CSA D DT IE ST ju î slt EREUR ù ° AL A GS dé & i! LATE À ; a a sine (i fl Au qi $ NUL qu « A vil ï CL ii Û | { « ‘ * SE qe te qu it a à k tt 4 4 ne UNS Eu ni qe \ Rat af SAUE fe jan pu as LL } aù wi it ne à (l Patate IE y f ï 5 SA +) i Gti al $ A AR EIEN À nr, £ ALL Ze =. EE ns y ph nor gite M TL LS STE LE SZ _ ZE SAT a SN po = Z Tr ER: = CS ee RIT LE ASS 2 £ ES RES EIRE = IST SE RSI EE 72 eZ L APE cZ Re ARS F7 MU { NE AA LEA fi qi \ Au . x AA À Ro JE TS = EEE 2e É PS 22. a A £ . RARES «ut \L \l NS | : . . oi > ES rs PL PRE IS = Te = LA Dern rs, = REZ ii A {| a N \ il K DATA NAUEU a \ | \ NE ALAE Ne A NS + ALNS \ il <' Rte = RP ES aa. L 5 AC AT = LE ES Z A Z ETS TE TE TEE ET RTE ours Er RE re parie pt LISE Eu PL FLE. s = ÉRTRE er ES rs = = TS FT. RTE LES mat 10 pu SARA AL ANS AAA st Si Lo AHTTAUY l ESA SPL — == en S CS PET 2 LACET AE nt LL Et { ut qu NE \ | RAQTTE . ANUS AIN us Ki it LA A il KL ile Ko Ki Et AA AE ER A x} 1 | oi a . oi \ 1. ' . \ | ù A\ NE TL FA es LAS EE SE ve) TETE Æ ee & qu d à f \ LES AAA ER LOT | A | . \ A qe NRA va .. nd ; U A KE a qu A {KL 1 . SL \ A ALL . CH AL à À À fi {ll il . AL Hs Li . a dt | . li . At AA au À LL Lo AE it ii \ S RAS Al WE «ie NES a AR “A ELEC “ii QUE NE qe _ A dt JR À ui us AAC Et Le N . IN ANS RUE {) pat HE _. A NE _ ER AR NN LS \ . ÆEx Libres GOT ! a œ [re 6 # Q wo u 4 [e] [e) œ O = < Ee! = 3 Œ an ‘ - LS y # REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES TOME PREMIER PAAJOLIIAZ TA 2H 2 F ti: d 1h} # BIOM AUDAHD 30 OE H1 TH 81 AI TMAËAIA pensé 2 io LA AIVLIO arme DOTE TL + ras DIHO BHAUDIX EE DA 1H9IIDA , MIO SvebO: B— VONAO I HA NOAUT SR" LE _— LE DE REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES PARAISSANT LE 15 ET LE 80 DE CHAQUE MOIS Direcreur : Louis OLIVIER, Docrerr às Sciexces TOME PREMIER 1890 AVEC 337 FIGURES ORIGINALES DANS LE TEXTE — TRS 292-3 5 —-— PARIS Octave DOIN, Éditeur 8 — PLACE DE L'ODÉON — 8 1890 ae UE dy aétrrAs GIE TAN, HAE couté £ fi tai (UT FH BRUT TEL CELL ARTE ERTTEIEE TT, | : sen É é HET 9h HE ERE LEE Er DEAN ] ÿ e [ ï} ? nv! , 1 1 , OT OUT OL NIET EE AE ñ (AL Il Fe DELLE EL jun OUT UNIS Haas dt + Chrene nié NME RUE T'ON UEe PL ; ÉTTT ea PANNE at nt PDA x}, É HAUTE | ETES Linrtst a 4 nf RTE à TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE TOME I DE LA REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (pu 15 JANVIER AU 30 DÉCEMBRE 1890) I. — ARTICLES ORIGINAUX Astronomie et Météorologie Breourpax (G.). — Etudes récentes sur les Comètes et les ARTISAN CL 2» sem me Aer crains cde neutre eine — Revue annuelle d’Astronomie — L'équatorial coudé de M. Lœwy : le nouvel équato- malldelobseryatoire de Paris. .:-..-.:..4.....0 Caspart (E.) — L’unification des longitudes et lheure DOUAI EE EE Eee men emremmensaees he des Faye (H.). — Sur les tourbillons artificiels. .... ....... GuizzemN (A.). — La rotation de Mercure, d’après MARS EIDATE IR SEE RE MD me satios de beeleie à ne Weyxer (Ch.). — Sur les Cyclones.................... Botanique Guianarp (L.). — Les phénomènes morphologiques de la fécondation chez les plantes phanérogames...... OO) Le Rae. 02 0 persos, Lussock (Sir John). — Les feuilles et les lois de leurs LTÉE LOS ER RS PT RL RE MaxGix {L.). — Structure et fonctions des stomates.... Revue annuelle de Botanique...................... Morse (P:)-— Les Mycorhizes ..2.................. Chimie Boucuerox (H.). — Revue annuelle de Chimie appli- guévi(la/srande Industrie). -2....2..2.,.....,1: Cmarpy (G.). — Les travaux de la Commission du grisou. — Un nouveau type de composé chimique : le nickel tétracarbonyle 2:............. : DEmarçar (E.). — Les terres rares..............,..... ErarD (A.). — Nouvelle théorie de la fabrication de l’a- EUR ÉTAGE EEE — La Constitution des solutions étendues et la pression COMMODE sente eee chou Mens. ue — Revue annuelle de Chimie pure................... Guye (Ph. A.). — Revue annuelle de Chimie appliquée Nesimatiérescolonantes) ee... 4.0.0 Le Crarerter (H.). — Le Grisou et ses accidents. . MAQUENXE (L.). — La Synthèse des Sucres............. Moissan (H.).— Nouvelles recherches sur le Fluor...... Pere (P.). — Les récents travaux sur l’Amidon et les Diastases Chirurgie CASTEx (A.). — La trépanation du Crâne.............. HaRTMANX (H.). — Revue annuelle de Chirurgie... LANNELONGUE (D'), — De la Crâniectomie dans la Micro- CA DRR DRE E ME ire ame du cinat eune 93 Le Dexru(A ).— La chirurgie des Reins et des Urett res. Enseignement des Sciences GauriER (A.). — La reconstitution des Universités fran- caises ct les réformes dans l’Enscignement supéricur, en particulier dans les Facultés de Médecine... Géologie. Paléontologie et Océanographie Carez (L.). — Revue annuelle de Géologie......,...... Fuuoz(H.). — Le Dryopithèque ct l’origine de l'Homme. Gaupry (A.). — Les progrès de la Paléontologie. ...... LapPARENT (A. de). — Une nouvelle cause de mobilité de L'ÉCOLE FéRCESEB I ee > ennemis de ee CCR MarGerie (Emm. de). — Les deux nouvelles cartes géo- loonedelaARAnCE eee ect CAPES en — La Géologie de l'Andalousie et le tremblement de terre du 25 décembre 1884, d’après le récent rapport de la mission francaise Taourer (J.). — Les principes scientifiques des grandes pêches — Les caux abyssales, Histoire des Sciences Berrranp (Joseph). — Eloge historique de Louis Poinsot. — Notice académique sur Ernest Cosson. ...,....... GauTIER (A.). — Les problèmes de la Chimie moderne. (A propos du discours prononcé par M. Victor Meyer au XLIIe congrès des Naturalistes et Médecins Grimaux (E.). — Une lettre inédite de Schecle à Lavoi- SOL ne TRE OR er RC de Ne Lee ET ee Orrvier (Louis). — Lavoisier, d'après M. Berthelot... Rosières (R.). — La découverte de la cycloïde........ TaxxerY (J.). — Lagrange et d’Alembert d'après leur COZTOSPONUANCE. =. 2-7 Mathématiques APPELL (P.). — Le problème des déblais et des remblais. “Lévy (Maurice). — La théorie mathématique de l'Electri- — L’Hydrodynamique moderne et l'hypothèse des ac- ONS CAP TISEAD CRIE PA een ee Ce Un LiouviLze (R.). — La vitesse de propagation des mou- vements dans un fluide indéfini................... LoxGcnamps (G. de). — Les fonctions hyper-Bernoul- Rennes 'et lafonclhionp (un)... "2er... Picarp (E.) — Revue annuelle d'Analyse ........ Mécanique appliquée DwELshAuvERS-DERY (V.) — Les machines à vapeur et TEDLS ENT ODTE Re eee den Ce nee le nee se til LÉAUTÉ {H.) — La machine à vapeur. — Historique. — Questions pendantes. — Rôle de la Thermodyna- A NO STE Ces 7 OO OM EE NRA — Sur la théorie des Régulateurs ............... — Mème sujet SINIGAGLIA (F.). — La « Central Valve Engine » de M RTS Re ne eee ae ee eee Wzrz (Aimé). — Théorie des machines thermiques..... — La Thermodynamique d’après MM. J. Bertrand, R. Clausius et G. von Zeuner...... eus OP ne 2 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES, Médecine et Hygiène Bunix (P.) — Les sages-femmes et lPantiscpsie...:...2. Crarrix (A.). — Le choléra en Espagne et les mesures prophylactiques........ Li dinde EE EL Ps Dr Lavarexxe (E.).— Tuberculose et Auscull: tion ... — Les Polynévrites ....:24........:...::... — Revue annuelle de Médecine..... dé RAILLIET (A: ) L'Anémieperniciéuse d’origine parasitaire Rocnarp (J.). — Revue annuelle d'Hygiènc.:::...:. — La prophylaxie internationale du Choléra.. 201.1 Wurrz (R.) — Les observations récentes de M. Klein sur l'étiologie de la diphtérie............ ASE rs 2 Microbiologie AmLoixG (S.). — Evolution des idées sur la nature cet le mécanisme de la virulence........ : CA RCE Borpas (E.). — Recherches sur le bac ille typhique ct Ia transmission de la fièvre typhoïde par VanmeREe - Boucrarp (Dr Ch.). — Essai d'une théorie de linfec ton. Maladie, Guérison, Immunité, Virus, V ACOUDREETEEE Mereaxixogr (E.). — Recherches nouvelles sur la Phawo- cytose . be er UE ae le Se cer te ciel Vancexr (D° dire ). — Les Tubereules et le Dole de la Mubereulose +..." MER tee CU AN Vuizremn (P.)— Les maladies microbiennes des plantes Physiologie Dusois (R.). Nouvelle théorie du mécanisme des sensa- tions lumineuses........ : Ne de à rte Frépérice (L.). — Revue annuc elle Ne Physiolosie..... Macxus Buix. — Une nouvelle théorie sur Je al fs voile des Oiseaux.....:.......... D Re ARTE ee Orrvier (Louis). — La S Synthèse de la matière organique sans chlorophylle ni lumière Mass (G.). — Expériences sur l'Electrolyse des muscles. = La contraction des muscles striés....,............ Physique Brizcourx (M.). — Sur les expériences de M. Hertz... Frisouré (G-). — Les piles chlorochromiques du Com mandant Renard.....:...... 20e TE CE ï GarreL (C. M). — Revue, annuelle de Physique FREE Gurccaume (Ch. Ed.). — La cause probable des phéno- mènes actino-éleciriques................ CP LEEE Guye (Ph. A.). — L'équation fondamentale des fluides. Lumière (A. et L.). — Etude expérimentale du Halo en photographie ................. GENE MSP En Mack pe Lépixay (J ). — La visibilité dés anncaux de” NGNIDTEe CEE CRE ee ECR EE er ocre ne Mixomx (George M.). — Uné pile photo= éléctrique... POINCARÉ (Lucien). — La viscosité ct la rigidité des li- quides.................. PES EE ee NOR Eee an — Les nouvelles expéricnecs de M. O. Lodge sur les! radiations électriques............ AN Pet MENU E D Recuxtewskt (C.). — La théorie des machines dynamo- électriques. An CL OOQU Le Loologie BEAureGArD (H.).— Les Insectes vésicants:.... — Revue annuelle de Zoologie. BerxarD (F.).— Les récents travaux sur les Spongiaires. PALENTÉ ser DD an Pt Prexanr (A.) — La Métaméric céphalique, sa place dans l’histoire de l’évolution des Vertébrés.:.::0: Vicuier (C.). — La Faune pélagique. Lt = Méme sujet... Revues annuelles BEAuREGARD (H.). — Revue annuelle de Zoologie... Bicourpax (G.). — Revue annuelle d’'Astronomie....... Boucrerox (H.).— Revue annuelle de Chimie appliquée. La grande Industrie. . Carez (L.). — Revue annuelle de Géologie............ De LaAvarexxE (E.).— Revue annuelle de médecine... ErarD (A). Revuc annuelle de, Chimie purc,...…"#1# Frépérice (L.). — Revuc annuelle de Physiologie. GarteL (C. M.). — Revue annuelle de Physique......... Guxe (Ph. A.). — Revue annuelle de Chimie appliquée. Les MmaleresCOlOTAN ES EE LR eree CER Mec HakzMaxx (H.) — Revue annuelle de Chirurgie... .... MAxGix (L.). — Revue annuelle de Botanique.......... PicarD (E.). — Revue annuélle d’Analyse...... Se TR Rocrarv E HE 1° Sciences mathématiques. Mathématiques Arret (P.).— Surlesinvariants de quelques équations différentielles 441.20). 24ut.: HAN JS CRETE Berrranp (Joseph). — Calcul des probabilités. enat BLurez (E.). — Recherches sur les surfaces qui sont, on mêémetemps, lieux de coniquesctenveloppes de cônes du second degré BoussixEsQ (J.). — Cours d'Analyse D TE Dre) à ire sac des per sonnes qui étudient cette sc ienc @ en vue ses applications méc aniques ct physiques... Carvazzo.— Résolution numérique des équations alué- briques transcendantes:....::.:.4..,...:4l..4ke Coureroussé (Ch. de): — Cours d’Algébre supérieure. HExrY (Ch). — Applications de nouveaux a nEne de pré@ision à | Ar COlogie ter Pe TERRE Loxacmamps (G. de): — Les fonctions pseudo-ct hyper- Bernoulliennes' et leurs applications. Contribution élémentaire à équa- ions différentielles. Ame EL AS EE Se = Essai sur la géométrie de larégle.et de léquerre.… Lyon {L!}:—#Suiles Courbes torsion constante. }.... Mazeyx (L.).— Lecons d'arithmétique.:..4:.,.4..4.. Marie (Léon: — Mraité mathématique et pratique des opérations financières ...........4: TANdAi Serie de pre miè res l'intégration des 180 85 519 BIBLIOGRAPHIE MarsHaLLz (Alfred). — Principles of Economies... sébriques de deux variables indépendantes... .0.. Poincaré (H.). — Cours de Physique Mathématique. (Thcorie mathématique. de la, lumière. Cours de 1887-1888. — Electricité et optique. Les théories de Maxwell et la théorie électro-magnétique dela lu= micre. Cours de 1888-1889). ...... be te UVEREAU (P ). — Sur les invariants de certaines classes d'équations différentielles homogènes par rapport à la fonction inconnue et à ses dérivées... HT te Saumon (G.). — Lecons d'algèbre supérieure ... Teixera (Gomes). — Curso de analyse infinitesimal ira parte (calculo integral). :......1... Viuié (E.). — Compositions d'analyse, mécanique et ASIROR ONCE EE DRE Te no RTS ir ere ZareurA. — Sur un probléme concernant l'état calori- fique d'un corps solide homogène indéfini. ...:.. Cr Astronomie ANNALES DE L'OBSERVATOIRE DE NICE............ CARE ES Burkau pes LonGrrupes. — Connaissance des temps. Extrait à l'usage des écoles d’hydrographie et des marins du commerce pour lan 1890 ............ AE EASTMAà solar and stellars’proper motions ....... — Assumption and facts in the theories of “6951 , 66. 568, 10° 539, 607 70 370 668 Jour (LB): Les Brachiopodes: leur, structure: et.Jeur, te 767 593 433 142 576 173 144: 636 302 647 Prearp(E.), — Mémoire sur la théorie des fonctions al 310 3179 491 674 . TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 3 Ereix (J.). — Astronomisches aus Babylon ........... 21 \ ' Fou (F.). — La nutation diurne...................... 117 2° Sciences physiques. Houzeau et Lancaster (A.). — Bibliographie générale HOPASÉÉONOMICS ES eee eee de esrelelemeee ee 310 Physique LaxGLey (S. P.) — La température de la Eune ........ 182 Moucuez (Amiral). — Rapport annuel sur l'état de l'Ob- ArsoxvaL (d'). — Sur un spectrophotomètre différentiel servatoire de Paris pour l’année 1889............-. 519 SANS POISSON me ee cer 586 TisseranD (F.).— Traité de Mécanique céleste; t. I. Barus (Carl.). — Mesure des températures élevées... 76 … Perturbations des planëtes........................ 215 | Bourx (E.). — Sur les condensateurs en mica. — Sur le Vocxr. et Scuerxer. — Des intermittences périodiques résidu des condensateurs ......................... 614 de l'éclat d’Algol.......................:......... 214 | Carvazvo (E.): — Influence du terme de dispersion de , Briot sur les lois de la double réfraction.......... 275 Hydraulique Cnassy (A.). — Sur un nouveau transport électrique ; des'sels/dissous: "Cned em eee fi Duraxn-CLaxe (Alfred). — Hydraulique agricole et Gé- CoLLecrION DE MÉMOIRES RELATIFS À LA PHYSIQUE. — RERO LAS ER ee DAMin eue ne tade eh mes e see 146 Mémoires sur le pendule.....................!...: 94 Masoxr (U.). — Corso di Idraulica teoretica c pratica.. 340 ;| Cozsox (R.). — L’Energie ct ses transformations... ... 147 Roxxa (A.). — Les Irrigations........... HER C re sex 1614 Cougrre (Maurice). — Etude sur le frottement des li- QUIAES 7 2 2e none seed se repondre ee 491 Mécanique générale et Mécanique appliquée Feussner (Dr K.). — Etalonnage des instruments de mesure électrique en Allemagne................... 648 AxpraDe (J.).— Surle mouvement d’un corps soumis à Gérar» (Eric). — Lecons sur l'électricité, professées à l'attraction newtonienne de deux corps fixes, et sur l'institut électro-technique de Montefiore, annexé à l'extension d’une propriété des mouvements képle- l'Université de Liège. Tome 1 .....::...../.. 4.1: 342 DER RS NM end ietnner ec di NA 709 To OT EE Pr ose 676 Barré DE SamnrT-VEnanr. — Courbes représentatives Gossart (M. E.). — Mesure des tensions superficielles des lois du choc longitudinal et.du choc transversal dans les liquides en caléfaction.s:................. 54 d'une barre prismatique ..................,... : 319 | Guizzauue (Ch Ed.).— Traité pratique de thermométrie Hicks (W.M.). — Elementary dynamics of particles and LÉ DÉÉCSIONL ee mener enter eee 86 ÉD ne cie eme en ir or 446 | Hiusrenr (G.). — Sur l'action électromagnétique de la Lagourer (Ch. M. de). — Emploi et fonctionnement du CORVECLLON ÉLECITIQUE 2. relaie ne se ces lee 147 diapason dans les appareils balistiques enregis- HosprraiER (E.). — Traité élémentaire de l’énergie Pitreurs..:. électrique... Al 413 LaurexT (H.) Jaxer (Paul). — Etude théorique et expérimentale sur LéAuré (H.). — Sur une condition de bon fonctionne- l'aimantation transversale des conducteurs magné- ” ment des installations mécaniques comportant des DATES rem ee inc nee ue Me een 380 transmissions par liens rigides ou flexibles. ........ 214 | Jourerr (J ). — Traité élémentaire d'Electricité. 520 Loxeridce (James Atkinson). — Internal Ballistics..... 340 | Kuxr Axcsrrüm. — Beobachtungen über die Strahlung Marmmu (Emile). — Théorie de lélasticité des corps der Sonne. — Beitræge zur Kenntniss der Absorp- solides: Sent rennes, AO RME Ac 340 tion der Wærmestrahlen durch die verschicdenen Perrrcor. — De l'influence d’un vent par allèle “au plan Bestandtheile der Aunosphære ....,.... FAR 783 - de tir sur les portées des projectiles .............. 319 | Lacourure (Ch.). — Répertoire chromatique, solution R£saz (H.).— Traité de Mécanique générale .......... 310 raisonnée et pratique des problèmes les plus usuels Tuursron (R. H.). — The problem of air navigation... 613 dans l'étude et l'emploi des couleurs............... 184 — On the permanent effects of strain in metals; on Lerèvee (J.. — Dictionnaire d’Electricité et de magné- their self-registration and mutual interactions..... 782 HO Re OR NE ONE LODEL TERRE 24 — LA er LL He, 151 — 22 Du il — CH tr usisio 158 — 3 mars Hdio) an moisi 151 — 1er mars RE Pin 153 — 10-17 — don .SuuD.Loi2154%9 184 — S-15-22 — D PEN LR A RL 185 2% — pe PO TA IC: 247 T 29 — BP Lea EH be 0 2149 — 3L — elosalo er LU 2 218 ! 19 avril jbl: .s67e2-2nfai 249 + 8-14 aveihinou-b ZzuuiL. ARS. SAR 248 | - 26 — —ushaad.-ouse ol art 280 — 21-28 — Sssh faorse sh-2anté 2719 — 3 mai Ac Hééene anses 281 — 5-12 mal sa noluloebile+. Are, 315 _— 10-17 — ste OT. 25. 11.2 316 — 19-27 — en Q6 PILE LI. 201 345 == 24-31 — ha 2 JA) 40 vx 346 = 2-9 juin bep. auf Sue er lu. 384 = T juin, amv enanet ssl do-2tf8 .346 — 16 etnsraver2sl are LAN ARS 385 = 14-21 — Het tien res 22 ÆŸ re 386 — 23-30 — Henrotdfuh, ennitsupis 416 — 28 NN ER A eu ce 417 _- 1 juillet #5 ouuooai AO. SE 455 5 juillet Et CPS EE 418 — 15 — ÉÉOUUE M AU mA MIE #56 — 12-19 — GTU ES 2402 04D13 gode 457 — 21 — ile. 4109. 20:b .npÈi 49% = 26 =néblonrined Es A oéoE 495 = 28 on SN CMOS PET 2 524 11-1S octobre — en eie e AMTET Di 652 — # août FHex dE .21019108% 524 25 — minis atbanleSU 6850 — 11-18 — AT OR Ne a ds x 2 525 — 8 novembre Honey st onhnér 680 — Ph) _— LR NE me MR 5 556 — 15 — nier SR ERA ECÉ 114 dE f SBDLORDLE IN 2e ie da das are à 556 5 22 — mnt onedoneeE 715 Do 8-15 Er AE he TE SR 590 - 29 on cor tés dl bre its 745 22 22-29 — ST par OO pr A 619 6 HACeMhTe LEARN EN rende 745 Le — B-15/ M octobre!" =" :-1-ÉN0e21h El 650 - ù AR ER A TN DEA 190 — 20 — LR roi pr LA 651 = 20 ls nl -Hitrmmil aut. 28032 191 ne 21 — ÉD PE D US CE à 679 3 HONOR DE RER A ARTE A tre 679 Société française de Physique ÿ — 10-17 — SR LE ce TS 7113 94 LE SOU SON — NAN A Séances des 19 janvier, 41800 EL 4. ue 0 39 — 1 HÉCOTDT EN EEETTAN PATU DER LLEIITEN 744 — L février me Tee Vi 91 tit = 8-15 Le SE 789 - 21 — AURA SEA 122 | 22 = LR EU FORGE 790 rs 7 mars TE RC ES 153 — 21 ne RE nn ag 186 ; Aindéemie de Médecine — ue avril ER ET APE 249 — 2 mai RATE CR Te 281 Séances des 7 AN done et ne NEA D MR 21 = 16 — RAR PAR PARUS 316 Ant, 14-21 — EE ere er *EUDAR 58 = 6 juin Re TES LS 341 — 28 — AT de TS 90 20 — CS ROSE OT 2 386 = 4 février fe de 5e Pr APR EN ES 90 — 4 juillet 7 PE à TE ee 5 7 NE 418 — 11-18 — Te LUS PT SSP 121 18 == A te At DN CL) 457 — 25 — ER AE PP RE 152 : 2? NOVEMPNE M dE Ne ne eve EN 71ÿ = 2 mars TRE à NÉ PNR À 152 - 6 décembre, ru ss er 746 — 18-25 - st Le RE TELL 185 = 19 — RARE NE PRE >: 791 _— 2-8 avril NRA CR EURE 218 _ 15-22 — ARMÉE LU RENE CU TE 249 Société chimique de Paris — 29 — EST RER TETE 280 = 6 mai EN ER 280 | Séances des 24 Jenner A0 otolorait 186 2 13-20 2n ES NE PCR À 316 — QUES PES CU NS EAN VERSER 186 À 3 juin SVP ES NE THE CO 346 P: 7-14 AFS ne ces ET AS 186 = 10 = NS ER EL 2 VU. 385 _- 28 — De LR CRUE VINRES 281 E 17 — SE NES ni S 4 Le 386 — 11-25 avril EE MR ET ME 281 ñ = 24 = ARS A rs DURE PCR 417 — 3 mai Or PET AIS apart 281 = 1 ROUES à SR in ns HT — 8-23 = ROUE dti aan 347 — 15-22 — NA Van b cpalotoirr 456 = 14-28 novembre RE RARE ENCRES 746 — 29 _ he A ARR ut Et 49% = 5) CE CPUID DER En EE 46 < = 12 août RÉ SRE ENT 525 = 12 — NS Ne 791 — 19-26 — EAU TIMES DIE PTE 57 jh — 2 SRDTOMD TE Ne SEA tie 857 Association technique maritime dE Ta UE DRIQN © 2 {PRET de Séances des 26 juin ADEL AUS > (1) TA 526 E A Sr RÉ Ne A ns 651 RARES cs DE 6 EU ren que — 21-28 — NRC D EN RE TN SE G80 Société royale de Lord — 4 NOVEMDNEN EE 2 EM enr 680 RFA Eine Es ; — 11-18 —- SRE NE TA ET MERE 714 Séances des 19 décembres 18892444. 08 HoleMs 28 — 2 CÉCEMORE A een Eee 745 — 9-16 janvier: 14890. boat . L39etro V60 _— s) — CT FANS NP 790 Le 93-30 As Set Nr nu 92 1 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES ne] Séances des 6 février EL Un DR tn — 13-20 — RE anni UE — 6 mars EL TO QUE OR 0 Tpe 0 _ 13 — ee relie see — 21 — nine Me ONE — 17 avril Le ER — 2% — Ve: 11e Miehasr _ 1 mai re So e ier ent — ÿ — ET es dr — 22 — A DANS PE ete — 5 juin Ne Ge es — 12 — NE EI ME cue — 19 — RE Le — 20 MOVONOLC = Te ee —— 27 — A TO TOR — 11 HÉCEMPDECM ER EE re e Société de Physique de Londres Séances des 17 janvier MISIURe-*- rt — 7 février A 0 —— 21 — RS St AE OT ES — 7 mars M OUT DE On Aa : _ 21 — Me oi MS Iee — 18 avril RE 5 CT ES - 2 MAL Te Are t ete Aer tn Re — 16 — TE net ets fr etg te — 6 juin NE PS — 20 — Re a SAMOA — 1% HOVeMOLe EM cn CEA — 28 — Ne eau — 12 HELENE ee D res Société de Chimie de Londres Séances des 16 TAN TIS DER ERREET ER CT — 6 février SN rc 0e Ph — 20 — ES DENT ROUE ed — 6 mars SE EMA FETE CEE AU PE — 21 (banque EEE ARR — 20 — RE CERN — 3 avril mem este ee Eee — 17 — = Rae ect — À mai =, PM CO Se — 15 — — RTS IN 948 et — 5 juin tn Communications recues pendant les vacances... Séances des 6 MOveMPrC MASO0E ER ee Aer cn — f décémhre "Free Société royale d'Edimbourg Séance du de décembre LS IDE EME ES ENTREE — 15 — EP AS CU A Académie royale de Belgique Séances des 17 décembre MBSOR "FER ER TR e — k Janvier MS IU0 PE TENTE ere — k février HE Son do — n mars — .. 220et —— ! avril - — 3 mai -- — 7 juin — _ 5 juillet — . Communications recues pendant les vacances.......... Séances des 11 DCIDOTE MSIE EEE NET ET EE — 8 novembre — ..:... oaeto A Académie des Sciences de Berlin Séances des 12 dévemire MARRON der nee Là 19 — TP 9 no EEE A moe en eee — 16-30 — — A Le ete etat a Lee — 6-13 février = Man audeeett:-t = 20-27 — = Séances des 13 mars eo td ic © . 155 — 20 —_ Gb, 18. «2002210029 — 21 rs ie Our see 283 — 10 avril ADI: dre 283 — 17-24 — tbe ete 318 — 3-22 mal ete Dé ae 388 — 5 juin nb. MURS RSS 389 — 12 — AT ds ATP 420 Communications reçues pendant les vacances......... 682 Séances des 13 novembre 11890". 2RE0h-r000 748 — 10-27 _— EN re a ONE 79% — 4 décembre "Tex NRC 795 Société de Physique de Berlin Séances des 20 décembre 1A881%-"PPPERPETEEREE 30 = 7 février 1890121017 MSP 94 — 21 — — nie DH 126 _ 7 inars 5, ace a NE 157 — 20 — == a ee MASTER 189 — 18 avril is. PPS 284 — 16 mai ares 319 - 30 — = Muret 349 = 13 juin 2H ue es © DEEE 389 -— 24 octobre = RC TES 683 — 1-21. moyembre. MP PE PEER 717 — 5 décembre +22 RER RER 748 Société de Physiologie de Berlin Séances des 14 mars 1890 5% tree 189 — 28 — —" sa ANT 221 — 95 avril = Lu 284 — 9-23 mai 2 349 = (Q juin 4, 12 0 CNRS 389 — 31 octobre — eee 748 — 14-28) 2norémbre LME PT CRE 748 Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg Séances des 28 JANNIELIOMIS UP EE ET LEREMENEREREE 93 — 12 février ET STE TEAM 123 — 25 — sitter RARES 187 — 11 mars OS LT LA 220 -- 25 = taste ce ROME 221 — 22 avril er she RUE 319 — 6 mai TR RS 319 Communications recues pendant les vacances... bon ds Séances des 23 septembre MBODE 2-7..." Herrr eee 684 - 9 octobre A AR D acce 717 — 4-18 novembre Re re 719 — 2 AÉCEMDTE ME STEP 795 Sociétés savantes d'Odessa Séances de janvier-fevrier 890%" "RER 188 — mars-avril = Res se TO E 253 — mai-juin — SLT 319et 421 — octobre mn Too oaue oo 685 Académie des Sciences de Vienne Séances des 9 JANVICL MBA ENT EEE RER 29 — 16 = oo 61 — 23 — = TER CR AIN CE 94 — 6 février Re 126 — 13 — — LV Re 153 — 6 mars A es 189 — 13 — A OO A 190 — 20 _ ns nl TRES 221 — 17 avril ré etee teRS ESS 284% — 2 —— pra D 320 —_ 8 mai RS TE EU Dec 320 = 16 — = ris an sens 350 — 6-12 juin core es SEE 390 —- 19 — D NOTA Rp tee 421 — 3-10 juillet mnasarl est) 107 460 _— 17 — D D den EL PAST 495 à RAR SN Éd NS de ed TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 9 Séances des 9 octobre ne DV vue 685 | Séances des S$ —- RE at RL inc te 222 — 16-23 — a Ps ler 686 — 1 nars DS, PR Er dE 292 — 6 MOMCIND TC ME A Ni ten 715 = 5 ca TN SE PS EE Académie royale des Lincei = A = hs ch agree pee ele (ee diese à J0 "= EL déCeMbre, — ...:........s. 196 Séances des 1-8-15 décembre 1889 .................. 3 — 19 RSR AO DEL CT EE A CR ne 6 Académie des Sciences de Turin QG 5 ee Pere ” 5 Séances des 29 décembre mA889 M... 32 = 16 — TN TRE 127 — 42 So ne 61 _ 2 mars ÉEN MTT- AUX SE LE 158 : +: - RC = RE VAE EVA 190 Académie de Médecine vétérinaire de Turin cs 13-20 nl RER LE 254 Séances des 23 UeCEDT EAST FAR ee -erriee 32 — 4 mai es PRET 285 — 12 rio IEEE RARES 62 — 18 _ AT Tire 350 _ 8-23 février M RP Ten LOUE ES 158 — Il juin PR AR NE 390 — 15 — Un EN CARE 391 Académie des Sciences de Naples 2 6 SUR EL He RM 422 Séances des 5-11 Janvier MSA TC Eee 1914 | Communications faites pendant les vacances. ......... 750 — 1 février NE Ann OMC OANE 11 IPS Ence du tdéccmhre ASE ENT RE Re Ti IV. — COURRIERS Bonnie del Geneve tn re ee tn Tate test ouuuer LAMAIeT TAN END Ue vec Da 526 — RU PRE A ME EMEA TS 286 — ROME re et Rene 620 NA RL RE RER CNET a EE 422 V. — CHRONIQUES BerGer (Alph.). — La pile-bloc à liquide immobilisé... 652 — La composition des caux de drainage.......... ... 496 DEHÉRAIN (Henri). — Les voyages d'étudiants à propos — Dynamomètre universel à lecture directe du travail. 527 du sixième centenaire de l’Université de Montpel- — L'assistance médicale par fes dispensaires dans les REA atrac SAC EE REC Cn OTTNEEET 361 CAT OTES emou se ve nnn coin ent Ne ele, . 686 DeLace (Yves). — Sur le mode d'action de la lymphe de — L'Eloge académique d'Ed. Phillips ................ 718 RTC SEE ee tee ce ei ainalehn tee cree a 797 | GarriGou (Dr F). — Le gisement de Brushite de la grotto L. O. (Louis Olivier). — L'observation des éléments his- de'Minerve (AUTO). -r se remets once 539 tologiques à la température normale de la vie...... 423 | X... — Les nouveaux torpilleurs chauffés au pétrole... 623 VI. — CONGRES Association francaise pour l'avancement des Sciences. Garricou (Dr I.). — Le premier congrès de l’Associa- Congrès de Limoges, 7-14 août 1890............,. 463 lionmpyrénéenne 4 Narbonne... -sersnrssise 624 VII. — CORRESPONDANCE a Conférence télégraphique internationale et l'heure Sur les Cyclones(Lettres de MM. Ch. Weyheret H. Faye. 559 universelle. (Lettres de MM. Tondini de Quarenghi Sur la biographie de Hirn (Lettre de M. Dwelshauvers- ELITE ROM RER RER RE CR ERA EE 461 IDE) lon Pro a one oo arm dan eo oc 655 VIII. — NOTICES NECROLOGIQUES BERGERON (J..— Hébert (Edmond ...........,,,,.,,, 223 TANGER LES A ae en er ete 42 CasnEx (A) Trélat (Ulysse).:.:...........444..0. 255 | Ouvrier (Louis) [L. O.] — Péligot (Kugéne).........., 256 GHARRINA(DI) Toussaint (Hi... 654 SOLE DOS) er eee ee 352 FLoquer (G.). — Mathieu (Emile).....,....,..,,...,.., 6870 NN ETz (Ame) Ant (GA LAS) Sn RENE 62 Hauc (E.). — Neumayr (Melchior).....,..,.4.......,, EN) 10 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES IX. — NOUVELLES Bicourpan (G.) [G. B.]. — L'éclipse totale de Soleil du Marraras (..— La transmission instantanée des images 22décembre 88078. e uen cree 32 par l’Electricilé- Aire NME CA EL RTE RARE EE 198 — Découverte d’une planète entre Mars et Jupiter.... 160 | Muynex (G. Van). — L’éclairage électrique à Berlin... 4% — Découverte de deux planètes et d’une Comète...... 192 | Orrvrer (Louis) [L. 0.1. — Expériences de M. O. Lodse 2 surlarésonnanceélectrique...-..-#.. Sac ce ee REA mn orne denenxr pans Eu) ss (5) NME D ol — Propriétés magnétiques a électriques du fer et de ses COMTE eee RTE NA E AMERRE EE RER 424 alliages. (Travaux du D' J. Hopkinson et de M. H. DEuxrouvelles Comes eat Re eee eee 528 Fe Chätelien) terre CC Ere Reno up 159 Duraxn-Farpez (D'° Ray.). — La lépre dans les colo- — L’éclipse solaire du 17 juin 1890.............. OM 2 TEST AN DIAIS Sr ennemie ele due 96 — La découverte du Biophène MAD AD Don: à 0 GUILLAUME (Ch. Ed.).— La discussion récente des expé- — Le discours de M. A. Cornu au congrès de Li- OC EU ed Ales don Rome de See one 63 MOPO LEE she Tone 0 NL ETES * 496 GuYE (Ph. A.) — La synthèse des fluorures de carbone. 95 — Les observations spectroscopiques de M.J. Janssen — Synthèses de la néphéline, l’amphigène et la soda- au sommet.du Mont-Blanc. .""#."""# "#1 560 AC En ne ae one contre AMP 0e 288 — Le fluor libre dans la Nature ............. 00688 Sc EUatondesudes eee AT MC 288 — Les expériences de M. Robert Koch sur la guérison — Un nouveau gaz : L’acide azothydrique 656 dela Tuberculose Le CEE E CPR PRÉSENCE 719 HEuDE (P. M.) — “Hyrac odontotherium et Prosy otherium 800 — La vaccination contre le tétanos ct Ja diphtérie.... Ti2 Hopkixsox (Dr J.). — Propriétés magnétiques et élec- |! PoixcaRe (L.). — Les perturbations de Mercure et les triques du fer et de ses alliages................... 159 lois électrodynamiques de Gauss...... MO one doi ? MAQUENxE (L.). — Synthèse de l'acide gluconique et de — Production d'un champ Re par un phéno- è LE CO CEST TEE RE EN 22f ÉTOILES Do de Moo dans ar : 687 n — Nouvelles recherches sur les Sucres............... 592 | Sauvacraw (C.). — ü: ne nouvelle plante reviviscente. 128 | dé dr e D à : TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Abadie, 714. Abbé (dIéna), 189. Abel (John), 189. Abels, 95, 683. Abraham (D'), 96, 619, 679, 713, 715. Achalme, 386. Achard, 184, 346. Acqua, 392. Adamkiewiez, 390, 749, 796. Adie, 61. Adler (August), 685, TIS. Adler (G.), 94, 460. Agamennone, 31, 254, 391. Agerton, 220. Aignan (A.), 385. Airoldi, 62. Airy, 322, 791. Albini, 191. Albin-Meunier, 52, Alcantara (Dom Pedro d°, 650, 790, Alembert (d’), 22. Alharracin (D'), 426. Amagat (I.), 385, 741, 189. Amat (L.), 89, 280, 713. Ampère, 38, 226, 230. Anderlini, 158. Andrade Corvo de , 730, Andrade (3.1, 709, Andral, 18. André (de Lyon, 279. André, 315, 455, 570, André (Ch.), 789. Andrews (Thomas, 387. Angeli, 286. Angelitti, 222. Angot (Alfred, 384, 743. Angstrüm, 183. Ankersmit, 191. Annales de l'Observatoire de Nice, 739. Anotta, 714. Antoine (Ch.), 57, 120, 217, 384, 385. Apostoli, 280. Appell (Paul), 21, 89, 93 à 99, 180, 345, 679, 709, 739. Arachequesne (G.), 217, Argutinsky (P.), 118. Argyropoulos (F.), 650. Aristote, 65. Arloing (S.),315, 567. Armstrong, 122, 348, 388, 420, 681. Arnaud, 71. Arons, 682. Axrhénius (Swante), 197, 198, 232, 495, Arsonval (d°), 23%, 249, 386, 586, 791. Arthaud, 28, 59, 91. Arthur, 730, Asaph Hall, 175. Ascoli, 350, 341, Assafry, 93. Assmann (Dr), 30. Asten (von), 66. 1 Les noms imprimés en caractères gras sont ceux des auteurs des articles originaux, Les chiffres gras reportent à ces articles, Astley Gresweel, 7S$. Astre, 184, 354. Aubin, 186. Auer von Welsbach, 404, Augé (E }, 384. Auger (V.), 89, 186, 520. Auscher, 495. Autonne (Léon), 585. Auvwers, 173. Avogrado, 226. Ayrton, 60, 123, 792, 798. Babès (V.), 249, 258, 315, 316, 426, 523- Backlünd (0.), 30, 66, 93, 123, 188, 221, 319, 685, 749, 795. Bacon, 226. Bææckel (J.), 280, 316. Baes, 62, Baeyer, 166, 226, 229, 450, Bailey, 157. Büllaud, 650. Baille (J.-B }, 302. Baillon (H.), 710. Baily, 22. Balfour, 596. Ball, 249, 391. Ballance fA.), 282. alland, 789, Bamberg (van), 190. Bamberger (Nare), 421. Banks, 104. é Bar (Dr), 106. Barbier (Ph.), 152, 184, 345, 494, 534, 552. Bard (Dr L.), 26. Bardeleben, 376, Bardy (Ch.), 343. Barillot (Ernest), 342. Barlux North, ?48. Barnard, 67, 650. Baroncelli, 192, … Barral, 416. Barré, 789. Barré de Saint- Venant, S0, 82, 3179. Barrois, 43. Bartet (E.). 385. Barthe (L.), 525. Barthélemy (Dr), 150. Barthès, 557, À Barus (Carl), 276. Bary (de), 335. Bascou (V.), 314. Basset (A.-B.), 28, 681. Bassi, 296. Bassini, 222, Bastit (E.), 145. Bataillon (E.), 185, 385. Battelli, 350, Baudon, 651. Baume-Pluvinel (de la), 120, #16, 524. Baumgarten, 19. Baunis, 56. Bayle, 20. Baynes, 369. Bayrac, 121. Bazin, 95, 120. Bazy (D'), 314, 417. Beard, 373, 374. Beaugey, 120, Beaulard, 345, 494. Beaumont (Elie de), 43, 45. Beaunis (H.), 56, 382. Beauregard (H.), 70 à 36, 88, 214, 246, 320 à 378. 589, 681. Bech, 187. Béchamp, 341. Becke, 126. Becker, 226, Becquerel (H.), 151, 688, 713. Beddard, 741. Becver (C.), 458. Beevor (G.), 419. Bchal (A.), 89, 186, 281, 385, 746. Behrend, 229, Behring, 752. Beilstein, 93. Beketof, 683. Beketow, 188. Békytof”, 93. Beltrami (E.), 415. Bénédikt, 421. Bérard, 274. Berchem {P. van, 57. Berg, 93, 279, 455, 679, 195. Berger, 58, 344, Gü. Bergeron (Dr, 90. Bergeron (J.), 43, 224, 312, 493, 848. 700, Berget (Alph.), 57, 586, 633. Berghaus, #52 Bergman, 1, 795. Berliner (Emile), 286. Bernard (Félix), 668, 787. Bernard (Claude), 299. Bernouilli, 77, 195, 226, 366. Bert (Paul), 128, 198. Bertacchi, 32, 62, Berthelot (Marcellin), 30, 57, 58, 95, 165, 184, 185, 217, 218, 226, 297, 229, 291. 233, 279, 3145, 338, 345, 384, 385, 455, 494, 595, 572, 619, 688, 713, 714, 700. Berthelot (Daniel), 218. Bertillon (Dr J.), 26. Bertin, 79. Bertrand Joseph), 5, 9, 10, 11, 33 à 40, 85,127,174, 431, 670, 253 1 760,360 à 262. Bertrand (Dr), 44, 152, 280, 382, 493, 672. Berzélius, 227. Bessel, 22, 66, 6S. Besson, 57, 89, 18%, 385, 790, Bevan, 157. Beynstein, 157. Bézier, 590. Bezold (de), 283, 795. Bianchi, 254, 285, 350, 391. Bichat, 307. Bichner, 684. Bidet (André), 455, 746, Bidschof, 796, Biéla, 67. Bigiavi, 254. 12 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS = Bigot, 186, 649, 785. Bigourdan (G.), 21, 32, 65 à 30, LS, 432 à 429, 215, 630, 6175, 744. Billing, 562. Billy (de), 5# Biltz, Binder, 320. Bioche, 184. Biolopolski, 749. Biot, 38. Bla Keslev, 283, 793 Black, 419. Blaese, 93. Blaikley, 348. Blake (J.), 455. Blanc (Louis), 524. Blanchard (Emile), 1 Blanchard (Raphaël), 456, 588, 620. Blaserna, 31. Blatti, 306. Bleicher, 385. Blix (Magnus, 23%. Bloch (Salvator R. Blocq, 153, #18. Blondlot. 307. Blutel, 519. Bobylev, 95. Bœhm (J.), 312. Boggio-Lera, 158. Bohr (Ch.). 89, 494, 52%. Boidin, 676. Boïnet (E.), 5 Boirct, 649. Bois (du, 682. Boisseau du Rocher, Boisselier, #4. Bonadorff, 93. Bonnier (Gaston), 121, Bonnier (J.), 790. Bonuzzi, 621, 622. Boquet, 789. Borda (de), 21. Bordas, 59, 143 Bordiga, 31. Bordoni-Uffr SE Borgman, 89, 279, Bornet. 25. Borrel (A.), 59, 457 Bortkevitch, 220. Bosc, 341, 386, 191. Fe (Dr KE), 33, 344, 522. ee (le P.), 23( Botey (R.), 493. Bossut, 66, Bouasse, 456, 791. Bouchard (Dr), 384, 466, He Boucheron (Dr), 52, 495. Boucheron (Henri), 414%, Boudier, 328. Bouguer, 22 Bouillr, 149. Boule (Marcellin), Boulouch, 679. Bouloumié (Dr), Bourgeat, 346, 5: Bourgeois, 18#, 186. Bourguet, 356. 311, 590, 147. 790. 536. Fh2 308. 8, 20, 156. . 090, Boussinesq (J.), 80.38%, 385, 103, 233, Boussingault, 102, Boutigny, 54. Boutlerow, 169, Boutroux (L.), 494. Bouty, 82, 122, 433, 279,316, à 445,5 Ja 90, 2 328, 5 61, 62, 450. 416, 494,6 56, 590, ss. 17, 279 2949: #16, 457, 614. Bouveault, 650, 651. Bouvier (E.-L.), 151, Boyer, 315, 494. Boys, 123, 156, 282, 318, 38, 419, Brandza (Marcel), 385. 529. Branly, 248, 219, Branquet, 318. Braucr, 73. Braun (F.), #94. Brauncr, 118, 495, 686, 79%. Bréal (E.}, 14 Breda de Haan Bredichin, 68. Brédikhin, 68#, Breunand, 792. Bretonneau, 70. 182, 383, 494. mur 1. J.), 527. , Breuner (Adalbert, GS. Brewster, 229. Briart (Alphonse , 30. Brillouin (Marcel), 22. 444 à 4 43, 509. 710. Brioschi, 422, 750. Briscoe, 419. Brissaud, 212, 495. Broca, 541. Brodhun, 189, Brongniart, 71. Brooks, 66, 67, 192. Brouardel, 58, 90, 106, 121, 259, Brouncker, 193. Broussais, 18, 258. Broussilowsky (D"), #21. Brouvwier, 19. Brown (Brum), 741. Brown (Horace), 251. Brown-Séquard (D'),28, 316, 386, 417, HO Brucchietti, Brulli, 790. Bruhns, 349. Brunhes (Bernard), 80,1 380, 413, 494, 552, 782. Bruns, 389. Brusaferro, 158. Bryan (CG. R 210 Buat (du), 22. Buchanan, 138, 741. Buchet (Gaston), 28. Buchner, 123. Budde (E.), 94. Budin (D'),90,106 1444, 121,185,385. Budistheano, 186. Bukowski (Dr), 390, 461, GS5. Buimm, 185. Bunsen, 172, 229. Burch, 347, 741. Burckhardt, 68. Burdon Sanderson, 282, 347, Bureau, 44, 121, 128. : Burnill (Thomas), 731. Bursault (Henri), 218. Butte, 28, 59, 91. 3uvs Ballot, 252. 6S3. 11%. 750. 47, 181, 349, € CG:E., #1: Cabadé (D), 493. Cadéac, 52, 59, 2 Cadenat, 650. Cadet (G. Le), 279. Cadet de Gassicourt, 346. Cadiot, 652, Caïlletet, 791. Calderon, 590, TR. Caligny (de) L Callandreau, © 420, 459: 15, 315, 453, 679, 789, Cambemale, 316. Campbell, 122. Campredon (L., 676. Cancani, 31. Cantone, 95, 24. Cantor (Mathias), 41 Canu, 71%, 789. Capellini, 95, 158. Caralp (J.), 185. Carez, 43, 165, 526. Carita, 298. Carl Barus, 276 Carlet (G.), 121. Carnelley (Thomas, 388. Carnot (Sadi, 4, 130. Carnot (Ad.), 50, 281, Carnov, 242. Carpentier, 511. Cartier, 50. SF A2 Carvallo, 1 Caspari 52%, 791. Cassedebat, 248, 386. Cassini, 21. Castex (D), 49%, 789, SOLE 250, 317. , 186, 2 245, 270. de ., BA à 325 =, 461, 462, 255, 314, 5 46. . = ? LE Cathelineau, 249, 281, 791. Cauchy, 78, 721. Cavalli, 34,254 Cayeux, 120, Cayley (A.), 89, 619, Cazal (du), 152, Cazeneuve, 218, 248, 31, Cellérier, 315. Celli, 295. Cels, 789, Céraski, 178. Cérésole, 116. Certes, 588. Cesäro, 31, 884. Tül Chabot, 524. Chabrié (C. 385, 114. Chabry, 495. Chamberland, 47. 87. Chambon, 790, 791. Chancourtois, 22, 219. Chandler, 66. Chancey (H ), 458. Chantemesse, 143. Chapel, 556. 790. 113. , 58, 95, 96. 120, 152, 186, Chaperon, 317, 3417 Chaput, 122, 745. Charcot, 211. Chardin, 746. Chardonnet (de), 114. Charlois, 192, 218, 320, 416, 524, 556. Charpentier, 121, 281, 316, 346, 616, G52, Chapoteaut, 746. Charpy (Georges), 23, 182, 215, 276, 343, #14, 559. 615, 630, 618, 657, 185. Charrin (D'), 59, 249, 280, 316, 346, 347, 384, 418, AAA, 457, 495, 554, 618, 652, 656, 681, 791. Chassagny, 619, 679, 713, 715. Chassy (A.), 347, 41. 21, ST, 89, 118, 452, 456, 540, 676, 619, 710, Chatin (Ad), 151, 152, 790. Chatin (J ), 28, Lil 5, 189. Chauveau, 50, 95 456, 494, 569, 790, 185. Chauvel, Chavanon, Chauve, 495. Chône, 32. Chesneau, 524. Chevalier, 218: 58,119, 205. L L , | 2 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 13 Chevrel, 271. Chézeaux (de), 66. Chklar, 220. Choay, 385, 146. Chrée, 29. Chwolson, 319 Ciamician, 285, 350, Ciani, 255, 391. Clarke, 40, 130. Claudel (Louis). 120. Chus, 221. 391. Clausius, 5, 9, 195, 226, 293, 366, 570, 670. Cloez (Ch.,) 152, Cobes, 557. Coggia, 494, 528. Til. Colas (Et.), 59 Colladon, 61. Collaud, 557. Colie, 681. Colley, 218. Collilanzi, 62. Colin, 124, 218, 524, 745. Collot, 44. Colson (A.), 381, 456, 52 Colson (R ), 141. Combemal, 249, 457, 524. Comberousse, 411. Combes (A.), 186, 52%, 590. Combes (Ch.), 27. Commenge (Dr), 27. Condamine (La), 21. Contarino, 191. Contejean (Ch.), 249, 536, 679, 715. Cooper Curtice, 649. Coppola, 25#. Cornet (de Berlin, 185, 186, 281. #, 789, 791. 21: Cornil (Dr), 18,51, 150,258, 316, 417, 523. Cornu (A.), 57, 64, 10, 178, 184, 249, 304, 343, 496, 790. Cosserat. 219, 384, 524 Cosson (Ernest), 760 à ‘562. Costa, 285, 750. Cotteau, 217. Couette (Maurice), 19, S0, 491. Coulomb, 36, 79. Couper, 227. Coupard, 454, Courmont, 249, 316, 680, Courty, 248, 345, 416, 52 189. Couturier, 281. Cowper, 376. Crafts, 230. Créquy, 121. Cristiani (D°), 192, 558. Crivelli, 316. Crookes (William), 25, Crookshank, 295. Cross, 157. Crozat, 15. Cuboni, 422. Cuénot, 218, 385, 743. Cuizinier, 526. Curtel, 650. Curtillet (D), 26. Curtius, 656. Czermak (Dr), 390 713, 115. 229, 230, 401. Daguillon (Aug.), 521. Damien (P.), 96. Dangeard (P.), 90, 557. Daniel, 345. Danion, 152. - Darboux, 95, 99, 279, 493. Daremberg, 346. 4, 590, 619, 651, Dareste, 384, 457. Dastre (A.), 313, 417, 514. Daubrée, 21, 316, 345, 680, 744, 789. Dautheville, 789. Dautsches (Victor de). 61. Davaine, 106. Davison (Ch.), 458. Debore, 20, Debray, 457. Decharme (C.), 315, 945, 525. Dechevrens (Marc.), 345, 385 Decœur (P.), 313. Decrais, 262. Decroix, 651. Degasgnv, 525, 714. Dehérain PP. , 89, 352, 427, 496, 525 Dehérain Henri, 351. Deinda, 94. Déjerine, 91, 185, 211, #15, Déjerine-Klumpke (Mme), 2 Delachanal, 455, 592. Delacroix, 494. Delafond, 44. Delafontaine, 400. Delage (Yves), 217, 797. Delauney (Ct), 23. De Lavarenne (Dr E.), 14% à 97, 59, 88, 90, 422, 150, 244 à 245, 219, 250, 316, 4317, 454, 457, 523, 526, 652, 742,745, 9238 À 294, 700. Delbet, 56. Delbœuf, 252 Delbos (J.’, 46. Delebecque, 790. Delens (Dr), Delpino (F.) . Del Re, 95, 254, 7 Delthil, 651. Demareçay (E.), 141, Demartres, 120. Demoor, T4. Demoulin, 782. Denigès (G.), 945, 74%. Deniker (J.), 382, 414. 5 Denning, 528. Denza, 590, 682, 790. Depasse, 557. Depéret, 4%, 280, 789. Deprez (Marcel), 39, 40, Déry, 306. Descartes, 226. Deschamps, 144. Desesquelle, 153. Deslandres (H.), 248, Gil. Desnos, 651. Despeignes, 121. Dettweiler (Dr), 20. Devauriex (Léon), 279. Devillers, 90. Dewar, 86, 87, 715. Diday, 218. Dierkx (QG), 184. Dieulafoy, 790. Dines (W.), 438. Dirichlet, #5. Ditte, 184, 248, 416. Dixon, 181. Doblin (Léonard), 420. Dohrn, 375. Doignon, 590. Doleris, 249. Dolter (C.), 320. Donath (Ed.), 29. Dor (Louis), 316, 650, 7153, 713. Douglas-Maclagan, 741. Douliot, 236,237, 238, 239, 457. (4,212: 346, 680, 311, 396, 750. 20, %, 152, 183, 185, 386, 714, Doumer (E.), Doumet-Adanson, Doxford, 623. Doxon, 157. Doyen, 152. Drobrzynski, 685. Drouin (René), 745. Drygalski (Erich de), 269, 270, 271. Dubief (Dr), 88, 216, 247, 2178, 383, #15. 555, 618, 678, 788. Dubini, 297. Dubiquet, 2 249 Dubois, 155. Dubois (Raphaël), 121, 152, 498 a 208 27, 51, 315, 346, 552. 74%. 455, 494, 525, 556, G17, 619, GS0: Du Bois-Reymond, 30, G1, 126. Dubosq (Ch.), 186. Dubourg, 219. Duchartre (P.), 27 Duchenne (de Boulogne), 211. Duclauwx, 78. Dufet, 457, 791. Dufourt, 185. Dufrénoy, 43, 45. Dufton, 711. Dujardin-Beaumetz (Dr, 51,121, 152,316 346, 495, 591, 680. Dukynsky, 686. Dulong, 226. Dumas, 22, Duménil, 89, Duméril, 70 Dumontpallier, Dumoulin, 390. Duncan, 420. Dunstan, 187. Dupin, 97. Duplouy, 417. Dupuy, 153, 386, 711. Durand-Clave, 49, 146. Durand-Fardel (D' R: 1. Durègne, 790. Dutartre (Abel), 89, 679. Duval (Mathias), 316, 680, GST, Duvillier (E.), 213. Dwelshauvers- er 54, 63, 429 à 436, 295, 491, 592, 614, G53, 739, Dyar, 112. Dverim, 341. Dymond, 318. 997 Za ls 11, 316. , 96, 119. 494 E Easterfield, Eastman, 65 Ebermayer, 3 Eberth, 143. Ebner (von V.), 94. Eclude (A. de 1, 525 Edeleano, 186. Eder (J.), 320. Edison, 503. Eflront, 736. Eginitis (D.), 27, 517. Ehrmann, 281. Eisenlhor (de Hambourg). Elie, 19° Elliot, 217. Elster (J.), 320 Emerv, 254. Empereur, 219. Encke, 66. Engel, 184, 248. Enriquez, 391. Epping (J.\, 21. Erb, 211. Erich, 269: —) | 912. 796. 1% Erikson, 4, 5, 239. Erenmeyer, 166. Ermengein (D'), 259. Espine (d’), 191. Espiennes (d°), 220. Etard (A.), 41 à 45, 59, 41958, 444. Eternod, 551. Ettinghausen, Euler, 66, 77, Evans, 290. Evans (D° Griflith), 29%. Ewart (Dr), 156. Evwers de Swerin, 19 Ewing, 29, 794. Exner (Franz), 460. Exner (Karl), 460, 656. 236: = Fabre (J.-H. 151, , 44, 19, 14, 15e Fabre- Domergue, 59, 386, 7h. Fabris, 391. Fabry (Ch.), 132, Kacini, 258. Falk (F.), 349. Falke, 94. Famintzin, 123, 684. Faraday, 31, 63, 230. Fauchs, 495. Faurot, 21, 9 Fauvel, 523. Favero, 190. Favier, 15. Faye, G6, 68, 10, 124 384, 416,456, 481, 74%. Fazio (Dr), 678. Fedorof, 795. Fernbach, 52 Fengi (J.), 651, Feoktisov, 123. Féré, 249, 280, 281, 680, 715, 745. Féréol, 386. Fergola, 222. Ferran (D'), 259. Ferranini (Andréa), Ferraris (de), 306. Ferratini, 286, 350 Ferreira da Silva, : Ferrini, 190. Ferry (Ch.), 152. Ferry de la Bellone, Feussner (Dr), 648. F.F. (Voir Folie). Filhol (Dr. 461 Finzi, 390. Firtsch (G., Fisch, 328 Fischel, 109. Fischer (Em. 294, 229. Fischer Fischer (Ph.), 268. Fitzgerald, 29, 125. Fizeau, 176. Flahault, 215, 239, Fleischmann, 221. Fleming (J. A.), 59 Fleming RARQPre ; Fleury (L.), Flimm (W. ia 18. Floquet, 651. ee (Léon), 74 27 Flourens (G.), 58 Flower, 371. 19%. 715. 346, 385, 925. à 168, HS. 167, 168, 186. 556, P.), 151,494, 526, : 279, 315. 619, 7#4. 971, 315, 346, 169, TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS F.N., 118. Fogh, 184, 218, 494. Fol (IL), 345, 385, 433. Folie (K.), 91, 117, 124, 253, 319, 343, 420, 159, 193 à G47. Folin (de), 185. Fontannes, #4. Fonvielle (de), 315. Fonviolant (de), 218. | Forbes, 793. | Forcrand (de), 279, 280. Forné, 280. Fort (J.), 316, 651. Fortini, 556. Fosseck, 495. Foster, 526, Foucault, 229. Fouqué, 44, Ch LE Fouret (G.), 248, 279 Fournier (Dr A red), Fournioux, #11. Fowler, 15%. Fraenkel (S.), cu Francois, 316, 4 Franck (Franco ois). ; Franck, 327, 7417. Frank, 242, 326 à 53 Frankel, 48, 49. Frankland (C. Percy), Franklin, 1, 380. Frauenhofler, 229, Fredericq, 636. Fredholm, 217. 322, 345, 59, 650, | Frémy, 15, 42, 245, 713 Freund (Aurg.), 796. \ Le] , Freund (E.), 637. Freycincet (de), 5 Fribourg (CG., 508. Friedel (C.) ë | Priedel (G.), 288, 347, 385, 632, Fricdreich, 159, 653. Friedlander, 1#3. Frew (W.), 358. Frühner, 295. Fromager, 185. Froment, 390. Froschauer, 749. Frossard (Ch.), 316. Fuchs, 61, 388. 95, Fulton, 290. Fumouze, 71. Fusari, 391, 422. G Gabriel (S.), 795. ‘ Gabritchevsky (D°), #5. Gad, 349, 748. Gaftky, 143. Gager (Gustave), 686. 93, 1817, 319. A), 651. 123. Galezowski, 316. Gralippe, 153, Galitzine, 21%. Galtier, 153, Galton Francis, Gamaléia, 418, 790. Grangl (V. Ganzino, 61, Garbini, 422, Craretto, 158. Garibaldi, 31, 2 10/1700 Gadolin, Gaillot Galawine, Tab, 90.74 , 96, 230, 288, : M6, 217, 259, 2 Ehrenwerth). 71 125, 220, 252, 160, 653, 682, PE , Frankland (C. Grace), 186. 1S6. 341, 718. 389. 92) Gariel (CM), 302 À 309,676. Garnier, 744 Garreau, 102, 299. Garrigou (D°), 560, 624, Gaskell, 374. Gasser, 457, Gaudry (A.), 30, 151, 493, 556. Gaudry (L.), 162. Gaulard, 306. Gauss, 35,38, 321. Gauthier (L.), 591. Gautier (Armand , 90, Es 123 4, 276, 288, 354 à 365, 450, 539, 567. Gautier (G.), 219, 559. Gautier (Henri), 56, 87, 89, 148, 182, 312, 381, 413, 452, 679. Gay-Lussac, 41. 196, 226, 477. Gayon, 279. Gebler, 76. Gegenbaucr, 190, 350, 495, 685. Geisenheimer, 184, 219, 315, 416, 455. Geitel (H.), 320, 796. Gellé, 650. Cenreau, 44. Genvresse, 281. George (Hector), Georgesco, 186. Gérard (Eric), 342, 525, 676. Germain, 652, Germonprez, 249. Gernez, 91, 18%, 416, 74% Gerosa, 390. Gerson (de), Gessard, 151. Giacomelli, 750. Giana, 796. Giard (A.), 57. Giard (Jules), 249, 312 Gibelli, 328, Gibs, 306. Gibson (Jhon), 741. Giffard, 292. Gilbert (J. H.), 60, 281, 652, 680. Gilles de la Tourette, 219, 281, 791. Girard (Aimé), 57, 89, 345, 744%, 186. Gladstone, 229, 420, 716, 792. Glénard, 249. Gley, 153, 316, 386, 417, 457, 52%, 632, Glücksmana (C.), ) 42 I. Gnezda (Dr), 155. Goldberg, 220. Goldscheider, 189, Gombault, 211. Gomes Teixeira (F.), 379. Gonnard, 790. Gonnessiat, 416. Gorgeu (A.), 90, Gorgue, 281. Gossart, 54, 30%. Gosselet, #4 Goth, 796 Gouilly, 586, 782 Gouré de Villemontée, 418. Goursat (E.), 180. Gouy, 384, 385, 455, 189, Graber, 198. Grablovitz, 31, 25% Grad (Charles), 424. Graham, 10%, 227. Gramme, 40. Grammont (de), 455. Grancher (D°), 18, 20, 48, 144, 346, 525 Graad’Eury, 30. 152, 162, 465, 150, 347 BR 221,748: 186, 279, 315, 347, 384. © Grandis, 751. Grant, 157. Grassi, 297, sn ie" donné OS ÉÉ,. S. ÉR … < sr: TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 15 Grebe, 47. Green (Dr J. W. Eldridge), 92. Green (J.-R.ÿ, 92. Grégory (Richard), 29, 60, 92, 156, 187, 219, 251, 282, 317, 348, 387, 419, 459, 520, 716, 747, 192. Gréhant, 91, 121, 153, 280, 314, 618, 680. Gresnevsky, 93. Gressly, 421. Grew (N.), 100. Grifiths, 151, 458. Griglio, 62. Grimaux (E.), 4, 152, 341. Grobben, 686, 796. Grœæbe, 229 Grotthuss, 791. Gros, 315. Grosglik, 335. Grossetesie, 63. srossouvre (de), 44, 89. Grünvald, 285, 685. Cuëde (H.), 523. Gruenez (D.), 184, 186, 713. Gruéniot, 121, 249, 417, 19%, Guérin, 456, 591. Guermonprez (de), à Guettard, 100. Guglielmo, 750. Guichard (C.), 57, 315. Guignard (L.), 28, 90, 152, 153, 185, 218, 241, 408, 495, 526, 789. Guilbert (G.), 456. Guillaume (Ch. Ed.), 6%, 86, 153, 347 413, 695, 741, 783. Guillemin A.) 60%. Guinard, 790. Guinochet (E.), 27, 121. Guitel (F.), 24, 27, 416, 650,714, Gulland, 794, Gundelach, 182, Günther, 377. Guntz, 337, M6. Guye (Ph.-A.), 57, 91, 96, 44%, 218, 288, 347, 365 à 330, 384, 636, 713, 746, 785. Guyon (F.), 151, 415, 677. Guyton de Morveau, 1. 467, 171, : 57, 591, 620. ) H Haaf (Carl), 685. Haberlandt (G.), 320, 390. Hache (Maurice), 456, 557, T1. Hafkine, 247. Hagemann, 389. Hallauer, 6, 7, 63, 293. Haller (A.), 58, 451, 185, 453. 619, 713. Hallier, 565. Hallopeau, 745, 783. Halphen (G.-H.), 18%. Hamilton Acton, 414. Hamy (M.), 57, 120. Hancock, 290. Hankin (E.), 348. Hann, 190, 285, 796. Hanot, 680. Hanriot(D'), 186,281, 347, Hardy (Dr), 18, 714. Harkup (Richard, 126, 656. Harley, 743. Harmonville (baron d°, 182. Hartis, 327, 332, 334. 335. 130. Hartmann (Dr), 26, 56, 88, 419, 150, 182, 183, 216, 278, 314, 344, 415, 454, 542, 589, 617, 678, 743. Hasley (Victor), 419, 741, 746,791, Hasselberg, 68. Hait, 345. Hattensaur (E.), 29, 56. Hatschek, 376. Haudié (Edgard), 181, 587, 615. Haug (Emile), 159, 42%, 454. Haughton (S.), 25. Hauser, 347, 391. Hausner (Dr), 188, 253, 320, 421. 685. Hautefeuille (Pabbé), $, 289. Hautefeuille (P.), 120, 345. Hautreux, 138. Hautzsch, 157. Hawes, 156. Hayem, 494, 495, 554. Hébert (A }), 149, 312, 315, 587, 649, 677. 186. Hébert (Ed.), 223. Heckel, 57, 218, 280, 38. Heen (de), 253, Hédon, 680. Hedwig, 100. Heidenhain (L.}, 183. Heinricher, 126. Heinz, 731. Held (A.), 679, 713. Helmholtz (de), 30, 226, 229, 489, 682,717, 124. Hemming, 112. Henderson, 122. Henneguy (Félix), 34. 554, 714. Hénocque, 680. Henrot, 152, 745. Henry (Ch.), 94, 143. 524 Henry (Louis), 30, 248, 455. Henry (Paul), 248. Henry (Prosper), 248, 315. Henschel, 335, Hensen, 188$. Hepperger (von J.), 93. Hévard (Dr), 18. Herbert Tomlinson, 219, Hergott, 386. Héricourt (J.), 347, 385, 71%. 790. Herlzis, 495. Hermann-Munk, 151. Hermann Wagner, 615. Hermite, 30. Héron, 289, 292. Herschel (A.), 69. Herschel (A. S.), 311, 318. Herschel (W.), 173. Hertz, 57, 61, 63, 64, 141, 620, 695. Hertzig (J.), 460. Hervieux, 185, 316, 620. Herznstein, 123, 681. Heude, 800. Heudes, 385. Heycock (M.), 251. Heymans (J.-F.), 189, 221, 349, 350, 389, 554, 748. H. H., 182. Hibbert, 420, 792. Hicks (W.), 146. Hillairet, 386. Himstedt (G.), 147. Hinschkron, 796. Hirsch (J.), 180. Hirn,2, 5 à 9,11,62.63,252, 291; 29: H. L. (Voir Léanté H.), 86, 180. Hærdtl (de), 66. Hoffmeister, 243, 244. Hofmann (von), 188, 226, 795. Hohnel. 320. Holl, 461. 583, #51, 456, 907, 308, 309, 284, 318, 319, . 693, | Huzoniot, 209. Hurion, 381. Hollande, 44. Holetschek (S.), 460. Holt (Ernest), 155. Hômen (Th.), 153. Hooke, 76, Hopkins, 157. Hopkinson, 92, 159, 160, 282, 716, Horant, 791. Horbaczewski, 229. Hori (E.). 716, Horkay (L.), 390. Horsley (Victor), 458, 519. Hospitalier, 412. Houllevigne (L.), 217. Houssay (F.), 374, #17. Houzeau (J.-C.), 310. Howes, 371. Hrabak, 10. Hubert (H.), 411. Huggins, 179, 416, #18. Hughes, 251, 388. Humbert (G.), 190. Hutchinson (Jonathan), 96. Huggins (M. et Mme, 792. Huyghens, 8, 226, 289. Igenhousz, 299. Ilic (P.), 24. Imchenetsky, 93, Isherwood, 130. Issel (A.), 151. Istrati, 186. Ivory, 35. Iwan, 229. lwanowsky, 731. 221" Jaboulay, 316. Jaccoud, 124, 145. Jacquemin (G.), 384, 455. Jacquet, 28, 219. | Jacquot, 44, 46. Jäger (Erich), 148. | Jagnaux (Raoul), 648. Jahn (Dr Hans), 30, 61, 94, 126, 157, 189, 284, 918, 319, 349, 399, 421, 717, 748, 795. Jamet (V.), 179. Jammes (L.), 455. Jancewski, 237. Janet (Paul), 120, 152, 281, 380. 18, GS, | Janosic, 283. Janssen, 322, 345, 392, 416, 560, 619. | Japp, 187, 318. Jaquet (de Bäle), 219. | Javal, 456, 591, 620, 714. Jean, 281, 746, Jeannel (Dr), 25, 790. Jeffery Parker (1.), 250. | Jesse, 683. Joannis, 57, S9. Jofé, 192. Joffroy, 212, | Johanny (G.), 495. | John (Abel), 189. | Johne, 19. | Johow, 327, 329, 331. l Joly (J.), 29. Joly, 217, 384, 190. Jonathan (Hutchinson), 96. Jones (J.-V.), 715. Jonquières (de), 57, 89, 120, 218. 16 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS | UOUS ,silivmot} Joubert, 6%, 309. Joubin (L.), 25, 367 à 720. Joubin (P.), 27, 89. Jouffroy (marquis de), 290. L Lechartier, 271. j ‘ Le Chatelier, 1-0, 151, 160, 218, 2: 456, 541, 542, 619, 630. Rs Lecher (Ernest\. 320, 350. ; NT [ l L Labbé, 456. f Joule, 38, 77, 130, 226, 293. Laborde, 28, 52, 53, 59, 90, 121, 152, 153, | Lecomte (H.), 44 à 47,239 à 241.49, Jourdan (E.), 343, 745. 219, 385, 386, 417, 457, 714, 115, 145, 529, 553, 617, 186. Judd (G.), 25:. 191. Lecoq de Boisbaudran, 27, 57, 229, US, | Julien, 218. Laboulbène, 121, 18%, #35, 456, #94. 401, 590, 619. : Jumelle, 745. Labouret (de), 21%. Lecornu, ##, 590. Jungfleisch, 224, 248. Lacassagne, 316. Le Dentu (Dr), 280, 316, 526. 6 9. Jusari, 255. Lacaze-Duthiers (de, 3172, 37: Ledieu, 10, 14, 217. | Lachaud (A, 345. Ledouble, #17. K Lacouture, 78%, Leduc, 57,52#, 713, 740. : La Condamine, 21. Lecnhardt, 789. Lacroix (A.), 27, 120, 215, 38%, #16, 417, | Lefèvre (C.), 151, 174, &5. 456, 744, 790. Lefévre (J.), 741. Ladenburg, 229. Le Fort, 589, 591, 680. Kalischer, 717. Kamienski, 253, 326, 333, Kaminsky, 93. Kanrin (D° de la Jamaïque , 96. Laënnec, 17, 18. Legay, 790. Kapp, 793. Lagerheim, 218, 327. Legendre, 35. Lagneau, 58, #17, 456, 620, 680, 790. Léger, 347, 456, 743. Lagrange (Dr, 216, 529, 531, 533. Legge (di), 750, 751. Laguesse, 219, 346, 386, #18, 457. Legrain, 457. Lagumina, 121. Leidié (E }, 456. La Hire, 66. Leidy (J.), 381. | Karlinski (Dr Justin}, 49. Karpinski, 795. Kater (de), 22, Kaudon, 192. Kaufmann, 522. 52 Kayser, 389. Keéen, 549. .Kékulé, 296. Keller, 123, 391. 686. Kelsch, 415. Kerry (Richard), 460. Kersnovsky (B.), 683. Khawkine, 372. Khrouchtchoff, 749. Kierwonsky, 93. Kicwiez (Adam), 320. Kilian (W.), 4%, 701, 702. Kiliani, 168, 229. Kilngemann, 181. Kipping, 157, 283, 681. Kirchhof, 172, 229, Kirchoft, 38. Kirkwood, 68. Kirschoff, 61. Kitasato, 752. Klauber (Alfred), 460. Klebs, 143. Klein, 283, 338, 339, 347. 383. 721. Klemencie (J.), 495, 6S5. Klingemann, 716. Klobb, 281. Kloos (Dr), 524: Klumpke (Mlle); 151, 248, 524, 556, Klobukow, 452. Knab, 784. Kobald, 686. Kobb, 713. Koch (Robert}, 17,258, 563, 659, 719, 720, 791. Koch (L.), 333. Kochler, 192. Kœænig, 348. Kohn (Gustave, 460. Konkoly, 28. Kopsel, 319, 748. Kowalewsky, 149. 685. Kozloff, 49%. Krauss, 495. Kreutz, 66. Krogius, 457. Kronberg, 587. Kronecker, 151, 283, 388, 389, 682, 794. Kruss (Gerhard), 56, 448, 402. Kummer (P.), 326. Kundt, 80, 389. Künckel d'Herculais, 185, 217, 248, : Kunstler, 713, Lajoux, 152. Lala, 74%. Lalande, 22. Lalanne (G.), 553. Lallemand (Ch.), #16. Lamarck, 371. La Maestra, 744. Lamery (dom), 713. Lampa (Anton), 285. Lancereaux, 51, 211. Landerer (J.-J.), 494. Langral, 748. Landolt, 794. Landouzy (Dr), 19, 212. Landrin (Ed.), 152. Lang (von), 718. Langer, 681. Langley, 219, 782. Langlois (P.), 346. Lannelongue, 18%. 183. 36, 393, 417. Lapicque (L.), 27, 28, 58, 59, 90, 119, 124, 152, 155, 185, 216, 218, 929, 281, 316, 347, 385, 386, 417, 156, 457, 494, 495, 525, 591, 620, 652, GS0, 714%, 715, T#5, 746, 790, Laplace, 66, 67. Lapparent (de, #5, 267 à 222, 61, 680. Laquerrière, 280, 680. Larrey, 591. Lartet (E.), 161. Lasne (Henri), #17. 456, 714. Lataste, 652. Laulanié, 347. Launay (de), 4%, : Laurent (H.), 227, 310, 714. Laussedat, 713. Lauth (Ch.), 789 à 791. La Vallée Poussin (de), 425. Laveran, 295, 347, 386, #18. Lavoisier, 1 1, 233, 572: Lavrovsky : Lawes, (Sir J.-B.) 60. Laycock, 717. Layet (A.), 26. Léauté (H.), 86, 180, 274, 280, 289 4 293, 491, 550, 625, 663, 174. Lebcau (P.), 151, 184. Lebel, 791. Le Bel (J.-A.), 58, 186, 224 à 232, Lebesconte (G.), 556. Lee Dickinson, 219; Lejars, 679. Lelieuvre (Maurice\, 310, 651. Leloir (Dr), 96, 213. Leloutre, 6, 63. Lemaire, 237. Leman, 349. Lemoine (V.), 152. Le Moult, 679. Lénard, 696. Lenoir, 8, 681. Leone, 31. Léotard (J.), 455. Lepierre (C.), 345. Lépine, 145, 183, 248, #16. Lepsius. 46, 246. Leroy (E.), 148. Lesage, 219, 677, 800. Lescarbault (Dr, 174. Lescœur, 120. Lespieau, 281. Lesseps (F. de), 325 Letellier (Aug.), 525 Leteur (F.), 184. Letulle, 153, 185, 213. Levasseur, 152, 789. Leveau (G.), 57, 192. Le Verrier, 68, 69, 172, 174, 179. Le Verrier (de Marseille), ##. Lévy (Louis), 462. Lévy (Lucien), 417. Lévy (Maurice), 3% à 42, 80, 184,248, 307, 385, 224. Lewkowitsch, 318, 388. Lexell, 68. Leyst, 93, 188. Lezé. 217. Liagre, 124. Liais, 67. Licbreich, 79%. Lichtenstein (de Montpellier), 73, 73. Lichtenstein (prince dei, 190. Liddecker, S00. Liebermann, 229. Liebig, 226, 5 Lignier (O.), 382. Lindemann, 749. Lindet, 186, 248, 52%, 746. Linder, ##%, 251. Lincebarger, 791. Ling (Arthur), 187. Link, 100. Linossier (Georges), 421; 279. rites lost nent ps ns FT I LR D à, Lt. à réséant fe TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 17 Liouville, 209, 679. Lippick, 495. Lippmann, 59, 61, 151, 153% Lipschitz, 389, 49%. Lister, 106. Liveing, 125. Livon (Ch.), 316. Liznar, 796. Lloyd, 61. L. O. Voir Olivier Louis. Locard (Arnould, 32, 383. Lockyer (Sir J. Norman), 28, 178, 179. Lodge Lœwy (M.), 248 Levy (I), 349. Locw, 169, 224. Lohers (H.), 349. Longchamps de, Longridge (James), 340. Loria (Gino), 32, 750. Lortet, 121. Lory, 4%. Loschmidt, 61 Lubbock (Sir John), 198. Lucas-Championnière, 121, 5 Lucas (Edouard), 319. Lucas (Félix), 790. - Lucet, 745. Lude {Aloïs), 190. Ludwig-Mond, 681. 730 Luksch, 685. Lumière, A.et L. Lurmer, 683. Luther (M. W.), 160. Luvini (G.), 677. Luys (J.), 150, 185. GS1. Lyon (L.), 585. 568. M . Macé, 52, 129. Macé de Lépinay, 279, 225. Macaulay, 794. Maclaurin, 35. Mac-Mahon, 92. Macret, 386. Madamet {A.), Si Mahler (Ed.\, 749. Magalhaes (Pedro de), 280. Magini, 286, 422, Magnan, 52, 249, 591. Magnanini, 158, 254, 285, 350 Magnin (Ant.), 2$0, 384. Magnus, 327. Mairet, 347, 79 Makensie, 681. Malaquin, 790. Malard (A. E.). 56, 541, 542. Malassez, 28, 91. Malbec, 457. Malbot, 650, 679. Maleyx, 782. Mallard (E.), 89, 151, 790. Mallet (I), 156. Mallèvre,-745. Malpighi, 100. Malvoz, 19. Maly (Richard 149, 182. ; 461. Mancini, 32, 61,95, 127, 158, 191. 253. 286. 350, 392, 4 Mandl (Z 22, 623, 752 . 390. Mangin, 100 à 406. 120. 217. 244, 456, 789. Man Mandl. 491, 29, 60, 146, 245, 519, 315, 220 à 241, 15%, M5, 236 à - Mar shall” (Milnes), Mannheim, 89, 120, 451. 679, 744. Maquenne, 57, 1635 à 172. 186. 224. 271,456, 521, 592, 713, 746. Marage, 56. Marangoni, 31. Marcano, 218. | Marchal (Paul. 90. 619, 651, Marchand, 149, 173. Marchiafava, 295. Marcolongo, 1. 285. Marey, 259, 524, 679, 737. Margerie Emm. de), 24,48 à 47, 246. 343,453, 521, 553. 616, 696. Marguerite Delacharionny, 524. Margule (Dr. 190. Marie (Léon , 451. Marignac, 191, 401. Marillier (L., 712. Marinescu, 153. Marino-Zuco, 391. Marion (A.), 280, 345. Marjolin, 65; Markow, 187. Markownikoff, 152. Marloth, 329. Marshall, 596, 647, 248. ATTR 681. Martel (E.), 616. Martin (H.), 19, 52 Martini, 748. Mascarel, 281. Mascart, 122, 21 789. Masoni U.. 310. Massa, 62. Massignon, 746 Massol. 248, 524. Masson, 229. Mather (T.), 60, 123, 220. Mathias (E.), 245, 281, 452, 798. Mathias-Duval, 316, 680, 681, 791. Mathieu (Emile 1 340, 680, 687, 714%, 145. Mathieu-Plessy, 556, 590. 7,342. 386. 456. 525, 650, 74 Matignon (C.), 385, 455. | Matthey (Edw: 1) 154, 615. Mattirolo, 328, 333. | Maupas, UE 525, 650, | Maurel, 20, 652, Maurice Lé évy (V. Lévy Maurice). Mauro, 31. Mauthner (D.), 495. Maximoviez, 93. Maximovwitch, 123. Maxwell, 37, 63, S0, 930. Mayer, 130. Mayer (Daniel), 245, 731. Mayer (Robert), 22 Mayet, 152. Mayo Robson, Mazzarelli, 491. Meillière, 790, Meisel, 177. Mégnin (P.), 153, , 249. Melander, 740. Meldola, 251, 358, 286. Ménard, 790, 791. Mendelejef, 22, 229, Mendoza, 316, 791. Mentchutkin, 319. Mer, 731, Merget, 102. Mermeret, 384. Mertens (F.), 320, 749. Meschinelli, 222, Meslans, 186, 218, 789. Meslin (G.), 311. | Mesnet, 185. 60, 441, 618, 184 Messier, 65, 68, 179. Metchnikoff Elie, 659, 660. Metz (de), 80, 81. Meunier (1.), 185 Meunier Stanislas. 650, 680. 145, 216. 383,425, 455, 992, 652. 90, TE 155, 2 Meyer, 143. Mever (V.), 147, 225, 441. Mever (Lothar, 229. 311 Mialhe, 561. Michaud, 385. Michelle CJ.-H.), 60. Michel-Lévy, 44, 52, 217, 315, 700, 713, 744. Miesler Jules, 460. Mikuliez, 25. Mill (R.), 140. Miller, 793. Millosevich, 31, 254, 285. Milne-Edwards, 151,164, 790. Minary, 70. Minchin (George-M }, 339, 395. Minet (Adolphe), 120, 384, 679. Mingazzini, 31. Minguin, 151. Miquel, 590, 650. Mittag-Lefller, 217. Méædler, 177. Moæller, 66. Mohl (H.), 10£. Mohler (Ed.), 494. Mohn (H.\, 139, Mohr, 94. Moissan (H..5 à 338, 651, 688, Mojsisovies, 24. Moldenhawer, 104. Mollière (H. Monaco (Prince de, 377. Monge, 97, 98. Moniez (R.), 149, 296, 745 Monnet, 116, 281. Montani, 791. Montemartini Monti, 621. Morat. 639. More 2], 2 28 Moriggia, 391. Morine, 319. Morley (F.), 716. Morpurgo, 95. 9,95, 120, 152, 15, 336 713, 790. ; 963. Dr Clemente, 32, 750. Morris (Harris, 251. Moser (James, 29, 126. 151, 217 Mosny, 121. Mossé (D°), 549. Motais, 185, 790. Mott (D"\, 119. Mouchez, 120, Mouillard, 737. Moureaux (Th), Mouret, 44. Moureues (L.\, Moutier, 184. Moussu, 522, Movynier de Villepoix, 494. Muller, 504. Müller (P. E.), 328. Müller (J,), 93, 185, 684. Mulsant, 70. Munck (J.), 221. Munier-Chalmas. 217, 493. Musculus, 171. Musset (Ch.), 89. Muntz (A. "300, 315, 385, 417, 748. Munzer E) , 350. Muyden (van), 214, 288, 519, 650, 789. 27, 494. 9n, 276, 456. 18 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Nabias (de), 217. Nägeli, 240. Nagy, 750. Nalepa (D° AÏf.), 29, 153, 686. Nasini, 158, 190, 730. Nassakin, 68%. Natterer ces , 65. Naud (C.), 146, 383, 1817, 614. Navier, 5, 71. Nélaton (Dr, 25, 344. Nencki, 421, Nentien, #4. Nerville (de), 309, 520, 618. Nétchoghin, 220, Netter. 185, 347, 493, 680. Neumann, 495. Neumayr, 159. Neve (D' E.), 96. Neville, 251, Newcomb, 179, 322, Newcomen, Bis 289. Newlands, 22, 229. Newmann (E.), #0. iNewton, 21, 65, 71. Nevreneuf, 303, Nicati, 28, GHACN TE Nichols (Edw art . JoÛ. Nickel (Emil), 710. Nicolas (Dr, 45%, 73. Nicolas (M.), 790. Nicdzwiedzki, 258. Niemelowicz, 221. Nilson, 402. Nimier, 119. Nipkow, 799. Niven, 792. Noack, 243, 329, Nocard, 258, 278. Nodon, 308. Noguës, 45%, 6 Noir (D'), 52. Nolting, 746. Nordenskiold, 152, 136, 251. Norman Collie, 193. Norman Lockyer (V. Normand (J.), 526. Nurène, 749. #1, 619. Lockver. Oo Obermayer (Albert). 77, 285. Obrecht, 178. Oddone, 285. Œchsner de Coninck Œhlert, #%, 52%. Œtmanns, 30. Offsiannikoff, Ogier (J.), Oglialoro, 222. Ohm, 38. Olbers, 68. Oldfield Thomas), Ollivier (Aug.}, 90. Olivier (Em), 345, 395. Olivier (Louis),26,5#, 160, 182, 214, 245, 247, 256, JL4, 340, 34%, 2,319, 380, L1D, 423, 45 462, 491, È 14, "560, 522, 8. 686, 688, JD Os , #13, #16. 12: 123. 60. 392, 522, EC 617, 649, 719, 720, 7 S00. Oltramare, 155, 192: OnaunofT, 281, #18. Onimus, 650, 193, 589, 111, 26, 86, 58.146, 149, 299, 310, PNR 496, 613, ñ12, 197, Oppenheim (D), 284. Oppert (J.), 21, 713. Oppolzer, 66. Orth, 183. Osborn (B. H.) 371. Osborne Reynolds, S0. Oser (J.), 685. Osmond (F.), 89, 121, 160, 283 Ossipoff, 185. Otokar Zecek, 189, Ott (Dmitri de, 149. Otto, $. Otio Ohnesorge, Otto Stolz, 350. 95. Ovido (d’), 32, Ouvrard (1, #16, 494. P Padé (H. AL Padova, 422, 750. Pagnoul, 152, 280, 650. Painlevé (P.), 27, 89, 279, : Paladino. 191. Palisa, 192, 320. Palmberg, 712. Pamard, 386, 680. Pambour (de), 5, 9, 150. Panas, 121, 417. Panasü, 255. Pancic Josif}, 2 Pannelli, 350, Paolis, 391. Papin (Denis), 8, 289. Pappel, 681. Parenty, 345. Parinaud (H., 249 Parisot, 316. Parker, 376. Parona (C.), 297. Pascal (Blaise), 77. Paschkis (H.), 285 Pasquier (°),7 Passemore, 392, Pasteur, 18,48, 62, Paterno, To. Patte rson Dr), 282. Paul, 2 Péan, . #15. Péano, 95, 751. Péchard (E.), 248. Péchard (P.), 455 Péchinev, 112. Peddie (W.) Pedler (A.),2 Pekelharing, Pelham-Dale, 716. Peligot, 256, 219. , Pellat (H.), 118, 122, 34 Pellet (E.), 248. Pellin, 715. Pelsener, 371. Pelsencer Penck, 268, 969, 9 2 Peratoner, 751. Percy (W.), 377. Pérez (J.), 590. Péricr, 25, 90, 12152 Perkin, 388, Ne 16. Permann (E.), 7 Péron (A.), 49: 4 Perrey (A:), 120, S1-1n12 233; 2, 676, 340. Perrier (E.), 345, 371, 3175, 38#, Perrier (Rémy), 246, Perrin, 120. Perroncito, 32, 62, 158, 297, 649 Perronet, 557, 8, 345, 89%, 63 i, 280, Gil, 74 209, 566. Perrot (F.-L.), 790. Perrotin, 175, 179, #16, 679. Perry (P.), 32. Perry, 318, 388, 420, 716, 798. Peterman, 741. , Petit (P.,57, 233. Petitcol, 379. Petot, 120, 650, Petricou, 186. Phannenstiel (de Breslau). Pfeffer, 193, 194, 197, 330. Pfeiffer (Th.), 24% Philippe (Dr), 96. Phillips, 7IS. Phisalix, 281, 316, 373, 386, 589, 74 Piazzi Smith), 322. Pic, 91 Picard (l'abbé), 21. Picard (Emile), 57. 107. 202. Picart (L.), 218, 248, 416, 524, 590, 651, 789. Piccini, 391. Pickerine, 122, 1717, Pictet (A.). 791. Picton, 251. Piélet (A.), 457. Pierpaoli, 31. Pierre, 55. Pigeon, 57, 551. Pignol, 28. Pigorini, 127, 190. Pilliet, 346, 680, 790. Pincherle, 158, 190, Pirotta, 392, Pisan, 341. Pisati, 95, 158, 391. Pitres; 213. Pixii, 40, Planck, 126, Plainer, 262. Plecke, a Pleske, 123. Poh], 320. ï Poincaré (Dr), 49, Poincaré (H.), 17: Poincaré Lt ien), 06, 94, 190, 122, 127, 153, 225 187, 792. De pan 929, bTo, 380, 386, 412, 418, 457, 715, 146, TO. Poinsot (Louis), Poiseuille, 78. Poirrier, 116, Poisson, 22, 31; 38, 80, 121. Polaillon, 149, 280, 591, Polin, 617. Pollack (Ch.), 184, Pomel (A.), 384. Poncelct, 9. Poncet, 281. Potain, Potier, Potter, 290. Pouchet (Gabriel Pouchet (Georges), 91, Poulet Pozri, 149. Prazmowski, 733. Prenant Dr, 593. Preston, 709. Priestley, 1, 299. Prillieux, 49%, 619, 729, 790. Pringsheim, ES 349. 753 à 760, 619. 145. 4%. , 40, 277. Prony (de), 2 Prost (Aimé), 3 313. Prouho, #16, 455, 744 190, 218, 289, 3 J.), 5%, 126, 341, 676,789, 18%. 184, 279, 310, 650, 619. 59, 26 à S2, 186, 216, 2%6, 249, 232, 276, 281, 311, 315, 317, 347; 492. 688, 710, 11. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 19 Proust, 48, 90, 225. Pruüdent (Ct), #3. Prud’homme, 45#. Prunet (A.), 185. Pruvot (Georges), 278,313, 455,713, Puiseux, 248, 279. 38#. Puitti, 222. Pullinger, 681. Pulug (J.), 190. Pum (G.), 495. Quénot, 186. Quénu, 670, Quet, 55. Quinke, 681. Quinquaud Je Ch. E.:, 59, 185. 386. 417. Quinquet, 525. R Rabl, 60%, Rabourdin, 650. Radau (R.), 651. Radovanovic (S.), 21 Raffeneau-Delille, 102, Raffy, 89. Railliet (A... 294 Raimbert, 218. Rambaud, 27, 38%, 524, T#4. Rammelsbere, 421. Ramsay, 122, 186. Rankine, 5, 293. 299,649, 745. Ranvicr (L.), 89, 18%, 217, 218, 234, 218 123, 789, 596. | Raoult, 151, 181, 197, 230, 316. Raschig, 42. Raspail, 563. Rauïs, 30. Raulin, 17, 120. Ravaz (L.), 391. Rayet (G.), 218, 248, 345, 416, 455, 590, 619, 651. Rayleigh (Lord, 155, 250, 31S, 318. 387. Raymond, 680. Rebourgeon, 457, Rechniewski, 607. Reclus, 149, 454, 515. Recoura :A.1, 151, 238, 34 ècess, 243, 328, Reggiani, 95. Regnard, 346. Regnault (F. de Toulouse, 162. Regnault, 4. Regnier, 149, Reichl (C.), 320, 348 Reina, 158, 190, 222, 750. Reinach (Salomon, 57 Reinke, 237. Reinold (A.), 250. Reiss, 244. Remak, 211. Rémond, 714, Tia. Remy-Saint-Loup, Renard (abbé), 7 É Renard (Adolphe), 455, 492, 350$. Renard (commandant), 746. Renault (B.), 249. 5, 384. Renaut (de Lyon), 59, 121, 208. Renaux, 27, 86, 14%, René (A.), 457. Renou (E.). 279, 554, Requin, 18. Resal (H.), 310, 384, 651. Retterer, 28, 90, 346, 652, GS, 715. Reusch (Hans), 796. Gol. ‘Rosières (Raoul. Reynaud, 38. Reynier, 51%. Rhazès, 561. Rhymer, 681. Ribalquine, 93. Riban (J.), 38%, Ribot, 56. Ricco, 31, 279. Richard, 48, 130. Richard-Harkup, 126. Richard (J.), 456. Richardière (D'), 145. Richardon (Arthur), 716. Richards, 130, Richelot , 149; Richer, 22, Richet, 346, 385, 493, 554, 71 Richmond, 681, Rifat (Dr), 620. Righi, 61, 158, 620, Riley, 73,74. 159. illict (AÏb.), 57. Rinne, 741. Risbwon Wettsein, 796. Ritter, 157. Riva Palazzi (G., 3% Rive (L. dela); 57, 64, : tivereau, 739. Rivière (Charles , 12, Rivière LE ), 152, 414 xobert, 249. ! 345, 494, 024, d J92. ù os, 1S 190. GS0, Runge, 389. Rusanow, 93. Russow, 239. Rydberg (I. . Sabatier, 741 Sabine, 22. Sachs, 102. Saenger, 31%, Sainte-Claire Deville (Ch.), 231. Saint-Germain (A. de), 98, 384. Saint-Hilaire, 123, 454, 523. Saint-Moulin (de), 110. Saint-Rémy, 742. Saint-Venant (Voir Barré de nant), Sajous, 617. Salet,-120, 147, 337. Salkowsky (E.), 221. Salmon (G., 379. Salomon de Caus, 289. Sambson, 7192. Sanaglia (Dr, 62 Sanchez-Toledo, 49. Sans, 793. Sansone (Antonio), 148. Saporta (de G.), 316, 746. Sarasin (Ed.), 57, 64, 309, 433, 451. Sarrau, 279, 188. 366, 370. Saussure (de, 100, 299. Sauvageau (C.1, 128. 216, 382, 525, 5 711, | Sauveur Saint-Ve 142. Jules. 30. rv, 8. stano, Savelief, 89. Savery, 289. Sayn (G.), 417. Scacchi (E.), 222. Scarle, 250. Schatffer (Dr, Schardinger, Schecle, 1 Scheiner, 157, 214. Schelling, 232. Schenrock, 683. Schimper, 134. Schiaparelli, 31, 69, 605, 606, 607. Schiff (Félix), 495. Schimper. 330. Schipilof, 191. Scblicht, 242, 3 21 Schléæsine, 112, 15 71% Schmathausen, 123. Schmid, 796. Schmidt (F. W.), 56, | 745. | Schmidt (Th.), 220. | Schneider (Léopold, 350. Schnitter, 187. Schæsing, 456, 682. Schünrock, 95. Schoute (H.\, 650. Schraub (A.), 320. Schrauf (A.), 460. Schryver, 681, Schulhof, 68. Schulten de (A.), Schuster, 387. Schützenberger, 171, 990, 74%. Schwartz (D, 2 729, 131. ss, 796. 190, 4G1. 175, 175, 605, 184, 185, 217, 300, 126, 386, #18, G52, 89, 789. 185, 218, 279,455, 20 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Schwedoff (d'Odessa), Schwendener, 10%. Schwinhurne, 156, 283. Scott, 250. Sée (Dr Germain), 27, 51, 316, 457, 49%, 557. Segond (D'), 2 Segre, 32, 61. Séguin, 226. Sémimolas 49%. Semper, 319. Senlecq, 198. Sennebier. 299. Sénéchal, 591. Serullas, 591. Seunes (J.), 453, 745. Seydler, 120, Shattock (S.), 282. Shaw, 281. Sheldon (Samuel, 688. 17, 80, 81, 306. Shelford Bidwell, 29, 219, 281, 793, 798. Sheridan (Delephine, 155. Sheridan (D' A.), 154. Sherrington (D'), 92. Shore (Th.), 374. Sidney (Martin, #19. Siegfried, 47. Siemens (de), 420. Sigmund, 460. Silber, 285, 350. Silvestri (de), 62. Simon (Félix), #19. Simony, 190. Singer (J.), 350. Sinigaglia, 54, 191, 222, 263 à 550. Siredey, 107. Sitken (Thon), 741. Skraup (H.)., 495. Slaby (de Berlin), 9, Smeaton, 290. Smitu (A.), 285. Smith (G.), 387, #20. Smolka (A. . 189, 350. Soldé, 782, Soles, 185. Solowjeff (Athanasius, 183. Solvay, 112. Soraucr, 729, Soret, 57, 352, 598. Soupronnenko (Dr), 221. Sparre (de), 650. Spencer, 458. Spitta, 178. Spitzer, 460. Spærer, 113, 218. Srpek, 499. Spring, 30, 402. Stahl, 226. Stanley, 157, 681. Stanley (W.), 174. Stefan, 61, 94,221 Steiner, 61. Stéphan (J.\, 29, 320, 390, 524 Stephenson (George » 290, Stetting, 95. Stevens, 290. Stieltjes, 120, 3% Stürling, 8 Stokes, 22. Stoletow, 308, 457. Stransky (S.), SRE Strasbürger, 241, Strassmayer, 21. Strauch, 717. Straus, 258, 790, 791. Stroobant, 174, 89, 219, 280, 267, | | Stroud (W.), #58. Struever, 32. Struve, 93, 684. das 95. Stuckenberg, 793. Stutzer (Dr, "de Bône, 52. Sucharda, 320. Sud’Borough, 793. Suess, 24, 320, 796. Suida, 495. Sullivan, 681. Sulzer (E.), 184. Sumpner (W.E., Sutton, 800. Svante Arrhénius (Voir Arrhénius). Svitsch (G.), 30. Swinburne, 123, 792. Swirsky, 188. ST 495. 1024, . Se 44, 789. Symens, MT. Symons, 110. Syndey (Martin), 347. 60, 123. T Tacchini, 31, 89, 95, 248, 254, 285, 315, 350, 391, 524, 590, 7ô1 Tafel, 167. Tainter (C. S.), 303. Tait, 793. Talbot, 229. Tall (de), 123. Talon, 557. Tanatar, 188,253. Taunery, 193, 529. Tanret, 7. Tarnier, 90, 106, 110, 114, Tassel (Emile), 385. Tata (de Bombay), 219. Tatchanovsky, 123. Taylor (Albert), 52. Tchebycheff, 93, 319, 717. Tchistovitch (D), 145. Teisserenc de Bert, 556. Thélohan, 347, 385,681, 713. Terby, 30, 91, 178, 459, 682, Termier, 218. Terriel (A.), 456. Terrier (K.), 149, 183, 278, 620. Terrillon, 58, 515, Testut (L.), 588. Tessier, 18. Théoktistof (Dr, 684. Thévard, 385. ÿ Thierry (E.), 652, Thiesen, 682. Thomas (A.), #19. Thompson (Dr S. P 193 Thompson (C.), 317. Thomsen, 226, 231. Thomson (J.-J,) 250, 368. Thomson (Elihu), 306. Thomson (Sir W.) , 29, 34, 64,229, 230; 250, 272, 293, 325, 348, 793. Thorpe (E.), 348. Thorpe (G.), 250, 28: Thoulet (J.), 27, . 437 à 440, 217, 116, 500, 619. Thuillier, #4, 258. Thumas, 457, Thurston (R.), 132,379, #11, 613, Tictine, 188, 253 Tilden, 187, 185, 55T, 188. 526, TA5. .), 60, 187, 220, 792. 139, 182. 316, 513, 816, Tillaux, 149, 391. Tillo (A. de}, 90, 159. Tilly (de), 252. Timiriazeft (C.), #16. Tingle (Bistrop)}, #20. Tioumiantzef, 717. Tirelli, #22. Tissandier (G.), 782. Tisserand, 68, 89, 120, Tissier, 186, 791. Todaro, 31. Toison, 185. Toledo (Sanchez), 19. Tollens, 170. Tomasi (Donato. 246. Tomlinson (Charles), 458. Tomlinson (H.), 219, 387, 793. Tomson {W.), #19. Tonelli, 127. Tondini de Quarenghi, (Cés.), 322, 462, 6179. Topinard, 16%, 371. Topient, 789. Toula, 24, 9%, 320, 350. Tourneux, 91, 153. Toussaint (H.), 654. Trabut (L.). 152 Trasbot, 297. Traube, 193. Trecul (A.), 525, 651. Tredgold, 5, 9. Treille (Alcide), 345, 194. Trélat (D'), 25, 27, 106, 121, 149, 255. Trombi M (du 292. Trépied (Ch.), 27, 384, 416, 650, 744. Tresh (J. C.), 61. Trevithick, 290. Tripier(Raymond), 280, 343. Trotter, 156. Trouessart (E.), 382, 789. Trouvé (G.), 416, 418, 525, 789. Trouvelot, 179, #16, 619. Tschermak, 285. Tschersky, 93. Tubeuf (von), 335. Tudor Cundall, 157. Tuflier, 185, 386, #18. Tuillant (A.), 457. Tutton, 283. Tyndall, 230, 232. Unterweger (J.), 495. Urbain, 15. Vagel, 389. Vagnez, 153. Vahrlich, 329. Vaillant, (Léon , 57, 377, A4, 715. Maillard, 145, 213, M5: Valcourt (de}, 580. Vallin, 714. Valude, 121. Van Beneden (P.), 91, 242, 460. Van der Mensbrugghe, 125, 459, 49%. Van Muyden (G.), 288, 424. Vanni, 350, 391. Van’t Ho, 194, ! Van Tieghem, 236, 237, 238, 239. Van Wijhe, 374. Varet (Raoul), 58, 680, 713. Vaslin, 494. Vasseur (G.), 43, 345, 383. 27, 179, 274, 307. 527, 556, 619, 195, 197, 22%, 226, 232. % | } LS | | » 20 id TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Vauthier, 89, 181, 304, 305. Vayssière (A.), 57. Villon (A.), 652. Vélain (Ch.), 44, 493, 783. Veley (V. H.), 746, 747. Venukoff, 152, 790. Verdin, 219, 281. 681. Vernadsky (W.), 417. Verneuil (D'}, 25, 26, 51, 88, 151, 149, 218, 280, 346, 417, 492, 551, 679, 713. Vernon, 251. Vernon Harcourt (L. K.), 92. Veronesse, Ti0. Verri (A.), 343. Verwecke (van), 46. Very, 182: Vézes, 248. Vial, 45. Viala (Pierre), 58. Viallanes, 745. Vialleton, 590. Viault, 789. Vibert, 525. Vieille, 619, 715. Vignal, 28, 91, 788. Viennet (E.), 248. Vignard (D'), 48. Vignon (Léo), 120, 184, 279. Viguier (Camille), 433, 482. Villain (L.), 314. Villard, 152, 494, 325. Villari, 29. Ville (G.), 786. Ville (J.), 121, 494. Villemin, 17. Villemin (Dr), 51. Villié (E.), 491. Villiers (A.), 452. Villon, 281. Vilsing, 172. Vincent (C.), 280, 455, 592, 715, 743. Vincent (Dr H.),91, 153, 247,383, 659. Vinogradsky (Sergius), 300, 301. Violle, 89, 181, 304. Viollette (C.). 525. Virchow, 258. Viré (A.), 680. Vivet (L.), 526, 591. Vogel, 45, 214, 388. Vogt (Georges), 27, 313, 385, 552, 676. Voisin, 79. Volante, 32. Volterra, 95, 127, 750. Vonhühne, 231. Vries (de), 195. Vuillemin (Paul), 326 à 335, 228. W Waals (van der), 366, 369. Wadsworth, 318. Wabl (D° von), 96. Wahrlich, 329. Wakker, 730. Waldeyer (W.), 388. Walker, 387. Walker (Gr. S.), 154, 741. Walter, 218, 390, 458, 592. Walther-Meunier, 267. Wanklvn, 166. Warburs, 80, 180. Wargentin, Î. Warpachovsky, 123. Warren, 269. Watel, 746. Watcrhouse Watson, 419. Watt, 5, 129, 290, 292. Weber, 39, 54, 324. Wedensky, 123, 790. Wegscheider (Rudolphe), 718. Weidel, 686. Wailler (Lazare), 799. Weiss (de Vienne), 153, 284, 796. Weiss (Dr Georges), 82 à S4, 234, 284. Weissmann, 372. Weith, 503. Weldon, 112. Welsch (Jules), 192. Wemyss Fulton, 141. Werner, 187. Wertheiner, 711. Wettstein (V.), 749. Weyer, 186. Weyher (Charles), 54, 302, 480, 498, 559. Weyr (Emil), 29, 61,94, 126, 127, 153, 186, 190, 221, 285, 320, 350, 390, 421, 4 495, 686, 7LS. 749, 796. Whetham (Dampier), 458. Whipple, 283, 388. Wickam, 88. Wict, 590. Widal (D), 27, 143. Wiedeman, 81, 82. Wicdersheim (R.), 246. Wiesner, 14, 390. Williot, 744. - Winckler (A.), 390, 448, 718. Wild, 93, 123, 319, 525, 683, 795. Wildon (R.), 250. Willey (Arthur), 348. H. J.), 183. Willans, 263. Williams (Dawson, #19. William Henry Preece, 311. William Russel, 385. Williamson (C.), 186, 227. Wiilm, 741. Wilsing, 172. Winnecke, 66. Winogradsky (S.), 300, 316. Winter, 219. Wirtinger, 718. Wislicenus, #45. With-Schmidt, 791. Witz (Aimé), ® à 44. 63, 86, 315, 317, 524, 585, 670. Wladesco, 281. Wolf (Rud.\, 21. Wood, 5. Woolf, 7, 11. Wollaston, 229. Worms (Dr), 150. Woronin, 327. 329. Worthington, 419. 420. Wright (Alder), 317. Wullner, 30. Würtz (Adolphe), 166, 167, 226. Würtz (D' R.), 28, 338, 493, 615, 188. Wyhe (vau), 596. Wyndham Dunstan, 318. Wynne, 122, 348, 388, 681. 55, 57, 696, 748. X. Y. Z Yung (E.), 313, 522. Zachariades, 346. Zacharias, 454. Zacgert, 94. Zagadka, 123. Zager, 196. Zanetti, 391. Zaremba, 54, 57, 696, 748. Zatti, 286, 350, Zeisel (S.), 460, 495. Zenger (Ch.), 89, 307, 494, 590, 679. Zeuner, 5, 6, 7, 40, 11, 293, 670, 671, 672. Zipernowsky, 306. Zlaturski (G. N.), 320. Zolles, 685. Zschükke, 295. Zujovic (J. M.), 24. Zulkowski, 390. Zune, 281, 746. Zuntz, 349, 389. Zürcher, #4. TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES QU V-x MAN) CONTENUES DANS LES ARTICLES ORIGINAUX, LA BIBLIOGRAPHIE, LES CHRONIQUES l WITH.) A M ET LES NOUVELLES ! 1 l ‘ ) 1) ‘ ARCHÉoLOGIE. — Application de nouveaux instruments de précision al": 7 147 ARITHMÉTIQUE. — Lecons d’ — 782 AKRTHROPODES. — Contribution à l'étude du cerveau Cheziles MPa REMES EN EE nn se TRISTE ASSAINISSEMENT. 2 2V(ÉS vITlES AAA PER EREE 48 ASTRONOMIE. -— Revue annuelle d == ,/,/.,,..1, 0 172 — Bibliographie générale de P —.....:.......... 00 310 ATLAS.— Physikalischer =: AMAR RER 452 ATTRACTION: —"—"des sphères::t PU ERRSeeRE 33 — Sur le mouvement d'un corps soumis à l — newtô-. nienne de deux corps fixes, et sur l’extension d’une propriété des mouvements keplériens. ... ........ 109 AuscuLraTiIon. — La tuberculose et 1° — .:,°..1.....,, 17 B BaByLon. — Astronomisches aus —....:.....,##. r LATE Bacrzze. — Recherches sur le — typhique......,..,... 1438 — Sur l’exaltation de la virulence du — morveux..... 216 BACTÉRIDIE. — — charbonneuse asporogène...:,...... 87 Bacréries. — Les — et leur rôle dans l’étiologie, l’ana- tomie et l'histologie pathologiques des maladies in- FECUEUSES So cu AA PER tone CP SE 523 BaArrisnics.. — Internal "#22: CCE Biornène. — La découverte du — .................... A : ABDOMEN — Chirurgie de l'— .,..:;..,.....4.:...... 514 AByssALES. — Les eaux — ........................... 500 AcanMiEs. — (Voir la table analytique des matières... 7 à 9) AGIDE GLUCONIQUE. — Synthèse de l —................ 22% _— surrurique. — Nouvelle théorie de la fabrication de l — ai —, AZOTHYDRIQUE. — Un nouveau gaz : 656 = cyanaypriQue. — Recherches physiologiques sur LR cer devenue SH AS TRE PR ATNE 618 Acer. — L? —. Historique, fabrication, emploi........ 976 AGTINO-ÉLECTRIQUES. — Etude des effets — ............ 307 — La cause probable des phénomènes —............. 695 AÿrosTier. — Souvenirs et récits d’un — militaire de l’armée de la Loire 1870-1871.................... MA2 AGRICULTURE. — Application de lElectricité à | — 611 AIMANTATION. — Etude théorique et expérimentale sur P — transversale des conducteurs magnétiques... 380 AUNTANDS DES Ce ee meer hpipes 38 ArcaLoïpes. — Les — de l'huile de foie de morue...... 276 AreMgerx (d). — Lagrange ct d'— d’après leur corres- pondanc (NOR RE RE En NE TP TO DE! 529 AuGèBre. — Lecons d’— supérieure..,...:..:........ 319 == Cours d—SUupérICULC.-. rer couie Ait ALGcoL.— Des intermittences périodiques de l'éclat d'—. 214 rneRS ES eee Cercle cb 215 — La liquation des — d’or et de platine 615 | Amon. — Les récents travaux sur l— et les diastases. | 723 | ANPHIGÈNE. — Synthèse de l° — ...................... 298 | Avazyse. — Curso de — infinitésimal, Ire partie calcul | inteoral..--heeseus-ec-cmeeececrtan: AE 319 — Compositions d’ — , Mécanique et Astronomie..... HAUT — Cours, d — infinitesimale à l'usage des personnes | qui étudient cette science en vue de ses applications mécaniques et physiques. C13 — Revue annuelle d — — Traité pr: atique d — comparée.................. AxpaLoustE. — La géologie de l — ct le tremblement de terre du 25 décembre 1884, d'après le récent rap- port de la mission française...:.............:...2: ANÉMIE. — Un cas d’ — pernicieus — J}/ — pernicieuse d’origine parasitaire............. ANESTHÉSIQUES — Les —; physiologie et applications chirurgicales...................................e ANGINE: — "Recherches bac tériologiques sur | — pseudo- diphtérique de la scarlatine.....................:. AxvaLes. — — géologiques de la péninsule balkanique. Axxeacx DE Newrox. — La visibilité des —...,..... è AxruroPoLoGiE.— L'— criminelle et ses récents progres, Axrisepsie. — Les sages-femmes et | —.............. ANTISEPTIQUES. — Recherches expérimentales sur l’ac- tion de quelques — sur le Streptocoque ct le Sta- phylococcus pyogenes aureus........ ......-.-.: APPAREIL URINAIRE. — Chirurgie de l'— ....,......... Arcnégen. — L? — et le Cambrien dans le nord du massif Breton et leurs équivalents dans le nord du pays. de Galles... RE ET MAN tale Eee 1 Les chiffres gras renvoient aux articles originaux. BLENNORRHAGIE. BorTaniQuEe. — Revue annuelle de — Bracnioropes. — Les —, leur structure et leur parenté. 767 BRONTOMÈTRE. — Le —...... AS Ce one o sat IG BrusuiTe — Le gisement de — de la grotte de Minerve (Aude): enr rene RCI CONCNEES 555 € Cazéracrion. — Mesures des tensions superficielles dans losahiquidestent-—""##ererre rer re cRe s+ret 309 CaMBrIEN. — (Voir Archéen)........:.,..... RARES ACER CAPILLARITÉ — Influence de la — et de la diffusion sur l'énergie dissolvante des liquides........... RUB 452 Cargoxe. — L'assimilation du — par les plantes vertes en partant de certains composés org ganiques DO Lu 1 Le Ati — Les réactions colorées des composées du —..... «. TI Cire. — Surile traitement dela ARR ENenR 649 Cartes. — Les deux nouvelles — géologiques de la France. 43 Causses. — Les Cévennes et la région des —.....:/. 616 CELLuLOsSE. — Variétès de — 243 CexrraBBLarr. — Biolog. —... c 149 CEPHALALGIES. — C ontribution à l’étude des —, névral- gies et migraines d’origine nasale.... ............ 454 Cerveau. — Contribution à l'étude du — chez les Ar- thropodes trachéates........ AHAR NU AUS AREAS 142 Céracks. — Les — souffleurs ..…. 182 Cévennes. — Les — et la région ‘des Causses... to HG A6 CnaLeur. — Sur la — latente de vaporisation des gaz liquéfiés.:...,..................... DASon tes 46.00240 CnaAMP ÉLECTRIQUE. — Production d’un — par un phé- nomène optique —............. 687 Cnamr. — Sur la mesure re magnétique 342 CHarBox. — Le — des pigeons........:...:.........:: 216 — Le— des rats blancs. :0114020.28R 00 en Ra 383 | LE VERS mént er de otre fé nt, dns TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES Cneyxe-Srokes. — Contribution à l'étude de la respi- ration périodique et du phénomène de —....,.... Crime. — Revue annuelle de — appliquée.......... Fa — Les problèmes de la — moderne................... — Les théories modernes de la — et leur application à LM ÉCAMIQUE CHIMIQUE EN ELLE 2420. eee ce — Revuc annnuelle de — pure... — Traité de — appliquée à l'industrie... — Traité de — minérale et organique. — Les principes de la —.... Cnmsre. — Aide-mémoire du —..... Masse FRERE CHiIRURGIE. — Traité pratique de la — d'armée... :..... — Revue annuelle de — ..... nee D A AE CR — La — des reins et des uretères. .......... CHLoraL. — De l'influence du — sur les combustions respiratoires chez le chien... M Ce Don QUO ee de CaLore. — l’industrie du — ............ in none CucoropnyrLe. — La synthèse de la matière organique SRE TA LUMIBTE 2, saine op sieiele sde APCE ” Cucorures. — Sur les — d'acides bil ques. + Cunoc. — Courbes représentatives des lois du — ‘longitu- dinal et du — transversal d’une barre prismatique. Cnorépoque. — Remarques cliniques sur un cas d’obs- DÉUCTD AE GANAl 05e ee eee bee : CHOLÉDYSTENTÉROSTOMIE. — CnoLérA. — La prophylaxie internationale du — — The bacteria in asiatic —...:..... re A de — Le — en Espagne et les mesures prophylactiques. KA Curome. — Recherches sur le — ............. TE AE CIRCULATION — La — des matières colorantes nutri- tives dans les plantes vasculair Cunique. — Lecons de — chirurgicale. Coraur. — Recherches sur le — et le nikel COMBUSTIONS RESPIRATOIRES. — Mesure des — chez le PAP A Re es name ee sent dE MAO Comires. — Etudes récentes sur les — et les étoilés fi- iniée se nNooniee — Découverte de deux planètes et d’une — (Brooks). — périodiques de Brorsen et.de d'Arrest.. — Deux nouvelles — (Coggia-Denning). ñ CoNDENSATEURS. — Sur les — en mica. — Sur le rés CLEFS ED AT et eee ne CONFÉRENCES. — — faites au laboratoire de M. Fricdel. CoNGRËs. — — de Limoges, 7-14 août 1890............ — Le premier— de l Association pyrénenne à Narbonne. CoxirËREs. — Recherches Net e sur les feuilles GERS ACER AE POSER ER ALTO DÉS 00 CONSERVATOIRE DES ARTS ET Mi TIERS. — Chaires nou- telles am — ......... Pan On D'aû San PO OT CONVEGTION. — Sur l'action électro- magnétique de la — ÉlOCÉDIUE NN ere cte- Pr NOR ete JR UC Corps 1sorRoPEes. — Sur le rapport de deux coefficients d'élasficité des —/.....::..... SUR - Pa CR Cosson (Ernest). — Notice académique sur —......... Corox. — L’impression des tissus de — ....... noue Coureurs. — Répertoire chromatique, solution rai- sonnée et pratique des problèmes les plus usuels dans l'étude et l'emploi des couleurs... DRE DERS Coups DE FEU. — Expériences sur les — des chaudières à vapeur... DDR DDR ESA RE DOTE TUE CouranTs. — Les — .. Ste CE rene rie : — Expérience sur la question de la direction et de la vitesse du — électrique... a oure BST CNE Ed Courges. — Sur ies — à torsion constante. See Te ds La CouRRIER. — — de Genève. tee _1915et ado Berlin. te 4 uS er ah PR = USINE ERA TS SAM RDA UE PAC CES ME CE — d'Amsterdam......... ne ne Ne eee LES — de Rome.......…. naar at te se ee que CovoLumE. — A propos du — de l'équation des fluides. CRANIECTOMIE. — De la — dans la Microcéphalie....... CriQuers. — Invasion des — .. : Crusracés. — Système nerveux des — ............... CryoscoPie — Sur les progrès de la — ....... Cuivre. — Le spectre du sous-chlorure de — , CyanoPaycÉEes. — Sur les cellules des — ,............. CxcLoïne. — La découverte de la — ...... ........... 7 112 225 311 444 492 741 184 648 119 512 689 493 112 299 520 319 183 183 257 383 441 118 239 HS 56 393 CycLoxEs. — Sur les — ... ... 480 et CYSTALGIES. — — symptomatiques des lésions rénales et pyonéphroses consécutives à des lésions vésicales. Dégrais. — Le problème des — et des remblais. Dexsirés. — Détermination à la température blanc, des — de CLICOMPOSÉS 7, - cernes due ne DExXTROSE =" Synthése dé la... Diapason. — Emploi et fonctionnement du — dans les du rouge vapeur de quelques corps simples appareils balistiques enregistreurs... .... MéRes Dirrusiox. — Influgnce de la capillarité et de a — sur l'énergie dissolvante des liquides Er HO Poo LOU one Drenrérie. — Les observations récentes de M. Klein sur PEtiolosie dela 7:50. mms SAR Discours. — s de Li- moges sus. DISPENSAIRES. — L'assistance médice ile par les — dans les campagnes —...,......1.".. 0 Honoues Mio se DissocraTioN. — — des Substances en dissolution ..... DrAINAGE. — La composition des eaux de —, ........ : DryoprrnëqQue. — Le — et l'origine de l’homme. ...... DYNAMIQUE. — Elementary dynamics. ........ MC DyYxAMo-ÉLECTRIQUE. -- La théorie des machines — ... DYNAMOMÈTRE. — — universel à lecture directe du tra- VENT A EE Rs OR PRÉ TE PR Ses e tee drone des E LE D'ÉGOUT. — La question des — et de Re : JAUX POTABLES. — Bactériologie des — .. aie . k BULLITION, — Températures d’ — du sodium et du po- TASNOUL Te ane EE OC eve RCE OP CASE D 2 ECLAIRAGE. — [> — électrique à Berlin... se ; — L’ — électrique à l'Exposition universelle de 1889... EcLiPse. — — totale de soleil du 22 décembre 1889... LA TINUN NASA TEA EPA ER RE RS Edo Ecoxomics, — Principles of....... A : ÉLASMOBRANCuES. — Sur l'anatomie du système nerveux grand sympathique des — et des Poissons osseux. Erasricrré. — Théorie de l — des corps solides... .... — Sur le rapport de deux coefficients d” — des corps isotropes Erecrricrré. — La théorie mathématique de l'— . — Lecons sur l — — Lecons sur | — professées à l’Institut électro-tech- nique de Montefiore, I"° partie ............. 342 et 1 raite élémentaire dr RC ARR NME — Application de P — à l’agriculture —… — Dictionnaire d’ — et de magnétisme....,......... ELECTRO-DYNAMIQUES. — Les perturbations de Mercure et les lois — de Gauss... ...... — Expériences de répulsion — ELECTROLYSE. — Expériences sur l — des muscles ELECTROLYTES. — Recherches sur les — fondus...... se ELECTRO-MAGNÉTIQUE. — Les actions — .,..... DATI IE — Machines — ........ He JOEL EE MT OL — Sur l’action — de la convection électrique... do — Détermination de », rapport des unités — aux unités électro-statiques...... nero Sabots bat — Les théories de Maxwel et la théorie — de la lu- mière —, ELECTROSTATIQUE. — — RÉ ÉLÉMENTS HISTOLOGIQUES. — L'observation des — à la température normale dela vic..................... ELÉMENTS VOLTAÏQUES. — Sur la théorie des — ct la po- larisation galvanique................. EmBryox. — Contribution à la pathologie de l — hu- MAN. esse men see ÉTAT O ÉSnoue droc EMPOISONNEMENTS. — Etude sur les — alimentaires ao ENCÉPHALOCÈLES, — Considération sur l'origine, le mode de développement et le traitement de certaines — Expocarpire. — Note sur un fait contribuant à établir l’existenco de l' — tuberculeuse...,...,........ LR ENDOGÈNE. — Sur les membres — ............,....... { CAAAITAM SAC LJOITAAZHATE GRETA 24 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES | TITIT2A EXERGIE — L’ — ct ses transformations. 147 — Ecoulement des — à travers un long tuyau...., & 302 — Traité élémentaire de ? — électrique 413 — De la dilatation des — à des pressions mere 73 EXxGINE. — A handbook of — and Boiler trials and of _ à la pression atmosphérique........... SRE the indicator and Prony brake for Eugineérs anû GéoGrApmiE. — La — zoologique a technical! sch001S PISE Er OMR 739 EXGRais. — La production végétale et les — chimiques. 1756 EocÈxe. — Recherches géologiques sur les terrains se- condaire et l — inférieur de la région sous-pyré- néenne du Sud-Ouest de la France.............1.. 453 EpPrrneLioMa. — Sur la présence d'éléments semblables aux psorospermies dans l’— pavimenteux.......... 241 EqQuarion. — Contribution élémentaire à Pintégration desrdérenteles serre MERE eee 146 =— Sur les invariants de quelques — diflérentielles. ... 180 — Résolution numérique des — algébriques transcen- FESSES condo ee abs oo 245 — 1° — des fluides... —- L’ — fondamentale des te be AE TS one — Sur les invariants de certaines classes d’ — ditié- rentielles homogènes par rapport à la fonction in- CONNUE EP A ISESMÉNIVÉES . eee ee eee eielels 739 — A propos du covolume de l — des fluides... .... 755 Equaroriaz. — 1” — condé de M. Læwy.............. 762 ETALONNAGE. — — des instruments de mesure elec- icique en ACTA rne AMAR POSER 10 648 ETAT CALORIFIQUE. — Sur un problème concernant V. — d’un corps solide homogène indéfini............... 54 ErioLoGte. — Les observations récentes de M. Klein sur dE RÉ LIRE EE EP E eee 338 ETOILES FILANTES. — Etudes récentes sur les Comètes DER RES Redon EE ner Ra 65 Evozurion. — Interprétation des lois de P — ......... 371 Excréreurs. — Organes — des animaux inférieurs..... 149 ExopnraLmos.— De | — pulsatile, à propos d'une opé- ration de ligature des deux carotides primitives pour =pulsatile Det: SAMUAQ® SSD DUR LE EE RATE 589 F FauxE. — La — souterraine................#tu 1.4... 149 — La — pélagique........... . 4383 et 482 F£coxparion. — Les phénomènes morphologiques de la — chez les plantes phanérogames.............. 403 FER. — Propriétés magnétiques et électriques du — ct HSE AIN AP ES Ce -n-c-emee cet de 159 FEUILLES. — Recherches morphologiques sur les — des GODTÉTOS EE RE 2 Eure. FLD aecs 521 — Les — ct les lois de leurs formes................. 535 — Recherches sur les caractères anatomiques des ÉHESIS ANTES ere CO CCE ee NO 553 — Influence du bord de la mer sur la structure des — 677 BCATION. + —2d'orranes AéDlACés. 7... 516 FLumdes. — L’équation des —%....................... 288 — L'équation fondamentale des — 365 — La vitesse de propagation des mouvements dans un A CT ET Por D Ten LI Ba OLA LL EETOE AAA 209 FLuor. — Nouvelles recherches sur le — ............ 336 — Ler==thibredans la Nature! 2.144... ile 688 FLuorures. — La synthèse des — de carbone....... 95 Fote. — Traité des maladies du —................ 743 Foxcrioxs. — Les — pseudo- et hyper- Bémoule liennes et leurs premières applications. ........... 146 Foxcrioxs. — Mémoire sur la théorie des — algé- briques de deux variables indépendantes. ...,..... 310 Foncrioxs. — Les ‘hyper-Bernouilliennes et la — DH) ee tee een ce cuRerietees etes nl IIOR 571 FORCES MOLÉCULAIRES. — Sur le rayon d'activité des — . 214 FOssiLES SECONDAIRES. — Etude des — .............. 582 FRorreMENxT. — Etude sur le — des liquid 491 = Sur le — dans les machines à vapeur....:.11,141. 491 G GasréroPopes. — Recherches sur l'anatomie et l’histo- logie du rein des — Prosobranches............... 24ù CSSS AE A ee A Rem ercRe eee e 477 Gaz. — Sur la chaleur latente de vaporisation des — IQUÉRES EL eue AN eee a teis 245 GÉOGRAPHISCHES. — — Jahrbüch GÉoLocrE. — — von Deutschland ... — La — et les études géographiques —)—’et topographie, MENT NME PRC EEE — Revuetannuelle de "5727-00 — La — de l'Andalousie etle tremblement de terre du , 25 décembre 1884, es le récent rapport , dè la MISSIQN FraNCAIsE ARE ARR SALUE ... 696 Géomérrie. — Essai sur la — dela règle ct de l’équerre. 245 Grp (Charles). — Notice nécrologique de —...... ASE GRAMMOPHONE. Le =. career ti CRE Grisou. — Les travaux de la Commission du. . 540 = Le —'ctses accidents —,,..-.....-- ere .... 630 Grorre — — de la Combe ou des deux Goules: nee AI GyxÉcoLociE. — Les progrès de la — 516 # DS Haco. — Recherches sur le — photographique.t ….. . 30# - Etude expèrimentaie du — en photographie. - 568 Harmonica. — Recherches sur | — chimique... 2230 [1 303 Harzes. — Entstehung und bau der Gebirge erlaüterti 1 01 am geologischem Bau des — ......::4#.......1140 521 Hégerr (Edmond). — Notice nécrologique de —.....4:4,h 223 HErBoRISATIONS, — Les — parisiennes.4..!.44.4,.…...110 Hérépiré. — Les lois de | — avec de nouvelles hypo=r#t thèses physio-embryologiques (Le legei dell eride- 2,1 rarula con nueve ipotesi fisio-embriologio).....2: 110523 Herrz. — Sur les expériences de M, — ......: 2893, 141 — La discussion récente des expériences de:M, —..4.n 63 Hevre. — L’unification des longitudes et À — univer-l selle... asp dar het ane LS CE MAPS }2 1 — La conférence télégraphique internationale et Pl! - DE LOI Bee MENT ND Ame Han credo .. 461 Hirx. — Sur la biographie de —...2. L uiv:00 668 — Notice nécrologique de —........ LITINEGZ HisroLocre. — Nouvelle contribution à la pathologie et à l'— de la ragelhumaine:-" 108 Re 88 Horx. — Mission scientifique du Cap —. 1882-83. Pro- 10ZO AIRES. nn eee ere il AR EME . 588 HouizLe. — Mode de formation de la — ..:...:... ... 578 Hourzzer. — Découverte du terrain — à Shakespeare Ch prés de DOuvreS-. 2 .----7--r---- 10e ec) 1 Huuus. — Utilisation de | — par les végétaux 212 HYDRAULIQUE. — — agricole et gènie rural...,...... 4 : 446 — Corso di — teoretica e pratica.....#..0..: MAN . 340 HYDRODYNAMIQUE. — L’ — moderne et l’hypothèse des actions à distance MASSE MED 7 .Nroual7et HyGièxe. — Revue annuelle d — — Lecons élémentaires d — Nes. 0450 — I} — de l'exercice chez les enfants et los jeunes — — de l'habitation... — — urbaine — mine {sm el is AR OL SUITE MARS ENARNR — Traité d’ — publique HypPoazorurre. — Contribution à l'étude de la valeur séméio'ogique de l — au point de vue du diag-! nostie et du pronostic des affections chirurgicales." 182 IJK | IMPRESSION. — L’ — des tissus de coton............. , (448 INCINÉRATION. — Sur l' — des matières végétales... 271 INDICES DE RÉFRACTION. — des solutions salines. 0002 INDIGOTINE. — Synthèse de l — .............:..,.... É INDUCTION. — Théorie de P — ......70:...20740 INposrTRie. — La grande —.,.......,....0 40" Ixrecrion. — Essai d’une théorie de | — ..,... INSECTES. — Les — vésicants .....,.....: Re IxsPECTEUR. — Manuel de l — des viandes..... Ru 314 INSTALLATIONS MÉCANIQUES. — Sur une condition de bon fonctionnement des — comportant des trans- missions par liens rigides ou flexibles............. 214 | tés ide TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 25 4 PAAAITAM 244 AJOITAAANIIZ HJ421 FES ISSTITUT BOTANIQUE. — L’ — de Montpellier.......... 781 ManuEL. — Manuel du candidat aux divers grades et Exvarranrs. — Sur les — de quelques équations diffé- pp rentielles,,.,;; sas: sers termgneenre 180 — Sur les — de certaines classes d'équations différen- dit rentielles homogènes par FRRDRE à la fonction in- <,, connue et à ses ARR nm Massa O0 IRRIGATIONS.. es ne Te SRE .. 614 URITER. — frise 178 RAR WENDELGERIRGE. — Das. -— 593 EPTA ové L Lacrüca. — Singolare fenomeno d’irritabilita nelle spe- pate ET Eee SOS A EE SU E PR ea 587 LAGRANGE. — — et d’Alembert, d'après leur corres- M TDR EE RES Ua Ve ner ce an er} 529 Larriër. — La préparation et les propriétés du cument TR NT EC ne NAT ne Pres 343 Lik YNx. — Etat du — dans la grippe,.....,......... 523 Pre: NN d'après M. Berthelat:;….f..-.... 572 Lécyrmpacées. — Recherches sur l’anatomie des or- 2 ÉCART 382 LécumiNEusEs. — Expériences, sur la culture des — .. 149 LEpapoGasrers. — Recherches sur les — ............ 24 Läpre. — La: dans les colonies anglaises. ..1:...... 96 Bésioxs. — De la transmission héréditaire des — ac- PHÉQUISCS.. RUEIL EMPIRE, 2e LME 711 LETTRE. — — inédite de Schcele à Lavoisier. ...... 1 Leucocyres. — Sur les propriétés chimiotactiques des D. AUOT. CON UNE (4. 72 414 Hi6aT. — (Voir Lumière)uu2ri4.- #2... 201122p0 709 Licnas pl 2Hordeuforceus. —-. LE ACL ES ee As 36 Liquamiox. — La — des alliages d’or et de platine... 615 Liquimes. — La viscosité et la rigidité des — ,.......: 76 + Vitesse d’écoulement'd’un — à travers un orifice en £a mince parbis.24 40024 LS CAS ENT CU DU SE UT CF PENETA TA 305 — Etude sur le frottement des — 194 Lor PÉRIODIQUE. — La — des éléments chimiques... ... 22 — Illustrations géométriques de la — des poids ato- DOTINICP OST 26 Massa ce cts ARMES ‘rt 23 — Recherches expérimentales SUN GEL EUR 7. 118 Loxcrrupes. — L'unification des — et lheure univer- soeur A 6 nobiniaiaon SUR. 2 QU 321 BvMiÈRE. — Théorie mathématique de la —............ 675 — ThetthoonE flight. 1 Maple ze ee. 709 EUNEe. —. La température de la —..,............ 782 Exwmpne. — Sur le mode d’action de la — de Koch... ; r 197 M Macmixes. — Théorie des — thermiques......,,,.... 2 — Reflcetions on the motive power of heat and on — fitted to develop that power............. amer om) + La théorie des — dynamo-électriques............. 607 MACMNES À VAPEUR. — La-—,.slluuas.nass ne 5% = Le macchine a rapore............,.4.. CERN 51 — Appendice al trattato le macchine a vapore............ 54 — La thermodynamique et ses applications aux — :. 85 Les et leurs progrès. :.,....::,. niet 48: 129 — La — historique, questions pendantes, etc......... 289 — Théorie expérimentale de Hirn et Dwelshauvers sur LEE 2300 COS CITE ET ne = CUPOUIRr TAN — Sur le frottement dans les —.. 491 — Traité, des 14... .uine: NA: SMUOO PT 550 — Etude théorique et expérimentales sur les — à détentes'successives.. "1..." ao 585 — Les — à triple et quadruple expansion. .......... 182 Marat BLEUE. — Contribution à l'étude de la Physio- logic pathologique de la — ...................... 26 Maxraptes. — Lecons sur les — microbiennes......... 493 — Les — microbiennes des DRUIBS ER SE BCE 728 MaLaDie DE PaGer. — Anatomie pathologique et nature RO QUO DAME ION EEE RU done mo cu mc eee NS ss MAGNÉTIQUE. — Sur la mesure du champ — terrestre.. 342 MAMELLE. — Sur les causes des récidives cancéreuses locales après l'amputation de la — ...,........... 183 MANUEL. — — de l'inspecteur des viandes........... 314 emplois de Médecin et de Pharmacien de ja réserve et-de l’armée territoriales; asus 2n4.1e = I 2. 0 555 MARS. — — ....nuprdndfg es. tCabonittenèl EEE 135 Massir ANCIEN. — Etude géologique du — situë au sud du Plateau Central. fut. -sasatl Sins. 1GÏRAIRGE S .. 638 Mzarmeu (Emile). — Notice nécrologiquelde:. sut 687 MaxTIÈRES, — —_ colorantes..i,.isbeourel.s...s: 115 MATIÈRE ORGANIQUE. — La synthèse de la — sans chlo- rophylle ni, lumière. se ch naine. "438.610 299 MaxweLL. — Les Théories de — et la théorie électro- magnétique; de la lumibre.sss sir. sl eur me «1 MORE 675 Mécaxique. — Traité de — céleste. s, sis usa. an 214 —=Traité.de,-igénénale, site. soie. ces 7007 310 — Traité de — rationnelle...........4. ER PAIE ee 49 310 Mépecxe. — Revue annuelle de —..:...,:2. ; 773 Mépicaz. — Annual of the universal — Sciences.::,,,, 617 MÉDIGATIONS: LS —". Secure see Dore ro eres ee 2490! 554 Meugres. — Chirurgie des — ..........,48 sat! 518 MerCuRE. — — et les planètes intra-mereurielles..: ! 173 — Les perturbations de — et les lois électro-dyna- miques,do Gauss = test Prenant Monte 121 — La rotation de — d'après M. Schiaparelli...:,.,::,. 603 Merazs. — On the permanent effects of etrain in —; on their sélf-registration and mutual interactions. . : 182 MÉTAMÈRIE. — La — céphalique, sa place dans l’his- toire de l’Evolution des Vertébrés,..,.:11..,.,44 593 Méraux. — Traité de métallurgie des — autres que: le fer; cuivre, plomb, argent, etc., etc...:....,..,., 18% MÉTHYLSACCHARINE. — La — nouvelle matière su- CRÉES ELA LR UNS RE AT MR ENT SUR 1 58% Micro8es. — Propriétés pathogènes d dans les tumeurs malignes....................... 88 a ë = Les — des eaux minérales — ,.::,400:47 as 678 MicrocéPnaLiE. — De la Cräniectomie dans la — ..... 393 Momiiré. — Une nouvelle cause de — de l’écorce ter- rar en er ones asrerce PRE E Aaactae ie D ET 267 MozLusques. — Sur quelques plantes vivant dans le test CACHE DES EN RL RE me 25 MOLLUSQUES. — Le huîtres et les — comestibles 383 MorraLiTÉ. — De 1 à Paris pendant le mois de dé- cembre 18495 52 22562402 à: PER Movrox. — Les parasites animaux du —.............. 649 Mowurs. — Note sur la filtration des — de malt vert et de maïs à travers le filtre Chamberland —......... 676 MouveMexTs. — La vitesse de propagation des — dans fluide sndéfint.: 2172222 ttes OR PRE 209 — Sur le — d’un corps soumis à lattraction newto- nienne de deux corps fixes, et sur l’extension d'une propriété des’ —/keplérièens "mn... 709 Muscces. — La contraction des — striés.............. 234 MS GCORRIZES ==" Des Are ANT ee nee rer ORAN 326 N NaviGarion. — The problem of air..,......,,.,44442. 613 NèPHELINE. — Synthèse de la — ..,.,,.....,:uidunt + 288 NEPTUNE. — — ct les planètes ultra-Neptuniennes.: 179 Nerrs. — Exposé de l’état actuel de nos connaissances et observations personnelles sur la terminaison des — dans les muscles lisses de la sangsue....... 554 Neumayr (Melchior). — Notice nécrologique de... ...: 159 NickeL. — Recherches sur le Cobaltet le — :.:...,,4. 56 — Un nouveau type de composé chimique : le — tetra- carbonyle —sabanihet allier. 298. sfr 24 :..1 657 NoTICES NÉCROLOGIQUES. — Hirn (G.-A.),.1..,,..,4iu 62 ANoumayr (Melchior) 2. 2e renemerrer remets 159 = Hébert (Edmond)b.mescrelssr em do 42 223 —Trélat (Ulysse): "ab-2 bent aniuz0otk 2 253 = Pélgot (Eugène) 22-01 tu GAUAE ve 1231 256 = Soret (Louis). -< 425 — 3,400,000, commettaient une erreur étrange. IL est aussi impossible de transformer en travail tout le calorique disponible, qu'il l'est d’actualiser toute l'énergie potentielle d'une chute d’eau en comptant comme hauteur de chute la distance du bief d’amont au centre de la terre, vers lequel la gravitation tend à faire converger les masses. Pour transformer intégralement Q en travail, il faudrait que le réfrigérant fût à la température du zéro absolu; or, refroidir un fluide au zéro absolu, c'est-à-dire à — 273° centigrade. sest aussi impos- ‘sible, mais serait tout aussi nécessaire, que d’at- teindre le centre de notre globe. C'est p qui repré- sente la fraction utilisable, et, pour une machine qui fonctionne entre 150° et 100°, on trouve que p est égal à ET — — 0,118. La calorie ne donnera donc pas 425 kilogram- mètres, mais seulement 495 >< 0, 118 — 50 kilo- grammètres ; c’est ce que Regnault oubliait lors- qu'il assignait à la machine à vapeur un rende- ment relatif dérisoire. Les promoteurs des machines à air chaud qui se laissèrent griser par le succès éphémère d'Ericson ne furent pas plus logiques : ils ignoraient qu'au- cun cycle ne peut avoir de coefficient économique supérieur à celui de Carnot, quel que soit le fluide mis en œuvre. Au point de vue dogmatique, il n’y a qu'à s’en référer à l'énoncé du second prin- cipe de la thermodynamique. Mais on a tellement exagéré les avantages de l'emploi de l'air chaud, qu'il convient d'insister un peu sur la question : l'air ne change pas d'état, disait-on, tandis qué l'évaporation de l’eau exige une énorme dépense de chaleur latente ; pour parler un langage plus correct, avec l'air, toute la chaleur donne du tra- vail externe, tandis qu'avec la vapeur elle est partiellement employée en travail interne. C'est vrai, mais il ne faut pas oublier qu'une notable partie de la vapeur se condense pendant la dé- tente : on regagne donc une fraction de ce travail interne. En somme, le seul avantage du moteur à air chaud, réside dans la chute plus grande de température entre le foyer et le réfrigérant. Notre équation de rendement nous permet de dé- terminer exactement le coeflicient maximum d'uli- lisalion de la calorie dans les machines dont on connaît les températures limites : faisons ce cal- cul pour une excellente machine à vapeur à con- densation, une bonne machine à air chaud et un moteur à gaz à compression préalable, en admet- tant que le cycle de Carnot y soit réalisé : IR t T—E4 p Machine à vapeur" 2Æ#07" "te 32° 319° 4439 ‘0,26 Machine à air chaud... 523 ‘323 200 0,38 Moteur à gaz tonnant............ 1803 323 1480 0,82 Mais notre hypothèse est fausse et les machines réelles ne reproduisent pas les condilions essen- tielles du cycle de Carnot ; leurs cycles sont défor- més, celui du moteur à gaz surtout (1), et il faut en tenir compte. Or, ces déformations ont pu être étudiées, et l’on a pu calculer le rendement théo- rique maximum qu’on puisse en espérer. N’entrons pas, pour le moment, dans le détail de ces calculs, qui sont longs et délicats, car il faut, dans chaque cas particulier, évaluer les quantités Q — y et Q effectivement utilisées et disponibles, mais don- nons les résultats des calculs, et appelons p' les nouvelles valeurs du rendement ainsi déterminé. Le rapport de p'à p caractérise le degré de perfec- tion de chaque cycle; c'est le rendement générique, que nous écrirons p, : g e nr Machine vapeur tre." cectrrceree 0,17 0,26 0,65 Machine à air chaud... "Men 0000 : (0,22 40/58 000705 Machimemiraz tonnant.2e-----r--. re 0,38 0,82 0,45 Etrange résultat : la machine à vapeur qui, par sa constitulion, est inférieure aux deux autres types, à au contraire le meilleur rendement géné- rique; mais poursuivons et devenons plus pratiques encore. Une bonne machine à vapeur à condensation con- somme, dans d'excellentes conditions de marche, au moins 900 grammes de charbon; un moteur Bénier à air chaud consomme un kilog; enfin, nous savons un moteur à gaz, alimenté par du gaz de gazogène, qui a fourni le cheval-heure (2) au prix de 800 grammes : la chaleur utilisée dans chaque cas est de 22 calories, soit de 635 calories, alors qu'en estimant à 8,000 calories le pouvoir calori- fique moyen du kilog. de houille, la chaleur dispo- nible dans les trois cas est respectivement égale à 8,000, — 8,000 ><0,9—7,200 et 8,000 <0,8—6,400. (1) Etudes sur les moteurs à gaz tonnant ct Traité théorique et pratique des moteurs à gaz. Paris. Gauthier-Villars, 1887. (2) Un cheval-heure correspond à 75 x 3600 = 270,000 kilo- grammètres. AIMÉ WITZ. — THÉORIE DES MACHINES THERMIQUES 5 ’ Le rendement réel ?" se calcule dès lors sans peine et peut être comparé à p'. " = g" ep" —=p, Machine à vapeur........., 635 7200 0,085 0,17 0,50 Machine à air chaud....... . 635 8000 0,079 0,22 0,36 Machine à gaz tonnant...... 645 (6400 0,099 0,38 0,26 L'ordre est le même que ci-dessus etp,, qu’on pourrait appeler le rendement générique pra- tique, puisque ?” est le rendement pratique, dé- croit dans le même sens que le rendement géné- rique théorique : les chiffres ne sont pas et ne devaient pas être identiques, parce que la théorie n'a pas tenu compte des perles organiques et des déchets de fonctionnement de la machine, de la chaudière et du gazogène ; mais l'accord des con- clusions est remarquable et justifie bien de la valeur de nos théories sur le rendement. Observons en outre que ces tableaux renferment toute une série d'indications également précieuses pourlascience et pour la pratique : nous y lisons que les moteurs à air chaud et à gaz tonnant sont plus parfails in genere que la machine à vapeur, mais que celle-ci réalise bien mieux les conditions essen- tielles de son cycle; les premiers sont donc les moteurs de l’avenir, tandis que le chef-d'œuvre de Walt, qui a presque atteint la perfection dont il est susceptible, ne fera plus que de lents et insensi- bles progrès. Nous constatons à la fois l'excellence théorique des machines à air et à gaz et leur infé- riorité indiscutable au point de vue de la réalisa- tion de leur concept; mais nous voyons que ce sont les moteurs les plus perfectibles. La théorie a fourni aux savants les éléments d’un parallèle et d'un classement dont l'importance ne saurait échapper à personne en même temps qu'elle indi- quait aux praticiens la voie à suivre pour mieux utiliser les combustibles. Les conclusions pessi- mistes de Regnault sur l'effet utile des machines à vapeur élaient exagérées; les espérances chimé- riques qu'avaient fait naître les premières expé- riences d’Ericsoun l’élaient aussi ; grâce à la théo- rie, on est revenu à une apprécialion plus exacte des choses et l’industrie en recueille déjà les fruits, puisqu'on produit couramment le cheval-heure au prix de 800 à 900 grammes de charbon. Il FONCTIONNEMENT DES MACHINES THERMIQUES M. de Pambour a publié en 1839 une Théorie de la machine à vapeur (1), qui fut remarquée en son (1) Théorie de la machine à vapeur, Paris, Bachelier, 1839. temps, et dont Navier a approuvé les conclusions dans un mémoire des Annales des Ponts et Chaus- sées : elle reposait sur la loi de la «conservation du maximum de densité de la vapeur saturée » et constituait un sérieux progrès sur les théories de Tredgold, de Wood, etc., mais il faut lire cet ou- vrage pour apprécier l'étendue du champ. et l’am- pleur des horizons ouverts aux ingénieurs par la Thermodynamique. Quel contraste entre les consi- dérations étroites de M. de Pambour et l'explica- tion lumineuse du fonctionnement de la machine à vapeur donnée par MM. Clausius, Zeuner et Hirn, pour ne citer que les maitres de l’école nouvelle! L'ancienne théorie n'avait abouti qu'à des règles empiriques; la théorie mécanique énonce des prin- cipes, fondés sur une analyse minutieuse non moins que profonde du cycle des machines à va- peur : nous allons essayer de résumer brièvement cette œuvre merveilleuse, une des plus belles assu- rément de la physique moderne. Dans une machine à vapeur, le foyer s'appelle chaudière, et le réfrigérant, condenseur : nous n'avons pas à dire ici ce qu'est une chaudière et un con- denseur. Un mélange de vapeur et d’eau se répand dans le cylindre, que l’on peut considérer comme le prolongement de la chaudière, et pousse le piston; la pression reste constante ainsi que la tem- pérature, parce que, au fur et à mesure que le fluide se dilate et travaille, le fover lui fournit le calo- rique équivalent : une partie de l’eau du mélange se vaporise donc dans cette phase appelée admis- sion. À un moment donné, le Liroir, par lequel la communication se trouvait établie entre la chau- dière et le cylindre, se ferme subitement, et le mélange se dilate, en faisant lui-même les frais du travail produit aux dépens de sa chaleur interne; sa température baisse, sa pression diminue et une portion de la vapeur se liquéfie, pour suflire à la transformalion de la chaleur en travail. Il ne sau- rait en être autrement; Clausius et Rankine l'ont démontré et leur découverte a été vérifiée par Hirn ; on aurait dû pressentir le fait et le constater plus tôt, car, suivant la remarque de M. Bertrand, on ne pouvait pas espérer que la condensation pro- duite par la détente fût compensée par l’évapora- tion, qui est une conséquence de l'accroissement de volume (1). Les deux phases que nous venons de décrire sont représentées par l'isothermique AB et ladiaba- tique BC. Continuons l’étude du cycle: la détente a abaïissé la température du fluide mis en œuvre jusqu'au niveau de la température, relativement basse, du (4) J. Bertrand, Thermodynamique. p. 219. Paris. Gauthier- Villars. 6 AIMÉ WITZ. — THÉORIE DES MACHINES THERMIQUES condenseur; et voilà que le piston s'arrête et re- vient sur lui-même, Le mélange actif des premières phases devient passif et il subit une compression, Fig. 2. qui aurait pour effet d'élever sa température et sa pression, si le condenseur n’était pas là pour sous- traire le calorique développé dans l'opération : CD est la ligne représentative de la transformation, qui est de nouveau isothermique, puisqu'elle se fait à la température constante du condenseur. Il s’agit de fermer le cycle : pour cela, imaginons que nous séparions le mélange du condenseur et que la compression se continue, sans aucune sous- traction de calorique; la compression échauffe le mélange, lequel gagne l'équivalent du travail dé- pensé ; la pression monte ainsi que la température, la vapeur se liquéfie et, en fin de compte, si la compression a commencé en temps ulile, elle aboutit à reconstituer le mélange en son état ini- lial. Le cycle est fermé, par la courbe DA, et c’est vraiment un cycle de Carnot que vient de parcourir le fluide : tout le calorique Q a été fourni sur l'iso- thermique AB, le réfrigérant a repris tout le calo- rique sur l’isothermique CD, il n'y a eu ni perte ni gain de chaleur sur BG et DA, et le rendement p a pour valeur : QT Q Tee La machine à vapeur serait parfaite, son rende- ment serait maximum et l’industrie posséderait sans conteste la meilleure des machines motrices, s'il était possible de faire parcourir à la vapeur le cycle que nous venons de décrire. Mais ne nous faisons pas d’illusion : la fermeture du cycle, que nous venons d'imaginer, est fictive et nous ne la réalisons pas. Au lieu de refouler le mé- lange dans la chaudière, suivant l'adiabatique DA, et de le ramener ainsi à la température T, nous poussons la compression de la troisième phase jusqu'aux limites correspondantes à sa liquéfaction complète, de telle sorte qu'à la fin de l'opération le mélange se Lrouve, non pas à la température T “ du foyer, mais à la température { du réfrigérant. Le cycle n’est pas ABCDA, mais ABCEA (fig. 2): on le ferme en réintroduisant dans la chaudière de l’eau froide qui passe subitement à la température T, presque sans changement de volume, suivant EA. C'est la plus grande déformation du cycle. La mise en équation des opérations du cycle réel est facile; mais nous craindrions que la vue de quelques formules un peu longues ne nous fit perdre des lecteurs, et nous nous contente- rons d'indiquer les résultats du calcul. Entre les limites de 432 et 319 degrés absolus. la machine parfaite (idéale) rendrait, avons-nous dit, 26 ?/,; entre les mêmes limites, la machine à cycle dé- formé (réelle) donnerait un rendement de 20 !/,: la perte est de 6 ‘/. Malheureusement, il y a d’autres déformations accidentelles dont il faut encore tenir compte : ainsi l’équilibre de pression et de température ne s'établit pas entre le cylindre et la chaudière, la détente est incomplète, le con- denseur ne joue pas exactement le rôle d’un réfri- gérant à température constante, etc., ce qui abaisse en définilive le rendement de 20 à 17!/,. Toutes ces pertes d'effet s’analysent fort bien et c’est avec une perspicacité admirable que M. Zeuner a réussi à faire la part de toutes les imperfections du cyele et de tous les déchets qui sont la conséquence inévitable des espaces nuisibles, des frottements, des résistances passives, des contrepressions, ele., en un mot de toutes les défectuosités d’une ma- chine (1). Or, quelque complète que soit cette étude, quelque profonde que soit cette analyse, l'évalua- tion du rendement s'est toujours trouvée supé- rieure au rendement pratique; p, est égal à 0,6, alors que p, atteint à peine 0,50. Quelle est la cause de cette divergence? Elle nous a été expliquée par M. Hirn, à la suite des remarquables expériences qu'il a poursuivies pendant de longues années, sur diverses machines à vapeur, avec le concours de ses collègues de la Société industrielle de Mulhouse, MM. Hallauer, Leloutre, Grossetesle, etc. : ces recherches des in- génieurs alsaciens ont eu pour résultat de mettre en lumière l’action d’un facteur puissant, ignoré jusque-là, dont l'influence est considérable, nous voulons dire l'action de paroi. Nous admetitions jusqu'ici que les courbes BG et DA étaient des adiabatiques, ce qui présupposait une imperméabilité absolue du cylindre pour la chaleur : c'était une erreur, car les parois inter- viennent, altèrent profondément les courbes et compliquent étrangement les phénomènes dont la (4) Théorie mécanique de la chaleur avec ses applications aux machines, traduction Arnthal et Cazin, 2° éd. p. 507. ; | À : | ver AIMÉ WITZ. — THÉORIE DES MACHINES THERMIQUES 1 suite constitue Le cycle. « Ces parois, dit M. Hirn, jouent le rôle de magasin de chaleur, à peu près comme le volant joue celui de magasin de travail; elles prennent et restituent d’une manière utile ou nuisible ce qu'elles recoivent de la chaudière. Pen- dant la période d'admission, la vapeur, se trouvant en contact avec un métal plus froid qu’elle, se con- dense partiellement et les parois s’échauffent ; quand la détente commence et que la masse gazeuse tend à diminuer, l’eau, ruisselant sur les parois plus chaudes qu’elle, s’'évapore partiellement en donnant du travail; quand enfin la vapeur se précipite au condenseur, la température baïissant tout d’un coup considérablement, tout le restant de l'eau ruisselant sur les parois s’'évapore et refroidit ainsi le métal, qu'est obligée de réchauffer la va- peur d'admission du coup de piston suivant (1). » L'influence des parois que nous venons de décrire est indéniable et énorme; en voici un exemple, cité par M. Hirn dans son Zrposition de la Théorie mécanique de lu chaleur, tome II, page 24. Dans un cylindre de 605 "/,, de diamètre, le volume de vapeur admis étant de 1251-,9, et le primage atteignant 1 °/,, on calcule que le poids de la vapeur devrait être exactement de 257,1 grammes; or, on constate que la dépense réelleest de 369,5 grammes; la condensation dépasse done 30 °/,. Mais, dira-t-on, la paroi restituera pendant la détente le calorique emprunté par elle dans la première phase du cycle: c'est vrai, et, de fait, la courbe de détente réelle est plus élevée que l'adiabatique théorique, mais la majeure partie de ce calorique ira au condenseur, produisant ainsi non seulement une perte par suppression, mais un effet nuisible, par réchauffement du condenseur. Il est facile de s'en rendre compte par le raisonne- ment, mais l’école alsacienne l’a prouvé d'une façon péremptoire et nous croyons devoir citer les chiffres suivants, relevés dans le curieux mémoire publié par M. Hallauer dans le Bulletin de la Société de Mulhouse (2) : en caleulant la chaleur portée au condenseur par coup de piston, d'après le poids et les températures initiale et finale de l’eau d'injec- tion, on constate que la vapeur y a versé 122 calo- ries au lieu de 103 qu'elle à pu fournir en se con- densant, soit une augmentation de 17 ‘/,. M. Hirn à donc eu raison de déclarer (3) que « la cause la plus désastreuse de perte de chaleur dans la machine à vapeur, c'est l’évaporation instantanée de l’eau qui reste le long des parois des cylindres, à la fin de la détente, et au moment où se fait (1) Remarques sur un principe de physique d'où part M. Clausius dans sa nouvelle théorie des machines à vapeur, par G.-A. Hirn, Comptes-rendus, séance du 24 octobre 1881. (2) Numéro de mars-avril-mai, 1817, p. 144. : (3) Hirn, oc. cit ., t.. IL, p. 65. l’échappement au condenseur ». Le nombre de calories ainsi perdues dépasse le plus souvent la quantité de chaleur transformée en travail! On a cherché à nier cette influence énorme des parois, en invoquant la brièveté de la durée des phénomènes, la faible conductibilité des gaz, leur diathermansie, etc.; mais est-il une éloquence comparable à celle des chiffres? Du reste, l’auteur de cet article ne sera-t-il pas autorisé à citer les conclusions de sa thèse inaugurale sur l'effet ther- mique des parois (1)? Il a démontré, en effet, qu’il est impossible d'observer une ligne adiabatique, même pour une détente d’une masse d'air, alors que cette détente dure moins de + de seconde. M. Zeuner n’a pas cru devoir se rallier aux con- clusions de M. Hirn; sans contester absolument l'effet des parois, il l’a déclaré moindre qu'on ne le supposail; dans la suite, il a substilué aux pa- rois métalliques une provision d'eau, adhérente à la fonte, qui recevrait et rendrait alternativement la chaleur amenée par la vapeur admise. Le pro- fesseur Schmidt de Prague avait plaisamment ré- sumé la divergence survenue entre les deux sa- vants éminents dont nous rappelons les luttes animées, en deux mots significatifs : Wasser oder Eisen, de l'eau ou du fer? Toute la question est là : nous n'avons pas l'autorité voulue pour intervenir dans le débat, mais les réponses publiées par MM. Hirn et Hallauer aux attaques du savant alle- mand nous ont paru, quoique trop longues, abso- lument décisives, et nous y renvoyons le lecteur désireux d'approfondir la question (2. En tout état de choses, il faut reconnaitre que l’action de paroi est seule capable d'expliquer l'économie de combustible due à l'emploi des deux cylindres de Woolf ou du système Com- pound, ou à l'usage d’une enveloppe de vapeur : cette dernière pratique fail réaliser un bénéfice qui varie de 10 à 25°/,. Par coup de piston, une ma- chine à enveloppe ne consomme pas moins de va- peur, mais celte vapeur est mieux utilisée, surtout dans les machines à grande détente, et le rende- ment augmente; on constate en même temps une diminution dans la condensation à l'admission et une réduction de la perle au condenseur. Même résultat avec la vapeur surchauffée, dont le béné- fice est toutefois moindre dans un cylindre à enve- loppe : de semblables concordances constituent un ordre de preuves et d'arguments capables d’en- (1) Annales de Chimie et de Physique, t. XV, 5" série, p. 433, 1878. (2) Notre collègue de l'Université de Louvain, M. Ernest Pasquier, a lumineusement résumé les travaux de l’école alsa- cienne dans une étude publiée en 1883, dans les Annales de l'Union des ingénieurs de Louvain ; nous signalons ce travail aux lecteurs désireux d'étudier plus complètement ces questions. 8 AIMÉ WITZ. — THÉORIE DES MACHINES THERMIQUES trainer l'adhésion de tousles esprits non prévenus. C'est encore l’action de paroi qui nous donne la solution des problèmes soulevés par l'étude des moteurs à gaz tonnant. Ce fut une idée de génie qu'eut l'immortel Papin de brûler de la poudre sous un piston pour lui donner une impulsion motrice, car il introduisait et il brülait dans le cylindre même le combustible dont il transformait l'énergie en travail méca- nique (1) : le cycle se déroulait par conséquent dans une enceinte unique ainsi que le demande la théorie. Ses recherches dans cette voie le condui- sirent à employer plus tard la vapeur d’eau « la- quelle fait ressort comme l'air et se condense en- suite parle froid, si bien qu'il ne reste plus aucune apparence de cette force de ressort »; ce peu de mots permet d'apprécier la profondeur de vues de notre illustre compatriote qui ouvrit la voie suivie avec tant de succès par Savary et Newco- men. Les progrès de la machine à vapeur firent oublier les machines explosives, qui ne sont deve- nues pratiques et industrielles que dans ces der- niers temps, grâce aux travaux de M. Lenoir et du Dr Otto. Aujourd’hui le moteur à gaz est un con- current sérieux de la machine à vapeur et lorsque nous annoncions, il y a quelques années, que le gazogène remplacerait avantageusement la chau- dière à vapeur, nous ne pensions pas que notre prévision se réaliserait aussi tôt. On construit déjà des moteurs d’une puissance de 100 chevaux et même de 120 chevaux effectifs et l’on observe des consommations de charbon anthraciteuxinférieures à 800 grammes par cheval-heure (2). Le cycle d'un moteur à compression préalable est représenté par la courbe ACDFBA (fig. 3); le mé- lange tonnant est aspiré sous la pression constante de l'atmosphère suivant AC, puis il est comprimé suivant l’adiabatique CD dans le cylindre de tra- vail. L'inflammation ayant eu lieu, le gaz s'échauffe instantanément, sous volume constant et la pres- sion atteint son maximum en F: le piston est refoulé en produisant du travail, et, après la dé- tente FB, les gaz brûlés sont refroidis sous pres- sion constante, le long de BC. C’est, à quelques variantes près, le cycle célèbre de Stirling. Nous avons calculé le rendement théorique de ce cycle (3) : en appelant T la température explo- (1) L'abbé Hautefeuille et Huyghens avaient déjà utilisé la force expansive de la poudre, mais le premier ne cherchait à réaliser qu’une pompe foulante et le second ne réussit guère qu’à soulever sept ou huit laquais suspendus à une corde passée sur une poulie : Papin créa au contraire une machine motrice. (2) On a pu voir à l'Exposition un moteur Otto à 4 cylindres et un moteur Delamare-Deboutteville et Malandin à un seul cylindre développant sur l'arbre moteur une puissance de 100 poncelets. (3) Ztudes sur les moteurs à gaz tonnant, p. 10. sive, { la température initiale, 0 la température du gaz à la suite de la compression, # celle des gaz P brûlés à la fin de la détente, nous avons démontré que en appelant + le rapport des chaleurs spécifiques des gaz. Le rendement générique p, de ce eyele est égal à 0,45, ce qui témoigne de sa perfection rela- tive : il importe de faire / aussi voisin que l’on pourra de { et de conserver à T — 0 la plus grande valeur possible. Mais j'ai supposé que la détonation était instan- tanée, que les produits de la combustion s’échauf- faient à volume constant, que la détente se faisait suivant une adiabatique, qu’elle était complète, ete.; au lieu de cela, voyez ce qui se passe dans le cylin- dre et comparez le diagramme réel acdfba (fig. 4), Fig. 4. au diagramme théorique. Nous avions admis qu'il ne se perdait pas de calorique par la paroi, considérée comme imperméable : or, il se dissipe en réalité une très notable portion du calorique rendu disponible par la combustion vive du gaz tonnant. La perte subie de ce chef dans la machine 0 PR CL - TT ‘ Lil ris COS Ra AIMÉ WITZ. — THÉORIE DES MACHINES THERMIQUES 3 à vapeur était grande; elle est énorme dans le moteur à gaz et c’est la dégradation du cycle la plus nuisible, celle qu'il y aurait le plus d'intérêt à corriger, celle que l’on corrigera le plus difficile- ment. Dans les moteurs du genre Olto, cette perte dépasse 18 ‘/, et ces moteurs sont excellents! Pour l’atténuer, il faut établir la température du cylindre au voisinage de 100 degrés, accroître la vitesse de détente, réduire au minimum le rap- port © de la surface du cylindre à son volume, etc. ; malgré les dénégations de M. Slaby de Berlin, j'ai maintenu mes premières affirmations (1), basées sur la théorie et l'expérience, et les praticiens m'ont apporté en maintes circonstances, et à plu- sieurs reprises, la précieuse confirmation de leur observation personnelle. Il est donc bien démontré, pour toutes les ma- chines thermiques, que « toute théorie qui ne sait ou qui ne veut pas tenir compte de l’action de paroi, ne peut conduire qu’à des résultats à peine approxi- matifs, sans ulilité pratique réelle ; » ces mots sont de M. Hirn, derrière le grand nom duquel nous abriterons nos conclusions. L’exposé, qui précède, des applications de la théorie mécanique de la chaleur, à l'étude des machines thermiques, et des contribulions appor- tées à cette étude par les recherches expérimen- tales, nous met en mesure d'apprécier la valeur relative des théories proposées pour les moteurs de l’industrie. La thermodynamique a permis d'é- difier des théories a priori, des théories abstraites, qui ont conduit à une analyse profonde et com- plète du fonctionnement des machines à feu: grâce à ces théories, les hommes de science pure ont éclairé d'une vive lumière les phénomènes obscurs jusque-là, qui se produisent dans les cylindres mo- teurs; ils ont ouvert des horizons nouveaux à la physique mécanique, en même temps qu'ils tra- çaient aux praliciens des règles infaillibles, et leur épargnaient de longs tàtonnements et de doulou- reux mécomptes. Mais les problèmes les plus com- plexes ont été soulevés en même temps, et de nombreuses données expérimentales ont dû être introduites dans les calculs : quelque puissante que soit l’analyse, quelque judicieux et perspicaces que soient les observateurs, il n’est point et ne sera jamais possible de réduire à des formules simples les relations que l’on a établies entre tous ces élé- ments. On peut en négliger un certain nombre, comme l’a fait Clausius, mais alors la simplification qui en résulle est achetée aux dépens de la vérité; on étend le domaine de la spéculation en sortant du (1) Réponse à quelques objections contre l'action de paroi dans les moteurs à gaz, Bulletin de la Société industrielle du Nord, 1886. REVUE GÉNÉRALE 1890. domaine de la réalité. Mieux vaut assurément em- brasser plus complètement l’ensemble des faits et sacrifier à l'utilité le plaisir de manier des équa- tions incomplètes et partant inexactes. A la question posée au début de ce travail, nous répondrons donc affirmativement : oui, ilexiste une théorie des machines thermiques, une théorie élé- gante, très claire, assez simple, mais elle néglige à dessein de tenir compte de certains éléments importants, et, par cela même, elle n'est qu'ap- prochée; elle se prête admirablement à la critique et à l'analyse du fonctionnement des machines à feu, mais ne saurait conduire à une étude com- plète des phénomènes dont le cylindre est le théâtre. Il faut nécessairement recourir à l'obser- vation des faits pour corriger quelques-unes de ses conclusions : on tiendra compte des effets per- turbateurs par l’adjonction de coefficients numé- riques dans les équations, et la théorie sera recti- fiée à posteriori. III CALCULS D'ÉTABLISSEMENT Une machine étant donnée, et connaissant la section s du piston, sa course ?, la pression 4 de la vapeur dans la chaudière, le nombre x de tours par minute, et le degré z de détente, on doit savoir calculer sa puissance; réciproquement, si un ingé- nieur entreprend la construction d'une machine, il aura à calculer les valeurs de s et de Zen fonc- tion de 4, x et z pour obtenir une puissance déter- minée. Voilà deux problèmes qu'il faut résoudre aisément, rapidement, et avec une exactitude suf- fisante, car ils se présentent souvent dans l'appli- cation : de quelle utilité sont, dans ce cas, les brillantes théories que nous venons d'exposer ? M. Bertrand répondra pour nous à cette ques- tion (1) : «,Poncelet, dit-il, prescrit, pour calculer le travail d'un coup de piston, de traiter la vapeur, quand elle se dilale sans communication avec l’ex- térieur, comme un gaz soumis à la loi de Mariotte. L'erreur commise est grande et évidente. Elle ne parait pas cependant l'être beaucoup plus que celle qui résulte des théories dans lesquelles, à des principes beaucoup plus exacts, sont associées des hypothèses aussi éloignées de la vérité que l’im- perméabilité complète des parois du cylindre à la chaleur. » En d'autres termes, nous n'avons pas de for- mules plus exactes que celles de Poncelet, lequel les avait empruntées à Tredgold et à de Pambour : leur exactitude dépendra du choix de certains fac- (1) Thermodynamique, p.264. 10 AIMÉ WITZ. — THÉORIE DES MACHINES THERMIQUES teurs numériques que nous y introduirons. L’aveu a paru humiliant pour la science; ilne faut cepen- dant pas être injuste à son égard et lui reprocher la complication des problèmes qu'on lui a posés. Rien de plus simple que les formules pratiques et empiriques des ingénieurs. Si l'on ne détendait pas la vapeur, ou aurait, pour le travail, par cylindrée, G— pr. ainsi que nous l'avons dit ci-dessus; élant la pression à la chaudière et 4%’ la contrepression, derrière le piston, à l’échappement ou au conden- seur, nous aurons p — # — k'et C—(2—}')v. La puissance, pour » Lours, sera (R—H)un TE (A — h'}vn 4500 ( E si nous l’eslimons en chevaux-vapeur, el « (R—h')vn (h— h')vn MUR AUIAES 6000 si nous acceptons le Poncelet pour unité de puis- sance. Mais cette valeur de ®sera trop grande et nous tiendrons compte de tous les déchets et de toutes les perturbations en la multipliant par un coeflicient K égal à 0,60 pour 5 chevaux et à 0,85 pour 400 chevaux. Nous le répétons, c'est de l’em- pirisme tout pur; hàtons-nous d'ajouter que cela donne de bons résultats. Mais on détend la vapeur : après une admission lo (fig. 5), le tiroir se ferme etle degré de détente est EE ————————— ———————…—…. JR NC : 0 : égal à 2 — 7: nous admettons que les pressions sont en raison inverse des volumes et que be est dès l'hyperbole représentative de l'opération : lors, le travail fourni par la détente est : . . . 1 | }=pe log (:) 2,3096 (1). | pv log'( VIe et nous avons, pour le travail total par cylindrée, ©— hvz + hvz log (©) — lv 4 here (2 - La puissance P se déduit de © comme précédem- ment et l'on adopte une valeur différente de K, d’après la perfection plus ou moins grande du type : Poncelet faisait varier sa valeur de 0,45 à 0,80 ou de 0,40 à 0,75 pour des puissances de 5 chevaux à | 100, suivant que la machine était à condensation ou sans condensalion. On a plus ou moins heureusement modifié ces formules et nous citerons notamment la forme que i leur a donnée M. Hrabak (2); on en à établi d’autres k plus compliquées, mais présentant une plus grande prétention à l'exactitude, en tenant compte de l’es- pace nuisible, de l'exposant de la formule pseudo- adiabatique, de la quantité d’eau entrainée, ete. ; telles sont les formules de M. Zeuner (3), de M. Pouchet (4), de M. Ledieu (5), etc. Ce sont des léntatives louables, mais nous nous en tenons au jugement de M. Bertrand; les erreurs commises en négligeant ces éléments sont moindres que celle qui résulte de l'hypothèse de l'imperméabilité des parois : si d'autre part l’on introduit dans les formules les résultats de Hirn, comme l’a fait M. Ledieu, avec une grande habi- leté, on tombe dans une complication extrême. La formule usuelle à un grand avantage, elle est élastique, et, avec de l'intuition et une parfaite connaissance des conditions faites à leur machine, les constructeurs en tirent un parti excellent, nous le savons ; c'est qu'en effet K n'est pas un coefli- cient de construction, comme on le dit souvent, ce n'est point non plus le coefficient de rendement organique, c'est un facteur qui englobe toutes les actions perturbalrices. M. Pouchet a fait observer avec beaucoup de justesse que la formule de Pon- 1) On obtient cette expression du travail en intégrant lex- pression f pde dans l'hypothèse que le produit p» est cons- tant : nous désignons par log’ le logarithme népérien. 2) Hüfsbuch fur Dampfmuschinen-Techniker. (3) Théorie mécanique, traduction Arnthal et Cazin, 2° éd, p. 535. (4) Nouvelle mécanique industrielle, p. 87. 5) Etude de thermodynamique expérimentale sur les machines à vapeur, H. LECOMTE. — LA RAMIE IL celet conduit toujours à des résultats trop forts : c'est précisément la preuve que K ne doit pas être considéré comme un coeflicient de réduction dû aux seules résistances passives. L’art de la construc- tion consiste précisément à élever la valeur de K par l'emploi des enveloppes, par l'augmentation des vitesses de piston, par l'adoption des doubles cylindres Woolf ou Compound avec réchauffement du réservoir, etc. ; cette valeur de K est l’expres- sion même de la perfection d’une machine. Nous nous rappelons àce propos que,élant ingénieur d'une maison de construction, nous fûmes amené à aug- menter un jour la puissance nominale de nos divers types ; un modèle, que nous proposions à nos clients pour une puissance de 50 chevaux, devint, par exemple, le modèle de 55 chevaux ; c’est qu’en effet nous avions amélioré notre construction au point d'augmenter K de 5 ?/;. Nous croyons avoir expliqué la préférence accor- dée à la formule simple et usuelle de Poncelet ; les ingénieurs ne reculent pas devant un long calcul, quand il s'impose, et ils ne sont pas routiniers au point de fermer les yeux au progrès, mais ils ne font pas de théorie par amour de l’art : ils tendent au vrai par les voies les plus courtes et les plus sûres. En somme, nous croyons qu'il est d’un pessi- misme outré de dire qu'il n'existe pas de théorie des machines thermiques; il en existe une, signée des grands noms de Clausius et de Zeuner, à l’aide de laquelle on peut évaluer correctement leur ren- dement et procéder à leur étude physiologique, suivant l’heureuse expression de M. Ledieu : cette théorie, qui a eté d’une incomparable fécondité, est le triomphe de la thermodynamique. Mais quand on sort des abstractions pour entrer dans le domaine de la réalité, on reconnait que des phénomènes secondaires viennent compliquer étrangement le problème et c’est à la théorie expérimentale de M. Hirn que l’on recourt forcément pour trouver la solution des difficultés pratiques de la question. Ces difficultés sont si grandes et si nombreuses, qu'il est impossible d'établir la formule unique dont les praticiens auraient besoin pour faire leurs cal- culs d'établissement ; condamnés à accepter une formule empirique, ceux-ci s’y résignent trop faci- lement peut-être, mais nous n'oserions les en blämer dans l’état actuel de la science. Aimé Witz. Professeur à la Faculté libre des sciences de Lille, LA RAMIE On désigne à la fois, sous le nom de RAMIE Îles diverses espèces de ce genre et le textile qu'elles fournissent. Des essais tentés récemment soit en France, soit dans nos colonies, pour la culture et lutilisation industrielle de la Ramie, ont appelé sur cette plante l'attention d’un grand nombre de personnes. Disons d’ailleurs tout de suite qu’elle est employée, depuis fort longtemps, par les Chinois qui nous ont devancés sur tant de points. Les A-pou, tissus bril- lants et transparents qu'ils fabriquent avec les fibres de la Ramie sont connus de longue date et vendus en Angleterre sous le nom de grass-cloth (A). (4) La Ramic, importée en Angleterre sous le nom de China-grass, est connue sous différents noms dans ses pays d'origine : Japon : Tv, Karao; Chine : Chà, Tchou-ma ; Malaisie : Ramée où Rami (c'est de là que vient le nom français de Ramic) ; . .Sumatra : Caloe, Kloei ; .Ies Célèbes : Gambe; Assam : Rhea ; Cochinchine : Cäây-Gai, Pd-Mà; Birmanie : Pan. Caractères de la plante. — La Ramie est rangée comme l'Ortie dans la famille des Urticées ; le Chanvre appartient lui-même à un groupe très. voisin. Les diverses espèces du genre Ramie sont des plantes ligneuses très ramifiées dès la base (fig. 1); les Liges couvertes de poils, au moins quand elles sont jeunes, sont dressées et atteignent de 2 à 4 mètres de hauteur avec un diamètre de 0",01 à 0,02 à leur partie inférieure. Les feuilles assez grandes, à limbe denté sont alternes ou opposées, péliolées, et pourvues de stipules libres ou soudées. Les fleurs unisexuées sont réunies en glomérules à l’aisselle des feuilles (fig. 3). Les fleurs mâles se composent d'un calice à quatre divisions (rarement trois ou cinq) plus ou moins profondes avec un même nombre d'élamines superposées aux divisions du calice et insérées sur l'appareil femelle (gvnécée), : lequel occupe le milieu de la fleur. Dans les fleurs femelles l'ensemble du calice affecte la forme d’un sac rétréci vers son orifice supérieur qui est dé- coupé en deux, trois, ou quatre dents (fig. 2). L'ap- pareil femelle construit comme celui des Orties ‘est 49) H. LECOMTE renfermé dans le sac calicinal; son ovaire en forme d'olive, contenant un seul ovule dressé, se termine Fig. 1. — Un plant de Ramic blanche. supérieurement en un style recourbé, filiforme, ordinairement persistant et chargé de papilles stig- maliques sur un côté seulement. Le fruit, entouré par le calice persistant, renferme une seule graine. Le genre Ramie comprend en- viron quarante-cinq espèces ré- pandues dans les diverses ré- gions du globe, mais principale- ment dans les contrées tropi- cales. La nomenclature de ces nombreuses espèces est extrême- ment confuse et nous ne saurions nous y arrêter ici, bien que cette question soit d’un intérêt capital au point de vue du choix des es- pèces à culliver. Nous nous contenterons d'éta- Fig fe LATE fe- blir deux catégories : nelle .) 4 8 : US {0 La Ramie blanche (Boenme- blanche. ria rivea) avec des feuilles blan- ches et tomenteuses à léur face inférieure est l’es- pêce qui convient à nos régions tempérées. Ses tiges aériennes se flétrissent et se dessèchent en . — LA RAMIE automne après la floraison. Une espèce voisine, le B. candicans, ne saurait être l’objet d’une culture fructueuse car ses tiges sont beaucoup trop ra- meuses et leur décortication présente de grandes difficultés. 2 La Ramie verte a les feuilles grisètres ou vertes en dessous; la tige aérienne est vivace, Cette deuxième catégorie comprend un certain nombre d'espèces des régions tropicales ; cepen- dant on a pu les cultiver avec succès en Algérie et même dans le midi de la France. Cest à cette calé- gorie qu'il faut rapporter les 2. utilis et B. tenacis- sima qui fournissent des fibres plus fines, plus soyeuses et plus brillantes que celles de la Ramie blanche. Il serait extrêmement utile de faire des cultures comparées de ces différentes espèces dans nos colonies pour choisir celles qui conviennent le mieux suivant la nature du sol. Culture. — M. Charles Rivière, l’éminent direc- teur du jardin d'essai d'Alger, recommande de ne cultiver que la Ramie blanche en France el en Algé- rie; il faudrait réserver la Ramie verte pour les pays tropicaux. Cest, en effet, la Ramie blanche qui fournit le china-grass importé par les Anglais ; or ce dernier produit est déjà utilisé industrielle- ment ; on connait le traitement qu'il faut lui faire subir; il est done prudent de s'en tenir pour le moment à la culture de la plante qui le fournit. La Ramie affectionne les Lerrains meubles, silico - calcaires el bien irrigués ; mais si elle se trouve bien de l'humidité, elle redoute les marais; des rizières anciennes de Java plantées en Ramie n’ont pas fourni une récolle rémunératrice. Ajoutons que les terrains salés et les eaux saumâtres ne lui conviennent pas. La Ramie a pu être reproduite par semis en Al- gérie ; mais la méthode la plus employée consiste à mettre en terre au printemps ou en été des fragments de rhizomes ou tiges souterraines (1). Pour obtenir une excellente végétation et des ré- ‘coltes rapides il est nécessaire de donner au sol, avant la plantation, une préparation profonde ana- logue à celle que nécessite la culture de la Vigne. La plantation de Ramié une fois faite peut être mise en valeur dès la deuxième année et se conti- nuer, sans grands frais de culture, pendant quinze où vingt ans ; mais il faut que le cultivateur ne l’oublie pas, la finesse et le brillant de la fibre. varient suivant les conditions de la culture, la nalure du sol et aussi les engrais employés. Les Chinois qui pratiquent celte culture depuis des (1) Il ne faut pas confondre les rhizomes ou tiges souter- raines produisant des bourgeons avec les racines qui ne pro- duisent jamais de bourgeons. Lies tubercules de pomme de terre par exemple sont des fragments de rhizomes renflés et naturellement séparés. H. LECOMTE. — LA RAMIE 13 siècles savent bien quelles sont les conditions né- cessaires pour obtenir une filasse abondante, fine et soyeuse. , Les tiges doivent être coupées avant la florai- son, quand elles ont atteint 1"50 ou 2 mètres de hauteur et que leur épiderme prend une couleur brun foncé. La Ramie blanche donne deux coupes par année en France, trois en Algérie et en Chine, Fig. 3. — Sommité florifére de Ramie blanche (Boehmeria nivea, Hook. et Arn.). À gr. nat, quatre, cinq et même six dans les pays tropicaux. La culture de cette plante peut réussir non-seule- ment en France et en Algérie, mais encore en Tunisie, au Tonkin, en Annam, à la Guyane, à la Martinique, à la Guadeloupe, c’est-à-dire dans la plupart de nos colonies. Structure de la tige. — Avant d'aborder l'étude des manipulations auxquelles on soumet la tige de Ramie pour en retirer les fibres, il est utile d’indi- quer quelle est la structure de cette tige, car les procédés de décorticage et de dégommage doivent être nécessairement fondés sur la connaissance de cette structure. : Une tige de Ramie blanche coupée transversale- ment à sa partie inférieure, au moment de la ré- colte, comprend : 1° Un cylindre intérieur (fig. 4. 1) constitué par le bois à entourant la moelle ». (Dans les tiges de Ramie verte, (B. lenacissima), la moelle se résorbe habituellement et la tige est creuse au moment de la récolte). 2° Un manchon extérieur (fig. 4, 2) contenant les fibres utilisables. Pour avoir une idée exacte de l’arrangement des éléments qui constituent ce manchon extérieur, nous allons observer un fragment de cette section transversale à un grossissement plus considé- rable (fig. 5). Le manchon extérieur se montre alors formé de Fig. 4#.— Fragment grossi de la section trans- versale d’une tige de Ramic blanche cultivée au Muséum. trois couches superposées dont la moyenne seule B comprend les fibres. La couche ex!érieure A contient : 4° L'épiderme (e) constitué parune seule assise de cellules et recouvrant toute la tige; cet épidermeest souventrenforcé parune ou plusieurs assises deliége; 2° Cinq à dix assises de cellules allangées sui- vant l’axe de la tige et possédant des membranes fortement épaissies ; c’est un tissu désigné sous le nom de collenchyme {c) ; 3 Plusieurs assises de cellules à membranes minces (#») confinant vers le dedans à la couche des fibres. Ces cellules contiennent souvent des cristaux d'oxalate de chaux. La couche movenne ou fibreuse B représente habituellement le tiers de l'épaisseur du manchon extérieur (f\. Les fibres allongées parallèlement à l’axe de la tige se montrent sur la figure en section transversale. On voit facilement qu’elles sont isolées ou réunies par groupes dé deux ou trois et que l’ensemble est relié par un tissu de cellules à membranes minces. Les fibres ne forment donc pas 14 H. LECOMTE. — LA RAMIE une couche compacte et homogène comme l'a représenté Wiesner. Nous verrons plus loin que cc fait n’est pas sans importance au point de vue du dégommage des fibres. c A Wa )B L P })C 4 ROE HN EURE C0, < à 50 [E MN rs ee QC REG OCR AT RO ENSAR OÙ (DS Nr DRE OT OUR CEC ERREURS SAP RCE NT ARE Fig. 5. — Partie extérieure d’une section transversale de la . “ : EE 100 tige à un grossissement plus considérable ==: Enfin la couche la plus interne C est consti- tuée en grande partie par le liber dont les éléments caractéristiques sont des tubes allongés parallèle- ment à l'axe de la tige et réunis en faisceaux tels que p. Ces tubes réunis bout à bout sont séparés Les uns des autres par des eloi- sons transversales criblées de petits trous (tubes cri- blés). Les paquets de tubes criblés sontenglobés, comme le montre la figure, dans un parenchyme mou. Les tubes criblés présentant une paroi cellulosique d’une certaine épaisseur ont été désignés par certains observateurs comme des fibres inté- rieures. En réalité les files qu'ils constituent offrentsou- RE date vent l'apparence des fibres ; formant des pelotons Mais leur paroi est plus dans la filasse quand le mince, et sous l’action des liber n’a pas été éliminé par le traitement. Fig. 6.— A, fibre de Ra- agents de dégommage elles se tordent, se recourbent et forment des paquets qui passeront aux étoupes (fig. 6, B). J'ajoute que leur contenu, très abondant en matières albuminoïdes, ne peut être qu'un obs- tacle à la teinture, car il ne prendra pas la même coloration que la cellulose des fibres. Enfin le liber est relié au bois (K) par une couche de cellules régulièrement disposées et se déchirant très facilement (y). Cest suivant cette couche connue sous le nom de cambium ou couche génératrice que le manchon extérieur de la tige se déchire et se détache du bois. Traitement industriel de la plante. — Le traitement auquel on soumet la Ramie diffère notablement de celui qui est mis en pratique pour le Chanvre et le Lin. Ces deux derniers textiles sont d’abord soumis au rouissage, sorte de décomposition provoquée par la fermentation naturelle ou certains agents chi- miques ; ensuile par le teillage on sépare mécani- quement les fibres de toutesles autres parties de la tige. Pour ce qui concerne la Ramie, le rouissage naturel des tiges et même seulement de la zone fibreuse externe n’a pas donné de bons résultats ; cette ineflficacité du rouissage naturel peut être imputée à plusieurs causes : d’abord la couche épaisse de collenchyme (ce) située sous l’épiderme empêche probablement la pénétration des agents qui servent à désorganiser les tissus; ensuite toutes les parties de la tige ne sont pas au même état de maturité et se rouissent inégalement vite. Disons d’ailleurs que le rouissage naturel est une opération fort lente, peu régulière et particulière- ment malsaine, qu'il estutile de remplacer par un traitement chimique. La marche généralement adoptée pour le traite- ment de la Ramie est la suivante : 1° Décorticage. — Par cette opération on sépare sous forme de longues lanières le manchon exté- rieur au bois; 2 Dégommage. — Cette deuxième partie du trai- tement a pour but de désorganiser chimiquement les lanières pour mettre les fibres en liberté; ce traitement chimique est toujours complété par un système de frictions destinées à produire la sépa- ration des fibres ; cette opération inséparable du dégommage rappelle le traitement mécanique auquel on soumet le Chanvre et le Lin. Décorticage. — Cette opération doit se faire au- tant que possible sur le lieu même de l’exploita- lion pour éviter les frais de transport des tiges entières ; de préférence sur les tiges vertes, car le séchage exigerait des soins dispendieux, un espace considérable et des conditions elimatériques parti- culières. Ajoutons qu'au point de vue du traite- ment chimique ultérieur, les lanières obtenues des tiges vertes sont moins rebelles au dégommage H. LECOMTE. — LA RAMIE 15 que celles qui sont obtenues par le décorticage des tiges sèches. Le décorticage peut se faire à la main ou à l’aide de machines. En Chine où les frais de main-d'œuvre sont très minimes, le décorticage se fait à la main ; mais ce procédé n’est pas applicable en France ni même dans nos colonies. Cependant M. Favier, par une aclion préalable de la vapeur d’eau sur les tiges vertes, et M. Crozat, par une cuisson dans l’eau, ont pu rendre cette opération très facile et très rapide. Le problème du décorticage mécanique préoccupe depuis fort longtemps un grand nombre d'habiles mécaniciens ; malheureusement une connaissance incomplète de la structure mème des tiges à décor- tiquer a induit en erreur certains inventeurs ; d'autre part la difficulté de se procurer des tiges fraiches pour effectuer les essais a souvent rendu illusoires les concours instilués dans ce but. Le dernier en date a eu lieu pendant la dernière Expo- sition et a réuni les machines Barbier, Favier, Landtsherr et Michotte. La décortiqueuse présentée par ce dernier paraît simple et relativement peu coûteuse ; elle se compose de quatre cylindres broyeurs à cannelures héliçcoïdales suivis d'un bat- teur et d'un contre-batteur pour faire tomber les fragments de bois ; les autres machines compren- nent des organes identiques diversement agencés. Malheurgusement les quantités de tiges traitées pendant le concours (7 à 30 kilogs pour chaque décortiqueuse), ne sont pas suflisantes pour rensei- gner ulilement sur la valeur de ces diverses ma- chines; les concours n'auront une portée signifi- cative que le jour où ils auront lieu dans les conditions normales, c’est-à-dire au milieu d’une exploitation de Ramie. Ajoutons d’ailleurs qu'il est nécessaire de proposer un programme aux in- venteurs pour que les comparaisons soient pos- sibles. . D'après M. Frémy, les lanières obtenues par le décorlicage ne doivent pas être abandonnées long- temps à elles-mêmes, afin d'éviter une fermenta- lion qui diminuerait d’une façon notable les quali- tés de résistance qui constituent le principal mérite de la Ramie. L'opération du dégommage doit done suivre de près celle du décorticage. Déyomimage. — Cette deuxième opération a pour but de mettre les fibres en liberté en isolant les divers éléments qui constituent le tissu des la- nières obtenues par le décorticage. La théorie du dégommage doit nécessairement reposer sur une connaissance approfondie des substances qui cons- tituent le squelette des végétaux, et ce sont les recherches de M. Frémy, puis celles de MM. Frémy et Urbain qui ont permis d'aborder efficacement ce difficile problème. Le squelette solide repré- senté par nos figures n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire; chaque membrane se montre en effet constituée par deux couches de cellulose que réunit une substance intermédiaire. Or, cette substance interposée entre les couches de cellu- lose est formée en grande partie par des composés pectiques, et surtout par la pectose de M. Frémy. Pour désagréger le tissu des lanières, il est done nécessaire de rendre solubles à la fois ces com- posés pectiques et la cutose qui relie les cellules épidermiques; le problème consiste à trouver l'agent le moins coûteux et en même temps le moins susceptible d’altérer la cellulose des fibres. Les Chinois font bouillir les lanières avec des cendres et les font sécher ensuite sur leurs cases. Cette opération, répétée plusieurs fois, suffit pour: isoler les fibres. Ce mode de dégommage, beau - coup trop lent, ne saurait convenir à notre indus- trie.”Il a donc fallu rechercher les dissolvants de la pectose et de la culose. Dans le rouissage natu- rel, c'est le Bacillus Amylobacter qui rend la pectose soluble; des agents chimiques peuvent produire le même résultat. C'est ainsi que, comme l’a montré M. Frémy, les acides transforment la pectose inso- luble en pectine soluble dans l’eau; les liqueurs alcalines bouillantes, et principalement une disso- lution faible de carbonate de soude dissolvent éga- lement la pectose. Un grand nombre de procédés industriels ont été tentés pour opérer le dégommage. Les princi- paux sont ceux de MM. Vial, Royer et Frémy. MM. Frémy et Urbain ont proposé de traiter les lanières par l'acide chlorhydrique étendu et de les soumettre ensuite à l'action d'une soiution de soude caustique sous pression; en remplaçant les bains de soude caustique par des bains d’oléate de soude, ils obtiennent des fibres plus brillantes, On peut d’ailleurs remplacer ces derniers liquides par des solutions de divers sels alcalins; c’est ainsi que, pour des essais de laboratoire, l’oxalate d'ammoniaque m'a donné d'excellents résultats. Des lavages énergiques opérés avec de l’eau sous pression doivent suivre chacune des opéra- tions pour entrainer mécaniquement les éléments non fibreux. Sans vouloir m'étendre plus longuement sur la question du dégommage qui paraît résolue, je me contenterai d'ajouter deux observations qui ont leur importance. D'abord il n’est pas exact de dire que les fibres sont reliées par un ciment qu'il faut dissoudre pour les mettre en liberté; en effet, les fibres sont reliées par des cellules de parenchyme et c’est le ciment qui unit tous ces éléments qu’il faut dissoudre. Pour détruire le parenchyme, il faudrait employer les agents qui dissolvent la cel- 16 H. LECOMTE. — LA RAMIE lulose et qui attaqueraient les fibres elles-mêmes. Ensuite, j'ai signalé dans un paragraphe précédent l'existence de tubes criblés formant par leur réu- nion en files des sortes de fibres à paroi mince. Ces éléments ne peuvent être enlevés par un trai- tement exclusivement chimique. Le mieux serait de racler, avant le dégommage, la face interne des lanières, et c’est, en effet, ce qu'une longue pra- tique a enseigné aux Chinois. En raison de la na- ture essentiellement albuminoïde de leur contenu, ces éléments ne prennent pas les matières colo- rantes comme les fibres cellulosiques et ne peuvent être qu'un obstacle à la filature et à la teinture. Caractères des fibrès. — La longueur et le dia- mètre des fibres de Ramie dépendent souvent, pour une même espèce, de la qua- lité du sol et des conditions diverses de la culture. Les fibres de la Ramie blanche sont habituellement très lon- gues, 6022 à 250"; celles qui ont plus de 0"20 ne sont pas rares. Elles sont un peu irrégulières et s’amincissent graduellement à une grande distance de l’extrèmité ; celle- ci affecte souvent une forme de spatule. Presque toutes les fibres sont aplaties et constituent des sortes de ru- bans dont la largeur varie de 0®"0% à 010 au milieu, et l'épaisseur. de 0""02 à mm Fig. 7. — Fibre de Ra- (um()s (fig. 7} mie blanche; A, en long; B, en section La! paroi parait finement transversale. Gr, 22. striée ; cette striation est un peu oblique par rapport à la longueur; de place en place on aperçoit des lignes transversales de cassure se colorant plus forte- ment que le reste par les réactifs, et principale- ment par le chlorure de calcium iodé qui commu- nique aux fibres une belle coloration rose, carac- téristique de la cellulose pure. Au point de vue chimique, les fibres de la Ramie, comme ceiles du Chanvre et du Lin, comme les poils du coton, se montrent formées de cellulose pure. Elles se colorent en bleu ou en violet par le chlorure de zinc iodé, en rose parle chlorure de cal- cium iodé eten brun par l'acide phosphorique iodé. Le sulfate basique d’aniline, qui colore la vascu- lose en jaune-paille, ne communique aucune colo- ration aux fibres de china-grass (Ramie blanche); mais elle donne une très faible couleur jaune aux fibres de Ramie verte, ce qui semble indiquer une légère lignification de ces dernières. La potasse n’agit pas sensiblement sur les fibres de Ramie ; la dissolution ammoniacale d'oxyde de cuivre les gonfle beaucoup, mais ne les dissout pas complètement. L'action de l’acide sulfurique est variable sui- vant le degré de concentration de ce liquide. L'acide concentré dissout les fibres en prenant une légère coloration jaune brun due à la présence de matières albuminoïdes dans leur cavité. Traitée par l'acide bihydraté, la cellulose des fibres fournit une combinaison d’acide sulfurique et de corps organique qui peut être considérée comme un acide sulfo-organique et qui se combine aux bases. Cet acide sulfo-organique donne, sous l’action de l’eau, un corps coloré en bleu par l’iode ; mais cette com- binaison iodée ne saurait être confondue avec l’iodure d'amidon, car elle se décompose immédia- tement dans l’eau en perdant sa coloration. Par toutes ces réactions, la substance consti- tuante des fibres se montre formée de cellulose pure (Ramie blanche), ou présentant peut-être des : traces de lignification (Ramie verte). Lorsque l'opération du dégommage est poussée trop loin, la filasse de Ramie devient blanche; elle perd en même temps sa transparence caracté- ristique et son aspect soyeux; on dit qu’elle est cotonisée. Cette modification semble liée à une altération de la surface des fibres ; celle-ci paraît en effet plus irrégulière, etles bandes transversales de cassure se montrent plus nombreuses et plus apparentes. Avenir de la Ramie. — Si l'on réfléchit que la France ne produit annuellement que 75 à 80 mil- lions de kilogs de filasse, et qu’elle en importe 125 à 135 millions de kilogs, on conviendra que la Ramie pourrait, si elle était cultivée dans nos colo- nies, nous affranchir du tribut de l'étranger. Ajou- tons que l'Amérique ne tardera pas à nous expédier ses produits tout fabriqués au lieu de nous en- voyer le coton brut. On trouverait donc à la fois, dans la Ramie, un objet de culture pour nos colo- nies, et, pour notre industrie indigène, un vaste champ à exploiter. La filasse de Ramie possède sur celles de Chanvre et de Lin des avantages incontestables. Elle est remarquable par un aspect soyeux et surtout par une ténacité que ne présentent ni le Chanvre ni le Lin. Le gouvernement anglais a fait exécuter dans ses arsenaux des expériences comparatives sur des faisceaux de filaments sans torsion dans les mêmes conditions de longueur et de poids : Le Chanvre de Russie a supporté avant de se casser. 80 kg ONCE BNASS Eee rte EDGE ue oc 2120 Le Rheca (Ramic) d’Annam cultivé......... Font 160 bd - « ntfs nb en fil DE LAVARENNE. — TUBERCULOSE ET AUSCULTATION 17 Le tableau suivant résume les résultats d’une autre série d'essais : RAMIE CHANVRE LIN SOIE COTON Traction Élasticité. Torsion...,.. Comme on le voit, la Ramie l’emporte sur le Lin et le Chanvre ; elle est trois fois plus tenace que ce dernier. Une autre qualité précieuse vient confir- mer cette supériorité : la Ramie possède, en effet, une résistance incomparable à l’action de l’air et de l’humidité,ce qui la rend éminemment propre à la fabrication des cordages et des voiles de navires. Après bien des alternatives, cette plante parait donc aujourd’hui définitivement introduite dans le domaine industriel et tout fait croire qu’elle est appelée à y prendre une place de plus en plus im- portante. Les insuccès de la première heure tien- nent surtout à un manque absolu de concordance entre les essais de culture et les tentatives d’utili- sation industrielle ; ils ne doivent décourager per- sonne. Les 135 millions de kilogs de filasse que nous achetons tous les ans à l'étranger représen- tent un tribut de près d’un milliard ; la culture et l'emploi de la Ramie peuvent nous en affranchir. Henri Lecomte. Professeur au lycée Saint-Louis TUBERCULOSE ET AUSCULTATION Un médecin du siècle dernier, Raulin, qui fut observateur aussi profond qu'habile clinicien, disait dans un de ses Ouvrages (1) : « La phtisie pulmonaire est déjà parvenue au point d’alarmer l'humanité : elle s'établit principalement dans les grandes villes, au centre du luxe et de l'intem- pérance. » — Ces lignes, écriles en 1782, sont encore vraies aujourd'hui: à Paris, les décès par tuberculose s'élèvent annuellement à 10,500 (2) en moyenne; loin de diminuer, leur nombre semble plutôt augmenter chaque année. Et cependant, que de progrès! Laënnec a créé l’auscultation. Villemin a montré la nature infec- tieuse de la tuberculose. Koch en a découvert l'agent virulent. Mais ces trois grandes dates, 1819 (Laënnec), 1867 (Villemin), 1882 (Koch), donnent à l’histoire scientifique de la tuberculose un éclat qui ne se répand malheureusement pas encore sur son his- toire clinique: et nous en sommes à nous deman- der aujourd’hui, en 1890, si nous guérissons plus de tuberculeux qu’on en guérissait il y a cent ans. Néanmoins, si l’on se place d’un point de vue élevé pour embrasser le chemin parcouru dans le champ de la tuberculose, on est frappé de l’éten- due des dernières étapes, on voit se dessiner peu à peu la route qui doit conduire au but. Les sa- (1) Traité de la Phtisie pulmonaire, Paris, 1782. (2) Comptes-rendus de l’Académie de Médecine, Dé- cembre 1889, _TOIRE (1). Réunies en un volume : vants et les médecins ont réuni leurs efforts pour déterminer la nature et l’évolution de la maladie, et, malgré quelques points encore obscurs, ils peuvent maintenant réaborder sur un terrain solide les questions du diagnostic et du traitement. Quel doit être aujourd'hui le rôle du médecin dans le traitement de la tuberculose pulmonaire? quels sont les moyens par lesquels il peut pré- venir ou combattre la maladie? Le professeur Grancher l’a exposé d’une facon remarquable dans ses LECOxS sur les MALADIES DE L'APPAREIL RESPIRA- Tuberculose et Auscullation, il les a placées sous le patronage de Laënnec et dédiées à M. Pasteur. Ces deux illustres noms montrent bien ce qu’est la profession de foi scientifique de l’auteur : mettre au service de la clinique les données les plus modernes de l’ana- tomie pathologique et de la médecine .expéri- mentale fournies par le laboratoire. L'application de ces idées a enrichi la littéra- ture médicale d’un livre de « Médecine clinique » telle qu'on doit la comprendre aujourd'hui. Ce livre vient à son heure, alors que les «espérances » et les «illusions enthousiastes » provoquées par la découverte de Koch se sont dissipées, et que l’on commence à s’apercevoir « que la tuberculose est, après comme avant, la maladie terrible, que les (1) 4 vol. in-8° de 530 pages avec figures et planches en couleurs, chez Doin, 18 E LAVARENNE. — TUBERCULOSE ET AUSCULTATION efforts de la médecine traditionnelle et de la mé- decine microbienne n’ont pas terrassée ». En médecine, comme dans toute science, on est sujet à des entrainements, et il faut bien constater que l’immensité des découvertes faites dans la voie tracée par Pasteur, devait fatalement absor- ber pour un temps, les facullés des cliniciens. M. Grancher s’est efforcé par ses Leçons de faire revivre les anciennes traditions dans ce qu’elles avaient d’utile et de fécond; et après avoir montré comment on doit comprendre anatomiquement la tuberculose pulmonaire, il a voulu convaincre les médecins « de la nécessité absolue de pratiquer l'auscullation selon les règles classiques aujour- d'hui trop délaissées ». Peut-être quelques esprits voudront-ils voir dans ces lignes une tendance rétrograde, tout au moins stationnaire ; elle n’est pas possible de la part du savant qui, dès 1872, prouvait par ses études histologiques l'unité anatomique de la Phti- sie pulmonaire, qui, après être allé (au laboratoire de M. Pasleur demander une place à côté de MM. Chamberland, Straus et Roux dans l'intention d'étudier la tuberculose expérimentale», est devenu « bientôt l'ami et le collaborateur du Maitre ». Du reste, la clarté de sa méthode, la netteté des résultats obtenus entraineront facilement la con- viction du lecteur, comme elles ont entrainé déjà celle des élèves qui ont suivi l'enseignement jour- nalier du Professeur. Ainsi donc, après les grandes découvertes modernes sur la nature et l'évolution du tubercule pulmonaire, c'est encore à l'auseullation que l’on vient demander les moyens de suivre pas à pas cette évolution sur le vivant. Cette nouvelle con- sécration de l'œuvre de Laënnec ne fait qu'aug- menter l’étonnement que l’on éprouve en présence du peu d'enthousiasme avec lequel les contem- porains l’accueillirent. On n'en saisit pas tout d'abord la portée. Tessier, faisant l'analyse du Trarré d’auscucrarTioN dans le Journal des Savants de 1819, regardait « l’auscultation médiate que, M. Laënnec appelle l’objet prineipal de son livre, comme l'accessoire. ». Rostan, dans le Vouwveau Journal de Médecine 1819-1820, deux articles à l'anatomie pathologique, réservant son jugement sur la valeur de l’auscultation. Andral, plus tard l’annotateur du Traité d’auscultation, reprenait une à une les expériences de Laënnee, sans même le consulter, bien qu'opérant dans un service de l'hôpital Necker voisin du sien, animé d'un scepticisme peu bienveillant, quoique scien- tifique. Sans parler des pamphlets, des dénégations mensongères auxquelles Laënnee se contentait de répondre : «il y a des sourds », et «il n’y en à pas de pires que ceux qui ne veulent pas entendre », consacrait ce fut Broussais qui éleva la polémique au plus haut degré d’acuité. Négligeant l’auscultation quine le génait nullement, il dirigea toutes ses armes contre l’anatomie pathologique, sentant bien qu’elle renversait toutes ses doctrines : ramenant tout processus morbide à l’irrifation, il ne pouvait admettre la spécificité du tubercule. La riposte, aussi vive que serrée, fournit à Laënnec l’occasion de con- clure par un exposé de principes, définissant bien la révolution qu'il venait d'accomplir dans l'étude des maladies. Dorénavant celle-ci se basera sur des rapports existant entre les altérations des or- ganes constatées sur le cadavre et les « signes, cer- tains, autant que possible physiques (1) » que ces lésions déterminent sur le vivant. De cette révolution date toute la médecine moderne. Si le microscope, l’expérimentation ont élendu considérablement les moyens d’action de la méthode anatomique, elle n’en reste pas moins avec ses principes immuables. Et c’est en les appli- quant, que le professeur Grancher, dans « Tuber- culose et auscultation », a reconstitué sur de nouvelles bases l’œuvre de Laënneec, l’a fait revivre d'une vie nouvelle, apportant des éléments consi- dérables à la solution du problème si passionnant de l’extinction de la tuberculose. Les découvertes de Villemin et de Koch, prou- vant la nature infectieuse de la maladie, ont con- sidérablement simplifié ce problème. Elles per- mettent d'en poser nettement les deux termes : 1° prévenir l'invasion, la propagalion de la maladie (médecine sociale); 2 s’efforcer de la connaitre et tenter de la guérir (médecine clinique). — La plupart des questions d'hygiène sociale concernant la tuberculose, s'adressent à la phtisie pulmonaire, qui, à elle seule, fait près de neuf fois plus de victimes que toutes les autres formes réu- nies (en 1888 d'après Lagneau 10.134 phtisies pul- monaires, sur 11.472 tuberculeux). Elles ont pour point de départ la connaissance et l'interprétation de ce fait, que « toute tuberculose nait d’une autre tuberculose » par transmission directe (eon- tagion) ou par hérédité. « Partout on enseigne » aujourd'hui « que la tu- berculose est une maladie virulente, contagieuse. » Véritable révolution, qui a suivi la découverte de Koch, car Villemin n'eut pas le bonheur de faire partager de suite ses convictions et c'est à peine si l’on peut citer quelques noms parmi les conta- gionistes de la première heure : Hardy, Hérard, Cornil, Bouchard, ete. L'immense majorité des médecins pensait ce que Requin avait dit en 1854, que nous n'avons que faire « d'attaquer et de (1). Laënnec. Traité d'auscultation. Préface de la 2° édi- tion 1826. LT DE LAVARENNE. — TUBERCULOSE ET AUSCULTATION 1 Le] combattre en règle » la contagion, « un fantôme chimérique, un vain épouvantail ». Et cependant ces idées de contagion, qui de tout temps avaient èeu quelques partisans, s'étaient considérablement développées dans le courant du siècle dernier en s’étayant sur des observations dans lesquelles, aujourd’hui encore, nous trouve- rions bien des choses à glaner. D’après le Journal de Médecine de l’année 1784, le premier travail d'ensemble sur « la contagion de la phtisie et la manière dont elle se propage » aurait été publié à Strasbourg cn 1782 chez Kænig par A. F. C. Ewers de Swerin. Les conclusions en sont toutes d'actua- lité: « Trois façons dont ce terrible mal peut se propager : — la voie héréditaire, — en demeurant trop longtemps dans l'atmosphère des phtisiques, par exemple en couchant avec eux, — en faisant usage de leurs vêtements, de leurs linges, de leurs draps, ou d’autres choses semblables qui leur ont servi principalement dans le dernier degré de leur maladie. » Bien plus curieux encore sont «les con- seils salutaires pour éviter la contagion » : Iso- lement des malades dans des appartements spa- cieux, aux fenêtres ouvertes, lessivage des planchers, blanchiment des murailles, lavage fréquent de tous les objets à leur usage, linges, ustensiles de bois et de métal etc., etc., enfin, «/ephtisique aura soin de cracher dans des vases de verre ou de faïence qu'on la- vera fréquemment». Ewers avait observé la puissance contagieuse des crachats des phtisiques. Mainte- nant encore, les crachats sont les seuls agents de contagion bacillaire indiscutés ; c'est le crachat qu'il faut détruire à tout prix. « Sur ce point tout le monde est d'accord. » Il n'en est pas de même à l'égard du lait, de la viande: là des divergences se produisent, mais dans le doute on ne doit pas s’abs- tenir. Du reste, ce ne sont que questions de nuances: tous les médecins sont maintenant contagionistes, -maisilsle sontplus ou moins, et en raison de leurs opinions diversessurles dangers de la contagion, dif- fèrent relativement aux mesures à prendre contre elle. Néanmoins il existe peut-être une tendance à trouver qu'on est allé un peu loin dans celte voie de la contagion; tendance fâcheuse si on se rappelle que Brouardel sur 100 autopsies de sujets au-dessus de .35 ans a trouvé 75 fois des tubercules guéris ou en évolution, par conséquent que, sur 100 individus “il y en a 75 qui ont été contagionés. Existe-1- ilune maladie qui soit plus contagieuse? Aussi pensons-nous que, « loin de se taire sur le danger de la contagion, il faut le proclamer bien haut et ‘souvent et toujours ; » car, (on ne prendra jamais assez de précautions pour l'éviter » et « quoique nous fassions, nous ne ferons jamais trop. » — Dans € un peu plus de la moitié des cas » la tuberculose s'attaque à des sujets originaires d'ascendants tuberculeux; c'est la notion d'héré- dité, aussi ancienne que la tuberculose même: Mais, l'enfant hérite-t-il seulement d’un terrain favorable au développement du bacille, ou appor- te-t-il en naissant le germe microbien de la tuber- culose ? Si l’aplitude morbide est acceptée par tous sans contestation, il n’en est pas de même de l'hérédité directe qui, défendue par Baumgarten, Landouzy, H. Martin, a été combattue par divers expérimentateurs et récemment encore par San- chez Toledo (1). Les expériences n’ont porté que sur la transmission placentaire, et les observations positives faites dans la race bovine par Johne, Malvoz et Brouwier laissent la question en suspens ; fût-elle résolue négativement, resterait encore la contamination ovulaire, el, à ce propos nous ne voyons pas pourquoi, & prisri, on refuserait à la tuberculose ce que l’on accorde à la syphilis. Quoi qu'il en soit, le rôle du médecin se borne à agir sur l’hérédité du terrain ; rôle moins actif qu'en face de la contagion, tout en étant fort délicat. Délicat au point de vue médical, où il con- siste à reconnaitre ce terrain, à voir chez le sujet suspect quels sont ses points faibles, à modifier dès l'enfance sa manière d'être organique de facon à le fortilier contre la contagion tuberculeuse. Délicat au point de vue social, où il consiste à in- tervenir dans les questions de mariage. Mais, si les parents deviennent chaque jour de plus en plus nombreux, qui comprennent l'importance de la médecine prophyiactique chez leurs enfants, et suivent scrupuleusement pendant des mois et des années les indications du médecin, le nombre n'’augmente pas beaucoup de ceux qui donnent aux avis médicaux l'importance qu'ils devraient avoir dans la détermination d'un mariage. Quel est le médecin qui n'a pas appris plus tard, indirecte- ment, un mariage auquel il s'était opposé ? Il est vrai que nos prédécesseurs, « imbus de l’enseigne- ment de Laënnec et de ses élèves, croyaient à l’incurabilité absolue du tubereule » et qu'ils pre- naient parfois des décisions d'un pessimisme que les événements ne juslifiaient pas loujours. Mais aujourd’hui que l’on connait les processus tubercu- leux, nous pouvons nous montrer moins intransi- geants que par le passé, et nos avis plus modérés auront plus de chance d’être écoutés. Si le sujet appartient à une famille de tuberculeux, mais n'a pas eu d’atteintes personnelles, le pronostic dé- pendra surtout de sa constitution et son tempéra- ment propres, Car Q il n’est pas beaucoup de familles nombreuses où dans trois générations successives, la phtisie n'ait fait quelque victime ». (4) Archives de médecine expérimentale, Juillet 1889, 20 , DE LAVARENNE. — TUBERCULOSE ET AUSCULTATION S'il est entaché de tuberculose pulmonaire, « il faut être impitoyable quand l'étude attentive et suivie » « a conduit à penser que la tuberculose continue sa marche régulière ou intermittente ». La lolérance sera permise, on pourra « ne pas dé- fendre formellement le mariage », si la maladie est suspendue ou arrêtée depuis longtemps, si le ma- lade sait et veut se soigner, car « le pronosti: dé- pend autant du malade que de la maladie ». Du reste, le médecin n'a jamais qu'à formuler un avis purement scientifique; il doit toujours laisser aux «intéressés » le soin de « conclure en faveur du mariage ou le rejeter ». — Quelques efforts que nous fassions, il se pas- sera malheureusement bien des années avant que nous ayons «réussi à enrayer la marche envahissante de la tuberculose », et, pour longtemps encore, le médecin est aux prises avec elle et devra «tenter ‘de la guérir ». C’est ainsi « que la thérapeutique de la tuberculose » est devenue « le principal souci des médecins contemporains » (Bouchard) (1), d'autant plus que nous avons appris que la phtisie pulmonaire est curable, & qu'elle guérit même dans le plus grand nombre des cas par des pro- cédés naturels » (Bouchard). La connaissance de ces faits nous encourage à user de tous les moyens en notre pouvoir, pour aider cette tendance natu- relle à la guérison; or, notre intervention n'aura d'efficacité que si elle s'effectue en temps oppor- tun, et cette détermination de temps devient ainsi le terme délicat du problème. Il n'est possible de le résoudre que muni des notions les plus cer- taines sur le fonctionnement normal de l’appareil respiratoire, de façon à pouvoir en saisir les moindres anomalies. C'est ce qui a conduit le professeur Grancher à consacrer ses premières Leçons à la structure du poumon, à sa physio- logie, pour passer ensuite à l'étude de la respi- ration normale et à son analyse. Nous n’avons pas à le suivre ici dans ses développements; — il nous suffira de dire qu'après cette étude, le mé- decin se sentira prêt à reconnaitre les moindres traces de tuberculisation pulmonaire. Peu importe qu'il diagnostique la tuberculose alors qu'elle est arrivée à maturité; ce qui est capi- tal, c’est de la saisir dès le début de sa germination, alors qu’elle est occulte (Bayle), alors « que rien ne semble changé dans la santé » du sujet atteint, cependant « voué à la phtisie ». Ce diagnostic pré- coce se fait d’après les respirations anormales, les al- térations du murmure respiratoire, « surtout celle de la douceur», laplus précieuse, la plus importante. Le plus souvent, il faut chercher ces signes, et la première difficulté clinique consiste à analyser (1) Thérapeutique des maladies infectieuses. — Paris, 1889. les symptômes qui peuvent les faire soupçonner, On sait la prédilection de la tuberculose pour les sujets ayant été atteints de certaines mala- dies aiguës infectieuses, pour les chloro-anémi- ques, pour les pleurétiques, telle que Landouzy a pu dire que 98 °/, des pleurésies dites à frigore sont fonction de tuberculose. Dans le cours de son Livre, M. Grancher, insistant principalement sur les pleu- réliques, à démontré le moyen de faire chez ces divers malades le diagnostic précoce, àce moment où « la thérapeutique est souvent toute puissante pour arrêter l’évolution du processus tuberculeux ». — Mais cette puissance de la thérapeutique varie considérablement suivant l’état social du phtisique. Le malade riche peut suivre une hygiène alimen- taire soignée, se livrer à la suralimentation (Debove); il peut se rendre dans les sanatoria où les applications rigoureuses des principes modernes de phtisiothérapie ont amené 24,2 °/, de guérisons et mème 26,5 ‘/, dans ces dernières années (Com- munication écrite du D' Dettweiler, directeur du sanatorium de Falkenstein). Si le sanatorium lui répugne, il peut faire un traitement climatérique dans des stations sanitaires où le médecin traitant pourra appliquer les principes des sanatoria. En fait il sera susceptible de guérir, tout au moins de prolonger considérablement son existence. Rien de tout cela n’est possible pourles pauvres, et, si quelquefois « nous arrivons àles soulager, nous sommes obligés de renoncer à les guérir ». A l'hôpital, la thérapeutique est inefficace, car il manque aux malades l'indispensable, « l'hygiène, l'air, l'aliment, le vêtement, le repos », et cela quoi que fasse l'Administration, étant donnée l’or- ganisation actuelle des hôpitaux. Cependant, avec l'argent employé, on pourrait faire mieux. M. Grancher en à montré la possibi= bilité, sans grever le budget: en établissant d’abord une sélection entre les curables el les incurables; en isolant ces derniers dans des hospices où l’en- tretien coûte moins cher (1 fr. 71 par jour), en em- ployant l'argent ainsi économisé dans des sana-. toria destinés aux curables. Tandis qu'aujourd'hui « tous les phtisiques sont traités indistinctement à 2 fr. 93 par jour, et ils meurent tous ». Uneréforme capitale durégime desphtisiques dans les hôpitaux de Paris s'impose donc. Avant tout, il faut : « 4.000 lits dans un sanatorium et 4,000 lits dans un hospice. » Alors « nous ne serons pas con- damnés à traiter un grand nombre de nos malades par des paroles de consolation », et nous pourrons nous livrer à l'espoir de mettre bientôt sur le pied d'égalité devant la maladie : le riche et le pauvre: D' E. De Lavarenne. Médecin de l'hospice thermal de Luchon LUNA a SE À ed RE em DCE BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 21 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Epping (J.). Astronomisches aus Babylon. Fri- bourg-en-Brisgau, 1889, in-8°, 190 pages et plan- ches. Dès le second siècle avant notre ère, les Égyptiens avaient de vrais calendriers, comme le prouvent des tablettes commentées par Biot (1), il y a plus de trente ans, A la même époque, les Babyloniens étaient au moins aussi avancés, ainsi que cela résulte d’un intéressant travail dû à la collaboration de deux Jésuites, le P, Strassmayer et le P, Epping. Parmi les 50,000 ins- criptions cunéiformes que possède aujourd’hui le Musée britannique, ils en ont rencontré et déchiffré deux, parfaitement datées et qui présentent un véritable intérêt astronomique. Elles contiennent : à gauche, des éphémérides lunaires pour toute l’année; à droite, des éphémérides ou constellations planétaires, les levers et les couchers héliaques des planètes et de Sirius, les commencements des saisons, ele, Les indications de l’âge de la lune, des éclipses, visibles ou non, avaient permis de fixer les dates des inscriptions d’une manière assez précise, mais ce sont les constellations planétaires qui ont levé tous les doutes. On y trouve indiquées les positions des cinq planètes par rapport à une série d'étoiles du zodiaque, dont l’astronome chaldéen donnelesdistancesexprimées en degrés qui valent 24, ou en minutes qui valent 8’, avec la mention au-dessus où au-dessous. Outre la com- plication résultant du choix de cette unité, il y en avait une autre tenant à ce que les planètes ne sont pas désignées par les noms retrouvés jusqu'ici (2) et ce n’est qu'après de longues recherches que le P, Strassmayer est arrivé à l'identification suivante : Gut-tu...,. Mercure Dil-bat..... Vénus Anu.....,. Mars deut........- Jupiler Genna (Mullalu). Saturne Kak-ban........ Sirius Le jour est divisé en 6 parties subdivisées en 60 : les astronomes chaldéens le divisaient donc en 360 parties, comme la circonférence du cercle. Ces tablettes sont datées suivant l'ère d’Arsace et Suivant l'ère de Séleucus ; comme leur contenu permet de fixer, d’une manière certaine, leurs dates à 123 et 111 avant Jésus-Christ, on à pu en conclure que l'ère des Arsacides commence à 247 et celle des Séleucides à 311 av. notre ère, Cette détermination éclaire vive- (1) Journal des Savants, 1856, p. 105. (2) Bibliographie générale, par Houzeau et Lancaster, t. I, p. 83, ment certains documents traduits depuis peu, notam- ment ceux relatifs à une éclipse de lune, d'après Ja- quelle M. Oppert (1) avait fixé l’ère d’Arsace à 256 av. J.-C. G. BiGouRDAN. 2° Sciences physiques. Collection de Mémoires relatifs à la Physique, publiés par la Société française de Physique, t, IV, — Mémoires sur le Pendule, pré- cédés d'une bibliographie. Paris, Gauthier-Villars, 1889. Depuis quelques années la Société francaise de Physique a entrepris, sur la proposition de son secré- taire général, la publication d’une collection de mémoires relatifs à la physique, Chaque volume con- tient l’ensemble des Mémoires classiques, et constam- ment cités, qui ont marqué un progrès décisif ou seule- ment important dans une partie déterminée de la science. C’est ainsi que le tome IV qui vient de paraître et le tome V qui est sous presse sont entièrement con- sacrés à l’histoire du Pendule considéré comme ins- trument de géodésie, destiné à la mesure de l'intensité de la pesanteur, La moilié seulement du tome IV contient des mémoires originaux reproduits ou traduits : ce sont ceux de La Condamine (1735), de Borda et Cassini (1810), de de Prony (2) et enfin deKater et de Bessel, Les planches qui accompagnaientles mé- moires sont fidèlement reproduites par la phototypie, à une échelle déterminée par le format du volume. Toute h première moitié du volume est occupée par une substantielle introduction historique de 40 pages, et par une admirable bibliographie de plus de 200 pages, dues à M. Wolf, de l'Observatoire de Paris, La plupart des mémoires cités dans la bibliographie sont accom- pagnés d’une analyse succincte et souvent de la citation textuelle des passages les plus importants. C’est ainsi que les trois éditions que Newton a données des«Prin- cipia.… » en 1687, 1713 et 1726 sont citées séparément, La correction de poussée de l'air est appliquée dans lédition de 1713 sans explications : l'expérience célèbre sur la chute de corps différents dans un tube vide n'apparait que dans la troisième édition. L'abbé Picard se contentait d’une précision d’un dixième de ligne, soit environ un cinquième de milli- mètre, et n’observait pas de différence dans la longueur seconde (1) Comptes rendus de l’Académie des Sciences, 1888, t. 107, p- 467. (2) Présenté à l’Institut en 1800; manuscrit retrouvé à l’Ecole des Ponts et Chaussées par M. le commandant Def- forges, et publié pour la première fois dans ce recueil, BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX du pendule à secondes en passant du sud de la France jusqu’en Danemark. Comme la correction provenant des dimensions de la sphère suspendue au bout du fil était encore inconnue, les observations n'étaient comparables que si elles étaient faites avec la même sphère, et la différence de longueur observée à Londres restait discutable, C’est seulement en 1672 que les va- riations de la pesanteur aux divers lieux du globe furent mises en évidence par les mesures de Richer, à Cayenne, mesures régulièrement conduites, et non pas dues au hasard comme on le dit communément, L’exa- men de la question s’imposait dès lors à l'attention de tous les voyageurs, et l’observation de Richer partout confirmée, a singulièrement étendu le programme des recherches nécessaires. L'intensité de la pesanteur n’est plus une constante terrestre, c’est une quantité variable à la surface du globe et dont il faut déterminer la valeur en chaque point, Ces valeurs peuvent se rat- tacher assez simplement à la forme d’une terre homo- vène, ou du moins dans l'intérieur de laquelle la ré- partition des masses obéirait à quelques hypothèses simples. Aussi a-t-on cherché d’abord à faire. servir ces mesures à la connaissance de la forme de la terre et de son aplatissement, Après avoir fait subir à la mesure brute toutes les corrections nécessaires pour en déduire l'intensité de la pesanteur en unités abso- lues d'accélération au lieu même de l'observation, on s'efforcait d'en déduire la valeur de la pesanteur en un autre point de la même verticale situé sur la surface idéale de la terre, sur cette surface à partir de laquelle le géodésien compte les altitudes, Mais, si l'accord s’est fait sans difficulté entre les observateurs sur la néces- sité ef la légitimité des premières corrections, il ne pouvait en être de même de la seconde transformation, car le calcul de l'influence de l'altitude, des massifs montagneux, où de la mer, ne peut se faire qu’en in- troduisant des hypothèses sur la distribution et la den- sité du sol environnant, et l’on n’a d'autre critérium que la disparition des irrégularités locales dans l’en- semble des observations corrigées ; en fait les irrégu- larités ne disparaissent point, Sans aborder ici la discussion de ce problème, bornons-nous à constater que l'observateur ne doit se proposer qu'un but: déter- miner en unités d'accélération l'intensité de la pesan- teur en divers lieux de la surface de la terre, et que le tableau définitif des observations doit donner l’inten- sité de la pesanteur au lieu même de l'observation et non ailleurs. Parmi ces corrections nécessaires pour passer de la mesure brute à la valeur absolue de l'intensité, l'une des plus importantes est relative à l'influence de l'air. D'abord sentie confusément parce qu’elle est double, celte influence n’a été complètement démèlée que par Stokes, D’une-part, la poussée de l’air diminue la force motrice sans diminuer la masse inerte du pendule; d'autre part l'air qui entoure le pendule est mis en mouvement par les oscillations de celui-ci, et absorbe une partie du travail de la force motrice. La correction hydrostatique connue de Newlon a été très clairement expliquée par Bouguer (1749), appliquée par d'Alembert (1736), négligée pourtant par Lalande (1792), et a fini par être régulièrement employée. Quant à la correction hydrodynamique, ce n’est que depuis le milieu du siècle qu'on est exactement fixé sur sa nature et son importance. Les mouvements du pendule sont assez lents pour que l'air qui l'entoure se comporte sensible- ment comme un liquide, Tout près du pendule, la phase du mouvement périodique de l’air est le même que celle du pendule, et s’il en était de même au loin, le seul changement à faire dans les équatiers du mou- vement serait évidemment une addition de masse pro- portionnelle au volume du pendule, ou ce qui revient au même, à la masse du fluide déplacé, multipliée par un coefficient variable avec la forme géométrique du pendule. Cette influence d’abord reconnue par l’in- génieur du Buat (1786) et plus tard par Bessel (1827) a été évaluée expérimentalement par eux, puis par Sa- bine (1829) et Baily (1832); elle est beaucoup plus grande pour un long cylindre que pour une sphère, Poisson avait fait en 1831 une tentative de théorie ma- nifestement incomplète; c'est Skokes qui en 4850 a réussi à rendre compte du rôle complet du gaz en te- uant compte de son frottemeut intérieur. Le mouve- ment du pendule ne se transmet pas instantanément aux couches éloignées ; les mouvements de deux couches d'air contiguës n’ont pas exactement même phase, et le déplacement relatif de ces couches met en jeu le frottement interne du gaz. Il en résulte une diminution progressive de l'amplitude des oscillations; mais {ant que cette double influence est faible, le mode de correction adopté par du Buat et Bessel pour la durée d’oscillation reste exact, | Il faut suivre, dans l'introduction historique de M. Wolf, et dans la bibliographieles perfectionnements apportés pendant tout le xvin® siècle à la construction et à l'emploi du pendule simple, et voir comment la double incertitude qui résulte de l'influence de l'air et du mode de suspension du pendule a conduit les obser- vateurs de la seconde moitié du xix° siècle à abandon- ner complètement le pendule simple et à le remplacer par le pendule invariable proposé par de Prony et Kater. J'espère en avoir dit assez pour engager le lecteur qu'intéresse l’importante et diflicile étude de l’inten- sité de la pesanteur, à recourir aux deux volumes que M. Wolff lui a consacrés. Marcel BriLLOUIN, MendeleefF, — La loi périodique des éléments chimiques. Conférence faite devant la Société chi- mique de la Grande-Bretagne (Jowrnal of the chemical Society. Octobre 4889). Après avoir rappelé les travaux de Dumas, de Chan- courtois et Newlands, M. Mendeleeff énonce la loi pério- dique sous la forme qu'il lui a donnée en 1870 et qui n'a pas été modifiée depuis : « Les éléments rangés par ordre de poids atomiques croissants, présentent une périodicité évidente dans leurs propriétés. » « Les éléments qui possèdent des propriétés chimi- ques semblables possèdent des poids atomiques qui sont égaux où qui eroissent régulièrement, » Le savant russe examine et diseute ensuite les appli= CE RTE PT a EU ES Pr MAPS E on À SRE M ie 2e Dit LIL 2 le in re BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 23 cations qui ont été faites de cette loi, et les déductions qu'on peut en tirer. Plusieurs chimistes ont vu dans la loi périodique une preuve à l'appui de l'hypothèse de la matière primaire, ou de l'hypothèse analogue de Prout sur le caractère composé des éléments chimiques. M. Mendeleeff n'accepte pas cette application, D’après lui, la loi périodique étant un fait purement expéri- mental, et neconduisant pas par elle-même à l’idée d’une matière unique, ne peut, pas plus que la loi d’Avogadro ou la loi de Dulong sur les chaleurs spécifiques, servir à confirmer la conceplion purement philosophique de la matière primaire. Dans cet ordre d'idées, on à cherché à représenter la lôi périodique par une courbe ou une fonction continue; mais les périodes des élé- ments présentent un caractère tout différent des fonc- lions périodiques que considèrent les géomètres. Elles correspondent à des points isolés, à des variations brusques sans élats intermédiaires, et on ne peut leur appliquer les procédés de l'analyse infinitésimale, Si l'application des mathématiques doit donner un résul- tat, ce sera sous une forme particulière se rapprochant de celle de la théorie des nombres (1). Pour M, Mendeleeff, les résultats auxquels a conduit la loi périodique sont les suivants : 1° Elle a provoqué la découverte de plusieurs élé- ments dont elle avait fait prévoir l'existence et les prin- cipales propriétés. (Gallium, Germanium, Scandium.) > Elle a conduit à changer les poids atomiques de certains corps qui avaient élé mal déterminés et à reprendre l’étude des propriétés physiques des éléments pour en montrer la périodicité. 3° Enfin elle à conduit à modifier la notion d’atomicité,. Je cite textuellement ce passage. « La loi périodique a montré qu'il y à une limite d'oxydation, exactement comme il y à une limite bien connue à la capacité des éléments de se combiner avec l'hydrogène. Un seul atome d’un élémert se combine avec au plus quatre atomes d'oxygène ou d'hydrogène et pendant que CHA et SiHf représentent les Lydrures les plus élevés, RuOf et Os0‘ sont de même les oxydes les plus élevés. Nous sommes ainsi conduits à reconnaitre des types d’oxydes comme nous avons eu à 1e6connaitre des types d’hydrures. «La loi périodique adémontré que l'étendue maximum dans laquelle différents corps entrent en combinaison avec l'oxygène est déterminée par l'étendue dans laquelle ils se combinent avec l'hydrogène, et que la somme des nombres d’équivalents d'oxygène et d’'hydro- gène qui peuvent se combiner à un corps est égale à huit. Ainsi, le chlore qui se combine avec un atome ou un équivalent d'hydrogène, ne peut fixer plus de sept équivalents d'oxygène; pendant que le soufre, qui fixe deux équivalents d'hydrogène, ne peut se combiner avec plus de six équivalents ou trois atomes d’oxygène. Il devient ainsi évident que nous ne pouvons recon- naître comme une propriété fondamentale des éléments, (1) On peut citer, dans cet ordre d'idées, les recherches du commandant Delauney, publiées dans les comptes-rendus de l’Académie (30 septembre 1$89) sous le titre : L'enchaînement des poids atomiques des corps simples. la valeur atomique déduite de leurs hydrures et que nous devons modifier, dans une certaine étendue, la théorie de l’atomicité, si nous voulons l’élever à la hauteur d'un principe capable de donner un apercu sur la constitution des molécules composées. En d’autres termes, c’est seulement pour le carbone, qui estquadri- valent par rapport à l'hydrogène et à l'oxygène, que l'on peut appliquer la théorie de la valence constante et des liaisons, au moyen de laquelle tant de chimistes essayent d'expliquer la structure des molécules com- posées, » Enfin, M. Mendeleeff termine en insistant sur ce que, dans l’application de la loi périodique, on doit séparer les oxydes solifiables des peroxydes dont la fonction estcomplètement différente. Georges CHaRrpy. Haughton (Rév, Samuel). — Illustration géomé- trique de la loi périodique des poids atomiques. (Transactions ofthe Royal Irish. Academy, 1889.). Dans une conférence faite en 1887, sous le titre « La Genèse des éléments », M. Crookes développa une idée qui existait, pour ainsi dire, à l’état latent dans les écrits d'un grand nombre de savants, Il considère nos diffé- rents éléments comme les produits de la condensation successive d’une substance unique qu'il nomme protyle. M. Crookes appuie principalement sa démonstration sur le dédoublement presque indéfini qu'il a fait subir aux corps considérés comme simples qui ont été retirés des terres rares (Y{terbium, Gadolinium, ete...) et sur l'existence de la loi périodique des poids atomiques. 11 pense que les poids atomiques que nous connaissons sont des valeurs moyennes, et que, lorsque nous disons que le poids atomique du calcium est 40, cela signifie que ce poids est toujours voisin de 40, par exemple, entre 39,9 et 40,1, La loi périodique sera done repré- sentée par une fonclion continue ou une courbe, et si nous n’en connaissons qu'un certain nombre de points, cela tient d’abord à ce que nous ne connaissons pas Jous les éléments, el aussi à ce que, par suile des con- ditions particulières dans lesquelles se sont produites les condensalions successives du protyle, il ne s’est formé, dans la fournaise cosmique, qu'un nombre res- treint des combinaisons possibles, Il devenait donc très intéressant de connaitre la fonction ou la courbe repré- senlative de la loi périodique, En portant'en ordonnées les poids atomiques des éléments, en abscisses leurs alomicités, le professeur Reynolds a obtenu une « ligne en zig-zag » qui passe par Lous les points repré- sentatifs des éléments et meten évidence certaines par- ticularités de la loi périodique. Malheureusement, on ne peut oblenir l'équalion de cette courbe, M, Haughton a essayé de la représenter par une fonction de Fourier et n’a pu y réussir, Il a cherché alors dans une autre direction et à pu obtenir les résultats suivants : On sait que les ‘éléments rangés par ordre de poids alomiques croissants se classent en groupes de chacun sept éléments, les membres correspondants des diffé- rents groupes présentant des propriétés analogues, La périodicité s'accuse surtout quand on prend les 24 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX périodes de deux en deux constituant ainsi des doubles périodes de chacune quatorze éléments, M. Haughton remarque que les quatorze points représentatifs de ces éléments déterminent une courbe du #° degré (quar- tique) et une seule. Il à calculé les équations de ces courbes et observe que : 4° Les quartiques qui représentent les doubles périodes successives sont toutes de la même classe, Elles possèdent deux asymptotes réelles et deux asymptotes imaginaires, 2 Les quartiques successives sont liées entre elles par des lois de variations des paramètres qui per- mettent de tracer la courbe complète dans le cas où on ne connait pas les quatorze éléments, La loi périodique se trouye ainsi représentée par une série de courbes définies algébriquement, sur lesquelles viennent se placer exactement les points représentatifs des éléments. D’après les idées de M. Crookes, il est vraisemblable que chacune de ces courbes correspond à une phase distincte dans la condensation du pro- tyle. ; Georges CHarPy. 8° Sciences naturelles. Zujovic (J.-M), Annales géologiques de la Pé- ninsule balkanique (dirigées par). — Tome I, in-8° de xv-248-160 pages, avec 2 planches de fos- siles et 1 carte en couleurs, Belgrade, imprimerie de l'État, 1889. Le Sud-Est de l’Europe est demeuré, sans contredit, la partie de notre continent où il reste le plus à faire au point de vue géologique. M. Zujovic, le savant pro- fesseur de l'Université de Belgrade, a pensé que l’un des meilleurs moyens de stimuler à l'étude de ces régions peu connues élait de fonder un recueil spé- cial, destiné en quelque sorte à devenir l'organe offi- ciel des géologues indigènes, et en même temps à servir d'intermédiaire entre ceux-ci et les géologues étrangers, au moyen de traductions françaises ou alle- mandes et de courtes analyses bibliographiques. Le premier volume, seul paru, de ces nouvelles Annales, fait bien augurer de l’avenir de cette utile publica- tion, 11 est divisé en deux parties, rédigées respecti- vement en langue serbe et en francais ou en alle- mand, el comprenant chacune des travaux originaux et des compl@s-rendus d'ouvrages récents, La première débute par une Esquisse géologique du royaume de Serbie (p. 1-130), avec carte d'ensemble à l'échelle de 4 : 1.500,009, par M. Zujovic, travail déjà publié en allemand, il y a quelques années, dans le Jahrbuch de l’Institut géologique de Vienne; on y remarque encore une Etude sur quelques minéraux de Serbie, par M. P. Ilic (p. 144169), résultat de recherches poursuivies au laboratoire de chimie de l'Ecole des Hautes-Études de Belgrade. Viennent ensuile des résumés de mémoires récemment publiés sur la Serbie, la Bosnie, la Dal- matie, la Grèce, la Turquie, etc., résumés destinés aux géologues serbes et, comme tels, rédigés dans leur langue (p. 196-248). Quant à la seconde partie, qui, au contraire, s'a- dresse surtout aux géologues occidentaux, elle ren- ferme entre autres documents une notice nécrologique, avec portrait, sur le Docteur Josif Pancic (1814-1888), savant botaniste, qui fut l'âme de l’enseignement scientifique en Serbie; un Apercu des terrains du Balkan central, par M. Toula (en allemand, p. 107-121); enfin, et surtout, une importante monographie des dépôts liasiques de Rgotina, dans la Serbie Orientale, par M. S. Radovanovic (id., p. 1-106). L'auteur décrit Ja succession des couches en la comparant avec les coupes observées dans les régions voisines, et se livre à une discussion crilique des espèces recueillies, parmi lesquelles plusieurs sont nouvelles, Le Lias de Rgotina est principalement formé de grès à brachio- podes et à bivalves, et se range surtout au niveau du Lias moyen; il représente un type de dépôts formés près des côtes, type très caractéristique du Banat et des Balkans, fort différent de celui des calcaires fran- chement pélagiques, de type alpin, développés dans l'Ouest de la presqu'ile, en Bosnie. M. Radoyanowic voit avec raison, dans ce fait, une confirmation des vues émises par MM. Mojsisovics et Suess sur la grande extension du « Continent Oriental » pendant Fère secondaire, continent dont les roches cristallines de la Thrace et de la Macédoine (Rhodope), peut-être jusqu’au Tchar-Dagh, représentent les restes. On sait que ce massif résistant, d’après M. Suess, aurait déter- miné plus tard la séparation entre les plis alpins de la région illyrienne et ceux de l'arc karpato-balkanique, en s’avancant comme un coin dans l'intervalle. On ne peut qu'applaudir aux efforts tentés par M. Zujovic pour continüer le défrichement scientifique de cet intéressant champ d’études, Emm,. DE MARGERIE, Guitel (F.), préparateur de Zoologie à la Sorbonne. — Recherches sur les Lepadogasters. Thèse pour le doctorat ès sciences; un vol. in-8° de 230 pages avec 14 planches en couleurs; in Archives de zoologie expé- rünentale, 1889. Ce travail, fait aux laboratoires de M. de Lacaze- Duthiers à Banyuls et à Roscoff, se recommande par la perfection des détails et la précision des faits qu'il met en lumière. C’est la monographie très soignée d’un petit poisson (Lepadogaster Gouanü) qu'on rencontre fréquem- ment sur les côtes de la Méditerranée et de l'Océan. Ses mœurs, aussi bien que l’étrangeté de son aspect, ont depuis longtemps attiré l'attention des naturalistes, Il jouit en effet de la remarquable propriété de se coller aux cailloux sous lesquels il s'abrite. A cet effet il porte à sa face ventrale une puissante ventouse. Elle lui permet d'adhérer aux pierres ou bien de progresser lentement sur la surface des rochers. M. Guitel a démontré que cet organe se compose en réalité de deux ventouses : l’antérieure est formée par les nageoires ventrales, tandis que la postérieure a pour squelette los de la ceinture scapulaire, connu sous le nom de coracoïdien. De cette disposition résulte ce fait singulier que l'appareil ventral est entièrement entouré par les nageoires pectorales et leurs dépendances. Ë à À BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 19° Or La peau, sur toute la surface du corps, estabsolument privée d’écailles. La ligne latérale, qui n'avait été apereue par aucun zoologiste, est extrèmement curieuse, Elle se compose de sept tubes muqueux munis de ter minaisons nerveuses; celles-ci forment dans la tête des sinuosités dont la disposition ne varie pas. Mais le canal latéral, qu'on observe chez les autres poissons, n'existe pas chez les Lépadogasters. IL est remplacé par deux séries de petites fossettes pourvues chacune d’un bouton épidermique qui recoit un ramus- cule du nerf latéral, Il existe aussi dans la fête des séries analogues, principalement région operculaire. dans la Fig. 14. — Embryon de Zépadogaster bimaculatus, d'environ 20 jours. — Gross. = Fig. 2. — Embryon de ZLepadogaster Gouanii, d'environ 20 jours, vu sur la face latérale, Gross, = 2. D DTA ChICs. NI ES ER RE e—icoruc dorsale. 1.2.2. ROGUE PRE Een en = chromatophores noirs. | sp = partie fibreuse du sque- Er — » rouges, lette primitif de la D — » jaunes. ceinture scapulaire., ER — 05ÉOMAC. 2... cf —-vésicule du fiel........ 7 MONO RER vo — icule ombilicale.... æs — œsophage............. vn = vessie nataloire gonflée ol = fossette olfactive ...... COPA ARR ARE L'embryogénie a été suivie par l’auteur depuis la fécondation jusqu'à l’éclosion des jeunes. Malheureu- sement il n’a pu saisir le passage de la larve à l'adulte, Cependant l'étude des embryons lui a montré que ces poissons, bien que dépourvus de vessie natatoire à l’âge adulte, en sont munis au contraire pendant leur période larvaire. La vessie disparait ensuite, C’est là un fait des plus intéressants, dont l’importance pour la théorie générale du développement n’échappera à per- sonne. Quant aux ventouses, M. Guitel a réussi à en fixer l’homologie en déterminant les connexions du cartilage qui précède, chez la larve, l'apparition des os de la ventouse antérieure, L'auteur à ensuite comparé les Lépadogasters de nos côtes à quelques autres représentants exotiques de la même famille. Il a constaté que la ventouse unique de ces derniers ne diffère pas sensiblement de la ven- touse double des espèces européennes. Cette étude l’a conduit à adopter l’opinion de Müller qui classe les Lépadogasters parmi les Acanthopté- rygiens; mais, à l'inverse de ce zoologiste, il les éloigne des Cycloptéridés et les rapproche des Gobiidés. Tels sont les principaux résultats des recherches de M. Guitel; son mémoire aussi soigné, dans la forme que dans le fond, clairement exposé et bien écrit, a le mérite de résoudre une question controversée, en fai- sant connaitre, d’une facon très exacte, l’organisation d'un poisson osseux de nos rivages. E. Jousix. 4° Sciences médicales Le traitement du prolapsus du rectum, devant la Sociéte de chirurgie. (Comptes-rendus des séances du 27 novembre et du 4 décembre 1889). Le travail, qu'a récemment présenté à l'Académie de médecine M. Jeannel, ayant appelé l'attention sur le traitement du prolapsus du rectum, chacun est venu apporter à la Société de chirurgie l'exposé de sa pra- tique. Les prolapsus légers, n’affectant que la muqueuse, absolument comparables au prolapsus normal du cheval, ont été laissés de côté, Fréquents chez l'enfant et chez quelques vieux hémorrhoïdaires, ils sont faciles à guérir et sans grande importance, bien différents en cela des chutes complètes du rectum, auxquelles participent les diverses {uniques de celte portion de l'intestin. La discussion s'est ouverte par une communication de M. Nélaton qui a rapporté deux cas d’excision de prolapsus vectaux ; dans le premier la récidive débuta au bout de six mois; dans le deuxième déjà réséqué antérieurement par M. Périer, M, Nélaton excisa Ow:30 d’intestin mobile, prêt à s'invaginer, et, par celle intervention large, il espère avoir guéri sa malade qui aujourd'hui. seize mois après l'opération, ne présente encore rien de spécial, — Mais des extirpations étendues, comme celle pratiquée chez la deuxième malade de M. Nélaton, sont graves et par là même peu tentantes; aussi M. Verneuil croit-il que le traitement, déjà an- cien,du prolapsus par l'excision (il remonte à la fin du siècle dernier) est loin de constituer un idéal chirur- gical; les Allemands, et en particulier Mikuliez, en vantent, il est vrai, les avantages, mais les observations qu'ils publient ont toutes trait à des malades récem- ment opérés et pour lesquels il manque la sanction du temps écoulé, — M. Segond, cependant, dit avoir guéri par l’excision un malade qu’il a revu au bout de six mois; malheureusement son observation n’est pas concluante au point de vue de la cure du prolapsus en général, parce qu'il existait un rétrécissement du réctum, qui pourrait bien avoir été la cause de lPaffec- tion, si bien que le malade aurait guéri, si l’on en croit MM. Trélat et Nélaton, en vertu de l’axiome: sublatä causà tollitur effectus. Le traitement par les cautérisations de la muqueuse, préconisé dans le but de faire adhérer les parties en déterminant la formation de tissu cicatriciel, a été employé par M. Routier qui s’est servi du thermo- cautère et par M. Delens qui à eu recours, suivant le conseil d’Allingham, à l'acide nitrique fumant. L'opérée de M. Routier a récidivé au bout d’un an et M. Delens n’a pas suivi ses malades, Aussi M. Schwartz, après des cautérisations pro- fondes de la muqueuse, a-t-il jugé à propos d’imiter la 19 (=?) conduite qu'il avait vu suivre à Albert (de Vienne) etde faire secondairement une périnéorrhaphie antérieure à l'orifice anal, profonde et destinée à rétrécir cet orifice en même temps qu’elle le reportait en arrière. Cette manière de faire semble plus rationnelle que celle déjà ancienne de Roux qui rétrécissait la partie posté- rieure de l’anus, les récidives débutant ordinairement par la paroi antérieure. Son malade est resté guéri depuis le mois de février dernier. La fixation du rectum ou proctopeæie a été pratiquée par M. Verneuil; en même temps qu'il rétrécit l’anus, ce chirurgien fixe, après décollement de l’espace recto-sacré, la paroi postérieure de l’intestin aux tissus fibreux présacrés, Les résultats n’ont pas été satis- faisants. L'exposé de ces divers faits ne nous permet pas encore de conclure el nous pouvons répéter, avec M. Verneuil que, malgré la multiplicité des procédés, le prolapsus grave du rectum est une des infirmités les plus difficiles à guérir, L'avenir nous dira si la colopexie, récemment préconisée par M, Jeannel, qui semble une méthode des plus rationnelles, donne des résultats su- périeurs à ceux obtenus jusqu'ici, Dr HARTMANN. Bard (L.) (de Lyon) et Curtillet, — Contribution à l'étude de la Physiologie pathologique de la maladie bleue. — Forme tardive de cette affec- tion. (Revue de Médecine, 10 décembre 1887, page 993 et suiv.) Des recherches anatomiques des auteurs, il résulte : que la persistance du Trou de Botal n’entraine pas fata- lement le mélange des sangs artériel et veineux, dans les oreillettes, grâce à l’obliquité de lorifice et surtout à la disposition de la valvule de Vieussens. Celle-ci n’est pas un opercule, mais une sorte de voile flottant, développé du côté gauche, en dehors du plan de la cloison, plus grand que l'orilice et l’obturant par appli- cation sur lui sous l'influence de la pression sanguine gauche, La pression est-elle plus forte à droite, comme chez le fœtus, la valvule s'écarte, Le sang reflue dans loreil- lette gauche : il y a mélange, La pression est-elle plus forte à gauche (ce qui est l’état normal après la nais- sance), la valvule s'applique sur l’orifice; le sang suit son cours normal : il n’y a pas mélange, Que, par suite d’un trouble pathologique, d’une affec- tion pulmonaire, par exemple, la pression sanguine droite vienne à dominer celle de gauche :il y aura mélange des deux sangs tant que durera lattaque d’asystolie (forme tardive de la maladie bleue). Quand la volonté elle-même est insuffisante, le mé- lange peut ne pas exister, grâce à une hypertrophie com- pensatrice de l'oreillette droite, produisant l'équilibre des pressions, — La coloration bleue des téguments semble, due en partie, à la stase veineuse qui accom- pagne les phénomènes asystoliques. Dr E. DE LAVARENNE. BIBLIOGRAPHIE. —-- ANALYSES ET INDEX Bertillon (J.). — De la mortalité à Paris pen- dant le mois de décembre 1889. (Bulletin médical, 8 janvier 1889, page 21 et suiv.) La mortalité s’est accrue à partir de la deuxième semaine du mois, pour atteindre 500 décès le 30 dé- cembre. Cet accroissement est dû surtout aux affec- tions aiguës et chroniques des voies respiratoires, aux maladies chroniques susceptibles de complications pulmonaires, Il porte sur tous les quartiers de la ville et toutes les classes de la société. — II n’atteint guère les enfants et pèse spécialement sur les adultes hommes et aussi sur les vieillards. Dr E, DE LAVARENNE. Layet (A.), professeur à la Faculté de médecine de Bordeaux, — Traité pratique de la vaccination animale. Paris, Alcan, 1889, un volume grand in-8°. Cet ouvrage est un éloquent plaidoyer en faveur de la vaccine et surtout de la revaecination, si négligée partout. Montrer que la vaccination n’est jamais nocive quand elle est pratiquée dans des conditions déter- minées; mettre en évidence la mortalité par la ya- riole dans les villes où la revaccination n’est pas appliquée et celles où ce service fonctionne régulière- ment, appuyé par des règlements efficaces; indiquer enfin les méthodes à suivre pour obtenir rapidement et dans des conditions économiques du vaccin animal, telle est l’œuvre de M. Layet. Le grand argument des antivaccinateurs réside dans les cas constatés de syphilis vaccinale, M. Layet aborde résolument cette question; il'en fait un historique très serré, réduit à ses justes proportions l'importance des faits observés, mais établit surtout que les cas malheu- reux ne se réaliseront plus, si le médecin n'utilise pour ses vaccinalions que le vaccin animal. Il est un point où M. Layet nous parait se mon- trer critique trop sévère, c'est sur la condamnation presque absolue qu'il fait du vaccin conservé. Il n’admet guère que la vaccination immédiate de la génisse au bras de Penfant. Dans la pratique, cette méthode est souvent difficile à réaliser et la pulpe vaccinale fraiche peut encore donner d'excellents ré- sultats, Signalons les planches en chromo-lithographie très nombreuses dans son ouvrage; elles renseigneront utile- ment le médecin sur l'aspect que prend la pustule soit pendant le cycle évolutif du vaccin chez la génisse vaccinifère, soit chez le sujet vacciné. Il est à désirer que le traité de la vaceine animale de M. Layet ne soit pas lu uniquement par les médecins, mais qu'il serve à stimuler le zèle de nos administra- teurs municipaux pour l'organisation d'instituts vacci- nogènes établis sur le modèle de celui qui fonctionne à Bordeaux sous la direction de l’auteur ; et le zèle éga- lement de nos législateurs, pour qu'ils se décident à doter la France d’une loi établissant la vaccination obligatoire, L. O. È ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 21 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 6 janvier 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, M. Paul Appell : Sur les fonctions elliptiques. — M. BP, Painlevé : Sur les intégrales rationnelles des équations de premier ordre, — MM. Erépied, Itambaud et Renaux : Observations de la co- mète Borrelly, — M. D, Æginitis : Observations de la comète Brooks. 20 SCIENCES PHYSIQUES M. P. Joubin à vérifié, en pesant les quantités de cuivre déposées sur les différents points d’une lame de platine, que les images de Thomson s'appliquent à l'électricité dynamique. — M. Æh, Moureaux à calculé la valeur absolue des éléments magnétiques au {er janvier 1890, sur les observations faites au Parc Saint-Maur et à Perpignan, — M. E. Doumer à déterminé les pouvoirs réfringents de 90 sels simples en dissolution et induit de ces délerminations quelques lois générales. — M. Æ. Thoulet, étudiant la distri- bution des températures profondes dans le lac de Longemer (Vosges), a constaté que les nappes iso- thermes ondulent d’une facon régulière. — M. Lecoq de Boisboudran à obtenu de nouvelles fluores- cences au moyen de là samarine et des terres Za el Z8 avec la silice et la zircone calcinées; il en indique les principales positons spectrales, — M. Vogt à analysé lés roches employées dans la fabri- cation de la porcelaine en Chine; leur composition les éloigne beaucoup de celles employées en Europe. — M. Charles Combes identifie la malezite et le matezo-dambose respectivement avec la 8 - pinite et la Georges B. inosite, en s'appuyant sur les constantes physiques de ces corps. — M, &. Guinochet aéludié les sels de l'acide carballylique pour les comparer à ceux d’un isomère déjà décrit par lui. 3° SCIENCES NATURELLES M. Baubrée, comparant la gangue diamantifère des gisements du Cap avec les météorites qui con- tiennent du diamant, trouve une grande analogie dans la composition de ces corps. — M, A. Lacroix à étudié les cipolins à minéraux et les roches à werné- rile de l'Ariège, — M. Fhoulet décrit le relief et la géologie sous-lacustre du lac de Longemer, — M. F. Guitel à étudié la disposition anatomique et l'innervation de la ligne latérale de la Baudroie, — M. L. Faurot décrit les cloisons mésentéroïdes d'une actinie, la Peachia hastata. — M. Buchartre est élu vice-président pour l'an- née 1890, L. Lapicque. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du mardi T janvier 1890. 19 RECHERCHES SUR LA PROSTITUTION À PARIS, M. Commenge présente les résultats d'une sta- tistique établie d’après les visites de prostituées faites à la Préfecture pendant 10 ans, de 1878 à 1887, Pour Syphilis. Autres maladies Gale. 1.000 visites. vénéricnnes, 1° Filles en maisons 2,10 2,52 0,30 29° Filles en carte 3,12 3,06 0,36 3°, Filles en dépôt 23,96 14,46 4,06 #° Insoumises 166,00 134,00 19,00! Les maladies vénériennes se propagent donc le plus souvent par les Insoumises; d’où la nécessité d’une surveillance rigoureuse de la prostitution clandestine, 20 SUITE DE LA DISCUSSION SUR LA PROPHYLAXIE DE LA TUBERCULOSE, M. Germain Sée montre l’inutilité des mesures draconiennes mal prises,et cite à l'appui les règlements édictés il y a cent ans dans le royaume de Naples. Donne lecture d’une lettre de M, Cornet (de Berlin) relative à la propagation de la tuberculose : « Le phti- sique par lui-même n’est pas dangereux; mais le dan- ger réside dans son manque de précaution à cracher des (Cornet). Tous doivent cracher dans les erachoirs remplis d'eau, eur dans crachoirs » les tousseurs beaucoup de catarrheux ont de la tuberculose latente et des bacilles dans leurs crachats, Quant au traile- ment: la phtisie est curable, mais dans des conditions encore inconnues; il faut se borner à recommander une propreté excessive, insister sur le régime graisseux, huile de foie de morue et succédanés, ® M. MWidal à observé qu'en Algérie la tuberculose suit une marche croissante dans les populations civiles et militaires, L'évolution est plus lente qu’en France, la mortalité 0/0 un peu moindre, Le départe- ment d'Alger est le plus atteint, puis Constantine, Oran. La cause probable est dans l'hivernage que depuis vingt ans les phlisiques viennent faire de plus en plus aux environs d'Alger, Mais les caverneux (pro- pagateurs) ne profitent pas de ce séjour. Donc il ne faut envoyer en Algérie que les tuberculeux n'ayant pas dépassé les périodes de début, M. ‘Ærélat montre que l'hérédité tuberculeuse à été très exagérée, que la cause presque unique de la tuberculose est la contagion. Il faut donc surtout agir contre l’agent contagieux. Il votera les conclusions de la Commission; ne pas les voter semblerait nier la contagiosité, et aurait pour conséquence d'amener les malades et leur entourage à s'abstenir de précautions qu'ils considéreraient comme inutiles, D' E. De Lavarenne. 28 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIETE DE BIOLOGIE Séance du 4 janvier. M. Guignard proteste contre les réclamations de priorité de M. Van Beneden, et cite ses mémoires, pour montrer qu'il avait vu le premier, dans la divi- sion du noyau cellulaire chez les végétaux, non seu- lement le dédoublement des plaques équatoriales, mais encore le cheminement, vers les pôles, des anses dédoublées. — M. Retterer à éclairei le mécanisme du cloisonnement du cloaque chez les embryons des mammifères, par la méthode des coupes en série, — MM. Arthaud et Butte, prouvent l’action vaso-mo- trice du pneumo-gastrique sur le poumon de la gre- nouille..— M. Gaston Buchet: {° attaque du verre par les Lichens; 2 action du venin des hyménoptères sur le lézard. — M, Nicati : occlusion congénitale de la pupille ayant provoqué la buphtalmie par disten- sion de la chambre postérieure et de son arrière-cavité. — M. Brown-Sequard : influence du système ner- veux pour retarder la putréfaction. — M. Laborde, 4° chez un supplicié, a constaté un anthracosis intense des poumons etune dilatation paralytique de l'estomac, provoquée par ingeslion d'alcool; 2 à vu que la lésion des tubercules quadrijumeaux, chez la grenouille pro- duit le myosis, — M. Pignol : procédé d'injection intra- pulmonaire de liquides antiseptiques, donnant de bons résultats thérapeutiques dans les affections du poumon, Séance du 11 janvier 1890 M. 3. Chatin, cherchant si le mouton pouvait pro- pager l’anguillule de la betterave, a vu que ce nématode est détruit dans le tube digestif de cet animal. Les observateurs qui croient l'avoir trouvé vivant dans les digestions ont probablement fait une confusion — MM. Wignal c{ Malassez rappellent qu'ils ont cons- taté, il y a plusieurs années, que les crachats des tu- berculeux desséchés, humectés, desséchés de nouveau restent virulents, — M, Würtz à étudié l’action bac- téricide du blanc d'œuf de poule ; il a vu que des quan- lités très petites des cultures de divers bacilles, B. an- thracis, pyocyanus, pyogenes awreus, ete., sont détruites en quelques heures par l’albumine de l'œuf à 37°. Le blanc d'œuf coagulé n'a pas la même propriété, — M. Jacquet communique un cas d'ulcération de la peau, comprenant toute la région du plexus cervico- brachial, qui avait été altribuée à la piqüre d'un scorpion et qui dépendait en réalité d'un syringo- myélie, — M. Morel avu dans un épithélioma la divi- sion des noyaux s’accomplir suivant un mode mulli- L. Lapicque. polaire, SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES (1) Séance du 19 décembre 1889, 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES M. A. B. Basset, F, R. S: Sur l’extensiou et la - flexion des cylindres et des sphères à parois minces et élastiques. Sir J. Norman Lockyer F, R. $S. étudie com- parativement les spectres des nébuleuses et des étoiles des groupes I et II et ceux des comètes et des aurores. Les recherches poursuivies depuis 1887 (Nov. 1886. Soc. Royale, 4888. Bakeriax Lecture, janv. 1889. Soc, Royale) par l’outeur sur les spectres des météorites, l'ont conduit à celte conclusion que : la distinction que l’on à établie entre les étoiles, les comètes et les nébuleuses ne repose sur aucune base physique. Il à montré que les spectres des comètes pouvaient être construits avec les spectres des substances qui ont le plus d'éclat à bas se température. En général on accepte que les comètes sont des essaims de météo- rites compris dans le système solaire, Elles devien- nent plus brillantes à mesure qu’elles s’approchent du soleil; leur température doit donc s'élever; leurs spectres ressemblent à ceux des essaims de météorites qui se condensent graduellement hors du système so= laire, Le spectre d’une comète très éloignée du Soleil À consiste en une raie brillante au voisinage de 500, la raie Ja plus brillante du spectre des nébuleuses, Lors- la température s'élève, c’est-à-dire lorsque Ja comète s'approche de son périhélie, la série de ses spectres est la mème que celles des spectres des nébu- leuses et des éloiles à basse température, comprises dans les groupes I, II et LIL de la nouvelle classification. Sir J. N. Lockyer peut donner aujourd’hui une liste plus complète des raies observées dans les spectres des une comparaison plus complète peut permettre de conclure avee plus de probabilité à leur commune origine. I, Comparaison des comètes et des nébuleuses. — La table donnée montre qu'il y a un grand nombre de res- semblances frappantes entre les deux spectres. Les bandes du carbone incandescent, par exemple, sont communes aux deux spectres; il en est de même des bandes du magnésium, du manganèse et du plomb. La raie de l'hydrogène 486 n'a été observée que dans une seule comète (comèle III, 1880) par Konkoly. Deuxautres raies spéciales aux nébuleuses sont les raies 5.872, et 4.470 qui peuvent être les raies D, et f de Lorenzoni,du spectre de la chromosphère. Ces raies que divers groupes de corps célestes : (1) Les séances de cette assemblée sont PRIVÉES. Ses publications paraissent en une seule fois vers la fin de chaque année sous la forme d'un gros ouvrage qui contient les mémoires présentés à la Société dans le courant de l’année précédente. C’est pourquoi aucun journal n’a pu, jusqu’à présent, donner d’une facon régulière lanalyse de tous ses travaux. Grâce à l'appui de deux illustres savants de Londres, nous avons réussi à l'obtenir à bref délai. Ce sera la première fois qu'une Revue publiera sans retard le compte rendu détaillé des mémoires soumis à la Société royale, A l'égard de la plupart des académies étrangères nous avons pris des dispositions analogues. Nous sommes assurés de la collaboration régulière de plusieurs de leurs membres ct de quelques autres savants étrangers qui nous enverront périodique- ment des analyses proportionnée à l'importance des séances. On conçoit qu’il nous était difficile d'imprimer dès le premier jour aux comptes rendus d’académies, que nous envoient nos correspondants, le caractère uniforme d'analyses détaillées. Nous nous appliquerons d’une facon toute particulière à obtenir cet important résultat. L. O. ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 29 sont dues probablement à des vapeurs moins denses que l'hydrogène. Aussi ne doit-on pass’étonner qu’elles fassent défaut dans les spectres des comètes. La raison, en effet, que l’on peut invoquer pour l'absence de la raie de l’hydrogène, c'est qu'il y à une action qui re- pousse les vapeurs produites par des chocs, et que les vapeurs qui les premières doivent subir celte action, sont naturellement les moins denses, IT. Comparaison des comètes et des aurores. — Ici les coïncidences sont également frappantes. La bande de lhydrocarbure située en 431, les bandes du carbone chaud et froid en 468-474, 483, 517 et 519 sont com- munes aux deux spectres. Des bandes du magnesium 500 et 521, celles du plomb et du manganèse en 546 et 558 sont également communes. II, Comparaison entre les comètes et les étoiles à raies brillantes. — Les bandes du carbone chaud, du man- ganèse 558, du plomb, du sodium 568 sont communes; D n'a été vu brillant que dans une seule étoile (y d’Ar- gus) qui est probablement une des plus chaudes de son espèce, IV. Comparaison des cométes et des étoiles à bandes miætes. — Cette comparaison montre qu'il y a une rela- tion {très étroile entre les comètes et le groupe IT. Les bandes brillantes du carbone, la bande du manganèse en 558, labande du plomb en 5%6, la bande du fer en 615, et labande du magnésium en 521 sont communes. V. La table montre qu'il ya trois bandes communes à tous les spectres, 468-474, 517, 558; quatre autres bandes H. 486, Mg. 500, Mg. 521, Pb. 546 se retrouvent dans les spectres des quatre groupes.Celte ressemblance entre les spectres des quatre groupes d’astres étudiés et ceux des comètes, conduit à rapprocher ces divers astres des météorites. Sir J. Norman Lockyer F. R.S. fait une com- munication sur la présence des bandes brillantes du car- bone duns les spectres des corps célestes. Il montre que, si les nébuleuses et un grand nombre des soi-disant étoiles sont en réalité des groupes de météorites, leur spectre doit ressembler à celui des comètes, dont la nature métléoritique est généralement acceptée. Les bandes du carbone constituent le trait dominant du spectre des comètes. Voici la liste des corps ‘célestes qui contiennent une ou plusieurs des bandes du carbone autour de 517et de 468-474, : Né- buleuse planétaire; Orion; Nébuleuses du catalogue général : n° 4373, 423+, 4390; Nébuleuse d’Andromède ; y Argus; Argelandes-OEltzen 17.681; Lalande 13,412; Cygnus: 1, 2, 3; y Casscopée; o Ceti; « Hercule; & Orion. Le carbone se retrouve donc depuis la nébu- leuse planétaire jusqu'aux étoiles qui ressemblent à l'« d'Hercule en passant par les étoiles à raies bril- lantes. On le retrouve donc dans toute l'étendue des groupes I et IT, 2° SCIENCES PHYSIQUES M. C.F. Fitzgerald présente une note de NE. 3.Joly sur le calorimètre à vapeur. L'auteur a antérieurement formulé sa méthode dans les termes suivants : Si W grammes d’un corps à {, sont plongés dans une atmosphère saturée de vapeur, par exemple de vapeur d’eau à {,, la substance subit une élévation de tempé- rature de {°,-{°,, et absorbe WS (4,-/°,) calories, S étant la chaleur spécifique du corps. Si x est la chaleur latente de la vapeur à la température {,, une quantité de vapeur du poids de w grammes se condensera, de telle sorte que WS (4°,-1°,) — w}. Si dans cette équation > était connu, la valeur de S se tirerait facilement, Or la valeur de } a élé exacte- ment déterminée par Regnault pour toutes les valeurs de {, qui peuvent vraisemblablement se présenter. De même si on connait S, peut être déterminé. Un grand nombre d’expériences ont été faites, en se ser- vant de divers modèles du calorimètre à vapeur; ces expériences ont conduit à construire un appareil simple et aisément maniable, L'auteur à constaté que la délicatesse de la méthode était si gran:e,que la cha- leur spécifique des gaz à volume constant pouvait être estimée directement d'une facon très approchée. — Les travaux de MM.Thomson, Shelford Bidwell, Vil- lari et Ewing ont établi qu'après la rupture du cou- rant magnétique, les fils de fer subissent, sous l'in- fluence de changements cycliques de pression, des variations corrélatives, également cycliques, d'état magnétique, Dans un mémoire, que présente M, Thom- son, M €Chrée décrit des phénomènes semblables dans le Cobalt. IL en a mesuré la grandeur pour des champs variés, de 0 à 400 unités C. G, S. L'état du fil de cobalt, au moment de la rupture du courant, exerce une action marquée non seulement sur la grandeur, mais mème sur le sens du phénomène, La Société ajourne sa prochaine séance au 9 jan- vier 1890. R -A. Gregory. La Société de physique et la Société de chimie de Londres sont en vacances. Nous rendrons régu- lièrement compte de leurs travaux. ACADEMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 9 janvier 1890 19 SCIENCES PHYSIQUES M. J. Stephan : sur les vibrations électriques en ligne droite ; M. James Moser : 1°sur les vibrations électriques dans l’air raréfié sans électrodes ; — 2° sur la condurli- bilité du vide. Ces deux mémoires seront imprimés dans les Annales de l'Académie. Ed. Donath : sur une nouvelle réaction générale de l'azote dans les substances organiques ; E. Hattensaur : sur la composition chimique de la Molinix cœrulen. Ces deux mémoires manuscrits sontrenvoyés à l’exa- men d’une commission, 2° SCIENCES NATURELLES D: Alf. Nalepa : sur un nouvel Insecle de la noix de Galle (mémoire-manuscrit, renvoyé à une commission). Émil Weyr. Membre de l'Académie 30 ACADÉMIES ET S! 0 ,. JCIÈETES SAVANTES ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE Séance publique extraordinaire du 17 décembre 1889. M. Alphonse Briart lraite de la formation houillère, en s'appuyant sur l'observation des bassins houillers de la Belgique. Des deux hypothèses en pré- sence — la théorie ancienne de la formation sur place et la théorie récente de la formation par transport (Fayol) — la première seule, lui parait compatible avec la régularité vraiment remarquable des lits de houille dans les bassins belges. Mème dans les régions qui ont subi des redressements, le parallélisme des couches soulevées ou plissées semble témoigner de la parfaite tranquillité d'un dépôt opéré sur place. La pureté relative de ces houilles milite aussi en faveur de cette interprétation, Il semble que le transport des végétaux n'aurait pu amener qu'un dépôt irrégulier dans des eaux troubles. Il en eùt été ainsi même pour des arbres charriés seulement à courte distance. Cette dernière hypothèse parait d’ailleurs perdre presque toute sa raison d’être, si l’on admet avec l’auteur qui la défend, M. Grand'Eury, la transformation possible des débris végétaux aux bords des forêts avant le transport dans les bassins de dépôt. La situation quelquefois verticale des Sfigmaria dans les mines a paru, pendant longtemps, un puissant argument en faveur de l'unique théorie qui règnail alors : celle de la formation sur place, Les anciens géologues prenaient en effet les tiges de ces plantes pour les racines des végétaux houillers, el croyaient par suite les observer dans leur position primitive. Mais de ce que cette opinion est devenue insoutenable, il ne s'ensuit pas qu'il faille abandonner la doctrine du dépôt in situ, ni confondre la formation de la houille avec celle de la tourbe, L'examen des bassins houillers de la Belgique con- duit au contraire à supposer qu'au début de l’époque houillère cette contrée constituait une vaste plaine inondée, Elle se couvrit ensuite d’une immense forêt, dont les débris accumulés ont produit les couches stratifiées de combustible. Cette phase semble avoir été suivie d’un affaisse- ment du sol, que recouvrit la mer. Il en résulta un vaste estuaire ou Polder. La végétation disparut jusqu’à ce que les sédiments l’eussent contblé, Alors l’eau, redevint limpide, la flore reprit son domaine et une seconde couche de houille commenca à se déposer, Cette théorie explique comment ont pu se constituer sur place, séparés l’un de l’autre par la formation poldérienne, les deux systèmes houillers de la Belgique Dans celte même séance : M. Louis Henry à fait une lecture sur l'Empire du carbone; MM. Berthelot, Hermite, Gaudry ct Du Bois-Reymond ont élé nommés associés de l’Aca- démie; M. Æerby, correspondant. M. Spring à été proclamé lauréat du concours quinquennal de ma- thématiques; M. Jules Sauveur, lauréat du prix de statistique. Rauïs, ACADÉMIE DES SCIENCES DE SAINT-PÉTERSBOURG Tout prochainement, nous publierons les comptes rendus des séances de. cette académie,que nous en- verra l’un de ses membres, l'éminent astronome M. Backlund. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 12 décembre 1889. 1° SCIENCES PHYSIQUES M. WWulliner fait une communication sur le Spectre de l'Hydrogene. Le spectre de bandes se transforme en spectre de raies tant par le fait d’une diminution de la pression que par suite de l’augmentation de l'énergie produite par la décharge électrique à tra- vers le gaz. Les raies n'apparaissent jamais à la fois, mais toujours lPune après l’autre; leur intensité croit plus rapidement que celle des bandes: il en résulte que l'éclat de celles-ci semble s’affaiblir, mais c’est là une simple apparence, due au contraste. Ces phénomènes concordent avec la conception théorique qui attribue les bandes aux vibrations des molécules où des agré- gations moléculaires, et les raies aux vibrations des atomes. 2° SCIENCES NATURELLES M. du Bois-Reymond présente un travail de M, &. Svitsch sur le rapport numérique des éléments de l'organe électrique des Torpilles aux éléments du sys= tème nerveux, . M. Schullze présente une étude de M, WWill a Rostaik sur le Développement du Platydactylus mauri- tanicus. M. Pringsheim offre de la part de l’auteur, M. Get- imprimé avec subvention de ontribution à la connaissunce manns, Un Ouvrage l'Académie et intitulé: des Fucacées. D' Hans Jahn. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE BERLIN, Séance du 20 décembre 1889 Le D' Assmann décritles expériences qu'il a réa- lisées à l’aide de ses {hermomètres à aspiration déjà pré- sentés, Il les plongeait dans une grande masse d’eau qui, au repos, élait à 35°C. Une turbine produisait ensuite dans l'appareil une rapide aspiration : aussitôt la température tombait à 22, 5, C, température de Pair extérieur, La vitesse de l'air aspiré était en moyenne de 2 m, » par seconde, M. Von Helmoltz, président, fait remarquer que la raréfaction de l’air due à l'aspiration, entraine un abaissement de température en partie compensé, il est vrai, par le frottement de l'air. L'ensemble de ces deux facteurs pourrait ètre calculé d’après le régime du cou- rant d'air, Se quon “ ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 31 ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séances des 197, 8 et 15 décembre 1889, 12 SCIENCES MATHÉMATIQUES M. Cesàro : Sur les variations de volume des corps élastiques. — M. Marcolongo : Sur la déformation d'une sphère homogène isotrope, avec conditions spé- ciales aux limites, — M. Cavalli : Sur l'échange de chaleur entre la vapeur et le mélal dans les moteurs monocylindriques, — M Sehiaparelli expose les résultats des observations qu’il a faites, pendant huit années, sur la planète Mercure, I a reconnu que Mercure tourne autour du soleil, présentant à cet astre presque toujours le même hémisphère; en effet, la planète a un mouvement de libralion, analogue à celui de la Lune, et elle oscille à droite et à gauche sous un angle de 47°, exécutant une oscillation complète en 8x jours. C'est le premier exemple d’une planète qui se comporte comme un salellilte. Ce mouvement détermine diffé- rentes conditions d’illumination et de ténèbres sur les diverses régions de la planète, qui aurait une atmos- phère semblable à la nôtre, et une surface où, selon toute probabilité, manquent les grands océans; les terres semblent y être fréquemment entrecoupées par les eaux. — M. Facchini, poursuivant ses observa- tions spectroscopiques sur la chromosphère du Soleil, à l'Observatoire du Collège romain, a reconnu que pour le second trimestre de 1889 on à eu une période de calme dans les taches et dans les protubérances du Soleil. Dans le troisième trimestre, les mêmes phéno- mènes ont présenté une activité qui a élé en croissant, 2° SCIENCES PHYSIQUES M. Pierpaoli à fait de nouvelles recherches rela- tives à l’action de la chaleur sur les vibrations d’un diapason, et il a trouvé que pour un diapason qui donne 145 v. s, à la seconde, à 13°,80, Le nombre N, des vibrations à la température { est donné par la for- mule : N; = 145,1957 (1 — 0,000997694 {). — M. Ma- rangoni, rappelant les derniers travaux de M, Van der Mensbrugghe sur la tension superficielle des liquides et sur les phénomènes de la capillarité, explique par la théorie du savant belge la soudure des métaux à l’aide d’un fondant, l'orientation de certaines fleurs, le plissage du linge humide, etc, — M. Mauro donne la description de deux nouveaux composés du molybdéne, qu'il vient de découvrir : Le fluoxymolybdate d’ammoniaque hexagonal, et le fluoxymolybdate d'am- moniaque rectangulaire, 3° SCIENCES NATURELLES M. Blaserna expose quelques considérations sur l'échelle musicale aujourd’hui en usage et sur ses difré- rences avec l'échelle mathématiquement exacte, Pour étudier de auditu les sons de cette échelle exacte, l’au- teur à fait construire un harmonium dont les quatre claviers diffèrent entre eux d’un comma pythagorique, Avec cet instrument la plus petite irrégularité des sons dans les accords et les modulations donne lieu à des battements et à des dissonances qui, en raison de la continuité des notes de l'harmonium, sont bien plus prononcés que dans la musique ordinaire, — M. Fo- daro, s'appuyant sur des faits observés par lui et par d’autres biologistes sur les salpes et sur les mammi fères, donne une nouvelle théorie de la gémelliparité et des monstres doubles chez mammifères, M. Mingazzini a reconnu que le Didymophyes n'est pas formé de deux individus complètement fusionnés, comme on le croyait généralement jusqu'ici, mais qu’a- près la conjonction les deux êtres qui s'unissent cons- tituent les deux parties distinctes d’un seul individu. les Séance du 5 janvier 1890, 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES M. Bordiga, Sur une congruence du 3° ordre et de la 6° classe dans l’espace ordinaire, — M. Millose- vich donne, dans une note, la correction pour les élé- ments paraboliques de la comète 1389 IL (Barnard, mars 31) qu'il avait déjà calculés dans une note pré- cédente. T = 1889 juin 10.80670, t. m. Berlin log g = 0,353260 z— 1860, 46", 58", 4 Q = 310°, 42, 9", 7 { échiptique 1889,0. c—14637; 50, 267,10 20 SCIENCES PHYSIQUES M. Æacchini donne communication des informa- tions qu'il à reçues sur le tremblement de terre qu’on a ressenti sur les côtes italiennes de l’Adriatique et sur les côtes de la Dalmatie, le 8 décembre 1889. La pre- mière secousse a été percue à 6 heures 6 du matin; le centre des ondulations, selon toute probabilité, se trouve dans l’Adriatique. M. Agamennone résume les discussions qu’on a faites pour établir si la sensi- bilité des appareils sismiques est due à des courants tel- luriques ou à des mouvements du sol; il montre com- ment une barre de cuivre et une barre aimantée, identiques dans leur forme et dans leur suspension bifilaire, peuvent se mouvoir d'une manière différente l’action d’une — M. Ricco expose une méthode facile pour étudier la réfraction atmosphérique; méthode établie sur les déplacements que l'horizon de la mer semble accomplir, lorsqu'on le reporte à un point fixe tel que le sommet d'un clo- cher, — M, Cancani à calculé, sur les observations sous mème secousse, de 35 années, la {empérature moyenne de Rome, et il l’a trouvée égale à 15°, 31, — M. Garibaldi, dans une série d'observations de 17 années, trouve confirmée la loi qu’il avait déjà énoncée, que les orages magnétiques et les variations diurnes de l'aiguille aimantée ont une même origine et une même mesure dans la production des taches du Soleil. — M. Grablovitz, au moyen d’un marégraphe, a étudié la relation qui existe entre les variations de niveau de la mer, dues aux marées, et la variation des eaux dans les sources thermales d'Ischia; il se propose de continuer ses recherches sur le phénomène de l'onde secondaire, phénomène que l’on avait déjà observé dans le lac de Genève. 3° SCIENCES NATURELLES M. Leone avait déjà reconnu que dans l’eau les phénomènes de nitrification et dénitrification, dus à l’ac- 32 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES tion de germes vivants, peuvent être modifiés par l'addition de substances nutritives. Le même fait se reproduit dans la terre végétale par ladjonction des engrais ; si l’engrais que l’on mêle à la terre est en grande quantité, la nitrification dans le sol s'arrête, pour recommencer plus tard, et ses produits sont détruits ; si l'engrais est en faible quantité, la dénitri- fication de la terre est incomplète. M. Struever traite, dans un mémoire, des gra- nits de la Basse Valsésie, Ernesto Mancini. ACADÉMIE DES SCIENCES DE TURIN Séance du 29 décembre 1889. MM. Segre et d'Ovido lisent un rapport sur un mémoire du professeur Gino Loria intitulé : « L'âge d'or de la géométrie grecque. » L'Académie décide que cette étude sera publiée dans ses Mémoires. — M. Cossa présente, pour l'insertion aux Actes, un travail du D' Clemente Montemartini sur la « Composition chimique et minéralogique d’une Ser- pentine de la rivière ligurienne ». — Le président, M. Michele Lessona, offre à l’Académie au nom de l’au- teur, M. Arnould-Locard, les trois ouvrages sui- vants :e 1° Catalogue descriptif des mammifères sau- vages et domestiques qui vivent dans le département du Rhône et dans les régions avoisinantes», { vol, in-8°; 2 « Monographie des espèces francaises appartenant au genre Valvata », 4 vol. in-8°; 3 « Description des mollusques fossiles des terrains tertiaires inférieurs de la Tunisie, recueillis en 1885 et 1886 par M. Phi- lippe Thomas », 1 vol. in-8° avec figures, D' Boschetti. ACADÉMIE DE MÉDECINE VÉTÉRINAIRE DE TURIN Séance du 23 décembre 1889. Le président, M. Perroncito expose quelques considérations relatives aux recherches microbiolo- giques qu'il a le premier entreprises sur l’Influenza et la Pneumonie croupale du cheval en 1885. Ces études, reprises par M, Schütz en 1887, montrent qu'il n'y à aucune raison d'identifier l’Influenza du cheval et celle de l’homme, Le colonel Isertacchi fait observer qu’il fut le premier en Italie à décrire l’Influenza du cheval en 1853. Il l'avait alors appelée pneumo-hépalite, ignorant que M. Samson l'avait décrite quelques années aupara- vant en France, précisément sous le nom d'Influenza. Cette maladie est presque toujours bénigne, rare- ment mortelle en Italie; les vétérinaires la confondent avec la fièvre typhoide ou d’autres affections conta- gieuses, Il est nécessaire : 4° de la mieux étudier et de la classifier; 2° de voir si elle offre quelque analogie avec l'Influenza de l’homme; 3° enfin, d’en démontrer le caractère contagieux ou non contagieux. Sur ce der- nier point, l’auteur déclare qu'il n’a jamais constaté la transmission de la maladie des chevaux aux sol- dats ; il n’est même jamais arrivé à la transmettre par inoculation de cheval à cheval. M. Perroncito répond qu'il lui paraît néces- saire d'attribuer à cette affection une cause spécifique microbienne, sans laquelle ne s’expliqueraient ni l’'ap- parition, ni la diffusion de la maladie. MM. Volante, Chêne et quelques autres mem- bres de l'Académie discutent le mode de développe- ment de l’Influenza. M. Boschetti fait remarquer que plusieurs télé- grammes de Saint-Pétersbourg et de Vienne annon- caient l'apparition simullanée de l’Influenza chez l’homme et les animaux (cheval, chien, poule). Il est donc très important d'élucider la question d’un rap- port direct de cause à effet entre l’Influenza de l'homme et celle des animaux, en particulier celle du cheval et du chien. La suite de la discussion sur ce sujet est renvoyée à la prochaine séance. D' Boschetti, Membre de l'Académie. NOUVELLES L'éclipse totale de Soleil du 22 décembre 1889. — La zone de totalité de cette éclipse partait du nord du Venezuela, longeait les côtes des Guyanes, traversait l'Atlantique et se terminait dans l'Afrique équatoriale : plus des trois quarts de sa longueur étaient sur la mer. La Société royale astronomique de Londres avait orga- nisé deux missions, destinées à l’étude de la couronne solaire et dirigées l'une par le P. Perry, directeur de l'observatoire de Stonyhurst, l’autre par M. Albert Taylor. Ce dernier s'était rendu à Saint-Paul de Loanda | (côte ouest d'Afrique) où le mauvais temps n’a permis aucune observation. Le P. Perry s'était établi près des côtes de la Guyane francaise où le ciel fut assez favo- rable, mais il mourut cinq jours après, emporté par la dyssenterie. Le très succinct télégramme qui vient d'annoncer la mort de cet estimable sayant parait indiquer que le 22 décembre la couronne solaire avait la même forme que lors de l’éclipse du 1® janvier 1889, G. Bigourdan. Le Gérant : Ocrave Don. Imprimerie F. Levé rue Cassette, 17. 4re ANNÉE N° 2 30 JANVIER 1820 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCE PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LA THÉORIE MATHÉMATIQUE DE L'ÉLECTRICITÉ 1. En publiant les Leçons sur la théorie mathéma- tique de l' Electricité (4), qu'il a professées l’année der- nière au Collège de France, M. J. Bertrand s’est proposé d'exposer, d’une façon aussi simple que possible, les fondements les plus essentiels de la Science et leurs principales applications. «Sans sacrifier, dit-il, dans la préface, la ri- « gueur au désir de simplifier ou d’abréger, j'ai « choisi toujours la voie la plus directe; je crois « l'avoir souvent simplifiée; il m’a sufli quelquefois « de supprimer les formules inutiles. » Et, en effet, ce qui frappe tout d’abord dans cet Ouvrage, ce n’est pas seulement l'élégance du style et des démonstrations qu’on attend tout naturel- lement du maitre qui l’a écrit, mais l'extrême so- briélé dans l'emploi du calcul et, en particulier, du calcul intégral. Les théories générales sont illustrées, soit par des exercices, soit, le plus souvent, par des appli- calions utiles dans la pratique. L'auteur s’est interdit deux théories dont il ne méconnait pas l’intérèt, ni même l'utilité provi- soire, mais qu'il ne juge pas assez bien acquises pour rentrer dans le cadre d’une théorie mathé- matique : c’est la théorie des diélectriques et la théorie, prise dans toute sa généralité, des cou- rants dans des conducteurs à une ou plusieurs di- mensions, fixes ou mobiles. La division de l’ouvrage est des plus simples : treize chapitres, dont il ne me parait pas inutile de donner d’abord les titres : (1) 4 vol. in-$°, Paris 1890, Gauthier-Villars. REVUE GÉNÉRALE, 1890. I. Attraction des sphères; II. La fonction po- tentielle ; III. Surfaces sans action sur les points intérieurs ; IV. Les lignes de forces. Ces quatre premiers chapitres forment, comme on le voit, une sorte d'introduction où sont expo- sées les propriétés générales des forces inverse- ment proportionnelles aux carrés des distances, indépendamment de toute application. Les applications viennent ensuite : V. L’électrostatique; VI. Les aimants; VII. Les courants ; VIII. Les actions électro-magnétiques ; IX. Les actions électro-dynamiques ; X. Quelques applications ; XI. Théorie de l'induction; XII. Ma- chines électro-magnétiques ; XIII. Les unités élec- triques. Chaque chapitre est précédé, non seulement d’un sommaire détaillé des matières qui en font l'objet, mais de quelques réflexions indiquant l'esprit dans lequel elles ont été traitées. Je ne crois pas pouvoir mieux rendre hommage à l’auteur de ce beau livre, et au livre lui-même, qu'en essayant de l'analyser chapitre par cha- pitre. I ATTRACTION DES SPHÈRES 2. Après avoir rappelé la définition et les pre- mières propriétés de la fonction des forces qu'il nomme potentiel, dans le cas particulier des forces | inversement proportionnelles aux carrés des dis- 3 34 tances (1) et celles de La fonction potentielle ou poten- tiel relatif à un point, M. J. Bertrand donne, par des considérations géométriques immédiates, le potentiel d’une surface sphérique homogène, rela- tivement à un point pris dans son intérieur, et il en déduit, aussi sans calcul, le potentiel relatif à un point extérieur à l’aide des points conjugués, c'est-à-dire en regardant la sphère comme le lieu des points dont le rapport des distances à deux points fixes est constant. Il obtient ainsi très faci- lement les théorèmes classiques de Newton. Après avoir vérifié que le potentiel ne change pas brusquement quand on traverse la surface, mais qu'il en est autrement de l'attraction, il montre, de suite, que cette double propriété appar- tient au potentiel et à l'attraction d’une surface quelconque. De la surface sphérique on passe à la sphère pleine et annulaire. Le chapitre est complété par quelques exercices très intéressants, notamment celui de la couche sphérique qui attire les points extérieurs comme si sa masse était concentrée en un point autre que son centre, emprunté à W. Thomson. Je me permettrai une observation de détail. M. J. Bertrand prend soin de bien faire ressortir que la méthode qui lui permet de passer du poten- Liel de la surface sphérique relatif à un point inté- rieur, à son potentiel relatif à un point extérieur, est spéciale à cette surface. Mais, en insistant sur ce point, il me semble avoir un peu dépassé sa pensée lorsque (page 8), il dit: « Les deux problèmes « relatifs aux points intérieurs et extérieurs sont, «en général, de difficulté inégale, et celui des deux qu’on a pu résoudre ne peut servir en rien à la solution de l’autre. » « Les surfaces sphériques font exception, etc. » Quand on a trouvé le potentiel d’une surface fermée quelconque relatif aux points intérieurs, par exemple, et, par suite, relativement aux points de la surface même, le potentiel relatif aux points extérieurs est, par cela même, complètement déterminé ainsi qu'il est établi au $ 21 de ces À « { leçons. Il est donc possible (je ne dis pas facile) de faire, pour toutes les surfaces, ce que M. J. Bertrand a fait pour la sphère, c’est-à-dire de déduire le potentiel relatif aux points extérieurs de celui relatif aux points intérieurs. On ne peut donc pas dire, au moins en principe, que la connaissance de ce dernier ne puisse servir en rien à la solution du premier, ni que la sphère, à ce point de vue, constitue une exception. ——_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—— 1) Le potentiel ainsi entondu est donc, au signe près, L'énergie potentielle du système attirant. MAURICE LÉVY. — LA THÉORIE MATHÉMATIQUE DE L'ÉLECTRICITÉ Il LA FONCTION POTENTIELLE 3. Ce qui a permis à M.J. Bertrand de présenter, sous une forme très simple, beaucoup de démons- trations, notamment en ce qui touche le potentiel, c’est que toutes les propriétés du potentiel qui se rapportent aux points extérieurs au corps attirant, sont exprimées par des équalions linéaires et homo- gènes relativement aux particules qui le compo- sent. Il en résulte qu'il suffit de les démontrer pour une seule particule et, alors, elles sont, en général, évidentes. Dans ce cas se trouvent : 1° L’équation de Laplace ; 2° Le célèbre théorème de Gauss consistant en ce que la moyenne des valeurs d’un potentiel rela- tivement aux divers points d’une surface sphé- rique, coïncide avec sa valeur au centre de la sur- face, pourvu que celle-ci ne rencontre pas la masse attirante, théorème que M. J. Bertrand montre, du reste, ne pas différer, au fond, du précédent. Il est donc certain que tout ce qu’on peut déduire de l’un se déduirait aussi de l’autre, mais avec quelle différence ! Le théorème de Gauss donne, en quelque sorte à vue, les corollaires suivants : a) Le potentiel d’un corps relativement à un point extérieur ne peut avoir ni maximum ni Minimum. b) Si le potentiel d’un corps est constant relati- vement à tous les points d’une surface fermée qui ne renferme aucune partie du corps, il est constant dans tout l’espace limité par la surface. ce) Si le potentiel d’un corps contenu tout entier dans une surface fermée est nul relativement à tous les points de la surface, il l’est relativement à tous les points extérieurs à cette surface. d) Si deux corps contenus tout entiers dans une surface fermée ont mêmes potentiels relativement à tous les points de cette surface, ils ont mêmes potentiels relativement à tous les points exté- rieurs à cette surface, et, par suite, mêmes masses. e) Si deux corps placés tous deux à l'extérieur d’une surface fermée ont mêmes potentiels relati- vement à tous les points de la surface, ils ont mêmes potentiels relativement à tousles points intérieurs à cette surface. f) On pourrait ajouter le théorème de Green tel- lement capital que M.J. Bertrand lui consacre le chapitre suivant, et qui est la suite immédiate des deux précédents. Or, lethéorème 2°, qui met ainsi en pleine lumière les conséquences que nous venons de résumer, est absolument évident quand le corps considéré se réduit à un point, et il est même manifeste que, Te PS 0, SR LE ê MAURICE LÉVY. — LA THÉORIE MATHÉMATIQUE DE L'ÉLECTRICITÉ 3) dans ce cas, il ne diffère pas de cette proposition de Newton : que le potentiel d’une surface sphé- rique homogène relativement à un point extérieur est le même que si toute la surface était concentrée en son centre. Etant ainsi évident pour un point, il l’est pour un corps composé d'un nombre quelconque de points. M. J. Bertrand l’établit un peu différemment à l’aide d’une identité de Gauss, dont il Uire souvent parti. 3° On peut ajouter comme se déduisant simple- ment du cas où la masse attirante se réduit à un point, cet autre théorème de Gauss extrêmement utile aussi, que la somme des composantes normales des actions exercées sur tous les éléments ds d’une surface fermée quel- conque à laquelle on attribuerait la densité uni- forme 1, est nulle si aucune partie du corps ne se trouve à l’intérieur de la surface. Ce théorème aussi est équivalent à l'équation de Laplace, dont M. J. Bertrand le déduit par des intégrations partielles que la démonstration directe de Gauss évite, mais qui sont si utiles à connaître que je ne suis pas surpris que l’auteur se soit un instant déparli, pouren donner un exemple, de son principe d'éviter les intégrales non indispen- sables. 4. Les énoncés de ces divers théorèmes se modi- fient quand on envisage le potentiel relativement à des points faisant partie du corps attirant. Mais les deux théorèmes de Gauss peuvent toujours se démontrer simplement. L'équation de Laplace se transforme en celle de Poisson que M. J. Bertrand établit par le procédé dû à Gauss qui consiste à le vérifier, ce qui est immédiat, pour la sphère homogène. Par là, il se trouve tout démontré pour tout corps homogène, el, par une extension facile, pour les corps quel- conques. 5. C'est, d’ailleurs, toujours à l'immortel Mémoire de Gauss (1) qu'il convient de revenir en cette importante et délicate matière, C'est d'après lui aussi que M.J. Bertrand établit ce théorème, fondement de l’Electrostatique, comme de plusieurs branches de l'Analyse et de la Physique mathéma- tique : On peut toujours, el d’une seule manière, répartir une masse attirante sur une surface fermée donnée, ou plus généralement sur les surfaces (4) Allgemeine Lehrsätze in bezichung auf die im verkehrten Verhältniss des quadrats der Entfernung wirkenden Anzie- bungs und Abstossungskräfte. fermées limitant un espace à connexité multiple, de façon que le potentiel de la masse soit arbitrai- rement donné en chaque point de ces surfaces (1). III SURFACES SANS ACTION SUR LES POINTS INTÉRIEURS 6. Ce magnifique théorème paraissait comme un défi jeté aux géomètres. Il leur indiquait qu’un problème est possible; il est capital en électricité et sa solution restail inaccessible sauf dans le cas d'une sphère. Le cas où il serait le plus utile d'en connaitre la solution, c’est celui où on demanderait de distri- buer la matière sur les surfaces données, de facon que son potentiel reste constant en tous les points de chacune d'elles. Poisson, dans son magistral mémoire sur la dis- tribution de l'électricité sur deux sphères, l’a résolu pour deux pareilles surfaces. Les travaux de Maclaurin, de Legendre, de Gauss, d'Ivory, etc., sur l'attraction des ellipsoïdes ont permis de le résoudre pour un ellipsoïde. Le théorème suivant, dû à Green, en donne une infinité de solutions nouvelles : Si, sur une surface de niveau Vi supposée formée d’une masse attirante quelconque, on répartit une couche de matière, en lui donnant, en chaque point, la densité superficielle : n étant la normale extérieure, cette couche de matière exerce, sur les points extérieurs à la sur- face, la même action que la partie de la masse attirante placée dans son intérieur et sur les points intérieurs à la surface, une action égale et contraire à celle exercée par la partie de la masse qui lui est extérieure. Si donc la masse attirante est tout entière à l'intérieur de la surface, la couche de matière répartie sur celle-ci n’exercera aucune action sur les points qui lui sont intérieurs, son potentiel (1) On sait que Dirichlet a, depuis, donné de cette proposi- tion, une autre démonstration basée sur le célèbre théorème qui porte son nom. Les deux démonstrations supposent l'existence d’un maxi- mum ou dun minimum, existence au sujet de laquelle les géomètres, dans leurs exigences actuelles de rigueur, ont fait certaines réserves. Mais c’est là une discussion de pure analyse qui n’aurait pas sa place ici, 36 MAURICE LÉVY. sera donc constant en ces points et, par suite, sur la surface elle-même. Le problème de répartir une couche de matière de facon à remplir cette dernière condition est donc résolu, toutes les fois qu’on connaît les sur- faces de niveau, c’est-à-dire la fonction poten- tielle V d’une masse attirante donnée. Or, il suffit de former cette masse avec un nombre limité de points pour que sa fonction potentielle s’oblienne sans intégration. On a donc ainsi la solution immé- diate du problème dans un nombre illimité de cas. Tout le reste du chapitre est consacré à des ap- plications destinées à montrer le parti qu’on peut tirer de ce beau résultat, d'autant plus remarquable qu'il fournit en mème lemps, sans intégralion, l’at- traction de la couche sur tous les points de l’espace. Il est à peine besoin d'observer toutefois que le théorème ne fournit aucun moyen d'aborder de front la difficulté du problème direct consistant à distribuer ia matière surune surface donnée d'avance. Celui-ci n’a été attaqué que par Poisson. IV LIGNES DE FORCE 7. Nous appelons l'attention sur ce chapitre très bref et très instructif. On sait le rôle capital et éminemment pralique que jouent, depuis Faraday, les lignes de force dans les applications de l'Élec- tricité et de l'Électro-magnétisme. Que les lignes de force, c’est-à-dire les trajec- toires orthogonalesdes surfaces de niveau donnent, en chaque point de l’espace, la direction de l’action exercée en ce point, cela est évident; mais Faraday leur fait aussi représenter la grandeur de cette action, ou, comme on dit, la grandeur du champ électrique ou magnétique lorsque les actions sont dues à l'électricilé ou au magnétisme. Il mesure cette grandeur par le nombre des lignes de force qui tra- versent une surface donnée. M. J. Bertrand montre que cette mesure est par- faitement exacte, mais seulement pour les actions inversement proportionnelles aux carrés des distances. D'autre part, quand un fil conducteur, tra- versé par un courant électrique, se déplace dans un champ magnétique, il éprouve une résistance, et on dit que le travail de cette résistance est me- surable par le nombre de lignes de force que le courant rencontre pendant son déplacement. M. J. Bertrand cherche quelle est la loi la plus générale des actions entre courants et aimants pour laquelle cette proposition est exacte, et il trouve que c’est la loi déduile de celle de Biot et Savart, c'est-à-dire celle qu'on admet réellement comme — LA THÉORIE MATHÉMATIQUE DE L'ÉLECTRICITÉ existant entre un pôle magnétique et un élément de courant. Ces quelques considérations, d’ailleurs très simples, sont de nature à rendre très précise la notion si ulile des lignes de force. M ÉLECTROSTATIQUE 8. En général, on ne rappelle pas assez les principes de l’Électrostatique tels qu'ils ont été établis par Coulomb et développés mathémati- quement par Poisson. M.J. Bertrand n’a pas failli à cette tâche et quoique je trouve le procès qu’il fait à ces prin- cipes un peu sévère, sa discussion n’en est ee moins instructive. ‘ Je commencerai par examiner ses objections. Pour que les fluides électriques contenus à l’in- térieur d'un corps conducteur soient en équilibre sous l’action de forces électriques quelconques, il faut et il suffit que le potentiel de ces forces soit constant relalivement à tous les points de la surface du conducteur. Alors il sera constant aussi dans tout l'intérieur de ce corps. Que la condition soit suffisante, cela est évident! parce que, si elle est remplie, la résultante des ac- tions en un pointquelconque duconducteurestnulle. Elle est aussi nécessaire: «Œn effet,» dit Coulomb dans un passage reproduit par M. J. Bertrand, «si «les actions en un point d’une masse métallique «avaient une résultante différente de zéro, les «molécules de fluides contraires qui, par hypo- «thèse, se trouvent accumulées et réunies en « chaque point de la masse, seraient sollicitées par «des forces égales et contraires qui provoque- « raient la séparation et détruiraient l’équilibre. » M. J. Bertrand ne trouve pas l’asserlion évi- dente : « Les fluides de noms contraires, dit-il, «s’attirent, À distance infiniment petite, l’attrac- « Lion est infiniment grande. Pourquoi cette attrae «tion infinie sera-t-elle vaincue par la plus petite « force? » Cette attraction n’est infinie qu’en apparence; en fait, elle est infiniment petite ou nulle. Si l’objec- lion était valable, elle vaudrait pour tout point placé à l’intérieur d'une masse attirante continue, et cela n’est pas, comme on sait, et comme cela est établi aux $ 28 et suivants des Leçons de M.J. Ber- trand qui, du reste, semble lui-même ne pas insister lorsqu'il dit : «II faut ajouter, pour mettre en pré- «sence tous les éléments de la question, que la «masse attirante pour chaque portion d'électricité, « mise en liberté, est infiniment petite. » yes MAURICE LÉVY. — LA THÉORIE MATHÉMATIQUE DE L'ÉLECTRICITÉ 37 M. J. Bertrand fait encore une autre observa- tion : « Les fluides de même nom se repoussent; «on conçoit done, dit Coulomb, que le fluide libre «sera transporté à la surface du corps où il sera «retenu par l'air environnant. » « Cette raison sommaire, dit M. J. Bertrand, ne « peut suffire. Les molécules des gaz se repoussent; «on ne les voit pas, pour cela, s’accumuler à la «surface du vase qui les contient. «Le transport de l'électricité à la surface est, «en réalité, dans la théorie de Poisson, accepté «comme une vérité d'expérience. » Que la raison sommaire donnée par Coulomb ne soit pas probante ; c’est certain; mais la théorie de Poisson ne me semble pas être dans le même cas, puisque c’est l'équation même de Poisson : dV dr? DV DV Les ce 0 dy° d qui montre que si le potentiel V est constant et, par suite, ses dérivées nulles à l’intérieur du con- ducteur, il en est de même de la densité élec- trique p. C'est parce que le potentiel des actions entre molécules gazeuses n’obéit pas à une équation comme celle-ci que, malgré leur action répulsive, elles ne se portent pas toutes à la surface de l’en- ceinte qui les renferme. Je crois donc que les raisonnements réunis de Coulomb et Poisson sont suffisants, étant admise l'hypothèse des deux fluides. Cela n'ôte d’ailleurs rien à l'utilité de l'exercice qui consiste à montrer, comme le fait M. J. Ber- trand, et comme l’a fait Maxwell que, si on admet à litre de fait expérimental, que le fluide se porte à la surface des conducteurs, la loi de Coulomb s’ensuil. Du théorème énoncé au commencement de ce paragraphe, il résulte que si un nombre quelcon- que de conducteurs chargés à des potentiels donnés, sont soumis à leurs actions mutuelles et aux actions de masses électriques fixes, la densité de la couche qui se formera à la surface de chacun d’eux devra être telle que son potentiel ait, en chaque point de la surface, une valeur donnée. Or, nous avons vu que les couches satisfaisant à ces conditions existent, et que le problème consis- tant à les trouver n'a qu’une solution. Ainsi, des conducteurs mis en leur présence mutuelle et en présence d’isolants électrisés finissent tou- Jours par se mettre en équilibre électrique et ils n'admettent qu'un seul état d'équilibre. Cela est encore vrai si, au lieu d’être chargés à des potentiels donnés, ils sont chargés de masses électriques données. Si les conducteurs ne sont soumis qu'à leurs actions mutuelles, le potentiel de chacune des couches qui se forment doit être constant en tous les points de la surface qu’elle recouvre. Le théorème de Green permet alors de résoudre le problème dans une infinité de cas. Parmi les exemples qu'en donne M. J. Bertrand, je citerai d'abord celui, dû à Maxwell, d'un corps limité par deux calottes sphériques se coupant à angle droit. La couche électrique sur chaque sphère est formée d’une partie constante et d’une partie inversement proportionnelle au cube de la distance à un point fixe. Sur la circonférence d'intersection des deux calottes, la densité de la couche est nulle. Lorsqu'on a plus d’un conducteur, la difficulté du problème direct de la distribution n’a, en réa- lité, comme nous l’avens dit plus haut, pu être vaincue que dans un seul cas : celui de deux con- ducteurs sphériques, et c’est à Poisson qu'on doit cette belle solution. M. J. Bertrand donne et éta- blit très élégamment les résultats numériques les plus intéressants du mémoire de son illustre devancier. 9. Dans ce qui précède, on a implicitement sup- posé les conducteurs pleins. Le cas où ils sont évidés s'y ramène immédiate- ment comme l’a indiqué, pour la première fois, Faraday par une divination que la théorie mathé- malique confirme. Sous la désignation 1", 2, æ, 4° théorème de Faraday, M. J. Bertrand établit des résullats qui peuvent se résumer en ceci : 1° Si un conducteur chargé d'une masse élec- trique E porte une ou plusieurs cavilés dans les- quelles sont placés des isolants fixes chargés en tout d'une masse électrique M, sa surface exté- rieure se recouvre d'une couche électrique iden- tique à celle qui se produirait s’il était plein et chargé de la masse électrique totale E + M. Son aclion sur les corps extérieurs est aussi pareille à celle du conducteur plein. Sur la surface intérieure se dépose une couche de masse — M équilibrée par l'isolant + M. 2° Les corps extérieurs agissent sur un conduc- teur creux comme s’il était plein. Ainsi, supposons deux conducteurs creux por- tant dans leurs cavités respectives des masses élec- triques + M et — M. On les réunit par un fil. Qu'arrivera-t-il? Il arrivera, d’après 1°, que le sys- tème sera neutre. Viennent ensuile quelques théorèmes de Maxwell dont le plus important pourrait s'énoncer ainsi: Si l’on a un système de conducteurs chargés de masses électriques données E,,E,,E,... d’où résulte sur chacun d'eux un potentiel constant V,, V,, V,... l'énergie potentielle W du système est une fone- 38 MAURICE LÉVY. -- LA THÉORIE MATHÉMATIQUE DE L'ÉLECTRICITÉ tion homogène et du second degré des masses E, à c d dont les dérivées partielles NY donnent les poten- tiels V; ou inversement, W est une fonction homo- gène du second degré des potentiels V;dont les dé- rivées donnent les masses FE, Enfin le chapitre se termine par une théorie très simple de la bouteille de Leyde, abstraction faite de l'influence du diélectrique. VI LES AIMANTS 10. Ce chapitre contient des indications som- maires sur la théorie de Poisson et sur le magné- tisme terrestre. On y montre, d'après Gauss, com- ment,la composante horizontale de l’aclion terrestre suivant le méridien étant donnée, la composante perpendiculaire s'ensuit. M. J. Bertrand fait observer qu'il est inutile que les méridiens soient issus du pôle magnétique ter- restre.Ils peuvent partir d’un point fixe quelconque sans que le résultat soit modifié, ce qui le rend pratique. VII LES COURANTS 11. Ce chapitre contient les premières notions générales sur les courants; les conditions de rup- ture d'équilibre pour les produire; les lois d'Ohm et de Joule; les théorèmes de Kirchhoft sur les ré- seaux de conducteurs et un théorème équivalent dû à Gauss. Les principes sont appliqués à la recherche du travail électrique maximum pour une force contre- électromotrice donnée, ou pour une résistance donnée ; au problème de Thomson sur le diamètre le plus économique d’un conducteur, enfin aux piles avec éléments assemblés en série ou en quantité. Il y a une chose que je n'ai pas bien saisie dans ce chapitre; c’est la raison qui, lorsqu'il s’agit des courants, fait que M. J. Bertrand préfère le mot tension au mot potentiel. Je crois qu’on peut conserver le mot potentiel avec le sens qu'il a en électricité statique. VIII LES ACTIONS ÉLECTRO-MAGNÉTIQUES 12. Ce chapitre est un des plus élégants du vo- lume. On peut le lire d’un bout à l’autre sans met- tre la plume à la main, et, par la façon dont on y passe des lignes de force à l'angle solide de Gauss, il ne peut que causer une égale satisfaction aux In- génieurs et aux hommes de science. Après avoir indiqué les expériences qui condui- sent à admettre la loi élémentaire de Biot et Savart pour l’action d’un pôle magnétique sur un élément de courant, et à admettre que la réaction de l’élé- ment de courant sur le pôle est égale et contraire à l’action, c’est-à-dire doit être regardée comme appliquée à l'élément lui-même, on en déduit aussitôt que la règle de Biot et Savart s’étend à un champ magnétique quelconque, ce qui permet d'écrire les composantes de l’action d’un champ magnétique sur un élément de courant (1). On montre ensuite qu’un circuit fermé plongé dans un champ magnétique a un potentiel qui n’est autre que le nombre des lignes de force qui le tra- versent. Si le champ se réduit à un pôle y, ce potentiel devient l’angle du cône ayant ce même point y pour sommet et le circuit pour directrice. On en déduit : 1° que si le cireuit est infiniment petit, il produit la même action qu'une aiguille aimantée infiniment pelite ; 2° que si le circuit est fini, il équivaut à un feuillet aimanté; 3° qu'un solénoïde équivaut à une ligne aimantée. IX LES ACTIONS ÉLECTRO-DYNAMIQUES 13. Ce chapitre est aussi élégant et aussi intéres- sant que le précédent. C'est Ampère, comme on sait, qui a donné le premier une loi des actions entre deux éléments de courant expliquant tous les faits connus. Depuis, on a reconnu qu'il en existe une infinité d’autres remplissant la même condition. Parmi elles, il y en a une plus simple que les autres et, à certains points de vue, plus vraisemblable, attribuée, en France du moins, à Reynaud. (1) Lorsque, il y a quelques années, j'ai exposé cette théorie, quand j'avais l'honneur de suppléer M. J. Bertrand, jai énoncé la loi de Biot et Savart ainsi. Soit p un pôle magné- tique et ab — do, un élément linéaire traversé, de a vers b, par un courant d'intensité 1, et soit» la distance entre les points p eta. L'action du pôle y sur l’élément ds est égale en grandeur, lu. Se direction et sens, au moment de la force — issue de l’origine r a de cet élément, par rapport à son extrémité &. D'où on conclut sans autre explication en vertu du théorème sur les moments des lignes concourantes, que l’action d’un champ magnétique représenté en a, par la force G est en grandeur, direction ect sens, le moment de la force IG par rapport au point b, les moments étant portés à la gauche de l'observateur dirigé suivant la force, ce qui donne, par la formule clas- sique des moments, les composantes de l’action cherchée, sans ambiguïté de signe. pe dianre MAURICE LÉVY. — LA THÉORIE MATHÉMATIQUE DE L'ÉLECTRICITÉ 39 M. J. Bertrand observe qu’elle a été donnée par Gauss et aussi, ce qui est beaucoup moinsconnu, par Ampère lui-même. Seulement Ampère la rejetait comme contraire au principe de l'action et de la réaction qu’à tort ou à raison il regardait comme aussi inséparable des actions à distance que des actions au contact. M. J. Bertrand donne d'abord un moyen très ingénieux d'arriver à cette loi. Il consiste à attri- buer à chaque élément d’un courant les propriétés électro-magnétiques que nous avons reconnues à un courant fermé. Il passe ensuite à la recherche de la loi d’Am- père. Il montre qu’en admettant, avec l'égalité de l’action et de la réaction, ce faitqu'un courant fermé infiniment petit (courant élémentaire) exerce sur un élément de courant une action normale à ce dernier, ce qui est établi puisqu'un courant élé- mentaire équivaut à une petite aiguille aimantée, on arrive à la loi d'Ampère, à une fonction arbi- traire près de la distance entre les deux éléments de courant en présence. Puis, en invoquant les résultats obtenus sur les solénoïdes, on détermine la formule, à un facteur près, qui ne dépend que des unités adoptées. 1%. On sait que Gauss a pensé à expliquer les phénomènes électriques en attribuantà deux parti- cules électriques en mouvement une action dépen- dantnon seulement de leur distance, mais aussi de leur vitesse. Cette aclion aurait pour expression : ee’ 3 {dr \? 2e 11 RAD TRES CDS +#fx 5(7) || e,e étant les masses de deux particules en mouve- ment; 7, leur distance à l'instant #; w, leur vitesse relative à ce même instant. En considérant un courant électrique comme produit par deux flux, l’un de fluide positif, l’autre de fluide négatif, cheminant avec des vitesses en chaque point égales et contraires, on déduit de là, pour l’action de deux éléments de courant, la loi d'Ampère. Depuis, Weber a proposé à la place de la formule de Gauss, la suivante : qui conduit au même résultat. : M. J. Bertrand observe que, pour deux parti- cules, e et e' assujetties à suivre deux lignes droites avec des vitesses constantes, les deux lois sont identiques. n Cette remarque de M. J. Bertrand explique que les deux formules doivent donner des résultats identiques, si on les applique aux çourants. Mais il est évident qu’elles n’en sont pas moins différentes pour deux points libres, et celle de Gauss parait, en ce cas, inadmissible comme con- traire au principe de la conservation de l’énergie, tandis que celle de Weber ysatisfait, car sa force T dérive du potentiel Cette circonslance ne paraît pas toucher M. J. Bertrand : « En admettant, dit-il, ce qui « semble hien loin d’être justifié, qu'il y ait lieu de « choisir entre les deux formules, l'existence d'un « potentiel semble une circonstance fort indiffé- « rente. La raison pour laquelle, en effet, un poten- «tiel est présenté comme une condition néces- « saire, à pour origine l'impossibilité acceptée du « mouvement perpétuel. « Pourquoi d’ailleurs repousser l’idée du mou- « vement perpétuel, quand il s’agit de l’action mu- « tuelle des courants? Un travail continuel, nous « l'avons souvent répété, est nécessaire pour en- «tretenir un courant; pourquoi ce travail n’en- « gendrerait-il pas une force vive toujours crois- « sante ? » L'objection ne me semble pas porter; car il s'agit ici d’une loi qui, si elle est exacte, doit être universelle et applicable non seulement à des particules faisant partie d'un courant linéaire, mais à deux parlicules libres et en mouvement sous leurs seules actions mutuelles comme deux corps célestes le sont sous les actions newto- niennes et, par conséquent, on ne peut pas admet- tre une loi qui, comme celle de Gauss, conduirait alors au mouvement perpétuel; tandis qu'on peut, à ce point de vue, accepter celle de Weber. X QUELQUES APPLICATIONS 15. On trouve, dans ce chapitre, des applica- tions des deux précédents : L'action du magnétisme terrestre sur un courant plan mobile autour d’un axe. L'action d’un courant circulaire sur un pôle magnétique silué sur son axe. On en déduit le principe du marteau pilon électrique de M. Marcel Deprez; enfin, les actions mutuelles de deux cou- rants élémentaires ou de deux aimants infiniment petits. 40 MAURICE LÉVY. — LA THÉORIE MATHÉMATIQUE DE L'ÉLECTRICITÉ XI THÉORIE DE L'INDUCTION 16. M. J. Bertrand montre d’abord par quelques calculs simples, que si deux courants s’approchent ou s’éloignent l’un de l’autre, il doit se produire quelque modification intérieure dans chacun d'eux. En langage ordinaire, sa démonstration peut, je crois, être présentée ainsi : Considérons deux courants constants dont les circuits sont fixes. Pour maintenir chaque courant constant, on dépense un travail qu'on peut exacte- ment récupérer sous forme de chaleur, dans son cir- cuit. Laissons à présent l’un des deux circuits libre de se mouvoir, l’autre étant maintenu fixe. Le circuit mobile s’approchera ou s’éloignera du circuit fixe sous l'influence des actions électro- dynamiques qu’ils exercent l’un sur l’autre ; il se produira ainsi un {ravail positif, que j'appellerai €. Si, par suite du mouvement qui occasionne ce tra- vail, rien n’était changé dans les circuits, ni les intensilés des courants, nila chaléur qui en résulte, ce travail & pourrait être récupéré en sus de celui qu'on dépense pour entretenir les courants; ce serait la solution du mouvement perpétuel. On doit done admettre que le déplacement des circuils produit quelque modification dans l’état des fluides qui les traverse. Ce qui se produit, on le sait, depuis les expé- ‘riences de Faraday: c'est une modification dans les intensités des courants, et uniquement cela. En admettant qu'il en soit ainsi, le principe de l'énergie suffit à déterminer & priori les lois du phénomène. Mais M. J. Bertrand pense qu'on ne peut pas être certain a priori qu'il ne se produise pas autre chose, par exemple une modification dans l’état calori- fique des circuits, sans modification correspondante dans les courants, ce qui rendrait le principe de l'énergie impuissant à résoudre, à lui seul, le pro- blème sans le concours de l'expérience. On ne se compromet pas beaucoup aujourd'hui en affirmant que cela n’est pas probable. Je le crois cependant; car si, dans toutes les circons- tances imaginables, on a reconnu qu'un courant I traversant une résistance R produit une quantité de chaleur RP, il n'est pas vraisemblable qu'il en soit autrement ici et qu'ici il produise une quantité de chaleur moindre RP — x. La discussion de M. J. Bertrand n'en est pas moins instructive pour le lecteur qu'elle amène à envisager la question de l'induction sous toutes ses faces. Une fois admis que la variation des courants est la seule chose qui se produira, l’auteur en déduit très rapidement, et sous forme élégante, les lois de l'induction. Il les énonce à l’aide des lignes de force et applique les résultats à quelques exemples. Au point de vue purement théorique, l’expres- sion, due à F. Newmann, de ces mêmes lois dé- duite de celle de l'énergie potentielle de l'ensemble des deux courants eût rendu le $ 160 plus saisissant. XII MACHINES ÉLECTRO-MAGNÉTIQUES 17. Ce chapitre renferme les applications des théo- ries qui précèdent à une étude sommaire et très facile à suivre des principales machines électro- magnétiques et même électro-dynamiques, depuis celle de Pixii et Clarke jusqu’à celle de Gramme. On y trouve également des notions premières sur la théorie du transport de la force, ainsi que la théorie du double enroulement, de M. Marcel Deprez. XIII LES UNITÉS ÉLECTRIQUES 18. Je ne voudrais pas déflorer ce beau chapitre, en essayant de le résumer. On a souvent, dans ces dernières années, exposé la théorie desunités électriques. L'exposition qu'on trouvera ici n’est pas inférieure à ce qu'on pouvait attendre du maitre qui, bien avant qu'on s’occupât de ces questions, a su tirer si fréquemment et si ingénieusement parti des principes d'homogénéité en mécanique et en physique mathématique et, en particulier, en électricité, notamment dans la ques- tion des courants dans les lignes télégraphiques; je désire laisser au lecteur le plaisir de savourer ce chapitre. 19. Si je ne suis pas resté trop inférieur à la tâche que je me suis imposée, j'aurai fait com- prendre aux jeunes savants, comme aux Ingénieurs qui désirent se consacrer à l'étude de l'Électricité que, dans ce volume de moins de 300 pages, ne renfermant pas un seul calcul laborieux, où les principes sont toujours élucidés par des exemples discutés avec soin, dont l'impression, d’ailleurs, est en {ous points digne du texte, ils trouveront un enseignement aussi solide que fécond. Maurice Lévy, Membre de l'Institut. DE UE OS Lee, D € aie dirt fr me me A. ÉTARD. — NOUVELLE THÉORIE DE LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE 4 NOUVELLE THÉORIE DE LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE La fabrication de l’acide sulfurique a une impor- tance telle qu’elle régit pour ainsi dire toutes les industries chimiques. Aussi l'a-t-on de tout temps * étudiée avec le plus grand soin au point de vue pratique et théorique. Par des perfectionnements successifs, on est arrivé à obtenir un rendement qui peut dépasser 95 ?/, et laisse de ce côté bien peu d'améliorations à désirer. Les savants les plus distingués depuis Gay- Lussac se sont occupés de la théorie de l’acide sulfurique, et, comme il arrive souvent en science, chaque génération à donné des formules qui ont été complétées par la génération suivante, dési- reuse d'expliquer les faits qui viennent dans toute étude s’accumuler par la suite du temps. A l’en- contre de ce qu’on observe presque toujours, les perfectionnements industriels ont devancé de beaucoup ceux de la théorie, de sorte qu'aujour- d'hui, en présence d’hypothèses nouvelles, on se demande ce que l’on doit penser au sujet de ces réactions réputées classiques qui se passent dans les chambres de plomb où l'acide sulfurique prend naissance. I Tout le monde sait que l'acide sulfureux prove- nant de la combustion du soufre ou des pyrites se transforme en acide sulfurique par oxydation quand on le met en présence de l'oxygène de l'air et de deux auxiliaires indispensables : La vapeur d'eau et l'acide azotique. L’acide sulfureux, l'oxygène et l’eau sont con- sommés réellement dans cette opération; à eux trois ils forment le poids d'acide sulfurique pro- duit, comme si l'équation de ce travail était sim- plement : (1) SO? + 0 + HO SO? D L’acide azolique, toujours présent pendant la transformation, ne s’use pas; il semble qu'il aille et vienne entre les molécules à combiner comme une navette entre des fils, et c’est l'explication exacte de son rôle qui est difficile. D’après la supposition la plus simple, les acides sulfureux SO? et azotique AzO®H réagissent tout d'abord selon l'équation que voici: , | HO'AzO? AGE HO: Az O? — SO? Hs 2Az0?, REVUE GÉNÉRALE, 1890. Après celte première récolte d'acide sulfurique, qui reste acquise, l'acide hypoazotique AzO?, rencon- trant de la vapeur d’eau, revient en partie à l’état d'acide azotique dont on connaît maintenant l'ac-- tion, et forme en outre du bioxyde d'azote AzO. (3) 3AzO?-+ H20—92Az0'H + 4zO. Ce dernier se combine directement à l'air et redevient ce qu’il était précédemment : AzOZ. (4) AzO + O0 — Az0? Le cycle est établi; on conçoit que les choses puissent marcher indéfiniment; AzO est l’agent qui prend l'oxygène de l'air pour le porter sur l’a- cide sulfureux : il s’oxyde et se réduit sans cesse. Ces formules bien connues paraissent être les plus anciennes qu'on ait données. Mais depuis long- temps déjà on a expliqué les faits un peu difré- remment. La vapeur nitreuse AzO?, formée dans la première phase que l’on continue à admettre, ferait, d’après cette théorie, de l'acide azotique et de l'acide azoteux, AzO'H, en agissant sur l’eau : (5) Az O? OH: L !Az O? HN eus AzO'H AzOH Nous passerons sous silence l’action de azolique ainsi recupéré : elle est formulée plus haut (2); mais l'acide azoteux est capable aussi d'oxyder l'acide sulfureux : l'acide ! HO: AzO OH AzO 6 SO? 2 (6) LU HO!AzO OH | 4z0 et, comme l'équation le montre, il se forme, en mème temps que de l'acide sulfurique, du biox yde d'azote AzO, qui rentre dans la cireulalion en s’oxydant, comme d'usage, au contact de l'air (4). En ces matières on ne peut être exclusif. Sans doute les deux théories ont raison à la fois et toutes les réactions qui viennent d’être rappelées se passent dans ces vastes chambres de plomb où le mouvement causé par l’arrivée et la condensa- tion incessante du gaz fait changer en tout point la composition du milieu. Et, même en admettant les deux théories, on ne fait pas encore toutes les hy- pothèses possibles sur ce qui peut se passer. On est certainement incomplet, car on ne s'explique 2* 42 A. ÉTARD. — NOUVELLE THÉORIE DE LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE pas pourquoi, dans ce milieu artificiel créé en vue d’une oxydation complète de l’acide sulfureux, il se fait des produits de réduction totale de l’acide azotique comme l’ammoniaque, et des dérivés à peine moins réduits comme l’hydroxylamine. On a constaté bien nettement la présence de ces ma- tières dans l'acide sulfurique d'industrie, sans l’ex- pliquer jusqu'à présent. On sait depuis longtemps d’ailleurs que l'acide sulfureux et l'acide azoteux — dont l'existence dans les chambres est établie — réagissent pour donner des corps fort complexes, découverts par M.Frémy en 1845 : les dérivés sulfazotés. Il Qu'il nous soit permis de faire une digression ‘sur cet intéressant sujet encore peu connu et d’é- crire les formules de façon à le rendre un peu moins obscur. En chimie on peut, sous certaines conditions, disposer de l’ordre des facteurs. Si l'on développe la formule AzO*H de l'acide azoteux, en l’hydratant en même temps, on aura l'acide azoteux hydraté Az(OH)}5 à symétrie ter- naire comme l’ammoniaque Az(H} : OH OH (1 0! "HO Az en, (1) HOAzO + y —HOA y — nt nn D '. Acide azoteux Eau Acide azoteux hydraté Entre un tel acide et l’ammoniaque existent d'ailleurs des intermédiaires, dont l’un est bien connu : l'hydroxylamine ou oxyammoniaque : OH OH Az OH Az OH OH H EE D A, Acide azoteux Dihydroxylamine OH H Az H AA H H Hydroxylamine Ammoniaque On sait que l’ammoniaque et l'hydroxylamine peuvent fixer de l'acide sulfureux par simple addi- tion pour former des sels. Cela n’est pas surpre- nant puisque l’ammoniaque est une base et Phy- droxylamine une base encore, à peine atténuée par /, seule fonction d'acide (OH) qu'elle porte. Mais l'acide sulfureux peut encore agir sur les corps tels que l'acide azoteux ; la combinaison, qui se fait cette fois avec séparation d'eau, engendre des acides mixtes azoto-sulfureux : OH H'SO20H à (8) OH Az 2 pH A7 0 + H20. OH 0H EE D. Acide Acide sulfureux dihydroxylamine-sulfonique On conçoit que cette séparation d’eau se puisse faire non seulement sur le premier (OH) de l'acide azoteux, mais sur les deux autres et aussi sur ceux de la dihydroxylamine et de l’hydroxylamine. On aura ainsi des acides tels que : SO?O0H SO? OH Az SO? OH Az SO? OH OH SO? OH De. Acide hydroxylamine Acide disulfonique nitrilosulfonique SO?O0H SO?OH Az SO°OH Az H H H à Acide Acide a imidosulfonique amidosulfonique Plusieurs de ces acides étant polybasiques, c'est-à-dire à plusieurs fonctions OH salifiables, leurs sels sont le plus souvent fort complexes. Ils sont loin d'ailleurs d’être tous connus, car il s'agit ici de la question obscure encore des sels sulf- azotés, mais on peut s'expliquer leurs transfor- mations progressives aboutissant aux sels d'hydro- xylamine et d’ammoniaque qu'on trouve dans les chambres de plomb comme les derniers témoins de leur action transitoire. En effet, l’eau peut dédoubler les corps sulfazotés de telle sorte qu'une partie de son hydrogène venant remplacer les groupes sulfureux, l'acide azoteux primitif se réduise jusqu'à l’état d’ammoniaque : ; ISO? OH HO:H H OH 9 ) fe Z! AS = 1 == fe À . (9) OH MiSO:0H Ÿ HOH OHAz,, +280 on D Hydroxylamine Nous pouvons, après cet exposé nécessaire, revenir à l'acide sulfurique et dire comment M. Raschig (4) a pu expliquer sa production en se servant de formules nouvelles. Selon cet auteur, l’anhydride sulfureux, l’eau et l'acide azotique (1) Deutschen chemischen Gesellschaft, XX, p. 1158, A CE E. DE MARGERIE. — LES DEUX NOUVELLES CARTES GÉOLOGIQUES DE LA FRANCE 43 donnent d'emblée des acides azoteux et sulfu- | rique : ONE 0 LEO HO (10):S0 + onin À 0 208 =S0 On + 10 A20H LR RER EE ne ee TES T Eau Acide azotique Acide azoteux Cet acide azoteux qui vient d’apparaitre et une portion nouvelle d’anhydride sulfureux qui a eu le temps de s’hydrater, réagissent alors selon l’équa- tion {8) ci-dessus et l'acide dihydroxylamine-sul- fonique formé est détruit aussitôl par une molécule d'acide azoteux : (11) Acide azoteux Acide dihydroxylamine-sulfonique H =} Ê : 2420 +2H20 ou + 2470 +2H°0, et AzO rentre dans la circulation par les équations (4)(5)(7). En dernière analyse, en faisant la somme des équations (8) et (10) on trouve, avec l'interpré— tation de M. Raschig, ce qui suit : 2 AzO®H° + SOH?— 92 Az0 + SO‘H?, 3H20, c'est-à-dire que les acides azoteux et sulfureux hydratés donnent naissance à de l’acide sulfurique- trihydraté SO*H?, 3H?0. Or cet acide a une den- sité de 1.55; c'est précisément l'acide peu concentré que produisent les chambres de plomb, quand elles. fonctionnent bien. En admettant que la nouvelle théorie que nous. venons d'exposer n’explique pas à elle seule la for- mation de l’acide sulfurique, il ne faut pas moins- en tenir compte, car elle explique aisément la for- mation de dérivés ammoniacaux et se trouve d’ac- cord avec ce fait important que les chambres de- plomb sont assujetties à produire de l’acide trihy— draté à 1.55 de densité. A. Étard, Répétiteur à l'École Polytechnique: LES DEUX NOUVELLES CARTES GÉOLOGIQUES DE LA FRANCE «Près de cinquante ans se sont écoulés depuis la publication de la carte géologique de France dressée à l'échelle du 14 : 500,000 par Dufrénoy et Élie de Beaumont; aussi, quel qu’ait été le mérite de cette œuvre magistrale au moment de son ap- parition, elle n’est plus guère aujourd'hui qu'un document historique, rappelant quel était l’état de nos connaissances géologiques il y a un demi- siècle. » MM. L. Carez et G. Vasseur, auxquels nous empruntons cette citation, — pénétrés de l'im- portance et de la multiplicité des progrès réa- lisés par la géologie française depuis 1840, se sont - imposé la lourde tâche de coordonner graphique- ment l’ensemble des résultats obtenus dans liu- tervalle. M. le commandant Prudent venait de terminer pour le Dépôt des Fortifications sa belle carte chorographique au 1 : 500,000, fournissant une base excellente pour reporter les contours géologiques. Commencée dès 1882, l’œuvre de MM. Carez el Vasseur (1) se compose de quarante- huit feuilles, dont la publication, aujourd'hui ter- minée, a marché sans interruption de 1885 à 1889. Ce travail, qui constitue un véritable monument (1) Paris, Comptoir géologique du D° Dagincourt, rue de Tournon, Prix : 200 fr. scientifique, est dû entièrement à l'initiative privée : ce qu'il a fallu de persévérance et d’éner- gie pour le mener à bonne fin aussi rapidement. malgré des difficultés techniques et matérielles de- toutes sortes, c'est ce dont peu de personnes se: rendront un compte exact. Il A peine l'impression de la carte de MM. Carez- et Vasseur était-elle commencée, que le Service- géologique officiel, sentant lui aussi la nécessité: de remplacer l’œuvre de Dufrénoy et Élie de Beaumont, se décidait à entreprendre une compi- lation nouvelle. Chargé par le ministère des Tra- vaux publics, vers la fin de 1883, de coopérer à la publication de la carte géologique internationale de l'Europe au 1 : 1.500,000, décidée par le Con- grès réuni à Bologne en 1881, le Service avait sur MM. Carez et Vasseur l’avantage de pouvoir disposer d’un personnel nombreux d'ingénieurs et de géologues, qui se mirent aussitôt à exécuter une revision générale de la géologie des différentes. régions françaises; ce comité de collaborateurs comprenait : MM. Barrois pour la Bretagne, Berge— 44 E. DE MARGERIE. — LES DEUX NOUVELLES CARTES GÉOLOGIQUES DE LA FRANCE ron pour la Montagne-Noire et le Rouergue, Ber- trand pour le Jura et la Provence, Dépéret pour le Roussillon, Fabre pour les Cévennes, Fontannes pour le bassin tertiaire du Rhône, Fouqué et Michel-Lévy pour le Massif Central, Gosselet pour l’'Ardenne, Jacquot (alors directeur du Service) pour les Pyrénées et le bassin tertiaire du Sud- Ouest, Lecornu pour le Cotentin,Lory pour les Alpes, Potier pour les Alpes-Maritimes et Vélain pour les Vosges. Les explorations une fois terminées, on jugea faire œuvre utile d'anticiper sur la publica- tion de la carte d'Europe, en adoptant l'échelle si commode du millionième; la carte, divisée en qua- tre feuilles dont la planimétrie a été dressée par M. Thuillier, a paru à la fin de 1888; la modicité du prix fixé par les éditeurs est, on peut le dire, sans précédent dans les annales de l'impression chromolithographique (1). Outre les levés spéciaux ‘des collaborateurs, on a utilisé pour la rédaction dé- finitive dela carte des travaux inédits de MM. Bois- selier, Bureau, Collot, Delafond. Genreau, de Gros- souvre, Hollande, Kilian, de Launay, Le Verrier, Linder, Mouret, Nentien, OEhlert et Zürcher; une partie de ces documents a d'ailleurs été également communiquée par les auteurs à MM. Carez et Vas- seur, qui ont pu ainsi en faire profiter leur méri- toire travail, au grand bénéfice de la géologie française. Il En comparant les deux cartes l'une avec l’autre, on peut se placer soit au point de vue matériel, soit au point de vue scientifique. Sous le rapport de l'exécution technique, l’œuvre de MM. Carez et Vasseur et la carte au millionième constituent certainement, chacune dans son genre, des spéci- mens remarquables de la chromolithographie con- temporaine appliquée à la cartographie géolo- gique ; le problème d’une gamme de couleurs en teintes plates, comprenant quarante ou cinquante termes, restera probablement toujours insoluble : on doit reconnaitre que, dans les deux cartes, le résultat obtenu à cet égard est aussi satisfaisant que possible. ’ Pour la série stratifiée, la gamme est la même à partir du Carbonifère inclusivement; c’est celle qu'a adoptée le Congrès de Bologne: les couleurs se suivent dans l’ordre du spectre, du jaune (Ter- tiaire) au violet (Trias), chacune des couleurs étant subdivisée, sur la carte de MM. Carez et Vasseur, en nuances d'autant plus foncées que les étages correspondants sont plus anciens. Aucune décision n'ayant été prise à Bologne pour les couleurs à affecter aux divisions du groupe primaire, les au- (4) Paris, Baudry et C", rue des Saints-Pères. Prix: 9 fr. 50. teurs de la carte au 1 : 500,000 ont choisi des tons arbitraires; dans la carte au millionième, rédigée seulement après la session du Congrès géologique tenu à Berlin en 1885, on a pu suivre la gazime adoptée provisoirement par la commission de la carte d'Europe; il en résulte pour le groupe pri- maire quelques différences entre les deux cartes : le Cambrien, le Silurien et le Dévonien figurent respectivement sous des tons rose-brique, rose et brun-rouge sur le 500,000, eten brun-foncé, vert olive et brun-jaunätre sur le millionième. Les Schistes Cristallins sont en rose carmin de part et d'autre. Mais, quoique plus petite, la carte officielle y admet trois divisions au lieu de la teinte unique adoptée par MM. Carez et Vasseur. La différence d'échelle se traduit naturellement par un moins grand nombre de divisions dans la série stratifiée (vingt-quatre contre quarante-cinq). Pour les roches éruptives, le contraste est en sens inverse; comme on pouvait s'y attendre en voyant figurer le nom de M. Michel-Lévy, leur représenta- tion a été sur la carte au millionième l’objet de soins tout particuliers : elles sont réparties en dix- sept groupes, pour lesquels des rouges, des bruns, des jaunes, des verts, des bleus, des violets et des gris ont été mis à contribution : c’est la gamme presque entière, mais beaucoup plus vive que pour la série stralifiée. MM. Carez et Vasseur, fidèles à la tradition presque constante des cartographes, se sont contentés d’une couleur unique, le vermillon, dont cinq nuances, malheureusement difficiles à distinguer, représentent les roches granitiques et les roches acides et basiques anciennes ou récentes. En général, l'aspect de la carte au millionième est plus éclatant, plus cru; la carte au cinq cent- millième, beaucoup plus chargée d’écritures, pré- sente des tons moins heurtés, moins durs pour l'œil. Les principaux contrastes proviennent du mode de coloriage différent des roches volcaniques de l'Auvergne, que font bien ressortir les bleus foncés des basaltes sur la carte officielle, mais dont le rouge de MM. Carez et Vasseur ne tranche pas assez sur le fond rose (cristallin) du Massif Central; les trainées granitiques de la Bretagne sont égale- ment mises en évidence avec plus de netteté sur la carte du Service, grâce au ton brun foncé de leur ceinture cambrienne. Dans la gamme adoptée par les deux géologues parisiens, la partie la moins différenciée et en même temps la moins agréable correspond au groupe primaire et à l’ensemble de la série éruplive; aussi les régions où ces forma- tions prédominent sont-elles rendues avec moins de bonheur, et surtout moins de clarté, que dans la petite carte du Ministère des travaux publics (Bretagne, Massif Central, Ardennes et Provinces Rhénanes). : | : À Mn ge = UNI diner DE. E CRE v Pape E F+ LA EE E. DE MARGERIE. — LES DEUX NOUVELLES CARTES GÉOLOGIQUES DE LA FRANCE 45 Un avantage incontestable de la carte de MM. Carez et Vasseur réside dans la présence d’un dessin topographique très soigné : la carte au mil- lionième ne porte que le tracé de la planimétrie. Une carte géologique sans orographie est un peu comme un corps sans àäme; la plupart des traits de la structure du sol ne deviennent intelligibles qu'avec la connaissance de son relief extérieur. L'exiguité de l’échelle n'impose pas forcément cette lacune : les ressources de la cartographie contemporaine sont en effet assez nombreuses pour qu'ii soit possible de reproduire avec exac- titude les principaux accidents topographiques d’une contrée, même quand la réduction est plus grande encore, — nous n’en voulons pour preuves que les admirables cartes des États européens, à l'échelle 4 : 1,500,000, données par Vogel dans le célèbre Atlas de Stieler, ou encore, dans un genre différent, la carte de France, moins savamment généralisée, mais plus détaillée, dessinée par le colonel Prudent à l'échelle du millionième pour le grand Atlas de la maison Hachette. En outre, la carte au millionième étant publiée par le Service chargé du levé de la carte géologique détaillée de la France, ne conviendrait-il pas de transformer la première en tableau d'assemblage de la seconde, et d'y indiquer, au moyen de traits rouges ou bleus, les limites respectives des feuilles du quatre-vingt millième? Celte addition serait fort utile pour tous ceux qui, en maniant la volu- mineuse collection de la carte détaillée, ont besoin de s'orienter rapidement. On objectera peut-être qu'un semblable réseau quadrillé ne serait pas d'un heureux effet artistique; mais, dans une œuvre de celte nature, ne faut-il pas être pratique avant tout? L'ancienne carte de Dufrénoy et Elie de Beaumont portait d’ailleurs le tracé du réseau pentagonal sans que ce fût particulièrement désa-- gréable à l'œil. III Si de la forme nous passons au fond, il importe d'examiner en premier lieu jusqu'à quel point les deux cartes sont d'accord dans l'interprétation de la géologie de la France et des contrées limi- trophes. Une comparaison scrupuleuse permet de constater que sauf pour les Pyrénées l'accord entre les deux documents est à peu près complet; il y a, il est vrai, de nombreuses différences de dé- tails, soit dans le dessin des contours, soit dans l'attribution des terrains locaux à telle ou telle di- vision de la série stratigraphique générale; mais là est précisément l'intérêt de cette double publi- cation simultanée : #vdiquer aux géologues quelles sont les questions d'intérêt régional dont la solution définitive esl encore à trouver. À cet égard, nous citerons les dépôts d'argile à siler, si développés à la surface des plateaux crayeux du pourtour du bassin pari- sien : on sait que Dufrénoy et Elie de Beaumont, assimilant à tort cette formation aux wryiles à meu- lières aquitaniennes des environs de Paris, ont étendu sur leur carte la teinte violette du Miocène à d'immenses surfaces que les eaux tertiaires moyennes n’ont jamais recouverts. La distinction des deux terrains et la nature purement continen- tale de l'argile à silex (produit d’altération sur place de la craie sous-jacente) ont été reconnues depuis. Sur la carte détaillée au quatre-vingt mil- lième, la teinte rose et l’indice »m ont été cependant conservés ; MM. Carez et Vasseur ont complètement supprimé l'argile à silex de leur carte, en la rem- plaçant par le limon des plateaux (pl.), qui se trouve ainsi acquérir un développement exagéré; quant au Service, il a adopté d’autres solutions dans la carte au millionième : sur la rive droite de la Seine (Thelle, Caux, Picardie), le dépôt en question figure sous la teinte du Quaternaire; sur la rive gauche, au contraire (Eure, Perche, etc.) de même qu'au nord (Laon, Maubéuge, Cambrai) et au sud- est (Gâtinais, forêt d'Othe) du bassin, la teinte de l'Eocène recouvre uniformément les plateaux. Nous serions fort embarrassé d'indiquer les motifs de cette divergence, surtout en ce qui concerne le rôle de limite assigné à la vallée de la Seine sous ce rapport. L'attribution traditionnelle des lèmons des plateaux au Pliocène ne laisse pas elle-même d’être très douteuse, s'il est vrai que ces limons résultent d'un simple remaniement par les eaux pluviales de terrains antérieurs d'âge quelconque, comme l'admettent plusieurs géologues, à la suite de M. de Lapparent. Dans la partie moyenne du bassin de la Loire, de nombreux lambeaux figurés comme oligocènes par MM. Carez et Vasseur (Berry, Touraine, Poitou, sont indiqués comme éocènes sur la carte du Ser- vice : question de synchronisme et de classification. Ces lambeaux appartenant très probablement à l'horizon du calcaire de Brie, la première solution parait préférable, La région des roches anciennes du Lyonnais, du Beaujolais et du Forez est inter- prétée d'une manière tout à fait différente, à l'avan- tage du millionième, qui a bénéficié des belles éludes de M. Michel-Lévy, dont MM. Carez et Vas- seur n’ont pu avoir communication en temps utile; c'est la partie la plus originale et la plus nouvelle de la carte officielle. Il en est de même pour le massif du Chablais, dans la Haute-Savoie, avec cette différence que l'étude est loin d’en être ter- minée d'une manière définitive. On remarque des différences analogues dans la partie moyenne du bassin de la Durance, et dans les Basses-Alpes ; autour du Mont Viso, dans les Alpes Cottiennes, le 416 E. DE MARGERIE. — LES DEUX NOUVELLES CARTES GÉOLOGIQUES DE LA FRANCE Service figure en Trias ce que MM. Carezet Vasseur, d'accord avec les géologues ilaliens, considèrent comme pré-carbonifère : c’est la question, si débattue, des schistes lustrés de Lory. Le bassin tertiaire compris entre Digne, la Du- rance et le Verdon est Pliocène supérieur, au cinq- cent-millième; le millionième, profitant des der- mières découvertes de Fontannes, l’attribue avec raison au Miocène. Evidemment, la distinction du Quaternaire et du ‘Pliocène n’a pas encore été faite avec tout le soin désirable dans plusieurs parties de la France, la teinte de l’un étant souvent remplacée par celle de l’autre (Haute-Saône, Bresse, Crau, Némosais, etc.). IV . L'un des points faibles que devront faire dispa- raître les recherches «les années prochaines réside -dans le tracé des limites d’étages sur le bord orien- tal et septentrional du bassin tertiaire du Sud- “Ouest : telle région, suivant les cartes, et sans raison décisive apparente, passe de l'Eocène à l'Oligocène ou même au Miocène. En Corse, — le plus négligé des départements français jusqu'à présent, — les terrains paléo- zoïques sont remplacés au millionième par des schistes cristallins. Les alluvions anciennes des plateaux sous-pyré- méens ont, moins que le reste, attiré l’attention de M. Carez : le sommet des cônes quaternaires -si caractéristiques de la Gascogne a été supprimé «et remplacé par la teinte du Miocène supérieur. ‘C’est, en quelque sorte, un recul sur la carte de 1840; sans même visiter les lieux, la lecture du beau chapitre consacré au plateau de Lannemezan par Surell dans la suite à ses Zfudes sur les torrents des Hautes-Alpes (1872) suffit pour montrer le «développement énorme et exclusif des dépôts d’origine fluviale entre la Garonne et le Gave .de Pau. La carte au milliouième est correcte sous .ce rapport. Il n’en est malheureusement pas de: même pour le prolongement de ces dépôts dans le sud du Béarn, chez M. Jacquot comme chez M. Carez: pourquoi supprimer de la carte, dans cette région, une formation si puissante, dont les contours étaient déjà indiqués en 1854 sur l’esquisse jointe à la thèse de J. Delbos, sans remonter jus- qu'à Dufrénoy et à Palassou? Pour les Pyrénées, les divergences sont si nom- breuses et si profondes, qu'un article entier ne suffirait pas à en donner l’énumération; quelques- unes sont d’ailleurs systématiques : ainsi le Trias de M. Carez est presque partout figuré en Permien par M. Jacquot, qui considère en outre le cortège d'argiles gypseuses et salifères des Ophites comme exclusivement triasique. Le désaccord, pour cer- taines localités, atteint des proportions presque incroyables : le massif de Montgaillard, par exemple, entre Bagnères-de-Bigorre et Tarbes, serait Granitique et Cambrien, si l’on s’en rapporte à la carte au 500,000°, Quaternaire et Crétacé d’après le millionième ! Cela prouve combien il reste à faire, dans les Hautes-Pyrénées notamment, où les docu- ments préliminaires font complètement défaut, et où M. Carez n’a eu à sa disposition que la carte, fort grossière, même au point de vue des tracés géogra- phiques, de Magnan. Dans l’Aude, dans le Pays Basque, les différences sont à peine moins sensibles. Nous l’avouons sans difficulté, le travail de M. Carez nous à paru plus soigné que la partie correspondante de la carte au millionième, qui malheureusement présente comme certaines des. vues encore hypothétiques : la délimitation des subdivisions du groupe paléozoïque, à en juger du moins par les faits publiés, ne paraît guère admis- sible, et la continuité des bandes cambriennes, siluriennes et dévoniennes, régulièrement alignées d'un bout de la chaine à l’autre, ne repose sur aucune coupe sérieuse : il faudrait d’abord que l’on fût définitivement édifié sur l’âge de ces cal- caires, représentés, suivant les cartes et les loca- lités, comme Cambriens, Dévoniens, Carbonifères, Jurassiques ou même Crétacés ! Bref, la géologie des hauts chainons pyrénéens — la comparaison des deux cartes le démontre, — est à reprendre entièrement : c'est le desideratum le plus sensible de la géologie fran- aise. Nous ne dirons rien du versant espagnol, où les tracés de la carte au millionième, pour la moitié orientale tout au moins, sont absolument fantai- sistes. V Quant aux régions situées en dehors de la fron- tière, le Sud de l’Angleterre est figuré d’une ma- nière identique. La carte au millionième a sup- primé le manteau quaternaire qui imprime à la basse Belgique sa physionomie caractéristique; même élimination a été opérée pour le plateau suisse. Le Miocène belge est également supprimé et rattaché, sans que la raison en soit donnée, à l'Oligocène. Dans tout le Nord-Est, il est regrettable que l’on ait jugé suflisant de s’en tenir à des docu- ments généraux anciens ou de seconde main. Citons parmi les cartes détaillées que l’on a négligé de consulter pour la rédaction du millionième : la carte du bassin de Mayence de Lepsius (1884); la carte du Sud du Luxembourg, de van Ver- weke (1886) et celle de la Lorraine occidentale, publiée par la commission géologique de Stras- bourg (1886); les cartes d’une partie du Hunds- rück, des environs de Trèvesetde Waxveiler insé- DE Re Mn ter à + - MA D' J. ROCHARD. — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE 47 rées par Grebe dans les volumes de 1880, 1881 et 1883 du Jahrbuch de l’Institut géologique de Berlin, etc. Ces documents ontau contraire été mis à profit, ceux du moins dont la publication a eulieu assez tôt, dans la carte de MM. Carez et Vasseur. Il sera facile de modifier dans un tirage ultérieur de la carte officielle l'attribution au Permien, sous le n° 35, des diabases et autres roches basiques interstratifiées dans le Devonien et le Carbonifère inférieur de la Hesse et du Nassau (Bassin de la Lahn). L'espace nous manque pour signaler les ensei- gnements qui ressortent de l'examen des deux cartes, au point de vue de la structure et de l’his- toire du sol : il faudrait un volume entier pour décrire les faits intéressants que révèle leur étude attentive : tous les éléments sont là réunis pour l'analyse du tracé des cours d’eau et de l’évolution du relief à travers les âges. Espérons que cette tâche relativement facile tentera bientôt quelque jeune géographe : nous ferons bien de nous dépé- cher, si nous ne voulons pas que la science fran- çaise soit devancée sur ce point, comme elle l’a déjà été si souvent, par la science étrangère. On a vu ce dont était capable l'initiative privée par l'exemple de l'œuvre considérable de MM. Ca- rez et Vasseur. Ce n'est pas la première fois que semblable morale se dégage de la comparaison avec les efforts plus puissants, mais souvent moins bien coordonnés, de l'Etat. Mais, s’il est permis d'adresser à ce point de vue quelques critiques aux services publics, il serait, du moins, injuste de méconnaitre les talents qu'ils mettent en œuvre. C’est un devoir pour nous, en terminant cet article, de rendre hommage à la science dont les divers collaborateurs de la carte au millionième ont fait preuve dans l'étude des régions que chacun d'eux avait à examiner; nous sommes cer- tain d’ailleurs que le Service géologique, sous la direction éclairée de M. Michel-Lévy, saura perfec - tionner son œuvre et nous en donner bientôt une seconde édition qui, cette fois, sera parfaite. Emmanuel de Margerie. REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE L'hygiène marche, à notre époque, d'un pas telle- ment rapide que chaque année réalise un progrès dans chacun des éléments qui la constituent et qu'il devient important d'en dresser l'inventaire lorsque cette année finit. Celle qui vient des’écouler offre encore une plus riche moisson que les précé- dentes. Deux grands faits ont signalé son passage: l'Exposition universelle et le Congrès d'hygiène. L’Exposition universelle restera le grand événe- ment social de la fin du xrx° siècle. Dans toutes les branches de l’activité humaine, elle marquera une date à laquelle il faudra toujours remonter. En hygiène, il en sera de même. Les millions de visiteurs que l'Exposition internationale a atti- rés de tous les points du globe, ont tous par- couru les galeries du palais de l'Hygiène et ses dépendances ; ils ont traversé les pavillons élevés au Champ-de-Mars par la ville de Paris; ils y ont pris connaissance d'une multitude de faits qu'ils ne soupçonnaient pas et ont emporté dans leurs foyers des notions précises qu'ils y feront fructifier un jour. L'Exposition, en un mot, a donné, pen- dant six mois, une immense leçon de choses à d'innombrables populations et tiendra, pour ce mo- tif, une place considérable dans l'histoire de l’hy- giène; mais, en raison même de son importance, elle à été l’objet de comptes rendus sans nombre. Tout a donc été écrit sur ce sujet et il faut éviter de tomber dans les redites. Pour le moment, il s’agit uniquement d'exposer, d'une manière sommaire, la part de faits et d'idées nouvelles qui revient à l’année 1889 en particulier, I Elle a commencé par un événement d’une impor- tance considérable. Un décret du Président de la République, en date du 5 janvier 1889, a transféré au ministère de l’intérieur les services de l'hygiène publique qui avaient dépendu jusqu'alors du minis- tère du commerce et de l’industrie, en les ratta- chant à la direction de l’Assistance publique. C'est la réalisation des tendances qui dirigent l'hygiène depuis bien des années et du vœu formulé à trois reprises par l'Académie de médecine, deux fois par la Société de médecine publique et repro- duit par tous les Congrès scientifiques. Deux projets avaient été soumis à la Chambre des députés : le premier en 1886 par MM. Siegfried et Chamberland au nom de cinquante de leurs col- lègues, le second en 1887 par le Ministre du com- merce. Le premier a été adopté par la commission nommée à cet effet; mais tous deux sont tombés en désuétude par suite de la cessation des pou- 48 D' J. ROCHARD. — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE voirs de la Chambre devant laquelle ils étaient pendants. L'hygiène peut attendre maintenant. Le décret du 5 janvier a donné satisfaction à ses dé- sirs et ses destinées sont entre les mains de l’homme qu’elle aurait choisi pour la représenter si cette nomination s'était faite à l'élection. L’hy- giène administrative est fondée. L'hygiène internationale à également fait un pas. L’Angleterre qui s'était montrée intraitable sur la question des quarantaines, à la Conférence de Rome, est revenue à de meilleurs sentiments. Par une ordonnance en date du 22 janvier 1889, elle a instilué, à l'entrée de la mer Rouge (à Aden et à Périm), un système de protection que nous ne pouvons qu'approuver puisqu'il dépasse les exi- gences auxquelles nous avions réduit nos préten- tions à la Conférence de Rome. Pendant que l'Angleterre renonçait ainsi à l’ap- plication de ces doctrines,elles trouvaient en France un défenseur dans la personne de M.le D’ Vignard, ancien directeur du service sanilaire des bouches du Danube.Son mémoire très important(1)asoulevé au sein de la Sociélé de médecine publique un débat qui s'est prolongé pendant les trois premiers mois de l’année 1889 et qui a permis à M. Proust d'exposer de nouveau les principes qui dirigent aujourd'hui notre administration sanitaire. Il a montré combien les mesures de prophylaxie se sont perfectionnées, par la substitution des pra- tiques de la désinfection à celles de l'isolement, toutes les fois que la chose est possible et par l’al- ténuation progressive des rigueurs de la quaran- laine, réduites aujourd'hui au minimum compa- lible avec la sécurité du territoire. Un jour viendra sans doute où il sera permis d'aller plus loin, peul-être même de fermer nos lazarets; mais il faut, avant d’y songer, que l’hy- giène urbaine ait fait des progrès considérables dans la pratique. Il faut qu’on assainisse ces grandes villes qui s'appellent Naples, Marseille, Toulon, Barcelone et dans lesquelles le choléra trouve des foyers d'infection tout préparés, quand il débarque sur le versant septentrional de la Méditerranée. C’est là qu'il faut arriver. Il La propagation des maladies contagieuses et l'assainissement des villes sont les deux questions que l'hygiène contemporaine a mises à son ordre du jour. Elles ont toutes deux pour base la bacté- riologie. Cette science si jeune encore, et qui a déjà produit de si magnifiques résultats, est devenue le (4) D' V. Vignard. Etude pratique sur l’état actuel de la prophylaxie sanitaire internationale. (Revue d'hygiène et de po- lice sanitaire, n° du 20 décembre 1888, p 1038.) fondement de tout notre édifice. Dans tous les labo- ratoires onselivre à l’étude des microbes avec une ardeur qui va croissant. Leur histoire s’est enri- chie cette année de quelques travaux importants. L'une des questions les plus intéressantes qui aient élé soumises à l'examen du Congrès d’hy- giène de 1889 par son comité d'organisation, avait pour titre : Action du sol sur les microbes patho- gènes. Les fonctions de rapporteur sont tout natu- rellement échues au professeur Grancher et au D' Richard. Ils ne se sont pas bornés à établir le bilan de la science sur cette question, mais ils se sont efforcés de l’élucider, à l’aide d'observations et d'expériences mullipliées. On sait, de par Hippocrate, que les maladies infectieuses ont leur source dans l’air, les eaux el le sol. Nous savons, depuis M. Pasteur, que les agents de ces maladies sont des êtres organisés et vivants; mais nous ignorons encore les conditions dans lesquelles ils naissent et se multiplient dans ces différents milieux, ou du moins nos connais- sances à ce sujet sont encore bien superficielles, surtout, en ce qui concerne le sol qui a été moins bien étudié que l'air et les eaux. Les recherches de MM. Grancher etRichard, confirmant et complé- tant celles de M. Frankel, ont mis en lumière les faits suivants (1) : Les germes pathogènes existent dans le sol où leur présence peut être expérimentalement démon- trée. Ils sont surtout cantonnés dans les couches les plus superficielles. A la faible profondeur de cinquante centimètres on n’en trouve presque plus. Ils se multiplient difficilement dans la terre; mais ils peuvent s’y conserver longtemps à l’état de spores. Ceux qui sont enfouis à quelques centimè- tres sont détruits par la concurrence des saproplytes et ceux de la surface par l’action de la lumière solaire, qui estun puissant agent d'assainissement. La culture intensive qui ramène successivement à la surface les germes de la profondeur est le meilleur moyen de détruire les microbes pathogènes contenus dans le sol. Les bouleversements de ter- ‘rain les mettent au contraire en circulation et favo- risent leur action nuisible. Une couche de terre de deux à trois mètres d'épaisseur suffit pour les em- pêcher de pénétrer dansla nappe souterraine.