chauffant pendant six heures la monoformylhydrazide à 210-2200, ont obtenu la té- trazoline de Pellizzari : Cette base est trés {soluble dans le chloroforme et l'alcool, d'où elle cristallise en aiguilles incolores, fon- dant à 82-83°, très déliquescentes. Elle donne un chlor- hydrate et un picrate. M. G. Young pense que le nom de cette base devrait être dihydrotétrazine; le nom de tétrazoline indiquerait plutôt un dihydrotétrazol. M. Stapleton répond qu'il n'a fait qu'employer le nom donné d’abord par Pellizzari et adopté plus tard par Pinner et Bamberger. — MM. William Jackson Pope et Stanley John Peachey, en chauffant l'iodure d’:-ben- zyiphénylallylméthylammonium de Wedekind avec le dextrocamphorosulfonate d'argent, ont obtenu un mé- lange cristallisé, qui, par cristallisation fractionnée, peut être résolu en son constiluant le moins soluble, le dextrocamphorosulfonate de dextro x-benzylphénylal- lylméthylammorium : Az (TH?) (C6H5) (CSH5) (CH) CI5080?, et le sel isomère, plus soluble, de la lévo-base. Le pre- mier a, en solution aqueuse, une rolation moléculaire égale à + 2089, le second à — 85°. Par l’action du bro- mure et de l’iodure de potassium, on prépare également les bromures et iodures de la dextro et de la lévo- bases, tous doués du pouvoir rotatoire. L'activité op- tique de tous ces composés est due à l’asymélrie de l'azote. M. Armstrong considère la précédente com- munication la plus importante contribution à la stéréo- chimie depuis celles de Le Bel et Van't Hoff. On possède à la fois une méthode de préparation des composés asymétriques de l'azote et un moyen nouveau de re- chercher la valence de l'azote dans les composés de l'ammonium. M. Lewkowitsch ajoute qu'il a cher- ché à préparer autrefois des dérivés du silicium opti- quement actifs, mais sans y parvenir. — M. O. Forster a obtenu, par l'action de l'hypobromite de potassium sur la camphoroxime à froid, un composé C!‘H!5BrAz0?, cristallisant en arborescences blanches, fondant à 220°. Traité par l'acide sulfurique concentré, ce dernier donne un composé C'*H!°BrAzO, se (ransformant facilement en un isomère par l'action de l'acide chlorhydrique. Le nitrile C°H'*Az est obtenu par l'action de la soude sur l’un des deux isomères; il se forme, comme pro- duit accessoire de la réaction, une amide C'H:5AzO, qui parait être celle de l'acide campholytique. — M, O. Forster a préparé les produits de condensation de la bornylamine avec les aldéhydes aromatiques en vue de 932 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES comparer leur activité optique à celle des dérivés cor- respondants de la benzylbornylamine. La transition de la benzylboruylamine et de ses dérivés nitrés à la benzylidènebornylamine et aux composés correspon- dants est marquée par une diminution du pouvoir rotatoire en solution alcoolique et benzénique. — MM. Ch. A. Kohn et W. Trantom ont étudié la for- mation de l'alcool benzylique par l’action de la soude sur la benzaldéhyde. En présence d’eau, il ne se forme que de l’alcool benzylique et du benzoate de soude; en employant des produits secs, il peut se produire jus- qu'à 100/, de benzoate de benzyle. — M. E. C. Szar- vazy, en fondant ensemble un mélange d’aniline et de son chlorhydrate et en l'électrolysant dans certaines conditions, a obtenu un mélange de matières colorantes du groupe de l’induline : induline, anilidoinduline, azo- phénine. On voit que le chlore formé dans lélectrolyse du chlorhydrate est capable d'effectuer la diazotation.— M.T.J. Baker a déterminé la chaleur de combinaison du cuivre avec le zinc en mesurant la différence entre la chaleur de dissolulion d'un alliage des métaux et celle d'un poids égal d’un mélange des métaux dans les mêmes proportions. Les deux dissolvant employés ont été l’eau de chlore à 0,15 et HAzO%.3H20. Les alliages de 0 à 30 °/, de cuivre ne présentent aucune chaleur de com- binaison, ce qui rend douteuse l'existence du composé CuZn?. De 30 à 62°/,, la chaleur de combinaison s'élève jusqu'à un maximum de 46 calories par gramme d'al- liage; cet alliage à chaleur de combinaison maximum ne correspond pas à un composé atomique simple. De 62 à 100 °/, de cuivre, la courbe des chaleurs de combinaison redescend graduellement jusqu'à 0°. — M. J.-T. Marsh, par l'action de l'acide sulfurique fort sur la fenchoue, a obtenu de l’acéto-xylène presque en quantité théorique. — M. Hugh Ryan, par l'action de l’acétochloroglucose sur des solutions de phénols dans la potasse alcoolique, a obtenu des glucosides cristallisés : le 88-naphtolglucoside, CSH'10*0OC'"H, en longues aiguilles solubles dans l'alcool et l’eau chaude; le £-p-crésol-glucoside, CfH#O05OCH:CH*, ressemblant au précédent; le £-carvacrol-glucoside, soluble dans l'alcool et l'acétone. — MM. Raphael Meldola et Wil- liam Arthur Williams ont préparé et étudié un cer- tain nombre de composés polyazolés. Le paranitrobenzè- neazoprénol fond à 214-2160, et donne un dérivé benzoylé et un dérivé acétylé. L’'amidobenzèneazophénol correspondant donne un sulfate cristallisé peu soluble, et deux dérivés monoacétylé et diacétylé. Le dérivé diazoté n'est pas cristallisable, mais donne un dérivé diacétylé cristallisable. Le paramidobenzèneazophénol, traité à froid par un mélange d'acide sulfurique dilué et de bichromate de soude, se transforme en diazodi- chromate du complexe AzH?CSH‘*Az* — et en quinone. M. Bevan Lean, en traitant le butanetétracarboxylate d’éthyle par le brome, a obtenu un dérivé dibromé; celui-ci, mis en digestion avec l'oxyde de baryum, donne le sel de baryum de l'acide dihydroxybutaneté- tracarboxylique, d'où l’on retire l'acide libre par dé- composition avec l'acide sulfurique. Par concentration de la solution aqueuse de cet acide : (HO:CEC(OH).CH2.CH2.C(0H)(CO?H), on oblient une monolactone : HO*C}.C.CH?.CH°.C(OH).CO°H | | CO dont on peut préparer le sel d'argent C"H°Ag‘0!. La solution aqueuse de cette lactone, chauffée à 150° en tube scellé, se décompose avec élimination d'acide car- bonique ; il se forme de l'acide tétrahydrofurfurane- aa'-dicarboxylique : CH? — CH? | HO*C.C No On obtient d’ailleurs un mélange de deux acides iso- mères, que l’auteur cherche à séparer. En même temps, C.CO’H. il se forme un monohydrate d’un desacides précédents. de formule C°H'°05, qui, placé en présence d'acide sulfurique concentré, perd facilement sa molécule d'eau. — MM. William Jackson Pope et Stanley John Peachey ont résolu la tétrahydroquinaldine par l'acide dextrocamphorosulfonique; en préparant le dérivé benzoylé de la dextro-base, puis en l'hydrolysant par HCI, on obtient la dextro-base à l’état pur. — M. William Jackson Pope est parvenu à résoudre des substances basiques faibles exlérieurement compen- sées par l'emploi d'acides très actifs optiquement. Ainsi la camphoroxime racémique traitée par l'acide dextro- camphorosulfonique donne deux sels isomères des bases droite et gauche, qu'on peut facilement séparer; ces sels, décomposés par l’eau, donnent les camphoroximes actives droite et gauche. — MM. W.-J. Pope et Eü- mund Milton Rich ont isolé à l’élat de chlorhydrate la dextrotétrahydroparatoluquinaldine des eaux mères restant après la séparation du lévo-isomère. Le chlor- hydrate cristallise en cristaux orthorhombiques hémié- driques avec une molécule d'eau. — MM. W.-J. Pope et Alfred William Harvey, en combinant l'a-phéné- thylamine compensée avec l'acide dextrocamphorosul- fonique, ont oblenu le dextrocamphorosulfonate de dextrolévo-a-phénéthylamine, à rotation moléculaire égale à 519,5; ce sel appartient à la classe des sub- slances partiellement racémiques. — MM. Frederick Stanley Kipping et W.-J. Pope étudient la méthode de Ladenburg pour la caractérisation des liquides racémiques et nou racémiques, en opérant sur des mélanges de dexiro et de lévopinène en proportions variées, et sur leurs solutions dans l'alcool. Les résul- tats obtenus par les auteurs montrent le caractère fallacieux de la méthode de Ladenburg. — MM. W. J. Pope et S. J. Peachey ont remarqué que les varia- tions de la rotalion spétifique de composés non élec- trolytiques dissous dans divers solvants sont reliées aux variations du facteur d'association de la substance dissoute. La lévotétrahydroquinaldine, douée d’un fort + pouvoir d’associalion, possède une rotation spécifique qui varie de — 460 à — 118° dans les divers dissolvants. En dissolvant cette base dans des liquides ayant à peu près le même facteur d'association, comme la tétrahy- droquinoline, la rotation spécifique est à peu près la même qu'à l'état libre. Or, si l’on dissout la lévotétra- hydroquinaldine dans la base extérieurement compen- sée, on conslate qu'elle a la même rotation spécifique qu'à l'état pur. On en conclut que la tétrahydroquinal- dine extérieurement compensée a le même poids molé- culaire à l’état liquide que ses constituants actifs et qu'elle ne‘peut, par conséquent, être un composé racé- mique. On constate un fait analogue pour le lévopinène et le pinène inactif. La méthode ci-dessus est la pre- mière qui ait donné des résultats posilifs pour la dis- tinction entre les liquides racémiques et non racé- miques. — M. W. N. Hartley a préparé deux nouveaux oxydes de cobalt hydratés. Si l’on précipile une solu- tion froide de chlorure de cobalt par une quantité équivalente d'hydrate de baryte, les deux solutions ayant été bouillies et la précipitation se faisant dans le vide, on obtient un composé vert de formule Co*O*, 6H°0. Avec un excès d'hydrate de baryte, on obtient un com- posé couleur chamois, de formule Co*0°, 11H°0. Par l’action de l'acide acétique, on reconnait que ces corps doivent répondre aux formules développées suivantes : Co?0*, Co(OH}*, 5H°0 et Co°0°, 6Co(0H}, 5H°0. Ils consti- tuent des composés et non des mélanges. — MM. W.R. Hodgkinson et L. Limpach indiquent une méthode de séparation des xylidines isomères qui se trouvent dans le produit commereial. Traité par l'acide acétique, de l’acétate de métaxylidine cristallise. Du filtratum, l'acide chlorhydrique précipite la paraxylidine et du résidu on obtient les orthoxylidines. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 10° ANNÉE N94 30 DÉCEMBRE 1899 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 1. — Distinctions scientifiques Prix décernés par l'Académie des Sciences de Paris. — Le lundi 17 décembre dernier l’Acadé- mie des Sciences a tenu sa séance annuelle sous la présidence de M. Ph. Van Tieghem, son président de cette année. M. Van Tieghem a rendu hommage aux membres que la Compagnie a perdus en 1899, et a rappelé les principales découvertes réalisées en France en ces douze derniers mois. M. Berthelot, secrétaire perpétuel, a donné lecture des prix et distinctions décernés par l’Académie aux lauréats de ses concours. Voici la liste des sayants ré- compensés : Prix Bordin (Sciences mathématiques). Le sujet à trai- ter était : Etudier les questions relatives à la détermi- nalion, aux propriétés et aux applicalions des systèmes de coordonnées curvilignes orthogonales à n variables. Le prix n'a pas été décerné. M. Jules Drach a obtenu une mention très honorable. Prix Francœur : feu M. Le Cordier; une mention très honorable a été accordée à M. Le Roy. Prix Poncelet : M. Cosserat. Priz extraordinaire de six mille francs, destiné à ré- compenser tout progrès de nature à accroître l’effica- cité de nos forces navales. Le prix a été partagé entre M. le commandant Baills, MM. Charbonnier et Gally- Aché et M. E. Perrin. Prix Montyon (Mécanique) : M. Partiot. Prix Plumey : M Bonjour. Price Fourneyron. La question posée était : Perfec- tionner en quelque point la théorie des trompes; con- firmer les résultats obtenus par l'expérience. Le prix a été altribué à M. Auguste Rateau. Prix Lalande : M. Brooks. Priæ Valz : M. Nyrén. Prix La Caze (Physique) : M. Blondlot. Prix Montyon (Statistique). Le prix a été partagé entre l'Office central des Œuvres de bienfaisance et MM. Du- mesnil et Mangenot. M. Turquan a obtenu un rappel de prix; M. de Beaumont une mention honorable. Priæ Jeckher : M. Maurice Hanriot,. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, Prix Wilde : M. P. Zeemann (d’Utrecht). Prix La (Caze (Chimie) : M. Engel. Prix Delesse (Géologie) : M. William Kilian. Prix Fontanne (Paléontologie) : M. Emile Haug. Prix Desmazières (Botanique) : M. l'abbé Hue. Prix Montagne (à décerner aux auteurs des travaux les plus importants sur les Cryptogames inférieures). M. Jules Cardot a obtenu un premier prix et le frère Joseph Héribaud un second prix. Prix Thore : MM. Parmentier et Bouilhac. Prix Bordin (Sciences naturelles\. La question posée était : Etudier les modifications des organes des sens chez les animaux cavernicoles. Le prix a été attribué à M. Armand Viré. Prix Savigny : M. Guillaume Grandidier. Prix Montyon (Médecine et Chirurgie). Le prix est partagé entre MM. Nocard, Leclainche, Mayet et Mar- fan ; MM. Lejars, Fournier et Garnier ont obtenu des mentions; MM. Guillemonat et Labbé, des citations. Prix Barbier : MM. Houdas, Jouanin, Louis Lapicque, Schlagdenhauffen et Reeb. Prix Bréant : MM. Vallard, Courmont et Doyon; MM. Besnoit, Cuillé et de Brun ont obtenu des men- tions. Prix Godard : M. Pasteau. Prix Serres (Embryologie générale appliquée à Physiologie et à la Médecine) : M. Louis Roule. Prix Chaussier : M. A. Charrin. Prix Bellion : MM. Cestan, Crespin et Sergent. Prix Mège : MM. Terrier et Baudoin. Prix Lallemand, décerné aux travaux sur le système nerveux. Le prix n'est pas attribué. M. Pierre Janet obtient une mention honorable. Prix du Baron Larrey : MM. Arnaud et Lafeuille. Prix Montyon (Physiologie expérimentale) : M. Le Hello. M. Quinton obtient une mention. Prix La Caze (Physiologie) : M. Morat. Prir Pourat. La question posée était : Des caractères spécifiques de la contraction des différents muscles. Le prix est attribué à MM. G. Weiss et Carvalho. Prix Gay. La question posée était : Etude des Mol- lusques nus de la Méditerranée. Le prix à été décerné à M. Vayssière, lu LU] (20) = CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Médaille Arago : Sir G. G. Stokes. Priæ Montyon (Arts insalubres). Le prix est attribué à M. E. Collin; M. Paul Razous obtient une mention. Prix Trémont : M. L. Ducos du Hauron. Prix Gegner : M. Vaschy. Prix Petit d'Ormoy (Sciences mathématiques) : tard. Prix Petit d'Ormoy (Sciences naturelles) : M. Alfred Giard. Prix Tchiatchef : M. Verbeck. Prix Gaston Planté : M. Maurice Leblanc. Prix Cahours : M. René Metzner. Prix Saintour : M. Lécaillon. Prix Jean-Jacques Berger, décerné à l'œuvre la plus méritante concernant la Ville de Paris. Le prix est attribué à l’Institut Pasteur. La Revue est fière de trouver dans cette liste des noms particulièrement amis, et elle adresse ses chaudes félicitations à ceux de ses collaborateurs que l'Aca- démie vient d'honorer publiquement. Après la proclamation des lauréats, M. Marcel Ber- traud a lu, au nom de son père, secrétaire perpétuel, une notice, justement applaudie, sur la vie et les tra- vaux de l'illustre astronome F. Tisserand. M. Mou- Prix décerné par l’Académie Royale de Belgique. — Dans sa séance publique annuelle du 17 décembre 1899, l'Académie Royale de Belgique a couronné un Mémoire de notre collaborateur, M. L. Au- tonne, intitulé : Sur les formes quaternaires à deux séries de variables, et relatif aux correspondances (Verwands- chaften) que l'on peut établir entre deux espaces. Le Mémoire sera imprimé aux frais de l’Académie. $ 2. — Mécanique Rendements des machines à vapeur. — Des essais de M. Donkin sur les rendements des ma- Vitesse desipiStEnsS EE Dépense de vapeur par cheval-heure ANTIQUE MEN EME RRE Calories par cheval-heure indiqué, y compris les enveloppes . . . . Rendement thermique (avec 635 ca- lories théoriques). Tee 0m60 à 2m par seconde. 5,3 à 8,1 kilos. 97 à 44,5. 12 à 23 of. Des machines d'usines type Sulzer, compound triples ou quadruples, à marche plus rapide, ont donné : VAEESSEIdESIPISLONS EE EE Dépense de vapeur par cheval- heure. SAN O DE Cie 3m à 4m40 par seconde. 4,6 à 6,5 kilos. Des machines courantes, avec de la vapeur à 8 et 11 kilos, ont donné de même : Vitesse des pistons . . . . . : 2m7(0 à 390 p. seconde, Dépense de vapeur par cheval- REUTERS EE EL 5,4 à 7,2 kilos. Rendement thermique. . 17,5 à 22,5 0/0. Détente variant entre . 13,5 et 33. Automobiles à vapeur. — Des renseignements fort intéressants ont été fournis par M. Thornycroft au meeting de Douvres (British Association); ils sont résu- més dans le tableau I ci-joint : On a presque absolument abandonné la transmission par chaînes pour appliquer les engrenages avec difré- rentiel et joints universels, permettant de ne pas chan- ger de vitesse même avec d'importantes dénivellations; c'est ainsi, par exemple, que, dans le wagon Thorny- cruft de 6,5 tonnes, l’essieu moteur attaque les roues par des ressorts lamellaires radiaux, ce qui permet de { . monter des rampes de ÿ sans chauffer la vitesse; on réserve le changement de vitesse (qui augmente de 15 °/, l'effort de traction) pour des cas exceptionnels, pour les routes grasses, etc. Tableau I. — Automobiles à vapeur. POIDS EN TONNES VITESSES VAPORI- SE En N s ER À ox Par tonne-kilomètre DÉSIGNATION en kilo-| RAMPE SÉDION A — mure | par kilo mr des types d'automobiles Fan et mètres | maxima de com- Tare com- Net Total |àl'heure bustible Eau a | bustible tible kilos kilos kilos kilos Weidknecht. Omnibus, 16 places etUDaAaLeS CN TRE EC NN) ET 0,67 195 6,87 14,4 » 12,0 6,5 3,0 0,4 Lifu. Wagon, 2 tonnes, au pé- trole . DRUR A Loc = hr 00 O7 net) 0.81 2,08 3,29 13,0 1/10 18,0 8,5 2,5 0,3 Leyland. Wagon, 4 tonnes, au | pétrole. Sr EE 0,35! | 4,1 2,35 9,2 1/7 14,0 » » 0,2 Scotle. Omnibus, 12 places et ba- Sages au,cOKe LE er NE 4153 1,18 6,34 10,5 » 12,0 1,3 3,4 0,6 De Dion. Omnibus, 16 places et hagares tanicoke”"##2-#727)|02001 0,74 1,10 6,05 13,7 » 14,0 6,2 2,0 0,33 Serpollet. Tramway à tracteur, 100 places et bagages, au coke.| 11,62 » 7,56 19,18 » 1/20 ) à 18 6,0 » » Scolle. Omnibus à tracteur, 26 places et bagages, au coke . .| 5,87 1,02 1,00 1,89 12,0 » 10,0 PE) 3,4 0,6 Marlyr. Omnibus, 22 pluces et bagages, au coke. . . . . . .| 2,98 0,05 1,65 5.13 )4 0 1/45 9.0 » » » Thornycroft. Wagon fermé de ; ; 8m,30, au charbon . D 1 | 20 0,27 3,00 6,1 10,0 1/12 12,3 6,9 3,0 0,45 Thornycrofl. Wagon, 3 tonnes.| 2,90 0,56 3,4 6,95 10,0 1/6 » 6,9 CA 0,42 Thornycroft. Wagon, 6,5 tonnes, : avec tracteur, au charbon. . 0 chines à vapeur ont été groupés en tableaux dans l'Engineer ; ils sont intéressants et on peut en noter les conclusions : Des machines à double, triple et quadruple expan- Le moteur, muni d’une distribution à coulisse, est enfermé dans un bac d'huile ; il est suspendu par trois points, commande directement une pompe alimentaire | et possède un injecteur. sion, à vapeur non surchauffée, à marche relativement | lente (elles actionnaient des pompes), ont donné, avec des pressions de vapeur variant de % à 14 kil. : | Essais de moteurs à pétrole. — Des essais de moteurs à pétrole ont été organisés par la Higland and CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 935 agricultural Society of Scotland; is ont montré les avan- tages des moteurs à pétrole, notamment pour les faibles puissances nécessaires en agriculture. Ces essais ont élé faits à vide, à demi-force, en pleine marche et à marche maxima. Nous croyons intéressant de les résumer dans le tableau IL ci-dessous : La Machinerie des navires de guerre. — La grosse question dans les navires, et principalement dans la marine de guerre, c'est d'avoir une grande puissance de propulsion avec un encombrement, un sance variant de 11.500 à 15.000 chevaux, ont donné Poids total de la machinerie par cheval. . D ler: et OU EU AR UOS: Puissance par mètre carré de surface dergrille”s, 141. 105 à 138 chevaux, Surface de chaulfe par cheval . 0m2,23 à (m2,29, Les croiseurs du type Paclolus ont des machines à triple expansion, le petit cylindre ayant 0,520 de dia- mètre; les rapports des cylindres sont 1-2,6-6,9. Les chaudières sont de types divers (Normand, Thorny- Tableau II. — Essais de moteurs à pétrole. ESSAIS A VIDE CYLINDRES DIAMÈTRE DES COURSES DES PISTONS par heure par minute Puissance au kilos millim. 460 533 305 d933 406 460 imillira. 254 315 180 315 280 254 Crossley. Campbell Stephenson Dnstone : angye . . Pollock . . ESSAIS A DEMI-FORCE par minute ESSAIS A PUISSANCE | MAXIMA | 4 ESSAIS EN PLEINE MARCHE = par minute Puissance maxima Puissance au Rendement mise en train minutes poids et une consommation de combustible aussi faibles que possible, non pas seulement au point de vue de l'économie argent qui en résulte, mais surtout parce qu'ainsi les approvisionnements nécessaires pour une longue campagne sont plus réduits. Des perfectionnements successifs ont permis de satisfaire chaque jour davantage à ces desiderata : l'emploi de machines à haute pression et à expan- sion multiple, le vent forcé substitué au tirage naturel des foyers, etc., etc. D'intéressants renseignements sur ces queslions viennent d'être fournis à l'Inslitution of Civil Engineers par MM. Burston et Oran. Nous leur empruuterons les indications suivantes : Les cuirassés du type Magnificent ont des machines verticales à triple expansion, dont le petit cylindre a 12,01 de diamètre; les rapports des volumes sont : 1—2,2—4%,8. Leschaudières sont cylindriques, doubles, à 4 foyers et 2 chambres de combustion. La puissance totale varie de 9.430 à 11.500 chevaux; la vitesse de la machine varie de 97 à 103 tours. La vapeur est pro- duite à 10 kil. 5 et admise à 10 kilos. On a, de plus, le soufflage au vent forcé avec une pression de 15 à 20%" de mercure. Daus ces conditions on a : 51 à 66 kilos. Poids de machines, par cheval. . 52 à 64 — Poids de chaudières, par cheval. Poids de la machinerie, ensemble, par cheval . . 0 Mo por TE Puissance par mètre carré de surface COMNIERROER Surface de chauffe 10% à 130 — 5 So DR 140 à 172 chevaux. par cheval. 02,16 à 0m2,20. Les cuirassés du type Canopus ont 20 chaudières Belleville à économiseurs; les machines sont verticales, à {riple expansion; le petit cylindre a 0,760 de dia- mètre, les rapports des cylindres sont 1-2,7 et 7,1. La puissance varie de 10.300 à 13.500 chev.; la vitesse est de 108 tours environ; la vapeur est admise à 17 kil. 5. Poids total de la machinerie par GAL MORE NE Puissance par mètre carré de surface HER PR MERS 2er Surface de chauffe par cheval . , , 97 à 126 kilos. 105 à 139 chevaux. 0m2,23 à 0m2,30. Les cuirassés du type Formidable, avec mêmes chau- dières, des cylindres un peu plus grands et une puis- croft, elc.). La puissance est d'environ 5.000 chevaux. Poids total de la machinerie par CHEVAL NE Ne CR Ma UNIS Puissance par mètre carré de surface de grille . 165 à 220 chevaux. Surface de chauffe par cheval . . 0m?,2% à Om2,34. Les contre-torpilleurs ou destroyers ont des machines à triple expansion à 3 ou 4 cylindres: ils filent 30 nœuds avec des vitesses de 300 à 400 tours pour la machine et de 7 mètres par seconde quelquefois pour les pistons. Le volume du cylindre à basse pression varie de # à 18 fois celui du petit cylindre ; la vapeur est admise à 12 kil. 5 au maximum; le soufflage au vent forcé peut atleindre 100 millimètres de mercure (dangereux et peu durable); dans ces conditions, on a : Poids total de la machinerie par cheval . . Puissance par mètre carré de surface de GUERRE ne Surface de chauffe par cheval. . 13,6 kilos. 316 chevaux. O2 17, L'emploi de 4 cylindres (deux égaux pour la basse pression) semble avantageux : le couple de rotation est plus uniforme, l’équilibrage plus facile, et on peut marcher plus vite; par contre, cela augmente de 12 à 15 ©, la longueur et le poids de la machine, mais permet d'en diminuer la largeur, ce qui est avantageux pour les torpilleurs. En résumé, on à pu arriver dans les machines marines à vaporiser couramment 10 à 12 kilos d’eau par 1 kilo de charbon; la vapeur a pu être produite à 20 kilos et admise à 17 kil. 5 sans inconvénients; la triple expansion est presque exclusivement adoptée. Dans ces conditions, on arrive avec le tirage naturel à un poids total de machinerie voisin de 100 kilos par cheval avec une puissance de 130 à 150 chevaux par mètre carré de surface de grille et une surface de chauffe voisine de 0%°,25 par cheval indiqué. Si l'on pousse le tirage, au vent forcé, en atteignant de 10 7 moins de 20 kilos de machinerie par cheval, à plus de 200 chevaux par mètre carré de surface de grille, à moins de 0%*,2 de surface de chauffe par cheval indiqué des pressions de d’atmosphère, on arrive à CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 3. —— Électricité industrielle Usine hydro-électrique près de Mechanic- ville (N. Y). — Aux environs de Méchanicville (un nom de circonstance), l'Hudson coule dans un lit de rochers, et une petite île (l'ile de Bluff} le divise en deux bras inégaux; c'est là qu’on vient d'installer une importante usine hydro-électrique, dont nous dirons quelques mots. Elle est située sur le petit bras et son prolon- gement. Le barrage de ce petit bras est en béton, il s'élève à 72,90 au-dessus du lit du fleuve et mesure 3 mètres d'épaisseur à la crête, et près de 5,50 à la base; enfin il comporte quatre vannes de décharge ayant 2 mètres de haut et 1#,20 de large. Sur le grand bras règne un barrage de 243 mètres de longueur, également en bélon, et qui vient s'appuyer sur deux importantes culées; la culée Est a 6 mètres de long, près de 8 mètres de hauteur et mesure 4,90 d'épaisseur à la crête et 10,35 à la base; la culée Ouest, elle, a 30 mètres de long et comporte 12 vannes de 12,80 de haut et de 1",20 de large. Il ya 7 groupes de turbines motrices, dont 5 sont actuellement en marche, et fournissent 5.000 chevaux. Chaque groupe comprend 2 turbines Victor calées sur le même arbre et fonctionnant sous unechutede5%,50, Chacune se compose de deux couronnes de 1,06 de diamètre, qui, à la vitesse normale de 114 tours, font 250 chevaux : une turbine fournit donc 500 chevaux. Il y a, de plus, deux groupes de turbines excitatrices, formés chacun de deux turbines Victor, l’une à simple, l'autre à double couronne de 0,46 de diamètre, et donnant au total, à 259 tours par minute, 300 chevaux. L'atelier des dynamos est desservi par une grue de 20 tonnes; il comprend 5 génératrices débitant chacune 750 kilowatts. Ce sont des machines à courant alter- natif triphasé, à champ tournant et à armatures fixes : elles ont 40 pôles, tournent à 114 tours par minute, et peuvent fournir aux lignes un courant de 36 ampères sous 12.000 volts. Il y a, de plus, 2 machines excita- trices à 6 pôles, du type de la General Electric C°, fournissant 100 kilowatts à 125 volts. Celté usine permet de distribuer la force dans un rayon assez étendu et notamment à Méchanicville (3 kilom. 200), à Troy (17 kilom. 7), à Albany (29 kilom.), et surtout à Shenectady (27 kilom. 