— Ces conclusions ont, au point de vue pratique, une importance qu'il est inutile de faire ressortir. La bactériologie des eaux potables a été l’objet de travaux beaucoup plus nombreux et cela se comprend sans peine. On les considère aujour- d'hui comme le véhicule habituel des germes de la (4) Congrès d'hygiène et de démographie. Section III. Bac- tériologie appliquée à l'hygiène, épidéologie. — Action du sol sur les germes pathogènes. Rapporteurs : MM. Grancher et Richard. Revue d'hygiène, t. XI, p. 710.) plupart des maladies infectieuses et notamment du choléra et de la fièvre typhoïde. Chaque jour apporte de nouvelles preuves à l'appui de cette opinion; aussi, l'analyse bactériologique des eaux - qui servent à l'alimentation a plus d'importance aujourd'hui que l'analyse chimique dont on se contentait autrefois. Des expériences concordantes ont prouvé que l'eau de source, à son émergence, est comple- tement exempte de germes, ainsi que celle de la nappe souterraine lorsqu'elle n’a pas été souillée. Par contre, les eaux des meilleures rivières en ren- ferment toujours quelque peu. La Vanne, dont l’eau est pourtant excellente, en contient 122 par centimètre cube, Landis que l’eau d’égout qui sort des drains de Gennevilliers, après avoir été filtrée par le sol, n’en renferme pas plus d'une douzaine. Les eaux de puits en sont toujours fortement chargées. Frankel a prouvé, dans un récent tra- vail (1), que ces bactéries provenaient des parois et - du fond des puits, ainsi que des luyaux des pompes. La promptitude avec laquelle les bactéries se mulliplient dans les eaux est prodigieuse. On peut en juger par celles des égouts qui en renferment plusieurs millions par mètre cube. L'immense majorité est inoffensive ; cependant la bonne qua- lité de l’eau est en sens inverse de leur nombre. Flagge et Proskasser ont même proposé de fixer la limite des eaux potables entre 50 et 150 germes … par centimètre cube. Ce serait peut-être aller un - peu loin et s’exposer à de grands mécomptes, dans la pratique. Une eau très pure en bactéries banales et qui aurait accidentellement recu quelques bacil- les provenant de déjections cholériques où typhi- ques serait assurément beaucoup plus dangereuse à boire qu'une eau contenant des millions de germes - au nombre desquels.ces derniers ne se trouve- raient pas. Il serait extrêmement important de pouvoir reconnaitre les microbes pathogènes des autres. Le D° Justin Karlinski se flaitte d'avoir trouvé un caractère distinctif dont l'importance serait capitale et les conséquences bien rassu- rantes. Dans une série d'expériences qu'il serait trop long de rapporter ici, mais dont il a publié les résullats dans les Archives d'hygiène de celle année (2), il a reconnu que les bacilles pathogènes ne se multiplient pas et succombent, en quelques Jours, dans les eaux de source naturelles à la Lem- pérature de 8 degrés, tandis que les bactéries aqua- tiques s’y développent à merveille et avec plus (1) Recherches sur la désinfection des sources et la teneur en germes de la nappe souterraine.(Zeitschrift fur Hygiene, 1889, p: 23.) (2) Justin Karlinski. Ucber das Verhalten einiger pathoge- ner Bacterien im Trinkwasser. (Archiv. fur Hygiene, IX, p. 113, 1889.) D: J. ROCHARD. — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE 49 d'activité en présence des bacilles pathogènes, comme si les cadavres de ceux-ci leur servaient de nourriture. Ses expériences ont porté sur le bacille typhique, sur celui du choléra et sur la bactéridie. Lorsque l’eau est sale, c’est-à-dire nourricière,. c'est encore aux bactéries banales que cette nour- riture profite, et non aux bacilles pathogènes. Karlinski a ensemencé de l’eau d’égout avec des bacilles typhiques à raison de 39,000 de ceux-ci par cenlimètre cube. Le lendemain, il n’en restait pas de traces. M. le D' Poincaré a fait paraître dans la Revue d'hygiène un travail des plus intéressants surle même sujet; mais malheureusement il échappe à l'analyse (1). II Ces travaux scientifiques prouvent à quel point la question des eaux d’égout et de l’épandage préoccupe les hygiénistes. Ils tendent à faire prévaloir d'une manière définitive la doctrine sou- tenue avec tant d'ardeur, de persévérance et de talent par M. Durand-Claye. De toutes parts on se livre aux irrigations avec les eaux d’égout el par- tout on en reconnait les avantages. En France, l'hygiène vient d’avoir gain de cause dans le procès qu'elle soutient depuis si longtemps contre les préjugés, la routine et les intérêts particuliers. Les deux Chambres ont enfin consenti à donner au Gouvernement l'autorisation de déverser, sur les terrains d'Achères, une partie des eaux d'égout de Paris, à raison de 40,000 mètres cubes par an et par hectare. Cette loi porte la date du 4 avril 1889. Elle met fin à une campagne qui a duré quatorze ans; mais Durand-Claye, qui en a supporté le poids, n’est plus là pour jouir de sa victoire. Espérons qu'il sera donné satisfaction au vœu émis par le Congrès d'hygiène le jour de sa visile à Genne- villiers, et qu'un monument commémoralif, élevé au milieu de ces terrains fertilisés par l’épandage, rappellera aux visiteurs l'homme auquel la popu- lation de Paris est redevable de ce bienfait. La loi du 4 avril 1889 ne résout pas complète- ment la question, puisque les terrains d’Achères, joints à ceux de Gennevilliers, ne donnent pas plus de 1800 hectares qui, à raison de 40,000 mètres cubes par an, ne pourront pas recevoir plus de 72 millions de mètres cubes. Sur les 126 millions qui tombent annuellement dans la Seine, il en res- tera done encore 54 millions, qui échapperont à l'épuration, et pour lesquels il faudra trouver de (1) Poincaré. Etude sur les circonstances qui font varier la richesse des égouts en microbes et leur action nocive. (Revue d'hygiène, 20 octobre 1889, p. S94.; 50 D' J. ROCHARD. — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE nouveaux terrains; mais celle difficulté est déjà levée. M. Ad. Carnot, ingénieur en chef des mines, a présenté à la Commission d'assainissement de Paris un mémoire dans lequel il a indiqué tous les terrains situés dans le voisinage de la ville et pro- pres à l'irrigation. Ils représentent, sur la carte qu'il a produite à l'appui de son travail, une superficie de 10,000 hectares qu'on peut irriguer à l’aide de conduits n’excédant pas 50 kilomètres. On voit que Paris peut augmenter la quantité d'eau qu'il déli- vre à ses habitants et laisser s'accroitre sa popula- tion sans crainte. Il y a dans la vallée de la Seine trois fois plus de Lerrains à fertiliser qu'il ne lui en faut pour suflire aux besoins de son épandage. La loi du 4 avril 1889 a posé le principe; l’applica- tion viendra d'elle-même à mesure des besoins. IV On ne s'étonnera pas de l'étendue que j'ai don- née à celte question, dans une revue qui doit être nécessairement succincte; c’est le grand événe- ment hygiénique de l’année, pour Paris du moins. Si, malgré toutes ces conditions de salubrité, cette ville aencore une mortalité aussi élevée, cela tient, dans l'opinion de tous les hygiénistes, à l’imper- fection de son système de vidanges et à la pollu- tion des eaux de la Seine qu’elle est encore forcée de boire de temps en temps. Toutesles fois que cette nécessité s'impose, le chiffre des décès par fièvre typhoïde s’élève dans les arrondissements où se fait la distribution de cette eau contaminée. Nous en avons eu tout récemment la preuve. Un acci- dent survenu dans les conduites de la Vanne a forcé de donner de l’eau de Seine à toute la ville, depuis le 31 octobre à six heures du soir jusqu'au 5 novembre. Au bout du temps nécessaire pour l’incubation et pour l’évolution de la maladie, le nombre des décès par fièvre typhoïde a commencé à s’accroitre. Il est allé grandissant jusqu'au mi- lieu de décembre, puis il a commencé à diminuer, à mesure que les effets de l'intoxication par l’eau de Seine allaient s’affaiblissant; et enfin il esl' rentré dans ses proportions normales. Parli du commencement de novembre, de 11 décès par semaine, il s’est élevé à 51 du 7 au 14 décembre et est retombé à 12, vers le milieu de janvier. Le chiffre des malades a suivi la même marche. Le nombre des entrées aux hôpitaux a été de 164 dans la journée du 30 décembre. À cette date on en comptait 443 en traitement. Une progression aussi régulière est absolument démonstrative. Elle a la valeur d’une expérience de laboratoire. Les populations commencent du reste à se pé- nétrer de cette vérité qu'il dépend d'elles de dimi- nuer leur mortalité dans une proportion considé- rable et les travaux d'assainissement des grandes villes est à l’ordre du jour dans tous les pays. Des quatre grands centres du littoral méditerranéen, foyers tout prêts à recevoir le choléra, les deux principaux sont en voie de se transformer. À Naples, les grands travaux que comporte le projet dont on a pu voir les plans à l'Exposition universelle sont entrés dans la phase d'exécution. Les démolitions s'étendront sur une superficie d’un million de mètres carrés; elles compren- dront 17,000 maisons et 62 églises. On expro- priera 7,000 propriétaires. 375,000 mètres carrés seront affectés à la construction de maisons neuves et 604,000 seront consacrés au percement de nou- velles rues. La dépense qu'entrainera cette œuvre considérable est évaluée à 100 millions qui ne suffi- ront certainement pas. Les choses ne sont pas aussi avancées à Marseille, dont l’insalubrité légendaire peut se comparer à celle de Naples et réclame des mesures analogues.La mortalité annuelle s’y élève à 31 pour 1,000 en moyenne et dépasse 47 dans le quartier de l'Hôtel de Ville. Son assainissement est décidé en principe comme celui de Toulon, mais on s’en est tenu jus- qu'ici à dresser des plans et des devis. Cependant, le projet étudié par M. Cartier, agent-voyer en chef du département du Rhône, et qui a figuré à l'Exposition, parait avoir de grandes chances d'exécution. Il a été adopté en principe par la Commission sanitaire et le Conseil municipal. Le Comité consultatif d'hygiène publique vient de l'approuver. Dans ce projet, chacun des bassins naturels qui composent la ville aura son réseau d’égouts aboutissant, par un conduit unique, à un grand collecteur émissaire qui traversera la ville dans toute sa longueur, du nord au sud, et viendra déboucher en pleine mer, de l'autre côté des col- lines de Marseille-Veïre, dans la calanque de Cor- tiou, où la mer a une profondeur suffisante. Le grand collecteur aura douze kilomètres de lon- gueur, La dépense est évaluée à dix-sept millions. \ Tout en poursuivant ainsi les maladies zymo- tiques dans leurs principaux repaires, l'hygiène s'efforce également d'atténuer les ravages de la phtisie, qui fait plus de victimes à elle seule que toutes les épidémies réunies, On se souvient que l’année dernière, un congrès spécial, pour l'étude de la tuberculose, s’est tenu à Paris sous la présidence de M. Chauveau, du 25 au 31 juillet. Après une importante discussion, le Congrès, avant de se séparer, adopta une série de vœux relatifs à la prophylaxie de la maladie et aux mesures à prendre pour l'empêcher de se pro- de D: J. ROCHARD. — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE 51 pager. Il laissa de plus, à sa commission perma- nente, le soin de rédiger des instructions simples et pratiques sur ce sujet. Le 30 juillet 1889, M. le D: Villemin vint, au nom de cette commission, sou- mettre à l'Académie de médecine le texte de ces instructions, en lui demandant son approbation et l'appui de son autorité pour obtenir des pouvoirs compétents les moyens de répandre ces conseils dans le public. Après une première discussion, leur examen fut renvoyé à une commission com posée de MM. Verneuil, Villemin, Germain Sée, Du- jardin-Beaumetz et Cornil. Le 29 octobre suivant, M. Villemin vint lire le rapport. Les conclusions du Congrès y élaient notablement atténuées; cepen- dant, elles furent l’objet de débats très vifs dans la longue discussion qui s’ensuivit. L'Académie ne fait pas de difficultés pour recon- naïtre que la tuberculose est contagieuse et de na- ture parasitaire. Elle admet volontiers qu’elle peut se transmettre par les crachats des phtisiques, mais sa propagalion par le lait et surtout par la chair des animaux tuberculeux ne lui parait pas aussi bien démontrée ; maisle dissentiment s’est surtout produit sur la question de savoir s’il était op- portun de répandre ces instructions en dehors du monde médical et de leur donner une plus grande publicité, ainsi que le demandait la Commission. Un certain nombre d’académiciens ont pensé que cette sorte de manifeste aurait l'inconvénient d'alarmer les familles, de les éloigner des malheu- reux phtisiques et d'exposer ceux-ci à de cruelles rigueurs. La question de savoir s’il y avait lieu de sanctionner par un vote les conclusions de la Com- mission a même été soulevée; elles ont été ren- voyées, le 21 janvier 1890, à la Commission, pour un nouvel examen. VI L'hygiène de l'habitation qui a été si largement représentée à l'Exposition universelle n’a pas réalisé en 1889 de progrès bien importants. L'éclairage et le chauffage ont cependant attiré l'attention. De nouvelles applications de la lumière électrique ont surgi et des accidents graves ont été signalés en Amérique par le fait de conducteurs imparfaitement isolés. En France, à Paris surtout, les poêles mobiles et à combustion lente ont donné lieu à de nom- breuses intoxications par l’'oxyde de carbone, et ces accidents ont provoqué, au sein de l’Académie de médecine une discussion qui a rempli plusieurs séances (1). Ce n’est pas une forme particulière de (4) Voyez Bulletin de l'Académie 1889, t. XXI, p. 161, 425, 461, 531, 568. poële qui a été ainsi mise en cause, c'est un mode de chauffage qui tend à opérer une révolution dans nos habitudes. Autrefois on s’efforçait d'activer la combustion et d'augmenter le tirage, en ouvrant un large accès à l’air extérieur. On réchauffait ainsi des centaines de mètres cubes d’air qui s’échappaient par le haut de la cheminée sans élever la température de l'appartement. Il en résultait une dépense énorme de combustible, mais une aération parfaite de la pièce dans laquelle un pareil courant d'air était établi. Aujourd'hui, c'est tout le contraire. On ralentit la combustion le plus possible à l’aide d’o- rifices extrêmement étroits; on perd beaucoup moins de calorique; on chauffe les maisons à beau- coup moins de frais, mais l'économie se réalise aux dépens de la salubrité et du bien-être. Les poêles mobiles dégagent toujours un peu d'oxyde de carbone et, lorsqu'une circonstance quelconque renverse le faible courant qui dirige ce gaz dans la cheminée, il passe en entier dans l'ap- partement et détermine des accidents souvent mortels. La possibilité de mobiliser l'appareil, la brièveté de son tuyau et la difficulté de l'adapter exactement à toutes les cheminées, augmente le danger. Il devient menaçant lorsqu'on installe un de ces poêles, la nuit, dans une chambre à coucher. Il ne faudrait pas croire toutefois que l’intoxica- tion ne puisse se produire que dans la pièce ainsi chauffée. Si le gaz toxique, en remontant par la cheminée, rencontre sur sa route un tuyau conju- gué, il redescend dans l'appartement d'où ce tuyau part et où il n’y a pas de feu et asphyxie les per- sonnes qui y couchent. Ces faits ont été souvent signalés dans les socié- tés d'hygiène ; mais cela n’a pas empêché l'usage des poêles mobiles de se répandre et les accidents de se multiplier. C’est pour cela que M. Lancereaux, qui avait déjà traité la question en 1881, dans l'Union médicale, et en 4883, dans ses Leçons de cli- nique, l'a portée le 5 février 1889 devant l’Académie de médecine. Après l'avoir exposée avec beaucoup de talent, l'orateur terminait son mémoire en proposant à la sanction de l'Académie une série de mesures restrictives qui ne tendaient à rien moins qu’à proscrire l'emploi des poêles à combustion lente. L'Académie a pensé qu'agir ainsi eût été sortir de son rôle, que l'hygiène a pour devoir d’avertir le publie et l'autorité et non de réclamer des prohi- bitions. Convaincue que l’économie réalisée par ce procédé de chauffage et la commodité de son emploi prévaudront toujours, dans les classes in- férieures surtout, contre les dangers auxquels il expose, elle a préféré faire connaître ces périls, ainsi que les précautions à prendre pour les conjurer. © 19 D' J. ROCHARD. — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE Les conclusions votées dans la séance du 16 avril ont élé communiquées au ministre de l’intérieur en même temps que le compte rendu de la discus- sion. Ce débat, l’un des plus importants qui aient eu lieu à l’Académie en 1889, a révélé des faits intéressants et complètement inattendus, sur la proportion relative des gaz toxiques qui se dé- gagent des poêles mobiles, pendant la combustion, suivant l’activité avec laquelle elle se produit. La question a. été portée à la même époque de- vant le Conseil d'hygiène et de salubrité de la Seine, qui, le 29 mars, a adopté le rapport de M. Michel Lévy, dont les conclusions sont absolu- mentconformes à celles de l’Académie de médecine. La crémalion n’est en somme que la plus haute expression du chauffage. Je suis donc tout na- turellement conduit à en dire un mot. C’est pen- dant le cours de l’année qui vient de s’écouler que celte facon de se débarrasser des morts est devenue usuelle à Paris. On avait bien, en 1887, construit au Père-Lachaise un crématoire muni d'un four Gorini ; mais il n'avait pas fourni de résultats sa- tisfaisants et on y avait renoncé. En 1889, on à installé, à la place, un appareil du système Toi- soul et Fradet. La chaleur y est produite par la combustion de l’oxyde de carbone activée par des courants d'air chaud. Il fonelionne depuis huit mois. On y brûle les cadavres non réclamés prove- nant des hôpitaux, les débris d'amphithéâtre et les corps des morts-nés. On y incinère également les personnes de bonne volonté pour lesquelles une autorisation régulière a été délivrée par la mairie de leur arrondissement. Les crémalions privées ne sont pas aussi fréquentes qu'on pourrait le croire. Il s’en fait sept ou huit par mois; l'opération coûte 90francs, sans compter l’urne ou plutôt la cassette en grès que l'administration fournit au prix de dix francs. Il y aurait beaucoup à dire sur cette mode nouvelle,même au point de vue de l'hygiène, mais cela m'entrainerait beaucoup trop loin. VII L'hygiène urbaine, avec les innombrables dé- tails qui s'y rattachent, tient tant de place qu'il ne m'en reste presque plus pour parler des autres branches de la science à laquelle cette revue est consacrée et je serai forcé de me borner pour quel- ques-unes d’entre elles à une simple énumération. En bromatologie, nous avons à enregistrer les falsificalions alimentaires qui deviennent chaque jour plus ingénieuses et plus criminelles. A l'Expo- sition universelle, on avait eu l'heureuse idée de placer sous les yeux du public la collection com- plète des drogues à l’aide desquelles on falsifie le lait, le beurre, le poivre, la farine, le café, celles qui servent à remplacer le houblon dans la bière et le raisin dans la fabrication du vin. Des tableaux explicatifs placés dans le voisinage édifiaient le public sur l’industrie des boissons et des aliments frelatés. C'était à faire frémir le consommateur. Des révélations intéressantes ont été faites à cet égard au Congrès d'hygiène. Il en résulte que les sirops d’orgeat, de groseille, de grenadine qu'on trouve dans les débits de boissons, chez les confi- seurs, chez les épiciers, ne renferment souvent aucune des substances qui doivent entrer dans leur composition et que les médicaments qu'on trouve dans les pharmacies sont parfois fulsifiés eux-mêmes. Ces fraudes ne sont pas spéciales à la France ; elle se laisse même distancer par l’Alle- magne pour le sans-façon avec lequel on s’y livre. Le D' Stutzer, de Bône, a signalé tout récemment l'apparition dans le commerce d’une nouvelle espèce de café artificiel fait avec de la farine torré- fiée, puis agglutinée à l’aide de la dextrine. Il existe à Cologne deux fabriques spéciales qui fournissent tout le matériel nécessaire à cette ma- nutention, pour la somme modique de 3,000 marks. La machine à frapper le café peut en fournir 40 à 12 quintaux par jour et le quintal revient, Lous frais compris,à 20 marks.Il parait que l’imitation est par- faite et que cet article est appelé à un grand avenir. L'altération spontanée des aliments a été égale- ment l’objet de travaux importants. Quelques nou- veaux faits d'empoisonnement par les boites de conserves ont été signalés, nolamment par MM. Boucheron et Noir, médecins au 92" régi- ment d'infanterie (1). MM. Poincaré et Macé ont fait sur ce sujet d'intéressantes expériences des- quelles il résulte que, contrairement à l'opinion de M. Fernbach, on rencontre souvent, dans des con- serves alimentaires animales ou végétales d'appa- rence intacte, des germes revivifiables, parfois mème en assez grand nombre. L’absinthe a comparu devant l'Académie de Mé- decine, sous la forme d’une communication de .MM. Cadéac et Albin-Meunier faite à la séance du i0 septembre 1889. Leur travail avait pour but d'établir que les accidents causés par la liqueur d'absinthe ne sont pas dus à celte substance, mais bien aux autres essences qui entrent avec elle dans la dangereuse boisson et notamment à celles d’anis et de badiane. M. Laborde, chargé de rendre compte du travail précédent, a lu, le 1” octobre, un rapport dont les conclusions sont absolument op- posées à celles des auteurs du mémoire et confir- ment de tout point les faits établis par M. Magnan (1) Boucheron et Noir Intoxication par des viandes de conserves altérécs. (Archives de médecine militaire, février 1889, p. 91.) | | f 4 ART sd Déni LS D RE à et en p D' J. ROCHARD. — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE et par tous les savants qui se sont occupés de la question (1). Pour M. Laborde, l'essence d’absinthe est la plus toxique de toutes celles qui entrent dans la compo- sition de la liqueur de ce nom. C’est la seule qui soit capable de produire l’affaque épileptique, vraie, systémutisée, et pour le prouver, pour faire passer la conviction dans tous les esprits, M. Laborde fait apporter deux cobayes sur la tribune de l’Aca- démie ; il injecte à l’un d'eux un gramme d'essence d'absinthe, à l'autre un gramme d'essence d’anis. Au bout de cinq minutes, le premier est pris de convulsions violentes ayant tous les caractères de l'attaque épileptique et succombe en moins d’une demi-heure. L'autre résiste à merveille à l'injection hypodermique qu'il a subie. C’est cette démonstra- tion insolite qui provoqua, de la part d’une dame de l'assistance, une protestation que le président ne crut pas devoir tolérer et qui a fait, à ce mo- ment, quelque bruit dans la presse médicale (2). VIII En Hygiène militaire, l'événement important de l'année, c'est le rapport adressé par M. de Frey- cinet, ministre de la guerre, au président de la République et qui a paru au Journal officiel du 17 juin 1889. Ce document de premier ordre est le résultat d’une enquête faite par les directeurs du service de santé des corps d'armée, enexéculion dela circulaire du 13 mai 1888. Elle a porté sur tous les points qui intéressent lasanté du soldat et plus parti- culièrement surles maladies infectieusesauxquelles toutes les agglomérations d'hommes sont exposées. Le ministre, après avoir constaté avec une légi- lime satisfaction que la mortalité a diminué d’un liers dans l’armée, depuis plus de dix ans, passe en revue les moyens de l’abaisser encore et de préve- nir,ou du moins d’atténuer,les épidémies devenues beaucoup plus fréquentes par suite des grands mouvements de personnel qu'amène l’appel sans cesse renouvelé des réservistes, des territoriaux, des hommes dispensés, ete., ete. La question des eaux potables, des latrines, de la désinfection dans les casernes, des revaccinations dans les corps de troupes, les mesures à prendre à l'égard des tuber- culeux sont l’objet de prescriptions empreintes d’une sollicitude éclairée qu'on n'était pas habitué à rencontrer dans les documents émanant de l'administration militaire, : (1) Rapport sur un travail présenté à l’Académie de méde- cine par MM. Cadéac et Albin-Meunier relatif à l’étude phy- siologique de la liqueur d’absinthe, au nom d’une commission composée de MM. Ollivier et J. V. Laborde, rapporteur. (2) Bulletin de l'Académie de médecine. 1889, t. XXI, p. 216. >3 Cette revue ne serait pas complète si j'oubliais d'y mentionner l'exposition allemande pour la préser- vation des accidents. Elle s’est ouverte le 1° mai 1889. Pendant que les populations du monde entier se pressaient sur toutés les routes du globe pour venir admirer les merveilles du Champ-de-Mars et de l'Esplanade des Invalides, quelques visiteurs par- couraient les galeries installées dans le quartier d’Alt-Moabit, sur l'emplacement occupé par lExpo- sition d'hygiène de 1883. C’étaient pour la plupart des Allemands, des Autrichiens et des Belges; quel- ques hygiénistes français avaient même poussé le dévouement jusqu'à s’y rendre. Ils en sont revenus satisfaits du soin avec lequel on avait disposé tout ce qui a trait à l'hygiène industrielle et aux profes- sions qui l'intéressent. Il m'est impossible d'entrer dans plus de détails. En somme l'année 1889 a été bonne pour l'hy- giène, ainsi que je le disais en commençant. Chaque jour la santé publique s'améliore et la mortalité va diminuant. Pourquoi faut-il que la natalité s’abaisse plus rapidement encore ? A cet égard les statistiques publiées cette année sont effrayantes et mes tristes prévisions sont dépassées. Il y a quatre ans, dans une conférence que je faisais à Rouen, je signalais cette décroissance et j'en faisais ressortir les résultats terribles pour l'avenir. Je montrais la population de la France demeurant stationnaire au milieu de l'essor rapide des peuples voisins. À cette époque déjà, son accroissement était tombé à 2,42 pour 1000 et je prédisais que les premières années du siècle prochain assiste- raient à son arrêt complet. Eh bien, je restais au-dessous de la vérité. Nous n’irons pas jusque- là. La statistique de 1888, dont les résultats sont consignés dans le Journal officiel du 20 août 1889, accuse 837,867 décès pour 882,639 naissances seule- ment. Ainsi l'excédent pour la France entière ne dé- ‘passe pas 44,772; ilestinférieur à celui de la ville de Londres qui,cettemêmeannée,a été de 53,934.Il n'est plus que de 1.17 pour 1000 et pendant ce temps-là le flot des étrangers monte toujours. En 1886, nous en avions déjà 1,137,037; en 1888, ils étaient 1,146,567. Le temps approche, où cette invasion étrangère sera seule à combler nos vides, et, si cela continue, nous perdrons bientôt, dans ce commerce, notre carac- tère, nos qualités nationales et nous tomberons au rang de ces petits États qui n'ont pas d'individua- lité propre et avec lesquels on ne compte plus. Il n’est pas encore trop tard pour y aviser; mais il n'est que temps et c’est là, comme jele répète sur tous les tons depuis bientôt dix ans, le véritable péril social. D' Jules Rochard, Membre de l'Académie de Médecine. et La BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Zaremba, — Sur un problème concernant l’état calorifique d'un corps solide homogène indéfini. Thèse de Doctorat ès sciences mathématiques (Faculté de Paris, 30 novembre 1889). La question traitée dans cette thèse est la suivante : Trouver quel doit être l'état calorifique d’un corps solide homogène indéfini pour qu'un système de courbes isother- mes, à un instant donné, restent isothermes après un temps quelconque, de telle sorte que la température d'un point puisse s'exprimer en fonclion du temps et de deux autres variables indépendantes. . Ce problème intéressant fut posé en 1858 par l’Aca- démie des sciences de Paris; un seul mémoire fut envoyé au concours ; il était de Riemann ; ce mémoire était digne du grand géomètre quant au fond, mais les calculs étant très incomplets, le prix ne lui fut pas décerné. Depuis lors M, Weber, examinant un cas particulier de la question, a cherché tous les cas où la température d’un corps homogène indéfini peut être donnée par une fonction du temps et d'une seule autre variable indépendante, M. Zaremba reprend le problème et en conduit la solution, nous ne dirons pas jusqu’au bout, mais beau- coup plus loin qu’il n’avait été fait jusqu'ici; il montre qu’elle comprend quatre cas : le premier a été traité par M. Weber, il en expose les calculs en les dévelop- pant davantage ; le quatrième a été entièrement résolu par Riemann, il ne peut qu’en reproduire les résultats ; mais c’est dans l’étude des deux cas intermédiaires que se trouve le vrai mérite du travail de M. Zaremba, la part d'invention très réelle qui lui appartient; ces deux cas, en effet, n'avaient été étudiés que très incom- plètement par Riemann, en ce sens que les solutions indiquées par lui ne constituaient qu'un cas très parti- culier des solutions générales; M. Zaremba, sans par- venir à trouver toutes les solutions au moins dans l’un des deux cas, en indique cependant plusieurs ayant un haut degré de généralité. RUE Dwelshauvers-Dery (W.), Professeur à l’'Univer- sité de Liège. — Exposition universelle de 1889. — La machine à vapeur. Opuscule grand in-8° de 95 pages et trois planches. Extrait de la Revue Uni-: verselle des Mines, t. VII, 3° série. M. Dwelshauvers-Dery, le célèbre professeur belge dont les beaux travaux sur la machine à vapeur sont justement appréciés, était en mesure de faireune étude particulièrement intéressante des moteurs à l’Expo- sition ; les recherches de toute sa vie le préparaient à ce travail et la position de vice-président du Jury dela Mécanique générale le lui rendait facile, Aussi regret- tons-nous qu'il ne nous ait donné qu’un compte-rendu si court, si rapide et espérons-nous qu'il le complétera un peu plus tard dans un Mémoire plus développé. Après avoir exposé brièvement l'histoire de la ma- chine à vapeur depuis un siècle et montré que le génie de Watt a tout inventé: condenseur, pompe à air, che- mise de vapeur, détente, double effet... M. Dwelshau- vers arrive à la machine actuelle et expose les différents types qui figuraient à l'Exposition; il insiste sur les machines à grandes vitesses et à hautes pressions”dont le nombre élait relativement important et qui pré- sentent, comme l’on sait, des avantages, tant au point de vue de l’économie de vapeur que de la réduction des dimensions et de la régularité. L’opuscule se termine par des considérations fort intéressantes sur les générateurs dits inexplosibles et sur les Compoud (machines à plusieurs cylindres où la détente se fait par cascade); personne n’était plus au- torisé que M. Dweélshauvers à traiter ce dernier point, car ses recherches sur les échanges de chaleur entre la vapeur et les parois du cylindre sont aujourd’hui devenues classiques. En somme, l'Exposition de 1889 n’a mis en lumière aucune invention capitale en ce,qui concerne les mo- teurs à vapeur ; les machines sont les mêmes, au fond, qu’en 1878 ; de réels progrès ont été faits, mais ce sont des progrès d'exécution, qui accusent d’ailleurs une précision devenue tout à fait remarquable. J. Pouzer. Sinigaglia (Francesco), Ingegnere. — Le Macchine a vapore secondo le più recenti investigazioni theo- rico-pratiche per i costruttori e per l’insegnamento tecnico. Un vol. grand in-8° de 132 pages et 20 figures. Stabilimento, Bontempelli, Roma. Sinigaglia (Francesco), Ingegnere. — Appendice al trattato le Macchine a vapore.— Regolatori di velocità a forza centrifuga. Opuscule grand in-8° L 44 pages et 12 figures. Stabilimento, Bontempelli, oma. Une édition francaise de l'important ouvrage de M. Sinigaglia sera publiée sous peu par M. E. de Billy, ingénieur des mines; nous ajournons le compte-rendu au moment où cette édition française aura paru, IFR XWWeyher (C. L.), Ingénieur civil. — Sur les Tour- billons, trombes, tempêtes et sphères tournantes. Etude et expériences. Deuxième édition, revue et augmentée, Un vol. grand in-8° de 128 pages, avec 3 planches en couleur. Gauthier-Villars et fils, édi- teurs, 55, quai des Grands-Augustins, Paris. 2° Sciences physiques. Gossart (M.-E.). — Mesure des tensions superf- cielles dans les liquides en caléfaction. (Méthode des larges gouttes.) Thèse de doctorat ès sciences physiques. (Faculté de Paris.) Quand on projette avec une pipelte quelques gouttes d’un liquide sur une capsule métallique chauffée à température élevée, on constate qu’elles n’entrent pas en ébullition, mais se réunissent en un globule, sphé- rique s’il y a peu de liquide, de plus en plus aplati si l’on en met davantage, Ce fait bien connu et d’autres analogues constituent les phénomènes de caléfaction. Depuis longtemps, déjà, les physiciens ont rejeté les théories bizarres et compliquées, qu'avait autrefois émises sur ce sujet Boutigny (1), à la suite d’expé- riences fort ingénieuses, d’ailleurs, et conduites avec habileté, L'aspect et la forme du liquide en caléfaction (4) Boutigny. Annales de chimie et de x hysique, 3° série, t. IX, XI, XXVII, XXVIIL, on 8.8 te an deg" "he ait. BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 55 - rappellent ceux du mercure sur le verre ou de l’eau LE. md sur du verre enduit de noir de fumée, c’est-à-dire ceux de liquides placés dans des vases qu'ils ne mouillent pas. L'on a tout naturellement été conduit à rappro- cher les deux phénomènes (1) : l'expérience montre ue la goutte caléfiée ne touche pas la capsule chaude ; elle en est séparée par une couche de vapeur très peu diathermane ; elle peut, par suite, se trouver à une température relativement basse et se comporter comme un liquide qui ne mouille pas le vase sur lequel il repose. S Dans son intéressant travail, M, Gossart établit nettement l'exactitude de cette manière -de voir : la goutte doit être considérée comme plongée dans une atmosphère de vapeur; sans contact avec la paroi, elle doit prendre une forme qui dépend seulement des propriétés intrinsèques du liquide dans les con- ditions de l'expérience, de sa densité d et de sa constante capillaire a?, ou, si l’on préfère, de la tension superficielle F du liquide en contact avec la vapeur 2F (on sait d’ailleurs que l’on a Ja relation a — +). Si cette conception est exacte, on peut, à priori, prévoir pour un liquide dont les propriétés capillaires sont connues, la forme que prendra la goutte, ou bien, inver- sement, de la mesure de ses dimensions déduire la valeur de la tension superficielle. Cette méthode est, au fond, la méthode connue, en capillarité, sous le nom de méthode de la large goutte. Si l’on considère, par exemple, sur un plan de verre une goutte de mercure, assez large pour que l’on puisse regarder le rayon de sa base comme infini par rapport au rayon de courbure de sa section méri- dienne (2), on démontre qu’elle tend à devenir plane dans sa plus grande épaisseur e et que l’on a la rela- F 6 tion e — 2/5 cos 5,0 étant l'angle de raccordement avec la paroi, c’est-à-dire l’angle formé par la tangente » à la section méridienne, au point où elle rencontre la paroi, avec la paroi elle-même. La connaissance de l'épaisseur e et de l'angle 6 permet donc de calculer la valeur de la tension F. Ce procédé de mesure a souvent été appliqué (3), mais un hénomène particulier rend cette application fort Bifficile : l'angle de raccordement n’est pas constant ; la moindre altération superficielle du liquide, la plus légère cause accidentelle, entraînent des variations très notables de la valeur de cet angle. à Au lieu de se compliquer, comme on pourrait croire, le problème se simplifie dans le cas d'une goutte caléfiée. Le liquide, étant maintenu à dis- tance finie de la capsule, est soustrait aux actions moléculaires de la paroi, et la théorie de Laplace (4) permet de prévoir que l’angle de raccordement doit être rigoureusement et constamment nul; on doit, par F suite, avoir simplement e — VE M. Gossart a cherché à vérifier ce fait important par divers procédés. (1) Voir par exemple : Jamin et Bouty. Cours de physique, t II, 2e fasc., p. 212. (2) M. Gossart montre que pour une goutte circulaire d’un diamètre quatre fois plus grand que la hauteur, les condi- tions théoriques sont réalisées avec une très grande approxi- mation; si la goutte n'est pas circulaire, elle prend une forme allongée, et les mêmes équations représentent son profil transversal. G) En particulier par Quincke, Pogg. Am. CV, 1. M. Lippmann (Comptes-rendus des séances de Îa societé de phy- sique, 4 déc. 1885) a décrit une ingénieuse disposition pour éviter les inconvénients de la mesure de 8. (4) Supplément au livre X de la Mécanique céleste. M. Gos- sart montre cependant par une ingénieuse application de la méthode stroboscopique qu’il y a contact intermittent de certains points de la goutte avec la plaque, mais ces contacts de très courte durée ne troublent pas les mesures, Il mesure au cathétomètre l’épaisseur d’une goutte dun liquide en caléfaction dont la tension superficielle est bien connue à diverses températures ; cette mesure se fait aisément, car la goutte ne touchant pas la paroi, on apercoit toujours nettement entre la goutte et la plaque un trait lumineux qu'il est facile de pointer. La comparaison de l’épaisseur ainsi mesurée et de celle calculée par la formule confirme l’hypothèse fondamentale. Il fait, pour ainsi dire, le portrait géométrique de la goutte, le calcul permettant de connaître la forme qu'elle doit prendre, puis il la photographie : les deux images, ramenées aux mêmes dimensions, se super- posent très exactement, On peut, enfin, déduire de la théorie le poids d’une goutte de contour donné et peser, d’autre part, la goutte caléfiée; ce dernier procédé est, on le concoit aisément, assez difficile à employer. L'angle de raccordement est donc bien constamment nul. Ces expériences sont absolument probantes; un autre point, très important aussi, était à vérifier, Dans les calculs, dont on applique les résultats, on admet essentiellement que la tension superficielle du liquide est la même en tous les points, ce qui suppose impli- citement que la goutte se trouve à une température uniforme et que l’atmosphère ambiante est partout identique : M, Quet (1) a montré, en effet, théoriquement que la vapeur exerce une action capillaire sur le liquide et les belles expériences de M. Wolf (2) ont établi l'influence des variations de température sur la ten- sion superficielle, Mais, dans l'espèce, ces causes d'erreur ne sont pas bien considérables et la diseus- sion des expériences prouve qu'on les peut négliger. Il est nécessaire de connaître exactement la tempé- rature des gouttes caléfiées; on sait, depuis de nom- breux expérimentateurs, qu’elle est toujours Jégère- ment inférieure à la température d’ébullition du liquide sous la pression environnante, M. Gossart a voulu vérifier le fait en opérant des mesures sous des pressions variables; à cet effet, il produit le phéno- mène de la caléfaction sous la cloche d'une machine pneumatique; de telles mesures entraînent nécessai- rement d'assez grandes complications expérimentales, Malheureusement, faute de matériel suffisant, il n’a pu, pour mesurer les températures, employer des pinces thermo-électriques et a dù recourir à des thermomètres à mercure dont la masse est un peu trop considérable et qui peuvent facilement s’échauffer par suite du rayonnement provenant de la plaque métallique; il a pu, néanmoins, constater que les températures des liquides en caléfaction sont toujours inférieures aux températures d’ébullition régulière cor- ‘respondantes et que l'écart croît avec la tempéra- ture. Dans la dernière partie de sa thèse, l’auteur résume des expériences entreprises pour mesurer la tension superficielle d’un grand nombre de liquides à leurs températures de caléfaction à l'air libre; il s’est servi uniquement du procédé de mesure de l'épaisseur par . le cathétomètre; pour calculer la tension F par la formule, il est nécessaire de connaître, en outre, la densité d des liquides considérés à la température de l'expérience; M. Gossart a utilisé les nombres obtenus par Isidore Pierre, le regretté doyen de la Faculté des sciences de Caen, Parmi les résultats obtenus, signa- lons les suivants : les cinq premiers alcools ont et gardent, à toutes températures, sensiblement la même tension superficielle, et il en est de mème des éthers étayliques des acides gras. En résumé, le travail de M. Gossart fournit une interprétation rigoureuse de phénomènes sur lesquels on avait des idées encore un peu vagues; il donne, en outre, un procédé très intéressant pour mesurer la ( K ) Rapport sur le progrès de la capillarité. ) 1 2) Annales de chimie et de physique, 3° série, XL, IX, 230. tension superficielle des liquides au voisinage de leurs points d’ébullition. À : Lucien Porxcaré. Kruss(Gerhard)et Schmidt (F, W.). — Recherches sur le cobalt et le nickel. Barichte der deutschen che- mischen Gesellsechft, 22 p. 2026 à 2028. Les auteurs pensent que le produit décrit comme de oxyde de nickel pur renferme en réalité un nouvel oxyde qu'ils cherchent à isoler. Ils sont partis d'un nickel soigneusement débarrassé de fer, de manganèse et de magnésium et dans lequel aucun réactif ne per- mettait de déceler la présence d’un métal connu. Ce nickel peut, par des précipitations fractionnées à l'état d’arsénite basique de nickel et d’ammoniaque, être divisé en deux parties dont l’une possède un poids atomique compris entre 56 et 58, inférieur à celui admis pour le nickel (58,6, d’après Zimmermann) et l’autre un poids atomique supérieur, voisin de 61.11 en résul- terait que le poids atomique 58,6 du nickel ne doit pas être adopté d'une manière définitive et que ce métal est peut-être un mélange de deux ou de plusieurs métaux. MM. Krüss et Schmidt se réservent l'étude de cette question et ont commencé des recherches analogues sur le cobalt, Va Henri GAUTIER. 3° Sciences naturelles. Marage (R.). — Anatomie descriptive du Sympa- thique chez les oiseaux, 6 pl. Annales des sciences natwrelles, t. VIX, 1889, p. 1 à 72. Dans l’échelle animale les Oiseaux représentent des formes intermédiaires entre les Reptiles et les Mam- mifères. Tandis que le système sympathique est en- core uni au système cérébrospinal chez ïes Reptiles, celui des Oiseaux tend, d’une facon marquée, à l’indivi- dualité, surtout chez les Rapaces, qui forment la tran- sition aux Mammifères. Chez ces derniers les deux sys- tèmes sont complètement distincts : sympathique et nerfs cérébrospinaux, A. E. Mazann. Beaunis(H.).— Les Sensations internes,un vol.in-8° dela Bibliothèque internationale, Paris, Alcan, 1889. De toutes les sensations, les plus difficiles à étudier sont celles qui relèvent dela sensibilité générale. Dans la vie normale, elles passent presque inapercues, préci- sément parce qu’elles sont incessantes, et que leur intensité varie peu. Aucun organe spécial ne leur étant affecté, elles ont jusqu'alors presque entièrement échappé à l’investigation expérimentale. C’est pourquoi M. Beaunis s'attache surtout à montrer le parti qu'on peut tirer de l’observation clinique pour les étudier. Dans certains états pathologiques, il arrive en effet qu'elles atteignent un haut degré d’acuité: telle est, par exemple, la sensibilité de l'intestin, qui chez l'homme sain est fort obscure, M. Ribot, dans de magistrales études, avait déjà mis en lumière les trou- « bles qu’apporte dans notre état sensilif l’altération de quelques-uns de ses facteurs. Ces maladies de la per- sonnalité permettent, pour ainsi dire, de la disséquer et d’en isoler les éléments. M. Beaunis applique cette méthode à l'analyse de nos sensations internes. Il traite d’abord de celles qui se manifestent à intervalles réguliers, comme la faim etla soif, accompagnées chaque fois d’un même état de la conscience, Puisil passe en revue divers ordres de sensations fort peu étudiées jusqu'à présent, Citons no- tamment les pages qu'il consacre au sens de l’exis- tence, qu'entretiendrait en nous une sorte d'intégration de facteurs sensoriels infinitésimaux. Pour ce qui est des sens dits de l'orientation, du ma- BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX gnétisme et de la durée, M. Beaunis se borne à indiquer les faits qui semblent s’y rapporter, mais les considère comme trop incomplets pour autoriser une tentative d'explication, — Enfin leplaisir et la douleur, analy- sés par les procédés de la physiologie, conduisent l’au- teur à voir en eux comme une résultante de toutes nos sensations, Par une suite de considérations ingénieuses il essaie de rattacher à la sensibilité physique tous les états émotionnels de l'esprit, même la douleur mo- rale. Tous ceux qu'intéressent ces délicats problèmes en trouveront, dans le savant ouvrage de M, Beaunis, une critique très renseignée, jointe à une grande finesse d'apercus. L. O. 4° Sciences médicales. Delbet (P.). — Recherches expérimentales sur le lavage du péritoine. Annales de gynécologie, sep- tembre 1889, t. XXXII, p. 165. A une époque où le lavage du péritoine entre fran- chement dans la pratique d’un certain nombre d’ova- riotomistes [Bantock, dans sa dernière centaine de lapa- rotomies (The Brit. gynæc J. 1889-90, p. 343), y a eu re- cours cinquante fois], il était intéressant de préciser les différents phénomènes physiques et biologiques qui accompagnent ce lavage; c’est ce qu'a tenté de faire M. Delbet dans une série d'expériences sur des chiens, Dans la première partie de ses recherches, il s’est proposé de préciser les diverses conditions mécaniques du lavage du péritoine. Les trois conclusions qui ont trait à ces conditions mécaniques sont les suivantes: 1° Le liquide employé en lavage se répand dans toute. la cavité péritonéale, — 2 Il est difficile, peut-être impossible de débarrasser complètement par le lavage le péritoine des substances étrangères qui ont pénétré dans sa cavité. — 3° Après le lavage, il reste toujours dans le péritoine une quantité notable de liquide, qui occupe le petit bassin, les fosses iliaques, les fosses lombaires. Dans une seconde partie, il s'occupe des conditions biologiques du lavage. Il conclut de nombreuses expé- riences faites sur des chiens atropinisés, chloroformés, curarisés, que le lavage du péritoine dans les limites thermiques de 18 à 50° n’a, sur la respiration et sur la circulation, que des influences insignifiantes ou nulles; et qu'il n’expose à aucun danger de ce côté, L'action hé- mostatique des lavages à haute température paraît à l’auteur au moins douteuse, — Il aborde ensuite la ques- tion importante de absorption par le péritoine pendant le lavage, Voici la conclusion de ce chapitre: La quantité de liquide absorbé dans les premières minutes du lavage est considérable. Lorsqu'on emploie la solu- tion de chlorure de sodium à 7 p. 1000, on obtient ainsi une véritable transfusion indirecte. L'auteur ayant constaté par des dosages de l’hydratation du sang que l'absorption, d’abord très considérable, diminue rapide- ment au point de devenir à peu près nulle quand la quantité d’eau contenue dans le sang a atteint un certain taux, s’est demandé si l’on ne pourrait pas profiter de ce moment pour laver le péritoine avec des solutions toxiques sans danger d'intoxication. Dans une série d'expériences faites avec des solutions de strychnine, il est arrivé à démontrer d’une manière saisissante la réalité de cette hypothèse : d’où sa septième conclusion que voici in-extenso:1Ilest possible de laver le péritoine avec des substances toxiques sans danger d'intoxication. Il faut pour cela faire précéder le lavage toxique d’un lavage de dix minutes de durée avec la solution salée à 7 p. 1000, et le faire suivre d’un troisième lavage avec la même solution pour débarrasser le péritoine de l'excès de substance toxique, D' HARTMANN. £ ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 57 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 13 janvier 1890 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES M. Emile Picard : Sur l'emploi des approxi- malions successives dans l'étude de certaines équa- tions aux dérivées partielles. 20 SCIENCES PHYSIQUES MM. Ed. Sarasin ci L. de la Rive : Résonance multiple des ondulations électriques de M. Hertz. — M. Cornu : Observations relatives à la communication précédente, (Voir plus loin aux Nou- velles.) — M. Alphonse Berget à déterminé la con- sctibilité thermique de divers métaux au moyen de sa . méthode; comparant ces conductibilités aux conduc- tibilités électriques déterminées sur les mêmes échan- > tillons par la méthode du pont double de Thomson, il trouve que la loi de proportionnalité des deux conduc- tibilités n’est exacte qu'approximativement, — M, BP. van Berchem à repris, pour les dissolutions gazeuses, les recherches que M. Ludwig et M. Soret avaient faites sur les solutions salines. Ces recherches ont montré que si deux parties de la solution sont portées à des températures différentes, la concen- tration s’accroit dans les parties froides. L'auteur - montre qu'il en est de même pour les solutions d'acide chlorhydrique et celles d'ammoniaque. — M. Lecoq de Boisbaudran à étudié quelques nouvelles fluorescences données par la samarine et les terres Zx et ZB dans divers dissolvants solides, II montre que quelquefois la calcination modifie entièrement le spectre de fluorescence d’un composé, — M. LL, Pi- geon à déterminé la chaleur de formation du chlo- rure de platine anhydre, qu’il obtient en décomposant à 360° dans une atmosphère de chlore l’acide chloro- platinique. Le chlorure de platine anhydre est dissous dans l'acide chlorhydrique, et la chaleur dégagée par cette réaction, déduite de la chaleur de formation de Vacide chloroplatinique, donne pour P{CI* 59Cal, 8 — M. Besson à obtenu la combinaison de hydrogène hosphoré gazeux bien sec avec le fluorure de bore, en aisant réagir ces corps à une température inférieure à 0.30°; il a combiné aussi ce même gaz au fluorure de silicium en ajoutant une forte pression à la réfrigé- ration. — M. Aimé Girard rectifie les chiffres qu'il avait donnés en 1873 pour les pouvoirs rotatoires de la matezite et du matezo-dambose, — MM. Ma- quenne et ‘'Fanret, qui avaient fait connaitre l'existence d’uneinosite dextrogyre et d’une inosite levo- gyre, ont obtenu par le mélange de ces deux corps à parties égales, une troisième inosite (racémo-inosile) . différant des deux premières par une constante phy- sique et inactive dans la lumière polarisée. 3° SCIENCES NATURELLES M. Edouard Heckel, éludiant la germination de diverses graines contenant des alcaloïdes, a constaté que ces alcaloïdes (strychnine, brucine, daturine, ca- féine, etc.) sont transformés et utilisés par la plan- tule pour son développement. Il apparaît du nitrate de potasse, — M. A. Giard, à propos du travail pré- senté par M. Roule à l'Académie en 1889, rappelle que, dès 1876, il avait rapproché les Mollusques des An- nélides et créé un phylum des Gymnotoca comprenant à la fois les Verset les Mollusques. — M. Léon Vail- Iantsignale plusieurs espèces de poissons, désignées indistinctement à l’île de la Réunion sous le nom de Bichique, dont le fretin présente des montées pareilles à celles de l’anguille, Au moment de la montée, depuis unsiècle au moins,ces poissons sont capturés en quantité considérable, sans qu'il paraisse y avoir eu la moindre diminution dans leur abondance, — M. A. Vays- sière a pu observer à l’état frais quelques échantil- lons du Prosopistosma variegatum qui lui ont été envoyés de Madagascar par M. Sikora ; il signale les particula- rités de cette espèce rare. — M. Salomon Reïinach établit par des considérations philologiques que la no- tion d’éruptions volcaniques en France au y° siècle de notre ère repose sur une fausse interprétation des textes de l’époque. Séance du 20 janvier 1890 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES M. Zaremba : Sur l'intégration d'une équation aux dérivées partielles, — M. de Jonquières : Note sur un point fondamental de la théorie des polyèdres. — M, C. Guichard : Détermination des congruences, telles que les lignes asymptotiques se correspondent sur les deux nappes de la surface focale, — M. ME. Hamy : Sur la théorie de la figure des planètes. — M. G. Les veau : Éphémérides pour la recherche de la comète périodique de d’Arrest à son retour de 1890. — M. D. Eginitis : Observations de la comète Swift, faites à l'observatoire de Nice avec l’équatorial de 0m38. — M. Rud, Wolf : Sur la statistique solaire de l’année 1889 (comparaison avec les variations magné- tiques). 29 SCIENCES PHYSIQUES M. A. Leduc, qui avait d’abord étudié les varia- tions de la résistance électrique du bismuth placé dans un champ magnétique, en négligeant les influences de la température, s’est aperçu que celle-ci est assez cor- sidérable et il l'a calculée, —M.Ch. Antoine à calculé la compressibilité de lazote jusqu'à 3,000 atmos- phères. — M. H. WW. Bakhuis Rooyeboom montre que les faits curieux observés par M, oannis sur la dissociation du sodammonium sont un cas parti- culier d’une loi qu'il a posée en étudiant les conditions de l'équilibre entre le chlorure de calcium et l’eau, — MM. J. L. Soret et Alb. Rilliet ont éludié l'absorption des rayons ultra-violets par quelques corps de la série grasse; ils ont vu que de très petites proportions d'impuretés dans ces corps font varier considérablement leur pouvoir absorbant pour cette partie du spectre. — M. E. Doumer montre, par un certain nombre de déterminations expérimentales, que les sels doubles obéissent à la loi qu'il a déterminée pour les sels simples, à savoir que le pouvoir réfrin- gent moléculaire d’un sel est proportionnel au nombre de valences de la partie métallique d'un sel. — MM. Berthelot et P. Petit ont formé et étudié les oxydes de divers graphites pour déterminer la facon dont le carbone est polymérisé dans ces gra- phites. Ils ont, en outre, déterminé les chaleurs de formation et de combustion de ces oxydes. — M, Ph. A. Guye montre qu'il existe une relation fixe entre le pouvoir réfringent moléculaire d’un corps et l’une des constantes de l'équation par laquelle M. Van der 58 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Waals rendcompte des phénomènes du point critique; il en tire des conclusions pour l'étude de la consti- tution moléculaire du corps au point critique, — M. J.-A. Le Bel, pour déterminer la constitution intime du chlorure ammonique, s’est adressé aux chloroplatinates des dérivés de substitution de ce corps; arrivé à l’isobutyltriméthylammonium, il a ob- tenu un dimorphisme évident, et ainsi prouvé l’exis- tence de l’isomérie dans ces dérivés. — M. Raoul Varet, poursuivant ses recherches sur les réactions entre les sels de cuivre et les cyanures métalliques, a trouvé que l’action des sels oxygénés est différente sur le cyanure de zinc, d’une part, et sur les cyanures de cuivreet de mercure, de l’autre ; ces cyanures semblent donc avoir une constitution particulière. — M. A. Hal- ler : Sur les différentes bornylphényluréthanes gauche, droite et racémique et les isobornylphényluréthanes. 3° SCIENCES NATURELLES M. Berthelot, à propos de la communication faite par M. Heckel dans la dernière séance, fait remar- quer la similitude et la connexité qui existent, au point de vue de la nitrification, entre la vie des mi- crobes habitant la terre et celle des microbes qui s’inoculent et se développent dans les plantes, — MM. €. Chabrié et L. Lapicque, étudiant l’action ‘physiologique de [acide sélénieux, ont montré que ce corps : 1° met obstacle aux fermentations s'il est en quantité suffisante, sinon il est réduit par les micro- organismes; 2° est très toxique pour les animaux supérieurs, qu'il tue par un processus initiatif général. -- M. Paul Pelseneer montre que le quatrième orifice palléal qu'on observe chez certains Lamelli- branches, est morphologiquement destiné à livrer passage au byssus. — M. Pierre Viala à étudié le parasite qui produit le Pourridié de la vigne; son évo- lution doit le faire ranger dans un genre spécial du groupe des Tubéracées. — M. IL, de Launay expose les résultats de ses recherches microscopiques sur la structure des roches de l'ile Metelin, È L. Lapicque. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 14 janvier 1890 M. Péan montre une femme de 32 ans chez la- quelle, il y a 44 mois, il a enlevé à six semaines d’inter- Fig. 1. — Avant l'opération. valle 1° les deux maxillaires supérieurs, les malaires, le sphénoïde; 2° le maxillaire inférieur, envahis par des ostéo-fibrômes causés par des hétérotopies den- taires, Cette opération, faite à la prière de la malade sur le point de succomber, est unique dans la science. Les conséquences en ont été des plus heureuses; les. déformations et troubles fonctionnels qui en avaient résulté ont pu être corrigés par des appareils ingé- nieux de prothèse. M. Berger présente une petite fille de huit mois, à laquelle il à extirpé une encéphalocèle de la région occipitale, grosse comme un petit œuf, La tumeur, malgré ses petites dimensions, renfermait des tissus analogues à ceux de la plupart des parties constituan- tes de l’encéphale. L’encéphalocèle n’est donc pas due simplement à une hydropisie ventriculaire (Spring), mais se forme de loutes pièces en dehors du cràne, est le degré inférieur de l’exencéphalie d’Is. Geoffroy Saint-Hilaire. — Le diagnostic de la variété d'encépha- locèle est toujours obscur, — Le seul traitement est l'extirpation. M. Lagneau, traitant du surmenage et de la séden- tarité dans les écoles, voit deux obstacles aux réformes projetées : 1“ chaque professeur s'oppose à la réduction de sa spécialité (d’où 8 à 10 heures de travail au lieu de 7, 8,9, de 11 à 17 ans); 2° manque d'entente entre les administrations rédigeant les programmes d’admis- sion aux grandes Ecoles, etc., etc., et l’Université char- gée de la préparation. — M. Brouardel montre que l’Université ne s'arrêtera certainement pas dans la voie des réformes où elle est entrée d'elle-même, Séance du 21 janvier 1890 M. Chauvel présente deux observations de carie costale survenue après ouverture d’abcès du foie entre les : a) septième et huitième, b) sixième et septième côtes, La carie, l’ostéite chroniques ont dù être pro- duites par le contact d’un pus irritant et ont entraîné la formation d'un trajet fistuleux, indéfiniment persis- tant, En pareil cas, le traitement doit consister : à inciser le trajet, enlever les parties osseusses altérées, après avoir reséqué au besoin une côte saine pour se faire du jour, gratter les parois et laisser le bourgeon- nement combler la perte de substance, M. Terrillon présente l'observation d'un malade atteint de rétrécissement de l’æœsophage, depuis huit mois nourri par une fistule stomachale (gastrostomie). En raison de l’irritation très douloureuse de la fistule, il tente la dilatation de l’œsophage, sous le chloro- forme, en introduisant le doigt dans le cardia par la fistule. Impossibilité. Mais, quelques jours après, il peut passer, de haut en bas, une fine bougie ; le caté- thérisme de bas en haut devenait possible; quelque ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 59 temps après, la perméabilité de l’æsophage était com- plète. Oblitération de la fistule stomachale en deux temps. Guérison. M.Albert Robin lit un travail du professeur Renaut (de Lyon) sur la « fausse imperméabilité » de certains reins brightiques, et« la thérapeutique de l’'urémie coma- teuse ». Dans la majorité des néphrites interstitielles la plus grande partie des glomérules reste perméable, Le —. défaut de perméabilité du rein tient à un œdème causé — parunréflexe d’origine bulbo-cerébrale ayant pour point de départ un empoisonnement subaigu des centres, par “ Ja toxine accumulée en même temps que l’urée dans l'organisme. Que, sous certaines influences, l’ædème deviennecomplet, il y aattaque d’urémie. Après celle-ci le rein peut recupérer sa perméabilité comme lattes- tent les doses considérables d’urée éliminées les jours suivants, Donc le traitement doit consister : 1° à évi- ter l'accumulation des toxines par une alimentation lais- sant le moins possible de résidus (lacto-végétale, œufs, viande de pore, etc.); 2° à entretenir la perméabilité du rein par la décongestion systématique (ventouses sè- ches, applications discrètes de sangsues). Dans le cas d'attaque d'urémie : 1° décongestion rénale par saignée générale et applications locales, réitérées de sangsues ; 2% augmentation de la tension vasculaire par l'ingestion de liquides par la bouche et surtout en lavement; 3° suractivité imprimée aux combustions intersti- tielles par l'inhalation continue d'oxygène. En raison de l’importance des débats relatifs à la Prophylaxie de la Tuberculose, nous publierons après le vole un article d'ensemble résumant la discussion, D' E. De Lavarenne. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 18 janvier 1890 M. Ch.-E. Quinquaud, dans trois notes succes- sives : 4° précise la méthode à employer pour étudier l'activité respiratoire (qu’il appelle capacité respira- toire) des divers tissus; 2 établit à ce point de vue une hiérarchie des tissus, dans laquelle le muscle est le plus aelif et le sang le moins actif; 3° montre que l'absorption d'oxygène peut servir à déterminer le moment où commence la putréfaction d’un lissu, — M. Et. Colas établit deux périodes dans l’action de la nicotine sur le cœur et les vaisseaux : dans la pre- mière, il y a un ralentissement du cœur dû à une action directe sur les ganglions intra-cardiaques; dans la seconde, la force du cœur est augmentée et la pres- sion monte malgré une vaso-dilatation, — MM, Char-- rin ct Htoger ont constaté que la fatigue augmente la | réceptivité des animaux pour les maladies infectieuses. Inoculant des cultures charbonneuses à des rats blanes, dont les uns étaient obligés de marcher dans un cylindre rotalif, tandis que les autres se reposaient, ils ont constamment vu les premiers mourir beau- coup plus rapidement que les seconds, avec certaines doses même ceux-ci survivre, tandis que les premiers succombaient à l'infection, —M.Fabre-DBomergue décrit un organisme parasite de l’Hesione Stenstrupiü (annélides). — MM. Edouard Boinet et A. Bor-- rel ont étudié des tumeurs lépreuses rapportées d'Hanoï par le premier d’entre eux. Cherchant à dé- terminer l'importance des cellules géantes de ces productions, ils ne pensent pas qu'on puisse leur accorder un rôle phagocytaire. CT : Séance du 25 janvier 1890 M. Cadéac à envoyé une note intitulée : Contribu- tion à l’étude de la maladie pyocyanique, — MM. Ar- thaud et Butte ont étudié l'influence du système nerveux sur la sécrétion biliaire; pour eux, l'excitation du bout périphérique du vague sectionné ralentit la sécrétion; l'excitation du bout central l’accélère, — M. Nicati a envoyé une note sur la fonction sécrétoire de la couche choriocapillaire de l'œil, —M.£Laborde entretient la Société des fonctions du cervelet. L. Lapicque. SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE Séance du 19 janvier 1890 M. Lippmann.— Force électromotrice et différence de potentiel dans les circuits induits. M. Lippmann insiste sur la distinction qu'il y a lieu d'établir entre les deux termes trop souvent confondus : force électromotrice et différence de potentiel; dans une communication antérieure M. Pellat avait déjà appelé l'attention de la Société sur ce point important. La considération des phénomènes d’induction fournit des exemples manifestant nettement la différence : on peut imaginer des courants produits par des forces électro- motrices d'induction dans des circuits où le potentiel est partout le même. Une comparaison employée entre le courant électrique et un courant d’eau rend le fait facile à comprendre : un courant d’eau peut être produit par une chute de niveau analogue à la chute de potentiel ; mais il est aussi loisible de supposer de l’eau en mou- vement dans un tube parfaitement horizontal, le mou- vement étant produit par quelque action mécanique jouant le rôle de force électromotrice. Dans les expé- riences de M, Eliuh Thomson, que tout le monde a vues dans la section américaine de l'Exposition, une bobine cylindrique et verticale est parcourue par des courants alternatifs; un anneau de cuivre est placé horizontalement; son centreétant sur l'axe dela bobine, il devient le siège de courants d'induction et cependant la parfaite symétrie du système suffit à démontrer que nulle part ne peut exister de différence de potentiel, M. Lippmann termine cette intéressante communi- cation, en montrant l'intérêt de la distinction établie pour la théorie des machines d’induction. M. Moissan répète devant la Société ses belles expé- riences sur le fluor. La Revue leur consacrera prochai- nement un article spécial. Lucien Poincaré. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 9 janvier 1890 1° SCIENCES PHYSIQUES - J.-A, Fleming, — Sur les décharges élechiques entre des électrodes à différentes températures dans l'air et dans le vide approché. Si l'on scelle une plaque métallique dans le globe de verre d’une lampe à incandescence, et si on la réunit par un galvanomètre sensible à Pélec- trode positive, il se développe dans le galvanomètre un courant de quelques milliampères, Lorsque la lampe est mise en action par un courant continu, la plaque métallique isolée est instantanément abaissée au poten- tiel de la base de la tige négative de charbon. Lorsque la plaque isolée et l’électrode positive sont unies par un galvanomètre, il se développe un courant qui s'accroît de 0 à 3 ou 4 milliampères, à mesure que le charbon arrive à l’incandescence. Quand la lampe est mise en action par un courant alternatif, un courant continu passe par le galvanomètre, qu'il soit en rapport avec l'électrode positive ou l’électrode négative. La tige né- gative de charbon est l'élément actif : si elle estentourée d'un tube de verre ou isolée de toute autre manière, il ne passe plus de courant, Le maximum d'effet se pro- duit lorsque la plaque isolée est aussi voisine que pos- sible de la base de la tige négative de charbon; l'effet devient très faible lorsque la plaque est éloignée de quatre ou cinq pouces. 60 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 29 SCIENCES NATURELLES Sir J.-B. Lawes Baronct et le professeur J. H. Gilbert présentent une note sur de Nouvelles expériences relatives à la question de la fixation de l'azote libre. (MM. Hellriegel et Wilfarth étaient arrivés à cette conclusion que bien que les plantes à chlorophylle les plus élevées ne puissent pas utiliser directement lazote libre de l’air, quelques-unes d’entre elles cepen- dant peuvent fixer de l’azote qui est entré en com- binaison sous l'influence d'organismes inférieurs.) Les expériences préliminaires ont été faites avec des pois, des lupins bleus et des lupins jaunes, semés dans différents terrains. Si la quantité d'azote dans la semence est de 1 au commencement de l’expé- rience, le gain total dans la plante est de 9.58, lorsque les graines ont été semées dans du sable lavé auquel on a ajouté les cendres de la plante; il est de 22.03 quand elles ont été semées dans de la bonne terre de jardin. Ce gain total, cependant, en tenant compte de tous les produits, est, si l’on estime l'azote initial comme égal à 1, de 2.98 dans un cas et de 1.08 dans l’autre, — M. Oldfield Thomas à constaté l'existence d’une premiére dentition complète, bien que rudimentaire, à la mâchoire supérieure de lOrycté- rope, el sur une cerlaine longueur de la mâchoire infé- rieure. Cette observation élant faite sur un Edenté offre un certain intérêt pour la théorie de la descen- dance, Séance du 16 janvier 1890 1° SCIENCES M ATHÉMATIQ UES M. 3. H. Michell : Sur la théorie des directions des courants libres. — L'objet principal de cette note est de donner une méthode générale pour la solution du problème des directions “des courants libres dans des liquides soumis à un mouvement à deux dimensions, lorsque les surfaces qui les renferment sont planes. — Le professeur Norman Lockyer: Sur: la Rae prin- cipale du spectre des Nébuleuses. L'auteur se sert du si- dérostat pour observer le spectre des corps célestes, notamment celui de la nébuleuse d'Orion ; il a *om- paré sa raie brillante principale avec le spectre donné par des substances terrestres. Cette raie coïncide avec la partie la moins réfrangible d’une des bandes du spectre de la flamme du magnésium; il est un peu moins réfrangible que la composante la moins réfran- gible de la double raie de l'azote. M. Lockyer a fait en même temps une série d'expériences pour déterminer la longueur d'onde de la bande du magnésium qui coïn- cide avec la raie principale de la nébuleuse et de la raie de l'azote qui l’avoisine. La JOnBIeUE d'onde de la bande du magnésium est de 5006,5, la longueur d'onde de la raie de l'azote, de 5008 11 mi longue ur d'onde trouvée pour la raie principale de la nébuleuse n’est pas éloignée de la moyenne des longueurs d'onde acceptées pour cette raie, La raie est indéfinie, à l’ex- trémité bleue, comme l’ont noté d’autres observateurs ; on peut donc légitimement croire que cette raie est la trace d'une bande. 2° SCIENCES NATURELLES M. A.WW.Mayo Robson : Observations sur l'excré- tion et le rôle de la bile, L'auteur HARRURE le cas d’une femme de quarante-deux ans, chez qui s'était produite, à la suite d'une opération chirur gicale, une fistule PUS par où toute la bile s'est écoulée pendant quinze mois; pendant ces quinze mois, la malade s’est bien portée, Depuis lors, elle a été complètement guérie par une autre opéralion, qui à supprimé la fistule. En vingt- quatre heures, la quantité de bile sécrétée était de 29,98 onces; elle variait de. 39,53 onces à 25,86 onces. R. A. Gregory. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 17 janvier 1890 Le D' S. P, Thompson fait une communication sur les poudres électrisées, et présente de belles expé- riences sur la production des figures de Lichtenberg. L'auteur a récemment recherché les conditions qui font varier ce phénomène et est arrivé aux conclu- sions suivantes : La nature du diélectrique ne change pas le caractère des figures produites, et la nature des poudres employées ne semble pas avoir non plus un effet bien important sur les images. Il fait observer l'importance du rôle joué par les aspérités du plateau, le vent électrique produit par les rugosités intervenant dans le phénomène, M. Thompson a constaté ce fait curieux que ée « vent électrique » est beaucoup plus considérable si le plateau est chargé négativement que s’il est, au contraire, chargé positivement; il appelle l'attention de la Société sur ce point et serait heureux de connaitre les interprétations qu'on en peut donner. — Le professeur Rücker dit qu'il a récemment obtenu des figures provenant des décharges sur des plaques photographiques. On observe généralement que les décharges négatives produisent des plages rondes tandis que les positives donnent des réseaux enchevêtrés. Il fait aussi remarquer le caractère très nettement distinct des décharges positives ou négatives dans un vide partiel; des recherches sur ce sujet au- raient évidemment une grande importance. — Le pro- fesseur Adams rapproche ces faits d’un autre bien connu : il est plus. difficile d'isoler une charge d’élec- tricité négative, qu'une charge égale d’élec tricité posi- tive. — Le professeur Ayr ‘on lit un mémoire sur les gal- vanomètres, par MM. Ayrton, T. Mather et NW. E. Sumpner : : Dans l’organisation du laboratoire de physique de l’Institution centrale de la Cité, les auteurs ont eu occasion d’expérimenter des galvanomètres de type très variés. Ils se sont demandé si les galvano- mètres pour avoir leur sensibilité maxima devaient ou non être rendus astaliques; la question a été résolue : ils doivent être astatiques pour être moins affectés par les variations perturbatrices du champ magnétique extérieur; on à déterminé avec soin la meilleure ma- nière de placer sur le fil le miroir servant à la lecture de la déviation, Quand on mesure des quantités d’élec- tricité en se servant du galvanomètre comme galvano- mètre balistique, on lit la première impulsion de l’ai- guille, et l’on corrige d'ordinaire par un calcul com- pliqué le nombre obtenu, si la déviation est un peu grande; les auteurs donnent une table de réduction pour les différentes valeurs de cette déviation. Les fils et les bornes sontisolés avec des soins tout particuliers déjà décrits par le professeur Ayrton. On remarque que les instruments ordinaires diffèrent entre eux de 2° en- viron, si, l’on considère les angles comme proportion- nels aux intensités; le galvanomètre du type d’Arson- val par exemple s’écarte de cette proportionnalité quel quefois d'une façon très notable; mais en ajoutant des pièces polaires courbes à l'aimant, en obtient une pro- portionnalité exacte à moins de 015 0/,. bien entendu dans des limites convenables (sur une échelle d'environ 30 pouces), Dans les usages pratiques. pour indiquer la sensibilité d'un galvanomètre, il convient de classer le nombre de degrés par microampère sur une échelle placée à une distance égale à 2,000 fois une division de cette même échelle, Une table contenant les constantes (résistance, sensibilité, coefficient de self-induction, dimensions des fils) des divers instruments étudiés, est jointe au mémoire et déposée sur le bureau, Il résulte de ces recherches que dans les meilleurs appareils à système astatique, la résistance doit être de 10 à 30 mille Ohms. A cause de l'heure avancée, la diseus- sion relative à cette communication est remise à la pro- chaine séance. 'UIT 2 2 ik À ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 61 SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 16 janvier 1890 J.-C. Tresh: Nouvelle méthode pour doser l'oxy- gène dissous dans l'eau. Le procédé est basé sur ce fait que, en l’absence de l’oxygène, l'acide azoteux et l'acide iodhydrique réagissent pour former de l’iode, de l’eau et du bioxyde d'azote, En présence de l’oxy- gène, le bioxyde d'azote est de nouveau oxydé, et l'acide azoteux formé met en liberté une quantité d’iode équivalente à la quantité d'oxygène qui existait dans l’eau. En déduisant de l’iode total la quantité d'iode mise en liberté par l'acide azoteux introduit, on peut ainsi déterminer la proportion d'oxygène con- tenue dans l’eau examinée. L'iode est dosé au moyen d'une liqueur titrée d’hyposulfite de soude. — F.-J. Lloyd : Note sur un lait de qualité anormale. — R.-H. Adie : Les sulfates d'antimoine. L'auteur à étudié précédemment les composés formés par l’oxyde arsénieux et l’acide sulfurique. fl examine actuellement les combinaisons de l'acide sulfurique avec l’oxyde antimonieux, Les deux oxydes donnent des sels acides avec l'acide sulfurique fumant. Avec l'acide sulfurique monohydraté, on obtient les corps Sb? (S0ïÿ et As°0 (SO). ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 19 décembre 1889 M. du Bois-Reymond lit un travail sur la polarisation négative interne des muscles, Séance du 9 janvier 1890 M. Fuchs présente la suite de ses Contributions à la théorie des équations différentielles linéaires, — M. du Bois-Reymond présente un rapport de M. Stei- ner, de Cologne, sur ses éludes concernant le sys- tème nerveux centrai des Invertébrés. D' Hans Jahn. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 16 janvier 1890 Victor de Dautsches : Sur l’ellipse du plus petit périmètre passant par trois points donnés, — Joseph Loschmidat : Etudes stéréo-chimiques. Le Président, M. Stefan, présente la suite de son mémoire, annoncé dans notre dernier numéro, sur les Ondulations électriques dans les conducteurs rectilignes. Voici l'analyse de l’ensemble de son travail : La distribution d’un courant électrique dans un con- ducteur à trois dimensions, ou dans un ensemble de circuits dérivés se fait de telle facon que la quantité de chaleur dégagée conformément à la loi de Joule soit minima pour une intensité totale donnée; ce fait a été établi par Kirschoff dans le cas de conducteurs quelconques; mais il n’est vrai que s'il n’y a nulle part de force électromotrice dans les portions de cir- cuit considérées. Dans les courants d'intensité variable, tels que les courants périodiques, les forces électromotrices d'in- duction jouent un rôle considérable, si considérable même qu'elles font pour ainsi dire disparaître l'in- fluence des valeurs différentes de la résistance sur la distribution électrique, On peut, dans beaucoup d’appli- cations, supposer toutes les résistances nulles pour calculer cette distribution; c’est ce qu'a fait, pour la première fois, M. G. Lippmann. De cette théorie, on déduit la proposition suivante : - La distribution de l'intensité d’un courant variable se fait de telle facon que, pour une même intensité totale, l'énergie électro-dynamique du système est minima, ou, ce qui revient au mème, l'énergie magnétique est minima, L'énergie électro-dynamique peut, en effet, être considérée comme de l'énergie magnétique résul- tant de l’aimantation du conducteur et du milieu envi- ronnant, Si l’on a affaire à un conducteur rectiligne et de section circulaire, le courant se répartit naturellement d'une facon symétrique autour de l'axe et l’action à l'extérieur est la même que s’il était tout entier con- centré sur cet axe même; l'énergie du milieu environ- nant est donc indépendante de la distribution; l'énergie totale devant être minima, il est évident que le cou- rant doit se condenser en une couche indéfiniment mince, répandue sur la surface, car la force magné- tique est alors nulle dans tous les points du conduc- teur, et l'énergie interne a sa valeur la plus faible possible. — Si le conducteur n’est pas circulaire, la répartition se fait encore comme celle d'une charge d'électricité statique sur le même conducteur. Dans ses dernières expériences, M. Hertz a donné des preuves très concluantes de ce fait que les ondula- tions électriques ne pénètrent pas dans l’intérieur des conducteurs le long desquels elles se propagent, surtout quand le nombre des vibrations devient très grand. Il est à remarquer que ces principes s'appliquent vraisemblablement au cas de chocs électriques très rapides, tels par exemple qu'un coup de foudre, La vitesse de propagation d’une onde électrique dans un conducteur dépend de deux constantes, le coefficient de self-induction et la capacité de ce con- ducteur; la capacité ne varie pas avec la nature du con- ducteur, et, à cause du mode de distribution super- ficielle, l’énergie magnétique et le coefficient de self-induction doivent aussi être considérés comme indépendants de la constitution magnétique du con- ducteur, à condition, bien entendu, que l’on ait affaire à des courants très rapidement variables. Ce fait a été découvert par M. Hertz, mais il l’interprétait d’une facon plus compliquée. Il résulte aussi des considérations précédentes que la vitesse de propagation est indépendante de la forme de la section ; on démontre aisément que le produit du coefficient de self-induction par la capacité ne dépend pas de cette forme, En résumé, on voit qu'on peut dans certains cas traiter les problèmes de distribution de l'intensité d’un courant électrique dans les conducteurs isolés et parallèles, par lPapplication de méthodes démontrées en électrostatique, x Emil Weyr, . Membre de l'Académie. ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séance du 19 janvier 4890 Le Président annonce la mort du prince Amédée, frère du Roi, et lève la séance en signe de deuil. Ernesto Mancini. ACADÉMIE DES SCIENCES DE TURIN Séance du 12 janvier 1890 M. Segre présente pour l'insertion aux Actes : « Un nouveau champ de recherches en géométrie, » — M. Basso communique une monographie de M. Righi sur les forces élémentaires électro-magnétiques et électro-dynamiques. — M. Cossa présente, pour l'in- sertion aux Actes, deux mémoires de M, le Dr LE. Gan- zino : 1° «lecherches sur les phénols chlorobibromés et bromobichlorés »; 2% « Recherches sur les phé- nols métabichlorés et métabibromés. » D' Boschetti. 62 NOTICE NÉCROLOGIQUE ACADÉMIE DE MÉDECINE VÉTÉRINAIRE DE TURIN Séance du 12 janvier 1890 Dans une lettre au Président, M. Collilanzi, de Novare, décrit une épizootie spéciale qui sévit en ce moment sur les bœufs. — M. Griglio, de Palerme, envoie à l’Académie la description des ravages consi- dérables que le charbon a causés en Sicile en 1889. M. le secrélaire général, Professeur Be Silvestri, appelle l'attention de l’Académie sur l’urgence d'assurer le fonctionnement régulier du service vétérinaire, si sou- vent réclamé en Italie, mais que cependant le minis- tère n’a pu encore établir. — M. Perroncito répond qu’en sa qualité de Président de l’Académie, il a pris part aux délibérations y relatives et pu se convaincre des bonnes dispositions du gouvernement au sujet des mesures d'hygiène. Le Roi lui-même à rendu hom- mage au talent déployé par le Dr Bottero dans la lutte entreprise par ce savant, en faveur des vaccinations anti-charbonneuses en Italie, — M. le Président com- munique à ce sujet une lettre de M. Pasteur. Les sentiments exprimés à l’Académie par cet illustre parmi les illustres sont accueillis avec une respectueuse et reconnaissante émotion, — M. Airoldi entretient l’A- cadémie de l’activité.mise par l’Institut Pasteur de Turin au service des vaccinations anti-charbonneuses. Il prie M. le Président d'intervenir près de M. le Ministre de agriculture, au sujet du vaccin, que les vétérinaires ne cessent de réclamer, mais qu’on ne peut pas envoyer gratuitement, — M. Boschetti rend compte de l’heu- reux résultat des vaccinations pratiquées par lui à Vil- lanova d’Asti avec le concours de M. le D' Sanaglia. — M, Bertacchi décrit les analogies et les différences que présentent l’Influenza de l'homme et celle des ani- maux, — M, Boschetti développe, à cesujet, ce qu'il avait déjà indiqué à la dernière séance : il faudrait étu- dier la maladie d'une facon comparative, car elle a Pair d’une maladie animale : en Autriche, Hongrie, Russie, même en certaines villes italiennes, l’Influenza a fait son apparition simultanémeut chez homme et les animaux; en Angleterre elle a frappé les chevaux avant l’homme, Presque tout le monde a élé malade. Le contage encore inconnu de la maladie doit être bien virulent, car les bronchites et pneumonies qu’elle développe sont galopantes. Aussi serait-il dangereux de ne voir dans l’Influenza qu'une maladie bénigne. MM. les Professeurs Brouardel et Proust à Paris, tous les grands médecins et hygiénistes en Italie l'ont d’abord envisagée comme telle, Mais il faut se défier de l’optimisme en hygiène ; il tend à prévaloir dans les Académies et les conseils de l'Etat; nous en voyons les conséquences en constatant la mort de tant de gens instruits, — médecins. artistes, professeurs, — qui ne se sont pas soignés. — M, Massa expose ses recherches sur le Choléra des pigeons. Il a observé d’abondantes hé- morrhagies intestinales; mais il a toujours constaté l'absence du pointillé décrit comme constitué par des colonies de microbes spécifiques de la maladie, — — M. Massa à decouvert dans le fromage de Lodi un micro-organisme particulier, qui paraît chromogène. Ce microbe pullulant exclusivement dans la partie verte du fromage, l'auteur lui attribue la production de la matière colorante, Il poursuit ses recherches sur ce sujet. — M. Perroncito montre un cysticerque sem blable au C. Cellulosæ, qui vivait à l’état de cystide dans le foie d'un singe; puis un cœur de sanglier avec un Cystlis d’Echinococeus dans le ventricule gauche, — M. Baes décrit un cas de dilatation énorme de la vésicule biliaire, provoquée par les distomes, Il a trouvé dans la vésicule les œufs de ces animaux. D: Boschetti, Membre de l'Académie. NOTICE NÉCROLOGIQUE G. A. HIRN Notre chère Alsace pleure un de ses plus illustres enfants : Gustave Adolphe Hirn est mort à Colmar, le 14 janvier, à l’âge de 75 ans ; le défunt était chevalier de la Légion d'honneur, commandeur de la Rose du Brésil, officier de l'ordre de Léopold, membre corres- pondant de l’Institut de France, associé des académies de Belgique, du Danemark, de Madrid, de Stockholm, de Saint-Pétersbourg, de Bologne, de Rome, etc., etc. Malgré tant et de si glorieux titres, il aimaità rappeler qu'il était président de la Société d'Histoire naturelle, de Colmar. L'histoire de sa vie sera écrite, car elle est pleine de grands enseignements et de nobles exemples; c'était un industriel, qui consacra avec désintéressement sa fortune, ses talents, son temps et sa vie tout entière aux études et aux recherches scientifiques. Né le 21 août 4815, au Logelbach, près de Colmar, il entra, à 49 ans, dans la fabrique d’impressions de son grand- père maternel, laquelle se transforma bientôt et devint une filature et un important tissage de coton, sous la raison sociale Haussmann, Jordan, Hirn et Cie. C’est là qu'il inventa, en 1850, le mode de transmission de l'énergie par cable télédynamique ; une puissance de trente-huit chevaux fut transportée, avec un rende- ment inespéré, à 240 mètres de distance par l’inter- médiaire d’un cable métallique flexible, marchant à grande vitesse sur des poulies légères, de plus d’un mètre de diamètre, Le prix du transport d’un cheval- heure à 1,000 mètres ne dépasse pas + de centime par ce procédé, Une semblable découverte pouvait enrichir l'ingénieur qui l'avait faite : Hirn préféra l’honneur à l'argent: il ne prit aucun brevet, autorisa tout le monde à limiter et donna libéralement tous les renseigne- ments qu'on lui demandait. Hirn laisse une œuvre scientifique considérable; il fut ingénieur, mécanicien, astronome, physicien et philosophe. On retrouve l'esprit pratique de l'ingénieur et le Jugement du mécanicien dans toutes ses productions, mais son génie se révèle surtout dans quelques inven- tions plus heureuses, parmi lesquelles nous citerons celle du pandynamomètre de torsion et de flexion; en déterminant l'angle de torsion d’un arbre ou la flexion d’un balancier, on mesure le travail avec une remar- quable précision, dans les cas où l'emploi du frein de Prony serait impossible ou trop dangereux. L’astronome à étudié les conditions d'équilibre et la nature des anneaux de Saturne ; il a apporté sa contri- bution aux théories proposées pour expliquer la pro- duction et l'entretien de la chaleur solaire, Mais c’est surtout le physicien qui restera : son œuvre capitale est la Théorie mécanique de la chalewr et son nom ne pourra pas être séparé de ceux des im- mortels créateurs de cette science. Il y débuta, croyons- nous, en 1858, par ses Recherches sur l'équivalent méca- nique de la chalewr,qui furent couronnées par la Société de Physique de Berlin ; ses remarquables expériences sur le frottement et l'écoulement de l’eau, lécrasement de s"% vo x us + NOUVELLES 63 du plomb et le forage du fer le conduisirent à assigner une valeur de 432 kilogrammètres à l'équivalent de la calorie ; le premier, il constata expérimentalement que dans une machine à vapeur il disparait (toujours une quantité de chaleur proportionnelle à la totalité du travail fourni; il démontra ensuite que la même rela- tion existe entre le travail dépensé et la chaleur pro- duite dans l'organisme humain, assimilable, à cet égard, aux moteurs thermiques en général. Il formula des lois théoriques qui portent son nom: la loi de Ja détente isodynamique, effectuée sans variation de cha- leur et sans production de travail externe, la loi qui établit la proportionnalité à la température absolue du produit du volume interatomique par la somme des pressions interne et externe, etc; il établit d’autres relations encore, qui sont exposées, un peu confusé- ment peut-être, dans son magistral traité de la Théorie mécanique de la chaleur, dont la troisième édition parut en 1875. Le physicien redevint ingénieur, quand il chercha à établir la théorie des machines à feu: il inaugura une méthode essentiellement expérimentale, qui devait faire connaître tous les phénomènes qui se passent dans l’intérieur des cylindres, Des ingénieurs et des savants lui apportèrent leur collaboration ; MM. Leloutre, Hallauer et Grosseteste de Mulhouse et Dwelshauvers- Dery de Liège l’assistèrent dans ses mémorables re- cherches, poursuivies de 1873 à 1878, avec un zèle infatigable, et c’est ainsi que fut mise en lumière l’in- fluence thermique des parois sans laquelle on ne saurait se rendre compte rationnellement du fonctionnement des mach nes à vapeur, Les travaux de l’école alsa- cienne ont été critiqués, mais tous les esprits impar- tiaux s'accordent à reconnaitre qu'ils feront époque dans l’histoire des moteurs thermiques. Signalons encore à l'actif du physicien les travaux qu'il publia avec Cazin, sur la détente des vapeurs sur- chauffces (1866), un mémoire sur les propriétés optiques de la flamme dans les corps en combustion (4873), une étude sur une classe particulière de tourbillons (4878), une étude sur le métronome (1885), etc. et de nombreuses notices météorologiques et stalistiques sur l’Alsace, Arrivons au philosophe et au penseur qui se révèle dans les Conséquences philosophiques de la Thermodyna- mique : cet ouvrage important ne saurait être analysé ici, mais nous croyons pouvoir en faire ressortir l’idée dominante. Hirn se proposait de « réfuter le matéria- lisme etle panthéisme pour couronner le spiritualisme » : ce peu de mots suffit pour faire ressortir le but élevé de ce travail, dans lequel tout n’est pas à louer égale- ment, mais quitémoigne des hautes préoccupations de ce grand esprit. Il y enseigne que la force est un élé- ment spécifique de l’univers, distinct de la matière ; il repousse avec énergie la théorie cinétique actuelle- ment en honneur dans la science et en particulier la théorie des gaz. Pour appuyer son argumentation, il pu- blia en 188#un Mémoire sur l'écoulement et le choc des gaz en fonction de la température, qui souleva une vive con- troverse; il y répondit par des brochures sur la Ciné- tique moderne et le dynamisme de l'avenir et sur la Notion de force dans la science moderne. Ces questions sont trop graves pour que nous nous permeltions de nous y arrêter davantage dans cette courte notice. Nous l'avons dit, l'œuvre de Hirn est considérable et cette longue et laborieuse carrière a été d’une remar- quable ampleur et d’une admirable fécondité, Le savant a creusé un large et profond sillon dont on reconnaîtra longtemps la trace dans les diverses sciences qu'il à cultivées ; la gloire sera la première récompense de son labeur, mais son amour du bien et du vrai, sa bonté, son désintéressement, ses nobles vertus rece- vront, nous n’en doutons pas, une récompense plus du- rable encore. Aimé Witz. NOUVELLES LA DISCUSSION RÉCENTE DES EXPÉRIENCES DE M. HERTZ L'année qui vient de s'écouler a vu se créer de toutes pièces une fortune scientifique exceptionnelle, En 1888, M. Hertz était connu de ceux seulement qui suivent de près le mouvement des idées; aujourd'hui, son nom est dans toutes les bouches; beaucoup d'hommes de sens le placent au niveau des plus grands physiciens; les Universités de Berlin et de Bonn se le disputent; l’Académie des sciences de Paris vient de lui décerner le prix La Caze, Anticipons un peu, afin de rendre justice au carac- tère de M. Hertz; peu de gens sont moins hertzistes que lui, et c’est avec une parfaite modestie qu’au dernier Congrès des naturalistes allemands, il attribuait à Fa- raday et à Maxwell tout l'honneur des théories dont ses expériences n'avaient pour ainsi dire donné, selon lui, qu'une démonstration populaire. : Ce n’est point le moment de refaire l’histoire dé- taillée de la doctrine de l'action du milieu. Emise par Faraday, elle fut développée plus tard par Maxwell, qui trouva, dans certaines relations mathématiques et déterminations numériques, des preuves éclatantes de l'exactitude des vues de Faraday, Maxwell alla plus loin; dans son immortel Treatise of electricity and magnetism, il jeta les bases d’une doc- trine merveilleuse, la théorie électromagnétique de la lu- mière. Comme on va le voir, le point de départ était simple, presque aussi simple que l'œuf de Christophe Colomb, mais pour le concevoir, il fallait se débar- rasser de tout ce que l’on savait. « En plusieurs passages de ce Traité, dit Maxwell, on a tenté d'expliquer les phénomènes électriques par une action mécanique transmise d'un corps à l’autre par l'intermédiaire d’un milieu qui remplirait l’espace compris entre les corps. La théorie ondulatoire de la lumière suppose aussi l’existence d'un milieu. Nous avons maintenant à montrer que le milieu électroma- gnétique à des propriétés identiques à celui qui pro- page la lumière (1), » - Maxwell démontre ensuite que la vitesse de pro- pagation des perturbations électromagnétiques est égale au rapport v de l'unité électro-magnétique à l'unité électrostatique d'électricité. Or les mesures faites à l’époque où Maxwell écrivit son Traité per- mettaient déjà de comparer cette vitesse à celle de la lumière. Ces deux vitesses étaient exprimées par des nombres du même ordre de grandeur, sans que l’on pèt encore affirmer leur égalité. La question paraissait donc jugée; pourquoi a-t-il fallu plus de vingt ans pour qu'elle entrât dans les notions courantes ? C’est probablement parce que l’é- tude du Traité de Maxwell ne peut être abordée sans de solides connaissances mathématiques et la ferme volonté de vaincre les difficultés. Cependant, chacun connaissait, au moins de nom, la théorie de Maxwell, et ne demandait qu'à être définitivement renseigné sur son exactitude. C’est à M. Hertz qu'était réservée la rare bonne fortune de rendre tangible, par des expé- riences faciles à répéter, la propagation des actions électriques. Il concentra toutes les curiosités. Des sociétés savantes, ses expériences passèrent dans les (4) MaxweLL, Traité d’électricité et de magnétisme, traduction de M. Seligmann-Lui, t. Il p. 485 (Gauthier-Villars). 64 NOUVELLES revues, puis dans les journaux quotidiens, faisant boule de neige d'enthousiasme. Pour montrer que les actions électromagnétiques se propagent avec une vitesse finie, il fallait produire une action variable, et saisir sa variation dans l’espace. Nous essayerons de montrer de quelle manière le pro- blème a été résolu. Considérons un courant alternatif, produisant, dans l’espace environnant, un effet d’induction qui se pro- page avec une vitesse V, supposée d'avance peu diffé- rente de celle de la lumière, Si T est la période d’une oscillation complète, la longueur à des ondes d’induc- tion ne égale à VT. Pour une période de &s de se- conde, On la longueur d'onde est de 300 kilomètres, se proposait de mesurer une onde entière ou même plusieurs ondes : comme les effets d’induction ne peuvent être mesurés qu'à 15 ou 20 mètres au plus des appareils, il fallait à tout prix produire des oscillations beaucoup plus rapides. Sir W. Thomson a démontré que, lorsqu'on réunit deux conducteurs chargés à un potentiel différent, il se produit, dans certaines circonstances, une décharge oscillatoire, La durée de l’oscillation dépend en parti- culier de la forme des conducteurs (capacité et auto- induction), et peut être rendue extrêmement rapide. Pour la réalisation expérimentale, il manquait encore un dispositif permettant d'établir un contact de très courte durée, Et voici où se place l’idée importante et absolument originale de M. Hertz : en faisant jaillir entre deux boules de métal poli une étincelle d’une qualité particulière, le circuit se trouvait fermé pendant un temps de l’ordre du milliardième de seconde. Cer- tains appareils (excitateurs) ont été construits de ma- nière à produire théoriquement des oscillations élec- triques dont la longueur d'onde n’excédàt pas 30 cen- timètres, L'effet d'induction est constaté au moyen de l’étincelle qui jaillit dans linterruption d'un fil métal- lique courbé en cercle; ce fil est un résonateur. Muni de ce dispositif, M. Hertz étudie la réflexion de l’onde électrique sur une paroi métallique ; sa réfraction au travers d’un bloc d’asphalte ; sa concen- tration par des miroirs, sa propagation le long d’un fil. Tous les phénomènes de l'optique ou de l’acoustique sont imités par l’onde électrique, Devant un miroir plan, on constate des ondes fixes; le maximum d'in- tensité des phénomènes est dévié de la ligne droite par le passage des ondes dans un diélectrique. M. Hertz trouve, dans un fil, des ondes semblables à celles qui se produisent dans l'air : ; elles ont une longueur par- faitement constante pour un même eæcitateur, et, en mesurant cette longueur dans un fil et dans l'air, M. Hertz est amené à déclarer que la vitesse des ondes électriques dans l’air est du même ordre que celle de la lumière. Ces expériences de M. Hertz furent bientôt répétées dans les principaux laboratoires de l’Europe; les préoccupations de l'Exposition, qui s’étendirent au loin, ne permirent pas de les faire avec tout le soin désirable ; elles avaient plutôt partout le caractère d’ex- périences de démonstration, Le succès n’était pas tou- jours complet, ce qu’on attribuait à des défauts d’ap- pareils, mal copiés pensait-on, sur ceux de M. Hertz. Cependant, dès l’abord, plusieurs difficultés se présen- tèrent, Telle étincelle est bonne, telle autre ne vaut rien; une bobine d'induction, employée pour charger l’excitateur, donne de bons résultats; on n’oblient rien avec une machine de Holtz. Par hasard, un tube de Geissler est un bon résonateur; cinq cents autres ne résonnent pas. À chaque nouvelle expérience se place un pourquoi auquel on ne trouve pas de réponse. Les esprits chercheurs demandent à être mieux renseignés, et attendent des détails plus précis sur les expériences concluantes. La place dont nous disposons ne nous permet pas de nous arrêter plus longuement sur plusieurs points de détail qui sont loin d’être clairs; nous avons hâte d’en venir aux dernières nouvelles. Il y à un mois, une commission de l’Académie des sciences fut chargée de décerner un prix pour le meil- leur travail sur.la physique fait dans les deux dernières années. Le prix fut décerné à M. Hertz, tout en faisant « des réserves formelles sur la valeur démonstrative de certains résultats ». Les membres de la Commission qui avaient insisté sur ces restrictions ne se croyaient pas si près de voir leurs craintes confirmées par l'ex- périence. Le 13 janvier, M. Corru a présenté à l’Académie une note de MM. Edouard Sarasin et Lucien de la Rive (de Genève), dans laquelle ces habiles expérimentateurs annoncent une résonance multiple et démontrent que la longueur d'onde observée dans un fil est étroitement liée au résonateur, Avec un mème excitateur et des résonateurs variant du simple au double, ils trouvent des longueurs d'onde qui leur sont proportionnelles. « Ce résultat, dit à cette occasion M. Cornu, est extrèémement grave pour la théorie de M. Hertz : en effet, le seul élément expérimental fixe et incontestable paraissait être la valeur de la longueur d'onde de la propagalion électrique corrélative d’une période bien définie de l’excilateur, «< Nous apprenons aujourd’hui que cette longueur d'onde est variable avec l'appareil d'observation : la théorie de M. Hertz est alors enfermée dans un dilemme dont les deux termes sont également fâcheux : l'expé- rience montrant que 1 = — VT est variable, ou bien c’est la période T qui n’est pas fixe et unique, conclusion contraire à Phypothèse fondamentale, à l'idée originale de l’auteur; ou bien c’est le facteur V qui est variable avec l'explorateur, conséquence absurde, puisque V doit représenter la vitesse de propagation de l’indue- tion, c’est-à-dire une constante spécifique. « On voit qu il est très prudent de procéder comme l'ont fait MM. Sarasin et de la Rive, c’est-à-dire d'étudier d’abord et avec précision la méthode expérimentale, très curieuse, imaginée par M. Hertz, avant de songer à la présenter comme une démonstration de l'identité de l'électricité et de la lumière ». Avant même que les expériences de MM, Sarasin ef de la Rive aient donné lieu à cette critique de M. Cornu, l’éminent physicien avait déjà formulé des doutes à l'égard des conclusions de M. Hertz. Dès la première séance de la Société française de physique dans laquelle les expériences de M. Hertz furent fidèlement répétées par M. Joubert, M. Cornu montra un scepticisme marqué sur divers points, et en particulier sur le calcul de la période d’oscillation de l’excitateur, Aujourd’hui, M. Cornu répète que ce calcul repose « sur des bases contestables »; peut-on, en effet, calculer la période de l’excitateur sans faire intervenir l'énorme capacité, Pauto-irduction et la résistance très considérable de la bobine qui sert à charger l’exei- tateur ? N'est-ce point là le motif des insuccès auxquels conduit l'emploi d’une machine de Hollz? C'est ce que de nouvelles expériences nous apprendront peut: ètre. De quelque manière que l’on envisage la question, on reconnaitra que la communication de MM. Sarasin et de la Rive commentée par M. Cornu constitue un gros événement scientifique, Sans attaquer les bases de la méthode de M. Hertz, ni les conclusions que l'on pourra en tirer, les faits récents amènent à penser que plusieurs détails importants de cette méthode ne pourront être considérés comme définitivement acquis à la Science que lorsqu'ils auront été soumis au crible d’une expérimentalion nouvelle, Ch.-Ed. Guillaume. Le Gérant : Ocrave Don. Imprimerie F, Levé, rue Cassette, 17. sû An na v de er Meteo dénis ete L - 26: di" D, LU N° 3 15 FÉVRIER 1890 REVUE GÉNÉRALE ES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER ÉTUDES RÉCENTES SUR LES COMÈTES ET LES ÉTOILES FILANTES De tout temps l'apparition des comèles a vi- vement frappé les imaginations ct partout ces astres ont été considérés comme des présages, heureux ou malheureux suivant les circons- lances, mais en général malheureux et même terribles. Jusqu'à la fin du xvr° siècle on les consi- déra, avec Aristote, comme de simples méféores, c'est-à-dire comme des phénomènes ayant leur siège dans l'atmosphère terrestre ; et par suile on ne crut pas utile d'observer leurs routes dans le ciel. À cette époque, elles renversèrent l'hypothèse -si persistante de l’incorruptibilité des cieux, qui les emprisonnait dans l'orbite de la lune; en même temps elles prirent rang parmi les astres et on commença de les observer; mais leur vraie route ne fut découverte que par Newton. Dès ce moment, il fut possible de fixer leur véritable orbite parmi les planètes et leur apparition n'eut plus rien de merveilleux. La découverte de la périodicité de la comète de Halley augmenta l'intérêt qui s’atta- chait à leur étude et à partir du xvurr° siècle on ne se contenta plus de les observer quand elles se présentaient fortuitement; on les chercha avee assiduité : Messier le premier s’est acquis dans cette sorte d'investigation une grande célébrité. Depuis lors, l'intérêt présenté par les comètes ne s’est pas affaibli; on les cherche aujourd’hui avec tant de zèle que certaines d’entre elles, quoique faibles, sont découvertes à peu près en même temps par plusieurs astronomes. On les étudie ensuite aussi longtemps que le permettent les puissants instruments dont on dispose, parce qu’elles ont fourni sur la constitution de l'Uni- REVUE GÉNÉRALE, 1890. vers des données extrêmement importantes, et promettent de nous révéler encore bien des se- crets. De plus, en raison des difficultés que présente le calcul de leurs perturbations, elles sollicitent les efforts des Analystes et contribuent ainsi aux pro- grès des Mathématiques elles-mêmes. I. — NOMBRE DES COMÈTES Le nombre de comètes vues jusqu'ici et dont il a été possible de calculer les orbites s'élève à près de 350, parmi lesquelles 13 ont été vues plusieurs fois avec certitude, de sorte que leur périodicité est bien établie; 17 autres (1), vues une seule fois, ont des périodes inférieures à 100 ans, mais il est prudent de ne pas les inscrire définitivement sur Ja liste des comèles périodiques, car certaines d’entre elles n'ont pas été revues aux époques indiquées par le calcul, soit par suite de leur désa- grégation, soit à cause de perturbalions qu'elles ont subies de la part des grosses planètes. Ces perturbations, qui ont pu changer complètement leurs routes, ne peuvent être calculées avec pré- cision, parce que, en général, les observations d’une seule apparition sont insuffisantes pour bien déterminer les éléments de l'orbite, particulière- ment le grand axe. Les anciens avaient remarqué seulement les comètes les plus brillantes; jusqu’à l’invention des lunettes on en trouve à peine #4 dont on ait pu dé- (1) Il faudrait peut-être les réduire à 15, car Le Verrier a montré presque avec certitude que la comète de Vico est la même que celle de 16178; et la comète de Blanpain (1819) pouvait être identique avec celle de Grischow (1743). 3 66 G. BIGOURDAN. — ÉTUDES RÉCENTES SUR LES COMÈTES ET LES ÉTOILES FILANTES terminer les orbites, et tant mal que bien d’ailleurs, parce que, comme je l’aidéjà dit, on ne cherchait pas à fixer leurs positions avec exactitude. C’est en 1678 que fut rencontrée la première comète télescopique : découverte par La Hire à Paris avec une lunette, elle resta toujours invisible à l’œil nu. Le total de celles qui ont été découvertes avant 1700 et dont on a pu calculer les orbites est de 62; le xvm° siècle en vit découvrir à peu près aulant (59); le xix° siècle sera plus riche encore, car de 1801 à 1890 il en a été observé 208 (1). En 1889, il en a été découvert sept dont l’une [d 4889 — 1889 V (2)}, trouvée par M. R. Brooks, à Geneva (Etat de New-York), le G juillet, est des plus intéressantes : d’abord elle est périodique et sa durée de révolution est assez courte, car une détermination provisoire donne sept ans. En 1886 elle a passé très près de Jupiter qui a dû changer considérablement son orbite. M. Chandler pense qu’elle pourrait être identique à la célèbre comète de Lexell (1770 IT). En outre, elle était accompagnée de plusieurs autres petites comèles qui sans aucun doute se sont formées à ses dépens. Il. — LE MILIEU RÉSISTANT La comète d'Encke, appelée aussi comète de 1200 jours parce que c’est à peu près sa période, présente une anomalie très remarquable en ce que la durée de sa révolution diminue progressive- ment, ainsi que Encke le reconnut le premier; cette découverte a été confirmée par les calculs de von Asten et de M. Backlund : de 1819 à 1868, le retour au périhélie s’est ainsi avancé de 12 jours. Mais cette diminution de la durée de révolution, régulière jusqu'à 1868, a changé par suite de causes encore inconnues : on attribue le fait àaune modifica- tion dansla constitution physique dela comète. L'ac- célération du moyen mouvement, qui était d'abord de 0"10, n’est plus que de 0"05, d’après les obser- vations faites de 1871 à 1885. Le calcul des pertur- bations de cette comète est rendu d’ailleurs dou- blement pénible par la rapidité de son mouve- ment et par son passage fréquent près de diverses planètes, qui latroublent fortement. Ainsi, en 1858 et en 1878, elle s’est beaucoup rapprochée de Mer- eure ; les perturbations produites par cette planète étaient alors assez considérables pour fournir une détermination nouvelle de sa masse : en admettant (1) En comptant pour une seule les diverses apparitions de la même comète périodique. (2) C’est-à-dire la quatrième (d) comète découverte en 1889, et la cinquième (V) de la même année dans l’ordre des pas- sages au périhélie. De même e 1888 = 18891, désigne la cin- quième (e) comète découverte en 1888, mais qui a passé au péri- hélie qu’en 1889 ct la première de cette année. que l'accélération du moyen mouvement de la comète n'ait pas varié de 1881 à 1885,M. Backlund a trouvé pour la masse de Mercure (celle du soleil étant prise pour unité) zx Valeur à peu près double de celle qui était généralement admise. Encke expliqua l'accroissement de vitesse de sa comète par l’action d’un milieu résistant hypothé- tique qui, à chaque instant, courbant un peu plus la route de la comète, la rapprocherait du Soleil et diminuerait ainsi la durée de sa révolution. Déjà en 1744, de Chézeaux avait émis l’idée d'un milieu répandu dans l’espace céleste et exerçant une certaine extinction sur la lumière; Euler, Bos- sut, Laplace, etc., examinèrent successivement l'influence qu'un tel milieu pourrait avoir sur les mouvements des astres. La découverte de l'accélération du moyen mou- vement de la comète d'Encke donna une assez grande probabilité à l'existence de ce milieu, dont Encke supposait la résistance proportionnelle au carré de la vitesse de l’astre et à l'inverse du carré de la distance au Soleil. En 1861 les recherches de M. A. Moœller firent naitre l'espoir que la comète de Faye présenterait un second exemple de l’énigmatique accélération ; mais dans la suite il a été possible de représenter les observations en ne faisant intervenir que la seule loi de l'attraction universelle. Plus tard Oppolzer crut rencontrer une accélé- ration analogue pour la comète de Winnecke; mais les recherches plus approfondies que M. de Hærdtl vient de publier montrent qu'il n’y ena aucune trace, Ù La comète d’Encke offre donc le seul exemple jus- qu'ici connu de cette anomalie; il est vrai que, de toutes les comètes périodiques, c'estcelle qui se rap- proche le plus du Soleil; mais des comètes non pé- riodiques s'en rapprochent beaucoup plus encore ; telle fut la grande comète de 1882 dont on oblint de bonnes posilions avant son passage au péri- hélie et qui rasa presque la surface du Soleil. Si le milieu résistant existait, du moins {el que le con- cevait Encke {1), son action, proportionnelle à l’in- verse du carré du rayon vecteur, aurait dû être notable, et cependant M. Kreutz a pu représenter toutes les observations sans fure intervenir un tel milieu. Ce résultat, rapproché de la variation inexpli- quée de 1868, est peu favorable à l’existence d’un milieu résistant, repoussée autrefo.s par Bessel et combatlue encore il y a quelques jours par M. Faye. Toutefois avant de l’abandonner défini- (1) Oppolzer pensait qu’il faudrait tenir compte, en outre, de la densité de la matière cométaire, avec laquelle peut varier la résistance du milieu. CT CEE «ri es £ G@. BIGOURDAN. — ÉTUDES RÉCENTES SUR LES COMÊTES ET LES ÉTOILES FILANTES 67 tivement, il est bon d'attendre que l’on ait étudié complètement la comète de Brorsen, la seconde des comètes périodiques dans l'ordre des dis- tances au Soleil, et dont la théorie a élé unpeu négligée. IT. — COoMÈTES DOUBLES OU MULTIPLES La division de la comète découverte en 1889 par M. Brooks a rappelé l'attention sur les comètes multiples. Les anciens nous ont laissé la descrip- tion de comètes qui se sont parlagées ; mais leurs récits furent traités de fables jusqu'au premier dédoublement bien constaté, celui de la célèbre comète périodique de Biéla, dont la durée de ré- volution est de 6 ans £ : elle se dédoubla vers la fin de 1845 et fut revue en 1852, époque où les deux parties étaient fort écartées. Elle n'a plus élé aperçue depuis, bien qu'en 1865 par exemple elle se trouvät dans d'excellentes conditions de visibilité. En 1872 et en 1885 elle devait être voisine de la Terre; on la considère comme l’o- rigine des pluies extraordinaires d'étoiles filantes du 27 novembre de ces deux années. La comète 1860 I, découverte à Olinda (Brésil) par M. Liais, fournit le second exemple de comète double. La grande comète de 1882 (1882 IT) qui fut visi- ble en plein jour les 48 et 19 septembre, et dont le noyau se divisa sous les yeux des observateurs, était accompagnée de fragments comélaires assez nombreux, remarqués principalement par M. Bar- nard. Aussi il a examiné, dit-il, depuis celle époque les environs des nombreuses comètes qu'il a observées; c’est ainsi quil à découvert, le 1° et le 2 août 1889, divers compagnons (ou petites comètes secondaires) très voisins de la comète Brooks et dont le plus brillant a été observé assez long- temps : il avait une queue dirigée comme celle de la comète elle-même ; il s'écartait assez rapidement” de celle-ci en ligne droite, ce qui montre bien qu'il s'était formé aux dépens de la comète même, et à une époque très peu éloignée. Ces divisions de comètes soulèvent des ques- tions du plus haut intérêt. Se produisent-elles sous l'influence de perturbations extérieures ou de cau- ses inteslines? C’est ce que l’on ignore exactement; à priori on conçoit plusieurs causes : si par exemple une comète passe très près d’une planète, les dif- férences d’action de celle-ci surles diverses parties de la comète seront considérables et il pourrait en résulter un commencement de division qui se con- tinuerait ensuite. Pour la comète Brooks de 1889 certains obser- vateurs ont vu la queue du compagnon principal se prolonger jusqu'à la comète mème; et tandis que l’éclat de la comète diminuait, celui du com- pagnon allait en augmentant, comme si une por- tion de la comète s'était écoulée dans le compa- gnon. Les deux parties de la comète de Biéla avaient déjà offert des fluctuations de ce genre, l’une augmentant d'éclat, quand l’autre dimi- nuait, Les changements intérieurs que subissent les comètes se manifestent d’autres fois par de grandes varialions d'éclat, dues sans doute à des éruptions, mais dont la cause nous échappe également. Ainsi la comète périodique Pons-Brooks, dont la durée de révolution est de 71 ans 5 et qui a été visible en 1883-84, a présenté à plusieurs reprises des variations d'éclat considérables et presque subites; plus récemment, la comète Sawerthal (1888 I) a présenté des fluctuations plus considérables en- core avec celte circonstance remarquable que, lorsque le noyau devenait plus brillant, la nébulo- sité perdait de son éclat, et inversement; pour la comète de Halley on avait déjà remarqué cette sorte de compensalion entre l'éclat du noyau et celui de la chevelure. IV. — ORIGINE DES COMÈTES Les comètes périodiques sont généralement fai- bles; soumises plus longtemps que les autres à l’action des planètes, elles doivent se diviser plus rapidement que les comèêtes non périodiques; on a vu en effet avec quelle rapidité s’est dispersée la matière qui formait celle de Biéla. Puisqu'elles se désagrègent ainsi, comment se fait-il que toutes n'aient pas encore disparu en lambeaux? C'est, sans doute, ce qui aurait déjà eu lieu, si elles ne se re- nouvelaient point. Quelle est donc l’origine des comètes? Pour certains astronomes elles appar- liennent toutes el toujours au système solaire; toutes seraient périodiques, décrivant des ellipses plus où moins allongées dont le Soleil occuperait un des foyers. Les comèles seraient alors le résidu de la nébuleuse primitive aux dépens de laquelle a été formé le système solaire, ou, suivant d’autres, des matériaux provenant des grosses planètes et projetés dans l’espace par des volcans, auxquels on peut supposer, en remontant assez haut, beau- coup plus d'énergie qu'à ceux qui sont en activité sous nos yeux. Mais l'hypothèse la plus générale- ment adoptée est celle de Laplace, d’après laquelle les comètes, venant de l’espace inter-stellaire,mar- chent à l’origine sur des orbites paraboliques ou hyperboliques, pénètrent dans le système solaire en étrangères pour en ressortir le plus sou- vent, mais quelquefois s’y trouvent fixées par l’ac- tion pertarbatrice d’une planète; dans d’autres cas cette planète peut déformer leur ellipse actuelle, la transformer en parabole ou en hyperbole et re- jeter ainsi la comète hors du système solaire. 68 G. BIGOURDAN. — ÉTUDES RÉCENTES SUR LES COMÈTES ET LES ÉTOILES FILANTES Tel a été sans doute le cas de la célèbre comète de Lexell (1770 IL), découverte à Paris par Mes- sier le 14 juin 1770, et à laquelle Lexell reconnut une durée de révolution de 5 ans 5. Mais, se demanda-t-on aussitôt (1), « comment se peut-il faire qu'une comète qui revient à nous tous les cinq ans et demi ait été observée pour la première fois en 1770? » Citons textuellement la réponse de Lexell : c’est l’origine de la théorie de la capture des comètes périodiques par les planètes (2): « On pourrait, dit-il, hasarder plusieurs conjectures, pour rendre raison d’un événement si singulier, mais je me contenterai d'en proposer une qui parait très probable. Comme la distance aphélie de la comète au Soleil est presque égale à la dis- tance de Jupiter à cet astre, il naît de là un soup- çon qu'il a pu se faire que le mouvement de celte comète fut autrefois dérangé par l’action de Ju- piter, de manière qu'elle ait décrit une orbite toute différente de celle qu’elle parcourt actuel- lement : on trouve par le calcul que cette comète a été en conjonction avec Jupiter, le 27 mai 1767, et que la distance de l’une à l’autre n’était que + de la distance de la comète au Soleil, d’où, ayant égard aux masses de Jupiter et du Soleil, on conclut que l’action de Jupiter sur la comète était trois fois plus grande que celle du Soleil, et que par consé- quent elle a été assez forte pour changer le mou- vement de cette comète d'une manière d'autant plus sensible, que n’ayant dans son aphélie qu'un mouvement fort lent, elle a été exposée plus longtemps à l’action de Jupiter. » Lexell ajoute qu’en 1779 la comète passerait plus près encore de Jupiter qu’en 1767 et que par suite la comète subirait « un changement total dans son mouve- ment ». Et cette comète n'a peut-être pas été revue depuis (3). Le résullal singulier auquel était parvenu Lexell ne devait être admis qu'après les preuves les plus incontestables, et, peur les ac- quérir, l’Institut proposa comme sujet de prix pour l’an IX la détermination de l'orbite de cette comète. Le mémoire couronné, celui de Burckhardt, con- duisit à peu près aux résultats antérieurs, sur lesquels il ne resta plus alors aucun doute. Laplace confirma ensuite l'hypothèse de Lexell en faisant calculer l’action de Jupiter en 1767 et en 1779 : il trouva que la comète avait dû être invisible avant la première de ces époques et le redevenir après la (1) Pingré, Cométographie, {. I, p. 89. (2) Mémoires de l’Académie des sciences, 1776, p. 648. (3) M. Schulhof vient d'annoncer qu'il espère l’identifier à la comète de Finlay (1886, VII); de son côté M. Chandler iense qu’elle peut étre identique à la comète découverte uop 889 par M. Brooks : ses arguments sont trés sérieux, inais on ne pourra se prononcer avant d’avoir une détermi- nation plus exacte de la durée de révolution de cette comète Brooks (1889, V). dernière. Le Verrier, qui a depuis repris la ques- tion en la serrant de plus près, n’est pas aussi affirmatif, mais il résulte de son travail que la comète, après 1779, a pu s'échapper sur une orbite hyperbolique. Cette question si intéressante de la capture des comèêtes par les planètes n'avait été abordée jusqu'ici que par des calculs numériques, et on n'avait pas donné d'indications générales sur le mécanisme de la transformation radicale qu'une planète (et en particulier Jupiter, la plus grosse de loutes) peut opérer sur une orbite cométaire don- née. Cette lacune vient d’être comblée par M. Tis- serand (1) qui a montré que l’action de Jupiter s’exerçant sur une comète parabolique dont les éléments ont entre eux des rapports convenables, pourrait la transformer, même en une seule fois, en une comète elliptique analogue à un grand nombre de celles qui sont actuellement fixées dans le système solaire. Il existe même deux crite- ria permettant de juger si des comètes vues à diverses époques peuvent être des apparitions d’une seule, dont les éléments auraient été forte- ment modiliés dans l'intervalle par l’action per- turbatrice d’une planète. Dans le cours de son travail, M. Tisserand a donné à l’un de ces criteria une forme élégante sur laquelle M. Schulhof a pré- senté quelques considérations intéressantes (2). Afin de compléter le tableau de l’état actuel de la question, ajoutons que pour certains astro- nomes, M. Bredichin par exemple, les comètes périodiques devraient leur origine à la segmenta- tion de comètes paraboliques dont elles se seraient violemment détachées par un phénomène éruptif. De son côté enfin, M. Kirkwood assimile certaines comètes périodiques aux astéroïdes, tout en ad- mettant d'une manière générale que les comètes sont à l’origine étrangères au système solaire. V. — FIGURE DES COMÈTES; LEUR SPECTRE La figure des comètes et les formes de leurs queues sont depuis quelques années l’objet d’é- ltudes suivies, résumées par M. Faye dans une savante notice insérée dans l'Annuaire du Bureau des longitudes pour 1883. Un point sur lequel tout le monde s'accorde, c’est que la formation des queues prouve l'existence d’une force répulsive ayant son origine dans le Soleil. Diverses hypo- thèses ont été proposées sur sa nature: pour Olbers, Bessel, elle était d’origine électrique; pour M. Faye elle naîtrait de la propriété qu’au- raient tous les corps incandescents de repousser (1) Bulletin astronomique, t. VI, p. 241 ct 289. (2) Bulletin astronomique, t. VI, p. 465 et 513. ù i sitnsé VF QI ES États PL LS G. BIGOURDAN. — ÉTUDES RÉCENTES SUR LES COMÈTES ET LES ÉTOILES FILANTES 69 les matériaux réduits à une excessive ténuité. La matière des comètes révèle ordinairement sa nature au spectroscope par trois bandes brillantes qui coïncident avec quelques-unes des raies des hydrocarbures. Outre ces bandes, pour la première fois en 1882 on a observé dans un spectre comé- taire (Comète Wells, 1882 I) la présence des raies du sodium, qui n’ont paru que lorsque la comète a été très voisine du Soleil, alors que les bandes ordinaires avaient déjà disparu. Cette particula- rité prouverait-elle pour cette comète une origine cosmique différente des autres? On ne le croil pas en général. M. Hasselberg pense que les raies du sodium ne seraient visibles qu'à la suite d’une action électrique se manifestant à une faible dis- tance du Soleil, action qui en outre ferait dispa- raitre les bandes des hydrocarbures. Cette manière de voir se trouve confirmée par la grande comète de la même année (1882 Il), dont le spectre pré- sentait, au voisinage du Soleil, uniquement les raies du sodium; plus tard, quand elle s'en fut éloignée, on aperçut les raies des hydrocarbures tandis que celles du sodium disparaissaient. VI. — ÉTOILES FILANTES:; BOLIDES On a vu que les comètes se désagrègent; que deviennent les fragments qui en résultent? Ils donnent naissance à des étoiles filantes. Depuis les travaux de Schiaparelli, de Le Verrier, etc., on sait, en effet, que des essaims d'étoiles filantes cir- culent dans les orbites de quelques comètes; en outre, M. Schiaparelli a montré qu’un essaim de corpuscules attirés par le Soleil doit se déformer peu à peu sous l'influence de cette attraction, en s’allongeant le long de l’orbite même que décrit son centre et former ainsi une sorte de chaine parabolique ; il a reconnu ensuite qu’une planète peut donner lieu à la formation d’un courant ellip- tique par la perturbation qu’elle exerce sur un essaim ayant une orbite de forme quelconque avant le commencement de cette action. On a été ainsi amené à considérer les comètes comme des amas de matière nébuleuse attirés dans notre système par l’action prépondérante du Soleil, et subissant de sa part, comme de celle des grosses planètes près desquelles ils viennent à passer, une déformation progressive qui les allonge en courants paraboliques ou elliptiques, tels que ABT, et sur lesquels la matière est très inégale- ment distribuée ; elle est divisée en une multitude d’amas partiels, sortes de flocons d’une excessive légèreté qui n’ont de commun en chaque point que les directions et les vitesses de leurs mouvements. Mais si, dans quelque partie de l’amas primitif ou du courant qu'il a formé, il existe une ou plusieurs concentrations, de sorte que, par l'attraction mu- tuelle, la matière y résiste à une dissolution en flo- cons isolés, ces parties, telles que A et B, pourront être vues à de grandes distances; elles consti- tueront autant de comètles faisant partie du cou- rant météorique, dans lequel elles pourront se fondre dans la suite jusqu'à cesser d’être visibles à l'état de comète isolée : c'est ce qui à dû arriver pour la comète de Biéla. Si ce courant coupe l’orbite terrestre en un point T, tous les ans, en passant par ce point, la Terre rencontrera des corpuscules qui, par leur passage à travers notre atmosphère, donneront naissance à des étoiles filantes, à des flux périodiques d'intensité variable, suivant le plus ou moins grand rapprochement des flocons nébuleux. Le passage par le point T d’une partie plus dense de l’anneau pourra donner naissance à ces recrudescences périodiques mentionnées de- puis bien longtemps pour les étoiles filantes du 10 août. Quant aux étoiles filantes qui se meuveni indis- tinctement de tous les côtés, et connues depuis Olbers sous le nom d'étoiles filantes sporadiques, elies peuvent provenir de flocons nébuleux arri- vant isolément des profondeurs de l’espace ou de courants méléoriques fortement dispersés par de puissantes attractions. On évalue à environ 100 millions le nombre d'étoiles filantes que reçoit la surface entière de la Terre en un jour. En fixant, d'après A. Herschel, le poids moyen d'une étoile filante à 5 grammes, ce serait un poids total de 500,000 kilogrammes par jour au minimum, car on -ne tient pas compte du nombre d'étoiles filantes invisibles à l’œil nu et qu'on aperçoit dans les lunettes, non plus que des poussières cosmiques invisibles. Avec ces données, on a calculé que la densité moyenne du milieu interplanétaire, à la distance 1 du Soleil, est à celle de l’eau comme 1 est à 10 suivi de 21 zéros, 10??; mais près du Soleil, où viennent s’entrecroiser tous les courants de corpuscules, cette densité doit être 70 H. BEAUREGARD. — LES INSECTES VÉSICANTS bien plus forte; cependant elle ne pourrait | après avoir erré plus ou moins longtemps dans dépasser 1: 105 sans donner lieu à une couronne plus brillante que celle qu’on observe autour du Soleil, pendant les éclipses. Comment se produit la lumière des étoiles filantes ? On l'explique ordinairement par la trans- formation de leur mouvement en chaleur, "par suite du frottement de l'air; mais récemment M. Minary a combattu cette manière de voir, et M. Cornu ne parait pas éloigné d'attribuer l’illumination de la trajectoire des étoiles filantes à un développement ou à une décharge d'électricité statique, sans élé- vation considérable de température. Quant aux bolides, beaucoup d'astronomes les considèrent comme ayant même origine que les étoiles filantes et les comèles; mais les minéra- logistes opposent à cetle assimilation des objec- tions tirées principalement de la structure interne des aérolithes, et M. Faye admet l'hypothèse de Lagrange, d’après laquelle les bolides seraient des matières d’origine planétaire, lancées dans l’es- pace par les volcans et rencontrant la Terre l’espace. Le système solaire, qui de prime abord se limite aux planètes principales, est donc, parcouru en tous sens par un nombre incalculable de corps de toutes dimensions. À la simplicité primitive suc- cède en apparence une complexité extrême. Mais tous ces corps, du plus grand au plus petit, obéissent à la même loi, celle de l’attraction new- tonienne: chaque fois qu'une exception s’est présentée, étudiée avec soin, elle a conduit à de nouvelles découvertes el à une éclatante confir- mation de la règle générale. Cependant les phéno- mèênes cométaires, l’action mystérieuse du Soleil sur l'aiguille aimantée, etc., montrent que d’autres forces exercent aussi leur action dans le système solaire; peut-être sont-elles au fond de la même nature que la cause inconnue qui produit l’attrac- tion : à l'avenir est réservé le soin de soulever le voile qui nous cache encore ces relations. G. Bigourdan. Astronome adjoint à l'Observatoire de Paris. LES INSECTES VÉSICANTS C'est Duméril (1800) qui le premier appliqua le nom de Vésicants à une tribu de Coléoptères dont les principaux types, Cantharide {fig. 1), Meloé (fig. 2), Mylabre (fig. 3), sont renommés, depuis des siècles et par tous les pays, pour la propriété dont jouissent leurs préparations de développer une ampoule lorsqu'on les applique sur la peau. Cantharide ordinaire, Epicauta verticalis. Fig. 4. — Deux espèces de Cantharides. Cette dénomination, après diverses alternatives, fut définitivement adoptée par Mulsant, dans la monographie qu'il publia en 1857. Les recherches les plus récentes ont démontré combien Duméril et Mulsant avaient été heureusement inspirés, car il est hors de doute aujourd'hui, d'une part que tous les Insectes de la tribu sont vésicants (1), d'autre part qu'aucun autre insecte ne jouit de cette propriété. On sait que c’est à la cantharidine, principe dé- couvert par Robiquet (1813), que sont dues les pro- priétés irritantes ou épispastiques des insectes vésicants. Pour déceler la présence de la cantha- ridine, on peut avoir recours à la méthode chimique ou à la méthode physiologique. La première consiste dans l'emploi du ehloro- forme et surtout de l’éther acétique qui permettent ‘d'isoler facilement le principe actif et de l'obtenir cristallisé. Quant à la méthode physiologique, elle a été employée dès 1828 par Bretonneau. On fait agir l’un des dissolvants ci-dessus sur l'espèce étudiée, et on applique l'extrait gras obtenu soit sur les lèvres d’un jeune animal, soit sur la peau. Une ampoule se produit d'autant plus rapidement que l'extrait est plus riche en cantharidine. Nos recherches nous ont conduit à ce résultat que nous énonçons plus haut, à savoir que tous les (4) I faut en excepter toutefois le petit groupe des Horiides, assez récemment réuni à la tribu des Vésicants et qui devrait peut être en être séparé, pour diverses raisons. : +5 NET ‘A B N À A DO AR du QE RME guidera H. BEAUREGARD. — LES INSECTES VÉSICANTS T1 insectes de la tribu sont vésicants. On observera toutefois qu'il y a des degrés suivant l'espèce con- sidérée. Ainsi c’est parmi les Mylabres qu'on trouve les espèces les plus riches en cantharidine. Cer- taines d’entre elles en renferment jusqu'à 42“, pour 1000, tandis que la cantharide ordinâire n'a jamais donné plus de 635 de principe actif pour 1000. Les Meloés (fig, 2) qu’on emploie beau- coup dans nos campagnes et dans la médecine vété- rinaire peuventrenfermer comme les Mylabres, sui- vant les espèces analysées, jusqu’à 12 pour 1000 de cantharidine. On ne doit pas oublier, en comparant les résullats des analyses, que dans une même espèce, voire dans un même individu, la proportion en principe actif est soumise à certaines influences dont quelques-unes sont encore assez mal connues d’ailleurs. Abstraction faite de l’état de conser- vation des échantillons examinés, il est hors de doute que les conditions physiologiques dans lesquelles se trouvent les insectes au moment de la récolte sont susceptibles de faire varier dans une grande mesure les proportions de cantharidine La nourriture plus ou moins abondante dont ils dis- posent dans le lieu où ils se trouvent, l’époque plus ou moins rapprochée de l’accouplement, sont autant de conditions dont il faut tenir compte, ainsi que je m'en suis assuré. Les cantharides Meloe majalis. Meloe proscarabeus. Fig, 2, — Maloés. abondamment nourries sont beaucoup plus actives que celles que l’on soumet à la diète; de même l'époque de l’activité sexuelle est incontestablement celle où le pouvoir vésicant est le plus grand, ce qui se comprend aisément puisque, dans les con- ditions biologiques normales, c’est le moment où la vie de l'insecte atteint sa plus grande intensité. En tenant comple de ces diverses conditions, on s'explique comment le rendement en cantharidine peut varier considérablement d’une récolte à l’autre. C’est ainsi que des cantharides de France (récolte 1866) ont pu donner à M. Fumouze, tantôl 4 gr. 80 de cantharidine, tantôt 2 gr. 75 seulement par ki- logramme d'insectes, De même, des cantharides d'Allemagne (récolte 1866) lui ont donné 4 gr. 35 de cantharidine, tandis qu'il n’en avait obtenu que 2 gr. 15 ou même 1 gr. 10 de cantharides de même provenance (récolte 1865). Des écarts semblables ont d’ailleurs été relevés par divers expérimentateurs. Il est bien établi, comme je le disais plus haut, que tous les insectes de la tribu des Vésicants jouis- sent de propriétés épispastiques. Il est établi de même que ce caractère leur appartient en propre. Quelques Coléoptères, tels que les Carabes, les Chrysomèles, les Coccinelles, appliqués sur la peau, y déterminent de la rougeur, parfois même une légère éruption, mais aucun n'est réellement vési- cant, car aucun ne renferme de la cantharidine. En dehors des Coléoptères, on a attribué à quelques insectes des propriétés de même ordre. C'est ainsi qu'un Hémiptère, une Cigale (Cisada sanquinolenta, Oliv.; Huechys vesicatoria, Port.) est employée en Chine comme vésicant, dans certaines maladies el principalement contre la rage. Les analyses et les expériences les plus récentes (Brongniart et Ar- naud, Fumouze) ont démontré l'absence de toute trace de cantharidine chez cette Cigale. J'ai moi- même expérimenté sur celte espèce et il m'a été impossible de déceler la présence du principe actif. On cite encore une Araignée (Tegenarin medicinalis) qui serait employée comme vésicant dans diverses parties de l'Amérique; ce que l’on sait des Arach- nides laisse à penser qu'on a attribué une vertu épispastique à cet insecle en raison du pouvoirirri- tant du venin qu'il sécrète. C'est done un fait bien acquis : n'existe que chez les Vésicants. On s'est longtemps demandé où siège le principe actif chez ces in- sectes. Il résultait des analyses faites dans le but d'élucider ce point que les parties molles étaient in- comparablement plus riches en cantharidine que les parties dures. C’est l'abdomen que l’on considé- rait comme parties molles, la tête, les pattes et les élytres étant les parties dures. Mes recherches sur la Cantharide m'ont permis d'y déterminer d’une façon plus précise le siège exact de la cantharidine.Celle- ci est localisée d'une part dans les organes géni- taux de l'insecte, et d'autre part dans le sang. Chez le mâle, c’est spécialement la troisième paire de vésicules séminales, à l'exclusion des autres parties de l'appareil génital, qui renferme la substance ac- tive; chez la femelle, c'est à la fois la poche copu- latrice et les ovaires. Les œufs, après la ponte comme dans l'ovaire, manifestent un très éner- gique pouvoir vésicant. la cantharidine 1 19 H. BEAUREGARD. — LES INSECTES VÉSICANTS Il Les insectes vésicants, si bien caractérisés par leurs propriétés épispastiques, le sont également par diverses particularités de structure telles que la mollesse de leurs téguments et la bifidité des ongles qui terminent les tarses ainsi que par un faciès très particulier qui les distingue aisément des autres Coléoptères. IL y a cependant entre leurs différents genres des caractères parfois très tran- chés, mais quin’enlèvent rien au faciès général que l’inelinaison en bas de la tête, la forme et le déve- loppement du corselet contribuent pour une grande part à leur donner. Leur livrée est ordi- nairement assez sombre, et en dehors de quelques teintes à reflets métalliques brillants (la Can- tharide est d'un beau vert doré et certains Meloés d’un bleu métallique) c’est le noir avec le jaune ‘ou le rouge qui font tous les frais de leur parure. D'ailleurs, il est difficile d'imaginer jusqu'à quel point ces 2 ou 3 couleurs peuvent donner lieu dans leur répartition et leur arrangement à des figures variées. Les Mylabres (fig. 3), sous ce rapport, Mylabris melanura. Mylabris sidæ. Fig. 3, — Mylabres, constituent à coup sûr le groupe d'insectes le plus intéressant qu'on puisse voir. Il comprend en ef- fet plusieurs centaines d'espèces chez lesquelles les seules différences ne consistent parfois que dans le nombre ou la forme des ponctuations jaunes qui s'espacent sur le fond noir des élytres ou dans l'épaisseur des lignes noires qui tra- versent le fond jaune. Quand on étudie la distribution géographique des Vésicants, on est frappé de voir qu'un groupe d'insectes relativement aussi peu considérable présente une répartition aussi étendue, En fait, il existe des Vésicants dans toutes les parties du monde, et certains genres comptent des repré- sentants dans toutes les régions. Tels sont, par exemple, le genre Cantharis et le genre Meloé qu'on trouve en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique. On en a même signalé dans des iles plus ou moins éloignées des continents, comme Madère et Madagascar. Mais ce ne sont pas seule- ment ces genres, très riches en espèces, qui se disséminent ainsi dans toutes les contrées du globe; ce sont aussi quelques genres beaucoup moins bien partagés sous le rapport du nombre, tels que Zonitis et Nemognatha. On trouve, en effet, des Zo- nilis en Europe, en Asie, en Afrique, en Amérique et en Australie; des Nemognathes en Espagne, en Grèce, en Afrique, en Sibérie et dans les deux Amériques. Par contre, certains genres font absolument défaut dans des parties déterminées du globe. Les Mylabres, par exemple, qui abondent en Asie et en Afrique, manquent absolument en Amérique. Cette absence totale de Mylabres et de représentants des genres voisins donne à la faune américaine un caractère très particulier que vient compléter la présence de genres qui lui sont propres, tels les Tricrania, Tetraonyx, Henous, Megetra, - Macrobasis, Pyrota, elc., qui sont des genres qu'on ne trouve que dans cette région. La faune asiatique et la faune africaine, remarquables par l’abondance des Mylabres, ont entre elles beaucoup d’autres points communs et sont, par suite, moins bien nettement définies que la faune américaine, Quant à la faune européenne, elle est en quelque sorte synthétique, la plupart des genres y étant repré- sentés. Sa situation géographique l’explique aisé- ment, ainsi que les variétés de climat qu’elle pré- sente du nord au midi. Rappelons toutefois que la faune d'Europe peut se caractériser par l'existence d’un genre qui lui est absolument propre, le genre Siaris. II Le genre Sitaris (fig. #) est devenu célèbre parmi les Vésicants, car, s’il n’est pas employé en théra- peutique, vu sa pelite taille et sa rareté relative, il a fait l’objet des premières recherches de M. J.-H. Fabre sur le développement des Vésicants. Je n’ai pas l'intention de refaire l'historique de cette très intéressante question, mais on ne peut parler des mœurs larvaires si curieuses des insectes qui nous occupent sans citer le nom de M. J.-H. Fabre. Il a étudié ces mœurs avec un soin et une sagacité re- marquables, et il les a racontées dans un style à la fois précis et brillant qui restera le modèle des descriptions zoologiques. Le développement des insectes vésicants est do- miné par deux faits principaux : le parasitisme des larves et l’hypermétamorphose, suivant le nom créé A 1e LE. Loris DE VEN H. BEAUREGARD. — LES INSECTES VÉSICANTS 73 par Fabre pour rappeler les nombreuses phases qui se succèdent au cours de leur évolution. On sait en effet que les Vésicants passent successivement à partir de l'œuf par six états différents : 1° le érion- gulin (fig.5), petile larve hexapode dont les pattes sont chez certaines espèces munies de trois ongles. Fig.4.—Sitaris humeralis (d’après Fabre).—a 2° larve; b pseudo- chrysalide; e 3° larve; d nymphe (à un fort grossissement). 2 La seconde larve, à tégumentsplus mous, à pattes _ généralement courtes. Elle dévore avec avidité et grossit en proportion, si bien que n'ayant souvent pas plus de 2 à 3 millimètres quand elle sort de la mue du triongulin, elle peut atteindre à son état ultime jusqu'à 20 millimètres de long. Au cours de cet accroissement, sa configuration générale pré- sente chez certaines espèces des modifications assez profondes. Tout d'abord elle ressemble assez dans son allure générale aux larves des carabes; Riley donne à cet état le nom d’éfat sarabidoïide; puis survient une mue à la suite de laquelle la larve, par le développement considérable de son abdomen rappelle la forme des larves de lamelli- cornes; d’où le nom d’éfat scarabæidoide que lui donne Riley (ces désignations ne sont applicables qu'à certains genres comme les Epicauta et Can- tharis, mais ne sauraient être généralisées, car elles ne peuvent convenir à la deuxième larve des Sitaris, par exemple). 3° A la deuxième larve succède la pseudo-chrysalide (larva coarctata de Riley). C'est une sorte d'état latent qui dure un temps variable suivant les espèces et qui répond d’une REVUE GÉNÉRALE, 1890. facon à peu près constante à la période hivernale- A ce stade la jeune larve, légèrement contractée et par suite moins volumineuse que dans le stade précédent, est protégée par des téguments plus durs etreste dans un état complet d’immobilité. 4 De la mue pseudo-chrysalidaire sort la érorsième larve qui dans ses traits généraux rappelle abso- lument la deuxième larve. Mais ses appareils buc- caux sont atrophiés,et, bien que manifeslant quel- que activité au début de son apparition, elle ne prend aucune nourriture. Il est à remarquer d’ail- leurs que toute larve de Vésicant cesse de manger à partir de sa transformation en pseudo-chrysa- lide. 5° De la mue de la troisième larve la 7ymple fait issue; et enfin 6° apparaît l'énsecte parfait. Telles sont les diverses phases du développe- ment par lesquelles passent tous les Vésicants. Primitivement démontrées pourles Meloé par New- port et Fabre, pour les Sitaris et les Zonitis par Fabre, elles ont été retrouvées par Lichtenstein chez la Cantharide, par Riley chez les Épicauta et par nous même chez les genres Cerocoma et Ste- noria. À chacun des stades que nous venons d'é- numérer correspond une mue, sauf pour le stade deuxième larve qu'accompagnent plusieurs mues successives, en relation avec l’accroissement con- sidérable qui se manifeste au cours de cette pé- riode où la larve absorbe de grandes quantités de nourriture. Récemment Brauer a tenté de prouver que les phases par lesquelles passent les Vésicants peuvent être ramenées aux quatre phases qu’on observe chez tous les autres Coléoptères. Considé- rant que chez les Coléoptères il existe quatre stades de mue (hautungstadium) qui correspondent à qua- tre stades de développement de l’insecte, il croit pou- voir ramener également à quatre le nombre des stades de développement des Vésicants. Dans ce but, il distingue les nombreuses mues qui se suc- cèdent au cours de l’évolution de ceux-ci en #ues d'accroissement et mues de développement, ce qui nous parait très juste. Ces dernières au nombre de quatre correspondraient aux quatre stades de développe- ment des Coléoptères. Ce seraient : 1° une mue entre le premier stade larvaire et le deuxième ; % une mue entre le deuxième stade larvaire et le troisième ; 3° une mue entre le troisième stade lar- vaire et la nymphe ; 4° une mue entre la nymphe et l'imago. Le stade pseudo-chrysalide est consi- déré par Brauer comme faisant partie du stade deuxième larve; il regarde le tégument épais de la pseudo-chrysalide comme un durcissement de la peau de la seconde larve. C'est à mon avis une erreur, car l'apparition de la pseudo-chrysalide est toujours précédée d’une mue de la deuxième larve, et cette mue n’est évidemment pas une mue d’aceroissement, puisque la pseudo-chrysalide 3 TA H. BEAUREGARD. — LES INSECTES VÉSICANTS est contractée, et qu'il s'écoule un certain temps entre le moment où la deuxième larve cesse de manger et celui où elle mue pour donner issue à la pseudo-chrysalide. Cette dernière mue de la deuxième larve est donc bien une mue de dévelop- pement, et les caractères anatomiques très diffé- rents que présentent la deuxième larve et la pseudo- chrysalide en sont une preuve. Quoi qu'en dise Brauer, je persiste à penser que le stade pseudo- chrysalide caractérise les Vésicants (1) et quelques autres insectes qui ont été signalés parmi les hymé- noptères comme présentant également ce stade. Dans le cas particulier des Vésicants, bien qu'on ne puisse se livrer qu'à des conjectures tant qu'on n'aura pas fait l’élude histologique et anatomique complète de la larve aux diverses phases de son évolution, l'apparition du stade « pseudo-chrysa- lide » semble pouvoir être considérée comme une conséquence du parasilisme. Quoi qu'il en soit, ce quiest certain, c'est qu'avec ce stade commence une seconde phase de l’évolution de l’insecte, la phase de développement par excellence, au cours de laquelle aucune nourriture n’est prise, tous les phénomènes qui s’opèrent consistant dans les métamorphoses successives, aboutissant à la forme parfaite. IV Les Insectes vésicants, avons-nous dit, vivent en parasites pendant leur développement. Les Meloés, les Sitaris, et les Zonitis qui ont élé étudiés les premiers ont en effet été rencontrés dans des cel- lules d'hyménoptères. Ils se nourrissent du miel après avoir dévoré l'œuf auquel il était destiné. Ce premier repas suflit chez les Silaris à amener le triongulin à l’état de seconde larve, c’est-à-dire à une forme nouvelle susceptible de flotter sur le miel nourricier, tandis que le triongulin n'aurait pu s’y soutenir et y devait périr englué. Fabre à éerit dans tous ses détails l'histoire singulière de ce triongulin du Sitaris qui, après avoir attendu pen- dant tout l'hiver à l'entrée de leurs galeries la sortie des hyménoptères (Antophores), s'attache, au moment où ceux-ci gagnent la campagne, aux poils de leur corselet, puis passe du mäle sur la femelle pendant l'accouplement. Là, il attend pai- siblement que la femelle ait amassé la provision dans la cellule qu’elle a construite et gagne préci- pitamment la surface de l'œuf au moment où l’hyménoptère le dépose sur la pàture qui lui est réservée. Les triongulins des Meloés (fig. 5) parais- sent agir de même, à quelques détails près, et l'on pouvait croire que tous les Vésicants vivent au (1) Brauer cite le Meloë erythrochnemus qui ne lui aurait pas présenté de stade pseudo-chrysalide. cours de leur développement en parasites dans les cellules de divers hyménoptères. Les travaux de Fig. 5.— Meloe cicatricosus (d’après Newport). — a Triongulni, b ongles, ce antenne, d pseudo-larve, e nymphe encore en partie dans sa mue. Riley, puis les nouvelles recherches de Fabre et les nôtres ont démontré qu'il en est autrement. Les Epicauta, Macrobasis et Henous, genres amé- ricains assez voisins des Cantharides, sont, à l’état larvaire, parasites des nids de certains Criquets. Ces nids sont des sortes de capsules cylindriques à paroi papyracée où les œufs sont symétrique- ment rangés et dont l’orifice est bouché par une matière spumeuse assez semblable à du blanc d'œuf battu et cuit. Le triongulin des Vésicants en question après sa sortie de l'œuf s'enfonce dans la terre à la recherche des nids de Criquets, ronge le bouchon spumeux et pénètre dans la coque. Là il passe bientôt à l’état de deuxième larve qu'on ‘voit flotter dans un abondant jus formé par les œufs que l'animal ouvre en grand nombre. J'ai voulu savoir si les Epicauta d'Europe (Z. Verti- calis) se comportent de même. Après avoir obtenu le triongulin de cette espèce, je lui ai offert tout d’abord le miel de divers hyménoptères, sans aucun succès. Puis j'ai remplacé le miel par des nids d’un Orthoptère que j'ai pu me procurer assez abondamment (Œdipoda cærulescens). Le triongu- lin s’est attaqué avidement à ces nids el, après avoir absorbé le contenu de quelques œufs, il a subi sa (transformation en seconde larve. Le fait est donc bien avéré : les Epicauta et genres très voisins sont parasites des nids de certains Cri- | | | | | RE DENT ee H. BEAUREGARD. — LES INSECTES VÉSICANTS 75 quets. On peut ajouter plus généralement qu'ils sont parasites des nids d’Orthoptères autant que ceux-ci sont abordables et que les œufs ne sont pas protégés par une coque trop résistante. C'est ainsi que j'ai pu élever des Epicauta verticalis avec des œufs d’Ampuse et de Mante religieuse. Mais il me fallait ouvrir les nids que partagent de nom- breuses cloisons. assez dures pour décourager le triongulin. Les recherches de M. Fabre sur le Cerocoma Sehæfferi ont abouti, d'autre part, à un résultat assez inattendu. C'est, en effet, dans les cellules d’un Hyménoptère (Tachyte) qui nourrit ses jeunes avec de jeunes Mantes que l’éminent zoologiste a trouvé les larves de ce Cerocome. Il a pu les suivre dans les diverses phases de leur développement et constater que la provision de jeunes mantes est absorbée en entier par la larve du Vésicant. IL est assez curieux, comme le dit M. Fabre, de voir chez les Vésicants ce goût prononcé pour l’Orthoptère. Les Epicauta, Macrobasis, etc., préfèrent les œufs, tandis que les Cerocomes mangent les jeunes. — Le Cerocoma Schreberi, sur lequel j'ai fait les premières observations de l'hypermétamorphose du genre, va peut-être plus loin, et je ne serais pas étonné qu'il s’attaquât aux grands Orthoptères adultes que certains Tachytes donnent en pâture à leurs jeunes. Il est certain que dans les endroits où j'ai trouvé ce Cerocome, il existait un certain nombre de ces nids de Tachytes,. Quoi qu'il en soit, il est bien prouvé aujour- d'hui que parmi les Vésicants, les uns ont des larves mellivores (Heloë, Silaris, Zonitis), les autres, des larves carnivores (Æpicauta, Cerocoma, Macro- basis, etc.). Or, il est intéressant de savoir quelle place occupent dans ces groupes la Cantharide ordinaire et les Mylabres, qui sont les Vésicants les plus anciennement connus, Pour la Cantharide, jusqu'à ces dernières années, on en élait réduit aux conjectures. Lichlenstein, de Montpellier, entreprit d’élucider ce point et parvint à démon- trer expérimentalement que ses larves sont mel- livores. J'ai pu vérifier ce fait el l’établir d’une manière définitive en faisant connaître le mode naturel du développement de cet insecte, J'ai montré en même temps — et ceci doit être général — que la larve de la Cantharide n’est pas parasite des cellules d’un Hyménoptère absolument déter- miné, mais des cellules de divers Hyménoptères qui produisent un miel réunissant certaines con- ditions de composition et de consistance, et qui le renferment dans des cellules à paroi mince. C'est ainsi que j'ai toujours trouvé les pseudo- chrysalides de la Cantharide au voisinage de cel. lules de Colletes (Colletes signata, C. cunicularis) dont les parois papyracées et minces sont facile- ment atlaquées par les mandibules du triongulin. Le triongulin des Cantharides se comporte, en effet, comme celui des Epicauta. Loin de recher- cher les fleurs comme celui des Meloés pour y at- tendre le passage de quelque Hyménoptère aux poils duquel il pourra s’acerocher, il fuit la lu- mière, s'enfonce avec activité dans le sol et court évidemment à la recherche de cellules remplies d’une pâture à sa convenance. Nous ne savons rien encore du développement des Mylabres. Toutefois, la forme des triongulins me laisse croire qu'ils appartiennent au groupe des Vésicants dont les larves sont carnivores, et je ne serais pas élonné d'apprendre qu'à l'exemple des Cerocomes, ils s'attaquent aux cellules de quelque Hyménoptère nourrissant ses larves d'Or- thoptères. V Quand on jette un coup d’œil d'ensemble sur les mœurs larvaires des Vésicants, on remarque qu'il est possible d'établir deux groupes, suivant que la larve est sédentaire ou errante. J'entends par larve sédentaire celle qui, s'étant installée dans une cellule pourvue abondamment de nourriture, yreste pendant tout le cours de son évolution, jusques et y compris la transformation en insecte parfait. C’est le cas pour les Sitaris, les Zonitis et un certain nombre de Meloés (fig. 6). Fig, 6 AMeloe Cicatricosus (d’après Newport). — Dans les cel lules d’Anthophora retusa. La larve errante est celle qui, parvenue à la pé- riode ultime de son second stade, abandonne la cellule ou le nid d'Orthoplère qui lui a servi de grenier d'abondance, et va creuser à quelque dis- tance une loge où elle se transforme bientôt en pseudo-chrysalide et subit les dernières phases de ses métamorphoses. C’estle cas dela Cantharide, des Cérocomes et des Epicauta (fig. 7). Dans le premier cas (Sitaris et Zonitis), la pseudo-chrysalide reste incluse dans la mue de la deuxième larve et la troi- sième larve dans la mue de la pseudo-chrysalide, et c’est dans cette double enveloppe que s'opèrent les transformations finales. Dans le deuxième cas (Gantharide, Cérocome, Epicaula ) les choses se passent autrement. La mue de la deuxième larve 76 L. POINCARRÉ. — LA VISCOSITÉ ET LA RIGIDITÉ DES LIQUIDES se fend pour livrer passage à la pseudo-chrysalide qu’on trouve toujours alors portant à son extré- mité postérieure la mue de la seconde larve sous forme d’une petite pelote fripée. La troisième larve sort complètement aussi de la mue de la pseudo- chrysalide qu’on retrouve alors à côté de la troi- sième larve, mais conservant grâce à sa consis- tance la forme de la pseudo-chrysalide. \ Fig. 1 Epicauta vittata (d’après Riley). — a État carabidoïde de la 2e larve; b état ultime de cette seconde larve; e man- dibule de cette larve; d pseudo-chrysalide de la même espèce; e nymphe de Æpicauta cinerea. Ici se place une observalion relative aux Meloés qui semble bien montrer que ce genre est inter- médiaire aux deux groupes précédents. D'une part, chez les Meloés,la pseudo-chrysalide ne sort qu'à demi de la mue de la deuxième larve ou sort complètement (M. cyaneus) (fig. 8) et la troisième larve elle-même ne fait dans la plupart des cas que passer sa tête et son corselet hors de la mue pseudo-chrysalidaire, ou s’en dé- barrasse complètement. D'autre part, j'ai trouvé que la deuxième larve de certaines espèces (M. cya- neus, M.autumnalis),aulieu d’être sédentaire comme celle de M. ci- catricosus, est errante et va creu- ser loin de la cellule de l'Hymé- noptère une loge où elle se trans- forme en pseudo-chrysalide et subit ses dernières transforma- lions. La place qui m'est donnée pour cette analyse de l’histoire des Vésicants ne permet pas d'entrer dans les considérations que peut faire naitre l'étude attentive des faits que je viens de rappeler brièvement. Ce qui ressort de cette élude, c’est qu'il reste encore beaucoup à faire et que nombre de points relatifs au développement des Vésicants sont à élucider. C'est le cas de dire avec Gebler: «Au surplus, la postérité ne se plaindra pas que nous ne lui ayons laissé rien à observer. » Fig. 8. — Meloe cyaneus, Pseudo- chrysalide gros - sie de & environ; m, mue de la 2e larve. D' H. Beauregard, Professeur agrégé à l'Ecole supérieure de Pharmacie. LA VISCOSITÉ ET LA RIGIDITÉ DES LIQUIDES Si un ensemble de forces agissant sur une masse matérielle homogène vient à la déformer sans la comprimer ou la dilater, deux genres de réactions bien distinctes peuvent apparaitre, qui s'opposent à l'effort exercé. Pendant le temps de la déformation, et pendant ce temps seulement, les premières se font sentir ; elles dépendent essentiellement de la plus ou moins grande rapidité de la déformation; elles ces- sent avec le mouvement et ne sauraient en aucun cas ramener le corps à son premier état d’équi- libre : l'existence de ces réactions nous conduit à l’idée de viscosité. Les secondes sont de nature différente ; elles con- tinuent à s'exercer quand la déformation reste stationnaire, et si les forces extérieures viennent à disparaitre, elles sont capables de faire revenir le corps à sa forme initiale pourvu qu'une certaine limite n'ait pas été dépassée : elles constituent la rigidité (1). (4) En général, on appelle effet de cisaillement (shear) une dé- La cohésion est le résultat de ces deux systèmes de réactions. I On a étudié avec le plus grand soin la cohésion des solides, la rigidité surtout. Dès 1678, Hooke énonçail comme résultat de ses expériences sur les ressorts la loi fondamentale qui renferme toute la théorie : Le changement de forme est propor- formation par laquelle une sphère de rayon égal à l’unité se transforme en un ellipsoïde dont les axes sont 1,1 + e et 1 —e. Dans le cas particulier d’un corps isotrope, c’est-à-dire possédant les mêmes propriétés dans toutes les direc- tions, si l'on considère un cube abcd taillé 4, + 4 a! d’une manière quelconque dans la masse ct que l'on suppose la face supérieure ex sou- mise à une force tangentielle T qui l’amène en c'd', tandis que la face ab est maintenue Pa immobile, la déformation produite est un ci- saillement. La force T rapportée à l’unité de surface est l’efort de cisaillement; dans- la limite de l’élasticité parfaite elle est . # ’ ce . proportionnelle au déplacementec'; le rapport — recoit le ac 3 nom de résistance au cisaillemeut ( Resistance to shearing); dans le cas considéré on l’appelle également la rigidité simple. RTE TU! 4% L. POINCARRÉ. — LA VISCOSITÉ ET LA RIGIDITÉ DES LIQUIDES 71 tionnel à la force extérieure, ou, ce qui revient au même, la réaction est proportionnelle à la défor- mation : wf tensio sic vis. À cette époque, les savants désireux de sauvegarder la priorité de leurs décou- vertes et peu soucieux de les faire connaitre avant le complet achèvement de leurs travaux, n'avaient pas encore imaginé les plis cachets qui encombrent aujourd'hui les cartons des Académies ; ils avaient coutume de recourir à des anagrammes sous les- quels ils énonçaient, en les voilant, les résultats obtenus; on ne peut s'empêcher de sourire en son- geant que la belle loi de Hooke fut tout d'abord publiée sous l'anagramme : ceiinossttuv. Depuis deux centsans,les déformations dessolides ont été l’objet de travaux analytiques de premier ordre et de recherches expérimentales de haute- précision; cette étude est classique, nous la laisses rons ici complètement de côté. La cohésion des liquides est moins connue. Des travaux tout récents et très remarquables ont ra- mené l'attention sur cette importante question ; nous allons essayer de les exposer sommaire- ment; maisilest nécessaire auparavant de rappeler les résultats antérieurement connus, et d'indiquer les considérations théoriques qui ont guidé l’expé- rience. Le calcul est un instrument admirable, la langue algébrique est parfaite, mais il est souvent pos- sible de ne l'employer qu'avec réserves ; nous cher- cherons à expliquer les idées qui ont conduit à la théorie, sans entrer dansles détails mathématique de l'analyse. Il Quand les idées de Pascal furent admises, les liquides apparurent comme des fluides parfaits : sur chaque élément plan, le résultat de toutes les actions exercées par la masse liquide est une pression normale à l'élément, et cette pression se transmet intégralement à tous les éléments. Ce principe entraine des conséquences nombreuses et faciles à vérifier, une entre autres : la surface libre d’un liquide en équilibre doit être plane et hori- zontale ; les liquides, même très épais, pourvu qu'ils ne renferment pas de particules solides, finissent toujours par prendre une position d'équilibre con- forme à! la théorie. Obermayer (1) plaçait un mor- ceau de poix sur une gouttière, au fond de la gout- tière il mettait un bouchon de liège et par-dessus la poix un caillou; au bout de quelques jours la poix s'était moulée sur la gouttière, la surface était plane et horizontale, le caillou tombé au fond, le bouchon surnageait à la surface. L'équilibre du (1) Wicner Anzeiger 90, système s'était établi suivant les lois ordinaires de l’hydrostatique. Ces observations conduisent à considérer la rigi- dité comme absolument nulle dans les liquides, cette rigidité ne pouvantexister sans action tangen- tielle aux éléments s'exerçant dans un liquide dé- formé en équilibre ; la généralité des propriétés de la matière a fait cependant supposer depuis long- temps que les fluides devaient recéler des traces de rigidité; mais il a fallu de nombreux efforts pour les démasquer; un physicien russe d'une extrème habileté, M. Schwedoff, y est récemment parvenu. On s’est aperçu beaucoup plus rapidement de l’in- suffisance des lois de l'hydrodynamique déduites de la supposition de pressions normales aux élé- ments. Newton, Bernouilli, Euler soupconnaient celte insuffisance. Un grand nombre de faits fami- liers la démontrent neltement : une expérience célèbre entre toutes en est une preuve évidente : dans ses mémorables recherches sur l'équivalent mécanique de la chaleur, Joule faisait tourner dans un calorimètre plein d’eau des palettes métalliques; si les actions tangentielles n'exis- laient pas, le liquide entrainé glisserait sans frot- tement sur le liquide ambiant et le travail moteur serait le même, que les palettes plongent ou ne plongent pas dans la masse liquide. La viscosité où frottement interne des liquides se manifeste donc nettement dans le mouvement; depuis longtemps déjà on l'a étudié. Nous parlerons de la viscosité avant d'aborder la question de la rigidité : c'est l’ordre chrono- logique. Quand une science n’est pas terminée, quand il est impossible de l’exposer d’une façon dogmatique, l'ordre même des idées qui se sont successivement présentées à l'esprit des cher- cheurs n'est-il pas celui qu'il convient de suivre ? III Navier (1), le premier, a proposé une théorie d'ensemble sur le mouvement des fluides, en te- nant compte de la viscosité. Comme dans toutes les théories moléculaires, il suppose les liquides formés par des molécules sou- mises (indépendamment des actions extérieures telles que la pesanteur) à des forces d'attraction mutuelle, et à des forces émanant des molécules des corps avec lesquels le fluide est en contact. Ces forces s’exercent suivant la droite qui joint les molécules deux à deux, sont proportionnelles aux masses, dépendent de leur distance respective, diminuent quand la distance augmente, et s'an- nulent pour les valeurs de la distance supérieure (4) Mémoires de l’Académie des Sciences, VI, 1823. 18 L. POINCARRÉ. — LA VISCOSITÉ ET LA RIGIDITÉ DES LIQUIDES à une limite très petite; en outre, si le liquide est en mouvement, l’action de deux molécules qui s’approchent -ou s'éloignent est augmentée ou diminuée d’une quantilé proportionnelle à la vi- tesse relative des deux molécules. Traduisant ces données, le calcul permet de trouver les équations différentielles générales du mouvement; ces équations sont compliquées : elles conduisent à définir en chaque point un certain coefficient y qui pourrait dépendre de la densité au point considéré; Navier suppose que ce coefli- cient est le même pour tous les points du fluide; il varie seulement avec sa nature et son état ther- mique ; c’est une hypothèse, mais l'expérience la légitime. On a appelé p coefficient de frottement interne ou coefficient de viscosité: il est facile de démon- trer la proposition suivante : Imaginons dans la masse liquide deux plans parallèles distants de l'unité de longueur, mobiles l’un par rapport à l’autre; la force, nécessaire par unité de surface pour conserver à l'un des plans une vitesse rela- tive égale à l'unité de vitesse, égale précisément la quantité p.. La signification physique du coefficient apparait clairement ; si le mouvement des molécules liquides ne rencontrait pas d'obstacles, p serait nul; si y existe dans tous les fluides, s'il est plus grand pour la glycérine que pour l'eau, c’est que tous les fluides sont visqueux, c’est que la glycérine est plus visqueuse que l’eau. Au lieu de considérer, avec Navier, les actions de molécule à molécule, on peut, avee Cauchy (1) et d’autres physiciens, décomposer la masse li- quide en parallélipipèdes élémentaires et en rési- dus tétraédriques, prendre la résultante de toutes les forces moléculaires sur chaque face plane, écrire pour chaque solide infinitésimal l'équation de l'équilibre dynamique; on trouve ainsi les équations du mouvement : elles sont identiques à celles de Navier. La théorie est facile, mais la pratique compli- quée; l'équation différentielle «doit être intégrée pour servir à calculer des expériences réelles ; les mathématiques sont impuissantes à traiter le cas général; des hypothèses particulières sont à intro- duire dans chaque application. Plusieurs méthodes ont été employées pour vérifier l’accord entre l'analyse et l'observation et mesurer en même temps le coeflicient de frot- tement. La meilleure est l'écoulement du liquide dans un tube capillaire. Navier imaginait que le liquide se partage en couches cylindriques s'emboitant les unes dans les (1) Exercices mathématiques, t. LE. autres, animées de vitesses différentes, l’axe allant plus vite, la périphérie moins rapidement, comme, dans les glaciers, descendent inégalement les neiges du centre et les neiges des bords. Poiseuille (1), voulant se rendre un compte exact du mouvement du sang dans les vaisseaux capil- laires, fut amené à éludier les lois de l'écoulement; il élait médecin, mais la précision de ses mesures ferait envie à plus d'un physicien. Sous la même pression, à la même température, à travers des tubes de même lonqueur, les quantités d’eau écoulées sont prop or- tionnelles uux quatrièmes puissances des diamètres ; ainsi s’'énonce la loi qu'il découvrit (2). Poiseuille n'ignorait pas la théorie de Navier, mais ses expé- riences lui parurent la contredire d’une manière formelle. Dans l'intégration de ses équations, Na- vier avait supposé que la vitesse de la couche liquide en contact avec la paroi n'est pas nulle; le caleul ainsi fait ne conduit pas à la loi des dia- mètres ; il la démontre au contraire, si on écrit que la couche externe est complètement immobile. L'hypothèse est-elle plausible? Deux cas sont à distinguer : le liquide mouille ou ne mouille pas le solide. Pour une paroi mouillée le doute n’est guère possible. M. Duclaux (3) a fait à ce sujet des expé- riences probantes (fig. 2). Prenons un thermomètre contenant de l'alcool coloré dans le réservoir; au- dessus placons une couche d'alcool incolore, el chauffons : le liquide coloré ne chasse pas le non coloré ; il le traverse, s’allonge en forme de cône arrondi à son sommet; les particules liquides éloignées de la paroi sont donc les premières à avancer; les plus voisines restent immobiles. La (1) Mémoires des savants étrangers, IX, 1846. (2) Dans ses expériences (fig. 1), Poiseuille faisait écouler sous une pression constunte obtenue par une pompe à main et régularisée par un réservoir à air comprimé une quantité Fig. 1. — Appareil de Poiscuille. d'eau déterminée. Ce liquide était contenu dans une ampoule E soudée au tube capillaire D et mesuré entre deux repères a et b. On notait soigneusement le temps nécessaire à l’abaissement du niveau de a en 4 et l’on relevait ces niveaux à l’aide d’une lunette L. Tout l'appareil était plongé dans un bain à tempéra- ture constante. (3) Annales de chimie et de physique, # série, t. XXVI, 1872. - | a amant L. POINCARRÉ. — LA VISCOSITÉ ET LA RIGIDITÉ DES LIQUIDES 79 difficulté verre, la de sécher complètement un vase de ruplure qui se produit nécessairement dans une masse fluide quand onla veut séparer d’un solide adhérent sont des preuves évi- dentes que,sil’immobilité n’est pas absolue, du moins l’ac- tion entre les molécules d'un solide et celles d'un liquide est énorme vis-à-vis de l’ac- tion entre deux particules liquides. Si le liquide ne mouille pas, comme l’eau dans le cuivre, le mereure dansle verre, la diffi- culté est plus grande. Navier admettait que le frottement entre la paroi et le fluide est proportionnel à la vitesse d'entrainement. L'expérience ne confirme pas cette hypothèse; la loi de Poi- seuille subsiste ; la couche externe reste donc sen- siblement en repos. La question est encore obscure. Coulomb (1) avait imaginé un procédé très diffé- rent pour étudier la viscosité. Un disque horizon- Fig. 2. — Expériences de M. Duclaux. mm CE E Fig. 3. — Appareil de Coulomb, tal (fig. 3)est supporté par un fil de torsion ; déplacé légèrement de sa position d'équilibre, il effectue- rait dans le vide de petites oscillations isochrones et d'amplitude constante; si on le plonge dans un liquide, la couche liquide adhérente frotte contre les couches contiguës, les oscillations demeurent isochrones, mais les amplitudes vont en décrois- sant. Dans l'hypothèse de Navier, le calcul permet de trouver la relation entre le coefficient de frot- tement et le décroissement des amplitudes; mal- 4‘ (4) Mémoires de l’Institut national, III an IX. heureusement, ilne peut se terminer sans approxi mations : on doit par exemple négliger l'influence de la force centrifuge. On ne saurait par suite traiter le cas des vitesses un peu grandes. D'autres méthodes ont été employées; on peut remplacer le mouvement d’oscillation par un mou- vement de rotation continue ; l'expérience se com- plique, mais l’analyse mathématique se simplifie. L'idée d'éliminer l'influence des bords et de prendre, au lieu d'un disque, des corps de forme géométrique simpie est naturelle; plusieurs expéri- mentateurs y ont songé. M. Elie (1) prend une sphère tournant dans une sphère concentrique ; le moyen est théoriquement parfait, mais l'exécution difficile. M. Couette (2), dans un travail remarquable dont les résultals généraux seuls ont été publiés, emploie deux cylindres circulaires de mème axe; l'extérieur est animé d'un mouvement de rotation uniforme, le liquide intermédiaire tend à entrainer le liquide intérieur, mais on le maintient à l'état de repos par un système de poulies supportant des poids; les poids font connaître le moment du frot- tement du liquide sur le cylindre. Le même physicien a repris, avec de nombreux perfectionnements, les expériences d’écoulements dans les tubes capillaires; nous ne pouvons entrer ici dans le détail des soins apportés aux mesures. Les résultats sont importants et curieux: les deux méthodes ont marché d'accord. Le mouvement des liquides se fait sous deux régimes différents : si la vitesse est petite, les intégrales les plus simples des équations de Navier représentent rigoureusement les faits observés ; si la vitesse est grande, elles ne suffisent plus à tra- duire les données expérimentales. Entre certaines limites les deux mouvements sont possibles et se t produisent alternativement. M. Couette démontre ces conclusions d’une façon élégante; une veine liquide sort d'un tube horizontal sous une pression variable à volonté ; tant que le débit reste inférieur à une certaine limite, dépendant d'ailleurs du diamètre du tube. la veine est lisse et d'amplitude constante ; quand la période de transition est atteinte, la veine éprouve des changements brusques d'aspect et d'amplitude, qui se succèdent d'une façon irrégu- lière, tantôt lisse et allongée, tantôt ridée et rac- RAR EN SU EN peer gr PT Pt pp rt (1) Journal de physique, 2e série, I, 224. (2) Outre ses travaux personnels sur la question (Comptes rendus, 6 août 1888), M. Couette a publié une étude très soi- gnée sur les théories mathématiques relatives à la viscosité des liquides (Bulletin des sciences physiques, t. Î), à laquelle nous avons emprunté diverses indications. Nous remercions M. Couctte des renseignements qu’il a bien voulu nous four- nir. 80 L. POINCARRÉ. — LA VISCOSITÉ ET LA RIGIDITÉ DES LIQUIDES courcie; vient-on à dépasser la limite, le second régime s'établit, la veine reste troublée, mais les oscillations disparaissent. Un Anglais, M. Osborne Reynolds (1), a remarqué les mêmes phénomènes ; il les manifeste en intro- duisant dans l’axe de la veine qui s'écoule, de l’eau Fig. colorée; sous de faibles pressions, la coloralion se maintient régulièrement dans la partie centrale du jet liquide (fig. 4) ; la pression crilique atteinte, elle se répand dans toute la masse; des tourbillons apparaissent ; la confusion estcomplète.Telsles flots d’une rivière peuvent, sans s’y mêler, traverser les eaux d'un lac tranquille, ou bien au contraire se confondre avec elles en perdant leur couleur propre et leur aspect particulier. Pour les vitesses un peu grandes les phénomènes sont donc fort compliqués, mais nous ne saurions conclure des expériences à l'insuflisance de la théorie ; nous avons introduit des hypothèses par- ticulières qui sont des approximations. Nous avons supposé, par exemple, le coefficient de frottement indépendant de la pression; des expériences de MM. Roentgen (2) et Warburg (3) prouvent au contraire que la viscosité augmente quand la pression augmente ; l’eau toutefois fait exception : on sait les singularités que présentent beaucoup de propriétés physiques de ce liquide. Les recherches sur l'écoulement dans les tubes capillaires sont intéressantes, mais les tuyaux de conduite, les rivières et les torrents seraient plus utiles à considérer. Un cas relativement simple a donné lieu à de nombreux travaux ; l’écoulement se fait à travers, non plus un tube, mais une série de tubes capillaires comme une membrane poreuse. M. Brunhes (4) a montré, dans une étude très soi- gnée, que le passage des liquides à travers les substances perméables et les couches filtrantes peut encore se déduire simplement de la théorie de Navier. La question générale a fait l’objet de mémoires (1) Philosophical Transact., 1883. (2) et (3) Wicdemann Annal., XXII, 1884, p. 510 et 518. (4) Sur le passage des liquides à travers les substances per- méables et les couches filtrantes. Toulouse, 1881. de haute valeur : MM. de Saint-Venant, Bous- sines (1), Maurice Lévy (2), etc., l'ont traitée avec les ressources de la plus savante analyse; mais c'est une science à part, l'hydraulique ; nous ne pouvons en parler ici. IN La rigidité des liquides est une question neuve, avons-nous dit ; nous entendions parler des études expérimentales. Poisson (3), l'illustre géomètre à qui les physiciens découvrent chaque jour de nou- veaux titres de gloire, a depuis longtemps émis sur ce sujet une idée fort curieuse, que Maxwell a développée par la suite. Il ne semblait pas aisé d'aborder le problème directement ; on a au début songé à un détour. Les corps rigides transparents et homogènes acquièrent, quand on les déforme, la propriété de polariser la lumière ; une baguette de verre tordue devient doublement réfringente comme le spath; si les liquides présentent des traces de rigidité, ils offrent sans doute le même phénomène après une déformation. L'expérience a été faite par plusieurs physiciens : elle a réussi. Tout récemment M. Kundt et M. de Metz ont entre- pris sur ce sujet des études bien conduites. M. de Metz (4) emploie, comme M. Couette, un cylindre mobile tournant dans l’intérieur d'un cylindre fixe concentrique ; un faisceau de lumière polarisée par un nicol traverse de liquide compris dans l’espace annulaire parallèlement aux génératrices ; la double réfraction donne naissance à une vibration elliptique, dont on mesure les éléments. Peut-on conclure par analogie que les liquides sont rigides? La probabilité est grande, mais une expérience directe serait beaucoup plus sûre; M. Schwedoff (5) d’O- dessa, le premier, essaya de l’ef- fectuer. Il prit encore deux cylindres concentriques (fig. 5); l’un d’eux est suspendu par un fil de torsion : Cu Se : RE A on imprime au fil une certaine RTS torsion ; la gaine liquide comprise Schwedoff. (4) Essai sur la théorie des caux courantes (Mémoires des sa- vants étrangers, t. XXIIT et XXIV). (2) Annales des Ponts et Chausstes, 1867. 3) Journal de l'Ecole polytechnique, t. XIIT, 20° cahier, 4) Wiedemann. Annal.. t. XXXV, 1888. 3) Journal de physique, 2 série, t. VIII, 1889, p. 341. ( ( ( L. POINCARRÉ. — LA VISCOSITÉ ET LA RIGIDITÉ DES LIQUIDES 81 entre les deux cylindres est déformée, les deux couches extérieures étant maintenues au contact des parois. Si le liquide n’était que visqueux et non rigide, toute réaction cesserait avec le mou- vement; l'équilibre subsisterait dans la nouvelle posilion quand on détordrail le fil; le liquide, au contraire, est-il rigide, il tendra à revenir à sa posi- tion initiale, en entrainant avec lui le cylindre et im- primant au fil une torsion contraire à celle qu'il avait précédemment. Tel est le principe de la méthode. L'appareil est délicat, les mesures difficiles ; il nous est malheu- reusement impossible d'entrer dans le détail de toutes les ingénieuses dispositions employées par l'habile physicien (1). Le résultat est positif : les liquides sont rigides, mais à un degré bien faible. La rigidité d’une solution contenant ?% de gélatine, énorme par rap- port à celle de l’eau, est cependant encore 1 #rillion 840 billions de fois moindre que celle de l'acier. Le chiffre est certain. à quelques billions près. M. Schwedoff a voulu comparer les résultats ob- tenus à ceux qu’on déduit de la théorie de Maxwell; indiquons le principe de cette théorie (2). Si l’on examine la seconde méthode qui nous a conduit aux équations de Navier, un rapproche- ment s'impose. La théorie se développe parallèle à la théorie de l'élasticité, il ne faut que remplacer le mot vitesse par le mot déplacement, l'identité est complète, le coefficient de frottement p devient le coefficient e d’élasticité. < Les dimensions des deux coefficients sont telles qu'on peut considérer p comme le produit de € par un temps T. Les forces moléculaires qui se développent au sein d’une masse matérielle déformée et qui cons- tiltuent la rigidité acquièrent une certaine va- leur E, ; Maxwell suppose que cette rigidité peut, quand le temps s'écoule, décroitre petit à petit, et tendre insensiblement vers zéro. Dans cette idée, le temps T serait le temps au bout duquel E, serait c \es : RE réduit à la () partie de sa valeur primitive, (e e étant la base des logarithmesnépériens2,7182818...), Pour les solides parfaitement élastiques, ce temps est infini; pour les liquides parfaitement fluides il serait nul; la généralité des propriétés de la matière ne nous autorise-t-elle pas à supposer qu’en réalité il n’est jamais ni nul ni infini ? (1) L’exactitude des résultats dépend essentiellement de la précision apportée à la mesure des angles de torsion. Cette mesure se faisait au moyen de la réflexion d’un rayon lumi- neux sur deux miroirs » et m' liés invariablement, l'un # au tube LF entourant le fil de torsion r et par suite à l’extrémité supérieure de cc fil fixée en L, l’autre m' au cylindre intérieur M et par suite à l’extrémité inférieure de r fixée en M. (2) Philos. Mag., t. XXXV, 1868. Si l'hypothèse était juste, ilexisterait une relation entre les deux coefficients et «, et l’on devrait constater que les corps les plus visqueux sont en même temps les plus rigides. Les expériences de M. de Metz contredisent formellement cette con- séquence. L’addition d’un liquide qui ne présente Jamais le phénomène de la double réfraction à un autre qui le présente nettement affaiblit beaucoup les valeurs de la polarisation ; la viscosité peut être au contraire augmentée dans une forte proportion. Le frottement intérieur est 400 fois environ plus grand dans la glycérine que dans la gélatine, et cependant la gélatine devient doublement réfrin- gente par la déformation, tandis que la glycérine ne divise pas le rayon réfracté. Dans ses mesures, M. Schwedoff a constaté que la rigidité semble bien diminuer avec le temps, comme le voudrait la théorie de Maxwell; mais cette diminution est plusapparente que réelle : une étude précise le démontre. Les réactions produites par la déformation doivent être décomposées en deux. Les premières ne se font plus sentir, une fois la déformation produite; elles proviennent d'une partie de la déformation que l’on doit consi- dérer comme résiduelle, et n'apparaissent d'ail- leurs que si la déformation totale a dépassé une certaine limite; ce sont elles qui s’amoindrissent au fur et à mesure que le temps s'écoule. Les secondes sont seules actives, elles tendent seules à ramener le liquide à sa position initiale, leur valeur est constante, leur relaxation est sensible- ment nulle. La distinction est quelque peu déli- cate, mais les expériences sont très précises et l'établissent nettement. V Le doute n'est plus permis : les liquides sont rigides comme ils sont visqueux. Dans beaucoup de phénomènes, il y a lieu de tenir compte de cette rigidité et de cette viscosité. Des quantités physiques, en apparence indépen- dantes les unes des autres, sans aucun lien évident, se trouvent parfois présenter entre leurs valeurs numériques des rapports très frappants et qui ne semblent pas l'effet du seul hasard. On à trouvé parfois, dans de telles constatations, l’origine de théories intéressantes et curieuses. Plusieurs physiciens ont ainsi cherché des rela- tions entre la viscosité et les autres propriétés des liquides, mais les résultats sont médiocres et semblent artificiels; nous n’insisterons point sur ces travaux d’ailleurs fort nombreux. Un seul fait est vraiment à noter, nous le signalerons en ter- minant. G. Wiedemann (1) a montré que dans di- (1) Poggendorff, Annal, t. IC. 82 G. WEISS. — EXPÉRIEN ES SUR L'ÉLECTROLYSE DES MUSCLES verses solutions salines la conductibilité électrique est proportionnelle au coefficient de viscosité ; on regarde le plus souvent l’électrolyse comme ac- compagnée du déplacement des produits de la décomposilion, des ions, dans la masse liquide ; la découverte de G. Wiedemann donnerait de cette manière de voir une importante justification ; malheureusement elle n’est pas très exacte; un point toutefois a élé établi d’une façon incon- testable par M. Bouty(1) dans ses belles recherches sur la résistance électrique des dissolutions : pour les dissolutions très étendues, le produit de la con- ductibilité par le frottement interne est indépen- dant de la température. Nous terminerons ici l'exposé bien sommaire et bien imparfait de ces intéressantes questions rela- tives à la mécanique des fluides. Un géomètre éminent, M. de Saint-Venant (1), qui a, durant plu- sieurs années, consacré à leur étude sa haute intel- ligence el son profond savoir, disait: « C’est une désespérante énigme » ; les efforts des chercheurs n'ont cependant pas été vains, si quelques points sont encore obscurs, si quelques problèmes sont encore à élucider, si l'énigme subsiste, il est au- jourd’hui permis d'en attendre et d'en espérer la solution. Lucien PoINcARRé. Agrégé préparateur à la Sorbonne. EXPÉRIENCES SUR L'ÉLECTROLYSE DES MUSCLES ‘On sait que lorsqu'un courant électrique passe à travers une dissolution saline, le sel est décomposé en métal qui va au pôle négatif et radical acide qui va au pôle positif; les “dénents solides ou gazeux mis en liberlé n'apparaissent que sur les conducteurs métalliques, appelés électrodes, qui servent à amener le courant. Toute la portion liquide intermédiaire semble n'avoir subi aucune transformation. Il est évident que la quantité de substance ainsi électrolysée croit avec la durée de Faraday a aussi fait voir qu'elle est proportionnelle à l'intensité du courant. l'opération. I Cette propriété reçoit de nombreuses applica- tions en chirurgie; applique des élec- trodes en deux points du corps el qu'on fait passer un courant, les sels dissous dans les liquides de l'organisme sont décomposés. Au pôle positif on voit apparaitre des acides, au pôle négatif des bases produites par l’action sur l’eau des métaux alcalins mis en liberté. Les effets locaux que l’on obtient dépendent de la forme des électrodes em- ployées. Si l’électrode est vaste, l’action sera faible sur une grande surface et négligeable ; elle sera intense si l’on emploie des aiguilles ou des cou- teaux, comme on le fait dans le traitement des ané- vrysmes ou la destruction rétrécissements cicatriciels. Sur ce point l'accord est complet entre tous les physiologistes; mais que se passe-t-il sur le trajet du courant à travers les tissus ? N'y a-t-il aucune modification ainsi que cela a lieu dans un liquide? La question est des plus controversées, car jusqu'à présent on n'a donné aucune expé- lorsqu'on des (1) Annales de chimie et de physique, 6° série, t. IT. rience concluante dans un sens où dans l’autre. Les recherches que j'ai faites sur cette question m'ont permis de donner une solution que je crois à l'abri des critiques (2). Voici l’observalion qui m'a servi de point de départ. Enregistrons une série de contractions du musele gastrocnémien d’une grenouille, en nous servant, pour les provoquer, d'un courant continu toujours de même sens et traversant le muscle dans toute salongueur; nous verrons l'amplitude des contrac- tions aller en diminuant d'autant plus rapidement que le courant employé a été plus intense et que la durée de chaque excitation a été plus longue. Nous ne pouvons attribuer ce résultat qu'à deux causes : à la fatigue, ou à une action du courant sur le muscle. Ce n’est pas la fatigue, car on peut laisser reposer le muscle sans que pour cela il recouvre ses pro- priétés primitives ; de plus on constate qu’en ren- versant le sens du courant excitateur, le muscle se conlracte aussi bien qu'au début. Enfin, si l'on fait une série d’excitations en renversant chaque fois le sens du courant, on peut obtenir un nombre considérable de contractions sans affaiblissement sensible. Ces résullats s’expliqueraient très bien par l'hypothèse d'une électrolyse sur tout le trajet du courant, dont le résultat serait une modification (1) Sur l’hydrodynamique des cours d’eau (Comptes rendus t. XXIV, 1872). (2) Mes premières recherches ont paru dans ma thèse de doctorat en médecine : Contribution à l’étude de l'Electrophysio- logie, Mars 1889, Paris. J'ai fait ensuite une communication au Congrès des Electriciens (août 1889) où j'ai été vivement attaqué par M. le D° Danion, qui d’ailleurs a été seul de son avis parmi les électriciens présents. (Le compte rendu du Con- grès va paraitre prochainement). d G. WEISS. — EXPÉRIENCES SUR L'ÉLECTROLYSE DES MUSCLES 83 dans la substance propre du muscle. En consé- quence j'ai cherché à démontrer qu'il y avait dé- composition ailleurs qu’au contact même des élec- trodeset je me suis basé pourcelasurlapolarisation. Chaque fois qu'un courant électrique produit une action chimique, il en résulte une force élec- tromotrice dite de polarisation de sens contraire à celle qui donne naissance au courant. Il s'agit dans le cas présent de mesurer avec précision la force électromotrice de polarisation pendant le passage du courant à travers un muscle, puis de rechercher la part qui revient aux électrodes afin de voir s'il y a un reliquat. Je pris deux cristallisoirs (fig. 1) contenant une solution de chlorure de sodium à 1 pour 100 et je Les réunis par un siphon plein du même liquide; chaque cristallisoir contenait une lame de platine servant d'électrode. Je fis passer un courant évalué au moyen d'un galvanomèlre placé dans le cireuit, et je mesurai la force électromotrice de polarisation pendant l'électrolyse (1). J'eus ainsi l'action des électrodes seules. Je supprimai alors le siphon et je le remplaçai par une grenouille dont les deux pattes de derrière trempaient dans les deux cris- tallisoirs ; je fis une nouvelle mesure. Je pus cons- tater ainsi que toujours, à intensité de courant égale, la force contre-électromotrice était plus grande dans le second cas que dans le premier, el qu'elle pouvait atteindre un maximum d'environ 2 de Volt. Il est donc certain qu'il se produisait des actions (1) Voici la méthode que j'ai employee pour mesurer les forces électromotrices de polarisation; elle est due à M. Cha- peron, Journal de Physique, 1884, p. 373. G | cu > œ M C G M T T Fig. 1. — P, pile servant à l'élcctrolyse. — G, galvanomètre donnant l'intensité du courant de charge. — CC, cristalloirs. — À, commutateur. — M, condensateur de 10 microfarads. — B, commutateur. — G', galvanomètre balistique. — HUAT; lerre. Le courant ayant passé un moment et la polarisation étant complète, on abaisse quatre ou cinq fois le commutateur À, le condensateur M prend une charge proportionnelle à la force électromotrice de polarisation de CC. On abaisse B, la charge de M passe à travers G' dont l’élongation est par suite proportionnelle à la force électromotrice cherchée. chimiques autres que celles qui avaient lieu aux electrodes mêmes. On m'a objecté que cela pouvait être au contact de la peau et du liquide des cristal- lisoirs ; il me semble cependant que le doute n'est pas possible, si l’on rapproche cette expérience de la diminution de contractilité produite par le pas- sage du courant; j'indiquerai d’ailleurs encore divers faits venant confirmer mon hypothèse. Arrivé à ce point, je voulus rechercher si l'action chimique se bornait à la mise en liberté de pro- duits capables de se recombiner dans la suite, ou de s'éliminer, le muscle reprenant alors ses pro- priétés primitives. Sur une première grenouille, je fis passer un cou- rant continu dans une patte jusqu’à ce que le gas- trocnémien fût devenu peu contractile sous l’in- fluence d’excitations faites à l’aide d'un courant continu de même sens que le premier; cela fait, je retirai la pile du cireuit que je fermai sur lui-même. Si nous nous trouvions en présence d’une simple décomposition, la grenouille allait se comporter comme un accumulateur et se dépolariser. Or, il n’en fut rien : au bout de deux heures, il n'y avait aucun changement. Une seconde grenouille fut aussi soumise à un courant continu ; après quoi je la remis dans l'aqua- rium où elle séjourna huit jours. Au bout de ce temps je pus constater que non seulement elle n'é- tait plus excitable pour un courant de même sens que celui qui avait servi à faire l'électrolyse, mais aussi pour un courant de sens contraire ou même un courant induit; le muscle était altéré. J'avais de plus fait une expérience parallèle sur une troisième grenouille, mais en me servant d'un courant alternatif d'une bobine d'induction. Au bout de huit jours, la contractilité était aussi par- faile que dans la patte témoin à laquelle je n'avais pas touché. Il Non seulement ces trois expériences confirment pleinement ma théorie, mais encore elles permet tent de pousser plus loin l'analyse des faits. Le courant électrique traversant des muscles y donne lieu sur tout son parcours à des décompositions chimiques; à la suite de ces décompositions il y à ac- tion secondaire des produits mis en liberté sur la substance propre des muscles. Cette action secondaire ne tue pas le muscle immédiatement, car un courant de sens contraire au premier peut lui rendre sa contracli- lité, mais ilest atteint et périt si on ne lui porte remède rapidement. Une idée qui s'impose maintenant est de recher- cher ce que peut donner l'examen microscopique. Fig. 2.— Fibre musculaire normale. 84 G. WEISS. — EXPÉRIENCES SUR L'ÉLECTROLYSE DES MUSCLES J'ai fait un grand nombre de préparations par les méthodes les plus variées; ayant toujours obtenu les mêmes résultats, il me suffira de donner deux dessins à la chambre claire, l’un d’une coupe en travers d'un gastrocnémien de grenouille altéré et l’autre d’une coupe en long. Cette grenouille avait été soumise à cinq ou six jours d'intervalle à des séances d’électrolyse de cinq minutes, l’intensité du courant étant de deux milliampères. L'animal avait été sacrifié huit jours après la dernière séance. Fig. 3. — Coupe transversale. Sur la coupe en travers (fig. 3), on voit les fibres musculaires très inégales comme forme et comme volume ; au lieu d’être presque accolées les unes aux autres comme sur le muscle normal, elles sont séparées, le tissu conjonctif interfasciculaire ayant pris un grand développement. Mais ce qui est bien plus intéressant, c’est ce que l’on observe sur les dissociations et les coupes en long (fig. 4). En faisant des coupes à diverses Fig. 4. — Coupe longitudinale. époques après l’électrolyse, j'ai pu suivre l’altéra- tion dans ses diverses phases représentées sur la figure. D'abord la striation transversale des mus- cles disparait et ils deviennent un peu plus trans- parents; puis le muscle se fragmente de plus en plus jusqu’à être réduit en granulations. Son enve- loppe ou sarcolemme semble résister plus long- temps. On retrouve aussi, dans les préparations, des fibres bien plus fines que les autres et admi- rablement striées; je ne sais encore d’où elles vien- nent; peut-être se sont-elles formées depuis la der- nière séance d’électrolyse; ce point peut donner lieu à une étude intéressante. | En dernier lieu, pénétré de cette idée que les mêmes lois s'appliquent à la matière, organisée ou non, et convaincu que lorsqu'on a l’explication rationnelle d’un phénomène produit par les agents physiques sur les tissus vivants, on doit pouvoir le reproduire sur les corps inorganiques, je fis une expérience qui donne l'explication physique des faits ci-dessus exposés. Je pris un tube en U dans le fond duquel je ver- sai une solution de gélatine fortement salée et co- lorée au tournesol bien neutre; dans chaque bran- che, une fois la gélaline solidifiée, je versai de l’eau colorée au tournesol, puis je fis passer un courant à l’aide d’électrodes en platine. Le résultat ne se fit pas attendre ; non seulement je vis le tournesol changer de couleur au niveau des lames de platine, mais aussi à la surface de séparation de la gélatine et de l’eau: il vira au bleu du côté du pôle négatif, au rouge du côté du pôle positif. Enfin je cherchai à reproduire autant que pos- sible ce que je crois devoir se passer dans les mus- cles. Reprenant mon tube en U je plaçai dans le fond une solution de gélatine contenant du chlorure de sodium, et au-dessus de chaque côté je versai de l'eau albumineuse. Je fis passer alors l'e courant et je vis l’albumine se coaguler à la surface de sé- paraltion du côté du pôle positif et se dissoudre complètement du côté du pôle négatif. Donc sous l’action du courant il peut y avoir for- mation d'acides et de bases à la surface de sépara- tion de deux milieux non métalliques : or le muscle n'est pas une masse homogène et nous pouvons y retrouver toutes les conditions de l'expérience que je viens de citer. Sous l'influence du courant il y aura en certains points dégagement d’acides, en d’autres de bases. — Ces acides et ces bases au con- tact de la myosine agiront sur elle pour l’altérer. — Si l’on renverse le sens du courant, on peut annu- ler le premier effet, mais si l’action des acides et des bases sur la myosine n’est pas arrêtée rapide- ment, l’altération devient profonde, et il en résulte les phénomènes signalés plus haut. Ces recherches sont loin d’être complètes, j'es-. père pouvoir bientôt continuer mes expériences et pousser plus loin l'étude des faits. D' Georges Weiss. Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris sd “mimi eu 46 une LATE OUTTA a BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 85 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX du savant secrétaire perpétuel de l’Académie des 1° Sciences mathématiques. Bertrand (Joseph).— Calcul des probabilités, 1 vol. gr. in-8, Paris, Gauthier-Villars et fils, 1889. Réduite à ses moindres termes, la théorie des proba- bilités- consiste en cinq ou six propositions fondamen- tales, Ce sont d’abord les principes relatifs à la proba- bilité totale, à la probabilité composée et à l'espérance mathématique, puis le théorème des épreuves répétées et celui de Jacques Bernouilli, enfin le principe de Bayes sur la probabilité des causes. Dans l'exposition de ces principes, M. Bertrand s’est surtout attaché à préciser les conditions dans lesquelles ils sont applicables et à mettre en garde contre toute fausse interprétation. Les principes sont justes; ils conviennent à toutes les probabilités simples évaluées en nombre; mais c’est dans cette évaluation qu'est le péril; si elle est imparfaite, les conséquences ne mé- ritent aucun crédit. Des exemples propres à piquer la curiosité du lecteur et à captiver son attention viennent tour à tour éclairer la doctrine et donner à l'exposition un attrait particulier, Le calcul des chances n’a été d’abord qu'une science purement spéculative ; Pascal, Fermat, Leibnitz, Huy- gens n'avaient guère en vue que le problème des partis. C'est le théorème de Bernouilli qui a donné au calcul des probabilités sa valeur objective, « Le hasard, à tout jeu, corrige ses caprices; les irrégularités mème ont leur loi. » Telle est l’image heureuse par laquelle M. Bertrand traduit cette proposition qui, publiée en 1763 dans l’Ars conjectandi, est devenue justement célèbre. Son énoncé mathématique est le suivant : si on nomme écart la différence entre la probabilité d’un événement et le rapport du nombre de ses apparitions au nombre total des épreuves, et si on prend ce der- nier nombre assez grand, il y aura une probabilité, aussi voisine qu'on voudra de la certitude, que l'écart soit moindre que toute quantité donnée, Mais, encore ici, il y a des précautions à prendre dans l'application ; M. Bertrand les définit avec netteté : la probabilité doit être objective et rester constante pendant les épreuves. Par exemple, la probabilité pour qu'il pleuve demain ne comporte pas l'application du théorème de Bernoulli. L'emploi du théorème de Bayes sur les probabilités à posteriori donne lieu à des observations analogues : et, c’est avec un vif intérêt que l’on voit l’illustre maître condamner, d’un style ferme et incisif, l'emploi de certaines formules relatives à la probabilité des évé- nements futurs, déduite des événements observés comme corollaire de la probabilité des causes, N'est- on pas allé jusqu'à calculer la probabilité de la pré- sence du Soleil dans un nombre d'années assigné ! Parmi les applications du calcul des probabilités, celle qui se rapporte aux erreurs fortuites et à la méthode des moindres carrés est assurément la plus intéressante et la plus utile, C’est aussi celle qui tient la plus large place dans l'ouvrage qui nous occupe. Il pouvait sembler qu'après Gauss il n’y eut plus rien à glaner dans ce champ; et cependant que d’apercus ingénieux, que de formules nouvelles et élégantes ne trouve-t-on pas dans les quatre chapitres consacrés à ce _ sujet! Les travaux si remarquables du grand géomètre de Güttingue ‘sur la combinaison des erreurs d’ob- servation y sont exposés avec une hauteur de vue en harmonie avec leur importance, et discutés avec la finesse et la précision qui caractérisent la manière sciences. La question de la ruine des joueurs a fourni la matière d'un chapitre fort instructif, Quand le jeu est équitable, la ruine des joueurs est certaine, mais en combien de temps? Cette question de la durée du jeu a exercé la sagacité des géomètres les plus distingués; elle a, disons-le en passant, fait l’objet du premier mémoire d'Ampère; mais elle est loin d’être épuisée, tant on peut changer les conditions et varier le point de vue. Parmi les résultats nouveaux rencontrés par M. Bertrand, nous signalerons en particulier celui-ci : Si deux adversaires jouent, à des conditions équitables, jusqu’à la ruine de l’un d'eux, les mises étant de un franc à chaque partie, le nombre probable des parties est égal au produit des deux fortunes. L'étude du cas où le jeu n’est pas équitable nous a conduit nous-même à une formule susceptible d’une heureuse interprétation et à laquelle M. Bertrand a fort gracieu- sement donné asile dans son livre, f La doctrine des chances n'offre plus la même certi- tude quand on l’applique à la statistique et aux déci- sions Judiciaires, Deux chapitres sont consacrés à ces questions. et c’est ici que l’idée maitresse de l’œuvre apparait dans tout son éclat: l'application du coleul des probabilités n’est légitime que pour des évènements for- tuits assimilables à des tirages dans une urne ; l’in- variabilité approchée du rapport entre le nombre des évènements et le nombre lotal des épreuves est une condition nécessaire pour l'assimilation, mais elle ne suffit pas, il faut encore que les probabilités d'écart soient les mêmes, C’est pour avoir ignoré ou méconnu ces préceptes que des géomètres de grand renom se sont livrés sur les probabilités des jugements à des cal- culs stériles dont Stuart Mill a pu dire, non sans rai- son, qu'ils étaient le scandale des mathématiques. L’assimilation des jurés à des urnes est plus que téméraire ; M. Bertrand en fait prompte et bonne jus- tice. Le récit fort piquant des étranges tentatives de Condorcet et de ses adeptes termine cet ouvrage remar- quable dont nous sommes parvenu peut-être à faire pressentir l'importance, mais dont la lecture seule peut faire apprécier le charme pénétrant, Eugène Roucné. Madamet (A.) Directeur de l'Ecole d'application du Génie marilime, — La Thermodynamique et ses applications aux machines à vapeur. Un vol. grand in-8 de 237 pages, avec 97 fig. dans le texte. Bernard et Cie, éditeurs, 53 (er, quai des Grands- Augustins. Le volume que vient de publier M. Madamet sur la thermodynamique ne fait pas double emploi avec les nombreux traités déjà parus sur ce sujet; son livre se distingue par un caractère spécial : c’est un livre pratique : il s’adresse aux ingénieurs plutôt qu'aux purs théoriciens, Ce point de vue particulier auquel l’auteur s’est placé et qui constitue le très grand intérêt de son ouvrage apparaît dès les premières pages, dans l'exposé même des notions générales sur lesquelles repose la science. Après avoir donné le principe de l’équivalence et le principe de Carnot, M. Madamet fait remarquer que le premier, en fournissant l’équivalence de l'énergie calo- rifique et de l’énergie mécanique, renseigne sur la quantité de la chaleur, tandis que le second, en faisant connaître la fraction maxima du calorique qui peut 86 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX ètre converti en travail, donne en quelque sorte la qualité de la chaleur. Cette remarque, dont les appli- cations pratiques ont de l'importance, montre bien dans quel esprit le livre est concu. L'auteur, après avoir appliqué rapidement la thermo- dynomique aux gaz, aux liquides et aux vapeurs, arrive à l'étude des divers phénomènes relatifs aux machines à vapeur; c’est là vraiment la partie importante de l'ouvrage ; toutes les questions si complexes, si difficiles, que fait naître l'emploi des moteurs y sont successi- vement étudiées; les problèmes de détente ou de com- pression irréversibles des gaz et des vapeurs, le calcul des échanges de chaleur entre la vapeur et les parois, l'influence des détentes successives, des espaces morts, de la surchauffe, de l’entrainement d’eau, de l’étran- glement de la valve, de l'enveloppe de vapeur... etc., y sont l’objet de chapitres spéciaux. Toute cette portion du livre nous a paru d’un réel intérèt, en ce sens qu'elle ne prête pas à une crilique trop souvent faite, el à juste titre, aux applications de la thermodynamique ; les gaz parfaits n’existent pas, les courbes adiabatiques sont irréalisables, les moteurs réversibles sont purement fictifs etsi l’on veut appliquer les formules de la théorie aux cas de la pratique, on fait de telles hypothèses qu’on pourrait ainsi tout démontrer avec le même degré de vraisemblance. Mais s'il est ainsi impossible d'étudier a priori avec une rigueur mathématique les phénomènes que pré- senter…a une machine, il n’en est pas moins vrai que la théorie peut fournir à la pratique d’utiles renseigne- ments et des explications fondées; c’est ainsi, par exemple, qu'en ce qui concerne les échanges de chaleur, on est en mesure, comme l’a montré M. Dwelshauvers- Dery, de les calculer avec une grande approximation, C’est à ce point de vue essentiellement raisonnable que se place M. Madamet et c’est pourquoi nous pouvons conseiller aux ingénieurs, aux praticiens, d’avoir son livre : ils le consulteront avec fruit. HAN 2° Sciences physiques. Guillaume (Ch.-Ed.), — Traité pratique de ther- mométrie de précision. Un volume grand in-8, 336 pages, 12 tables et 4 planches. Gauthier-Villars et fils. Peu de personnes se font une idée exacte des erreurs qu'elles peuvent commettre dans la lecture d’un ther- momètre, Tous les observateurs consciencieux dont les recherches étaient dirigées vers les effets de la chaleur ont été amenés à se préoccuper de la détermination précise des températures, et chacun à fourni quelques renseignements utiles sur la solution pratique de ce problème ; mais il restait à coordonner leurs travaux et à les compléter par une étude systématique de la question. Celle étude à été entreprise par le Bureau international des poids et mesures avec les ressources exceptionnelles que cette institution doit à son carac- tère ; la part considérable qu'y à prise M. Guillaume le désignait pour résumer dans un traité spécial les résullats obtenus. Les températures qui font plus particulièrement l’objet de ce traité sont comprises dans l'intervalle de 0° à 100°, mais c'est déjà un bon résultat que de pouvoir, dans cet espace restreint, réduire à quelques millièmes de degré l'erreur possible des observations isolées, L'échelle thermométrique qui s'accorde le mieux avec les principes de la thermodynamique est celle que l’on fonde sur la dilatalion réelle de lPhydrogène, et c’est à elle qu’on devra rapporter dorénavant toutes les températures mesurées; mais le thermomètre fondé sur la dilatation apparente du mercure dans le verre restera toujours l’instrumentimmédiat le plus commode à observeretàadopterdanstoute espèce de recherche, Or le thermomètre à mercure, désormais convenablement construit, étudié et observé suivant des règles bien définies (ch. 1 et 1), fournira des indications que l’on saura dégager de toutes les eauses d'erreur et en parti. culier de la variation si complexe du réservoir (ch. 111); ces indications corrigées, variables avec la nature du verre (ch. 1v), permettront enfin de conmaitre, d’après la comparaison qui a été faite une fois pour toutes (ch. v), la température qu'eùt indiquée, dans les mêmes eondi- ions, un thermomètre à hydrogène. Un dernier chapitre du livre de M. Guillaume est consacré à l'étude de la dilatation des solides. Les tables qui le terminent mettent au point, on peut le dire, l’état actuel de la science en ce qui concerne les mesures de haute précision. Ch. RIviÈRE. xWitz (Aimé), Docteur ès sciences, Ingénieur des arts et manufactures, Professeur de physique à la Faculté libre des Sciences de Lille, — Exercices de Physique et Applications préparatoires à la licence. Un vol. in-8° de 520 pages avec 114 fig. dans le texte; Gauthier-Villars et fils, 55, quai des Grands- Augustins à Paris. Sous un titre modeste ce livre tient plus qu'il ne promet; c'est un recueil de problèmes, d'exercices, où toutes les questions que peut amener l’étude de la haute physique sont posées et résolues ; la thermody- namique, en particulier, à un développement considé- rable; l'électricité occupe près de la moitié du volume, Chacun des chapitres est précédé d’un résumé très clair, très précis, très bien fait, de la théorie à laquelle il se rapporte ; un tableau synoptique, placé à la suite de ce résumé, réunit les constantes numériques qu’il faut connaître; puis viennent les applications. Ce volume, qui comprend près de 500 problèmes et où les questions les plus délicates de la physique sont abordées, nous paraît avoir une réelle importance; il réunit des qualités si incontestables de clarté, de hau= teur de vues, que nous n’hésitons pas à le signaler non seulement aux étudiants qui préparent la licence, mais encore aux maîtres, dont il est digne à tous égards de fixer l'attention. L. O. HDexvar. — Phosphorescence et Ozone, Communi- cation faite à l’Institution royale de la Grande-Bretagne, le 8 juin 1889, et non encore publiée. Geissler découvrit le premier que les gaz très raré- fiés sont phosphorescents. Il faisait passerune décharge électrique dans une série de ballons vides, et constatait ainsi que le résidu gazeux restait lumineux environ cinq secondes après la cessation de la décharge. On ne connait pas les transformations chimiques qui se pro= duisent dans de telles conditions. Becquerel et plu- sieurs autres physiciens sont arrivés sur ce point à des résultats contradictoires; les uns rapportent le phéno- mène à la présence de l'ozone, la phosphorescence ne s’obtenant qu'avec les composés oxygénés, les autres croient à une action de la substance qui constitue les tubes. M. Dewar a entrepris à ce sujet de nouvelles expé- riences. L'appareil qu'il emploie est représenté (fig. 1.) Une puissante machine pneumatique permet d'obtenir un courant continu d’air à une pression très faible, Cet air se dessèche et se purifie dans les tubes A. et B- contenant : À, du chlorure de calcium ; B, de la potasse caustique ; il est filtré ensuite sur du coton C, contenu dans un tube en U ; après quoi il entre dans un tube à deux ampoules, où l’on peut faire passer des décharges électriques. Les pôles peuvent être indifféremment en charbon, en platine ou en aluminium, cela ne modifie pas les résultats. La partie inférieure du tube s'ouvre dans un large cylindre de verre D mis en communica: tion avec la machine pneumatique et un manomètre à mercure M. Quand le courant d'air fortement raréfié passe à travers le tube (qui est entouré d’une boîte pour Por sr He A 2 NAT" BIBLIOGRAPHI:. — ANALYSES ET INDEX 87 cacher la lueur de la décharge électrique), une trainée lumineuse d'environ deux pieds de long, rappelant par sa forme la queue d’une comète, apparait dans le cylin- dre de verre. Cette lueur peut se produire avec d’autres gaz que l'air, mais seulement avec ceux qui contiennent de l'oxygène. L'oxygène pur augmente l'intensité de la lueur, mais la raccourcit; lacide carbonique, le bioxyde d'azote donnent des aigrettes brillantes. On peut constater qu'avec tous ces corps il se produit de l'ozone en pla- cant dans la lueur de l’iodure de potassium qui brunit immédiatement. Sur les parois du tube il reste au con- traire intact. L'hydrogène, les matières organiques, surtout les huiles essentielles font disparaitre la phosphores- cence. Il suffit de placer dans le voisinage de la prise d'air un mouchoir contenant une matière odoriférante pour voir la lueur s’é- teindre, et 1l faut attendre ensuite assez longtemps avant que l'appareil fonc- tionne comme auparavant, Tous ces faits tendent à montrer que c’est à l'ozone seul qu'est due la phos- phorescence. L'ozone s’est donc formé dans l'appareil à une tem. pérature très élevée, Pour montrer la possibilité de cette réaction, M. Dewar décritunappareilanalogue à celui que MM. Troost et Hautefewille ont employé dans le mème but. Cet ap- pareil est représenté fig, 2. Il se compose de trois tu- bes concentriques : À en verre, B, GC en platine, Un courant d’eau froide cir- cule entre A etB et s'écoule ensuite par À en entrai- nant le gaz compris entre Bet C par un petit trou ménagé au sommet de B, Entre les deux tubes de pla- tine on fait alors circuler de l'oxygène et on chauffe extérieurement l'appareil au moyen d'un chalumeau oxyhydrique. L’oxygène ainsi chauflé est brusquement entrainé et refroidi par le courant d’eau; on constate alors qu'il est ozonisé. Ainsi «l'ozone s'estformé sous l’action d'une température « élevée, permettant la dissociation des molécules d'oxygène «et lewr recombinaison en molécules plus complexes d'ozone. « Nous pouvons concevoir qu'il n'est pas improbable Fig. 2. «que quelques-uns des corps élémentaires puissent « être formés un peu comme l'ozone dans l'expérience « précédente, mais à des températures trèsélevées, par « l’association de certains composants dissociés, et avec « absorption simultanée de chaleur. » É Georges Cnarpy, Perman (E.). Températures d’ébullition du sodium et du potassium, Journal of the Chemical Society. 1889, p. 326329. Les métaux alcalins attaquant rapidement les enve- loppes de verre à la température du rouge, ceux-ci sont portés à l'ébullition dans un tube de fer, Dans la vapeur métallique, on jlonge de petites sphères de verre ter- minées par une longue tige capillaire que l’on ferme à la lampe quand elles se sont mises en équilibre de tem- pérature avec la vapeur (l'équilibre est atteint gssez rapide- ment pour que le verre ne Soit pas sensiblement attaqué). Ces ampoules sont lavées à l’eau bouillante pour détruire le métal adhérent, soigneusement essuyées et pesées ; on en brise alors la pointe sous l’eau, on détermine le poids de l’eau qui a pénétré dans l'appareil et aussi celui du même liquide qui le remplit complètement ; avec la mesure de la pression atmosphérique, on a les données nécessaires au calcul de la température par la formule VH 1+ at = const, Par cette méthode l’auteur a trouvé : Température d’ébullition du sodium.................…. 142° » » DOTANSIUN EC. . IP 6670 Henri GAUTIER. 3° Sciences naturelles. Roux (E.), chef de service à l'Institut Pasteur, — Bactéridie charbonneuse asporogène, Annales de l'Institut Pasteur, t. IV, n° 1, 25 janvier 1890. Les expériences célèbres de MM. Pasteur, Chamber. land et Roux sur la fabrication du vaccin anti-charbon- neux ont établi que la culture de la bactéridie à 4253 : 1° diminue sa virulence; 2 suspend sa faculté sporo- gène, En 1883, MM. Chamberland et Roux ont montré qu'on peut la destituer de cette propriété d’une facon définitive en ajoutant 5, de bichromate de potasse au bouillon dans lequel elle se développe. Sa virulence, atténuée par l’antiseptique, se conserve ensuite sans changement appréciable dans les cultures du filament en bouillon ordinaire. M. Roux vient de constater que la prolifération du microbe au contact prolongé de l'acide phénique à En produit aussi ce résulfat. En passant successi- vement de lapin à lapin par l'inoculation du sang de l'animal qui vient de mourir, les filaments rendus asporogènes voient leur virulence s’exalter, mais sans jamais recouvrer leur faculté primitive de former des spores. Cette observation est très importante pour Ja théorie de l’atténuation des virus. Dans les cultures à 42%5, instituées par MM. Pasteur, Chamberland et Roux pour transformer en vaccin la bactéridie virulente, l'agent de latténuation restait à déterminer, puisque deux facteurs pouvaient agir à la fois : la température et l'oxygène de l’air. Les nouvelles expériences de M. Roux prouvent qu'à 33° l’action de l'air sur les filaments asporogènes « n’esi pas assez énergique pour produire la diminution de virulence; elle doit être exaltée par une tempéralure plus élevée ». Signalons aussi avec l’auteur quelques conclusions qui ne sont pas particulières à ses recherches, mais que son travail confirme et tend à généraliser : la 88 , BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX transmission héréditaire d’un caractère biologique | suite envahie, puis les tissus voisins, sous forme d’une (impuissance à former des spores) acquis, une fois pour toutes, à la suite d’un artifice de culture; l’impos- sibilité de fonder d’une facon certaine la distinction spécifique des microbes sur les différences de leur virulence et dé leur dév eloppement. M. Roux commente à ce sujet une hypothèse émise depuis longtemps par M. Pasteur : « Les organismes pathogènes que nous connaissons ‘aujourd’ hui sont peut-être, dital en ter- minant, d'anciens saprophytes adaptés progressive- ment à la vie parasitaire. » L. O. Boschetti(D'Federico.)-L'Anatomia del Cavallo, presentata in Tavole sinottiche; brochure in-#, Unione tipografico-editrice Torinense, Torino, 1890. L'auteur est le traducteur italien du classique Traité d'Anatomie comparée, de MM. Chauveau et Arloing. Pour faciliter l'étude du cheval, il a composé un en- semble de 14 tableaux où se trouvent très heureuse- ment groupés, sous forme synoptique, toutes les parti- cularités saillantes de lPorganisation de cet animal. Son opuscule, écrit surtout pour les vétérinaires, rendra service aussi à tous ceux qui s'occupent d’Ana- tomie comparée. L. O. Beauregard (H.). — Les Insectes vésicants. F, Alcan. Paris, 1890. 4° Sciences médicales. Verneuil (A) — Propriétés pathogènes des mi- erobes renfermés dans les tumeurs malignes, Rev. de chirurgie, Paris 1889, t. IX, p. 793. Frappé des accidents fébriles qui surviennent quel- quefois chez les malades qu'il opère, en particulier dans les cas où il s’agit de néoplasmes ramollis, le pro- fesseur Verneuil a cherché si la cause des accidents n'était pas dans une auto-inoculalion produite au cours de l'intervention. Les recherches, qu'il a prati- quées avec la collaboration de ses chefs de laboratoire successifs MM. Nepveu et Clado, lui ont fait constater la présence dans ces néoplasmes de microbes de nature variable, Ce seraient ces microbes qui amèneraient dans l’évolution et la nutrition des tumeurs diverses modifi- cations, entre autres l'accroissement rapide, le ramol- lissement et l’ulcération; leur présence expliquerait aussi la fièvre plus ou moins intense et irrégulière, qu’on observe quelquefois chez les malades porteurs de certaines tumeurs malignes et qu’on a décrite sous le nom de fièvre des néoplasmes, En résumé, mémoire plein de vues ingénieuses, qu'on lira avec intérêt et qui demande de nouvelles recherches, que M. Verneuil nous promet, du reste, dans un avenir prochain. HARTMANN L, WWickam, interne des hôpitaux. — Anatomie pa- thologique et nature de la « maladie de Paget du mamelon ». Laboratoire de la Faculté à l'hôpital Saint-Louis. (Archives de médecine expérimentale, 1890, T. I. p. #6). Cette ‘maladie, décrite en 1874 par Paget, reconnue d’origine parasitaire après les remarquables travaux de Darier (1889), présente un intérèt puissant, en ce sens qu'elle est un des aboutissants de la théorie para- sitaire du cancer, les parasites qui la produisent (spo- rozoaires de l’ordre des psorospermies) semblant avoir une influence directe sur le développement de l’épi- théliome, dernier stade de son évolution, Rare avant la ménopause, généralement unilatérale, elle débute par le mamelon, qui, tendant de suite à se rétracter, se charge de concrélions cornées ou de petites croûtes recouvrant une légère exulcération. L’aréole est en- plaque rouge, — présentant : en certains points des squames et des croûtes ; en d'autres, de petites exul- cérations rouge vif, humides ; ailleurs des plaques épidermiques minces et sèches, cicatricielles, que les sensations de brûlure et les démangeaisons qui l'accompagnent, pourraient faire prendre pour de l’eczéma, si elle ne tranchait sur les tissus sains par ses bords bien limités, de couleur rosée, en forme de bourrelet régulièrement circulaire ou polycyclique. A une période variable de ce développement lent et progressif, parfois plusieurs années après le début, le mamelon qui a continué à se rétracter par formation de tissu scléreux (Vidal) devient le siège d’une ulcéra- tion végétante. L’épithéliôme, qui a débuté par l’épi- derme ou par les glandes où leurs conduits est cons- titué; il est toujours à type pavimenteux, de forme lobulée ou tubulée. Dans les lobes et les tubes épithé- liaux on trouve toujours des psorospermies bien évidentes nettement enkystées, psorospermies dont M. L. Wi- ckam à pu suivre pas à pas l’évolution pathogénique dansles périodes:de début (squameuse), intermédiaire (exulcérative), terminale (épithéliale) de la maladie du mamelon. D' E. DE LAVARENNE. Schaffer (D') (de Buda-Pesth). — Nouvelle contribu- tion à la pathologie et à l’histologie de la rage humaine. (Annales de l'Institut Pasteur, n° 12, 4889.) L'auteur a eu l’occasion de faire l’autopsie de six individus morts de la rage; à cette occasion il a pu étudier à nouveau les lésions du système nerveux, Comme les autres auteurs il à constaté à l’œil nu des congestions et des hémorrhagies dans diverses régions de la moelle; mais après durcissement des centres nerveux dans Île liquide de Müller, il à trouvé un grand nombre de petits ilots atteints de ramollissement nécrosique ; déjà M. Gamaléia avait signalé que la rage médullaire est caractérisée par la nécrose des foyers, Ces lésions dans les cas de M. Schaffer se montraient dans les cornes antérieures et postérieures et dans la substance blanche, surtout à la limite des faisceaux de Goel et de Burdach. M. Schaffer a fait voir que les régions de la moelle les plus altérées sont celles qui correspondent au lieu de la morsure, c’est-à-dire moelle cervicale surtout atteinte dans les morsures du membre supérieur, moelle lombaire dans celles du membre inférieur, Les faits expérimentaux de Burdach, de Cantani, de Vestea et Zagari avaient déjà éclairé ce point de doctrine, bien en rapport avec la théorie ner- veuse de la rage généralement acceptée aujourd'hui, théorie qui veut que le virus rabique suive le trajet des troncs nerveux, de la morsure aux centres bulbo-médul- laires. L'auteur ne dit pas s’il a trouvé des localisations bulbaires dans les cas de morsure à la face. Les faits réellement nouveaux du mémoire de M. Schaffer consistent dans les altérations des éléments nerveux non signalées jusqu'ici, Les cellules des cornes antérieures présentent des altérations variées, atrophie pigmentaire, formation de vacuoles, mais surtout une dégé- nérescence granuleuse du noyau de la cellule; ce que l’auteur appelle dégénérescence l'ibrineuse n’est proba- blement que le premier degré de l’atrophie granuleuse. Les altérations de la substance blanche consistent en une hypertrophie du cylindre-axe, dégénérescence des gaines de myéline qui peuvent disparaitre, Mêmes lésions dans le bulbe. Les nerfs périphériques en rapport avec le lieu de la morsure sont aussi malades; les altérations consistent en infiltration de leucocytes, hypertrophie du cylindre-axe, dégénérescence de la gaine, De tous ces faits auteur conclut que les lésions de la rage sont caractérisées par une myélite aiguë, insulaire, disséminée, non systématique, avec prédo= minance dans la région correspondant à la morsure. D' H. Dusrer. PT PR CRT s side 2: if étions tn dé 0 eus den: du ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 89 ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 27 janvier 1890. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. M. Cayley : Sur les racines d'une équation algébrique, — M. Paul Appell : Sur les fonctions de deux variables à plusieurs paires de périodes, — M. Paul Painlevé : Sur les transformations simplement rationnelles des surfaces algébriques. — M. de Jonquières : Sur le théo- rème d’Euler dans la théorie des polyèdres, — M. Du- ménil: Variations de grandeur de létoile Mira-Ceti. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ch, V. Zenger, en comparant les Tables spéciales, à remarqué que les orages magnétiques et les aurores boréales sont simul- tanés sur les continents européen et américain, ce qui montre leur origine extra-terrestre ; il relève en outre une relation entre ces phénomènes d’une part, d'autre part la période solaire de 12, 6 jours et le pas- sage des essaims périodiques d'étoiles filantes, — M. A. Etard, qui avait précédemment étudié la solu- bilité d’un mélange de chlorures de divers métaux, a étudié cette fois le cas où dans la solution d’un même métal, les métalloïdes varient; en déterminant la quantité et la composition de la partie du mélange qui se dissout à des températures variables, il met en lumière la loi suivant laquelle les métalloïdes se partagent la saturation d’un métal en fonction de la température, -— Après avoir reconnu que les solutions d’iode dans les divers dissolvants présentent une gamme de nuances allant du violet au brun, MM. H#. Gautier et &, Charpy appliquant à ces solutions la méthode cryoscopique concluent que le poids molé- culaire de l’iode en dissolution prend, depuis I dans les solutions brunes, des valeurs d'autant plus voisines de E (molécule de l’iode en vapeur), que la couleur de la solution se rapproche davantage du violet, — M, £L. Amat à fait l'étude calorimétrique des phosphites et pyrophosphites de soude, — MM, Æ. lBehal et V, Auger en faisant réagir le chlorure d’'éthylma- lonyle sur l’éthylbenzine en présence du chlorure d’a- luminium, ont obtenu une diethylbenzine en position meta, — M. A. de Schulten, en faisant évaporer lentement le carbonate d’ammoniaque d’une solution de carbonate de cuivre dans ce sel, a obtenu la forma- tion de cristaux de malachite, identiques aux points de vue cristallographique et oplique à la malachite natu- relle, et peu différents comme indice de dureté. 29 SCIENCES NATURELLES, — M. L, Ranvier à (rouvé dans diverses membranes connectives des Vertébrés des éléments particuliers qu'il appelle clasmatocytes. Ces cellules, facilement visibles sur un mésentère de Batracien fixé à l'acide osmique et coloré par le violet de méthyle BBBB, présentent comme propriété caractéris- tique un bourgeonnement incessant, Elles proviennent de globules blancs émigrés dans les mailles du tissu conjonctif. On trouve en effet toutes les formes inter- médiaires entre le globule blanc amiboïde et le clas- matocyte bien caractérisé. — M. Ch. Bohr comparant la tension des gaz dans le sang et dans l'air expiré par le poumon, conclut que les différences de pression ne peuvent expliquer les échanges respiratoires et qu’il faut admettre, de la part du parenchyme pulmonaire, une sorte d'action sécrétoire. — M. Ch. Musset à démontré sur un certain nombre de plantes croissant librement, que la lumière de la lune exerce une action sur l'orientation des fleurs. Il appelle cette action séle- notropisme. — M. Abel Dutartre signale le fait que le poison de la salamandre a une action destructive intense sur les globules sanguins des mammifères et des batraciens, — M. Aimé Girard indique que l'espèce de pomme de terre appelée Richters imperator donne des rendements en fécule supérieurs à ceux des autres espèces. M. Dehéraïn confirme le fait. — MM. G. Sée et Bordas, étudiant la pneumonie fibrineuse au point de vue bactériologique, ont toujours retrouvé le diplococcus lanceolatus dans le poumon des individus morts de cette maladie, plusieurs fois dans d’autres organes, une seule fois dans le sang. — M. A. de Grossouvre signale la présence de fossiles alpins dans le callovien de l'Ouest de la France, Séance du 3 février 1890, 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. A, Cayley : Sur les racines d’une équation algébrique, — M. A. Mann- heïim : Sur un mode de transformation en géométrie cinématique. — M.IL. KRaffy: Détermination de toutes les surfaces harmoniques réglées, — M, Paul Pain- leve : Sur les transformations simplement rationnelles des surfaces, et sur une classe d'équations différen- tielles, — M, F, Tisserand : Sur les noyaux de la grande comète II de 1882. — M. Kacchini : Observa- tions solaires du second semestre de 1889, 2° SCIENCES PHYSIQUES, — Poursuivantleurs recherches sur la propagation du son dans un tuyau cylindrique, MM. Violle et Vautier sont parvenus à établir un certains nombre de faits dont les plus généraux sont les suivants : Quelle que soit la nature de l’ébranlement initial, l'onde sonore tend vers une forme simple dé- terminée. — Cette forme une fois atteinte, les différentes parties de l'onde se propagent avec une même vitesse uniforme, Lavitesse normale de propagation du son dans l'air libre, sec, à O° est de 331%,10. — M, Jou- bin à étudié l'état du champ magnétique dans les conducteurs à trois dimensions; il a employé comme conducteur une large colonne de solution de sulfate cuivrique ; en observant les déviations d’un petit ai- mant promené à l’intérieur comme à l'extérieur de cette colonne liquide, il a reconnu quele champ ma- gnétique produit par un courant existe aussi bien dans le milieu traversé par le flux électrique que dans le milieu extérieur et qu'il y a continuité en passant par la surface de séparation. — M. 3. Borgman à répété les expériences de M, E. Thomson sur les actions mécaniques des courants variables ; il a obtenu quel- ques faits nouveaux, par exemple en faisant agir ces courants sur du mercure en couche mince, — M, KR. Sa- velief expose les résultats des observations actinomé- triques qu'il a faites à Kiev en 1888-1889 au moyen de l'actinomètre de M. Crova. — M. Joannis, qui avait étudié la tension de dissociation du sodammonium, conteste la légitimité de l'interprétation que M. Roo- zeboom a donnée de ces phénomènes d’après ses propres études sur léquilibre, Il apporte quelques faits nouveaux qui contredisent cette interprétation. — M.Besson a étudié les combinaisons du gaz ammo- niac et du gaz hydrogène phosphoré avec le bichlo- rure et le bibromure de silicium. — M.F, Osmond a étudié l'influence que la présence de certains corps étrangers exerce surles modifications allotropiques du fer et de l’acier pendant que ces corps s’échauffent ou se refroidissent, Il a examiné à ce point de vue des alliages de fer à divers degrés de carburation avec le bore, le nickel, l’arsenic, le silicium et le tungstène, — M.E. Mallard sigrale une nouvelle variété miné- 90 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES rale cristallisée de la silice. Cette variété, qu'il appelle Lussatite, forme une enveloppe fibreuse aux grands cris- taux de quartz limpide que l’on trouve dans divers gi- sements de bitume, — M. A, Gorgeu, en faisant l'analyse de deux oxydes de manganèse naturels, les Psilomelunes et les Wado, les a trouvés constitués par des combinaisons très stables de l’acide man- ganeux avec diverses bases. — M. Stanislas Meu- nier, en réduisant simultanément par l'hydrogène le chlorure de platine et le chlorure de fer, a obtenu à une température relativement basse la formation du platine ferrifère magnétipolaire; par ce procédé il a pu reproduire, en même temps que l’ensemble des carac- tères physiques et chimiques de cette espèce minérale, les traits essentiels du gisement du platine au sein des roches magnésiennes, 3° SGIENCES NATURELLES, — M. KFaurot a étudié le développement de lHalcampa chrysantellum d'après la disposition des cloisons mésentéroïdes. — M, Paul Marchai montre que l'appareil excréteur de lPécre- visse est formé : 4° d’un sac cloisonné dont les cavités affectent la disposition d’une glande en grappe ; 2° d’un réseau glandulaire occupant toute la face inférieure de la glande; 3 d’un tube transparentcontourné ; 4° d'un cor- don spongieux pelotonné sur lui-même ; 5’ d’une vessie et 6° d’un canal excréteur, ces différentes parties com- muniquant entre elles dans cet ordre. — M, P. Dan- geard à étudié la manière dont les diverses parties de la tige et de la racine des Gymnospermes s'unissent région à région, — M. A. de Fillo présente avec une carte hypsométrique de la Russie d'Europe quelques considérations générales sur l’orographie de ce pays. ‘ L. LapicouE, ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 28 janvier 1890 L'Académie termine la discussion sur la prophylaxie de la tuberculose par le vote des conclusions suivantes proposées par M Bergeron : « 1° La tuberculose est une maladie parasitaire et contagieuse, Le microbe de la contagion réside dans les poussières qu'engen- drent les crachats desséchés des phtysiques et le pus des plaies tuberculeuses. Le plus sùr moyen d’em- pêcher la contagion consiste donc à détruire ces cra- chats et le pus, avant leur dessiccation, par l’eau bouillante et par le feu. 2° Le parasite se trouve aussi quelquefois dans le lait des vaches tuberculeuses; il est donc prudent de n'employer le lait qu'après Pavoir fait bouillir, 3° L'Académie appelle l’atten- tion des autorités compétentes sur les dangers que les tuberculeux font courir aux diverses collectivités dont elles ont la direction, tels que lycées, casernes, grandes administrations et ateliers de l'Etat. » — M. Bou- chard fait une communication sur la pathogénie de la grippe à propos d'observations reeues de M. Tueffert (de Montbéliard) montrant la filiation de la grippe chez 41 malades, Ces faits, rapprochés de ceux de contagion de villes en villes, tendent à prouver la nature infectieuse et contagieuse de la maladie qu’il lui avait refusée précédemment, Il n’a pas trouvé d'organisme spécifique de la grippe, mais, dans les affections secondaires symplomaliques : le staphilo- coccus pyogenes aureus (herpès fébrile), le pneumo- coque (pneumonie, otites, etc), le streptococcus (crachats bronchiques, pleurésies, arthrites, amygda- lites), organismes habituels à notre économie deve- nant nocifs et constituant l’élément infectieux dans la grippe, soit par diminution de la défense de lPorgae nisme contre leur passage, soit par exallation de leur virulence, -- M, Aug. Ollivier, sans conclure des animaux à l’homme, cite des cas de contagion d’une dame à son chat, de 5 chats entre eux, qui semblent démontrer la nature contagieuse de la grippe et son mode de contagion par le mucus nasal, — M. Æar- nier présente une infirmière de la clinique se servant constamment de solutions de sulfate de cuivre, qui porte aux mains un pseudo-eczéma avec gercures el excoriations saignantes, dont M. Fournier montre le danger au point de vue de la contagion de la part des nourissons syphilitiques ; il pense qu'il faut renon- cer à l’emploi du sulfate de cuivre en obstétrique, Séance du 4 février 1890 M. Proust, à l'appui de la nature contagieuse de la grippe, cite un rapport de mer du D' d'Hoste du Saint-Germain relatant une épidémie de bateau (154 passagers sur #36, plus 47 hommes d'équipage) ayant eu pour origine l’embarquement d’un passager arrivant de Madrid où régnait la grippe, atteint de la maladie le lendemain de l’'embarquement, l'ayant com- muniquée au docteur, etc., etc., du 6 décembre au 5 janvier, — M. Laborde, à l'appui de la commu: nication de M. Bouchard (27 janvier), eite le cas d’un médecin, atteint d'érysipèle grave dans le cours d’une grippe, dont la bonne est morte rapidement d’une pneumonie sans pneumocoques mais avec streptocoques de l'érysipèle. — Expériences à ce propos : laboratoire de M. Brouardel, — M. Devillers pense que le lait bouilli, cause la plus efficace de diarrhée infantile, est ainsi plus dangereux que le lait non bouilli, cause exceptionnelle de tuberculose, — M. Périer pré- sente un malade auquel il à fait, en conservant le bras, l’atlation de l’omoplate envahie par un sarcôme. Opé- ration le 15 octobre. Guérison parfaite, Pas de récidive, Fonctionnement du bras limité, mais s’améliorant : le malade peut porter la main à la bouche. — M, Bu- din : lit son rapport sur « l’antisepsie des femmes en couches par les sages-femmes, » concluant à l’autori- sation à donner aux sages-femmes diplômées, d’'em- ployer un seul antiseptique toujours le même : su- blimé 0,25, acide tartrique 1 gramme, Rouge de Bordeaux 4 milligramme pour un litre d’eau, (Discussion ren- voyée), — M, Armand Gautier en commun avec M. Mourgues fait une communication relalive aux alcaloïdes de l'huile de foies de morues. Celle-ci doit son efficacité : 4° À ses corps gras facilement assimi: lables grâce à leur légère acidité et à leur saponifica- tion partielle, 2 à sa richesse en phosphate, acide phosphorique, lécithine, phosphore combiné à l’état organique, donc très assimilable, et à la petite quantité de brôme et d'iode combinés; 3° à ses alcaloïdes : butylamine, amylamine et surtout morrhuïne et acide morrhuique, agissant puissamment sur les centres nerveux qui président à la nutrition Plus grande efficacité des huiles colorées riches en bases. Suractivité des fonctions rénales, sudorales, inteslinales ; augmen- d tation d’appétit : indices d'une suractivité nutritive, D' E, DE LAVARENNE. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 1% février 1890 M. Retterer à complété l'étude du développement de la région anale des mammifères; le eloaque se divise par la réunion de haut en bas des deux replis cloacaux latéraux; quand la cloison est arrivée à l'orifice du cloaque, le rudiment périnéal figure un 8 de chiffre dont les deux boucles sont ouvertes ; l’orifice antérieur ou uréthral se ferme d’arrière en avant, l’orifice posté- rieur où anus, d'avant en arrière, — M. Léon Gui- gnard à déterminé, dans les feuilles de laurier-cerise et les amandes, la localisation de l’émulsine, c’est-à- dire de la diastase qui dégage l’acide cyanhydrique de l’'amygdaline. Cette substance est renfermée exclusive: ment : pour les amandes, dans la péricycle des fais- ceaux libero-ligneux; pour les feuilles de laurier-cerise, 9 À ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 91 dans une gaine de cellules spéciales entourant le péricycle sclérilié. —MM. Arthaud et Butte ont fait des recherches pour déterminer le mécanisme par lequel l’extirpation du pancréas produit la glycosurie ; ils croient que le phénomène tient aux troubles circulatoires produits indirectement dans le foie, — M. H. Vincent indique que, pour oblenir sûre- ment des cultures du bacille typhique avec ses carac- tères classiques, :1 faut l'ensemencer dans du bouillon phéniqué,porter à 42° et praliquer les ensemencements successifs avec des cultures très jeunes, —M, Gréhant, s’est assuré que lorsqu'on empoisonne un animal par une goutte d'acide cyanhydrique dans l'œil, ce n’est pas par les voies respiratoires que se fait l'absorption. — MM. Malassez et Vignalrappellent qu’ils ontcons- taté les virulences des crachats tuberculeux après plu- sieurs dessiccations successives. — M. Nicati fait une communication pour démontrer que le glaucôme est un œdème variqueux de la chorio-capillaire. Séance du 8 février 1890 M. Ch, Henry : Principe ef gradualion d’un ther- momètre physiologique. — M. Béjerine communique un cas de syringo-myélie {vpe, remontant à 40 années, dont il a l'observation clinique et Pautopsie. Ce cas con- firme entièrement lathéorie physiologique qui fait passer les sensations tactiles parles cordons blancs postérieurs, et les sensations thermiques et douloureuses par-l'axe gris de la moelle. — M. ‘lourneux à envoyé une note sur la formation du périnée chez les moutons. — M. Pouchet signale quelques particularités que pré- sentait le cachalot récemment échoué à l'île de Ré, — M. Malassez présente un appareil de contention d’un type nouveau pour lapins, rats et cobayes, L, LAPICQUE, SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE SÉANCE DU 7 FÉVRIER 1890 M. Gernez expose la suite de ses recherches sur l'application de la mesure du pouvoir rotatoire à l'é- tude de diverses combinaisons chimiques. Si l’on ajoute à une dissolution contenant 1 équivalent d’a- cide malique, dissolution douée d’un faible pouvoir rotaloire, des fractions graduellement croissantes d'é- quivalent de molybdate de soude ou d'ammoniaque, sels naturellement inactifs, on constate que le pouvoir rotaloire varie dans une proportion considérable (4 à 200 par exemple), Les variations sont d’abord progres- sives, puis le pouvoir rolaloire passe par un maximum, diminue, peut changer de signe, passe par un nouveau maximum, etc. Ces divers maxima correspondent à des proportions simples et caractérisent sans doute des combinaisons déterminées. On-voit à quelles erreurs on s’exposerait si on voulait appliquer à l'analyse de tels mélanges les règles adoptées en saccharimétrie, — M. Eh. À, Guve fait une communication sur la cons- titution moléculaire des corps au point critique, M. van der Wauls a proposé une formule bien connue pour relier la pression, la température et le volume d'un corps à l’état liquide ou gazeux; dans cette formule entre un coefficient b qui est proportionnel au coefficient eritique (rapport de la température à la pression cri- tiques) ; d’après les conceptions de M. van der Waals, ce coefficient représenterait le volume propre des molé- cules de la masse considérée, Dans un tout autre ordre 42 : : : , k K—1 d'idées, Clausius a démontré la relation v — Frs (SE 7) (K étant la constante dielectrique etv le rapport de la somme des volumes des pelites masses sphériques con- ductrices qu’il imagine au sein du diélectrique, au volume total de ce diélectrique). Maxwel établit d'autre part, dans la théorie électro-magnétique de la lumière que K est égal au carré de l'indice de réfration n (1). On est, d’après ces théories, conduit à regarder le m—1M nombre © = ——— —- (M étant le poids moléculaire, m+zud d la densité) comme proportionnel au volume des mo- lécules.M.Guye a vérifié, sur une cinquantaine de corps. l’exacte proportionnalité du coefficient b au nombre T. Cette loi remarquable établit un lien fort curieux entre des théories distinctes; elle fournit, en outre, des conséquences chimiques fort intéressantes, Lucien Poincaré, ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE Séance du 4% janvier 1890 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M.'Ferby rend compte de la découverte récente faite par M. Schiaparelli sur la rotation de Mercure : la durée de la rotation de cette planète serait égale à celle de sa révolution autour du Soleil ; elle serait donc, par rapport à cet astre, dans les mêmes conditions que la Lune par rapportà la Terre ; et, de même que nous ne voyons jamais qu'une seule face de la Lune, de même une seule face de Mercure verrait le Soleil, 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. P, Van Beneden fait une lecture sur un point de l'histoire nationale des Cé- tacés, Un journal francais avait annoncé la capture, à l'ile Saint-Honorat, d’un énorme poisson extraordinaire que le syndic des gens de mer à Cannes avait pris pour un Narval et dont il avait donné une description très sommaire. Celle-ci a suffi à M. Van Beneden pour dé- terminer l'espèce à laquelle appartenait ce monstre marin, La connaissance des Cétacés dans les mers d’'Eu- rope a fait, dit-il, de grand progrès en ces derniers temps ; les moindres indications de taille ou de cou- leur suffiront pour reconnaitre tout Cétacé qui, doréna- vant, viendra échouer sur une côte quelconque des mers d'Europe, Nous comptons en tout 20 à 23 espèces dans nos mers, en y comprenant même {rois qui sont propres au Groënland et au Spitzherg : le Mysticetus, Le Beluga etle Narval, qui ne quittent pas les glaces po- laires ; 14 d’entre elles pénètrent dans la Méditerranée et autant dans la Baltique. Il est à remarquer qu'aucune de ces espèces n'appartient à ces mers intérieures, et qu'ilenestdemêmedes3seuls Delphinides qu'on rencon- tre dans la mer Noire : le Marsouin, le Tursiops et le Dauphin ordinaire, — Quelestlenom du Cétacé qui vient de se perdre sur le rocher de Bancals ? Des 12 ou 13 Cé- tacés qui visitent la Méditerranée 3 appartiennent aux Balénides (Balenoptera musculus et rostrata, Megaptera boops). Les Ziphoides ne comprennent que le Ziphius cavirostris et Hyperoodon, Parmi les Delphinides il n°y a que l’Orque et le Globiceps qui atteignent la taille de celui qui vient d'échouer, Le monstre échoué est sans doute le Ziphius cavirostris, puisque l'Hyperoodon, que l’on capture périodiquement sur Les côtes des Feroë, ne visite que les régions méridionales, On ne connait qu'un seul exemple d’un Hyperoodon capturé dans la Méditerranée. Il est vrai, si l’on tient compte de la taille, que le monstre de Saint-Honorat pourrait être un Orque, mais les fortes dents de l’Orque etla colora- tion toute particulière de la peau auraient sans doute attiré l’attention des pêcheurs qui l'ont vu échouer. Du reste, nous avons aujourd'hui nos références au sujet de cette détermination : le Musée royal de Belgique a fait l'acquisition du squelette, qui comble une lacune importante dans la collection des Cétacés vivants et nous y trouvons tous les caractères de ce curieux Cétacé, F. Four, Membre de l'Académie, Directeur de l'Observatoire de Bruxelles. (1) Pour une longueur d'onde infinie. 00001200 92 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 23 janvier 1890 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Esaac Roberts : Sur une méthode photographique pour déterminer la variabilité des étoiles. La méthode proposée con- siste à prendre une ou plusieurs images d’un espace donné du ciel sur la même plaque photographique ; la plaque est disposée de telle sorte que les images ne peuvent se superposer. On peut ainsi découvrir tous les changements d'intensité lumineuse qui se sont pro- duits entre les deux moments où les photographies ont été prises. On a appliqué cette méthode à la nébuleuse d’Orion; on à pu constater que, dans un espace de moins de deux degrés carrés, 10 étoiles avaient en cinq jours considérablement varié d'intensité lumineuse. SCIENCES PHYSIQUES. — M. -J. Hopkinson : Un fil d'acier nickelé (fer : 74%, nickel 25) perd ses propriétés magnétiques, si on le chauffe au rouge sombre et qu'on le laisse ensuite se refroidir. La résistance électrique 100 1000 | y | | ] | LA | | 00000400 = = : = _ DO 0 100 200 300° 400 50° 600 700°C Résistance suivant la température. du fil aux températures ordinaires est très différente dans les deux états. La résistance spécifique à l’état magnétique est d'environ 0,000052, et à l’état non- magnétique d'environ 0,000072 Les échantillons non magnétiques présentent une résistance à la rupture de 50 tonnes par pouce carré ; l'allongement maximum est de 32 %. Des échantillons magnétiques présentent une résistance de 81 tonnes par pouce carré, l'allongement maximum est de 7%. Après la rupture d’un fil non magnétique, les deux parties du fil deviennent magné- tiques. Si on refroidit, au moyen d’acide carbonique solide, un fil non magnétique, toutes ses propriétés changent; il est transformé d'acier doux en acier trempé, il devient magnétique et il faut le chauffer à 600° pour lui rendre ses propriétés primilives. Séance du 30 janvier 1890 SCIENCES PHYSIQUES. — M.IL. FF, Vernon Har- court: Recherches sur les effets des murs longitudi- naux (haining walls) dans un estuaire comme la Mer- sey. Les expériences ont été faites sur un modèle, de l’estuaire pour résoudre deux problèmes, (1. L'in- fluence des murs longitudinaux placés dans le large estuaire supérieur sur le chenal, situé au dessous de Liverpool et qui traverse la barre. (2. Les effets des murs Jongitudinaux placés dans l’estuaire inférieur sur le chenal qui traverse la barre, Voici les résultats : les murs placés dans l'estuaire supérieur sont nuisi- bles, parce qu'ils augmentent la quantité d’eau dans l'estuaire, tandis que dans l'estuaire inférieur ils aug- mentent la profondeur du chenal de sortie; ils offrent ainsi le meilleur moyen de créer à travers la barre un chenal fixe et profond, SCIENCES NATURELLES, — |’ €.-S, Sherrington : Sur les cellules nerveuses extérieures de la moelle épi- nière des mammifères, L'auteur a observé des cel- lules nerveuses isolées non seulement dans les parties profondes des colonnes latérales, mais aussi dans les colonnes antérieures et postérieures. Dans les colonnes postérieures, ces cellules semblent détachées du groupe vésiculaire postérieur de Clarke et elles res- semblent de très près aux cellules de la colonne de Clarke. Elles sont souvent voisines des cellules de la colonne de Clarke, mais dans quelques cas, elles sont beaucoup plus éloignées de la substance grise, elles peuvent même être très voisines de la périphérie de la colonne extéro-postérieure. Dans la partie de la co- lonne latérale qui est adjacente aux formations réti- culaires latérales, il y a de nombreuses cellules ner- veuses dispersées entre les tractus de fibres blanches, Elles sont souvent fusiformes, mais souvent aussi mul- tipolaires, Dans la colonne latérale elle-même, il n’est pas rare de trouver des cellules détachées du groupe des petites cellules de la corne latérale (Clarke’s tractus intermedio-lateralis), situées dans la substance blanche, nettement en dehors des limites de la substance grise. Ces cellules sont fusiformes. Dans les colonnes anté- rieures, on trouve des cellules multipolaires parmi les faisceaux de fibres qui passent entre le bord interne de la corne antérieure et la commissure antérieure à la base de la scissure antérieure. Si les cellules externes de la colonne postérieure appartiennent au groupe de Clarke, il semble probable que ce groupe est en connexion directe avec ces fibres médianes des racines posté- rieures qui, après un lrajet ascendant dans la colonne de Burdach, plongent dans la substance grise à la base de la corne postérieure, — Professeur 3. R. Green: Sur la germination des graines du Ricinus communis. L'auteur à recherché comment les réserves nutritives deviennent, pendant la germination, assimilables pour l'embryon : il a trouvé dans la graine un ferment zy- mogène, qui entre aisément en action sous l'influence de Ja chaleur et des acides faibles, Il décompose les principes gras et détermine la formation de glycérine et d'acide fici-oléique. Les matières protéiques sont décomposées par un autre ferment, avec formation de peptone et d’asparagine. Les seuls produits qu’absorbe l'embryon sont un acide cristallisé, du sucre et peut- être des peptones et de l’asparagine, Le mode d’absorp- tion est toujours la dialyse. Les changements chimiques commencent dans l’endosperme et se produisent même lorsqu'on a enlevé soigneusement l'embryon. La germi- nation est plus rapide cependant si tout ou partie de l'embryon reste en contact avec l’endosperme. Il se développe au cours de la germination un ferment ana- logue à la présure, d'une grande activité, mais son action n’est point encore expliquée. Séance du 6 février 1890, SCIENCES MATHÉMATIQUES, — Major Mac Mahon (Royal Artillery) : Mémoire sur les jonctions symé-= triques des racines de systèmes d'équations, — Ce mé- moire traite de l'extension aux systèmes de quantités algébriques de la nouvelle théorie des fonctions symé- triques par rapport à un seul système récemment déve- loppé par l’auteur. (American Journalof Mathematie. VAT.) SCIENCES NATURELLES, — D! J, WW, Eldridge Green : Nouvelle théorie de l’achromatopsie et de la vision des couleurs, D’après l’auteur les personnes qui ontune vue normale ne percoivent quesix couleurs : le rouge, l’orangé, le jaune, le vert, le bleu et le violet. Les autres couleurs ne sont percues que comme des nuances de celles-là. Tandis que la série physique, (lespectre)comprend un nombre infini d'unités, la série psycho-physique c’est-à-dire la série percue par l'esprit, se compose d'unités définies, dont le nombre dépend des dimensions du centre de perception, Au premier degré d’achromatopsie, on ne percoit que cinq couleurs dans le spectre, au suivant quatre, puis trois, puis deux ; alors apparait entre le vert et le bleu une bande neutre, qui va grandissant jusqu'à ce que l’on arrive dans certains cas à l’achromatopsie complète. L’auteur considère donc la vision normale comme une hexa- chromie et la vision des achromatopsiques comme une pentachromie,une tétrachromie, ou une dichromie, Richard O, GREGORY. re 1 ca nt à ch M Lu ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 93 ACADÉMIE DES SCIENCES DE SAINT-PÉTERSBOURG Are séance de l’année : 28 janvier 1890 Rapport de M, le Secrétaire perpétuel sur les travaux de 1889.—1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, Œchebycheff a inséré dans les zapiskys un mémoire sur les expres- sions approximatives de la racine carrée de la variable . par des fractions simples, L'auteur y fait l'application générale d’un théorème démontré par lui dans son mémoire sur «les queslions de minima qui se ratta- chent à la représentation approximative des fonctions ». — M. Imchenetsky, dans son mémoire sur l’inté- gration des équations différentielles symétriques, a fait des recherches importantes sur une nouvelle forme de ces équations, — Parmi les mémoires des savants étrangers, il faut rappeler ceux de M. Boby- lev sur le principe de Hamilton ou d’Astrogadsky ; — de M. H. Struve sur les satellites, Thétys et Rhia, de Saturne; — de M. Bonadorff sur le calcul des ares des parallèles sur l’ellipsoïde terrestre. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — C’est surtout la météorologie qui a été étudiée. Les variations magnétiques ont été l'objet de nombreuses recherches. M. Wild les à me- surées à Pawlowsk au moyen d'appareils perfectionnés et d’un enregistreur photographique d’une grande pré- cision. Les déterminations concordent avec les résul- tats des calculs entrepris par M. Müller pour faire subir aux autres observations de Saint-Pétersbourg et de Pawlowsk la correction des perturbations. M. Abels, dans le Nord-Ouest de la Sibérie, M. Assafry dans le gouvernement d'Eriwan ont relevé l’un l'inclinaison, l’autre les trois éléments magnétiques. Dans la contrée de Ja Léna, les variations séculaires de ces trois élé- ments ont été étudiées pendant l'été 4888 par M. Stet- ting auxstalions météorologiques d’Irkoutsk,lakoutsh, Olekminsk, Witiinsk, Blagwenschtschensky-Priisk et Bauschtschikowo. Ses observations, réduites aux moyennes de 1888, el comparées aux résullats obtenus pour 1829 par Hansteen, Due et Ermann, pour 1870 et les années suivantes par M. Müller et Fritsche, ont conduit à rectifier notablement les cartes magné- tiques de la Sibérie. — La température de l'air a donné lieu à plusieurs travaux : M. Wild à fait voir qu’elle est toujours inférieure à celle qu'indique la mé- thode d’Assmann, De son côté M. Leyst, par l'emploi d'instruments enregistreurs, a démontré que l'erreur commise en lisant les thermomètres maæima et minima à une heure quelconque de la journée peut, aussi bien pour les matima que pour les minima, atteindre plus de 4° GC. Il à déduit de ses recherches les heures du jour où il faut lire les thermomètres extrêmes, et donné des règles pour corriger les lectures faites à d’autres heures. — La pression barométrique a surtout été étudiée par M. Schônrock; ce savant à comparé, à ce sujet, les résultats de toutes les observations faites en Europe depuis 1880. En les rapportant à ceux du baromètre de M. Wild, seul absolu, et, pour cette raison, généra- lement adopté, il a constaté que non seulement les divers baromètres normaux employés en Europe dif- fèrent jusqu'à + Oum, 3 de celui de M. Wild, mais en outre que pour beaucoup d’entre eux les corrections ont même changé de Om 2 e{ plus dans le courant de six années, L'auteur attribue ces changements à plu- sieurs causes : la capillarité du mercure dans les branches ouvertes des baromètres varie avee l’humidité de l'air; le mercure s’oxyde; enfin les lectures aux baromètres de voyage sont passibles d’inexactitudes. Aussi conclut-il avec M. Wild que les observatoires centraux des différents pays devraient se procurer des instruments vraiment normaux, comme les baro- mètres maintenant établis à Saint - Pétersbourg, Pawlowsk et Helsingfors. Ces appareils concordent absolument jusqu’à 0,01, — Les orages en Russie ont vivement attiré l'attention (Mémoires de MM. Schôn- rock, Kaminskv ct Kierwonsky). M. Berg a défini la fréquence, l'extension, la marche et le ca- ractère général de ces phénomènes dans toute la Russie en 1886. De son étude il résulte que : 1° La grêle ac- compagnant les orages est chez nous moins fréquente en été que dans les autres saisons; 2° la période diurne des orages à été déterminée pour chaque mois; 3° Ja considération de la température et de.la pression de l'air est insuffisante pour rendre compte des orages: il faut y joindre celle de l'humidité absolue de l'air. — M. Gresnevsky à étudié l'accumulation des neiges par les vents dans la Russie d'Europe. Ces neiges constituent un obstacle considérable à la cir- culation des trains sur les voies ferrées, surtout dans le Sud et le Sud-Est de notre pays. Le transport de la poste et des voyageurs y est maintenant moins régu- lier avec les chemins de fer qu'autrefois avec les chevaux, parce que ceux-ci éprouvaient moins d'arrêt du fait des neiges, L'important serait d’être prévenu des endroits les plus menacés afin de les déblayer avant l’arrivée des trains. Les observations organi- sées dans ce but par les chemins de fer sont abso- lument insuffisantes, L'auteur a done cherché une connexion entre l’amoncellement de la neige et les facteurs généraux du temps. Il à dressé trois cartes des cyclones et anticyelones dont dépendent les tem- pêtes et, pour chaque région de la Russie d'Europe, fait connaitre les conditions qui y déterminent des accumulations de neige dangereuses pour les chemins de fer, Il nous à mis en mesure de prédire un jour à l'avance, d'après les isobares de nos cartes synoptiques, la force et la direction du vent en tout endroit de la Russie d'Europe pourvu de voies ferrées ; eLil a précisé davantage les faits qui permettent de prévoir la for- mation de la neige, On augmenterait considérable- ment lexactitude de celte prévision par la création d’un service de dépêches relatives à l'état de la couche de neige en un grand nombre de points du territoire, — Signalons enfin les recherches du général Gadolin sur la probabilité de la variation des vents, de cet auteur et de M, WWila sur la diffusion de la lumière de M. BékytofF sur l'énergie de loxydation du rubi- dium, de M. Beïlstein sur le dosage de l’antimoine, de M, Blaese sur le dosage de la soude en présence de la potasse, de M. Ribalquine sur l'équilibre chi- mique entre HCI et H par rapport aux métaux, de M. Rusanow sur les produits de condensation des aldéhydes avec les phénols, Travaux de la séance, — 1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. wwila présente les Annales de l'Observatoire physique central pour 1888. On y trouve les observations météo- rologiques et magnétiques de Pawlowsk, Catherinen- bourg, Irkoutsk, les travaux de 580 stations observant les pluies, 692 observant les orages et 298 stations observant des phénomènes météorologiques variés. 29 SCIENCES NATURELLES. — M. Wschersky décrit d’après 2518 ossements 25 espèces de mammifères post- tertiaires trouvées par MM. Bunge et Foll (expédition de 1885-1886) sur les côtes de la Nouvelle-Sibérie, le long du fleuve Jana et près de l'embouchure de la Léna : Felis tigris, Canis lupus et familiaris, Vulpes lagopus, Ursus maritimus et aretos, Gulo borealis, Phoca foctida Trichechus rosmarus, Spermophilus Eversmanni, Arvi- cola (2 espèces encore indéterminées), Lemmus oben- sis, Myodex torquatus, Lepus variabilis, Bison priscus, Ovibos moschatus, Ovis vivicola, Colus soiga, Alces pal- matus, Rangifer tarandus, Cervus elaphus, Equus ca- ballus, Rhinoceros thicorhinus, Elephas primigenius. — Dans la collection des « résultats scientifiques des voyages de Przewalski ». M. Maximovicz à con- sacré 2 volumes à la flore de Tangoute, de la Mongolie et du Thibet oriental ; son travails’étend jusqu’à l’Inde, la Perse et le Turkestan chinois, remplissant les lacunes de la flore de l'Asie boréale et centrale, Depuis le Japon jusqu'à l'Asie mineure on connaît donc maintenant, au moins dans ses grands traits, la flore de l'Asie, C'est surtout aux savants russes qu’on doit ce résultat. 0. BAGKLUND, Membre de l'Académie. 91 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 23 janvier 1890 19 SCIENCES MATHEMATIQUES. — M. J, von Hepper- ger : Intégration des équations relatives aux pertur- bations des’éléments des comètes périodiques de faible inclinaison, par la Terre, Vénus et Mercure. 29 SCIENCES PHYSIQUES. M. &. Adler étudie les variations de la force électrique à travers un mur con- ducteur. — M. le président 3. Stefan continue ses recherches sur les ondulations électriques dans lés conducteurs rectilignes. Si un courant d'intensité va- riable parcourt un fil conducteur, entouré d’un tube concentrique également conducteur et isolé du fil, il se produit dans ce tube un courant induit, Le-principe précédemment établi du minimum d'énergie magné- tique permet de déterminer d’une facon très simple la distribution des courants : l'énergie a visiblement la plus petite valeur possible quand tout le courant cen- tral est condensé sur une couche infiniment mince à la surface du fil, et tout le courant induit, condensé sur une couche infiniment mince à la surface interne du tube ; à chaque instant l'intensité du courant in- duit est égale et de signe contraire à celle du courant inducteur, Dans ces conditions, la force magnétique est nulle dans fout l’espace: sauf dans le milieu iso- lant qui sépare le fil du tube, Remarquons aussi ce fait très important : le tube forme un écran parfait, aussi bien pour les actions d’induction que pour les actions magnétiques provenant du fil conducteur; il produit en effet sur tout conducteur extérieur un cou- rant induit égal et de signe contraire à celui que pro- duit le fil intérieur, L’analogie présentée par ce pro: blème avec le problème de la distribution d’une charge d'électricité statique sur deux cylindres concentriques (l'intérieur étant isolé et l'extérieur relié au sol), est ici encore absolument complète ; elle persiste d’ailleurs si les conducteurs ne sont ni concentriques ni de sec- tions circulaires. La vitesse de propagation des ondu- lations dans le fil est modifiée par la présence du tube; le champ magnétique ne s'étend en effet qu’au diélec- trique interposé entre les deux, la self-induction est donc diminuée dans le fil, elle disparaît même complè- tement si les deux conducteurs sont concentriques et de section circulaire ; il en résulterait une augmenta- tion de la vitesse de propagation si la capacité demeu- rait invariable, ce qui a lieu si le tube est isolé ; mais s'il est relié au sol, la capacité du fil intérieur augmente dans la même proportion que diminue sa self-induction et la vitesse de propagation garde sa valeur primitive. On peut encore augmenter la capacité en introduisant entre le tube et le fil un milieuayant un grand pouvoir diélectrique; la vitesse de propagation est alors modi- liée. Sir W, Thomson à déjà signalé cette influence. Si au voisinage d'un fil parcouru par un courant va- riable, on place un second conducteur rectiligne et parallèle, le courant primitif se distribue sur la surface du premier fil, les courants induits se distribuent sur chacun d’eux comme le ferait une charge d'électricité statique répandue sur le premier, et la charge induite par influence sur le second supposé relié au sol; quand le conducteur a une section circulaire, le courant n’est pas également distribué sur sa surface, le côté tourné vers le second conducteur présente une plus grande densité, Dans un tube de Geissler, par exemple, cette condensation pourrait être rendue visible du côté d’un conducteur placé parallèlement au tube; mais, en réa- lité, le phénomène pourrait être masqué par la répul- sion électro-dynamique qui s'établirait entre les deux conducteurs. Un conducteur placé à côté d’un fil par- couru par un courant variable joue ainsi le rôle d'écran pour les effets magnétiques et les effets d’induction ; l'écran à d'autant plus d'action qu’il entoure plus com- plètement le fil, M. Hertz a démontré qu'un système de fils tendus parallèlement se comporte comme un plan conducteur; un pareil système exerce donc le rôle d'écran s’il peut être parcouru par des courants induits; il ne possède plus, au contraire, cette propriété, s’il n'est le siège d'aucun phénomène d’induction, c’est-à- dire s’il est placé perpendiculairement au courant pri- maire; c’est aussi la condition essentielle pour que ce système soit capable de réfléchir les effets d’induetion dans l’espace, car ces éffets réfléchis sont précisément les effets du courant induit dans la suface du conducteur qui les réfléchit, — M. Paul Mohr, en chaufffant à 130° dans un tube scellé, 12 molécules d’aniline avec 1 molécule d’hexachlorure de benzine a obtenu un corps cristallin et soyeux la triphénylimidobenzine): (CFH* — 47H) C6H3—(C°H°— AzH) N{CSH5— 47H; 3° SCIENCES NATURELLES, — M. W, von Æbner dis- cute les questions controversées sur la structure de l'émail des dents. — M. Franz Foula adresse un rapport sur ses recherches géologiques dans le Balkan Oriental, Il a traversé la chaîne dans six directions différentes, entre Roustchouk, Varna et Slivno: il signale la présence des terrains suivants : 1° Quater- naire (Læss, alluvions fluviales) ; 2° Néogène (Belvedere Schotter, élage sarmalique, couches à Spaniodon, couches marines de Varna); 3 Tertiaire inférieur (calcaires marins des environs de Slivno, probablement oligo- cènes; marnes nummulitiques; horizon à alvéolines près de Varna ; flysch à fucoïdes, en partie); 4° Crétacé (flysch à inocérames; craie sénonienne à faciès anglo- parisien ; Cénomanien analogue aux Korycaner Schichten et couches à Orbitolines ; Barrêmien de Rasgrad à Desmoceras difficile; Hauterivien de Choumla à Crioceras Duvali) ; 5° Jurassique (Lias-Dogger) : affleurements peu nombreux ; 6° Trias (manque à l’Est de Slivno. Les terrains sédimentaires plus anciens font complètement défaut et les roches cristallines sont peu développées. L'important district volcanique du Sud du Balkan, est consütué principalement par des andésites à augite, Emil WEYR, Membre de l'Académie SOCIETE DE PHYSIQUE DE BERLIN Séance du 7 février 1890. : M. Æ. Budde: Sur la rotation très rapide d’un corps solide avec un point fixe doué de 3 moments d'inertie différents. — M. Falke présente de nou- veaux étalons pour la mesure des résistances élec- triques. Il s’est occupé surtout de la préparation de substances métalliques dont la résistance électrique ne subit pas de changements temporaires comme celle de l'argent et de l'alliage de platine et d'argent. Un alliage de 25 % de nickel et de 75 % de cuivre fut trouvé le meilleur; la résistance des étalons reste constante même après l’action brusque de la chaleur. Les alliages de cuivre et de manganèse offrent des phénomènes assez curieux, Le coefficient de variation avec la température, étant du reste relativement petit, est positif jusqu'à une certaine température, puis devient négatif. La température correspondant au changement de signe du coefficient est d'autant plus haute que Pal- liage est plus riche en manganèse. Les alliages de nickel et de manganèse offrent des phénomènes tout à fait analogues; seulement la température, où le coefficient change de signe, est plus basse, La résistance de ces alliages de manganèse est relativement grande et constante, — M. Zaegert communique les expériences instituées par M. Beinda, à Leipzig, sur les forces élec- {ro-motrices que présentent des couches de mercure de températures différentes exposées à des pressions inégales. Dans les couches chaudes il se constitue un courant allant des points de moindre pression aux points de pression plus grande, La force électro-motrice à 4009 C., pour une différence de pression de 10 at mosphères, est égale à 0,1 micro-volts. D' Haxs Jan. NOUVELLES 95 ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séance du 2 février 1890 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Volterra : Sur les équations différentielles qui se rapportent au calcul des variations. — M. Pé&ano : Sur la définition de l'aire d'une surface, — M. Del Ke : Sur les groupes com- plets de trois transformations linéaires involutoires dans les espaces à n dimensions. M. Æacchini lit une notice nécrologique sur M. Respighi, membre de l’Académie et directeur de l’observaloire du Capitole, mort le 10 décembre 1889, à l’âge de 65 ans. M. Respighi était un savant de grand mérite et d’une grande activité ; il laisse de nombreux travaux d'astronomie et de physique céleste, —- M. Tac- chini présente à l'Académie le résumé de ses obser- vations sur les {aches, facules et protubérances solaires, faites à l'observatoire du collège Romain pendant le #° trimestre de 1889. Il résulte de ses observations, assez nombreuses malgré le mauvais temps, que dans le mois de novembre il y a des jours où les taches man- quent complètement; le même phénomène se repro- duit dans le mois suivant el continue dans le mois de janvier 1890. La fréquence et la hauteur des protubé- rances est aussi en diminution; il est donc certain que ce calme du soleil qui a commencé en avril 1889 confirme que nous passons par le vrai minimum de l’activité solaire. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Pisati a fait des recher- ches pour établir si la propagation du flux magné- tique dans le fer est un phénomène analogue à celui de la propagation de la chaleur dansdes barres chauffées à une seule extrémité, et exposées à l’action refroidis- sante de l'air, Les expériences exécutées par M. Pisati démontrent que cette analogie existe réellementetque, pour le flux magnétique dans le fer, deux espèces de conductibilités sont à considérer : une conductibilité interne et une conductibilité externe, — M, Reg- giani décrit ses recherches sur la densité de l'eau de la Méditerranée, Les échantillons de cette eau furent recueillis pendant la campagne hydrographique exécutée sur le Washington en 1883, par le contre- amiral Magnaghi, directeur du bureau hydrographique de la Marine Royale à Gênes, Les échantillons de l'eau étaient conservés dans des tubes en verre fermés à la lampe ; M. Reggiani, après avoir exposé la méthode suivie dans ses déterminations, donne des tables, avec les valeurs exactes jusqu'à la sixième décimale, de la densité de l’eau puisée dans différentes stations à des profondeurs qui, de la surface de la mer, vont jusqu’à 2.820 mètres. Il décrit ensuile les aréomètres à immer- sion totale, imaginés par M. Pisati. Ces aréomètres sont à densité constante et à densité variable, Celui à den- sité constante repose sur le principe de réduire la deu- sité de l’eau de la mer de facon à la rendre égale à celle de l’aréomètre, en y ajoutant de l’eau distillée ; on calcule le volume du mélange et on en déduit la den- sité de l’eau de la mer. Pour l’aréomètre à densité va- riable on réduit, au moyen d’une surcharge, la densité de Paréomètre jusqu'à égalité avec celle de Peau de la mer ; le rapport entre le poids ajouté et le volume de l'aréomètre donne la densité de l’eau. Ces aréomètres à immersion totale, ont l'avantage d'éviter l'erreur produite par la tension superficielle des liquides ; en outre ces appareils sont d’un usage facile et rapide à bord des navires, — Sur un rapport de MM. Cerruti et Blaserna, l’Académie approuve la publication dans ses Mémoires du travail de M. Cantone, relatif à la déformation du fer doux par effet de la magnétisation. 3° SCIENCES NATURELLES, — M. Strüver, en visitant les carrières de gneiss de Beura dans l'Ossola, a re cueilli des échantillons de calcite cristallisée, Il y a découvert de petits cristaux noiràtres, à éclat métal- lique, de brookite, minéral qui n'avait jamais été trouvé en Italie, Les petits cristaux sont cachés dans l'intérieur de la calcite, ce qui fait qu'ils peuvent faci- lement échapper à une observation superficielle; ils sont opaques, et transparents seulement en quelques endroits, Il serait à désirer qu'une plus grande quan- tité du minéral permit d'ajouter des recherches chi- miques aux mesures crislallographiques, — M. Ca- pellini ayant eu l'occasion d'examiner des débris fossiles trouvés dans les argiles écaillées de l’'Emilia, que l’on croyait appartenir à un crocodile, a reconnu que c'étaient les restes fossiles d’un Ichthyosaure, et précisément de l’Ichtyosaurus Campylodon. Au même horizon géologique du Crétacé inférieur appartiennent les Cycadées fossiles que l’on a trouvées dans les fleuves et dans les torrents de l'Emilia, Ces découvertes confirment l'opinion de M. Capellini, qu'une partie des argiles écaillées de l'Emilia doivent être attribuées au Cénomien. M. Morpurgo, sur le conseil de M. Bizzozero, a entrepris des recherches pour recon- naitre si, après la section des nerfs vasomoteurs, il se produit une modification de l’activité régénérative de l'organe auquel les nerfs appartiennent, En extirpant à des lapins le ganglion sympathique supérieur d’un seul côté, on voit que dans l'oreille de ce côté le pro- cès de la régénération physiologique est plus mani- feste, et que les blessures y guérissent plus rapide- ment que dans l'oreille du côté où l’on a laissé intact le nerf sympathique. Snellen, en 4857, avait obtenu d’une autre manière les mêmes résultats. Aux dernières élections de la classe des sciences mathématiques, physiques et naturelles de l'Académie sont nommés membres étrangers quatre savants fran- .Cais: MM. G. Darboux, H, Bazin, M. Ber- thelot, J.-B. Chauveau., Ernesto Mancini. NOUVELLES LA SYNTHÈSE DES FLUORURES DE CARBONE Aucun chimiste n'avait réussi jusqu’à présent à com” biner directement le carbone aux halogènes : fluor, chlore, brome et iode ; fait d'autant plus extraordinaire que l’on connaissait depuis longtemps des composés formés à partir des.éléments entre le carbone et plu- sieurs des métalloides, A la suite des belles recherches qui ont conduit M. Moissan à isoler le fluor, ce savant à montré que ce métalloïde se combine avec une grande énergie aux deux corps simples les plus voisins du carbone, le bore et le silicium. Ces réactions faisaient prévoir la possi- bilité d'effectuer la synthèse directe de fluorures de carbone, Bientôt, en effet, M. Moissan annonca qu'il était parvenu à faire brûler le charbon dans le gaz fluor, Dans une séance récente de la Société française de Physique (17 janvier 1890) il fit voir à ses audi- teurs le spectre d’un gaz fluocarboné. L'union directe du carbone et du fluor étant ainsi établie, il restait à résoudre deux questions impor- lantes : d’une part, préciser les conditions dans les- quelles ces combinaisons directes s'effectuent, et d’autre part trouver une méthode pratique pour préparer à l’état de pureté ces différents fluorures de carbone pré- vus dès lors par la théorie, C’est à ce double résultat que viennent de parvenir d'une-facon tout à fait-indé- pendante M. Moissan et M. Chabrié. 96 NOUVELLES Les nouvelles expériences de M. Moissan communi- quées le 10 février à l’Académie de Sciences ont mon- tré que les nombreuses variétés de carbone se compor- tent fort différemment vis-à-vis du fluor. C’est là un fait du plus haut intérèt, sur la portée duquel M. Ber- thelot a spécialement appelé l'attention de l’Académie, en présentant le travail de M. Moissan, Ce savant a montré en effet que le noir de fumée calciné s’en- flamme spontanément à la température ordinaire, dès qu'il se trouve en contact avec le fluor pur. Il en est de même du charbon de bois très poreux. Le graphite de la fonte ou le graphite de Ceylan ne prennent feu qu’au dessous du rouge sombre, Le diamantenfin, main- tenu à une température voisine de 1000°,ne brûle pas dans le fluor, Quant au produit gazeux qui se forme dans ces combustions, il serait constitué par un mélange de deux fluorures de carbone, dont l’un est le tétrafluo rure D'après les dernières communications de M. Mois- san, le même gaz prend naissance lorsqu'on fait passer des vapeurs de tétrachlorure de carbone sur du fluorure d'argent chauffé, D'autre part, M. Chabrié, déjà très favorablement coneu par ses recherches sur les dérivés organiques du sélénium, a présenté le 7 février à la Société chimique de Paris, et le 10 février à l’Académie des Sciences, la première série des expériences qu'il à faites au laboratoire de M. Friedel, et qui l’ont conduit à une méthode fort intéressante de préparation des fluo- rures de carbone, M. Chabrié à fait réagir en tubes scellés les différents chlorures de carbone, tels que G Cl, CCl', CCI etc, en présence du fluorure d'argent, et il a constaté que, dans ces conditions, il y a production de chlorure d'argent et des fluorures correspondants. Grâce à l'emploi des tubes scellés, au moyen desquels il est possible de prolonger le con- tact intime des corps jusqu'à réaction complète, on comprend qu'on oblienne ainsi les fluorures de car- bone, en quantité théorique et chimiquement purs, Comme l'a fait remarquer M. Friedel, l'intérêt de cette méthode réside donc dans son caractère général, Indépendamment de ces résultats, M. Chabrié a fait connaître, dès le 7 février, un procédé d'analyse du tétrafluorure de carbone CFl', aussi rapide que rigou- reux, qui lui a permis de déterminer la composition de ce gaz. Ces recherches fort intéressantes fontle plus grand honneur aux deux savants qui les ont exécutées. Elles ouvrent un champ de travail qui promet d'être fruc- tueux, et, à ce litre, elles ne manqueront pas d'attirer l'attention des chimistes. Ph. À, GUYE. LA LÈPRE DANS LES COLONIES ANGLAISES On se souvient encore de l'émotion produite par la mort du Père Damien : ce courageux missionnaire vivait depuis dix ans dans l'ile de Molokai où sontisolés les lèpreux des îles Sandwich et avait contracté lui- même la Lèpre en 1883. Ce martyre n’a pas été stérile, et l'Angleterre s’est émue de l’envahissement progres- sif de ses colonies par le terrible fléau. Une souscrip- tion à été ouvertesous le patronage du Princede Galles, afin de pouvoir instituer des missions scientifiques dans le double but d'étudier la maladie, tant dans les laboratoires de l’Europe que sur place dans les pays lépreux, et d’établir des léproseries aussi nombreuses que possible, Les chiffres donnés à cette occasion sont intéressants à plus d’un titre : le recensement de 1881 donnait 131.618 lépreux répandus dans les possessions anglaises de l’Inde, dont 53.886 pour la seule présidence du Ben- gale ; ce chiffre, certainement au-dessous de la vérité, s'élève aujourd’hui à plus de 200.000. En 1887, on esti- mait qu'il n'y avait pas plus de 2,000 lépreux, soit 1 pour 100, hospitalisés dans les asiles spéciaux. Ces derniers sont, du reste, parfaitement insuffisants : on en comple 23 seulement pour l'Inde entière, dont 3 dans le Bengale, pouvant contenir 300 malades, C’est à cette pénurie de ressources que doivent parer lesfonds recueillis actuellement. Le danger est pressant, paraït- il, car on signale également une augmentation sen- sible dans le nombre des lépreux de la colonie du Cap. Dans la Guyane anglaise, en 1831, on comptait #31 lé- preux à Demerary, et le dernier recensement donne un chiffre de 1000 individus atteints de Lèpre, soit { pour 250 habitants : cet accroissement a été surtout sensible dans les dix dernières années. Devant cet envahissement, l’internement des lépreux dans des asiles spéciaux est devenu le mot d'ordre du gouvernement anglais. Si nous consultons les publications scientifiques anglaises, la contagion de la Lèpre n’y est cependant pas admise sans réserves: M. Jonathan Hutchinson fait observer que les lépreux de Norwège ont émigré en grand nombre aux Etats-Unis, sans y créer un foyer de Lèpre; de même en Angleterre, les lépreux reve- nant de l’Inde n’ont pas nécessité l’internement. Le D' Abraham a fait le 8 janvier à | « Epidemiolo- gical Society » une communication sur 118 cas de Lèpre observés au Pundjab, dont il lui est impossible de tirer un argument pour la contagion : nous relevons dans sa communication deux points intéressants, C’est d'une part que la nourriture exclusive de poisson ne semble pas être une condition favorable au développement de la Lèpre, comme on l'avait dit; c’est d'autre part, qu'il existe des cas bien avérés de guérison, ou tout au moins d'amélioration très sensible et prolongée, grâce au traitement, par l'usage interne et externe des huiles de gurjun et de chanlmoogra. Si les résultats n'ont pas toujours paru favorables, c’est que le traitement n’a- vait pas été suffisamment prolongé et énergique : un malade dont le D' Philippe (Jamaïque) rapporte lhis- toire, à « vécu dans la graisse » suivant son expres- sion, depuis 1879 jusqu'à 1886. Cette opinion a du reste été soutenue par M. Leloir au Congrès International de Dermatologie de Paris (1889). M. E. Neve qui a observé la Lèpre dans la province de Cachemir, west pas moins opposé à l’idée de conta- gion, ou, du moins ne saurait l’affirmer (Lancet, no- vembre 89.) Il n’en est pas de mème du D' Kanrin (Norwège\, convaincu pour sa part qu'on trouve rarement un lé- preux dont on ne puisse prouver les relations avec d’autres lépreux; si l’on hésite dans le rapprochement de ces faits, c’est en raison de la très longue période d'incubation, qui fait perdre de vue le point de départ (Lancet, 25 janvier, 90), Rapprochons de cette communication l'opinion émise par le D' Von Wahl, à un congrès de médecins Livo- niens, que la Lèpre augmente chaque jour en Livonie, et qu'il n’y a pas de doute sur la communication de cette maladie de personne à personne : dans les nom- breux faits qu'il a observés, les ascendants étaient presque toujours indemnes, et d’ailleurs il est àremar- quer que les individus atteints de Lèpre deviennent dès le début de leur affection complètement impuis- sants : l’hérédité ne semble donc pas devoir être admise comme cause principale, D' Ray. DurAND-FARDEL, Le Gérant : Ocrave Don. OR 2 EN A PS Luyrimer.e F, Lev:, rue Cassette, 17. 4 ANNÉE N° Es 28 FÉVRIER 1890 REVUE GÉNÉRALE ES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LE PROBLÈME DES DÉBLAIS ET DES REMBIAIS Le problème des déblais et des remblais se pose toutes les fois qu'il s'agit de transporter des matériaux d'un endroit à un autre. Si, par exem- ple, on veut élever un remblai de chemin de fer avec des terres empruntées à une tranchée de vo- lume égal, il faudra évidemment chercher à faire cette opération en en réduisant les frais autant que possible. Les terres extraites de la tranchée {déblai) sont chargées sur des tombereaux qui les transpor- tent au remblai : le prix du transport de chaque tombereau est proportionnel à la masse de terre qu'il contient et à la longueur du chemin qu’il suit, c'est-à-dire au produit de la masse transportée par le chemin parcouru, si nous admeltons toutefois que tous les chemins sont de même qualité. Il faudra donc partager la tranchée à creuser (déblai) et le remblai à élever en volumes élémentaires équiva- lents se correspondant deux à deux de telle ma- nière que, si l’on multiplie la masse de chacun des volumes élémentaires du déblai par le chemin qu'il doit suivre pour être transporté sur le volume cor- respondant du remblai, la somme des produits ainsi obtenus soit a plus petite possible. Dans ce pro- blème pratique, les transports se font suivant des routes dont la forme varie avec la nature du ter- rain et, même avec l’état des travaux, au moins dans le voisinage immédiat du déblai et du remblai. (4) Bibliographie : Monge, Mémoires de l'Académie des Scien- ces, 1781.— Dupin, Applications d'Analyse, de Géométrie et de Mé- canique. — Darboux, Comptes-Kendus, t. CI, p. 1312 (Rapport). — À. de Saint-Germain, Etude sur le problème des déblais e des remblais (Mémoires de l'Académie de Caen, 1886, Imprimerie Le Blanc-Hardel, Caen). — Appell, Mémoires présentés par divers savants à l’Académie des sciences. t, 29, n0 3, REVUE GÉNÉRALE, 1890, Parmi les auteurs qui ont essayé de traiter mathé- maliquement la question, Dupin seul a cherché à tenir compte de cette variation dans la forme des routes qui complique extrêmement le problème pratique. Il est utile de remarquer que le problème se simplifie lorsque le déblai et le remblai peuvent être assimilés à des aires ou à des lignes situées dans un même plan : c'est ce qui arrive, par exemple, lorsqu'il faut dépaver une certaine aire pour repaver avec les mêmes malériaux une aire équivalente, ou lorsqu'il s’agit de combler un long fossé peu large et péu profond avec la terre fournie par le creusement d'un autre fossé de mème nature, I Dans les Mémoires de l'Académie des Sciences pour 1781, Monge, s’affranchissant des complications que présente le problème pratique, admet que lés éléments du déblai suivent des lignes droites pour être portés sur ceux du remblai, et se pose la: question de géométrie suivante : « Deux volumes équivalents étant donnés, les « décomposer en parcelles infiniment petites el « deux à deux équivalentes, se correspondant sui- « vant une loi telle que, si l'on multiplie le chemin « parcouru par chaque parcelle, transportée sur «celle qui lui correspond, par le volume de cette « parcelle, la somme des produits ainsi obtenus soil «un minimum. » Pour simplifier le langage et rappeler le pro- blème pratique, Monge nomme arbitrairement l'un des volumes déblai et l'autre remblai : le système 4 98 P. APPELL, — LE PROBLÈME DES DÉBLAIS ET DES REMBLAIS de routes rectilignes qui réalise le minimum demandé est le meilleur système de routes. Le mémoire que Monge consacre à cette question est l’un des plus importants qu’ait publiés le grand géomètre. moins par la solution du problème des déblais et des remblais, que par les théorèmes de géométrie qui y sont élablis, en passant, comme lemmes et comme propositions incidentes : c'est en effet, dans ce mémoire, que se trouvent développées les pro- priélés, maintenant classiques, des systèmes de rayons rectilignes et des lignes de courbure des surfaces. La méthode suivie par Monge consiste à chercher d’abord des conditions nécessaires auxquelles doivent salisfaire les routes. Parmi ces conditions, la suivante se place au premier rang: dans le meilleur système de routes, les lignes droites suivies par deux parcelles quelconques ne doivent jamais se couper, si ce n'est à leur point de départ commun dans le déblai ou à leur point d’aboutis- sement commun dans le remblai; car, si deux routes se croisent entre leurs extrémités, une figure bien simple montre que l'on peut diminuer le prix du transport des deux parcelles du déblai en échangeant leurs points de destination dans le remblai, Il résulte de ce principe que toutes les parcelles du déblai et du remblai, qui se trouvent sur la route suivie par une autre parcelle, doivent suivre la même route qu’elle. Donc, sur chaque route du meilleur système, il cheminera en général une infinité de parcelles formant, dans le déblai etle remblai, deux filets infiniment minces équi- valents. Pour préciser ce point d’une importance capitale, considérons deux volumes équivalents, de forme ellipsoïdale, comme ceux que représente la figure ci-contre : les routes devront traverser les deux volumes de part en part, et, si l’on trace celles de ces routes qui s'appuient sur une petite courbe fermée C marquée à la surface du déblai, elles formeront une sorte de tuyau découpant dans le déblai et le remblai des volumes équivalents DD'et RR’. Les parcelles du déblai situées dans ce tuyau en DD' seront transportées, dans son intérieur, sur , les parcelles du remblai en RR’. C'est l’ensemble de toutes les routes de ce genre qu'il s'agit de déterminer de facon à rendre minimum le prix total du transport. Après avoir montré que cette détermination est facile dans le cas simple où les deux volumes peuvent être assimilés à des aires planes siluées dans un même plan, Monge fait connaitre, pour le cas général, la proposition suivante qui est la base de toute sa théorie : Les routes appartenant au meilleur système doivent être xsormales à une même surface, C'est dans le but d'établir ce théorème que Monge étudie les propriétés essentielles des systèmes de droites et donne, pour exprimer que dans des droites se succédant l'espace d'une manière continue sont normales à une même surface, une condition géométrique très simpie qui conduit immédiatement aux propriélés des lignes de courbure, Mais les raisonnements à l’aide desquels il prouve que les routes du meilleur système doivent être normales à une même surface, peu salisfaisants que le théorème était mis en doute par certains géo- mètres; la démonstralion géométrique que Dupin en a donnée plus tard est également sujette à de graves objections, Le théorème de Monge est vrai pourtant : à la suite d’une question posée par l’Académie en 1884, il a été démontré géométri- quement d’une façon très élégante par M. A de Saint-Germain, et analytiquement par d'autres auteurs, notamment par M. Otto Ohnesorge (1); la démonstration analytique, fondée sur le calcul des variations, permet de montrer que le théorème de Monge est encore vrai, même si la densité est variable dans le déblai et le remblai. sont si Il D'après ce théorème, voici comment on procé- dera pour obtenir le meilleur système de routes correspondant à un déblai et à un remblai donnés. On cherchera une portion de surface continue S telle que les normales à cette surface le long de son contour soient tangentes à la fois au déblai et au remblai, et que les normales à l'intérieur du contour traversent entièrement le déblai et le remblai en remplissant la condilion suivante que nous avons déjà indiquée : si l'on prend une suite continue de ces normales formant un tuyau de (4) Le Mémoire de M. Otio Ohnesorge a été présenté à l'Académie, mais n’a pas été publié à notre connaissance. P. APPELL. -_ LE PROBLÈME DES DÉBLAIS ET DES REMBLAIS 99 section très petite , ce tuyau doit détacher, dans le déblai et le remblai, des volumes équivalents. Toutes ces conditions étant réalisées, ces normales formeront le meilleur système de routes, sauf dans des cas exceptionnels sur lesquels il serait trop long d’insister. Ces cas exceptionnels ne pourront pas se présenter si la surface S est convexe du côté du déblai et du remblai. Pour déterminer la surface S normale aux routes du meilleur système, il faut intégrer une équation aux dérivées partielles du second ardre déjà donnée par Monge. Dans l’état actuel du caleul intégral, cette équation ne peut être intégrée que dans des cas particuliers, par exemple dans le cas où le déblai et le remblai sont des aires homogènes équivalentes situées dans des plans parallèles ou sur la surface d'une sphère. Mais, même en admettant qu'on ait réussi à intégrer l'équation, on se trouvera, pour la détermination des deux fonctions arbitraires qui figurent dans l'intégrale générale, en face de nouvelles difficultés de la nature de celles qui se présentent dans la théorie des surfaces minima. Le célèbre problème des surfaces minimes consiste à trouver,parmi toutes les surfaces continues passant par une courbe fermée donnée, celle dont Paire est la plus petite possible. On peut obtenir physiquement cette sur- face en construisant, avec un fil métallique, un contour égal à la courbe donnée et le plongeant dans un liquide légèrement visqueux; le contour élant ensuite reliré, le liquide forme une lame con- tinue très mince passant par la courbe et repré- sentant approximalivementla surface demandée(1). Si l’on veut déterminer analytiquement cette sur- face, il se présente des diflicullés que M. Darboux résume de la manière suivante : «Si l’on considère «toutes les surfaces formant une nappe continue «passant par une courbe fermée, le calcul des « variations apprend que la surface d’aire minimum «aura, en chaque point, ses rayons de courbure «égaux et de signes contraires. L’équation aux «dérivées partielles de cette surface une fois inté- «grée, la condition à laquelle elle est assujettie de « passer par la courbe ne permet pas de déter- (1) En !8$3, M. Schwarz, professeur à 1 Université de Gœt- tingue, a reproduit ainsi devant l’Académie des Sciences les plus importantes des surfaces minima, en employant un liquide et des apparei!s de son invention. «miner complètement les deux fonctions arbi- « traires dont elle dépend. Il existe une infinité de «surfaces minima contenant la courbe ; mais ces «surfaces ne satisfont pas toutes, on le sait, à la « condition, supposée cependant par le caleul des « variations, de former une nappe continue reliant « les uns aux autres tous les points de la courbe. On «ne peut déterminer les deux fonctions arbitraires « qu'en employant des considérations tout à fait « indépendantes de la méthode des variations, «puisque la condition à laquelle il s’agit de satis- « faire est supposée remplie au moment même où «commence l'application de cette méthode, Le « problème auquel on est ainsi conduit arrète « aujourd’hui encore les efforts des géomètres et «n'a pu être résolu que dans quelques cas parti- « culiers,. « La solution du problème de Monge présente « des difficultés analogues et peut-être plus grandes. «Les fonctions arbitraires d’une variable, qui «entrent dans les équations du système des routes, « doivent être déterminées par la condition que les «routes forment un système continu, permettant « de transporter dans l'ensemble du remblai la « totalité des parcelles qui composent le déblai. La « condition, évidente a priori, que les routes limites «soient tangentes à la fois à la surface du déblai et « à celle du remblai, ne fait connaitre qu'une de «ces deux fonctions, et il n'existe, comme dans la «théorie des surfaces minima, aucune règle fixe et « précise conduisant à la solution complète de la « question proposée. » Il est quelques cas simples où la solution com- plète se trouve aisément, Ainsi, lorsque le déblai el le remblai sont des volumes symétriques l’un de l’autre par rapport à un plan passant entre les deux volumes, lasymétrie pouvant être oblique, les routes du meilleur système s’obtiennent en portant chaque “élément sur son symétrique; elles sont parallèles à une même direction c'est-à-dire normales à un plan. Lorsque le déblai et le remblai sont des volumes de révolution autour d’un même axe, les routes du meilleur système sont situées dans les plans méridiens ; elles sont normales à une surface de révolution autour du même axe. P. Appell. Professeur à la Sorbonne. 100 L, MANGIN. — STRUCTURE ET FONCTIONS DES STOMATES STRUCTURE ET FONCTIONS DES STOMATES La surface des feuilles est criblée de petits ori- fices découverts et étudiés presque simultanément vers 1680 par Malpighi et N. Grew. Ces orifices ne recurent que beaucoup plus tard le nom sous le- quel on les connaît maintenant. En 1819 Link les appela stomales parce qu’ils sont constitués par deux cellules en forme de croissant, disposées à peu près comme leslèvres qui circonscrivent la bouche, ctwua; elles s'affrontent en effet par leurs cornes aplaties, en laissant entre leur partie concave, une fente, nommée ostiole, occupant toute l'épaisseur de l'épiderme et donnant accès dans les tissus de la plante. Dès la découverte des stomates, les opinions fu- rent partagées sur leur rôle, Malpighi (1) et, avec lui, Guettard, de Saussure, les considéraient comme des glandes (glandes miliaires de Guettard,glandes corticales de deSaussure).N.Grew (2) au contraire et avec lui Hedwig,quiles nommait pores évaporatoires, pensa qu'ils servaient soit à l’exhalation des liqui- des superflus, soit à l'entrée de l'air. Nous donnons, à titre de curiosité, avec une courte description tirée de l'ouvrage de N. Grew, une copie fidèle d'un dessin (fig. 1)représentant la distribution des stomates dans le Lis blane :...«Les « téguments, d'un très grand nombre de plantes, « tout au moins, présentent plusieurs orifices ou pas- « sages (pass-ports), qui servent soit à l'élimination « de la sève superflue, soit à l'admission de l'air. « Ces orifices ne sont pas pareils dans toutes les « feuilles ; ils varient en grandeur, en nombre, en « forme et en position, d’après la nature de la « plante ou de la feuille, et donnent à la feuille un « grain différent. Dans le lis blanc, ils sont ova- «les, très blancs et chacun est entouré d'une « étroite bordure blanche. Ils semblent à une dis- «lance de 4 ou + de pouce l’un de l’autre, lors- « qu'on les regarde avec un bon verre; ils sont « dispersés sur toute la feuille, mais sans ordre « régulier. « Dans la feuille de Pin, ils sont également ova- «les, el ont à peu près la même grandeur que « ceux du lis; il y en a à peu prèslemème nombre; « mais ils n’ont pas de bordure. Leur arrangement « est très élégant; ils sont tous disposés très exac- « tement en rang et en file d’une extrémité de la « feuille à l’autre. » (1) Minimi tumores, voluti glandulte foramine pervite. Mal- pighi, Opera. omnia, 16817. (2) « Orifices or Pass-ports, either for the better avolation of superfluous sap, or the admission of air. » N. Grew, Anat. of plants, 1682, L'étude que nous allons faire brièvement {de ces organes montrera que Grew était dans la vé- rité. Fig, 1, — Extrémité d’une feuille de Lis blanc, avec ses sto- males, fac-simile d’une gravure de l'ouvrage de N. Grew (1682), représentant l’extrémité de la feuille en grandeur naturelle et cette même extrémité grossie. On peul facilement voir les stomates d’une feuille d’Zris ; il suffit de la plier en deux: elle se casse au niveau du pli, mais l’'épiderme de la face concave résiste, el si :’on écarte doucement les deux frag- ments, on détache des lambeaux d’épiderme sous l’aspect d’une mince pellicule incolore que l’on peut directement examiner au microscope (fig. 2); Fig. 2. — Stomates de la fouille d’Iris vus de face et en coupe; c.st cellules stomatiques, ep épiderme, & crêtes externes des cellules stomatiques. le même résultat peut être obtenu avec des feuil- les de Yucca. Mais, dans la plupart des feuilles, l'épiderme ne se détache pas aussi facilement, et pour en obtenir des fragments, on fait bouillir, pendant quelques minutes, des morceaux de feuil- les dans une dissolution de potasse ou de soude caustique à 4 0/,; par l’ébullition, les tissus de la feuille sont dissociés et l’on sépare aisément,en agi- tantle liquide, l’épiderme des deux faces ainsi que les nervures. Les figures 3 et 4 représentent l’épi- derme d’une feuille de Chou et celui d’une feuille L, MANGIN. — STRUCTURE ET FONCTIONS DES STOMATES 101 de Lierre obtenus ainsi, avec les stomates qui s’y trouvent distribués. Pour compléter les renseignements fournis par l'examen de l’épiderme vu de face, il faut pratiquer des coupes transversales minces sur différentes feuilles, de manière à voir comment les stomates sont constitués dans l'épaisseur; les figures 1, 3, 4, représentent de semblables coupes dansles feuilles de Chou, d’Zris, de Cycas, Fig. 3. — Épiderme de la feuille du Lierre isolé par la macé- ration; à gauche, face inférieure; à droite, face supéricure, On voit, en comparant ces divers dessins, que les cellules de bordure de l’ostiole, qui sont nom- ANT “T ns AS es 7 NEC = { PÉ2PRE Fig. 4. — Feuille du Chou, épiderme vu de’face et de profil; o ostiole, c.st cellules stomatiques, p parenchyme, ép épi- derme, e chambre stomatique, aa! crètes des bords de l’os- tiole, ù mées cellules slomatiques, ont toujours la forme d'un . croissant et se fixent l’une contre l'autre par leurs cornes aplaties; elles renferment presque toujours -des grains de chlorophylle et des grains d'amidon, ce qui les distingue des cellules épidermiques, or- dinairement incolores et souvent dépourvues de . Jeur contenu protoplasmique. Sur les coupes transversales pratiquées au mi- lieu d’un stomate, on peut constater que l’ostiole, c’est-à-dire la fente qui traverse l’épiderme, d'a- bord large à l’orifice extérieur, se rétrécil peu à peu vers le milieu, pour s’élargir ensuite à la face inférieure ; il donne accès dans une lacune assez grande, laissée entre les cellules du parenchyme et qui a reçu le nom de chambre stomatique ou respi- ratoïre €. L'épaisseur de la membrane des cellules stoma- tiques n’est pas uniforme; la face supérieure et la face inférieure sont fortement épaissies, très ré- fringentes et souvent munies, du côté de l’ostiole, de crêtes saillantes aa' qui limitent celle-ci, tandis que les faces interne et externe sont très minces; dans le Chou les deux arêtes existent aa'; dans l'Iris il n’en existe qu'une «, enfin dans le Cycas, les arêtes manquenL. La situation des stomates relativement à la face externe de l’épiderme est variable; parfois placés dans le même plan que l’épiderme, comme on le voit dans la feuille du Chou,'ces organes sont rare- ment saillants; le plus souvent, ils sont refoulés assez profondément au dessous de la face externe de l’épiderme, par suite du développement des cel- lules avoisinantes qui forment une sorte de cham- bre ou de puits au-dessus de l’ostiole, comme on le voit dans la feuille du Ywcca, du Pin, du Cycas. Fig. 5. — Coupe d’un stomate de Cycas revoluta; c.st cel- lules stomatiques, o ostiole, e chambre respiratoire, a anti- chambre, ép épiderme, Les stomates existent seulement dans les organes recouverts par l’épiderme ; ils manquent dans les tiges des arbres dont l’épiderme est exfolié ou crevassé, ainsi que dans toutes les racines, qui sont dépourvues d’épiderme, ou dont l’épiderme s’exfolie partiellement de très bonne heure, C'est donc dans les feuilles qu'ils sont surtout intéres- sants à étudier. Là ils sont répandus en égal nombre sur les deux faces, quand celles-ci sont semblables (feuilles de /acinlhe, de Blé, etc.) ; mais dans la plupart des feuilles dont les deux faces sont différentes, les stomates, rares ou absents à la face supérieure, sont très nombreux à la face inférieure (fig. 3). Enfin dans les feuilles toujours submergées, les stomates n'existent pas et les feuilles nageantes n’en sont pourvues ordinaire- ment qu'à la face supérieure. Le nombre des stomates est très considérable, 102 L. MANGIN. — STRUCTURE ET FONCTIONS DES STOMATES puisque certaines feuilles en possèdent jusqu'à 100 par millimètre carré; en moyenne il est de 100 ou 200 par millimètre carré ; mais même dans ce cas, ces orifices sont si nombreux qu'une seule feuille peut en présenter un ou plusieurs millions; ainsi une feuille de Tilleul en présente 1,000,000 environ; une feuille de Nenuphar en porte 7,500,000, une feuille de Chou 11,000,000 et sur une feuille de Victoria regia, Nymphéacée des régions équato- riales de l'Amérique, il en existe environ un mil- liard ! É On conçoit que des organes répandus avec tant de profusion dans l’épiderme des feuilles aient depuis longtemps attiré l'attention des physiolo- gistes. Il Nous avons vu que les stomates, désignés d’abord sous le nom de glandes, furent bientôt considérés comme les orifices naturels d’exhalation et d’inha- lation des gaz qui circulent dans les méats ou les lacunes de la plante et sont utilisés par les tissus vivants. Une des plus anciennes expériences qu’on réalise pour montrer la communication des sto- males avec les cavités de la plante, consiste à prendre une feuille de Nénuphar munie de son long pétiole. Le limbe étant placé dans l’eau, on saisit l'extrémité du pétliole entre les lèvres et l'on insuffle de l'air; on voit aussitôt des bulles d'air sortir du limbe par les stomates, après avoir cir- culé dans les cavités de la plante. Cette expérience due à Raffeneau-Delille (1) a été modifiée et variée, souvent d'une manière ingénieuse, par MM. Sachs et Merget. Malgré l'intérêt qu’elles présentent, nous n'insisterons pas sur ces expériences, parce qu'elles ne s'appliquent pas aux plantes vivant à l’état normal ; en outre comme un certain nombre d’entre elles pourraient être réalisées avec des membranes entièrement privées d'orifices, elles ne peuvent nous permettre d'affirmer si les stomates jouent un rôle prépondérant dans les échanges gazeux. Nous décrirons seulement les expériences qui ont été entreprises sur des plantes vivantes, soit pour déterminer le lieu de sortie de la vapeur d’eau exha- lée par les feuilles, soit pour déterminer le mode de pénétration ou de sortie des gaz consommés dans l’acte respiratoire ou chlorophyllien. Garreau (2) a réalisé le premier des expériences précises sur cette double question. Il masliquait deux cloches en verre contre les faces d’une feuille encore attachée à l'arbre ; chaque cloche, trans- formée ainsi en une chambre close dont l’une des parois élait formée par la face supérieure ou par la (1) Raffeneau-Delille, Ann. se. nat., 1841, t. XIV, p. 328. (2) Garrcau, Recherches sur l'absorption et l’exhalation des surfaces aériennes des plantes. Ann. se. nat., 3° série, t. VIII 1849. face inférieure, renfermait une nacelle contenant du chlorure de calcium ou de la baryte caustique, suivant que l’on voulait étudier l'émission de va- peur d’eau ou d'acide carbonique. Dans ces expé- riences, réalisées avec des feuilles dont la face supérieure présente moins de stomates que la face inférieure, Garreau a toujours constaté que l'émis- sion de vapeur d’eau est plus faible, toutes choses égales d’ailleurs, à la face supérieure qu'à la face inférieure, Ces expériences semblaient mettre hors de doute l'importance des stomates dans l'émission de la vapeur d’eau, et il y a une dizaine d’années, M. Merget (1) compléta la démonstration par des expériences très ingénieuses. Il employa des pa- piers imprégnés de certains sels, capables de changer de teinte suivant que la proportion d’eau qu'ils renferment est plus ou moins grande. Le sel le plus sensible est un mélange de protochlorure de fer et de chlorure de palladium ; ce sel commu- nique au papier sec une teinte blanc jaunâtre, qui devient d’un gris plus ou moins foncé quand on le place dans un milieu humide. En lavant ce papier avec du perchlorure de fer, on fixe la teinte ob- tenue, d’une manière inallérable, Le papier sensibilisé étant préparé, on en plie un carré en deux et l’on place dans le pli une feuille encore adhérente à la plante, en maintenant le papier appliqué sur sa surface par une faible pression; si l'on opère par exemple avec une feuille adulte de Fusain du Japon, qui est dépourvue de stomates à la face supérieure, on constate, au bout de quelques minutes, que le papier sensibilisé n'a pas changé de teinte à la face supérieure, tandis que la partie adhérente à la face inférieure présente une teinte grise parcourue par un élégant réseau. blanc formé par les nervures, toujours dépourvues de stomates. Si l’on avait employé une feuille très jeune de Fusain, dans laquelle les stomates ne sont pas encore entièrement formés, les deux faces de la feuille auraient produit sur le papier sensibilisé une teinte uniforme grise, parce que dans ces con- ditions, la vapeur d’eau est exhalée par diffusion à travers la cuticule de l’épiderme. Les stomates méritent donc bien le nom de pores évaporatoires que leur avait donné Hedwig; mais ne sont-ils que cela, servent-ils aussi à l'émission et à l'absorption de l'oxygène et de l'acide carbo- nique? Cette question était encore controversée, il y a quelque temps, car Boussingault (2) vint contre dire en 1868 les résultats publiés par Garreau. Tandis que ce dernier avait constaté, pendant la (1) Merget, Comptes-rendus, février 1877, août 1878. (2) Boussingault, Sur les fonctions des feuilles. Ann. de chi- mie et de physique, 1868. L. MANGIN. — STRUCTURE ET FONCTIONS DES STOMATES respiration, un dégagement d'acide carbonique en rapport avec le nombre ou la distribution des sto- mates; Boussingault, en étudiant le phénomène chlorophyllien, crut pouvoir affirmer que l’exhala- tion d'oxygène était indépendante de la présence ou de l'absence des stomates. L'autorité qu'on attache, à si juste titre, aux travaux de l’illustre agronome, nous oblige à donner quelques détails sur les expériences qui ont servi à formuler la conclusion que nous venons de rappeler; conclu- sion inexacte, disons-le tout de suite, parce que si les expériences de Boussingault sont irréprochables, les conditions dans lesquelles il s'était placé n’é- taient pas comparables. Ce savant employait deux feuilles aussi sem- blables que possible; l’une, enduite de suif ou d’empois d’amidon à sa face inférieure, était collée par cette face sur une feuille de papier noircie, de manière à ne recevoir les radiarions que par la face supérieure, dépourvue de stomates; l’autre feuille, recouverte du même enduil à sa face supérieure, élait collée aussi sur du papier noirci, de manière à ne recevoir les radiations que par sa face infé- rieure à stomales libres. Ces deux feuilles ainsi préparées étaient placées chacune dans une éprou- vette contenant, avec l'air normal, une proportion connue d'acide carbonique, et exposées au soleil par la face libre. L'analyse de l'atmosphère con- finée, au bout d'un certain temps d'exposition, montre que la feuille recevant les radiations par sa face supérieure, et dont les stomates sont bou- chés,exhale dans le même temps, un volume d’oxy- gène plus considérable que la feuille recevant les radiations à sa face inférieure, mais dont les sto- mates sont libres. Ce résultat est indiscutable, et on peut l'obtenir aussi souvent que l’on recom- mencera l'expérience, mais l'interprétation de Boussingault est inexacte, car les feuilles employées ne sont pas comparables au point de vue de l'éclai- rement, à cause de l'inégale répartition de la chloro- phylle dans les deux faces des feuilles. On sait en effel que dans les feuilles à faces dissemblables comme celles du Zaurier-Rose, du Laurier-Cerise employées dans ces expériences, le parenchyme vert qui renferme les grains de chlo- rophylle n’est pas homogène. A la face supérieure (fig. 6), il est formé de cellules trois àquatre fois plus longues que larges, étroitement appliquées entre elles, et ne laissant que des méats très étroits ; elles sont disposées normalement à la surface de l'épi- derme et forment deux ou trois rangées d’un tissu assez compacl qu'on nomme parenchyme en palis- sade. À la face inférieure les cellules ordinairement étoilées, à trois, quatre ou cinq branches sont étalées parallèlement à la surface de l’épiderme ; elles laissent entre elles de larges espaces remplis 103 d’air, méats ou lacunes, qui ont valu au paren- chyme de cette région le nom de parenchyme lacu- Fig. 6. — Coupe d’une feuille de Lierre; ép épiderme, pp pa- renchyme en palissade, pl parenchyme lacuneux, neur. C'est à cause de ces masses d’air inlercalées entre les cellules, que le ton de la feuille, d’un vert franc à la face supérieure, est plus ou moins lavé de blanc à la face inférieure. Si l’on suppose alors des radiations tombant normalement sur la face foliaire supérieure, elles traverserontle paren- chyme en palissade sans être affaiblies par des réflexions ou des réfractions successives et la plus grande partie, absorbée par les grains de chloro- phylle, servira à dissocier l'acide carbonique de l'air; cette activité se traduira par l'exhalation d’un volume considérable d'oxygène. Au contraire, si les radiations frappent d'abord la face foliaire inférieure, elles ne rencontreront les régions du parenchyme en palissade, riche en chlorophylle, qu'après avoir traversé successivement l'air des lacunes et le suc cellulaire; l'inégale réfringence de ces milieux successivement traversés affaiblira, par de nombreuses réflexions ou réfractions, l'in- tensité de la lumière incidente et comme consé- -quence on observera un dégagement faible d'oxy- gène. Les résultats obtenus par Boussingault s’expli- quent ainsi naturellement sans l'intervention des stomates, et l’on ne peut que s'étonner de voir qu'un grand nombre de botanistes aient accepté, sans la discuter, la conclusion de Boussingault, en admettant sans donnée scientifique précise, que la diffusion seule à travers l’épiderme pouvait entre- tenir les échanges gazeux. En réalité le problème n'était pas résolu, les expériences qui précèdent ayant établi seulement que les gaz peuvent par- venir aux tissus vivants, soil directement à travers l’ostiole des stomates, soit par diffusion à travers l'épiderme, Il ne restait plus, pour élucider com- plètement cette question, qu'à déterminer la part qui revient à chacune de ces deux voies d'introduc- tion dans les conditions normales. 104 D. L. MANGIN. — STRUCTURE ET FONCTIONS DES STOMATES C'est ce que j'ai tenté de faire il y a deux ans en mesurant le coefficient de diffusion des divers gaz à travers la cuticule. Sans insister sur la descrip- tion de la méthode employée, je me bornerai à donner un aperçu des résultats les plus impor- tants (1). La vitesse de diffusion des gaz est très différente et les diverses valeurs obtenues pour l’épiderme de la feuille de Houx, sont presque identiques à celles que M. Graham à données pour la vitesse de dif- fusion à travers le caoutchouc. Si l’on représente par 1 le temps employé pour la diffusion de l'unité de volume de lacide carbo- nique à la pression de 760, la durée de la diffusion de divers gaz, toutes choses égales d’ailleurs, sera : Acide carbonique......... 1 HYOTOPÉNOE Eee te eee 2 OxyrÉNe PAPER CEE 5 : ADI PA ner ce La vitesse de diffusion est : 1° Indépendante de la température, celle-ci étant comprise entre les limites des variations climaté- riques ; 2° Proportionnelle à la différence des pressions que le gaz exerce sur les deux faces de la mem- brane ; 3° Inégale pour les diverses plantes comme le montre le tableau suivant : Acide carbonique diffusant par heure et par cent. carré de surface pour une différence de pression = H. cm? 1 (MHAGE I SUPONONNE EEE EEE ET 0 005 Houx.…... HRACENNECTENTE MER RENE 0 009 BAS FN SES AL CERTA 22e 0 067 TR DOn LAIT RE NOR PR. Re 0 192 RO RIRE AR EC NRA 0 053 RO CEA D PAP PO EEE 0 305 ASS enorme Date ete CR Re 0 O41 Sagittaire. ...... | TS A A er 2 241 Potamot perfolié. ? Feuilles submergées...... 1 23% Potamot luisant. \ ROUE eus de do MEN cie 0 592 On voit que la perméabilité des surfaces épider- miques, abstraction faite des stomates, est toujours plus grande à la face inférieure qu'à la face supé- rieure, lorsque les feuilles ont un parenchyme hété- rogène. En outre, si l’on se rappelle que les feuilles submergées sont dépourvres de stomates, le rôle important, de ces orifices pourra être pressenti en remarquant, dans ce tableau, que la perméabilité des surfaces submergées est notablement plus con- sidérable que celle des surfaces aériennes, Il nous reste maintenant à signaler les résultats (1) L. Mangin, Recherches sur la pénétration ou la sortie des gaz dans les plantes. Annales de la Science agronomique française et étrangère, Nancy, 1888. obtenus par l’occlusion mécanique des stomates, ocelusion qai doit être réalisée en respectant la perméabi- hté des surfares. Différents enduits répondent à ce desideratum : le meilleur est la gélatine glycérinée. J'ai alors comparé les échanges gazeux (respira- toire ou chlorophyllien) de deux feuilles aussi sem- blables que possible, soumises aux mêmes condi- tions. L'une avait les stomates libres; l’autre, enduite de gélatine glycérinée, avait les stomates bouchés. Les chiffres qui suivent sont suffisam- ment probants pour que nous nous dispensions d’in- sister, ÉCHANGE GAZEUX RESPIRATOIRE Feuille à stomates Feuille à stomates bouchés libres … … (CO! dégagé %.. 438 5 58 Fusain...? O. absorbé 4. -5 21 6 67 .:.. ( CO? dégagé 7 97 13 86 Poirier.=. ? .G absorbé 10 40 17 53 , _ . « CO: dégagé 4 98 12 86 FETE r. À O absorbé 6 61 21 80 Le { CO® dégagé 4 58 5 51 OR DT tO absorbé 6 10 7 95 PHÉNOMÈNE CHLOROPHYLLIEN Feuille à stomates Feuille à stomates bouchés libres Fusain du Ja- ( CO? absorbé., 3 28 6 66 Ponte. LOMIlÉTArE. 020 8 0% Bupleurum ( CO? absorbé... 2 03 5 24 fruticosum. (O dégagé... 2 18 > 49 Rhamnus ala- { CO? absorbé... 1 69 1832 terum.... 00 dépaigé. ANT Fac} L'affaiblissement des échanges gazeux (respira- toire ou chlorophyllien) provoqué par l’occlusion des stomates, est dû à des causes différentes. Dans la respiration, l’occlusion des stomates apporte un obstacle à l’arrivée de l'oxygène dans les tissus et la feuille subit un commencement d’asphyxie. Au contraire, dans le phénomène chlorophyllien, c'est l'acide carbonique qui ne peut plus pénétrer en quantité suffisamment grande, et l'assimilation est réduite à la moitié, au tiers, parfois même au cinquième de sa valeur normale, Je crois avoir résolu définitivement la question et montré que les stomates sont indispensables aux plantes aériennes aussi bien pour l'émission ou l'entrée des gaz que pour l'émission de la vapeur d'eau, S'il était besoin d’une nouvelle démonstration de la nécessité de ces orifices, on la trouverait dans l'existence des curieux mouvements de ces organes déjà signalés el étudiés par Banks (1805), Moldenhawer (1812)et éludiés plus récemment par Mohl{1), MM. Muller(2)etSchwendener(3). Il résulte (4) H. Mohl, Welche Ursachen bewirken die Eiweiterung, Bot. Zeit., 1856. . (2) Muller N. J, C., Die Anatomie und mechanik der Spal- tüfinungen, Jakrb. fur win. Bot., 1871. VIII. (3) Schwendener (J.), Uber Bau und mechanik der Spaltüff- nungen, 1861, Berlin. + Pam NT er L. MANGIN. — STRUCTURE ET FONCTIONS DES STOMATES d'expériences faites sur l’épiderme vivant que, dans les feuilles jeunes, l’ostiole s'agrandit ou diminue suivant les variations extérieures, de manière à ouvrir ou à fermer presque complètement le sto- mate. Ainsi, quand on examine un stomate dans l'air sec, les bords de l’ostiole sont rapprochés presque jusqu’au contact ; si l'atmosphère devient humide, on voil l’ostiole s’élargir progressivement jusqu’au moment où l'atmosphère est saturée. Les alterna- tives d’obscurité et d’éclairement produisent le même phénomène : fermés à l'obscurité, les sto- males s'ouvrent largement à la lumière. Ces mou- xements sont produits par les variations qu'éprouve la quantité d’eau contenue dans les cellules stoma- tiques et dans les cellules épidermiques. Si la quan- tité d’eau est faible, la pression exercée sur les parois des cellules est presque nulle et les mem- branes, obéissant à leur élasticité propre, prennent la situation de repos du stomate : l’ostiole se ferme. Lorsque le volume d’eau augmente, la cel- lule se gonfle, et les parois sont fortement pres- sées; si les membranes élaient uniformément épaissies, celle pression transmise sur des parois uniformément élastiques ne pourrait modifier la forme des cellules et le stomate resterait fermé, mais nous savons qu'il n’en est pas ainsi et que deux plaques épaisses existent souvent dans chaque cellule stomatique, surle bord de l’ostiole, à la face externe et à la face interne; par suite les mem- branes minces, qui réunissent ces deux plaques, se distendent pendant que la cellule se gonfle, et l’os- tiole s'agrandit parce que chaque cellule stomatique revêt la forme d’un croissant dont la concavité est d'autant plus accusée que la pression intérieure est plus forte. Quant à la cause qui détermine l'afllux de l’eau dans les cellules stomatiques, elle est encore peu connue. On a supposé, il est vrai, l'existence d’une substance douée d’un grand pouvoir osmotique et par suite capable d’absorber l'eau par diffusion avec une grande énergie. Cette hypothèse, qui explique très bien le mécanisme de l'ouverture dans un milieu saturé, devient insuffisante lorsqu'on veut se rendre compte de l’action des radiations. Il'est probable que la substance vivante inter- vient dans ces phénomènes par son irritabilité propre et mel en jeu, dès l’arrivée des radiations, les forces osmotiques restées jusqu'alors à l'état latent. Quoi qu'il en soit, les stomates, dans les feuilles jeunes, sont largement ouverts dans les condi- tions où les échanges gazeux sont les plus actifs, et ce faitest une nouvelle confirmation du rôle impor- tant que ces orifices jouent dans la plante, rôle entrevu par N.Grew il y a deux siècles. REVUE GÉNÉRALE 1890, 105 III Les stomates que nous venons de décrire, nommés s{omates aérifères, sont les plus nombreux et les plus faciles à observer. Il existe d’autres ori- fices, nommés sfomates aquifères, parce qu'ils servent à l’exhalation de l’eau à l’état liquide. Ces orifices sont situés ordinairement à l’extré- mité des nervures sur les bords ou au sommet de la feuille. Ils sont semblables aux stomates aéri- fères, au moins dans les jeunes feuilles ; mais on n'y observe pas les mouvements que nous avons signalés dans ces derniers; en outre, l’ostiole, au lieu de déboucher dans une cavité remplie d’air, communique avec un parenchyme à grandes cel- lules, qui est placé à l'extrémité d'une nervure. Dans un grand nombre de feuilles adultes, la surface foliaire, en s’agrandissant, détermine sou- vent la destruction d'un ou de plusieurs stomates qui sont remplacés par une fente plus où moins grande, nommée pore aquifère. Ces orifices servent à expulser en nature l’eau des tissus, et leur activité se manifeste le plus sou- vent quand la transpiration est ralentie par le séjour des plantes dans une atmosphère trop humide. On peut vérifier très aisément ce fait chez les Graminées, par exemple, le Blé. Si l’on sème des grains de blé dans une assiette remplie de sciure de bois humide, on obtient au bout de quel- ques jours un petit champ de blé dont les pousses ont de 0,10 à 0®,15 de hauteur. Si on le couvre d’une cloche, de manière à saturer rapidement l'air emprisonné, On aperçoit, au bout de quelques heures, de petites gouttelettes d'eau placées à l’ex- trémité des feuilles, au niveau du pore aquifère. Ces gouttelettes sont exhalées à partir du moment où la transpiration ne peut plus s'’accomplir. La cloche enlevée, les gouttelettes disparaissent au -bout de peu de temps, mais on peut en faire appa- raitre de nouvelles en couvrant de nouveau l’as- sielte. Dans les prairies ou les champs, le malin, après le dépôt de la rosée, on voil toujours de semblables gouttelettes à l'extrémité des brins d'herbe; on les considère comme produites par la rosée, {tandis qu’en réalité elles ont été exhalées des tissus de la feuille. La quantité d'eau exhalée par ces pores peut être considérable, car on a pu recueillir à la pointe d’une feuille de Colocase, et pendant une nuit, jusqu’à 22 grammes d'eau. Ainsi, c'est principalement par les stomates que circulent les divers gaz consommés ou produits par la nutrition générale des végétaux. Une seule objection peut encore être faite : l'absence des sto- mates sur les feuilles submergées, les racines et 4* 106 D: P. BUDIN. — LES SAGES-FEMMES ET L’ANTISEPSIE les tiges dont l’épiderme est exfolié. Pour ces der- | l’ont établi, par une très grande perméabilité de nières on a depuis longtemps signalé l'existence des Zenticelles qui suppléent à l'absence des sto- males; ce sont des régions où les cellules du liège laissent entre elles des écarts plus où moins grands servant à établir la communication entre les lacunes de la tige et le milieu ambiant. Quant aux feuilles submergées, l’absence des stomates est compensée largement, ainsi que mes recherches l'épiderme, perméabilité qui peut devenir jusqu'à dix fois égale à celle des feuilles aériennes. On voit donc que par des procédés différents le même résultat physiologique est atteint, et la communication facile est toujours assurée entre les tissus vivants et l'atmosphère. Louis Mangin, Professeur au lycée Louis-le-Grand LES SAGES-FEMMES ET L’ANTISEPSIE Depuis les découvertes de Pasteur, depuis leurs applications à la pratique médicale, des progrès considérables ont été réalisés en obstétrique. ‘Grâce aux antiseptiques, les épidémies qui déei- maient par moments les maternités ont presque totalement disparu et on peut dire aujourd’hui, sans aucune exagération, que les statistiques de certains services d’accouchements sont infiniment supérieures aux statistiques de la pratique civile de beaucoup de médecins et de la plupart des sages-femmes. I En 1874, alors qu'étant encore interne des hôpi- {aux, nous avons pendant quelques jours suivi à Edimbourg le service de Lister, nous avons élé frappé des résultats obtenus en chirurgie gràce à l'emploi de l'acide phénique. En 1877 et en 1878, parcourant les différentes maternités d'Autriche, d'Allemagne, de Russie, de Danemark, de Hol- lande, etc., nous avons vu qu'on y essayait l’anti- sepsie avec des résultats divers, mais pleins de promesses; et quand, au retour, on nous pressait de publier un résumé des notes que nous avions prises, nous répondions à nos amis : À quoi bon? notre travail serait inutile ! Les statistiques de ces dernières années appartiennent à l’histoire, une ère nouvelle va commencer; jusqu'ici chaque ac- couchement était pour nous une source de craintes, après toutes nos opérations nous voyons survenir une fièvre plus ou moins intense; tout cela va dis- paraitre, l'accouchement doit devenir un acte nor- mal, ne donnant presque aucune inquiétude; les opérations ne seront plus suivies d'accidents d’in- fection. Le premier novembre 1878, en entrant dans le service du professeur Depaul, comme chef de cli- nique, nous lui avons proposé d'essayer l'acide phénique, mais il s’y est énergiquement opposé. Il avait l'acide phénique en horreur et disait volon- tiers, comme l’a fait l'autre jour le professeur Trélal : « Il pue votre acide phénique. » Nous avons été réduit à recourir aux solutions de chlo- ral,de permanganale de potasse, d'acide thymique, mais cela était fait d’une manière bien insuffisante. M. Tarnier, dont l'esprit était largement ouvert aux idées nouvelles el à qui nous communiquions nos impressions de voyages, M. Tarnier, qui avait déjà étudié avec un si grand soin loutes les questions de contagion, qui avait fait cons- truire un pavillon, portant à juste titre son nom, où toutes les conditions d’un isolement efficace se trouvaient réalisées, M. Tarnier s’empressa d'em- ployer l'acide phénique à la Maternité et il eut de suite de très bons résultats. Il s’efforça de faire mieux el, après les travaux de Davaine, après quelques recherches expérimentales faites sous sa direction par son interne d'alors, M. Bar, il essaya le sublimé sous forme de liqueur de Van Swieten, Les statistiques devinrent telles que beaucoup de chirurgiens, laissant de côté l'acide phénique, em- ployèrent le sublimé. Les accoucheurs avaient donc marché à la suite de Lister et des chirurgiens en employant l’acide phénique; les chirurgiens à leur tour suivirent M. Tarnier et les accoucheurs en utilisant le sublimé. IL Mais, si l’on a pu faire ainsi rapidement de grands progrès dans les maternités, en a-t-il été de même dans la pratique civile et en particulier dans la pratique des sages-femmes? Malheureusement non. M. Brouardel a montré qu'il existe encore aujourd’hui des épidémies graves de fièvre puerpérale dans la clientèle de certaines sages- femmes : dans l’une, survenue l’année dernière aux environs de Paris, 142 femmes sont mortes en huit jours par la faute de l’accoucheuse, Quand, juste- ment frappé de cette mortalité, le parquet a voulu poursuivre, les sages-femmes ont répondu qu'elles n'étaient pas responsables, car elles n'avaient pas le droit de prescrire les antiseptiques et par con- D' P. BUDIN. -- LES SAGES-FEMMES ET L’ANTISEPSIE 107 séquent de s'en servir. L'ordonnance de 1846 ne leur permet pas, en effet, de s’en faire délivrer par les pharmaciens; c'est pourquoi le ministre de l’intérieur a demandé à l’Académie de médecine : convient-il d'autoriser les sages-femmes à prescrire les antiseptiques ? La sage-femme transporte souvent l'infection d’une accouchée malade à une accouchée saine. Siredey a cité une accoucheuse qui, du 21 mars au 25 mai 1879, assista 44 parturientes ; 20 furent malades à différents degrés et 5 succombèrent pendant cette période. À chaque instant on trouve rapportées dans les journaux des épidémies semblables; et combien restent inédites! Mais la source de la contagion n’est pas toujours le transport de la septicémie puerpérale elle-même : tout le monde sait qu'il est commun de voir l’érysi- pèle être l’origine d'accidents puerpéraux; de même, s’il y a un abcès, un phlegmon, un panaris, le pus mis en contact avec les organes génitaux de l'accouchée peut être la cause de la septicémie. Pfannenstiel a rapporté, l’année dernière, l'his- loire de quatre décès survenus à Breslau : il s’agis- sait de fièvres puerpérales dont l’origine pouvait être attribuée à de graves angines tonsillaires; les personnes atteintes d’angine étaient : la fille de la sage-femme, deux enfants d’une famille qui habitait la même maison, et deux domestiques, dont l’une soigna trois des femmes en couches. Des faits semblables avaient été déjà signalés en Bel- gique par Grœæningen. On connaît, en Amérique, l'histoire d’un médecin qui perdait toutes ses femmes en couches : ne sa- chant à quoi attribuer ses désastres, il quitta sa pratique, brûla ses vêtements, coupa ses cheveux, sa barbe et attendit, Les premières femmes qu'il - accoucha, quand il revint chez lui, succombèrent. Il renonca à l’obstétrique. Il élait atteint d'ozène, de suppuralion des fosses nasales et ses doigts n'étaient probablement jamais indemnes. Il peut en être de même si les sages-femmes, si les gardes - ont des ulcérations, des plaies, de l’eczéma qui suppurent. Un de nos confrères nous a rapporté l’histoire d’une garde appartenant à une corpora- tion religieuse qui, dans une même année, perdit successivement quatre femmes qu’elle soignait. Le scandale devenant trop grand à Paris, la supé- - rieure du couvent l’envoya en province! Ilest aussi des sages-femmes qui, malgré les rè- glements, font de l'exercice illégal de la médecine, soignent les affections utérines qu’elles ignorent, badigeonnent des cols, mettent des tampons, lais- sant leurs clientes non guéries, ou permettant à la maladie de s’aggraver, quand elles ne font pas pis. Elles ne s’exposent, devant les tribunaux indulgents. qu'à de légères peines ou à de pelites amendes, mais veut-on savoir à quoi elles exposent leurs accouchées ? «Chez une sage-femme agréée par l’Administra- tion, dit Siredey, plusieurs cas d'accidents puer- péraux s'étaient succédé presque sans relàche depuis douze à quinze mois. Un jour, il entra à l'hôpital Lariboisière deux de ses pensionnaires, si gravement atteintes qu’elles succombèrent quel- ques heures après leur admission. Je me rendis aussitôt chez cette sage-femme pour examiner son installation, et tàcher de découvrir la cause du mauvais .élat sanitaire de ses accouchées. Je cons- tatai d’abord que les différentes pièces de l’appar- tement, à l'exception d'une seule, étaient très étroites et mal tenues... Enfin, j'appris qu’au milieu des accouchées vivait la mère de cette sage- femme, atteinte d'un cancer de l'utérus. Sa fille lui administrait des injections vaginales et lui donnait les soins qu'exigait son élat, tout en fai- sant des accouchements. » A côté de ces causes, il faut citer les infections qui sont propagées par les bassins, les cathéters ou les canules. Les vêtements eux-mêmes peuvent être incriminés. Il y a une dizaine d'années, je reçus la visite d’un médecin des hôpitaux, absolu- ment navré de ce qu'il venait de voir : une de ses parentes, atteinte d'accidents puerpéraux, se trou- vait dans un état très grave. Cherchant partout la cause de l'infection, il interrogea la sage-femme qui restait près de l’accouchée comme garde, et lui dit: « Depuis quand portez-vous cette robe? » — « Cette robe, lui répondit-elle, c’est ma robe de bataille, je la mets uniquement pour faire des accouchements. » Et elle sortail de soigner une femme qui availsuccombé à l'infection puerpérale ! Que de faits {du même genre il serait facile de citer! Il y a deux ans, un de nos élèves nous appela pour voir avec lui une de ses accouchées qui se trouvait dans un état très grave. Il n'avait jamais eu dans sa pratique d'accidents de septi- cémie; il prenait les plus grandes précautions, absolument convaincu de la nécessité de l’antisep- sie, et ne savait quelle pouvait être la cause des accidents qu'il observait. Il s'agissait d’une infec- lion puerpérale à forme typhoïde, si sérieuse que la pauvre petite femme succomba vingt-quatre heures plus tard. J'avais remarqué que la garde avait l'index recouvert d’un doigtier. Je la fis venir et l'interrogeai, elle avait un panaris. « Mais, me dit mon confrère, son doigt était absolument cicatrisé avant l'accouchement, je l'ai examiné avec soin. » C'était vrai, malheureusement la garde portait depuis plusieurs semaines une robe de laine; bien 108 D' P. BUDIN. LES SAGES-FEMMES ET L’'ANTISEPSIE entendu elle l'avait conservée ; le doigt était guéri, mais les manches avaient suffi pour apporter l’in- fection. Le croirait-on ? Une des réformes les plus difficiles à obtenir est le port , par les sages- femmes et les gardes, de robes de toiles qui se lavent. 11 semble qu’elles sont déshonorées, quand on veut leur imposer ce costume. III Aussi, en présence de ces différentes sources de septicémie, que de précautionsil faut prendre dans la pratique obstétricale de la ville et dans les ser- vices hospitaliers. Dans ces derniers, les sages- femmes, les élèves en médecine, les infirmières, les nourrices, peuvent apporler l’infeclion. Les accouchées, dans la salle commune, doivent se trouver dans un état de santé parfaite ; si la tem- pérature s'élève un peu chez quelques-unes, s’il y a de la fétidité des lochies, on ne tarde pas, en général, à voir apparaître des frissons, des lym- phangites du sein chez les mères, des opthalmies, des inflammalions péri-ombilicales chez les nou- veau-nés. Toutes ces affections marchent habituel- lement de pair. Et si quelques femmes sont souf- frantes, les premières n’élant que peu atteintes, d’autres peuvent devenir rapidement plus malades : il semble qu'alors la virulence s'accroît en pas- sant de l’une à l’autre. Dès que les plus légers accidents surviennent, il faut donc redoubler d'attention et de précautions ; par conséquent il importe, dans les salles de femmes en couches, de supprimer non seulement la mortalité, mais encore toute morbidité. Il en doit être absolument de même pour les sages- femmes qui pratiquent à la ville et à la campagne. Aussi, faut-il s’efforcer de prendre les mesures nécessaires pour empêcher l'apparition de cas iso- lés dans la clientèle des accoucheuses et, si l’un de ces cas existait, pour s'opposer au développement d’une épidémie. En France, depuis le 1% novembre 1889, l’admi- nistration de l’Assistance publique, à la demande des accoucheurs des hôpitaux, fournit gratuitement à ses sages-femmes agréées, pour chaque partu- riente, un litre de solution concentrée d'acide phé- nique ; elles font donc de l’antisepsie ; mais cette mesure, qui a donné de bons résultats, ne s’ap- plique qu'à un petit nombre de sages-femmes et n’est malheureusement pas généralisée. En Saxe, les sages-femmes sont soumises à des règlements sévères et elles sont placées sous la direction d’un médecin régional dont elles dépen- dent. On leur prescrit d’avoir toujours des vête- ments absolument propres, à manches courtes, elles doïvent se laver les mains, les ongles, les avant-bras, avec une solution phéniquée; chaque sage-femme reçoit en effet du médecin régional une ordonnance à son nom, l’une pour 50 grammes de vaseline phéniquée, l’autre pour 150 grammes d'acide phénique en solution concentrée. Avec cet acide phénique, la sage-femme prépare des solu- tions à2°/,,en en versant deux cuillerées à thé dans un demi-litre d’eau chaude et en mêlant avec soin; pour la solution à 5 °/,, elle met cinq cuillerées à thé dans un demi-litre d’eau pure et chaude. La bouteille porte la mention suivante : ACIDE PHÉNIQUE Très caustique ATTENTION Cge Selon l'ordonnance : deux ou cing cuillerées à thé à mêler avec un demi-litre d'eau. Pour la sage-femme X... La sage-femme doit tout de suite faire savoir, personnellement si c’est possible, ou par écrit au médecin régional, tout cas de maladie fébrile d’une de ses accouchées, ou tout cas que le médecin qui a été appelé déclare être de la fièvre puerpérale. Elle fera connaître aussitôt que possible, et de la même manière, au médecin régional, tout cas de mort et la cause du décès. Une accouchée est-elle atteinte de fièvre, la sage- femme ne doit plus lui donner de soins. Pendant cinq jours au moins, elle ne fera plus d’accouchements. Sur la première page de l’Znslruction, il est dit que les sages-femmes qui ne s’y soumet{ront pas seront passibles d’une amende qui pourra s'élever à 150 marks, et s’'exposeront à un emprisonnement dont la durée pourra être de six semaines. En Prusse, les instructions, qui-sont analogues, ne sont pas moins rigoureuses. En Belgique, gràce surtout à l'impulsion donnée par Charles, de Liège, de grands progrès ont élé réalisés. Les sages-femmes doivent avoir recours à l’antisepsie : dans certaines provinces on leur fait employer l'acide phénique, dans d’autres elles sont autorisées à se servir de solutions mères de sublimé, ainsi composées : SUBLIMÉ CORROSIF. .......... . A0 GRAMMES ADCDOL ae saine etes ee once cie . A00 GRAMMES INniGo, quantité suffisante pour colorer. Une cuillerée à café dans un litre d’eau constilue une solution à 4 p. 2000 environ et donne l'eau sublimée qui sert aux différents usages. L'Italie se préoccupe aussi de propager chez les sages-femmes les règles de l’antisepsie. En Angleterre, l'organisation des accoucheuses est toute différente de celle qui existe sur le conti- nent ; un nombre limité d'entre elles passe des 4 D: P. BUDIN. — LES SAGES-FEMMES ET L’ANTISEPSIE 109 examens ; il n’est pas rare de voir exercer des poursuites contre elles. Nous citerons en particu- lier le cas d'unesage-femme qui fut, en février 1875, … traduite devant les assises de Salford. Plusieurs de - ses clientes ayant succombé à l'infection puerpé- rale, deux médecins lui conseillèrent successive- vement de cesser sa pratique pendant quelque temps ; elle ne tint aucun compte de ces avertis- sements et eut de nouveaux désastres. Le jury la condamna et le juge, en lui infligeant six mois de prison, lui dit : « Vous paraissez une femme respec- table, mais c’est une chose très grave que d’être ainsi une cause de mort ; la justice ne peut laisser ces faits impunis, car les décès ont été déterminés par votre négligence, alorsque vous aviez élé plei- nement avertie. » nd nt no) 2 IV Cette question des sages-femmes et de l’antisep- sie est donc réellement à l'ordre du jour. De tous côtés les accoucheurs demandent des réformes sé- rieuses et discutent celles qui ont été proposées afin d'obtenir ladisparition de la fièvre puerpérale. Les articles publiés sur ce sujet depuis quelques années sont innombrables. Le professeur Fritsch, de Breslau, a été jusqu'à dire et redire : Si une sage-femme perd une accouchée, si, après enquête, on ne trouve la possibilité d'aucune autre cause de mortetsil’antisepsiea été omise, cettesage-femme doit être condamnée pour homicide par impru- dence. Et combien d’accoucheurs professent en Al- lemagne cette opinion ! Le médecin régional, écrit Valenta, devrait diri- … ger les sages-femmes ; de plus, chaque médecin particulier devrait dénoncer et faire punir toute sage-femme convaincue de ne pas être antisep- tique. On va plus loin encore; en Allemagne où le temps d'instruction dessages-femmes est bien moinslong que chez nous, beaucoup de médecins disent qu'il faut avant tout qu’elles soient habituées à la pra- tique de l’antisepsie, le reste n’est qu'accessoire. Léopold recommande aux accoucheuses de sui- vre les progrès journellement réalisés en obsté- trique ; quant à Fehling, il déclare que les sages- femmes, qui n’ont pas appris l’antisepsie au mo- ment de leurs études devraient suivre de nouveaux cours pendant {rois ou quatre semaines. Il ya quelques années, une élève se présen- tait à la Faculté de médecine de Paris pour rece- . voir le diplôme de sage-femme de 1"° classe. Elle avait admirablement répondu et elle allait être reçue avec une excellente note, lorsque nous eûmes l'idée de lui parler de l'infection puerpérale et de l’antisepsie : sur ces points elle était absolument ignorante : elle avait fait son stage en 1878, et depuis elle n’avait suivi aucun cours. Nous avons cru qu'il était de notre devoir de l’engager à compléter ses études et à se représenter trois mois plus tard. En Belgique, dans le but de maintenir les con- naissances théoriques et pratiques des sages- femmes à la hauteur de la science, on a, dans cer- taines provinces, institué des conférences. Dansla province de la Flandre occidentale, ces conférences sont bisannuelles : chaquelséance est de deux heures au minimum. Les sages-femmes reçoivent un jeton de présence qui varie de 1 france à 3 fr. 50, suivant la distance qu'ellesont à parcourir pour s’y rendre. A la fin de l’année, des primes en argent sont accordées à celles qui se sont distinguées par leur zèle, leur dévouement ou leur mérite. Dans l’industrie, quand des procédés nouveaux et plus économiques surgissent, ceux qui n'y ont pas recours sont bien vite ruinés parla concurrence. Les sages-femmes, si peu payées, n’ont pas grand chose à redouter sous ce rapport, l'humanité aimant mieux faire des sacrifices d'argent pour ses plaisirs et ses satisfactions d’amour-propre que pour sa santé. Et pourtant, quelle économie de vies humaines les sages femmes pourraient faire, si elles se mettaient au courant des progrès réalisés ! v Dans tous les pays, les médecins s'efforcent donc de supprimer les causes d'infection, de faire dis- paraître les épidémies de fièvre puerpérale dans la pratique des sages-femmes et, pour cela, on a re- cours aux antiseptiques. On a parlé d'employer l’eau bouillie; mais si, dans les cas simples, lorsque les sages-femmes se lavent les mains, les avant-bras et se nettoient les les ongles avec le plus grand soin, l’eau bouillie peut suffire, elle ne saurait détruire les germes qui, mis en contact avec les organes génitaux plus ou moins lésés, déterminent l’apparilion des acci- dents puerpéraux. La prudence veut donc qu'on y renonce. Mais les antiseptiques sont nombreux et vouloir demander aux accoucheuses qu'elles connaissent plusieurs méthodes, serait évidemment trop. « Beaucoup de sages-femmes, a dit, en effet, Fis- chel, considèrent l’antisepsie comme un tracas inu- tile, » Il importe, par conséquent, dans la pratique de simplifier le plus possible. C'est pourquoi il vaut mieux ne permettre aux sages-femmes quel’emploi d’un seul antiseplique. Quel antiseptique doit-on préférer ? Il faut que cet antiseptique soit réellement effi- cace et n’expose pas trop les femmes aux intoxi- cations et aux cautérisations : il faut qu’il coûte bon marché et qu'il puisse être aisément conservé et transporté. Toutes ces conditions ne sont pas fa- ciles à réunir. 110 D' P. BUDIN. — LES SAGES-FEMMES ET L’'ANTISEPSIE Nous ne ferons que citer l'acide salicylique, le chloral, l'eau oxygénée, le permanganate de po- tasse, l'iode, l’iodoforme, le bi-iodure de mercure, le chlorure de chaux, le chlorure de zinc et le thy- mol, Parmi ces substances, les unes sont insuffisan - tes comme antisepliques, d’autres s’altèrent à l'air et ne peuvent être conservées. d’autres sont irri- tantes, d’autres salissent les linges ou les mains des personnes qui les emploient, d'autres enfin sont trop peu solubles et d’un maniement difficile. Parmi les antisepliques non toxiques, l’acide bo- rique, la créoline et le naphtol ont été essayés. L'acide borique est trop peu puissant pour qu'il soit permis de compter sur lui. La créoline dont la composition exacte n’est pas connue, forme dans l’eau une émulsion dont la cou- leur et l'odeur sont désagréables ; elle vecasionne, même à la dose d’une cuillerée à café par litre d’eau, de la cuisson et de la douleur. Le naphtol, qui est peu soluble, détermine par- fois au niveau des organes génitaux une sensation de cuisson ou de brûlure, qui dure peu, mais n’en est pas moins désagréable. Restent les deux antiseptiques qui ontété le plus employés : l'acide phénique et le sublimé. L'acide phénique a rendu et rend encore de grands services; son aclion est cependant loin d’être aussi considérable qu'on l'avait eru tout d’abord. Bien souvent, dans la pratique des sages-femmes, il ne donne que l'illusion de l’antisepsie; elles en jettent quelques gouttes dans l’eau dont elles vont se servir et, comme l'odeur est pénétrante, elles se figurent que cela est suffisant. Pour que les sages- femmes aient facilement à leur disposition la quan- tité d'acide phénique qui leur est nécessaire, on doit leur délivrer des solutions très concentrées ; ces solutions-mères, dans l'alcool ou la glycérine, sont caustiques et Loxiques; il faut donc prendre des précautions en les maniant. Si on emploie des solutions un peu fortes d'acide phénique, à 2 !/, par exemple, on voit survenir des rougeurs et même des plaques de gangrène qui forcent à y renoncer. Son action sur la peau élant parfois très irritante, les sages-femmes n’y ont pas recours spontanément ou refusent de s’en servir. Enfin, l'acide phénique est très dangereux pour les nou- veau-nés; on en a vu qui ont succombé à la suite d’un'simple pansement avec une compresse imbibée d’une solution d’eau phéniquée à 5 !/,. Cest au sublimé que la Commission de l'Aca- démie de médecine s’est ralliée. Le sublimé a été conseillé en 1881 par M. Tarnier, au Congrès internalional de Londres. Depuis, son usage s’est rapidement répandu, car il donne d’ex- cellents résultats; grâce à lui, la mortalité s’est encore abaissée dans les maternités. Avec le su- blimé, et nous ne saurions (rop insister sur ce point, on observe aussi une diminution considé- rable de la morbidité. Beaucoup d'auteurs ont publié des statistiques absolument convaincantes. De Saint-Moulin a donné les résultats de la mater- nité de Bruxelles. La mortalité puerpérale par infection, quand on y faisait usage de l’acide phé- nique comme antiseptique, a été de 0,96 ?/, sur un total de 3.442 accouchements; elle est descendue à 0 ?/, quand on a eu recours au sublimé. Ici, à Paris, dans notre service de la Charité, depuis le mois de février 1887, pas une seule femme n'a succombé à la septicémie contractée à l'hôpital. Nous venons de relever tous les tracés du 1% no- vembre 1889 au 20 janvier 1890 el nous avons trouvé que 4!/, seulement des femmes avaient eu véritablement de la morbidité, Or, il yaun grand intérêt à supprimer toute mor- bidité. Lorsqu'une femme, après son accouchement, a eu un peu de fièvre parce que ses organes géni- taux n'étaient pas dans un étal d’asepsie parfaite, iln’estpas rare de voir survenir des endométrites,des inflammations des annexes, des phlegmons tardifs, qui peuvent la rendre malade pendant longlemps et qui parfois mettent son existence en danger. Il faut donc chercher à supprimer le plus pos- sible la morbidité pendant les suites de couches et c'est surtout avec le sublimé, les chiffres leprouvent surabondamment, qu'on peut obtenir ce résultat. VI Mais on fait à l'emploi du sublimé une grosse objection : À certaines doses, dit-on, ilest toxique. etil peut déterminer l'empoisonnement des mala- des ; il peut même, des erreurs étant commises, ètre une source d'accidents pour l'entourage des femmes en couches. On a beaucoup accusé le sublimé ; évidemment. quelques personnes paraissent très susceptibles à l’action de ce médicament; mais en réalité, les in- toxications ne sont pas fréquentes. Nous avons, pour notre part, employé le sublimé depuis 1882, nous y avons eu presque exclusivement recours dans notre service d'hôpital et dans notre pratique de la ville : c’est à peine si, à de longs intervalles, nous avons noté un peu de gingivite ou d'éry- thème, et cependant, au début, nous ne faisions usage que de solutions à 1 p. 1000. En relevant avec grand soin les cas de mort par intoxication qui ont été publiés depuis que M. Tar- nier a conseillé l'emploi du sublimé enobstétrique, c'est-à-dire depuis plus de huit ans, nous sommes arrivé à un total de seize cas, et encore quelques- uns d’entre eux nous paraissent-ils fort discutables. Quatorze fois, des injections intra-utérines avaient En t Ë L à | D: P. BUDIN. — LES SAGES-FEMMES ET L’ANTISEPSIE été faites plus ou moins abondantes et avec des solutions variant entre 4 p. 1000 et 4 p. 2000; deux fois seulement, on n'avait pas fait d'injections in- tra-utérines, mais comme il existait une déchirure étendue du périnée, on avait eu recours à des irri- galions de sublimé à 1 p. 1000 pendant qu'on pra- tiquait la suture. L’existence d'une néphrite, une anémie profonde due à une hémorragie ou la réten- tion du placenta dans la cavité ulérine avaient, dans quelques cas, favorisé l'intoxication. Or, il ne faut pas l'oublier, toutes les fois qu’il survient quelque chose d'anormal pendant la gros- sesse, l'accouchement ou les suites de couches, toutes les fois qu'il y a de la fièvre après la partu- rition, la sage-femme doit prévenir un docteur, qui intervient ou qui prend les précautions nécessaires pour empêcher les accidents de s’aggraver; elle n'a donc jamais à recourir spontanément aux injections intra- utérines; si elle en pratique, ce ne peut être que sous la direction et la responsabilité d’un médecin. Ajoutons enfin que, contrairement à ce qui a été observé pour l'acide phénique, les nouveau-nés supportent admirablement le sublimé. M. Tarnier a bien voulu rappeler à la Commis- sion de l’Académie de médecine que, depuis long- temps, il nous avait vu porter sur nous de petits paquets contenant 50 centigrammes de sublimé. Le contenu d'un de ces paquetsjeté dans l’eau chaude y est rapidement dissous et constitue la meilleure des préparations antiseptiques. M. Tarnier a donc demandé à la Commission de conseiller pour les sages-femmes l’usage de petits paquets analogues. Chacun de ces petits paquets, que les sages- femmes auront le droit de prescrire, contiendra 25 centigrammes de sublimé; en le metlant dans un litre d’eau, on aura une solution à 1 p. 4000. Laplace a montré que l’acide Lartrique, mis avec le sublimé, s'oppose à la formation d’albuminates de mercure en partie insolubles; or, un gramme. d'acide lartrique en poudre, et le sublimé réunis se dissolvent promptement dans l’eau froide et sur- tout dans l’eau chaude; dissolution plus rapide, action plus puissante, voilà deux avantages que présente ce mélange. Enfin, pour que les erreurs soient aisément évi- lées, on ajoutera au contenu du paquet une petite quantité de matière colorante; elle sera rose ou bleue, ce point n’est pas encore déterminé. Sur chaque paquet, qui portera l’éliquette rouge exigée par la loi, on devra lire : SUBLIMÉ, 29 CENTIGRAMMES Pour un litre d'eau POISON ll La dose de 25 centigrammes fera courir bien peu de risques d'intoxication. Elle sera néanmoins sufi- sante en général si les sages-femmes, et elles ne devront pas manquer de le faire, se lavent les mains pendant plusieurs minutes, dans une solu- tion chaude, avec du savon et une brosse, si elles nettoient minutieusement les espaces sous-un- guéaux de leurs doigts et si, en terminant, elles laissent pendant quelques instants leurs mains dans la solution de sublimé. Les instruments en verre, en gomme, en caout- chouc durci, en celluloïde, les vases émaillés, ete., pourront être plongés, pendant quelque temps, dans une solution de sublimé et deviendront ainsi antiseptiques; les quelques instruments en métal dont les sages-femmes font usage, les ciseaux et l'insufflateur, ne pouvant séjourner longtemps dans les sels de mercure, on les rend aseptiques en les faisant bouillir dans de l’eau pendant quelques minutes. L'emploi de ces paquets constitue un moyen très simple pour pratiquer l’antisepsie et ce moyen est en même temps de beaucoup le plus économique. Les sages-femmes ne prépareront ainsi leurs solutions qu’au moment même où elles en auront besoin; obligées de mettre dans un litre d’eau tout le paquet qui vient d’être ouvert, elles n’auront pas l'illusion de l’antisepsie, comme quand elles se bornent à jeter quelques gouttes d'acide phénique dans le vase rempli de liquide ; la coloration empé- chera toute confusion; enfin, les solutions étant utilisées tout de suite et n'étant pas conservées, les personnes de l'entourage ne courront aucun risque. En outre, comme il est nécessaire que les sages- femmes aient à leur disposition une substance anti- septique pour enduire leurs mains et les instru- ments, les pharmaciens pourront également leur donner des doses de 30 grammes de la vaseline au sublimé à 1 p. 1000. Ces paquets et cette vaseline au sublimé consti- tuent done les seules substances antiseptiques que les sages-femmes seront autorisées à prescrire; les dangers d'intoxication sont ainsi tellement réduits qu'on peut les considérer comme à peu près nuls. Du reste, on parle souvent de ces dangers du bichlo- rure de mercure et on oublie trop ceux de la septi- cémie. On peut compter les cas d’empoisonnement attribués au sublimé, en obstétrique; au contraire, le nombre des existences qui ont été conservées et le seront encore dans l'avenir, grâce à cet antisep- tique, est incalculable. D: P. Budin, Membre de l'Académie de Médecine, H. BOUCHERON. — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE APPLIQUÉE REVUE ANNUELLE DE CHIMIE APPLIQUÉE Les industries qui relèvent de la chimie sont, à notre époque, si nombreuses, ellesse transforment si rapidement qu'un in-folio ne saurait suffire à en exposer, d’une façon complète, les récents pro- grès. C’est seulement sur les plus importants que nous nous proposons d'attirer l'attention dulecteur. Ils se rapportent à ce que l’on est convenu d’'ap- peler la « grande industrie chimique » et la fabri- cation des matières colorantes. LA GRANDE INDUSTRIE Trois évènements considérables se sont produits en ces derniers temps dans le domaine de la chi- mie appliquée : deux procédés nouveaux ont élé inventés pour préparer le chlore et la soude caus- tique. Enfin une industrie des plus intéressantes, fondée sur l’emploi du coton nitré, a été créée de toutes pièces : nous voulons parler de la fabrica- lion de la soie artificielle. I Pour bien comprendre l'importance du perfec- tionnement que vient de recevoir l'industrie du chlore, il est utile d'indiquer l’origine même de cette industrie, aujourd'hui si florissante. L'application du procédé Leblanc à la fabrication de la soude permet d'obtenir à la fois les sels de soude proprement dits, la soude caustique et l'acide chlorhydrique nécessaire aux besoins des labora- toires ou de l’industrie pour la fabrication duchlore, des chlorates et des chlorures décolorants. Dyar et Hemming en 1838 donnèrent un procédé de transformation directe du chlorure de sodium en carbonate de soude, par l’action du bicarbonate d'ammoniaque sur le sel marin. MM. Schloesing et Rolland installèrent indus- triellement à Puteaux,en 1856, la fabrication de la soude à l’'ammoniaque, mais la réussite complète de ce procédé ne fut réalisée que par MM. Solvay frères, qui de 1863 à 1873 rendirent cette méthode absolument pratique. Le succès de la fabrication de la soude à l’am- moniaque porta une très sérieuse atteinte à l’in- dustrie de la soude pratiquée par le procédé Leblanc, et maintenant que, depuis plus de deux ans, M. Solvay a monté une fabrication importante de soude caustique dont le prix de revient est inférieur à celui de la soude obtenue par la méthode Leblane, ilne reste plus comme source de bénéfices dans cette méthode ancienne que le chlore el ses dérivés commerciaux. M. Pechiney vient de mettre en pratique, dans les usines de Salindres, une idée théorique don- née vers 1884 par M. Weldon. Ce procédé nou- veau de fabrication du chlore repose sur l’extrac- tion directe de ce gaz à l’état de liberté par l'emploi du chlorure de magnésium, soit artificiellement obtenu par l’action de l'acide chlorhydrique sur la magnésie, soit naturellement extrait des eaux de la mer ou des sels de Stassfurth, soit enfin régénéré comme résidu de la transformation en chlorates alcalins du chlorate de magnésie obtenu par l'ac- tion directe du chlore sur la magnésie résiduelle. 1° Emploi, pour la fabrication du chlore, du chlorure de magnésium prépare artificiellement. — On prend la magnésie provenant d'opérations précédentes, on fait arriver sur elle l'acide chlorhydrique en disso- lution dans l’eau. On opère dans des cuves en pierre munies d’agitateurs mécaniques. Après dis- solution, on sature par un léger excès de magnésie en vue de précipiter le fer et l’alumine. On décante. La solution décantée de chlorure de magnésium est concentrée dans des chaudières jusqu’à ce que son point d’ébullition s'élève de 115° à 440°. Alors on mélange, dans un pétrin mécanique, cettesolu- tion concentrée de chlorure de magnésium avec de la magnésie. On emploie 1 équivalent 1/3 environ de magnésie par équivalent de chlorure. Après solidification de l’oxychlorure de magné- sium, on concasse la masse et on blute sur des {tamis à mailles de 0°,005. Les poussières d'oxychlorure sont employées avec la magnésie à la fabrication du chlorure de magnésium. Les fragments concassés d'oxychlorure sont des- séchés sans perte d’acide chlorhydrique, la tempé- rature de dessiccation étant inférieure à 300? La dessiccalion se fait en plaçant sur des wagon- nets munis de tablettes superposées l’oxychlorure en couche mince d'environ 5 à 6 centimètres d’é- paisseur. Les wagonnets réunis en train, sont placés dans un carneau ou arche qui en renferme environ 10 et qui est traversé par des chaleurs per- dues qui élèvent la tempéralureà un degré compris entre 250 et 300. Deux chambres d'isolement à chaque extrémité de l'arche permettent l’arrivée et le départ des wagonnets. L'oxychlorure de magnésium desséché est en- suite soumis dans un four chauflé entre 800° et 1000° à l’action d’un courant d'air dont l'oxygène déplace le chlore de l’oxychlorure et laisse comme résidu la magnésie. Cette opération de production du chlore se pro- duit alternativement dans deux fourneaux sem- blables chauffés par un brûleur mobile. Dès que | ; | k LL nm Se bo H. BOUCHERON. — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE APPLIQUÉE 113 l’un des fours est amené à la température néces- saire pour une opération, on déplace le brûleur mobile que l’on approche du second fourneau, el on charge alors dans le premier appareil déjà chauffé l’oxychlorure de magnésium qui doit être décomposé par l’action de l’oxygène de l'air. Le four est muni de deux portes, une supérieure par laquelle on fait le chauffage à l’aide du brûleur mobile, et par des ouvertures de laquelle on laisse, pendant le travail de mise en liberté du chlore, rentrer l’air extérieur; une seconde porte inférieure fermée aussi pendant le travail et montée sur un axe creux par lequel un ventilateur aspire les gaz contenus dans le fourneau. Les gaz aspirés par le ventilateur contiennent en outre des éléments de l'air, du chlore libre et de l’acide chlorhydrique. Sur 100 parties de chlore total dégagé de l'oxychlorure de magnésium, 53 parties restent à l’état de chlore gazeux, 47 au contraire sont à l’état d'acide chlorhydrique. La température de ces gaz est comprise entre 300° et 400°. Le ventilateur formé d’un système de cloches en plomb, montant et descendant sur un bain de chlorure de calcium, muni d’une tuyauterie à soupape fonctionne comme les aspirateurs anciens des usines à gaz d'éclairage, il aspire dans les fours l'atmosphère gazeuse qui s'y forme et refoule les gaz dans un réfrigérant en forme de tour à section carrée traversée de part en part par des séries de tubes inclinés en verre, refroidis intérieurement par un courant d'eau. Les gaz chauds se refroi- dissent contre ces tubes et une partie de l’acide chlorhydrique se condense et se rassemble au bas de la tour réfrigérante. Ensuite les gaz sont envoyés dans des bonbonnes où se termine la condensation chlorhydrique. Le chlore qui reste libre est enfin envoyé dans les appareils à production des chlorures décolorants. ou des chlorates. 2 Emploi, pour la fabrication du chlore, du chlorure de magnésium naturel des eaux de lx mer ou des sels de Stassfurth. — Les eaux mères du chlorure de _ potassium obtenues comme résidu du traitement des eaux de la mer, ou comme résidu du traitement de la carnallite naturelle de Stassfurth renferment des quantités considérables de chlorure de ma- gnésium. On peut employer ce chlorure naturel exacte- ment comme le chlorure artificiel a été traité dans le cas précédent. 3 Emploi pour la fabrication du chlore, du chlo- rure de magnésium résidu de la fabrication du chlorate —- Aux usines de Salindres pour fabriquer les chlo- rates, on fait agir le chlore obtenu par le procédé de M. Péchiney sur de la magnésie, résidu de fabri- cation du chlore, employée au lieu et place de la chaux dont on se sert d’habitude. Cette magnésie est mise en suspension dans l’eau à raison de 50 à 100 grammes par litre et soumise à l’action du chlore libre dans des vases en forme de baratte, munis d’ailleurs d’agitateurs mécaniques. On obtient une liqueur mixte de chlorate de magnésie et chlo- rure de magnésium que l’on décante et concentre ensuite depuis 20° Baumé jusqu'à 48°, on fait alors cristalliser le magnésium et on brise la masse pour séparer à la turbine le chlorure solide de magné- sium, de la liqueur formée par le chlorate de ma- gnésie et par une partie du chlorure de magnésium primitif. A cette liqueur on ajoute de la magnésie, I se fait de l'oxychlorure de magnésium insoluble dans la dissolution de chlorate et on turbine pour séparer la liqueur de chlorate de magnésie purifiée. À cette liqueur, on ajoute alors du chlorure de potassium pour faire par double décomposition du chlorate de potasse et du chlorate de magnésium. On concentre vers 40° la liqueur mixte, puis on fait cristalliser le chlorure de potassium. Le chlorure de magnésium, résidu de cette fabri- cation est employé à la production du chlore comme il a été dit en premier lieu. IT Au cours de l’année 1889, il a été pris en Alle- magne un brevet de principe pour la fabrication de la soude caustique par M. Romiguières, déjà breveté en France en 1888 pour le même procédé. Sa méthode consiste à faire agir sur des mé- taux tels que le plomb, le zinc ou l’étain, pris sous forme de grenailles, la soude caustique en pré- sence de l'air chaud. Si on place dans un appareil comparable à un lessiveur de papeterie de la gre- naille de plomb, zine ou étain au contact d’une dissolution concentrée de soude caustique, et si on fait arriver dans l'appareil un courant d'air chaud, l'oxygène de l’air se fixe sur le métal dont l’oxyde se dissout à mesure de sa formation dans la lessive alcaline en présence de laquelle la réaction se pro- duit. On obtient donc par la dissolution du métal une dissolution soit de plombite de soude, soit de zincate ou de stannate de soude suivant les cas. Si, par exemple, on a opéré sur du plomb et formé une dissolution de plombite de soude et que l’on ajoute à cette dissolution une quantité de sel marin ou chlorure de sodium équivalente à la quantité de plombite de sodium qu’elle ren- ferme déjà, on aura un précipilé de chlorure de plomb et il restera dans la dissolution un double équivalent de soude caustique. On pourra donc réserver la moilié de la dissolution pour procéder à une opération ultérieure et concentrer l’autre moitié de la dissolution de soude caustique 11% H. BOUCHERON. — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE APPLIQUÉE pour la préparation commerciale de cet alcali. Le chlorure de plomb qui reste comme résidu peut pour moitié être traité par l'acide sulfurique en vue de la productoin du sulfate de plomb et de l’acide chlorhydrique, pour autre moitié, il peut être traité par des sulfures alcalins, en vue de la production du sulfure de plomb. On peut alors, en mélangeant à équivalents égaux le sulfate et le sulfure de plomb, et en sou- metlant ce mélange à l’action de la chaleur dans un fourneau, obtenir à la fois du plomb métallique et de l'acide sulfureux. Le plomb métallique est livré au commerce ou rentre dans la fabrication suivant les cas, l'acide sulfureux est en nature employé dans des chambres de plomb à fournir un double équivalent d'acide sulfureux qui pour moitié rentre dans la préparation du sulfate de plomb et pour l’autre moitié est livré au commerce. M. Romiguières dansson brevet se propose d’ap- pliquer son procédé à la séparation de l'argent des plombs argentifères, en même temps qu'à la pro- duction de la soude caustique. Il se propose aussi d'appliquer ce procédé au traitement des alliages triples de plomb, zinc, et argent obtenus par la désargentation des plombs d'œuvre par le zinc dans la méthode de M. Cordu- rié par exemple. Il se propose également de l'appliquer au déca- page des résidus de fer blanc en vue de l’extrac- tion de certains de ces résidus. Dans ce cas, l'opération consiste dans un lessi- vage des rognures de fer blanc en présence de la soude caustique et de l’air chaud injecté dans les lessiveurs. Le résultat de cette opération est une dissolution de stannate de soude d’une part, et du fer décapé pur pouvant être livré aux ateliers métalurgiques de l’autre. La dissolution des stannates de soude peut d’après l'inventeur et suivant les circonstances commer- ciales, être concentrée par l’action de la chaleur, cristallisée pour fournir du stannate de soude com- mercial, ou bien ce stamate de soude purifié peut être dissous dans l’eau et traité par l'acide sulfu- reux pour donner du sulfile de soude, ou par le chlore pour donner de l’hypochlorite de sodium, en même temps que les aulres stanniques ou méta- stanniques livrables au commerce pour la fabrica- tion des glaçures de faïence, ou encore susceptibles d'être réduits par le charbon pour donner de l’é- tain métallique qu'il suffit de couler en lingots pour le livrer aux ateliers de laminage et aux fon- deries de bronze. IT A côté de ces intéressantes innovations, nous de- vons signaler aussi, parmi les applications les plus curieuses de la chimie, l'invention toute récente de la soie artificielle, due à M. de Chardonnet. Le coton nitré étant soluble dans les mélanges d'alcool et d’éther et formant le collodion, l’éther et l'alcool volatils laissant par leur évaporation déposer le coton nitré qu'ils avaient primitivement dissous, on a pu et depuis longtemps déjà mettre à profit les propriétés de ces substances pour former sur des plaques photographiques, par exemple, des lames minces de coton nitré. M. de Chardonnet s’est proposé non seulement de mettre en usage les propriétés de ces subs- tances pour obtenir des fils, mais même de préparer ces fils à tous degrés de ténuité, et de les obtenir à volonté en blanc ou en couleur. Son procédé con- siste à dissoudre la cellulose octo-nitrée dans un mélange à proportions convenables, d'alcool et d'éther de façon à former un collodion un peu épais, que l’on étire en fils de tel calibre qu'on le désire en le faisant écouler par filage régulier dans un tube creux en verre étiré. Le fil de cellodion passe d’abord dans une cuve remplie d'eau. Le con-- tact de l’eau produit la coagulation du collodion qui reçoit par cette coagulation la fixité de la forme de fil cylindrique déjà donnée par la filière à travers laquelle il a tout d’abord passé. Ensuite le fil est entrainé sur des dévidoirs placés dans une chambre à circulation d'air. L’éther et l'alcool s'éva- porent dans celte chambre et le fil réel reste formé de la cellulose octo-nitrée qui résulte de l’évapo- ration du collodion. Une fois que le fil se trouve ainsi obtenu, on dénitre partiellement au moins la matière qui le forme en le laissant séjourner pendant plusieurs jours au contact d’eau aiguisée d'acide nitrique. L'eau est capable comme l’on sait de décomposer dans certaines conditions les éthers organiques. Un effet de cet ordre se produit par son contact avec la cellulose octo-nitrée et il résulte de son action une séparation d'environ moitié des produits azotés fixés sur la cellulose. Le fil dénitré partiel- lement correspond comme composition à de la cel- lulose tétra-nitrée. Il semble cependant résulter d'expériences tout à fait récentes que l’on peut pousser jusqu'à sa limite théorique la dénitrifica- tion du fil de soie artificielle. Alors la matière ne parait pas être plus sensiblement combustible que Je coton ordinaire. Dans tous les cas, on peut donner à ce fil lelle coloration qu'on le veut soit avant filage en mêlant la matière colorante avec le collodion soit après filage en opérant par les pro- cédés ordinaires de la teinture pour fixér sur la fibre artificielle les matières colorantes usuelles. Henri Boucheron, Professeur à l'École Centrale des arts et manufactures. PH. A. GUYE. — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE APPLIQUÉE MATIÈRES COLORANTES L'industrie des matières colorantes et des pro- duits organiques est plus scientifique que jamais. Il faut avouer qu'il ne pourrait guère en être au- trement dans les conditions où se trouve aujour- d'hui cette branche importante des arts chimiques. Avec les laboratoires de recherches somptueu- sement installés et organisés par la plupart des grandes usines, qui y occupent un nombre (ou- jours croissant de chimistes distingués, on ne peut s’étonner de voir grossir chaque année la liste des brevets accordés en matière de couleurs et de pro- duits organiques. Encore faut il bien se dire que le travail qui vient ainsi au jour ne représente qu'une petite fraction des résultats obtenus; au- tant que possible, les industriels préfèrent exploi- ter en secret tous les procédés présentant quelques difficultés opératoires. Nous nous bornerons ici à signaler les tendances dominantes dont se sont inspirés les travaux les plus récents. Il Pas plus que précédemment, il n’y a à enre- gistrer celte année la découverte de matières colo- rantes appartenant à une classe entièrement nou- velle de composés organiques. L'industrie n’a créé en 1889 aucun produit nettement caractérisé par de nouveaux groupes chromogènes, pour em- ployer la désignation par laquelle les chimistes désignent actuellement les groupes d'atomes, ou, si l’on veut, les fonctions chimiques caractéris- tiques pour les corps colorés. On vit donc encore sur le passé et l’on est loin d’avoir épuisé la mine ouverte par l’ensemble des recherches antérieures. Ce n’est cependant pas que l'on ne trouve, dans les recueils purement scientifiques, quelques mé- moires fort intéressants ayant trait à de nouveaux groupes chromogènes. Ces travaux n'ayant encore reçu aucune sanction pratique ne sont que des promesses pour l'avenir. A défaut de découvertes frappantes dans une voie absolument originale, les chimistes ont dû se rabattre sur les méthodes connues. C'est ce qui rend compte de cette tendance générale à appli- quer à des homologues élevés ou à des corps com- plexes les réactions qui se sont montrées fruc- tueuses avec les premiers termes des diverses séries organiques qui sont en quelque sorte à la base de toute l'industrie des matières colorantes. Ainsi, l’on sait que lorsqu'on fait réagir en solution étendue les sels diazoïques sur les phénols ou sur les dérivés amidés, on obtient des composés dits azoïques, qui prennent naissance par l'une ou l’autre des réactions suivantes : CSH° Az — Az — CI + CSH°OH Chlorure de diazobenzine | ” Phénol — CIH + CÉH° — Az — Az — CSH*OH. Oxy-azobenzine 4 CO HS Az — Az C1 + CS HS Az H° _———_# DR Chlorure de diazobenzine Aniline —CIH + CSH°— Az Az — C6 H'AzH?, Quant aux sels diazoïques employés dans ces réactions, il est presque inutile de rappeler qu’ils se forment lorsqu'on fait réagir, en solution acide, l'acide azoteux sur les amines primaires : CH Az H?,H C1 AzO®H— CSHŸAz —AzCI+2H?0 De — : RE E Chlorhydrate d'aniline Chlorure de diazobenzine Toutes ces réactions sont d’une extrème géné- ralité, de sorte qu'en remplaçant l’aniline et le phénol par leurs homologues (toluidines, xylidines, naphiylamines, naphtols, etc.) ou par des dérivés plus où moins substitués (acide salicylique, acide sulfanilique, etc.), on avail préparé un nombre très considérable de matières colorantes, dont le Pon- ceau, le Bordeau, la Vésuvine, la Tropéoline, etc. sont les représentants les plus connus. Il était à prévoir que ces réactions devaient s'appliquer à des corps conienant deux fois le groupe amidogène Az H?, et par conséquent suscep- libles de donner des sels diazoïques diatomiques, comme c'est le cas par exemple de la benzidine, un des représentants les plus simples de ces corps deux fois amidés. Par la simple inspection des formules suivantes : CS HS CSH° Az H? CSH5Az— AzCI = ——— ed a — Benzine Aniline Chlorure de diazobenzine CH CES SE Diphényle CLAZ— A7 CHA CHF Me — A7 CL, —— Chlerure diazoïque de la benzidine AzH?CSH*CfH*AzH? TE pre on voit que le chrorure diazoïque de benzidine est au chlorure de diazobenzine. ce que la benzi- dine est à l’aniline, ou ce qui revient au même ce que le diphényle est à la benzine. On conçoit dès lors aisément que le chlorure diazoïque de benzi- dine réagissant sur des phénols ou des amines, à la manière du chlorure de diazobenzine, donnera aaissance à des corps contenant quatre atomes d'azote, ainsi que l’exprime l'équation suivante : CSH* Az — AzCI CS H* Az — AzCI Chlorure drazoique de la Venzidine CSH* Az — AzC6H*OH CS HS Az — Az CH OH 2, dioxy-dis-azo-diphényle + 2C6HŸOH— 2H CI + Phénol 116 PH. A. GUYE. — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE APPLIQUÉE Les matières colorantes qui se forment dans ces réactions contiennent done deux fois le groupe — Az — Az — caractéristique des dérivés azoïques. C’est pourquoi on les a désignées sous le nom de couleurs dis-azoiques. Ces couleurs, qui sont de date relativement récente, ont fait l'objet, pendant cette dernière année, de nombreuses recherches, suivies de plusieurs demandes de brevets. Il faut croire que leur propriété de se fixer sur la fibre végétale non mordancée, — propriété que ne possèdent pas les couleurs azoïques simples, — n’est pas étran- gère à 1intérêt que les industriels portent à ce nouveau groupe de matières colorantes. Au point de vue des applications en teinture et dans les travaux d'impression, c’est un réel avantage. Parmi les corps diamidés qui ont servi de point de départ aux travaux les plus récents, il convient de citer le diamidodibenzyle que MM. Poirrier et Rosensthiel ont ainsi transformé en une belle ma- tière colorante, le rouge de Saint-Denis, ainsi que le diamidocarbazol, employe dans un but analogue par la «Société Badoise ». Il ne faudrait pas croire que ces applications nouvelles qui paraissent fort simples sur le papier fussent tout naturellement indiquées. En pratique la résolution de ces questions se heurte à des diffi- cullés sérieuses provenant des conditions souvent très défectueuses dans lesquelles sont préparées les diamines en général. L'étude de ces nouveaux composés doit donc être précédée de travaux assez importants, ayant pour but d'abaisser le prix de revient des diamines sur lesquelles on désire opé- rer. Les grandes usines n'hésitent pas alors à s'imposer de lourds sacrifices pour résoudre ces questions préliminaires, et l’on pourrait citer bien des cas où l’on n’a pas reculé devant un travail con- sidérable en vue d'améliorer seulement de quelques centièmes les rendements de certaines opérations. Il Dans un tout autre ordre d'idées, l'attention des chimistes s'est portée du côté des matières colo- rantes sulfurées. Ces dernières ont été momentané- ment l’objet d’un véritable engoûment dont on reviendra, très certainement. Plusieurs des pro- duits ainsi obtenus se sont en effet montrés peu résistants à l’action prolongée de la lumière, et, à l'avenir, il ne faudra accepter les matières colo- rantes sulfurées qu'avec discernement, Reconnaissons cependant que si quelques-uns de ces produits se sont montrés plus ou moins défectueux, il en est qui donnent d'excellents résultats et présentent une stabililé aussi com- plète qu'on peut la désirer. Tel est le cas par exemple de la cyelamine, nouvelle matière colorante due à M. P. Monnet de Lyon. On sait que lorsqu'on chauffe ensemble la resor- cine et l’'anhydride phtalique simple ou substitué, on obtient des fluorescéines : Û 200: ,OH CHECEQMIO OUAIS CO” OH , Te 7 Anhydride dichlorophtalique Résoreine OH CH € cms k +3HC C— CH; ë SRE à OH COH2CE\ CO 07 Dichlorofluoreseéine Or, d’après M. Monnet, cette fluorescéine di- chlorée se transforme sous l’action du sulfure de sodium en un dérivé sulfuré, qui donne avec l’iode un corps dont voici la formule probable : OH CHEZ _ 0 C — CP | NS OH S “CH C2— CO 07 Ce composé, ou plutôt son sel de potassium, n'est autre que la cyclamine, belle matière colorante rose d’une nuance plus riche que le rose bengale. Indépendamment des recherches que nous venons d'analyser, il faut encore signaler divers travaux relatifs à la préparation de couleurs bleues, grises et vertes dérivées du bleu d’alizarine (Société Badoise). Citons également une méthode nouvelle de préparation de la rhodamine de M. Cérésole (Meister, Lucius et Brüning), ainsi que des tenta- tives diverses pour préparer des matières colorantes dérivées de la pyridine, de la quinoléine, du rétène, des indophénols, du diphénylméthane et du dia- midostilbène. Nous mentionnerons enfin un travail d'un intérêt plutôt théorique de M. Græbe qui a définitivement fixé la constitution de l’euxanthone, le principe tinctorial du jaune indien; ce savant est parvenu à le reproduire par synthèse en faisant réagir dans de certaines conditions l'acide hydroquinone-car- bonique sur l'acide B-résorcylique. 0 CO G'Ha ZT N 6e PAIN 62 (OH OH C°H « 76 OH CH Ca (OH) Alizarine 1C Euxanthone L'analogie de constitution de l’euxanthone et de l’alizarine est mise en évidence par les formules de ces deux composés. Ph. À. GUYE, Docteur ès sciences. BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 117 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Folie (F.), directeur de l'Observatoire de Bruxelles, — La Nutation diurne. (Notices extraites de l’An- nuaïre de l'Observatoire royal de Bruxelles.) Depuis cinq ou six ans, M. Folie à vivement attiré l'attention sur divers petits mouvements de l’axe de rotation de la Terre et consacré à la détermination de l’un d’eux, la nutation diurne, une partie de son activité scientifique. On sait que dans le mouvement de la Terre autour du Soleil l’axe de rotation de notre planète se transporte en restant à peu près parallèle à lui-même. Mais ce parallélisme ne se conserve qu'à peu pres, car l'axe de la Terre décrit autour de l’axe de lécliptique un cône droit dont la demi-ouverture est de 23°4; ce mouvement, dont la période est de 26,000 ans, pro- duit la précession des équinoxes, connue depuis Hippar- que (2° siècle av. J.-C.). Outre ce mouvement général, l’axe de la Terre décrit autour de sa position moyenne, et en 18 ans 2, un cône à base elliptique dont le grand axe égale 18": ce second mouvement produit la nutation, découverte par Bradley qui la fit connaître en 1748. Plus tard, les travaux de Poinsot (4855) appe- lèrent l'attention sur un troisième mouvement de l’axe de la Terre dans l’espace, la nutation initiale, dont la période est d'environ 10 mois et qui est extrêmement faible : les essais tentés jusqu'ici pour le mettre en évi- dence sont restés à peu près infructueux. Enfin M. Folie a !montré que, si l'intérieur de la Terre est fluide, l’axe de la croûte terrestre est, par suite, soumis à une nutation diurne qui le déploie dans l’intérieur de la Terre et le fait tourner, en 12 heures environ, autour de sa position moyenne : cette nutation diurne est cer- tainement très faible, mais sa détermination présente néanmoins une grande importance, car, ainsi que tout mouvement négligé de l'axe de la Terre, elle entrera comme erreur dans les déterminations qui supposent que la latitude est invariable. Soit P le pôle, supposé immobile; une étoile E tour- nant autour de ce pôle sera, après 6 heures, en E’, et l'angle EPE sera droit, Mais si dans cet intervalle de 6 heures, le pôle se déplace parmi les étoiles et vient de P en P’, cetangle ne sera plus droit; l'écart dépendra d’une part de la grandeur et de la direction du dépla- cement PP’ et, d'autre part, de la distance de l'étoile au pôle, comme le montre la comparaison des deux L MÉTHODES ET ÉTOILES EMPLOYÉES OBSERVATOIRES Na LONG. EST DE PARIS D “ h Lu Polarissime..,.......... Observations d’ascension droite.| Kieff.,........... PS 0,209 9.19 a Petite Ourse.....…...... = Harvard College...... 0,077 9.29 117 Zone polaire........ £ — BONNE RE sa cetses : 0,136 11.1 297 RES ER À Me DS Patent OR DES 0,22 12.7 æ Petite Ourse...:-... 5e — Bruxelles”... 0,10 10.25 a nn nee : — Poulkova..... 0,18 11.45 ô RS Mn MES 2 EE SPA Re. 0,32 8.41 a ET ee ae ete - CERN EE Re : 0,12 10.17 = — iso0ur dé — . Washineton 7-2. 0,17 11.36 AUELENE = see ele ctelseetioie — Cordoba ...... ANSE ES 0,11 10.17 HADYTÉ eee SONO TB Observations au premier vertical.| Washington. ....... 2 0,095 8.48 Petites X t. vois. du pôle, Observations d’azimut........,| Cointe (val. moy.) (1). | 0,325 10.2 — — — — ?2série....,.. 0,163 7.50 Détermination d’azimut....... me eee sie: ts RS LTASDONTE 5 ere 0,099 8.45 (1) Cette valeur moyenne est déduite de quatre nuits d'observation seulement, chaque nuit a manifesté l'existence de la nutation diurne et fourni, pour la longitude du premier méridien, des valeurs comprises entre Sh23® e{ 11b26® à l'Est de Paris. figures. Ainsi ce sont les étoiles les plus voisines du pôle qui mettront le mieux en évidence les effets de la nutation diurne, effets qui en outre seront maxima à 6 heures d'intervalle, Pour manifester d'aussi faibles mouvements, les observations doivent être très préciseset faites, parsuile, avec un instrument bien stable, tel qu'une lunette méridienne. L'instrument que M. Folie préférerait aujourd’hui serait une lunette absolument fixe dirigée vers le pôle et dont le micromètre se composerait uni- quement de deux fils mobiles placés à angle droit; on ne pourrait pas répondre de la stabilité absolue de cet instrument, non plus que d’aucun autre d’ailleurs, mais on éliminerait les erreurs instrumentales en com- binant les observations de deux étoiles ; et on tiendrait compte de la nutation initiale au moyen d'observations faites à 12 heures d'intervalle. La connaissance de la nutation diurne dépend de celle de deux constantes que M. Folie, aidé de plusieurs de ses collaborateurs, a déterminées de diverses manières et qui sont en premier lieu un facteur numé- rique Na, le coefficient de la nutation diurne, eten second lieu la longitude L de ce que M. Folie appelle le premier méridien, celui qui traverse la croûte terrestre dans sa plus grande épaisseur. Voici (tableau ci-dessus) l’ensemble des valeurs obte- nues pour ces constantes, et déduites d'observations variées faites dans divers observatoires, 118 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX La dernière valeur fournit, par la manière dont elle a été obtenue, une preuve inattendue de l'existence de la nutation diurne : M. Kobold avait déterminé, sans tenir compte de la nutation diurne, l’azimut du cercle méridien de Strasbourg par des observations de la polaire; au lieu d’une période annuelle à laquelle on aurait pu s'attendre, ces azimuts présentent une période diurne procédant suivant le temps sidéral. M. Folie ayant repris la discussion de ces déterminations en tenant compte de la nutation diurne à pu diminuer considérablement les corrections azimutales de M. Ko- bold et a obtenu en outre, pour les constantes de la nutation diurne, des valeurs très concordantes avec les déterminations antérieures. En présence de ces résultats, il paraît bien difficile de mettre en doute l’existence de la nutation diurne, admise d’ailleurs aujourd’hui par les astronomes les plus autorisés, M. 0. Struve, M. Gyldén, ete.;et même la valeur moyenne des constantes ci-dessus parait jouir d’une assez grande précision. Les conséquences qui résultent de l'existence de la nutation diurne sont importantes : au point de vue géologique elle démontre que l'écorce terrestre flotte sur un noyau dont la surface tout au moins est fluide ; au point de vue astronomique, elle exige que l’on sou- mette à une nouvelle discussion les observations d’où ontété déduites les constantes de l’aberration et de la nutalion, calculées en faisant abstraction de la nuta- tion diurne, On devra avoir égard à cette nutation dans les déterminations de parallaxes absolues ; enfin, dans les observations journalières, Pazimut des instruments méridiens devra être déterminé uniquement au moyen de lectures sur des mires bien installées jusqu’à ce que l'on connaisse la valeur précise des constantes de la nulation diurne, — On voit par là toute l'importance du sujet et on ne saurait trop louer M. Folie des efforts qu'il a faits pour attirer de ce côté l'attention des astro- nomes qui, à l’origine, élaient, généralement, disposés à mettre en doute l'existence d’une nutation diurne sensible, G. BIGouRDAN, 2° Sciences physiques. Pellat (H.). — Leçons sur l'électricité, Publiées par l'Association amicale des élèves de la Faculté des Sciences de Paris. (Georges Carré, éditeur). M. Blondin vient de rédiger et de publier sous ce titre les lecons faites à la Sorbonne par M. Pellat, sur l’électrostatique, la pile, l'électricité atmosphérique. La première partie, la plus développée, traite de l'électrostatique : l’auteur, ainsi qu'il l'indique lui- même dans sa préface, s’est surtout attaché à bien mettre en relief le nombre relativement petit des con- naissances concernant l'électricité que nousne pouvons acquérir que par l'expérience et qui constituent les lois fondamentales ; les autres connaissances importantes ont été déduites ensuite de ces lois fondamentales par le raisonnement aidé-le plus souvent de l'analyse ma- thématique, et la vérification expérimentale de ces dé- ductions à été indiquée toutes les fois qu’elle présen- tait quelque intérèt.Les démonstrations mathématiques, tout en conservant leur rigueur, sont très simplifiées et restent à la portée d’un lecteur n’ayant encore suivi que les cours des lycées. Beaucoup de ces démons. trations sont données sous une forme nouvelle toujours très claire, et plusieurs théorèmes que beaucoup d’au- teurs traitent avec un peu de vague sont présentés d’une facon originale en même temps que plus rigoureuse. A la suite d’un chapitre concis quoique fort complet sur la théorie purement électrique de la pile, théorie que ses travaux personnels lui permettent de traiter avec une compétence toute particulière, M. Pellat donne en quelques mots les principales lois des cou- rants et un exposé élémentaire de quelques-unes des méthodes de mesure électrique les plus usuelles, La troisième partie de l’ouvrage est un très bon exposé de l’état actuel des connaissances sur l’électri- cité atmosphérique. M. Pellat y décrit les méthodes expérimentales appliquées jusqu’à ce jour, indique les résultats obtenus par les différents observateurs, puis, développant ses idées personnelles, déduit des consé- quences fort intéressantes sur l’électrisation négative de la terre, la variation du potentiel de l'air, les di- verses causes d’électrisation des nuages, l’explication des orages et des aurores boréales, Les trois chapitres très distincts qui constituent le nouveau livre de M. Pellatsont également intéressants. L'auteur a su y introduire une note absolument origi- nale et en faire un ouvrage d’une lecture facile et d’une réelle utilité didactique, HAINE Brauner, — Recherches expérimentales sur la loi périodique. (Zeitschrift fur physikalische chemie, 13 septembre 4889.) Au momentoù M. Mendeleeff énonca la loi périodique qui porte son nom, un certain nombre de corps ne se rangeaient à la place indiquée par leurs analogies qu'à la condition de modifier les poids atomiques alors adoptés. Des recherches récentes ont justifié la plupart de ces modifications ; c’est ainsi qu'on prend aujour- d'hui pour poids atomique de Pindium 113 au lieu de l’ancienne valeur 75,6; pour le lanthane, 180 au lieu de 94; pour l'uranium 240 au lieu de 116, etc... Mais une exception subsiste pourtant: le tellure devrait, d’après ses analogies, être compris entre l'iode et l’antimoine, et avoir un poids atomique voisin de 125. Or un grand nombre de déterminations récentes, faites par des méthodes différentes et suffisamment concor- dantes, conduisent à la valeur moyenne Te = 127.64, avec une erreur probable de + 0,008. Cette valeur est supérieure au poids atomique de l’iode, 126.86, et diffère de la valeur à laquelle conduit la loi périodique, de plus de deux cents fois l'erreur probable sur la détermination du poids atomique. On se trouve done conduit à l'alternative suivante : ou bien la loi pério- dique n’est pas exacte, et, pour le tellure, les propriétés ne sont pas fonctions du poids atomique; ou bien, le soi-disant tellure pur est un corps composé, La valeur trop élevée du poids atomique serait due alors à l'existence dans ce corps d'éléments à poids atomiques considérables, éléments peut-être connus, peut-être inconnus, et qui pourraient bien se rapprocher des corps hypothétiques auxquels M.Crookes a donné le nom de méta-éléments, Pour vérifier ceshypothèses, M. Brauner a procédé de la facon suivante. Il à préparé des composés de tellure pur, les a fractionnés de diffé- rentes facons ; puis sur chaque fraction il a déterminé le poids atomique. Les différentes fractions provenant de la précipitation du tellure par l’ammoniaque, ont donné pour le poids atomique les valeurs suivantes : 129.63, 127.63, 137.72, 127.71, 128.88. 127.57. Ces valeurs diffèrent de quantités bien supérieures à l’erreur pro- bable ; elles conduisent donc à admettre que le tellure est un corps composé, Cette hypothèse est également suggérée par les résultats de l'analyse du bibromure de tellure,qui donnent desnombresoscillantentre 130 et133. L'auteur se propose d'isoler le tellure pur, et de cher- cher les corps qui l’accompagnent, si son hypothèse se trouve justifiée. Georges CHARPY. 8° Sciences naturelles. Argutinsky(P)—Travail musculaire etéchanges azotés; Archiv, für die gesammte Physiologie, 1890, L'auteur s'était fixé un régime alimentaire constant, dont il dosait exactement l'azote; il dosait de même celui des excreta. Sattachant plus spécialement à l'azote de l'urine (azote total, évalué par la méthode de Kjeldahl), il n'observait que de légères oscillations journalières tant qu'il menait sa vie habituelle. Mais lorsqu’il avait fait une promenade d’une journée dans un pays montagneux, l’excrétion d'azote augmentait ce jour-là et les deux jours suivants en général. L’excès d'azote de ces trois jours totalisé allait de 7 à 10 gr. BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 119 M. Argutinsky a calculé la force vive mise en liberté par la combustion de la quantité d’albumine corres- pondant à cet azote, Calculant d'autre part le nombre de kilogrammètres correspondant à ses ascensions, c’est-à dire multipliant son poids par la somme des hauteurs de chacune des petites montagnes qu'il avait gravies, il est arrivé à une concordance satisfaisante entre ces deux chiffres. Il en conclut que c’est au dépens des albumines, au moins pour la plus grande partie, que se fait le travail musculaire. Cette conclusion est en désaccord avec l'opinion le plus généralement adoptée par les physiologistes con- temporains. Il est donc intéressant de critiquer les expériences sur lesquelles elle repose. Les dosages de auteur semblent avoir été faits avec toute la rigueur désirable, Son régime était bien fixé et l'augmentation de l’azote excrété pendant trois jours à la suite de la promenade ne peut être attribuée qu'à ce travail. Mais l'évaluation de la quantité de ce tra- vail, malgré la précision des chiffres, est loin d’être exacte, Calculant comme nous l'avons dit, l’auteur obtient pour son travail des équivalents calorifiques qui varient suivant les expériences de 177 à 276 calories. Mais à côté de la force utilisée, nous devons tenir compte, d’abord de l'élévation de la température du corps (0° 7 dans la seule expérience où elle ait été mesurée, soit 49 calories pour un poids de 70 kilogs) et surtout de la vaporisation d’un poids d’eau assez considé- rable; l’auteur évalue lui-même à 1 kilog, au minimum l'augmentation de la perspiration cutanée et pulmo- naire, soil plus de 500 calories On voit que ces quan- tités de chaleur sont plus considérables que celles qui correspondent au travail calculé, D'autre part ce travail calculé n’est [ui-mème qu'une partie du travail réellement effectué; M. Argutinsky n'a en effet tenu compte ni de l'effort de la translation horizontale, ni de la descente, ni de la suractivité des muscles respiratoires et du cœur, De plus ses chiffres supposent que le rendement utile des muscles d’un homme qui gravit une montagne est de 100 pour 100, proportion inadmissible, Dans ces conditions la con- cordance observée entre le travail de l'ascension et la force vive dégagée par les albumines qui ont fourni l'excès d'azote urinaire, concordance qui n'est d’ail- leurs qu'approximative, perd beaucoup de sa valeur, Comment dès lors affirmer, puisque l'énergie dégagée par la combustion des albumines n’est qu'une petite partie de l'énergie totale dépensée par l'organisme, qu'elle a précisément été utilisée par le travail que M. Argulinsky à considéré ? L. LaAPiCQuE. 4° Sciences médicales. Chauvel et Nimier. — Traité pratique de la chi: rurgie d'armée. Paris, G. Masson, 4890, A une époque où {ous les médecins civils de 20 à 45 ans sont incorporés au service de santé militaire et peüvent, au lendemain d’une déclaration de guerre, ètre appelés à servir à côté de leurs confrères de l’ar- mée active, un traité de chirurgie d'armée est destiné à rendre de grands services, s’il metle médecin civil au courant des diverses questions de la chirurgie d'armée. Les transformations absolues des règlements du service de santé, qui a conquis dans ces dernières années son autonomie, et les progrès immenses de la chirurgie, dus à la méthode antiseptique, font que le traité, pu- blié autrefois par Legouest, n’est plus en rapport avec les exigences actuelles, Aussi avons-nous lu l'ouvrage de MM. Chauvel et Nimier, comptant y trouver les notions qui manquent, en général, au médecin civil pour remplir utilement son rôle en temps de guerre. Notre allente n'a pas été décue, Nous y avons trouvé à la fois l’exposé court, mais suffisant, du service de santé en campagne des ambu- lances, de l’évacuation des blessés, en même temps qu'une description complète des plaies de guerre, Les auteurs, après une étude des plaies par armes blanches, abordent d’une manière détaillée les plaies par armes à feu, Les nouveaux projectiles, leur mode d'action sur les parties molles et sur les os, leur symp- tomatologie, leur traitement. font l’objet d'autant de chapitres successifs, Un seul point nous à étonné, c’est la sévérité avec laquelle est condamné l'appareil plâtré dans le traitement des fractures, Dans une deuxième partie, MM. Chauvel et Nimier nous montrent les diffé- rences que présentent les plaies suivant la région af- fectée. Nous signalerons comme particulièrement inté- ressantes les recherches faites sur les lésions des os causées par les nouveaux projectiles. D HARTMANN. Mott (D' Fred. W.). — Un cas d’anémie pernicieuse. (The Lancet, février, 1890). L'anémie pernicieuse progressive, depuis les com- munications de Biermer(1868-1872), constitue encore un groupe nosologique mal défini ; il faut distinguer, dans les anémies graves progressivement mortelles, deux séries de faits: ceux où la cause est manifestement connue (cancer, tuberculose, ostéomyélite chronique, bothriocéphale, ankylostome, etc.) et ceux où l’anémie semble essentielle, c’est-à-dire où il est impossible de faire un autre diagnostic. C’est là une distinction bien nettement établie dans la thèse du D' Planchard (Paris, 1888). Les conclusions de cette thèse établissent que l’anémie pernicieuse est une maladie infectieuse, opinion admise aujourd'hui par beaucoup d'auteurs, mais dont il reste à faire la preuve microbiologique. L'observation de M. Mott n'apporte pas la solution à cette question, mais l’autopsie pratiquée avec soin met en évidence des faits encore peu connus, Il s’agit d’une femme de 49 ans, dont l’histoire clinique n'offre pas d'intérêt spécial, morte avec (ous les signes pouvant justifier le diagnostic d'anémie pernicieuse, L’autopsie ne révèle pas en effet de lésion particulière à laquelle on puisse rapporter cet état. Les cavités du cœur sont dilatées, les tissus anémiques, la rate normale ; les reins sont légèrement dégénérés, le foie est dùr, augmenté de volume, de coloration vert olive. Au microscope les cellules hépatiques en dégéné- rescence graisseuse assez marquée; mais le fait inté- ressant est la proportion de granulations pigmentaires de nature ferrique contenues dans ces cellules. En les traitant par le ferrocyanure de potassium additionné d'acide chlorhydrique, les coupes du foie prennent une coloration bleu foncé ; en faisant agir le sulfocyanure de potassium acidulé d'acide chlorhydrique, la colo- ration est rouge sang, par formation de sulfocyanure de fer, M. Vasey, a traité le foie réduit en cendre, de facon à se rendre compte de la quantité de fer (en poids) contenu dans tout l'organe. Il donne le chiffre de 3 gr. 60 d'oxyde de fer pour un poids de 1240 grammes de foie vide de sang. Les reins contiennent également des {ra- ces de fer déposé dans les cellules des tubes contournés. M. W. Mott tire de ces constatalions la conclusion que, dans l’anémie pernicieuse, il se fait une désintégra- tion des globules rouges au niveau du foie, l’hémoglo- bine donnant un pigment ferrique déposé dans les cellules hépatiques et passant en outre dans-les urines sous forme d’urobiline, Ces urines étaient en effet très colorées, et le D'Hunter(Practitionnes. septembre 1889) a trouvé dans un cas analogue uneurobiline pathologique. L'examen microscopique n'a décelé lexistence d’aucun micro-organisme spécial, MM. J. Bond et Co- pesnan (Lancet, 1887) avaient montré que si l’on ajoute à du sang normal, in vitro, du sérum en voie de putréfaction, l’hémoglobine cristallise très rapide- ment; ils ont fait voir également que le sang dans l'anémie pernicieuse a une tendance particulière à former rapidement des cristaux d’hémoglobine. De ces faits, M. W. Mott est tenté de déduire que, dans l'a- némie pernicieuse, il y a un microbe encore inconnu sécrélant une substance toxique dont l’action sur le sang provoque la précipitation de l'hémoglobine qui se dépose alors dans les cellules hépatiques et rénales, D' Ray, DurAND-FARDEL, 120 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADEÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER (1) ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 10 février 1890. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Stieltjes : Sur la fonction exponentielle. — M. 4. Mannheïm : Sur un mode de transformation en géométrie cinématique. _— M. de Jonquières : Note sur un Mémoire de Des- cartes longtemps inédit sur les polyèdres. — M. R. Perrin: Sur une généralisation du théorème d’Euler relatif aux polyèdres. — M. M. Hamy: Procédé physique pour la mesure de l’inclinaison du fil de dé- clinaison des cercles méridiens. 2e ScrENCES PHYSIQUES. — Des recherches que M.H.Les- cœur a faites sur la tension de dissociation des hydrates alcalins il résulte que, pour chaque hydrate, il existe une température à laquelle sa tension de dissociation se confond avec la tension de vapeur de la solution saturée. Les courbes figurant ces deux tensions se raccordent tangentiellement, Cette propriété appar- tient à tous les hydrales salins pendant une certaine période de leur existence définie. — M. Moïssan à étudié l’action du fluor sur le carbone. La combinaison se fait d'autant plus facilement que le charbon employé est moins dense. On obtient ainsi, si le carbone n’est pas en excès, un létrafluorure de carbone que l’on peut également préparer en faisant agir du tétra- chlorure de carbone sur du fluorure d'argent. Si le charbon est en excès, on à un nouveau COrps gazeux, — M. Chabrié a préparé le tétrafluorure de carbone par l’action du fluorure d'argent sur le tétrachlorure de carbone. Il a déterminé la formule de ce gaz en me- surant l'acide carbonique fourni par sa décomposi- tion. Il a de plus pris la densité du gaz et la trouvée à peu près égale à la densité calculée. Les autres chlorures réagissent également, C?CI donne C2? FM, — En étudiant la flamme bleue du sel commun, M. Sa- let a trouvé dans le spectre observé des bandes bleues qu'il a reconnues être celles du cuivre, Il en conclut à un nouveau procédé pour la recherche du cuivre. — M. Le Chatelier a étudié la résistance électrique du fer et de ses alliages aux températures élevées. Les courbes représentatives mettent nettement en évidence, pour les fers et les aciers, les deux transformations moléculaires remarquées par M. Osmond à 730° et 855°. L'acier manganèse et le nickel en donnent une. Le ferronickel, chauffé dans l'hydrogène humide, présente, pendant le refroidissement, un retard à la transfor- mation analogue à celui que produit la trempe de l'acier, et qui paraît dû à l'oxydation du silicium qui y est contenu, — Des recherches thermochimiques de M. Leo Wignon sur la soie il résulte: 4° que le pouvoir absor bant de la soie se manifeste dans le calorimètre avec des dégagements de chaleur nettement appréciables ; 2° que les grès de soie et la fibroïne appartiennent au même type chimique; 3 que les fonctions chimiques du grès de soie ont plus d'intensité que celle de la fibroïne; 4° que ces fonctions sont nettement accusées. — M, Raulin a étudié, pour le dosage de la potasse dans les terres, un procédé basé sur la très faible solu- bilité dans les liquides aqueux du phosphomolydrate de potasse. Il a perfectionné le procédé de John Henri Schmidt pour le dosage volumétrique de lhumus. 30 SCIENCES NATURELLES. — En étudiant la matière a (4) Le présent numéro de la Revue paraissant, par exception, le 98, plusieurs comptes-rendus académiques n’ont pu étre insérés. colorante des Diaptomus, M. Raphaël Blanchard a reconnu que le pigment du Diaptomus bacillifer est une caroline, Il en conclut que l'organisme animal est capable de fabriquer des hydrocarbures. — M. Louis Mangin montre que, chez les phanérogames et les cryptogames, les tissus à éléments mous sont consti- tués par des cellules unies par un ciment de pectates insolubles. — M. Louis Claudel à cherché à déter- miner la cause du déplacement de la zone coloriée dans les téguments séminaux. Il a montré que la zone épaissie peut occuper toutes les positions de lépi- derme à l’amande; or les matières colorantes sper- modermiques ne se forment que dans des cellules vivantes, les pigments ne peuvent donc apparaître en dehors de la zone épaissie, — M. Beaugey étudie la formation du quartz dans la source de Mauhourat, à Cauterets ; la température est assez peu élevée pour qu’on puisse admettre que ce minéral peut se former dans des conditions analogues à la tempé- rature ordinaire. — M. A. Lacroix signale l’exis- tence des roches à leucite aux environs de Trébizonde; il les rapporte aux types leucitite et leucotéphrite ; il indique la composition d’andésites et de trachytes, rapportés du Caucase, et qui sont riches en divers sili- cates ferromagnésiens , particulièrement en hyper- sthène, — M. de Cayeux à pu déterminer la cause de la coloration et de la dureté de certaines craies pseudo- dolomitiques du nord de la France; l'élément au- quel elles sont dues est le phosphate de chaux; cer- tains échantillons en renferment 60 °/,. Séanee du 17 février 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. de Jonquières : Ecrit posthume de Descartes sur les polyèdres. — M. Seydler : Surle problème de Saint-Pétersboure. M. Demartres: Sur les surfaces réglées dont lélé- ment linéaire est réductible à la forme de Liouville, — M. Petot sur les surfaces dont l'élément linéaire est réductible à la forme ds?— F (U + V) (du? + dv’) — M. Hisserand application des lois electrodyna- miques de Gauss au mouvement des planètes : (Voir Nouvelles p. 127.) — M. Bazin: sur la distribution des pressions et des vitesses dans l’intérieur des nappes liquides issues de déversoirs sans contraction latérale. — M. 'Æhoulet : De quelques objections à la théorie de la circulation verticale profonde de l’eau dans lO- céan, — M. Mouchez: Observations des petites pla- nètes à l'Observatoire pendant les trois premiers tri- mestres de 1889. — M. de la Baume-Pluvinel : Sur l'observation de l’éclipse totale de soleil du 22 dé- cembre 1889, 2° SCIENCES PHYSIQUES, — M. Ch. Antoine à étudié la compressibilité de Pair jusqu'à 3000 atmosphères. _—— En étendant les théorèmes connus sur la conserva- tion des flux de force et d’induction magnétiques aux régions intérieures des corps, M. Paul Janet arrive au théorème suivant: le flux d'induction magné- tique se conserve dans tout l’espace, y compris les conducteurs, magnétiques ou non, parcourus par des courants quelconques. — M. Lucien Poincaré à étudié les piles à électrolytes fondus. Il a trouvé que la théorie d'Helmhol{z leur était applicable, —M. Adol- phe Minet à dressé un tableau donnant les cons- tantes électriques de l'électrolyse par fusion ignée des oxyde et fluorure d'aluminium. — MM. P. Haute- feuille et À, Perrey ont étudié les silicogluci- nates de soude comme ils Pavaient fait pour ceux de potasse, Ils en ont trouvé cinq. — Des recherches de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 421 M, Osmond sur le rôle des corps étrangers alliés au fer, il résulte que ces corps avancent ou retardent la transformation allotropique de ce métal selon que leur volume atomique est plus ou moins grand que celui du fer. — M. 3. Ville à constaté que l’acide hypophos- phoreux en agissant sur les aldéhydes peut donner des acides divalents et monobasiques ou acides oxyphos- phéneux. — M. Guinochet à étudié l'acide carbal- lylique dibromé. Cet acide est fribasique. — M. Bay- rac à trouvé un procédé rapide et exact pour doser l'acide urique des urines: il emploie une solution titrée d'hypobromite de soude à chaud, JOSCIENCES NATURELLES. — M. KRaphaël Dubois à étudié l’action de la lumière sur le Protée à yeux rudimentaires des grottes de la Carniole; ce Protée dis- tingue la lumière de l'obscurité par les yeux’et par la peau, mais la sensibilité dermatoptique est deux fois moindre que la sensibilité oculaire. — M. &. Carlet a montré que la cire est produite par les quatre der- niers arceaux ventraux de l’abdomen; elle est secrétée par les cellules d’une membrane épithéliale, située entre deux feuillets, l'un extérieur, l'autre intérieur, appartenant à l'arceau ventral, La substance cireuse traverse la couche cuticulaire pour venir s’accumuler au dehors. — M. Ed, Bureau : Sur une fougère re- viviscente, (voir Nouvelles, page 128,)— MM. Georges Linossier et Gabriel Roux exposent le résultat de leurs recherches sur l'alimentation minérale, hydro- carbonée et azotée du champignon du muguet ; loxy- gène libre est absolument indispensable au muguet ; c’est dans la série des hydrates de carbone que l'on trouve ses meilleurs aliments hydrocarbonés; ils sem- blent d'autant meilleurs que leur poids moléculaire est plus élevé ; la peptone constitue leur meilleur aliment azoté, l’albumine vient dans les derniers rangs ; les récoltes sont meilleures dans les milieux légèrement alcalins, — M. Gaston Bonnier, à la suite de re- cherches expérimentales sur la culture d'une même plante à diverses-altitudes, variant de 50 à 2400 mètres, est arrivé aux résultats suivants : la formation de réser- vesrelativementabondantes dans les parties souterraines des plantes alpines peut s'expliquer non seulement par la différence d'intensité lumineuse, mais aussi par l’a- daptation spéciale des feuilles à une nutrition beau- coup plus active ; les liges aériennes sont étalées, plus courtes et plus rapprochées du sol ; les fleurs sont plus colorées, les feuilles plus épaisses et d’un vert plus foncé, les tissus protecteurs des tiges plus développées. Grâce à l’épaisseur plus grande du tissu en palissade et à l'abondance de la chlorophyle, l'assimilation par les feuilles est beaucoup plus grande à égalité de sur- face, — MM. Lortet et Despeignes ont démontré l'existence de microbes pathogènes en grand nombre dans les eaux des galeries filtrantes du Rhône, eaux qui alimentent la ville de Lyon. L. LAPICQUE, ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 11 février, M. Laborde demande que les sages-femmes em- ploient une solution titrée de sublimé additionnée de sulfate de cuivre, ayant, d’après ses expériences, des propriélés vomitives immédiates, suffisantes pour em- pêcher l’intoxication en cas de méprise, — M. Gué- niot considère comme dangereux de mettre entre les mains des sages-femmes le sublimé; tout en le recon- naissant comme le roi des antiseptiques, il préférerait leur donner l'acide phénique ou le thymol comme à Vienne. — M. Charpentier voudrait qu'on autorisät les sages-femmes à se servir, non pas d’un seul anti- septique le meilleur, il est vrai, mais le plus dange- reux, mais de tous les antiseptiques, en les rendant responsables en cas d’accidents, après leur avoir en- seigné l’asepsie. — M. Ærélat approuve le choix du sublimé, montrant comme chirurgien les dangers de l'acide phénique et l'insuffisance du thymol, — M.Bu- din soutient les conclusions de la commission dont les deux premières sont votées, en substituant le mot poison à toxique dont M. Colin fait remarquer la con- fusion possible avec tonique, après observations de M. Brouardel qui, à la Morgue, n'a pas constaté d’em- poisonnement par le sublimé contre quinze par l'acide phénique,— M. pe M. BRILLOUIN. — SUR LES EXPÉRIENCES DE M. HERTZ 1 SUR LES EXPÉRIENCES DE M. HERTZ Il paraît difficile de douter que M. Hertz ait réel- lement observé des oscillations électromagnétiques de quelques décimètres de longueur d'onde; mais il est certain que les physiciens qui essaient de ré- péter ses expériences réussissent rarement à pro- duire des ondes aussi courtes, et ont même quelque peine à juger au fonctionnement de l’excitateur si celui-ci intervient activement et rend prédomi- nantes ses vibrations propres, ou s’il livre simple - ment passage aux mouvements extérieurs pro- duits dans la bobine d'induction. La comparaison avec les phénomènes sonores me semble particu- lièrement convenable pour bien mettre en relief Le genre de difficultés qu'on rencontre et le rôle de l’excitateur. D'abord la bobine d’induction est assez représentée par un grand réservoir d'air, à volume variable, commelessoufflets d'orgue, alimenté par ce que les facteurs d'orgue appellent une pompe, c'est-à-dire par un soufflet mû de l'extérieur et qui puise l'air dans l'atmosphère. De ce réservoir un conduit de forme quelconque amène l'air jus- qu'à un sommier dont les différentes ouvertures sont closes par des soupapes. Les mouvements périodiques les plus variés peuvent prendre nais- sance dans ce réservoir, commandés les uns parle mouvement de la pompe, d'autres par la forme même du réservoir et des conduites, d'autres enfin par la construction des soupapes. Sur les trous du sommier montons des luyaux d'orgue, et ou- vrons Les soupapes. A tous les mouvements que pro- duit la soufflerie viendront se superposer ceux du tuyau d'orgue. Il y a longtemps déjà que les fac- teurs d'orgue savent rendre les sons du tuyau intenses et purs, c’est-à-dire indépendants de la construction des réservoirs d’air. C'est ce que M. Hertz sait certainement faire, mais par adresse, plutôt que par méthode; il a imaginé le tuyau capable de renforcer un mouvement de longueur d'onde déterminée; il y a mis une soupape, — l'interruption que doit franchir l’élincelle entre les deux parties de l’excitateur ; — il sait de plus reconnaitre quand, en modifiant un peu la soupape, il en a fait une anche — en d’autres termes, quand il a mis l’étincelle à l’unisson de l’excitateur tout entier. — Alors le mouvement périodique propre à l’excitateur devient particulièrement intense, et à peu près pur. Si pour en étudier les propriétés on se sert d’un récepteur à l'unisson de l’excitateur, — d’un résonnateur en un mot — on observera uniquement ce qui est dû à ce mouvement pério- dique spécial, Sans supprimer pour cela les autres bien mouvements périodiques qui proviennent du réser- voir, — mouvements qui resteront observables par des résonnateurs différents ou par des récep- teurs sensibles à toutes les périodes, — on réussit à les éliminer de l'observation. Ainsi font les facteurs d’orgues, mais leur art est un peu plus avancé. D'abord ils savent construire le réservoir et les conduits de façon que les mouve- ments périodiques qui yprennent naissance et dont quelques-uns sont extrêmement intenses — ceux que produit la manœuvre de la pompe — soient en dehors des limites de période auxquelles l'oreille est sensible ; ils savent de plus établir les conduites du réservoir au sommier, et intercaler un régula- teur de pression, de manière à amortir considéra- blement l'amplitude de ces mouvements que l'o- reille percevrait sous forme de variations d’inten- sité du son principal. Surtout ils savent construire un tuyau d'orgue complet, c'est-à-dire un résonna- teur et une embouchure accordés à l'unisson ; ils ont pour cela des règles qui permettent d'appro- cher beaucoup du résultat par la construction même; au sortir des mains de l’ouvrier le tuyau parle déjà, il rend un son assez pur dont la hau- teur est fixe et indépendante du mode d’insuffla- tion. La main de l’accordeur n’est nécessaire que pour les derniers et délicats réglages qui donnent au son déjà pur ses qualités musicales et la hau- teur exacte qu'il doit avoir par rapport aux autres tuyaux du même jeu. Nous n’en demandons pas tant en électricité, et nous nous contenterions de pouvoir acheter un excitateur tout accordé, ou d’avoir des règles pratiques pour le construire. Mais nous n’en sommes pas là ; nous savons seu- lement que l'étincelle de l'excilaleur présente un aspect particulier quand l'accord est obtenu ; mais, naturellement, aucune description de cet aspect n’en donne l’idée tant qu'on ne l’a pas vu. Nous sommes à peu près dans l’état d’un sourd-muet à qui l’on donnerait une soufflerie sans régulateur de pression ni conduites, ainsi qu'un tuyau muni d’une anche, mais non réglée, en y ajoutant quel- ques explications, et en manière de conclusion : « Quant à l’anche, vous verrez, en déplaçant la lan- « guette, une posilion pour laquelle l’anche prend un aspect particulier ; elle parait à la fois étalée, «et comme translucide ; ete. Il suffit de l’avoir « une fois observé pour le reconnaître ; c’est alors « que l’anche est accordée. » Que ferait le malheureux sourd-muet? Il serait, j'imagine, fort embarrassé, et réussirait rarement à obtenir l'accord, surtout si l’anche 142 M. BRILLOUIN. — SUR LES EXPÉRIENCES DE M. HERTZ était membraneuse, sensible à l'humidité et à la température, et demandait — comme l’étincelle de l’excitateur — un réglage incessant à mesure que l’état atmosphérique se modifie. Forçant alors la pression des soufllets, il pourrait produire Îles bruits les plus variés, assez intenses pour être sensibles avec un résonnateur à flammes de Kônig même à grande distance ; mais dans ces bruils provenant de toutes les imperfections de construction, il trouverait toutes les longueurs d'onde aussi bien que celle du tuyau d'orgue. C’est, je pense, ce qui a dû arriver pendant longtemps à M. Hertz, et ce qui arrive souvent encore à ceux qui essayent de reproduire ses expériences. Après avoir obtenu quelquefois par hasard laspect caractéristique de l’anche, mais sans réussir à le maintenir, notre sourd-muet acquerra peu à peu de l’habileté, réussira plus souvent à faire parler le tuyau, mais sans se débarrasser complètement ‘des sifflements, des ronflements, de tout le tapage des sons étrangers, et surtout sans obtenir encore un son pur et harmonieux dans lequel la période fondamentale soit dominante. Si les résonnateurs ne parlent plus tous, il en restera pourtant beau- coup de sensibles : celui du son fondamental de l’anche (peu différent de celui du tuyau) et tous ceux des sons supérieurs de cetle anche, sans relation numérique simple entre eux. Voilà à peu près où nous en sommes. M. Hertz est probable- ment seul plus habile jusqu’à présent. M. Hertz à bien fait de multiplier les observa- lions de tout genre dès qu'il à su régler son excitateur, de montrer comment toutes les expé- riences de propagation de la lumière ont leurs analogues” en électromagnétisme, et de vérifier ainsi de la manière la plus étendue, au moins au point de vue qualificatif, les prévisions de Maxwell. Maintenant il serait bon qu'il revint sur ses pas, et habile comme il a dû le devenir, qu'il précisàt tous les détails de construction nécessaires pour rendre facile la reproduction de ses expé- riences, Au point de vue purement expérimental, sa situalion n’est pas sans analogie avec celle de, Fresnel au début des expériences sur les interfé- rences de la lumière; on sait par quelle prodi- gieuse habileté celui-ci suppléa à l'insuffisance des moyens de construction, comment il fit d’abord la célèbre expérience des deux miroirs en les fixant à la cire molle sur une planchette (1). Je laisse à penser si le réglage par tàtonnements était facile, si les expérimentateurs ont dû souvent voir les franges d’interférences pures de tout phénomène de diffraction, ef surtout faire des mesures concor- dantes tant qu'ils n’ont employé que ce dispositif (1) Fresnel. Œuvres, t. I, p. 186 ct p. 268 ; t. IL, p. 17. rudimentaire. Heureusement Fresnel a su indiquer comment les deux miroirs devaient être construits pour que le réglage püt se faire méthodiquement, comment l'observation à l'œil nu des images ré- fléchies permet d'amener les deux miroirs si près de la position convenable que les franges soient visibles à coup sûr, et qu'il ne reste que peu de chose à faire pour les rendre parfaites. Ne doutons donc pas plus dela réalité des courtes longueurs d'onde de M. Hertz, que nous n’aurions dû douter il y a soixante-quinze ans, des interférences de Fresnel ; mais reconnaissons qu’il faut encore une singulière habileté pour observerle phénomène pur de tout mélange. Demandons à M. Hertz de nous épargner le long apprentissage par lequelil a passé, en consacrant pour quelques mois tous ses efforts à l'établissement de préceptes de cons- truction et de méthodes de réglage d’un succès assuré. Le résonnateur est inventé, et, ce qu'il y à de plus important, le moyen d'observation par l’étin- celle. Il reste à préciser le mode de construction des conduites — attache de l’excitateur à la bobine — à inventer le régulateur de pression, et enfin surtout à transformer la soupape — étincelle — en une anche véritable. Alors vraisemblablement une machine de Holz, une batterie de bouteilles de Leyde de grande capacité, donneront d'aussi bons résultats qu’une bobine d’induction. Pour que l’étincelle puisse être réglée une fois pour toutes, il faut évidemment la produire non à l’air libre, mais dans un vase clos contenant un gaz inerte, incapable d’altérer les électrodes, vraisem= blablement de l’azote; le vase de verre sera pro- bablement de dimensions comparables à la demi- longueur d'onde en tous sens, au lieu d'être étroit comme un tube de Geissler; pour éviter les irré- gularités dues aux charges lentement variables, que toutes sortes de circonstances peuvent pro- duire sur l’isolant, la surface interne du verre sera dorée ou argentée dans presque toute son étendue et maintenue en communication avec le sol. Cette surface fera l'effet d'un tuyau cylindrique solide autour d'une corde qui vibre dans l'air; si les vibrations de la corde sont longitudinales — ce qui est l’analogue probable de l’étincelle — le dia- mètre du cylindre-enveloppe n’a guère d'influence, sa longueur en a davantage; l'amplitude du mouvement de la corde attachée aux deux bouts élant maximum au milieu, crée un ventre de vi- brations longitudinales dans le tube étroit et il convient de donner à celui-ci une longueur d’un quart d'onde de part et d'autre du milieu de la corde, s'il est fermé, d’une demi-onde s'il est ouvert, pour que les mouvements de l'air et de la corde soient concordants dans la région moyenne : « 3 r { PPT NT DU | PORTES D’ F. BORDAS. — RECHERCHES SUR LE BACILLE TYPHIQUE 143 d'amplitude maximum. Pour une corde à vibra- tions transversales, c’est la longueur du cylindre qui devient à peu près indiflérente et le diamètre qui doit être d’un quart de la longueur d’onde dans l'air. Dans le cas des étincelles, il s’agit de déter- miner la relation entre les dimensions du vase de verre, la pression du gaz, la distance des électrodes et la période fondamentale de l’étincelle correspon- dante. Ce doit être facile pour M. Hertz, grâce à la longue pratique qu'il a de ces expériences, et aussi à l'ingéniosité naturelle dont il a déjà donné assez de preuves. Concluons donc ainsi : il est certainement possible de construire un excitateur ayant une période propre. Il est possible d'obtenir seul au dehors le mouvement périodique de l’excitateur, avec sa pé- riode fondamentale et toute une série de périodes plus courtes, caractéristiques à la fois de l’excitateur et de sonétincelle, mais indépendantes de l’appareil qui sert à le mettre en action. M. Hertz y est sûre- ment parvenu, mais il ne nous a pas fait connaitre encore de moyens réguliers et certains d’obtenir le même succès, Une seule expérience favorable, dont nous n’ayons aucune raison de douter, est ici plus intéressante qu'une foule d'expériences négatives; tous les résultats contradictoires qu’on pourra citer ne prouvent rien, sinon que les appa- reils étaient mal réglés. Espérons que M. Hertz aura à cœur de dissiper toutes les objections que ces insuccès soulèvent, en découvrant et nous faisant bientôt connaitre les lois des étincelles de très courte période, Marcel Brillouin. Maitre de conférences, à l'Ecole normale supérieure. RECHERCHES SUR LE BACILLE TYPHIQUE ET LA TRANSMISSION DE LA La fièvre typhoïde est sans aucun doute une des maladies infectieuses qui font le plus de ravages dans la population urbaine des deux mondes. Chaque année nous lui payons un tribut de 12 à 15 habitants pour 10.000 et de plus les victimes appartiennent, à de rares exceptions près, aux in- dividus de 20 à 30 ans! La thérapeutique, l'hygiène luttent, ilest vrai, très brillamment contre le fléau, mais malgré cela les statistiques mortuaires sont encore excessivement élevées. I Depuis une dizaine d'années l'éliologie de la fièvre typhoïde a fait d'immenses progrès : les recherches d'Eberth,de Gaffky, Klebs,Chantemesse et Widal, etc. ne permettent plus de douter de la nature infectieuse de la maladie. La première des- cription exacte, détaillée, du bacille typhique a été fournie par Eberth et Klebs. Ces deux anatomopa- thologistes ont démontré l'existence d'un bacille spécifique à cette affection et leurs expériences ont été confirmées dans la suite par Meyer, Fried- lander, Gaffky, etc,. etc. On admet généralement que le microbe de la fièvre typhoïde est un bacille mobile, court, dont la longueur atteint à peu près 4 fois le diamètre (plus exactement 3, 6 sur8, 1 p); ses extrémités sont quelquefois arrondies. quelquefois aiguës. Il peul aussi dans certains cas prendre la forme de navettes. Gaffky, qui a le premier signalé cette FIÈVRE TYPHOIDE PAR L'AIR particularité,considère la partie centrale du bacille comme ayant produit les spores qui se trouvent réunies aux deux extrémités, FR- Aa, 74 Nous ne pensons pas qu'il en soit ainsi ; dans cette forme particulière le protoplasma s’est retiré de la zone moyenne aux deux extrémités : la par- tie centrale est vide. Vers une certaine phase de l'évolution du bacille c’est par le milieu que se forme la division en deux du batonnet. Il nya 14% D: F. BORDAS. — RECHERCHES SUR LE BACILLE TYPHIQUE donc là qu'un simple phénomène de sisciparité, attendu qu’on ne trouve jamais de spores libres dans du liquide contenant cette forme particulière du bacille d'Eberth. S'il fallait s’en rapporter seulement aux caractères physiques attribués au bacille typhique, il est très probable qu'on ris- querait de le confondre avec une foule d’autres germes banals ayant des caractères analogues. Il y aurait, nous le pensons, un grand intérêt lorsqu'on fait la description de tel ou tel genre de microorganismes de joindre à la description la nature du milieu dans lequel les propriétés attri- buées à ces microorganismes sont constantes. C'est seulement dans les{cultures en bouillon que le bacille typhique est à peu près quatre fois plus long que large.Suivant les milieux de culture, on observe des différences très grandes dans l’as- pect du microbe. — Si on l’ensemence sur des morceaux d’albumine, on oblient au bout de quel- ques jours une culture de bacilles longs, filamen- teux, à mouvements lents, onduleux, semblant unicellulaires et non divisés, comme cela a lieu chez certaines bactéries filiformes. Les cultures Figs 2. faites sur des pommes de terre ne donnent pas à la trainée d'ensemencement cet aspect assez particulier que présentent les cultures du même bacille sur un pareil substratum. 11 se forme un voile un peu plus foncé que la surface de la pomme de terre ; les bacilles sont aussi un peu plus longs que normalement; pour retrouver les dimensions primitives et les caractères des cultures sur pomme de terre, il faut faire passer le microbe de l'albu- mine au bouillon de bœuf peplonisé. Contrairement à l'opinion de Friedlander aujour- d’hui universellement acceptée, le bacille typhique n'est pas un anaérobie facultatif. Les expériences que nous avons faites avec M. J. Ogier nous ont montré que ce microbe est franchement aérobie. Friedlander, dans ses recherches, s'était servi, pour faire le vide dans des ballons, de la trompe à eau; il avait en outre opéré directement sur des ballons de cul- ture, c’est-à-dire qu'il s'était borné à faire un vide aussi complet qu’il est possible d’en faire un avec la trompe à eau ; puis il avait scellé les tubes de culture ainsi privés d'air. Il est évident que la plus petite trace d'oxygène laissée dans le ballon était suffisante pour permettre au bacille de se déve- lopper ; aussi avons-nous opéré différemment. Nous avons fait le vide avec la trompe à mercure et nous avons en outre remplacé l'air enlevé, après chaque aspiration de la trompe, par de l'azote pur ou de l'acide carbonique. En répétant cette opération une vingtaine de fois, on obtient des ballons necontenant plus trace d'oxygène. Dans ces conditions les bouillons ense- mencés avec du bacille typhique sont toujours demeurés stériles. Nous sommes arrivés à des con- clusions identiques en cultivant le bacille typhique dans des tubes scellés contenant du bouillon pep- tonisé. L'analyse nous a fourni les résultats suivants, après 40 jours à l’étuve à 24° : Volume total des gaz contenus dans le tube = 6", 38 ACITENCATDONIQUE. eee 0°, 3% OxVEÈTO NME EC ee U, 00 Acide “sulthydrique. 22. 2224000 0, 00 ATMOMEAQUCE.-- 7 Che 0, 00 AZUR LE ne net hop AL toc 6,, 00 Tout l'oxygène de l'air a été détruit, une partie s'est transformée en acide carbonique et ie reste a servi à oxyder la matière organique du bouillon. IT En étudiant avec M. J. Ogier la question de l'épandage des eaux d'égout de la ville de Paris sur la plaine d’Achères, nous avons été amenés à envisager différents problèmes relatifs d’abord au passage des microorganismes dans le sous-sol et les eaux, ensuite au sort de ces microorganismes exposés à l'air par l'épandage sur le sol. Il semble démontré, d’après les travaux de MM. Grancher, Deschamps et J. Ogier, que théoriquement le sol est un bon filtre pour les eaux et que les micro- organismes sont retenus à la surface ou du moins à une profondeur de 50 centimètres au maximum. Mais que deviennent les micro-organismes, le ba- cille tvphique en particulier, lorsqu'ils se trouvent ainsi exposés à l'air à la surface du sol? Le Bacille subit-il des modifications? se transforme-t-il en spores, comme l’admettent certains savants, ou bien est-il détruit au bout d’un certain temps? D: F. BORDAS. — RECHERCHES SUR LE BACILLE TYPHIQUE 145 Il existe des cas de fièvre typhoïde où la conta- gion par l'air atmosphérique est des plus évidentes. M. Vaillard l’a démontré dernièrement au sujet d’une épidémie qui avait éclaté à l'hôpital de Saint- Louis, épidémie qui a cessé aussitôt que les locaux furent désinfectés. L'analyse bactériolo- gique des poussières de la salle y a décelé la pré- sence du bacille typhique provenant très vrai- semblablement de déjections typhiques répandues par mégarde soit sur les draps soit sur le parquet. Que devient le bacille typhique ainsi répandu sur le sol et mélangé aux poussières atmosphériques? Nous avons instilué quelques expériences à ce sujet. Nous avons fait passer un courant d’air sec et privé de germes à travers un ballon de bouillon de culture de bacille typhique. L'air après avoir ainsi barboté à travers ce liquide de culture pas- sait à travers un second ballon de bouillon stérile. Quelles que soient la durée de l’expérience et la quantité d’air passé à travers le ballon de culture, le second ballon témoin demeure toujours stérile. Si, au lieu de faire passer un courant d'air à travers un liquide, on le fait passer dans un ballon con- tenant de la pierre ponce, imbibée d’une culture de bacille typhique, les résultats sont les mêmes, à la condition que le courant d’air ne soit pas trop violent. On obtient au contraire des phénomènes tout différents, si dans ce même ballon contenant de la pierre ponce imbibée de bouillon typhique, on fait passer non plus de l'air sec, mais de la vapeur d’eau provenant d’un autoclave chargé à 1 1/2 at- mosphère. Le ballon témoin est déjà ensemencé au bout d’un quart d'heure. Les globules de vapeur d’eau jouent, dans ce cas, le rôle de ballons enduits de liquide typhoïgène. Dans la nature une foule de circonstances favo- risent cette production de vapeur d’eau à l’état de brouillard : et d’ailleurs la statistique nous fait” voir que c’esttoujours au mois d'octobre, novembre, décembre et janvier que se montrent les exacerba- tions typhiques à Paris, en dehors, bien entendu, des années d’épidémie. Les germes typhiques ainsi répandus dans l'atmosphère ne conservent pas indéfiniment leur virulence. Ils perdent au con- traire assez rapidement leur vitalité dans l’air sec ; mais avant de périr le bacille se modifie, du moins dans les conditions de nos expériences, et se trans- forme en pelites granulations douées de mouve- |! ments browniens. Ces granulations supportent très peu la dessiccation et au bout de quelques jours à peine les poussières de germes typhiques sont complètement détruites. Dans la nature, les germes typhiques ne rencon- trentque trèsrarementces conditions de destruction. Le mode de propagation le plus général de la fièvre typhoïde réside dans la pollution des eaux soit par le lavage des vêtements ayant appartenu à des typhiques soit par l'infiltration des fosses d’aisances. Il semble en effet que ce soit le mode de contage le plus fréquent, mais il n’en existe pas moins des cas où la fièvre typhoïde se manifeste d'emblée par une localisation pulmonaire. Le D' Richardière a eu occasion de rencontrer deux cas où les malades ont succombé à des accidents typhiques pulmonaires sans lésions des plaques de Peyer. Ces pneumonies typhiques ont été signalées par Jaccoud, Potain, Lépine. Il faut donc admettre que le Bacille typhi- que a pénétré dans l'arbre bronchique malgré les moyens de défense et de protection que l'organisme possède! Il faut en outre que le germe typhique lorsqu'il pénètre jusqu'aux alvéoles pulmonaires ne trouve pas dans la couche épithéliale une bar- rière suflisante pour arrèter la pénétration de ces germes dans l'organisme ! Le D'Tchistovitch a démontré que normalement on peut considérer le parenchyme pulmonaire comme un élément de protection eflicace contre l'infection microbienne. Les conditions ne sont plus les mêmes lorsque pour une raison quelconque la couche épithéliale des alvéoles pulmonaires n'arrête plus les germes; ils peuvent pénétrer dans l’organisme et produire une infection géné- rale ou bien se localiser et produire des lésions pulmonaires. L'économie possède encore une dernière res- source : les beaux travaux de M. Metchnikoff nous ont fait voir que le poumon est une sorte de champ de bataille phagocytique. Mais dans l'infection Lyphoïdique à lésions pulmonaires primitives, il semble que les phagocytes du poumon sont suffi sants pour empêcher le développement du germe infectieux; il en résulte que la contagion de la fièvre typhoïde par l'air, dans les conditions que nous avons signalées plus haut, ne peut avoir lieu que si les cellules macrophages n’opposent plus une dernière barrière à l’envahissement microbien. D' Frédéric Bordas | À | a PET A \ F / Le | ÿ se O7 PUR NAT 3% À 146 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Lonchamps (G. de), professeur de mathématiques spéciales au lycée Charlemagne, — Les fonctions pseudo- et hyper-Bernoulliennes et leurs pre- mières applications. Contribution élémentaire à l'intégration des équations différentielles. Extrait du tome LILI des Mémoires couronnés et Mémoires des savants étrangers publiés par l’Académie royale de Belgique, 1889. Ce Mémoire est divisé en trois parties; nous ne ferons que mentionner les deux premières relatives aux fonctions que M. G. de Longchamps appelle pseudo- Bernoulliennes ; tout l'intérêt du travail réside, en effet, dans la troisième partie où l’auteur définit les fonctions hyper-Bernoulliennes et montre l'utilité qu’elles peuvent présenter pour l'intégration de certaines équations différentielles, I applique d’abord ces fonctions à l'intégration de l'équation de Riccati. Cette équation célèbre qui peut s’écrire : dy 9 mm FE + Ay—=Bx se rattache, comme l’on sait, à d'importants travaux exécutés récemment en analyse. M. Fuchs, le premier, a étudié les équations de la forme : 1 F(z UP a) — 0, : dz à 3 dy où les coefficients des diverses puissances de =“ sont dz des polynômes en y, à coefficients fonctions de z, poly- À Mer é AUS nômes tels que le coefficient de FE est, au plus. dz du degré 2K en y (1). Lorsqu'on suppose z Lee dy. à : algébrique entre y et a: le genre de cette relation Z constant, on à une relation est égal à l’unité, on sait, grâce à M. Poincaré, que l'équation est intégrable par des quadratures; si le genre est plus grand que l'unité, l'intégrale est algé- brique (2). Enfin M. Fuchs à montré que, dans le cas du genre nul, l'équation se ramène à celle de Riceati et, par conséquent, aux équations linéaires. Il résulte de là, comme le remarque l’auteur, que l'équation de M. Fuchs, dans l'hypothèse du genre nul et de z constant, est intégrable par une fonction hyper- Bernoullienne, M. G. de Longchamps, après avoir examiné et résolu le cas où l’exposant » est fractionnaire dans l'équation de Riccati, applique son procédé à diverses autres classes d'équations ; il étudie l'équation de Boole — Ay + By? + Cx—0, et la généralisation de cette équation : dy s Der — Ay + By LCx + Dzx! +...—0, (1) Fuchs. Ueber Differentialgleichungen deren Integrale feste Versweigungspunkte besitzen.—Acta Mathematica,tome V. (2) Poincaré. Sur un théorème de M. Fuchs. — Comptes- rendus de l’Académie des Sciences, 15 juillet 4884. ET INDEX puis, il termine par quelques indications sur les fonctions hyper-Bernoulliennes de degrés supérieurs et sur les équations différentielles dont elles fournissent une intégrale particulière. C’est dans ce dernier point que se trouve l'avenir de la méthode imaginée par M. G. de Longchamps; le caractère principal que l’on cherche aujourd’hui pour les nouvelles fonctions est de se prêter à l'intégration des équations différentielles ; celles que vient de créer M. G.de Longchamps, sous le nom de fonctions hyper- Bernoulliennes, le présentent à un haut degré et ont, à ce titre, un grand intérêt, L. O. XV. M. Hicks, (F.R.S.) — Elementary Dynamics of particlesand solids. Un volume in-8° de 397 pages. Macmillan and C°, London and New-York, 1890. Le livre de M. Hicks est un ouvrage d'enseignement ; il est spécialement destiné aux mécaniciens pour qui la connaissance de la dynamique est précieuse, mais dont l'instruction mathématique est peu étendue ; il ne s’ap- puie que sur les éléments de l'algèbre et de la géomé- trie et ne suppose pas la connaissance préalable du calcul différentiel et intégral. La statique et la cinématique sont exposées simul- tanément; les méthodes adoptées sont simples et claires ; des exercices nombreux complètent le texte, En somme, c’est un livre bien fait et qui peut rendre des services pour l'étude de la mécanique. C. Nan. Durand-Claye (Alfred), ingénieur en chef des Ponts et Chaussées.) — Hydraulique agricole et Génie rural. Lecons professées à l’Ecole des Ponts et Chaussées, rédigées par Félix Launay, ingénieur des Ponts et Chaussées, 2 volumes grand in-8° jésus de 500 pages environ avec figures dans le texte. Paris, 1890, Octave Doin, éditeur. à Alfred Durand-Claye, mort prématurément en 1888, a laissé une œuvre considérable ; pendant vingt ans il a consacré toute son énergie à l’étude de la salubrité dans les grandes villes; aucune des questions que sou- lève l'hygiène publique ne lui est restée étrangère;il a été, comme on l’a dit, Papôtre de Putilisation agricole des eaux d’égoût et son nom restera attaché à ce grand problème du tout à l'égout au sujet duquel il a mon- tré un si remarquable talent. Depuis 1880 Alfred Durand-Claye était chargé du cours d'agriculture et d'hydraulique agricole à l'Ecole des Ponts et Chaussées; son enseignementétait réputé, mais n'avait jamais été publié, M. Launay, ingénieur attaché au service municipal de l’assainissement de la Seine, avait été le secrétaire de la Commission de l’Hy- draulique agricole au Ministère del’Agriculture; il était en situation de rédiger, surlesnotes du Maitre, un cours qu'il connaissait bien; c’est le premier volume de ce cours quivient de paraître, Ce volume est divisé en cinq livres comprenant la Météorologie, la Géologie hydraulique et agricole, la Physiologie végétale, la répartition deseaux, les cours d’eau. C’est, en quelque sorte, la partie générale du cours, Dans le second volume, qui paraîtra incessament, seront comprisesles questions des machines, de pro- cédés agricoles, d'assainissement. Tousceux qu'intéres- sent l’agriculture, le génie rural, l'aménagement des eaux, l'hygiène, consulteront avec fruit cet ouvrage si consciencieux, si complet ;le plus bel éloge que nous en puissions faire, c’est de dire qu'il est digne en tous points du nom de Durand-Claye. J. PourEr. BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 147 Henry (Charles), bibliothécaire de la Sorbonne, — Application de nouveaux instruments de préci- sion à l’archéologie. Paris, Ernest Leroux, 1890. Cettè brochure renferme des études déjà publiées passim par l’auteur en vue d'appliquer à l'analyse scientifique des œuvres d'art des procédés exacts de mesure. L'éloge de cette tentative n'étant plus à faire, nous nous bornons à signaler la nouvelle publication de M. Henry. 2° Sciences physiques. Himstedt (G.). — Sur l’action électromagnétique de la convection électrique. (Wied. Ann. déc.89) Si on met en mouvement un conducteur chargé, l’é- lectricité qu’il porte se déplace avec lui, et ce déplace- ment de l'électricité par convection produit les mêmes actions électromagnétiques que le déplacement de l’é- lectricité sur un conducteur ou courant électrique. C’est ce que Rowland a démontré en 1876. Il faisait tourner trèsrapidementautour d’un axe verti- cal un disque d’ébonite doré, en communication avecun des pôles d’une batterie. De part et d’autre du disque tournant étaient deux autres disques conducteurs immobiles, en communication avec le sol. Une aïguille aimantée, suspendue au-dessus du disque, éprouvait une déviation quand on mettait en mouvement le disque supposé d’abord à l’état neutre: c'est un des phénomènes qui sont compris sous le nom de magné- tisme de rotation. Mais la déviation change si le disque est chargé, elle augmente ou diminue suivant que le disque est chargé d'électricité positive ou négative, Et le sens de cette déviation supplémentaire est bien celui que donnerait l'application de la règle d'Ampère, si on cherchait l'effet sur l'aiguille aimantée, d'un courant marchant dans le sens du mouvement de l’é- lectricité positive. M. Himstedta fait des expériences de mesure en per- fectionnant le dispositif de Rowland, de manière à obtenir plus de sensibilité. Il prend deux disques pou- vant tourner autour d’un même axe horizontal, mais indépendamment l’un de l’autre ; et suspend entre les deux, et à égale distance, un systèmeaslatique de deux aiguilles aimantées, Il a pris soin de vérifier que, si l'on fait tourner en même temps les deuxdisquesdans le même sens, leurs effets s'ajoutent ; que si on les fait tourner en sens contraire, leurs effets se retranchent, et l'appareil ainsi construit est comparable à un galvanomètre dif- iérentiel, k Les lois du phénomène sont les suivantes: Pour des charges égales et de signes contraires (sur un même plateau), on a des- actions électromagné- tiques rigoureusement égales el de signes contraires, L'action électromagnétique est proportionnelle à la vitesse de rotation du disque, L'action électromagnétique est proportionnelle au potentiel auquel est porté le disque tournant, tant que ce potentiel est inférieur à 4.000 volts. Cette limite su- périeure, 4.000 volts, au delà de laquelle la proportion- nalité n'existe plus, est toujours la même, quelle que soit la vitesse de rotation, Au delà de 4,000 volts, l’ac- tion électromagnétique croit beaucoup moins vite que le potentiel, et il arrive mème un moment où elle paraît ne plus croître du tout; comme si, au delà d’une certaine charge, lélectricité que porte le conducteur n'était plus tout entière entraînée avec lui; comme si, dans le cas présent, « deux couches constituant un trop plein d'électricité, restaient immobiles de part et d'autre du disque, laissant le disque tourner entre elles, » En réalité, quand le potentiel est trop élevé, la dé- perdition est très notable, et l’on ne peut tirer de l’ex- périence aucune conclusion certaine, Bernard BRUNHES, Colson (R.) capitaine du Génie, — L'Énergie et ses transformations. G. Carré, éditeur, 58, rue Saint- André-des-Arts. Paris, 1889. L'auteur rappelle d’abord le lien que les transfor- mations et les manifestations diverses de l'énergie établissent d’une manière indiscutable entre les phéno- mènes calorifiques, lumineux, chimiques, électriques et magnétiques. Il cherche ensuite à se représenter le mécanisme de ces transformations dans l’hypothèse d’un milieu transmissif ou éther, jouissant des pro- priétés suivantes : son élasticité est mise en jeu par les mouvements vibratoires des molécules pondérables; il relie ces molécules et transmet leurs vibrations avec plus ou moins de facilité suivant leur forme et leur amplitude; sa tension plus ou moins grande constitue l’état électrique des corps; ses déplacements, enfin, produisent les décharges électriques. Dans l’état actuel de la science, cette théorie ne peut être qu'intuitive et laisse encore forcément bien des points dans l'obscurité; mais cet essai de synthèse n’en représente pas moins un effort très louable qui a conduit l’auteur à des vues originales, principalement én ce qui concerne les phénomènes électriques. La lecture de cet ouvrage ne suppose, d’ailleurs, que des connaissances élémentaires et il ne faut pas oublier que l'hypothèse qu'on y trouve développée prend de jour en jour une place plus grande dans les préoccu- pations des physiciens. Ch. RIVIÈRE, Salet (Georges) maitre,de conférences à la Faculté des Sciences, — Traité élémentaire de Spectroscopie. 1 vol, in-8°, Masson, 1888. Ce traité est élémentaire par la manière dont les théories y sont exposées, les problèmes résolus, en ce sens que le lecteur n’a besoin pour le lire que de mathématiques élémentaires, De même ont été lais- sées de côté les recherches d'intérêt plus étroitement théorique dont les résultats ne pouvaient influer sur la pratique dans le laboratoire, et celles qui touchent aux spectres ultraviolets. Il n’est pourtant pas borné à l'exposition des simples éléments. À côté de la théorie, les faits y sont présentés avec les détails qui peuvent rendre l'ouvrage d’un usage pratique et courant et non pas seulement pour le commencant, A la suite d'un aperçu rapide de la théorie ondulatoire de la lumière et d’un exposé fort clair et poussé dans ses détails les plus importants de celle du prisme, vient un chapitre sur les spectres de diffraction et la mesure des lon- gueurs d'onde, Il est suivi de la description des spectres métalliques des flammes, puis de ceux de l'étincelle électrique. Vient ensuite un chapitre impor- tant sur la question difficile et encore obscure des spectres des métalloïdes et des gaz, où l’on retrouve d’intéressants travaux de l’auteur, De très nombreuses figures, reproductions variées de spectres, rendent l’ou- vrage commode à consulter au laboratoire. Entre autres on y retrouvera les spectres de Thalen, de Lecoq de Boisbaudran, les planches du spectre solaire d’Amg- strôm. Ce premier volume nous fait désirer que l’auteur achève promptement un ouvrage d'autant plus précieux au travailleur que rien d'aussi étendu et soigné tant pour le texte que l’exécution matérielle n'existe encore sur ces malières, E. DEMARGÇAY. Biltz (Heinrich) et Meyer (Viktor). Détermina- tion, à la température du rouge blanc, des den- sités de vapeur de quelques corps simples et composés, Zeitschrift für physikalische Chemie, p. 249 à 270, Les auteurs ont évalué toutes les températures au moyen d'un thermomètre à air dont ils donnent la des- 128 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX cription; le tableau suivant résume leurs résultats numériques: SUBSTANCE TEMPÉRATURE DENSITÉ Re ——————_— EE E————— 1626° 11.983 16400 10.125 16770 3.226 3.147 3.632 Soufre 2.198 10.743 Antimoine 9 781 RL 5.451 ATrsenic à 1736 5.54 Thallium 15 Mercure. ee 17310 16919 Chlorure cuivreux 1700° Ghlorure d’argent 5e 17350 De ces résultats les auteurs concluent que la molécule du bismuth ne renferme qu'un atorne comme celle des autres métaux dont la densité de vapeur est connue (mercure, cadmium, zinc) et que d’autres expériences sont nécessaires pour fixer les poids moléculaires de Pantimoine, de l’arsenie et du thallium. H, GAUTIER. Erich Jager et Gerhard Krüss, — Re- cherches sur le Chrome. Beritche der deutschen chemischen Gesellschaft, 22, p. 2028 à 2054. On sait qu’il est très difficile d'obtenir le chrome métallique dans un état de pureté parfaite, exempt d'oxyde chromique et d’acide silicique; pour cette raison les propriétés de ce métal sont mal connues et les déterminations de son poids atomique effectuées successivement par MM. Péligot, Berlin et Siewert ne sont pas rigoureusement concordantes. Les auteurs ont entrepris une série de recherches sur ce métal et ses composés ; dans ce premier mémoire ils étudient les chromates et polychromates de potas- sium, d’ammonium et d'argent, puis les sels doubles résultant de la combinaison de ces chromates avec le chlorure mercurique et donnent une détermination de la chaleur spécitique du chrome. Le chromate d’ammoniaque ne peut être obtenu pur par évaporation de sa solution parce que, comme cela a lieu avec la plupart des sels ammoniacaux, il se dissocie en ammoniaque et bichromate ; il faut verser une solution concentrée d’ammoniaque sur l'acide chromique solide jusqu'à ce que le chromate formé se dissolve par une légère élévation de température : les cristaux se déposent par refroidissement. Les mesures cristallograhiques effectuées par M. Muthmann font ranger ces cristaux dans le système monoclinique, tandis que, d’après M. Wyrouboff, le chromate d’ammo- niaque est rhombique et isomorphe du sulfate de sodium. Le trichromate d’ammoniaque s'obtient par l’action de l'acide chromique sur le bichromate, Le tétrachromate, dont plusieurs savants avaient nié l'existence, se prépare en dissolvant à chaud le trichro- mate dans l'acide azotique de densité 1,39 et se dépose quand on laisse refroidir lentement. Le trichromate de potassium se prépare en dissolvant à chaud le bichromate dans l'acide azotique de den- sité 1,19; il se dépose par refroidissement en cristaux appartenant au système monoclinique, très facilement décomposables par l’eau en bichromate et acide chro- mique libre. En remplacant l'acide de densité 1,19 par un acide de densité 1,41 on obtient le tétrachromate : ces cris- taux sont tabulaires et paraissent appartenir au système rhombique; l’eau les décompose aussi facilement que ceux du trichromate. Jusqu'à présent on connaît trois sels formés par la combinaison du chlorure mercurique avec les chro- mates alcalins ; ils répondent aux formules : (AzH*}Cr207, HgC K2Cr°07, HgCI2 K2?Cr 01, 2HgCP. Les auteurs ont obtenu une nouvelle série de ces sels doubles dont la composition est représentée par les formules : 4(AzH‘}Cr?07, HgCI® 3(AzH‘}?Cr?07, HsCP (AzH')? Cr? 07,3 Hg Cl2 (AzH!} Cr?07, #Hg CI. Lorsqu'on remplace le bichromate d’ammoniaque par le monochromate, la réaction n’est pas aussi simple ; il se forme du bichromate, du chlorhydrate et | un nouveau sel double 2(Az H?HgCl), HgCrOi. - S DS © s Ce dernier en présence de l’eau bouillante se dédouble, donnant encore du bichromate et du chlorhydrate, en deux chromates mercuriques basiques : 5 HgO. CrO: 6HgO. CrO?. Le mémoire se termine par une détermination de la chaleur spécifique du chrome pur obtenu par la mé- thode de Wôübhler. Cette chaleur spécifique est égale à 0,1216, ce qui donne pour la chaleur atomique 6,36 en adoptant la valeur moyenne 52,3 pour le poids ato- mique de ce métal, H. GAUTIER, Sansone (Antonio), Ancien directeur de la section de teinture à l'Ecole technique de Manchester, princi- pal rédacteur du Journal The Textile Manufacturer pour la section de teinture et d'impression. L’Impression des tissus de coton, Blanchiment, Impression, Teinture. Un volume in-8° carré de x1v-502 pages, avec atlas de 38 planches et de 11 cartes d’échan- tillons. Traduit de l’Anglais par J. A MonTrELLIER, chimiste, répétiteur de technologie et de chimie à l'Ecole supérieure de Commerce de Paris. Georges Carré, éditeur, 58, rue Saint-André-des-Arts, Paris. Le livre de M, Sansone publié en Angleterre, il y a deux ans environ, sous le titre The Printing of Cotton fabries y a obtenu un très réel succès. ‘ Il n'existait pas, en effet, d'ouvrages au courant de l’état actuel de cette importante industrie. Les traités de Persoz, de Schutzenberger, de Grace Calvert, de Crookes, d’0’ Neill, si excellents qu’ils fus- sent. ne suffiraient plus aujourd’hui, en raison des mo- difications profondes qu'a subies depuis quinze ans l'impression des toiles peintes. La suppression à peu près complète de la garance, la découverte de nombreuses matières colorantes et, en particulier, de l'alizarine artificielle, l'usage des cou- leurs d’aniline... etc, ont amené des changements con- sidérables dans les procédés et dans l’outillage. Le volume de M. Sansone donne sous une forme con- cise tous les renseignements relatifs au blanchiment et à l'impression des tissus ; il convient aussi bien à l’étu- diant qui veut apprendre qu’au praticien qui y trouvera une masse de faits intéressants. E. Leroy, fé. dr ' BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 149 3° Sciences naturelles. Bréal (E.\.— Expériences sur la culture des Légu- mineuses. Annales agronomiques, t. XV, p. 529. Depuis longtemps, les agronomes, M. G. Ville en tête, ont reconnu que les Légumineuses prospèrent dans des sols dépourvus de principes azotés, mais contenant les autres matières minérales indispensables aux plantes et qu'après leur récolte elles laissent la terre enrichie en azote combiné. MM. Hellriegel et Wilfarth ont vu, dans ces dernières années, que les nodosités qui existent sur les racines de ces végétaux sont remplies de bactéries et que c’est la présence de ces organismes qui les rend capables de fixer l’azote de l’air. M. E. Bréal s’est inspiré de ces observations pour se livrer à des recherches fort intéressantes qui lui ont mérité le prix Desmazières décerné par l’Académie des Sciences. Il a reconnu notamment qu'on pouvait transporter par des inoculations les bactéries d’une Légumineuse à une autre et provoquerainsi la naissance des nodosités, Il à cultivé dans 1 kilogramme de sable stérile deux lupins dont l’un avait été inoculé : ce dernier a donné une plante contenant quatre fois plus d'azote que la graine d’où elle provenait, tandis que le lupin voisin, non inoculé, n'avait pas augmenté l’azote de la graine, M. Bréal a observé aussi que les alternatives de sèche- resse et d'humidité favorisent la formation des nodo- sités sur les racines des Légumineuses. Enfin un frag- ment de racine de luzerne garni de nodosités, planté dans un gravier stérile, a donné en une année trois ré- coltes qui contenaient 80 fois plus d'azote que le semis; le gravier qui était garni des racines de la plante avait plus que doublé Pazote qu'il renfermait primitivement, A. HÉBERT. Moniez (R.), professeur à la Faculté de Médecine de Lille. — La Faune souterraine, extrait de la Revue biologique du Nord de la France, Le Bigot frères, Lille, 1889. L'auteur a poursuivi ses recherches dans le Nord de la France et indiqué, dans son mémoire, à l’occasion des espèces rencontrées en celte région, la plupart de celles qui ont été signalées dans les eaux souterraines de divers pays. Ces espèces se rapportent en général aux termes inférieurs de la série zoologique : Rhizo- podes, Infusoires, Annélides, Copépodes, Ostracodes et Cladocères. Non seulement ces classes fournissent chacune à la faune souterraine plusieurs genres et de nombreuses espèces, mais en outre celles-ci y sont le plus souvent représentées par une grande quantité d'individus. Au contraire, Crustacés supérieurs, Mol- lusques et Articulés sont dans ces profondeurs d’uné rareté extrême, La présence de quelques Poissons (Lamproie, Anguille) semble n’y être qu'accidentelle. On connait cependantdans certaines grottes d'Amérique des animaux de cette classe, près desquels il faut ranger un amphibien célèbre, le Protée des grottes de la Carniole, L'étude de cette faune conduit à des conclusions importantes pour la biologie, Elle montre d’abord que les habitants normaux des eaux souterraines dérivent de la faune de surface, La plupart arrivent aux eaux profondes à la faveur des crevasses dues à l’érosion des roches, ou des fissures qui se produisent dans le sol des marais. Chez plusieurs espèces subissant cet en- trainement passif ou cette émigration spontanée, beau- coup d'individus paraissent identiques aux formes de surface, « ce qui montre bien que leur arrivée dans la nappe aquifère se fait d’une manière continue et non point accidentellement ». Il est possible que beaucoup y périssent, Mais, ce qu'il est intéressant d'observer, c’est que ceux qui s’accommodent de la vie à l'obscurité y acquièrent des caractères très nets d'adaptation. À quelque groupe zoologique qu'ils appartiennent, ils subissent des modi- fications anatomiques et physiologiques d’une même sorte. Les pigments tendent à disparaître; l'appareil visuel ou simplement sensible à la radiation se déco- lore, se simplifie ou s’atrophie. L’abondance des récoltes de M. Moniez et le soin qu'il a mis à les observer lui ont permis de reconnaître chez plusieurs espèces diverses étapes de leur acclimatation natu- relle, Parmi celles en qui les caractères d'adaptation se sont accumulés par voie d’hérédité, plusieurs sont tellement différenciées « qu’elles arrivent à ne plus avoir que des points de contact éloignés avec leurs formes ancestrales ». Ces curieux résultats méritent à tous égards de fixer l'attention des naturalistes, LAO; Kowalewsky, — Biolog. Centralblatt. 9. 1889, p. 33 à #7; 65 à 76 et 127, L'auteur a étudié les organes eæcréteurs des animaux inférieurs au moyen d'injections de carmin ammo- niacal dans le système circulatoire. Il a recherché ensuite quels sont les organes par lesquels se fait l’éli- mination du carmin, Suivant que ce dernier demeure violet ou devient rouge, il en déduit Ja réaction de l'organe. Par cette méthode, il a distingué dans la glande verte des Crustacés trois portions physiolosi- quement distinctes: les saccules terminaux à réaction acide, les canalicules à réaction alcaline, l’anse blanche à réaction neutre; les glandes coquillières des formes inférieures ont les mêmes réactions. — Chez les Insectes, les tubes de Malpighi semblent remplacer les canalicules de la glande verte des Crustacés. Quant aux vésicules terminales de la glande verte, elles seraient représentées physiologiquement par les cellules du péricarde des Insectes; M. Fol compare ces cellules à des phagocytes. — Chez les Mollusques, l'excrétion se fait à la fois dans les cellules excrétrices et dans les vacuoles à concrétion de l’organe de Bojanus, — ce qui peut, jusqu’à un certain point, les rapprocher des Ver- tébrés. — Parmi les Vers, l’excrétion se fait chez les Annélides par une petite partie du nephridium, et par les cellules chloracogènes (réaction acide), — Chez les Hürudinés les relations sont très compliquées; l’auteur se réserve de les étudier plus tard. Enfin chez les Echi- nodermes l’excrétion se fait par les corps de Tiedemann et la glande ovoïde (prétendu cœur); la réaction est acide. A. E. Mararp. 4° Sciences médicales. Dmitri de Ott, professeur à l’Institut clinique de Saint-Pétersbourg.— Extirpation totale de l'utérus par la voie vaginale, indications modernes de la cure radicale des tumeurs malignes utérines, Annales de gynécologie. Paris, octobre et novem- bre, 4889, t. XXXII, p. 241 et 327. IL y a tantôt un an, M. Verneuil, par Ja lecture d’un important mémoire à la Société de chirurgie, avait soulevé une longue discussion sur le traitement opéra- toire du cancer de l'utérus. Venu tout d’abord sim- plement pour défendre l’hystérectomie partielle, il en arriva au cours des débats à attaquer l'hystérectomie totale, Suivi par MM. Polaillon, Tillaux, Reclus et Mar- chand, il rencontra en face de lui des adversaires décidés et nombreux, MM. Bouilly, Pozzi, Regnier, Richelot, Routier, Schwartz, Terrier et Trélat, Comme le fait arrive souvent, la discussion fut vive mais chacun resta avec sa conviction antérieure, Il est vrai que l’hystérectomie totale, entrée depuis trois ans seule- ment dans la pratique des chirurgiens francais, était encore bien jeune pour pouvoir lutter avec avantag contre l’amputation du col utérin. Les moyennes de survie étaient naturellement toutes en faveur de celte dernière opération. Mais comme le faisait justement observer le professeur Trélat, «il y a eu une époque où l’on eût facilement prouvé que les femmes opérées de 150 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX kyste ovarique avaient une survie moindre que les femmes non opérées (1). Qui oserait aujourd’hui songer à cette démonstration? » L'accumulation des faits seule pouvait permettre de trancher la question. A ce titre l'important mémoire, que vient de publier Ott dans les Annales de gynéco- logie, est d’un haut intérêt, Les trente hystérectomies vaginales, qu'a pratiquées ce chirurgien, ont toutes été suivies de succès opératoire. Dix-sept malades ont été revues et peuvent être divisées en deux catégories : la première comprend des malades opérées de bonne heure, la deuxième des femmes qui ne sont venues que tardivement se faire traiter. Dans la première série de huit cas, on ne note qu’une récidive, après un an el un mois. Les autres malades, actuellement bien porlantes, ont été revues après trois ans et deux mois, deux ans et un mois, un an ef un mois, un an, un an, un an, un an. Dans la deuxième série de neuf cas, la récidive est toujours survenue rapidement après un mois, un mois, deux mois, {rois mois, trois mois, cinq mois, neuf mois, dix mois, onze mois. Même dans cette dernière série, l'opération semble utile, aucun des moyens usités n'amenant un bien-être temporaire aussi parfait que l’extirpation totale de l’utérus par la voie vaginale. Aussi Oft admet-il que l'hystérectomie totale peut êtré pratiquée dans un grand nombre de cas et divise til les indications de celte opération en : 4° Indications relatives, correspondant aux cas où l’extirpalion est considérée comme un procédé palliatif. 2 Indications absolues, correspondant à ceux où I opération estun moyen radical de guérison des malades. L'important pour la malade est d'être opérée de bonne heure et comme alors le diagnostic clinique est sou- vent diflicile, Olt conseille de faire des incisions par- tielles préalables , de manière à trancher la question par l'examen micrographique. Il insiste sur les précautions à prendre dans ces excisions de recherche, sur la nécessité qu'il y a à enlever des fragments assez volumineux de tissu utérin, le diagnostic histologique ne reposant souvent que sur la considération purement topographique des tissus et non sur la présence de tel ou tel tissu réputé cancé- reux. Malgré toutes ces précautions, le diagnostic reste encore quelquefois impossible, de l’aveu du professeur Ott qui, comme MM. Cornil et Terrier, pense que le dernier mot n’est pas encore dit sur l'anatomie patho- logique de certaines formes de cancer et sur celle de productions bénignes dépendant d'une endométrite Dans ces cas douteux, on doit attendre avant de pra- tiquer l'hystérectomie et se borner à une observation systématique et prolongée de la malade, observation suivie, en cas de besoin, de raclages répétés, accom- pagnés chaque fois de rechere hes microscupiques. Nons ne nous arrèlerons pas ici à décrire la technique opératoire et les précaulions Anne Ott pour arriver aux résullats remarquables qu'il obtient, les (4) M. Trélat aurait pu dive : Il y a eu une époque où l’on a soutenu l'introduction de l’ovariotomie en France; Vel- peau (Académie de médecine, 25 novembre 1856) s’était en effet, quelque temps aprè s, élevé avec énergie contre « cette opéra- tiun affreuse, qui doit être proscrite quand même les guéri- sons annoncées seraient réelles ». Il avait démontré par les chiffres que la moyenne de survie était beaucoup plus consi- dérable après les ponctions suivies d’injections, qu'après la cure radicale par ablation. « N’envions donc pasl’ovariotomie à nos confrères d'Amérique, s'écriait-il. La chirurgie fran- caise est aujourd’hui dans une excellente voie: à la fois très hardie et très prudente, elle doit renoncer à toute opération aventurouse ; pour qu’elle intervienne, il faut, en somme, que le remède soit moins dangereux que le mal. » La chirurgie a marché, la méthode antiseptique est venue, les statistiques d’ovariotomie ont changé du tout au tout et actuellement nous regrettons tous pour notre pays qu'il se soit si tardivement engasé dans la voie tracée par les chirurgiens étrangers Peutètre en sera-t-il de même pour Phy stérectomie vaginale. En tous cas, le mémoire que nous analysons ici est bien fait pour entrainer cette conviction. meilleurs qui aient encore été publiés, Ce sont là choses qu on ne peut résumer el qui n'ont de valeur que lors- qu’on les lit dans le texte original, Qu'il nous suffise de dire que ce chirurgien a recours à une antisepsie rigoureuse opératoire, Préopératoire et postopératoire, qu'il ne se sert pas des longues pinces à demeure (méthode Richelot), qu'il a soin dans la ligature des ligaments larges de faire un nœud perdu sur la partie supérieure de ceux-ci de manière à ne pas attirer les ovaires vers la plâie vaginale et que grâce à cet ensemble de soins il guérit ses malades sans réaction notable, sans même ces vomissements abondants que nous voyons si souvent en France, chez nos opérées, alors même que les suites doivent être des plus simples et conduisent à la guérison. Dr HARTMANN. Barthélemy (D! T.), médecin au concours de Saint-Lazare, — Syphilis et santé publique. Si, comme le faisait remarquerle professeur Fournier, on jugeait de la gravité de lasyphilis d'après le bulletin municipal de statistique mortuaire, de son influence sur la santé publique d’après les compte rendus des Conseils d'hygiène, on porterait certainement un juge- ment contraire à la vérité, La syphilis, en effet, est au même titre que la tuberculose, l'alcoolisme, ‘un des fléaux de notre époque. C’est là ce qui apparaît claire- ment quand on lit l’ouvrage que vient de publier le D' Barthélemy, —en le dédiantà Alfred F ournier ; nulle dédicace ne pouvait mieux s'adresser qu'au sav ant pro- fesseur qui à déjà tant fait contre ce terrible mal, — Sous une forme éminemment scientifique, l’auteur en s'appuyant sur des faits indiscutables, a su s'exprimer de facon à amener les législateurs à cette conviction, partagée par tous les médecins, qu’il est de nécessité absolue de prendre des mesures énergiques contre la propagation de la syphilis. Et cela en montrant son danger pour le malade qui en est atteint, pour ceux qui l'entourent, pour sa descendance. Il n’est pas de cause plus violente, que lasvphilis, d'avortement, de mort en bas âge. À Paris sur 100 enfants conçus, 43 meurent par syphilis; ceux qui proviennent de parents en puis- sance de la maladie et qui ne meurent pas, vont grossir le nombre des rachitiques, des sourds, des aveugles, des épileptiques, des aliénés. Quels ravages ! quelles causes de dégénérescence de la race ! quand on songe qu'à Paris, il y a 150,000 femmes et 300.000 hommes syphilitiques ! ! En présence d’un semblable danger, il n’y a pas à hésiter; des mesures restrictives de L la prostitution, sa réglementation s'imposent. Lorsqu’elles s’adresseront à des malades, ces mesures, tout en ah énergiques, pourront rester bienveillantes ; mais elles sont néces- saires, elles n’ont rien d’attentatoire à la liberté indi- viduelle, elles sont l'application d’un droit de défense sociale. Le D' Barthélemy, faisant œuvre véritable d'hygiène, a indiqué ce que devraient être ces mesures, démontré les résultats qu on en obtiendrait; mainte- nant, aux législateurs d'agir. ; D'E, DE LAVARENNE. George (Hector). — Leçons élémentaires d'hygiène. Paris, Delalain J., 1890. Worms (Dr J.). — Etude clinique sur le diabète sucré. Paris, G. Masson, 1889. Luys (J.). — Leçons cliniques sur les principaux phénomènes de l’hypnotisme dans leurs rapports avec la pathologie mentale. Paris, G, Carré, 1889. Luys (J.) — Hypnotisme expérimental. — Les émotions dans l’état d’ hypnotisme et l'action à distance des substances médicamenteuses ou toxiques, 1 vol. in-16 de 320 p. avec 28 photogravures (Bibliothèque scientifiqué contemporaine), Paris, J.-B, Baillière et fils, 1890, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 2% février 1890. SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. 4. Mannhcïim : Transformation en géométrie cinématique, SCIENCES PHYSIQUES, — M, Carvallo demande l’ou- verture d’un pli cacheté déposé par lui le 31 mai 1886, contenant la conclusion suivante : « L'influence du terme de dispersion de Briot sur la double réfraction du spath d'Islande prouve que la vibration lumineuse d'un rayon polarise rectilignement est dans un azi- muth perpendiculaire au plan de polarisation, » — M. 3. R. Rydberg présente les conclusions, rame- nées à des formules algébriques, de ses recherches sur la constitution des spectres linéaires des éléments chi- miques. — M. James Moser à étudié les phéno- mènes lumineux qui se produisent dans un tube à air raréfié sans électrodes, au voisinage d’une bobine d'in- duction en activité ; placant un de ces tubes à l'inté- rieur d’un autre dans lequel on peut faire le vide à divers degrés, il observe des alternatives d'éclairage et d’obs- eurité, qui le conduisent à admettre que le vide n’est pas conducteur des vibrations électriques. — M. H. Le Chatelier avait démontré que la biréfringence d'une lame de quartz, graduellement chauffée, décroit lente- ment jusqu'à la température de 5709, puis recommen- ce à croitre ; avec M. Æ, Mallard, il vient d'étudier d’une facon précise la marche du phénomène, par une méthode photographique. Les auteurs ont étudié par la même méthode les variations de la biréfringence dans la barytine et le disthène., — MM. Raoult et A. Re- coura ayant déterminé par lébullioscope la tension de vapeur des solutions de divers composés dans l'acide acétique, ont trouvé pour le rapport constant qui unit la tension de vapeur et le poids moléculaire du dissolvant et du corps dissous une valeur para- doxale. Ils remarquent que cette anomalie disparait si l’on admet que le poids moléculaire physique de l'acide acétique liquide et bouillant est égal à celui de sa vapeur saturée, — M. €. Lefèvre à recherché quels sont les composés qui prennent naissance lors- que lon fait réagir par la voie sèche les différents arséniates de potasse et de soude sur les oxydes de la série magnésienne, MM. A. Etard et P. Lebeau indiquent un dosage volumétrique du cuivre très sen- sible, reposant sur la décoloration, par une liqueur titrée de protobromure ou de protochlorure d’étain, de la solution concentrée du sel de cuivre additionnée d'acide bromhydrique, — MM. 4. Haller et Min- guin, en chauffant l’éther campho-carbonique en tube scellé avec du sodium et de l'alcool, ont obtenu léther éthylique de l'acide hydroxycampho -carbo - nique. SCIENCES NATURELLES. M. Ada, Chatin commu- nique les résultats de ses analyses portant sur la com- position chimique des truffes de diverses provenances, et comparativement, sur la composition du sol dans lequel ces champignons avaient poussé. — M. A.-B. Griffiths ayant cultivé sur l’agar-agar peptonisé le microbe qu'il a décrit sous le nom de Bacterium ali, a isolé des vieilles cultures une base organique, l’hychro- coridine, qui correspondrait à la coridine de M. Gautier. — M, Gessard à étudié la fonction chromogène du | bacille pyocyanique dans divers milieux de culture ; il montre que l’on obtient toujours le pigment bleu en présence des peptones, et exclusivement la substance fluorescente verte en présence de l’albumine sans pep- tones. Il a trouvé pour plusieurs autres espèces de mi- crobes l'apparition de la mème fluorescence liée à la nature du milieu. — Les recherches de M. 3. Chatin montrent que, dans la formation des organes repro- ducteurs de l’Hydre d’eau douce, on n'a jamais affaire à des noyaux libres, comme cela avait été dit, mais bien à des cellules dont le noyau énorme n’est entouré que d’une mince couche de protoplasma, — MM. P. Fischer et E.-L. Bouvier ont trouvé chez un prosobranche senestre, le Nepfuna contraria, que tous les organes asymétriques ont suivi le renver- sement de la coquille, et sont retournés symétri- quement par rapport à ceux des prosobranches dextres ; antérieurement, l'un des auteurs avait observé, dans d'autres prosobranches senestres, la disposition in- verse, — M. Verneuil divise les pneumocèles scro- tales en deux espèces : dans la première ou aérienne, qui est bénigne, les gaz sont formés presque exelusi- vement d'azote; dans la seconde, ou septique, qui est maligne, les #az sont produits par des microbes ; Pana- lyse n'a pas été faite. — M. F. Guyon expose les résultats de ses recherches cliniques et expérimentales sur l'anatomie et la physiologie pathologique de la rétention d'urine, — A propos d’une nouvelle mâchoire de Dryopithecus découverte dans le miocène moyen de Saint-Gaudens, M, Albert Gaudry montre que les caractères anatomiques de cet anthropomorphe l’éloi- snent de l’homme et le mettent dans l'échelle des êtres au-dessous de plusieurs des singes actuels; il ne saurait donc ètre considéré comme l'ancêtre de l'homme, —M. Milne-Edwards est du même avis ; il pense que ce singe devait se tenir dans la position des quadrupèdes, — M. Emile Blanchard, com- parant les faunes et les flores de l'archipel de la Sonde, d’une part, et de l’Indo-Chine de l’autre, conclut de leurs rapports que ces pays ont dû être en continuité de territoire jusqu'à une époque rècente, — M. A, Es- sel a trouvé dans le calcaire éocène de Rovegno (Pavie), de nombreuses empreintes de radiolaires dont plusieurs sont incluses dans des cristaux d’albite ; ce fait prouve un métamorphisme produit sans violence sur cette couche tertiaire; il est probablement dù à des actions hydro-thermales, — M. Sr. Meunier, rédui- sant par l'hydrogène un mélange de protochlorure de fer et de sesquichlorure de chrome, à obtenu un al- liage de fer et de chrome; oxydant cet alliage par la vapeur d’eau à haute température, il a reproduit le fer chromé naturel, Séance du 3 mars 1890, SCIENCES MATHÉMATIQUES, — MIle D. Kiumple: Obser- vation de la nouvelle planète Luther (Hambourg 24 fé- vrier 1890) faites à l’observatoire de Paris, SCIENCES PHYSIQUES. — M. G@&. Lippmann expose les formules au moyen desquelles on peut, des indications des séismographes, déduire la loi des mouvements du sol. — M. H, Becquerel présente une note histo- rique sur les piles à électrolytes fondus et fait remar- quer qu'avec ces piles on pouvait utiliser la chaleur perdue par les foyers des machines à vapeur. — M. P. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Janet étudie analytiquement l'aimantation transver- sale des conducteurs magnétiques, telle qu'il l'a définie dansune communication précédente, — M. Ch.KFerry analysant les conditions nécessaires pour qu'une frange d'interférence soit localisée en un point donné, arrive à la conclusion générale que ces conditions sont les mêmes, quel que soit le mode de production des fran- ges. — Des recherches que MM. Ph, Barbier et EL. Roux ont faites sur la dispersion des disso- lutions aqueuses il résulte que : 1° Le pouvoir dispersif (exprimé par le coefficient B de la formule de Cauchy réduite à deux termes) est une fonction simple de la concentration. 2° Le rapport , (d étant la densité de la dissolution à la température de l'observation) varie très peu avec la concentration, — M. €. Chabrié à déterminé la densité de vapeur des chlorures de sélénium; il indique les conclusions que l’on peut tirer de ses expériences au point de vue de la décomposition deces chlorures par la chaleur, — MM. E. Grimaux ct Ch. Cloez ont étudié quel- ques dérivés de l’Erythrite, l’Aydrofurfurane et lesbrom- hydrines de l’érythrite, — M. Markownikoff a élu- dié les dérivés de l’heptaméthyline. —MM.H. Moissan et Ed, Landrin ayant extrait du quinquina de Cusco une grande quantité d'aricine ont pufaire l'étude de cet alcaloïde, qui estun isomère dela cusconine. — M, ‘Æh- Schlæsing à fait de nombreuses séries de recher- ches pour déterminer l'intensité de l'absorption de l’'ammoniaque de l'atmosphère par la terre végétale. Son procédé consiste à faire circuler pendant un cer- ain temps un courant d'air filtré sur divers échantil- lons de terre; l'azote à ses différents états est dosé dans ces échantillons avant et après. Le premier groupe de ces expériences portant sur des terres non calcaires, montre des absorptions qui, ramenées à l’hec lare pour uneannée, varient de 26 à 36 kilogrammes. SCIENCES NATURELLES, — M, HR. Dubois, analysant la facon dont les Pholades répondent aux excitations gus- talives portées sur le siphon, trouve que dans ces phé- nomènes intervient le même mécanisme que dans la fonction photodermatique. — M. Mayet indique que pour bien mettre en évidence le noyau des globules blancs, il faut mélanger l'acide acétique au sangdans la proportion d'un tiers; il signale quelques particularités qu'il a pu observer par cette méthode. — M, A, Chatin achève de communiquer le résultat de ses recherches sur la composition chimique des Truffes; il fait res- sortir que cette composition est indépendante de celle du terrain nourricier, — Les expériences de M. Pa- gnoul sur le développement des tubercules de pomme de terre confirment la relation étroite qui unit chez les végétaux la fonction chlorophyllienne à la production de Pamidon.—M. I. Guignard, par une méthode mi- crochimique. à déterminé quels sont les tissus, qui, dans les feuilles de Laurier-Cerise et dansles embryons de lPAmandier, contiennent l’'émulsine et l’'amygdaline. —M.1L. Ærabut a observé un Ophrys hybride, chez le- quel il à pu voir des pétales se transformer en éta- mines; on à donc ici un renforcement de la sexualité au lieu de l’affaiblissement normal, —M. W. Lemoine signale les rapports que présente la faune de Laramie (Amérique), considérée comme crélacée, avec la faune cernaysienne des environs de Reims, qui est tertiaire. — M. A. Gaudry fait remarquer à ce propos que le développement des êtres ne semble pas s'être accom- pli d’une manière identique sur l’ancien et sur le nou- veau continent. —M, #3. Rivière continuant à explo- rer la station néolithique de Champigny, à découvert les débris d’un squelette humain avec différents objets. — M. Venukoff à étudié la formation du delta de la Neva. — M. Daubrée présente l'Atlas fac-simile pour servir à l’histoire de la première période de la carto- graphie, par M. Nordenskiold, — M, Levasseur présente son ouvrage sur le Brésil, L. LAPICQUE, ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 25 février 1890. M. Doyen (de Reims) présente les résultats d’ana- lyses, faites avec M. Lajoux, d'eaux de puits conta- minés, Il a trouvé par litre 25 millions de bactéries, dont 15 millions de bacillestyphiques, qui se sont montrées, ainsi que d’autres cultures (charbon, diphtérie, ete., ete.) encore fertiles'après congélation à — 100 L'analyse chimique à prouvé un rapport direct entre le chlore et l’acideazotiqueet le degré de contamination de l’eau par les matières organiques animales, — M. DBujardin- Baumetz lit un rapport sur une communication de M. Nicaise relalive à l’aération par les fenêtres entr'ou- vertes dans le traitement de la phtisie, Cette aération systématique de jour et de nuit, préconisée et appliquée par le D' Detweiller au sanatorium de Falkenstein, ai- dée d’un régime suralimentaire et d'exercices de gym- nastique respiratoire, a donné 24, 2 % de guérisons re- latives et 13, 2% guérisons définitives, Résultats en- courageants d’une méthode qui demande à être em- ployée dans nos climats avec une grande prudence, en lPadaptant à la résistance des malades, en la complé- tant par l'emploi d’un traitement pharmaceutique rai- sonné, — M, Léon Danion expose sa méthode de traitement des fibro-myômes utérins par les tampons électriques vaginaux en amadou et les renversements; elle n’a jamais produit d'accidents; ses résultats sont plus rapides et plus complets que ceux des autres mé- thodes, Séance du 2 mars 1890, M. Bertrand (de Toulon) présente une note sur la valeur, dans le diagnostic des abcès du foie et de leurs adhérences, d’un frottement, causé par une péri-hépa- tite adhésive, perceptible au niveau du 7° ou 8° espace intercostal sur la ligne axillaire antérieure, — M. Ea- borde expose ses recherches relativesaux différences d'actions de substances présentant une certaine pà- renté, Il n’est pasindifférent, comme on a quelque ten- dance à le faire, de les substituer les unes aux autres, La quinine n’a pas la même action que la cinchozine, le chlorate de soude que le chlorate de potasse, surtout l'iodure de sodium que l’iodure de potassium; ce der- nier a sur les centres nerveux, sur la tension vascu- laire une action que n'a pas le premier, qu'on a pu ainsi donner à doses énormes et sans résultat dans certaines affections cardiaques, — M, Moïissan donne les résultats de ses expériences sur les propriétés phy- siologiques comparées des composés chlorés etfluorés. En tant qu'anesthésique le florure d’éthyle n’est pas ma- niable et est rapidement toxique, le fluorure de mé- thyle produit facilement J'anesthésie sans excitation préalable, action comparable à celle du chlorure de méthyle. Des expériences, en cours, sur le fluoroforme ont déjà donné d'importants résultats. MM. Henrot (de Reims) et Villard (de Marseille) sont élus membres correspondants. D'E. p£ LAŸARENNE, SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 15 février 1890. M. du Cazal présente un malade qui à la suite d’une arthrite traumatique du genou a été atteint d'une amyotrophie du triceps crural. Ce malade présente des phénomènes qui semblent démontrer l'exactitude de la théorie de Vulpian qui attribuait à ces amyotro- phies une origine médullaire, L'excitabilité médul- laire est exagérée, et cette hyperexcitabilité se montre non seulement du côté malade, mais du côté opposé, ce qui permet d'affirmer que la moelle est atteinte dans toute son épaisseur. Elle est atteinte aussi dans toute sa hauteur; le choc du tendon rotulien détermine un cri ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES réflexe dont le siège se trouve dans les parties les plus élevée du myélaxe., — M. Laborde indique un dis- positif expérimental pour démontrer que le siège du cri réflexe est dans la région bulbo-protubérantielle, Il montre l’analogie qui existe au point de vue du mécanisme physiologique du cri réflexe entre l'animal privé de son cerveau et le malade de M, du Cazal. — M. Galippe a trouyé un nouveau micro-organisme chromogène, qu'il propose d'appeler micrococcus roseo- nutans, dans plusieurs cultures de végétaux et en par- ticulier dans la tige du chou-fleur. Il peut être, suivant les milieux de cultures et l’âge de celles-ci, rose vif, dichroïque (jaune et vert), on blanc opalin, — M. P. Mégnin à découvert dans le sinus infra-oculaire d’une oie cabouc (Sarcidiornis melanotn), un parasite nou- veau qu'il propose de nommer Monostoma sarcidiorni- cola, Cest une espèce voisine du Monostoma mulabile de M. van Beneden. Séance du 22 février 1890. M. Gley a observé une dissociation de la sensibilité, au cours de l’anesthésie locale produite par l'ouabaïne et par la strophantine; la sensibilité au froid reparait avant la sensibilité tactile, £ M, Rodet réclame la priorité du procédé communiqué par M. Vincent pour l'isolement du bacille typhique, — M. Galtier a fait des expériences pour déterminer si la rage pou- vait être inoculée par l'absorption du virus par les muqueuses; un petit nombre d'expériences ont donné un résultat positif, — MM, Letulle et Vagnez com- muniquent un cas de maladie de Friedreich avec autopsie ; il s'agit en résumé d’un scléron systématique du segment postérieur de la moelle avec arrêt de déve- loppement de l'organe, — M. Besesqueile indique des réactions colorées permettant de reconnaitre la présence dans l'urine de différents phénols.--M. Four- neux envoie une note sur l'intestin caudal chez l'em- byron du chat. Séance du 4° mars 1890. MM.Blocq et Marineseu communiquent les ré- sultats del’examen anatomique de la moelle dans un cas de maladie de Friedreich; ils pensent que le proces- sus de cette maladie est évolutif, au lieu d’être im- flammatoire comme dans le tabès, — M. Vincent à trouvé dans l’épithélioma pavimenteux des corps cel- lulaires qui ressemblent à des psorospermies ; les es- sais de culture ont été stériles, — M, IL. Guignard à étudié une bactériacée marine, dont les zooglées re- couvrent les rochers. — Il proteste contre la facon dont M. Van Beneden fils interprète ses publications sur la Karyokinèse. — M. Gréhant à vu que l'acide cyanhydrique. en solutions au millième, provoque des convulsions, qui n'apparaissent pas avec des solutions beaucoup plus étendues : la mort arrive alors par lar- rêt de la respiration, — M. Dupuy, ayant enlevé à des cobayes le ganglion sympathique cervical, à pu retrouver les lésions oculaires, résultant de cette abla- tion, jusque dans la septième génération des descen- dants des animaux opérés. — M. Femy-Saint.- Loup à étudié la production de la matière colorante de l’aplysie; c’est le foie qui est l'organe secréteur de celte substance. L. LAPIGQUE, SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du T février 1890 M Lippmann fait une communication sur le phé- nomène du retard D'ÉLECTROLYSE, Comme M. Pellat Pa montré dans la dernière séance, il existe une valeur minima M pour la force électromotrice E, en deca de laquelle n'apparaît jamais une bulle d'hydrogène dans de l’eau acidulée en contact avec une cathode en mer- cure ; mais l’électrolyse ne se produit pas nécessaire- ment quand E dépasse M; E peut encore croître de un volt sans que l’électrolyse commence, L'équilibre s'établit entre la force électromotrice de polarisation et la force électromotrice du circuit, mais l'expérience ne peut durer qu'un tempsde plus en plus court au fur et à mesure que la différence E — M va en augmentant. M. Lippmann examine les diverses explications pos- sibles du phénomène : formation d'un hydrure inconnu d’eau, dissolution sursaturée d'hydrogène, formation d’un hydrure de mercure; toutes ces hypothèses ren- contrent de sérieuses objections, Ne devrait-on pas plutôt considérer ce retard, analogue à celui qui se produit dans un grand nombre de réactions chimiques, comme dû à une certaine élasticité de la molécule se manifestant avant la rupture qui produit la décompo- sition, — M, Ch. Ed, Guillaume parle de la théorie des dissolutions. Dans un mémoire {rès impor- tant, M. He!mol{z à calculé la différence D, entre l'énergie libre du gaz hydrogène et oxygène dissous dans l’eau et celle de l’eau à l’état liquide; la valeur de D dépend des volumes spécifiques des gaz en dissolution. Si l’on suppose que ces volumes peuvent prendre toutes les valeurs positives, on voit que D s’annule pour une cer- faine valeur critique de la concentration; au-dessous de cette concentration l'eau doit se décomposer Spon- tanément; ce quidémontre la nécessité de la dissocia- tion, Dans un examen serré de cette théorie, M. Guil- laume montre que cette valeur critique est telle que les atomes gazeux sont trop éloignés pour pouvoir, en réalité, exercer une action sur l'équilibre général du liquide; ilse demandesi cette contradiction n’est pas due à l'impossibilité d'attribuer toutes les valeurs positives aux volumes spécifiques ; Pimpénétrabilité de la matière d’une part; lanotion de concentration critique d'autre part, semblent indiquer l'existence d’une limite inférieure, et d’une limite supérieure, — M. Guillaume présente ensuite des appareils pour l'étude des thermo- mètres à mercure destinés au laboratoire d'enseignement à la Sorbonne. —M.Bouty, directeur du laboartoire, met ces appareils à la disposition des physiciens quiauraient des thermomètres à étudier, — M.'Th, Hômen lit un mémoire intitulé : sur la résistance électrique du gaz. Lucien PoINCARÉ. ACADÉMIE IMPERIALE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 13 février 1890, Le D° Schmarda pré-ente un mémoire du D° Alfred Nalepa, professeur à l’école normale de Linz, intitulé : « Sur l’acarus de la galle, » --M, Weiss commente un mémoire qui à pour titre « détermination de la trajec- toire du météore du 23 octobre 1889 par le professeur Niessl à Brünn». Des riches matériaux d'observations rassemblés à l'Observatoire de l'Université de Vienne, il résulte que le météore qui est apparu le 23 octo- bre 1889 à 5 h, 22 detemps moyende Vienne à 170 kilom, au-dessus de la contrée de Hajôs près de Kaloeza en Hongrie s’est déplacé suivant une trajectoire inclinée de 28°5 sur l'horizon et dirigée dans l’azimuth 3#1° jus- qu'à 36 kil. 6 au-dessus de la région comprise entre Neutra et Tapolezan, où il s’éteignit. La lumière du météore était verdàtre; le diamètre de la sphère lumi- neuse atteignait 300" ; la vitesse géocentrique, d’après une discussion soignée de 21 observations relattves à la durée du phénomène peut être évaluée à 22 kilom, au moins ; d’où on déduit que sa vitesse héliocentrique estde 52 kilom (valeur minima). La trajectoire a l'aspect hy- perbolique, Le point d'apparition avait la position sui- vante : a— 31104, Ô—— 1103 Cette position permet un rapprochement avec deux phénomènes analogues observés en octobre et dé- cembre, Emil WEyr, Membre de l'Académie. 154 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 13 février 1890, 1° SciENCES PHYSIQUES. — Le général G., S. Walker présente quelques remarques au sujet de l'unité de longueurd’uneéchelle-étalon, construite par Sir Georges Shuckburgh. Dans les déterminations de la longueur du pendule à secondes qui ont été faites par Kater, à Londres, et par Sabine, à Greenwich, on s’est servi, pour mesurer la distance entre les deux extrémités du pendule, d’une échelle-étalon construite par Sir Georges Shuckburgh. M. le commandant Defforges (du service géodésique français), a entrepris, à la demande du général Walker, l'étude comparative de la portion de cette échelle dont se sont servis Kater et Sabine et d’un des mètres étalons du Bureau international des Poids et Mesures. L’échelle a été comparée avec l'étalon métrique français de laiton N, à la température de 48°7 F, el on aconstaté que la distance entre la divi- sion 0 et la division 39,4 de l'échelle de Shuckburgh était égale à 1,0006275. En ramenant à la température de 62° F (température à laquelle ont opéré Kater et Sabine), on obtient le chiffre de 1",0007619 ou 39,460428 pouces. Ainsi la longueur réelle de l’espace entre 0 et 39,4 sur l’échelle de Shuckburgh peut ètre regardée comme ne différant que d'environ 0,0004 de pouce de la quantité qui est indiquée sur l'échelle. — M. Edward Matthey étudie la liquation des alliages d’or et de platine. On sait que, lorsqu’après avoir fait fondre les alliages de certains mélaux, on laisse se refroidir la masse en fusion, quelques-uns des métaux composants se séparent et s'accumulent, soit au centre, soit à la périphérie de la masse solidifiée ; on donne à celte séparation le nom de liquation. On n’a encore cependant que peu d'observations sur la liquation de l'or. Il passe chaque année de main en main pour plusieurs millions sterlings d’alliages d'or, sur la foi d'essais faits sur des échantillons prélevés sur les parties externes des lingots; ces essais, natu- rellement, ne méritent aucune confiance, si la compo- sition du lingot n’est pas la même au centre et à la périphérie. L'auteur a fait porter ses expériences sur les alliages d’or‘et de platine; il a constaté que la méthode ordinaire d’essai ne donne pas le pourcentage net de l'or et du platine dans la masse entière, On fond dans un moule spécial de 3 pouces de diamètre un alliage d’or et de platine, et on coupe en deux les sphères ainsi obtenues. On à prélevé des échantillons à l'intérieur et à l’extérieur des sphères et on les a es- sayés. Avec une sphère contenant 880 d'or et 50 de platine, on a observé dans le pourcentage de l’or une différence maxima de 0,32 (887 à l'extérieur, 883,8 au centre); pour le platine, on a trouvé 47,6 à la péri- phérie et 52,5 au centre, Des variations analogues dans le pourcentage de l'or ont été constatées dans d’autres sphères, On peut conclure que, par suite de la liquation, le platine s'’amasse au centre de l’alliage. — Le Professeur G. Norman Lockyer dans une précédente communication sur le spectre de la la Nébuleuse d'Orion avait démontré par des observa- tions faites à l’aide du sidérosthat que la raie principale de la nébuleuse coïncidait avec l'extrémité la plus brillante de la bande du magnésium {à 5006,4). Il s’est servi du même appareil pour comparer directement les raies de la nébuleuse avec les raies de l’hydrogène vues dans un tube vide et les raies du fer, telles qu'on les obtient en faisant jaillir l’étincelle électrique entre deux pôles de fer; on les a mises successivement en face de la fente d’un collimateur secondaire, Voici quels ont été les résultats. 1. La troisième raie de la nébuleuse coïncide avec la raie de l'hydrogène, 2. La seconde raie de la nébulese raie du fer À 4956,8. 3. La raie la plus brillante de lanébuleuse est moins réfrangible que les raies de l'azote, mais elle coïncide coïncide avec la exactement avec le bord le moins réfrangible de la bande du magnésium, — Le mème auteur étudie les photographies du spectre de la nébuleuse d’Orion. L'auteur, avec l’aide de M, Fowler, à obtenu sur une même plaque des photographies du spectre de la nébu- leuse d’Orion et du spectre du magnésium incandes- cent, Le temps de pose a été porté jusqu'à + heures: il existe une ressemblance fort remarquable entre toutes les photographies, Une photographie obtenue après une exposition de trois heures à la lumière de la partie brillante de la nébuleuse qui est située en decà du trapezium, contient au moins 28 raies; 8 d’entre elles tombent entre F etG. Les raies principales sont au voisinage de XÀ 500,495, des raies de l'hydrogène en F G, k et H, et la forte raie de l’ultra violet au voisi- nage de À 3@. On à construit une courbe d’après les longueurs d'onde connues de ces raies el elle à permis de déterminer les longueurs d'onde des autres raies. Des raies très marquées se trouvent au voisinage de ÀX 4470, 3886 et 3868 et des raies plus faibles au voisi- nage de XÀ 4027 et 4045, Des raies plus faibles encore se trouvent au voisinage de À 3933 (K), 4226, 4690 et 4735; toutes ces raies sont dues, semble-t-il, au car- bone ou à des mélaux à basse température, Quelques- unes des raies principales semblent coïncider avec les raies brillantes principales de P du Cygne. Dans la pho- tographie où la raie principale de la nébuleuse coïncide sensiblement avec la bande du magnésium, la raie ultra-violette de la nébuleuse semble coïncider avec la moins réfrangible des trois bandes du magnésium en À 3730. Séance du 20 fevrier 1890 SCIENCES NATURELLES, — Le D' A. Sheridan, étudie comparalivement des digestions naturelles et artifi- ficielles, Il existe dans la digestion naturelle des fac- teurs fort importants qui font défaut dans les diges- tions artilicielles. Les principaux sont 1) le mouvement constant de la masse en digestion, 2) l'élimination cons- tante des produits, 3) l'addition constante de nouvelles quantités de suc digestif, Afin de se débarrasser en partie du moins de ces difficultés, on a placé la subs- tance en expérience dans un tube en U de parchemin, maintenu à 40° C. par un bain d’eau chaude, Le tube contient également le liquide digestif; il est placé dans un bain dont la composition est la même que celle du liquide digestif, sauf qu'il ne renferme point de fer- ment et il est maintenu en mouvement constant. Par ce moyen, on est venu à bout de la première et de la deuxième difficulté, mais non de la troisième. L'étude comparative des résultats obtenus par ce procédé et de ceux de la digestion in vitro montre : que la digestion salivaire est plus complète dansle dialyseur qu'ir vitro (réaction de l'Iode); que les bactéries ont moins de tendance à se développer dans le dialyseur; que la quantité d’amidon converti en sucre est plus grande dans le dialyseur que in vitro et que la proportion de dextrine qui reste comme résidu est moindre; que dansle cas des solutions diluées il y a peu de différence entre ce qui se passe àn vitro et cequise passe dans le dialyseur; que la faible quantité de dextrine que l’on trouve comme résidu justifie cette hypothèse que dans des conditions favorables tout l'amidon est converti en sucre dans le tube digestif; que le sucre formé est surtout de la mélasse, Voici maintenant ce qui con- cerne la digestion hypnique, Les matières protéiques contiennent toujours de grandes quantités de leucine et de lyrosine, lorsqu'elles sont soumises à la digestion artiicielle, tandis qu’on en retrouve à peine des traces dans les digestions naturelles. Elles disparaissent donc à mesure qu’elles se forment ou bien ne se forment pas du tout, Mais comme l’action de la trypsine sur les premières peptones formées donne naissance à ces subs- tances, il est probable queles peptones sont soustraites au fur et à mesure à l’action des ferments digestifs, La substance sur laquelle on a expérimenté, estla fibrine ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES à divers états. La digestion est beaucoup plus complète dans le dialyseur que in vitro, lorsqu'on opère sur de la fibrine bouillie et séchée par l'alcool et léther. Si l’on se sert de fibrine simplement bouillie et séchée par la pression, la dissolution des matières protéiques est plus complète dans le dialyseur que in vitro. Si lon opère sur la fibrine séchée à l'air n’ayant subi aucune autre pré- paration, la quantité de leucine et de tyrosine estun peu plus grande in vifro que dans le dialyseur, — M. Er- nest WW. L. Holt décrit quatre stades du dévelop- pement du cerveau chez le Clupea harengus, 1) premier stade larvaire, 2) premier s{ade post-larvaire, 3) stade du + pouce, 4) stade du ? pouce, Au premier stade on remarque que le cerveau présente une courbure très marquée dirigée vers le bas, cette courbure est due à la forme de la tête, La voûte du cerveau est très mince et pénètre dans le thalamencéphale. Les extré- mités des couches optiques sont vésiculeuses, les ventricules optiques n'existent pas en avant du cer- veau moyen et ne sont que partiellement développés plus en arrière, Le corps pituitaire est opposé à la voûte du palais, il est borné en avant et latéralement par Pinfundibulum et en arrière par la notochorde, Au second stade l’axe cranien se redresse en raison du développement rapide des cartilages oraux el trabéculaires qui poussent en avant la partie anté- rieure du cerveau, Le cerveau moyen est grand, et le pli cérébelleux s’amincit au milieu ; l’infundibulum est un sac à parois minces et à peine plissées, Au troisième stade un septum median de teinte pàle apparait entre les deux ventricules optiques à la partie antérieure ; les lobes olfactifs se projettent en avant sous la forme de masses bulbeuses et le cervelet, qui a beaucoup augmenté de volume, se continue en avant sous la forme d’un repli épais, Dans le quatrième stade le cerveau s’aplatit très nettement et de larges cellules ganglionnaires apparaissent dans les torisemicir- culares, Derrière la région des nerfs auditifs, il existe une aire ganglionnaire qui va d’un côté à l’autre à tra- vers la moelle, Voici maintenant ce qui concerne le développement des régions pinéales : dans les premiers stades la voûte du thalamencéphale consiste en une simple rangée de cellules, La cavité infrapinéale com- mence à apparaître au troisième stade, beaucoup plus tard que chez le Saumon: à ce stade la glande pinéale présente une cavité ouverte qui contient un li quide albumineux coagulable; plus tard le cartilage cranien recouvre la glande pinéale, Elle subit une con- traction plus considérable que chez le Saumon, mais cette contraction n’a pas la valeur morphologique de celle qu'on observe chez le Petromyzon. — M, Sheridan Delephine décrit une fermentalion qui détermine la séparation de la cystine, L'analyse d’un grand nombre d’urines contenant de la cysline à amené l’auteur aux conclusions suivantes : 1) l'addition d’un acide dans lequel la eystine est insoluble ne suffit pas à déter- miner la séparation dela cystine, ce qui semble établir que la théorie généralement admise sur l’élat où se trouve la cystine dans l'urine n’est point exacte; 2) Il existe dans l’urine un composé qui sous l'influence d’une fermentation donne naissance à la cystine, 3) Cette fer- mentation est due au développement d’un organisme qu’on peut séparer de l'urine par simple fillration; c’est donc un organisme de grande dimension, peut-être une torula. #) Les cas où l’on a trouvé de la cysline dansles reins et le foie prouventque la fermentation peut commencer dans l’économie, — M, le D' 3, Gnezda a étudié une réaction du cyanogène dans les matières protéiques. En examinant les réactions colorées des matières proléiques, il est arrivé à ce résultat qu’elles sont dues à la présence dans ces matières du cyano- £ène ou de quelque radical qui contient du cyanogène. Il a également constaté qu'en modifiant un peu le réactif, on peut s’en servir pour distinguer très exacte- ment les unes des autres ces diverses classes des matières protéiques, La modification la plus impor- tante résulte de la substitution de l’ammoniaque à la potasse ou à la soude, ou à son addilion à ces bases, Quand on ajoute du sulfate de cuivre et de la potasse à de l’albumine ou à de la globuline, il se produit une coloration violette, Les mêmes réactifs donnent avec les peptones et les albuminoïdes une colora- tion d’un beau rouge. Le sulfate de cuivre et lam- moniaque donnent avec l’albumine une coloration bleue, qui passe au violet, si l’on ajoute de la potasse: le sulfate de cuivre et l’'ammoniaque donnent avec les peptones et les albuminoïdes une coloration violette, qui passe au rouge, si l’on ajoute de la potasse. On peut se servir pour une réaction analogue du sulfate denickel. Séance du 6 mars 1890. 1° SCIENCES PHYSIQUES. — Lord Rayleigh : Sur la tension des surfaces liquides récemment formées. Marengoni a émis l’hypothèse que la possibilité d’ex- tension des surfaces liquides et la viscosité superti- cielle sont dues à la présence sur le liquide d’une pellicule constituée par une substance dont la force capillaire est moindre que celle de la masse, Si tel est le cas, et si la. basse tension des solutions de savon par rapport à celle de l’eau pure est due à une pellicule, la formation de cette pellicule doit être une question de temps; pour éclaircir ce point, on a examiné les propriétés de la surface li- quide immédiatement après sa formation. Les figures 1 et 2 repré- sentent l'appareil dont on s’est servi. Le liquide soumis à l’exa- men était contenu dans un flacon ordinaire, de 6" 68 de diamètre, auquel était soudé vers le bas un tube de Of courbé à angle droit. Une ou- verture elliptique de 0001 sur 0002, était percée dans une mince feuille de laiton, scellée par du ciment à l’ex- trémité du tube. Cette ou- verture était à environ 0"15 au-dessous du bord, vers le milieu du flacon; ce qui ser- vait à déterminer la position de la surface libre au mo- ment de l'observation, Un jet liquide s’échappant par un orifice de cette espèce prend la forme d’une chaine; la période complète À, qui cor- respond à deux anneaux de la chaine, est la distance parcourue par une partie donnée du liquide pendant le temps occupé par une vibration fransversale complète de la colonne autour de sa position cylindrique d'équilibre, On à obtenu des photographies agrandies du jet liquide, et la figure 3 est la reproduction de la photographie d'un jet d’eau, La distance 2 } est celle qui sépare les points À et B. Fig. 1 ct 2. - Fig. 3. Le tableau suivant se rapporte à des expériences où l’on s’est servi d'oléate de soude, Toutes les lon- gueurs sont données en millimètres. Eau | Oléate | Oléate Oléate | Oléate 1 p. 40/1 p. 80,1 p. 400 1 p. 4000 2} |40.0| 45.5 | 44.0 | 39.0 39.0 h 31.5 11,0 | 11.0 11.0 29290 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES h représente la hauteur du liquide dans un tube capil- laire, Les valeurs trouvées pour À montrent, ce qui a déjà été établi, que dans de larges limites les tensions superficielles des solutions de savon, déterminées par le moyen des tubes capillaires, sont presque indépen- dantes de la richesse des solutions, On peut aisément montrer que, cœteris paribus, la valeur de la tension ca- pillaire T varie comme }=, de telle sorte que pour voir si l'addition d’une petite quantité de savon fait varier la tension capillaire de l’eau, il suffit de comparer la longueur d'onde} dansles 2cas, en ayant soin que dans les deux cas la dimension de l'ouverture et la hau- teur du liquide soient pareils; c'est ce qui a été fait dans les expériences rapportées ici, — On à également comparé l’eau pure avec la saponine; on s’est servi d’une infusion de châtaignes de cheval (poids spécifique 1,02), diluée avec six fois son volume d’eau, Quelques photographies ont donné les résultats suivants : 39.8 2 À (eau) — 39.2 2} (saponine) — hk(eau) = 30,5 h(saponine) — 20.7 On voit ainsi que bien que les hauteurs capillaires diffèrent beaucoup, les tensions au début sont presque égales, ce qui montre que, dans ce cas, comme dans celui du savon, on peut regarder comme prouvé, ce fait que l’abaissement de la tension est dû à la forma- tion d’une pellicule, — Prof, 3. WW. Mallet : L'ar- gent dans les poussières volcaniques. Second cas ob- servé : éruption du Junguragua (Andes de l’Equateur), L'auteur, il y à trois ans, a signalé la présence d’une petite quantité d'argent dans un échantillon de pous- sière volcanique qui provenait de l’éruption du Coto- paxi, Il à analysé un échantillon analogue qui prove- nait de l’éruption du Junguragua en janvier 1886. Il a fait avec grand soin des essais par la voie sèche et par la voie humide, qui lui ont permis d'évaluer la quan- tité d'argent à environ une partie pour 107.200 parties de cendre, La cendre du Cotopaxi contenait une partie d'argent pour 83,000 de cendre, 29 SCIENCES NATURELLES, — D' J, €. Evvart: Sur le développement du ganglion ciliaire ou moteur ocu- laire. L'auteur à examiné les nerfs craniens d'un certain nombre d'Elasmobranches à divers stades de développement; il à constaté que le ganglion ciliaire est dans les mêmes relations avec l’un des nerfs cerà- niens (le n. ophtalmique profond) que les ganglions sympathiques du tronc avec les nerts rachidiens ; on peut donc considérer le ganglion ciliaire comme un ganglion sympathique, Des recherches ultérieures ont montré que les ganglions qui sont en rapport avec les branches du trijumeau (5° paire) peuvent ètre con- sidérés également comme appartenant au système sym- pathique, —D: +. €. Evwvart: Les nerfs craniensde Ja Torpille. Il à constaté que le trijumeau n’envoie pas de branches aux organesélectriques ; le nerf hyomandibu- laire contient un gros faisceau de fibres quise rendent à la partie antérieure et intérieure de l'organe électrique. On constate que ce gros cordon nerveux a son origine dans la partie antérieure du lobe électrique. Le nerf glosso-pharyngien est un gros cordon nerveux, qui passe par une large ouverture de la paroi externe de la capsule auditive, Ce gros nerf est formé de deux parties distinctes : l’une d'elles, petiteet plus profonde, est entièrement recouverte par l’autre, qui innerve la moitié antérieure de l'organe électrique. Les deux pre- miers nerfs branchiaux qui dépendent du nerf vague sont accompagnés des troisième et quatrième nerfs électriques, On voit donc que tous les nerfs électriques naissent du lobe électrique. R. A. GREGORY. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 21 février 1890. M. Hawves montre des photographies de l'intérieur d’un transmetteur téléphonique Blake sur lequel du charbon s’est déposé. La portion considérée du trans- metteur se compose d’un diaphragme en métal, d’un bouton de charbon poli, et d’un contact en platine porté par un ressort en maillechort placé entre eux, Le diaphragme présente un aspect moucheté dû au dépôt, mais la partie en contact avec le maillechort reste com- parativementnette. Le dépôt est trèsadhérent;unexamen microscopique y fait soupconner des particules de cuivre et des cristaux métalliques. M. Hawes attribue le dépôt à un « bombardement » de particules de char- bon. M. Boys dit que les photographies présentées lui rappellent un phénomène qu'il a eu occasion d'observer sur une glace de verre à laquelle aboutissait le pôle d'une pile: le verre restait net aux environs du contact, un dépôt se formait tout autour; il ne connait d’ail- lears pas l'explication de ces apparences, M. Trotter lit un mémoire sur la « construction géométrique d’une échelle à lecture directe pour galvanomètres à réflexion ». Dans le récent mé- moire sur les galvanomètres de MM. ‘Ayrton, Mather et Sumpner que nous avons précédemment ana- lysé, on avait exprimé le désir que.l’on pût obtenir une exacte proportionnalité entre la lecture sur la règle et lintensité du courant, M. Trotter a résolu le problème, Supposons, dit-il, que l’on ait déterminé expérimentalement les courants nécessaires pour pro- duire diverses déviations ; considérons le plan de l'échelle, et tracons dans ce plan des rayons partant du centre du miroir et aboutissant à l'échelle soit 1,2,3.., Ces rayons comptés à partir de l’azimuth zéro, on marque sur le bord d’une bande de papier des dis- tances proportionnelles aux intensités, soit à, b, €, d, les points de division ainsi obtenus, « correspondant au zéro; délerminons, sur les rayons zéro et un, deux points, équidistants du miroir, tels que leur distance soit égale à ab; marquons sur la table par deux ai- guilles la position de ces points, et fixons l'extrémité zéro de la bande de papier de telle facon que les points a et b coincident avec les aiguilles ; on tourne la bande de papier jusqu'à ce que le point € vienne sur le rayon 2; on fixe alors en ce point une aiguille et l’on continue à opérer de lamême facon.On détermine ainsi un polygone; la limite commune des courbes ins- crites et circonscrites à ce polygone répond à la ques- tion proposée; une échelle ainsi construite fournit des indications proportionnelles à lintensité du courant. L'auteur montre que l’on peut tracer une famille de courbes résolvant le problème, M, Schwvinhurne de- mande si une échelle dont les points ne sont pas équi- distants du miroir ne serait pas bien incommode en pra- tique, et si l’on n'obtiendrait pas d’aussi bons résultats, en divisant simplement une échelle plane en degrés proportionnels aux intensités. M. Frotter répond que le D' Sumpnerestime qu'il n’y a aucune difficulté dans l'emploi d’une échelle courbe ; l’observation peut d’ail- leurs se faire en employant une lumière parallèle, pour la mise au point simultanée dans toutes les parties de l'échelle, M. Ærotter décrit « un parallélogramme articulé pour instruments enregistreurs. » L'appareil est un parallélogramme de Watt modifié de telle facon qu'un point décrivant une droite, un autre décrit une con- choïde de Nicomède, qui se confond, dans le voisinage d’un certain point, avec un cercle osculateur le long d’un arc assez étendu. L'auteur estime que cette mo- dification peut rendre service dans la construction des baromètres, ampères-mètres, etvoltmètres enregis- treurs, ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 20 février 1890, MM. Bailey et Hopkins : Action des températures élevées sur les oæydes. Les auteurs concluent que par lac tion de températures très élevées sur l'oxyue de cuivre on obtient un sous-oxyde répondant à la formule Cu 0. — MM. Fowler et Grant: Influence des différents oxydes sur la décomposition du chlorate de potasse. 1° Les oxydes acides (V205, WOS, U308) provoquent le dégage- ment d'oxygène à basse température, il se dégage en même temps du chlore et il se forme un métavanadate, tungslate ou uranale : 4K C103+ 2 V205— 2V20ÿ,K20 + 2CL + 50? 2 le sesquioxyde de chrome donne un chromate, du chlore et de l'oxygène : 8KC103 + 2Cr°0?— 4CrO'k?+ 4C12 + 70? 3° les sesquioxydes de fer, de nickel et de cobalt, agissent comme l’oxyde de cuivre et le bioxyde de manganèse, L'oxyde n’estpas sensiblement altéré. # En présence de l'oxyde d'argent et du bioxyde de baryum, le chlorate de potasse agit comme réducteur etse trans- forme en perchlorate, —MM, Cross et Bevan: Action des hypochlorites sur les sels ammoniaaux, — MM. Stan- ley, Kipping: Action de l’anhydride phosphorique sur ‘l'acide stéarique, Quand on chauffe vers 200 des poids égaux d'acide stéarique et d'acide phosphorique, il se produit la réaction : 2 (C7 H#5 CO?H)—(C17H#%)2C0 + CO? +- H10 M.Doxon : Senithiocurbazides, —M, Tudor Cun- dal : Note sur la production de l'ozone par les flammes. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 16 janvier 1890 Nous n'avons à signaler dans celte séance qu'un tra- vail de M. Hermann-Munk sur la sphère de vision et le mouvement des yeux. Séance du 30 janvier 1890 M. Kronecker expose les résultats de ses re- cherches sur la théorie des fonctions elliptiques. Séance du 6 février 1890, M. Kronecker lit un mémoire sur la sommalion de la série (£, n, v, v, w). Séance du 13 février 1890, M. Auwers communique les recherches de M, Schei- ner sur les spectres des étoiles du type L d'après les photographies spectrales exécutées à l’obser- vatoire de Postdam pendant les années 1888 et 1889. Les spectres des étoiles du type EF sont caractérisés par les larges raies de l'hydrogène, les raies des autres métaux ne son: qu'assez faibles. Dans les spectres des étoiles : 4 d'Orion, e d’Orion et de Persée l'auteur à rencontré deux raies correspondant aux longueurs d'onde 448,14 et 447,4. La première se borne au spectre du soleil et appartient au magnésium, l’autre manque au spectre solaire mais parait être identique à celle que Copeland a découverte dans le spectre de la nébu- leuse d’Orion. Aussi longtemps que ces raies se pré- sentent seules, elles sont larges comme celles de lhy- drogène, mais dès que d’autres raies apparaissent, surtout celles du fer, elles deviennent plus faibles. Dans les spectres des étoiles du type PP les raies sont bien limitées, mais il s’en trouve beaucoup, qui ne peuvent ètre identifiées à celles du spectre solaire, ou dont les intensités diffèrent de celles des lignes correspon- dantes du spectre solaire, Cela se rapporte surtout aux lignes du fer, par exemple pour 4 du Cygne, de sorte qu'il faut conclure que la vapeur de fer s’y trouve à des tem- pératures tout à fait différentes de celles qui régnent dans le Soleil. —M,Beynstein a photographié l'image qu'un point lumineux réfléchi par un pelit miroir fixé à la plaque vibrante d'un théléphone, projette sur un tambour en rotation. 11 a examiné de celte manière surtout la durée des courants d’induction donnés par un appareil à charriot de du Bois-Reymond. Aussi longtemps qu'il n'y a pas de circuit secondaire la courbe monte et tombe momentanément, tandis qu’en présence d’un circuit secondaire les deux branches de la courbe sont égales. Sans circuit secondaire l’inten- sité du coup de fermeture est presque triple de celle du coup d'ouverture ; lorsqu'on intercalle au contraire dans la bobine primaire un circuit secondaire libre d'induction, l'intensité des deux coups est presque la mème. Ces expériences sont en concordance complète avec la théorie de l'induction donnée par MM, Helmholtz et du Bois-Reymond, D' Hans Janx. SOCIÉTÉ PHYSIQUE DE BERLIN Séance du 7 mars 1890. M. Rubens fait communication en son nom el en celui de son collaborateur M. Ritter de leurs expé- riences sur l'emploi du bolomètre pour la démonstra- tion des vibrations électriques, Leur méthode a les deux grands avantages d’être très sensible et de se prêter à des mesures quantitalives. Les expériences se rapportaieut surtout aux phénomènes de polarisation donnés par un réseau, Dans le petit tableau suivant 9 donne l'angle que forment les fils du réseau avec la direction des oscillations, Y donne l’élongation du gal- vanomètre, donc, puisque le bolomètre mesure l'é- rergie, le carré de l'amplitude, Pour les oscillations réfractées on à : < VY © Y ——— ‘ ‘ sin? 90 10,25 67,5 10,02 60 9,95 et pour les rayons réfléchis : S v p s cos? o 0 10% 10,20 22,5 82 10,35 50 59,5 10,25 45 25 10,12 On voit donc que, conformément aux formules de Fres- nel, le rapport de l'amplitude au carré du sinus et du cosinus de l'angle ? est sensiblement constant. La méthode se prête mème à une démonstation objective des effets du réseau. Dr Haxs Jaux. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séance du 2 mars 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Pincherle. Sur les systèmes récurrents de fonctions. — M. Reina, Sur les lignes conjuguées d’une surface, 20 SGIENCES PHYSIQUES. — M. Righi rappelle ses ex- périences sur les ombres électriques, et donne la des- cription des appareils et des dispositions qui lui ont permis de démontrer comment la convection électrique se produit suivant les lignes de force, même lorsque la dispersion est faite par une flamme ou par un métal chauffé au rouge. Dans tous les cas où il y a dispersion d'électricité, elle se produit par conveetion, et les par- ticules en mouvement suivent les lignes de force du champ dans lequel elles se meuvent. En raréfiant Fair, on devrait obtenir des trajectoires s’éloignant de plus en plus des lignes de force, jusqu'à devenir presque rectilignes avec une grande raréfaction, comme il ar- rive pour les particules de matière radiante dans les tubes de Crookes, M. Righi se propose de vérifier s’il existe vraiment ce passage de lPune à l’autre des deux conditions extrêmes du phénomène. — M. Pisati con- tinue ses recherches sur la propagation du flux magné- tique dans le fer, ayant dejà reconnu que ce flux se propage comme la chaleur dans une barre chauffée à une extrémité, Avec de nombreuses observations, l’au- teur à construit des tables et tracé des courbes, au moyen desquelles il se propose, dans une nouvelle note, de trouver : 1° la loi des variations du flux d’une section à l’autre, lorsque le courant excitateur est constant: 2° la loi du flux dans une section donnée, lorsqu'on fait varier le courant excilateur, — M. Bog- sio-Lera étudie la relation qui existe entre le coeffi- cient de compr'essibilité cubique, le poids spécifique et le poids tomique des métaux, Il à déterminé le coefficient de compressibilité de l'acier, de l'argent, de l'or et du platine, à l’aide de la théorie dynamique de la chaleur, et de quelques expériences d'Edlund sur les chaleurs spécifiques de ces métaux, M. Boggio-Lera, rappelant les résultats obtenus par Regnault, Everett et Amagat avec d’autres substances, trouve que le coefficient de compressibilité cubique d’une substance, est propor- tionnel au nombre de molécules qui entrent dans Punité de volume, et à la variation de la distance entre deux molécules consécutives produite par l'unité de force. M. Magnanini fait observer qu'il existe bien un grand nombre de meswres électromotrices pour divers métaux immergés dans différents liquides, mais qu'on n'a pas fait de recherches systématiques sur l'influence que le liquide peut exercer sur le phénomène, Le problème est très important, parce que, si la force électromotrice est produite, comme il paraît admissible, là où le liquide touche le métal, les forces électromotrices reprèsentent cette portion de l'énergie chimique, dans la réaction du liquide sur le métal, qui est complètement transformable en énergie électrique, M. Magnanini, ne pouvant pour- suivre ses recherches, donne une table des valeurs obtenues avec des métaux et des solutions diffèrentes. Ces valeurs montrent bien comment la force électro- motrice d’un métal varie avec la nature du liquide dans lequel il est immergé; elles font voir aussi qu'on ob- tient les déviations les plus fortes avec les substances oxydantes, tandis que les plus petites se produisent avec les solutions alcalines. — M. Nasini présente le résumé de ses lecons sur l'analogie qui existe entre la matière à l’état gazeux et la matière à l'état de solution diluée, L'auteur s'occupe de la pression osmotique qui, selon Van’ Hoff, devrait représenter pour les solutions ce que.la pression est pour les gaz; il trouve que cette pression doit être considérée comme un phénomène secondaire, qui accompagne le phénomène principal de l'entrée de l’eau dans les cellules de Pfeffer, M, Nasini pense qu'on ne peut pas appliquer aux solutions les lois de Mariotte, Gay-Lussac, Avogrado, et que, si les solutions équimoléculaires ont une même pression os- motique, celle-ci varie pourtant suivant les expériences; par hasard seulement elle peut égaler celle d’un gaz dans les mêmés conditions. La théorie de Van't Hoff est générale et fondée sur son hypothèse relative à la constitution des liquides, qui conduit à la démonstra- tion @ priori des lois de Raoult, pourvu que, admet- tant l’analogie entre les gaz et les solutions, on ap- plique à ces dernières les lois et les formules qui sont vraies pour les gaz, M, Nasini reconnait que la loi de Van’t Hoff est la plus accessible pour les travaux de chimie, et celle qui fait le moins perdre de vue lexpé- rience, — M, Anderlini à étudié les dérivés que la cuntharidine forme avec la phénylhydrazine et avec l’ammoniaque alcoolique. Il décrit les propriétés des dérivés obtenus, et donne des détails sur leur forme cristalline, 39 SCIENCES NATURELLES. — M. Capellini décrit un Crocodilien fossile, trouvé dans la colline de Cagliari (Sardaigne) en 1868 ; il discute la ressemblance que ce fossile présente avec le Tomistoma eggemburgensis de Toula et Kail, avec les restes du Tomistoma du miocène de Malle. et avec le Tomistoma qui vit à Bornéo et qui serait le descendant de ces espèces fossiles, Le Tomis- toma de la Sardaigne forme une espèee nouvelle, que M. Capellini propose d’appeier Tomistoma calaritanus ; la découverte de ce reptile montre que le calcaire de Cagliari, qu'on rapportait au pliocène, doit être consi- déré comme d’origine miocèné, Ernesto Mancini. ACADÉMIE DE MÉDECINE VÉTÉRINAIRE DE TURIN Séance du 8 février 1890 M. Brusaferro, recherchant les modes de trans- mission de la tuberculose bacillaire, fut amené dans quelques cas à incriminer les beurres fournis par les vaches pommelières, Il institua à ce sujet 'des expé- riences d’où il résulte que le beurre des vachesatteintes de tuberculose mammillaire contient les bacilles de Koch; ceux-ci prolifèrent et déterminent des tuber- cules dans l'organisme où ils pénètrent par ingestion. Appuyant ces conclusions, MM. de Silvestri, Bertacchi, Volante, Perroncito et Boschetti disent que, pour sup- primer ce mode de transmission de la maladie, il est nécessaire d’établirun service d'inspection des vacheries, Très souvent, d’après leurs observations, c’est par le lait que la tuberculose se propage. En le faisant bouillir on tue les bacilles, Mais, comme on ne porte pas à l’ébullition le lait dont on se sert pour faire le beurre, cet aliment, dès qu'il provient de vaches pommelières, devient dangereux. —M. Perroncito annonce qu'il a trouvé dans la maladie du cheval, dite de l’immobilité, un microbe différent du bacterium pneumoniæ crupone equi. Ce microbe serait, d’après lui, Pagent spécifique de la maladie, — M. Garetto signale plusieurs cas d’avortement survenus à la suite de saignées pratiquées par des empiriques. Séance générale annuelle (23 février 90). Après les discours de MM. Perroncito et Silvestri, M. Boschetti présente le rapport de la commission nommée pour étudier la question de l’utilisation des animaux (et produits) tuberculeux. IL présente aussi une monographie bibliographique et critique sur les maladies des pays tropicaux qui atteignent l’homme et les animaux. D' F, Boscnerir. Membre de l'Académie. NOTICE NÉCROLOGIQUE. — NOUVELLES 159 NOTICE NÉCROLOGIQUE MELCHIOR NEUMAYR Le 29 janvier 1890 mourut, à l’âge de ##ans, en pleine activité scientifique, M. Melchior Neumayr, professeur de paléontologie à l'Université de Vienne. On peut dire que c’est l'excès du travail qui l’a tué. Il ne lui a pas été donné d'achever son œuvre. Neumayr était d’origine bavaroise; il fit ses études à PUniversité de Munich, et s’'adonna bientôt à la géolo- gie, sous la direction d'Oppel, dont il fut un des plus brillants élèves. Après avoir été recu docteur, il entra en 1868 comme volontaire à l’Institut géologique impérial de Vienne, En 1870 il y fut attaché à titre d’aide-géo- logue, mais quitta ce poste en 1872 pour s'établir comme « Privatdocent » à Heidelberg. L'année suivante il était rappelé à Vienne pour occuper à l'Université la chaire de paléontologie, qu'il conserva jusqu’à sa mort, Les débuts de Neumayr dans la science furent mar- qués par quelques notes de paléontologie stratigra- phique relatives aux terrains jurassiques des Alpes orientales et des Carpathes. Dès ces premiers travaux il fit preuve de cet esprit philosophique que l’on retrouve dans tousses ouvrages. Marcou déjà, et d’autres, avaient fait ressortir lesdifférences profondes qui existent entre les dépôts jurassiquesde l'Angleterre, du bassin de Paris, de l'Allemagne et ceux du Midi etde larégion des Alpes. Neumayr précisa ces différences, donna les noms de province méditerranéenne et de province de l Europe centrale aux deux types et fixa d'une manière à peu près défi- nitive leurs limites géographiques. Plus tard il fut amené à établir lPexistence d’une province boréale, Ces lrois provinces sont basées sur la répartition de quel- ques groupes de Céphalopodes, notamment sur celle de certains genres d'ammonites tels que Phylloceras, Lytoce- ras, Simoceras, Amaltheus ; aussi l'auteur porta-t-il pen- dant quelques années toute son attention sur l'étude approfondie de ces groupes. Ses belles recherches sur les Phylloceras du Doggeret du Malm lui permirent d'établir la filiation de la plupart des espèces dece genre: il re- connut la présence de quatre séries évolutives parallèles, que l’on peut suivre depuis le Lias jusque dans le Cré- tacé. D’autres travaux de Neumayr portent sur les rela- lions de descendance de genre à genre, En 1875, il résu- mait toutes nos connaissances sur le groupement des ammonites en familles et en genres en un travail d’en- semble, désormais fondamental pour toutes les recher- ches ultérieures. L'étude des bassins lacustres dans lesquels se sont déposées les couches à Paludines de Slavonie permit à Neumayr de constater l'existence, au sein des niveaux successifs de ces dépôts, de séries de formes successives enchainées lesunes aux autres par des liensde descen- dance. Ces séries ascendantes de gastéropodes lacustres se présentaient avec plus de netteté encore que les sé- ries d'ammonites, L'étude de la faune des couches du même àge dans les iles de l’Archipel grec, entreprise à la suite d’un voyage en Grèce, lui fournit des résul- tats analogues. Ce sont aussi les observations rassem- blées au cours de ce voyage qui l’amenèrent à affirmer l'immersion relativement récente de la partie orientale de la mer Méditerranée, Dans les dernières années de sa vie, Neumayr soc cupa surtout à condenser les résultats de ses nom- breux travaux, Il entreprit d'abord de réunir tous les documents que nous possédons sur l'extension géogra- phique des terrains jurassiques et crétacés, Il put éta- blir la disposition zonaire des provinces zoologiques dont il avait autrefois démontré l'existence, L'ensemble de ses observations le porta à croire que les différences de faune d’une province à l’autre étaient dues à des dif- férence de climat, qui se faisaient done sentir à la sur- face du globe dès l'ère secondaire, Peu après, Neumayr publia un livre de géologie à Pu- sage du grand public (1). Bien que se soit un ouvrage de vulgarisation, le géologue de profession le consultera avec fruit et y trouvera à côté de précieux renseigne- ments des vues générales exposées avec beaucoup de clarté et de simplicité, Dans ce livre Neumayr s’est attaché d’une manière toute particulière à répandre les doctrines de Suess sur la formation des chaînes de montagnes;'des continents, des dépressions océaniques. Dans les derniers jours de décembre 1888, enfin, pa- rut le premier volume d’un ouvrage pour lequel Neu- mayr avait rassemblé des matériaux dès le commen- cement de sa carrière scientifique. Cet ouvrage à pour but de donner les preuves paléontologiques de la théo- rie de la descendance ; il est intitulé Die Staämme des Thierreichs (les souches, les rameaux du règne ani- mal). Tous les embranchements devaient être étu- diés au point de vue de leur évolution dans le temps; le premier volume comprend, outre une introduction générale, les Protozoaires, les Anthozoaires, les Echino- dermes etles Vers (Brachiopodes compris); le deuxième volume,dont le manuscrit était à peu près terminé, con- tiendra les Mollusques et les Arthropodes ; la maladie, puis la mort, ont empêché Neumayr de mettre la main à la partie relative aux Vertébrés. Dans un prochain article nous chercherons à rendre compte des résultats auxquels est arrivé Neumayr dans son ouvrage; ceci nous donnera l'occasion d'apprécier, mieux que nous avons pu le faire dans cette courte notice, la méthode scientifique du paléontologiste viennois et les qualités de son exposition. : , Emile Hauc, NOUVELLES PROPRIÉTÉS MAGNÉTIQUES ET ÉLECTRIQUES DU FER ET DE SES ALLIAGES Dans le compte rendu de la Société royale de Londres (séance du 23 janvier 1890), publié dans notre numéro du15février,nous avons exposé les intéressantes expériences de M. Hopkinson sur les propriétés magné- tiques des alliages de nickel et de fer. Ce savant mon- trait que la chaleur modifie ces propriétés et fait aussi varier la résistance électrique de l’alliage. Dans cette communication M. Hopkinson n'avait décrit qu'une partie de ses recherches sur la matière, La note sui- vante que nous recevons à ce sujet, leur apporte un précieux complément : « J'ai examiné divers alliages que m'avait obligeam- ment procurés M. Riley de la Compagnie des aciers d'Ecosse, Je me borne à citer les résultats obtenus avec les échantillons les plus intéressants; ils renfer- ment 2% pour cent de nickel, Comme la matière qui m'était fournie n’élait pas magnétique à la tempéra- ture ordinaire, la perméabilité etait faible, environ 1, 4, et l'induction était exactement proportionnelle à la force magnélisante. L'anneau chauffé restait non magnétique jusqu'à 700° ou 800°; refroidi jusqu'à — 31° dans un mélange réfrigérant contenant de l'acide car- bonique solide, il devint magnétique. La figure { mon- tre comment se comporte à 13° la courbe d’aimantation après ce refroidissement. Si l’on chauffe ensuite (1) Ærdgeschichte. 2 vol, in-8°, Leipzig, 1886, 1881, 160 NOUVELLES l'échantillon considéré jusque vers 580", il reste magnétique; à cette température toute aimantation cesse et demeure nulle quand on laisse le métal se 3000) cent? es o [°] o o S 1 Induction par 10 20 Force magnelisante x Fig. 1. refroidir jusqu’à la température du laboratoire, La figure 2 donne les valeurs de l'induction correspon 200 | \ | R& STaE (30 = = Siool 31 “ce 1nadgrielisarte Fe à | ess] È È [ IF ne o AES SE TE mr 100° 200° 900° +00° 500° Æo Ternpérature Fig. 2. dant à différentes températures, les abeisses représen- tent les températures; la force magnétisante est sup- posée égale à 6, 7. Dans la figure 3 elle a une valeur Te Lorve AE | En = 0 100° 200° 3009 * 400° 500° ermperature Fig, 3 différente 6, 4. Il résulte de là qu'à une température inférieure à 5809 l’alliage existe sous deux états diffé- rents, également stables, l’un magnétique, l’autre non. Le changement de l’état non magnétique à l’état magnétique se fait à très basse température; le chan- sement inverse vers 580°, © « Des faits analogues se produisent à un degré plus faible avec l'acier ordinaire; mais dans le passage de l’état non magnétique à l'état magnétique une quan- tité notable de chaleur est dégagée qui cause une élé- vation de température de l'air, » D: J. HopkiNsON. Membre de la Société royale de Londres, 11 est intéressant de rapprocher des résultats de M. Hopkinson ceux qui se dégagent des recherches, ré- sumées dans notre dernier numéro (page 120), de M. H. Le Châtelier, ingénieur en chef des ‘mines. Le tableau ci-joint (fig. 4) traduit les faits qu'il à découverts au 2ohms 0 500 Temperatures Fig. 4. sujet des variations qu'éprouve, aux températures élevées, la ré-istance électrique du fer et de ses allia- ges Les résistances y sont exprimées en ohms et rap- portées à des fils de 4 mètre de longueur et OmOI de diamètre. Les courbes montrent que : 19 À 730% et 559 la résistance électrique du fer et des aciers proprement dits subit une brusque dévia- lion, correspondant aux transformations allotropiques signalées dans le fer doux par M. Osmond; 20 La proportion des matières étrangères alliées au fer ne modifie sensiblement pas les températures aux: quelles se produisent les variations indiquées ; 3 La résistance de lalliage fer manganèse à 13 0/0 subit un changement moins accentué, mais cependant très net vers 700°; Ê 4° La résistance de l’alliage fer et nickel à 25 0/0 se comporte très différemment suivant qu'il y à ou non oxydation de l’alliage. Dans le 17 cas elle varie brus- quement vers 550°, tandis que dans le 2* elle ne subit aucun changement brusque. Il semble que dans le {er cas, l'oxydation porte sur le silicium, contenu en très petite quantité dans l’alliage. 5° La résistance du nickel éprouve un changement brusque vers 340° 6° Celles du platine et du platine rhodié croissent proportionnellement à la température. 0. L. DÉCOUVERTE D’UNE PLANÈTE ENTRE MARS ET JUPITER Le 24 février, M. W. Luther a découvert à l’observa- toire de Hambourg une nouvelle petite planète, la 289° du groupe d’Astéroides qui circulent entre Mars et Jupiter ; ce jour-là elle occupait la position suivante, à 11 h. 49 m. temps moyen de Paris : LOn A7! 37,6 + 149 53! 207 Ascension droite. Déelinaison.. 2-4. 12. Son ascension droite diminue de #8" par jour et sa déclinaison augmente de 6, Le Gérant : OcrAvE Don. Paris.— Imprimerie F, Levé, rue Cassette, 17, 4e ANNÉE N° 6 30 MARS 1890 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCE PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LE DRYOPITHÈQUE ET L'ORIGINE DE L'HOMME En 1856, E. Lartet annonçait à l’Académie des Sciences de Paris la découverte, dans les couches du terrain terliaire de Saint-Gaudens (Haute- Garonne), d’une mâchoire inférieure d'un singe venant se placer « avec des caractères supérieurs à certains points de vue, dans le groupe des Simiens qui comprend le Chimpanzé, l’Orang, le Gorille, les Gibbons et le petit singe fossile de Sansan (Pliopitheeus antiquus). HN différait de tous ces singes par quelques détails dentaires et, plus manifeste- ment encore, parle raccourcissement très sensible de la face. La réduction desincisives, s’alliant à un grand développement des molaires, indique un ré- gime essentiellement frugivore. Le peu que l’on connait d'ailleurs de l’ossature des membres dénote plus d'agilité que d’énergie musculaire. On serait donc ainsi conduit à supposer que ce singe de très grande taille vivait habituellement sur les arbres, comme le font.les Gibbons de l'époque actuelle ; aussi proposerai-je de le désigner par le nom générique de Dryopithecus (de drus, arbre, chène et pithecos, singe). » Lartet ajoutait que l’échan- tillon, qu'il faisait connaitre, lui avait été remis par M. Fonlan et il proposait alors de perpétuer le souvenir de la découverte, si imporlante pour la paléontologie, due à ce naturaliste éclairé, en dési- gnant l’anthropomorphe fossile de Saint-Gaudens - par l'appellation de Dryopithecus Fontani (fig. 1). Le gisement dans lequel avait été découverte la mächoire de Dryopithèque se trouve placé en contre-bas de la hauteur sur laquelle s'élève la ville de Saint-Gaudens et à une très faible distance du petit village de Valentine. Il est constitué ,2r REVUE GÉNÉRALE 1890, un banc d'argile plus ou moins marneuse, suivant les niveaux que l’on considère. Cette argile est Fig. 1, — Maxillaire inféricur de Dryopithecus Fontani, décrit par Lartet, vu de profil et réduit de 1/5. exploitée pour la fabrication de tuiles et c’est pour cela que, depuis bien des années, les paléontolo- gistes qui ont eu l’occasion d'aller à Saint-Gaudens ont pu se procurer quelques ossements mis de côté par les ouvriers. Les débris fossiles paraissent être assez abondants et si nos collections n’en ren- ferment que quelques rares exemplaires, cela tient à ce que la couche au sein de laquelle ils sont con- tenus occupe la portion inférieure du gisement et que dans presque toute son étendue elle offre une composilion telle qu'on ne saurait l’utiliser indus- triellement. Aussi lorsque les ouvriers l’atteignent durant le cours de leurs travaux, ils s'arrêtent, ne l'entament pas et se bornent à recueillir les quel- ques ossements qui apparaissent à sa surface. Au point de vue de leur àge géologique les 6 162 couches de Valentine appartiennent à la portion supérieure de la partie moyenne du Tertiaire moyen. Elles sont postérieures à celles de Sansan et contemporaines de celles de Simorre (Gers) et de la Grive-Saint-Alban (Isère). On y rencontre des restes de Rhinocéros, de Porcins, de Cervidés. Le Macrotherium commun à Sansan s’y retrouve ainsi qu'à Simorre etle Dinotherium qui n'existait pas lors du dépôt de Sansan parait y être très com- mun. Depuis le moment où E. Lartet adressait à l’Aca- démie la note que j'ai rappelé plus haut, nos con- naissances concernant le Dryopithèque ne s'étaient point accrues. Mais tout dernièrement M. F. Re- gnault de Toulouse,qui depuis bien des années s’est occupé, avec beaucoup de succès, de faire des fouilles au sein des cavernes des Pyrénées, eut l’occasion de passer à Saint-Gaudens et il eut la bonne for- tune de trouver chez un habitant de la ville, quine se doutait nullement de la valeur zoologique de l'objet qu'il possédait, un maxillaire inférieur de Dryopithèque dans un très bon état de conserva- tion. Cest cet échantillon, qui lui fut gracieuse- ment offert, que nous avons fait représenter, grace à la bienveillance de M. Gaudry auquel nous en devons la communication (fig. 2 et 3). Fig. 2. — Maxillaire inférieur de Dryopithecus Fontani commu- niqué par M. F, Regnault. Réduit de 1/5. Comme on le voit, cette pièce est beaucoup plus complète que la première sur laquelle la partie antérieure faisait défaut, ce qui empêchait qu'on ne se rendit compte d'une manière exacte de la forme du menton et conséquemment de celle de la face. On avait cru noter que la canine, au lieu d'être proclive comme chez les singes, avait une position plus redressée, qui devait amener une disposition semblable des incisives et on concluait de ce fait que la face devait être raccourcie. Lartet, entraîné par ces suppositions, alla jusqu’à dire que sous le rapport du raccourcissement le Dryopithecus se rapprochait beaucoup du type nègre. M. F. Regnault a remis à M. Gaudry, pour l’étu- dier, le nouveau maxillaire trouvé à Saint-Gau- D'H. FILHOL. — LE DRYOPITHÈQUE ET L'ORIGINE DE L'HOMME dens. Le savant professeur du Muséum a commu- niqué tout dernièrement à l'Académie des Scien- ces (1) le résultat de ses premières observations, qui sont venues modifier, d’une manière absolue, toutes les idées qu'on avait sur les rapports exis- tant entre le Dryopithèque et l’homme. « Ce qu’on remarque tout d’abord dans la nou- velle mâchoire inférieure de Dryopithecus, a dit le savant professeur du Muséum, c’est son allongement qui nécessairement coïneidait avec l'allongement de la mâchoire supérieure et, par conséquent, de la face. La face devait être aussi proéminente que celle du Gorille, plus proéminente que, celle de l’Orang-Outang, du Chimpanzé, beau- coup plus proéminente que celle de la Vénus hot- tentote. «Une seconde différence qui me frappe encore davantage est celle de la place laissée à la langue. C'est quelque chose assurément d’avoir une belle figure, mais il y a pour nous quelque chose de plus important, c'est d’avoir la puissance d’exprimer nos pensées par la parole. La comparaison de la mâchoire du Dryopithecus avec celle des autres grands singes et de l’homme me semble fournir un commencement d'indication pour ce qu’on pour- rait appeler l’histoire de la langue. Fig. 3. — Maxillaire inférieur de Dryopithecus Fontani, commus niqué par M. F. Regnault, vu de face. Réduit de 1/5. «La langue humaine peut s'étendre beaucoup en largeur, parce que la mâchoire inférieure, en forme d’are, laisse un grand espace entre les rangées des arrières molaires; elle s'étend aussi beaucoup en longueur, parce que la paroi du menton est très amincie; elle l’est quelquefois à un tel point qu’elle est translucide au-dessous des incisives ; en outre ———————————————————————————.——— (4) Compt. rend. hebd, Acad. Sc. Paris. 24 février 1890. he D: H. FILHOL. — LE DRYOPITHÈQUE ET L'ORIGINE DE L'HOMME dans les races élevées, sa partie inférieure se porte en avant, formant un bombement très caractérisé dans la partie où s’insère le muscle nommé Aouppe du menton. Comme chacun peut le constater sur soi-même, l'extrémité antérieure de la langue est “habituellement courbée en bas de sorte que l’a- vance de la partie antérieure du menton sert à lui laisser plus de place. (fig. 4). Fig, 4. — Maxillaire inféricur d'homme actucl, vu de face, Réduit. « Souvent, dans les mâchoires des races hu- maines les moins élevées dites prognathes, comme par exemple dans celle de la Vénus hottentote, le menton laisse un peu moins de place pour les Fig. 5. — Maxillaire inférieur de Chimpanzé. Réduit. mouvements de la partie antérieure de la langue et l’espace entre les arrière-molaires est un peu moins large; mais la différence n’est pas très grande. «Chez le Chimpanzé, le bas du menton est porté en arrière; en outre, le ratelier cesse de former 163 l'arc, les deux rangées de molaires deviennent parallèles. La langue a donc moins de place pour s’allonger en avant, pour s'élargir en arrière (fig. 5). « Chez l’Orang-Outang et le Gibbon, il y a pro- portionnellement moins d'intervalle que chez le Chimpanzé entre les mandibules; la langue est donc forcément plus étroite. «Chez le Gorille, il en est de même. En outre, le menton s’est beaucoup épaissi et porté en arrière; le bas de la symphyse se prolonge jusqu'à l'aplomb des premières arrière-molaires. Ainsi la langue a moins de place en avant que dans l’'Orang-Outang et surtout dans le Chimpanzé » (fig. à et 6). Fig. 6. — Maxilluire inféricur de Goxille, vu de face, Réduit. Chez le Dryophithecus l'intervalle entre les mandi- bules paraît avoir été resserré et nous trouvons là un point d'analogie très remarquable avec le Go- rille et par conséquent la langue était étroite et la faculté du langage ne devait pas exister. On se rendra facilement compte de ce fait en se rapportant aux figures, que nous avons jointes aux descriptions précédentes. Malheureusement nous ne pouvons apprécier d’une manière exacte le degré de ce rapprochement, la nouvelle mà- choire de Dryopithèque ayant été comprimée et et assez déformée. Mais malgré tout, en considérant | un maxillaire de Gorille et un maxillaire de Dryo- pithecus dans leur portion antérieure, vue de face, on ne peut qu'être très frappé de l'immense diffé- rence existant entre ces animaux. La symphyse du Dryopithèque est tellement allongée que l'esprit se reporte vers la disposition presque semblable qui existe chez certains porcins et nous pouvons dire qu'elle est plutôt celle d'un pachyderme que celle d’un anthropomorphe. Les différences paraissent encore bien plus grandes si nous éta- 16% D' H. FILHOL. — LE DRYOPITHÈQUE ET L'ORIGINE DE L'HOMME blissons un parallèle avec le Chimpanzé ; et lorsque nous arrivons à l’homme, nous voyons qu'il existe une dissemblance absolue entre ce dernier etle singe de Saint-Gaudens. Les anthropomorphes ac- tuels se rapprochent plus de l’homme que le Dryopithèque, qui possède des caractères très ac- cusés d’infériorité. À celui que je viens de signaler et qui nous montre que le Dryopithèque avait un véritable museau, nous devons joindre ceux tirés de l’examen de la dentition. Sans entrer à ce point de vue dans une étude comparative détaillée, nous ne pouvons nous empêcher de faire remar- quer que les molaires du Dryopithèque, au lieu d'être arrondies comme les molaires humaines, sont allongées d’avant en arrière et leurs éléments coustitutifs ne se groupent pas de la même ma- nière. Au point de vue de ses molaires, le Chim- panzé a plus d'analogies avec l’homme, tandis que Je Dryopithèque en possède d’incontestables avec le Gorille. Le régime de ces animaux devait beau- coup se ressembler. On voit par cette discussion qu’il faut absolu- ment abandonner les idées que nous nous étions faites sur les ressemblances probables ayant dû exister entre le Dryopithèque et l’homme. L’inter- médiaire entre ce dernier et les singes est encore à trouver et quant au Dryopithèque, comme l’a fait judicieusement observer M. A. Milne-Edwards, son attitude était plutôt quadrupède que bipède. Qu'il nous soit permis, en terminant cet exposé rapide des caractères du Dryopithèque ainsi que celui de ses affinités, de remercier M. Gaudry de l’'amabilité avec laquelle il a bien voulu nous com- muniquer les différentes pièces que nous avons fail figurer. M. F. Regnaull a, durant le cours des recherches qu'il a exécutées au sein des cavernes des Pyrénées, trouvé dans la caverne de Malarnaud près Montse- ron (Ariège) un maxillaire inférieur humain, qui élail associé aux débris de la faune ancienne des cavernes, Ahinoceros, Elephas, Ursus spelæus, Felis spelæa, Hyæna spelæa, ete. (fig. 1). J'ai donné une description de cette mâchoire dans le Bulletin de la Société philomatique (1889) et J'ai appelé l'attention sur les caractères très dé- gradés qu'elle possède. Elle correspond comme type à celle de la Naulette, trouvée en Belgique à un niveau semblable. « La mächoire de la Naulette, a dit M. Topinard, a des proportions qui, non seu- lement, ne sont pas humaines, mais sont plus que simiennes; cela tient à la fois à une augmentation réelle de l’épaisseur et à une diminution réelle de | la hauteur, la première étant exagérée par le déve- .— Maxillaire inférieur d'homme trouvé dans la caverne de Malarnaud (Ariège). 7 Fig. loppement simultané des deux lignes oblique ex- terne et oblique interne, qui se correspondent sur les deux faces de l'os. » J'ai recherché le rapport de l'épaisseur à la hauteur prise au nivéau du trou mentonier et j'ai trouvé (la hauteur étant prise pour 100) 60,42 pour le maxillaire de Malarnaud et 91,1 pour celui de la Naulette, d'où il résulte que si la mächoire de la Naulette a des proportions non seulement pas humaines, mais encore plus que simiennes, celle de Malarnaud offre les mêmes caractères à un degré plus exagéré. Le caractère de la mächoire de la Naulette qui avait le plus frappé les anthropologisles était l'absence de menton. L'angle de la symphyse sur cette pièce est de 94°. L’angle symphysaire de la mächoire de Malarnaud est encore plus grand, plus bestial par conséquent. Il atteint 100°, Ia mà- choire étant abandonnée à elle-même, el 4409, la partie antérieure du maxillaire étant abaissée jusqu'à ce qu’elle se mette au contact du plan hori- zontal. Par conséquent la machoire humaine trou- vée à Malarnaud est la plus dégradée, la plus si- mienne que nous connaissions. Il m'a paru intéressant, pour les lecteurs de la #evue, de repro- duire son aspect lorsqu'on la considère de profil, afin qu'ils puissent établir un parallèle entre la mâchoire du Dryopithèque vue dans la même posi- lion et se rendre ainsi compte des différences colossales qui existent entre le plus dégradé des hommes préhistoriques et le singe fossile du Mio- cène moyen du Midi de la France. D' H. Filhol, Sous-directeur à l'Ecole des Hautes-Etudes. LÉON MAQUENNE. — LA SYNTHÈSE DES SUCRES 165 LA SYNTHÈSE De tous les principes immédiats qu’élabore le règne végétal, les plus universellement répandus sont sans contredit ceux qui résultent de l'union exclusive du carbone avec l'oxygène et l'hydrogène unis dans la proportion où ces éléments constituent l’eau H?0; quelle que soit la complication de leur molécule, ces produits, que leur composition auto- rise à désigner sous le nom d’hydrates de carbone, sont tous compris dans la formule générale CeHrO?: A l'état insoluble, sous la forme de cellulose ou d'amidon, ils constituent soit le squelette même de toutes les plantes, soit une réserve alimentaire que le végétal utilise quand sa faculté d'assimila- tion n’est pas en rapport avec la rapidité de sa croissance ; à l’état soluble, ils se rencontrent dans le suc cellulaire en quantité variable et quelquefois assez grande pour servir de base à quelque indus- trie, telle par exemple que la fabrication du sucre ou celle de l'alcool. l Les plus simples des hydrates de carbone sont les matières sucrées et particulièrement les glu- coses CSH!206, dont les mieux connus sont la dextrose, la lévulose et la galactose; les autres peuvent être considérés comme résultant de la soudure de deux ou plusieurs molécules de glucoses, avec élimination d’eau. Tels sont, parmi les bioses ou biglucoses, le sucre de canne et le sucre de lait, qu'on appelle souvent aussi saccharose et lactose : C'2H20t1— CS H!? OS + CS H205— H°0; ED 5 TS a A Saccharose Lévulose Dextrose parmi les frioses ou triglucoses, le rafinose et le mé- lézitose : CHE O1 CHI O6 CÉHEOSE C'H205—2H20. = D D. Raffinose Lévulose Dextrose Galactose Telles sont aussi les matières amylacées, gommes, amidons, celluloses, etc., qui paraissent répondre toutes à la formule (CFH105}", mais dont le degré de polymérisation » est encore inconnu. Quelques-uns de ces composés complexes ont pu être reproduits artificiellement à l'aide des glucoses : c'est le cas surtout des dextrines ; tous se résolvent en un mélange de glucoses quand on leur ajoute les éléments de l’eau. Fait remar- quable, ces deux réactions inverses s'effectuent dans des circonstances analogues, sous l’action des DES SUCRES acides énergiques : il y a là un rapprochemen évident avec le phénomène réversible de l'éthérifi- cation, et la preuve d’un rapport intime entre les différents hydrates de carbone végétaux. Citons enfin, pour mémoire, à côté des glucoses et de leurs produits de condensation, les man- nites CSH!#06, qui ne présentent pas la composi- tion caractéristique des glucoses, mais peuvent les reproduire en perdant par oxydation deux atômes d'hydrogène, Tous ces corps possèdent des propriétés chi- miques semblables : ils renferment plusieurs fois le groupe CH?OH ou CHOH qui caractérise la fonc- tion alcoolique et, par suite, ainsi que l’a fait voir depuis longtemps déjà M. Berthelot, sont capables de s'unir à plusieurs molécules d’un acide quel- conque. En outre, à cause sans doute du caractère électro-négatif que leur communique la grande quantité d'oxygène accumulée dans leur molé- cule, ils forment avec les oxydes métalliques des combinaisons plus stables que celles qui résultent de l'union des mêmes bases avec les alcools ordi- naires. C'est en raison de cette propriété que quelques-uns de ces composés peu solubles, no- tamment les sucrates de chaux, de strontiane et de baryte, sont utilisés dans l’industrie pour extraire le saccharose des mélasses. L'étude des hydrates de carbone n’est donc qu'un cas particulier de celle des glucoses, et l'on devra considérer comme imminente la synthèse de tous ces produits le jour où les glucoses eux- mêmes auront été obtenus de toutes pièces dans nos laboratoires. C'est pour ce motif que nous nous occeuperons surtout iei de ces derniers. Il On a coutume, dans l'étude des combinaisons du carbone, de représenter celles-ci par des figures schématiques qu'on appelle leurs formules de consti- tution. Ces formules, qui ne préjugent en rien la situation dans l’espace des atômes qui constituent telle ou telle molécule, offrent l'avantage de mon- trer immédiatement les relations qui existent entre plusieurs corps voisins, et souvent aussi de prévoir quelques-unes de leurs propriétés, non encore reconnues. C'est ainsi que les formules de constitution admises pour la dextrose, la lévulose et leur produit d’hydrogénation commun, la mannite, font voir que cette dernière, renfermant six oxhydryles OH, possède six fois la fonction d'al- cool, et que la dextrose et la lévulose représentent 166 LÉON MAQUENNE. — LA SYNTHÈSE DES SUCRES ses monoaldéhydes, primaire dans le premier cas, secondaire dans l’autre : CH?OH CH?OH CH?OH CHOH CHOH CHOH CHOH CHOH CHOH CHOH CHOH CHOH CHOH CHOH CO CH2OH CHO CH2OH Cherchons s’il ne serait pas possible de fonder quelque méthode de synthèse sur ces premières indications théoriques. Wanklyn et Erlenmeyer ont les premiers rat- taché la mannite à l’un des carbures du pétrole, l'hexane normal C$H!#,en montrant que, sous l’ac- tin de l'acide iodhydrique, elle se transforme en iodure d'hexyle ou hexane monoiodé CHI, Or, traite-t-on l'hexane par un haloïde, le chlore ou le brome, puis par un alcali, tel que la potasse, on le transforme en un alcool monoatomique, si la substitution n’a porté que sur un seul groupe hydrocarboné de la molécule primitive : CH* CH?CI CH20OH CH? CH: CHE CH CH: CH? CH? CH CHE CH? CH CH? CH CH CH° Fr Alcool normalk monochloré hexylique Il suffirait évidemment de répéter cinq fois en- core la même opération pour arriver à la mannite CSH1406; malheureusement la molécule devient plus altérable à mesure qu'elle s'enrichit en oxy- gène, et, en pralique, il parait impossible de passer de l'hexane hexachloré CFHSCIS à la man- nite CSH$ (OH). 2 question présente donc, au point de vue chi- mique, cet intérêt tout spécial de ne pouvoir se résoudre par les méthodes classiques en usage pour effectuer la synthèse des alcools. III Au point de vue physiologique, la synthèse des sucres est peut-être plus importante encore. En effet, répandus à profusion dans tous les organes végétaux, ces composés paraissent être en rapport immédiat avec la fonction chlorophyllienne, qui est l’origine même de la matière organique, et, par conséquent, de la vie dans la nature. Comment pouvons-nous concevoir leur produc- tion aux dépens de la matière minérale ? L'expérience montre que, dans le phénomène de l’assimilalion, les feuilles vertes dégagent un vo- lume d'oxygène égal à celui de l'acide carbonique qu'elles absorbent, et, comme d’autre part elles sont impuissantes à décomposer l’oxyde de car- bone, il est vraisemblable que cet oxygène pro- vient à la fois de l’eau et de l’anhydride carbo- nique : en d’autres termes on est conduit à admettre que la décomposition porte sur l’hydrate normal CO (0H}, qui, perdant deux atomes d'oxygène par molécule, laisse comme résidu un hydrate de car- bone, isomère des glucoses. La réaction se passerait conformément à la for- mule très simple : nCO(OH}—20+(CH0)", dans laquelle » peut prendre toutes les valeurs possibles depuis l'unité. Le premier terme de cette série d’hydrates de carbone serait l’aldéhyde méthylique CH°O qui, en raison de sa simplicité même, n'admet pas d'isomère; les autres résulteraient de la polymé- risation progressive de cette aldéhyde, et on con- çoil aisément que parmi eux se trouve un glucose CSH'205. Cette manière de voir, primitivement énoncée par Baeyer (1), reprise ensuite par Würtz, a été combattue par un grand nombre de physiolo- gistes qui, observant que les aldéhydes exercent en général une action funeste sur la végétation, se refusaient à admettre la présence, même passa- gère, d'un pareil corps dans les tissus vivants. Cette objection suffirait, en effet, à faire rejeter l'hypothèse de Baeyer, s’il était nécessaire que l'al- déhyde méthylique subsistât en nature pendant quelque temps après sa formation; elle n’a plus aucune valeur si l’on admet qu’elle se transforme immédiatement, et l’altérabilité extrème qu’elle manifeste au contact de la plupart des réactifs rend cette supposition des plus vraisemblables. D'ailleurs, s’il est vrai que l'aldéhyde méthylique est le point de départ de la synthèse des sucres, si ceux-ci résultent réellement de la condensation de cette sorte d'hydrate de carbone élémentaire, on doit pouvoir retrouver dans les plantes quelque trace du passage des corps intermédiaires entre l'aldéhyde méthylique et les sucres, sous la forme d’un quelconque de leurs produits de transforma- tion, et cela pour toutes les valeurs possibles de ». Or, c’est précisément ce qui a lieu. L'auteur de cet article a réussi, il y a quelques années, à extraire de lalcool méthylique des (1) Berichte, IL, 68 (1870). LÉON MAQUENNE. — LA SYNTHÈSE DES SUCRES feuilles de différentes espèces, par simple distil- lation avec l’eau (1); il est inutile d’insister sur les rapports évidents qui existent entre cet alcool et l'aldéhyde méthylique. Les alcools polyatomiques ne sont pas moins répandus chez les plantes : la glycérine C'HFO*, qui représente un trialcoo!l, fait partie de tous les corps gras; les lichens renferment un principe particulier, l'érythrite C*H!°0#, qui possède la fonc- tion de quadrialcool. L’arabinose CSH!°0$ et son isomère la xylose, qui tous deux dérivent des gommes, les glucoses proprement dits CH1?06 se rencontrent à peu près partout. Enfin, la perséite C'H!60T, particulièrement abondante dans les fruits du ZLaurus persea, cons- titue l’heptaalcool correspondant à un homologue supérieur des glucoses, non encore isolé, mais prévu par la théorie. Il nous semble que cette succession régulière de polyalcools C'H*#0", accompagnés souvent de leurs aldéhydes C'H*’0", pouvait déjà servir d'appui très sérieux à l'hypothèse de Baeyer; les expé- riences qu'il nous reste à décrire vont aflirmer davantage encore son exactitude. IV M. Grimaux le premier a fait voir l’analogie qui existe entre les glucoses el les alcools-aldéhydes inférieurs : en soumettant la glycérine CH OH | CHOH | CH20H à l’action oxydante du noir de platine, il a réussi à la transformer en un corps qui réduit la liqueur de Fehling à la façon des glucoses et fermente comme eux sous l’action de la levüre (2). Pour déterminer la véritable nature de ce pro- duit, il est nécessaire de l’engager en combinaison avec la phénylhydrazine CFHSAz?, réactif par excel- lence des aldéhydes et des acétones. On sait que les glucoses, chauffés avec une disso- lution d’acétate de phénylhydrazine, donnent nais- sance à autant decomposésisomériques G!*H??2Az10* connus sous le nom de phénylylucosazones où plus simplement de glucosazones, qui se forment d’après l'équation suivante : CSH1205—+ 9 C5 HS Az? — CH? Az 0*+L2H°0 + 2H. = D Phénylhydrazine Glucose Glucosazone Or, le produit d’oxydalion de la glycérine donne dans les mêmes circonstances une osazone qui (1) Comptes rendus, CI, 1067 (1883). (2) Comptes rendus, CIV, 1276 et CV, 1175 (1883). 167 répond à la formule CH!6Az'0 ; il en résulte qu'il renferme un hydrale de carbone C*HfO*, l’aldéhyde glycérique ou la dioryacétone, CH?0H CH°0OH [ [ CHOH ou CO | l CHO CH? OH, peut-être un mélange de ces deux isomères. Quelle que soit d’ailleurs sa structure molécu- laire, à cause de la similitude de propriétés que l’on observe entre cette substance et les glucoses on doit la considérer comme un véritable sucre : c’estle premier par ordre de date des corps fer- mentescibles obtenus par synthèse. Le poids moléculaire des glucoses est exacte- ment double de celui de l’aldéhyde glycérique; on pouvait donc espérer, en polymérisant cette der- nière, reproduire un véritable glucose : cette Lrans- formation prévue a été réalisée par MM. Fischer et Tafel en partant, soit de l'aldéhyde glycérique elle- même, soit du bibrômure d'acroléine C*H*Br°0 qui représente son éther bromhydrique saturé (1). La découverte de l’aldol (aldéhyde oxybutyrique), par Würtz, nous a appris que certaines aldéhydes peuvent doubler leur molécule au contact de réactifs appropriés, en formant un nouveau corps à fonction mixte, qui est à la fois aldéhyde et alcool secondaire. ( CH CH | CHo CHOH (CR CH? | CHO CHO 2 molécules 1 molécule aldéhyde aldol L'aldéhyde glycérique est susceptible de se mo- difier de même en présence des bases fortes : on constate alors que ses propriétés réductrices, d’abord très énergiques, s’atténuent peu à peu. Lorsque la liqueur ne précipite plus qu'à l'ébulli- tion le tartrate cupropotassique, la polymérisation est achevée : l'aldéhyde glycérique (ou la dioxyacé- tone) est convertie en un mélange de deux corps isomères des glucoses, que Fischer et Tafel ont appelés l’x et le acrose. Le premier seul de ces sucres synthétiques a été isolé; pour l’extraire du mélange précédent, on chauffe le liquide, préalablement neutralisé, avec un excès d’acétate de phénylhydrazine : bientôt il se précipite des aiguilles jaunes de phénylacro- sazone CH22Az:0* que l’on purifie par plusieurs cristallisations successives. Deux méthodes se (4) Berichte, XX, 1093, 2567 ct 3388 (1887); /bid., XXI, 359 (1889). 168 LÉON MAQUENNE. — LA SYNTHÈSE DES SUCRES présentent alors pour achever la préparation : ou bien on traite la phénylacrosazone par l'acide acétique et la poudre de zinc, ce qui donne de l’ammoniaque, de l’aniline et une base particu- lière, l'acrostmine CSH'*AzO, que l'on décompose ensuite par l’acide azoteux; ou bien, ce qui est préférable, on transforme d'abord l’acrosazone en acrosone CFH'"Of au moyen de l'acide chlorhydrique concentré, puis on soumet l’acrosone à l'action de l'hydrogène naissant. Les formules suivantes indiquent la marche de ces réactions successives : I. C#H#Azt0t+ 6H + H°0 — —AzH+9C5HTAz+ CSH Az OS Acrosazone Acrosamine CSHAz OH AzO?H—2Az + H°0 + CH205 De. Acrosamine 11. CI8H?2Azt0*+ 2H C1+2H20 — — 2 (C5 H% Az? H CL) + C'H:°05 D D'Un. à ee on. Acrose Acrosazone Chlorhydrate Acrosone de phénylhydrazine CH OS 2H— CH" 06 __——— a Acrosone Acrose Les mêmes composés, c’est-à-dire l’& et le & acroses, ont été obtenus également avec le bibrô- mure d’acroléine, sous l’action de la baryte. Il est probable qu'ici le bibrômure C*H‘OBr? se trans- forme d’abord en aldéhyde glycérique C*H*O(OH)? par substitution de deux oxhydryles aux deux atômes de brôme, puisqu'il s'effectue une polymé- risation semblable à celle dont nous venons de parler. Ce second mode d'obtention des acroses équi- vaut donc théoriquement au premier. Dans tous les cas, l’4 acrose constitue un sirop incristallisable, de saveur sucrée, qui fermente avec la levüre de bière, réduit à chaud la liqueur de Fehling, se combine comme toutes les aldéhydes avec la phénylhydrazine en donnant la phényl- acrosazone C'SH??Az'0* isomérique de la phényl- glucosazone, qui peut enfin fixer deux atômes d'hydrogène et se convertir en un alcool CH1*O6, que les auteurs ont primitivement désigné sous le nom d'acrite et qui n’est autre que la mannite inac- tive par compensation. Tous ces caractères sont ceux des sucres réduc- teurs en Cf. La seule propriété qui distingue les glucoses naturels des acroses est l'absence chez ceux-ci de tout pouvoir rotatoire; il n’y à pas lieu d’ailleurs de s’en étonner, car la synthèse des corps asymé- triques ne donne jamais lieu qu'à des inactifs par compensalion, et, de même que l'acide racémique de synthèse a pu être dédoublé en acides tartriques actifs, de pouvoirs rotatoires inverses, nous allons voir bientôt que ces différents produits peuvent se résoudre en corps actifs identiques à ceux que nous offre la nature. À V Il résulle de ce qui précède que la synthèse d'un glucose est enfin réalisée par des moyens purement chimiques. Mais, malgré l'importance considérable des recherches que nous venons d’analyser, elles laissent encore indécise une partie de la question, celle qui touche à la physiologie, à la production naturelle des sucres. Nous venons de voir la glycé- rine se convertir, par une sorte d'aldolisation, en un corps réducteur en Cf; mais quelle est l’origine de la glycérine chez les plantes, et comment expli- quer, par ce qui précède, la formation des matières sucrées dont le poids moléculaire n'est pas un multiple exact de celui de l’aldéhyde glycérique, notamment de l’érythrite C*H!0*, de l’arabinose C°H10* et de la perséite C'H!507 ? On doit à M. Kiliani une observation curieuse relative à la transformation des sucres en leurs homologues supérieurs : en traitant par l’amal- game de sodium un produit d’oxydation de l’acide arabinose-carbonique CH®07, la lactone méta- saccharique CSH0, cet auteur a oblenu une man- nite, qui se trouve ainsi dérivée de l’arabinose, c’est-à-dire d’un corps en Cÿ (1). Cette réaction, considérée d’abord comme un fait isolé, a élé tout récemment généralisée par M. Fischer : les acides que l’on obtient en oxydant les sucres à fonction d’aldéhyde se laissent tous réduire par l’amalgame de sodium; leur groupe acide CO*H se trouve ramené à l’état d’un groupe alcoolique primaire CH?OH, et ils se changent en un poly-alcool à fonction simple, en une mannite ou en un homologue des mannites (2). Remarquons en passant que cette métamorphose était absolument inattendue, les acides propre- ment dits résistant d'ordinaire à l'action des agents réducteurs : il y a évidemment, chez les corps dont nous venons de parler, une sorte d’in- fluence prédisposante à la réduction qu'il faut attribuer sans doute à la grande quantité d'oxygène qu'ils renferment. S'agit-il donc de passer de l’arabinose C'H10ÿ aux glucoses C6H!206, on commencera par con- vertir l'arabinose en un nitrile au moyen de l'acide cyanhydrique ; par l'hydrate de potasse on trans- formera ce nitrile en acide arabinose carbonique ; on réduira ce dernier par l’amalgame de sodium à l’état de mannite, qui, enfin, en perdant deux - ) Berichte, XX, 2710 (1887). ) (4 (2) Berichte, XXII, 2204 (1889). te TNT pm. Spin da Rd ne nn ON ÉR_S . PE RTE LÉON MAQUENNE. — LA SYNTHÈSE DES SUCRES 169 atômes d'hydrogène, donnera un isomère des glucoses. Les réactions se passent conformément aux for- mules suivantes : C'H105 + CAzH— CH! OCAz ————— —— Arabinose Nitrile arabinosecarbonique SH 0SCAz-+2H°0— AzH°-+ C5 H1?07 Nitrile Acide arabinosecarbonique arabinosecarboniquo CSH207-L 4H — H°0 + CSH* 09 RS —— Acide Mannite arabinosecarbonique CH: 05 —9H—CH206 Mannite Glucose La même méthode permettrait évidemment d'effectuer la synthèse d'une perséite en passant par l'intermédiaire d'un acide glucose-carbo- nique CH!*0%, mais il faut bien remarquer qu’elle exige l'emploi de l'acide cyanhydrique, dont le rôle dans la synthèse végélale est encore plus que douteux : les réactions de Fischer paraissent être surtout des procédés de laboratoires, fort intéres- sants, sans aucun doute, mais incapables de donner la solution du problème physiologique que nous nous sommes posé au début. Si d’ailleurs la synthèse naturelle des sucres s’effectuait ainsi, on devrait rencontrer dans les tissus végélaux quelques-uns de ces nitriles ou de ces acides relativement stables qui constituent les termes de passage nécessaires entre les différents sucres : jusqu'à présentils n'y ont pas été signalés. Il nous faut donc chercher ailleurs la clef de ces métamorphoses, en même temps qu’une origine simple de l’aldéhyde glycérique, point de départ de toutes les recherches de M. Fischer. Revenons à l’aldéhyde méthylique CH°0, le pre - mier hydrate de carbone, dont nous avons admis la formation possible dans les cellules chlorophyl- liennes, au moment même où s’accomplit la dé- composition de l'acide carbonique. On obtient assez facilement ce corps, en solution aqueuse, par la combustion incomplète des vapeurs de l'esprit de bois, en présence de mousse de platine ou d’oxyde de cuivre. Si l’on évapore à froid une semblable dissolution, ou bien si on la traite par un léger excès d’ammoniaque, on voit se produire des com- posés qui renferment CHfO* ou CfH'?Az: : ce sont le trioxyméthylène, l’homologue inférieur de la paraldéhyde, et l'hexaméthylène-amine. Ces corps n'ont rien de commun avec les sucres; mais leur existence montre combien l'aldéhyde méthylique se polymérise aisément et permet d'es- pérer, dans d’autres circonstances, une véritable aldolisation comme celle qui transforme l’aldéhyde glycérique en acrose. REVUE GÉNÉRALE, 1890. Aussitôt après la découverte de l’aldol, Würtz avait pressenti l'importance que devait prendre plus tard l’aldéhyde méthylique dans l'étude et la synthèse des sucres, et il essaya d'appliquer à cette substance la méthode qui lui avait permis de po- lymériser l’aldéhyde ordinaire. Il n’y réussit pas : c'est qu'en effet l’aldéhyde méthylique, de même que l’aldéhyde glycérique, ne se modifie qu'en liqueur alcaline, alors que l’aldol prend seulement naissance au contact des acides (1). Boutlerow essaya le premier de faire agir les alcalis sur l’aldéhyde méthylique; en traitant ce corps par la baryte, il oblint, en même temps que du formiate de baryum, un produit qui parait ré- pondre à la formule CFH!0° des matières amyla- cées et qui a recu le nom de méthylenitane (2). Très éloigné encore des glucoses par l’ensemble de ses caractères, le méthylenitane représente déjà un produit de condensation stable de l'al- déhyde méthylique, car il ne peut plus régénérer celte dernière sous l’action de la chaleur, ainsi qu'il arrive avec le trioxyméthylène : c'est, en un mot, le premier hydrate de carbone que l’on ait pu obtenir à l’aide de l’aldéhyde méthylique. Plus récemment, M. Loew reprit l'étude de cette réaclion, el, en modifiant légèrement le procédé de Boutlerow, parvint à préparer d’autres produits de synthèse qui, cette fois, peuvent être considérés comme de véritables sucres (3). Pour les obtenir, il suflit d'ajouter un excès de chaux éteinte à une solution d’aldéhyde méthy- lique. étendue de manière à contenir environ 3 ?/, de son poids de substance active; après quelques jours de repos, à la température ordinaire, on constate que l’odeur piquante de laldéhyde primi- tive a disparu et que le liquide précipite abondam- ment la liqueur de Fehling à l’ébullition : il ren- ferme alors un isomère des glucoses que l’auteur a nommé formose, pour rappeler d'où il dérive. On isole la formose de ses dissolutions brutes en saturant celles-ci par l'acide oxalique, qui sépare la chaux dissoute, et en reprenant le résidu par l'alcool, qui dissout la formose et laisse le formiate de calcium qui l'accompagne toujours: Finalement on obtient un sirop incolore, forte- ment sucré, qui réduit la liqueur de Fehling à la facon des glucoses dont il possède du reste la plu- part des propriétés : il brunit quand on le chauffe avec la potasse, donne un précipité avec le sous- acétate de plomb ammoniacal et avec l’alcoolate de baryte; il forme une combinaison cristalline avec le chlorure de sodium, etc. (1) Comptes rendus, t. LXXIV et LXXVI. (2) Annalen der Chemie, CXX, 295. (3) Journ. für pralt. Chemie, XXXII, 321 et XXXIV, 54; Berichte, XXI, 214 et XXIT, 470. ç* 170 LÉON MAQUENNE. — LA SYNTHÈSE DES SUCRES La formose, cependant, ne renferme pas de glu- cose proprement dit, au moins lorsqu'on la pré- pare à l’aide de la chaux : elle est incapable de fermenter en présence de la levûre et ne donne pas d’amidon lorsqu'on la fait absorber par une feuille vivante. Remarquant en outre que, au contraire des glu- coses. la formose ne donne pas d'acide lévulique quand on la chauffe avec l'acide chlorhydrique, Tollens a cru devoir écarter cette substance des sucres, sans indiquer d’ailleurs la raison de leur iso- mérie (1). Il nous est impossible de le suivre dans cette discussion, qui ne nous conduirait à aucun résultat précis : la formose dont nous venons de parler est en effet un mélange de plusieurs iso- mères et probablement aussi de plusieurs homo- logues. En traitant une dissolution de formose brute par l'acétate de phénylhydrazine, à la température du ‘bain-marie, Loew avait obtenu, dès le début de ses recherches, une combinaison paraissant répondre à la formule C#H??2Az'0%, différente par conséquent des osazones glucosiques, qui renferment toutes quatre atomes d'oxygène. Fischer a fait voir que ce composé est un mé- lange d'au moins trois osazones distinctes dont deux présentent certainement la même composi- tion que les dérivés hydraziniques des glucoses na- turels (2). Il suffit, pour séparer ces différents corps, de soumettre le produit brut à l’action des dissol- vants neutres : l’éther ordinaire ou l’acétate d'é- thyle s'emparent d’un premier produit, fusible à 14%, que l’auteur désigne sous le nom de phényl- formosazone et qui renferme CH??Az;0* comme la phénylglucosazone ordinaire. Le résidu peu soluble dans l’éther donne à l’a- nalyse des résultats qui ne concordent avec aucune formule admissible : il représente donc encore un mélange. Enfin, si l’on traite successivement l’osazone de Loew par l’eau bouillante et l'alcool, on arrive à en extraire un nouveau composé, isomérique aussi de la phénylglucosazone et qui fond comme elle, à 204°-205°, Fischer a démontré que ce produit est identique à la phénylacrosazone dérivée de lal- déhyde glycérique; la formose renferme done, parmi ses composants, une certaine quantité d’a- crose C°H1206, Ce dernier corps parait se former plus aisément lorsque, dans la préparation de la formose, on remplace la chaux par des oxydes métalliques à réactions moins vives; c’est ainsi que Loew, en traitant une solution d'aldéhyde méthylique par la (4) Berichte, XIX, 2573 et XX, 2614. (2) Zbid. XXI, 989 et XXII, 359. magnésie et le sulfate de magnésie, en présence de plomb grenuillé, a pu obtenir une variété de for- mose qui fermente immédiatement au contact de la levüre en donnant, comme les glucoses véri- tables, de l'acide carbonique et de l’alcool. Ce composé est encore identique à l’acrose de Fischer, dérivé de l’acroléine ou de l’aldéhyde gly- cérique. En résumé, les bases alcalines transforment, à froid, l’aldéhyde méthylique en un mélange de dif- férents hydrates de carbone comparables aux sucres réducteurs : les uns sont isomériques des glucoses; les autres, non encore isolés, donnent des osazones moins riches en oxygène et renfer- ment probablement des polymères moins com- plexes que les glucoses, mais compris comme ces derniers dans la formule générale C*H?0*, Rien alors n’est plus naturel que d'admettre aux dépens de l’aldéhyde méthylique la formation momentanée de l'aldéhyde glycérique qui, comme dans les ex- périences de Fischer, se polymérise à son tour, sous l'influence de l'excès d'aleali, et se convertit en acrose. VI Toutes les recherches synthétiques que nous venons d'examiner conduisent au même corps, l'« acrose C6H206, qui présente tous les caractères d'un glucose inactif; il ne restait plus, pour ob- tenir enfin un sucre identique à ceux que nous rencontrons chez les plantes, qu'à transformer l’acrose en ses isomères actifs; c'est ce que vient de réaliser M. Fischer, en profitant de toutes les réactions que nous avons exposées ci-dessus et dont la plupart ont été découvertes par lui. Dans un mémoire magistral où la finesse des observations ne cède en rien à la rigueur du rai- sonnement (1), M. Fischer commence par rappeler que la mannose où séminose, substance isomérique des glucoses, que l’on obtient en oxvdant la man- nite ou en traitant l’ivoire végétal par l’acide sul- furique étendu et bouillant, donne par oxydation un acide particulier, l'acide mannonique, qui pré- sente la même composition que l'acide gluconique CSH207. Ce corps, qui est dextrogyre, se combine avec l’acide arabinose-carbonique lévogyre en donnant un acide racémomannonique, inactif par compensation. D'autre part l’auteur établit que l’« acrose ne peut être qu'un lévulose inactif ; par suite l’acrite doit être une mannite inactive, et en effet, si on l'oxyde, on oblient d’abord une mannose inactive, puis un acide racémomannonique, identique au précédent, qui se trouve être ainsi préparé par synthèse. (1) Berichte, XXII, 370. LE UE A PES écreree pal te té LÉON MAQUENNE. — LA SYNTHÈSE DES SUCRES 171 Inversement, l'acide racémomannonique peut être dédoublé en ses composants actifs : il suffit pour cela de faire cristalliser ses sels de strychnine ou de morphine : on obtient séparémentles manno- nates droit et gauche, très inégalement solubles, d’où il est facile ensuite d’extraire les acides. Ceux-ci, réduits par l’amalgame de sodium, donnent les deux mannoses actives et les mannites droite et gauche; la mannose droite, qui n’est autre que la mannose naturelle, donne avec l’acétale de phénylhydrazine un précipité de glucosazone ordinaire qui, enfin, par les procédés connus, peut être transformée en lévulose identique à celle que donne l’inuline ou le sucre de cannes. Ajoutons que, à côté de ces produits, nous voyons apparaitre leurs isomères optiques inconnus jus- qu'à présent, par exemple la lévulose dextrogyre, qui reste comme résidu lorsqu'on soumet la lévulose inactive à la fermentation alcoolique, la mannose lévogyre et la mannite correspondante, que l’on n'a encore rencontrées dans aucun organisme et dont on ne soupconnait même pas l’existence. La synthèse des glucoses est donc en tous points parallèle à celle des acides tartriques : impuis- santes à produire directement des corps actifs, ainsi que l'a si judicieusement fait remarquer M. Pasteur, nos méthodes de laboratoire peuvent néanmoins donner de$ substances dédoublables, que les êtres vivants ou certaines actions physiques séparent et qui se trouvent alors identiques aux véritables principes immédiats naturels. Le tableau suivant, emprunté presque sans mo- dification au Mémoire de M. Fischer, résume tout l’ensemble des métamorphoses que nous venons de signaler et qui conduisent de la lévulose inactive à la lévulose gauche ordinaire. LÉVULOSE INACTIVE OU a4-ACROSE (SYNTHÈSE DIRECTE PAR L'ALDÉHYDE MÉTHYLIQUE OU L'ALDÉHYDE GLYCÉRIQUE) par fermentation par | réduction par C5 HS Az? Lévulose droite | par CSHS A7? Phénylglucosazone droite (2) | par Az OH Mannose inactive | par Br Ac, mannonique inactif Mannite in. (æ-acrite) Phénylglucosazone in, (2) | par HCI Glucosone inactive | par réduction Lévulose in, régénérée par dédoublemennt des sels | de morphine et de strychnine Ac. arabinose-carbonique Ac. | par réduction Mannose gauche | par réduction Mannite gauche (1) Mannite droite ord, (1) La dextrose et ses dérivés, tels que l’acide gluco- nique et l'acide saccharique, n’ont pu être encore reproduits artificiellement; sans nul doute ils le seront dans un avenir très prochain, venant ainsi compléter la synthèse des sucres qui se rattachent à la mannite ordinaire. La synthèse des bioses, trioses ou dextrines, pa- rail moins simple que celle des glucoses : nous ignorons, en effet, la structure moléculaire de la plupart de ces composés. Faut-il les considérer comme des aldols, des éthers mixtes ou des acé- tals? L'avenir seul pourra permettre de choisir entre ces différentes hypothèses. (1) Examinée en présence de borax. {2) Solutions acétiques. par réduction | mannonique droit | par réduction Mannose droite ou séminose par CS HS Az? Phénylglucosazone gauche ord, (2) par H CI | par réduction Glucosone ord, Isoglucosamine | par réduction par AzO?H | | Lévulose gauche ord. Quelques auteurs, entre autres MM. Musculus (1), Gautier (2), Schützenberger (3), Grimaux et Le- fèvre (4), ont obtenu des polyglucoses incristalli- sables, de l’ordre des dextrines, en traitant la dextrose ou la galactose par les acides forts, dans des conditions spéciales. M. Grimaux pense même avoir réalisé la synthèse du maltose CH?0! par une réaction de ce genre, mais les recherches dans cette voie sont encore trop peu avancées pour que nous insistions davantage. Nous avons voulu simplement faire voir, dans cel exposé succinct, que la reproduction des (1) Berichte, XIV, 850. (2) Bull. Soc. chim., XXII, 145. (3) Zbid., XII, 204. (4) Comptes rendus, CIII, 146. 172 G. BIGOURDAN. — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE poly-alcools supérieurs est possible et que les mé- thodes employées à cet effet jettent un jour nou- veau sur les phénomènes qui président à la syn- thèse naturelle des hydrates de carbone. A ce double point de vue les travaux que nous venons de rappeler présentent un intérêt considé- rable ; et s’il est vrai que jusqu’à présent ils n’ont pu donner que des sucres à 6 atômes de carbone, on peut considérer comme proche le moment où la synthèse aura enfin reproduit tous les autres el fourni la solution définitive de l’un des pro- blèmes les plus importants de la chimie orga- nique et de la physiologie. Léon Maquenne, Aidc-naturaliste au Muséum. REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE Dans ces dernières années, l’Astronomie n'a pas enregistré de ces découvertes brillantes qui s'im- posent à l'attention générale, telles, par exemple, que la découverte de Neptune par Le Verrier et de l'Analyse spectrale par Kirchhof et Bunsen. Toute- fois, pour être d’un ordre plus modeste, les décou- vertes récentes n'en ont pas moins fait faire à la science de remarquables progrès. Devant nous, l'Astronomie physique s’est déve- loppée rapidement, tandis que l’Astronomie de posi- tion, obligée par sa nature à rechercher surtout une précision de plus en plus grande, s’enri- chissait avec plus de lenteur. Mais la photographie est venue lui offrir un procédé à la fois rapide et précis qui lui promet dans peu d'années un déve- loppement tout à fait inespéré. En même temps, les méthodes d'observation se perfectionnent, les instruments deviennent de plus en plus puissants, et des observatoires se fondent dans tous les pays. Aussi serait-il difficile d'énumérer brièvement les progrès qui viennent d'être réalisés dans toutes les directions. Ayant récemment consacré un article aux Comètes dans cette Revue (1)nousnous limiterons pour le moment au système solaire en laissant même de côté ce qui a rapport à la Terre et à la Lune son satellite. I. — SOLEIL Depuis la découverte des taches solaires, on sait que le Soleil tourne sur lui-même en 25 jours 4. beaucoup plus tard, on s’est aperçu que les taches voisines de l’équateur font un tour complet en moins de temps que celles des latitudes élevées, de sorte que la durée de rotation augmente quand on passe de l'équateur aux pôles. M. Wilsing vient de déterminer la durée de la rotation du Soleil, non plus à l'aide des obser- vations de taches, mais par celles des facules, dont la persistance était déjà connue. Contrairement à (4) Voyez à ce sujet, p. 65 de la Revue (n° 3). toute attente, il a trouvé ainsi la même vitesse de rotation (25 j. 5 h. 28 m.) pour tous les points de la surface solaire. Ce résultat, très important au point de vue de la théorie physique du Soleil, montre que la loi de rotation, déduite du mou- vement des taches, est bornée à une couche assez mince de l'enveloppe solaire, tandis que le gros de la masse tourne tout d’une pièce, sans doute . avec la vitesse constante que révèle l’observation des facules. On a remarqué de très bonne heure que le nombre des taches varie beaucoup d’une époque à une autre, mais c’est en 1851 seulement que fut faite, par Schwabe, de Dessau, la découverte capi- tale de la périodicité du nombrè des taches. On sait que la période est de 11 ans{, mais on n’en connaît pas la cause. En 1889 a eu lieu un mini- mum, pendant lequel le Soleil est resté quelque- fois près d'un mois sans présenter des taches. Maintenant, leur nombre va augmenter graduel- lement jusqu'en 1894, pour rediminuer ensuite jusqu’en 1900. La durée de cette période est assez incertaine, d'abord parce qu'on ne peut indiquer avec précision l’époque exacte d’un maximum ou d’un minimum; en outre, il paraît bien établi qu'il se superpose à la période principale de 41 ans d’autres périodes 6 ou 8 fois plus longues, sur les- quelles on n’aura de données certaines que lorsque ‘les observations s’étendront sur un laps de temps plus considérable. Les taches ne se montrent pas indistinctement sur tous les points de la surface du Soleil, mais elles se concentrent surtout sur deux zones, appe- lées quelquefois zônes royales, situées de part et d'autre de l'équateur solaire, et comprises entre les latitudes de + 5° et + 30°; en outre, la distribution des taches en latitude suit une loi liée à la période de 11 ans5: Un peu ayant le minimum, ii n'ya de taches que près de l’équa- teur solaire (entre + 5" et — 5°); à partir du mi- nimum, les taches, qui avaient déserté depuis Li CUT re : . G. BIGOURDAN. — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 173 longtemps les hautes latitudes, s’y montrent brus- quement, vers Æ 30°; puis se multiplient un peu partout entre les limites de + 5°et Æ 30°,jusqu'au moment du maximum, mais en moyenne, leur latitude diminue constamment jusqu'à l’époque du nouveau minimum. D'ailleurs, cet ordre gé- néral est parfois troublé et M. Spærer vient de signaler une perturbation considérable dans l’en- semble des taches, de 1672 à 1713, pendant près d’un demi-siècle : les taches furent alors excessi- vement rares et ne parurent que sur l’hémis- phère sud du Soleil. Depuis longtemps on a cherché si les taches solaires produisent sur la Terre des effels no- tables : c’est ainsi que W. Herschel essaya d’éta- blir un rapport entre Le prix du blé et le nombre des taches. La recherche de cette influence sur les phénomènes terrestres n’a donné de résultat que depuis la découverte de la périodicité des taches ; mais le seul obtenu indiscutablement jusqu'ici, la relation avec le magnétisme terrestre, est de la plus haute importance. On sait qu’en chaque lieu, la direction de l’ai- guille aimantée n’est fixe qu'à peu près; en l’obser- vant avec soin, on la voil varier presque continuel- lement. Parmi ces petits changements, il en est un qui se dégage sans peine, la variation diurne, ainsi appelée parce qu’elle se reproduit tous les jours et dont voici l’allure générale dans l'hémis- phère nord : entre le lever du Soleil et une ou deux heures de l’après-midi, le pôle nord de l’ai- guille se porte vers l’ouest ; il revient ensuite vers l'est, passe par sa position moyenne vers 10 heures du soir et reste à peu près stationnaire pendant la nuit. L’amplitude de cette oscillation diurne, plus faible en hiver qu’en été, varie beaucoup d'un lieu à un autre ; mais sa valeur moyenne, pour un lieu donné, croit et décroit assez régulièrement pen- dant une période de 11 ans, qui coïncide avec celle des taches solaires, de sorte que les maxima et les minima des oscillations magnétiques corres- pondent aux maxima et aux minima du nombre des taches. Dans ces dernières années, on s’est aperçu que la dépendance est plus intime encore; dès qu’une belle tache se montre sur le Soleil, les pertur- bations de l'aiguille aimantée deviennent de plus en plus grandes. D'après les recherches que vient de publier M. Marchand, de l'Observatoire de Lyon, les régions principalement actives du Soleil sont celles où se trouvent des groupes de facules, et le passage d’une de ces régions par le méridien central (par suite de la rotation du Soleil) corres- pond au maximum d'intensité d'une perturbation magnétique, et réciproquement. Des travaux récents ont prouvé l’existence, dans les variations du magnétisme terrestre, d’une pé- riode d’environ 26 jours, coïncidant avec la du- rée de la rotation du Soleil; mais ici la concor- dance n’est pas aussi manifeste que pour la période de onze ans. Enfin on a soutenu que l’état de la surface so- laire est un facteur déterminant de nolre météo- rologie terrestre, faisant sentir son influence sur la température, la pression barométrique, les pluies, les cyclones, les récoltes. Mais il résulte de l’ensemble des recherches failes sur ce sujet, que celte influence est au moins bien faible. On avait pensé que le diamètre du Soleil pouvait varier, dans d’étroites limites, suivant son activité plus ou moins grande, manifestée par les taches et les protubérances; et certaines observations paraissaient prouver que ce diamètre est plus grand à l’époque du minimum des taches. Dans un grand travail, où ila mis en œuvre toutes les observations utilisables faites jusqu'ici, M. Au- wers vient de prouver que ce diamètre ne pré- sente ni changements périodiques, ni change- ments progressifs; et il n'y a particulièrement aucun rapport avec la période des taches. Pour l'aplatissement du Soleil, M. Auwers trouve =. Depuis plusieurs années on avait émis l'idée que la période des taches solaires règle les modifica- tions de la Couronne, sorte de gloire lumineuse de nature inconnue, qu'on aperçoit autour du soleil pendant les éclipses lotales. Cela se trouve con- firmé par les observations de l’éclipse de Soleil du 1% janvier 1889, qui a été totale dans la partie Ouest de l'Amérique du Nord et qui a été observée par diverses missions américaines munies de puis- sants instruments. On a obtenu de beaux dessins de la Couronne, qui a présenté un éclat exception- nel, et qui ressemblait alors dans ses traits princi- paux à celles de 1867 et de 1878. IT. — MERCURE ET LES PLANÈTES INTRA-MERCURIELLES Les plus grandes élongations de Mercure ne peu- vent dépasser 29, Plongée presque toujours dans les rayons du Soleil, cette planète est assez rare- ment visible à l’œil nu et seulement le soir quelque temps après le coucher du Soleil ou le matin avant son lever ; aussi, Copernic, gèné par les brouillards de la Vistule, ne put jamais l’observer. D'après les observations faites par Schrôter, il y aura bientôl cent ans, on a admis jusqu’à ce jour que Mercure tourne sur lui-même en 2% heures environ; mais M. Schiaparelli vient d'annoncer (Voyez le premier numéro de cette Revue, p. 31) que, d’après ses observations, poursuivies de 1881 à 1889, cette durée de rotation est égale à la durée de révolution de la planète autour du Soleil, ou 174 G. BIGOURDAN. — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 88 jours : de même que la Lune par rapport à la Terre, Mercure présente donc toujours la même face au Soleil, toutefois avec une libration très forte. Comme l’intensilé de la chaleur solaire est sept fois plus forte sur Mercure que sur la Terre, on peut juger par là ce que doit être la température qui règne sur la partie éclairée de la planète, tandis que l’autre partie, plongée dans une nuit sans fin, est à une température sans doute très basse. Comment a-t-on pu admettre si longtemps une durée derotation aussi éloignée de la vérité? L'expli- cation est faciie : sous nos lalitudes on ne peut ja- mais observer utilement Mercure dans la nuit com- plète, mais seulement dans le crépuscule, pendant peu de temps et à peu près aux mêmes heures; or on retrouvait ainsi pendant plusieurs jours consé- cutifs les mêmes détails : il en résulte que la durée de rotation est ou bien voisine de celle de la Terre (ou une fraction aliquote de celle-ci), ou bien enfin très lente et presque insensible d’un jour à l’autre : la première hypothèse fut acceptée par Schrôter et après lui par tous les astronomes, tandis que la dernière est la vraie. La masse de Mercure est mal connue également, parce qu'on ne lui a pas trouvé de satellite; comme cette masse est très faible, on ne peut la déduire avec précision des perturbations qu’elle produit sur les autres planètes. La comète d’Encke, lorsque sa théorie sera terminée, en fournira une valeur assez précise, car en 1838 et en 1878 elle s’est beaucoup rapprochée de Mercure. Dès le commencement de sa carrière astro- nomique, Le Verrier s'occupa de la théorie de Mercure qui avait toujours présenté de grandes difficultés. Dans la suite, il reprit ce travail et l'ayant terminé, en 1859, il annonça que le mou- vement du périhélie de cette planète présentait une accélération séculaire inexplicable par la loi de la gravitation universelle et en tenant compte des actions exercées par les planètes connues. Il se trouva conduit ainsi à admettre l'existence d’une ou de plusieurs planètes intrà-mereurielles (1), c'est-à-dire plus voisines encore du Soleil et qui par suite ne peuvent être aperçues que lorsque, dans leurs conjonctions inférieures, elles passent devant le disque du Soleil, ou pendant l'obscurité des éclipses totales de Soleil. À diverses époques on avait vu passer devant le Soleil des corps ronds, opaques, se projetant en noir sur son disque, qu'ils traversaient beaucoup plus rapidement que des taches ordinaires. L'hypothèse de Le Verrier, qui rendait bien compte de ces passages en les attri- (4) Voyez la Notice sur les planètes intra-mercurielles, par M. F. Tisserand (Annuaire du Bureau des Longitudes pour 1882, p. 729-772). buant aux planètes intrà-mercurielles, fut acceptée avec enthousiasme et confirmée bientôt après par un autre passage du même genre, observé par le D' Lescarbault, à Orgères. Au moyen des observa- tions qui lui parurent les plus sûres, Le Verrier es- saya de calculer l'orbite de la planète hypothétique, qui reçut le nom de Vulcain; et il annonça comme possible un nouveau passage sur le Soleil, du 2 au 23 mars 1877. Mais la subtile planète fut cher- chée en vain, et on se rejeta sur les éclipses totales de Soleil. Les astronomes les plus habiles la cher- chèrent pendant les éclipses du 29 juillet 1878 et du 6 mars 1883, mais tous les efforts restèrent in- fructueux, et depuis lors la question des planètes intrà-mercurielles est un peu tombée dans l'oubli. Il faut ajouter que les calculs de Le Verrier, vérifiés par divers astronomes, ont été complète- ment confirmés ; et le mouvement anormal qu'il avait signalé dans le périhélie de Mercure attend encore une explication (1). III. — Vénus De toutes les'planètes, c'est Vénus qui ressemble le plus à la Terre, dont elle se rapproche parfois beaucoup, car leur distance peut descendre à 0,25 en prenant pour unité la distance de la Terre au Soleil, comme on le fait ordinairement. Aussi est- elle parfois très brillante; son éclat dépasse alors celui de toutes les autres planètes et des plus belles étoiles, et il n’est pas rare de l’apercevoir à l'œil nu en plein jour, surtout si l’on connaît à peu près sa position. Malgré son éclat, on n’a pu distinguer à sa surface des détails bien saillants, de sorte que sa durée de rotation (23! 21%) n'est pas très exactement connue. Cependant M. Stanley Williams y à vu en 188% une bande noire étroite, assez longue, figurant comme l'embouchure d'une rivière. On a pu croire pendant longtemps à l’existence d’un satellite de Vénus, signalé par divers astro- nomes, depuis Fontana en 1645, jusqu'à Horrebow en 1768; mais on ne l’a plus revu depuis cette der- nière époque, malgré la puissance croissante des instruments. Houzeau était arrivé à cette conclusion bizarre qu'on pourrait peut-être concilier un certainnombre d'observations de ce prétendu satellite,enadmettant l'existence d’une nouvelle planète circulant entre Vénus et la Terre, et qu’il avait appelée Neith. Il était plus rationnel de se demander, avec M. J. Bertrand, si ces observations ne se rappor-- teraient pas à certaines des petites planètes décou- vertes depuis. M. Stroobant, qui vient de faire une (1) Voyez à ce sujet la remarque de M, Tisserand dans la Revue du 28 février dernier, page 121. CR » Étendre RER G. BIGOURDAN. — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 17 étude approfondie de cette question, n’admet la possibilité que pour Vesta, qui d’ailleurs ne s’est jamais trouvée à la distance voulue de Vénus; mais on peut croire que du côté des principaux astéroïdes il reste encore un supplément d'enquête à faire. Pour quelques observations, M. Stroobant a réussi à identifier le prétendu satellite avec de petites étoiles dont la planète se trouvait voisine, et sans doute les autres observations sérieuses, peu nom- breuses du reste, trouveront un jour ou l’autre leur explication. Ainsi se trouve dissipé le mystère qui enveloppait cet énigmatique satellite de Vénus, dont la légende menaçait de se perpétuer. IV. — Mars Vu de la Terre, Mars se trouve à l'opposé du Soleil (ou, comme on dit, en opposition) tous les 96 mois environ; sa distance à la Terre peut alors descendre à 0,38 et c'est à ce moment qu'il se trouve, à tous égards, dans les meilleures con- ditions pour l'observation. L'opposition très favo- rable de 1877 conduisit à deux découvertes im- portantes : celle des deux satellites de Mars par M. Asaph Hall à Washington et celle des canaux de Mars, par M. Schiaparelli à Milan. Tandis que Mars fait un tour sur lui-même en 2% 37%, son satellite le plus voisin (Phobos) tourne autour de la planète en 7" 39"; il en résulte ce cas unique dans tout le système solaire que pour un observateur placé sur Mars ce satel- lite se lève à l'Ouest, exécute son mouvement apparent de droite à gauche et se couche à l'Est. La rapidité de son mouvement constitue une objec- tion sérieuse contre la théorie nébulaire, telle du moins que l’avait énoncée Laplace. Certaines petites planètes passent parfois bien près de Mars, et M. Dubois pensait que les satellites de cette planète pouvaient être deux astéroïdes dé- tournés de leur route par l'attraction de Mars. Mais M. H. Poincaré a montré, par deux ordres de con- sidérations lirées de la Mécanique céleste, que cela est impossible. Depuis les travaux de M. Schiaparelli (4) sur la topographie de Mars, cette planète est celle dont nous connaissons le mieux la surface. La compa- raison des anciennes observations avec les récentes montre que les taches sombres de Mars sont fixes dans leurs positions relatives et invariables dans leurs contours généraux. Outre les taches polaires, bien connues par leur éclat et leur étendue variable, la surface de Mars (1) M. Schiaparelli a résumé ses recherches dans une im- portante étude publiée dans le journal astronomique Æimmel und Erde et dont l’Astronomie de 1889 a donné une traduction. [#13 se distingue en deux parties : 4° la plus brillante, ce qu'on appelle terres ou continents, forme l'hémisphère boréal tout entier et une portion de l'hémisphère austral; elle est généralement de couleur jaune foncé ou orangé, variable d'un point à un autre; 2° la région sombre, celle des #ers, qui occupe la majeure partie de l'hémisphère austral, et dont la couleur générale gris de fer passe par toutes les gradations, du noir foncé au gris cendré. En outre, certaines régions mixtes situées souvent entre les continents et les mers, participent des caractères de ces deux parties. Les taches polaires sont regardées, avec un cer- tain degré de probabilité, comme offrant quelque analogie avec les glaces polaires de la Terre. L'obliquité de l’écliptique, pour un observateur placé sur Mars, est de 2452’; ce qui donne aux saisons de Mars une succession analogue à celles de la Terre, mais dont la durée est à peu près deux fois plus longue, puisque l’année de Mars corres- pond à 687 de nos jours. — On a remarqué depuis longtemps que par l'effet de ces saisons les taches polaires de Mars subissent des variations pério- diques analogues à celles que présentent sur la Terre les glaces polaires dans les saisons corres- pondantes ; ainsi, lorsque l'hémisphère austral de Mars est dans la saison chaude, sa tache polaire diminue d’étendue sur ses bords, pour augmenter de nouveau quand revient la saison froide. On a observé des changements de teinte sur les mers, et aussi sur les régions mixtes. Dans l’espace d'une même soirée, M. Perrotin a vu une région se couvrir et se découvrir tour à tour d’une sorte de brouillard rougeâtre, tandis que le reste de la pla- nète continuait à se montrer avec la plus grande netteté. D'autre fois les limites des parties mari- times et des parties continentales se déplacent : par exemple, pour la région continentale appelée Lybia, M. Schiaparelli l’a vue envahie graduelle- ment de plus en plus en 1879, en 1884 et en 1888 ; quoique cet envahissement ait été constaté dans un intervalle de 9 années, il croit que de pareils changements peuvent se renouveler à chaque ré- volution de Mars, mais ils passent inaperçus ; la cause en est que Mars et la Terre ayant des durées de révolution très voisines, dans plusieurs soirées successives etaux mêmes heures Mars nous présente toujours à peu près la même région; par suite, en un lieu donné et pendant toute la durée d’une même opposition il n’est possible d'observer qu'une faible partie de la surface de Mars; et cette même partie ne sera pas observable pendant les oppositions qui suivront immédiatement. Dans la même région Lybia, M. Schiaparelli a vu, de 1877 à 1882, une petite tache d’un blane clair (NixeAtlantica) dont la blancheur était comparable 176 G. BIGOURDAN. — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE à celle des taches polaires et qui pouvait être de la même nalure; elle présenta des variations d'éclat et de forme et n’a pas été revue. Si son appari- tion dépend des saisons de Mars, on peut s’at- tendre à la revoir en 1892 et en 1897 et on sent de quelle importance serait son retour pour la con- naissance de la constitution physique de la pla- nète. Enfin, dans la partie continentale se trouvent des bandes minces de même teinte que les taches sombres, de sorte que si celles-ci sont des mers, ces bandes peuvent être considérées comme des canaux : c’est le nom qui leur a été donné, sans rien préjuger d’ailleurs sur leur véritable nature. Un de ces canaux, beaucoup plus visible que les autres et qui a 200 à 300 kilomètres de large, se trouve déjà dans les dessins de Schrôler et a été souvent observé depuis. Mais en 1877, M. Schiapa- relli en a découvert un grand nombre, de 60 à 100 kilomètres de large, formant un véritable résean qui enveloppe toutes les régions continen- tales. Un caractère général de ces canaux c’est qu'au- cun d'eux ne s'arrête court, ne forme de tronc isolé : tout canal aboutit à une mer, à un lac ou à un autre canal. Ces canaux peuvent se couper deux à deux sous tous les angles possibles; leur longueur est très variable et certains d’entre eux suivent sans irrégularité une ligne de grande étendue, qui embrasse plus du quart de la circon- férence de la planète (5,400 kilomètres) ; la largeur | d'un même canal peut varier avec le temps et cette variation s'étend simultanément sur toute sa lon- gueur. Enfin les canaux peuvent devenir invisibles à certaines époques, et M. Schiaparelli ajoute avec toute réserve que, suivant ses observations, l’époque la plus favorable pour l'invisibilité des canaux est voisine du solstice austral de la planète, c'est-à-dire de l’époque où la région des canaux est à son hiver. La plus remarquable transformation de ces canaux c’est celle de leur gémination : elle con- siste en ceci, qu'un canal simple peut, en quelques jours et même en quelques heures, être remplacé par un canal double, c’est-à-dire formé de deux bandes très voisines, ordinairement égales, paral- lèles, de même largeur et de même couleur, mais dont la distance varie beaucoup d'une gémination à l’autre, Souvent une des bandes du double canal occupe exactement la place du canal primitif, mais en 1888 M. Schiaparelli a vu des géminations qui ne suivaient qu'à peu près la direction générale et l'emplacement de l’ancien canal. Quand deux ou plusieurs canaux se rencontrent, il se forme au point commun un pelit lac ou nœud plus ou moins régulier qui se gémine comme les canaux : de là résulte ordinairement un réseau de lignes où rien ne se distingue à cause de la grande quantité de détails. | On sait que le dédoublement d’un canal se pro- duit simultanément sur toute sa longueur, mais le détail de cette transformation n'a pas encore été saisi. Fréquemment on a vu les deux lignes se dégager simultanément d’une nébulosité grise plus ou moins intense, allongée dans la direction du canal et qui parait jouer un rôle essentiel dans la produelion des géminations; c’est comme une matière dans laquelle se prononcent des formes qui n’existaient pas, en quelque sorte comme des soldats dispersés irrégulièrement et qui peu à peu se forment en rangs et en colonnes. Les géminations disparaissent à leur tour et sont remplacées par un canal simple, mais on ne sait pas encore comment s'effectue ce changement. On voit quela cause productrice des géminations n'opère pas seulement le long des canaux, mais elle agit aussi sur les surfaces sombres de forme quelconque pourvu qu’elles ne soient pas trop étendues; et cette cause paraît exercer sa puis- sance même sur les mers permanentes. Le caractère de ces phénomènes parait être pé- riodique, mais il faudra de nombreuses observa- tions pour l’établir avec certitude : les prochaines pourront se faire dans l’opposition de 1892 qui aura lieu à peu près dans les mêmes conditions que celle de 1877. Ces phénomènes, si différents de ceux que nous observons autour de nous, sont bien propres à imposer un frein à l'essor de notre imagination, quand elle veut appliquer à l'étude physique de Mars l’analogie Lirée des faits que nous obseryons sur la Terre. Mais l'esprit humain est ainsi fait qu’il a besoin d’une explicalion, quelle qu’elle soit. M. Fizeau a émis l’idée que les canaux de Mars pourraient être des crevasses dans des glaciers. Dans nos régions polaires, en effet, il se produit des changements incessants, tels que rides paral- lèles, crevasses, fentes rectilignes souvent très longues; dans la région du Groenland, M. Nor- denskiold a rencontré des phénomènes de ce genre tout à fail remarquables par leur importance. Sur Mars, l'étendue des glaciers doit être beaucoup plus grande, car l’échauffement du Soleil n’est que les & de celui qu'il produit sur la Terre; en outre Mars ne parait pas être protégé par une épaisse atmosphère; on pourrait donc admettre qu'il existe à sa surface des glaciers analogues aux nôtres, mais d’une tout autre importance, et dont les mouvements et les ruptures doivent être égale- ment plus prononcés. Cependant celte hypothèse soulève de graves difficultés, car les canaux sont encore visibles D, ren hr lie. br G. BIGOURDAN. — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE ATT quand la tache polaire voisine, que l’on peut assi- miler à nos glaces polaires, a été fortement ré- duite par la chaleur de l'été. Quant au dédoublement des canaux, M. Meisel l'explique par une double réfraction à travers une couche cylindrique de vapeurs ; mais, étant donné ce que nous savons de la faible puissance réfrac- tive de la vapeur d’eau, une telle explication est bien difficile à admettre; d’ailleurs on ne voit pas pourquoi, par exemple, la gémination s’étendrait toujours sur toute la longueur de chaque canal. V. — PETITES PLANÈTES Cérès, la première despetites planètes, fut décou- verte le premier jour de ce siècle, le 1° janvier 1801 ; la 5° fut découverte en 1845; dès ce moment leur nombre-s’accrut avec rapidité : la 100° fut trouvée en 1868, la 200° en 1879; aujourd’hui on en connait 290 et on en découvre en moyenne 6 à 10 paran. Le calcul des positions des pétites planètes déjà découvertes et leur observation constituent pour l'astronomie actuelle une charge extrêmement lourde que certains astronomes paraissent dis- posés à ne plus accepter. Mais en cessant de suivre les astéroïdes connus, on tomberait aussitôt dans un inextricable désordre. En outre, ces astres, qui ont révélé des faits intéressants, peuvent rendre encore d'importants services : par exemple la planète (es) Thule, découverte en 1888, a le demi-grand axe de son orbite égal à 4,26 ; par suite elle peut se rapprocher beaucoup de Jupiter (leur distance peut descendre à 0,85) et fournir plus tard le moyen de déterminer sa masse avec une grande précision. D’autres, au contraire, se rapprochent assez de la Terre pour qu'on puisse déterminer avantageusement leur parallaxe et en déduire celle du Soleil avec une précision supérieure à celle que donnent les passages de Vénus sur le Soleil : telles sont les planètes Victoria et (so) Sapho, dont on à déterminé en quelque sorte directement les distances à la Terre en 1882 et en 1889, pour en dé- duire la distance de la Terre au Soleil. On ne peut donc négliger les astéroïdes connus ; mais il est indispensable de coordonner les efforts de ceux qui les calculent et de ceux qui les obser- vent ; il faudrait s'en tenir au strict nécessaire et avoir recours aux procédés qui permettent de mul- üplier rapidement les observations; par exemple, tout ce qui accroilra la puissance des instru- ments méridiens rendra de ce côté de grands ser- vices. Les petites planètes qu'on découvre maintenant sont de plus en plus faibles et on peut croire que la partie principale de l'essaim est désormais connue; cependant par les découvertes succes- sives, l'espèce d’anneau qu’elles forment se déve- loppe surtout vers l'extérieur, et il serait téméraire de rien affirmer à ce sujet, les astéroïdes éloignés ne nous ayant peut-être échappé que par la fai- blesse qui résulte de leur grande distance au Soleil et à la Terre. Cet anneau est d’ailleurs loin de présenter partout la même densité; il y a des lacunes qui se trouvent surtout aux distances où les perturbations de Jupiter seraient les plus fortes ; c’est donc à son action qu'il faut les attri- buer. Ces planètes sont si petites que les instru- ments les plus puissants montrent la plupart d'entre elles sans disque apparent, comme un simple point : Vesta, la plus belle de toutes, aurait, d’après Mœdler, un disque de 0”,64 à la distance 1, : ce qui répond à un diamètre de 460 kilomètres. Mais des mesures récentes donnent des valeurs plus que doubles, de sorte que le diamètre de Vesta pourrait aller à 1000 kilomètres; son vo- lume serait alors +; de celui de la Terre. M. Picke- ring a trouvé 513 kilomètres par le procédé pho- tométrique, seul applicable dans la plupart des cas. Dans ce procédé on compare, à l’aide d’un photomètre, les éclats de l’astéroïde considéré et d'une planète telle que Mars dont le diamètre est bien connu. Si l’on admet que les deux planètes réfléchissent également la lumière du Soleil, du rapport des éclats on peut déduire le rapport des surfaces, puis celui des diamètres. On a trouvé ainsi pour certains astéroïdes des diamètres de 20 kilomètres à peine, et d’autres paraissent plus petits encore, de sorte qu'on n'est pas très éloigné des dimensions des gros bolides. La méthode photométrique peut seule donner une idée des durées de rotation de ces petits corps sur eux-mêmes, en montrant des variations d'éclat dues aux différences de pouvoir réflecteur des di- verses parties de chaque planète. Pour Vesta cette variation d'éclat est au moins très faible; pour d’autres elle est hors de doute ; mais on n'a conclu encore aucune durée de rotalion. On ne possède que des données tout aussi vagues relativement aux masses des pelites planètes. Le Verrier a montré que celles qui sont comprises entre les distances moyennes au Soleil 2,20 et 3,16 ont une masse totale plus petite que le quart de celle de la Terre, mais cette limite parait bien su- périeure à la réalité. En admettant en effet que les petites planètes aient toutes des pouvoirs réflec- teurs égaux, Vesta formerait, en volume, + de l’en- semble; comme son diamètre peut monter à 1000 kilomètres, en supposant une densité moyenne égale à celle de la Terre, sa masse en serait + ce qui porterait la masse pe l’essaim entier à + de celle de la Terre. VI. — JuPITER Le fait le plus saillant observé sur Jupiter, c'est la présence d’une grande tache rouge, ovale, aperçue d’abord en 1878 et qui persiste encore. Dans l'intervalle son aspect a changé notablement: en 1881, les deux bouts étaient plus foncés que la partie moyenne ; cette différence n'existait plus en 1882 et la tache avait pàli; en 1885 elle était plus faible encore, mais elle se montra bien nette en 1886. Ses dimensions paraissent avoir varié légèrement et ses observations ont conduit à des durées de rotation un peu différentes d’une année à l’autre mais s’écartant peu de 9" 55" 4"; cer- taines taches blanches ont donné un nombre très différent, 9" 50% 95 : on sait du reste depuis long- temps que les vitesses de rotation changent avec la latitude. E x Les éclipses des satellites de Jupiter ont fourni un moyen précieux pour la détermination des lon- gitudes et de la vitesse de la lumière, mais leur incertitude est telle que pour ces déterminations on doit leur préférer aujourd’hui d’autres métho- des. La cause fondamentale de cette incertitude est la variation lente de l'éclat du satellite au mo- ment de sa disparition ou de sa réapparition. M.Cornu a imaginé d'observer non plus lemoment, si diflicile à saisir, où le satellite atteint l'extrème limite de visibilité, mais celui de son demi-éclat, que l’on détermine photométriquement. Cette mé- thode, développée par M. Obrecht, offre le double avantage d'augmenter la précision et de simplifier les calculs nécessaires pour utiliser les observa- tions. Quand ces satellites se projettent sur la planète, ils présentent des variations d'éclat considérables relativement à Jupiter ; même le 4° satellite forme par moments sur la planète une tache noire qui à élé prise quelquefois pour son ombre. Pour expli- quer ces phénomènes M. Spitta les a reproduits artificiellement : Jupiter était représenté par un disque de carton blanc ou par une boule de plâtre, ayant l’un et l’autre 0"10 de diamètre ; les satellites étaient figurés par de petits disques de 0"003 de diamètre, peints en gris plus ou moins foncé ; le tout, fortement éclairé, était observé avec une lu- nette placée à 60 mètres. Il résulte de ces expérien- ces que les variations relatives d'éclat, disparitions, réapparitions du 4° satellite ont leur origine dans le faible pouvoir réflecteur de sa surface. Avec un appareil du même genre mais dans lequel le satellite se déplaçait par rapport à la planète, M. André a étudié les phénomènes qui accompagnent les disparitions des satellites der- rière le disque de Jupiter et leurs réappari- tions; il a pu reproduire le ligament brillant qui G. BIGOURDAN. — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE prend naissance quand un satellite approche de la planète, et montrer que, comme le ligament noir des passages de Mercure, de Vénus, il a une ori- gine purement instrumentale. VIT, — SATURNE Le 6 mars 1889 un astronome amateur bien connu, M. le D' Terby, de Louvain, remarqua sur l'anneau de Saturne un éclat blanc inaccoutumeé, une. sorte de tache brillante qui tranchait sur le restant de l’anneau et qui était située contre l'ombre projetée sur l’anneau par le globe de la planète. M. Terby se crut d’abord en possession d’un moyen de déterminer exactement la durée de rotation de l’anneau, sur laquelle on n’a que des données incertaines ; mais au bout d'environ trois heures la tache n'avait en rien changé de posi- tion. Signalée dès le 14 mars à divers observa- toires, cette tache fut étudiée partout avec soin, mais beaucoup d’astronomes la cherchèrent en vain; il paraît résulter de l’ensemble des observa- tions que son éclat est variable et aurait passé par un maximum tout à fait insolite dans la première moitié de mars 1889. Ce qui confirme sa variabilité, c'est que dans la suite M. Céraski, de Moscou, a retrouvé dans ses notes un croquis de Saturne fait en 1884 et indiquant une région brillante sur l'an- neau au point même indiqué par M.Terby. Cette tache, conservanttoujours la même position par rap- port au globe de la planète, ne peut faire partie inté- grante de l’anneau, qui tourne dans son plan. On a voulu y voir un effet de contraste avec la plage noire contiguë : il existe en effet le long de l'ombre du globe une étroite bande blanchâtre difficile à apercevoir et que l’on pourrait attribuer à cette cause; mais la région brillante vue par M. Terby le 6 mars était bien plus étendue, plus prononcée, et son existence n’a pas reçu d'explication plau- sible. L’anneau de Saturne n’est pas formé tout d'une pièce, car dans ce cas il se détruirait rapidement; on y distingue même trois parties concentriques, trois anneaux, et on admet généralement l’idée émise autrefois par Roberval qu'ils sont formés par des essaims de corpuscules voisins les uns des autres et circulant autour de la planète. Comme les anneaux principaux sont plus brillants que le globe de Saturne, M. Lockyer a pensé que cel exédent de lumière peut provenir de collisions entre les corpuscules ; dans ce cas le spectre de l'anneau présenterait les raies brillantes de va- peurs résultant des chocs : le 2 février 1889 il a obtenu une photographie du spectre de ces anneaux et on y remarque en effet des traces de raies bril- lantes, mais dont l'existence demande à être con- G. BIGOURDAN. — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 179 trôlée, car M. Huggins n’a trouvé, de son côté, que des raies appartenant au spectre du Soleil. Ces anneaux présentent des changements, tou- jours faibles, difficiles à observer, mais nombreux et dont l'existence est bien certaine : ce sont tan- tôt la disparition ou le déplacement de certaines séparations entre les anneaux, d’autres fois une dissymétrie momentanée dans ces divisions, l’appa- rition de points de lumière déjà signalés par Mes- sier, de parties un peu moutonnées, etc. ; sur tous ces changements on lira avec intérêt un Mémoire de M. Trouvelot, inséré au Bulletin astronomique (p-027, et Il, p.15). Enfin mentionnons, en terminant, les lueurs annulaires signalées par dom Lamey, concentriques à Saturne el extérieures aux anneaux : ces lueurs, au nombre de quatre, représenteraient les parties les plus visibles d'autant de nouveaux anneaux, qui seraient en relation avec les satellites, car leur maximum d'éclat concorde généralement avec le satellite Le plus voisin. S'il n’y a point là quelque illusion, l'étude de ces anneaux promet d'intéressantes révélations à la Mécanique céleste, et nous aurons sous les yeux la transformation lente d’un anneau nébuleux se ré- solvant en satellite. NIIT. — URANUS Pour les planètes précédentes, les plans des orbites des satellites font, avec l'écliptique, des angles assez pelits. Il n’en est pas de même pour Uranus, dont les satellites se meuvent au con- traire dans un plan presque perpendiculaire à l’écliptique. Quant à la position de l'équateur, on la considère comme indiquée par de très faibles bandes sombres, parallèles, analogues à celles de Jupiter, mais difficiles à apercevoir et qui ont été vues rarement, En 1884, on avait conclu de quelques mesures que l'angle formé par l'équateur et le plan des orbites des satellites atteignait 44°, ce qui serait une autre anomalie ; mais il résulte d'observations faites en 1889 par M. Perrotin que cet angle est au contraire petit, 10° environ. Les bandes d'Uranus ne présentent pas toujours le même aspect; elles varient en nombre et en largeur dans les diverses parties de leur circon- férence : cette inégale distribution permettra peut- être de déterminer la durée de rotation de la pla- nète, durée qui est inconnue, Le spectre d'Uranus a été étudié en 1889 par M. Lockyer, qui a cru apercevoir des cannelures brillantes dont quelques-unes appartiendraient au carbone; de son côté, M. Huggins a obtenu du même spectre el après deux heures de pose une image photographique qui s’étend de F à Net sur laquelle on reconnait distinctement toutes les raies principales d’un spectre solaire photographié sur la même plaque; et il n'y a pas d’autres raies, ni lumineuses, ni noires. Cette photographie met donc hors de doute que la lumière de la planète, au moins pour la région du spectre de F jusqu'à N, est empruntée au Soleil. IX. — NEPTUNE ET LES PLANÈTES ULTRA-NEPTUNIENNES Des observations photométriques ont indiqué pour Neptune une petite variation d'éclat dont la période serait de 755" : (elle serait alors la durée de rotation de la planète ; mais la varia- lion d'éclat est très faible, si mème elle existe; cette durée de rotalion ne mérite donc pas une grande confiance, On a cru voir autrefois autour de Neptune un anneau, dont l'existence n'a pas été confirmée. Nous ne connaissons à cette planèle qu’un seul satellite, découvert il y a plus de 40 ans. Il résulte des observations faites depuis lors, que son orbite éprouve des perturbations nolables : M. Tisserand et M. Newcomb viennent de montrer, indépen- damment l’un de l’autre, que ces perturbations s'expliquent en admettant que Neptune soit un peu aplati et que son équateur fasse un certain angle avec l'orbite de son satellite. Tout le monde sait dans quelles remarquables circonstances a été découvert Neptune, dont la position fut déduile par Le Verrier des perturba- tions qu’il exerce sur Uranus. Le jour même où il annonçait à l’Académie la découverte de sa planète, le 5 octobre 1846, Le Verrier exprimait l’espoir qu'après trente ou quarante années d'observations de la nouvelle planète on pourrait l'employer à son tour pour découvrir celle qui la suit. Mais dans la partie de son orbite où a été observé Neptune, son mouvement est conforme à la loi de l'attraction universelle, en tenant compte des actions des seules planètes connues. L'espoir de Le Verrier doit donc être reporté à une époque éloignée. D'autres astronomes ont cherché si la position de la planète ultrà-neptunienne ne serait pas in- diquée par son influence sur les orbites des comètes ; mais de ce côté on n'a pu arriver non plus à une conclusion quelque peu certaine. Dans l’état actuel des choses il est probable que nous devrons à la photographie astronomique la connaissance de la nouvelle planète, si elle existe. G. Bigourdan, Astronome adjoint à l'Observatoire do Paris. 180 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Appell (P). — Sur les invariants de quelques équations différentielles. Journal de Mathématiques, 4e série, t. V; 1889. Le domaine des invariants, d’abord limité à l'algèbre supérieure, embrasse aujourd'hui toutes les parties des Mathématiques. L'introduction de cette notion d'inva- riant dans la théorie des équations différentielles linéaires constitue une des belles découvertes de La- guerre, dont les travaux d’Halphen ont montré depuis toute l'importance. Dans une série de mémoires et plus particulièrement dans le tome XXIV des Mathematische Annuler, M. Sophus Lie, se plaçant à un point de vue plus général, a montré que toutes classe d'équations différentielles doit posséder une infinité d’invariants, sous certaines conditions qu'il serait trop long de rap- peler ici, C’est à cet ordre d'idées que se rattache le Mémoire de M. Appell. L'auteur considère d’abord les équations du premier dy ordre, où est égale à une fonction rationnelle de y, dont les coefficients sont des fonctions quelconques de la variable indépendante. Une telleéquation ne change pas de forme quand on y change la variable indépen- dante et qu’on remplace la fonction inconnue par une fonction entière et linéaire de la nouvelle inconnue, M. Appell montre que toute équation rentrant dans ce type peut être ramenée à une forme canonique ; les coefficients de cette forme sontdes invariants absolus et tous les autres peuvent s’en déduire très simplement. On peut dire que le travail de M. Appell est pour ce type d'équations ce qu'est le Mémoire couronné d’'Hal- phen pour les équations linéaires. Dans la seconde partie du Mémoire, M. Appell étudie les équations homogènes en y, y, y"…,y ©, et plus parti- culièrement les équations du second ordre et du second degré. Il paraît naturel d'étudier ces équations après les équations linéaires, car elles jouissent comme celles-ci de la propriété de conserver la mème forme quand on fait un changement quelconque de variableindépendante et qu’on multiplie ypar une fonction quelconque de cette variable, Cesrecherches n’ont pas seulement un interèt théorique. Elles permettent d'aborder l'étude des cas où l'intégrale générale d’une équation différentielle dépend algébriquement des constantes arbitraires. E. GoursaT, Hirsch (J.), ingénieur en chef des ponts et chaus- sées, Professeur au Conservatoire des Arts-et-Métiers. — Expériences sur les coups de feu des chau- dières à vapeur. Annales du Conservatoire des Arts-et- Métiers, 2° série, tome I°*, 4839, Gauthier-Villars et fils. Une chaudière a recu un coup de feu lorsqu’en un point de la paroi la tôle a été portée au rouge; cette chau- dière est alors dans de mauvaises conditions : Ja qua- lité du métal a été altérée, les clouures voisines ont été plus où moins désorganisées, la sécurité n'existe plus. En raison même de la gravité que présentent les coups de feu et des dangers qu’ils peuvent faire naître, il y à une réelle utilité à étudier les circonstances de leur production, les conditions qui les favorisent, les moyens dont on dispose pour les éviter; c'est ce qu'a fait M. Hirsch dans une longue série d'expériences. La première partie du Mémoire donne la description et les résultats des recherches entreprises pour étudier l'intensité du flux de chaleur qui, dans une chaudière ordinaire, traverse la paroi au droit du coup de feu. ET INDEX M. Hirsch trouve qu'aux allures ordinaires des géné- rateurs fixes de l’industrie, la vaporisation au coup de feu ne dépasse pas 100 à 140 kgs d’eau froide par heure et par mètre carré de surface de chauffe, Ce résultat obtenu, de nombreuses expériences ont été instituées pour étudier la transmission de la chaleur, soit à travers le métal, soit du métal à l’eau ; les conséquences de ces expériences sont exposées dans la seconde partie du Mémoire qui se termine par l'étude spéciale de l'influence des enduits gras. Nous ne pouvons mieux faire que de citer les con- clusions auxquelles parvient M, Hirsch : 1° Une tôle saine et continue, bien mouillée par l’eau de la chaudière, même exposée à un feu violent, ne prend en aucun de ses points une température assez élevée pour que sa solidité soit sensiblement altérée. 2° La viscosité de l’eau, même lorsqu'elle est portée à un degré assez élevé, n'empêche pas la tôle d’être bien mouillée et ne diminue pas notablement le pouvoir réfrigérant du liquide. 3 La transmission de la chaleur est plus ou moins gènée par la douplure des tôles ; une rivure, même bien faite, ne doit pas être exposée à un feu trop violent, 4° Une paille dans l'épaisseur d’une tôle. ou un défaut de contact intime entre les deux tôles d’une clouure, dans les parties du générateur exposées à un feu un peu intense, constituent une cause grave d’accident,. 5° Le contact d’une maconnerie réfractaire, même portée à une température élevée, ne présente pas de danger, si la tôle est continue et bien mouillée. 6° Tout enduit gras déposé sur la paroi interne de la tôle gène fortement la transmission de la chaleur, T Lorsque l’enduit gras est constitué par un corps susceptible de se décomposer par la chaleur, le coup de feu est particulièrement à redouter, Les corps gras organiques, huiles de lin, de colza, ete, semblent, à cet égard, beaucoup plus dangereux que les corps gras minéraux. Ces expériences de M. Hirsch jettent du jour sur la question des coups de feu, jusqu'ici fort obscure ; elles ont un haut intérêt pour les praticiens; elles sont dignes à la fois du grand établissement où elles ont été faites et du savant professeur qui les a cn 2° Sciences physiques. WWarburg (E.) Sur la théorie des éléments vol- taïques et la polarisation galvanique (Wäiede- mann's Annalen, t. XXXVIIL novembre 1889). On sait que la force électromotrice d’une pile hydro- électrique varie avec la quantité d’air dissous dans le liquide électrolytique de la pile, M. Warburg à étu- dié cette influence de l’air dissous. La méthode expé- rimentale qu’il a suivie consiste à prendre deux tubes de verre remplis du même électrolyte et à y faire plonger deux électrodes du même métal. Un dispositif spécial permet de purger d'air l’électrolyte de lun des tubes, et de faire dissoudre dans l’autre une quan- tité d'air variable. Un siphon capillaire, rempli de l'électrolyte employé, réunit les deux tubes par la partie supérieure, On mesure à l’électromètre la diffé rence de potentiel entre les deux électrodes. L’appa- reil constitue une pile à air. Si l’on réunit par un con- ducteur métallique les deux électrodes de cette pile, elle donne un courant qui va de l’électrode à air à l’électrode à vide par le circuit extérieur. : Un des résultats les plus intéressants est celui que donnent les électrolytes formés d’un sel du métal qui BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 181 constitue l’électrode. La force électromotrice est dans ce cas très faible, et d'autant plus faible que la solution électrolytique est plus concentrée. Les courants donnés par ces piles à air ne sont autre chose, d’après M, Warburg, que des courants dus à des différences de concentration. Les courants de concentration ont été étudiés par Helmholtz qui a montré que la force électromotrice d’un élément constitué par deux électrodes identiques plongeant dans deux solutions de même nature, mais de concen- tration différente, est proportionnelle au logarithme m c e du rapport —, m,et m, étant les nombres de molécules de sel dissoutes aux deux électrodes dans un même nombre de molécules d’eau. Prenons une pile à air, à mercure et sulfate de magnésie : si fout était symé- trique aux deux électrodes, on n'aurait pas de courant. Mais d’un côté la solution est purgée d'air, de l’autre elle est aérée, Sous l'influence de l'oxygène dissous, ainsi qu'on peut le démontrer directement par des pro- cédés purement chimiques, des traces de mercure se dissolvent dans l’électrolyte et en proportion plus ou moins grande, suivant la quantité d'oxygène contenue dans la solution, Dans le voisinage immédiat des élec- trodes on a donc une solution de sulfate de magnésie, mélangée d’un peu de sulfate de mercure; mais ce sul- fate de mercure présentera aux deux électrodes une concentration différente, d’où un courant, — Et ce courant ne dépendra pas de la quantité absolue de sel de mercure formé, mais seulement du rapport des quan- tités de sel formées aux deux électrodes : le courant sera d'autant plus grand que ce rapport sera plus différent de l’unité. On concoit donc que si l’électrolyte est un sel de l’électrode, on ait un courant insignifiant, car la con- centration initiale est la même des deux côtés; le sel produit par l'oxydation de l’électrode sous l'influence de l'air dissous est dans ce cas le même que le sel dont on a rempli le tube; la richesse de la solution en sel du métal de l’électrode ne part plus de la valeur zéro, mais elle part d’une valeur déterminée, la même des deux côtés, et comme elle augmente des deux côtés de quantités très petites, le rapport des concentrations reste très peu différent de 4.11 restera d'autant plus voisin de 1 que la concentration initiale aura été plus grande.—Touteslesautres particularités du phénomène, soigneusement étudiées par l’auteur, s'expliquent éga- lement par ces considérations. 5 La conclusion est que la force contrélectromotrice de polarisation que développe le passage du courant dans le vollamètre peut être attribuée à la même cause. Dans le cas ordinaire du platine plongeant dans l'acide sulfurique, une petite quantité de platine se dissout à chaque électrode : le courant dépose à la cathode une partie du platine dissous, en dissout une nouvelle quantité*à lanode, Et le courant de concentration qui en résulte doit être beaucoup plus considérable que celui que donne l'élément à air, à platine et acide sulfurique; car le dégagement d'hydrogène à la cathode peut contribuer à rendre la solution de pla- tüine plus diluée, avec beaucoup plus d'énergie que le simple éloignement de l'air: et SO* naissant rendu libre à l’anode est plus actif que l’oxygène de l'air. Une partie au moins de la polarisation du voltamètre s'explique donc par les courants de concentration. Bernard BRUNHES. Violle et Vauthier, — Sur la propagation du son à l’intérieur d'un tuyau cylindrique (Ann. de chimie et de physique, 6° série, €. XIX, mars 1890). .Les mémorables expériences relatives à la propaga- tion du son, effectuées à Paris de 1862 à 1866 par Régnault sur les canalisations qu'on installait alors pour l’eau et le gaz, ont laissé un certain nombre de points indécis. MM. Violle et Vauthier, ayant eu à leur disposilion à Grenoble une conduite de 0®,7 de diamètre et d’une longueur de plus de 12 kilomètres, ont repris cette étude, Ils se sont servi des appareils même de l'illustre physicien et en ont contrôlé les résultats en effectuant une autre série d'expériences avec le tambour à levier de M. Marey, qui est d’un emploi plus sùr et permet d'aborder commodément les questions incom- plètement résolues par Régnault. Après avoir parcouru un certain nombre de fois le tuyau, l’onde produite par la détonation d’un coup de pistolet cesse d’exciter la sensation auditive, quoique l'oreille perçoive encore nettement l’ébranlement de l'air, et que l'énergie vibratoire demeure bien supé- rieure à celle des sons les plus faibles que l'oreille puisse entendre. Les habiles expérimentateurs sont parvenus à rendre compte de ce fait : c’est que l'onde, en se propageant, ne conserve pas une forme invariable, L’ébranlement, formé primitivement de plusieurs ondes, se fond graduellement en une onde unique, qui n'a plus d'action acoustique, Un ébranlement ne donne en effet naissance à la perception d’un son que s’il se compose de plusieurs vibrations, probablement d'au moins dix, Le sommet de l’onde se meut avec une vitesse uniforme, tandis que le front de l'onde, qui d’ailleurs reste {cujours plan, part avec une vitesse plus grande, ralentit son allure et tend vers la même vitesse, Toute onde, complexe au début, tend vers une forme simple. Alors elle se propage en bloc avec une vitesse uniforme qui est la vitesse normale de propaga- tion du son, Les nombres obtenus conduisent à assi- gner pour celte vitesse normale de propagation dans l'air libre, supposé sec et à 0°, la valeur 331,10 par seconde, avec une erreur probable inférieure à 0,10. La vitesse reste la même, quelle que soit l’intensité de l’ébranlement initial : la charge de poudre n’im- porte pas. Le fait a été confirmé dans les expériences relalives aux sons musicaux. De plus, les différences de hauteur de ces sons sont également sans influence sur leur vitesse de propagation. En remarquant la netteté avec laquelle le tuyau, alternativement ouvert ou fermé, accusait les deux modes différents de réflexion du mouvement sonore, MM. Violle et Vauthier ont été amenés à faire cons- truire, pour manifester l'influence du mode de ré- flexion, un appareil de laboratoire, de dimensions restreintes, mais susceptible cependant de fournir des mesures précises, Edgard Haupié. KRaoult (F. M.). — Sur les progrès de la cryos- copie. Grenoble. Breynat et Cie, 1889. M. Raoult résume dans cet ouvrage ses recherches sur la congélation des dissolutions. recherches qui Pont conduit, comme on sait, à une méthode générale de dé- termination des poids moléculaires. Cette méthode, ba- sée uniquement sur des faits d'expérience, sur des me- sures nombreuses dans les dissolvants variés, a reçu une confirmation éclatante des travaux de M. Van’t Hoff, Dans son beau mémoire sur les lois de l'équilibre chimique dans l'état dilué, gazeux ou dissous, le savant hollandais ar- rive à la loi de Raoult par des considérations théoriques, basées sur l'application de la loi d’Avogadro aux solu- tions diluées. Une exception se présentait cependant; pour les solutions aqueuses des sels métalliques, la for- mule de Van’t Hoff donnait des nombres qui ne con- cordaient pas avec les résultats expérimentaux, M. Ar- rhenius à montré qu'on pouvait faire cesser ce dé- saccord en admettant que les sels métalliques en solutions aqueuses sont décomposés en leurs ions, et que, dans ce cas particulier, la loi d’Avogadro appli- quée aux solutions, présente une exception analogue à celles qu'on rencontre, à l’état gazeux, pour le per- chlorure de phosphore, l’hydrate de chloral, etc. C'est à la suite de ces recherches que MM. Paterno et Nasini ont pu dire : « La détermination du poids moléculaire basé sur l’abaissement du point de congélation est aussi légitime que celle qui est fondée sur la densité de vapeur, » Depuis lors, de nombreux travaux ont été 182 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX exécutés par cette méthode, qui prend une extension de plus en plus considérable, et conduit tous les jours à des résultats intéressants et nouveaux. Georges CHARPY. Flimm (W). — Synthèse de l’Indigotine. Berichte der deutchen chemischen Gesellschaft, 1890, page 57. L'indigo, matière colorante d’origine végétale, doit sa couleur et ses propriétés tinctoriales à l’indigotine, substance cristallisée et sublimable, qui n’existe pas toute formée dans la plante, mais qui prend naissance par dédoublement d’un glucoside particulier, incolore, l'indican. Les plantes qui fournissent l'indican sont nom- breuses et appartiennent à des familles assez diverses ; cependant on n’exploite guère pour la préparation de l'indigo que certaines espèces du genre Indigofera (In- digofera tinctoria, L. anil, ete.), famille des Légumineuses, tribu des Papilionacées. Indépendamment de tout l'intérêt que présente, au point de vue purement scientifique, la synthèse de lindi- gotine pour en déterminer la constitution, il n’est pas étonnant qu'un grand nombre de recherches synthé- tiques aient été effectuées aussi dans le but d'obtenir industriellement la reproduction artificielle d’une ma- tière colorante d’un prix assez élevé. La synthèse dont il s’agit est la première réalisée au moven d'un dérivé monosubstitué de la benzine; à ce titre elle présente un intérêt théorique, mais ne semble paspouvoirentrer dans la pratique industrielle en raison de son faible rendement, et la belle synthèse de M. Baeyer réalisée par l’action de la soude sur un mélange d’acé- tone et d’aldéhyde orthonitrobenzoïque marque tou- jours le pas le plus important qui ait été fait dans cette voie. M. Flimm a obtenu l’indigotine par fusion de la mono- bromoacétaniline C6H5, AzH.C0.CH?Br, avec la potasse. L'auteur admet que dans cette réac- tion il se‘forme d'abord du pseudoindoxyle par con- densation interne et transposition moléculaire : /AzH E TA C6H5.— AzH — CO —CH?Br = Cf Hi N co CH + HBr, etce dernier s’oxydant donnerait naissance à l'indigo- tine : ,AzH JAZEN, Hi CH: CO HE C N co” N co ZI ie J-2H20, AzH, AzH & cm” ce DE Co / C0 7 Ce produit synthétique présente Loutes les propriétés caractéristiques de l’indigotine naturelle; le rendement ne s'élève malheureusement pas à plus de # ?/, du poids de l'aniline, résultat qui ne peut étonner puisqu'on sait que l’indigotine est attaquée par la potasse fon- due avec mise en liberté d’aniline, H. GAUTIER. 3° Sciences naturelles. Bouvier (L.). — Les Cétacés souffleurs. These pré: sentée au concours d'agrégation de pharmacie de Paris, imp. Le Bigot, Lille 1889, in-4°, 220 pages. Travail de synthèse anatomique très complet; l'auteur y à joint ses observations personnelles sur deux cétacés (Dauphin Marsouin et Bulénoptéère). Ses observations ont porté sur la constitution de la peau, le larynx et la trachée, enfin les plexus et les sinus veineux, en parti- culier un très grand sinus situé dans l'épaisseur même du foie, L'auteur s'occupe aussi de la répartition géographique des cétacés, de leur descendance, enfin de leurs parasites. A. E. Marano. Bouvier (L.). — Système nerveux des Crustacés Décapodes, 1 pl. Annales des sciences naturelles. Outre quelques faits importants pour la classification philogénétique des Crustacés, ce mémoire renferme l'énoncé de deux lois suivant lesquelles semble s'être effectué le perfectionnement progressif du système nerveux chez ces animaux, — 1° La condensation des centres et des connectifs nerveux dans le sens longitu- dinal est inverse de la condensation dans le sens trans- versal; dans le sens longitudinal elle augmente à mesure qu'on se rapproche des brachyures; elle diminue au contraire dans le sens transversal, — 2° On passe de la forme macroure à la forme brachyure en trois temps; (A) Un ganglion abdominal se joint à la masse thoracique (Galathée-Pagure); (B) la chaine abdominale se raccourcit et devient thoracique (Porcel- lane), (C) cette chaîne se réduit encore et entre en contact intime avec les centres de la région thoracique, A. E. Mara. Harmonville (baron d’).—La Vie des Oiseaux, un vol, in-16 de 400 pages et 18 planches, Bibl, Scient. contemp. Paris, 1890, J.-B. Baillière et fils, éditeurs. Les amateurs d'observations originales sur les mœurs et l'esprit des bêtes liront ce livre avec intérêt. Il est écrit sans prétention par un chasseur qui s’est consacré à l’étude des oiseaux. — Les recherches anato- miques et physiologiques ont pris depuis Cuvier une place prépondérante dans les préoccupations des na- turalistes français et allemands, La simple observation des mœurs, qui, au siècle dernier, passionnait des savants tels que Buffon et Réaumur, de grands yeneurs comme Georges Leroy, est aujourd’hui bien délaissée parmi nous, Elle peut cependant contribuer, dans une Jarge mesure, à édifier celte science, à peine ébauchée, de l'intelligence, que Claude Bernard appe- lait avec raison la science du xx° siècle, A ce titre ‘ouvrage de M. d'Harmonville mérite d’être consulté : on y trouvera quantité de faits curieux, des scènes de la vie intime des oiseaux, observés sans ésprit de système et dans le seul but de mieux connaître ces charmants hôtes de nos bois. à 4° Sciences médicales. Hartmann et Gundelach, — Contribution à l'étude de la valeur sémeiologique de l'hypoazo- turie au point de vue du diagnostic et du pro- nostic des affections chirurgicales in Annales de Gynécologie, janvier 1890, p. 17. Beaucoup d'auteurs, depuis les travaux de Romme- laere (de Bruxelles) considèrent l'hypoazoturie comme un signe de l'existence de la diathèse cancéreuse, et tout récemment encore, Rauzier (Th, de Montpellier 1889) affirmait la gravité de cette hypoazoturie, gravité telle qu’elle devait suffire, suivant lui, pour contre-indi- quer toute intervention chirurgicale, Des analyses mul- tipliées, faites sur #3 malades, ont au contraire montré aux auteurs : 1° Que l’hypoazoturie peut exister en l'absence de tout vice cancéreux et qu’elle est toujours en rapport, chez les cancéreux comme chez les non cancéreux, avec une insuffisance de la nutrition. 2° Qu'elle n’a de gravité, au point de vue du pro- nostic opératoire, que dans les cas où elle est exces- sive; mais il existe alors un état cachectique et l’on n’a pas besoin de l’analyse des urines pour savoir que le malade se trouve dans des conditions de résistance défectueuse. He Re De ne BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX Terrier (F.). — Remarques cliniques sur un cas d'obstruction du canal cholédoque. Cholédys- tentérostomie. Revue de chirurgie, décembre 1889, tIX, p, 913. Chez une malade présentant des accidents d’occlusion du canal cholédoque avec rétention biliaire, distension de la vésicule, accidents fébriles graves, M. Terrier ob- tint la guérison rapide de sa malade par l’établisse- ment, en un temps, d'une fistule conduisant directe- ment la bile dela vésicule biliaire dans la première por- tion du duodénum. Cette opération, qu'ont pratiquée aussi Monastyrski, Kappler, Socin et Mayo Robson, a été faite, soit pour parer aux accidents déterminés par une oblitération du canal cholédoque, soit pour guérir une fistule bi- liaire. L'avenir dira si les résultats définitifs sont aussi bon: que paraissent être les résultats immédiats. En tous cas, cette opération faite avec plein succès dans un cas en apparence désespéré, honore le chirurgien qui ya eu recours et montre une fois de plus qu'il existe, quoi qu'on en dise, des chirurgiens en France, qui ne craignent pas d’user d'audace lorsque, leur diagnostic étant solidement établi, ils trouvent une indication à l'intervention, D° HARTMANN. Heidenhain (L ).— Sur les causes des récidives cancéreuses locales après l’amputation de la mamelle (Ueber die Ursachen der lokale Krebs-recidive nach Amputatio Mammæ) Arch. f. Klin. Chir., 1890, Bd 9, Hft. I, p. 97. Pensant que les récidives locales ne sont que la conséquence du développement ultérieur d'éléments cancéreux dans la plaie opératoire, Heidenhain a cherché à établir par des faits la réalité de cette hypothèse, L'examen anatomique de dix-huit pièces d’amputation de sein, ayant montré, dans douze cas, des fragments de la glande ou du néoplasme adhérents à la face superficielle du grand pectoral, fit prévoir, dans ces 42 cas, une récidive locale rapide. L'observation ulté- rieure de onze de ces malades, qui ont pu être sui- vies, donne actuellement les résultats suivants : huit sont déjà atteintes de récidive ou ont succombé, trois sont encore en parfaite santé. Quant aux six autres opérées que, d’après l'examen anatomique de la pièce, on pouvait déclarer guéries, aucune ne présente encore de récidive; il est vrai que, dans deux cas, la date de l'opération est encore trop récente (janvier 1889) pour qu'on puisse rien présager au sujet de la repullulation du néoplasme. - La fréquence des récidives après l'ablation des cancers du sein a des causes multiples: 1° La facilité avec laquelle on laisse échapper des lobules glandulaires adhérents au fascia pectoral ; 2 extension de la proli- fération épithéliale à des portions de la mamelle saine en apparence; 3° le fait que des lymphatiques de la glande aboutissent par le tissu adipeux sous-mammaire au fascia pectoral, de sorte qu'un carcinome même encore complètement mobile au-dessus du muscle, absolument indépendant de celui-ci en apparence, est en réalité déjà parvenu par les voies lymphatiques au contact de ce muscle comme permet de le constater l'examen microscopique; 4 la rapidité avec laquelle, sous l'influence des contractions musculaires, se dissé- minent dans l'épaisseur du muscle les cellules épithé- liales qu'y ont apportées les lymphatiques. De l’étude de ces faits résulte cette déduction pratique qu'il faut enlever, en même temps que la mamelle, une couche de la surface musculaire sous-jacente adhérente au fascia et que, même dans les cas où le cancer paraît adhérer à peine au muscle ou seulement au fascia, il faut enlever la totalité du grand pectoral. D' HARTMANN. 133 1° SolowjefF (Athanasius). — Zur Frage der Aetio- logie der akuten Peritonitis x Centralblatt fur gynæk., 1889, n° 3. 2° Orth. — Experimentelles über Peritonitis in Centralblatt für chir. 30 novembre 1889, p. 849. 3 Bumm. — De l’étiologie de la péritonite sep- tique in Annales de Gynécologie, janvier 1890, p. 1. 4° .J. Waterhouse., — Experimentelle Unter- suchung über Peritonitis in Arch. f. path. anat., février 1890, €. CXIX., fase. 1, p. 342, Ces divers travaux ont tous trait au rôle des infections microbiennes dans la pathogénie des péritonites. Solow- jeff étudie des péritoniles infectieuses qu’il appelle mycosiques. Bumm distingue dans les péritonites sep- tiques la péritonite à streptocoques, habituellement déterminée par l'infection puerpérale et la péritonite putride qui survient après la laparotomie et consécuti- vement à la perforation des organes creux de l’abdo- men, Cette dernière variété est caractérisée par la pré- sence d’un mélange de germes (bacilles et cocci) et par ce fait que son exsudat ne jouit nullement des pro- priétés infectieuses excessives de la péritonite à strep- tocoques ; son évolution clinique est du reste plus lente, et c’est peu à peu que la température s'élève parallèle- ment,en quelque sorte, aux progrès de la décomposition. Grawitz, puis Lübbert, dans une série d'expériences, avaient cherché à établir que le péritoine sain et bien asséché supporte remarquablement le contact des microbes pyogènes, pourvu que l'on n'injecte avec eux - ni unirritant chimique, ni un milieu de culture abon- dant; mais le résultat de leurs expériences avait été contesté par Pawlowsky qui soutenait qu'en absence de tout irritant chimique les staphylocoques n’ont pas besoin d’être nombreux pour causer une péritonite purulente, La question restait donc indécise, Les tra- vaux successifs d'Orth et de Waterhouse l'ont tranchée en faveur de Grawitz, Le péritoine sain jouit d’un pou- voir de résorption considérable et résiste à l'injection des cocci pyogènes; mais il suffit d’une lésion minime de son tissu ou de la présence de matières infectieuses peu ou pas résorbables, pour que la péritonite éclate avec la plus grande facilité. D' HARTMANN. Lépine, Professeur à la Faculté de médecine de Lyon, — Une Page d'histoire de la médecine : La Thérapeutique sous les premiers Césars. Paris, F. Alcan, 1890. L’hygiène qui prévient les maladies, la thérapeu- tique qui les guérit sont, de toutes les branches de la médecine, celles qui offrent « l'intérêt le plus immé- diat : » on peut dire d'elles, qu'elles sont nées avec la médecine mème, Mais si, dès l'antiquité, furent posés des principes ralionnels d'hygiène, comme le démon- trent certains préceptes des religions, par contre la thérapeutique a donné longtemps libre carrière à l'imagination de ceux qui étaient ou se disaient méde- cins : produit de l’empirisme le plus grossier, il est intéressant et philosophique de rechercher à quelles époques et comment elle est devenue vraiment scien- tifique. C’est dans ce but que le Professeur Lépine (de Lyon) vient de publier une étude sur la« Thérapeutique sous les premiers Césars ». D’après Pline et Diosco- ride, il nous montre d'abord ce qu'était la matière médicale dans le premier siècle de notre ère, quelles superstitions fantastiques, pour ne pas dire plus, domi- naient alors la pratique de la médecine. Il nous dépeint ensuite ce que fut l'avènement de Galien (131 ap. J.-C.), combattant et renversant les théories des dogmatiques, empiriques, méthodiques et autres sectes pour réta- blir les anciennes doctrines d’'Hippocrate, les étayant de ses connaissances anatomiques et physiologiques qu'il éleva au plus haut point pour l’époque, devenant ainsi le véritable fondateur de la thérapeutique ration- nelle.— Cette trop courte analyse suffira,nousl’espérons, pour montrer combien est attrayante lalecture de cette « Paye d'histoire de la médecine.» D'E, De LAVARENNE. 18% ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 10 mars 1890. M. Emile Picard lit une notice sur les travaux de G. H. Halphen, membre de la section de Géométrie. 