3), où se trouvent les très importantes usines de la General Electric C° qui, jusqu'ici, étaient aclionnées par la vapeur. $ 4. — Mines et Métallurgie Les ressources de lEspagne en minerais de fer. — On a beaucoup parlé ces temps derniers de l'épuisement des mines de fer si renommées de Bil- bao, épuisement qui se serait accentué en raison de la demande croissante des métallurgistes américains, actuellement importateurs de ce minerai pour 6.000.000 detonnes. S'il faut en croire les gens bien informés, on estime que la région de Bilbao ne pourra plus guère fournir désormais qu'une cinquantaine de millions de tonnes, dont 20 millions environ sont encore disponi- bles dans les mines d'Orconera et 10 millions dans celles de la Compagnie Franco-Belge. Il existe toutefois en Espagne, particulièrement dans le Sud, beaucoup d’autres gisements d’une étendue considérable; mais jusqu'à présent la plupart d’entre eux, sans profondeur, ont donné lieu à des déboires au moment de l'exploi- tation. Tel fut le cas spécialement des dépôts situés dans le voisinage d'Alméria, de Malaga, de Carthagène et de Murcie. ; Le tonnage total des minerais de fer exploitables en Espagne, établi à la fin de l’année dernière, s'élève à 1.305.000,000 de tonnes, dont 57 millions attribuables à Ja province de Biscaye, 22 à celle d'Alméria, 10 à celle de Santander, 34 pour les Astluries et 41 à Lugo. Mais c’est dans les provinces de Léon et de Palencia que les ré- serves sont les plus considérables, car on y trouve 760 millions de tonnes, dont 650 en minerais oolithiques à faible teneur. Ce tonnage correspond à environ onze fois celui déjà extrait des mines de Bilbao et à qua- torze fois la quantité restant à extraire dans celte ré- gion. Cette provision énorme de minerais, capable, au moins en quantité, de suppléer avantageusemont à l'épuisement progressif des dépôts de Biscaye, est restée inconnue des métallurgistes jusqu'à ces derniers temps. Mais, hàâlons-nous d'ajouter que, tandis que le minerai de Bilbao est recherché surtout en raison de sa pureté, celui dont nous parlons est phosphoreux, comme, du reste, la plus grande partie des minerais constituant les réserves espagnoles. Un ingénieur, qui fait autorité dans le pays, estime à 150 millions le tonnage des minerais d'hémalite, c'est-à-dire des oxydes de fer aussi purs que possible, et respectivement à 875 et 5 millions de tonnes ceux des minerais phosphoreux et manganésifères. Il prévoit que dans vingt ans les minerais d'hématite seront réduits à 34 millions de tonnes, tandis que les minerais phosphoreux, en assu- rantune consommation de 50 millions dans l'intervalle, resteront encore au chiffre de 825 millions. Au bout de la même période, la province de Biscaye aura vu baisser son stock à moins de 1 million de tonnes, Les tableaux suivants donnent le détail des réserves en minerai de l'Espagne et en particulier de celles de la province de Biscaye, en indiquant les chiffres proba- bles auxquels elles se réduiront en 1920 : Minerais d'hémalile. a RÉSERVES RÉSERVES actuelles probables en 1920. BISCAYER EE Ce OA UND » Santander 40 00000 » Navarre et Guipuscoa. 3.500.000 » Burgos, Logrono et SO LUE D UDA OUT 6.650.000 NUTCIE SENS CRE 5.000.000 » ATmérIa La er 22: 6002000 9.850.000 Grenade et Cordoue. . 10.000.000 5.050.000 SENTE RE AE 00 000 850.000 Malaga, Pise 2.300.000 320.000 Huelva 2150002000 10.450.000 LEE AS EN ENS 15 3.200.000 150.000 ToraL. . . . 150.670.000 33.970.000 Minerais phosphoreur. Catalogne et Aragon. . 32.000.000 25.900.000 Ciudad Real =: . . . 8.000.000 6.450.000 Léon et Palencia . 760.000.000 736.840.000 AStUrTIes CO DODAGUO 27.030.000 Lugo . 41.000.000 28.940.000 ToraL. 87.000.000 825.160.000 Délail des réserves de la province de Biscaye (où se trouve Bilbao). RÉSERVE EN 1899 RÉSERVE EN 1920 CAS NO MENE DORE 2.500.000 » Onton Eee Perte 600.000 » Portugalete... ...2" 6.380.000 » Saint-Nicolas : + . 6.400.000 » Franco-Belge. . . . . 10.140.000 380.000 PUChATO EEE 2.000.000 » OTCONCrA 2 000000 600.000 Zorroza REC eo 0 850.000 » Oloveaga et Deusto. . 1.900.000 » TOTAL: 00 51.110.000 980.000 On voit qu'avant 1920 les ressources des excellents minerais de Bilbao seront épuisées, puisque à la fin de cette période de vingt années il n'en restera plus que 980.000 tounes, soit environ le 1/6 de l’approvisionue- ment actuel d'une année. On peut se demander ce qui se passera alors. Il est certain que plusieurs autres régions du monde, privilégiées au point de vue de la CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 937 ureté des minerais, comme l'Alvérie, les Etats-Unis, ‘île de Cuba, celle de Terre-Neuve, le Canada, auront déjà depuis longtemps fait concurrence à l'Espagne sur les marchés européens. Mais il faut aussi supposer que beaucoup d'usines, qui consomment actuellement des minerais d'hématile ou autres non phosphoreux, auront à ce moment transformé leur fabrication pour pouvoir traiter exclusivement des minerais phosphoreux, et, si cette qualité de minerai se rencontre en grande abon- dance en Espagne, en Angleterre et en Suède, nous ne devons pas oublier qu’elle constitue une des plus grandes richesses de nos départements de l'Est. $ 5. — Botanique Le Greffage des Monocotylédones.— Le gref- fage des Monocotylédones avait été considéré jusqu'au- SA DeQes.. ù ANAL EA CONS EE jourd'hui comme une opération irréalisable en raison de l'absence d'une couche génératrice. Cette impossibi- lité n’est cependant pas absolue, car M. Daniel ‘ a réussi « ê LEE : SU à à greffer le Vanillier sur lui-même. Pour cela, il a sec- tionné la tige à peu de distance du sommet végétatif (02,10 environ) et il a replacé le greffon au même en- droit en le maintenant par une forte ligature. L'opéra- tion a été faite en mai 1899 et elle a complètement réussi. Même résultat avec le Philodendron. Il résulte de ces expériences que la greffe des Mono- cotylédones est possible ; la reprise dépend de l’éten- due des surfaces en contact, du procédé de greffage et de la nature des plantes qu'on veut associer. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler, à ce sujet, que des expériences entreprises au Queensland (Australie) ont déjà montré la possibilité de greffer la Canne à sucre sur elle-même*. Les résullats obtenus par M. Daniel viennent confirmer cette première cons- tatation, dont la réalité avait été vivement contestée. Au point de vue de l'application qu'on peut faire de la greffe dans la culture des Monocotylédones en géné- ral et de la Canne à sucre en particulier, il n’est pas en- core possible de se prononcer; mais nous avons tenu à signaler ici des expériences dont les résultats sont en contradiction formelle avec les idées courantes ; nous sommes persuadé que l’on obtiendrait des résultats encore plus remarquables en poursuivant des expé- riences de ce genre dans les pays tropicaux, au lieu de les pratiquer dans nos serres d'Europe. $ 6. — Biologie L'arsenic normal chez les animaux et sa localisation dans certains organes. — Depuis l'Antiquité, l’arsenic n'a cessé d'être utilisé dans les maladies de la peau ou du poumon et contre certaines anémies spécifiques. Malgré ce long usage, les diverses préparations métalliques de l’arsenic sont restées ce qu'elles étaient au temps de Pline, c'est-à-dire des mé- dicaments infidèles, difficiles à manier et mystérieux dans leur action. Au mois de juin dernier, M. Armand Gaulier a fail connaitre à l'Académie de Médecine * les essais qu'il avait tentés avec succès contre certaines maladies, grâce à une substance arsenicale organique, l'acide cacodylique, découverte par Bunsen, en 1843, et res- tée jusque-là sans emploi. Cet acide, As (CH3)O*H, malgré sa solubilité dans l’eau et sa teneur de 54,3 0}, d’arsenic, ne possède aucune propriété vénéneuse. En injections hypodermiques, il surexcite l'appétit, active l'assimilation et permet, tout particulièrement, de combattre les maladies de poitrine. C'est au cours de ces essais que l’éminent physio- logiste a été conduit à rechercher si l’arsenic existe normalement chez les animaux. L'expérience, très habile, a vérifié ses prévisions, et il a pu constater que MCUR:, 23 00L:1899. ? Louisiana Planter, 26 fév. 1899. 5 Bull. Acad. Méd., Paris, séance du 6 juin 1899. ce singulier élément se rencontre d'une manière cons- tante dans la glande thyroïde chez les herbivores, les carnivores et l'homme". Cet arsenic est engagé, sous une forme très com- plexe, dans les matières albuminoïdes caractéristiques des noyaux cellulaires, c’est-à-dire dans les nucléines. Ainsi, 1 gr. 21 de ces substances sèches, correspondant à 400 grammes de glandes thyroïdes de mouton fraiches, ont suffi pour donner un bel anneau d'arsenic. Chez l’homme, la quantité de métalloide contenue dans la glande thyroïde est environ de 1/6° de milligramme. Il faut ajouter que tout l’arsenic n’est pas localisé dans la glande thyroïde; il y en a aussi un peu dans le cerveau, le thymus et méme, à l’état de traces, dans la peau. Au contraire, le sang, le foie, la rate, le rein, les muscles n’en ont pas fourni du tout, malgré l’exquise sensibilité de la méthode mise en usage dans celte recherche. Ilest curieux que les troubles du myxæ- dème frappent justement les trois organes, thyroïde, cerveau et peau, où se localise tout l’arsenic. Vraisemblablement, l'animal trouve cet étrange mé- talloïde dans les substances qui composent sa nourri- ture. Stein, en effet, a reconnu la présence de l’arsenic dans un assez grand nombre de végétaux, parmi les- quels la paille de seigle, le chou, les navets; les pommes de terre, etc. *. La constatation de l'existence de l’arsenic normal dans le noyau de certaines cellules n’est pas seulement importante en ce que la seule présence d'un élément aussi rare que l’arsenic dans la thyroïde, le thymus, le cerveau et la peau suffit à démontrer les relations chi- miques et fonctionnelles qui unissent ces orgaues; elle nous éclaire encore à un point de vue plus général : elle établit l'influence que sont aptes à exercer sur le fonctionnement des tissus et sur la vie de l'être tout entier des doses presque infinitésimales de certains élé- ments spécifiques. Une glande thyroïde humaine (pe- sant 21 grammes en moyenne), glande empruntée à l'espèce animale qui, à poids égal, fournit le plus d’ar- senic, contient à peine 05,17 de cet élément. Pour un individu moyen de 57 kilos, ces 17 centièmes de milli- gramme représentent environ de la masse fl 400.000.000 totale, Ce quatre cent millionnième d’arsenic suffit pour que, la glande fonctionnant normalement, la santé générale se maintienne. Un poids encore bien plus faible, un milliardième, suffit chez d’autres animaux. Il se dégage encore de ces recherches une autre con- séquence : à savoir, que des fonctions spécifiques, plus ou moins nécessaires à la vie, se poursuivent dans les organes, grâce à certains éléments actifs dont la pré- sence nous échappe sans doute encore à cette heure. On peut déjà citer le rôle du manganèse, reconnu dans les oxydases; de l’iode dans la thyroïde, de l’arsenic dans les nucléines, où il remplace le phosphore; du fluor dans la cellule osseuse, etc. Aussi, y a-t-il lieu de rechercher aujourd’hui, dans chaque organe, en se servant des méthodes les plus délicates, les divers élé- ments qui peuvent, ainsi que les précédents, être regardés raisonnablement comme aptes à se substituer à leurs analogues chimiques. C’est toute une chimie biologique nouvelle àentreprendre, qui paraît pleine de promesses pour l'avenir. Les toxicologistes auront aussi à tenir compte, dans les expertises médico-légales, de ces observations sur l'existence normale de l’arsenic dans certains organes; elles définissent, en effet, d’une manière concluante, où l'on trouve l’arsenic et combien l’on en trouve. Le rôle des leucocytes dans lFhistolyse des muscles de l’Abeille pendant la métamor- phose. — Les travaux ayant trait aux phénomènes intimes de la métamorphose des Insectes ont jusqu'à présent décrit la destruction du tissu musculaire de la 1 C. R. Acad. Se , 4 décembre 1899. 2 Journ. f. prakt. Chem., t. LI et LIT. 938 larve sans intervention des phagocytes. Or, d’après les recherches de M. Auglas, la phagocytose jouerait un rôle important dans ce processus, qu'il a étudié plus particulièrement chez l’Abeïlle dont les fibres muscu- laires larvaires, très volumineuses, sont plongées dans l’hémolymphe et très accessibles aux globules amiboïdes ou leucocytes. Chez l’Abeille, le processus en question évoluerait, d'après les recherches de M. Anglas, de lafacon suivante: Lorsque la larve arrive au stade où elle se nourrit de ce que lui apportent les ouvrières, on constate une pre- mière mobilisation, très partielle, des leucocytes vers les fibres musculaires. À un âge plus avancé et jusqu'à ce que la larve ait atteint sa taille maximum, les fibres musculaires gardent le même aspect; cependant, quel- ques leucocytes sont parfois accolés à elles, si intime- ment que le petit noyau du leucocyte semble appartenir au muscle. Cette disposition est relativement peu fré- quente. En ce moment, la fibre musculaire est en parfait élat : en effet, la larve est mobile, et, même après le rejet du contenu de l'intestin larvaire, la jeune pro- nymphe pourra se mouvoir, tandis qu'elle tendra les soies de son opercule. Une coupe à ce stade montre les leucocytes groupés en grand nombre auprès des muscles encore intacts. Aussitôt que la nymphe est enfermée dans la loge, les leucocytes, toujours plus nombreux, s'appliquent surles muscles et passent entre les fibres. Ils s'engagent souvent dans la couche de sarcoplasme qui entoure ces fibres, et, pénétrant à la suite des uns des autres, y forment des sortes [de chapelets. Il pourrait sembler, à première vue, que ces noyaux en chapelet, souvent situés à côté des noyaux du muscle larvaire, provins- sent de ces derniers par bourgeonnement. Il n’en est rien, car ceux-ci gardent le même aspect que précédem- ment et leur délimitation reste très nette; parfois même, où constate la pénétration d’un leucocyte dans ces gros noyaux larvaires. Les leucocytes pénètrent aussi entre les fibrilles des fibres musculaires, qu'ils divisent; ils s’avancent le plus souvent en files longitudivales, formant comme des coins allongés. Bientôt les fibres sont découpées en tous sens, et les fragments musculaires sont englobés par le protoplasma des leucocytes. Cette action est si rapide que souvent une même fibre, intacte à l’une de ses extrémités, est envahie à l’autre bout par les leuco- cytes devenus phagocytes. La striation disparaît peu à peu; les noyaux perdent leur contour net; puis on n'en voit plus la trace. Les coupes montrent en un même endroit de la pré- paration tous les degrés de pénétration des leucocytes, et ne laissent aucun doute sur l’origine des phagocytes: ils viennent, par rapport au muscle, de l'extérieur. Les fragments musculaires ainsi découpés forment des sortes d'ilots où l’on ne distingue qu'une multitude de petits noyaux au milieu de débris qui sont environ de la grosseur des leucocytes primitifs. Mais ces noyaux dégénèrent à leur tour; les îlots se réduisent en éten- due, et disparaissent totalement à des stades plus avancés, sans que les produits venant de l'histolyse soient mis en liberté dans le sang. $ 7. — Hygiène publique Stérilisation des Eaux alimentaires au moyen du peroxyde de chlore. — Ce procédé, étudié par M. Bergé, professeur à l'Université de Bru- xelles, consiste à faire agir sur l’eau à stériliser le per- oxyde de chlore CI0*, obtenu par l'action de l'acide sulfurique sur le chlorate de potasse. Le peroxyde de chlore est un composé gazeux, soluble dans l’eau, dé- composable par la chaleur, la lumière et le contact des matières organiques. C'est un oxydant énergique, agis- sant comme l'ozone, paraissant inoffensif pour l'homme etles animaux, puisque les poissons vivent bien dans une CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE eau chargée de peroxyde de chlore et que la germina- tion et le développement des plantes se font parfaitement dans l’eau traitée même par un grand excès de ce corps. Par contre, les végétaux microscopiques, les bactéries et leurs germes, sont tués par le peroxyde de chlore. M. Ogier a été chargé par le Comité consultatif d'Hygiène de France de l'étude de ce procédé de stéri- lisation des eaux. Voici les principaux faits exposés dans son Rapport: Une eau additionnée de peroxyde de chlore en léger excès se colore d'abord en jaune, puis se décolore assez vite, surtout à la lumière. Elle conserve pendant quelque temps une odeur spéciale, rappelant un peu celle de l’eau de Javel, puis cette odeur disparaît complètement. Au contact des matières organiques, le gaz chloré se décompose, d’où oxydation et diminution des matières organiques; cette diminution, qui varie suivant la quantité de réactif employée, est souvent de moitié. On ne doit pas livrer l’eau à la consommation avant que la totalité du peroxyde de chlore n'ait été décom- posée. Or, dans de l’eau de la Vanne, additionnée de 1/2 milligr. par litre de CI0*, il y avait encore des traces de ce composé au bout de vingt-quatre heures, (On reconnait celui-ci par la réaction bleue très sensi- ble qu'il donne avec l’iodure de potassium amidonné.) La meilleure facon de détruire rapidement l'excès de peroxyde de chlore consiste à faire ruisseler l’eau sur du coke. Au point de vue de la stérilisation, les expériences que rapporte M. Ogier montrent que le peroxyde de chlore est un antiseptique de premier ordre. Avec des eaux peu chargées en matières organiques, la stérilisa- tion est obtenue en un temps très court avec 0 gr. 0008 de CIO* par litre (soit la quantité de CI0® fournie par 2 gr. 25 environ de chlorate de potasse par mètre cube d'eau). Avec des eaux chargées en matières organiques, il faut une plus grande quantité de peroxyde de chlore et la stérilisation est obtenue moins rapidement. C'est ainsi qu'avec de l'eau de Seine il faut employer de 2 à 3 milligr. de CI0* par litre pour obtenir la stérilisation. Ces faits rapprochent l'action du peroxyde de chlore de celle de l'ozone. La stérilisation par l'un ou l’autre de ces agents est le résultat de l'oxydation des micro- organismes en tant que matières organiques. Si l’on prend une eau d'une grande pureté comme matière organique totale, mais assez chargée en bactéries, il suffit d'une petite quantité d'ozone ou de peroxyde de chlore pour brûler la substance même des bacteries et, par conséquent, détruire celles-ci. Si, au contraire, l'eau renferme une proportion notable de matières organi- ques, l’action de la substance oxydante se porte sur celles-ci et la destruction des micro-organismesse trouve retardée d’autant. M. Ogier a ensemencé du colibacilie et du bacille typhique dans de l’eau de Seine, préalablement filtrée et stérilisée par la chaleur. Des cultures sur plaques ont montré que le premier de ces échantillons conte- nait97.000 colibacilles, et le second 40.000 bacillesthyphi- ques par centimètre cube. Ces eaux, additionnées de 2 milligr. 38 de CIO* par litre, ont été essayées trois heu- res après; elles étaient stériles sur bouillon et sur gé- latine. Quelques applications du procédé Bergé ont été faites en Belgique, notamment à Ostende, où l’installa- tion pouvait fournir 2 mètres cubes à l'heure. Théoriquement 1 gr. de chlorate de potasse fournit 0 gr. 367 de peroxyde de chlore. En pratique, on peut admettre que, pour produire 1 gr. de CIO®, il faut 3 gr. de chlorate. L'application du procédé est peu coûteuse; le prix du chlorate nécessaire pour stériliser 4 mètre cube d'eau de pureté moyenne étant, au maximum, de 0 fr. 004. Ajoutons que ce procédé va être appliqué pour la purification des eaux du Gers utilisées par la ville de Lectoure (Gers) pour son alimentation, les expériences faites sur ces eaux ayant été l’objet d'un rapport favo- rable de M. Ogier. Ne nn 2 COL | Ent { A. HOLLARD — LES CHALEURS DE FORMATION DES IONS 939 LES CHALEURS DE FORMATION DES IONS Nous avons exposé ici-même! le mode de for- mation des ions, d'après la théorie d’Arrhénius ; mais nous ne nous sommes pas occupé de la variation d'énergie qui accompagne cette forma- tion. Lorsqu'un sel entre en dissolution dans l'eau, une partie se dissout sans se dissocier, une autre parlie se dissout en se dissociant en ions; la quan- tité de chaleur dégagée ou absorbée par suite de la dissolution doit donc êlre la somme de deux quan- tités de chaleur, l’une relative à la dissolution du sel non dissocié, l’autre relative à la dissociation du sel en ses ions. Ces quantités de chaleur ont été calculées, d'après les principes de la Thermodyna- mique, en fonction de la conductibilité moléculaire et de la température, notamment par Van’t Hoff et Rudolphi?. Nous n'aborderons pas ces calculs un peu compliqués; nous nous conlenterons simple- ment de faire remarquer que ces formules ont été vérifiées par l'expérience et reconnues exactes *. Ce qu’il nous importe surtout de connaitre, c'est la quantité de chaleur absorbée ou dégagée par le passage d'un élément (métal ou métalloïde) à l'état d'ions lors de sa dissolution dans l'eau; c’est la mesure de cette quantité de chaleur qui fera l’objet des développements qui vont suivre. Une fois les chaleurs d'ionisation de tous les éléments connues, il sera facile d’avoir la chaleur d'ionisation d’un sel quelconque : la chaleur d'ionisation de ce sel dissocié sera, en effet, égale à la somme des cha- leurs d'ionisation de ses ions. Les éléments (métaux ou mélalloïdes), pour passer à l’élat d'ions en solution, absorbent une certaine quantilé de chaleur. Cette quantité de chaleur a été calculée, pour un grand nombre de mélaux et de métalloïdes, par Ostwald. Sa méthode, d’une extrême simplicité, repose sur les considérations suivantes : Les éléments, en entrant en solulion, ne peuvent, d’après la théorie d'Arrhénius, passer à l’état d'ions que s'ils trouvent l’occasion de recevoir une cer- taine charge électrique. En particulier, les métaux (y compris l'hydrogène) passent toujours, lors de leur dissolution, à l’état d'ions, et doivent consé- 1 Voir Revue générale des Sciences des 15 mai 1898, t. IX, page 358 et suivantes, et 30 mai 1898, t. IX, page #11 et sui- vantes. 2 Runoceur : Zeil. {. phys. Chem. XVII, 271 (1895). # La formule qu'a indiquée Rudolphi n’a été vérifiée que pour des sels peu solubles dans l’eau. quemment recevoir une certaine charge électrique ; comme cations, ils reçoivent des charges positives. Plongés dans des électrolytes, ils enlèvent cette charge aux ions-mélal qui se trouvent en dissolu- lion. Mais si ces ions-mélal perdent leur charge, ils passent à l’état de métal moléculaire et se précipi- tent, à moirs qu'ils ne soient plurivalents, au- quel cas ils peuvent ne céder qu'une partie de leur charge, c'est-à-dire perdre une ou plusieurs valences. C'est ainsi que le fer, en se dissolvant dans le sul- fate de cuivre, forme des ions-fer aux dépens des ions-cuivre qui se précipitent à l'état métallique; c'est encore ainsi que le cuivre se dissout dans le chlorure ferrique aux dépens des ions-ferriques ++ + (Fe) qui passent à l’état d'ions-ferreux (Fe). — Abs- traclion faite des processus secondaires qui peu- vent se produire, on observe donc, lors de la dis- solution des métaux, une précipitation de métal (ou un dégagement d'hydrogène) ou une diminu- tion de la valence d’un des métaux présents en solution. La dissolution des éléments élant ainsi inler- prétée à la lumière de la théorie des ions, voici comment Ostwald'! caleule les chaleurs d'ionisa- tion de ces éléments : Il considère une moléeule de zine qui se dissout dans une solution de sulfate de cuivre totalement dissocié ; la réaction peut être figurée par le schème suivant, où les symboles représentent des molé- cules exprimées en grammes (molécules-grammes) : 252 = 2È2F = Fr : Ze + Cu + S0“— Zn + SO! + Cu + 50.100 cal.-gr.-degrés. Sulfate de zinc. Sulfate de cuivre Les ions Cu, SO“, Zn sont représentés avec des doubles charges. Ils sont, en effet, bivalents, et possèdent conséquemment, d'après la théorie d'Ar- rhénius, 2 X 96.537 coulombs par molécule-gramme. Le signe + précédant la chaleur de réaction (50.100 cal.) indique qu'il y à eu dégagement de chaleur; le signe — aurait indiqué, au contraire, une absorption de chaleur. Le schème ci-dessus indique que la chaleur d'io- nisation d'une molécule-gramme de zine, diminuée de la chaleur dégagée par le passage d’une molé- eule-gramme d'ions-cuivre en cuivre métallique, est de 50.100 calories-grammes-degrés. Soient jee el Jenisre CeS chaleurs. On a : Jane Jeuivre — 50.100) cal.-gr.-degrés: 1 OsrwaLp : Zeil. f. phys. Chem. XI, p. 501 (1893). 940 A. HOLLARD — LES CHALEURS DE FORMATION DES IONS Or, la chaleur d'ionisation du cuivre, qui a servi de point de départ à Ostwald pour toutes ses déter- minations el qui a été mesurée directement par une méthode sur laquelle nous reviendrons tout à l'heure, est de — 17.500 calories-grammes-degrés à 17°: on à donc : Jane 50.100 — 17.500 — + 32.600 cal.-cr.-degrés. On voit que la chaleur d'ionisation du zinc offre un signe contraire à celle du cuivre. En d'autres termes, tandis que ce métal absorbe de la chaleur pour passer à l’état d'ions, le zine, au contraire, en dégage. Cette différence correspond, d'ailleurs, aux pro- priétés de ces métaux : le zine se dissout, en effet, facilement dans les acides, c'est-à-dire qu'il y forine facilement des ions; le cuivre, au contraire, est facilement réduit et ne peut se dissoudre dans les acides que sous l’action de milieux oxydants. De la chaleur d'ionisation du zinc, Ostwald déduit celle des autres métaux par le même procédé dont le principe généralisé peut être énoncé de la façon suivante : Quand un métal se dissout dans la solution d'un autre métal en précipilant ce dernier, la chaleur d'io- msalion du premier métal est égale à la chaleur résultant de cette réaction, plus la chaleur d’ionisa- lion du second métal. (Ce théorème suppose que le sel primitif et le sel nouvellement formé sont l'un et l’autre complètement dissociés.) De la chaleur d'ionisation du zinc, Ostwald déduit celle de l'hydrogène. Le zine se dissout dans l'acide chlorhydrique en dégageant 34.200 calories- grammes-degrés (d'après Thomsen); il y a en même temps dégagement de deux atomes d'hydrogène par atome de zinc dissous. On a donc : Jzine — 34.200 cal. + 2jhyärogène, mais, Jane = 32.600 calories; donc : 2jhyarogène — 32.600 — 34.200 — — 1.600 cal. : el Jryarogène = — 800 cal.-gr.-degrés. La chaleur d'ionisation de comme on le voit, très faible. Il en résulte que la chaleur d'ionisation des mé- laux est à peu près égale à la chaleur qu'accom- pagne la dissolution de ces métaux dans les acides (lorsqu'il ne se dégage que de l'hydrogène); elle nen diffère, pour chaque atome libéré, que de 800 calories-grammes-degrés qui se dégagent du fait du passage des ions-hydrogène en hydrogène gazeux. Les chaleurs d'ionisation des autres métaux s’obtiennent de la même facon et sont consignés l'hydrogène est, dans le tableau I ci-joint. Cette méthode suppose, comme nous l'avons déjà fait remarquer, que les solutions sont complètement dissociées. Tableau I. — Chaleurs d’ionisation des métaux exprimées en calories-grammes-degrés. POUR [UN ATOME-GRAMME POUR UNE VALENCE 2.000 -000 5.500 56.300 7.000 .100 -500 -100 D ARRET ME 0 2.600 He terreur 20.000 CORP NE ENTRE + .200 CO RME LE TES .600 NES A | = 3.500 HelenTIqQUeE) A0 .900 Sn (stanneux) . . . . + 2.000 DER A SAN 4 | {- .000 BD EST EN Eu .000 FRS A UE - 800 Cu (cuivrique). . . 