12 SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. E. Rouché : Sur la formule de Stirling. — M. Ch. Bioche: Sur les surfaces réglées qui passentpar une courbe donnée. M. G. Dierkx a constaté le 4 mars, après une absence prolongée de taches solaires, une première tache dans la latitude exceplionne ellement élevée de 65°, — M. Cornu, signa- UE le halo solaire remarquable qui a apparu le 3 mars, appelle l'attention sur l'importance de ces apparitions pour la prévision du temps. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — MM. Berthelot et Engel ont comparé au point de vue thermo-chimique l'arsenic amorphe avec l’arsenic cristallisé ; sous ces deux états ‘ allotropiques, l’arsenic dégage par sa combinaison avec le brome sensiblement a même quantité de cha- leur. — M. A. Besson a étudié les combinaisons du gaz hydrogène phosphoré et du gaz ammoniac avec le chlorure de boreetlesexqui- chlorure desilicium.— Les dernières expériences de M. Joannis ont montré que la tension de dissociation du sodammonium est égale à la tension du gazammoniac au-dessus d’une solution saturée, non seulement à 0°, mais encore à — 10° et à 2e 30. L’explication de M, Backhius Roozeboom n'étant plus admissible M. J. Moutier propose de ces faits une théorie basée sur la considération de l’éner- gie libre. —Pour doser l'iode d’un iodure en présence du chlore et du brome, M. P, Lebeau déplace l’iode par une solution titrée de brome: la fin de la réaction est indiquée par la décoloration d’un peu de sulfate d'indiso surnageant du sulfure du carbone où se dis- sout l’iode libre — M. J. HoBt a étudié la chaleur de formation de l’hyposulfite de plomb. Il à étudié aussi les produits de la décomposition de ce sel par l’eau bouillante et obtenu comme principal produit du trithionate de plomb. —M. L.Astre a préparé l’iodure double de bismuth etde potassium généralementdésigné sous le nom d'ioduwre de Nicklès; ses analyses assignent à ce produit la formule (Bil$)? IK. — Poursuivant leurs recherches sur le pouvoir de dispersion des solutions salines, MM. Ph. Barbier et L. Roux montrent qu'il existe des relations simples entre ce pouvoir et le type chimique des sels dissous ; ainsi, la valeur de la fonc- tion que les auteurs appellent accroissement moléculaire de dispersion est sensiblement constante pour tous les chlorures du type MCI ; cette valeur est double pour ceux du type MCP. — M. D. Gernez s’est servi de la mesure du pouvoir rotatoire des solutions d'acide mali- que auxquelles on ajoute des quantités croissantes de molybdates alcalins, pour déterminer les combinaisons qui s'effectuent e ntre ces molybdates et l'acide malique. — Si dans une solution bouillante d’émétique addi- tionnée de vert Poirier on verse une solution de tannin, il se forme un précipité de tannate d'antimoine, qui entraine avec lui une proportion fixe de matière colo- rante, M, Guenez s’est assuré que celte réaction permet de doser volumétriquement le tannin en présence d’autres matières organiques. — Pour doser l’acétone dans les méthylènes, on emploie habituellement le pro- cédé de Kramer qui est basé sur la transformation de l’acétone en iodoforme ; M. Léo Vignon à constaté que pour doser avec exactitude de fortes proportions d’a- cétone, il faut modifier les formules de Krämer et opérer la série des réactions dans un ordre invariable. — M. L. Bourgeois, en chauffant de l’azotate de cuivre en tube scellé avec de l’urée, a reproduitla Gerhardtite, azotate basique de cuivre que l’ont vient de trouver dans l’Arizona, — M. Th. Schlæsing expose la suite de ses expériences sur l'absorption de l'ammoniaque atmosphérique par les terres. La conclusion générale des diverses séries d'expériences est que la terre végé- tale nue, calcaire, acide ou neutre, riche ou humide, absorbe des quantités d ammoniaque qui ne peuvent pas être négligées. L’humidité et l’ameublissement de la terre favorisent considérablement cette absorption, 3° SCIENCES NATURELLES. membrane mince qui recouvre le sac lymphatique rétrolingual de la grenouille ; il y a trouvé des fibres musculaires réticulées, dont le sarcolemme est en con- nexion inlime avec un riche réseau élastique. Il a pu sur les préparations de cette membrane constater que les fibrilles musculaires se terminent par un disque épais. — Des expériences que M. À. Rommier a faites sur les fermentations du moût en présence de petites quantités de puis il résulte que ce métal entrave la végétation de la ‘levire ellipsoïdale qui est rem- placée par la levure apiculée. — M. Laboulbène à déterminé l’insecte qui attaque depuis peu de temps la vigne en Tunisie et qu'on avait d’abord pris pour le Phylloxera : c’estle Ligniperda francisca (Fabriaus). — MM. HR maeare et Achard ont trouvé que l'os- téomyélite infectieuse peut être causée par plusieurs espèces de microbes dont les principaux sont les Sta- phylococcus pyogenes, aureus et albus, et le Streptococ- cus de lerysipèle, 1890. . 419 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Maurice Lévy : Sur lPapplication des lois électrodynamiques au mouvement des planètes. Séance du 17 mars 29 SCIENCES PHYSIQUES, - M. A. Cornu a déterminé le mécanisme suivant lequel se produit sur les plaques photographiques le halo qui entoure l’image des points brillants ; la lumière, en traversant la couche sensible, se diffuse dans toutes les directions; ceux des rayons qui subissent la réflexion totale sur l’autre face de la glace reviennent former le halo, On peut supprimer le phénomène en enduisant cette face d’une couche absor- bante dont le pouvoir réfringent soit égal à celui du verre. — De l'observation du phénomène optique connu sous le nom de dénivellation dans les ophtalmo- mètres, M, D, E, Sulzer lire une méthode pour déter- miner le pôle d’un ellipsoïde à trois axes inégaux, par exemple, un œil astigmate. — M. Ch. Pollack décrit un nouveau système d’accumulateurs électriques où il utilise le plomb spongieux; la capacité est considé- rable et la charge se fait rapidement, — M. J. Fagh a étudié la chaleur de formation de l'hyposulfite double de plomb et de soude, — M. Ditte a reconnu que, si l'aluminium ne s'attaque pas par l'acide sulfurique, a tient à ce que le métal se recouvre tout de suite d’une couche continue d'hydrogène; si par un moyen quelconque, on empêche la formation de cette couche, l'aluminium est attaqué par l’acide sulfurique; il l’est même par une solution de sulfate neutre d’alumine, qui se transforme en sulfate basique. — MM. Gei- senheimer et F, Leteur signalent une nouvelle forme cristalline du chlorure d’ammonium; ces cristaux con- — M. L. Ranvier a étudié la | ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES 185 tiennent environ 1 */, de ruthenium ; ils ne constitue- raient pourtant pas un sel double, — M. Schützen- berger, en soumettant à l’effluve l’'oxyde de car- bone sec dans un tube de verre muni d’armatures à eau acidulée, a obtenu un sous-oxyde solide, qui ren- ferme de hydrogène en quantité appréciable ; étant données les conditions de l'expérience, il faut admettre que l’effluve électrique a entrainé de l’eau au travers du verre. — M J. Meunier étudie les acélals mono et dibenzoïques de la sorbite. — M, Haller étudie les cam- phorates de bornéols à droit et gauche. — En 1880 M. E. Demarcay entreprit le premier d'appliquer l’éther acé- tylacétique à la synthèse organique el découvrit une méthode générale permettant d'obtenir un nombre presqu'illimité de substances à fonction acide. M. Ch. Cloez discute la formule développée qu'il con- vient d'attribuer, dans l’état actuel de nos connaissan- ces, à l'acide orytétrique de M, Demarcay. — M. I. Os- sipoff a mesuré la chaleur d’hydratation de l’anhydride maléique. — M. J. A. Müller a pu, au moyen de la phénolphtaléine, facilement mettre en évidence le fait que les chlorydrates d’amines et les sels d'acides gras dissous se dissocient lorsqu'on étend leurs solutions ou qu’on en élève la température. — A propos des re- cherches de M. Schlæsing sur l'absorption de l’am- moniaque atmosphérique par les terres, M. Berthelot fait observer que les résultats des expériences de la- boratoire ne sont pas directement applicables à la nature, car il y a en réalité échange réciproque d’am- moniaque entre l’air et la terre, des champs, 39 SGIENCES NATURELLES. — M, Léon Guignard à suivi Ja formation et la différenciation des éléments sexuels qui interviennent dans la fécondation chez diverses Li- liacées; il a constaté que, pour une même espèce, le nombre des segments chromatiques du noyau mâle est égal à celui du noyau femelle, Ce fait, signalé dans d’autres plantes et également chez divers animaux, pa- rait général. — M. A. Prunet a étudié la structure comparée des nœuds et des entre-nœuds dans la tige des dicotylédones, — M. de Folin ayant comparé la struc- ture des roches nummulitiques aux enveloppes des Rhizopodes marins actuels, conclut à l'identité du mé- canisme de formation; dans les deux cas, c’est une malière organique qui unit les particules minérales, — M. Stanislas Meunier a vérifié l'existence de celte malière organique dans les nummulites du calcaire grossier ; il en à même fait l'analyse centésimale, Il l’a retrouvée identique dans les tests de différents fossiles des sables de Fontainebleau, — M. J.Caralp a étudié la struture d’un Kersanton qui a percé les pre- mières couches jurassiques de l'Ariège: cette structure en fait un type de passage aux Ophites. L. LAPIGQUE. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 18 mars 1890. M. Budin lit un rapport proposant le carmin d’in- digo comme matière colorante des paquets antisep- tiques au sublimé et à l'acide tartrique, à délivrer aux sages-femmes, Adopté. — M. Hervieux lit un rap- port sur un projet de décret relatif à la vaccine obli- gatoire à l’île de la Réunion, Après observations de M. Rochard qui fait remarquer les bons résultats ob- tenus de la vaccine obligatoire en Cochinchine de 1876 à 1886, l’Académie adopte les conclusions tendant à la création d'un office de vaccine animale, à l'obligation des vaccinations et revaccinations en cas de menaces d'épi- démie, — M. Chauvel est élu membre titulaire, Séance du 25 mars 1890, M. Tarnier présente une malade atteinte, pendant une grossesse, de pigmentation de la peau à forme et à siège rares (poitrine, cuisses, ventre). — M, Mesnet fait une communication relative à l’autographisme et aux stigmates chez les hystériques en montrant la valeur de ces faits physiologiques au pont de vue de l'histoire rétrospective de la sorcellerie. — M. Motais (d'Angers) expose un nouveau procédé opératoire de strabisme par avancement musculaire, à languette médiane adhérente, — M. Villemin lit au nom de MM. Soles et Fromager (de Bordeaux) une observa- tions de télanos traumatique grave, traité par le chlo- ral à haute dose, la pilocarpine, les bains de vapeur, terminé par guérison. D'E. De LavaRENxE. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 8 murs 1890. MM. Dejérine et Letulle ont fait l'étude histologique d’un cas de la maladie de Friedreich dont l’un d’eux a déjà exposé les lésions au point de vue topographique. Cette maladie consiste essentiellement en une altération de la névroglie; c’est la gliose des cordons postérieurs de la moelle. Les vaisseaux et la pie-mère des parties alté- rées restent intacts. Cette constatation éloigne absolu- ment la maladie de Friedreich du tabes et la rapproche de l’épilepsie que M. Chaslin a démontré être une gliose cérébrale, Ces deux maladies sont, l’une comme l’autre, héréditaires et peuvent ètre ramenées à un arrêt de dé- veloppement des éléments ectodermiques, — M. Lan- nelongue, considérant l'analogie de la cachexie strumiprive expérimentale avec l'idiotie crétinoide myxædemateuse, a entrepris de guérir cette maladie en greffant sur le sujet une glande thyroïde d'animal. Il ne peut encore se prononcer sur les résultats de l’opéralion, — M. E. Bataillon, en étudiant la dégéné- rescence musculaire dans la queue des larves des Batraciens anoures, a constaté, conformément aux indi- cations de M. Metschnikoff, que les leucocytes prennent une part considérable à la digestion de cet appendice. — M. Netter, en examinant un cas de méningile sup- purée consécutive à un coup de revolver tiré dans la bouche, à reconnu que linfection des méninges avait été produite par les pneumocoques de la salive, ceux- ci ayant suivi le trajet de la balle, Séance du 45 mars 1890. M. Luys, ayant fait une série d'expériences sur l’ac- tion psychique des aimants, affirme que chez les sujets hypnotisés le contact du pôle positif produit un état agréable; le contact du pôle négatif, un sentiment de répulsion, — M, Dufourt, après avoir donné pendant un certain temps une ration quotidienne de bicarbonate de soude à des lapins et à des chiens, a constaté chez ces animaux une augmentation du glycogène hépa- tique. — M. Tuffier a vu que les injections sous-cuta- nées d'urine stérilisée ne donnent lieu chez les animaux à aucun accident; chez l'homme, la pénétration de l'urine dans la cavité peritonéale, s'il n’y a pas inter- vention de microbes, n'est nullement mortelle, — M. Kunckel à observé chez les Acridiens d'Algérie une fonction particulière du jabot; l’insecte remplit cette poche d'air qu’il déglutit, et fait ainsi effort pour rom- pre sa vieille peau lorsqu'il mue. — M. Mégnin indi- que que les caractères des cultures obtenues par M. Du- claux avec l'Epidermophyton galli, sorte de favus qu’il a décrit sur la crète du coq, permettent de différencier ce parasite du favus des quadrupèdes, Séance du 22 mars 1890. M. Quinquaud présente un esthésiomètre à pointes, qui indique la pression au moyen d’un ressort. En étu- diant avec cet appareil la sensibilité des lépreux, il à constaté que les divers territoires de la peau présen- tent de très grandes différences entre eux : on (rouve des zones hyperesthésiques confinant à des zones anes- thésiques. — M, Toison présente un manomètre aver- tisseur destiné aux autoclaves à stérilisation. L. LaPicQuE. 186 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 21 mars 1890. M. Carvallo communique les principaux résultats d’un travail qu'il a entrepris sur l'influence du terme de dispersion de Briot sur la double réfraction du spath d'Is- lande. Le résultat le plus saillant de ses recherches est, que la vibration lumineuse d’un rayon polarisé rectili- gnement est, conformément à l'hypothèse de Fresnel et contrairement à celle de Mac-Cullagh et Neumann, dans un azimuth perpendiculaire au plan de polarisa- tion, Les développements de cette démonstration ont fait l’objet d'une thèse très remarquable soutenue devant la Faculté des Sciences de Paris et dont la Revue rendra spécialement compte. — M. Dufet pré- sente au nom de M. Ch. Dubosq un appareil de Nor- remberg spécialement destiné à la projection des phé- nomènes optiques : polarisation des rayons lumineux, polarisalion chromatique, polarisation elliptique, fran- ges du compensateur de Babinet, etc, Une modifica- lion très simple permet de transformer l'appareil en microscope polarisant, où l’on peut aisément disposer un rélicule ; il suffit de mettre un focus convergent à la la place qu'occupait l'objet observé en lumière paral- lèle dans l'appareil de Norremberg. Le seul défaut de l'appareil est le peu d’étendue du champ. M. Dubosq fait un certain nombre de projections, en particulier il montre la transformation si curieuse du sulfate de chaux qui, biaxe à la température ordinaire, devient uniaxe quand on le chauffe, les deux pôles se rappro- chent, el les deux systèmes d’anneaux se confondent. Lucien Poincaré. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS (1 Séances cles 24 janvier, T, 14, 28 février et T mars 1890, MM. Béhal et Auger ont étudié l’action du chlorure d’éthylmalonyle sur l’éthylbenzine en présence du chlorure d'aluminium. Ils ont obtenu de la mn. diéthyl- benzine et une diacétone, l’éthyldibenzoylméthane, — M. Lindet indique un nouveau procédé de préparation du raffinose fondé sur l’action de la chaux sur les mé- lasses de sucraterie, — MM. Le Bel et Weyer ont fait l'étude des formes cristallines du tétrabromure de car- bone et du bromoforme, pour tàcher de déterminer jusqu'à quel point l'hypothèse du tétraèdre régulier servant de base aux démonstrations de M. Van lHoff se vérifie dans les formes cristallines, — M. Friedel a présenté de la part de M. Istrati un certain nombre de notes provenant du laboratoire de Bucharest. M. Is- trati a constaté la formation de quinone perchlorée dans l’action de l’acide azotique fumant sur la benzine perchlorée, ainsi que la transformation de la benzine p. dichlorée en son isomère méta par l’action du per- oxyde de plomb. — M. Pétricow a obtenu des dérivés aromatiques chlorés par l’action du chlore en présence du chlorure d’étain. — MM. Edeteano et Budistheano décrivent des acides aromatiques non saturés, obtenus par l’action des chlorures d'acides sur les aldéhydes. — M. Georgesco, en faisant réagir l'acide sulfurique sur le phénol tribromé, a obtenu des produits plus avancés de bromuration du phénol, ainsi qu'une fran- céine. — MM. Aubin et Quénot ont modifié les pro- cédés de dosage de l’azote dans les engrais en préei- pitant les albuminoïdes par le tannin, et dosant l'azote dans la partie soluble et dans le précipité. — M. Mes- lans a obtenu le fluoroforme par laction du fluorure d'argent sur l’iodoforme, — M. Chabrié annonce avoir obtenu le même corps par le même procédé; MM. Grue- nez et Meslans ont préparé de même le fluoral, en remplacant l'iodoforme par le chloral, — M. Bigot à 1) Afin d'éviter les répétitions, nous éliminerons du Compte- rendu de cette Société les Mémoires présentés aussi à l’Aca- démie des Sciences de Paris. obtenu le glycide par l’action du sodium sur la mono- chlorhydrine; il a étudié diverses chloracétines de la glycérine, — M. Ramsay envoie une note sur la disso- ciation du chlorure de sélénium, et la non-existence du sous-chlorure en vapeur. — M. Chabrié apporte de nouvelles preuves à l'appui de l'existence et de la vola- tilité de ce composé. — M. Maquenne a étudié l’action réductrice des acides phosphoreux et hypophosphoreux: sur l'acide sulfureux. Il montre qu'il se produit de l'acide hydrosulfureux comme produit intermédiaire. — M. A. Combes a obtenu dans l’action du chlorure de sulfuryle sur l’acétylacétone un produit de substi- tution où le chlore parait être situé entre les deux groupes acétoniques, La saponification de ce composé fournit un corps possédant les propriétés des acides et paraissant réaliser une nouvelle fonction.— M. Gorgeu décrit de nouvelles expériences sur l’action réciproque de l’eau oxygénée et du peroxyde de manganèse, Séance du 14 mars 1890. M. Bourgeois présente des échantillons de nitrate basique de cuivre, identiques à la Gehrardtite natu- relle, obtenus par l’action de l’urée sur le nitrate de cuivre, — M, Cloez à étudié les conditions de la for- mation de l’acide oxytétrique, et décrit un éther dié- thylique de ce composé, — M. Tissier a converti le nitrile triméthylacétique en amine ; il indique les pro- priétés de cette base et de ses sels. — M, Lindet a pu retirer des mélasses de sucrerie des saccharoses cris- tallisés, en précipitant les matières colorantes de ces mélasses par les sels de cuivre ou de mercure. — M. Béhal à obtenu deux combinaisons renfermant de l’antipyrine et du chloral ainsi que leurs éthers acé- tiques, D' HAnRioT, Secrétaire général de la Société. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 13 mars 1890 Le Professeur W. C. Williamson a continué ses recherches sur l’organisation des plantes fossiles du terrain houiller (coal-measures), Il a pu montrer que le Rachiopteris aspera est le rachis foliaire ou petiole du Lyginodendron:; le Rachiopteris aspera est done une vraie fougère, bien qu'il possède une zone vasculaire exogène, dont les faisceaux contiennent à la fois des éléments ligneux et des éléments libériens, alternant avec des rayons médullaires et libériens. On sait que la moelle des Sigillaires et Lepidodendron se développe à l'intérieur d’un faisceau de trachées qui semble entiè- rement solide, et devient par la suite un organe très considérable et très visible, L'auteur a pu prouver qu'une moelle analogue se développe de la même ma nière à l'intérieur d’un gros faisceau vasculaire, qui occupe le centre des trèsjeunes liges du Lyginodench'on. De nouveaux détails ont été fournis également sur la structure de l'Heterangium grievü : cette plante présente dans sa structure un grand nombre de traits qui amè- nent à supposer qu'on pourra ultérieurement démon- trer que c’est une fougère, L'auteur a découvert la tige de plantes d’un genre (Bowmanites) qu'on ne connais- sait jusqu'à présent que par quelques fruits, et il a donné quelques détails nouveaux sur l’histoire des Calamites vraies, Il appelle aussi lattention sur ce fait que tandis que les empreintes des larges sillons longitudinaux de la cavité médullaire centrale de ces plantes sont très fréquentes, on ne retrouve jamais d'empreintes des branches plus petites. — MM. Percy F. Frankland et Grace C. Frankland présentent une note sur la nitrification et son agent spécifique. Ils ont essayé d'isoler l'organisme nitrifiant; ont eu recours à diverses méthodes et après un très grand nombre d'expériences, ont réussi par la méthode de la dilution à obtenir un liquide de culture qui conte- : 1 3. Tee Ho Lot , nait ———© de l'agent nitrifiant originel; il conserve ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 187 son pouvoir nitriliant; inoculé sur de la gélatine, il ne se développe pas. Il apparaît sous la forme de nom- breux bacilles caractéristiques à peine plus longs que larges ; on peut les considérer comme des bacillo-cocci. Bien que ce bacillo-coccus refuse obstinément de se développer sur la gélatine, quand il est pris dans les dilutions étendues, il se développe très abondamment dans le bouillon; il faut souvent attendre trois semaines avant que cet organisme commence à croître et à se multiplier, Ses cultures dans le bouillon introduites dans des solutions ammoniacales y ont produit égale- ment la nitrification et dans des proportions qui ont été quantitativement déterminées. Richard A, GRÉGorY. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 7 mars 1890. Le DS. P. Thompson décrit un réfractométre de Bertrand et démontre les avantages de cet instrument, IL est formé par un hémisphère en verre de 8 millimètres de diamètre environ, fixé à l’extrémité d’un tube ; la face plane est à l'extérieur et fait avec l'axe un angle voisin de 3°, Onéclaire l’un des côtésde la surface con- vexe de l'hémisphère par un miroir plan placé presque perpendiculairement à la face plane, On regarde l'hémis phère à travers une lentille, au foyer de laquelle se {rouve une échelle divisée en dixièmes de millimètres placée à l'intérieur du tube. L’instrument peut être avantageusement employé dans le cas de liquides ou d'échantillons minéralogiques, Dans le premier cas, on enduit la face plane de l'hémisphère d'une couche du liquide à étudier et l’on regarde à travers lalentille pour déterminer le degré de l'échelle correspondant à la ligne de séparation de la lumière et des portions som- bres du champ. Si l’on a, au contraire, affaire à un so- lide, on interpose entre l'échantillon et le verre une mince couche d'un liquide de grande densité et l'on procède comme précédemment Une table construite d'avance fait connaître l'indice de réfraction. Dans le cas des corps opaques on opère de même, M, Blakesley demande avec quelle précision peut sefaire la lecture et quelle sensibilité celte méthode permet d'atteindre, Le professeur Dunstan désire savoir si lon pourrait appliquer ce procédé de mesure au cas des liquides volatils, M. Thompson répond que l'emploi de la lumière monochromatique du sodium permet d'apprécier un dixième de division, Quant aux liquides volatils, une lame de verre qui les recouvre suffit à retarder l’éva- poralion pendant le temps nécessaire à une mesure, —- Le professeur Dunstan décrit un appareil pour la dis- tillation du mercure dans le vide qu'il à inventé en colla- boration avec M, W, Dymond. Cet appareil est analogue à celui de Clark, mais il est relativement plus petit et plus transportable ; la portion du mercure qui reste non distillée est beaucoup plus faible. M. Dunstan signale un fait remarquable : pendant la distillation on voit apparaitre dans la Énatibre de condensation des lueurs verdätres qui deviennent beaucoup plus intenses si l’on approche de lappareil une machine électrique en action ; on à affaire à une décharge électrique à travers la vapeur de mercure, Le professeur Thompson dit qu'il a lui-même inventé, pour distiller du mercure, une sorte de double baromètre facile à construire soi- mème, — Le professeurs. V.Pickering litun mémoire sur la théorie de la pression osmotique el ses rapports avec la nature des dissolutions. L'auteur établit qu'il existe des doutes très graves sur l'exactitude des prémisses sur lesquelles est fondée la théorie; si la théorie est exacte el non pas seulement un ensemble assez gros- sier d'hypothèses, on doit, dans le cas des dissolutions étendues, vérifier les faits suivants : 1° L’abaissement du point de fusion,suivant le poids moléculaire, doit être indépendant de la nalure des sels dissous; 2° tout écart avec cette loi doit être dans un sens prévu par la théorie; 3° l’abaissement doit être indépendant de la nature du dissolvant; 4° l’abaissement doit être indépendant de la quantité du dissolvant (pour les solutions qui restent étendues); 5° quand la dissolution se concentre, l'écart avec la loi précédente doit être dans un certain sens déterminé par la théorie ; 6° cet écart doit être régulier, Le professeur Pickering entreprend de dé- montrer par la discussion de nombreuses expériences que les faits observés sont en contradiction avec les six conséquences de la théorie qu'il vient d’énumérer. — M. T. H. Blakesley ditqu'il a écouté avec grand intérêt la communication de M.Pickering; lui-même,dans un ordre d'idées analogues, à été conduit par la lecture des Mé- moires de Joule à faire sur ce sujet des expériencessur le volume des dissolutions salines, Plusieurs des résul- latsauxquels il est arrivé sont conformes à la théorie de Joule, mais d’autres sont, au contraire, en contradiction absolue avec cette théorie, SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 5 mars 1890. MM. Tilden et Bech: Substances cristallines retirées des fruits des différentes espèces de Citrus.Les auteurs étudient les corps solides qui se déposent des huiles récemment extraites de citron, limon et bergamote, Ils ont obtenu les produits suivants : ] Essence de limon. C'® H # Of aiguilles jaunes fondant à 1210 Essence de citron C'# H°# 0 aiguilles Jaunes fondant à 1160 Ess. de berg. formule non déterminée, prismes fondant à 270° MM. Japp et Kilngemann : liédluction des x dicélones. Les auteurs étudient Paclion de l'acide iodhydrique sur quelques corps, en particulier surla phénanthraquinone, — M. Arthur Ling: Etude sw les changements isomé- riques. — Dérivés halogénés des quinones. — MM. Hautzsch et Schnitter ont montré que lorsqu'on brôme la paradi- chloroquinone il se produit un changement isomérique et on obtient la métadichlorométadibromoquinone, — M. Ling confirme ces résullats. Il n’a pu réussir à pré- parer la paradichlorodibromoquinone, — M. Dixon: Note sur un sel phénylique de l'acide phénylthiocarbo- nique. —M, Werner : Contribution à la chimie des Thio- carbamides: Action du chlorure de benzyle et du bromure d’allyle sur la thiocarbamide, la phenyl et diphénylthiocarbamide, ACADÉMIE DES SCIENCES DE SAINT-PÉTERSBOURG Séance du 25 février 1° SGIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Markow: Sur la transformation des séries peu convergentes en séries très convergentes. 2 SCIENCES PHYSIQUES, — M. Gadolin lit un supplé- ment à son mémoire sur la variabilité des vents, Cest à propos d’une note de M. Sresnewsky que M. Gadolin a été amené à faire des recherehes supplémentaires, M. Sresnewsky a trouvé qu'il est possible dans des cas spéciaux d'appliquer à la répétition de la vitesse des vents la loi trouvée par Maxwell pour la répétition des vitesses partielles dans des gaz en repos. M. Gadolin montre que : 4° la loi de Maxwell ne peut pas servir comme expression générale, de la répétition des vitessès des vents, bien qu'elle puisse avecune certaine approxi- mation paraitre par hasard applicable à certaines années particulières ; 2 la loi de Maxwell n'est pas la conséquence d’une telle loi de la répétition des pro= jections des vitesses des vents coincidant avec la loi de la probabilité, suivant laquelle les erreurs des obser vations doivent se répéter ; 3° la loi qu’accepte M, Sres- newsky, bien qu’elle diffère de la loi de Maxwel, ne 188 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES satisfait pas aux observations. — M. Wild présente un travail de M. Leyst destiné au Répertoire pour la Mé- téorologie et intitulé : Sur la température du sol à Pawlowsk. M. Leyst a déduit des observations horai-” res la marche journalière de la température dans les couches supérieures du sol à Pawlowsk et calculé, d’après le résultat obtenu, les corrections à appliquer aux moyennes des trois observations par jour faites pendant dix années, pour les réduire à des moyennes vraies du jour. Il à constaté aussi à Pawlowsk, comme M. Wild l'avait fait à Saint-Pétersbourg, une augmenta- tion de la température moyenne du sol vers la profon- deur (à Pawlowsk 10 fois), plus grande que celle qu’on observe généralement vers l'intérieur de la terre. M. Wild avait cherché à rendrecompte de ce phénomène extraordinaire pour le cas spécial des observations à Saint-Pétershbourg ; M. Leyst trouve une explication plus générale du fait dans les pluies d'été qui, à cette époque, amènent ka chaleur dans les couches infé- rieures du sol beaucoup plus vite que le ferait la con- duction ordinaire. —M. Beketow lit un mémoire sur la réduction des sels de Cœæsüun. O. BAckLUND, Membre de l’Académie. . SOCIÉTÉS SAVANTES D'ODESSA 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — À Ja Société Impériale des Sciences techniques (6 février 1890). M. Swirsky a exposé une nouvelle méthode pour déterminer la forme des navires qui offre le moins de résistance par rapport à l’eau. Les expériences sur ce sujet sont pos- sibles, si l’on choisit pour les effectuer des modèles de navires susceptibles de changer de forme en se dépla- cant dans Peau. La matière dont ils sont faits doit être telle que l’eau n’exerce sur elle aucune action physique ou chimique. Un mélange, en proportions convenables, de cire et de vaseline, satisfait à cette condition et per- met de construire de petits bateaux dont il est facile de modifier les formes et d'étudier les résistances. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Fanatar a annoncé à la Société des naturalistes de la Nouvelle Russie (8 fé- vrier 1890) qu'il a isolé l'acide dilactique en faisant réagir l'acide oxalique sur la chaux dilactique de MM. Würtz et Friedel à 1050-106%, L’acide dilactique libre cristallise en prismes monocliniques; sa molé- cule à été définie suivant la méthode cryoscopique de Raoult. L'auteur à préparé et analysé les sels d'argent, de zine, de potasse (basique) et de calcium; il a obtenu en outre l’éther méthylique neutre; il a déterminé la molécule de ce corps d’après la densité de sa vapeur suivant la méthode d'Hoffmann, Enfin il a constaté que, chauffé avec l’eau à 154, l'acide dilactique ne se trans- forme pasenacidelactique ; en général il ne s’altère pas. 30 ScreNcrs MÉDICALES. — Le D" Fictine (Société des Mé- decins de l'hôpital municipal d'Odessa, 24 janvier 1890) a pu extraire le bacille d'Eberth de la rate d’une femme atteinte de fièvre fyphoïde, Au moyen d'une seringue de Pravaz il pratiqua la ponction pendant la dernière semaine de la maladie; le sang ainsi obtenu fut ense- mencé sur plaques de gélatine. Les colonies qui s'y développèrent, examinées dans toutes leurs propriétés, présentèrent les bacilles typhiques à l’état de pureté. Les lapins et souris, inoculés avec un centimètre cube de la culture de ces bacilles en bouillon, maigrirent et succombèrent au bout de quelques jours. Dans leur rate et leur foie, et, en outre, pour les souris dans l’encéphale et dans le sang, l’auteur ne trouva que des bacilles typhiques. En quelques autres cas M. Fictine a constaté dans le sang de la rate des streptocoques pyogènes et en général les microorganismes vulgaires de la suppuration. — Le même auteur a observé une culture pure de bacilles typhiques dans le pus d'un abcès du tissu cellulaire au milieu de la fesse gauche d'un malade atteint de fièvre typhoïde, L’abcès fut ouvert avec les précautions antiseptiques convenables pen- dant la sixième semaine de la maladie, c’est-à-dire quand venait la convalescence, Le pus qu'il renfer- mait fut ensemencé sur des plaques de gélatine. Il en résulta bientôt des colonies de bacilles typhiques purs. Les animaux inoculés avec la culture succombèrent ; leurs organes n’offrirent à l'autopsie que le bacille ty- phique. On doit conclure de ce fait qu'au cours de la fièvre typhoïde les agents de cette maladie peuvent produire des abcès spécifiques en suivant un proces- sus jusqu'à présent inconnu, D' Pierre HAUSNER. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 20 février 1890. M. von Hofmann expose quelques expériences sur la dissociation des gaz par un courant d’étincelles. Il avait observé avec feu son ami M. Buff que l'acide car- bonique est décomposé par l’étincelle, décomposition qui se traduit par un agrandissement du volume. Cette dissociation se poursuit jusqu'à une certaine limite, les gaz oxygène et oxyde de carbone se recombinant alors avec une petite explosion, La décomposition et la recombinaison alternantes s’observent le mieux, d’après ses expériences récentes, si la distance des deux élec- trodes est de 2,5 à 3 millimètres et si l’étincelle d’un appareil de Ruhmkorff chargé par deux éléments de Bunsen et renforcé par une petite bouteille de Leyde passe à travers la colonne gazeuse à peu près dans un quart de sa hauteur. Pour cette expérience, on se sert avec succès d’électrodes mobiles, Ces électrodes con- sistent en un tube en U. D'un côté, ce tube est fermé et muni d’un fil en platine soudé dans le verre, On enve- loppe cette branche du tube dun autre fil en platine dont une extrémité se trouve vis-à-vis du fil soudé dans le verre, landis que l’autre plonge librement dans le mercure de la cuve qui contient le tube rempli du gaz. Ce tube en U est rempli de mercure et le courant est fermé en plongeant l'un des pôles de la batterie dans le mercure de la cuve et l’autre dans la branche ouverte du tube. On peut démontrer la décomposition de l'acide carbonique en faisant passer un courant de ce gaz par un tube en verre contenant deux fils de plafine entre lesquels le courant d’étincelles passe. Le gaz sortant du tube n’est plus absorbé en totalité par la lessive de potasse; il reste un résidu moins absorbable, mais. inflammable par l'étincelle, La vapeur d’eau est décom- posée de même. En laissant refroidir le tube après linterruption du courant, on observe un résidu de gaz fulminant. Si, au contraire, le refroidissement a lieu pendant que le courant reste fermé, ce résidu n’est plus observé : les gaz se sont recombinés sous l'influence de l’étincelle, Des dissociations tout analogues ont lieu si l’on fait agir sur de l'acide carbonique ou de la vapeur d’eau la décharge si lente d’un appareil de Sie- mens pour la préparation de l'ozone. Il faut en con- clure que ces décompositions ne sont pas provoquées exclusivement par la chaleur, mais que l'électricité y joue un rôle important. Séance du 27 février 1890. M. Roth fait une communication sur les modifica tions des roches par le contact avec des roches érup- tives. D' Hans Janx. Séance du 13 mars 1890. M. Hensen envoie une communication sur les plantes recueillies l'été dernier par lexpédition de la fondation Humboldt, L'auteur donne, d’après 31 pé- ches, des données numériques sur la richesse quan- titative en petites plantes de la région qui s'étend depuis les îles Bermudes jusqu’au îles du Cap. Pour une profondeur de 200 mètres, elle fut en moyenne de PP ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 189 35 centimètres cubes par mètre cube. Contrairement à ce qui existe pour les ports, la richesse de la flotte serait dans l'Océan relativement uniforme et ne varie- rait en quantité et en qualité que dans des zones éloi- gnées. Quoiqu'il existe sous les tropiques une flore riche en espèces, elle y est quantitativement 8 fois moindre que dans le Nord. Ce ne serait pas la chaleur qui appauvrirait la flore tropicale mais le manque de substances nutrilives, spécialement de corps azotés, La question de savoir si la vie serait possible lorsque toute la terre serait recouverte par l'Océan, se rédui- rait à connaitre quelle serait alors dans l’eau marine l'abondance des substances azotées (Az H# et HNO*). L'auteur expose ensuite l'harmonie qui existe entre la faune de la haute mer d’une part et la flore et les moyens d'existence d'autre part, J, F. HEymaxs, SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE BERLIN Séunce du 2 mars 1890. M. Brodhun présente un nouveau photomètre, La partie essentielle de cet appareil est un cube en verre formé par deux prismes rectangulaires dont les hyÿpo- ténuses sont pressées l’une contre Pautre, Une partie de la surface de ces hypoténuses est polie avec un soin extrème, tandis que de l’autre partie on a ôté la couche superficielle du verre. Un écran qui forme le prolon- sement de la surface de jonction des deux prismes est illuminé par les deux sources de lumière qu'il s’agit de comparer, Deux miroirs parallèles placés convenable- ment projettent les images des deux surfaces de cet écran sur le cube en verre, de sorte qu'on les voit l’un à côté de l’autre dans une loupe placée perpendicu- lairement à lune des faces du cube. On déplace le tout le long d'une règle divisée en millimètres jusqu'à ce que les deux images montrent la même clarté, Pour étalon on se sert d’une petite lampe électrique à incan- descence chargée par des accumulateurs. Si la diffé- rence de potentiel n’est pas trop grande (55 volts) et qu'on prenne soin que l'intensité du courant ne change pas, ces lampes sont d’une constance remarquable, Après 200 heures de fonctionnement non interrompu, l'intensité avait diminué à peu près d’un pour cent. À l’occasion de ces expériences on à fait l'observation curieuse que la résistance de la lampe diminue au lieu d'augmenter comme on aurait dù s'y attendre, — M. Lummer présente un appareil de M. Abbé (d'Iéna) destiné à examiner des plaques planes-parallèles en verre. Le principe de cet instrument est le même que celui du réfractomètre interférentiel de Jamin. La différence de phases de deux rayons réfléchis à la sur-” face antérieure et postérieure d’une plaque plane-paral- lèle est donnée par la formule connue : 2nd ; Ai — Cost h, Cette différence de phases ne peut changer, sit, n el à restent constants, que par suite d’un changement de lépaisseur d. Si les changements de d sont grands, on observe les cercles de Fizeau; mais s'ils ne sont que petits, les deux surfaces de la plaque sont presque rigoureusement parallèles, et l’on voit un système d’an- neaux concentriques. En promenant la plaque devant l'objectif de la lunette astronomique, qui sert pour les observations, on reconnait si toutes les parties sont de la même épaisseur ou non. Dans le premier cas, les anneaux ne changent pas de position ; dans le second, on observe des dislocations., IL va sans dire que pour cet examen des plaques, il faut se servir de lumière monochromatique, par exemple d’une flamme colo- rée par du carbonate de sodium, Dr Hans Janx. SOCIÉTÉ DE PHYSIOLOGIE DE BERLIN Séance du 14 mars 1800, M. J. F. Heymans communique le résultat de ses recherches microchimiques sur la myéline. Si l’on entoure de ligatures les extrémités et les ramifi- cations des nerfs sciatiques de grenouilles ou de mam- mifères et qu'on lesépuise ensuite par de l’eau distillée, on obtient par évaporation de l’eau un extrait aqueux qui ne se colore pas par l'acide osmique et ne présente pas de formations myéliniques dans l’eau. Les nerfs épuisés par l’eau se noireissent encore par l'acide osmique. Si on les épuise par de l’alcool à 40, ils ne se colorent plus par l'acide osmique et l’évaporation de l'alcool laisse un résidu qui se gonfle dans l’eau et se noircit par l'acide osmique, Cet extrait comprend au moins du protagon, de la cholestérine et de la léci- thine. De ees substances isolées, la lécithine seule se gonfle dans l’eau et se colore par la solution osmique. L'auteur conclut que par myélineilne faut comprendre que la lécithine de la gaine médullaire des fibres ner- xeuses, Les formations myéliniques proviennent du gonflement de la lécithine accompagné de la précipita- tion de celle-ci en membranes. — M. Goldscheïder : Sur la sensibilité des extrémités articulaires. D’après cet auteur, les articulations jouent un rôle important dans le sens musculaire; elles procurent la sensation du mouvementet la sensation de la résistance. La sen- sation du mouvement à probablement son point de départ dans la capsule articulaire, la sensation de ré- sistance dans l’extrémité osseuse. Pour démontrer la sensibilité des extrémités osseuses, M, Goldscheider à recherché si l’on peut provoquer des réflexes en exci- tant chez le lapin lextrémité périphérique du tibia ou du quatrième mélatarsien. Ce fut le réfle e respira- toire qu'il utilisa à cet effet, L'os étant fixé, la capsule articulaire étant ouverte, il excita mécaniquement ou thermiquement la surface articulaire et observa une modification de la respiration. Cette réaction respira- toire survient encore si l'on résèque plus ou moins la surface articulaire ; elle devient même plus intense, si l’on enlève l'extrémité osseuse jusqu'à la moelle. L'au- teur en conclut que l'extrémité articulaire des os est sensible, au moins jusqu’au voisinage de la surface articulaire ; il laisse toutefois indécis si la surface arti- culaire l’est elle-même. JAP ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 6 mars 1890. Le professeur E. Weyr présente un mémoire de M. Otokar Zecek de Prague sur l’inversion des séries. — M, John Abel envoie un mémoire intitulé : Détermi- nation du poids moléculaire de l'acide cholalique, de la cholesterine, de l'hydrobilivubine, par la méthode de Raoult. — MM. À. Smolka et À. Friedreich présen- tent un travail sur l'histoire de lammeline. Les au- teurs décrivent deux nouvelles synthèses de amméline en partant de la dicyandiamide ou de la biguanidine et de l’uréthane, Les formules qui représentent les deux réactions sont : CAz — AzH — C— AzH?+ C2H50 — CO — AzH?=— | EE D AzH Uréthane D x Dicyandiamide — CSH5A7% 0 + C°HSOH. | = D. Ammeline Alcool AzH2— C— AzH --C— AzH?-+ C2H50 — CO — AzH°= |] = AzH AzH Uréthane Biguanidine — CSH5Az5O + C2H$OH + AzH Ammeline Ammoniaque. 190 ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Le professeur Gegenbauer présente un mémoire in- . 4 , " )] litulé : Quelques propositions sur les fonctions Ci (x). — Le professeur J, Pulug envoie un travail: Sur la meswre des températures dans des trous percés à côté d'une source saline. L'auteur à étudié la distribution des tempéra- tures dans des trous pratiqués au voisinage de sources salines à l’aide de téléthermomètres construils spécia- lement par lui dans ce but, Il a calculé ses observations par la méthode des moindres carrés, et à pu repré- senter la température { à une profondeur À au-dessous du sol par la formule : t— 110459 + 19, 031182 (h — 30) Il faut donc une variation de niveau de 32°07 pour une varialion de 1°; ces recherches ont été faites avec l’aide de l'administration prussienne, elles ont été très pénibles et très coûteuses. Il est à remarquer qu'à 2 kilomètres environ de profondeur, l'eau devrait at- teindre la température d’ébullition ; on peut de là tirer cerlaines conséquences relativement aux courants d'eaux, — Le Dr Margule, de Vienne, communique un mémoire : Sur les oscillations périodiques de l'air échauffé. Le recueil si complet que publie le professeur Hann des oscillations quotidiennes du baromètre ont con- duit l’auteur à calculer les variations de la pression athmosphériqne dues aux changements périodiques de la température de l'air. Il établit une relation entre les ondes de température et les ondes de pression. Les calculs se font comme l’a indiqué lord Raygleigh dans une courte note (Phil. Mag, 1890) pour le cas d’une sphère supposée à l’état de repos; si l’on suppose une sphère animée d’un mouvement de rotation on se trouve amené à des calculs analogues à ceux de La- place relativement aux phénomènes des marées, — M. Aloïs Lude adresse un travail intitulé : Recherches sur le mécanisme anatomique et physiologique des change- ments de coloration des poissons. M. Georges Pouchet, dans un mémoire publié en 1872, a établi unerelation entre la couleur des poissons et l’état de leur œil; il montra par quelle voie l'excitation de la rétine se transmet aux cellules pigmentaires ; il coupa tantôt le nerf sympa- thique, tantôt la corde dorsale et observa les animaux en pleine lumière : bien que les poissons ne survécus- sent pas longtemps à l'opération, M. G. Pouchet put re- connaitre que ceux auxquels il avait coupé la corde dorsale ne manifestaient aucun changement, tandis que ceux à qui l’on tranchait le sympathique devenaient plus foncés dans la partie supérieure du corps. L'auteur démontre l'exactitude de Ja théorie de M. G. Pouchet sur la transmission de l’excitation nerveuse par la voie du sympathique, On prend une truite dont les change- ments de coloration sont si visibles que Tschudi avait déjà surnommé cet animal le caméléon des poissons ; deux électrodes sont enfoncées un peu avant la nageoire dorsale et sont attachées aux pôles d’une bobine d'’in- duction de Dubois-Reymond; il en résulte une con- traction des chromatophores sur la surface de la peau qui s’étend petit à petit, et en même temps un tétanos qui gagne l’ensemble du système musculaire, Quand l'animal s'est rétabli, on pratique une nouvelle section de la moelle à une distance de {4 centimètre environ en avant de la nageoire ventrale et on excite de nouveau, ILen résulte un tétanos qui se trouve limité par l’en- droit sectionné; la contraction des cellules pigmen- laires, par contre, se propage comme précédemment jusqu’à l'extrémité distale de l'animal. Après que l’on a ainsi montré que la moelle épinière n’est pas la voie par laquelle l'excitation se propage, on fait une inci- sion plus profonde et on coupe le sympathique. Cette fois ce n’est plus seulement le {étanos qui se trouve arrêté et localisé par la section que l’on vient de faire, mais encore la contraction des cellules pigmentaires, On peut aussi montrer que les chromatophores foncés dépendent du système nerveux, en empoisonnant les animaux avec du curare. Ces expériences réussissent en entretenant la vie de l’animal par la respiration ar- tificielle, Séance du 13 mars 1890. Par une lettre datée du 3 mars, S. A. le Prince de Lichtenstein, membre honoraire de l'Académie, fait savoir que, désirant encourager les recherches scienti- fiques relatives à l’Asie-Mineure, il fonde un prix annuél de cinq cents florins, qui sera pendant les six pro- chaines années, distribué par l’Académie aux travaux sur ce sujet, parliculièrement aux travaux archéolo- giques. — M. Bauer adresse un mémoire fait dans son laboratoire par M. van Bamberg: sw l'analyse des résines, L'auteur à examiné quarante résines et a groupé les résultats dans un tableau faisant connaître la com- position des corps étudiés, — Le D' Joseph Schafer envoie un travail intitulé : sw: l'examen de dents fossiles en hunière polarisée. Outre quelques remarques sur l'émail de l'ivoire des éléphants, ce travail contient la preuve que les dents fossiles se comportent au point de vue de la réfraction, comme les ossements fossiles. Emil Weyr, Membre de l'Académie. ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séance du 16 mars 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Favero : Sur lesracines des équations algébriques, — M, Pincherle : Sur quel- ques intégrales particulières des équations différentielles non homogènes. — M. Reina : Nouvelles recherches sur les lignes conjuguées d'une surface, 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Nasini, à propos d’un tra- vail de MM. Barbier et Roux sur la dispersion des com- posés organiques, publié dans le dernier fascicule du Bulletin de la Société chimique de Paris, a fait remarquer que déjà en 1887 il s'était occupé de la question et qu'il avait reconnu que toutes les fois que dans la série aro- matique l’on passe d’un composé à un autre immédia- tement supérieur, la dispersion diminue d’une quantité à peu près constante. Le mème fait a été établi avecune plus grande précision par le docteur Tullio Costa dans un mémoire publié l'été passé dans la Gazzetla chimica italiana. M. Nasini reconnaît à MM. Barbier et Roux le mérite d'avoir précisé la loi mathématique du phéno- mène, et en relève l'importance, parce que cette loi démontre ce qu'il avait toujours soutenu, savoir que, contrairement à certaines supposilions, la dispersion ne doit pas ètre regardée comme une propriété capri= cieuse et due au hasard, — M. Ferrini présente quel- ques remarques sur les expériences faites par M. Pisati pour étudier la propagation du flux magnétique dans le fer. Tout en reconnaissant l’importance théorique des résultats que ces expériences pourront donner, M. Ferrini fait observer qu’elles ne seront pas appli- cables à l’étude de la transmission du flux dans les machines dynamo-électriques; car, tandis que sur les barres, les faisceaux et les anneaux de M, Pisati l’hélice Mmagnétisante avait une petite longueur, dans les dyna- mos,au contraire, elle entoure presque entièrement les deux branches de la machine. Cette disposition et la proximité de l'armure en fer destinée à recueillir le flux magnétique, s'opposent à la dispersion du flux dans l’air et, modifiant la disposition des lignes de force, doivent encore modifier la distribution du magné- tisme à l’intérieur des barres. M. Ferrini espère que M. Pisali voudra répéter ses expériences en imitant les conditions d’une dynamo, pour rechercher les modif- cations ainsi apportées à la loi qu'il a énoncée. 3° SCIENCES NATURELLES, — M. Pig'orini entretient l’Aca- démie des familles humaines qui, antérieurement à Pâge du fer, vivaient dans le nord de l'Italie, et qui avaient des usages funèbres absolument différents, Cette diversité doit être en relation avec la distribution: géographique des délmens, laquelle prouve l'existence de deux races et de deux civilisations différentes Rd til ent COURRIER DE GENÈVE 1 (Je) quoique, à une cerlaine époque, contemporaines. M. Pigorini, s'appuyant sur les données de M, Undset relatives aux nécropoles à crémation, a reconnu qu’elles sont plus anciennes et plus nombreuses à l’est, tandis que les recherches de M. de Mortillet montrent que les dolmens appartiennent aux pays proches de lAtlan- tique et du nord, La cause qui a empêché la diffusion des dolmens au centre et à l’est de l'Europe doit être recherchée, comme le prouvera un prochain mémoire de M. Pigorini, dans les immigrations des familles lacustres, qui possédaient l'usage du bronze et prati- quaient la crémation. Ernesto Maxcint. ACADÉMIE DES SCIENCES DE NAPLES Séance c'es » e’ 11 janvier 1890 M. le sécrétaire donne lecture d’une revision suecinete des travaux présentés en 1889, — L'Académie décide de décerner un prix de 1000 francs à l’auteur du meilleur mémoire « sur l’exposition systématique des princi- pes fondamentaux de la théorie des fonctions hyperel- liptiques etabéliennes, suivant Klein etson école. » Les mémoires devront être présentés avant le mois de mars 4891. — La commission, composée de MM, de Martini, Albini et Trinchese propose d'insérer dansles comptes rendus une note de M. Paladino relalive à un nouveau procédé pour les recherches microscopiques COURRIER La Suisse fournit chaque année un précieux contin- sent de découvertes aux sciences naturelles et médi- cales. Outre les nationaux, beaucoup d'étrangers, Rus- ses, Polonais, Bulgares, Serbes, Grecs, [aliens et Brési- liens viennent travailler dans les laboratoires des Uni- versités de Genève, Berne, Zurich, Bâle et Lausanne, La plupart de leurs recherches paraissent soit sous la forme d'ouvrages isolément publiés, soit sous celle de mémoires insérés dans les périodiques ou les bulle- tins des sociétés savantes de la Suisse. Nous proposant de rendre compte, dans celte Revue, des plus impor- lants au fur et à mesure de leur apparition, nous trai- terons aujourd’hui de ceux qui se rapportent à la phy- siologie et à la médecine, 1. Mentionnons lout d’abord les recherches de MM. D'Espine et de Marignac sur le microbe de la diph- térie. Ce travail qui vient d’être présenté à la Société médicale de Genève (1) y a fait sensation, Les auteurs ont recherché le Bacille de Læffler dans le croup ou angine diphtéritique. Sur 15 cas observés, dont 13 au- thentiques et 2 douteux, le bacille a été obtenu 11 fois en culture. Le meilleur moyen de le distinguer des microbes étrangers qui peuvent lui être associés dans les fausses membranes consiste, d’après MM. D’Espine et de Marignac, à l’inoculer au cobaye. Cet animal est au premier chef le réactif du Bacille de Lœæffler, Quand on le lui inocule, il devient diphtéritique : c’est alors exclusivement dans les fausses membranes qu’on trouve l’agent infectieux : il est facile de ly voir en l'y colorant par le violet de gentiane, Au contraire il n'existe pas dans le sang. Ce double caractère est im- portant pourassurer le diagnostic du Bacille. Au cours de leurs recherches lesauteurs ont constaté un fait d’un haut intérêt: ils ont reconnu que le lait constitue un excellent milieu de culture pour le Bacille de Læffler : d’où cette conséquence pratique qu'il faut éviter l’usage du lait provenant d'établissements où règne la diphtérie, (1) Revue médicale de la Suisse Romande, 1890 n° 1 2. sur le système nerveux central. L'auteur introduit de l'iodure de palladium dans les tissus. Ceux-ci prennent une coloration brun-jaunätre ou café, ce qui permet de très bien voir les détails intimes de leur structure, La méthode est sûre et rapide : elle a mis en évidence des éléments qu'on n'avait pu observer jusqu'alors. Séance du 17 février 1890. M. Albini lit une note sur la mobilité des liquides vis- queux non homogènes. Il donne une explication physique du phénomène, que l’on observe au Dôme de Naples en mai et en septembre de chaque année. On prétend que le sang de saint-Janvier renfermé dans un flacon entre à un moment donné, en ébullition ! M. Albinireproduit ce phénomène avec du chocolat réduit en poudre im- palpable et délayé dans de l’eau sucrée. — MM. Batta- glini, Capelli et Fergola, proposent d'imprimer dans les comptes rendus le travail de M. Contarino sur la détermination de la composante horizontale de la force magnétique terrestre à l'observatoire de Capodimonte pendant l’année 1889. L'auteur a exécuté ses expé- riences d’après la méthode de Gauss exposée par Sabine dans lé Manual of instructions for magnetic Surveys. — Le travail de M. Mazzarelli sur la glande de Bohadsch est l'objet d’un rapport, quiconelut à son insertion, Francesco SINIGAGLIA, Professeur à l'Institut royal de Naples. DE GENÈVE MM. D'Espine et de Marignac ont fait en outre quel- ques expériences relatives à l’action des antiseptiques surleur microbe, et ils ont cherché à employer, en thé- rapeulique, ceux que notre organisme peut tolérer : c’est ainsi qu'ils ont été amenés à reconnaître les excellents résultats des irrigations salicylées à 1-2 0/0 répètées toutes les heures comme traitement curatif de la diphtérie. Ils conseillent le recours à ces irrigations dans un but prophylactique pour tous les cas d’angine en temps d’épidémie diphtéritique. 2. Dans un tout autre ordre d'idées vient de paraitre un travail remarquable de Mlle Schipiloff sur les fer- ments digestifs. Etudiant l’action de la pepsine sur diverses diastases des animaux, végétaux et bactéries, l'auteur a trouvé que tous ces ferments sont rapide- ment et énergiquement détruits par la pepsine. L'effet inverse n'existe pas : on ne constate aucune altéra- tion sensible de la pepsine pour les autres diastases : en leur présence, elle continue d’agir dans le liquide digestif, sans éprouver ni retard ni réduction d’acti- vité. Mile Schipiloff s’est assurée que c’est bien le fer- ment peplique, et non une substance dérivée de son action sur les albuminoïdes, qui détruit les diastases, L'auteur estime que la digestion stomachale normale détruit en grande partie les diastases nocives de cer- taines Bactéries fréquentes dans la bouche, et s'oppose à l'accumulation exagérée de ptomaiïnes toxiques dans l'intestin. La question est fort intéressante.mais pourla résoudre complètement, il faudrait étudier en outre l'influence que le suc gastrique exerce sur les divers microbes du tube digestif et sur leurs spores. Ces critiques s'adressent aussi aux conclusions que l’auteur tire de ses expériences relatives à l’action de la bile sur les ferments. Ce liquide les modifie avec une énergie très inégale, suivant les animaux (bœuf, porc, chien, veau) d’où il provient. En général son effet est multiple : la bile favorise l’action de la dias- tase des graisses et celle de la pancréatine, mais non (1) Arch. des sciences phys, et nat., t. XXII. 192 NOUVELLES celle de la diastase que sécrètent les glandes de Brunner, Ce qui mérite surtout d'être noté, c’est que la bile préserve de l’action destruetive de la pepsine beaucoup de ferments solubles : la diastase dont il vient d’être question, le ferments inversif, l'émulsine, le ferment du Carica papaya et, en général, les diastases des bac- téries. C’est là un résullat fort intéressant et dont devront tenir compte à l'avenir toutes les théories de la digestion, 3, Mlle Schipiloff est aussi l’auteur d'un travail très étendu sur la rigidité caduvérique (4). L'hypothèse d’un ferment fibrinoplastique comme cause de la rigidité lui parait en désaccord avec tous les faits observés. Elle attribue en partie cet état particulier des muscles post mortem à la précipitation de la myosine provo- quée par l'acidité du muscle. Deux autres causes, suivant elle, interviendraient aussi: la contraction des muscles au moment de la mort et leur raccourcisse- ment impulable à leur élasticité. 4, Les effets physiologiques des courants électriques continuent de préoccuper les savants et les médecins. Au laboratoire du professeur Schiff, M. H. Jofé vient d'étudier l’action polaire de ces courants (2). L'existence d'une excitation unipolaire pour les cou- rants d'intensité physiologique minima a été prouvée par M. Baroncelli qui conclut en théorie qu'une telle excitation doit être admise aussi pour les -courants ordinaires de la pile dont l'intensité est plus forte. L'expression d’excitation unipolaire est juste dans le sens qui lui a été attribué d’abord par Chauveau ; lémi- nent académicien désigne ainsi l’action exercée par une électrode, quand cette électrode est seule en contact avec le nerf ou le muscle, pendant que le courant qui part de ce point de contact dans tout son chemin vers l’autre électrode à une diffusion telle qu'on ne peut lui attribuer aucune action physiolo- gique visible, M. Jofé a répété ces expériences et en à confirmé les conclusions pour les courants bipolaires et surtout pour les courants unipolaires. Quant à la question de savoir laquelle des deux formes d’applica- tion du courant, l’uni ou la bipolaire donne une action physiologique plus énergique, l'expérience à montré que dans tous les cas sans exception lPapplication uni polaire a un effet beaucoup plus énergique que la bi- polaire. L'effet du courant bipolaire convenablement affaibli peut être réduit à zéro, et le même courant peut donner une contraction manifeste quand on le rend unipolaire, bien qu'on l'ait rendu encore plus faible en en augmentant la résistance. On pourrait expliquer la différence bipolaire par l'hypothèse que les deux pôles de la pile produisent dans le nerf deux formes différentes de mouvements moléculaires, 5. La sensibilité de la dentine a occupé M. J. Kau- don (1). Cherchant à l’abolir ou à l’atténuer lorsqu’elle est excessive e£ pathologique, il a éprouvé dans ce but des agents variés. Ce sont les caustiques qui se sont montrés Les plus actifs. L'acide arsénieux et le chlorure. de zinc produisent aussi un effet très sédatif, Mais, en raison des accidents qu'ils peuvent provoquer, il con- vient le plus souvent de renoncer à l’emploi de ces substances, l’action combinée de l'acide phénique et de l'air chaud n'offre aucun de ces inconvénients : elle procure linsensibilité immédiate, C’est assurément le procédé le plus avantageux. 6. Au laboratoire d’histologie et d'embryologie du professeur Eternod, M. E. Olbramare à fait une inté- ressante étude de la dentition de l'homme (2). En sui- vant le développement de nos dents, il est arrivé à con- firmer l'opinion d'Achy, qui les considère toutes, même les plus simples, comme bicuspides à l’origine, le tubercule postérieur s’atrophiant ensuite dans les inci- sives ef les canines. Cette conclusion mérite qu’on la signale en raison de appui partiel qu’elle apporte à la doctrine de la descendance. 7. M. Kochler à fait de très curieuses observations sur les corpuscules reproducteurs dès Murex brandwris et truneulus (3). Chez ces mollusques, il a mis en évidence deux formes très distinctes d’organites dont l’une, qui est inerte, offre l'aspect de spermatozoïdes vermi- formes, tandis que l’autre, mobile, figure des spermato- zoïdes filiformes (spermatogonies), Si l'on ne prenait soin de suivre leur développement, on les considèrerait toutes deux comme représentant des spermatozoïdes. Cependant ces deux sortes d'éléments sont très dis- tincts dès leur apparition. Leur évolution ultérieure ne fait que rendre plus sensibles les différences qui les séparent, Les seconds sont en effet de véritables sper- matozoides, tandis que les premiers ont la valeur morphologique d’ovules et communiquent à la glande génitale les caractères d’un organe hermaphrodite. D' Crisriant. NOUVELLES DÉCOUVERTE DE DEUX PLANÈTES ET D'UNE COMÉTE On vient de découvrir deux nouvelles petites pla- nètes, appartenant au groupe qui circule entre Mars et Jupiter, la première ( 289), a été aperçue par M, Char- lois, à l'observatoire de Nice, le 10 mars; l’autre a été trouvée par M, Palisa à Vienne le 10 mars. Cette dernière parait présenter un intérèt notable, car son mouvement apparent rapide permet de supposer qu’elle est une des plus voisines de la Terre, = M. Brooks, de Geneva (New-Vork), vient de décou- vrir une comète, la première de l’année, observable le matin, quelque temps avant le lever du soleil, L’'an- nonce de sa découverte est parvenue en Europe avec une observation faite à Cambridge (près de Boston) le 21 mars, À Paris l’état du ciel n’a pas encore permis de l'observer. Ajoutons que deux comètes périodiques sont pro- chainement attendues; ce sont d’abord la comète de Brorsen, puis celle d’Arrest : le calcul des positions de cette derniére a été effectué par M. Leveau, astronome à l'Observatoire de Paris. (1) Revue médicale de la Suisse Romande, n°5 8,9 et10, 1889. (2) Voyez à ce sujet la note que M. Schiff a publiée sur ce su- jet dans les Archives des sciences physiques et naturelles en 1888. (4) Archives suisses d’'Odontologie, 1889, (2) Zbidem. (3) Recueil de zoologie suisse, t. V, n° 1. Le Gérant : Ocrave Dorx. Paris.— Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. si sr. : rive 1e ANNÉE —! 15 AVRIL 1890 * REVUE GÉNÉRALE ES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LA CONSTITUTION DES SOLUTIONS ÉTENDUES ET LA PRESSION OSMOTIQUE Un certain nombre de corps plongés dans un liquide ont la propriété de disparaitre complète- ment à la vue et de se répartir uniformément dans toute la masse de ce liquide sans troubler sa trans- parence. La constatation de ce fait se perd assuré- ment dans le passé et il était connu depuis long- temps lorsque l’explicalion en a été tentée. Les Anciens assimilaient la dissolution à la fusion, tenant surtout compte de ce fait que le solide qui se dissout prend la forme liquide du dissolvant. Ce fut l'opinion acceptée au Moyen Age où l'on était assez peu expérimentateur; et l'idée passant dans la langue, nous parlons encore aujourd'hui de faire fondre du sucre dans de l’eau. Jusqu'à la fin du siècle dernier, la notion de solubilité n’a pu être dégagée d’un certain nombre de faits parallèles et la dissolution d'un sel dans l'eau ou celle d’un métal dans un aciden’étaientpassuffisammentdistinguées. I Lorsqu'un acide mélangé d’eau agit sur un métal, il se fait une réaction chimique donnant lieu à un sel, qui d’ailleurs pourra être soluble dans l’eau, et donner ainsi l'illusion d’une action sim- ple, d’une dissolution directe du métal. On réserve maintenant le nom de solution à la répartition uniforme d’un corps dans un liquide sans qu'il y ait de réaction chimique, au moins connue. Ainsi définie, la solubilité est un des faits scien- tifiques les moins bien classés; et l’on se demande souvent si cet acte si général et si imporlant dans ses applications est de nature physique ou chi- REVUE GÉNÉRALE, 1890, mique. De toute évidence, et comme de nombreux faits le démontreront plus loin, c’est une action mixte; considérée sous ce jour, elle a donné dans ces dernières années les résultats les plus impor- tants qui aient élé acquis depuis longtemps. Le point de départ de tout progrès est dansl'expé- rimentation et voici les expériences d’où sont sorties les idées les plus récentes touchant non seulement la solubilité, mais encore la physique des combi- naisons chimiques. Ces expériences vont paraitre, sans doute bien éloignées dusujetquenoustraitons. En 1877 Traube examina les échanges de matière qui ont lieu entre une solution de sel enfermée dans une vessie ordinaire et de l’eau pure dans - laquelle cette vessie est plongée. Il constata que le sel traverse difficilement la membrane, alors que l'eau y entre en telle abondance qu’elle la fait gonîler fortement. Plus tard, le botaniste Pfeffer (1) voulut se rendre compte du rôle des échanges qui ont lieu, à travers les enveloppes des cellules, entre l’eau que les végétaux puisent dans le sol et les sues plus ou moins riches en matières salines que les cellules contiennent. Comme préparation à ses travaux il fut amené à étudier un certain nombre de parois poreuses artificielles, perméables aux liquides. Au cours de ces recherches il trouva une membrane particulière jouissant de propriétés fort remarquables. On sait que les vases poreux en faïence dégourdie employés pour les piles, étant remplis d'une solution quelconque et placés dans Sr REA Re en lSer tri pr cm mire 7 meer (1) Osmotische untersuchungen. Leipzig, 1887. 19% A. ÉTARD. — LA CONSTITUTION DES SOLUTIONS ÉTENDUES l'eau pure, laissent aussi bien pénétrer l’eau à l'intérieur que sortir la solution. 1l n’en est plus de même quand on leur fait subir la préparation imaginée par Pfeffer. Dans ce cas, des vases de pile d'environ dix centimètres de haut sont soi- uneusement lavés aux acides et aux alcalis, puis rincés jusqu'à ce que l’eau qui en sort soit pure. Tous ces traitements se font sous pression réduite, afin que les réactifs ou l'eau traversent la paroi qui devra être aussi poreuse que possible. Les vases de pile sortant de l’eau et essuyés au papier buvard sont remplis d'une solution à 3 ‘/, de sulfate de cuivre et, dix minutes après, placés debout dans une solution au même titre de ferrocyanure de potassium. Les deux liquides cheminent dans la terre poreuse en sens inverse et se rencontrent vers le milieu de la paroi où ils produisent un précipité de ferrocyanure de cuivre gélatineux formant une sorte de membrane interne très délicate, mais protégée en tout point par un revê- tement solide de faïence. C'est un fait bien connu que les membranes se laissent traverser par l’eau ou d’autres liquides par osmose; mais l’action n’est pas rigoureusement unilatérale, elle diffère en cela de celle qui se pro- duit dans la membrane chimique que nous venons de décrire; celle-ci, se laissant traverser librement par l’eau pure, a la propriété de ne pas laisser passer la moindre quantité de matière saline : on l’a nommée paroi hémiper méable. Après avoir minutieusement rincé les vases pré- parés, on y fixe par un solide bouchon un tube à deux branches permettant de les remplir avec les liquides qu'on étudie et de les mettre en commu- nication avec un manomètre à air libre. En pre- nant les plus grands soins, c’est à peine si sur cent préparations on obtient deux parois hémiperméables continues, sans bulles, ni fissures fl et capables de rendre nes Henvie ces. Lorsque dans l’intérieur d'un vase préparé on introduit une so- lution saline à 1 °/, ou 2°/, jusqu'à remplir toute la cavité du vase, y compris les tubes reliés au mano- mètre, et qu'on plonge l'appareil dans de l’eau distillée, l’eau seule, comme nous l'avons dit, peut cir- culer à travers la membrane, si elle est parfaite (fig. 1). Il est facile de constater qu'elle entre dans le vase clos pour diluer le sel et cela malgré la pression qui se produit comme conséquence de son en- trée dans un vase rigide et déjà plein. La pression à laquelle les solutions salines font équilibre peut atteindre plusieurs atmosphères. Fig Le 1. Appareil de Pfeffer, C’est la pression osmotique; on la désigne souvent par IL. Cette pression croit lentement pendant quelques heures et finit par atteindre un état d'é- quilibre. La pression osmotique dans chaque cas est parfaitement fixe et définie. Le fait de la pression ou tension osmotique existe, mais à première vue parait inexplicable. On se demande, puisque la paroi hemiperméable laisse librement passer l’eau en tous sens, pourquoi l'eau extérieure à la pression normale entre dans un vase exactement rempli de solution sous cette même pression. Dans ces conditions aucune action ne devrait s'établir quand on immerge le vase de Pfeffer, car si la tension de l’eau s’accroit, par hypothèse, dans le vase interne, elle peut en sortir aussitôt à travers la paroi hemiperméable et réta- blir l'équilibre. Mais c’est précisément ce para- doxe apparent qui permet d'attribuer la pression osmotique aux molécules salines seules, en élimi- nant la pression du liquide, ainsi que M. Van't Hoff l’a montré. L'eau extérieure est évidemment à la pression atmosphérique, mais le vase à osmose a été rempli à la même pression, non pas d’eau, mais d’une solution dans laquelle ce dissolvant et les molécules salines ont chacune une fraction de la tension totale, comme cela a lieu pour les mé- langes gazeux. Dès lors l’eau intérieure n’est pas en réalité à la même pression que celle qui se trouve à l'extérieur et cette dernière entre dans le vase jusqu'à ce que l'équilibre de pression de l’euu, intus et extra, soit établi. L'excès de pression qui se produit ainsi, c’est-à-dire la pression osmotique I, n'est done plus attribuable qu'aux molécules des corps dissous. On trouve une image fidèle de cette théorie dans l'expérience de cours si connue qui consiste à plonger un vase de pile clos et rempli d'acide carbonique dans une cloche d'hydrogène. L'hydrogène traverse aisément la paroi, et tend à se mettre en équilibre de pression de part et d'autre ; l'acide carbonique ne pouvant sortir aussi vite, la pression croît à l’intérieur. Entre deux solutions il peut se faire des échanges d’eau, des variations de la concentration condui- sant à un équilibre; cette observalion à permis à un botaniste encore, M. de Vrics (1), de trouver les concentrations de solutions salines pour lesquelles il y a «équilibre osmotique », en se servant de cel- lules végétales. Si l’on taille une tranche d’un vé- gétal herbacé assez mince pour quelle puisse être vue au microscope dans toute son épaisseur, de nombreuses cellules se montrent coupées: mais, dans le nombre, d’autres mieux siluées restent in - tactes contenant leurs sucs salins, revêtues de (1) Eine methode zur analyse der Turgorkraft. Pringshein” Jahrb. XIV, È ' A. ÉTARD. -— LA CONSTITUTION DES SOLUTIONS ÉTENDUES 195 leurs enveloppes et jouant, grâce à la couche cuticulaire du protoplasma, le rôle de parois hémi- perméables. Il yaura, comme le dit M. de Vries, des échanges liquides par voie de «plasmolyse » si sur le porte-objet du microscope on mouille une semblable préparation avec la solution aqueuse d’un sel à 14,2, 3, 4... n°/,; les cellules intactes prendront de l’eau aux solutions les plus étendues et on les verra se gonfler, tandis qu'au contraire elles se contracteront pour les solutions d'un rang plus élevé dans la série, auxquelles elles céderont de l’eau. Dans la série des concentrations celle pour laquelle il n’y aura aucune variation de tur- gescence sera en équilibre osmotique; et, si plu- sieurs sels sont examinés de cette façon, on aura par tàtonnement les concentrations nécessaires pour équilibrer osmotiquement le suc cellulaire d'une plante donnée, On aura le coefficient isotonique de la solution. Le coefficient isotonique varie assu- rément avec l'espèce végélale employée; mais toutes ces valeurs ne diffèrent que par une cons- lante ; de sorte qu’en rapportantles résultats obte- nus pour divers corps à un sel dont on connait déjà la pression osmotique pour la concentration isotonique, la pression osmotique pour ces corps se trouve déterminée. On peut donc faire très aisé- ment par ure simple observation microscopique les déterminalions si importantes de pression 0s- motique. Depuis longtemps certes on a étudié en bota- nique les phénomènes d'osmose; mais la connais- sance exacte des varialions de concentralion des milieux salins en rapport avec la pression osmo- tique est peut-être de nature à modifier bien des idées sur l'hydrostatique des êtres vivants, les mouvements d'eau dans les végélaux, et les sécré- lions, surtout pathologiques, des animaux et de l'Homme. I M. J. H. Van’ Hoff, d'Amsterdam (1, a élé frappé de l'importance de ces phénomènes osmotiques, dont l'intensité se mesure par atmospheres el qui se prêtent à des évaluations suffisamment exactes, Il est arrivé, au moyen d’une hypothèse, à les expli- quer et à édifier une théorie physico-chimique des solutions et mème des combinaisons, qui fait chaque jour de nouveaux progrès et dont il est difficile aujourd’hui de prévoir l'influence sur les théories chimiques actuelles. Bernouilli, puis Clausius plus tard, dans sa théorie cinétique des gaz, ont admis que ceux-ci sont formés de petites particules ou molécules animées d’un rapide mouvement de translation. Ces molécules chemineraient indéfiniment, si le gaz (1) Zeischrift jür Physikalische Chemie, 1887, 1. 1, p. #81. n'était contenu dans une enveloppe quelconque. Enfermées, elles viennent sans cesse heurter la paroi et leur choc incessant produit cette poussée continue qu'on nomme la pression du gaz. Si l’on diminue de moitié le volume d'une masse gazeuse donnée, sa pression augmente du double, parce que le même nombre de molécules frappant une surface moindre y développe une pression plus grande. C’est la loi de Mariotte, d'après laquelle le volume d’un gaz parfait est en raison inverse de la pression. M. Van't Hoff a fait,comme nous l'avons dit, une application heureuse de ces idées aux solutions. Il admet que lorsque les solutions sont très étendues. elles sont analogues aux gaz parfaits. Alors, comme dans le cas de ceux-ci, les molécules chi- miques provenant du sel dissous se meuvent li- brement dans le dissolvant, frappant la paroi du vase et donnant lieu aux phénomènes de pression osmotique qui sont aux solutions ce que les. pres- sions ordinaires sont aux gaz el vapeurs. Celà n'est pas simplement une vue de l'esprit, car on a pu constater avec surprise que la formule bien connue : (A) pv =RT ou qui représente les lois de Mariotte, Gay-Lussac et: Avogadro et définit l'état d'un gaz, est numérique- ment applicable aux solutions. En effet si l'on prend une quantité de gaz égale au poids moléculaire, c'est-à-dire au poids de matière gazeuse occupant le même espace que deux volumes d'Hydrogène H?, soit 2233 el que dans la formule (A) ci-dessus p re- présente comme d'usage la pression en grammes par centimètre carré, v le volume en centimètres cubes et T la température absolue (2), la formule per- met de calculer la valeur de la constante R. Pre- nons en effet comme exemple l'oxygène à 0° el à 760°, Dans ces conditions le poids du litre étant 1437, le volume occupé par la molécule sera — 221,26, Sous la pression normale de l’at- mosphère, l'effort en grammes par centimètre carré sera 1033# et comme en température absolue 0°=— 273, on trouve, en effectuant : 1033 X 22,26 R = constante — Re ge — — 84500, AG 1) p = pression; v — volume; Ÿ = température absolue ; R représente une constante. 2) La contraction que subissent les gaz en se refroidissant est, pour chaque degré, 35 d un refroidissement continu, s'ils ne se liquefiaient pas, et si leur loi de contraction restai, la même, leur volume compt: à partir de 0° serait nul à — 2730. Ce nombre, très important en physique, est l’origine de l'échelle des températures absolues dans laquelle 0° 213 ; par exemple, deviendrait : 273-425 — 2980, : leur volume; de sorte que par 250, 196 A. ÉTARD. — LA CONSTITUTION DES SOLUTIONS ÉTENDUES On aurait le même résullat pour d'autres gaz : la constante tirée de l'équation des gaz est donc 84700. Si, au lieu de prendre un gaz, on part d’une solution, on arrivera au même résultat par la même formule, pourvu qu’on prenne la pression osmotique aux lieu et place de la pression gazeuse. Nous pouvons en effet refaire le calcul pour une solution avec les documents de Pfeffer, qui a trouvé que le sucre dissous dans les rapports de À de sucre à 100 d'eau, à 14°, donnait une pression osmotique de 0671 dans son appareil. La molécule de sucre de canne, c’est-à-dire la quantité de cette matière correspondant à la for- mule C!2H201! qui, selon les lois de la chimie, occu- perait, si on pouvait la volatiliser, le même espace que H?, est 342. La solution de 4% de sucre dans 100€ d’eau occupe un espace de 1006; celle de 3425 occuperait donc 34405°°, Ce volume de 34405 est celui qu'oceupe la molécule-gramme pour la concentration énoncée de À : 100. Pour cette concentration, la pression II de 0*"671, évaluée en grammes par centimètre carré, est 0""671>x<1033— 693#. Quant à la température à introduire dans la formule (A) elle sera 44-2739 — 287°, pour compter en Lem- pératures absolues. Les valeurs ainsi définies donnent : 10: 924405 HÉRNReer, 287 R = C’est encore la constante moléculaire des gaz; bien qu'elle soit un peu faible, ce que les erreurs inhérentes à ces expériences suffisent à expliquer largement. En général les solutions étendues de substances solides ou liquides dans des solvants quelconques vérifient l'équation (A); et en acceptant R— 84100, on peut caleuler avec cette équation, faite primi- tivement pour représenter l'équilibre des gaz, la pression osmotique IT que donnera un liquide mixte à diverses Llempéralures : 2 94700 (273 +?) (B) = D'ailleurs les corps qu'on peut étudier sous la forme de solution et de gaz donnent pour leur pression gazeuse p, et leur pression osmotique If, le même nombre, Les solutions suivent donc bien les mêmes lois que les gaz. Voici le résumé de ces lois : 1° Pour une même température, à concentralion moléculaire égale, c'est-à-dire quand le même nombre de molécules occupe le même espace, les divers corps en solution ont la même pression osmotique. C’est bien là cette loi d'Avogadro pour les gaz qui veut que pour une même pression et une même température les gaz contiennent le même nombre de molécules dans le même espace. 2° Gay-Lussac a montré que lorsqu'on chauffe un gaz, il augmente de + de son volume par degré ;. mais s’il est dans un espace clos, le volume ne pouvant varier, c’est la pression qui s’accroit. Cette loi est contenue dans la formule (A) mise sous la forme : PAR RE: qui montre que la pression p pour une masse don-, née est en raison directe de la température absolue el en raison inverse du volume, comme l'exige la loi de Mariotte. Continuons à assimiler les solutions aux gaz; les expériences suivantes prouvent que nous en avons le droit : On augmente la quantité de gaz dans un espace donné : la pression croît (Mariotte). On augmente la quantité de matière dissoute dans un certain espace, c'est-à-dire /a concentration, l& pression osmo- tique croit (Pfeffer et Van't Hotf). Soit une solution de sucre à 15° : Il (CR Pression osmotique II concentration correspondante, en == en sucre % millimètres de mercure C 1 % 53omtma 535 2 % 1016 508 2.74 % 1518 554 4 % 2082 521 6 9 3075 513 La pression osmotique est donc bien proportion- nelle à la concentration, aux erreurs d'expérience près. 3 On constate de même que, pour une même solution, la pression osmotique croît, avec la tem- pérature, de la quantité prévue par la loi de Gay- Lussac : Observée calculée CALE 32% Pression osmotique = 544 Sucre À {40 2 — 510 512 TE ins — —1983 Su — sodium 15e A7 IFRS SL La similitude de la pression des gaz et de la pression osmotique est done expérimentalement établie. L'analogie des molécules gazeuses se mou- vant dans l’espace et des molécules äe matière dissoute se mouvant dans les solutions étendues. est complète. De même qu'il n’est pas de question relative aux gaz dans laquelle on puisse faire abstraction de la température, du volume et de la pression, de même tous les faits connus relatifs aux solutions étendues viennent se grouper peu à peu autour de la théorie fondée sur la pression osmotique. A. ÉTARD. — LA CONSTITUTION DES SOLUTIONS ÉTENDUES 197 La valeur moyenne acceptée pour la constante R est 84700. M. Raoult, dans ses remarquables recherches sur le point de congélation des solutions étendues, a établi une relation entre l’abaissement de cette valeur et les poids moléculaires. Les résultats acquis par ce savant ont été rattachés bientôt à la fhéorie cinétique des solutions et les abaissements du point de congélation permettent maintenant de calculer la pression osmotique et vice-versà. En désignant par T,—T, l’abaissement total du point de congélation, par V le volume spécifique du dissolvant, par L la chaleur latente de fusion de ce même dissolvant, par T,E,Il, respectivement la température absolue, l'équivalent mécanique de la chaleur et la pression osmotique produite par le corps dissous, on a relié les deux phénomènes par la formule. 1 £ Dans la formule (A), R — 84700, soit sensible- ment le double de la valeur de l’équivalent méca- nique : 2E ou 42500 X 2 dans le système d'unité adopté. En rapportant à une molécule »m de corps dissous, on aura, d’après la formule précitée de la pression osmotique : m (C) 2 HV : Il 2 LAN À 947 2 EN | T —84100—2E ou E nv Par substitution dans la formule (C), Il vient : 2T° + M LAN. De plus, comme le rapport du volume spécifiqe V du dissolvant au volume spécifique » du corps dis- : : LE de sous représente la concentration 100 en matière ER US L 100 m° M. Raoult a donné pour l'abaissemen: moléculaire dissoute, on arrive à T, —T, — n de congélation £ la formule {—(T,—T,) =, d’où l’on a üiré, en tenant compte de ce qui précède, la for- mule pratique : p2 [2 t— 0,02 —. À rc Par une voie analogue les abaissements de ten- sion de vapeur des solutions, de M. Raoult, ont été rattachées à la pression osmotique et permet- tent d'en calculer la valeur. On le voit, il n'y a plus à discuter les preuves : il y a un nombre con- Sidérable de corps qui en solution vérifient la for- mule des gaz : par la pression osmotique directe de M. Pfeffer, par le coefficient isotonique de M. de Vries, par la diminution de tension des solutions de M. Raoult, par l'abaissement du point de congé- lation du même auteur. N'y eût-il que quelques cas bien observés au lieu de cette abondance de preuves, la relation serait établie. III Les corps qui suivent la loi de Van’t Hoff régu- lièrement sont toutes les substances organiques, en général tous les corps non conducteurs (qui ne sont pas des électrolytes). Mais les sels — tous électrolytes — ont paru un instant faire exception à la règle. Pour satisfaire à cette loi, il fallait, afin de mettre d'accord l'expérience et la théorie, introduire un certain coefficient qu'on a désigné par à et qui pouvait varier de 1 à 4 dans la for- mule (A). On avait ainsi : (D) po —iRT C'était là un expédient. M. Svante Arrhénius dans diverses publications a traité celte question et levé complètement les difficultés à l’aide d’une théorie qui lui est propre : celle de la dissociation des électrolytes.La formule des gaz (A) est applicable aux vapeurs stables; mais depuis longtemps on a constaté qu'il y a des vapeurs, telles que le chlorhydrate d’ammo- niaque, l'iode, ete.., pour lesquelles la densité ne correspond pas à la formule établie par voie chi- mique. On trouvait à ces corps des densités de va- peur anormales. Ces faits ont été expliqués depuis longtemps déjà par la dissociation qui transforme aux températures élevées AZH3, HClen AzH$ + HCI, Fenl+letc. Les solulions obéissant, comme on l'a vu, aux lois des gaz, leurs anomalies, d’après M. Arrhénius, doivent être aussi celles que les gaz subissent; dès lors les sels dont la pression osmotique ne con- duit pas à la constante 84700 sont dissociés. Tout le monde se souvient de l'interprétation classique de l’électrolyse par Grothus. Pendant que le courant passe dans une solution conductrice, une sorte de permutation par glissement se fait (fig. 2), qui con- duit à chaque pôle ces fractions particulières de molécules salines que l'électricité sépare el que Faraday a nommé des 20ns. (1) Zeitschrifle für physikalische Chemie, 1887-1889. Lumière électrique, 18S9. 198 R. DUBOIS. — NOUVELLE THÉORIE DU MÉCANISME DES SENSATIONS LUMINEUSES Le métal va au pôle négatif (—) : c'est un #07 po- sitif; le reste de la formule, quel qu’il soit, stable ou non,se rend au pôle positif (+); c’est, d’après la règle des attractions et des répulsions électriques, l'ion négatif. Dans cette manière de voir il faut un certain effort ou force électromotrice pour accomplir la sé- paration, Pourtant on sait que, déduction faite de la résistance d’un liquide, entre électrodes de même métal que le sel dissous, la moindre force éleetromotrice suffit pour transporter un corps simple. M. Arrhénius, complétant une hypothèse de Clausius, admet que dans une solution saline éten- due les sels sont naturellement dissociés en leurs: ions. Le moindre courant qui traverse le liquide suffit pour capter les ions libres qui passent auprès du fil conducteur : ce n’est pas un travail de décomposi- lion, mais d’ordination. Selon cet auteur, et con- trairement à ce que les chimistes ont toujours ad- mis, dans une solution étendu, de KCI, par exemple, il n'y pas de molécules de KCI, mais un nombre égal d'ions, de K et de Cl doués de charges élec- triques contraires et se mouvant en tous sens comme les molécules des gaz. Mais suivant la pensée de l'auteur, il ne faut pas se représenter ces ions, chargés, actifs, comme des particules très petites des éléments K et C7 que nous connaissons à l’état isolé et qui ne sont sans doute que des agrégals très condensés des ions éleetrolytiques. Ce sont ces ions libres qui trans- portent l'électricité et qui possèdent l’activité chi- mique. Telle est donc la constitution d'une solution très étendue de sel: pour une dilution extrôme, à la limite, tous les ions seraient libres. Cette solution est comparable à un gaz parfait. Mais, si elle de- vient de moins en moins étendue, une partie des ions se combine de nouveau et on a des liquides mixtes contenant un nombre de plus en plus grand de molécules combinées KCI, SO K?, AzO3 Na... Ces solutions seront dans la situation de vapeurs pré- sentant une densité variable avec la température, «elles seront en voie de dissociation en ions présen- tant pour chaque concentration, el, à concentra- tion moléculaire égale, pour chaque espèce de sels, un coefficient de dissociation particulier qu’on sait dé- terminer maintenant et qui n’est autre chose que de la formule (D. Nos idées sur la nature intime des solutions viennent, comme il est aisé dele constater, de faire un grand progrès : elles sont sorties de la phase des hypothèses sans contrôle; on peut les sou- mettre au calcul. Sur ce point on a encore beau- coup à apprendre; mais on a déjà, pour étudier les solutions étendues, des faits et des formules so- lides; il y a beaucoup à en espérer, car leur étude est désormais reliée à la physique générale, A. Etard, Répétiteur à l'Ecole Polytechnique. NOUVELLE THÉORIE DU MÉCANISME DES SENSATIONS LUMINEUSES La lumière est un phénomène subjectif. Sa cause externe consiste dans le mouvement d'un fluide dont les ondulations se mesurent en millio- nièmes de millimètres et dont la durée s’évalue en trillonièmes de seconde. Comment ces infimes ondulations de l’éther peuvent-elles agir sur nos centres nerveux? Un intermédiaire, collecteur spécial des vibrations externes, est nécessaire : c’est l'organe du sens de la vision; sa délicatesse doit être exquise, puis- qu'il vibre sous l'influence de mouvements d’une extrème exiguïlé. Très compliqué chez les animaux supérieurs, ce transformateur des vibrations élhérées prend par- fois une structure très simple dans les espèces qui occupent les degrés inférieurs de l'échelle zoolo- gique. Chez certains êtres, l'œil n’est plus représenté que par une simple lache noirâtre, qui se distingue à peine du reste du tégument. Mais cette « tache pigmentaire. » dernier vestige de l’œil, correspond à la partie sensible de notre rétine. Ce qui dégénère surtout, chez l'invertébré, ce sont les parties accessoires, comme celles qui, dans l'œil humain, concourent à l’accommodation et à la formation des images nettes sur l'écran sen- sible. Aussi, chez beaucoup de ces animaux, la vision reste-t-elle confuse, au point qu'une guêpe peut se ruer sur la tête d'un clou, croyant frapper une mouche de son aiguillon. Mais les propriétés visuelles fondamentales per- sistent, alors même que déjà l’organe oculaire à subi de profondes dégradations. Paul Bert a le pre- mier démontré que certains crustacés (les Daphnies) savent apprécier les différences d'éclairage et dis- tinguer les couleurs. Les Daphnies ne constituent pas une exception. Nos expériences sur le Pyrophorus noctilucus et celles de Lubbock et de Graber ne sauraient laisser aucun doute à ce sujet. Bien plus, des animaux dépourvus d’yeux, tels que les larves de certains insectes, les myriapodes aveugles, les vers de terre sentent réellement les différences de clarté et peut-être même les couleurs. R: DUBOIS. — NOUVELLE THÉORIE DU MÉCANISME DES SENSATIONS LUMINEUSES 199 Des observations analogues ont été faites sur des vertébrés (Grenouilles, Caméléons, Tritons) et ont conduit à penser que la peau est impressionnable par la lumière. Nos recherches sur les Protées et sur les Pholades mettent hors de conteste l'in- fluence de cette fonction particulière du tégument, que nous appellerons vision dermatoptique. D'ailleurs n’était-il pas théoriquement vraisem- blable que la peau pût jouir parfois de propriétés analogues à celles de notre œil? L’embryologie ne nous fait-elle pas connaître ab ovo l'évolution de cet organe et ne nous apprend-elle pas que notre rétine n’est qu'un retour, vers l'extérieur, de l’épi- derme en partie englobé par l'embryon pour for- mer le système nerveux ? C’est de l’épiderme que vient toute sensibilité, et cela se conçoit, car ce sont les parties les plus extérieures qui, les premières, doivent acquérir la propriété de réagir sous l'influence des excitants du milieu ambiant. En définitive, l'œil, réduit à ce qu'il a de fonda- mental, doit done présenter chez le vertébré, comme chez l'invertébré, de grandes analogies avec le tégument; dès lors, on peut supposer que le nécessaire de la vision, c'est-à-dire la sensation de clarté et de couleur, si merveilleuse qu'elle soit et si mystérieuse encore, peut être plus simple qu’on ne le suppose généralement. I On comprendra maintenant l'importance consi- dérable que l’on doit attacher à l'étude d'un organe tel que l'œil, réduit à son état primitif, originel, tégumentaire, chez un animal adulte, non seulement ca- pable de voir par la peau, mais encore d'écrire lui-même ses im- pressions chromatiques ou lumi- neuses. lade dactyle (fig. 1), mollusque marin que l’on rencontre sur di- vers points de nos côtes, sur les rivages de la Manche, de l'Océan, de la Méditerranée. Sa coquille très fragile, gracieusementéchan- crée, laisse à nu une partie du corps. Élégamment ouvragée, cette frêle cuirasse semble plutôt une coquette parure destinée à soutenir lesorganes, qu'un moyen de défense. Aussi, la Pholade, qui craint fort le crabe et d'autres redoutables carnassiers marins, vit-elle en recluse, murée dans des trous profonds creusés dans le roc ou dans l'argile et d’où elle ne Fig. 1. Cette bête singulière est la Pho- peut plus sortir dès qu'elle y a grandi. Elle ne livre aux hasards du dehors qu'une partie deson manteau, c'est-à-dire de sa peau transformée en un long tube flexible et contractile {S, fig. 1) creusé de deux canaux adossés l'un à l’autre comme lés canons d'un fusil de chasse. Cette sorte de trompe, £’est le siphon : il sert à introduire dans les branchies et les organes digestifs l’eau et les animalcules qu’elle contient par l'une de ses ouvertures, et à rejeter par l’autre l'eau qui a servi à la respiration et les déchets de la nutrition. L'orifice d’entrée est garni d'une élégante couronne de tentacules ramifiés comme les branches d'un corail, petits appareils tactiles d'une sensibilité extrême. Quand on les excite, ils ferment l'ouverture du siphon en rame- nant leurs extrémités libres vers le centre de celle-ci, et l'animal prévenu rétracte brusquement son siphon en lançant une véritable trombe d'eau sur l’agresseur. Mais ce n’est pas seulement par le tact que l'inof- fensif animal est averti du danger ou renseigné sur les phénomènes extérieurs qui l’intéressent. IL voit, imparfaitement il est vrai, mais il voit par toute la surface du siphon, seule partie de l'a- nimal qui puisse sorlir de sa prison pour veiller sur ce qui se passe au dehors. Si l’on place des Pholades arrachées de leur demeure dans un grand vase rempli d'eau de mer, on ne tarde pas à les voir allonger considérable- meni ce siphon. Elles restent ainsi, pendant de longues heures, paresseusement étendues, aspirant et rejetant l'eau qui sert à la respiration et à la nutrilion. Leur attitude reste la même pendant le jour et pendant la nuit, à la lumière comme à l'obscurité. Mais, vient-on à modifier subitement les condi- tions d'éclairage, aussitôt le siphon se rétracte brusquement, comme si l’on touchait les organes tactiles dont nous avons parlé. Il suffit de peu de chose : un mouvement rapide de la main intercep- tant pendant un courtinstant la lumière incidente, un nuage de fumée qui passe, une allumette écla- tant dans l'obscurité, sont autant de causes sufli- santes pour produire cette contraction. Cette sensibilité à la lumière n’est pas répandue seulement à la surface du siphon, mais encore sur toutes les parties du tégument, qui ne sont pas recouvertes par la coquille : on la constate jusque sur la paroi interne des canaux du siphon : mais elle est surtout marquée dans les points les plus fortement colorés en brun par le pigment, comme le bout qui porte les tentacules. Dans toutes les régions excitables par la lumière, on ne rencontre aucun point du tégument assez différencié pour être comparé, par exemple, à l'œil d’un pecten, et c’est à tort que l’on avait autrefois 200 R. DUBOIS. — NOUVELLE THÉORIE DU MÉCANISME DES SENSATIONS LUMINEUSES signalé la présence d’organes oculaires à la base des tentacules. Toutefois, sur le siphon, mais là seulement, la surface tégumentaire n’est pas uniforme; elle est comme chagrinée et présente de nombreuses sail- lies ou élevures en forme de papilles, disposées en séries annulaires très rapprochées les unes des autres. La plupart, à l’état frais, sont légèrement étran- glées à leur base d'insertion. Leur bord libre, aminei, ondulé et comme trifolié est tourné vers le bout du siphon et parait plus pigmenté que les sillons qui séparent les papilles. Quand le siphon se contracte, ces reliefs papilliformes s’imbriquent comme les tuiles d’un toit, ou mieux encore, comme les écailles d’un cône de pin. Ces reliefs du tégument, en recueillant des radiations dont l'incidence n’est pas normale à la paroi du siphon, servent sans doute à la vision der- matoptique, mais on ne peut les considérer comme des yeux, puisque d’autres parties du manteau, qui en sont dépourvues, présentent la sensibilité à la lumière. D'autre part, l'examen microscopique de leur structure nous montrera bientôt qu'ils sont construits avec les mêmes éléments que le reste de la peau. Celle-ci représentera donc l’écran sensible, la rétine de notre œil, mais il ne pourra se former à sa surface aucune image nette, et la lumière réfléchie par les corps opaques ne sera pas con- centrée par le merveilleux appareil optique, qui donne à notre vue sa grande perfection. Aussi la Pholade peut-elle dans certains cas être surprise par l'approche d’un ennemi qu'elle n’a pu voir, Si l’on place un de nos mollusques bien sensible dans une cuvette de verre à fond plat, suspendue au-dessus d’un fond noir, dans un endroit bien éclairé, on provoquera une contraction toutes les fois qu'entre la source lumineuse et l'animal on fera passer un corps quelconque, par exemple un pain à cacheter Lenu au bout d’une aiguille. Mais la Pholade restera indifférente si vous promenez ce même -pelit signal, fût-il blanc et bien éclairé, entre le fond noir et la face inférieure non éclairée du mollusque. On observe le même phénomène dans certaines altérations des milieux réfringents de notre œil : le malade peut distinguer encore ses doigts quand ïl les interpose entre l'œil et la lumière d’une fenêtre, alors qu'il ne peut en saisir ni les contours ni les mouvements dans toute autre condition. Pourtant la sensibilité dermatoptique est consi- dérable, car il suffit, avec l'éclairage direct, d'une faible modification de l'intensité pour obtenir un effet très net. Nous avons dit plus haut que le passage d’un simple nuage de fumée de tabac pouvait provoquer une contraction. Il en sera de même lorsque l’on interposera un verre dépoli, même très clair, entre une Pholade et la lumière du jour pénétrant par une fenêtre. Inversement si, après avoir laissé l’animal étendre son siphon derrière la glace, on enlève celle-ci brusquement, il se produit un mouvement de rétraction. C'est bien la lumière, dans ces diverses expé- riences, qui est le véritable excitant, car on ne peut admettre que le passage d'un pain à cacheter ou l'interposition d’un verre dépoli au-dessus d’un animal plongé dans l’eau de mer et éclairé par la lumière diffuse du jour modifie assez son état thermique pour provoquer de semblables effets. D'ailleurs, si dans l'obscurité on approche de la surface de l’eau un ballon de verre enduit de noir de fumée et rempli d'eau bouillante, aucun mou- vement ne se produit, tandis que la lueur d’une allumette à un mètre de distance fait éclater la contraction. De plus, nous verrons bientôt que les radiations infra-rouges et ultra-violettes du spectre solaire et du spectre électrique sont sans action sur la sensibililé de la peau de la Pholade. Analysons maintenant les phénomènes extérieurs par lesquels la Pholade nous révèle la sensation lumineuse qu'elle a ressentie. Lorsque l’on touche au moyen d’une aiguille la surface du siphon, en quelque point que ce soit, on remarque d’abord deux sortes de mouvements bien distincts. Si la pression a été légère, il se fait au point touché une dépression du légument, qui va en s’irradiant au- tour de ce point, de façon à déterminer un enfon- cement bien circonscrit, dû évidemment à la mise en jeu d'éléments contractiles superficiels. L’exci- tation a-t-elle été portée sur plusieurs points assez rapprochés, situés suivant l’axe longitudinal et d’un seul côté, la contraction superficielle peut alors ètre assez prononcée et assez étendue pour imprimer au siphon tout entier une direction curviligne à concavilé tournée vers le point excité. Si Les exci- talions mécaniques ont été portées suivant la cir- conférence du siphon, c'est un étranglement annu- laire qui se produit. L'expérience démontre donc déjà, à la superficie du siphon, l'existence d’élé- ments contractiles longitudinaux et annulaires que l'on peut faire contracter isoiément. Mais, si au lieu de toucher légèrement le siphon, on l’excite plus fortement, la contraction locale superficielle est bientôt suivie d’une rétraction brusque, totale, violente de tout l'organe, bien différente de celle que l’on observait dans les cas précédents. Au lieu d’une aiguille, on peut prendre pour excilateur un fin pinceau lumineux et on oblient les mêmes résultats. Si le siphon est éclairé d’un côté seulement, il s’incurve lentement vers le foyer de lumière et l’on provoque ainsi un véritable héliotropisme animal. À ( R. DUBOIS. — NOUVELLE THÉORIE DU MÉCANISME DES SENSATIONS LUMINEUSES 201 ce moment, si l’on rapproche brusquement le foyer lumineux, aussitôt le siphon se redresse tout entier par une brusque contraction totale. Il n’est donc pas douteux que, dans ces expé- riences, deux systèmes contractiles différents sont successivement entrés en action sous l'influence d’un accroissement d'éclairage. Il Structure du siphon. — L'étude microscopique de la structure du siphon apporte une nouvelle preuve de l’existence et de l’indépendance de ces deux sys- tèmes contractiles. Elle fait aussi connaître la nature des éléments qui les composent. Sur une coupe transversale de la partie moyenne de la moitié du siphon, d’une épaisseur d’un cen- tième de millimètre, on distingue la section du ca- nal expirateur de la cloison et de la paroi exté- rieure (fig. 2). Laissons de côté la description détail- Fig. 2. — Coupe microscopique transversale de la moitié du siphon comprenant le canal expirateur, (Microphotographie) lée de cette coupe, pour ne considérer qu'un seg- ment de la paroi extérieure de l’un des canaux (fig. 3), cette paroi étant identique à elle-même dans tous les autres points. De dehors en dedans nous rencontrons : 1° Une couche externe divisée en deux zones: la zone superficielle (&) est formée de cellules de l’épi- derme remplies de fines granulations brun noirâtre (cellules épithéliales piymentées) présentant sur toute la surface la même forme générale et les mêmes caractères. Cette zone est extérieurement protégée par une cuticule transparente, La zone profonde (b) de la couche externe est formée de fibres lisses longitudinales et transversales de nature muscu- laire (Voyez fig. 5). 2° Une couche neuro-conjonctive (c) renfermant des cellules nerveuses formant entre elles un plexus dont les mailles sont soutenues par des éléments conjonctifs. REVUE GÉNÉRALE, 1890, 3 Une mince couche (4) de petits faisceaux lon- gitudinaux de fibres musculaires.’ %° Une couche (f) de fibres musculaires circulaires plus fines, identiques à celles de la zone (à) de la couche externe, 5° Une rangée de petits faisceaux longitudinaux de fibres musculaires, 6° Les grands faisceaux musculaires longitudi- naux (4 et). Si l’on pénètre plus profondément dans l’épais- seur de la paroi, on rencontre les mêmes couches, mais en ordre inverse; seulement la face interne du siphon est revêtue de cils vibratiles. Les fibres superficielles (2) de la couche externe Fig. 4. (Microphotographie) sont bien de nature musculaire et contractile, car leurs caractères sont identiques à ceux de la 4°zone le 202 R. DUBOIS. — NOUVELLE THÉORIE DU MÉCANISME DES SENSATIONS LUMINEUSES qui seule est susceptible de produire les élran- glements du siphon dont nous avons parlé. On ne pourrait d'ailleurs sans admettre la nature mus- culaire des éléments de la couche (à) expliquer les dépressions localisées et l’héliotropisme dont il est question plus haut. Si l’on examine, à un plus fort grossissement, (fig. 4 et 6) les saillies papilliformes, on peut recon- naître que leur structure ne diffère pas sensible- ment de celle du reste du tégument. Fig. 5. — (Microphotographic). Les cellules épidermiques pigmentées sont acco- lées les unes aux autres et ne présentent dans leur Fig. 6. — Coupe oblique des papilles (Microphotographie). forme aucune différence fondamentale. Mais ce qu'il importe de constater, c'est que leur terminaison interne, au heu de former une membrane basale homo- gène, se continue directement avec les fibres musculaires transversales et longitudinales de la zone musculaire sous-jacente. Les fibrilles de cette zone vont se jeter en partie dans la 4° couche après avoir traversé la couche neuro-conjonctive et en partie aussi dans celle-ci. Enfin de grandes travées de fibres conjonctives de soutènement se dirigent en rayonnant d’une face à l’autre de la paroi du siphon où elles se ter- minent en bouquet. Dans l'épaisseur du siphon, elles concourent à former les gaines des muscles longitudinaux : c’est le squelette, la charpente fibreuse et élastique du siphon. Mécanisme de la contraction du siphon. — Ces quel- ques données anatomiques et les observations phy- siologiques préliminaires, que nous connaissons, nous permettent de comprendre maintenant pour- quoi nous avons vu se produire selon les circons- tances deux contractions distinctes, l’une qui peut être localisée et l’autre qui est caractérisée par un mouvement d'ensemble du siphon. Lorsque la lumière exerce son action sur les éléments épithéliaux pigmentés, elle y détermine des modhfications qui ont pour effet de provoquer la contraction des fibres contractiles avec lesquelles elles se continuent. Les élé- ments nerveux de la couche neuro-conjonctive sont ébrantés. Cet ébranlement nerveux est communiqué aux ganglions situés à la base du siphon; de ceux-ci part l'excitation réflexe qui met en mouvement les grands muscles longitudinauxr. En somme les choses se passent comme si l'on touchait mécaniquement l’épiderme. L’excitation . mécanique est remplacée par l'influence lumineuse, qui peut également faire jouer l’'amorce, c'est-à-dire | la cellule épithéliale. Celle-ci provoque dans la fibre musculaire qui la continue l'explosion du potentiel accumulé pendant le repos. La fibre musculaire ébranle à son tour le système nerveux. Ce mécanisme est bien différent de celui que l’on a admis jusqu'à présent pour expliquer les sensa- lions, puisque le système nerveux n’est influencé que très secondairement et mécaniquement. Za ‘vision dermatoptique se produit donc ici par un véri- table phénomène mécanique tactile se pussant dans l’inté- rieur même du téqument. Dans cette comparaison de la sensation lumi- neuse avec un phénomène tactile rien ne peut choquer nos idées, puisque l’on sait qu'il suffit d'exercer sur notre œil une légère pression pour provoquer un phosphène brillant, dans l’obseurité la plus complète. Sous ce rapport encore la peau de la Pholade peut se comparer à notre rétine; aussi donnerons- nous à ses couches superficielles le nom de rétine dermalopltique. BR. DUBOIS. — NOUVELLE THÉORIE DU MÉCANISME DES SENSATIONS LUMINEUSES 203 Celle-ci renferme les éléments dermaloptiques com- posés des trois segments: épithelial, musculaire et neural. Les deux premiers forment le système avertisseur. III Analyse physiologique expérimentale. — L'analyse physiologique va nous permettre maintenant d'ap- puyer sur de nombreuses preuves expérimentales notre nouvelle théorie du mécanisme de la vision. Mais, avant de produire les documents graphiques fournis par l'animal écrivant lui-même ses propres impressions, voyons rapidement comment on doit disposer l'expérience. \ ID : La Pholade en expérience est fixée sur une planchette par son extrémité inférieure. Ce sup- port est immergé avec l’animal dans une cuvette pleine d’eau de mer à faces parallèles, de manière que l’extrémité du siphon soit dirigée vers la sur- face du liquide. L’extrémité libre du siphon est reliée au stylet d’un tambour récépteur de Marey (T. fig. 7) qui transmettra à un tambour enregis- treur semblable les moindres mouvements de cet organe. Ce second tambour (S) est muni d’un stylet qui inscrit tous les mouvements transmis par le tambour récepteur sur un cylindre (cg) revêtu d’un papier enduit de noir de fumée. DU = Fig. 1. — Appareil enregistreur des mouvements provoqués par l’action de la lumière sur le siphon de la Pholade. — B, chambre noire; E, pile; M, mêtronome; S, tambour de Marey; T, tambour récepteur; O, obturateur; f, fil; c4, che- minée; ey, cylindre ; el, cloison; eg, cylindre enregistreur; o, orifice de la chambre noire. La cuve de verre contenant l’animal est enfermée dans une petite chambre noire (B) percée seule- ment d’une fenêtre et d’un petit orifice supérieur (0) pour laisser passer le fil {f) qui rattache le bout du siphon au stylet du tambour récepteur (T). La petite fenêtre s'ouvre juste en face du siphon, dont on veut explorer la sensibilité à la lumière. Elle peut être ouverte ou fermée pendant un temps plus ou moins long au moyen d’un obturateur. Celui-ci est construit de telle sorte qu'au mo- ment précis où la fenêtre s'ouvre, un cireuit élec- trique, dans lequel est interposé un signal (S) et un métronome (M), se trouve fermé. Pendant tout le temps que la fenêtre reste ouverte le signal inscrit, en fractions de seconde, le temps précis pendant lequel la lumière tombe sur le siphon. Une petite cheminée en tôle (c.) munie d’un bec de gaz à régulateur permet de donner à la chambre noire la température voulue. Les expériences se font dans une pièce obscure où l'éclairage du siphon peut être fourni, soit par le soleil au moyen d’un héliostat, soit par la lumière électrique, soit enfin par une lampe à gaz munie d’un régulateur. Cette lampe, dont l'inten- sité doit être réglée une fois pour toutes, peut glisser sur une longue planchette graduée placée devant la fenêtre. Ce dispositif est très avan- tageux pour la détermination de l'influence des excitations par des intensités lumineuses diffé- rentes. 90% R. DUBOIS. — NOUVELLE THÉORIE DU MÉCANISME DES SENSATIONS LUMINEUSES ‘Devant la petite fenêtre on peut disposer soit des cuves à faces parallèles, renfermant des solu- tions colorées ou athermanes, soit des verres co- lorés, des prismes, etc. (4). -1 L'expérience étant ainsi disposée, la Pholade va pouvoir écrire elle-même les impressions qu'elle éprouve sous l'influence de l’excitation lumineuse. Bien plus, si ce que nous avons dit de l’autonomie du système avertisseur est exact, le siphon seul, détaché du corps de l'animal et séparé par consé- quent des ganglions situés à la racine des canaux, pourra se contracter et cette contraction dissociée pourra être inscrite sur le cylindre de l'appareil enregistreur. En effet, si après avoir laissé un siphon sec- tionné à sa base reposer pendant un temps suffi- sant à l'obscurité, on l’excite par la lumière, il se contracte encore et l’on peut répéter l'expérience un grand nombre de fois, pendant plusieurs jours consécutifs, quand on s’est placé dans des condi- lions favorables. Pour faire écrire ce lambeau de manteau détaché du corps de l'animal, il suffira de le fixer avec une épingle par son extrémité inférieure sur la plan- chette immergée dans la cuve à faces parallèles et d’accrocher avec un hameçon son extrémité ter- minale au fil du tambour récepteur. C’est ainsi qu'avec un éclairage d’une durée de 2 secondes, fourni par une lampe de 10 bougies, placée à 060 de l’obturateur, nous avons obtenu le tracé de la figure 8. Cette courbe (2) montre que Fig. 8. Le] le raccoureissement du siphon isolé est le résultat d’une contraction unique, régulière, lente, progres- sive comme celle que l’on provoque par une légère excitation localisée de sa surface sur une Pholade entière. Elle est bien manifestement produite par la seule contraction du système avertisseur. Est-ce à dire pour cela que les grands muscles longitudi- naux, qui permettent à l'animal entier de grands mouvements volontaires, ont perdu toute contracti- (4) Pour les éclairages de très courte durée, nous nous sommes servi avec avantage de l’ingénieux obturateur ima- giné par M. Chavanon. (2) Pour l'interprétation exacte des renseignements fournis par la méthode graphique, il est important de savoir que la grsndeur des aires circonscrites par les courbes varie avec la taille de l'animal, la longueur du siphon, sa vigueur per- sonnelle. La personnalité de ce mollusque ne s’acense que par la quantité de travail, mais non par la nature de ce travail. bilité? En aucune façon, et il est facile de démon- trer que cette propriété:esl restée intacte. Ce qui manque, c’est l'excitation motrice ou réflexe, dont le point de départ est dans les ganglions restés dans le tronc de la Pholade. Prenons un autre siphon détaché et excitons-le d’abord par la lumière, nous obtenons un tracé en tout semblable au précédent par ses caractéris- tiques. ‘ Remplaçcons maintenant l'excitation réflexe ab- sente par une courte excitation galvanique, sans faire intervenir la lumière, nous obtenons une courbe (fig. 9) absolument différente de la pre- mière. Cette fois le retrait du siphon s’est mani- TORRES ST Fig. 9. festement produit en deux temps, il y a eu deux contractions successives : la première brusque, énergique, est celle des muscles longitudinaux cen- traux ; la seconde superposée à celle-ci est au con- traire plus faible, plus lente, régulièrement pro- gressive : c’est celle du système avertisseur. Bien plus, si l’on fatigue une Pholade entière dans l'obscurité par des décharges électriques successives, le pouvoir réflexe du ganglion nerveux et ja contractilité des grands muscles centraux s'épuise : on n'obtient plus alors, malgré l'inté- grilé anatomique de l'animal, par l'excitation lumineuse même intense, que la contraction du système avertisseur, qui se fatigue moins vite dans ces conditions. Inversement, si l’on excite par l'électricité un siphon détaché et exposé à la lu- mière, on obtient une contraction unique, celle des grands muscles longitudinaux, le système avertis- seur étant contracté d'avance ou épuisé par l’action prolongée de la lumière (fig. 10). Si maintenant, au lieu d’un siphon détaché, on excite par la lumière une Pholade entière, on pourra obtenir, au lieu d’une contraclion unique, deux contractions successives nettement accusées dans les tracés des figures 11 et 12. Mais, on remarquera immédia- tement que, à l'inverse de ce que nous observons dans le tracé de la figure 9, la double contraction commence par celle du système avertisseur, dont nous avons indiqué plus haut les caractères. Fig. 10. De R. DUBOIS. — MOUVELLE THÉORIE DU MÉCANISME DES SENSATIONS LUMINEUSES 205 Cesfaitsexpérimentaux démontrent delamanière la plus nette le mécanisme fonctionnel des mou- EE Re Fig. 11. vements produits par l'excitation lumineuse, dont nous avons donné déjà l'explication, en nous basant A ————_—_—_—_—_—_————————————————————_—_—_—_— Fig. 12. sur l'observation anatomique et physiologique. Il est donc bien établi que non seulement la Pholade voit sans yeux, mais qu'elle peut encore écrire ses impressions visuelles. On est frappé, en outre, de l’analogie existant entre le mécanisme qui produit la contraction réflexe du siphon et celui qui préside à la contraction de l'iris, quand un rayon lumineux vient frapper notre rétine. Mais on peut encore pousser plus loin la compa- raison en recherchant jusqu'à quel point la sensi- bilité de la peau d’un mollusque peut se rapprocher de celle de notre rétine. IV Malgré son élat d’imperfection, la Pholade peut- elle, comme nous, saisir le passage dun éclair? Quelle est la durée minima nécessaire pour pro- voquer chez elle une sensation lumineuse? Peut- elle comme nous distinguer de faibles clartés? Sait-elle percevoir les intensilés diverses d'ure lumière qui s'éloigne ou se rapproche et mesurer la valeur de ces intensités? Enfin cet aveugle, cet être sans yeux vérilables, peut-il discerner les couleurs? Voit-il les mêmes nuances que nous ? Leur spectre visible est-il plus restreint ou plus étendu que le nôtre? Est-il, comme pour nous, con- tinu, passant sans transition sensible d’une teinte à une autre? C'est encore la pholade qui va ré- pondre en écrivant ce qu'elle ressent (1). Durée de l'éclairage. — Un éclairage instantané peut-il impressionner la Pholade? D'un grand nombre d'expériences faites avec l’ingénieux (1) A la température de 15° la Pholade possède une sensi- bilité et une résistance suflisantes pour se prêter, en été, à toutes les opérations. Il faut avoir soin dans les expériences comparatives de laisser entre chaque essai un repos d’au moins 45 minutes. obturateur de M. Chavanon on peut conclure que, dans de bonnes conditions, avec une lampe de dix bougies, placée à 030, la durée minima de clarté sensible n'excède pas & de seconde: Mais, à cette limite inférieure, il est très probable que la sensation provoquée dans la rétine derma- toptique n’est pas perçue par les centres nerveux ganglionnaires de la Pholade, car on observe seu- lement la contraction du système avertisseur. Parfois cependant, cette contraction de l’aver- tisseur peut-être, au bout d’un temps prolongé, suivie de la contraction réflexe des grands muscles longitudinaux. Celle-ci est alors remarquable par sa brusquerie, son inslantanéité, qui la fait res- sembler absolument à la détente d'un ressort (fig. 43 et 13 His). : = Fig. 13. Fig. 13 bis. — (Continuation de la figure précédente). Les figures 14 et 15 montrent, en outre, que l'animal pourra apprécier la durée de l'éclairage puisque déjà, avec un écart de 1/100®%: de seconde, Fig. 14 (2/100me). on obtient une différence dans l'amplitude de la contraction et dans la durée de la période latente, pour le système avertisseur. Fig. 15 (3/1007°). ‘ Intensités. — La lampe de dix bougies étant placée à une distance (d) de 0.60 centimètres, par exemple, de l’obturateur, si l’on fait deux ‘ex- citalions lumineuses, d’une même durée de 2 se- condes, à une heure d'intervalle, on aura deux tracés identiques (siphon isolé). Mais, si on éloigne de plus en plus la lampe, on voit peu à peu -aug- 206 R. DUBOIS. — NOUVELLE THÉORIE DU MÉCANISME DES SENSATIONS LUMINEUSES menter la durée de la période latente et diminuer l'amplitude de la courbe (fig. 16, 17, 18, 19). Pour Fig. 16 (d— 0”, 70). éviter les perturbations produites par la fatigue dans les expériences en séries, il est préférable de RER IETRE Se PRE DR PENSE 2 SN RE STRESRN EE © Fig. 17 (4 = 0", 80). placer alternativement la lampe à 100 centimètres età 10 centimètres. Dans ces conditions, nous avons RER HU Fig. 18 (d = L",90). trouvé que lorsque l'éclairage devenait 100 fois plus faible, l'amplitude de la courbe devenait dix fois Fig. 49 (d = 1m, 00). moindre et la durée de la période latente environ deux fois plus longue. Minimum d'intensité perceptible. — On trouve, en éloignant la lampe jusqu'à ce que la lumière ne donne plus qu'une contraction imperceptible, que la lueur la plus faible, capable de provoquer une sensation, est égale à 1/400"° de bougie. La Pholade peut done, comme nous, distinguer de faibles clartés et apprécier avec une grande précision la valeur des intensités lumineuses. Y Vision dermatoptique des couleurs. — Si l’on fait tomber sur l'ouverture de l’obturateur successi- vement les différentes zones du spectre solaire ou du spectre électrique, on constate que l’on peut provoquer des contractions du siphon isolé ou de la Pholade entière par toutes les radiations colo- rées que notre œil peut voir. La Pholade voit donc les mêmes couleurs que nous. Comme nous, elle est insensible aux radiations ultra-violeltes et infra-rouges, ce qui démontre que les contractions observées ne sont dues ni à des radiations chimiques, ni à des radiations calo- rifiques. On peut encore s'assurer que ces der- nières n’ont aucune influence sur les phénomènes en question en interposant sur le trajet des r'adia- tions lumineuses actives une cuve remplie d’une solution d’alun concentrée. On obtiendra, avec la même radiation, avant et après l'interposilion de la solution athermane, la même courbe. Au con- traire, le plus léger déplacement du prisme, lorsque la Pholade est éclairée par des radiations franchement vertes, par exemple, suffira pour pro- voquer une contraction dans le jaune-vert. Notre mollusque voit donc bien les couleurs, puisqu'il sait dis- linquer jusqu'aux nuances. S'agit-il ici d’une différence d'intensité lumi- Fig. 20 (jaune). neuse ou d'une véritable sensation chromatique ? En étudiant les caractères des figures 20, 21, 22, EN Fig. 21 (vert). 23, 24 obtenus avec une même source lumineuse et des verres colorés de différente nature, au Fig. 22 (bleu). moyen d'un siphon isolé, si on ne tient compte que de l'amplitude et de la durée de la période te R. DUBOIS. — NOUVELLE THÉORIE DU MÉCANISME DES SENSATIONS LUMINEUSES 207 latente, on peut être tenté de croire que l’intensité lumineuse seule entre en jeu. Mais on remarque Fig. 23 (violet). immédiatement que la forme de ces contractions n’est pas la même que celle des tracés 14 à 18. Fig. 24 (rouge). Avec les radiations colorées, la différence carac- téristique porte sur la rapidité de la contraction, qui diminue progressivement du jaune au rouge. Ce simple changement dans le jeu du système avertisseur suffit pour modifier profondément le phénomène réflexe, qui prend naissance dans les ganglions sensoriels de la Pholade entière et aussi la contraction des muscles centraux qui nous en révèle l’existence. Pour chaque radiation colorée, la Pholade entière donne une courbe caracté- ristique résultant de l’action combinée du système avertisseur et du système moteur central du siphon. Dans les courbes qui expriment la sen- sation du jaune, du vert, du bleu (25, 26, 27, 28, 29) Fig. 25 (jaune). la contraction de l’avertisseur se confond presque avec la contraction réflexe qui la suit de très ne UE, Fig. 26 (vert). près, sauf avec les radiations rouges. Il est pos- sible aussi qu’une radiation, comme celle du violet, ne provoque que le mouvement du système aver- tisseur : dans ce cas, il y a sensation, mais non perception. Des expériences que nous venons de rapporter il résulte que la notion d'intensité est fonction, sous Fig. 27 (bleu). pour un même individu, de l'amplitude du mou- vement de l’avertisseur et que la sensation de Fig. 28 vic et), couleur est déterminée surtout [par la rapidité de ce mouvement, comme dans l'audition la hauteur Fig. 29 (rouge). d’un son est fonction de la rapidité des vibrations sonores et son intensité de l'amplitude de celles-ci. VI L'ensemble de tous ces faits fournis par l'obser- vation et l’expérimentation prouve que les pro- priétés physiologiques de la peau de notre mol- lusque se rapprochent singulièrement de celles de l'œil humain. La comparaison peut ètre poussée plus loin encore. Déjà dans l'œil de certains invertébrés, les élé- ments fondamentaux de la vision présentent une grande analogie de structure avec les éléments dermatoptiques de la peau du siphon de la Pho- lade. Dans une coupe microscopique de l’œil de l'é- crevisse on rencontre (fig. 30) de dehors en dedans: {° une couche transparente et réfringente, qui représente la cuticule de la couche externe de notre réline dermatoptique; 2° une couche formée de cellules à pigment, en continuité avec des fuseaux striés qui vont se jeter dans une agglomé- ration d'éléments nerveux formant le ganglion optique. Cette disposition rappelle de tous points les trois parties constituantes de l'élément der- matoptique situées au-dessous de la cuticule : le 208 R. DUBOIS. — NOUVELLE THÉORIE DU MÉCANISME DES SENSATIONS LUMINEUSES segment épithélial pigmentaire, le segment mus- culaire, le segment neural. Fig. 30. — Coupe de l'œil de l'écrevisse fortement grossi (d’après Huxley). — a, cornée; b, zone sombre externe; e, zone blanche externe; d, zone sombre moyenne; e, zone blanche interne; /, zone sombre interne; er, cônes cristal- lins ; 9, ganglion optique; sp, fuseaux striés. Bien plus, la striation des fuseaux de l'œil de l’écrevisse, qui sont actuellement considérés comme les homologues des cônes et des bâtonnets de notre rétine, est un caractère morphologique très général de ces éléments constituants de notre rétine. Ce caractère important permet de les com- parer aux fibres musculaires et cette interpréta- tion anatomique est d'autant mieux justifiée que Engehlmann et Von Deren Strort ont démontré que les cônes et les batonnets sont contractiles. Pour établir une homologie morphologique com plète entre la peau de notre mollusque et la rétine d’un vertébré, il était nécessaire de démontrer que dans celle-ci, comme dans l'œil de l’écrevisse, il y a continuité entre le segment pigmentaire et les batonnets optiques. Or, c’est précisément ce qui ressort nettement des recherches histologiques que nous avons récemment entreprises avec M. Renaut sur les rapports des franges pigmentaires et des batonnets dans la rétine du caméléon et de la lamproie (fig. 31, 32). L'anatomie et la physiologie comparée concor- dent donc pour établir que notre théorie de la vision dermatoptique peut s'appliquer au méca- nisme de la vision chez l’homme, dont on n'avait pu jusqu'à présent donner aucune explication satisfaisante. La vision esl ainsi réduite à un phénomène tac- lile et nous montrerons plus tard que ce méca- nisme sensoriel est très général. Grâce à la physiologie comparée, cetle science née d'hier, on pourra appliquer à d’autres sens qu'au goût cette conception philosophique formu- Fig. 31. — Coupe microscopique de la rétine du Caméléon, montrant la continuité des cônes (ex) et des franges pigmen- taires (/p) (Microphotographie). lée au xu° siècle par saint Thomas d'Aquin : Zrgo non debet poni alter sensus præter tactum. Mais, il # Fig. 32.— Coupe microscopique de la rétine d’une Lamproie, montrant la continuité des cônes (cn) et des franges pigmen- taires (/p) (Microphotogräphie). n'aura pas fallu moins de huit siècles pour trans- former l'hypothèse du philosophe en vérité scien- tifique. Raphaël Dubois, Professeur à la Faculté des Sciences de Lyon. BR. LIOUVILLE. — LA PROPAGATION DES MOUVEMENTS DANS LES FLUIDES 209 LA VITESSE DE PROPAGATION DES MOUVEMENTS DANS UN FLUIDE INDÉFINI Les recherches faites par H. Hugoniot et pu- bliées, après sa mort, dans le Journal des Mathé- mathiques pures et appliquées (4), élucident d’une façon complète un problème, depuis longtemps posé par les physiciens, mais dont la solution ri- goureuse n'élait connue que dans des cas très par- ticuliers. il On sait comment l'étude du son, celle de la lu- mière, ont conduit à considérer les vilesses de la propagation d’un ébranlement dans une masse fluide. Pour les calculer, il fallait supposer des conditions assez simples pour que loutes les cir- conslances du mouvement fussent mises immé- diatement en évidence. C'est ainsi qu'afin d'obtenir la vitesse du son dans une conduite cylindrique, exige que chaque tranche, située dans une section droite de la conduite, recoive un dépiacement d'ensemble et que l’ébranlement produit donne lieu à de faibles dilatations. Ces hypothèses élant vérifiées, le mouvement tout entier peut être prévu; une tranche quelconque, dont la distance à l’origine de la con- duite est z, prend, après un certain temps £, le mouvement qu'avait d’abord subi la première on x tranche; le rapport - demeure constant, quelle que soit la tranche considérée et c’est lui qu'on regarde comme représentant la vitesse de propa- gation du mouvement dans la conduite. Dans cette théorie, rien n'autorise à penser qu'un ébranlement déterminé à une extrémité de la colonne gazeuse se propage encore avec une vitese constante, s’il s'accompagne d’un change- ment notable de pression. Il est possible, même en ce cas, de connaitre le mouvement qui prend naissance, si le gaz était primitivement au repos; et ce résultat est donné par un premier mémoire de H. Hugoniot; cependant, après qu'il s’est fait une ou plusieurs réflexions dans la conduite, le mouvement qui leur succède n’est point en général de ceux que l’on sait calculer et la vilesse avec la- quelle il se propage demeurait, comme conséquence, impossible à évaluer. Il y a plus : le mode de rai- sonnement, employé pour définir et se représenter cette vitesse de propagation dans les cas sim- ples, convenait mal dès qu'il fallait imaginer pour (1) Journal des Mathématiques, dirigé par M. Jordan, ct 1888. 1887 elle une expression variable à chaque instant el cette difficulté de principe est néanmoins inévi- table. Des circonstances analogues se sont présentées dans l’élude de la lumière; c’est seulement lors- qu'il s’agit des ondes planes ou sphériques que l'on du une définition immédiate de leur vitesse de propagation et en même temps l'expression de celte vitesse, qui est une constante. Les conditions nécessaires au succès de la mé- thode étaient toujours les suivantes : 1° Que le mouvement fût entièrement connu, exprimé par des formules analytiques explicites. 5° Que chaque point du fluide, après un inter- valle de temps, variable d’ailleurs avec sa position, reproduisit exactement le mouvement déterminé d'abord à l’origine, c’est-à-dire que la vitesse de propagation cherchée fût une constante. Il Les choses se présentent sous un aspect tout diffé- rent, si l’on veut définir la vitesse de propagation comme il est fait dans les Mémoires déjà cités. Pour préciser, imaginons une masse fluide, sé- parée en deux parties par une surface S; d’un côté de cette surface, il existe un mouvement À, l'un quelconque de ceux que la masse fluide peut recevoir; de l’autre, par suite de _ À conditions convenables, un se- B s HuIE cond état B a pris naissance. Hu- SEYIE goniot dit qu'il y a propagation de ce dernier mouvement, lorsque, à un instant très proche de celui que l’on considérait, la masse fluide est encore animée des mouvements À et B, la surface de sépa- ration s'étant changée seulement en une autre, S,, très voisine de la première. Cela étant, par un point de S menons la normale à cette surface : une portion très petite de cette normale est inter- ceptée entre S elS,, et le rapport de cette longueur à l'intervalle de temps qui s’est écoulé pendant le changement survenu, est la vitesse de propagation du mouvement B, aux dépens du mouvement A. Cette vitesse peut varier, on le voit, avec le point choisi sur S$, elle peut aussi se modifier avec le temps, mais cette généralité n'en rendra pas le caleul plus difficile. Voici maintenant les principes auxquels se rat- tache toute cette question : 210 La continuité ne peut être troublée en aucun point de la masse fluide et, comme conséquence, les vitesses et les pressions qui répondent aux états de mouvement A et B sont égales en tous les points de $S. Telles sont les relations qui doivent être satisfaites sur cette surface et se conserver lorsqu'elle a été remplacée par une autre, très voi- sine. Elles sont particulières aux deux mouvements que l’on considère et définissent la surface de l'onde. Il en est d’autres, au contraire, qui traduisent seu- lement les propriétés générales du fluide et con- viennent à tous les états qu’il peut prendre; ce sont des équations aux dérivées partielles. Or, ces der- nières, jointes aux précédentes, donnent par une analyse presque élémentaire, l'expression de la vitesse de propagation cherchée. On en conclut d’abord la proposition suivante : La vitesse de propagation d'un mouvement dans un fluide est déterminée par l'état du fluide; elle ne change point, quelle que soit la nature du mouvement qui s'y propage, pourvu qu'aucune discontinuité ne se produise. Afin de bien saisir la signification de ce résultat, il faut remarquer d’ailleurs qu’étant donné un état de mouvement À, tout autre mouvement B, com- patible avec les propriétés du fluide ou, ce qui est la même chose, avec les équations différentielles qui les représentent, n’est pas nécessairement sus- ceptible de se propager aux dépens de A. Un phé- nomène plus compliqué peut prendre naissance et c’est un point que mettent en lumière les recher- ches antérieurement faites par Hngoniot dans un cas plus simple. III Il est facile de s’en rendre compte, quand les mouvements dont il s’agit s'effectuent par tranches parallèles, dans une conduite cylindrique. Les portions du fluide animées des mouvements À et B sont séparées d’abord par une tranche S ; un troi- sième mouvement y prend aussitôt naissance et se propage, d’un côté aux dépens de À, de l’autre aux dépens de B. Cette modification curieuse offre les plus grandes analogies avec les phénomènes que l’on désigne sous le nom de réflexions et qui se produisent dans des circonstances un peu diffé- rentes. Quant à l'expression mathématique de la vitesse de propagation, elle présente un intérêt spécial, en raison du petit nombre d'éléments qu'elle fait intervenir. En effet, si la conductibilité du fluide pour la chaleur est négligeable, comme on le va supposer, il y a une relation caractéristique et connue entre la densité p et la pression p, de sorte R. LIOUVILLE. — LA PROPAGATION DES MOUVEMENTS DANS LES FLUIDES que, l’une de ces quantités étant donnée, la se- conde s’en déduit par une loi générale : p=f (e). Soit maintenant N la vitesse d’un point appar- tenant à la masse fluide et situé sur la surfaceS, cette vitesse étant comptée normalement à la sur- face. La vitesse de propagation V s'exprime, au point considéré, de cette manière : V=N—+,/4 ee «do et cela, quel que soit l’état initial du fluide, quel que soit aussi le mouvement qui s’y propage. Ces circonstances, propres à chaque cas particulier, n'interviennent pas explicitement; elles sont né- cessaires pour déterminer la densité et par suite la pression, ainsi que la vitesse N au point dont il s’agit; mais si l’on imagine que ces éléments soient obtenus d’une façon quelconque, la vitesse de pro- pagation V s’en déduira par la même formule dans tous les cas possibles. Cette formule, au reste, était bien connue, lors- qu'il était question des mouvements simples dont l'étude peut ètre faite immédiatement ; mais ici les conditions qui déterminent le mouvement peuvent être quelconques; le mouvement qui prend nais- sance peut être inconnu; si l’état primitif du fluide est donné, la vitesse de propagation l’est par cela même. En oulre, ni la viscosité du fluide, ni des forces appliquées en chacun de ses points et dé- pendant uniquement de la position et de la vitesse de ce point ne peuventchanger l'expression générale de la vitesse de propagation. La méthode indiquée s’élend même à tous les mouvements régis par un système d'équations aux dérivées partielles du second ordre, notamment à ceux qu'il faut étudier dans la théorie de l’élasti- cité ou dans celle de la lumière. J'ajoute qu'il se produit dans ces derniers cas une circonstance particulière fort importante. Les équations qui s’y rattachent ayant tous leurs coeflicients constants, les valeurs de la vitesse de propagation sont en- tièrement déterminées pour chaque direction nor- male à la surface S. Les formules obtenues sont d'accord avec celles que donnent la considération des ondes planes et le principe d'Huyghens, mais pour les déduire des équations différentielles, base des recherches sur ce sujet, les procédés sont di- rects et n'impliquent aucune hypothèse. R. Liouville, Répétiteur à l'Ecole Polytechnique D' E. DE LAVARENNE. — LES POLYNÉVRITES 214 LES POLYNÉVRITES (!) Il n’est souvent rien de plus intéressant ni de plus instructif en médecine, que de suivre la marche des idées, de rechercher les causes de la direction qu’on leur voit prendre. Si l’on éludie, par exemple, l’histoire des ma- ladies du système nerveux pendant ces trente der- nières années, où Charcot et l'École de la Salpêtrière ont élevé ce superbe édifice de la Pathologie ner- veuse contemporaine, on est frappé de voir quelle énorme part, dans la genèse de ces maladies, est faite aux centres nerveux, relativement à celle attribuée aux nerfs périphériques; mais, on en saisit bientôt le pourquoi dans ce fait que l’évo- lution considérable qui s’accomplit alors, avait son impulsion première dans les Mémoires cliniques de Duchenne (de Boulogne), qui par une sorte d’in- tuition géniale avait esquissé toute la pathologie de la moelle, puis dans les recherches anatomo- physiologiques qui suivirent l'immortelle décou- verte par Broca de la première localisalion cérébrale, celle du langage articulé, dans la troisième circon- volution frontale gauche. Et si dès lors, on voit, avec les Hitzig, les Ferrier, les Vulpian, les Brown- Séquard, les Charcot, etc., elc., physiologie, ana- tomie pathologique, médecine expérimentale et clinique se prêter un mutuel concours dans la solution des problèmes soulevés, on voil aussi expérimentateurs et cliniciens diriger vers les centres nerveux toutes leurs recherches relatives à ces problèmes. Pour préciser : toutes les fois qu'une altération de la motilité ou de la sensibilité est observée, la première idée qui vient à l'esprit est de rechercher quelle lésion des centres peut bien lui avoir donné lieu, les nerfs périphériques (en dehors des cas de névrites localisées, d'ordre spécial, par compression ou à frigore), étant consi- dérés comme de simples agents de transmission. Ainsi s'explique comment passèrent presque inaperçus les travaux de Duménil (de Rouen) (2) qui rapportait «à une lésion nerveuse périphé- rique toute une série de paralysies atrophiques généralisées », montrant ainsi que « les nerfs pou- vaient s’altérer primitivement, sans modification antérieure deleurs centrestrophiques». Mais, c'était à l’époque où l'anatomie pathologique (Luys, Vul- pian et Prévost) venait de prouver que, dans les (1) Mme Déjérine-Klumpke : Des Polynévrites en général et des paralysies et atrophies saturnines en particulier. Paris, Félix Alcan, 1889. (2) Duménil (de Rouen), — Paralysie phériphérique etc., ete. Gazette hebdomadaire, 1864, etc. Contribution pour servir à l'histoire des paralysies phériphériques et spécialement de la névrite. Gazette hebdomadaire, 1866. cornes antérieures de la moelle, au niveau des cel- lules multipolaires, se trouve le centre trophique des fibres motrices ; où fut érigé à l’état de dogme, « que toute destruction des cellules motrices des cornes antérieures entraine à sa suite une atro- phie musculaire, et inversement, que toute atro- phie musculaire (non traumatique) relève d'une altération médullaire ». Et alors, on rapporta à une origine spinale, non seulement l’atrophie mus- culaire progressive, la paralysie infantile, ete., ete., mais encore les paralysies survenant dans le cours ou la convalescence des maladies aiguës; et ces idées étaient si bien ancrées dans l'esprit des patholo- gistes, qu'Erb, Remak et autres n’hésitèrent pas, contrairement à l'opinion de Charcot, à assigner une pathogénie médullaire à la paralysie saturnine, bien qu’elle paraisse un type de paralysie périphé- rique. Du reste, les autopsies étaient-elles néga- tives quant aux lésions spinales, mais positives quant aux lésions des nerfs, on invoquait, pour expliquer ces dernières, un trouble dynamique des cellules de la colonne grise antérieure, et ainsi se trouvait conservé dans son entier le rôle pathogé- nique de la moelle. Cependant, dans l'esprit du plus grand nombre, en France surtout, gräce aux travaux de Lance- reaux, puis de Gombault, de Déjerine, etc. etc. la paralysie saturnine était considérée comme dépen- dant d’une névrite périphérique; mais elle avait un rang à part, lorsque l’on reconnut que n'étaient pasrares certaines formes pathologiques « à moda- lités cliniques variables, à étiologie multiple », qui coïncidaient avec des altérations névritiques plus ou moins étendues, plus ou moins intenses, alors que l'intégrité de la moelle était complète. Bientôt s'établit la relation de cause à effet, et alors futrecon- nue l'autonomie du système nerveux périphérique, réclamée déjà par Duménil, il y a vingt-cinq ans. Ce qu'est aujourd'hui cette autonomie, les résul- tats qu’elle a produits, c’est ce que vient d'exposer récemment Mme Déjérine-Klumpke, dans un travail remarquable (1) où, mettant au service de son expérience propre un esprit profond d'analyse, l'auteur a placé sous nos yeux un tableau aussi exact que complet de l’état actuel de la science en la matière. En l'étudiant avec soin, on verra quelle place, de plus en plus grande chaque jour, prend le système nerveux périphérique dans la pathologie nerveuse, avee quelle rapidité il y a conquis cette place. LEA T A EN SRE RER RER PE (1) Mme Déjérine-Klumpke. Loc. cit. 212 D' E. DE LAVARENNE. — LES POLYNÉVRITES Rien de plus facile, du reste, que de se rendre compte de l'intensité de ce mouvement. On sait aujourd'hui que, relativement à l’étiologie des polynévrites, une part à peu près égale est dévolue aux maladies infectieuses aiguës et aux maladies toxiques. Or, en 1880, la Faculté donnait parmi les sujets de Thèses au Concours d'agrégation : « Des Paralysies dans les maladies aiguës »; Lan- douzy fit à ce propos un Mémoire remarquable dont on peut dire sans exagération qu'il devançail de beaucoup son époque; on y trouve ce principe de pathologie générale qu'il n’y a «de la part des maladies aiguës, derrière loutes ces paralysies, qu'une question d'affinités organiques, de déter- minations et de localisations morbides ». Ce n’est qu'en s'appuyant sur l'analyse des faits cliniques, en interprétant ces faits, en procédant en quelque sorte par exclusion, que l’auteur put justifier sa manière de voir sur les localisations névritiques. Ainsi, dans la fièvre typhoïde, « l'existence d'une névrite » lui paraissait « seule pouvoir fournir la raison d’une localisation étroite de la paralysie », de même dans le choléra, dans la variole, dans le rhumaltisme aigu, dans la tuberculose sur laquelle il insistait tout particulièrement en rappelant « combien étaient fréquentes les névrites doulou- reuses des phtisiques ». Cette opinion qui pouvait alors paraitre très osée est aujourd'hui vérité indiscutable ; — à l'observation, si remarquable à tous les points de vue, faite par Joffroy, de névrites sans lésion médullaire dans un cas de variole grave, à celle analogue de Eisenlhor (de Hambourg) chez un tuberculeux, étant venues depuis lors se joindre de nombreuses preuves anatomiques. — Six années plus tard, en 1886, « des Paralysies toxiques » sont traitées dans un nouveau Concours d'agrégation; Brissaud donne sur ce sujet un Tra- vail dont l'éloge n’est plus à faire; il montre com- ment les substances toxiques agissent plus sur les nerfs périphériques que sur les centres ; le chapitre le plus considérable de son Mémoire est consacré aux paralysies par névrites périphériques; preuves anatomiques en main, il peut démontrer la part énorme que prennent ces névrites dans la patho- génie des paralysies toxiques. Quel chemin par- couru! Depuis lors, les faits se sont accumulés et le travail de Mme Déjérine-Klumpke vient de placer définitivement les polynévrites dans le cadre noso- logique. Ce terme de Polynévrites s'applique parfaite- ment à l’ensemble, ou mieux aux ensembles symplomatiques qu'il a pour but de définir; il dépeint la nature «essentiellement polymorphe » (Raymond) de ces affections, dont la symptomato- logie varie suivant la topographie des altérations névritiques, et dépend « non seulement de l’ex- tention et de la gravité de la lésion nerveuse péri- phérique, mais encore de son siège, de sa localisa- tion et de la fonction des nerfs (sensitifs, moteurs, mixtes ou trophiques) qu’elle affecte. » Cette variabilité, nous la retrouvons ‘aussi bien dans le siège, que dans l'étendue, que dans la marche des lésions. En effet, si, à la rigueur, on peut diviser les Polynévrites en deux classes com- prenant, l’une les formes sensilies, l’autre les formes motrices, il n’en est pas moins vrai que, dans la grande majorité des cas, on se trouve en pré- sence de formes #irtes dans lesquelles on observe égalité des troubles moteurs et sensilifs, ou bien prédominance, absolue ou plus ou moins accentuée, des uns ou des autres. Ainsi, même aux deux extrémités de l'échelle, dans la polynévrite alcoo- lique, sensitive par excellence, les troubles mo- teurs sont fréquents; dans la polynévrite satur- nine, type de forme motrice, M" Déjérine-Klumpke a démontré l'existence presque constante de trou- bles sensitifs. — D'autre part, la polynévrite peut « se localiser à un membre, à un segment de membre, à un ou plusieurs troncs nerveux, ou à un groupe musculaire indépendamment de son innervation périphérique, » ou se généraliser avec summum moteur ou sensitif, et cela, soit en sui- vant une marche plus ou moins lente, soit en affectant une allure rapide, rappelant alors l’évo- lution des maladies infectieuses aiguës. j C'est même dans ce dernier cas, et dans celui-là seulement, que la Polynévrite, « revêtant les allu- res de la paralysie ascendante aiguë », affecte un caractère de gravité tel qu'elle peut entrainer rapi- dement la mort, car presque toujours elle consti- tue une affection curable, dans un laps de temps qui varie suivant l'intensité et l'étendue des lésions névritiques. Celles-ci se présentent généralement « sous les traits bien connus de la névrite parenchymateuse : segmentalion de la myéline, prolifération des noyaux dés segments inter-annulaires, disparition du cylindre-axe, atrophie plus ou moins complète des fibres nerveuses, » avec un maximum d’inten- sité dans les ramuscules nerveux terminaux; beau- coup plus rarement ce sont les lésions d’une né- vrite «interslitielle, inflammatoire, aiguë » que l’on observe. Nous n'avons pas ici à entrer dans l'analyse é- taillée de ces altéralions; celà nous entrainerait dans la description des nombreuses variétés clini- ques qui en dépendent et dont il nous aura suffi d’esquisser l'ensemble; non plus que dans les questions de diagnostic, les unes indiscutées aujourd'hui, les autres encore soumises à contro- verse; mais, ce qu'il nous faut dire, c'est que cer- taines affections, comme la paralysie générale 2 D' E. DE LAVARENNE. — LES POLYNÉVRITES 213 spinale antérieure subaiguë de Duchenne, comme la paralysie ascendante aiguë de Landry, ne sem- | blent être « qu'une modalité clinique de la névrite multiple », que chaque jour voit s'étendre le domaine des Polynévrites, à mesure que leur mar- che, leur évolution, leurs caractères cliniques sont mieux observés, à mesure surtout que leur étiolo- gie est mieux connue. En même temps que les observations se multi- pliaient, en effet, les Polynévrites de causes obs- cures, indéterminées devenaient plus rares, el aujourd’hui que dans l'immense majorité des cas, ces causes peuvent être établies, on est en droit de se demander si le temps est bien éloigné, où dis- paraîtront complètement ces formes décrites par Leyden sous le nom de spontanées. On sait maintenant quelle part énorme revient, dans cette éliologie, aux maladies infectieuses à évolution aiguë ou chronique. Au premier rang, la diphtérie qui, bien qu’elle localise le plus sou- vent ses effets au voile du palais, n’en est pas moins susceptible de les généralisersous forme de paralysies; puis la fièvre typhoïde dans le cours de laquelle Pitres et Vaillard ont pu suivre l'é- volution de la névrite, depuis le simple état con- gestif qui ne se manifeste pendant la vie que par des troubles de la sensibilité, jusqu'à l'altération profonde du nerf qui produit, suivant son inten- sité, des troubles de la motilité avec ou sans atro- phie; la variole, le choléra, la fièvre infectieuse rhumatismale, l’impaludisme, l'infection puerpué- rale. Dans l'ordre chronique : la tuberculose, prin- cipalement dans sa forme lente, la syphilis, la lèpre, au cours de laquelle s'expliquent par les névrites, les anesthésies, les ulcérations, les gangrènes. Non moins grande est l'influence des maladies toxiques. Tout d’abord apparait l'intoxication saturnine comme la plus fréquente, comme celle dont les effets sont les mieux connus, et dont l’étude a servi de base aux travaux de Mme Déjé- rine-Klumpke ; puis l'alcoolisme (Lancereaux) se faisant remarquer par l'intensité des troubles suc- cessifs qu'il détermine, par cet ensemble de symp- tômes à forme ataxique que Déjérine a distingué du tabès vrai sous le nom de nervo-tabès périphé- rique ; l’intoxication mereurielle dont Letulle, dans un Mémoire remarquable, a prouvé anatomique- ment l'influence sur les nerfs; enfin les intoxi- cations oxy et sulfo-carbonées. De ce groupe nous devons rapprocher les névrites par auto-intoxica- tion, observées dans le cours du diabète, de la goutte, du rhumatisme chronique (Pitres et Vaillard). D'autre part, l'influence des névrites périphé- riques sur la production de certaines dermatoses (vitiligos, ecthymas, gangrènes), a été mise hors de doute depuis les travaux de Leloir. Enfin, dans le tabès, Déjérine propose d'expliquer nombre de troubles dont les lésions spinales semblent impuissantes à rendre compte, par des lésions névritiques indépendantes, dont l’étiologie se confond vraisemblablement avec celle de la selé- rose des cordons postérieurs. Dans certains cas, néanmoins, la cause reste encore inconnue comme dans le béribéri; ou bien, on se voit obligé d’invoquer le surmenage, le froid, sachant bien cependant, depuis la découverte des microbes pathogènes, que leurs effets « ne jouent plus dans le développement des maladies aiguës. que le rôle d’une cause occasionnelle, prédispo- sante, mettant l'individu en état d'opportunité, de réceptivité morbide ». Quant aux moyens mis en œuvre par ces diverses causes, connues ou inconnues, pour produire les altérations névritiques, c'est là encore un vaste champ à explorer. ( S'agit-il, dans les névrites infectieuses, d’une action directe, pathogène, des microbes sur les nerfs ?» Quel est le mode d’action des substances dans les névrites toxiques? Pour- quoi telle substance préfère-t-elle tel groupe de nerfs, respecte-t-elle tel autre? Quel est le pro- cédé par lequel sont produites les névrites des maladies dyscrasiques ? Autant de problèmes dont la solution n'est peut-être pas éloignée, car après les belles expériences de Charrin sur la maladie pyocianique, de Roux et Yersin sur le bacille diphtérique, il semble que toute la question sera bientôt ramenée à l'influence des substances toxi- ques sur les nerfs; que celles-ci soient de prove- nance microbienne, qu’elles aient été introduites dans l’économie par intoxication,qu’elles s'y soient produites et accumulées par déviation de la nutri- tion. Quoi qu'il en soit de ces désiderata, les affections des nerfs périphériques occupent dès maintenant une place considérable dans la pathologie ner- veuse; mais, ce que seront les limites exactes de leur domaine, comment elles l’acquérront aux dépens de celui des affections des centres, c’est là ce que, vraisemblablement en raison du courant établi, la clinique et l'anatomie pathologique ne tarderont pas à déterminer. D' E. De Lavarenne. 214 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Labouret (Ch. M. de), capilaine dartillerie de la Marine, — Emploi et fonctionnement du diapason dans les appareils balistiques enregistreurs. Mémorial de l’Artillerie de la Marine, 26° année, 2 série. t. XVIII, 4 livraison de 1890. Imprimerie nationale. Les diverses expériences que nécessitent l'examen des explosifs ou l’étude de la marche des projectiles et de leurs effets, consistent, la plupart du temps, à rele- ver la courbe sinusoïdale tracée sur une plaque noircie par un diapason mobile et vibrant. Le diapason est relié à une masse qui recoit un mouvement, consé- quence du phénomène étudié; la courbe tracée donne les circonstances de ce mouvement et permet ainsi de remonter aux lois du phénomène. . Lorsqu'on emploie ce procédé pour l'étude de la perforation des plaques de blindage par des projectiles enregistreurs, il se présente une difficulté; les deux tracés correspondant aux deux branches du diapason, tracés destinés à se contrôler, ne concordent pas et l’on en est réduit à prendre la moyenne des résultats qu'ils fournissent. M. de Labouret s’est proposé de rechercher quelle était Papproximation que pouvait fournir cette méthode etsil n’y avait pas lieu de la modifier; il était dans les meilleures conditions pour se livrer à ces importantes recherches par sa situation d’adjoint du général Sébert au laboratoire central de la Marine, Par une très longue série d'expériences, bien imagi- nées, bien conduites et dont le Mémorial donne tous les résultats, il est arrivé à déterminer les causes de la non-concordance des deux tracés, puis il à étudié de près la loi des vibrations, et a reconnu que, pour les deux branches, elles sont à phases concordantes à partir du déclenchement de la branche libérée en der- nier lieu; il a montré ensuite que l’espace parcouru au moment du déclenchement pouvait être pris comme moyenne des valeurs lues par les deux plumes et à indiqué enfin comment l’on pouvait augmenter la pré- cision des mesures soit à l’aide des lectures par demi- vibrations, soit à l’aide des relevés par points. Nous ne pouvons entrer ici dans le détail trop tech- nique de ces divers résultats, mais ce que nous venons de dire suffit, il nous semble, pour faire comprendre l'intérêt scientifique et pratique du Mémoire de M. le capitaine de Labouret, L. 0. Vogel (H. C.) et Scheiner., astronomes à l'Observatoire de Postdam. — Des intermittences périodiques de l’éclat d’Algol, Prometheus, n° 16, 1890. Pour expliquer les variations périodiques de léclat de certaines étoiles, les astronomes les ont souvent attribuées à l’interposition de satellites obscures. Cette hypothèse a surtout été faite pour Algol (B Persei), mais jusqu'à ces derniers temps n'avait jamais été dé- montrée. MM. Vogel et Scheiner viennent d'en vérifier la justesse pour Algel. L'emploi du spectroscope leur a permis d’y reconnaitre une étoile double, dont les deux astres offrent un éclat inégal. La masse de l'étoile relativement obscure n’est guère inférieure à celle de l'étoile brillante. Celle-ci à un diamètre de 1.715.000 kilomètres. Celui de son satellite est de 1.225.000 kilomètres, La distance qui sépare les deux astres est de 52.500.000 kilomètres. Tous deux gravi- tent autour d’un centre commun. Suivant qu'ils nous ET INDEX apparaissent en conjonction ou en opposition, ils nous offrent le maximum ou le minimum d'éclat. C. vax Muynex (de Berlin). 2° Sciences physiques. Galitzine, — Sur le rayon d'activité des forces moléculaires. Zeitschrsft, fur physikalische. Chemie. Octobre 1889. Plusieurs théories physiques, notamment la théorie de la capillarité de Laplace, reposent sur l'hypothèse que l’action exercée parune molécule sur les molécules voisines devient négligeable à partir d’une certaine dis- tance 9, qu’on appelle rayon d'activité, Rien n’est encore connu en ce qui concerne la grandeur de ce rayon d'activité ; ni sa grandeur absolue, ni même sa grandeur relative pour les différents corps. M. Van der Waals a été conduit à émettre sur ce sujet deux hypothèses ; ou bien le rayon d'activité est cons- tant pour tous les corps, ou bien il est proportionnel au rayon des molécules. Le savant hollandais n’a d’ail- leurs pu déterminer d’après les résultats expérimen- taux à laquelle de ces deux hypothèses on devait donner la préférence. M. Galitzine reprend laquestion de lafacon suivante : il démontre que la pression moléculaire interne d’un liquide, K (pression produite par l’action attractive qw’exercent l’une sur l’autre les molécules situées dans le voisinage de la surface) et la tension superficielle S, peuvent se représenter par les formules 20 K—c | D(r)dr V0 L il S— s c02 see free, vo e élant une grandeur proportionnelle au carré de la densité du liquide, p le rayon d'activité et Y une fonction inconnue réprésentant l’action de deux molécules l’une sur l’autre. On déduit immédiatement de ces deux expressions : ël { —Consiante, 8 A Au moyen decette formule, M. Galitzine calcule la va- leur de p pour les différents éthers de la série grasse. Ce calcul montre que le rayon d'activité est sensible- ment proportionnel au poids moléculaire du corps con- sidéré : gp —m conslante. Ce résultat conduit à une conclusion intéressante, Supposons que la force qui s'exerce entre deux molé- cules de masse m situées à une distance » soit repré- sentée par l’expression (WS F=KnÈ? Do la valeur limite de cette force, lorsque » sera égale au rayon d'activité, sera représentée par € = Km? pr 2 d’où on déduit p— mx constante. Mais on a trouvé d’autre part p — m constante. IL faut BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 21 © — 22 donc que n Par conséquent, conclut M, Galitzine, la force qui s'exerce entre deux molécules est inverse- ment proportionnelle au carré de leur distance, et la loi de la gravitation s'applique aux actions molécu- laires. Georges CHARPY, Roberts-Austen (Chandler), — Les Alliages. Traduction française de Gustave-Richard, — Gau- thier- Villars. 1890. Cette intéressante brochure est la reproduction de trois lecons professées par M. Roberts-Austen devant la Société des arts de Londres. L'auteur y résume les principaux faits acquis sur la constitution des alliages, question relativement peu étudiée jusqu'à ces derniers temps, mais qui à recu un grand développement par les travaux de MM, Mathiessen, Roberts-Austen, Guthrie, Le Châtelier, Osmond, Hopkinson, etc... Les alliages peuvent s’obtenir soit par compression énergique du mélange des limailles, comme l’a montré M. Walthere-Spring, soit par dépôt électrolytique; mais le seul procédé pratique consiste à fondre ensemble les métaux que l’on veut allier. Dans cette opération on peut, presque toujours, observer un dégagement ou une absorption de chaleur. L'étude de ces phénomènes tend à faire admettre qu’il peut, dans certains cas, se produire des combinaisons en proportions définies, mais que, le plus souvent, la constitution d’un alliage présente de grandes analogies avec celle d’une dissolu- tion. Il faut cependant signaler une distinetion, c’est qu'il est impossible de décomposer un alliage métal- lique en ses constituants par le passage d’un courant électrique, c’est-à-dire de réaliser le phénomène cor- respondant à l’électrolyse d’une solution. Ces essais ont été faits, naturellement, sur des alliages liquides. En étudiant le passage d’un courant à travers les alliages solides, on à pu constater, par les variations du pouvoir conducteur, l'existence de certains com- posés bien définis des métaux, et de plus mettre en lumière ce fait extrêmement important que, dans certains alliages, les métaux subissent des modifica- tions allotropiques. Ces modifications peuvent se pro- duire par laddition de quantités très faibles d’un métal étranger, et changent complètement les pro- priétés physiques du métal considéré, C'est probable- ment en se basant sur l'observation de faits analogues que les alchimistes cherchaient à transmuter les métaux. Un fait très curieux et qui n’est pas encore complètement élucidé, est l'influence du volume ato- mique du métal ajouté sur la modification des propriétés mécaniques. Les expériences faites jusqu'à ce jour semblent établir que les éléments à volume atomique considérable diminuent beaucoup la ténacité des mé- taux auxquels on les ajoute, tandis que les éléments à faible volume atomique augmentent au contraire cette ténacité. On s’explique ainsi linfluence qu’exercent sur les propriétés du fer la présence de petites quan- tités de carbone ou de chrôme d’une part, de phosphore, de soufre ou d’arsenic d'autre part. Les deux premiers chapitres du livre de M. Roberts- Austen sont consacrés à l’étude des faits rappelés ci- dessus, Le troisième traite des couleurs des métaux et des alliages envisagés par rapport à leurs applica- tions aux arts, Georges CHarPy. 8° Sciences naturelles. Bornet (MM. Ed.) et Flahault (Ch. F.), — Sur quelques plantes vivant dans le test calcaire des Mollusques. Actes du Congrès de Botanique tenu à Paris au mois d'août 1889. Paris, 1890. On rencontre souvent sur les plages, à marée basse, des coquilles rejetées par la mer, et couvertes de taches vertes ou verdätres; tantôt un grattage avec l’ongle enlève ces taches qui sont alors dues à des tballes de jeunes algues, fixées là comme sur un sub- stratum quelconque; tantôt au contraire, un grattage même violent n’enlève point la couleur verte, qui est alors plus profonde, intérieure, et due au thalle d’une algue perforante. Des éclats de la coquille, assez minces pour ètre transparents et détachés perpendi- culairement à sa surface, montrent des canalicules creusés dans toutes les directions et souvent anastomo- sés; ce sont les galeries formées par ces algues per- forantes. On comprend que te thalle de l’algue, en se propageant dans la coquille par la corrosion qu'il produit, finit par en amener la destruction totale, et soit l’un des facteurs principaux de la disparition des coquilles dans les baies tranquilles où elles sont à l'abri du roulement des vagues. D'ailleurs, depuis plus de quarante ans les zoologistes et les géologues ont dé- crit les canaux rameux qui traversent les coquilles, les polypiers, etc., et ont attribué leur formation à des plantes perforantes; mais M. Lagerheim (1885) et M. Hariot (1887), étaient jusqu'ici les deux seuls au- teurs ayant trouvé une plante produisant ces galeries. MM. Bornet et Flahault ont étudié dix genres de plantes perforant des coquilles, dont six nouveaux; quatre appartiennent aux algues vertes, quatre aux algues bleues et deux aux champignons. Cette étude est particulièrement difficile, par suite du mélange des espèces et de l’entrelacement de leurs thalles, et la sé- paration des fragments pour l’étude sur le vivant n’en donne jamais que de très petites portions encombrées de poussières calcaires, Aussi les auteurs ont-ils sou- vent employé le liquide de Pérényi, qui fixe le proto- plasme et décalcilie les coquilles. La nouvelle algue verte, Gomontia polyrhiza, est la plus curieuse des espèces décrites, principalement par ses sporanges qui ne ressemblent à ceux d'aucune au- tre espèce. Le thalle jeune est formé de fila- ments articulés, rameux, rayon- nant autour d’un point central, qui bientôt produi- sent un réseau continu envahis- sant la couche su- perficielle de la coquille; plus tard, ils dévelop- pent une ramili- cation dorsiven- trale profonde, Chaque article possède des chro- É VO. + Mo 1 a {| à LE, Se x Co BA APE \ ne pe LE À NÉ PE Lei Pet Fig. 1. — Gomontia (Bornet et Flahault). Frayment de coquille enlevé perpendiculai- matophores PA sement à la surface. Il est traversé par riélaux de un à % filaments du Gomontia. Gross. — 19 cinq noyaux. Quelques-uns des articles se renflent en une masse plus ou moins irrégulière et à protoplasme abondant, qui s’isole de plus en plus des articles contigus par d'épais bouchons de cellulose; puis leurs points d’at- tache se changent en rhizoïdes, et dès lors ces spo- ranges vivent d’une vie propre pendant assez longtemps comme des organismes autonomes, Leur contenu se transforme soit en zoospores à deux cils, soit en spores immobiles. Les zoospores sont de deux sortes : des pe- tites et des grosses; seules les grosses germent et se développent en un filament qui se cloisonne à mesure qu'il s’allonge. Les spores immobiles donnent nais- sance à des sporanges semblables aux précédents et pourvus de rhizoïdes; si la coquille est vieille, un ou plusieurs crampons pénètrent dans son intérieur, s'y étalent en filaments et produisent une plante nouvelle. D'autres fois, ces spores grossissent, se divisent en plu- sieurs (2-8)corps immobiles, qui se développeront à leur 216 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX tour en sporange; mais pour les auteurs ce dernier phénomène n'est qu'un moyen accidentel de défense de la plante contre les conditions défavorables. Le genre Gomontia devra former une tribu particulière dans la famille des Syphonocladées, Parmi les autres espèces décrites, l’Hyella cœspitosa est aussi curieuse parmi les algues bleues que le Go- montia parmi les algues vertes. MM. Bornet et Flahault considèrent d’ailleurs la connaissance des plantes perforantes comme restant encore très incomplète, Camille SAuvaGEau. 4° Sciences médicales. Routier, — Cancer du rectum. Résection par la voie sacrée. Rev. de chir., décembre 1889, t. IX, p. 961. Contre les cancers du rectum qui sont trop bas pour être enlevés par la laparotomie comme ceux de l’oméga iliaque et trop haut pour être extirpés par l'anus, Kraske a imaginé en 1885 d’agir par une voie artifi- cielle créée au niveau du sacrum qu’on résèque dans un temps préliminaire à l’ablation du néoplasme. M. Routier, qui, dans un cas,a employé avec succès son procédé, le conseille parce qu'il permet d'enlever des néoplasmes placés très haut sur le rectum et les gan- glions voisins, parce qu’il fait espérer la possibilité de la cure radicale et surtout parce que, conservant le sphincter, il n’entraine pas cette infirmité dégoûtante de l’incontinence des matières qui suit et a rectotomie, et l'établissement des anus artificiels, iliaques ou lom- baires. D' HARTMANN. Metchnikofr (Elie). — Le charbon des pigeons, (Annales de l'Institut Pasteur, 25 février 1890.) M. Metchnikoff continue ses études sur les causes de l'immunité naturelle ou conférée ; on sait que l’éminent microbiologiste fait jouer un rôle très important dans l'immunité contre les microbes à certaines propriétés inhérentes à quelques espèces cellulaires de l’orga- nisme qui prennent le nom de phagocytes pour indi- quer leur nouvelle fonction; de ce nombre sont les leucocytes. Une première étude avait déjà été faite à propos du bacille du Rouget du pore, bacille dont l'absorption et la destruction par les phagocytes est facilement observée, Dans cette seconde étude, M. Metchnikoff a choisi la bactéridie charbonneuse, qu'il a expérimentée sur le pigeon, parce que cet animal avait été choisi par ses contradicteurs, entre autres par Baumgarten, pour réfuter les assertions de l’auteur sur la phagocytose. M. Metchnikoff avant d'exposer le résultat de ses propres expériences résume les connaissances acquises sur le charbon des pigeons ; comme ses prédécesseurs, il a constaté que les pigeons jouissaient d'une faible réceptivité pour le charbon, mais que la bactéridie charbonneuse voyait son activité être notablement ren- forcée par le passage à travers l'organisme du pigeon au point d’arriver à tuer les poules, animal réfractaire au charbon dans les conditions ordinaires, M. Metchni- koff expose ensuite ses expériences nouvelles; toute la discussion de la phagocytose repose sur ce fait : savoir si les bactéries englobées par les phagocytes sont mortes ou vivantes ; l’auteur a pu, par un procédé ingénieux, isoler plusieurs plagocyles avec une bac- térie qu'ils avaient absorbée, et en semant cette subs- sance il a vu la bactérie se développer; aussi est-il en droit de tirer de son travail les conclusions suivantes : 1° L'immunité des pigeons pour le charbon n’est que relative ; 2° Les bactéridies peuvent se multiplier dans l’orga- uisme et les humeurs des pigeons; 3° Le nombre des bactéridies extra-phagocytaires mortes est beaucoup moindre que celui des bactéri- dies intra-phagocytaires mortes ; 4° Les phagocytes des deux espèces sont capables d’englober les bactéries vivantes et virulentes; 5° Le virus charbonneux se renforce dans l’organisme des pigeons, Enrésumé, de ces expériences il résulte que la pha- gocytose joue un rôle important dans la lutte de l’or- ganisme contre l'invasion bactérienne sans qu'on puisse affirmer que d’autres éléments n’interviennent pas également dans la lutte, Dr H, Dunrer. Gamaléia (N.) Sur l'exaltation de la virulence du bacille morveux. (Annales de l'Institut Pasteur, 25 fé- vrier, 1890.) . Les expériences de M. Gamaléia montrent que le bacille de la morve suit les lois générales qui régissent l'augmentation ou la diminution de la virulence observée par d’autres micro-organismes, les lésions locales devenant d’autant plus importantes que la ré- sistance de l'animal est plus grande, ou la virulence plus atténuée, Le bacille de la morve qui est plus virulent pour le lapin est exalté par ses passages à travers le spermo- phile au point de pouvoir tuer le lapin par l’injection sous-cutanée ; dans cette modification, la clinique de la maladie change également et au lieu d’une affection à tumeurs inflammatoires (tubercules), on voit une septicémie caractérisée par lhypérémie de la rate et de nombreux bacilles dans le sang du cœur, M. Gama- léia définit le sens des modifications apportées à la virulence ou à la résistance de l’animal par le nom de généralisation septicémique. D: H. Dumer. Lagrange (Docteur F.) — L’hygiène de l'exercice chez les enfants et les jeunes gens. 1 vol. in-18, F. Alcan, Paris 1890. Ce volume est la suite de la Physiologie des Exercices du corps, que le même auteur a publiée il y a deux ans. Celui-ci est l'application à un cas particulier des théories générales que M. Lagrange a fondées sur une longue suite de patientes observations. Nous n’avons pas à parler ici des préceptes hygiéniques, des règles pra- tiques formulées dans cet ouvrage. Mais la partie théorique contient des faits nouveaux intéressants pour la physiologie, Nous signalerons particulièrement le rapport que l’auteur a établi entre l’apparit'on d’un précipité ura- tique dans les urines et la courbature qui succède à l'effort chez l'homme non entrainé : tandis que chez l’homme entrainé, la fatigue poussée à ses limites extrêmes ne fait jamais apparaître ce précipité, jamais non plus la courbature ne succède chez lui à cette fati- gue. La liaison entre les deux faits est pour l’auteur absolue, il n’a jamais constaté d'exception. Il est à regretter que M. Lagrange n’ait pas analysé chimique- ment le phénomène, et qu'il ait constaté simplement la présence ou l'absence d’urates précipités dans les urines. Il ya pourtant là incontestablement l’indica- tion d’une loi; les physiologistes qui voudront étudier l'influence du travail musculaire sur l’excrétion de l'azote sont prévenus d’avoir à s’enquérir si leur sujet est ou non en état d'entrainement, et pour reconnaître cet état, ils ne pourront mieux faire que s’en rapporter aux signes diagnostics donnés par M. Lagrange. L’ex- plication théorique que celui-ci a donnée du fait nous paraît par contre fort contestable. Il suppose une réserve azotée dont la destruction même constituerait l’acte essentiel de l’entraînement, Nombreuses sont les objections que soulève cette théorie; mais après tout elle n’est donnée que comme une hypothèse, indépen- damment de laquelle les faits gardent leur valeur, L. LAPICQUE, TE ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES © ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES © 0 DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER CNCRES æ |) À l'occasion des fêtes de Pâques. la Société de Biologie, la Société françrise de Physique, la Soristé de Chine de Qui À 7 SF 0 HS D le V=, î = sd Londres, l'Académie des Sciences de Berlin, la Socièté de Physique de Berlin, l'Académie royale des Lincei, l'Académie des Sciences de Turin n'ont pas tenu, pendant ces fêtes. leurs sèances ordinaires. ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 2% mars 1890, 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Mittag-Leffler com- munique une transcendante remarquable, découverte par un de ses élèves, M. Fredholm. — M. Z. Elliot : Sur les invariants d’une classe d’équations du premier ordre, -— M. O. Callandreau a continué les études de M. Tisserand sur la capture des comètes. — M. Mas- cart donne à l’Académie des renseignements sur l'ob- servatoire astronomique et météorologique qui vient d’être fondé à Tananarive. — M. Ch. Antoine a étudié les relations qui existent entre le volume, la pression et la température de diverses vapeurs, en analysant les travaux de Regnault, de Hirn et de Zeuner sur ces vapeurs. — M. Mascart propose, pour lire directement les indica- cations du dynamomètre de transmission, un système optique composé d'une lentille fixée à une distance calculée de l’arbre et entrainée avec lui; cette lentille donne : une image fixe pendant un temps suffisant, si la rotation est lente; une série d'images superposées, ren- due continue par la rétine, si la rotation est rapide. Les indications ainsi fournies peuvent être enregistrées photographiquement, — M. Ledieu propose pour régulariser le mouvement des machines, dont le travail est soumis à des variations subites et considérables, le système suivant : le régulateur est muni d’une dynamo auxiliaire, dont la mise en jeu est déterminée par le mouvement mème de l'embrayage qui établit un con- tact électrique ; la régulation commence ainsi avant que la différence de résistance se soit transmise jusqu'à la machine, à cause du temps perdu de cette tranmission. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. James Moser qui a signalé récemment les variations considérables que subit le pouvoir conducteur de l'air plus ou moins raréfié, à constaté au contraire pour le pouvoir inducteur que celui-ci ne varie pas avec le degré de la raréfaction, — — M, Berthelot a repris les expériences de M. Schüt- zenberger sur la condensation de l’oxyde de carbone au moyen de l’effluve; en entourant d'un manchon d’air sec l’électrode d’eau acidulée, il s'assure que cette électrode ne cède au travers du verre aucune trace d'eau ; le produit brun de condensation ne s’en forme pas moins, mais décomposé par la chaleur à labri de l'air, il n’abandonne pas une proportion d'hydrogène supérieure à un millième. — Electrolysant un mélange d'acide sulfurique et d'acide chlorhydrique, Buff à démontré que les deux corps se décomposent en pro- portions constantes, quelle que soit l'intensité du cou- rant; M. L. Houllevigne a trouvé que cette loi s'ap- plique au mélange de deux sels en dissolution aqueuse, mais les chiffres trouvés expérimentalement semblent s’en écarter, à cause de la réaction du sulfate de cuivre sur le zinc déposé, — Pour préparer les betaïnes, M. E. Duvillier indique que le meilleur procédé con- siste à faire réagir un éther iodhydrique sur le sel de zinc des acides amidés en présence d'oxyde de zinc. — M. G. Arachequesne décrit la facon dont il a modifié le procédé de Krämer, basé sur la transformation en iodoforme de l’acétone, pour doserexactement ce produit dans les mélanges où il se trouve en grande proportion. — Pour doser rapidement la matière grasse du lait, M. Lezé fait bouillir celui-ci avec deux fois son poids d’acide chlorhydrique, puis neutralise par de lammo- niaque diluée ; tout le beurre estalors mis en liberté et vient surnager le liquide; il suffit alors de lire le volume qu'il occupe. — M. Schlæsing répond aux observations présentées par M. Berthelot à son travail sur l’absorp- tion de l'ammoniaque atmosphérique par les terres, que les faits avancés par lui sont des faits d'observation bien établis et que toute discussion est inutile. — 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Louis Mangin a trouvé dans diverses membranes cellulaires végétales une subs- tance distincte de la cellulose et de la pectine, et qui joue un rôle important; il lui a donné le nom de callose parce qu’elle forme les cals des tubes cribreux libériens. M. L. Ranvier a étudié la concraction musculaire sur les fibres striées rubanées qu'il a décrites dans la mem- brane rétrolinguale de la grenouille; ces fibres étant tendues sous la lamelle couvre-objet, il les excite par un choc d'induction très faible, et observe avec un fort grossissement ; il a vu que les disques épars seuls se raccourcissent en s'élargissant, tandis que les autres éléments de la fibrille s'étirent. — En étudiant le dé- veloppement des éponges siliceuses, M. Yves Delage à constaté que les cellules ciliées qui pointent tout autour de l’embryon au stade Morula rentrent plus tard à l'in- térieur et constituent l’endoderme de l'animal adulte. — M. Kunkel d’Herculais a constaté chez le Stauronotus maroceanus (sauterelles d'Algérie) lexistence d’une ampoule que l’animal fait saillir entre sa tête et son prothorax ; cette ampoule, gonflée par le liquide san- guin, sert à faire éclater les coques ovigères, la mem- brane d’enveloppe à la mue, etc, — M. Cotteau donne la diagnose de six échinides fossiles du Mexique, que leurs caractères paléontologiques doivent faire consi dérer comme crétacés. — En expérimentant sur les animaux, MM. Joly et B. de Nabias ont constaté que l'hydrogène arsénié agit sur le sang en disssolvant l'hémoglobine et en transformant une partie de celle-ci en méthémoglobine, — M. Gamaléia stérilisant par la chaleur des cultures du microbe du choléra, à vu leurs propriétés se modifier suivant la température à laquelle elles ont été portées; chauffées à moins de 70, elles sont très toxiques et provoquent la diarrhée; chauffées à une température supérieure, elles ne pro- voquent plus de diarrhées, sont tolérées à des doses bien plus considérables et sont encore vaccinantes, — M. Bouchard insiste sur la différence entre les dias- tases toxiques, qui se détruisent par la chaleur, et Les substances vaccinantes, qui y résistent entièrement. — D’une étude d'ensemble faite par M. Munier-Chalmas sur le bassin de Paris, il résulte que le gypse apparait chaque fois que les dépôts affectent le caractère sau- mâtre; il manque dans les dépôts correspondants d’origine lacustre, Dans certaines couches, la silice a remplacé le gypse par pseudomorphose. — MM. Michel Lévy et Munier Chalmas décrivent les nouvelles formes de silice cristallisée trouvées par M. Munier Chalmas dans le bassin de Paris et nommées par lui quartzine et lutécite. — Des expériences de M. Thoulet, il résulte que pour diverses substances, ponce, corail, coquilles calcaires, etc., l’eau de mer possède un pou- 218 voir dissolvant bien plus faible que celui de l’eau dans les mêmes conditions, — M. G. Rolland s'appuyant sur les faits qu'il a observés à El Goleah, combat l’opi- nion qui veut que le dépôt des dunes sahariennes, en des points déterminés, soit provoqué par l'humidité du sous-sol en ces points; c’est au contraire la dune qui emmagasine l’eau, après s'être formée sous lin- fluence du relief, — M. Chevalier envoie divers ren- seignements sur un tremblement de terre à Shang-Hai etles mouvements des boussoles pendant le phénomène. Séance du 31 mars 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M, de Jonquières montre, par l'analyse d’un ouvrage posthume de Des- cartes (De solidorum elementis), que l’illustre philosophe avait connu, dès sa Jeunesse, el rédigé avec précision tous les principes et les théorèmes de la polyédromé- trie élémentaire, tels qu'on les trouve aujourd’hui dans les Traités les plus complets, — Les théorèmes relatifs à la statique graphique des ares élastiques ont jusqu'à présent négligé les déformations de l’ordre de la tension longitudinale et de l'effort tranchant; M. B. de Fonviolant montre que, pour tenir compte de ces quantités, il suffit de remp'acer dans les théo- rèmes précédents les forces fictives parallèles, appli- quées aux divers éléments de la fibré moyenne, par des forces fictives parallèles aux premières et appli- quées aux divers éléments des trois lignes. conjuguées. —M. G.Bigourdan : Observation de lanouvelle comète Brooks (a 1899) à Paris. MM. G. Rayrt et L.Picart : Observations de la comèle Brooks (21 mars 1890), à Bordeaux. —M, Charlois : Observations et éléments de la nouvelle planète! 289 ), découverte à l'observatoire de Nice, le 10 mars 1890, —M. Spærer : Surla position de la tache solaire du 4 mars. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Colley expose une interprétation physique approximative des équations différentielles du mouvement de l'électricité dans les deux circuits des bobines d’induction, — M. André Le Châtelier a trouvé qu'à une même température la valeur de l’écrouissage des métaux va constamment en décroissant sous l'influence du recuit, et tend vers une valeur limite d'autant plus faible que la température à été plus élevée, — M. Daniel Berthelot, cherchant une relation entre les fonctions chimiques des corps el leurs conductibilités électriques, à trouvé que les con- ductibilités des trois acides oxybenzoïque sont très distinctes, décroissent dans l’ordre ortho, méta, para et diffèrent de celles des phénols correspondants, — M. B. Walter cite des déterminations d'indices de réfraction qui contredisent la loi de M. Doumer selon laquelle les pouvoirs réfringents moléculaires des sels seraient des fonctions du nombre des valeurs de leurs éléments métalliques, — M. P. Schutzenberger expose que dans les tubes à effluve où il condense l'oxyde de carbone, il faut admettre le passage de l’eau à travers le verre, puisque des dispositions parti- culières ont été prises pour s'opposer à l'introduction de l’eau par la pompe employée pour extraire l'acide carbonique, M. Berthelot fait remarquer, à ce propos, que de petites quantités d'humidité, adhérentes à la paroi interne du verre, ont pu s'accumuler dans le tube par le fait de la grande masse du mercure et de la répétition de ses refoulements, — M. J. Fogh explique par la thermo-chimie les réactions de lhypo- sullite de soude sur les sels d'argent, — Par l’analyse d’un objet en métal datant de près de’ 4000 ans avant notre ère, M. Berthelot avait établi que l’âge du bronze a été précédé d'un dge du cuivre. M. V. Marcano montre que l'étude de la métallurgie précolombienne au Vénézuela conduit à la même cénelusion. — M. Ph. Guye, partant de l'hypothèse de MM. Le Bel et Van t’Hoff, relative aux valences tétraédriques du car- bone, étudie les modifications que la substitution fait subir à leur équilibre, et les variations corrélatives de leur symétrie et leur pouvoir rotatoire : 4° toutes les 0 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES fois que par le fait d’une substitulion, le centre de gravité de la molécule reste des mêmes côtés des plans de symétrie du carbone, le pouvoir rotatoire du dérivé substitué ainsi obtenu conserve le même signe; 2° si la substitution éloigne le centre de gra- vité des places de symétrie de la molécule, elle aug- mente en mème temps le pouvoir rotatoire; 3° si elle déplace le centre de gravité d'un côté de l’un des plans de symétrie à l’autre côté, elle entraîne le changement de sens du pouvoir rotatoire. — M, Meslans applique les récentes découvertes de M, Moissan à la préparation du fluoroforme; il indique les propriétés de ce corps. — M. P. Cazeneuve, étudiant les phénols sulfocon- jugués du camphre ordinaire, à reconnu que c’est l’oxhydrile de l'acide sulfurique qui se fixe sur le noyau aromatique pour le transformer en phénol. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Ranvier expose une méthode nouvelle pour observer au microscope les élé- ments et les tissus des animaux à la température phy- siologique. Il plonge dans un courant d’eau chaude préparalion el microscope muni d’un objectif à immer- sion, — MM. Georges Pouchet el Beauregard décri- vent le squelette et surtout la tête d’un cachalot ré- cemment échoué à l'ile de Ré. — M, Verneuil présente des moulages de pieds bots phlébitiques ; à la suite de certaines phlébites et causées par elles, il a observé certaines difformités des pieds et des orteils dont Ja formation dans ces conditions n'avait pas encore été signalée. — M, L. Cuénot montre que chez deux ani- maux du même genre, les Aplysia depilans et punctatu, le sang présente des différences remarquables de com- position, Chez le premier il est coloré par un albumi- noïde coagulable par l'alcool, tandis que chez le second il contient une hémocyanine incolore, Il a en outre recherché chez ces animaux l’origine des amibocytes,. II en attribue la production à la crête de l’aorte, renfermée dans le péricarde, — M. Léon Guignard, poursuivant ses investigations sur le rôle essentiel des noyaux sexuels dans la fécondation, décrit l’accolement du noyau mâle au noyau femelle chez le Lis Martagon. — M. G. de Lagerheim signale l'Uredo Vialæ comme un nouveau parasite dangereux de la Vigne, — M. Termier décrit la série des roches éruptives du Mézenc et du Meygal et constate l'existence de l’œgyrine dans les phonolithes du Vélay — De nombreuses analyses de quelques roches du Nord de la France, surtout de diverses eraies, M. Henri Bursault conclut que la composition chimique n'intervient pas seule pour mo- difier l'aspect des roches sédimentaires; ni le phos- phate de chaux, ni la magnésie ne produisent le dur- cissement, La cause du durcissement de la craie est bien plus physique que chimique, — M. A. Julien énumère les résultats de ses recherches sur le carbo- nifère marin du Plateau central, L. LAPICQUE. ACADÉMIE DE MÉDECINE ; Séance du 2 avril 1890. MM. Raimbert (de Chateaudun) et Diday (de Lyon) sont élus membres associés nationaux, M.le Président annonce la mort du Professeur Tré- lat et lève la séance en signe de deuil, Séunce du 8 avril 1890. M. Heckel de Marseille) adresse une note sur les propriétés physiologiques de la noix de Kola, Il a observé qu'après épuisement de la caféine par le chloroforme, la poudre de Kola conserve encore une action très sen- sible sur l'élément musculaire (suspension de la fati- uue) avec très faible excitation nerveuse. Cette poudre contient donc d’autres principes que la caféine, très actifs et non encore isolés; du reste, elle agit à doses très faibles : ainsi desofficiers francais ont pu franchir 72 kilomètres en 12 heures, en n'absorbant, à doses fractionnées, qu'une quantité de poudre correspondant ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 2119 à 0,15 de caféine, De plus, elle empêche l’essouflement, ainsi que l'ont constaté les membres du Club-Alpin français dansleurs grandes ascensions : elle empêcherait même le mal de montagne et régulariserait la circula- tion aux grandes altitudes. Il regrette, depuis 6 ans qu'il l'a proposé, de n'avoir pu encore en avoir fait adopter l’usage dans l’armée, M. Colin, répond qu'on ne peut l’adopter avant que la chimie en ait parfaite- mentdéfini les principes actifs, — M. G. Gautier litun travail relatif au traitement des fibromes intra-utérins par la galvano-caustique chimique ïintra-utérine et monopolaire de l'utérus. — M. Lesage présente un travail sur l’origine microbienne du choléra infantile. Il a isolé un micro-organisme (rencontré aussi dans le choléra nostras) bacille dans les bouillons et dans l'in- testin, microcoque sur les surfaces sèches de culture, se cultivant à 38° sur gélose, ne se décolorant pas par la méthode de Graham, sécrétant une substance alca- line, à odeur d’aubépine, analogue à celle sécrétée par le bacille virgule, Cette substance est toxique, tue à la dose de 4 à 5 milligrammes en produisant l’algidité et les lésions intestinales du choléra. Elle peut être isolée des viscères, des muscles des animaux morts du cho- léra jusqu'à la 4% série. Elle existe également dans l'urine, ce qui explique comment Bouchard à produit le choléra expérimental avec l'urine des cholériques. En collaboration avec M. Winter, M. Lesage à isolé cette substance du microbe pathogène du choléra in- fantile ainsi que du bacille virgule de Koch; celle-ci a produit dans les deux cas le choléra expérimental. D'E Ds LAvARENNE. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 29 mars 1890. M. Laguesse à continué ses recherches sur le déve- loppement de la rate, Il a constaté que chez l'embryon de la truite, les vaisseaux de la rate se forment par des vacuoles creusées dans le tissu aréolaire dont l'organe est composé; ces vacuoles se mettent en communication avec la veine centrale de l’organe, et se tapissent d’un endothélium provenant de celte veine, Leurs parois donnent alors naissance à des éléments figurés libres, semblables à des leucocytes, qui sont entraînés par le sang. C’est là le début de la fonction hématopoiétique de la rate, — M. Verdin présente: 1° un sphygmo- graphe chronométrique construit par lui sur les indi- cations de M, Jaquet de Bäle; cet appareil donne un lracé analogue à celui du sphygmographe de Marey, et en plus le tracé des secondes ; 2° un pnéographe construit par lui en collaboration avec M, Tata de Bombay ; cet appareil est mis en mouvement par le courant d'air inspiré ou expiré au moyen d’un dynamomètre spécial, — M, Laborde a étudié la force musculaire des animaux auxquels on à enlevé le cervelet; ces recherches lui ont montré que la vigueur musculaire reste entière malgré l'incoordination; dans les premiers moments seulement après l'opération, la force est amoindrie, sans doute sous l'influence du shok. L, LAPIGQUE. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 27 inurs 1890. SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. G. R. Bryan. Sur la stabilité d’un sphéroïde de liquide parfait en rotation. L'auteur discute les conditions de stabilité par rap- port aux varialions d’un type général qui peut s’expri- mer en termes d'harmoniques sphéroïdales; son but est de rechercher si la condition de Riemann est suffisante pour assurer la stabilité dans d'autres déplacements que les déplacements ellipsoïdaux. Les résultats qu'il à trouvés s'accordent avec ceux de Riemann, Basset et autres ; ils démontrent que le sphoreïde de Mac Laurin, S'il est formé de liquide absolument dénué de viscosité, est parfaitement stable, si son excentricicité est infé- rieure à.0.9528867. Si l’excentrité dépasse cette limite: la forme sphéroïdale devient instable et le liquide prend la forme d’un ellipsoïde. SCIENCES NATURELLES. — MM. J, N. Langley et W.Lec Dickinson : Sur la paralysie progressive des diffé- rentes classes de cellules nerveuses du ganglion cervi- cal supérieur, Le but de ce travail est de déterminer si les cellules nerveuses sont paralysées toutes ensem- ble ou successivement et dans un ordre défini. La méthode employée consiste à utiliser l’action para- lysante de la nicotine; 4) on en injecte dans une veine en quantité insuffisante fout d’abord pour occasionner la paralysie complète du sympathique cervical, on en injecte successivement de nouvelles doses et on note l’ordre dans lequel disparaissent les effets nomalement produits par l'excitation du sympathique cervical; b) on injecte une quantité de nicotine suffisante pour déterminer la paralysie complète du sympathique cer- vical, puis on l’excite à courts intervalles et on note l’ordre de réapparition des effets normaux de chaque excilation. D'une manière générale, les excitations du minima sympathique cervical chez le chien déterminent la paleur des lèvres et des gencives; les excitations faibles et les excitations d'intensité moyenne, la paleur et consécutivement la rougeur; les excitations fortes, comme Dastre et Morat l'ont montré, la rougeur d'em- blée; mais l'étendue et la durée de l'effet primitif et de l'effet secondaire, lorsqu'il y en à un, varient d’un chien à l’autre. Les effets de ce: excitations chez le lapin et le chat sont aussi indiqués, Les faits montrent que chez les divers animaux la nicotine fait dispa- raitre presque simultanément la plupart des effets de l’excitation du sympathique cervical, Richard À, GRÉGorY, SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 21 mars 1890. M Herbert Tomlinson étudie le point critique de Villari, dans le fer et le nickel. Villari à montré que la perméabilité magnétique du fer est augmentée par une traction longitudinale, pourvu que la force magnétique ne dépasse pas une certaine limite, au delà de laquelle une traction produit au contraire une diminution de la perméabilité. La valeur de la force pour laquelle une traction ne produit aucun changement dans la perméa- bilité est connue sous le nom de point erilique de Villari, L'auteur ne croit pas que l’on ait observé jusqu'à pré- sent un point critique analogue pour le nickel; il a, par l'étude de laimantation temporaire, découvert dans ce corps un point tout à fait comparable, Les expériences ont été faites en déterminant par la méthode balistique l'induction produite par les morceaux en expérience, les morceaux étant soumis à des charges connues. Pour le fer recuit, la valeur critique de la force décroît quand la charge croit, et le point critique de Villari est beaucoup plus bas pour laimantation temporaire que pour l’aimantation totale, Avec une charge de 4 kilos, 7 sur un fil de 1%" de diamètre, la valeur de la force produisant le point temporaire est de 28 unités C.G.S. Pour une force magnétisante donnée, il y a généra- lement deux valeurs de la charge qui n’ont aucun effel sur l’aimentation temporaire. Avec le nickel, la valeur critique de la force est beaucoup plus grande, 114 uni- tés C. G.S. pour une charge de 10 kilos surun fil de 0mm8 de diamètre. —M, Shelford Bidwell dit que le profes- seur Thomson, s'appuyant sur le changement de longueur produit par l’aimantation, a prévu l'existence d’un point de Villari dans le cobalt comprimé, et ce fait a été vérifié expérimentalement, En appliquant un raisonnement analogue au cas du nickel, on ne devrait pas s'attendre à trouver un point de Villari, que sir W. Thomson et le professeur Ewing ont d’ailleurs cherché en vain dans ce cas, Dans des expériences, encore inachevées, il a examiné la facon dont se com- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES porte le nickel, soumis ou non à une charge, quand il est sous l'action de forces magnétisantes variables, Le | métal se contracte dans tous les cas quand il est aimanté, — Le prof. S.P. Thompson décrit un prisme de Bertrand. L'appareil se compose essentiellement d’un prisme à réflexion totale en spath, qui montre à l’œil nu les anneaux et les croix que l’on observe en lumière convergente dans un polariscope. Si l’on remplace le spath par du quartz, la double réfraction de cette subs- tance étant très faible, on ne voit plus guère directe- ment les anneaux, mais en projection on apercoit encore des traces très visibles de ces anneaux. — M, T. Mather examine les formes des bobines mobiles employées dans les instruments de mesure électrique; il recherche quelle est la forme à donner à la section horizontale des bobines des galvanomètres du type d’Arsonval, électrodynamomètres, wattmètres, etc. Se donnant une période constante et un moment d'inertie constant par rapport à l’axe de rotation, il montre que la meilleure forme de la section pour les instruments de zéro est composée de deux cercles tangents à la direction du champ produisant la déviation, au point autour duquel la bobine est mobile; dans les instru- ments ordinaires du type d’Arsonval, on n’emploie que 45 % environ du moment de la déviation. M. C. V. Boyss dit qu’il a lui-même été conduit à donner à ses ins- truments des formes semblables. — M. Agerton fait aussi observer que le professeur Perry et lui-même ont montré à la Société des arts un wattmère où la bobine avait une forme analogue et qui donnait un moment de déviation égal à 95 ‘/, du maximum. ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE Séance du 1° mars 1890 Le comte d’Espiennes envoie un mémoire sur la climatologie de la Belgique. Le point où l'on observe le froid le plus vif est, comme on sait, non pas la Baraque Michel, mais bien plutôt Ville- du-Bois, près Vielsalm, à une altitude inférieure de 275 mètres à celle de la Baraque. L’explication suivante du phénomène parait très rationnelle. Pair refroidi sur les Hautes-Fagnes, et devenu plus dense par ce fait même, descend la pente qui s'étend de ces sommets à Ville du-Bois, continue de rayonner en descendant et arrive plus froid qu'à son point de départ. Toutefois, aucune expérience directe m'était encore venue confirmer cette explication. D'où lintérèt des observations suivantes de l’auteur, réalisées à Sey près Ciney: « Observant, dit-il, la répartition des dégâts occasionnés par la gelée sur les arbres, lors du terrible hiver 1879-1880, j'ai été frappé de ce que presque tous les arbres détruits se trouvaient dans le fond des vallées, tandis que ceux qui étaient sur les pentes ou sur les sommets des collines étaient épargnés. Pour en rechercher les causes, j'ai entrepris simullané- ment des observations thermométriques et anémomé- triques sur les sommets des collines, sur les pentes et dans les fonds des vallées adjacentes. Ces recherches n'ayant lieu que par des temps calmes, pour mieux apprécier la direction suivie par les courants aériens, je me servais de petits morceaux de bougies allumés, placés sur le sol, et dont l'inclinaison de la flamme me donnait d’une manière très précise la direction et l'in- tensité du plus faible courant d'air. Il résulte de l’en- semble de mes observations que : 1° pendant les nuits des temps calmes et sereins (condition absolument nécessaire à la production du phénomène) Pair, en se refroidissant, s'écoule, dès le coucher du soleil, du sommet des collines vers le fond des vallées, et qu'arrivé dans celles-ci, il en suit le cours plus ou moins rapidement selon linclinaison de la pente. Les sommets deviennent alors le siège de véritables appels d’air dont la température est relativement fort élevée par rapport à celle des versants et des vallées; 2° la plus basse température minima dans un pays accidenté aura toujours lieu (lors des situations atmosphériquss indiquées plus haut) dans les vallées et principalement dans celles dont la pente est faible ou presque nulle ; et, dans ce cas, si un obstacle quelconque vient à barrer la vallée, tel qu'un bois, un remblai, etc., l'air froid descendu des hauteurs avoisinantes, entravé dans sa circulation, vient s’accumuler en amont de l'obstacle et y former, si l’on peut ainsi dire, de véritables marais d'air, qui peuvent atteindre, même en été, la tempéra- ture de 0 degré et même moins, le rayonnement pen- dant la stagnation de l’air continuant à en abaisser la température. C’est en ces points où se produisent, pendant les nuits calmes et claires, ces brouillards intenses, en forme de nappes blanchätres de quelques mètres à peine d'épaisseur, que, malgré la chaleur développée par la condensation des vapeurs et l’abri qu'elles apportent au rayonnement, la gelée détruit presque chaque année, au printemps ou même en été, les pommes de terre, le seigle en fleur, les légumes des Jardins potagers et, lors des hivers exceplionnels, les arbres fruitiers, Au point de vue agricole, on doit donc éloigner les cultures délicates de ces emplace- ments qui sont toujours très nuisibles pour toute espèce de végétation, étant souvent pendant les journées d'été de véritables fournaises, et de véritables glacières les jours suivants. Ë M. l'abbé Renard présente une notice sur les cris- taux de phillipsite du centre du Pacifique. Après avoir montré, dans une précédente communication, l’exis- tence, dans les argiles sous marines de cet océan, de cristaux microscopiques de phillipsite dont il a déter- miné les formes cristallographiques et la composition chimique il fait connaître les conditions battymétriques et les associations minérales de ces cristaux zéolithi- ques. Il conclut qu’ils sont formés par l’action des eaux marines sur les produits volcaniques basiques, qui tapissent le lit de l’océan dans cette région du Pacifique. RÈQES Membre de l'Académie. ACADÉMIE DES SCIENCES DE SAINT-PÉTERSBOURG Séance du 11 mars. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Bortkevitch pré- sente un mémoire sur « la mortalité et la longé- vité de la population de la Russie d'Europe » où il donne une nouvelle formule pour le calcul approxi- matif de la vie moyenne et critique certaines mé- thodes de statistique, surtout celle qui pour la déter- mination de la vie moyenne se sert de la moyenne arithmétique des nombres inverses des coefficients de la natalité et de la mortalité. Les calculs portent sur les données de la statistique décennale (1874 à 1884) concernant la population grecque-orthodoxe de la Russie d'Europe. — M. Nétchoghin présente ‘un mémoire sur la division de l’angle en trois parties égales, par approximation, en basant ses calculs sur les données des mathématiques spéciales. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Chklar présente une nouvelle application du microphone pour avertir l'armée de l’approche de l’ennemi sur terre et sur mer. 3% Scenes NATURELLES. — M. Th. Schmidt lit le rapport sur sa mission géologique en Suède; cette mission avait pour but la comparaison des forma- tions siluriennes des iles Esel et Gothland (dans la Baltique). — M. Goldberg présente un mémoire sur le « développement des ganglions nerveux chez le poulet », dont voici les conclusions : 1) Les gan- glions rachidiens et céphaliques se forment au dé- pens de l’ectoderme (chez le poulet, la bécasse et le tétard). 2) Le rudiment des ganglions rachidiens et de certains ganglions céphaliques est visible sur une coupe 35 heures après l'incubation ; il apparaît alors . ACADÉMIES ET SOCIÉÈTES SAVANTES 221 comme une masse cellulaire entre l’ectoderme, le tube médullaire et la protovertèbre. 3) Tous les ganglions rachidiens se développent d’après le même type; la masse cellulaire dont on vient d’esquisser la formation envoie un prolongement en bas, vers l’espace triangu- laire compris entre l’ectoderme, la protovertèbre et le tube médullaire ; ce prolongement forme, en s’agrandis- sant, après la destruction des protovertèbres, le gan- glion rachidien ayant la forme d’un ovoide. +) Les raci- nes des nerfs sortent du tube médullaire (les anté- rieures où ventrales avant les postérieures oudorsales, c’est-à-dire vers la fin du 3° jour) sous forme de fibres excessivement fines; les fibres de la racine postérieure traversant la masse même du ganglion tandis que les antérieures sans y pénétrer suivent son bord inférieur; en dehors du ganglion les deux racines se réunissent en une seule tige nerveuse, 5) Chaque ganglion rachi- dien correspond par sa sitution à un segment du tube médullaire (neuronien). 6) Les ganglions céphaliques se forment de deux facons différentes : a) soit au dépens de la masse cellulaire déjà décrite comme les ganglions rachidiens ; les ganglions de la région de l'oreille : ci- liaire et de gasser (5° paire), le ganglion otique (8° paire), le ganglion d’Anderseh (9° paire), etc. b) soit immédia- tement au dépens de la paroi des vésicules cérébrales, comme par exemple le ganglion géniculé ou les gan- glions des nerfs optiques (3° jour de l’incubation). 7) Les ganglions sympathiques apparaissent le 4° jour de l’incubation, sous forme d’amas cellulaires situés sous la racine antérieure (ou ventrale), et qui se déta- chent nettement au milieudes cellules mésodermiques environnantes. Ces ganglions accompagnent le nerf dans son trajet ultérieur, Les rameaux anastomotiques des ganglions n'apparaissent que beaucoup plus tard, Séance du 25 mars 1890, M. Imchenetski présente une note sur la significa- tion géométrique de la formule d’Eiler pour l’expres- sion approchée des quadratures, — M. Backlund pré- sente un exemplaire de son « rapport préliminaire sur les travaux astronomiques faits par l'expédition de Timain (dans le nord-est de la Russie), pendant l'été 1889. » extrait des Mémoires du Comité géolo- gique. — M. le D'Soupronnenko fait don à l’Académie des collections zoologiques et anthropologiques réunies par lui dans lile de Sakhalin. O. BAckLUND, Membre de l'Académie. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 20 mars 1890. SCIENCES NATURELLES, — M. A. Fleischmann, de Er- langen, communique un travail sur la parenté des Rongeurs avec les Marsupiaux. M. Fleischmann décrit spécia ement chez ces deux ordres de mammifères les identités, les transitions et les analogies du système dentaire, de l'angle du maxillaire inférieur, du pro- cessus coronoïide, du condyle glénoïdal, de la forme et de la structure de l'estomac, de la disposition des or- ganes urogénitaux, du nombre, disposition et structure des mammelles, de la disposition du larynx, de la forme extérieure et de la structure de l’encéphale, de la disposition des nerfs spinaux et surtout des formes embryonnaires. L'auteur conclut qu'au point de vue phylogénétique tous les organes des Rongeurs dérivent de ceux des Marsupiaux et qu'on peut expliquer logi- quement chez les espèces actuellement vivantes les variations de formes à l’aide des dispositions ances- trales. Une parenté analogue existerait entre les Insec- tivores et les Chauves-souris d'une part et les Marsu- piaux carnivores d'autre part, L'auteur développera cette thèse dans une communication ultérienre. J. F. HEvwans. SOCIÈTÉ DE PHYSIOLOGIE DE BERLIN Séance du 28 mars 1890. M. E. Salkowsky : L'eau chloroformée est antisep- tique, tue les êtres et les ferments organisés, mais n’au- rait aucune action sur les ferments inorganisés. De la levûre de bière mise à digérer avec de l’eau chlorofor- mée donne en quantité relativement considérable un sucre lévogyre et fermentescible, tandis que de la le- vûre traitée par de la vapeur d’eau ne donne pas de sucre par la digestion dans l’eau, A côté du sucre se forment encore des produits de décomposition des substances albuminoïdes, comme la leucine, la tyro- sine, la xanthine., Du foie broyé mis à digérer avec de l’eau chloroformée donne également une plus grande quantité de produits de décomposition que le foie sté- rilisé par la vapeur d’eau. Il en est de même du muscle. De sorte que l’auteur conclut à la présence constante de ferments dans les tissus animaux, — M. S. Rosen- berg démontre une nouvelle réaction de l'acide urique, plus sensible que celle du murexide. L'acide urique donne avec l’acide phospho-tungstique en milieu al- calin une coloration bleue intense, encore sensible dans une solution à { pour 80,000. Dans l’urine des carnivores et dans celle de homme l'acide urique est seul cause de la coloration bleue; celle des herbivores contient différentes substances qui produisent la même coloration qu'il faut d’abord éliminer, — M, Goldschei- der à fait sur le sens du goût les mêmes recherches que Oehrwall et est arrivé également à la conclusion que les différentes saveurs sont percues par des ter- minaisons nerveuses différentes, — D'après les re- cherches de M. Argutinsky le travail musculaire s’ac- compagnerait d’une élimination plus grande de subs- tances azotées. M. J. Munck à repris l'étude de cette question; d’après lui l'organisme qui à à sa disposition une quantité suffisante de substances nutritives et d'oxygène accomplirait son travail musculaire en consumant seulement des substances hydrocarbonées. Si l'alimentation est insuffisante, ou s'il y a dyspnée, alors les substances albuminoïdes sont entamées et le travail musculaire s'accompagne d'une élimination plus grande de corps azotés. J. F. HEyYmans. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 20 mars 1890, Le président M. Stephan présente un mémoire sur la conductibilité calorifique des dissolutions salines. — Le Dr Niemelowiez a entrepris des recherches swr le Bro- malglycerique et l'acide tribromopropionique. Si l’on fait agir l'acide sulfurique et l'acide bromhydrique sur la glycerine, suivant la température et la quantité de brome employée, la glycérine se transforme en bromalglycé- rique (& et 6. tribromopropion aldéhyde) et en acide tribromopropionique correspondant, Comme produits accessoires on obtient un polymère liquide du dibro- mure d'éthylène La constitution du bromalglycérique à été déduite de l’action de la potasse étendue qui four- nit, comme produits de la décomposition, l'acide for- mique, l'acide bromhydrique et le dibromure d éthylène dyssymétrique. L'auteur indique également un procédé qui permet d'obtenir facilement à l'état de pureté le bromalglycérique et l'acide tribromopropionique. — M. C. Claus a étudié l'organisation de Cyprides. La science à fait aujourd’hui des progrès considérables, qui permettent d'appliquer à ces êtres des procédés d'étude bien préférables à ceux employés par les anciens auteurs. M. Claus fait des coupes durcies et colorées suivant les méthodes connues; il a ainsi examiné suc- cessivement: le système nerveux, les organes dela vision, le squelette, Lanpareil digestif, les organes de sécré- ic de reproduction, tone Emil Wen, Membre de l'Acaäémie. 999 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIE DES SCIENCES DE N Séance du 8 février 1890. M. Oglialoro à réalisé en collaboration avec M. E. Rosini l'acide orthonitrophényleinnamique et l’hydro- phénylcarbostirile, Ces nouveaux composés corres- pondent à l'acide orthonitrocinnamique et au carbos- tirile ; ils ont été préparés en faisant agir l’orthonitro- benzaldéhyde sur le phénylacétate sodique et en réduisant par l’amalgame de sodium le nouvel acide orthonitrophénylcinnamiqué qui en résulta. Séance du 127 maïs 1890, 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M, Reina éludie la Théorie des normales à une sw'face. Il démontre plusieurs théorèmes importants de géométrie différentielle re- latifs aux normales à une surface quelconque. En ap- pelant conjuguées deux directions d'éléments linéaires infiniment petits dans le plan tangent d’une surface en un point, lorsqu'il y à coïncidence avec les directions de deux diamètres conjugués de la conique indicabrice de Dupin en ce point, M. Reina montre que la plus petite distance des normales à une surface menée par les extrémités d’un élément linéaire infiniment petit, est parallèle à la direction conjuguée de cet élément, de sorte que la direction conjuguée à celle d’un éle- ment est donnée par l'intersection de la surface avec le plan conduit par la normale à une extrémité de l’élé- ment, et par sa plus petite distance de la normale à l’autre extrémité, En supposant la surface à courbure positive, en considérant la normale en un point et Je conjugué harmonique de ce point par rapport à deux centres de courbure principaux appartenant à cette nor- male, M. Reina trouve deux théorèmes relatifs aux per- pendiculaires à la normale, lesquelles sont symétriques par rapport aux sections principales, et passent par ce point conjugué harmonique. En variant de position sur la surface la locale de son conjugué harmonique, cons: truit comme nous venons de le dire, il constitue une seconde surface conjuguée de la première, Or l’au- teur démontre que la surface conjuguée d’une autre surface donnée est le lieu des lignes de rétrécissement (stringimento) des surfaces réglées constituées par les normales à la surface donnée le long de ses lignes ca- ractéristiques, (Sur ces lignes l’auteur a présenté un travail aux Lincei. Vol, N. fase, 21,) Le système des normales à la surface conjuguée coïncide avec le sys- tème des normales à la surface donnée, lorsque celle ciest à courbure moyenne constante; dans ce cas la surface con- juguée est à courbure négative et lesdites lignes de rétrécissement (shringimento), qui se trouvent sur elle APLES sont des signes asymploliques: par conséquent si la sur- face donnée est à courbure moyenne constante posi- tive et si l’on construit la surface conjuguée correspon- dante, ces deux surfaces sont telles que les normales à l'une le long des lignes caractéristiques coupent l'autre le lng des lignes asymptotiques. elen outre l'angle compris entre les lignes caractéristiques qui se coupent en un point de l’une est égal à l'angle entre les lignes asymp- totiques au point correspondant de l’autre, — M, Fer- gola donne lecture d’un rapport sur une note de M, An- gelitti sw une modification à la méthode dite de Taleotl pour déterminer la latitude géographique. M. Angelitti pro- pose une modification utile montrant qu'on peut éviter Pusage de la vis micrométrique el ce en remarquant fout simplement les instants dans lesquels les deux étoiles du couple, qu'il faudrait observer avec la mé- thode ordinaire, passent par un même fil de réticule, quelques minutes avant ou après leur culmination, On sait que la méthode de Talcott exige une grande per- fection de l'appareil micrométrique; c’est pour cela que M. Angelilti propose une méthode qui le supprime, 2° SCIENCES PHYSIQUES, — M. Angelitti étudie les variations de la déclinaison magnétique observées à Capodimonte en 1888. — M. E. Scacchi fait connaitre les caractères cristallographiques des fluosilicates de molybdène. Il s’agit de trois sels récemment découverts par M. Mauro. — M, Oglialoro présente une note de M. Puitti sur la synthèse des Asparigines. C’est une importante contribution à complète connaissance de toutes les Asparigines qu’en théorie l’on peut prévoir. 3° SCIENCES NATURELLES, — M. Bassini donne lecture d’un rapport sur une Note de M. Meschinelli relative à quelques instruments provenant de plusieurs habitations lucustres de l'Europe. En ces dernières années on à extrait de plusieurs habitations de lacs (lacustri) des instruments en bois très curieux. Ce sont des espèces de pirogues, longues de moins d’un mètre et avec deux parties mobiles au centre. A l'étranger ces instruments ont été étudiés par MM. Hildebrandt, Hausmann, Merkel, Deschmann et Munro. M. Meschinelli s'occupe de ceux rencontrés en Italie dans la vallée Fontega. On les a tenus tour à tour pour viviers de poissons, trappe à poissons, à loutre, à castor, et enfin on à supposé qu'ils étaient des modèles de barques pour faciliter la pêche, M. Meschinelli refait l'historique de la question avec beaucoup de clarté et d'ordre et conclut que les instruments rencontrés en Italie élaient très probablement des trappes à oiseaux. — M. Licopoli expose un procédé pour observer au microscope cer- laines semences provenant des fouilles de Pompéi. Francesco SINIGAGLIA. LE BANQUET DE LA SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Le 27 mars dernier, la Société de chimie de Londres à fêté dans un banquet de 150 couverts le cinquante- naire de sa fondation, Le Président, M, W. J Russell, a rappellé à cette occasion les origines de la savante compagnie et les principales découvertes qui marquè- rent les premières années de son existence, Sa création fut décidée par 25 chimistes parmi lesquels Grove et Playfair, Ils commencèrent par la doter d'un bulletin où,'sous le nom de Mémotreset Extraits, ils publièrent à la fois des recherches originales et l'analyse des prin- cipaux travaux chimiques de l'Etranger, Rien que pa- raissant irrégulièrement, ce bulletin obtint un grand succès. Le haut intérêt, lantôt spéculatif, tantôt prati- que, des mémoires qui, dès ses débuts, y furentinsérés, explique la rapidité de sa renommée, Sans doute la chimie a bien progressé depuis l'apparition de son pre- mier volume, où Clark essayait de titrer la dureté d’une eau, Mais, quoique dépassés aujourd’hui, quantité de mémoires publiés par la Société méritent encore d’être consultés, soit en raison de leur grande valeur in- trinsèque, soit aussi parce qu'ils permettent de me- surer le progrès qu'ils ont provoqué. Telles furent, dans le 2€ volume du bulletin, les recherches célèbres de MM. Musprait et von Hoffmann relatives à la prépa- ration de l’aniline par la nitrobenzine. La découverte du coton-poudre, consignée dans le 3° volume (18#7} attira sur la Société l’attention des praticiens. Alors furent créés à Londres 3 laboratoires pour les recher- ches originales de chimie, Les découvertes qui en sor- tirent, publiées par la Société, intéressèrent le public : MM. Abel et Roumey y faisaient connaitre la composi- tion chimique de l’eau de Trafalgar square et de Chel- tenham; M. Mansfield indiquait l’intérèt scientifique et pratique du goudron, jusqu'alors regardé comme un produit sans valeur. Il montrait toute Pimportance, pour la théorie et l'application, de l'étude chimique de la benzine, Tous ces travaux et bien d’autres jelèrent sur la Société un grand éclat. C’est à eux surtout qu’elle dut sa prospérité naissante, Il était juste de le rappeler en célébrant la cinquantième année de sa fondation. NOTICE NÉCROLOGIQUE NOTICE NÉCROLOGIQUE EDMOND HÉBERT Edmond Hébert, le chef de l'Ecole francaise de Géologie, s’est éteint le vendredi # avril à l'âge de 58 ans. Il était né en 1812 à Villefargeau (Yonne) où son père, ancien soldat de la République et de l’'Em- pire, dirigeait une ferme importante, Après d’excel- lentes études au collège royal d'Auxerre, Hébert, qui se destinait au professorat, dut, pour avoir les res- sources matérielles suffisantes, passer par la dure existence de maitre d’études. Enfin en 1833 ses efforts furent couronnés de succès et il entra à l'Ecole nor- male supérieure, À sa sortie en 1836, il fut envoyé comme régent de physique au collège de Meaux. Il sé fit remarquer par sa fermeté qui Jui valut d’être rappelé en 1838 comme surveillant général à l'Ecole normale pour y maintenir la discipline, Il y resta jusqu'en 1857. | L 4 ; C’est à partir de 1840, époque à laquelle il fut nommé directeur des études, qu'il s’adonna à la Géologie, Jusque là il s'était consacré à l'enseignement de la Physique, enseignement qui d’ailleurs avait été fort remarqué, Mais la vie sédentaire ne lui convenait pas et ce fut par raison de santé qu'il entreprit ses pre- mières courses géologiques qui furent suivies de tant d’autres dont les résultats eurent une si grande impor- lance sur le développement de la Géologie en France, 11 réunit ainsi une collection de fossiles qu'il rangea au point de vue stratigraphique et qui servit non seulement à son enseignement, mais encore à ses travaux de recherches et à ceux de ses élèves. Ce laboratoire, largement ouvert à tous les géologues fut pour ainsi dire le berceau de son Ecole. L'année 1857 date dans lPexistence d’Hébert, car au mois de février il soutient sa thèse; en mars il est chargé de cours à la Sorbonne, et en octobre il est nommé titulaire de la chaire de Géologie. Son enseigne- ment, alors qu'il n’était que chargé de cours, avait été tellement remarqué que le Ministre de l’Instruction publique le nomma titulaire contre le vœu émis par la Faculté, qui présentait M. d’Archiac, membre de l’Ins- titut. A la Sorbonne, Hébert créa un nouveau labo- ratoire qui, dès le début, fut fréquenté par un très grand nombre d'élèves. Aussi, lorsque M. Duruy, donna à l’enseignement supérieur une impulsion loute nouvelle par la création de l'Ecole des hautes études, le laboratoire d'Hébert fut-il immédiatement en état de fournir le personnel enseignant qu’exigeait, pour la Géologie, la nouvelle réforme. L'enseignement qu'il donna, à la Sorbonne, dura plus de vingt ans. Il ne consistait pas seulement en leçons publiques, toujours riches en documents nouveaux puisés presque uniquement dans les faits observés par Hébert et rarement publiés par lui, mais encore en excursions qu'il a dirigées lui-même et durant lesquelles il faisait bénéficier ses élèves de son immense savoir. En 1875, il dut renoncer à ces excursions. et à partir de 1885 il eut souvent recours à l'obligeance de M. Vélain pour achever son cours. L'accueil bienveillant qu'Hébert faisait à tous ceux qui s’occupaient de Géologie eut pour le moins autant d'influence que son enseignement sur l'Ecole francaise, IL avait su ainsi grouper autour de lui beaucoup de bonnes volontés et provoquer chez les jeunes l’ardeur des recherches originales; aussi les thèses qui sorti- rent de. son laboratoire sont-elles nombreuses et embrassent-ellés toutes les parties de la Géologie, L'œuvre scientifique d’'Hébert est considérable et il serait impossible, ici, méme d'énumérer tous ses tra- vaux. Je me contenterai d’en donner un rapide apercu. Ses mémoires sur le Paléozoïque sont peu nom- breux, mais quelques-uns sont d'une très grande importance, A la suile de voyages en Brelagne, en Normandie et dans le Cotentin, il établit l'existence entre les Gneiss et le Cambrien, d’un terme nouveau, lV'Archéen occupant la même position stratigraphique que le Huronien dans le Canada, Il démontra l'exis- tence à cette époque d'un rivage qui correspond à un Système de plissement de l'écorce terrestre, dont M. M. Bertrand à depuis établi la présence dans la partie septentrionale de notre globe. Dans l’Ardenne, il rapporta définitivement au Dévonien les dépôts du Gédinien, considérés jusque-là comme appartenant au Silurien, 2 Le Jurassique du Bassin de Paris fournit à Hébert un très grand nombre d'observations qui se trouvent résumées dans un important mémoire intitulé : Les mers anciennes el leurs rivages dans le Bassin de Paris. Plus tard, Hébert chercha par de nombreuses notes à démontrer que les Cévennes, la région subalpine et la Provence avaient été émergées après le dépôt du Coral- lien el élaient devenues un continent sur lequel n'avait pu se déposer le Jurassique supérieur, Il eut à cette occasion à soulenir une violenté polémique avec l'école qui admettait que l’on avait aflaire à un faciès corallien qui se développait successivement, de l'Oxfor-- dien jusqu'au Portlandien, : Lorsqu Oppel découvrit le Tithonique, Hébert entre- prit des voyages dans les Carpathes, la Moravie, les Alpes et les Cévennes à la suite desquels il crut pou- voir dire que les couches qui le constituent appar- tiennent à des lermes nouveaux de la série crétacée, termes qu'il groupait sous le nom d’Infranéecomien. Ces dépôts, d'après lui, se seraient formés dans des dépressions auxquelles les couches à Terebratula Mora- vica auraient servi de rivage. Celle manière de voir fut vivement allaquée par une école pour qui ces dépôts représentaient les équivalents pélagiques du Portlan- dien et du Kimmeridien, tandis que les récifs coral- liens n’en seraient qu'un faciès latéral. Les travaux d’Hébert sur le terrain Crétacé sont des plus remarquables, Dans les premiers qu'il ait fait paraitre, il montra les analogies du Crétacé de Mau- léon et de Gensac avec celui de Maëstricht, Puis il par vint à établir, dans la masse de craie du Bassin de Paris, des divisions, d'abord contestées, mais aujour- d'hui unanimement adoptées, qui sont toutes basées sur la présence de faunes spéciales, notamment sur celle de différentes espèces de Micraster. Le bassin de Paris, si riche en horizons tertiaires à été l'objet de nombreuses études dans lesquelles Hébert établit les relations statigraphiques de tous ces horizons entre eux, Cest ainsi qu'il introduisit la notion de faciès latéraux pour le terrain tertiaire, Il établit le premier que les couches lacustres de Cham- pigny sont l'équivalent du Gypse et que les calcaires lacustres de Provins représentent les couches marines du Calcaire grossier supérieur, Il rechercha encore en dehors du bassin de Paris le prolongement des niveaux qu'il y avait si bien reconnus et put ainsi montrer que la mer tongrienne s'étendait encore en Angleterre, en Belgique, dans le nord de PEurope, la vallée du Rhin Jusqu'à Bâle, puis dans le Cotentin et l’Aquitaine. Il fit de même pour la mer de l'Eocène moyen, Il parcourut la Hongrie et toute la France méridionale, cherchant à établir entre ces bassins tertiaires et celui de Paris une comparaison qui fut une de ses principales préoccupa- tions. Je m'arrèterai là dans l'analyse de l'œuvre stratigra- phique d'Hébert; mais qae de notes il faudrait citer, tant leur importance à été grande au point de vue scientifique ! 224 Les travaux d'Hébert au point de vue purement pa- léontologique, sont peu nombreux. Ils traitent du A tornis et du Coryphodon, mais ces mémoires sont faits de main de maître. Cette vie de travail si péniblement commencée s'acheva pour Hébert dans des conditions véritable- ment dignes d'envie, L'Académie des Sciences l’avait élu en 1877 membre de la seclion de Minéralogie. En 1878 il avait été acclamé président du congrès géo- logique international et par trois fcis la société géolo- gique l'avait élu son président, Ses collègues de la NOUVELLES Faculté des Sciences l'avaient choisi pour doyen en 1886 et 1889. La fatigue seule le força de résigner ces der- nières fonctions que ses collègues eussent été heureux de lui voir garder plus longtemps, tant ils avaient appré- cié son tact et sa modération, Enfin il eut auprès de lui jusqu’à son dernier moment une compagne dévouée qui savait prendre part à tous ses travaux et lui alléger le pe de Ja vieillesse. | ébert ne laisse après lui que des regrets, car ce fut un vrai savant et un parfait honnête homme, ‘: J. BERGERON. NOUVELLES SYNTHÈSE DE L’ACIDE GLUCONIQUE ET DE LA DEXTROSE 5 En terminant l’exposé des recherches entreprises par Fischer et Loew sur la synthèse des sucres, nous émettions l'avis, dans le dernier numéro de la Revue, que la reproduction artificielle de la dextrose suivrait sans doute de près celle de la mannite et de la lévu- lose. Notre attente n'a pas été longue, car, au moment mème où notre article était sous presse, M. Em. Fischer annonçait, par l'organe des Berichte der deutschen che- mischen Gesellschaft (4), qu'il était enfin parvenu, par la transformation de l'acide mannonique en acide gluco- nique, à passer de la série des mannoses synthétiques à celle de la dextrose. Pour bien faire comprendre la possibilité d’une pareille réaction, comparons d’abord les propriétés optiques des sucres dérivés de la mannite à leur cons- titution moléculaire. On sait, d’après les travaux de MM. Le Bel et Van't Hoff, que le pouvoir rotatoire des matières orga- niques est dû à la présence, dans leur molécule, d’un ou plusieurs atômes de carbone asymétriques, c’est-à- dire liés à quatre groupes monovalents distincts ; l'inverse n’est pas d’ailleurs rigoureusement nécessaire. Or, la formule de la mannite montre quatre atômes de carbone présentant ce caractère ; désignons-les par les symboles (1), (2), (3) et (#4). CH20H — CHOH — CHOH — CHOH — CHOH — CH20H. (1) @ (3) (#) La lévulose, CH20H -- CHOH — CHOH — CHOH — CO -— CH20H, (4) (2) (3) à cause de sa fonction d’acétone, ne possède plus que trois atômes de carbone dissymétriques, et cependant elle régénère immédiatement la mannite par hydrogé- nation, c’estä-dire par une synthèse partielle, qui ne saurait seule faire apparaître l'activité optique, Le groupe (#) de la mannite est donc par lui-même inac- tif, Des considérations analogues conduiraient aux mêmes conséquences touchant l'acide arabinose-car- bonique, lacide mannonique droit et les mannoses correspondantes, L'inactivité du groupe (#) est donc un caractère commun à tous les corps précédents, qui explique la facilité avec laquelle ils se laissent con- vertir en mannites, La dextrose et l'acide gluconique peuvent aussi étre changés en mannite, mais moins (1) Numéro du 2% mars, p. 719, t. xxur. _ ms nes aisément que la mannose ou l'acide mannonique: il semble qu'il y ait dans ce cas transposition molécu- laire (sans doute d’ordre stéréochimique) en méme temps que réduction, et la dextrose nous apparaît comme un isomère physique des mannoses, présen- tant avec ceux-ci les mêmes rapports que l'acide tar- trique actif avec l'acide racémique,ou mieux que l'acide racémique avec l'acide tartrique inactif. Si la première hypothèse, en effet, était exacte, on devrait pouvoir dédoubler la mannose en deux dextroses, ou J'acide mannonique en deux acides gluconiques isomères, L'expérience ne justifie pas cette prévision; elle s'accorde au contraire très bien avec la seconde hypothèse, car l'acide mannonique droit se change sous l’action de Ja chaleur, au moins partiellement, en acide gluconique ordinaire, de même que dans les expériences classiques de M. Jungfleisch on voit Vacide mésotartrique donner naissance à l'acide racémique, ou inversement, Le mode opératoire adopté par M. Fischer consiste à chauffer les acides en question avec un excès de quino- léine, vers 1#0°, Après séparation de la base, par la barvte et un courant de vapeur d’eau, on obtient un mélange de mannonate et de gluconate de baryum que l’on transforme en sels de brucine: le mannonate de brucine, à peu près insoluble dans lalcool, peut être séparé presque quantitativement à l’aide de ce réactif. Quant au gluconate resté en dissolution, on le ramène à l’état de sel barytique, puis on le transforme par la phénylhydrazine, à 109, en phénylhydrazide facile à purifier par cristallisation, - La phénylhydrazide est enfin décomposée par la chaux, ce qui fournit un gluconate de calcium identique à celui qui dérive de la dextrose. , Pour convertir l'acide gluconique ainsi obtenu en dextrose, il suffit de le traiter par l’amalgame de sodium; le produit qui se forme a été identifié au sucre d'amidon par son point de fusion (140 — 1%6°), par son ouvoir rotatoire as 52°) et par l'examen de ses com- Este avec la phénylhydrazine ordinaire ou la diphénylhydrazine, qui paraît être le meilleur réactif connu jusqu'ici pour caractériser sûrement la dextrose. Ce dernier travail vient compléter de la manière la plus brillante les premere recherches de M. Fischer ; aujourd’hui tous les corps en Cf qui se rattachent à la mannite ont été reproduits par synthèse totale. Espérons que bientôt nous pourrons enregistrer des résultats du méme ordre dans la série de la dulcite et de la galac- tose, dont la dérivation est encore entiérement ignorée, L, MAQUENNE, Le Gérant : Ocrave Don. Paris.— Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. 30 AVRIL 1890 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LES PROBLÈMES DE LA CHIMIE MODERNE A PROPOS DU DISCOURS PRONONCE PAR M. VICTOR MEYER AU XLII: CONGRÈS DES NATURALISTES ET MÉDECINS ALLEMANDS On me demande de divers côtés de rendre l'im- pression produite dans le monde scientifique fran- çais par la publication du discours que le trèsestimé chimiste Victor Mever a solennellement prononcé au XLIE Congrès des naturalistes ef médecins allemands tenu à Heïdelberg. Puisqu'on m'y convie, je dirai donc ce que j'en pense, n'exprimant ici que ma manière de sentir personnelle, également éloignée de l'indifférence de ceux qui ne voient dans ce discours que des opinions isolées, propres à leur auteur et dont il ne convient pas de s’émouvoir davantage, aussi bien que de la pensée de ceux qui croient que la science allemande tout entière | accepte la responsabilité de ce discours, qu'elle ignore volontiers tout ce qui ne porte pas son estampille, et de parti pris. oublie les noms de ceux qui ont apporté les idées mères et les solutions les plus générales, pour se préoccuper plutôt des découvertes de détail, surtout si celles-ci flattent son amour-propre national. Non, le savant et ingénieux chimiste qui a ob- tenu les premiers corps nitrés de la série grasse, qui a découvert le thiophène et ses dérivés, et qui nous à mis en possession des nouvelles méthodes qui nous permettent de prendre aujourd'hui facile- ment les densités de vapeur aux températures élevées de la fusion de la porcelaine, ne s'esl certai- nement pas laissé aller à un sentiment de partia- lité indigne d’un homme qui consacre sa vie au culte de la vérité. Son discours a une autre raison d'être et une autre portée; il nous montre que Rsvus GÈNÈRALES, 1890. | tandis que nous restons en communion d'idées | avec les savants des autres nations, le sentiment, les conceptions allemandes, l'esprit g s'éloignent de plus en plus de nos & de notre esprit. cermanique onceptions et Ce ne sont point Ou les | questions sociales et politiques qui nous séparent à celte heure faute de nous entendre peut-être. mais non faute de vouloir nous juger équitable- ment. 1 a. — Sans remonter aux anciens, pas mème aux | alchimistes dans cette rerue des pn des pre- | blèmes de la chimie moderne ; sans parer des célèbres + philosophes, physiciens ou mécaniciens des xvr et xvi siècles qui créèrent la méthode expérimentale | et la physique moderne, il convient cependant d'établir en quelques grandes lignes, les principes | qui depuis un sièele environ servent de bases fermes | à la chimie de notre temps. Pour juger de la soli- | dité de l'édifice et tenter d'élever encore ses vieilles | murailles, il est bon d'en sonder d’abord les fonde- | ments. Les bases de la chimie de notre temps | sont les suivantes : | 1° La notion fondamentale des éléments irréductibles. | Ù près #i où corps simples de Lavoisier. > La loi des proportions définies de Proust (1). 3° L'hypothèse des atomes de Dalton ou plutôt la e des proportions multiples qui en est l'expression expé- | rimentale ; à) & x | chimiste ans 226 A. GAUTIER. — LES PROBLÈMES DE LA CHIMIE MODERNE % La loi des combinaisons des gaz ou loi des volumes de Gay-Lussac; 5° La notion de l'égalité du nombre de molécules dans les mêmes volumes de vapeur ou de gaz, et comme conséquence la mesure des poids moléculaires relatifs, Loi d'Avogrado et d'Ampère. G° La loi de l'égalité upprozimative des chaleurs spéci- Jiques atomiques de Dulong et Petit. Te La théorie des radicaux, c'est-à-dire, conception que certaines agrégalions alomiques complexes peuvent sans se disjoindre passer d’une combivaison à une autre à la façon des corps simples. Elle est de Gay- Lussac, Dumas et Liebig. Tels sont les fondements de l'édifice à peu près inébranlés de nos théories modernes. De sa struc- ture notre pays peut à bon droit revendiquer sa large part. Les générations actuellement vivantes en sont parties comme d’une citadelle solide à l'at- laque des problèmes nouveaux soulevés par l’expé- rience de notre temps. Mais la science d’aujour- d'hui, avec raison très fière de ses conquêtes, ne saurait oublier qu’elle procède de ce passé, qu'il ya quelque chose, beaucoup peut-être, des idées des grands hommes que je viens de nommer dans chacune de nos conceptions présentes, et que ce n’est pas du phlogistique de Becker et de Stahl que sont issues les découvertes modernes d’un Kékulé, d’un Baeyer ou d’un W. Hofmann. b. — Envisager les actions chimiques et la chaleur qui en dérive comme des modalités du mouvement est le problème le plus ancien peut-être, et le plus moderne aussi de notre science. Il ne remonte pas simplement à Robert Mayer; il n'a pas été agité seulement par Clausius, Helmoltz, Joule et Van t’Hof cités par V. Meyer. Avant eux, Bacon, Descartes, Euler, Huyghens, Bernouilli et les physi- ciens célèbres du xvrr° siècle avaient déjà conçu la chaleur et la lumière comme un mode du mouve- ment. Daniel Bernouilli avait exprimé clairement cette pensée et en avait calculé les conséquences. Il considère la partie des forces vives qui parait s'anéantir dans le choc des corps imparfaitement élastiques comme emmagasinée dans ces corps à l’état de chaleur, D'après lui les gaz sont formés de petites particules matérielles semblables, ani- mées de mouvements rectilignes rapides, et la tension des fluides élastiques résulte du choc de leurs molécules contre les parois. Il existe une relation entre les pressions et la tension des gaz, la vitesse de translation el de rotation, la masse et le nombre de leurs molécules. Bien longtemps après, mais avant R. Mayer, Séguin écrivait en 1839 dans son livre sur les Chemins de Re iques sont tous des multiples exacts de celui de l’hydro- gène, Proust est le chimiste français, émule célèbre et contradicteur de Berthollet, Jer (p.380) le passage caractéristique qui suit: «La première idée qui frappe lorsqu'on considère la liaison des phénomènes de la génération du mou- vement avec la production de la chaleur c’est que la quantité de puissance mécanique que peut développer une masse donnée de vapeur est relative à sa différence de densilé et de température en la considérant dans les deux états consécutifs où elle se trouve avant el après la production du mouvement. Je crois aussi avoir remar- qué qu'il exisle une sorte de rapport entre la quantité de chaleur nécessaire pour la faire passer de l’un à l'autre de ces états et la quantité de force produite. Mais si V. Meyer pouvait oublier les prédécesseurs de Robert Mayer (tout ceci date déjà d’un peu loin), dans l'étude moderne et l’histoire des idées plus récemment acquises et acceptées sur la nature ou sur la mesure des actions chimiques, ne convenait- il pas de citer aussi les noms de M. Berthelot et de Thomsen”? Certes s’il est un corps de doctrine un peu complet sur la nature mécanique de l’affinité, un ensemble de documents qui nous aide à la calculer d’une façon précise par la mesure des quantités de chaleurs de combinaisons qui en résultent, n'est-ce pas le bel ouvrage qui porte le titre d’'Æssai de mécanique chimique fondée sur la thermo-chimie? X est sorti des mains du plus illustre des chimistes de notre temps; V. Meyer a oublié de le dire et de le nommer. e. — Le développement de la théorie de la strue- ture des corps, cette base solide qui a servi d'assises au fier édifice de la chimie organique moderne, comme s'exprime V. Meyer, est d’après lui le second, sinon le plus important problème qui se pose aux chimistes de nos jours. Quels sont ceux, nous dit-il, qui ont réussi surtout à dégager l'infiniment simple de la complication en apparence inextricable des com- posés du carbone? Deux hommes illustres : A. W. Hofmann, par ses travaux mémorables sur les bases organiques azotées; Kekulé, par sa doctrine de la tetra-atomicité du carbone, et sa remarque géniale de l'aptitude que possède cet élément de former des chaînes, ouvertes ou fermées en soudant ses propres atômes à eux-mêmes. Certes nul plus que l’auteur de ces lignes n'est prêt à admirer l’œuvre colossale de W. Hofmann et sa puissante aptitude à la généralisation. Mais si, comme il convient de le reconnaitre, par ses recherches sur les ammoniaques composées, il a vivement éclairé, élargi nos idées sur la structure des corps organiques, n’eut-il pas convenu, à pro- pos de ses beaux travaux sur les amines, de citer à côté de son nom celui de l’auteur de la décou- verte même de l'idée mère, Adolphe Wurtz? Il a glissé de la plume de V. Meyer le nom de celui qui, un an avant le début des recherches de W, Hofmann, découvrait les ammoniaques A. GAUTIER. — LES PROBLÈMES DE LA CHIMIE MODERNE 297 organiques et disait si clairement déjà en 1849 : « Si l’on prend un des composés hydrogénés les plus simples, l’ammoniaque, on peut remplacer dans cet alcali une molécule d'hydrogène par une de méthyte, d’éthyle, d’amyle, etc. et l’on observe une série de composés qui ont une analogie frap- pante de propriétés avec l’ammoniaque _elle- même... Je les désignerai sous la dénomination générale d'ammoniaques composées. » Mais avant Wurtz même, deux hommes avaient déjà éclairé, transformé nos idées relativement à la structure des corps organiques. Les premiers, ils avaient considéré les molécules comme des édifices complets dont loutes les parties se font mutuellement équilibre, combattant en ce point les théories dualistiques de Lavoisier et de Berzé- lius alors florissantes en Allemagne. C'était Dumas d’abord, puis Laurent. C'est d'eux avant tout que * procède l’idée moderne de la structure moléculaire unitaire et il nous paraissait juste de le rappeler. d.— Il est vrai qu'aujourd'hui la notion de s/ruc- ture s’est spécialisée, et qu'on la fait procéder direc- tement de l'atomicité des éléments.Ce pouvoir attrac- tif variable avec chaque atome, à pôle unique ou multiple suivant la nature de l’élément, c'est là, dit avec raison V. Meyer, l’une des énigmes de la chimie moderne. Qu'est-ce que l'afomicité, qu'en- tend-on par valence? Cest, dit Kekulé, la propriété de chaque atome simple d'attirer à lui poursesaturer 1. 2.3..n.alomesde chlore ou d'hydrogène, ou leurs équivalents en oxygène, soufre, azote, etc... Et de même que quatre atomes d'hydrogène sont aptes à sesouder à un atome de carbone, deux atomes de ce dernier élément peuvent s'unir entre eux par deux de leurs huit points d'attraction pour former la chaine, le squelette carboné de la molécule auquel viendront s'attacher en les complétant, en les satu- rant, 6 atomes d'hydrogène ou leurs équivalents. Telle est, en effet, l’une des conceptions qui ont le plus servi aux progrès de la chimie moderne. Mais est-il bien équilable d’en laisser tout l'hon- neur au célèbre chimiste que nous venons de nommer ? En 1828 déjà, J. B. Dumas dans l’Introduction de son 7raité de chimie appliquée aux arts exposait (p. ELxxIv) les principes de sa classification des métalloïdes. Il la fondait surtout sur l'aptitude de chacun des volumes ou atômes de ces éléments à s'unir à 1, 2, 3, 4 volumes ou atomes d'hydrogène. Certes il ne prononçait point le mot d'atomicité, mais ce penseur de génie ne devançait-il pas ainsi de près de quarante années les conceptions plus mo- dernes de Couper et de Kekulé? Plus tard s’intro- duisit dans notre science d’une façon plus formelle et plus spéciale la notion de l’atomicité et de la satu- ration réciproque des atomes. Mais cette notion ne sortit pas d’un coup, comme la Minerve antique, du cerveau du Jupiter moderne, car il convient de rappeler qu'elle eut un long et pénible enfante- ment, et qu'elle passa par les trois phases succes- sives suivantes avant d'arriver à l’infiniment simple de notre temps : 1° Graham, Williamson, Berthelot, Wurtz étu- diant les combinaisons de l’acide phosphorique, de l'acide sulfurique, de la glycérine, du glycol, de l'acide lactique etc., établirent la notion fondamen- tale de la polyatomicité ou polybasicilé des acides et des alcools. 2° Williamson et Wurtz surent rattacher ensuite cette polyatomicité des molécules tout entières à la polyatomicité des radicaux spécifiques qui entrent dans leur structure : phosphoryle, sulfuryle, glycé- ryle, éthylène, etc. 3° Enfin l'on étendit aux éléments eux-mêmes la notion de la non saturation des radicaux, et cette belle conceplion est due à la fois à Wurtz (saturation successive de l'azote dans les ammoniaques com- posées) à Couper (1) et à Kekulé. Mais si ce dernier , (4) L'anglais A. S. Couper a publié en 1858 aux Annales de chimie et de physique (1. LIT, p. 469) un mémoire très impor- tant ayant pour titre Sur une nouvelle théorie chimique. C’est là qu’apparaissent, pour la premiére fois, nos formules modernes de chimie organique où les atomes de carbone liés entre eux par deux de leurs atomicités servent de support,de lien, au reste de la molécule. Couper donne dans ce curieux mémoire les formules modernes du gaz des marais, de l'hydrure d’éthyle, de l'éthylène, du glycol, de la glvcérine, du glucose, de l'acide tartrique, etc. Nous extrayons de ce travail quelques courtes citations qui montrent toute la profondeur où avait alors déjà atteint la pensée de Couper : « L'afjinité de degré, dit-il, latomicité actuelle) peut n'avoir « qu'un degré; cependant elle peut avoir et en a généralement plus « d'un (latomicité variable actuelle) .…. » « Le carbone possède deux caractères qui le distinguent « particulièrement : 10 Il entre en combinaison avec des « nombres égaux d’équivalents d'hydrogène, de chlore, d’oxy- « gène, de soufre, ete. 2° Il entre en combinaison avec lui- « même. Cette seconde propriété est, je crois, signalée ici « pour la première fois. Cette aflinité, l'une des plus éner- « gique parmi celles que possède le carbone, n’est peut- « être inférieure qu'à celle qu’il a pour l'oxygène. c-0H | Le propylglycol est : L'rr 6 H5 L’oxygène O est exprimé ici en équivalent et vaut 8 pour Couper); l’auteur ajoute: « On remarquera que l’atome de car- « bone situé entre les deux autres étant chimiquement com- « biné avec chacun d'eux, son pouvoir de combinaison est réduit «à 2 pour l'hydrogène, l'oxygène (O = 8) etc... Une des « forces de combinaison s'exerce sur un élément de carbone « d’un côté ct une seconde sur un élément de carbone de « l'autre. » Couper termine enfin son remarquable mémoire en mon- trant que l'azote trivalent peut unir aussi les diverses parties de la molécule carbonée et y jouer le rôle que nous lui attri- buons aujourd'hui dans les séries pyridique et cyanique. Couper mourut peu de temps après avoir écrit ce beau mé- moire, Mais l’histoire de la science doit le reconnaitre comme le véritable inventeur de nos idées modernes sur la structure dite rationnelle des corps organiques fondée sur la tétrato- micité du carbone et son aptitude à se souder à lui-même. 228 A. GAUTIER. — LES PROBLÈMES DE LA CHIMIE MODERNE a eu le mérite d'avoir plus particulièrement tiré les conséquences ingénieuses el générales que l’on sait de la tetratomicité du carbone, et de son apti- tude à se saturer lui-même pour former des chaînes ouvertes ou fermées, convient-il d'oublier cette incessante fermentation d'idées, cet enfantement laborieux qui procède de Dumas jusqu'à lui, en passant par Couper, l'inventeur trop oublié de notre stème de schématisalion moderne? Et peut-il être juste d'admettre que cette belle conquête est le fruit de l'effort de celui-là seul qui vint à temps pour être enfin compris et prendre la tête de la vaillante légion qui l’a suivi! e — D'ailleurs cette notion moderne dela structure des corps organiques ou minéraux était comme en germe dans la notion autrement solide de la substitution de Dumas; et s’ilest injuste d'attribuer à W. Hofmann (assez riche en travaux et en gloire!) l'idée des ammoniaques composées, ill’est plus en- core de dire que c’est de ses études (des études d'Hofmann) que procède la pénélration de la claire con- ceplion des substitutions düns la conscience des chi- mistes. Je pense que V. Meyer reste seul aussi de son opinion, même dans son pays, lorsqu'il déclare que les recherches de W. Hofmann sur les ammo- niaques organiques dépassent en portée la décou- verte fondamentale de la substitution. Car outre que cette découverte des ammoniaques composées unie à celle des radicaux (deux notions déjà clas- siques en 1849), est virtuellement contenue dans l'idée plus générale des substitutions et l'on ne saurait douter que les progrès de la chimie orga- nique moderne dérivent surtout de ce concept des substitutions qui nous semble aujourd'hui si sim- ple. Lorsqu'en 1842, Dumas osait annoncer que les éléments électro-négatifs de Berzélius peuvent dans les molécules organiques remplacer un ou plusieurs atômes d'hydrogène sans changer rien au type, à la texture des molécules. que les propriétés des corps tien- nent moins à leur composition élémentaire qu'à l'arran- gement réciproque de leurs parties. que dans l'édifice d'une molécule organique chaque atome subit de chacun des autres une modification qui vient altérer ses pro- priélés fondamentales, tel l'exemple des substitu- tions chlorées où le chlore perd tout ou partie de ses aptitudes caractéristiques, etc... Berzélius en Suède, et avec lui tous les chimistes de l’Alle- magne, s'insurgèrent contre ces folies. Mais la grande vérité s’imposa pelit à petit aux esprits. Sa clarté devint comme l'aurore des jours nou- veaux. Elle a fait plus pour les progrès de la chimie que la conception des ammoniaques com- posées de Wurtz et d'Hofmann. Elle a plus avancé notre science que n'ont fait les générations d'hommes qui ont ensuite péniblement suivi le sil- lon magistralement tracé par le grand initiateur. J— De cette structure des molécules, telle que nous la comprenons aujourd’hui, dérive la concep- tion des organes moléculaires. C’est une des plus curieuses et des plus utiles conquêtes de la chimie de notre temps d’avoir démontré que chaque corps est non seulement structuré d’une facon partieu- lière, mais que chacun des radicaux ou membres de la molécule apporte à l'édifice etyconserve ses apti- tudes propres. Cette idée elle-même dérive de la notion des fonctions multiples établie par M. Berthelot d’abord, dans ses mémorables recherches sur les éthers de la glycérine, puis par Wurtz dans ses tra- vaux sur l'acide lactique. Elle se rattache indirec- tement à la conception des radicaux de Dumas et surtout de Liebig. Depuis, cette notion des radi- caux spécifiques, ou organes de la molécule, a fait son chemin et nous savons aujourd’hui facilement reconnaitre dans un corps le carboxyle, loxhydryle, le sulfhydryle, le carbonyle, Voxéthyle, Vamidogène, le - cyanogène, ele., et distinguer chacune des apti- tudes propres ou fonctions que ces organes ap- portent avec eux. Certes si V. Meyer avait cité les noms glorieux auxquels il faut rattacher avant tout la paternité de celte belle conception, ül n'aurait diminué en rien le mérite de ceux qu'il rencontre seuls sous sa plume : Erlenmeyer, Kolbe, Boutlerow, Odling et Kékulé. g— Ces notions sur la structure imaginative ou schématique des molécules devaient devenir un jour insuffisantes. Il n’est pas de chimiste, en effet, qui croie que les corps sont construits comme nous les représentons à cette heure sur le papier, leurs atomes tous placés sur un même plan. La stéréochimie, ou chimie des corps dans l’espace, est née de ce besoin de voir par la pensée les corps tels qu'ils peuvent être réellement, et d'expliquer mécaniquement, et par le calcul, certaines de leurs isomèries et de leurs aptitudes, telles que leur ins- tabilité, leur dissociation, leur pouvoir rotatoire. Il convient avec V. Meyer de rapporter surtout l'honneur des efforts faits dans ce sens à MM. Le Bel et Van t’Hoff; peut être convient-il seulement de reconnaitre que quelques essais avaient été déjà ‘ tentés avant eux par Laurent et par Gaudin. Mais encore ici, l'on peut se demander si ces idées nou- velles sur la structure des corps dans l’espace se- raient même nées à celte heure sans les travaux de Pasteur, relatifs aux rapports de la structure géométrique des cristaux d'acides tartrique et ma- lique avec leurs pouvoirs rotatoires; et ne fallait- il pas dans un exposé même rapide de ces doc- trines et des problèmes de la chimie moderne citer le grand nom de ce profond penseur ? k — L'une des plus fortes idées de notre temps, dit à bon droit V. Meyer, c'est la démonstration que les propriétés des éléments sont fonctions périodiques A. GAUTIER. — LES PROBLÈMES DE LA CHIMIE MODERNE de leurs poids atomiques. Elle est due surtout à ce titan de la science russe : Demetrius Mendeleeff. Nous ne saurions que souscrire à ce jugement. Il nous sera permis seulement de citer ici à côté des noms de Newland et de Lothar Meyer, ceux de Gladstone, de Dumas, de Chancourtois, de Lecoq de Boisbaudran et de Crookes, qu'il ne nous convient pas d'oublier avec le chimiste allemand. i— La loi dite des fonctions périodiques de Mendeleeff nous conduit tout naturellement à l'analyse spectrale. Il est remarquable que la pre- mière confirmation expérimentale des idées de Mendeleeff ait été donnée par la découverte du gal- lium de M. Lecoq de Boisbaudran, et que celle-ci procède à son tour de considérations théoriques sur les rapports réguliers aperçus entre les lon- gueurs d'ondes des iumières émises par les éléments appartenant à une même famille naturelle. Les noms de Kirchhoff et de Bunsen, les inventeurs de la spectroscopie cités par V. Meyer, sont si popu- laires, etsi hauts placés dans l'esprit des chimistes, que ce ne sera pas diminuer leur gloire que de citer à côté d’eux ceux des hommes qui ont pré- paré ou prévu cette grande découverte : Frauen- hoffer, Wollaston, Talbot, Brewster, Iwan, Mas- son, Foucault. Les premiers avaient vu les raies du spectre et reconnu celles de ces raies qui carac térisent l'hydrogène, le carbone et le sodium; les seconds avaient montré, avant les travaux des savants d’'Heidelberg, que l’étincelle électrique éclatant entre des pôles formés de métaux divers donnait des raies caractéristiques de ces métaux. Certes l'explication du renversement des raies solaires, et par conséquent le moyen d'appliquer ces éludes à la constilution chimique des astres appartient à Kirchhoff; la méthode d'analyse spec- troscopique est bien sortie des mains des deux célèbres collaborateurs, et Bunsen l’a pour ainsi dire consacrée par sa grande découverte du césium el du rubidium; mais n'est-il pas à propos encore ici de rappeler ce vieil adage des physiciens: ratura non facil saltus. k — Les rapports qui se reproduisent régulière- ment entre les poids atomiques des éléments, rap- prochés de la périodicité et du retour régulier de leurs propriétés génériques, aussi bien que la remarque de la multiplicité des raies spectrales de la plupart des corps simples, sont bien faits pour nous amener à mettre en doute le postulatum moderne de la spécificité absolue des corps simples, et faire renaitre cette vieille hypothèse qu'une ma- lière unique, ou peut-être un petit nombre de ma- tières spécifiques, forment par leur association en élats d'équilibre très stables la multitude de nos corps prétendus simples actuels. C’est bien encore là un des grands problèmes que se pose la chimie a 229 de notre temps. V. Meyerl'indique en passant: mais il ne cite à cet égard ni les idées si personnelles de M. Crookes sur les méta-éléments ; ni même celles que M. Berthelot a exposées avec sa grande auto- rité dans les Origines de l'alchimie (p. 315), d’après lesquelles les divers éléments actuels pourraient être regardés comme formés d'une même matière distinguée seulement par la nature des mouve- ments qui animent ses particules, l'état actuel de chaque corps simple élant comme l’une des racines ou s0- lutions déterminées et réelles de l'équation fondamentule de ce mouvement et le poids seul de la matière res- tant invariable à travers les diverses transforma- lions mécaniques que pourrait subir le système de ces particules. De même V. Meyer passe sous silence les conceptions d’'Helmoltz et de William Thompson sur les anneaux tourbillonnants d’éther et les atômes tourbillons, aussi bien que cette vue, encore bien nouvelle, d'après laquelle la matériaiité elle-même de l’éther disparaitrait, remplacée par la simple aptitude à transmettre le mouvement ou la force partant d'intersections géométriques de l’espace; tout cela (même cette dernière conception de la matière, quelle que soit sa bizarrerie, sa nouveaulé et la forme sous laquelle on l’a présentée) ne mérilait-il pas au moins une courte mention dans un exposé des problèmes de la chimie moderne? 1 — Il est difficile aux chimistes d’aujoud'hui de ne pas parler des merveilles de la synthèse orga- nique. V. Meyer n’y a pas manqué. «Il semble, dit-il, qu'il n’y ait plus rien d’impossible dans cette voie, depuis la préparation artificielle de l’alizarine par Græbe et Liebermann, de l'indigo par Baeyer, de la conicine par Ladenburg, de l'acide urique par Horbaczewski et par Behrend, depuis que Fischer et Kiliani ont éclairé la chimie du groupe des sucres, etc... » Sans doute ce sont là de belles conquêtes : au- cun chimiste sensé ne saurait le méconnaitre. Mais il sera permis de dire à un esprit, construit peut- être de molécules différentes de celui dont il analyse ici les jugements,que ce sont là de grandes el belles découvertes de détail. Le savant illustre qui a le premier largement ouvert la voie aux synthèses organiques, alors que la possibilité même de cons- truire artificiellement les corps produits par les plantes ou les animaux était niée par presque tous les chimistes, entre autres par Gerhardt, ce savant n'est-il pas M. Berthelot? Celui qui a montré la voie où devait s'engager Fischer pour arriver à la synthèse des sucres, de la mannite et de la pinite n'est-ce pas encore M.Berthelot à peu près comme M. Kékulé ouvrit un peu plus tard le chemin qui conduisit à la production artificielle de l’alizarine? Et n’est-ce pas un signe de la différence de voir et 230 A. GAUTIER. — LES PROBLÈMES DE LA CHIMIE MODERNE de sentir qui nous sépare de l'honorable chimiste allemand, que de nous étonner, quand il s’agit de synthèses, de lui voir omettre, sans aucun doute bien involontairement, le nom du fondateur même de la synthèse organique : M. Berthelot? Dans une mesure plus restreinte, ne sent-on pas aussi qu'il y a quelque injustice à ne pas citer ici en passant MM. Friedel et Crafts ; et la valeur de leur #éthode de synthèse si ingénieuse, si générale etsi prolifère, le cède-t-elle à la découverte isolée de la conicine, de l'acide urique oumème de l’alizarine artificielles? m — Et cependant V. Meyer, que semblent frap- per surtout les succès pratiques, éliquettables, les réalisations de détail, plus peut-être que les idées génératrices d’où ils sont éclos, conclut enfin lui- même, et avec raison: « Ce n’est ni par des décou- vertes isolées, ni par les succès de la synthèse, que la chimie organique fera le plus de progrès. Ce qu'ilnous faut, c’est une méthode qui nous permette d’in- dividualiser les corps. » — Ici nous ne saurions trop être de son avis. Il est, en effet, très désirable que des méthodes nouvelles permettent aux chimistes de distinguer et de séparer ces nombreuses espèces qui partout intimement réunies composent les corps naturels, inertes ou vivants, substances com- plexes, mélangées souvent entre elles en grand nombre et que nous ne savons comment extraire el individualiser lorsqu'elles re cristallisent ou ne se volalilisent point : matières humiques, albumi- noïdes, celluloses, corps colorants naturels, hydro- carbures à poids moléculaires élevés, etc. En ce sens la méthode cryoscopique de M. Raoult a fait faire à la chimie moderne un pas important en permettant de déterminer les grandeurs molécu- laires des corps solubles définis, et V. Meyer, il faut le reconnaitre, lui rend amplement justice. Mais que cette méthode nouvelle d’individualisation qu'il réclame avec raison vienne à être découverte, qu'elle fasse arriver à des résultats nouveaux, inattendus, qu'elle permette d’accumuler mémoires sur mémoires, etc., s’il nous est permis de juger de ce qui arriverait par ce qui s'est déjà cent fois passé, n'y a-t-il pas lieu de croire que ceux qui pensent et jugent comme V. Meyer oublieraient vite le véritable initiateur; ce travail d’agrandisse- ment, de remplissage, de généralisation peut-être, sera bientôt pris pour la découverte elle-même.En- tassant chaque jour avidement cette monnaie de bil- ion, on défendra bientôt äprement ce bien acquis avec ténacité, ce bien personnel etnon sans valeur, il faut le reconnaitre : mais il aura suffi de quelques générations, d’une peut-être, pour en méconnaitre le véritable, le premier auteur, le bienfaisant dona- laire. Cette manière d'agir, d'oublier vite le passé d'apprécier surtout la découverte faite au jour le jour, de la jauger à l’aune et non de la peser, a son intérêtetson utilité ; elle augmente le relief et le cou- rage des jeunes, elle pousse aux travaux de détail d'où surgissent parfois des idées neuves ; elle sim- plifie, au bénéfice du temps présent, l'histoire de la science ; mais elle n’est pas sans inconvénients, elle a ses injustices: elle empêche de voir de haut, d’en- velopper du regard et de juger les grandes lignes; elle fait perdre de vue les idées génératrices ; elle ne développe point l'esprit de généralisation. Il Nous venons d'exposer la suite des idées que l’état actuel de la chimie a fait naître dans l'esprit du chimiste allemand, et donné ses appréciations et les nôtres. Avec quelques autres désiderata rela- tifs aux applications modernes aux besoins et de l'industrie et de l’agriculture, tels sont, à cette heure, d’après V, Meyer, les problèmes posés à la chimie de notre temps. Nous pensons, quant à nous, que cette énumé- ration est très incomplète. Revenons en effetunins- tant sur nos pas. Il semble évident que la question la plus haute, la plus délicate, qui puisse hanter l'esprit des philosophes de la nature est celle-ci : Qu'est-ce que la matière : Qu'est-ce que la force? Ce problème capital n'est pas seulement au fond de la pensée des spéculatifs tels que Schelling qui écrivait : «Ce n'est que pure illusion de l'imaginalion de penser qu'il reste quelque chose, on’ne sait quoi, après que nous avons dépouillé un objet de tous les attributs qui lui appartiennent, » Non; les plus grands phy- siciens expérimentateurs ont élé poursuivis de cette préoccupation. La matière est-elle bien comme nous la concevons, une chose faite de particules finies, insécables, absolument résistantes et impé- nétrables, douées de propriétés ou plutôt de mou- vements auxquels les substances visibles, tangibles, devraient leur manière d’èlre spécifique, leur mode de réagir et sans lesquels mouvements on peut con- cevoir cependant que celte matière pourrait être ? Ou bien est-elle, comme l'ont pensé Clerk Maxwell et William Thompson, formée d’un éther doué de masse dont les tourbillons formeraient les atomes la matière ordinaire? Ou bien faut-il, acceptant le sentiment d'hommes d’un ordre tout à fait supé- rieur, le P. Boscowilch, Ampère, Faraday, Hirn peut- être lui-même, refuser de séparer les idées de ma- tière et de force? L'opinion de Faraday à cel égard est ainsi reproduite par Tyndall : « Que savons- nous de l'atome, si ce n’est sa force? Vous ima- ginez un noyau & et vous l’entourez d’une force ». Pour moi l'a s’évanouit et la substance est constituée par la force. En effet quelle notion pouvons-nous con- cevoir de ce noyau «& indépendant de ses forces? Quelle idée reste-t-il à laquelle nous puissions sus- A. GAUTIER. — LES PROBLÈMES DE LA CHIMIE MODERNE 251 pendre notre jugement d’un & indépendant des forces connues ? » Dans wn exposé des problèmes de la chimie contempo- raine, ce problème des problèmes, ne méritait-il pas d’être au moins signalé? Ne convenait-il pas aussi, abandonnant, si l’on veut, les hauteurs de la philosophie fondamentale que nous venons de laisser entrevoir, d'aborder peut-être la grave question soulevée naguère par M. Crookes de la définition même des éléments ou corps simples? Lorsque le poids d’un métalloïde ou d’un métal,indécomposables par les forces physiques ou chimiques actuelles, reste constant en passant par l’ensemble de ses différents composés, et lorsque les raies que ce métalloïde ou ce métal donne dans la flamme ou dans l'arc électrique différent par leurs longueurs d'onde de celles que donnent tout autre radical, on admet généralement aujourd'hui que ce corpsestsimple. Suivant lesobservations de Crookes et de Nordenskiôld, il ne parait pas cependant en être tout à fait ainsi. Crookes prenant la terre d'ylria la divise par un grand nombre de frac- lionnements successifs en cinq ou six consli- tuants nouveaux :G%, G$, Gy, etc... qui ont tous le même poids équivalent comme oxydes, qui ont tous le même spectre dans l'are électrique, mais dont le spectre phosphorescent et certaines propriélés chimiques délicates diffèrent sensiblement. Crookes ne regarde donc pas nos éléments actuels, défi- nis par les propriétés que je rappelais ci-dessus. comme le dernier élat de la différenciation de la matière à laquelle nous conduisent notre pensée el mème nos expériences. Les corps simples repré- senteraient,suivant lui, les élats d'équilibre qu'une matière primitive, le protyle, tendrait à prendre et à garder avec une grande stabilité. Nos éléments modernes seraient de véritables édifices complexes dont des radicaux, ou parties conslituantes, peuvent être quelquefois détachés ou distingués même par nos moyens d'action actuels. Qu'ils soient où non de même poids ou de même struc- ture, ils restent de même nature intrinsèque, sans être identiques entre eux (1). En ce qui touche à l’aflinilé, sans doute il est intéressant de se demander si les valencesde chaque atome, considérées comme on le fait généralement aujourd'hui, sont uniques ou multiples; si leur nombre estinvariable, quelles que soient les condi- tions et les réactions que l'atome subit de l’exté- rieur ; si les pôles d'attraction que ces valences représentent occupent un point unique sur l'atome matériel, ou s'ils ont une grandeur appréciable ; si (1) C’est, avec les expériences délicates de Crookes en plus, l’idée déjà assez ancienne des ultimates ou atomuscules qui par leurs arrangements divers constitueraient l’atome chimique. Toutefois cette idée des ultimates est plus que celle de Crookes rapprochée de l'hypothèse de l’unité de la matière. la direction de ces attractions est absolue par rap- port aux paramètres de l'atome et si elle influe sur les groupements à venir; si celle propriété attrac- tive, simple ou multiple suivant les cas, dépend de la forme primitive de l'atome matériel insécable, de la facon dont y est agrégée la substance pleine dont il est construit (ce qui nous parait à peu près impossible, étant donnée la pelitesse de l'atome relativement à la molécule) ou bien si cette action dépend des tourbillonnements de l’éther en certains points de sa surface, tourbillonnements déterminés par la forme géométrique ou par les mouvements de la matière atomique... Mais qui ne voit qu'on ne saurait aborder directement ces problèmes de haute dynamique alors qu'on ne connait rien de la vraie structure des corps dans l’espace ? Qui ne sent et ne sait que pour faire un progrès dans ce sensil ne nous reste que l'observation qualitative el plus encore quantitative des faits? et où trouver ces observations et ces méthodes (en dehors de la con- ception même de l’altomicité), si ce n’est dans la suite des travaux mémorables que M. Thomsen, et surtout M. Berthelot ont faits pour mesurer l'afli- nité et le travail chimique? Peut-on aujourd'hui dans un Exposé des problèmes et des acquisitions de la chimie moderne oublier les idées fondamen- tales et les lois (sans compter l'immense provision de fails) réunies dans cet ouvrage fondamental de l'Zssai de mécanique chimique fondée sur la ther- mo-chimie? Peut-on en parlant de la nature et de la mesure de l’afinité, oublier que c’est M. Berthelot qui le premier donna le moyen précis de définir et de mesurer méthodiquement ce que l’on ap- pelait autrefois vaguement de ce nom d'affinité, en mesurant les actions calorifiques qu'elle provoque? Enfin lorsqu'il s’agit du mécanisme des combinai- sons et des décompositions, peut-on négliger aussi de citer les travaux mémorables el les idées si claires, si simples de Ch. Sainte-Claire-Deville et de son Ecole sur la dissociation, l’une des conditions fondamentales de l’action réciproque des corps? Ces phénomènes de dissocialions nous ont montré celle affinité non plus comme une force propre, spéci- fique, suivant les cas positive ou nulle, qui est ou n’est pas apte à telles combinaisons ou substitu- tions, mais comme provoquant des équilibres ins- tables, relatifs, des réactions inverses et complé- mentaires que modifient les conditions extérieures ‘de température, de pression, d’aclion mécanique, de temps, ete. Ces travaux mémorables ont classé l’affinité comme la chaleur, la lumière, la pesan- teur au rang des autres phénomènes d'ordre méca- nique. Tout ceci ne parait pas avoir frappé M. V. Meyer; ou du moins, il oublie Deville comme il l'a fait de Berthelot. Un problème de moindre envergure, mais d'un A. GAUTIER. — LES PROBLÈMES DE LA CHIMIE MODERNE intérêt bien grand encore, est celui du rapport qui existe entre les propriétés des corps et leur struc- ture : j'entends les propriétés physiologiques, aussi bien que physiques et chimiques. Aujour- d'hui la recherche de la structure des corps, telle que la conçoit l’école atomique, consiste à établir expérimentalement les fonctions multiples d’une même molécule, et à réunir ensuite en un corps de formule, dite formule de constitution, et suivant les lois des valences réciproques des éléments, les différents rouages ou organes caractéristiques de chacune des fonctions découvertes dans la molécule entière. Ainsi un corps se conduit-il comme un acide bibasique, que la chaleur ou les alcalis dédou- blent en benzine et acide carbonique, nous le con- struirons avec un noyau benzénique central auquel viennent, par substitution, se souder en position, o,m, oup,les deux carboxyles CO?H correspon- dant à la bibasicité que l’on a expérimentalement réconnue. Si dans la molécule un radical méthyle peut être enlevé par saponification, ou bien si l’on y reconnait un atome d'hydrogène éthérifiable, les radicaux OCH* ou OH, viendront figurer dans l'édifice. Si la substance présente les caractères d’un acétone, d’une amide, le carbonyle CO unis- sant deux groupes électropositifs carbonés, l’ami- dogène AzH°? ou l’imidogène AzH, chacun d’eux unis à des radicaux positifs ou négatifs, viendront se placer dans notre schéma. Par cet ingénieux et fort utile procédé, nous construirons notre molécule, en tenant compte des lois générales de l’atomicité des éléments, et inscrivant dans sa formule les signes caractéristiques des diverses fonctions que nous aurons successivement reconnues. Elles apparaitront toutes dans la formule représentative complète dite de constitution, de là cette possibilité de construire schématiquement sur un plan, une molé- cule qui est en realité dans l’espace. Mais qui ne voit que nous ne saurions tirer ainsi de cette repré- sentation que ce que nous y avons inscrit? Qu'il y à loin de cette prétendue constitution, qui n’est réelle que relativement à notre conception actuelle des fonctions et des organes moléculaires, à la vraie formule de structure faite dans l’espace et aux conséquences qu'on en tirerail théorique- ment et mathématiquement si la réelle structure élait connue! Alors seulement il nous serait permis de nous poser utilement mille questions que nous voilent nos schémas modernes, nécessaires il est vrai, mais essentiellements transitoires et relatifs : Quelles lois générales président à ces équilibres ? Chaque atome, quel que soit sa distance, réagit-il sur tous les autres dans une même molécule, ou bien son action se fait-elle sentir seulement sur l’organe immédiat ou le radical auquel il appar- tient? Ces parties de la molécule, aptes à se trans- porter d’une combinaison à l’autre, sont-elles en repos relatif? Les atomes dont elles sont cons- truites sont-ils fixes, oscillent-ils autour de leur centre de gravité, ou, comme nous le pensons, roulent-ils rapidement sur leur axe à la facon de toupies, emmagasinant et conservant ainsi d'une façon insensible au thermomètre, et jusqu’à ce qu'il se produise un nouvel équilibre matériel, leur énergie latente? Ces atomes, quels qu'ils soient. sont-ils mis en rapport entre eux par des atmos- -phères d’éther condensées, et celles-ci tourbillon- nent-elles autour de leurs axes? Ces tourbillons d’éther sont-ils la cause de leur atomicité simple ou multiple? Font-ils naître, lorsqu'ils viennent au contact, une sorte de force élastique qui empêche les atomes de se joindre comme nous le pensons avec M. Le Bel? — Autant de questions qui se po- sent à l’esprit etque commence à aborder la science moderne avec Arrhénius, Le Bel, Van t’Hoff, Le Chatelier, Meyer lui-même. D'autre part, quelles relations existent entre la structure des corps et leurs propriétés physi- ques ou physiologiques? Comment cette structure, comprise telle qu’elle est, ou même telle que nous la schématisons, peut-elle agir sur nos sens ou sur nos tissus? Voici l’acide phényl-orthosulfonique, c'est un antiseptique puissant :il ne l’est plus si, le chauffant légèrement, nous le transformons en acide phényl-métasulfonique. Comment expliquer que les composés qui dérivent de l’oxydation des ortho- et méta-polyphénols soient vivement colorés, alors que leurs isomères en position para sont des quinones incolores? Comment peut-il se fre que les nombreuses essences répondant à la composition C1° H 15 agissent sur le sens de l’odo- rat de façon si différente ; que l'essence de rose, de lavande et de copahu, par exemple, aient même composition centésimale et même poids atomique ? Comment l'arsénite de polasse qui contient 37 °/, d’ersenic est-il un poison redoutable, alors que le cacodylate de potasse qui en contient 42 ?/,,et qui est aussi soluble que l’arsénite, reste inoffen- sif? elc., etc. À toutes ces questions, il convient de répondre que la matière agit sur nous par la transmission de ses mouvements et cette transfor- mation de l'énergie ambiante qui résulte de sa structure, bien plus que par la nature spécifique de ses atômes élémentaires. Ne voilà-t-il pas au- tant de questions qui mérilaient, semble-t-il, d’être au moins posées, devant un congrès de médecins et de naturalistes, dans l’énumération des pro- blèmes que soulève la chimie contemporaine. Ce n’est pas tout. Le grand mystère, celui dont la solution passionne les hommes plus encore que tous ceux que nous venons d'énumérer, celui dont on brusque et affirme la solution tant on désire A. GAUTIER. — LES PROBLÈMES DE LA CHIMIE MODERNE 233 l’atteindre, c'est le mystère de la vie. Qu'est-ce qu'un être vivant? Organise-t-il sa substance sui- vant une loi spéciale? Est-il le développement con- tinu et géométrique, est-il comme la moyenne des deux courbes que représente sa double lignée an- cestrale? Le quid ignotum qui dirige son développe- ment et ses actes est-il exclusivement propre à la vie; ou bien toutes ses énergies, y comprises la sensation et la pensée, sont-elles des ‘ormes de l’é- nergie matérielle empruntée aux corps bruts et transformée dans le moule de son organisation spé- ciale? Faut-il, avec Schelling, affirmer que « la matière brute est la semence de l'univers où se trouve enveloppé tout ce qui se manifeste dans l’évolution ultérieure? » Faut-il suivre Tyndall, lorsque présidant à Belfast, en 1874, le Congrès de l’Associalion britannique, il prononçait ces pa- roles : « Voici l’aveu que je crois devoir faire devant vous. Quand je jette un regard en arrière sur les limites de l'expérience, je discerne au sein de cette matière la promesse et la puissance de toutes les formes et de toutes les qualités de la vie. » Ne voilà-t-il pas en effet, le problème palpi- tant à poser, sinon à résoudre, devant un congrès de médecins et de naturalistes solennellement réunis? V. Meyer ne l’a pourtant pas tout à fait oublié; il semble avoir entrevu le côté biologique de la science chimique, el à cet égard il s’'exprimecomme il suit : « En admettant que l’on réalise un jour la synthèse de l'albumine, que nous sommes loin encore de :a conception de la nature des corps or- ganisés !.. Mais arriverons-nous jamais à pénétrer le mystère de l’assimilation qui en dépit de sa sim- plicité se présente à nous sous l’aspectle plus énig- matique? Le chimiste agira sagement en ne posant pas prématurément le pied dans le domaine de la biologie, alors que tant de grands problèmes de son ressort n’ont pas élé abordées. » Certes on ne pouvait s'attendre à cette dernière conclusion dans la patrie des Liebig, des Wæhler, des Ludwig, des Hoppe Seyler! Quel est l'esprit curieux des grands problèmes philoso- phiques ou physiologiques qui ne s'intéresse à cette heure d’une curiosité sans cesse croissante, au ma- gnifique développement que les sciences biologi- ques ont prises depuis cent ans sous l'influence des découvertes de Lavoisier, sur les causes de la cha- leur animale; de J. B. Dumas, sur l’origine de l’urée, des graisses, la circulation de la matière chez les êtres vivants et bruts; de Boussingault, sur le développement des animaux et sur les lois de la chimieappliquéeàl'agriculture ; de Berthelot, sur l'assimilation de l’azote par le sol et les plantes ; de Pasteur surtout, et de ceux qu'il ne m'est pas permis de nommer ici, sur la nature des virus, des vaccins, des diastases, sur les matières chi- miques actives ou très actives produites par les REVUE GÉNÉRALE, 1890, cellules libres ou vivant en tissus ! Nous le deman- dons! était-ce bien le lieu et le moment, dans une assemblée de médecins réunis pour écouter le der- nier mot de la science, de jeter ces paroles de dé- couragementet d'impuissance: le chimiste agira sage- ment en ne posant pas prématurément le pied dans le do- maine de la biologie? III Dans cet exposé des grands problèmes de la chimie moderne, M. V. Meyer nous parait avoir fait une part suffisante à ses compatriotes: il a quelque- fois oublié les autres. Pourtant quatre noms fran- çais sont cités honorablement par lui et certes nous ne les renierons pas: ce sont ceux de J.-B. Dumas, de Leblanc, l'inventeur de la soude artificielle, de MM. Le Bel et Raoult. Mais il a négligé, en parlant des ammoniaques composées, de nommer Wurtz; en traitant de l’aflinité et du mécanisme de l’action chimique. Il n'a songé ni à Ch. Sainte-Claire-De- ville ni à Berthelol; à propos de la structure des molécules, il a méconnu Gérhardt, Laurent, Wurtz; en parlant de la nature des éléments, il a négligé les noms de William Thompson, Maxwell, Faraday, Crookes; en traitant de la synthèse, il ne croit pas devoir même nommer Berthelot ou Friedel; à pro- pos des albuminoïdes, il n’a garde de se souvenir de Schützenberger; en parlant de la vie, il oublie Pasteur. Tous ces noms glorieux, et bien d’autres qu'il serait facile de citer, ne semblent donc se rat- tacher pour lui à aucun des problèmes posés ou résolus par la chimie moderne puisqu'ils ne vien- nent pas sous sa plume. Dirons-nous que c’est parti pris? Nous ne le croyons certainement pas, M. V. Meyer voit, comme nous ne le disions en commen- çant, avec passion, les objets présents, immédiats, les découvertes qui l’ont frappé dans les journaux de la veille ou de l’avant-veille, les théories, les idées militantes du jour. Ce grand tableau qui se déroule devant d’autres yeux, de l’histoire gra- duelle et logique des découvertes, de leur genèse. à partir des idées fondamentales de la chimie mo- derne, de leurs relations entre elles, au milieu des variations apparentes et des défaillances des théo- ries nouvelles semble lui échapper quelquefois ou du moins ce tableau reste vague devant lui. Avez- vous vu dans son atelier un maitre ouvrier préoc- cupé de son travail du jour? Attentif, consciencieux, perfectionnant les rouages de sa mécanique, il tätonne, calcule, arrive peu à peu, laborieusement, à construire l’objet qu'il a rêvé : Pendant qu'il tra- vaille ainsi silencieux, heureux dans son petit do- maine, content de sa journée, allant et venant entre les murs de son atelier, sûr de lui, de ses aides, de ses instruments, de son succès partiel, le soleil au dehors est monté sur l'horizon, il a éclairé la ville et la campagne, il a fait éclore les fleurs et adouei 8* D: G. WEISS. — LA CONTRACTION DES MUSCLES STRIÉS les fruits, il a tout animé, réchaufté, transformé, reproduit, il a élevé le nuage elséché la pluie, petit- à petit; le soir est venu, puis la nuit a succédé aux ombres du crépuscule. Autour de cet homme cons- ciencieux, honnête, qui travaille ainsi patiemment depuis l'aube, un grand phénomène naturel s’est produit, la terre a tourné d'un jour, l'humanité a fait un pas... le maître ouvrier est resté incons- cient de tout ce qui dépassaitles murs de son petit domaine, heureux etfier d’avoir enfin atteint l'objet immédiat de ses préoccupations. Nous avons fini. Puissent ces lignes, si elles ve- naient à tomber sous les yeux du célèbre chimiste allemand, lui montrer qu'il est des concessions qu'on ne saurait demander, des omissions qu'on ne saurait commettre, sans fausser l’histoire et froisser les consciences. Sans doute chaque pays à quelque tendance à célébrer surtout ceux qui l'ont honoré; on les connaît mieux, on apprécie mieux leurs idées et leur œuvre; mais il y aurait de l’ingratitude dans cette admiration exclusive. Feli- citons-nous, après tout, que la pensée ne soit pas coulée partout dans le même moule: de la diversité et du choc des jugements et des idées, la vérité se dégage tôt ou tard plus complète et plus sereine. Il est fort heureux que l’on voie et sente ailleurs différemment que dans la savante et glorieuse patrie des J. Liebig, des W. Hofmann, des Baeyer, des V. Meyer. Mais quelle qu'elle soit, il est libéral et haut d'aimer cette vérité pour elle-même et tout entière, qu'elle vienne de la rive droite ou gauche du Rhin, du Danube ou de la Vistule. Armand Gautier, Membre de l’Académie des Sciences. LA CONTRACTION DES MUSCLES STRIÉS Un des phénomènes les plus curieux que l'on rencontre dans l’étude de la machine animale, est certainement la propriété qu'ont les muscles de se contracter sous l'influence de certaines exeitations. Ce fait a depuis longtemps provoqué la sagacité des physiologistes et des anatomistes; aussi les tentatives d'explication ne manquent-elles pas. Un grand nombre d’entre elles nous viennent d’Alle- magne, mais jusqu'à ces derniers temps, aucune d'elles ne reposait sur une base sérieuse; trop de théorie et pas assez d'observation. C’est à M. le pro- fesseur Ranvier que revient l'honneur d’avoir décrit d'une façon précise les modifications qui se pro- duisent dans un muscle entrant en contraction; M. d'Arsonval a trouvé la première explication scientifique du phénomène. Avant de décrire les résultats auxquels arrivés ces deux expérimentateurs, il nous parait indispensable d'indiquer en quelques mots quelle est la constitution des muscles. Un muscle tel que le biceps par exemple se com- pose de fibres musculaires très fines, mais cepen- dant encore visibles à l'œil nu. Supposons que par un procédé quelconque, nous soyons arrivés à isoler une de ces fibres sur une lame de verre et sont que nous venions à la regarder au microscope avec un grossissement suffisant; nous verrons une stria- lion transversale très remarquable. Sur un musele convenablement tendu, cette striation est d'une régularité parfaite, ainsi que l’a démontré M. le professeur Ranvier. Quelle est l'origine de cel aspect si particulier? En traitant la substance du musele par certains réactifs tels que l'alcool étendu, el la dilacérant sur une lame de verre à l’aide d’ai- guilles, on constate que la fibre musculaire se dé- compose en un grand nombre de fibrilles élémen- taires, comme un écheveau de fil peut se diviser en brins. Le muscle de l’aile de lhydrophile est particulièrement favorable à cette expérience. Re- gardons une de ces fibrilles à l’aide d’un fort gros- sissement ; elle nous offrira l'aspect représenté par la figure 1, c'est-à-dire une succession de disques TND A CT NUE COTES DUT TUE DONS LRO DLL NULS LUN DAMES Fibres musculaires striées (hydrophile). — 4, sarco- Fig. 1. Les éléments sarceux lemme; », membrane de Krause. sont bien visibles.) Dans A, les noyaux oblongs des corpus- cules musculaires sont indiqués : dans B, le sarcolemme est anormalement écarté du contenu musculaire. (Les disques contractiles sont seulement indiqués, ainsi que les éléments sarceux.) (Klein et Variot.) alternativement clairs et obscurs; chaque disque clair est de plus partagé en deux par un disque sombre très mince. On conçoit dès lors comment la juxtaposition de ces fibrilles peut donner sa striation à la fibre musculaire. C'est sur cette constitution bien établie que sont basées les diverses théories de la contraction mus- nr :,*t D' G. WEISS. — LA CONTRACTION DES MUSCLES STRIÉS 235 culaire. Le problème se compose de deux parties : 1° Quelles sont les modifications de forme qui se produisent dans la fibrille musculaire au moment de la contraction? 2 Quelle est la cause de ces modifications ? La première partie semble être des plus simples ; cependant elle a donné lieu aux opinions les plus diverses, et n’a été résolue que par M. Ranvier à la suite de laborieuses et patientes recherches. Nous ne pouvons rapporter ici les différentes expériences tentées, mais nous allons rapidement «citer les meilleures : elles feront bien comprendre la difficulté de la question et nous mèneront aux derniers travaux de M. Ranvier. Si l’on arrache une patte à un hydrophile et qu'après avoir enlevé la carapace chilineuse, on dépose le petit muscle qu’on y trouve dans une goutte du sérum s’écoulant de la blessure faite à l'animal, on obtient une préparation de muscles admirablement striés. Ces muscles conservent la propriété de se contracter sponta- némentsurlalame de verre pendant qu'on les observe au microscope. On voit comme des gistes; il fallait pour achever de convaincre, faire voir cette modification de forme sur le muscle vivant au moment de sa contraction, et c’est à quoi M. Ranvier est arrivé dans un travail com- muniqué à l'Académie des Sciences le 24 mars 1890. L’organe sur lequel ont porté les observations est la membrane mince qui recouvre le sac lympha- tique rétrolingual de la grenouille. Cette mem- brane contient dans son épaisseur des faisceaux musculaires d’une grande minceur, un certain nombre d'entre eux n’est probablement composé que d’une seule rangée de fibrilles et à l’aide d’un bon objectif à immersion on peut y suivre la suc- cession des disques épais, disques clairs, et disques minces. On décapite une grenouille, et enlevant avec soin la membrane retrolinguale, on la place dans de l’eau salée à 7,5 pour mille sur une lame de verre de forme spéciale. Une rainure creusée dans le verre circonscril un espace circulaire sur lequel on place la mem- + brane que l’on peut tendre à l’aide d’un anneau de platine entrant dans la rainure. L'espace central est d’ail- ondes parcourir les fibres dans leur longueur, la striation devenant leurs un peu en contrebas pourévi- ter les compres- sions (fig. 2). On plus fine aux points où se pro- place aux deux ex- trémités d’un dia- duit la contrac- tion ; il semble que l'on n'ait qu'à ob- server pour voir quelles sont les modificalions de forme. Malheureusement on a affaire à des fibres et non à des fibrilles ce qui rend l'observation de ces dernières très difficile; de plus, aussitôt que lon emploie un fort grossissement pour distinguer les disques, le déplacement des fibres au moment de la contraction fait changer le point à chaque instant, ilest impossible de suivre un disque dans ses trans- formations. En face de cette difficulté M. Ranvier songea à utiliser la propriété qu'a l'acide osmique de fixer instantanément les éléments vivants dans leur position. Il fit ainsi au moyen d'injections d'acide osmique dans des muscles de lapin, des préparalions de muscles dans les divers états de tension, de contraction et de relächement. Ces expériences le conduisirent à cette conclusion que la partie active de la fibrille musculaire est le disque sombre épais, c’est lui qui en diminuant de hauteur produit le raccoureissement du muscle . Ce résultat ne fut pas admis par tous les physiolo- trique avec les électrodes. Fig. 2. — À, porte objet électrique; e, électrodes de papier d’étain; p, masses de plomb servant à établir le contact des fils conducteurs de l'appareil élec- mètre des lan- guettes de papier (e,e) d’élain quiser- viront d'électrodes pour provoquer les contrac- tions, et on recouvre avec une lamelle, et on borde avec soin à la paraffine. Cela fait, à l'aide d’un bon objectif à immersion, on observe les disques d’une fibrille se trouvant dans la direction des languettes de papier d'étain. Pour mettre ces électrodes en communication avec la bobine d’induction, il suffit de déposer sur elles deux petites masses de plomb percées d’un trou au travers duquel passe un fil de platine replié en dessous (fig. 3). On peut ainsi à vo- Fix. 3. — B, une des masses de plomb de la figure 2 lonté examiner les fibrilles à l’état de relàächement ou de contraction, il n’y a pas de déplacement, la membrane étant bien fixée par l'anneau de platine. M. Ranvier a pu ainsi vérifier l'exactitude de ses premières expériences, c'est le disque épais qui est L. MANGIN. © 2 = -— REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE la partie active du muscle ; au moment de la con- traction il devient plus mince; sa forme qui est celle d'un cylindre allongé tend vers celle de la sphère. Ces observations s'accordent parfaitement avec l'explication donnée par M. d’Arsonval de la con- traction musculaire. On se rappelle les travaux de M. Lippmann sur la variation de forme qu'éprouve la surface de séparation du mercure et de l’eau acidulée, lorsque les deux côtés de cette surface se trouvent à des états électriques différents. M. d’Arsonval a étendu ces recherches à d’autres liquides et a fait voir que le phénomène était géné- ral. Chaque fois qu'il y aura des corps liquides ou semifluides juxtaposés, il se produira des variations de forme de la surface de séparalion, lorsque les deux côtés seront à des états électriques différents. En particulier nous pouvons appliquer ce fait à la limite des disques sombres et clairs, et la question sera complètement résolue le jour où il sera dé- montré qu'il se produit des variations électriques entre les disques clairs et sombres, lorsque l’on exeite un muscle. Sans que cette démonstration soit encore faite d’une façon indiscutable, il suffit de songer à la complexité des phénomènes chi- miques qui se passent dans l'intimité,des organes, pour comprendre que cette hypothèse n'a rien d’in- vraisemblable. Les expériences de M. d’Arsonval où il a construit en quelque sorte des muscles arti= ficiels tendent d’ailleurs à la justifier. D' Georges Weiss, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. ; REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE En essayant de réviser les récents progrès de la Botanique, nous ne saurions songer à signaler tous les travaux qui s'y rapportent. Nous indiquerons seulement les plus importants, insistant de préfé- rence sur ceux qui cette année ne seront point l'objet d'articles spéciaux dans ce Recueil. I Parmi les divers membres des végétaux, un certain nombre sont endogènes, c'est-à-dire se constituent à l'intérieur des tissus et apparaissent bientôt tout formés à travers les déchirures de ceux-ci; ces membres, tels que les racines et un certain nombre de bourgeons, ont donné lieu à de nombreuses recherches. Les résultats contradic- toires obtenus jusqu'ici ne permettaient pas de formuler avec netteté les conditions de cette ori- gine et le mécanisme de la sortie. MM. Van Tieghem et Douliot (1) ont repris cette étude en l’étendant à presque toutes les familles végétales. Le mémoire qu'ils viennent de publier, après trois ans de recherches patientes,ne comprend pas moins de six cents états de développement ré- partis dans 40 planches, et les auteurs annoncent « qu'on en a dessiné plus de mille et préparé, com- paré et analysé 20 fois autant », ce qui représente une moyenne de 18 ou 19 espèces ou états de développement étudiés par jour pendant 3 ans! C'est donc un véritable monument que ce tra- vail, dont les résultats peuvent cependant être formulés en quelques pages, tant est simple la loi de développement que les auteurs ont trouvée. Examinons d’abord l’apparilion des racines à (1) Recherches comparatives sur l’origine des membres endogènes dans les plantes vasculaires, Ann. Sc. nat., 1° sé- rie, t VIII, 1889. l'extérieur. Quand ces organes ont constitué toutes leurs régions caractéristiques : coiffe, écorce, cy- lindre central, au sein des tissus du membre géné- rateur, elles n’ont plus qu'à perforer l'écorce de celui-ci pour se faire jour au dehors. On admet- tait jusqu'ici, que la sortie de la racine a lieu par un phénomène purement mécanique : elle refoule peu à peu et déchire les tissus qui la recouvrent. D’après MM. Van Tieghem et Douliot, les choses se passeraient autrement. Suivant eux, la racine pousse le plus souvent devant elle, une couche plus ou moins épaisse du membre générateur (fig. 1), pe! en Fig. 1. — Racine de Zamia Yalisü, p, poche; ep, épiderme; ec, écorce; e, cylindre central; en, endoderme. qui demeure vivante et se cloisonne en s'étendant progressivement. Cette couche sécrète le liquide diastasique qui digère le tissu extérieur, en absorbe les produits solubles et les transmet à la racine sous-jacente en ne conservant pour elle que ce qui est nécessaire à sa propre croissance, Les auteurs L. MANGIN. — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 231 désignent cette couche sous le nom de poche diges- tive, ou simplement de poche. Les diverses racines peuvent présenter à cet égard de grandes diffé- rences : tantôt la poche entoure toute la racine, tantôt elle n'existe qu'au sommet, tantôt enfin elle manque et c'est la racine elle-même qui digère les tissus pour sortir. L'existence de cette poche, étrangère à la racine proprement dite, amène les auteurs à modifier la nomenclature adoptée jusqu'ici pour distinguer les régions de l’extrémité de la racine. Conservant le nom de coiffe pour tous les tissus qui en pro- tègent le sommet, sans distinction d'origine; ils reconnaissent, dans celte coiffe, deux parties d’ori- gine différente : la calyptre el la poche ; la calyptre, appartenant à la racine, procédant de la même origine que l'écorce et le cylindre central et recouvrant immédiatement le point végétatif. La calyptre est souvent revêtue d’une poche, élrangère à la racine, et persistant un temps plus ou moins long en dehors de celle-ci. Si l’on compare entre elles les diverses racines des plantes, on constate alors, d’après MM. Van Tieghem et Douliot, que la coiffe peut être formée, à tout âge, d’une poche (Zemma) ou seulement d'une calyptre (Crucifères, Lycopodiacées, Fougères) ou enfin,-comme c’est le cas le plus ordinaire, d'une poche et d'une calyptre. La distinction de ces deux parties d'origine différente dans la coiffe de cer- laines racines, avait déjà été faite par M. Lemaire (1), elles auteurs ont seulement vériflé, en changeant les termes, les résultats que M. Lemaire avait net- tement établis et que MM. de Janczewski et Reinke avaient soupconnés, La digestion des tissus du membre générateur par la poche de la jeune racine, est une des parties originales du mémoire. M. Reinke, et plus récem- ment M. Vonhôühne ont fait remarquer que la des- truction du tissu cortical qui recouvre la jeune ra- . . A x . . al cine a lieu souvent par un phénomène chimique qu'ils ont nommé résorplion. MM. Van Tieghem et Douliot sont plus affirmatifs ; d’après eux, il y a di- gestion sous l'influence des diastases sécrétées par la poche (fig. 2) et absorption consécutive des pro- duits de digestion, d'abord par la poche, puis par la jeune racine. Des affirmations aussi catégoriques exigeaient quelques développements. Quelles sont les diastases sécrétées par cette poche ? Comment les auteurs ont-ils pu les mettre en évidence ? Par quels moyens se sont-ils assurés que les produits de digestion sont absorbés par les racines? Le lecteur . chercherait vainement une réponse à ces questions dans le mémoire de MM. Van Tieghem et Douliot. eV 5 (1) Recherches sur l'origine et le développement des racines latérales chez les Dicotylédones. Ann. Sc. nat, 7e série, t. III, 1886. Examinons maintenant l’origine des radicelles et des racines latérales. Fig. 2. — Racine latérale de Ruyschia souroubéa, p, poche. J » P; Chez les Phanérogames, le péricyele simple\(fig. 3) se cloisonne d'abord en direction tangentielle dans un nombre de cellules pair ou impair, formant la plage rhizogène, puis l’assise interne (fig. 4 et 6) se cloisonne à son {our en laissant, sur la plage rhizo- gène, une rangée de cellules non cloisonnées, for- Bonnet re Fig. 5. 2 PEN UCr Fig. 6. Fig. 3, 4 et #, — Développement d’une radicelle d’Æypericum pyramydulum et (fig. 6) d’une racine latérale de Cenchrus tribuloïdes, p, poche; ep, épiderme; ec, écorce; c, cylindre central; e, épistèle; en, endoderme; pe, péricycle. mant l'épistèle. On a alors trois assises superposées en direction radiale : la rangée externe forme l'épi- derme aux dépens duquel se constituera la ca- 238 L. MANGIN. — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE lyptre; la rangée moyenne développe l'écorce et la rangée interne conslitue le cylindre central de la jeune racine (fig. 5). Si le péricycle comprend plusieurs assises, l’assise externe seule fournit les trois régions de lissus signalés plus haut. Cette origine est générale chez les Phanérogames (fig. 3à6 et 7, 8) à l'exception de certaines Mono- cotylédones où l’épiderme et l'écorce ne se sé- parent pas (Pontédériacées, Pistia stratiotes). Elle est aussi la même pour les radicelles naissant sur la racine principale et les racines latérales, ou pour ces dernières lorsqu'elles se développent sur la tige. Pendant l’évolution des diverses régions de la racine ou de la radicelle aux dépens d'une seule assise du péricycle, l'endoderme s'accroît et forme une ou plusieurs assises qui enveloppent la jeune racine et forment, autour de son sommet, la poche digestive déjà décrite plus haut (Crucifères et beau- coup de Capparidées, Papavéracées, etc.). Chez les Cryptogames vasculaires, l’ensemble des lissus de la racine latérale procède d’une cellule de l’endoderme et le péricycle sous-jacent forme seulement la base de la racine. Les Cryptogames vasculaires diffèrent essentiellement des Phanéro- games, à l'exception des Lycopodiacées, par la différentiation très précoce de l'endoderme, par l’origine uni-cellulaire et endodermique des radi- celles, qui, chez les Phanérogames, sont d’origine pluricellülaire et péricyclique. Au cours de leur travail, MM. Van Tieghem et Douliot ont eu l’occasion de constater que la règle posée autrefois par M. Van Tieghem sur l’arrange- ment des radicelles comportait de nombreuses exceptions ; ils formulent alors la loi suivante : si la racine-mère a plus de deux faisceux ligneux, les radicelles forment autant de rangées que de faisceaux ligneux ; elles sont isostiques; s'il y a deux faisceaux seulement dans la racine-mère, les radi- celles sont en nombre double des faisceaux, c’est- à-dire diplostiques. Tandis que chez les Monocoty- édones et les Cryptogames vasculaires, les racines sont toujours ésostiques, les Divotylédones présen- tent des racines isostiques où diplostiques, avec exception pourles Ombellifères, Araliacées, Piltos- porées. Tels sont les principaux résultats du mémoire de MM. Van Tieghem et Douliot. La méthode employée dans ces recherches n’est pas nouvelle, c'est la méthode générale utilisée en anatomie pour observer le développement d'or- ganes où d'individus trop volumineux pour être observés directement. Elle consiste à pratiquer chez des individus de la même espèce, placés dans les mêmes conditions, des coupes minces passant au milieu des organes à étudier; on soumet ces coupes à l'aclion de réactifs deslinés à enlever les substances qui gèneraient l’observation et à colorer, de manières différentes, les régions que l’on veut. étudier. En comparant entre elles les diverses coupes ainsi préparées, on admet qu'elles repré- sentent chacune, un des stades de l’évolution que l’un des individus aurait parcouru, si l’on ne l'avait pas tué pour l’étudier : c’est ce que l’on appelle suivre le développement. Pour que cette méthode fournisse des résultats défiant toute critique, plu- sieurs difficultés doivent être surmontées : il faut comparer des objets comparables, c’est-à-dire des coupes orientées toutes de la même facon, dans une région donnée de l'organe; il faut s'assurer, en outre, que les réactifs employés n'ont pas altéré la nature, la forme ou l’arrangement des régions que l’on veut observer. On aurait désiré savoir com- ment les auteurs ont triomphé de ces difficultés. La comparabilité des coupes est en effet difficile à obtenir quand on étudie l’évolution des membres endogènes; ces organes se développent en des points qu'il est impossible de déterminer rigoureu- sement, car aucun caractère extérieur ne vient indiquer l’endroit où ils naissent. En outre, le dé- but de leur évolution a lieu, le plus souvent, dans une région où la différenciation des tissus est in- complète, de sorte que les points de repère qui per- mettent, dans une tige ou une racine adulte, de fixer souvent la limite de l'écorce et du cylindre central font défaut; cela a lieu surtout dans la tige où il est impossible parfois de tracer, même à l’état adulte, cette ligne de démarcalion. À quel caractère les auteurs reconnaissent-ils qu'une coupe passe par l’axe de l'organe en voie d'évolution? Comment établissent-ils la correspon- dance entre les assises cellulaires de l’organe géné- rateur et celles de la racine, lorsque la différencia- lion n’est pas accomplie? MM. Van Tieghem et Douliot disent, il est vrai, que la coupe est axiale quand l'écorce ne présente au sommet qu'une assise cellulaire, mais c’est là une pétition de prin- cipe, puisque dans les érès jeunes racines, les limites de l'écorce sont à déterminer par l'examen même des coupes qu’il faut orienter. Une critique de la méthode était d'autant plus nécessaire dans ce mémoire, que, par le procédé d’éclaircissement des coupes qu'ils ont employé, les auteurs se sont vo- lontairement privés d’un moyen de contrôle, déli- cat, il est vrai, el peu employé jusqu'ici : la nature et les modifications du contenu cellulaire. MM. Van Tieghem et Douliot n'ont observé que l’arrangement des files cellulaires. Les nombreux dessins qui accompagnent leur mémoire ne sont pas probants et ne représentent pas exactement les préparations dont ils devraient être la copie scrupuleuse; les auteurs n’ont pas L. MANGIN. — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 239 échappé au défaut fächeux de la plupart des ana- tomisles, en accentuant plus vigoureusement les lignes qu'ils croient être les limites des régions de tissus. Si l'on jette les yeux sur les figures repro- duites ci-contre (fig. 7 et 8), on peut constater en Fig. 7 et 8. — Formation des racines latérales de Pardantus Chinensis oche; ep, épiderme; ec, écorce; €, cylindre ? P; L , , AE , % central ; e, épistèle; en, endoderme ; pe, péricycle. effet l'existence de traits forts et de hachures qui marquent les diverses régions de la racine, Ces hachures et ces traits forts n’existent pas dans les préparations; ce sont les auteurs qui les ont mar- quées et il n‘y a rien d'étonnant à ce qu'elles con- firment les conclusions émises ; — on se demande même, en face de certains dessins (fig. 4, 2 et 8), pourquoi le trait fort passe en un endroit plutôt qu'en un autre. Sur quels indices les auteurs se sont-ils appuyés pour marquer les {raits forts et les hachures dont les préparations n'offrent pas trace? C'est ce que la lecture très attentive du mémoire ne peut faire découvrir. En discutant la question des cellules initiales du sommet de la racine des Légumineuses, MM. Van Tieghem et Douliot repoussent l'opinion professée parMM.Russow, de Janczewski, Flahault, Eriksonn, d’après laquelle, dans cette famille, les racines auraient, au sommet, un groupe d'initiales commun aux diverses régions des tissus; et ils affirment l'existence d’initiales distinctes pour la calyptre, l'écorce et le cylindre central. À quels caractères reconnait-on une cellule initiale? Pourquoi y a-t-il tantôt une, tantôt plusieurs cellules iniliales? Les explications étaient d'autant plus nécessaires que les auteurs, comme on l’a vu plus haut, ne peuvent invoquer en faveur de leur opinion ni la nature du contenu cellulaire, ni l'état des noyaux. On ne peut donc que regretter, dans ce remar- quable mémoire, l'absence d’une critique de la méthode, car elle diminue l'importance des résul- tats publiés et affaiblit la valeur des objections que les auteurs ont adressées à leurs devanciers. Mais l’autorité du savant éminent qui a dirigé ces re- cherches, ne peut que grandir à la suite des véri- | fications nécessaires qu'elles paraissent imposer avant d'être acceptées définitivement. Il La circulation des matières nutritives dans les plantes vasculaires est une des questions les. plus controversées, surtout en ce qui concerne les cou- rants dont le liber est Le siège. Étudions cette ques- tion en examinant le mémoire que M. Lecomte (1) vient de publier. Le courant du liber, désigné à Lort sous le nom de sève descendante ou de sève élaborée n'était pas encore nettement localisé; le sens de ce courant, la nature des matériaux qui le composent, exigent la connaisance minutieuse du liber et des tissus de l'écorce : ainsi s'expliquent les nombreux travaux dont ce tissu a été l’objet. Néanmoins, dans cette étude si souvent entreprise, M. Lecomte a pu ob- Lenir des résultats nouveaux et rectifier bon nombre de faits déjà connus. Les éléments caractéristiques du liber sont les tubes criblés, formés de cellules placées bout à bout et séparées les unes des autres par des cloisons transversales ou obliques, dont la membrane pa- rait perforée d’une multitude de trous lui donnant l'aspect d’un crible: d’autres cloisons placées laté- ralement détachent, de chaque tube criblé, des cellules aplaties très petites, appelées cellules com- pagnes et remarquables par les dimensions consi- dérables de leur noyau. Les cribles occupant les parois transversales ou obliques et parfois même les parois longitudinales paraissent perforés pen- dant la période de végélation active; mais à l’é- poque du repos végétalif, ces cribles se ferment par la formation de bouchons, nommés bouchons calleux, constitués parune substance très différente de la cellulose. Le contenu des tubes criblés est très riche en matières albuminoïdes emprisonnant des grains d’amidon semblables à l’amylo-dextrine et l'on y trouve un noyau qui disparait habiluelle- ment de très bonne heure. M. Lecomte a démontré lanécessité d'étudier les matériaux frais ou conservés dans l’eau sucrée pour l'observation, si importante au point de vue physiologique, du contenu des tubes criblés. L'exa- men des matériaux secs convient seulement pour la topographie du liber; lempoi de l'alcool absolu qui fixe et coagule les matières protéiques, présente des inconvénients. L'action de l'alcool, signalée d'abord par M. Fischer chez la Courge, a été ob- servée par M. Lecomte sur un grand nombre de plantes ; en variant les expériences, cet auteur a pu déterminer à volonté et en des places diverses la formation de ces bouchons mucilagineux dont la (1) Contribution à l'étude du Liber des Angiospermes, Ann. se. nat. 1e série t, X, p. 193, 1889. 240 L. MANGIN. — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE présence avait été utilisée par Nageli, pour fixer le sens du courant nutritif dans les tubes criblés. Les tubes criblés sont-ils vivants? Cette question a été tranchée en faveur de la négative par des con- sidéralions purement spéculatives : la disparition précoce du noyau dans ces éléments. Certains bota- nistes admettent,en effet,que la disparition du noyau dans une cellule qui en était pourvue est un signe de mort pour celle-ci. Comme le fait remarquer avec beaucoup de raison M. Lecomte, on n’a jamais songé à contester la vitalité des globules rouges de l'homme, quoique le noyau n'y apparaisse pas, à l’état adulte, sous l'aspect d’un corps figuré. Que la disparition du noyau change les conditions de vie de la cellule et supprime chez elle notam- ment les phénomènes de cloisonnement ou de di- vision, nul n’y peut contredire, mais rien ne prouve que la cellule soit morte. Les observations de M. Lecomte l’amènent à une conclusion différente. D'abord la disparition du noyau n’est pas aussi précoce qu'on le croit et, dans bien des tubes cri- blés, cet auteur a pu retrouver le noyau niché dans la couche pariétale du protoplasme ; en outre, avant sa disparition comme corps figuré, le noyau perd la propriété de fixer les réactifs colorants, ce qui empêche de le distinguer; lorsqu'il disparait enfin, sa substance semble être disséminée dans la couche pariétale du protoplasme. Pour M. Lecomte, les tubes criblés, arrivés à la période d'activité, se composent d'une couche pariétale de protoplasme se continuant au niveau des cribles, et d’une grande vacuole centrale, renfermant des substances albu- minoïdes en dissolution. Parmi les raisons qui militent en faveur de cette opinion, signalons la continuité du revêtement protoplasmique des tubes avec le contenu des cellules compagnes qui sont manifestement vivantes, ainsi que les mouvements observés dans le contenu des tubes criblés et qui sont analogues à ceux qu'offrent les cellules munies de noyaux. Les tubes criblés sont donc des élé- ments vivants et leur fonction conductrice est liée à leur vitalité. Les données relatives au rôle du liber dans la circulation, sont vagues et peu nombreuses; elles consistent seulement dans l’observation des bour- relets qui se forment au-dessus de la dénudation corticale annulaire de certaines tiges; mais la part que prennent les diverses régions de l'écorce à la formation des bourrelets n'avait pas encore été précisée. D'après les observations de M. Lecomte, dans les tiges dépouillées d'un anneau complet d’écorce jusqu'au cambium, le diamètre de la tige s'accroît beaucoup plus au-dessus de la blessure qu’au-dessous ; cet accroissement de diamètre est dû surtout à l'écorce, c’est-à-dire à toute la région extérieure au cambium, et dans celle-ci, le liber manifeste un accroissement bien supérieur à ce- lui du parenchyme corlical. Le développement exagéré du liber au-dessus de la décortication, montre que ce tissu est plus riche que le parenchyme cortical en substances ca- pables d'être utilisées pour l'accroissement. Si donc on enlève l'écorce extérieure au liber, en laissant ce dernier aussi intact que possible, le courant des matériaux nutritifs, qui circulent dans ce Lissu, ne sera pas interrompu et l'accroissement en diamètre ne pourra se réaliser; c'est ce que montrent les expériences réalisées par l’auteur sur le Sureau noir, la Vigne vierge, le Tilleul, où les bourrelets formés au-dessus et au-dessous de la décortication, sont de même dimension et entiè- rement formés pardu liège. Dans ce cas, on constate que Pamidon s’accumule en plus grande quantité dans le parenchyme cortical situé au-dessus de la blessure que dans le tissu situé au-dessous. Ces résultats permettent à M. Lecomte de conclure que les tubes criblés conduisent seulement les matières albuminoïdes, tandis que l'amidon et d’autres composés ternaires contenus dans le parenchyme diffusent d’une cellule à l’autre, par une série de dissolutions et de précipitations successives. Le sens du courant peut être fixé, d’abord par la situation des bourrelets au voisinage des décorti- cations annulaires, el aussi par la situation des corps figurés, grains d’amidon, globules albumi- noïdes; on peut constater que, dans une tige, les corps figurés sont placés au-dessus du crible et que, par suite, le courant cest dirigé de haut en bas; mais ce sens n’est pas constant et peut varier aux diverses époques de la végétation. Ainsi dans de jeunes pousses souterraines. de Ronce, l’accumu- lation des corps figurés existe à la face inférieure des cribles et le courant se dirige de la base vers le sommet de la tige. On voit combien le terme de sève descendante est défectueux. Le mécanisme de ces courants est difficile à éla- blir; dans un petit nombre de plantes (Vigne, Courge) il y a réellement perforation des cribles, de sorte que l’auteur à pu observer, au travers de ceux-ci, des filaments ou des boutons muqueux manifestant le passage du contenu d’un tube dans un autre. Mais chez la plupart des plantes, les cribles ne sont pas réellement perforés, comme on l’a cru pendant longtemps, et le passage des maté- riaux a lieu par un phénomène de filtration que favorisent les variations de température et les différences de tension. III Le noyau cellulaire a pris depuis vingt ans, une importance capitale dans l’histoire de la genèse des individus ou des tissus. Les beaux travaux de L. MANGIN. — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 241 MM. Strasbürger, Flemming, Guignard, Treub, etc, ont établi le rôle prédominant du noyau dans la division des cellules et dans la formation de l'œuf. 11 n’est pas inulile de rappeler brièvement la cons- titution de cet organe fondamental de la cellule. Le noyau ou cytoplasme est formé par un mélange de matières albuminoïdes encore mal définies, malgré les analyses que l'on a publiées ; on peut y distinguer à l’état de repos : 1° une charpente chromatique formée par un ou plusieurs filaments de substance nommée nucléine qui fixe énergique- ment les réactifs colorants; ces filaments sont contournés sur eux-mêmes de manière à former une pelotte un peu lèche; 2° les intervalles des replis de la charpente chromatique sont remplis d’un liquide appelé sue wucléaire, qui ne fixe pas ou fixe difficilement les matières colorantes ; dans le suce nucléaire nagent un ou plusieurs corps arrondis, les nucléoles. Tout cel ensemble est en- toùré d’une membrane propre, la membrane nu- cléaire. C'est à la charpente chromatique, que le noyau doit la part prépondérante qu'il prend dans les phénomènes de division; les segments dont elle se compose peuvent en effet se séparer chacun, par une scission longitudinale, en deux fragments égaux de manière à former deux nouveaux noyaux ayant la même quantité de nucléine et le mème nombre de segments. L'étude des phénomènes de la fécondation a excilé au plus haut degré l’attenlion des hisiolo- gistes, qui espèrent découvrir, dans les transforma- tions successives du noyau, la raison des différences de propriété entre l’œuf et la cellule végélative nor- male. On sait déjà que les cellules màles et femelles communiquent à l'œuf des propriétés nouvelles qu'on ne rencontre pas dans les cellules des organes végétatifs. Avec la transmission des pro- priétés héréditaires, l'œuf acquiert et imprime à l'individu sorti de lui, une puissance de variation | plus ou moins grande qu'on n’observe pas dans les cellules végélalives, puisque les individus produits par le bouturage et le marcottage perpétuent sans changement, non seulement les caractères hérédi-. aires, mais encore ceux que l'adaptation ou la culture ont introduits. On comprend lout l'intérêt d'une comparaison entre la structure de l'œuf et celle des cellules vêgétatives. Longtemps on a cru que l'œuf résulte de la fu- sion de deux cellules, l’une mle l'autre femelle, mélangeant intimement leur protoplasme et leur noyau; mais une étude plus attentive a montré que cette copulation a lieu seulement entre les noyaux. La fécondation exige-t-elle la copulation des noyaux et le mélange plus ou moins intime des charpentes chromatiques? ou réside-t-elle seule- ment dans la présence côte à côte, au sein de la masse protoplasmique femelle, du noyau mäle et du noyau femelle? La solution de cette question exigeait l'observation suivie du développement des noyaux avant, pendant et après la fécondation. C'est cette étude que vient de faire M. Guignard et que nous allons résumer d’après ses travaux (1) et ceux de M. Stasbürger (2). Dans le grain de pollen des Angiospermes, chez le Lis, par exemple, on distingue deux cellules, l'une végétalive, l'autre reproductrice; le noyau végétatif, après avoir pénétré le premier dans le tube pollinique, ne tarde pas à disparaitre dans la masse protoplasmique générale. Au contraire la charpente chromatique du noyau générateur de- vient plus lâche et manifeste, au moment de la divi- sion indirecte du noyau, les 12 segments dont elle se compose; chacun de ceux-ci se dédouble longi- tudinalement dans la plaque nucléaire et il se constitue ainsi 2 noyaux générateurs, ayant chacun 12 segments chromatiques et emportant avec eux la moitié du protoplasme de la cellule génératrice. Le noyau femelle, développé dans le sac embryon- naire, présente une analogie complète avec le noyau mäle ; en effet dans le sac embryonnaire du Lis, le gros noyau primaire est formé de 12 segments chromatiques; il se dédouble, par scission longitu- dinale des segments en 2 noyaux d'abord sembla- bles à l’origine ; l'un d’eux se dirige au fond du sac pour former les antipodes ; l’autre au sommet, sous le micropyle, pour former l'appareil sexuel. Mais tandis que dans les 4 noyaux qui forment ce der- nier, le nombre des segments chromatiques reste constant et égal à 12; les 4 noyaux inférieurs, qui formeront les cellules antipodes, montrent une augmentation de la substance nucléaire et le nom- bre des segments est plus considérable, il est sou- vent de 20 à 2%. Ainsi se différencient déjà les deux groupes cellulaires du sac, le groupe sexuel, auquel appartient l’oosphère, présentant un nombre de segments chromatiques égal à celui des noyaux males. Au moment de la fécondation, le tube pollinique, qui s’est insinué jusqu'au contact du sac embryon- naire, à côté ou entre les deux synergides, se renfle un peu à son sommet, le noyau mâle le plus rap- proché traverse la membrane et va rapidement s’accoler au noyau de l’oosphère, le second noyau générateur reste dans le tube pollinique ou à son extrémité et se dissocie le plus souvent assez ra- pidement ainsi que les noyaux des synergides. D'après M. Guignard, le protoplasme du noyau géné- (1) Études sur les phénomènes morphologiques de la fécondation. Bull. Soc. Bot. de France, 1889. (2) Uber Kern. und Zelltheilung, 1888. 212 L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE rateur fertile ne parait pas l’accompagner au mo- ment de sa sortie du tube pollinique et de son ac- colement au noyau femelle. Quand il pénètre dans l’oosphère, le noyau mâle est plus petit que le noyau femelle, à cause de la condensation de la charpente chromatique qui ne renferme, dans ses interstices, qu’une faible quan- tité de substance nucléaire ; mais, au bout d’un certain temps, ce noyau grossit peu à peu en se nourrissant aux dépens du protoplasme de l'oos- phère : il prend alors les caractères d’un noyau au repos et devient semblable au noyau femelle en conservant cependant une taille plus faible. C'est seulement au bout de quelques jours que la mem- brane de chaque noyau disparait, les substances nucléaires se mélangent et les nucléoles dispa- raissent ; le noyau de l’œuf est formé et la fusion des segments chromatiques n’a pas encore eu lieu; cependant il est encore impossible à cet état de compter ceux-ci. Mais bientôt, quand les phases de la division du noyau se produisent, et que les segments chromatiques s'orientent pour former la plaque nucléaire, on peut constater qu'ils sont au nombre de 24. Cet apport égal d'éléments mäles et femelles dans la formation de l’œuf est-il constant? Les observations combinées de MM. Strasbürger et Guignard tendent à le montrer. Dans le Æritillaria meleagris, il y a également 24 segments chroma- tiques dans l'œuf et 12 segments dans le noyau mâle et le noyau femelle. Dans l’Alstræmeria psitta- cina, il existe 8 segments dans le noyau mâle,8 dans le noyau femelle, et le noyau de l'œuf présente, comme chez l’Agraphis, 16 segments chromatiques. La parité des segments chromatiques dans les noyaux mâle et femelle au moment de la fécon- dation, soupçonnée d’abord par M. Strasbürger et démontrée directement par M. Guignard dans le noyau de l'œuf, parait donc être la règle chez les Phanérogames. Le même phénomène a été observé, quoique moins souvent, chez les animaux, d'après les observations de MM. Van Beneden sur l'Ascaris megalocephala, où chaque noyau sexuel offre 2 seg- ments chromatiques, et de M. Carnoy sur le Coro- nilla robusta avec 4 segments et8 dans le Spiroptera strumosa, ele. Cependant cette loi n’est peut-être pas générale, car M. Platner a observé, chez l'Arion empiricorum, une inégalité dans le nombre des segments chro- matiques, à l'avantage des noyaux femelles. Il se- rait intéressant de rechercher, dans les nombreux exemples de fécondation croisée, si la parité des segments chromatiques se maintient dans l'œuf de l’'hybride ou du métis, et si l’on ne rencontrerait pas déjà dans l'œuf des différences qui altestent l'influence prépondérante de l’un des parents sur le produit de la fécondation croisée. L'habileté bien connue de MM. Guignard et Strasbürger nous réserve encore bien des surprises dans le domaine si intéressant de l’embryogénie. IN L'utilisation des détritus organiques et de l’hu- mus, par les végétaux tels que les essences fores- tières, dans un sol non amélioré par la culture, ne laissait pas que d’embarrasser les physiologistes. La découverte, par M. Frank, d'un singulier phé- nomène de symbiose entre les racines des Cupuli- lifères et le mycélium de certains champignons, a permis d'expliquer comment les essences fores- tières fixent une assez grande quantité d'azote dans un sol dépourvu de nitrates, renfermant ce corps seulement à l’état de composés organiques non assimilables par les racines. Quand on arrache des racines de Hêtre, d'Aulne, de Noiselier, croissant dans un sol riche en humus. on est frappé par l'abondance des ramifications el par leur aspect coralloïde. A l'examen microsco- pique, ces racines se montrent revêtues d'un man- chon assez compact, enveloppant l'extrémité el formé entièrement par un feutrage de filaments mycéliens ; à la face interne de ce manchon, les filaments s'insinuent plus ou moins profondément eutre les cellules de l'écorce sans perforer l’en- doderme. A l’extérieur, ces filaments se continuent avec ceux qui cheminent entre les débris de feuilles. La présence de ce manteau de mycélium autour de l'extrémité de la racine amène l’avortement des poils radicaux et détermine la réduction plus ou moins complète de la coiffe; en outre, il excite l’activité des tissus et provoque la formation de nombreuses radicelles qui donnent à l'ensemble. l'aspect coralloïde caractéristique. M. Frank à montré que cette association n’est pas dûe au pa- rasitisme, car le Lissu des racines envahies reste sain: c'est un phénomène de symbiose dans lequel les racines fournissent au champignon des hydrates de carbone qu'il ne peut fabriquer, et reçoivent de lui en échange, les matières azotées qu'il a assimilées dans les substances organiques du sol. M. Frank a proposé de nommer #mycorhizes cette association du champignon et de la racine en un organe particulier capable d'assimiler les matières humiques. Ces singulières formations ont été d’abord dé- crites chez les Cupulifères, les Conifères, les Eri- cacées et les Orchidées, mais elles peuvent se ren- contrer chez presque toutes les familles. Ainsi M.Schlicht (1) a publié récemment un mémoire dans (1) Bciträge zur Kenntniss der Verbreitung nud der Bedeu- tung der Mycorhizen. Landwirth. Jahrbucher. XVIII, Band., p- 418. 