17.500 Hg (mercureux) . . . | 20.500 ARR TI ER ET EN | 26.200 AS: LEUR EE Les chaleurs d'ionisation des métalloïdes se déterminent aussi très simplement. Prenons, par exemple, le cas du chlore; la chaleur de formation de la solution aqueuse d'acide chlorhydrique, en partant du chlore et de l'hydrogène gazeux, est de 39.300 calories-grammes-degrés ; cette chaleur de formation ne représente pas autre chose, d'après la théorie ioniste, que la chaleur résultant du pas- sage de l'hydrogène et du chlore gazeux à l’état d'ions : 39.300 — jx + jo. D'où : Ja = 39.300 — ju = 39.300 + 800 — 40.100 cal.-gr.-degrés. Ostwald a trouvé ainsi les résultats que résume le tableau IT. à Tableau II. — Chaleurs d’ionisation des métal- loïdes exprimées en calories-erammes-degrés. POUR UN ATOME-GRAMME | POUR UNE VALENCE + 49.800 + 40.400 + 5e 49.800 40.100 29.100 13.900 29.100 13.900 Dans les tableaux précédents, les chaleurs d'io- nisation des métaux et métalloïdes relalives à une valence, ont élé classées par ordre décroissant. D'après les considérations qui précèdent, pour l'un et l’autre tableau, chaque élément dans les A. HOLLARD — LES CHALEURS DE FORMATION DES IONS 941 x colonnes relatives à une valence peut précipiter tous les éléments qui le suivent et être précipité par tous les éléments qui le précèdent. On voit que les chaleurs d'ionisation des métaux, c'est-à-dire les chaleurs relatives à leur passage à l’état d'ions dans les solutions complètement dissociées, sont indépendantes de la nature de l’anion de ces solu- tions. Nous retrouvons ainsi la loi dite « de la constante thermique » de Tommasi', qui est bien antérieure à la théorie des ions et qui s'énonce ainsi : Lorsqu'un métal se substitue à un autre dans une solulion saline, le nombre des calories dégagées est, pour ce métal, toujours le même, quelle que soit la nature du radical acide qui fait partie du sel. Cependant, la loi de Tommasi n'est vraie que pour les solutions complètement dis- sociées. IT Dans les mesures d'Ostwald, la charge électrique, que leséléments recoiventpour passer à l'état d'ions et entrer en solution, est empruntée aux ions qui se trouvent déjà en solution. Cette charge peut aussi être empruntée à une source extérieure; nous avons alors affaire à une électrolyse. Consi- dérons une anode métallique plongeant dans la solution d’un de ses sels, par exemple une anode de cuivre plongeant dans une solution de sul- fate de cuivre. L'énergie calorifique qui résulte du passage d'une quantilé déterminée d'électricité Q au travers de la surface de séparalion de deux con- Il ducteurs (effet Peltier) est égale à «Q X 115 calo- ries-grammes-degrés; 4,17 est l'équivalent calori- fique de l'énergie électrique ? ete est la tension élec- trique qui existe entre ces deux conducteurs. Cela est vrai pour des conducteurs métalliques; mais non pas pour le cas qui nous occupe, c'est-à-dire pour un conducteur mélallique en contact avec un conducteur conslitué par un électrolvte. L'énergie calorifique résultant du passage de @ coulombs d'une anode métallique dans la solution d'un sel 4,17 la chaleur d'ionisation j absorbée pour la formation des ions qui sont envoyés en solution. On a donc, pour cette énergie calorifique, la valeur : diminuée de du même mélal est égale à :Q X e Q LEZ . (1) MW eo cal.-gr.-degrés. 1 Toumasr : C. R., 287 (1862). * En effet, le travail électrique exprimé en kilogrammètres eQ : ; - ; est gg” Puisque 1 Joule représente 9:81 kilogrammètres ; exprimé en calories-grammes-degrés, il a pour valeur £Q eQ 02% 08 4.11" puisque 0,425 kilogrammètre équivaut bp T 3 +; à 1 calorie-gramme-degré. Mais cette énergie calorifique n'est autre que la chaleur secondaire de Helmholtz relative aux élec- trolyses réversibles : 2) W T étant la température absolue. En effet, cette chaleur secondaire ne peut avoir son siège qu'aux surfaces de contact entre les électrodes et l’élec- trolyte, puisque la loi de Joule s'applique aux électrolytes, ce qui exclut l'hypothèse d’après la- quelle les chaleurssecondaires se produiraient dans la masse même du liquide. Soit e la tension aux bornes de la cuve ou de la pile réversible. La chaleur secondaire lotale, calculée par Helmholtz: est donc constituée par la somme des chaleurs secondaires qui ont leur siège à l’anode et à la cathode : dé IMOE GULATOT CONL AT OT je \ On peut donc remplacer dans l'expression (1) W, par sa valeur T 9e 4,119T° ce qui donne pour 7 la valeur : : Q de = (T5): et, pour une molécule-gramme d'ions de valence n envoyés en solution : n X 96.537 9€ An (= Tat) j—=23.067n (TS). C'est par ce moyen qu'Ostwald à trouvé direc- ou tement pour le cuivre la valeur 3 —— 17.500 à 17°. Tableau III. — Chaleurs d’ionisation des sels. — MASSE de ae CHALEURS métal € = d'ionisa- séparé ôT tion (en gr.) —— a — Sulfate de cuivre . 63,7 5|—0,000750|—16.470 nm HEACE 65,0 —0,000763| +33.950 — de cadmium.!112,0 —0,000658|+-16.120 Nitrate de plomb. .1207,0 —0,000182|— 1.160 — d'argent 108,0 —0,000176|—22.873 — de cuivre. 63,7 —0,000756|—16.470 Les valeurs qu'exprime le tableau II ont été cal- culées par Jahn' d’après la formule précédente; elles se rapportent à la température de 20° et à la concentration de l'équivalent par litre. ! Janx : Zeit. f. phys. Chem., XVIII, p. 399 (1895). (Je) rs 19 A. HOLLARD — LES CHALEURS DE FORMATION DES IONS Les chaleurs d’ionisation qu'indique le tableau III correspondent done à la chaleur absorbée (affectée dans ce cas du signe —) ou dégagée (affectée dans dans ce cas du signe H) à l’anode, du fait du pas- sage du métal dans la solution à l'état d'ions. A la cathode, l'ion redevient métal et la chaleur qui ré- sulte de cette transformation est de signe contraire à la première. Aussi 1 molécule-gramme de zinc (65 gr.) qui passe de l’état métallique à l’état d'ions en dégageant 33.950 calories, absorbe, en se dépo- sant à la cathode, la même quantilé de chaleur, 33.950 calories. Considérons maintenant une pile réversible, la pile Daniell par exemple. Les chaleurs secondaires à l’anode et à la cathode sont égales, d'après ce qui précède, à : et D'où : 4,17 CTI -E [ NÉ W) tn 33. (&5 mais, On à : = oo o = Le] t N — = a = ee Mere Nr one En substituant ces valeurs dans l'équation (3) on a, toutes réductions faites : 1 de—a@e! Tee LT ARE à 2HAUET Or, e—e— +, tension électrique aux bornes de la pile; donc : JA, 1 dE TER 33.061 * 57: Mais y —J', différence des chaleurs d'ionisation du zinc et du cuivre, représente la chaleur prove- nant de la décomposition du sulfate de cuivre par le zinc; j— j' n’est donc pas autre chose que la chaleur W des réactions chimiques de la pile Daniell. Substituons cette valeur de jy — j dans l'expression précédente; il vient : W 1 de — = Es k = X 53.061 * 31 Nous retombons ainsi sur la formule de Thomson- Helmholtz ‘. II La formule de la chaleur d'ionisation dans le cas des phénomènes réversibles : peut encore être obtenue par la Thermodynamique. On connait la formule de Nernst!, qui, appliquée à une anode soluble, a la forme : 9,81 P (a) rs RT loge volts. R est la constante des gaz et est égal à 0,847; P est la tension de dissolution, et p est la pression osmotique des ions-métal de l'électrolyle, ce mélal étant le même que celui de l’anode. Cette formule, comme on sait, a élé obtenue par voie thermodynamique. Différencions cette expression par rapport à T : dog Es (b PEnrl S k: TP) t Le dT ra) d'UN Sp mais : P (o) dloges 4 ap ATP HI Or, la formule de Clapeyron en Thermodyna- dP mique permet de calculer la valeur de TT La formule de Clapeyron s'applique, en effet, aux transformations réversibles dans lesquelles la pression est fonction seulement de la température. On démontre en Thermodynamique qu'appliquée à la vaporisation, la formule de Clapeyron prend la forme : À élant la chaleur latente de vaporisation, c'est-à- dire la quantité de chaleur nécessaire pour faire passer l'unité de masse du corps de l'état liquide à l’état de vapeur saturante, sans changer sa température; J étant l'équivalent mécanique de la chaleur; w' et u étant les volumes de l'unité de masse du liquide et de la vapeur saturante; u'—w représente donc la variation de volume pendant la vaporisation de l’unité de masse du corps. Appliquée au passage de l'état métallique à l'état d'ions, ces ions ayant une masse d’une molécule-gramme, la formule de Clapeyron a la significalion suivante : À esl la chaleur nécessaire pour faire passer une molécule-gramme du corps de l’état moléculaire à l’état d'ions; c’est done la chaleur d'ionisation j. P est latension de dissolution du métal; u'—u représente les variations de volume pendant l'ionisation de la molécule-gramme. Cette variation de volume est donnée, comme nous le savons, par la formule PV —RT, d'où : RT UN P En substituant cette valeur de u'-u dans la for- 1 OsrwaLo : Loc. cit. 1 Voir Revue générale des Sciences : articles déjà cités. PEN COUT PP NPD PURES TER MU L LL SET oui té ‘Lo adsl ir es dt nt dde def dal > 6 L. ROOS — LES NOUVEAUTÉS EN VINIFICATION 943 mule de Clapeyron, appliquée aux ions, nous ; dP 1 aurons par y la valeur suivante : dP _jJP dT RU Subslituons cetle valeur dans l'équalion (c), LOUS aurons : Substiluons cette nouvelle valeur dans l'équa- tion (b), nous aurons : : de _9,81RP I, P CHMFORNRT I og | ou, en remplaçant J par sa valeur 0,425 : de 9,81 X 0,425 9,81 XR P TT à ———— loge. € Ft Î DE mais, la deuxième parlie du second membre de er ON A cette égalité n’est autre, d'après (4), que T donc, toutes réductions faites : de 1 L DT OT d'où : RC) r 2 | : = (- 5) cal.-gr.-degrés et, pour une molécule-gramme d'ions de valence n : .__0X96.357/ 5) 7 ATEN RE ST = —T 55) cal. gr. degrés. ou : Jj = 23.061717 (: Ainsi, les considérations relatives à l'effet Peltier dans les électrolytes et l'application des principes de la Thermodynamique conduisent à une même expression pour la valeur absolue des chaleurs d'ionisation. Cette formule est ainsi solidement établie. La notion d'énergie calorifique, appliquée ainsi aux ions, donne à la théorie ioniste un sens précis. La charge électrique des ions ne constituait pas pour eux un caractère spécifique, puisque celte charge est, pour des ions d'égale valence, la même (soit 96.540 coulombs par ion-gramme el par valence), quelle que soit la nature de l'ion. Au gontraire, la variation d'énergie calorifique qui accompagne la formation de l'ion varie avec la na- ture de celui-ci, et en est par suite un caractère spécitique important. A. Hollard, Chef du Laboratoire central de la Compagnie Française des Métaux. LES NOUVEAUTÉS L'art de la vinification est, depuis quelques années, l'objet d'études incessantes ; diverses ten- tatives de transformation et même des transforma- tions presque radicales ont été la conséquence de ces études. Cet état des choses tient à plusieurs causes, dont les dominantes sont : la nécessité, de plus en plus impérieuse, de bien faire pour bien vendre, celle de se plier au goût de la consomma- tion, et, enfin, l'obligation pour le producteur d'ob- tenir de son raisin sous la forme de vin l'intégra- lité de l'alcool qu'il peut fournir. Les vins altérés d'une manière quelconque ne trouvent preneur qu'à des prix dérisoires, toujours au-dessous de ce qu ils ont coûté au viticulleur, car les cognacs de fantaisie ont lué l'industrie de l’eau-de-vie de vin partout où il ne s'agit pas de produire de la grande champagne ou de l'armagnac. Les grandes eaux-de- vie elles-mêmes sont déjà fortement touchées par cette concurrence, malgré leur incontestable supé- riorité. I ne suffit plus de faire du vin, il faut encore faire la sorte de vin que demande le consomma- teur. Or, celui-ci est personne versalile; il ne de- maude pas loujours ce qui salisfait son goût ou EN VINIFICATION son estomac, mais surtout, sans autre raison, ce qu'il est de bon ton de prendre. La chose parait invraisemblable, elle est cependant vraie. I. — VINIFICATION EN BLANC. Depuis quelques années, nous avons vu aban- donner progressivement le vin rouge, cet excellent vin rouge de nos pères, au profit du vin blanc pour l'usage courant, par une fraction importante de la consommalion. Quelques personnes mème, han- tées par le spectre de l'alcoolisme, inelinent tout doucement vers l'usage de boissons sans alcool; elles ne songent pas que, pour remplacer le vin, elles s'adressent à des excitants du même ordre, le thé, par exemple, dont les alealoïdes agis- sent cependant, mais sans le contre-poids d'une valeur alimentaire très réelle. Est-ce raisonné ? Est-ce logique? Non, mais c'est le médecin qui parle et qui oublie trop souvent, à mon sens, que, si l'abus du vin fait l'ivrogne joyeux et rarement le dément alcoolique, l'usage modéré fait l'homme 1 Osrwazn : Allgem. Chemie. 2e édit., IF, 1. (Je) = Æ robuste et sain. La substitution du vin blane au vin rouge, bien que l'œuvre des médecins, elle aussi, n'est pas plus justifiée. Le vin blane à toujours passé pour excitant, énervant même et peu alimentaire; mais, si l’on remarque la coïnci- dence du mouvement d'opinion (provoqué par la médecine, je veux bien, mais peut-être inconsciem- ment la création à Bercy d'importantes fabriques de vin de raisins secs, s'étonne moins de la chose, et l'on s'explique du même coup la faveur que regagne le vin rouge depuis que les mêmes fabriques, étouffées par les lois fiscales, ont cessé de vivre. avec on Quoi qu'il en soit, le vin blanc a été très de- mandé et l'est encore en quantité plus forte que ce que la production normale peut fournir ; aussi fait- on, en énorme quantité, des vins blancs de raisins rouges. On sait que le jus des raisins rouges non tein- luriers ou hybridé de teinturiers est incolore et peut fournir du vin blanc; toutefois, en pratique courante, sans certains artifices que je vais passer en revue, le vin présente toujours une tare origi- nelle, une teinte rosée plus ou moins accentuée, qu'on dissimule quelquefois au moyen de l'acide sulfureux, au détriment du goût, mais qui reparaît avec la plus grande facilité sous l’action d’un acide minéral. L'un de ces artifices consiste dans l'insolubili- salion de la matière colorante dissoute dans le moût frais, au moyen de l'oxydation par l'air; c'est la méthode dite de vinification en blanc par aéralion. Né en 1895 des études de M. Martinand, ce pro- cédé a été, dès son apparition, jugé peu pratique en grand, en suivant les indications de l’auteur. Simplifié par M. Semichon, directeur de la Station œænologique de l'Aude, il a eu plus de faveur. De 1895 à aujourd'hui, des quantités énormes de rai- sins rouges ont été vinifiées par cette méthode, la plus-value constante accordée aux Elanes, à titre alcoolique égal, justifiant parfaitement cet engoue- ment des producteurs. Le procédé Marlinand comportait cinq phases : 1° Extraction du moût sans s'inquiéter de sa colo- ration, soit au fouloir, soit au pressoir ; 2° Refroi- dissement au-dessous de 15° pour empêcher le départ de la fermentation ; 3° Aération pour oxyder et précipiter la matière colorante ; 4° Filtration au filtre-presse pour séparer la matière colorante insolubilisée ; 5° Fermentation. Les phases 2 et 5 constituaient de très gros obs- tacles; on se rend aisément compte, en effet, de l'énorme outillage indispensable pour réfrigérer à É Comptes rendus, 2% juin 1895. L. ROOS — LES NOUVEAUTÉS EN VINIFICATION | | 15° et filtrer au filtre-presse des milliers d'hecto-" litres d’un liquide aussi chargé de matières pecti- ques que le moût de raisins frais. M. Semichon s'apereut que la matière colorante M convenablement oxydée, pouvait, sans inconvénient, rester dans le moût pendant la fermentation. L'in- solubilité acquise par l'aération persistait, selon lui, même en présence d'alcool, et, de ce fait seul, ax méthode devenait pratique, puisque cela permettait de supprimer la filtralion et du coup la réfrigéra- tion, celle-ci n'étant nécessaire que pour permettre le passage au filtre. Les premières expériences de M. Semichon, faites en 1896, et publiées l’année suivante’, lui ont" montré l'exactitude des prévisons qu'il avait fon-. dées sur des essais de laboratoire, et, dès 1897, des quantités importantes de vins blancs de raisins rouges ont élé produites dans sa propriété au moyen de l’aération. J'ai collaboré moi-même, cette année-là, aux environs de Béziers?, à la vinification de plusieurs milliers d'hectolitres de ces vins, en marchant à 70 hectolitres à l'heure, c'est-à-dire en grande pratique courante. Il y a donc là très réellementun moyen de faire, sans frais excessifs, des vins blancs non rosés, qui restent blancs sous l’action des acides minéraux, ce que ne font pas les vins de l'espèce à teinte mas- quée par le soufre. Cependant, la faveur du commerce, un instant fixée sur les vins de cette sorte, ne s’y est pas attachée. Cela tient à ce que l'opération est déli- cale et non sans inconvénients si l'aération n’est pas strictement mesurée. Il faut aérer assez pour insolubiliser la couleur, mais sans excès, sous peine de perdre ce que l’on appelle le fruité du vin. La plupart du temps, on dépasse la mesure dans le souci où l’on se trouve d'enlever toute colo- ration pouvant déceler l'origine et l’on aboutit à des vins sans fraicheur, ayant, en outre, le grave défaut d’être d'une clarification difficile. La mé- thode à des avantages incontestables, mais elle présente de telles difficultés d'exécution qu’elle s’abandonne déjà. M. Martinand, en insistant sur la nécessité de la filtration, avait peut-être reconnu qu’il fallait une aération nuisible au vin pour obtenir une insolubi- lisation poussée jusqu'aux milieux alcooliques. Je ne partage pas complètement son avis; je crois à la possibilité de faire des vins parfaitement blancs sans filtration ; mais je reconnais que le point d’aé- ration nécessaire et suffisant est très difficile à atteindre exactement dans la pratique. Dès 1898, M. Martinand a préconisé une méthode 1 Revue de Vilicullure, 21 mars 1897. 2 Chäteau de Poussan-le-Haut. 4 L. BOOS — LES NOUVEAUTÉS EN VINIFICATION “\nixte, consistant dans une destruction partielle de Ja matière colorante par l'air et l'absorption du reste par l'emploi de noirs décolorants. Les noirs décolorants, purifiés par lavages suc- cessifs à l'acide chlorhydrique et à l'eau, n'ont, quoi qu'on en ai dit, aucune action sensible sur les vins, en dehors de l'absorption de la matière colorante. Il suffit qu'ils soient purs pour qu'on les puisse employer en toute sécurité; ils n'interviennent, d'ailleurs, qu'à faible dose quand on les fait agir sur des moûts dont la majeure partie de la matière colorante a été insolubilisée par oxydation directe au moyen de l'air. La méthode, exposée par l’auteur dans plusieurs congrès viticoles en 1898, et cette année même, a été aussitôt appliquée sur une grande échelle, et les résultats en sont vraiment remarquables. Quoi qu'il en soit, les vins blancs de raisins rouges n'ont ni les qualités ni la valeur des vins blancs de raisins blancs. L'encépagement des vignes, très insuffisant en blanc, force le producteur à en faire pour la satisfaction d'une consommation anormale, mais il serait en somme bien désirable de n'être pas obligé d’avoir recours à l’artifice. En fin de compte, il y a presque toujours tromperie sur la qualité de la marchandise vendue, sinon de viti- culteur à négociant, au moins de fournisseur à con- sommateur. If. — VINIFICATION PAR LEVURES CULTIVÉES. Il n'y a pas bien loin d'un demi-siècle que Pasteur émit l'idée d'une influence possible de la Jevure sur la qualité des vins; mais il y en à dix à peine que des expériences pratiques ont été lentées. Avant 4889, les essais faits ne sortaient guère du laboratoire, ils portaient sur de faibles masses, quelques hectolitres au plus, el je crois bien être le premier à avoir fail sur de grands foudres l'application des levures de vin sélec- tionnées, préconisées, avant cette époque ct peu après, par MM. Rommier, Marx, Martinand, Rietsch, Jacquemin et Fernbach. Les essais se faisaient alors d’une facon peu rigoureuse. On ensemençail la vendange d'une levure déterminée, pour assurer la prédominance d'une espèce qu'on disait bonne, mais on ne faisait qu'entraver, Sans jamais l’anni- hiler, l'influence des ferments sauvages apportés à la cuve par le raisin. Les meilleures d'évolution de la levure ensemencée n'étaient pas connues, de sorte qu'on aboutit fréquemment à des résultats nuls ou même mauvais, soit que la levure, mal adaptée au milieu, travaillät mal, soit que, mème adaptée, la prédominance ait été pour les ferments sauvages en dépit de l'ensemencement. conditions Au laboratoire, les insuccès élaient beaucoup plus rares, car l'influence possible des ferments sauvages élait, la plupart du temps, écartée par Ja stérilisation préalable du moût. Les levures de vin sont aujourd'hui mieux connues, sans qu'on sache sur elles tout ce qu on sait sur les levures de bière. On connait les exi- gences de certaines espèces, on peut marcher avec plus de méthode; bref, la question a beaucoup pro- gressé et l'on doit à MM. Kayser et Barba, de la Station œnologique du Gard, des travaux fort im- portants et des plus intéressants sur la biologie de ces êtres. Il était naturel, puisque les insuccès dont je parlais tout à l'heure étaient devenus, pour ainsi dire, inconnus au faboratoire, de porter intégrale- ment dans la pratique les procédés de laboratoire, c’est-à-dire de ne faire l'ensemencement des moûts qu'après stérilisation. La stérilisation peut être obtenue par la chaleur ou par addition d'antiseptiques. Dans ce dernier cas, les ferments sauvages sont paralysés et non détruits ; il faut encore les séparer du milieu par un moyen mécanique quelconque, il faut encore séparer l’antiseptique employé, ce qui oblige à des manipulations coûteuses. L'acide sulfureux à été employé dans ce but. A la dose de trois cents milli- grammes par litre, la stérilité du moût est obtenue: il devient, par simple repos, d'une limpidité par- faite, et, transporté en ballons de culture avec les précautions voulues, il reste indéfiniment stérile. Il suffit done d'une décantation pour avoir un moût débarrassé des ferments sauvages. Mais il faut, avant qu'une fermentation puisse s'établir dans un pareil milieu, que le taux d'acide sulfureux se soit considérablement abaissé. Cela ne s'obtient spon- lanément que plusieurs mois après l'opération et le procédé n'est conséquemment pas applicable. On a proposé récemment le chloroforme, agissant de la même manière; mais, quelle que soit la faei- lité avec laquelle ce produit peut s’éliminer com- plètement des moûts, je n'hésite pas à en réprouver l'emploi, en raison des accidents qu'il pourrait causer. La chaleur seule, malgré les difficultés d'applica- tion, peut fournir la solution du problème. Ce n'est pas, en effet, chose commode que de stériliser par la chaleur les énormes masses de raisins for- mant la cueillette journalière d’une grande exploi- {ation viticole; ce sont des centaines de tonnes qu'il s'agit quelquefois de fouler et de chauffer au fur et à mesure de leur arrivée au cellier. La chose est possible évidemment, mais non sans un outillage coûteux, ne travaillant qu'un mois à peine et qui urèvera si lourdement la fabrication (car il faut bien l'amortir cet outillage) qu'on se demande si L. ROOS — LES NOUVEAUTÉS EN VINIFICATION les améliorations possibles vaudront les sacrifices fails pour les obtenir. Quoi qu'il en soit, plusieurs tentatives ont déjà été faites dans cette voie et on continue à chercher, ce qui indique, du reste, qu'aucune solution satis- faisante n’est encore intervenue. MM. Rosensliehl, Kuhn, Kayser et Barba ont déjà fait, les uns et les autres, dés essais en grand, que je vais passer en revue. Pour M. Rosensthiel, la stérilisation du moût par la chaleur ne peut être obtenue sans inconvénient qu'à la condition expresse de l'opérer en l'absence absolue de l'oxygène de l'air. De plus, estimant que la température nécessaire pour obtenir la stéri- lisation par une seule chauffe peut influencer défa- vorablement le goût du vin, il recourt à la stéri- lisation par chauffes mulliples, mais effectuées à une moindre température. Il emploie trois chauffes séparées par un intervalle de vingt-quatre heures. Bien que très longue, l'opération est relativement simple pour des vins blancs; mais, pour les rouges, elle se complique de la nécessité de dissoudre la matière colorante et, par suite, de mettre le moût chaud au contact des parties solides du fruit. On sait qu'à chaud la matière colorante du raisin se dissout dans des milieux qui à froid ne la dissol- vent pas ou ne la dissolvent que peu. Le D' Prunaire a conseillé, depuis plus d'un demi-siècle, le chauf- fage d'une partie de la vendange pour augmenter la coloration. Du reste, M. P. Andrieu, dans un livre publié en 1894, insiste sur cette solubilité à chaud augmentant avec la température, au point qu à 60° et dans l’eau les pellicules se décolorent; enfin M. Rosensthiel, ayant observé lui-même ce phéno- mène de dissolution, prit en 1893 un brevet dans lequel il revendique, entre autres choses, le priorité de sa découverte *, M. Rosensthiel met à profit cette propriété de la matière colorante et la dissout dans le moût chauffé de 50-55°. Ses premières expériences, remon- lant à 1896, ont été faites en Tunisie dans le Domaine Ksar-Tyr appartenant à M. Pilter. J'ai pu déguster les vins obtenus comparati- vement aux lémoins, après la communication faite par M. Rosensthiel au Congrès viticole de Toulon. IS étaient incontestablement supérieurs aux témoins, mais ce n’est pas là un éloge, car ces der- niers, complèlement altérés par la maladie de la iourne, n eussent été utilisables que par la chau- dière. L'avantage très net consistait en une belle couleur, une limpidilé parfaite et très cerlainement * La Société des Matières colorantes s'étant rendue pro- priétaire des brevets Rosensthiel, m'a informé, par lettre, ainsi que quelques-uns de mes collègues, qu'elle considé- rerait comme une atteinte à ses droits le fait de chauffer du moût à une température quelconque. une bonne lenue, mais je leur trouvai un goût défec- lueux, goût de cuit, attribuable, selon moi, au contact prolongé du moût et du marc à haute tempéralure. Depuis, M. Rosensthiel, je crois, a modifié Ja méthode, car, au lieu d'abandonner au refroidis- sement spontané la masse chauffée à 20-559, il provoque maintenant ce refroidissement, ce qui diminue, dans une large mesure, le temps de macération à température élevée, qui n’a, du reste, pas besoin d’être bien long pour la seule disso- lution de la matière colorante. L'application du procédé Rosensthiel comporte actuellement les opérations suivantes : 1° Introduction, dans un fouàre ou une capacité vinaire quelconque, de la vendange foulée à traiter ; 2 Fermeture du foudre au moyen d'un couvercle spécial permettant un balayage intégral dé l'air recou- vran( la vendange et son remplacement par de l'acide carbonique pouvant, d'ailleurs, provenir d'une fermen- tation voisine ; 3° Passage du moût dans un caléfacteur ; chauffage à 50-559 et retour au foudre Jusqu'à ce que la masse ait atteint 50-550 ; 4° Refroidissement à 25°, puis attente de vingt-quatre heures; 5° Nouveau chauffage dans les mêmes conditions que le premier ; 6° Nouveau refroidissement à 25° 5 1° Troisième chauffage, toujours mêmes conditions é S° Troisième refroidissement : 9° Envoi des moûts refroidis dans un foudre propre, mis au préalable à l'acide carbonique ; 10° Extraction et pressurage du mare; 11° Stérilisation du jus de presse, refroidissement et addition aux jus de goutte ; 12° Ensemencement et opérations consécutives, les mêmes que pour la vinification ordinaire eu blanc. Le chauffage est continu: il s'opère au moyen d'eau chaude en circulation méthodique inverse de celle du moût ; l'appareil est à grandes surfaces d'échange, argenté dans toutes les parties en contact avec le vin. Le matériel employé pour faire 80 hectolitres par jour vaut environ 10.000 fr. et nécessite quatre hommes, dont un à la machine à vapeur, deux aux pompes et un surveillant. Ce sont là, on le voit, des opérations nombreuses, délicates et coûteuses, qui ne semblent pas devoir prendre place dans la pratique courante. Depuis ses expériences de Tunisie, M. Rosensthiel à appliqué intégralement cette méthode en France, notamment en Bourgogne et en Beaujolais, en 1898, sur des gamays, et cette année même sur des pinots, les raisins fournissant les grands vins de Bourgogne. J'ai eu les quelques renseignements suivants sur les expériences faites en Bourgogne en 1898 et en 1899. Immédiatement après la fermentation, les vins trailés, provenant de gamays du Beaujolais, ont été dégustés comparativement avec des vins-témoins, issus des mêmes raisins. La faveur sembla aller L. ROOS — LES NOUVEAUTÉS EN VINIFICATION 947 aux témoins, el cela à cause d’un développement du - bouquet, très particulier, exagéré, auquel M. Ro- sensthiel donnait le nom très significatif d'invigo- « risation du bouquet. Un mois après, la supériorité # ‘ (à 4 L 2 À était nettement pour les vins traités. La plus-value acquise, au dire d’un négociant du pays, était d'une trentaine de francs par pièce, ce qui est considé- rable. Le bouquet, trop prononcé au début, s'était affiné. Au bout d’un an, nouvelle inversion, les à % page PONTS vins trailés sont encore supérieurs en ce qui con- cerne le bouquet; mais, jugés sur l’ensemble des qualités, ils cèdent la première place aux témoins, qui se montrent plus pleins, plus nerveux et plus frais. Cette année, l'essai a porté sur des raisins fins, sur ce que l’on ‘appelle la cuvée ronde de vignerons, c'est-à-dire une cuvée oblenue en réunissant les raisins de divers petits propriétaires incapables de faire à un seul une cuvée complète. Il y avait environ 40 hectolitres et une cnvée-témoin avait été réservée. Les raisins de l’une et l’autre cuvée ont été procédés, c'est-à-dire sucrés au même degré. Après un mois, de l'avis d'un négociant du pays, les vins traités sont encore en liqueur, n'ont pas complètement réduit leur sucre; ils sont, en consé- quence, difficilement goûtables; le témoin est ter- . miné et se goûte bien. Les vins traités deviendront- ils meilleurs? arriveront-ils à être supérieurs au témoin? C'est ce que l'avenir dira. En se reportant aux appréciations émises sur les vins de 1898, il semble, cependant, qu'il y ait plus de chances pour cela, puisque, reconnus supérieurs en bouquet, ils ont néanmoins été appréciés au-dessous du témoin pour l'ensemble de leurs qualités *. J'ai quelque tendance à croire qu'il y a, dans l'élaboration des grands vins, d’autres facteurs que la fermentation alcoolique proprement dite et que, par conséquent, une stérilisation préalable des moûts, loin d’être un facteur d'amélioration, pour- rait bien, au contraire, être une cause d'amoin- drissement. J'ai provoqué dans mon laboratoire l'étude de toute une série de vins de la Bourgogne, vieux et nouveaux, ordinaires et de grands crus. Elle a été faile par un jeune chimiste bourguignon directe- ment intéressé à ces questions, et joignant à sa valeur scientifique une connaissance approfondie des vins de son pays. Nous avions sur ces vins, et avant de commencer, l'avis de dégustateurs expéri- mentés, de ceux qui savent ce qu'est un vin fait, qui savent aussi lire dans l'avenir d'un vin nouveau. Les résultats ont été tout à fait inattendus: nous avons trouvé, dans tous les vins examinés venant des grands crus, des doses d'acides volatils el d'am- moniaque de l’ordre de celles que M. Gayon, pour les acides, et M. Müntz, pour l'ammoniaque, jugent suffisantes pour qualifier les vins de malades... Je sais bien que j'annonce là une chose en contradic- tion avec toutes les idées admises, car ni M. Gayon, ni M. Müntz n'ont pu croire, en voyant nos résul- tats, qu'il s'agissait de vins de grands crus et par- dessus le marché bien jugés par des dégustateurs, mais nos analyses ont élé contrôlées et j'ai tout de même quelque tendance à altribuer la supério- rité des grands Bourgognes à des fermentations vicieuses par rapport à la fermentation vinique normale, mais parfuiles quant aux résultats. Le foie gras est bien une production pathologique, ca ne l'empêche pas d'être un régal. Il serait cependant prématuré d'affirmer, car nos analyses, n’avant porté que sur une seule série de vins, auraient besoin d'être répétées un grand nombre de fois et sur d’autres séries. Nous comp- tons, d’ailleurs, tenter la confirmation de cette hypothèse. En attendant, je souhaite fort que toutes les tentatives d'amélioration ne portent pas sur les grands vins; je crains trop qu'une modification quelconque à des procédés nous donnant des vins parfaits, n'ait pour résultat de les amoindrir. M. Kühn', voulant sans doute généraliser l'emploi de l'excellent stérilisateur qu'il avait créé pour les bières, s'est, à son tour, livré à quelques essais en grand sur de la vendange. Le stérilisateur de Kühn opère à l'abri de l'air el sous pression. Essentiellement, c’est un cylindre à parois résis- tantes, contenant un faisceau tubulaire, et dans lequel on introduit la vendange à chauffer, tandis qu'on fait cireuler de l'eau chaude dans les tubes. La pression s'établit d'elle-même par la dila- tation de la masse, l'augmentation de volume amenant la compression d’une petite quantité d'air dans une chambre de faible volume qui surmonte le cylindre. Ce cylindre oscille sur son axe pour déterminer le renouvellement des couches liquides au contact des tubes. La lempérature de siérilisalion obtenue, on opère le refroidissement en substituant de l’eau froide à l’eau chaude dans le faisceau tubulaire. Le Girator est donc un appareil intermittent. Les résultats qu'il a donnés dans ses applications aux vins, ont été bons; mais il y a le côté écono- mique de la question. L'amélioration constatée ne 1 Les appréciations ci-dessus m'ont été communiquées par un bon dégustateur bourguignon ayant été à mème de juger les vins dont il est question. Je n'ai dégusté moi- même que ceux faits en Tunisie. 1 Voyez : La stérilisation industrielle des liquides par les actions combinées de la chaleur et des hautes pressions (procédé E.-W. Kühn). Rapport présenté par M. R. Lezé au 2e Congrès international de Chimie appliquée, Paris, 1896. 948 L. ROOS — LES NOUVEAUTÉS EN VINIFICATION vaut pas le coût de l'opération, en faisant intervenir, bien entendu, l'amortissement de l'outillage, lequel est d'un prix très élevé. Un Girator de grand modèle travaillant en rouge ne fait guère qu'une centaine d'hectolitres par jour. Avec de la bière, du laitou même du moût blanc, le rendement va jusqu'à 160 hectolitres ; mais avee la vendange, les conditions plus difficiles de travail ne permettent pas d'atteindre ce chiffre. L'appareil est en bimétal (cuivre recouvert d'argent, les deux métaux étant laminés ensemble) dans toutes les parlies en contact avec le vin; son prix, d'après les notices de la Compagnie générale de conservation des liquides, serait de 35.000 francs, sans qu'il soit indiqué si cette somme comprend la machine à vapeur fournissant l’eau chaude et mettant les pompes et l'appareil en mouvement. L'amortisse- ment d'une pareille somme, les dépenses de main- d'œuvre et de combustible assez considérables nécessitées par la marche du stérilisateur, forment un tolal évidemment trop élevé pour un appareil d'un rendement quotidien si faible. J'ai vu des installations du Giralor en Algérie et en France‘, au commencement et à la fin de sep- tembre 1898. Dans tous les cas, cetle installation a présenté de notables difficultés, inhérentes au transport d'un matériel très lourd. J'ai dégusté en octobre quelques-uns des vins blancs faits en France avec les cépages picpoul et bourret, et ense- mencés de levure de Chablis; ils étaient incon- testablement supérieurs aux vinsobtenus desmêmes cépages sans stérilisation préalable des moûts. Je sais, d'autre part, que les vins faits en Algérie ont été très généralement meilleurs que les témoins réservés. Je n'ai eu entre les mains que quelques- uns de ces vins, les plus défectueux ; ils avaient été gâtés par un ensemencement trop copieux, c'est- à-dire par un pied de cuve trop vieux et en trop grande quantité. La chose n'infirme en rien la valeur du procédé ou de l'appareil; c'est un acci- dent, voilà tout. Beaucoup plus simples sont les procédés suivis par MM. Kayser et Barba, dont les premières expé- riences imporlantes remontent à 1896. À cette époque, on apercoit encore chez eux la préoccupa- tion de soustraire les moûts à l’action de l'air. Ils opérèrent avec un Giralor de M. Kühn, mis à leur disposition par un brasseur de Nimes?. Six pièces de vin furent faites, dont cinq ensemencées avec des levures diverses, sélectionnées par les auteurs, trois après stérilisation du moût, deux sans stéri- lisation préalable. Les auteurs cherchaient à bien 1 Ferme de la Bridje, près Alger; Moulin de l'Habra, près Perregaux ; Salins de Villeroy, près Cette. 2 Voir le détail des expériences dans le rapport cité plus haut, pages 27 et 28. montrer la gradalion d'action des levures, sui- vant que la stérilisation avait été opérée ou non. Soumis à la dégustation, les numéros 4 et 5 ense- mencés respectivement de levures de Champagne et de Sautlerne, ont été trouvés unanimement su- périeurs au numéro 4 fermenté sponlanément (Lémoin) el aux numéros 2 et 3, meilleurs eux- mêmes que le témoin, ensemencés des mêmes le- vures que les numéros 4 et5, mais sans stérilisa- tion. Le numéro 6, fermenté après chauffage par une levure de Cognac, a fourni à la distillation une eau-de-vie beaucoup plus fine que celles retirées des vins ordinaires du Midi. Depuis 1896, MM. Kayser et Barba se sont efforcés de débarrasser la méthode de Lous ses impedimenta, de façon à lui rendre les celliers accessibles. Ils ont tout d'abord démontré, et c’est là un point ca- pilal, que l’action de l'air sur les moûts chauds était loin d'être aussi défavorable qu'on le pensait. Le transvasement du moût encore chaud ou re- froidi après chauffage peut très bien se faire au contact de l'air, qu'il s'agisse de moût blane ou rouge, sans qu'on ait à constater le moindre dom- mage. À la température ordinaire, sans doute, le moût peut subir de la part de l'air des modifica- tions profondes ; la vinificalion en blane par aéra- tion utilise ces modifications, mais on sait que ces actions oxydantes se produisent par l'intermédiaire d'une diastase que la chaleur détruit; il n’est done pas surprenant que le moût acquière par le chauf- fage une immunité complète. L'action de l'air ainsi réduite à sa juste valeur, le problème se simplifie singulièrement. Dans les expériences de MM. Kayser et Barba, postérieures à 1896, il n'est plus question d'outillage complexe et coûteux : de simples chauffe-vin à bain-marie suffisent, el, jugeant les résultats obtenus par les quelques vins que j'ai pu apprécier sur le grand nombre fail par ces expérimentateurs, j'ai le devoir de dire qu'ils sont excellents, d'accord en cela avec les diverses Commissions de dégustation appelées à examiner ces vins. Toujours les vins traités ont élé supérieurs aux témoins. Est-ce à dire que toutes les difficultés soient réso- lues? Loin de là. MM. Kayser et Barba ont simplifié le problème; ils ont obtenu autant par journée de travail, avec des outils ordinaires, qu'on a obtenu d'autre part avec des appareils dix fois plus coù- teux; ils ont, à mon avis, obtenu une amélioration souvent plus marquée, mais au moins égale à celle constatée dans les vins faits par MM. Rosensthiel et Kühn; mais tout cela est encore insuffisant pour la pratique courante. L'appareil marchant à 70 hec- tolitres l'heure, en restant d’un prix abordable, est encore à construire. C'est aux constructeurs à solu- tionner ce dernier point. L. ROOS — LES NOUVEAUTÉS EN VINIFICATION 949 IIT. — APPLICATIONS DE LA DIFFUSION A LA VENDANGE. L'idée d'appliquer la diffusion à la vendange n'a rien de bien original, puisque l’industrie sucrière s’en sert depuis longtemps avec succès. Il est hors de doute que si, comme la fabrication du sucre, la vinification avait élé la tâche d’industriels, au lieu de rester entre les mains des agriculteurs, des tentatives eussent été faites depuis longtemps dans celte voie. Le traitement du raisin par la diffusion n'est cependant pas aussi simple que celui de la bette- rave. On se trouve ici en présence d’une matière qu'on ne peut pas débiter comme on veut, d’une malière très gélatineuse, se tassant avec une facilité extrême et opposant alors à la circulation des liquides des obstacles qu'on ne peut vaincre que par un oulillage très compliqué et une main-d'œuvre très onéreuse. Ces difficultés n'existent plus ou sont considérablement amoindries si l’on opère sur des mares fermentés; aussi avons-nous pensé, dès la création de stations œnologiques, M. Semichon, mon collégue de l'Aude, et moi, qu'il y avait quelque chose à essayer dans ce sens. Peu après nous, M. P. Andrieu, élargissant notre programme limité au traitement des marcs fer- mentés, proposa la diffusion de la vendange frai- che. Il créa, dans ce but, un appareil très ingé- nieux, formé d’une batterie d'éléments, permettant la vinification en blanc ou en rouge à volonté, par l’adjonction, dans le cas du rouge, d’un caléfacteur portant le moût à 70° au contact des pellicules dans une partie de l'appareil. Les premiers essais en grand, faits dans le dépar- tement de l'Aude, datent de 1898. Ils furent arrêtés, peu après leur début, par l'explosion d’un des élé- ments de la batterie, survenue par suite d’un com- mencement de fermentation et l'obstruction d'un tube d'évacuation de l'acide carbonique, établi d’une section trôp faible. Cet accident ne pouvant condamner la méthode, les expériences furent reprises celle année même (1899) encore dans l'Aude, à Sallèles, pour vins rouges, à Castelnau- dary pour blancs. D'après M. Andrieu lui-même, auquel je dois le renseignement, les résultats n'ont pas été brillants. Dans les vins rouges obtenus, la couleur s'est cassée sous l’action probable des par- Lies métalliques de l'appareil sur le moût. Pour la vendange viniliée en blanc, on a beaucoup mieux obtenu; les moûts étaient très beaux, ils ont fourni de très bons vins, meilleurs que les témoins, mais la batterie n'a pas pu donner plus de 80 hectolitres par jour. Quand on voulait pousser le rendement plus haut, le raisin n’était pas épuisé, il fallait nécessairement revenir au taux de 6 à 7 hecto- litres à l'heure. Malgré les résultats obtenus, l’appa- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899, reil, sinon la méthode, est à rejeter, car il s'agit encore ici d’un oulillage irès coûteux, nécessitant un personnel relativement nombreux. Les essais de diffusion appliquée aux mares fer- mentés onteu plus desuccès. L'opéralionse faitdans une batterie de cuves de contenance variable, sui- vant les quantités de vendange à traiter journelle- ment. Lemarc remplissant les cuves est soumis à l’ac- tion d'un courant d’eau ascendant; une partie du vin est refoulée par ce piston hydraulique montant, le reste passe dans l’eau par diffusion. Le liquide d’une cuve passe toujours de bas en haut dans une se- conde, une troisième, jusqu'à une neuvième, à la- quelle on peut recueillir du vin rigoureusement pur si la batterie travaille dans de bonnes conditions. On recueille ce vin à raison de 65, s'il s'agit de moût égoulté, mais non pressé, 45 pour du moût pressé, pour cent du poids de la charge de cette neuvième cuve. A ce moment, la première est épui- sée; on la décharge, on la recharge de mare frais ; la seconde devient première, la première neuvième et on continue jusqu'à ce que le marc manque pour alimenter. On ne recueille plus alors que des piquelles à degré décroissant jusqu'à l’eau pure. Dans la pralique, évidemment, la discontinuité de marche résultant des opéralions de décharge- ment et de chargementest évitée par l'usage d’une batterie de 10, 11 ou 12 cuves, dont 9 sont en tra- vail constant, tandis que les autres sont en charge ou décharge. Depuis la première communication faite en colla- boration avee M. Semichon, je n’ei pas cessé de m occuper de cette question. Dès 1896, j'appliquais la méthode, encore au laboratoire, sur 4.000 kilos de marc; en 1897, j'opérais dans un cellier sur une dizaine de tonnes; enfin, en 1898, j'ai pu faire un véritable essai pratique portant sur 40.000 kilos de marc pris avant Ou après pressurage, essai dans lequel j'ai obtenu un succès complet. Cette année, uu grand nombre de batteries ont été établies sur mes indications. L'une d'entre elles, composée de 10 cuves de 200 hectolitres chacune, installée dans une grande exploitation du Gard, a traité quoti- diennement, pendant toute la vendange, l'énorme masse de 28.000 kilos de marc pressé. Je ne crois pas exagérer en disant que plus de 50.000 hecto- litres de vin de diffusion ont élé produits cette. année dans la région méridionale. La méthode s'est donc rapidement répandue, à tel point même que les viliculteurs n’ont pas été seuls à l’atiliser. Certains distillateurs de marc ont jugé plus ré- munérateur de diffuser les marcs pressés qu'ils achetaient et de vendre le vin produit plutôt que d'en faire de l'alcool; des industriels ont même éta- bli des batteries dans le but exclusif de faire du vin avec des marcs pressés, achetés autour d'eux, 24 950 EF. W. T. HUNGER — LE MÉCANISME DU GLISSEMENT DANS LE RÈGNE VÉGÉTAL et cela avec le consentement de l'Administration des Contribulions indirectes. Le laboratoire du Ministère des Finances, appelé à donner son avis sur ces vins, les a d'ailleurs admis au régime du vin, après analyse de quelques échan- tillons transmis par la Régie. IL est hors de doute que le mouillage est facile avec l'emploi d'un pareil procédé; la tentation peut être forte de vouloir pousser le rendement au delà des chiffres indiqués; il va sans direqu'en y cédant on fera des vins mouillés justiciables de la Régie. Mais il faut le vouloir, et je suis certain que, si bon nombre de viticulteurs voient dans la diffusion un moyen très pratique d'épuisement des marcs, au- cun ne songera à s'en servir pour allonger une récolte, opération que la moindre pompe suffit à faire. L. Roos, Docteur ès sciences, Directeur de la Station œnologique de l'Hérault. LE MÉCANISME DU GLISSEMENT DANS LE RÈGNE VÉGÉTAL La notion de la fonction de glissement s'est accréditée depuis longtemps dans la Physiologie animale. Chez les végétaux, des phénomènes analogues s’'accomplissent, mais dans des limites très étroites de temps et d'espace, et se trouvent masqués par des fonctions accessoires intercurrentes. Dans les pages qui vont suivre, je ferai ressortir que ‘à fonction des productions muqueuses et gélati- ueuses, qui se présentent si fréquemment dans le règne végélal et qu'on a très diversement envi- sagées, est d'intervenir dans le mécanisme de cette fonction de glissement. Les opinions les plus importantes émises jus- qu'à présent sur la signification biologique du nmucus superficiel, sont exposées dans les travaux de Stahl et de Goebel. En 1888, Stahl, dans un tra- vail intitulé: «Les Plantes et les Limaces »!, déclare que les enduits muqueux et gélatineux constituent des moyens de protection efficaces contre les at- teintes des animaux herbivores et en particulier des limaces. Tandis que les données de Stahl con- cernent à la foisles plantes aquatiques etterrestres, Goebel? attribue au mucus une signification diffé- rente, suivant qu'il est en contact avec l’air ou avec l'eau. L'opinion de Goebel, qui à été défendue par lui-même dans divers écrits et par plusieurs de ses élèves (Kühn *, Raciborski*, Ruge”, Schilling’), 1 SrauL : Pilanzen und Schnecken, léna, 1888. Tiré à part du lenaïsche Zeitschrift für Nalurwissensch. u. Medizin. B4 XXII, N. F. XV. = Gog8ez : Pflanzenbiologische Schilderungen. Marburg, 1889-1891, 1, II. 3 Küux : Untersuchungen über die anatomie der Mara- thiaccen und anderer Gefasskryptogamen. Flora, 1889, Bd LXXII, p. 457-504. * Racigorskr : Die Schutzvorrichtungen der Blüthenkno- spen. Flora, Erz., 1895, Bd LXXXI, p. 151-194. 5 Ruce : Beitr. z. Kentniss der Vegetationsorgane der Lebermoose. Flora, 1893, Bd LXXVII, p. 219-311, Taf. IV. 5 ScniLLinG : Anatomisch-biolog. Untersuchungen über die Schleimbildung der Wasserpflanzen. Flora, 1894, Bd LXXVIIE, p. 280-360. est que, dans le premier cas, le mueus garantitle végétal contre le desséchement, Chez les plantes aquatiques, au contraire, le rôle du revêtement muqueux qui retient l'eau très énergiquement, est de rendre plus difficile la pénétration de cette eau dans leur intérieur. Je ne me suis nullement proposé dans cet article de vérifier la valeur de ces deux opinions". J'ai bien plus en vue de montrer ici que l'on doit, sans nier l'existence de nombreuses fonctions accessoires, attribuer le rôle d’un moyen de glis- sement au mucus.épidermique que l’on rencontre dans de grands groupes de végétaux. Si l’on se pose la question de savoir quelle est la signification de la sécrétion muqueuse à la sur- face du corps des Poissons, on lui attribuera en première ligne le rôle d'agent protecteur contre les blessures. Si l'animal n'avait pas d'enduit mu- queux, il serait, en nageant, facilement blessé par le contact inévitable des objets durs qu'il rencon- trerait sur son chemin. Mais, comme la surface de son corps est lubrifiée, il peut glisser lorsqu'il subit un choc, sans souffrir du contact. L'anguille ne pourrait certainement vivre entre les pierres et autres objets durs si sa peau n'était recouverte d'une couche très épaisse de mucus. Envisageons maintenantles Algues et tout d'abord celles qui possèdent la faculté de se mouvoir acti- vement. Chez ces plantes, la présence d’enduits muqueux et gélatineux est très fréquente, particu- lièrement chez les espèces mobiles. Le mouvement actif, qui, chez les Oscillariées, appartient aussi aux filaments adultes, ne se ren- contre chez les autres Cyanophycées que chez les 1 Je renvoie à ce sujet au travail détaillé que j'ai publié. HuxGer : Ueber die Function der oberflächlichen Schleimbil- dungen im Pflanzenreiche. Leyde, 1899. LS F. W. T. HUNGER — LE MÉCANISME DU GLISSEMENT DANS LE RÈGNE VÉGÉTAL 951 hormogonies mobiles. L'existence de la motilité | dont les races muqueuses sont bien connues. est loujours accompagnée de la présence d'une enveloppe gélalineuse. Au contraire, lorsque les hormogonies perdent la faculté de se mouvoir, qui n'est, du reste, que de courte durée, et qu'elles s’ac- croissent pour former un nouveau thalle, elles se débarrassent en même temps de leur enveloppe gélalineuse. Les Dialomées sont mobiles tour, les formes mobiles, ou bien se tiennent en suspension dans l’eau (Diatomées du plancton) ou bien s’attachentau substratum (sol, pierres, plantes aquatiques) (Diatomées du fond). Les Diatomées du fond libre possèdent des mouvements actifs et il est toujours facile de constater chez elles la pré- sence d’une coque gélatineuse. Chaque cellule possède des capuchons gélatineux sur ses carènes, c'est-à-dire aux endroits où, lors des mouvements, le contact avec les corps étrangers doit se faire surtout. La signification que j'attribue à la coque gélatineuse des Oscillariées et des hormogonies d'autres Cyanophycées, ainsi qu'aux capuchons gé- latineux des Diatomées, est identique à celle de l'enduit muqueux des Poissons. Ils constituent un moyen de proteclion contre les traumalismes. Cest ainsi que les filaments d'Oscillaires peuvent glisser le long des objets qui reposent sur le subs- tratum sans être blessés par leur contact, et que les arêtes de la carapace des Diatomées agissent vis-à-vis des contusions très fréquentes à la ma- nière de buttoirs. Les travaux de Klebs! nous ont bien éclairés sur les mouvements des Desmidiacées el nous sa- vons aujourd'hui que leur progression n’est pos- sible que grâce à la sécrétion du pédicule muqueux qui se produit pendant le mouvement. J’attribue toutefois à la gélatine sécrétée à la surface du thalle des Desmidiacées, ainsi qu'à l'enveloppe gélatineuse des Spirogyres, la même fonction que chez les plantes signalées plus haut (Oscillariées et Diato- mées). Mais, que se passe-til pour les Algues qui ne présentent pas de mouvement actif et qui ont cependant une enveloppe gélatineuse? D'après moi, le rôle principal du mucus et de la gélatine doit être, chez toutes les Algues, soit qu'elles aient des mouvements actifs ou passifs, soit qu'elles restent immobiles, de constituer un moyen de pro- tection contre les blessures mécaniques. Chez les Algues marines, où le mouvement passif est parli- culièrement intense, la formation de mucus est partout très répandue. Disons maintenant quelques mots des plasmodes des Myxomycètes et spécialement des Physarum, ou fixées. À leur 1 Kuess : Ueber Bewegung und Schleimbildung der Desmi- diaceen, in Biol. Centralblatt, 1885, t. V, n° 19, p. 355. De même que la reptalion d'une limace sur le substratum est facililée par la couche muqueuse qui est sécrélée par le pied, de même le mucus, dont la trace indique le chemin suivi par un Myxomycèle lorsque celui-ci se met à ramper, est comme un enduit lubrifiant qui permet au plas- mode de structure délicate de cheminer sur les objets durs sans en souffrir. IT La présence de mucus à l'extrémité de la racine et sur les poils radicaux est connue depuis long- temps. Dans le premier cas,le mucus provient de la désorganisalion des cellules superficielles de la coiffe. Pour les poils radicaux, c'est la couche la plus externe de la membrane qui se gélifie. Quelle fonction le mucus a-l-il à remplir dans ces cas? Nous nous trouvons ici en présence d'opinions très diverses, dans le détail desquelles je n’entrerai pas”. D'après Sachs, l'enveloppe muqueuse de la pointe des racines et des poils radicaux agit de la même manière que chez beaucoup d'animaux, les vers de terre, par exemple, comme une espèce d'en- duit qui facilite la pénétration et la croissance, parce qu'elle donne à leur surface lubrifiée la fa- culté de glisser et leur assure une protection effi- cace contre les blessures auxquelles les parties végétales souterraines sont souvent exposées. J'attribue la même fonction au mucus qui se forme lors de la production endogène des racines laté- rales. Van Tieghem et Douliot? appellent la partie extérieure de la coiffe de la racine latérale « poche » ou « poche digestive », parce qu'ils supposent, avec raison, que celle-ci sécrète un enzyme, qui agit sur le tissu cortical de la racine principale en la dissol- vant et ouvre ainsi un chemin vers l'extérieur à la jeune racine latérale. La poche commence d'assez bonne heure à se désorganiser, en même temps que la couche corticale quise trouve enrapportimmédiat avec elle. Cette désorganisation aboutit finalement à un ramollissement muqueux complet de la poche et des couches corticales sus-jacentes, et c'est par là que la jeune racine latérale sort du corps de la racine principale. La racine latérale en voie de croissance possède dans le mueus un enduit qui diminue considérablement les frottements qu'elle subit en traversant les couches corticales. — Les observations faites au Mexique par G. Karsten° sur 1 Je renvoie, à ce sujet, au travail que j'ai publié et qui a déjà été signalé plus haut. L. c., p. 20-28. 