1889. L. MANGIN. — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 243 lequel il donne la liste de quatre-vingt espèces réparties dans vingt-sept familles, dont les racines ont offert des mycorhizes. Par contre, certaines espèces du même genre n’en présentent jamais; parmi les plantes citées, notons le Fraisier, la Carotte, le Mentha arvensis, qui, lorsqu'elles sont cultivées dans les jardins, n’offrent pas de mycor- hizes, tandis que celles qu'on arecueillies dans une terre riche en humus, ont présenté ces formations. L'état de symbiose entre les racines et les cham- pignons du sol n’est donc pas indispensable à la plante, il ne se développe que dans un terrain riche en matières organiques. On comprend tout l'inté- rêt de ces découvertes au point de vue de la nutri- tion des plantes. A quelles espèces appartiennentles champignons des mycorhizes? sont-elles spécifiquement dis- tinctes ou bien la symbiose peut-elle être realisée par les champignons très divers qui croissent sous le couvert des forêts? Les recherches entreprises tendent à montrer, qu'à ce point de vue, les carac- tères génériques ou spécifiques sont indifférents. En effet, M. Reess a déjà démontré la continuité des filaments mycéliens de certaines mycorhizes avec les fructifications d’une tubéracée, l'Elaphomyces granulätus et tout récemment, M. Noack(1). a établi que le mycélium de plusieurs Basidiomycètes peut entrer en relations symbiotiques avec les racines des plantes : tels sont parmi les Gastéromycètes, les Geaster fimbriatus el formicatus qui se rencontrent -principalement dans les forêts de Conifères et parmi les Hyménomycètes, diverses espèces des genres Agaricus, Cortinarius, Lactarius. Les caractères spécifiques disparaissent donc dans ce consortium qu’on appelle mycorhizes ; ce sont les caractères physiologiques de nutrition qui déterminent l’associalion : les cellules de l’hyphe, capables d’assimiler les matières organiques azotées du sol, contractant alliance avec les cel- lules de la racine qui reçoivent les hydrates de” carbone élaborés par la fonction chlorophyilienne. Mais si l’imporlance de cette symbiose est ren- due probable par l'examen anatomique, il reste encore à faire connaitre, au point de vue physiolo- gique, la nature des emprunts faits au sol par les mycorhizes et les échanges qui existent entre les deux organismes juxtaposés. V Parmi les substances fondamentales de la mem- brane, la cellulose, la plus anciennement connue, se présente à des états physiques très différents, susceptibles, d'être ramenés, par des actions chi- miques spéciales, à une même forme, définie prinei- (1) Bot. Zeit. 1889 p. 389. palement par la solubilité dans le réactif cupro- ammoniacal et par la coloration bleue ou violette qu'elle prend sous l'influence des réactifs iodés (acides et sels minéraux concentrés). La distine- tion proposée par M. Fremy, des variétés de cellu- lose sous le nom de cellulose ordinaire, paracel- lulose et métacellulose, ne pourra bientôt plus être admise à la suite des travaux publiés sur cette substance. Laissant de côté des recherches en cours d'exécution, que j'ai commencées depuis plusieurs années, je résumerai les résultats des observations de MM. Hoffmeister et Reiss. M. Hoffmeister (1) propose une nouvelle mé- thode de dosage de la cellulose, destinée à rem- placer la méthode de Weende, depuis longtemps employée dans l'analyse des fourrages. 11 soumet les tissus à une macération à froid dans l'acide chlorhydrique, plus ou moins concentré, additionné de chlorate de potasse; quand ceux-ci ont pris une teinte jaune clair, ce qui arrive ordinairement au bout de 24 heures, ou lave à l’eau, puis à l’am- moniaque étendue et tiède, et l'on obtient après filtration, si la macération a duré assez longtemps, un résidu blanc que l’auteur considère comme de la cellulose pure, le mélange chloré ayant oxydé et rendu soluble les matières l'ami- don, etc. Comparant ses résultats à ceux de la méthode de Weende, il constate que son procédé fournit un rendement plus considérable de cellulose, et il attribue ces différences à la destruction partielle que la cellulose subit sous l’action de l'aleali employé dans la méthode de Weende. La cellu- lose obtenue se comporte en effet, vis-à-vis des solutions froides de soude caustique (de 1 à 5 °/), de manières différentes; une partie se dissout, l'autre reste insoluble. La proportion de cellulose dissoute dans la soude caustique est variable, celle du son se dissout dans la proportion de 49/100; la cellulose des membranes de Pomme de terre 36/100, enfin la cellulose du Cetraria Islandica est entiérement dissoute. La cellulose dissoute dans les alcalis caustiques manifeste les réactions ordinaires avec les réactifs iodés et se dissout dans le réactif cupro-ammo- niacal ; cependant, d'après M. Hoffmeister, la cellu- lose soluble dans les solutions alcalines faibles manifeste difficilement la coloration avec le chlo- roiodure de zinc. En somme, M. Hoffmeister distingue, dans la cel- lulose brute, un certain nombre de variétés, carac- térisées par leur solubilité dans des solutions alca- azotées, (1) Die Rohfaser und einige Formen der Cellulose, Landw. Jahrbucher, t. XVII, 1888, p. 24, und Die Cellulose und ihre Formen, Landw. Jahrb., 1889, t. XVIII, p. 761. 244 L. MANGIN. — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE lines plus ou moins concentrées el repousse, pour celte raison, l'emploi de la méthode de Weende. M. Th. Pfeiffer (1) critique les conclusions de M. Hoffmeister, en montrant que la destruction de lamidon n'est pas complète au bout de six jours de macération dans le mélange chloré. Il fait re- marquer avec beaucoup de raison, que ni la com- position centésimale du produit, ni la formation de sucre fermentescible ne peuvent permettre à l’au- teur d'affirmer, dans le résidu, l'existence de la cellulose pure. C'est sans doute pour répondre à ces critiques que M. Hoffmeister vient de modifier, dans un se- cond mémoire, son procédé d'analyse. Il fait macé- rer les tissus dans l'acide acétique du commerce, à la température de 95°, en y ajoutant un peu d'acide chlorhydrique dans tous les cas où la présence de l’'amidon a été constatée ; il montre ensuite la con- cordance de cette seconde méthode avec celle qu'il axail d’abord préconisée et donne, dans une série de tableaux, la répartition des formes solubles et insolubles de la cellulose, dans les tissus du blé el de l'orge aux diverses périodes de la végétation. D'après M. Hoffmeister la proportion de cellulose facilement soluble (1 °/,) diminue graduellement, avec l’âge, dans les tiges, les feuilles, les racines, tandis que la cellulose soluble dans les solutions concentrées (5 ‘/;) augmente; c’est l'inverse qui a lieu pour le fruit de l'orge. M. Hoffmeister est-il bien sûr de ne dissoudre que la cellulose dans la soude caustique? A-t-il vérifié si la cellulose brute non soumise au mélange chloré, est aussi facilement soluble dans les alcalis? Cela n’est pas probable. On peut remarquer que l'auteur parait ignorer la présence des composés pectiques dans les plantes et cependant les ana- lyses faites par de nombreux chimistes, ont montré l'importance de ces corps. Ce sont eux, sans aucun doute qui expliquent les résultats contradictoires que l’auteur a obtenus en comparant les réactions caractéristiques des diverses formes solubles de la cellulose. La question mérite done de nouvelles recherches et les chimistes auraient tort de renon- cer à l'emploi de la méthode de Weende qui seule donne jusqu’à présent des résultats compa- rables. Terminons en signalant les principaux résultats (1) Biederm. Centralblatt., t. XVIII, p. 318. d'un mémoire important de M. Reiss (1) sur la nature de la cellulose de réserve contenue dans les graines ; cette substance acquiert, commeonle sait, dans le Dattier et surtout dans les PAyfelephas, une dureté telle qu'on peut l’employer sous le nom ‘d'ivoire végétal aux mêmes usages que l’ivoire ordi- naire, D’après M. Reiss, les hydrates de carbone de réserve qui, dansles graines forment les cloisons fortement épaissies de l’albumen ou des cotylé- dons, sont formés par l'amyloïde ou la cellulose ré- serve. La cellulose réserve, possédant d’ailleurs souvent les caractères de la cellulose normale, s'en distingue par sa transformation en hydrates de carbone so- lubles, la séminine et plus tard la séminose. La sémi- nine est un hydrate de carbone soluble dans l’eau, insoluble dans l'alcool, déviant à gauche le plan de polarisation; elle se transforme en un sucre ap- partenant au groupe des glucoses, la séminose qui dévie à droite le plan de polarisation et se carac- térise par la formation de cristaux d’hydrazone lorsqu'on le traite par de la phénylhydrazine acé- tique. Dans les graines, la cellulose réserve ne se ren- contre que dans l’albumen; au moment de la ger- minalion, les cloisons se dissolvent par la trans- formation successive en séminine et en séminose, ce dernier corps paraissant directement employé pour la nutrition des jeunes tissus. On peut observer ces phénomènes dans les graines de Phytelephus monocarpa, Phœnix dactyliferu, Allium Cœpa, OCoffea arabica, etc. L'amyloïde existe, à l'exclusion de la cellulose réserve, dans les graines de Pivoine, de Capucine, de Cyclamen, etc., et il se distingue de la cellu- lose réserve parce qu'il ne fournit pas de sémi- nine. Ces recherches intéressantes complètent l’en- semble des faits que nous possédons déjà sur la di- gestion des matériaux de réserve. L. Mangin. Professeur au Lycée Louis-le-Grand. (1) Ucber die Natur der Reserve cellulose und über ibre Auflüsungsweise bei der Keimung der Samen. Landw. Jahrb 1889, t. XVIII, p. 711. NOTA. — Toutes les figures de cet article sont tirées des Annales des Sciences naturelles, 1° série, t. VIII, 1889. Recher- ches comparatives sur l’origine des membres endogènes, (par MM. Van Tieghem et Douliot). BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 245 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Carvallo, professeur au lycée Saint-Louis. — Résolu- tion numérique des équations algébriques trans- cendantes. Thèse présentée à la Faculté des Sciences de Paris. Avril 1890. Gauthier- Villars. C'est la méthode, indiquée en 1837 par le professeur Graeffe, de Zurich, que M. Carvallo vient de rendre plus complète et plus précise. Cette méthode consiste à prendre pour inconnues auxiliaires, au lieu des racines x de l'équation donnée, des puissances de plus en plus grandes de x. On calcule ainsi des transformations successives de l’équa- tion primitive: en æ?, æ&1,..... æ?*, et on s’arrète lorsque æ est assez grand pour que, dans l’échelle des racines, rangées par ordre de grandeur absolue décroissante, chaque racine soit négligeable, au degré d’approxima- tion des calculs, par rapport à celle qui vient avant, Seulement Graeffe s'était borné à déterminer les racines réelles et les modules des racines imaginaires quand ces quantités diffèrent les unes des autres. M. Carvallo montre avec quelle facilité la méthode se prête au calcul de l'argument aussi bien que du module des racines imaginaires, etau calcul des racines multiples. De plus, avec un soin qu’on ne saurait trop approuver en vue des applications pratiques, il prend la peine d'indiquer le mode et la disposition des cal- culs, de sorte qu'un esprit, même peu familier avec la méthode, puisse, sans effort inutile et sans tâätonne- ment, calculer, avec une approximation demandée, lesracines d'une équation. Quant aux équations transcendantes, il s’agit de calculer toutes les racines comprises dans un cercle de rayon donné, et l’au- teur y arrive en dévelop- pant, suivant la formule de Taylor, le premier mem- bre de ces équations. On s'arrête dans ce dévelop- pement, quand les termes qui suivent sont devenus négligeables; et les ter- mes conservés forment le premier membre d'une ! : équation algébrique qu'on résout par la méthode pré- cédemment indiquée, Daniel MAYER. De Longchamps. (G.) Professeur de mathématiques spéciales au lycée Charlemagne. — Essai sur la géo: métrie de la règle et de l'équerre. Ch. Delagrave. Paris, 4890. Un volume in-8, broché, Sous son titre modeste, le nouveau volume de M. G. de Longchamps présente un réel intérèt; c'est un chapitre de Géométrie pratique, de cette science difficile, délicate, qni a donné lieu à de très nombreux travaux, mais qui n'a pas encore été constituée en corps de doctrine. Après avoir dans la première partie abordé ce qu'on pourrait appeler la théorie de cette nouvelle géométrie et étudié successivement les transversales, les pro- blèmes fondamentaux du premier degré, les questions se rapportant aux coniques, aux cubiques, aux cubiques unicursales circulaires ou non circulaires, aux quar- tiques unicursales, M. G. de Longchamps traile dans la deuxième partie les problèmes d’arpentage et les ap- plications à l’art de la guerre; toutes les questions relatives à la détermination de la largeur d’une rivière, à la prolongation d’un alignement au delà d’un obs- tacle, aux points, aux droites ou aux figures inacces- sibles, y sont examinées ; un certain nombre de pro- blèmes soulevés par le tir des projectiles et la guerre de sièges y sont l’objet d’une étude spéciale; le volume se termine enfin par divers exercices sur les bassins, les courants maritimes, le passage entre des postes forlifiés. — Toutes ces applications sont traitées avec l'élégance qui caractérise les travaux du savant professeur du lycée Charlemagne ; son livre est agréable à lire et de nature àplaire à tous ceux qu'intéressent les ingé- nieuses solutions géométriques. L. O. 2° Sciences physiques. Mathias (E). — Sur la chaleur latente de vapori- sation des gaz liquéfiés. Thèse présentée à la Faculté des Sciences de Paris. Avril 1890. Gauthier- Villars. On ne possédait jusqu'à présent sur la chaleur de vaporisation des gaz liquéfiésque des mesures peu nom- breuses effectuées par Regnault, Favre et M. Chappuis. Il était fort intéressant d'étudier la variation de cette quantité avec la température, et particulièrement d’ap- procher du moment où tout le liquide disparait nécessai- rement, de poursuivre les expériences jusqu'au voisi- nage du point critique, M. E. Mathias, à qui l’on doit déjà de remarquables travaux sur les gaz liquéfiés, NIS Fig. 1. (Disposition de l'appareil de M. Mathias. publiés en collaboration avec M. Cailletet, a entrepris cette difficile recherche, et vient de présenter les ré- sultats obtenus dans une thèse soutenue devant la Faculté des sciences de Paris. La méthode employée par l’auteurest très ingénieuse; c'est une méthode calorimétrique à température cons tante. Le réservoir R (fig. 1) qui renferme le gaz liqué- fié est placé dans uncalorimètre, auquel le liquide emprunte la chaleur nécessaire à sa vaporisation (1). Mais, au lieu de laisser refroidir le calorimètre, ce qui changerait continuellement les conditions de l’expé- rience, on verse pour ainsi dire, à chaque instant une quantité de chaleur connue, suffisante pour maintenir la température rigoureusement constante, Le thermo- mètre calorimétrique ne sert plus que d'appareil ther- moscopique; on a tous les avantages d'une méthode de réduction au zéro. La vaporisation du liquide se fait à la température ambiante sous une pression réglée par 1) La figure est extraite des Annales de chimie et de physique. È DES ù = Phystq (Paris 1890). Gauthier-Villars. 246 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX un robinet à pointeau B etaussi voisine que l’on veutde la pression de la vapeur saturée; toutes les corrections sont ainsi évitées, Pour obtenir une quantité de chaleur connue, M. Mathias se sert d’un flacon contenant de l'acide sulfurique tombant goutte à goutte dans le calo- rimètre ; ila, au préalable, étudié avec le plus grand soin la quantité de chaleur dégagée par la dissolution d’un poids déterminé d'acide dans l’eau. Les seules mesures à faire sont donc la pesée du flacon, et la pesée du réservoir contenant le liquide qui se vaporise, La précision de la méthode dépend dela détermination de la chaleur de dissolution de l'acide; au bout de deux ans, M. Mathias a prié un chimiste bien connu pour son habileté dans ce genre de recherches, M. Petit, de me- surer cette chaleur, sur l'échantillon qui avait servi aux expériences; il a retrouvé les mêmes nombres à 566 près. Pour obtenir des valeurs de la chaleur latente à di- verses températures, il suffit de profiter de la variation annuelle de la température (de 2° à 22° au laboratoire d'enseignement physique de la{Sorbonne où ont été faites les expériences) ; si l’on veut dépasser la tempé- rature de 22°, on chauffe la salle d’expériences;les mesures se font comme précédemment; le seul incon- vénient de la méthode est d’obliger l’expérimentateur à subir les hautes températures obtenues. Les mesures faites par M. Mathias ont porté sur l’a- cide sulfureux, le protoxyde d'azote, et plus particuliè- rement sur l’acide carbonique. Les gaz ont été obtenus à l’état de grande pureté,et analysés avec soin, Pour l'acide carbonique, l’auteur à poussé les mesures jus- qu'au pointeritique; il à pu constater que la chaleur de vaporisation tend rigoureusement vers zéro quand on s'approche de ce point; la formule de Clapeyron permet donc d'affirmer qu’au point critique la vapeur saturée et le liquide ont exactement même densité; MM. Cailletet et Mathias avaient établi ce fait dans des expériences antérieures. Le mémoire de M Mathias se termine par d’'intéres- santes considérations sur les chaleurs spécifiques de la vapeur saturée et du liquide. On concoit aisément que, malgré la simplicité théo- rique de la méthode, on doive dans de semblables re- cherches rencontrer de sérieuses et même de dange- reuses difficultés; M. Mathias à su en triompher avec la plus grande habileté ; son travail apporte une pré- cieuse confirmation aux idées théoriques, et contri- buera beaucoup à éclairer la question encore un peu obscure de l’état de la matière au voisinage du point crilique. Lucien Poincaré. Tomasi (Donalo), Docteur ès sciences. — Traité des piles électriques. Piles hydro-électriques. Accumu- lateurs. Piles thermo-électriques et pyro-électriques. Un vol, in-8° de 680 pages avec 139 fig. dans le texte. Prix 12 francs. Georges Carré, éditeur, 58, rue Saint- André-des-Arts, Paris. 8° Sciences naturelles. Lepsius (D' Richard). — Geologie von Deutschland und den angrenzenden Gebieten. [°° Band, Lief. 2, in8. Stuttgart, Engelhorn, 1889. (Handbücher zwr Deutschen Landesund Volkskunde). En 1887, M. le professeur Lepsius à commencé la publication d'un ouvrage d'ensemble sur la géologie de l'Allemagne. Le deuxième fascicule de cet excellent manuel, qui vient combler une lacune importante dans la littérature spéciale, comprend deux parties: la première termine la description du massif schisteux rhénan {Niederrheinisches Schiefergebirge) par un chapitre consacré aux roches éruplives très variées, comme nature et comme àge, que l’on rencontre dans la région (p. 255-338); la seconde a trait aux chaînes jumelles (Vosges et Forèt-Noire) qui bordent la haute vallée du Rhin (Oberrheinisches Gebirgssystem) : après un court apercu orographique, M. Lepsius y passe successive- ment en revue les roches cristallines fondamentales, les terrains paléozoïques, le Permien et le Trias (p. 3#1- 458). Des coupes nombreuses et bien choisies, d’abon- dantes indications bibliographiques et plusieurs ta- bleaux augmentent encore la valeur du texte. Ajoutons que cette utile publication n’a malheureusement pas d’équivalent, jusqu'à ce jour, en ce qui concerne la géologie de notre pays. Emm. DE MARGERIE, Wiedersheim (R.), Professeur d'anatomie humaine et comparée à l'Université de Fribourg-en-Brisqau. — Manuel d'anatomie comparée des Vertébrés, /ra- duit sur la 2° édition allemande par G. Moqun Tanpow, professeur de zoologie et d'anatomie comparée à la Faculté des Sciences de Toulouse, un vol, Paris, C. Rein- wald, 1890. Le Manuel d'anatomie comparée du savant professeur de Fribourg se distingue par la préoccupation cons- tante que montre l’auteur d'établir, autant que faire se peut, pour chaque groupe d'organes (téguments, sque- lette, muscles, système nerveux, ete.) étudiés dans la série des Vertébrés, Les lois qui paraissent avoir pré- sidé à leur développement. Aussi peut-on dire que ce manuelrépond réellement à son titre. C’est bien là l’Ana- tomie comparée telle que la créa Cuvier, cette science qui ne s'arrête pas à la comparaison trop souvent sté- rile des formes actuelles, mais qui recherche dans l'é- tude des êtres disparus l’origine des organes dont le développement est aujourd’hui complet oul’histoire de ceux qui nous sont parvenus à ce point modifiés ou atrophiés qu'ils restent pour nous autant d’énigmes, si nous nous contentons de l'examen sans portée des types actuels. La Paléontologie en un mot tient dans cet ouvrage la place qui lui revient de droit, D'autre part, M. Wiedersheim, partant de ce principe que l’ontogénie présente dans l'évolution de l'individu la répétition des différentes étapes de l'évolution de l'espèce, — s’aide également des notions si variées que fournit l'embryologie, Depuis un certain nombre d'an- nées les progrès de la technique microscopique ont permis d'acquérir sur le développement des données assez précises qu'on ne saurait négliger d'utiliser. Mais on sait combienil est prudent de se tenir en garde en ces malières contre des déductions trop hàlives, au milieu des multiples conditions qui interviennent et troublent parfois profondément la marche normale de l’évolution individuelle, Aussi tout en rendant pleine justice au soin qu'à pris l’'anatomiste allemand de tenir compte des difficultés du problème, ne saurions-nous trop en- gager le lecteur encore inexpérimenté à se méfier en règle générale des déductions basées sur l’ontogénie. Les vues théoriques qui en naissent sont toujours séduisantes, mais elles sont aussi bien souvent éphé- mères, comme peut s’en rendre compte celui qui a suivi avec quelque soin le mouvement scientifique dans ces dernières années. M. Wiedersheim a eu la bonne fortune de rencontrer dans son traducteur M. Moquin-Tandon un savant que nous ne saurions trop féliciter de la clarté et de l'élé- sance avec lesquelles il a su mettre en notre langueles pages intéressantes de ce livre, De nombreuses figures bien choisies, d'excellents tableaux récapitulatifs com- plètent les descriptions; et l'éditeur en conservant la forme condensée de l'édition allemande a pu réunir en un volume très maniable imprimé avec beaucoup de soin et de luxe les nombreux documents accumulés par l’auteur, D' H. BEAUREGARD. Perrier (Rémy). Recherches sur l'anatomie et l’histologie du rein des Gastéropodes Proso- branches. Thése présentée à la Faculté des Sciences de Paris. Avril 1890, Dans sa forme primitive, l'appareil urinaire des Pro- sobranches paraît se composer de deux organes symé- triques et identiques au point de vue anatomique et au point de vue physiologique, comme cela a lieu pour les Acéphales, Ces deux organes, les reins, consistent BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 19 LE | chacun en un sac communiquant, d'une part avec le péricarde, d'autre part avec l'extérieur. La symétrie absolue n'est jamais réalisée chez les Prosobranches. Seule, la Fissurelle possède deux reins et deux orifices symétriques, mais là même, le rein gauche est consi- dérablement réduit et ne communique pas avec le péricarde. Chez la Patelle, ce rein gauche passe à droite du péricarde, Chez l'Haliotis et les Trochidés (Hétéronéphridés), le rein gauche en communication avec le périearde se transforme en un organe de réserve dont l’auteur décrit la structure, et auquel il donne le nom de sac papillaire, le rein droit fonctionne seul comme organe dépurateur, Les Neritidés et la plupart des Monoto- cardes ont un seul rein et un seul orifice excréteur, Au point de vue de la structure, on remarque une division bien marquée de la masse glandulaire du rein des Monotocardes en deux organes distincts : le rein proprement dit, et la glande néphridienne, sorte de glande vasculaire sanguine en communicalion avec l'oreillette. Les fonctions de la glande néphridienne semblent être celles d’un organe de réserve, et peul- ètre d’une glande lymphatique. La glande néphri- dienne, d’ailleurs, se divise nettement en deux por- tions, l’une vasculaire sanguine (glande hématique), l’autre purement sécrétrice (glande néphridienne) cette glande néphridienne des Monotocardes représente, pour M. R. Perrier, le rein gauche des Diotocardes, Le rein proprement dit forme une masse homogène chez les Ténioglosses ; il se sépare en deux lobes plus ou moins séparés chez les Sténoglosses (méronéphri- diens) et mémedifférenciés chez les Muricidés (pycnoné- phridiens). Au point de vue histologique, on rencontre deux types de cellules glandulaires rénales : 1° Des cellules ciliées avec ou sans granulations ; 29 Des cellules vacuolaires, avec sels tenus en sus- pension dans le liquide de leur vacuole sphérique, Au fur et à mesure que cette vacuole grossit, les sels con- tenus dans son intérieur se condensent en une ou plu- sieurs grosses concrétions, Cette vacuole est ensuite expulsée de la cellule et tombe dans la cavité urinaire entourée d'une mince couche de protoplasma qui la fait apparaître sous la forme d’une vésieule sphérique. C'est là un mode particulier d’excrétion, très intéres- sant, en ce qu'il montre bien le rôle important joué par les vacuoles, rôle signalé par M. Ranvier dans toutes Les glandes mérocrines, A.-Eug. Mara». 4° Sciences médicales. Haflkine. — Maladies infectieuses des Paramécies. Annales de l’Institut Pasteur, mars 1890, Jusqu'ici on ne s'est guère occupé des maladies microbiennes que chez les êtres supérieurs; cependant, il est bien à penser que chez les êtres situés au bas de échelle animale, même unicellulaires, de pareilles maladies peuvent être observées; et il est bien pro- bable que l’étude de ces maladies chez ces animaux nous fera des révélations intéressantes susceptibles de généralisation, car nous voyons là dans toute sa sim- plicité la lutte du microbe contre la cellule, Nous ne pouvons suivre M. Hafkine dans le détail de ses inté- ressantes expériences et nous devons nous contenter d'en résumer les principaux résultats. Trois espèces de microbes attaquent la paramécie : deux espèces sont des spirilles et ne s'attaquent qu'au nucléole; l'autre a une forme bacillaire et ne s'attaque qu'au noyau, Une fois la paramécie envahie par ces organismes, il ne faut pas croire qu'elle meure de suile, el, tant qu'il reste un peu de protoplasma, on peut espérer la voir se débarrasser de ses parasites. Les phénomènes qui se passent dans la paramécie infectée sont les mêmes que l'on observe dans une pa- ramécie non infectée, soumise à l’inanition, de sorte que la mort paraît résulter de la consommation par le microbe du contenu cellulaire. Un point intéressant à noter est que les microbes sont strictement localisés sur l'organe atteint, noyau ou nucléole, et la consé- quence en est que si l’infusoire vit dans un milieu très nutritif, il pourra se débarrasser de son parasite par une simple division; mais, pour que la guérison arrive à la suite de ce phénomène, il faut que le parasite soit passé à l’état de spore dans la cellule mère, Toutes ces études sont fort intéressantes et l’on pourra certaine- ment en les poursuivant en tirer quelques conclusions générales, D' H. Durrr. Vincent (D'H.). — Sur la présence d'éléments semblables aux Psorospermies dans l’Epithélioma pavimenteux. — Extrait des comptes rendus de la Société de Biologie, 1890. Depuis que les études microbiologiques ont démon- tré le caractère parasitaire de plusieurs maladies infec- tieuses, il paraît conforme à la plus légitime induction d'attribuer à toutes les maladies virulentes un contage animé. Mais c’est en général parmi les végétaux de la famille des Bactéries qu'on a coutume de chercher ce contage, Des travaux récents de MM. Darrier, Malassez et Albarran ont cependant fait voir que des parasites très differents des Bactéries, beaucoup plus élevés dans l'échelle des êtres et qu'on ne saurait hésiter à classer parmi les animaux, peuvent, au même titre que les microbes proprement dits, constituer les agents spéci- fiques de certaines affections, Telles semblent être les Grégarines décrites tout dernièrement par M. Wickham dans la maladie de Paget du Mamelon et sur lesquelles Fig. À et 2. noyau de la cellule ce, dans laquelle la Psorospermie est enkystée. — ps, Psorospermies:; n, nous avons eu soin d'appeler l'attention de nos lec- eurs (1). M. H. Vincent vient de faire, dans le même ordre d'investigation, une observation intéressante. A l’inté- rieur des cellules d'épithéliomes pavimenteux de di- verses origines, il a constaté la présence de coccidies à différents stades d'évolution, La technique employée pour les décéler ne semble laisser aucun doute sur la nature de ces psorospermies, Faut-il leur attribuer, comme l’auteur incline à le faire, la production des épithéliomes? Nous ne croyons pas qu'onen ait le droit absolu avant avoir reproduit ces néoplasmes par l’ino- culation pure des parasites à des sujets d’abord bien portants. Tous les zoologistes savent que les grégarines sont fréquentes dans certains viscères, foie, rate, etc., de plusieurs mammifères, rat et lapin, par exemple, alors que ces animaux paraissent absolument sains. Il est pourtant difficile de concevoir qu'un parasite puisse, en dehors des cas de symbiose, se multiplier dans un organisme sans y déterminer quelque désor- dre. Aussi ne suflit-il pas, pour juger ces questions, de bien observer les faits : l’'expérimentation peut seule, dans chaque cas particulier, conduire à la solution du problème, L: 0. (1) Voyez à ce sujet la Revue du 15 février, page 88. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER L'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, l'Académie des Sciencs d' Berlin, les Sociétés de Physique et de Physiologie de Berlin, l'Académie des Sciences de Vienne n'ont pas encrre repris leurs séances ordinaires suspendues à l'occasion des fêtes de Pâques. ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 8 avril 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. G. Rayet, L. Pi- cart et Courty : observations de la comète Brooks (19 mars 1890) faites au grand équatorial de PObserva- toire de Bordeaux. — M. E. Viennet : éléments et éphémérides de la comète Brooks, — Mlle D. Klumpke : observations de la comète Brooks (19 mars 1890) faites à l'Observatoire de Paris. — M. Maurice Lévy montre que la formule qu'ik a donnée dans sacommunication du 17 mars dernier, pour représenter l’action entre deux particules électriques en mouvement, résume, au point de vue mathématique, toutes les théories proposées jusqu'ici. Il suffit pour les obtenir d'attribuer diverses valeurs à la constante numérique arbitraire & qui entre dans cette formule, Elle explique complètement le mouvement du perihélie de Mercure, pour une valeur de & qui ne cadre avec aucune des théories antérieures. 20 ScrexcEs PHYSIQUES. — M. H. Deslandres à cherché à étendre aux spectres de bandes les lois que M. Rydberg a posées pour les spectres de lignes; avec une disper- sion suffisante les bandes se divisent de même que les lignes en doublets ou en triplets dont les in‘ervalles suivent une loi pour un corps donné; mais ces lois sont plus complexes que celles des lignes; elles s’ex- priment par des fonctions à trois paramètres au lieu d’un seul, — A propos de la communication de M. Cornu sur les halos des plaques photographiques, MM. Paul et Prosper Henry rappellent qu'ils font usage depuis longtemps pour supprimer ce phénomène d'une couche de collodion à la chrysoïdine à l’envers des glaces. — M. E. Branly a étudié l’action des radiations lumi- neuses sur les conducteurs électrisés, en employant comme source lumineuse, au lieu de l’are voltaique habituel, les étincelles fournies par une bobine de Ruhmkorff; ces radiations, qui sont plus riches en rayons très réfrangibles, font disparaître d’un conduc- teur poli, non seulement l'électricité négative, mais aussi l'électricité positive, moins rapidement, il est vrai, — M. E. Péchard a montré que l'acide phospho- rique peut se combiner à 3, 4, 5 et 6 équivalents d'acide métatungslique; aujourd’hui, il étudie Pacide phos- photrimétatungstique et ses sels. — M. M. Vèzes à obtenu un chloroplatinate nitrosé de potassium, en traitant à chaud une solution concentrée de platinoni- trite de potassium par un excès d'acide chlorhydrique. — M. Louis Heory a combiné l'acide cyanhydrique à l'aldéhyde formique en solution aqueuse et obtenu ainsi le nitrile glycolique; ce dernier corps, traité par l'acide chlorhydrique fumant, donne l'acide glycolique. 3° SCIENCES NATURELLES.— M.R. Lépine a montré que le diabète consécutif à l’ablation du pancréas doit être attribué vraisemblablement à la disparition d’un fer- ment destructeur du glucose que le pancréas fournis- sait au sang. De nouvelles expériences viennent de lui montrer que ce ferment destructeur existe dans la lymphe du canal thoracique. Cette lymphe en effet provenant d’un chien normal et injectée à une chienne privée de son pancréas, a diminué considérablement la glycosurie, Séance du 14 avril 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, G.. Fouret : Consiruc- tion du rayon de courbure des courbes triangulaires symétriques, des courbes planes anharmoniques et des lignes asymptotiques de la surface de Steiner. — M. À. E. Pellet donne une formule pour la reclifica- tion approximative d'un are de courbe, — Laméthodede M. Lœvy pour déterminer les constantes fondamentales de l’aberration et de la réfraction exige l'emploi d’un double miroir plan installé dans une position donnée par rapport à la lunette; MM. Lœvy et Puiseux éla- blissent la théorie du système optique ainsi formé. — M. Tacchini résume des observations solaires faites à l'Observatoire royal du Collège Romain pendant le premier trimestre de 1890 (voir p. 254).— M. Em. Mar- chand envoie le résumé des observations qu'il a faites à Lyon sur les taches solaires pendant 1889. 29 Sciences PHYSIQUES. — M. Ditte montre que l'acide azotique attaque l'aluminium de la façon qu'il a déjà exposée pour l'acide sulfurique ; de même encore que le sulfate neutre, l’azotate neutre est transformé en azotate basique par l'aluminium en présence de l’eau. — M. A. Recoura oblient un dégagement continu d'acide bromhydrique gazeux en faisant passer un courant d'acide sulfhydrique dans du brôme, — Wurtz et Graham, réduisant des sels de palladium par lacide hypophosporeux, ont constaté un dégagement d’hydro- gène. M. R. Engel démontre que cet hydrogène pro- vient de la décomposition de l’eau par l'acide hypo- phosphoreux, que le palladium obtenu dans la réaction transforme en acide phosphoreux par une action de présence, — Par diverses expériences, M. 'P. Caze- neuve prouve que l’action décolorante du noir animal et des divers charbons consiste bien moins dans une absorption que dans une oxydation des matières colo- rantes, — Des recherches poursuivies par M. Jung- fleisch sur les acides camphoriques, il résulte qu'il existe plusieurs acides droits et gauches, se correspon- dant deux à deux, et plusieurs acides optiquement neutres, inactifs par nature ou bien résullant du mé- lange d’un droit et d’un gauche. — M. G. Massol à étudié au point de vue thermochimique les divers ma- lonates de potasse, en les comparant aux oxalates correspondants. — Pour extraire le raffinose des mé- lasses, M. L. Lindet purifie d'abord ces mélasses, puis il utilise la différence de solubilité du raffinose et du saccharose dans les alcools éthylique et méthy- lique. 3° SCIENCES NATURELLES, — M. L. Ranvier a étudié les éléments anatomiques qui se présentent dans la séro- sité péritonéale normale de divers mammifères; la paroi abdominale étant ouverte au thermocautère pour éviter toute effusion de sang et de lymphe, on trouve dans cette sérosité des globules rouges et des globules blancs diversement modifiés, —_M. Kunckel d'Hercu- lais explique comment les acridiens peuvent chasser leur sang dans l'ampoule cervicale; c’est en remplis- sant leur jabot d'air dégluti qu’ils déplacent ce liquide, — À propos de la production artilicielle de la soie, M. Emile Blanchard rappelle que depuis 25 ans il avait attiré l'attention sur la possibilité de cette pro- duction, — M. Cassedebat a trouvé dans les eaux d’ali- mentation de la ville de Marseille un bacille qui res- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 249 semble beaucoup au bacille typhique, mais en diffère par quelques caractères. — M. V. Babes à reconnu dans le sang des bœufs de Roumanie atteints d'hémo- globinurie un microorganisme spécifique qui se pré- sente sous forme de corpuseules arrondis dans les glo- bules rouges. — Etudiant la composition de l'urine chez les hystériques, MM. Gilles de la Tourette el Catheli- neau ont constaté que les urines sont normales chez ceux qui présentent des stigmates sans accidents, que chez ceux qui présentent des attaques, etc., le rapport des phosphates terreux aux phosphates alcalins est inverse du rapport normal. — M. H. Parinaud pro- pose de remplacer, pour corriger le strabisme, la sec- tion du tendon musculaire par le débridement de la capsule de Tenoa, — M. B. Renault décrit sous le nom de Lycopodiopsis Derbyi un nouveau genre de Lycopo- diacées trouvé dans le terrain houiller du Brésil, — M. Ch. Contejean a fait des expériences pour chercher le mécanisme suivant lequel se sont formées les im- pressions des cailloux tertiaires de la chaux, près Mont- béliard. Il a reproduit les différentes variétés de ces impressions en faisant agir une eau faiblement aci- dulée sur les points de contact de ces galets calcaires, L. LAprequE ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 15 avril 1890. M. Ball : Sur le délire de la persécution, — M. Ro- bert : Sur l'épidémie de grippe qui a sévi en 1889-90 dans la garnison de Verdun. — M. Doleris après avoir institué le traitement de la métrite du corps et du col de l'utérus par l’écouvillonnage (1884), puis par le curetage (1886), el enfin par le drainage antiseptique (1888), montre que les causes d'échec viennent 1° de ce que l’on renferme sous le nom de métriles des affec- tions qui dépassent la muqueuse utérine; 2 des déviations de la matrice, Le curetage n’a d'effet immé- diat que sur la muqueuse;.le cautère la tue et à son action succède de la sclérose atrophique, souvent de l’atrésie, et par suite la stérilité. — M. Rochard lit son rapport sur l'avis demandé par la Commission de la Chambre, à propos d’un projet de loi autorisant le tra- vail des femmes pendant la nuit dans les usines et ate- liers; ses conclusions, adoptées à l'unanimité, consi- dèrent cette autorisation comme des plus graves pour la santé des ouvrières. à Séance du 22 avril 1890. M. G. Sée, à propos de la note de M. Heckel sur la noi de Kola (voir Revue, n° 7, p. 218), insiste sur ce fait qu'elle n'agit que par la caféine et la théobromine. — M. Glénard (de Lyon) expose les résultats objectifs de l'exploration du foie dans le diabète; il en déduit la parenté du diabète avec l'alcoolisme et la lithiase bi- liaire, la gravité des symptômes de diabète croissant avec la gravité de l’altération objective du foie, — M. Germonprez traite les fractures de calcanéum par écrasement (fréquentes chez les ouvriers en bâtiments) par la réduction aidée d'applications chaudes, — M. Gueniot présente un fœtus de huit mois atteint de dégénérescence kystique des reins (glomérules); et un fœtus anencéphale, dont la tête est complètement dé- formée par des brides amniotiques. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 19 avril 1890 M. Magnan relate le suicide curieux d’une aliénée qui s’est enfoncé une épingle dans le cœur; la mort est survenue par hémorragie intrapéricardique. — MM. Combemal et Dubiquet ont étudié l’action phy- siologique du ferrocyanure de potassium ; ce sel, ingéré par la voie stomacale, est peu toxique ; il est vomitif et diurétique; il s’élimine à l’état de ferricyanure, — M. Féré a mesuré le temps d'association dans divers états cérébraux; ce temps peut s’allonger indéfiniment, dans le cas de fatigue nerveuse, par exemple, — M. Mégnin a observé chez les chiens une épizootie semblable à l’'influenza: dans un cas, il a trouvé une pleurésie purulente avec streptocoques. — MM. Cour- mont et Rodet ayant fait des cultures du microbe des ostéo-myélites juxta-epiphysaires ont trouvé indif- féremment le Staphylococcus pyogenes aureus ou lal- bus. M. Giard a cultivé le bacille des talitres lumi- neux, les cultures ne sont pas phosphorescentes, mais les talitres inoculés le deviennent, — MM. Roger et Charrin ont constaté que le sérum du lapin, animal réfractaire au charbon symptomatique, présente vis-à- vis du bacille des propriétés bactéricides moins mar- quées que le sérum du cobaye, qui prend facilement la maladie, Néanmoins, chez les animaux vaccinés, les propriétés bactéricides du sérum sont accrues d’une facon notable, — M d’Arsonval, qui avait constaté par la photographie l’existence#d’une troisième bande du spectre de lPhémoglobine dans la région ultra- violette, a pu observer directement cette bande au moyen d’un dispositif spécial. L. LAPICQUE. SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE Séance du 18 avril 1890, M. A. Cornu étudie le phénomène connu sous le nom de halo photographique. Lorsqu'on prend l'image photo- graphique d’un point très brillant sur une couche très impressionnable fixée à une lame de verre, on obtient généralement autour de l’image O une couronne plus ou moins intense. Ce phénomène, très fächeux pour les épreuves artistiques, plus fâcheux encore pour les recherches astronomiques, est dû à la diffusion de la lumière au point O par la couche sensible, en contact intime avec le verre. Les rayons ainsi diffusés atteignent la seconde surface du verre, ceux qui forment avec elle un angle assez grand se réfléchissent totalement et vont former sur la surface antérieure une plage brillante, limitée par un cercle ayant pour centre le point O; l'intensité décroîtra d’ailleurs rapidement vers l'extérieur, et le phénomène observé ressemblera à un halo, M. Cornu démontre par diverses expé- riences très simples l'exactitude de l'interprétation qu'il propose. Pour faire disparaitre le halo, il suffit -d'empêcher la réflexion sur la seconde surface du verre ; à cet effet on enduira le revers des plaques d’un vernis ayant exactement même indice de réfraction que le verre et l’on rendra ce vernis très absorbant pour les rayons chimiques, de facon que ces rayons ne puissent pas aller se réfléchir à la surface de séparation du vernis etde lair. — M. d'Arsouval présente divers appa- reils de mesures pratiques : 1° Un saccharimètre ordinaire où l’on peut disposer un solénoïde, et dans lequel on introduit du sulfure de carbone ou du verre lourd; la rotation du plan de polarisation, suivant la valeur du champ magnétique, permet d'utiliser Pappareil comme ampéremètre, 2 Un spectophotométre, où la différence d'intensité, entre les deux spectres, est due à ladmis- sion, dans les deux systèmes réfringents, d’une quan- tité de lumière limitée par une fente d'épaisseur variable. 2° Un colorimétre où, comme dans les ins- truments de ce genre, on obtient légalité de deux teintes, en faisant varier l'épaisseur de l’un des liquides traversé par la lumière, mais où un spectroscope à vision directe permet d'égaliser l'intensité des bandes d'absorption fournies par des corps tels que l’hémo- globine. Lucien Porxcaré. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 27 mars 1890 Sciences paYsiQues. — MM. A. Reinold el À. W. Ru- cker : Sur les membranes sombres de savon. Quelques expériences antérieures publiées par les auteurs dans les Philosophical transactions (1883 et 1886) avaient mon- tré que la partie sombre d’une pellicule de savon se forme parfois avec une sorte de « convulsion », Non seu- lement elle s'étend avec une extraordinaire rapidité, mais le bord de la zone sombre est violemment agité et de larges taches noires apparaissent dans la partie colorée de la pellicule. Leurs recherches actuelles éta- blissent que lorsqu'on s'arrange de telle sorte que la partie sombre de lamembrane se forme rapidement, elle a une plus grande épaisseur que lorsqu'elle se forme lentement, comme cela a lieu normalement. L’é- paisseur de la région mince des membranes antérieu- rement étudiées variait de 7 p à 14,5 pi ; dans les mem- branes formées rapidement cette épaisseur varie de 12 à 25 p. L'épaisseur de la partie noire des membranes formées lentementne varie pas, aussi longtemps que dure la membrane. En. 50 minutes d'observation, on a vu une membrane formée rapidement tomber de 18,6 p d'épaisseur à 16; dans d’autres cas, cette épais- seur s’est accrue; dans d’autres enfin-elle est restée constante, La conclusion, c’est que les particularités de ces membranes formées rapidement sont dues proba- blement à ce que leurs épaisseurs sont celles des mem- branes d'épaisseur instable (de 10 à 50} et au-dessus), et que cette instabilité à son tour tient aux change- ments de tension superficielle déterminés par un re- nouvellement rapide de la surface.— M. Robert H. Scott: sur les variations de la température dans les îles Britanniques de 1869 à 1883. — MM. Charles A. Carus- Wilson rapporte les expériences qu'il a faites pour déterminer la nature de la résistance d'une barre d'acier à la rupture par traction longitudinale, Il a constaté que pour évaluer la résistance de la barre à une section donnée, ilne faut pas considérer celle d’une section à angle droit avec l'axe, mais celle d’une sec- : tion à 45°; c’est en effet dans cette direction que la résistance à la rupture par action transversale est maxima, Il semblerait done que la résistance dont il faut triompher est la résistance mème de l'acier à la section. On a fait des expériences pourdéterminer si la résistance de l'acier à la section est à sa résistance à la traction dans la relation exigée par cette théorie ; elles ont montré que la résistance à la section est en moyenne 3 pour 400 de la moilié de la résistance à la traction. — Lord Rayleigh ‘mesure la quantité d'huile nécessaire pour empêcher les mouvements du camphre sur l’eau. On a déjà montré que le mouve- ment de petits morceaux de camphre à la surface de l’eau est d'autant plus aisé à mettre en évidence qu'on observe une plus rigoureuse propreté. L'eau sur la- quelle les expériences ontété faites occupaitune surface circulaire de 8% cm, de diamètre; l'huile d'olive arri- vait sur l’eau au moyen d’un fil de platine convenable- ment arrangé. Dans une expérience il à fallu 0.81 mg d'huile pour arrèter presque les mouvements du camphre. L'épaisseur de la membrane d'huile était donc de 1,63 micro-mill, A la suite d’une série d’expé- riences, on à pu établir que pour arrêter les mouve- ments du camphre, il suffisait d’une membrane de 1,6micro-mill.— Le professeur J.-J.Thomson et M.G.H. C. Scarle déterminent V, rapport de Punité électro- magnétique à l'unité électro-statique. Séance dn 17 avril 1890. 1° SCIENCES PHYSIQUES. — MM. A. W. Rucker et M. F.G. Thorpe: Note préliminaire surles additions à faire à la carte magnétique de quelques régions des Iles Britanniques. Les auteurs ont fait porter leurs re- cherches sur les îles de l'Ouest, la côte ouest de l'Ecosse, et une partie du Yorkshire et du Lincolnshire, Ils avaient montré antérieurement qu'il existe de puis- santes forces horizontales perturbatrices qui, du détroit d’Islay, de Iona et de Tirece exercent leur action dans la direction de l’ouest. Les observations faites l'été der- nier à Bernara, la plus méridionale des Hébrides, ont montré, que dans cette région la force horizontale per- turbatrice est dirigée vers le sud. De l’ensemble des observations, il résulte qu'il existe un centre d’altrac- lion magnétique près de la mer, au sud des Hébrides et à l’ouest de Tirce. Sur l’une des cartes présentées à la Société en 1889, les auteurs avaient entouré d’une ligne de démarcation un district de 40 milles de large sur 150 de long ; ce district appartient au Yorkshire et au Lincolnshire ; ils avaient exposé les raisons qui les portaient à admettre qu'il existait entre les deux lignes qui le limitaient une ligne ou un centre d'attraction ; les observations faites dans 35 stations additionnelles confirment celte conclusion, Dans toutes les stations (à une seule exception près), situées à l’intérieur de ces lignes où à leur voisinage : les forces perturba- trices horizontales sont dirigées vers le centre du dis- trict : les forces perturbatrices verticales dirigées de haut en bas sont plus grandes au centre du district qu'à ses limites. 2° SCIENCES NATURELLES.—M, W.R. F. Wildon : Sur les variations de certains Crustacés Décapodes et en parti- culierdu Crangon vulgaris. Galton, Quetdet, ete. ont étu- dié la fréquence des variations de grandeur de certains organes chez l’homme, chez certaines plantes et chez les mites, L'auteur a recherché à déterminer la fré- quence de ces variations dans une espèce vivantà l’état sauvage, ila constaté qu'elles ohéissent à la loi des er- reurs; comme c’est le cas lorsque les animaux ont été soumis à l’action de la sélection naturelle, Pour pou- voir comparer les organes d’un individu avec ceux d'un autre individu de taille différente, on à exprimé leur longueur en fractions de la longueur du corps de l'animal, On a mesuré la longueur totale de la carapace, la distance du bord postérieur de la carapace à la face antérieure de l’épine médiane ; la longueur du sixième anneau abdominal, et la longueur du telson. Les indi- vidus mesurés étaient tous des femelles adultes re- cueillies en différents endroits très éloignés les uns des autres. La longueur moyenne de la carapace des spécimens recueillis dans le détroit de, Plymouth était de 250,52 millièmes de la longueur du corps; pour les échantillons recueillis à Southpat cette longueur était de 248,50 et pour ceux recueillis à Sherness de 247,51 ; non seulement la longueur moyennede la cara- pace varie d’une variété locale à lPautre, mais aussi l'étendue des variations de longueur. Cependant la fréquence des variations dans les trois cas observés peut s'exprimer par une courbe d'erreur. Des résultats ana- logues ont été obtenus par la mensuration de séries considérables d'organes et de parties d'organes de Pan- dalus annulicanis (deux races) et de Paiaemon scrialus (une race), — Professeur J. Jeffery Parker : Observa- tions sur Panatomie et le développement de l'Apteryx. L'auteur à examiné un certain nombre d’embryons des trois espèces communes d'Apteryx. Les caractères observés qui montrent que l'Apteryx provient d’un oiseau capable de voler sont : la présence d’une mem- brane alaire ou patagium, de pterylæ et d’apteria, de remiges et de grandes rectrices, l’existence de deux facettes articulaires à la têle de los carré, d’un pygas- tyle, d’acromion, d'os procoracoïde et acrocoracoïde à l’état rudimentaire; c’est aussi l'attitude pendant le sommeil, l’extrème variabilité du sternum etde la cein- ture scapulaire, leur éburnation qui indique la dégé- nérescence, la présence occasionnelle d’un sillon mé- dian ou d’un bréchet rudimentaire sur le sternum, l'apparition précoce des caractères propres à l'oi- seau dans la structure du bassin, celle des caractères typiques de l'oiseau dans la structure et le developpe- ment de la colonne vertébrable et de los de la hanche, le fait que le cerveau traverse un stade de cerveau d’oi- seau où il possède des lobes optiques latéraux et les ACADÉMIES ET SOCIÈTES SAVANTES 2 OC = rapports du muscle sous-clavier. D'autre part l'absence totale des rectrices plaide contre cette manière de voir, Voici les caractères qui indiquent un {type moins spé- cialisé que celui des Oiseaux actuels : les caractères du crâne cartilagineux et dupelvis, la présence d’un oper- cule dans les premiers stades du développement et d’un os procoracoïde bien marqué, Les caractères sui- yants font de l’Apteryxun être plus spécialisé que tous les autres oiseaux : ce sont la rapidité avec laquelle les membres prennent la position qu’ils conserveront, l'apparition tardive et l’état rudimentaire de la partie hyoïde de l’os de la langue, la position des narines, le mode particulier de développement de la partie respi- ratoire des fosses nasale et l’absence totale de clavi- cules, R. A, GREGORY. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 20 mars 1890, M. G. W. Judd lit un mémoire sur les preuves four- nies par les recherches pétrographiques des modifications chimiques sous l’influence des fortes pressions. — M. Mel- dola traite de la formation des dérivés de la briazine. La méthode proposée par l’auteur consiste à faire réagir un dérivé benzylidénique d’une amine sur un sel d’un composé diazoïque, En partant de la benzylidène-f-na- phtylamine et du chlorure de diazobenzol, il a obtenu la diphényl24ÿ-naphtotriazine A7 — A7 — CôH5 cons” | : NAz— CH— COHS sous forme d’aiguilles blanches fusibles à 193°-194°, Ce composé présente les caractères d’une base faible, — M. Ruhemann : Contribution à lu connaissance de l'acide mucique. L’acide dichloromuconique se transforme plus facilement en acide hydromuconique CO?H — CH = CH — CH? — CH? — CON au moyen de l’étain et de l'acide chlorhydrique qu'en employant l’'amalgame de sodium. Il semble à auteur que, contrairement à l’assertion de Limpricht, on obtient le mème acide dibromoadipique quand on fait réagir le brôme sur l'acide hydromuconique, que ce dernier soil préalablement dissous dans l’eau ou bien dans l'acide acétique, Le dibromoadipate d’éthyle traité par la potasse alcoolique perd 2HBr et se saponilie en donnant un nouvel acide isomère de l’acide muconique, l'acide isomuconique, qui par oxydation se convertit en un mélange d'acides oxalique et succinique. La nature de ces produits d’oxydation rend très vraisemblable la formule de constitution : COH — C= C— CH? — CH? — CON, pour ce dernier acide. — M. M. Heycock et Neville: Le poids moléculaire des métaux en dissolution. Dans des communicalions précé- dentes les auteurs ont indiqué les résultats de leurs observations sur Ja solidification des dissolutions so- diques de certains métaux, Ils donnent maintenant un tableau des abaissements atomiques de la température de solidification de l’étain après dissolution de poids variables d'argent, d’or, de cuivre, de nickel, de sodium, de palladium, de magnésium, de zinc, de plomb, de cadmium, de mercure, de bismuth, de calcium, d’in- dium, d'aluminium et d’antimoine, Dans la plupart des cas, Pabaissement atomique est un nombre très voisin de3 ; c'est d’ailleurs à ce nombre que l’on arrive dans la théorie de Van’t Hoff, Si l’on admet que, dans ce cas, comme dans ceux observés par M. Raoul, l’abaissement produit sur la température de solidification d'un dissolvant par la dissolution d’une molécule de substance reste le même quel que soit le r corps dissous, il en résulte que les molécules de la plupart des métaux sont du même type, c'est-à-dire renferment le même nombre d’atomes. Or le zinc qui se trouve dans cette liste présente à l’état gazeux une molécule monoatomique; il est donc très probable que la plupart des métaux sont dans le même cas et que leur molécule renferme un seul atome. Pour l’alumi- nium l’abaissement atomique est très voisin de la moitié de la valeur moyenne, ce qui semble indiquer que sa molécule est diatomique, L'indium et le mercure donnent aussi des abaissements sensiblement plus faibles. Séance du 3 avril 1890. Linder et Picton : Sur les sulfhydrates. Les au- teurs trouvent que les sulfures métalliques récemment précipités contiennent presque toujours de l'hydrogène sulfuré ; ce sont en effet des sulfhydrates, Si au lieu de faire passer le courant de gaz sulfuré dans la solu- tion de sel métallique on verse lentement celle-ci dans une solution aqueuse d'acide sulfhydrique, en absence d’un excès d’acide, on peut obtenir une solution et en chasser l’excès d'hydrogène sulfuré par un courant d'hydrogène. Les solutions ainsi obtenues sont précipi- tées par l'addition de sels métalliques et l'on peut expliquer ainsi ce fait ben connu que les sulfures se précipitent mieux d’une dissolution à laquelle on a ajouté un chlorure alcalin, En traitant de l'hydrate cui- vrique en suspension dans l’eau par l'hydrogène sul- furé, on obtient rapidement le composé 7 Cu?S!, HS! qui se dissout à la longue en formant une solution brun clair, Les auteurs ont également obtenu avec le mer- cure le composé répondant à la formule 31 HgSt, H?S1, — Horace Brown et Harris Morris : Recherches sur la germination de quelques graminées. Les auteurs étudient la relation qui unit l'embryon à l’endosperme et les changements quis’y produisent pendant la germination. Ils concluent que lendosperme peut être considéré comme une réserve de matériaux, et que l’embryon, après en avoir été délaché, peut être cultivé dans des milieux nutritifs appropriés. Cette étude montre aussi que lPépithélium qui élait considéré comme un tissu absorbant, sécrète pendant la germination un dissol- vant de la cellulose qui attaque les cellules de lPendos- perme. — Meldola et Hughes : Formation des dérivés de lindol en partant du dibromo-a-naphtol; Yaction de l'acide nitrique fumant sur le dibromo-æ-naphtol per- met d'obtenir le composé. az ie GOEeS CBr 7 l'action de l'aniline sur ce corps donne un produit cristallisé rouge auquel les auteurs attribuent la for- mule / G(OH COHAC | SG? Br 1 ) NS CAZ CS Hb ; et ce produit traité par la potasse étendue donne nais- sance au bromo-hydroxy-indol. ce ACCUS EN CH] CO. X CRE 7 — Vernon : Action de l'acide chlorhydrique sur le bioxyde de manganèse, tétrachlorure de manganèse : L'auteur étu- die la solution brune qui se forme par l’action de l'acide chlorhydrique sur le bioxyde de manganèse. Il conclut à l'existence du corps Mn Cli, s'appuyant sur ce que à une température suffisamment basse la dissolution s'effectue sans dégagement de gaz. La quantité de gaz dégagée varie d’ailleurs d'une façon continue avec la température, et l’on ne peut par suite admettre la for- mation à des températures intermédiaires de composés tels que Mn? CIS où Mn CIS, 259 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE Dans la séance du 1% mars dont nous avons analysé les travaux dans le précédent numéro de la Revue, M. Folie a prononcé l'éloge de deux académiciens récemment décédés : Hirn (1) et Buys-Ballot., Nous extrayons de son discours les passages suivants : «C’est surtout son zèle pour les doctrines spiritualistes qui excita Hirn à combattre la théorie cinétique des gaz, dans laquelle il craignait de voir comme une attaque directe contre l'existence en soi de la force; son mé- moire sur ce sujet, que notre Académie à eu l'honneur de publier, témoigne de cette préoccupation; la partie la plus importante de ce travail est, en effet, celle où sont exposées des considérations métaphysiques d’une très haute portée sur l'essence de la matière et de la force, L'histoire scientifique de Hirn est liée de la ma- nière la plus intime à celle de la théorie mécanique de la chaleur. Il se rangea tout d’abord parmi les adver- saires de Ja théorie de R. Mayer; et ce furent les expé- riences mêmes qu'il institua dans l'intention de la ren- verser, qui le convertirent et firent de lui l’un de ses plus fervents adeptes, Plus tard, il combattit égale- ment Paxiome de Clausius, en vertu duquel Ja chaleur ne peut passer d'elle-même d’un corps à un autre corps plus chaud; et l’expérience sur laquelle est fondée son objection est si ingénieuse, et semble si bien corroborer celle-ci, que l’on conçoit qu'il ait cru renverser complètement laxiome de Clausius, Aussi celui-ci, dans sa réponse, péremiptoire du reste, déclare-t-il que des objections présentées avec ce caractère de netteté et de précision, loin d’enrayer le développement de la science, ne font, au contraire, qu'y contribuer, Il en est de mème des expériences que Hirn imagina pour combattre, longtemps après, la théorie cinétique des gaz. Elles sont très ingé- nieuses, el, je pense, irréprochables; et c’est seule- ment l'analyse mathématique au moyen de laquelle il les interpréta que j'ai cru devoir combattre, ef que Clausius à combattu également avec beaucoup plus d'autorité. Cet industriel, cet ingénieur, ce physicien distingué, dont les travaux ont enrichi les autres, a terminé sa carrière dans une noble médiocrité, Lorsque des revers de fortune l’atteignirent, nul doute qu'il n'eût pu obtenir en France une position honorable et lucrative. Mais il était trop fortement attaché à son Logelbach, où il avait poursuivi, pendant une longue série d'années, à côté de tous ses autres travaux, des observations météorologiques sur Le climat de l'Alsace, qui ont fait l’objet de nombreuses publications et aux- quelles on peut rattacher son Etude sw une elusse parti- culière de tourbillons (4878). Au bruit des malheurs de Hirn, les savants s’'émurent, et un appel fut adressé par eux au gouvernement français (quelques-uns d’entre nous s’en souviennent avec émotion) pour qu'il assurät à cet illustre enfant de la France l’otium cum dignitate. Cette prière fut écoutée, et Hirn put continuer la série de ses observations météorologiques à l’aide d’un subside annuel qui lui fut octroyé parle gouvernement francais, Peu d'hommes ont fait sur moi une impression aussi vive et aussi durable: on subissait à première vue, en sa présence, un ascendant particulier; non cet ascendant banal qu'exerce sur ses disciples un savant qui manie heureusement les formules ou les symboles, les appareils ou les instruments d'observation, ni même encore cet ascendant plus profond qu'impose un penseur, mais un ascendant plus vif et plus intime, celui qu'une âme supérieure imprime à une autre âme, Car, bien au-dessus du savant, il y avait en Hirn l’homme dans l'épanouissement complet de ses plus nobles facultés, intelligence et l'âme, » « Un autre associé de l’Académie, qui a également les titres les plus grands à une mention spéciale dans le Bulietin, est Buys-Ballot, Véminent météorologiste ESRI RE PRE ER E CEA POUPEE CUT 1) Voyez la Notice nécrologique que la Revue lui à consacrée le 30 janvier 1890, page 62. d’Utrecht, l’un des pères de la météorologie moderne, dont la mémoire sera perpétuée à jamais par la loi qui porte son nom. C’est lui aussi qui installa le premier les signaux avertisseurs de tempête, qui n'existent malheureusement pas encore sur nos côtes belges, Les principaux travaux, très importants, de Buys-Ballot concernent l'influence du soleil sur la température de l'atmosphère, de la lune sur le temps, les écarts des éléments météorologiques avecleurs valeurs normales, la distribution des températures sur le globe et les observations synchroniques, Ses atlas des routes nau- tiques sont fort appréciés, et la météorologie maritime lui doit de grands progrès. Il fut un ardent promoteur des congrès météorologiques dont l’action a donné un si puissant élan aux observations, et auxquels on semble ne plus songer aujourd’hui. Le comité perma- nent des Congrès météorologiques, dont Buys-Ballot fut le président, s'est même dissous récemment. On ne peut que regretter l'absence d’une association météoro- logique internalionale qui contribuerait à unifier les méthodes d'observations, à découvrir les lois encore peu connues de la marche des dépressions et à faire avancer la solution du problème de la prévision du temps. » Séance tu 5 avril 1890. MM. Folie, Lagrange et De Tilly lisent leurs rap- ports sur deux notes de M. Ronkar; la première est relative à l’épaisseur de la croûte solide du globe, que l’auteur estime ne pouvoir être supérieure à la cen- tième partie du rayon de la terre, en admettant même que le coefficient de la nutation diurne ne soit qu'un demi-dixième de seconde d'arc; or il résulte d’un très grand nombre de déterminations que ce coefficient est environ trois fois plus fort, en sorte que la valeur pré- cédente assignée à l’épaisseur de la croûte terrestre aurait une limite supérieure, La seconde note de M. Ronkar est la suite de celle qu'il a publiée dans le bulletin de décembre 1889, et à laquelle se rapporte celle dont le général Liagre a donné lecture dans la séance de mars (1). Dans-son rapport sur cette dernière note, M. Lagrange à cru devoir répondre à quelques objections formulées par le général, L'impression des deux notes de M. Ronkar a été votée, sur les avis con- formes des commissaires, — M. Folie lit sa réponse à la note du général Liagre relative à la nutatoin diurne. Il à déjà été question, dans notre numéro du 28 février, de la réplique verbale que MM. de la Vallée Poussin et Folie avaient donnée au Secrélaire perpétuel, Nous croyons superflu d'y revenir ici. Notons toutefois une expérience curieuse que M. Folie a faite à Liège avec M. Ronkar, pour démontrer la possibilité de l'in- dépendance mutuelle entre le noyau et l'écorce solide du globe dans les mouvements à courte période, pos- sibilité nécessaire à l'existence de la nutation diurne. Dans un cylindre contenant de l'huile on plonge un ballon de verre qu’on équilibre de manière qu'il ne touche pas le fond du eylindre. Imprime-t-on au cylindre un mouvement de rotation alternatif très rapide, le ballon reste immobile; lui imprime-f-on un mouvement lent, le ballon suit ce mouvement, Or le cylindre, le ballon et l’huile représentent la croûte solide, la partie solide et la partie fluide du noyau du globe. Les théo- rèmes de mécanique énoncés par M. Ronkar sont donc confirmés par une expérience fort simple. M. Delbœuf fait une communication du plus haut intérêt sur l’Efendue des effets curatifs de l’hypnotisme. Sur deux parties symétriques du corps d'un sujet hyp- notisé, les deux bras ou les omoplates par exemple, l’auteur a pratiqué deux brûlures aussi égales que pos- sible. L'une d'elles fut objet de la suggestion qu’elle ne s’enflammerait pas; l'autre fut abandonnée à la nature et servit, pour ainsi dire, de témoin. La sugges- tion se réalisa, M. Delbœuf cite en outre une personne, qui depuis 19 jours avait été frappée de paralysie du côté droit du corps et était absolument incapable de (4) Voir le numéro du 45 avril de la Revue. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES mouvoir la jambe, sous l'effet d’une seule suggestion, elle a recouvré le mouvement du membre et a pu marcher, L'auteur, tant de ses observations que de ses expériences, a tiré la conclusion suivante : l'hypnose soustrait en partie l'être pensant à l'influence du monde extérieur et lui laisse par cela même la liberté de s'occuper du monde intérieur. Il reprend alors sur les organes de la vie végétative un empire qu'il sem- blait avoir abdiqué, mais qu'il a seulement confié à des appareils auxquels il a appris autrefois à les gou verner sans lui, C’est ainsi qu'il peut à nouveau régler les vaso-moteurs, les glandes, les muscles lisses, ete, Jusqu'où peut s'étendre ce pouvoir? C’est sur cette question que roulait la lecture du mois d'avril. Un malheureux qui, atteint de syphilis en 1874, en était arrivé déjà en 1884 à une cécité presque complète, vint un jour — c'était à la fin de 1887 — solliciter M. Del- bœuf de le traiter par l'hypnotisme. 11 s'était fait soi- gner par les plus hautes sommités de la science ophtal- mologique, et, entre autres, par le professeur Fuchs, qui avait diagnostiqué une rétinité syphilitique avec névrite rétrobulbaire; mais malgré les remèdes les plus énergiques, sa vue n'avait été qu'en s’abimant, C'est au point que, lorsqu'il vint trouver M. Delbœuf, il ne pou- vait se conduire ni même trouver une porte dans un corridor clair, qu’en se tenant aux murs, et qu’il n'au- rait pu dire si une fenêtre par où le jour entrait était ronde ou carrée. M. Delbœuf — qui ne veut rien nier à priori — entreprit cette cure invraisemblable, Comme il n’est pas médecin, il eut recours à la collaboration de deux spécialistes, MM. Nuel et Leplat, respective- ment professeur et assistant du cours d’ophtalmologie à l'Université de Liège. En faisant pendant huit mois consécutifs agir la suggestion successivement sur les différents méridiens et les différents parallèles du champ visuel, il finit par rendre à l'infortuné une vision presque centrale, qui lui permet de se diriger sans peine dans la rue, de prendre des notes et de faire son commerce, Ayant réussi avec ce malade, M. Del- bœuf entreprit de traiter par une méthode analogue un autre quasi-aveugle, atteint d’une kératite interstitielle parenchymateuse, et il eut un égal succès. Si l'on songe combien l’œil parait être un organe indépendant du reste de l'organisme, et combien étaient graves les lésions précitées, il serait téméraire, conclut M. Del- bœuf, d’assigner des limites au pouvoir de la volonté dans l’état hypnotique. Certes, elle ne peut rendre la vie à ce qui est mort, mais elle peut sans contredit ramener la vie dans ce qui est en voie de mourir, et expulser des éléments morbides qui, d'ordinaire, ré- sistent à toute médicamentation. e M. De Heen éludie la loi qui unit la variation de la tension des vapeurs à la température absolue. Dans un travail antérieur l’auteur avait démontré que l’on peut déduire comme conséquence nécessaire de di- verses relations, la loi suivante : si l’on considère plu- sieurs liquides pris à la température d'ébullition, la varia- tion de la tension de leurs vapeurs, pour un aceroisse- ment de température infiniment petit, multipliée par leur température absolue d'ébullition donne un produit cons- ù : d ee, c tant, Si l’on représente par % la variation de la tension (e de la vapeur avec la température, et par T la tempé- d rature absolue d’ébullition on a: T F — constante. A { l’époque où M. De Heen avait formulé celte relation, les éléments que l’on possédait étaient encore trop in- complets pour en permettre une vérification directe satisfaisante; car les températures absolues d’ébullition des liquides sur lesquels on avait opéré étaient peu différentes les unes des autres, M. Barus à comblé cette lacune en déterminant la température d’ébulli- tion de différents métaux sous diverses pressions. Ces déterminations ont permis à M. De Heen de vérifier sa relation pour des valeurs de T variant de 123° à 307°, F. F. Membre de l'Académie. 253 SOCIÉTÉS SAVANTES D'ODESSA 1° SCIENCES PHYSIQUES. — À la Société des Naturalistes de la Nouvelle Russie (4 avril 1890) M. Tanatar communique un nouveau procédé de préparation de l'acide maléique fondé sur laction de lanhydride phosphorique sur l'acide fumarique, Un mélange d'acide fumarique et de Ph?05 donne par distillation lanhydride maléique, que l’on purifie ensuite par cristallisation dans le chloroforme, On obtient ainsi des quantités d’anhydride maléique pur qui équi- valent presque complètement aux matériaux employés. Il est donc possible de transformer entièrement lacide fumarique en son isomère, l'acide maléique. Cette méthode de préparation de l'acide maléique est plus simple et donne des résultats meilleurs que celle de M. Pictet et même que celle de M. Antchütz, fondée sur l'action du chlorure d’acétyle sur l'acide malique ou l'acide fumarique. 20 SCIENCES NATURELLES. — Le professeur Kamienski (Société des Naturalistes de la Nouvelle Russie ; 4 avril 1890), présente une monographie des Utriculariacées, et insiste sur les caractères des Biovularia qui doivent, selon lui, constituer un genre distinct, à côté des Utricularia : sur la lèvre inférieure de leur corolle se développe, au lieu d’éperon, une simple protubérance sacciforme ; dans l'ovaire, à la place d’un placenta central portant un grand nombre d’ovules, se trouvent seulement deux ovules adhérents, dont un seul se dé- veloppe ; l’autre s’atrophie; enfin le fruit, au lieu d’être formé d’une capsule mulliovulaire, est un akène. Jusqu'à présent l’auteur à décrit deux espèces du genre Biovularia. 3° SCIENCES MÉDICALES. — À la société des Médecins de l'hôpital municipal d’Odessa (18 mars 1890), M. Tic- tine présente ses recherches cliniques et bacteriolo- giques relatives à deux cas de méningite spécifique pen- dant la fièvre typhoïide. Le premier est celui d’un jeune homme de seize ans entré à l'hopitaldix jours après le début de la maladie ; on constata qu'il élait atteint de fièvre typhoïde. Il demeura sans connaissance jusqu'à sa mort, qui arriva six jours après son entrée. À l’au- topsie, inteslins, ganglions mésentériques et rate, offrirent les lésions caractéristiques de la fièvre ty- phoïde. Encéphale et méninges étaient en état d’hyperhémie et d’ædème, Tous ces viscères servirent à ensemencer des plaques de gélatine: seuls rate, foie, reins et encéphale donnèrent des cultures. On y trouva à l’état pur le bacille d'Eberth. Sur quelques coupes du cerveau l’auteur trouva le bacille d'Eberth; il était surtout abondant dans la pie-mère; il y en avait moins dans la matière cérébrale immédiatement -au-dessous de la pie-mère, L’abondance du microbe et de nombreuxleucocytes migrateurs dans la pie-mère, jointe à l’œdème de cette séreuse permet de conclure que la méningite aiguë, survenue au cours de la fièvre typhoïde, a eu pour cause le bacille spécifique de cette dernière maladie. Le second cas observé par M, Tictine se rapporte à un malade entré à l'hôpital après sept jours de fièvre typhoïde ; dès son entrée il perdit con- naissance et quelquefois il délira, sans intermittence de lucidité, jusqu’à sa mort arrivée 20 jours après son admission, A l’autopsie furent constatées les lésions de la fièvre typhoïde et, en outre, celles de la ménin- gite purulente. Tous les viscères furent ensemencés sur gélatine. Celles qui recurent le suc de la rate, le contenu de la vésicule biliaire, l’écorce de l’encéphale, le corps strié, le bulbe, le cervelet et le pus de la pie- mère, donnèrent des cultures pures d’un bacille en tout identique à celui d’Eberth. Des coupes de toutes les parties du cerveau montraient l’inflammation de la pie-mère; dans cette séreuse on n’a rencontré qu’en petite quantité le bacille d'Eberth. De l’ensemble de cette observation semble résulter que la méningite purulente à été provoquée par le microbe même de la fièvre typhoïde. D' Pierre HAUSNER. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séance des 13 e£ 20 avril 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATHIQUES. — M. Tacchini présente le résumé des observations solaires faites, pendant le premier trimestre de 1890, à l'observatoire du Collège Romain. En comparant les résultats obtenus, avec ceux qu'il avait exposés dans une note précédente, on voit que la période de calme continue pour les pre- miers mois de 1890. Les taches sont toujours plus petites, et le 6 mars, on put en voir une qui se trou- vait à une distance extraordinaire, pour la période actuelle, de l'équateur du Soleil, Du 16 janvier au 5 mars, les taches et les facules manquèrent complè- tement. Les protubérances suivent, dans leur diminu- tion, le phénomène des taches, — M. Millosevich donne les résultats des observations qu'il a faites, à l'équatorial du Collège Romain, de la petite comète découverte par M. Brooks le 19 mars 1890 : 1890, mars 27, 15h27"58°. R. C. R. 24h 10m 365,14 (9.641 n) : Se 21 10 36 ,33 (9.641 ns | coordonnées = a air (0.750) 2) +8 5039 ,2 (0.750 La première position a été obtenue avec l'étoile 5404 du catalogue de Greenwich, et la seconde position, avec l'étoile 5406 du même catalogue. — M. Cavalli apporte une contribution à la théorie des transmis- sions télédynamiques. Rappelant les travaux déjà parus sur ce sujet, qui s'appuient sur une grande rigueur scientifique ou sur quelque hypothèse plus ou moins rationnelle, M. Cavalli traite la question à l’aide du procédé géométrique, dont il montre la simplicité et l'exactitude, — M, Bianchi. Sur les groupes de sub- stitutions linéaires à coefficients entiers complexes. — Sur une classe de représentations équivalentes de la sphère sur un plan. — M. Del Re. Sur les coupes de formes bilinéaires. — M. Bigiavi. Equations différen- tielles linéaires à coefficients doublement périodiques. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Cantone, qui avait dé à étudié la déformation du fer par effet de la magnétisa- tion, a continué ses recherches sur le nickel. Il dispo- sait un noyau ellipsoïdal de ce métal à l’intérieur d’une spirale, dans laquelle on faisait passer un courant, L’ellipsoïde, au passage du courant, éprouvait des rac- courcissements qui, lorsque la force magnétisante m'était pas trop grande, sont proportionnels au carré de la force, comme la théorie permet de le prévoir. En mesurant los variations de volume de l’ellipsoïde sous l'action magnétisante, M. Cantone a reconnu que ces variations sont très pelites, et qu’elles accusent tou- jours une augmentation en volume du nickel, — Sur les particularités présentées par les solutions de borax en présence de la mannite, plusieurs recherches furent accomplies par Vignon, Bouchardat, Klein et Dunstan. — M, Magnanini a voulu déterminer la constitution de ces solutions et la nature de la substance acide qui s’y formerait, en étudiant leur conductibilité électrique En effet, tandis que l'acide borique présente une grande résistance au passage du courant, celte résistance de- vient vingt fois moindre, lorsqu'on ajoute de la man- nile à la sollion. M. Magnanini donne des détails sur ses expériences, sur les valeurs obtenues et se propose d'examiner et de discuter, dans une Note suivante, les résultats de ses recherches. — M. Garibaldi établit une comparaison entre l’activité de la chromos- phère du Soleil et la déclinaison magnétique, mon- trant la coïncidence des deux phénomènes dans l’ensemble et dans les détails, sauf quelque petite dif- férence due à des actions que nous ne connaissons pas encore. Les tables des observations et un dia- gramme, montrent que la période (1879-1889) entre les deux minimums des taches est de dix années et six mois; et que la période des variations déclinométri- ques est de dix années et cinq mois. M, Garibaldi re- marque encore que certaines fois il n’y a pas de rela- lion entre le nombre des taches et l’activité magné- tique, et il observe que, dans ces cas, aux maximums anormaux des variations magnétiques, répond un plus grand développement des protubérances solaires, — M. Grablovitz décrit un marégraphe facile à trans- porter, dont il s’est servi pour mesurer les mouve- ments de la mer dans le port d’Ischia, L'appareil se compose d’un mouvement d’horlogerie, dont le tambour accomplit un tour en six heures; d'un cylindre enre- gistrant les mouvements d’un flotteur lenticulaire en bois de hêtre; et d’un manchon en zine, où le flotteur peut exécuter ses mouvements, et qui forme l’étui de l'appareil lorsqu'on ne s’en sert pas. Des tracés obtenus avec ce marégraphe présentent, pour le port d’Ischia, non seulement l’oscillation de 13 3/4, décrite dernière- ment pas M. Grablovitz, mais encore d'autres oscilla- tions plus peliles qui, variables de niveau, sont iso- chrones ef durent 1%,32° en moyenne, — M, Montessus a prouvé que les tremblements de terre se produisent pendant le jour et pendant la nuit avec la même uni- formité. — M. Agamennone remarque que les observa- tions faites en Italie ne suivent pas cette loi générale, examine toutes les secousses relevées en Italie en 1889, trouve confirmée l’anomalie relevée par M. Montessus, analyse les causes des perturbations, et insiste sur la nécessilé d'établir les observatoires sismologiques loin des centres populeux et à l'abri de l’action du vent et des écarts de la température, 3° SCIENCES NATURELLES, — M. Emery communique les résultats de ses recherches sur le développement du carpe des Batraciens anoures. IL a (rouvé que la pièce regardée généralement comme radiale comprend un élément central fusionné avec le véritable radial. L’ébauche de l’intermédium unit le central à l’extré- mité du cubitus, mais elle ne devient jamais cartilagi- neuse, Le doigt radial des Anoures n’est pas le pouce, mais un præpollex et le scaphoïde des auteurs est son carpal. Chez le Pelobates M. Emery a trouvé une ébau- che rudimentaire d'un doigt ulnaire, correspondant au petit doigt de l'anatomie humaine et au dernier orteil du pied des Anoures. Le développement considérable du præpollex et du præhallux chez les Anoures fait supposer que leurs membres dérivent d’un type à six doigts. L'auteur s'occupe ensuite du præpollex des Rongeurs dont il a trouvé un rudiment cartilagineux chez le lapin adulte, et dont il a suivi le développement chez ce même animal, Les observations montrent que l'os qui se trouve dans l’aponévrose palmaire de beaucoup deRongeurs, ainsi que le sésamoïde radial d’autres Mammifères, est bien un rudiment de præ- pollex. Toutefois il ne pense pas que les Mammifères primitifs ni aucun Amniote aient jamais possédé plus de 5 doigts bien développés. Lorsque chez les Mam- mifères, il existe une saillie en rapport avec le rudi- ment de squelette du præpollex, ce n'est pas une dis- position primitive, mais un organe nouveau qui s'était développé sans un rudiment préexistant. La main et le pied des Vertébrés terrestres semblent dériver de na geoires à un grand nombre de rayons dont les premiers et les derniers en rang ont disparu successivement, par réduction. C’est ainsi que se sont formés le type à six rayons des Anoures et celui à cinq des Uro- dèles et des Amniotes. Un nombre plus grand n’a pu exister que chez des Anamniens terrestres primitifs, encore inconnus. Le pisiforme et le sésamoiïde radial sont les résidus de rayons disparus; ils se trouvent encore en rapport avec leurs muscles qui sont devenus les extenseurs et fléchisseurs du carpe. — M. Cop- pola a fait des recherches pour établir si les combi- naisons inorganiques du fer, non élaborées par les végétaux, peuvent être assimilées par l'organisme, ou si elles sont éliminées sans se joindre à l’hémoglobine comme on le croit généralement, même en admettant l’action thérapeutique du fer dans les anémies, les chloroses etc, Des expériences furente xécutées sur NOTICES NÉCROLOGIQUES 25à des coqs, dont la crête se prète très bien à un facile examen du sang, On donnait à ces oiseaux de la patée chimiquement préparé sans fer qui au contraire est abondant dans la nourriture ordinaire, Les recherches, et de délicates analyses, ont fait voir que lélimina- tion du fer continue, même quand ce métal manque dans la nourriture, et que dans ce cas le sang subit une profonde altération histologique. Les altérations viennent à disparaitre lorsqu'on recommence à donner du fer aux oiseaux; au commencement il est assimilé en grande quantité, même sous forme de combinaison inorganique, M. Coppola se propose de traiter ses recherches sur divers animaux, et de poursuivre dans un Mémoire plusieurs questions relatives à l’assimi- lation et au rôle du fer dans l’organisme..— MM. Ju- sari et Panasü ont étudié, à l’aide de la réaction de Golgi, la terminaison des nerfs dans la muqueuse de la langue des mammifères (souris, lapin, chat, che- vreau), Ils donnent la description détaillée du réseau formé par ces nerfs, des ramilications et de la struc- ture qu'ils présentent sur leur parcours, et de la pénétration des filets nerveux dans les papilles. Ernesto Maxi. NOTICES NÉCROLOGIQUES ULYSSE TRÉLAT Le douloureux retentissement qui a suivi, dans le monde des sciences, la mort inopinée du professeur Trélat, se prolongera longtemps encore, Chaque jour montre mieux la grande perte que vient d’éprouver la Faculté de Médecine de Paris. Né à Paris le13 août 1828, Ulysse Trélat était le fils du Dr Trélat, médecin distingué de la Salpêtrière qui futministre des travaux publicsen 1848. Sans hésila- tions, il entra dans la voie où s'était illustré son père et dès 1849, à l’âge de 2{ ans, nous le voyons interne des hôpitaux. Cinq ans après il présente sa thèse de doc- torat (Des fractures à l'extrémité inférieure du fémur), Prosecteur en 1856, il était agrégé l’année suivante à l'âge de 28 ans. Sa thèse de concours (De la nécrose phosphorée) fut des plus remarquées. En 1860 il était nommé chirurgien des hôpitaux, A partir de celle époque commence son enseignement clinique qui débute à la Maternité etse continue à lhô- pital Saint-Antoine, à Saint-Louis, àla Pitié, à Neckeret àla Charité, Il avait éténommé professeur de Pathologie chirurgicale à la Faculté en 1872, à 43 ans, et deux ans après l'Académie de Médecine lui ouvrait ses portes, La série des publications que laisse Trélat montre combien variées élaient les ressources de son intelli- gence. Nous ne citerons que les principales : Sur lul- cère tuberculeux de la langue, Sur la Staphylorrhaphie, la palatoplastie et la cheilo plastie, Fistules vésico-vaginales, De la valeur des opérations plastiques sur le palais et de l'âge auquei il convient de les pratiquer. Trélat développait dans cette étude des considérations ingénieuses sur l'éducation anté et post-opératoire. Tout récemment encore il donnait aux Annales de Gynécologie une étude sur le Prolapsus utérin et pre- nait une part active aux discussions de la Société de chirurgie sur les diverses affections utérines, On doit également à Trélat des études critiques sur la construction de l'Hôtel Dieu, des hôpitaux, les Ma- ternités, les Eloges de Velpeau, Wurtz, une introduction à un Cours d’Anatomie appliquée aux beaux-arts 1863, une introduction à un Cours d'Hygiène appliquée à l'architecture, etc. ï La chaire de clinique chirurgicale à la Charité et la croix de commandeur de la Légion d'honneur récom- pensaient dans ces dernières années les rares mérites de Trélat. Ce qu'il fut comme professeur, notre génération ne Poubliera pas de sitôt Le moindre sujet prenait sous sa puissante originalité un intérêt particulier, Maintes fois aussi nous l’avons entendu s'élever à la plus réelle éloquence. Chaque année il s’attachait spécialement à quelques unes des questions à l’ordre du jour, les étu- diait à fond, puis, après une méditation prolongée, dé- veloppait devant ses élèves les considérations que cette étude lui avait suggérées. Il avait le secret des défini- tions et des comparaisons heureuses. Au cours de sa leçon il se levait volontiers et traçait au tableau des figures simples et claires, ou par une mimique des plus exactes reproduisait un jour le parler spécial des divi- sions palatines, une autre fois la démarche caractéris- tique des luxations congénitales, puis après avoir inté- | ressé et instruit son auditoire, sans perdre un instant | son attention, il s'arrêtait en disant : « Morale » et Ja conclusion se dégageait courte et saisissante sous forme d'axiôme, On s’éloignait confiant dans la doctrine qu'un judicieux examen des faits avait dictée à cet esprit supérieur. A l’Académie de Médecinecomme à la Société de Chi- rurgie dont il suivait assidèment les séances, c'était la même sûreté de jugement, Son intervention dans les discussions forcait l'attention et ce n’est pas trop, croyons-nous, que de placer Trélat à côté de Malgaigne parmi les meilleurs critiques que notre siècle ait pro- duits dans les sciences médicales, Sa conversation élait captivante, spirituelle et jamais banale, Un de ses mérites était de savoir écouter et tous ceux qui l'ont souventapproché sesont bien rendu compte qu'il s’'instruisait auprès des jeunes, les lais- sant parler pour fixer définitivement dans sa mémoire ce qui lui paraissait bon à retenir de leur exubérante bi- bliographie. Trélat n'a pas seulement brillé dans Penseignement théorique, il fut un très habile chirurgien. Son adresse s'exercait plus volontiers sur les opérations délicates comme la palatoplastie où ilexcellait. Sa chirurgie était essentiellement propre et bien qu'antérieure par la date de ses premiers travaux à la grande ère natiseptique, nous l'avons vu ne pas douter de la méthode nouvelle et se faire une seconde manière pour rester à la tète du mouvement. Chaque année il donnait la statistique intégrale des opérations pratiquées dans son service. Le résultat s’a- méliorait dans des proporlions surprenantes, grâce à la _sévérité de sa pratique. Il n’en était que plus intéressant de le voir, à la reprise de son cours, faire une sorte d'examen de conscience quand il en arrivait au chiffre de la mortalité. Il serrait de près toutes les conditions de réussite ou d’insuccès, ne cherchant aucunement à se disculper, voulant le mieux quand il avait le bien. Mème de son vivant, on remarquait que les ouvrages de longue haleine manquaient à son œuvre. Chacun produit selon sa nature et le domaine scientifique s’en- richit d'autant plus que les contributions sont diverses. Les bulletins de l'Académie, de la Société de Chirurgie et de tant d’autres Sociétés, montrent d’ailleurs quelle fut l'activité d'esprit de notre Maitre, L'espace me manque pour dire ce que fut l'homme, d’une absolue probité professionnelle et d’un patrio- tisme élevé. Dès nos premiers désastres, en 1870, il quittait Paris, allait organiser les ambulances de pro- vince, puis se portait en avant et tenait campagne jusqu'à la fin de la guerre à l’armée de la Loire, Les magnifiques obsèques du P° Trélat ont montré quels unanimes regrets le suivaient dans sa mort trop prompte. Il laisse à ses élèves le souvenir d'un ensel- gnement de la plus haute valeur, Dr André CAstTEx, 256 NOTICES NÉCROLOGIQUES EUGENE PELIGOT Eugène Péligot, grand officier de la Légion d'hon- neur, membre de l'Académie des Sciences, né à Paris en 4841, y est mort le 15 avril dernier. 11 fut un des élèves les plus distingués de Dumas, Entré à l'Ecole Centrale en 4829, il y fut nommé professeur en 1838, occupa ensuite avec éclat au Conservatoire des Arts et Métiers, depuis l’âge de 30 ans jusqu'à celui de 58, la chaire de chimie appliquée aux arts, devint successi- vement Essayeur à la Monnaie, Contrôleur, puis Direc- teur des Essais à ce même Etablissement, membre du Conseil d'Hygiène, de la Société d'Agriculture et de la Société d'Encouragement, qui l’élit secrétaire perpé- tuel. Ces différentes compagnies le chargèrent de nom- breux rapports sur les applications de la chimie à l'hygiène, l’agriculture et l’industrie, En 1852, l'Aca- démie des Sciences accueillit J’éminent chimiste dans sa section d'économie rurale, Tant de litres et d'honneurs étaient la récompense de nombreuses et importantes découvertes, Celle qui rendit tout d'un coup célèbre le nom de Péligot, en l’associant à celui de Dumas, résulta de leurs recherches sur l'esprit de bois (1836). En démontrant que ce corps se comporte, dans ses réactions, comme l’esprit de vin, seul terme alors connu de la série aujourd’hui presque indéfinie des alcools, le maitre et l’élève ouvraient, en ‘quelque sorte, une voie nouvelle : ils introduisuent pour la première fois dans la chimie la notion féconde de fonction alcoolique et par là mème faisaient prévoir l'existence d'une multitude de composés analogues. Les produits organiques d’origine végétale attirèrent ensuite l'attention de Péligot, Ses travaux sur les sucres le conduisirent à définir, mieux qu'on ne l'avait fait avant lui, les propriétés de ces hydrates de carbone et à séparer nettement les saccharoses des glucoses,. IL fit voir que ces deux sortes de sucres se distinguent par des réactions propres et précisa les conditions dans lesquelles les premiers donnent naissance aux seconds, En étudiant les transformations que les bases fortes leur font subir, il découvrit le sucrate de chaux, em- ployé, en raison de sa solubililé, dans l'extraction du sucre, Ce remarquable travail fut ainsi l'origine d’une véritable révolution dans l’industrie sucrière. Péligot trouva aussi les sucrates de baryum et de strontium insolubles dans un excès d’hydrate de baryte.Cette pro- priété a été utilisée plus tard par Dubrunfaut; c'est sur elle que repose l'industrie actuelle de la sucraterie, La science agronomique devait aussi bénéficier des recherches de l’habile chimiste : avec la collaboration de Decaisne, Péligot essaya de suivre chez les plantes la formation des sucres et des principes immédiats du mème groupe, Il montra que chez la Betterave le sucre est presque exclusivement localisé dans la région sou- terraine. La partie de la souche, située au-dessus du sol, — c’est la tige, — n’en contient guère; mais elle renferme une bien plus forte proportion de sels et de matières azotées, Le premier, Péligot entreprit de do- ser ces composés dans les divers organes de la plante, — racine, tige, pétiole, limbe, — aux différents stades de son évolution. C'était poser le principe d’une mé- thode féconde que MM. Dehérain et Aimé Girard ont depuis portée à sa perfection, Dès 1839 elle conduisit Péligot à reconnaitre la formation du saccharose dans la feuille, — découverte des plus importantes pour la physiolos Quant aux quantités absolues de sucre contenues dans la racine, les dosages montrèrent qu'elles peuvent varier considérablement d’un pied à un autre : d’où la nécessité de bien choisir les graines à ce point de vue. — Dans la Canne à sucre le saccha- rose s’accumule en grande quantité dans la tige en com- pagnie de principes immédiats qui, pendant l'extrac- lion du sucre, donnent naissance aux mélasses, Péligot montra qu'on pouvait réduire d'une facon considérable la production de la mélasse et augmenter par là mème le rendement en sucre, C'élaient là des résultats d'un haut intérêt (héorique et pratique. Péligot ne cessa de les étendre. Il perfec- tionna les procédés de l'analyse, — minérale et orga- nique, — et les appliqua à déterminer la composition des végétaux. Chose curieuse, tandis qu’il faisait vivre les plantes terrestres dans un sol très riche en sels sodiques et pauvre en potasse, l'organisme refusait opiniätrémentla soude, et fixait au contraire dans ses tissus une abondante quantité de sels potassiques. Ces derniers sels paraissent surtout abondants dans les mem- branes cellulaires ; il est facile de les y trouver après incinération. La science est encore impuissante à expli- quer cet apparent caprice des végétaux terrestres à l'égard de deux métaux aussi voisins que le potassium etle sodium. Le fait n'en est pas moins important: il faut savoir gré à Péligot de l'avoir nettement établi. L'agronomie lui doit aussi d’intéressantes observations sur la constitution chimique des feuilles, notamment du mürier, et les variations d'ordre chimique corréla- tives des métamorphoses chez le ver à soie. Dans le monde minéral, Péligot a attaché son nom à l'histoire de l'Uranium et de ses composés. En 1789 Klaproth avait découvert dans la pechblende un corps qu'il décrivit alors comme un nouveau métal et désigna sous le nom d’urane. Péligot reconnut en 1847 que ce prétendu corps simple était en réalité un oxyde. En traitant le chlorure correspondant par le sodium, il réussit à isoler le vrai métal: il lui donna le nom d'Uranium. La portée philosophique de ce résultat fut surtout sentie lorsque la connaissance plus approfondie des éléments permit de les classer en familles et en genres, On sait, à ce sujet, l’intéressante discussion à laquelle a donné lieu le poids atomique de lPuranium, quand M. Mendeleeff constitua ses séries périodiques. On avait rapproché l'uranium du fer et du chrôme en lui attribuant 120 comme poids atomique. Or ce poids ne s’accordait pas avec la densité trouvée 18,4, Pour faire disparaître cette anomalie, M. Mendeleeff proposa de doubler le poids atomique alors admis et de ranger l'uranium loin du fer et du chrôme, à côté du molyb- dène et du tungstène. Zimmermann confirma bientôt cette interprétation : il prit la densité de vapeur du chlorure uraneux et la trouva d'accord avec la formule UCI£, seule conforme à la loi périodique de Mendeleeff. Cette formule fut dès lors substituée à l’ancienne nota- tion U CP. Indépendamment de l'intérêt théorique attaché à sa découverte, Péligot en montra bientôt l’utile applica- tion, L’uranium donne en effet deux sortes de composés principaux, répondant aux formules générales UR' et UR® (nouvelles notat:ons U — 240) : Ur Clé correspond à (UO?)' = uranyle et oxyde UO# auquel ne correspond d’ailleurs pas de chlo- rure UCIS — (on ne connaît que UC). Les premiers, qualifiés d'wraneuxæ, sont verts; les se- conds, dits w'aniques, sont jaunes. Péligot indiqua la facon de les employer à la fabrication des verres colo- rés et fluorescents. Il fut ainsi amené à étudier les phé- nomènes chimiques qui se produisent dans la fabrica- tion du verre et contribua puissamment au progrès de cette industrie. Tous ces travaux offrent le double mérite d’avoir été bien conçus et très habilement exéculés. Aussi M. Schlæsing a-t-il pu dire, en adressant à Péligot un dernier adieu, au nom de l’Académie des Sciences : « L'œuvre entière de notre confrère restera debout; c'est qu'il y a mis tous ses soins, toute sa conscience, Nulle part on n’y trouve l’art de faire valoir toute l’im- portance d’une découverte, ni de laisser dans l'ombre ce qui prète à la critique. La bonne foi, le noble culte de la vérité s’y décèlent partout; partout se voit la marque de la modération, de la droiture, de l’honné- teté absolue, » Louis OLivier. Le Gérant : Ocrave Don. Paris.— Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. | | | | LÉ. mn, 4re ANNÉE N'9 15 MAI 1890 DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LA PROPHYLAXIE INTERNATIONALE DU CHOLÉRA L'épidémie de choléra qui règne en ce moment en Mésopotamie, et qui menace l'Europe, appelle de nouveau l'attention du monde savant sur cette terrible maladie, qui depuis soixante ans a ravagé six fois le monde et dont on peut prévenir le retour, en prenant les mesures dont la science contem- poraine a démontré l'efficacité. Nous avons fait bien du chemin depuis 1832. Il suffit, pour le constater, de relire les journaux de médecine du temps, et les livres écrits sur le choléra, lors de sa première invasion. Les doctrines médicales qui régnaient à cette époque empêchèrent de tirer de cette formidable épidémie les ensei- gnements qu'elle comportait et qui auraient permis peut-être d’en prévenir le retour. Pour les sectateurs de Broussais, dont le système était alors à son apogée, le choléra n'était qu'une gastro-entérite. Ceux-là même qui, vaincus par l'évidence, se refusaient à admettre une inflamma- tion chez des malades cyanosés, froids, sans pouls et ressemblant à des cadavres, ceux-là même qui avaient la notion vague d'une intoxica- tion, niaient résolument la contagion et rejetaient par conséquent tout moyen sérieux de prophylaxie. Il a fallu que l'expérience fit son œuvre et que la doctrine physiologique s’écroulàt, pour qu'on revint à des idées plus saines. Lorsque le fléau revint quinze ans après visiter l'Europe, on observa sa marche avec plus d'impar- tialité, et on ne tarda pas à reconnaître que son itinéraire était le même que la première fois. On le vit s’'avancer encore de proche en proche, s’ar- REVUE GÉNÉRALE, 1890. rêtant par intervalles pour revenir sur ses pas paraissant sommeiller parfois pendant de longs intervalles, pour se réveiller ensuite, mais allant toujours devant lui, en suivant les courants humains et sans jamais dépasser leur vitesse. On put étudier également son mode de propa- gation et constater que, quand il éclatait dans une ville, ce n’était pas comme les orages qui l’inondent en un instant dans loutes ses parties, mais à la façon des incendies multiples et par petits foyers disséminés, s'étendant les uns vers les autres, pour se rejoindre et l’embraser tout enlière, Enfin, on put arriver à remonter, dans la plupart des cas, à l’étincelle qui avait allumé chacun de ces foyers, et reconnaître qu'ils avaient presque toujours, pour point de départ, un malade venu d’une con- trée en proie à l'épidémie et qui en avait apporté le germe à l'endroit où on voyait la maladie éclater. La notion de contagion s’imposait ainsi d’une facon irrésistible, et les épidémies survenues depuis cette époque n'ont fait que la confirmer, en multipliant les preuves de la transmission et en montrant que le fléau marche de plus en plus vite, depuis qu’il a à sa disposition les chemins de fer et les navires à vapeur. Enfin, les doctrines qui règnent aujourd'hui sont venues donner leur sanction à cette étiologie qui a reçu sa dernière consécration par la découverte du bacille du choléra. Il reste encore un certain nombre de points obscurs dans son histoire; mais les faits princi- 9 258 D: J. ROCHARD. — LA PROPHYLAXIE INTERNATIONALE DU CHOLERA paux sont démontrés el permettent de recourir à une prophylaxie sérieuse et efficace. Je vais donc expo- ser brièvement ces faits, qui ne sont plus contestés. Originaire de l'Inde, le choléra a, pour territoire endémique, un immense quadrilatère limité par le Brahmapoutra et le Mahamuddi, parcouru par le Gange et ses affluents. Il en franchit à chaque ins- tant les frontières, pour se répandre sur les pays voisins, et, de loin en loin, il prend son essor et se répand sur le reste du monde. Il a déjà ravagé six fois l'Europe. Les trois premières épidémies ont causé en France 346.478 décès, sur une population moyenne de 35.339.536 habitants. Les dernières ont été moins meurtrières, mais l'exemple de l’Es- pagne, si cruellement maltraitée à la dernière inva- sion, nous prouve qu'il serait imprudent de nous fier à cette bénignité apparente. Le choléra prend habituellement sa course à la suite de ces grands pèlerinages de l'Inde qui réu- nissent parfois plus d’un million de fanatiques. Il apparaît souvent aussi à la Mecque, pendant le pèlerinage annuel au tombeau du Prophète. Dans ces agglomérations, il éclate avec une violence qu'on ne peut comparer qu’à celle d'un incendie; puis les fêtes terminées, les pèlerins se dispersent dans tous les sens, répandant partout la maladie sur leur passage. Parfois ce sont les armées en marche qui la propagent ainsi. C'est ce qui arriva en 1831, lorsqu'elle entra en Pologne, avec l’armée russe dirigée contre Varsovie. Aujourd’hui, ce sont les bateaux à vapeur, les chemins de fer qui la transportent d'habitude, ce qui explique la rapi- dité de ses allures. A la première invasion, le choléra a mis dix-huit ans pour nous arriver de l'Inde; à la seconde, il ne lui a fallu que trois ans pour parcourir le même itinéraire, et à-la troisième, il lui a suffi de quelque mois pour gagner le centre de l'Eu- rope et le nouveau monde; mais, quelle qu'ait été sa vitesse, jamais ü n'a franchi une distance dans un temps plus court que celui qui est nécessaire à l'homme pour la parcourir. Le choléra n’a pas une direction fatale comme celle d’un ouragan. Il ne marche pas invariable- ment de l’est à l’ouest, comme on l’a cru, en le voyant toujours nous venir de l’Inde. Il rayonne dans tous les sens, en marchant souvent à l’en- contre des vents régnants et des moussons, et re- vient parfois sur ses pas, suivant la direction des courants de voyageurs qui le transportent. La présence d’un malade n'est pas nécessaire pour provoquer son éclosion. Le germe qui le transmet peut être apporté par du linge, des vête- ments, des objets de mobilier souillés par les déjections des cholériques, qui recèlent et trans- mettent le principe de la contagion dans la ma- jorité des cas. Ce principe appartient à la classe des micro- organismes qu'on a déjà trouvés dans un certain nombre de maladies infectieuses et qui sont vrai- semblablement la cause de toutes les affections du même genre. Depuis longtemps, on en avait aperçu dans les selles des cholériques. Virchow en 1848, Facini en 1854, Niedzwiedzki en 1874, avaient vu et décrit des microbes auxquels ils altribuaient la spécificité cholérigène; mais leurs indications avaient passé inaperçues, lors- qu’en 1883, le D' Koch fut envoyé à Alexandrie, par le gouvernement allemand, pour y étudier le choléra qui venait d’éclater en Égypte. Il trouva, dans les déjections des malades et dans l'in- testin des cadavres, un organisme particulier, le bacille-virquie auquel il a donné son nom et qui aété également reconnu par les jeunes savants de la mission française, MM. Strauss, Roux, Nocard et Thuillier, envoyés à Alexandrie dans le même but que M. Koch et à la même époque. La bacille virgule se rencontre dans les petites masses blanchätres que renferment les selles rizi- formes; mais il n’est pastoujours facile de l’yrecon- naitre au milieu des bactéries vulgaires parmi lesquelles il est plongé. On ne le distingue nette- ment que dans les cas de choléra foudroyant. Il apparaît alors avec autant d’abondance que dans une culture où il serait à l’état de pureté. MM. Roux et Strauss l'ont vu à Toulon, dans ces conditions, et MM. Cornil et Babès l’ont égale- ment trouvé, neuf fois sur dix, chez les cholé- riques qu'ils ont eu l’occasion d'observer à Paris en 1884. Les bacilles virquies ont une longueur de 1 Le, » à 2 ., 5 et une épaisseur de Op, à à 04 6. Ils sont un peu courbés en arc; leurs bordssont lisses et leurs extrémités mousses. Ils sont animés de mouve- ments très vifs, même après qu'ils ont été colorés par le violet de méthyle. On peut les cultiver sur la gélaline el sur l’agar-agar, comme l'ont fait MM. Cornil et Babès ; ils se multiplient sur le lait, le linge humide, la pomme de terre, la carotte, les choux crus, le pain mouillé; mais la dessiccation les lue rapidement, tandis que le froid ne les détruit pas. À dix degrés au-dessous de zéro, ils restent vivants, mais inactifs. Ils meurent au-dessus de 65°. La température qui leur convient le mieux est comprise entre 30° et 40°, D’après ce qui précède, il n’est pas permis de dou- ter de la présence à peu près constante du bacille virgule dans l'intestin des cholériques; mais il n’est pas encore absolument démontré qu'il soit la cause de la maladie. Il n'existe que dans les selles. Jamais on ne l’a trouvé ni dans le sang ni dans aucun viscère, C’est là une objection d’une incon- testable valeur et qui laisse encore planer quelques D: J. ROCHARD. — LA PROPHYLAXIE INTERNATIONALE DU CHOLÉRA 259 doutes sur la spécificité cholérigène du bacille de Koch. Cette incertitude n’a pas une importance capitale au point de vue de la prophylaxie. Quelle que soit la nature du principe toxique qui cause la maladie, on connait son mode de propagation, et cela suffit. On sait qu'il réside surtout dans les déjections, qu'il à les eaux pour véhicule habituel, qu'il s’y conserve longtemps et peut ainsi se propager à de grandes distances. L'importance de ce mode de transmission a été mise hors de doute dans l'épi- démie de 1884. L'Académie de Médecine adressa à cette occasion, à tous les médecins des départe- ments envahis par le fléau, un queslionnaire auquel la plupart d’entre eux s’empressèrent de répondre. Elle reçut cent quatre-vingt-trois dossiers qu’elle confia à l'examen d’une Commission dont M. Marey fut nommé rapporteur (1). Le résumé de cette grande enquête a jeté le plus grand jour sur l’étiologie du choléra et démontré que, dans un très grand nombre de cas, il avait été transporté d’une localité dans l’autre, ou répandu dans les diffé- rents quartiers d’une ville, par un ruisseau conta- miné, par une source, par une nappe d’eau que des malades avaient souillée de leurs déjections. Cepen- dant, ce n’est pas seulement avec les boissons que les germes de la maladie s’introduisent dans l’or- ganisme ; ils y pénètrent également par les voies respiratoires, lorsqu'ils sont desséchés et trans- portés sous forme de poussière par l’air atmosphé- rique. Ce mode de transmission parait en désaccord avec ce que j'ai dit plus haut de la promptitude avec laquelle la dessiccation fait périr le bacille- virgule; mais j'ai fait mes réserves au sujet du rôle que joue ce dernier dans une multitude de cas et la rapidité avec laquelle la maladie se propage ne peut s'expliquer que par la dissémination de ses germes dans l'air ambiant. Le choléra est, en effet, la maladie épidémique qui a les allures les plus vives, la puissance de diffusion la plus grande, la période d’incubation la plus courte. C’est aussi celle qui tue le plus vite. Vingt-quatre heures lui suflisent parfois pour accomplir son évolution. C’est le type des fléaux dont l'agent de transmission semble avoir des ailes. Les hommes de mon âge se souviennent encore de sa première apparition en Europe et de la façon dont il fondit sur nous, dans les premiers mois de 1832. On apprit coup sur coup qu'il était en Angleterre, à Calais et à Paris; en trois bonds il (1) La Commission était composée de MM. Bergeron, Bes- nier, Brouardel, Legouest, Pasteur, Proust, Rochard, et Marey rapporteur. Le rapport a été inséré dans le Bulletin de l'Académie de médecine de 1884 ct publié chez G. Masson en 1885. était arrivé au centre de la France, et quelques mois après il en avait fait le tour. Tous ces faits sont indispensables à connaître, pour se rendre compte du degré d'efficacité des mesures auxquelles on peut recourir, pour préve- nir une nouvelle invasion du fléau. Les moyens à lui opposer sont de trois sortes. On peut l'arrêter à la frontière du pays, en lui barrant la route; on peut l'empêcher de s’y déve- lopper, en assainissant les villes qu'il rencontre sur son passage et en détruisant immédiatement ses foyers primilifs; on conçoit enfin qu'on puisse arriver à rendre les habitants inhabiles à le con- tracter, par une vaccination préventive, si toute- fois on parvient à la découvrir un jour; mais ce préservatif est encore à trouver. Les recherches à son sujet n'ontproduit jusqu'ici que des déceptions. Je ne veux pas reproduire ici la triste histoire des vaccinations opérées en Espagne, en 1885, par le D°J. Ferran de Tortosa et qui ont eu pour dernier épisode le désastre de Cambrils. Ce sont de ces choses sur lesquelles il faut jeter un voile ; ceux qui désireraient le soulever, n’ont qu'à lire le rapport de la commission française envoyée sur les lieux et présidée par le D' Brouardel (1), ainsi que celui du D° Van Ermengein (de Bruxelles) (2). Cette cam- pagne néfaste ne doit pas décourager les savants honnêtes et sincères, ni les détourner de la voie dans laquelle la médecine s’est une première fois égarée, La question a du reste été déjà reportée sur le terrain scientifique par un jeune savant russe, le D' Gamaleïa. Élève de M. Pasteur et initié à sa méthode, il s'est inspiré des expériences de son maitre sur le virus rabique, pour tenter d'arriver par la même voie à la vaccination anticholérique. Après s'être assuré que les cultures ordinaires du bacille cholérique n’ont que très peu d’action sur le cobaye, il a réussi à renforcer leur virulence, en les faisant passer par le corps des pigeons. Il a vu ces animaux succomber rapidement et a re- trouvé le bacille dans leur sang. Après quelques passages, ce liquide devient tellement virulent, qu'il suflit d'en injester une ou deux gouttes, pour tuer en quelques heures les pigeons et les co- bayes. M. Gamaleïa dit avoir reconnu de plus que ce virus, Si promptement mortel, devenait sans effet sur les pigeons, lorsqu'on leur avait préalablement (1) Rapport sur les essais de vaccination cholérique entre- pris en Espagne par M. le D' Ferran, présenté au Ministère du Commerce. par MM. Brouardel, Charrin et Albaran. Paris, G. Masson, 1885. (2) Rapport sur le système d’inocu'ation anticholérique du D° Ferran, par M. Van Ermengein de Bruxelles (Moniteur belge 13 juillet 1885). 260 D' J. ROCHARD. — LA PROPHYLAXIE INTERNATIONALE DU CHOLÉRA inoculé une culture ordinaire non virulente du cho- léra. Si les faits énoncés par M. Gamaleïa étaient confirmés par des expériences ultérieures, ce serait un premier pas fait vers la découverte de la vacci- nation anticholérique; mais ils sont en désaccord avec tout ce qui a été observé jusqu'ici. Les savants les plus autorisés ont toujours échoué quand ils ont voulu inoculer le choléra aux animaux. Les savants français de la mission égyptienne ont pour- tant réussi une fois sur une poule; mais personne n’a jamais pu trouver le bacille virgule dans le sang. Il faut done rester sur la réserve, en attendant les nouvelles recherches auxquelles le savant russe a promis de se livrer et c'est ce qu'a fait M. Pasteur lorsqu'il a communiqué le travail de son élève à l'Académie de Médecine (1). Les mesures d'assainissement sont d’un ordre plus pratique. L'avenir de la prophylaxie sanitaire ‘leur appartient; mais le présent leur échappe en- core, Lorsque nous serons parvenus à convaincre les populations de l'importance de l'hygiène; lorsque nous leur aurons persuadé qu'il dépend d'elles de diminuer leur mortalité d’un quart, en assainissant leurs villes; quand les administrations locales, sous la pression de l'opinion publique, auront pris les mesures et voté les fonds néces- saires pour accomplir cette œuvre de transforma- tion sur toute l'étendue du territoire; alors nous pourrons attendre les épidémies de pied ferme. Elles pourront entrer sur notre sol, mais elles n'y germeront pas. Seulement il faut, pour arriver là, du temps et de l'argent. L'Angleterre prétend y être parvenue, mais elle y a mis un demi-siècle et dépensé cinq milliards. Or, les épidémies n’atten- dent pas et jusqu'au moment où l'hygiène aura terminé son œuvre, il ne reste aux nations que les fléaux menacent, d'autre ressource que les mesures de police sanitaire internationale. De tout temps, les peuples ont cherché à se garantir de l'invasion des maladies exotiques. C’est contre la peste que les nations de l’Europe se sont d'abord prémunies, et les ravages effrayants qu'elle y a faits depuis le vi° siècle jusqu'au xvin* ne sauraient juslifier la rigueur des mesures qu'on a prises contre elles au moyen äge et même dans des temps plus rapprochés de nous. L’épidémie de Marseille de 1720, et celle de Noïa en 1815, ont été les derniers exemples de ces calamités dans les- quelles la peur fait oublier tout sentiment d’huma- nité et porte les populations à des actes de férocité inexcusables. (4) Note de M. Gamalcia sur la vaccination préventive du sholéra asiatique lue à l’Académie de Médecine par M. Pas- teur, le 21 août 1888. (Bulletin de l'Académie de Médecine, 1. XIX, p. 306.) La loi du 3 mars 1822 qui constitue encore la base de notre police sanitaire et l'ordonnance royale qui suivit de près la promulgation de cette loi, donnent une idée de la facon dont on compre- nait encore la prophylaxie à cette époque et de la terreur que les épidémies inspiraient. La plupart des articles de la loi de 14822 ont la peine de mort pour sanction pénale; les moindres infractions sont punies des travaux forcés, ou d’amendes con- sidérables. Cette loi avait été votée, it est vrai, sous l'impression de la peur que l'épidémie de fièvre jaune de Barcelone, survenue l’année précédente, avait causée dans notre pays; mais sa sévérité exagérée la rendait inapplicable et devint le point de départ d'une campagne qui eut pour effet d'en annuler l'application. Les médecins furent les pre- miers à se prononcer contre ces rigueurs inutiles, et, la doctrine médicale régnante lui venant en aide, la contagion des maladies épidémiques fut représentée comme un dangereux préjugé, les me- sures de préservalion comme un reste des su- pérslitions du moyen àge. J'ai dit plus haut com- ment, sous l'empire de ces idées, le choléra de 1832 avait tranquillement parcouru son cours. Il sembla même leur donner raison, par la bizarrerie de sa marche. La promptitude avec laquelle elle s’effectua, la facilité avec laquelle le fléau bondit par-dessus les cordons sanitaires et franchit les obstacles qu'on lui opposait; sa disparilion rapide, et ses caprices apparents; l’immunité inexplicable d'un grand nombre de localités placées sur sa route, toutes ces anomalies habilement exploitées par les anticontagionistes leur donnèrent gain de cause. Les quarantaines et les lazarets tels qu'ils existaient alors prêtaient du reste largement le flanc à toutes les critiques. L'anarchie la plus complète régnait dans leur organisation. Chaque pays, chaque port avait ses règlements spéciaux et les appliquait à sa guise; partout la façon dont on traitait les provenances suspectes était révoltante. La malpropreté, l’insa- lubrité des lazarets, l’insouciance barbare avec laquelle on y entassait pêle-mêle les malades et les suspects, l'indifférence brutale qu'on montrait à leur égard excitaient partout les justes réclama- tions du commerce et des voyageurs. Ce régime n'avait pas changé depuis le moyen àge. Il n'était plus compatible avec l’adoucissement des mœurs et les progès de l'hygiène; aussi tomba- t-il en désuétude et, lorsqu’au bout d’une vingtaine d'années, on comprit la nécessité de revenir à des mesures de protection, on reconnut en même temps qu'il fallait faire subir au système sanitaire de profondes modifications. L'initiative partit de la France et l'institution des médecins sanitaires du Levant fut le premier pas fait dans la voie des PS ae che D' J. ROCHARD. — LA PROPHYLAXIE INTERNATIONALE DU CHOLERA 261 réformes rationnelles (1). Elle eut lieu en 1847 et fut suivie d’un adoucissement considérable dans le régime des quarantaines; mais de pareilles me- sures ne peuvent porter leurs fruits qu'à la condi- tion d’être acceptées par les nations qui ont la même situation géographique et les mêmes inté- rêts; aussi, à la suite de l'épidémie de choléra de 1849, le gouvernement français fit-il appel à toutes les puissances de l'Europe et provoqua-t-il la réu- nion, à Paris, d'une Conférence internationale des- tinée à jeter les bases d’un système sanitaire uni- forme. Elle s'assembla en 1850. Douze États s'y firent représenter (2) et l'entente s'établit facile- mententre les délégués. Un projet de convention el de règlement sanitaire fut adopté; mais, quand on le soumit à la ratification des gouvernements, le Portugal et la Sardaigne furent les seuls à donner leur adhésion au projet. La convention et le règle- ment sanitaire annexé furent mis en vigueur par le décret du 27 mai 1853 qui devint la règle des pratiques sanitaires de notre pays (3). Une nouvelle invasion du choléra vint, quelques années après, provoquer la réunion d'une nouvelle Conférence internationale. Il avait pris cette fois la voie la plus courte pour nous arriver. A la suite du pèlerinage de la Mecque de 1861, il fut importé en Egypte par les hadjis, traversa la Méditerranée et éclata en Europe avec une promptitude qui donna à réfléchir aux puissances dissidentes. La France prit encore l’initiative de provoquer une nouvelle Conférence, qui se réunit à Constanti- nople en 1866. Toute l’Europe s’y fit représenter ; mais elle n’aboulit pas plus que la première. En 1874, le gouvernement austro-hongrois en convoqua une troisième. Elle eut lieu à Vienne. Composée presque exclusivement de médecins, elle se montra unanime sur les questions scientifiques; mais, quand on en vint à l’application, une scission des plus tranchées s'établit au sein de la conférence. Les peuples du Midi, placés sous la menace inces- sante des épidémies, s'entendirent pour réclamer des mesures de préservation sérieuses, tandis que les populations du Nord, moins exposées à l’im- portation, ne songèrent qu'à sauvegarder les inté- rêts de leur commerce maritime. L’Angleterre 1) Six postes furent créés en 1847. Fauvel fut envoyé à Constantinople, Burguières à Smyrne, Prus à Alexandrie, Willemin au Caire, Suquet à Beyrouth et Amstein à Damas. On en à depuis augmenté le nombre. 2) Les puissances suivantes furent représentées à la con- férence : France, Autriche, Deux-Siciles, Espagne, États Romains, Grande-Bretagne, Grèce, Portugal, Russie, Sar- daigne, Toscane, Turquie. 3j Décret impérial portant promulgation de la convention sanitaire internationale conclue entre la France, la Sar- daigne et diverses autres puissances maritimes (27 mai 1853). (Recueil des travaux du comité consultatif d'hygiène public de France, 1872, t, [., p. 6.) était à la tête de cette campagne. Elle eut ‘gain de cause, La Conférence se sépara en laissant à chaque puissance la liberté de choisir le système qui convenait le mieux à ses intérêts. La France profita de l’occasion pour reviser son organisation sani- taire. Le comité consultatif d'hygiène publique fut chargé de ce travail et nomma une commission qui élabora le Réglement de police sanitaire maritime du 22 février 18176 (1). Ce document remarquable est surtout l'œuvre de Fauvel auquel il fait le plus grand honneur. La Conférence de 1874, bien qu’elle n'eût pas abouti à une entente, avait cependant porté ses fruits. Les idées qui y avaient été échangées avaient provoqué la création du Conseil supérieur de santé del Empire Ottoman et du Conseil sanitaire mari- time et quarantenaire d'Egypte. Tous deux avaient le caractère international; tous deux admettaient dans leur sein les représentants des nations euro- péennes intéressées dans la question; tous deux enfin étaient dirigés contre le choléra. Celui d'Alexandrie placé sur sa nouvelle route, à lasortie du défilé maritime que forme la mer Rouge, avait des pouvoirs très étendus et une grande indépen- dance. Il percevait des droits sanitaires, adminis- trait son budget et avait sous ses ordres les direc- teurs des offices d'Alexandrie, Rosette, Damiette, Port-Saïd, Suez, Tor, Souakim et Massouah. Il à répondu à l'attente des gouvernements qui l’a- vaient institué. Pendant dix-sept ans, de 1865 jus- qu'en 1883, il a fait bonne garde contre les prove- nances de l’'Extrème-Orient et contre le pèlerinage de la Mecque et il a préservé l'Europe de l'invasion du choléra; mais alors est survenue l'occupation de l'Egypte par les Anglais. Leur premier soin a été d’affranchir leur commerce des entraves que le conseil d'Alexandrie lui imposait. Depuis long- temps, ils s’efforçaient d'y combattre l'influence - française ; devenus les maitres, ils s'empressèrent de l’annuler en y faisant entrer leurs créatures. Dès le commencement de 1883, il n'existait plus que de nom. Le désordre de l'administration était à son comble et les mesures sanitaires tombaient en désuétude, malgré les protestations de la France qui, pendant six mois, n'a pas cessé de prédire que ces imprudences allaient attirer le choléra en Egypte d’abord et en Europe ensuite. Pendant six mois ce cri d'alarme a retenti sur les bords du Nil, transmis par notre consul et par notre médecin sanitaire, sans parvenir à se faire écouter. Enfin, au mois de juin 1884, nous apprimes que (1) Voyez le texte de ce Règlement dans le Æecueil des lra- vaux du Comité consultatif d'hygiène publique, t. V, p. #, Paris, 1873. 262 D: J. ROCHARD. — LA PROPHYLAXIE INTERNATIONALE DU CHOLÉRA toutes les mesures sanitaires avaient été suppri- mées à Suez, le 25 du mêmé mois le choléra était à Damiette, le 26 à Mansourah, le 27 à Port-Saïd, le mois suivant au Caire et de là dans toute l'Égypte. Sous l'influence de la terreur qu’inspira cette nou- velle, toutes les puissances qui ontun littoral médi- terranéen s’empressèrent de fermer leurs ports et de renchérir sur la rigueur des mesures sani- aires, mais il était trop tard. Lorsque le choléra esten Égypte, l'Europe ne peut plus y échapper. Toutes les précautions n’aboutirent qu'à retarder sa venue et le 14 juin 1884, on le vit tout à coup éclater à Toulon. Ce fut le point de départ de l'épidémie qui a parcouru la France, l'Algérie, l’Ila- lie, l'Espagne, et s’est montrée terrible dans ce der- nier pays. Sur une population de 16.972.480 habi- tants, on a compté du à février au 31 décem- bre 1886, 338.685 cas et 119.620 décès, ce qui donne une proportion de 7 pour 1.000 pour la popu- lation tout entière et de 18 pour 4.000 si l’on ne tient compte que de la partie du territoire visitée par le fléau. Jamais le choléra n’a fait de sembla- bles ravages en France. La plus forte mortalité n°y à jamais dépassé 3 pour 1.000. L’épidémie dont je parle n’a cessé qu’à la fin de 1887; c’est la Sicile qui a été atteinte en dernier lieu. Depuis cette époque, nous n’avons pas cessé de réclamer la réorganisation du Conseil sanitaire d'Alexandrie et le rétablissement des mesures qui nous ont si longtemps protégés. Les nations du Midi de l’Europe font comme nous des vœux pour qu'une entente internationale s’établisse. Le roi d'Italie en a pris l'initiative il y a quatre ans et est par- venu non sans peine à réunir, au printemps de 1885, une Conférence à laquelle trente-six Etats se sont fait représenter. La France y figurait dans la per- sonne de son ambassadeur M. Decrais et de trois médecins délégués: MM. Brouardel, Proust et J. Ro- chard. La première séance eut lieu le 20 mai, à la Consulta, et l’Assemblée, sur la proposition de M. De- crais, décida qu'il y avait lieu de confier l'étude des questions purement scientifiques à l'examen d’une commission technique composée des médecins et des hygiénistes désignés par leurs gouvernements. Au sein de cette commission, les trois délégués français eurent à lutter à la fois contre les: ten- dances des peuples du Midi qui s’élevaient avec énergie contre toute réduction des quarantaines et contre les prétentions de l'Angleterre qui récla- mail leur abolition complète el revendiquait, pour ses navires, le droit de passer librement et sans examen à travers la mer Rouge et le canal de Suez, qu'ils eussent ou non le choléra à leur bord. Nous sommes parvenus, à force de persévérance, à faire prévaloir des opinions conciliatrices, el nos con- clusions ont élé votées par la conférence. Elles représentaient le minimum des sacrifices qu'il faut imposer à la navigation et au commerce, pour sau- vegarder la santé des populations et réalisaient un progrès considérable sur les exigences du passé; mais elles maintenaient une surveillance rigou- reuse dans la mer Rouge pour les provenances de l'Inde, des dispositions spéciales en vue du pèle- rinage de la Mecque et continuaient à infliger la quarantaine aux navires qui avaient le choléra à leur bord 1). Ces dernières conclusions, qui avaient été adop- tées malgré l'opposition véhémente des délégués anglais, ont fait échouer la Conférence. Elle s’est séparée aprés avoir reçu les procès-verbaux de la commission technique, afin de laisser le temps aux représentants des différentes puissances d’en conférer avec leurs gouvernements. Dans son opi= nion, ce n’élait qu'un ajournement et elle avait fixé le 20 novembre de la même année pour se réunir de nouveau. Depuis cette époque, il n’en a plus été question. Les choses en sont restées dans l’état où les a mises l'occupation de l'Egypte par les Anglais. Leurs navires, infectés ou non, conti- nuent à traverser librement la mer Rouge et le canal de Suez, et l’Europe continue à vivre dans la crainte perpétuelle d’une nouvelle invasion, Toutefois, ce n’est pas de ce côté que le fléau nous menace en ce moment. Il a repris la route qu'il avait suivie lors de ses deux premières inva- sions, et c’est sur sa frontière de l’est que l’Europe doit avoir aujourd’hui les yeux. En 1830, comme en 1849, le choléra nous est venu de l'Inde par la Perse et la Mésopotamie, en traversant la mer Caspienne, ou en franchissant la frontière qui sépare la Russie de la Perse, dans la direction de Tiflis. C’est encore par là que nous avons à craindre de le voir nous arriver. Depuis dix mois, il ravage la Mésopotamie. Après avoir décimé Bagdad, au mois d'août 1889, il a remonté le cours de l’Eu- phrate et du Tigre, gagné le golfe Persique et en- vahi le sud de la Perse. De là, il menace les trois mers voisines. Du côté de la Méditerranée et de la mer Noire, les communications sont si difficiles et si lentes qu'il n’y a guère de craintes à concevoir; mais le danger est beaucoup plus sérieux du côté de la mer Caspienne, en raison des communica- tions incessantes de tous les points de son littoral, avec les ports de la Russie. Au mois d'octobre 4889, on annonça l'apparition du choléra à Recht et cette nouvelle excita, en France, les inquiétudes les plus légitimes. Cette ville est, en effet, la clef de la situation. C’est de là (4) Pour ces conclusions, voyez : Protocole et procès-verbaux de la Conférence sanitaire internationale de Rome. Rome, 1885. F. SINIGAGLIA. — LA « CENTRAL VALVE ENGINE » DE M. WILLANS 263 que sont parties les épidémies de 1830 et de 1846 et lorsque le fléau y apparait, la situation devient très critique pour la Russie et pour l'Europe. Heureuse- mentce bruit sinistre fut presque aussitôt démenti. Il en fut de même de celui qui courut au mois de janvier dernier et d’après lequel le choléra avait éclaté à Astrakan et remontait le cours du Volga, les fausses alertes ne se sont pas renouvelées. La terrible maladie n'a pas passé la frontière. On avait lieu de craindre qu’elle ne la franchit au prin- temps et qu'elle continuât sa route vers l'Occident, comme elle l'a déjà fait deux fois ; mais ces appré- hensions ne se sont pas justifiées. Le choléra som- meille en ce moment sur les bords de l’Euphrate. Il faut espérer que les chaleurs ne le réveilleront pas. La Russie a du reste pris les mesures néces- saires et la vigilance qu’elle a montrée n’a pas en- core été mise en défaut. D' Jules Rochard, Membre de l'Académie de Médecine. LA « CENTRAL VALVE ENGINE » DE M. WILLANS Cette machine est verticale. Elle a été spéciale- ment construite en vue d'obtenir de grandes vitesses de rotalion et elle trouve son application ralion- nelle toutes fois qu'il s’agit de transmettre la for- ce sans l’intermé- diaire de courroies ou de câbles : par exemple, dans le cas de ventila- teurs, pompes cen- trifuges, machines dynamo-électri- ques, etc. Les machines Willans sont cons- truites pour mar- cher à des vitesses variant de 300 à 700 tours par mi- nute. Lorsqu'on prévoit une aug- mentalion de tra- vail, il y à avan- lage à s’en lenirau nombre de tours minimum, car on trouve une écono- mie à augmenter la pression en chaudière, et à marcher àunnom- bre de tours rela- tivement petit. Ces machines n’ont pas d’enveloppe de vapeur ; en général elles sont aussi dépourvues de conden- seur ; suivant les cas, on les construit à un, deux, ou trois cylindres. Les premières — les machines les Fig. 1. — Machine Willans. monocylindriques — sont à simple effet; la vapeur travaille sur la face supérieure du piston, tandis que la face inférieure communique avec l’atmos- phère. Quant aux compound, on ne peut pas dire que ce soient rigou- reusement des ma- chines à simple ef- fet. Il est vrai que la vapeur ne tra- vaille directement que sur les faces supérieures des pistons. Mais pen- dant la course as- cendantela vapeur renfermée dansles réservoirs inter- médiaires se dé- tend, en agissant sur la rieure du petit pis- ton,s'ils’agit d’une compound à deux cylindres, du petit et du moyen, sil ma- face infé- s'agit d’une chine à triple ex- Chaque réservoir produit done un travail de détente pendant la course dante, et dans l’é- valuation du travail de la machine il faut tenir compte des diagrammes qui s’y rapportent. On emploie le dispositif à deux cylindres lorsque la pression absolue en chaudière est supérieure à pansion. Fig. 2. — Distributeur Senans de vapeur. ascen 264% F, SINIGAGLIA, — LA « CENTRAL VALVE ENGINE » DE M. WILLANS 6 kilogrammes. Entre 8*,50 et 11,20, on a re- cours à la triple expansion. La machine à cause de sa grande vitesse, occupe très peu de place. Le rapport du travail indiqué au travail me- suré au frein varie, d’après M. Willans, de 0,85 à 0,90. La figure 1 représente une machine à triple ex- pansion, qui, à la vitesse de 450 tours, développe 40 chevaux. La figure 3 représente le détail de la partie supérieure, Les trois pistons, sont mon- tés sur une tige creuse R dans la paroi de laquelle on a ménagé des orifices. À l'intérieur de cette tige Rse meutune tige (fig. 2) ou distributeur de vapeur, commandée par un excentrique . Nous avons donc trois cylindres en flèche, se succédant par ordre de grandeur, ie cylindre à haute pression au-dessus des deux autres. Surle distributeur sont montés de petits pistons, ou soupapes cylindriques, &, b,c,d, e, f, g. L’excentrique n’est pas placé sur l'arbre, mais sur le bouton de la manivelle; cette disposition était nécessaire, du moment où les lumières d’ad- mission et d'échappement étaient ménagées dans la tige du piston; ainsi le distributeur est pourvu parrapport à R d’un mouvement relatif dépendant du calage de l’excentrique à. La vapeur arrivant de la chaudière traverse une soupape d'admission commandée par un régula- teur centrifuge spécial, et pénètre dans la cha- pelle X. Dj Fig, 3. — Détail de la partie supérieure. Supposons que le piston $, soit au plus haut point de sa course. La soupape du distributeur ne permet pas à la vapeur de pénétrer directement à l’intérieur de la tige R. Mais elle y pénètre par les orifices À pour en sortir par les orifices 2, car la soupape f se trouve immédiatement au-dessous de ces dernières. Ainsi la vapeur est admise dans le cylindre à haute pression. Tandis que la tige R s’abaisse, la soupape f s'élève dans son mouvement relatif, et ferme peu à peu les orifices 2: la fermeture est complète lors- que le piston S, a parcouru les 3/4 de sa course, Toutefois la fin de l'admission a lieu un peu aupa- ravant ; il suffit pour cela que les orifices À aïent pénétré dans le collier de couvercle du petit cylindre. Ces colliers de couvercle des cylindres sont de véritables presse-étoupes, à garniture mé- tallique formée d’anneaux de fonte forcés de l’ex- térieur vers l’intérieur. Il est clair que le commencement de la détente dépend de la position des orifices, et que, pour une tige R donnée, il suffit, si l’on veut faire varier le degré d'admission, de soulever ou d’abaisser la garniture du collier. Ce moyen est des plus simples. Pendant que le piston $, continue à descendre, la soupape f s'élève au dessus des orifices 2. Or la soupape 2 ferme d'une façon permanente la com- munication entre les orifices 3 et 4. Il s’en suit que la vapeur peut, par les orifices 2 et 3, pénétrer dans l'espace intermédiaire qui sert de premier réser- voir /, ; et c’est ainsi quese fait l'échappement pen- dant la course ascendante de la tige R, La machine pourrait se composer seulement de ces organes : il suffirait de supprimer les pis- tons ainsi que les soupapes correspondantes, pour avoir la machine monocylindrique à simple effet. Mais on comprend aisément que le réservoir /, peul servir à son tour de chapelle d'admission pour le cylindre moyen. Au début de la course descen- dante qui va suivre, la vapeur pénétrera, par les orifices 4, à l’intérieur de la tige creuse, et elle s’en échappera par les orifices 5 pour agir sur la face supérieure du piston moyen. L’admission cessera lorsque les lumières 4 se trouveront mas- quées par la garniture du collier de couvercle du cylindre moyen. Puis, lorsque la tige commencera de nouveau à s'élever, la vapeur, par les lumières à et 6,s’échappera dans le second réservoir /,. Si ce réservoir communique avec l'atmosphère, et que le troisième cylindre n'existe pas, on aura la machine compound. Si au contraire la machine est à triple expansion, la vapeur, au troisième coup de piston, pénétrera dans le grand cylindre par les lumières 7 et 8, et lorsque la tige R s’élèvera de nouveau, elle s’échap- pera par les orifices 8 et 9 dans la chambre de décharge Z,. On voit qu'il faut trois coups de piston pour que la vapeur parvienne de la cha- pelle 4 à la chambre de décharge. Notons que la pression sur le collier d’excen- F. SINIGAGLIA. — LA « CENTRAL VALVE ENGINE » DE M. WILLANS trique est toujours dirigée dans le même sens, car la vapeur qui remplit la chapelle Z exerce constamment son action sur la soupape g. Pour qu'il en soit de même au bouton de manivelle, on a monté un cylindre guide où se meut un piston S. Le poids des pistons est considérable ; de plus, l’action de la vapeur sur leurs deux faces est très différente. L'énergie de ces pièces est absorbée en partie pendant la course ascendante gràce au matelas d'air comprimé en /, par le piston- guide $ ; ainsi les chocs dûs au mouvement alter- natif sont complètement amortis. L'air pénètre piston haute pression Re éhelle à de pouce = 1 livre _ par pouce carré ligne atmosphérique premier féservoir 1 ligne atmosphérique piston moyenne pression ligne atmosphérique : = second reservoir £ < ligne Gi atmosphérique & piston basse pression ligne atmospherique Fig. 4. — Diagrammes d'indicateur. dans le cylindre $ par les lumières 10, lorsque ce cylindre est au bas de sa course. Cet air restilue à la descente du piston le travail accumulé, sauf un certain coefficient de rendement. Chaque cylindre est muni d'une soupape de sûreté %, qui s'oppose aux dégâts que l’eau condensée sous le couverele pourrait occasionner. De même, il y a dans le cylindre-guide une sou- REVUE GÉNÉRALE, 1890, 265 pape qui se soulève quand la pression de Pair devient trop considérable ; enfin des purgeurs sont ménagés dans la chambre de décharge et dans les réservoirs. La chambre /, où tourne la manivelle, reçoit, par la conduite », un mélange d'huile et d’eau. Si on voulait actionner un arbre à plusieurs manivelles, il faudrait monter sur chacune d’elles une machine identique à celle que nous venons de décrire. La figure 4 montre les diagrammes d’indicateur relevés pendant un essai à triple détente sur les pistons et les réservoirs. Il faut compter les diagrammes des réservoirs dans l'évaluation de la puissance. pouce Carre livres par ligne du vide Fig. 5. — Diagrammes totalisés. Sur la figure 5, ces diagrammes sont réunis. Suivant les abscisses on compte les volumes de la vapeur, et suivant les ordonnées, la pression expri- mée en livres par pouce carré. M. Willans fournit pour ses machines des chau- dières du type locomobile, avec tubes de 45 millimé- tres de diamètre. Onles essaye à 210 kilogrammes par centimètre carré, pour fonctionner à des pressions de 10%, 5 et 4*, 2. La machine Willans a été expérimentée avec le plus grand soin, et ces expériences ont donné des résultats remarquables, surtout au point de vue des grandes vitesses. Les épreuves prinei- pales ont élé effectuées à la vitesse de 400 tours, bien qu’on atleigne pratiquement 500 tours par minute. L'eau d'alimentation était pesée avant chaque essai dans une cuve, au moyen d’une balance 9* 266 F. SINIGAGLIA. — LA « CENTRAL VALVE ENGINE » DE M. WILLANS contrôlée. La machine commandait une dynamo, et on la faisait marcher jusqu'à ce que l’eau atteignit dans la chaudière un niveau repéré sur le tube indicateur. On commençait alors l’expé- rience ; l’eau prise à la cuve était injectée dans la chaudière au moyen d’une pompe commandée par une chaudière spéciale. Lorsque le niveau de l’eau s'était élevé à 10 ou 12 millimètres au-dessus du repère, on cessait l’alimentation, et on conti- nuait l'essai jusqu'au moment où l’eau était revenue à son niveauinilial. Ainsi l’on mesurait exactement le poids d’eau d'alimentation; un compteur per- mettait de connaitre le nombre de tours correspon- dant. La pression en chaudière était, autant que pos- sible, maintenue constante pendant chaque essai. De fait, les variations ont rarement atteint 0%, 440 par centimètre carré. Le degré d'humidité de la vapeur élait mesuré par la méthode calorimé- trique. Enfin, les diagrammes étaient relevés au moyen de l'indicateur Crosby. La machine Willans, sans condenseur et sans enveloppe, marchant à triple expansion avec une pression d'admission moyenne de 11%,9,et un degré de détente de 6,4, consommait, pour une puis- sance de 40 chevaux, seulement 8K929 d’eau par | FA, | as Î | | rIcHARDS om #71 À parCm < | | Fig. 6. — Diagramme relevé avec l'indicateur Richards. cheval indiqué et par heure. C'est un résultat splendide. Il est vrai que la machine n’a pas d’en- . CROSBY (te "#in=1k parc #7 Ni) = : = —# —— Fig. 7. — Diagramme relevé avec l'indicateur Crosby. veloppe, mais chacun des cylindres est protégé contre le refroidissement à l’une de ses extrémités par le cylindre supérieur, et la tige creuse est main- tenue chaude par la vapeur qui la traverse. Pour terminer, nous donnerons quelques détails sur l'indicateur Crosby, dont l'emploi a été rendu nécessaire à cause des grandes vitesses de la machine Willans. Cet appareil est remarquable par la légèreté de ses organes (fig. 8). Le piston est aussi mince que possible, Il porte sur son pourtour ESS) = CE ISSN SS GE INK Fig. 8. — Indicateur Crosby. des cavités rectangulaires et sphériques, dont la calotte est dirigée vers la tige, el qui, se remplis- sant de vapeur pendant la marche, diminuent le frottement contre la surface intérieure du cylindre. La tige est creuse, tant pour l'alléger tout en con- servant la rigidité voulue, que pour le montage des ressorts, sur lesquels nous reviendrons plus loin. Le crayon est porté par un guidage, ressemblant à celui de Thompson, et donnant un mouvement rigoureusement perpendiculaire à la ligne atmosphérique. Toutes les parties de ce mécanisme sont en acier trempé; les articulations jouent dans des douilles du même «métal. Deux dispositions sont essen- tiellement différentes de! celles des autres indicateurs; ce sont les ressorts faisant équilibre à la pression de la vapeur, et le mou- vement de retour du tambour à pa- pier. Les premiers sont faits d'un seul fil d'acier (fig. 9) enroulé de manière à former un double filet. Le haut seulement porte une tête à quatre ailettes pour être fixé au couvercle; dans le bas est brasée Fig. 9. — Ressort de l'indicateur. rétine migr : | ) A. DE LAPPARENT. — NOUVELLE CAUSE DE MOBILITÉ DE L'ÉCORCE TERRESTRE 267 une sphère portant dans une rotule fixée au piston. Cette disposition a l'avantage, d’une part, de faire porter l'effort du ressort rigoureusement au centre du piston, de manière à éviter tout coincement de cel organe contre la surface intérieure du cylindre ; et, d'autre part, de supprimer l'inertie de la tête inférieure des anciens ressorts, dont le poids s'ajoute à celui du piston. Quant au tämbour à papier, il porte, au lieu du ressort à spirale, un ressort à boudin pour le ra- mener à sa position primitive. Le ressort en spi- rale, en effet, a l'inconvénient d'exercer sur le cor- deau relié à la tête du piston de la machine une tension inégale et proportionnelle à sa tension propre. Comme tout cordeau, malgré toutes les précautions, conserve une certaine élasticité, la ten sion n'est pas la même durant toute la course du piston, quand il est aclionné par le ressort en spi- rale. Cet inconvénient peut occasionner des erreurs dans le tracé du diagramme. Le ressort à boudin a la propriété de conserver une tension égale pen- dant toute la durée de la traction du cordeau. Sui- vant la vitesse, il peut être bandé plus ou moins au moyen d'un écrou placé au bas du tambour. Ces deux modifications sont de la plus haute im- portance. Ces détails, que nous empruntons à la communi- cation faite par M. Walther-Meunier en 1885 au congrès des ingénieurs en chef des associations de propriétaires d'appareils à vapeur, suffisent à faire comprendre les qualités de l'indicateur Crasby, dont l’emploi est indispensable pour les machines à grande vitesse. Au point de vue pratique, ces qualités sont mises en évidence par les figures 6 et, où sont reproduits les diagrammes relevés avec les indicateurs Richards et Crosby sur une machine à soupapes Sulzer, marchant à 130 tours. On voit que les effets de l’inertie sont ici complètement an- nulés. Francesco Sinigaglia, Professeur à l'Institut Royal de Naples. UNE NOUVELLE CAUSE DE MOBILITÉ DE L'ÉCORCE TERRESTRE Une des questions les plus intéressantes el aussi les plus controversées de la géologie contempo- raine est assurément celle des traces d'anciens rivages marilimes, qu'on observe à diverses hau- teurs sur les côtes et les fjords de la Scandinavie, âe l'Écosse et, en général, des régions circumpo- laires. Tantôt ce sont de véritables dépôts de plages, formés de graviers avec coquilles marines, ou des terrasses de cailloux, régulièrement entas- sés au débouché de quelque ancien torrent dans la mer. Tantôt il s’agit de cannelures horizontales, découpées dans la roche vive, où se révèle le séjour prolongé d'une mer qui affleurait la côte à ce niveau, el dont la surface était exposée à se congeler fréquemment, de sorte que les alterna- tives de gel et de dégel, combinées avec celles de la marée, faisaient éclater la pierre en y taillant, à la longue, des incisions rectilignes, dites Strandli- nien . Longtemps on a essayé d'expliquer ces dépôts, qui tous datent de l’époque quaternaire, en admet- tant qu’alors le niveau de la mer se tenait plus haut que de nos jours ; mais dans ce cas le phéno- mène ne devrait pas être exclusivement localisé dans les régions circumpolaires et les anciennes plages devraient se retrouver, sur nos côtes, à des hauteurs égales à celles qu’elles atteignent en Norwège. Il n’en est rien; les traces d'anciens rivages cessent complètement au sud avee la mer du Nord et, de plus, elles occupent des niveaux d'autant moins élevés qu'on s'éloigne davantage du pôle. Ce n’est qu’en Scandinavie qu'on les voit à des hauteurs de cent et même de deux cents mètres. Cette loi n'est pas moins manifeste en Amérique, où les traces d'anciens rivages, visibles à quinze mètres d'altitude sur la côte atlantique au voisi- nage de New-Haven, s’observent à trente mètres près de Boston, à soixante-cinq mètres sur la côte de l’État du Maine entre Portland et Mont-Désert, à cent cinq ou cent vingt mètres sur les bords du lac Champlain, à cent cinquante mètres aux envi- rons de Montréal, enfin montent jusqu'à quatre cent cinquante mètres dans la baie d'Hudson et le Groënland. Puisque les traces de rivages s’abaissent ainsi d’une manière continue depuis les régions cireum- polaires jusqu'aux latitudes tempérées, il semble impossible d’attribuer le fait à un changement sur- venu dans l'équilibre même de la mer, car il est évident que ce changement se fût fait sentir dans la même mesure à New-Haven et au Canada. Il parait donc nécessaire de faire intervenir un mou- vement propre du sol et d'admettre que, dans ces parages, l’écorce terrestre ait subi un relèvement en masse, d'amplitude toujours croissante avec la latitude. 268 A. DE LAPPARENT, — NOUVELLE CAUSE DE MOBILITÉ DE L’ÉCORCE TERRESTRE D'autre part, un pareil mouvement, s’accomplis- sant avec une telle régularité, à la fois en Europe et en Amérique, réclame une cause adéquate, qu'il est bien difficile d'indiquer; car ce relèvement en masse ne peut, d'après son allure, être mis en rap- port avec aucun phénomène orogénique concomi- tant. On a donc été porté à le mettre en doute, d'autant plus que, dans une même région, les niveaux des diverses terrasses marines ne sont pas toujours concordants. A la vérité, ce défaut de con- cordance pourrait à la rigueur s'expliquer par l'influence de cassures préexistantes, limitant cer- tains paquets susceptibles d'obéir, moins bien ou mieux que d’autres, à l’action soulevante. Encore serait-il inexplicable que cette différence de mou- vement eùt toujours respecté, comme c’est le cas, l'horizontalité des terrasses. En tout cas le -phéno- mène, dans cette hypothèse, devient très compli- qué et la cause générale qu'il faut faire intervenir demeure très mystérieuse et difficile à justifier, surtout pour ceux qui, par principe ou par tra- ditions d’école, répugnent aux soulèvements en masse. Dans ces conditions, un savant distingué, M. A. Penck, professeur de géographie à l'Université de Vienne, avait imaginé, vers 1883 (1), de recourir à une explication, assurément imprévue et ingé- nieuse, qui, nous l’avouons, nous a semblé pendant quelque temps propre à donner la véritable clef du phénomène. M. Penck faisait observer qu'il existe partout la relation la plus étroite entre le développement des traces d’anciens rivages et celui des glaciers quaternaires, tels qu’on peut les reconstituer sans le moindre doute à l’aide des moraines, des blocs erratiques et des surfaces polies ou moutonnées. Plus le régime glaciaire a été autrefois intense dans les latitudes élevées, plus les terrasses marines sont abondantes en même temps qu'elles montent davantage au-dessus du niveau de la mer. En Europe, par exemple, les plus hautes s’observent en Scandinavie, non dans les parties tout à fait seplentrionales, mais bien sous les parallèles de 60 à 63 degrés, c'est-à-dire juste au voisinage de la région du maximum de relief. Cette région est le centre de l’ancien glacier qui couvrait autrefois toute la contrée, et dont la place est encore marquée par les champs de neiges etde glaces les plus vastes que le pays ait conservés. En Amérique comme en Europe, on peut dire que l'amplitude du phénomène des terrasses est abso- lument proportionnelle à celle des anciens glaciers, (1) Scwankungen des Meeresspiegels; ITahrbuch der geograph. Gesellschaft in München, VIL.— Voir aussi notre conféreuce du 1° mars 1886, sur le niveau de la mer, dans le Bulletin de la Société géologique de France, 3° série, x1v, 368. dant un massif montagneux, si bien que, les deux ordres de faits élant rigou- reusement concomitants, il est impossible de ne pas reconnaitre entre eux une relation de cause à effeL. Comment celte relation doit-elle être formulée ? Quelques-uns ont pensé à faire intervenir, comme cause de dépression, le poids des énormes masses de glace qui, à de certains moments, étaient super- posés au sol des pays du nord. Ils ont admis que ce poids pouvait suflire pour déprimer la croûte ter- restre sous-jacente et que celle-ci, se relevant ensuite, à mesure que disparaissait la charge addi- tionnelle des glaces quaternaires, aurait ainsi chassé la mer du territoire envahi à la faveur de la dépression antérieure. Mais une telle hypothèse exige, de la part de l'écorce solide, une flexibilité qu'il est bien diflicile de lui concéder. Si mince qu'on suppose cette croûte, c’est par plusieurs dizaines de kilomètres que doit se compter son épaisseur et dès lors l’addition de quelques cen- taines, voire de quelques milliers de mêtres de glaces, ne peut pas en affecter sensiblement l’équi- libre. De plus, voulût-on même admettre la possi- bilité de cette action, que la solidarité des diverses parties de l'écorce ne permettrait pas au phéno- mène de se localiser étroitement, comme il le fait, dans les lieux autrefois occupés parles glaces, sans s'étendre le moins du monde sur les pays immédia- tement voisins, que les glaciers ne recouvraient pas. C’est pourquoi M. Penck a cherché une autre cause, et il a cru la trouver dans l'attraction exercée par les glaces sur les masses d’eau avoisi- nantes. On sait qu'à la surface du globe, ‘tout élé- ment du relief exerce sur les objets environnants, par exemple sur le fil à plomb, une attraction propre, indépendante de l’action générale de la terre. Il en résulte, quand le relief est suffisam- ment brusque, une déviation plus ou moins sensi- ble de la verticale. Dès lors la surface des eaux tranquilles, toujours perpendiculaire à la direction du fil à plomb, en doit être affectée et ainsi il est certain qu'au voisinage de côtes abruptes, précé- la mer doit être élevée par attraction d’une certaine quantité. À en croire plusieurs savants allemands, notamment M. Ph. Fischer, il est des parages où ce relè- vement pourrait dépasser plusieurs centaines de mètres. Mais ce qu'une ligne de relief produit, une masse de glaces, qui vient à se superposer au sol, le pro- duit aussi, avec cette seule différence que la glace, à cause de sa moindre densité, abesoin d’être plus épaisse pour déterminer le même effet d'attraction qu'une masse égale de terre ferme. On entrevoit donc clairement, dans l’existence des grands gla- ad Titan ae A. DE LAPPARENT. — NOUVELLE CAUSE DE MOBILITÉ DE L'ÉCORCE TERRESTRE 269 ciers quaternaires, une cause de relèvement du niveau des mers voisines, cause qui a cessé avec la disparition des glaces et on s’explique ainsi sans peine celte proportionnalité que l'expérience révèle entre les deux ordres de faits. Tandis que M. Penck arrivait à cette idée en Allemagne, un géologue américain, M. Warren Upham, était conduit à une conclusion tout à fait semblable par l'étude de la vallée de la Rivière Rouge du nord, dans l'Etat de Minnesota. À la fin de l’époque quaternaire, cette vallée était occupée par une nappe d’eau, qui s'étendait dans le Canada jusqu’au lac Winnipeg, sur environ mille kilomè- tres de longueur. Au moment de sa plus grande extension, cette nappe lacustre (que les géologues des États-Unis ont désignée sous le nom de Lac Agassiz, en mémoire du grand savant qui a tant contribué à édifier la théorie glaciaire) avait une profondeur variable entre 60 et 180 mètres. Sa dis- parition n’a pas été régulièrement progressive ; mais l’abaissement du plan d’eau aeu lieu par saccades et, à trois reprises différentes, le niveau de la surface est demeuré stable assez longtemps : pour permettre la formation de terrasses continues de sables et de graviers littoraux. On a pu suivre ces terrasses presque sans interruption, sur près de 230 kilomètres. Or c’est une chose remarquable que ces trois terrasses, témoins des étapes successives de l’as- sèchement du lac, ne soient pashorizontales et que, de plus, leurs distances mutuelles, comptées sui- vant un plan vertical, aillent en croissant vers le nord. Pourexpliquer ce phénomène, M. Warren Upham a songé à invoquer l’action attractive exercée par le front de l'immense masse de glaces qui formait alors, au nord du Minnesota, une barrière contre laquelle venaient s'arrêter les eaux venant du sud. Ilest évident, d’une part, que lattraction devait être d'autant plus forte qu'on était plus près de la barrière, ce quiexpliquerait lerelèvement progressif des terrasses, d'autre part qu'elle diminuait d'in- tensité à mesure que décroissait l'épaisseur de la calotte glaciaire, ce qui semble bien justifier la moindre inclinaison des Lerrasses inférieures, com- parée à la pente de la plus élevée des trois. Ces déductions paraissaient si satisfaisantes; rapprochées de celles de M. Penck, elles donnaient, semble-t-il, une explication, si claire et si simple, de l'allure affectée par les terrasses quaternaires, que nous n'avions pas hésité àles proposer à l’adhé- sion de nos collègues de la Société géologique de France (1). Mais depuis lors, un membre distingué (4) Bulletin de la Soc. géol. de France, 3° série, XIV, p. p. 368, 524. de l’Institut géodésique de Berlin, M. Erich de Drygalski, a fait paraitre une note importante (1), où, avec le secours de l'analyse mathématique, la question de la déformation des mers par attraction était envisagée sous un jour nouveau. L'auteur y prouvait, à l’aide de calculs que personne n’a dé- mentis, qu'on avait beaucoup exagéré l’action attractive des lignes de relief, qu’en particulier les faits observés en Amérique ne pourraient être expliqués que par l'hypothèse d’une calotte gla- ciaire ayant au moins #euf mille mètres d'épaisseur; qu'ilen faudrait à peu près autant pour rendre comple de l'altitude des terrasses en Ecosse et en Scandinavie ; en un mot que l’attraétion glaciaire, bien que réelle, était complètement insuflisante pour justifier les surévélations aujourd’hui cons- tatées. D'un autre côté, le fait de l’étroite relation qui unit les terrasses et les anciens glaciers n’en sub- siste pas moins dans toute sa force, impliquant toujours le même rapport de causalité. Seulement il est clair que ce rapport demande à recevoir une autre expression. En réfléchissant à cette difficulté, M. de Drygals- ki (2) a eu tout récemment l’heureuse idée de faire intervenir une circonstance qui, jusqu'alors, était demeurée complètement inaperçue ; nous voulons parler des changements qui ne peuvent manquer de s'accomplir dans l’élat thermique du sol d'une région, suivant qu'elle est ou qu’elle n’est pas recouverte par les glaces. En effet supposons deux corps en possession de la même provision de chaleur, mais dont l’un rayonne librement dans un espace à la température de zéro, tandis que l’autre est recouvert d'une enveloppe de glace, suffisante pour ne pouvoir fondre entièrement. Les lois connues de la physique ne laissent aucun doute sur ce qui va se passer. Il se fera, dans le premier corps, un vif échange de chaleur au profit du dehors, et la surface de ce corps'sera constamment à une température plus élevée que le milieu ambiant. Cest ce que savent bien, d’ailleurs, les météorologistes, qui toujours remarquent que la température d’un sol est supé- rieure à la moyenne de l'air environnant. Au con- traire, le corps recouvert de glace aura sa surface constamment maintenue à zéro; mème, si le froid extérieur devient plus intense, il pourra arriver que cette température de zéro pénètre, dans l’inté- rieur du sol, jusqu’à une certaine profondeur. Dès lors, qu'une région primitivement couverte de glaces vienne un jour à être débarrassée de ce manteau; le rayonnement interrompu va se réta- A (4) Zeitschrift der Gesellschaft für Erdkunde zu Berlin, 1887, (2) Bewegungen der Kontinente zur Eiszeit, Berlin, 1859, 970 A. DE LAPPARENT. — NOUVELLE CAUSE DE MOBILITÉ DE L'ÉCORCE TERRESTRE blir, el les couches superficielles du sol, longtemps maintenues à zéro, vont se réchauffer d'autant plus qu’en général il règnera, dans l’air ambiant, une température moyenne sensiblement supérieure à celle de la fusion de la glace. C'est ainsi, par exemple, que l'ancien centre de diffusion des gla- ces, en Scandinavie, occupe une contrée où passe aujourd’hui l’isotherme de six degrés. Or tout corps qui se réchauffe se dilate du même coup. Il faudra donc de toute nécessité que la région débarrassée de glaces occupe un volume plus con- sidérable, et comme elle n’en peut conquérir que sur l’atmosphère, elle subira un gonflement, nul aux points où ce$ait autrefois la nappe glaciaire, et atteignant son maximum là où celte nappe avait sa plus grande épaisseur. Au contraire, un pays que les glaces viendraient à envahir devrait se contracter, ce qui entrainerait une diminution de son altitude et, par suite, un empiétement de la mer sur sa surface. On comprend ainsi sans peine que la mer, au moment du grand développement des glaces, ait occupé, relativement à la terre ferme, un niveau plus élevé qu'aujourd'hui, et qu'ensuite le gonflement progressif de la région, débarrassée de son manteau glaciaire, ait chassé les eaux marines à une certaine distance, relevant les anciens cordons littoraux en proportion de la dilatation survenue. Dira-t-on qu'il s’agit d’un mouvement, réel à coup sûr, mais insignifiant en valeur absolue? A cela M. de Drygalski oppose une réponse qui nous semble péremptoire. Il rappelle d’abord que le coefficient de dilatation linéaire du verre, qui peut servir d'exemple pour les matières rocheuses, est, pour un seul degré centigrade, de 81 à 84 millio- nièmes de la longueur initiale. Cela posé, revenons à ces anciennes plages américaines qui, depuis la côte de New-Haven jusqu'à Montréal, se relèvent de 150 mètres pour une distance totale de 504 ki- lomètres. Si nous imaginons qu'un arc linéaire de longueur double, soit de 1008 kilomètres, s’al- longe seulement de 4 mètres, c'est-à-dire de quatre millionièmes de sa longueur initiale, cet are devra prendre au milieu une flèche de cent cin- quante mètres, c'est-à-dire précisément la suréléva-- tion constatée; car il est aisé de s'assurer que, dans un triangle rectangle où les côtés de l'angle droit ont respeclivement 504.000 et 150 mètres, l'hypoténuse est longue de 504.002 mètres. En résumé, une dilatation linéaire vingt fois plus petite que celle du verre pour un degré suffirait à expliquer la surélévation des plages canadiennes. Assurément ce calcul ne peut prétendre à une absolue rigueur; car il s’agit, dans l’espèce, non de l'allongement d’un are superficiel, mais de la dila- lalion cubique d’un massif de terre-ferme, qui subil un certain gonflement en masse. Néan- moins, il nous semble résulter très clairement de ces considérations que la surélévation observée est assurément du même ordre que celle à la- quelle doit donner lieu le changement d'état ther- mique. Nous remarquerons aussi que cette explication rend très bien compte d'un fait particulier aux terrasses marines, el que tous les observateurs, sans excepter M. Penck, ont été forcés de recon- naitre : c'est que ces terrasses se sont produites, non à l'époque de la plus grande extension gla- ciaire, mais vers le milieu de la période de re- traite des glaciers. Il ne suffirait pas, pour se tirer de cette difficullé, de prétendre que, la mer du Nord se trouvant supprimée de fait par la jonction qui s'opérait entre les mers de glace de l'Ecosse et celles de la Scandinavie, les terrasses ne pouvaient se former qu'après la reconstitulion de cette mer. Ace moment il est certain que l'épaisseur de la masse attirante avait assez diminué pour être moins que jamais capable d'amener, dans le mi- veau de la mer, une surélévation de 200 mètres. Au contraire, la chose se concilie sans peine avec l'hypothèse d’une intumescence par dilatation ; elle-atteste seulement que l'immersion de la con- trée, par suile de l'invasion des glaces, avait dû être encore plus considérable, puisque même au milieu de la phase de recul des glaciers, la mer conservaitencore un niveau supérieur de 200 mètres à ce qu'il est aujourd’hui. Enfin un autre fait, également constaté par M. Penck, trouve dans cet ordre d'idées sa com- plète justification. Le savant professeur de Vienne, en étudiant les vicissitudes du régime glaciaire dans les massifs alpins, a démontré que toute phase d’avancement des glaciers avait eu pour corollaire une diminution de l’activité des cours d’eau, dont les vallées s'étaient en partiecomblées, tandis qu'aux phases inter-glaciaires correspon- daient des périodes d’érosion, pendant lesquelles les fleuves avaientremanié leurs alluvions. M. Penck y voyait la preuve que le niveau de la mer, qui règle la chute disponible, s'était relevé dans le premier cas, abaissé dans le second et cela par suite de l’inégale attraction du massif pourvu ou débarrassé de glaces. Mais rien ne se concilie plus facilement, à nos yeux, avec l'hypothèse thermique, qui comporte des dilatations et des contractions successives. Pendant les phases de progrès des glaces, le massif montagneux devait se contracter. Done sa pente diminuait et comme c’est elle qui règle l’activité des cours d’eau, celle-ci ne pouvait manquer de subir une diminulion correspondante. Au contraire, le gonflement qui suivait la dispa- rition des glaces, rétablissait la pente générale 7" A. DE LAPPARENT. — NOUVELLE CAUSE DE MOBILITÉ DE L'ÉCORCE TERRESTRE 271 primitive, et par conséquent ressuscitait l'érosion endormie. En résumé, il nous semble qu'il n’est plus besoin de chercher, ni des mouvements plus ou moins compliqués et difficilement explicables du sol, ni des effets d’altraction dus aux glaces quaternaires. L'intumescence d’une région abandonnée par les glaces devient la cause principale du phénomène ; et quelques causes accessoires qu'on y puisse as- socier (l'attraction, réduite à de justes proportions, sera certainement du nombre), le mystère des an- ciennes terrasses marines nous semble désormais éclairci. Il est réduit, dans ses traits généraux, à n'être qu'une simple conséquence de la reprise du rayonnement, longtemps empêché par la présence d’une nappe de glace à température invariable. Ainsi, en dehors des mouvements orogéniques, dus au plissement et à la compression latérale de l'écorce terrestre, il existe pour cette écorce une autre cause de mobilité, qui réside dans les chan- gements que subit l'état calorifique de la surface. Mais ces changements se produisent ailleurs que dans les régions soumises au régime glaciaire el M. de Drygalski a parfaitement entrevu l'applica- tion qu'on en peut faire aux alternatives d’émer- sion et d'immersion par lesquelles certaines con- trées ont si souvent passé dans les temps géolo- giques. Si une nappe océanique suffisamment épaisse ne joue pas identiquement le même rôle qu'une couverture de glace à température invariable, il n’en est pas moins vrai qu'elle a pour effet üe placer le fond qui la supporte dans des conditions calorifiques tout autres que les régions continen- tales du voisinage. Lors donc que, par suite de mouvements orogéniques qui changent la dispo- sition des bassins, la mer abandonne les parages qu’elle occupait antérieurement, l'effet thermique, consécutif de cette émersion, doit entrainer un changement d'état du sol, capable de provoquer des mouvements de faible amplitude, dont l'effet viendra s'ajouter à celui du mouvement principal. L'histoire géologique enregistre assez de petites oscillations du niveau de la mer, dans un bassin déterminé, pour que cette considération, qui tend à en expliquer quelques-unes, demande à n'être pas perdue de vue. Elle s'applique d’ailleurs, non seulement aux pays abandonnés ou reconquis par la mer, mais encore à tous ceux dont la surface subit des changements calorifiques notables. Enfin nous remarquerons, toujours avec M. de Drygalski, que le même ordre de considéralions rend compte du fait, signalé par M. Faye et divers autres observateurs, relativement à un excès d’at- traction qui se fait sentir sur les aires océaniques et que mettent en évidence les oscillations du pen- dule. M. Faye attribuail cet excès à ce que l'écorce devait être plus épaisse sous les mers et il cherchait la cause d’un tel surcroît dans le contact prolongé de l’eau froide qui tapisse le fond des océans. À ses yeux, la chaleur constamment enlevée à la croûte par les mers froides qui la baignent avait dû faci- liter, sous les mers, le progrès de la consolidation du noyau liquide. A l’époque ou ces considérations furent dévelop- pées par l’éminent astronome, nous avions cru devoir en combattre l'application, parce qu’il nous semblait impossible qu'une action réfrigérante, localisée au sommet d’une écorce de cinquante ou soixante kilomètres de puissance, fût susceptible de se faire sentir de proche en proche jusqu'à la base. Mais nous devons reconnaitre que la question change complètement de face, si au lieu d’invoquer un accroissement d'épaisseur, on se borne à parler du surcroît de densité que doit produire la contrac- tion par refroidissement des roches. Il est clair en effet que le fond des grands océans, où, grâce à l’afflux des eaux polaires, se maintient sans cesse une température voisine de zéro, est dans des con- ditions peu différentes de celles qui caractérisent les contrées glaciaires. La surface de la croûte solide y est donc plus froide et, par conséquent, plus contractée qu'ailleurs, d’où résulte nécessai- rement une densité plus forte. Cest justement le fait constaté par M. Faye, sans qu'il soit besoin, pour expliquer l'excès d'attraction, de recourir à une dépression du niveau des mers, qui rapproche- rait leur surface du centre attirant. Du reste, notre but ne saurait être ici de sou- mettre la thèse de M. de Drygalski à une discussion approfondie. Nous avons seulement voulu la faire connaître aux savants français, afin de mettre en lumière tout ce qu'il y a d’original, de nouveau el en même temps de simple, dans celte manière si naturelle de concevoir le phénomène des anciens rivages, phénomène demeuré bien problémalique, et sur lequel, en particulier, lasagacité de M. Suess s’est encore récemment exercée sans résultat (1). Nous n'ajouterons qu'un mot, pour indiquer une heureuse application qu'il semble légitime de faire de cette théorie. Tout le monde sait que les contrées circumpolaires ont seuies le privilège des fjords, c'est-à-dire des découpures longues el étroites, par lesquelles la mer pénètre dans le cœur d'un massif montagneux, en conservant des pro- fondeurs qu'il estabsolument impossible d'attribuer à l'érosion marine, En toute hypothèse, les fjords sont certainement d'anciennes vallées terrestres originairement creusées à l'air libre et que la mer (1) V. Anélitz der Erde, 3° fascicule. 272 L. POINCARÉ. — NOUVELLES a envahies à la suite d’un changement survenu dans l'altitude de la contrée. Or, ce fait s'explique à merveille, si l’on admet que, formées à une époque où la température du pays était beaucoup plus clémente, les vallées des fjords aient été ulté- rieurement noyées sous les glaces, ce qui d’ailleurs ne peut faire aucun doute, vu l’existence des mo- raines el des roches polies. À ce moment le refroi- dissement du pays par contraction l’a fait plonger sous les eaux marines et les vallées ont été noyées sous plusieurs centaines de mètres d’eau. Puis les glaces se sont retirées, mais seulement en partie; car il est évident que le régime actuel, par exemple dans le massif scandinave, est plus sévère que celui qui a précédé l'établissement des grands glaciers ; et voilà comment l’eau des fjords recouvre encore aujourd'hui une partie des versants sur lesquels devait ruisseler librement l’eau des pluies EXPÉRIENCES DE M. O0, LODGE antéquaternaires. Si (ce qui semble peu probable les conditions thermiques des temps pliocènes étaient destinées à reparaître quelque jour, il est à croire qu'avec l’évanouissement des glaces scan- dinaves, on verrait se produire un gonflement du sol, qui peut-être assécherait complètement le fond des fjords actuels. Mais arrètons-nous ici. La géologie a bien assez à faire d'expliquer le passé, sans qu'il faille risquer des prévisions d'avenir et, pour la satisfaction de hasarder une prophétie, nous nous reprocherions de compromettre le crédit d’une doctrine qu'il nous plait tout spécialement de signaler aux géologues, comme l’une des conceptions les plus ingénieuses et les plus originales qui aient vu le jour dans ces derniers temps. A. de Lapparent. LES NOUVELLES EXPÉRIENCES DE M. 0. LODGE SUR LES RADIATIONS ELECTRIQUES Le professeur 0. Lodge continue ses recherches (1) sur les ondulations électriques et perfectionne chaque jour ses dispositions expérimentales, dé- criles dans notre numéro du 28 février dernier (2). L'excitaleur, qui produit dans l’espace la vibration électromagnétique, était tropcompliqué;ille simpli- fieen employant comme source vibrante un corps de forme géométrique définie, une sphère, un ellip- soïde, deux sphères réunies par un conducteur transversal non interrompu.’ Le conducteur, une sphère par exemple, est placé entre les boutons de deux bouteilles de Leyde, réunis eux-mêmes aux pôles d’une forte bobine deRhumkorff.Desélincelles éclatent entre la sphère et les bouteilles, elles chargent et déchargent alternativement ce condue- teur; des oscillations se produisent qui excitent des ondulations se propageant tout à l’entour. Sui- vant les cas, les bouteilles sont diversement dis- posées : les armatures extérieures peuvent être réunies, ou bien, on peut, au contraire, les laisser isolées. Le résonnateur est constitué par un corps conducteur, de forme identique à l’excitateur réuni au sol, et dont on tire des étincelles par la pointe d'un canif tenu à la main. Au lieu d’une seule sphère, on peut prendre une ) Voyez le journal anglais Nature du 20 mars, p. 462. ({ (2) Voyez la Revue, p. 121. rangée de sphères disposées comme l'indique la figure (fig. 1); une série d’étincelles éclatent et les ondulations apparaissent. Dans les comptes rendus de la Société mathématique de Londres, le profes- = x Fig. 1. — Disposition des sphères employées par M. Lodge pour produire la résonnance électrique. seur J.J. Thomson a traité analytiquement le pro- blème des oscillations électriques provenant d’une sphère parfaitement conductrice ; il établit que la valeur de la longueur d'onde correspondante est un peu plus faible qu'une fois et demi la longueur du diamètre. pm EÉe CERE— - . L. POINCARÉ. — NOUVELLES EXPÉRIENCES DE M. O. LODGE. 273 M. Lodge emploie des sphères de 12 centimètres de diamètre. Si l’on admet que dans l’ensemble des vibrations produites, l’excitateur rend prédomi- nantes ses propres vibrations, on voit que l’on ob- tiendra par ce procédé des oscillations électriques de faible période (17 centimètres au plus comme longueur d'onde); ce calcul soulève, il est vrai, de nombreuses difficultés ; la Revue {1) les a signalées, nous n’y insisterons pas; avouons toutefois que les dispositions adoptées par M. Lodge ne semblent pas particulièrement propres à les écarter. On peut diminuer le diamètre des sphères exci- tatrices, les étincelles resterontencore visibles dans le résonnateur. Cette rangée de sphères isolées produisant ainsi des radiations électromagnétiques sous l'influence de la décharge d’une bobine, pré- sente de grandes analogies avec les molécules d'une substance phosphorescente donnant, sous la même influence naissance à des vibrations lumi- neuses, Le résonnateur peut, lui aussi, être constitué par une série de sphè- res et de cylindres de dimensions dif- férentes: chacun de ces conduc- teurs parlera à l'unisson des con- ducteurs corres- pondants de l’ex- citateur. Rien ne nous empêche de disposer en avant de ce système une lentille diélectri- Fig. 2. — Coupe transversale d’un œil que en résine ou de mouton (portion périphérique de " la rétine), d’après Klein et Variot. en parafline; nous a, couche interne de la sclérotique: Constituons ainsi — b, lamelles suprachoroïdiennes (pig- mentées); — ce, d, couches de la cho- roïde ; — e, épithélium pigmenté de la M. Lodge appelle rétine; — f, couche des bätonnets; — Su Ne & g, les cônes; — x, couche externe à un œil électr ique; noyaux; — à, Couche granulée externc; cet œil sera im- — j, couche interne à noyaux; — 4, : : £ couche granulée interne; — /, couche PresSSIOnne par les des cellules ganglionnaires, avec les i 5 es : À ondulations élec- fibres radiées ou fibres de Müller entre s RS les cellules; — m, la couche des fibres tro-magnéliques ; MES il ne manque plus que des fibres nerveuses capables de trans- (4) Voir Particle de M. Guillaume dans le N° 3 de la Perue (30 janvier 1890) et celui de M. Brillouin dans le No 5 (5 mars 1890). ù un appareil que . mellre ces impressions à quelque centre cérébral. Ces sphères, ces cylindressontanalogues aux bà- tonnets et aux cônes que les naturalistes nous mon- trent dans la rétine (fig. 2); on peut imaginer que les bâtonnets et les cônes sont eux-mêmes des résonnateurs, sensibles aux vibrations decourte période qui constituent les radia- tions lumineuses; les physiolo- gistes ont mesuré les dimensions de ces éléments : elles sont de l’ordre de grandeur qui corres- pondrait à de tels résonnateurs. La rétine serait done constituée par des fibres (ffg. 3), jouant pour la vision le rôle que les fibres de Corti jouent pour laudition; l’excitationse transmettrait ensuite par un mécanisme encore inconnu. On pourrait objecter à cette manière devoir que les éléments rétiniens ne sont pas des con- ducteurs : mais leur indice de réfraction est très élevé et la théorie prévoit que les corps forte- ment réfringents doivent se com- porter comme des conducteurs; d’ailleurs tout le monde admet aujourd'hui depuis Boll et Küss que la rétine est le siège de phéno- mènes chimiques; on peut done Fig. 3. — Dia- gramme des élé- ments nerveux de la rétine (d’a- près Klein et considérer les bâtonnets et les Variot). cônes comme desconducteursélec- 2, fibres ner- veuses; — 3, cel- trolytiques et M. Lodge trouve jukes ganglionnai- avec de tels conducteurs des ré- "°55 — 4, couche à L a granulée interne ; sultats identiques à ceux qu'il ren- — 5%, couche in- 3 ne . 3 ;_ terne à noyaux; contre avec des conducteurs mé- ©& couche gra: talliques. nulée externe; — x és . 7, couche externe Ces hypothèses sont fort sédui- noyaux; — 8, la santes et vraiment suggestives; membrane limi- È > x tante externe ; — mais, disons-le bien, ce sont de 9,1es bâtonnets et pures hypothèses qui auraient ΰs cônes. grand besoin d’être appuyées par quelques expériences concluantes ; malgré tout elles ne sont pas inutiles; elles devancent un peu les faits, mais elles guident l'expérience; les bons esprits sont prudents, ils ne se laissent pas égarer par leur guide ; l'erreur des autres importe peu. Lucien Poincaré. Agrégé préparateur à la Sorbonne. 274 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Léauté (H) membre de l'Institut. — Sur une condition de bon fonctionnement des installations mécani- ques comportant des transmissions par liens rigides ou flexibles. Journal de l'Ecole Polytechnique, 59€ cahier, 1889. Les installations mécaniques à grande vitesse, dont l'emploi se généralise de plus en plus, donnent lieu assez fréquemment à des irrégularités de mouvement et à des chocs d’un caractère tout spécial, qui en compromettent la durée et peuvent même dans cer- {ains cas en rendre le fonctionnement impossible, Les constructeurs ont cherché à remédier à ces inconvé- nients en équilibrant avec soin les pièces en mouye- ment et en donnant à tout l’ensemble mécanique la plus grande souplesse possible, de manière à atténuer toutes les trépidations et à rendre moins destructeurs les à-coups qu'ils ne pouvaient éviter : dans ce but, ils se sont attachés principalement à supprimer les liens rigides el à les remplacer par des accouplements par- faitement élastiques. Mais les dispositions qui en ré- sultent, pour ingénieuses qu'elles soient, sont géné- ralement coûteuses et quelquefois d’une application délicate, M. Léauté s’est proposé, dans un mémoire très court, mais fort important, de rechercher quelle était la cause exacte de ces phénomènes, et dans quels cas, les irrégularités de mouvement dont il vient d'être question étant réellement à redouter, il devenait né- cessaire de recourir à des dispositions spéciales. Etu- diant successivement toutes les jonctions qui peuvent devenir le siège d’ébranlements pendant la marche, il est arrivé fort habilement, par la considération de ce qu'il appelle la caractéristique cinématique du système considéré, à formuler deux règles très simples qui suffisent à donner la solution pratique du problème el peuvent servir de guide aux constructeurs. Le nouvel ordre d'idées dans lequel est entré M. Léauté parait appelé à jouer un rôle fort important dans l'étude des installations mécaniques, quand il s’agit de transmis- sions à grande vitesse, et il nous paraît à l'avenir devoir marcher de pair avec les considérations ordinaires de résistance auxquelles on a seulement égard aujour- d'hui. BÉRARD, Fisserand (F.), membre de l’Institut. — Traité de Mécanique céleste. {. I. Perturbations des Pla- nètes. Paris 1889. Gauthier-Villars et fils, in-4, 474 pages. Les astronomes ont accueilli avec joie le projet an- noncé par M. Tisserand, il y à quelques années, de publier un nouveau Traité de Mécanique céleste. La Science en effet, a bénéficié, depuis Laplace, des tra- vaux d’astronomes comme Bessel, Hansen, Delaunay, Le Verrier..., de géomètres tels que Gauss, Poisson, Ja- cobi, Cauchy... Comment se reconnaître au milieu de tous les travaux accumulés ? Comment les classer et faire la part de ce qu’il y a de plus utile pour PAstro- nomie ! Ce grand et diflicile travail devait effrayer les courages les plus robustes. M. Tisserand est en train de lPaccomplir pour le plus grand profit de la science. Tous les astronomes lui en seront reconnaissants, Il est dit dans la Préface que les travaux de Lagrange et de Jacobi forment la base théorique de l'ouvrage; pour la pratique, l’auteur à jugé utile de se conformer aux méthodes éprouvées de Le Verrier, en faisant aussi une place aux méthodes de Hansen souvent appliquées par les astronomes dans ces derniers temps. L'oxvrage est donc placé sous les meilleurs auspices, pour les astronomes aussi bien que pour les géomètres. Le ch, I (de la loi de la gravitation universelle tirée des observations)indique les inductions qui ont conduit Newton à la loi de l’atiraction entre le soleil etles pla- nètes, entre celles-ci et leurs satellites, en particulier la terre et la lune, et de là à la loi générale, M. Tisse- rand observe que les comètes qui sillonnent l’espace dans tous les sens apportent un complément à la dé- monstration de la généralité de la loi. Enfin, il montre que les données d'observation qui nous sont fournies par les étoiles doubles, sielles ne prouvent pas en toute rigueur luniversalité de la loi de gravitation dans les différents systèmes stellaires, la rendent du moins très probable. Celle dernière question, objet de beaux tra- vaux de MM. Bertrand, DarbouxetHalphen, est destinée à devenir classique. Les astronomes et les géomètres sont tellement habi- tués aujourd’hui à assimiler une planète à un point matériel que les cas où il est nécessaire de tenir compte des dimensions d’un corps céleste paraissent plutôt exceptionnels, Cela vient de ce qu’un globe a la propriété d'attirer un pointextérieur comme si toute la masse était réunie au centre du globe, théorème dù à Newton et qui au jugement de M. Adams, l'illustre astronome anglais, parait avoir éclairei les doutes qui pouvaient subsister dans l'esprit de Newton sur la loi de la gravitation encore plus que la connaissance des mesures géodésiques de Picard . En résumé, le problème des pertubations des planètes, une fois admise la loi de la gravitation, ne parait plus dépendre que de l'analyse, M. Tisserand établit (Ch. II à VID les équations diffé- rentielles du problème sous diverses formes (nous cile- rons la forme symétrique due à M. Radau), fait une étude complète du cas où le nombre des corps est ré- duit à deux, et expose magistralement les recherches de Lagrange sur le problème des trois corps. C’est une idée heureuse :le mémoire de Lagrange avait été pres- que oublié, et cependant il contient la meilleure part de ce qui a été trouvé depuis l’illustre auteur sur lin- tégration rigoureuse du problème des trois corps. Si les efforts pour pousser plus loin la solution du problème destrois corps n’ont pas abouti, la raison en est qu'il n'existe pas d’autres intégrales que les quatre connues depuis Clairaut, En terminant un article du Journal des Savants (août 1759) par ce défi : « Etmainte- nant intègre qui pourra », Clairaut avait deviné juste. MM. Bruns, de Leipzig, et Poincaré viennent de démon- trer l'impossibilité de nouvelles intégrales, soit algé- ‘briques, soit uniformes et analytiques. Puisqu'il n'y a pas lieu de songer à intégrer rigou- reusement les équations différentielles du mouvement des planètes, même quand ces planètes se réduisent à deux, on a recours à des méthodes d’approximation répondant aux besoins del’Astronomie ; l’une d'elles, la plus fréquemment employée, est la méthode de la variation des constantes arbitraires. Avec le Ch. IX commence donc l'exposition des mé- thodes d’approximation, Chemin faisant, l’auteur expli- que avec précision plusieurs termes usités dans la pra- tique des calculs et sur lesquels il importe que l'on soit fixé. Quelques lecteurs feront peut-être la remarque que M. Tisserand ne se prononce pas sur les réserves faites dans ces dernières années relativement à la con- vergence des séries employées en Mécanique céleste et pourront s’en étonner, Après avoir partagé cet éton- nement, nous croyons que M. Tisserand a pris un bon BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 275 parti : la question n’est pas encore mûre, et il faut attendre que les recherches si importantes de MM. Gyl- dén, Lindstedt, Poincaré aient porté leurs fruits. D'ailleurs, si les séries ne sont pas convergentes absolument, comme disentles géomètres, elles conver- gent dans leurs premiers termes, et par analogie avec ce qu'observe, (Laplace Calcul des probabilités. Remarque générale sur la convergence des séries), la divergence ne doit pas empêcher l’usage de ces séries, en n’employant que leurs premiers termes. Avant de s'occuper de l’importante question du déve- loppement de la fonction perturbatrice, M. Tisserand consacre un certain nombre de chapitres à des recher- ches et à des études préliminaires. Les transcendantes de Bessel, les nombres de Cauchy, certaines formules de Hansen, la convergence des séries du mouvement ellip- tique, les coefficients appelés souvent coefficients de Laplace et dépendant du rapport des grands axes de la pianète troublante et de la planète troublée, sont suc- cessivement passés en revue, avec indication des re- cherches les plus récentes. Le développement de la fonction peturbatrice est exposé en coniormité avec les travaux de Le Verrier : (ch. XVIII à ch. XXI), et la découverte de Neptune | (ch. XXI) sert admirablement d'illustration aux for- | mules de le Verrier, Après avoir initié le lecteur aux méthodes de la Mé- canique céleste et l'avoir habitué aux développements et aux approximations, l’auteur juge Le moment venu de dévoiler les difficultés etla beauté du problème dont la solution réclamait un travailleur de génie comme Le Verrier. Si les chapitres précédents révèlent les qualités du géomètre, la clarté, la rigueur et l'élégance, le chapi- pitre sur la découverte de Neptune est l’œuvre d’un astronome consommé. Ce n'était pas chose facile de faire pénétrer le lecteur dans les détails d’une discus- sion numérique ; on ne raisonne plus sur des symboles algébriques susceptibles de représenter les données 4 d’une question avec une exactitude absolue, mais sur des nombres entachés des erreurs d'observation. Un géomètre pur goûterait peu ce genre de discussion ; mais ceux qui aiment à manier les nombres et à les dis- cuter pourront peut-être deviner là leur vocation astro- nomique, Les six derniers chapitres contiennent, pour une bonne part, l'exposition de recherches importantes qui appartiennent en propre à M. Tisserand. Ils fixent de la manière la plus heureuse l’état actuel de la science en ce qui concerne quelques-unes des plus hautes ques- tions : le théorème de Poisson sur linvariabilité des grands axes des orbites planétaires, les expressions générales des inégalités séculaires, ele... À Le nouveau Traité de Mécanique Céleste, ne tardera pas, comme le prévoyait M. Seeliger, lun des secrétaires de la Société astronomique internationale, à se trouver entre les mains de tous les astronomes. Ce sera pour * Pauteur la digne récompense de ses efforts et un hon- neur pour la science française, O, CALLANDREAU, 2° Sciences physiques. Carvallo. (E). — Influence du terme de dis- - persion de Briot sur les lois de la double réfrac- tion Thèse pour le doctorat ès sciences mathématiques présentée à la Faculté des Sciences de Paris, 1890, Sous ce litre, M. Carvallo a présenté à la Faculté des Sciences de Paris un travail des plus intéressants; le titre annonce bien le contenu du mémoire; peut-être pourrait-on cependant le trouver un peu modeste, il ne fait pas immédiatement prévoir les remarquables con- séquences auxquelles est amené l’auteur : c'est la seule critique que l’on puisse adresser à M. Carvallo, Quand un rayon lumineux est polarisé, la vibration lumineuse est rectiligne, perpendiculaire au rayon et, d'après l'expérience bien connue de Fresnel et Arago, s'effectue constamment dans le plan de polarisation P ou dans un plan perpendiculaire. Jusqu'ici aucune expérience n'avait permis de résoudre la question ainsi posée ; il semblait même qu’elle fût insoluble; les deux hypothèses paraissaient expliquer également tous les phénomènes observés, Fresnel et d'autres physiciens supposent la vibration perpendiculaire à P, Neumann et Mac Cullagh admettent qu'elle est dans le plan P lui-même. L'étude de la dispersion dans un milieu bi- réfringent à conduit M. Carvallo à trancher le difré- rend et à donner définitivement gain de cause à Fresnel. La démonstration est très simple, L'auteur s'appuie uniquement sur des principes qu'admettent aussi bien les partisans de Neumann que ceux de Fresnel : ne rien demander d'autre à ses adversaires qu'ils ne vous demandent eux-mêmes est assurément un moyen habile pour entrainer la conviction. Ce résultat est le point saillant du travail, mais en route M. Carvallo a rencontré de fructueux champs de recher- ches qu'il a parcourus avec profit; nous ne pouvons malheureusement l’y suivre ; il est préférable de tàcher ici de donner une idée de la démonstration d’un fait aussi important; nous chercherons surtout à dégager nettement les principes fondamentaux. - Quelque idée que l’on se fasse d’un rayon lumineux, on doit admettre que le phénomène dépend en un point et en un instant donné du temps et de la position du point ; dans l'hypothèse moléculaire, on dira que l’élongation w de la molécule vibrante dépend des coordonnées #, y, z, et du temps £; mais cette hypothèse est simplement destinée à faciliter le langage, on pour- rait la sacrifier, les résultats demeureraient identiques. Si l’on a affaire à un rayon polarisé, une seule coor- donnée x reste à considérer, le phénomène dépendra d’une seule équation différentielle liant lélongation # à æ et à €. Mais cette équation n'est pas quelconque : des expériences incontestables imposent certaines condi- tions, Les phénomènes d'interférences exigent qu'elle soit linéaire; le fait qu'un état permanent peut être atteint, montre que les coefficients en sont constants; l'absence de dispersion dans le vide et l’existence de deux vitesses égales et de signes contraires entraine cette conséquence que dans le vide l'équation se réduit à deux termes d’un même ordre pair de dérivation. M. Carvallo admet que celte équation est de la forme du du ; = À — ; c'est là une hypothèse, mais elle est à de da? à coup sûr d’un ordre très général; en outre, toutes les théories optiques l’ont toujours admise, Dans un mi- lieu où il y a dispersion, où les radiations de diffé- rentes longueurs d'onde ne se propagent pas avec la mème vitesse, il conviendra d'ajouter des termes de la dPu daqdp—1 ment varie l'indice de réfraction », c’est-à-dire le rap- port des vitesses dans le milieu et dans le vide, avec la longueur d'onde À, on est conduit à la formule de dis- forme ; si l’on cherche, en partant de là, com- 1 persion er nl + ù b XP? n1?, où les exposants p et q ont mêmes valeurs que les indices correspondants de l'équation différentielle; or l'expérience montre d’une facon certaine, et M. Carvallo le prouve très nettement, que la formule de dispersion doit contenir un terme € ??, proportionnel au carré de la longueur d'onde ; dans l'équation différentielle lui correspond nécessairement un terme en . Le terme cÀ? (terme de Briot) dépend donc de l'élongation elle-même. Considérons mainte- nant les deux rayons en lesquels se décompose un rayon pénétrant dans un milieu biréfringent; dans l'hypothèse de Fresnel, la vibration ordinaire est tou- jours perpendiculaire à l’axe optique, quel que soit l'angle du rayon avec l'axe, tandis que la vibration extraordinaire se déplace depuis l’axe jusqu'à la posi- 276 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX tion perpendiculaire, quand l'angle du rayon avec l’axe varie de 90“ à 0°, Si l'hypothèse estvraie, le coeffi- cient ce devra garder constamment une certaine valeur 6, pour lerayon ordinaire; il devra au contraire croître de- puis une valeur plus petitec, jusqu'à la valeure, pour le rayon extraordinaire, quand l'angle avec l’axe décroîtra de 90° à 0°, L'hypothèse de Neumann entraine des con- séquences exactement inverses. Les mesures d'indices qu'a faites M. Carvallo à 900, 30° et 0° de l’axe, par la méthode goniométrique ordinaire pour le spectre visible, par la méthode de M. Mouton pour les radia- tions calorifiques, ne laissent aucun doute : les valeurs de ec sont dans l’ordre prévu par la théorie de Fresnel. Parmi les nombreux résultats auxquels l’auteur est arrivé en passant, les plus généraux et les plus inté- ressants ont rapport aux méthodes d’interpolation employées dans les sciences d'observation ; il fait une étude critique très approfondie des méthodes de Cauchy et de Gauss; par une extension donnée aux formules si avantageuses de Cauchy, il les adapte à la méthode des moindres carrés en conservant tous leurs avantages de commodité. Il donne ensuite des raisons nombreuses, les unes pratiques, les autres théoriques en faveur de la méthode de Cauchy, étendue, s’il est néces- saire, par une légère modification, au cas où les obser- valions n’ont pas toutes la même précision. En terminant son important travail, M. Carvallo montre comment l'étude de la dispersion permettrait de trancher une question capitale qui reste encore irrésolue, L'éther est-il incompressible où au contraire infiniment compressible? en d’autres termes, les vibrations sont-elles rigoureusement dans le plan de onde ou font- elles avec lui un très petit angle, comme le suppose par exemple la théorie de M, Sarrau ? L'auteur ne se pro- nonce pas, mais l’habileté et l’ingéniosité dont il vient de donner la preuve parviendront sans doute un jour à résoudre le problème. Lucien PoIncaRé. Car1i Barus. — Mesure des températures élevées. Bulletin of the United States. Geological Survey. 4 vol, de 300 pages, 1889. Le gouvernement des Etats-Unis a fait publier de- puis 1879, sous le litre de Bulletin of Geological Survey, un grand nombre de mémoires relatifs soit à la cons- ütution géologique des Etats-Unis, soit à la géologie et à la paléontologie générales. M. Carl Barus donne aujourd'hui dans ce recueil une étude sur la mesure des hautes températures qu'il présente comme une introduction à des recherches sur les constantes physiques des roches, Après avoir rappelé les.nombreuses méthodes de pyrométrie qui ont été proposées jusqu'ici, M. Barus conclut de leur étude que la meilleure de toutes est la méthode thermo-électrique. Proposée tout d’abord par Pouillet, puis par Becquerel, elle a recu récemment des perfectionnements importants par les travaux de M, Le Châtelier qui lui a donné une forme préciseet pratique. Le couple proposé par ce savant, formé de platine et de platine rhodié, permet de mesurer les températures élevées jusqu’au point de fusion du platine, avec une erreur qui ne dépasse pas 20° C. Les recherches très soignées el très étendues que M. Barus consacre à l’étude des couples thermo-électriques, à leur calibrage soit au moyen de bains de vapeur de températures connues, soit par comparaison avec le thermomètre à air à réservoir de porcelaine, confirment complètement les résultats obtenus par M. le Châtelier, qui peuventse résumer ainsi: Les alliages de platine subissentà haute température des modifications allotropiques analogues à celle qu'éprouve le fer vers 700. Par suite de cette modification, la force électromotrice des couples for- més avec des alliages de platine ne peut pas se repré- senter en fonction de la température par la formule à deux termes de Tait. Il faut, soit employer une formule à trois termes, soit prendre successivement deux for- mules différentes à deux termes, l’une s'appliquant aux températures inférieures à la température de transfor- mation, l’autre aux températures supérieures. Dans la deuxième partie de son mémoire M. Barus propose une nouvelle méthode de pyrométrie, fondée sur la viscosité des gaz, Dans une masse gazeuse en mouvement, il se produit par suite du passage des molécules à travers des couches animées de vitesses différentes une transformation de force vive sensible en chaleur, à laquelle on a donné le nom de frot- tement interne des gaz. Le coefficient de frottement in- terne des gaz ou viscosité peut se mesurer, comme l'ont fait voir Meyer et Maxwell, soit en observant les oscillations d’un disque métallique awtour d’une tige métallique qui le traverse en son centre, soit en me- surant le volume de gaz qui passe sous une pression donnée à travers un tube capillaire de dimensions données. C’est ce dernier dispositif que M. Barus a em- ployé pour étudier l'influence de la température sur la viscosité des gaz, Il à pu démontrer el vérifier qu'entre la viscosité à 0°, et la viscosité à { on a la relation tre me — To (1 + at) r1 c’est-à-dire que la viscosité est proportionnelle à la puissance ? de la température absolue. On obtient ainsi, une nouvelle méthode pyrométrique qui permet, soit de faire des mesures absolues, soit de faire des mesures différentielles. Il suffira, dans ce cas, de com- parer les vitesses d'écoulement d'un gaz à travers deux tubes capillaires, lun froid, l’autre porté à la tempéra- ture que l’on veut mesurer. Georges CHARPY. Gautier (Armand), membre de l'Institut, professeur à la Faculté de médecine, et Mourgues. (L). —Les alca- loïdes de l’huile de foie de morue. Paris. G. Mas- son, 1890. Ce remarquable travail a été présenté!et accueilli avec intérêt à l’Académie de médecine, Il réalise un progrès cerlain dans nos connaissances relatives à l'action thérapeutique de l'huile de foie de morue. L'étude commence par l'examen sommaire des diver- ses variétés d'huile de foie de morue, Leur mode d'ob- tention, leurs.qualités, leurs propriétés physiques et chimiques, leur essai, sont exposés avec des détails suf- fisants pour en faire une monographie fort intéressante et sans longueurs. Lesauteurs exposent ensuite les méthodes employées pour isoler les principes actifs dont ils ont reconnu l'existence dans ce précieux médicament, Parmi ces principes actifs, ils signalent trois ammoniaques com- posées, la butylamine, lamylamine, l’hexylamine, con- nues depuis longtemps déjà; et trois nouvelles bases du mème genre, une dihydrotoluidine, base liquide; l’osel- line, solide, amorphe; et la morrhuine, constituée par un liquide huileux, Une partie de ces dernières bases se rencontre dans l'huile de foie de morue sous forme de lécithines. La dihydrotoluidine, l’oselline et la morrhuine sont également combinées à des acides dont l'un, l'acide morrhuique, a été découvert et étudié par MM. Gautier et Mourgues, L'étude de l’action physiologique de ces divers com- posés est faite avec soin et permet d'interpréter juste- ment l’action stimulante, tonique et reconstituante de l'huile de foie de morue, | La butylamine produit, chez les animaux, de la fati- gue, de la stupeur, des vomissements, un certain degré de parésie : elle excite l’urination, A faible dose, elle excite la sécrétion rénale; à haute dose, elle est, à la fois, convulsivante et paralysante ; à dose moyenne, elle plonge les animaux dans une sorte de somnolence avec paresse musculaire; l'intelligence est conservée, Elle n’est tonique qu'à dose assez élevée. ; p L'amylamine est une base très active, excitant à fai- ble dose les réflexes et la sécrétion urinaire, provo- quant, à dose forte, du tremblement convulsif, puis des convulsions et la mort. L’hexylamine agit à peu près PRET BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX ? 21M de la même manière, mais avec une intensité beaucoup moindre. La dihydrotoluidine est toxique à assez faible dose; elle produit une diminution notable de la sensibilité ; un tremblement et des convulsions qui intéressent d’abord les muscles de la face, puis s’aecentuent et se généralisant si la dose est un peu forte. On observe des périodes d’excitation très vive suivies de dépression profonde, avec insensibilité et paralysie musculaire affectant principalement les membres postérieurs. L’oselline est faiblement active; elle détermine, à dose suffisamment élevée, de la dyspnée, de la stupeur, des convulsions et la mort, La morrhuine est l’un des principes les plusactifs de l'huile de fois de morue; c’est également l'une des bases les plus abondantes; elle forme un peu plus du tiers de la totalité des alcaloïdes de l'huile, Une cuillerée à soupe en renferme 2 milligrammes 2, qui correspon- dent à environ 3 milligrammes de chlorhydrate, C'est un puissant stimulant des fonctions de nutrition et de désassimilation, qui entraine un énergique mouvement compensateur d’assimilation, comme le démontre la surexcitation de l'appétit chez les animaux soumis à son influence. Elle possède une action diurétique extrè- mement accentuée et elle excite, en même temps, la diaphérèse et l'exonération intestinale, Cette base n’est toxique qu'à dose relativement élevée. L'acide morrhuique, qui existe dans l'huile de foie de morue en proportion de plus d’un gramme par litre, possède également des propriétés diurétiques extrèmement marquées : les animaux sur lesquels on lexpérimente émettent des quantités d'urine qui cor- respondraient à enviran 2400 centigrammes, en une demi-heure, pour un homme adulte; leur appétit est, en même temps, très vivement excité, Les auteurs tirent de leurs longues et patientes re- ches les conclusions suivantes, L'huile de foie de morue agit par ses corps gras, éminemment assimilables, grâce à leur état physique spécial (saponification par- tielle qu'il faut attribuer à l’action des ferments hépa- tiques), à leur légère acidité et à la dissolution d’une certaine quantité de produits biliaires qui en facilitent l’'émulsionnement. Et, en effet, l'huile de foie de morue pure et bien préparée s'émulsionne avec la plus grande facilité lorsqu'on l’agite avec de l’eau ne tenant en dis- solution que des traces d’alcalis ou de carbonates alca- ins : c’est un admirable aliment gras et un aliment protecteur qui ne saurait être remplacé par des graisses ou des acides gras liquides, bien inférieurs au point de vue de leur digestibilité et de leur assimilation. Par sa richesse en phosphore qui s’y trouve à l’état d'acide phosphorique et surtout d'acide phosphoglycé- rique dans les lécithines et d’autres combinaisons or- ganiques, l’huile de foie de morue est un énergique ré- parateur qui offre, à l’économie, le phosphore sous sa° forme la plus facilement et la plus spécifiquement assi- milable ; ce qui explique la facon dont ce médicament Jutte avec efficacité contre la désassimilation du phos- phore dans un grand nombre de cachexies. L’iode et le brôme, que renferment en petite quantité les huiles de foie de morue, ne sont pas non plus étrangers à son action thérapeutique; et il est noter que ces corps y existent à l’état de combinaisons organiques et non pas d’iodure ou de brômure métalliques. : Mais, c’est surtout par ses alcaloïdes et son acide morrhuique que l'huile de foiemorue agit comme exci- tant du système nerveux, accélérant la dénutrition et provoquant une assimilation qui ressemble, pour em- ployer une comparaison imagée, à l’élimination des anciens matériaux usés ou avariés de l'organisme et à leur remplacement par des matériaux neufs et de bonne composition. Cette réparation puissante est expliquée par l'assimilation facile et rapide des prin- cipes phosphorés et des matières grasses, ainsi que par l’action spécifique de l’iode et du brôme, Dr Gabriel Poucuer, 3° Sciences naturelles. Lechartier ((G.). — Sur l’incinération des ma- tières végétales, Annales de Chimie et de Physique, 6° série, {, XIX, p. 421. Le dosage des éléments minéraux que renferment les produits agricoles exige nécessairement une inci- nération préalable, dont leffet est de détruireles com- binaisons mixtes, de nature éthérée ou autre, que ces principes contractent avec la matière organique et que les réactifs de la voie humide ne sauraient détruire entièrement (1). Or, l’action de la chaleur sur les com- posés du soufre et du phosphore, en présence d’un excès de carbone ou de gaz réducteurs, peut donner lieu à des pertes par volatilisation dans le dosage de ces éléments, d'où l'emploi de méthodes spéciales dans la préparation des cendres, M. Lechartier a voulu se rendre compte, par une série d’essais systématiques, de l'importance des er- reurs que l’on fait commettre en négligeant ces pré- cautions, et il a reconnu que, dans la carbonisation pure et simple de substances végétales telles que la paille, les topinambours ou le blé, une portion impor- tante du soufre se trouve entrainée par les gaz ou les vapeurs goudronneuses qui se dégagent au début de Pincinération : la perte atteint parfois jusqu’à un mil- lième du poids de la matière calcinée, Il est donc indispensable, lorsqu'on se propose de doser le soufre dans des mélanges riches en matières organiques, de comburer ces vapeurs en les faisant passer, par exemple, ainsi que le recommandent MM. Berthelot et André, sur une colonne de carbonate de soude pur chauffé au rouge sombre (loe, cit.). Les mêmes produits volalils ne contiennent qu'une trace insignifiante de phosphore, et on arrive à d’ex- cellents résultats dans le dosage de cet élément, en opérant sur des cendres préparées par incinération à l'air libre, sans précaution spéciale, M. Lechartier conseille seulement d’arroser la ma- tière avec un peu de lait de chaux pure ayant de pro- céder à la calcination : les cendres deviennent ainsi moins fusibles et'la masse carbonisée, plus poreuse, brûle mieux que dans les conditions ordinaires, Léon MAQUENNE. Chevrel (René), — Sur l'anatomie du système nerveux grand sympathique des Elasmobranches et des Poissons osseux. Thèse pour le Doctorat ès- sciences naturelles, présentée à la Faculté des Sciences de Paris. Le sympathique des Poissons a élé étudié fréquem- ment, mais presque toujours d’une manière incidente, et nous n'avons guère sur ce sujet d'autre travail d’en- semble que celui de Stannius qui remonte à 1849, C’est ce qui a décidé M. R. Chevrel à reprendre cette étude. Ses recherches n'ont pas porté sur moins de 85 espèces, dont 70 pour les Poissons osseux représentant 32 fa- milles sur les 49 que compte le traité classique de Mo- reau sur les Poissons de France ; les 17 familles res- tantes sont exotiques ou composées d’animaux trop petits pour que la dissection puisse en être fruc- tueuse, Dans ces recherches délicates le procédé opératoire acquiert une importance capitale. Celui que M. Chevrel a eu l’heureuse fortune de trouver ne laisse rien à dé- sirer entre des mains expérimentées; il consiste à faire agir à sec sur la région à explorer, préalablement dé- gagée autant que possible, une solution d'acide osmique à 1 0/,; on recouvre d’eau et on lave dès que la colora- (1) Berthelot et André, Ann. Chim. Phys, 6e s., t. p.449: XV, 218 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX t'on noire menace de se généraliser. J'ai vu moi-même nombre de préparations de M. Chevrel où sur le fond blanc du tissu conjonetif se détachaient en noir intense des filets nerveux de 1/50 de millimètre, dont les gan- glions se laissaient aisément distinguer par leur faible coloration bistrée. — Le cadre de celte brève analyse ne me permet pas de suivre l’auteur dans le détail des faits qu'il a patiemment accumulés. Voici seulement quelques-uns des points principaux : Téleostéens. — Contrairement à l’opinion générale, chez tous les Poissons osseux, le sympathique se con- tinue antérieurement jusqu'au trijumeau dont il recoit les premières racines, et cette première portion est presque toujours logée dans un canal osseux percé dans la grande aile du sphénoïde, Chaque cordon présente dans sa région céphalique cinq ganglions qui recoivent leurs racines respective- ment du trijumeau, du facial, du glosso-pharyngien, du pneumogastrique et du grand hypoglosse. Dans la région abdominale, les deux cordons peuvent rester distincts, mais toujours unis par quelques anas- tomoses transversales, ou bien se souder en un seul dans la région postérierre (Blenniidés, Lophidés, Tri- glidés) ou mème dans toute l'étendue de l'abdomen (Physostomes apodes), Dans la région caudale, les deux cordons sont tou- jours distincts, unis par des anastomoses et enfermés däns le canal hæmal d’où ils sortent postérieurement en se recourbant en anse pour aller se terminer dans le plexus caudal découvert par M. Chevrel ; il est formé essentiellement par les branches ventrales des derniers nerfs rachidiens et innerve la nageoire caudale. Les ganglions du sympathique non seulement recoi- vent leurs racines des nerfs rachidiens correspondants, mais encore leur envoient à leur tour des filets qui sont surtout développés pour les nerfs se rendant aux muscles des nageoires. Elasmobranches. Le système sympathique des Elas- mobranches est beaucoup plus réduit que celui des Téléostéens, Non-seulement les deux portions termi- nales, céphalique et caudale, font entièrement défaut, mais encore les ganglions de la portion abdominale sont indépendants les uns des autres et ce n’est que dans la région antérieure qu'ils sont parfois unis par de très fins filets longitudinaux dans lesquels on peut voir tout au plus le rudiment du cordon longitudinal si développé chez les Téléostéens et les autres Verté- brés. Enfin l’auteur a étudié chez les Elasmobranches les singuliers petits corps qui pour Leydig représentent les capsules surrénales des Vertébrés supérieurs. Ces corps suprärénaux, au nombre de 16 à 18 de chaque côté chez laRoussette, entourent chacun une artère in- tercostale et sont en relation d'autre part avec la veine cardinale. D’ordinaire accolés aux ganglions sympathi- ques, ils en sont parfois à une certaine distance. Comme ils ne recoivent réellement aucun filet nerveux, comme par leur structure ils sont identiques au long corps in- terrénal impair, qui n’a, lui, aucune connexion avec le système sympathique, l’auteur se refuse à admettre leur identité avec les capsules surrénales des Mammi- fères. Mais il hésite à conclure d’une manière absolue; la caractéristique de son travail est, en effet, une grande prudence, parfois excessive, dans les conclusions et une absence presque complète d'interprétation que d’autres pourront regretter à notre époque de généra- lisation à outrance. : Tel qu'il est, le mémoire de M, Chevrel constitue une œuvre d’une rare conscience, Poursuivi opinià- trement pendant plusieurs années, basé sur un en- semble imposant de dissections des plus minutieuses ; c’est un excellent travail d'anatomie descriptive, un guide sûr capable d'éviter de longs tâtonnements à ceux qui voudront étudier maintenant toutes les ques- tions ayanttrait au sympathique, à sa structure, à son développement, à ses fonctions. Georges PRuvOT. 4° Sciences médicales. F, Ferrier, — Remarques cliniques et anato- miques sur deux tumeurs vasculaires du cuir chevelu in Revue de chirurgie, 1890, janvier, p. #7. Chez le premier malade, l’anévrysme cirsoïde était formé non seulement par une dilatation des artères, artérioles et capillaires artériels, mais encore par la dilatation des veines, veinules et capillaires veineux; les capillaires proprement dits prenaient aussi part à la dilatation générale. L'examen histologique fait par M. Malassez montra que tous les vaisseaux dilatés, veines ou artères, présentaient des lésions manifestes de leurs tuniques moyennes, parfois hypertrophiées, plus souvent atrophiées et remplacées par un abondant üssu conjonctif. Chez le deuxième malade, la fumeur cirsoïde était sous la dépendance d’une communieation artério-veineuse des plus nettes, véritable anévrysme artério-veineux constaté après ablation de la tumeur. Cliniquement existait au centre de la tumeur un point, dont la com- pression directe avec l’extrémité du doigt provoquait l'arrêt de tout battement et de tout bruit. Aussi M. Terrier se croitil en droit d'affirmer que les dilatations artérielles et veineuses résultent de la facile circulation artério-veineuse, soit directement (anévrysme artério-veineux), soit par les capillaires dilatés eux-mêmes (anévrysme cirsoïde vrai); dans les deux cas, la tumeur cirsoïde présente les mêmes carac- tères objectifs et fournit les mêmes symptômes. Le seul signe distinctif consiste dans l’arrêt brusque des phé- nomènes morbides par la compression d’un point très circonserit de la tumeur, permettant, lorsqu'on le cons- tate, d'affirmer l'existence d’une communication arté- rio-veineuse directe. D' HARTMANN. Roux el Nocard, — A quel monent le virus rabique apparaît-il dans la bave des animaux enragés ? Annales de l’Institut Pasteur, mars 1890, Est-il nécessaire que les phénomènes graves de la rage se soient manifestés pour que la morsure d’un chien enragé soit virulente; ou bien la salive de ce chien est-elle déjà dangereuse avant que l'accès de rage proprement dit se soit montré? La question à résoudre revient à ceci : À quel moment le virus ra- bique apparait-il dans la bave des animaux enragés? Pour arriver à la solution du problème, MM. Nocard et Roux ont institué un certain nombre d'expériences. Pour rendre sûrement leurs chiens enragés, les expéri- mentateurs injectent dans la chambre antérieure de l'œil un peu de lémulsion du bulbe d’un animal enragé; par cette méthode, un chien prend sûrement la rage en vingt jours au plus; la température était prise chaque jour, ef, à partir du moment où on cons- fatait une élévation thermométrique, on recueillait la bave et on l’injectait à des cobayes et à des lapins. Dans ces conditions, on peut constater que la salive des animaux est virulente deux et trois jours avant l'apparition des symptômes de la rage. La période qui s'étend entre le moment de l’inocula- tion et celui où apparaissent les symptômes rabiques présente une longueur qui semble en rapport avec le point de l’inoculation ; on peut même supposer des cas où l'animal mourra de la rage sans que la bave soit virulente, la mort survenant avant que la propagation du virus aux glandes salivaires ail pu se faire, Du travail de MM. Nocard et Roux, il résulte qu'un chien peut présenter tous les signes extérieurs de la santé, manger, être gai et caressant comme à l'ordi- naire et porter dans sa gueule le virus de la rage. Si ce chien mord ou lèche une personne, il pourra lui com- muniquer la maladie alors qu'il ne semble pas lavoir lui-même. D' H. Dumier, + | ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 219 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 21 avril 1890. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Paul Painlevé : Sur une transformalion des équations différentielles du premier ordre. — M, G. Fouret : Construction du rayon de courbure de certaines classes de courbes, notamment des courbes de Lamé et des paraboles et hyperboles de divers ordres. — Dans la dernière séance, MM. Lœwy et Puiseux avaient exposé la théorie du système optique formé par un miroir plan installé devant l’objectif d'un équatorial et mobile au- tour d’un axe : aujourd’hui, ils étudient le système obtenu en remplacant le miroir unique par deux sur- faces réfléchissantes taillées sur un même bloc de verre en forme de prisme; ils déterminent les condi- tions dans lesquelles cet appareil peut commodément servir à la mesure précise des distances, — M. G. Le Cadet : Observations de la comète Brooks (19 mars 1890) faites à l’équatorial coudé de l'observatoire de Lyon. — M. A. Ricco. comparant le nombre des taches so- laires en 1889 avec le nombre des taches dans les années précédentes, conclut que le minimum a été franchi à la fin de cette année; la tache de très haute latitude de mars 1890 le confirme dans cette opinion. — M. H. Poincaré rectifie l'analyse que Maxwell a donnée de la loi électro-dynamique de Weber, prinei- palement en ce qui regarde les courants non fermés. — M. Darboux présente le tome II des « OEuvres de Fourier, » 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Bouty, étudiant la résistance de la lame mince de mica d'un condensa- teur, dans le cas où les deux armatures sont en com- municalion permanente avec les deux pôles d’une pile, a trouvé que cette résistance est infinie, — M. J. Borg- man a étudié dans quelques conditions particulières les actions mécaniques des courants alternatifs, — M. Léon Devaureix, pendant six voyages consécutifs sur un même navire en fer a observé les perturbations subies par les boussoles. Elles sont attribuables à l’ai- mantation inégale que prennent les diverses pièces métalliques de la coque, sous l'influence des chocs et trépidations. L'écart tend vers une valeur fixe pour un navire donné. — M. E. Renou adresse le relevé des halos et parhélies observés au parc Saint-Maur pendant ces dix-sept dernières années, — La chaleur de forma- tion de l'hydroxylamine n'avait pas été déterminée jusqu'ici avec une certitude satisfaisante; MM. Ber- thelot et André ont résolu la question en décompo- sant l’azotate d'hydroxylamine cristallisée en ses éléments par l’action de la chaleur; ils montrent com- ment la connaissance de la mécanique chimique de ce corps éclaire l’étude de ses nombreux dérivés. — M. G. Geisenheimer prépare le bioxyde d’iridium en chauffant dans un creuset de platine de l’iridate de potasse avec un mélange de chlorure et de bromure de potassium en proportion définie, — M, A. Gorgeu, étudiant l’action de l’eau oxygénée sur les oxydes du manganèse, a reconnu que cette action est très com- plexe; elle varie suivant le degré d’oxydation de l’oxyde et peut être oxydante, réductrice ou nulle suivant le cas. — M. de Forcrand a étendu aux alcools tétrato- miques les recherches faites antérieurement par lui sur la combinaison des alcools avec le potassium et le sodium; il a formé l’érythrate de soude et déterminé sa chaleur de formation, — M. A. Berg a étudié les dérivés chlorés des amylamines. 3°SCIENCES NATURELLES. — On sait que dans la fermen- tation alcoolique du marc interverti, avec les levères usuelles, le glucose est détruit plus rapidement que le lévulose, MM. U. Gayon el E. Dubourg ont constaté que chaque espèce de levûre exerce cette sélection d’une facon plus où moins marquée, caractéristique pour chaque espèce; ils ont trouvé quelques espèces qui font fermenter le lévulose plus rapidement que le glucose. — Les expériences de MM. G. Linossier et G. Roux leur ont montré que le champignon du mu- guet produit la fermentation alcoolique dans les solu- lions sucrées, mais cette fermentation est lente et la teneur en alcool du milieu de culture est toujours faible. De plus, on trouve une quantité notable d’al déhyde, qui résulte d’une oxydation de l'alcool déjà formé par le champignon. Les caractères de cette fer- mentation rapprochent le muguet des Mucorinées. — A propos de la note de MM. Gilles de la Tourette et Cathe- lineau sur la nutrition dans l’'hystérie, M. Bouchard rappelle que lui-même dans son enseignement et M. Empereur dans son livre publié en 1875, avaient déjà signalé le ralentissement de la nutrition dans cette maladie, — M. Stanislas Meunier appelle l’attention sur la structure bréchiforme des météorites tombées le 1° décembre 1889 à Jelica (Serbie). M. Hermite, président, fait part à l’Académie de la mort de M. Peligot,. Séance du 28 avril 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Emile Picard : Sur une classe d'équations différentielles dont l'intégrale générale est uniforme, — M. E. Cosserat : Observation de la comète Brooks (19 mars 1890) faite à l'Obser- vatoire de Toulouse. 20 SCIENCES PHYSIQUES, — Dans de précédentes commu- nications, M. Sarrau a vérifié, en se servant de don- nées expérimentales relatives à l’acide carbonique, une équation analogue à celles qui ont été proposées par M. Van der Waals et par Clausius pour représenter la relation entre la pression, le volume et la température absolue, Il donne aujourd'hui une nouvelle vérification de cette formule, appliquée à lazote gazeux. En fixant par tâtonnement la valeur de constantes relatives à l'azote qui entrent dans la formule, il a obtenu une série de valeurs qui concordent avec les chiffres trouvés expérimentalement par Regnault et par M. Amagat. — Généralisant leurs travaux antérieurs, MM. J Macé de Lepinay et Ch. Fabry exposent une théorie de la visibilité des franges d’interférence qui s'applique à tous les appareils producteurs de franges. — M. Sto- letow a fait voir que si l’on éclaire par les radiations de l'arc voltaïque la plaque négative d’un condensateur à air, la déperdition produit entre les deux plaques un courant mesurable avec un galvanomètre sensible. En éclairant par les décharges d’une bobine de Ruhm- korff, M. Edouard Branly a vu le disque positif perdre aussi sa charge. Il avait déjà signalé le fait avec une autre disposition. — MM. Berthelot et André ont déterminé les chaleurs de formation et de combustion de divers principes azotés, dérivés de matières albumi- noïdes, tels que la glycollamine, la leucine, la tyro- sine, Pacide hippurique, ete. — M. Léo Vignon a déterminé les quantités de chaleur dégagées par lac- tion des acides et des alcalis caustiques sur la laine et le coton, — M. P Schutzenberger, en soumettant à l’effluve dans un tube scellé des vapeurs de benzine pure et sèche, obtient un produit de condensation qui est oxygéné. Il trouve là une nouvelle preuve de la perméabilité du verre pour l’eau, l'oxygène du produit ne pouvant provenir que de l’eau des armatures à eau 280 ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES acidulée, Il a obtenu les mêmes faits, en opérant sur l’acétylène. — M. L. Amat a étudié les phosphites et le pyrophosphite de plomb. —M. de Forcrand expose la suite de ses recherches sur les érythrates alcalins, et en particulier les combinaisons de l’érythrite avec les alcoolates alcalins. — M. C. Vincent, en faisant tomber goutte à goutte du toluène sur de l’oxyde de plomb chauffé à environ 300°, obtient une grande quan- tité de benzine. Aux températures plus élevées, on obtient très peu de benzine; le produit principal est la stilbène, comme l'ont montré MM. Bebr et Van Dorp. — M. À. Pagnoul communique les résultats de ses expériences sur les variations de la quantité d'azote dans les terres nues ou cultivées, Ces expériences ont été faites dans des vases où la terre était arrosée et drainée, L'azote des récoltes et celui des eaux de drai- nage a été mesuré. Dans tous les cas, il y a eu de l'azote emprunté à l'air, très peu dans le cas de Ja terre nue; l’eau a entrainé de l’azote nitrique, moins dans la terre cultivée que dans la terre nue ; les récoltes enle- vées, il reste encore pour la terre qui a été cultivée un gain considérable d'azote. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Ant. Magnin ayant observé un grandnombredepieds d'Anemone ranunculoi- des envahis par l'Æcidium leucospermum, a trouvé que la plupart de cesindividusétaient complètement stériles et que les autres portaient des fleurs plus ou moins avor- tées ; ilnote que chez ces derniers, les étamines résis- tent mieux à l’atrophie que les carpelles. — M. Ch. De- péret décrit une tortue de terre de grande taille qu’il a découverte dans les limons rouges miocènes supé- rieurs du mont Léberon, Cette tortue serait l'ancêtre de la Testudo perpiniana. — M. À. F. Marion décrit sous le nom de Gomphostrobus un conifère prototypique du Permien de Lodève: Ce Gomphostrobus se rattache aux Salisburiées d’où sont issus les Taxinées, — MM. Apos- toli et Laquerrière ont étudié l’action microbicide du courant galvanique, ils ont constaté que cette action, qui est très nette, est due au dégagement d'acides et d'oxygène au pôle positif, — M. Raymond Tripier si- nale l’existence de l'endocardite tuberculeuse. M. Léauté est élu membre dela section de Mécanique. L. LAPICQUE. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 29 avril 1890. MM. Heckel et Germain Sée : Discussion de prio- rité relativement à leurs travaux sur les substances dites d'épargne en général, la caféine, la noix de kola en particulier, — M. Bertrand a employé avec succès le glycérole boriqué et les lavages boriqués saturés dans le traitement local des pustules varioliques de la face. — M. Forné présente un travail sur la contagio- sité de la lèpre, exposant que cette maladie longtemps cantonnée chez les tribus indigènes de la Nouvelle- Calédonie, a atteint la race blanche (4 cas en décem- bre 1889) et cite un fait indiscutable de transmission, après 4 ans d'un séjour dans une tribu atteinte de lèpre, chez un condamné libéré, belge d’origine, jus- que là indemne. — M. Lancereaux lit un rapport sur des observations de filariose dues : 1° A M. Maurel des- quelles il résulte que la filariose peut rester longtemps à l’état latent, l’état général des sujets atteints demeu- rant excellent. 2° À M. Pedro de Magalhaes (de Kio) qui d’après un décès survenu à la suite d’une opération, antiseptiquement conduite, pour un épanchement chyleux de la tunique vaginale, attire l'attention sur la grande susceptibilité des lympathiques envahis par la filariose et la gravité des opérations qui en résulte. — M. Gariel lit un rapport sur les travaux de M. Grehant relatifs aux accidents dus aux produits de combustion du gaz d'éclairage. La respiration des produits de combustion totale d’un bec argant ne détermine que de l’'anoxhémie; mais, si la combustion est incomplète, l’acétylène et l’oxyde de carbone produits détermi- nent rapidement des accidents d'intoxication, d’où la nécessité absolue d’évacuer les produits de combustion des poêles et becs à gaz ordinaires. — M. Ledentu présente une tumeur du ligament tubo-ovarien, très rare, enlevée chez une femme de 23 ans, déterminée histologiquement par M. Letulle, cystofibrôme végé- tant. Guérison rapide. — M. Périer communique deux observations de corps étrangers des voies digestives : 1° Chez un homme de 36 ans, extraction d’une cuiller à café en ruolz arrêtée dans l’estomac : boutonnière, extraction avec des pinces, suture, guérison, 2° Clhiez une fillette de 10 ans, extraction d’un bouton de manchettes en os, avalé, resté fixé dans la partie supérieure de l’æso- phage, empêchant la déglutition des aliments solides : &æsophagotomie externe, sutures, vomissements ayanét souillé la plaie, enlèvement des sutures, parsement au chloral, alimentation exclusive par lavements de pepto- nes, guérison en 5 semaines. — M. Polaillon présente un cas de grossesse extra-utérine chez une femme de 26 ans, sur laquelle il pratiquait la salpingectomie pour ce qu'il croyait une salpingite; il a trouvé, libre dans la cavité péritonéale, un fœtus de 2 mois 1/2 mort de- pius plusieurs mois; la trompe rompue contenait le placenta. Guérison. Certaines ovaro-salpingites simples ne seraient-elles pas causées par le développement anormal d’un œuf? — M. J. Bæckel (de Strasbourg) relate une observation de laparotomie pour occlusion intestinale chronique chez un homme de 30 ans. L'obs- tacle (dù à une torsion du mésocolon très allongé), enlevé, impossibilité (ce qui est assez fréquent), de réduire l'intestin : entérostomie de 6 centimètres qui permet l'évacuation des gazs et des matières, affaisse- ment de l'intestin, suture intestinale, réduction de l'in- testin, suture abdominale, guérison absolue en 15 jours, maintenue depuis 3 ans. Séance du 6 mai 1890. M. Verneuil fait une communication sur la grippe au point de vue chirurgical. Des faits observés pendant l'épidémie, il résulte : 4° que la grippe engendre des inflammations suppuratives, généralement peu graves primitivement, mais pouvant le devenir par propaga- tion directe ou par infection purulente, devant être trai- tées par les moyens opératoires appropriés qui ont donné des résullats variables suivant l’état général du sujet; 2° qu’en dehors des opérations d'urgence, au- cune autre opération ne doit être tentée avant rétablis- sement complet (dont l'époque, par suite de la longue convalescence et des rechutes fréquentes et graves, est difficile à préciser), en raison des accidents mortels observés, mème pour des opérations peu graves, dans le cours de cette période; 3° que la grippe, à titre de maladie intercurrente, semble exercer une influence pyogénique sur les blessures et opérations ; ce dernier point, les opinions des chirurgiens ne concordant pas, demande à être élucidé par de nouvelles observations. — MM. Van den Corput (Bruxelles) et Moncorvo (Rio) sont élus membres correspondants étrangers. Dr DE LAVARENNE. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 26 avril 1890. M. Charrin a cherché à déterminer d’une façon pré- cise l'influence que la vaccination du sujet exerce sur le développement du virus inoculé. Il a constaté qu'a- près inoculations de quantités égales de virus, cette quantité diminuait graduellement chez le sujet vacciné, tandis qu’elle augmentait indéfiniment chez le sujet non vacciné. Mais en outre, il vient de constater, en observant le bacille pyocyanique, une modification dans la qualité même du virus; en effet, quand ce bacille à passé par un organisme vacciné, il est devenu, au moins temporairement, incapable de produire de la pyocyanine dans ses cultures. — M. Féré à étudié la toxicité de l'urine des épileptiques; il a constaté, pour l'urine sécrétée pendant les heures précédant un accès, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 281 une augmentation du pouvoir toxique, mais surtout du pouvoir convulsivant, l'urine diurne pouvant alors contrairement à la règle se montrer beaucoup plus convulsivante que l'urine de la nuit. Au cours de ses e périences, il a noté chez plusieurs lapins des acci- dents trophiques à longue échéance, — MM. Gilles de la Tourette et Cathelineau ont trouvé que l’hypnotisa- tion diminue la quantité de tous les excreta urinaires en même temps que la quantité de l’urine.— M. Georges Pouchet signale le fait suivant: on observe des Copé- podes qui continuent à vivre et à se mouvoir même avec agilité, malgré la présence dans leur organisme de parasites énormes par rapport à leur taille. — M.Char- pentier a constaté que l'appréciation du poids soulevé par une main est influencée par leffort que l’autre main exerce au même moment. — M. Verdin pré- sente un sphygmographe à transmission perfectionné. Séance du 3 mai 1890 M. Féré a essayé sans succès l’élongation des nerfs dans trois cas d’hémichorée, — M. Onanoff signale l'intérêt que présente comme moyen de diagnostic le réflexe bulbo-caverneux, c'est-à-dire la contraction brusque des muscles ischio et bulbo-caverneux pro- duite par une excitation mécanique du gland. Il in- dique le procédé d'exploration de ce réflexe et ses variations en rapport avec l’état de la moelle. — M. Jules Mascarel a obtenu d'excellents effets dans le traitement de la paralysie faciale périphérique, en excitant par un courant faradique faible successive- ment les diverses branches du facial; une aiguille de platine est piquée dans la direction du trou stylo- mastoiïdien, l’autre électrode est piquée successivement dans les diverses régions de la face. — M. Charpen- tier, sur ses expériences relatives à la sensation du poids, construit une théorie physiologique de la sensa- tion de l'effort, — M. Poncet à étudié la teneur en micro-organismes de l’eau de la source de la Grande- Grille (Vichy). La quantité de germes contenue dans l’eau recueillie à la source est de # à 9 par centimètre cube ; l’eau conservée en bouteilles en renferme en- viron 1500 pour le même volume. — M. Roger a fait des expériences pour déterminer l'influence des para- dysies vaso-motrices sur l’évolution de l’érysipèle chez le lapin. Si on arrache le ganglion cervical supérieur d'un côté, l'oreille du côté lésé paraît d’abord plus atteinte que l’autre,mais elle guérit plus vite et mieux. M. Roger a constaté directement que la section du sympathique accroit notablement la diapédèse; c’est donc probablement à un phagocytisme actif qu'il faut attribuer les phénomènes. — M. Phisalix distingue deux sortes de glandes cutanées chez la salamandre terrestre; les unes, spécifiques à réaction acide, les autres muqueuses à réaction alcaline. M. Gilbert est élu membre de la Société, L. LaPICQuE. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 2 mai 1890, M. Paul Janet communique les résultats de ses recherches sur l’aimantation transversale des conduc- teurs magnétiques (1). Un courant qui traverse un corps à trois dimensions donne naissance à un champ magnétique qui comprend aussi bien l'intérieur que l'extérieur du conducteur ; si ce conducteur est magné- tique, il peut s’aimanter ; M. Janet à traité par le calcul cette question compliquée, et est arrivé à des résultats très généraux et très intéressants ; dans le cas particulier des cylindres circulaires ou elliptiques, il est parvenu à résoudre complètement le problème. Il projette les spectres obtenus 1° avec un conducteur cylindrique de section circulaire ; dans ce cas les lignes de force sont circulaires, aucun phénomène magné- tique ne se manifeste à l'extérieur, mais si la barre est (1) Ces recherches ont été présentées comme Thèse à la Faculté des sciences de Paris; la Revue donnera une analyse du mémoire de M. Janet, coupée en deux par une seclion longitudinale, on peut mettre en évidence les extrémités libres des filets solénoïdaux; 2 avec un conducteur cylindrique de section elliptique; dans ce cas il existe une distribu- tion superficielle du magnétisme sur le contour du cylindre, — M. L. Poincaré fait au nom de M, Ma- thias une communication sur la chaleur de vaporisa- tion des gaz liquéfiés; il décrit les expériences dont la Revue a rendu compte dans son dernier numéro (page 245). Lucien Poincaré, SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séances du 28 mars et du 11 avril 4890, M. Wladesco a retiré des produits supérieurs des esprits de bois diverses acétones parmi lesquelles la mé- thyléthylacétone et la méthylpropylacétone.— M. Klobb décrit des permanganates doubles d’ammoniaque et de divers métaux. — M. Cloez a constaté que l'acide oxyté- trique estidentique à l'acide mésaconique, —M.F.Jean présente un nouvel appareil. l’oléoréfractomètre qui permet de différencier les diverses huiles et graisses d’après leurs indices de réfraction, — M, Couturier a obtenu le dipropylène C$ H' par l’action de l'acide sulfurique concentré sur la pinacone. — M. Genvresse a étudie des dérivés bromés et chlorés de l’éther carba- cétique. — M. Carnot indique les détails du dosage du manganèse par précipitation au moyen de l’eau oxy- génée, ainsi que de la séparation du nickel et du cobalt par le même réactif. Séances du 25 avril et du 3 mai M. Lespieau présente un ébullioscope permettant de déterminer les poids moléculaires d’après la mé- thode de M. Raoult, — M. Gorgue décrit de nouvelles expériences relatives à l’action de l’eau oxygénée sur le protoxyde de manganèse. — M. Genvresse à obtenu des combinaisons de l’acétylacétone avec les aldéhydes. — M. Béhal décrit un isomère de la chloralimide, — M. Monnet envoie une note et des échantillons d’une nouvelle matière colorante, la cyclamine. — M. Villon indique un procédé pour la décoloration des tannins industriels. — M. Ehrmann expose des idées nouvelles sur la constitution ües matières colorantes phéno- liques ou quinoliques. — M. Zune présente un réfrac- tomètre destiné à l'étude des corps gras. D' HAxrior, SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 2% avril SCIENCES PHYSIQUES. — M. W. N. Shaw décrit un dis- positif qu'il à imaginé pour étudier l’écoulement de l'air et qui est analogue au dispositif du quadrilatère de Wheatstone pour l'étudede l'écoulement de lélectri- cité, L’appareilconsiste en deux boîtes pleines d’air réu- nies par un tube. À l’intérieur est placé un indicateur qui se compose de deux trés petites aiguilles à coudre plantées parallèlement dans un morceau de moelle de sureau ; les aiguilles portent de très légères plaques de tale à l’une de leurs extrémités, le tout est en équilibre sur la pointe d’une aiguille très fine et constitue ainsi un indicateur très sensible des courants d'air. Le cou- rant d’une boite à l’autre est produit par un brûleur à gaz ; les variations de ce courant correspondent à ceux de la force électromotrice d'une batterie ; l'ouverture du circuit du galvanomètre correspondà l'ouverture du tube qui réunit les deux tubes, lorsqu'aucun courant ne traverse le galvanomètre, il n’y a pas d'écoulement d’air dans ce tube, ce qu'on peut aisément constater à l'aide de l'indication décrite ci-dessus, M. Shaw a com- paré les effets d’une ouverture circulaire et d'une ouverture rectangulaire et il a constaté que la loi de la proportionnalité des accès se vérifiait, Il a également démontré expérimentalement que l’absence d’écoule- ment est indépendante de la hauteur totale. — M. Shelford Bidwellexposeles effets de la tension sur 2 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES les changements magnétiques de longueur des fils de fer, de nickel et de cobalt, En 1886, il avait communi- qué à la Société quelques expériences relatives aux allongements et aux contractions magnétiques des fils de fer sous tension. (Proc. Roy. Soc.n° 243,257). Il donne maintenant les résultats d’une série d'expériences où ont été déterminés d'une manière continue les chan- gements de longueur subis par un fil de fer tendu pen- dant que la force magnétique croissait graduellement depuis une valeur très petite jusqu'à 375 unités ce g.s. environ, Des expériences semblables ontaussi été fai- tes sur un fil de nickel et sur une bande mince de co- ball, métaux qui n'avaient jamais été étudiés sous tension, L'auteur a constaté que la tension diminue lPallongement magnélique du fer et que si la force magnétique est plus petite, la contraction se pro- duit sous l’influence de la tension, Dans les champs faibles la contraction magnétique du nickel est di- minuée par la tension. Dans les champs de plus de 140 ou 150 unités, la contraction en est augmentée par la tension jusqu'à un point critique qui dépend de la force du champ : elle diminue pour les tensions plus fortes. La contraction magnétique du cobalt (pour les champs magnétiques jusqu'à 500 unités ce. g. s. et les pressions qui vont jusqu'à 772 kg. par cent. carré) n'est pas sensiblement modifiée par la tension, — M, C. V. Boys expose ses recherches sur la chaleur de la lune et des étoiles, Le radio-micromètre qu'il a construit (V. pour sa descriplion Philosophical trans- actions 1889) possède une grande supériorité sur foules les piles thermo-électriques pour la mise en évidence et la mesure des petites quantités de chaleur ; il vient de Putiliser pour l’étude de la chaleur de la lune et des étoiles ; il a construit pour cet usage un télescope (le miroir de verre argenté a 16 pouces d'ouverture, 67-8 pouces de foyer) disposé de telle sorte, que quelle que soit la direction dans laquelle il est pointé, le foyer des rayons émanés d’une étoile se trouve toujours à la surface réceptrice du radio-mieromètre. M. Boys a cons- taté que dans le cas de la nouvelle lune, la chaleur va diminuant depuis le voisinage du bord convexe jusqu’au bord concave e: que la partie sombre ne rayonne pas d’une quantité de chaleur sensible au radio-micromètre. Des résultats analogues ont été obtenus pour la lune à son premier quartier; le maximum dechaleur se trouve sur le disque mème de la lune et non sur le limbe, A la pleine lune, ce maximum est au centre : et le côté de la lune qui a été exposé au soleil de 7 à 14 jours n'est pas plus chaud que celui qui a été seulement exposé de 0 à 7 jours. M. Boys n’a observé aucune déviation de l'aiguille dans les nombreuses expérien- ces qu'il a faites sur les planètes et les étoiles: et ce- pendant le radio-micromètre est sensible à la flamme d’une bougie placée à 3,084 yards. Séance du 1° mai 1890, 1° SGIENGES PHYSIQUES. — M, J. Hopkinson a étudié les propriétés magnétiques de divers alliages de nickel et de fer, dont voici la composition centésimale : Ni (@ Mn S 12 Si AM 0.97 0.58 0.03 0.0% Be 4.7 0.23 0.01% 0.03 traces Cr 4.7 0.57 0,03 i.0% D’ 22.0 ie 24.5 0.27 0.85 0.01 0.04 0.02 F 30.0 ï 34.0 0.28 0.50 0.01 0.02 H 73.0 0.18 0.30 0.01 0.01 Les expériences faites sur l'échantillon A à diverses tem- pératures ont montré que la force coercitive est plus considérable et le maximum d’induction plus élevé que dans le fer à peu près pur, L'échantillon B pré- sente deux températures critiques, lune où il cesse d’être magnétique si la température s'élève, l’autre 150° C, au-dessous de laquelle il redevient magnétique. Entre ces deux températures, la substance peut exister à l’état magnétique ou à l’état non magnétique. L'é- chantillon C présente les mêmes caractères, mais à une température plus basse, L’échantillon D n'a pas été examiné en aussi grand détail, mais ses propriétés magnétiques sont analogues à celles de l’alliage E. Cet alliage qui à été étudié depuis des températures infé- rieures à 0° jusqu'à 58v° C. peut exister à deux états qui sont stables tous deux, l’un magnétique, l’autre non magnélique, Il passe de l’état non magnétique à l’état magnétique, si la température s’abaisse un peu au- dessous de 0; la substance ne peut passer de l’état magnétique à l’état non magnétique que si la tempé- rature s'élève à 5809 C. Le passage de l’état magnétique à l’état non magnétique a lieu à basse température pour l'échantillon F, la substance à des caractères magnétiques très différents de ceux de l'échantillon E. Pour l’échantillon G les températures de changement d'état sont très voisines l’une de l’autre. La tempéra- ture crilique de échantillon H est à 600° et elle est la même pour l’abaissement ou pour l'élévation. 2° SGIENCES NATURELLES. — Le prof, J. Burdon San- derson à étudié à l’aide de la photographie la durée des phénomènes qui se produisent dans le muscle pendant la période d’excitation latente. Il s’est servi pour cette étude des muscles gastrocnémiens et sarto- rius de la grenouille, Les expériences faites sur ce dernier muscle ont démontré que l'intervalle entre l'excitation et le commencement de la contraction est de + de seconde, On ne s’est servi du musele gastro- cnémien que pour la mesure du retard de l’exei- tation indirecte: l'intervalle entre l'excitation et le commencement de la contraction varie de 0,0025 à 0,0035 de seconde. Dans le muscle la réponse élec- trique commence à 0,004 seconde ef est au maximum à environ 0.012 seconde après l’excitation le nert étant excité à 12 mm. du muscle. Si l’on déduit le temps de la transmission le long du nerf, on voit que le temps qui s'écoule entre l'excitation et la réponse est de 0,0035 seconde, La réponse électrique est done contemporaine de la réponse mécanique, elle ne la précède pas. — MM. Charles A. Ballance et S. G. Shattock, présentent une note sur des recherches ex- périmentales sur la pathogénie du cancer; la méthode qu'ils emploient consiste à rechercher s’il existe dans les tumeurs malignes un micro-organisme que l’on puisse cultiver artificiellement. Les résultats sont jus- qu'à présent négatifs, mais les expériences sont con- tinuées. Il se peut cependant que le parasite n'appar- tienne pas au groupe des protophytes, mais à celui des protozoaires el dans ce cas on s’expliquerait aisément les difficullés de la culture artificielle, — Le D' A. M. Patterson a éludié le développement du système ner- veux sympathique chez les mammifères; il a fait porter ses recherches sur des embryons de rat, de souris, de lapins, et sur des embryons humains. Il a commencé ses recherches à ce moment du dévelop- pement ou le système sympathique est bien visible, Les principales conclusions auxquelles il est arrivé sont que le système sympathique chez les mammifères est d’origine mésoblastique, qu'il se forme in situ dans le tissu cellulaire qui entoure l’ascite embryonnaire, et qu'il est d'abord entièrement indépendant du système nerveux cérébro-spinal, Il est d’abord uniforme et sans segments et ressemble sous ce rapport aux organes qui se trouvent dans l’aire viscérale, le système vas- culaire et le système digestif avec lesquels il affecte d’étroites relations tant au point de vue des fonctions qu'à celui de la structure. Ce n’est que secondairement qu'il s'unit à certains nerfs spinaux grâce au dévelop- pement des derniers des ami communicantes blancs; il présente alors des ganglions irrégulièrement dis- persés. De la tige principale naissent des prolonge- ments qui forment les nerfs périphériques non mé- dullaires, les plexus, et les ginglions, ainsi que les portions médullaires des corps surrénaux. Richard A, GRÉGORY, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 283 SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 18 avril 1890, Le professeur Rücker communique les résultats des mesures magnétiques qu'il a récemment effectuées . en collaboration avec M. Thorpe. Ce mémoire a déjà été lu à la Société royale de Londres et la fievue en a rendu compte (p. 250), — M. Whipple fait remarquer le grand intérèt de ce travail, qui signale pour la pre- mière fois une relation entre la déviation magnétique etla constitution géologique. — M. Bla Kesley lit: un mémoire de M. Osmond sur une théorie du magné- tisme permanent. L'auteur établit que le fer existe sous deux états physiques différents : lun doux ou fer &, l’autre dur ou fer 8. La variété 8 n’est pas magnétique, on l’obtient par échauffement, martelage à froid, ou électrolyse, tandis que la variété &« se pro- duit par un recuit prolongé. M. Osmond considère une barre d'acier comme constituée par un mélange intime des deux variétés, le fer 6 formant une sorte de canevas non magnétique entremêlé de molécules de fer & pola- risables et mobiles, Après le déplacement produit quand on place la barre dans un champ magnétique, les molécules polarisées ne reprendront pas leur posi- tion, empêchées qu’elles seront par le canevas formé du fer 6; on obtiendra ainsi un aimant permanent, La méthode graphique permet d'établir que le magné- tisme permanent sera maximum, quand les deux variétés seront en égale quantité. Si la proportion de carbone ou de manganèse est considérable, tout devra se passer comme s'il n’y avait plus que la variété f, et l’acier ne sera pas magnétique, — M. Schwin- burne dit que la théorie proposée devrait rendre compte de l'augmentation d’induction qui se produit quand le cireuit d’un aimant permanent est fermé, D'après des expériences récentes qu'il a effectuées, la perméabilité dans une certaine direction est différente, après Pai- mantalion de ce qu'elle était auparavant, dans une direction perpendiculaire à la première. — M. Ayrton fait remarquer que la théorie de M, Osmond n’explique pas l'influence considérable que produit sur l’aimanta- lion du fer la présence d'une proportion, même très petite, de tungstène. SOCIÈTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 17 avril 1890 MM.Thorpe et Tutton: Oxyde phosphoreurr. Les auteurs ontrepris soigneusement l'étude de Poxyde phosphoreux; leurs résultats sont les suivants, L’oxyde phosphoreux fond à 229,5. Il sevolatilise sans altération dans une at- mosphère d'acide carbonique ou d'azote à 1739, il eristal- lise par fusion dans le système monoclinique. Le poids” moléculaire déduit de la densité de vapeur et de la mé- thode de congélation de Raoult conduit à la formule P'06, L'eau froide agit lentement sur l'oxyde phospho- reux, contrairement à l'opinion recue, Au bout de plu- sieurs jours il ne s’est dissous qu'une petite quantité du corps donnant naissance à de l'acide phosphoreux POSHS, L'eau chaude agit très violemment, en donnant naissance à du sous-oxyde rouge, de l'acide phospho- rique et du phosphure d'hydrogène spontanément inflammable, Les alcalis agissent d'une facon analogue, Avec l'alcool on obtient de l'acide diéthylphosphoreux d’après l'équation: OCH5 OC?H$ + 2H20 OH L’oxyde phosphoreux se transforme spontanément à l'air en anhydride phosphorique et l'oxydation est rendue apparente, Sous de faibles pressions, par la production d’une trainée lumineuse, L'oxyde fondu brûle avec beaucoup d'éclat dans l’oxygène. Par suite de cette action il peut se produire des explosions assez violentes dans la distillation de l’oxyde phosphoreux. L'oxyde P+O6 + 8(C2H5OH)— 4P phosphoreux possède une action physiologique très marquée, et c'est probablement à lui que l’on doit rap- porter l’action du phosphore sur la fonction glycogé- nique du foie, ainsi que la carie de la mâchoire qu'on rencontre chez les ouvriers employés à la fabrication des allumettes. — M. A. Pedler : Action du chlore sur l'eau en présence de la lumière etaction de la Lumiére sur certains composés acides du chlore. Ces expériences ont été faites à Calcutta où l'intensité de la lumièreest telle qu'une solu- tion aqueuse dechlore, entre en effervescence quand on expose au soleil, La combinaison du chlore avec lhy- drogène se produit d’autant plus rapidement que la solution est plus étendue. Quand il y a moins de 100 molécules d’eau pour une de chlore, l’action est à peine sensible, même au soleil des tropiques. Une dissolution très étendue (à environ 700 molécules d’eau pour une de chlore) donne à la lumière solaire la réaction 2H20 + 2C2— 0° + 4H CI; à la lumière diffuse il se forme de l'acide hypochloreux et de l'acide chlorique. — M. A. Pedler : Note sur l'explo- sion de l'hydrogène sulfuré et du sulfure de carbone avec L'air et l'oxygène. Dans l'explosion d’un mélange d’air et de vapeur de sulfure de carbone, une portion de l'azote peut ètre oxydée et il se forme divers composés, entre autres des cristaux des chambres de plomb, — M. A. Pedler : Action de la lumière sur le phosphore : quelques propriétés du phosphore amorphe. —K. S. Kipping. Action de l'an- hydride acétique sur les acides gras. L'auteur a pu obtenir par l’action de l’anhydride phosphorique sur Pacide stéarique l’acétone stéarique et avec l'acide heptylique la dihexylacétone (CCH1#)2CO. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 20 mars 1890 M. Kronecker : Sur la théorie des fonctions ellip- tiques, Séance du 27 mars 1890. M. Klein expose une méthode pour l'examen des propriétés opliques de cristaux entiers ou de frag- ments de cristaux. Il les enveloppe d’une résine ou d’un baume ayant sensiblement la mème réfrangibilité que les cristaux à examiner. Séance du 10 avril 1890, M. de Bezold expose quelques théorèmes sur la thermodynamique de l'atmosphère. Il s'occupe en pre- mier lieu de l’influence exercée par le mélange de cou- ches d’air à des températures différentes et presque saturées de vapeur d’eau, sur la formation des brouil- lards et des nuages, Hutton avait attribué à ce phé- nomène une influence trop grande, Wettslein l'avait trop négligée, Hann avait démontré l'influence du mé- lange, mais en même temps il prouvait que l’expan- sion adiabatique joue un rôle plus considérable, D’a- près M. Bezold des considérations thermodynamiques, basées sur des méthodes graphiques, démontrent que le mélange d’air chaud saturé de vapeur d’eau, avec de Pair froid non saturé, peut causer beaucoup plus facilement des condensations que celui d’un cou- rant d'air froid saturé de vapeur d’eau avec une couche d'air chaud non saturé. Les quantités d’eau condensée sont très petites; l’action des expansions adiabatiques et du refroidissement direct l'emporte de beaucoup, Si l'on mêle, par exemple, sous une pression de 700 mm., de l'air à 0° et à + 20° saturé de vapeur, on n'obtient que 0,75 gr, d’eau pour chaque kg. du mélange qui aura une fempérature finale de + 11°, Un refroidisse- ment direct de + 20° à +19, 2, ou de + 20°à + 189,4 par une expansion adiabatique, suffirait pour produire la même quantité d’eau, Si l'air contient des particules d’eau suspendues, une évaporation et un abaissement de température peuvent se produire sous linfluence d’un courant d’air chaud. Si l'air est saturé mécani- quement mais non hygroscopiquement, l’abaissement peut se produire, même si l'air chaud qui entre est sa- 284 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES turé de vapeur. Si au contraire l'air froid est aussi saturé de vapeur, l'air chaud qui entre doit être sec. 11 faut en conclure que des mélanges d’eau liquide et d'air non saturé doivent se refroidir, et que ce refroi- dissement doit être d'autant plus sensible que Pair est plus éloigné de son point de saturation, et que la quan- tité d’eau est plus grande. C’est ce qui explique que la couche limite d'un brouillard ou d’un nuage se dis- solve à une température plus basse que les couches supérieures ou inférieures à cette limite; ce fait a été observé à plusieurs reprises dans des voyages en bal- lon, Dr Hans Janx, SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE BERLIN Séance du 18 avril 1890. M. Planck expose les résultats de ses calculs sur la différence de potentiel entre des électrolytes binaires. Il suppose que les molécules dissoutes ne sont sou- mises qu'aux forces osmoliques et électrostaliques. Les solutions sont tellement diluées que toute action chimique est exclue. D'après les recherches de Kohl- rausch, les ions ont des mobilités spécifiques. Il pose cette mobilité pour RNA PAT RENE A CIE Supposons à présent une solution d'acide chlorhy- drique en contact avec de l’eau pure. Les ions positifs c’est-à-dire l'hydrogène, émigreront à cause de leur plus grande mobilité, de sorte qu'une charge élec- trostatique se forme, chaque gramme d'hydrogène emportant avec lui 9628 unités d'électricité. Grâce à cette charge électrostatique il y à une attraction exercée sur les particuies du chlore restées en arrière, qui se manifestera par une différence de po- tentiel, D’après les calculs de Planck cette différence de potentiel entre deux solutions contenant un nombre quelconque de substances est donnée par la formule : ?, —9,—(0,02507 log Ë) volt, E dépend du rapport des concentrations totales des ions de même charge, donc du rapport des deux sommes : +0 + ec +...—C, CCC — Posant pour l'énergie totale et le volume total des ions positifs U, resp. V, et les mêmes grandeurs avec l'indice 2 pour les ions négatifs, nous aurons : F Raate £ log Au log log — + logË Si C, est égal à C, nous aurons : , ! UE U, + Et si, en outre, nous supposons que dans chaque solution il n'y a qu'une substance dissoute et que les deux substances ont le même anion, nous aurons : [an I u, +, u, +0, Planck a comparé les valeurs calculées d’après cette formule avec les différences de potentiel que Nernst a observées directement : ?,— 9, —= 0,02507 log Observation Calcul FCUIENACIEEES +-0.028% —+-0.0282 H C1 | NaCI..… +0,035 40.034 HICUTMEANCIESE —+-0.040 —+-0.0358 Na OI | NaCI. +-0.0040 +0.0052 Na Cl] Hi Cl. +-0.0069 +-0.0077 Na CI | Hi CI... —+0.0025 +-0.002% La concordance entre les deux colonnes est en effet surprenante. Dr Hans JAH. SOCIÉTÉ DE PHYSIOLOGIE DE BERLIN Sance du 25 avril 1890, M.J.F.Heymans: Sur lesfibres myéliniques etamyé:- liniques. Des nerfs fixés par l'acide osmique ne se déco- lorent plus ni par l'alcool à froid ou à chaud ni par l’éther; la myéline ou lécithine est demeurée insoluble, le protagon et la cholestérine au contraire se dissolvent encore dans l'alcool à chaud, Les fibres nerveuses fixées ainsi par l’osmium et desquellesle protagon et la choles- térine ont été extraits ne présentent pas de réseau dans la gaine myélinique ; la lécithine n’imprègne donc pas seulement les trabécules du réseau névrokératinique. Les nerfs de la rate chez les ruminants, les nerfs car- diaques sympathiques du chien, les rameaux périphé- riques du ganglion cervical supérieur du lapin sont constitués presque execlüsivement par des fibres myéli- niques, Les rami communicantes sont formés exclusi- vement par des fibres myéliniques et celles-ci perdent la myéline au niveau des cellules ganglionnaires. D’après l’auteur les fibres amyèliniquessontrectilignes et sans anastomoses entre elles; elles sont constituées par une partie cylindre-axile homogène, entourée d'une gaine protoplasmatique qui est probablement close à sa périphérie par une membrane limitante. La fibre amyélinique ne se noircit pas par l'acide osmique et ne donne pas directement dans l’eau des formations myéliniques. Les fibres du nerf olfactif du brochet sont toutes amyéliniques et constituées probablement d’après le mème type que les fibres amyéliniques du système sympathique. — M. W. Corol de New-York communique les résultats d’une étude comparée qu'il a faite sur les manomètresde Fick, de Gad, de Hürthle et de l’auteur, Le manomètre de Hürthle est un tambour de Marey en petit; celui de Fick, un petit tambour de Marey avec un ressort métallique; celui de Gad un petit tambour de Marey dans lequel la membrane de caoutchouc est remplacée par une membrane métal- lique; celui de Corol un tube de caoutchouc entouré de fil de soie, La pression sanguine moyenne, les varia- tions respiratoires ainsi que les variations périodiques du sigmographe de Mayer s’enregistrent facilement par ces manomètres, comme elles l’étaient déjà par le ma- nomètre à mercure, Mais les manomètres inscriraient en outre fidèlement les différentes phases de la variation de la pression qui accompagne l’onde sanguine. A ce point de vue des expériences de contrôle, dans les- quelles des variations de pressions connues furent pro- duites avec des vitesses connues, démontrèrent que le manomètre de Gad donne des courbes exactes dans une plus grande étendue que les autres manomètres. Tou- tefois l'appareil qui enregistrerait exactement à chaque moment la pression qui existe dans une artère {raver- sée par les ondes sanguines, est actuellement encore à construire. Les expériences de M. Corol démontrent en outre qu'en principe la transmission par l'air, quand il s'agit de variations brusques de la pression, est su- périeure à celle par des liquides, J. F, Heymans. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 17 avril 1890. 41° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Weiss discute les résultats de diverses observations sur la comète téles- copique découverte par Brooks le 20 mars 1890, Des éléments calculés, il résulte que la comète atteindra au commencement de juin lors de son passage au périhé- lie son maximum d'éclat, quatre fois environ celui qu’elle avait au moment de sa découverte; elle dispa- raitra pendant l'automne au milieu des rayons solaires et reparaîtra de nouveau. Vers la fin de l’année et en janvier 4891, son éclat sera redevenu égal à l'éclat primitif, — Le D' Oppenheim adresse des observations sur l'orbite de la comète 1846, VIT, Per ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 28 © 20 SCIENCES PHYSIQUES, — M. Anton Lampa commu- nique des remarques sur la théorie de l'électricité at- mosphérique proposée par M. Arrhénius. Les recher- ches récentes relatives aux effets de la lumière ultra- violette sur les corps chargés d'électricité ont sug- géré à M. Arrhénius une théorie de l'électricité atmosphérique. D’après lui, l'air atmosphérique serait rendu bon conducteur par une illumination de radia- tions ultraviolettes et l'électricité négative qui charge la surface de la terre pourrait s’écouler à travers l'air ainsi éclairé ; l'électricité des orages aurait pour ori- gine une décharge semblable à celle que l’on observe avec un plateau de métal brillant chargé négativement et subitement éclairé. Cette ingénieuse théorie donne lieu à de nombreuses objections, les substances qui forment la surface terrestre ne sauraient être assimi- lées à des métaux brillants, Si on répète les expé- riences de décharge par lillumination, en remplacant le métal par divers minéraux ou végétaux, les résul- tats observés sont différents ; tandis qu'un éclai- rement de 5 secondes fait perdre complètement sa charge à un plateau de zinc, un éclairement de 30 se- condes diminue à peine la déviation d’un électromètre mis en relation avec l’une des substances que l’on ren- contre sur le sol, — M. Albert von Obermayer com- munique des expériences sur des effets de pression produits par des décharges électriques continues, Si l’on décharge par une ou plusieurs pointes l'électricité fournie par une machine à double influence, contre un plateau de cuivre vertical, on constate que lon peut maintenir sur ce plateau des feuilles de papier pesant jusqu'à 2.200 grammes. — M. J. Hann : Sur le maxi- mum de pression de novembre 1889 dans le milieu de l'Europe, remarques générales sur les maxima baro- métriques. L'auteur a dressé des cartes des éléments atmosphériques; il a utilisé particulièrement les ré- sultats fournis par les nouvelles stations à grande hau- teur sur les Alpes et aussi les données obtenues au Pic du Midi et au Puy-de-Dôme; il discute en détail les observations, et en tire diverses conséquences relatives aux mouvements généraux de l'atmosphère ; en parti- eulier il établit qu'il y a lieu de distinguer, comme le fait d’ailleurs M. Teisserence de Bort, les cyclones et an- ticyclones dynamiques et thermiques, — M. Grünvald présente des considérations sur le spectre de l'hydro- gène et sur la composition de l'hydrogène, Balner à montré que les longueurs d'onde d’une partie des radia- tions du spectre delignes de l'hydrogène(Ha,H6,Hy,H3,...) sont liées par une relation simple: — PTE = 6.) k étant une constante indépendante de m; si l’on pose m—n + 2, on voit que l’on aura x One Pt Na k SUV EPP SE DE À , An Ân 3 1 mu, CR 2 # . nes me Hurt ose T (n—2} ... Si l’on admet que cette relation entre les longueurs d’onde correspond à une relation analogue relative au groupement des atomes qui constituent la molécule d'hydrogène, on arrive à une idée simple sur la consti- tution de cette molécule. On peut aussi conclure de là des conséquences sur la constitution des constellations, en supposant une analogie entre la disposition des étoiles qui les constituent, et la disposition des atomes formant la molécule, — M. H. Paschkis et A. Smitu étudient la Lobeline. C’est un alcaloïde huileux qui s’extrait du Lobelia inflata. On fait digérer la plante dans de l’eau acétifiée à une douce chaleur, puis on concentre et l’on filtre, on obtient un corps ayant la sa- veur du tabac, De l'étude des composés, particulière: ment des sels fournis par cet alcaloïde, les auteurs concluent que l’on doit ranger la lobéline, dans la série aromatique, — M. Tschermak communique des considérations sur le groupe des chlorites. Il à étudié cristallographiquement et optiquement ces minéraux; il confirme les vues émises par M. Mallard sur l’unité de cristallisation des chlorites et montre l’analogie avec la forme de la Biotite. 39 ScIENCES NATURELLES. — M. Janosic adresse un mé- moire intitulé : « Remarques sur le développement du système génital. » Emil WEYR, Membre de l'Académie. ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séance du 4 mai 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Tacchini a réuni en quatre tableaux trimestriels les valeurs de la fré- quence relative de tous les phénomènes solaires obser- vés pendant l’année 4889. Les deux hémisphères du soleil ont été divisés en zones de dix en dix degrés; les moyennes concernent les protubérances, les facu- des, les taches et les éruptions solaires, On reconnait de cette manière que les phénomènes solaires furent toujours plus fréquents dans l'hémisphère austral, avec cette particularité, que lazone du maximum des protu- bérances reste toujoursentre les parallèles —40° et— 50, Les protubérances se montrèrent à des latitudes élevées, où l’on n’observe jamais ni facules,nitaches,ni éruptions, On trouve encore des zones qui présentent seulement des facules, tandis que dans les zones des taches, les facules ne manquèrent jamais. — M. Millossevich en- tretient l’Académie de l'orbite de la petite planète (264) Libussa, orbite qu'il avait déjà calculée en deux oppo- sitions : dans la troisième opposition il a retrouvé la planète très peu éloignée du lieu qu'il lui avait assigné par le calcul. M. Millossevich donne les corrections à apporter aux éléments de la planète, en tenant compte des perturbations causées par Jupiter et par Saturne sur son mouvement, — M, Bianchi : Sur une classe de groupes fuchsiens, réductibles en groupes modulai- res, — M, Marcolongo : Sur les géodétiques tracés sur les quadratiques qui n’ont pas de centre, — M. Ciani. Sur les surfaces algébriques symétriques. 20 ScIENCES PHYSIQUES. — M. Oddone donne la des- cription des expériences qu'il a faites à l’Institut de Phy- sique de Rome pour déterminer si les liquides diélec- triques changent de volume, comme M, Quincke l'avait annoncé sous l’action des forces électriques. M. Oddone s’est servi de l'appareil de M. Quincke légèrement modifié ; il produisait l’électrisation des liquides avec une machine de Holtz, ou avec la décharge d’une bat- terie, et il examinait les variations du liquide contenu dans un tube capillaire, à l’aide d’un microscope à mi- cromètre oculaire, Les liquides soumis à l’électrisation furentles huiles de colza, d'amandes et d’olive, l’éther, le chloroforme, Or les recherches de M. Oddone dé- montrent que, sous l’action des forces éleclriques, les liquides ne changent pas de volume ; les dilatations que l’on peut observer, sont causées par la chaleur produite, soit par les polarisations successives des mo- lécules en mouvement, soit par le passage de lélectri- cité à travers un diélectrique imparfait. — MM. Ciami- cianet Silber, qui avaient déjà publié leurs recher- ches sur l’apiol, montrant son analogie avec le saphrol, décrivent dans une nouvelle note les analogues que l'apiol présente avec l'eugénol et les transformations de ces trois substances traitées avec de la potasse alcoo- lique ; transformations que MM. Ciamician et Silber ont découvertes en même temps que M. Eykmann, dont les {ravaux ont été communiqués à la Société chimique de Berlin, — M, Magnanini, poursuivant ses recherches sur la conductibilité des solutions d’acide borique en présence de mannite, établit que dans ces solutions il existe une combinaison acide des deux substances, dans le rapport de trois molécules d'acide bori- que pour une molécule de mannite. Cette combi- 286 COURRIER DE BERLIN naison exisle seulement en présence de ses pro- duits de décomposition, etelle est dissociée par leau. La quantité est fonction, à température constante, du vo- lume et des quantités d'acide borique et de mannite mises en présence, et elle reste déterminée pour ces substances par les lois de l'équilibre chimique. De ma- nière que des quantités différentes d'acide borique et de mannite étant données, dissoutes dans un certain volume d’eau, la conductibilité électrique reste déter- minee parles mêmes lois, C’est un résultat intéressant parce qu'il permet une nouvelle application de la con- ductibilité électrique des solutions à l’étude de leur constitution, —M. Augeli rapporteles réactions qui lui ont permis d'obtenir la diméthyléthylène-diamine,subs- tance isomère de la tétraméthylène-diamine ; et dans une deuxième note il s'occupe des produits de conden- sation de l’œacétylpyrrol avec le benzyl. —MM. Zatti et Ferratini communiquent leurs recherches sur les dérivés acétiliques de l’indol. —M. Costa a déterminé, à l’aide de la méthode eryoscopique de Raoult, le poids moléculaire du bichlorure de soufre. Il a trouvé, avec des solutions dans l'acide acétique et dans le benzol, que le poids moléculaire correspond parfaitement à la formule SCL. De cette manière ne peut plus subsister la supposition que le bichlorure de soufre nesoïit autre chose qu’une solution de chlore dans le protochlorure. M, Costa a déterminé encorele pouvoir de réfraction du bichlorure de soufre, et a trouvé que le soufre et le chlore présentent la même réfraction atomique, autant dans le protochlorure que dans le bichlorure. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Magini appelle l’'at- tention des savants qui s'occupent de biologie, sur un nouveau fait histologique qu'il a découvert dans le lobe électrique de la torpille adulte. M, Magini a vu que loutes les grandes cellules nerveuses motrices présen- tent le karioplasme et le nucléole déplacés d’une ma- nière excentrique, et orientés précisément dans la direction des nerfs électriques; tandis que dans les torpilles très jeunes (dont le lobe et l'organe élec- trique ne sont pas encore complètement développés) les cellules motrices présentent le karioplasme et le nucléole au centre même de la cellule. Ces faits ont conduit l’auteur à penser que le déplacement des cellules motrices et du lobe électrique coïncide avec le commencement de l'excitation. Il a étudié les cel- lules motrices nerveuses de la moelle épinière de plusieurs animaux (chiens, chats, grenouilles) empoi- sonnés avec des narcotiqnes (morphine, éther, chloro- forme) ou avec des excilants énergiques (strichnine, courants électriques) et il a reconnu que dans les cellules des animaux narcotisés se trouvent en plus grand nombre les nucléoles centraux tandis que dans les cellules motrices des animaux violemment excités on trouve, au contraire, plus nombreux les nucléoles excentriques., M, Magini ajoute des observations sur ces faits et sur la relation qu'ils peuvent avoir avec la fonction de certaines cellules. Ernesto Mancini, COURRIER DE BERLIN Notre compatriote M. Emile Berliner, Hanovrien récemment établi à Washington, vient d'apporter au phonographe un perfectionnement des plus intéres- sants, Il a cherché à construire un appareil destiné branes dont il aurait inscrit les vibrations (1), C’est ce principe aussi qui, après l'invention du téléphone Bell, a guidé Edison, M, Berliner s’est servi de cette idée fondamentale ef l’a beaucoup développée. Il à imaginé, Fig, 1. — Appareil récepteur des sons. (On produit les sons à l'embouchure d’un cornet relié par un tube de caoutchouc à la membrane vibrante.) d'abord à enregistrer, puis à reproduire, en les ampli- fiant, tous les sons, — musicaux ou articulés, L Disons tout de suite que l'inventeur rend pleine justice à ses illustres devanciers Léon Scott, Charles Cros, Edison, Le phonautographe de Scott date de 1857. Cros émit en 1877 l’idée qu’on pourrait l’appli- quer à faire vibrer et par conséquent chanter les mem- * pour la rendre tout à fait pratique, de nombreuses dispositions qu'il est important de signaler. Dans le phonographe d’Edison et le graphophone de Bell et Tainter, appareils à peu près identiques, la sur- (1) Comptes rendus de l'Académie des Sciences de Paris, 3 dé- cembre 1877. COURRIER DE BERLIN 287 face sur laquelle se produit l'inscription est un cylindre, — actuellement de cire, dans lequel le style de la membrane parlante trace un sillon plus ou moins pro- fond, En outre cette surface même intervient pour fournir le travail mécanique nécessaire.à la reproduc- tion des sons, — Il en est autrement dans le grammo- phone imaginé par M. Berliner., En réalité cet appareil est double : il se compose d’un récepteur (fig. 1) et d’un système reproducteur (fig. 2), isolés lun de l’autre et constituant deux instruments différents. Cette disposition permet de ne demander au récep- teur aucun travail mécanique appréciable : son rôle PTE manne À * couche d’alcool que débite goutte à goutte un flacon situé au-dessus de l'appareil. Le graphique obtenu, il restait à le creuser dans le zinc en procédant à la manière des aquafortistes, Mais il fallait recourir dans ce but à un agent nouveau. les acides dont se servent les graveurs donnant naissance à des dégagements de bulles gazeuses nuisibles à Ja netteté des tracés. M. Berliner à employé l’acide chro- mique eten a obtenu des résultats admirables,. Il est arrivé à produire ainsi des planches qui représentent de véritables phonogrammes (fig. 3), remarquables par la réunion de ces deux propriétés jusqu'alors jugées in- Fig. 2. — Appareil reproducteur des sons. se borne à enregistrer la forme et l'amplitude des vi- brations, Aussi la membrane parlante peut-elle être beaucoup plus mince, partant plus sensible que celle du phonographe. M. Berliner la fait en mica, Le style qu’elle commande est au contraire très dur : c’est un alliage d'osmium et d’iridium, Quant à la surface où se fait l'inscription, par cela même qu’elle n’a pas d'autre fonction, elle peut aussi être bien plus délicate que celle de l'appareil d'Edison. C’est, au lieu d’un cylindre de cire, une couche plane et parfaitement horizontale d'un vernis très fin déposé sur un disque de zinc. Ce disque est, au moyen d'une manivelle, animé d’un mouvement tel que le style y grave une spirale, Les spires produites pendant qu'on émet un son devant l'appareil offrent au microscope des ondulations très marquées. Le vernis qui les présente est peut-être la partie essentielle du grammophone. Il résiste à l’action des agents chimiques les plus énergiques. En même temps il est si léger que le moindre contact suffit pour l'enlever, Nous ne saurions mieux le comparer qu'à la fleur si délicate qu’on observe sur certains fruits tels que les raisins ou les prunes M. Berliner l’a obtenu en dissolvant de la cire d'abeille dans la benzine : le liquide s’évapore et laisse sur le zinc une couche bien homogène et pour ainsi dire impalpable. Ici l’inventeur du grammophone a eu à résoudre une difficulté imprévue : la poussière ambiante se dé- posait sur la plaque et sur le style et s’imprimait dans le vernis, ce qui faussait l'inscription des sons, A cet inconvénient M. Berliner a obvié de la facon suivante : pendant l'opération il recouvre son vernis d’une mince compatibles : finesse et solidilé, Chacune de ces plan- ches coûte à peu près trois francs. Quelques connais- sances techniques étant nécessaires pour les préparer, M. Berliner entreprend d’instituer dans ce but des ate- liers spéciaux, Fig. 3. — Phonogrammes des voyelles. L'appareil reproducteur (fig. 2), tout à fait distinct du récepteur que nous venons de décrire, est fort simple, ce qui permet de le vendre à un prix peu élevé. Il revient à une centaine de francs. C'est en quelque sorte une boîte à musique. Il se compose : 1° d’un pla- teau circulaire et horizontal susceptible de rotation, sur lequel on dépose la planche; 2° d’un style et d’une membrane semblables à ceux du récepteur; 3° enfin d’un cornet acoustique destiné à renforcer les sons. 288 NOUVELLES Pour les produire il suffit de placer la pointe du style à l’origine du tracé gravé dans la planche,et d'imprimer à celle-ci un rapide : mouvement de rotation au moyen d'une manivelle ou d’un mécanisme d’horlogie. Le style suit la rainure, qui est ondulée, et son extrémité supérieure, agissant sur la membrane, la contraint de reproduire exactement les vibrations de la membrane réceptrice. Les vibrations se transmettent à l'air du cornet acoustique et produisent ainsi des sons identi- ques à ceux qui ont impressionné l’appareil récepteur, avec cette seule différence e, intéressante à noter, que l'intensité des sons reproduits est très supérieure à celle des sons originaux. Elle remplit, par exemple, toule une salle de théâtre où des centaines de per- sonnes peuvent l'entendre simultanément.Au contraire la voix du phonographe ne devient assez forte que lorsqu'on s'applique le cornet acoustique à l'oreille, procédé qu'on ne saurait employer dans le cas d'une nombreuse assemblée. Chose plus impor tante encore, M. Berliner repro- duit à l'infini ses phonogrammes par les procédés photomécaniques. Il peut aussi les agrandir par les Due procédés, amplifier de la sor te les rainures de la planche et renforcer d'autant les sons de son appa- reil. Rien enfin n’est plus facile que d'imprimer les planches, comme on fait maintenant pour l’eau-forte et la gravure au burin, d’expédier un nombre illimité d'épreuves à la clientèle et de les transformer en pho- nogrammes par la photogravure. Le grammophone reproduit déjà très fidèlement la musique, mais, pour ce qui est de la parole, laisse encore à désirer, Il faut considérer qu’il n’est qu'à ses débuts : tout fait prévoir que dans un prochain avenir il alteindra un haut degré de perfection. G. Van MuypEN. NOUVELLES SYNTHÈSES DE LA NÉPHÉLINE, L'AMPHIGÈNE ET LA SODALITE M. C. Friedel, de linstitut et M. G. Friedel, élève- ingénieur des mines, viennent de présenter à la Société chimique de Paris (25 avril 4890) un travail des plus intéressants sur la synthèse de trois silicates naturels : néphéline, amphigène et sodalite. Les deux premiers de ces Minéraux avaient déjà été reproduits par voie ignée, MM. C. et G. Friedel sont par- venus à les préparer par voie aqueuse, en soumeltant le mica à l’action des alcalis et des silicates alcalins en présence de l’eau. Que l’on chauffe par exemple ce minéral à 500° avec une dissolution de potasse, il se forme des cristaux de néphéline, dont la formule,si long- temps douteuse, se trouve ainsi définitivement fixée : Na20, 2 Si0?, A1203, Que l'on remplace la potasse par un silicate alcalin, ce sont de beaux cristaux d’orthose qui prendront naissance; que l’on prolonge enfin cette dernière expérience en ayant soin de diminuer la quantité de silicate alcalin, on obliendra des cristau « qsreliques d'amphigène : 4 Si0?, AO, K20,. MM. C. et G. Friedel ont e plus constaté que l’at- taque da mica par la soude est encore possible en présence du chlorure de sodium. Il se dépose alors une combinaison double de chlorure de sodium et d’un silicate d'alumine et de soude, bien cristallisée, qui n’est autre que la sodalite. C'est la première fois que ce minéral est reproduit par synthèse, Ces reproductions de minéraux présentent un grand intérêt,non seulement en raison de la lumière qu r'el!es jettent sur les formules caQte douteuses de certains d’entre eux, mais aussi par la grande analogie qui doit exister entre les conditions de ces réactions synthé- tiques et le mode de formation naturel d’un grand nombre de silicates. L'ÉQUATION DES FLUIDES Depuis longtemps les physiciens se sont préoccupés de rechercher la forme générale d’une fonclion carac- téristique pour les corps gazeux et liquides, reliant entre eux les trois éléments suivants : la pression (p), le volume (v) et la température (T = 273 ° + t). Parmi les diverses tentatives faites dans cette voie, on se rap- pelle qu’en 1885, M. Sarrau, de l'Institut, proposait l'équation suivante : (+ pe)e =, où toutes les lettres autres que p, v, et T représentent des constantes. Une première vérification avait été basée sur les expériences de M. Amagat relatives à la com- pressibilité de l'acide carbonique. M. Sarrau vient de faire connaître à l’Académie des Sciences une vérification bien plus remarquable en- core, Les valeurs numériques des constantes relatives à l’azote ont été d’abord déterminées au moyen des données expérimentales les plus récentes de M.Amagat sur la compressibilité de ce gaz: ces données concer- nent des recherches exécutées entre 17° et 104°, sous des pressions comprises entre 750 et 3000%tm, Les valeurs numériques des constantes relatives à l'azote élant ainsi fixées, M. Sarrau à pu calculer les varialions de compressibilité aux basses pressions, ainsi que la température critique (— 142°) et la pres- sion critique (32%%,9) de ce gaz. Ces résultats sont confirmés d'une manière remarquable autant par les mesures de Regnault sur la compressibilité, que par celles de Wroblewski et Olzewski relatives aux cons- tantes critiques de lazote : température critique — —1459 à — 146°, pression critique 334%,6 à 35a1m,0. Une ex trapolation dans des limites aussi étendues est sans précédent dans les sciences physiques et il faut en conclure avec l'éminent professeur de lEcole Polytechnique que ces résultats ne témoignent pas moins en faveur de la justesse des vues théoriques que de l'habileté des expérimentateurs, Ph. A. GUYE. Arm, Gautier, publié 7, note 1, au lieu de : Errarum, — Dans l’article de M. dans notre dernier numéro, page 22 CSH-OH l{ C H° [ C H5 Le propylglycol est : lisez c)H-0H | OH CH? | CH3 Le propylalcool est : Le Gérant : Ocrave Don. Paris.— Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. 4re ANNÉE N° 10 30 MAI 1890 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LA MACHINE A VAPEUR (! HISTORIQUE. — QUESTIONS PENDANTES. — ROLE DE LA THERMODYNAMIQUE Les premiers essais d'application mécanique de la force de la vapeur d’eau, ou, du moins, les pre- miers arrivés jusqu'à nous, sont ceux de Héron qui, 200 ans environ avant l'ère chrétienne, décrit plusieurs appareils destinés à mettre, par la chaleur, des fluides en mouvement. Pendant les dix-huit siècles qui suivent, l'huma-: nité ne garde aucune trace des efforts probable- ment faits dans le même sens et, au commence- ment du xvu siècle, on en est encore à peu près à l'éolipyle de Héron. À ce moment, Salomon de Caus, à Francfort, emploie la force élastique de la vapeur pour élever l'eau et a ainsi la première idée des machines à épuisement. Il faut arriver ensuite à Hautefeuille en 1678, pour trouver un progrès notable; il propose une machine à alcool où le liquide « s'évapore et est con- densé tour à tour sans qu'il s’en perde. » C'est le premier exemple d’un corps parcourant périodi- quement un cycle fermé. Deux ans après, Huy- ghens utilise la force expansive de la poudre à canon dans un moteur où, pour la première fois, figure un cylindre et un piston. Mais à la fin du xvn° siècle des progrès capilaux se réalisent et vers l’année 1700, en Angleterre face écrite par M. Léauté pour la traduction francaise, faite par M. Ed. de Billy, Ingénieur des mines, du Traité des ma- chines à vapeur de uotre éminent collaborateur M. Sinigaglia, pr. au Realo Instituto de Naples. Cette traduction va parai- tre sous peu chez Doin. Il en sera rendu compte dansla Revue. La Direction. REVUE GÉNÉRALE, 1890, d'une part, en France de l’autre, les premières machines à vapeur industrielles apparaissent. En Angleterre, Thomas Savery utilise pratique- ment des pressions de plusieurs atmosphères; il élablit une machine sans cylindre ni piston dans laquelle il emploie l'eau froide pour produire la condensation; la chaudière communique avec deux récipients dont l'un se remplit d’eau par suite du vide dû à la vapeur condensée, pendant que l'autre se remplit de vapeur; le procédé d'alimentation sous pression est des plus ingénieux et les robinets de jauge indiquant le niveau de l'eau dans la chaudière sont imaginés. Au même moment, Denis Papin en France obtient des résultats plus considérables encore; il réalise le mouvement alternatif d'un piston placé dans un cylindre en injectant de la vapeur dans le cylindre et en condensant cette vapeur par de l’eau froide projetée extérieurement sur les parois; il est ainsi le créateur de la machine à vapeur à piston. En même temps il fait voir qu'en vases clos la température de l’eau bouillante s'élève avec la pression de la vapeur, il invente la soupape de sûreté, emploie un robinet distributeur à rota- tion continue, propose un fourneau à flamme renversée pour rendre la combustion plus com- plète, imagine une chaudière à carneau central pour augmenter la surface de chauffe et montre que l’on peut se servir des machines pour faire tourner des arbres de couche alors que, jusqu’à 10 290 H. LÉAUTÉ. — LA MACHINE À VAPEUR lui, on les avait uniquement employées à opérer des épuisements. Denis Papin a été l'un des plus grands parmi ces inventeurs dont nous avons à rappeler les noms: c’est lui qui, le premier, a réalisé une ma- chine à feu à double effet et à deux corps de pompe; c'est lui qui a eu l’idée des machines à haute pression, sans condensation ; c’est lui enfin qui à été le véritable créateur du bateau à vapeur. A partir de Denis Papin, la machine à vapeur existe en fait, mais elle est encore fort loin d’être d’un emploi avantageux; elle est dangereuse, dépense beaucoup, s'arrête souvent; Newcomen, profitant à la fois des idées de Papin et de celles de Savery, la rend pratique; il emploie le conden- seur par injection, met une couche d’eau sur le piston afin d'empêcher les fuites, sépare la pompe de la machine et groupe tout l’ensemble, de façon très avantageuse pour l’épuisement des mines, en plaçant à la partie supérieure un balancier relié d'un côté au piston et de l’autre à la tige de pompe. La machine de Newcomen a un grand succès et, pendant soixante ans environ, est employée sans autre perfectionnement que celui de Potter et de Beighton pour la manœuvre des soupapes, et que celui de Beighton pour l'emploi de l’eau de conden- sation comme eau d'alimentation. Mais en 1769, Smeaton reprend l’étude de cette machine, en construit un grand nombre, détermine les proportions les plus convenables à donner à leurs éléments, fait de nombreux essais pour con- naitre leur rendement, les perfectionne sur divers points et en rend l’emploi tout à fait général. A ce moment même, les premiers travaux de Watt apparaissent; grâce à lui, les inventions capi- tales se succèdent sans interruption et la machine à vapeur, telle qu’elle existe encore aujourd’hui, à double effet, à mouvement de rotation, à détente, avec enveloppe, condenseur séparé, volant et régu- lateur, est créée de toutes pièces. C'est la machine de Newcomen qui fixe tout d’abord l'attention de Watt; par une longue série d'expériences très précises, il constate qu’elle uti- lise seulement une très faible portion de la cha- leur; il cherche alors, en déterminant toutes les causes de perte, à les éviter; il reconnait ainsi que ces pertes doivent être surtout attribuées à l’abais- sement de température subi par la vapeur dans le cylindre, que cet abaissement est dû au refroidis- sement extérieur et à la condensation par l’eau froide; il remédie à la première cause par la che- mise de vapeur, il fait disparaitre la seconde en séparant le condenseur du cylindre; puis, comme dans ce condenseur, il faut enlever l'air, la vapeur condensée et l’eau d'injection, il place une pompe qui les aspire à la fois. En même temps, le grand inventeur ferme le cylindre, ouvert jusqu'alors par le haut et que l'air vient refroidir intérieurement à chaque course; il est alors conduit au double effet, et pour pouvoir l’appliquer à sa machine à balancier, il construit le parallélogramme articulé qui transforme un mouve- ment de rotation alternatif en un mouvement sen- siblement rectiligne. Préoccupé ensuite de la régu- larisation du mouvement, il imagine la détente pour diminuer les chocs aux extrémités de la course et se trouve ainsi amené à faire une éco- nomie de vapeur dont il comprend tout de suite l'importance. Il emploie enfin le régulateur à boules pour faire varier la dépense du fluide moteur pro- portionnellement au travail effectué. A côté de ces progrès fondamentaux, chemise de vapeur, condenseur séparé, pompe à air, double effet, parallélogramme articulé, détente, régu- lateur, Watt accumule les perfectionnements pra- tiques; il enveloppe toutes les parties en contact avec la vapeur par de mauvais conducteurs; il lu- brifie le piston par un corps gras; il fait passer la tige dans une boite à étoupes; il place sur la chaudière le tube de niveau et le manomètre: il construit enfin l'indicateur qui servira désor- mais à mesurer le travail produit sous le piston. Dès lors, la machine à vapeur existe telle que nous l’avons encore aujourd’hui; les contempo- ains et les successeurs de Watt la perfection- neront comme détails, la rendront plus parfaite comme exécution, ils ne la modifieront pas dans son essence; tous les efforts vont converger pour l'appliquer aux grands problèmes qu'offre l’indus- trie; le xvn° siècle a été le siècle d'invention, le xix° est le siècle d'application. Au point de vue de la locomotion, les machines d'Evans, contemporain de Watt, sont successive- ment remplacées par les machines à vapeur d'Han- cock, par les locomotives de Trevithick et enfin, par celles de George Stephenson, l’un des plus grands hommes qu’ait eus la mécanique. Au point de vue de la navigation, les essais du marquis de Jouffroy pour la propulsion des bateaux sont bientôt suivis de ceux de Fulton qui réalise un navire à vapeur et fait la première application des nouvelles machines à la marine de guerre. A la même époque les Stevens créent toute une flotte. Les applications de toutes sortes se produisent ainsi coup sur coup et Watt peut, lui-même, voir le monde transformé par sa découverte. Au mo- ment où il meurt, en 1819, les chemins de fer de Stephenson transportent des marchandises, tandis que le premier sleamer transatlantique vient d'aller d'Amérique en Europe. Nous ne pouvons songer à suivre ici, dans leur détail, les perfectionnements successifs qui, depuis H. LÉAUTÉ. — LA MACHINE A VAPEUR 291 cette époque jusqu'à aujourd’hui, ont amené la machine à vapeur, la locomotive, la machine marine, à leur état actuel. Ces perfectionnements ont été innombrables ; les uns ont été consacrés par l'expérience, d’autres ont été abandonnés, d’autres sont encore en discussion ; tous les orga- nes de la machine, depuis les foyers et les chau- dières jusqu'aux appareils de distribution, aux cylindres, aux condenseurs, aux régulateurs... ont été modifiés d’une multitude de façons ; nous lais- serons de côté ces transformations de dispo- sitifs, si intéressantes qu’elles puissent être, pour signaler uniquement les questions sur lesquelles se porte en ce moment l'attention des Ingénieurs. Ces questions, ou, du moins, les principales d’entre elles, lorsque, faisant abstraction des pro- blèmes particuliers, on se place à un point de vue général, sont relatives aux points suivants : hautes pressions, grandes vitesses, détentes successives, chemises de vapeur, surchauffe, compression, va- peurs autres que la vapeur d’eau. Nous dirons un mot de chacune d'elles. Les hautes pressions présentent ce premier avantage de conduire à des dimensions moindres pour les machines ; de plus, elles permettent la suppression du condenseur et donnent ainsi une notable simplification. Leurs inconvénients sont de favoriser les con- densations à l’admission et, surtout, d’entrainer, à l'échappement, une perte considérable de chaleur; on peut, dans certains cas, utiliser cel échap- pement en lançant la vapeur dans la cheminée et produisant ainsi un lirage forcé; c’est ce qui a lieu dans les locomotives. Les hautes pres- sions se généralisent de plus en plus et l'Exposi- tion de 1889 à mis en relief la tendance de l’indus- trie à en adopter l'emploi. Les grandes vitesses contribuent, comme les hautes pressions, à réduire les dimensions des moteurs ; elles présentent en outre de grands avan- tages pour la régularité du mouvement ; elles cor- respondent enfin à une notable économie de calo- rique en atténuant, comme l'ont montré des expériences récentes, le refroidissement par les parois; mais elles exigent des matériaux excellents et une exécution très soignée car les pièces fali- guent beaucoup. La fixation du degré de détente à prendre dans chaque cas peut prêter encore à la discussion; si l'on s’en remettait à la théorie seule, on admet- trait d’une facon générale les grandes détentes ; la pratique, au contraire, conduit aux détentes mo- dérées; les condensations à l'admission et le travail de la contre-pression augmentent d'importance relative avec la détente et limitent ainsi le degré d'expansion à adopter. A ce point de vue, les machines à détentes suc- cessives, depuis les compound à deux cylindres jusqu'aux machines à triple et à quadruple expan- sion présentent des avantages. Bien qu'a priori ce système semble peu économique, puisque les chutes de pression d’un cylindre à l’autre éloignent de la reversibilité, il se trouve qu’en fait, l'influence des parois, dont le rôle est prépondérant au point de vue des pertes de chaleur, est diminué d'impor- tance et qu'on réalise, en total, un gain notable. Mais s’il parait cerlain que la détente par cascade évite des pertes, surtout dans le cas de hautes pressions, elle présente des inconvénients dans les machines à régime variable et l’on est d’ailleurs très loin d'être fixé sur la meilleure manière de réaliser cette détente. Vaut-il mieux deux cylindres ou plus de deux? Quelles doivent être leurs pro- positions relatives? Faut-il, comme on l’admet généralement, pratiquer la détente au petit eylin- dre? Ce sont là autant de questions qui ne sont pas résolues et il serait même imprudent d'affirmer, d'une façon absolue, pour tous les cas, la supé- riorité des compound sur les machines simples. Les chemises de vapeur constituent peut-être encore un problème plus obscur, bien qu'il ait été l’objet de nombreux et importants travaux. Le principe lui-même n’est pas en question; l’enve- loppe donne lieu, quand il n’y a pas surchauffe, à une économie considérable, mais on est loin d’être fixé sur le meilleur dispositif à appliquer. Il semble certain qu'on ne doit pas faire passer préalablement dans l'enveloppe la vapeur des cylindres, mais faut-il préférer, comme cela parait probable, l’en- veloppe à circulation à l'enveloppe de vapeur stagnante? Convient-il de placer une chemise sur chaque cylindre ou sur le grand seul ? Quelle doit être la température de la vapeur à l'intérieur de l'enveloppe ? Tous ces points ne sont pas encore complètement fixés et l’on n’a même, sur certains d’entre eux, aucune indication sérieuse. La surchauffe, préconisée par Hirn, à la suite d’études justement célèbres, est certainement l’un des meilleurs moyens dont on dispose pour amé- liorer le rendement des machines; elle agit dans le même sens que la chemise de vapeur, mais pro- duit des économies plus fortes ; malheureusement, elle s’est heurtée à certaines difficultés pratiques et exige de grandes précautions; il est malaisé d'en régler le degré; tantôt elle est poussée trop loin, les lubrifiants se brülent et les surfaces grip- pent, tantôt elle est trop faible et ne donne aucun résultat. D'autre part, les surchauffeurs sont des appareils gênants et coûteux. La compression de la vapeur à la fin de la course a pour effet de diminuer et même de faire dispa- raitre les pertes de chaleur dues aux espaces morts; H. LÉAUTÉ. = LA MACHINE À VAPEUR par contre, elle a l'inconvénient de rendre plus faible le travail par coup de piston et de contribuer de la sorte à augmenter les dimensions de la machine. Son utilité est incontestable dans le cas des grandes détentes, mais on ne connait pas encore le degré de compression qui correspond au meilleur rendement. Quoi qu'il en soit l’action simultanée de la compression et de la surchauffe est susceptible de donner, peut-être, dans la suite, de bons résultats. Tandis que l'attention des ingénieurs se porte sur les questions précédemment énumérées, l'in- géniosité des inventeurs s'exerce sur les divers organes de la machine afin d’en améliorer le fonc- tionnement. Les foyers sont munis de grilles appropriées au combustible, de distributeurs de charbon: leurs formes sont mieux étudiées, la combustion s’y fait dans de meilleures conditions. L'arrivée de l’air est l’objet de recherches intéres- santes, le tirage forcé semble appelé à jouer un rôle important. Les chaudières sont modifiées dans le but, soit d'augmenter la surface de chauffe, soit d'assurer la sécurité. Les détendeurs, appliqués depuis quelques années, permettent de régulariser les hautes pressions et en facilitent ainsi l'emploi. Les distributeurs de vapeur, dont l'importance est de premier ordre pour le fonctionnement écono- mique des machines, reçoivent des perfectionne- ments ayant pour objet d’équilibrer les organes mobiles, de varier la détente, de fermer et d'ouvrir brusquement les orifices d'introduction et d'éva- cuation, de diminuer les espaces nuisibles. Les régulateurs sont mieux adaptés aux nouvelles conditions dans lesquelles fonctionnent les mo- teurs ; on les fait agir de préférence sur la détente et, dans le cas des grandes vitesses, ilisont placés dans le volant même de la machine. Les résistances passives sont l’objet d'expériences prolongées qui montrent combien les lois du frottement dans les machines sont encore peu connues et quels progrès on peut réaliser de ce côté. Enfin, il n’est pas jus- qu'aux formes qui ne donnent lieu à des études soutenues, soit pour mieux grouper les organes, soil pour solidariser les points d'appui sur des fondations que l'on peut rendre élastiques afin d’amortir les vibrations. La machine à vapeur se plie désormais à toutes les exigences et devient une sorte d'outil universel: servo-moteur, petit cheval. Le mode d’action de la vapeur lui-même est changé dans cerlains cas el Giffard crée l’injecteur pour alimenter la chaudière pendant que l'éolipyle de Héron, transformée peu à peu,donne le turbo-moteur que l’on a pu voir fonc- tionner à la dernière Exposition. Ainsi toutes les parties de la machine, tous les éléments qui la constituent, se perfectionnent suc- cessivement; les résultats déjà obtenus sont consi- dérables et tandis que la machine de Watt consom- mait environ 20 kilogrammes de vapeur par cheval el par heure, les machines d'aujourd'hui peuvent n'en dépenser que six ou sept. Et cependant il est permis de se demander si l’on marchera indéfini- ment dans cette voie, si la vapeur d’eau ne sera pas abandonnée, partiellement au moins, et si, dans certains cas, les machines à autres fluides ne cons- titueront pas l’un des progrès de l’avenir. Les belles expériences de du Trembley sur l’éther et le chlo- roforme n'ont pas, il est vrai, donné de résultats pratiques; tous les essais qui ont été faits sur l’am- moniaque, le sulfure de carbone, l’acide sulfu- reux..., etc., ont, jusqu'ici, élé frappés de stérilité, mais il serait imprudent d’aflirmer que des inven- teurs plus heureux ne réussiront pas dans cette voie; les bonnes machines à vapeur d’eau, bien qu'elles soient très perfectionnées, n’ont qu’un très faible rendement calorifique; on nous permettra d'insister sur ce point. Lorsqu'on se place à un point de vue purement théorique, lorsqu'on considère une machine par- faite, la fraction de la chaleur dépensée qui se transforme en travail, est absolument fixe, du moment où les Lempératures extrêmes entre les- quelles fonctionne la machine restent constantes; quel que soit le moteur, quel que soit le fluide intermédiaire, ce rendement théorique maximum ne varie pas; c'est là un des points fondamentaux de la thermodynamique. Mais si l’on en conceluait qu'il ne saurait y avoir intérêt à remplacer l’eau par un autre corps, on commeltrait une erreur Capitale; d’une part, en effet, la nalure du fluide, si elle n’a pas d'action sur le rendement théorique maximum, en a une sur le cycle obtenu et l’on peut espérer trouver un corps donnant un cycle plus avantageux que ceux réalisés jusqu’à ce jour; d'autre part, les machines parfaites n'existent pas, le rendement théorique maximum est une pure conception de l'esprit et les qualités du moteur, aussi bien que la nature du fluide, interviennent dans le rendement réel. Un rapprochement bien souvent fait entre les machines à vapeur et les machines à gaz est inté- ressant à rappeler ici, bien que ces deux moteurs ne fonclionnent pas entre les mêmes limites de température. Les machines à vapeur les plus perfeclionnées que construit l’industrie actuelle consomment lors- qu'elles sont dans les meilleures conditions de ren- dement 0900 de charbon par heure et par cheval soit à peu près 7.600 calories ; or, une machine à gaz ordinaire brûle, dans le même temps et pourle même travail, environ un mètre cube de gaz, cor- respondant à 5.000 ou 5.500 calories; le rendement H. LÉAUTÉ. — LA MACHINE A VAPEUR 293 thermique de la machine à gaz, si imparfaite encore aujourd'hui, est donc supérieur de près de moitié à celui des meilleures machines à vapeur; le résultat est péremploire. Certes, d'autres conditions sont à considérer dans la pratique et le rendement thermique n’est pas le seul élément dont il faille tenir compte; l’économie de chaleur est importante, mais l’éco- nomie d'argent l'estencore plusetle prix de revient de la calorie est souvent plus intéressant que son bon emploi; la sécurité, elle aussi, est une ques- tion fondamentale, et qui, dans la plupart des cas, prime toutes les autres; le poids du moteur joue un rôle prépondérant dans certaines applications comme, par exemple, dans les locomotives, les machines marines et les aérostats ; en un mot, de nombreuses conditions pratiques viennent, dans chaque problème particulier, fixer les qualités que doit avoir la machine et peuvent contribuer ainsi à la détermination du fluide à adopter. Pour ces diverses raisons, les machines à vapeurs autres que la vapeur d’eau sont susceptibles d'avoir une réelle utilité, mais, en restant même au point de vue spécial de la bonne utilisation de la chaleur, elles peuvent présenter un haul intérêt; l'infério- rité relative de la machine à vapeur sur ce point tient, en effet, surtout à deux causes; d’une part, une forte proportion de la chaleur produite dans le foyer n'arrive pas à la chaudière; d'autre part, les calories reçues par cette chaudière et non aban- données au condenseur sont transformées partliel- lement en travail; or le coefficient de transforma - tion ou coefficient économique ne dépasse pas 0,30 parce que l'écart des lempératures extrêmes de la chaudière et du condenseur est relativement faible. Ces deux raisons seules font perdre environ 80 ca- lories sur cent; si l’on lient compte alors de l'im- perfection du cycle, c'est-à-dire des condensations, des pertes de chaleur, des étranglements,.…. elc., si l’on y ajoute l'effet des frottements et des résis- ? lances passives de toutes sortes, on arrive à s’ex- pliquer comment les machines à vapeur les plus parfaites utilisent une si faible proportion de la chaleur dépensée. Pour remédier utilement à cette situation, il faut agir sur les deux causes principales que nous venons de signaler; or, c’est précisément ce que font les moteurs à gaz; ils diminuent la perte inutile des calories du foyer puisque ce dernier agit directement sur le fluide moteur et ils aug- mentent le coefficient économique puisqu'ils sup- priment la chute de température entre le foyer et la chaudière. Et c’est à cette double raison qu'est dû leur meilleur rendement thermique. Les considérations qui précèdent montrent les avantages que présentent les moteurs à gaz au point de vue du bon emploi de la chaleur; mais, comme nous l'avons dit, beaucoup d’autres élé- ments interviennent et l'on aurait tort d'en con- clure la supériorité absolue de ces moteurs sur la machine à vapeur. Ce que nous avons voulu établir, c'est que les essais pour remplacer la vapeur par un autre fluide peuvent être utiles et qu'il n'est pas déraisonnable de penser que les machines thermiques telles que les moteurs à gaz, les moteurs à air chaud, les machines à vapeurs autres que la vapeur d’eau et,surtout,les machines à vapeur com- binées,sont susceptibles de constiluer l’un des pro- grès de l'avenir. En somme, dans l’état actuel, la machine à va- peur d’eau, malgré la perfection incontestable à laqueile elle est parvenue, est fort loin de la ma- chine théorique ; il en est de même d'ailleurs de tous les moteurs thermiques et l’on comprend avec quelles réserves il est permis d'appliquer la Ther- modynamique à l'étude de ces moteurs. La Thermodynamique a joué un rôle important pour la machine à vapeur, et les travaux de Joule, de Rankine, de Clausius, de W. Thomson, de Hirn, de Zeuner, de Dwelshauvers-Dérvy...……… en ont éclairé le fonctionnement; mais on a voulu quel- quefois trop obtenir; la Thermodynamique repose, comme toutes les théories, même les mieux assises, sur certaines hypothèses restrictives indispensa- bles pour qu'on puisse aborder les questions; or ces hypothèses sont à une telle distance de la réa- lité, les phénomènes qui se produisent dans un moteur se rapprochent si peu des simplifications faites, qu'à vouloir étendre, sans précautions, les conclusions de la théorie à la pratique, on serait exposé aux plus graves erreurs. Certes, la Thermo- dynamique a rendu de grands services aux méca- niciens; elle constitue un moyen d'étude puissant, mais à la condition de ne l'appliquer aux phéno- mènes réels qu'a posteriori, après l'expérience; on ne peut songer à se servir uniquement d'elle pour calculer & priori les éléments d’une machine et déterminer les phénomènes thermiques qui Sy produiront; la théorie «générique » ainsi com- prise, ne conduit qu'à des conséquences erronées; il n'existe qu'une seule voie à suivre, expérimenter d'abord et analyser ensuite les résultats des expé- riences. C’est ce qu'a professé Hirn, le véritable fondateur de ce qu'il à appelé la théorie « pra- tique » de la machine à vapeur; c'est ce qu'a fait Hallauer dans ses travaux sur la méthode calorimétrique; c'est ce qui rend si intéressants les beaux développements qu'a donnés M. Dwels- hauvers-Déry à la méthode de Hirn. H. Léauté. de l'Académie des Sciences. 29% A. RAILLIET. — L'ANÉMIE PERNICIEUSE D'ORIGINE PARASITAIRE L'ANÉMIE PERNICIEUSE D'ORIGINE PARASITAIRE Depuis quelques années, l'attention des méde- cins s’est portée sur certaines formes graves de l'anémie, spécialement caractérisées par leur ac- centuation progressive el leur tendance à une is- sue funeste : c'est ce qu'on a appelé l'anémie per- nicieuse. Il ne s’agit pas, comme pourrait le faire sup- poser cette expression, d’une affection simple et bien limitée, d’une entité morbide, comme on di- sait autrefois : l’anémie pernicieuse correspond, en réalité, à tout un groupe nosologique, dont les manifestations offrent un cerlain nombre de traits communs, mais dont l’origine est des plus variées. C'est ainsi que les cliniciens ont été amenés à distinguer tout d’abord une forme primitive ou essentielle, et des formes secondaires diverses. La forme primitive représenterait une maladie toute spéciale, — dont l'origine reste encore à déter- miner, mais qu'on soupçonne de se rattacher à l’action d’un microbe ; — elle serait d’ailleurs fa- vorisée dans son évolution par cerlaines conditions débilitantes, telles que l’hygiène et l’alimentation défectueuses, les dépressions psychiques, la gros- sesse, la lactation. Quant aux formes secondaires, elles relèvent de causes fort nombreuses, parmi lesquelles on peut citer les maladies infectieuses, les hémorragies à répétition, les néoplasmes ma- lins, les vers intestinaux, ele., etc. Nous n'avons pas à discuter ici la valeur relative de ces diverséléments éliologiques. Le but quenous nous proposons, en effet, est simplement d'établir l'importance du rôle des parasites dans la produc- tion de l’anémie progressivement mortelle, et surtout la diversité des êtres qui sont appelés à remplir ce rôle, en prenant pour base les re- cherches qui ont été poursuivies depuis longtemps sur ce sujet dans la pathologie des animaux, aussi bien que l’ensemble de nos observations person- nelles. Nous n'avons donc d'autre prétention que d'esquisser un chapitre de pathologie comparée, dont le cadre ne tardera pas sans doute à s'é- largir. I L'action nuisible des parasites sur la santé de leur hôte est susceptible de se manifester suivant des modes assez variés, dont quelques-uns seule- ment méritent d'être retenus en ce qui concerne la production des troubles que nous devons envi- sager. En premier lieu, ils peuvent se nourrir aux dé- pens des matériaux solides ou liquides de l’orga- uisme, ou même aux dépens des substances éla- borées en vue d'une absorption ultérieure; il s'agit alors d’une véritable action spoliatrice, directe ou indirecte, dont les effets doivent retentir à bref délai sur l'économie, et se traduire essentiellement par un appauvrissement progressif du sang. D'autre part, leur présence dans certains organes peut être le point de départ d'une gêne mécanique apportée à l’accomplissement des fonctions, soit par le fait d’une obstruction partielle ou complète des canaux dans lesquels ils sont logés, soit par suite de la compression des tissus voisins. Enfin, des traumatismes plus ou moins complexes peuvent être le résultat de cette compression même, aussi bien que des déplacements effectués par les parasites ou par leurs embryons. Et si l’on tient compte des troubles nutritifs ainsi que des désordres nerveux qui sont la consé- quence nécessaire de telles modifications, on aura une idée assez complète des manifestations patho- logiques d’origine parasilaire appelées à se traduire par le développement de l’anémie pernicieuse. Il est clair, cependant, qu'on doit attacher une importance particulière au premier de ces chefs d'accusation. C'est surtout par la soustraction directe des matériaux appartenant en propre à l'organisme que les parasites provoqueront une diminution de Ja masse totale du sang, ainsi que les altérations qualitatives de ce milieu, et tous les troubles qui en sont la conséquence. Le même résultat sera produit sans doute, mais moins rapi- dement, par les commensaux trop exigeants qui emprunteront à leur hôte une grande part des produits élaborés à son intention. Moins impor- tants en principe, les troubles résultant de la com- pression des organes doivent toutefois être pris aussi en considération, comme on pourra s’en COn- vaincre en étudiant le rôle des Coccidies et des Échinocoques Quant aux phénomènes provoqués par les mouvements et les migrations des para- ‘sites ou de leurs embryons, on ne peut leur recon- naitre qu'une influence d'ordre secondaire, en raison de leur durée toujours assez limitée. Et pourtant les traumatismes des parasites établis à demeure dans un organe sont-ils susceptibles d'amener, outre une perte réelle de sang, des troubles inflammatoires capables de porter une atteinte sérieuse à l’intégrilé des fonctions. Enfin, nous peuvons encore signaler l’inoculation de produits venimeux, attribuée par quelques auteurs à certains parasites, dont la principale action con- sisterait alors en un véritable empoisonnement de l'organisme. A. RAILLIET. — L'ANÉMIE PERNICIEUSE D'ORIGINE PARASITAIRE 295 Mais, encore que ces considérations générales suffisent à expliquer le développement de l’anémie pernicieuse par le fait du parasitisme, on ne peut être autorisé à conclure de la présence des parasites à l’évolution nécessaire de la mala- die. En matière de parasitisme, il importe de ne pas négliger, comme trop de médecins ont aujour- d'hui de la tendance à le faire, l'influence du ter- rain. S'il en était besoin, on pourrait rappeler, à cet égard, les instructives expériences de Delafond sur la gale 1soroptique du mouton. Qu'il nous suffise done de constater, une fois pour toutes, que si l’anémie pernicieuse peut ré- sulter des attaques d’un nombre relativement res- treint de parasites, alors que ceux-ci rencontrent un terrain tout préparé, il arrive, par contre, que la présence d’un grand nombre de ces mêmes para- sites n’occasionne aucun trouble sérieux dans la santé des individus envahis, lorsque ces individus offrent à leurs attaques des conditions spéciales de résistance. C'est l’éternelle question de la lutte pour l'existence, et l’anémie, comme tant d'autres affections parasitaires, n’est susceptible d'évoluer que dans le cas où la résistance de l'hôte est trop faible, ou qu'elle est vaincue par l’excessive multi- plication des parasites. Si d’ailleurs on cherche à déterminer les condi- tions propres à mettre ainsi l'hôte en élat d'infé- riorilé vis-à-vis de son ennemi, On arrive à recon- naître qu'elles sont analogues à celles dont on signale l'intervention dans le développement de l’anémie essentielle, Il s'agit, en effet, des in- fluences débilitantes de toute nature : travail exces- sif, alimentation insuffisante, fréquentation des localités humides, etc. Cette dernière condition est du reste en relation avec le mode de développe- ment de la généralité des parasites que nous aurons à incriminer. S'agit-il maintenant d'aborder l'étude de ces pa- rasites : nous constaterons qu'ils siègent à peu près exclusivement dansles viscères intra-abdominaux, et en particulier dans le foie et dans l'intestin. C'est du moins ce qui a été noté chez les animaux, et ce que nos propres observations nous ont permis de vérifier. Il On a cependant fait intervenir des parasites qui vivraient dans le sang même, auquel ils emprun- teraient directement les éléments de leur nutrition. Mais nous ne croyons pas devoir nous étendre sur ce sujet, à l'endroit duquel il reste encore quelque obscurilé, d'autant qu'une telle étude dépasse un peu les limites de notre domaine, et que les belles recherches de Laveran, Marchiafava et Celli, sur les organismes observés dans les cas de malaria, n'ont pas encore trouvé leur pendant dans la pathologie des animaux. Nous nolerons seulement en passant que Zschôükke et Frühner ont signalé, il y a quelques années, la présence d'organismes spiralés dans le sang de chevaux affectés d’anémie pernicieuse. De même, les vétérinaires de l’armée anglaise ont observé dans l’Inde une affection connue sous le nom de « surra, » sévissant sur les chevaux, les mulets et les chameaux, et présentant tous les ca- ractères d'une anémie progressivement mortelle; or, le D° Griffith Evans a découvert dans le sang des animaux malades, comme de ceux infectés expérimentalement, un organisme flagellé auquel Crookshank a donné lenom de 7richomonas Evansi (H:zæmalomonas Evansi, Osler.) Mais, sans nier l’exaclitude de ces observations, nous avons peu de tendance à accuser les hémalo- zoaires de jouer un rôle important dans la produc- tion de l'anémie, en constatant l'influence négative, à cet égard, des vers qui s’observent fréquemment dans le sang des animaux. Témoins les larves du Sclérostome armé du cheval, les embryons de la Filaria recondita du chien, etc. II Le rôle des parasites du foie et de l'intestin est établi d'une façon beaucoup plus précise. Nous ne ferons cependant qu'une étude sommaire des premiers, dont l'histoire esl depuis longtemps connue, et nous nous attacherons plus spécialement à ceux qui ont l'intestin pour habitat. Parmi les nombreux parasiles du foie, nous n'avons d'ailleurs à faire intervenir que les Dis- tomes, les Échinocoques et les Coccdies. A. Le type le plus anciennement connu d’une anémie progressivement mortelle déterminée par des parasites se rapporte sans doute à l’affec- tion vulgairement désignée sous le nom de « pour- riture » et que les auteurs ont décrite sous celui de cachezie aqueuse. À la vérité, ces expressions s'appliquent à la plupart des formes d’anémie constatées chez les herbivores, et en particulier à toutes celles d'origine parasitaire. Mais, parmi ces dernières, celle qui tient évidemment le premier rang esl provoquée par la présence, dans les canaux biliaires de cerlains vers plats, de l’ordre des Trémalodes, appelés Douves ou Distomes : d’où le nom de distomatose sous lequel on la désigne actuellement. L'agent principal de cette affection est le Distome hépatique ou grande Douve du foie (Distoma hepa- ticum), auquel vient fréquemment s’adjoindre, mais à titre secondaire, le Distome lancéolé ou petite Douve {Distoma lanceolatum). Nous croyons inutile de rappeler ici le mode d'évolution de ces vers 296 A. RAILLIET. — L'ANÉMIE PERNICIEUSE D'ORIGINE PARASITAIRE qu'on trouvera exposé dans les récents traités classiques de zoologie médicale. Bornons-nous à dire que cette évolution ne peut s'accomplir que dans l’eau, et que la forme larvaire ultime (cer- caire) de la grande Douve, en particulier, s'enkyste sur les plantes aquatiques, à la faveur desquelles, sans doute, elle est introduite dans l’organisme des herbivores, notamment des moutons. Il est à peine besoin de faire remarquer que l’in- festation de ces animaux a lieu surtout pendant la belle saison : l’automne parait être de beaucoup l’époque la plus favorable, et souvent alors un grand nombre d'animaux sont atteints à la fois. Ajoutons que, comme dans la plupart des affections parasitaires, ce sont les individus jeunes qui sont le plus fréquemment envahis. Lorsque les larves de Distomes ont pénétré dans les canaux biliaires, elles se développent rapide- ment: en six semaines environ, elles se sont transformées en Distomes adultes. Pour peu que leur nombre soit élevé, la maladie ne tarde pas à évoluer. On remarque d’abord que les animaux sont moins vifs et moins gais. Les muqueuses et la peau sont plus pales qu'à l’état normal. Cependant, l'appétit est conservé, et les animaux ont même une tendance marquée à s’en- graisser; mais bientôt l'appétit diminue; une soif fréquente se manifeste; la rumination est troublée. La peau se montre empâtée, œdémateuse. La con- Jonctive pâlit davantage, s'infiltre et se présente, à l'exploration de l'œil, sous la forme d'un bourrelet blanc jaunâtre caractéristique. Peu à peu l’amaigrissement s'accuse; les ani- maux deviennent faibles, réagissent à peine quand on les excite, Les œdèmes se localisent et s'accen- tuent dans les parties déclives, aux membres et sous la mâchoire inférieure ; il survient également de l’hydropisie abdominale. Enfin, l’affaiblisse- ment devient tel que les animaux finissent par succomber, après une période de trois à six mois en moyenne. Il est rare d'observer une réelle gué- rison, à la suite d’une expulsion spontanée des Douves. A l’autopsie, on constate une diminution de la masse totale du sang, de la proportion des glo- bules rouges et de celle de l’albumine ; un amai- grissement considérable; des épanchements dans les séreuses, une infiltration du tissu conjonctif sous-cutané et une décoloralion générale des tis- sus, sans parler des lésions localisées au foie et dues à l’action directe des parasites. Les Douves se nourrissent-elles de bile, comme quelques auteurs ont encore de la tendance à l’ad- mettre ? Nous croyons avoir établi récemment qu'elles viveut surtout de sang puisé dans les vaisseaux du foie. Mais il n’en est pas moins vrai que les troubles qu'elles déterminent tiennent en partie aux altérations développées par leur présence dans cet organe. La distomatose n’atteint pas seulement le mou- ton; elle sévit aussi sur les autres ruminants domestiques; Bassi l’a même observée chez des cervidés, Cadéac chez l'âne, Thomas chez le lièvre et le lapin de garenne, et nous-même chez le lapin domestique. Ce sont néanmoins les moutons qui payent le plus fort tribut à cette maladie, et l’his- loire a enregistré les dates d'épizooties redou- tables de cette nature, survenues toujours à la suite de pluies abondantes et prolongées. Quant à l'homme, bien qu’il puisse être envahi par les Douves, il ne se montre généralement pas infesté à un degré suffisant pour présenter les troubles caractéristiques de la maladie. C’est sans doute en mangeant des salades, et en particulier du cresson, qu'il subit cette contamination. B. La Coccidie oviforme (Coccidium oviforme) est un minuscule parasite du groupe des Sporo- zoaires, qui se développe dans les cellules épithé- liales des canaux biliaires du lapin, puis tombe avec elles dans la lumière de ces canaux, où il s’enkyste sous la forme d'un pelit corps semblable à un œuf d'helminthe. L’accumulation des Cocci- dies donne lieu à la formation de poches irrégu- lières qui apparaissent à la surface du foie comme des nodosités blanchâtres, el amènent souventune augmentation considérable du volume de l'organe. Les lapins affectés de cette maladie — la coceci- diose hépatique — maigrissent el succombent souvent au bout de deux ou trois mois, dans um élat cachectique comparable à celui qu'ils présen- tent dans les cas de distomatose, et qu’on désigne vulgairement sous le nom de «gros ventre, » nom qui s'applique du reste à loutes les formes de l’anémie pernicieuse des léporidés. Cette maladie sévit surtout sur les lapins domestiques, mais il n’est pas rare de l’observer, dans les années plu- vieuses, chez les lapins de garenne, comme Moniez l'ale premier signalé. On sait aussi qu'elle peut atteindre l'homme. C. Les Échinocoques (Zchinococcus polymorphus) représentent la phase cystique d’un très petit Ténia (Tænia Echinococeus) qui, à l’état adulte, vit princi- palement dans l'intestin du chien. Ils se rencontrent le plus souvent chez les her- bivores, et en particulier chez les ruminants. On peut les observer dans la plupart des organes; mais,comme nous l'avons fait remarquer plus haut, c’est seulement lorsqu'ils siègent dans le foie que leur présence paraît s'accompagner d’anémie. Leur action, du reste, est souvent connexe avec celle des Douves, et les troubles qu’elle provoque sont à peu près du même ordre, notamment chez le mouton, A. RAILLIET. — L'ANÉMIE PERNICIEUSE D'ORIGINE PARASITAIRE 297 IV Nous arrivons enfin aux parasites de l'intestin, dont l'influence, au point de vue qui nous occupe, n’a guère fait l’objet d'études suivies que dans ces dernières années. Ils se rapportent plus spécialement aux deux ordres des Cestodes et des Nématodes. A. L'intestin du mouton donne asile à une dizaine d’espèces de Ténias, dont il serait fasti- dieux de rapporter ici la liste. Les Ténias se mon- trent particulièrement abondants au cours des années humides, et certains d’entre eux acquièrent parfois des dimensions extraordinaires. Ils sont alors susceptibles de causer, surtout chez les indi- vidus jeunes, qu'ils attaquent de préférence, une affection particulière, que les Allemands appellent Bandwurmseuche, et qui n’est évidemment, comme en témoigne l’étude des symptômes et des lésions, qu’une forme d’anémie pernicieuse. De même, on a signalé depuis longtemps, chez les lièvres et les lapins, des épizoolies de « gros ventre » occasionnées par des Ténias, dont ces animaux hébergent au moins six espèces diffé- rentes. Nous nous bornerons à rapprocher de ces faits les nombreux cas d’anémie pernicieuse signalés chez l’homme depuis quelques années comme résultant de la présence dans l'intestin du Bothrio- céphale large (Bothriocephalus latus), ver qui se développe, comme on sait, à la suite de l’inges- tion de diverses espèces de poissons. B. En ce qui a trait au groupe des Nématodes, nous pouvons faire remarquer tout d'abord que le rôle le plus important, dans la production de l’anémie pernicieuse, est dévolu aux Strongylidés. a. Le parasite le plus complètement étudié à ce point de vue est sans contredit l'Ankylostome de l’homme (Uncinaria duodenalis). Il ne sera pas inulile, par conséquent, de rappeler en quelques mots l’histoire de cet helminthe. Découvert en 1838, - par Dubini, dans l'intestin d'une jeune paysanne morte à l'hôpital de Milan, il avait été assez géné- ralement considéré comme un parasite inoffensif, lorsque Perroncito démontra qu'il élait la cause directe d’une maladie sévissant avec intensité parmi les ouvriers occupés au percement du Saint- Golhard. Peu de temps après, on reconnut qu'il élait également le point de départ de l’anémie des mineurs si fréquente à Saint-Étienne, à Anzin el à Commentry. En Belgique, en Allemagne, en Hon- grie, en Italie, pareille constatation a été faite, non seulement chez les mineurs, mais chez les brique- tiers, les tuiliers, etc. On peut ajouter, enfin, que le ver a élé rencontré dans les diverses parties du monde, et que partout il détermine une grave maladie, dont le nom varie suivant les localités, mais qui n'est en réalité qu'une forme d’anémie pernicieuse. L’Ankylostome vit dans l'intestin grêle, et en particulier dans le duodénum; à la faveur de sa puissante armature buccale (fig. 1), il se fixe à la mu- queuse, la perce et dilacère les vaisseaux capillaires : le sang qui s'échappe de cette blessure est en partie sucé par le ver, el en partie ré- pandu dans l'intestin. Il est facile de comprendre que ces saignées répétées amè- nent rapidement un grave état cachectique, tout au moins lorsque les parasites sont nombreux et qu'ils agis- sent sur un organisme débi- lité. F, Lussana a même pré- tendu récemment que ces vers inoculent des produits toxiques, propres à dissou- dre l’'hémoglobine, opinion analogue à celle émise antérieurement par Scha- piro au sujet du Bothriocéphale. Le développement de l’Ankylostome est direct : les œufs rejetés avec les excréments évoluent au sein de ces matières ou dans la terre humide; il en sort un embryon qui subit plusieurs mues. La larve définitive peut séjourner assez longtemps dans l’eau ou dans la vase, jusqu’à ce qu’elle soit introduite dans l’organisme avec la boue qui souille les mains, les aliments ou Les objets qu'on porte à la bouche. Il faut ajouter que les Ankylostomes paraissent être parfois aidés, dans leur action pathogène, par d’autres pelils vers connus sous le nom d’Anguil- lules (Æhabdonema slercorale). 6. Une affection tout à fait comparable à l’anky- lostomatose de l’homme a été signalée chez le chat, dès 1876, par Grassi et C. Parona. Les ani- maux atteints se montrent d’abord moins vifs qu'à l'état normal; puis ils perdent l'appétit, maigris- sent et ne tardent pas à présenter tous les carac- tères d’une anémie qui s'accuse peu à peu Jus- qu'à la mort. À l’autopsie, on trouve souvent, dans l'intestin, jusqu'à deux cents vers et plus. Ces vers ont été décrits sous le nom de Zochmius Balsami ; nous avons montré qu'ils sont identiques à l’Ankylostome commun du chien (Uncinaria tri- gonocephala). y. On connaissait aussi depuis longtemps, chez le chien, une maladie dile œnémie des meutes, dont l'origine était demeurée fort obscure, lorsque nous avons signalé, M. Trasbot et moi, la présence d’An- Fig.1.