2 Van Trecnem et Dourior : Recherches comparatives sur l'origine des membres endogènes, Ann. des Sc. nal., Bolan., 1888, série VII, t. VIII. # G. Karstex : Notizen über einige mexikanische Pflanzen. Berichte d.Deulsc. Bolan. Gesellsch.1897, Bd XV, Helf 1, p.14. F. W. T. HUNGER — LE MÉCANISME DU GLISSEMENT DANS LE RÈGNE VÉGÉTAL l'Okenia hypogæa, Nyctaginée du littoral, sont égale- ment d’un grand intérêt pour la question qui nous occupe, car elles confirment d'une manière irréfu- lable l'existence de la fonction de glissement. Parlons à présent de la production de mucus des végélaux parasites qui pénètrent dans l'intérieur des plantes et considérons d’abord le mode de croissance des racines intra-corticales de Viscum album. La pointe de la racine tout entière est cons- tituée par une masse parenchymateuse dont les cel- lules superficielles paraissent séparées latéralement les unes des autres et se sont transformées en élé- ments oblus et filamenteux d'une longueur consi- dérable. De cette manière, toute la pointe de la racine a, plus ou moins, l'aspect d'un pinceau entouré d'une substance transparente et muqueuse. Les rhizomorphes en voie de croissance se com- portent d'une façon tout à fait analogue. Les hyphes de la pointe des rhizomorphes sont, à ce point de vue, très comparables aux éléments pileux de la pointe des racines corticales de Viscum album. Les travaux de Brefeld' et de Hartig * nous ont appris avec quelle rapidité se fait la croissance de la pointe des cordons des rhizomorphes et, dans ce déplacement rapide, les obstacles à franchir ne doivent pas être de peu d'importance. S'il est vrai que, pour les vaincre, les processus chimiques de dissolution jouent un rôle considérable, nous ne nous trompons certainement pas non plus en attri- buant au mucus des rhizomorphes et des racines corticales de Viscum la même signification qu'à celui de la pointe des racines. Les frottements sont diminués par le mucus qui agit comme un enduit lubrifiant qui, de plus, protège la pointe délicate de la racine contre les traumatismes. En ce qui concerne la fréquence de la sécrétion muqueuse épidermique chez les Æépatiques, il suffit de rappeler les paroles de deux naturalistes. Gœbel * dit : « Le point végétatif de toutes les Hé- patiques, peut-être, est recouvert de mucus, de même que cela arrive souvent pour leurs organes sexuels », et Ruge * déclare que « la sécrétion de mucus se produit chez toutes les Hépatiques sans exception ». Le point végétalif est enveloppé d'une couche plus ou moins épaisse de mucus, qui pro- vient ou bien de poils superficiels (Marchantinées ou Jungermaninées) ou bien de cavités muqueuses intérieures (Anthocérotacées) *. 1 Brereuo : Bol. Unlers. über Schimmelpilze. Leipzig, 1871, Heft 3. Basidiomyceten, I, p.151. 2 HarnG : Unlers. aus dem forstbotan. Inslit. zu München. 3erlin, 1883, Heft 3, p. 107, Taf. VIT, fig. 36 et 317. 3 Gorge : Pflanzenbiol. Schilderungen, 1, p. 209. 4 Ruce : Beitrage zur Kenntniss der Vegetations-Organe der Lebermoose. Flora, 1893, Bd LXXVII, p. 295. 5 J'adopte ici la classification de Scarrever. Voyez ENGLER et Pranrz : Nalürliche Pflanzenfamilien, 1893-1895, T. I, Abth. 3. Si nous comparons la production du mueus chez ces (rois groupes d'Hépatiques, nous arrivons à ce résullat que celle-ci est la même chez tous, à deux points de vue : premièrement, en ce quelle est passagère et, secondement, en ce qu'elle est étroi- tement liée aux premiers stades du développement. Au point de vue où je me place, la nature de l’ha- bitat ne détermine pas le rôle du mucus comme le veut Gœbel; mais celui-ci se rattache aux condi- tions spécifiques de la croissance des Hépaliques, à leur manière de croitre en rampant et en s’appli- quant sur le substratum, qui est commune à presque toutes. Chez ces Hépatiques qui rampent et qui s'ac- colent au substratum, il est inévitable que, lors de la croissance du thalle (WMarchantinées, Jungerma- ninées à frondes et Anthocérotacées) ou des parties jeunes de la tige (/ungermaninées à feuilles), ïl s'établisse des frottements entre les parties en voie de croissance et le substratum, et c’est la pointe délicate de ces parties qui est soumise presque exclusivement aux frottements. Or, précisément à ces endroits, on trouve toujours une production abondante de mucus, de telle sorte qu'il est tout à fait indubitable que le mucus joue ici un rôle important, d'abord pour faciliter la reptation sur le substratum, ensuite pour protéger le végétal contre les blessures auxquelles le thalle peut être exposé lorsqu'il progresse. Je citerai encore, à l'appui de ma manière de voir, l'exemple que voici : là où l’on trouve dans le thalle des Hépatiques une nervure médiane bien marquée faisant saillie du côté ventral, comme, par exemple, chez Blyttia, Mürkia, Umbraculum, Podo- mitrium, etc., on peut constater que la disposition des papilles muqueuses est principalement et sou- vent même exclusivement (Blytlia) limitée à la ner- vure médiane en voie de croissance. III Chez les fougères, la sécrétion muqueuse n’a été, jusqu'à présent, que très rarement étudiée d'une manière un peu approfondie. La sécrétion mu- queuse dont je veux parler émane des trichomes filiformes qui se montrent en pelit nombre à la surface de la fronde enroulée, en plus grande quantité sur les parties repliées à l'intérieur. Ces trichomes ont une cellule terminale gonflée rem- plie de mucus, qui crève quand elle est en contact avec de l’eau. Les endroits où les poils muqueux sont le plus abondants se trouvent toujours au côté dorsal et ventral de la fronde en crosse. Plus vers l'intérieur, ils se présentent le plus fréquem- ment là où les bords du pétiole enroulé sont en contact l'un avec l’autre. Gœbeler fait déjà res- F. W. T. HUNGER — LE MÉCANISME DU sorür, à très juste titre ‘, que partout où, dans le bourgeon, il y a contact de parties superposées, ces poils muqueux se montrent aussi. Mes recherches personnelles m'ont, de plus, appris que les frondes de Fougères qui sont le plus étroitement enroulées montrent la plus grande accumulation de poils muqueux entre leurs spires, et qu'au contraire, sur les frondes qui ne sont pas enroulées ou qui le sont lächement, le mucus peut faire complètement défaut. Il existe ainsi un rap- port entre la forme de la fronde et la sécrétion muqueuse qui s'y présente. De plus, il est à remar- quer que, là où la sécrétion muqueuse est la plus forte, les écailles manquant complètement, elle parait se charger des fonctions de ces dernières. Les frondes des Asplenium, dont j'ai étudié quatorze espèces, sont toutes assez étroitement enroulées ; aussi, les poils muqueux ne manquent- ils jamais entre leurs spires. On trouve ces poils muqueux en abondance chez Onychium japonicum, Trichomanes radicans, Blechnum spicans, Aspidium Serra, Polypodium pustulatum, ele. Mais au point de vue qui nous occupe, aucune de ces espèces ne peut rivaliser avec le Vephrodium callosum, qui se trouve près des ruisseaux des gorges boisées et humides de l’ouest de Java. Je renonce à examiner si la sécrélion muqueuse peut, dans d’autres circonstances, avoir l'utilité dont on à parlé jusqu'à présent, et je passe à lexposé de ma propre interprétation. On comprend que, lors du déploiement d’une fronde étroitement enroulée, des frottements surviennent nécessaire- ment ; or, précisément aux endroits où les frotte- ments sont les plus forts, c'est-à-dire aux côtés dorsal et ventral des spires, nous voyons une accu- mulation considérable de poils à mucus. Grâce à l'éclatement de ces poils muqueux, les parties qui se touchent intimement en se superposant sont lubrifiées et peuvent, par conséquent, glisser les unes sur les autres, circonstance qui doit, dans une large mesure, faciliter le déroulement. Le stade de déroulement est-il dépassé, la sécrétion muqueuse n'a plus de fonction à remplir; aussi, voyons-nous les poils à mucus se dessécher bientôt et dispa- raitre complètement. J'invoquerai encore en faveur de mon opinion le fait que, chez les plantes où lors du déploiement il ne peut êlre question de frotte- ments, on ne trouve pas non plus de sécrétion muqueuse. Chez les Adiantum,— où la fronde est si lächement enroulée que, même dans les stades les plus jeunes, il n'y a presque pas de contact intime des spires entre elles, et où, par suite, lors du déploiement il n’y a pas de frottements, — la pré- ! Gorgecer : Die Schutzvorrichtungen am Stammscheitel der Farne. Flora, 1886, Bd LXIX, n° 29-31, Taf. XI. GLISSEMENT DANS LE RÈGNE VÉGÉTAL 953 sence de dispositifs tendant à les diminuer esl superflue el il n'existe pas de sécrétion muqueuse. Il en est de même pour les Ophioglossum et Botry- chium, chez lesquels la fronde n'est pas enroulée en crosse; leur bouton est si lâche qu'on ne peut penser là non plus à des frottements nuisibles. Dans les cas où la sécrétion muqueuse est rempla- cée par d'abondantes écailles (Aspidium), celles-ci sont, il est vrai, sèches, mais comme elles sont en même temps très lisses, elles peuvent servir aussi à faciliter le glissement des segments qui se déroulent lors du déploiement de la fronde. I C'est Hanstein‘ qui, le premier, en 1868, étudia d'une manière approfondie la sécrétion muqueuse, et cela en particulier chez les bourgeons végéta- tifs. Les plantes chez lesquelles Hanstein constata la sécrétion muqueuse la plus abondante furent les Polygonées (Polygonum, Rumex, Rheum). HN trouva qne ce mucus se forme principalement à la sur- face interne des prolongements membraneux des étuis ligulaires (« ochreæ »), dans lesquels les jeunes parties du bourgeon en voie de croissance restent toujours longtemps et étroitement enve- loppées. Pourquoi les Polygonées produisent-elles une si grande quantilé de mucus et quel usage en font- elles? C'est ce que je vais chercher à expliquer maintenant. Dans ce but, il est peut-être utile de citer d’abord un certain nombre d'exemples, pris dans d’autres familles, chez lesquels j'ai constaté pareillement une sécrétion muqueuse. J'ai rencon- tré celle-ci chez les Ficaria ranunculoides, Ranun- culus cassubicus, diverses espèces d'Æelleborus, les Viola sylvestris, Valeriana Phu, Centranthus ruber, Valerianella coronata, V. Szovitsiana, V. auricula, V. eriocarpa, Chenopodium bonus Henricus, Saxi- fraga crassifolia, etc. Ces plantes, à quelque famille qu'elles appar- tiennent, possèdent toutes des gaines foliaires plus ou moins développées, dans lesquelles les jeunes parties du bourgeon sont étroitement emprison- nées pendant leur croissance. La forme engainante de la base foliaire et la sécrétion muqueuse parais- sent donc êlre en corrélation ici, de telle sorte que nous devons nous demander comment il faut inter- préter ce rapport. Ainsi que nous l'avons déja dit, la jeune feuille, dans le bouton, est toujours étroite- ment enveloppée par la gaine de la feuille plus agée ; pour sortir de celte gaine, elle a à vaincre une cer- taine résistance due au frottement. Get obstacle est 4 HansTeIN : Ueber die Organe der Harz-und Schleim Absonderung in deu Laubknospen. Bol. Zeil., 1868, n° 43-46, Taf. XI et XII. 4 EÆ. W. T. HUNGER — LE MÉCANISME DU GLISSEMENT DANS LE RÈGNE VÉGÉTAL diminué ici encore par la présence du mucus, qui agit comme un enduit lubrifiant. De plus, on trouve des poils à mucus non seu- lement sur la face interne des gaines, mais encore souvent sur les jeunes feuilles enveloppantes. Chez les Æumex Patientia, Rumex alpinus, Po- lygonum cuspidalum, certaines espèces de #heum et Chenopodium, Oxyria elatior, Tradescantia ze- brina, etc., où les jeunes feuilles sont enroulées par les bords soit en dessus, soit en dessous, j'ai toujours trouvé, sur les deux faces de ces feuilles, une quantité considérable de papilles muqueuses auxquelles j'attribue la même signification. V La sécrélion muqueuse chez les plantes aqua- tiques est un phénomène extraordinairement fré- quent qui se présente sur les parties les plus diverses. D'une façon générale, le mucus doit servir à protéger contre les blessures de toute espèce les tissus qui ne sont pas encore suffisamment résis- tants, tels que les bourgeons et les jeunes feuilles. Les organes encore tendres et incomplètement déve- loppés possèdent, dans leur revêtement muqueux, un moyen de glisser sans préjudice le long des corps avec lesquels ils sont en contact. Le mucus, qui met les bourgeons à l'abri des blessures méca- niques, agit en même lemps comme un enduit lu- brifiant et diminue les frottements qui se pro- duisent entre les organes lors de l'épanouissement. Il existe de nombreux exemples de ce fait. Les feuilles étroitement enroulées dans le bourgeon, par exemple chez les Zrasenia, Cabomba, Nuphar, ete., possèdent, grâce à la sécrétion muqueuse fournie par des poils superficiels, un moyen de glissement qui facilite leur déploiement. Si des stipules entrent dans la constitution du bourgeon, comme c'estle cas pour les VNymphæa, Eu ryale, etc., on peut constater qu'elles ont toujours des poils muqueux, mais seulement sur le côté tourné vers la feuille à laquelle elles appartiennent. De même que pour les plantes terrestres, on trouve, chez les plantes aquatiques dont le pétiole pré- sente une expansion engainante, une sécrétion mu- queuse importante à l'intérieur de celte gaine. Il en est ainsi, par exemple, chez les fanunculus fluilans, Caltha palustris, Limnanthemum nymphæoides, Me- nyanthes trifoliata,ete.,dontles gaines entourent les jeunes feuilles de telle sorte que lors de leur sortie des frottements doivent se produire ; le mucus agit 1 Bien que j'aie examiné un grand nombre de Monocoty- lédones, je n'ai pu trouver nulle part de sécrétion muqueuse, à l’exceplion de l'espèce de Tradescanlia que j'ai déjà signa- lée plus haut. Comment cette absence s’explique-t-elle? Je ne puis m'étendre là-dessus davantage et je reuvoie aux pages 58 et 59 de mon travail. ici de nouveau comme un enduit onctueux, et la jeune feuille glisse hors de son enveloppe sans avoir subi le moindre dommage. Même chez les Monocotylédones, dont les espèces terrestres, à l'exception des Zradescantia, ne nous ont jamais présenté de sécrétion muqueuse, on trouve géné- ralement du mucus dans les espèces aquatiques (Vallisneria, Hydrocharis, Trianea, A lisma, ete.). VI En terminant, je sortirai des limites de mon pro- pre champ d'investigation pour chercher des ana- logies dans le animal. Si la sécrétion muqueuse est effectivement destinée à faciliter le dé- placement, les mouvements de croissance et le dé- ploiement, il faut, semble-t-il, que, chez les animaux pour lesquels le mouvement est une des manifes- tations vitales les plus importantes et constitue une des conditions mêmes de l'existence, on trouve des productions semblables. Nous avons déjà vu que, pour la locomotion dans l’eau, la sécrétion muqueuse superficielle facilite au même titre le mouvement chez les plantes et les animaux. Mais la série des analogies s'étend plus loin, car le mu- eus Joue certainement encore un rôle très impor- tant pour assurer le glissement dans deux autres grandes fonctions de l'animal : la digestion et le mouvement articulaire. On sait combien l'absorption des premières bou- chées de nourriture provoque une abondante sécré- Lion salivaire ; celle-ci enrobe la substance, souvent sèche, dont les muscles de la bouche font alors des règne masses arrondies, qui peuvent ainsi descendre dans l'estomac par l'æœsophage également lubrifié grâce à du mucus. Dans toute l'étendue du canal intestinal se trouvent d'innombrables cellules caliciformes pro- duisant du mucus, qui renouvellent constamment la mucine éliminée et utilisée. Elles permettent au contenu de l'intestin, qui devient de plus en plus consistant au fur et à mesure qu'il descend, de cheminer en glissant sous l'influence des mouve- ments péristalliques du tube digestif. Mais, comme partout, la fonction de glissement est associée à la protection contre les blessures; et les cas fréquents dans lesquels des dents artilicielles, des aiguilles, des lames de couteau ont pu franchir le tube di- gestif étroit et long de plus de huil mètres sans déterminer de lésions, montrent suffisamment la grande importance du mueus dans le transport des ingesta, comme moyen de protection vis-à-vis des traumatismes. Enfin, c'est dans les articulations des animaux que le rôle du mucus dans la fonction de glissement nous apparait sous sa forme la plus pure; il ne peut servir ici qu'à faciliter le mouvement des HENRI DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET D'EXPLORATION surfaces osseuses qui frottent l'une contre l'autre. De même que pour les diverses parties d'une ma- chine, dans les articulations, les condyles osseux glissent dans les cavités osseuses. Lorsque des mouvements forcés à grande excursion s'accomplis- sent sur un espace étroit et que les surfaces de glis- sement sont intimement appliquées l’une sur l’au- tre, ilestclair que des frottements très considérables doivent en résulter. Si, dans des mouvements de trop longue durée, la synovie, cette huile articulaire comme on l'a appelée, est plus vite utilisée qu'elle ne se régénère, il en résulle une difficulté plus grande de la fonction locomotrice, difficulté qui aboutit au trouble et même à la suppression de la fonction. Ces faits empruntés à la Physiologie animale ne me semblent pas sans valeur pour la question qui nous occupe, parce qu'ils montrent de la facon la plus 955 nette, el sous une forme qui exclut toute fonction accessoire simultanée, la signification biologique du mucus comme moyen de glissement et comme moyen mécanique de protection. Dans le présent article, je me suis efforcé de comparer à un même point de vue biologique les grands groupes du règne végétal. Chez les plantes qui exécutent mouvements de croissance ou d'épanouissement, j'espère avoir des de locomotion, fourni la preuve qu'il est légitime d'admettre l'existence de dispositifs destinés à faciliter ces mouvements, et que l’on doit, sans préjudice pour de multiples fonctions secondaires, attribuer dès à présent au mucus, dans le règne végétal, le rôle d'un moyen de glissement et de protection contre les traumatismes. F.-W.-T. Hunger, Docteur ès sciences, Assistant au Jardin botanique de Buitenzorg. REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET D'EXPLORATION La connaissance du globe progresse simultané- ment de deux façons : l'exploration est privée et officielle : il y a des explorateurs qui ne sont que de simples particuliers; il y en a d'autres qui, exer- çant, en pays extra-européen, un emploi civil ou militaire, se livrent à l'exploration par surcroît; on pourrait les nommer fonctionnaires- explorateurs. » De tout temps, il s’est rencontré des hommes tourmentés du désir de connaitre les pays situés au-delà des limites de leur horizon. Les erreurs mêmes qui figurent sur les portulans et sur les anciennes carles prouvent leur curiosité intellec- tuelle. À défaut de notions exactes, ils aimaient mieux donner aux continents certaines formes purement imaginaires, plutôt que de s'abstenir de se les figurer. Telle est la puissance de cette pas- sion de l'inconnu sur celui qui en est possédé, qu'il affronte sans hésiter faligues, privations et mala- dies. Il ne craint même pas de multiplier notable- ment ses chances de mort. Combien de victimes l'Afrique n’a-t-elle pas faites, depuis qu’en 1805 Mungo-Park disparaissait dans les flots du Niger! etcependant le nécrologe africain s'accroît, malheu- reusement, chaque année de noms nouveaux. Connaitre la Terre est donc la forme que revêt de préférence dans certains esprits ce désir de savoir, propre à notre nature et qui reste toujours en éveil en dépit des vains efforts du dogmatisme religieux pour l’endormir. L'explorateur de voca- tion cherche, indépendamment de toute considé- ration personnelle, à satisfaire ce désir. les « De ces hommes aventureux, avides de connais- sances, jamais il n'y en a eu davantage que dans notre siècle. Un beau jour, après avoir dit adieu à quelques amis, sans bruit et sans éclat, ils sont partis : René Caillié ou Barth pour le Soudan, Nach- tigal, Rohlfs, ou Lenz, pour le Sahara, Schweinfurth ou Junker pour le Haut-Nil, le vicomte de Foucauld pour le Maroc, Antoine d'Abbadie pour l'Éthiopie. On allongerait à loisir la liste de ces simples voya- geurs, qui, sans espoir de rémunération pécuniaire, ni de « décorations », ont, pour la seule satisfaction scientifique, dessiné quelque trail nouveau de « la face de la Terre ». Il existe une autre catégorie d’explorateurs, qui ne le sont pas devenus volontairement, mais plutôt par occasion et par le hasard des événements. La conquête des contrées africaines, asiatiques, océaniennes par les Puissances européennes y à conduit beaucoup de fonctionnaires civils et mili- taires, qui dans d’autres circonstances politiques n'eussent jamais quitté l'Europe. Mais la vue quo- tidienne d'une nature si différente de celle à laquelle ils élaient accoutumés, a piqué la curiosité de cer- tains d’entre eux et excité leurs facultés d'observa- tion. En 1881, pendant la campagne de Tunisie, quelques officiers du corps expéditionnaire, qui avaient très probablement oublié le peu de latin qu'ils avaient jadis appris au collège, voyant en quantilé des ruines antiques éparses dans la cam- pagne et des pierres couvertes d'inscriptions, devin- rent spontanément archéologues et épigraphistes, et adressèrent à l’Académie des Inscriptions et 956 HENRI DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET D'EXPLORATION Belles-Leltres des communications qu'elle reçut avec intérêt. De même, la Géographie bénéficie de la bonne volonté et du zèle d'officiers, de médecins militaires, de résidents civils. Si ces travaux d'exploration contribuent à dis- traire de l'ennui ces fonclionnaires isolés dans des postes lointains, souvent aussi ils s'imposent à eux comme une nécessité. La connaissance de la région qu'ils ont mission d’administrer, de ses ressources économiques, de ses habitants guide leur adminis- iration et devient, s'ils l'approfondissent, un puis- sant moyen de domination. Le général Galliéni disait très justement dans son Rapport d'ensemble sur la situation générale de Madagascar : « C'est l'étude des races qui occupent une région qui détermine l'organisation politique à lui donner, les moyens à employer pour sa pacification. Un offi- cier qui a réussi à dresser une carte ethnographique suffisamment exacte du territoire qu'il commande est bien près d'en avoir obtenu la pacification com- organisé officiellement l'exploration en dehors des limites de sa domination, et envoyé au Tibet ses agents indigènes, ses « poundits » dont il livre les travaux au public, mais cache avec le plus grand soin aux autorités tibétaines le nom et la person- nalité. Présentement, l'exploration privée et l’explora- tion officielle s'exercent conjointement avec des fortunes variées dans les différentes parties du globe. Elle sont représentées l’une et l’autre dans cetle Revue annuelle de Géographie et d'Explo- ration. I. — LEs CAROLINES: La cession récente des Carolines aux Allemands par les Espagnols donne aux explorations du D° Christian! dans cet archipel océanique, un intérêt particulier. L’archipel des Carolines s'étend au nord de la Nouvelle-Guinée, sur 2.400 kilomètres, de Yap à . cr. C'H, C. Az(CH7)CZ L'amarine serait donc le 2-phényl-#: 5-cisdiphényl- 4: 5-dihydroimidazol : CS5HS.CH.AZzH | DC-C'Hs. CH. CH — Az7 L'isoamarine de Snape et Brooke est la forme racé- mique correspondante. La réduction de l'amarine avait donné à Grossmann l'i-diphényléthylènediamine. Celle de l'isoamarine a donné la base de Feist, l’r-diphényl- éthylènediamine. Ces deux bases, chauffées avec l'acide benzoïque, reproduisent respectivement l’amarine et l'isoamarine. L'isoamarine peut être obtenue en fon- dant l'amarine avec du sodium, ou en chauffant le chlorhydrate de cette dernière au-dessus de son point de fusion. — M. G. Dean rappelle que les détermina- tions du poids atomique de l'azote laites jusqu'à au- jourd'hui ont donné des valeurs allant de 13,975 à 14,05 ; le rapport des densités de l'azote et de l'oxygène, déter- miné par Lord Rayleigh et par M. Leduc, est de 16 à 14,003. Ces chiffres étant assez variables, l’auteur a procédé à une nouvelle détermination, en prenant un composé très simple, le cyanure d'argent, où l'argent est précipité par le bromure de potassium. La moyenne des résultats est Az — 14,031, si C — 12,001. Er ZZZIIYIYFYFYSTYVYVT.S--”OOO—_—_—_—_— TT Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARFTHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES (DU 15 JANVIER AU 30 DÉCEMBRE 1899) I. — CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Astronomie et Météorologie = BIGOURDAN (G.). — Sur les Léonides. . . . . . . . . . Boréauidesbonpitudes. … . : . .: . . .'. . . . ... . Eléments approchés des Comètes pour 1900. . . . La mesure de la Chaleur rayonnée par les Etoiles. . . Lèvprésence du Vanadium dans les météorites . . . . Etablissement d'un service météorologique en Islande. P'exploration de l'atmosphère par les cerfs-volants et TS On ES. 20. NT Botanique et Agronomie. CHaror(.). — Conservation de la faculté germinative APRRSRAMES de Cacaoyer._. . . . . . . . . . ... Dandustriede l'huile de maïs. . . . .. . : . . . . .. Congrès international d'Agriculture. . . . . . NRA Congrès international de l'alimentation rationnelle du Bibliographie Scientifique. De publications scientifiques de M. Willard ON 7: Chimie. Beknsezo® (M.). — Un point de l'Histoire des Sciences : nmnlhése de l'alcool. 2. ... . .,.°. . Gvreuarp (Marcel). — La chimie des terres rares. . . . La Revue générale de chimie pure et appliquée. . . . La production artificielle des asphalles. . . . . . . . Pa solidification de l'Hydrogène. . . , . . . . . . . . La détermination des poids atomiques et l'institution d'un « Comité interuational des Poids Atomiques ». nie 7 27. 0 LS, : 1, . L'éclairage & l'acétylène, système Blériot. . . . PACS DE MaSsmMIN. ! à... . . ,. . . . . . . Dasiden homocamphoronique et l'acide camphono- nique Séchage et fermentation d's feuilles de tabac à cigares. D..0:— La combinaison du Tanin et de la Gélatine et la fabrication des vins de Champagne. . . . . . . Progrés de la vulcanisalion au soufre du caoutchouc. Nouveautés en Céramique. . L'injection dés bois Hs on are L'application de l'Acétylène dissous à l'éclairage. . . Emyloi de l'iodure mercurique comme renforcateur des … clichés photographiques es résidus de la distillation du Recherches photographiques sur les spectres de phos- phorescence et découverte d'un nouvel élément : PM. 1 2e ES ARE D: Nouvelle méthode pour déposer des couches métalliques sur Je bois. . REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1899. 610 Ecole municipale de Physique et de Chimie indus- CRIE SU UT RSR PR ET PER EE Congrès, Congrès international de Mathématiques en 1900 . . . Congrès géologique international de 1900. . . . Congrès international de Physique . . . . . . . . . . Congrès international de Médecine . . . . . . . . . . Congrès international d'Agriculture. . . . . . . . . . Congrès international de l'alimentation ralionnelle du Péri LT M SEC Congrès de sauvetage et des premiers secours en 1900. Congrès international d'Agriculture de 1900 (questions COANIBIES EN AIN A NE NE SEE SE Distinctions scientifiques. Muséum, — M. Milne-Edwards promu commandeur de WeAalEmondhonneur FT Eee Élection à l'Académie des Sciences de Paris (M. Men- DE lde ft) er SUR ne 7 NS TAN QE ENS Élection à l'Académie des Sciences de Paris (M. Roux). Election à l'Académie des Sciences de Paris (M. Pril- lieux) LE Hommage à un savant français (M. Moissan) Le jubilé de sir Georges-Gabriel Stokes. . . . . . . . Elections à la Société Royale de Londres (MM. L. Boltz- .. mann, À. Dohrn, E. Fischer, Neumayer et Treub). Élection à l'Académie des Sciences de Paris (M. G. Le- moine) La Prix déçernés par l'Académie dessSciences de Paris . . Prix décernés par l'Académie royale de Belgique... . . CL Os . Géographie, Colonisation et Voyages. HeckeL (E.). — L'huile de Méné (ou Méni) du Sénégal et de la côte occidentale d'Afrique. . . . . . . . . . LE Cnargrier (A.). — La production du caoutchouc . . Porssox (J }. — Exposition des collections mexicaines de M. L. Dignet au Muséum . . . . - : .. . - £ ReGeLsrPerGer (G.), — Les chemins de fer de l'Indo- DATES US RS APE De NT PTS AR Ne 7 Le voyage de retour de la mission Marchand. . . La convention frauco-anglaise du 21 mars 1899 . . Le chemin de fer de Konakry au Niger navigable. Les observations scientifiques de la mission Fou- reau-Lam —"Dufoudan: 4 laÿcôte.d'Ivoires . : #1. 5. m0 Revue des cultures coloniales. . + . . . . . . . . . . Le Jardin des ‘plantes et les colonies francaists. . . . Télégraghie sous-marine. . . . . : . . . . . . . . . Cultures et productions coloniales 29356 * CONTENUES DANS LE TOME X DE LA REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES 85 175 49% 497 D 40 612 805 89% 974 Création d'une école pratique d'agriculture à Hué et d'une ferme locale au Dahomey. La réglementation de l CHERE forestière au Congo francais RTE NO Productions coloniales. . Nouvelles plantes à Gutta-Percha. Les concessions au Congo AU TE Deux nouvelles publications coloniales . . . . . . . . L'exploitation du Balata à la Guyane. . . . . . . - Les questions coloniales au Congrès international d’a- griculture en 1900 VOYAGES D'ÉTUDES DE LA REVUE : Croisière aux Canaries et à Madère en avril 1899 . Ténériffe et le Pic de Teyde (L. O.). . . . . Croisière aux Canaries, Madère, Maroc, Espagne et Portugal : livres à lire. . . — Croisière en Crimée et au Caucase avec le concours de la Compagnie des Messageries maritimes (26 août- oiseptembre 1809) EE ET ETS on — Voyage dans la Mer Noire. Crimée et Caucase : livres TR NET PA — Croisière en Tunisie, à Tripoli et à Malte (Vacances de Pâques : 7 avril-29 avril 1900). . . . . ET - Géologie et Paléontologie. Le Congrès géologique, international de 1900 . . . TaouLet (J.). — Sur là présence de coquilles fossiles calcaires au fond des mers actuelles . . . . . . . Mathématiques. L. O. — L'enseignement mathématique. . Le Congrès international des Mathématiques en 1900 . Actualités : Société Mathématique de France. Mines et Métallurgie. D&emenGE (E.). tention directe du fer et de l'acier . . . . . . . . L. O. — Les desiderata de l'Industrie de l'artillerie en France. : M CE PAP NES À DTA XXX. (Lieutenant- Colonel). — L'industrie de l’Artillerie à l'étranger : Les Etablissements Vickers à Schef- field, Erith et Barrow-in-Furness. ù Fabrication de nouvelles monnaies à Constantinople. Les arrêts momentanés des hauts-fournaux. Wagons pouvant transporter 50 tonnes de minerai de Ter Les nouveaux gisements de Tungstè ne en à Espagne et BDRATRETIQIE RL Ce le ie Le La fabrication des ferro-siliciums riches au four ‘élec- EN CC PS EN EE TE Dr lens La galvanisation électrolytique des tubes par le pro- “cédé Cow per-Coles. s - Carburation du vent au haut-fourneau . . . . . . Les ressources de l'Espagne en minerais de fer. — Le four électrique Stassano pour l'ob- Mécanique et Génie civil. LAvERGNE (G.). — L'état actuel de l’automobilisme. . . L'emploi RÉ l'acier au nickel ÉRQRES les tubes de chau- dière. . : ET CET Rendements des machines à vapeur. Automobiles à vapeur . . . . . Essais de moteurs à pétrole . . La machinerie des navires de guerre. La fabrication automatique des boîtes de conserves. Les one a de l’'émulsion dans les chau- dières CCE PAT NO Nécrologie. BALBIANI. RTE AE BAUMANN Oscar), par H. Dehérain. . . Broxcxrart (Charles). a 5a 86 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Bonsen (Robert Wilhelm). «+ . =. . : : . . . (un, Fcower (William Henry). FRANELANDII EYE) CNET CEE ME EEE PRIEDRE (Ch) PERS RENE ME DRE É — par Armand Gautier. . . = . . . . . . Lx (SDPhUS) MERS PTE NES Mans# (0. -Ch:) 1 CRE PRE Re CIRE RER NAODIN (CR. ) su NA TPE EC OR — par Ch. Flahault. . . . . . . . . Scnevrer-KestNer (Aug.), par Charles fauth. = 0 MIEDEMANN: (4): 5 Lee SON ENRRE R RE Physique. Nicarr Que JE couleurs: 274.0 2-0 lente este EEE Oztvier (L.). — La luminosité des terres rares exposées aux rayons Cathodiques dans le vide. . . . . . . — La télégraphie sans fil entre la France et l'Angle- PERTE OT PE EE CES PÉRoT (A.).—L'enseignement de la Physique industrielle, à la Faculté de Marseille. . . . . . . . . . . RicozLor (H.). — L'enseignement de la Physique indus- trielle et l'Université de LYON RATE ViLLaRD (P.). — Interrupteur électro-magnétique à mer- cure pour courants alternatifs et continus. Weiss (P.). — L'enseignement de la Physique indus- trielle dans nos Facultés des sciences. ; : La conductibilité de l'aluminium. . . . . . . . . . . La réfrigération par l'hydrogène liquide; les propriétés des corps au voisinage du zéro absolu L'air Niquidé MEME EE CNET EEE La vitesse des particules métalliques dans l'étincelle électrique. RER IR PT RE ED on. - - - La vitesse du son dans l'air comprimé . . . . . . . . La vitesse des ions dans les flammes contenant 4e SELS NA PORISÉS EEE CRC Le repérage des raies en spectroscopie . Congrès international de Physique . . . . . . . . - Expériences sur la diffusion des ions dans les gaz. Les rayons de Becquerel et les corps nouveaux. . . . Usine hydro-électrique près de Mechanicville (N.-Y.). — L'échelle spectrale et la gamme des Sciences médicales. La tuberculose dans la marine française. . . . . . . Des dangers de contamination par la tuberculose. Mortalité des marins des grandes pêches (campagne de AB98) A ST UNE ES ER Les nouvelles expériences ‘sur la transmission de la tuberculose É Congrès international de Médecine. L'Institut bactériologique de Constantinople. La peste: 0" MN ET TERRES L'élément psychique de la démorphinisation . . . Périssé (J.). — Nouveau traitement des ordures ména- gères de Paris. Valeur thermique de la ration alimentaire du soldat en garnison. . . ER RE à Lutte contre la tuberculose. . . . . . La stérilisation des viandes suspectes par la cuisson. Les opérations du Laboratolre de la Préfecture de Police. RER ER AS ee > Stérilisation des eaux alimentaires au moyen d du Fo oxyde de chlore. > à 9 Zoologie, Anatomie et Physiologie. Micuez (Q.). — Sur la régénération chez les Annélides. La formation de la perle fine. . LEE E. L. — Association des Anatomistes . . . .. . . . L'arsenic normal chez les animaux et sa localisation dans’certains/orpanes. CN EE CE Le rôle des leucocytes dans ‘l'histolyse des muscles de l'abeille pendant la métamorphose. . . . . . . Les colleetions de Crosse. « nt tp CESR 459 460 : TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES II. — ARTICLES ORIGINAUX Astronomie et Météorologie. Brcounpan (G.). — Revue annuelle d'Astronomie. SvanTE AnRHéNIus. — Les oscillations séculaires de la température à la surface du globe terrestre. ' Botanique et Agronomie. Bouyssou (J.). — Les Producteurs laticifères dans le bassin de l'Ogooué. . . Conprer (J.-A.). — L'état actuel et les besoins de ik in- dustrie des Vins de Champagne. I. Culture et fabrication Deaéranx (P.-P.). — Revue annuelle d' Agronomie. HunGer (F.-W.-T.). — Le mécanisme du glissement Hansdenéesne)vénétale MIRE Er ER EE 0: Le Granp (N.- É.) — L'état actuel et les besoins de l’in- dustrie des Vins de Champagne. IL. Statistique et conditions sociales du travail . Lengur (A.). — L'état actuel de la culture et de l'indus- trie ni Tabac Mae (R.). — Les espèces végétales sociales. ormation et répartition des sociétés Roos (L.). — Les nouveautés en Vinification Chimie. Auraor (Dr Carl). — Les causes de la rancidité du RON RE M NE A D Bexeca (Elophe). — La question cles Peptones. BERTRAND (Gabriel). — Les Pentosanes . . Curie (Mme P.).— Les Rayons de Becquerel et le Polo- en LEONE ER RE PE CR E Eranp (A.). — Revue annuelle de CM SES CT Gescawinp (L.). — L'état actuel et les besoins de l'in- dustrie des Cendres pyriteuses. . . . . . . . GRANGER QE — L'état actuel et les besoins de l'indus- trie de la Faïencerie en France. HorLarp (A.). — Les chaleurs de formation des ions. Hucounexo (Dr L.). — La constitution des Albumines et les travaux de l'Ecole allemande : les Bases hexo- TE SR er à Pete es en eee Kossez (Albrecht). — Les Protamines et les corps albu- GR SE ER RE ET RE PE LEE Le BLanc (Max). — Les idées nouvelles sur la théorie HÉONEEREE EEe EURE Pie LE CuareLier (H.). — La loi des Phases. . LL RS UT Lezé (R.). — Enulsions et Cristaux. . . . . . . . . . Linper (L.). — L'état actuel de la production et de la consommation des Alcools d'industrie en France . Perrr (P.). — L'état actuel et les besoïns de la Brasserie RP ANTLOE A M n Re Re fe NL ME tre Rocques (X.). — L'état actuel et les besoins de l'indus- -trie du Gidre en France : 1re partie : Culture et fabrication. 2e partie : Comparaison avec l'étranger. Urgain (G.). — Les Terres yttriques . . 316 337 121 “T1 667 Chirurgie, Médecine, Hygiène, Microbie médicale. Harruanx (Dr II.). — Revue annuelle de Chirurgie . . Lérienne (A.). — Revue annuelle de Médecine . . . Lorr (A.). — Les pratiques médicales chez les Arabes HOTTE COR MC AT CO De OO e MaïcLarD (L.). — Les applications Pi loBIquEs de la théorie des ions RS Mesxiz (F.). — Coccidies et paludisme : 1re Partie : Cycle évolutif des Coccidies. 2e partie : L'hématozoaire du Paludisme . . Mosso (Angelo). — L’Acapnie et le mal des montagnes. Pnisarix (C.). — Essai sur le mécanisme des phéno- MÉTESNOUSÉLOIÉrAPIE SE, 0e shenelptele Rocques (X.). — La Contamination des eaux de source CÉTLVÉ CPL RP ADI ue Vote bete mener elpelierne Rome (D' R.). — Les Assurances ouvrières et la lutte contre la Tuberculose en Allemagne. 1re partie : Organisation des assurances et créa- fiontdes-Sangtorias.#. 4... "0407. 2e partie : Organisation et résultats des Sana- LOTS A NE Te Lot M PEN Re SPALIKOWSKI (Dr Ed.). — Les Diarrhées goutteuses Enseignement. Ségert (Général). — Les Travaux récents de Biblio- graphie scientifique. Le Répertoire bibliographique universel de l'Institut international de Bibliogra- hie à Bruxelles et le Catalogue de la Société ovale del ondres ee M Weiss (P.).— Les nouveaux Laboratoires lechniques de l'Ecole Polytechnique de Zurich et ceux de nos Facultés des Sciences. . . . . . . EURE FEES Géographie et Colonisation. (Voir aussi le chapitre Botanique et Agronomie.) AUERBACH (Bertrand). — Les BTE de fer de l'In- TOUS EAN EDEN NS PARAMETERS CuaLor (C.). — Le Jardin d'essai de Libreville. DEHÉRAIN (H.). — Les nouvelles voies de communica- tion britanniques CRUE NOUS QUE — La mise en valeur de Madagascar depuis l'occupa- tion francaise . . : — Revue annuelle de Géographie et d' Exploration. Derérer (C.), OrFRET ee .) et Vazcor (J.). — Le Chemin de fer du Mont-Blanc. . . . . . 6 JumeLce (H.). — Marseille et les Produits coloniaux . Loir (A.). — Les pratiques médicales chez les Arabes MNSTENS SMART Te enes) a fe pe U MacHar (J.). — Les Conditions géographiques du Soudan B6yptien M ON Or, ScurADer (F.). — Le levé ‘et le tracé automatiques des tonnes fe TAN NE ACL EN TE VERNEAU (Dr R.). — Le Maroc et les Cauaries . . . . — Les Boers et les races de l'Afrique australe. . . . Géologie et Paléontologie. GLanGEauD (Ph.). — Les vues nouvelles sur les causes de l'époque glaciaire. . : . . . . . . — La lutte contre leuGTISOU LC ENUE HauG (E.). — Revue annuelle de Géologie. PervinquiÈRe (L.). — Les récents mouvements ‘du sol dans la région des Grands-Lacs (Etats-Unis) Soury (Jules). — Les récents travaux sur Done merde l'Homme, d'après M. Ernest Hæckel . . . . . . . Mathématiques. MusuauD (G.). — La Géométrie au temps de Platon . . Poincaré (H.). — RÉRFRONS $ sur le Calcul des Probabi- lités + RE PE ei PAT VA Sn Mécanique appliquée et Génie civil. (Voir aussi le chapitre Géographie et Colonisation.) Dommer (F.). — La transmission de la Chaleur dans HN AUS EME RENE Eee LAVERGNE (Gérard). — L'étar actuel de l Automobilisme. 1re partie : les Moteurs MRC 2e partie : les Transmissivus . 3e partie : les Voitures — La deuxième Exposition internationale d'Automo- AC VE PM A RE EE re c Ts Physiologie. Arraus (M. — La Sécrétion du Suc gastrique et du suc pancréatique RS ste nu ee A AE Frepérico (L.). — Revue annuelle de Phy siologie Da GuizcAuMEe (Ch.-Ed.). — Les Radiations et le Transfor- MHISIME SEE. Ce ; 25 975 618 743 653 , 198 238 869 248 16% 976 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Le Danrec (F.). — L'équivalence des deux sexes dans Zoologie et Anatomie. latfécondation : 4-4" Ce MR EC R S54 ] Roue (Dr R.. — La Valeur alimentaire des Albu- (Pour les articles de APRES) nn médicale, voir le moses et des Extraits de pass Ne JO 383 P REG Soury (J.). — Sensibilité végétale et animale . . . . . 342 z : es 7 : KoguLer (D' R.). — Revue annuelle de Zoologie. A LÉ Rysoloee et sÉRneNReUss sénérnies 308 | LAGuEsse (E.). — Revue annuelle d' Anatomie. Physique. Revues annuelles. (Voir, en outre, le chapitre Chimie.) BicourDan (G.). — Astronomie . . . . . . . . . . Broca (A.). — Les organes de la Télégraphie sans fils. 507 | Deuérain (H.). — Géographie et Exploration . Connu (A.). — La Théorie des Ondes lumineuses. Son DEHÉRAIN (P.-P.). — Agronomie. . . . . . . . . .. influence sur la Physique moderne ..: . . . . . . DAAN RETARDS) == 1C IIIe ENTRE Corrox (A.). — L'aspect actuel de la loi de Kirchhoff . 102 | Freperico (L.). — Physiologie. . . . . . . . . . . - Curie (Me S.). — Les Rayons de Becquerel et le Polo- ISHARIMANNUHE) EE ICRITUTEIe EE PE A Nr TETE A LT SEE ln 7 ER Le 41 HAUT) GÉOlO pie EAU ONE NON MORE GUILLAUME (CR: -Ed.). — L'échelle du Spectre . . . . 5 | KoEurer (R.). — Zoologie. . . . . . . . PoixcaRE (L.). — Revue annuelle de Physique. 387 | LAGuEsse (E.). — Anatomie. - : . VizarD (P.). — La formation des rayons cathodiques. 3010) M DETTENNE (A) Médecine RTE CREER VINCENT IG) — Les couches de passage et le rayon POINCARÉ (L.). — Physique . ==. dachvitemmoléCUaITe PEN I RU 418 LTÉE ” SCIENCES MATHÉMATIQUES Bu (E.) et Rozret DE L'IsLe (M.). — Manuel de l'Ex- plorateur. Procédés de levés rapides et de détail ; É : détermination astronomique des positions géogra_ Mathematiques. PhIques SE RER ER ERNEST LAroucE (Général). — Essai synthétique sur la Forma- Axpoyer (H.). — Lecons élémentaires sur la Théorie tion du système solaire. des formes et ses applications géométriques. 197 1re partie : Formation du système . . . . . . . Braxcar (Luigi). — Vorlesungen über Differential-Geome- Le8ox (E.). — Histoire abrégée de l'Astronomie. ÉTIENNE 362 | TISSERAND (F.). et ANDOYER TH). — Lecons de Cosmo Czuser (Em.). — Vorlesungen über Differential und In- graphie (2 fEéTMION) MEME TE CESR EE Énarerinne TER ET RE 526 Duronco (E.). — Premiers principes de Géométrie mo- . s ù Fr derne à l'usage des élèves de mathématiques spé- | Thermodynamique, Mécanique générale ciales et des candidats à la licence et à l'agrégation. 598 | et Mécanique appliquée. Excez (Friedrich) et SrackeL (Paul). — Urkunden zur | Geschichte der nichteuklidischen Geometrie. I. Ni- | Baner-River (M.). — L'aéronautique. . . . : . . . . colaj lwanovitsch Lobatchefskij (1re partie : tra- | Bauony pe SAUNIER (L.). — L'Automobile théorique et duction de ses œuvres; 2° partie : Remarques sur | pratique. Traité élémentaire de Locomotion à mo- la vie et les travaux de Lobatchefskij) . . . . . . 145 teur mécanique. Frrocourt (G.). — Tables de Logarithmes à six déci- JMotocycles et VOIEUreLES 2.0 RC males pour les nombres et les lignes trigonométri- Bazin (H.). — Expériences nouvelles sur l'écoulement ques et tables de navigation . . . . . . . . . . RTE en déversoir, exécutées à Dijon de 1886 à 1895. Fourney {E.). — Récréations arithmétiques . . 598 | Bouzvin (J.). — Cours de Mécanique appliquée aux Ganavcocnea (M.-W.) — Calculo binomial (Analisis machines. 8° fascicule : Appareils de levage ; frans- trascendente del Binomio) . . . . . . 962 wission du travail à distance. . . . . . : + > … Genoccur (Angelo). — Differentialrechnung und Grund- Bouruer (C.). — La Bicyclette. Sa construction et sa züge der ntegralrechnung. {Or 5-2". MN MONSIEUR PE NON RER Jre TA RS dd qu. 441 | Damour (E.). — Le chauffage industriel et les Fours à 2RUDAT HE.) =. REC CET 832 CCR EM MO TS + 24e Laussenar (A.). — Recherches sur les Instruments, les | Dariës (G.). — Calcul des canaux et aqueducs KT Méthodes et le Dessin topographiques. I. Aperçu Foppz (A.). — Vorlesungen über technische Mechanik. historique sur les instruments et les méthodes. La I. binführung in die Mechanik . PRE - Topographie dans tous les temps. . 637 | GrarriGny (H. de). — Les moteurs légers er Mac-Auray (Alex. — Octonions. A development of Kwar (Géorgia). — Les secrets de fabrication des mo- Clifford's Biquaternions. . . . . . . . . . . . . . 183 teurs à essence pour motocycles et automobiles. Maupin (G.). — Opinions et curiosités touchant la Ma- Massau (J.). — Cours de Mécanique. . . . . … . . . tématiques.rerce ce re 164 | Maux (baron de). — Les bandages pneumatiques et la Ocacse (M. d')} — Traité de Nomographie (Théorie résistance au roulement . +". des Abaques. Applications pratiques). - 326 | Poincaré (H.). — Cinématique et mécanismes. Potentiel Ovrramane (G.). — Calcul de généralisation Bone dE »98 | et mécanique des Eluides FENTE Suiru (W. B.). __ Infinitesimal Analysis, I. Elementary. SEYRIG (T.). — Statistique graphique des systèmes Real variables t. 6. AMC ELU Rte J0 | triangulés. I. Exposés théoriques. Il. Exemples d’ap- Tiknomanprirzki (M.). — Cours de la Théorie des Pro- plications re RS PERRIER Habililés-(en russe). 702 Mu EL ae 598 | VaëLier (E.). —L Artillerie. Matériel et organisation WegEr (Il). — Traité d'Algèbre supé Heures LE AÆR0S 16% Wzrrz (A.). — Traité théorique et pratique des moteurs à gaz et à pétrole et des voitures automobiles, t. III. Astronomie et Météorologie. | 0 Axoré (Ch.). — Traité d'Astronomie stellaire. 2; SCIENCES PHYSIQUES ire partie : Etoiles nb PP Mes CCD 616 | ; Ansuame pour l'an 1889 publié par le Bureau des Lon- . | Physique. BIDON. eur eee Ce ete. à 28 | Barrenmaxn (H.). — Resultate aus den Polhhüenbes- | Aupous (J. C. P.), Eccar (W. D.) et BarreLL (F.-R.). — timmungenin Berlin angefübrt in den Jahren 1891 An elemantary course of Physics. . . . . . . . . und 41892, RARE ET RENE 362 | Augusson DE CavaRLaY (E.). — Cours d'Electricité pro- fessé à l'Ecole d'application du Génie maritime. TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 977 Taucuor (P.). — L'éclairage à incandescence par le gaz et les liquides gazéifiés. . . . . … . . . . . KE 611 I. Lois et théories usuelles. Unités et mesures électriques. Dynamos à courant continu . . . + . BeauLarD (F.). — La ,décharge électrique dans les gaz raréfiés (Rayons de cathode et rayons de Rôntgen). BrocA (A.). — La Télégraphie sans fil . . . . . . . . Bruxez (G.).— Les Agrandissements et les Projections. Bourzmanx (Ludwig). — Lecons sur la Théorie des gaz. {re partie : Théorie des gaz à molécules mono- atomiques, de dimensions négligeables par rap- port au parcours libre moyen. 2 partie : Théorie de Van der Waals. Gaz à mo- léeules polyatomiques. Dissociation des gaz. Re- marques HnaleS EN EE ECTS ne ae le Cozsox (R.). — La Photographie stéréoscopique . . . . Cousrer (E.). — Les Compteurs d'Electricité . . . . . Durgr. — Recueil de données numériques. [. Longueurs d'onde. Indices des gaz et des liquides. Il. Pro- priétés optiques des solides . : . . . . . . . UE Fasry (Ch.). — Lecons élémentaires d'Acoustique et MO PAIQUE NET EL LEE Écrits craie FonvirLe (W. de). — Les Ballons-sondes et les Ascen- SIONSUDÉeNNALIONAIES Eee -MEeU oem ue Jaxer (P.) (Préface de). — Une excursion électrotech- MATE CRESUISSE Eee. EE EUR TI PET OEUTIeME EX CUTSION AE METRE Lippmanx (G.). — Unités électriques absolues. . . . . Mascarr (E.). — Lecons sur l'Electricité et le Magné- tisme. II. Méthodes de mesure et applications . . . Mowricor (L.). — Télégraphie pratique. Traité com- plet de Télégraphie électrique . . . . . - : . - . Moureu (Ch.). — Détermination des Poids moléculaires (Constantes physiques utilisées) . . . . . . . . . NEuMaANx (Dr Carl). — Die Electrischen Kräfte. Darle- gung und Erweiterung der von hervorragenden Physikern entwickelten mathematischen Theorien. I. Die durch die Arbeiten von Ampère und F. Neumann angebahnte Richtung. Il. Ueber die von Hermann von Helmholtz in seinen älteren und in seinen neueren Arbeiten angestellten Untersu- CHUTES Jon Me eds dr Re LOU eee tee Roper (J.). — Distributivn de l'Energie par courants BOY HAS CR PAR NT ee ST Ne 7e SaporTA (A. de). — Physique et Chimie viticoles . . . SeyeweTz (A.). — Le développement de l’image latente en photographie. . . . . . . . MES RUE Ur ete Trurar (E.). — La Photographie animée . . . . . . . Chimie. Bertuezor (M.). — Station de Chimie végétale de Meudon (1883-1899). Chimie végétale et agricole. . BertaeLzor (M.) et JunGrcerscu (E.). — Traité élémen- taire de Chimie organique, t. [ . . . . . . . . . CaarAgoOr (E.). — Les parfums artificiels . . . . . . . Cuaragor (E.), Duronr (J.) et Pier (L.). — Les Hui- les essentielles et leurs principaux constituants. . Carxor (Ad.). — Traité d'analyse des substances miné- rales. T. I. Méthodes générales d'analyse qualita- hiveretiquantitatives 77 +, ,,... 2. ce Dupowr (J.) et Freunozer (P.). — Manuel opératoire de Chinerorganique dre 4 D EE Errronr (Jean). — Les Enzymes et leurs applications . Frerz (Ed.). — Les Recettes du Distillateur. . . . . . Garçon (J.) —- Les Sources bibliographiques des SCIENCES ICHIMIQUES 2752 Te cr NU ipe Gaurier (Armand) et ALBanary (J.). — Cent vingt exer- oices-de Chimie pratique. +. .-. . 5... . GiraN (H.). — Traité élémentaire de Travaux pratiques de Chimie A 36 A Girarp (Ch.) et Cunrasse (L.). — Manuel pratique de l'analyse des Alcools et des Spiritueux . . . . . . Huwwec (J.). — Manuel pratique du Teinturier. . . . . LARBALÉTRIER (A.). — Le Beurre et la Margarine. . . . Le VerRiEn (U.). Lévy (Lucien). — La pratique du Maltage . . . . . . . No (Ch.), DURANNEAU (L) et Triapou (L.). — Les In- dustries agricoles : Brasserie, Distillerie, Sucrerie. OsrwaLo (W.). — Précis de Chimie générale (en alle- RO EE AE en one Ne pee de RiBan (J.). — Traité d'Analyse chimique quantitative DELAEIECILOLVSÉ ME dun coder ere Er ie ROCQUES Vas — Les Eaux-de-vie et les Liqueurs . . . Saxsoxe (Antonio). — Progrès récents dans la Teinture et l'impression des Tissus de coton et d’autres Ares He ReCiCUIe EM EU RE er OR ae SAporrA (A. de). — Physique et Chimie viticoles. + . . 3° SCIENCES NATURELLES Géographie, Géologie, Paléontologie. Beresrorp (Lord Charles). — The break up of China. . 715 Lapparenr (A. de). — Lecons de Géographie physique . 118 — Cours de Minéralogie (3° édition) . . . . . DRE er 0 — Traité de Géologie (4° édition), fase. let 11. . . . . 96% Lauxay (L. de). — Recherche, captage et aménagement des sources thermo-minérales. Origine des eaux thermo-minérales. Géologie. Propriétés physiques EL CHIMIQUES ee EN LUE ar ge) Ruror (A.) — Sur l’âge des gisements de silex taillés, découverts sur le territoire de Haine-Saint-Pierre, Ressaix, Epinois, etc., canton de Binche, province de Hainaut (Belgique) . .’. : . . . . . . AAA GNT Scmirmer (H.). — Le dernier rapport: d'un Européen sur Ghät et les Touareg de l'Air. (Journal de voyage d'Erwin de Bary, 1816-1871). . . . . . . : . . . . 30 Suirnov (J.-N.). — Les populations finnoises des bassins de la Volga et de la Kama. Etudes d'ethnographie DISTOTIQUE EE ME EN NN ER 14 Waurers (A.-J.). — L'Etat indépendant du Congo. . . 363 Botanique et Agronomie. BenrauLr (F.). — Les Prairies. Prairies naturelles. Pä- turages. Feuillards et Ramilles. . . . . . . . . . 716 BrcrarD (R.) et Jacouix (A.). — Flore des champignons supérieurs du département de Saône-et-Loire. 250 Danrez (Lucien). — La Variation dans la greffe et l'Hé- rédité des caractères acquis PAR SPRL LEP 600 Denérai (P.-P.). — Les Plantes de grande culture. 165 Grèce (J.). — Les Cultures en pots du Jardin botanique LeLOUVAINE Se Ne LR RE EN EN NE RR 160 JosrGexseN (A.). — Les- miero-vrganismes de la Fer- Menthbon ee EU de EN re Rce 21 Lecomre (H.). — Les arbres à gutta-percha, leur cul- ÉTÉ RE RS ed ete Male Lol ray 678 Ségire. — Les plantes utiles du Sénégal. . . . . . . . 639 Zoologie, Anatomie et Physiologie de l'Homme et des Animaux. Bousocer (EF. — Recherches cryoscopiques sur le Sérum sanguin. La Plasmolyse et l'Isotonie chez les éres iv an ts M SNS NE 192 CavaLté (M.). — De l'innervation du diaphragme (Etude anatomique et physiologique). . . . . . . . . . 166 DakuyL (H.-N.). — Physiologie raisonnée. . . . . . - 599 Deschamps (Em.). — La vie mystérieuse des Mers. . . 250 Drerckx (Fr.). — Etude comparée des glandes pygi- diennes chez les Carabides et les Dytiscides avec quelques remarques sur le classement des Cara- Dides ee SAS TS ARR PET rs ee 528 Every (Carlo). — Compendio di Zoologia . . . . . . . 485 Henzen (A.). — Causeries physiologiques . . . . . . . 619 Laggé (A.). — La Cytologie expérimentale. . . . . . . 287 Le Dovece (A.-F.). — Rabelais anatomiste et physio- JOBS te RE EC er 449 Mercier (D.). — Les Origines de la Psychologie contem- DOTE ENS RE Nr es ERCE 31 Mrcmec (Aug.). — Sur la Régénération chez les Anné- lides: PRE RSR EN NE RENTE D DD el Ce Morar (J.-P.) et Dovon (M.). — Traité de Physiologie. Fonctions de nutrition. Circulation. Calorification. 251 Pacès (C.). — Les méthodes pratiques en Zootechnie. 449 Perrier (Rémy). — Cours élémentaire de Zoologie. . . 741 Pizox (A). — Etudes biologiques sur les Tuniciers COlORIAUX IX CS M ER RE CN: C2 924 4° SCIENCES MÉDICALES Chirurgie, Gynécologie, Ophtalmologie. Baugy (D.). — L'Occlusion intestinale. . . . . . - . . 251 -Dupcay (S.). — Cliniques chirurgicales de l'Hôtel-Dieu. 405 978 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES a ——_—_—]_——— "T1, TS Un professeur à l'Université de Pavie, de 432 à 1472 Gavue (L.). — Essai sur la maladie de Basedow. GIRAUDEAU (C.). — Des Péricardites. . . . . . . . . . Hanotte (M.). — Anatomie pathologique de l'oxycé- DRAM SEE TENUE RP EE LABORDE (J.