— Extrémité cépha- lique de PAnkylostome de l’homme, grossie 120 fois. 298 A. RAILLIET, — L'ANÉMIE PERNICIEUSE D'ORIGINE PARASITAIRE kylostomes dans l'intestin des animaux alteints (4880). Il nous paraît inutile d’insister sur les carac- tères de cette maladie ; nous n’aurions guère qu'à répéter ce que nous avons dit à propos de l’anky- lostomatose de l'homme et du chat. Un seul point est à noter : c’est la fréquence des épistaxis, qui ont fait parfois appli- quer à cette affection le nom vulgaire de « saignement de nez des chiens de meule». Comme l'indiquent ces di- verses expressions, cette ankylostoma- tose ne s’observe guère que sur les chiens entretenus en meute, mais elle fait de grands ravages parmi ces ani- maux, Les vers qui la déterminent appartiennent à deux espèces distinctes, l'Ankylostome ou Uneinaire trigonocé- phale {Uncinaria trigonocephala) et VA. sténocéphale (U. stenocephala). On à pré- tendu qu'ils sont aidés par d’autres vers habitant le cæeum (Zrichocephalus depressiuseulus\, mais nous avons pu montrer que cette donnée n'élait pas assez sérieusement établie. à. La production de l'anémie peut être aussi le fait d'helminthes voisins des Ankylostomes, quoique un peu grossie MOINS puissamment armés qu'eux 40 fois. nous voulons parler des Sclérostomes. Disons seulement queCarità rapporteau Sclerostoma hypostomum une anémie mortelle qu'il a observée chez un mouton, et que nous avons constaté nous- mème la présence d’une multitude de Selerostoma tetracanthum dans le cæcum de chevaux morts aussi d’anémie. :. Tous les Strongylidés qui viennent de nous occuper, Ankylostomes et Sclérostomes, ont en somme une orga- nisation spéciale de la bouche qui leur permet d'attaquer facilement la mu- queuse du tube digestif; mais il existe aussi d’autres vers de la même famille qui, sans posséder d'armature buccale chilineuse, ont néanmoins une pareille aptitude à perforer les muqueuses el Fig. 2. Extrémité céphalique du Strongle contourné, a sucer le sang de leur hôte : ce sont des Strongles vrais. L'un d’entre eux, le Strongle con- tourné (Strongylus contorlus, fig. 2), vit dans la caillette, c’est-à-dire dans le vé- ritable estomac du mouton, de lachèvre et parfois même du bœuf. L'affection qu'il détermine, et qui est appelée pour ce motif sérongylose de la caillette, a été pri- mitivement observée dans l'Europe centrale, mais avons eu aussi l’occasion de l’étudier en Fig. 3. Extrémite céphalique du Strongle filicol, grossie 300 fois. nous France. Elle sévit souvent à l’état épizootique, dans les localités à eaux stagnantes ou pendant les années humides, attaque de pré- férence les jeunes animaux, et se tra- duit, comme les précédentes, par une anémie progressive, avec le cortège symptomatique habituel. A l’autopsie, on trouve, outre les altérations ordi- naires de la ecachexie aqueuse, des centaines et même des milliers de Strongles, gorgés de sang pour la plupart. Le mode de développement de ces vers est d’ailleurs le même que celui des Ankylostomes. Le Strongle contourné est générale- ment aidé, dans sonaction spoliatrice, par un autre Strongle, de dimensions beaucoup moindres, le Strongle fili- col (Strongylus filicollis, fig. 3), qui peut habiler comme lui la caillette, mais qu'on trouve le plus souvent, et en nombre extraordinaire, dans l'in- testin grêle. Il peut même arriver, Extrémité comme nous l'avons vu récemment ‘phalique r > e du Strongle sur la chèvre, el comme Chédhomme rayé, l'avait sans doute vu sur le mouton, grossie : : k is. que la présence de ce seul Strongle nus b — bouche. filicol s'accompagne d'anémie. a eee £. Pour terminer, nous signalerons 1 — Intestin, une sérongylose de l'estomac et de l'intestin que nous venons d'étudier sur des lièvres et des lapins de garenne, et qui présente, avec celle du mouton, un parallélisme remarquable. Elle est, en effet, déterminée aussi par deux Stron- gles, l'un d'assez grande taille, le Strongle rayé (Strongylus strigosus, fig.4), vivant dans l'estomac, et l’autre beau- coup plus petit, le Strongle rétorti- forme (Sérongylus retortæformis, fig. 5), siégeant surtout dans le duodénum. Ce sont également des suceurs desang, et l'affection qu'ils causent est encore une de celles qu’on désigne sous le nom vulgaire de « gros ventre ». Pour donner une idée des ravages qu'ils peu- vent occasion-ner, il nous suflira de dire que dans un pare où nous avons éludié la maladie, il est mort, dans l’espace de six mois — de juillet à dé- cembre 1888 — plus de cinq cents la- Fig. 5. — ; 1 É e Extrémité pins sur une population approximalive céphalique ailée d’un Strongle ré- V tortiforme, grossie 300 fois. de mille à douze cents sujets. Du rapide exposé qui précède, il ressort que l’anémie pernicieuse d’origine parasi- L. OLIVIER. — LA SYNTHÈSE DE LA MATIÈRE ORGANIQUE 299 taire, loin de constituer une affection propre à l'homme, s’observe fréquemmentchezles animaux, et non pas seulement chez ceux qui sont entrete- nus en domesticité, mais encore chez diverses es- pèces sauvages. Elle est le fait de parasites fort variés, siégeant pour la plupart dans l'intestin ou dans le foie. et dont le mode d'action, quoique imparfaitement connu, parait se ralltacher en grande partie à une soustraction directe de maté- riaux nutritifs. 11 reste sur ce point d’inléressantes recherches à poursuivre. Quant aux manifestations de la maladie, il est facile de reconnaitre qu'elles répondent à une évolution générale sensiblement constante, mais présentent certaines variations secondaires, en rapport avec la nature des parasites, avec l'organe envahi, avec l'espèce et l'état particulier de l’indi- vidu attaqué. Mais, ce qu'il importe de noter, c’est qu'une fois le parasite expulsé, la maladie doit tendre à la guérison, à moins que les lésions locales ne soient irréparables, ou que la déchéance organique n'ait atteint un degré extrème. Inutile d'ajouter que cette expulsion, parfois spontanée, peut être pro- voquée par un traitement spécial, dont les indi- calions doivent varier suivant les circonstances. A. Railliet. Professeur à l'Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort, LA SYNTHÈSE DE LA MATIÈRE ORGANIQUE SANS CHLOROPHYLLE NI LUMIÈRE Des expériences célèbres, dues à Priestley, Igen- Housz, Sennebier, Th, de Saussure, Garreau et Boussingault, ont conduit à admettre que la chlo- rophylle, ou plus exactement le protoplasma vert est « le seul agent des combinaisons synthétiques du carbone, la seale voie pour l'introduction de cette substance dans l'organisme, végétal ou ani- mal (4). Plus tard, quand M. Pasteur eût réussi à cultiver des levüres dans des solutions de sels minéraux el de produits organiques artificiels (2), fut établi ce fait capital que certaines cellules incolores sont susceptibles de former, aux dépens de ces compo- sés et à l'abri des rayons solaires : albuminoïdes, cellulose, matières protéiques, amides, alcools, acides, éthers, etc. Claude Bernard s’est efforcé de prouver que c’est là un phénomène général, que toutes les cellules se comportent, sous ce rap- port, de la même façon : la graisse d’un chien ne provient pas dreclement de celle qu'il a man- gée (Bernard et Berthelot); en réalité il fabrique tous ses principes immédiats. Cependant il convient de remarquer combien ces synthèses diffèrent de celles qu’accomplissent à la lumière les cellules à chlorophylle. L'énergie né- cessaire aux premières leur est fournie par la (1) Claude BEennarpD, Leçons sur les phénomènes de la vie, t. 1, p. 212. (2) En réalité M. Pasteur employait de l'alcool, de l'acide acétique, de l'acide lactique, provenant des êtres vivants. Si nous qualifions ces substances d’artificielles, c’est que la chimie moderne sait en opérer la synthèse, combustion de l'aliment ou la décomposition de la matière fermentescible. Aussi réclament-elles , comme point de départ, des composés endother- miques assez élevés. Au contraire le protoplasma vert, empruntant à la radiation solaire la chaleur dont il a besoin pour assimiler le carbone de l'acide carbonique, peut, en l'absence de toute molécule plus complexe, créer de la matière orga- nique. En 1878 l'illustre physiologiste que nous venons de citer, écrivait à ce sujet : « Si une plante n’a point de parties vertes, elle ne ‘pourra vivre qu'à la condition de trouver tout prépa- rés dans le milieu extérieur les principes qu'an- térieurement aura la chlorophylle de quelque autre plante. Ainsi en sera-t-il des para- -sites végétaux, des champignons, des mucédinées. des êtres monocellulaires qui doivent trouver sur l'être qui les porte ou dans le milieu qui les baigne ces mêmes principes indispensables, source de leur activité protoplasmique (1). » Boussingault à résumé ces idées en disant : « Si la radiation solaire cessait, non seulement les végétaux à chlorophylle, mais encore les plantes qui en sont dépourvues, disparaïtraient de la sur- face du globe. » Il aurait pu ajouter : et les ani- maux, à la vie desquels, directement ou indirecte- ment, le règne végétal est indispensable, On considère donc aujourd’hui comme chose démontrée que, sous l'influence de la lumière, le protoplasma pourvu de chlorophylle opère, à partir Sn (4) Loc. cit. p. 220. élaborés 300 L. OLIVIER. — LA SYNTHÈSE DE LA MATIÈRE ORGANIQUE des éléments, la synthèse de la matière organique, et que telle est l'unique origine du carbone com- biné chez tous les êtres vivants. Un travail récent de M. Sergius Winogradsky vient d'infirmer cette doctrine. L'auteur a pour- suivi, à l'Institut hygiénique de l’Université et au laboratoire de chimie agricole du Polytechnicum de Zurich, une série d'expériences (1), d’où il résulte que, dans la plus complète obscurité, l’a- gent microbien de la nitrification. qui est une bac- térie incolore, fabrique de la matière organique dans des liquides d'où l’on a pris soin d’en éliminer les moindres traces. L'importance de ce fait nous oblige d’en indiquer les preuves avec quelque détail : Dans une série de recherches, devenues clas- siques, MM. Schlæsing et Muntz ont déterminé les conditions chimiques de la formation naturelle du salpêtre. Les sois où ce corps prend naissance con- tiennent, à côté d’un sel potassique, du carbonate ou du sulfate d'’ammoniaque. L'oxydation de l’am- moniaque donne de l'acide nitrique qui s’unit à la potasse : ainsi se constitue le nitrate de potasse ou salpêtre. Quant à l'oxydation de l’ammoniaque, les auteurs l’ont attribuée à un ferment animé: seul en effet le développement d’un être vivant, susceptible de multiplication indéfinie, pouvail expliquer la nitrification par ensemencement, la suspension du phénomène sous l'influence des anesthésiques, l'arrêt définitif de la réaction dans des circonstances incompatibles avec l'existence de la vie. Cette conclusion s'imposail ; néanmoins jusqu'à ces dernières semaines personne n'avait réussi à découvrir l'agent présumé de la métamorphose. M. Winogradsky vient d’y arriver. La méthode, qu'il a imaginée dans ce but, est des plus ingénieuses: Le sol où se forme le salpètre renferme ane grande variété de micro-organismes. Pour enisoler le ferment nitrificateur, les procédés de fraction-" nement en usage dans les laboratoires semblaient tout indiqués. Ces procédés consistent à diluer dans un liquide stérilisé une parcelle dela matière en fermentation, puis à distribuer de fines gout- telettes du liquide dans divers milieux nutritifs, également slérilisés.On sépare ainsi les uns des autres les microbes qui étaient, pour ainsi dire, contigus dans la parcelle primitive. Semés isolé- ment, chacun dans un matras, ils donnent alors, s'ils se développent, des cultures pures, au moyen ————————— (1) Annales de l'Institut Pasteur, avril 1890. desquelles on détermine ensuite leurs propriétés ca ractéristiques. Qand on se sert de solutions de gélatine pour opérer ce fractionnement, on pratique l’ensemence- ment dans la solution liquéfiée à une douce cha- leur (A, fig. 1), eton la répand, sans tarder, sur une lame de verre (B. fig. 1); elle s’y solidifie tout de suite par refroidissement. La plupart des microbes semés sontde cette façon emprisonnés en diverses régions de la plaque ; chacun d'eux, pro- liférant, y donne naissance à une colonie d'êtres semblables que, pendant un certain temps, l’état solide du milieu nutritif préserve de toute conta- Fig. 1. — A, Tube à essai contenant une solution neutre de gélatine additionnée ou non de peptone ct de sels mi- néraux. Le tube est bouché par un tampon de ouate et stérélisé par la chaleur avant d'être ensemencé; — B, pla- que de verre stérilisée sur laquelle on a répandu la géla- tine du tube À aussitôt après l’ensemencement de ce tube. La plaque, conservée à labri des germes de l'air, se couvre, au bout de quelques jours, de colonies 1, 2, 3.8, apparaissant aux points où les microbes semés ont été fixés par la solidification de la gélatine. 1 mination. Les colonies (1, 2, 3, 4....8 en B, fig. 1) arrivent à constituer de petites taches visibles à l'œil nu ou à la loupe : on peut les y recueillir à l’état d’absolue pureté. Il C'est là le procédé le plus souvent employé dans les laboratoires pour séparer les bactéries. Mal- heureusement, lorsqu'on l’applique à la recherche du ferment nitrificateur, on n'isole que des mi- crobes incapables d’oxyder les sels ammoniacaux. M. Winogradsky conclut de cet échec que le milieu de culture employé ne convient pas à l'agent mi- crobien de la nitrification. Aussi résolut-il d’aban- donner une méthode qui, dans l'espèce, manifes- lait une évidente impuissance, et s’appliqua à en inventer une autre. Ses efforts se concentrèrent alors sur le problème suivant : déterminer très- exactement la composition des liquides où la nitrification s'opère avec tendance à éliminer les Thor L. OLIVIER. — LA SYNTHÈSE DE LA MATIÈRE ORGANIQUE 301 microbes non adaptés au phénomène. Il fut ainsi amené à employer l’eau du lac de Zurich addi- tionnée de sulfate d’ammoniaque, de phosphate de potasse, de carbonate basique de magnésie et d’une petite quantité de terreau. Dans ces conditions la nitrification s'accomplit rapidement. M. Winogradsky remarqua que la couche de car- bonate de magnésie déposée au fond de ses matras se couvrait d'un voile grisätre de consistance géla- tineuse, constitué par la zooglée d’une bactérie ovale, imprégnée de cristaux d'un carbonate alca- lin. « L'impression que faisaient ces formations était qu’elles ne sont pas un mélange accidentel du microbe avec le sel, mais qu’elles sont dues à l’action de l'être, qui se fixe sur les particules du précipité et les englobe dans la matière gélatineuse qu'il sécrète. Il n’y avait nulle trace de ces bactéries à la surface du liquide, ni sur les parois des vases; toutes se concentraient dans la couche de la base carbonatée, qui disparaissait à vue d'œil, dissoute par leur action (1) ». Ces faits semblaient indiquer que la bactérie de la zooglée était le ferment cher- ché. Cependant chaque fois qu'on la semait en milieu solide, on n’obtenait que des colonies d'orga- nismes incapables de produire la fermentation. M. Winogradsky eut alors l’idée de fractionner la zooglée dans un milieu liquide identique à celui où il avait obtenu la nilrification, mais fout à fait exempt de matière organique. Dans un tel milieu les microbes étrangers ne se développent pas, tandis que la bactérie zoogléique se mulliplie. Par une série d’ensemencements successifs, on peut réduire le nombre des impuretés. Vient-on alors à fractionner dans la gélatine une gouttelette du liquide riche en bactérie zoogléique et pauvre en microbes étran- gers, ceux-ci forment çà et là quelques rares colo- nies ; entre elles se voit l'emplacement des gouttes où la bactérie zoogléique a été déposée seule : on constate que rien n’y pousse. Il suffit donc d'y puiser pour en rapporter à l'état pur le ferment présumé. En le semant dans des liquides préalablement Stérilisés et préparés comme il a été dit plus haut, sans trace de matière organique, on y dé- termine une abondante production de salpêtre. D'autre part, si l’on verse quelques gouttes de ces liquides dans la gélatine, aucune colonie n’appa- rail en ce dernier milieu. La bactérie zoogléique a done bien été isolée; partant c'est à elle qu'il convient d'attribuer le phénomène de la nitrifica- tion. III Comme on le voit, ce travail est, quant à la mé- thode, marqué au coin de l’originalité : il étend (1) Loc. cit. nos?moyens d'action sur les microbes et servira de modèle dans les recherches où l’on se proposera de les isoler. Déjà la fécondité du procédé est bril- lamment attestée par le résultat que M. Wino- gradsky en a obtenu : en isolant le nouveau microbe, en prouvant qu'il produit la nitrification, l’auteur a fait mieux que de découvrir la cause de ce phénomène ; il est arrivé à ce résultatinattendu, — contraire à ‘tout l’enseignement biologique actuel, — qu'une cellule, privée de chlorophylle et soustraite à la lumière, peut, en de certaines con- ditions, vivre dans un milieu exclusivement miné- ral et y opérer la synthèse de la matière orga- nique. On pourrait objecter à cette conclusion qu’il est très difficile de préparer un milieu de culture rigoureusement exempt de matières organiques, et que d’autre part de très petites quantités de ces substances suffisent à la nutrition des bactéries. Mais M. Winogradsky s’est mis en garde contre cette cause d'erreur. Il eut soin de doser le carbone organique dans ses cultures et put ainsi constater qu'il ne cesse de s’y accumuler depuis le commencement jusqu'à la fin de la nitrification (1). C'est donc bien dans des solutions exclusivement minérales qu'il a obtenu le développement de son ferment et, d’une façon corrélative, l'oxydation de l’'ammoniaque. Cette dernière réaction, qui est exothermique, semble fournir à la cellule vivante l'énergie re- quise pour ses synthèses. Il parait en effet im- possible d'admettre dans la bactérie de M. Wino- gradsky l'existence d’une chlorophylle incolore, athermane à l'égard de certaines radiations obs- cures et par suite susceptible d’accumuler, en les absorbant, la force vive que réclame la formation des hydrates de carbone et des albuminoïdes. Si cette hypothèse était bien fondée, l'acide carbo- nique serait décomposé et l’on constaterait, comme dans le phénomène chlorophyllien ordinaire, un dégagement notable d'oxygène. Or, bien que l’au- teur ait porté son attention sur ce point, il ne réussit à découvrir dans la nitrification la plus active aucune production dé ce gaz. C'est ce qui l’a conduit à chercher dans les réactions du milieu minéral l'énergie nécessaire à la création de la matière organique. La portée de cette interpréta- tion n’échappera à personne : c’est en biologie le commencement d'une révolution dont on prévoit déjà les conséquences sans pouvoir encore en dé- terminer les limites. Louis Olivier. (4) Comptes rendus Acad. Sc., 12 mai 1890. C.-M. GARIEL. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE Le nombre des travaux de physique qui sont pu- bliés annuellement tant en France qu'à l'étranger est considérable, et leur seule indication bibliogra- phique complète suflirait pour remplir une bro- chure compacte, sinon un volume. Nous ne pou- vons done avoir la prétention de les signaler tous, même en un résumé très sommaire : ce résumé serait d’ailleurs sans grand intérêt. Beaucoup de ces travaux ne comportent que l'étude d’un point limité quine prend son importance réelle que si on le rapproche des autres recherches faites dans le même ordre d'idées. Aussi, nous proposant de faire une Revue de physique pour l’année qui vient de s'écouler, nous ‘nous bornerons à l'indication d'un petit nombre de sujets : nous signalerons les découvertes de phé- nomènes nouveaux, les recherches qui permettent de considérer comme terminée l’étude d’une ques- tion, au moins provisoirement, les expériences qui ont conduit à des applications pratiques, les mé- thodes d'observation originales et qui semblent susceptibles de recevoir des applications variées. Le caractère général de cette revue, qui ne peut avoir la prétention de remplacer les mémoires ou articles détaillés, nous forcera d’ailleurs à négliger les travaux qui ne se rapportent qu'à des détails dont la longueur de l'exposition ne serait pas en rapport avec l'intérêt; nous devrons également nous abstenir des sujets qui exigeraient de trop longs développements mathématiques. Cest dire que nous nous résignons d'avance à ne pas être complet, surtout si l’on songe que les ques- tions les plus intéressantes auront été souvent l'objet d'articles spéciaux dans cette Revue et que nous devrons nous borner à une brève indication dans ce cas. Nous croyons que, malgré ces res- trictions, une revue annuelle de physique peutêtre intéressante et nous ne devrons nous en prendre, qu'à nous si nos lecteurs ne trouvent pas telle celle que nous nous proposons de leur présenter. Il est, en physique, des questions d'ordre maté riel, pourrait-on dire, des questions qui corres- pondent à des phénomènes mécaniques visibles, comme par exemple celles qui correspondent aux effets produits par des corps en mouvement, notam- ment par des gaz. Outre que les phénomènes qui se produisent alors peuvent donner lieu à des applica- tions ou qu'ils permettent de fournir une explication d'effets déjà connus, il est probable que, par l’en- semble des propriétés qui sont successivement mises en évidence ainsi, on arrivera à se former une idée de plus en plus nette de la constitution des Corps. Dans cet ordre d'idées, nous signalerons une étude intéressante de M. J. B. Baille sur l’écoule- ment des gaz à travers un long tuyau. La méthode ne présente rien de particulier ; elle a permis à M. Baille d'étudier notamment les variations de la pression avec les diverses conditions de l'expé- rience, de déterminer la vitesse moyenne, de mesurer l’abaissement de température qui, pour une même masse de gaz et les mêmes pressions initiale et finale, a été trouvée la même, quelle que fût la durée de l'écoulement. La forme de la veine à la sortie a été déterminée en faisant passer le gaz au-dessus d’une feuille de papier saupoudrée de poudres colorées. Nous ne pouvons que renvoyer à ce travail dont il n’est pas possible d'indiquer les résultats en détail. Les expériences de M. Weyher sur les mouve- ments produits dans l'air par l’action d'un corps qui y estanimé d'un rapide mouvement derotation ont montré des effets très curieux, imprévus el qui semblent expliquer l’origine de certains phéno- mènes dont notre atmosphère est le théâtre. Ces effets sont produits par la rotation de corps faisant de 1000 à 1500 tours par minutes : tantôt on emploie un tourniquet constitué par un cylindre à une base présentant intérieurement des palettes dirigées suivant les rayons, tantôt on fait usage d’une sphère constituée par des méridiens en carton fixés sur l’axe de rotation. La rolalion de ces appareils produit dans l'air des variations de pression et des mouvements qui se traduisent par des effets variés. C’est ainsi que le tourniquel étant placé à 1 m. 50 environ d'une cuvette contenant de l’eau assezchaude pour émettre quelques vapeurs, on voil, lors de la rota- tion, la surface du liquide présenter une élévation centrale autour de laquelle se produisent des rides spirales mettant en évidence l'existence d’un tour- billon aérien; un peu plus tard les vapeurs s’élè- vent en lournant et forment bientôt un fuseau qui s'étend du liquide au tourniquet et qui présente au centre une partie pleine d’air; on vérifie directe- ment à l’aide d'un manomètre que la pression inté- rieure est moindre que la pression atmosphérique, et, en mettant sur le liquide un petit ballon qui est à em A > C.-M. GARIEL. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 303 bientôt saisi par le tourbillon et élevé jusqu'à la partie supérieure, on s'assure que le tourbillon est ascendant. L'effet est exactement le même si l’on emploie de l’eau froide et qu’on fasse arriver de la vapeur dans le voisinage du tourniquet. L'observation des effets que nous venons d’in- diquer et d’autres sur lesquels nous ne pouvons nous arrêter montre que ce phénomène présente une très grande analogie avec les trombes dont l'origine serait ainsi déterminée, si cette analogie était absolument acceptée. On peut également reproduire dans l'air tous les effets d’un cyclone qui se déplace, en faisant mou- voir horizontalement un large tourniquet animé d’un rapide mouvement de rotalion à une petite distance d’une table : direction des vents, calme central, variations de la pression atmosphérique, on observe tous les effets signalés par les marins. Avant d'aborder les effets produits par la sphère tournante, signalons l'attraction exercée parle tour- niquet sur un plan situé parallèlement à quelque distance, attraction qui est due à la diminution de pression produile par la rotation. M. Weyher à déterminé les lois de variation de cette atlrac- tion. En faisant tourner la sphère dont nous avons parlé, celle-ci agit comme un ventilateur, aspirant l'air par les régions polaires et le rejetant par l'équateur. Cependant cette sphère agit attractive- ment par sa partie équatoriale; comme le tourni- quet, elle peut donner naissance à une trombe aboutissant à celte région : elle atlire un ballon placé dans le voisinage en face de l'équateur et, si ce ballon est libre, il est entrainé et décrit une or- bite fermée autour de la sphère et dans le plan de l'équateur. Il semble y avoir contradiction entre cette attrac- tion et le mouvement de l'air qui s'échappe à l'équateur; mais il faut admettre qu'il se produit dans cette région des tourbillons qui expliquent les effets observés. Ces expériences, dont quelques-unes produisent des effets imprévus, semblent pouvoir nous ren- seigner sur la nature des trombes au sujet des- quelles les météorologistes n’ont pas encore pu tomber d'accord; elles justifient pleinement la constitution attribuée aux cyclones. Elles ne ren- dent pas bien compte cependant de l’origine de ces phénomènes, car nous ne voyons pas nettement pour ceux-ci ce qui remplace le tourniquet : elles ne nous en paraissent pas moins cependant très in- téressantes et de nature à mériter l'attention des physiciens. M. Weyher va plus loin et cherche à expliquer à l’aide de tourbillons existant dans l’éther les mou- vements des planètes, les phénomènes électri- ques, etc. Nous ne le suivrons pas dans les ingé- nieuses comparaisons qu'il fait et qui nous sem- blent prématurées. Il n’en est pas moins curieux de voir reparaitre, reposant sur une base expéri- mentale, l’ancienne hypothèse des tourbillons. Il Les questions d’acouslique peuvent se ratlacher aisément à celles qui se rapportent aux actions mécaniques : ne sait-on pas, maintenant, que les ondes sonores peuvent être étudiées plus comple- tement et plus exactement à l’aide d'appareils ins- cripteurs qu'à l’aide de l'oreille même? Ces questions, qui sont quelquefois un peu négligées, ont donné lieu dans ces derniers temps à quelques travaux qui méritent d’être signalés. Nous n'insisterons pas sur le phonographe qui à été une des curiosités de l'Exposition : les nou- veaux modèles présentés par M. C. $S. Tainter sous le nom de graphophone et par M. Edison, sous le nom primitif de phonographe ne diffèrent en rien comme principe du modèle présenté en 1878 : ils comportent, l’un et l’autre, des perfectionnements très réels : les sons conservent mieux leurs carac- tères; le phonogramme peut être conservé et servir à des auditions multiples. Mais au point de vue physique, rien de parliculier n’est à signaler dans ces nouveaux modèles (1). Nous ne savons d'autre part si le graphophone et le phonographe sont appelés à prendre dans la vie usuelle le rôle im- portant qu’on leur assignait il y a quelques mois, et si les phonogrammes sont appelés à remplacer les lettres; nous doutons en tout cas que cette substitution doive avoir lieu prochainement. Si- gnalons toutefois une application importante qui vient d’être faite, parait-il : on a recueilli en Amé- rique à l'aide du phonographe des conversations, des légendes, des poèmes d’une tribu d’Indiens dont il ne reste que quelques survivants et qui est certainement appelée à disparaitre à bref délai. Il sera possible ainsi de conserver d’une manière exacte la prononciation d’un langage que d'ici quelques années personne ne parlera plus. M. Neyreneuf, continuant les recherches qu'il à entreprises sur l'harmonica chimique, a fait con- naitre une série d'expériences sur les conditions de production des sons et sur les particularités que présentent les flammes dans cet appareil. Il à reconnu que les effets diffèrent suivant que la (1) Si ce n’est le Granmophone de M. Berliner, dont nous n'avons pas à parler, puisqu'il a été décrit dans le dernier numéro de cette Revue, p. 286. 304 C.-M. GARIEL. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE flamme est petite ou qu’elle occupe une longueur notable du tuyau dans lequel elle brûle. Dans le premier cas, pour qu'il y ait production d'un son, il faut que la longueur du tube qui amène le gaz soit un multiple de la longueur d’onde du son fon- damental du tuyau-enveloppe : le tube d’amenée se comporte comme le porte-vent d’un tuyau à anche. Si ce tube d’amenée est court et com- munique avec une partie dilatée, on peut, en faisant varier les dimensions de celle-ci, obtenir soit le son fondamental, soit les harmoniques du tuyau-enve- loppe. Lorsque la flamme est grande, tantôt les vi- brations du tube d’amenée agissent seules et tantôt elles coexistent avec celles du tuyau enveloppe : dans ce dernier cas, la flamme présente des appa- rences remarquables, Les conditions nécessaires à la mesure directe de la vitesse de propagation du son dans des tuyaux se trouvent assezrarement réalisées; aussi, lorsque l'occasion se présente, est-il intéressant d'en pro- fiter. Une double conduite de 0",700 de diamètre et de plus de 6 kilomèlres de longueur ayant été établie pour amener à Grenoble des eaux de source, MM. J. Violle et Th. Vauthier se proposèrent de l'utiliser avant qu'elle ne fût mise en service, dans le but de reprendre et de compléter les recherches de Regnault. Nous n'avons pas à nous arrêter sur la méthode employée : elle fut la même que celle de ce physicien dont les appareils originaux furent même mis gracieusement à la disposition des expérimentaleurs. Des expériences de MM. Violleet Vauthier se dégage d’abord un important résultat qui précise ce qu'il faut entendre par l'expression : vitesse de propagation d’une onde sonore, résultat qui a été mis en évidence nettement par l’enregistrement direct, qui permit de noter, en différents points de son parcours, la forme même de cette onde. On pouvait donc noter l'instant du passage du front de l'onde et l'instant du sommet; la fin de l’onde ne put ètre appréciée avec exactitude. Il résulte des expériences de Grenoble que, au début, les diverses parties de l'onde se propagent avec des vitesses différentes, le front marchant plus vite que le sommet qui, dès le début, prend un mouvement uniforme. Mais assez rapidement les vitesses s’égalisent, l'onde prend une forme invariable et la vilesse commune est celle que possédait d'abord le sommet. La mesure de la vitesse de propagation doit donc être déterminée par celle de son sommet, à moins que l’on n'opère à une distance assez grande de l'origine du mouvement pour que l'onde ait pris sa forme définitive. Le nombre donné par MM. Violleet Vauthier pour la vitesse de propagation du son dans l'air libre et sec à O°est de 331",10 par seconde, avec une erreur probable inférieure à 0®,10, Dans les tuyaux l’in- fluence des parois amène un retard qui est en raison inverse du diamètre et qui dépasse 0,46 pour le son du pistolet dans un tuyau de 1 mètre. Quelques autres conséquences intéressantes résultent encore des recherches dont nous parlons. Parmi celles-ci nous signalerons la constance de la vitesse normale (vitesse du sommet) malgré les variations d'intensité et de hauteur des sons pro- duits; dans le cas où le bruit est produit par la décharge d’un pistolet, l'excès de vitesse du front sur la vitesse normale croit avec l'intensité. III Il est toujours intéressant de voir une question traitée et discutée assez complètement pour qu'on ait la conviction qu'il n'y aura plus à y revenir, alors même qu'il ne s’agit pas d’un sujet d’une im- portance capitale; l'intérêt est augmenté si cette étude conduit à un résultat dont la pratique peut profiter. Telle est l'impression que nous ont fait éprouver les recherches de M. A. Cornu sur ;ce qu'on appelle le 2alo photographique et ce qu’il pro= pose de désigner seulement sous le nom de kalo de lames épaisses, car la photographie ne fait qu'en- registrer un phénomène qui n’a point son origine dans l’action chimique de la lumière. On sait que lorsque l'on veut prendre l’image photographique d’un point lumineux très brillant, on oblient autour de cette image un anneau lumi- neux plus ou moins large et plus ou moins brillant : c'est cet anneau qui constitue le halo. Sa formation explique le fou qui se produit lorsque l’on prend l’image d’une surface très éclairée se détachant sur un fond plus sombre. M. Cornu, après une étude minutieuse des conditions de formation de ce halo dans des circonstances variées, est parvenu à mettre hors de doute son origine. Lorsqu'une image réelle d’un point lumineux se fait sur une couche translucide déposée sur une plaque de verre (collodion, ou couche mince de pein- ture) cette image diffuse dans toutes les directions à l’intérieur de la lame ; la lumière vient alors ren- contrer la seconde face sur toutes les incidences et pour certains points il y a réflexion totale tandis que pour d’autres une partie seulement est réflé- chie. La lumière réfléchie revient sur la première face qu’elle éclaire et l’éclairement est le plus vif pour les rayons qui ont subi la réflexion totale : c’est eux qui produisent le halo. Des expériences variées par lesquelles M. Cornu à analysé toutes les conséquences de cette explication rendent celle-ci absolument certaine. pe a D pere 2 C.-M. GARIEL. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 305 De cette explication découle le moyen d'éviter le halo : il suffit d'empêcher qu'il puisse y avoir ré- flexion totale sur la seconde face. Pour atteindre ce but, M. Cornu recouvre cette face d'un vernis formé en introduisant du noir de fumée dans un mélange d'essence de girofle el d'essence de térébenthine ayant même indice de réfraction que le verre. Il ne peut y avoir alors réflexion totale à la surface de contact du verre et du liquide, et il ne peut y en avoir non plus à la deuxième surface de la couche de vernis, car la lumière est absorbée par le noir de fumée. Les résultats obtenus par ce procédé sont très satisfaisants : on avait bien auparavant signalé des tours de main qui réussissaient souvent; mais ils ne reposaient sur aucune donnée théo- rique; aussi faisaient-ils défaut quelquefois. La question est actuellement complètement résolue et il sera possible d'obtenir dans tous les cas des images nettes. La nécessité d'obtenir des images nettes en photographie s'impose d’ailleurs de plus en plus, au fur et à mesure que ces images sont employées à des mesures, à des déterminations précises. Get emploi devient de plus en plus fréquent el nous croyons devoir citer deux séries de recherches dans lesquelles la photographie a été employée et qui avaient pour but de recueillir des renseigne- ments sur certaines propriétés des liquides. M. Gossarl s’est proposé de démontrer par l'expérience que le phénomène de caléfaction constitue un cas particulier des phénomènes capillaires et qu'il peut servir à mesurer la tension superficielle des liquides et à étudier les variations de cette tension dans des circonstances diverses. Dans ce but, il a fait l'étude de gouttes épaisses de différents liquides qu'il déposait sur une lame de platine maintenue à une température convenable. En admettant que la tension superficielle est la même sur tout le périmètre de la goutte et que l’angle de raccordement avec la plaque est nul, M. Gossart avait déterminé l'équation théorique d’une section méridienne d’une goutte, ce qui lui avait permis de conclure entre autres éléments la forme de cette section, les épaisseurs et les dia- mètres de gouttes circulaires où allongées. La goutte élait disposée dans un faisceau lumineux qui pénétrait ensuite dans une chambre noire par une ouverture munie d’un oblurateur qui la dé- couvrait pendant + de seconde. L'image obtenue était sensiblement égale en grandeur à la goutte, comme il était facile de s’en assurer grâce à un micromèêtre que l’on plaçait dans le plan de la section méridienne dela goutte et dont on obtenait également l’image sur la plaque sensible. L'étude des images ainsi obtenues montra que la section méridienne des gouttes a bien la forme indiquée par la théorie et les mesures des valeurs comparées de la largeur et de l’épaisseur montra également une concordance entre la théorie et les résultats de l'expérience. On est done conduit à admettre comme démontrés les points qui ont servi à établir la théorie. Nous n’insistons pas sur d’autres résultats obte- nus par M. Gossart, parce que la photographie ne fut pas employée pour les expériences correspon- dantes et que d’ailleurs la Revve en a déjà rendu compte (1). M. Vauthier s'est proposé d'étudier la vitesse d'écoulement d'un liquide à travers un orifice en mince paroi : cette vitesse est donnée par la for- mule de Toricelli dans le cas où l’on peut négliger la viscosité du liquide, mais on ne savait pas quelle était l'influence de la viscosité. Pour déterminer la vitesse d'écoulement d’un liquide tombant verticalement, M. Vauthier mesura la vitesse des bulles d'air qui sont entrainées dans la veine : à cet effet il prenait une image photogra- phique de la veine sur une plaque animée d’un mouvement de translation horizontale. On obte- nait sur cette plaque, pour chacune des bulles, une trajectoire qui donnait la direction de la vitesse relative, ce qui permettait de calculer le rapport des deux vilesses composantes et, par suite, de déterminer la vitesse verticale, si l’on connaissait la vilesse horizontale. Dans une série d'expériences, plusieurs plaques étaient fixées sur un volant à axe horizontal placé dans la chambre noire et müû par un moteur électromagnétique. C'est sur ces plaques qu’on projette à l’aide d’un objectif l’image de la veine qui est fortement éclai- rée, en même temps que l'image d’un orifice cireu- laire de petit diamètre percé dans un écran porté par un diapason entretenu électriquement. On con- çcoit que l'enregistrement des vibrations, en permet- tant la mesure du temps, donne le moyen de faire des mesures absolues. La détermination de la vitesse verticale est ici un peu moins simple que nous ne l’avions d’abord indiqué, parce que la plaque se meut circulairement et non horizontalement ; mais il est aisé de tenir compte de cette condition. M..Vauthier opéra d’abord sur l’eau, afin d’avoir un moyen de contrôle de la méthode : il trouva que les vitesses obtenues par l'expérience concordent avec les valeurs fournies par la formule de Toricelli, à 55 près. En opérant ensuite sur dès sirops de glucose de viscosité plus ou moins grande, M. Vauthier recon- (1) Voyez le n° 2 de cette Revue, p. 54. 306 C.-M. GARIEL. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE nut que les résultats sont complètement différents et put calculer, pour chaque cas, la perte de charge. Il trouva que cette quantité croît un peu plus vite que la viscosité. Ces résullats et d’autres sur lesquels nous n’in- sistons pas sont intéressants; et, si la méthode, fort ingénieuse, méritait d'être signalée, les don- nées numériques auxquelles elle pourra conduire en l’étendant contribueront à nous fournir des renseignements importants sur les propriétés encore mal connues des liquides. Dans cet ordre d'idées nous aurions à signaler les recherches de M. Schwedoff sur la cohésion des liquides, si elles n'avaient déjà été indiquées dans ce Recueil (4). IN L'électricité continue d'être l’objet de recherches nombreuses et d'applications variées : celles-ci ne paraissent cependant pas se développer aussi rapi- dement qu'on aurait pu l’espérer. Nous ne pouvons cependant passer sous silence, à ce point de vue, le développement important de l'éclairage élec- trique à l'Exposition, qui a représenté la plus vaste installalion qui ait existé jusqu'à présent; nous nous bornerons à citer quelques chiffres pour donner une idée de son imporlance : la force motrice était produite dans plusieurs stations et correspondait à une puissance totale de 4.000 chevaux-vapeur; le courant était distribué par plus de 200 kilomètres de conducteurs dans 1.500 régulateurs à are et 10.000 lampes à incandescence ; l’éclairement four- ni dans ces conditions était égal à celui de 200.600 becs carcel, soit environ le triple de l'éclairement normal des voies publiques dela Ville de Paris. On sail combien était merveilleux l'effet produit. D'un autre côté l'éclairage électrique a été ins- tallé sur les boulevards, la rue Royale; une usine à été disposée par la Ville de Paris dans les caves des Halles pour éclairer ces bâtiments et quelques rues avoisinantes et pour fournir de l'électricité aux particuliers dans cette région. Ajoutons, pour être complet à ce point de vue, que diverses stations sont en construction ou en installation, que l’on procède à la pose de la canalisation, et que l’on peut espérer que, d'ici quelque temps, il sera pos- sible, au moins dans certains quartiers, de pouvoir utiliser sous des formes diverses l'énergie produite dans ces stations. Ces applications de l'électricité à la distribution de l'énergie deviennent de plus en plus fréquentes ; aussi a-(-on cherché à réaliser les conditions les (1) Rev. gén. des Sciences, 1. I, p. 76. plus favorables possible, soil au point de vue de la meilleure utilisation des conducteurs, soit au point de vue des appareils où l'énergie est em- ployée. Comme ces conditions ne sont pas les mêmes, on a été conduit à se servir des éransfor- maleurs qui, avec une certaine perte naturelle- ment, permettent de substituer à un courant donné un autre courant ayant une intensité et une tension différentes. Un transformateur est, en résumé, une bobine d’induction dont les deux fils ont des longueurs et des sections inégales : un courant alternatif passe dans l’une des bobines et un courant également alternatif est produit dans l’autre. Le rapport des intensités dépend des dimensions des deux fils et des armatures de fer que l’on a disposées, et peut varier dans des limites très étendues : en général, le courant inducteur est à haute tension et le cou- rant induit est à une tension notablement moindre. On arrive ainsi à diminuer le poids et le prix des conducteurs principaux pour lesquels les tensions considérables sont sans inconvénient, puisque ces conducteurs sont hors de la portée du publie, tandis que les fils qui aboutissent aux appareils directe- ment utilisés ne sont parcourus que par un courant de faible tension. ce qui évite les accidents. L'emploi des transformateurs a été indiqué par Jablochkoff en 1877 et est devenu pratique à la suite des recherches de Gaulard et Gibs, de Ziper- nowsky, Déry et Blatty, de Ferraris, ete. L'Expo- sition présentait plusieurs modèles de ces appareils qui sont employés assez fréquemment à l'Étranger, mais qui, jusqu'à présent, n'ont pas été utilisés en France d’une manière un peu générale. Il y a là une particularité dont nous ne voyons pas la raison. C'est à l’aide de transformateurs que, dans la galerie des machines, M. Elihu Thomson obte- nail ces courants d'une intensité considérable, 20.000 ampères, à l’aide desquels on produisait directement la soudure du fer. Il y a là encore une application de l’électricité qui nous parail appelée à entrer avantageusement dans la pratique. Nous devons ciler également, comme ayant été particulièrement remarquées, les expériences de répulsion électro-dynamique, qui figuraient dans la même exposition de M. Elihu Thomson. On sait que si l’on fait passer des courants alternatifs dans un fort électro-aimant, des courants induits pren- nent naissance dans un disque de cuivre placé à une petite distance au-dessus de cetélectro-aimant. Le disque parcouru par ces courants induits subit des actions attractives el répulsives de la part des courants inducteurs; mais on pourrait penser que, par raison de symétrie, ces actions sont égales et C.-M. GARIEL. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 307 que, se succédant très rapidement, elles se détrui- sent respectivement. Ce n'est pas ce qui arrive cependant, à cause de la self-induction du disque, et l'on observe une répulsion manifeste que l’on peut mettre en évidence par des expériences variées, dans le détail desquelles nous ne croyons pas devoir entrer. Ces faits sont très curieux et méritent d'être signalés : outre qu'ils sont une ingénieuse vérification de la théorie, ils condui- ront peut-être à des applicalions : c'est à eux que se rattache une expérience faite par M. Zenger et qui viendrait à l’appui d’une intéressante hypo- thèse. Si, au-dessus d'un électro-aimant double, dans lequel on fait passer des courants alternatifs et à égale distance des deux pôles, on place une sphère en cuivre rouge suspendue par un fil préa- lablement tordu, la sphère qui prend un mouve- ment de rotation par suite de cette torsion, tant que le courant ne passe pas, s'arrête presque com- plètement lorsqu'on met l'électro en action. Mais si la sphère est placée à des distances inégales des deux pôles, on la voit prendre un mouvement de translation courbe, mouvement spiraloïde, à peu près circulaire si la sphère est peu excentrée, spiraloïde elliptique si la sphère est notablement plus rapprochée d'un pôle que de l’autre. M. Zenger, modifiant un peu une expérience de Puluj, a pu obtenir des tracés de la trajectoire décrite par la sphère : il voil dans cette expérience une confir- mation des idées qu'il défend depuis plusieurs années, et dans lesquelles il explique le mouve- ment orbilaire des planètes par une action d'induc- tion exercée par le soleil qui agirait comme une machine dynamo-électrique. Celle question est d’ailleurs à l’ordre du jour sous des formes di- verses el c’est ainsi que, à l'Académie des sciences, M. Tisserand, puis M. Maurice Lévy ont cherché si, pour mieux satisfaire à l’explication de certaines données des orbites des planètes, on ne pourrait pas remplacer la loi d'attraction de Newton par des lois dérivées de l’électro-dynamique. V Parmi les questions qui ont été étudiées expéri- mentalement en physique et dont l'importance parait très grande, parce qu'il semble qu’elles sont de nature à nous renseigner sur la nature de l’élec- tricité, il en est deux sur lesquelles nous croyons devoir nous arrêter spécialement et au sujet des- quelles nous allons entrer dans quelques dé- tails. Nous parlerons d’abord des effets actino-élec- triques qui ont été étudiés depuis trois ans envi- ron et sur lesquels des recherches diverses ont été faites cette année. On sait que M. Hertz reconnut l'influence de la lumière sur les phénomènes élec- triques dans les conditions suivantes : il faisait éclater des étincelles entre deux tiges reliées à une bobine d'induction et faisait varier la dis- tance de ces tiges jusqu'à ce que l’étincelle cessät ; mais, sans rien changer à cette distance, l’étincelle se produisait de nouveau si l'on éclairait les pointes à l’aide d’étincelles produites dans le voisinage. Des expériences variées montrèrent netlement que ces dernières étincelles n’agissaient pas par une action électrique, mais seulement par la lumière qu'elles émettaient et l’on reconnut que c'était seulement aux radiations très réfrangibles, vio- lettes et ullra-violettes que cet effet devait être attribué. Les expériences de Hertz furent répétées et étendues : on pût reconnaitre ainsi que des effets du même genre se manifestent également dans le cas d'électricité à potentiel peu élevé. La disposi- tion la plusfréquemment employée est la suivante: on place parallèlement et à une distance variable, mais faible, une lame métallique et une feuille de toile métallique, la première reliée au pôle négatif d’une pile, la seconde à son pôle positif; dans le circuit est intercalé un galvanomètre, un électro- mètre ou un téléphone La source de lumière qui a élé le plus fréquemment employée est l'arc élec- trique produit entre des charbons présentant une àme en aluminium, ce qui augmente l'intensité des radiations très réfrangibles. Si l’on dirige un faisceau lumineux sur la toile métallique, ce fais- ceau traverse celle-ci en partie el va s'arrêter sur l'autre plaque : on reconnait alors que l'aiguille du galvanomètre, qui était au zéro, est déviée, indi- quant l'existence d’un courant, le circuit étant ainsi fermé par la couche d'air éclairée, tandis que cette même couche d’air constitue une solution de continuité dans le circuit, tant qu'elle n’est pas éclairée. Parmi les physiciens qui se sont récemment occupés de cette question, nous signalerons MM. Bichat et Blondlot, Borgman, Nodon, Stoletow : leurs recherches ont porté à peu près sur les mêmes points el ils sont arrivés, en général, à des conclusions analogues, en faisant varier les condi- tions de l'expérience. MM. Bichat et Blondlot ont mis en évidence de diverses façons l'effet de l'insufflation de l'air : un courant d'air étant pro- jeté sur la toile métallique en même temps que le faisceau lumineux, on observe des effets plus in- lenses que par l'effet de la lumière seule ; ils se sont assurés, bien entendu, que l’action du cou- rant d'air seul était nulle; le plateau prend, dans ce cas, une charge positive et le potentiel qu'il acquiert peut atteindre deux volts. MM. Bichat et Blondlot ont observé aussi, en 308 C.-M. GARIEL. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE éclairant à l’aide de radiations ultra-violettes un conducteur isolé et relié à un électromètre, que ce conducteur prend une charge positive; la couche d'air traversée joue alors le même rôle que la toile métallique de l'expérience générale, et doit donc devenir négative. L'expérience a réussi également en remplaçant le conducteur par une plante et le potentiel a atteint vingt volts dans certains cas. Nous passons volontairement sous silence quelques détails et quelques irrégularités qui se sont mani- festées dans ces expériences. C'est très certainement à une cause analogue qu'il faut rattacher les expériences de M. A. Nodon qui, soumettant un conducteur isolé à l'action des rayons solaires, reconnut que ce conducteur s’électrisait positivement; pour éviter toute action provenant du frottement de l'air ambiant ou de l'influence électrique des corps voisins, ce con- ducteur était placé au centre d'une caisse métal- lique reliée au sol et présentant dans le couvercle une ouverture par laquelle pénétraient les rayons solaires. : Ne peut-on pas penser, avec M. Nodon, qu'une achon de ce genre intervient dans l'électrisation des nuages? M. Borgman s’est proposé plus spécialement de rechercher si l’action était instantanée ou si elle exigeail un certain temps pour se produire : à cet effet, le galvanomètre était remplacé dans le cir- cuit par un téléphone, et un disque percé d’ouver- tures tournait entre la source lumineuse et la toile métallique avec une vitesse que l’on pouvait faire varier. Quelle que soit cette vitesse, le télé- phone doit donner naissance à un son ou à un bruit si l’action commence etcesse instantanément; pour une certaine vitesse, le son doit être éteint, au contraire, sil’action n’est pas instantanée. C’est ce dernier résultat qu'observa M. Borgman : la durée de léclairement intervient donc dans le phénomène. Par des expériences du même genre, M. Stole- Low est arrivé à une conclusion analogue :il a même pu évaluer le retard du courant sur l’action lumineuse et a trouvé qu'il est d’un millième de seconde. Ce physicien a fait d’autres recherches et a pu énoncer des lois relatives à ce phénomène : c'est ainsi qu'il a établi que le courant actino-élec- trique est proportionnel à l'intensité des radia- tions actives, qu'il varie avec l'épaisseur de la couche d’air qui sépare les lames et avec la force électromotrice de la pile de charge, et qu'il est proportionnelau rapportde cette force à l'épaisseur. Nous venons de dire que c’est à M. Hertz que l’on doit les premières expériences sur les effets actino-électriques; c'est lui également qui a réalisé des phénomènes mettant en évidence la propaga- tion d’ondes électriques, question qui est d’une im- portance capitale, on peut le dire sans exagéra- tion. Des considérations théoriques dues à Maxwell, complétées par des données expérimentales, per- mettaient de prévoir qu'un ébranlement électrique doit se propager avec une vitesse égale à la vitesse de propagation de la lumière, soit environ 300.000 kilomètres par seconde, ce qui permet de déterminer la longueur d'onde correspondant à des ébranlements périodiques. On trouve aisément que pour que ces longueurs d'onde soient susceptibles d'être mises en évidence, c’est-à-dire pour qu'elles ne dépassent pas quelques mètres, il faut que la période de l’ébranlement soit de l’ordre des billio= nièmes de seconde; on ne pouvait espérer réaliser un agencement mécanique capable de produire ce résultat. C'est par un procédé indirect que M. Hertz a pu atteindre ce résultat : l'excitateur qu’il emploie est formé de deux fils placés sur le prolongement l’un de l’autre et terminés par deux petites sphères séparées par un faible intervalle; chacun de ces fils porte une sphère d'assez grand diamètre dont on peut faire varier la position (ces sphères ont été remplacées ultérieurement par des feuilles mé- talliques d’un emploi plus commode); enfin ces fils sont reliés aux extrémités du fil induit d’une bobine d’induction. Dans ces condilions, lorsque la bobine fonctionne, il se produit entre les fils une série de décharges dont la durée dépend de la capacité des sphères et de la self-induction des fils. durée que l’on peut faire varier entre certaines limites el qui, avec des dimensions qui n'ont rien d’exagéré, est de l’ordre de grandeur que nous in- diquions précédemment. Grâce à ce dispositif, on devait donc produire des ébranlements d’une longueur d’ondulation ap- préciable expérimentalement, la théorie l’indiquait au moins. Mais il fallait les mettre en évidence : M. Hertz y arriva en employant un fil métallique courbé circulairement et dont les deux extrémités sont situées en face l’une de l’autre à une très petite distance ; si ce cerele est placé dans le voisi- nage de l’excitateur et s’il a des dimensions conve- nables, des élincelles jaillissent dans la partie comprise entre les extrémités des fils. Pour que les effets soient nettement perceptibles, il faut qu'il y ait une certaine relation entre les dimensions de l’excitateur et la période des oscillations électri- ques qui peuvent se produire dans le fil circulaire ; par analogie avec ce qui se passe pour les phé- nomènes acoustiques, ce fil a reçu le nom de réson- nateur. Les oscillations qui se produisent dans le champ électrique de l’excitateur sont de deux sortes : les SS | | C.-M. GARIEL. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 309 - unes, électroslaliques, sont dues aux variations de charge des sphères de l’excitateur; les autres, élec- trodynamiques, correspondent aux courants qui prennent naissance dans les fils de celui-ci. Sans vouloir insister, disons que suivant la position don- née au résonnateur, cet organe peut déceler les effets dus aux unes ou aux autres. Grâce à cette disposition, M. Hertz put prouver que l’action de l'excitateur se fait sentir à grande distance et qu'elle n’est pas interceptée par l’in- terposition des corps isolants, mais qu'elle est ar- rêlée par l'interposition de corps conducteurs. Il était probable que ceux-ci produiraient l'effet de corps réfléchissants ; on pouvait chercher à repro- duire pour ces ébranlements oscillatoires une ex- périence analogue à celle de Seebeck pour le son, en cherchant des nœuds et des ventres fixes pro- venant de la superposition d’une onde directe et d'une onde réfléchie. L'expérience réussit, el M. Hertz put déterminer ainsi que la longueur de l’onde électrique est de 5 mètres environ. Disons immédiatement que les expériences de M. Hertz ont été répétées, en France notamment par MM. Joubert et de Nerville, et que d’une ma- nière générale on a obtenu facilement les résultats qu'il avait indiqués. Au lieu d'étudier les ondes électriques se propa- geant dans l'air, on a pu observer des ondes se propageant dans un fil; pour arriver à ce résultat, une plaque parallèle à l’excitateur était reliée à un fil perpendiculaire à celui-ci dans lequel se pro- duisaient, par induction, des variations électriques périodiques. En déplaçant le résonnateur le long de ce fil on pouvait explorer son état électrique, en tenant compte, bien entendu, de l’action trans- mise par l'air. La théorie permettait de prévoir ce qui se passerail soit dans le cas où l’extré- mité du fil opposée à l’excitateur était libre, soit dans le cas où elle était reliée à la terre : les résul- tats de l'expérience furent, d’une manière géné- rale, conformes aux indicalions de la théorie. M. Hertz poussa ses recherches plus loin el par- vint à produire des rayons électriques se com- portant comme les rayons optiques ; il put étudier leur réflexion et leur réfraction dans des condi- tions variées, et reconnut que la propagation de ces ébranlements électriques obéit aux mêmes lois que celle des ébranlements qui donnent naissance aux phénomènes lumineux. MM. Sarrasin et de la Rive, en répétant les expé- riences de M. Hertz, sont arrivés à des résultats qui complètent ceux de ce savant : en employant un fil métallique soumis à l’action d'un excitateur, comme nous l’avons dit, et en se servant de ré- sonnateurs différents, ils ont reconnu que chaque résonnateur décèle l'existence ce ventres et de nœuds dont la position dépend des dimensions du résonnateur; — pour chaque résonnateur d’ail- leurs les résultats seraient bien ceux qui avaient été indiqués. Les effets ne sont d’ailleurs obser- vables qu'entre certaines limites de dimensions. Il faut donc conclure de ces expériences qu'un ex- citateur ne donne pas naissance à un ébranle- ment simple, mais simultanément à une série d’ébranlements de durées différentes comprises entre certaines limites. Dans un article publié précédemment (1), M. Brillouin a signalé l’analogie que l’on peut éta- tablir entre les recherches de M. Hertz et les expé- riences d’acouslique. Reprenant cette comparai- son, nous dirons que, d’après les faits signalés par MM. Sarrasin et de la Rive, tout se passerait comme si l’on avait un corps sonore produisant si- multanément des vibrations de durée variable entre des limites déterminées. Chaque série serait ca- pable de mettre en action un résonnateur, et l’em- ploi successif derésonnateurs différents permettrait de mettre enévidence des nœuds et des ventres oc- cupant des positions caractéristiques, non du corps sonore, mais du résonnateur considéré. Quoi qu'il en soil, ces importantes expériences ont mis en évidence l'existence d’ébranlements pé- riodiques d'une longueur de quelques décirnètres; il y aloin de ces dimensions à celles des plus grandes ondulations qui correspondent aux phénomènes lumineux. Il semble bien cependant qu’on se trouve en présence de phénomènes analogues : il n’est pas nécessaire d’insister sur l'importance ca- pitale de cette constatation. C. M. Gariel. de l'Académie de Médecine. (4) Sur les expériences de M. Hertz, Revu: générale des Sciences, 15 mars 1890. BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Picard (E), Membre de l'Institut, Professeur à la Sor- borne. — Mémoire sur la théorie des fonctions algébriques de deux variables indépendantes, cowronné par l'Institut, grand prix des sciences mathé- matiques, Paris, Gauthier- Villars et fils, 1889. Dans cet important mémoire, M. Picard se propose d’abord d'étendre aux surfaces algébriques la notion d'intégrales abéliennes attachées à une courbe algé- brique plane. Il considère les intégrales de différen- a tielles totales | Pdi + Qdy, où P et Q sont des fonctions D rationnelles de #, y, z liées par l’équationf (æ, y, 2) —0 de la surface algébrique (la condition d'intégrabi.ité étant, bien entendu, supposée remplie). Il en donne une classification en (rois espèces, comme pour les intégrales abéliennes ordinaires, et est conduit à une théorie des cycles des surfaces algébriques qui rap- pelle, par son origine, celle des courbes, mais en dif- fère profondément par certains points essentiels. M. Picard applique ensuite la théorie générale qu'il vient d’édifier à l'étude de la transformation biration- nelle des surfaces en elles-mèmes. Généralisant un théorème de M. Schwarz sur les courbes, il démontre que si une surface peut être transformée en elle-même par une substitution birationnelle renfermant deux paramètres arbitraires, elle est du genre (Flachengeschlecht de M. Nœther) 0 ou 1; et il est amené à la distinction d’une classe de surfaces de l’un ou l’autre de ces deux genres, pour lesquelles il existe deux intégrales de différentielles totales Pdx + Qdyet P, dx + Q,dy, telles que les équations : Pdx + Qdy = du P, dx + Q, dy — dv donneront pour #, y, z des fonctions uniformes de u et de v : On doit considérer ces surfaces comme les véri- tables analogues des courbes planes de genre 0 et 1. Enfin l’éminent géomètre applique les résultats trouvés à la recherche des conditions d'uniformité de l'intégrale générale d'équations différentielles de la forme f (y,y, y") —0, où f estun polynôme, et à l’exten- sion à l'équation f (æ, y, y,y") —0, dans le cas où les points critiques de l'intégrale générale sont fixes, des propositions obtenues par M. Poincaré relativement à l'intégration des équations du premier ordre qui sont dans ce cas. Maurice LELIEUVRE, Resal (H.), Membre de l'Institut, Inspecteur général des Mines. — Traité de Mécanique générale, com- prenant les leçons professées à l'Ecole Polytechnique et à l'Ecole nationale supériewre des Mines, 7° vol. et dernier. Gauthier- Villars et fils, 1889, Le septième volume du Traité de mécanique de M. Resal n'avait pas été prévu dès l’abord, mais, par suite d’une modilication dans le programme des cours de l'Ecole Polytechnique et de Pintroduction, dans l’enseignement de cette Ecole, d'une fraction impor- tante de la mécanique analytique, il est devenu néces- saire, une fois l’ouvrage terminé, de le compléter à ce point de vue, L'auteur à été ainsi amené à donner les équations de Lagrange, celles de Hamilton, le principe de la moindre action; il à étudié la stabilité de l’équi- libre d’après Dirichlet et a établi pour les systèmes à liaisons le principe si important, si fondamental de la superposition des petits mouvements. Le reste du volume est consacré àcombler les lacunes ET INDEX que pouvaient présenter les volumes précédents, à dé- velopper certains points pris un peu dans tous les sujets, à traiter, dans un appendice, diverses questions intéressantes; ce n’est plus un ouvrage didactique; c'est, à la fois, un complément et un recueil d’exer- cices, LA 0: Laurent (H.), Examinateur d'admission à l'Ecole Poly- technique. — Traité de mécanique rationnelle, 3e édition, 2 vol. in-8 Gauthier- Villars et fils, 1889, Le Traité de Mécanique rationnelle de M. H. Laurent, dont les deux premières éditions sont épuisées et dont la troisième vient de paraitre, est destiné spécialement aux candidats à la licence et à l’ägrégation; il est bien connu de tous ceux qui ont eu à étudier la Mécanique, C'est un livre bien ordonné et très clair sous sa forme quelquefois un peu concise, L'auteur a le vif souci de la rigueur, et, au lieu de passer rapidement sur les difficultés, il les signale et Les approfondit. Toute la partie relative à la mécanique analytique est faite de main de maitre. Nous n'avons quelques réserves à faire, pour les vingt-deux chapitres qui composent l'ouvrage, que sur un seul, le dernier, Peut-être y aurait-il intérêt à modi- fier sur certains points ces applications de la méca- nique rationnelle aux machines? Les paragraphes rela- tifs aux régulateurs et aux volants, par exemple, peuvent donner prise à la critique. Mais ces légères objections n'’atteignent pas la valeur du livre qui reste une œuvre d'enseignement bien comprise, conscien- cieuse, capable de rendre de grands services à fous ceux qui ne peuvent aller aux sources et qui tiennent cependant à avoir exactement la pensée des Maitres. L. O, Houzeau (J.-C), ancien Directeur de l'Observatoire royal de Bruxelles, ef Lancaster (A.), Bibliothé- caire de cel établissement. — Bibliographie g'éné- rale de l’astronomie, Bruxelles, Hayez, in-8°, 1890. Les matériaux réunis pour chaque science sont aujourd'hui tellement nombreux qu'il est impossible de retrouver au moment voulu tout ce qui a été écrit sur une question, si l’on n'est aidé par une bibliogra- phie bien faite. Pour l’Astronomie, le besoin d’un tel ouvrage a été senti depuis longtemps, car il faut remonter à 1755 pour rencontrer la première biblio- graphie astronomique, celle de Weidler, En 1803 parut celle de Lalande, qui à rendu de grands services; mais fût-elle mise au courant, elle serait insuffisante, car elle se borne aux ouvrages publiés séparément et à quelques tirés à part des principaux mémoires. Ce plan est aujourd’hui trop restreint, parce qu’une partie très importante des productions astronomiques est constituée par les Notices et les Mémoires insérés dans les collections académiques et les journaux scienti- fiques. Leur recherche était bien facilitée par le Repertorium Commentationum de Reuss, le Catalogue de la Bibliothèque de Poulkova de M, 0. Struve, le Biogra- phisches Handwaærterbuch de Poggendorf et le Catalogue of scientific papers publié par la Société royale de Lon- dres; néanmoins une nouvelle bibliographie astrono- mique proprement dite était nécessaire. Mais son exé- cution exigeait les qualités les plus diverses : une profonde connaissance de l’Astronomie et des princi- pales langues, tant mortes que vivantes, le goùt des recherches bibliographiques, une méthode sûre dans le classement d’une multitude d'articles, une patience et un courage à toute épreuve, Ces qualités étaient réu- BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 311 nies à un très haut degré dans la collaboration de MM. Houzeau et Lancaster, comme le prouve leur immense ouvrage, qui Goit se composer de trois volumes consacrés respectivement : Le volume I, aux Ouvrages séparés ; Le volume IT, aux Mémoires insérés dans les collec- tions et journaux; Le volume II, aux Observations astronomiques. La publication a commencé par le tome Il, dont le besoin se faisait le plus vivement sentir : il à paru en 1882 et renferme 1300 pages. En tête du volume I, qui est en cours de publication, se trouvent un beau portrait de Houzeau et son éloge, dans lequel M. Lancaster retrace en détail la vie agitée de son éminent collaborateur, mort à la peine en 1888. Une introduction historique de 325 pages est ensuite consacrée à l'exposition des idées astronomiques, depuis l’époque fabuleuse jusqu'aux temps modernes ; elle résume les nombreuses découvertes faites depuis un demi-siècle sur l’Astronomie des Egyptiens, des Assyriens, des Indiens et des Chinois, et elle forme un indispensable complément à toutes les histoires de l’'Astronomie. On y voit, par exemple, dans quel ordre ont été reconnues les grosses planètes, Vénus ayant été artout la première. On est frappé de l’analogie des égendes relatives aux éclipses, de la similitude des moyens employés chez tous les peuples pour venir au secours de lastre offusqué ; partout on croit voir dans la lune des objets familiers. Le reste du volume est formé par les onze sections dans lesquelles ont été distribués tous les ouvrages astronomiques ; pour chacun d’eux on indique les diverses éditions et les traductions, de manière à constiluer une courte mono- graphie de chaque publication. La première section renferme les ouvrages anciens, jusqu'à 1632, y compris les manuscrits et les docu- ments relatifs à l'astronomie de l’ancienne Egypte, de PAssyrie, etc, La seconde est consacrée aux ouvrages d’astrologie, en général peu connus, parce qu'ils sont aussi peu recherchés aujourd’hui qu'ils étaient répan- dus autrefois. Enfin les autres sections publiées jus- qu'ici sont les suivantes : Section ILE. Biographies et commerce épistolaire, IV. Ouvrages didactiques et généraux, V. Astronomie sphérique, VI. Astronomie théorique. On peut juger, par ce court exposé, quel énorme labeur à dû exiger une pareille entreprise, qui rend aux astronomes d'inappréciables services, Dans les observatoires aucun ouvrage ne sera plus fréquemment consulté; etla Bibliographie générale de l' Astronomie por- tera les noms de MM. Houzeau et Lancaster à la connais- sance des générations astronomiques les plus éloignées, G. BIGOURDAN, £° Sciences physiques. Meslin (G.), — Sur la polarisation elliptique des rayons réfléchis et transmis par les lames métal- liques minces. These pour le doctorat ès-sciences phy- siques présentée à la Faculté des Sciences de Paris, 1890, Lorsqu'un faisceau lumineux tombe sur une surface polie, il se divise généralement en deux : le faisceau réfléchi et le faisceau réfracté. Pour connaître’ les mo- difications subies par la lumière incidente, il suffit de savoir ce qui se produit lorsque l’on à affaire à deux rayons polarisés, l'un A dans le plan d'incidence, l'autre B dans un plan perpendiculaire, Cette étude n’a pas encore été faite complètement dans le cas où le corps est un métal : on a plus particulièrement examiné le cas des plaques métalliques assez épaisses pour être complètement opaques, et var conséquent où seul sub- siste le faisceau réfléchi; depuis longtemps cependant l’on sait qu'une lame métallique mince se laisse traver- ser par la lumière et une expérience de Faraday prouve que les deux rayons A et B transmis contractent un retard D. M. Meslin à repris l'étude de cetle question et procédé à des expériences très soignées, Il a surtout étudié les lames d’or; tantôt les feuilles d’or minces employées étaient soutenues par le bord supérieur et pendaïent li- brement à la facon d’un rideau ; tantôt elles étaient dé- posées sur des plaques de verre, Les mesures optiques étaient faites avec l'appareil de Jamin, les mesures d'épaisseur étaient d'ordinaire ramenées à des pesées. On arrive ainsi à des résultats très concordants et l’on peut établir une relation expérimentale entre le re- tard D, la longueur d'onde, l'angle d'incidence à et l'épaisseur e : MARNE at e 6 AV —) La seconde partie du mémoire est consacrée à l’ex- position d’une théorie simple permettant d'expliquer les faits observés. Les phénomènes de la capillarité démontrent que les couches superficielles d’un corps ne sont pas dans le même état que les couches pro- fondes; il est naturel de supposer que cette différence subsiste au point de vue optique. M. Potier à déjà con- sidéré cette couche de passage qui se comporte comme un milieu cristallisé où l’élasticité varierait en outre avec la profondeur, Les deux vibrations correspondant aux deux rayons polarisés à angle droit se comportent, en traversant cette couche, d’une facon différente puisqu'elles correspondent à des directions suivant lesquelles lélasticité n’est pas la même, Partant de là, et s'appuyant sur des hypothèses très plausibles. l’auteur parvient à retrouver la formule expérimentale pour le faisceau transmis ; de plus, en considérant que les rayons réfléchis peuvent pénétrer dans les couches superficielles avant de revenir dans le milieu d’où ils proviennent, il ramène l'étude de la réflexion à celle de la transmission; le calcul le conduit à des résultats entièrement d'accord avec ce que l’on savait déjà pour les rayons réfléchis par les lames épaisses, et ceux qu'il a lui-même obtenus pour les lames minces, Dans son célèbre Traité d’Optique, Verdet, résumant. les travaux connus à son époque sur les phénomènes produits par la transmission métallique, disait : «Il est permis de croire que cette étude éclaircirait beaucoup la théorie de la réflexion à la surface des métaux». Cette prévision était fort exacte : le très intéressant travail Je M. Meslin le démontre de la facon la plus heu- reuse, Lucien Poincaré, Herschel (A. S.). — Le Spectre du sous-chlorure de cuivre. The Nature, 3 avril 1890, A propos du spectre de la flamme bleue causée dans un peu de charbon quand on y jette du sel marin et que M. Salet à montré être colorée par du cuivre, M. Herschel décrit dars Nature une flamme bleue obte- nue en brûlant une pâte formée de glycérine et de sous-chlorure de cuivre, Son spectre comprendrait presque uniquement trois paires rapprochées de lignes vertes, bleues et violettes présentes aussi dans le spectre du chlorure de cuivre de Lecoq (Spectres lumi- neux). Les larges bandes qui accompagnent ces raies seraient absentes. Il est assez difficile de comprendre l’auteur en l’ab- sence de données numériques et quand on observe que le spectre de Lecoq, qui contient beaucoup de lignes vertes, ne renferme d'autre part que des bandes dans le bleu et le violet, E. DEwarçay, Lothar Meyer, — Les théories modernes de la Chimie et leur application à la Mécanique chimique. Traduit de l'allemand par MM. Bloch et Meunier. 2 vol. in-8 de 452-312 pages, Parts, Georges Carré, éditeur, 1887-89. En quelques pages d'introduction l’auteur rappelle tout d’abord les grandes théories chimiques de ce siècle : la théorie de l’affinité de’ Berthollet et celle de Berzélius, la loi des proportions définies de Proust, la 312 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX loi des proportions multiples de Dalton, la théorie des substitutions de Dumas, celle des types de Gerhardt; celle de l’enchaîinement des atomes imaginée par Couper et développée plus tard par Kékulé, les travaux de MM. Berthelot et Péan de Saint-Gilles, et enfin la théorie cinétique de laffinité de MM. Guldberg et Waage qui est un premier pas dans le rapprochement des phénomènes chimiques, physiques et mécaniques c’est-à-dire vers le but que s'était fixé Berthollet dès le commencement de ce siècle. Les idées de ce savant si vivement combattues de son temps reviennent main- tenant à l’ordre du jour. L'ouvrage est divisé en trois livres: le premier a pour titre, les Atomes; le second, la Statique des atomes ; le troisième, la Dynamique des atomes. Dans le premier livre, l’auteur rappelle que l’hypo- thèse des atomes forme la base nécessaire de loutes les théories de la chimie aussi bien que de la plupart des théories physiques, que ce n’est qu’en admettant l'existence de particules discontinues qu'on peut dé- duire des conclusions des phénomènes observés, Arri- vant ensuite à la détermination des poids atomiques, il expose la théorie d’Avogadro et d'Ampère et nous dé- montre que cette hypothèse, combattue à Porigine, mais dont on n'a jamais démontré la fausseté, pré- sente le mème degré de probabilité que la théorie cinétique des gaz. Il examine soigneusement les cas ‘où l'application de celle théorie conduirait à des va- leurs inexactes pour les poids moléculaires. Puis viennent la loi de Dulong et Petit, celles de Neumann, de Regnault et de Wæstyn, qui en sont le complément, et enfin la loi de l'isomorphisme de Mitscherlich. Ce livre se termine par une série de considérations intéressantes sur la nature des atomes, où l’auteur expose les relations qui existent entre les constantes physiques des corps et leur poids moléculaire et fait voir que la plupart des propriétés physiques sont des fonctions périodiques des poids atomiques. Dans le second livre, M. Lothar Meyer expose la théorie des types de Gerhardt et celle des types mixtes de Kékulé. Il montre ensuite comment la connaissance du poids moléculaire, du nombre et de la nature des atomes qui entrent dans la molécule, de la valence chimique de ces atomes permet d'établir les formules possibles de constitution d’un composé donné; puis il passe à l’enchainement des atomes et à ses relations avec certaines propriétés physiques, Enfin dans le troisième livre, l’auteur étudie la per- mutation chimique et ses causes : agitation mécanique, chaleur, lumière et électricité. Le chapitre relatif à la chaleur, naturellement le plus développé, comprend la dissociation, la thermochimie, la mesure de l’affinité et les expériences d'Ostwald pour la détermination de l’avidité. Voilà, brièvementrésumées, les principales questions traitées dans l'ouvrage de M, Lothar Meyer. Nous avons seulement regretté de voir passer complètement sous silence, dans un livre aussi complet, la théorie du carbone asymétrique découverte presque simultané- ment par MM. Lebel et Van’t Hoff et qui établit une relation si remarquable entre le pouvoir rotatoire moléculaire et la structure chimique ; l'exposé de cette théorie eût trouvé naturellement sa place dans le cha- pitre de l’enchaînement des atomes. Tel qu'il est cependant, cet ouvrage est très intéres- sant et méritait d'être traduit en français, Le lecteur y trouvera exposés les premiers travaux qui forment comme le fondement de cette nouvelle branche de la Chimie qu’on appelle aujourd’hui la Chimie physique. H, GAUTIER. 8° Sciences naturelles. Girard (Jules). —Recherches sur les tremblements de terre, E. Lerouæ, Paris, 1890. Le livre de M. J, Girard est un exposé succinct, mais très clair de tout ce qui concerne la séismologie. L'auteur y passe rapidement en revue les phéno- mènes séismiques, les appareils destinés à enregistrer quelques-uns d’entre eux, la composition des mouve- ments séismiques, leur propagation dans le sol et dans la mer; enfin il expose les hypothèses faites sur les causes des tremblements de terre et les relations qui ont paru à certains observateurs exister entre ces phénomènes et les phénomènes astronomiques et. météorologiques. M. J. Girard, en vulgarisant les méthodes employées actuellement en séismologie, donne aux personnes étrangères à toute étude spé- ciale le moyen de faire, à l’occasion et dans un sens scientifique, des observations qui, si elles étaient nombreuses, pourraient rendre de réels services à la Science. J. BERGERON, Boœhm (J.). — Sur la cause de l'ascension de la sève. Berichte des deutsche bot. Gesellsch. Berlin, 1889. La cause de l'ascension de la sève dans les végétaux est une des questions les plus controversées qui aient été étudiées dans ces derniers temps. M. Bæhm, pro- cédant à l'examen de cette question par la méthode d'élimination, discute successivement les forces qui provoquent l'ascension de la sève: 1° la pression osmo- tique ; > les différences de pression de l'air inclus dans les éléments morts du bois; 3 la capillarité. L'auteur écarte la première cause en objectant la lenteur des phénomènes d’osmose et en constatant qu'une plante dont les racines ont été tuées par l’eau bouillante nese dessèche pas, comme il devrait arriver si l'absorption de l’eau était due à l’osmose. Dans une première théorie, M. Bæhm avait indiqué comme cause de l'ascension de la sève les différences de pression de l’air contenu dans les éléments morts du bois ; il renonce à faire de cette pression le moteur principal de la colonne liquide, mais il la considère cependant comme une cause secondaire agissant de la facon suivante: soit une cellule contenant de l’eau et une bulle d'air; si celle-ci chasse de l’eau dans une cellule supérieure, elle se détend et l’eau d’une cellule placée plus bas la comprime de nouveau, y ajoutant encore l'air qu’elle tient en dissolution; ces différences de pression occasionnent donc des déplacements d’eau, mais ils sont beaucoup trop lents pour ètre le moteur unique de l’ascension de la sève. Le savant botaniste soutient que la capillarité est la cause la plus importante de l’ascension de la sève. Parmi ses expériences à ce sujet, une des plus frappantes consiste à prendre des plantes dont les racines ont été tuées par l’eau bouillante afin d'empêcher le phéno- mène d’osmose ; les tiges de ces plantes sont mastiquées dans un flacon contenant un peu d’eau et où l’on à fait le vide pour éviter qu’on püt invoquer les différences de pression comme cause de l'ascension de la sève. La quantité d’eau transpirée par ces plantes est du même ordre que pour les plantes intactes. L'ascension de la sève dans ce cas ne pouyail avoir eu lieu que sous l'influence de la capillarité. M. Vesque a fait remarquer à ce sujet (Annales agro= nomiques, t. XVI, p. 75), que les résultats de M. Bæhm et ceux qu'il à lui-même obtenus d'expériences analo- gues montrent simplement que la capillarité suffit pour entretenir la transpiration normale d’une plante de quelques décimètres de hauteur, mais il se demande si avec les éléments fournis par le mémoire de M. Bæhm et ceux connus jusqu’à présent, on peut conclure que la capillarité jointe aux effets de différences de pres- sion de l'air inclus suffit à faire monter l’eau à plus de cent mètres, hauteur qu'atteignent certains grands arbres. 11 semble que nous n'avons pas encore les données suffisantes pour résoudre ce problème et que de nouvelles expériences sont nécessaires. A. HÉBERT. BIBLIOGRAPHIE. -— ANALYSES ET INDEX 313 Vogt (G.)et Yung (E.). — Traité pratique d’ana- tomie comparée. — Reinwald éditeur, 1°° volume, Paris, 1890, Tous les ouvrages classiques de zoologie et d’anato- mie comparée publiés jusqu'ici sont, en réalité, peu accessibles aux débutants. Préoccupé d’embrasser, dans un mème chapitre, tous les faits acquis sur l’organisa- tion de toule une classe d'animaux, embarrassé par les modifications variées d’un même appareil, dont il faut pourtant tenir compte, l'auteur ne peut, pour ainsidire, exposer un seul fait sans restrictions. Il en résulte une absence, au moins apparente, de précision qui décon- certe, et là où le lecteur déjà familier avec les choses de la zoologie sait trouver sous une forme condensée une fou!e de renseignem:nts précieux, le jeune homme au début de ses études n’a sous les yeux qu'un tableau flou, sans contours, d’où rien de net ne se dégage à son esprit. Et cet inconvénient est surtout sensible pour certains groupes par enchainement, tels que les Hydroméduses ou les Mollusques, par exemple, où les termes extrêmes de la série ne montrent parfois plus un seul caractère commun. Combien n'est-il pas préférable d'étudier isolément dans chaque grand groupe naturel un seul animal, puis, son organisation explorée à fond, d'édifier ensuite sur cette base solide toute la morphologie du groupe par la comparaison des formes les plus importantes! C’est la méthode suivie depuis longtemps dans certains cours de zoologie, c’est celle qu'ont adoptée MM. Vogt et Yung. Le premier volume, le seul encore paru de leur traité, renferme ainsi 31 monographies compre- nant les cinq embranchements des Protozoaires, Cœ- lentérés, Vers, Echinodermes et Mollusques, repré- sentés au moins par un type pour chaque classe, par- fois deux (Hydroméduses), trois (Annélides), ou mème quatre (Plathelminthes). A l’étude de chaque {ype est annexé un résumé suc- cinct des principales différences anatomiques qui en séparent les autres représentants du mème groupe, Cela suffitil pour justifier le titre : Traité d'anatomie comparée, choisi par les auteurs? S'ils ont entendu dire par là qu'ils se sont bornés aux seules données anato- miques, écartant résolüment la classification et lem- bryogénie, celte caractéristique toute négative ne ré- pond guère à l'idée que nous avons de l'anatomie comparée depuis Cuvier, et le lecteur serait désap- pointé qui viendrait chercher dans leur ouvrage la comparaison morphologique d’un mème appareil dans toute la série, ou l’état actuel de la science sur la pa- renté des diverses formes animales. Le Traité des deux savants suisses est du domaine de la zoologie anato- mique, mais purement descriptive, et, à ce point de vue, il faut les féliciter d'avoir choisi leurs types parmi les animaux les plus faciles à se procurer, bien que leë formes terrestres el d'eau douce, auxquelles ils ont toujours donné la préférence, soient souvent modifiées secondairement par l'adaptation à un milieu qui n’est pas leur milieu originel. MM. Vogt et Yung n’ont pas voulu faire simplement œuvre de compilation. Chacune de leurs monographies est un travail original; elles sont discutées et criti- quées comme telles; ils ont vu eux-mêmes ce qu'ils dé- crivent, C’est une réelle audace que d'entreprendre à deux une revision complète du règne animal, Le nombre et la variété de leurs travaux antérieurs leur en donnaient le droit, mais il est à regretter que la rédaction, parfois visiblement hâtive, de la parlie gé- nérale annexée à chaque chapitre, ait laissé passer quelques fâcheuses erreurs que je n'ai, du reste, pas la place et encore moins le désir de relever ici. Il est trop facile de s’ériger en censeur; il l’est moins de faire, après {ant d'autres, un traité d'anatomie d’allure originale ef d'utilité pratique qui doit rendre à l’étu- diant, auquel il s'adresse d'ailleurs particulièrement, de précieux services en le guidant à travers les diffi- cultés du début, G. PRuvOr, Dastre, (A.)Profess ur à la Sorbonne. —Les anesthé- siques ; physiologie et applications chirurgicales. Un vol, in-18°, G. Masson, Paris, 1890. Le livre que M. Dastre vient de publier sur les anes- thésiques est un bon résumé des travaux des physiolo- gistes sur la matière, C’est surtout un ouvrage de vul- garisation, Les savants eussent aimé y trouver une bibliographie plus soignée du sujet. Mais peut-être l'auteur a-t-il craint l'excès de l’érudition dans un ouvrage destiné à de nombreux lecteurs. M. Dastre commence par distinguer de l’anesthésie, telle qu'on sait la pratiquer aujourd’hui, l'insensibilisa- tion hystérique et l'emploi, connu depuis longtemps, des narcotiques. Il cite à ce propos la Genèse : « Le gneur endormit Adam et tandis qu'il dormait, il Lui arracha une de ses côtes. » Tel est le ton aimable de ce livre, qui, pour agréable qu'il paraisse, n’en ren- ferme pas moins une étude sérieuse, La physiologie générale de l’anesthésie en constitue l'introduction, L'auteur nous fait assister à l’assoupis- sement progressif du système nerveux, depuis le mo- ment oùles premières bulles de vapeur anesthésiante ont pénétré dans le sang, jusqu’à celui où, les derniers centres nerveux venant à ètre envahis, le sujet suc- combe. Il importe de bien préciser la série des phases qu'il traverse. Rarement, en effet, la marche de l’anes- lhésie se poursuit d'une façon régulière, Si le médecin pouvait, en dosant l’anesthésique suivant le besoin, modifier lentement et graduellement l'activité des centres nerveux, comme le mécanicien manie les dif- férentes pièces d'une machine, l’anesthésie n'aurait pas d'histoire et le livre que nous analysons serait inutile, Malheureusement, dès le début de la chloroformisation el de l’éthérisation, le danger existe, pouvant éclater brusquement, déjouant la surveillance Ja plus atten- tive, Aussi est-ce l'étude serrée, précise des différents mécanismes de mort qui constilue la partie essen- üielle de l'ouvrage de M. Dastre. Savoir comment et pourquoi on meurt sous le chloroforme, n'est-ce pas en effet le seul moyen d'arriver à prévenir les accidents ou du moins à en diminuer la fréquence ? Les syncopes cardiaques primitives ou secondaires sont les causes déterminantes. L'auteur insiste particulièrement sur ce point que c’est l'arrêt du cœur et non de la respi- ration qui entraine la mort. Le danger n’en est que plus grand : car, tandis que la respiration artificielle permet de suppléer à l'organisme défaillant, nous sommes désarmés devant l'arrêt cardiaque, Mais, si le médecin demeure impuissant quand la syncope à eu lieu, il doit savoir qu'il dépend souvent de lui de la prévenir ; elle est en effet le fait non d'une paralysie, mais, tout au contraire, d’un phénomène d’excitalion. L'auteur expose alors le procédé que, dans ce but, pratique depuis longtemps avec un éclatant succès le professeur Morat, de Lyon. Il consiste à asso- cier l’atropine et la morphine à lanesthésique. M. Dastre s'efforce de démontrer la supériorité de cette méthode. Il la compare aux procédés par le chlo- roforme, l’éther, le protoxyde d’azote, employés seuls ou en mélanges titrés avec Pair. Il s'élève à ce sujet contre le système des mélanges préconisé par Paul Bert et le D'R. Dubois, lui reprochant de ne constituer qu'un procédé de laboratoire, impraticable en chirur- gie. C'est là une critique exagérée. Quand on emploie le chloroforme seul sans savoir en quelle quantité et sous quelle tension le patient l’absorbe, on opère, pour ainsi dire, à tälons. Le perfectionnement, concu par Paul Bert pour obvier à ce grave inconvénient, a donné, dans les mains des physiologistes, d'excellents résul- tats. Pour se faire accepter des chirurgiens, il récla- mait la construction d’un appareil qui en rendit l’em- ploi à la fois sûr et commode. Celui que M. Raphaël Dubois à inventé dans ce but et que l’Académie des Sciences a récompensé d'un de ses prix, mérile cerlai- nement d'attirer l'attention des praticiens. Reconnaissons cependant que, quel que soit le mé- 31% BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX lange employé pour la produire, l'anesthésie compirte toujours un certain péril : le danger principal réside dans l'excitation bulbaire qui, par l'intermédiaire des pneumogastriques, peut déterminer l'arrêt du cœur. Sectionner les pneumogastriques serait un procédé un peu trop radical; mais, suivant la remarque de M. Das- ire, on peut suppléer à celte opération brutale par une dissection physiologique plus délicate et dont les effets offrent l'avantage d’être passagers, Nous possédons en effet un agent qui paralyse l'action accélératrice du pneumogastrique : c'est l’atropine combinée à la mor- phine. Une injection préalable de ces deux al-aloïdes dans la proportion d’un centigramme de morphine et d’un demi-milligramme d’atropine, permet de réduire énormément la dose nécessaire de chloroforme ou d’éther et surtout prévient la syncope cardiaque. Il ne s’agit pas ici de simples déductions théoriques : les expériences de laboratoire sur les chiens, si sensi- bles cependant au chloroforme, sont absolument dé- monstratives, Il en est de même des nombreux cas d’anesthésie ainsi obtenue chez l’homme par les chirur- giens de Lyon, Si beaucoup de médecins négligent cette méthode, c’est plus par ignorance que par anti- pathie raisonnée, Espérons que l’éloquent plaidoyer de M. Dastre entrainera les hésistants, pour le plus grand bien des opérés. L'ouvrage se termine par un chapitre sur les anesthé- siques locaux et plus spécialement sur le plus impor- tant de tous: la Cocaïne. Cette substance présente aussi quelques dangers, mais les cas mortels sont fort rares et ne se sont produits qu'après injection de doses considérables, 20: Gréhant (H.). — Les poisons de l'air : l'acide car- bonique et l'oxyde de carbone; asrhyxie el empoisonne- ment, par les puits, le gaz de l'éclairage, le tabac à fumer, les poëles, les voitures chauffées, ete. 4 vol. in-18 de 320 p. avec 21 fig. J.-B. Baillére et fils, Paris, 1890. 4° Sciences médicales. Saenger, — La blennorrhagie chez la femme. An- nales de Gynécologie, février, marsetavril 4890, €, XXXTIE, p. 130, 199, ef 276. Sans aller aussi loin que Môggerath qui pense que 80 0/, des habitants des grandes villes ont eu la blen- norrhagie et que, 9 fois sur 10, les anciens blennorrha- giques donnent la maladie à leurs femmes, Saenger croit à la fréquence extrème de cette affection un peu trop négligée malgré sa réelle gravité. Certes les formes les plus graves de l'infection gonor- rhéique des annexes utérines peuvent guérir, Mais elles entrainent toujours des altérations qui sont défi- nitives, lors même qu'il ne resterait plus un seul gono- coque. Trop souvent en outre elles sont la cause d’une mort prématurée ou, tout au moins, délerminent des modificalions profondes dans la santé, le genre de vie et le pouvoir de reproduction, Aussi Saenger ne craint-il pas de s’appesantir sur les signes chimiques, les localisations, l’évolution, le diagnostic, le pronostic et le traitement de cette affec- lion. Son travail est certainement le plus complet qui soil encore publié sur cette question si intéressante à tous les points de vue; aussi eroyons-nous qu'il sera con- sullé avec intérêt par tous ceux qui s'occupent de gy- nécologie. 4 D' HARTMANN. Bazy (D'). — Du traitement chirurgical des tu- meurs de la vessie. Médecine moderne, 9 janvier 1890, Dans cette étude le D' Bazy rappelle tout d’abord les divers perfectionnements qu'il à successivement ap- portés à lexlirpation des tumeurs de la vessie, opéra- tion pratiquée par lui pour la première fois en France en 1882 (speculum écarteur, éclairage direct). Il com- pare au raclage et à la cautérisation, comme procédés de destruction, l’ablation large au bistouri, qu'il préfère comme la seule capable de dépasser sûrement les limites du mal. Deux observations sont produites par l'auteur qui établissent que non seulement la résection peut ètre étendue à la zone des uretères, mais encore qu’elle est efficace. D' A. CAsTtEx. Villain (L.), Chef du service d'inspection de la boucherie de Paris et Bascou (V.), Contrôleur du service, ete. — Manuel de l’Inspecteur des viandes. Georges Carré, Paris, 1890, Cette deuxième édition du Manuel de l’Inspecteur des viandes mériterait à plus juste litre l'appellation de Traité, Ce livre sort en effet des dimensions du ma- nuel et contient une foule de renseignements fortutiles que l’on ne rencontre pas dans les publications dont il porte le titre modeste. L'élite des vétérinaires inspec= teurs du service de la boucherie de Paris a collaboré à cette seconde édition qui constitue certainement au- jourd'hui le traité le plus complet etle mieux exposé relativement aux allérations que peuvent subir les élé- ments d’origine animale. En effet, à côté des renseignements précieux que la pratique de l'inspecteur à permis de faire figurer, en bonne place, dans chacun des chapitres, les auteurs ont toujours cherché à établir l’utile, je dirai même volontiers l'indispensable appui de l'expérience basée sur les données de la science actuelle, C’est même plus que cela qui est offert au lecteur dans certains chapitres ; ceux par exemple dans lesquels est faite d’une facon très détaillée l’histoire des microbes pa- thogènes qui ruinent les écuries et les basses-cours : l'étude de ces redoutables infiniment petits est pré- sentée d'une facon vraiment remarquable et qui ne laisse rien à désirer. Voici les questions étudiées successivement dans cet ouvrage. Les animaux de boucherie sur pied, les abat- toirs, la coupe des animaux de boucherie, les carac- tères différentiels des viandes de boucherie, les viandes proprement dites, les issues ou abats, mettent le lec- teur au courant des caractères présentés par les viandes de bonne qualité, ainsi que des usages adoptés dans différents pays pour la boucherie. Les caractères phy= siques des viandes altérées sont ensuite étudiés scru- puleusement dans un livre portant pour titre : Intro- duction à l'étude des viandes impropres à la consom- mation. Puis vient l'examen des cas spéciaux motivant la saisie des viandes : c’est la partie la plus importante du livre, due tout entière à la plume de M. Villain, suivi de la justification des saisies de viandes d’après les données actuelles de la science, La charcuterie, la viande de cheval, les volailles, le uibier, les poissons, les crustacés, les mollusques, sont ensuite passés en revue, La micrographie, avec l'exposé des méthodes à employer occupe ensuite june place suffisante pour faire comprendre son importance et apprécier son utilité. Enfin, sous le titre législation, le dernier livre réunit et compare tous les documents existants et n'est pas, malgré leur apparente aridité, le moins iutéres- sant. C'est avec un grand intérêt que j'ai étudié l'ouvrage de MM. Villain et Bascou; et je n’ai encore rencontré nulle part un exposé détaillé aussi complet et aussi intéres- sant que celui présenté dans certaines parties de ce vo- lume, que voudront certainement posséder tous ceux qui s'intéressent aux choses de l'hygiène. D’ailleurs, le succès de la première édition qui était, depuis un cer- {ain temps, complètement épuisée, est un sûr garant de celui qui attend celle-ci. D' Gabriel Poucuer, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 315 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 5 mai 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Painlevé: Sur les intégrales algébriques des équations différentielles du premier ordre.—M. E. Beltrami : Quelques remarques au sujet des fonctions sphériques. — M. Poincaré pré- sente un rapport sur un mémoire inédit de M. Cellé- rier intitulé : « Sur les variations des excentricités et des inclinaisons »; ce mémoire déjà fort ancien est encore intéressant, tant pour les résultats nouveaux qu'il contient que pour la forme dans laquelle sont exposées les découvertes retrouvées depuis sa rédac- tion, —M, Tacchini adresse le relevé des phénomènes solaires observés en 1889 avec leur distribution en lati- tude; les phénomènes ont été bien plus fréquents dans l'hémisphère sud que dans l'hémisphère nord. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Lucien Poincaré, élu- diant la polarisation des électrodes dans un sel métal- lique fondu, a vu que la polarisation maximum, qui décroit quand la température augmente, tend vers zéro pour la température de décomposition du sel. Il a observé le fait pour divers sels et pour des électrodes d'argent. d'or ou de fer. —M.W. de Fonvielle présente un mémoire sur les champs de rotation magnétique, qui à pour but d'expliquer par les lois connues de lPinduction et de lattraction magnétique les effets que M. Elihu Thomson a présentés à l'Exposition Uni- verselle et que M. de Fonvielle lui-même avait commu- niqués à l’Académie. —M. Moissan indique différentes méthodes pour la préparation du tétrafluorure de car- bone et quelques-unes des propriétés de ce corps. — M. Boyer formule les conditions dans lesquelles il faut opérer la réduction de l'acide azotique en ammoniaque par le zinc et l'acide chlorhydique, si lon veut que celte réduction soit totale et que l’ammoniaque formée puisse servir au dosage de l'acide azotique.—M. E. Dou- mer explique que si M. Walter n’a pas trouvé exacte la loi sur les pouvoirs refringents moléculaires des sels en dissolution, cela tient à ce que le pouvoir refringent des sels n’est pas constant, quelle que soit la dilution. Il faut les considérer dans un état de dilution tel que la densité du sel dans la dilution, prise par rap- port à l'hydrogène, soit égale au poids moléculaire du sel. — Après avoir éludié l’action de Peau oxygénée sur les oxydes de manganèse, M. A. Gorgeu, étudie cette action sur l'acide permanganique et les perman- ganates, Comme dans le premier cas, cette action est très complexe et varie suivant les conditions dans les- quelles on opère.—M. P.Cazeneuve continuant l’his- toire des phénols sulfoconjugués dérivés du camphre, a approfondi l’étude de l'o-méthylcamphophénolsulfoné et d'une matière colorante jaune tétranitrée dérivée, — M. A. Hébert a découvert dans la paille en mème temps que M. Tollens l'existence de la gomme de bois, qui donne par saccharification de la æylose ; il indique le procédé d'analyse de la paille en tenant compte de ce produit. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. Er. Mallard montre que, si l’on n’a pu s'accorder sur les propriétés de la tridymite, cela tient à ce que certains des échantillons observés étaient pseudomorphosés en quartz; il décrit les véritables propriétés cristallographiques de ce mi- néral, ainsi que celles de la christobalite, — M. A. Lacroix déerit les géolithes dont il a signalé l'abon- dance dans les fissures des gneiss de diverses localités. — MM. Berthelot et André ont déterminé avec pré- cision les chaleurs de combustion des principales substances azolées fournies par les êtres vivants, l’albu- mine de l'œuf, la fibrine du sang, l’hémoglobine, la caséine, l’osséine, la chondrine, la vitelline, le gluten, la fibrine végétale, ete.;ils présentent ensuite quelques considérations générales sur les combustions chez les êtres vivants, — M. $S. Arloing a étudié la disparition de la virulence dans les vieilles cultures de Bacillus an- thracis ;il constate que si l’on opère des ensemencements dans des bouillons neufs avec des cultures dont l’ino- culation est parfaitement inoffensive, on assiste à une résurrection immédiate de la virulence; il en conclut que l'effet du vieillissement est la raréfaction des bacilles et non-une diminution de leur virulence réelle, — M, Ba- bès à reproduit chez le lapin et chez le bœuf, par l'injec- ion du sang d'animaux malades, l'hémoglobinurie des bestiaux de Roumanie dont il a décrit le parasite spé- cifique. — M. A. Muntz, voulant déterminer la valeur comme engrais azoté des légumineuses enfouies vertes, à étudié la rapidité de la nitrification de leur azote; on suit en effet que c’est à l’état de nitrates que les plantes utilisent l’azote, IL à constaté que cette nitritication est toujours rapide; elle le devient surtout, comparée aux autres engrais, dans les terres fortes qui sont habituellement un obstacle à cette transformation, Séance du 12 mai 1890, 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — C. Guichard : sur les surfaces qui possèdent un réseau de géodésiques con- juguées.— M. O. Callandreau a caleulé complètement l'écart entre la surface de la terre supposée fluide et celle d’un ellipsoïde de révolution ayant mêmes axes; cet écart est négatif, maximum pour la latitude de 45° el égal en ce point à 9 mètres. — M. Mouchez pré- sente des pholographies lunaires de MM. Henry; les clichés ont été obtenus directement par agrandissement de l'image fournie par la lunette, procédé qui a donné une netteté supérieure à celle de toutes les épreuves antérieures. — M. Faye présente le volume II des Annales de l'observatoire de Nice. — M. P. Decœur pré- sente un mémoire sur un appareil hydraulique avec nouveau modèle de turbine pour Putitisation continue de la force des marées. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. J. Macé de Lépinay et Ch. Fabry, sur quelques cas particuliers de visi- bilité des franges d'interférence, — M. C. Decharme. répélant les expériences de M. Paul Janet sur lai- mantation transversale des barreaux d'acier électrisés longitudinalement, mais avec des courants plus faibles (8 à 40 ampères), à observé que les lignes de force lransversales varient d’une facon ondulatoire, — M. A. Witz, a commencé l'étude quantitative des phénomènes lumineux et électriques produits par les champs magnétiques dans les tubes à gaz raréliés. En particulier il à constaté que l'augmentation de la résistance électrique de ces tubes, signalée dans ces conditions, croît avec l'intensité du champ.— M.G.Gei- senheimer, indique le mode de préparation, la compo- silion et quelques propriétés des chlorures doubles d'iridium et de phosphore, — M. G. Denigès, signale, comme réactif sensible de l’eau oxygénée, le molyb- date d’ammoniaque en solution dans de l’eau addi- tionnée d'acide sulfurique; ce réactif présente une coloration jaune intense par l’action de quelques gouttes d'eau oxygénée. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Michel Lévy, à décou- vert lexistence du péridot microlithique dans les ande- sites et les labradorites de la chaîne des Puys. — M. A. Lacroix, a étudié les phénomènes de contact de la syénile eléolithique de Pouzac (Hautes-Pyrénées) et la 316 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES transformation en dipyre du feldspath de la roche ophitique du même gisement, — M. Ch. L. Frossard donne un classement de la série des roches qui ont subi l’action mélamorphique de la syénite de Pouzac. — M.G. de Saporta a relevé les dates d'apparition des feuilles, espèce par espèce, des arbres d’une localité de Provence; il a noté des retards considérables d’une espèce à l’autre sans pouvoir en déterminer la cause. — M. S. Winogradsky; sur le microbe producteur de la mitrification, (Voir p. 299 du présent numéro.) — Pour étudier expérimentalement des dislocations et déformations analogues à celles qu'a pu subir le globe terrestre, M. Daubrée emploie le dispositif suivant : Un ballon de caoutchouc est rendu inégalement exten- sible par l'addition aux deux pôles, de calottes concen- triques de caoutchouc surajouté, ce ballon est gonflé par de l’eau, trempé dans un bassin de cire ou de pa- raffine de consistance variable; puis, après refroidis- sement de la couche, on laisse l’eau s’écouler goutte à goutte, Ainsi sont reproduites les conditions auxquelles est soumise l'enveloppe solide d'un sphéroïde qui se rétracte, M. Raoult est nommé correspondant pour la section de physique. L. Larrcque. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 13 mai 1890 M. Crivelli (de Melbourne) lit une note avec photo- graphies à l'appui, sur un développement anticipé des organes génitaux chez une petite fille de 18 mois, déjà réglée trois fois: — M. Dumontpallier fait une com- munication sur le traitement local de l’endométrite chronique par les crayons de chlorure de zinc (l de chlorure pour 2 de farine de seigle) laissés à demeure, traitement donnant les meilleurs résultats curatifs sans provoquer d'accidents ni complications ultérieures, — M. Ledentu lit un rapport sur le travail de M. Bæckel (de Strasbourg) relatif à lenterostomie temporaire pour faciliter la réduction des anses intestinales herniées pendant la laparotomie pour ocelusion intestinale et rappelle que trois procédés peuvent ètre employés : ponction simple des anses intestinales, deux à trois ponclions avec gros (rocart puis sutures, incision, — M. Terrier est élu membre dans la section de patho- logie chirurgicale. Séance du 20 mai 1890. M. le Président annonce la mort de M. Siredey.— M. Dujardin-Beaumetz, résume l’action thérapeutique de la noix de kola qui contient caféine, théobromine el tannin el est diurétique, antidiarrhérique, tonique par sa caféine et sa théobromine plus que par le rouge comme le veut M. Heckel, M. G. Sée ajoute que d’après les expériences les plus récentes c'est la caféine qui a la principale action dans la noix de kola.—M. Cornillit un rapport sur un {ravail de M. Babès relatif à la péné- tration du bacille morveux à travers la peau saine, d’au- tant plus facile que le virus est très actif et récemment préparé : expériences sur les cobayes vérifiés par M. Nocard. Le bacille pénétrerait dans les follicules pileux où il se mulliplierait, les perforerait pour enva- hir les lymphatiques etse généraliser. —M.Hervieux fait une communication sur le vaccin de la chèvre qui est, de même que la génisse, apte à recevoir l'inoculation vaccinale et à devenir vaccinifère, Le cow- pox n’est pas spécial à l'espèce bovine, Gibert (du Havre) l’a observé sur l'âne, On a vu la (transmission au cheval, au mouton. L'évolution est loujours la même.— M. Ga- lezowski expose un nouveau procédé opératoire pour le rétrécissement lacrymal, respectant la force contrac- file du point lacrymal, permettant une dilatation pro- gressive facile et rapide, — MM, Lacassagne el Gros (d’ Alger) sont élus membres correspondants nationaux, D: Ed. De LAVARENNE. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 10 mai 1890. M. Gley présente la thèse de M. Parisot intitulée: Étude physiologique de l’action de la caféine sur les fonctions motrices. Ce travail ramène l'effet des subs- tances dites d'épargne à une action tonique nerveuse qui entraine une activité plus grande des combustions. A propos de ce travail, on avait contesté que l’action de la caféine rende compte des propriétés de la noix de Kola; M. Lapicque rapporte des expériences com- paratives dans lesquelles il a obtenu les mêmes effets avec les deux substances, — M. Féré qui avait vu que les urines excrétées par les épileptiques immé- diatement avant leurs accès ont un pouvoir toxique ef surtout convulsivant fort au-dessus de la normale, a constaté qu'après l’accès cette toxicité s’abaisse au- dessous du taux normal, —A propos de laperceptionde la sensation de poids, M. Féré rappelle que 1° l’in- tensité de la sensation de poids varie en sens inverse de la force musculaire, les mouvements d’un groupe musculaire provoquent une tendance au mouvement, c'est-à-dire un accroissement de force dans les autres groupes. On a là toute lexplication des variations produites dans la sensation de poids par les mouve- ments associés des deux bras, — M. Charrin a vu que les lapins vaccinés pour le bacille pyocyanique et ceux qui ne le sont pas sont également sensibles à l’action toxique des produits solubles sécrétés par le microbe, — M. Phisalix a étudié le mécanisme de transformation de la circulation veineuse chez un embryon humain long de 4 m/m 5, —_ M, Charpentier signale le fait suivant : si l'on regarde sous un éclairage intense un disque noir en rolation avec un secteur “blanc, on voit une ligne noire à l'intérieur de ce secteur blanc, M, Charpentier pense qu'il y a là un phénomène din- terférence rélinienne., — M. J. A. Fort,en électrisant par un courant faradique l’æsophage d’un homme atteint de rétrécissement, à vu se produire sous l'in- fluence du courant une accélération du cœur quil attribue à l'excitation des pneumogastriques,. Séance du 17 mai 1890. M. Mathias-Duval à observé chez l'embryon du poulet, relativement à la transformation de la cireu- lation veineuse, les mêmes phénomènes que M. Phi- salix a décrits chez l'embryon humain, — MM. Cambe- male et François ont étudié une épidémie de crachats verts; il s'agit du développement dans ces sécrétions d’un micro-organisme sans importance paihe ste — M. Brown-Séquard a constaté que l’irritation cér brale produit des hémorrhagies dans le poumon Sie la voie du sympathique thoracique et non par celle du preumogastrique, — M. Mathias Duval a observé sur lui-même le fait suivant; il a bonne mémoire pour les noms des personnes qu'il ne connait pas, mais quand il les connaît, leur représentation visuelle inhibe l’image tonale e t l'empêche de se rappeler leur nom. — M. Louis Dor a inoculé à des lapins le liquide céphalo-rachidien d’un tétanique ; ces lapins sont morts sans phénomènes bien accusés, mais la substance de leur bulbe, chauffée à 60° et inoculée à d’autres lapins, à produit chez ceux-ci le tétanos typique. — MM, Courmont et Jaboulay ont produit des ostéomyélites expérimentales par injection de streptocoques; ces re diffèrent de celles que produisent dans les mêmes conditions les staphy- locoques. L. LAPICQUE, SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE Séance du 16 mai 1890. M. Bouty fait une communication sur les condensa- teurs en mica, On admet généralement que la lame diélectrique séparant les deux armatures d’un conden- sateur, se laisse pénétrer à la longue par l'électricité; ‘ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 317 si les deux armatures sont en communication perma- nente avec les deux pôles d’une pile, on devrait, au bout d’un certain temps, constater la production d’un cou- rant permanent faible, mais bien déterminé dans le circuit ainsi constitué, M. Bouty a mesuré l'intensité de ce courant; sa valeur est extraordinairement faible et mal déterminée; il montre qu'on ne saurait attribuer ce fait, ni à des phénomènes de polarisation des élec- trodes, ni à un dépôt de matière isolante; on doit admet- tre que le mica oppose un obstacle à peu près absolu au passage continu de l’électricité. Le résidu électrique que l’on observe dans les condensateurs doit, sans doute, être attribué à une sorte de déformation électri- que du corps isolant, analogue aux déformations élasti- ques, la constante diélectrique étant fonction du temps. — M. Witz éludie les phénomènes si curieux qui se produisent dans les tubes de Geissler excités dans un champ magnétique très puissant, Autour de la cathode se forme un disque bleuâtre dont les bords tracent dans l’espace la direction des lignes de forces du champ en ce point; l’aspect général est entièrement modifié, l'analyse spectrale décèle la production de nouvelles radiations. La force électromotrice aux extré- mités du tube augmente quand le champ devient plus grand, mais elle ne reste pas proportionnelle à l'in- tensité du courant, de sorte qu'il n’y a pas à propre- : ment parler de résistance, Il est à remarquer que, mème concentrée en un seul point du tube, l’action du champ, est encore comparable à celle qui se fait sentir quand elle s'étend sur le tube tout entier, — M.Chape- ron présente des boîtes de résistance où les bobines n'ont ni self-induction, ni capacité. Avec ces résistan- ces on peut dans la méthode des courants alternatifs, amener un téléphone jeté sur un pont au silence absolu, et par suite utiliser cette méthode dans la me- sure des résistances polarisables. Lucien PoINGaRÉ. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 8 mai 1890. SCIENCES PHYSIQUES, — MM. C. A Alder Wright et C.Thompson communiquentles résullats de leurs nou- velles recherches sur certains alliages ternaires : 1) Ce sont des alliages constitués de telle sorte que tandis que deux des métaux qui les composent, A et B,ne peuvent s'unir l’un à l’autre en toutes proportions, le troisième, C, peut s'unir en toutes proportions, soit à A, soit à B. Lorsqu'on fait fondre, à une température qui reste à peu près égale pendant la durée de l’expé- rience, un mélange des trois métaux, A, B et C, il se partage, au bout d'un certain temps, en deux alliages ternaires de densité inégale, si la proportion du mé- tal C de l’alliage total reste au-dessous d’une limite donnée, mais si la proportion de C est plus forte, il ne se produit qu'un seul alliage homogène. 2) Dans les circonstances ordinaires, les différents alliages ainsi formés sont, d’une part, une solution saturée de A dans un mélange de Bet de C (alliage léger) et une solution saturée de B dans un mélange de À et de C (alliage lourd), les solubilités étant telles que la quan- tité de A (ou de B) dissoute, est d'autant plus grande que le mélange contient une plus forte proportion de C, 3) La quantité de B, dissoute par un poids donné de À (ou de À dissoute par un poids donné de B), en présence d’un poids donné de C varie considérable- ment avec la nature de C; l'effet ordinaire de l’accrois- sement de la température est d'accroître la solubilité de À dans BC et de B dans AC, dans certains cas, il l’accroît considérablement, 4) Le troisième métal C se partage entre les deux alliages d’une manière qui ne varie pas seulement avec la nature de A, B et C, et avec la température, mais aussi avec les proportions relatives de À et de B dans la masse entière et la pro- portion de C dans cette même masse, — M. E. P. Per- man communique quelques expériences sur la densité des vapeurs. L'objet principal de ses recherches est de déterminer si le brome a quelque tendance à se dissocier aux basses pressions,c’est-à-dire au-dessous de 15®® de mercure, et aux températures modérées. La méthode employée pour déterminer les densités de vapeur diffère de celle de Dumas en trois points essen- tiels : 1) Le globe n’est pas plongé dans un bain, mais a une enveloppe de vapeur. 2) Le poids de la vapeur contenue dans ce globe n’est pas obtenu par pesée directe, mais en y faisant pénétrer un liquide absor- bant dont on mesure le volume. 3) On a fait une série de déterminations de densités de vapeur à différentes pressions avec la même quantité de vapeur, en abais- sant la pression, en absorbant la vapeur chassée et en déterminant sa quantité, Les résultats obtenus sont négatifs, mais ils montrent que la dissociation se serait produite si on avait élevé suffisamment la température. Un trait frappant, c'est l'accroissement invariable de la densité aux basses pressions. On a fait aussi des expériences pour déterminer la densité de vapeur de l'iode, par la méthode ci-dessus et par la mesure de la vilesse du son, d’après la méthode de Kundt, On a fait passer l’étincelle électrique à travers la vapeur d’iode pour voir si la dissociation se produirait et on est arrivé à cette conclusion que, bien que l’étincelle ne produise aucune dissociation permanente, il est très probable qu'au moment où l’élincelle passe, il se produit au voisinage des conducteurs une dissociation passagère, On a déterminé aussi les densités de vapeur de l’anhy- dride sulfurique. — M. William Henry Preece pré- sente une note sur les effets thermiques des courants électriques. Il a déterminé antérieurement le nombre d’ampères que doit avoir un courant pour fondre divers conducteurs cylindriques d’un centimètre de diamètre, (Roy. Soc. Proc., nov. et mars 1888.) Il montre aujour- d’hui que lorsqu'on connaît l'intensité d’un courant qui produit une température déterminée dans un con- ducteur cylindrique donné, on peut facilement cal- culer quelle doit être Pintensité d’un courant des- tiné à produire une autre température, — M. C. G. Symens présente une note sur les oscillations baromé- triques pendant les orages et sur le Brontomètre, instrument destiné à faciliter leur étude. Il à réuni toutes les observations qui signalent une élévation baro- métrique pendant certains orages. Pour déterminer la cause de ces variations, il est nécessaire de déterminer avec précision la succession des divers phénomènes et les moments de leur plus grande intensité, Dans ce but, l’auteur a inventé avec MM. Richard frères, de Paris, un appareil qu'ils ont construit. Le papier sans fin passe sous la plume inscriptrice avec une vitesse de 6 pieds à l'heure, de telle sorte que le moment d’un phénomène peut être déterminé à la demi-seconde, La vitesse du vent est constamment enregistrée par un anémo-cinémographe de Richard et la pression atmos- phérique par le statoscope un peu modifié et rendu si sensible qu'il donne 30 pouces pour chaque pouce du baromètre à mercure (c'est trois fois l'échelle du baromètre à glycérine). Grâce à d’autres appareils sont également enregistrés : lecommencement, les variations d'intensité et la fin de la pluie ; le moment de chaque éclair ; le commencement et la durée de chaque coup de tonnerre ; le commencement, les variations d’inten- sité et la fin de la grêle, Richard A. GRÉGORY, SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 2 mai 1890, M. C. A. Carus-Wilson étudie la distribution des réactions produites dans un solide élastique déformé, Il remarque que, dans le cas d’un barreau soumis à un effort de tension, il se produit des forces de cisaille- ment qui tendent tous les éléments du barreau ; la force résultante atteint sa valeur maximum dans un plan in- cliné à 45° de l’axe. Si ces efforts de cisaillement s'exer- cent sur les côtés d’un élément en forme de parallélo- gramme, et s'ils sont égaux, l'élément se trouvera par suite soumis à une résultante verticale ; si au contraire les deux efforts n’ont pas même valeur, l'élément se 318 ACADÉMIES ET SOCTÉTES SAVANTES trouvera entraîné dans le sens du plus grand, Comme dans toutes les sections également inclinées sur l’axe, les éléments sont soumis à la mème force de cisaille- ment, l'effort le long d’une section quelconque est in- versement proportionnel à la longueur même de cette section. Il résulte de là que, si la barre considérée n'a pas partout la mème épaisseur, les sections inclinées passant par un point n'ayant pas toujours des lon- gueurs égales et l'effort de cisaillement qui s’exerce du côté de la plus petite étant alors plus grand, le solide se déformera : une ligne droite lirée horizontalement sur le barreau ne restera plus une droile, elle s’inflé- chira vers son milieu, dans un sens que font prévoir les considérations précédentes, L'auteur a expérimenté sur des barreaux de cuivre très soigneusement pré- parés et soumis à des efforts permanents, il à trouvé des resultats entièrement d'accord avec sa théorie. — Le professeur Perry ne trouve pas très correct de sup- poser à priori que l'effort de cisaillement a une valeur uniforme sur les sections planes inclinées à 45° de l'axe, — M, Herschel pense que cette supposilion ne saurait être considérée que comme une simple hypo- thèse, mais l’accord entre les déductions théoriques et l'observation des faits la légitime « posteriori, — M. Boys fait une communication sur la photographie des objets animés de mouvements rapides. Il montre ün ensemble d'appareils permettant de photographier par exemple des gouttes d’eau dans toutes les périodes de leur formation, Une lanterne permet d'éclairer très fortement les gouttes devant lesquelles tourne un disque percé d’un trou : en avant se trouve la chambre photographique. Si on découpe ensuite les photogra- phies obtenues et qu'on les place dans une sorte de thaumatrope, on pourra reproduire toutes les particu- larités et tous les aspects du phénomène étudié, — M. Boys fait ensuite une communication sur les étin- celles électriques oscillantes, Un disque porte six len- tilles partagées en deux groupes de trois; dans chaque groupe les lentilles sont à des distances différentes de l’axe, de telle facon que les images de Pétincelle sur l'écran ne coïncident pas. Le disque peut être animé d’un mouvement de rotation très rapide : les étincelles successives apparaissent alors comme des taches bril- lantes. On peutdone avec cet appareil observér une dé- charge simple; les photographies d’une décharge os- cillante prouvent que la durée de l'illumination est une fraction considérable d’une période complète, — Lord Rayleigh fait remarquer l'intérêt de ces com- munications : il avait déjà photographié des gouttes d’eau, mais il n'avait pas cru possible d’avoir assez de lumière pour obtenir «ane image d’une simple étincelle, M. Perry demande s’il est possible de comparer les formesdes gouttes d'eauavec celles des surfaces liquides de révolution que Sir W, Thomson a montrées autre- fois à la Société Royale, M. Boys pense que le mouve- ment des gouttes est trop rapide, et que l’inertie doit jouer un très grand rôle dans leur formation, SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 41° mai 1890 MM. Wyndham Dunstan et Dymond : Recherche des conditions dans lesquelles l'eau oxygénée est produite par l'éther. — Les auteurs trouvent que l’éther pur ne forme pas d’eau oxygénée sous l'influence de la lumière. L'eau oxygénée se forme quand l'ozone réagit sur l’éther en présence de l’eau. A la température du rouge sombre, l'oxygène paraît agir sur l’éther comme l’ozone à basse température. — MM. Japp et Wadsworth : Paru- desylphenol. Par action de l'acide sulfurique concentré et froid sur un mélange de benzoïne et de phénol, il se forme de l’acide para-desylphenol-monosulfonique CHH120?—+ C6 A5 OH + SOH?=— C20H 15 02(SO3H) + 2H20 et celui-ci chauffé à 2509 avec de l’acide chlorhydrique concentré donne du para-desylphénol, C6 H$ CO. CH (C6H5) C6 H OH, Les auteurs étudient quelques propriétés de ce corps. — M.Lewkowitsch reprend un travail de Benedikt sur l'examen des graisses. Benedikt a trouvé que, lorsqu'on chauffe les acides gras avec de l’anhydride acétique, les acides qui contiennent le groupement hydroxyle se combinent seuls au radical acétyle, ceux qui ne con- tiennent pas lL> groupe hydroxyle restent inaltérés, Les résultats de M. Lewkowitsch semblent contredire ceux de Benedikt,. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 17 avril 1890, SCIENCES NATURELLES. — M. le prof. J. Rosenthal d'Erlangen, dans la suite de ses recherches calorimétri- ques chez les mammifères, mesure la quantité de chaleur perdue par l’animal fut mesurée à une température cons- tante située au-dessous de 15° et au-dessus de 5°, tandis que lanimallui-même fut soumis avant l'expérience à la mème température, ou à une température plus basse, ou à une température plus élevée, L'animal tenu avant l'expérience dans une atmosphère à basse température communique au calorimètre moins de chaleur dans la première ou dans les deux premières heures, L'animal soumis avant à une température plus élevée commu- nique d’abord plus de chaleur au calorimètre, La pro- . duction de chaleur n’est plus influencée après cette période initiale, L'auteur explique cette différence par des changements survenus dans la chaleur propre de l'animal, comme tendent à le prouver des expériences faites avec des animaux rasés. La différence entre la production de chaleur et la perte de chaleur se marque encore plus chez les animaux chloralisés, La tempé- rature d’un lapin auquel on injecte du chloral baisse jusqu’à 2° dans la première heure, et durant ce même temps la perte de chaleur augmente de 30 à 40 0/0, quoique la production de chaleur, au lieu d'être aug- mentée, soit diminuée; l'élimination de CO? est égale- ment diminuéé durant le sommeil chloralique. Une augmentation de la production de chaleur avec dimi- nution de la perte de chaleur aurait lieu dans les états tétaniques d’origine réflexe, et spécialement dans ceux déterminés par la strychnine, le bacille du tétanos, et l'excitation immédiate de la moelle épinière. J, F. Heymans. Séance du 24 avril 1890. 1° SCIENCES PHYSIQUES, — M, Auwers communique une lettre de M, Vogel, directeur de l’observatoire astro- physique de Postdam, d après laquelle les observations specto-graphiques de l'étoile Virginis ont démontré un mouvement périodique, dont la vitesse est à peu près de douze milles, Dr Hans Jan. 2° SCIENCES NATURELLES —- M. le professeur $. Schwen- dener: Sur la gaine du mestome des feuilles des graminées. La plupart des Graminées possèdent une assise limite ou endoderme qui entoure le faisceau du mes- tome des feuilles, Elle n'existe pas chez une partie des gonicées, chez les Andropogonées et les Maydées. Le système mécanique de cette dernière catégorie de plantes se rapproche d’ailleurs à différents points de vue de celui des Liliacées. Le système mécanique des Bambusées se rapproche de celui des Graminées, il possède un endoderme. Les stomates des Graminées et de la plupart des Cyperacées possèdent une forme typique spéciale. L'auteur tire de ces données une nouvelle confirmation pour le principe qu'il a énoncé et d'après lequel chaque système de tissu et chaque appareil possède son histoire propre dont les diffé- rentes périodes dans la série des générations ne coincident pas d'ordinaire avec celles d’autres pro- cessus de développement. On ne peut donc pas s'attendre à trouver que les caractères anatomiques des plantes classées d’après leurs organes de reproduc- tion se groupent comme ceux tirés de la fleur et du fruit; les caractères anatomiques n’en conservent pas ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 319 moins leur imprtance pour la classification naturelle des plantes, L'auteur considère comme insoutenable la théorie d’après laquelle la structure des organes de la végétation ne serait que l’expression de l’adaptation aux conditions de vie, Il est possible en effet de dis- tinguer chez les Graminées, ainsi que chez les autres plantes, des caractères taxinomiques et des caractères épharmoniques (Vesque). J. F. HEymans. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE BERLIN Séance du 16 mai 1890, M. Kopsel présente à la Société le galvanomètre à torsion de Siemens et Halske: Cet instrument se com- pose de deux bobines parallèles entre lesquelles est suspendu un petit aimant en forme de cloche, Ce der- nier est muni d’un ressort à torsion et d’un petit indi- cateur en aluminium, se mouvant au-dessus d’un disque circulaire en verre qui porte une graduation arbitraire, Dès qu'un courant parcourt les bobines, l'aimant est dévié, On reconduit l'indicateur au zéro de la gradualion par une torsion qui est exactement pro- portionnelle à l'intensité du courant. La graduation arbi- traire de l'instrument est faite de telle sorte que chaque degré correspond à une tension de 1/1000 volt, s’il n°y a pas de résistance intercalée, Pour la mesure de ten- sions plus fortes on se sert de quatre résistances de respectivement 9, 99, 999, 9999 ohms. La résistance du galvanomètre même est exactement égale à 1 ohm, de sorte que, si l’on ajoute la première résistance on a 10 Ohms; un degré de la graduation correspond done à 10/1000 volt et ainsi de suite, Pour le contrôle indis- pensable on se sert d’un rhéostat, d’un voltamètre, d'un élément de Clark et de 17 résistances dont cha- cune est de 143,3 ohms. On ajoute un circuit secondaire qui contient l'élément de Clark, une résistance de 100,000 Ohms et un galvanomètre circulaire, Supposons le courant réglé à l’aide du rhéostat, en sorte que le galvanomètre à torsion montre 10°, alors l'intensité est de 0,01 Ampère et la tension au point de contact de notre première résistance doit être de 143,3 x 0,01 = 1,433 volt, c’est-à-dire exactement égale à un Clark. Le galvanomètre auxiliaire doit done rester immobile si le galvanomètre à torsion est juste, Sinon. il faut compenser jusqu’à l'immobilité totale du galvanomètro auxiliaire : le galvanomètre à torsion subit alors une certaine déviation qui donne la correction cherchée, Alors on donne à l'instrument une déviation de 20° et la compensation doit avoir lieu par l’intercalation de deux de nos résistances, Quant à l'élément de Clark, on le soumet tous les deux ou trois mois à un examen à l’aide du voltamètre, Dr Hans Jan. ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE Séance du 3 mai 1890. M. L. Henry communique un extrait d'une lettre qu'il vient de recevoir de M. Mentchutkiu, professeur à l’Université de Saint-Pétersbourg, relativement à l’ac- tion qu'un dissolvant indifférent exerce sur la vitesse de combinaison de deux corps qu'il tient en dissolu- tion : « Mes expériences, dit l’auteur, m'ont conduit à étudier les conditions de l'acte de la combinaison chi- mique, J’étudie la combinaison de la triéthylamine Az (C2H5)3 avec l’iodure d’éthyle C2H5I en présence de dissolvants réputés indifférents, par exemple les hydro- carbures, les éthers simples, les acétones. L'expérience montre que ces dissolvants exercent sur la vitesse de combinaison une influence considérable, Si l’on repré- sente par 1 la constante de vitesse de la réaction précédente dans l'hexane C6H!#, la constante de vitesse pour la même combinaison dans l’acétone méthylphé- nylique CH$3—CO—CPHÿ, sera, toutes choses égales d’ail- leurs, 847,7. La différence est énorme ; mais, dans ce cas, elle n’atteint pas encore le maximum, Ayant observé une relation entre la composition et la struc- ture des dissolvants, et la variation de la vitesse de formation de l’iodure de tétraéthylammonium, je crois pouvoir prédire que les acétones de la série naphta- lique, prises comme dissolvants, seront encore plus favorables pour la combinaison de Az(C-H5} avec C2H5T, Vous voyez donc que les dissolvants, réputés indifférents, ne sont pas inertes ; ils modifient profon- dément l'acte de la combinaison chimique. Cet énoncé est gros de conséquences pour la théorie chimique des dissolutions, » F, F. Membre de l'Académie. ACADEMIE DES SCIENCES DE SAINT-PÉTERSBOURG 22 el 6 1890. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, Tchebycheff, membre de l’Académie, présente une note d’un savant francais, M. Edouard Lucas, intitulée : « Sur la loi de réci- procité des résidus quadratiques, » Elle contient une nouvelle démonstration d’une importante propriété des nombres qui a été formulée par Euler sous le nom de loi de réciprocité de deux nombres simples, Depuis Hans et Legendre, plusieurs mathématiciens, entre autres Bonmiakovski et Zolotarev, ont travaillé à la démonstration exacte de cette loi, 20 ScrENCES PHYSIQUES. — M, Wild, directeur du bureau météorologique et membre de l'Académie, présente la description d’un nouvel Anémographe et Anémos- cope. Cet instrument, construit à Paris, fonctionne depuis deux ans à l'observatoire météorologique et donne les meilleurs résultats en notant la direction et l'intensité des plus faibles mouvements de l'atmosphère, — M. Gadolin, membre de l’Académie, présente une note de M. Chwolson sur les changements de la con- ductibilité de la chaleur dans les métaux, suivant les températures. L'auteur donne une formule pour le rap- port entre la conductibilité à la surface et dans l'inté- rieur des tiges en métal et indique les coefficients des changements suivant les températures pour chacune de ces conductibilités, Ses expériences n’ont été faites pour le moment que sur les tiges en laiton ou cuivre Jaune, chauffées dans les vapeurs d’eau et d’aniline. O. BAGkLUND, Membre de l’Académie. SOCIÉTÉS SAVANTES D'ODESSA SCIENCES NATURELLES. — À la Société des Naturalistes de la Nouvelle Russie (3 mai 1890), M. Morine a pré- senté ses recherches sur l’embryogénie du Chiton de Sébastopol, I confirme en général les résultats princi- paux des observations de M. Kowalevsky (Annales du Musée d'Histoire naturelle de Marseille, tome Lee: 1883). L'auteur a examiné les premiers stades du développe- ment : là formation des œufs dans l'ovaire, l’excrétion des globules polaires de Robin. L’enveloppe chorion- naire du Chiton observé est tout à fait transparente et ne possède pas la structure si compliquée décrite par le professeur Kowalevsky chez les Chitons qu’il a exa- minés, Le mésoderme dérive de l’'endoderme comme M. Kowalevsky l’a décrit, c’est-à-dire qu'il apparaît vers le pourtour même du blastopore et qu'il est constitué par quelques cellules symétriquement placées de chaque côté de l’endoderme; mais outre cela, au bord du blas- topore se séparent deux grandes cellules rondes méso- dermiques, mésoblastes. Plus tard dans le mésoderme se développe la cavité du corps en forme de deux sacs (coelom). La glande pédieuse se développe sous forme d'un enfoncement ectodermique. Le ganglion cépha- lique et les troncs nerveux (deux pédieux et deux laté- raux) dérivent des épaississements ectodermiques qui se séparent plus tard complètement de l’ectoderme et s’enfoncent dans le mésoderme, Le rectum se développe beaucoup plus tard que le prétend M. Kowalevsky : l’enfoncement ectodermique, qu'il croyait devenir le rec- tum n’est qu’un pli séparant le pied du tronc. Le tube digestif commence à se courber deux ou trois jours Séances des avril mai NOUVELLES après l’éclosion de l'œuf et la courbure commence vers la moitié postérieure du corps; puis se propage vers la moilié antérieure, De la face dorsale dans le sac endo- dermique s’enfoncent deux plis qui le divisent en trois régions : l'intestin moyen proprement dit et deux lobes hépatiques latéraux, Onze jours après l’éclosion, lau- teur n’a encore observé aucune apparition ni du cœur, ni des branchies, ni des reins. D' Pierre HAUSNER. ACADÉMIE IMPÉRIALE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 24 avril 1890, 4° SGrENCES PHYSIQUES. — Le président Stephan dépose un mémoire : Sur les oscillations électriques dans les conducteurs rectilignes, Ce mémoire renferme les ré- sultats développés des communications précédentes dont il a été rendu compte; il contient en outre des recherches relatives aux conducteurs non parfaits et spécialement aux conducteurs électrolytiques. — M. Ernest Lecher adresse des « Etudes sur les réso- nances électriques ». Il décrit d’abord une nouvelle méthode pour observer les oscillations électriques dans des fils. Vis-à-vis chacun des deux plateaux de l'appa- reil de Hertz se trouve disposé un plateau aussi grand et bien isolé, auquel est attaché un fi de plusieurs mètres de long. A extrémité du fil se trouve un tube dans lequel on fait le vide et qui s’illumine par suite des oscillations électriques dans le fil. Si l’on joint les deux fils parallèles par un fil transversal, on voit aus- sitôt l’ilumination se produire, En déplaçant le pont le long des fils parallèles d’un côté et d'autre, on trouve des endroits par'aitement déterminés, où subi- tement l’illumination du tube devient plus intense, ce sont les ventres des oscillations, L'auteur discute en détail les conditions et les résultats de ses expériences, Il trouve généralement les mêmes résultats que Hertz, cependant il est en désaccord avec lui sur un point important, Pour la vitesse de l'électricité dans les fils, à laquelle Hertz attribue une valeur de 200.000 km, par seconde, il a trouvé une valeur identique à celle de la vitesse de la lumière à 2 0/0 près; ce résultat est d’ailleurs conforme à la théorie de Maxwell. — M. Pohl étudie les acides carbopyridiques; il décrit l'anhydride, les combinaisons avec l’ammoniaque et amine mono- substitué de l’acide orthodicarbopyridique, 29 SCIENCES NATURELLES. — M, Suess résume un travail présenté par le lieutenant Hohnel, le professeur Toula, et lui-même « Sur la description de l’Afrique orientale », Ce travail comprend trois articles, La première partie est due au lieutenant V. Hôhnel qui a fait partie d’une expédition africaine; il donne une description orogra- phiqué et hydrographique très complète de toute la région voisine du Victoria-Nyansa; cette description est accompagnée plusieurs cartes. La seconde partie est due à M. Toula, qui décrit les échantillons géolo- giques recueillis par M. Hôhnel. La troisième partie a été rédigée par M. Suess, il y résume l’état actuel de nos connaissances sur l'Afrique orientale. — M. Adam Kiewiez étudie les artères de la moelle allongée, Il examine en détail les rapports du système vasculaire avec la moelle dorsale chez l'homme et classe les yais- seaux d’après des règles fixes et certaines, Séance du 8 mai 1890. 1° SGIENCES MATHÉMATIQUES, — M A, Suclarda : Sur une classe de surfaces. — M. W. Binder : Sur les courbes planes du quatrième ordre et de genre un, — M.F. Mertens: Lesinvariants des formes quadratiques. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J,. M. Eder étudie les spectres d'émission produits par la combustion peu vive des carbures d'hydrogène, et par la flamme du chalumeau à gaz oxygène et hydrogène. Il donne la valeur des longueurs d'onde qu’il a mesurées pour les radiations visibles et les radiations ultra-violettes, — M. A.Schraub adresse un mémoire sur la variation des indices de réfraction du soufre prismalique avec la tem” pérature. Il a effleuré très soigneusement des mesures d’indice qu'il a rapportées aux températures de 8° et de 30° pour 3 raies bien déterminées ; il résulte de ces recherches qu'il ne semble pas y avoir de relation bien nette entre le coefficient de variation d’un indice avec la température etle coefficient dedilatation correspondant, — MM.J. Elster el H. Geitel adressent des remarques sur les phénomènes électriques de lPatmosphère; les auteurs discutent les résultats d'observations faites pen- dant les années 1888 et 1889. — C. Reichl : Nouvelles réactions de l’'albumine, — M. C. Dolter : communique des recherches sur la solubilité des minéraux. L'auteur a étudié un grand nombre de minéraux qui passent pour complètement insolubles ; après les avoir réduits en poussière, et les avoir nettoyés avec soin, il les a mis dans des tubes scellés où l’on pouvait les mainte nir pendant plusieurs jours à une température de 809, IL à opéré sur des sulfures tels que la pyrite, lanti- monite du Blemde, etc., des oxydes analogues au Ku- tile, des silicates comme l’anorthite, la chabasite, etc. Tous ces minéraux sont plus ou moins solubles. Il montre l'influence qu'a sur leur solidité la présence des matières salines que l’eau peut contenir ; et fait remar- quer l’importance que peuvent avoir ces phénomènes dansles minéralisations naturelles : il termine en rela- tant quelques expériences sur la solubilité de l'or vers 200. 3° SCIENCES NATURELLES, — M, G. Haberlandt : Sur les matériaux de réserve du Fraxinus excelsior. De ce tra- vail résultent trois faits principaux : 1° Les tegments du bourgeon du frène se composent d'un parenchyme épais qui fonctionne comme tissu de réserve. Les couches successives d’épaississement de la paroi qui sont en cellullose disparaissent dans le développement du bourgeon ; le fait est analogue à celui que l’on a décrit pour l’endosperme à parois épaisses. 2° Un tissu de ré- serve ayant mème constitution se place à l'insertion de chaque bourgeon sous la forme d’une petite plaque plus ou moins épaisse. 3° Au-dessous de chaque bour- geon se trouve un réservoir local d’amidon qui se vide également au printemps. — M. G N. Zlaturski élu- die la région comprise entre les fleuves Topolnica et Strema : il décrit la constitution géologique du sol, et présente des cartes détaillées de la contrée. Emil Weyr, Membre de l'Académie. NOUVELLES DÉCOUVERTE DE DEUX PLANÈTES Le 25 mars dernier M.Palisa,de l'Observatoire de Vienne en Autriche, a rencontré à côté l’une de l’autre deux pe- tites planètes : l’une d'elles est nouvelle et portera le n° (291); quant à l’autre, c'est probablement une c2 - : Ve ' < TA ancienne planète, (155) Scylla découverte en 18%; Le lendemain 26 mars,ces deux mêmes planètes ont été trouvées, indépendamment, à Nice, par M, Charlois,. Et le 20 mai ce dernier astronome à découvert en outre un autre asléroide du mème groupe. Le Gérant : Ocrave Doi. Paris.— Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. ss 4e ANNÉE NAT 15 JUIN 1890 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCE PURES ET APPEIQUÉES - DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER L’'UNIFICATION DES LONGITUDES ET L'HEURE UNIVERSELLE Une conférence internalionale s’esl réunie à Washington eu 1884 pour discuter l'adoption d’un premier méridien commun à toutes les nations et d'une heure universelle. Elle a conclu en recom- mandant le méridien de Greenwich comme pre- mier méridien commun, et l'heure moyenne de Greenwich comme heure universelle. Mais les délégués avaient déclaré à l'avance qu'ils n'avaient pas qualité pour engager leurs Étals respectifs : effectivement, depuis cette réunion, les vœux émis n'ont fait aucun pas vers leur réalisation. Les astronomes et les géographes ont conservé leurs anciens méridiens et l'heure universelle confinée dans les limites du Royaume-Uni. Dans ces derniers temps, l'initiative de l'Académie de Bologne, proposant par l'organe de M. Tondini de Quarenghi le méridien de Jérusalem, le dépôt par notre gouvernement d'un projet d'unification de l'heure en France, ont ramené l'attention du public sur cette matière, sans toutefois le pas- sionner beaucoup : le moment semble donc venu de se demander quelle est la véritable portée de cette innovation, et d'examiner la valeur scienti- fique et pratique des solutions proposées, reste I La conférence de Washington n’est pas la pre- mière qui se soit préoccupée d'établir un méridien universel. Dès 1633 une commission internatio- nale, réunie par le cardinal de Richelieu, avait désigné le méridien de l'ile de Fer comme origine commune des longitudes. Cette décision était très REVUE GÉNÉRALE, 1890, judicieuse. Ce méridien, très rapproché de celui à partir duquel Ptolémée comptait déjà ses longi- tudes, séparait d’une façon heureuse l’ancien et le nouveau monde; il était réellement international et suflisamment neutre, et son choix n'était dicté que par des considérations scientifiques. S'il eût été possible dès cette époque de déterminer exactement la différence de longitude entre l'ile de Fer et les observaloires du continent, la ques- tion était résolue définitivement; mais malheureu- sement l’état de la science d'alors ne le permit pas. L’Angleterre n’accepta jamais cette origine; les astronomes français l’abandonnèrent bientôt; les géographes, à l'exemple de Delisle, lui substituèrent un méridien conventionnel, placé à 20° à l’ouest de celui de Paris et que beaucoup de géographes étrangers, les Allemands compris, ont conservé jusqu’à ces dernières années, tandis que la grande majorité des astronomes adoptaient le méridien de Paris. Quant à l'heure universelle, personne n’y songeail. Le mouvement nouveau est parti de l'Amérique du Nord. La vaste étendue en longitude des États- Unis et des possessions anglaises limitrophes occa- sionne de grandes différences entre les heures loca- les : une véritable anarchie régnait dans les horaires des nombreux chemins de fer qui sillonnent ces immenses lerritoires et il devenait urgent d'y remédier. En 1879 sur l'initiative de M. Sandford Fleming, l'Institut Canadien saisit les pouvoirs publies de la métropole d’un projet portant déter- mination d'un premier méridien (ou mieux méri- 11 322 E. CASPARI. — L'UNIFICATION DES LONGITUDES ET L'HEURE UNIVERSELLE dien zéro, commun à toutes les nations et l'emploi général d'un système unique de mesure du temps. Assez froidement accueillie par l’illustre astronome royal, Sir G. B. Airy (1), par le directeur de l'Obser- vatoire d'Edimbourg, M. Piazzi Smith; considérée comme peu sérieuse par le premier astronome du nouveau monde, M. S. Newcomb, la motion trouva plus d'écho en Allemagne, en Italie, en Espagne et en Russie. Le gouvernement des Etats- Unis s’en saisit et décida de provoquer une confé- rence internationale. Avant que cette conférence tint ses assises, l'association géodésique interna- tionale, réunie à Rome en 1883, s’occupa de la question à la demande du Sénat de Hambourg. Elle se prononça pour l'adoption d'une heure universelle qui devait être l'heure astronomique de Greenwich, partant de midi. Faisant un pas de plus, elle recommandait d’une façon générale le méridien de Greenwich comme méridien universel des géographes. Les longitudes devaient être comptées de 0° à 360° en allant vers l'Est, el le jour universel de 0! à 24" en commençant à midi. Cette façon sommaire de signifier congé à tous les méridiens en usage et en particulier à celui de Paris, que son passé scientifique aurait dû protéger un peu mieux, ne fut pas sans éveiller dans notre monde scientifique quelques légitimes suscepti- bilités. Le gouvernement français, invité à envoyer des délégués au congrès de Washington, voulut d'abord prendre l'avis des intéressés : une com- mission dans laquelle tous les services publics étaient représentés, et qui sur vingt-deux membres en comptait treize appartenant à l’Institut, se réunit sous la présidence de M. Faye au mois d'août 188% pour préparer les résolutions que le délégué fran- çais aurait à soulenir devant la conférence (2). Après de longues el sérieuses discussions, cette commission acquit la conviction que la mesure proposée n'avait en réalité qu'une portée des plus restreintes, que son utilité et son opportunité étaient également conteslables, et que notre pays tout particulièrement trouverait plus d’inconvé- nients que d'avantages à y adhérer. Néanmoins, dans un esprit de conciliation qui n’a pas été suf- fisamment apprécié, elle jugea que nous ne devions pas refuser de nous associer à un essai de « réforme sagement conduite », mais à la condition expresse que le méridien choisi aurait un caractère réel de neutralité. Ces résolutions, éloquemment dévelop- pées à Washington par notre délégué, M. Janssen, n'y furent pas acceplées par une majorité dont 1: En ce qui concerne un premier méridien commun, dit léminent savant, aucun homme pratique n'en a jamais senti le besoin. (2) L'auteur de ces lignes eut l'honneur d’être secrétaire et rapporteur de la commission. l'opinion était faite d'avance. La conférence adopta la sclution préconisée à Rome, en la modifiant seulement sur deux points : numération des longi- tudes vers l'Est (+) et vers l'Ouest (—), de 0° à 180°, et adoption du minuit au lieu du midi de Greenwich pour l'origine du jour universel. Les résolutions concernant l'heure universelle sont, nous l’avons dit, restées lettre morte après cette conférence. En Amérique même, aulieu d’une heure unique pour les chemins de fer, on a eu recours au système des fuseaux, c’est-à-dire de subdivisions ayant chacune environ 15° de largeur en longitude; dans chacune d'elles on compte une même heure normale, qui varie d’une unité d’un fuseau à ceux qui lui sont contigus, le chiffre des minutes restant le même. D'autre part, à Rome même il avait élé entendu que le premier méridien universel ne se substi- tuerait pas aux méridiens des divers observatoires pour l'usage des astronomes. Les géodésiens et les topographes de leur côté avaient fait accepter les réserves les plus expresses en ce qui les con- cernait : la conférence géodésique n’avait donc stipulé que pour les marins, pour les services publics tels que télégraphes, chemins de fer, elc., enfin pour les météorologistes et les physiciens. Cet historique sommaire donne lieu à d’intéres- santes réflexions. On voit d’abord que l’unité que l’on poursuit aujourd'hui a déjà existé; ce sont les besoins des observatoires, les progrès de la science, qui ont conduit graduellement à la multiplication des méridiens fondamentaux : la théorie avait cherché l'unité; la pratique engendrait la diversité. L'heure universelle rêvée pour les chemins de fer a été remplacée avant tout essai par vingt-quatre heures régionales ; on a compris que la vie de l’homme se règle nécessairement sur la distinction fondamentale du jour et de la nuit, et qu'il y aurait absurdité trop flagrante à vouloir faire accorder toutes les horloges du monde sur le même méridien. La deuxième remarque, c'est que ce ne sont pas les intéressés qui réclament cette réforme. Ce sont des astronomes et des géodésiens qui décident des besoins de la marine et du commerce, et en défini- tive, à propos de l'heure des chemins de fer on a abordé une queshon dont chemins de fer et télé- graphes n'ont nul souci, celle des longitudes ter- restres. Ne peut-on déjà préjuger du peu d’impor- tance et d'opportunité de ce mouvement? Il Mais envisageons la question d’une façon plus objective au double point de vue scientifique et pratique. Ce sont, disions-nous, les exigences de l’Astronomie qui ont conduit à multiplier les méri- diens. Dans un observatoire lLout se règle naturel- E. CASPARI. — L'UNIFICATION DES LONGITUDES ET L'HEURE UNIVERSELLE 323 lement sur le temps local; la publication des résultats rapportés à une autre origine exigerait une correction dont la valeur dépendrait de la lon- gitude. Or, aujourd'hui encore la précision des observations est bien supérieure à celle des longi- tudes. Depuis le début du siècle la différence Paris- Greenwich a oscillé entre 2 20' 24" et 2° 20'9"; cette incertitude de 1° de temps est encore moin- dre que celle qui affecte les distances de Greenwich à Washington ou à Madras. Les voyageurs qui déterminent ges longitudes par le transport du temps nese fient pas exclusi- vement à l'heure qu’ils emportent du premier port de départ : ils la rectifient à chaque relàche, choi- sissant un méridien antérieurement repéré qui fait partie du réseau des positions à fixer, et auquel ils rapportent les points voisins. Les positions rela- tives sont indépendantes de l'erreur dont ce méri- dien peut être affecté. Si l'on détermine des posi- tions dites absolues, par l'observation de la Lune ou des satellites de Jupiter, il faut les corriger des erreurs des tables: la correction des éphémérides, résultant des observations faites dans les divers observatoires, dépend de la longitude de ceux-ci. Ainsi une longitude rectifiée par comparaison avec les observations de Poulkova est par le fait rap- portée à Poulkova, et si l'on veut la rattacher à Greenwich, elle subira ultérieurement les fluctua- tions de la longitude de Poulkova. Pour les géodésiens et les topographes, la ques- tion se pose à peine, puisqu'ils ne calculent que des différences. Le système même de projection de notre carte d’état major repose sur l'hypo- thèse que le premier méridien, le seul représenté par une droite, est central : avec une autre ori- gine que Paris, les méridiens changeraient de forme. On à fait valoir les intérêts de la navigation. On a parlé des périls auxquels peut donnerlieu la posi- tion signalée par un navire à un autre, objection qui témoigne d’une ignorance complète des condi- tions de la navigation. Nos officiers ont dans leurs portefeuilles des cartes anglaises et des cartes françaises : la diversité des méridiens n’a jamais donné lieu à des méprises. Sur les cartes hydro- graphiques, le premier méridien est purement théorique : les vrais méridiens sont ceux des relàches où l’on règle les montres. Restent les géographes de profession qui ne sont jamais embarrassés de compulser des documents d'origines diverses, puisque tout se réduit à l'addi- tion ou à la soustraction d’un nombre connu. Dans les discussions de positions le premier méridien n'intervient presque jamais : on n’opère que sur des différences. Qnant au publie qui fait usage des cartes, il ne s'occupe que rarement de la gradua- lion, n'ayant besoin que des positions relatives des points d’une même feuille. TI Les promoteurs de l'heure universelle ne pou- vaient avoir la prétention de supprimer l'heure locale. Avec l’heure universelle de Greenwich un Japonais bien matinal se lèverait à huit heures du soir, el un Californien dinerait à deux heures du matin : jolie matière à réflexions sur les variations des mœurs avec la longitude. La confé- rence de Rome a donc reconnu « pour certains be- « soins scientifiques et pour le service intérieur des «grandes administrations des voies de commu- « nications, telles que celles des chemins de fer, «lignes de bateaux à vapeur, télégraphes el « postes, l'utilité d’adopter une heure universelle « à côté des heures locales nationales qui continue- «ront nécessairement à êlre employées dans la vie « civile ». Nous noterons d’abord que les négociants et les voyageurs sont complètement étrangers à l’agita- tion qu'on a faite autour de cette question : elle leur est indifférente. Dans le service télégraphique, chaque pays adopte l'heure de la capitale, heure qui est transmise d'oflice : on obtiendrait peut- être difficilement, surtout des administrations de cäbles sous-marins, la transmission gratuite de deux heures différentes. Les destinataires des dé- pêches lointaines qui sont ordinairement des dé- pêches d’affaires, connaissent la durée moyenne des transmissions et n'auraient aucune peine à la calculer si cela les intéressait. Les commerçants aiment mieux connaitre l’heure locale, qui donne aux dépêches leur signification, qu'une heure abstraite : il faut savoir si la dépêche est partie le matin ou le soir, avant ou après la bourse, ren- seignements qui ressortent immédiatement des indications actuelles, tandis qu'avec l'heure uni- verselle seule, il faudrait chaque fois faire un calcul, avec chance de se tromper. Pour les chemins de fer, l'heure universelle ne pourail être admise que dans les pays où elle dif- férerait très peu de l'heure locale : autrement elle offrirait des inconvénients graves pour le pu- blie et pour les agents affectés au service des voies. L'heure universelle, ne pouvant entrer dans l’usage ordinaire, doit être exclue des chemins de fer dont les conditions d'exploitation doivent surtout répondre aux exigences de la vie courante. Les graphiques de marche se font évidemment avec une heure unique, mais en France cette heure est celle dont on se sert dans la pratique: avec l'heure universelle, il faudrait la traduire pour l'usage du public, transformation plus fréquente et plus onéreuse que celle qu'exige actuellement 324 E. CASPARI. — L'UNIFICATION DES LONGITUDES ET L'HEURE UNIVERSELLE le calcul de la concordance des trains aux fron- tières, el qui n'a jamais. donné lieu à aucune dif- ficulté. Enfin, pour la navigation transatlantique, on calcule d'avance la durée des traversées sur une échelle horaire arbitraire, mais il faut immédia- tement transformer les résultats en heures locales. La longueur d'une escale dépend de l'heure locale d'arrivée : un navire entrant au port à neuf heures du soir n'a aueun avantage sur celui qui arriverait le lendemain au jour. Les rapports de traversée n’ont de sens qu’à la condition de citer l'heure du bord : dansune question d’abordage, par exemple, il s’agit de savoir si les feux de position étaient allumés à l'heure réglementaire qui dépend du coucher et du lever du soleil. L'heure universelle peut trouver son emploi dans les recherches de physique du Globe. On a réglé sur le méridien de Gœættingue les observa- tions magnétiques organisées par Gausset Weber, sur celui de Greenwich certaines observations météorologiques simultanées. Les météorologistes français n'ont pas hésité à adopter ce dernier pour les cartes de vents, les premières cartes publiées comprenant une division en rectangles qui en dé- pend. L'étude des séismes exige aussi qu'on rap- porte toutes les observations à un méridien unique, mais ce méridien est parfaitement arbi- traire. Comme d’ailleurs la plupart des faits de météorologie et de physique terrestre sont en relation intime avec l'heure locale, celle-ei doit toujours être considérée en premier lieu : les savants qui établissent ces sortes de comparaisons ne sauraient s'effrayer du petit calcul nécessaire pour passer d’une heure à une autre. IV C'est pour ces besoins très limilés que la France avait consenti à discuter la question d’un premier méridien neutre qui devait être choisi d’après des considérations purement scientifiques. Ce méridien ne doit couper aucun continent im- porlant, pour ne pas introduire de discontinuilé dans les longitudes d’un même pays, et afin de | reporteren mer le saut de date, c’est-à-dire le point où les bâtiments faisant le tour du globe changent leur date. On avait proposé de repérer ce méri- dien une fois pour loutes par ses distances aux observatoires existants, suflisamment connues au- jourd’hui pour l’objet qu'on se propose, puisqu'il est entendu que les astronomes, qui seuls ont besoin d’une précision supérieure, seraient hors de cause. On a objecté qu’on n'aurait ainsi «qu'un zéro de « longitude défini par une fiction légale, ce qui « ne constituerait pas le moins du monde un zéro « réel. » Nous convenons que ce zéro ne serait pas matériel : nous serions mème heureux de trouver un méridien qui ne coupàt aucune terre, ne fût-ce que pour éviler la tentalion d’y construire un observatoire. L’éminent astronome qui a fait cette objeclion, oubliait-il que l’origine des longitudes célestes n’est pas plus matérielle, qu’elle est même mobile dans le ciel, et que l’astronome ne la re- trouve qu'au moyen des étoiles fondamentales? On n'a pourtant jamais proposé de prendre Sirius comme origine des ascensions droiles, sous pré- texte que c’est l'étoile la plus brillante du ciel. De même le niveau moyen de la mer auquel on rapporte lous les nivellements n’est qu'une surface idéale, dépendant de l'observation d’un grand nombre de hautes et basses mers : on ne peut le retrouver à chaque instant qu’en le cotant par rapport à une échelle solide et stable. Mais pour se mettre à l'abri des variations que peut subir le niveau de ce repère, soit par accident, soit par l'effet des mouvements du terrain, la prudence commande de déterminer, non pas un seul, mais plusieurs repères reliés entre eux et qui se con- trôleront. La forme de la terre se modifie graduel- lement : la constance absolue des longitudes et des latitudes n’est pas démontrée, elle n’est même pas présumable ; le cercle méridien de Greenwich peut périr dans un cataclysme, aussi bien qu'une ile peut disparaitre sous les flots : ici encore la multiplication des repères est une mesure de pru- dence. Dans l’état présent de la science un pareil méridien pourrait être défini à 4” de temps près; c’est plus qu'il n’en faut pour tracer la graduation d'une mappemonde el calculer l'heure d’un trem- blement de terre ou la durée de transmission d'un télégramme. Quoi qu'il en soit, cette idée, que nous persis- tons à croire la seule vraiment scientifique, a été repoussée à Washington par une grande majorité, el nous nous en consolerons d'autant plus facile- ment, que nous croyons avoir montré combien la portée de cette unification est restreinte. Il est bien vrai que le développement des moyens de communication à provoqué une tendance générale vers l’abaissement des barrières et vers l’unifica- tion de toutes choses : jamais pourtant les indivi- dualités nationales ne se sont affirmées d’une façon aussi nette et aussi tranchée. Plus on parle de fra- ternité universelle, plus on augmente le nombre des régiments et la portée des canons: plus on voyage, plus il faut connaître de langues; le volapük n’a pas plus fait fortune que la langue universelle de Leibnitz. Et cela est très légitime ; toute nouveauté n’est pas nécessairement un pro- grès, loin de là, et il serait souverainement injuste de qualifier de rétrogades les tendances nettement E. CASPARI. — L'UNIFICATION DES LONGITUDES ET L'HEURE UNIVERSELLE 329 nationales. La diversité est dans la nature, dans les races, dans les climats, dans l’histoire : le sort du méridien de Richelieu est celui qui attend les unifications faclices, inutiles ou prématurées. On a comparé l'unification des longitudes et des heures à celle des poids et mesures : c’est com- parer une fourmi à un éléphant. Les mesures de longueur, de surface, de volume, les poids et les monnaies sont des quantités d’un usage universel et constant : le calcul nécessaire pour passer d’un système à un autre se compose de multiplications et de divisions longues et fastidieuses ; pour un négociant en relations avec l'Étranger, il se répète à tout instant,et les erreurs se paient cher. La complicalion croit dans une bien plus large pro- portion quand le système de numération n’est plus décimal, Des unités de longueur et de poids dé- pendent enfin toutes les autres unités, celles de la mécanique et de la physique : quoi d'étonnant alors si le système décimal s’est imposé au monde? Les peuples qui le repoussent s’astreignent à un ‘surcroît de travail sans utilité, et comme l'a fait remarquer un savant illustre, Sir W. Thomson : « L'Angleterre fait un sacrifice en n’adoptant pas « le système métrique. » En faisons-nous un en refusant d'adopter le mé- ridien de Greenwich? La longitude n'est pas une monnaie courante. Les astronomes, navigateurs, géographes qui en font usage sont gens spéciaux, travaillant d'ordinaire sur un méridien arbitraire pris pour origine générale; pour les travaux de coordination, plus rares, tout se réduit à une addi- lion ou à une soustraction si rapides qu'on n’y fait pas attention. C’est sur l'heure locale que se règlent les occupations de chacun; l’homme du peuple n’a besoin de connaitre que celle-là, et celui dont horizon est plus étendu n’éprouve aucun embarras à y associer la notion d’une autre heure. V L'étude que nous venons de présenter est for- cément incomplète : le sujet est beaucoup plus complexe qu'on ne le croit généralement. Nous n'a- vons même pas effleuré la question connexe du ca lendrier et de la chronologie. Avant de discuter le point de départ des temps et des longitudes, il conviendrait de s’entendre sur les unités de mesure. La science gagnerait beau- coup plus à l'emploi généralisé de la division déci- male du cercle (et du jour), qu'à l'adoption d'un méridien commun. Essayons aussi d'établir d'abord l’accord entre les savants et le public. Ce dernier ne comprend pas qu'on mette l’origine du jour à son milieu : il lui semble que c'est comme si l’on mesurait la taille d’un homme à partir de la cein- ture : que pourraient perdre les astronomes à suivre le conseil de M. Janssen en faisant commencer le jour à minuit? Ils seraient alors d'autant mieux fondés à demander au public de compter comme eux de Où à 24! pour rétablir la continuité et faire disparaitre la désignation de matin et soir. On pourrait ensuite s'entendre définitivement pour savoir s’il ne serait pas préférable de compter les longitudes de 0° à 360° en allant de l'Est à l'Ouest. Ces questions une fois résolues avec maturité, il faut discuter le méridien zéro lui-même au point de vue scientifique, voir s’il est nécessaire qu'il passe par un observatoire, comparer le méridien du détroit de Behring et celui de Ptolémée : on arriverait peut-être à reprendre le méridien de Delisle qui a l'avantage d’avoir servi longtemps. Les seuls arguments mis en avant en faveur de celui de Greenwich sont d'ordre économique : c’est, dit-on, le méridien qui a la plus nombreuse clien- tèle, laquelle n'aura rien à changer à ses habitudes et ne sera pas exposée à voir déprécier sa lilté rature géographique el son stock de cartes. Cet argument nous fait penser à certain renard qui avait perdu sa queue. Quand il s’agit pour une na- tion de bouleverser chez elle des habitudes vieilles de deux siècles, de modifier à grands frais ses méthodes de caleul et son matériel scientifique, elle a bien le droit de ne pas se payer de mots, de faire entrer en ligne de compte son intérêt per- sonnel, de chercher quelle nécessité la pousse à une réforme aussi radicale et quels avantages elle pourra en retirer. Selon nous, l'unification de l'heure nationale dont on s'occupe en ce moment donnera satisfaction à tous les besoins légitimes : l’inno- vation plus étendue que nous venons de discuter n’a que peu d'utilité et beaucoup d'inconvénients : telle qu'elle est présentée, elle aurait plutôt pour effet de retarder un progrès réel. Comme l’a fort bien dit M. de Lesseps : « Je serais bien surpris «qu'il sortit de cette réunion une solution défi- «nitive : le système décimal réclamera quelque «jour ses droits et il faudra tout reprendre. » Nous ne saurions done mieux conclure qu’en nous appro- priant les paroles d’un brillant écrivain et d'un original penseur (1) : « Sachons être à notre jour « des arrièrés; les rôles changent si vite en ce « monde! Ce sont presque toujours les prétendus « arrièrés qui fondent ce que les empressés compro- «mettent. » E. Caspari, Ingénieur hydrographe de la Marine. (1) M. Ernest Renan. 326 P. VUILLEMIN. — LES MYCORHIZES LES MYCORHIZES Chez un grand nombre d’arbres forestiers, on trouve des racines associées à des filaments déli- cats, qui sont un appareil végétatif ou mycelium de Champignon (fig. 1). L'union est si intime et si ré- L ji —= qi = N ES Lh w ME (| (à Ki St Ki Er A pa ji h ep = 2 2 TR (ii 17 a, Sp É= RE + === é = = æ = = = CSS = — Fig. 1. — Mycorhize de Hètre, d’où se détachent des filaments de Champignon, qui vont ramper sur une écaille de bourgeon à demi macérée (d’après P. E. Müller.) L gulière, que la racine constitue avec le mycélium wn tout morphologique, défini avec la netteté d'un organe normal. Comme le montrera la suite de cel article, une telle promiscuité entraine une solidarité pro- fonde dans les fontions de cette sorte d'organisme composé. Cette formation, qui n'est ni racine, ni Champignon, mais qui tient à la fois de la racine et du Champignon, a reçu de Frank (1)le nom de mycorhize. I La question des mycorhizes se rattache à la doc- trine si controversée de la symbiose, suivant la. quelle deux êtres vivants, spécifiquement distincts, confondent leurs corps en un organisme mixte et (4) B. Frank. Ueber die auf Wurzelsymbiose beruhende Ernährung gewisser Bäume durch unterirdischer Pilze (Be- | richte der deutschen botan. Gescllschft. 1885). harmonisent leurs fonctions pour le plus grand profit de la communauté. Cest dire que l’accord est loin d’être unanime entre les auteurs sur la nature des mycorhizes. Bien plus, chacun des bota- nistes qui a fondé sa conviction sur l'étude appro- fondie d’un cas particulier, conteste les exemples tenus par ses émules comme les plus probants. Pour Kamienski (4), la nutrition du Honotropa Hypo- pilys serait favorisée par le Champignon qui vit sur les racines, tandis que les arbres cités par Frank seraient victimes d’un vulgaire parasitisme. Frank lui-même exclut du nombre des mycorhizes les tubercules des Légumineuses. Et pourtant la nature symbiotique de ces excroissances repose sur des arguments qui satisfont beaucoup de mor- phologistes et de physiologistes. Naguère encore Frank niait Jusqu'à l'existence d’un organisme in- férieur dans ces formations. Brunchorst avait pré- cédé Frank dans cette voie; mais, contrairement au professeur de Berlin, il croit à une relation causale entre les renflements radicaux des Aunes et un petit Champignon, qu'il nomme #rankia, sans d’ailleurs se prononcer sur la nature parasi- taire ou symbiolique de l'hôte. Laissons de côté les cas difficiles ou contes- tables. Aucun botaniste n’élèvera de doutes sérieux sur l'attribution des filaments des my- corhizes des Cupulifères à un Champignon. Je ne croirais même pas que l’on püt pousser l'amour du paradoxe au point de soutenir une pareille thèse, si je n'avais eu connaissance d’un travail de P, Kummer (2) « sur le problème du mycorhiza ». Entre autres arguments, l’auteur avance qu'il n’est pas prouvé que les Truffes et leur mycélium ne sont pas une excrois- sance des racines de Cupulifères... Pas- sons outre. Les relations de la racine et du Cham- pignonoscillent entre deux cas extrêmes. Dans l’un : la Crypto- game forme un sim- ple revêtement su- perficiel, une gaine mycélienne à la ra- cine (fig. 2); dans l’autre : Fig. 2.—Mycorhize extrophique de Charme, en coupe transversale. la masse principale du (1) Kamienski, Mémoires de la Société des Sc. nat. de Cherbourg. 1882 et Arbeiten der Saint-Petersb. Naturforscher-Gesellsch. 1886. (2) P. Kummer. Das Raäthsel der Mycorhiza (Fürstl. Blätter 1885.) P. VUILLEMIN. — LES MYCORHIZES 327 Champignon est représentée par des pelotons fila- menteux enfermés dans les cellules. Le premier type constitue les mycorhizes erotrophiques; le deuxième forme les mycorhizes endotrophiques. IT Chacun de ces types ou quelque forme inter- médiaire se reproduit avec une grande uniformité chez tous les représentants d’une même famille. Ainsi, d’après Frank, la constance des mycorhizes exotrophiques, chez tous les représentants de la famille des Cupulifères, en fait un caractère sus- ceptible d’être utilisé en taxonomie, car elle dis- tinguerait les espèces de ce groupe d’un grand nombre d'arbres, notamment des Bétulacées, du Platane, du Noyer, du Robinier, du Tilleul, des Erables, du Frène, ete. Toutefois on évitera de conclure prématurément d'après des résultats né- gatifs. Ainsi Woronin (1) a trouvé des mycorhizes sur le Bouleau. La plupart des Orchidées ont des mycorhizes endotrophiques. Chez les Ericacées, famille à laquelle appartiennent quantité de plantes vulgaires comme les Bruyères, les my- corhizes sont d'une grande finesse, et tout l’appa- reil tégumentaire se réduit d'ordinaire à une seule assise, occupée par le Champignon(fig.3).Un grand nombre de végé- taux herbacés sont in- diqués par Schlicht (2) comme se rattachant àcederniertype. Leurs mycorhizes ont sou- vent un diamètre infé- rieur à 0,04. Les ra- cines des Jones et des Souchets sont sujettes aux invasions des Zn- torrhiza, Cryptogames Fig. 3. — Coupe longitudinale de la pointe d’un mycorhize endotrophique d’Andromède. Le contenu ombrédes grandes cellules superficielles repré- sente les filaments pelotonnés du Champignon, qui s'échap- pent au dehors, à gauche de la voisines des Ustilagi- nées; de cette associa- tion résultent toujours des galles renflées el rameuses, qui, mor- phologiquement, se rattachent à la série des myco- rhizes, et, physiologiquement, selon Lagerheim (3), sont inoffensives. Outre les différences spécifiques entre les Pha- nérogames au point de vue de la présence des my- corhizes, il y a des différences individuelles, liées à l'habitat de la plante. Tout d’abord, la péné- tration des Champignons est assez tardive et l’on figure (d’après Frank.) (4) Woronin. Berichte der deutsch. bot. Ges. 1885. (2) Schlicht. Berichte der deutsch. bot. Ges. 1888 et Thèse d’Erlangen. 1889. (3) Lagerhcim. Hedwigia. 1888. en chercherait vainement la trace sur les plantules de germination des Hêtres ou sur bien des Chènes de deux ou trois ans. Frank a pu pousser assez loin la culture de plusieurs Cupulifères dans l’eau sans y voir apparaitre des mycorhizes. Cette suppression du Champignon dans un milieu liquide n'est pas sans analogie avec l’affranchissement de l’Algue d’un Collema (Lichen) sur un substratum trop hu- mide. Les mêmes plantes paraissent être plus sujettes à former des mycorhizes dans un terrain sablonneux que dans un sol bien fumé. Schlicht a donné des indications qui parlent dans ce sens. Harlig (1) a cherché vainement des mycorhizes sur de nombreux exemplaires de Chènes, de Hètres, de Charmes, de Noisetiers d'une dizaine d'années, cultivés dans une station de recherches. La terre de Bruyères est favorable aux mycorhizes. Magnus (2) a signalé ces organes mixtes chez la Myrtille, et Frank (3) en a constaté la généralité chez les Erica- cées les plus diverses. Dans certains bois de Pins du grès vosgien, dont le sol maigre portait surtout des Bruyères et des débris accumulés de Mousses, ces mycorhizes m'ont paru aussi habituels, qu'ils sont inconstants sur les Conifères dans d’autres stations. Chez les plantes saprophytes, c’est-à-dire pui- sant leurs aliments dans les débris morts des corps organisés, l'existence des mycorhizes est un phé- nomène général et indépendant des affinités des plantes. Johow (4) a fait récemment une révision générale des Phanérogames décrites jusqu'à ce jour comme dépourvues de chlorophylle, et néan- moins exemptes de parasitisme. Incapables d’em- prunter leur nourriture au milieu inorganique, ces espèces sont vouées à une nutrition exclusivement saprophytique. C'est pourquoi Johow les nomme holosaprophytes, pour les distinguer des hémisa- prophytes, plantes vertes qui tirent de l’humus une partie seulement de leur aliment. Sur les nom- breuses holosaprophytes examinées par Johow ët appartenant à cinq familles (Orchidées, Burman- niacées, Triuracées parmi les Monocotylédones, Ericacées et Gentianées parmi les Dicotylédones), une seule Orchidée, le Wulischlægelia, était exempte, de Champignon. Toutes les autres avaient des my- corhizes endotrophiques. à l'exception du Hono- tropa, où le mycélium extérieur, indiqué déjà par Graves il y a plus de quarante ans, a fait l'objet de travaux minutieux de Drude et de Kamienski. Voilà pour la systématique des mycorhizes en ce qui concerne la plante supérieure. Nos connais- (1) Hartig. Botanisches Centralblatt. 1886; et : Centralblatt far Bakteriologie. 1888. (2\ Magnus. Botan. Ver. Brandenburg. 1885. (3) Frank. Tageblatt der 60 n° Naturf.-Vers. Wiesbaden 1881. (4) Johow. Pringsheim's Jahrbücher, 1886 et 1889. 328 P. VUILLEMIN. — LES MYCORHIZES sances sont moins complètes au sujet du facteur cryptogamique de l'association. En première ligne viennent les Tubéracées. Les relations des Truffes de Cerf (Zlaphomyces) avec les Conifères ont été les premières élucidées, grâce aux travaux de Bou- dier (1), de Reess et de Fisch (2). Non seulement les fruits d'Ælaphomyces (fig. 4) se forment aux dépens Fig. 4. — Fructification (périthèce) d’un Æ/aphomyces granu- latus vivant en mycorhize avec les racines d’un Pin. Le sac constitué par des mycorhizes enchevetrés a été partielle- ment écarté pour laisser voir le périthèce. des filaments échappés des mycorhizes de Pins, d'Epicéas, ete.; mais ces mycorhizes, abondamment ramifiés en fausses dichoto- mies, se multpilient et s’en- chevêtrent, au point de cons- tituer au tubercule un revé- tement auquel prennent part à la fois l’abre et son associé. Cette découverte ne pou- vait manquer de provoquer des recherches sur une ques- tion éminemment pratique : je veux parler du mode de végélation des vraies Truffes et de leurs rapports avec les arbres (Chätaigniers, Chênes) dont elles recherchent le voi- RE Connie sinage. En Prusse; Dans (3) dans une Truffe. Ecorce fut même chargé officielle- en haut; tissu renfer- ment de poursuivre la solu- mant les thèques en bas {in dece problème Gibelli(4) (d’après Tulasne). e NT en Italie, Ferry de la Bel- lone (5) en France, P. E. Müller (6) en Allemagne apportèrent leur contingent d'observations. Enfin (1) Boudier. Du parasitisme probable de quelques espèces du genre Ælaphomyces (Bulletin de la Soc. botan. de France. 1876). (2) Reess. Sitzungsber. der physik.-med. Gesellsch. zu Erlangen. 1880, — Berichte der deutsch. botan. Gesellsch. 1885. — Recss ct Fisch, Biblioth. botan. Cassel. 1887. (3) Frank. Leunis Synopsis der l'flanzenkunde. (4) Gibelli. La malattia del Castagno (Bol. Comizio agrario di Modena. 1879). Memorie dell Accad. di Bologna 1883. (5 De Ferry de la Bellone. La Truffe. 18S8. (6) P. E. Müller. Botan. Centralblatt. 1886. Mattirolo(1) constala plus directement la continuité entre les mycorhizes des Cupulifères et les jeunes fruits de plusieurs truffes : Z'uber excavatum Nitt., lapideum Matt. et Borchi Nitt. La Truffe du commerce est, comme on sait, le fruit (périthèce) relativement énorme d'un champi- gnon filamenteux, si délicat que son appareil vé- gélalif passe aisément inaperçu. Si l’on vient à faire une coupe dans le périthèce (fig. 5), on y dis- tingue un tissu interne, marbré, dont les filaments sont entremêlés de nombreux sacs (fAèques ou asques) (fig. 6), renfermant les corps reproducteurs (spores), et une couche interne, protectrice, qui est l'écorce de la Truffe. Mattirolo vit l'écorce des espèces précitées se prolonger (fig. 7) en cordons Fig. 1. — Rhizomorphes se dé- tachant de l'écorce d’une Truffe (d’après Mattirolo). Fig. 6. — Une thèque isolée renfermant les spores (Tulasne). radiciformes, appelés rhizomorphes, d’une forme très spéciale, qui se mélangeaient à d’autres rhizo- morphes identiques aux premiers et dont le point de départ était dans le revêtement mycélien de radicelles. L'association des Truffes comestibles avec les arbres est d’une observation bien plus délicate que celle des Zlaphomyces avec les Coni- fères : voilà pourquoi la question du parasitisme des Truffes a suscité tant de théories et d’assertions contradictoires. Sur les mycorhizes du Coudrier, Lecomte (2) a rencontré des fruits (périthèces) de Champignons Py- rénomycètes à spores partagées en quatre cellules. A la même famille d’Ascomycètes se rattachent les hôtes des racines de plusieurs Orchidées. Wahr- lich (3) a trouvé en effet deux Nectria dans la couche externe mortifiée des racines de Panda suavis et tri- color. Les spores de ces Champignons donnèrenten germant un mycélium qui se chargea ensuite de spores en forme de fuseau. Or, dans des cullures de filaments extrails des mycorhizes de diverses Orchidées indigènes, Reissek avait déjà obtenu les (1) Mattirolo. Archives italiennes de Biologie. 1888. (2) Lecomte. Bulletin de la Soc. botan. de France. 1881. (3) Wabrlich, Beitrag zur. Kentniss der Orchideenwurzel- pilze (Botanische Zeitung 1886). On trouvera dans ce Mémoire la bibiographie des mycorhyzes d'Orchidées. P. VUILLEMIN. — LES MYCORHIZES 329 mèmes spores fusiformes, el Wabrlich les a retrou- vées, ainsi que des mégalospores bicellulaires, sur des filaments de Platanthera bifotia et de plusieurs Vanda (Orchidées) cultivées isolément dans un li- quide nutritif (fig.8), Toutefois jusqu'ici aucun de ces Fig. 8. — Mégalospore (a) d’un Champignon d’Orchidée, ayant donné, en germant, un mycélium {») chargé de fusis- pores (f) (d’après Wabrlich.) organes de multiplication n'avait été observé dans les parties vivantes des mycorhizes d’'Orchidées. Mollberg avait seulement indiqué des renflements terminaux ou intercalaires des filaments, qui pou- vaient être attribués à des rudiments de spores. J'ai obtenu en grand nombre les mégalospores du type décrit par Wahrlich, au sein de cellules en pleine végétation chez l'Orchis mascula (fig. 12 et 13 page 331), ce qui confirme d’une facon décisive la dépendance de ces spores à l'égard du Champignon du mycorhize; ce qui montre aussi que Wabrlich avait raison de rapporter les périthèces (fruits) de MNectria à ce même Champignon, puisqu’ascospores et mégalospores ont reproduit dans les cultures la même forme spéciale de spores fusiformes. Il est donc probable que diverses Orchidées sont asso- ciées à un certain nombre de Mectria où d'espèces affines. Les Champignons que nous avons énumérés jus- qu'ici appartiennent à l’ordre des Ascomycètes et nous pouvons appeler Ascorkizes les mycorhizes qu'ils forment, de même qu'on nomme Ascolichens les lichens formés d'un Ascomycète (Champignon) uni à une Algue. Il existe en outre des Basidiorhizes, c’est-à-dire des mycorhizes dont le Champignon appartient à l’ordre des Basidiomycètes. Les Basi- diorhizes se diviseraient de même, d'une façon analogue aux Basidiolichens, en Gastérorhizes et Hyménorhizes. C'est du moins ce quisemble résulter d'une communication préliminaire, présentée par Noack (1), le 1% juin dernier, à la Société botanique d'Allemagne. Les Basidiomycètes des mycorhizes sont, d’après Noack : pour les Gastéromycètes, les Geaster fimbriatus et fornicatus sur lesConifères, pour les Hyménomycètes, diverses Agaricinées sur le (4) Noack. Bot. Zeitung. 1889. REVUE GÉNÉRALE, 1890, Chène, le Hêtre, le Sapin. Ajoutons, pour terminer la liste des Champignons de mycorhizes dont la détermination offre le plus de probabilité, que Woronin crut voir une relation entre des mycor- hizes de Conifères et de plusieurs Amentacées et des fruits de Boletus edulis et scaber (type et variété aurantiacus, mais sans pousser plus loin ses inves- tigations. Dans l’état actuel de nos connaissances, il paraît établi que les Champignons des mycorhizes appar- tiennent à des espèces variées. Il n'y a donc pas lieu d’objecter à la théorie des mycorhizes la né- cessité d'admettre l'existence de Champignons d’une ubiquité invraisemblable. Bien que certaines espèces de Champignons soient plus spécialement adaptées à certaines espèces de Phanérogames, un même Champignon peut aussi, dans certains cas, s’as- socier à diverses plantes supérieures, et réciproquement. FEI La racine associée au Champignon prend son origine dans la profondeur des tissus et, dans les traits essentiels, offre la structure et le développe- ment des racines indépendantes. Chez plusieurs Orchidées, rien, dans l'aspect extérieur de l’or- gane hétérogène, ne fait soupcon- ner la présence de l'élément fon- gique. Les mycorhizes exotrophi- ques (fig.9),parleursramifications courtes et abondantes simulant une dicholtomie répétée, forment des masses coralloïdes, surtout dans les points où les myco- rhizes arrivent au contact d'un noyau circonscrit d'humus, cor- respondant aux débris d’une feuille, d’un fragment de bran- che, d’un fruit en décomposition. Frank (1) a aussi observé chez le Hêtre une augmentation de surface due à un autre procédé el réalisée par le Champignon seul. Les mycorhizes très allongés émettaient, perpendiculairement à leur direction, des faisceaux de filaments (fig. 10) détachés du revêtement mycélien, el qui allaient se fixer aux particules de terre. D'après des exemplaires de Pinus Pinaster envoyés du Cap par Marloth, le même auteur a décrit des mycorhizes de diamètre ordinaire, mais de longueur notable, servant de support à d'autres mycorhizes filiformes, épais d'un dixième de millimètre, malgré la présence de la racine et de la gaine fongique. Ces appendices, Fig. 9.— Aspect gt- néral des mycorhi- zes exotrophiques, (d’après Frank.) (1) Frank. Ueber newe Mycorhizen-Formen (Berichte der deutsch. bot. Gesellsch. 1887. D 1 330 P. VUILLEMIN. — LES MYCORHIZES décroissant régulièrement de taille vers le sommet, étaient serrés au point de donner à l'ensemble l'aspect d’une queue de renard (fig. 11). Les poils radicaux manquent aux racines formant avec le Champignon des mycorhizes exo- trophiques ; il est donc bien re- marquable de voir les cordons mycéliens des Hêtres, les myco- rhizes latéraux du Pin en prendre la place et les caractères morpho- logiques. Dans le type coralli- litue de même à l’assise pilifère. Recouvrant les radicelles dès leur naissance, et croissant avec elles, le manteau mycélien est rudi- mentaire autour de la coiffe, at- teint son plein développement au niveau où les racines normales sont absorbantes. Là, des bran- ches mycéliennes isolées se dé- tachent du revêtement fongique ] comme les soies d’une brosse à bouteille. Dans les parties an- ciennes, la gaine est exfoliée par la marche naturelle de la dénuda- I tion des racines (fig. 14, page 332). F2 Lamorphologie des mycorhizes \ endotrophiques n'indique pas à moins clairement le parallélisme entre leur développement, leur localisation et les conditions de l'absorption. L'extension de leur Fig. 10. — Rhizo- morphes de Hétre (d’après Frank). surface est réalisée, soit par l'émission d’innom- brables mycorhizes filiformes (Ericacées), soit par une copieuse ramification qui donne au système l'aspect d'un nid d'oiseau (plusieurs Orchidées, Triuracées, Burmanniacées). Chez les Orchidées où certaines racinessontessentiellementadap- tées au rôle de réservoir, les my- corhizes sont localisés sur d’au- tres racines. Frank n'a jamais observé le Champignon dans les tubereules de ces plantes. Les conditions dans lesquelles j'en ai décelé la présence sont plutôt de nature à confirmer la règle qu'à l’'ébranler. J'ai vu quelques fila- ments pelotonnés dans les cel- lules superficielles des tubercules d'Orchis maseula examinés au mo- ment de la récolte ; mais ce mycélium végélait peu et formait sur place les mégalospores connues. tubereules, nés en chambre humide, Fig. 11. — Myco- rhizes de Pin, S Comic des poilsradicaux (d'après Frank). D'autres forme, la gaine continue se subs-" s'étaient couverts de poils radicaux, dont un petit nombre contenait des filaments et des mégalos- pores ; tandis que, sur les racines absorbantes des mêmes pieds. beaucoup de poils étaient bourrés de Champignons (fig. 12). Une observation inédite de Schimper, mentionnée par Johow, indique non moins clairement le lien entre la formation du mycorhize et le pouvoir absorbant : Dans des ra- cines rampantes d'Orchidées, le Champignon s’ob- servait seulement du côté des racines adhérant au support. L'absence de poils radicaux se retrouve chez un grand nombre de racines constituant des myco- rhyzes endotrophiques. Tel est le cas des Éricacées et des nombreuses herbes qui leur ressemblent. Le Champignon y est bien situé pour jouer un rôle absorbant : il remplit de son mycélium les cellules superficielles ; de plus, vers la pointe, les filaments se répandent dans le sol et s'accumulent parfois en un tissu lâche, revêtant extérieurement l'extrémité de la racine (fig. 3). Quand les poils radicaux sont développés, par exemple sur les mycorhizes endotrophiques de l’Orchis mascula, le Champignon contracte des rela- tions particulièrement intimes avec ces éléments absorbants. Vers la pointe du mycorhize, les fila- ments sont lächement disséminés dans les couches superficielles et remplissent un grand nombre de poils. De là ils s'échappent et envoient des ramifi- cations dans le sol. Cette dispersion a d'abord été signalée par Pfeffer. Dans les cultures où les mycorhizes sont maintenus à l’air humide, l'issue des filaments est plus rare, et le Champignon, se repliantet se ramifiant à l'intérieur du poil, termine ses branches par des mégalospores à deux cellules (fig. 12. page 331). Dans un semblable milieu la coiffe peut persister longlemps et s'opposer à l’éruption des poils radicaux. Alors c’est dans des cellules ren- flées de l’assise pilifère ou même dans la coiffe que la formalion desspores s'opère en abondance (fig.13, page 331). Ainsi, la région de la racine qui, par sa structure, est adaptée aux relations trophiques de l'Orchis avec le milieu extérieur est également celle où le Champignon plonge dans le sol ses organes absorbants. Si les conditions ne sont pas favorables à la nutrition aux dépens du milieu, le Champignon, au lieu d'envoyer des filaments dans l’espace qui l'entoure, se met en mesure d’émigrer en formant des spores dans les cellules destinées à être exfo- liées au cours de l’évolution normale de son hôte. Dans les portions plus àgées du mycorhize, le Champignon, comme la racine, perd les caractères morphologiques liés à l'absorption. Il s’accumule dans les assises moyennes de l'écorce, vers le ni- veau où les cellules atteignent le plus grand dia- mètre ;il y forme des pelotons denses de tubes dinlasitite P. VUILLEMIN. — LES MYCORHIZES 331 rigides remplissant chaque cellule et passant d’une cellule à l’autre au travers des cloisons. Chez d’autres plantes { Voyria, Pogoniopsis), toutes les as- sises de l'écorce sont également occupées par les Fig. 143. — Mycorhize endotro- phique d’Orchis mascula. — Mé- galospores (s) dans une cellule renflée (a) de l’assise pilifére, soulevant la coiffe (b).—n,noyau cellulaire. Fig. 12. — Poil radical d'Orchis mascula avec mycélium et mégalos- pores (s) à l’intérieur de la cellule qui constitue le poil. Champignons. Ailleurs ceux-ci n'habilent que les couches superficielles. Beaucoup d'Orchidées sont totalement dépour- vues de poils radicaux. Cette absence est aussi un caractère presque constant des holosaprophytes. De toutes les humicoles sans chlorophylle exami- nées par Johow, une Triuracée du genre Sciaphiia a seule offert des poils radicaux bien développés et mélangés d’ailleurs de filaments mycéliens qui, provenant des profondeurs de l'écorce, s’échap- paient entre les poils pour se répandre dans le sol. Chez les Burmanniacées, Johow a trouvé assez sou- vent de simples éminences papilliformes de l'épi- . derme. Enfin une Orchidée (Pogoniopsis) offrait des rudiments de poils radicaux en forme de dé à coudre, d’une grandeur uniforme et bourrés de mycélium. Cet allongement des cellules extérieures élait moins propre à en faire des éléments absor- bants qu'à permettre au Champignon de puiser plus facilement les aliments contenus dans le sol. En somme, Le trouble le plus considérable introduit dans la racine par suite de l'association mycorhizienne, consiste dans la réduction des caractères qui en font un organe absorbant, et dans l'attribution au Champignon des caractères appropriés à cette fonction. La racine devient un simple support et cesse d'accomplir le rôle qui explique la différenciation de la racine à l'égard des autres membres. Une tige s’acquitte- rait aussi bien des fonctions d’une telle racine. Aussi, par une conséquence toute naturelle, malgré l'apparence paradoxale de son énoncé, l'association mycorhizienne a-t-elle entrainé souventune grande réduction, parfois la suppression totale des racines chez les holosaprophytes. Dans les Corallorhiza, Epipoqum, les tiges souterraines (rhizomes), contour- nées à la façon des Neattia, donnent l'hospitalité à des Champignons et ont reçu par extension le nom de mycorhizes caulinaires ; nous dirons plutôt mycorki- zomes. Ces plantes, ayant perdu la faculté de pro- duire des membres différenciés morphologiquement comme racines, peuvent pourtant, par métamor- phose régressive et par adaptation nouvelle aux conditions primilives, former des poils absorbants. Des éléments semblables aux poils radicaux se développent sur les mycorhizomes d’Æpipoqum aphyllum et de Corallorhiza innata, selon Irmisch et Reinke. Des poils de même aspect, souvent fixés aux parcelles d'humus à la façon des poils radi- caux, sont localisés, au dire de Johow, sur les feuilles écailleuses des rhizomes du Dictyostegia orobanchoides, les racines de cette Burmanniacée élant transformées en mycorhizes glabres. L'influence exercée par l’action directe du Cham- pignon sur les celluies de la racine hospitalière est à peu près nulle, On a dit que, chez les Orchi- dées, la présence du Champignon déterminait une hypertrophie des éléments habités. Je ne crois pas cette asserlion fondée, mais je m'en explique l’origine. Dans Orchis maseula, les cellules gran- dissent régulièrement, depuis l'assise pilifère jus- qu'au delà du milieu de l'écorce, puis décroissent rapidement jusqu'à la dernière couche corticale: les noyaux suivent la même progression et leur diamètre varie de 15 à 45 y. (1). Comme le mycé- lium tend à se localiser dans les assises les plus élargies, on a pu croire que la taille colossale du noyau était due à sa présence; mais j'ai reconnu les mêmes parlicularités dans les cellules larges qui avaient échappé à l'invasion du Champignon ; et, dans les régions jeunes où le Champignon est répandu irrégulièrement dans les assises super- ficielles, les cellules qu'il occupe ne présentent pas plus de vigueur que les cellules avoisinantes. Ce phénomène dénote une grande accoutumance dans les relations des deux conjoints; les parasites ordi- naires jettent du trouble dans l'organisme occupé, soit par une action destructive, soit par une excilation intempestive qui rompt aussi sûrement l'harmonie des parties. Dans les poils radicaux bourrés de mycélium et de mégalospores, le noyau cellulaire n'a subi aucune déformation. Ces poils se fanent moins vite que les autres. Le Champignon ne modifie pas davantage les (1) Dans la notation, adoptée par les micrographes, le (1) ; ! o ? E représente le millième de millimètre. 332 P. VUILLEMIN. — LES MYCORHIZES cellules des mycorhizes exotrophiques. La gaine mycélienne est extérieure à la racine dans les parties les plus jeunes, les plus délicates, dans les points, en un mot, où un parasite exercerait faci- lement et dans des proportions redoutables son action délétère. Un peu plus loin, les cellules superficielles, mortifiées, ne pouvant être éliminées suivant la règle habituelle, sont englobées par les filaments mycéliens. Ceux-ci se glissent aussi dans les méats les plus superficiels, de manière à pren- dre la place des cellules arrivées au terme de leur aclivité (fig. 14). Chez le Charme et d'autres Cupu- lifères, les fila- ments ne pénè- trent pas dans l'intérieurdes cellules, tantque celles-ci ne sont pas profondé- ment altérées el déformées. Chez Fig. 14. — Mycorhize exotrophique de les ÉODReRS. Ù Pinsylvestre. La coupe, pratiquée dans en es parfois au- un système coralloïde, a divisé trois trement. L’abon- A ANRl UE nées l’une de Pautre. La plus dant parenchy= gée (1) cest coupée transversalement; ; la gaine mycélienne est exfoliée; les ME du cylindre cellules mortifites (a) sont à nu; la deuxième (Il) est coupée obliquement ; la gaine mycélienne (m) est pleine- ment développée; la troisième (I) est ctionnée à peu près en long; elle est se central supplée l'écorce dans ses fonctions, et les tissus extérieurs très jeune et la gaine mycélienne, bien qu’étendue jusqu’à la pointe, est en- core rudimentaire, à la dernière cou- che corticale se morüfient rapi- dement. Sur les Epicéas envahis par l'Ælaphomyces, sur les Pins, etc., toute l'écorce est bientôt parcou- rue par les filaments détachés de la gaine mycé- lienne, se faisant jour à travers les cloisons dessé- chées pour dévorer les restes des cellules mortes. Quelques filaments persistent dans les portions d'où l'exfoliation normale a rejeté les cellules superfi- cielles avec là gaine mycélienne. Le Champignon n’est pas l’auteur de cette destruction de l’écorce qu'il met à profit; car, s’il était vraiment parasite, rien ne l’empêcherait de pénétrer au-dessous de .écorce dans le cylindre central; car l’assise in- terne de l'écorce et l’assise externe du cylindre central qu'il respecte n’offrent aucun obstacle mécanique à la pénétration de filaments qui, pour arriver dans leur voisinage, ont traversé les parois épaisses et subérisées de l’écorce. Leur pro- gression n’est donc arrêlée que par des influences biologiques : en un mot, ce Champignon est ici saprophyte et non parasite. IV La première idée qui devait venir à l'esprit des botanistes sur la signification biologique des my- corhizes, c'est que le Champignon était un parasite vivant aux dépens de la plante supérieure. Les conditions dans lesquelles Gibelli découvrit les gaines mycéliennes des racines de Cupulifères étaient bien propres à appuyer une hypothèse si naturelle. En 1883, le savant italien recherchait la cause d’une maladie du Châtaignier. Les racines pourries présentant un Champignon inconnu jus- qu'alors, Gibelli n’hésita pas à accuser ce Cham- pignon de la pourriture des racines el du dépéris- sement des arbres. La description de Gibelli ne laisse aucun doute sur l'identité du Champignon du Châtaignier avec celui des mycorhizes de Frank. Gibelli eut quelque surprise en retrouvant le même Champignon sur les racines d'autres Cupu- lifères, dans les localités les plus diverses de la péninsule. Il lui parut naturel d'admettre que la maladie si préjudiciable au Châtaignier gagnait du terrain et menaçait de ses ravages plusieurs es- sences forestières. Ses prévisions ne furent pas réalisées. Les caractères morphologiques des my- corhizes nous ont montré que la pourriture des racines ne peut guère être le fait des gaines mycé- liennes. La théorie du parasitisme est reproduite par Hartig sous une forme fort atténuée. Pour Hartig, ces parasites ne causent pas à l'arbre un dommage bien appréciable ; la racine ne leur permet pas toujours de pénétrer assez profondément pour comprometlre son existence; elle les exfolie à temps avec les assises extérieures, seules envahies. Dans d’autres cas, la victoire resterait au Champi- gnon qui, pénétrant jusqu'aux plus profondes assises de l'écorce, ferait périr la pointe de la ra- cine, Cet énoncé comprend deux parties : 4° la conslalation des filaments du Champignon dans les tissus morts de la racine; 2° la supposition que la mort des Lissus est le fait des filaments. La pre- mière partie est exacte; la seconde est incon- ciliable avec des observations authentiques. Tant que la racine est jeune et dans sa période normale d'activité, la pointe reste vivante, lors même que le Champignon traverse de part en part l'écorce entière : nous l'avons reconnu chez les Conifères; malgré cet envahissement, elle émet d’abondantes radicelles. Mais, comme le fait remarquer Frank, les mycorhizes ne sont pas plus éternels que les radicelles indépendantes; et, quand leur évolution est accomplie, la portion provenant de l'arbre, P. VUILLEMIN. — LES MYCORHIZES 333 avant d’être tombée dans le domaine commun des Cryptogames humicoles, devient la proie des Champignons qui la serraient de près. L'obser- vation d'Hartig montre simplement que le Cham- pignon du mycorhize est un saprophyte privilégié. Au reste, Harlig fait une nouvelle concession, quand il compare l’innocuité du parasite des Cupu- lifères à celle de tant de parasites inoffensifs des feuilles. Il a évidemment en vue des parasites gal- licoles. Or, il n'est pas de formations plus propres que les galles à nous montrer par quelle gradation continue le parasitisme passe à des associations bien équilibrées, dans lesquelles la vie en com- mun ne cause de préjudice à aucun des conjoints. On a distingué sous le nom de domaties une variété te galles dans lesquelles l'hospitalité fournie par la plante élevée est payée de services par l’être gallicole. Est-ce à ce point que serait parventte l'associa- tion des Champignons et des racines ? Les my- corhizes seraient-ils le résultat d’une symbiose ? Frank soutient l'aflirmative et considère les mycorhizes comme des organes destinés à per- mettre aux plantes supérieures d'emprunter aux Champignons la faculté de se nourrir aux dépens de l’humus. Les mycorhizes, dans la nomencla- ture de Lundstroem, seraient donc des #ycodo- maties. Cette théorie de la nutrition en commun n'a guère soulevé d’objection en ce qui concerne les mycorhizes endotrophiques ou les mycorhizes exo- trophiques d'herbes comme les Honotropa. Curieuse particularité : Kamienski niait la symbiose chez les Cupulifères, pour mieux la faire ressortir chez le Monotropa. 1 à cru en effet que les filaments issus de la gaine mycélienne de cette plante allaient puiser dans les racines des arbres un sur- croit d'aliments pour leur associée. Établir la con- tinuité des filaments délicats qui relient à travers le sol les racines de deux plantes différentes n'est point chose facile ; mais admettons que Kamienski ait trouvé le moyen de réaliser cette observation : les conclusions qu'il en tire ne s’appliqueront qu'à un nombre restreint de cas. La direction des fila- ments a pu être établie sûrement d’après la dispo- sition des boucles mycéliennes, fréquentes chez les Basidiomycètes et les Ascomycètes. Frank et Matti- rolo ont démontré (et je l’ai moi-même vérifié), que souvent des filaments rayonnent à parlir des my- corhizes des arbres vers le sol, au lieu de s'achemaner vers les racines pour en sucer le contenu. Le développement des mycorhizes que nous avons examinés est lié à la présence de l’humus. Ces formations font défaut chez les racines de Cupulifères qui ont traversé le manteau d’humus pour se répandre dans la profondeur du sol; mais les racines indépendantes qu'on observe en ces points émettent peu de radicelles, tandis qu'elles pro- duisent d'exubérants systèmes de mycorhizes, dès qu'elles arrivent au contact des couches ou des nids d'humus (fig.15). Si les ra- cinesordinairesse substituent aux mycorhizes en l'absence des ali- ments des sapro- phytes : récipro- quement la pré- sence des myco- rhizes estgénérale chez les plantes qui n’ont pas d’au- tre mode de nu- trilion. A l’excep- tion offerte par le Waullschlægelia, faut ajouter l'absence de mycorhizes chez le Welum- pyrum pratense, bien que cette plante, d’après les belles recherches de L. Koch (1), se nourrisse direc- tement de débris de végétaux supérieurs. Par une concordance remarquable, l'appareil absorbant du Mélampyre rappelle à plus d’un titre la structure de la partie radicale des mycorhizes, parses touffes de radicelles filamenteuses et par la dissémination ou l'absence totale des poils radicaux, sur les houppes absorbantes comme sur leurs supports. De plus, le substratum contenant les racines et les suçoirs du Mélampyre renfermait constamment des Champi- gnons et des mycorhizes d'arbres. Koch ayant négligé de cultiver le Helampyrum dans un sol sléri - lisé, on peut se demander si l’action de ces Crypto- games extérieures n’est pas essentielle pour rendre l’'humus capable de nourrir le Mélampyre ? Ajou- tons que Koch a observé dans les renflements suceurs de cette plante des corpuscules analogues aux bactéroïdes des Légumineuses ; il les consi- dère comme des différenciations du protoplasma. On sait que plusieurs auteurs interprètent de même les bätonnels intracellulaires des Légumi- neuses, tandis que pour d’autres, ce seraient des organismes étrangers; pour d’autres enfin, des microbes englobés dans des portions spécialisées du protoplasma. Fig. 15.— Localisation des mycorhizes de Hêtre au contact d’un débris de feuille en décomposition (d’après P. E. Müller). Y La structure et la répartition des mycorhizes prouvent que le Champignon est apte à absorber les aliments du sol, et que la racine est, dans bien des cas, dépourvue par elle-même d’une faculté analogue. Les matériaux de la croissance de la (1) L. Koch. Berichte der deutsch. bot. Gesellsch. 1887. 334 P. VUILLEMIN. — LES MYCORHIZES plante sont transmis, selon Frank, du milieu à la plante par l'entremise du Champignon. Dans les recherches de Frank, les nitrates faisaient totale- ment défaut aux mycorhizes et aux autres organes des arbres foresliers à mycorhizes et des Honotropa, aussi bien qu'aux cordons mycéliens détachés des mycorhizes, tandis que les arbres à racines indé- pendantes et les herbes croissant au milieu d'eux en renfermaient au moins dans la partie absorbante des racines. Cette dernière remarque infirme l'opi- nion d'Ebermayer (1), qui crut expliquer le défaut de nitrates dans les arbres à mycorhizes par l’ab- sence de ces composés dans les sols forestiers. Une telle différence dans la nature des combinaisons azotées absorbées s'explique par la différence des êtres chargés de l'absorption dans les espèces à mycorhizes ct dans les espèces à racines indé- pendantes. En général les Champignons trouvent un aliment convenable dans l'azote organique; et, bien que l'ammoniaque puisse être diree- tement utilisée par les plartes vertes (les expé- rienses de Pitsch, Lockeren, Müntz, etc. en font foi), cette capacité est plus accusée et plus con- slante chez les êtres inférieurs. C’est justement à ces sources plutôt qu'aux nitrates que les myco- rhizes emprunteraient leur azote. Frank (2) n’a jamais obtenu que des exemplaires chétifs de Cupulifères dans des sols stérilisés où les mycorhizes faisaient défaut. Il s’est assuré que la slérilisalion n'avait pas fait perdre au support ses qualités nutritives, attendu que des plantes nor- malement privées de mycorhizes y prospéraient. Mais ces expériences, à supposer qu'elles soient à l'abri de toute objection et qu'aucun facteur acces- soire n'ait échappé à l’auteur, ne sont pas plus démonstratives que l'examen direct des myco- rhizes. Si le Champignon se développait aux dépens de l'arbre, il ne dédaignerait pas les racines qui, dé- veloppées en dehors de la couche d'humus, seraient plus propres que les autres à rassembler les ali- ments à son profit. Pour les herbes franchement saprophytes, le Champignon est une partie intégrante, souvent la partie essentielle de l'appareil absorbant. La loca- lisation du mycélium dans des cellules bien déter- minées anatomiquement marque sa place dans la structure normale de ces végétaux ; sa présence dans les assises qui sont naturellement le siège de l'élaboration la plus active des aliments indique la part qui lui revient dans les phénomènes intimes de la nutrilion de l'organisme mixte. Il ya évidem- (4) Ebermayer. Berichte der deutsch. bot. Gesellsch. 1888. (2) Franc. Tageblatt des GO°n Naturf.-Vers. zu Wiesbaden. 687. Berichte der deutsch. bot. Gesellsch. 1888. ment action commune, association trophique, sym- biose dans le sens le plus étroit du mot. Drude (1) a depuis longtemps constaté ces rapports; et les observations récentes n’ont fait que confirmer ses vues. En ce qui concerne les arbres forestiers, la sym- biose est peut-être moins nécessaire, ces plantes trouvant dans leurs organes propres les conditions suffisantes de leur alimentation; mais iei encore, l'association assure en outre à la plante supérieure la faculté de se nourrir en saprophyte. L'engrais naturel des forêts consiste dans les déchels pério- diques du corps des arbres; ces déchets sont les racines usées et les feuilles tombées. La perte de celte masse considérable de substance n’est que momentanée. Par l'adaptation réciproque des es- sences forestières el des Champignons, chaque arbre réalise l'important problème de réparer ses pertes de la façon la plus prompte et la plus com- plète. Des Cryptogames quelconques, Bactéries ou autres, peuvent transformer les feuilles et les dé- tritus divers qui forment l’humus; mais, par l’as- sociation mycorhizienne, la préférence est accor- dée, dansles conditionsnormales, aux Champignons des racines. Ceux-ci paient leur place privilégiée en faisant participer l'arbre à leur nutrition. Les forestiers savent bien que les arbres souffrent au- tant de l'enlèvement des feuilles dont ils se sont dépouillés, que les plantes des champs profitent peu de l'apport de ces débris. Cela tient précisé- ment à ce que cette fumure faite pour les arbres, est directement utilisée par les mycorhizes adaptés à ce milieu spécial, tandis qu'elle est moins com- plètement à la portée d'herbes quelconques, en dépit de l’action réelle des microorganismes exté- rieurs. Les mycorhizes constituent donc l'organe habituel de l'absorption de l'humus par les plantes supérieures. D'après Frank, la nutrition normale des Cupuli- fères aux dépens du sol se ferait tout entière par l'intermédiaire des mycorhizes, car il a trouvé en toutes saisons des Hêtres, des Chênes d’âges divers sur lesquels il n’arrivait pas à déceler une seule ‘racine indépendante. Ebermayer, de son côlé, a vu dans certaines forêts des Alpes de Bavière, la couche d'humusatteindre jusqu'à un mètre d’épais- seur et contenir toutes les racines des arbres. Hartig ne croit pas à une si grande fréquence des mycorhizes el, opposant statistique à slalis- tique, il relate de nombreuses observations dans lesquelles une partie seulement des racines était munie de Champignons et d’autres où les myco- rhizes faisaient entièrement défaut. Mais comme (1) Drude. Die Biologie von Monotropa und Neottia. Güttin- ven. 1873. P. VUILLEMIN. — LES MYCORHIZES 339 Harlig ne dit pas que l’humus était suffisamment copieux pour nourrir entièrement les arbres et qu'au contraire ses recherches portent en partie sur de jeunes plantations effectuées dans des champs d'expériences, ses conclusions n'infirment en rien la règle généraie. Les faits cités par Gros- glik (4) ne disent rien de plus. Hartig va plus loin. Les gaines mycéliennes, très abondantes de juin à septembre, disparaïitraient en automne, et les radi- celles nées vers le mois de mai rempliraient leurs fonctions absorbantes pendant quelques semaines. Dans les cas les plus défavorables, l'invasion de la maladie mycorhizienne supprimerait toutes les racines fonctionnantes jusqu'à l’année suivante. Sans contester l'exactitude des observations d'Har- tig, on ne saurait les généraliser. Il est certain que des mycorhizes s’observent en toutes saisons etque les radicelles nées des mycorhizes sont dès leur naissance revêlues de mycélium et restent indéfi- niment telles dans les sols riches en humus et pauvres en nitrates. Hartig s’est exagéré la portée des faits qui semblaient confirmer le parasitisme des Champignons des Cupulifères. Nous nous sommes suffisamment expliqué sur les relations des deux organismes, pour montrer que le Cham- pignon n'a pas d'action destruclive sur les tissus des racines. À peine pourrait-il accélérer la mort des cellules qu’il enserre, quand celles-ci sont arrivées à un degré d'inertie tel qu'elles seraient normale- ment exfoliées par les racines ordinaires. On verra si l'on veut, dans ce fait brut, un phénomène de parasitisme ; mais si l’on apprécie l'avantage indi- rect qui en résulte au point de vue de la nutrition saprophytique de l'arbre, on n'y verra plus qu'une phase d'une action symbiotique. De même, en en- visageant isolément la destruction du nectar et d'une partie du pollen par les insectes, on a pu dire que les insectes se comportaient en ennemis rançonnantles fleurs ; mais la plus-value des grains de pollen arrivés à destination par l'entremise des insectes compense et au delà cette dépense maté- rielle. Au fond, tous les cas de symbiose se laisseraient ramener à une accoutumance au parasilisme, à un nouvel équilibre résultant de l'action et de la réac- tion de deux êtres antagonistes, et aboutissant à un fonctionnement synergique. Il n’est donc pas surprenant que, suivant les points de vue, l’action parasitaire frappe exclusivement certains observa- teurs, tandis que d'autres n’envisagent que les conséquences avantageuses de l'association. Ces L4 (1) Grosglig. Botanisches Centrulblatt. 1886. considérations indiquent commentdes observations exactes peuvent, en pareille malière, conduire à des conclusions aussi opposées que celles de Frank et d'Hartig. Pour conclure : le symbiose existe à divers degrés entre les plantes supérieures et les Champignons unis aux racines. Elle est nécessaire chez la plupart des holosaprophytes et normale chez beaucoup de plantes qui, comme les Orchidées, n'ont pas d'autre organe absorbant que des mycorhizes, pourvus ou privés de poils radicaux; elle est facultative chez beaucoup de Conifères et en rapport avec les con- ditions extérieures qui rendent ces plantes plus ou moins humicoles; elle tend à se généraliser chez les Cupulifères pour adapter ces plantes à la néces- sité de récupérer les pertes considérables résultant de la chute des feuilles. Les Champignons des mycorhizes sont franchement saprophytes, et ne se nourrissent pas des tissus vivants, bien qu'iis semblent recevoir de ces derniers, outre un habitat très favorable à leurs besoins, une partie des ali- ments élaborés par la communauté. Toutefois on ne saurait établir une dislinetion bien tranchée entre de tels hôtes et les saprophytes meurtriers comme les Selerotinia décrits par de Bary, comme le Coryneum du Gerisier, qui tuent les cel- lules pour s'en faire un aliment conforme à leur nature. On pourra donc trouver des Champignons analogues à ceux des mycorhizes et dont l’action sera comparable à celle des vrais parasites. Peut- être même, sous des influences spéciales, l'har- monie habituelle entre un Champignon et une racine se trouvera-t-elle rompue. Les excroissances signalées par von Tubeuf (1) sur des racines de Pinus Cembra pourraient se rattacher à l’une de ces conditions. Nous en dirons autant du dépérisse- ment constaté par Henschel (2) chez les jeunes plans de Pins dont les racines sont envahies par les Champignons; mais alors ces corps mixtes ne répondraient plus à la définition des mycorhizes, que nous formulerons ainsi : « Morphologique- ment : un complexe de Champignon et de racine, ou mycodomatie; physiologiquement : un organe adapté à la nutrition commune d'un Champignon et d'une plante supérieure aux dépens d’aliments spéciaux, et en particulier de l’humus. » Paul Vuillemin, Chef des travaux d'histoire naturelle à la Faculté de Médecine de Nancy. (D) Von Tubeuf. Beiträge zur Kentniss des Baumkrankheiten. Berlin. 1888. (2) Henschel. Œsterr. Vierteljahresschrift für Forstwesen. 1887. 330 H. MOISSAN. — NOUVELLES RECHERCHES SUR LE FLUOR NOUVELLES RECHERCHES SUR LE FLUOR Dans des recherches précédentes nous avons démontré qu'il est possible d'isoler le fluor, en électrolysant le fluorure de potassium en solution dans l'acide fluorhydrique anhydre, préparé par le procédé de M. Fremy. Dans un appareil spécial en platine, on recueille, au pôle négatif, de l’hydro- gène, et au pôle positif, un gaz doué d’une activité chimique très grande, et facilement reconnaissable en ce qu'il enflamme le silicium cristallisé à la tem- pérature ordinaire. Par des expériences sur les- quelles nous ne reviendrons pas ici, nous avons démontré que le corps gazeux, mis en liberté dans ces conditions, est bien le radical des fluorures. Nous avons pensé qu'il élait indispensable de compléter ces premières recherches, en préparant ce corps gazeux en plus grande quantité, et en déterminant les plus importantes de ses constantes physiques. L'appareil dont nous nous sommes servi dans ce but est identique, comme forme, à celui employé dans nos premières recherches; seu- lement, il est beaucoup plus grand, et peut con- tenir 400€ environ d'acide fluorhydrique (fig. 1). Il était indispensable, dans ces nouvelles expé- riences, d'obtenir du fluor absolument privé d'acide fluorhydrique ; aussi avons-nous disposé à la suite de l'appareil à électrolyse un petit serpentin en pla: tine entouré de chlorure de méthyle à — 50°. Comme l'acide fluorhydrique bout à 19°,5, la presque tota- lité de ce composé sera retenue à l’état liquide au fond du serpentin. Le gaz fluor n'entrainera que la faible quantité d'acide, correspondant à la tension de vapeur de l'acide fluorhydrique à — 50°, c'est-à- dire à une température inférieure de 70° à son point d’ébullition. Enfir, pour retenir ces dernières traces d'acide fluorhydrique, on plaçait à la suite du petit serpentin, deux tubes de platine remplis de fragments de fluorure de sodium. Ce composé s'empare de l'acide fluorhydrique, à la température ordinaire, avec une grande énergie, en formant un fluorhydrate de fluorure. Le fluor, obtenu au moyen de ce nouvel appareil, possède toutes les réactions que nous avons indi- quées précédemment. Il ne produit pas de fumées dans l’air sec, et il peut être conduit, au moyen de petits tubes flexibles en platine, dans les appareils destinés à le recevoir. Nous nous sommes assuré, tout d’abord, que le platine, à la températur ordi- naire, n'esi pas attaqué par le fluor. Nous avons reconnu que, jusqu'à 100°, sous forme de fil ou de lame, ce métal résiste parfaitement à l’action du fluor pur. Au contraire, entre 500° et 6009, l'at- laque se produit avec facilité, et il se forme un bifluorure de platine. Ge sel possède la propriété importante de se dédoubler en fluor et en platine. par une simple élévation de température. Il est certain que le jour où l’on saura préparer, par une voix détournée, ce fluorure de platine ou le fluo- rure d'or qui lui est analogue, on possédera une préparation chimique du fluor. Le fluor pur n'attaquant pas le platine, à la température ordinaire, il devenait possible de déterminer quelques-unes de ses constantes phy- siques. , Densité. — Pour obtenir la densité de ce nouveau corps simple gazeux, nous nous sommes servi de petits flacons analogues à ceux employés par M. Berthelot pour la détermination des cha- leurs spécifiques des liquides, et dont la forme rappelle celle de l'appareil à densité de M. Chancel (fig. 2). Nous n'in- f sisterons pas sur les détails de cette expérience. Trois dé- ‘terminalions nous ont fourni les chiffres 1,262, 1,265, 1,270. Nous adopterons donc d’après ces recherches le chiffre moyen de 4,265. RNNS La densité théorique du fluor obtenu en mullipliant la densité de l'hydrogène 0,06927 par l'équivalent de fluor 49, est de 1,316 ; elle.est donc plus élevée de 0,05 que la densité expérimentale. Nous ferons remarquer, à propos de cette différence, que, dans nos re- cherches antérieures sur le {rifluorure de phos- phore, nous avions trouvé déjà une densité plus 4 V 72 tatin. H. MOISSAN. — NOUVELLES RECHERCHES SUR LE FLUOR 331 faible, ce qui pourrait peut-être laisser supposer que la détermination de l'équivalent du fluor à fourni un chiffre un peu élevé. Nous nous occu- pons en ce moment de vérifier ce dernier point. Nos expériences ont été faites avec une balance qui accusait aisément 0“,0005 avec 70 grammes dans chaque plateau. De plus, le flacon de platine présente cet avantage de mettre rapidement le gaz qu'il contient en équilibre de température avec l'air contenu dans la cage de la balance. Des expé- riences comparalives, faites dans nos appareils avec différents gaz, nous ont fourni des résullats très exacts que nous attribuons justement à ces conditions expérimentales. Couleur du Fluor. — Cette expérience a été faite dans un tube de platine d’un mètre de longueur, fermé par des plaquettes de fluorine tout à fait transparentes. Deux ajulages de platine soudés près des deux extrémités permettent l'entrée et la sortie du gaz. L'appareil est d’abord séché avec soin, puis légèrement incliné et rempli par dépla- cement de gaz fluor jusqu’à ce que le silicium froid prenne feu à l’extrémité de l'autre ajutage. Les deux petits tubes d'arrivée el de sortie sont alors fermés par des cylindres de platine ajustés à frot- tement doux. Pour se rendre compte de la couleur du gaz, il suffit de regarder une surface blanche, en jugeant par comparaison, au moyen d’un tube de verre rempli d'air, de même longueur et de même diamètre, recouvert de papier noir et fermé par deux lames de verre à faces parallèles. Sur une épaisseur de 1 mètre et même de 0"50, le fluor possède une couleur jaune verdàtre très nette, beaucoup plus faible que celle du chlore vu sous la même épaisseur. La teinte d’ailleurs diffère de celle du chlore en ce qu’elle approche davantage du jaune. Examiné au speclroscope, sur une épais- seur de 1 mètre le fluor ne nous a pas présenté de bandes d'absorption. Spectre du Fluor. — Dans un important travail sur les spectres des métalloïdes, M. Salet avait indiqué l'existence de cinq raies rouges attri- buables au fluor. Il avail déterminé leur position en comparant les spectres du fluorure et du chlo- rure de silicium. Nous avons dans cette étude du spectre du fluor fait jaillir l’étincelle d'induetion au milieu du fluor gazeux, et en employant des électrodes d’or et de platine. Notre spectroscope était à trois prismes afin d'obtenir un spectre très étendu, et l’étincelle était fournie par une bobine très forte, munie de deux condensateurs. En com- parant les résultats obtenus avec le fluor, avec l'acide fluorhydrique, avec le fluorure de silicium, avec le trifluorure de phosphore et enfin avec le tétrafluorure de carbone, nous sommes arrivés à des résultats d’une grande netteté. J'ajouterai que le spectre fourni, en particulier, par le tétrafluorure de carbone est très beau et très étendu. Le fluor est caractérisé par un ensemble de raies rouges, au nombre, au moins, de treize, placées entre les longueurs d'onde 749 et 623. Outre ces raies, on obtient plusieurs bandes dans le jaune et surtout dans le violet; ces bandes sont assez larges et peu neltes; elle se rencontrent dans plusieurs des composés gazeux dont nous venons de parler et surtout dans le spectre de l'acide fluorhydrique. La position des raies rouges nous semble d'autant plus intéressante qu’on les ren- contre dans une partie du spectre où, jusqu'ici, aucun corps simple connu n'avait donné de raies. En résumé, par suite de l'ensemble de ces pro- priétés, le fluor se place nettement en tête de la famille naturelle : Fluor, Chlore, Brome, Iode. Sa densité est normale. Il est coloré. IL donne avec l'hydrogène un acide analogue à HCI. Il fournit avec les métaux des combinaisons le plus souvent comparables aux composés chlorés. Avec les mé- talloïdes il donne aussi des produits similaires, mais qui tous tendent à occuper l’état gazeux. Exemple : le fluorure de silicium, les fluorures de phosphore et les fluorures de carbone. En même temps que ces analogies, il existe aussi des différences que nous rappellerons. Le fluorure de calcium semble se rapprocher plutôt de l'oxyde de calcium que du chlorure. Le fluorure d'argent esl très soluble dans l’eau, tan- dis que le chlorure d'argent est insoluble. Enfin, les chaleurs de neulralisalion de l'acide fluorhydri- que par les oxydes métalliques, déterminées par M. Guntz, sont plus voisines des sulfates que des composés chlorés. De telle sorte que, tout en se rapprochant bien du chlore, le fluor semble con- server aussi quelques analogies avec l'oxygène. L'action du fluor sur le charbon vient encore confirmer cette manière de voir. En effet, le char- bon de bois, un peu dense, brûle dans le fluor, comme il le fait dans l’oxygène, en produisant ur. corps gazeux qui est un fluorure de carbone. Si l’on compare maintenant les séries similaires de composés organiques fluorés et chlorés, tels, par exemple, que les premiers éthers de la série grasse, on voil tout de suite que les propriétés de ces corps sont assez voisines, mais que les points d'ébullition des composés fluorés sont toujours beaucoup moins élevés. Nous ajouterons que l’action du fluor libre sur les composés organiques, et surtout sur les composés organiques hydrogénés, ne peut pas être comparée à l’action du chlore, En effet, les réactions qui se font avec le fluor sont tellement brutales qu'il ne se produit pas de com- posés intermédiaires, et que l’on arrive le plus souvent aux produits ultimes, tels que l'acide 338 D' WURTZ. — OBSERVATIONS DE M. KLEIN SUR L'ÉTIOLOGIE DE LA DIPHTÉRIE fluorhydrique et les fluorures de carbone. Nous citerons, comme exemples, l’action du fluor sur l’éthylène, le formème et le chloroforme. On voit donc que si le fluor doit être placé d'une façon indiscutable en tête de la famille du chlore, néanmoins par quelques-unes de ses propriétés, il se rapproche un peu de l'oxygène. Mais ce qui nous parait le plus important à signaler, c'est l'activité chimique de ce nouveau corps simple. Il n'y a pas d’élément connu qui nous présente des réactions aussi énergiques. En effet, le fluor se combine directement à l'hydrogène et au carbone sans l'intervention d’une énergie étrangère; et sa chaleur de combinaison avec l'hydrogène, déter- minée par M. Berthelot et l'auteur de cet article, est supérieure à celles de tous les autres hydracides. S'il était besoin d'un nouvel exemple pour démon- trer cette énergie, il suffirait de rappeler que le fluor décompose l'eau à la température ordinaire en fournissant de l'ozone assez concentré pour appa- raitre avec la belle couleur bleue indiquée par MM. Hautefeuille et Chappuis. Son action si éner- gique sur le silicium et sur tous les métalloïdes avait d’ailleurs été mise en évidence dans des recherches précédentes. De tous les corps simples connus, le fluor est donc celui qui présente indis- cutablement la plus grande énergie chimique. Henri Moissan, de l'Académie de Médecine. LES OBSERVATIONS RÉCENTES DE M. KLEIN SUR L'ÉTIOLOGIE DE LA DIPHTÉRIE Pendant ces trois dernières années, l’éminent bactériologiste anglais Klein a eu l'occasion de constater une relalion curieuse existant entre la diphtérie humaine et une maladie des chats, en- core mal connue (1). À diverses reprises, on avait observé les coïncidences suivantes : Des chats étaient atteints d'une affection pulmonaire, et les enfants qui jouaient avec eux contractaient la diphtérie. Ou bien encore les chats d’une maison où se trouvaient des enfants malades de diphtérie, tombaient malades. Les signes que ces animaux présentaient étaient surtout des symplômes pul- monaires. Ils guérissaient parfois, mais souvent aussi mouraient avec un amaigrissement consi- dérable. Il y eut, en particulier au printemps de 1889, à Londres, une épidémie assez étendue de cette maladie sévissant sur les chats. L’épidémie prit naissance dans une maison où, peu de temps après, apparurent des cas de diphtérie. Les ani- maux étaient atteints d'une affection des voies res- piratoires, avec amaigrissement considérable et paralysie de l'arrière-train. Les autopsies mon- trèrent de la broncho-pneumonie et de gros reins blancs, avec dégénérescence graisseuse de la subs- lance corticale. M. Klein fit alors des expériences d'inoculalion. En introduisant sous la peau d’un chat diphtériques de l’homme ou des cultures pures du bacille de la " diphtérie, 1 produisit les effets suivants : des fausses-membranes Tumeur au point d'inoculation, congestion pulmonaire et bronchopneumonie ; dégénérescence graisseuse de (1) Voyez ci-dessous : Socicté royale de Londres, stance du 22 mai 1890, page 347 du présent numéro. la substance corticale des reins. Le bacille de Klebs-Lôüffler, agent spécifique de la diphtérie, peut être isolé de la tumeur siluée au point d’ino- culalion; mais on ne le retrouve ni dans le sang ni dans les viscères. Il semble à M. Klein que la maladie expérimentale ainsi produite a la plus grande analogie avec la maladie spontanée décrite plus haut. L'introduction, sur la muqueuse de la trachée saine et non excoriée, de cultures pures de bacilles de la diphtérie, donna des résultats ana- logues à ceux oblenus par linoculation sous la peau. Les animaux moururent, au bout de deux à sept jours, de pneumonie aiguë avec dégénéres- cence graisseuse des reins. Les bronches, les infun- dibula et les alvéoles étaient remplies d’un exsudat pseudo-membraneux, et dans l’exsudat muco-pu- rulent des bronches, on trouva le bacille de la diphtérie. Le chat domestique serait donc susceptible de contracter la diphtérie el de la communiquer à l’homme. Une constatation analogue a été faite par M. Klein sur les vaches. Depuis dix ou douze ans, des médecins et des vélérinaires anglais avaient cru pouvoir rapporter au lait de vache certains cas de contagion de diphtérie. Les vaches laitières incriminées avaient, sur les télines, des croûtes el des fausses-membranes. Pour voir s'il n’y avait pas là de simples coïncidences, M. Klein inocula deux vaches laitières avec une culture pure de diphtérie (une seringue de Pravaz dans le tissu cellulaire sous-culané). Il y eut au point d’inocula- ion un peu d'æœdème, puis de la fièvre et de la toux. Les deux animaux, dès le 5° jour, avaient sur G.-M. MINCHIN. — UNE PILE PHOTO-ELECTRIQUE 339 les télines des papules rouges, qui se transformè- rent en vésicules, puis en pustules, qui séchèrent, en formant une croûte brune, vers le 7° jour. Les dimensions de ces pustules étaient variables. Pen- dant l’éruption le lait recueilli avec pureté renfer- mait le bacille de la diphtérie. L'un des animaux mourut le 15° jour, l’autre fut tué le 25°. Tous deux présentaient des lésions de broncho-pneumonie, des hémorrhagies dans le péricarde et des foyers nécrosiques dans le foie. Au point d’inoculation dans la tumeur, on retrouva le bacille de la diph- térie. On inocula à deux veaux, sous la peau, des par- celles des pustules, et on reproduisit l'éruption. Ces animaux eurent de plus de la bronchopneu- monie et de la dégénérescence graisseuse de la substance corticale des reins. L'inoculation sous- cutanée du bacille de la diphtérie chez la vache parait donc produire les effets suivants : Tumeur au point d’inoculation, éruption vésiculeuse sur les tétines, pneumonie grave et foyers de nécrose dans le foie. On retrouva le bacille dans le lait; deux chats nourris avec le lait de ces vaches diphtériques moururent de diphtérie et communi- quêrent cette maladie à quatorze autres chats. Il s'agissait bien là, dans tous ces cas, du bacille de Klebs-Lüffler. M. Klein s’en assura par les moyens usuels: cultures et repiquages dans les différents milieux. Les coupes de la tumeur située au point d'inoculation montrèrent, il est vrai, des filaments granuleux, avec spores terminales, dif- férant notablement de l'aspect ordinaire du bacille de la diphtérie. Mais la culture de ces formes de microorganismes reproduisit le bacille-type de Klebs-Lôüffier. Si toutes ces expériences de M. Klein sont véri- fiées, elles montreront ce fait intéressant que les chats et les vaches sont susceptibles de contracter la diphtérie de l'homme. Cette maladie s’observe- rait chez ces deux espèces, d’une façon spontanée, ainsi que les faits de contagion semblent l'avoir établi. Elle pourrait également être reproduite expérimentalement. D' R. Würtz, Chef du laboratoire de Pathologie expérimentale à la Faculté de Médecine de Paris. UNE PILE PHOTO-ÉLECTRIQUE La production de l'électricité par l’action de la lumière sur certaines substances sensibles peut donner lieu à la construction de piles d’un genre tout particulier. Celle que nous allons décrire est constituée par un tube en verre mince rempli d’al- cool (fig. 1); deux plateaux métalliques p et 4 plon- gent dans le liquide; ils 4 sonlattachés à deux fils de 1 . # AA platine soudés en À et B [AA == aux extrémités du tube “ ÊÆ aux extrémités du tube RE ë — etcommuniquent avec les deux paires de secteurs E d'un électromètre à qua- drants C D E. Le plateau p estrevêlu d’une couche de composition convenable ; le plateau ÿ est laissé à nu. Si l’on fait tomber sur p la lumière du jour, on voit aussitôt l'aiguille de l'électromètre indiquer une déviation correspondant à 1/2 volt environ ; petit à petit la sensibilité du plateau p diminue, puis elle disparait complètement. De légères se- cousses imprimées à l'appareil ramènent le sys- tème à son état de sensibilité primitive. Un pro- cédé plus curieux peut produire le même résullat: qu'on attache en À un fil isolé Wet que dans le voisinage on fasse éclater entre deux boules y et X l'étincelle d'une machine de Voss ou l’étincelle excitatrice des expériences de M. Hertz, on verra aussitôt la sensibilité reparaitre. J'ai trouvé que les vibrations de M. Hertz exerçaient encore leur action sur la pile à une distance de plus de 25 mè- tres et il semble que l’on pourrait encore doubler celte distance sans atteindre la limite. Tels sont brièvement résumés les phénomènes que j'ai récemment observés el sur lesquels je compte publier prochainement un mémoire dé- taillé (1). George M.-Minchin, Professeur au Royal Indian Engineering College (1) Ces phénomènes sont encore un peu vagues; aussi con- vient-il d'attendre le mémoire annoncé par l’auteur pour tirer des conclusions et discuter les interprétations possibles. On peut cependant dès à présent faire quelques remarques. La production d’une différence de potentiel entre deux lames mé- talliques p et g, inégalement éclairées, n’est pas, croyons-nous, un phénoméne nouveau. M. Ed. Becquercl (*) le premier a constaté ce fait qui fut plus tard étudié par Grove (**), Les expériences de M. Minchin sont néanmoins fort intéressantes : elles rappellent l'attention sur des faits curieux, et paraissent de nature à faire apercevoir un lien entre les effets actino- électriques de M. Becquerel et les découvertes récentes de MM. Hertz, Righi, Bichat ct Blondlot, etc., qu'analysait der- nièrement dans ce recueil M. Gariel (***). L'identité des effets produits par de légères secousses répétées ou par la lumière violette d’une étincelle semble confirmer les observations de MM. Lenard et Wolf (****) sur la pulvérisation des corps par la lumière ultra-violette. (Note de la Rédaction). (*) Comptes-Rendus, t. IX, p. 145 (1839); t. XXXV. p. 136 (1841). (**) Philosophical Magazine (1858). (**) Voir la Æevue, p. 304. (##*) Wicdemann. Annal., t. XXXVII, p. #41 (1889). 340 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. James Atkinson Longridge, Mem., Inst. Civil. eng.; Hon. mem. of north of england institute of mining and mechanical engineers. — Internal Ballis- tics. Un volume de 240 pages avec fiqures dans le texte. E. et F. N. Spon, 125, Shrand, London; New-York, 13, Cortlundé Street, 1889. Le traité de balistique intérieure, que vient de publier M. Longridge, est dédié à M. Sarrau; il n'en pouvait être autrement; l'étude physico-mathématique des explosifs est une science éminemment francaise, due presque entièrement à M. Sarrau, dont les formules font loi pour toutes les ‘artilleries du monde, Après avoir, dans un premier chapitre, étudié rapi- dement les explosifs en général, l’auteur aborde le problème de la combustion de la poudre et examine successivement la nature des produits, l’inflammation etd'ignition du grain, l'influence qu'a la forme de ce grain, la température de la combustion, l’action refroïi- dissante des parois, la pression des gaz, etc. Le troisième chapitre, qui occupe à lui seul plus du tiers de l'ouvrage, est uniquement consacré aux for- mules de M. Sarrau pour la détermination de la vitesse du projectile au sortir de la pièce et du maximum de pression. Enfin, dans les deux derniers chapitres, l’auteur s'occupe spécialement de la construction des canons et les étudie en s'appuyant sur les résultats fournis par la balistique intérieure et par la thermodynamique. Le livre de M. Longridge est intéressant, non seule- ment parce qu'il contient des résultats inédits, mais parce qu'il est le premier ouvrage didactique publié sur ce sujet; les travaux de M. Sarrau ont paru dans des journaux périodiques et n'ont pas, jusqu'ici, été constitués en corps de doctrine; M. Longridge a fait œuvre utile en les réunissant et en les prenant pour base de son remarquable traité. IS AD) Mathieu (Emile), Professeur à la Faculté des Sciences de Nanty.— Théorie de l'Elasticité des corps solides, 47e partie, Un vol. in-4° de 219 pages. Gauthier- Villars et fils, éditeurs, 55, quai des Auqustins, 1890. Depuis près de vingt ans M. Emile Mathieu, dont tous les géomètres connaissent les beaux travaux, a entrepris, chez MM. Gauthier-Villars, la publication d’une œuvre considérable; il s’agit d'un grand traité qui doit comprendre successivement les diverses parties de la physique mathématique; peu de savants étaient aussi capables que l'éminent auteur de la Dynamique analytique, de mener à bien ce difficile travail. Après avoir publié, depuis 1873, cinq volumes sur la physique mathématique en général, sur la Capillarité, sur la théorie du Potentiel, sur l’'Electrostatique et le Magnétisme, sur l’Electrodynamique, M. Mathieu aborde aujourd’hui l’Elasticité des corps solides ; deux volumes seront nécessaires pour terminer ce vaste sujet. Après avoir dans le premier chapitre défini les forces élastiques, puis étudié leur distribution autour d’un point, l’auteur donne leurs expressions en fonction des déformations, exprime leur travail élémentaire el obtient les équations différentielles de l’élasticité. Il examine alors les simplifications qu’elles présentent lorsque le corps est isotrope et les applique à divers cas classiques d'équilibre d’élasticité; puis il traite le grand problème de la torsion et de la flexion des prismes ou cylindres, qui, abordé d’abord par Poisson et ET INDEX par Cauchy, à été ensuite l’objet des belles recherches de Clebsch et a été enfin amené au dernier point de rigueur par de Saint-Venant. Dans le chapitre suivant, M. Emile Mathieu établit les équations de l’élasticité en coordonnées curvilignes. Ces équations ont été données par Lamé en 1841, mais par des calculs un peu compliqués; M. Mathieu les simplifié notablement; il montre, de plus, que les équalions qui expriment l'équilibre des forces élas- tiques à l’intérieur d’un corps homogène, isotrope ou non, équations qui ont été établies par Lamé dans un système de coordonnées provenant d’un triple système de surfaces orthogonales, sont également applicables à des coordonnées relatives à un système de surfaces joint à ses trajectoires orthogonales. L'auteur étudie ensuite les déformations qui ne sont pas très petites des tiges minces; c’est là un problème difficile, pour lequel les travaux de très grands géo- mètres peuvent donner prise à la critique; Kirchoff, en particulier, a fait une théorie sur ce sujet; Clebsch l'a reprise ensuite; tous deux appliquent à chaque tranche de la tige les formules de la flexion et de la torsion des prismes, données par de Saint-Venant; M. Mathieu fait remarquer le manque de rigueur de ce procédé; il apporte dans exposition de cet important chapitre de profondes modifications, et s'il ne peut pas arriver jusqu'au bout de la recherche en n’acceptant que des considérations absolument rigoureuses, il diminue du moins notablement la part des raisonnements ap- proximatifs. Le volume se termine par l'étude de l'équilibre et du mouvement vibratoire des plaques et membranes planes, Cette théorie a été donnée, pour la première fois, en ce qui concerne les plaques, par Poisson; Cauchy a repris la question et est arrivé aux mêmes résultats que Poisson, quand le bord de la plaque con:- sidérée n’est soumise à aucun couple; Kirchoff enfin, en partant de l'expression du travail des forces élas- tiques provenant de la déformation, est parvenu à simplifier d’une facon notable cette théorie. M. Mathieu adopte le procédé de Kirchoff, puis il montre, par une discussion fort intéressante, comment l’on doit modifier l'analyse de Poisson et celle de Cauchy qui avaienttrouyé trois conditions aux limites, pour les réduire aux deux obtenues par Kirchoff ; il arrive enfin aux membranes minces auxquelles il applique deux méthodes, lune due à Poisson, l’autre qui met bien en évidence la dif- férence fondamentale des plaques ét des membranes et dans laquelle on considère les forces élastiques comme constantes dans toute l'épaisseur. Ce volume de M. Emile Mathieu est digne de ceux qui l’ont précédé; nous ne pouvons en faire un meilleur éloge. L‘0. Masoni (U.), prof. nella R. Scuola di Applicazione per gl Ingegneri in Napoli. — Corso di Idraulica teore- tica e pratica. — Un volume granrl in-8°, avec figures intercalées dans le texte. Prix : 10 francs. — Napoli, libreria scientifica e industriule di B. Pellerano, via Gen- nao serra, 20, e largo Nilo, 6, 1889. Le traité d'Hydraulique que vient de publier le pro- fesseur Masoni est un ouvrage des plus complets, des plus développés. II débute par des notions générales sur l'équilibre interne des corps et sur la nature des fluides, puis il expose l’Hydrostatique absolument comme nous le faisons en France. è Les trois équations générales de l'hydrodynamique sont données ensuite, puis l'équation de continuité; à BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX JA quant à la cinquième équation, nécessaire pour la détermination des cinq inconnues du problème, elle résulte de ce qu'il s’agit d’un liquide pesant. À partir de ce moment l'hydraulique commence et est traitée pour chaque problème particulieravecde grands détails. L’écoulement de l’eau par les orifices, par les déver- soirs ; les questions relatives aux tuyaux de conduite, aux distributions d’eau; tous les problèmes se rapportant aux canaux découverts, à la translation des ondes, etc., sont examinés successivement, Le savant professeur de l'Ecole des Ingénieurs de Naples connait à fond et expose avec une grande clarté les travaux expérimen- taux et théoriques qui ont constitué l'Hydraulique, depuis les premières expériences de de Chèsy, Dubuat, Girard et les premières recherches de Navier, jus- qu'aux résultats de Darcy, de Lesbros, de Weisbach, de Dupuit, de M. Bazin, jusqu'aux beaux mémoires de de Saint-Venant et de M. Boussinesq. J. Pourer. 2° Sciences physiques. Rosa (Edward B.), étudiant à l’Université de John Hopkins (Baltimore). — Détermination de v, rapport des unités électromagnétiques aux unités élec- trostatiques. Philosophical Magazine, 1889. M. Rosa vient de donner une nouvelle détermination du rapport des unités v; ses expériences paraissent fixer la valeur de v à 3 x 1010 avec une erreur relative inférieure à +=. La méthode qu'il a suivie a été indiquée par Max- well, Eile consiste à prendre un condensateur de forme géométrique simple dont on puisse déterminer à priori la capacité électrostatique, et à en mesurer la capacité électromagnétique en valeur absolue, au moyen d’une disposition spéciale du pont de Wheatstone, Interrompons une des branches BD du pont entre les deux pointsRetsS (fig. 1); et faisons vibrer entre ces deux oints une lame métallique en communication avec ‘armature interne du condensateur ; Parmature externe est reliée au point D. Si n est le nombre de vibrations de la lame par seconde, le condensateur sera chargé et déchargé n fois par seconde, Soit E la différence de potentiel entre les points B et D, et C la capacité électromagnétique du condensateur. Une vibration double, de la lame, qui produit une charge et une décharge, amène en définitive le passage d'une quantité d'électricité EC de B en D; et si ces alternatives de charge et de décharge sont suffisamment rapides, tout se passera comme si la branche BD, supposée continue, était traversée par un courant d'intensité 1 = nEC. Fig. 1. Supposons qu'on règle les résistances de manière à réaliser l'équilibre du pont, Le théorème de M. Thé- venin nous donne alors (1): I — = , R, étant Ja ré- du (1) Voir Mascart et Joubert : Électricité et magnétisme, t. I], p. 380 et aussi p. 529. sistance de l’ensemble du réseau entre les points B et D; où nC—= “ -R, ces de province... 798 En moyenne environ 59 élèves par Faculté. 300 A. GAUTIER. — LA RECONSTITUTION DES UNIVERSITÉS FRANCAISES Si l’on distrait les cinq Facultés de sciences réel- lement importantes de Lyon, Lille, Bordeaux, Nancy, Toulouse et Montpellier qui ont à elles seules cinq cents élèves inscrits, il reste pour les neuf autres Facultés trois cents élèves en tout, soit pour chacune d’elles une moyenne de trente-trois seu- lement, y compris les boursiers, préparateurs, professeurs-auxiliaires, maitres répéliteurs, etc. C'est-à-dire que pour plusieurs d’entre elles, fout le monde est payé par l'Etat, maîtres et élèves, et qu'il y a telles de ces Facultés où l'on compte plus de pro- fesseurs, chargés de cours, adjoints, administra- teurs et employés qu'il n’y a d'étudiants réels (1). Ce malaise va sans cesse en augmentant. Le nombre des élèves des Facullés des sciences, qui était de huit cent cinquante-sept en 1887-88 n’est plus que de sept cent quatre-vingt-dix-huit en 1888-89. Et comment pourrait-il en être autre- ment! On n’a plus le temps de s’attarder aujour- d'hui aux œuvres de luxe. Depuis 1870 le pays s'est appauvri, il est chargé d'impôts, la vie est dure, il faut la gagner. Au sortir du lycée on entre dans les Ecoles spéciales de médecine, de pharmacie centrale, agricoles, militaires, polytechnique, etc. Les Facultés des sciences ou des lettres ne con- duisant qu'à la science pure, à la licence, à l’a- grégation, n'appellent guère que ceux qui se des- tinent au professorat. Encore, ces rares candidats ont-ils l'Ecole Normale supérieure, l'Ecole des chartes, ete., qui les absorbent. Il semblait done qu'on düt penser à remédier à cet état de choses dont nuln’est responsable, — car il tient au vice même du principe dont est sorti le système de notre enseignement public, — en sup- primant les Facultés décadentes au profit des cinq à six centres intellectuels qui tiennent vraiment leur rang et ont une tradition et des élèves. Mais il faut compter d'une part avec nos Représentants qui, tout en réclamant hautement des économies, entendent tous faire une exception chacun pour son département et sa ville; de l’autre, avec l’or- ganisation actuelle de l’Université. Elle possède régulièrement une école de professeurs, une Ztole normale supérieure d'où sortent chaque année des agrégés qu'il faut caser, et comment le faire, si l'on supprime quelques-unes de ces Facultés et les chaires afférentes, c’est-à-dire le but même que visent les plus méritants de ceux que l'École a versés dans l'enseignement secondaire ? L'on a done pris le problème à résoudre par a —————— (1) Encore les maitres-répétiteurs, professeurs de lycées, auxiliaires, préparateurs, ete., forment-ils un lot, un article de fond, qui reparait chaque année, toujours le même ou pres- que le même,et qui vient remonter la moyenne générale dune quantité constante qui, déduction faite, réduit très sensible- ment le nombre déjà minime des élèves réels, l'autre bout, et l'on a essayé de trouver à ces Facultés des sciences agonisantes, qui vivent de boursiers, de maitres répétiteurs et de correspon- dants (1), les élèves réels qu'elles n'avaient pas. C'est alors qu'on jeta les yeux sur les Facultés de médecine où six mille jeunes gens suivent nos cours (2). On espère qu'environ le cinquième, ou douze cents étudiants de première année, peuvent en être distrails el conservés dans les Facultés des sciences. Ceux-ci répartis également dans nos quinze Facultés de province formeraient une moyenne respectable de quatre-vingts étudiants, 1) C’est une assez jolie invention. Elle coûte bon au bud- get, mais’ elle fait si jolie figure! Nos maitres adjoints, on répétiteurs, de lycées ct collèges de petites villes de province sont invités à se rendre tous les quinze jours au chef-lieu universitaire. Le voyage est payé par PÉtat.Chacun court done deux fois par mois vers sa Faculté. C’est ce qu’on y à nommée le petit train de plaisir bi-hebdomadaire. Nos élèves voyageurs signent la fouille de présence, recoivent un devoir à faire pour la prochaine quinzaine, puis-chacun prend sa leçon pratique ou va là où l'amour du travail entraine. Je ne sais si per- sonne ne se préoccupe à la maison de cette petite fête Uni- versitaire, mais ne faut-il pas que la science pénètre jusqu’au plus arriérées villages de nos provinces? Dans cette vioillle Bretagne retardataire, inféodée aux anciennes coutumes et aux idées d’une autre époque, voici un jeune maitre répéli- teur qui arrive le matin d’Auray à la faculté des sciences de Rennes. Il vient apprendre à faire le gaz de marais. On lui donne sa lecon, il déjeûne et dine au laboratoire, pour ne pas perdre un temps précieux, et repart le soir porter la bonne nouvelle jusqu’au fin fond de sa province. — Ce n’est point là un fait humoristique que je raconte, c’est un fait bien réel qui est arrivé. Encore ce brave maitre répétiteur d’Auray était-il un de ces élèves correspondants dont le petit voyage répété w'inquiétait pas la famille... Et pendant qu'on gaspille ainsi les fonds destinés à l'instruction publique, nos laboratoires de recherches manquent du nécessaire pour compléter les travaux et publications qui sont l'honneur de notre pays. (2) Ce nombre était de 6388 en 1887-88. Il a été de 5978 en 1888-89 pour nos 6 Facultés et 17 écoles de médecine francaises. Nombre d'étudiants en médecine (Officiers de santé et Docteurs) Doctorat Officiat de santé Total PArIS SCC Lee 3935 359 3894 Montpellier. ..... 314 9 323 FAURE Naneyee et eree 120 % 12 ES Na onaoosoe die 363 22 38: ne teens 102 43 45 Bordeaux, -...... 352 23 375 Total Spa Doctorat Officiat de santé Total AIPOLE ES Eee 37 16 DE] ATRIENSE, esse ee 6 51 57 ANPELSNEER EEE 25 12 31 Besançon «+... 16 1% 30 Canet a ere 19 12 31 Clermont... 12 15 25 IDbrene coter [al 42 23 Grenoble .......- 6 12 18 ÉCOLES... ( Limoges......... 26 5 31 Marsoille.....#... 52 34 sG Nantes eseeree 74 10 81 Poiters he 13 7 20 REIMS EME 15 y 22 Rennes ee Le 42 20 62 ROUEN eee 18 } 22 Moulouse. cr 78 21 105 IMFOUTS HER eee 21 5 26 Totalsr.# 132 Nombres pour 1888-89, tirés du Æapport sur la situation de l'Enseignement supérieur en France. Académie de Paris, 1890. _— Ch St : À A. GAUTIER. — LA RECONSTITUTION DES UNIVERSITÉS FRANCAISES 399 soil, avec ce quelles ont déjà, cent trente élèves environ pour chacune d'elles. Ce serait une véri- table résurrection. Mais, pour convaincre nos Facultés de médecine de la nécessité de cette castration volontaire, il fallait invoquer des raisons convaincantes; il fal- lait plus : trouver des arguments susceptibles de flatter les penchants naturels de ces Facultés, et de ménager en apparence leurs intérêts professionnels. Je reconnais qu'on a su trouver des arguments captlieux ; les voici : L'on a dit : la médecine fait tous les jours des progrès sensibles. De nouvelles branches viennent se grefler sur le vieux tronc et portent des fruits dont nous devons faire bénéficier nos élèves. D'où, cette nécessité de consacrer un temps plus long à nos études médicales. L'on ne saurait augmenter d’un an le temps de la scolarité : les nécessités du service militaire, le désir des familles, les besoins même du pays qui manquerait de médecins, s’y opposent. Mais l’on peut {rouver un an de plus en sacrifiant la pre- mière année actuelle. Celle-ci n’est qu'une répéti- tion, une amplification tout au plus, du baccalau- réat ès sciences; chacun sait ca, ou du moins le répète.Faisons donc dans nos Facultés des sciences, dans nos futurs Instituts plutôt, une année de sciences proprement dites : sciences générales d'abord, communes à tous les élèves, puis sciences appliquées, différentes suivant que l’étudiant se destinera à l’agriculture, à l’industrie, à la phar- macie, à la médecine, ete. Comme sanction de ces études,exigeons un double baccalauréat ès sciences répondant à ce double enseignement; nous aurons ainsi doté d’élèves nos Facultés des sciences déca- dentes et nos Instituts projetés. Nos Ecoles spéciales d'agriculture, industrielles, de médecine, ete. n'au- ront pas à revenir sur cetenseignement scientifique une fois donné. Ce sera encore gagner du temps. Les étudiants en médecine par exemple, vers leur dix-huitième année, débuteraient pleins de zèle par l'anatomie et la physiologie et sans connaitre ni un os, ni un organe, seraient admis à couper et trancher dans le mort et dans le vif. Sacrifions donc cette première année d’études scientifiques qui n'a de médicale que le nom, faisons quatre ans de médecine réelle, et renvoyons l'étude des sciences préparatoires à ceux-là qui font métier de les enseigner exclusivement. A prendre cette solution, ajoute-t-on, il ne manque pas de raisons convaincantes à invoquer : 1° Les sciences proprement dites doivent rester le lot de Facultés des scierces. À chacun son rôle : la science aux savants, la médecine aur médecins (A). (1) Ce mot a été prononcé à la tribune de Z Académie de Médecine en 1888. 2° Gagner ainsi un an, c'est faire des médecins, des praticiens plus instruits, sans sacrifier des connaissances qu'on peut acquérir ailleurs, et qu'un bon baccalauréat suppléerait haut la main. 3° Dès lors, les budgets des sciences et travaux pratiques actuels de nos Facultés pourraient passer, au moins parliellement, aux services de médecine pure qui bénéficieraient ainsi d’un double profit et de temps et d'argent. Ces propositions, je le reconnais, sont enga- geantes, capiteuses même : mais examinons-les successivement el nous reconnaitrons bien vite qu'elles ne sont qu'apparentes, qu'on ne nous paye que de fausse monnaie; que la mesure qu’on nous propose tend au rapelissement de nos Facultés, de leurenseignement, de leur influence, de leur budget. A.— Les Sciences, nous dit-on, doivent être enseignées dans les Facultés des sciences ou les Instituts de sciences. Il n’y a de doute pour personne que les sciences doivent être apprises quelque part par nos étudiants et qu'on ne saurait faire un médecin passable sans connaitre l'eau que l'on boit, l'air que l’on respire ; le soufre, l’arsenie, l’iode dont on se sert tous les jours en thérapeutique ; le fer, le plomb, le mercure même ; l’alcool, le sucre, le chloroforme, le vin, le pain, la chäir musculaire, autrement que ne les connait le droguiste, l'épicier, le boulanger, etc. Dans d’autres branches des sciences : l'opium, la rhubarbe, les quinquinas, les champignons toxi- ques ou comestibles, les vers intestinaux et autres parasites; ou bien encore l'électricité animale, le mécanisme de l'audition, l'optique de la vision et les vices géométriquement réformables de l'œil, une pile, un microscope, un thermomètre même sont des objets avec lesquels il n'y a pas de mal que le médecin se familiarise. 11 s’agit seulement de savoir où il convient le mieux d’acquérir ces connaissances préliminaires qui sont comme l'in- troduction indispensable de l’étude de la physio- ‘logie, de la thérapeutique, de l'hygiène, de la pathologie modernes. Nous pensons, nous, que puisqu'il faut acquérir ces connaissances nécessaires, il vaut mieux que ce soit dans nos Facullés de médecine, là où tout respire la tradition médicale, où, de lous côtés, nous arrive la sensation des besoins techniques de notre art, du progrès journalier qui l'emporte, des phases rapides par lesquelles il passe en se trans- formant. Nous pensons que, les sciences, confiées à d’au- tres professeurs, fussent-ils éminents, s'ils ne sont pas médecins, seront traitées hors de nos écoles d’une façon étrangère aux besoins et aux concep- tions de la médecine ; de la médecine théorique et savante, aussi bien que de la médecine pratique. Nous le pensons, parce qu'il n’est pas possible, 360 A. GAUTIER. — LA RECONSTITUTION DES UNIVERSITÉS FRANÇAISES en nous reportant aux projets du Ministère sur la réforme du baccalauréat qu'on nous propose (1), qu'un cours de Faculté de sciences qui ne serait pas spécialisé dès le début convienne à nos élèves; nous affirmons que quelques mois consacrés à l'étude des sciences appliquées à la médecine, ne pourront suffire à préparer les jeunes gens à suivre nos cours, alors que dans nos Ecoles spéciales une année suffit à peine. Nous croyons qu'il en est de mème de la préparation à la pharmacie, à l’agri- culture, à l’industrie. Dans lous les cas, pour la médecine, nous avons la preuve directe de la fai- blesse de ce système. Nous savons qu'à l'Etranger, en Allemagne sur- tout, les professeurs spéciaux se plaignent de l’enseignement trop général, trop peu spécialisé donné dans les Instituts de physique et de chimie. A l’Institut de chimie de Strasbourg, le profes- seur Fittig vient de passer un semestre entier à ‘exposer la constitution hexagonale de le benzine et de ses homologues. Avec leurs études antérieures faites au gymnase classique, c'est toute la prépa- ration que les futurs élèves de Hoppe-Seyler auront reeue pour arriver à suivre les cours de chimie biologique et de physiologie. À Bonn le professeur Kékulé se borne une année à étudier les hydrocar- bures, une autre les acides organiques, une autre les alcools, ete. Ne voilà-t-il pas une forte prépa- ralion à la médecine! Dans la même Université, le professeur d'électricité médicale, Fuchs, se plaint que les étudiants qui suivent son cours d'électrothérapie appliquée n'y soient nullement préparés ; il demande instamment la création à l'Institut des sciences d’un Cours de physique médicale, les jeunes gens qui lui arrivent ne connaissant absolument que des formules abstraites. Dans cette même Université (que je prends comme exemple, vu sa notoriété) à la demande de son directeur, le professeur Schulz, l'Institut de clinique, rétribue de ses fonds un cours de chimie appliquée au diagnostic, afin de compléter dans la mesure la plus indispensable le cours insuflisant professé à l'Institut de chimie. Le professeur d’ophtalmologie a été obligé d'ajouter à ses leçons" P 5 5 ] Ç un cours d'optique géométrique pour rendre acces- (1) La lettre du ministre, communiquée aux Facultés de médecine, re'ative aux projets de réforme du baccalauréat ès sciences, propose qu'après le baccalauréat ès lettres, le futur candidat aux écoles spéciales entre dans les facultés de sciences, Où il préparera durant un an (un an au moins) un baccalauréat-ès-sciences composé de deux parties et de deux examens : le premier examen serait consacré aux sciences pures et générales; ces études seraient communes à tous les candi- dats. Le deuxième examen serait spécialisé et différent suivant qu’on préparerait la médecine, l’agriculture, l’industrie, etc. C’est dans ce 2° semestre qu'on donnerait, par exemple, l’en- seignement de la chimie médicale tout entière. On ne réserve- rait que la chimie biologique. sible à ses élèves la pratique des instruments d'op- tique usilés dans ses démonstrations à l’hôpital (ophtalmoscope, optomètre,... etc.) — Les mêmes plaintes et les mêmes faits se reproduisent dans les autres universités allemandes. Si nous adoptons le système allemand des Insti- tuts, ou ce qui revient presque au même, de la res- tauralion des Facultés des sciences qu'on nous propose, il faudrait aussi suppléer à leur en- seignement en créant des cours complémentaires, (ceux-là que nous avons, ou pourrions avoir dans nos Facultés de médecine); sinon, les mêmes insuffi- sances, les mêmes inconvénients apparaitraient (4). Ils auraient plus de gravité encore, si l'État déci- dait seul de la création des chaires, alors que les Universités étrangères peuvent au besoin les créer sur leurs propres fonds, gràce aux donations que n'a pas permis ou favorisé la constitution de nos Facultés. Cette insuffisance des instituts scientifiques ou des Facultés de sciences dans notre pays,se montre déjà chez nous dans les cas où les circonstances particulières ont permis de les mettre à l'épreuve. Grâce à nos tournées de premier examen de doc- torat dans les Écoles de médecine de plein exercice ou secondaires de province, nous revenons chaque année à Nantes, Rennes et Caen. Les épreuves sont tout à faitsalisfaisantes dans deux deces Ecoles; elles sont mauvaises dans la troisième, au moins pour la physique, parce que là seulement cette science est enseignée aux éludiants en médecine par un membre de la Faculté des sciences qui ne veut, ou ne peut, tenir aucun compte des besoins de la médecine dans son enseignement. Lors des fètes du sixième centenaire à Montpellier, les profes- seurs de la Faculté des sciences me disaient : Mous ne voulons pas tomber au rang de simples préparateurs aux Facultés de médecine. C'est aussi, je le sais, le sentiment de la Faculté des Sciences de Paris qui croit, avec raison, devoir donner dans ses cours l’enseignement de la licence, et qui n’accepterait pas de faire des cours préparatoires au baccalauréat. C'est là cependant où conduirait le système pro- (1) Ce serait pire. On vient de voir qu’en Allemagne lon peut au besoin créer un cours de chimie médicale à l'Institut de chimie, et que d’autre part les fonds paraissent suffisants pour créer et entretenir des cours supplémentaires tels qu'un cours de physique appliquée au diagnostic à l’Institut de clini- que. La division très grande du travail et la non homogénéité des Instituts et Universités permettent ainsi de suppléer aux défaillances momentanées, et de corriger les imper- fections. À Bonn par exemple, il y a 32 professeurs titu- laires, sans complier les assistants et professeurs libres, pour une population d’étudiants qui s'élève à peine à 400. L’on comprend donc que, dans ces conditions, l'étudiant trouve toujours le cours, le professeur, le laboratoire qui convient à ses besoins, et que si l'instruction qu’il recherche n'est pas suffisamment spécialisée dès le début, elle arrive à se com- pléter plus tard dans l’un ou l’autre de ces nombreux cours. A. GAUTIER. — LA RECONSTITUTION DES UNIVERSITÉS FRANÇAISES 301 jelé; car de deux choses l’une : ou il n’y aurait pas de baccalauréat et par conséquent pas d'élèves dans les Instituts et Facultés de province, à l’excep- tion de quatre ou cinq; ou bien il y aurait le bacca- lauréat scindé qu'on nous propose, le baccalauréat mi-professionnel, el dans ce cas il faudrail bien que ces Instituts ou Facultés y préparassent leurs étu- diants. Si donc nous voulons que l’enseignement des sciences nécessaires à nos Ecoles spéciales, à la médecine en particulier, se spécialise, qu'il soit médical, approprié aux fulurs besoins de la phy- siologie, de l'hygiène, de la clinique, il faut que cet enseignement se fasse dès le début par des méde- cins, docteur ès-sciences si vous le voulez, mais par des médecins et dans nos Facultés de médecine. B. — Le second argument qu'on invoque est celui-ci : En supprimant dans nos facultés de mé- decine ces cours de première année et renvoyant nos jeunes étudiants aux Facultés de sciences ou aux Instituts à venir, on gagnerait un an, qu'on pour- rait consacrer à l'étude des branches nouvelles: de l'art médical. Si cet argument élait réel (en admettant qu'on pût aborder l'hygiène, la thérapeutique, la physio- logie sans études spéciales scientifiques prépara- toires) il serait d’un grand poids. Mais comptons : quatre ans de médecine proprement dite, de mé- decine pure que tout le monde demande, et un an pour étudier celles de ces sciences préparatoires jugées nécessaires, {année qu'on passera soit au lycée, soit dans les Facultés des sciences, soit dans nos Ecoles), cela fait Lien cing années à partir du baccalauréat ès lettres. Or que vous fassiez cette première année d’études scientifiques préparaloires ici ou là, ce sera tou- jours douze mois consacrés à l'étude des sciences que vous jugez nécessaires, el cinq années à partir du baccalauréat ès lettres pour atteindre le doclo- rat. Il s’agit donc simplement de savoir où il con- vient le mieux de commencer ces études scienti- fiques faites en vue de carrières déterminées. Je persiste à penser que la spécialisation doit se faire dès le début pour les écoles d'agriculture, d'ingé- nieurs, industrielles, pour les écoles de phar- macie, mais surtout pour les Facultés de méde- cine; puisqu'il faut qu'elles soient spécialisées, je conclus que les sciences préparatoires à la médecine doivent être enseignées par des méde- cins. Le temps nécessaire pour arriver au docloral en médecine n'en serait pas augmenté d'un jour, si le baccalauréat ès sciences actuel étant sup- primé, comme le propose la Faculté de Médecine de Paris, et s’il était remplacé non par une demie année, mais par une année entière d'études fran- chement spécialisées. C. — Le troisième argument, celui-ci en appa- rence palpable et sonnant, on ne le présente à nos Ecoles que de la bouche à l'oreille. On laisse deviner (car on ne s'engage pas dans des pro- messes fermes) que par la suppression de l’ensei- gnement des sciences dans nos Facultés de méde- cine, tout ou partie de leur budget pourrait passer à d’autres services qui en vérité. en ont besoin. Mais, c'est pure illusion. D'une part, les cours spéciaux, ceux de chimie biologique, physique et histoire naturelle médicales de nos facultés de mé- decine ne pourraient disparaitre, pas plus que ne pourraient disparaitre les cours de chimie ou d'his- toire naturelles agricoles dans les Ecoles spéciales d'agriculture; les cours d'histoire naturelle pharma- ceutique dans les Ecoles de pharmacie; ceux de chimie industrielle à l'Ecole Centrale; les cours de physique ou de mécanique appliquée à l’art des constructions dans les écoles d'architecture, etc.; d'autre part, sous une forme ou sous une autre, les étudiants auront besoin de travaux pratiques appliqués, et les chaires auront leurs laboratoires de recherches. À moins que vous ne vouliez tout supprimer : les travaux praliques que ne sauraient suppléer les cours publics ou les livres, les recher- ches originales qui font la gloire de vos Ecoles, les laboratoires où se forment vos agrégés.où se jugent longtemps à l'avance vos futurs professeurs et où se prépare l'avenir. D'ailleurs, si une partie de ces services élaitsupprimée, ce serait, dans l'esprit du ministère, les transférer aux Instituts projetés, et pensez bien qu'avec ces services l'on pour transporterait les crédits afférents. Car il ne faut point oublier que l'idée-mère de tous ces projets, c’est l'économie. D.— J'ai dit déjà combien est faux cet argument que la première année est chez nous une répétition, un complément des études du baccalauréat-ès- sciences. Je le prouverai tout à l'heure avec usure. Mais, je pense (et j'ai déjà exprimé, il ya des années, cette opinion) que l'élève médecin devrait dès son début suivre régulièrement des cours d'ostéologie et peut-être d’histologie élémentaire. Ainsi se passent les choses durant les deux pre- mières années en Allemagne (1). On y réalise dores Re FOR En ne CRE (1) L'étudiant en médecine allemand passe d’abord deux ans dans les Instituts de sciences. Voici comment y est repart” l'enseignement Première et deuxième année (hiver) chimie, physique, anatomie.— Première et deuxième année (été: histologie, physiologie, botanique. La botanique n’est exigible que des étudiants en médecine; ceux qui étudient la chi- rurgie remplacent la botanique par un cours d'anatomie comparée. Après ces deux ans, l'étudiant subit un examen de sciences (physique, chimie, anatomie, physiologie) et entre en troisième année à l’Institut de clinique; la quatrième et cin- quième années, ilsuit les polycliniques. Le matin à l'hôpital, le soir aux laboratoires, mais ici facultativement. Ces labora- toires sont ceux d'histologie, anatomie pathologique, patho- loxie expérimentale, chimie biologique, diagnostic, cie. 302 A. GAUTIER. — LA RECONSTITUTION DES UNIVERSITÉS FRAN ISES et déjà ce que M. de Lacaze-Duthiers demande pour nos Facultés des Sciences : l’enseignement par les professeurs des sciences de l'anatomie et de la phy- siologie, qui, en effet, ne sont logiquement que des branches des sciences naturelles. Mais n'exagérons rien : apprenons à nos étudiants dès la première année les sciences que nous utiliserons plus tard en physiologie, hygiène et thérapeutique; ajoutons un peu d'anatomie et d'histologie, et n’essayons pas de faire plus. La physiologie et la clinique sont des livres pour eux fermés lant qu'ils ne connaïitront ni l'anatomie, ni les méthodes exactes d’observation. S'ils ont pris dans nos cours et nos travaux pra- tiques le goût des choses claires, des raisonnements serrés, de l'observation et de l’expérimentation sé- vères; s'ils y ont acquis des notions suflisantes de chimie, de botanique et de zoologie vraiment médi- cales, s'ils se sont habitués aux principaux instru- ments d'observation et aux mesures précises ; s'ils ont pu étudier dès le début les éléments de l’ana- tomie et de la micrographie, croyez-moi, ils auront fait une bonne première année d’études spéciales, solides, médicales ; une année qu'ils ne feront nulle autre part; ils auront acquis des idées justes, des méthodes précieuses de raisonnement et d’obser- vation dont bénéficiera largement tout le reste de leur vie médicale. La Faculté de médecine de Paris, interrogée par le ministre sur le projet de réforme du bac- calauréat ès sciences (V. p. 359 et 360) au point de vue de son application aux études médicales, à répondu par l'expression des vœux suivants : 1° N’exiger des futurs étudiants en médecine que la première partie du baccalauréat-ès-lettres actuel ; en un mot ce baccalauréat, moins la philosophie. 2° Employer l’année aujourd'hui consacrée à la philosophie à acquérir les connaissances scienti- fiques préliminaires, techniques. indispensables aux futurs médecins. 3° La Faculté de médecine réserve seulement la question de savoir où ces études scientifiques pré- liminaires devront être faites, jusqu'à ce qu’elle connaisse les programmes, plans et moyens pra- liques que proposera le ministère pour en assurer ‘ la réalisation. Je n’ai pas à défendre la première de ces conclu- sions : elle est plus que justifiée. Ce qu’on appelle aujourd'hui philosophie dans nos lycées (j'entends celle qui résulte de la préparation de nos élèves au baccalauréat ès lettres) — est un vrai jeu de ma mère l’oie. On y fausse le jugement des jeunes gens. Ce n’est plus de la logique, c’est de la casuis- tique. On dépense à ces exercices une chose sacrée, sans prix, une année toute entière de la vie de nos enfants. Ah!si nous pouvions disposer d'un an! Que nous nous hâterions bien plutôt, à cet âge du à développement et de l’exubérance physique, d'en- voyer nos jeunes gens bêcher, forger, raboter, chasser, courir, faire des voyages pédestres, vivre en pleins champs, apprendre un métier manuel! Mais si les dures nécessités de la vie moderne nous en empêchent, du moins, plus de barbara ni de baralypton ! Certes, nous avons tous fait de la philo- sophie avec nos grands penseurs, nos grands écri- vains, les ouvrages des grands physiciens et ma- thématiciens qui ont créé la logique, la métaphy- sique ou la mécanique presque sans y prétendre, mais tout cela après le collège, à notre heure, et non à force de prétentieuses et indigestes lecons. Plus tard encore, devant les faits naturels, nous nous sommes peu à peu convaincus que ce n'esl passeulement la vue interne, l'observation abstraite du moi, mais bien l’expérimentation et l'observation des réalités concrètes et mesurables, qui font arri- ver l’homme aux vérités nouvelles, augmentent vrai- mentsa puissance el grandissent ses conceptions. L'année de philosophie actuelle est donc con- damnée (1). Elle doit être employée aux études scientifiques qui ouvrent l'intelligence, et donnent à nos jeunes gens l'esprit des méthodes et les con- naissances réelles indispensables surtout au mé- decin. Interrogée par le Ministre sur les projets d’or- ganisation à venir de l’enseignement des sciences, la Faculté de médecine de Paris a donc répondu avec raison, en demandant que l’on remplacät l’an- née de philosophie par une année de sciences pré- paratoires. Mais elle nous parait avoir agi avec trop peu de décision, avec une modération suivant nous excessive, peut-être imprudente, en réservant la question de savoir où seraient faites ces études de sciences appliquées. J'ai montré plus haut qu’elles doivent être spé- cialisées dès le début, et qu’une année entière suf- fit à peine pour donner à l’étudiant les connais- sances scientifiques indispensables qui lui permet- tront d'aborder plus tardla physiologie, laclinique, la thérapeutique, l'hygiène. Si, vous adressant à ces futurs médecins, vous vous attardez sur la compo- sition et les propriétés de l'air, à peine aurez-vous le temps de leur parler de ses impuretés, de ses miasmes, de ses moisissures, de ses microbes. Après avoir rapidement montré ce qu'est l’eau au point de vue chimique, hàtez-vous de leur faire connaitre les caractères des bonnes où mau- vaises eaux potables, les règles pour les choisir, les filtrer, cultiver leurs organismes. N’allez pas oublier surtout les eaux minérales. La toxicologie (4) Je ne dis pas l'étude ou l’histoire des méthodes de l'esprit humain, étude qui devrait être faite dans toutes les Facultés des lettres et des sciences. A. GAUTIER. — LA RECONSTITUTION DES UNIVERSITÉS FRANCAISES 36: du phosphore, de larsenie, de lantimoine ; le danger el la recherche, dans les atmosphères confinées, de l'acide carbonique et de l’oxyde de carbone, etc.,ete. voilà ce qu'il faut que sache dès la première année votre étudiant en médecine sous peine de ne le savoir jamais. C’est une toute autre technique qu'il faudra au futur agriculteur, ingénieur, pharmacien, in- dustriel, et voilà justement ce qu'on n'apprendra pas en quelques mois; ce qu'on n'apprendra pas surtout à nos futurs médecins dans les facultés des sciences. Car on nous propose, remarquez-le bien, de partager le temps entre lélude des sciences générales, et celle des sciences appliquées; de faire un baccalauréat ès sciences, en deux parties. L'une à l'usage de tout le monde, l’autre particu- lière à chaque carrière. Mais est-1l possible après s'être attardé à l'étude des sciences pures dans un cours, ne fût-il que d’un semestre, d'exposer dans le semestre suivant ce qui, dans les sciences chimiques, physiques et naturelles, importe à la médecine, à l’industrie, à l’agriculture même? Encore cette année (car il faut songer à ne pas dépasser la limite de cinq ans pour arriver au doc- toral en médecine) cette première année serait-elle coupée par deux examens! Ainsi en quelques mois lon apprendrait à nos jeunes étudiants, outre les applications médicales innombrables des métal- loïdes et des mélaux, la chimie organique entière, car il faut que le médecin l'ait entrevue au moins une fois dans sa vie. Jugez de l’entreprise par quelques en têtes de ce programme : L'extraction des principes immédiats des végétaux et des animaux ; les alcools et leurs applications: l'alcoo- métrie, les alcools toxiques, les liqueurs fermen- lées, ete., le chloroforme, l’iodoforme, les anesthé- siques et antisepliques modernes, le chloral, le sulfonal, lantipyrine, l'iodol, le salol, Les phénols, la créosote; les essences qu'on utilise, les corps gras, les savons; les sucres, dextrines, amidons, le glycogène; les hydrocarbures et acides aromatiques de nos boissons, de nos médicaments : acides ben- zoïque, salicylique, caféïque, lannique, ete., les couleurs d'aniline, au moins celles qui sont appli- quées à frauder les aliments et les boissons; les alcaloïdes du tabac, de la ciguë, de la coca, des strychnées ; de l’opium, du quinquina, des solanées; les ptomaïnes; le camphre; la cantharidine; les térébenthines, les glucosides vénéneux ou utili- sables en thérapeutique ; les bases animales : corps xanthiques, leucine, lécithines, leucomaïnes, etc., l’urée et les uréides, les albuminoïdes, chapitre im- mense essentiellement médical, ete., ete. et tout ceci, il faudra l’apprendre dans un temps très court, sous forme de seconde partie de baccalauréat ès sciences ! car quoique préparatoire, il n’est pas un de ces chapitres qui ne soit indispensable, je ne dis pas seulement pour commencer la physiologie, et pour suivre plus tard utilement un cours de théra- peutique ou de médecine légale, mais même pour entreprendre la chimie biologique, pour expliquer la digestion, le sang, la composition et les trans- formations des humeurs et des tissus, la nature d’un calcul, d’une excrétion, les fonctions du foie, la constitution des globules blancs ou rouges, la pro- duction de chaleur et d'énergie, l'assimilation, en un mot {a vie. Pour commencer l’étude de cette chimie nouvelle, vraiment médicale et moderne, des phéno- mènes de la vie du tissu et de la cellule, il faut que vous nous donniez des élèves qui aient satisfait au programme précédent, et vous n'y satisferez que si, dès le début, vous exposez ces matières au point de vue médical. Or cela ne se fera pas en quelques mois et par l'organe des Facultés des Sciences. Sans doute les programmes que nous proposera le ministère seront salisfaisants: c’est nous que l’on consultera pour les libeller. Mais faire un programme n'est pas l’exéculer, el nous avons dans nos Facultés le temps bien juste nécessaire pour le remplir en un an, en sacrifiant toutes les généralisations inutiles. Et ce que je dis de la chimie médicale s’appliquerait également aux au- tres branches des sciences physiques et naturelles. J'ajoute encore une fois que de ces programmes techniques ne peuvent être enseignés que par des spécialistes : agronomes, ingénieurs, mécaniciens, pharmaciens, médecins et par conséquent dans les Facultés ou Ecoles spéciales. Grâce à cetle suppression de l’année de philo- sophie et du baccalauréat ès sciences, on au- rail done cet avantage que les jeunes gens, au sortir du collège, se spécialiseraient aussitôt dans la partie des sciences afférentes à leur carrière, Dès lors, pour nos Facultés de médecine par exemple, sans demander à nos jeunes gens à partir du baccalauréat ès leltres un temps plus long qu'aujourd'hui, nous aurions l'avantage de gagner un an el, avant leur service militaire, de faire des docteurs de nos jeunes étudiants. Nous aurions encore l'avantage de ne pas lancer tous ces jeunes gens, gräce à des études générales pré- liminaires communes, dans une voie qui s’en- combrerait bientôt el ferait des déclassés. IV Nous ne nous sommes pas fait d'illusion en écri- vant ces lignes; nous avons dit ce que la raison et l’amour du bien public nous imposaient de dire; Le temps fera le reste. Car il ne suffit pas aujourd'hui d’avoir raison : dans notre pays, chacun se sent tous les jours de plus en plus en tutelle, et avant de se décider, se demande ce qu'il lui en coùte- rait de déplaire à ses Maitres.J’entends par là bien 36% A. GAUTIER. — LA RECONSTITUTION DES UNIVERSITÉS FRANÇAISES moins ceux qui font ou défont les lois, que ceux-là surtout qui nous mènent gràce à cette puissante machine de gouvernement et de domination, chez nous réorganisée par l’esprit du plus personnel des chefs d'État : la machine administrative. Au milieu des révolutions de notre pays, seule elle est restée debout parce que tous les régimes ont senti quel instrument commode de pouvoir elle centralisait entre leurs mains. Nous assistons à l’entier épanouissement de ce système, et grâce à lui, dans ce généreux pays, avide cependant de libéralisme et d'indépendance, les mœurs sont devenues telles que presque chaque famille a l’honnête ambition de colloquer un au moins de ses enfants dans nos Ministères, comme elle avait autrefois celle de les envoyer à la Cour. Mais revenons ici aux choses qui regardent plus particulièrement l'Enseignement publie : Tout ce que nous venons de demander dans ces quelques pages s’accomplit-il dans nos Écoles spéciales et dans nos Facultés, que cet état de choses serail loin encore de celui qui seul nous paraïtrait garantir l’avenir de notre Enseignement supérieur et propre à lui conserver son lustre et son autorité (1). Gar- dez, si vous voulez, vos Facultés et vos Écoles, en en diminuant seulement le nombre, ou bien constituez des Universilés régionales, très désirables, si elles sont peu nombreuses, mais avant tout ayez des pro- fesseurs multipliés, maitres de leur enseignement, de leur personnel, de leurs élèves, indépendants chez eux. Que leur nomination et leur avancement soient entre les mains de ces Universités elles- mêmes, l'Etat ne se réservant de refuser sa sanc- tion que si ces nominations étaient contraires à ses décrels el à ses lois. Et comme il ne faut point imposer au pays de nouvelles charges, tout en sauvegardant l'intérêt général et la haute portée de l’Instruction publique, il convient que ces professeurs, que je crois indispensable de nommer en plus grand nombre, ne reçoivent de l'Etat qu'un mince traitement, bénéficiant surtout des inserip- tions de ces élèves qu'ils sauront attirer autour de leurs chaires et qui resteront libres de choisir les maitres, titulaires ou adjoints, qu'ils sentiront leur donner le meilleur enseignement. Simplifiez vos examens, réduisez-les au lieu de les multiplier; qu'ils soient à la fois théoriques et (4) C'est par l’Ænseignement secondaire surtout que doit com- mencer la réforme de l'Enseignement supérieur. C’est dans ces dix années de collège, que l’on devrait surtout apprendre à nos jeunes gens les sciences réelles qu’on propose de leur donner à la sortie du 1 “'aites-en des humanistes, mais armez-les pour les néces de la vie moderne. A propos de cet Ensei- gnement secondaire, il conviendrait d'étudier le système des gymnases ct des Real Schulen allemands. (Voir mon discours à l’Académie de médecine. Bulletin, 26 juillet 1887. Voir aussi le Premier Bulletin de l'Association nationale pour la Réforme de "Enseignement secondaire. Paris, mai 1890.) appliqués,mais qu'ils soient sérieux. Qu'on les pré- pare comme on le voudra et qu’on les passe quand on le pourra. A l’exceplion des exercices pratiques très réduits correspondant aux examens à venir, ne rendez vos pavillons et laboratoires abordables qu'à ceux-là seulement qui, leurs premiers grades conquis, voudraient arriver aux positions scientifi- ques supérieures. Je donnerais volontiers le droit d'exercer la médecine, avec le titre de médecin, à tous nos étudiants après qu'ils ont salisfait à leurs examens de doctorat; mais j'exigerais au moins une année supplémentaire d’études de laboratoire, une thèse scientifique, acceptée, après discussion, par une commission de la Faculté, de ceux qui, se destinant au professorat, à la science, aux con- cours, voudraient arriver jusqu'au grade de doc- teur ès sciences ou de docteur en médecine. Ainsi qu'on le faisait autrefois, je réserverais ce beau titre de docteur à ceux-là seulement qui, ces hautes épreuves subies, se sentiraient marcher et avancer dans la voie des maitres (1). Soyez-en sûrs, avec ce système vous n'écraseriez pas vos élèves de connaissances ou trop théoriques ou trop complètes ou trop élevées, qui ne sont et ne peuvent être le lot que d’une élite; vous ne con- fondriez pas dans vos leçons les deux enseigne- ments pratiques et scientifiques. Vous n’inquiéte- riez pas les faibles et ne les dégoûteriez pas par de multiples examens; vous ne leur sacrifieriez pas les forts. Vous posséderiez de nombreux maitres, car ils ne coûteraient que bien peu à l’État et ils au= raient bientôt fait de se spécialiser, chacun faisant école de ce qu'il connaïitrait le mieux et le commu- niquant à un petit nombre d’adeptes. Avec ces maitres mullipliés, attirant chacun des élèves, vous auriez bientôt de nombreuses publications qui il- lustreraient vos laboratoires et vos Écoles. En lais- sant à vos professeurs la responsabilité et le profit de leur enseignement, soyez sûrs qu'ils sauraient l'adapter bien vile aux besoins scientifiques ou pra- liques, suivant le cas, de chaque catégorie d'élèves ; on aurait bientôt fait de se débarrasser des inutilités et des non valeurs, comme on l'a fail en Allemagne. Pourquoi le cacher? Nous lui em- pruntons en partie ces idées ; qu'essaye-t-on de faire mieux que ne l’a pu fairela longue expérience de nosintelligents rivaux ? Pas plus qu'eux ne pà- lissons à la pensée d’une organisation libérale de l'Enseignement public! Vous craigniez quelques abus?Ils seraientnoyés dansle bien général.Croyez- le, comme chez nos voisins, ceux-là surtout attire- raient le plus d'écoliers qui joindraient au vrai sens pratique des choses la conception la plus élevée de la science et la plus haute illustration personnelle. (1) Cest ce qui se fait déjà chez nous pour le Droit. L'iltent-adir cd rt P.-A. GUYE. — L'ÉQUATION FONDAMENTALE DES FLUIDES 36 C'est ainsi, c’est en suivant ces principes que vous donneriez à l’enseignement supérieur francais une liberté, une dignité d’allures, une vitalité, une puissance de production, une influence qu'aucun de vos projets éphémères et pusillanimes ne lui donneront jamais. Sous un régime dont le nom même indique la participation de chaque citoyen aux affaires de l'Etat, et le maximum de libéralisme possible, il nous faut dans l'Enseignement plus que des mots et des espérances vaines. À ceux qui respectent les lois, qui veulent ardemment le bien de la nation et ycontribuent par leurs actes, leurs services, leur illustralion ; à ces grandes écoles qui donnent l’en- seignement supérieur et qui sont l'honneur de leur pays; à ces Universités que vous rêvez (puissent- elles être aussi grandes et aussi maitresses d'elles- mêmes qu'autrefois !)ilfaut laisser une personnalité qui ne dépende absolument que de la loi, il leur faut une âme fière et libre. Il faut que la chaleur de la liberté féconde ces Ecoles d'enseignement supé- rieur aussi bien que nos autres institutions civiles, Et pour généraliser et rendre toute ma pensée, que pourrais-je faire de mieux que de reproduire ici les véhémentes et justes paroles que M. Paul Deschanel prononçait dernièrement au Corps législatif (1)? « Efforçons-nous de délivrer, d'affranchir l’État « de tousles fardeaux inutiles, de toutes Les respor- « sabilités compromettantes sous lesquelles il chan- « celle, il succombe.. Cet excès de centralisation, « cet amas de bureaux qui date de l'an VIII qu'en « faites-vous? (Vifs applaudissements.)… Ce qui est « nécessaire, c'est de remanier nos institutions à « la base; c’est de donner au peuple les mœurs et « les institutions de la liberté, j'entends, la par- « dicipation de plus en plus grande des citoyens aux « affaires publiques, leur aclion peu à peu substituée à « celle des fonctionnaires, la disparition graduelle de la « bureaucratie qui esl issue du césarisme, enfin la mise « en harmonie de nos inslitutions sociales avec notre « organisme politique. » A mon tour, je vous dirai : si vous voulez voir prospérer l'Enseignement public qui ne donne pas la fortune, au moins laissez aux maitres qui s’y dé- vouent la considération et le bien-être moral du libre exercice de leur conscience et de leurs facul- tés. Ne leur faites pas répéter ce mot de Guizot encore lrop vrai même à cette heure : Dans notre pays l'Enseignement supérieur « toujours été asservi, tantôt à l'Église, tantôt à l'État. Armand Gautier, Membre de l'Académie des Sciences. L'ÉQUATION FONDAMENTALE DES FLUIDES On à beaucoup cherché une relation générale entre le volume, la pression et la température, donnant sous n'imporle quel élat, liquide ou gazeux, l’une de ces quantités en fonction des deux autres. Dans des limiles restreintes, et lorsque les gaz sont assez éloignés de leur point de liquéfaction, on connait depuis longtemps une forme très approchée de cette fonction : l'expression algébri - que des deux lois classiques de Mariotte et de Gay- Lussac, soit : (4) pu—=RT v représente le volume occupé par un gaz sous une pression p, à une température 4; T est la même température comptée depuis le zéro absolu; donc T=— 275" +. La quantité R est une constante dont il est aisé de fixer la valeur en considérant un gaz sous l’unité de volume et sous l’unité de pression à la température du zéro de la glace fondante. Alors 01 T=— 213 E 0°, d’où l’on déduitR— ;# (2). LE (1) Mai 1850. (2) Dans un autre système d’unités on donne quelquefois à R la valeur 84500: c'est qu'alors on l'exprime en rapportant REVUE GÉNÉRALE, 1890, LL est dès lors facile de voir que l'équation (1) est bien l'expression des faits. Si la température ne change pas, le second membre, et par suite le pro- duit du volume par le pression, pv, restera cons- tant: c'est ce que demande la loi de Mariotte. Si, au éontraire, la pression restant la même, la température varie, l'équation (1\ deviendra, en tenant compte de la valeur R —;£ : (l — 213p LE PV — 353 SU TNT done, pour toute élévation de température de 1°, sous pression constante, le volume augmentera d'une quantité constante égale à E de sa valeur : c'est ce qu'exige la loi de Gay-Lussac. Si l’on songe aux applications nombreuses de ces deux lois, qui, pour ne citer qu’un exemple, ont permis aux chimistes de fixer au moyen des den- sités de vapeur la grandeur moléculaire de plu- sieurs milliers de corps, on entrevoit aisément tout l'intérêt qu'il y aurait de connaître la forme géné- rale de la fonction entre les quantités p, » eL #, le volume au poids moléculaire et en calculant la pression en grammes par centimètre carré de surface. Voyez à ce sujet l’article de M. Etard dans la Revue du 15 avril 1890 page 195. 12*% 366 P.-A. GUYE. — L'ÉQUATION FONDAMENTALE DES FLUIDES applicable tant aux gaz qu'aux vapeurs et aux li- quides. GE Depuis quinze ans environ, plusieurs physiciens et savants éminents, notamment M. van der Waals (4) en Hollande, M. Sarrau (2) en France et Clausius (3) en Allemagne ont publié sur cette intéressante question une série de travaux qui lui ont fait faire un grand pas. Bien que nous ne connaissions pas encore l’é- quation générale des gaz et des liquides sous sa forme définitive et rigoureusement exacte, nous sommes aujourd’hui en état de la représenter avec une lrès grande approximation par une formule ne contenant qu'un petit nombre de constantes. Ge sont ces résultats et les conséquences qu'on en déduit que nous nous proposons d'analyser ici, en prenant. d'abord pour guide le mémoire de M. van der Waals. I. — L'ÉQUATION FONDAMENTALE Les physiciens d'aujourd'hui, reprenant l'hypo- thèse de Daniel Bernouilli, admettent qu'une masse gazeuse est formée d'un nombre considé- rable de molécules animées de mouvements rapides de translation. Ces molécules rencontrent les parois des vases qui renferment les gaz, de sorte que la pression est la résultante des chocs des molécules contre ces parois. Le calcul démontre que les lois de Mariotte et de Gay-Lussac, représentées par l'équation (1) donnée plus haut, sont des conséquences loutes naturelles de l'hypothèse de Bernouilli. Mais, pour arriver à ce résultat, on néglige deux facteurs importants. D'une part, on ne tient aucun compte de l'attraction des molécules gazeuses les unes pour les autres, attraction d'autant plus appréciable que la matière gazeuse est plus com- primée et que ses particules sont par conséquent plus rapprochées. On assimule d'autre part ces dernières à de simples points matériels sans dimensions, de sorte que, si l’on considère une masse gazeuse renfer- mée dans un vase cubique par exemple, on admel, (i) Van der Waals : Die Continuität des gasfürmigen und lüssigen Zustandes. Leipzig, 1881 (traduction d’une thèse en hollandais publiée en 1873). — Voir une analyse de ce tra- vail : Arch. de Genève (3) 22.540. 2) Sarrau, Journ. de Phys. (1) 2.318 (1873). — C.R. 94.639, 718, 845 (1882). — C.R. 101.9%1 (1885) — C.R. M0. 28 avril 1890. (3) Clausius. Wied. Ann. 9.127 (1819). — Wied. Ann. 14.279 et 692 (1881). Consulter parmi les travaux plus anciens ou moins complets : Rankine, Phil. Trans. 1854 p.336. Hirn, Théorie mécanique de la chaleur, 2? édition, I, 195, 3° édition, Il, 211. — Recknagel, Pogg. Ann. Ergbd. 5. 563 et 114,469 (1872).— Budde, Journ. f. prakt. Chemie, 9.30 (1874). Pour complèter ces ren- scignements bibliographiques, voir les travaux suivants en cours de publication : Tait, Proceed. R. Soc. Edimburgh 1889-1890). — Nattanson, C. R. (1889-1890). — Guye, C. R. 1890). — Arch. de Genève (1890). — dans l'hypothèse de Bernoulli, — que le chemin parcouru par une molécule se transportant norma- lement d'une paroi du récipient à la paroi opposée eststrictement égal à la distance séparant ces deux parois. Si l’on veut tenir compte du volume de la molécule, il n’en est plus ainsi, et le chemin par- couru par le centre de gravité de la molécule est alors égal à la distance séparant les deux parois, diminuée de deux fois la distance comprise entre le centre de gravité de la molécule et Ia paroi au moment du choc. M. van der Waals a cherché ce que devenait l'é- quation (1) indiquée plus haut, lorsqu'on veut tenir compte de ces deux corrections, et, il a trouvé qu'il fallait ajouter à la pression un terme égal à = désigné sous le nom de pression interne, el retran- cher du volume une quantité constante à que l’on a appelée le covolume. La pression interne n’est au fond qu’une pression igale à la résultante des attractions réciproques des molécules ; la constante & a donc reçu le nom d'attraction spécifique moléculaire; quantau covolume, il est, d’après M. van der Waals, un multiple — le quadruple — du volume total et invariable occupé par les molécules gazeuses. Dans ces conditions l'équation des gaz devient, en donnant aux lettres p,v, T,les mêmes significations que précédemment : = / EN x TR (2) (2+ 33)@—6)=RT R est une constante numérique dépendant des conditions initiales dés expériences et du choix des unités. Les constantes & et à sont numériquement très petites et inférieures à l'unité (4). 1) L’exposè des raisonnements, qui onf conduit M. van der Waals à ce résultat important occupe plus de 60 pages dans son remarquable mémoire. Bien qu’il soit impossible de les analyser ici par suite des nombreux développements ma- thématiques que comporte cette question, il y a cependant quelque intérèt à indiquer sommairement la marche suivie par le savant Hollandiuüs : Les considérations par lesquelles Laplace (théorie de la capillarité) a réduit l'effet de l'attraction moléculaire à une pression normale exercée sur la surface d’un liquide s’ap- pliquent également aux corps gazeux. À la pression exté- ricure, il faut donc ajouter celle due aux attractions réci- proques des molécules. Dans ces conditions M. van der 4 PM re FN Waals établit entre la force vive du système 5 V!, le vo- lume v, la pression extérieure N et la pression interne (ou moléculaire) N’, une première relation de la forme : SN + Nov =Ÿ; m V? Mais cetie équation n’est vraie que dans l'hypothèse de molécules sans dimensions, c'est-à-dire assimilées à de simples points matériels. M. van der Waals se demande alors quelle correction il faut y apporter lorsqu'on substitue à ces molécules hypothétiques des molécules réelles de dimensions finies. C'est alors qu'il fait remarquer que ces dimensions molé - P.-A. GUYE. — L'ÉQUATION FONDAMENTALE DES FLUIDES 307 Nous essaierons de montrer que cetle équation rend compte de toutes les propriétés des gaz et des vapeurs ; qu'elle fait prévoir et réunit dans un même corps de doctrines un grand nombre de faits d’ex- périence qui avaient paru jusqu'alors absolument hélérogènes. Enfin, sans être rigoureusement ap- plicable aux liquides, elle permet d’en découvrir plusieurs propriétés importantes. C’est donc bien l'équation fondumentale des fluides. Il. — PROPRIÉTÉS Nous rappelions au début de cet exposé que les gaz considérés à des températures assez éloignées de leur point de liquéfaction suivent avec une exactitude très satisfaisante les deux lois de Ma- riotte et de Gay-Lussac. L'équation fondamentale des fluides va nous montrer qu’il doit en être ainsi. En effet, aux températures élevées, le volume occupé par un gaz est considérable. Les constantes a et b étant, d'autre part, beaucoup plus petites que DES GAZ DER : a HARCE à l'unité, la fraction — sera négligeable relativement - De à p, ainsi que le terme à relativement à , Les a : : s : termes — et à disparaissant de l'équation (2), v? celle-ci se confondra avec l'équation (1) qui repré- sente les lois de Mariotte et de Gay-Lussac. Ces deux lois deviennent done des conséquences né- culaires ont pour effet de diminuer le chemin moyen par- couru par les molécules dans le temps qui s'écoule entre deux chocs consécutifs et d’accroitre par conséquent le nombre de chocs survenant dans un temps donné. Cet effet équivaut à une diminution de volume dont on peut tenir compte en ajoutant à » un terme soustractif — à. En étudiant les conditions variées dans lesquelles les chocs moléculaires peuvent se produire, M. van der Waals établit que ce terme — à est égal à quatre fois le volume réellement uccupé par les molécules et qu'il faut alors remplacer N et N, par N'et N',, ces quantités étant reliées entre elles par la for- nule : L N'+ N!, v Ne ere N+N, v—b De là résulte que l'équation donnée plus haut doit étre remplacée par la suivante : 3 LCR l (N'+ N',) (0 — 8, =Y 3 mV*°. M. van der Waals montre ensuite comment on peut regarder l'attraction moléculaire comme proportionnelle au carré de la densité, ce qui lui permet d'exprimer N’, par un a a | : terme de la forme —. Observant entn que N' n’est autre que v la pression extérieure p, et qu’en outre, d’après les idées 1 reçues, la force vive S 3 V° est proportionnelle à la tem- pérature absolue, il arrive à remplacer l'équation précédente par : a (e k=) &—D =RT où R étant une constante. cessaires de l'hypothèse de Bernouilli convenable- ment interprétée. Revenons maintenant au cas où le gaz se rap- proche du point de liquéfaction. L'expérience dé- montre que, si l’on comprime un gaz à température constante, le produit du volume, par la pression, pv, ne reste pas constant, ainsi que cela devrait être si la loi de Mariotte était rigoureusement exacte. À mesure que la pression s'élève, le produit pv diminue jusqu'à une certaine valeur minimum à partir de laquelle il repasse par des valeurs croissantes. Graphiquement, le produit pv ne peut donc être représenté par une droite parallèle à l'axe des pressions; il doit être au contraire figuré par une courbe affectant à peu près la forme sui- vante (fig. 1, Amagat) : dd Minimum Fig. 1. Or, de l'équation (2) on peut tirer la valeur de pe 3 pv = RT — : + = +- y) : v D? ; et il est facile de voir que cette valeur de px est l'expression même des faits. A tempéralure constante, le premier lerme du second membre ne changera pas. En outre, on sait qu’à de faibles valeurs de p (c'est à-dire à de faibles pressions) correspondent des valeurs relativement grandes de v (c'est-à-dire de grands volumes). SR ; e 4 De là résulte que le terme négatif — l’emportera v d’abord sur le terme positif Œ mp) et que, con- formément à l'expérience, les valeurs de pv devront d'abord décroitre. Mais, à mesure que la pression p s'élève, on sait aussi que v diminue, de sorte qu'à partir d'une certaine valeur de », le terme positif ab ; : (5 +w) l'emportera à son tour sur le terme V , Salt 1 : négalif — el que les valeurs de p»v, après avoir 5 = Î passé par un minimum, prendront à leur tour des 368 P.-A. GUYE. — L'ÉQUATION FONDAMENTALE DES FLUIDES valeurs croissantes (1). On voit donc que l'équation {4) fait prévoir des variations de la quantité pv tout à fait d'accord avec celles qu'indique l'expérience; ces écarts de la loi de Mariotte, bien loin de cons- tituer une anomalie inexplicable, apparaissent dès lors comme une conséquence nécessaire de l'é- quation fondamentale des fluides L'étude des formes que prend cette équation lorsqu'on examine la dilatation des gaz à pression constante et à volume constant, nous conduirait d’une façon analogue à des résultats bien vérifiés par les faits. Nous les laissons de côté pour passer à une question présentant plus d'intérêt. III. — LES TROIS ÉTATS Reprenons l'équation fondamentale, et ordon- nons-la par rapport à v : À RT\ w (+ Must PJ VU P Cette équation est du 3° degré en +. Or, comme toute équation du 3° degré possède ou trois racines réelles ou une seule racine réelle (les deux autres devenant alors imaginaires), nous -concluons qu'un même corps esl susceptible de se présenter dans de certaines conditions de température et de pression avec trois volumes caractéristiques ou avec un seul. C'est ce que l'expérience vient confirmer : Si nous considérons, en effet, les corps au-dessus de leur température critique, — soit la température au-dessus de laquelle il est impossible de liquéfier une vapeur par la compression, — nous ne leur «connaissons qu'un seul volume caractéristique : leur volume de vapeur. Si nous soumettons ensuite ces mêmes corps à des températures assez basses pour ‘que, passant à l’état liquide, leur tension de vapeur devienne nulle ou négligeable, nous n’observons également qu'un seul volume caractéristique : leur volume de liquide. Enfin, entre ces limites extrêmes de température, un corps quelconque est susceptible d'exister sous trois états présentant chacun un volume caractéris- tique : l’état liquide, l’état de vapeur et un troisième état, intermédiaire entre les deux premiers, très instable dont l’existence, prévue par M. Lecoq de Boisbaudran et par M.J. Thomson, se trouve ainsi confirmée par la théorie. Cetétat instable, avec lequel nous sommes loin d’être bien familiarisés, joue probablement un rôle important dans les phé- nomènes météorologiques. Quelques savants ont en effet admis que la vapeur d’eau des hautes 1) La condition du minimum, donnée par l'analyse, est régions de l'atmosphère se trouve parfois sous ce troisième état instable, On expliquerait ainsi cer- taines pluies subites et torrentielles dont il est difficile de rendre compte par la simple conden- sation de la vapeur d'eau à la suite d'un abaisse- ment de température. Au point de vue expérimental, ce troisième état, intermédiaire entre l'état liquide et l’état de va- peur, est étroitement relié aux phénomènes de retard d’ébullition et de retard de liquéfaction, de sorte qu'on peut le définir comme l’état limite vers lequel tendent les liquides surchauffés d’une part elles vapeurs surcomprimées d'autre part. On voit donc que l’équation fondamentale dont nous sommes partis fait prévoir, comme une con- séquence nécessaire, l'existence d’un fluide sous trois états : l’état liquide, l’état de vapeur et l’état instable de M. Lecoq de Boisbaudran et de M. Thomson, ainsi que la possibilité des phéno- mèênes de retard d’ébullition et de retard de liqué- faction. Cette même équation va nous conduire encore à une notion bien plus importante. IV. — LE POINT CRITIQUE Les coeflicients des termes en ? et v de l'équa- lion (4) dépendent à la fois des constantes 4, b, R, et de deux éléments variables, la pression p et la température T, quise trouvent eux-mêmes fixés par les conditions des expériences. On peut dès lors concevoir que les coefticients de 2°, z et le terme ab ; connu — prennent des valeurs telles que les trois P racines de l'équation (4) deviennent égales, en d’autres termes que les volumes d’un corps à l’état liquide, à l’état gazeux et à l’état instable devien- nent eux-mêmes identiques. Cette condilion est précisément réalisée au point critique. L'expérience démontre, en effet, que le volume de la vapeur tend à s'identifier avec celui du liquide à mesure que l’on se rapproche de part et d'autre du point critique: à plus forte raison doit-il en être de même pour le volume caractéristique de l’état instable, ce volume étant toujours compris entre le volume de la vapeur et celui du liquide. On peut aller encore plus loin : Il existe des relations algébriques nécessaires entre les racines d’une équation du 3° degré et les coeflicients de celle-ci, lorsque ses trois racines deviennent éga- les. Au moyen de ces relations, eten désignant par r, O et + les valeurs que prennenty, T, ei v au point critique, on a pu établir des équations de condition entre les constantes & el à et les cons- tantes critiques 7, 0 ete. Ces équations sont : e @ ( LS (à) b 3 . ‘ = 9 PO PURE critique de l’éthylène est de + 9°,3 et sa pression P.-A. GUYE. — L'ÉQUATION FONDAMENTALE DES FLUIDES 369 3 T2 D 0 = —————— 8 X 273 KE a (1 + 3rç) (1 | Pourvu que l’on ait déterminé la pression critique et la température critique d'un corps, on peut donc calculer la valeur des constantes « et à, et, introduisant ensuite ces valeurs de a et de à dans les équations précédentes, les employer pour diverses vérifications. Nous en reproduirons deux exemples qui donneront une idée de la précision à laquelle on peut arriver. M. van der Waals a trouvé que la température critique de 58%, En d’autres termes, dans l’équa- tion (7), 0— 273 + 9°,3, etr — 58; cette équation donnera la valeur de £; celle-ci au moyen de l'équa- tion (5) la valeur de b, et de l’équation {6) enfin on tirera la valeur de a. Tous calculs faits, on a trouvé a = 0,0101 et b — 0,0029. Si l’on introduit ces valeurs de # et de b dans l’é- quation (3), on pourra calculer des valeurs du pro- duityv à une température donnée, et si les théo- ries qui viennent d'être exposées sont fondées, ces valeurs devront s'identifier avec celles qu'indique l'expérience. Cette vérification a élé faite par M. Baynes (1) au travail duquel nous empruntons les chiffres suivants; ils sont relatifs à la tempé- rature de 20° : Produit pr Pression Produit pr en atmosphères calculé observé 45,80 182 781 84,16 392 399 133,26 520 520 | 282,21 940 941 | 398,71 1254 1243 L'accord est très satisfaisant. Il en est de même de lexemple suivant extrait d'un travail de M. Korteweg (2). Le coefficient moyen de dilatation | de l’acide carbonique a été calculé à l’aide des va- ! leurs de « et de b, telles qu’elles sont données par la détermination des constantes critiques de ce gaz. L'accord entre les résultats du caleul et de l'expérience est encore plus remarquable : Coefficient moyen de dilatation de CO? Formule de Trouvé par De 0° à to M. van der Waals M. Amagat | tu 50 0,003714 0,003714 100 0,003711 0,003711 150 0,003708 0,003706 200 0,003705 0,003704 250 0,0037i3 0.003703 V. — LES ÉTATS CORRESPONDANTS, Nous avons fait remarquer au début de cette étude que l’équation des fluides, sans être rigou- (1) Baynes. Beïblätter 4,704 (1880). (2) Korteweg. Pogg. Ann. NF. 12.146 (1881). reusement applicable à toute l'étendue de l'état liquide, permettait cependant de déduire plusieurs propriétés remarquables des liquides. Nous ne suivrons pas M. van der Waals dans les dévelop- pements analytiques qui l'ont conduit à sa théorie fort ingénieuse des états correspondants. 11 nous suffira d'en indiquer les résultats qui sont assez frappants pour attirer l'attention. Physiciens et chimistes se sont en effet deman- dé depuis longtemps dans quelles conditions les propriétés des liquides sont comparables. On avait fait à ce sujet plusieurs hypothèses; quelques au- teurs avaient supposé ces conditions remplies à la température d'ébullition sous la pression atmos— phérique; d’autres, moins nombreux, à des tem- pératures et sous des pressions identiques. Toutes. ces manières d'envisager la question, absolument arbitraires, se sont trouvées en contradiction avec les faits. Or, voici que l'équation fondamentale des fluides. permet d'établir, de la façon la plus inattendue, que les propriétés des liquides sont comparables lorsqu'on les considère sous des pressions repré— sentant des fractions égales de leurs pressions cri- tiques el à des températures représentant aussi des fractions égales de leurs températures critiques. L'expérience confirme ces prévisions, pour au- tant du moins qu'on possède les éléments suffi- | sants de vérification. En d'autres termes, sinous envisageons plusieurs liquides dont les températures critiques soient 6,, 0, 6... et les pressions criliques %,, F;, T3... 