-V.). — Léon Gambetta, biographie psycho- logique. Le cerveau, la parole. La fonction et l’or- gaue. Histoire authentique de la maladie et de la OT ru SR EUNe Menus: le A D OT PS LE Danrec (F.). — La Bactéridie charbonneuse { Assimi- lation, Variation, Sélection) . . . . . . . . . . . Lyox (G.). — Traité élémentaire de clinique thérapeu- TTUC ESS ee ce me PEOMON AMOR CS UE TE. Nicoze (M.). — Matières colorantes et microbes Nocarn (Ed.) et Lecramcne (E.). — Les maladies mi- crobiennes/des animaux... Un OGxer (J.). — Traité de Chimie toxicologique . . . . . OnLuüLcer (W.). — Guide pratique pour l'analyse de LG AU NAE TON PETER RSR PSS TE Pertr (G.). — Pour nos enfants. Conseils d'Hygiène 5° SCIENCES DIVERSES Cuarcrev-Bert (J.). — Les compagnies de colonisation sous l’ancien régime. . . . . . . . Caarces-Roux. — Notre marine marchande, . , . . . Dupors (M.) et Guy (C.). — Album géographique. I. Aspects généraux de la nature. Il. Régions tropi- cales. IIL Régions tempérées Gnanne ExcycLorénre. — Inventaire raisonné des Lettres, des Sciences et des Arts. 093°, 594e, 595e, 596 et 597 livraisons : . . . . 2DEÉVOIUNE ES Re ER US RP ORNE Josr. — Annuaire de l'Enseignement primaire. 16e année, (LAUOREE. AT ARE RE Re Le Box (G.). — Psychologie du Socialisme. . . . . . PARMENTIER (A.). — Album historique. I. Le Moyen- Age (du 1v° à la fin du x siècle). I. La fin du Moyen-Age. III. Les xvre et xvrre siècles DErEIus (A... Thèses pour le Doctorat présentées à la Faculté des Sciences de Paris (1898- 1899), et analysées dans la « Revue » en 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES BaiRE (B.).— Sur les Fonctions de variables réelles. . Dracu (J.), — Essai sur une théorie générale de l'inté- gration et sur la classification des Transcen- an tes EME Tu CR ru ER IS IT TETE Marorte (F.). — Les équations différentielles linéaires et la théorie des groupes. . 2° SCIENCES PHYSIQUES (PHYSIQUE ET CHIMIE) Cacro (J.). — Mesures sur le microphone. . . . . D CavaLiER (J.). — Recherches sur les éthers phospho- TIQUES EE SE UN SET ÉD RC TS RETRE DEMERLIAC (R.). — Recherches sur l'influence de la Pression sur la Température de fusion . . . . . . DowGiEr (R.).— Pouvoir rotatoire du quartz dans l'infra- rouge — Variation de la biréfringence du quartz avec la di- rection de la compression. : Jarry (R.). — Recherches sur la dissociation de divers composés ammoniacaux au contact de l'eau . . . LarAy (A.). — Sur la Polarisation de la lumière dif- fusée parrleverre dépoli MA ENS ER NENT | Merxer (R.). — Sur quelques composés du Sélénium etidusDelures EME, re REC IOREE MourLor (A.). — Recherches sur les sulfures métal- HŒUES ETS E RS RENTE ENT EEE 3° SCIENCES NATURELLES Axauprut (M.-A.). — La partie antérieure du tube di- gestif et la torsion chez les Mollusques gastéro- DOUES MT LEE EE RE Axasrasit (V.). — Contribution à l'étude géologique de la Dobrogea (Roumanie). Terrains secondaires. . Bornivant (A. — Recherches sur les organes de rem- CuiGxy (A.. — Vertèbres et Cœurs lymphatiques des Ophidiens A AN CE EEE s CouriÈre (H.. — Les Alpheidæ. Morphologie externe — Recherches géologiques dans le Sud de l'AraronS as ne MN Te OM ES GaucHERY (P.-A.). — Recherches sur le nanisme végétal. GErRgEer (C.. — Recherches sur la maturation des fnUitSICDATNUS 8 CCE GRÉLOT (P.). — Origine botanique des caoutchoucs et guttas-perchas. (Thèse presenlée au concours d'Agré- galion du 20 mai 1899.). . . . . . 3 De CEE LécaiLzox (A.). — Recherches sur l'œuf et sur le déve- loppement embryonnaire de quelques Chrysomé- Des em mr nee PIC TS ST IE MicneL A.) — Recherches sur la Régénération chez les AmnÉlides 252. Re TNT Porovicr (V.). — Etude géologique des environs de Campuluog et de Sinaia (Roumanie) . . . . . . . SEuRAT (L.-G.. — Contributions à l'étude des Hymé- noptères entomophages 402 13 13. C / TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES IV. — ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L’ETRANGER Académie des Sciences de Paris Séances des 12 décembre As). 7. — 19-26 — — SE janvier 1899 2. 16 Es EE — 23 = = LA 30 Le 4 février — = 13 =, Le ss 20 5 = == 97 LE, = : mars — 2 ; Lu a: — 20 — 22 LS 97 L” æ- — 4-10 avril — 2 171 en A es 24 — ET = 1er° inai _— 3 juillet 10 — an — Le 9% ur == ee 31 ea 23 — 7 août — L LE _ S ES x 4 septembre — — 11-18-25 = — _ 2 octobre —— — 9-16 — —_ _— 23-30 — — novembre — Le 43 PE 3 es 20 es as ge 27 Æs = _ 4 décembre — 23 1 = Le Académie de Médecine Séances des 13-20-27 décembre 1898 , . Ë janvier 1899 — 10-17-24 -- — a == 31 Lx — — ï février _ Æ 14 e, = En = ms — 1-14 mars — Le 21 LE = es 28 = == — fe avril — — 4118-25 — = — 2 ai — — 9-16 = == = 25-30 En + — 6-13-20 juin — 2 27 ts Li — 4 juillet — — 11-18 — EE — = 25 = = — 19 septembre — + 26 = 2. — 3 octobre — — 10-17-24 — —_ = 31 = E — 1 novembre — — 14-21 — — Séances des ii M Séances des Séances des 28 novembre ; décembre 12 — 1899 Société de Biologie 10-17-24-31 décembre 1898 1-14 janvier 1899 2 ” es 28 — — 4-11-18 février — 25 — — 4 mars _ -18-25 _— = b-22-29 avril — 6 mai — 13 — a 20-27 — = 3-10 juin — 17 = 2% — — Aer juillet — S = La 15 — — 22-29 — — 1 octobre — 14-21 — — 28 _ = 4 novembre — 11-18 — — 25 — ee 2-9 décembre Société française de Physique 18 novembre 2 décembre 16 — 6 janvier 20 _ 3 février 17 — 3 mars 17 — 21 avril 5 mai 19 — 2 juin 16 7 juillet 3 novembre 7 Société Chimique de Paris 25 novembre 9-23 décembre 211 janvier 10-24 février 10-2% Inars 1% avril 28 — 12 mai 26 _ 9 juin 23 — 28 juillet SECTION DE 30 novembre 25 janvier 25 — 15 mars 15 — 31 ruai 31 27 juillet 1828 1809 1898 1899 | | = NANCY 18992 1898 (suite). — (suite). — (suite). — (suite) : 979 980 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Société Royale de Londres Communications; "4022 Am PRE FR. Société de Physique de Londres Séances des (TT ER Pate novembre décembre janvier février mars avril mai juia octobre novembre décembre 1898 3) Société de Chimie de Londres COMMUNES MEME. RSR OPEN PR RER EE Séances des 3 — 17 == aer-15 — 19 — 2 -- 2 —— 16 — ©) — 16 = 29 Æ 29 = 4 — 18 = 4er — jer — 15 — 15 — 15 Communications Séances des 2 — 16 novembre décembre « janvier février novembre 1898 Académie des Sciences d'Amsterdam Séances des [ETES An EE Communications Séance du novembre décembre janvier février mars septembre A: B., 281. A, M., 250. Abadie, 204. Abelous, 452, 564, 602, 969. Abney {W. de W.), 684. Abraham, 294, 366, 367, 452, 533, 603, 884, 929. Achalme, 79, 565. Achard, 169, 204, 407, 882. Ackroyd, 206. Addenbrooke, 490, 840. Adie, 535. Adrian, 18, 80, 921. - Adriani, 536, 800. Aignan, 836. Albahary, 362. Albarran, 253, 293, 602. Albert de Monaco (Prince), 121. Aldous (J. C. P.), 164. Allain-Le Canu, 564. Allen, 491, 535. Alvy, 369. Amagat, 252, 290, 367. Amaudrut (M.-A.), 198. Amthor (Dr Carl), 467 à 474. Anastasiu (V.), 449. Andeer, 831. Andoyer (H.), 197, 922. Andrade, 325, 926. André (Ch.). 11, 616, 680, 149. André (G.), 203, 366, 367, 369, 454. Anglas, 910. Apéru, 968. Apostoli, 562, °65, 970. Appell, 450, 642, 681. 749, 194, 836. 927. Appleyard, 206, 411, 931. Arloing, 532, 643, 195, 883. Armagnat, 366. Armaingaud (Dr), 408. Armstrong, 207. 648, 885, 931. Arons, 205. Arrous, 882, 928. Arsonval (A. d'), 120, 170, 252, 452, 563. Arth, 606. _ Arthus (M.), 498 à 506. Ashton, 561. Aston, 454. Astruc (A.), 969. Athias, 409. Aubusson de Cavarlay (E.), 638. - Auché. 326, 837. : Auden, 568. Auerbach (B.), 330 à 741. Auffret, 325. Auger, 80, 453, 644, G45. Auscher, 566, 643. Autonne (L.). 13, 201, 402, 526, 558, 598. Ayrton, 206, 840, 885. B Babes, 122, 602. Babinski, 451. Bacaloglu, 883. Bach, 169. 1, Les noms imprimés en caractères gras sont ceux des auteurs des articles ori- ginaux. _Les chiffres gras reportent à ces ar- ticles. | Barrett, 840. Bacoucea, 602. Bagard, 18. Bagnall, 83. Baillaud, 33, 77, 641, 926. Baire (R.), 402, 967, 968. Baker, 932. PRES Roozeboom, 83, 332, 536, 800. 1. Balbiani, 609, 643. Balland, 641, 795. Ballet (Gilbert), 204. Balthazard, 169. 488, 927. Banet-Rivet (M.), 248. Barbier, 18, 711. Bar! (L.), 192. Bardier, 294. Barette, 293, 451. Barillot, 253. Barral, 562. Barrell (F.-R.), 164. Barrier, 838. ; Barthélemy (Dr), 533. Barton, 206, 411, 490. Bary, 324. Bassot (Général), Battelli, 291, 293, Battermann (H.), Batz (de), 970. Baubigny, 33, 71, Bauby (D.), 251. Baudon, 408. = Baudouin (Lt.-col. A.), 750. Baudouin (Marcel), 321. Baudry de Saunier (L.), 616. Baume-Pluvinel (A. de la), 168. Bazin (H.), 145. Bazy (Dr), 326, 643. Beaugé, 205. Beaulard, 602, 746. Beauverie, 293, 451. Béclard (J.), 79. Béclard (P.-A.), 79. Béclère, 34, 604. Becquerel(H.), 120, 292, 327, 881, 967, 968. Beeton (Miss Mary), 838. Béhal, 80, 530, 837. Bellaar Spruyt, 312. Belugou. 295. Bemmelen (J.-F. van), 888. Bemmelen (J.-M. van), 256. Bemmelen (W. van), 886. Bémont, 33, 368. Bénech (Elophe), 293, 863 à 869. Benoit, 294. Bérard (L.), 796, Beresford (Lord Ch.), 115. Berezowski, 408. Berg (A.), 290. Berger (E.), 926. Berger (P.), 325, 408, 604, 642, 195, Bergeron, 910. Berget (A.), 881. Bernard, 750. Bernard (L.), 19. Bernard (N.), 451. Berry, 111. Berthault (F.), 716. Berthelot (D.), 202, 252, 253, 292, 450, 452, 643. Berthelot (M.), 33, 11, 120, 169, 259, 290, 291, 292, 324, 366, 403, 411, 454 294, 533. 836. 362, 927. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS" 487, 564, 602, 642, 680, 681, 749, 832, 836, 881, 882, 967, 968. Bertrand (C.-E.), 795. Bertrand (Gabriel), 292, 369, 642, 942 à 944, 969. Bertrand (L.-E.), 170, 451. Bes, 123, 886. Beudon, 32, 450. Bevan (E.-J.), 535. Bevan Lean, 932. Beyerinck, 84, 888. Bezancon, 204, 533, 565, 642. Bianchi, 169. Bianchi (Luigi), 362. Bigeard (R.), 250. Bigot, 118. Bigourdan (G.),197, 346 à 319, 407, 842, 926, 968. Billy (E. de), 403. Binaud, 831. Binet, 325, 532. Binot, 488. Blaise, 80, 120, 290, 369, 564, 644, 927. Blakesley, 206, 568, 971. Blanc, 369, 564, 644, TIT, Bleicher, 34. Blim (E.), 197. Bloch (A.-M.), 20%. Blondel, 32, 35, 205, 291, 530, 194, Blondin, 929. Blondlot, 325, 531. Blumenthal, 78. Blutel, 108, 291. Bodin, 531. Bodroux, 80, 369, 370. Boeckel, 831. Bohlmann, 441, 832. Bohn, 883. Boinet, 605, 883, 928. Boirivant (A.), 192. Boisson, 19. 927, 969. 295, 324, 452, Bollemont (Grégoire de), voir Grégoire de Bollemont. Boltzmann (Ludwig), 29, 32, 455. Bone, 206, 536, 885. Bonjean, 406. Bonmariage, 150. Bonney, 118. Bonnier (G.), 122, 408. Bonnier (P.), 294. Bool Stott (Mme A.), 152, 799. Bordage, 563, 565, 603, 117, 749. Bordas, 121, 366. Bordier, 531, 562. Borel (A.), 406. Borel (E.), 32, 168, 202, 253, 451. Borgman, 201, 407. Bornet, 33, 292. Bouasse, 168. Bouchard, de Bordeaux (Dr), 293. Bouchard (Ch.),18, 122,205, 530, 642,64 9928. Boudouard, 18, 168, 293, 295, 410, à Boudouy, 292. Boudréaux, 324. Bouffe, 643. Boule, 253, 408. Boulet, 750. Boulvin (J.), 832. Bouquet de la Grye, 149, 963, 968, Bourcet, 80, 252, 406, 882. 982 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Bovrrget, 33, 641. Bourgon (de), 120, 122. Bourlet (C.), 714. Bourquelot, 450, 604, 642, 643, 680. 831, S83. Bousquet. 204, 792. Boussinesq, 292, 324, Boutin (Aug.), 908. Boutroux, 33, 34. Bouty, 602, 603. Bouveault, 453, 454, 564. Bouvier, 364, 486, 968, 969. Bouwman, 881. Bouyssoun J.), S28 à S31. Bovet, 643. Bower, 646. Boyer, 14. Boys (C.-V.). Bra, 565. Brabant (H. de), 561. Bradfort (J. R.), 683. Branly, 33, 205, 294, 324, Braquehaye., 566. Brault, d'Alger, 171. Braün, 79. Bréaudat, 530. Breugues, 910. Breteau, 291, 295, Briot, 486. Brillouin (M.), 29, 169, 368, 922, 96% Brizard, 205. 603. Broca (André), 35, 169, 507 à 510, 923, 968. Brochet, 253 Brooke, 2: Brouardel, 565, ne Brown (Harold), Brown Rose e TS sp 1. Browning, S1. Bruce, SI. Brunel (G.), 639 926, 927, 967. 206, 840. , 453, 324, 454. 202, 294, 29, 170, 51, 488. 1, 150, 195, 592, 831, 642, 6 604, 927, 969. Brunbes (B.) Brunhes (J.) 249, : HE Brunuon, 204. Bruyn (B. de Buard, 19. 791, 818. > 25D- Bucquoy, 532. Budin, 293, 642. Buffard, 750. Buguet, 602, 795. Buisine (A.), 252 Buisine (P.), 252, 324, Bunsen (R.-W.-E.) Bureau, 406. Burgess, 680. Busche (E.), Byl, 858. 680, 967. CE, 419: Cade. 605. Cahen, 33, 80. Callandreau (0.), 253, 324 Callendar, 535. Calmette, 122. Campbell, 931. Campbell Swinton, 411. Camus, 487, 60%. C aralp, 188. Cardinaal, 256. Carnot (Ad.), 29, 121. Carnot (P.), , 910: G { { (à C C: Ce arpentier, 366. arrière, 204. larrion, 293. artier, 204, 883 arvallo (E.), 327. aspari (E.), 530. lastaigne, 294, Castai in, 831. Cathelineau, 369, Catrin, 532. Caullery, 202, 203, 195, 882. 150, 93 195, 836. 109, 203,1253 565, 883, je Cauro (J.), 605, 644 Causard, 604. Causse, 120. Cavalié (M.), 166. Cavalier (J.), 80, 411, 448. Uazeneuve (P.), 32, 205, 206, 291 324, 454, 996. Cazin, 405. Chabaud, 795. Chailley-Bert (J.), 209. Chalot (C.), 127, 48% à 489. Chambon, 34, 604. Chambrelent, 204. Champetier de Ribes, 643. Chancel, 168, 711. Chantemesse, 204, 452. Chapelle, 454. Chapman |E.-M.), 533, 568. Chapmann (D.-L.), 412, SS6. Chappuis, 645. Charabot (E.), 205, 295, 878. 881, 92 Charbonnier, 603. Charier, 170. Charles-Roux, 288. Charon (E.), 80, 206, 454, TAT, 718. Charpentier (A.), 530. Charpy (A.), 449. Charpy (G.), 30, 924. , 191. 12 , 969. 882. 292, 361, 185 Mills, 2 252. Milton Rich, 608, 932, Minet (Ad.), 407. Minguin, 123, ie 296, 486, 489 Mittag-Leffler, 45 Moissan | (H.), CA 204,%929852 4.502, 645, 195, 926. Moitessier, 310, 486. Molinié M. 119. Molliard, 997. Moncorvo, 19, 750. Mongour, 19, 643. Moniez, 204. Monod (Ch.}, 883, Monsarrat, voir Keith W. Monsarral. Montangerand, 641. Montillot (L.), 73. Moody, 255. Moor (James), 972. Morard, 452. Morat (J.-P.), 251. More, 136. Moreau, 168, 205. Morel, 32, 80, 203, Moreux (Th.), 201. Morlaux, 204. Morgan, 201. Morel- Lavallée, Morell, 412. Morestin, 604. Morton, 411, 490. Mosso (Angélo), 478 à 195. Motais, 409. Motet, 831. Mott, 641. Mouchet, 408. Moulin, 321. Mouneyrat, 32, 121, Moureaux, 18. Mourelo, 201, 2527 a00° Moureu (Ch + 2D2; Mourlot (! Moussu, 296. Mouton, 450. Muilder, 800. Muller (J.-A.), 967. Muller (P.-Th.), 111, 202-203, 118, 487, 606, 969. Munier-Chalmas, 532. 562, 195. 205, 295, 60}, 195. 290, 369, 633. 215, 321, N Nachtel, 532. Nageli, 718. Nageotte, 643. Naudin (Ch.), 291, Negreano, 202, 324. Netter, 533. Neumann (Dr Carl), 598. Newbury, 618. Nicati, 86, 969. Nicolas, 605, 796. Nicolle (M. 199, 294. Nicolle, de Rouen, 196. Nicolaiève (W. de), 603, 605, 749 Nimier (H.), Nocard (Ed.), 365. Noel (Ch.), 197. Noetling, 888. Norman Collie (J.), 567. (eo) Ocagne (M. d'}, 326. OEscher de Coninck, 32, 39, 203, 291, 565, 604. OEttinger, 367, 406. Offret (A. h ee à 554. Ogier (J.), Ohlmüller (De W.), 119. Olivier (L.), 2, 50, . AT4, Ollier, 170. 297, 462, 539. Oltramare (G.), 558, Onimus, 838. Orme Masson, 491. Orr, 454. Orton, 255, 561. Dole 331. Osmond, 168, 481, Oss (S. L. van), 256, Ostrogovich, 562. Ostwald | de 818 Ostwalt (F : 640. Oudin, a Oulmont, 643, Oumoff, 368. Pachon, 204. Padé, 882, 927. Pagel, 168, 408. Pagès (C.), #49. Painlevé (P.), 451, 531,563, 564, 882. 967. Palladine, 110, 488. Palmer Wynne, 81. Pamard, 409. Panas, 19, 122, Pannekock, 83. Parinaud (H.), Paris, 409. Parmentier, 406, 487, Partiot, 11. Patein, 169. Pathé frères, 533. Paulesco, 122. Peachey, 82, nu 882, 931:-932. Peano, 4#1, 832 Pearson, 191, S36. Péchard, 406, 530. Pélabon, 293, 45%. Pellat (H.), 120, 291, 292, 150, 486, 533, 883. Pellet (A.), 121, 168. Pellin, 294, 410. Penrose, 884. Pépin (le. P. ), 262. Péraire, 56. Perchot, 253, 641. Percy F rankland, voir Frankland (Per- cy). Périssé (J.), 128. Perkin (A. G.), 84, 648. Perkin junior (W. H.), 81, 330, 535, 068, 886. Pérot (A.), 121, 209, Perraud, 293, 450. Perreau, 961. Perrier (Rémy), 19, Perrotin, 836. Perry, 205, 885. Pervinquiere L.) Peterkin, 491. Petit (G.), 529. Petit (P., 8 à 20. Petot, 451, 562. C Petrovitch (M.)., 366, 194, 927. Petrovsky (A. A.) 201, 407 Petrucci, 150. Phillips (Percy P.), 886. Phisalix (C. 33. 9: 806 à S1S. 885, 98. Phragmén. Picard (Em.), 121, 487, Picart (L.), 563. Pichard (P.), 253 Picou, 294. Pierron, 717. Pigeon (L.), 74, Pillet. 205, 878. Pinard, 20%, 295, Pincherle, 201, Pinoy, 883 Pithkeathly, 207. Pitres, 643. Pitt, 412. Pizon (A.), 680, 681, Planck, 455. Plimmer, 683, Poehl, 367. Poincaré (A.), Poincaré (H.), :06, 836, 922, Poincaré 14). 123, 387 à 401, 115, 746. Poisson (G.), 11, 201, 170, 970. 167. 966. 294, 326, 409, 171, 330, 491, 568, 172, 255, 256, 881. 407, 450, 486, 141. SOL à 305. (2 204, 294, 565, 530. 79%. 531, 146, 192, 833. 109, 604, 837. 924, 719. 168, 367, 564, 150. 169, 262 à 269, 290, 165, 248, 294, Poisson (J.), 177. Polaillon, 79. Pollock, 681. Pompilian (Mlle), 488, 533. Ponsot, 369, 530, 564, 717. Pope (W. J.), voir Jackson Pope. Popovici (V.), 449. Popplewell Bloxam, 555. Porak, 928. Porcher, 295. Potain, 19, 643, 679. Potier, 836. Pouget, 411, 563, 564. Pouloumordwinotff, 293. Pouret, 32, 645, 795. Prenant, 288, 793. Prévost (J.-L.), 291, Prévot (E.), 638. Prillieux, 406, 407, 883. Proust, 110, 565. Prud' homme, : j Prunier (L. Puiseux, 562, 563. Punnett, 584. Purdie (Th.), 82, 207, 330, 412. 293, 836. Puscariu, 291, 367. Q Quint Gzn (N.), 799. Quinton (R.), 326. R Rabaud (E), 408, G02. Rabourdin, 121. Radais, 202. Radeau, 968. Raffy, 168. Raiïllet, 171, 20%. Railiiet, 449, 837. Rambaud, 32, Ramon, 294. Ramond, 643. Ramsay (W.), Ranvier (L.), 34 Raveau (C.), À F 410, 453 394, 367, 194, 926. 412, 494, 607. k, 18, 121: 193, 205, 254, 534, 884, 929. 368, 369, T, Ray (P.C.), 412. Ray Lancaster, 122,9252. Rayet, 71, 292, 717. Raymond, 532. Read (Harold M.), 971. Rebière (A.), 962. Reclus (Paul), 203, 295, Recoura, 602, 603, G#1. Regelsperger (G.), #4, 40, 261, 336, 163, 805. Regnault (F.), Reinders, 887. Remlinger, 566. Rémy, 326. Renault (A.), Renault (B.), 406. Renaut (Dr), 170. Renaut (J.), 458. 928. 169. 324. Renaux, 749, 794. Rendu, 604. Repelin, 366. Répin (D' Ch.), 365. Retterer, 19. Reverdin (A.), 837. Reverdin (F.), 370. Révil (H.), 969. Rey, 204. Reymond (E.), 200. Reynaud, 205, 370. Reynolds (J. Emerson), 412. Reynolds (W. C.), voir Colebrook Rey- nolds (W.). Riban, 206, 530, 923. Ribaucourt | Ed. de), 532. Ribaut, 366. Ribemont-Dessaignes, 883. Ribière, 77. Richards (G. H.), 201. | Sagnac (G.), 168, TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS ‘ Richardson (S.W.), 840. Richelot, 565. Richet (Ch.), 409, 452, Rieggenbach, 641. Rigaut, 641, 885. Righi, 71. Rigollot, 335. Riquier, 33. Risler, 121. Ritter, 487. Rivals, 750. Rive (L. de la aUts Robin (A.), 325, 532, 60%. Roché, 409, 488. Rochefort (o.), 34. Rocques (X.), 80, 198, 104, AA, AA à 4735, 599, 74 Te 921. Rodet (J.), 559. Roger (H.), 326, 488, 605,643,196, 837, 880. Romiée (D'), 451. Romme (D' R.), 383 à 386, 573 à 581, 618 à 6? 532, 927, 969. Roos (L.), 943 à 950 Rose (J.-L.), SRE Rose-Innes (J.), 81, 255, 534, 553 Rosenbusch, a Rosenhain (Walter), 682, 151. Rosenheim (Otto), 82, 330. Rosenstiehl, 367. Rosenthal, 204, 409. Ross (Ronald; ee Rossard (E.) 291, 324 Rosset, 411. Rothé, 836. Rothschild (H. de), 601. Rouilliès, 120. Roure, 326. Roussy, 409. Rouville (de), Roux (J.), 121, Roux (G.), 291. Rubénovitch, 487, 642. £ Ruhemann (Siegfried), S1, 82, 207, 568, 886, 931. Russel, 491. Rutherford, 254, Rutot (A.), GT. Ryan (Hugh), 932 605. 168, 837, 883. 329, S Sabatier, Sabrazès, Sacerdote, 108, 454, 603. 409, 970. 292, 459, 641. 932, 254, 528, 410, 605, S82, 926,1929° Saint Philippe (R. de), 408. Salomon, 883. Saltykow, 120, 121, Salvador, 531, 562. Sande Bakhuysen (H: G. 799. Sansone (Antonio), 448. 168, 562, 563, C03. van de), 336, | Saporta (A. de), 527, 599. Sappin-Trouffy, 602. Sauvageau (C.), 291, 79%. Savoire, 532. Scheppe, 447, 832. Schey, 332. Schidrowitz, 82, su Schiff (ROBES Schirmer (H.), 3 none 168, 408. Schlæsing fils NUE 121, 366. Schlumberger, Schneider, 750. Schoute (P. H.). 84, 12%, 256, 3172, 456, 152, 800, 888. Schrader (E.), 464 à 467. Schreinemakers, 84, 752. Schryver, 491. Scott, 412. Scrini, 170. Sébert (Général), 653 à 66%. Sébire, 639. 331, 392; Segond, 293. Seihachi Hada, 412. Sell (W. J.), 412, 886, 971. Sell (W. T.), 81. Senderens, 205, 408, 454. Sergent, 79. Servant, 97. Seurat (L.G.), 17, 639. Seward, 489. cuevee (Ac), Seyrig (T.), 320. Shelford Bidw ell, 566. Sicard, 488, 837, 928. Siertsema, 752. 677. _ Sissingh, 887. _ Skirrow, 886. Siniles Jerdan, 536. Smirnov (J.N.), 74 Smith (H.G.), 81. Smith (W.B.), 7190. Smits (A.), LES Snape (Lloyd), Sodeau, 567. Sonstadt, 82. Soulier, 563. , Sounders, 254. Soupault, 204. Soury (J.), 50 à 55, 312 à 350. Spalikowski (Dr Ed. ), 243 ct 344. Spiers, 885. Spivey, 171. Sprankling, 556, 885. Staeckel (P.), 291, 292, 745. enr Kipping (F.), 174, 172, 206, 608, Staplèton, 931. Stassano, 195, 836. Steele, 491. Stefanowska (M.), 563. Steger, 800. Stekloff, 168, Stephan, 324. Stephan (E.), 367, 922, Stephan (P.), 121. Stern (A.L.), 171. Stevens (I.P.), 255. Stiehl, 80. Stock (J.P. van der), 886. Streatfeild, 81. Sudborough, 206. Svante Arrhénius., 337 à 3472. Sy, 32, 324, 194, 926. Sydney Young. 80,81, 82, 253, 292, 366. 255, 536, 885. + Szarvasy, 291, 992. T Tanret (Ch.), 717, 881. Tanret (G.), 117, 881. - Tarry, 967, 968. Teisserenc de Bort, 292, Termier, 202, 293, 451. 564, 605, 680. … Terrier (F.), 200, 321. -Tétry, 487, 606. - Théohari, 19, 451, 970. Thiercelin, 204, 409, 565. Thierry (M. de), 641. Thomas, 205, 486, 196. - Thomas (A.), 605. 1 Thomas (P. Félix), 561. - Thomas (V.), 450, 562, 926. - Thompson (S. P: ), 206, 840, 885, 971. - Thomson (J.M.), 412. … Thorpe (3. F.), 1, 412, 886. Thorpe (T. E.), 41 - Thoulet (J.), 414, SL, 195, 928, 969. . Threlfall, 681. e : » Thybaut, 451. Tickle {Th.), 567. | Trillat (A.). | Tuffier, Tieghem (van), 71. Tiemann, 80, 295. Tikhomandritzki (M.), 598. Tilden (W. A.), 412, 972. Tillaux, 293. Tillo (A. de), 120. Tison, 532, 565. Tisserand (F.), 922 Tissier, 970. Tissot, 368. Tomlinson, 561. Tommasi, 406, Tommasina (Thomas), 32, 563, 967. Torkomian, 643, 837. Tostivint, 253 Touche, 532. Toulouse, 122, 204, 205, 533, 604, 605, 643, 837, Tourtoulis-Bey, 532. Trantom, 932. Travers (Morris W.), 566, 607. Treille (G.), 965. Trénel, 643. Trépied, 324, 927. Trevor Lawrence, 172, 330, 412, 568. Triadou (L.), 197. 18, 80, 201, 294, 326, 452, 927, 998, 970. 291, 406, 487, 927. Trotter, 411. | Truchot (P.), 671. | Trutat (E.), 483. Tsvett, 194, 795. 170, 383, 928. Turpain, 33, 836, 929. Tutton, 310, 454. Tzitzéica, 168, 253, 451. U Udall, 886. Ulry, 19, 204. Umbgrove, 564. Urbaïn (G.), 641, 66% à 623. Uselade (J.), 968. V Vaillant, 34. Valeur, 794. Vallier (E.), 286. 299, 486, 641, 881. Vallin, 79, 837, 970. Vallot (J.);, 548 à 554. Valude, 167. Vaquez (D' H.), 204, 308 à 346, 679. Varigny (H. de), 600, 679. Varnier, 643. Vaschide, 452,533,602,60#, 837, 928, 970. Vast, 450. Vedovelli, 453. Verley, 168, 369. Verneau (D'R. 9241. Verneuil (A.). 203, 486, 562. Verschaffelt, 121, 331. Vert, 120. Vessiot, 252 Vèzes, 80, 295. Viala, 326. Viard, 681. Vidal, 604, 643. Vieille, 292, 530. Vignon (Léo), 80,253, 291, 295, 367. Vignon (P.), 563. Vigouroux, 642. Villain, 451. Villard (P.), 121, 212, 327,328, 366, 369, 927. Villareal (F.), 662. Vincent (G.), 418 à 426. , 146 à 151,895 à 301 à 308, TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 987 Vincent, de Rochefort, 488 | Viré, 408. Vittenet, 295, 369. | Voiellaud, 168, | Vries (de), 122. Vries (Hugo de), 78, 968. Vries (J. de), 256, 331. Vuillemin (P.), 367. W Waals (J. D. van der), 83, 123, 256, 455 491, 536. Wade, 207. Waelsch, 325. Walker (James), 972. | Waller, 329. Wallerant, 34, 18, 202, 883. Williams (W. A.), Walsem (G. C. van), 256, 492. Watson, 5617. Watson (H), 206. Watson (W.), 840. Wauters (A. SRE 363. Waymoud Reid, 490. Weber (H.), 164. Weil, 19, 204, 532, 888. Weinberg, 79. Weineck, 602. Weisberg, 711. Weiss (G.), 202, 20%, 605 Weiss (P.), 53 à 63, 258, 409. Wertheimer, 251, 881, 970. | Whitehead, 206. Whitehead (C. S.) ge Whitehead (R. J. G ), Æ Whiteley (Mile M. A.) FO. Wiardi Beckman, 492. Widal, 532. Wiedemann (G. H.), 292. Wilderman, voir Meyer-Wildermun. Williams (P.), 972. 932. Wilson (C. T. R.), 838. Winckler, 492. Wind, 331, 456. Winter, 169. Witz (A.), 28, Mol 33 49 Wood (J. K. .), 7 Wood (T.B.), Wurtz (R.), 748 116, 287, 145, 832. Wyndham R. Dunstan, 171, 112, 329, 49, 491, 971. Wynne {W. Palmer), voir Palmer Wynne. Wynter Blyth (A.), 296, 648. Wyrouboff, 203, 486, 562. X | XXX. (Lt-Colonel), 497. Y Young (F.S), 535 Young (G.), 931. Faune (She Yung (E.), 407. Z | Zachariadés, 204. Zaremba, 406. Zeiller, 406. Zograf (N. de), 750. Zolla (D.), 166. Zwiers (H. J.), 152. TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES - CONTENUES DANS LES ARTICLES ORIGINAUX, LA BIBLIOGRAPHIE, LA CHRONIQUE & LA CORRESPONDANCE" A Acapnie. — L'— et le mal des montagnes. . . . . . 158 AcéryLène. — L'éclairage à l'—, système Blériot. so1 — L'application de l'— dissous à l'éclairage. . . . .. .845 ACIDE CAMPHONONIQUE. — L'Acide homocamphoronique ; PE C EM on Mn RE 6 92 ACIDE HOMOCAMPHORONIQUE. — L'— et l'Acide campho- NOHIQUE- NS CN CC de 892 Acer Au NickeL. — L'emploi de l— pour les tubes de ChaUÈrE EP NE Re 650 Acoustique. — Leçons élémentaires d'— et d'Optique. 287 ARÉONAUTIQUE. LE CL TE TR STE 248 AFRIQUE AUSTRALE. — Les Boers et les races de l—. s95 AGRANDISSEMENTS. — Les — et les Projections 639 Acricuzrure. — Congrès international d'—. ... . . . 540 AGRONOMIE. — Revue annuelle d'—. . . . .. 63 AR LIQUIDE Al ee = ee eee 173 ALBUM GÉOGRAPHIQUE. ST. Aspects généraux de la Na- ture. II. Régions tropicales. lil. Régions tempé- PÉBE 2 EE Ne UE CNE 2 966 ALBUM msrorIQuE. — 1. Le Moyen-Age (du 1ve à la fin du xure siècle). IT. La fin du Moyen-Age. III. Les XVI UE AVIS SIOCIES Pa EE ee 966 ALeummes. — La constitution des — et les travaux de l'Ecole allemande; les bases hexoniques. . . . . s9 Auguwoses. — La Valeur alimentaire des— et des Ex- traits de Viande Le Une ee CS 383 ALCOOLS D'INDUSTRIE. — L'état actuel de la DROAACNEn et de la consommation des —en France. S18 ALGÈBRE SUPÉRIEURE. — Traité d'—. . . . . . . 16% ALIMENTATION RATIONNELLE DU BÉTAIL. — Congrès inter- nattonalide RP EE Rte CA Ce CB AE ALLAITEMENT. — Hygiène NE ARE en des 601 ALpuelnÆ. — Les —. Morphologie externe et interne. Formes larvaires. Bionomie. . . : « « + .« .l. . 404 ALummium. — La conductibilité de l—. . . . . . . . 37 ANALYSE CHIMIQUE QUANTITATIVE. — Traité d'— par élec- ITOIYSE AMC Ci CR er UC NE LE 923 ANALYSE DE L "Eau. — Guide pratique pour LES: 119 ANALYSE DES ALCOOLS ET DES SPIRITUEUX. — Manuel pratique del RC ENS CA DES 136 AxarouE.— Revue annuelle d —. S69 — Précis d'— pathologique. ; 192 ANATOMISTES. — Association des —. . . . . . . . . . 126 AxéLines. — Recherches sur la régénération chez les— 250 — Sur la régénération chezles —. . . . . . . . . . 319 Aquepucs. — Calcul des Canaux et —. . . . . . . .. 877 ARABES TUNISIENS. — Les Prattteee médicales chez ES, St ir LE ARR EE ME EE 623 ARSENIC NORMAL. — L'— chez les animaux et sa locali- sation dans certains organes. . . . . . . eue» 097 ARTILLERIE. — L'—. Matériel. Organisation. . . . . . 286 — L'industrie de | — à l'étranger : Etablissements Wickers, à Sheffield, Erith et Barrow-in-Furness. 495 — Les desiderata de l'industrie de l — en France. . 538 ASCENSIONS INTERNATIONALES. — Les Ballons-Sondes et les = PNR EE RAT RE CEE 963 AspnaLtes. — La production artificielle des — 651 ASTRONOMIE. — Revue annuelle d'—. . - . . . VO A6 histoire abrogée Del A RE 962 AuromogiLe. — L'— théorique et pratique. Traité élé- pente de locomotion à moteur mécanique. MMofocyclesret Voiturettes Us 2er 676 AuromogiLes. — La deuxième POUR internationale d— SR ; 7 643 — à vapeur. Mdr te à lee AE 93% ‘ Les chiffres gras renvoient aux articles originaux. AuTOmORILISME. — L'état actuel de l'— : Are partie Abes MOLEUrS LENCO 2e partie : Les Transmissions. … . . - ©... 3e partie : Les Voitures . . LÉ NERE —M'étatactuellde LES Ne RE RE B BACTÉRIDIE CHARBONNEUSE. — La — (Assimilation, Va- riation, Sélection}. #15 00e RER BaLLoxs-Sonpes. — Les — et les Ascensions interna- tionales. y ELLE RE NME RRES BANDAGES PNEUMATIQUES. — Les — et la Résistance au roulements. NE Mec IS TE BASES HEXONIQUES. — La Constitution des Albumines et les travaux de l'Ecole allemande; les — . . . BEuRRE. — Le — et la Margarine . . . . . . . . . . BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE. — Les travaux récents de —. Le Répertoire bibliographique universe] de l'Institut international de Bibliographie de Bruxelles ct le Catalogue de la Société Royale de Londres. Breveuerre. — La —, sa construction et sa forme . . Bons. — Les — et les races de l'Afrique Australe. Boires DE CONSERVES. — La fabrication automatique des =: Et a RSA NO MEN BRasseRIE. — L'état actuel et les besoins de la — en France. fer res MENRERR EEE HQE — Les Industries agricoles : Distillerie, Sucrerie. . . BREAcK uP OF CiNA. — The —.,: . . . | BUREAU DES LONGITUDES. — Annuaire pour l'an 1899, PODHÉ PAIE RE EE 28, C Cacaoyer. — Conservation de la faculté gere des grainesttle, "nu Re à CALCUL DES PROBABILITÉS. — Réflexions sur le —. . CazcuLo BNoxIaL (Analisis trascendente del Binomio). CauwPpuLzuxG. — Etude géologique des environs de — et de’Singia-(Roumanie):. 0 MEN Eee Canaries. — Le Maroc et les —. . . . . : . . . . Canaux. — Calcul des — et Aqueducs.. . . . . . . . Caourcaouc. — Progrès dans la vulcauisation au sou- fre du 44 LS MERE TE PME EvrS à — Emploi de l'huile de maïs pour la fabrication d'un — Dj-artificieh:" 8 CTI EN ERE —"Latproduction = EM EEE Caourcnoucs. — Ürigine botanique des — et guttas- PÉRChES ES 1e 2e Mo ME A RENE CIRE TE 4 CARBURATION DU VENT au haut-fourneau. . . . . : . . CAUSERIES PHYSIOLOGIQUES LCL CO RE CENDRES PYRITEUSES. — L'état actuel et les besoins de l'industriesides =" MERE COR EE CÉRAMIQUE. — Nouveautés en —. . . . . . . . . . . CHAIRE DE MÉDECINE. — Une — au xv® siècle. Un pro- fesseur à l'Université de Paris, de 1432 à 1412. . CHALEUR RAYONNÉE PAR LES ÉTOILES. — La mesure de Ja CAS LOL ARE EC EC CPE CHAMPIGNONS SUPÉRIEURS. — Flore des — du départe- ment ‘de Saône-et-Loire. . 2.2." CHAUFFAGE INDUSTRIEL. — Le — et les Fours à gaz. . CHEMIN DE FER DE KONAKRY AU NIGER NAVIGABIE. — ) FR M ARE D'Un oo © à CHEMIN DE FER DU Mont-BLanc. — Le —. . . . . . . CHEMINS DE FER DE L'INDO-CninE. — Les —. . . . . . . Came. — Traité élémentaire de Travaux pratiques A6 ST année Et ONE — "Revue annuelle de —""V EME ARR 0e LL Rss. ds ns fe —. té TABLE ALPHABÉTIQUE DES CHIMIE GÉNÉRALE. — Précis de — (en allemand) CHIMIE ORGANIQUE. — Manuel opératoire de — — Traité élémentaire (RES MERNGES x: CaimiE PRATIQUE. — Cent vingt exercices de — CHIMIE TOXICOLOGIQUE. — Traité de —. . CHIMIE VÉGÉTALE. — Station de — de Meudon (1883- 1899). Chimie végétale. et agricole. . . . . CHIRURGIE. — Revie annuelle de — . CarysoméLines. — Recherches sur l'œuf et sur le déve- loppement embryonnaire de quelques —. . Core. — L'état actuel et les besoins de l'industrie ‘du — en France : dre partie : Culture et Fabrication. . . . 2e partie : Comparaison avec l'étranger. Crxémarique et Mécanismes . . . CLIMATOLOGIE MÉDICALE. — Congrès ‘national d' Hygiène et de — de la Belgique et du Congo (1891). Se- conde partie : Congo . . . me CLINIQUE THÉRAPEUTIQUE. — Traité élémentaire de —_ CLINIQUES curRuRGICALES de l'Hôtel-Dieu. . Cocentes et Paludisme : {re partie : Cycle évolutif des —. . . LA 22 SE : L'Hématozoaire du Paludisme . . Coeur. Chirurgie du — et du Péricarde . CoLLECTIONS DE CROSSE. — Les —., . COLLECTIONS MEXICAINES. — Exposition des — de M. L. Diguet au Muséum . . . . COLONIES FRANCAISES. — Le Jardin des ‘Plantes el RES PET 1. COLONISATION, — Les Compagnies de — sous l'ancien régime . . . NE Couères. — Eléments approchés ‘des — pour 1900 : . Composés AMMONIACGAUX. — Recherches sur la dissocia- tion de divers — au contact de l’eau. . COMPTEURS D'ÉLECTRICITÉ. — Les —. . . . . . . . Concessions AU CONGO. — Les —. . . . . . . . . . Cowco. — L'Etat indépendant du — . . . . . . .. CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL. — Le — de 1900. CONGRÈS INTERNATIONAL DE MÉ: SEMEES CONGRÈS INTERNATIONAL DE PHYSIQUE. CONGRÈS INTERNATIONAL DES MATHÉMATIQUES en 1900. CONVENTION FRANCO-ANGLAISE. — La — du 21 mars 1899. COQUILLES FOSSILES CALCAIRES. — Sur la FRE CRE de — au fond des mers actuelles ; Conrs AzeumINoïnes. — Les Protamines et les — CosuoGraPnie. — Lecons de — (2e édition). COUCHES DE PASSAGE. — Les — F le Rayon d' activité moléculaire. LR $ COUCHES MÉTALLIQUES. — ouvelle méthode pour dé- DOPEDRGeSE SUP FDOIS. 1 - EU CUS CristTaux. — Emulsions et — . UE CULTURES CoLoNIALEs. — Revue des — CULTURES ET PRODUCTIONS COLONIALES ee Te CYTOLOGIE EXPÉRIMENTALE. — La —. . . . . . : D DÉCHARGE ÉLECTRIQUE. — La — dans les gaz raréfiés (Rayons de cathode et Rayons de Rüntgen) DÉmORPHINISATION. — L'élément psychique de la —. DIARRHÉES GOUTTEUSES. — Les —. . . . . . . . .. DIFFERENTIAL UND INEGRALREC — Vorlesuugen üher — . . . ee DIFFERENTIALGROMETRIE. — lesungen über — . DiFFERENTIALRECHNUNG und Grundzüge der Integral- rechnung : 5 UE Tee PO RS ELEC AENMACIIe. >; t.11 dE DIFFUSION DES IONS. — Expériences sur la — dans les TS OMS LUE Ce otc OM EE LEE EU DistiLLATEUR. — Les Recettes AE Cl FAR DisriccertEe. — Les Industries agricoles : Brasserie, ST DUCLELIE RE 2 LV AL PA Le DISTINCTIONS SCIENTIFIQUES : M. Milne-Edwards, promu Commandeur de la Légion d'Honneur. . ROLE Élec tion de l Académie ‘des Sciences ‘de Paris (M. Mendéléeff). . . . . ALES Election à l'Académie ‘des Sciences de Paris (M. Roux). . . SA VE NE NAN Election à l'Académie des ‘Sciences de Paris (M Prilli-ux) . Hommage à un savant france ais 5 (M. Moïssan) Le Jubilé de Sir Georges-Gabriel Stokes. . Elections à la Société Royale de Loudres (MM. L. Boltzmann, A. ie E. Fischer, Neu- INAVERIEL Tree D) 0 REVUE GÉNÉKALE DES SCIRAUES, 18904 746 845 rE 5] 526 362 441 832 611 40% 197 ” J MATIÈRES Elections à l'Académie des Sciences de Paris (M. G. Lemoine). Prix décernés par Paris . 4 : Prix décerné par l'Académie Royale de Bel- gique. . . Dosnocra. — Contribution à l'étude géologique de la Terrains SÉCONdaIT ES PNEU NUE l'Académie des Sciences de E EAUX ALIMENTAIRES. — Stérilisation des — au moyen du peroxyde de chlore. . . ù Eaux DE sourcé. — La contamination des — dérivées ANPAUS EE - of: Ne MER OR ES 0 EAUX-DE-VIE E ET LIQUEURS. yes - ECHELLE SPECTRALE. — L'— et la gamme des couleurs. ÉCLAIRAGE À INCANDESCENCE. — L'— par le gaz et les DUITESREAZÉLTES PET AR EMMA IAE ECOLE MUNICIPALE DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE INDUSTRIELLES. ECOLE PRATIQUE D'AGRICULTURE À Hué. — Création d’une — et d'une ferme locale au Dahomey . . . . . . ECOULEMENT EN DÉVERSOIR. Expériences nouvelles sur l'—, exécutées à Dijon de 1886 à 1895 . . . . EDUCATION DES SENTIMENTS. — L'— 3 Ececrriciré. — Lecons sur l— et le Magnétisme. IT. Méthodes de mesure et applications. a ANE — Cours d— professé à l'Ecole d'application du Gé- nie maritime. |. Lois et théories usuelles. Unités et mesures SARANES DSnnne à courant con- tinu . ACTE ELECTRISCI KRAFTE. — Die. —. D: irlegung ‘und Erwei- terung der von hervorragenden Physikern ent- wickelten mathematischen Theorien. I. Die durch die Arbeiten von Ampère und F. Neumann angebabhnte Richtung. Il. Ueber die von Hermann von Helmholtz in seinen ältereu und in seinen neueren Arbeiten angestellter Un- tersuchungen . .. NET RE EMULSION DANS LES CHAUDIÈRES. — Les nouvelles appli- CALODSATENLEE RUES NE EEE EEE EuuLsrons et Cristaux. . . . ExerGte. — Distribution de l'— pt ar courants polÿpha- SOS LA 1e. DOS CRE PET ENSEIGNEMENT MAT HÉM A TIQUE. —= an —= ENSEIGNEMENT PRIMAIRE. — Aunuaire de TE 1ôe année. (4900)... à à: FRS Enzvuss. — Les — et leurs applications 5 Ne EPOQuE GLAGtAIRE. — Les vues nouvelles sur les cau- ses de L— . . .. NT EN PE EQuATIONS DIFFÉRENTIELLE LINÉAIRES. — Les — et la NRÉDDERTES A TOUDES EEE CE EQUIVALENCE DES DEUX SEXES. — L'— dans ia féconda- LOL EN RME Me one el La Alpe DOME rat à ot de ete Ps MN Pie tr ESPÈCES VÉGÉTALES SOCIALES. — Les —, Formation et répartitionndBS I SOCIÉIÉS NT UN VEUT ESSENCE DE JASuiN. — L'—. . Re: ÊTHERS PHOSPHORIQUES. — Recherches sur les — . ETINCELLE ÉLECTRIQUE. — La vitesse des particules mé- talliques dans l—. : o ETOILES SIMPLES. — ‘Lraité d'Astronomie ‘stellaire. 1re partie : TE deb dre EXCURSION ÉLECTRO NIQUE. — Une — en Suisse — Deuxième — . . . . ExPLorrarIoN Du BALA EXPLOITATION FORES au Congo francais. . . He MORE RNERURS Exrcorareur. — Mannel de l'—. Procédés de levés ra- pides et de détail; détermination estronomique des positions géographiques. LE See ExPLorATION. — Revue annuelle de Géographie et d'— EXPLORATION DE L'ATMOSPHÈRE. — L'— par les cerfs- -vo- lants et les ballons-sondes. . . Evrnarrs DE vianoe. — La valeur alimentaire des Al- BUMOSES ETES RSA LE EU PRET pee Te le ‘Guyane LATE — La réglementation de ee F Faïsacerte. — L'état actuel et les besoins de l’indus- trie dela =eniErance ren EC FERME LOCALE AU DauouEy. — Création d'une Ecole pratique d'agriculture à Hué et d'une —. . . . . FERMENTATION. — Les mivroorganismes de la —. . . . FerrosiLicruns, — La fabrication des — au four élec- trique A ee D RS RE NU IUT FEUILLES be TaBac. — Séchage et fermentation des — à cigares. A et id FONCTIONS DE V ARTABLES RÉELLES. — Sur les — 989 890 933 934 49 638 990 FONDERIE. — La — . de FORMES DE TERRAIN. — Le levé et le tracé automatiques des — 7 » FOUR ÉLECTRIQUE. — ‘Le — Stassano pour Tobtention directe du fer et de l'acier. 2 5 — La fabrication des ferrosiliciums riches au — . Fours À Gaz. — Le Chauffage industriel et les —. Fruits CBARNUS. — Recherches sur la maturation des sise de CN G GALVANISATION ÉLECTROLYTIQUE DES TUBES. — La — par lesprocédé Cowper-Coles "Er SCT GamBETTA (Voir LÉON GAMBETTA). Gamme Des CouLeurs. — L'Echelle spectrale el là —. . GÉLATINE. La Combinaison du Tanin et de la et la fabrication des vins de champagé: a À GÉNÉRALISATION. — Calcul de — . . NET GÉOGRAPHIE. — Lecons de — physique. — Revue annuelle de — et d'Exploration. GÉoLoGiEe. — Revue annuelle de —. . : — Traité de —, 4e édition. Fasc. I et II. NE GÉOMÉTRIE. — Premiers principes de — moderne à l'usage des élèves de Mathématiques spéciales et des candidats à la Licence et à l Agrégation . . . — La — au temps de Platon. . È Guar. — Le dernier rapport d’un Européen « sur — et les Touareg de l’Aïr (Journal de Voyage d'Erwin de Bary, 1876- pp NERN PE . GISEMENTS DE SILEX TAILLÉS. — Sur Tâge des — décou- verts sur le territoire de Haine-Saint-Pierre, Res- saix, Epinois, etc., canton de Binche, province de Hainaut (Belgique) Re Dre 4 GLANDES PYGIDIENNES, — Etude comparée des — chez les Carabides et les Dysticides, avec quelques re- marques sur le classement des Carabides . . . . GRANDE ENCYCLOPÉDIE, inventaire raisonné des Lettres, des Sciences et des Arts. 5930, 594e, 59e, 596e et 597€ livraisons . . . . 93e volume . . - : Grerre. — La Variation dans la — et l'Hérédité des CATACIÈTES ACQUISES ET Grisou. — La lutte contre le —. Gurra-PERCHA. — Les arbres à —; leur culture. — Nouvelles plantes à —. . . GurTAS-PEBCHAS. — Origine botanique des caoutchoucs CLS eo CON EE COEUNE Haurs-Founneaux. — Les arrêts momentanés des — ,. HÉrénirÉé. — La Variation dans la Greffe et l'— des ca- ractères acquis . . . . Huice DE maïs. — L'industrie de l— . | — Emploi de l— pour la fabrication d'un caout- chouc mi-artificiel. Huie DE MÉNÉ. — L'— (ou Méni) au Sénésal et de la Côte occidentale d'Afrique . 3 HUILES ESSENTIELLES. — Les — et leurs principaux constituants. ; - HYDROGÈNE. — La réfrigération par Nes liquide : les propriétés des corps au voisinage du zéro absolu. — La solidification de l— . . . . — L'— solide. . .. HYGIÈNE. — Congrès nalional d'— et de Climatologie médicale de la Belgique et du Congo (1897). Se- conde partie : Congo . . — Pour nos Enfants. Conseils d'— physique et morale. HYGIÈNE COLONIALE. — Principes d —. Ê HYMÉNOPTÈRES ENTOMOPHAGES. — Contributions à tude des — . HYSTÉRIE FÉMININE. l'é- E ssai sur la cure pré iventive ‘de l'— par l'éducation . PR Co co Ad I IMAGE LATENTE. — Le céveloppemens de l'— en pho- tographie . 7e: JuPRESSION Des Tissus. — Progré s réc ents dans la Tein- ture et l'— de coton et d’autres fibres. 1er fasc.. Ixbousrax. — Les Chemins de fer de l—, . .. INFINITESIMAL ANALYSIS. — I. Elementary. Real variables. IXIECTION DES BOIS. L'— par les résidus de la distilla- tion du naphte . : INNERVATION DU DIAPHRAGME. que et physiologique) INSTITUT BACTÉRIOLOGIQUE < De js ( Etude anatomi- CsnquE DE CONSTANTINOPLE. 403 464 oo —1 CEE 1 © © 118 $03 86 174 558 118 955 627 96% 598 S4% 600 87 298 686 878 125 653 685 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES INTEGRALRECHNUNG. — Differentialrechnung und Grund- züge der — Îre partie. AR ee Re RCI CRE 2cypartie ere EE de 0 — Vorlesungen über Differential und — . . : INTÉGRATION. — Essai sur une théorie générale de l— et sur la classification des Transcendantes. ‘500 InreRRuPrEUR électro-magnétique à mercure pour cou- rauts alternatifs et continus . . IODURE MERCURIQUE. — Emploi de l — comme renfor- cateur des clichés photographiques. . . — La vitesse des — dans les flammes contenant des sels valporisés - — Expériences sur la diffusion des — dans les gaz: — Les applications biologiques de la théorie des —. — Les Chaleurs de formation des —.. . . . . . .. J JARDIN BOTANIQUE DE LOUVAIN. — Les Cultures en pots ADEME . ë JARDIN DES PLANTES. — ire JARDIN D'ESSAI DE LIBREVILLE. Ioxs. et es colonies ‘francaises. — LE = TAVNMENE ES L LABORATOIRE DE LA PRÉFECTURE DE POLICE. — Les opéra- DOS PE EC 5e Ne AE LABORATOIRES TECHNIQUES. Les nouveaux — de l'Ecole Polytechnique de Zurich et ceux de nos Facultés des Sciences. . . sh à LÉON GAMBETTA, biographie psychologique. Le cer- veau, la parole. La fonction et l'organe. Histoire authentique de la maladie et de la mort. . . . . Léonibes. — Sur les —. . . . Leucocyres. — Le rôle des — dans l'hislolyse des muscles de l'Abeille pendant la métamorphose. . Lor ne Kircauorr. — L'aspect actuel de la — . . . LOI (DES PHASES. — La "00e M MACHINERIE DES NAVIRES DE GUERRE. — La — . MACHINES A VAPEUR. — Rendements des —. . à MapaGascar. — La mise en valeur de — depuis L'oc- cupation francaise . . . Macxérisme. — Lecons sur l'Electricité et le —. II. Méthodes de mesure et applications. . . . . . MaLantE DE Basepow. — Essai sur la — MALADIES DU COEUR. house et thér rapeuique Dénérales les ere ete MLONMON NE — Hygiène des —. . . Re MALADIES MICROBIENNES, — Les — des animaux | MAL DES MONTAGNES. — L'Acapnie et le —. . . . . . MALTAGE. — La Pratique du — . . . . . . MARGARINE. — Le Beurre et la — MARINE MARCHANDE. — Notre — . Maroc. — Le — et les Canaries . MarseizLe et les Produits coloniaux . MATHÉMATIQUE. — Opinions et curiosités touchant 13 —. . .. Dee lu CEE MATIÈRES COLORANTES et microbes . SL) COS CURE Mécanique. — Cours de — MÉCANIQUE APPLIQUÉE AUX MACHINES, —— Cours de — 8e fascicule : appareils de levage; transmission du travail à distance. . . she TA RENE MÉCANIQUE DES FLUIDES. — Potentiel et — AA d ÉCANISMES. — Cinématique et — à DE GLISSEMENT. — Le — dans le règne végétal. Mipecixe. — Revue annuelle de —. , . . . . . . . — Introduction à l'étude de la — . . :. . . : Ménrcaments cimiques. — Les —; 2° partie : Compo- sés organiques . . . ie CRE MicroBes. — Matières colorantes et —. . . MicROBIOLOGIE. — Traité de —. IT. Diastases, toxines ét veninsk Un. RS RE ns MICROPHONE. — Mesures sur ‘le — 5 © MaxeraIs DE rer. — Les ressources de l'Espagne eu —, MinéRALOGIE. — Cours de — (32 édition). . . . Mission Foureau-Lamx. — Les observations scientifi- ques de la—. . : Mission Mancnann. — Le voyage de retour de la — MOLLUSQUES GASTÉROPODES. — La partie antérieure du tube digestif et la torsion chez les — . . . . . . MONOCOTYLEDONES. — Le greffage des —. . MORTALITÉ DES MARINS des grandes pêches (campagne de 1898) . . MOTEURS À ESSENCE. — Les secrets de ‘fabrication des — pour motocycles et automobiles . . . . . . . 55 485 842 937 102 759 935 934 554 117 322 308 679 365 178 T5 509 288 146 58? 164 199 116 832 922 922 950 436 880 716 199 640 791 936 321 462 39 198 937 259 790 TABLE ALPHABÉTIQUE DES Moreurs À GAZ ET A PÉTROLE. — Traité théorique et pratique des — et des voitures automobiles, ta TORRES EE 5 5 00 7 SET ONE ENS MOTEURS À PÉTROLE. — Essais de — . nat MOTEURS LÉGERS. — Les —. . Mouvements pu soc. — Les récents — ‘dans la région des Grands-lacs (Etats-Unis). MuscLes pe L'ABrILLE. — Le rôle des leucocytes ‘dans l'histolyse des — pendant la métamorphose . NanISME vÉGÉrAL. — Recherches sur le — . Nécrozocre. — Sophus Lie. . . . . . Wiedemann (G.) . | Marsh (0. Ch.) . Friedel (Ch.) F Brongniart (Ch.) . NAGOEN (CLÉ) A ES: Friedel (Ch.), par A. Gautier . Naudin (Ch.), par Ch. Flahault . MAanSRAlOMENSIERMEE TC. 00072: Flower (W. H.). : 5 Balbiantte ... :,. Frankland (Edward). . . . Bunsen (Robert Wilhelm). . . . . . . . Scheurer-Kestner (Aug.), par Ch. Lauth . Baumann (Oscar), par H. Dehérain . . . PTE NICHTEUKLIDISCHEN GEOMETRIE. — Urkunden zur ‘ges- chichte der. —. I. Nicolaj Ivanovitsch Lubat- ce (ire partie : Traduction de ses œuvres; artie : Remarques sur la vie et les travaux de Lobatchetshif AE ne — Traité de — (Théories des Abaques. Applications pratiques). . . . NOUVELLES MOXNAIES. — Fabrication de — à Constanti- DOUBS EPS ER RM EME OS AE TERRE [e) —_ OCCLUSION INTESTINALE. — L'—. Ocronioxs. — A cAelppnent ‘of Clifford's Biqua- ternions . . . OnvEs LUMINEUSES. — La Théorie des —. Son influence sur la Physique moderne. . . : OpPniprexs. — Vertèbres ct cœurs lymphatiques des —. —…. Orrique. — Lecons élémentaires d'Acoustique et d —. —…_ — Recueil de données numériques. — I. Longueurs d'onde. Indices des gaz et des liquides. Il. Pro- | priétés optiques des ‘solides . > “ Onnures MÉNAGÈRES. — Nouveau traitement des — de BALISE RER PT Ne A ENT EE ORGANES DE REMPLACEMENT. — Recherches sur les — chez les plantes. CHERS LD DO UT DÉDUIT ORIGINE DE L'HOMME. — Les récents travaux sur l—, d'après M. Ernest Hæckel . - - OXYCÉPHALIE. — Anatomie pathologique de l— P Pazunisue. Coccidies et —. re partie : Cycles évolutifs des Coccidies . 2e partie : L'Hématozoaire du — . . . . PARFUMS ARTIFICIELS. — Les —. . . . . | PENTOSANES. — Les —. . BPE 4 Peptoxes. — La question des —. L PÉRiCARDE. — Chirurgie du Cœur et du — Péricarprres. — Des — . ET > PenLe Fixe. — La formation de la — . | Penoxyor pe CuLore. — Stérilisation des eaux alimen- | COR EU CORP es ; PEeste. — La — PHOTOGRAPHIE ANIMÉE. — La — . . . . . PHOTOGRAPUIE STÉRÉOSCOPIQUE. — La — Puysics. — An elementary course Of | Paysiococre. — Revue annuelle de — . . — Traité de —, Fonctions de nutrition. Circulation. Calorification . . . . . 2e — raisonnée. . . 5 ù Paysioue. — Revue annuelle de —, d PHYSIQUE ET CHIMIE VITICOLES. PHYSIQUE INDUSTRIELLE. — L'enseignement de la— à la Faculté des Sciences de Marseille . - — L'enseignement de la — dans nos Facultés des Sciences . . . LErt he 5-2 — L'enseignement ‘de la — à l'Université de Lyon . PLANTES. — Les — de grande culture . . . . . . . . —. Leutiles du SÉnÉRaL eu EU JUL 201 245 235 924 912 s63 200 405 572 938 803 483 o MATIÈRES PLAQUE PHOTOGRAPHIQUE. — Action de certaines sub- stances sur la, — dans l'obscurité. : Porns AromIQuEs. — La détermination des — ‘et l' insti- tution d'un « Comité international des — » . Porbs MOLÉCULAIRES. — Détermination des —(c onstantes physiques utilisées). : POLARISATION. — Sur la — de la Lumiëre diffusée pe ar le verre dépoli c PoLHÔRENBESTIMMUNGEN. — Resultate aus den —in Berlin ausgefühert in den Jahren 1891 und 1892 . PoLoxrum. — Les Rayons de Becquerel et le — . . . POPULATIONS rINNOISES. — Les — des bassins de la Volga et de la Kama. Etudes d’ethnographie histo- rique... . A Che PorenriEL el mécanique ‘des Fluides Mel ea re PRAtRIES. — Les —. Prairies naturelles. Pâturages. Feuillards et Ramilles. SN SUR 2 PrRemIERSs secours. — Congrès de sauvetage et des — En ODA PRODUCTEURS LATICIFÈRES. Les. — “dans le bassin ‘de LOBQOUÉT ILE MES Re RS ete nee see de PRODUCTIONS COLONIALES , . MON PR O9 de PRODUITS COLONIAUX. — Marseille et les Ève E PROJEGTILES. — Les — des armes de guerre. Leur ac- tion vulnérante. . . . CO et 2 ProJECrIoNs. — Les agrandissements et les — : PROTAMINES. — Les — et les corps albuminoïdes. PsycuoroGre. — Les origines de la — contemporaine. PUBLICATIONS COLONIALES. — Deux nouvelles — , . . Quartz. — Pouvoir rotatoire du — dans l'infra-rouge. — Variation de la biréfringence du — avec la direc- tion de la compression . . QUESTIONS COLONIALES. — Les — au Congrès interna hional d'Apriculture de AJOD MENT 0 PEU RageLais anatomiste et physiologiste . . . . . . . . Raprarions. — Les — et le Transformisme RANCIDITÉ DU BEURRE. — Les causes de la — . RATION ALIMENTAIRE. — Valeur ins de la — du soldat en garnison . : Rayon p’AGTIvITÉ MOLÉGULAIRE. — Les couches de pas- sage et le — . . RENE TES RAYONS CATHODIQUES. — La formation des =; Rayons bE BEGQUEREL. — Les — et le Polonium. — Les — et les corps nouveaux . . . . . RÉCRÉATIONS ARITHMÉTIQUES . Er RÉGÉNÉRATIONS D'ORGANES. — Les —. . REPÉRAGE Des Raïës. — Le — en Spectroscopie. : RÉSISTANCE AU ROULEMENT. — Les Patte pneuma- tiques etla —. . . RNCS OMS LES EU REVUE GÉNÉRALE DE CHIMIE PURE ET APPLIQUÉE. ps S SAUVETAGE. — Congrès de — et des Premiers secours en 1900. = 2 SÉLÉNIUM. — Sur quelques composés du — et du Tel- Irene MALO SSL SE, © SENSIBILITÉ végétale ‘et animale | SÉroruéRAvIE. — Essai sur le mécanisme des phéno- ménes en — : Sérum saNGuIN. — Recherches cry: copiques sur le — La Plasmolyse et l'Isotonie chez les êtres vivants. SERVICE MÉTÉOROLOGIQUE EN ISLANDE. — Etablissement d'un —. Sixara. — Etude géologique des environs de Campu- lung et de — (Roumanie) . SocrAuISME. — Psychologie du — . SOCIÉTÉ MATHÉMATIQUE DE FRANCE. . . SoupaN A LA CÔTE D'IVOIRE. — Du — .. SOUDAN ÉGYPTIEN. — Les conditions géographiques GREAT 5 : : SOURCES BIBLIO GRAPHIQUES [DES SCIENCES CHIMIQUES. — Les: è SOURCES THERMO-MINÉRALES. — Recherche, captage et aménagement des — . Origine des eaux thermo- minérales. Géologie. Propriétés phyaiques et chi- miques. . 1 Srecrre. — L'échelle du — . SPECTRES DE PHospnonescence. — Recherches photogra- phiques sur les — ef découverte d'un nouvel élé- ment : le Victorium. STATIQUE GRAPHIQUE des systèmes triangulés. Le Exposés théoriques. II. Exemples d'applications UNE 991 805 14 342 s06 992 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES - % STÉRILISATION DES VIANDES SUSPECTES. — La — par la TueencuLose. — Lutte contre la — . . "AS cuisson. AP IN PER ETES ce le 572 — Les assurances ouvrières et la lutte contre la — SUBSTANCES MINÉR AL ES. — Traité d'analyse des —, t. I. en Allemagne. Méthodes générales d'analyse oi et ques re partie : Organisation des assuranceset créa- titative . 29 tion de sanatoria . . . LS SUC GASTRIQUE. — ‘La sécrétion da — et ‘du: suc ‘pan- 2e partie : Organisation ‘et résultats des sana- créatique . 498 toria . . . 618 SUC PANCRÉATIQUE. — La ‘sécrétion du suc gastrique et Tuges DE CHAUDIÈRE. Em emploi de l'acier au nickel DA ee RE SR PE ts fe to ES pour les — . * 650 Sucrente. — Les Industries agricoles : Brasserie, Dis- TuNGSTÈNE. — Les nouveaux gisements de — en tillerie, — 197 Espagne et en Amérique. . So? Sun ve L'Aracox. — Recherches géologiques dansle—. 484 | Tunrciers. — Etudes biologiques sur les — coloniaux SULFURES MÉTALLIQUES. — Recherches sur les — . 191 HER ne OL CPP UNIES LE 92% SUTURE INTESTINALE. — La —. Histoire des différents procédés d’ Entérorraphie. ! 321 à U SYNTHÈSE DE L'ALCOOL. — Un point ‘de l'Histoire des Sciences : la — 258 | Unités ÉLECTRIQUES absolues. . . ; T5 Gras A AIRE. — Essai sy nthétique sur la forma- USINE HYDRO-ÉLECTRIQUE près de Mechanic-Ville (N. 936 ion du —. ire partie : Formalion du système HR QJTAE V SYSTÈMES TRIANGULÉS. — Statique graphique des —. 1. Exposés théoriques. II. Exemples d'applications. 320 | Vaxaorum. — La présence du — dansles météoriles. 685 VERRES PÉRISCOPIQUES. — Des — et de leurs avantages T pour les myopes. . 610 , . L Vicromum. — Recherches photographiques | sur les Tasac. — L'état actuel de la culture et de l'industrie spectres de phosphorescence et découverte d'un du —.. 37? nouvel élément :le -—. . . . . . . . . . . TABLES DE LOGARITHMES à six décimales pour les nom- VIE MYSTÉRIEUSE D&S MERS. — La — . . bres et les lignes ÉRRAURe 962 l GATION. — Les nouveautés en — £ TABLES DE NAVIGATION . . . 962 ve Cuamracxe. — L'état actuel et les besoins de Tanis. — La combinaison du — et de la gélatine, ‘et l'industrie des — : la fabrication des vins de Champagne . . . 17% I. Culture et Fabrication. . . 92 TeCHNISCHE MECHANIK. — Vorlesungen über —. I. Ein- II. Statistique et conditions sociales du travail. 99 führung in die Mechanik ; 402 — La combinaison du Tanin et de la Gélatiné et la Tenture. — Progrès récents dans la — et l'Impres- fabrication des —. . TE sion des tissus de coton et d'autres fibres, Vision. — La —. Etude physiologique et chimique. APT {er fascicule. . . SR . . « 448 | Vrresse pu so. — La — dans l'air comprimé. Dee) Tenrurier. — Manuel pratique du: on co PAU] VOIES DE COMMUNICATION BRITANNIQUES. — Les nou- TÉLÉGRAPHIE ÉLECTRIQUE. — Télégraphie pratique. Tale pe | Traité complet de — : rade 13 | Vorrures AuroNoBILES. — Traité laévrique et pratique TÉLÉGRAPHIE SANS FIL. — La — entre la France et des moteurs à gaz et à pétrole et des—, t. IT. . 28 l'Angleterre. ER 460 | Voronré. — Pathologie de la —. . . . . . . . . . . 199 — Les ‘organes de la — . 50% | Voyaces D'Eruprs DE LA « REVUE ». — La — . 923 — Croisière aux Canaries et à Madère en avril 1899. 1 TÉLÉGRAPHIE SOU S-MARINE ST — Ténériffe et le Pic de Teyde. . . 87 Teizure. — Sur quelques composés du Sélénium et 4 — Croisière aux Canaries, Madère, Maroc, Espagne du — .. - 14 et Portugal : Livres à lire. . . TON) TEMPÉRATURE. — Les oscillations séc ulaires de a — à — Croisière en Crimée et au Caucase avec 1e con- la surface du globe terrestre . . 1 337% cours de la Compagnie des Messageries maritimes TEMPÉRATURE DE FUSION. — Recherches sur l'influence (26 août-28 septembre 4899). . . . Lu RATS de la Pression sur la — . 4 320 — Voyage dans la Mer Noire, Crimée et Caucase : TERRES RARES. — La luminosité ‘des — exposées aux Livres à lire. . . . AE rayons cathodiques dans le vide. 159 — Croisière en Tunisie, à Tripoli et à Malte (v acances — La Chimie des — =, 1" 41% de Pâques, 7-29 avril 1900). . . . . . » . . s89 TERRES YTTRIQUES. — Les — . . 667 THÉORIE DES FORMES. — Lecons élémentaires sur la — w et ses applications géométriques 197 Tué£orie DES Gaz. — Leçons sur la — . Wacoxs pouvant transporter 50 tonnes de minerai re partie : — à molécules monoatomiques, de de fer. 157 dimensions négligeables par FPDPOX au RUSSE | WuiLarn Gisss. — ‘Liste des publications scientifiques libre moyen - 29 de M. A UT es Qo où 610 2e partie : Thé orie de Van ‘der Waals. Gaz à molécules polyatomiques. Dissociation des gaz. Z Remarques finales 29 THÉORIE DES GROUPES. — Les équations différentielles s Zéro asozu. — La réfrigération par l'hydrogène li- linéaires et la — . 13 quide; les propriétés des Corps au voisinage du —. 12ÿ THÉORIE DES IONS. — Les applications biologiques ‘de Z00LO