3; ces liquides seront dans des conditions compara- bles toutes les fois qu'ils se trouveront à des tempé- ratures T,, T,, T,... et sous des pressions p,, p,, p,... telles que les relations suivantes soient salisfaites : 1 AC à 8 LEE ER TER 6, ©, 9 9) ch A 5 ET à RL RTS Lorsque les températures satisfont la relation (9) | on dit que ces températures sont correspondantes ; on désigne de même les pressions satisfaisant la relation (10). Enfin, si ces deux conditions sont remplies, les liquides se trouvent à des éfats cor- respondants. VI. — CoxcLusiows. Il nous reste à dire quelques mots de deux équa- tions plus compliquées par lesquelles on peut remplacer la formule de M. Van der Waals : L à ; (10) ; D) — RE (10) a Fes 11 (y — b) — RT (11) nl d 310 H. BEAUREGARD. — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE La dernière a été proposée par M. Sarrau, la première par Clausius. Elles ne diffèrent de l'équa- tion de M. van der Waals que par le mode d’éva- luation de la pression interne. Cette quantité serait non seulement une fonction du volume, — ainsi que M. van der Waals l’admet — mais encore une fonction de la température. Nous avons mentionné dernièrement (1) la bril- lante vérification que M. Sarrau a donnée de la formule qu'il propose. Aucune des deux autres équations n’a été vérifiée dans des limites aussi étendues. Rappelons cependant que ces trois relations, bien que de formes un peu différentes, donnent, pour les applications numériques, des résultats, sinon identiques, du moins très voisins, et qu'au point de vue des déductions théoriques que nous venons d'exposer, les trois formules, celle de M. van der Waals, celle de Clausius et celle de M. Sarrau conduisent d’une manière générale aux mêmes résultats. Toutes trois font prévoir qu'un fluide est susceptible d'exister sous trois états, l’état liquide, l’état gazeux et l’état instable inter- médiaire. Toutes trois nous montrent que les lois de Mariotte et de Gay-Lussac ne peuvent être vraies que dans certaines conditions et que, lorsque ces lois sont en défaut, les écarts, bien loin de constituer ‘des anomalies embarrassantes, sont au contraire des conséquences nécessaires de l'hypothèse fon- damentale sur la constitution des gaz. Toutes trois enfin conduisent à une notion précise du point critique et permettent de fixer les conditions dans lesquelles les propriétés des liquides deviennent comparables. Cest là un point capital. Le jour où | un ensemble d'expériences décisives permettra de se prononcer définitivement pour l’une ou l’autre de ces équalions, nous sommes assurés d'avance que les résullals importants qu'on a su en dé- gager n'en resteront pas moins acquis à la science. Philippe À. Guye, Docteur ès sciences. REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE A propos d'une Revue de zoologie pour 1889, j'ai eu la curiosité de tenter, à ce point de vue spécial, une comparaison entre les années 1789 et 1889. J'ai dû bientôt abandonner ce projet en raison du pe- Lit nombre des mémoires publiés il y a un siècle. C'est seulement par l'analyse d'une période de plusieurs années consécutives qu'on peul juger des progrès de la Science, quand on se reporte à une date aussi éloignée de nous, et c’est ainsi en effet qu'on pratiquait alors à la Société philomatique, où nous voyons en 1792, le secrétaire Riche présen- ter un rapport embrassant l’ensemble des travaux publiés de 1788 à 1792 et plus tard le rapport de Sylvestre s'étendre sur la période de 1792 à l'an VI. [l suffit d’ailleurs de parcourir les recueils scien- tifiques d'alors pour êlre complètement édifié sur ce point. En 1790, par exemple, les NWémoires de l'Académie ne contiennent que trois travaux ayant trait à l'hisloire naturelle, l’un sur les muscles situés à la partie antérieure du col, par Sabatier, le second sur les muscles droits du ventre, par le même, le troisième enfin sur la transpiration des animaux par Seguin et Lavoisier. Les PAi/osophical Transactions de Londres ne donnent à la même date qu'un mémoire, sur l’ambre gris; on ne trouve rien dans les 7ransactions of the Royal Sociely (1) Voir Revue Générale des Sciences du 45 mai 1890, y. 288. d'Édimbourg, un seul mémoire anatomique dans les Nova Acta de l'Académie de Saint-Pélersbourg, el'ainsi de suite. Les temps sont bien changés, el s'il me fallait aujourd'hui faire la simple énuméra- tion de tous les travaux, mémoires ou notes parus dans le courant de l’année 1889, la place qui m'est réservée pour cel article ne suffirait pas. Aussi bien n'ai-je pas la prétention de dresser dans les pages qui suivent un élat complet des travaux que nous devons aux zoologistes. Je m'en tiendrai aux ques- lions qui m'ont paru plus particulièrement préoc- cuper les esprits en ce moment et encore serai-je, en ces malières, intentionnellement incomplet, ne voulant pas m'attarder à divers points qui feront l'objet d'articles spéciaux que doit publier ultérieu- rement la Revue, ou qui ont déjà fait dans ce Re- cueil le sujet d’éludes détaillées. ; Il Il est des sciences comme la chimie, la physique, l'astronomie, etc. dont le domaine est si bien défini qu'il ne viendra à l’idée de personne de disserter sur ses limites: or ce n’est pas le cas de la zoologie. Pendant de longues années celle science, sous l'impulsion de Linné, fut réduite à la seule étude des caractères extérieurs et à la classifica- tion, et même après que Cuvier eût montré que l'anatomie, aussi bien celle des animaux vivants que celle des formes disparues (paléontologie) ne gs De H. BEAUREGARD. — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 3711 pouvait être séparée de la zoologie, nombre de zoologistes se refusèrent à entrer dans cette voie. Les progrès les plus récents des sciences ont montré dans (oute son évidence la justesse des vues de Cuvier et aujourd'hui c’est d’un accord à peu près unanime qu'on fait rentrer dans la zoologie non seulement l'anatomie, mais encore l'embryologie, la physiologie, l'anthropologie, en un mot toutes les branches de la biologie animale. Mais comme cette conception nouvelle de la zoologie ressort des progrès mêrnes de nos con- naissances, elle s'affirme davantage à mesure que -ces progrès grandissent, et la question est toujours actuelle. Cela est si vrai qu'au Congrès de Zoologie tenu à Paris pendant l'Exposition nous voyons le Professeur Perrier lire un rapport sur «les ser- vices que l’embryogénie peut rendre à la elas- sification » ; dans la même réunion, M. Filhol pré- sente une étude sur « les liens qui rattachent la zoologie à la paléontologie » et M. Topinard traite « de l'anthropologie dans ses rapports avec la zoologie ». Même préoccupation en Angleterre où le Professeur Flower, président de l'Associa- tion britannique pour l'avancement des sciences, insiste dans son d'ouverture traitant «des Musées d'histoire naturelle » sur les rapports intimes qui existent entre l'anthropologie et la zoologie, entre l'anatomie comparée et la paléon- iologie. Il déplore l’organisation défectueuse d'un grand nombre de Musées où, en dépit des progrès de la Science, la paléontologie et la biologie se trouvent séparées «au point d'empêcher de suivre le développement naturel des rapports existant entre les différentes branches de la Science. » Enfin, le Professeur de Lacaze-Duthiers, Président de PAssociation française pour l'avancement des sciences en 1889, a choisi pour sujet de son dis- cours d'ouverture «la méthode en zoologie ». La zoologie, aflirme-t-il, doit être expérimentale. L'éminent professeur de la Sorbonne tient beau- coup à ce caractère expérimental et il a longue- ment défendu son idée dans un article publié en 1872 en tlêle-du premier volume de « Archives de zoologie expérimentale ». Ce n'est pas ici le lieu d'examiner jusqu'à quel point il est nécessaire de substituer le terme «expérimental » à celui « d'observation », le fait important à retenir c'est que, pour M. de Lacaze-Duthiers, la Zoologie ne peut progresser sans le secours des diverses branches de la biologie. Il résulte de tout cela que éans une revue de zoologie nous avons à envisager à la fois les tra- vaux qui portent sur ces différentes branches. Pour mettre un peu d'ordre dans l'exposé, il nous parait utile d'examiner séparément ceux de ces travaux qui font à l'hypothèse la plus large part et discours ses ceux, plus positifs, qui font passer l'étude attentive des fails avant les théories. Il Le grand problème de l'Évolution est toujours au premier rang des préoccupations des zoolo- gistes. La théorie de Darwin basée sur la «sélection naturelle » où « survivance du plus apte », après une fortune inouïe, semble perdre quelque peu de terrain. Les enthousiastes avaient hardiment exploité l'idée nouvellementexprimée ; la sélection levait tous les voiles ; elle est invitée aujourd'hui à plus de modestie. De deux côtés en effet, d'Amé- rique et d'Allemagne, nous arrivent des intérpré- tations différentes des lois de l'Évolution. En Amé- rique une École dite néo-Lamarkienne tend à donner plus d'importance qu'on ne l’a fait encore aux deux grands principes de Lamark : 1° modifi- cations d'organes sous l'influence du milieu, de l'usage ou du défaut d'usage ; 2° hérédilé qui fixe les caractères acquis. En Allemagne une nouvelle théorie de l’hérédité nous est offerte par le profes- seur Weissmann. Pour ce qui regarde l'Écolé néo-Lamarkienne, nous relevons un mémoire de B. H. Osborn sur les preuves qu'apporte la paléontologie à la transmis- sion des caractères acquis. Sans rejeter le principe de la sélection naturelle, l’auteur pense que ce prin- cipe ne peut tout expliquer et qu'il ne saurait s’appli- quer en particulier à certaines varialions, très fré- quentes, qui relèvent de l'adaptation mais qui ne sont pas utiles au début et ne le deviennent qu'en s’accumulant. Comme exemple de variations de cet ordre emprunté à la patéontologie, Osborn signale le développement du squelette el spécialement celui des dents qu’on peut suivre pas à pas dans leur évolution phylogénique depuis la forme conique simple, propre aux premiers mammifères, jusqu'aux molaires composées, d'origine plus récente. [ei la question d’usage el de non-usage à üne place prééminente aussi bien que l'hérédité des caractères acquis. Mais pour répondre à certaines critiques qui lui ont été faites, l’auteur fait observer que ce n'est pas, comme le pensait Lamark, la transmis- sion des modifications adaptatives elles-mêmes qu'il faut entendre, mais la transmission de la disposition à ces modifications ; dans le cas parti- culier des dents, ce n'est pas la croissance elle- même, maisles réactions qui produisent cetle crois- sance dans le tissu vivant que l'on suppose être transmises. L'hypothèse, on le voit, est subtile. Il est peut-être opportun d’opposer à l'École néo-La- markienne les paroles suivantes que Flower pro- nonçait dans son discours à l'Association pour l'avancement des sciences de Londres : «Le fait de dire que telle partie de l'organisme d’un animal ou H. BEAUREGARD. — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE d'une plante, ou telle habitude ou instinet dont il est doué, sont sansutilité ou même sont nuisibles, me parait une présomption que nous ne sommes pas autorisés à avoir dans l’état actuel de la Science. » Combien cette observation a plus de force encore quand elle s'applique à des êtres disparus dont il ne nous reste que des débris! Depuis plusieurs années le professeur Weiss- mann a publié sur l’hérédité divers mémoires qui viennent d'être réunis en un ouvrage édité à Londres. La nouvelle théorie est absolument en désaccord avec les idées de Darwin et de Lamark sur l'hérédité. Weissmann en effet repousse caté- goriquement la possibilité de la « transmission des caractères acquis » qui était précisément l’une des bases des précédentes théories; il n'accepte que la transmissibililé des caractères congénitaux c'est-à-dire de ceux que possède lindividu en nais- sant. On conçoit toute l'importance d'une vue semblable qui ne tend à rien moins qu'à annihiler ou à reléguer à l'arrière plan la sélection natu- relle, Celle-ci en effet est réduite à ne plus avoir d'action que sur des modifications de rencontre, de hasard, dues au mélange de deux efforts héré- ditaires, ou sur les êtres affaiblis par les accidents ou la maladie, qu’elle fera disparaitre au profit des plus forts. Pour expliquer le lien qui unit tous les animaux etrend compte des faits d'hérédité, d'atavisme, etc., Weissmann part des êtres unicellulaires ou mono- plastidés auxquels il accorde une immortalité po- tentielle. Suivant Weissmann, les Protozoaires sont d'organisation si simple qu'ils se trouvent par là même à l'abri de l'usure physiologique, et comme d'autre part ils se multiplient par division, les deux moiliés résultant de cette division jouis- sent de la même puissance physiologique. Mais chez les animaux pluricellulaires, ce n’est plus la division simple qui préside à la multiplication de l'espèce : de là vient qu'ils ne jouissent pas de l’immortalité comme les Protozoaires; toutefois potentiellement l'immortalilé subsiste pour les cellules-germes qui existent dans chaque individu pluricellulaire et qui constituent la matière héré ditaire. Ces cellules-germes, en s’associant, produi- sent les nouveaux organismes, et de leur union procèdent les variations congénitales sur lesquelles agit la sélection naturelle. La théorie de Weissmann a subi déjà de multi- ples assauts. Cette année encore M. Maupas, dans un très intéressant mémoire sur la multiplication des Infusoires ciliés, lui porte un coup d’autant plus sensible que l’auteur est mieux placé par ses études approfondies pour avoir une idée juste de la biologie des Protozoaires. M. Maupas fait tout d'abord remarquer que bien avant Weiss- mann, Éhrenberg avait eu l’idée de l'immortalité des Infusoires : « La propagation des Infusoires, dit Ehrenberg, par divisions fissipares, supprimant toute probabilité de destruction possible de l’indi- vidu, leur confère une permanence potentielle et une disséminalion dans les mers et l'espace, qui, envisagées poétiquement, ressemblent à l'Immortalité douée d’une éternelle jeunesse. » C'est en effet au rang des idées poéliques et des rêveries qu'il faut placer, si nous en croyons les arguments de M. Maupas, l’immortalité des Protozoaires. Cet observateur conclut de ses nombreuses cultures que les Infusoires « n'échappent pas à la loi géné- rale de la sénescence; il s'usent et vieillissent par le jeu et l'exercice même de leurs fonctions ». Quant à l'équivalence physiologique parfaite entre les deux moitiés du Protozoaire résultant d’une unique répartition elle semble en effet admissible, mais M. Maupas nie qu'elle se perpétue et se main- tienne sans modifications de génération en géné- ration. Ainsi tombe tout cet échafaudage; « la théorie de Pimmortalité des monoplastidés m’est qu'une hypothèse à priori sans base solide ni scien- tifique. » L'étude des organismes inférieurs parait d’ail- leurs appelée à causer bien des embarras aux théo- riciens qui cherchent à tout expliquer d’après les données que leur fournit l’étude de phénomènes plus ou moins complexes observés chez les êtres élevés en organisation. Nous en avons une nou- velle preuve dans une courte, mais très substan- tielle note de M. Khawkine, sur le principe de l’'hérédité et les lois de la mécanique appliquées à la morphologie des êtres unicellulaires. M. Khaw= kine démontre par l'application des lois ordinaires de la mécanique que chez un Infusoire (Paramæ- cium aurelia), «le travail des cils est un facteur qui peut changer les contours extérieurs de la cel- lule ». Il examine ensuile quelle est la puissance développée par les cils et il arrive à cette conclu- sion « que la force avec laquelle le cil produit une pression latérale sur le corps est plus grande que la ténacité de ce dernier, et par suite est suffisante pour produire des enfoncements sur le corps ». Ainsi s'explique tout naturellement la présence du péristome chez la Paramécie. L'auteur oppose cette explication si simple à celle qui a été ré- cemment donnée de la formation du péristome d’un autre Infusoire (Bursaria truncatella). La trans- mission héréditaire avait élé invoquée, comme on pouvait s’y attendre, sans que l’on se préoceu- pat de ce fait que chez Bursaria aussi bien que chez la Paramécie le péristome n'apparaît que secondairement. M. Kawkine conclut en disant qu'il est temps enfin de rechercher dans les lois élémentaires de la nature l'explication des faits H. BEÉAUREGARD. — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 313 que nous offre la biologie des organismes inférieurs. Nous ajoutons qu'on pourrait se préoccuper éga- lement de faire la même application à maints phénomènes observés chez les animaux plus com- pliqués. L'aperçu que nous venons de donner montre combien est mouvant le sol sur lequel se tiennent les théoriciens. Le moment nous parait venu pour reprendre équilibre, de rappeler la phrase suivante du discours de M. de Lacaze-Duthiers cité plus haut: « Ce ne sera que par l'expérience que les grandes questions de philosophie seront résolues. que les discussions soulevées par les convictions froissées, les assertious hasardées, les déductions dites phi- losophiques, les synthèses aventureuses, manquant trop souvent de bases solides, seront justement appréciées ou définitivement établies. » Ceux des zoologistes, dit encore M. de Lacaze-Duthiers, «qui demandent tout d'abord des données posi- tives avant les données hypothétiques sont accusés sans ménagement de ne voir que les faits ». S'ils gardent quelque triste impression de ce procédé, ils peuvent se consoler en constatant l'impuissance des théoriciens à outrance. III La descendance des Vertébrés est un des cas par- ticuliers du problème général de l'Évolution qui at- lire tout spécialement l'attention. Les zoologistes constatant, ici comme ailleurs, l'insuffisance de la paléontologie qui semble unlivre dont les plus inté- ressan(s feuillets ont été arrachés, se sont rejetés sur l'embryogénie : celle science est à l'heure ac- tuelle la souree de toutes les hypothèses proposées pour résoudre la question. Partant de celte idée que dans les phases du développement individuel (ontogénie) on peut retrouver celles du développe- ment ancestral (phylogénie), on coupe en séries des embryons de tout âge et l’on s'ingénie à comparer l’état de chacune des périodes observées au cours du développement avec l'état adulte d'espèces moins élevées en organisation. Mille pièges sont d'ailleurs cachés sous celte apparente simplicité, car, en dehors de la contraction ou de la dilata- tion que peut présenter le cycle du développe- ment d’une espèce, bien des circonstances inter- viennent qui ne sont pas faites pour faciliter la tâche des embryogénistes. Quoi qu'il en soit, de très réels progrès ont été faits dans cette voie au cours de ces dernières années rendre compte des efforts nouvellement tentés. Pour le moment les recherches et les discussions ont trait principalement au mode de segmentation, à la méfamérie de la tête des Vertébrés. Il s’agit de démontrer que la tête est formée d'un certain nombre de segments ou #élamères comparables et nous devons aux segments du tronc. Prouver la structure méta- mérique du corps des Vertébrés, c'est, semble-t-il, autoriser l'hypothèse de l’existence d’un ancêtre métamérique, plus ou moins apparenté par suite à l’un des groupes d’Invertébrés à métamères bien définis, tel que celui des Annelés; c'est lout au moins, montrer que les Vertébrés présentent cer- tains caractères qui permettent de les grouper parallèlement à diverses classes d’Invertébrés. Depuis que Gegenbaur a montré tout l'intérêt qui s'attache pour la solution de la question à l’é- tude comparée des nerfs craniens et des nerfs spi- naux, on à complètement abandonné la célèbre théorie de Gœthe et Oken basée sur l’étude du squelette et tendant à démontrer que la tête est formée d'un certain nombre de vertèbres modi- liées. On parait aujourd'hui s'être mis d'accord sur un point qu'il s'agissait de déterminer tout d'abord, je veux dire l’origine première des nerfs spinaux. Des deux racines dont ceux-ci se composent, la su- périeure (sensitive) se développe aux dépens d’un cordon cellulaire continu (crête neurale), tandis que l'inférieure (motrice) nait de la moelle même, dans sa région ventrale. Beard a récemment confirmé ces faits primilivement avancés par Balfour. Ceci posé, il semble que rien n’est plus simple que de constater quels sont parmi les nerfs crà- niens ceux qui naissent de la crête neurale pro- longée. Ils devront être considérés comme les équi- valents cräniens des racines supérieures spinales et par suite comme correspondant à autant de seg- ments céphaliques. Les autres nerfs cräniens se- ront équivalents aux racines inférieures spinales, à moins qu'ils ne présentent tels caractères qui empêchent à première vue de les homologuer. Ce- pendant les choses sont loin d’être aussi simples ; d'une part en effet il y a entre les nerfs spinaux et les nerfs craniens des différences considérables dans leur arrangement et leur disposition, diffé- rences encore accrues par ce fail que les racines supérieures craniennes, contrairement aux corres- pondantes spinales qui conservent leur situation primilive, se déplacent et gagnent peu à peu par suite du développementde l’encéphale un plan plus inférieur. D’autre part, le caractère mixte des nerfs eräniens ajoute aux difficultés de la compa- raison. De là de tels obstacles que Balfour niaïit la possibilité de comparer les nerfs cräniens aux nerfs spinaux, ne retrouvant pas de racines ven- lrales chez les premiers. Récemment M. Phisalix, étudiant un embryon humain de 32 jours, a af- firmé que les nerfs crâniens sont construits sur le même plan que les nerfs spinaux et qu'en par- liculier il est possible de retrouver les racines ven- trales du trijumeau. L'étude des ganglions oph- 31/4 H. BEAUREGARD. — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE thalmiques chez les Sélaciens la conduit d'autre part à des conclusions semblables. Il admet par exemple chez ces derniers que le ganglion ophthal- mique, avec son rameau d’origine, doivent être considérés comme la racine dorsale d'une paire cranienne dont le moteur oculaire commun serait la racine ventrale. On a également cherché à établir l’homologie entre les nerfs craniens et les nerfs spinaux par l'étude de leur distribution périphérique. Milnes Marshall, continuant les recherches de Balfour, posa en principe qu'un nerf crânien, pour avoir la valeur d'un organe métamérique, c’est-à-dire d'un nerf spinal, doit fournir à une fente branchiale ou à son équivalent. Mais toute la difficulté est de recon- naitre ce qui est une fente branchiale ou son équi- valent ; c’est dire que l'hypothèse a beau jeu et que les observateurs n'arrivent guère à se mettre d’ac- cord. Van Wijhe, insistant sur l'étude des segments primitifs du mésoderme (somites, myoméres\, décrit dans la tête neuf somites qu'il considère comme homologues des somites vertébraux du tronc. Mais il constate en même temps que la partie dorsale seule ou cranienne de la tête offre la segmentation en somites distincts et il ne trouve pas ceux-ci en rapport exact avec les segments ventraux ou arcs viscéraux (limitant les fentes branchiales) qui se- raient seulementaunombre de six. Van Wijhe établit d'autre part que les nerfs se distribuent dans les segments de la tète de la même manière que dans ceux du tronc, les nerfs craniens ventraux aux muscles.dérivant des somites céphaliques et les fibres motrices des nerfs craniens muscles viscéraux dérivant dorsaux aux des lames latérales. Partant de là l’auteur dresse un tableau des méta- mères du cràne et de la distribution des museles et des nerfs dans ces métamères que Wiedersheim adopte à quelques variantes près. Dohrn cependant s’est élevé contre les vues de Van Wijhe el dans un récent mémoire Th. Shore, disculant en détails la valeur des caraclères attri- bués par cel observateur à ses somites, déclare qu'ils ne sont pas clairement établis et qu'on n'y peut trouver une base certaine de comparaison entre les nerfs craniens et les spinaux. Entre temps Beard, après maints tätonnements, est arrivé à formuler cette idée que tous les nerfs craniens métamériques se distinguent à ce qu'ils possèdent, comme les nerfs spinaux, un ganglion sur leur racine dorsale. Ce ganglion, dans la ré- gion cranienne, nail d’un épaississement de l'épi- blaste placé immédiatement au-dessus d’une fente branchiale qui donne en même temps naissance à une branche dorsale ou « suprabranchiale » et à un organe sensoriel. Beard accorde une grande importance dans la détermination de la valeur mé- tamérique des nerfs craniens à ces organes senso- riels, « branchial sense organs » (organes des sens de la ligne latérale) et à leurs rapports avec les ganglions. Shore dans un récent mémoire sur l’ana- tomie du nerf vague des Sélaciens, avec remarques sur la valeur segmentaire des nerfs cräniens, ne parait toutefois pas très enthousiaste; il reproche à Beard de prendre tantôt les fentes branchiales dans une partie de la tête comme preuve de la valeur segmentaire des organes des sens et des nerfs, {tantôt dans une autre partie de la tête les organes des sens comme preuve de l'existence de fentes branchiales plus ou moins avortées. Cepen- dant les principes de Beard sont acceplés par d'autres embryologistes et M.Houssay étudiant dans un {ravail récent la métamérie du cràne, prend pour caractères des métamères : «1° la présence d'une branchie : 2° une certaine complication de leur système nerveux périphérique indiquée par Beard. » Partant de là il trouve dans la tête jus- qu'à dix branchies, parmi lesquelles une nasale, une cristallo-hypophysaire, une hyomandibulaire et une auriculaire qui. n'avaient pas encore été franchement reconnues. Toutes ces divergences montrent assez combien la question est difficile et obscure. Cependant un nouvel élément d'appréciation qui semble avoir une certaine importance a élé indiqué par Gaskell et accepté par Beard. Suivant Gaskell, un nerf mélamérique spinal complet comprend, ‘outre les deux racines, dorsale et ventrale, dont il a été seu- lement {tenu compte jusqu'à présent, une troisième racine dite latérale, dont les fibres ne deviennent distinctes chez les animaux étudiés par lui que dans la région cervicale antérieure où elles sont représentées par les racines spinales de l'accessoire de Willis. Cette troisième racine est motrice et innerve des muscles dérivés des lames latérales. Elle comprend deux ordres de fibres, les unes se rendant à un ganglion (ganglion du sys- tème sympathique), les autres n'étant en relation avec aucun ganglion. Cette troisième racine et le ganglion deviennent pour Gaskell le point de départ d'un nouvel essai de rapprochement entre les nerfs craniens et les nerfs spinaux. En appli- quant les données ci-dessus, il est amené à con- clure que les troisième el quatrième paires cra- niennes, la partie motrice de la cinquième, la sixième et la seplième sont des nerfs métamériques complets, chacun ayant la valeur d’un nerf seg- mentaire spinal, Landis que le groupe comprenant la partie sensitive de la cinquième paire, les neu- vième, dixième, onzième, et douzième paires est composé d’un ou de plusieurs nerfs métamériques spinaux parfaits, dont les éléments ont été disso- racine 5, Lu. nd H. BEAUREGARD. — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 313 ciés. Les recherches de Gaskell ont porté sur l'homme, le chien et le mouton. Th. Shore a tenté d'appliquer les mêmes principes à des types plus primitifs et a choisi les Sélaciens. Pour le moment il ne nous fait part que de ses recherches sur le nerf vague de la raie. D’après ses observations, le nerf vague ne contient pas tous les éléments d'un nerf métamérique parfait ; il lui manque en particu- lier les fibres motrices somatiques (racines ven- trales); l’auteur était arrivé précédemment à la même conclusion dans ses études morphologiques sur le nerf vague des Élasmobranches, de la gre- nouille et des amniotes. Pour Shore, le nerf vague n’est pas un nerf mélamérique, c’est un composé de rameaux viscéraux des nerfs spinaux antérieurs et des reqrésentants des ganglions cérébroïdes et des cordons latéraux du système nerveux des Inver- tébrés. Puisque nous parlons du nerf vague, c'est le cas de nousrendre compte des renseignements que don- nent les recherches embryogéniques sur la nature du nerf de la ligne latérale (rameau latéral) qui est une branche du vague. D'après Shore, le « rameau latéral» aurait une origine très ancienne el devrait èlre considéré comme l'équivalent des cordons latéraux des Némertiens, du système nerveux prin- cipal des Annélides et des Arthropodes et peut-être aussi de l'anneau nerveux des Cœlentérés. Beard dans une récente note confesse que les essais d'homologie du système nerveux des Verlébrés, soit chez l'embryon, soit chez l'adulte, avec celui des Invertébrés, n'ont encore eu que peu de suc- cès. En ce qui concerne la ligne lalérale et le rameau latéral, il admet qu'ils naissent de la partie postérieure du renflement épiblastique du vague et que le rameau latéral doit être considéré comme un prolongement de quelques suprabranchiaux soudés. M. Houssay est d’un autre avis. Les renfle- ments épiblastiques qui fournissent aux ganglions craniens ne sont pas segmentés au début, comme le suppose Beard ; ils forment de chaque côté un cordon continu et la ligne latérale n’est que le prolongement en arrière de ce cordon. Dès lors, le nerf laléral « ne représente pas des suprabran- chiaux soudés, mais bien une somme de parties homodynames aux ganglions cràniens. » D'après ce qui précède, on voit qu'on esl encore loin de s'entendre au point de vue dela mélamérie de la tête aussi bien pour les grandes lignes que pour les points de détail, Est-il permis, d'après le peu que nous savons sur la mélamérie des Vertébrés, de les comparer sous ce rapport aux Invertébrés? Nous ne devons pas oublier à ce propos de rappe- ler avec Wiedersheim qu'en tous cas nos connais- sances ne nous permettent pas de supposer avec certitude une forme ancestrale segmentée, car chez les Vertébrés «l’ébauche du système nerveux cen- tral est absolument homogène, sans aucune trace de segmentation ». Celle-ci est secondaire et non primitive. Reste à savoir si la métamérisation chez les Invertébrés doit être considérée comme un phénomène primitif ou comme un phénomène de complication. Suivant M. Perrier la métamérisa- tion totale serait le phénomène primitif et parmi les Annelés par, exemple, les formes les plus com- plètement métamérisées seraient les plus primi- tives; cela semble indiquer que la segmentation dans les deux groupes n'a pas la même valeur et qu'elle ne peut servir de terme de comparaison. On sait que par la considération des organes néphridiaux Semper et Dohrn ont élé amenés à faire dériver les Vertébrés des Annelés; à ces rai- sons et à d'autres encore que nous ne pouvons exposer ici, faut-il joindre la preuve nouvelle que Beard croit avoir trouvée de la convenance de ce rapprochement. Il pense pouvoir démontrer l’ori- gine bilatérale du système nerveux central chez les Vertébrés. Beard montre en effet que chez l’'em- bryon des Vertébrés comme chez les Annélides les deux bandes neuro-épithéliales sont séparées l’une de l’autre par une gouttière ciliée, qui, en s'ac- croissant, forme la plus grande partie sinon la Lola lité de l’épithélium cilié du canal central perma- nent. — On ne devra pas oublier que la bilatéra- lité du système nerveux des Annelés parait n'être que secondaire, car Kleinenberg a démontré que le système nerveux des larves d’Annélides a une symétrie radiaire et il est même parti de là pour rapprocher ces larves des méduses. Si les Annelés doivent prendre parmi les Inver- tébrés, par rapport aux Vertébrés, la place impor- tante qu'on semble leur assigner en ce moment, nous devons accueillir avec satisfaétion tous les renseignements qui nous parviennent sur ce groupe d'animaux. Signalons, entre autres, un mémoire sur le développement des Annelidés dû à M. Roule. Les recherches de l’auteur ont porté principalement sur un petit Oligochète limicole, l'Enchytræoïdes Marioni. De ses études l’auteur con- clut que la fameuse division des Métazoairesen En- térocæliens et Pseudocæliens établie par les frères Hertwig ne saurait être acceptée. Suivant cette théorie qui a suscité déjà un grand nombre de tra- vaux favorables ou défavorables, Le cælome (cavité générale du corps) dérive de l'archentéron (cavité intestinale primitive) ou en est complètement indé- pendant. Dans le premier cas (entérocæliens) le mésoderme prend naissance aux dépens d'un feuil- let du blastoderme dont les éléments sont disposés en couches épithéliales; dans le second cas (pseu- docæliens) les feuillets du blastoderme produisent des cellules qui émigrent et, pénétrant dans 316 H. BEAUREGARD. — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE l'espace laissé entre eux, s’y disposent sans régu- larité pour donner naissance aux tissus conjonctifs et musculaires du mésoderme. Cette théorie élève une barrière entre les Mollusques et les Annelés, les premiersétant des pseudocæliens et les seconds des entérocæliens. M. Roule n'accepte pas cette division ; d'après lui le cœlome des Mollusques est homologue de celui des Annélides, et on peut re- trouver dans les deux groupes le mémemode d’évo- lution du mésoderme ; en effetsi chez les Archianné- lides les fibres musculaires se développent suivant le procédé épithélial propre aux Entérocæliens, chez Enchytræoïdes elles prennent naissance par le mode mésenchymateux propre aux Pseudocæliens. En conséquence l’auteur, se basant sur les rapports morphologiques des larves d'annélides et de mol- lusques déjà signalés par Hatschek, conclut ‘au rapprochement des deux groupes en un seul embranchement : celui des Trochozoaires. Le squelette des extrémilés est toujours de la part des anatomistes l’objet de théories (endant à l'établissement d’un type duquel dériveraient les modifications si multiples qu'offrent ces parties. Deux points sont à considérer dans cette question, suivant qu'on s'occupe du nombre des doigts ou du nombre des phalanges. Pour ce qui est du nombre des doigts, il a consi- dérablement augmenté dans ces dernières années. L’extrémité pentadactyle a cessé d'être le type reconnu, pour faire place à l'extrémité heptadac- tyle. Malheureusement on n’a pas encore défini ce qu'il faut entendre par un doigt et l’on ne paraît guère tenir compte en ces malières de l’embryo- génie; car ce n’est pas faire de l'embryogénie, à mon sens, que de relever dans le carpe ou le tarse des embryons un nombre plus ou moins grand de cartilages, d'en décrire les formes et d'en mesurer les dimensions. Pour cette fois encore, ce sont des preuves pure- ment morphologiques qui nous sont apportées. Bardeleben a décrit il y a quelques années au côté interne du carpe et du tarse d'un grand nombre de mammifères, des rudiments d’un sixième doigt (præpollex et præhallux). Puis, il lui a plu de regarder le pisiforme et la tubérosité du caleanéum comme des rudiments d’un septième doigt externe (postminimus). Ainsi a élé constituée l'extrémité heptadactyle. Bardeleben donne nouvelles preuves morphologiques de sa manière de voir, de tirées de l'examen de diverses pièces anatomiques dans les musées de Londres et de l'Amérique du Nord. Il cite le Pedetes camensis chez lequel il a observé un præpollex formé de deux os et portant un ongle vrai. Il a vu aussi un spécimen de Bathyer- qgus maritimus dont le præpollex et le postmini- mus sont tous deux très développés. Ce dernier con- siste en deux os dont le proximal (le vrai pisiforme) a > millimètres de long et le distal 7%%,5. Il regarde ce dernier comme le métacarpien de son postmi- nimus. Enfin il reprend l'étude de l'extrémité antérieure de Theriodesmus phylarchus, spécimen fossile étudié par Seeley et dont la place parmi les Vertébrés est fort incertaine. Seeley avait décrit trois centraux. Pour Bardeleben l’un d'eux, celui qui siège sur le bord du scaphoïde et du trapèze, est l'os proximal du præpollex; un petit os omis par Seeley siégeant sur le bord du trapèze serait l'os distal du même præpollex. On peut voir par là le rôle que peut jouer l'interprétation dans ces ques- tions. Si l’on objecle que dans un grand nombre de cas il ne s’agit peut-être que d'anomalies, Barde- leben répond que les observations sont assez nom- breuses maintenant pour autoriser à regarder les cas de polydactylie, même chez l'homme, comme des exemples d'atavisme et non comme des ano- malies. L'heptadactylie a été retrouvée chez les Amphi- biens, les Reptiles et les Mammifères, mais chezles Oiseaux on n’a pu encore observer que six doigts. Pour eux, jusqu'à plus ample informé, l'hexadac- tylie est la règie. On sait que Parker aurait en effet constalé chez les embryons d'Oiseaux outre les trois doigts normaux, l'ébauche de trois autres doigts qui disparaissent plus tard. F. Cowper nous fait connailre un cas d’hexadacetylie chez un Gallus domesticus variété Dorking, adulte. Le sixième doigt se trouve placé entre le métatarsien rudimentaire portant deux doigts qu’on observe chez beaucoup d'oiseaux pentadactyles et la Lubérosité de l’éperon. Etant donné le courant actuel des idées, on ne doit pas s'étonner de voir Cowper considérer ce fait non comme une anomalie, mais comme un cas d’ata- visme. Un très intéressant mémoire de Leboucq sur la morphologie de la main chezles Pinnipèdes reporte l'attention sur la question controversée de l’hyper- phalangie des Cétacés. Un naturaliste américain, Ryder, avait cru pouvoir considérer l'allongement ‘des doigts des pinnipèdes comme le premier degré de la transformation qui aboutit à l’hyperphalangie des Cétacés. Il avait été suivi dans celte voie par des anatomistes comme Weber qui cherchent à prouver une filiation entre les Cétacés et les Car- nassiers amphibies. Leboueq établit que la main de ces derniers transformée en nageoire est en réalité un résultat d'adaptation à la vie aquatique, car chez le fœtus la forme des extrémités se rap- proche plus de celle des Carnassiers terrestres que chez l'adulte; tandis que chez les Célacés la na- geoire est atavique, car dans le fœtus elle s'écarte encore plus du Lype marmmifère terrestre que dans L D nn à à H. BEAUREGARD. — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 317 l’adulte où l’hyperphalangie très développée rend | tage entreprises dans le but d'étudier les cou- déjà impossible toute comparaison avec les mam- mifères terrestres. D'ailleurs chez les Pinnipèdes bien que l'extrémité s’allonge et prenne la forme d’une nageoire, on ne constale aucune augmenta- tion dans le nombre des phalanges ; c’est, comme le démontre Leboucq, la partie des doigts corres- pondant à la région de la pulpe qui s’allonge con- sidérablement au-dessous et en avant de l’ongle en une tige cartilagineuse ou fibreuse soutenant la nageoire et ce processus ne peut en aucune ma- nière être comparé à celui qui donne naissance à la nageoire des Cétacés chez laquelle le squelette lui-même est profondément modifié par l’addi- tion de nouvelles phalanges produisant l’allonge- ment de l'extrémité. Un mémoire de Howes sur la morphologie et la genèse des phalanges surnumé- raires et particulièrement de celles des Anoures vient à l’appui de la thèse soutenue par Leboucq. Les phalanges surnuméraires sont d’origine inter- calaire et par suite elles ne peuvent être considérées comme secondaires et nées de la segmentation de la baguette cartilagineuse terminale qui, chez l’Otarie, par exemple, prolonge les doigts et sou- tient l’extrémité de la nageoire. MI L'ouverture des nouvelles galeries de zoologie du Muséum d'histoire naturelle de Paris est un fait important pour la science française el nous ne saurions le passer sous silence. Les riches col- lections zoologiques entassées jusqu'ici dans des salles obscures ou dans des magasins ont aujour- d'hui un emplacement digne d'elles. Il nous est impossible d'entrer dans le détail des nouveaux aménagements ; nous ne ferons qu'émettre le vœu de voir bientôt s'achever l'œuvre commencée, par la construction de galeries destinées aux diverses branches de la zoologie qui n’ont pas trouvé place dans les nouveaux bàtiments. De toutes parts d’ailleurs de grands efforts sont faits pour enrichir les musées el pour étendre nos connaissances sur maintes formes animales encore mal connues ou complètement ignorées. Le Pro- fesseur Vaillant vient de publier les Poissons re- cueillis au cours des expéditions du 7ravailleur et du Talisman; Günther ceux recueillis par le Challenger. Pelsener d'autre part a publié les Mol- lusques des grandes profondeurs, Carpenter les Comatules et Sladen W. Percy les Astéroïdes re- cueillis dans la même exploration. Quelques-uns des résultats obtenus par le Prince de Monaco dans ses voyages à bord de son yacht l’Æwrondelle ont été également publiés el parmi eux nous relevons particulièrement un beau mémoire dû au Profes- seur G. Pouchetet relalif aux expériences de flot- ran(s de l'Atlantique nord, problème qui intéresse vivement à la fois la météorologie et la zoologie des côtes françaises. Des trois campagnes de 1885, 1886 et 1887, au cours desquelles de nombreux flotteurs ont été lancés dans des directions déter- minées en prenant pour point de départ le groupe des Açores, il résulte qu'il existe dans l’Allantique nord vers le 43° long. O. de Paris et le 42° lat. N., une zone indifférente, « sorte de château d’eau », s’emplissant par le N. et par l'O. se vidant par le N.-E. et le S.-E. De là il semble qu'une nappe d’eau s'écoule en éventail du Spitzherg aux Cana- ries. Il est établi d’une manière péremptoire que nos côtes françaises ne reçoivent au moins en été, aucun courant de surface venant du $S.-0. mais au contraire un courant descendant de l’O-.N.-O. et qu'il faut en tous cas rejeter comme une erreur cette idée longtemps acceptée que nos côtes sont échauffées par une branche quelconque du Gulf- Stream. Ce n’est donc pas au Gulf-Stream qu'il faut s'en prendre si cerlains poissons migrateurs comme les sardines manifestent depuis quelques années une tendance às'écarter de nos côtes. Cette question du régime de la sardine a pris depuis peu en France une importance considérable. Le Professeur G. Pouchet, directeur du laboratoire de Concarneau, était on ne peut mieux placé pour l'étudier et y apporter quelques éclaircissements et nous lui de- vons une série de recherches des plus instructives. Depuis 1880, l’industrie de la sardine passe par une phase critique. On a compté six années mai- gres séparées par une année moyenne, 1883. Le fait s’est déjà présenté d’ailleurs et s'observe pour d'autres poissons à mœurs analogues, comme le hareng qu'on cesse de pêcher sur les côtes de Norwège parfois pendant des périodes de trente à quarante ans, au bout desquelles le poisson repa- rait et la pêche reprend. Il ne semble donc pas qu'on puisse incriminer pour la sardine comme on l’a fait, même dans des documents officiels, des causes telles que le Gulf-Stream, l'influence des ba- teaux à vapeur (!) ou l'emploi d'instruments de pêche plus ou moins destructeurs. Il y a d’autres causes, d’une importance bien autre, mais que dans l'état actuel de la science il est fort difficile de déméêler, car nos connaissances sur la vie du monde de la mer sont à peu près nulles encore. Le Professeur G. Pouchet, convaincu qu'on n'arriverait à aucun résultat si l’on ne parvenait à connaître les condi- tions de la vie de la sardine, s’est mis à l'œuvre, el les résultats qu'il a obtenus jusqu'ici, sans lever encore tous les voiles, offrent un intérêt capital et démontrent amplement que toutes les mesures prises pour empêcher la soi-disant destruction de la 378 H. BEAUREGARD. — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE sardine par les procédés de pêche n'arriveront qu'à laisser à leur élément quelques milliers de sardines de plus qui ne sauraient compter dans l’innombrable quantité qui existe. Ce sont des mesures vexatoires et rien de plus, propres seulement à détruire à bref délai la moyenne industrie au profit des grandes usines où se fabriquentles conserves de ce poisson. La sardine se présente sur nos côtes sous deux aspects différents. L'une, dite de dérive, mesure 53 à 24 centimètres; l’autre, dite de rogue, à une laille variable de 6 centimètres (très rare) à 14 ou 15 centimètres. Le professeur G. Poucheta démon- tré qu’elles ne sont qu'une seule et mème espèce, la sardine de dérive seule élant adulte et pouvant présenter des œufs prêts à être pondus. Or la sar- dine de dérive ne se montre sur les lieux de pêche que vers le milieu de mai et la période très courte pendant laquelle elle apparait coïncide précisément avec l'apparition en abondance de bancs de sardines jeunes (de rogue). On peut il est vrai rencontrer dans la saison d'hiver des sar- dines (Douarnenez, janvier 1890) sur les côtes françaises, mais leurs organes génitaux sont tou- jours rudimentaires ; il n’y a done aucune preuve que cette sardine ponde au rivage, où simplement sur les fonds accessibles aux instruments des pêcheurs. Toutes les présomplions sont pour le contraire. Les bancs de sardine jeune, aussi bien que ceux de sardine adulte se renouvellent sans cesse sur la côte, comme si leur déplacement s’opé- rait dans un plan normal à la ligne du rivage. En fait, l'apparition périodique annuelle de la sardine jeune dans les eaux océaniques françaises est un phénomène solaire, sans qu'il soit possible actuel- lement de déterminer le facteur immédiat. On est réduit aux conjectures relativement aux causes de déplacement de la sardine, ainsi qu'à la raison des tailles diverses que présentent les différents banes se succédant en un même lieu. On s'accorde généralement à admettre, ainsi que le démontrent les observations du Professeur Marion de Marseille, que la sardine grandit d’un centimètre par mois en moyenne. Les jeunes sardines qui arrivent en bancs serrés sur nos côles auraient donc de 14 à 16 mois (elles se montrent bien plus jeunes sur les côtes de la Méditerranée). Mais comment établir le chemin parcouru par elles? On ne peut expliquer non plus davantage en raison de quelle loi la sardine de rogue se montre plus tôt auS. vers les sables d'Olonne qu’au N. et disparait plus tôt également au S. qu'au N. Les condilions thermiques générales qu'on pourrait invoquer ne donnent en fait aucun éclaircissement. D'autre part, les dimensions variées qu'offrent les différents bancs se succédant en un même lieu, parfois à 24 ou 30 heures d’inter- valle, indiquent des âges différents et par suite une ponte répartie sur l'année entière, indépendante par conséquent du cycle solaire qui cependant règle d’une manière si manifeste les déplacements de l’animal dans les eaux françaises. Cette consé- quence semble en entrainer une autre, à savoir que la sardine pond dans des eaux d'une tempéra- ture constante, c’est-à-dire dans des eaux pro- fondes, loin des côtes. On voit d'après ce qui précède combien le pro- blème est complexe. Les observations du Profes- seur G. Pouchet ont révélé sur le régime de la sar dine des faits fondamentaux. Il reste de nombreux points de cette histoire à élucider, mais en tout cas, il résulte clairement de ces premières re- cherches que le mode employé pour la pêche n’a rien à voir avec l'abondance plus ou moins grande des bancs de sardine. Une autre question de zoologie appliquée préoc- cupe également notre pays; c'est celle des invasions de criquets qui en ce moment encore désolent cer- laines parties de l'Algérie. Persuadé que là encore la solution du problème se trouve dans une étude plus approfondie de la biologie de ces insectes dé- vastateurs, le Gouvernement a délégué M. Künckel d'Herculaïs pour étudier sur place les mœurs de ces animaux. M. Künckel commença par établir exactement à quelles espèces on avail à faire : il régnait sur ce point une grande confusion. Les espèces des invasions actuelles sont le S/auronotus maroccanus el le Caloptenus italicus, Elles font leur apparition en juin et juillet, puis pondent leurs coques ovigères d'où les jeunes sortent au prin- temps suivant. Contrairement à l'opinion générale, ce n'est pas dans les régions du Sud du Sahara, voire du Soudan, que viennent les migrations, mais des montagnes et des hauts plateaux de l'Algérie. M. Künckel insiste sur la nécessité de pousser acti- vement le relevé de cartes orographiques indiquant les foyers de multiplication, au moyen desquelles on pourra dresser des cartes de prévision et pré- parer ainsi à coup sûr l'application des procédés de destruction. Nous apprenons par les journaux que l'invasion cette année semble prendre un caractère de gravilé exceptionnel dans certaines régions, en particulier dans la province d'Oran, espérons que les études entreprises nous garantiront pour l'avenir de telles destructions et que la science y gagnera de mieux connaître la vie de ces insectes. H. Beauregard, Aide naturaliste au Museum, Professeur agrégé à l'École Supérieure de pharmacie. PR + 319 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Salmon {G.), Professeur au Trinity-College à Dublin. — Leçons d’algèbre supérieure. Ouvrage braduit de l'an- glais par O. CuemiN, Ingénieur en chef des ponts el chaus- sées, Professeur à l'Ecole Nationale des ponts el chausées. Deuxième édition française, publiée d'aprés la quatrième édition anglaise, Un fort volume de in-8°, 577 pages. Gauthier- Villars et fils, 1890. Le Traité d’Algèbre supérieure de M. Salmon est bien connu et il n’y a plus à en faire l'éloge; c'est un ouvrage qui est devenu classique en France. La nouvelle édition francaise que publient MM. Gau- thier-Villars est plus complète que la précédente; elle est conforme au texte même de M. Salmon qüe l’on avait cru, dans un but de simplification, devoir modi- lier sur certains points dans la première édition; elle se termine comme elle par les deux lecons de M. Bazin sur les formes quadratiques ou cubiques, lernaires et quaternaires, suivies des deux notes célèbres de M. Hermite sur les invariants des formes du cinquième degré et sur l’invariant gauche des formes du sixième, découvert par le P, Joubert, L. O. Gomes Teixeira (F.) Director da Academia Poly- technica de Porto. — Curso de Analyse infinite- simal. Calculo integral (primeira parte). Porro, typo- graphia occidental, 66, rua da Fabrica, 1889. L'ouvrage de M, Gomes Teixeira constiluera un cours complet de calcul infinitésimal; le premier volume seul à paru jusqu'ici; il contient la théorie des inté- grales indéfinies, celle des intégrales définies, l'inté- uralion des équations différentielles partielles du pre- mier ordre et des ordres supérieurs; il se termine par Pétude des équations aux dérivées partielles. Ces divers sujets sont exposés avec une grande clarté et une compétence remarquable ; l'auteur, dont le nom est bien connu des mathématiciens, est au courant de tous les travaux récents et il a,en même {emps, une grande habitude du professorat. Cette double qualité se reconnait à chaque page de son livre. Des applications géométriques bien choisies complètent les diverses théories. 0; : Barré de Saint-Venant, Membre de l'Institut. — Courbes représentatives des lois du choc longi- tudinal et du choc transversal d’une barre pris- matique, publiées par M. FLAMaANT, ingénieur cn chef des Ponts et Chaussées. Journal de l'Ecole polytechnique, 59€ cahier, Gauthier- Villars et fils, 1889, M. Flamant vient de publier, dans le Journal de l'Ecole polytechnique, des courbes données, il y à environ 25 ans, par feu de Saint-Venant pour représenter graphiquement les lois du choc longitudinal ou du choc lransversal d’une barre prismatique heurtée à son extré- mité ou à son milieu par un corps d’une masse compa- rable à la sienne, Les ordonnées de ces courbes sont exprimées par des séries convergentes dont l’auteur n'a pris que les premiers termes; il a craint que les termes négligés ne fussent, dans leur ensemble, assez importants pour modifier les formes qu'il avait déduites des premiers et ce scrupule l’a empêché de publier son travail. Depuis lors, les équations du problème relatif au choc longitudinal ont pu être intégrées en termes finis par M. Boussinesq, et les lois de ce choc, repré- ET INDEX sentées par des courbes exactes qui ont été publiées dans les Comptes rendus les 16, 23, 30 juillet et 6 août 1583. La comparaison de ces courbes exactes avec celles que de Saint-Venant avait déduites des séries, faite par M. Flamant, montre que les différences sont, en somme, plus apparentes que réelles et que l'allure générale des courbes n’en est pas modifiée. On peut en conclure, par analogie, qu'il en est sans doute de mème pour celles qui sont déduites des premiers termes des séries représentant les lois, encore inconnues, du choc transversal. Elles donnent en tous cas, sur ces lois, une première indication permettant de déduire quelques conséquences pratiques qui, si elles ne sont pas absolument exactes sont néanmoins très-précieuses. puisqu'elles constituent tout ee que l'on sait aujourd'hui sur ce sujet si important au point de vue de la stabilité des constructions. L. O. Petitcol, Capilaine l'artillerie de marine, — De l’in- fluence d'un vent parallèle au plan de tir sur les portées des projectiles. — Mémorial de l'Artillerie de la Marine, 26° année, 2° série, tome XNIIL, 2° livrai- son de 1890, Imprimerie Nationale. L'influence du vent sur les projectiles a été bien sou- vent étudiée; de très nombreuses expériences ont été faites et des formules diverses ont été données, M. Pe- titcol lui-même avait déjà traité la question dans le tome XIV du Mémorial; il la reprend aujourd’hui pour y apporter une précision plus grande, Il propose d'admettre comme mesure de l'effet du ven: l'expression WT (42 | \# où VW est la vitesse du vent dans le sens du tir, T la durée du trajet, V la vitesse initiale du projectile, V, sa vitesse en arrivant au but, Lorsque l'angle de tir est petit, v est voisin de lPunilé et l’influence du vent est très faible ; mais si l'angle de tiraugmente, v diminue, l'effet du vent croit constam- ment et tend vers la limite WT qu'il n'atteint jamais. L, O. Æhurston (KR. H.), Director of Sibley College, Cornell University. — Reflections on the Motive Power of Heat and on Machines fitted to develop that Power. — Fi'om the original french of N. L.S. Carnot. New-York: John Wiley etSons53, Eust Tenth Street, 1890. M. Thurston, le célèbre ingénieur américain, à eu l'idée « pour resserrer les liens qui font des ingénieurs une seule famille », de traduire en anglais le chef- d'œuvre de Sadi Carnot et de le faire connaître ainsi à tous ceux qui ne parlent pas lefrancais, Il a réuni dans un volume les réflexions sur la puissance motrice du feu, une notice originale sur l’œuvrede Sadi Carnot, le portrait biographique dû à M. H. Carnot et publié dans la dernière édition de l'ouvrage, faite par MM. Gauthier- Villars, le célèbre mémoire de sir William Thomson intitulé « Contribution à la théorie de Carnot », enfin un grand nombre de notes rédigées par Sadi Carnot lui- même, Le volume ainsi formé aura, nous en sommes con- vaincu, un grand succès en Angleterre et en Amé- 380 rique ; d’une part, en effet, peu de personnes, dans ces deux pays, ontpu lire le prodigieux petitlivre de 182% où presque toute la thermodynamique était pressenlie, et, d'autre part, la notice écrite par M. Thurston est du plus haut intérêt, " A0! 2° Sciences physiques. Janet (Paul). — Etude théorique et expérimen- tale sur l'aimantation transversale des conduc- teurs magnétiques. Thèse de physique présentée à la Faculté des sciences de Paris, Gauthier- Villars, 1890. Un corps magnétique quelconque peut ètre aimanté par influence, de deux facons différentes : ou bien il est placé dans le voisinage d’un système d’aimants fixes oude courants électriques extérieurs, c’estle casle mieux connu, le seul même que l’on examine d'ordinaire ; ou bien il est parcouru par un courant, circulant ainsi dans la masse même soumise à l’aimantation. Au point de vue mathématique les deux cas se distinguent net- tement : dans le premier, les forces magnétisantes dépendent d'un potentiel, dans le second, au contraire, elles n’en dépendent pas. Ce second cas, le plus difficile, a été peu étudié jus- qu'à présent; Kirschoff a seulement donné les équa- tions générales correspondantes sans aucun dévelop- pement; la théorie restait presque complètement à édifier, M. Paul Janet a traité le problème analytique- ment et vérifié par l'expérience les conséquences déduites de ses calculs. Nous ne pouvons indiquer ici que très sommaire- ment la marche élégante de l'analyse. L'auteur s'ap- puyant sur la théorie de Maxwell, établit d’abord que le flux d'induction magnétique se conserve dans tout l'espace, y compris les conducteurs, magnétiques ou non, parcourus par des courants quelconques : ce théo- rème constitue l’un des résultats les plus généraux de l'électromagnétisme. Il étudie ensuite comment on pourrait mettre en équation le problème général de l’aimantalion, considérée dans le cas d’un coefficient d’aimantation variable avec la force magnétisante ; en supposant ce coefficient constant, de notables simplifi- cations se produisent : on arrive aisément aux équa- tions générales ; on leur peut appliquer la méthode de Carl Neumann. Le cas qui se présente le plus naturel- lement dans la pratique, est celui d’un cylindre quel- conque parcouru dans le sens de sa longueur par un courant uniforme; la recherché des lignes d’aimanta- tion se ramène alors à une quadrature, Si la section du cylindre est simple, les intégrations pourront facile- ment être poussées jusqu'au bont; dans le cas d’une éllipse par exemple, les lignes d’aimantation sont elles- mêmes des ellipses toujours moins aplaties que la section droite du cylindre ; cette conséquence n'aurait pu évidemment être établie à priori; il résulte de là qu'il existe une distribution superficielle du magné- tisme, et que l’ellipse est partagée en quatre quadrants alternativement positifs el négatifs, Dans la seconde partie du mémoire, M, Janet décrit les expériences qu'il a instituées, L'une d'elles est bien simple, mais fort instructive. Si l’on prend un cylindre circulaire, es lignes d’aimantalion produites par le courant seront des cercles concentriques:; la densité sera nulle en tous les points de la surface; Paimanta- tion n'aura aucune action extérieure; elle existe pour- tant et peut produire certains effets; Villari a démontré dès 1869 qu'un fil de fer tendu rectilignement a un coefficient de self-induclion très notable; la création de l’aimantation transversale exige une certaine quan- tité d'énergie, et c’est à cette énergie supplémentaire qu'est dù l’accroissement du coefficient de self-induc- tion; mais personne n'avait jusqu'à présent démontré par une expérience directe l'existence du magnétisme intérieur dans le cylindre; M. Janet prend un cylindre d'acier séparé en deux parties par un plan diamétral, EL Le 2 ORALE. : à SUR BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX et dont les parties planes sont rodées avec soin; si l'on fait passer dans le cylindre un courant assez in- tense, il acquiert une aimantation transversale perma- nente, qu'il est facile de mettre en évidence en séparant après la rupture du courant les deux parties du cylindre : il se forme alors sur chaque plan diamétral deux lignes polaires parallèles à l’axe du cylindre, que l’on peut révéler comme d'ordinaire à l’aide d’un spectre magné- tique. Dans le cas du cylindre elliptique, Pautaur vé- rifie par le même procédé les conséquences de la théorie, mais ici l’aimantation présente une densité superficielle différente de zéro et se manifeste à l'extérieur sans aucun artifice, Ces vérifications sont purement qualitatives, car elles se font sur le magnétisme rémanent restant dans la masse d'acier après la rupture du courant et non sur le magnétisme induit lui-même, M. Janet à été plus loin : il a obtenu des vérifications numériques de là théorie ; à cet effet, il étudie la distribution de Paiman- tation transversale dans un tube cylindrique à seelions circulaires, mais sans supposer le coefficient d’aiman- tation constant, et il montre comment l’on peut faire servir celle aimantation à mesurer ce coefficient par une méthode d’induction mutuelle, Ces mesures, effec- tuées avec grand soin, ont été reprises sur les mêmes échantillons par les méthodes classiques et les résul- lats ont élé très concordants. On voit, en résumé, que M. Paul Janet est parvenu à résoudre un problème difficile; ses expériences sont fort ingénieuses et très probantes, et, ce qui ne gûte rien, son mémoire est écrit dans un style particulière- ment clair et élégant. Lucien Poincaré. Nichols (Edward L,) and Franklin (William S.). — Expérience sur la question de la direction et de la vitesse du courant électrique. American Journal of Science, Lt. 37, 1889. Un courant est-il dù à un mouvement de l'électricité le long d’un conducteur, mouvement se produisant dans une direction et avec une vitesse déterminées ? Fæppl a essayé de résoudre la question et a donné une réponse négative; mais sa méthode manquait de sensibilité. MM, Nichols et Franklin l’ont reprise en la perfection- nant, ! On observe la déviation d’un système d’aiguilles asta- tiques sous l'influence d’un courant qui passe dans un fil roulé sur un multiplicateur. Faisons tourner ce mul- tiplicateur; si l’on admet que le courant électrique a le long du fil une vitesse déterminée, la vitesse relative de l'électricité par rapport au système astatique va- riera, par suite la déviation. L'appareil est sensible à un courant G,. Quand le fil est traversé par C,, et qu'il est animé d’un mouvement de vitesse V, l'intensité varie dans le rapport —, w élant la vitesse de l’électricité dans u ANT le fil; elle varie donc de —-, Si l’on n’observe rien, u s GX 4 ire : . c’est que = TE On emploie une bobine u Gr plate de caoutchouc durci, présentant une gorge dans laquelle on enroule un grand nombre de tours de fils; sur les deux faces sont deux plaques de cuivre percées suivant l'axe, servant de pôles, et contre lesquelles on applique des frotteurs. On peut donner à la bobine autour de son axe une vitesse de 400 tours par seconde, Si on lance dans le fil le courant alternatif d’une dynamo à 40,000 renversements par minute, l'aiguille reste au zéro quand le conducteur est au repos; elle y reste encore quand il est en mouvement, Des dimensions de l'appareil et de sa sensibilité, les auteurs concluent que la vitesse du courant électrique dans ce fil, — si cette vitesse existe, — dépasse 9 X 1010 centimètres par seconde, Bernard BRrUNuES. BIBLIOGRAPHIE. —— ANALYSES ET INDEX 381 Colson (A.), Répétiteur à l'Ecole Polytechnique. — Sur quelques applications de la thermochimie à l’étude de la constitution des alcalis organiques. Annales de Chimie et de Physique, mars, 1890, L'auteur a déterminé les chaleurs de. dissolution et de neutralisation de la pipéridine, de la pyridine, de la nicotine et de la quinoléine, Si l'on compare les nombres obtenus à ceux donnés précédemment pour beaucoup d’autres bases par MM, Berthelot, Longuinine, Thomson, H, Gautier et Vignon, il en résulte que : 1° Dans un même groupe, la chaleur moléculaire de neutralisation baisse progressivement de l’amine pri- maire à l’amine tertiaire, la somme de la chaleur de dissolution de la base et de la chaleur de neutrali- sation ou chaleur totale restant sensiblement constante. 2 La chaleur moléculaire de neutralisation pour un même acide augmente dans les amines primaires de la série grasse avec le poids de la molécule. Puis, appelant bases fortes celles qui neutralisent exactement les acides et dont un très faible excès ramène au bleu la teinture de tournesol, bases faibles, celles qui ne remplissent pas ces conditions, il fait remarquer que : 3° Les bases non saturées de Ja série grasse sont des bases fortes, mais que leur chaleur totale et leur cha- leur de dissolution sont notablement aflaiblies. 4 Si le groupe amidogène est soudé Reste à un noyau aromatique, l'expérience montre que la base devient faible, füt-elle à chaine fermée comme la pyri- dine. La nicotine, qui est bibasique, est base forte par une de ses basicités, et base faible par l’autre, Par sa basicité forte, les données thermiques la rapprochent d’une amine tertiaire de la série grasse. Ces mêmes données thermiques montrent que la formule de cons- titution proposée par Andréoni : CH? A%— CÿHi— CH6AZ, | NC? si elle n'était déjà rejetée, parce qu'elle ne rend pas compte du pouvoir réducteur de la nicotine, devrait l'être encore parce que la nicotine possède une forte chaleur de dissolution et que la présence de deux groupements non saturés correspond à une faible cha- leur de dissolution, d'après une remarque précédente, D'autre part, les formules à double liaison naphta- lique proposées ultérieurement représentent vraisem- blablement des corps peu solubles (la quinoléine en est un exemple). Or la nicotine est très soluble, M, Col- son termine son mémoire en proposant pour la nico- tine la formule suivante : 2 . H CH AzH qui rend compile des transformations chimiques el aussi des propriétés de cet alcaloïde, puisqu'elle montre que la pipéridine est devenue base tertiaire, ce qui explique la forte basicité et la faible de neutralisation de la nicotine; quant à la He de la seconde basicité, la présence e du groupe pyrro- lique explique largement, H. GAUTIER, chaleur 3° Sciences naturelles. Leidy(Prof.J.).— Notice ofsome fossil human bones. — Ka. Description of mammalian remains from a rock crevice in Florida. — Hd. Description of vertebrate remains from Peace Creek, Florida. — Ed. Notice of some mammalian remains from the salt mine of Petite Anse, Louisiana (Transactions of the Wagner Free Institute of science of Philadelphia, vol, 2, december 1889, in-S°, avec plusieurs planches). De nombreux PRE fossiles des animaux qua- ternaires en même temps que des ossements humains ont été découverts récemment par les savants améri- cains W, Crooks, J. Willcox, Heiïlprin et autres, dans la Louisiane et la presqu'ile de Floride, Ces trouvailles viennent d’être décrites par un géologue bien connu, M. le professeur Leidy. Ses trois articles, dont nous venons de transcrire les titres, forment la plus grande partie du deuxième volume des Mémoires de l'Institut libre Wagnérien de Philadelphie. Les ossements trouvés dans une crevasse de rocher au voisinage d'Ocala (comté Marion, Floride) appar- tiennent au lama, au tigre (Machairodus foridanus), aux différents éléphants (Elephas prünigenius, E. ame- ricanus où E. Columbi, ete.) et au cheval (Equus fraternus Leidy) qui parait être très voisin du cheval domestique actuel de Pancien continent. Le crâne de tigre, auquel il manque malheureusement toute la partie alvéolaire du maxillaire, est représenté sur une des planches qui accompagnent le volume des + Transactions ». D'autres ossements proviennent de la Crique de la Paix (Peace Creek) près d’Arcadia (Floride), Ils ont été trouvés au milieu des couches de phosphoriles exploitées dans un but industriel. Ce sont des dents de tapir, semblables de tout point à celles du tapir actuel de Amérique du Sud; des dents de cheval et d’un autre animal que l’on peut considérer comme une variété d'Hippotherium décrit dans les « Proceedings » de l’Aca- démie des Sciences de Philadelphie. 1882, p. 29; des os et des dents de bison, de Cervus Virginianus et d’é- léphant; enfin des plaques nombreuses et de formes très variées d’un Glyptodon semblable au Chlamydothe- rium Humboldtii décrit par le Dr Lund. Parmi ces plaques il y en à qui frappent par leur forme conique ou en crochet; il y en à qui présentent deux grandes éminences coniques . En outre des mammifères on à trouvé aussi dans ce gisement des carapaces de tor- tues, dont une qui devait avoir plus de 1 m. 50 de lon- sueur, des plaques dermiques de crocodile et quelques ossements de poissons, Enfin des ossements humains ont été cépnte par MM. Willcox et A, Heilprin sur Ja côte est de la baie de Sarasota (dans la presqu'ile de Floride), Les os ont élé trouvés dans des couches de ferrugineux recouvertes par une bande de terre végétale d'un mètre environ d'épaisseur, Parmi ces ossements on remarque surtout un fragment de crâne compre nant la base de la boîle cranienne et une partie de la face, le tout transformé en limonitle par l’action des roches environ- nantes; à côté du crâne il y avait plusieurs os longs dont la position fait supposer que le squelette avait une attitude accroupie; mais on n’a recueilli qu'un calcanéum. Les quelques spécimens de roches au mi- lieu desquelles le crâne à été trouvé renferment des coquilles sub-fossiles des espèces existant actuellement: Natica pusilla Say., Helixæ uvulifera Sehuttl, Helix cereo- lus Muhlf., Succinea avara Say, ete. La roche et les fossiles sont presque les mêmes que ceux qui prove- naient d’une petite île du lac Monroe, près d’Entre- prise (Florida) où des restes humains ont été trouvés par Portales il y a quelque trente ans. Le crane ne présente aucune e particularité saillante et se rapproche du eràne moyen francais ; sa longueur (de la glabelle à la protubérance occipilale externe) est de 170mm ; la longueur biauriculaire est de 131%, Le dessin, assez médiocrement exécuté, disons-le en passant, confirme grès 382 BIBLIOGRAPHIE. ANALYSES ET INDEX la description et représente le crâne brisé en plusieurs morceaux qui semblent être retenus par la gangue de limonite, Si le fait que ce crâne provient réellement des couches quaternaires non remaniées vient à ètre con- firmé par des coupes exactes du gisement, il sera d’un grand intérêt, car jusqu'à présent aucun des crânes hu: mains fossiles trouvés dans le Nouveau Continent n'a été à l'abri de critiques justifiées quant à sa contem- poranéité avec les mammifères quaternaires. J. DENIKER, Bertrand (C. Eug.), Professeur de botanique à la Fa- cullé des Sciences de Lille, — Les Poroxylons, végé- taux fossiles de l’époque houillère, Mém. Soc. belge de Microse. t. XTIT, L'auteur à étudié avec beaucoup de soin la structure de plusieurs sortes de Poroxylon. On sait que ces végé- laux singuliers, découverts par M, Bernard-Renault, méritent toute l'attention des paléontologistes en raison des relations qu'ils permettent d'établir entre plusieurs {ypes importants de végétaux du terrain houiller, Ce sont surtout leurs tiges et leurs feuilles qui offrent de l'intérèt. Les tiges étaient hélicoïdales, à entrenœuds allongés. Une seule feuille partait du nœud et abritait à son aisselle un rameau axillaire. M. Bertrand à pu déterminer l’organisation interne des tiges et des feuilles; par la méthode des coupes successives il y à suivi le pare ours des faisceaux libéro- ligneux, Cette étude la conduit, ainsi que M. Bernard- Renault, à voir dans les Poroæylon des Gymnospermes ayant encore un reste d'organisation Ivcopodiacéenne ; il les considère comme intermédiaires entre les Phané- rogames et les Cryptogames vasculaires, plus particu- lièrement les Lycopodiacées. Ils sont inférieurs aux Cycas et Cordaîtes, mais supérieurs aux Lygürodendron et Sigillaria. M. Bertrand conclut aussi que le faisceau foliaire des Cycadées n’est qu'un reste d'organisation ancienne, Ses observations sur les faisceaux ayant porté sur un srand nombre de plantes fossiles, il croit pouvoir en tirer cette Loi que dans les faisceaux unipolaires nor- maux le bois primaire centrifuge représente unique- ment la portion interne différenciée du bois cambial des faisceaux diploxylés, Maurice HoveLAcQuE, l'anatomie des Bulletin Eignier (0). Recherches sur organes végétatifs des Lécythidacees, scientifique de la France et de la Belgique, 4890. La famille des Lécythidacées renferme uniquement des plantes exotiques, dont un certain nombre d’es- pèces ont beaucoup embarrassé les botanistes. D’après M. Lignier, en dent compile des caractères analo- miques, on peut la diviser en trois tribus : les Lécy- thidées, les Barringtoniées et les Napoléonées, L'auteur prend comme type de son étude diverses espèces du genre Gustavit, auxquelles il compare les autres espèces de la famille, en se placant surtout au point de vue de la connaissance complète du système libéro- ligneux folitire, dont il mentionne dans les moindres détails le parcours, la nature et l'importance des élé- ments, Il emploie à cet effet une notation qui, ditil, a le grand avantage d'indiquer toujours par elle- même, el sans qu'il ‘soit besoin de recourir à la figure, la position de chaque faisceau dans le système libéro- ligneux foliaire, La lecture du texte et des dessins reste cependant très laborieuse, L'auteur montre d’ailleurs comme conclusion que, malgré la complication des faisceaux, il est toujours possible de déterminer rapi- dement et en se servant de caractères anatomiques, la tribu ou la sous-tribu à laquelle appartient une Léey- thidacée donnée, à l’aide d’une section transversale soit d’un entre-nœud, soit plutôt du pétiole, Les Bar- ringtoniées sont particulièrement re marquables par lo- rientalion inverse de tous les faisceaux corticaux de la tige, et de ceux de l'arc postérie ur du péliole, Quant à la véritable position des Léeythidacées dans la classifi- cation, elle paraît devoir ètre près des Myrtacées et par- ticulièrement des Myrtées, GC. SAUVAGEAU. Ærouessaré (E. L.). — La Géographie zoologique. In-16 de 328 p. et 2 cartes. J.-B. Baillière et fils, Paris, 1890. Un ouvrage francais sur la géographie zoologique manquait encore à notre littérature scientifique. M. Trouessart, bien préparé par ses études antérieures à entreprendre la lâche difficile de combler cette lacune, nous donne aujourd’hui sur cette matière un petit livre concis el substantiel, qui lui fait le plus grand honneur. Il adopteles six grandes régions géographiques éta- blies par Sclater, puis admises par Wallace; il distingue en outre deux régions nouvelles, l’une arctique ou du pôle nord, P autre antarctique ou du pôle sud, Ilexpose les caractères propres à chaque région et signale avec une grande précision les espèces typiques “de chaque contrée ; il étudie les divers groupes d'animaux suivant leur habitat et leurs moyens de dispersion, L'un des chapitres les plus originaux et les plus intéressants de ce livre est assurément celui dans lequel l'auteur démontre que les grandes lois de la géographie zoolo- gique sont également vraies pour les faunes anciennes. L'ouvrage de M. Trouessart est bien écrit, d’une lec- ture agréable et d’une grande clarté: le fond et la forme sont également louables, Nous regrettons d'autant plus vivement que l'illustration ne soit pas à la hauteur du texte, que les cartes ne soient pas plus nombreuses et que les deux seules cartes qui Paccompagnent soient d’une aussi déplorable exécution. D' Raphaël BLancrarn. Beaunis (H.), Professeur de physiologie à la Faculté de médecine de Nancy, Directeur du laboratoire de psychologie physiologique à la Sorbonne. — L'évolu- tion du système nerveux. — Un vol. in-16, Paris, J.-B. Bailliére et fils, 1890. Le livre de M, Beaunis est un véritable petit traité d'anatomie comparée du système nerveux; lPauteur y embrasse d’un coup d'œil d'ensemble les formes multiples de ce système, et montre comment ces formes dérivent les unes des autres. Se fondant sur la loi de Darwin et de Fritz Müller, à savoir que lévolu- lion individuelle est calquée en quelque sorte sur l’évolution des espèces, il étudie le développement du système nerveux chez l'embryon et sa complexité croissante dans la série animale. M, Beaunis examine d'abord les animaux dépourvus de système nerveux, les Protozoaires, doués cependant de mouvement et de sensibilité et chez lesquels Pacti- vité nerveuse est pour ainsi dire à l’état diffus; puis il établit quatre types de système nerveux : 1° le {type disséminé des Cælentérés inférieurs, constitué par un plexus nerveux qui réunit les cellules sensitives de l’ectoderme aux éléments moteurs; 2°le type radié qui commence à se centraliser chez les Méduses et s’accentue chez les Echinodermes, et dans lequel tous les centres paraissent avoir la mé me valeur ; 3 le fype bilatéral ventraldes Vers et des Arthropodes, caractérisé par une double chaine de ganglions, chaque paire ganglionaire commandant à un segment du corps. Un centre nerveux prédominant, le ce rveau, fait ici son apparition; il est dorsal, placé au-dessus du tube digestif; de plus, à mesure qu'on s'élève des espèces inférieures aux supérieures, on observe une tendance des ganglions de la chaine ventrale à se fusionner. Les Mollusques se rattachent à ce type, comme le prouvent les formes de lransition des Chiton des Neomenia, Enfin 4° le dernier Lype est le type médian dorsal des Vertébrés qui commence chez les Tuniciers et l'Amphioxus el aboutit au système nerveux si com- plexe de l'Homme. Un grand nombre de bonnes figures empruntées aux meilleurs auteurs permettent de suivre avec la plus grande facilité les descriptions anatomiques de BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 333 M. Beaunis. Un vocabulaire des termes techniques placé à la fin de l'ouvrage en permet la lecture aux personnes les moins initiées au langage scientifique. Félix HENNEGUY. Locard (A). — Les Huîtres et les Mollusques co- mestibles. J.-B. Baillière et fils. Paris, 1890. Dans ce livre l’auteur a réuni l'histoire naturelle, la culture industrielle, et l'hygiène alimentaire des nom- breuses espèces de” Mollusques comestibles qui vivent sur les côtes de France, Répondant aux préoccupations des économistes re- latives à l'alimentation de l’homme, il a montré les ressources dont on dispose par la culture sagement conduite de ces animaux, Il rend hommage à Coste qui a tant fait pour l’industrie des pêches marines et à qui lon doit de si heureuses modifications dans la culture des huîtres, L'élevage des huîtres occupe en France 300.000 individus, la superficie des pares, sur les do- maines de l'Etat, est de 13.000 hectares exploités par 37.000 individus. C."NAun. 4° Sciences médicales. Klein (D'E), Membre de la Société Royale, Professeur d'anatomie et de physiologie générales à l'Ecole de méde- cine de l'hôpital Suint-Barthélemy ; Professeur de bacté- riologie au Collège médical de Londres. — The Bacteria in Asiatic cholera. Un vol., 179 p., Macmillan and C9, London, 1890. Cet ouvrage est la réimpression d'articles publiés dans le Practitioner en 1886-87. L'auteur se pose la question de savoir si le bacille-virgule, découvert par Koch dans le choléra, est bien l'agent pathogène de cette maladie. Il croit pouvoir affirmer le contraire et ranger ce micro-organisme parmi les nombreux sapro- phytes qui pullulent dans l'intestin, Il n'existe, selon lui, aucun rapport entre le nombre des bacilles-vir- gules trouvés dans le contenu intestinal des cholé- riques et la gravité de l'affection; ils peuvent même être très rares dans les cas les plus favorables ; si on les trouve dans les coupes microscopiques de l'intestin, cela résulte d’un phénomène de putréfaction, de la multiplication de ces bactéries après la mort, M. Klein établit qu'il y a un grand nombre d’autres bacilles présentant une grande analogie de forme S de culture avec le spirille du choléra; ainsi dans la salive des individus sains (Miller, L ewis), dans le vieux fromage (Deneke), dans le contenu intestinal du co- baye, du singe, etc. Ces objections ne sont pas démonsiralives, Outre que l'observation de Koch a été confirmée par beaucoup de bactériologistes, il est acquis que la virulence des mi- crobes n’est pas toujours fonction de leur nombre (exemple : le tétanos); d'autre part, de ce qu'il existe plusieurs organismes banals présentant plus ou moins de ressemblance e avec le bacille virgule, on ne peut en aucune manière conclure à une identité de nature et de fonction entre eux, L'argument le plus sérieux qui ait été invoqué contre la découverte de Koch repose sur les résultats de l’ino- culation expérimentale des cultures du Komma-bacille ; celle-ci ne réussit qu'à la condition ou bien de lier le canal cholédoque et d'injecter la culture dans le duodénum, pour éviter Paction de la bile et du suc gastrique; ou bien de neutraliser avec la soude le contenu acide de l'estomac avant de faire ingérer la culture (Nicati et Rietsch, Koch). La mort des animaux avec des phénomènes cholériformes et la présence de très nombreux bacilles- virgules dans l'intestin ne s’ob- tiennent, dès lors, qu'au prix d’une opération un peu compliquée, sinon dangereuse, qui apporte avec elle son contingent étiologique dans les troubles morbides provoqués : M. Klein fait ressortir ce fait. Mais l’objection fondée sur les résultats incertains des inoculations du choléra aux animaux perd beaucoup de valeur, si l’on songe qu'on ne connait, dans l'Inde ou ailleurs, au- cun animal qui prenne spontanément celte maladie Enfin Finkler et Prior ont trouvé dans le choléra nostras un bacille courbe qui diffère à peine de celui du choléra asiatique. Inoculé dans les mêmes condi- tions que le spirille de Koch, il détermine aussi la mort des animaux avec des phénomènes cholériformes. Partant de ce fait qu'on attribue à deux organismes qu'on peut regarder comme identiques la cause de deux maladies différentes : choléra nostras et choléra indien, M. Klein conclut que ces microbes ne sont spécifiques ni de l’une ni de l’autre. Mais ces deux maladies sont-elles réellement différentes? Leur symptomatologie est la même et leur seul caractère distinctif, si c’en est un, est leur nature endémique ou épidémique, Cela suffit-il à écarter l'unité de cause? Il n'est peut-être pas téméraire de penser, avec quelques- uns, que l'organisme de Finkler et Prior n’est probable- ment que le parent très rapproché, sinon le descen- dant domestiqué, atténué du bacille-virgule de Koch. Cette opinion encore hypothétique ne heurte ni les lois de la bactériologie ni celles de l’épidémiologie. On trouvera, dans l'ouvrage de M. Klein, une étude très complète de la morphologie du komma-bacille et de ses caractères dans les divers milieux de culture, D' H. ViNcENT. Metchnikoff (M. El.), Chef de service à l'Institut Pas- teur. — Etudes sur l’immunité : Le charbon des rats blancs.— Annales de l’Institut Pasteur, avril 1890. M. Metchnikoff attache, on le sait, une très grande importance au phénomène de la ph igocylose, qu'il à découvert, dans l'établissement de l'immunité, et il s'efforce de multiplier les preuves pour asseoir sa doce- trine sur des bases de plus en plus solides, Comme on avait cherché à établir que l’immunité des rats blancs pour le charbon est un argument sérieux contre la théorie des phagocytes, il s'est livré à une expérimen- lation suivie sur ces animaux et de ses expériences sont sorties quelques conclusions intéressantes, M. Metchnikoff à d’abord cherché à élucider un point encore obseur : dans quelle mesure les rats blancs sont-ils réfractaires à la maladie charbonneuse? Et sur ce point il présente quelques résultats inattendus. Tout d’abord les rats blancs n'ont pas une immunité aussi solide qu'on l'avait affirmé et un certain nombre de sujets succombent à l'inoculation, et cela d'autant plus facilement qu'ils sont plus jeunes. (C'est là d’ail- leurs un phénomène général en pathologie micro- bienne,) D'autre part, lorsqu'un rat blanc à résisté à une première inoculation, son immunité naturelle n’en est pas renforcée : cette première inoculation ne le vaccine pas; au contraire il semble qu'il soit plus apte à prendre la maladie qu'avant la vaccination, et M. Metchnikoff cite nombre d'exemples de ce fait tout à fait nouveau et extrêmement important. Ceci une fois dit, et étant démontré que limmunité des rats blancs n’est que relative, quelle est l’origine de lPimmunité? M. Metchnikoff rejette la théorie de Bebring qui veut voir la cause de cette immunité dans un excès d’alcalinité du sang, D’après l’auteur, cette doctrine est erronée et c’est la phagocytose qui cons- titue le principal mode de destruction des bactéries charbonneuses dans l'organisme des rats blancs. M, Met- chnikoff en fournit une preuve dans ce fait qu’en inocu- lant la bactérie sous forme de spores, on la voit toujours germer et produire des bâtonnets, qui plus tard seront absorbés par les phagocytes, Toutes les formes de la phagocytose ont été encore observées ici, avec cette particularité que les acteurs sont ici surtout les ma- crophages, représentés par des cellules de la pulpe splénique, les cellules étoilées de Kupffer et les leu- cocytes uninucléés du foie; les microphages sont au contraire l’exception. On lira avec intérèt les détails dans lesquels est entré M. Metchnikoff pour la démons- tration de sa doctrine, car son mémoire renferme une ample moisson de faits neufs et bien observés, D' H. Dunrer. 384 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 2 juin 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — MM. Lœwy et Puiseux indiquent la facon d'appliquer à la mesure précise des distan:es angulaires des astres l'appareil optique dont ils ont récemment donné la théorie complète, à savoir un double miroir plan formé par deux faces d’un prisme. On installe ce prismé devant l'objectif d'un équatorial. — M. E. Cosserat : Observalions de la comète Brooks (19 janv. 1890) faites à l'Observatoire de Toulouse. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ernest Cesaro étudie ana- lytiquement la courbe re peau ative des phénomènes de diffraction donnée par M, Cornu. — M.Ch. Antoine a proposé, pour exprimer la relation entre la pression, le volume et la température absolue d’un gaz une for- mule plus simple que celles de MM. Van der Waals et Sarrau (voyez à ce sujet dans le présent numéro de la Revue l’article de M. Ph. A. Guye, page 365); ilexamine si cette formule donne des valeurs suffisamment ap- prochées des nombres trouvés expérimentalement pour l'azote par Regnault et M. Amagat. — M. Gouy indique les applications que peut recevoir lélectromètre à quadrants employé comme appareil balistique. — M. E. Renou envoie le résumé des observations météo- rologiques faites à l'Observatoire du Pare Saint-Maur pour le mois du mai 1890, — M. Ph. A. Guye à montré qu'on peut fixer la grandeur du poids molé- culaire d’un corps au point critique par une relation simple entre le pouvoir réfringent spécifique et le coefficient eritique (rapport de la température critique absolue à la pression critique). Aujourd'hui, il indique la facon de calculer à priori le coelficient crilique d’un composé ou d’un mélange à partir des coeflicients ato- miques eritiques; les résultats variant considérable- ment suivant qu'il y a ou non combinaison, il y a là une méthode pour déterminer si un corps est décom- posé ou non au point critique, — M, Berthelot a dé- terminé le détail du mécanisme suivant lequel s’effec- tue la réduction des sulfates alcalins par l'hydrogène et par le charbon, Dans les deux cas, la réaction véri- table, quiexplique les phénomènes, leurdéveloppement initial et leurs phases successives diffère de celle qu'on avait supposée en ne tenant compte que des produits ultimes; pour l'hydrogène, il se forme d’abord un sulf- hydrate de sulfure et un hydrate alealin; pour le char- bon, il est nécessaire de passer par l'intermédiaire de l'oxyde de carbone Ces réactions sont d’ailleurs exo- thermiques. — M. A. Joly étudieles chlorosels de l'iri- dium ; ses dosages assignent au poids atomique de ce métal une valeur très voisine de celle donnée par M. Seubert, soit 192,75 pour H = 1. — M. A. Gorgeu étudie les bioxydes de manganèse oblenus par Ja voie humide, —M.Ch. Astre, parl'emploidel'acideacétique, a obtenu quelques nouveaux iodures double de bismuth el de potassium. — M. E. Augé rectilie quelques affir- mations contenues dans les traités classiques au sujet de l’alun de soude : il pense que les auteurs ont opéré sur de l’alun de soude mélangé de sulfate de soude, 3e SCIENCES NATURELLES. — Des recherches récentes viennent de confirmer la théorie de M. Dareste sur le mode de formation des monstres omphalocéphales : deux blastèmes formalifs du cœur se rejoignant à la région dorsale et non plus à la face ventrale, — M. Louis Roule expose le processus du développement des feuillets blastodermiques chez les Géphyriens tubico- les. —M. Edmond Perrier a cherché une classification naturelle pour le groupe des Gastéropodes prosobran- ches ; lesnoms des principales divisions sont tirées des caractères et des rapports du cœuret des reins. —M.A. Pomel établitles caractères et la classification des Hip- popotames fossiles de l'Algérie. — M. Ant. Magnin indique que l’altération produite par l'Ustilago Vaillan- tit sur les inflorescences du Muscari comosum consiste à transformer les fleurs stériles de la houppe en fleurs mâles, et non à supprimer celte houppe; il signale quelques phénomènes accompagnant la castration pa- rasitaire des Euphorbes. — Les expériences de M. Bou- chard établissent :1° Que les produits solubles d’un microbe pathogène injectés dans le sang d’un animal, lui communiquent vis-à-vis de ce microbe un pouvoir bactéricide qui subsiste après élimination de ces pro- duits ; 2° Certains de ces produits s’opposent à la dia- pedèse. — M, Charrin el Gamaleia ont constaté que les produits solubles du bacille pyocyanique, par une action physiologique indéterminée, s'opposent à Pin- flammalion produile habituellement par les frictions à l'huile de croton, — M. G. Jacquemin rappelle ses travaux sur l'influence de l’espèce de levüre sur le bou- quet des boissons fermentées., — M. A. Lacroix : Sur la Syenite éléolithique de Montréal (Canada) et sur les modifications de contact endomorphes et exomorphes de cette roche, Séance du 9 juin 1890. 1° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Resal : Sur le mouvement d’un prisme reposant sur deux appuis, sou- mis à l’action d’une force normale variable, suivant une loi particulière, RADAIEE en un point déterminé de la fibre moyenne, M. J. Boussinesq : Théorie du mouvement permanent, graduellement varié, qui se produit près de l'entrée évasée d’un tube fin, où les filets d’un liquide qui s'y écoule n’ont pas encore atteint leurs inégalités normales de vitesse, — M. À. de Saint-Germain : Sur un cas particulier du mouvement d'un point dans un milieu résistant. — MM. Rambaud et Renaux : Observations de la comète Brooks (mars 19) faites à l'équatorial coudé de l'Observatoire d'Alger, — M. Ch. Trepied : Observation photographique de la comète Brooks faite à l'Observatoire d’ Alger. 29 SGIENCES PHYSIQUES, — MM. Hurion “et Mermeret ont mesuré le retard que subissent les vibrations [umi- neuses en traversant une lame d'or; ce retard est très variable suivant la portion du spectre considérée et diminue rapidement avec la longueur d'onde, — M. Alfred Angot a calculé d’après quinze années d’ob- servations horaires faites-au parc Saint-Maur, lampli- tude moyenne de la variation diurne de la tempér rature. Après avoir éliminé l'influence de la nébulosité, il a établi une formule qui, en fonction de la longitude du soleil, de sa distance à la terre et de constantes propres à la Station, exprime les faits avec une très grande approximation. — M. H. Faye donne le schéma d’une tempête, en plan et en coupe verticale, pour servir de base aux obserations mé téorologiques des stations de montagne, — A Minet : Un mélange de fluorure double d'aluminiun et de sodium et de chlorure de sodium est très propre à la préparation de Paluminium pa électrolyse du sel fondu ; on évite que le bain at- laque la cuve, en rattachant “celle-ci en dérivation au pôle négatif par l'intermédiaire d’une résistance assez considérable. — M. Recoura a montré que les solu- tions étendues de sesqui-bromure de chrome vert virent au violet ; il a isolé le sel qui résulte de cette transfor- mation, le sesqui bromure de chrome bleu. - M. J. Ri- ban indique, pour séparer et doser le zinc en présence du manganèse, une méthode qui repose sur la précipi- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 389 tation de ce métal par les hyposulfites alcalins, — M. G. Vogt communique ses recherches sur les pro- cédés d'analyse des argiles et kaolins. —- MM. Charles et Georges Friedel ont obtenu la néphéline, la soda- lithe, l'amphigéne, Vorthose, l'anorthite, en attaquant en tube scellé du mica par diverses solutions alcalines et salines, (Voir la Revue du 15 mai, page 288.) — M.C. Cha- brié montre que le tétrafluorure de carbone peut être préparé dans un appareil de verre.Il à obtenu un nou- veau gaz. le {luoruwre de méthylène, par l’action du fluo- rure d'argent sur le chlorure de méthylène. — M. G. Flourens, étudiant comparativement par la liqueur cuivrique et le polarimètre les produits de la saccha- rification des matières amylacées par les acides, s'est assuré qu'il ne se forme qu'une seule dextrine comme intermédiaire et que la maltose n'apparait jamais. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Muntz démontre dans le sol l'existence d’un organisme producteur d’ammo- niaque aux dépens des malières organiques azotées ; cet agent prépare probablement les voies au ferment nitrique. — M. H. Fol a reconnu que les fibrilles qui se mêlent aux grosses fibres cornées chez certaines éponges (Hireinia) sont des fibres de tissu conjonctif et non des parasites, Le tissu conjonctif est très abondant chez les Sarcomus, genre créé pour une espèce nouvelle découverte par M. Fol à Nice. — M, L. Bouvier, par l'examen d'un grand nombre de Crustacés décapodes, a vu que le cercle circulatoire de la carapace existe bien nettement et qu'il a un rôle respiratoire, — M. P. Thélohan signale deux Coccidies parasites des poissons, l’une dans le foie de l'Epinoche, l'autre dans le testicule de la Sardine, — M. Heudes, étudiant les systèmes dentaires des mammifères, à pu établir une relation très constante entre la forme des dents et la division du pied chez les ongulés, à la condition de considérer comme primordiale la molaire de lait. — M. E. Bataïllon à observé dans les cellules de la queue du tètard un filament chromatique, en rapport avec le nucléole, qui présente des phénomènes ciné- tiques, tandis que le noyau est à l’état de repos. — M. E. Olivier à observé qu'une Tenthrédinée, lEm- phytus tener, pond ses œufs sur les sarments fraiche- ment taillés, dont sa larve détruit la moelle, — Le prince de Monaco, au moyen de ses appareils spéciaux, a recueilli un assez grand nombre d'animaux marins à une profondeur de 1.600 mètres, au large de Monaco. — M. Marcel Brandza a étudié l’évolution des tégu- ments de l’ovule chezles Angiospermes et leurs rapports avec les téguments de la graine. — M. Bleicher à examiné les phosphates du massif du Dekma (dépar- tement de Constantine). Ces phosphates, très abondants dans plusieurs couches éocènes, sont d’origine ani- male, — M. G. Vasseur décrit les dépôts marins plio- cènes qu'il a découverts en Vendée, Séance du 16 juin 1890 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M, J. Boussinesq : Théorie du mouvement permanent qui se produit près de l'entrée évasée d’un tube fin; application à la deuxième série d'expériences de Poiseuille, — M. g, Boussinesq : Calcul des températures successives d’un milieu homogène et athermane indéfini que sillonne une source de chaleur, — M. Maurice Lévy indique les méthodes dont s’est servie la Commission instituée en 1878 pour le nivellement général de la France; il exprime le regret qu’elle ait changé le zéro de Bourda- loue et se prépare à changer son propre zéro à mesure que le niveau moyen de la mer sera déterminé avec plus de précision; il eût préféré qu'on conservät le zéro de Bourdaloue en le rattachant à des repères ma- tériels et au niveau moyen de mieux en mieux défini, 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Gouy montre à priori à partir du principe d’'Huygens, et par des expériences, que le passage d’un rayon lumineux par un foyer réel donne aux ondes une avance d’une demi-période, — M. Ch. Antoine établit et étudie d'après les expé- riences de Regnault et celles de M. Amagat, l'équation caractéristique de l'hydrogène, — M. E. H. Amagat a déterminé la variation de l'élasticité du verre et du cristal avec la température. En observant la déformation intérieure d'un piézomètre comprimé par l'extérieur, il a vu qu'entre 0° el 200, cette variation est trop faible pour influer sur les recherches relatives aux volumes des gaz. — M. Marc Dechevrens rappelle ses travaux sur la variation de la température avec l'altitude dans les cyclones et anticyclones, — M. Besson : Sur les com- binaisons et réactions du gaz ammoniac et du gaz hydrogène phosphoré sur les composés halogènes de l'arsenic, — M. G. Rousseau définit les cas dans les- quels il est possible de préparer des oxychlorures métalliques cristallisés par l’action d'un carbonate alcalino-lerreux sur le chlorure du métal; il étudie les oxychlorures du cuivre. — M. Emile Tassel à obtenu par l'action de l'acide hypoazotique sur le pentafluorure de phosphore un produit d’addition, Az Of Ph Fl. — M. Berthelot à déterminé les chaleurs de transformation des inosites isomères; les résultats sont semblables à ceux obtenus pour les acides {ar- triques, — M. C. Matignon a mesuré la chaleur de formation de l’acide urique et des urates alecalins, — MM. Béhal et Choay signalent un isomère de la chloralimide; ils ont obtenu la transformation isomé- rique de la chloralimide en son isomère et inversement, — M. A. Aignan indique le moyen de reconnaître, par le polarimètre, si une huile de lin est mélangée d'huile de résine, 3° SCIENCES NATURELLES, — M. Cuénot a étudié la glande signalée par M. R, Perrier dans l'oreillette de la Palu- dina vivipara; c’est une glande lymphatique ; la glande qui avoisine le rein chez les Prosobranches s’écarte au contraire du type des glandes lymphatiques. — M. Wil- liam Russell démontre que les bourgeons multiples, qu'on observe dans un assez grand nombre de végé- taux divers, doivent être considérés comme des ramifi- cations normales de générations superposées, — M, E. Bartet a recherché, pour divers espèces forestières, quelles sont les époques d’abatage les plus favorables au rejet des souches, dans l'exploitation en taillis. — Les expériences de MM. J. Héricourt et Ch. Richet montrent que la transfusion péritonéale du sang de chien chez le lapin retarde l’évolution de la tubereu- lose. — M. Andréa Ferranini à déterminé in vitro l'influence que les divers antiseptiques peuvent avoir pour empêcher la digestion stomacale, — M. H. Fol adresse une note sur la ressemblance entre époux. — M. Bischoffsheim est élu membre libre. L. LAPICQUE. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 10 juin 1890. M. Budin lit un rapport constatant que dès 1852 M. Delotz avait vu et signalé l'endocardite d’origine puerpuérale, — M. Thévard présente un cas de lapa- rotomie pratiquée 15 heures après le diagnostic d’une rupture de l'utérus chez une femme rachitique à bassin rétréci, en travail depuis 12 heures : utérus rompu au niveau des culs-de-sac vaginaux, complètement sé- paré du vagin, refoulé à la face inférieure du foie ; su- lures, guérison en 31jours., — M. Michaud présente un cas de cholécystectomie pour fistule biliaire datant de 3 ans chez un homme de 26 ans ; guérison en 30 jours. Il conseille de faire l'incision sur le bord externe du muscle droit, d’exciter séparément le trajet fistuleux, de ‘aire une ligature peu serrée du pédicule, de Le ren- trer dans la cavité péritonéale ; ainsi faite, ce n’est pas une opération grave : mortalité 5, 6 0/0, — M. Heckel adresse une lettre au nom de M. Duhamel président du club alpin (section de l'Isère) qui considère, d’après l'expérience de nombreux alpinistes, que la caféine n’a pas la même action que la Kola: modératrice de la circu- lation et des sécrétions, excitante de la contraction musculaire, Il propose à M. Germain Sée des expériences comparatives. — M. Laborde continue son étude des 386 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES accidents dus au chloroforme, Au début dela chlorofor- misation il y a action de contact, irritative des fibres nerveuses, de la pituitaire déterminant un réflexe d’ar- rêt du cœur parle centre cardiaque bulbaire, et des muqueuses laryngée et bronchique déterminant un réflexe d'arrêt respiratoire par le centre bulbaire. Après absorption la mort survient par toxémie ; d'après les expériences de Charles Richet et Lan- glois il y a accumulation dans le sang de produits toxiques habituellement rejetés par l'expiration et le moindre obstacle (chute de la langue) détermine l’as- phyxie. Enfin la mort peut survenir par action réflexe d’arrèt du cœur au moment de l'incision cutanée, la sensibilité n'étant pas encore abolie. M. M. Lannelongue (de Bordeaux) et Pamard sont élus membres correspondants nationaux, Séance du 17 juin 1890. M. Féréol lit un rapport sur li communication de M. Glénard relative à l’exploration du foie et à son rôle dans le diabète : le procédé d'exploration « du pouce » très précis, peut donner d'excellentes indica- tions ; dans le cas de diabète 60 fois 0/0 le lobe droit du foie est altéré, il existe une connexion intime entre l'alcoolisme, la lithiase biliaire etle diabète;il y a un dia- bète vrai, hépatique, d’origine exclusivement alcoolique. — M. Laborde examine les moyens propres à remédier aux accidents dus au chloroforme, L'accident initial peut être évité: 1°en atténuant les effets irritatifs des vapeurs de chloroforme par la diminution de la sensi- bilité périphérique, morphine, narceïne, cocaïne; 2°en diminuant le pouvoir inhibiteur des pneumnogastriques sur le cœur : curare, quine peut être employé chez l’homme, atropine, mise en usage à dose modérée par les chirurgiens Iyonnais, Les effets toxiques peuvent être évités grâce au dosage par les appareils de Paul Bert, Raphaël Dubois, le simple cornet des chirur- giens de marine, La respiration et le pouls doivent être surveillés au besoin à laide d'appareils comme le pneumocardiographe, MM. Hergott (Nancy) et Bourguet (Aix) sont élus membres associés nationaux. D' E. D£ LAvARENNE. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 1% juin 1890, MM. Brown-Séquard et Darsonval ont recherché combien de temps une grenouille peut vivre dans difré- rents gaz et dans le vide; cet animal meurt, dans l'acide carbonique pur, après quelques minutes ; dans l'hydrogène exempt d’arsenice, au bout de 8 ou 10 heures ; dans l'azote, après, 24, 36 heures, et même davantage. Dans le vide presque absolu, maintenu par une trompe à eau, il vit pendant plusieurs jours. — M, Brown- Sequard rapporle des faits observés par des médecins de tous les pays, qui auraient vu le liquide testiculaire, eninjections sous-cutanées ou mieux rectales, combattre avantageusement l’adynamie dans les maladies les plus diverses, — M.Tuffer a constaté que l'urine asep- tique est parfaitement tolérée dans les cavités natu- relles ou dans l'épaisseur des tissus; mais les chiens auxquels on coupe un uretère, l'urine s’écoulant dans la cavité abdominale, périssent au bout de quelques jours. — M. Fabre-Domergue a observé chez un pois- son une tumeur sous-cutanée composée exclusivement de bactéries, — M. Laguesse à saigné à blanc des embryons de truite, par la section de la queue; le sang se renouvelle très rapidement par des leucocytes fournis par la rate et par le rein. — M. Schmitt à constaté l'action déprimante de la chloralamide sur la circulation. — M. Phisalix à étudié les rapports de l'épithelium dans le jabot du pigeon, avec le réseau vasculaire sous-jacent; celui-ci pénètre dans les couches vrofondes de cet épithélium, qui,au moment de La Jacta- lion, desquame ses couches superficielles, et, s'invagi- nant entre les mailles vasculaires, forme de véritables glandes, Séance du 21 juin 1890 M. Quinquaud a reconnu que le sang d’un animal asphyxié à gardé intacte sa capacité respiratoire, Si l’asphyxie est rapide, le sang et les tissus contiennent la mème proportion d'acide carbonique; si elle est lente, les tissus en contiennent deux fois plus que le sang. L’oxygène de l'air confiné dans les poumons est absorbé complètement. — M. Gley , étudiant l’action physiologique du mono et du bichloralantipyrine, a constaté que ces composés sonttoxiques par le chloral qu'ils renferment ; l'association a pour effet d'’augmen- ter la toxicité de chloral. — MM. Macret et Bose con- cluent de leurs expériences que la chloralamide n'agit que par le chloral qu’elle contient. —M.Laveran discute la question du polÿmorphisme ou de la pluralité des hé- matozoaires de l’impaludisme : l'ensemble des faits tend à prouver que le parasite est unique, mais poly- morphe, —- M. Achalme rapporte un cas de suppura- tion du tibia à la suite d’une fièvre typhoïde; les re- cherches microbiologiques firent constater dans le pus l'existence du seul bacille typhique. — M. Dupuy a eu occasion d'observer, à la suite d'application d’arnica sur une plaie, une intoxication caractérisée par un gonflement de la face pareil à de l’érysipèle. — M. Cassedebat indique combien délicates sont les différences qui séparent les faux bacilles typhiques des eaux du bacille pathogène; il est très difficile d'affirmer la présence de celui-ci dans une eau, — M.Fabre-Domergue a étudié le système circulatoire des infusoires ciliés. L. LAPIGQUE SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 20 juin 1890. M. Bouasse faitau nom de M. Mascart une communi- cation sur un dynamomètre de transmission à lecture directe et enregistrement photographique. Le principe en est sim- ple: comme dans tous les appareils de ce genre, on réunit le moteur aux organes destinés à recevoir le tra- vail par une liaison déformable, dont les déplacements relatifs déterminent l'effort à chaque instant et permel- tent d'évaluer le travail produit. Supposons d’abord que l’arbre de commande soit coupé et que les bouts soient terminés par deux poulies de mème diamètre reliées par un système de ressorts. La poulie de com- mande porte un repère qui se meut en face d’une divi- sion tracée sur la surface extérieure de la poulie en- traînée ; le déplacement du repère permettra par une graduation expérimentale de connaître le couple moteur. Pour lire les indications du repère pendant que l’arbre est animé d’un mouvement de rotation on emploie, un système optique mobile qui donne une image fixe pen- dant une fraction notable de la période de révolution. Si l’on ne peut couper l'arbre, il suffit de rendre la poulie entraînée folle sur l'arbre et de la monter sur un manchon qui porte également la poulie sur laquelle s’enroulent les courroies de transmission, L'appareil comporte un enregistrement photographique : il suffit de remplacer le repère par un index qui chevauche sur les divisions et de produire une image réelle sur une fente derrière laquelle se meut une feuille depapier sen- sible, — M. Hillairet entretient la Société d’un coup de foudre remarquable qu'il a eu l’occasion d'observer dans le Dauphiné ; un orage violent ayant éclaté dans le voi- sinage d’une ligne installée pour une transmission de force, la foudre a frappé exelusivementles poteaux plan- tés surune nappe d’eau souterraine. Tous ont été atteints du côté d'ou venait la pluie, et au-dessous des divers fils conducteurs qu'ils portaient, Lucien Poincaré, ACADÉMIES ET SOCTÉTÉS SAVANTES 387 SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 5 juin 1890 SCIENCES PHYSIQUES. — Le général Walker rend compte des expériences qu'il a faites avec le pendule pour déterminer l'intensité relative de la pesanteur aux observatoires de Kew et de Greenwich. En rappor- tant les chiffres au niveau de la mer, on constate que | la pesanteur est plus intense à Kew d’un 0,64 d’oscilla- tion, —M.F, Thomas Andrews communique le résultat } de ses observations sur la glace pure. I a pris une tige | d'acier poli de 0®40 de long et de 0"07 de diamètre, et il la placée dans une position verticale sur un gros bloc de glace ; un poids de 18 kilos était placé à l’extré- | mité supérieure de la tige. L'objet de ces expérien- ces était de déterminer la plasticité de la glace aux différentes températures; on y parvenait en mesurant la longueur de la tige qui pénétrait dans la glace en un temps donné, On a constaté dans une série d’expé- riences faites à des températures croissant graduel- lement de 20° à 30° F., que la plasticité de la glace s’accroissait très rapidement et dans de très larges | proportions après que la glace avait atteint la tem- pérature de 32, et pendant le temps qu’elle était maintenue à cette température. Des expériences ana- logues ont été faites sur la glace naturelle de lac et d’étang; si on compare les résultats obtenus avec ceux des expériences sur les blocs de glace pure spéciale- | ment préparés, on constate que les différences de pé- nétration de la tige sont beaucoup plus grandes, — | M. Th. Andrews communique également une note sur | l'état passif du fer et de l'acier, La conclusion générale à laquelle l’amènent de minutieuses observations, e’esl que l’état passif du fer et de l'acier ne doit pas être regardé comme fixe ou statique, les observations élec- tro-chimiques tendant à montrer que la passivité est une propriété plus ou moins influencée par des condi- | tions variées, telles par exemple que les variations de la structure moléculaire ei de la composition chimique du fer et de lacier, la concentration de l'acide nitri- que, les modilications des conditions physiques conco- | mitantes, magnétisme, température, etc, Lord | Rayleigh fait une communication sur la viscosité su- perficielle de l’eau. Un simple anneau de fil de cuivre mince élait soutenu par un fil fin de soie de telle sorte qu'il püt tourner librement autour de son centre. | Pour donner une position fixe à l'anneau et pour faci- liter les déplacements forcés, on attache à l'anneau | avee de la cire une aiguille à coudre aimantée, Lors- qu'on veut faire une expérience on place Panneau sur la surface de l’eau, contenue dans un vase, Quand tout est en repos, on couvre la surface de l’eau de soufre réduit en poussière fine, et on met en rola- lion par l’action d’un aimant extérieur au système, tout le système suspendu. On constate, que bien loin que la surface de l’eau entourée par l'anneau soit entrainée par lui dans sa rotation, il ne se produit pas le plus léger mouvement, sauf peut-être dans le voisinage im- médiat de l'anneau, Il est donc clair que la surface de l’eau, dans les conditions ordinaires, ne peut résister d'une manière appréciable à l’action d’un objet qui la rase, qui glisse sur elle, L'expérience a été légèrement | modifiée par l'addition à l'anneau d'un diamètre de même matière, Dans ce cas, le soufre fait voir que la surface totale de l’eau comprise dans les deux demi- | cercles partage maintenant le mouvement, On peut dire d’une manière générale que la surface tourne avec l’anneau, Des expériences de cette espèce mon- trent que ce à quoi résisie une surface aqueuse, ce n'est pas à un objet qui la rase, mais bien aux expan- sions et aux contractions locales de la surface, mème lorsque la surface totale demeure invariable, Quand on ajoute à l’eau une très petite quantité de savon, la surface devient presque rigide, Toute la surface en- tourée par l’anneau est alors entraînée dans son mou- vement comme si elle lui était attachée, La gélatine produit un effet semblable, Au moyen d'un appareil spécial, l’auteur a pu montrer que la viscosité super- ficielle est due en réalité à des souillures. Il à fallu, dans une expérience, 12 battements du métronome, battant le tiers de seconde, à une aiguille de boussole pour parcourir un are de 60° sur une surface d’eau dis- tillée, La surface a alors été nettoyée par un courant : il n'a plus fallu que 10 battements; après une nou- velle opération, il n’en à plus fallu que 8. En chauf- fant l’eau et en provoquant ainsi des courants de con- nexion, le temps a été abaissé à 6 3/4 et après une autre opération à 6. En arrétant le courant d’air, on en est revenu au chiffre 12, On a recouvert alors l'aiguille d'une couche d’eau d’environ 6®m, Dans ces conditions, le temps a été de 6 3/4. On voit donc que tandis que, sur la surface non nettoyée, ce temps était à peu près double de ce qu’il était dans l’intérieur, il était sur la surface nettoyée inférieur à ce qu'il était dans l’inté- rieur, Pour l’alcool méthylique, le temps était toujours de 5 à la surface, il s'élevait à 7 + dans Pintérieur, L'au- teur pense que la diminution progressive de la tension des surfaces aqueuses bien protégées, que Quincke a observée, s'explique facilement par la formation gra- duelle d'une couche graisseuse, formée de matières qui viennent de l'intérieur et qui n'existent qu'en très petite quantité. Les membranes de graisse peuvent ètre extrêmement minces; pour que la viscosité soit sensible, il suffit qu’elles aient £ & d'épaisseur, soit environ £ de la longueur d'onde de la lumière jaune. — Le professeur Schuster rapporte les expé- riences qu'il a faites avec la boîte de couleurs de Lord Rayleigh. 1] indique les particularités de la vision, qu'il a découvertes en examinant 70 personnes atteintes d’achromatopsie, Richard A, GREGORY. Le] T SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 6 juin 1890 M. H. Tomlinson lit un mémoire sur les effets des varialions de température sur les points critiques de Villari dans le fer, Ce mémoire est la suite de celui qu'il a déjà communiqué à la Société le 21 mars; la méthode est la même que celle qu'il a décrite à ce moment, mais ici les expériences ont été faites à des températures variant jusqu’à 2850; pour déterminer ces températures, l'auteur s’est servi de la mesure de la résistance d’un fil de platine, dontil avait préalablement étudié les variations avec la température, Le tableau suivant donne quelques-uns des résultats obtenus avec un fil de fer fortement trempé, de 1 millimètre de dia- mètre, qui a été souvent chauffé jusqu'à 3009 et refroidi à la température du laboratoire jusqu'à ce que la per- méabilité temporaire avec des charges variées alteigne des valeurs constantes aux deux températures : Forces ma- gnétiques en unités CUS. Charge en kilogrammes pour lesquelles la perméabilité est la méme que pour le fil non chargé aux températures, 120 76° 167° 2440 2859 2.84 4.7 5.3 et 12 ».1 ct 10 &.T.et 9:9 3.70 2,5 3.6 4.9 et 11.5 3.1 et 12.3 1.8 1.8 2e — _ 1.69 (l Ü 0 0 10.40 (L (l û 0 15.932 û (l (1 û ( Les valeurs ainsi obtenues ont été portées par l’au- teur sur une courbe. On voit que dans tous les cas les valeurs du point de Villari sont accrues par une aug- mentation de température; il résulte aussi de là que l'augmentation de température diminue la variation totale de perméabilité produite par un accroissement de charge. — M. le professeur Rücker communique un mémoire de MM. W. G. Robson et G. W J. Smith sur les variations diurnes du magnétisme à Kew, Il 388 fait d'abord remarquer le grand intérèl qu'il y à à avoir des résultats d'observations magnétiques effectuées à des observatoires différents, mais réduites et publiées de la même manière et relatives au même moment, On ne sait pas encore trop quelle méthode générale il con- viendrait d'adopter; le plan proposé par l'observatoire de Greenwich est bien laborieux pour être généralement adopté; la méthode proposée en 1885 par le D° Wild semble préférable : dans cette méthode on obtient la variation diurne moyenne par l'observation de cinq jours dans chaque mois. Voici les résultats obtenus par M. Whipple pendant les années 1870-71-72 pour la comparaison de ces méthodes : où K; est la variation diurne à Kew obtenue par la méthode de Sabine. K% le méme élément ob- tenu par la méthode de Wild. Ks — Kw = 00,7 (minutes d'arc). | \ G = K — 102 (re G le méme élément CA TT NE EN ne obtenu par la méthode | de Greenwich. M. Rücker établit que la méthode de Wild est préfé- rable Cet avis est d’ailleur conforme à celui d’un météorologiste autorisé M. Mascart. M. Whipple fait ressortir l’avantage considérable résultant de Pemploi d'instruments enregistreurs : avant l'invention de ces appareils les calculs à effectuer étaient tellement labo- rieux que des erreurs devaient presque nécessairement se glisser dans les résultats. M. Perry demande si l’on ne pourrait employer quelque machine pour cal- culer les moyennes des observations inscrites par les appareils. M. Whipple répond que de tels appareils sont en usage au bureau météorologique, mais ils ont l'inconvénient de ne pas éliminer les perturbations accidentelles,dues au passage d’une voiture par exemple dans le voisinage, À ce propos M. Boys fait observer qu'il a construit des instruments intégrateurs à cylin- dres beaucoup moins chers que ceux de G. Thomson el dont l’inertlie est bien moins considérable. SOCIETE DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 15 mm 1890. MM. Armstrong el P. Wynne : Les chlorures de naph- taline et leurs dérivés ; manière dont ils sont décomposés par les alcalis. Les auteurs résument cette partie de leur travail dans le tableau suivant, La première colonne indique la constitution du corps en expé- rience, la deuxième celle du produit obtenu par l’ac- lion du chlore; enfin la troisième colonne renferme la formule du composé obtenu par l’action de la potasse sur le chlorure : CI C2 CI ONZE RE ele 1 NA V4 S 0 NAN CA (D HCI CI FANS A Na RASE FÉPOEEte HCI SO?CI ADS ù LONSEZAN , A | 1 | | | HORS Ne HCI CI ACADÉÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES HCI CI A PA à FPE na en hi. Rs NZ NT OR ACT ARTE SAR HCI CI MM. Armstrong et P. Wynne : (Changements isomé- riques dans la série de la naphtaline. Influence de la posi- tion pour déterminer la nature du changement isomérique dans le cas des acides mono et dichloronapthtaline-sulfo- nique. — MM. Meldola ct Hughes : Une troisième nu- phioquinone. En préparant la monobromindone par l’action de l'acide nitrique fumant sur le dibromo-4- naphtol, on obtient une pelite quantité d’un produit insoluble dans l'alcool que ces auteurs considèrent comme une naphloquinone répondant à la formule O—0 É 70 Se A NAS T MM. Thomas Carnelley et W. Frew : Les pouvoirs antiseptiques relatifs des composés isomériques. Les re- cherches sur l’action des dérivés di-substitués de la benzine sur les organismes de l'atmosphère conduisent à conclure que les composés para sont en général plus antiseptiques que les composés ortho et méta corres- pondants. Ces résultats sont d'accord avec ceux de Wolcott Gibbs et Hare qui ont récemment expérimenté sur des chiens l’action vénéneuse des benzines di-subs- tiltuées., — M. Perkin : Note Sur la préparation de la pyrocatéchine, Le phénol peut s’obtenir par l'action de l'acide iodhydrique sur le gaïacol. — M. Lewkowitsch : Deuxième mémoire sur les travaux de Benedikt. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 8 mai 1890. SCIENCES NATURELLES. — M, W. Waldeyer : Sur l’a- trophie du thymus. L'auteur traite de l’atropnie du thymus chez l’homme, spécialement dans un âge avancé, Si l’on en juge d’après les traités classiques et les travaux spéciaux, ce ne serait qu'exceptionnellement que se conserverait Jusqu'à la vieillesse un corps ayant la forme du thymus; il serait de même exceptionnel d'y rencontrer dans un âge avancé des restes du tissu thymique normal. Les données de M, Watuly et celles de M. Sappey, dont l'exactitude est relevée spécialement, concordent le plus avec les résultats des recherches nouvelles instituées par M. Waldeyer, Il suit de ces dernières que durant toute la vie jusqu’à l'extrême vieillesse il se conserve toujours dans le médiastin antérieur un corps, ayant la forme du thymus et étant en moyenne un peu plus volumineux que le thymus du du nouveau-né; c’est ce que démontre une série d’au- ‘topsies faites chez des personnes de 40 à 70 ans. L’examen microscopique de ce « corps adipeux rétro- sternal ou thymique » y démontre sans exception la présence de restes du parenchyme thymique. Les vaisseaux qui arrivent au corps thymique ont la même origine que ceux du thymus normal. L'auteur se range à l'opinion de MM. Friedleben, His et Watney sur le mode de formation de la graisse dans la grande thy- mique. Le processus de cette dégénérescence repose- rait sur un développement de graisse dans les stro- mas conjonclifs; en mème temps un nombre assez considérable de cellules parenchymateuses disparai- trait. SOK Séance du 22 mai 1890. 19 SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. Fuchs: Sur les équations différentielles linéaires et intégrables algé- briquement, — M. Kronecker : Sur les systèmes ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 389 orthogonaux et sur la composition des systèmes de nr grandeur avec eux-mêmes. — M Lipschitz : Sur la théorie de la transformation simultanée de deux formes quadratiques ou bilinéaires. — M. Bruns : Sur le problème des perturbations séculaires. 20 ScIENCES NATURELLES, — M. W. Vagel: sur le déve- loppement de l’uterus et du vagin chez l'embryon humain, Comme suite de ses publications antérieures sur le développement du système uro-génital, l’auteur communique aujourd’hui ses recherches sur les canaux de Müller : il résulte de celles-ci que le cordon sexuel et les parties avoisinantes du plicæ w'o-geni- tulis présentent déjà dans leurs premiers stades de développement une légère courbure dorso-ventrale à concavité antérieure; la position inclinée antérieure doit être considérée comme la position première, La partie distale du canal de Müller, d’où dérive le vagin, possède un épithélium différent de celui de la partie proximale qui forme l'utérus, L'auteur décritles différents stades des transformations du canal de Müller, d’où résulte la disposition définitive de l'utérus et du vagin, D' J, F. HEymaxs, Séance du 3 juin 1890, SCIENCES PHYSIQUES, — M. de Helmholtz présente un travail de MM, Kayser et Runge à Hanovre sur les spectres des métaux alcalins. Les spectres ont une structure tout à fait analogue et se composent de diffé- rentes séries de raies qui peuvent être représentées par la formule : ES BC 7 72 où À, B, C, sont des constantes; À représente la lon- sueur d'onde; pour x il faut mettre les nombres entiers depuis # — 3, La valeur n — 3 donne la vibra- tion fondamentale, Dans chaque spectre il faut distin- guer une série principale, qui se compose des raies les plus visibles et le plus facilement reversibles et qui s'étend depuis le rouge jusqu’à l’ultra-violet extrème. Les raies de cette série sont des paires dans les spec- tres de tous les métaux alcalins excepté celui du lithium, La distance des deux raies, done la diffé- rence du nombre de vibrations est indirectement pro- portionnelle à la quatrième puissance du x caractéris- tique pour la raie. Les séries secondaires se trouvent toutes dans la partie visible du spectre : le lithium en a deux, le sodium et le potassium quatre qui sont égales deux à deux; le rubidium et le césium n'en ont que deux. L'égalité des séries deux à deux se manifeste par l'égalité des deux constantes B et C. La différence du nombre de vibrations reste constante pour toutes les paires des séries secondaires contrairement à ce qu'on n' a trouvé pour les séries principales. Cette différence” est égale à celle qu'on trouve pour la première paire des séries principales (n — 3); elle est approximative- ment proportionnelle au carré du poids atomique. Plus le poids atomique du métal est grand, plus les séries principales et secondaires se rapprochent de la partie rouge du spectre, Contrairement aux indications de M. Lockyer, les auteurs ont trouvé que seulementles raies du sodium, savoir les raies de sa série principale, se retrouvent dans le spectre du soleil, —M. Kronecker : Sur les systèmes orthogonaux (suite), D' Haxs Jaux. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE BERLIN Séance du 13 juin 1890. M. Vogel présente à la Société un exemplaire des photographies de M. Verres qui reproduisent les cou- leurs naturelles, Quant à la technique de cette photo- graphie il faut mentionner que la méthode d'exposer des images transparentes posées sur du papier à chlorure d'argent bruni était déjà employée par Niepce en France et Jenker en Allemagne. Les parties rouges de l'image sont très bien reproduites, le jaune et le vert deviennent rougeûtres, le bleu ne vient que très faible- ment et le brun devient rouge, En somme ces photo- graphies sont très inférieures aux photographies en couleurs naturelles que Becquerel et Niepce ont déjà exécutées pour le spectre solaire et elle ne sont pas beaucoup mieux fixées que les photographies des savants francais. — M. Kundt y joint la remarque qu'il a vu au laboratoire de feu M. Magnus un exem- plaire des photographies du spectre exécutées par L. M. Becquerel et que celles-ci surpassaient de beau- coup les photographies modernes, Il à fait lui-même quelques essais d’après la méthode de Becquerel et il a observé qu'on réussit presque toujours à reproduire la partie rouge et jaune du spectre, mais qu'à partir de là les couleurs deviennent indistinctes, — M. Kundt présente un appareil construit par MM. Hartmann et Braun d’après les indications de M. Lenard pour dé- montrer la variation de la résistance électrique du bismuth dès qu'on le place dans un champ magné- tique, L'appareil consiste en un fil de bismuth roulé en spirale et placé entre deux feuilles de mica. Si l’on compense la résistance de cette spirale à l’aide d’un pont de Wheatstone, il suffit de la placer entre les pôles d’un électro-aimant en sorte que les lignes de force soient perpendiculaires à la spirale, pour obtenir une déviation notable du galvanomètre, Les courants induits ne sont qu’extrèmement faibles de’sorte que la dévia- tion permanente qu'on observe doit être attribuée à un changement de la résistance de la spirale, Sa dévia- tion est proportionnelle à l'intensité du champ magné- tique, de sorte que, d'après M. Kundt, on pourrait se servir avec avantage de la spirale de Lenard pour déterminer Pintensité du champ. D' Hans Janx, SOCIÉTÉ DE PHYSIOLOGIE DE BERLIN Séance du 6 juin 1890 M. ©. Hagemann éludie les échanges des substances azotées durant la grossesse et la lactation chez deux chiennes. Il commenca par leur donner une ration constante de substances azotées, hydro-carbonées et graisseuses. Après plusieurs semaines, lorsque les ani- maux étaient entrés dans un équilibre constant d'é- changes nutritifs, la fécondation eut lieu, Il dosa l'azote des urines, avant la fécondation, continua durant la grossesse, la lactation et jusqu’après la lactation. La quantité d’azote éliminée, comparée à la quantité d'azote absorbée (celle des aliments moins celle des fèces), lui était inférieure avant la fécondation; après celles-ci, elle lui devient notablement supérieure; di- minuant peu à peu, elle lui est égale vers le milieu de la grossesse ; elle devient de plus en plus petite jusqu'au moment de l’accouchement, où durant quelques jours elle est supérieure à la quantité d'azote absorbé, Mais elle redevient inférieure à cette dernière durant toute la période de lactation; après que la lactation a cessé, l'élimination de l'azote augmente légèrement. — M. Zuntz : L’anse intestinale, isolée (voyez séance du 23 mai, n° du 15 juin 4890, page 349) absorba bien la solution physiologique de chlorure de sodium, les solu- tions sucrées de 1 et de 32/;,. Une solution de carbo- nate de sodium de 0,4 °/, était excitatrice pour la paroi intestinale ; elle sortit en totalité par le bout posté- rieur, le liquide intestinal recueilli contenait seule- ment 0,2 °/, de carbonate: le liquide intestinal contien- drait done moins d’alcali que l’a indiqué Heïdenhain. Des émulsigns de lipanine ou d'huile de foie de morue, du chyle recueilli chez une personne avec fistule lym- phatique, ne furent nullement absorbés par l’anse in- testinale ; l'addition de bile n'eut aucune action, Une solution de savon est absorbée partiellement, mais pro- bablement en moindre quantité que cela n’a lieu nor- malement, L'auteur, tout en pensant que la graisse pour être absorbée subit d’abord l'émulsion, peut-être la saponification, est forcé ainsi d'admettre que ce processus est soumis encore à des influences incon- nues, qui sont peut-être d’origine pancréatique, D' J. F, HEymans, 390 ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 6 juin 1890, 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M, A. Winckler : sur le multiplicateur des équations différentielles du pre- mier ordre, — M.Z. Mandl : projection du dodécaëdre pentagonal. — M. L. Horkay : recherches sur la gra- vitation, la véritable position de la terre et son mouve- ment derotation. — Le D'Faul Czermak : contribution à l'étude des lignes de niveau L'auteur propose une représentation de lignes équipotentielles électriques, considérées comme l'intersection de deux surfaces. — Le D' Alois Walter : calculs relatifs à la chute des corps suivant les lois de la gravitation ; le mémoire contient l'intégration par des développements en série des équations différentielles du mouvement en tenant compte de la rotation de la terre autour de son axe et de la résistance de l'air. 2° SCIENCES PHYSIQUES, M. Zulkowski adresse un mé- moire sur lOrcéine. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Adamkiewiez : Sur la virulence des tumeurs malignes (cancers), Les tumeurs malignes offrent des caractères singuliers au point de vue pathologique : d’un côté elles se rapprochent des tumeurs infectieuses (de la tuberculose ou de la syphi lis par exemple) ; tandis que sous d’autres rapports elles en diffèrent profondément. Les points de ressem blance entre les cancers et les tumeurs infectieuses tiennent surtout à la facon dontces accidents se répan- dent dans l'organisme qu'ils attaquent pour le ruiner petit à petit; mais jusqu'à présent on pouvait établir entre eux une différence essentielle ; on sait au moins d’une facon générale qu’il existe un virus produit dans les tumeurs infectieuses dont on a étudié la propaga- tion sur le malade et la transmission d’un individu à un autre ; la plus grande obseurité règne au contraire sur le mode de transmission du cancer dans l’organisme et sur son mode de contagion, Cohnheim a même cru pou- voir affirmer, à cause de l'impossibilité d’inoculer le cancer, qu'il n'existe pas de virus capable de le trans- mettre. Sans entrer dans aucune hypothèse etédifier au- cune théorie, l’auteur établit par des faits qu'il se croit au- torisé à considérer comme démontrée l'existence d'un virus réel dans la structure des véritables cancers ; dans ses recherches il a été aidé par son collègue le profes- seur Obalinski ; il compte d’ailleurs revenir bientôt sur cette importante question. -— Le D'Geiza Bukowski écrit à l’Académie pourlui donner des nouvelles de son voyage en Asie mineure ; parti de Diner, dernière sta- tion du chemin de la province Aïdin, il a jusqu’à pré- sent exploré la région du Sud et de l'Est; il va continuer son voyage vers le Nord et l'Ouest; il à déjà recueilli de précieux renseignements orographiques et géolo- giques. M. G. Haberbandt élablit que les organes correspondants de copulation du Spirogyra quiquina sont presque constamment en opposition ; une excila- tion dont l’origine est fort probablement chimique les fait correspondre d’une facon toute momentanée, — Le professeur J, Wiesner adresse des études surla forma- tion élémentaire des cellules des plantes, qui font suite à ses recherches publiées en 1886 sur l’organisation des cellules végétales. Séance du 12 juin 1890. 1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Stephan fait une communication sur la théorie des décharges oscil- lantes d’une bouteille de Leyde. Cette théorie a été dé- veloppée par S. W. Thomson et par Kirchhoff, elle fournit pour l'intensité du courant de décharge une équation qui s’identifie avec celle du mouvement du pendule dans un milieurésistant. Dansle développement du calcul on suppose que la décharge se produit avec un courant de densité uniforme dans toute la section du fil ; cette supposition doit, pour des courants aussi rapides, être assez éloignée de la vérité. On sait qu’en pareil cas le mouvement électrique reste dans un con- ducteur métallique presque exclusivement sur une En ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES couche très voisine de la surface, L'auteur en adoptant celte hypothèse pour le cas présent reprend la théorie de la décharge, Le résultat essentiel est qu'une dé- charge oscillante est toujours le résultat de deux mou- vements dont l’un toutefois s'éteint plus rapidement que l’autre. Le dernier est celui qui prend le caractère d'un mouvement pendulaire, quand l'influence de la, résistance sur la durée des oscillations est petite, la nouvelle théorie conduit à des résultats tout à fait ana logues à ceux donnés par l’ancienne théorie, Mais il faut remplacer le coeffic'ent de self-induction du fil par l’induction de chacun des filets longitudinaux sur la surface. Il en résulte que le magnétisme du condue: teur n'a pas grande influence sur la durée des oscillas tions, et qu'on obtient les mêmes résullats avec son conducteur de fer ou de cuivre; tandis que l’ancienne théorie conduisait pour le fer à une durée un peu su- périeure, Si lon intercale une étincelle dans le conduc- teur, il peut en résulter que le mouvement s’écarte da- vantage du mouvement pendulaire que dans lan- cienne théorie, IL y a lieu de tenir compte decette influence dans les calculs relatifs aux ondulations ainsi produites, et l’on trouverait peut-être là l’inter- prétation des expériences de MM, Sarrasin et de la- Rive, L'auteur termine son mémoire par des considé- ralions sur l'énergie dispersée dans la décharge oscil- lante du conducteur. 2° SCIENCES NATURELLES, envoie la seconde partie voyage en Asie Mineure. Le D' Geza Bukowski du compte-rendu de son Emil Weyr, Membre de l'Académie, ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séance du 1° juin 1890 1° SGIENCES PHYSIQUES. — MM. Gerosa et Finzi ont étudié le coefficient magnétique des liquides. Ils remarquent que les valeurs trouvées par plusieurs expé- rimenlateurs pour ce coefficient ne s'accordent ni pour la grandeur ni pour les changements du coeffi- cient, sous les variations de la force magnétisante. Pour Poisson, il est constant; pour d’autres, il croît ou décroit pour tous les liquides ou pour quelques li- quides seulement, Silow, qui a expérimenté, avec des champs magnétiques faibles, admet, pour la solution de perchlorure de fer, déterminée par deux méthodes différentes (densité — 1,48; 1,52) un coefficient maxi mum (4—10—56, 179; —10—6. 142) entre les valeurs 0,3 — 0,4 unité C. G.S. de la force magnétisante, Les recherches exécutées par MM. Gerosa et Finzi sur le coefficient À de deux solutions de perchlorure de fer (4re densité — 1,548; 2% densité — 1,175 à 22 ont con- duit aux résultats suivants, pour deux valeurs de la force magnétisante F, comprises entre 0,1etl,1unités C,G.S. : ire solution #4 — 0,000€6062 + 0,0001055, F 2me solution k —0,00001841 + 0,000055. F ‘C'est-à-dire que le coefficient magnétique des deux solutions varie proportionnellement à la force magné- tisante et dans la même raison. Dans leurs expériences, MM. Gerosa et Finzi suspendent dans un tube vertical en laiton une aiguille magnétique, que l’on règle à l’aide d’un aimant extérieur jusqu'à ce que la sensi- bilité soit suffisante, En faisant passer un courant dans le tube, on donne naissance à un champ magnétique, dont l'intensité dépend du courant, Le tube est entouré d’un vase cylindrique en verre, divisé en deux parties par une cloison normale au méridien magnétique, En remplissant une partie du vase avec un liquide, celui- ci agit sur l'aiguille comme la moitié d’un anneau aimanté, et la dérivation de l'aiguille permet de cal- culer le coefficient #, Avec cette méthode, différente de celle de Silow, on arrive : 1° à faire varier la sensibilité entre des limites très étendues; 2° à soustraire l'ai- guille aimantée à l’action de la force qui magnétise le liquide, et aux perturbations du liquide même, A ce ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 391 propos, on à reconnu que le mouvement des parti- cules de la masse liquide augmente la valeur du coef- ficient magnétique, —M. Ascoli, poursuivantses études sur la relation qui existe entre l’élasticité et la résis- tance électrique des métaux comme le platine, l’ar- ent et le fer, a repris ses expériences sur l’argent. ans ces expériences, il compare entre elles les varia- tions qu'éprouvent les deux propriétés physiques sous les variations de température, comprises entre 15° et 350°, auxquelles étaient soumis des fils métalliques. Les nombreuses expériences de M. Ascoli, la discussion de leurs résultats et leur comparaison avec ce que l’on connaît déjà sur la résistance et l’élaslicité des mé- taux, conduit aux conclusions suivantes : 1° La résis- tance électrique de l'argent cru va toujours diminuant, atteint un minimum pour le recuit à 235° environ, et après elle augmente de nouveau jusqu'à dépasser la valeur initiale; le platine présente le même phéno- mène; 2 Le coefficient de torsion de l'argent placé dans la même condition, augmente jusqu'au recuit à 270° environ, et après il diminue jusqu’au-dessous de la valeur initiale ; 3° À chaque état élastique corres- pond une valeur fixe de résistance, pour des modifi- cations provoquées d’une manière quelconque; et à chaque état normal élastique correspond un éfat élec- trique normal; 4° La résistance électrique diminue lorsqu'on augmente l’électricité de première espèce, et augmente avec l'accroissement du frottement intérieur ; 5° Les métaux expérimentés se comportent tous de la même manière, eu égard à la relation entre la résis- tance et l'électricité. — M. Pisati a reconnu que, dans ses expériences sur la propagation du flux magné- tique dens les métaux, il se produit un phénomène secondaire, qui cause des perturbations sensibles à la loi fondamentale du flux, M. Pisati décrit dans une note ce phénomène qui explique les différences entre les valeurs fournies par l'observation et par le calcul, et qui peut donner une idée de la manière dont les lignes de force du courant excitateur pénètrent dans le conducteur magnétique, 29 SCIENCES NATURELLES, — M. Moriggia présente à l’Académie les résultats qu'il a obtenus dans ses expé- riences sur les têtards, Ces animaux, soumis à l'ombre, au froid et au jeûne, ne peuvent commencer à accom- plir leur métamorphose, et leur corps présente des dimensions quinze fois plus petites que celles des tétards développés dans des conditions normales, M. Free ajoute des observations sur la résistance des tétards et des grenouilles à la chaleur, à l’eau aci- dulée, à l’asphyxie produite par différents moyens. — M. Fusari à réussi, à l’aide de la réaction noire de Golgi, à mettre en évidence les terminaisons des fibres sympathiques dans les capsules surrénales, Des re- cherches embryologiques, exécutées sur les poulets et. sur quelques mammifères, dont M, Fusari donne la description, il résulte, contrairement à ce qui avait été énoncé par Gottschau, Janosik, Mihalkovics et Valenti, 1° que deux espèces d'éléments entrent dans la for- mation de l’ébauche des capsules surrénales, l’une, qui dérive de l'épithélium péritonéal, l’autre, qui dé- rive des ganglions du sympathique; 2° que, entre les ganglions du plexus solaire restent encore enfermés des éléments de dérivation ou de l’épithélium périto- néal; 3 que dans les mammifères, la structure lobu- laire des capsules surrénales disparait rapidement, mais que, malgré cela, les éléments s'arrangent de manière que ceux qui dérivent de l’épithélium forment la substance corticale et ceux qui dérivent de la partie nerveuse forment la substance médullaire, M, Fusari n'a pu, jusqu'alors, établir que cette dernière subs- tance soit formée exclusivement par des éléments du second ordre, Séance du 15 juin 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Bianchi : Sur les surfaces dont les lignes asymptotiques dans un sys- > x 5 . S tème sont des courbes à torsion constante, — M. de Paolis : Quelques propriétés de la surface de Kummer, — M. Ciani:Sur les surfaces cubiques dont la Hessienne se brise, — M. Enriquez: Sur quelques propriétés des faisceaux d'homographies, dans les espaces linéaires à ñn dimensions, 29 SCIENCES PHYSIQUES, — M. Tacchini présente une photographie de l’éclipse solaire du 22 décembre 1889, envoyée à l'Académie par M. Holden, directeur de l’Ob- servatoire Lick, en Californie, M. Tacchini établit une comparaison entre la couronne solaire, bien marquée dans cette photographie, et la distribution des phéno- mènes solaires à la surface du Soleil, qu'il a obtenue de ses observations exécutées à l'observatoire du col- lège Romain; il croit pouvoir conclure que la forme de la couronne solaire a une relation manifeste avec les protubérances du Soleil, et même il considère la cou- ronne, en grande partie, comme un produit de ces phé- nomènes, — M. Tacchini donne encore communi- cation de ses observations sur l'influence du mouve- ment des passants, des véhicules, etc., et du vent sur les appareils séismiques. On a fait, à ce sujet, des ex- périences sur la vieille tour du Collège Romain à 40 m. au-dessus du niveau de la ville, et le résultat a été que les oscillations produites par un régiment de soldats qui passait à 150 mètres de la tour, furent enregistrées par les appareils, ce qui démontre leur sensibilité et leur aptitude à ce genre d’enregistrations, M, Tacchini insiste sur la nécessité, qui devient toujours plus pressante, de placer les Observatoires géodynamiques dans des lieux autant que possible éloignés de toute action per- turbatrice, et d'attendre, pour l'adoption définitive des séismographes, les résultats obtenus avec des modèles soumis à une longue observation dans des stations con- venablement placées, comme celle de Casamicciola, — M. Agamemnone a fait des recherches sur les derniers tremblements de terre que l’on a ressentis à Rome le 8 décembre 1889, le 23 février et le 5 mai 1890, Dans sa uote, M. Agamemnone reproduit les enregistrations obte- nues avec les appareils Brassart au Collège Romain ; il en déduit amplitude d'oscillation de la tour, et il présente quelques considérations sur l'usage des appa- reils séismiques., — M. Vanni donne une nouvelle méthode pour mesurer la distance du foyer dans les lentilles ou dans les systèmes convergents ; cette mé- thode, observe M. Vanni, est inférieure à celle proposée par M. Cornu, mais elle peut être utile lorsqu'on n'a pas à sa disposition une lunette à longue portée, nécessaire à régler le viseur indispensable avec la méthode de M, Cornu, — M. Keller a rédigé un guide topographique et itinéraire des localités de la cam- pagne du Latium où l’on trouve les principales roches magnétiques, dont quelques-unes, comme la lave d’ori- gine basaltique, présentent une action remarquable et des anomalies dans la distribution du magnétisme difficiles à expliquer, mais analogues à celles des ai- mants artificiels. — MM. Ciamician et Zanetti ex- posent leurs recherches sur la stabilité du groupement périodique dans les divers dérivés du pyrrol, — M. Piccini annonce avoir obtenu, en faisant agir l’'ammoniaque sur une solution de fluotitanate ammo- nique normal, un sel qui contient fluor, oxygène, titane et ammonium, Ce composé, bien qu'il s’oxygène dans des circonstances faciles à reproduire et qu'il appar- tienne à la série la plus stable TiX#, n’a pas encore été décrit; il forme sur du papier Berzelius une tache blanche et soyeuse composée de petits cristaux en groupes, etsa formule serait Ti®0‘FE! (NH). — M. Fa- bris, rappelant qu'aujourd'hui on ne connait qu'une seule modification du fluorure chromique (CrFB), la verte, donne la description des réactions qui lui ont permis d'obtenir le fluorure chromique violet en com- binaison avec l’eau, substance très peu soluble mais d’une transformation facile, dont on peut exprimer la composition avec la formule CrF13+9H?0,—M.Marino- Zuco, qui avait déjà extrait avec l’éther des fleurs de chrysanthème (Chrysantemum cinerariæ folium) une pa- rafline et un homologue supérieur de la cholesterine 392 NOUVELLES J ordinaire, a obtenu, poursuivant la distillation des fleurs dans l'alcool à chaud, un nouvel alcaloïde, la chrysantémine, dont il donne la description. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Pirotta entretient l’Académie de ses recherches sur la structure anato- mique du Keteeleria Fortunei (Murr.) Carr. Cette p'ante est une Conifère Abietinée monotypique très intéres- sante de la Chine, dont M. Pirotta a déjà fait connaître les fleurs mâles il y a trois ans. IL s'occupe dans ce moment de l'étude monographique de cette plante, et les résultats obtenus peuvent se résumer ainsi : 4° La racine est caractérisée surtout par la présence d’un canal sécréteur primaire axile, de canaux résinifères secondaires irrégulièrement disposés dans le bois se- condaire, par l'existence de cellules à gomme dans l'écorce secondaire; 2° La tige est caractérisée par la résence de canaux sécréteurs et de cellules à gomme ans l'écorce primaire et par leur absence dans le bois et dans l'écorce secondaires; 3° Dans les feuilles la structure bi-latérale à mésophyle hétérogène est ca- ractéristique : on y trouve deux canaux sécréteurs laté- raux et marginaux et des cellules à gomme dans le parenchyme, — M. Acqua a étudié l'accroissement en surface et l’origine de la membrane des tubes pollini- ques. Il a été conduit à conclure : 1° Que la membrane cellulaire est un produit de transformation directe de l’assise la plus extérieure du corps protoplasmique; 29 Que l'accroissement en surface a lieu dans plusieurs cas par distension et déchirement des assises actuelles et par une formation correspondant :à une nouvelle assise, ce que l’on peut voir aussi quelquefois directe- ment au miscrocope, M, Acqua a aussi confirmé en partie les observations de M. Palla, c'est-à-dire que des portions de protoplasma sans nucleus peuvent sécréter une nou- velle membrane et l’accroître, Ernesto Mancini. NOUVELLES L'ÉCLIPSE SOLAIRE DU 17 JUIN 1890 * L'observation de l’éclipse solaire du 17 de ce mois vient d'apporter une importante contribution à la Science. M. Janssen, Directeur de l'Observatoire d’Astronomie physique, avait organisé dans ce but à Meudon et à Candie, lieu du maximum de l’éclipse, un service dont voici les principaux résultats : 1° A Meudon on a pu, malgré le mauvais temps, pho- tographier la photosphère solaire jusqu’au bord même de la lune, Les épreuves obtenues montrent que les granulations photosphériques ne subissent aucune déformation appréciable au voisinage immédiat de no- tre satellite; d’où l’on doit conclure, sinon à l'absence absolue, du moins à l’extrême raréfaction de l’atmos- phère autour de la lune, 20 A Canée (Candie), où M. de la Baume avait été envoyé par l'Observatoire de Meudon, ce savant a plei- nement réussi à photographier l'anneau et son spectre. Conformément aux instructions de M. Janssen, les ima- ges des astres en conjonction ont été prises sur plaques argentées, de sorte qu’il sera possible d'effectuer sur ces clichés la mesure exacte des diamètres, mesure dont la détermination rigoureuse offre un intérêt de premier ordre, IL importait aussi de photographier le spectre de l'anneau au moment du minimum de la couronne. « On sait », dit à ce propos M. Janssen (1), « que le spectre solaire, même pour les régions circumzéni- thales, contient les raies de l'oxygène. C’est la présence de l'oxygène de notre atmosphère qui produit ce phé- nomène; et il est si accusé qu'il serait difficile de décider si une portion du phénomène ne pourrait être attribuée à l’action de l'atmosphère solaire, Il existe, il est vrai, tout un ensemble de moyens qui pourraient conduire à la solution de cette importante question. Mais parmi ces moyens figure l'observation des bandes obscures de l'oxygène, En effet, ces bandes ne se montrent dans le spectre solaire que quand Vastre est à moins de 19° de l'horizon. Il en résulte que, quand le Soleil est élevé, si le spectre du bord de l’astre, c’est-à-dire des points où l’action de son atmos- phère doit être la plus forte, montre les bandes en question, on sera en droit d'attribuer leur présence à (1) €. R. Acad, des Sc. 23 juin 1890. celle de l’oxygène de l'atmosphère de notre astre cen- tral, » Grâce à la forme annulaire de l’éclipse observée à Candie, les épreuves de M, de la Baume ont, pour ainsi dire, isolé le spectre du bord du disque solaire. L’exa- men de ces épreuves promet donc de trancher d'une facon décisive l’une des questions les plus controver- sées de l’Astronomie. Comme on le voit, ce sont là des résultats considé- rables, En les annoncant lundi dernier à l’Académie des Sciences, M. Janssen a fait remarquer que les heures d'entrée oculairement observées en divers pays offrent entre elles un écart d’une quinzaine de secondes, qu'explique la difficulté d’une telle détermination. L'emploi du revolver photographique, créé en 1874 à l’occasion du passage de Vénus, conduirait au con- traire à une solution très précise; cet appareil est en effet devenu tout à fait pratique depuis l'invention des plaques au gélatino-bromure d'argent, A l'Observatoire de Paris on devait observer l’éclipse non seulement à l’aide des équatoriaux installés à demeure, mais en outre avec des lunettes et des téles- copes placés pour la circonstance sur des pieds mobiles: cela formaït un total de 7 à 8 instruments, ayec lesquels on se proposait de déterminer les heures des contacts et de faire des mesures micrométriques de la distance des cornes brillantes découpées sur le soleil par le disque obscur de la lune, A moins d'employer des instruments spéciaux, tels que l’héliomètre, ces mesures ne peuvent se faire que lorsque les cornes sont assez rapprochées pour se trouver simultanément dans le champ de la lunette, c'est assez dire pendant quelques minutes après le ‘commencement et quelques minutes avant la fin. Au commencement de l'éclipse des nuages cachaïient le soleil: il ne s’est montré que lorsque les cornes étaient déjà fort éloignées l’une de l’autre. Il y a eu ensuite quelques éclaircies aussi courtes que médiocres, mais qui ont cependant permis de bien voir l’éclipse à l'œil nu; quelques temps avant la fin, le Soleil se montrait encore et il a été possible de mesurer plu- sieurs fois la direction et la distance des cornes; mais des nuages survenus quelques secondes avant le dernier contact ont empêché de noter cette phase importante, L.20, Le (Gérant : Ocrave Don. Paris.— Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. HARAS a Lac ne ARS 4 ANNÉE N° 13 15 JUILLET 1890 REVUE GÉNÉRALE S DUIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER DE LA CRANIECTOMIE DANS LA MICROCÉPHALIE (! Je ne veux invoquer, au début de ce travaii, ni des raisons de théorie pure, ni les enseignements de la physiologie ou de la clinique, pour justifier une opération dont l’entreprise a élé suivie des plus heureux effets. Il me parait préférable de faire connaitre teut d'abord l’état du jeune sujet chez qui la tentative opératoire a eu lieu le 9 mai 1890. C’est une petite fille âgée de quatre ans et un mois, offrant les déformations cräniennes et les signes de la microcéphalie sous sa forme grave. Elle est née à terme, sans aucun accident, d'un père âgé de 38 ans et d'une mère âgée de 35 ans, tous deux exempts de défectuosités physiques el jouissant d’une bonne santé. On ne trouve aucune influence héréditaire pour expliquer l'élat de cette fillette qui a cinq frères ou sœurs tous bien portants. La mère raconte que sa petite fille a toujours élé beaucoup plus en retard que les autres Jusqu'à trois ans elle n’a pris que des aliments liquides; elle n’a jamais marché et elle ne se tient même pas debout. Depuis quelques semaines seulement on lui fait balbulier quelques syllabes toujours les mêmes. La salive s'écoule hors de la bouche comme chez le nouveau-né. Les apparences de cette fillette sont celles d'un enfant de deux ans, imparfaitement développé; elle est toute petite, chélive, et quoique ses veux soient brillants et très mobiles, elle ne parait pas s'intéresser à ce qui se passe autour d'elle et on ne parvient pas à captiver son attention. — On la 1) Je me sers du mot créniectomie qui n’a pas, je crois, encore été employé, le trouvant plus conforme à l'opération dont il s’agit que le mot trépanation. REVUE GÉNÉRALE, 1890. voit dans son lit pousser continuellement des cris inarticulés et balbutier les mêmes monosyllabes en s’'agitant sans cesse et sans but. Le corps tout entier est grêle dans toutes les dimensions ; la taille est de 77 centimètres; la cir- conférence du thorax mesure 45 centimètres au niveau des mamelons; la charpente osseuse des membres est petite; les extrémités sont longues et effilées. Lorsqu'on met l’enfant debout, elle tombe immé- diatement et de tout son poids lorsqu'on cesse de la soutenir ;si l’on veut la faire marcher en la sou- tenant par les bras. on n'y parvient aucunement, mais les membres inférieurs s'agitent en exécu- tant des mouvements désordonnés et très préci- pités, toujours dans le même sens. Iln'ya,en effet, aucun déplacement antéro-postérieur du tronc et il faut la porter pour la faire aller en avant; mais l'enfant soutenue lève et abaisse alternativement ses membres inférieurs avec une extrème rapidité et en piétinant surplace ; cesse-t-on de la soutenir, elle s’affaisse immédiatement. On ne constate chez ce bébé ni contractures, ni paralysies ; la sensibilité générale parait normale; les réflexes ne sont pas augmentés; il n'y a pas de trépidations épileptoïdes. La tête de cette enfant, d'un très petit volume, présente en outre une déformation remarquable. Le crâne est étroit, très aplati transversalement, saillant sur le vertex; c’est le type du genre sca- phoïdien. La face présente un prognathisme assez accusé ; elle est amincie en travers; le nez est développé et 13 39% D' LANNELONGUE. — DE LA CRANIECTOMIE DANS LA MICROCÉPHALIE aquilin, le front fuyant et très étroit. De tous les diamètres crâniens, un seul se rapproche de l’état normal : c’est l’antéro-postérieur ou occipilo- frontal qui mesure 155 millimètres. Les autres, très amoindris, atteignent, le bi-pariétal, 119 ?"; le bi-auriculaire, 105 "", le bi-frontal, 86 ®, Telle est la jeune personne confiée accidentel- lement à mes soins; vrai type de microcéphalie avec idiotie; il est difficile de trouver un terrain en apparence moins favorable à une intervention quelconque, et je n’y eusse pas songé si je n'avais pas eu l’occasion de faire récemment l'autopsie d’un cas semblable, provenant du service de mon collègue, M. le D' Legroux. Mais avant d'en parler, qu'il me soit permis de rappeler les courants d'opi- nion qui existent sur cette question obscure de la microcéphalie. Altribuant au erûne une importance prépondé- rante, Virchow crut devoir rapporter à une ossifi- cation prématurée des sutures la cause de l’arrèl du développement de cet organe. Le crâne fermé, sa capacité élait désormais limitée et l'évolution cérébrale, se trouvant entravée, était elle aussi frappée pour toujours d’un arrêt de développement. Doctrine séduisante, paraissant expliquer à mer- veille certaines formes particulières du crâne, mais qui devait plier devant les faits et ne rester qu'à titre d'exception. C. Vogt (1), Broca (2), Mon- tané présentèrent bientôt des exemples peu nom- breux, il est vrai, mais probants, établissant que les sutures sont constamment fibro-cartilagineuses chez les jeunes microcéphales, et que ce n'est qu'entre vingt et quarante ans qu'on observe une ossification prématurée, portant exclusivement sur les sutures sagittales et squämeuses : dans la moitié des cas (Montané), quatre fois sur sept (G. Vogt). Mais ces auteurs ont remarqué avec beaucoup d’autres observateurs, et le fait demande à être re- levé, que les sutures sont serrées anormalement chez eux, en mème temps que les fontanelles sont elles-mêmes très rétrécies à la naissance. Du moment que l’ossification prématurée des sutures n'était plus la règle, on devait penser, et P. Broca fut un défenseur convaincu de cette opi- nion, que la microcéphalie provenait d'un arrêt portant originellement sur le cerveau etnon point sur le crâne. C'est le cerveau qui serait, en somme, l'organe essentiel du développement crà- nien, qui le commande alors que celui-ci ne fait que le suivre en s’adaptant à sa forme. (4) C. Vogt, Mémoire sur les Microcéphales ou Hommes-Singes, Genève, Bâle, 1867. (2) P. Broca, Sur un cas excessif de microcéphalie (Bull. Soc. Anthropologique, Paris, 1876, 2° séric, t. XI, p. 85, et Sur un microcéphale âgé de 2 ans 1/2, Paris, 1880, 3e série, t. IT, p. 381. La nouvelle doctrine n'est pas une hypothèse; Baillarger (1), Vogt (2), Broca 3), Ducatte (4), Bour- neville (5) ont décrit avec soin le cerveau des mi- crocéphales qu'ils ont observés; ils ont enregistré l'apparence normale du cerveau dont la forme, les dimensions sont seulement rudimentaires et plus exiguës ; les circonvolutions sont aplalies, plus unies; quelsques-unes sont atrophiées el anor- males; les espaces qui les séparent sont agrandis. Mais en même temps qu'on produisait des faits pouvant faire croire que la microcéphalie était un retour alavique vers les primates, des données d’un autre ordre montraient la question sous un autre point de vue. On avait depuis longtemps constaté une hydropisie ventriculaire ou méningée dans certains cerveaux de microcéphales ; des études encore incomplètes, mais en cours d'élabo- ration actuellement, ont fait voir qu’il y a des alté- rations cérébrales proprement dites, des seléroses : limitées ou diffuses, en voie d'évolution et coïnei- dant d'habitude avec des altérations notables des parois osseuses du crâne, telles que l'hyperostose, une irrégularité d'épaisseur, un amincissement de cette paroi, des sutures plus serrées, des fonta- nelles anormalement rétrécies. La microcéphalie ne représente plus en réalité un type clinique exclusif : elle correspond à des variétés propres par la nature des altérations pri- mitives qui l’engendrent. Mais la question présen- tée sous cette forme est encore à l’étade et en at- tendant que des notions plus précises l'aient éclai- rée, on doit se borner à admettre que le cerveau est, en général, plus ou moins atteint et que le crâne offre des altérations d’une époque contem- poraine ou postérieure. En tout cas, il n’est nulle- ment élabli que les altérations du crâne soient conséculives où secondaires. Chez le sujet microcéphale du service de M. Le- groux, dont il a été parlé précédemment, le cerveau possédait des lésions évidentes et le crâne présen- tait, en dehors d’une déformation excessive le rap- prochant des crânes simiens, des sutures extrè- mement serrées et un épaississement irrégulier et montueux des plus frappants; on y voyail de véri- tables plaques d'hyperostoses (6). ication précoce chez les microcéphales, Bul. (1) Baïllarger, Ossi -1856, t. XXI, p. 954. Acad. Méd. Paris, 1 (2) C. Vogt. loc. cit. (3) P. Broca, loc. cit. (4) Ducatte, La microcéphalie au point de vue de lata- visme, Z'hèse. Paris, 1886. (5) Bourneville et Wuillamié, note sur deux cas de micro- céphalie, Bul. Soc. An. 1881, 4° série, t. XVI, p. 756. (6) À la suite de ma communication à l’Académie des Sciences sur ce sujet (36 juin 1890), j’ai appris que M. Gué- niot (Acad. de méd. 5 novembre 1889, note additionnelle) avait très Judicicusement émis l’idée d’une intervention dans les cas analogues. D' LANNELONGUE. — DE LA CRANIECTOMIE DANS LA MICROCÉPHALIE 395 Dans ces conditions, j'ai pensé qu'on pouvait peut-être modifier une évolution cérébrale com- promise ou retardée et chercher à lui donner un nouvel essort en affaiblissant dans une certaine mesure la résistance du crâne, principalement dans la région où le cerveau possède les centres qui exer- cent la plus grande influence sur la vie de relation. Les résultats obtenus sont assez significatifs dès à présent pour qu'il soit ulile de les divulguer avec le procédé opératoire suivi. Le crâne a été ouvert, non pas à la manière des trépanalions ordinaires, mais dans un lieu d’élec- tion, le long de la suture sagittale, de façon à prolonger le débridement cränien, le long des sutures voisines et au delà de la suture frontale. Je pratiquai donc, sur mon malade, à un travers de doigt de la ligne médiane, une longue et étroite ouverture cränienne, parallèle à la suture occipi- tale. En un mot, je fis au côté gauche du crâne qui élait d’ailleurs notablement plus déprimé que du côté” droit, une brèche, c'est-à-dire une perte de substance de neuf centimètres de longueur et de six millimètres en travers. On pratique aisément la tranchée dans les vs, une fois qu'on a enlevé avec le trépan une petite rondelle, en se servant de pinces coupantes solides, fabriquées par M. Collin. La dure-mère ne fut intéressée en aucun point et, l'hémorrhagie des parlies molles ayant été im- médiatement arrêtée, il n'y eut pas, à proprement parler, d'écoulement sanguin par les canaux vei- neux du diploé, ni par les artères méningées. On procéda ensuite à une réunion exacte de toute la plaie, sans drainage, en évitant de ramener le périoste au devant de la fissure osseuse. On jugea utile également, durant le cours de l'opération, de ne pas placer les téguments immédiatement au- dessus de la rigole osseuse, mais en dehors d'elle. La cicatrisation fut obtenue en quelques jours, sans trace de pus, et la température ne dépassa jamais l'élat normal. Il convient de dire qu'il s'écoula, pendant l’opé- ration, un liquide séreux, sortant en très fines gouttelettes de la surface de la dure-mère ; le même suintement a continué sous le premier pansement, pendant quatre à cinq jours. Ce fait me fit hésiter et faillit me déterminer à inciser la dure-mère. Un nouveau cas de microcéphalie s'élant pré- senté à nous, a élé l’objet d’une seconde opération de cräniectomie le 20 juin; elle a été pratiquée avec le concours de M. Poirier, chef des {travaux anatomiques de la Faculté, et le manuel opératoire a été un peu modifié. Le sujet est un type d'idiotie plus accentué que le précédent. Le projet opéra- toire devait consisler à débrider en plus le frontal du côlé gauche, en même temps que le pariétal du même côté. Ces deux débridements pratiqués exactement comme chez Valentine Plossard, ilres- tait entre eux un pont correspondant à la suture fronto-pariélale; mon collègue, M. Poirier, me décida à le faire sauter et la chose eut lieu sans ou- vrir la dure mère. La perle de substance dela paroi osseuse du cräne mesurait dans ce cas quatorze centimètres de longueur. Les suites immédiates de l’opération ont été des plus simples, c’est-à- dire, sans réaction fébrile et sans suppuration. La cräniectomie a été faite chez mon premier -sujet le 9 mai, et à la date du 15 juin on a constaté des résultats que je me suis refusé à consigner moi- même, laissant ce soin à mon interne, M. Dupré; les élèves du service et des médecins étrangers ont pu et peuvent encore les contrôler. « L'état de Valentine Plossard, dit M. Dupré, a « beaucoup changé et s'est notablement amélioré « depuis l'opération qu’elle a subie. «Elle est beaucoup plus calme. Les cris aigus « presque incessants qu'elle poussait ont cessé dès « le lendemain de l'opération. « L'enfant parait s'intéresser à ce qui se passe « autour d’elle, joue, rit et semble très heureuse « qu'on s'occupe d'elle. Elle comprend, essaie de « parler et prononce quelques mots. Aujourd’hui «elle se tient debout toute seule, sans qu'on la « soulienne. Elle ne piétine plus sur place; elle « marche et fait des pas très réguliers, en litubant « un peu quand elle se presse, comme tous les en- « fants qui commencent à marcher. A ce point de « vue surtout, les progrès sont réels et l’améliora- « tion indiscutable. « Enfin elle ne bave plus; ses sécrétions nasales « sont normales. « En somme, les phénomènes d’excitation céré- « brale caractérisés par les cris incessants et par la « trépidation des membres inférieurs dans la po- « sition verticale, l'enfant étant soutenu, ont com- « plèment disparu. Le développement de l’intelli- « gence parail se faire progressivement et même «en tenant compte de l’éducation qu’elle reçoit « dans la salle, il est incontestable qu’elle a fait des « progrès rapides et réels. « L'enfant aujourd'hui mange à table. « L'état local est parfait; la cicatrice est mobile «et non adhérente. On sentun peu en dehors d’elle «une dépression linéaire peu profonde et étroite « correspondant à la perte de substance de la boîte « crànienne. » IL est à remarquer que,quelle que soil l'influence exercée par l’acte opératoire, une part du résultat doit être attribuée à l'éducation de l'enfant. C'est la seconde partie du traitement et elle en est le complément nécessaire. D' Lannelongue, Professeur à la Faculté de Médecine. 396 E. DEMARÇAY. — LES TERRES RARES LES TERRES RARES On sait que les chimistes désignent sous le nom de terres rares un groupe de bases isomorphes entrant, toujours ensemble, dans la composition de quelques minéraux peu répandus: Cérite, (fadolinite, Samarskite, Monazite, Euxénite, ete. Ces terres sont plus communes que leur nom ne l'indique. Elles existent à l’état de traces, quelquefois notabies, dans tous les calcaires; on en trouve même dans . les os des animaux. Parfois, certains de leurs mine- rais forment de véritables roches, — telle est la Cérite —, ou ont été accumulés en quantité énorme en certains points, comme la Monazite au Brésil. Jusque dans ces dernières années, ces lerres, (d'où l’on exclut la thorine qui les accompagne à peu près toujours) avaient assez peu attiré l'atten- tion des chimistes. Découverts par Berzelius, Hizinger, Klaproth, Gadolin, le Cérium et V Yttrium s'étaient détriplés entre les mains de Mosander (CE10/MDE O0 SDa210? d'une part: Yt20?, Er?0*, Tr? 0°, de l’autre). On savaitqueleurs ressemblances étaient assez grandes pour avoir engagé entre autres MM. Bahr et Bunsen à nier l'existence de l'Zrbium de Mosander {le Zerbium d'aujourd'hui). Cependant, M. Delafontaine, soutenu dans son opi- nion par M. de Marignac,maintenait son existence. En 1878, ces savants annoncèrent en outre la pré- sence dans ces terres de plusieurs éléments nou- veaux. Dès lors, ils se multiplièrent sous les efforts des chimistes, à tel point que s’il fallait compter comme authentiques tous ceux qui ont été déclarés probables, on aurait affaire à un groupe de trente à quarante corps simples. Mais il s’en faut de beau- coup que tous soient d'une égale certitude. Ceux qu'indiquait M. Delafontaine ont dû disparaitre comme insuffisamment caractérisés, mais il n'est que juste de reconnaitre qu'il a signalé le premier la grande complexité de ce groupe. I On ne peut actuellement distinguer d'un corps simple un mélange, si les divers éléments du mé- lange ne se laissent pas séparer. L'Y{{rium de Gado- lin était un corps simple jusqu’au jour où l'on en a tiré une portion différente du reste. Le calcium, le fer ne sont réputés corps simples que parce que personne n'en à pu tirer deux portions de pro- priétés tant soit peu distinctes du reste. Nous examinerons quels moyens on a employés pour distinguer entre elles les différentes portions des terres rares. Ce point, d'ordinaire sans intérêt, en prend ici un fort sérieux en raison de l'extrème ressemblance de ces corps. 1° Parmi les propriétés les plus caractéristiques d'un corps, il faut compter son spectre d'émission dans l'étincelle électrique : les spectres sont absolu- ment caractéristiques et constants avec une source électrique donnée pour un corps donné. C'est là, par suite, un caractère d'importance majeure : tout élément nouveau devra done posséder un spectre d'émission spécial. Cette loi ne souffre pas d'excep- tion ; elle semble d’ailleurs nécessaire à priori. West bon toutefois de remarquer que si chaque corps à son spectre, il ne le donne pas avec la même faci- lité dans tous les cas : on reconnait encore dans l'étincelle = d’Yéérium; on n’y voit plus 43 de Ncodyme. 2° Si d'un mélange on tire des parties à poids moléculaires différents, il y a là plusieurs corps simples, à moins qu'opérant sur un mélange qui en contient deux, on n'ait un poids atomique inter- médiaire. Il faut alors recourir à d’autres propriétés pour établir la présence d’un élément distinet. Au point de vue qui nous occupe, on peut classer en trois groupes les éléments en question : l’un com- prend le Scandium seul avec le poids atomique 44, le second l'Yttrium seul avec le poids atomique 89 environ, le troisième enfin comprend une série à poids atomiques renfermés entre 139 et 173. Tout corps à poids atomique compris entre #4 et 473 pourra donc être un mélange et devra présenter une propriété caractéristique pour devoir être con- sidéré comme contenant un élément distinct. Comme on le voit, la question des poids atomi- ques rentre ici un peu dans l'ombre. Des considéra- tions accessoires lui rendent une grande impor- tance. Jusqu'ici dans le groupe des éléments de poids atomiques compris entre 140 et 173, à mesure que le poids atomique baisse, la basicité s’aceroit; les autres propriétés chimiques varient de même très graduellement avec une grande régularité. Si l’on admetcette règle comme toujours vraie, on possède un contrôle de la pureté d’une terre dans jacomparaison des places que lui assignent le poids ‘atomique et la basicité ou les autres propriétés chi- miques. 3° Les spectres d'absorption des terres rares (Didyme, Erbine, elec.) sont caractéristiques au plus haut point, en ce qu'ils se mani‘estent, pour une solution de composition déterminée, sous forme de bandes relativement étroites (surlout dans les sels solides) souvent d'extrême intensité, plus ou moins nettement terminées suivant diverses conditions de concentration, lumière et composition des solu- tions el non sous forme de ces absorptions unila- térales diffuses si fréquentes. Il ne faut cependant pas oublier que des changements dans l'intensité E. DEMARÇAY. — LES TERRES RARES 397 de l'éclairage, sa nature, l'acide du sel, son abon- dance, la concentration de la solution entrainent des changements notables tant pour une même bande que pour les intensités relatives des diverses bandes du spectre. En outre, bien que le spectre d'un mélange soit la superposition des spectres des constituants ; il peut arriver que dans certains cas il soit en apparence tout à fait différent. Ainsi, il peut arri- ver, comme l'ont montré M. Lecoq de Boisbau- dran et M. Brauner, que le spectre d’un mélange de sels de Samarium et de Didyme ne semble pas pré- senter {race des bandes bleues de ces corps. Les bandes du Samarium tombent en effet dans l’inter- valle de celles du Didyme. On concoit done qu'une solution un peu étendue de Didyme el de Sama- rium puisse pour une composition spéciale présen- ter simplement dans le bleu un affaiblissement général pouvant échapper à l'œil de l'observateur. Il faudraitrecourir à un spectro-photomètre pour s’assurer de la présence d’une bande, ou, ce qui serait plus simple, examiner une série de fraction- nements du produit considéré, en ayant soin d’o- pérer dans les mêmes conditions d’acidilé et de concentration. Comme cet évanouissement appa- rent des raies n’a lieu que pour une composition spéciale, elles reparailront dans les termes ex- trèmes des produits du fractionnement. La conclusion déduite de l'examen d’un spectre d'absorption n’est donc valable que sous la condi- lion qu’on examinera une série de fractionnements. 4° On peut encore, dans quelques cas, utiliser deux méthodes dues, l’une à M. Crookes, de phos- phorescence des corps solides dans le vide, l’autre à M. Lecoq de Boisbaudran, de phosphorescence des liquides. Dans ce dernier procédé on fait jaillir sur la solution très acide du chlorure l’étincelle d'une bobine d’induction à fil induit fin, en ayant soin de rendre le liquide positif, au lieu de négatif comme on fait quand on veut obtenir un spectre d'émis- sion. Le fil de platine qui forme le pôle négatif doit en outre être parfaitement propre. Dans ces conditions, si le liquide phosphoresce, on voit à sa surface une petite plaque brillante, qui, dans le cas de quelques terres rares, se résout au spec- troscope en larges raies caractéristiques. Le nombre des corps qui fournissent ces raies est assez faible. Il est à noter que le spectre de phos- phorescence d’un mélange est la superposition des spectres de phosphorescence des éléments du mé- lange. Ce procédé est d’une sensibilité modérée, d’un emploi facile, mais assez restreint. IL exige que la solution ne contienne pas de substance ab- sorbant les radiations extrêmes comme Fe? Cf, PL CI, Pt CE. etc. Bien plus sensible de beaucoup est le procédé de M. Crookes. Mais, il faut le dire, cette extrème sensibilité, qui est parfois un écueii, est achetée au prix de difficultés qui rendent souvent cette mé- thode inapplicable dans la pratique. MM. Crookes a montré que = de Samarium à l'état de sul- fate en combinaison inlime avec le sulfate de chaux se reconnaissait encore. Ce chiffre est certainement inférieur à la réalité, si l'on réfléchit que le Sama- rium n'est qu'un mélange. On sera donc exposé à en trouver partout. De plus, et c’est là son incon- vénient le plus sérieux, ce procédé encore peu connu est obscurei de graves difficultés pratiques. On sait en effet par les recherches de MM. Crookes, Verneuil, Klatt et Lénard, Becquerel et surtout Lecoq de Boisbaudran, qu'un corps qui, dissous en minime proportion dans un autre (dit inactif) convena- blement choisi, donne une phosphorescence bril- lante à raies caractéristiques, n’en donne pas d’or- dinaire s'il entre en proportion lrop forte dans la solution solide et en donne une qui est toute difré- rente, si le corps inactif employé est différent. Cette phosphorescence dépend souvent en outre de pe- lites quantités d’un autre corps inaclif agissant parfois de façon fort obscure. Done si la proportion de substance aclive n’est pas très forte dans la matière à examiner, que par suite la substance qui l'accompagne forme une portion notable de la malière phosphorescente, elle exercera une in- fluence perturbatrice des plus graves sur le spectre et pourra même le changer complètement. Il en résulte que, pour recourir avec sécurité à la méthode de M. Croskes, il faut d’abord employer des précautions extrêmes contre toute matière étrangère, connaitre à peu près la composition du mélange et les effets des éléments de ce mélange. Il s'en faut malheureusement de beaucoup que nos Connaissances soient aussi avancées. Il en résulte de sérieux doutes sur les conclusions basées sur l'emploi des phosphorescences dans le vide. M. Crookes, qui a beaucoup employé cette belle méthode découverte par lui, n’admet pas encore comme principe général la nécessité d’un corps actif, dissous en proportion minime dans un solvant inactif solide, pour provoquer la fluorescence. Ainsi, bien que les recherches de M. de Boisbaudran aient été confirmées par M. Becquerel, qui avail autrefois professé une opinion contraire, M.Crookes conteste encore que la phosphorescence rouge de l’alumine soit due à des traces de chrome. Il con- teste de mème que la phosphorescence de l'Yttria soit due à des traces de matières étrangères et pense avoir pu le décomposer en un nombre con- sidérable d'éléments distincts. Ce que nous avons dit plus haut des difficultés d'interprétation des expériences dans un cas aussi délicat que celui des 398 phosphorescences, nous oblige à suspendre notre jugement sur la présence d'éléments multiples dans l'Yttria en tant qu'y existant en traces; quant au principe contesté par M. Crookes, nous l’admettons comme établi par de nombreuses expériences d’ob- servateurs différents. Dans le cas de l'Y{fhria,du reste, les matières actives ont élé séparées de lYttria pure, qui, elle, ne phosphoresce en aucune façon. 5° On a encore employé, pour caractériser les terres rares, tous les procédés usuels; nous n’y insisterons pas, ces points ne donnant lieu à aucune difficulté spéciale. IT M. Crookes a été conduit par ses recherches à imaginer une théorie spéciale des corps simples. Suivant lui, une malière primitive, en se conden- sant lentement, aurait donné naissance aux diffé- rents éléments successivement. Mais à un moment donné, ce refroidissement ayant été trop rapide, il se serait produit une série particulière d'éléments «dont le développement aurait été arrêté. » Sortes de monstres du règne minéral, ces meéta-éléments seraient caractérisés par ce fait qu'avec des pro- priétés physiques et chimiques très légèrement différentes, ils auraient des poids atomiques diffé- rents et les mêmes spectres d'émission dans l’élin- celle électrique. La différence d’ailleurs entre les méta-éléments et les corps simples ordinaires ne serait que de degré. Ainsi le calcium, avec son poids atomique 40, pourrait être formé d’atomes pesant : 39,8; 39,9; 40; 40,1; 40,2. Si l’on suppose que par des procédés chimiques on puisse séparer les atomes 39,8 des atomes 40, 40,1, 40,2, on aura scindé le calcium en ses méta-éléments de même spectre et de poids atomiques différents. Même en admettant que cette dernière supposi- tion fût possible malgré son extrème invraisem- blance, on peut dire que les faits ne correspondent pas aux théories de M. Crookes. D'après les recherches de MM. Auer von Welsbach, Thalen, Lecoq, les méta-éléments du Didyme (Praséo- dyme, Néodyme, Samarium), de l Yttria (Terbine, Z f, Holmium, Erbium, Gadolinium, Dysprosium, ete.), n'ont pas même spectre dans l'étincelle. Si M. Crookes a cru leur voir même spectre, cela tient d’une part à l'extrême sensibilité de la réac- tion spectrale de l’Y#/rium dans l'étincelle, d'autre part à la médiocrité de celle des éléments phos- phorescents dans la même étincelle. Pour ne parler en effet que de l'Y#rium, surtout en vue dans les travaux de M. Crookes, M. Lecoq a obtenu ces terres assez pures pour ne plus mon- trer trace du spectre de l'Y{frium, landis qu'une faible proportion (1 ®/,) de ces terres mêlées à l'Yttria pure non phosphorescente à l'état de sul- fate dans le vide, reproduisait avec éclat les phos- phorescences de l’éminent chimiste anglais. Ces terres pures,ou même simplement concentrées, ne phosphorescent pas du tout, comme M. Crookes l'a montré pour le Samarinum. De plus, les poids atomiques de ces terres, loin de différer, comme le voudrait la théorie des méta- éléments, de quelques dixièmes, voire même de quelques unités, varient entre des limites énormes, du simple jusque au double, de l’Y{{rium (Yt— 89 environ) au Terbium (163 environ). Ainsi : spectres, poids atomiques sont d'accord pour faire de ces éléments des analogues, par toutes leurs propriétés générales, des autres corps simples. Ils ne diffèrent d'eux que par ce point qu'ils offrent plusieurs propriétés semblables et qu'ils sont difficiles à séparer. Il suffirait qu'un mode de séparation fût trouvé pour que cette distinction s’effaçät. Nous conclurons que dans le groupe des terres rares on a affaire non pas tant à des corps excep- tionnels qu'à des corps que nos méthodes habi- tuelles sont impuissantes à séparer entre eux. III Nous ne connaissons pas de principe qui per- mette de décider, à l’inspection d'un corps, s'il contient plusieurs éléments. Cependant, dans ces dernières années, M. H. Becquerel pense avoir trouvé une mélhode qui s'applique au cas spécial de corps caractérisés par des sels à spectres d'absorption à bandes étroites. Bien que celte méthode ail encore besoin de la sanction de l'expérience, il convient de la faire connaitre ici, à cause des conclusions que M. Becquerel en a tirées. M. Bunsen avait autrefois remarqué que les cris- taux des sels de Didyme présentaient des absorp- tions variables, suivant la direction suivie par les rayons lumineux dans le cristal. M. Becquerel, étudiant cette propriété dans des cristaux de divers sels, fit voir que, dans un cristal donné, l’absorp- tion est tout à fait différente suivant trois axes rectangulaires particuliers, appelés par lui dérections principales d'absorption. Telle absorption maximum pour une vibration perpendiculaire à tel de ces axes est nulle pour la vibration parallèle à ce même axe. Dans une direction quelconque, les absorptions sont des composantes des absorptions suivant les directions principales. Or, tandis que, pour un même corps considéré comme homogène, tel qu'un sel d'urane, les di- verses bandes d'absorption ont même direction principale, ces directions, dans les cristaux de sels de didyme, varient pour les diverses bandes ; celles- ci se groupent en faisceaux ayant des directions principales différentes. M. Becquerel pense que E. DEMARGAY. — LES TERRES RARES 399 ces groupes caractérisent autant d'éléments dif- férents. [1 y en aurait ainsi une dizaine pour le Didyme seul (dont quatre pour le Praséodyme\. Le même savant a montré, en outre, que, quand on examine une série de composés du Zidyme, les bandes d’un même groupe sont déplacées de la même quantité en passant d'un sel à l’autre (A — NX, — X',—À,— à, —etlc.), quantité qui, au contraire, varie d’un groupe à l’autre pour les mêmes combinaisons. Il y voit une confirmation de son opinion. Il est assez difficile de tirer de ces intéressantes observations une conclusion définitive. S'il est bien certain que, pour des éléments différents, les choses doivent se passer comme le veut M. Bec- querel, il est moins certain que, dans un même cristal, on n'ait pas à la fois les bandes de divers composés du même corps qui, en passant à.une autre combinaison, varieraient à ia fois avec la forme du cristal et la nature des éléments acces- soires de manière différente. Il nous semble qu’à l'heure actuelle, toute conclusion est prématurée, et que c’est à l'expérience qu'il appartiendra de dire si la loi de M. Becquerel est exacte. Toujours est-il que, s’il se confirme que le 2idyme renferme presque autant d'éléments que de bandes d’'ab- sorption dans ses sels, c’est à M. H. Becquerel que l’on devra attribuer l'honneur de l'avoir dit le premier. NI D'ordinaire on divise les terres rares en deux groupes principaux : les Lerres de la Cérife d’une part, celles de la Gadolinite de l'autre. Cette dis- tinction est peu justifiée : on trouve en effet dans la cérite toutes les terres de la gadolinite avec prédominance toutefois des terres à poids molé- culaires voisins de 328. Dans la gadolinite on ren- contre de même les éléments constituants de la cérite. Cette fois, c’est l’Ytéria et les terres à poids moléculaires variables de 380 à 390 qui dominent. Il n'y a là rien que de très relalif. On doit en dire autant de tous les autres minéraux qui renferment ces terres en quelque abondance. Bien qu'incorrecte, cette distinction se trouve un peu justifiée par une réaction qui lui donne une base chimique. Elle consiste dans l’insolubilité ou du moins la très faible solubilité des sulfates doubles potassiques des terres de la cérite dans les solutions saturées de sulfate de potassium, alors que les sulfates des terres de la gadolinite y sont assez solubles. Il n'y a là rien de précis : sans parler de l'Yttria et de la Scandine, cette insolu- bilité maximum pour le Lanthane et le Cérium décroil par degrés sans présenter de saut marqué ; c'est ainsi que le Zerbium dont le sulfate double est un peu soluble pourrait trouver sa place à côté du Didyme aussi bien qu'à côté de l'Zrbium. A dire vrai, il en est de même des autres propriétés chimiques; elles varient par degrés insensibles d’une terre à sa voisine. Ainsi la basicité, forte pour le Lanthane, en arrive à être minime pour l’Y#er- bium. L'Yttrium et le Scandium jouent un rôle un peu à part tant par leur poids atomiques que parce qu'ils ne se rallient pas à l’ordre sériel. Ainsi la basicité presque nulle dans la Scandine est assez forte dans l'Yttria et très forte dans l’oxyde de Lanthane. Le sulfale potassique double inso- luble dans le cas du Srandium, est très soluble dans le cas de l'Yffrium el insoluble avec le Lan- thane. Mais dans la grande série qui va du Lan- thane à l’Y#ferbium on ne voit que continuité et régularité dans les variations des propriétés. Aussi a-t-on dû, pour séparer ces terres, employer des procédés fort grossiers : cristallisations répétées, précipitations partielles par l'ammoniaque, l'acide oxalique, etc... Dans tous les cas ces opérations ont dû être répétées bien des centaines, parfois bien des milliers de fois pour donner quelque résul tat un peu net. y Comme nous l'avons dil plus haut, Mosander avait scindé le Cérium en trois éléments : l’un (Cérium) donne un peroxyde stable; des deux autres (Zan- thane et Didyme) Yun fournit des sels incolores, l’autre des sels roses doués d’un spectre d'absorp- tion caractéristique. Ce travail de Mosander a été, à l’origine, accepté comme définitif, Il n’en a pas été de même de son travail pourtant fort exact sur l'Yttrium, qu'il montra formé d’Yttrium à poids atomique bas (90 environ), de Terbium à poids atomique assez élevé, à sels roses, et d'Zrbium à poids atomique voisin, dont l’oxyde légèrement péroxydé est jaune brun. Berlin, Popp, Bahr et Bunsen ne surent pas séparer ces deux dernières terres. Delafontaine au contraire les maintint comme distinctes. Bahr et Bunsen introduisirent même à ce propos une première confusion dans ce sujet en désignant sous le nom d’Zrbine la Lerre à sels roses qui était la terbine de Mosander. Cette confusion a prévalu : on désigne sous le nom de terbine la terre à peroxyde brun. Les séparations deviennent ici, à dire vrai, fort pénibles. Ainsi l'obtention d'Ytlria pure est des plus longues, malgré l'abondance de cette terre. Partant de 2 kilogrammes de terre brute M. Clève n'en obtint que 4 à 5 grammes encore jaunâtre. Dans ces dernières années M. Lecoqde Boishaudran montra qu'elle n’était pourtant pas pure et qu'il fallait encore des fractionnements prolongés pour l’en tirer enfin blanche comme de la Magnésie. Primitivement on attribuait à ces oxydes la for- mule MO. M. Mendeleeff, se basant sur diverses 400 E., DEMARÇAY. — LES TERRES RARES considérations, leur attribua la formule M?03 qui a prévalu et est justifiée par les chaleurs spéei- fiques de ceux de ces corps que l’on a obtenus à l’état métallique. Les choses en étaient là en 1878, M. Delafon- taine affirmant contre la plupart des chimistes l'existence de l’Ærbium et du Terbium, confondus en général. À cette époque M. de Marignac, tout en maintenant avec son compatriote l’existence de l’'£rbium et du Terbium, annonça l’existence d'un nouvel élément à poids atomique élevé (173) et à oxyde peu basique. L'Ytterbine existe toujours dans l’Erbine brule, souvent en abondance. Son radical possède un spectre d'émission fort bril- lant, décrit par Thalen. M. Lecoq de Boisbaudran en a également décrit un de basse température. L'existence de ce métal a été admise sans contes- tation : son poids atomique, sans parler de la science et de l’habileté de l’auteur de sa décou- verte, élant un sûr garant de son existence. ‘À peu près au même moment, le regrelté Soret, examinant au point de vue des spectres ullra-vio- lets divers produits de fractionnement de l’erbine où M.Delafontaine présumait la présence d'unenou- velle terre, montrait qu'on devait en effet conclure à l'existence d’une terre à bandes d'absorption caractéristiques et la désignait sous le nom de terre X. Elle se distinguait par des bandes d’absorp- tion (situées la première vers À 640,4, 566,3, entre les raies du spectre solaire M et N, entre N et O, et peu après Q). Soret ädmettail done comme fon- dée la supposition de Delafontaine. Ce dernier, quelques semaines plus tard annonçait qu'il avait découvert une nouvelle terre (la terre X) et lui donnait le nom de Phiippium. Y la caractérisait : 1° par son équivalent, compris entre 111 et 120. Cet équivalent ne mérite aucune confiance, l’auteur ignorant si sa lerre contenait ou non encore de l’yttria ou d'autres malières étrangères; 2 par son spectre d'absorption formé surtout d’une très forte bande (À 450) dans le bleu. Plus tard reve- nant sur ce sujet, il déclara que le PAilippium n'avait pas de spectre d'absorption et était différent, par suite, de la terre X. Il ne restait plus rien de carac- téristique au Philippium et on a dû le rayer de la liste des corps simples. À peu près à la même époque (1878) M. Lawrence Smith avait annoncé, sur des motifs jugés universel- lement insuffisants, la présence d’un élément parti- culier le Wosandrum: dansles terres de la Samarskile. Cette même année M. Delafontaine publia la découverte d’un nouvel élément, le Décipium, ca- ractérisé par son poids atomique 159 et les bandes d'absorption de ses sels (L = 416 et 478). Ces sels élaient incolores, Plus tard M. Delafontaine a trouvé que le Décipium élait un mélange de Samarium et de l'élément y« de M. de Marignac. Il adoptait pour son métal le nom de Samarium, tout en revendi- quant la priorité de sa découverte. Ce dernier mé- al avait été découvert, en 1879, par M. Lecoq de Boisbaudran et il semble vraisemblable que le Décipium ait été du Samarium très impur. Les pro- priétés de cet élément sont en effet assez distinctes. Ses sels sont jaunes et présentent des bandes d’ab- sorption intenses {À — 480, 463,5, 417, 400,7). Son poids atomique est environ de 150 (Clève). M. de Marignac a désigné sous le nom de 8 un élément qui est aussi le Samarrum. C'est en 1879 encore que M. Nilson découvrit le Seandium dans l'Ytferbine brute tirée de certains minéraux. Il le caraclérisait par la faible basicité de la scandine Sc*0*, plus faible encore que celle de l'ylterbine, et un poids atomique très bas : M. Clève a montré plus tard, qu'il est environ de 44. M. Thalen établit que le nouveau corps avait un spectre d'émission spécial et fort brillant : le corps a été identifié à l’Zkubor de M. Mendeleeff, dont il présente en effet beaucoup de propriétés. Son faible poids atomique lui donne, avec son rang de premier terme de la série des terres rares, un grand intérêt. Malheureusement les minéraux d’où on l'extrait n’en renferment que des traces. Nous avons dit plus haut que Soret avait démon- tré l'existence d’une terre particulière à spectre d'absorption désignée sous le nom de X. Dans d’autres mémoires publiés dans les Archives des sciences physiques et naturelles de Genève, il montrait qu'une des raies du rouge extrème dans le spectre des sels d'Zrbium éprouvait des variations assez fortes pour qu'on püt supposer la présence d'un élément spécialement caractérisé par cette raie. En 1880, M. Clève, sans connaitre les travaux de Soret, montra qu'on pouvait isoler une erbine dé- pouillée de la raie rouge en question et aussi des raies de la terre X. Il donna à l'élément de la raie rouge le nom de Z’hulium, et celui de Æobnium à l'élément de la terre X. Sorel accepta ces noms, tout en faisant remarquer qu'il y avait quelque imprudence à nommer des corps sans en avoir isolé une seule combinaison. En 1880 M. de Marignac avail prouvé que, parmi les terres à sulfates potassiques solubles dans le sulfate de potasse, il se trouve un élément à sels incolores sans spectre d'absorption, offrant un poids atomique voisin de 156. Cetle terre, désignée d’abord sous le nom de y#, en attendant que son existence se confirmät, a été appelée plus tard Ga- doline (du radical Gadolinium). I ne faut pas con- fondre ce nom avec le Gadolinium de M. Nor- denskiold, nom sous lequel il désignait le mélange des terres rares auxquelles il attribuait un poids moléculaire moyen constant. E. DEMARÇAY. — LES TERRES RARES 401 M. Lecoq de Boisbaudran a montré que le Gadoli- nium est caractérisé par un spectre d'émission par- üculier. Son existence est donc certaine. M. Crookes a professé sur ce corps une série d'opinions contra- dictoires. Il l’a considéré comme un corps simple, puis comme un mélange d'Y{érium et de Samarium, puis comme formé de divers des méta-éléments de l’Yttrium et de Samarium. Ces observations repo- sent uniquement surl’examen des spectres de phos- phorescence. D’après M. Lecoq de Boisbaudran le Gadolinium de M. de Marignac contenait en effel de petites quantilés de Samarium (4.4 0/0), de Zxet ZB (voir plus loin) (environ 4,7 0/0) mais une sim- ple trace d’Yttria {0,1 0/0) et plus de 90 0/0 de la terre étaient dus à l’élément possédant le spectre d'émission précité. De plus un élément à poids atomique égal à 156 ne peut êlre un mélange de Samartum (150) et d’Yt{fria (89); nous devons donc considérer le Gadoliniun comme véritablement distinct. En 1885 M. Auer von Welsbach a scindé le Didyme en deux corps. L'un a été nommée Pruséo- dyme de la couleur verte de ses sels; l’autre, Méo- dyme, a des sels roses. Le poids atomique du pre- mier est de 143,6; celui du second, 140,8. Il y a là une anomalie : en effet dans le fractionnement de ces corps, le Praséodyme se sépare en dernier lieu avec le ZLanthane, le Néodyme au contraire s'en écartant davantage. Il parait singulier que la gra- dation des propriélés, d'ordinaire si nette, n'existe pas ici. Il est d’ailleurs fort possible que ces élé- ments puissent étre encore dédoublés. IL est regretlable que l'on n'ait pas conservé au Néodyme le nom de ZDidyme donné par Mosander à l'élément qui fournissait des sels roses. On intro- duit en effet de la confusion en donnant de nou- veaux noms à des corps suffisamment déterminés Si l’on considère que rien n'est moins cerlain que la simplicité de ces produits de dédoublement, on aurait en suivant l'exemple de M. Auer von Wels- bach, à changer encore le nom du Zädyme. Il semble bien préférable, ainsi qu'en l'avait fait jus- qu'ici, de garder le nom donné par le découvreur, à la terre qui possède la propriélé caractéristique qui la fait trouver. Ainsi la propriété d’avoir des sels roses au Zidyme, celle d'en avoir de verts au Prasécdyme, d'avoir un péroxyde brun au 7vr- bium, etc. En même temps qu'il donnait le mode de prépa- ralion du Néodymeet du Praséodyme, M. Auer sem- blait indiquer la présence d’un autre élément dans le Didyme en éliminant du Praséodyme et du Néc- dyme une raie (À 416 env.) du Didyme. M. Crookes a confirmé cette élimination et déclaré avoir ob- tenu des variations considérables dans plusieurs des autres raies du Didyme, mais sans préciser da- REVUE GÉNÉRALE, 1890, vantage, el sans avoir, à ce qu'il semble, obtenu des séparations nettes. | En 1885 et 1886, M. Lecoq de Boisbaudran, uti- lisant la phosphorescence de M. Crookes et son propre procédé (dit de renversement), scinda la terbine brute en une terre peu colorée à fluores- cence jaune citron qu'il désigna provisoirement sous le nom de Zz, l'autre à peroxyde brun-rouge, à phosphorescence verte, désignée sous le nom de Z5. Celte seconde terre semble de tous points identique à la terbine. Le Zerbium à cet état de pu- reté a un poids atomique égal au moins à 163. Le Zz parait avoir un poids atomique encore supé- rieur. Les terres riches en Zx sont remarquables par un spectre particulier d'émission dans l’étin- celle électrique. M. Lecoq de Boisbaudran nomme ZY l'élément auquel il est dû, en faisant observer que, bien qu'il soit naturel d’atlribuer ce spectre à Za, cela n’est point prouvé. En tous cas, il carac- tériserait un mélal particulier contenu dans les terres riches en Z4 et pauvres en #olmium. A peu près à la même époque, M. Lecoq publia des recherches sur le ÆZolmium, d'ou il résulte que cet élément peut ètre dédoublé. Le Æolmium est caractérisé par les deux bandes du rouge et du vert (À — 640, 4 et 536, 3); l’autre élément, nommé Dysprosium, par les bandes À 153, 475 et 451,5; il se sépare dans les frationnements entre le Terbium et le Holmium. Le Dysprosium présente, outre les deux bandes principales signa- lées ci-dessus d’autres bandes minimes. M. Crookes. étudiant un peu après certains produits de fraction- nement, émit l'avis que cet élément en renferme encore au moins un aulre. M. Lecoq a bien voulu m'autoriser à dire ici qu’il partage l'avis de M. Crookes et qu'il attribue le nom de Dysprosium à l'élément caractérisé par la bande À — 475. En 1886 l’auteur de cet article a montré que le Samarium élait un mélange. La bande double (À — M9) du violet se trouve en effet éliminée, dans certains, de ses produits de fractionnements. Le nouvel élément parait plus basique que le Sama- rium vrai, caractérisé par les deux bandes bleues et la bande ultraviolette (À — 400 env..). Il serait compris entre le Sumarium et le Néodyme. L Tout récemment en 1887, 88 et 89 MM.G.Krüss et Nilson ont pensé démontrer la complexité des élé- ments à bandes d’absorplion en examinant les terres brutes extraites de divers minéraux. Nous avons dit plus haut qu'à notre avis ou ne pouvait tirer de pareilles conclusions que de l'examen d’une série de fractionnements et non de terres brutes qui ne permettent pas de fixer les idées sur la confiance qu'on peut avoir dans l’aspect d'une bande. Les observations de MM. Krüss et Nilson ne nous paraissent donc pas comporter de 13* 402 E. DEMARÇAY. — LES TERRES RARES conclusions. M. Bailey avait fait avant nous des observations analogues. M. Crookes a déclaré d'ailleurs avoir obtenu des résullats contra- dictoires de ceux de ces savants. Je puis ici confir- mer absolument les résultats de M. Crookes. MM. Krüss et Nilson concluent en attribuant la présence d'à peu près chaque bande à un élément particulier. C’est accepter l'opinion de M. Becque- rel en l’exagérant sur quelques points. M.Crookes, dans ses derniers travaux, a adopté la croyance à un nombre considérable d'élémentsnou veaux. en se basant soit sur des faits de variations dans les bandes d’absorptions soit sur des argu- ments basés sur les phosphorescences dansle vide. Nous avons déjà indiqué les objections qu'on pou- vait faire aux conclusions fondées sur ces dernières expériences. Il suffira de dire ici qu'en comptant comme éléments les méta-éléments de M. Crookes il yen aurait 5 dans l’Y#ria, 4 dans le Samarium, 3 dans l’£rbium. De leur côté MM. Krüss et Nilson en admettent 9 dans le Didyme, 2 dans le Samarium, 2 dans l’'£r- bium, dans le Æolmium, 2? dans le 7halium, 3 dans le Dysprosium. Nous ne compterons pas jusqu'ici l'existence de tous ces éléments nouveaux comme prouvée. Si l'on se borne à ceux dont l'existence a été aflirmée sur des bases solides, on peut présenter le tableau suivant : SCAN 0e PDU en QUE 89 Lanthane 2... SAGEM ET Mere cCreer 141 Néodyme:---" AH PrasCodyMme rer -- 143 (2 éléments suivant élément du Didyme non M. Crookes)........ HOMME M serment Samarium (YGB)...... 148 (2 éléments suivant M. Demarcay)...... Gadolinium (Yæ...... 156erbiumi(Zip)er" "EE 163 Dysprosiums ........... 2 éléments (Crookes) . IdiitbeNs pécarsdodtooncc Viterbium....... AGE hie)lac nas 250 GNT ha ere tur On connaïtrait done 19 éléments sûrement cons- tatés. Suivant M. Becquerel d'une part, MM. Krüss et Nilson, d'autre part, il faudrait en compter au moins une quinzaine de plus, sans doute davantage si l’on réfléchit que ces savants n’ont utilisé que les bandes d'absorption visibles et ne se sont au- cunement occupés des éléments qui, comme le Ga- dolinium et le Terbium n'en présentent pas. C'est l’avenir qui décidera, à la suite de patients travaux, si la théorie « une bande : un élément », est vraie en absorption et en phosphorescence. Pour le moment il n’est que modéré de s'abstenir. NI Comme on vient de le voir, on compte au mini- mum 49 éléments dans le groupe des terres rares, dont 17 à poids atomiques compris entre ceux du baryum et du tantale, doués de propriétés telle- ment analogues que longtemps on a cru ne voir là que # ou à éléments. Le fait est d’une grande im- portance pour la classification naturelle des corps simples et aussi pour celle de M. Mendeleef. Il est en cffet très difficile de ranger ces corps d’une façon tant soit peu vraisemblable dans les cadres du célèbre savant russe. On est conduit à des rap- prochements qui choquent le moins expérimenté des chimistes. Dans ses tables M. Mendeleef pré- voyait dans les limites 138-173 la présence de 20 éléments rangés dans sa famille aux places vides du tableau suivant qui reproduit la fraction de sa classification qui nous intéresse. Rb Sr ta ZT ND MORT RD ME UEAE (AS) MC RSnIMS DISNTEERRI CS Ba — Ta W — Os Ir Pt Au (Au) Hg TI Pb Bi — — Des vingt éléments compris entre le baryum et le tantale, 4 devraient être intermédiaires entre le ruthénium et l’osmium, le rhodium et l'iridium, le palladium et le platine, l'argent et l’or. Rien d’ap- prochant ne peut se trouver parmi les mélaux des terres rares. Des 16 restants, deux devraient donner des oxydes alcalins de formule M?0, analo- gues l'un à l'oxyde d'argent, l’autre à l’oxyde de césium ; 2 devraient donner des oxydes de formule MO comme la baryte d’une part, l’oxyde de mer- eure de l’autre; 3 enfin devraient être triatomiques comme le sont les métaux des terres rares, dont 3 trouvent place ici d’une façon naturelle ; 3 seraient tétratomiques et fourniraient un peroxyde de la forme MO? (on peut à la rigueur mettre ici le cé- rium); enfin 6 fourniraient des oxydes acides et seraient intermédiaires à l’antimoine et au tantale, au tellure et au Wolfram, à l’iode et à son homo- logue inconnu situé entre le Wolfram et l’osmium. Il n’est pas besoin d'insister davantage pour montrer le désaccord presque complet de la théorie et de l'expérience.Que l’on observe en outre que si, comme il est probablé, ce groupe (138-173) s’enri- chit encore de quelques membres, il n’y aura pas ‘assez de place pour les loger, même de force. Quant au Scandium et à l'Yétrium, ils se rangent sans peine dans cette classification et il n'y a point là d'observations à faire. Le groupe des terres rares parait donc devoir être l'instrument d'un progrès important de nos classifications des corps simples. De toutes celles connues jusqu'ici, il ne reste de bon que des frag- ments, sauf peut-être la série linéaire de Newlands qui ne peut guère être considérée que comme une première approximation. En tous cas, la classilica- tion naturelle des éléments est encore à trouver. E. Demarçay. éototi at L. GUIGNARD. — LES PHÉNOMÈNES MORPHOLOGIQUES DE LA FÉCONDATION 403 LES PHÉNOMÈNES MORPHOLOGIQUES DE LA FÉCONDATION CHEZ LES PLANTES PHANÉROGAMES A [partir de l’époque où l’existence des sexes fut reconnue chez les plantes phanérogames, de lon- gues années s’écoulèrent avant qu'on ne parvint à savoir comment l'élément màle agit sur l'élément femelle dans la fécondation. En 1822, Amici fit le premier pas vers la détermination dela marche du phénomène. En examinant les poils du stigmate du Pourpier pour étudier les mouvements du proto- plasme, il vit un grain de pollen émettre un tube très fin, qui s’étendit sur toute la longueur d’un poil stigmatique et dans lequel il constata un mouvement de granules; mais après quelques heures, ces granules disparurent sans qu'il réus- sit à savoir ce qu'ils étaient devenus. Ce fait très important aurait pu passer inaperçu, comme les observations de Richard, Baüer et autres botanistes, qui avaient déjà vu et même figuré le tube pol- linique sans en soupconner ni l’origine ni le rôle, s’il n’avait singulièrement frappé Brongniart, qui, dès ce moment, commença une série de recherches à la suite desquelles il établit, en 1826, que tous les grains de pollen émettent sur le stigmate « un appendice tubuleux d’une longueur variable, formé par une membrane extrèmement mince et trans- parente et contenant un assez grand nombre de granules polliniques ». Toutefois, Brongniart ne put suivre ce tube jusqu'aux ovules, et ce fut encore Amici qui, plus tard, annonça qu'il l’avait vu péné- trer dans le micropyle ovulaire. Mais quelle était la nature de ces granules polli- niques désignés depuis sous le nom de forilla? On la connaissait si peu que, dans une discus- sion reslée célèbre, certains botanisles prétendi- rent que le grain de pollen contient en germe l’em-. bryon végétal, l’ovule étant simplement destiné à recevoir el à nourrir cet embryon apporté à son intérieur par le tube pollinique. Plus que tout autre, Hofmeister contribua à renverser cette sin- gulière théorie, qui était la négation même de la sexualité. Mais le mécanisme de la fécondation n’en restait pas moins à trouver : c’est seulement dans ces derniers temps qu'on y est parvenu. À M. Stras- burger revient l'honneur d’avoir inauguré en bo- lanique, par ses observations sur les cellules et les noyaux, les découvertes qui seules pouvaient conduire à la connaissance des phénomènes mor- puologiques de la fécondation. I Au début des recherches nouvelles effectuées dans celte voie, on pensa que la fécondation, envi sagée dans l’ensemble des végétaux, consiste dans la fusion et la combinaison de deux cellules, l’une male, l’autre femelle, fusion et combinaison por- tant séparément sur les protoplasmes et sur les noyaux. Puis, en considérant la réduction progres- sive que subit le protoplasme de la cellule mâle, à parlir des organismes inférieurs, chez lesquels la sexualité est à peine ébauchée, jusqu'à ceux dont les corps reproducteurs sont les plus différenciés, on soupçonna que le protoplasme ne doit remplir qu'un rôle accessoire. Chez les Algues, par exem- ple, la réduction du protoplasme de la cellule mâle, coïncidant avec la différencialion progressive des corps reproducteurs, se manifeste déjà d'une façon très marquée, quand on compare les uns aux autres les divers groupes de cette classe. Elle atteint son plus haut degré chezles Cryptogamesarchégoniées, telles que les Characées, les Muscinées, les Fou- gères, etc., dont l'anthérozoïde, né par métamor- phose spéciale du contenu primitif de sa cellule mère, peutètre considéré comme uniquement formé, dans sa partie active, par de la substance nucléaire, les cils dont il est pourvu n'étant que des organes locomoteurs. Chez les Phanérogames, le corps re- producteur mâle est représenté par un noyau que le tube pollinique transporte dans la cellule fe- melle; dès qu'il y est entré, il s’unit au noyau femelle, sans que le protoplasme qui l’accompa- gnail dans le tube paraisse devoir intervenir dans l'acte de la fécondation. Mais celle idée, si simple au premier abord, que dans la fusion de deux noyaux, renferme pourtant quelque chose d’obscur. On sait, en effet, qu'un noyau possède une structure complexe el contient des éléments différenciés de diverses natures. On distingue, à l’intérieur de son enveloppe membraneuse, un filament contourné et pelotonné, dont les replis sont ordinairement anas- tomosés en réseau. Ce filament se compose d’une substance fondamentale hyaline et homogène, dans laquelle on aperçoit, disposées en série, des gra- nulations plus réfringentes, de grosseur variable, qui fixent énergiquement certaines matières colo- rantes. Celte propriété montre que ces granula- tions sont constituées par une substance albumi- noïde spéciale, désignée sous le nom de chromu- tine et formée en majeure partie, sinon en totalité, par de la xwcléine, matière albuminoïde phospho- rée. La substance fondamentale du filament nucléaire ne se colore pas ou se colore très peu par les réactifs de la chromatine. Le noyau pos- la fécondation consiste 404 L. GUIGNARD. — LES PHÉNOMÈNES MORPHOLOGIQUES DE LA FÉCONDATION sède en outre un ou plusieurs corps arrondis, de grosseur variable, appelés nucléoles. Enfin, les interstices laissés entre ces éléments figurés et la membrane d’enveloppe sont occupés par une substance hyaline très aqueuse, qui est le suc nucléaire. Que deviennent ces divers éléments pen- dant la fécondation, c’est-à-dire quand le noyau mâle s’anit au noyau femelle ? Pour avoir un aperçu de l’ensemble des phéno- mènes morphologiques qui accompagnent cet acte important, il faut rechercher d’abord comment les corps reproducteurs naissent et se différencient dans l'organe mâle et dans l'organe femelle, puis quelle est leur constitution à l’état adulte, enfin de quelle façon ils s'unissent pour former le pre- mier noyau embryonnaire En exposant les résultats récemment acquis sur ces divers points, nous n’envisagerons que les faits essentiels, considérés seulement chez les Phanéro- ganies ans giospermes. II Quand le grain de pollen vient de prendre nais- sance dans l'anthère, il ne renferme qu'un noyau dans un protoplasme dense; mais plus tard il di- vise son contenu en deux cellules de volume iné- gal, l'une petite, appelée cellule génératrice, Vautre grande, appelée cellule végétative; toutes deux sont entourées par la membrane commune, ordinai- rement double, qui constitue l'ivtine et l’exine du grain de pollen. La cellule végétative est séparée tout d’abord de sa congénère par une cloison très délicate, en forme de verre de montre, qui ne tarde pas à disparaitre. D'autre part, la cellule gé- nératrice, s'isolant de la paroi du grain de pollen, devient libre à l’intérieur de la cellule végétative et prend ordinairement la forme d’un fuseau plus ou moins courbé en croissant et dont le centre est occupé par le noyau (fig. 4). Presque aussitôt après leur naissance, ces deux cellules montrent une différence très grande dans la forme, la structure et les réactions de leurs noyaux. Les réactifs de la nucléine colorent en général beaucoup plus fortement le noyau de la cellule génératrice, par suite de la présence, dans ce dernier, d'une charpente chromatique plus riche et plus serrée que dans le noyau de la cellule végétative ; en outre, tandis que le premier est ordi nairement dépourvu de nueléole ou n'en renferme qu'un petit, le second en possède un assez gros. La bipartition du noyau primitif du grain de pol- Jen a lieu suivant le mode normal de la division indirecte ou karyokinèse, caractérisée par une suc- cession régulière de phases déterminées. Le fila- ment pelotonné, qui constitue la charpente ou réticulum nucléaire, se contracte ets’épaissit, les mailles du réticulum formé par ses replis disparais- sent ; les granulations chromatiques du filament se rapprochent, s’accolent et même se fusionnent. Puis ilse segmente en un certain nombre de tron- çons ou bâtonnels droits oucourbes, qui paraissent: dans cerlains cas préexisler dans le filament, Pen- dant ce temps, le nucléoleoules nucléoles se dis- solvent dans le suc nucléaire; la membrane du du noyau elle-même se résorbe, et, à la place noyau primitif, on voit apparailre ue fuseau formé de fils protoplasmiques achromatiques, à l'équa- teur duquel les bâtonnets ou segments chroma- tiques s’orientent de manière à former une éoile Nora. — Toutes les figures sont empruntées au Zilium ei Fig. 4. — Grain de pollen adulte montrant sa cellule généra- ce lenticulaire, eg, libre dans le protoplasme de la “cellule végétative. — Gross. : 300, ï — Partie terminale du tube pollinique, avec le noyau atif, nv, en avant, et la cellule génératrice, eg, en ère. — Gross. : 250. Fig. 3. — La cellule génératrice s’est divisée en deux nouvelles cellules. — Gross. : 250. Fig. 4. — Etat plus âgé du tube pollinique. Fig. 5. — Plaque nucléaire du noyau générateur primitif en voie de division. Elle est formée de 12 segments où bâton- nets chromatiques offrant déjà les indices ‘du dédoublement longitudinal. — Gross : 1000. Fig. deux pôles du fuseau achromatique. 1000. — Gross. : ou plaque nucléaire (voir fig. 8). Bientôt, il se fait dans chaque bâtonnet ou segment chromatique une scission longitudinale, qui commence à l'extrémité la plus rapprochée du centre de figure de la plaque et marche progressivement vers l'extrémité oppo- sée. Les deux moitiés de chaque bâtonnet glissent en sens inverse sur les fils du fuseau et se trans- portent à ses deux pôles. À chacun de ceux-ci viennent donc, en définitive, se rassembler autant de moiliés de bäâtonnels, ou segments secondaires, qu'il y avait de segments primaires, el par le fait même du dédoublement longitudinal qui s'effectue dans chaque segment primaire, les deux moiliés qui se séparent sont tout à fait semblables entre 6. — Arrivée des bätonnets ou sewments secondaires aux RE RE L. GUIGNARD. — LES PHÉNOMÈNES MORPHOLOGIQUES DE LA FÉCONDATION 405 elles. Après l’arrivée des segments secondaires aux pôles, les deux nouveaux noyaux en voie de for- mation renferment la même quantité de substance nucléaire. Comme on le verra bientôt, la considération du nombre des bâtonnets ou segments chromatiques que renferment les éléments sexuels présente un grand intérêt. Mais comme ce nombre peut varier d’une plante à l’autre, nous prendrons maintenant pour exemple le Lis Martagon, qui m'a permis d'étudier en détail les phénomènes qui précèdent et accompagnent la fécondation. Quand le grain de pollen forme son tube sur le stigmale de la fleur, le noyau végétatif y pénètre ordinairement le premier; la cellule génératrice, avec son protoplasme peu abondant et son noyau très chromatique, dépourvu de nucléole, le suit à peu de distance (fig. 2). Avec un mélange appro- prié de vert de méthyle et de fuchsine, j'ai pu co- lorer en rose vif, et d’une facon tout à fait caracté- ristique, le protoplasme de la cellule génératrice et le distinguer ainsi du protoplasme végélatif qui remplit plus ou moins complètement l'extrémité antérieure du tube pollinique. Cette réaction per- met de suivre la destinée du premier de ces proto- plasmes aux diverses phases du développement et de savoir s’il intervient ou non dans la fécondation. Pendant l'accroissement du tube pollinique, peu de temps après la germination du grain de pollen, la cellule génératrice divise son noyau et son proto- plasme chacun en deux moitiés égales, qu'on aper- çoit d’abord rapprochées l’une de l’autre, puis assez écartées et étirées dans le tube dont elles occupent tout le diamètre (fig. 3 et 4). Dans le noyau de cette cellule en voie de bipartition, on trouve douze segments chromatiques, faciles à compter avant et surtout pendant le stade de la plaque nu- cléaire (fig. 5). Chaque segment se dédoublant suivant sa longueur en deux moiliés égales, qui se dirigent en sens opposé vers les pôles du fuseau achromatique, les deux nouveaux noyaux généra- teurs reçoivent chacun douze segments chromali- ques secondaires (fig. 6): ils sont done équivalents. Le tube pollinique renferme alors deux cellules génératrices nues. Pendant que les noyaux de ces deux cellules grossissent sensiblement en continuant leur mar- che dans le tube, le noyau végétatif qui les précède diminue peu à peu de volume et présente bientôt des symptômes de désorganisation; il disparait presque complètement avant l’arrivée du tube pol- linique sur le nucelle ovulaire (fig. 4). Ce fait est important à constater, car, à ce stade du dévelop- pement, on pourrait croire que les deux noyaux générateurs sont l’un le noyau végétatif, l'autre le noyau générateur qui serait resté indivis. Tardive chez le Lis et chez beaucoup de Monocotylédones, la disparition du noyau végétatif a lieu, au con- traire, beaucoup plus tôt chez les Dicotylédones; de sorte que, dans ce dernier cas, on ne trouve de bonne heure à l'intérieur du tube que les deux noyaux générateurs. De ces deux noyaux, le plus rapproché de l'extrémité du tube pénétrera seul, dans la presque totalité des cas, dans la cellule femelle qu'il est chargé de féconder; pour cette raison, il mérite le nom de noyau mûle. Il Voyons maintenant comment l'appareil sexuel femelle naït et se différencie dans l’ovule. Le centre du nucelle ovulaire est occupé par Fig. 7. — Coupe longitudinale médiane d’un ovule au mo- ment dela division du noyau primaire du sac embryon- nairc; {g, téguments ovulaires; se, sac embryonnaire. — Gross. : 30. Fig. 8. — Noyau primaire du sac plus grossi, au stade de la plaque nucléaire, formée de 12 segments chromatiques, dont les deux moitiés, dans chaque bätonnet, commencent à se séparer à l'extrémité tournée vers le centre de figure, pour se diriger en sens inverse vers les deux pôles du fuseau. — Gross. : 750. Fig. 9. — Les deux premiers noyaux du sac, encore réunis par quelques fils achromatiques sont semblables l’un à l'autre. — Gross. : 250. Fig. 10. — Le noyau inférieur est devenu plus gros que le noyau supérieur. — Gross. : 250. Fig. 41. Noyau supérieur du sac en division, avec plaque formée de 12 segments chromatiques. Le fuseau est vu dans la direction de son grand axe. Le noyau inférieur offre une plaque nucléaire composée de 16 segments; son fuseau est perpendiculaire au premier. — Gross. : 600, une grande cellule, le stcembryonnaire, remarquable dès l’origine par son gros noyau, qui est le 7oyau primaire du sac embryonnaire. Quand il se divise pour donner naissance à l'appareil sexuel, ce noyau offre toujours, dans le Lis, douze segments chro- matiques ; le même nombre, on l’a vu, se rencon- 406 L. GUIGNARD LES PHÉNOMÈNES MORPHOLOGIQUES DE LA FÉCONDATION trait dans chacun des noyaux formés dans le tube pollinique. Après le dédoublement longitudinal de ces segments primaires, disposés en une plaque nucléaire très régulière à l’équateur du fuseau achromatique (fig. 7 et 8), et le transport des seg- ments secondaires aux deux pôles du fuseau, les deux nouveaux noyaux, dans la constilution des- quels entre le même nombre de segments chro- matiques, se montrent tout d’abord entièrement semblables l'un à l’autre sous le rapport de la structure et des réactions (fig. 9). Mais dès qu'ils s'éloignent du centre du sac embryonnaire en se dirigeant vers ses deux extrémités, le noyau infé- rieur commence à l'emporter, par son volume et sa masse chromatique, sur le noyau supérieur (fig. 10). Puis tous deux entrent simultanément en division. On remarque alors ce fait curieux, que le nombre des segments chromatiques n’est plus égal dans chacun d'eux. On en compte douze dans le noyau du haut, tandis que celui du bas en offre souvent seize, comme le montre la figure 11, où la division des deux noyaux est parvenue au stade de la plaque nucléaire et se fait dans deux plans perpendicu- laires. Le noyau inférieur peut même offrir un nombre de segments encore plus élevé, sans que le nombre de douze change dans le noyau supérieur ni dans ses dérivés (fig. 13). Il apparaît donc, dès les premières divisions qui s'effectuent dans le sac embryonnaire, une différence caractéristique dans la constitution des noyaux, différence qui coïncide avec le rôle qu'ils auront à remplir. La distance qui sépare les deux groupes nu- cléaires, situés l’un au sommet, l’autre à la base du sac, augmente peu à peu, par le fait même de l'accroissement de ce dernier, dont le centre est généralement occupé par une grande vacuole. L'inégalité de volume dans les deux groupes nu- cléaires est déjà très marquée alors qu’ils ne com- prennent encore chacun que deux noyaux (fig. 12). Pendant la dernière bipartilion, les noyaux de la base offrent chacun de vingt à vingt-quatre seg- ments, aussi épais et aussi longs que ceux qu'on observe en même temps dans les noyaux du som- met, ce qui prouve que l'augmentation de volume s’est accompagnée d’une augmentation de la masse chromatique. Par contre, chacun des noyaux du sommet n'offre jamais que douze segments. Parmi les quatre noyaux de la tétrade supérieure, il en est deux qui appartiendront aux synerqides et qui sont frères; des deux autres situés un peu au-dessous, l’un deviendra le noyau de l’oosphère ou noyau femelle, tandis que son congénère, restant libre, concourra à former le noyau secondaire du sac embryonnaire. Dès que les synergides et ’oosphère se sont entourées d’une membrane d’enveloppe tualion dans le très délicate, ce noyau demeuré libre, que j'ai dé- signé jadis, ainsi que son homologue inférieur, sous le nom de noyau polaire, à cause de leur si- sac embryonnaire, commence à nm “Fig. 12. — Inégalité de volume des noyaux dans les deux groupes nucléaires situés aux deux extrémités du sac em- bryonnaire, — Gross. Fig. 43, — Partie supérieure du sac, offrant ses deux noyaux en division dans deux plans per vendiculaires, avec plaques nucléaires formées chacune de 12 segments chromatiques. — Gross. : 250. Fig. 14. — Sac embryonnaire entier, renfermant au sommet Pappareil sexuel femelle, qui comprend les deux synergides syn, et l’oosphère avec son noyau nf; à côté de cette “der- nière se trouve le noyau polaire supéricur nps.— A la base du sac, les trois cellules antipodes ant sont déjà en voie de désorganisation, tandis que le noyau polaire inférieur, NP a conservé ses caractères primitifs et meme augmenté de volume. — Gro : 250. Fig. 145. — Le noyau polaire inférieur npi s’est rapproché du 5 à 7 noyau polaire supérieur #ps, auquel il doit s'unir pour former le noyau secondaire du sac embryonnaire. Fig. 16.— Stade plus avancé, montrant ia réunion de deux noyaux polaires. Fig. 17. — Partie supérieure du sac embryonnaire recouverte par l'épiderme de la nucelle. Le tube PURE tp a pénétré entre les cellules épidermiques au sommet , le noyau mâle nm à passé dans l’oosphère, où il setrouve enc ore à quelque distance du noyau femelle »f. Le second noyau générateur est resté à l’extrémité du tube. — Gross. : 250. grossir el à devenir plus chromatique que le noyau de l’oosphère, dont il est pourtant le frère (fig. 1%). Pendant ce temps, une différence très sensible se manifeste également entre le noyau polaire de la tétrade inférieure et les trois noyaux des cel- PRPL TT ES té de … | L. GUIGNARD. — LES PHÉNOMÈNES MORPHOLOGIQUES DE LA FÉCONDATION 407 lules antipodes. Ces derniers sont même en voie de désorganisation et de résorption avant la diffé- renciation complète de l'appareil sexuel et la fu- sion des deux noyaux polaires. Les antipodes n’ont d'ailleurs, comme on sait, aucun rôle à jouer dans la fécondation. Lorsque l'appareil sexuel est parvenu à l'état adulte, le noyau de l’oosphère est un peu plus gros et plus chromatique que les noyaux des syner- gides; il possède un ou plusieurs nucléoles inégaux. Le noyau polaire supérieur reste d’abord tout près de l’oosphère; il est séparé par une grosse vacuole du noyau polaire inférieur. Ce dernier fait la plus grande partie, parfois mème la totalité du chemin nécessaire pour venir le rejoindre (fig. 15). Arrivés en contact, les deux noyaux polaires, tou- jours inégaux, restent d’abord accolés en gardant chacun sa membrane propre; ils descendent en- semble vers la partie centrale du sac embryon- naire (fig. 16). En s’aplatissant l’un contre l’autre, sans se confondre et sans qu'il y ait ni soudure, ni fusion de leurs éléments figurés, car la ligne de démarcation formée par leurs membranes persiste jusqu’au moment de la fécondation, ils forment ensemble une masse plus ou moins arrondie ou ovoïde, qui est le noyau secondaire du sac em- bryonnaire, dont la destinée est de donner nais- sance à l’albumen. Remarquons, toutefois, que si l'union des noyaux polaires est peu prononcée dans le Lis, il n’en est pas de même dans beaucoup d’autres plantes, chez lesquelles le noyau secon- daire du sac embryonnaire forme une masse glo- buleuse, où les nucléoles se fusionnent, mais où les éléments chromatiques dérivés des deux com- posants doivent certainement rester distincts. III Le tube pollinique, après avoir pris naissance sur le stigmate de la fleur, s'insinue entre les papilles du stigmate, puis s'enfonce entre les cel-” lules épidermiques de cet organe pour s'avancer à travers le tissu conducteur du style jusqu’au micro- pyle de l’ovule. De là, son extrémité s’avance jus- qu'au sommet du sac embryonnaire en écartant les cellules de l’épiderme non résorbé du nucelle ; elle vient s’accoler à la membrane du sac qu’elle refoule et avec laquelle elle se soude intimement, vis-à-vis l'appareil sexuel femelle. Ordinairement, la péné- tration du tube a lieu à côté ou entreles synergides, parfois aussi dans l’une des synergides, dont le contenu se désorganise aussitôt. Dans un cas comme dans l’autre, sous l'influence de la poussée qui s'exerce à l’intérieur du tube pollinique, dont la membrane est ramollie et gonflée, le noyau mäle passe aussitôt dans le protoplasme de l'oosphère. Le second noyau générateur n’y entre que par exception. Quant au protoplasme qui dé- rive de la cellule génératrice primitive et accom- pagne le noyau mäle dans le tube pollinique, on ne le retrouve pas dans l’oosphère : le noyau seul paraît donc intervenir dans la fécondation. Aussitôt après son entrée dans la cellule femelle, le noyau mâle, qui s'était d’abord étiré pour tra- verser le micropyle, apparait comme une pelite masse chromatique dense et homogène. Il va si rapidement s’accoler au noyau de l’oosphère qu'il est très rare de le trouver encore à quelque dis- tance de ce dernier (fig. 17). Bientôt il commence LE NAN Fig. 18. — Accolement des deux noyaux sexuels dans l’oos- phère. On aperçoit déjà dans le noyau mäle am un réseau chromatique distinct, avec un nucléole, — Le noyau secon- daire du sac s’est divisé et a donné les deux premiers noyaux de Palbumen. — Gross. : 250. Fig. 19. — Les deux noyaux sexuels sont entrés dans la pro- phase de la division; leurs membranes propres sont encore distinctes. — Gross. : 350. Fig. 20. — Les membranes nucléaires ont disparu. On voit à droite, dans l’oosphère, les segments chromatiques du noyau mâle »m; à gauche, ceux du noyau femelle nf. Fig. 25. — Formation du fuseau, à l'équateur duquel les vingt-quatre segments chromatiques mâles et femelles s'orientent pour tormer la plaque du noyau de l'œuf après la fécondation. — Gross. : 750. à grossir et à prendre insensiblement les caractères morphologiques d'un noyau à l'état de repos; un ou plusieurs nueléoles apparaissent dans son réseau 408 L. GUIGNARD. — LES PHÉNOMÈNES MORPHOLOGIQUES DE LA FÉCONDATION chromatique (fig. 18). Plusieurs jours sont néces- saires, dans le cas actuel, pour qu'il revête ces caractères. Toutefois, même après qu'il a augmenté de volume, il reste toujours un peu moins gros que le noyau femelle; mais son réseau chroma- tique est plus dense et plus serré, ce qui permet de le reconnaitre facilement jusqu'au moment de la division. Dans d'autres plantes, telles que la Fritillaire, la Tulipe, ete., le noyau màle devient finalement semblable sous tous les rapports au noyau femelle et ne peut en être distingué. Quel que soit le degré d’aplatissement des noyaux sexuels l'un contre l’autre, on aperçoit toujours entre leurs charpentes chromatiques une ligne de démarcation formée par leurs membranes d’enve- loppe. Pendant que le noyau mäle revêt les carac- tères de l’état de repos, aucun changement ne se manifeste dans le noyau femelle, même lorsque la prophase de la division a commencé dans chaeun d'eux, et elle a lieu simultanément dans l’un et dans l’autre; les membranes nucléaires sont encore visibles; les éléments chromatiques ne se mé- langent pas de l’un à l’autre; les nucléoles se résorbent sans se fusionner (fig. 19). À ce moment, on peut encore reconnaitre l’origine double du noyau de l'œuf. Bientôt les enveloppes nucléaires disparaissent ; mais on retrouve à la périphérie des deux groupes chromatiques du noyau mâle et du noyau femelle le contour primitif de ces noyaux (fig. 20). Les segments chromatiques apparaissent libres et dis- tincts dans chacun d'eux, sans qu'on puisse encore les compter. Après s'être raccourcis el par conséquent épaissis ense contractant, les segments s’orientent pour for- mer une plaque nucléaire unique, en même temps qu'apparait un fuseau achromatique dirigé parallé- lement au grand axe de l'œuf (fig. 21 et 22). Dès lors il est possible, surtout en comprimant avec précaution la plaque nucléaire pour en écarter les éléments, d'apprécier exactement le nombre des segments chromatiques, lequel, dans le Lis, est de vingt-quatre. Jusqu'ici, ce fait important n'avait pas encore été constaté directement chez les plantes. Comme il a été prouvé antérieurement que le noyau mâle et le noyau femelle renfermaient chacun douze segments, il en résulte que la fécon- dation se produit avec un apport égal de part el d'autre. En outre, quand la plaque nucléaire est formée, on ne remarque ni dans la longueur, ni dans l'épaisseur, ni dans le pouvoir chromatique des segments, aucune différence qui permette de distinguer ceux qui proviennent du noyau mâle de ceux qui dérivent du noyau femelle. Il importe peu, d'ailleurs, que leur disposition varie el qu'ils soient ou non répartis symétriquement et ànombre égal de chaque côté du plan équatorial, puisque les deux moitiés ou segments secondaires, nés par dédoublement longitudinal d’un segment primaire, se rendent loujours, en sens inverse, chacun à l'un des pôles du fuseau pour y former les deux nouveaux noyaux (fig. 23). 23 Fir. 22. — Fuseau nucléaire de l’œuf, avec sa plaque com- posée de vingt-quatre segments chromatiques.— Cross. :150. Fi. 23. — Séparation des moitiés de chaque segment chro- matique; transport de ces moitiés vers les pôles. — Gross. : 750. Ainsi se produit la division du noyau de l'œuf. Les deux premiers noyaux embryonnaires possé- derontchacun vingt-quatresegmentschromatiques. Après l'arrivée de ces derniers aux pôles du fuseau, une cloison cellulo- sique se forme à l’é- quateur de la figure, sur le trajet des fils achromatiques;l’em- bryon comprend alors deux cellules superposées étinéga- les, l'inférieure étant la plus petite. Dans les divisions ultérieu- res, tout au moins quand l'embryon est jeune, on compte aussi vingt-quatre dans les Fig. 24. — jmbryon bicellulaire, offrant ses deux premiers noyaux en division, à deux stades diffé rents. — Gross. : 750. segments noyaux des tissus em- bryonnaires (fig. 24). Pendant que ces phénomènes s'accomplissent dans le sac embryonnaire au moment de la fécon- dation, le noyau secondaire du sac, destiné à former l’albumen, se divise dès que le noyau mäle pénètre dans l’oosphère, par conséquent bien avant le noyau de l'œuf lui-même (fig. 18). Cette division immédiate s'explique facilement par ce fait, que les deux noyaux polaires, dont l’union a produit L. GUIGNARD. — LES PHÉNOMÈNES MORPHOLOGIQUES DE LA FÉCONDATION 409 le noyau secondaire du sac, sont l’un et l’autre dans un état comparable lors de la pénétration du noyau mâle dans l’oosphère; ils n'ont donc pas besoin, | comme ce dernier, de revêtir les caractères mor- phologiques de l’état de repos, puisqu'ils les pos- | sédaient tous deux au moment de leur union. | Ils peuvent par conséquent entrer en division dès que se fait sentir l'impulsion spéciale occasionnée par l’arrivée du noyau mâle dans l’appareil sexuel femelle. Un autre fait à noter pour les noyaux de l’albu- men consisie dans la variation du nombre de leurs segments chromatiques ; ce qui pouvait être prévu, si l'on se rappelle la différence caractéristique qui se manifeste dans le sac embryonnaire, avant la constitution de l'appareil sexuel, entre les noyaux de cel appareil et ceux dont le rôle sera accessoire ou nul dans la fécondation. Les premiers noyaux de l’albumen peuvent posséder jusqu'à quarante- huit segments chromatiques ; plus tard, le nombre diminue, tout en restant supérieur à celui qu'on rencontre dans les tissus de l’ovule et des autres organes de la plante. IV Bien que le nombre des plantes favorables à l’é- Lude détaillée de la structure et du mode d'union des éléments sexuels soit assez restreint, j'ai pu néanmoins constaler dans divers cas des faits entièrement comparables à ceux que j'ai observés chezle Lis Martagon. Il est donc permis de formuler, sur l’ensemble des phénomènes morphologiques de la fécondation, les conclusions suivantes : 1. Dans une plante donnée, les deux noyaux sexuels mäle et femelle renferment un nombre d'éléments chromatiques égal et fixe. Pour l'organe male, cette fixité existe et se maintient à partir des cellules mères du pollen; pour l'organe femelle, elle apparait dans le noyau primaire du sac em- bryonnaire. Comme elle n’a été rencontrée dans aucun tissu purement végélatif, on ne peut lui refuser une grande importance. Des résultats ana- logues ont été fournis par les recherches faites au même point de vue chez les animaux. Cette fixité a pour but de faire la part égale à chacun des noyaux sexuels dans la transmission des propriétés héréditaires. On peut concevoir d'ailleurs que si celle égalité venait à faire défaut etsi la mère, par exemple, avait une influence plus grande que le père, on arriverait ainsi jusqu'à la parthénogenèse. Comment et à quel moment s'établit la fixité en question, par exemple dans le Lis, où les noyaux du jeune embryon possèdent chacun ving-quatre segments chromatiques, tandis que les noyaux sexuels en ont seulement douze? C’est un point qui n’est pas encore complétement élucidé, mais : dont la solution ne sefera sans doute pas longtemps attendre. Mes observations m'autorisent déjà à dire que la réduction du nombre des éléments chroma- tiques n’a pas lieu d’un seul coup. 2. Le mode de formation des noyaux sexuels estle même que celui ‘des noyaux végétatifs; il a lieu suivant la marche normale de la division indirecte, par dédoublement longitudinal des segments chro- matiques. De ses observations sur l'Ascaris megalo- cephala, M. Ed. Van Beneden a conclu que les noyaux sexuels ne sont qne des demi-noyaux, la formation des globules polaires chez les animaux, ayant pour butle rejet de la moitié femelle d'un noyau hermaphrodite, quand il s’agit du pronu- cléus mâle, et celui de la moitié mäle, quand il s’agit du pronucléus femelle. Mais cette assertion ne repose, comme divers auteurs l'ont montré, que sur des erreurs d'observation. On a constaté, en effet, que les globules polaires et le pronucléus se forment avec dédoublement longitudinal des seg- ments chromatiques des noyaux qui leur donnent naissance ; ils ont par conséquent, à l’origine, la même constitution. Les globules polaires éliminés ne représentent donc pas, soit la partie mâle, soil la partie femelle du noyau dont ils dérivent. Les détails qui ont été donnés précédemment sur la différenciation desnoyaux végélatifs et géné- rateurs dans le pollen, différenciation comparable à celle qu’on observe au cours de la formation du pronucléus mâle des animaux, prouvent de même que ces noyaux sont d’abord équivalents. La trans- mission, à l'enfant, de propriétés d’ancêtres femel- les par le père et de propriétés d'ancêtres mâles par la mère, suffirait, d’ailleurs, à défaut d’autres arguments, à montrer que les noyaux sexuels n'expulsent pas, pendant leur différencialion, l’un seséléments femelles, l’autre ses éléments mâles. 3. L’accolement des noyaux sexuels dans l’oos- phère à élé constaté dans tous les cas observés jusqu’à ce jour chez les plantes. Le noyau mâle doit revêtir d’abord les caractèresde l'état de repos et devenir entièrement comparable sous ce rap- port au noyau femelle, avant les premiers indices de la division dans l'œuf. Il n'y a ni soudure, ni fusion des segments chromatiques du noyau mâle avec ceux du noyau femelle après la résorption des membranes nucléaires; seules les substances nucléaires non figurées el le produit de résorption des nucléoles se fusionnent ouse mélangent quand les membranes ont disparu: c’est à cela que se réduit la copulalion ou la conjugaison des noyaux sexuels. Mais si ce phénomène a lieu tardivement chez le Lis et quelques autres plantes, alors que la division a @éjà commencé à se manifester dans les noyaux, il peut aussi se produire plus où moins longtemps avant l'entrée en division. Ce dernier 410 L. GUIGNARD. — LES PHÉNOMÈNES MORPHOLOGIQUES DE LA FÉCONDATION cas est même assez fréquent; on observe aussi, parfois, une fusion des nucléoles, précédant leur résorption. Ces variations, on le conçoit, n’ont pas d'importance. * Dans l’Asearis, souvent les deux pronucléus mâle et femelle entrent en division dans le pro- toplasme de l’œuf sans s’être préalablement acco- lés, puis leurs segments chromatiques se réunis- sent en une plaque nucléaire unique. On en a conclu que la conjugaison des noyaux n’est pas nécessaire dans la fécondation. Mais on peut dire que, dans ce cas, la conjugaison, réduite au mélange des substances nucléaires solubles, n’en a pas moins lieu dans le protoplasme de l'œuf. Quelle est la cause qui détermine la division dans l’œuf après la fécondation? Il est certain que la pénétration du noyau mâle dans la cellule femelle exerce sur cette dernière une action spéciale, qui se manifeste, chez les animaux, par l'apparition dans le protoplasme de deux « sphères attractives », lesquelles se disposent dans l'œuf de façon à oceu- per les deux pôles du fuseau nucléaire en voie de formation. Ces sphères attractives n'inlerviennent pas dans la constitution des noyaux des cellules embryonnaires ; elles persistent à côté d'eux, en tant que portions différenciées du protoplasme, à tous les moments de la vie cellulaire; leur division précède toujours celle dunoyau. Elles n'existent pas dans l’œuf animal avant la pénétration du noyau mäle. Tout récemment, leur origine restée dou- teuse a été rapportée par M. Vejdowski, à la suite de ses observations sur le Æynchelmis, au sperma- tozoïde et non au protoplasme de l'œuf. En entrant dans l'œuf, le noyau spermatique serait accom- pagné d’une substance hyaline protoplasmique, représentant la queue du spermatozoïde : ce proto- plasme serait destiné à fournir les sphères attrac- tives et à présider en quelque sorte à la division de l’œuf. C'est en vain qu'on a cherché jusqu'ici quelque chose de semblable chez les plantes. Les manifes- tations du protoplasme y sont beaucoup moins caractérisées que chez les animaux; on n'a encore pu reconnaitre la présence de sphères attrac- tives dans aucune cellule embryonnaire ou autre. D'ailleurs, comme il parait établi que le noyau mâle n’est pas accompagné dans l'œuf par son proto- plasme propre, il devient difficile de chercher l'explication de la division dans l'apport d’un élément protoplasmique effectué par ce noyau. Il est rationnel de penser que la division du noyau de l'œuf n’a pas d'autre cause que celle qui détermine la division du noyau secondaire du sac embryon- naire, au moment de la formation de l’albumen. Dans ce dernier cas, le phénomène ne peut évi- demment pas être attribué à l’action d'une subs- tance figurée apportée par le tube pollinique. Si l'impulsion nouvelle, produite par l'entrée du noyau mäle dans l’oosphère, peut agir à distance de l’ap- pareil sexuel sur le protoplasme du sac embryon- naire et provoquer la division du noyau secon- daire, on conçoit à plus forte raison qu’elle s’exerce de même sur le contenu de l’oosphère fécondée. A mon avis, cette action est de même ordre que celle qu’exerce la pollinisation sur la formation des embryons adventifs et sur le développement des ovules chez les Orchidées. Chez certaines Phanéro- games, dites à tort parthénogénétliques, la germina- tion du pollen et la pénétration dü tube pollinique dans le micropyle ovulaire peuvent déterminer, à distance, le développement des cellules épider- miquesdunucellesituées au voisinage ou au contact du sac embryonnaire, mais en dehors de lui, et tout à fail indépendantes de l'appareil sexuel femelle. Ces cellules donnent ainsi naissance à des embryons adventifs, multiples, dont l'origine est donc toute différente de celle de l'embryon normal. De même, chez les Orchidées, la germination du pollen sur le stigmate et la pénétration des tubes polliniques dans l'ovaire sont nécessaires, soit pour provoquer lanaissance des ovules qui, dans diverses espèces, n’ont pas encore commencé à se former au moment où le stigmate reçoit le pollen, soit pour permettre aux ovules, dans d'autres cas, de continuer leur développement toujours incomplet au moment de la floraison. Si la pollinisation n’a pas lieu et siles tubes polliniques ne s’introduisent pas dans la cavité ovarienne, les ovules ne naissent pas ou n'arrivent pas à leur accroissement complet. J'ai constaté expérimentalement que dans certaines espèces d'Orchidées exotiques le laps de temps qui est nécessaire, à partir de la pollinisation, pour que l'ovule soit apte à être fécondé, atteint parfois cinq ou six MOIS. En résumé, le fait important mis en lumière par les observations récentes sur la fécondation con- siste dans le rôle capital du noyau, dont les élé- ments chromaliques nous apparaissent comme le support des caractères et des propriétés hérédi- taires. Comment ces caractères se conservent-ils et se modifient-ils plus ou moins à travers l'évolution de l'individu, pour être transmis à ses descen- dants? C’est une question qu'on ne saurait aborder dans ce rapide aperçu. D'ailleurs si l’on est par- venu aujourd'hui à soulever un coin du voile épais qui nous cachait la nature du phénomène de l’hé- rédité, les théories auxquelles elle peut donner lieu laissent encore un champ très vaste à l’hypo- thèse. Léon Guignard, è Professeur à l'École supérieure de Pharmacie de Paris. * stat à ts maths ltd és pu) os tte dt BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX AAA ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Comberousse (Ch. de), Professeur au Conservatoire des Arts et Méliers. — Cours d'algèbre supérieure, seconde partie, deuriéme édition, refondue et augmentée ; un volume in-8°. Gauthier-Villars et fils. Paris 4890, Le cours de Mathématiques que publie M. de Combe- rousse à l'usage des candidats à l'Ecole Centrale, à l'Ecole Polytechnique ou à l'Ecole Normale, comprend six volumes ; le premier est relatif à l'Arithmétique et à l'Algèbre élémentaire, le second à la Géométrie et à la Trigonométrie ; le troisième, dont la seconde édition a paru en 1887, donne en Algèbre supérieure, les dé- terminants, les fonctions continues, l'Analyse combi- naloire, les séries et les dérivées; le quatrième enfin, dont la deuxième édition vient d'être publiée, contient les imaginaires et la théorie des équations. L'ouvrage se terminera par deux volumes sur la Géométrie analytique, la Géométrie descriptive et la Géométrie supérieure, Le volume d’Algèbre supérieure récemment paru pré- sente les qualités qui ont fait le succès des ouvrages de M. de Comberousse ; il ne renferme, ni dans les ré- sultats obtenus, ni mème dans le mode d'exposition aucun fait nouveau, mais comme livre d'enseignement, il est clair, bien ordonné et capable de rendre aux can- didats de réels services, L. O. Æhurston (R.-H.), directeur du Sibley College Cornell University, Ithaca (N. Y.), ancien président de la Société des Ingénieurs américains. — Théorie expérimentale et analytique de Hirn et Dwelshauvers sur la machine à vapeur. Discours prononcé au dernier mee- ting de l'Association américaine des Ingénieurs améri- cains. Opuscule in-8°, 1890. Dans un remarquable article qui a paru ici même, il y a peu de temps (1), M. Dwelshauvers-Dery, le savant professeur de mécanique appliquée de l'Université de Liège, a fait connaître la part considérable, on pour- rait dire prépondérante, que G. A. Hirn et les ingé- nieurs formés à son école ont prise dans les progrès réalisés pendant les trente-cinq dernières années, par la science de la machine à vapeur. Il a montré que, reprenant la question où l’avaient laissée les études théoriques de Carnot, de Clausius et de Rankine sur les moteurs thermiques, l’illustre chef de l’école alsacienne a fait faire à cette science un pas immense, en soumettant à l'expérience l’évolution de l'énergie thermique dans la machine à vapeur et en établissant ce qu'il a appelé la théorie pratique, théorie qui constitue laphilosophie expérimentale définitive de ce moteur. - Mais ce que la modestie de M. Dwelshauvers ne lui a pas permis de dire, c’est que si cette théorie, d’abord méconnue ef plus tard combattue par certains ingé- nieurs et même par des hommes de la valeur de Zeuner, est aujourd'hui universellement acceptée, si elle a conquis son droit de cité dans l’enseignement de tous les pays, si elle est même sur le point d’entrer dans la pratique des ateliers en fournissant au constructeur une base logique pour ses calculs et ses essais, on le doit en grande partie aux travaux de M. Dwelshauvers lui-même, à l'expression nette, concise, lumineuse qu'il a su Jui donner, en la fixant dans quelques équa- (1) Revue générale des Sciences pures ét appliquées n° Ê 15 mars 1890. # BIBLIOGRAPHIE ET INDEX tions d’une admirable simplicité, abordables même à ceux qui n’ont pas fait une étude approfondie des ma- thématiques, Ce rôle de M. Dwelshauvers a été mis en lumièred'une facon éclatante dans un mémoire que M. Thurston, le professeur bien connu de Sibley College à Ithaca !N, Y.) aprésenté au dernier meetingde l'Association américaine des ingénieurs mécaniciens. L’historien si compétent de la machine à vapeur établit d’abord que Hirn, en créant la théorie expérimentale de la machine à vapeur, a étudié l'évolution de l’énergie thermique pour un cyele entier eta recherché la valeur globale de chacune des trois parties entre lesquelles elle se décompose : le travail extérieur, la chaleur perdue par l'influence des parois et enfin celle qui disparaît par d’autres causes. M. Thurston ajoute que M. Dwelshauvers a divisé le cycle en quatre phases qu'il étudie chacune à part: l'admission, la détente, l'émission, la compression. C’est un progrès nouveau, un progrès important et qui est, d’une facon incontestable, entièrement l’œuvre de M. Dwelshauvers, Certes, Hirn a concu le premier et expliqué la théorie expérimentale de la machine à va- peur; mais la théorie algébriquement formulée, telle qu’elle est solidement établie aujourd'hui, est due à M. Dwelshauvers-Dery. Dans différents mémoires qu'il a publiés depuis 1880 à la Revue universelle des Mines, de Liège, dans le Bul- letin de la Société industrielle de Mulhouse, dans les Bulle- letins de la Société des Ingénieurs civils de Londres et dans le journal Engineering, M. Dwelshauvers à analysé les transformations de la chaleur dans chacune des qua- tre phases d’un coup double du piston et a traduit ces phénomènes en six équations permettant d'établir net- tement les conditions qui distinguent la machine réelle de la machine idéale étudiée par Carnot, Clausius et Rankine, Il à su tirer de ces équations des con- clusions importantes au point de vue de l'efficacité de l'enveloppe, du calcul du condenseur, de l'effet des grandes vitesses, de celui de la surchauffe et du réchauf- fement extérieur du cylindre. Il a complété ses re- cherches par linstitution d’une méthode graphique permettant d'exprimer d’une manière frappante les ré- sultats économiques obtenus par l'application de ces divers perfectionnements. C'est donc à bon droit que M. Thurston, associant le nom de M. Dwelshauvers à celui du regretté chef de l'Ecole alsacienne,a intitulé,son mémoire : Théorie expé- rimentale et analytique de Hirn et Dwelshauvers sur la me- chine à vapeur. C'esten effet sous ce titre qu'a été pré- senté ce travail d’un haut intérêt pour tous ceux qui s'intéressent aux progrès de la machine à vapeur, ce facteur si important de la civilisation moderne, H. Hugerr. 2° Sciences physiques. €Chassy (À). — Sur un nouveau transport élec- trique des sels dissous. Thèse présentée à la Faculté des Sciences de Paris le 27 mai 1890. Le mémoire de M. Chassy est court, mais il renferme un résultat important. Quand on électrolyse une disso- lution saline, la concentration du liquide varie peu à peu autour des électrodes; ce fait souvent étudié est connu sous le nom de transport des ions. Si, au lieu d’un seul sel,on prend un mélange de plusieurs tels que l’un d’entre eux ne soit pas en proportion suffisante pour subir un commencement de décomposition, on 412 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX constate que la teneur du liquide en sel non décomposé varie autour des deux électrodes, C’est là un phénomène nouveau, découvert par M. Chassy et qui peut être considéré comme un transport du sel lui-même, à travers le liquide, sans séparation de ses parties con- stitutives L'étude de ce transport pour les sels non décomposés, que l’auteur appelle non électrolysés, lui permet d’ana- lyser, comme on ne pouvait le faire antérieurement, le phénomène du transport des ions lui-même; il dé- montre que ce phénomène doit être considéré eomme la superposition du transport qui a lieu dans les sels non électrolysés et d’un autre, que l’on peut avec Hit- torf regarder comme le produit d’un transport séparé de chacun des ions, animés de vitesses différentes, ou avec M. Bouty comme le résultat de la séparation des ions en parties équivalentes aux deux électrodes, jointe à un transport du sel lui-même sans séparation de ses parties. M. Chassy établit des formules simples pour le trans- port des sels métalliques; il montre qu’un composé quelconque est caractérisé dans ces formules par une constante indépendante des autres composés en pré- sence; cette constante est très sensiblement propor- tionnelle au poids moléculaire, Il étudie comment varie le transport d'un corps par l’adjonction d’un corps conducteur dans la dissolution du premier; le trans- port est alors diminué, et tout corps n'ayant aucune influence sur le transport d’un sel n’est lui-même pas transporté. Quand l'analyse devient impuissante à décider dans un mélange de sel celui ou ceux qui sont électrolysés, l'étude du transport permettra désormais de résoudre la question, Lucien Poincaré. Poincaré (Lucien). — Recherches sur les élec- trolytes fondus. Thèse présentée à la Faculté des Sciences de Paris le 25 juin 1890. L'étude des phénomènes électriques qui se produi- sent dans les sels métalliques fondus présente un inté- rêt tout particulier : l'absence de tout dissolvant donne à la constitution des électrolytes fondus un caractère de simplicité extrême, et de leur étude on est en droit d'attendre des résultats importants sur la nature de l’électrolyse et le mécanisme de la produelion de Pélec- tricité par les actions chimiques. M. Lucien Poincaré qui avait déjà publié en collaboration avec M. Bouty un mémoire «sur la conductibilité électrique des sels fondus (1) » a poursuivi ses recherches sur ces corps. Il s’est occupé dans la première partie de son travail, des phénomènes qui se passent au sein de l’électrolyte, lui- mème, c’est-à-dire de la mesure des conductibilités ; et, dans une seconde partie, des phénomènes qui se pas- sent au contact des électrodes et de l’électrolyte, c’est- à-dire de la polarisation des électrodes et des piles thermo-électriques ou hydro-électriques que lon peut conslitueravec des sels fondus, La méthode ingénieuse employée précédemment par MM. Bouty et Poincaré pour mesurer la conductibilité d'un sel fondu ne s’appliquerait pas aux tempéra- tures élevées. M, Poincaré emploie plusieurs mé- thodes : nous décrirons seulement l’un des procédés dont il a fait le plus fréquent usage. Il s’agit de prendre au sein même de la masse en fusion une portion dé- terminée et d’en mesurer la résistance électrique: cette masse, environnée de toute part d’un bain de mème nature, pourra être considérée comme à une température uniforme. Dans un creuselen terre, plein de sel fondu, plonge un tube vertical en porcelaine fermé à sa partie inférieure par une plaque métal- lique percée d’un trou et atlachée à un fil qui com- munique à lPun des pôles de la pile et qui est isolé (1) Annales de chimie et de physique, 6° série t. XVII, 1889. par des tubes en terre réfractaire; dans l’intérieur du tübe, à quelques centimètres au-dessus du fond se trouve une seconde lame attachée à Pautre pôle de la pile. Une électrode parasite également isolée aboutit vis-à-vis du trou de la lame inférieure; la seconde électrode para- site isolée de la prem ère lame et du fil qui lui est atta- ché au moyen d’un second tube, aboutit vis-à-vis du trou dont cette lame est percée.On mesure ainsi la résistance d’une colonne cylindrique de liquide. Pour avoir la va- leur absolue de celte résistance, on fait une expérience de comparaison, en remplissant l'appareil d’une dis- solution connue, par exemple, de la solution normale à { équivalent par litre de chlorure de potassium, dont la résistance spécifique a été détérminée par M. Bouty. Les électrodes principales et parasites sont toujours en argent ; c’est lPapplication d’une remarque faite par M. Poincaré, à savoir que les électrodes en argent ne se polarisent pas dans un sel auquel on a ajouté une trace d’un sel d'argent. La méthode permet d'opérer jusqu'aux environs de 1000. L'auteurétablit ainsi que la conductibilité croît à peu près linéairement avec la température et que le produit du coeflicient de variation par la densité est sensible- ment le même pour tous les sels. Si on considère la conductibilité moléculaire, on trouve, en comparant un sel de potassium et un sel de sodium, que le rapport de leurs conductibilités moléculaires est indépendant de la nature de l'acide. Entre les chlorure, bromure et iodure d’un mème mélal existe aussi une relation sim- ple ; à égale distance du point de fusion, ces trois sels ont même conductibilité moléculaire, Abordant l'étude des mélanges de sels, M. Poincaré montre que, tant qu'il n'ya pas action chimique, la conductibilité peut se calculer par une formule de moyenne ; s’il y a écart entre lecalcul et observation, c’est quil ya réaction, et c'est là un moyen qui peut être très précieux, ainsi que l’auteur le met en évidence par quelques exemples simples, pour l'étude des réactions chimiques qui se produisent entre corps fondus. L'étude de la polarisation des électrodes métalli- ques en présence des sels fondus a fourni à M. Poin- caré un des résultats les plus originaux de son travail. Si l’on prend un sel décomposable par élévation de tem- pérature, un chlôrate ou un azotale parexemple, on cons- tate que la polarisation des électrodes de métaux non attaqués par ce sel tombe à zéro quand on atteint la température de décomposition, L'interprétation de ce fait ne peut être que très hypothétique : si l’on admet pourtant que le maximum de polarisation est léquiva- lent de l'énergie dépensée dans la réaction électroly- tique, n'y a-til pas lieu de supposer que l’élevation de température décompose spontanément Na Azo en ses deux ions Na et Azo5? Si l’on recueille d’autres pro- duits, c’est qr'ils sont dus aux réactions secondaires du sodium sur l’azotate ; la chaleur produirait ainsi une dissocialion analogue à celle qui existe dans une dissolution très étendue d’après les idées d’Arrhénius. Quoi qu’on puisse penser de cette explication, il est certain que tout essai de théorie fondé sur l’identifica- lion de la dissociation thermique et de la dissociation électrolytique devra tenir grand compte du fait impor- tant découvert par M. Poincaré. Au contact d'une électrode métallique et d’un élec- trolyte fondu, existe une force thermo-électrique, et dans tous les cas étudiés, la force électro-motrice d’un couple formé du même métal et d'un électrolyte fondu est sensiblement égale à la force électro-motrice d’un couple formé du même métal et d’une solution sa- turée de l’électrolyte ou du métal et de l’électrolyte solide, la différence de température aux deux soudures étant supposée la même dans les deux cas. En plongeant dans un sel fondu des métaux diffé- rents, on constitue une pile voltaique, On pouvait se demander si à ces températures élevées, la chaleur intersenait d’une manière spéciale comme source d’é- nergie, où si au contraire les couples ainsi formés obéissaient aux lois établies pour les piles hydro-élec- mé BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 413 triques ordinaires, M. Poincaré a établi, par l'étude de quelques couples, que les diverses conséquences de la théorie de Helmholtz, notamment le théorème de M. Lippmann sur l'application de la loi de Wæstyn aux couples indépendants de la température, sont parfaitement vérifiées dans le cas des piles à électro- lytes fondus. En résumé, les électrolytes fondus donnent lieu pour la première fois a des recherches systématiques, M. Lu- cien Poincaré a nettement tracé les grandes lignes de cette étude. Il a donné des méthodes expérimentales d’une application très générale. L'intérêt que présen- tent les résultats déjà obtenus fera naître, sans doute, de nouvelles recherches dans cette voie. Bernard BRUNHES,. Hospitalier (E.). — Traité élémentaire de l'énergie électrique, {ome I, 608 p., 253 fig; Paris, Masson, 1890, Si nous avions à présenter M. Hospitalier à nos lec- teurs, nous ne saurions le mieux faire qu’en citant l'é- pigraphe de son Traité : J'appelle un chat un chat. C'est, en eftet, l’effort constant de M. Hospitalier de nommer chaque chose par son nom, et, pour ainsi dire, d'intro- duire dans la science électrique une bonne adminis- tration. Cette préoccupation perce en chaque point de son ouvrage, où l’auteur a cherché avant tout la ri- gueur absolue du langage. Une note de la dernière page, par exemple, engage le lecteur a rectifier une in- correction répétée, dans laquelle le quotient de deux quantités de natures diverses est nommé rapport. Ce dernier terme ne doit s'appliquer, selon M. Hospitalier, qu'au quotient de deux quantités de même nalure, Le péché était sans doute véniel, mais il faut savoir gré à l’auteur d'appuyer en toute occasion sur la correction du langage et de la notation, à laquelle on n'attribue pas toujours assez d'importance. Le traité de M. Hospitalier est pseudo-élémentaire, en ce sens qu'il peut être compris sans préparation mathématique spéciale, Si nous devions le critiquer, ce serait précisément parce que, en maints endroits, des formules intercalées dans le texte s’y trouvent comme une sorte de hors-d'œuvre, sans démonstra- tion suffisante, comme simple renseignement ; celte manière de faire donne à un traité l'aspect un peu inférieur du formulaire, Hätons-nous de racheter celle critique en indiquant sommairement les grandes qualités de l'ouvrage de M. Hospitalier, Préparé, par un enseignement pratique de plusieurs années et par la direction d’un journal d'électricité, nul peut-être ne pouvait mieux que lui réunir la connaissance solide des éléments à celle de la technique électrique mo- derne, Le premier volume, qui forme la partie scienti- fique de l'ouvrage, est concu dans un sens absolument pratique, et nous pouvons espérer que le second sera fait avec toute la rigueur à laquelle l’auteur nous à habitués. Dans l'ordonnance mème de l'ouvrage, l’ordre scien- tifique, celui qui fait découler logiquement les phéno- mènes les uns des autres, a été plusieurs fois sacrifié à celui qui mène plus directement à la connaissance des méthodes pratiques ; la simple énumération de quelques chapitres le montrera suffisamment, L’intro- duction traite du système C, G. S., et des méthodes de mesure ; puis un Court chapitre est consacré au ma- gnélisme, afin que l’on puisse comprendre le mode d'action des aimants, l'emploi du galvanomètre, et sur- tout les unités magnétiques et électro-magnétiques. Les chapitres IL et IL donnent des notions générales sur l’électrostatique, le courant électrique et le sys- tème électro-magnétique C. G. S. Les trois suivants traitent des résistances, des intensités et des potentiels, et ainsi de suite; dans le chapitre XVIII et dernier sont reléguées des questions sans doute très importantes au point de vue théorique, palpitaxtes même à l'heure qu'il est, telle que la théorie électromagnétique de la lumière, les phénomènes électrocapillaires, etc., mais dont on ia pas encore pu tirer grand’chose dans l'in- dustrie. On le voit, l'ouvrage de M. Hospitalier auquel nous aurions voulu pouvoir consacrer une-nclice plus étendue, est destiné avant tout aux techniciens, qui pourront y puiser des notions très saines et absolu- ment modernes sur la science électrique ; il rendra aussi de grands services aux hommes de science pure, par la quantité prodigieuse de renseignements qu'il contient, Il n’est pas un instrument de mesure qui n’y soit décrit, avec une figure à l'appui, pas un phéno- mène quelque peu important qui n’y soit mentionné. Les formules pratiques s’y trouvent toutes prêtes, avec leurs constantes numériques, de telle sorte qu’en les employant, le lecteur attentif arrivera droit au but, et sans avoir à faire Les recherches et les réflexions fasti- dieuses que nécessite souvent l'application de la for- mule la plus simple, dans laquelle les unités de me- sure ne sont pas suffisamment indiquées. L'impression qui reste de la lecture de cet ouvrage, c'est qu'il n’est pas une phrase qui n'ait été pour ainsi dire sentie, pas une indicalion qui n'ait été pratiquée par l’auteur; il peat paraitre un peu trop étiqueté pour la lecture courante; mais la recherche des ren- seignements, facilitée encore par un index détaillé, est d'autant plus commode, Ch. Ed, GUILLAUME. OEchsner de Coninck,— Nouvel es recherches sur les bases de la série pyridique et de la série quinoléique. Un vol. in-8° de 128 pages. Paris. G. Mas- son, éditeur, 4890, Cette brochure fait suite aux recherches exposées par l’auteur dans sa thèse inaugurale:; elle est divisée en {rois parties : Dans la première, il étudie les réactions générales des bases pyridiques et quinoléiques, C’est tout d'abord la réaction d’Anderson (action de l’eau bouillante sur les chloroplalinates): cette réaction permet d'établir une différence entre les bases pyridiques de prove- nances diverses ; le sel modifié s'obtient presque ins- tantanément avec les bases pyridiques dérivées de la brucine et de la cinchonine; dans les mêmes condi- tions les bases du goudron de houille ne subissent la transformation qu'au bout d’un quart d'heure environ et celles de l'huile de Dippel qu'au bout de plusieurs heures. Les sels des bases quinoléiques résistent à l’action même prolongée de l’eau bouillante. L'action des iodures alcooliques sur les bases pyridiques con- duit aux mêmes conclusions : la rapidité de la combi- naison décroit quand on passe des bases dérivées de la cinchonine à celles du goudron de houille et de l'huile de Dippel. Cette première parlie se termine par une étude de la polymérisation des bases pyridiques sous l'influence du sodium. Dans la deuxième, où il est traité de l'oxydation des bases pyridiques, Pauteur établit la constitution de quelques bases de cette série ainsi que celle de deux acides qui en dérivent, Pacide homonicotianique et l'acide cinchoméronique : ceux-ci se rattachent à la pyridine de la même manière que les acides tolui- que et phtalique à la benzine ; puis il passe aux hy- drures pyridiques et quinoléiques et examine les rapports qu'ils présentent avec les alcaloïdes propre- ment dits. : La troisième partie est consacrée à l’exposé des ca- ractères fondamentaux des bases pyridiques, quino- léiques et de leurs hydrures; elle se termine par une application de ces réactions à la recherche analytique des alcaloïdes volatils de ces diverses séries. C'est en résumé un travail intéressant qui pourra être utilement consulté par ceux qui s'occupent des sé- ries pyridique, hydropyridique et quinoléique ainsi que des plomaines, H. GAUTIER, 11% BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 8° Sciences naturelles. Rivière (E.). — Grotte de la Combe ou des Deux- Goules (Alpes-Maritimes). Association française pour l'avancement des sciences, Congrès de Paris, 1889, La grotte fouillée par M. Rivière se trouve dans le canton de Saint-Vallier-de-Thiey, arrondissement de Grasse (Alpes-Maritimes) Elle était restée complètement inconnue jusqu'à présent. On pénètre par une double ouverture, d’abord dans un vestibule où l’on ne trouve rien; mais plus loin sont deux salles dans l’une des- quelles M. Rivière a recueilli les squelettes de Cervus elaphus, de cheval etde chèvre. Rarement on avait trouvé de squelettes aussi complets de ces animaux, La grotte ne parail pas avoir jamais été habitée par l’homme, J, DENIKER, Hamilton Acton. L’assimilation du carbone par les plantes vertes en partant de certains composés organiques. — Proceedings of theRoyal So ciety, Janvier, 1890. On admet généralement aujourd’hui que les plantes s’assimilent les éléments de l’eau et de l'acide carbo- nique pour former un glucose; mais la nature des changements intermédiaires est encore incertaine, La théorie qui admet la formation d’aldéhyde formique H-COH, et la polymérisation de cette aldéhyde, n'a pas recu de preuve expérimentale. Wæœhner a même mon- tré que les plantes ne s’assimilent pas le carbone de l’aldéhyde formique non plus que celui de l’aldéhyde acétique ou du trioxyméthylène. : M. Acton a recherché si les plantes pouvaient s’assi- miler le carbone des divers composés, entre autres l’a- croléine et des composés analogues ; ces corps présen- tent un intérêt spécial, depuis que Fischer et Tafel ont réalisé la synthèse d'un véritable glucose (lacrose) en partant de lacroléine. (1) Le mode expérimental employé était le suivant, La plante, privée d’amidon par culture dans l’obscurité ou dans une atmosphère dénuée carbonique, était cultivée dans une dissolution contenant tous les élé- ments nécessaires sauf le carbone. On recouvrait le tout d’une cloche dans laquelle l'air circulait librement: mais il n’y avait pas trace d’acide carbonique. Ce gaz était constamment absorbé par de la potasse, De plus la solution de culture contenait un léger excès d’acé- tate de baryum pour éliminer au fur et à mesure de su formation l'acide carbonique provenant de la respira- tion de la plante, Dans ces condilions on faisait agir la substance organique essayée, à l’état de solution diluée soit sur les racines, soit sur les feuilles, soit sur l’extré- mité d’une branche coupée, el l’on recherchait au bout d’un certain temps s'il y avait eu formation d’a- midon el par suile assimilation de carbone. Les expériences ont donné des résultats négatifs avec l'acroléine, l’acroléine-ammoniaque, les composés sulfonés de Pacroléine, l'alcool allytique, etc... On n’a obtenu de formation d'amidon qu'en mettant au con- tour des feuilles ou des racines des solutions de glucose, de glycérine, de saccharine et d’inuline: L'empois d’amidon a donné une assimilation par les racines et nonpar les feuilles. M. Acton conclut de ses expériences que les plantes vertes ne peuvent normalement assimiler le carbone un produit aldéhydique ou acétonique se forme comme intermédiaire entre l'acide carbonique et l’eau d'une part, le glucose ou l’amidon d'autre part. Mais si un tel produit prend naissance, il doit être polymérisé par la (1) Voyez à ce sujet l’article de M. Maquenne sur la Synthèse des sucres dans la Revue du 36 mars 1890, page 165. plante, dans des condilions spéciales, au moment même de sa formation, Georges CHarpy, Gabritchevsly (D° G.) de Moscou. — Sur les pro- priétés chimiotactiques des Leucocytes, Annales de l’Institut Pasteur, 25 juin 1890, Les cellules libres de l'économie semblent se com- porter dans ce que Claude Bernard appelait le milieu interne (sang, lymphe, etc.) à la manière des animaux tout à faitinférieurs dans les infusions. L'indépendance relative dont elles semblent jouir suggère la pensée qu'elles dérivent de Protistes captés par les organismes plus complexes et progressivement adaptés à la vie symbiotique avec les éléments fixes du corps. Quoi qu'il advienne de cette hypothèse, conforme au système de l’Evolution, il est légitime d'appliquer à l'étude des cellules libres les procédés qui ont déjà réussi à éclairer la physiologie des animaux inférieurs, Guidé par cette idée, M. Gabritchevsky vient de faire sur les leucocytes de plusieurs Vertébrés (Grenouille, Axolotl, Lapin) des observations d’un haut intérêt. Depuis quelques années on sait que beaucoup de Bactéries (Engelmann, 1881), plusieurs Myxomycètes (Stahl, 1884; de Bary, 1884), les organes reproducteurs mobiles de diverses algues (Pfeffer, 1886; Rosen, 1890), quantité de végétaux unicellulaires manifestent leur sensibilité à l’égard de certains agents chimiques en se dirigeant vers eux (Chiniotaxie positive) ou en les fuyant (Chimiotaxie négative). Cette action toute spécifique varie de grandeur et de sens, pour une même substance chimique, avec la nature des orga- nismes mis en expérience, Chose curieuse, les orga- nismes sont pour la plupart susceptibles de s’habituer à certains liquides qu'ils évilaient au début (Massart et Bordet). Semblable phénomène existe-t-il aussi chez les Leu- ytes ? Ceux-ci, dans le cas des maladies infectieuses suivies de guérison, s'accumulent autour des baëtéries, les englobent dans leur masse et finalement les dé- truisent par une sorte de digestion, Peut-on expliquer. cette migration vers les microbes envahisseurs par une réaction chimiotactique? Les recherches de M. Gabrit- cheysky apportent quelque lumière à ce problème abordé par plusieurs savants depuis quelques mois. Sous la peau de grenouilles introduisons, avec M.Peckelharing (1889), des tampons d’ouate imbibés les uns de liquides non ensemencés, les autres de culture de charbon, Quelques heures après, les tampons impré- gnés de bactéries renfermeront beaucoup plus de leucocytes que la ouate imbibée de bouillon stérile. Avec MM, J, Massart et Ch, Bordet (février 1890) rem=- placons ces tampons d'ouate par des tubes capillaires ouverts à un bout et contenant : les uns, du bouillon stérile; certains, des cultures bactériennes vivantes faites en semblable bouillon ; d'autres enfin, ces mêmes cultures stérilisées. Les leucocytes pénétreront en petit nombre dans les tubes de la première série, en abondance dans ceux de la seconde et de la troisième. D'où il faut conclure que certains microbes dégagent une substance qui attire les lexcocytes. M. Gabritcheysky à varié ces expériences. Il à fait usage de tubes très allongés (15 à 20 millimètres), dont il ne plaçait sous la peau que le bout ouvert. Il les enfoncait dans la queue de têtards et d’Axolotls immo- bilisés par la curare, ou dans les oreilles d’un Lapin. Au bout de vingt-quatre heures il comptait les leuco- cytes. Leur nombre dépendait des solutions employées. Ceux des animaux précités fuient en général les poisons protoplasmiques tels que chlorure de sodium, acide lactique, alcool, quinine, se montrent indifférents à l’eau distillée, aux doses faibles de phénol, antipy- rine, peptone, au bouillon, mais recherchent avide- ment les excrétions microbiennes, si l’on en excepte celles du choléra des poules. Les tubes qui contiennent les substances attractives se remplissent de telles quantités de leucocytes qu'il s’y produit de véritables BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX A5 embolies pyohémiques. La pénétration de ces globules yest pourtant toute spontanée : on ne saurait l’attribuer à un transport passif par des courants dus à la diffu- sion des matières dissoutes, car il suffit d'augmenter la concentration de ces substances pour enrayer l'immigration. D'après M. Gabritchevsky, c’est uniquement par leurs excrétions que les bactéries semblent révéler leur présence aux leucocyles : ces produits séparés des microbes par filtration, se montrent en effet aussi actifs que le sont les cultures elles-mêmes, On peut objecter à cette conclusion que l’inoculation de cer- lines poudres excitantes sous la peau y détermine une abondante accumulation de leucocytes, Mais peut- ètre est-ce à la suite de changements chimiques pro- voqués par ces malières dans les tissus. Même s’il en était autrement, il demeurerait établi que les poisons solubles des bactéries exercent sur les leucocytes une action souvent attractive, Remarquons toutefois que cette action doit varier suivant les espèces, En général elle est plus énergique chez le Lapin que chez la Grenouille, Il serait fort intéressant d’instituer à ce sujet de nombreuses expériences et de comparer sous ce rapport les animaux à sang chaud aux Vertébrés à sang froid. Indépendamment d’ailleurs des modifica- lions que la température peut apporter aux propriétés des leucocytes, il faut s'attendre à les voir varier aussi d’une espèce à l’autre parmi les animaux de la même classe, puisque plusieurs de ces animaux réagissent très différemment à l’inoculation du même microbe, Les recherches que nous venons de résumer sont, comme on le voit, très importantes. Elles expliquent un phénomène jusqu'alors resté mystérieux : le premier stade de la phagocytose, marqué par l’accumulation des leucocytes autour des microbes envahisseurs, L. O. 4° Sciences médicales. -Péan, Chirurgien de l'Hôpital Saint-Louis. — leçons de clinique chirurgicale. T. VII, Paris, Alcan, 1890. Ce volume continue la série des lecons faites par M. Péan à l'hôpital Saint-Louis. On y trouve les obser- vations des malades traités daris son service pendant les années 1885 et 4886, un certain nombre de cli- niques et un tableau général des gastrotomies faites par ce chirurgien du {°° janvier au 31 décembre 1887, Nous ne dirons rien des observations réunies dans ce volumineux travail, non plus que des considérations qui les acc ompagnent: les unes et les autres manquent un peu de la précision que l’on recherche en général- dans les travaux scientifiques; mais nous attirerons l’attention sur une série de lecons exposant la pratique du morcellement et l'emploi judicieux de la forcipres- sure au cours des opérations. Certes beaucoup ont fait du morcellement; M. Péan les blâme d'oublier de le citer; c’est qu'on fait souvent du morcellement, un peu comme M. Jourdain de la prose, sans le savoir, Il n’en persiste pas moins un fait indiscutable, c’est que celui qui à vulgarisé l'emploi méthodique de la force d'u e qui à mulliplié les modèles de pinces à arrêt, qui a montré l'utilité qu'il y avait souvent à attaquer es grandes tumeurs d'emblée par leur partie centrale beaucoup moins vasculaire que la périphérie, est sans conteste M. Péan. A ce titre le volume, dont nous annonçons aujour- d'hui l'apparition, est ‘digne d'intérêt, car il contient, réunis en quelques lecons, les principes généraux du morcellement, De nombreuses figures montrent en outre, les divers modèles de pinces qu'a fait cons- truire M, Péan et leur emploi dans les extirpations diverses d'organes ou de tumeurs. Dr HARTMANX. Guyon, Chirurgien de l'Hôpital Necker. — Diagnostic précoce des tumeurs malignes du rein.Annales des maladies des organes génilo-urinaires, juin 1890, t, VII, p. 329. Le nombre des interventions chirurgicales dans les cancers du rein est aujourd’hui assez grand, et la ques- üon tranchée dans le sens de l'opération. Malheureu- sement, si les résultats opératoires immédiats sont excellents, les résultats tardifs sont des plus médiocres ; cela tient à ce que le plus souvent lopération est pra- tiquée à une époque trop avancée de l’évolution de la maladie. Aussi estil très important de faire un diag- nostic précoce afin de pouvoir, par une intervention rapide, obtenir la guérison radicale. Un des premiers symptômes est le plus souventl'hé- maturie, qui serait encore plus fréquente qu'on ne le croit, si Ton faisait l'examen mic roscopique des urines, les hématies pouvant y exister, mais en quantité insuf- fisante pour déterminer une coloration appréciable à la vue. Les douleurs font rarement défaut; elles sont tenaces, durables et siégent à la région lombaire, S'irra diant quelque peu dans l’hypochondre ; lors de la des- cente d’un caillot, on observe chez quelques malades tous les signes de la colique néphrétique, Grâce à ces différents symptômes et, en particulier par l'étude méthodique de l'hématurie, on arrive à faire le dia- gnos{ic d'hématurie rénale néoplasique. Malheureuse- ment la difficulté que l’on éprouve à constater direc- tement par le palper la tumeur, fait que l’on reste quelquefois hésitant sur le côté affecté, L'examen endoscopique de la vessie ne donne que des rensei- gnements insuffisants sur les écoulements urétéraux et de plus est loin d’être exempt de gravité, car trop sou- vent c'est le point de départ d accidents infectieux. Aussi, se guidant sur le siège de la douleur, doit-on, dans la région lombaire, faire une incision explora- ice qui deviendra curatrice, lorsqu'ayant constaté par la vue et le palper lPexistence d’un néoplasme, on procédera à son ablation, D' HARTMANN, Kelsch et Vaïllard. — Tumeurs lymphadéni- ques multiples avec leucémie. Constatation d’un microbe dans le sang pendant la vie, et dans les tumeurs enlevées aussitôt après la mort. Annales de l'Institut Pasteur, 25 mai 1890. On cherche beaucoup à l'heure actuelle le microbe des tumeurs malignes; quelques faits ont pu faire espérer la solution du problème, MM. Kelsch et Vail- lard rapportent à ce sujet le cas d’un jeune soldat alteint de leucémie avec lymphadénômes multiples, dans le sang duquel ils ont trouvé pendant la vie un inicrobe qu'ils ont cultivé, et qu'ils ont retrouvé dans les tumeurs après la mort, Pour pouvoir apporter une lumière quelconque à la bactériologie de la leucémie, ainsi que les auteurs en expriment AE il faudrait que leur observation füt toute autre, D'abord, sauf au moment de l’admission du malade, il n’est pas ques- tion de Pétat de la température, É cependant une plaie suppure abondamment, il y a de la cé éphalalgie : à quel moment ont débuté les accidents infectieux ? L' impres- sion générale qu'on recueille à la lecture de l’obser- vation, quand on n'est pas suggestionné par une idée arrèlée, c’est que l’on à été en présence d’un malade leucémique dont l’une des tumeurs s’est ulcérée; par cette porte d’entrée, une septicémie quelconque a pénétré l'organisme affaibli et débilité, terrain tout préparé pour son évolution. L’expérimentation chez les animaux démontre d’ailleurs qu'on a affaire à un micro-organisme donnant une maladie infectieuse sep- ee sans lésion caractéristique. MM. Kelsch et Vaillard auraient pu réfuter l'hypothèse d'une infection accidentelle, qui était au moins possible, étant donnée l’ulcération d’une des tumeurs. Ils auraient dù démontrer la présence du microbe avant lulcération des tumeurs. Il y a encore loin de ce fait à la démons- tration de l’origine microbienne de la lymphadénie, D' H. Dumrer, A6 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 23 juin 1890 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Boussinesq : Théo- rie du régime permanent | graduellement varié qui se pro- duit près de l'entrée évasée d’un tuyau de conduite, où les filets fluides n’ont pas encore acquis leurs inég Ja- lités normales de vitesse, — M. Ch. Lallemand. Les opérations géodésiques anciennes indiquaient des diffé rences assez notables entre les niveaux moyens de la mer sur les différents points des côtes d'Europe ; les opérations les plus récentes réduisent ces écarts à fort peu de chose ; le niveau moyen de la mer pourrait done servir de base uniforme pour le nivellement des diffé- rents pays. — MM. G. Rayet, Picart et Courty : Oh- servations de la Comète Brooks (19 mars 1890) faites au grand équatorial de l'observatoire de Bordeaux. — M. Charlois : Eléments et éphémérides de lanouvelle planète découverte à l'observatoire de Nice, le 20 mai 1890. — M. Janssen annonce que M, de la Baume, envoyé à Candie pour observer l'éclipse de soleil du 17 juin, à pu obtenir des photographies de l’anneau et de son spectre, Il rappelle à ce propos l'in- térêt de ces observations pour déterminer la présence de l'oxygène dans le soleil et l’existence d’une atmos- phère lunaire. — MM. Perrolin, Gonnessiat, Trepied, Trouvelot, adressent les obse rvations de l’éc lipse du 16-17 juin, qu'ils ont faites respectivement à Nice, Lyon, Alger et Meudon. — Après des comparaisons minutieuses , M. Huggins est en mesure d'affirmer que la raie brillante du spectre de la nébuleuse d'Orion ne se confond pas avec la première cannelure de la bande brillante du spectre du magnésium brûlant dans l'air; il a étudié aussi le spectre photographique de cette nébuleuse. — M. G. Trouvé décrit un dynamo- mètre universel à lecture directe du travail; cet ap- pareil est composé de deux parties distinctes, dont l’une mesure le couple et l’autre la vitesse, 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M, H. Faye montre com- ment les phénomènes observés par les navigateurs dans les cyclones se rapportent au schéma général des tempêtes qu'il a donné dans la séance précédente. — M. A. Ditte a étudié l’action réciproque des sels haloïdes, alcalins et mercureux, dont le type est la décomposition du calomel par le sei marin en sel mercurial soluble et mercure métallique, Il n'examine aujourd’hui à ce point de vue que les sels de potassium. Ces réactions sont endothermiques; elles s’ex- pliquent par un commencement de décomposition que l’eau fait subir aux sels mercureux. — M. L. Ouvrard décrit quelques phosphates de lithine, de glucine, de plomb et d'urane obtenus suivant sa méthode (disso- lution d’oxydes métalliques dans les phosphates alcalins en fusion). — M. G. Geisenheimer a constaté que le chlorure double d'iridium et de phosphore, décrit par lui, se combine avec le chlorure d’arsenic. — M. Guntz à obtenu le sous-fluorure d'argent par l’électrolyse du fluorure d'argent en solution “saturé ë: il l’a ensuite obtenu par l’action à chaud de l'argent mé tallique sur le fluorure d'argent, — M. Œchsner de Coninck éludie les propriété s de la ptomaine pyridique en C!0 Ht* Az qu'il a signalée en 1888. 3° SCIENCES NATURELLES, — M. R. Lépine ef J. Barral ont vérifié, directement in vitro la destruction du glucose par le sang ou mieux le chyle d'un chien normal; ce pou- voir glycolytique n'existe pas chez les chiens rendus diabétiques par l’exlirpation du pancréas ou par l’ab- sorplion de phloridzine, — M. de Lacaze-Duthiers entretient l'Académie des travaux et des progrès du laboratoire Arago en 1890. Il signale particulièrement les services que “rendront à la Zoologie les grands bacs du laboratoire ,où les animaux s’acclimate nt parfaite- ment. La station aurait le plus grand besoin d’une chaloupe à vapeur, les conditions locales rendant in- suffisantes les embarcations à voiles, — M, Prouho a pu, en observant des Asterias glacialis bien acclimatées dans les aquariums de ce laboratoire, déterminer les conditions anatomiques el physiologiques de l’olfaction chez ces animaux, Le sens de l’odorat est localisé dans des tubesambulacraires spéciaux situés en arrière dela plaque ocellaire ; la principale voie nerveuse de trans- mission des impressions est le nerf ambulacraire, — MM. A. F. Marion el F. Guitel signalent la disper- sion le long de la côte méditerranéenne au sud de l'embouchure de l'Aude, des Saumons quinnat ense- mencés dans celte rivière, — M, A. Rommier obtient pure la levüre la plus résistante d’un moût donné, en faisant des ensemencements successifs sur des échan= tillons stérilisés de ce moût, puis dans de l’eau sucrée minéralisée. — M. C, Timiriazeffdémontre de la facon FANARe que ce sont les ray ons duspectre absorbés par la chlorophylle qui ré ‘duisent l'acide carbonique : : une feuille attenant à la plante, privée d’amidon par le séjour à l'obscurité, recoit le spectre solaire ; au bout de quelques heures ‘elle est lavée à l'alcool puis traitée par l'iode ; lamidon bleui reproduit exactement les bandes d'absorption de la chlorophylle. — M. A La- croix à fait l'étude lithologique dela collection de roches de la Guadeloupe recueillies par Ch, Sainte-Claire De= ville : ce sont des roches trac hytoïdes, andésites et la- bradorilte, — M J. Thoulet démontre par des expé- riences de laboratoire que l'oxygène diffuse assez rapidement dans Peau de haut en bas, mème quand les couches supérieures sont plus chaudes ; de petits frasments solides tombant dans le liquide entrainent de l'oxygène jusqu’au fond du vase. L'auteur explique par ces faits la présence de l'oxygè ne et de la vie dans les profondeurs marines sans qu'on ait besoin d'admet- tre un grand cycle circulatoire allant de l'équateur aux pôles et réciproquement. Séance du 30 juin 1890 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. A. de Caligny : Sur l'application aux grandes chutes de l’écluse de naviga- lion à colonnes lquides oscillantes, et sur un moyen d'employer le tube oscillant automi itique, sans qu’il s’arrète quand la chute motrice est notablement aug- mentée. — M. Janssen donne lelcure d’une lettre de M. de la Baume-Pluvinel qui indique les détails de son observation sur l’éclipse partielle de soleil du 17 juin, à la Canée (Candie), — M. W. Huggins à trouvé sur une photographie du spectre de Sirius, dans l’ultra- violet, au delà des raies de l'hydrogène, six raies obs- cures qui vont de À 3338 à à 3199. 29 SGIENCES PHYSIQUES, — M. E. Bouty a éludié le résidu des condensateurs à mica; des résultats qu'il a oblenus, il conclut que ces appareils peuvent donner une grande précision, si on les soumet à une étude méthodique et si on les emploie suivant des règles fixes, ainsi qu'on le fait aujourd’hui.pour les thermo- mètres à mercure, par exemple, — Ajoutant à une solution donnée d'acide malique des quantités crois- santes de tungstates alcalins, M. D. Gernez observe dans le pouvoir rolatoire du mélange des variations positives ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES A7 ou négatives suivant les proportions. Comme il l'avait déjà fait pour les molybdates, il tire de ces faits des indications sur les combinaisons des tungstates avec l'acide malique. — En faisant passer du chlorure de titane sur du silicium, du bore, d’autres métaux encore, chauffés au rouge blanc à l'abri de l'air et de l'humidité, M. Lucien Lévy obtient des cristaux carac- téristiques, qu'il considère comme formés de titane à peu près pur. — M. A. Lacroix : Caractères cristallo- graphiques et optiques du pyroxène obtenu dans l’eau surchauffée, — En chauffant au rouge blanc un mé- lange en proportions définies de silice et d'alumine, M. W. Vernadsky a reproduit la sillimanite cristal- lisée, Les cristaux de sillimanite se retrouvent dans toutes Les argiles fortement chauffées; les cristaux de la porcelaine, s'ils ne sont pas de la sillimanite en sont très voisins. — M, Henri Lasne à constaté. que la composition de divers phosphates sédimentaires est identique à celle de lapatite; les différences signalées tenaient à des erreurs dans le dosage du fluor. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Muntz a constaté que le ferment nitrique joue un rôle important dans la ‘désagrégation des roches; il est répandu dans toutes les roches, quelquefois à une grande profondeur: dans les roches nues des montagnes, il est à peu près le seul agent biologique de désagrégation. — M, Louis Roule Sur le développement du blastoderme chez les Crusta- cés isopodes(Porcellio scaber). —M. de Lacaze-Duthiers annonce qu'il a commencé des essais d’ostréiculture à Roscoff, et que les premiers résultats sont excellents, —M, G. Sayn décrit la faune d’ammonites pyriteuses barrémiennes du Djebel-Ouach, province de Constan- tine. — M, Lannelongue fait sur la cräniectomie une communication qui fait l’objet de son article page 393 de cette Revue. M. Verneuil appelle lattention de l’Académie sur l'intérêt pratique de cette opération hardie, L. LAPiGQuE, ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 24 juin 1890. M. Duplouy fait une communication sur l’opération de la hernie ombilicale étranglée qui depuis l’antisepsie n'a donné que 18 °/, de décès, à propos de deux cas de kélotomie avec recherche de cure radicale, suivie de guérison. — Rapport de M. Guéniot sur l’observation de M, Thévard de la laparotomie pour arrachement to- tal de l'utérus, concluant à une simple déchirure de la partie antérieure de la paroi utérine, la confusion étant du reste fort admissible, — Rapport de M. Cornil sur le travail de MM. Babès et Marinesco portant sur la morphologie et la pathologie des terminaisons ner- veuses intra-musculaires, duquel il résulte qu'il existe une grande analogie au point de vue des modifications histologiques des faisceaux musculaires entre les lé- sions causées parles microbes et celles qui résultent d’autres causes comme dans les myopathies primitives d'origine médullaire ou nerveuse.:— M. François Franck communique les résultats de ses expériences sur la chloroformisation à l’état sain et pathologique. Les réflexes cardio-pulmonaires dus à l'irritation des premières voies par les vapeurs de chloroforme, consis- tant en spasmes du larynx, des petites bronches, des vaisseaux pulmonaires, en atonie et dilatation parfois irréparable du cœur, sont graves en dehors de toute lésion cardiaque ou ‘pulmonaire, Les accidents sont surtout graves quand ily a dela myocardite, insuffisance tricuspidienne, insuffisance aortique; les lésions mi- trales sans myocardite ne semblent pas les aggraver. Les spasmes respiraloires peuvent amener la mort quand il y a des lésions pleuro-pulmonaires étendues. Pour parer à ces accidents, il faut atténuer l’excitabi- lité nerveuse centrale; la morphine est dangereuse; —_ atténuer l'activité des nerfs d'arrêt du cœur, les doses nécessaires d’atropine seraient toxiques ; — atté- nuer la sensibilité périphérique, la cocaïne est le seul moyen RUSSE rendre des services sans exposer à des accidents. M. Lagneau communique la pre- mière partie d'un travail sur les mesures propres à rendre moins faible l'accroissement de la population en France. Séance du 1% juillet 1899. Rapport de M. Rochard sur un travailde M. Bertrand relatif à la valeur diagnostique des frottements hépa- tiques dans les abcès du foie, ef à l’origine microbienne des hépalites suppurées ; chez les dysentériques les micro-organismes pénétreraient au niveau des ulcéra- tions intestinales, et seraient transportés conséculive- mentdans le foie, —M Panas fail une communication sur l'emploi duthermo-cautère pour remplacer l'électro- CR ; le thermo-cautère pouvant s'appliquer à toutes les opérations où il est nécsssaire d'employer un ins- trument élevé à une haute température. — M. Ledouble lit un travail sur certaines anomalies musculaires, en particulier un musele pré-sternal qu'il aurait rencontré 95 fois sur 625 sujets, et sur une anomalie de la crosse de laorte, — M, François Franckitraite des dangers de la chloroformisation pendant la période d’absorption et des moyens de les conjurer Dr E, DE LAVARENNE. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 28 juin 1390. MM. Quinquaud et Fournioux indiquent un procédé de préparation de lParistol qui donne un produit de composition constante. Leurs recherches physiolo- giques leur ont montré que ce corps est très peu toxique, qu'il s'élimine lentement par les urines, enfin qu'il rend des services comme antiseptique, principa- lement dans les ulcères et les tumeurs cancéreuses ulcérées, — M, E. Gley a observé des arrèts du cœur, qui ont duré plusieurs minutes jusqu'à un quart d'heure, et ont été suivis de la reprise des battements rythmiques, dans les circonstances suivantes : 1° chez des grenouilles auxquelles on avait injecté du sulfure d'allyle; 2° chez des chiens nouveau-nés, après fara- disation directe du ventricule, — M. Brown-Séquard, rappelant que les lésions de la lèpre sont attribuées à des altérations de la moelle, pense que l’action favo- rable exercée sur ces lésions par l'injection de sue testiculaire s'explique par la dynamogénie des parties de la moelle restées saines, qui viendraient suppléer celles altérées, Il apprend qu'on a obtenu chez les femmes des effets d’invigération par l'injection de sue ovarique. — M. KE. Houssay a étudié l’ordre d’appa- rilion des fentes branchiales chez l’axolotl. Le phéno- mène est plus complexe qu'on ne l’admettait; il existe une fente branchiale auditive transitoire, la fente hyoïde n'apparaissant qu'en dernier lieu, après disparition de cette fente auditive, — M. R,. Blanchard signale une anomalie nouvelle des organes génitaux chez le Tænia saginata. — M. Bazy,à propos des communications récentes de M. Tuflier, rappelle que bien avant les recherches de cet auteur, M. Guyon et plusieurs chirur- siens de ses élèves avaient fait voir que le contact de l'urine n'empêche pas la cicatrisation des plaies, mème par première intention. M. Bazy tient à faire remar- quer que,sur ce point, c’est la clinique qui a résolu le problème sans le secours de l’expérimentation. — MM. Dastre et Laborde, sans vouloir entrer dans la discussion de priorité, font remarquer que seule l'expé- rimentation peut fixer d’une manière précise le déter- minisme d'un fait clinique. , 418 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Séance du 5 juillet 1890. M. Déjerine indique les différences qui séparent la maladie de Morvan de la syringomyélie, — M, Black conclut des recherches physiologiques qu'il a faites sur les composés d’arsenic et de thallium, que la loi des actions to: iques ne doit pas être recherchée dans les afi- nités chimiques des substances considérées, mais bien dans le mode de vibration moléculaire de ces substances tel que le révèle l'analyse spectrale, — M. Laveran a repris l’étude des hématozoaires des oiseaux que divers auteurs ont signalés comme identiques à ceux du paludisme, Après les avoir cherchés en vain sur divers oiseaux, M. Laveran les à trouvés chez le geai, Ses recherches le portent à croire qu'il s’agit là d’une espèce voisine, mais distincte, C'est ce que confirme l'expérience suivante . le sang d’un paludique injecté à un geai exempt de parasites n’a pas fait apparaître ceux-ci chez le sujet, — M. Laguesse a reconnu l'exis- tence du pancréas et de la rate chez le Protoplerus (Dipnéens) que lon croyait privé de ces organes, Ceux-ci sont compris l’un et l’autre dans l'épaisseur des tuniques intestinales, Il est curieux de retrouver là chez un adulte une phase embryonnaire des Sélaciens. — M. Schmidt a étudié les composés du chloral avec l’antipyrine au point de vue physiologique et thérapeu- tique. D'une facon générale, leur action se confond avec celle du chloral;le pouvoir toxique du chloral est augmenté par l'addition de l’antipyrine, Le mono-chlo- ral-antipyrine offre quelques avantages thérapeutiques. — M. Blocq, par l'histoire de quelques cas, fait voir que des manifestations morbides à peu près semblables re- connaissent comme cause tantôt des myélites, tantôtdes polynévrites. — MM. Charrin et Gamaleia présentent deux lapins dont l'oreille à été frottée à l'huile de cro- ton ; Pun d'eux avait reçu préalablement une injection des produits solubles du bacille pyocyanique; l'inflam- mation locale est bien moindre chez lui que chez l’autre, La papaine ne possède à aucun degré cette propriété antiphlogistique. — M. Onanof : sur la nature des faisceaux neuro-musculaires. — M, Tuffier achève l’étude de l’action de l’union normale sur les tissus; plus tard il compte faire l’étude de l’action des urines pathologiques, et c’est là qu'ilaura à tenir compte des résultats de la chirurgie clinique. Dans les places vési- cales non suturées, la pente des substances se recouvre d’une fausse membrane sous laquelle s’effectue la ré- paration. — M. R. Blanchard décrit des tumeurs volu- mineuses et irrégulières qu'il a observées sur la queue d’un lézard vert; ces tumeurs étaient produites par des conidies ; cultivées sur diverses substances, elles ont germé et ont reproduit un mycélium analogue à celui des Fusarium. L, LAPICQUE SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 4 juillet 1890. M. Gouré de Villemontée fait une communication sur la différence de potentiel au contact d’un métal et d'un liquide ou de deux liquides. Ces différences sont fort petites; il est malaisé de les déterminer avec pré- cision, Pour avoir, par exemple, -la différence de poten- tiel entre un métal Met un liquide L, l’auteur a surtout employé la méthode suivante : une lame du métal M est reliée à un plateau formé de mème métal, d’un con- densateur dont la seconde armature est sur sol; la lame plonge dans le liquide L qui s'écoule én se séparant en gouttelettes, par la pointe d’un entonnoir de verre, au travers d’un tube en métal, ce tube peut être porté à un potentiel connu d; le liquide acquiert ce potentiel par le jeu de l'écoulement. Si l’on constate que le plateau n'est pas chargé d'électricité ; on con- naîtra la différence de potentiel cherchée qui est égale et de signe contraire à d, Pour obtenir des résultats concordants, il est nécessaire d'opérer sur des métaux n'ayant subi aucun travail industriel et préparés par voie galvanoplastique; les liquides doivent être des dissolutions non filtrées, mais décantées; les valeurs ainsi trouvées sont parfaitement définies et constantes dans les conditions indiquées, En faisant la somme des différences de potentiel directement mesurées à tousles contacts d’un élément voltaique, on trouve bien la force électromotrice de la pile, — M. G. Trouvé présente un dynamomètre universel à lecture directe du travail dont nous rendrons compte prochainement, Lucien Poincaré. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 12 juin 1890, 1° SCIENCES PHYSIQUES. M. et Mme Huggins présen- tent une note sur la re-détermination de la raie prin- cipale du spectre de la nébuleuse d'Orion et sur le caractère de cette raie, Une nouvelle série d’observa- tions a montré que la longueur d'onde dela principale. raie de la nébuleuse est de 5004,75, On a pu aussi constater : 1° que la raie principale ne coïncide pas avec la région terminale de la bande de la flamme du magnésium, mäis tombe dans cette région; 2° que dans la nébuleuse d'Orion cette raie n’a pas l'apparence d'une bande, ils présentent également une note sur le spectre photographique de la grande nébuleuse d'Orion, Ils ont obtenu deux photographies qui offrent nettement les raies de l'hydrogène en H et A (ces raies ne se retrouvent pas dans les photographies an- ciennes du D' Huggins). Les deux premières raies de l’ultra-violet décrites pour les étoiles blanches en 1879 (Pailosophical Transactions 1880, p. 669) se retrouvent aussi sur les clichés, la raie & en X 3887,8, bien marquée, et la raie Ben À 38345 plus faible, Outre les raies de l'hydrogène A et B, il y à une raie plus marquée que la raie 4 elle-même, qui a une longueur d'onde d’en- viron À 3868. La raie très nette à laquelle le D' Hug- gins avait attribué en 1882 une longueur d'onde de 3730, se retrouve dans les photographies et il semble qu’il faille la placer entre À 3725 et À 3726. Une raie très bien marquée et beaucoup d’autres plus:faibles se retrouvent du côté le moins réfrangible de @. Il faut rappeler que le Professeur Lockyer a obtenu une photo- graphie de ces raies en février dernier et communiqué ses-observations à la Société royale (Revue générale des sciences, n° 9, p. 154). M. et Mme Huggins présentent aussi une nole sur un nouveau groupe de raies décou- vertes dans le spectre photographique de Sirius. Les longueurs d'onde des nouvelles raies ont été détermi- nées comme suit ; 3338, 3311, 3278, 3254, 3226, 3199, — Le professeur J. Norman Lockyer présente une note sur les spectres de la comète & 1890 et de la nébuleuse G. G. 4058, Dans un mémoire communiqué à la Société royale en janvier 1889, il avait montré que le spectre de la nébuleuse d’Andromède a les caractères d’un spectre de comète, ti. e,, qu'il consiste essentiellement dans les deux bandes principales du carbone, avec une légère modification de la bande citron, Le fait a été signalé pour la première fois par M. Fowler en novembre 1888 et confirmé dans la suite de M. Tayla. Les bandes brillantes sont superposées à un spectre continu peu lumineux et échappent à l'observation, à moins que l'attention ne soit dirigée sur elles. Des observations récentes montrent qu'il existe une res- semblance frappante entre le spectre de la comète de Brooks (4 1890), celui de la nébuleuse d'Andromède et celui d'une nébuleuse voisine G. C, 4058 (R. A. 45 h, 924" Decl + 56° 11°) comparable à celle de la partie bleue qui se trouve à la base de la flamme d’une lampe à alcool, Une comparaison directe, faite le 2 mai, a montré que les trois bandes du spectre coincident entièrement avec celles du spectre de la flamme, La ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 419 bande qui se trouve au voisinage de À 517 était beau- coup plus brillante que les deux autres et la bande bleue était plus brillante que la bande citron. Le spectre continu s'étend aux environs de D en } #74. Les parties les plus brillantes de la nébuleuse du Dragon coincident (comme le montre la comparaison directe) avec les bandes du carbone qu'on aperçoit dans le spectre de la lampe à alcool, Les trois spectres coïn- cidant avec un même spectre doivent coincider entre eux; ces observations .demontrent une fois de plus ce que le Professeur- Lockyer avait déjà soutenu il y a deux ans, c’est-à-dire, que la constitution physique et la température des nébuleuses et des comètes sont très analogues. : 20 SCIENCES NATURELLES.— Le professeur À. P. W. Tho- mas présente une note préliminaire sur le développe- ment du Tuatara (Sphenodon punctatum). Il a fait plu- sieurs expéditions à Karewa, à environ 40 milles de Ta- manga, dans la baie de l'Abondance (Nouvelle-Zélande) pour recueillir des spécimens de Tuatara. Il a constate que, contrairement aux assertions antérieures, il existe une différence extérieure entre les deux sexes ; le mâle est beaucoup plus grand, et les arètes qu'il a sur le cou et sur le dos sont beaucoup plus ASUS Chez le mâle adulte, les arêtes avec leurs épines blanches sont très apparentes; chez la femelle, au contraire, les arètes sont basses et les épines sont réduites à une rangée de pointes blanches le long du dos. Bien que la captivité semble nuire au pouvoir reproducteur de ces animaux, on a pu en avoir quelques œufs au bout de plusieurs mois de captivité. Les œufs sont de forme ovale (les deux bouts sont de diamètre égal), ils ont de 2,5 à 3,25 centimètres de long. La coquille est dure, flexible et très élastique ; elle contient une quantité va- riable de carbonate de chaux. Ils sèchent et se vident avec une grande facilité quand ils sont exposés à l'air, aussi faut-il les maintenir à l'humidité.— Le D° Félix Simon présente une note sur la position des cordes vo- cales chez l’homme pendant la respiration tranquille el le trouble réflexe de leurs muscles abducteurs, Voici quelles sont ses conclusions : 1° La glotte est plus lar- gement ouverte chez l’homme pendant la respiration tranquille (expiration et inspiration) qu'après la mort ou qu'après la section des nerfs laryngés, vagues et ré- currents., 2 Cette plus large ouverture pendant la vie est le résultat de l’activité permanente des abducteurs des cordes vocales (muscles aryténoïdes postérieurs), qui appartiennent par conséquent non point à la classe des muscles respiratoires accessoires, mais à celle des muscles régulateurs de la respiration, 3° L'activité de ces muscles est due à l’action tonique que leurs centres recoivent des centres respiratoires voisins dans la moelle allongée, 4 En dépit de cette innervation de luxe, les muscles abducteurs des cordes vocales sont physiologiquement plus faibles que leurs antagonistes, 5° Ces antagonistes n’ont rien à faire normalement avec la respiration, ils servent ordinairement à la pho- nation seule. Leurs fonctions respiratoires se ré- duisent: a) à contribuer à empêcher la pénétration de corps étrangers dans les voies aériennes; b) à ai- der les formes exceptionnelles d'expiration, comme le rire et la toux. — Les D'* C. G. Beevor et Vic- tor Hasley communiquent les résultats de leurs re- cherches sur l'excitation électrique des centres corti- caux moteurs et de la capsule interne chez l’orang-ou- tan (Simia satyrus). Ils décrivent les particularités de configuration des circonvolutions de l'orang; ils ont cherché le siège de la fonction motrice dans l'écorce du macaque (bamet-monkey). — Les D'° Sidney Mar- tin et Dawson Williams communiquent le résultat d'expériences qui montrent que le pouvoir de la bile de hâter la digestion pancréatique n’est pas limité à la digestion amylolytique, mais qu'il existe également, sinon davantage, pour la digestion praféolytique. Richard A. GRÉGORY, SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 20 juin 1890. Le professeur À. W. Worthington fait une commu nicalion sur les propriétés des liquides. Il étudie la tension et l'extension d’un liquide enfermé dans un tube. On peut employer trois méthodes, la méthode du tube barométrique, la méthode cenirifuge, et la méthode de refroidissement, Il convient de remplir les tubes de liquide bien privé d'air; l’auteur à pris porr cela de minutieuses précautions. Dans la méthode de refroidissement, on remplit complètement un tube de verre très résistant du liquide à étudier à une tempé- rature particulière ; par un légeréchauffement le tube se remplit absolument, l'air, qui pouvait rester, étant dis- sous. On refroidit de nouveau; le liquide reste dans son état d'extension et remplit le tube, jusqu'à ce qu'un violent choc se produise et la bulie d'air reparait. D’ordinaire on’ calcule la tension en supposant que le coefficient d'extension est le mème que le coefficient de compressibilité ; l'auteur décrit un appareil permet- {ant de mesurer simultanément la tension et l'extension sans cette hypothèse. La tension est déduite de l’élar- gissement d'un réservoir ellipsoïdal d’un thermomètre scellé dans le tube, et l’extension est calculée en par- tant du volume de la bulle après le choc. Pour la me- sure de la tension on calibre le thermomètre par des pressions intérieures et on détermine la correction d'extension par le changementde volume de l'appareil. On à pu soumettre l'alcool à une tension de 17 atmos- phères, et constater ainsi que le coefficient d'extension esf beaucoup plus petit que celui de compressibilité. — M. C. V.Boys lit un mémoire sur la mesure des radia- tions électro-magnétiques qu'il a faite en collaboration avec MM. Briscoe et Watson. En novembre 1889 M.R. A. Grégory a décrit un nouvel appareil pour mesurer les radiations électriques ; dès cette époque l’auteur se demandait si les effets observés pouvaient être dus à quelque autre cause que le dégagement de chaleur, et si c'était un véritable effet calorifique, il pensait qu'il pouvait être mesuré. Pour élucider la question on à employé deux méthodes, La première est fondée sur cette idée que, si deux fils fins sont placés l'un près de l’autre et agissent tous deux comme résonateurs d’un excitateur primaire, l'attraction électro-dynamique causée par les courants électriques, et la répulsion électro-statique outre les charges qu'ils portent peu- vent s'ajouter pour produire les mouvements relatifs des deux fils. De considérations théoriques basées sur l'hypothèse que les courants sont harmoniques dans le temps et l’espace, les auteurs déduisent que l'effet électro-dynamique doit être prédominant dans le mi- lieu du fil tandis que la répulsion électro-statique doit l'emporter vers les extrémités. On concoit dès lors que l’on puisse faire concourir ces attractions et répulsions à produire un mouvement de rotation dans un résona- teur convenablement disposé. Malgré l’extrème sensi- bilité obtenue, les expériences ont conduit à un résul- tat négatif, La seconde méthode repose sur l’emploi d’un thermomètre à air dynamique de Joule. Cet appa- reil consiste en un tube de verre formé d’une facon analogue au thermomètre de Leslie; si l’un des côtés est chauffé, des courants de convection circulent qui déplacent un index. On peutsuspendre un miroir à cet index de facon à augmenter la sensibilité de la mé- thode ordinaire. Le fil double servant de résonateur est placé dans l’un des côtés; et l’on constate en exci- tant les oscillations #ne assez grande déviation. Les expériences prouvent done bien que les effets observés par M.R A. Grégory sont dus à l’échauffement. M. Lodge demande à cette occasion à Sir W. Thomson s'il pense que l’on peut dans le cas d'impulsions électriques se pro- pageant dans des fils avec une vitesse comparable à celle de la lumière, considérer que les attractions et les répulsions ordinaires peuvent s'exercer, Sir W, Tomson 420 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES pense que la manière dont M. Boys envisage les choses est la plus correcte; cependant, il est bien possible qu'avec de pareilles vitesses les lois ordinaires soient modifiées, car le temps que met l’action électro-dyna- mique à se propager d'un fil à l’autre est comparable au temps employé par le courant lui-même à parcourir le fil. Il cite comme exemple des actions produites par les décharges rapides deux fils de cuivre qu'il a vus aplatis l’un contre Pautre après qu'ils avaient été frappés par la foudre, — M. Worthington demande s'il est possible de mesurer l'énergie de l’excitateur, et dans le cas où cela serait, si la quantité recue par le résona- teur peut être considérée comme proportionnelle à l’angle solide sous lequel il est vu de la source d'éner- gie. — M. Lodge répond que l’on peut arriver à une évaluation de l' énergie, mais il faudrait se garder d’ap- pliquer le principe de proportionnalité à l'angle solide, car la présence du résonateur fait converger vers lui la plus grande partie de l'énergie. — MM. Gladstone et Hibbert présentent une batterie sec ondaire; ils ob- tiennent d'excellents résultats en ajoutant au sel de plomb qui entre dans l’accumulateur du sulfate de so- dium. — M, Perry montre une règle d’un emploi facile pour e alculer approximativement la self-induction d’une bobine; dans la formule qu'il donnait : 1 5 n° a° x 107 A8%%a + 3,1c + 3,50 où » est le nombre des pes a, le rayon moyen des spires en centimètre; b, la longueur de l'axe : b doit «Œ être moindre que =. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 5 juin 1890. M. Duncan : Production de cuivre métallique pur à l’état cristallisé, L'auteur recherche dans quelles limites de concentration, les sels de cuivre laissent déposer ce métal à l’état cristallin par l’action du zine de l’alumi- nium ou magnésium. — MM. Bistrop Tingle : Action de l’'oxœalate d éthyle sur le camplure. En présence du sodium metallique ces deux corps réagissent suivant l'équation, CH? CO—OC?H; DCOMCOEOTERE cs CH — CO — CO? C2H$ | — C?Hÿ OH. CO CHU M. Amstrong: : Oxydalion de la turpentine à la lumière solaire. — Sur la structure des carbures cycliques. — M. Leonard Doblin : Bulyle mercaptan tertiaire. Ce corps est obtenu par l’action du sulfure de zine sur l’iodure du butyle tertiaire, —M, Smith : Desylacetophénone. Une solution diluée de eyanure de potassium dans l'alcool agit dans beaucoup de cas comme agent de conden- sation, Par exemple, par l’action de la benzoïne et de l'acétophénone dissous dans l’alcoolayvec un peu de cyanure de potassium, on obtient un produit de con- densation la desylacé lophénone, C6 H5 — CO — CH (C6 HÉ)OH + CH — CO — CÉH° — — C5 HS — CO — CH (C6 H5) CH? — CO — C6 H5 + H20. Ce produit est facilement transformé en triphényl- furfurane triphenyl-pyrrhol et triphényl-thiophène, ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE Séance du T juin 1890. L'Académie vote Pimpression au Bulletin de la réponse de M. Ronkar à la note dans laquelle le général Liagre attaquait son travail sur l'entrainement mutuel de l'écorce él du noyau terrestres en vertu du frottement intérieur, note dont il a déjà été question dans les numéros anté- rieurs de la Revue. Dans cette réponse, l’auteur s’estpro- posé de relever les objections soulevées par M. le géné- ral Liagre contre sa première note surcesujet. M. Ronkar fait d'abord remarquer que l'hypoth de l'existence d’une couche fluide intermédiaire entre une écorce et un noyau solides n’est nullement nouvelle et ne repose en rien sur la nutalion diurne. C’est une hypothèse : géologique des plus motivées. Partant donc de là, l’auteur s'était proposé d'appliquer au globe, supposé constitué de la sorte, son théorème de mécanique sur l'influence du frottement dans les mouvements pério- diques d’un système, et de rechercher quel serait l’ordre de grandeur à attribuer aux coefficient de frot- tement intérieur dans la couche intermédiaire, pour qu'il y ait indépendance entre le noyau et l'écorce dans la nutation diurne, et dépendance dans la préces- sion et la nutalion annuelle, M. Liagre avait reproché à l’auteur de n'avoir pas fait usage des lois de Morin pour le frottement, Cette objection était due à une mé- prise, puisqu' on ne peut, dans les circonstances présen- tes, qu'avoir recours aux lois habituelles qui régissent le frottement intérieur des liquides. Comme son Fhono- rable contradicteur avait mis en doute, même dans ce cas, le théorème de mécanique exposé par M. Ronkar, celui-ci à fait remarquer que, jusqu'ici, on n'avait pas montré en quoi l’analyse pour laquelle il a établi ce théorème est en défaut. De plus il a soumis la question actuelle à une verification expérimentale qui a parfai- tement réussi, Quant aux autres objections formulées par M. le général Liagre au sujet des hypothèses faites par M. Ronkar sur l'étendue et la constitution de la cou- che fluide intermédiaire, l’auteur à montré qu'il n'avait utilisé ces hypothèses qu'à bon escient, — M. le mar- quis de Caligny (Versailles), associé de l’Académie, traite du système d’écluses dont il est l’inventeuret qui est appliqué en Belgique, sur le canal de Charleroi (Ecluses de navigation à épargne d’eau, spécialement étudiées pour les grandes chutes, et écluses en cons- truction), Il décrit un moyen de faire arriver ou sortir l'eau par les quatre angles du sas et de faire toutes les constructions en maconnerie. Les tubes verticaux étant fixes, à l'exception de leur partie inférieure réduite à une soupape cylindrique à double siège. L'élargisse- ment de la partie supérieure des tubes verticaux permet de faciliter la marche automatique. Dans la séance du 2 avril il avait déjà présenté un moyen de faciliter cette marche, Il est revenu sur la partie théorique de ce qu'il avait dit, Dans la séance du 7 décembre il avait communiqué le résultat d’une expérience sur la réali- sation du calme à l’écluse de l’Aubois, II avait donné alors quelques détails sur une des machines hydrau- liques de son invention, employées pa lui à faire des irrigations à Elottemanville près Valognes (Manche), pour le cas où l’on a à élever l’eau à d'assez grandes hauteurs. Dans la séance du 6 mai 1890, il a décrit des expériences nouvelles sur une autre machine hydrau- lique de son invention, ayant spécialement pour objet, non seulement d'élever l’eau, aussi au moyen d'une chute d’eau, mais de la conduire à d'assez grandes dis- tances, F, F. Membre de l'Académie. DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 12 juin 1890. M. de Siemens expose sa théorie sur le système général des vents de la terre. Les résultats principaux de ses calculs et de ses réflexions sont les suivants : Tous les mouvements de l'air sont causés par des per- ACADÉMIE ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 321 turbations de l'équilibre indifférent de l'atmosphère et ont pour but de le rétablir. Ces perturbations sont pro- duites par le surchauffement des couches les plus proches dé la surface, par un refroidissement asymé- trique des couches supérieures par le rayonnement et par l’accumulation de masses d’air qui trouvent des obstacles dans leur flux. Elles se compensent par des courants ascendants qui subissent une accélération proportionnelle à la diminution de la pression de l'air, Aux courants ascendants correspondent des courants descendants qui subissent une diminution analogue de leur vitesse. Si le territoire du surchauffement des couches inférieures est limité, on observe un courant ascendant local qui s'étend jusqu'aux régions les plus élevées de l'atmosphère et qui offre le phénomène d'un tourbillon composé de couches montant en spirale en dedans et descendant en spirale de même direction en dehors. Le résultat de ces tourbillons est la dissipation de l'excès de chaleur qui troublait l’équilibre adiaba- tique, sur toutes Les couches supérieures qui partici- paient au mouvement tourbillonnant. Si le territoire des perturbations est très étendu, s’il comprend par exemple toute la zone chaude, les différences de tem- pérature ne peuvent plus se compenser par des tour- billons locaux, mais il s’en forme qui comprennent toute l’atmosphère, Les lois du mouvement de Pair restent les mêmes. Puisque toute l'atmosphère est sou- mise à une rotation dont la vitesse absolue est approxi- mativement la même pour toutes les latitudes à cause des courants méridionaux provoqués et soutenus par la chaleur, les courants méridionaux causés par le sur- chauffement se combinent avec les courants terrestres pour former ce système de courants qui comprend toute Ja terre et qui a pour but de faire participer les latitudes moyennes et supérieures à l'excès de chaleur et d'humidité des zones chaudes. Ce but est atteint par des diminutions et augmentations alternantes de la pression à la suite des perturbations de l'équilibre des couches supérieures de l'atmosphère, Les maxima et les minima de la pression de l'air sont causés par la température et la vitesse des courants d'air dans les couches supérieures de l'atmosphère. — M. Rammel-- berg présente un travail sur la composition chimique des tourmalines. Il confirme sa formule générale : R,SiO,, R,SiO, RVISiO, où l'hydrogène figure parmi les métaux monovalents, l'aluminium et le bore parmi les métaux hexavalents, par quelques analyses de tourmalines de Pierrepont, et de Windischkäppel. D' Hans Janx. SOCIÉTÉS SAVANTES D'ODESSA SCIENCES NATURELLES, — A la séance du 25 mai de la Société Balnéologique d’Odessa M. le D' Broussi- lowsky à communiqué les résultats de ses observations sur l'influence des micro-organismes sur la formation des houeslimoneuseset marécageuses. Laboue employée comme traitement représente une masse noire plasti- que, huileuse, épaisse : étant soumise à l’action de l'air elle absorbe avidement son oxygène et présente bientôt la couleur grise. Au contraire, si cette boue grise des- séchée est arrosée par de l’eau, elle redevient noire, épaisse, manifestant toutes les propriétés des boues fraiches. M. le professeur Werigo a démontré que la trans{ormation de la boue noire en grise est un procédé d’oxydalion au dépens de l'oxygène libre de l'air, phé- nomène rendu visible par la transformation du sulfure de fer en hydrate d'oxyde de fer; au contraire le chan- gement de la boue grise en noire est dù à la réduction d'hydrate d'oxyde de fer, Les recherches du Dr Broussi- lowsky ont démontré que ce sont quelques espèces déter- minées de bactéries qui opèrent la réduction. En stérili- sant la boue grise par l'exposition à 120°C pendant une demi-heure ou à l’action de liquides antiseptiques, on lui fait perdre la faculté de se réduire ; si on l’arrose ensuite d'eau stérilisée, elle reste grise comme auparavant. Mais ilsuffit d'yajouter un morceau de boue fraiche ou un peu d’eau de limon non stérilisée pour qu'elle se réduise et redevienne noire et plastique. Par conséquent le pro- cédé de réduction se produit par la vitalité des bacté- ries contenues dans l’eau et dans la boue des limons. Examinant bactériologiquement l'une et l’autre, le D: Broussilowsky a préparé les cultures de 13 espèces de bactéries dont certaines se montraient tout à fait indifférentes ; les autres réduisaient Ja boue plus ou moins. Ces bactéries spécifiques se montraient actives séparémentet particulièrement en symbiose. On pourrait les classer en trois espèces de batonnels ayant beaucoup detraits morphologiquesethiologiques communs ; toutes en forme de virgule, elles appartiennent au groupe de bactéries anaérobies facultatives qui peuvent vivre etse développer dans un milieu saturé de sels et sont capa- bles d’absorber l'oxygène de ses combinaisons; par leur vitalité elles déterminent la réduction qui se produit constamment dans la boue et se manifeste par le chan- gement de couleur et de plasticité de la boue. Si l'on ensemence dans la boue grise, desséchée et stérilisée une culture des bactéries ci-dessus faites dans l’agar, l* la boue offre peu après les propriétés de la boue noir° réduite. Cette réduction se produit sous l’influenc® d'une culture pure des bactéries encore mieux que pal la boue fraiche ou par l’eau non stérilisée ; elle se fait à l’air libre {sous une couche d’eau dans des éprou: vettes ordinaires fermées par de la ouate), ainsi qu'en l’absence de l'air (dans les tubes fermés de deux côtés, dont on a retiré auparavant l'air) ; dans le premier cas, au bout d’un certain temps, aux dépens de l'oxygène libre de l'air dans la boue réduite recommence de nou- veau le processus d'oxydation; dans lesecond cas la boue reste toujours réduite de couleur noire foncée. Ainsi nous voyons que le premier stade du processus se fait par l'intermédiaire des micro-organismes au dépens de l'oxygène des combinaisons et le second exothermique au dépensde l'oxygène libre de l'air. Dans la formation de la boue des limons prennent part les facteurs suivants : 1° le sol qui sert de base ; 2° l’eau du sol ou du limon ; 3° des matières organiques et #° les bacteries trouvées par M. Broussilowsky. Les trois premiers éléments indiqués par le professeurs Werigo constituent les maté- riaux primitifs dontse forment définitivement les boues des limons sous l'influence de la vitalité des bactéries. D° Pierre HAusNER ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 19 juin 1890, SCIENCES PHYSIQUES. — M. Man Mandl adresse un mémoire sur l'équation générale des lentilles, — MM. O. Gressly et M. Nencki présentent un travail sur la constitution du Carboxyl-ortho-amido-phénol. — M. C. Glücksmana étudie l'oxydation des acétones par le permanganate de polasse en solution alcoolique. L'auteur a démontré antérieurement que la pinacoline donne par oxydation non seulement de lacide tri- méthylacétique, mais encore de lacide triméthylpyra- vique; lacétophénone se comporte de même et donne, contrairement à l’opinion généralement admise, de l'acide benzoyl-formique; C£H5 — CO — CO — OH; Glücksmann a préparé le sel barytique de cet acide et son dérivé phénylhydrazinique. — MM. Bénédikt et Nare Bamberger ont entrepris des recherches sur une réaction quantitative du ligneux. Si l’on chauffe du bois avec de l’acide iodhydrique dans un appareil pour la détermination des méthoxyles, on obtient pour le chiffre du méthyle une valeur considérable; comme la cellulose pure donne dans les mêmes conditions une valeur nulle, on ne saurait attribuer cette valeur qu’au lisneux exclusivement. On se trouve ainsi en possession d’un procédé d'évaluation de la quantité de ligneux ; les auteurs montrent l'importance de leur procédé pour l'étude du bois, du papier, ete. Emil WEyr, Membre de l'Académie. 29 COURRIER DE NAPLES ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séance du 6 juillet 1890 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. —-M. Brioschi. Sur le dé- veloppement en série des fonctions hyperelliptiques. — M. Padova. Extension du problèmede De Saint-Venant. 29 SCIENCES NATURELLES,— Ayant eu occasion d’exami- ner des feuilles de mürier recouvertes par des taches noires, MM. Cuboni et Garbini ont reconnu au micros- cope que ces taches étaient produites par une destruc- tion du tissu, due à un nombre énorme de bactéries, Dans l’air humide ces taches ont donné naissance à des colonies de diplocoques, qui se reproduisirent dans la gélatine et sur les pommes de terre en formant des taches rougeàtres, et qui sont capables de communiquer l'infection à des feuilles saines de mûrier. Ges micro-orga- nismes sont analogues à ceux que Leydig, Béchamp et Pasteur ont considérés comme la cause de la flacherie du ver à soie, En exécutant des recherches, MM. Cuboni et Garbini ont relevé que, à l’aide d’inoculations ou en donnant aux vers des feuilles de mûrier baignées avec de l’eau qui contenait le diplococcus, on voyait paraître dans le vers la flacherie, eton retrouvaitles micro-orga- nismes dans leur tube intestinal, Il est donc très pro- bable que le diplococcus qui produit la maladie du mù- rier est aussi celui qui produit la flacherie des vers à soie; MM. Cuboni et Garbini se proposent de répéter en grand nombre leurs recherches, afin d'éclairer une question qui à tant d'importance pour l’agriculture, — M. Tirelli a étudié les tissus osseux pour établir siles prolongements des cellules osseuses s’anastomosent entre eux, comine il arrive dansle tissu connectif de la cornée et dans le connectif compact, M. Tirelli s’est COURRIER 4. — L'Institut royal d'encowragement de Naples vient de faire paraître le dernier volume de ses Mémoires. Je me propose de vous rendre compte de ceux relaüfs à l'électro-technique, dus à M. Grassi. Il étudie, pour commencer, le rendement lumineux des lampes à incandescence dans les installations à éclairage électrique. Soient deux lampes ayant le même pouvoir éclairant, mais de rendement différent; D et D! leur durée ou wie des lampes, w et w! les énergies dé- pensées respectivement ; on à : D PA =). — —(- D w, dans laquelle généralement m > 2, Mais si l’on considère une seule lampe alimentée au moyen dune force électro-motrice variable depuis w jusqu'à , alors les durées D et D, de la lampe dans les deux cas sont données par l'équation D 1 Ÿ D, w, où ÿ est au minimum — 2m c'est-à-dire > #4, On arrive parfois à 12 ou 13. Si l’on nomme: f le pouvoir éclairant d’une lampe évalué en candles; D sa durée en heures: # l'énergie dépensée en walls ;t la durée de l'éclairage par an; « le coût de 3600 watts; C le nombre total de candles de lins- tallation; k, le coefficient d'intérêt et d'amortissement: {le prix d’une lampe ; la dépense s rapportée à l'unité d'intensité lumineuse (1 candle) et à une année est eue ur ARE Saw SD « (Q ar seryi de la réaction noire de Golgi, qui à été employée avec grand avantage par plusieurs expérimentateurs pour l'examen des tissus, et il à vu que dans les os du crane de fœtus de lapin, coupés en minces lamelles et observés au microscope, les cellules présentent, d’une manière évidente, les anastomoses de leurs prolon- gements, — M, Magini donne ladescription desrecher- ches qu'il a exécutées pour découvrir quelque nouveau caractère morphologique qui puisse faire différencier les cellules nerveuses des autres éléments cellulaires, Sur des préparations de cellules nerveuses de l’homme, du fœtus de bœuf, du lapin, du chat, de la souris blanche il a reconnu les caractères suivants : 49 La cellule nerveuse en générale est pourvue d’un nueléole très pauvre en chromatine ou tout à fait dénué de cette substance ; 2° tandis que la cellule motrice des mam- mifères (homme compris) est dépourvue, dans son nu- cléole, de chromatine, l’on trouve cette substance lar- gement distribuée dans le corps cellulaire et dans ses prolongements; 3° la cellule nerveuse est toujours pourvue d’un nucléole, qui manque en général dans les autres éléments cellulaires, dont le nucléus pourtant contient en grand nombre les granules chromatiques ; 4 pour ce qui est présence, forme, distribution de la chromatine dans les prolongements des cellules ner- veuses, il n'y a pas moyen de distinguer les prolonge- ments nerveux des prolongements protoplasmiques. —M. Fusari présente à l’Académie un résumé de ses nombreuses recherches sur les premiers moments de développement des Téléostéens, recherches que l’auteur a exécutées sur des œufs vivants, ou sur des prépara- tions et des sections en séries : matériel que M, Fusaria liré presque en totalité du Cristiceps argentatus. Ernesto MANGINI. DE NAPLES La dépense d'installation est divisée en trois parties : la première S, indépendante de la puissance de linstal- lation et du nombre des lampes, la seconde S, qui dépend seulement du nombre des lampes ‘et la troi- sième S, proportionnelle à Ja puissance de Pinslal- lation, M. Grassi suppose une installation de 1,000 lampes de 16 candles et cherche les conditions pour que s soit un minimum dans tous les cas qui peuvent se présenter. M. Grassi cherche ensuité à établir le prix du cou- rant électrique, ce qui est indispensable lorsqu'on veut passer un contrat entre le fournisseur et le con- sommateur, Dans un autre mémoire, M. Grassi s'occupe de l’échauffement des conducteurs parcourus par un cou= rant électrique. Il résume d’abord la question pour montrer que l’on n’est pas du tout d'accord sur les ‘valeurs des coefficients d'échauffement, j On sait qu'un conducteur à section circulaire par- couru par un courant constant s’échauffe d’un nombre de degrés, au-dessus de la température de ambiant, proportionnel au carré de l'intensité et au coefficient de résistance et en raison inverse du cube du diamètre, Mais c’est sur le coeflicient de proportionnalité, que M. Grassi appelle coeficient d'échauffement, qu'on n’est pas fixé, Différents auteurs donnent pour ce coefficient des valeurs variant du simple au double, M. Grassi étudie de nouveau la question et il se borne pour le moment à l'exposé de résultats obtenus par des essais préliminaires. La méthode qu'il à suivie est semblable à celle du galvanomètre différentiel pour la mesure des petites résistances, On prend un conducteur long par exemple de deux mètres et on le coupe à moilié, L'une des moitiés est étendue horizontalement et on l’a expérimentée soit à découvert, soit enveloppée, à # PP PT OT ER 4e R< : CHRONIQUE 123 l'air ou bien posée sur des morceaux de planches. L'autre moitié du conducteur dont la résistance est la même a été contournée en hélice et immergée dans un calorimètre plein d'eau placé sur un fourneau à gaz. Ayant établi l'équilibre des résistances pour un cou- raut de très faible intensité, l’on re iforce le courant dont la mesure est donnée par un ampère-mètre, et l'on place le conducteur en hélice dans le calorimètre, Il est clair alors que le galvanomètre donne une dévia- tion, car la résistance rectiligne, étant à Pair, s’échauffe davantage, On chauffe le calorimètre jusqu'à ce que le galvanomètre revienne au zéro, il est visible dès lors que le thermomètre du calorimètre marque la température que l’on cherche. La méthode et donc directe sans calculs. M. Grassi a fait six expériences en se placant dans des conditions différentes. Il en résulte que les coeffi- cients de conductibilité extérieure du cuivre et des couvertures isolantes sont beaucoup plus grands que ceux admis jusqu’à présent. M. Grassi se réserve de discuter plus à fond sa méthode et ses résultats lorsqu'il aura eu le loisir de continuer son étude. 2, — Dans la séance du 5 avril, M. Torelli a lu une note « sur certaines équations aux dérivées partielles ». Les recherches de M. Torelli se rattachent à un Mé- moire « sur la fonction potentielle de la Circonfé- rence », publié dans les comptes rendus du « Circolo mathematico » de Palerme et dans lequel M. Beltrani a fait connaitre certaines équations aux dérivés par- tielies, satisfaites par les intégrales illiptiques com- plètes de {"° et de 2 espèces. Les équations obtenues par M Torelli sont vériliées par des intégrales définies, contenant trois nombres complexes dont on peut dis- poser à volonté, pourvu que leurs parties réelles soient positives. Il suffit d'établir entre eux deux relations convenables pour retrouver les équations mêmes de M. Beltrani et l'on a ainsi une solution plus générale que les intégrales illiptiques, puisqu'elle renferme une constante arbitraire, Francesco SINIGAGLIA, Professeur à l'Institut Royal de Naples CHRONIQUE L'OBSERVATION DES ÉLÉMENTS HISTOLOGIQUES A LA TEMPÉRATURE NORMALE DE LA VIE Le dispositif que représente la figure ci-contre a été récemment imaginé par M. le Professeur Ranvier pour observer les éléments histologiques à leur tempé- ralure physiologique normale, Jusqu'alors on avait, dans ce but, fait usage de platines chauffantes. Dans ces appareils, difficiles à manier, circule un courant d'eau chaude. La préparation ne plongeant pas dans cette eau et se trouvant entourée d’air, n’est jamais à la température qu'indique l'instrument, et il est impossi- ble de la déterminer d’une facon suffisamment exacte. C’est pourquoi M. Ranvier a cherché à remplacer cet appareil. Son procédé (1) est à la fois beaucoup plus commode, plus rapide et plus précis. Il consiste à bien luter les préparations et à les immerger, montées sur le microscope, dans un vase de verre où circule un cou- rant d'eau à température constante, On choisit un corps de microscope que l’eau ne puisse altérer. Un thermo- régulateur, un siphon, des pinces à pression graduée, maintiennent absolument fixes la température et le débit du liquide. L'expérience se fait généralement entre 464 et 39° C, L'eau, privée d'air par une ébulli- lion antérieure, afin de ne donner naissance à aucune bulle, s'écoule dans un ceristallisoir profond, On y plonge un microscope du modèle de celui de la figure ci-jointe, L'eau doit y être en quantité telle qu’elle recouvre la préparation et baigne la partie inférieure de l’objectif sans atteindre le mécanisme de la vis mi- crométrique. On emploie un objectif à immersion. Avant d’en plonger l’extrémité inférieure dans l’eau, il est utile de la chauffer légérement, afin de dessécher la surface du verre que recouvrirait une buée opaque. A côté de lPob- jectif, contre la préparation, on place horizontalement un thermomètre ; puisqu'il estimmergé tout près de la préparalion, la température de celle-ci se confond avec celle qu'il indique, La simplicité dece procédé d'étude le recommande à l'attention des micrographes. On sait que nos tissus peu- vent se comporter très différemment suivant la tempeé- rature à laquelle on les observe, Les Leucocytes, par (1) C. R. Acad. Sc. 13 mars 1890. exemple, se montrent mobiles où immobiles selon qu'on les examine à 37° ou sans les chauffer, Chose cu- rieuse, si on les enferme avec un peu d'air dans une cellule de verre à bords bien lutés, on constate leur immobilité ; mais il suffit, 24 heures après que cette préparation a été faite, de la porter à 39° dans l’appa- reil de M. Ranvier, pour voir quelques-uns des leuco- cytes les plus petits se déformer, pousser des pseudo- podes et entrer en mouvement. Dans les vaisseaux des animaux ils meurent au contraire très vite, peut-être sous l’action de ptomaines cadavériques. — On voit par cet exemple combien promettent d’être fructueuses les expériences que la nouvelle méthode de M. Ranvier permet d'entreprendre. En physiologie, en microbiolo- gie surtout elle paraît appelée à rendre les plus grands services. NUE 42% NOTICE NÉCROLOGIQUE ET NOUVELLES NOTICE NÉCROLOGIQUE CHARLES GRAD Il y a quelques mois la Revue enregistrait la nouvelle de la mort du savant alsacien Hirn. Aujourd’hui c’est encore un enfant de Colmar dont l’Alsace et le monde savant déplorent la perte. Charles Grad est mort dans la nuit du 2? au 3 juillet, au Logelbach, des suites d’une maladie de cœur dont il souffrait depuis quelques an- nées. Il était dans sa quarante-huitième année, Grad, qui représentait la circonscription de Colmar au Parlement allemand depuis 1877, était peut-être plus connu comme homme politique que comme homme de science, Mais son activité intellectuelle in- comparable s’est portée sur les domaines les plus variés et dans chacun d’eux il a laissé des travaux de mérite. Il s’est occupé successivement de l'étude des glaciers, de climathologie, d’océanographie, d'hydrologie, de géo- logie, d'archéologie, d'économie politique. Dès 1866 il publiait une Esquisse physique des îles Spitzbergen et du pôle arctique, puis vint une Etude sur les glaciers du Groënland. Ses voyages fréquents l’amenèrent à écrire des notes sur le Sahara algérien, l'Egypte, la Nubie, On lui doit de bonnes observations Sur les glaciers des Alpes suisses, mais surtout sur les . anciens glaciers de la chaine des Vosges, L'étude des formations glaciaires fut pendant de longues années son sujet d’études préféré, ainsi que toutes les questions de physique terrestre qui de près ou de loin s’y rat- tachent, Son Essai sur le climat de l'Alsace et des Vosges constitue maintenant encore le travail le plus complet sur cette malière. Dans les dernières années de sa vie et surtout depuis qu'il avait embrassé la carrière politique, il s’élait prin- cipalement occupé de questions économiques etsociales et là moins que jamais il ne perdait de vue dans ses études sa chère Alsace. Son beau volume l'Alsace, lepays et ses habitants, publié en 1888 par la maison Hachette, fut accueilli avec faveur par le public des deux côtés des Vosges et fut couronné par l’Académie française. Depuis 1883 Grad était membre correspondant de l’Académie des Sciences morales et politiques pour la section d'Economie politique. L'année dernière encore il avait présidé, lors de l'Exposition, le Congrès international de politique éco- nomique et sociale. \ Emile HauG. NOUVELLES L'ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE A BERLIN La Compagnie berlinoise d'électricité est en train d'achever deux nouvelles usines qui lui permettront d'alimenter le soir 250,000 lampes à incandescence de 16 bougies, et, pendant le jour, quantité de machines- outils, presses, pompes, ventilateurs, etc. Depuis long- temps, la Compagnie à rompu avec le système usité presque partout ailleurs des machines à vapeur à grande vitesse commandant, à l’aide de courroies de transmission, des dynamos marchant quatre ou cinq fois plus vite encore, c’est-à-dire faisant de 800 à 1000 révolutions à la minute. Les {ransmissions sont coûteuses: elles prennent beaucoup de place, exposent le personnel à des dangers sérieux et nuisent à la ré gularité de la production du courant. Les deux nou- velles usines, ainsi que les agrandissements des usines plus anciennes, ne comprennentdone que d'immenses machines à vapeur verticales dont la vitesse est réduite à 85 tours à la minute et dont l'arbre est accouplé di- rectement à l’armature de dynamos multipolaires Sie- mens. Cest dire que les dynamosévoluentàla même vitesse. Cette lenteur relative à permis de donner aux sénérateurs électriques des dimensions qui ne seront dépassées qu'à l'usine de Dedtford près de Londres. A l'usine de la Spandauerstrasse, il y aura quatre mo- teurs de mille chevaux chacun, et chaque moteur ac- lionnera deux dynamos dont Parmature a un diamètre de 3,50#mètres. Chacune de ces dynamos alimentant 5.000 lampes, l'usine en question aura une capacité de 4.000 lampes. L'usine du Schifflanerdamm est un peu moins avancée, Elle comprendra six moteurs de 1200 chevaux chacun et les dynamos à l'avenant, On voit que l'éclairage électrique marche à pas de géant sur les bords de la Sprée, La proportion est dès aujourd'hui d’une lampe à incandescence pour neuf becs de gaz, mais tout fait prévoir que, dans un avenir très prochain, l'électricité sera pour le moins légale de son principal concurrent. Presque sans exception, les villes allemandes de second et de troisième ordre suivent l’exemple de Ja capitale; mais elles prennent en général elles-mêmes l'éclairage électrique en mains, ainsi qu'elles l'ont fait partout pour le gaz et l’eau. ; D'autre part la Compagnie générale d'électricité s'ap= prète à doter enfin les grandes villes d'Allemagne de tramways électriques, M. Werner de Siemens, qui en est l'inventeur, s'étant borné jusqu'ici à construire deux petites lignes, celle de Lichterftelde, inaugurée il ya quelque dix ans, et celle de Francfort à Offenbach qui a cinq ou six années d’existence. La Compagnie d’élec- tricité y appliquera exclusivement le système Sprague, c’est-à-dire les courants continus de faible tension (500 volts) et les conducteurs aériens. G. Van MUYDEN. COMETES La comète périodique de Brorsen, dont on attendait le retour en mars ou avril, a été cherchée en vain par divers astronomes; et il y à lieu de craindre qu’elle passe encore inapereue celte fois; peut-être même s'est. elle désagrégée comme la comète de Biéla. C’est un fait remarquable et qui semble montrer que la vie des comètes périodiques est généralement courte, comme le faisait récemment observer dans ce Recueil notre distingué collaborateur, M. Bigourdan (1). La comète périodique de d’Arrest n’a pas été revue non plus; mais elle n'a pas encore atteint son plus grand éclat; peut-être le mois juillet ne se passera-t-il pas sans qu'elle ait été retrouvée. Enfin la comète a 1890, la seule qui ait encore été découverte cette année, et qui d’abord n'était visible que le matin, est aujourd'hui facile à observer, car elle est circompolaire depuis le 44 mai et par suite reste constamment sur l'horizon de Paris. Son éclat théo- rique, qui à augmenté considérablement, dééroit de- puis le commencement de juin. L'éclat réel à présenté quelques variations anormales dans les premiers jours de juin. (1) Voyez la Revue du 15 février, page 65. Le Gérant: Ocrave Don. Paris.— Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. ct mettons. ds state ot tannins 4e ANNÉE N° 14 30 JUILLET 1890 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER RECHERCHES NOUVELLES SUR LA PHAGOCYTOSE La science s’est récemment enrichie d'un grand nombre d'observations sur les relalions qui exis- tent, au cours des maladies virulentes, entre les microbes pathogènes et les cellules des animaux supérieurs, c'est-à-dire des Verlébrés. En raison de leur grand intérêt pour la biologie générale et du jour nouveau dont elles éclairent la théorie de l'immunité, il importe de les examiner avec soin. [ Passons d'abord en revue les principaux faits éta- blis à ce sujet. On a constaté depuis longtemps que les tissus de toules les classes contiennent plus ou moins souvent différentes espèces de microbes pathogènes appartenant à deux groupes princi-. paux de parasites : les Bactéries el les Sporozoaires. La plupart des variétés du tissu épithélial, les cel- lules nerveuses, les fibres musculaires, les éléments du tissu conjonctif et les cellules endothéliales, ainsi que les globules rouges et blanes du sang, ne font point exceplion à cette règle générale. Sinous examinons ces cas différents de plus près, nous pourrons nous convaincre facilement que, dans la pénétration des microbes à l'intérieur des cellules, les mouvements du protoplasme ou mouvements amiboïdes jouent le rôle le plus con- sidérable. Si c’est le parasite qui est doué de ces mouvements, c'est lui qui s’introduit dans la cellule, tandis que dans les cas où le microbe ne présente aucun état amiboïde et se trouve néanmoins dans l'intérieur d’une cellule, c’est toujours celle-ci qui manifeste des mouvements protoplasmiques, à REVUE GÉNÉRALE, 1890, l’aide desquels elle englobe le parasite dans son contenu. On peut donc établir comme règle générale que les microbes qui ont un stade amiboïde, comme les Sporozoaires, s'introduisent activement dans les cellules, tandis que les Bactéries, ne présentant jamais d'état amiboïde, ne parviennent dans l’in- térieur des cellules que d'une façon passive, à l'aide des mouvements amiboïdes des cellules de l’animal même. On a souvent prétendu que les Bactéries seraient en état de s'introduire dans l’in- térieur des cellules d’une manière active à l'aide de leurs mouvements, quelquefois très vifs, ou bien par suite d'un simple mouvement d’ac- croissement. L'observation directe démontre l’inexactitude de cette supposilion. En réalité les mouvements spontanés des Bactéries ne suffisent Jamais pour les faire pénétrer dans l'intérieur d'une cellule. Comme exemple, je puis citer les spirilles de la fièvre récurrente, qui sont animés de mouvements très vifs. Ils se fixent souvent à la surface des leucocytes, et pourtant ne s’introdui- sent jamais à l’intérieur de ces derniers. La crois- sance des bactéridies qui s’allongent en filaments souvent tres longs ne suffit pas non plus pour leur permettre de pénétrer dans l'intérieur des cellules; les microbes poussent vers l'endroit de la moindre résistance et s’insinuent dans les interstices entre les cellules. Si, d'un côté, il n’est rien de plus facile que de trouver un microbe sporozoaire dans des cellules complètement dépourvues de mouvements ami- 14 426 E. METCHNIKOFF. — RECHERCHES NOUVELLES SUR LA PHAGOCYTOSE boïdes, comme dans les cellules épithéliales et musculaires ou dans les globules rouges du sang, il devient tout à fait impossible de constater la présence de Bactéries dans l’intérieur de ces caté- gories d'éléments cellulaires. Quoiqu'il existe un nombre assez considérable d’affirmations d’après lesquelles différentes Bactéries se trouveraient dans l’intérieur des cellules épithélialés, comme par exemple dans les cellules hépatiques, l’épi- thélium des canaux du rein ou des alvéoles pul- monaires, néanmoins l'examen direct démontre pleinement l’inexactitude de ces assertions. Le plus souvent on prend des cellules épithélioïdes pour ces cellules épithéliales, c’est-à dire des cel- lules d’origine tout à fait étrangère, des éléments provenant du mésoderme de l'embryon et présen- tant des mouvements amiboïdes plus où moins prononcés. Ainsi les cellules endothéliales du foie, qui renferment très souvent des Bactéries, ont été souvent prises pour des cellules hépatiques mêmes. D'un autre côté les grands éléments qui se trou- vent si souvent dans les alvéoles pulmonaires, pré- sentent une forme aplatie, et des corpusecules étrangers dans leur intérieur, éléments désignés souvent comme cellules à poussière (Sfaubzellen des Allemands), ont été, parla plupart des observa- teurs, pris pour de véritables cellules épithéliales, mais à tort, parce que ces éléments sont desleuco- cytes immigrés dans les alvéoles, c’est-à-dire des cellules amiboïdes par excellence. Récemment M. Babès a décrit dans une affection hémoglobinurique du bœuf un fait qui présenterait une exception à la règle établie, parce que le mi- crococcus de celte maladie résiderait surtout dans l'intérieur des globules rouges du sang. Vu que M. Babès considère lui-même son travail comme encore incomplètement achevé, que la situation intracellulaire des coccus n’a été constatée que sur des préparations élalées et encore que la nature bactérienne du parasile n'est pas définitivement établie, il serait prématuré d'émettre des conclu- sions sur ce cas particulier, Partout où la présence des Bactéries à l’intérieur des cellules a été suffisamment démontrée, ces éléments appartiennent à la catégorie des cellules migratrices, ou bien à celle des éléments fixes, ne changeant pas leur place, mais pourvus néanmoins de prolongements proloplasmiques. Dans les deux cas ce sont des phagocytes, c’est-à-dire des cellules qui mangent ou englobent des corps étrangers en gé- néral et des Bactéries en particulier. Ce sont d'abord deux espèces de leucocytes qui fonctionnent le plus souvent comme phagocytes : les globules blancs à un seul noyau grand et ar- rondi et à protoplasma prenant facilement les couleurs d’aniline, et les leucocytes polynucléaires avec un noyau lobé ou en forme de trèfle, etc., et à protoplasma ne se colorant que fort difficilement avec les couleurs d’aniline ordinairement em- ployées. Il faut bien se garder de confondre les leucocytes avec les phagocytes, car il y a des leu- cocytes qui ne sont pas phagocytes, comme par exemple les lymphocytes, et d’un autre côté il existe un nombre de phagocytes qui ne sont point leucocytes. Cette catégorie de phagocytes com- prend les cellules endothéliales, grandes cellules de la pulpe splénienne, et, dans des cas très rares il est vrai, même des cellules nerveuses. D'après les observations très exactes de M. Soudakewitch, les cellules des ganglions sympathiques contien- nent, dans quelques cas de lèpre nerveuse, des bacilles spécifiques à leur intérieur. On serait peut- être tenté d'accepter ici une introduction active de la part des bacilles; mais des recherches qui ont démontré la présence de corpuscules étran- gers dans les cellules nerveuses et surtout la dé- couverte de M. Ehrlich que les prolongements des cellules nerveuses sont doués de mouvements ami- boïdes, nous permettent avec beaucoup plus de droit d'envisager ces cellules comme des phago- cytes. De même que les microbes possédant un stade amiboïde s’introduisent non indifféremment dans n'importe quelle espèce de cellules, mais choisis- sent les éléments des tissus qui leur conviennent le plus (ainsi les parasites du paludisme n’entrent que dans les globules rouges, les coccidies oviformes que dans les cellules épithéliales des canaux bi- liaires, elc.), de mème les phagocytes: ne sont nullement capables d’englober tous les microbes pathogènes sans distinction. Il y a des bactéries qui ne sont englobées que par une catégorie de phago- cytes, tandis que d’autres sont mangées unique- ment par les phagocytes d’une autre catégorie; d'autres encore par les différentes espèces de ces cellules. Ainsi les spirilles de la fièvre récurrente et les streptococques de l’érysipèle ne sont atta- qués que par les leucocytes à noyau lobé où mul- liple, avec un protoplasma se colorant difficile- ment, c'est-à-dire par une catégorie de phagocytes que nous appellerons #icrophages (fig.1).Les bacilles de la lèpre, au contraire, ne se retrouvent jamais dans l’intérieur de ces cellules, mais bien dans les phagocytes à noyau unique et à protoplasma pre- nant facilement les couleurs d’aniline, c’est-à-dire dans les phagocytes désignés sous le nom de »”a- crophages (fig.2). Dans cette catégorie se rangent tous les grands leucocytes uninucléaires, les cellules de la pulpe splénique, les cellules étoilées du foie et les véritables cellules endothéliales. Dans une troi- sième catégorie de cas les Bactéries peuvent être englobées par les microphages aussi bien que par E. METCHNIKOFF. — RECHERCHES NOUVELLES SUR LA PHAGOCYTOSE 427 les macrophages, mais une de ces espèces de pha- gocytes peut présenter néanmoins une certaine prédilection pour tel ou tel autre microbe. Ainsi les bacilles de la tuberculose sont englobés par les Fig. 4. — Un microphage d'un Fig. 2 — Macrophage du rat blanc contenant 12 bacilles oie d’un rat blanc conte- charbonneux. nant des bactéridies, deux espèces de phagocytes, mais bien plus sou- vent par les macrophages qui se présentent quel- quefois sous forme de cellules géantes, c’est-à-dire de grandes cellules avec des noyaux multiples. Il Passons maintenant à la question de savoir comment se comportent les microbes qui se sont introduits eux-mêmes ou qui ont élé introduits dans l'intérieur des cellules? On peut répondre en général que dans le premier cas les parasites crois- sent et souvent aussi se multiplient dans le con- tenu des cellules envahies, comme cela a lieu pour les Sporozoaires intracellulai- res, tels que les Coccidies ou Sarcosporidies. La vie de ces microbes est même liée d’une façon nécessaire à leur séjour dans le corps des cellules, Le le contenu protoplasmique des cellules, tandis que quelques es- pèces isolées ne trouvent leur milieu favorable que dans l’in- térieur du noyau. C'est le cas pourle Curyophaqus Salamandre, coccidie parasite du noyau des cellules épithéliales de l'intes- tin de la Salamandre terrestre (fig. 3). Un certain nombre de bactéries, quoique intro- duites dans l'intérieur des cellules d’une manière passive à l'aide des mouvements protoplasmiques de ces dernières, sont également capables de croitre et de se multiplier dans le contenu des cellules. Comme exemple, on peut citer les ba- cilles du rouget des pores et de la septicémie des Fig. 3. — Cellule épi- théliale de l'intestin de la Salamandre avec une coccidie parasitique dans le noyau. plus grand nombre se fixe dans } 5 x souris, végétant dans l'intérieur des phagocytes d'animaux sensibles, tels que le pigeon, la sou- ris, etc. Un autre exemple bien connu est celui de la tuberculose, dont le bacille est sans aucun doute capable de se maintenir et de végéter, péni- blement il est vrai, dans le contenu des différentes cellules phagocytaires. Mais dans le plus grand nombre des cas les microbes, incorporés dans des phagocytes, trouvent dans ces cellules un milieu défavorable pour leur existence. Comme preuve on peut invoquer la règle générale que plus un ani- mal est réfractaire pour une maladie quelconque, plus ses ph'gocytes sont capables d'englober le microbe de la même maladie. Ainsi il est établi que la bactéridie char- bonneuse ne se rencontre que fort rarement dans les phagocytes des animaux très sensibles, tels que la souris, le cobaye et le lapin, tandis qu’elle abonde dans les phagocyles des espèces plus où moins réfractaires, comme la grenouille, le pigeon, la poule, le rat et le chien. De mème pour une série d'autres microbes, comme pour celui du choléra des poules, qui n’est point englobé par les pla- gocyles des poules, pigeons et lapins, mais l’est à un fort degré par les phagocytes d’un animal très peu sensible, le cobaye. Si, au lieu d'étudier le sort d’une espèce de microbe chez plusieurs ani- maux, nous nous adressons à un animal quel- conque et examinons les relations de ses phago- cytes avec plusieurs bactéries plus ou moins virulentes, nous verrons la même règle se confir- mer. Ainsi, comme nous venons de le mentionner, les phagocytes des lapins, d’un des animaux les plus employés dans les laboratoires, ne sont point aptes à englober en quantité notable ni la bactéridie virulente, nile coccobacille du choléra des poules, c’est-à-dire deux microbes pour les- quels notre animal est excessivement sensible. Ses leucocytes sont également (rès peu capables d’englober les microbes de la pneumonie, qui provoque chez le lapin une septicémie aiguë et mortelle. D'un autre côté, le bacille du charbon alténué, facilement supporté par le même animal, celui du pus bleu, qui ne tue les lapins qu'à de fortes doses, sont facilement englobés par les leucocytes. ILesttemps de mentionner que, pour débarrasser l'organisme d’un microbe envahisseur, il ne suffit pas que ce dernier soit englobé dans l'intérieur des phagocytes. Il existe des maladies, où le microbe est bien englobé, mais non détruit par les cellules, et nous avons déjà cilé le cas de la tuberculose et du rouget des pores, comme exemples de microbes capables de persister et se multiplier à l’intérieur des phagocytes. Evidemment l’englobement n’est qu'un des premiers actes de la défense du côté des cellules, Ces dernières doivent détruire ou au 428 E. METCHNIKOFF, — RECHERCHES NOUVELLES SUR LA PHAGOCYTOSE moins entraver le développement du microbe pour bien protéger l'organisme, Or, nous abservons que tandis que le bacille du rouget des porcs virulent, quoique englobé par des phagocytes, reste vivant dans ces cellules, le même bacille atténué y périt au bout d'un temps plus ou moins prolongé. Il existe donc réellement une certaine relation entre la faculté bactéricide des phagocytes et l'état réfractaire de l'animal. On a beaucoup discuté la question de savoir si les phagocytes sont capables d’englober les mi- crobes à l’état plus ou moins vivant ou bien s'ils ne sont aptes qu'à dévorer les microbes préable- ment affaiblis ou détruits par d’autres facteurs agissant dans l'organisme, Dans ce dernier cas le rôle des phagocytes se réduirait à celui de sim- ples balayeurs des microbes déjà rendus inofensifs par d'autres moyens. On a donc supposé que les Bactéries infectieuses sont englobées à l’état vivant ét virulent uniquement dans les cas où ces para- sites se maintenaient vivants dans les phago- cyles, comme dans la tuberculose et le rouget des pores. Un certain nombre de faits, l’obser- vation directe nous montrent que cettte supposi- tion n’est pas süflisamment fondée. En tuant les phagocytes par le bouillon, qui sert de nourriture aux bactéries, on peut constater souvent que la bactéridie charbonneuse, englobée par les phago- cytes d’un animal réfractaire, comme par exemple d’un pigeon, pousse très bien dans le bouillon, ce qui prouve qu’elle a été englobée à l’état vivant (fig. 4). L'expérience avec une culture issue d’une Fig. 4. a, b, c, d quatre bactéridies intraphagocytaires en vive croissance. — Macrophage de pigeon, tué par du bouillon, bactéridie englobée prouve également que le mi- crobe a été dévoré lorsqu'il conservait sa virulence. D'autres observations démontrent de plus que les leucocytes englobent les bactéridies vivantes plus facilement que les mêmes microbes préala- blement tués. Ainsi M. Lubarsh, en injectant des bactéridies vivantes à un côlé et des bactéridies fuées à l’autre côté du même individu, a pu cons- tater que les bacilles introduits vivants sont en- globés plus vite et en plus grand nombre que les bacilles stérilisés. S'il n'est plus douteux que les phagocytes sont aptes à dévorer les Bactéries vivantes et virulentes, il n’est d'autre part non moins douteux que les microbes sont le plus souvent détruits dans l’inté- rieur de ces cellules. On peut facilement observer tous les stades de dégénérescence, de mort et de dissolution finale des microbes englobés. Ceux-ci perdent d’abord leur propriété de se colorer, de- viennent souvent granuleux, prennent des con- tours crénelés, ete. HI Ces faits, envisagés dans leur ensemble, in- diquent déjà que les éléments de l'organisme, capables de détruire les microbes pathogènes, doivent jouer un rôle considérable dans les phé- nomènes de résistance et de réaction de l'orga- nisme contre ces agents infectieux. Cette conclu- sion peul être appuyée encore par le fait général que les phagocytes se trouvent agglomérés juste- ment dans les endroits de l'organisme les plus sujets à l'invasion microbienne. Les amygdales, plaques de Peyer et toute une série d'organes analogues, situés tout le long du canal intestinal — qui est une des principales portes d'entrée pour les microbes — produisent une grande quantité de phagocvlies:; ceux-ci renferment souvent des bac- léries venant du contenu intestinal. Comme l'a démontré M. Stoehr, il se produit à l’état normal une émigraltion constante de lencocytes à lravers ces organes folliculaires, et un grand nombre de ces cellules parvient dans les cavités buccale, stomacale -et intestinale. La surface des alvéoles pulmonaires, — autre porte d'entrée pour les mi- crobes, — est tellement tapissée de grands macro- phages, provenant des systèmes lymphatique et sanguin, que ces cellules ont été longtemps consi- dérées comme appartenant au tissu pulmonaire lui-même etenvisagées comme des cellules épithé- liales des alvéoles. Dans chaque partie du corps envahie par les microbes ou par un autre agent morbide quelconque il se produit une inflamma- tion, accompagnée d’immigralion des phagocytes à l'endroit menacé. Cet afflux constant des phago- cytes dans les endroits les plus exposés confirme done la supposition de l'importance du rôle joué par eux dans l’organisme. Quelques exceptions à cette règle générale ont été souvent citées comme objections de principe à la théorie des phagocytes. Dans certaines mala- dies, comme dans le charbon des animaux les plus sensibles, la réaction inflammatoire est compara- tivement très faible. Voilà donc un exemple où l'organisme menacé n’est point protégé par les phagocytes qui n'arrivent point là où ils devraient justement s'amasser en grande quantité. Envisa- geant ces cas de plus près, on peut les expiiquer en admettant une action spécifique des microbes sur la paroi des vaisseaux, action qui empêche E. METCHNIKOFF. — RECHERCHES NOUVELLES SUR LA PHAGOCYTOSE 429 l'émigration et par conséquent la concentralion des leucocyles autour du point lésé. Dans l’acceptation du fait que les phagocytes s'accumulent à l'endroit menacé, qu'ils se compor- tent d’une manière toute différente vis-à-vis de diverses espèces de microbes et que même les dif- férentes variétés des phagocytes présentent une variabilité extraordinaire à l'égard de ces envahis- seurs, on a quelquefois attribué aux cellules comme une facullé exceptionnelle et en quelque sorte surnaturelle de discernement. Cette préten- due explication constituerait plutôt une objection à la théorie, si elle pouvait être bien fondée. Mais il n'en est rien. L’accumulation des phagocytes autour des microbes el en général dans les endroits menacés peut s'expliquer par une propriété phy- siologique normale qui se rencontre chez les orga- nismes les plus inférieurs. On sait depuis un certain nombre d'années que les êtres protoplas- miques Îles plus simples, comme les Myxomycèles et autres, possèdent une sorte de sensibilité à l'égard des agents extérieurs, tels que chaleur, humidité, composition chimique etc. Les plasmodes, des Myxomycètes sont atlirés par l'humidité, par des solutions de substances nutrilives et repoussés par la sécheresse, les substances nuisibles, ete. Or ces propriétés, qu'on a désignées sous les noms de hydrotropisme, trophotropisme, chimiotaxie, ele. se rencontrent aussi chez les phagocytles. Ces cel- lules sont altirées par différents microbes et re- poussées par d'autres, comme on peut s'en assurer en introduisant dans l'organisme animal des tubes remplis avec des cultures vivantes ou stérilisées (1). Comme la propriété chimiotaxique des Myxomy- cètes et d’autres êtres inférieurs s’est développée graduellement en raison de son utilité pour la vie de ces organismes, de même lachimiotaxie des pha- gocytes s’est fixée en raison de l’avantage que cette propriété pouvait présenter à l'animal dans sa lutte pour l'existence. Dans les deux cas c’est la sélection naturelle qui a élaboré une qualité utiles ans inter- vention de facteurs téléoiogiques quelconques. On ne connait Jusqu'à présent que la propriété chimiotaxique des phagocytes ; mais il est très pro- bable que ces cellules possèdent également une sensibilité à l'égard d’autres agents. extérieurs, comme le degré de l'humidité, de la température, mème de la pression etc. Nous avons droit de le supposer, puisque nous voyons qu’en général les phagocyles sont sous beaucoup de rapports analo- gues aux êtres inférieurs. Entre autres points de ressemblance il y en aun qui mériteavant toutnotre attention. Depuis les recherches de M. Sfax sur (1) Voyez à ce sujet les recherches de M. Gabritchevsky sur les propriétés chimiotactiques des Leucocytes dans la Revue du 15 juillet 1890, page 414. REVUE GÉNÉRALE, 1890. , les Myxomycèles, on sait que ces organismes proto- plasmisques s’habituent aux substances chimiques et aux autres agents qu'ils évitaient au début. Ainsi les plasmodes qui s’éloignent lorsqu'on les approche d’une solution de sucre finissent par s'habituer graduellement à cette liqueur. Le sucre, qui élait d’abord nuisible à l'organisme, devient pour lui une substance indifférente ou même ulile. Il ya donc une accoutumance du plasmode, une sorte d'immunité acquise. Après tout ce que nous savons des phagocyteset de leur propriété chimio- taxique, on peut admettre que ces cellules sont aussi susceptibles de s’habituer graduellement aux influences qui leur étaient nuisibles au début, et à acquérir une accoutumance vis-à-vis de ces influences. Cette interprétation pourrait s'appliquer à cer- tains cas de guérison, qui serait alors produite par l'accoutumance des phagocytes accomplie pen- dant le cours de la maladie, de même que les Myxomycètes dans les expériences de M. Sfahl finis- saient par pénétrer dans de l’eau sucrée qu'ils évi- taient au début. La mène interprétation pourrait servir aussi pour expliquer l’immunité surtout dans les cas où l’or- ganisme est réfractaire à un microbe quoique son sang et ses autres humeurs fournissent un milieu favorable à la culture de ce microbe. Or, on sait depuis des années que c’est le cas pour beaucoup d'organismes, notamment pour la bactéridie qui se cultive dans le sang, le sérum et l'humeur aqueuse des animaux réfractaires au charbon. Malgré ce fait suffisament prouvé ona dernière- ment émis la théorie d’après laquelle les humeurs des animaux possèderaient une faculté bactéricide très considérable. Cette propriété expliquerait à elle seule l'immunité, sans un concours quelconque de la part des phagocyles. Les auteurs de cette théorie, comme M. Flügge avec ses élèves et jus- qu'à un certain point M. Buchner, ont observé eux- mêmes que la propriété bactéricide des humeurs peut se trouver au plus haut degré chez les animaux les plus sensibles. Ainsi le sang et le serum des lapins détruisent les bactéridies aussi bien que ceux des chiens et infiniment mieux que ceux des bœufs ou du cheval. Ce fait, joint à toute une série de faits analogues, démontre clairement que cette pré- tendue propriélé bactéricide des humeurs ne cor- respond nullement aux phénomènes de l'immunité. D'un aulre côté M. Lubarsch a constaté que le sang extravasculaire des lapins {ue un grand nombre de bactéridies, tandis qu'une quantité de ces dernières beaucoup moins grande suffit déjà pour donner au mêmes animaux le charbon mortel. Il est donc clair que dans ce phénomène de mortalité des microbes dansles humeurs le grand rôle appartient 14* 430 E. METCHNIKOFF. — RECHERCHES NOUVELLES SUR LA PHAGOCYTOSE à des agents qui sont surtout actifs en dehors de l'organisme. Mais, en opérant soigneusement, on parvientmême, comme l’a démontré M. Havkine, à obtenir des cultures de bactéridies issues d’un seul bâtonnet ensemencé dans les humeurs des animaux réfractaires, comme par exemple celles du chien. Nous arrivons au même résultat en modifiant la méthode expérimentale. Si nous retirons les humeurs de l’organisme, nous voyons toujours qu’elles donnent lieu à des cultures du microbe, alors même que l’animal qui les fournit est réfrac- taire. Dans les conditions naturelles, déjà l'humeur aqueuse nous présente un milieu presque privé de cellules. Eh bien, on a constaté pour toute une série de maladies, que les microbes contre lesquels les animaux sont naturellement ou artificiellement réfractaires, poussent très bien dans la chambre antérieure de l’œil de ces animaux. Ainsi des gre- nouilles, moutons, pigeons, rats, lapins réfractaires pour le charbon donnent, dans leur chambre anté- rieure, des culturesmèême du premier vaccin de cette Bactérie. Le même phénomène a été constaté pour le vaccin du rouget des pores cultivé dans la cham- bre antérieure du chien et de lapins réfractaires. Des sacs de papier buvard ou de moelle de roseau, de petites outres faites avec des portions d'intestin de grenouilles ou même un tampon d'ouate introduits dans l'organisme permettent d'y cultiver les microbes à l’abri des phagocytes. Dans le liquide lymphatique ainsi isolé, à l’intérieur d’un animal réfractaire, on constate que les spores de la bactéridie germent parfaitement. Ces expériences démontrent que la condition essentielle pour obte- nir ces cultures consiste à éliminer les phagocytes, preuve nouvelle du rôle important de ces cellules. Ainsi, de quelque point de vue que nous consi- dérions la relation des microbes avec les phago- cyles, nous arrivons toujours à la conclusion que ces cellules représentent un moyen formidable de défense de l'organisme contre l'agression des agents qui produisent les infections. Mais il serait contraire à la vérité de supposer que ce moyen est seul à la disposition de l'organisme. Il existe incon- testablement plusieurs facteurs tendant vers le même but; ainsi, nous voyons que l'acide du suc gastrique détruit un grand nombre de microbes par une action purement chimique. Il est très pro- bable que le pouvoir protecteur des phagocytes, étant insuflisant dans certains cas, doit secondé par d’autres agents physiques et chi- miques. Les différences que nous présente l’action phago- cylaire vis-à-vis des microbes infectieux sont très nombreuses el jusqu'à un cerlain point analogues à ce que nous présentent ces microbes eux-mêmes. A côté des Bactéries qui, à elles seules, produisent être infailliblement la maladie, il y en a d’autres qui exigent le concours d’autres influences. Souvent un seul et même microbe se comporte d’une façon différente dans deux espèces différentes d'animaux. Ainsi, comme on sait, le bacille du charbon symptomatiqne envahit très facilement le cobaye, mais ne se propage dans l'organisme du lapin qu'à l’aide de substances surajoutées, comme, par exemple, l'acide lactique. Dans d’autres cas, un microbe ne provoque que des accidents secon- daires, tels qu’on en voit si souvent au cours de la fièvre typhoïde ou dans d’autres infections. IV En exposant le rôle prophylactique et thérapeu- tique des phagocytes, nous n’avons parlé que de la relation de ces cellules avec les Bactéries. Il serait intéressant de voir aussi comment se comportent les phagocytes vis-à-vis des parasites qui ont acquis une facilité spéciale à végéter dans l’inté- rieur des cellules. J'ai en vue les Sporozoaires. Eh bien, ces organismes qui mènent une vie parasi- tique dans l'intérieur des globules rouges, des cel- lules épithéliales de différentes espèces, dans les œufs et les fibres musculaires, ne se rencontrent jamais comme parasites des phagocytes, cellules souvent errantes qui entrent en relations si fré- quentes avec toutes sortes de corps étrangers. Jamais on n’a vu une Coccidie ou un Sporozoaire quelconque végéter dans l’intérieur d’un phagocyte fixe ou mobile. Toutes les fois qu’on a rencontré un phagocyte contenant une coccidie, celle-ei était en voie de destruction. Dans le cours de la fièvre malarique, les coccidies découvertes par M. Laveran sont souvent englobées par les phagocytes et sur- tout par les macrophages de la rate et du foie. Mais ces cellules tuent et digèrent les parasites, desquels il ne reste que le résidu pigmentaire. M. Danilevsky a observé des phénomènes analogues sur les parasites du sang decouverts par lui chez différents animaux. Cette série de faits confirme de nouveau la pro- position générale que les phagocytes forment un milieu dans lequel les microbes périssent dans la majorité des cas. Il serait plus que téméraire de prétendre dès à présent que l'étude des relations entre les mi- crobes pathogènes avec les cellules de l'organisme en général et les phagocytes en particulier, a pu résoudre les grandes questions de la pathologie générale des maladies infectieuses. Mais on peut au moins accepter que cette étude nous facilite la connaissance des phénomènes pathologiques, tels que l’immunité et la guérison, l'inflammation el la production de néoplasies infectieuses. L’histo- logie pathologique ne peut que gagner en consla- R. ROSIÈRES. — LA DÉCOUVERTE DE LA CYCLOIDE 431 tant la relation qui existe entre une espèce micro- bienne déterminée el la réaction de la part de telle ou telle autre variété de phagocytes. La question se simplifie, si nous sommes en élat d'envisager le tubercule, la néoformation lépreuse et les granu- lomes en général, comme des manifestations de réaction macrophagique, la suppuration présen- tant le cas le plus vulgaire d’une réaction micro- phagique de l'organisme. L'étude de la relation des cellules avec les mi- crobes nous conduit donc à constater une sorte de lutte entre les deux éléments, lutte qui se termine en faveur de l’une ou de l’autre partie, suivant les circonstances. Dans cette lutle ce sont les sécré- tions qui jouent un rôle des plus importants. Tandis que le microbe se défend par des substances qu'il produit et qui nuisent à l'animal, les phago- cyles sécrètent eux-mêmes des liquides propres à détruire les microbes. En poursuivant cette lutte, on arrive à observer quelquefois des phagocytes tout à fait gonflés de sécrétions, au milieu des- quelles se trouve logé le parasite. Il est évident que c’est l'analyse, la détermination chimique de ces produits de sécrétion, qui doit surtout avancer nos connaissantes des phénomènes de l'infection. L'étude de la phagocytose nous indique donc la voie vers laquelle doivent être dirigées les recherches qui feront avancer la question. Ces recherches rentrent dans le domaine de la chimie biologique. Elie Metchnikoff, Chef de servise à l'Institut Pasteur. LA DÉCOUVERTE DE LA CYCLOIDE M. Joseph Bertrand, dans le /owrnal des Savants de mai dernier, apporte sur l'histoire d’un cas particulicr des rouleltes, celui de la cycloide, une lumière inattendue. Tout le monde connait cette histoire pour l'avoir lue dans les œuvres de Pascal : En 1615, le P. Mersenne, observant la révolution d'un point fixe considéré sur lacirconférence d’une roue de voiture en marche, découvre la cycloïde, mais n'en peut pénétrer les propriétés. Roberval, en 163%, résoul les trois premiers problèmes rela- lifs à cette courbe. Enfin, en 1658, Pascal déclare qu'il vient d'achever l'étude de la roulette, mais qu'avant de publier ses résultats, il veut laisser à d’autres l'honneur de les découvrir comme lui, et qu'en conséquence il convie les géomèêtres à en- voyeravantle 1° octobre, le résumé de leurs recher- ches à M. de Carcavi, lequel présidera un jury chargé d'attribuer aux deux meilleures solutions un prix de 40 pistoles et un prix de 20 pistoles. Quelques manuscrits arrivent en effet; mais tous, sauf deux, sont aussilôt retirés par leurs auteurs, qui les estiment fautifs. Restent donc deux mémoires à juger : l’un, qui est dugrand géomètre anglais Wal- lis, se trouve écarté parce qu'il ne résout que quel- ques-uns des problèmes proposés ; l'autre, dont l'auteur estle jésuite Lalouère (qui, ayant présenté des corrections après le 1% octobre, déclare ne pas concourir), est rejeté presque sans examen comme particulièrement erroné. Et Pascal garde sa gloire et son argent. Mais voici que le jésuite rebuté se rebiffe, prétend sa méthode desolution excellente, réclame la sen- tence du jury. Pascal court à sa plume et rédige une violente diatribe pour le convaincre d'ignorance. d'incapacité et même de plagiat, car, assure-t-il, s’il a envoyé des corrections après le 1% octo- bre, c’est que, sur cesentrefaites, il a eu connais- sance de la solution — non publiée il est vrai, mais connue de quelques personnes — que Roberval avait donnée jadis. De quel côté était le bon droit en cette affaire ? Telle est la question que se pose M. Joseph Ber- trand. Et avec deux lettres de Pascal, publiées dès 1659 par le P. Lalouère, il établit d’une façon pé- remptoire que, de quelque façon qu'on s’y prenne, il est bien difficile d'accorder le beau rôle à l’auteur des Provinciales. Dans ces deux lettres eneffet, Pas- cal comble le P. Lalouère de prévénances et d’é- loges; par la premièreil lui mande que sa méthode est toute nouvelle ethien plus générale que celle de Roberval, mais qu'il croit seulement à quelques er- _reurs dans les calculs ; par la seconde il lui avoue qu'après un plus mûr examen il a constaté que ses calculs élaient eux-mêmes exacts. Que conclure ? Faut-il admettre avec Condorcet que Pascal, trop ardent janséniste, a mieux aimé brouiller les cartes que de laisser à un jésuite l'honneur de la partie? M. Bertrand n'ose souscrire à une accusa- tion aussi grave et cherche d’autres raisons. Peut- être, propose-t-il, Pascal a-t-il voulu par ces deux lettres tendre un piège au P. Lalouère, et l’amener à livrer peu à peu les preuves de son plagiat; mais, comme il le reconnait, « cette explication, il faut l'avouer, fait peu d'honneur à la sincérité de Pas- cal ». Vaut-il mieux croire, demande-t-il encore, que Pascal,bien qu'il déelarät dans sa diatribe avoir flairé tout de suite le plagiat, n’avait plus mémoire de la solution de Roberval lorsqu'il écrivait ses 432 R. ROSIERES. — LA DÉCOUVERTE DE LA CYCLOIDE deux lettres et ne s'en est souvenu qu'ensuile : cela est fort peu vraisemblable et, en ce cas, Pascal nous aurait trompé dans sa diatribe. Quant à l’au- thenticité des lettres, elle ne peut être niée puis- qu'elles ont été publiées du vivant même de leur auteur, dans un ouvrage dédié à Fermat, son ami. Or, même quand on a relu, commeje viens de le faire, les pièces du procès, il devient indubitable que la discussion de M. Bertrand est d’une logique absolue et qu'il est impossible de trouver d’autres explications que les siennes. « Il serait cruel, dit Condorcet, d'être obligé de soupconner Pascal de mauvaise foi.» Sans doute. Mais comment faire autrement, surtout quand les contemporains ont déjà donné l'exemple ? Car, et je me permets d'appeler sur ce point l'at- tention de M. Bertrand, les contemporains n’ont pas toujours eu à se féliciter des procédés de Pas- cal. L'histoire de la roulette nous en offre déjà un exemple. C’est Torricelli qui est ici en cause. Pascal l'accuse d’avoir publié récemment , sous le nom de Galilée, le problème de Roberval, dont il avait trouvé la copie dansles papiers du savant florentin. « M. de Roberval, ajoute-t-il, s'en plaignit à Torri- celli, par unelettre qu'il lui écrivit la même année; etle P. Mersenne, en même temps, mais encore plus sévèrement, lui donnatant de preuves et im- primés, etde toutessortes, qu'il l'obligea d’y donner la main et de céder cette invention à M. de Rober- val ». Voilà, cette fois une accusation de plagial nettement formulée. Or, Pascal calomnie ici Torri- celli; M. Bertrand, qui rapporte ce passage, le déclare en termes formels : (Qui ne croirait, dit-il, que Pascal a vu ces lettres? Il n’en est rien, Elles ont été publiées et ne prouvent rien de contraire à la bonne foi de Torricelli. Roberval, écrivant à Torri- celli, n’a pas l'impertinence de l’accuser de plagiat, et Torricelli, répondant à des réclamations expri- mées en termes courtois, accepte avec politesse les assertions de Roberval sans avoir à défendre sa loyauté. » Pourquoi, alors, cette acrimonie contre Torricelli ? Probablement parce que Pascal ne peut lui pardonner d’être obligé de partager avec lui la gloire des expériences relatives à la pesanteur de” l'air. Le ressentiment date de loin ; quand Pascal, si l’on en eroit le texte reproduit par Bayle, publia la relation de ses premières expériences baromé- triques, il y parla vaguement d’une certaine inven- tion italienne, et ne prononça même pas le nom de Torricelli. « Cette suppression apparente du nom d’une personne que M. Pascal préférait d’ailleurs à tous les géomètres de l’antiquité, donna lieu à quel- ques-uns de le soupçonner d’avoir voulu se rendre plagiaire de Torricelli. » (V. Bayle, Dicé. Crit. au mot Pascal.) Objectera-t-on, comme on l'a déjà fait, que le nom de Torricelli pouvait ne pas avoir pénétré encore en France. Soit. Mais celui de Descartes y était assurément connu. Or, comme chacun sait, Descartes à toujours dit et répété à qui voulait l'entendre que l'idée de l'expérience du Puy-de- Dôme était sienne : « Ce fut moi qui le priai, deux ans auparavant, de la vouloir faire et qui l’assurai du succès, comme étant entièrement conforme à nos principes, sans quoi il n’eût eu garde d'y penser, étant d’une opinion contraire. » (Voir les divers témoignages rapportés par Bayle.) Qui nous trompe? À moins d'accuser aussi Descartes de mauvaise foi, ce qui finirait par faire passer le monde savant du xvu° siècle pour un bien étrange monde, il faut avouer que Pascal garda encore une attilude singulière devant cette revendication réitérée à laquelle il n’a jamais répondu. Tout cela su, il devient aisé de reconstituer avec quelque probabilité l’histoire véritable de la cy- eloïde, etje soumets en toute humililé mon essai de reconstitution au jugement de M. Bertrand. Pascal, — comme, hélas! la plupart des hommes de génie, — était un esprit allier, ombrageux, très jaloux de sa suprématie. En 1658 il trouve sa solu- ion des théorèmes de la roulette. Un savant mo- deste eût publié ses résultats sans fracas et ne se serait pas amusé à donner à ses confrères trois mois pour en faire autant. Lui, point : il les défie. Evidemment puisqu'il a ses solulions en porte- feuille, ce concours ne peut lui servir qu'à bien leur montrer à tous sa supériorité. Et, dès le com- mencement, il dispose tout pour atteindre ce but, coûte que coûte. Quand le P. Mersenne proposa aux géomètres l’étude de la cycloïde, il leur donna un délai d'un an. Pascal au contraire ne leur accorde que trois mois. Tous réclament, surtout ceux de l'étranger qui ont besoin de plusieurs semaines au moins pour faire voyager leurs manus- crits jusqu'à M. de Carcavi. Il leur répond que la difficulté des transports ne le regarde pas, et de la sorte en évince un bon nombre.(Œuvwres de Pascal, édit. Hachette, in-12, t. II, p. 329.) De plus il se livre à des distinctions si subtiles sur les erreurs de méthode qui compteront et les erreurs de calculs qui ne compteront pas, qu'il pourra ensuite ergoter tout à loisir sur la valeur des communica- tions. (Zbid. t. II. p. 330.) On se débarrasse aisé- ment de Wallis en lui reprochant d’être incomplet, bien que celui-ci proteste et s’estime mal jugé. Mais il faut aussi écarter Lalouère et, pour y parvenir, on commence à chercher un biais. D'abord, sous prétexte que M. de Carcavi est absent, on ne se met à examiner les manuscrits que le 24 novembre. Puis, dès le 1*" octobre, Pascal, qui devait publier aussitôt ses solutions, annonce qu'il ne les fera connaître qu'après le 1% janvier. C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE 133 Pourquoi cet atermoiement? Parce que, répond Pascal, « je voulais montrer parfaitement que le P. Lalouère ne pouvait rien qu'après moi » (Zbid., p. 355), c'est-à-dire n'avait pas de solution et attendait la publication des théorèmes de Pascal pour se les approprier. Notez que le P. Lalouère aurait tout aussi bien pu dire que c'était Pascal qui attendait son travail pour en tirer profit. Mais en tout cas la raison donnée par Pascal est si peu la bonne que M. de Carcavi ne la connaît pas et en donne une autre : le désir de prolonger le con- cours. (Zbid., p. 363.) Bref, l'affaire est trainée en longueur, le débat s'use, l'attention publique s’en détourne et Pascal — cunetando restituit rem, aurait dit Ennius — reste maitre du terrain. Raoul Rosières. LA FAUNE PÉLAGIQUE On comprend sous le nom de Faune Pelagique l'ensemble des animaux qui peuplent les vagues de la haute mer; on les distingue ainsi des habitants des rivages, et de ceux qui sont descendus jusqu’au fond des océans. I Le plus grand nombre des êtres vivants se trouve sur les rivages de la mer, depuis la limite extrême où s'arrêtent les vagues, jusqu’à la profondeur où la lumière devient trop faible pour permettre le développement d'une végétation indépendante. Dans cette zone côtière, aux conditions variées, les formes animales se sont diversifiées à l’ex- trème. De nombreuses espèces herbivores broutent les prairies de la mer, et servent de nourriture à des espèces carnivores, qui sont elles-mêmes la proie d’autres animaux mieux armés. D'autres encore, non moins utiles, trouvent leur subsis- tance dans les matières animales ou végétales en décomposition ; et d'’humbles commensaux mettent à profit les moindres restes de l'immense et perpé- tuel festin. - Variable avec les climats, avec les conditions particulières que présentent la mer et le sol, cette faune côlière a produit les deux autres : la faune abyssale et la faune pélagique. Ces deux dernières, adaptées à des conditions bien spéciales, mais pour chacune assez uniformes, présentent par suite, l’une et l’autre, des lacunes fort nombreuses : mais elles diffèrent surtout par un caractère im- portant. La lumière la plus vive des jours les plus clairs ne pénètre point dans la mer au delà d’une certaine profondeur. MM. H. Fol et Sarazin ont observé qu'au mois d'avril, en plein midi, une plaque photogra- phique d’une sensibilité extrême cessait d'être im- pressionnée entre 390 et 400 mètres. Aussi, bien que les naturalistes de la Plankton-Expedition aient recueilli, entre 1.000 et 2.200 mètres, de nombreux exemplaires vivants d'une pelite algue pélagique, l'Halosphæra viridis, À est, dans l’état actuel de la science, impossible d'admettre qu'ils se soient développés à ce niveau; car la chlorophylle ne se produit pas dans l'obscurité. Par suite, les rares formes végétales qui habitent réellement les profondeurs doivent vivre, à la manière des ani- maux, de composés organiques déjà formés (1); et la faune des abimes ne saurait comprendre que des carnivores, occupés à s’entredévorer, ou bien des êtres vivant des débris que les courants et les tempêtes leur apportent des rivages; et, bien plus encore, de ceux que la faune et la flore pélagiques laissent tomber, comme une manne inépuisable, sur le lit des océans. A la surface, au contraire, le cycle de la vie organique est complet; et l’on trouve dans la faune pélagique un nombre considérable d'herbi- vores, qui vivent aux dépens de végétaux prove- nant sans doute comme eux originairement des rivages, et comme eux adaptés à ce mode particu- lier d'existence. Ces végétaux pélagiques sont, en certaines régions, extrèmement abondants. En quelque point que l’on traine un filet de gaze à la surface des océans, on peut être à peu près sûr d'y rencontrer des Diatomées. Ces algues pullulent tellement dans les hautes latitudes, qu’elles peuvent, sur de vastes espaces, changer la couleur de l'eau, teindre les glaces de leurs débris, et couvrir le fond de la mer de leurs carapaces siliceuses. | Dans la zone tropicale, leur rôle est en grande partie joué par d’autres algues inférieures, sur- tout des Oscillariées du genre Trichodesmium. En traversant la mer d'Arafura, entre le détroit de Torrès et les îles Arou, le Challenger a rencontré un immense espace tellement peuplé de ces végétaux que, sur toute l'étendue de l'horizon, la mer en (1) On admettait, en effet, jusqu'ici, que la chlorophylle, on matière verte des plantes, était seule capable de prendre, sous l'influence des radiations lumineuses, le carbone de l'acide carbonique, libre dans lair ou dissous dans l’eau, et de le faire entrer dans des molécules organiques complexes. Les théories les plus généralement acceptées peuvent être remises en question. C’est ce qui s’est produit pour celle-là, depuis que ces lignes ont été écrites. Sans nous prononcer à cet égard, nous devons renvoyer le lecteur à l’article de M. Louis Olivier paru dans cette Revue, le 30 mai : La synthèse de la matière organique sans chlorophylle ni lumière. 434 C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE était décolorée, Les rayons verticaux du soleil, tombant sur ces minces filaments, semblables à du foin coupé, les faisaient briller comme des pail- lettes de mica ; et l’on sentait une forte odeur, ana- logue à celle qui s’exhale des marécages. « Le capitaine Cook, dans son troisième voyage, remarque que les matelots donnent à ces végétaux le nom de sure de mer », nous dit Darwin, qui les a lui-même observés avec soin pendant le voyage du Beagle, et les signale comme fort communs, surtout dans les mers qui avoisinent l'Australie. De même Freycinet traversa, près des Philip- pines, une nappe d’eau teinte en rouge par des myriaces d'algues microscopiques; et, sur les côtes occidentales de Ceylan, ces eaux rouges s’ob- servent presque régulièrement pendant la mousson du Sud-Ouest. La mer Rouge présente quelquefois aussi, sur de vastes étendues, une coloration intense due au 7richodesmium erythræum; et c'est l'explica- tion la plus acceptable que l’onaitencore proposée du nom qu'elle porte depuis l’origine de notre histoire. Parfois, dans ces marais flottants, des Diatomées se mêlent à des Oscillariées età d’autres algues infé- rieures; mais ce ne sont pas seulement ces hum- bles végétaux qui peuvent ainsi vivre à la suface des mers. Tout le monde connait, au moins de nom, les Sargasses de l'Atlantique, qui ont tant ef- frayé jadis les marins de Colomb, et sans doule été l’origine de la fable de l’Atlantide. Le Fucus ve- siculosus, Si commun sur nos côtes, peut aussi vivre en liberté, comme le Raisin des Tropiques ou Sur- gassum bacciferum; et le Macrocystis pirifera, algue géante de l'Océan austral, qui peut atteindre plus de 200 mètres de longueur, flotte souvent bien loin de toute terre. Cependant ces algues croissent également alta- chées aux rochers des rivages; et ce n’est même que dans cette condition qu’elles produisent des spores, Peut-être quelques-unes de ces spores, entrainées en haute mer, peuvent-elles se dévelop- per sans fixalion ; mais quoi qu'on en ait dit, le fait est loin d’être démontré; et l'origine des plantes libres doit être plutôt attribuée à la fixation sur des galets ou des fragments de rochers. Lorsque l’al- gue atteint une taille suffisante, les flotteurs dont elle est munie lui donnent la force d'emporter la pierre; et Darwin a vu des Macrocystis en charrier ainsi de tellement lourdes qu’un homme avait peine à les soulever. Devenues pélagiques, ces plantes ne font plus que s’accroitre et se multiplier par division. Ceci n'implique pas, comme on pour- rait croire, une diminution, mais au contraire un accroissement d'énergie vitale. Chez les êtres qui possèdent les deux modes de multiplication, la re- production agame se poursuit fréquemment tant que les conditions d’existence sont favorables, et la nourriture abondante; tandis que, dans le cas contraire, on voit intervenir aussitôt la reproduc- tion sexuée. C’est là une règle observée aussi bien chez les animaux (Phylloxera par Keller, Infusoires ciliés par Maupas) que chez les végétaux (Entomo- phthorées par Eidam). Il ne faut donc pas s'étonner que, rien que par la reproduction agame, la pullu- lation de ces algues flottantes puisse être énorme, comme on le voit surtout pour les Sargasses. Elles forment alors, dans les remous des grands courants marins, des prairies immenses dont les plus con- nues sont la mer des Sargasses de l'Atlantique, et celle qui se trouve dans le nord de l'Océan Paci- fique. Pour ces grandes algues du moins, il ne saurait donc être douteux qu'il s'agisse d'individus prove- nant des rivages, et qui, emportés à la mer, ont conservé la faculté de vivre et de prospérer dans ces conditions nouvelles d'existence. Et c’est préci- sément de cette même manière que l'on peut s'expliquer l’origine d’une grande partie de la faune pélagique. Qu'ils soient libres mais sédentaires, enfouis dans le sable ou la vase, ou fixés aux rochers comme les algues, presque tous les animaux ma- rins présentent en effet au cours de leurexistence, au moins une phase, parfois éphémère mais cons- tante, de vie indépendante et active. Pour le plus grand nombre, cette phase corres- pond seulement à l’état larvaire; la dissémina- tion de ces larves répond à celle des spores des végélaux inférieurs, et des graines des phanéro- games.Chez d'autres animaux, les formes larvaires ne sont plus seules actives et mobiles; parfois même elles ne le sont plus. La phase indépendante comprend souvent alors la période de maturation sexuelle; etce qui n’est, somme toute, qu'un perfec- tionnement de la dissémination si fréquente des produits génitaux, correspond à la dispersion plus limitée des anthérozoïdes des végétaux inférieurs et du pollen des phanérogames dioïques. Ces formes sexuées et ces larves se rencontrent “engrand nombre dans les filets de gaze que l’on promène à la surface de la mer à proximité des ri- vages, et constituent la majeure partie des récoltes auxquelles on donne fréquemment, mais à tort, le nom de pêches pélagiques, comme si lous les êtres nageurs étaient par cela même adaptés à la vie en mer libre. Elles sont toutes, en réalité, expo- sées à se trouver entrainées au large par les cou- rants: et nul doute que cela se produise châaque jour pour un nombre immense d’entre elles. Alors, tandis que des myriades périssent, d’autres mieux favorisées peuvent sans doute subir un commence- ment d'adaptation qu'elles transmettront à leur C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE 435 descendance ; et tout amène à penser quec’est bien là l’histoire ancestrale de la plupart des formes pélagiques actuelles. ce Cette adaptation à la vie pélagique peut se faire de deux manières différentes. La plus fréquente dans le monde animal est le développement d’ap- Fig. I. Macrocystis pirifera (Agardh), très méduite. B, un des flotteurs (grossi); C, le mème, naturelle; f, sac à air. — IV. Sargassum J, flotteurs. - pareils locomoteurs servant au transport aclif, ou leur conservation chez l’adulte s'ils existaient chez la larve; mais il peut apparaître aussi des disposi- tions fort diverses qui rendent possible le transport passif; les deux genres d'organes peuvent du reste coexister, ou se remplacer l’un l’autre d’une manière complète, comme j'en donnerai tout à l'heure un exemple dans un seul et même groupe, celui des Siphonophores. Les appareils locomoteurs peuvent être de types très variés. Ce sont, chez les Vertébrés, des na- geoires puissantes, construites sur un modèle assez uniforme, qu'il s'agisse des Cétacés, des Tor- tues ou des Poissons. Pour les Invertébrés, ce sont des queues aplaties chez les Appendiculaires, des lames membraneuses chez beaucoup de Mollusques, des rames chitineuses, de constitution du reste 1. — VÉGÉTAUX MUNIS DE FLOTTEURS. — Il. Urricularia vulgaris (L.). A, portion de la plante, de coupé verticalement. — IT. Fucus vesiculosus (L.), portion bacciferum (Agardh). A, touffe étalée, réduite; B, rameau, grandeur naturelle; RAIeRE naturelle ; e fronde, grandeur fort différente, chez les Crustacés et les Anné- lides; des cloches contractiles chez les Cœlen- térés; et parfois d’autres dispositions encore plus singulières, dont nous aurons tout à l'heure à si- gnaler quelques-unes. Enfin, chez divers types de Protozoaires, et presque toutes les larves, sauf celles des Arthropodes, ce sont des prolongements ténus du protoplasme, minces filaments animés d’un mouvement rythmique, et que l'on nomme des fouets ou des cils vibratiles. 436 Dans le règne végétal cette variété d'appareils n'existe pas : comme agents de locomotion ac- tive, on ne peut mentionner que des cils vibraliles, en tout semblables du reste à ceux des animaux, et qui se rencontrent sur les anthérozoïdes et les spores des végétaux inférieurs. Le transportpassif a pouragents les mouvements des eaux ou de l'air, ou bien encore la fixation plus ou moins permanente à des êtres, ou même à des objets flottants. Je ne veux que mentionner ici ce dernier mode de transport, que rien ne dis- tingue de ce quise passe à terre ou sur les rivages. Fig. 2: ‘C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE de l’atmosphère sur le transport des êtres marins demeure du reste tout à fait exceptionnelle, et nécessite la présence d’un appareil flotteur qui maintienne une partie de l'organisme au-dessus de la surface de la mer.Sans être aussi nécessaires au transport passif par les eaux, ces appareils flotteurs le facilitent beaucoup. Par suite, lorsqu'ils sont bien développés, on constate la réduction ou la dispari- tion des organes locomoteurs. L'animal se trouve alors presqu'aussi complètement à la merci des courants que le sont les végétaux’ dont nous parlions tout à l'heure, et qui flottent du reste — ANIMAUX MUNIS DE FLOTTEURS. I. Actinie (Dactylominyas flava. Les.). — II et III. Siphonophores : I. Physalia utriculus (Esch.); II. Porpita mediterranea (Esth.). À, vu de côté; B, le disque, ou flotteur, vu en dessus. — IV. Mollusque gastéropode (Janthina fragilis, Lamk.), A, Panimal et son radeau, vus de profil; 0, les œufs; B, Janthine construisant son radeau (d’après Lacaze-Duthiers); e, coquille ; », tête de l’animal; p, son pied, embrassant une bulle d'air b, qu’il va ajouter au radeau r, dont une partie seulemens est représentée. Sans doute, l'Anatife qui se fixe aux bois flottants ou aux pierres ponces, la Tubicinelle et la Coronule qui s’enfoncent dans le cuir des Baleines, comme le Cyame qui se cramponne à sa surface, font par- tie dela faune pélagique, au même titre que tous les êtres qui vivent dans les prairies flottantes des sargasses comme ils vivraient parmi les algues des rivages. Mais, forcé de restreindre dans des limites assez élroites le cadre de cette étude, je m’attache- rai de préférence aux dispositions organiques qui permettent aux animaux de mener, à la surface de la mer, une vie libre et indépendante. Celles qui rendent possible le {ransport passif par les eaux, et surtout par les vents, sont dignes d'un grand intérêt, L'action directe des courants grâce à une disposition essentiellement semblable. Des appareils flotteurs existent en effet dans le règne végétal. Ils peuvent tirer leur origine de parlies fort diverses; mais ce sont toujours de petites poches remplies de gaz, comme on le voit par exemple chez les Utriculaires et les Jussieua des eaux douces, et parmi les espèces marines, pour ne citer que les algues dont nous avons parlé, chez le Fucus vésiculeux, la Sargasse et le Hacro- cysths. Ces poches à air se retrouvent, dans le monde animal, chez plusieurs groupes de Siphonophores ; et pour certains d’entre eux, comme les Physalies. la vessie peut atteindre un volume considérable. Le flotteur des Actinies pélagiques est de même C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE 437 . nature, bien que morphologiquement différent ; le radeau de la Janthine joue également le même rôle. Chez les Vertébrés aussi, il existe très fré- quemment un flotteur, constitué chez un grand nombre de poissons par une vessie natatoire, et chez les animaux à respiration aérienne (Cétacés et Reptiles) par des poumons fort développés. Pour aider l'action de ces flotteurs ou rendre moins grand le déploiement de force nécessaire aux appareils locomoteurs, le corps, en général, s'allège autant que possible. Chez les Cétacés, ce résultat est principalement obtenu par le dévelop- pement d’un énorme panicule graisseux, qui a également pour effet de s'opposer à la déperdition de la chaleur. Chez les invertébrés, on voit souvent le corps se gélifier, au point que sa densité n’est plus que de fort peu supérieure à celle des eaux de la mer :et c’est encore l'explication la plus géné- rale que l’on puisse donner de la transparence ex- trème que l’on constate chez un si grand nombre d'êtres appartenant aux groupes les plus divers. Il est sans doute diflicile d'éliminer absolu- ment des causes de cette transformation remar- quable le mimétisme (1) et les avantages qu'il entraine ; mais, ilfaut pourtant remarquer que la plupart de ces animaux si transparents possèdent des parties teintées de couleurs fort vives, soit quelques viscères, soit tout au moins, chez tous les animaux qui en sont pourvus, les organes visuels, où la présence d’un pigment est du reste indis- peusable. De même que le squelette des Oiseaux bons voiliers s’est pneumalisé, c'est-à-dire creusé de cavités remplies d'air, qui diminuent de beau- coup sa densité sans nuire à sa résistance, celui des Cétacés, devenu semblable en cela comme par d’autres caractères à celui des Poissons osseux, est formé par un tissu lâche, spongieux, à grosses mailles, imprégné de graisse liquide; et, si les Sélaciens, qui sont toujours dépourvus d'appareil flotteur, ont néanmoins des espèces pélagiques, il est bon de remarquer que le squelette cartilagineux des animaux de ce groupe pèse relativement fort peu. La calcification en- traine nécessairement une augmentation de densité. Aussi les Cœlentérés chez lesquels elle se manifeste cependant d'une manière si fréquente, ne sont-ils représentés à la surface des mers que par des formes absolument dépourvues de tout squelette pierreux. Les Echinodermes (Oursins, Étoiles de mer, etc.) dont les tissus ne tardent pas à s’imprégner de calcaire, n’ont pu fournir aucune (1) On nomme ainsi la ressemblance que, sous l'influence de la sélection, l'organisme acquiert avec le milieu (inerte ou animé) où il vit, et grâce à laquelle il échappe à ses enne- mis. REVUE GÉNÉRALE, 1890, forme à la faune pélagique, toutes leurs larves étant entrainées au fond dès que la calcification commence à se développer. Les Mollusques, eux aussi, sécrètent une substance calcaire; mais elle ne pénètre pas tous les tissus, et ne forme au corps qu'une enveloppe adventice plus ou moins par- faite. On conçoit donc que cette coquille ait pu diminuer beaucoup de densité, se réduire même parfois à la matière organique qui sert normale- ment de gangue aux calcifications : ou disparaitre enfin, sans laisser la moindre trace chez l'adulte. Les considérations que nous venons d'exposer permettent d'expliquer l’origine d’une grande partie de la faune pélagique; mais il faut cepen- dant y joindre une cause sans doute fort active, et partout présente dans le monde organique, je veux dire la concurrence vitale. Elle seule à pu chasser jusqu’au milieu des océans des êtres aussi nette- ment adaptés à la vie terrestre que les Mammifères, les Oiseaux, et les Insectes. Sans doute aussi son action s’est étendue à bien des êtres marins chez lesquels elle ne se trahit pas avec autant d'évi- dence; et c'est en cédant la place à des concur- rentes mieux adaptées aux conditions de la vie côtière, que certaines espèces ont commencé l’exis- tence pélagique; tandis que d’autres, poussées par la même loi, s’en allaient peupler le fond des mers. On comprend ainsi qu'un très grand nombre de formes diverses puissent faire partie de la faune de surface; et nous devons maintenant exa- miner principaux types qu'a fournis à cette faune chacune des grandes classes du règne animal. les III Les Verlébrés n'y sont guère représentés, à l’époque actuelle, que par des Mammifères, des Oiseaux et des Poissons. S'il est encore des Reptiles qui vivent à la mer, et que l’on rencontre assez souvent très au large, comme certains Hydro- phides parmi les Serpents et plusieurs espèces de Tortues, on ne saurait toutefois les considérer comme absolument pélagiques; c'est-à-dire vivant toujours en haute mer. Les grands Enaliosauriens de l’époque secondaire, qui menaient ce genre d'existence, n’ont pas laissé de postérité; et leur rôle est joué, depuis les dernières époques géolo- giques, par les divers types de Cétacés pisciformes. Ces Mammifères, dauphins et marsouins, cachalots ou baleines, se sontcomplètement adaptés à la vie pélagique et présentent, surtout dans leurs appa- reils respiratoire et circulatoire, des dispositions fort remarquables. Mais, sans doute, ils ont dû pendant longtemps revenir au rivage, comme le font encore de nos jours les Phoques et les autres Pinnipèdes, avant de pouvoir élever leurs petits même en pleine mer. 14** 438 C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE Les Oiseaux en sont encore là. Le nid flottant de l’Alcyon n'est qu'une poétique légende ; et ceux de ces animaux qui se sont le mieux adaptés à la vie marine vont encore pondre à terre, comme les Tortues dont nous parlions tout à l’heure. Mais, à part cela, tous les Péfrels, de l'Albatros au minus- cule Thalassidrome, font absolument partie de la faune pélagique, pouvant voler des journéesentières sans se reposer, et dormir la nuit sur les vagues. La plupart des Poissons vivent au fond de la mer, surtout le long des côtes. Au large, on ren- contre relativement fort peu de ces animaux. Il faut cependant faire exception pour divers genres de l’active et puissante famille des Squales, surtout parcourir dans l'air des trajets assez considé- rables, et parfois, entrainés par les vents, venir tomber en grand nombre sur le pont des navires. Contrairement à ce qu'on a soutenu, les nageoires pectorales sont alors animées d’un mouvement vibratoire, que j'ai constaté comme les naturalistes du Challenger et du Talisman. Fort justement, à mon avis, M. Moseley compare ce vol à celui d’un grand nombre de sauterelles, qui utilisent également une forle impulsion première, entretenue par la réac- tion de l’air sur les ailes, et qu’elles peuvent main- tenir pendant un temps limité. D’autres poissons, moins bons nageurs, peuvent cependant aussi ha- biter la haute mer en se servant de movens arti- Fig. 3. — TuniciERs. . Ciona intestinalis (L.). Ascidie des rivages, fixée. — II. Les deux formes d’une même espèce de Salpe : A, forme isolée Salpa democratica (Forsk.) ; B, forme en chaine, Salpa mucronata (Forsk.). — III. Salpa zonaria (Pall.). Fragment de chaine, comprenant cinq individus. — IV. Pyrosoma giganteum (Les.). Fragment de coupe radiale du manchon, passant par trois ascidiozoïdes. On voit, en outre, sur la gauche, qui correspond à la face extérieure du cylindre, les extrémités de plusieurs autres, à divers degrés de développement. — V. Appendicularia sicula (Fol.). A, l'animal dans sa coquille, vu de profil. B, l'animal isolé, vu de face. — C, l'animal isolé, vu de profil. — Les flèches indiquent partout la direction des courants respiratoires. pour ceux qui atteignent une grande taille : Car- charias, Rhinodon, Carcharodon, etc. Un autre groupe important de Sélaciens, celui des Raies, qui se compose surtout d'habitants des fonds, a pourtant aussi quelques grandes espèces péla- giques, comme les Myliobates et les Céphaloptères. La puissance extrème de leur musculature permet à tous ces animaux de se passer de la vessie nata- toire dont sont pourvus la plupart des Poissons osseux qui mènent la même existence, et qui, presque tous, appartiennent à la division des Phy- soclistes, ou poissons à vessie nataloire close. Les plus remarquables d’entre ceux-là sont les Thons, les Espadons, les Coryphènes et les Naucrates ou poissons pilotes, compagnons ordinaires des grands Squales. Tous sont aussi d'excellents nageurs; le développement des nageoires pectorales est même assez considérable chez deux types fort différents, l’'Exocet et le Dactyloptère, pour que ces poissons volants puissent quitter leur élément naturel, ficiels de soutien. Tels sont le Remora, qui se fixe par une curieuse ventouse au corps des gros pois- sons, surtout des Squales, et l’Antennarius, qui sait se faire un nid en reliant ensemble, par un cordon gélatineux, les touffes flottantes des Sargasses. IM Mais la faune pélagique est surtout riche en Invertébrés. C’est parmi ces êtres que l’on ob- serve les adaptations les plus variées, les couieurs les plus remarquables, depuis la transparence du cristal jusqu'à l’éclat des pierreries les plus bril- lantes; presque dans chacun de leurs groupes se rencontrent des formes étranges et splendides, qui justifient presque le lyrisme des descriptions qu'on en a données. Les Tuniciers (fig. 3), que nombre d'auteurs pla- cent immédiatement à côté des Vertébrés, sont principalement représentés dans cette faune par le groupe des Z'haliacés, qui nous offre à considérer C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE 439 un curieux mode d'adaptation. Les Ascidies des rivages, qu'elles vivent isolées ou réunies en colo- nies plus ou moins compactes, sont toujours de petits sacs munis de deux tubes ou siphons, placés à côté l'un de l’autre, et dirigés à peu près dans le même sens. L'eau nécessaire à la respiration de l'animal, et qui charrie aussi les particules nutri- tives, entre par l’un et sort par l’autre. Un être ainsi fait (fig 3,1) est évidemment incapable d’une natation active; mais il suffit, pour la lui permettre, d'une modification bien légère. I1 n'est, en effet, besoin que de disposer les deux siphons dans deux directions opposées. L'eau aspirée par l’un sort également par l'autre, après avoir lraversé une sorle de tonneau sans fond qui renferme, dans ses parois mêmes, à peu près tous les organes de l'animal, sauf quelques appareils réunis en un nucleus ordinairement paré d’une brillante couleur. Les cercles du tonnelet de cristal sont représentés par des groupes de muscles annulaires, dont la contraction successive détermine la progression du corps par la réaction de l’eau. Aussi a-t-on donné le nom de Doliolum à l’un des genres des Tha- liacés; mais les plus connus, et surtout les plus répandus, appartiennent à la famille des Salpes (fig. 3, Il), qui a fourni le premier exemple bien observé de ce que l’on désigne souvent encore sous le nom de génération alternante. Ges animaux, comme beaucoup des Cœlentérés dont nous parlerons tout à l'heure, se présentent en effet sous deux formes. L'une, isolée (A), bourgeonne une double file d'êtres un peu différents d'elle-même, mais parfaite ment semblables entre eux (B). Chacun de ceux-ci porte un œuf, ordinairement unique, dont la gestation lui est confiée, mais qui, en réalité, n'est point pro- duit par lui-même. Cet œuf donne naissance à un nouvel être agame. Après sa mise en liberté, les salpes femelles ou pseudo-femelles développent des produits mâles, qui s’en vont féconder les œufs portés par une autre chaine. Chacun des agames bourgeonne successivement un grand nombre de ces chaines (fig. 3, III), qui peuvent atteindre une longueur considérable, et nager rapidement, par l'effet des contractions simultanées de tous les animaux qui les composent. Le cycle des Doliolum est encore plus compli- qué ; mais la taille de ces animaux reste toujours iort petite, tandis que celle des grandes Salpes peut atteindre jusqu'à 25 à 30 centimètres (pour la forme solée de la Salpa maxima), On voit que ces animaux doivent pulluler d'une façon prodigieuse. La mer en est parfois couverte sur de vastes espaces ; et du reste il suffirait pour s'en faire une idée de voir les masses que peut amener sur les côtes une seule tempête. Aucommencement de l’année 1881 le port d'Alger et les eaux avoisinantes en furent telle- ment remplis, que les pêcheurs durent pendant quelques jours renoncer à se servir de leurs filets, immédiatement encombrés par cette gelée vivante. Chez les Pyrosomes, les Ascidiozoïdes, au lieu de demeurer isolés ou de rester unis en longues chaines, se pressent les uns contre les autres de manière à former un manchon, clos à l’une de ses extrémités, el qui peut atteindre jusqu'à 2 mètres de long sur 0 m. 20 de diamètre. Chacun des êtres qui composent la colonie possède un nucléus d’une magnifique couleur de rubis, tandis que tout le reste de son corps est d’une transparence absolue. Les orifices d'entrée de l’eau sont à la surface exté- rieure, les orifices de sortie à l’intérieur du man- chon. Mais les corps, pressés les uns contre les autres, ne jouissent plus d’une contractilité pareille à celle des Salpes ; el ce sont presqu'exclusivement les courants respiratoires qui entrainent ientement la colonie tout entière, dans le sens de son extré- mité close (fig. 3,1V). On voit que Pyrosomes et Salpes, bien que fort différents, se sont cependant adaptés à la vie pélagique par une modification essentiellement de même nature. Quant aux Appendiculaires, dont la taille est toujours fort réduite, il leur a suffi de conserver la queue aplatie que possèdent les larves de presque toutes les ascidies simples ou compo- sées (fig. 3, V); el nous voyons ainsi que des ani- maux du même groupe peuvent arriver au même résultat par des dispositions fort diverses. Si des considérations tirées de l’embryogénie tendent à placer les Tuniciers dans le voisinage immédiat des Vertébrés, au point de vue de la per- | fection de l'organisme ce sont certainement les Arthropodes qui se rapprochent le plus des ani- maux supérieurs. Ils sont représentés en haute mer par des types appartenant à leurs deux classes principales : les Crustacés et les Insectes. Ces derniers, manifestement adaptés à la vie aérienne, n'ont qu'un genre dont les habitudes soient nettement pélagiques. Sans doute on pour- rait assez souvent, comme l’a fait le naturaliste du Beugle, rencontrer au large, et bien vivants encore, des insectes habitués à vivre dans les eaux douces et que les courants auraient emportés à la mer ; mais ce ne seraient là que des faits accidentels ; et rien ne prouve que ces animaux puissent subsister longtemps dans des conditions si nouvelles. Au contraire les Halobales vivent entièrement à la mer ; ils se trouvaient très fréquemment dans les filets de gaze des savants du Challenger. Ces Insectes, qui portent leurs œufs attachés à leur corps, ne vivent point à proprement parler dans la mer, mais sur la mer ; ils ne nagent point comme certains de nos insectes d’eau douce, mais marchent sur les 440 C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE eaux comme les Gerrys (fig. 4, l)et les Hydromètres dont tout le monde a pu contempler les ébats sur les rivières et les flaques d’eaux tranquilles; ils doivent se ranger tout près d'eux dans la famille des Hémiptères. Les Crustacés pélagiques appartiennent à des types fort divers. Les plus élevés en organisation, les Décapodes, sont plutôl organisés pour la marche que pour la natation. À l'exception de ceux qui habitent les prairies d'algues flottantes et trouvent ainsi où se reposer, ces animaux ne vivent guère à la surface que pendant une période plus ou moins longue de leur vie larvaire. Mais, surtout il est vie entière à la surface; mais ces animaux, assez mal organisés pour la natation, se logent en para- sites dans les Méduses, les Salpes ou les Pyro- somes, comme les Hypéries et les Vibilies ; ou bien encore, comme les Phronimes (fig. 4, V), dérobent aux Appendiculaires leur petit cylindre de cristal, dans lequel ils pondent et promènent leur jeune famille à la surface des mers. Mais les Crustacés pélagiques par excellence sont de petits êtres, à peine longs de quelques mil- limètres, qui nagent à l’aide d’une paire d'antennes énormément développées, et qui appartiennent au groupe des Cladocères e& surtout à celui des Copé- Fig. 4. Larve Zoé âgée (type de Zoé de brachyure). — III. Hippolyte varians (Leach.). Macroure du groupe des caridides — ARTHROPODES. I. Gerrys rufoscutellata (Latr.). Insecte hémiptère voisin des Aalobates ; mais les halobates sont aptères. — II. Cancer pagurus (L.). : À, larve Zoë; B,; larve mysidienne. — IV. Mysis vulgaris (Thomp.). Crustacé schizopode, — V. Phronima sedentaria (Forsk.), dans sa cloche. Crustacé amphipode. — VI. Calanella, crustacé copépode. vrai dans le voisinage des côtes, les larves Zoés des Crabes (fig. 4, ID), et plus encore les larves mysidiennes des Caridides (fig. 4, IIT, B) se ren- contrent en nombre tel, que nous ne saurions omettre de les signaler ici. Ces larves, dites mysi- diennes, doivent ce nom à la conformation de leurs pattes thoraciques, profondément bifurquées, et qui constituent des rames puissantes ; car cet état, transitoire chez ces animaux, est au contraire per- manent chez les Schizopodes, dont les Mysis (fig. 4, IV) sont le type le plus connu et le plus abondant. Aussi ces Crustacés, dont quelques uns cependant habitent les grandes profondeurs ou les rivages, se rencontrent-ils fréquemment à la surface, même assez loin de toute terre; les Mysis pullulent même en si grand nombre dans les parages du Groënland que, malgré leur taille de deux centi- mètres au plus, elles peuvent entrer pour une part importante dans l'alimentation des baleines. Quelques Arphipodes peuvent aussi passer leur podes (fig. 4, VI), un des plus anciens sans doule de la classe lout entière. Ilest bien rare que, par un temps calme, on puisse prendre seulement un verre d’eau à la surface de la mer sans qu'il s’y rencontre quelque copépode. Malgré leur petite taille, leur nombre est tel qu'ils jouent un rôle important dans la nourriture de la plupart des animaux pélagiques. Plus encore que celle des Mysis, leur multiplication peut être prodi- gieuse; et l’on en cile souvent pour exemple le Cetochilus australis, qui forme parfois dans les mers australes de véritables bancs, donnant à l’eau une couleur rougeàtre sur des bandes longues de plus d’une lieue. Les Annéliles, si nombreuses et si variées sur les côtes, n'ont qu'un petit nombre de genres vérita- blement pélagiques. Les formes sexuées des Sylli- diens et des Néréides, douées d'appareils nata- toires fort puissants, peuvent se trouver acciden- tellement entrainées au large, comme nous le D: A. CHARRIN. — LE CHOLÉRA EN ESPAGNE ET LES MESURES PROPHYLACTIQUES 441 disions plus haut; mais toutes les espèces qui pas- ! sent leur vie entière en mer libre sont comprises dans les deux familles des Phyllodocés et des Alciopes (fig. 5, I, Il); ou du moins s’y rattachent aisément, comme les Tomopteris. Ces dernières, presqu'entièrement dépourvues des soies chili- neuses caractéristiques des Annélides, nagent au moyen de larges lames membraneuses (fig. 5, IT); quelques microscopiques Æotifères, les singuliers petits êtres auxquels leurs brusques mouvements rectilignes ont valu le nom de Sagitta (fig. 5, IV), et la curieuse némerte à laquelle les naturalistes du Challenger ont donné celui de Pelagonemertes. Cette némerte (fig. 5, V), aplatie en feuille trans- parente, parait être seule à représenter en pleine mer le groupe des Rhynchocèles, de même que Fig. 5. — VERS PÉLAGIQUES. . Vanadis heterochæta (C. Vig.). Annélide chétopode, à rames formées de soies. — IT. Une rame isolée d’Alciope microcephala (C. Vig). — IT. Tomopteris Kefersteini (Greefl). Annélide chétopode à rames membraneuses ; a,une rame isolée. — IV.-Spa- della on Sagitta cephaloptera (Hertw.). — V. Pelagonemertes Rollestoni (Mos.); tr, trompe. — VI. Haplodiscus piger (Weldon). À, l’animal vu de dos; B, coupe longitudinale ; 4, bouche; ce, cerveau. mais toutes les autres portent, des deux côtés de chacun de leurs anneaux, un faisceau de soies grèles, qui peuvent se réunir en un étroit pinceau, ou s'épanouir à la volonté de l’animal, en lui four- nissant ainsi une rame des plus eflicaces. La plu- part de ces Annélides, toutes transparentes, sont de taille fort petite. Quelques Alciopiens acquièrent cependant des dimensions plus considérables ; l’Asterope candida atteint 0"25 de longueur. Parmi les autres animaux que l’on comprend sous le nom de Vers, nous citerons seulement, avec } l’Haplodiscus (fig. 5. VI), rétemment découvert, y représenterait seul celui des Plathelminthes. Deux autres types, bien énigmatiques, sont la Cæloplana et la Clenoplana, qui paraissent établir un passage entre les Planaires et les Cténophores; mais ces animaux sont encore {rop peu cqnnus pour que l’on puisse se prononcer à leur égard; et la parenté des deux groupes semble tout à fait problématique. Camille Viguier. Directeur de la Station zoologique à Alger. (La fin prochainement.) LE CHOLÉRA EN ESPAGNE ET LES MESURES PROPHYLACTIQUES Le choléra vient de faire une nouvelle appari- tion en Espagne. S'agit-il d'une importation récente, ou bien la maladie est-elle en quelque sorte née de ses cendres ? C'est là une question difficile à trancher. Une enquête minutieuse serait probablement impuissante, surtout dans cette Péninsule, à résoudre le problème. Il est certain que cinq années se sont écoulées depuis la dernière épidémie, et l’on admet généralement que, passé ce temps, il est nécessaire d'introduire à nouveau le germe de la contagion puisé à ses foyers endé- miques de l'Inde. Toutefois il n'est que juste d'avouer que, malgré les recherches actuelles, nos connaissances relatives à la durée et à la vitalité des virus sont encore fort embryonnaires. On ne peut, en tous cas, s'empêcher de réfléchir à deux faits : c'est que d’abord le fléau frappe les villages atteints en 1885; secondement personne ne connaît en Europe un foyer cholérique capable d’avoir con- La miné la province de Valence; personne jusqu'à ce jour n’a signalé le mode certain d'importation. Le gouvernement français s’est hàté avec juste raison de prendre les mesures utiles pour la pré- servation du territoire. Il est équitable de dire que son action a été prompte; voyons comment elle s’est exercée : Les chemins de fer rapprochant les distances, on à, avant toutes choses, établi des postes sani- taires à Cerbère et à Hendaye. Le personnel de ces postes se compose de docteurs en médecine direc- teurs, assistés d'étudiants empruntés pour la plu- part aux Écoles et Facultés du Midi. Des commis- 442 D: A. CHARRIN. — LE CHOLÉRA EN ESPAGNE ET LES MESURES PROPHYLACTIQUES saires de police spéciaux et leurs inspecteurs s'occupent de l'administration ; les diverses auto- rités, douane, gendarmerie, compagnies de che- mins de fer, municipalités, ont été invitées par les ministères dont elles dépendent respectivement à prêter le concours le plus empressé. Dans chaque poste existe un lazaret pourvu de lits en nombre variable suivant l'importance du passage. Ces lazarets sont munis de tous les médicaments et solutions antiseptiques prescrits par le Comité d'hygiène de France. Des aides entretiennent le ma- tériel et le local dans un état de propreté parfaite. Quand un train arrive, les voyageurs sont con- traints par la douane ou la gendarmerie à pénétrer tous sans exception dans l’intérieur de la gare, en passant par une porte unique; cette porte donne sur un couloir à l'extrémité duquel est placé un factionnaire ayant mission de faire défiler un à un chacun des voyageurs, qui passent alors devant les médecins. Ces médecins les examinent sommaire- ment en se préoccupant spécialement de l’état des voies digestives. Si quelqu'un leur parait souffrant, ils le retiennent pour l’examiner à nouveau et plus complètement; au besoin, ils ordonnent son trans- port à l’infirmerie, à l’aide d'un brancard. Si, au contraire, et c’est le cas le plus fréquent, les pas- sagers se portent bien, les médecins les laissent aller. Les voyageurs ont alors affaire aux ins- pecteurs du commissaire de police. À l’aide des papiers et des billets, ces inspecteurs établissent rapidement un passeport sanitaire mentionnant le nom de la personne, son point de départ et le lieu d'arrivée. Ce passeport doit être remis au maire de la localité dans laquelle se rend le voyageur, ou encore au préfet de police, s'il s'agit de Paris. Quiconque ne remplit pas cette formalité est passible de peines sévères édictées soit par la loi du 3 mars 1822, soit par de récents décrets; je dois ajouter qu'au moment où ils subissent la visite, les passagers peuvent prendre aisément connais- sance de toutes les prescriptions concernant le ré- gime sanitaire, prescriptions qu'on à pris le soin de faire afficher dans la gare. Néanmoins. pour que les choses marchent plus régulièrement et plus sûre- ment, un second passeport est dressé, et ce der- nier est expédié directement au maire à l'insu de la personne intéressée. Or, à l'arrivée de cette der- nière,le maire est tenu de lui envoyer pendant cinq jours un médecin. Dans le cas où le porteur du pas- seport descend avant d'arriver au lieu qu'il a fixé, les agents des compagnies, chefs de gare, chefs de trains, sont obligés de le signaler aux autorités. On doit considérer l'établissement de ce double passeport comme un réel progrès. Cette for- malité n'apporte aucune entrave à la libre circula- tion; elle ne cause pas un instant de retard. En revanche, si l’on tient compte du temps moyen qui s'écoule entre le moment où le voyageur quitte par exemple Valence et celui où il arrive à Clermont, Lyon, Paris, Orléans, on reconnait que la durée de la surveillance est de sept à huit jours. Si, en franchissant la frontière, ce voyageur était porteur du germe cholérique dans ses entrailles, sans ma- nifestation extérieure, si, en d’autres termes, le choléra était chez lui en incubation, cette sorte de mise en observation qu'il subit permeltra de re- connaitre le mal dès les premiers symptômes ; dès lors il deviendra plus aisé d'isoler le malade avec promptitude et de circonscrire le fléau. Lorsque les passagers ont recu leur passeport sanitaire, il leur reste encore une formalité à rem- plir. Ils sont contraints de déclarer au commissaire spécial tout linge ou tout objet contaminé qui peut se trouver dans leurs bagages ; le commissaire de police assisté de plusieurs aides procède d’ailleurs à la visite des malles. Cette opération n’entraine pas grand inconvénient, puisque Hendaye et Cer- bère sont des gares de douane. Les effets conta- minés de chaque personne sont réunis en paquet; à chaque paquet on fixe un numéro métallique dont on remet le double au propriétaire. Ces pa- quets sont immédiatement portés à une étuve Geneste-Herscher qui se trouve placée à quelques mètres seulement de la salle de visite. Cette étuve, grâce à la fixité des heures des trains, est prête à fonctionner à l'instant voulu, de sorte qu’en quel- ques minutes, les linges sales sont soumis à une température de 120°. On les rend immédiatement après, contre l'échange du numéro, à leur posses- seur qui peut constater facilement leur parfait état de conservation. Toutes ces opérations s’exécutent avec une grande rapidité, et l'arrêt réglementaire qui a lieu même en dehors des temps d’épidémie suffit, sauf exception, pour terminer la visite. Outre les postes des voies ferrées, quelques autres on élé établis sur des routes passant de France en Espagne, au Perthus, à Bourg-Ma- dame, ete. On aurail pu craindre, que pour échap- per aux visites de Cerbère et d’'Hendaye, les voya- geurs, après avoir quitté le train peu avant la frontière, ne cherchassent à pénétrer sur le terri- toire français en suivant une des voies de terre plus ou moins voisines. Ces craintes ne paraissent pas s'être réalisées; cela tient d’une part à ce que les mesures prises ne sont en rien vexatoires; cela tient d'autre part à ce que pareil mode de voyage coûterait et plus de temps et plus d'argent. Néan- moins les postes des routes ont à surveiller un certain nombre de passagers, et leur importance, bien inférieure à celle des postes d'Hendaye et de Cerbère, croitrait rapidement si Pépidémie venait à se rapprocher des Pyrénées. En prévision, du reste, +. 7 D' A. CHARRIN.?— LE CHOLÉRA EN ESPAGNE ET LES MESURES PROPHYLACTIQUES 443 de ce rapprochement, plusieurs d’entre eux, qui avaient fonctionné en 1885, ont été préparés. Les locaux, les aides, les médecins, tout est désigné, et, si besoin est,un ordre du ministère peut les mettre en activité dans les vingt-quatre heures. Si on ne les a pas réouverts dès maintenant, c’est que la plu- part, comme Arles-sur-Tech, Montlouis, Merens, Bordes-sur-Lez, Seix, ete., ne surveillent que des voies qui, en Espagne, se réduisent à de véritables sentiers muletiers. Etant donné ce que nous disions plus haut, à savoir la grande distance qui sépare le siège actuel de l’épidémie des Pyrénées, il faudrait supposer une singulière résistance à un cholérique, ou encore une incubation d’une longueur inusitée, pour que le mal pût pénétrer par ces fissures. L'utilité de ces postes de troisième ordre parait done nulle pour le moment, et, d'autre part, il con- vient de songer aux dépenses qu'entraine le fonc- tionnement d’un poste sanitaire.Je dois ajouter que l'installation et le fonctionnement de ces postes de routes sont calqués sur ce que nous avons dil à propos de Gerbère. Il existe de véritables cadres d'un essai de mobilisation sanitaire. Toutefois, les postes secondaires sont encore dépourvus d’étu- ves, étant donné le prix élevé de ces appareils. La désinfection du linge s’y opère par l'eau bouil- lante et les solutions antiseptiques, suivant les prescriptions du Comité consultatif. Les frontières de mer n'ont pas été oubliées par le gouvernement, et, dans les ports de la Méditer- ranée en particulier, les directions de la santé ont imposé de rigoureuses quarantaines et de sévères mesures de désinfection. De récents décrets ont prohibé l'importation de tous les fruits ou légumes poussant dans le sol ou au niveau du sol, car cette catégorie de produits alimentaires est exposée à être contaminée par l’eau des villes ou villages frappés par l'épidémie. Cette prohibition a eu une application toute spéciale et des plus utiles pour le. petit port de la Nouvelle situé dans le département de l’Aude. Chaque année, de mai à juillet, ce port recoit de quarante-deux à quarante-six bateaux presque uniquement chargés de tomates, à raison de quatre à cinq mille kilos par bateau. Or l’im- mense majorité de ces embarcations vient des ports de la province de Valence. Avant l'apparition des décrets, une assez grande quantité de tomates avait pu être débarquée et placée en magasins, quelques-unes même avaient déjà élé vendues; on a dû faire saisir ces dernières sur les divers mar- chés du Midi, et l’on a détruit par le feu les appro- visionnements réunis à la Nouvelle. De nouvelles prohibitions ont interdit l'entrée des objets de literie, matelas, couvertures, des peaux, des chiffons, des drilles, etc.; d'après des mesures prises à Cerbère, les os, les cages vides, mais destinées à être remplies d'animaux divers ne pénètrent qu'à la condition de ne pas répandre d’odeurs. Assurément il ne faut pas attribuer aux mauvaises odeurs tous les méfaits dont on a cou- tume de les accuser. Cependant il est nécessaire de reconnaitre qu'en temps d’épidémie elles im- pressionnent péniblement le moral des popula- tions; or ce point de vue ne doit en rien être né- gligé. Du reste on sait que certains gaz fétides sont capables d’engendrer des désordres intestinaux. Telles sontrapidement résumées les principales mesures sanilaires prises par le gouvernement fran- çais dans le but de préserver du choléra qui sévit en Espagne le territoire de la République. Ces me- sures sont simples,rapides,et n’attententen aucune facon à la liberté des voyageurs; leur application ne réclame ni perte de temps, ni perte d'argent. Personne n'a le droit de se récrier; du reste, pour- quoi se plaindrait-on?Si on estmalade,on est soigné dans d’excellentes conditions ; si on possède des objets contaminés, qui pourraient être dangereux pour leurs propriétaires comme pour les autres, ces objets subissent sans aucun dommage une désin- fection absolue.£’est done dire que, de toute façon, onrendservice. Quant aux personnes bien portantes et qui sont du reste l'immense majorité, elles pas- sent sans encombre et reprennent leur train sans subir de retard. Les quarantaines maritimes sont possibles, fa- ciles même dans certaines conditions. Les quaran- taines terrestres sont impossibles, dangereuses. On ne peut, d’une part, étant données nos mœurs tirer, comme on l’a fait lors de la peste d’Astrakan et ailleurs, sur ceux qui fuiraient; d’un autre côlé, ces lazarets deviennent des foyers de culture et de rayonnement. Dans ces conditions, il convient d'insister à nouveau sur les perfectionnements du service de santé publique. Les deux plus impor- tants sont d’abord l'installation aux points prinei- paux des éluves Geneste-Herscher; c’est, en second lieu, l'établissement du passeport en double. Les visites occasionnées par cette mesure se sont éle- vées à Paris à trois cents par jour. Il est à peine besoin de dire que toutes les se- maines chaque Directeur de poste adresse un rapport sur les principaux événements sur- venus durant les huit derniers jours et sur les modifications ou améliorations possibles. Le con- tact est perpétuel entre l'administration centrale el la frontière. Nous ajouterons en terminant, que déjà l'Espagne a envoyé plusieurs délégués à Cer- bère. Tous ont fait de notre organisation le plus grand éloge. La France, suivant eux, a trouvé le moyen de faire vite et bien. D' A. Charrin Directeur des postes sanitaires. 44% A. ÉTARD. — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE REVUE ANNUELLE La Revue générale des Sciences n’a pas une année d'existence ; elle n’est pas liée par des précé- dents : elle crée ses traditions, et la Revue de Chimie qu'elle publie ne saurait être astreinte à énumérer seulement les progrès réalisés depuis quelques mois. Souvent on entend dire : nous vivons dans une période de transition; c'est une vérité naïve, car les choses changent Lous les jours à notre insu, et la transilion prétendue n’est que le résultat du contraste qu'on établit entre les faits anciens et présents sans tenir compte des intermé- diaires. Il en est un peu des progrès de la science comme des variations de la mode dont on ne recon- nail l'influence qu'en regardant les vignettes d'il y a vingt ans. Qu'il nous soit permis, pour commencer, de négli- ger le détail des acquisitions récentes au profil des solutions déjà anciennes et surtout de signaler, si cette tâche n'est pas trop ardue, les idées vers les- quelles tend la Chimie, celles qui lui donnent sa caractéristique actuelle. . I. — CHiMIE GÉNÉRALE Il y a depuis quelques années, dans toute l’Eu- rope, une tendance manifeste vers la Chimie géné- rale, jadis si négligée d’un commun accord. Les questions de dissocialion, de thermo-chimie, d’électrolyse, d'optique chimique donnent lieu à un nombre tel de travaux, qu'il s’est fondé il y a quatre ans un recueil spécial, le Zeitschrifle für Physikalische Chemie, qui a, parsa collaboration, un caractère international. Les prodigieuses décou- vertes de la Chimie organique pure de 1840 à 1880 ont déterminé un courant à peu près exclusif en faveur de cette partie de la science, plus faite que la Chimie générale pour exciter l'enthousiasme, la passion chimique, qui peut être pour certaines natures une forme de la passion du jeu. La Chimie organique nous met à même d’abor- der les problèmes en nombre infini qui touchent aux phénomènes de la vie; par elle la pensée et la main de l'homme ont pu refaire les couleurs, les poisons et les parfums que la nature élabore; ce but synthétique lui assure la durée. Mais ce qu'il y a de plus élevé et de plus intéressant dans la synthèse organique, c’est la création des méthodes générales qui rendentrelativement facile et banale cette formalion d'innombrables corps nouveaux, dont la production indéfinie constitue l’un des attraits secondaires de la science. C'est par ce point des méthodes que la Chimie organique prend contact avec la science générale, parce que, pour avancer, il lui faut une connaissance plus profonde DE CHIMIE PURE des propriétés et de la structure des molécules. Aussi le caractère dominant du temps présent consiste-t-il dans l’évolution physique de la Chimie. évolution à laquelle prend part même la Chimie organique qui en parait si éloignée. En Chimie organique, on s’est contenté, pendant de longues années, de formules représentant simplement les rapports de poids des combinaisons. La benzine, par exemple, n'était connue sous aucune autre formule que CSHS. Bientôt on vit que l'hydrogène étaitremplacable parsixièmes au moyen du chlore : quand un seul sixième d'hydrogène était rem- placé par cet élément, le dérivé monochloré résul- tant, CCH6CI était toujours identique à lui-même par toutes ses propriétés, de quelque manière qu'on l’eut préparé. La formule C6HS suffisait pour expliquer ce fait. Mais on put établir par la suite que lorsque deux sixièmes d'hydrogène, H?, étaient remplacés par CP, le dérivé bichloré résultant, CCH*CP, pouvait, selon les conditions de l’expérience, être obtenu sous trois états différents par leurs propriétés physiques et chimiques, malgré l'identité de leur composition, Ce seul fait d’isomérie, important ilest vrai, montrait que la formule abstraite C6HS avait fait son temps. M. Kékulé imagina alors une for- mule graphique plane ayant une symétrie ternaire : c'est le célèbre hexagone de la benzine dont on a numéroté les sommets : a) (1) H CI C C (6) TN (2) 6) / DNS 2) HC CH HC CCI Il | Il nl CH HC CH 5) Ÿ (3 5) 3 (5) NS ) (5) NO (3) C C H H (4) (4) Benzine Dichlorobenzine; position 1-2 ou ortho 1 (1) ca à CI C (e: 1 OZ \ & ORAANE HC CH C CH bi | I HC CCI HC CH (5) Ne 700) (5) N/7 (3) C (E H CI (©) (1) Dichlorobenzine ; position 1-3 ou méta Dichlorobenzine ; position 1-4 ou para Les préfixes ortho, méla el para, comme les nombres 1-2, 1-3, 1-4, représentent des positions déterminées sur la figure. Il est clair qu'une telle formule de la benzine non seulement admet, mais L A. ÉTARD. — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 445 exige ces trois isomères, qui ont si fort exercé la sagacité des chimistes, et n’en comporte pas plus. Jamais on n'a pu faire une observation chi mique en désaccord avec cette règle, qui n'est assurément pas une des vérités de la nalure, mais qui répond assez bien au degré de complexité du fait : isomérie chimique des dérivés benzéniques. Ce fut là un immense progrès qui, venant après les travaux de M. Berthelot sur la glycérine et de Würtz sur l’acide lactique, permit de généraliser les for- mules de constitution où formules développées, tou- jours supposées planes, et construites avec des atomes de carbone doués d’une capacité de satura- lion égale à quatre (carbone tétratomique). On conçoit que pour tous les corps de la chimie on ait établi des formules de constitution représentant exactement les réactions connues de ces corps et se disculant en apparence comme des formules d’algèbre. Mais on a constaté que certains corps avaient des propriétés physiques et même chimiques diffé- rentes, alors que leur formule de constitution était démontrée indubitablement identique. Pressés par un nouveau besoin de progrès, les chimistes ont pensé quil n’était guère philosophique de supposer les molécules ou les atomes fixés sur une surface sans épaisseur; on élargit la notion de position relative sur laquelle sont fondées les formules de constitution plane : on admit les formules dans l’es- pace. L'étude de ces formules figurées à trois di- mensions a pris récemment, en Allemagne, le nom de sféréochimie. C'est un mot tout neuf pour une idée déjà vieille, car c’est en 1860 que M. Pasteur, dans son célèbre travail sur les acides tartriques présentant des facettes à droite ou à gauche, for- mula pour la première fois cette idée que la dissy- métrie des cristaux est peut-être due à la position de leurs molécules sur des hélices tantôt dertrorsum tantôt sinistrorsum où aux sommets d’un tétraèdre régulier. En 1874, Wislicenus, dans un travail sur les acides lactiques, reconnut une différence de propriétés pour deux corps de même constilulion, ce qu'il attribua à la position des atomes dans l’espace. Les divergences de propriétés qu'on remarque entre deux corps de constitution iden- tique sont le plus souvent d'ordre cristallogra- phique, s'ils sont solides, et, sous les trois étals physiques, des variations de propriétés optiques, notamment de pouvoir rotatoire droit, gauche ou nul. L’exislence de ces variations, même dans les liquides et les vapeurs, montre qu'elles sont inhé- rentes aux molécules, car on ne peut invoquer là des actions élastiques à symétrie spéciale. MM. Le Bel et Van't Hoff ont accru et précisé considérablement nos connaissances sur ce sujet intéressant; ils ont édifié toute une théorie des for- mules dans l’espace, théorie hypothétique, il est vrai, comme toutes les théories, mais souvent con- sacrée par le succès expérimental, qui est la vérité même. Voici en quelques mots l’idée fondamentale de la stéréochimie. Le carbone est un élément dont l'atome (peut-être sphérique) est placé au centre d'un tétraèdre régulier; son action chimique s'exerce selon les quatre sommets du tétraèdre qui deviennent en quelque sorte autant de pôles d’af- finité. Les formules stéréochimiques de quelques matières assez simples prises comme exemples sont les suivantes : H 7 H 194 a il / H, = k NET É d |\ St | / ’. \| VA / 4 EE I H > KH H H H—C—H | | H—C—H H—C—H | | H H Fig. 1 — Méthane, Fig. 2, — Ethano. WH \ fe € — H | D—>H NA à H H H CH CIC EE CH Fig. 3. — Ethylène. Fig. 4. — Acétylène. Ces figures donuent une idée suflisamment claire des formules dans ce mode de représentation. La conception du carbone tétraédrique ne s’est bien développée qu'à la suite de cette observation faite par MM. Le Bel et Van’t Hoffque, dans la formule de constitution de tout corps doué du pouvoir rotatoire, il existe au moins un atome de carbone saturé dis- symétriquement : ainsi l'un des corps les plus simples comme formule, parmi ceux qui font tour- ner le plan de polarisation de la lumière, est l'acide lactique CO2H AC OH CH3 dans lequel tous les groupes salurant un même carbone sont dissemblables. Les corps dont la satu- 416 A. ÉTARD. — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE ration a deux valeurs symétriques sont par contre sans action sur la lumière polarisée. Exemples : CO°H CO?H CH3 CH° | | | H — : EN à C H H—C—OH H—C—H | | | br CO?H CH CO2H Ac. glycolique Ac. malonique Ale. isopropylique Ac. propioniqne Il résulte de tout ceci qu'à la simple inspection d'une formule de constitution, on peut prévoir s'il y aura ou non pouvoir rotatoire. C’est là un résultat théorique et expérimental absolument acquis. Il est admissible que si l'atome de carbone était parfaitement symétrique dans sa forme et dansson mouvement, les groupes CO?H, H, OH, CH3, si fré- quemment réunis selon les positions les plus di- verses dans les molécules non rotaloires, n'auraient aucune influence. Cette considération à fait reprendre l'idée du tétraédre. Dans cette notation, si l’on ne représente que le tétraédre asymétrique, l'acide lactique devient GR COH Dans une semblable molécule on ne peut faire passer aucun plan partageant le tétraédre en deux moitiés symétriques. Aussi concoit-on que, si la lumière qui aborde la molécule est polarisée dans un plan donné, ce plan soit dévié à droite ou à gauche selon que l’action du groupe substituant de gauche ou de droite sera prééminente. Dans cette théorie, lorsque deux tétraédres sont liés par un sommet, comme dans l'acide tartrique, CO?H H — ( — OH H — { — OH don, on peut admettre que le signe de la rotation sera dû à la position de deux groupes particuliers par rapport à un plan de symétrie : COR OU CO ———, 0H Sa / SE 14 CO HA No CLEO Fig. 7. Fig. 6. Même pour un corps rotatoire donné, droit ou gau- che, ce signe pourra graduellement diminuer, puis changer, si l’on augmente progressivement le poids atomique de l’un des groupes substituants : dans ce cas la molécule bascule véritablement sur son axe. Ce dernier résultat, si intéressant comme argu- ment à l’appui des conceptions qui précèdent, a été obtenu par M. Ph. A. Guye, qui prochainement trai- tera ici de la stéréochimie avec l’autorité d’un spé- cialiste. Je me borne à en faire une introduction élé- mentaire. Mais avant de quitter ce sujet, il convient d’effleurer quelques-unes des questions qu’on se pose dans cette stéréochimie encore bien obscure. Nous avons avec la majorité des auteurs supposé régulier le tétraèdre de combinaison du carbone. Mais est-il logique d'admettre que les groupes substituants qui ont l’affinité la plus grande n’ap- prochent pas plus de l’atome central que les autres ? Ils intercepteraient ainsi un plus grand nombre de paramètres sur les directions de combinaison du tétraèdre qui deviendrait irrégulier. M. Le Bel, très autorisé en pareille matière, fait nombre de réserves sur ce point; derrière la notion du tèteaëdre qu'il conserve, on sent poindre dans ses écrits une théorie dynamique des combinaisons carbonées. Là se trouve, croyons-nous, la vérité, car dans les choses de la chimie où la chaleur dé- gagée, les vitesses de réaction, les spectres, ete. nous indiquent partout le mouvement, on ne peut regarder comme définitive la notion jusqu'à ce jour statique du tétraèdre. En effet on se demande encore si les deux létraèdres de la figure 2 sont fixes ou tournent sur leur axe. On peut supposer avec plus ou moins de probabilité que l'atome de carbone est un tétraèdre:; mais c’est une idée sin- gulière que celle de ce tétraèdre fictif, qui n’est pas le carbone lui-même, et qu’on a fini par concevoir et décrire comme un pur assemblage de lignes, de directions d’affinité. On imagine un atome de car- bone de forme indéterminée embusqué en quelque sorte au centre d'un tétraèdre réduit à ses lignes et tendant vers l’espace quatre bras qui font entre eux des angles de 109°98. Sans savoir en aucune manière si la vérité abso- ue est de ce côté, il paraît évident qu'une théorie dynamique delacombinaison calquée sur la cosmo- graphie donnera, dès qu'on aura assez de prise sur Les phénomènes pour l'établir, un grand nombre de coïncidences avec les faits. Le but idéal et lointain de la Chimie n’est pas de faire de cette science une mosaïque pleine, un em- boitement plus ou moins compliqué de divers po- lyèdres, mais d'établir pour elle des lois analogues à celles de Képler et de Newton. Il semble qu'une telle théorie cosmographique de la chimie ait déjà préoccupé les esprits au commencement de ce siè- ele; assurément les tétraèdres ne font que pré- parer les voies aux orbites. A. ÉTARD. — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 417 La Chimie générale dans ces dernières années a fait une acquisition des plus précieuses : celle de la théorie dynamique des solutions étendues. Nous n'avons pas à revenir sur cet important sujet déjà traité ici-mème (1). Mais peut-être est-il bon de dire que par le fait de cette science nouvelle et par les résultats qu'on est en droit d'en attendre, la Chimie se trouve directement reliée aux formules de la théorie mécanique de la chaleur. C'est là un rapprochement qui ne manquera pas d'être fruc- tueux, car si les formules mathémaliques qui représentent les actions physiques — et mainte- nant chimiques fondamentales, - ne peuvents’éla- blir qu'à la suite des découvertes de l’expérience, ces formules convenablement transformées montrent entre les faits des relations qui étaient restées inaperçues. À son tour l'équation réagit sur le fait expérimental. C'est par cette voie que se font au- jourd'hui de nombreuses recherches et vérifications avec les formules de MM. Van der Waals et Sarrau, Gibbs et Le Châtelier, etc... Malheureusement, pour ces recherches on ne peut utiliser les corps nom- breux que font les chimistes : il faudrait avoir des séries de déterminations numériques bien faites, portant sur les principaux corps simples et quel- uns-uns de leurs composés. Ce genre de travail est en assez grande défaveur, ce qui se conçoit du reste, car il est fastidieux. Sans difficulté et sans intérêt immédiat pour celui qui le produit, c’est du travail utile, et rien de plus. Il serait désirable pour la science, qu'il y eût des laboratoires dotés unique- ment en vue de la production de documents numé- riques bien codifiés, quelque chose d'analogue aux bureaux d'employés aux écritures. Les formules thermodynamiques appliquées avec tant de succès par MM. Van't Hoff et Arrhénius aux solutions étendues n’ont pas donné de résultats appréciables pour les solutions concentrées et n'expliquent pas le fait de la saturation donnant à chaque température des valeurs qui, portées comme ordonnées sur un graphique, constituent les courbes de solubilité. L'auteur de cet article à montré que, si au lieu de représenter sur des courbes la quantité de sel que 100 p. d’eau peuvent dissoudre, on prend la quantité de ce sel contenue dans 400 p. de la solu- tion saturée, cette notation simple conduit à des droïtes de solubilité qu’il est plus aisé d'étudier, D'ailleurs, dans ce système, les ordonnées qui représentent la quantité de sel, au lieu de varier de zéro à l'infini, sont nécessairement comprises entre 0 et 100° et l’on peut suivre du regard un graphique complet. Il résulte de cet examen qu’une droite de solubilité peut être connue dans toute son étendue (1) Revue générale des Sciences, 45 avril 1890, p. 193. entre le point de congélation de la solution et le point de fusion ignée du sel. De ce dernier fait, l’auteur a tiré une conclusion nouvelle : à savoir que « la droite de solubilité est le lieu des points de fu- « sion de mélanges de sel et d'eau. » La saturation dé- pendrait ainsi des lois qui régissent les fusions. IT, — CuIMIE INORGANIQUE La Chimie inorganique est relativement délaissée. Le temps de la chimie par voie sèche, de cette belle chimie en creusets et en tubes de porcelaine que faisaient Ebelmen, Sainte-Claire-Deville, Wôbhler, Roscoë, Frémy est passé. Il semble qu’on n'ait plus assez de temps dans une vie devenue, dit-on, moins facile pour s'occuper d'expériences forcément lentes. En observant sur un laps de temps assez considérable, on constate cependant d'importants progrès accomplis en chimie minérale. La classification des corps simples d’après M. Mendeleef est, comme on sait, fondée sur la dis- position continue des poids atomiques par ordre de valeurs croissantes ; nous reproduirons un frag- ment de cette table parce qu'elle a été le point de départ de nombreux travaux récents : = Li —=7 Gl —9 Bo—A1 C —12 Az —14 0 —16 Fl. —149 Na —923 Mg —24 Al 27 Si 98 Ph —31S —32, CI —35;5 K 39 Ca 10 Se #4 Ti #8 Va—51 Cr—52 Mn =5ù eme Cu —63 Zn —=65 Ga=069 Gr=72 As —75 Se—78 Br —60 ns ms La classification ainsi comprise a donné une idée plus nette de l’analogie de propriétés des corps simples. À ce point de vue elle à peut-être diminué nos espérances sur la variété des combi- naisons à trouver dans l'avenir : la plupart des corps sont destinés à donner bien peu de dérivés vraiment spécifiques. Mais la classification précitée a provoqué un important mouvement de vérifica- lion des poids atomiques. Par la voie chimique on a purifié plusieurs corps æt fixé définitive- ment les poids de l'or, du platine, du palladium, de l'osmium, ete... On fera bien de ce défier des valeurs que donnent à ces matières les mémoires anciens ; par la voie physique, M. V. Meyer a pu prendre des densités de vapeur jusqu’à la tempé- rature de 4.300° où la porcelaine se ramollit. Ces densités ont fixé la formule de diverses substances minérales composées; elles ont montré que les molécules des corps simples se dissocient à haute température, mais nous ont bien peu fait avancer dans la question obscure par excellence: celle de l'atomicité ou valence des éléments. La capacilé de combinaison des corps simples varie selon des lois tout à fait inconnues et la chaleur influe nota- blement sur elle. Selon la température, un chlorure métallique peut avoir l'une des deux formules: CB=M—M= C ou M= CI 448 A. ÉTARD. —- REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE etle métal M sera tétra ou triatomique. On peut croire que la question est facile à trancher par la prise de densité de vapeur; il n’en est rien : cette densité varie trop avec les conditions thermiques pour qu'il soit possible de faire un choix certain entre les nombres fournis par l'expérience. Un cas heureux cependant a été celui de l’uranium auquel on donnait, il y a quelques années, le poids ato- mique 120 et qui doit prendre, comme le pensait M. Mendeleef et comme M. C. Zimmermann a pu le démontrer, la valeur 240. L'uranium est actuellement le corps dont le poids atomique est le plus élevé : il termine la table continue du savant chimiste russe. C’est un fait remarquable que tous les poids des matières élémentaires se suivent de très près; aussi se demande-t-on, sans qu'aucune réponse soit inter- venue encore, si le nombre de ces substances est très considérable, si au delà de l’uranium de nom- breux corps seront découverts par la suite. En attendant, on a isolé quelques éléments nouveaux qui sont venus annuler les discontinuités de la série à nombres rapprochés que nous venons d'écrire. Parmi ces corps simples, qui sont soulignés dans le tableau, le Gallium de M. Lecoq de Boisbaudran el le Germanium récemment découvert par M. Winkler comblent la lacune de dix unités exis- tant entre Zn — 65 et As Ces interca- lations, prévues maintenant et attendues, font le succès de la théorie, mais en d'autres points l’abon- dance des corps simples lui est un grand inconvé- nient. Le groupe des métaux de la Cérite et de l'Ytlria tend à disloquer le tableau, comme l’a montré M. Demarçay dans l'étude qu'il a récem- ment publiée surles terres rares (1). En raison de la compétence de ce savant, nous ne pouvons faire mieux que de renvoyer à l’article si intéressant où il expose la complexité du sujet et le rôle que tend à jouer dans la chimie minérale l'étude de ces élé- ments. En chimie minérale encore une question impor- tante a été élucidée : celle du Fluor. Le fluor était un de ces éléments un peu légendaires — comme il y en a encore quelques-uns — auxquels on croit sans les avoir vus. Celui-ci surtout causait une cer- taine irrilation de curiosité en raison des tenta- tives vaines dont il avait été l’objet. M. Moissan a isolé le fluor par la méthode physique de l’électro- lyse ; nous n'avons pas à décrire cet élément ; mieux vaut suivre la description donnée par l’auteur (2) qui a, chemin faisant, découvert une dizaine de gaz nouveaux et rendu son travail définitif en le complétant par les déterminations du spectre, de la densité, ete. Quand on sait la réalité d’une chose, (1) Voyez la Revue du 15 juillet 1890, page 396, (2) Revue gén. des Sciences, p. 366. — 0 on regrette presque le temps où elle nous tenait en haleine. Le fluor disparait de la liste des problèmes qu’on se flattait de pouvoir peut-être résoudre. Il n'y aura plus que des travaux secondaires à pour- suivre sur ce sujet. Il est un progrès dont la Chimie inorganique à beaucoup bénéficié : c'est celui de l’industrie élec- trique. Le courant électrique est un agent puissant de séparations chimiques; on peut même dire qu’il est irrésistible et que toute combinaison. quelle que soit sa stabilité, peut être dissociée par lui. Autre- fois dans les laboratoires on avait les ennuyeuses batteries de piles qui marchaient rarement; les procédés de mesure étaient aussi peu pratiques et l’on parlait simplement de courants forts, éner- giques, moyens. Aujourd'hui bien des laboratoires sont outillés pour produire de l'électricité ou avoir des accumulateurs ainsi que des instruments de mesure simples, gradués sur cadran en volts et ampères. Aussi est-ce une tendance générale dans les opérations de chimie de se servir du courant. On cherche à se familiariser avec ce genre de travail qui ne laisse pas encore que d’êtrecompliqué, car il faut doser l'électricité en fonction des résis- tances physiques du milieu et de la résistance propre que le composé oppose à sa séparation. L'industrie est arrivée à faire pratiquement des tonnes de cuivre pur par électrolyse et des quin- taux de magnésium et d'aluminium en décompo- sant les chloruwr'es fondus de ces métaux. Gette production réagit sur la chimie inorganique d’une autre façon : elle met à bon marché entre les mains des chimistes l'aluminium et surtout le maÿnésium qui est un précieux agent de réduction. III. — CHIMIE ORGANIQUE. Dans des articles spéciaux on peut parler avec exactitude; mais on éprouve quelque confusion à écrire sous le titre exigeant de Revue de chi- mie quelques colonnes seulement devant théo- riquement traiter de tout et ne contenant en fait que des ébauches. Ce sentiment est encore plus vif quand on se propose de résumer dans le peu de lignes qui restent spécialement consacrées à la Chimie organique les milliers de pages qu'elle fait écrire bon an mal an. La Chimie générale intéresse un nombre crois- sant de savants; elle est sans doute la science de demain; mais l’organique est encore maitresse au jourd’hui : elle tient comme nombre la tête des publications. Le journal le plus spécialement con- sacré aux réactions organiques, les Berichte des Che- mischen Gesellschaft, a publié, en 1888, 3.588 pages de mémoires originaux et 1159 pages d'extraits, soit en tout 4.747 pages. Il s’y publie des tra- vaux de premier ordre: ceux de MM. Baeyer, A. ÉTARD. — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 449 Fischer, V. Meyer entre autres; mais on y im- prime une multitude de travaux qu'on fait pour le plaisir de les faire, sans but, sans chercher à démontrer quelque chose, à éclaircir une ques- tion générale. Ces expérimentations, qui d’ailleurs paraissent le plus souvent bien faites, doivent cons- tituer les reliefs de recherches industrielles sur les matières colorantes ou des exercices universi- taires tendant vers une thèse. Il serait peut-être plus intéressant de suivre les progrès de notre science sans ce contingent énorme de substances faites par substitution, c’est-à-dire par une mé- thode qui est l'âme mème de la chimie organique, qui en a fait la grandeur, mais nous réserve de moins en moins de surprises. Cette méthode rap- pelle ce qu’on exécute sur le damier quand, enle- vant un pion noir, on fait passer dans le jeu adverse divers pions blancs. On arrive aujourd'hui à faire en chimie orga- nique presque tout ce qu'on veut. On dessine sur papier la molécule singulière, compliquée, à laquelle on voudrait donner l’existence, et le plus souvent après deux mois — ou des années — de transfor- malions, elle sort en réalité de quelque vase du laboratoire. La représentation théorique s’est si bien modelée sur l'agencement expérimental qu'on peut, en s’en donnant la peine, souder en tel ou tel point d’une molécule une pièce sensiblement quel- conque, comme si l’on se servait simplement du fer à souder. C'est par le perfectionnement qu'a reçu cet art des soudures que la Chimie organique est devenue le puissant instrument de synthèse qu'on connait, et il n’y aura pas lieu d’être surpris si d'ici à quelque temps on fait à partir des éléments la synthèse, depuis si longtemps entrevue comme un rève, de la quinine ou du sucre de canne. On sait disséquer les molécules organiques naturelles, et, quand elles sont complexes, séparer un par un les groupements plus simples et par conséquent mieux connus qui les constituent; on les enregistre, an les numérole comme des pièces d'horloge et un jour on sait aussi les remonter. Ce travail est long etdélicat, maisn'utilise que des ressources connues. C'est une sorte d'exécution comme en musique, et de même que dans celle-ci elle dépend de la com- position : Part difficile et supérieur de la chimie organique. En fait d'art, de progrès théorique la Chimie organique change assez peu; aussi parfois on entend reprocher aux chimistes qui cultivent cette science de ne plus découvrir de fonctions inté- ressantes comme autrefois Le reproche est trop sévère. En organique la fonction est une portion de la formule développée qui symbolise une pro- priélé importante. Exemple : l'acidité (CO?H), la basicité (Az H?)(AzH)...,le pouvoir réducteur (COH), l’hydralation (OH) et des condilions analogues de relation, de position, etc. Ces symboles peuvent se cumuler dans une molécule. Mais la fonction est surtout une propriété très caractéristique, inhé- rente au corps simple : elle est tirée surtout de la chimie générale ou considérée au point de vue inorganique ; par exemple dans l'acide lactique : CH3 — CH (OH) — CO (OH) on trouve à la fois les fonctions acide — CO OH et alcoolique — OH; elles ne sont ici que les te- nant-lieu de l’acide carbonique HO — COOH et de l'eau H — OH. C’est en raison de cette origine qu'il ne faut pas se flatter de trouver en cette matière des choses nouvelles ; c'est en élargissant trop la définition qu'on crée de nombreuses fonelions sans intérêt; car, en mettant entre parenthèses un frag- ment plus ou moins important de formule qu'on rencontre souvent en organique tel que (CH OH — CO OH) de ci-dessus, on en peut faire une fonction aussi. Les composés organiques se font dans les labo- ratoires : mais ils sont toujours inspirésde loin par la nature dont on s'efforce d’imiter les produits et de connaitre les procédés de travail. Une question capitale s’est longtemps posée dès qu'on abordait la synthèse organisée, c’est celle de l’origine de l'azote organique. de la fixation de l'azote. M. Ber- thelot a résolu la question dans ces dernières an- nées. Indépendamment des phénomènes de nitri- fication élucidés par MM. Schlæsing et Müntz et qui, eux, transforment les composés azotés, il a montré que la terre contenait des germes dont la fonction est de produire un premier degré d’assimilation de l'azote libre, qui passe ensuite dans les êtres vivants. Les expériences récentes sur les tubéro- sités parasitaires des racines, et les faits de sym- biose, en général, montrent combien sont exactes les vues du savant auteur de cette théorie. Un autre élément, le carbone, pénètre dans les végé- taux. Dans ce cas, on sait bien que c’est l'acide carbonique de l’air qui l’apporte. On en est ici au deuxième degré de complexité dans la nature des actions à élucider.Par quel mécanisme le carbone se transforme-t-il en produits organiques? Cette ques- tion est toute une science à faire, celle des réactions biologiques, déjà heureusement entamées par les travaux de M. Fischer sur la polymérisation de l’al- déhyde méthylique et dessucres quien résultent(1). Dans ce domaine de la {théorie organique un point intéressant et qui s'est complètement développé est celui des cycles ou noyaux fermés. Il y a quinze ans on parlait beaucoup des « pas- sages » de la série grasse à la série aromatique : c’élait alors une rareté. La série grasse est carac- (1) Voyez à ce sujet l'article de M. L. MaqueNxE sur la Synthèse des sucres dans la Revue du 30 mars 1890, page 165. 450 A. ÉTARD. — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE térisée par des formules ouvertes, telles que : CH3 — CH = CH — CH — CHS CH3; La série aromatique, par la formule fermée de la benzine. CH CH CH CHEN / CH CH Aujourd’hui on fait tous les passages qu'on désire de la série grasse aux séries fermées et vice- versà; de plus la notion de formule fermée a acquis son complet développement, autant qu'il semble, car on connait des cycles à 3, 4, 5 et Gatomes de carbone : n ( AN IN () È | (1) Type trymé- (2) Type tétra- (3) Type (4) Type ben- tylène mètylène pyrrol zine, pyridine (1) On sait que ces cycles peuvent se combiner entre eux pour réaliser des formules plus complexes : LRO (6) Type naphtaline quinoléine Het e (7) Type anthracène acridine Isomères de (7) Il est une chose remarquable : c’est que jamais en Chimie organique on n’a établi l'existence de polygones à plus de six côtés. M. Baeyer explique cela par la théorie du té- traèdre dans lequel les sommets font, comme on sait, un angle au centre de 10928’, Si l’on prend l’éthylène, CH? — CH?, comme la chaïne fermée la plus simple et qu'on admette la combinaison des carbones par deux affinités, l’auteur pense que deux des directions de combinaison faisant primi- tivement 109°28' deviennent parallèles. Chaque direction faisant une moitié du chemin, on aura pour l’angle d'écart, la flexion des axes en quelque sorte, £ (109°98") — 54°4%". La molécule ainsi formée 2 sera peu stable : elle tendra à se saturer par Br, H?, etc. Le triméthylène, les chaines triangulaires supposées équilaltérales ayant un angle de 60°, celui-ci viendra en déduction de la flexion qui ne sera plus que de 24°44". Pour les chaines carrées, l’angle à retrancher étant de 90°, on n'aura que 99 4%, les pentagones de 108° et les hexagones de 120° n’auront plus que des flexions respectives (4) On suppose à chaque angle un groupe CH, CH*, Az H, de + 0°%4" et — 5° 16’. Pour les polygones dont les côtés sont plus nombreux,les valeurs négatives croissent assez vite. Et c’est pour cette raison du minimum d'effort de flexion des axes de combi- naison que la benzine et les corps indoliques se- raient particulièrement stables. Les cycles devenus si importants en chimie organique ne sont d'ailleurs pas astreints à être homogènes en carbone. Chaque jour on découvre des combinaisons dans lesquelles un groupe CH placé en un angle quelconque des figures que nous avons faites est remplacé par Az, S ou d'au- tres Corps : S AzH S LS TRÈS ADS CH CH CH CH CH CH Il |l Il |l sai]: CH—CH CH — CH CHAN VCH NT S Thiophène Pyrrol Biophène Une autre question importante en chimie orga- uique est celle des condensations. Pour arriver à faire ces cycles sivariés, homogènes en carbone ou plus ou moins substitués en soufre, azote, etc., on peut souvent partir de corps très simples qu'on chauffe longtemps avec un corps polymérisant, on pour- rait dire soudant, et les molécules s’attachent entre elles ; comme les corps cycliques sont des plus sta- bles, ce sont eux qui se font. Nous avons déjà insisté sur l'importance des méthodes de travail en chimie, des outils. Les méthodes qu'on emploie le plus souvent aujour- d'hui dans les constructions chimiques sont la polymérisation par le chlorure d'aluminium, décou- verte par M. Friedel, les condensations très nom- breuses aux chlorures de zinc surtout et par le mélange d'acide sulfurique et de glycérine ou procédé de Skraup. Il reste encore une manière d'agir, mais qui se rullache plutôt à la chimie biologique : c’est cette sorte d’auto-condensation de l'acide cyanhydrique d’où M. A. Gautier a tiré ses belles synthèses de composés se rattachant à la série urique. Cest là un moyen d’action qui se rapproche Lout à fait de ceux que la nature met en œuvre, car il ne comporte pas l'emploi des réactifs violents de la chimie ordinaire qui permet bien de faire des corps dits organiques, mais ne pourrail les produire dans des milieux € organisés ». En excluant forcément bien des questions spé- ciales du plus grand intérêt qui, heureusement, ont été ou seront traitées dans cette Revue par des sa- vants autorisés, — c'est le cas déjà des sucres et des terres rares, — j'espère être arrivé à donner aux lecteurs qui ne suivent pas d'ordinaire les tra- vaux des chimistes, une idée des principales ques- tions qu'ils ont résolues ou qui les préoccupent. A. Etard, Répétiteur à l'École Polytechnique. BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX ds Or _ BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Marie (Léon), Ancien élève de l'Ecole Polytechnique, actuaire de la Compagnie le « Phénix ». — Traité ma- thématique et pratique des opérations finan- cières. Un vol. grand in-8°, Gauthier-Villars et fils, 1890. Il serait inutile, comme le dit l’auteur dans l'In- troduction , de chercher dans cet ouvrage des théories nouvelles ou des travaux scientifiques inédits ; c’est le développement pur et simple des matières enseignées à l'Ecole des Hautes Etudes commerciales par MM. Mar- gerie et Brasilier, 6 ; | Ces deux professeurs, qui ont acquis dans cet ensei- gnement spécial une grande notoriété, sont parvenus, par la recherche pénible de matériaux épars et par l'étude approfondie de procédés empiriques, à consti- tuer un corps de doctrine; ils y ont introduit de nom- breux apercus nouveaux qui leur appartiennent en propre. : Le livre de M. Marie, admirablement imprimé, comme tout ce qui sort de la maison Gauthier-Villars, sera utile à tous ceux qui s'engagent dans la carrière finan- cière, L. O. Connaissance des Temps. Extrait à l'usage des écoles d'hydrographie et des marins du commerce pour l'an 1890. — Publié par le Bureau des Longi- tudes. Gauthier- Villars et fils, in-8° 90 pages, 1890, Les perfectionnements qui ont assuré à la Connais- sance des Temps, cette aïeule vénérable des éphémé- rides astronomiques, un rang éminent parmi les pu- blications similaires, ont beaucoup augmenté ce volume qui compte aujourd’hui près de 900 pages. Les astro- nomes ne s’en plaindront certes pas, mais beaucoup de marins préfèrent des Tables plus maniables et plus réduites comme volume et comme prix. Les explora- teurs, qui font leur point à terre exactement comme les marins à la mer, doivent aussi se préoccuper d’éco- nomiser le poids mort à emporter, C'est à l'intention de ces lecteurs que le Bureau des longitudes a pris le parti d'extraire du grand recueil les chapitres indis- pensables. Les principaux articles de ce résumé sont : Tables du soleil : lever et coucher ; ascension droite, déclinaison et temps sidéral, à midi moyen de Paris; équation du temps, ou plutôt, afin d'éviter les erreurs de signes, temps moyen à midi vrai. Tables de la lune : ascension droite; déclinaison, parallaxe et demi-diamètre de 12 heures en 12 heures. Distances lunaires ; un seul groupe par jour, ce qui suffit largement; grâce au perfectionnement des chro- nomètres, ce genre d'observations n’est plus employé qu'exceplionnellement,. Positions des 30 étoiles les plus remarquables ; Tables pour calculer l'heure et la hauteur de la ma- rée dans les principaux ports du globe (partie impor- tante et nouvelle); Tables auxiliaires extraites de la Connaissance des temps. Cet extrait, imprimé en grande partie avec la « com- position » même du recueil original, présente par là des garanties d’exactitude supérieure qu'on ne trouve- rail pas au même degré dans les publications analogues. Offrant un choix judicieux des articles essentiels du Calendrier astronomique, il a pu être rendu règlemen- taire dans les écoles d'hydrographie, S'il nous était permis d'exprimer quelques vœux, nous ET INDEX demanderions au Bureau des longitudes d’ajouter les quatre planètes principales, surtout Vénus et Jupiter, que leur éclat permet souvent d'observer pendant le crépuscule, alors que l'horizon est encore bien net : il ne serait pas nécessaire de donner lescoordonnées pour chaque jour, notamment pour Jupiter et Saturne dont la marche est lente et régulière. Pour la lune, ne pourrait-on donner les positions corrigées d’après Newcomb? L'erreur tabulaire atteint actuellement près d’une seconde 1/2 de temps en as- cension droite : elle n’est donc pas négligeable. Nous nous permettons de soumettre ces observations au Bureau des longitudes : elles ne nous sont inspirées que par le désir de voir cet utile recueil aussi complet que possible et d’en hâter ainsi la diffusion parmi les marins auxquels il est appelé à rendre les plus grands services. EC. 2° Sciences physiques. Sarasin (Ed.) et de la Rive (L.). — Sur la réso- nance multiple des ondulations électriques de M. Hertz se propageant le long de fils conduc- teurs. Archives des sciences physiques et naturelles de Genève, t, XXIIL, p. 113, 1890. Les auteurs ont été amenés à exécuter ce travail en répétant les expériences de M. Hertz, ce qui a été fait dans nombre de laboratoires, notamment à Paris par MM. Joubert et de Nerville, Parmi ces expériences, il en est une particulièrement intéressante qui consiste à fixer, devant les deux capacités de l’excitateur pri- maire de M. Hertz, deux plaques de laiton desquelles partent normalement deux fils conducteurs, d’égale longueur, isolés à leur extrémité et perpendiculaires à l'axe du conducteur primaire : La (RE Le circuit secondaire B (résonateur) déplacé entre ces deux fils, son plan restant perpendiculaire à leur direction et son interruption étant à la partie supé- rieure, montre à intervalles réguliers des périodes de croissance et de décroissance de l’étincelle ; cela résulte, suivant M. Hertz, de l’interférence des ondes électriques directes avec les ondes réfléchies à l'extrémité des fils. Pour que les nœuds, qui dans la figure sont indiqués par de petites croix, soient bien nets, il faut que la longueur des fils soit dans un rapport donné avec la longueur d'onde, ce que l’on réalise facilement par tätonnements, — C’est cette expérience qui est le point de départ des recherches de MM, Sarasin et de la Rive. Les dispositions générales de l'expérience restent les mêmes que celles de M. Hertz, mais les auteurs ont fait varier beaucoup les circonstances secondaires. M. Hertz commencait par chercher un résonateur à l'unisson avec l’oscillateur AA; en effet, avec un réso- nateur donné, l’étincelle est maxima lorsque l’oscilla- teur prend cerlaines dimensions, et réciproquement, avec un même oscillateur donné, il faut choisir un résonateur d’un certain diamètre afin d'obtenir l’étin- celle maxima, — Au lieu de prendre des résonateurs BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX de même période que les primaires (oscillateurs), les auteurs, et c’est là le côté original de leurs recherches, emploient des cereles quelconques (interrompus) dont les dimensions varient de 26 centim. à 1 m. de dia- mètre; quel que soit le résonateur, l'expérience de M. Hertz réussit, le phénomène d’interférence subsiste, Si l’on associe un même primaire à des résonateurs différents, la valeur constante trouvée pour les divers internœuds varie d’une facon continue avec le résona- teur circulaire, et l’internœud est sensiblement propor- tionnel au diamètre du résonateur. Inversement, si l’on associe un même résonateur à des primaires diffé- rents, la valeur de Pinternœud est constante, quel que soit l'oscillateur. D’après M. Hertz, l'extrémité libre des fils correspond à un ventre de vibration ; MM. Sarasin et de la Rive ont trouvé que, par une nouvelle analogie avec l'onde sonore dans un tuyau ouvert, une perturbation à l'extrémité fait que le ventre se trouve à quelques cen- timètres au delà; dans ce cas, la distance du premier nœud à l'extrémité libre du fil est égale à la moitié de la circonférence du résonateur, On voit, de nouveau, le résonateur intervenir nettement, Puisqu'un résonateur donné ne peut révéler qu'une longueur d'onde, toujours la même, qui lui est propre, il faut que celle-ci appartienne également à l’oscilla- teur ; le système ondulatoire produit par celui-ci doit par, conséquent contenir toutes les longueurs d'onde possibles entre certaines limites, chaque résonateur choisissant dans cet ensemble complexe, pour en montrer les ondes stationnaires, l’ondulation dont la période est identique à la sienne propre. C’est ce que les auteurs appellent la résonance multiple des ondula- tions électriques, phénomène dont les conséquences ont été si nettement formulées par M. Cornu devant l'Académie des sciences (1). Le travail de MM. Sarasin et de la Rive paraît très consciencieusement fait; les auteurs font remarquer toutefois qu'il ne s’agit dans leurs recherches que d’ex- périences qualitatives et non quantitatives, et qu’il ne faut pas conclure de leurs résultats que les dimensions de l’oscillateur sont absolument sans influence sur la longueur d’onde de l’oscillation principale dans les fils. Disons pour terminer que la longueur maxima des fils étant de 1060, les auteurs estiment que les nœuds sont mesurés à 10 centimètres près. E. Maruias. Spring (W.).— Influence de la capillarité et de la diffusion sur l'énergie dissolvante des liquides. A Leitschrifte für physikalische Chemie, 4. 1890. Klobukovv. — Même sujet. Zeitschrifte. Mars 1890, M. Walthere Spring ayant remarqué que, lorsqu'un corps soluble est plongé dans un liquide, la portion qui est à la surface disparaît plus rapidement que les autres, crut pouvoir en conclure qu'il existait à la sur- face une augmentation de l’énergie dissolvante, C'est un fait bien connu, par exemple, que les zincs de pile se rongent beaucoup plus rapidement au niveau qui correspond à la surface libre du liquide acide, que dans la partie plongée. M. Klobukow, reprenant les expériences de Spring, à fait voir que tous ces phénomènes s'expliquent très simplement, sans force spéciale. Si un cylindre d’un sel soluble est plongé dans l’eau, la dissolution tombe au fond du vase au fur et à mesure qu’elle se forme au contact du sel, Le liquide pur n'arrive par suite au contact direct du sel qu’à la partie supérieure et les portions inférieures sont protégées par une couche de dissolution déjà formée. Ce qui montre bien que la ca- pillarité n'intervient pas, c’est que, si on plonge com- plètement un cylindre de sel dans l’eau en protégean, (1) Voyez à ce sujet l'article de M. Ch.-Ed Guillaume sur la discussion des expériences de M. Hertz dans la Revue du 30 janvier 1890, page 63. la partie supérieure par une couche de vernis, on voit le cylindre se creuser plus profondément au-dessous du vernis comme cela avait lieu auparavant à la sur- face libre, Georges CHARPY, Villiers (A) — Tableaux d'analyse qualitative des sels par voie humide. Un vol. in-8° de 100 pages. Paris, Octare Doin, éditeur, 1890. Le livre que vient de publier M. Villiers ne fait pas double emploi avec les traités d'analyse parus jusqu'à ce jour, Ceux-ci renferment trop de détails et les mé- thodes de reconnaissance qui y sont exposées acquiè-- rent souvent de lacomplication par ce fait que l’auteur a voulu qu'elles puissent s'appliquer à la fois aux corps les plus communs et à ceux que l’on ne rencontre que rarement ; par suite ils rendent assez pénible aux commencants l'étude de la chimie analytique. M. Villiers a tenu à éviter cet écueil et ses tableaux analytiques qui ne renferment que les métaux et les acides que l’on rencontre le plus communément seront d'un grand secours à tous ceux qui commencent l'étude dela chimie. H. GAUTIER. 8° Sciences naturelles. CT Berghaus’ Physikalischer Atlas. — 75 Karten in sieben Abteilungen, vollständig neu bearbeitet ünd herausgegeben von Prof. Dr. Hermann Berghaus. In-folio (en livraisons). (En cours de publication de- puis 1886). Gotha, Justus Perthes, 4890, La première édition de l'Atlas physique remonte à 1836; depuis cette époque, toutes les branches des sciences naturelles ont fait de tels progrès qu'une refonte complète de l’œuvre de Heinrich Berghaus était devenue nécessaire, Le savant cartographe de Gotha, M. Hermann Berghaus, s’est chargé de cette tâche, avec le concours de spécialistes éminents, MM. Drude, Gerland, Hann, Hartlaub et Marshall, G. Neumayer, Zittel. Déjà quatre sections sur sept : Météorologie, Magnétisme terrestre, Géographie botanique, Géogra- phie zoologique) sont complètement terminées, et les autres sont en voie d'achèvement rapide : sur les 25 livraisons de trois cartes dont se composera l'Atlas, 20 ont paru. Nous donnons ci-dessous le sommaire des feuilles publiées en 1888 et 1889 : XIVE livraison : N° 15. Océanie { : 30,000,000, Carte géologique dressée par H. Berghaus. Cartouches : Vic- toria, d’après Brough Smyth, 1 : 5,000,000; Tasmanie, d’après Johnston et Sprent, 1 : 5,000,000; isthme d’Auckland, d’après Hochstetter, 4 : 510,000 ; territoire de la catastrophe de Tarawera (10 juin 1886), avant et après l’éruption, 1 : 50,000 et 1 : 500,000; Mauna Loa et Kilauea, 4 : 500,000; types principaux de récifs coral- liens du Pacifique (12 fig.), 4 : 500,000. N° 26. Indes occidentales, carte hydrographique, par H. Berghaus. Cartouches : Côte des Etats-Unis au nord du cap Hatteras; port de New-York, embouchure du Mississippi, isthme de Panama (1 : 500,000); trois exemples de transformations littorales (baie de Galves- ton, port de Sabanilla, golfe d'Uraba), 1 : 500,000; dia- grammes indiquant les températures sous-marines observées par le Chailenger, d'Halifax et de New-York aux Bermudes, N° 43. Variations de la déclinaison magnétique de 1600 à 1858, par G. Neumayer. Quatre planisphères indi- quant le tracé des lignes d'égale déclinaison (isogones) en 1600 (d’après Chr. Hansteen), en 1700 (d’après Hal- ley), en 1800 (Hansteen) et en 1858 (Amirauté anglaise). XVe livraison : N° 3, Activité interne du globe par H. Berghaus., Mappemonde indiquant la distribution géographique des volcans et les changement de niveau des rivages; mappemonde indiquant l'aire des prinei- paux tremblements de terre connus ; cartouches : détroit de la sonde, volcans Tengger et Semiru (Java), Santorin, Stromboli, île Saint-Augustin (Alaska), 1 : 500,000. , : : N° 25. Indes orientales et Chine (archipel asiatique), BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 453 au 1 : 500,00 : pour les points les plus intéressants des côtes; 11 diagrammes indiquant la répartition verticale des températures, d’après les sondages du Challenger. N° 71. Afrique vers 1880, carte ethnographique au 4 : 30,000,000, par G. Gerland; cartouches : Nubie, Sénégambie, Kilima-njaro, lac Tchad, région du Cap vers 1650 (1 : 12,500,000); grands États africains anciens et modernes, { : 60,000,000, XVIe livraison : N°6, Carte des glaciers, par H. Berg- haus : glaces intérieures du Groënland, { : 15,000,000. 48 cartouches au 1 : 500,000 représentant la topogra- phie des principaux glaciers du globe : gl. de Frede- rikshaab, d'après Jensen; Groënland du sud d’après Holm; gl. de Kenai (Alaska); Monts Tacoma et Shasta (Etats-Unis), d’après Bailey Willis et Diller; gl. de Justedal, Jotün fjeld (Norvège); Oberland bernois, Glockner, OEzthal, massif du Pelvoux; Kasbek, Adai- Khoh (Caucase), d'après Dechy; gl. de Biafo (Karako- rum)); gl. du Zerafchàäne (Turkestan), d’après Mouch- kétoff; Alpes Néo-zélandaises, d'après Lendenfeld ; Nevado de Chillan (Chili), d’après Philippi; gl. de Ross (terres australes); gl. de San Rafael (Patagonie), 4 : 1,500,000, Profil indiquant la hauteur de la ligne des neiges persistantes et l'altitude à laquelle descen- dent les glaciers dans les diverses parties du globe. N° 66. Distribution géographique des races humaines vers 4509 et en 1880, deux planisphères, par G. Gerland. N° 69. Carte ethnographique du Sud-Est de l'Asie (popu- lations indigènes) vers 1880. 1 : 45,000,000, par G. Ger- land. ; X VIT: livraison : N°12, Afrique, 4 : 30,000,000, carte géologique, par H. Berghaus. Cartouches : Abyssinie, Atlas, Région du Cap, 1 : 10,000,000 ; cours du Congo, partie montagneuse, d’après Pechuël-Loesche et Du- pont, 4 : 2,000,000; monts Kameroun, Kilima-njaro, Oasis de Chargeh, 4 : 1,500,000; pic de Ténérifre, monts Bou-Chail (Algérie), Ambas d’Abyssinie, 1: 500,000. N° 41, Lignes d'égale inclinaison magnétique (isoclines), pour 1885, O. par G. Neumayer; cartouches : isoclines pour 1885, O. dans les régions polaires; isoclines du globe en 1600, 1700 et 1780. N° 68. Asie jusqu'en 1880, carte ethnographique, 4 : 30,000,000, par G. Gerland. Cartouches : Région des sources du Jenisséi, Tianchan. XVIII livraison (1889) : N° 21. Courants marins, par H. Berghaus, Cartouches : température moyenne de la surface de la mer; température de l’eau au fond de la mer; région des moussons de l’Inde en hiver; répar- tition verticale des températures dans l'Atlantique et l'Océan indien (d’après les sondages du Challenger). N° 42, Lignes d'égale intensité horizontale magnétique pour 1885, O. exprimée en unités électriques (C, G.S.), par G. Neumayer, Cartouches : régions polaires ; lignes d’égale intensité totale (isodynames) jusqu'en 1835, d'après Sabine; idem pour l’époque 1840-45, d’après Sabine. N° 67. Europe vers 1880, carte ethnographique, 4 : 15,000,000, par G. Gerland. Cartouches : populations romanes des Alpes, { : 3,000,000; populations du Cau- cause, d’après Seidlitz, 4 : 7,500,000. XIX°livraison, N°11. Asie,carte géologique, 1 : 30,000,000, par H. Berghaus. Cartouches : chaine du Sel (Pandjab), 4 : 7,500,000; Java d’après Junghuhn, { : 15,000,000 ; Japon et Corée, d’après Naumann et Gottsche, 41 : 15,000,000 ; coulée de laves de l'Asama Jama (Japon), 1783, au 1 : 1,000,000, N° 39. Lignes d’égale déclinaison (Isogones). pour 1885, O, par G. Neumayer. Cartouches : régions polaires; variation séculaire de la déclinaison magnétique pour la période 1870-1890; variation diurne de la déclinai- son magnétique. N°75. Carte ethnographique de l'Europe au commence- ment du II° siècle de notre ère, par G. Gerland, Cartou- ches : Italie environ 1000 ans avant Jésus-Christ, 4:7,500,000; Afrique pendant les premiers siècles carte hydrographique par H. Berghaus. 8 cartouchesap sJésus-Christ,1:60,000,000 ; Asieenviron 100-150ans avant Jésus-Christ, 4 : 60,000,000; Europe centrale au commencement du vi siècle, XX° livraison : N° 9. Europe, carte géologique, 1: 15,000,000, par H. Berghaus. Cartouches : Spitzherg, d'après Nathorst et Suess, 4 : 10,000,000; Caucase, d’après E. Favre et Abich, 4 : 7,500,000; Pyrénées franco-espagnoles, d’après Carez, 4 : 5,000,000 ; Scanie, d’après les levés géologiques de la Suède, { : 5,000,000; région volcanique de Laki (Islande) d'apris Helland, 1 : {,000,000; îles Volcano et Lipari, avant l’éruption de 1886, 4 : 500,000; glaciers de l’Adai-Koh (Caucase), 1 : 500,000, N° 22, Courants marins et température de l'eau de mer à la surface en février et en août, par H. Berghaus (£ planisphères), Cartouches : mer du Nord en janvier- février et en juillet-août; courants du golfe de Guinée, courants du Pacifique; 5 coupes montrant la distribu- tion verticale des températures dans l'Atlantique et le Pacifique, d’après les sondages du Challenger, de la Gazelle et du Valorous. . N° 40. Courbes méridiennes magnétiques et lignes d’équi- libre (x) en C. G. S., par G. Neumayer. Cartouches : isodynames en C. G. S. pour 1885, O (planisphère); idem (régions polaires); lignes d'équilibre magnétique pour 1840, d’après Gauss et Weber. Nous nous réservons d'apprécier en détail les mérites du Physikalischer atlas, lorsque la publication en sera terminée, Emm,. DE MARGERIE, Seunes (J.). — Recherches géologiques sur les Terrains secondaires et l’Eocène inférieur de la région sous-pyrénéenne du Sud-Ouest de la France (Basses-Pyrénées et Lances). In-8°, 250 p. 9 pl. Thèse de Doctorat, présentée à la Faculté des Sciences de Paris, Vve Ch. Dunod. 1890. La chaine des Pyrénées est celle des grandes régions de la France dont la connaissance présente pour le géologue le plus de lacures à combler, La succession des terrains y est connue dans ses grandes lignes, mais le moment parait encore éloigné où il sera pos- sible d’embrasser dars une œuvre de synthèse lhis- toire de la formation du système de montagnes qui sépare notre pays de la péninsule Ibérique, Ce n'est que par des travaux de détail, par des monographies régionales patiemment élaborées que l’on peutespérer trouver la solution des problèmes qui se dressent à chaque pas. Chaque travail de ce genre portant sur la région pyrénéenne mérite donc d’être accueilli avec faveur par le public scientifique. Les recherches de M. Seunes portent sur les Basses Pyré- nées et sur la partie méridionale du département des Landes ; le volume dans lequel les résultats en sont consignés constitue une des meilleures thèses de géolo- gie présentées à la Faculté des Sciences dans ces der- nières années. L'auteur a porté toute son attention sur les Terrains secondaires du territoire qu'il a parcouru. Le Trias est représenté dans la plaine sous-pyré- néenne par des argiles gypsifères et salifères affleurant au milieu des terrains crétacés ou tertiaires. Leur âge avait fait l'objet de longues controverses, on les avait placées tour à tour dans le Tertiaire, dans le Crétacé ou dans le Jurassique. L'auteur à nettement établi leur position en montrant qu’elles étaient recouvertes en certains points par des lambeaux calcaires contenant des fossiles de l’Infralias. M. Seunes a pu décrire dans les Pyrénées occiden- tales une succession qui est la plus complète qu’on ait signalée dans la chaine, Les différentes assises du Lias, du Bajocien, du Cal- lovien, de l’'Oxfordien sont bien développées et sont fossilifères; seules les couches supérieures du système n'ont pas fourni de fossiles. Mais ce sont les dépôts 454 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX crétacés qui méritent d’attirer plus particulièrement l’attention du lecteur. Le Néocomien fait défaut, la série crétacée débute par des calcaires à rudistes qui représentent l’Aptien. C'est dans l'étage du Gault qu'il faut ranger les cal- caires coralliens à Horiopleura Lamberti et Polyconites Verneuili, M. Seunes est le premier à avoir assigné à ces calcaires leur véritable position : jusqu'à présent on les avait toujours confondus avec les calcaires à rudistes de lAptien et c’est la première fois que l’on démontre d’une manière certaine la présence dans le Gault d’un faciès corallien. Ce même faciès envahit aux environs d’Orthez tout l'étage cénomanien. En d’autres points, par contre, cet étage est représenté tout entier par des dépôts puissants de calcaires marneux ou de grès en dalles, que l’on avait rangés à tort dans le Sénonien, On n’y rencontre guère que des empreintes de fucoides et Orbitolina concava, forami- nifère caractéristique du Cénomanien. M. Seunes rap- proche ce faciès particulier du Flysch des Alpes Suisses, Le Turonien et le Sénonien inférieur sont mal repré- sentés dans les Basses-Pyrénées, Le Sénonien supé- rieur renferme à Tercis de nombreux fossiles qui ont permis de le paralléliser avec les dépôts crétacés des régions septentrionales. Le Danien de la région sous-pyrénéenne présente deux niveaux bien distincts, Le niveau inférieur est constitué par des calcaires marneux blanchâtres : il est riche en échinides du genre Stegaster et contient Pachy- discus Jacquoti Seunes et Fresvillensis Seunes, deux ammonites qui se retrouvent dans le calcaire à Bacu- lites du Cotentin. Ce sont les dernières ammonites qui ont vécu dans les mers d'Europe : le Danien supérieur n'en contient plus. Il est constilué par des calcaires marneux maculés de rouge et contient Nautilus danicus et des échinides des genres Echinocorys, Hemiaster, Coraster, Ce niveau supérieur est franchement marin, tandis que dans les Pyrénées centrales il est repré- senté par des dépôts saumâtres et lacustres connus sous le nom d’élage garumnien. Les Echinides du Sénonien et du Danien des Basses- Pyrénées ont déjà fait l’objet de deux notes intéres- santes de M. Seunes. Le Danien est recouvert par des grès et des conglo- mérats à Operculina Heberti et Nummaulites spilecensis, appartenant déjà à l’Eocène inférieur. Un chapitre spécial est consacré à un aperçu de la structure de la région parcourue et aux épanchements de roches ophitiques. Des coupes nombreuses et une carte géologique au 5% du territoire étudié aident beaucoup à l’intel- ligence du beau mémoire de M. Seunes, Emile Have. Zacharias (E.). — Sur les Cellules des Cyano- phycées. Botanische Zeitung, 1890, N° À à 5. Plusieurs faits conduisent à supposer que le noyau est un élément essentiel de la cellule, La substance qui le caractérise chimiquement (nucléine) a été extraite d’un certain nombre de Cryplogames où jamais noyau n’a pu être apercu. D'autre part, depuis quelques années le progrès de la technique micrographique a permis de déceler la présence d’un noyau véritable à l’intérieur d’un grand nombre de cellules qu’on en avait crues dépourvues, Pour le mettre en évidence on utilise le pouvoir électif que possèdent, à l'égard de certaines matières colorantes, les parties du noyau principalement constituées par la nucléine. En appliquant celte méthode à l'étude des cellules chez les Algues Cyanophycées, M. Zacharias a remarqué qne leur région centrale peut se colorer autrement que le protoplasme pariétal. Mais cette réaction n’est pas constante et, de l’aveu de l’auteur, ne suffit pas pour té- moigner d'une localisation de la nucléine. Jusqu'alors on n’a jamais réussi à l’observer nettement chez les Bacté riacées, Les Saccharomyces, quantité d'Algues et de Cham- pignons. Vu la délicatesse des procédés d'investigation dont nous disposons aujourd'hui, l’'insuecès des efforts tentés pour découvrir le noyau dans toutes les cellules nous parait suggérer l'hypothèse que,sisamatière propre existe dans toutes, — ce qui semble probable, — du moins elle ne forme des corps figurés d’une certaine complexité que dans les cellules les plus différenciées ; celles des organismes tout à fait inférieurs ne la renfer- meraient, pour ainsi dire, qu'à l’état de diffusion dans le protoplasme, END} 4° Sciences médicales. Reclus et Noguès (P.). — Traitement des perfo- rations traumatiques de l'estomac et de l’in- testin. Rev. de chir., Paris, 1890, t, X, p. 89 et 419. Les auteurs cherchent, par la réunion de nombreuses observations, à démontrer que l’abstention lors de perforation traumatique de l’estomac ou de l'intestin, donne des résultats meilleurs que la laparotomie. Les statistiques semblent confirmer au premier abord cette opinion; la mortalité est moindre dans les plaies de l'abdomen traitées par l’expectation que dans celles où l’on est intervenu par la laparotomie. C'est là un fait indiscutable, mais qui pourrait peut-être trouver, en partie, son explication dans cet autre fait non moins indiscutable que bon nombre des plaies de l’abdomen traitées par l’abstention étaient des plaies sans grands symptômes, des plaies bénignes d’allure, Ces statis- tiques brutales ne démontrent nullement que, pour des séries de cas identiques, la laparotomie eùt, donné des résultats inférieurs à ceux de l’abstention. MM. Reclus et Noguès sont, du reste, les premiers à reconnaître qu'il y a plaie de l’abdomen et plaie de l'abdomen, Ils n'hésitent pas à conseiller l’opération lors d'hémorrhagie, d’issue de gaz ou de matières intestinales par la plaie, de tympanisme généralisé avec sonorité particulière de la région hépatique, lors de traumatisme grave, coup de pied de cheval par exemple, enfin lors de réaction péritonéale. La question reste encore indécise et de nouveaux faits bien observés sont nécessaires pour permettre de poser d’une manière définitive les indications de traitement en présence de chaque cas, D' HARTMANN. Coupard et Saint-Hilaire, — Contribution à l'étude des céphalalgies, névralgies et migraines d’origine nasale. Tribune médicale, n° 8, 9, 10 et 12, 1890. Dans une série d'expériences sur les réflexes d’ori- gine nasale, M. François Franck a reproduit chez les animaux tous les phénomènes objectifs, vaso-moteurs et autres, de la migraine eta démontré physiologiquement l'influence des irritations nasales sur la production de certaines névroses, Depuis les travaux de Hack en 1882, cette influence a souvent été observée en clinique et dans des cas où la preuve a pu être faite qu'il y avait là plus qu'une simple coïncidence, mais relation intime de cause à effet. A l'appui de cette thèse, MM. Coupard et Saint-Hilaire ont apporté leur contingent d’observa tions, passant successivement en revue l'influence des altérations de la muqueuse nasale sur la simple cépha- lalgie ; sur les névralgies cräniennes, surloutles sus et sous orbitaires, rapportant, entre autres, un fait remar- quable d’une névralgie datant de 20 ans, rebelle à tout traitement et guérie après de simples cautérisationsna- sales ; enfin sur la migraine. Assurément il faudrait bien se garder de trop généraliser, maisil n’en est pas moins vrai que souvent les migraines peuvent avoir une, origine nasale ; aussi, ne voyons-nous que des avanta- ges à conclure avec les auteurs que chez toute personne atteinte de migraines il est bon d'examiner attentive- ment l’état de la muqueuse nasale, et de la traiter, s’il y a lieu. D'E. DE LAVARENNE, Wicolas (D' A.). — Le brouillard. (Rapport à la So- ciété française d'hygiène.) Paris, 1890, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER Les Sociétés de Physique et de Chimie de Londres, la Société de Physique de Berlin, l'Académie des Siences de Saint-Pétersbourg, l'Académie royale des Lincei sont entrées en vacances. ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du T juillet 1890, 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. O. Callandreau étudie quelques cas particuliers de la capture des co- mètes par les planètes et montre que ces cas s’expli- quent parfaitement par la théorie générale de la cap- ture, bien qu’on ait voulu les opposer à cette théorie, — M. G. Rayet : Sur une photographie de la nébuleuse annulaire de la Lyre, obtenue à l'Observatoire de Bor- deaux, le 24 juin 1890. —M, J.Léotard communique : 1° Une observation de l’éclipse partielle de Soleil du 17 juin 1890 ; 2° Une observation de l’occultation par la lune de l'étoile double Ê Scorpion, le 19 juin 4890, — M. Mouchez présente des photographies spectrales d'étoiles, de MM. Henry; ce sont les premières ob- tenues à l'Observatoire de Paris, et elles sont déjà aussi bien réussies que les plus belles qui aient été faites ailleurs. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Gouy avait montré qu’une onde lumineuse, en passant par un foyer réel, gagne une avance de —, conformément à la théorie dé- duite par lui du principe de Huygens ; de nouvelles expé- riences l'ont conduit à penser que le phénomène est général, qu'il s’agit d’une propagation anomale des ondes, qui ne paraît pas limitée aux seules ondeslumineuses, — M. Neyreneuf avait indiqué que la loi relative à l’écou- lement du son par les tuyaux cylindriques est iden- tique à la loi de Poiseuille sur l'écoulement des fluides par les tuyaux capillaires ; il présente un mémoire dans lequel il étudie cette loi en détail, — M, Schutzen- berger a fait de nouvelles recherches pour confirmer ses conclusions antérieures, sur le transport des élé- ments de l’eau du dehors dans l’intérieur des tubes à effluve, En faisant agir le flux électrique, non plus sur une masse confinée ; mais sur uncourant d’acétylène ou d'oxyde de carbone, il a vérifié que les éléments de l’eau pénètrent à travers le verre ; ils pénètrent séparé- ment, et non en tant qu’eau en nature, par suite d’une espèce de transport électrolytique. — M.C. Lefèvre: Action par la voie sèche des différents arséniates de po- tasse et de soude sur quelques sesquioxydes métalliques. — M. G. Rousseau prépare l’azotate basique de cuivre cristallisé, enchauffant en tube scellé, eu présence d’un carbonate alcalino-terreux, l’un ou l’autre des deux hy- drates de l’azotate neutre de cuivre ; cesous-azotate cor- respond à la formule de Gerhardt, et non àcelle de Ber- zelius et Graham. — M. G. Geisenheimer: Sur les bromures doubles de phosphore et d’iridium, — M. A. Berg décrit quelques chromoiodates qu'il a obtenus. — M. A. de Gramont a reproduit la boracite par voie hu- mide, en chauffant à hautetempérature en tubescelléune partie de borate de soude et deux parties de chlorure de magnésium avec une petite quantité d’eau. — M. Prud- homme expose quelques faits relatifs aux nitro-prus- siates. — MM. Berthelot, André et Matignon em- ploient l’oxygène sous pression, en présence de l’eau, pour oxyder le soufre des composés organiques sul- furés et le transformer en acide sulfurique, en vue du dosage ; cette transformation difficile et pénible par les procédés ordinaires, s’accomplit ainsi facilement et sans pertes, La méthode s'applique même au sul- fure de carbone, Les mêmes auteurs ont déterminé la chaleur de combustion de quelques corps organiques sulfurés, thiophène, taurine, — MM. Berthelot et Ma- tignon ont déterminé lachaleur de combustion de quel- ques principes sucrés, Erythrite, Arabinose, Xylose, Raf- finose, Inosite. — M. André Bidet a reconnu que divers composés de la série aromatique, qui se colorent sous l'influence de l'air et de la lumière, doivent cette alté- rabilité àdes traces d'impuretés ; parfaitement purs, ils restent indéfiniment incolores, même au soleil, — M. Adolphe Renard: Sur le phényl-dithiényle, — En traitant le glucose en solution concentrée par l’a- malgame de sodium, M. J. Meunier a obtenu l’acé- tal dibenzoïque de la sorbite, — MM. C. Vincent et Delachanal, en hydrogénant la sorbine par l’amal- game de sodium, ont reproduit la sorbite; en oxydant la sorbite par le brome et l’eau, ils ont obtenu du glu- cose, — M, A. Haller étudie les éthers dicyanacétiques qu'il obtient par l’action de l’alcoolate de sodium, sur les éthers cyanacétiques: ces éthers sont très acides, 3° SCIENCES NATURELLES. — En faisant fermenter des liquides, mais à la fois par les Saccharomyces et par les ferments lactique ou butyrique, M. G. Jacquemin a obtenu dans les produits de la fermentation l’éther lactique et l’éther butyrique, — A propos de la commu- nication récente de M. Müntz, M. P. Péchard rappelle qu'il avait constaté la production d’ammoniaque aux dépens des engrais, avant toute trace de nitrification- — M. À. Chauveau a cherché dans l'étude du dégage- ment de chaleur qui accompagne le phénomène, les lois de l’élasticité active du muscle et la détermination de l'énergie employée à sa création dans le cas de con- traction statique; ces recherches lui ont montré que l’échauffement est proportionnel d’une part au poids soutenu, d'autre part au raccourcissement du muscle. Ces recherches ont été faites sur les biceps de l’homme, — M. R. Dubois a constaté que l’organe de l’olfaction, chez les Helix, est constitué essentiellement par les grands tentacules; ces tentacules, séparés du corps et de leur ganglion terminal, présentent encore des contractions s'ils sont soumis à une vapeur odorante; l’auteur voit là l’analogue du système avertisseur myoé- pithélial qu’il a décrit chez la Pholade. — M. J. Blake, étudiant l’action physiologique des sels du thallium, a vu que les sels thalleux agissent exclusivement sur les vaisseaux pulmonaires, et que les sels thalliques agis- sent à la fois sur ces vaisseaux et sur le système ner- veux central; l’auteur pense qu’on peut établir une relation entre ces actions physiologiques et les pro- priétés spectroscopiques des sels considérés. — M. A. Laboulbène a reconnu que les caractères de la ladrerie dans la viande de veau et de bœuf disparaissent très rapidement après l’abatage, par suite de l’affaisse- ment des vésicules des Cyslicerques; ces caractères se conservent au contraire très bien dans la viande plongée dans lalcool, — M. G. Pruvot montre que l'organe désigné chez les Néoméniées sous le nom de cœur est en réalité un repli conjonctif en rapport avec les glandes génitales. — Par des observations directes, M. H. Prouho a constaté que les oursins se servent de leurs pédicel- laires gemmiformes comme de moyens de défense; les piquants se couchent contre la carapace pour per- mettre l’action des pédicellaires plus courts; ceux-ci restent toujours dans la morsure qu'ils ont faite, — M. L. Jammes, étudiant l’histologie des Nématodes, a trouvé des connexions très étroites entre la couche dite 456 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES granuleuse et l'anneau nerveux periæsophagien. — M. Marcellin Boule décrit les éruptions basaltiques de la vallée de l'Allier. — M. A. Lacroix a reconnu que les roches volcaniques recueillies par Sainte-Claire- Deville à la Martinique sont constituées principalement par des andésites et des labradorites riches en hyper- sthène, — M. H. Lasne a pu établir, sur denombreuses observations, une corrélation entre les diaclases de la craie, et les rideaux, c’est-à-dire les ressauts brusques du terrain qu’on observe dans la Somme. Séance du 15 juillet 1890 49 SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M, Cels : Sur les équa- tions différentielles ordinaires. — M, H. Faye examine deux travaux récents sur la rotalion du soleil. Le pre- mier est de M. Wilsing de Posdam, qui s'efforce par l'étude des facules substituée à celle des taches, de dé- montrer que la vitesse angulaire est la même pour toutes les latitudes; M. Faye montre combien l’obser- vation des facules prête à l'erreur. Le second travail est de M. Duner, d'Upsal, qui a utilisé pour la détermina- tion de la vitesse le déplacement des raies du spectre fourni par les bords du soleil, suivant l’idée émise par M. Fizeau ; cette méthode, délicate, mais précise a l'avantage de s'appliquer à toutes les zones de la sur- face solaire et à toutes les périodes. Les résultats con- cordent d’une façon satisfaisante avec ceux que M. Faye a déduits des observations de M. Carrington sur les taches ; il s’en suit que la vitesse angulaire décroît de l'équateur vers les pôles, 1 22 ScIENCES PHYSIQUES. — MM. Mascart et Bouasse indiquent les conditions dans lesquelles on peut obte- nir de bonnes photographies des franges des cristaux. — M. Bouasse propose une méthode générale de mesure de la différence de phase des composantes rec- tangulaires d’une réfraction lumineuse. —M.G.Charpy propose d'employer l’hygromètre à condensation pour déterminer les tensions de vapeur des dissolutions. — M. Schæsing indique le dispositif pour la congélation des viandes adopté par la commission du ministère de la guerre présidée par M. Berthelot : une tourelle cen- trale remplie de coke recoit un courant continu de solution de chlorure de calcium refroidie au-dessous de zéro, et, après s'être refroidi au contact de la solu- tion, pénètre dans une enceinte concentrique où sont suspendues les viandes. — M. G. Guilbert indique le moyen de prévoir, par l’observation simultanée du baromètre et de la succession nuageuse, la vitesse probable du vent. — M. A. Colson a cherché, dans divers faits de la chimie organique, lexplication des excep- tions constatées aux lois de Berthollet sur les doubles décompositions ; il a trouvé que la thermochimie les explique, et que les lois de Berthollet ne s'appliquent pas quand la différence des chaleurs de combinaison est assez grande: — M. E. Leïdié a fait des recherches sur les nitrites doubles du rhodium; il compte uti- liser notamment le nitrite double de rhodium et de potassium pour extraire Le rhodium à l’état de pureté. — M. E. Léger a constaté que les combinaisons du camphre avec les phénols, bien que très instables, existent réellement, comme le prouvent l'existence de rapports simples entre les composants, et la variation du pouvoir rotatoire des solutions alcooliques de camphre après adjonction de phénols, — M. L. Mourgues à obtenu l’hexachlorhydrine de la mannite par l’action du perchlorure de phosphore sur la mannite. —En trai- tant par l'ammoniaque l’éthernitrotartrique de méthyle, et de divers autres alcools, M. Maquenne a obtenu des composés $ pyrazoliques, qui montrent que dans la réaction, l'alcool est passé par l’état d’acétone, tandis que l'acide nitrique passait à l’état nitreux. Cette réac- tion est générale dans la saponification des éthers nitriques, 39 SCIENCES NATURELLES. — M. Chauveau continue l'étude du dégagement de chaleur qui accompagne la création de l’élasticité active dans le musele : dans le cas des contractions dynamiques, c’est-à-dire dans le cas où le muscle soulève lentement un poids donné à une hauteur donnée, et le ramène ensuite lentement à sa position première, on trouve les mêmes lois que dans le cas de contraction statique : dégagement de chaleur proportionnel au poids soulevé et au raccour- cissement du muscle, — M. Henneguy a retrouvé dans les cellules de segmentation de l’œuf de la Truite, les sphères attractives signalées par Van Beneden chez lAs- caris comme jouant un rôle important dans la multi- plication cellulaire, et retrouvées chez divers inver- tébrés, — M. R. Blanchard et J. Richard décrivent les crustacés brachiopodes et copépodes qui vivent dans les Sebkhas et les Chotts de l'Algérie, — M. L. Mangin donne une classification des divers réactifs co- lorants qui permettent de différencier les substances fondamentales de la membrane cellulosique des végé- taux, pectine, callose, cellulose, — M. H. Le Chatelier a constaté que la courbe de dilatation par la chaleur qui est régulière pour la silice amorphe, est très irré- gulière pour les diverses formes de silice cristallisée — M. A. Térreil donne la composition de la Ménilite de Villejuif, L. LAPIGQUE ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 15 juillet 1890. M. Boucheron fait une communication sur les ophtalmies sympathiques qui sont dues : les récentes à une action microbienne par propagation suivant les nerfs optiques du côté lésé au côté sain, les anciennes à un état pathologique des nerf ciliaires, et conseille contre celles-ci la névrotomie cilio-optique, les branches ciliaires superficielles assurant la conservation de l'œil. — M. Guérin, à propos des accidents de la chlorofor- misation, dit qu'il a administré des milliers de fois le chloroforme sans avoir d'accidents. Il conseille, au début, de faire respirer le malade seulement par la bouche, à la dernière période, de laisser le malade respirer de l'air pur de temps en temps, de ne jamais commencer l’opération avant anesthésie complète, — M. Labbé rappelle qu’en 1882 il a conseillé de donner le chloroforme à doses aussi petites que possible et à dose continue, sans la moindre intermittence, en agis- sant toujours comme si le cas était défavorable, En cas d'accident, il faut faire de suite l'immersion du corps et pratiquer avec persévérance larespiration artificielle. —M.Lagneau fait une communication sur les mesures propres à rendre moins faible l’accroissement de la population en France, où les mariages sont tardifs et de moins en moins nombreux, la natalité, le tiers de celle d'Angleterre, de Russie, d'Allemagne; bien que la mortalité plus élevée dans les villes que dans les cam- pagnes n'ait pas beaucoup changé depuis quelques années, cependant l’exédent des naissances sur les décès n’est que de 1,19, pour 1.000, de sorte que dans cent ans au plus, la France ne pourra plus fournir que la moitié des soldats qu’elle a actuellement. —M. Javal fait connaitre une proposition qu'il soumettra à l'Aca- démie, attirant l'attention des pouvoirs publies sur ces faits. — MM, Marchand et Loir sont élus associés nationaux, Séance du 22 juillet 1890. M. Laboulbène fait une communication sur les moyens de reconnaître la ladrerie bovine, due aux cysticerques du tænia saginata. IL a constaté avec MM. Guichard et Georges Pouchet qu'au contact de l'air, le cysticerque se réduit de lui-même et devient à peine perceptible, à moins qu’il soit recouvert par une couche aponévrotique. Le kyste réduit réapparaît si on le mouille d’eau pure, surtout si elle est additionnée d'acide nitrique. Cuite suffisamment, la viande est inof- fensive : 50 à 60° suffisent ; la viande crue, pulpée avec soin et tamisée, n’est pas nuisible. — M. Maurice Hache (de Beyrouth) présente quatre observations d’abcès du foie et préconise le traitement par linci- sion franche de la collection purulente, —M. Lagneau continue sa communication sur la dépopulation en ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 45 ©e “1 France, en indiquant les moyens d'y remédier. Parti- culièrement en étudiant comment on pourrait res- treindre le célibat et la natalité illégitime; empêcher l'extension de la syphilis; réduire au temps stric- tement nécessaire la durée de présence des hommes dans l’armée ; diminuer la morbidité, la mortina- talité et la mortalité par la création de maternités- ouvroirs, l'application des lois sur la protection de la première enfance; les règlements d'hygiène des grandes villes ; la substitution de camps ruraux aux casernes; restreindre l’ immigration des campagnes dans les villes: favoriser la naturalisation des étrangers, tout en leur faisant partager nos charges. — M. 1@, ‘Sée com- mence une communication sur l’usage du cannabis in- dica dans le traitement des dyspepsies et des névroses gastriques. D'E. DE LAVARENNE. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 12 juillet, 1890, M. Gley présente des tracés de télanos du cœur, ob- tenus par l'excitation électrique du myocarde sur des grenouilles ayant recu dusulfure d’allyle. —M. A. René donne’ observation d’un cas d’anosmie, — MM. Dejerine et À. Tuillant signalent l'existence constante d’un ré- trécissement du champ visuel dans la syringomyélie; ce rétrécissement est en général plus prononcé pour le vert que pour les autres couleurs. — M. Henneguy à retrouvé la sphère attractive cellulaire de M. Van Ben- den dans les cellules embryonnaires de la truite. M. A. Borrel a repris l’élude de la Te des coc- cidiés dans les épithéliomas; il a bien retrouvé les formes signalées par divers auteurs Pine apparte- nant à des psorospermies, mais d’après ses observations, ilne peut leur attribuer que la signification d'éléments dégénérés; en aucun cas, il n’a observé ni pu obtenir une forme caractéristique de l’évolution dela coccidie, — M. Dareste a constaté chez divers pigeons hybrides inféconds la présence, chez le mâle, de spermatozoïdes normaux. — MM. Charrin el Gley ont observé chez un lapin un ostéome infiltré de staphylocoques; ils donnent le cas comme exemple de l'infection après coup d’une tumeur préexistante, — M. A. Piéliet dé- crit l'estomac à poches multiples d’un lamantin, — MM. Laborde et Malbec ont étudié comparalivement la toxicité des sels de strontium et de baryum; ces deux métaux, chimiquement voisins, diffèrent enlière- ment dans leur action phy siologique, le strontium étant à peu près inoffensif, tandis que le baryum est très vénéneux, Séance du 19 juillet 1890 M. Thumas (de Varsovie) enregistre de la facon sui- vante la vitesse du courant FEU à la périphérie, chez l’homme ; un doigt, anémié par la pression d’une bande de caoutchouc analogue à un plethysmographe, est introduit dans un récipient plein d’eau; la bande est enlevée, le sang afflue et déplace l’eau, dont l'écou- lement s'inscrit sur un cylindre, Le temps nécessaire pour le remplissage du doigt varie chez un sujet nor- mal de 9 à 13 secondes. — M. Gasser a employé la décoloration des couleurs d’aniline par le bacille ty- phique, comme moyen de distinguer ce dernier des autres microbes. Cette réaction ne peut servir à le dis- tinguer du bacterium coli qui décolore également les plaques colorées; il est vrai que la forme des cultures est un peu différente. —M. Laguesse à étudié la facon dont les très jeunes écrevisses s’attachent à l'abdomen de la mère : la fixation se fait d’abord par un filament chitineux, reste de la première mue; plus tard, la jeune écrevisse se tient par la pince, — M, Rebour- geon a trouvé le microbe du beriberi dans la moelle des malades morts de cette affection; les cultures in- jectées aux chevaux ont produit chez ces animaux le quebrabund, qui n’est qu'une forme équine du beriberi. — MM. Debray et Legrain adressent une note sur la production d'hydrogène sulfuré par les bactéries, — MM. Combemale et François ontétudié les propriétés physiologiques et thérapeutiques du bleu de méty- lène ; cette substance ne produit aucunement l’anes- thésie chez les animaux, mais elle a donné plusieurs succès dans des cas de névralgie chez l’homme, — MM. Charrin et Gley ont analysé le mécanisme phy- siologique par lequel les produits solubles du bacille pyocyanique s'opposent à l’inflammation, Ces produits paraiysent les centres vaso-dilatateurs, comme le dé- montre la suppression de l’action réflexe du dépres- seur du cœur et du nerf de l'oreille chez les lapins ayant recu ces produits en injection intra-veineuse. — M. Déjerine a eu l’occasion de faire l’autopsie d’un cas de névrite apoplectiforme, qui avait frappé un bras du sujet, Il a trouvé autour du plexus brachial un no- dule de tissu scléreux, en partie ossifié, avec amas d’hématoïdine ; aucune lésion cérébrale ni médullaire, IL s’agit donc bien dans ce cas d’une hémorrhagie sou- daine enveloppant les troncs nerveux. — M. Krogius (de Helsingfors) a trouvé dans les urines de malades atteints de pyélite un bacille spécial (wrobacillus lique- jee septieus) qui décompose l’urée et tue rapidement les lapins avec hyperthermie. Ce microbe semble jouer un rôle important dans les accidents de l'infection uri- neuse, L,. LAPiICQuE. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 18 juillet 1890. M. Lucien Poincaré : forces électromotrices dans les électrolytes fondus. — M. Bouty fait au nom de M. Stoletow une communication sur les phénomènes actino-électriques. Les deux pôles d’une pile sont atta- chés respectivement aux deux armatures A et B d’un condensateur plan, À est une lame pleine, B est un grillage métallique. Un galvanomètre intercalé dans le circuit n'indique aucune "dé vialion, mais vient-on à pro- jeter sur B un faisceau de lumière violette, un courant s'établit aussitôt qu'il est indiqué par le galvanomètre, M. Stoletow à cherché l'influence qu'exerce sur l’inten- sité de ce courant la pression du gaz séparant les deux armatures. À cet effet la lame A est enfermée dans une boite parallélipipédique fermée sur l’une de ses faces, par une lame de quartz qui laissera pénétrer les radia- tions violettes; la lame B est obtenue en argentant la face interne de la lame de quartz et enlevant avec un tracelet l’argenture le long de traits parallèles, à la manière des constructeurs de réseaux, Les pressions sont exactement mesurées, les plus faibles avec une jauge de Mac Leod. L'intensité du courant ne varie pas proportionnellement à la force électromotrice; pour une force électromotrice donnée, l'intensité augmente d’abord avec la pression, quand celle-ci est assez forte au début, passe par une valeur critique, puis décroit lentement ; pour de faibles pressions le courant de- meure au contraire presque invariable, — M. Bouty fait ensuite une communication sur le résidu des con- densateurs ; la Revue rendra compte de ce travail, — M. Dufet éludie les indices de réfraction des diffé- rents quartz; on ne savait pas jusqu'à présent si le quartz possède ou non un indice de réfraction abso- lument fixe, indépendant de la nature de l'échantillon considéré; les mesures effectuées étaient peu concor- dantes, et ne pouvaient être comparées entre elles. Les expériences de l’auteur prouvent, que pour tous les quartz limpides l'indice est rigoureusement le même à une température bien déterminé e ; pourles quartz en- fumés il varie un peu plus irrégulièrement; pour toutes les améthystes il conserve une même valeur, un peu plus forte que celle correspondant au cristal de roche ordinaire, Dans toutes ses déterminations, M. Dufet s’est servi avec avantage du réfractomètre de M. Pul- frich, cet appareil peu connu en France, fréquemment employé en Allemagne, utilise la méthode de la ré- flexion totale; il permet d'éviter les erreurs systéma- tiques, et l'influence des variations de température, Lucien Poincaré, 458 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 19 juin 1890 1° ScrencEs PHYSIQUES. — M. E. H. Griffiths présente une note sur la détermination de quelques points d’ébullition et de congélation au moyen du thermo- mètre de platine. Ses expériences ont eu pour but : 1° de comparer les lectures faites sur des thermo- mètres de platine, fabriqués avec des échantillons diffé- rents de fil, arrangés de différentes manières et isolés par des substances différentes ; 2° de trouver une méthode exacte pour graduer ces thermomètres sans recourir à l'emploi direct du thermomètre à air; 3° de déterminer certains points d’ébullition et de congéla- tion, M. Griffiths donne des détails complets sur la construction de ces thermomètres. Voici les conclu- sions auquel il arrive : 4° bien que les courbes de tem- pérature fournies par les différents thermomètres varient considérablement, les températures moyennes déduites de ces courbes sont pratiquement d'accord ; 2° les thermomètres, construits et gradués, de la manière indiquée, peuvent être employés pour la détermination exacte des températures jusqu'à 5000 C. environ, — M. W. C. Dampier Whetham présente une note sur le prétendu frottement à la limite d’un liquide en mouvement. Il a observé le temps d’écoule- ment d’un volume connu d’eau à travers un tube de verre ; l’intérieur du tube a alors été argenté, et on a pris une nouvelle observation avec la même pression et le même volume d'eau, A la suite de quatre séries d'observation sur trois tubes différents, M. Dampier Wbetham a constaté que les temps d'écoulement dans les tubes de verre étaient à 0,7 près les mêmes que les temps d'écoulement dans les tubes argentés, bien que l’on se soit servi de tubes recouverts de diverses épaisseurs d'argent et que la vitesse (gradient of velocity) ait éte poussée jusqu'aux limites du mouve- ment linéaire, M. Dampier Whetham a expérimenté aussi sur des flacons oscillants, ordinaires et argentés, eta montré qu'il n’y a pas de frottement avec les solides qui se laissent mouiller par le liquide dont on se sert. Ces résultats sont entièrement opposés à ceux auxquels était arrivé M. Helmholtz.—-M.H. J.Cha- ney à déterminé à nouveau le poids d’un pouce cubi- que d’eau, Le meilleur moyen pour déterminer le poids d’un volume donné d’eau est de déterminer le poids de l’eau déplacée par un corps ou gravimètre dont les poids dans l'air et dans le vide, et les dimen- sions linéaires peuvent être précisément déterminées, M.Chaney s’est servi pourses expériences de trois gravi- mètres différents : (C). Un cylindre circulaire creux en bronze recouvert de platine de 9 pouces de diamètre et de hauteur, (Q) Un cylindre de quartz de trois pouces de diamètre et de hauteur. (S) Une sphère creuse de laiton de 6 pouces. Il a trouvé que dans l’air un pouce cubique d’eau distillée, exempte d’air, pèse à la tempé- rature de 62° K, Cr NU RE ne 297 grains Dr Re Re NAT 2 M — CO PO RP ee SCA OL P)x0) 610 — On est arrivé à une plus grande exactitude avec la sphère qu'avec les cylindres, aussi en calculant le poids du pouce cubique a-t-on assigné une plus haute valeur àS ; un pouce cubique d’eau pèse donc 252.286 + 0.002 grains. — M. W. H. Dines présente une note sur la pression du vent sur une surface inclinée. Il s’est servi pour ses expériences d’une table tournante de 56 pieds de diamètre ; les observations ont porté sur des plaques carrées et circulaires, Les expériences faites avec une plaque circulaire exposée au vent dans diver- ses positions (son plan étant toujours vertical, mais fai- sant différents angles avec la direction du vent) mon- trent que la composante tangentielle de la pression du vent est si petite en comparaison de la pression nor- male, qu'on peut la négliger. M. Dines à aussi étudié l'effet des surfaces rugueuses et la distribution des lignes de courant sur la surface de la plaque. La pres- sion sur la plaque varie avec la hauteur barométrique. Les expériences ont été faites à diverses températures de 28° F à 68° F —, mais il ne semble pas que l’éléva- tion de la température ait grand effet, peut-être cepen- dant élève-t-elle la pression. — Le professeur W. Stroud présente une note préliminaire sur un nou- veau magnétomètre. Cette nouvelle méthode pour déterminer H, la composante horizontale du champ magnétique de la terre, semble supérieure à la méthode de Gauss aux points de vue suivants: 1° On n’a pas besoin de déterminer un temps de vibration; 2 on ma pas besoin de déterminer un moment d'inertie ; 3° on n'a pas besoin de déterminer la distance entre les deux pôles de la boussole de déclinaison; 4° la varia- tion du moment magnétique de la boussole de déeli- naison au cours d’une expérience ne produit pas d’er- reur, non plus que la variation dans l’action induc- trice de la terre; 5° l’aimant n’a besoin que d'être très faiblement aimanté puisque son action sur lai- guille est due à la somme des actions des deux pôles ; 6° il ne faut que quelques minutes pour détermi- ner H quand les constantes de l'instrument sont une fois déterminées; 7 l'instrument, sans le télescope et l'échelle, ne coùte que quelques shillings. — M, Ch. Da- vison présente un rapport sur les tremblements de terre d'Angleterre en 1889. Après avoir décrit les cinq tremblements de terre de 1889 dont les points épicen- traux étaient dans l’aire des îles anglaises, il a indiqué les différences entre les tremblements de terre de Suisse et de Grande-Bretagne. Ceux-ci sont rares et les aires qu'ils occupent sont plus ou moins circulaires, ce qui implique des fentes de peu de longueur, ceux de Suisse au contraire sont fréquents et leurs aires sont aïlongées, leurs axes étant parallèles à ceux des chaînes de montagnes voisines, les canaux sont par consé- quent longues. — M. Charles Tomlinson donne une note sur l'action des huiles sur le mouvement du camphre à la surface de l’eau. Lord Rayleigh a pré- senté un mémoire sur ce sujet à la Société royale le 27 mars (Revue générale des sciences, n° 8); M. Tom- linson appelle l'attention sur quelques recherches qu'il avait faites antérieurement sur cette question. 29 SCIENCES NATURELLES, — M. C. H. Beever présente un mémoire sur le trajet des fibres du Cingulum et des parties postérieures du corps calleux chez le singe marmouset. Le but de ce mémoire est l'étude microscopique du trajet, dans le cerveau, de certains tractus de fibres qui n’ont pas encore été examinés en détail, La partie horizontale du Cingulum au-dessus du corps calleux n’est pas faite de fibres qui s'étendent dans toute sa longueur, mais de fibres qui vont du gy- rus .fornicatus au centre ovale; Ja partie antérieure en avant du corps calleux unit les nerfs olfactifs à la région frontale; la partie postérieure va de l'extrémité postérieure du corps calleux à l'extrémité anté- rieure du lobe temporo-sphenoïdal : elle contient des fibres qui vont du gyrus de l’hippocampe à la sur- face inférieure du lobe temporo-sphénoïdal, Le cingu- lum nest pas uni au lobule de l’hypocampe et au noyau de l’amygdale qu'il contient, comme le croyait Broca. La partie postérieure du corps colleux se divise en trois régions : 4) Le corps, dont se détache le tape- tum, qui fournit des fibres à lécorce des eornes posté- rieures et descendantes du quatrième ventricule ; 2), le splenium, qui finit dans le forceps major, et qui envoie des fibres à la partie interne du lobe occipital au dessous de la fente de l’éperon, 3) une région inter- médiaire qui forme la voûte de la corne supérieure avec le tapetum,el qui envoie des fibres à l'écorce de la lèvre supérieure de la fente de l’'éperon. — MM. Walter, Spencer et Victor Horsley présentent une note sur les changements produits dans la circulation et la respiration par l'accroissement de la pression ou ten- sion intra-cranienne, La conclusion c’est que l’accrois- sement de la pression intra-cranienne agit sur la cireu- OU Sn OR NP ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 459 lation et la respiration en diminuant l’activité physio- logique de la moelle; les troubles produits par lac- croissement de pression sont d'autant plus intenses que l’activité de la moelle est plus diminuée, Richard A. GRÉGoRY. ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DE BELGIQUE Séance du 5 juiilet 1890. M. le secrétaire perpétuel communique de la part de M. le marquis de Caligny, associé étranger (Ver- sailles), une nouvelle note sur un moyen d'employer son tube oscillant automatique à élever l'eau, sans qu'il s'arrête quand la chute motrice est notablement changée par une affluence d’eau dans le bief d’amont, Il propose de combiner le {tube mobile, avec un flotteur dans une capacité en communication avec le bief d'amont, ce qui permettra d'augmenter la quantité d’eau débitée à chaque période et par suite la force de succion qui ramènera alternativement le tube sur son siège. Comme les dimensions de ce flotteur pourront être assez grandes et que la force de succion précitée cessera d'agir quand il touchera son siège, il faut pour contrebalancer l’action du flotteur de bas en haut, une force qu’on trouvera en élargissant convenablement le tube mobile au-dessus de son anneau inférieur, pourvu que le bief d’aval ne s'élève pas d’une quantité trop considérable, On trouvera de nombreux détails sur cet appareil, dans l’état où, abandonné à lui-même, il con- tinuait à fonctionner quand le niveau d'’amont baissait considérablement : Voir l’ouvrage de l’auteur intitulé : « Recherches théoriques et expérimentales sur les os- « cillations de l’eau et les machines hydrauliques à « colonnes liquides oscillantes », pages 783 à 857. Cet ouvrage n’est pas un traité, C’est un recueil des prin- cipes découverts par l'auteur, et des machines qu'il a inventées, — M. Terby lit une note dans laquelle il résume, en ces termes, les dernières observations qui ont été faites sur les Canaux de Mars et qui semblent confirmer d’une manière certaine les découvertes de M. Schiaparelli : « Les condilions défavorables dans lesquelles se présente Mars cette année ne m'ont permis jusqu'ici de létudier utilement, avec mon huit pouces, que les 23, 24 et 25 juin; j'ai vu alors avec une certitude parfaite les canaux Astusapes el Astaboras, la Nilosyrte, la Boressyrte, 18 Protonibus avec Le lac Ismenius, le Cullirrhoe, le Nepenthes, la Libye, sans parler des grandes lignes de la configuration qui étaient on ne peut plus visibles; l'accord avec la carte de M, Schiaparelli élait remarquable, Un astronome anglais bien connu, M. Stanley Williams, a bien voulu me faire connaître les résultats de ses observations faites avec un téles- cope à miroir de six pouces el demi de Calver et des” grossissements de 320 et de 430 fois; la netteté inu- sitée qui caractérise les dessins de Jupiter de M. Wil- liams et qui contraste avec l'aspect nuageux et vague que l’on rencontre généralement dans les représenta- tions de cette planète, faisait bien augurer des résultats à attendre de cet astronome; car, notons-le bien, la vue de l’observaleur a une influence énorme dans ces recherches et il n’est pas donné à tous de pouvoir comparer l’image de Mars à une gravure sur acier, con- dition sine qua non de visibilité des détails les plus déli- cats. M. Stanley Williams à eu le bonheur de pouvoir reconnaitre quarante-trois canaux de M. Schiaparelli et en à dédoublé distinctement six, à savoir : Nilokeros, Erebus, Cerberus, Titan, Euphrates et Gigas. M. Schiapa- relli lui-même à pu commencer ses observations le 16 mai avec son dix-huit pouces; ses nouveaux dessins confirment ses découvertes précédentes et montrent le phénomène de la gémination dans un développement extraordinaire; il semble que nulle formation à la surface de cette planète n'y soit soustraite, Pour ne ciler ici que deux exemples, nous dirons que le lac du Soleil, cette tache arrondie, si connue, observée pour la première fois par Mädler, en 1830, nommée Mer de Lockyer par M. Proctor, na pu se soustraire au principe de la gémination, comme le lac Tithonius, elle est double aujourd’hui. Le Golfe Sabocus, dessiné par Huygens, en 1659, l’une des régions les plus visibles et les plus connues de Mars, appelé par M. Proctor Détroit d'Herschel IL, est aujourd’hui formé de deux bandes noires très larges, rectilignes, parallèles et dif- ficilement séparables. C’est au point que l’on se de- mande si l’astronome à l’œil d’aigle, le Rév. Dawes, en dédoublant pour la première fois la baie qui porte son nom, le 22 septembre 1862, n'était point le premier témoin d’une de ces géminations mystérieuses, comme il fut aussi, sans s’en douter, le premier observateur de quelques canaux de Mars, » — M. Folie fait une lec- ture sur un sujet qu'il a traité récemment dans les comptes rendus de l’Académie des sciences de Paris. Les astronomes avaient calculé théoriquement la lon- gueur de la période des variations de la latitude et l'avaient trouvée égale à 305 jours environ, dans l'hypo- thèse d’une Terre solide, d’où le nom de décimensuelle qu'ils lui avaient donné, Les résultats qu’ils avaient obtenus étaient discordants quant à l’origine de cette période, La discussion d'observations faites à Dorpat par M. Struve en 1823-24-25 et par Preuss en 1838 a fait voir à M. Folie que la période n’est pas de 305 jours mais bien de 336,7 jours, En adoptant ce nouveau nombre, il est parvenu à mettre d'accord entre elles toutes les valeurs trouvées pour l’origine de la période, les siennes propres résultant des observations de Struve et de Preuss (1823-1838), et celles de Peters (1842), Nyrén (1850) et Downing (1872). Il est done manifeste que la période de 305 jours, calculée dans l'hypothèse d’une terre solide, ne répond pas aux observations et qu'il faut, pour y satisfaire, admettre une période de 336,7 jours; c’est-à-dire que la Terre est, non pas solide, mais bien, comme M. Folie l’a sup- posé pour établir l’existence de la nutation diurne, composée d’une écorce solide se mouvant sur un noyau intérieur également solide en majeure partie, mais fluide à sa surface, Il termine sa note par ces lignes, qui sont une réponse indirecte, mais frappante, à ceux qui ne croient pas à l’existence de cette dernière nuta- tion : « J'engage les adversaires de la nutation diurne à réfléchir à cette conséquence et à tâcher d'expliquer autrement que je ne lai fait, c’est-à-dire par une hypo- thèse autre que la mienne sur la constitution du globe, la différence qui existe entre la longueur de la période calculée par les astronomes dans l'hypothèse d’une Terre solide et celle qui lui est assignée, avec une pré- cision remarquable, par les observations, » — M. Van der Meensbrugghe traite des propriétés physiques de la surface commune à deux liquides soumis à leur affinité mutuelle. I rappelle d'abord que la couche de contact de deux liquides 1 et 2 ne se mêlant pas est soumise à une force contractile égale à 1 a A es F, étant la tension de la surface libre du liquide 1, F, celle du liquide 2 et F,., l’action mutuelle des deux substances; mais si l’affinité réciproque des deux li- quides est assez forte, le trinome ci-dessus est négatif; dès lors la surface commune est douée, non plus d'une tension en vertu de laquelle elte tend vers un mi- nimum, mais bien d'une force d'extension qui solli- cle au contraire la couche de contact à augmenter de plus en plus. Tandis que, dans le premier cas, chaque point de la surface est soumis à une force normale dirigée vers le centre de courbure, dans le second cas il est sollicité par une force dirigée en sens inverse du rayon de courbure. Telle est la propriété fondamentale que l’auteur énonce pour la première fois et qu'il croit n'avoir jamais encore été démontrée, M. Van der Meensbrugghe cite alors une série d’expé- riences qui mettent cette propriété en pleine lumière; il décrit d’abord l’action de la vapeur d’éther ou d’al- cool sur l’eau ainsi que les mouvements tumultueux 460 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES qui se manifestent lors du contact de l’eau et de l’éther; puis les secousses périodiques qu'éprouve une bulle d'air placée dans l’eau sous un plan de verre quand on fait arriver lentement, à travers un fil de verre creux, un filet extrêmement mince d'alcool à la surface limite de cette bulle; enfin il signale les mouvements que doit prendre une petite masse liquide enveloppée d’un autre liquide, chaque fois qu'il se produit une action chimique en un ou plusieurs points du contour, — M. E. Van Beneden entretient l’Académie des résul- tats de la récente expédition scientifique allemande qui a exploré la surface et le fond des mers depuis les régions boréales jusque sous les tropiques. F. F. Membre de l'Académie. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 3 juillet 1899. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Gustave Kobhn : sur un nouveau mode de généralion des surfaces du troisième ordre. De même qu’une courbe de troisième ordre est engendrée par les points où les coniques d’un faisceau linéaire touchent un faisceau de droites, de mème une surface du troisième ordre peut être engendrée par les points où les cubiques d’un fais- ceau linéaire touchent les droites d’un complexe linéaire. Ce mode de généralion conduit immédia- tement pour les courbes du troisième ordre à la connaissance d’une infinité simple de quadrilatères, dont les sommets et les points diagonaux reposent sur la courbe; la nouvelle manière d’engendrer les surfaces du troisième ordre que propose l’auteur conduit d’une facon tout à fait analogue à la connaissance d’une infi- nité simple de pentagones gauches dont les sommets et les points diagonaux sont sur la surface, — M. S Holetschek : Sur la connexion entre l'éclat des comètes et la lonsitude héliocentrique du périhélie à l'époque du passage au périhélie, Les comètes, en dehors de leur véritable grandeur, sont d'autant plus visibles qu’elles atteignent un plus grand éclat. Pour une cométe déterminée, cet éclat est maximum quand la distance à la terre prend la valeur la plus voisine possible de la distance au soleil; plus la comète s'ap- proche de ces conditions, plus pelite est la différence entre la longitude héliocentrique du périhélie { et la longitude héliocentrique de la terre L Æ 180 lors de l’époque T du passage au périhélie; les comètes sont alors au moment où elles sont le plus faciles à aperce- voir, L’anteur à, pour vérifier cette règle, calculé la différence { — L = 180 pour 31 comètes. Il résulte de l'examen du tableau ainsi formé que les comètes qui confirment le mieux la règle sont presque toutes pério- diques, et ont un temps de révolution assez court. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Jules Miesler : Recher- ches photographiques quantitatives sur les oscillations électriques. L'auteur à déterminé avec l’aide de la photographie la durée des oscillations de la décharge d’une batterie de bouteilles de Leyde, Il détermine en microfarads la capacité des bouteilles dont il se sert, et en quadrants le coefficient de selfinduction de l’excitateur, et calcule d’après ces données la durée V CL. Les du- rées d’oscillation trouvées par la méthode photogra- phique sont en accord très satisfaisant avec celles que l’on calcule par la formule, — M. A. Schrauf : Sur la mélacinnabérite d'Idria. On a trouvé à Idria un nou- veau minerai de mercure que l'on à communiqué à l’auteur. Ses recherches l'ont conduit à penser que le nouveau minerai est, en réalité, identique à la méta- cinnabérite de Moore, que l’on n'avait jusqu'ici ren- contrée exclusivement qu'en Californie, — M, Alfred Klauber étudie la Xylylhydrazine, 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Sigmund étudie un fer ment séparateur des matières grasses dans le règne végétal; il est parvenu à isoler un ferment dans la d’oscillation d'après la formule + = # graine des plantes oléagineuses, Les recherches ont surtout porté sur les graines de colzas. On isole par l'alcool de l’extrait aqueux un corps dont l’aspect rap- pelle le blanc d'œuf et qu'on fait agir sur de l'huile grasse, (principalement de l'huile d'olive) ; dans les mêmes conditions on fait agir de l’'albumine pure d'œuf, Ces recherches prouvent que le corps isolé exerce une bien plus grande action sur le corps gras que l’albu- mine pure, — MM. Richard Kerry et S. Fraenkel : Influence du bacille de l’œdème malin sur les hydrates de carbone. Les auteurs étudient les effets de ce bacille sur le sucre de raisin et trouvent qu'il se pro- duit de l'alcool éthylique, de l'acide butyrique et de l'acide lactique. — M. Alfred Rodler étudie les Mam- mifères de la Faune de Maragha. Parmi les animaux que l’on rencontre on peut signaler des antilopes Palxoryx Pallassii Gaudry (sp. Wagner), Gazella deperdita, Gervais (sp.), Gazella Capricornis n. sp., Heli- cophora rotundicornis Weithofer, etc...] Séance du 10 juillet 1890. 1° SciENCES PuYsiQues. — M. Gottlieb Adler : « Sur l’énergie magnétique des corps à coeflicient d’aiman- tation variable, L'auteur a démontré que l’on peut aisément arriver à l'expression suivante du travail &’aimantation d’un corps à coefficient d’aimantation variable : l 1 L do: E—=— = os (J,u 2[—— — — \dy. © I JE Je cos (7,1) +1 (Tr | c)* L'intégration s'étend à tous les éléments dv du volume du corps magnétique, J est l'intensité primitive du champ au point considéré, y le moment magnétique final au même point, (J, y) l'angle de ces deux direc- tions, enfin K, est la valeur du coefficient d’aimantation correspondant à la valeur finale du moment magné- tique. Comme l’a déjà fait Stéphan, on considère ce coefficient comme une fonction du moment magné- tique et K désigne la valeur qu'il possède à chaque instant, quand le moment magnétique est égal à la partie 0p de sa valeur finale & . Pour des substances dont le coefficient d’aimantation serait invariablés on aurait K—K,; alors la valeur du travail se réduirait à la première partie de Pintégrale; la seconde exprime au contraire l'influence du changement de la valeur du coefficient sur l’expression de l'énergie. L'auteur dis- cute les diverses conséquences que l’on peut lirer de là; il en résulte, en particulier, que dans les expé- riences de détermination du coefficient d’aimantation, par l'attraction exercée sur le corps magnétique dans un champ, on doit, à cause du changement dans la valeur du coefficient, trouver un nombre plus petit que Je nombre réel, —M. Karl Exner : Sur la polari- sation par diffraction, L'auteur a repris, en les modi- fiant et en les perfectionnant, les expériences bien connues de Stokes sur cette question. Il à trouvé, d’ail- leurs, des résultats en parfait accord avec ceux obtenus par ce physicien. — M. Franz Exner : Observations sur l'électricité atmosphérique aux tropiques, L'au- teur, qui s'était déjà occupé de cette question, reprend la discussion des mesures connues, Il re- cherche si la connexion qui existe dans nos contrées entre les chutes de potentiel et de pression s'étend aussi bien aux tropiques. Les variations périodiques quotidiennes de l'électricité atmosphérique sont bien moins prononcées au tropique que chez nous; ceci élait à présumer à cause de la constance extraordi- naire de l’état atmosphérique; dans la plupart des jours, il est même impossible d’apercevoir les maxima, — M. Alph. Spitzer : Sur la tétraméthylphlorylucine, — M.S. Zeisel présente un mémoire : Nouvelles obser- vations sur les dérivés des phénols : 1° dérivés éthylés de la résorcine ; 2° dérivés éthylés de la métaorcine symétrique, fait en collaboration avec M. J, Hertzig. En faisant réagir sur la résorcine successivement la potasse et l’iodure d’éthyle, il se produit non seule- ment, comme on le savait déjà, l'éther diéthylique de CORRESPONDANCE A61 EEE EEE ———_—_—]——— SE la résorcine, mais encore en quantité appréciable une série de dérivés plus éthylés, On a pu isoler une tétra- éthylrésorcine, qui contient seulement un groupe éthyloxyleet pas d'hydroxyle. L'étude de cette substance montre quelle est l'étheréthylique de la triéthylrésor- cine secondaire-tertiaire. Sa formule est donc : (= CH—CO— C (Ex)? — C (OEu)= CE — CH =) En dehors de ce corps, on a isolé une substance hui- leuse insoluble dans la potasse dont la formule brute est C22HI$0? : elle paraît être un mélange de deux trié- thylrésorcines isomères que l’on ne peut séparer par distillation, On a aussi pu obtenir l’éther diéthylique de la résorcine sous forme cristalline ; il n’était jus- qu'ici connu que sous forme liquide, La préparation des dérivés éthylés de l’orcine donne des résultats analogues : on obtient comme précédemment un pro- duit tétraéthylé; on n'obtient cependant pas de triéthy- lorcine comparable à la triéthylrésoreine insoluble dans la potasse, il existe donc une deuxième tétraéthyl- orcine que l’on peut très probablement considérer comme l’éther diéthylique de ladiéthylorcine tertiaire : (= CH — COEw = CErn — COErm = CE — C (CH3) =) — M. Richard Maly. Transformation simple de là thionurée en urée. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. Gejza Bukowski adresse de Smyrne une troisième communication sur son voyage en Asie Mineure, —MM. Holl: Sur le développement des cellules dans Les œufs de poule. Dans l'ovaire du pous- sin éclos on trouve la plus grande partie des cellules de l'œuf encore réunies en un amas, Les cellules sont nues, en parties rondes ou elliptiques, en partie poly- gonales. L'auteur examine la formation et le dévelop- pement de ces cellules. — M. Joseph Schaffer : Sur les canaux de Roux dans les dents humaines. Ces canaux apparaissent quand les dents ont longtemps séjourné dans l’eau ; ils ont la plus grande analogie avec ceux qu'avait signalés M.Roux chez certaines espèces et que lui-même a rencontrés dans beaucoup de fossiles. Les formes et les caractères distinctifs de ces canaux les rapprochent beaucoup de ceux que MM. Bornet et Fla- hault ont rencontrés dans les coquillages marins; c’est en partant de cette analogie que M. Schaffer compte en- treprendre sur ce sujet des recherches expérimentales, Emil WEyr, Membre de l'Académie. CORRESPONDANCE LA CONFERENCE TÉLÉGRAPHIQUE INTERNATIONALE ET L'HEURE UNIVERSELLE A l'occasion de l'article de M. E. Caspari sur l'Unifica- tion des longitudes et l’Heure universelle, récemment pu- blié (1), M. Tondini &e Quarenghi, représentant de l'Aca- démie des Sciences de Bologne, nous fait l'honneur de nous adresser la communicalion suivante : Il serait à souhaiter que la double question du méri- dien initial et de l'heure universelle fût toujours traitée avec la clarté, la précision et le courage de ses con- victions qui caractérisent M. Caspari, Aussi l’Académie des sciences de Bologne poursuit-elle, depuis deux ans, la tâche d’en faire accepter les idées à tousles Etats (2). J’en fais juge le lecteur : La Conférence télégraphique internationale a été sai- sie d’un mémoire distribué à chacun de ses membres et ayant pour titre : Æxposé des raisons appuyant la transaction proposée par l Académie des Sciences de Bologne au sujet duméridien initial et de l'heure universelle. Voici le texte de cette transaction, placé en tête de l’Exposé (pp. 9-10) : «I. — L'Académie des sciences de Bologne suggère, « d’abord, qu'on s'en tienne, en ce qui regarde les lémi- « tes de l'unification soit des heures, soit des longitu- «“ des, aux propositions mêmes de la France en 1884, à « savoir : 1) statu quo, c’est-à-dire libre usage du méridien « national, dans la marine, l'astronomie, la topographie «et la cartographie locale. 2) Double graduation — « d’après le méridien national et l’international— dans « la cartographie géographique générale, pour faire « ainsi servir l’enseignement mème de la géographie « à rappeler et à nourrir conjointement l'amour de « la patrie et celui de l’humanité. 3) Application de « l'heure du méridien initial — conjointement avec « l'heure locale — à la télégraphie, au profit non moins « du commerce et des relations internationales que des « observations scientifiques. «IT. — 4) Ensuite, et pour ce qui est du choix du mé- « ridien initial, l’Académie des sciences de Bologne « demande qu'on veuille bien prendre en considéra- « tion les raisons alléguées dans le rapport ci-après en « faveur du méridien de Jérusalem, celle surtout tirée « de la coïncidence logique des longitudes, employées « comme mesure du temps, avec l'ensemble de la chro- (1) Voyez la Revue du 15 juin 1890, page 321. (2) Voir la Revue scientifique du 27 octobre 1888. « nologie en usage chez tous les peuples civilisés, « Quant à la double graduation, l’une en lignes noires « et l’autre en lignes rouges ou en pointillé, suggérée « pour la cartographie géographique générale, c’est là, « évidemment, une mesure à introduire peu à peu, au « fur et à mesure qu'on éditera de nouvelles cartes. » Le 17 juin dernier, les représentants de 43 Etats et de 2% compagnies télégraphiques émettaient le vœu suivant que le général Menabrea, ambassadeur d'Italie et membre correspondant de l'Institut, communiquait, le 15 juillet, à l'Académie des Sciences : « La Conférence télégraphique internationale, tout en ne « se reconnaissant pas compétente pour trancher la ques- « tion du méridien initial devant fixer l'heure universelle : « Applaudit aux efforts de l'Académie royale des Scien- « ces de l'Institut de Bologne pour hr'ouver une solution « qui concilie tous les intérêts ; « El émet le vœu que ce projet trouve bientôt sa réalisa- « tion et qu'on arrive, enfin, à l'unification dans la mesure « du temps. Un mot sur l’unique point où l'Académie de Bologne parait ne point se rallier à l'opinion de M. Caspari, à savoir le choix du méridien initial. « Le premier méridien neutre, dit M. Caspari, ne « doit couper aucun continent important pour ne pas « introduire de discontinuité dans les longitudes du « mème pays, etafin dereporter en mer le saut de date, « c’est-à-dire le point où les bâtiments faisant le tour « du globe changent leur date. On avait proposé derepé- « rer ce méridien une fois pour toutes par ses distances « aux observatoires existants, suffisamment connues « aujourd’hui pour l’objet qu'on se propose, puisqu'il « est entendu que les astronomes qui, seuls, ont besoin « d'une précision supérieure, seraient hors de cause (1).» Distinguons, ici, l'essentiel de laccidentel, La France ayant voté, à Washington, pour la double numération des longitudes, ce qui implique leur discontinuité, les points essentiels demeurent les suivants : 1) Que les astronomes soient hors de cause, Et ils le sont: (Trans. art. 1°). —2) Que le saut de date soit reporté en mer. Et il l’est en effet, à cause de la coïncidence ( tb, art. 4) du jour universe] avec le jour « chronologique » qui commence, à quelques secondes près, à minuit de Jérusalem. 3) En- fin, le point essentiel entre tous, c'est que le méridien (4) Revue gén. des Sciences, p, 324. 462 NOUVELLES inilial ne soit fixé par aucun Observatoire national. mais qu'on le définisse « en le repérant aux observa- toires existants, » Or, dans ma brochure : Cadran de l'heure universelle, ete. (1), le méridien de Jérusalem se trouve déjà repéré à toutes les localités, plus de 260 en nombre, dont l'Annuaire du Bureau des longitudes de la même année donne la position géographique (2). Un pacte international pourrait garantir à ce méridien le « caractère réel d’internationalité » qu’il possède au- jourd’hui. J'ai mentionné plus haut le courage de ses convictions de M. Caspari Je ne saurais mieux lui rendre hommage que par l’imitation. 1] me parait difficile d'admettre que 25 Etats se soient fait représenter en 1884, à Washing- ton, pour une question offrant peu ou point d'impor- tance, Et si les puissances acceptent la transaction que l’Académie de Bologne a empruntée aux remarquables travaux de M. Caspari, ce serait là, si je ne me trompe, un beau succès pour la France — et pour M. Caspari aussi. Cés. TONDINI DE QUARENGHI. Représentant de l'Académie des Sciences de Bologne. M. Caspari, à qui nous avons communiqué la note pré- cédente, y répond par les remarques que voici : I nya pas en réalité de grande divergence entre l'opinion de M. Tondini de Quarenghi et la mienne. Les propositions de l’Académie de Bologne reviennent au fond aux conclusions du rapport que j'ai fait en 1884 au nom dela commission francaise. L'étude publiée ici le 15 juin (Revue, p. 321), exposait les raisons scien- tifiques et pratiques qui militent en faveur de ces con- clusions : les réflexions qu'ellea suggérées à des juges compétents semblent prouver qu’elle répondait assez bien au sentiment général, Je n’ai donc pasgrand mé- rite à avoir le courage de mon opinion. L’astronomie, la géographie et la navigation étaient et restent hors de cause. Pour les télégraphes j'insistais sur la né- cessité de transmettre avant tout l’heure locale, sans exclure la transmission simultanée d'une heure con- ventionnelle unique, si elle était reconnue désirable, Le vœu émis depuis lors par le Congrès interna- tional de Télégraphie n’infirme pas cette manière de voir, et n'apporte aucun élément nouveau au débat. M. Tondini de Quarenghi pense que la présence des représentants de vingt-cinq Etats à Washington est une preuve de l'importance de la question. Il me per- mettra de lui faire observer que l'Académie de Bologne elle-même, en réduisant ledébat à ses limites actuelles conformément aux conclusions de mon rapport, à donné pleinementraison aux considérations présentées alors au nom de la France. La conférence de Was- hington visait en effet bel et bien une réforme de grande portée qui aurait bouleversé dans beaucoup de pays les habitudes des astronomes, des géographes et des navigateurs, aussi bien que celles des services civils. On reconnait aujourd’hui que c'est à recommencer, mais surune échelle singulièrement réduite : je n'ai pas dit autre chose, M. Tondini de Quarenghi résume les divers argu- ments qu'on peut faire valoir en faveur du choix du méridien de Jérusalem comme origine du temps uni- versel, Les raisons invoquées par l’Académie de Bo- logne à l'appui de cette proposition méritent une dis- cussion sérieuse et détaillée qui nous entrainerait beaucoup trop loin : il faudrait alors examiner les Hi- tres du méridien de Ptolémée, de ceux du détroit de Behring et de la grande Pyramide, sans oublier les méridiens en usage. Mon étude ne visait pas plus le méridien de Jérusalem que tout autre : ayant entrepris de démontrer le peu d’intérèt que présentait la réfor- me, surtout au point de vue francais, il eùt été contra- dictoire de s'arrêter à en discuter à fond les moyens d'exécution, Si la question est en effet arrivée « à l'état aigu » et s’il s’agit de décider entre les solutions aussi nombreuses qu'inconciliables qui surgissent et peuvent surgir de tous côtés : fuseaux horaires pour les che- mins de fer, heure unique pour la télégraphie, heures locales et} nationales, concurrence des méridiens, ete., il est fort à craindre que ces tentatives de simplifica- tion n’aboutissent à la pire confusion. Ainsi que le fait observer fort justement le journal le Monde (numéro du 14 juillet 1890), « Babel menace de redevenir de l’histoire contemporaine. » Je désire vivement ne pas y contribuer pour ma part, E. Casparr. NOUVELLES LA DÉCOUVERTE DU BIOPHÈNE M. Louis E. Lévi, professeur de chimie à l’fnstitut de Massachusetts, vient d'obtenir un corps nouveau de la série aromatique, répondant à la formule : Ce composé, nommé Biophène, est intéressant en (1) Paris, Gauthier-Villars, 1888. (2) Voici à quelle distance Jérusalem se trouve des Obser- vatoires mentionnés dans l'Annuaire : Paris : 32°,52',52" 26,11,325. — * Bénares : 41°,421,36'; 3»,10%,505. — Berlin : 210,49,92"; 1h,27,185. — Berne : 270,46,40!,4; 1n,517,75,3. — Bologne : 230,54,54"; 1r,35m,28%. — Breslau : 180,10,31/; 15,92m,43°. — Bruxelles : 30°,50!,55"; 2b,3",248,9, — Budce ou Ofen : 16°,9.5!; 4h40 — Cadix : 410,23!,261,5": 2h 457 498,3. —Carlsruhe: 26°,48",58":1h,47%,168,5.— Christiania : 240,29,41"; 4",370,595,2. — Copenhague : 22°,38/,24"; Ah 30m,348.1. — Cracovie : 15°,15°.26"; 1h,1%,9s, — Edimbourg : 38°,24,0!; 9b,33m,36°,5. — Florence : 230,57/,44!; 11,35",51%,4. — Glas- 290,30/,45"; 2n,38m,3s,5, — Greenwich : 350,13',6",4; 250,44!,41//; 4h 40m,595,3. — Helsing- %,—* Kazan: 13°,54,12"; 0h,55m,36°. 290,49" 36!; gow : 2»,20m,53°. — Hambourg : fors: 100,15/,50",5 ; 0',41",4 — Kæœnigsberg: 14°,431,22/; (",58m,54s, — Leipzig : raison de sa constitution qui le rapproche, comme on voit, du Thiophène de M. Victor Meyer et permet de le considérer, au moins théoriquement, comme un dérivé bisulfosubstitué de la benzine, Le Technology-Quaterly de Boston (3) indique qu'on le prépare en traitant Pa- cide thiodiglycolique par le trisulfure de phosphore, réaction analogue à celle qui produit le Thiophène. Comme on devait s’y attendre, ses propriétés sont ‘voisines de celles de ce dernier corps. L. O, 16,34m,195.— Lisbonne : 44°,21',29",5 ; 2v,57m,26°,6.— *Madras : #ù 41 Von. 45°,11,43/; 0n,3%,65. — Madrid : 38°,54,23'; 2h,35m,38% — Manheïm : 260,45!,30"; 4h,47m,2°,5. — * Moscou : 29,2112"; — Munich : 230,36,36"; 1,34%,265,9. — Naples : 1%,23m,52s,5. — Odessa: 40.27,32"; 0h,17%,505,6. — * Pékin: 810,15,6"; 5",940,595,9, — Prague : 200,47/,33!; 1 ,93m,11%. — Québec : 106°,25,17/; 70,5%,425, — Reykiavik : 5170,8,6/; 3h,48,335, — Rio Janeiro : 780,23',27"; 5t,19m,355,3. — Saint-Pétersbourg : 40,53/,44"; 0h.19%,358,5. — Sainte- Lel 1 2 . ? . _ 400,57,6'; 2",43m,495, — Santiago : 1050,531,37"; pélène : 7%,3m,35s. — Stockholm : 170,91,36"; 1h,8m,39s, — * Sydney : 1450,59 16; 7n,43,565,5. — Tiflis : 9°,36/,11/; 0v,38m 245. — Trieste : 210,27/,6/; 4h,958,50$, — Turin : 27°,32/,39!; 1". 50®, 145: — Varsovie: 440,411,10"; 0%,56,45s, — Vérone : 240,44/.9//; 45,36%,5175, — Rome (Obs. du Capit.) : 229,44,0"; 1,30m,568,5. J'ai contrôlé cette liste avec la Connaiss. des Temps de 1890. Les Observatoires marqués d’un * sont à l'Est. (3) Numéro de mai 1890. CHRONIQUE 463 CHRONIQUE ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES. — CONGRÈS DE LIMOGES 7-14 AOÛT La session tenue cette année à Limoges par l'Association française s'ouvrira le 7 août sous la présidence de M. A. Cornu, membre de l'Institut; la clôture aura lieu le 14 août et sera suivie d’une excursion finale les 15, 16 et 17 août, passant notamment à Brives, Périgueux et Angoulème, à Les membres de l'Association ont été invités par la Municipalité de la Rochelle à assister aux fêtes d’inaugura- tion du bassin de la Palice qui auront lieu le 19 août, fêtes pour lesquelles l'escadre de l'Océan se rendra dans les eaux de la Rochelle et auxquelles assistera le Président de la République. La Compagnie des chemins de fer de l’État, pour faciliter la visite de la Rochelle, a décidé d'accorder pour cette année aux membres de l'Associa- tion demi-place à laller et demi-place au retour avec possibilité d’arrèts à La Rochelle. D'autre part le bureau a demandé à la Compagnie d'Orléans de bien vouloir accorder diverses facilités pour le retour des personnes qui ont à emprunter son réseau, Les indications détaillées seront données au Congrès de Limoges; mais les membres de l'Association sont prévenus que la visite à La Rochelle ne fait pas partie des excursions du Congrès et que, par suite, ils auraient à régler eux-mêmes leur voyage à partir d'Angoulème après l’excursion finale et à s'assurer d’un logement à La Rochelle, en s'adressant à la Municipalité. Nous donnons ci-après la liste des savants étrangers qui ont promis de prendre part aux travaux de la session et une liste de communications annoncées, SAVANTS ÉTRANGERS MM. Beilstein, professeur de chimie à l’Institut technologique de Saint-Pétersbourg. le R. P. Denza, directeur de l'Observatoire de Moncaliéri. Franchimont, professeur de chimie à l’Université de Leyde. Kozloff (V.), colonel russe. le D° Lavisé, chirurgien des hôpitaux, à Bruxelles, de Llaurado, ingénieur en chef du district forestier de Madrid. de Loriol, géologue suisse. Malaise, membre de l’Académie royale de Belgique. Monnier, professeur de chimie biologique à la Faculté des sciences de Genève. le D'° Petersen (C. J.), professeur à l’Université de Copenhague. le D' Putzeys, professeur d'hygiène à l'Université de Liège. MM. Ragona (Prof. Domenico), directeur de l'Observatoire de Modène. le D' Schmidt (Valdemar), professeur à l’Université de Copenhague. Schoute (P. H.), professeur de mathématiques à l'Univer- sité de Groningue. le D° Semmola, sénateur, professeur et directeur de la clinique thérapeutique à l'Université de Naples. le chevalier J. da Silva, architecte de S. M, le roi de Portugal. Sylvester (J. J.), professeur à l’Université d'Oxford. le Dr J. Thiriaur, professeur agrégé suppléant À l’Univer- sité de Bruxelles, membre de la Chambre des représentants de Belgique. Vilanova y Piera, professeur de paléontologie à l’'Uni- versité de Madrid. le D' De Martin, professeur à l’Université de Gand, COMMUNICATIONS ANNONCÉES LT, — SCIENCES MATHÉMATIQUES MM. Barbarin. Propriétés de l’'Hyperbole déduites de la géomé- trie descriptive sur une équation du second ordre. Casalonga (D. A.). De la machine à vapeur dite « Com- pound » par rapport à un cylindre, Avenir de la machine à vapeur en général. Fontaneau. Note sur l'équilibre d'élasticité des corps iso- tropes. Garrigou-Lagrange (Paul). Observations sur le choc, Gohierre de Longchamps. Intégration de l'équation de MM. Matrot. Sur la décomposition d’un entier RHEIconRE en une somme de carrés. — Sur les résidus quelconques. _ Rebière (Alphonse). Note sur quelques mathématiciens. Sauvage. Etude sur la transformation du mouvement recti- ligne en mouvement circulaire, et vice versa. Schoute (P. H.) Plans osculateurs et aux points tangentiels d’une série de courbes gauches. Brassine par les fonctions hyperbernoulliennes, à clef du | Tarrade. Système de navigation aérienne. — Système de second degré, sécurité absolue pour.les voyageurs en chemin de fer. IL. — SciENcEs PHYSIQUES ET CHIMIQUES MM. MM. Béchamp (A.). Considérations sur le phénomène de cougu- | Hautreux. Irrégularités du courant de l’Atlantique-Nord. — lation. Les courants de l’Atlantique-Nord en 1889, d’après les Blanc (E.). Notes sur l’origine et le mode de formation des dunes sahariennes. le D' Carret (Jules). Le froid des nuages. Casalonga (D. A.). Considérations générales élémentaires sur la chaleur. . le D° Fines. Vitesse de direction du vent à Perpignan. Variations horaires de l’électricité de l’air. Garrigou-Lagrange (Paul). De quelques particularités du climat limousin. épaves flottantes. — Le printemps de 1890. Macé de Lépinay. Sur l’achromatisme des franges d'in- itcrférence des demi-lentilles de Billet. Peyrusson (Edouard). Une question de chimie céramique. Ruffin (A.). De Phuile de lin et de sa falsification par l'huile de poisson. — Observations relatives à l’emploi du polari- mètre pour les recherches et le dosage du sucre dans les urines. = le Dr Vincent. De la vue ascendante verticale ou plus ou moins oblique, — Du paratonnerre portatif et du para- tonnerre improvisé. 464 CHRONIQUE IIÏ. — SCIENCES NATURELLES MM. MM. le D' d'Arsonval. Origine de l’électricité animale. le Dr Ballet (Gilbert). La dyspepsie et l’anémie des man- geurs de soupe. Béchamp (A.). Nouvelles recherches sur les laits de vache, de chèvre, d’ânesse et de femme. le Dr Bérillon (E.). Indications de l’hypnotisme dans le traitement de l’ataxie locomotrice (Tabes dorsalis). le D' Berëän (G.) et Pieq (Jules). Essai sur la prophylaxie de la tuberculose et la substitution de la chèvre à la génisse comme sujet vaccinifère. le Dr Boulland (H.). Des plis du pavillon de l'oreille au point de vue de Pidentité. le D' Brémaud. Procédé d’abaissement de la cataracte. — Divers procédés de provocation de l'accouchement préma- turé. Caraven-Cachin (Alfred). De l’âge des conglomérats ter- tiaires du Tarn et de l'Aude. — Etude sur les argiles viru- lantes Lutétiennes du Tarn. — Descriptions des argiles rutilantes Barboniennes du Tarn. le D' Carret (Jules). La grotte de la Doria. le Dr Chénieux. Statistique opératoire sur l’ovariotomie et Phystérectomie abdominale. — Présentation de malades, le Dr Doursout. Préparations anatomiques. — Procédé de conservation de la flexibilité des ligaments articulaires. de Foville (A.). La propriété bâtie en France. Gorceix. Etude des gisements de diamants dans PEtat de Minas-Geraes et conclusions qu'on peut en tirer sur lori- yine de cette pierre précieuse. — Le terrain Archéen dans le plateau central de Minas-Geraes. — Etude de quelques minéraux rares de Minas-Geracs. Jardia (Edelestan). Coup d'œil sur la flore du Gabon. le D' Jacquet. Sur les lésions du foie dans la syphilis héréditaire, le D' Lemaistre. Empoisonnement saturnin par la meule d’un moulin. le Dr Lemaistre (J.). Structure du voile du palais. Abcès des amygdales et des glandes des lèvres. le D' Léon Petit. L’'Œuvre des enfants Tuberculeux. le D' Ch. Livon. L’Innervation du muscle crico-tyrhoïdien. Malinvaud (Ernest). Les genres critiques de la Flore de la Haute-Vienne. le Dr Manouvrier (L.). Détermination expérimentate de la série suffisante pour l'évaluation du degré de fréquence des caractères anthropologiques. — Etude des squelettes humains trouvés à Andresy (Scine-et-Oise), — Epoque mérovingienne. Olivier (Louis). Application des recherches bactériologiques à l’extinction d’une épidémie localisée de fièvre typhoïde, le Dr Petit (L. H.). La coxalgie tuberculo-arthritique. le professeur Potain. Sur le bruit de Galop. Prioleau. De la tuberculose avancée, consécutive à la tuber- culose osseuse, le D' Queirel, Curetage de Putérus. le D'° Raymond. Traitement des hernies étranglées, enflammées ou irréductibles par Kélotomie suivie de cure radicale, Rivet (Joseph). Du carcinôme encéphaloïde, envisagé au point de vue de sa fréquence, de la rapidité de son déve- loppement et des maladies qu'il peut occasionner. — De l’éclampsie, au point de vue de ses causes. — De l'hématurie enzootique des vaches de la Creuse. : Soulié (Albert). Observations sur quelques Annélides de la station zoolosique de Cette. à la Rochelle. de PAtlantique le D' Tronchet. L'épidémie de l'Influenza Capitaine Trivier. Traversée de l'Afrique à l'Océan Indien. M. Künckel d'Herculais. 1° Les parasites des Acridiens.-— 2° Du parasitisme comme cause des migrations. — Des Acridiens vulgo sauterelles. — 30 Résultats de lg campagne de 1889-1890 contre les Acridiens vulgo sauterelles. IV. — SCIENCES ÉCONOMIQUES MM. - MM. Andouard. Projet de filtrage de l'eau de la Loire pour | Dehérain. Dosage de la potasse dans la terre arable et de Valimentation de la ville de Nantes. l'emploi du -sel de potasse. — Rôle de l’humus dans la Auriol. De la reconstitution du vignoble dans le département de l'Aude. le D’ Baradue. Note sur la conservation indéfinie et l’inges- tion du sang défibriné (Globules et serum) dans la chlo- rose, l'épuisement nerveux, les méthrorrhagies. Electricité intra-stomacale et dilatation d’estomac. le Dr Berillon (E.). Nouvelles applications de la sugges- tion à la pédagogie pénitentiaire. Biny, Méthode de correction pour la triangulation d’une carte géographique ou topographique. — Procédé rapide | permettant de vérifier à priori, d’après une carte quelconque, si deux positions géographiques élevées peuvent commu niquer par le télégraphe optique. Bourgeois (J.). Coup d'œil sur la distribution géographique des Colcoptères Malacodermes et appartenant à la tribu des Licèdes. Casalonga (D. A). De la propriété industrielle de quelques- uns des articles de lois ou règlements qui régissent les brevets d'invention, Callot (Ernest). De l’enscignement des langues anciennes. Colard (Charles), Quelques considérations sur l'impôt foncier, terre arable.— Maturation du blé en 1888 et 1889 au champ d'expériences de Grignon. j Ducourtieux (P.). Des écoles de hameau en Limousin. le D' Dunoyer. Note sur les fosses de Ferglas. Un cas d’ascite congénitale. Grodet (Albert). Le Crédit foncier colonial en France, sts résultats depuis son institution. De Gucrne (Jules). Sur la faune pélagique de quelques lacs du Jura francais. F Lucas (Ch). De la reconstitution des écoles provinciales d’Art en France, le Dr Masse. Etudes de topographie cérébrale. Peyrusson (Edouard). La purification de l'air. Raffalovieh (Arthur). Du rôle de la spéculation. — La réglementation du travail en Russie, — Les habitations ouvrières, au point de vue économique ct financier. — L'enquête décennale sur les institutions d'utilité publique de la Haute Alsace. Rebière (Alphonse). Un dictionnaire de Mathématiques. le D' Suarez de Mendoza. Sur la suture de la cornée dans l'opération de la cataracte. — Sur l'audition colorée, Tarrade, Alphabet automatique. Le Gérant : OcraAve Don. Paris.— Imprimerie K. Levé, rue Cassette, 17, ant ar 4r ANNÉE N° 45 15 AOUT 1890 REVUE GÉNÉRALE DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER S SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES LES PROGRÈS DE LA PALÉONTOLOGIE Les visiteurs de notre Exposition universelle de 1889 ont constaté le développement que les sciences d'application ont pris à la fin de ce siècle. Mais ils n’ont pu se rendre compte du développe- ment non moins extraordinaire qu'a pris la science pure. À côté du mouvement tumultueux des affaires el des plaisirs, bien des travailleurs passent leur paisible existence à observer, à méditer, et notam- ment beaucoup d'entre eux, peu soucieux de leurs intérêts matériels, s'occupent du monde passé plus que du monde présent. Une curieuse preuve en est fournie par un livre qui vient de paraitre sous Le nom d'Annuaïre géologique universel pour 1888. Il y a quelques années, le D' Dagincourt a fondé un recueil destiné à donner chaque année un résumé des travaux de géologie et de paléonto- logie. Ce recueil a bientôt atteint de vastes propor- tions. Le volume destiné à faire connaitre les publi- cations de 1888 comprend une liste de livres, brochures ou notes qui, pour cette année seule- ment, arrivent au chiffre incroyable de 3550; il occupe 1261 pages. La partie géologique a été dirigée par M. le D' Carez, auteur de la nouvelle carte géologique de la France; la parlie paléonto- logique a été dirigée par M. Douvillé, Ingénieur en chef des Mines, professeur de Paléontologie à l'Ecole des Mines. Ces savants ont choisi pour colla- borateurs des spécialistes très habiles: à Paris, MM. Bergeron de la Sorbonne, Brongniart du Museum, Cossmann, Dollfus, Gauthier, Haug de la Sorbonne, de Margerie, le D' Trouessart, Zeiller, professeur à l'Ecole des Mines; à Caen, M. Bigot, chargé de cours à la Faculté; à Laval, M. OEhlert ; REVUE GÉNÉRALE, 1890, à Bourges, M. Péron; à Lyon, le professeur Depérel à Grenoble, M. Kilian, chargé de cours à la Fa- culté ; à Bordeaux, le professeur Fallot; à Marseille, M. Le Verrier, Ingénieur en chef des Mines; en: Bel- gique, MM. Rutot et Van den Broeck; en Suède, M. Svedmark; en Hongrie, M. Pethô; en Russie, le professeur Pavlow; en Portugal, M. Italie, MM. Aichino et Johnston-Lavis. Comme on le voit, l'Annuaire géologique est devenu une œuvre collective, internationale. Les savants qui s’y dévouent n'ont d'autre mobile que la généreuse pensée d’être utiles à leurs compagnons d'étude en leur donnant le moyen de se tenir au courant des innombrables publications qui se font chaque année. Mais en même temps ils apportent une démonstration singulièrement frappante du Choffat; en développement des sciences géologiques et paléon- tologiques. Le progrès de ces sciences parait prodi- gieux, lorsqu'on réfléchit qu’elles n’existaient pas dans le siècle dernier; la lumière projetée sur l'histoire des âges passés et sur la formation du monde organisé n’est pas un des résultats les moins étonnants des efforts de l'esprit humain dans le xIx° siècle. La Société géologique de France, chargée de propager dans notre pays l'étude de la géologie el de la paléontologie, a eu une grande part dans le progrès de ces sciences. Depuis sa fondation en 1830, elle a fait de volumineuses publications; ses Bulletins et ses Mémoires ont une importance considérable. Cependant ils sont devenus insuffi- sants; de nombreux travaux paléontologiques ont dû paraitre soit dans d'autres recueils, soit dans 15 466 D' CH. BOUCHARD. — ESSAI D'UNE THÉORIE DE L'INFECTION des ouvrages particuliers. On a pensé qu'il était nécessaire d'ajouter aux publications de la Société géologique des Mémoires uniquement consacrés à la paléontologie, pour lesquels il y aurait des souscripteurs spéciaux. Ces Mémoires rempliront le même but que ceux de la Palæontographical Society de Londres, de la Palæontographica allemande, de la Société paléontologique suisse, les Beiträge zur Paläontologie Osterreich- Ungarns. Le premier fascicule des nouveaux Mémoires paléontologiques de la Société géologique de France vient de paraitre !. Il commence par un travail fait par l’auteur de cet article; il a pour objet la Dryopithèque avec l’homme et les singes les plus élevés; une planche dessinée par Formant montre à côté les unes des autres les mâchoires de la Vénus Hottentote, du Chimpanzé, du Gorille et du Dryopithèque. Un second mémoire dû à M. Seunes, de la Sorbonne, présente une étude des dernières Ammoniles qui ont paru dans le monde; on y voit les figures de trois espèces d'Ammonites du danien de Fresviile, dans la Manche. Le troisième travail du nouveau fascicule est le commencement d'un mémoire de M. Depéret sur les animaux pliocènes du Roussil- lon. Le D' Donnezan a formé au Serrat d'en Vacquer, près de Perpignan, des collections de ver- tébrés si importantes qu’elles rivalisent avec celles des plus riches gisements de la France, tels que Sansan, Perrier, le mont Léberon, Caylux. On comparaison du pourra en voir de beaux spécimens dans le Museum de Paris, car la générosité du D' Donnezan égale le talent avec lequel il sait découvrir les fossiles. Son compatriote le professeur Depéret s’est chargé de décrire les curieux animaux tirés du pliocène de Perpignan. Il a débuté par l'étude du Dolichocepha- lus dont M. Donnezan a trouvé une tête presque entière et de nombreux ossements; c’est la pre- mière fois, depuis les fouilles faites à Pikermi, que l’on a découvert une tête de singe fossile. D'autres fascicules suivront prochainement ; ils comprendront des travaux du marquis de Saporta sur des plantes fossiles de la Provence, de M. Ni- cklès sur des Ammonites crétacées d'Espagne, de M. Depéret sur les Mammifères du Rousillon, de M. Douvillé sur les Rudistes, etc. Nous ne pouvons pas laisser perdre les trésors scientifiques enfouis dans le sol de la France; aucun pays de lEurope n'a fourni d'aussi nombreux Mammifères fossiles. La Paléontologie a été fondée dans notre Jardin des Plantes ; c’est pour nous un devoir d'honneur de développer cette étude qu a découvert à l’esprit humain des horizons si vastes el si inattendus. Espérons que les nouveaux Mé- moires de paléontologie recevront bon accueil et contribueront à répandre la grande science qui traite des origines du monde organisé. Albert Gaudry Membre de l'Académie des Sciences. ESSAI D'UNE THÉORIE DE L'INFECTION MALADIE, GUÉRISON, IMMUNITÉ, VIRUS, VACCIN Il est possible, je crois, de formuler aujourd'hui une théorie systématique de la maladie infectieuse, avec ses accidents locaux ou généraux, de la gué- rison, de l’immunité acquise et de l’immunité na- turelle. En face de ces conceptions qui visent l’homme ou l’animal, on peut donner aussi la théorie de la virulence et de l’atténuation : ce qui a trait au microbe. Avant d'aborder cette synthèse, il est nécessaire d’analvser les procédés par lesquels les microbes peuvent influencer un organisme animal, et les l Mémoires de la Société géologique de France. Paléontologie, tome 1, fascicule 4. Grand in-%°, chez Baudry, 15, rue des Saints Pères, 1890. — Pour les renseignements relaüfs à la ‘r à M. Bergeron, secrétaire de rédaction, on pourra s’adres la Société géologique, au siège de la Société, 1, rue des Grands-Augustins. moyens par lesquels l'organisme animal peut agir sur les microbes. Î. — PROCÉDÉS PAR LESQUELS L'ORGANISME ANIMAL IN— FLUENCE LES MICROBES Il est des espèces animales dont le corps, à l’état vivant, ne peut pas permettre le développement de certains microbes. D'autres espèces sont parti liculièrement favorables à la vie de certaines bac- téries. Entre ces termes extrêmes, on observe des degrés innombrables dans l’immunité et dans la réceplivité. L'impossibilité où selrouve telmicrobe d'attaquer tel organisme animal ne lient pas nécessairement à la vie de ce dernier, car dans les tissus et dans les humeurs d'animaux rendus réfractaires on peut constater que le développement de certains mi- D' CH. BOUCHARD. — ESSAI D'UNE THÉORIE DE L'INFECTION 467 crobes est devenu difficile, parfois impossible, même quand ces lissus sont pris sur l'animal mort, même quand ces humeurs extraites de l'organisme sont filtrées et débarrassées de toute cellule. Mais il est des circonstances où la vie de l'animal exerce une influence manifeste sur la difliculté qu'éprouve le microbe à l’envahir. Je n’en veux pas d'autre preuve que ce simple fait : un animal vivant estréfractaire à une bactérie, qu’elle soit ou non pathogène pour tout autre animal; il meurt et ses tissus ou ses humeurs se trouvent être un excellent milieu de culture pour cette bactérie. Donc l’immunité est quelquefois liée à la vie, d’au- tres fois elle en est indépendante. C'est dire que l'homme comme les autres animaux n'a pas une arme défensive unique contre les agents infeclieux, qu'il assure contre eux son intégrité ou qu'il la rétablit par des procédés multiples. Je n’ai pas l'intention de faire ici l'exposé et la critique de tous les procédés par lesquels on a ima- giné que les animaux échappent aux entreprises des microbes. J'en veux retenir deux cependant, parce qu'aujourd'hui tout l'effort de la discussion porte sur deux moyens de défense que, dans des vues exclusives, on s'efforce d’opposer l'un à l’autre, tandis que, j'espère le démontrer, ils se trouvent toujours associés et se prêtent d'ordi- naire un mrutuel appui. Dans l’une de ces con- ceplions, l’immunité résulte d'une condilion sla- tique, c’est-à-dire chimique, de l'organisme; dans l’autre elle est assurée par une condition dyna- mique, par la participalion de la vie, par la mise en jeu d'activités cellulaires. J'ai nommé l’éfat bac- téricide et le phagocytisme . Chacun de ces deux procédés est réellement un moyen de défense de l'organisme et se montre ulile, soit pour empêcher le développement de la maladie, soit pour activer sa terminaison favorable. Aucun des deux pris iso- lément n’est capable de garantir ou de rétablir l'intégrité de l’économie. C’est, en général, par le concours et l’associalion des deux procédés que l'immunité est assurée ou que la guérison s'effectue. Des deux procédés de défense, l’un est général, je pourrais dire universel, c'est le phagocylisme; l’autre est accessoire et contingent, c’est l’état bac- léricide. Mais nous verrons bientôt que, dans l’im- munité acquise, c’est grâce à l’état bactéricide seulement que le phagocylisme peut s'effectuer et que, sans l’état bactéricide, il n’y aurait ni guéri- son, ni vaccination, la tendance au phagocytisme, l'effort curateur se lrouvant entravé où empêché jusqu’au moment où s'opère la transformalion chi- mique des humeurs de l'individu malade. A ce * Sur le Phagocytisme, voir l’article de M. Metchnikoff dans la Revue du 30 juillet 1890, pages 425-431. (Note de la Rédaction.) moment, le milieu étant changé, la bactérie patho- gène va se modifier à son tour et perdre l’une de ses propriétés par laquelle elle avait su se soustraire jusque là à l'action destructive des cellules ani- males, L'importance de l’état bactéricide, cette condition de défense que je dis accessoire et con- tingente, grandit donc en face du phagocytisme que je disais être le moyen de protection général, universel. Il se trouve que le phagocytisme, qui est une fonction constante dans l’état de santé, ne l’est plus dans l’état de maladie et qu'il ne s'exerce que contre les microbes non pathogènes ou contre les microbes pathogènes atténués. Sans doute. Mais qu'est-ce qui fait qu'un microbe n’est pas patho- gène? C’est souvent, comme je vais bientôt l’élablir, qu'il est dépourvu d’une certaine sécrélion dont le produit empèche les vaisseaux de laisser sortir les leucocytes. Et qu'est-ce qui fait qu’un autre microbe est paihogène? C’est souvent qu'il possède celle sécrétion dont le produit s'oppose à la diapédèse et par conséquent au phagocytisme. Phagocytisme. — Dans toute la série des êtres du règne animal, une détérioration locale provoque dans la partie lésée ou menacée une accumulation des cellules mésodermiques qui aflluent vers le foyer du mal et le circonscrivent, qui englobent et dissolvent quelquefois les particules nuisibles. Ce rôle, chez les Vertébrés, est accompli par des cellules capables de migration, par les globules blancs du sang ou par les leucocytes de la lymphe; il est com- plété par les cellules fixes de certains tissus. L'acte primordial, c'est donc la sortie des cellules blanches du sang ou de la lymphe en dehors des espaces où elles sont normalement contenues. Le passage des globules blancs du sang des vaisseaux dans les interstices dutissu environnant, quand il se fait avec quelque abondance, est tou- jours un acte pathologique provoqué par une irri- tation locale de la partie dans laquelle s'opère la diapédèse. Les particules solides ne provoquent pas seules la diapédèse, qui est également solli- citée par cerlaines substances liquides ou dis- soutes, essences, diastases, alcaloïdes, ete. C’est par l'intermédiaire de teiles substances que bou nombre de microbes (pathogènes ou non) déter- minent la sortie des globules blancs en dehors des vaisseaux. À côté de celte diapédèse pathologique des glo- bules blancs du sang à noyaux multiples, provo- quée par l'irrilation locale que déterminent certains microbes, il s'effectue normalement et constam- ment une migration de cellules lymphatiques à noyau unique vers la surface du tégument interne. Cela s’observe spécialement dans des points où, malgré l'intégrité du revêtement épithélial, des particules ténues et en particulier des microbes 468 D' CH. BOUCHARD. — ESSAI D'UNE THÉORIE DE L'INFECTION peuvent, sans effraction, passer de la surface muqueuse dans la profondeur du tissu sous-jacent ; cela a lieu dans les alvéoles pulmonaires, sur les amygdales, sur les plaques de Peyer. Les microbes entrent, cela est indubitable, mais normalement ils ne vont pas au delà du fond du tissu lympha- tique sous-muqueux; et dès qu'on constate leur présence, même dans les interstices des cellules épithéliales, ils sont déjà inclus dans des cellules lymphatiques. Avec ces cellules, quand parfois elles rebroussent chemin, ils peuvent gagner la profon- deur du tissu lymphoïde. En général, dans ce trajet, les microbes subissent une dégénérescence qui s’accuse davantage à mesure qu'ils s’éloignent de la surface épithéliale et qui peut aller jusqu’à la mortet même à la dissolution. Certains microbes pathogènes sont capables de franchir les surfaces pulmonaire ou intestinale saines et échappent à cette destruction; mais par le mécanisme que je viens d'indiquer, l'entrée du sang, dans les condi- tions normales, est interdite aux microbes si nom- breux des cavités respiratoire et digestive, aux microbes non pathogènes d'abord, mais aussi aux pyogènes et au streptocoque capsulé de la pneu- nomie, qui sont nos hôtes ordinaires, habituelle- ment inoffensifs. Hippocrate savait, et c'est une notion qu'il avait reçue en héritage de ce qu'il appelait déjà l'an- cienne médecine, que le froid est cause des maladies aiguës, fébriles, nous dirions aujourd'hui des phleg- masiesinfeclieuses, amygdalites, pneumonies,pleu- résies, arthrites, ete. Le froid, dans ces cas, n’a pas apporté un microbe du dehors et n'a pas pro- duit la solution de continuité par où aurait pu pénétrer l'une de nos bactéries familières; mais il a pu troubler la série des actes par lesquels les cellules lymphatiques arrêlent et détruisent les microbes pathogènes, nos commensaux, quand ils tentent de forcer les barrières et de passer de nos surfaces tégumentaires dans nos tissus où nos humeurs. Je pense avoir élabli expérimentalement la réalité de cette interprétation. Comme beaucoup d'autres, j'ai vérifié l’exactilude de cette affirma- tion de Pasteur que le sang normal ne renferme pas de bactéries; mais j'ai réussi à provoquer, sans vulnéralion, l'apparition rapide de microbes dans le sang d'animaux sains en soumettant ces animaux à l'application des causes qui provoquent chez l’homme le développement des maladies in- fectieuses dites spontanées, de celles qui sont cau- sées par ces microbes pathogènes qui habitent nos cavités, et qui restent inoffensifs jusqu'au jour où quelque cause banale rend possible leur pénétra- tion et leur pullulation. J'ai voulu d’abord agir avec le froid intense. Des cobayes sont plongés dans l’eau froide, En moins d'une demi-heure leur température rectale peut descendre à 31°, et, le plus souvent, l’animal meurt, incapable de sur- monter ce collapsus. Le sang des animaux soumis à cette brusque et intense réfrigération, semé sur milieux nutritifs, est resté stérile. Je fis alors cette réflexion que la douche ou le bain froid ne sont pas chez l’homme cause de pneumonie, tandis qu'on voit cette maladie apparaitre à la suite d'un refroidissement modéré, mais graduel et pro- longé. Je provoquai alors la réfrigération chez un grand nombre d'animaux par l’immobilisation, par le séjour dans la glacière, par la faradisation cuta- née, par le vernissage. Au bout de deux heures, chez un animal sur quatre, parfois chez un sur trois, une goutte de sang mise en cullure donne des colonies bactériennes. L'inanition qui n’a pas été prolongée au-delà de vingt-quatre heures n'a donné que des résultats” négalifs. Dans une expérience de Charrin et Roger, où ils avaient pensé d'abord étudier l'action du surme- nage, un cobaye maintenu pendant quatre heures dans une roue comparable à celles des cages d’écureuil el animée d'un mouvement continu de rotation, avait un sang lellement envahi qu'une seule goutte donna huit colonies bactériennes. Il ne s'agissait pas là de surmenage : l'animal avait été passif; il n'avait pas couru, mais avait élé roulé pendant quatre heures. L'aclion de la frayeur et’des chocs avait provoqué un véritable état d'arrêt des actes nutritifs qui se traduisait par l'abaissement de la température. Au moment de la prise du sang, le thermomètre ne montait dans le rectum que jusqu'à 34°. Les influences nerveuses inhibitoires entravent done le phagocytisme normal qu’accomplissent, dans l'épaisseur du tégument interne, les cellules lymphaliques aux prises avec les microbes patho- gènes qui vivent sur nos surfaces sans nous nuire. La suspension passagère de ce phagocytisme nor- mal a pour effet de permettre à ces microbes de passer du poumon, du pharynx ou de lintestin dans le sang. Nous verrons que des causes ner- veuses du même ordre entravent aussi le phago- cytisme pathologique, celui qu'accomplissent dans l'intimité des lissus les globules blancs du sang; et que, du même coup, la maladieinfectieuse s'ag- grave ou se généralise. Qu'on le considère dans les conditions normales ou dans les conditions pathologiques, le phagocy- lisme est l’une des manifestalions de la nature médicatrice, un des modes de l'effort naturel pré- servateur et curateur. L’envahissement de l’orga- nisme par cerlains microbes empêche, ou amoin- drit, ou retarde cet effort. Celle entrave est l’une D' CH. BOUCHARD. — ESSAI D'UNE THÉORIE DE L'INFECTION 169 des causes qui rendent la maladie infectieuse pos- sible ou grave ou durable. Etat bactéricide. — L'état bactéricide est le second moyen par lequel l'organisme animal résiste à l'invasion des bactéries ou triomphe de celles qui ont réussi à le pénétrer. J'entends par état bacté- ricide, non pas seulement ce qui tue ou dissout les microbes, mais ce qui ralentit leur croissance ou leur multiplication, entrave leur nutrition, amoindrit leurs fonctions. De même que je ne suis pas entré dans le détail de la découverte de Conheim ni de celle de Met- chnikoff, de même je ne rappellerai pas les faits de Grohmann, de Fodor, de Flügge, de Nuttal, de Nissen, de Petruchky, de Buchner sur lesquels a élé fondée la notion de l’élat bactéricide des humeurs normales d'un certain nombre, d'animaux sains. Quand on sait quelles minimes différences dans la composition chimique des milieux inertes rendent plus ou moins aclive la végétation des microbes; quand on peut par l'addition ou la soustraction de faibles doses d'une substance chimique arrêter toute manifestation de la vie bactérienne ou la laisser subsister en imposant au végétal des modifications considérables dans la rapidité de sa pullulation, dans sa forme, dans ses fonctions et en particulier dans celle de ses fonc- tions chimiques qui constitue sa virulence; quand on fait ainsi subir à la bactérie des dégénéres- cences ou des atténuations qui peuvent se conti- nuer héréditairement pendant un temps plus ou moins long, même quand on la replace dans son milieu accoutumé; quand, par d’autres modifica- tions du milieu inerte, on peut au contraire augmenter l'intensité de la vie du microbe, restituer et même exalter sa virulence, — on com- prend que les variations dans la composition des humeurs des animaux vivants puissent produire les mêmes résultats. Et, en effet, pour des raisons purement chimiques et nullement dynamiques, suivant les humeurs et suivant les espèces ou les races animales qui fournissent ces humeurs, les bactéries qu'on y sème peuvent êlre tuées et même dissoules, où simplement empêchées dans leur développement; ou bien elles peuvent atteindre un très haut degré d'intensité dans leur vie et leur fonctionnement; enfin, entre ces deux extrèmes, elles peuvent présenter tous les degrés de l’atténuation ou de l’exaltation. Un certain nombre de ces résultats ont élé obte- nus par la culturede bactéries pathogènes dans des humeurs animales débarrassées de toute cellule. Mais ces faits si intéressants expliquent-ils pourquoi telle maladie infectieuse se développe facilement dans telle espèce animale et ne peut se réaliser cheztelle autre? Nullement. Metchnikoff et Hesse ont dit avec raison que le sang des ani- maux naturellement réfractaires à un microbe peut être bon milieu de culture pour ce microbe. Lubarsch a fait les mêmes constatations; mais il a reconnu de plus, et après lui Charrin et Roger, que le sang d'animaux non réfractaires à un mi- crobe peut être bactéricide pour ce microbe. Ces faits paradoxaux prouvent que l’immunité naturelle ne dépend pas de l’état bactéricide et que la réceplivité n’est pas liée à l'absence d'état bacté- ricide. C’est pour l'immunilé acquise que l'état bactéricide prend toute son imporlance. Metchnikoff sème la bactéridie charbonneuse dans le sang d'animaux vaccinés; la culture se dé- veloppe bien, mais ne tue pas les animaux non ré- fraclaires auxquels on l'inocule; la culture faite dans le sang d'animaux non réfractaires ou d’ani- maux uaturellement réfractaires se développe également, mais conserve sa virulence. Metchnikoff a pu penser que cette atténuation produite par le sang des vaccinés était due à l’action des leuco- cyles qui exerceraient, même dans le sang extra- vasé, leur action défavorable aux microbes. J’in- terprèle autrement celte mémorable expérience : J'y vois la première démonstration de ce fait que la maladie infectieuse, quand elle n'est pas mor- telle, produit, en même temps que l’immunité, une modification durable des humeurs qui les rend bactéricides, c’est-à-dire capables de produire, si on l'y sème, l'atténualion d'un microbe de la même espèce que celui qui a produit la maladie. J'y vois encore la preuve que cet état bactéricide qui se développe en même temps que l'immunité acquise diffère, au moins par le degré, de celui que présentent naturellement les humeurs d’ani- maux sains, qu'ils soient ou non réfractaires. Gamaleïa a fait une constatation analogue. Il avait déjà reconnu que le bacille charbonneux ‘inoculé au mouton érès vacciné provoque l’ædème sans diapédèse et que cependant il se détruit dans cet œdème. Dans une autre expérience, il sème le bacillus anthracis dans l'humeur aqueuse extraite des deux yeux d’un mouton qui avait été vacciné dans la chambre antérieure de l’un des yeux; il n'obtient qu'une végétation grêle, analogue au virus atténué, et cela est vrai pour l'humeur aqueuse de l'œil non inoculé comme pour celle de l'œil inoculé. La virulence dans d’autres expé- riences analogues lui parut amoindrie. Charrin et Roger ont reconnu que, tandis que le sérum san- guin du lapin est un milieu favorable au bacille pyocyanique, le sérum du lapin vacciné est bacté- ricide pour ce microbe qui s’y développe assuré- ment, mais tardivement et peu abondamment, avec des formes grèles, sans sécréter de pyocya- nine, et qui, transporté ensuile dans un milieu 470 D' CH. BOUCHARD. — ESSAI D'UNÉ THÉORIE DE L'INFECTION plus favorable, se montre encore incapable, pen- dant plusieurs générations, de recouvrer l’inté- grité de ses sécrétions. Charrin a pu établir que l’atténuation subie par l'agent infectieux quand on le sème #7 vitro dans les humeurs de l’animal vacciné se produit égale- ment et, sans doute par le même procédé, quand le microbe est introduit dans le corps de l'animal vacciné vivant. Charrin à vu également, avec Gamaleïa, en se servant du bacille pyocyanique, ce que Emmerich et di Mattei avaient déjà reconnu pour le bacille du rouget, que l’atténualion dans le corps des vaccinés se fait avec une extrême rapidité. Charrin a encore constaté que cette atténualion du microbe virulent se fait spontanément dans le corps de l’animal malade, quand la maladie infec- tieuse guérit. On sail que si le bacille pyocyanique peut tuer en vingt-quatre heures, le même bacille puisé au même instant dans la même culture, doué par conséquent de la même virulence, provoquera une maladie beaucoup plus longue, capable de se terminer par la guérison, à la condition que la culture soit injeclée sous la peau ou que la quan- tité de culture injectée dans les veines ait été très faible; on sait aussi que cette maladie confère l’immunilé à l'animal guéri; on sait encore que cette immunilé s'accompagne de l’état bactéricide des humeurs; enfin j’ai démontré que cet état bactéricide existe déjà pendant la maladie. Chez un lapin inoculé avec de petites doses de bacille pyocyanique virulent et qui présente la forme chronique et curable de la maladie, Charrin pré- lève chaque jour une goutte de sang qu'il dépose sur la gélose nutritive. Pendant les premiers jours, la culture est riche en pyocyanine, puis dans les cultures suivantes, le bacille qui se développe encore ne produit plus la pyocyanine, il sécrète seulement le pigment verdàätre qui ne se laisse pas dissoudre dans le chloroforme; on arrive enfin à des atténuations de la fonction chromogène et en même temps de la fonction virulente tellement profondes, qu'il faut de nombreuses cultures faites successivement sur milieux très riches pour rendre au microbe ses fonelions perdues. Tout est microbicide dans le corps des vaccinés, les solides comme les humeurs constituantes. Roger détache les deux membres postérieurs chez deux cobayes, l'un vacciné par le bacille du char- bon symptomatique, l’autre sain. Dans un des membres provenant de chaque animal il injecte la culture virulente et place les quatre membres à l'étuve. Le lendemain, la cuisse inoculée prove- nant du cobaye sain est emphysémateuse et crépite sous le doigt. Il n'y a pas de gaz dans la cuisse inoculée provenant du cobaye vacciné ; il n’y en a pas dans les membres non inoculés provenant l’un du cobaye’ sain, l’autre du cobaye vacciné. Comme on pourrait dire que les tissus sont rendus bactéricides par le sang qu'ils'contiennent, Roger répète, avec les mêmes résultats, son expérience en ayant soin de faire passer, immédiatement après la mort, un courant d’eau salée par l'aorte des deux animaux, les veines élant largement ouvertes. On à déjà donné pour cinq microbes la preuve que la vaccination produit l’état bactéricide : cela semble résulter pour le bacille du charbon des expériences de Gamaleïa et de Nuttal. Cela a été établi pour le bacille pyocyanique par Charrin et Roger, pour le bacille du charbon symptomatique par Charrin et Roger, pour le vibrion cholérique par Zasslein, pour le vibrion de Metchnikoff par Behring et Nissen. Plusieurs de ces expérimenta- teurs ont reconnu que l’état bactéricide produit par un microbe peut nuire aussi au développement de quelques autres microbes. J'ai indiqué sommairement les condilions qui permettent à l’homme d'agir sur les microbes. Passons à l'examen des procédés à l’aide desquels les microbes peuvent agir sur l’homme. IL. — PROCÉDÉS PAR LESQUELS LES MICROBES INFLUENCENT L'ORGANISME ANIMAL De même que j'ai laissé dans l'ombre les hypo- thèses par lesquelles on a pensé expliquer la réaction de l’organisme animal contre les agents pathogènes, quand ces hypothèses ne reposaient pas sur une base expérimentale digne d’être dis- cutée, de même je négligerai l'examen d’autres théories également hypothétiques qui ont prétendu éclairer l’action qu'exercent certains microbes sur l’économie vivante. Une notion me parait acquise : c’est que les bac- téries agissent sur les animaux par les matières qu’elles sécrètent. L'intensité de cette action chimique est proportionnelle à la masse de la substance chi- mique qui la produit. Cette assertion semble aller à l'encontre de la distinction admise entre la virulence et l'intoxication ; et l’on ne manquera pas d’objecter qu'une bactérie unique qui pèse tout juste la millionniène partie d'un millième de mil- ligramme, peut causer la maladie et la mort, et que la matière sécrétée par cette seule cellule bactérienne est certainement incapable de pro- duire le moindre effet. Sans doute, mais il faut tenir compte de la multiplication des microbes. Cette multiplication se fait avec une vitesse qui peut ne pas paraître très grande, mais qui suflit pourtant à augmenter leur nombre suivant une progression qui devient bientôt vertigineuse. Buchner et Riedlin estiment que le vibrion cholé- D' CH. BOUCHARD. — ESSAI D'UNE THÉORIE DE L'INFECTION AT1 rique met pour doubler un temps qui varie entre 19 et 40 minutes. À ce compte un seul vibrion pourrait en engendrer un milliard en moins de dix heures. Grâce à cette pullulation, les produits bactériens arrivent à constituer une masse qui n’est plus négligeable. Ces produits, même pour une seule espèce bactérienne, sont nombreux : la chimie commence à les discerner ; la physiologie n’a pas attendu qu'ils fussent isolés pour étudier leurs actions. On connaît aujourd'hui huit pro- _ priétés physiologiques des produits bactériens par lesquels les microbes pathogènes peuvent in- fluencer les organismes animaux : Je dis huit pro- priétés et non huit substances différentes. Sécrélions bactériennes qui provoquent la diapédèse. — Par les matières qu'ils secrètent, cerlains mi- crohes pathogènes peuvent produire localement une action défavorable sur les tissus et les adapter ainsi à leurs besoins; leurs diastases peuvent hy- drater, dédoubler la substance des cellules et amener leur dissolution ou leur mortification. Mais le plus souvent leur action chimique n'atteint pas à ces degrés extrêmes, et, sans être assez profonde pour supprimer la vie d'une portion de l’organisme, elle est suffisante pour provoquer des phénomènes réaclionnels. Cet état irrilalif se traduit dans certaines cellules par le gonflement et la karyokinèse !, dans d'autres par les dégénéres- cences diverses, graisseuses, colloïdes, vitreuses; du côté des vaisseaux par l’exsudation et la dia- pédèse. Grawitz et de Bary, puis Scheurlen, puis Christmas, puis Karlinsky ont constaté que la cul- ture stérilisée du Staphylococcus aureus est pyogène ; mais, comme l’a reconnu Christmas, le pus ainsi produit n’est pas pyogène, et, comme l’a indiqué Karlinsky, il est capable de se résorber. Deux subs- tances différentes donnent à cette culture stérilisée son pouvoir pyogène : une diastase que Christmas rend inactive en la chauffant à 115°, une ptomaïne que Leber a isolée. D’autres diastases ont une action locale phlogogène : celle, par exemple, qu’Arloing a signalée parmi les produits du microbe de la péri- pneumonie épizootique et qui provoque l’œdème inflammatoire. D’autres plomaïnes aussi ont une action locale phlogogène : en effet Grawitz, puis Bebring, ont démontré que la cadavérine provoque la suppuration sans microbes. L’æœdème et la sup- puration résultant de l’exsudatior et de la diapédèse sont l'expression d'actes réactionnels accomplis par les vaisseaux ; mais la réaction vasculaire est- elle directe, résultant de l’action chimique immé- diate des produits bactériens sur les vaisseaux? Je ne le crois pas. Dans le tissu où s’opèrent les phé- 1 On nomme ainsi la division indirecte du noyau cellulaire. (Note de la Rédaction). nomènes locaux de l'infection, il n’y a pas que les cellules ou les vaisseaux pour subir l’irritation que provoquent les substances sécrétées par les mi- crobes; il y a aussi les nerfs. L'irritation des filets nerveux provoque un réflexe, qui se traduit, dans la région d'où est partie l'excitation, par une dila- tation vasculaire active qui place les vaisseaux dans la situation étudiée par Conheim comme étant le stade préalable de la diapédèse : la colonne des globules rouges au centre, la zone claire du plasma entre les globules rouge et la paroi vasculaire, et dans cette zone claire les leucocytes qui gagnent la surface interne du vaisseau, s’y appliquent, s'y étalent et s’insinuent entre les endothélium. La diapédèse est le résultat d'une dilatation vasculaire active qui se produit dans la région où est encore circonserite l'infection ; et cette dilata- tion est l'effet d’un réflexe sollicité par l'irritation des nerfs de cette même région, mis au contact des produits bactériens. Dans les cas où la maladie infectieuse se géné- ralise d'emblée sans s'accompagner de lésion locale au point d'introduction, c’est-à-dire sans que l’a- gent infectieux provoque la diapédèse, faut-il sup- poser que les choses se passent de la sorte parce que les microbes qui causent ces maladies ne sé- crètent pas de matières capables de produire l'irri- tation locale, et qu’ils font l'infection générale parce qu'ils sont incapables de faire la lésion locale? C'est possible; mais j'aflirme que ce ne peut être que l'exception. Je n’en veux qu'une seule preuve : les agents pathogènes qui pro- voquent l'infection générale d'emblée sans lésion locale n’amènent plus l'infection générale, si on les atténue, mais produisent alors une lésion locale. Je ne suppose pas que l’atténuation les dote d’une fonction sécrétoire nouvelle qui les rendrait capables d'exercer une action irritante locale. La règle, c’est que les microbes de cette sorte sécrètent des matières irritantes, mais qu'ils sécrètent aussi une matière qui empêche la diapé- dèse de s'effectuer. Sécrétions bactériennes qui empêchent la diapédèse. — J'ai mis deux ans à établir la réalité des sub- tances qui s'opposent à la diapédèse et indirecte- ment au phagocytisme. Ayant appris que les matières sécrétées par les microbes, prises en bloc, ont une action vaccinante, j'avais imaginé qu’on obtiendrait plus vite l'immu- nité et qu'on hâterait la guérison en injectant dès le début de la maladie une dose notable de pro- duits bactériens. Le résultat de l'expérience à trompé mon attente. Ces matières qui quatre jours après l'injection empêchent le microbe de pro- duire la maladie ont une action toute différente quand on les introduit dans le corps de l’animal 472 D' CH. BOUCHARD. — ESSAI D'UNE THÉORIE DE L'INFECTION au moment même de l'inoculation ou très peu de temps avant ou après cette inoculation. Elles ren- dent la maladie plus rapide el plus grave; elles la rendent possible alors quelle n'aurait pas dû se développer soit en raison de l’exiguité de la dose de virus inoculé soit en raison de l’état réfractaire de l’animal. Elles triomphent, en effet, de l’immu- nité, de l’immunité naturelle aussi bien que ‘de l’immunité acquise. Cette aggravation de la maladie, ce renforcement apparent de la virulence causés par l'injection ac- tuelle des produits d'un microbe, je les ai constatés d'abord avec le bacille pyocyanique; Courmont les a observés avec un bacille qui produit chez la va- che une pseudo-tuberculose. Roger les a vérifiés avec le bacille du charbon symptomatique et le prodigiosus, Monti avec le proteus el quelques autres saprophytes. Je les ai vus encore avec trois pa- thogènes, la bactéridie charbonneuse, le Sfaphylo- ceccus aureus, le bacille du choléra des poules. En même temps qu’elle aggrave la maladie ou suspend l’immunité, l'injection des produits d'un microbe empêche de se produire la diapédèse et secondai- rement le phagocytisme, que provoque naturelle- ment ce microbe. Je lai démontré en suivant heure par heure à l’aide de cellules capillaires pla- cées sous la peau, l’activité avec laquelle se faisait la sortie des leucocytes et l’englobement des mi- crobes chez les animaux inoculés dont les uns re- cevaient la culture stérilisée, les autres n'étaient pas injectés avec ce liquide. En injectant les pro- duits de la bactéridie charbonneuse, du bacille pyocyanique, du Sfaphylococcus aureus, du bacille du choléra des poules, j'ai supprimé la diapédèse et le phagocylisme que provoquent ces microbes quand on les inocule à des animaux vaccinés ou à des animaux naturellement réfractaires. Par l’ino- culation des produits solubles de la bactéridie vi- rulente, j'ai empêché le phagocytisme que déter- mine chezles animaux non réfractaires l'inoculation du charbon atténué. Par l'injection des produits solubles d’un microbe pathogène, j'ai rendu impos- sible la diapédèse etle phagocytisme que provoque l’inoculation d’autres microbes, que ces derniers ne soient nullement pathogènes ou qu'ils soient des pathogènes atténués, ou qu'ils soient des virulents que j'inoculais à des animaux doués de l’immunité naturelle ou acquise. Ce que l'examen microscopique démontrail dans tous ces cas éclalait en quelque sorte dans une expérience très saisissante. L’inoculation du bacille pyocyanique au lapin, animal peu réfractaire, donne l'infection générale sans lésion locale. Charrin a vu que chez le cobaye, animal plus réfractaire, la même inoculalion ne provoque pas l'infeelion géné- rale, mais amène au lieu inoculé le développement … d’une gomme qui s’ulcère et s’élimine lentement, Chez le lapin vacciné l’inoculation qui ne produit plus l'infection générale m'a permis de reproduire la même lésion locale que chez le cobaye. Si j'ino- cule au cobaye ou au lapin vacciné le bacille pyo- cyanique, en même temps que j'injecte à ces ani- maux les produits solubles de ce bacille, je produis chez tous deux l'infection générale, mais je ne vois plus se développer la lésion locale qui n'est que l'expression grossière de la diapédèse. Supposerez-vous que cel arrêt de la diapédèse est dû, non à l’action des produits bactérièns sur l'animal, mais à un effet empêchant qu'ils exer- ceraient sur le microbe inoculé, effet empêchant qui réduirait celle de ses sécrétions dont l’action irrilante produit la diapédèse? Dans ce cas l'obs- tacle à la diapédèse devrait être surtout marqué quand l'injection est faile dans le foyer même de l'inoculation ; or, j'ai constaté que cette action n’est guère plus manifeste dans ce cas que lors- qu'on fait l'injection sous-cutanée dans un point du corps très éloigné de la région inoculée; un effet incomparablement plus énergique est obtenu quand l'introduction des produits bactériens est faite par voie intraveineuse. Une autre expé- rience de mon laboratoire est encore confirmative de ma manière de voir. Il n'y a pas que les bac- téries, il n’y a pas que les produits bactériens qui, par irritation locale, fassent naître la transsudation et la diapédèse. Elles sont sollicitées également par divers agents physiques et par d'innombrables substances chimiques. Si le gonflement inflamma- loire que provoque infailliblement l’une de ces subtances fait défaut quand on injecte à l'animal les produits d'un microbe pathogène, il faudra bien admettre que les produits bactériens empêchent la diapédèse par une action générale sur l'orga- nisme animal. L'expérience a été conçue et exé- cutée par Charrin et Gamaleïa. Chez deux lapins, une des oreilles est frottée pendant le même temps, avec la même quantité d'huile de croton; à l'un des deux on injecte dans les veines 10 centimètres cubes de culture stérilisée du bacille pyocyanique. Au bout de quatre heures, l'oreille du lapin qui n’a pas recu les produits solubles est rouge, chaude, considérablement épaissie, son épiderme se sou- lève en phlyctènes. L’oreille frottée du lapin injecté est absolument saine, la vascularisation n’y est pas plus apparente que sur l'oreille du côté op- posé. L'action inhibitoire de l'injection s'épuise au bout de six à huit heures etsi on ne renouvelle pas les injections, l’inflammation est simplement re- tardée; elle fait absolument défaut si, pendant deux jours, on répète la même injeclion trois ou quatre fois dans les vingt-quatre heures. Il restait à établir sur quelle portion de l'orga- D' CH. BOUCHARD. — ESSAI D'UNE THÉORIE DE L'INFECTION 473 nisme agissent ces matières qui s'opposent à la diapédèse : sur les leucocytes, sur les vaisseaux ou sur l'appareil nerveux vaso-moteur? Deux expé- riences de Charrin et Gley répondent à cette ques- tion. Chez un lapin curarisé on excite le bout central du nerf dépresseur, la pression artérielle tombe brusquement par le fait de la dilatation de tous les vaisseaux ; la pression redevient normale quel- ques instants après la cessation de l’excilation. On injecte alors dans les veines de l'animal 10 centi- mètres cubes de cullure pyocyanique stérilisée, et immédiatement après, on excilte de nouveau le bout central du nerf dépresseur, l'abaissement de la pression sanguine est nul ou insignifiant, le centre vaso-dilatateur ne répond plus à l’excitation : il est paralysé. Chez un autre lapin curarisé, on excite le bout central du nerf auriculo-cervical d'un côté; l'oreille du même côté rougit immédiatement; tous ses vaisseaux se dilatent. On injecte alors dans les veines 10 centimètres cubes de culture stérilisée du bacille pyocyänique, et on excite de nouveau le bout central du nerf auriculo-cervical : la dilatation vasculaire ne se produit plus, Je puis donc dire maintenant que les microbes pathogènes ou ceux d’entre eux sur lesquels a porté mon étude sécrètent une substance qui paralyse le centre vaso-dilatateur et que même s'ils fabriquent des substances capables de produire une irritation locale, la paralysie vaso-dilatatrice qu'ils provo- quent empêche les phénomènes inflammatoires de se produire dans la partie lésée, et spécialement la dilatation vasculaire, l’exsudation et la diapé- dèse. De cette façon les microbes sont soustraits à l’une des causes de destruction, le phagocytisme, et peuvent se développer, pulluler el sécréter en liberté. On comprend maintenant comment les perturba- lions nerveuses, le froid, les commotions physiques ou morales, la fatigue, les veilles, le chagrin deviennent si souvent l’occasion du développement ou de l’aggravation d’une maladie infectieuse en amoindrissant l'action du centre vaso-dilatateur, en rendant plus difficile la diapédèse et par consé: quent le phagocytisme. J'ai étudié expérimentalement le mode d'action de ces causes banales auxquelles on attribue légiti- mement tant de maladies qui sont pourtant des maladies infectieuses. Des lapins vaccinés reçoi- vent sous la peau la culture pyocyanique dans des cellules capillaires; les uns sont immobilisés en vue de produire la réfrigération spontanée, les autres sont laissés en liberté. Les cellules extraites à des intervalles réguliers chez les animaux des deux séries montrent chez ceux qu'on à laissés REVUE GÉNÉRALE, 1890, libres une abondante migration deleucocytes; chez les animaux refroidis, au contraire, la diapédèse est sensiblement moins intense ; les leucocytes ren- fermant des bacilles sont plus rares. C’est de cette façon sans douteque le surmenage, comme l'ont vu Charrin et Roger, rend l'infection plus rapide et plus grave et supprime l’immunité. On comprend aussi comment Roger a pu voir l'injection des pro- duits du Bacillus prodigiosus rendre possible chez le lapin, animal réfractaire, le développement du charbon symptomatique; comment Monti a pu penser que les produits du Proteus vulgaris exaltent la virulence du streptocoque de l’érysipèle ou du pneumocoque. On explique enfin ces faits depuis longtemps établis par la clinique, montrant qu’une première infection favorise l'apparition d'infections secondaires, signalant l’envahissement des articu- lations par le streptocoque à la suite d'infections causées dans les amygdales, le vagin, le colon par d’autres microbes. On se rend compte enfin du rôle que jouent les fermentations intestinales ou les émanations qui se dégagent de foyers putrides, dans la genèse de certaines maladies infectieuses et en particulier des inflammations suppuratives. Tous ces faits deviennent intelligibles quand on sait que les microbes pathogènes, et même certains saprophytes, sécrètent des substances qui, para- lysant le centre vaso-dilatateur, rendent plus dif- ficile la diapédèse et, par suite, le phagocytisme, L'action de ces substances est presque immédiate : dès qu’elles sont dans le sang, leur effet devient manifeste; mais il cesse rapidement si de nouvelles quantités de ces malières ne remplacent pas celles qui s'éliminent ou se détruisent, Sécrétions bactériennes vaccinantes. — En face de ces matières nuisibles, je puis signaler, parmi les produits bactériens, des substances utiles à l'orga- nisme animal infecté : je veux parler de ce qu'on a appelé les matières vaccinantes. Je ne retracerai pas, une fois de plus, l'historique de cette question. Cest à Washington, au dernier Congrès médical international, qu’elle est entrée enfin dans la phase expérimentale par les travaux de Salmon et Smith sur le choléra des porcs. Un mois après, Charrin rendait la découverte plus complète et la démons- tration définitive en vaccinant le lapin par la cul- ture stérilisée du bacille pyocyanique. La liste des vaccins chimiques grossit chaque jour. On crut d'abord que ces matières agissaient par contamination, que, déposées dans l'organisme animal, elles ÿ rendaient impossible par leur pré- sence, la vie du microbe qui les avait fabriquées. Je pense avoir rendu peu vraisemblable cette opi- nion quand j'ai établi que les matières vaccinantes s'éliminent par les urines. Charrin et A. Rüffer ont fait voir qu'il faut quatorze jours pour que leur 15* 474 D: CH. BOUCHARD. — ESSAI D'UNE THÉORIE DE L'INFECTION élimination soit complète; mais après ce temps, l'état d'immunilé ne persiste pas moins. Quand on vaccine en injectant des cultures stérilisées, l’état réfractaire n’estobtenu que le quatrième jour après l'injeclion, alors qu'une très grande partie de la matière vaccinante est déjà éliminée; il est nul immédiatement après l'injection, quand cette ma- lière est au maximum dans le corps de l'animal. L'action des matières vaccinantes qu'on ne cons- tale pas quand elles sont présentes, qu'on constate quand elles sont absentes, n’est donc qu'une aclion indirecte. L’immunité est un effet secondaire de l’action des matières vaccinantes. Qu'elle soit pro- duite par un vaccin chimique ou par un virus vivant, l'immunité, je l'ai démontré, résulte dans le premier cas, comme dans le second, de l’état bactéricide des tissus et des humeurs, élat qui est provoqué par Le passage des substances vaccinantes à travers l’économie et qui se maintient après leur élimination. Or les humeurs ne sont que ce que les cellules les font. C’est dire que les cellules impré- gnées, même passagèrement, par les matières vac cinantes élaborent et restent capables d'élaborer la matière d’une facon nouvelle; que leur type nutritif est changé définitivement. L'état bactéri- cide, condition statique de l’immunité acquise, est donc le résultat d'une modification permanente de la nutrition provoquée par le passage de cer- lains produits bactériens à travers l’organisme. Si ce résultat est durable, il se produit tardivement. J'ai établi que l’état bactéricide est nul au moment où l'on vient d’injecterles produits bactériens dans le sang, qu'il est douteux pendant les vingt-quatre premières heures, nettement accusé au bout de quarante-huit heures, plus évident au bout de soixante-douze heures et de quatre-vingt-seize heures. C’est aa bout de ce temps seulement que l'immunité est solidement établie. Les matières vaccinantes sécrélées par les mi- crobes pathogènes dans le corps des animaux infectés, comme elles le sont dans les cultures, produisent des effets expérimentalement démon- trables seulement au bout de deux jours, et ces effets ne sont pratiquement uliles que le quatrième jour; mais ces matières se montrent présentes et agissantes pendant quatorze jours; quant à l'effet qu'elles ont une fois produit, il persiste d’une façon permanente. Quelle différence avec les ma- tières qui s'opposent à la diapédèse! Dès quelles sont dans le sang, leur effet est manifeste. Six ou huit heures après leur introduction il est nul. Les matières vaccinantes ne sont ni toxiques ni pyrélogènes ; ou du moins elles peuvent vacciner à des doses où elles ne produisent ni effet toxique ni fièvre, ce qui prouve, pour le dire en passant, que l'immunité acquise n’est pas la conséquence d'un état fébrile et qu'elle n'est pas davantage l’accoutumance aux poisons bactériens. Quelques autres actions des produils bactériens. — D'autres produits bactériens sont mieux connus, d’autres ont moins d'importance ; je ne les signa- lerai que sommairement. La fièvre des maladies infectieuses est toxique ; elle a été reproduite par Charrin et A. Rüffer en injectant des poisons bactériens. Elle est provoquée par des diastases et par des alcaloïdes: par des diastases comme celle qu'a étudiée Roussy, par des ptomaïnes telles que la mydaléine de Brieger. D'autres substances sont des poisons, à propre- ment parler: les uns agissent de préférence sur le système nerveux, les autres modifient également le fonctionnement d’autres cellules et même leur nutrition. C’est à ces poisons qu'il faut attribuer, dans les maladies infectieuses, la céphalée, le délire, les convulsions, le coma, les troubles sécré- toires, les dégénérescences musculaires, ou viscé- rales. La plupart de ces poisons paraissent être des plomaïnes, quelques-uns sont des diastases comme celle à laquelle Gamaleïa attribue la diarrhée que provoque l'injection des cultures stérilisées du vibrion cholérique. Les expériences de Massart et Bordet! tendent à faire admettre que les matières sécrétées par cer- Lains microbes mettent en jeu l’irritabilité des leu- cocytes, de telle sorte que ces cellules cheminent dans les solutions de produits bactériens des par- lies plus diluées vers les parties plus saturées, ce qui amènerail les phagocytes au contact des mi- crobes. L'impossibilité de l'englobement de certaines bactéries par les leucocytes a donné à penser qu’el- les sécrélaient une matière stupéfiante pour les leucocytes. Il y a enfin des matières bactériennes qui tuent les leucocytes, dont les cadavres sont les cellules du pus; etces malières, comme je l'ai déjà dit, sont les unes des alcaloïdes, les autres des diastases, Est-ce tout? je suis loin de le prétendre; j'ai même tendance à penser que certains microbes sécrètent des diastases qui, comme celles du jequirity ou comme la papaine, facilitent le développement de l'infection générale sans empêcher la dia- pédèse. Il ne me reste plus qu'à conclure, à grouper dans une synthèse les faits qui se dégagent de cette analyse. III. — THÉORIE DE L'INFECTION Une bactérie virulente est introduite par effrac- Lion dans nos tissus, ou l’un de ces microbes patho- 1 Voyez à ce sujet la Revue du 45 juillet 1890, page 414. tr dass Mesa. D' CH. BOUCHARD. — ESSAI D'UNE THÉORIE DE L'INFECTION A7 © gènes qui habitentnos cavilés, trompant, à la fa- veur d'une perturbation nerveuse, la surveillance des celluleslymphatiques, passe dans nos humeurs ; la maladie n'a pas encore commencé pour cela. L'agent pathogène tombe dans un milieu plus ou moins favorable à son développement. Si nos hu- meurs sont très bactéricides, il ne se fait pas de végélation, pas de mulliplication, parlant pas de maladie. Si nos humeurs sont favorables au mi- crobe, le développement est immédiat. Si elles sont modérément microbicides, il y a une pre- mière phase de dégénérescence pendant laquelle un certain nombre de bactéries peuvent disparai- tre, mais pendant laquelle aussi les diastases sé- crélées modifient la matière dans la zone envahie, l’adaptent aux besoins du microbe, comme la diastase de la levûre qui transforme en glycose fer- mentescible la saccharose et la lactose. Alors le développement de lagent pathogène s'effectue. Que ce développement ait été immédiat ou qu'il arrive seulement après celte phase de dégénéres- cence, la maladie a commencé. A partir de ce moment le végélal püllule et sé- crète; la masse de ses produits de sécrétion est proportionnelle àson nombre et aussi à l'intensité de sa vie. Ces poisons peuvent causer des délério- ralions locales par altération chimique du tissu en- vahi. Ils sont aussi absorbés el provoquent les acci- dents pyréliques, nerveux el dystrophiques qui varient suivant la nature des produits absorbés, c’est-à-dire suivant l'espèce du microbe qui les sécrèle. Ces phénomènes locaux el généraux de l'infection apparaissent à l'instant précis où le nombre des microbes fait que la masse des pro- duits bactériens n’est plus une quantité négli- geable. Ainsi, en continuant à pulluler, le microbe pousse l'intoxication jusqu’à la mort, malgré les efforts que fait l'organisme pour reculer cette échéance, en éliminant les poisons par les reins, en les trans- formant dans le foie, en les brûlant dans le sang ou dans les lissus : & moins que l'organisme dirige contre la vie des microbes les deux moyens de dé- fense par lesquels il peul agir sur eux: le phago- cylisme qui les délruit, l’état bactéricide qui mo- dère et arrête leur pullulation, qui restreint et supprime leur sécrétion. De ces deux moyens, l’un, l’élat bactéricide, n'est qu'une arme d'emprunt qui n’est donnée à l'organisme que par le microbe ; il n'apparait d’ailleurs que tardivement. L'autre, le phagocylisme, appartient en propre à l'organisme, mais suppose la diapédèse, qui, pour s'effectuer, exige une sollicitation du microbe. Si celte sollicitation manque, si l’action irrilalive lo- cale est nulle, l'infection générale d'emblée peut amener la mort avec une rapidité presque fou- droyante. Sauf ce cas le phagocytismeestun moyen de défense, ie seul pendant les deux ou trois pre- miers jours. Dans les infections bénignes il peut, à lui seul, produire certaines guérisons. Mais beaucoup de microbes ont le moyen d’em- pêcher l’effort phagocylaire d'aboutir; ce sont ceux dont les sécrétions paralysent le centre vaso- dilatateur: ce sont aussi peut-être ceux qui par d'autres produits paralysent les leucocytes. Ces sécrélions font le danger de certains microbes, plus entvore que, les sécrélions pyrélogènes ou vé- néneuses. En face ‘de ces microbes, l'organisme est désarmé ou ne dispose que de moyens pal- liatifs. Mais heureusement, pendant que la bactérie vi- rulente verse dans les tissus et dans le sang ces substances délétères dont la présence se traduit immédiatement par de graves perturbations, elle sécrète aussi une autre substance qui. pendant plu- sieurs jours, ne va se révéler par aucun phénomène appréciable, mais qui pénètre les cellules, change leur nutrition et les incite à élaborer la matière suivant un type nouveau : l'élat bactéricide s'éta- blit. À ce moment précis, la maladie a atteint son acmé, elle n’a plus qu'à décroitre. Dans les humeurs modifiées la pullulation se ralentit, le microbe s’atlténue. Les poisons vont être livrés au sang en quantité décroissante et les émonctoires vont suflire à leur éliminalion. Mais surtout le poi- son qui paralvse le centre vaso-dilatateur arrive aussi en moindre quanlilé, la diapédèse, jusque-là entravée, se produit el le phagocylisme désormais possible s'accomplit sans obstacle sur des bactéries déjà atténuées et achève leur destruction com- mencée par l'état bactéricide. Dans cette conception de la maladie infectieuse il y a une première période où les microbes en pa- ralysant le centre vaso-dilatateur font que l’infec- ion et l’intoxication sont graduellement erois- santes. Pendant ce temps ils préparent la seconde période où l’état bactéricide atténue le microbe, diminue ses sécrétions toxiques et l’oblige enfin à laisser s'accomplir le phagocylisme qui termine le drame. Dans la maladie infectieuse, les malières bacté- riennes nuisibles agissent d'emblée; les matières utiles agissent tardivement. Mais l'effet nuisible cesse rapidement, landis que l'effet utile dure long- temps. Théorie de la veccination. — La guérison est la première manifeslation de l'immunité. Les ma- lières vaccinantes ont rendu possible la guérison en produisant l’état bactéricide, l'effet utile qui dure longtemps. C'est en effet cet état bactéricide qui constitue la vaccination ou l'immunilé acquise. Le microbe qui a produit la première maladie, s'il 476 D' CH. BOUCHARD. — ESSAI D'UNE THÉORIE DE L'INFECTION est de nouveau introduit dans les tissus y trouvera un terrain singulièrement modifié, beaucoup plus défavorable. Son développement y sera beaucoup plus difficile et peut-être impossible. Mais tout ne se borne pas à cela. Inoculez le même virus fort à un animal sain et à un animal vacciné : il ne pro- voquera pas de diapédèse chez l'animal sain ; il en provoqueraune abondante chez le vacciné. Charrin nous a donné l'explication de ce fait; elle complète la théorie de la vaccination. La bactérie virulente se développe chez le vacciné; elle se développe mal, donne une végétation grèle et ses secrétions sont amoindries. Elle est capable de produire en- core une irritation locale qui sollicite la diapédèse, elle ne secrète plus en quantité suffisante la ma- tière qui s'oppose à la diapédèse. Le phagocytisme s'exécute donc en toute liberté. Les choses se passent après l'inoculation chez le vacciné de la même manière que j'ai indiquée pour la fin de la maladie évoluant pour la pre- mière fois. L'inoculation d'un virus fort chez un vacciné n’est autre chose que l’inoculation d’un virus atté- nué.Seulement l’atténualion, au lieu d’être faite au préalable dans le laboratoire, se fait dans les tissus du vacciné, Charrin et Gamaleïa nous ont montré que cette atténuation est complètement effectuée en quarante minutes. Nous sommes loin des conceptions d’après les- quelles l'état du vacciné n’était que l'énergie ac- quise par les leucocytes pendant un premier com- bat ou que l’accoutumance aux poisons bactériens, une sorte de mithridatisation. Quand on vaccine avec les produits solubles et non avec les microbes, les leucocytes ne subissent et ne livrent aucun combat et cependant ils accomplissent désormais leur rôle de phagocyles. Quand on injecte à un animal sain et à un vacciné les produits solubles du microbe qui a vacciné l’un des deux, il faut exactement la même dose pour tuer les deux ani- maux. Ne parlons donc plus d'entrainement des leucocytes et d’accoutumance des cellules ner- veuses aux poisons bactériens : c'est pure rhéto- rique. Définition des virus et des vaccins. — Un virus est un microbe pour lequel les humeurs d’un animal, envisagées au point de vue de leur compositiou, sont un milieu habitable et qui de plus possède les moyens de lutter, souvent avec avantage, contre les procédés de destruction dont dispose l’orga- nisme animal. Le plus puissant des moyens de dé- fense de ce microbe, c’est la propriété qu’il possède de sécréter des matières qui s'opposent au phago- cylisme. Le vaccin est un virus qui a la propriété de sé- créler des matières qui modifient lentement et d'une façon durable la nutrition au point de créer l'état bactéricide, et qu'on amène par des artifices d'éducation à perdre quelques-unes de ses secré- lions nuisibles, en particulier celle qu empêche la diapédèse, tout en gardant ses sécrétions vacci- nantes. Conception de l'immunité naturelle. — La théorie de l’immunité acquise n’est pas applicable à l’im- munilé naturelle, car, par une circonstance para- doxale, l’état bactéricide manque souvent chez les espèces qui possèdent l’immunité, et d’autres qui ont la réceptivité ont des humeurs bactéricides. Chez l'animal doué de l’immunité naturelle, le virus fort provoque, comme chez le vacciné, la diapédèse et le phagocytisme. Ce n’est pas parce que le viruss’atténue comme chezle vacciné; c’est, je suppose, parce que le système nerveux de cet animal réfractaire est moins sensible au poison qui empêche la diapédèse, que le système nerveux des espèces qui ont la réceptivité. Mais cette diffé- rence n’est pas essentielle, elle n’est qu'affaire de degré et il suffit pour forcer l'immunité naturelle, pour produire l'infection générale et pour empê- cher la diapédèse, d'augmenter, comme je l'ai fait, la dose des produits bactériens. Une expérience de Roger est instructive à ce point de vue. Chez un lapin, animal réfractaire, il inocule dans la cham- bre antérieure le bacille du charbon symptoma- tique. Dans ce milieu dépourvu de leucocytes, le végétal se développe, ce qui prouve que les hu- meurs n'étaient pas bactéricides. Ace momentRoger fait une seconde inoculation à la cuisse : la tumeur crépitante s’y développe et l'infection générale se produit. Dans cette expérience, la culture dans la chambre antérieure a jeté dans la circulation assez de matière pour empêcher la diapédèse, et l’infec- lion s’est produite, comme quand on inocule chez .cet animal le même microbe en l'accompagnant d'une grande quantité de ses produits. J'ai ter- miné. Le système que je soumets n’est sans doute pas exempt d’ hypothèses, mais pour les points essentiels, il repose, je crois, sur des faits expéri- mentalement démontrés,. D: Ch. Bouchard Membre de l'Académie des Sciences. 7 P.-P. DEHÉRAIN. — GAY-LUSSAC ATT GAY-LUSSAC ( Gay-Lussac est né à Saint-Léonard, près de Li- moges, le 6 décembre 1778. Son père était magis- trat; compromis pendant la Terreur, il se trouva fort dépourvu pendant les années suivantes et ne réussit qu'à grand’peine à envoyer son fils à Paris, pour le préparer à l'École polytechnique qui venait d'être fondée. Des difficultés d’approvisionnement, dont nous n'avons plus heureusement que le souvenir, ren- daient fort précaire la position des maitres de pen- sion. Menacés à chaque instant de ne plus pouvoir nourrir leurs élèves, ils fermaient leurs établisse- ments les uns après les autres : Gay-Lussac changea plusieurs fois d'institution, mais il n’était pas homme à se laisser relarder par ces premiers obs- tacles qui n’arrêtent que les irrésolus et les faibles. En 1798, il entra à l'École Polytechnique, s'y dis- tingua, fut classé dans les Ponts et Chaussées et était encore élève à l'École des Ingénieurs quand une circonstance heureuse décida de sa carrière. A son reiour d'Égypte, Berthollet avait repris ses travaux : il réorganisa rapidement son laboratoire et demanda à l'École des Ponts et Chaussées des élèves pour l’aider dans ses recherches. Gay-Lus- sac fut désigné : dès son installation, Berthollet lui communique ses idées sur un sujet qui le préoc- cupe, lui indique les expériences à exécuter pour obtenir les résullats qu'il prévoit; l'élève se met à l’œuvre, se réjouissant sans doute de confirmer les vues du maitre, mais..., l'expérience est rebeile à son désir, elle se prononce contre l'hypothèse entrevue. Ce premier travail qui contredit le pro- fesseur va-t-il tourner contre l'élève? Il n’en est rien, Berthollet, frappé de la netteté des conclu- sions de son jeune collaborateur, de son respect de la vérilé, lui écrit : « Jeune homme, votre des- tinée est de faire la science. » La prévision ne larda pas à se réaliser. Le 11 piuviôse an X, à vingt-quatre ans, Gay-Lussac, encore élève ingénieur à l’École des Ponts et Chaus- sées, lit devant la première classe de l'Institut son mémoire sur la dilatation des gaz et des vapeurs ; il s’astreint à ne mesurerles changements de volume des gaz que lorsqu'ils sont dépouillés de vapeur d'eau, et éliminant les perturbations qui avaient obscurei les observations de ses pré- décesseurs, il reconnait que tous les gaz soumis à ‘La ville de Limoges vient d'élever une statue à Gay- Lussac. L’inauguration a eu lieu lundi dernier 11 août. L’A- cadémie des Sciences avait délégué M. P. P. Dehérain pourla représenter à cette fête; ce savant y a prononcé un discours, d'où il a bien voulu extraire, pour nous en donner la primeur, la présente étude. (Note de la Rédaction.) | la même élévation de température se dilatent de la même fraction de leur volume. Du premier coup, Gay-Lussac découvre non un fait isolé, mais une loi générale que la postérité désigne sous le nom de loi de Gay-Lussac, comme elle avait donné le nom de Mariotte à l'énoncé des changements que subit le volume des gaz soumis à diverses pressions. Personne ne s’y trompa, un maitre s'était révélé : Berthollet, fier de son élève, l’introduit dans sa Société d'Arcueil. C’est là que Gay-Lussac ren- contre Alexandre de Humboldt, qui, oubliant la verdeur avec laquelle le jeune savant avait critiqué quelques-unes de ses expériences, va vers lui et contracte bientôt, avec son adversaire d’un jour, une amitié qui ne devait s’éteindre qu'avec la vie. Une question importante préoccupait de Hum- boldt, le grand voyageur : L'air a-til, sur tous les points du globe, la même composition? Partout où il avait passé, de Humboldt avait recueilli des échantillons d’air, mais il hésitail sur les méthodes à employer pour les analyser; il consulte Gay- Lussac, s'associe à lui, el après discussion, on décide de faire usage de l’eudiomètre; son emploi exige des études préliminaires, il faut savoir exac- tement suivant quels volumes s'unissent l'oxygène et l'hydrogène, de façon à pouvoir déduire de la diminution de volume que détermine le passage de l’étincelle, dans l'air additionné d'hydrogène, la quantité d'oxygène qu’il renfermait. Ce travail préliminaire est un chef-d'œuvre, on aperçoit ni les incertitudes ni les hésitations d’un débutant; la question est clairement posée, les expériences nettement décrites, les chiffres obte- nus ne conduisent cependant à aucun résultat simple : comme Lavoisier, Gay-Lussac et Hum- boldt trouvent seulement d’abord que deux volumes d'hydrogène prennent pour former l’eau une quantité d'oxygène voisine d’un volume, mais Gay-Lussac est déjà pénétré, par son premier tra- vail, de l'idée que les lois qui régissent les gaz ont une précision mathémalique; les résultats sont discutés, les résidus analysés par une nouvelle méthode, on y reconnait de petites quantités d’a zote, el celte cause perlurbatrice éliminée, le résultat apparait dans sa majestueuse simplicité : deux volumes d'hydrogène prennent exactement un volume d'oxygène pour former deux volumes de vapeur d'eau. Auquel des deux collaborateurs appartient celte idée de la simplicité des rapports suivant lesquels les gaz entrent en combinaison, il serait cruel de l’ignorer : Humboldt n’hésite pas à le déclarer, l'idée appartient à Gay-Lussac, et il est 478 P.-P. DEHÉRAIN. — GAY-LUSSAC bien probable que dès celte époque, dès 1805, Gay-Lussac avait l’intuilion que le fait trouvé pour l'oxygène et l'hydrogène n'était pas isolé, mais devait ga- zeuses, ce ne fut cependant qu'en 1809 qu'il géné- ralisa cette admirable observalion. Aussilôl qu'ils ont entre les mains une méthode exacte d'analyse, les deux amis examinent les échantillons d'air recueillis par de Humboldt, et trouvent que l'air a sensiblement sur lous les points du globe la même composilion; en est-il de même de celui des hautes régions de l’atmos- phère? Gay-Lussac n'hésite pas à tenter une ascension en ballon pour aller en recueillir. Il est poussé, en outre, à exécuter ce voyage aérien par le désir de vérifier des assertions singulières émises en Allemagne sur les changements que présenteraient les propriétés magnétiques quand on s'élève dans l'atmosphère; dans une pre- mière ascension, exécutée avec Biot, il atteint 4,000 mètres, dans une seconde, il monte seul jusqu’à 7,000 mètres : corrige l'erreur qu’avaient commise les physiciens allemands, recueille Pair des hautes régions, dès le lendemain le soumet à l'analyse et lui trouve une composition identique à celui de la surface. La puissante s'étendre à toutes les combinaisons impulsion que Lavoisier avait donnée à la chimie, un instant ralentie par sa mort tragique, s'était fait sentir de nouveau au commencement du siècle; les découvertes se suc- cédaient rapidement; en 1807, à l’aide de la pile, H. Davy décompose la potasse et la soude, mais n’oblient par cette méthode que de petites quan- tités des mélaux alcalins. Les chimistes cependant avaient grand intérêt à posséder ces agents éner- giques et singuliers qui prennent feu au contact de l’eau. Gay-Lussac s’unit à Thenard, et bientôt les deux chimistes français réussissent à préparer des quantités notables de potassium et de sodium en chauffant à très haute température les alcalis en présence du fer, décomposilion curieuse dont l'interprétation n'a pu être donnée par H. Sainte- Claire Deville, qu'après ses travaux sur les phéno- mènes de dissociation. Entre des mains habiles, ces puissants agents ne restent pas inuliles, et la découverte du bore, séparé de l'acide borique par le potassium, montre combien sont puissantes les affinités des nouveaux métaux dont la science vient de s'enrichir. La manipulation journalière d'un corps comme le potassium n’est pas sans danger : Gay-Lussac l’'apprit à ses dépens, il fut cruellement atteint par une explosion; le visage en sang, aveuglé, on le reconduisit péniblement de l'École Polytechnique à sa maison de la rue des Poules; pendant un mois on crut qu'il avait perdu la vue; la lueur d’une petite veilleuse dont se servait Mme Gay- Lussac pour lui faire la lecture était la seule lu- mière que pouvaient supporter ses yeux malades. La crainte de rester aveugle à trente ans, quand on se sent appelé à de hautes destinées, pourrait conduire au désespoir; d’autres se seraient aban- donnés, mais Gay-Lussac était de taille à se mesurer avec l’adversité. Il supporta stoïquement sa souffrance; lentement il guérit, la faiblesse de sa vue lui rappela longtemps cependant le cruel accident auquel il avait failli succomber. Parmi les travaux qui illustrèrent la collabora- tion de Gay-Lussac et de Thenard, il faut citer encore le mémoire sur l'acide muriatique oxygéné; on sait que Berthollet, le maitre de Gay-Lussae, avait non seulement apporté d'importants perfec- tionnements à l'industrie du blanchiment en utilisant les propriétés décolorantes du chlore, mais qu'il avait, dès 1785, contribué à faire admettre que le gaz découvert par Scheele était une combinaison de l'acide murialique avec l'oxygène. Quelle est la matière unie à l'oxygène qui donne comme premier terme de la combinaison l’acide muriatique, comme second l'acide muriatique oxygéné? Telle est la question abordée par Gay- Lussac et Thenard; en voyant une dissolution de chlore dans l’eau dégager de l'oxygène aussitôt qu'elle soleil, ils étaient en droit de supposer qu'en soumettant l'acide muria- tique oxygéné à l'action du charbon rouge de feu, ils obtiendraient facilement de l’acide carbonique ou de l’oxyde de carbone et de l'acide muriatique ou peut-être même le radical encore inconnu qu'il renferme; ‘or, l'acide muriatique oxygéné résiste à l’action du charbon porté au rouge : il traverse sans changements les tubes dans lesquels on l’expose à cette puissante action réduetrice, on ne recueille aucun autre gaz. Ce résultat, si contraire aux prévisions, ouvre les yeux des deux chimistes, la lumière se fait dans leur espril, ce prétendu corps est très mal nommé, ce n'est pas une malière oxygénée, c'est un corps simple; mais, comment soutenir cetle opinion devant Berthollet, comment lui faire admettre qu'il s'est trompé, comment travaillant à Arcueil, chez lui, avec ses réaclifs et ses instruments, se est exposée au servir des uns et des autres pour détruire un des travaux sur lesquels s’est fondée sa réputation? La condescendance que montrèrent à cetle ocea- sion Gay-Lussac et Thenard leur coûta cher; dans leur mémoire sur l'acide muriatique, ils écrivent: « Toutes les propriétés de l'acide muriatique oxygéné s'expliquent très bien en admetlant que c’est un corps simple », mais, bien malgré eux sans doute, ils continuent par celte phrase malencon- LL P.-P. DEHÉRAIN. — GAY-LUSSAC 4719 treuse : « Nous ne chercherons point cependant à défendre cette hypothèse, parce qu'il nous semble que ces propriétés s'expliquent encore mieux en regardant l’acide muriatique oxygéné comme un COrps COMPOSÉ. » Malgré la forme dubitative sous laquelle ils l'avaient émise, l'hypothèse de Gay-Lussac et Thenard fit son chemin, un chimiste industriel resté obscur, dont le nom est loin d’avoir l'éclat qu'il mérite, Curaudau, montre très bien ! qu'on ne peul lirer d'oxygène du prétendu acide muria- tique oxygéné qu'en présence de l'eau, que l'oxygène qu'il dégage souvent provient de l’eau décomposée, dont l'hydrogène s’unit au radical pour former l'acide muriatique. Sir H. Davy apporta enfin, à l'appui de la ma- nière de voir de Gay-Lussac et Thenard, des argu- ments décisifs ? ; aucun lien d'amitié ne l’attache à Berthollet ; sans ménagement, il déclare que son acide muriatique oxygéné est un corps simple; il lui donne le nom de chlore, qui est resté, et par- tage ainsi avec Gay-Lussac et Thenard une gloire qui aurait dû leur rester tout entière. Ce fus seulement, au reste, quelques années plus tard et à la suite d’une nouvelle découverte de Gay-Lussae que la simplicité du chlore futcom- plètement admise. Un salpêtrier nommé Courtois découvre dans les eaux mères des soudes extrailes des varechs une matière nouvelle; le temps lui manque pour se livrer à une étude approfondie ; il reconnait cependant que cette malière forme avec l’ammoniaque une poudre très explosive ; puis, désespérant de pouvoir continuer ses re- cherches, remet la matière nouvelle à Clément, celui-ci la garde pendant deux ans sans en rien faireet très légèrement la donne à H. Davy, de passage à Paris; aussitôt que Gay-Lussac apprend cette imprudence, il comprend que peut-être une découverte importante va échapper à notre pays; il court chez Clément, chez Courtois, réunit le peu de substance qu'ils ont conservé et, en quelques semaines, improvise un magnifique mémoire dans lequel il démontre que la nouvelle substance est un corps simple voisin du chlore, qui sera désigné sous le nom d’iode, à cause de la belle couleur vio- lette de sa vapeur. Huit jours plus tard, H. Davy, publiait à son lour un travail remarquable et arrivait aux mêmes conclusions que Gay-Lussac, mais celui-ci ne s'était pas laissé devancer par un émule redou- table, et la découverte était restée à la France *. Quelques années auparavant, Gay-Lussac avait complété la découverte ébauchée dans le mémoire ! Mémoire lu à l'Institut, le 5 mai 1840. ? Mémoire lu à la Société Royale, le 12 juillet 18'0. 3 Le mémoire a été lu lo 1er août 1814, publié avec de Humboldt sur l’eudiométrie; c'est en 1809 qu'il lut à la Société d’Arcueil son mémoire sur lescombinaisons des gazet montra qu'ils s’unis- sent toujours suivant des rapports simples en vo- lumes, et que les produits formés, considérés à l’élat de gaz, sont encore dans un rapport simple avec les volumes des constituants. Ces lois, qui conservent le nom de Gay-Lussac, rapprochées de celle qu’il avait trouvée déjà sur la dilatation des gaz, de celle de Mariotte, de la loi des proportions multiples de Dalton, permirent à à Avogadro et à Ampère d'introduire les fécondes hypothèses sur lesquelles se sont greffées toutes nos connaissances actuelles sur les gaz. Ces lois occupent une place à part dans l'œuvre immortelle de Gay-Lussac et ne sauraient être mises en parallèle qu'avec son mémorable travail sur l'acide prussique, dans lequelildévoile la cons- titution et les propriétés du cyanogène, de cet azo- ture de carbone qui, se comportant comme un corps simple, a donné le premier exemple de ces radicaux composés dont la chimie organique a fait un si fréquent usage pour représenter la constitution des matières complexes qu'elle étudie. Les lois sur les combinaisons gazeuses, le cya- nogène, fixeront à jamais dans la mémoire des hommes le nom de Gay-Lussac. La valeur d'une découverte se mesure à sa fécondité. Or, les lois sur l'union des gaz ont servi de base à la théorie atomique, à celle de l’atomicité des éléments ou des combinaisons, qui guident aujourd'hui les chi- mistes et leur permettent de faire sortir du labora- toire ces légions de corps nouveaux, qui juslifient chaque jour davantage l’admirable expression de M. Berthelot : « la chimie crée l’objet de ses études »; et, sans l'hypothèse des radicaux com- posés dont le premier exemple a été fourni par le cyanogène, la classification de ces combinaisons nouvelles deviendrait impossible, leur étude inex- tricable ; il faudrait renoncer à pénétrer dans cette rorèêt prodigieusement luxuriante que représente aujourd'hui la chimie organique ; l'œuvre de Gay- Lussac a non seulement puissamment contribué à sa croissance, elle a permis en outre d’y tracer les grandes voies qui facilitent son accès. A ces travaux de chimie s'ajoutent des mémoires de physique du plus haut intérêt, notamment les études sur la force élastique du mélange des gaz et des vapeurs, puis des applications industrielles de premier ordre : il n’est pas de matière première plus importante que l'acide sulfurique; le produire à très bas prix est une condition de prospérité pour nombre d'industries, les perfectionnements appor- tés par Gay-Lussac y ont contribué pour une large part. De tous les services qu'il a rendus, l'un des plus 480 CH. WEYHER. — SUR LES CYCLONES marquants à été de substituer, dans nombre de cas, la mesure des volumes liquides aux pesées; dans la chlorométrie, dans les analyses alcalimé- triques il a recommandé l'emploi des liqueurs litrées, mais c’est surtout dans l'analyse des alliages monétaires que ses méthodes aussi rapides qu'exactes se sont substituées complètement à celles qu'on employait jadis, il a régularisé l’em- ploi des alcoomètres pour mesurer la richesse en alcool des liquides, il a donné des instructions pré- cises sur la graduation de ces instruments, il a fait exécuter le calcul des tables nécessaires pour cor- riger les lectures faites à des températures diffé- rentes de celles où avait eu lieu la graduation, il a mis ainsi entre les mains de tous les commer- cants des instruments aussi fidèles que faciles à employer. L'œuvre écrite de Gay-Lussac est donc considé- rable, son enseignement n’a pas élé moins fécond ; toute la première partie de sa carrière a été con- sacrée à l'Ecole Polytechnique : c'est là qu’il a exé- cuté ses plus grands travaux, c’est là aussi qu’il a donné le modèle de ces leçons claires, précises, où il dédaigne les formes oratoires encore en usage à cette époque, ne cherchant que la vérité et s'éle- vant seulement par la grandeur des fails exposés. « Quelle réserve modeste dans son langage lors- qu'il exposait ses propres découvertes, quel entrai- nement lorsqu'il exposait celle des autres! » a dit de lui un de ses contemporains. Gay-Lussac avait celte froide résolution qui fail braver les plus grands dangers, toutes les fois que l'exige un sérieux intérêt scientifique : ses travaux sur le polassium, sur l'acide cyanhydrique, le plus violent de tous les poisons, ses ascensions à une époque où l'emploi des aérostats était peu répandu, en font foi. Il avait horreur de la làcheté et de la perfidie et cet homme froid et réservé se jetait résolument en avant pour les combattre; en 1815, quelques jours après la seconde Restauration, dans un des conseils tenus à l'École Polytechnique, un royaliste fougueux demanda si un professeur bien connu pour ses opinions libérales avait signé l’Acte addi- tionnel des Cent Jours ; Gay-Lussac sent la perfidie SUR LES A l’occasion d’une récente communication de M. Faye à l’Académie des Sciences de Paris, je dési- rerais présenter quelques remarques sur un point important de sa théorie des cyclones. , «De quelque manière qu'on s’y prenne pour faire de cette question : « Je ne sais, dit-il, si M. Arago a Signé l’Acte additionnel, mais je déclare que moi je l'ai signé, estimant que, devant l’ennemi, tous les Français doivent être unis. » Le questionneur se tut; on vit, en haut lieu, que l’épuration irait trop loin et l'affaire fut abandonnée. De la Faculté des Sciences, où il avait été chargé d'organiser l'enseignement de la Physique, Gay-Lussac passa en 1832 au Museum d'Histoire naturelle : c'est là que se sont écoulées les dernières années de sa vie, il venait cependant chaque été se reposer de ses faligues dans la propriété qu'il avait achetée aux environs de Limoges, car il avait toujours conservé la plus vive affection pour son pays natal. Ses compatriotes l’envoyèrent à la Chambre des Députés de 1831 à 1838 ; en 1839, il entra à la Chambre des Pairs, il y était attendu; Berthollet, sentant sa fin approcher, lui avait, quelques années auparavant, légué son épée de pair de France, pour le désigner comme son successeur. A la fin de l’année 1849, la santé de Gay-Lussac commença à donner de vives inquiétudes à ses proches et à ses amis. Il élait ici; on profita d’un mieux fugitif pour le ramener à Paris. L’amé- lioration ressentie pendant quelques jours dis- parut. Gay-Lussac était: trop habitué à tirer les conséquences probables des faits pour ne pas pré- voir l'issue prochaine de sa maladie; il ne voulut rien laisser d'incomplet et fit brûler un Traité de philosophie chimique qu'il n'avait pu terminer; peu à peu il déclina, et entouré de ses amis, sou- tenu par l'affection de sa femme et de ses enfants. il mourut le 9 mai 1850. ‘ Quand une ville a vu naître un grand homme, dont le nom ne rappelle que des bienfaits, cette ville doit à ce grand homme un bronze dont la vue éveille les jeunes courages, élève les cœurs et les anime d’une noble ambition; il est bon que sur notre terre de France se dresse au-dessus de nous un peuple de statues; il est bon qu'aux jours où le poignant souvenir de la défaite nous courbe la tête, nous puissions, en levant les yeux, retrouver dans les gloires du passé l'espérance en l'avenir! P. P. Dehérain M embre de l'Académie des Sciences CYCLONES monter de l’air dans l'atmosphère, écrit léminent astro- nome (1),il faut de la chaleur ou de la force, Dans le premier cas, la chaleur doit être appliquée en bas, et c’est là l’origine de la théorie régnante en Météo- (1) Comptes rendus, Académie des Sciences, 23 juin 1890, t. CX, p. 1298 en Note. CH. WEYHER. — SUR LES CYCLONES 481 rologie. Dans le second cas, il faudrait placer en haut, dans les nues, un appareil d'aspiration actionné par une force motrice, Les giralions à peu près horizon- tales qui naissent dans un courant supérieur aux dépens des inégalités de vilesse n’ont rien de commun avec un tel appareil, Nous voyons bien des girations produire, dans les cours d’eau, des tourbillons capables de transporter et de concentrer de la force dans leurs spires progressivement rétrécies, mais ces tourbillons sont invariablement descendants, ainsi que l’eau dont les spires sont formées, « Disons aussi, incidemment, qu'il n'y à rien de cyclonique dans les maxima de pression auquels on donne le nom d’anticyclones, pas plus que dans les minima statiques auxquels on donne abusivement le nom de cyclones, etc... » Je commencerai par rappeler que, dans les rivières, les courants générateurs des tourbillons se trouvent en bas, tandis que, pour les tourbillons aériens ces courants sont en haut, de l'avis même de M. Faye pour ces derniers. Dans l’eau, les enton- noirs ne prennent naissance que lorsqu'il existe des courants inférieurs plus rapides que ceux de la sur- face, comme il arrive dans des réservoirs dont le fond est percé d’un trou, ou près des vannes entr'ou- vertes d’où l’eau s'échappe par le bas alors que l’entonnoir se creuse en amont; ou bien encore, à la suite d'un coup d’aviron plongeant à une cer- laine profondeur; l'extrémité de l’aviron donne alors aux veines liquides situées à cette profon- deur une vitesse plus grande qu'aux veines super- ficielles… etc. Dans tous les cas l’entonnoir se creuse aulour de l'axe et le mouvement est descendant. C'est toujours vers la région inférieure où l’eau est enlevée avec le plus de vitesse que tend l’entonnoir et qu'afllue le liquide venant du haut pour remplacer les veines enlevées au bas. Les courants inférieurs consti- tuent dans l’eau l'appareil d'aspiration. Dans l'atmosphère nous voyons au contraire que. les courants générateurs des tourbillons sont er haut, dans les régions supérieures, comme le dit M. Faye; pourquoi refuse-t-il donc d'y placer éga- lement l'appareil d'aspiration en question? Il dit en effet : « Les girations à peu près horizontales qui naissent dans un courant supérieur aux dépens des inégalités de vitesse n'ont rien de commun avec un tel appa- reil. » Je ne veux retenir, pour l'instant, que ces mots: «les girations à peu près horizontales qui naissent dans un courant Supérieur ». Voici done ces girations engendrées par tel mode que l’on voudra; du moment qu'elles existent, on m'accordera bien que, si elles ont pris naissance, ce ne peut être dans un plan horizontal théorique, mais bien sur une certaine épaisseur, cette épais- seur ne füt-elle que de vingt mètres. Nous voyons donc quelque part, dans les régions supérieures, un certain volume d'air d'un diamètre quelconque, une espèce de tore ayant vingt mètres d'épaisseur, tourner en rond autour d’un axe plus ou moins vertical. Du moment que cet air tourne autour d'un axe, M. Faye, comme tout le monde, devra convenir que les particules de cet air sont soumises à la force centrifuge et qu'ilse produira par suite, sur l'axe, une raréfaction, c’est-à-dire une dépression qui sera maxima au centre et ira en diminuant à mesure qu’on s'éloigne de l’axe. Voici donc une région centrale en dépression par rapport aux couches d'air situées au-dessus et au-dessous du tore tournant et, dès lors, il n’est pas difficile de voir qu'au-dessus, le courant avoisinant l'axe, est descendant et qu'au-dessous il est ascendant. Comme nous supposons que la cause quelconque qui produit le mouvement de giration continue son effet, cet air arrivant du haut et du bas est entrainé dans le tourbillonnement et augmente sans cesse le volume du tore en y pénétrant par les régions voisines de son plan équatorial. Les girations supérieures, concédées par M.Faye, remplissent done bien la condition d'un appareil d'aspiration placé en haut et cel appareil est tout à fait analogue à celui qui est placé ex bas dans les cours d’eau. Si donc ce dernier appelle les couches d'eau supérieures vers le fond, le premier fera l'appel des couches d'air inférieures vers le haut. Pour peu qu'on y réfléchisse un peu plus, on comprend facilement que, si la cause première con- tinue son action, le tourbillon entier descendra jusqu’à la surface de la mer tout en conservant son mouvement ascensionnel intérieur ; je l'ai démontré ailleurs depuis longtemps. Prenons maintenant ce tourbillon lorsque sa base inférieure vient se fermer sur la mer et lécher sa surface : c'est toujours de l'air tournant autour d'un axe vertical et se déplaçant horizontalement, mais, du moment que cet air continue à tourner autour de l’axe, nous pouvons voir que ses parlicu- les sont retenues sur des spires et ballotées entre la force centrifuge qui tend à les rejeter en dehors, el la dépression axiale qui tend à les rappeler en dedans. Les particules tout à fait inférieures, celles qui, en tournant, lèchent directement la surface de l’eau, éprouvent un frottement dont l'effet est de ralentir leur vitesse. Il en résulte pour elles une di- minution correspondante de force centrifuge, en sorte qu'elles obéissent alors à l’action devenue prépondérante et provenant de la dépression inté- rieure; elles exécutent des spirales centripètes. 482 C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE Théorie et expériences ne laissentaucun doute à ce sujet. Il faut remarquer, cependant, que toutes les par- licules d’air léchant directement la surface de l’eau, ne gagnent pas toutes le centre même. En effet, si un nombre quelconque de ces particules peut tenir sur le contour extérieur du tourbillon, ce même nombre sera trop grand pour occuper les emplace- ments de plus en plus rétrécis vers l’intérieur. La plupart d’entre elles quittera donc la surface im- médiate de l’eau et sera reprise aussitôt dans le mouvement tourbillonnaire général, en sorte que l'air formera un véritable tube laissant sur l’axe la dépression barométrique centrale constatée dans les cyclones ou dans les trombes. L'air monte done vers l’appareil d'aspiration su- périeur, non pas sur l'axe même, comme on le dit souvent par erreur, mais bien sur une nappe coni- que dont le grand pavillon est en haut. Cet air re- descend ensuite par l'extérieur !. Disons enfin que, malgré le mouvement ascen- dant de la nappe intérieure d’un tourbillon, les cirrus ou vapeurs supérieures peuvent descendre dans celte nappe et en sens inverse de son mouve- ment ascendant, Ici encore la théorie de même que les expériences ne laissent place à aucun doute. C’est même là le phénomène qu'on aperçoitsurtout dans une trombe marine proprement dite, lorsque le fuseau nuageux s’étire vers la mer, et, dans mes expériences, j'ai pu réaliser complètement cet effet qui parait si paradoxal au premier abord. Ch. Weyher. LA FAUNE PÉLAGIQUE (Suite et Fin). Voisins des Annélides sont les Mollusques. Leurs larves possèdent une forme lypique à peu près semblable; mais s’en différencient bientôt par l'apparition du pied, organe tout à fait caractéris- tique, et qui, suivant que ses éléments médians ou ses parties latérales se développent plus ou moins, Change absolument la physionomie de l’ani- mal et ses conditions d’existence. C’est à la forme de ce pied qu'est entièrement empruntée la elassi- fication des mollusques dont nous avons à nous occuper ici : Gastéropodes, Pléropodes et Cépha- lopodes. I Les Gastéropodes proprement dits, ceux dont l’es- cargot vulgaire peut donner une idée, au moins pour la forme extérieure, sont évidemment mal faits pour une natation active. Une de leurs espèces peut cependant vivre en haute mer à l’aide d'un artifice singulier. Le pied sur lequel notre escargot ne peul que ramper, la Janthine? s’en sert pour emprisonner dans le mucus qu’il secrète une série de bulles d'air, qui finissent par former un pelit radeau, capable de supporter le poids de l’animal: poids fort léger du reste, la co- quille s'étant réduite à une mince lame transpa- rente teintée d’un beau bleu violet. La Janthine attache aussi ses œufs à la face inférieure de ce radeau, et passe sa vie à réparer les avaries in- cessantes de sa frêle construction. Les jeunes, à peine éclos, montent sur le radeau maternel; et 2 Voyez la Revue du 30 juillet 1890, page 433. 1 Voir la Revue du 30 juillet 1890, page 436 (fig, 2. IV). c'est là qu'ils commencent le leur, avant de pou- voir à leur tour mener une vie indépendante. Chez les autres Gastéropodes vrais qui habitent la haute mer, la coquille a disparu. Le pied lui- même, déjà fort rélréci sur les Aplysies de nos côtes, devient linéaire chez les Scyllées qui rampent sur les Sargasses, mais doivent fréquemment nager ; il n’est plus distinct sur les formes essen- tiellement pélagiques : Glaucus (fig. 1, 1), Acura, Phyllirhoe (fig. 4, ID. Ce même pied s'est, dans le groupe des Gastéro- podes Hétéropodes, entièrement réduit à ses éléments médians; le postérieur reste distinet; les deux antérieurs fusionnent, constituant à ces animaux une large nageoire membraneuse (fig. 1, ILE, IV), située dans le plan médian du corps, et dont les mouvements ondulatoires déterminent une lente progression. Rien n’est plus étrange que la natation de ces êtres bizarres qui, renversés sur le dos, agi- tent au-dessus d’eux cette sorte d’étendard vivant. ‘ Seules les plus petites espèces du groupe, les Atlantes (fig. 4, IV), se rétractent entièrement dans 1 À ce sujet, si certains météorologistes n’ont pas constaté le mouvement descendant extérieur à un tourbillon formant cyclone ou trombe, cela tient simplement à ce que la vitesse de retour peut être extrêmement lente par rapport à la vitesse d'ascension intérieure. En effet, si l'on considère un anneau d'air à la base intérieure et inféricure d'un tourbillon, et dans la partie ascendante. cet anneau sera relativement petit et d'un faible volume, Ce même volume, en montant sur la nappe conique intérieure, s'élargit de plus en plus et finit par atteindre les diamètres extérieurs du tourbillon; il de- vient alors insignifiant par rapport au volume total de telle sorte que la vitesse de redescente ne peut être saisie qu’en de rares occasions et lorsque les circonstances sont particulière- ment favorables, EE C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE 483 une coquille enroulée en spirale aplatie. Dans la fa- mille des Ptérotrachéides, où la taille devient assez considérable, la coquille n'est plus, chez les Cari- naires, qu'un mince cornel abrilant quelques or ganes, mais en dehors de laquelle le mollusque demeure presque tout entier; chez les Firoles (fig. 1, ID), cette enveloppe protectrice a complète- ment disparu. Les Hétéropodes, généralement doués d’une transparence remarquable, habitent tous la haute raux du pied qui, plus ou moins complètement avortés chez lés Gastéropodes, prennent ici un grand développement; tandis que la partie moyenne, qui constitue la nageoire de l'Hétéropode, demeure par contre à l'état rudimentaire. Ces petits êtres (fig. 1, V, VI), parfois nus, parfois logés dans des coquilles de formes très diverses, coques ventrues, arrondies ou pyramidales, cornets étroits et poin- tus comme des aiguilles, ou bien encore coquilles spiralées semblables à celles de l'Escargot, pré- ETES Fig. 4. Glaucus atlantieus (Forster) ; I1.* PAyllirhoe bucephalum (Lamarck). — IN, IV. Hétéropodes Ier: III. B, côté; VI. Jyalea trispinosa (Les). — VII. Céphalopode : Gastéropodes : I. mer. Quelques-unes de leurs formes sont au nom- bre des pélagiques les plus fréquents, el pullulent au point de former de véritables bancs. Aussi les coquilles des Atlantes prennent-elles parfois une part assez grande à la formalion des dépôts que l’on désigne sous le nom de vases à Pléropodes. Mais ces vases sont principalement constituées, comme ce nom l'indique, par les débris de petites coquilles provenant de mollusques fort différents. Les Ptéropodes, tous également pélagiques, nagent à l’aide de deux lames membraneuses dont ils battent l’eau avec une grande énergie. Cet appareil nalatoire, qui leur a valu d’être appelés les pa- pillons de la mer, est formé par les éléments laté- Pterotrachea mutica (Les) ; IV. Atlanta turrieulata (4Orb.). — V, VI. Ptéropodes : V. Ænoploteuthis leptura (d'Orb.). — MOLLUSQUES PÉLAGIQUES. Spirialis rostralis (Soul.)\; À, face; sentent aussi presque toujours une grande trans- parence ; mais fréquemment quelques-uns de leurs organes sont colorés des nuances les plus délicates du rose, du violet ou du brun. Ils se rencontrent quelquefois en nombre si considérable que leurs coquilles peuvent, malgré leur petitesse et leur fragilité, former des couches puissantes au fond de cerlaines mers. Si l’on en excepte le Nautile, dont le genre de vie est fort contesté, tous les Céphalopodes actuels (fig. 1, VIT), se partagent en deux groupes : les Oc: lopides qui n'ont que huit bras comme le Poulpe ; et les Décapides, comme la Seiche, qui possèdent en outre deux bras fort différents. Le premier est 484 C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE principalement représenté en haute mer par les Tremoctopus et les Argonautes; le second par les diverses espèces des Oigopsides, et peut-être les Spirules. Une coquille externe fort mince existe chez la femelle des Argonautes, autrefois si cé- lèbre. Ailleurs le corps est nu ; mais il peut exister une mince lame cornée, logée dans un repli du manteau. Ces animaux, parfois les Argonautes, mais surtout les Calmars, peuvent aussi former des bancs immenses; comme cela a été observé pour ( ji) 1 nn ON EE # ont vaiu leur nom, et qui semblent formés par des prolongements laléraux de la partie moyenne du pied. IL Un petit sac allongé, ouvert à l’un de ses bouts, et formé seulement de deux couches de cellules, séparées par une mince membrane; voilà la forme la plus simple sous laquelle on puisse concevoir le Cuwlenteré. Mais cette forme ne semble permanente que chez un seul type, la Prolohydra (fig. 2, 1. Or- Fig. 2. — CœLENTÉRÉS. I. — Protohydra Leuckarti (Greeff). — de _Colonie de polypes hydraires : Podocoryne carnea (Sars); À, polypes; D, polype sans bouche n1 tentacules (Dactylozoïde) ; loppement. — III. Méduse libre de is: même espèce. — IV. avec deux stolons. — VI. Scyphistome se divisant (strobile). l'Ommastrephes sagittatus dans les parages de Terre- Neuve, et pour l'O. giganteus sur les côtes du Chili. Aussi jouent-ils un rôle des plus importants dans la nourrilure des grands animaux. En ouvrant les Célacés ou les grands poissons de haute mer, on trouve presque constamment leurs débris; on a pu s'assurer ainsi que plusieurs de leurs espèces nous demeurent encore inconnues. Quelques-uns, les Calmars surtout, peuvent atteindre une taille considérable; beaucoup d'entre eux présentent une transparence absolue. Tous ces animaux se déplacent surtout au moyen du mouvement de recul que leur imprime la réaction de l’eau quand ils se contractent brusquement; mais ils peuvent aussi nager à l’aide des bras céphaliques qui leur ; Dactylozoïdes transformés en épines ; M, bourgeons médusoïdes en voie de déve- Aurelia aurita (L.), méduse acalèphe, — V. Jeune scyphistome, dinairement, il ne larde pas à se montrer, sur la paroi extérieure du sac, des bras flexibles qui sou- vent se disposent en un cerele; et parfois (Tubu- laria\ en deux cercles concentriques, au centre desquels se trouve la bouche. C’est la forme com- mune des Polypes hydraires (fig. 2, II). Ces polypes peuvent en bourgeonner d’autres, qui se séparent bientôt du parent chez les hydres d'eau douce, mais le plus souvent demeurent en relalion inlime avec lui par des stolons semblables aux tiges ram- pantes d’un grand nombre de végétaux. Les êtres ainsi produits présentent assez souvent un poly- morphisme remarquable, suivant qu'ils sont plus spéciaiement adaptés à Lelle ou telle fonction. L’en- semble arrive généralement à former des colonies C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE 485 ramifiées plus au moins touffues, et qui couvrent d'un velours vivant les algues, les coquilles ou la surface des rochers. Ce n'est point du reste par ce seul procédé que les Hydraires se multiplient. À certaines époques, des éléments sexuels apparais- sent sur quelques uns des membres de la colonie; et les jeunes larves ciliées qu'ils produisent vont se fixer aux corps voisins, pour se transformer en polypes qui seront les fondateurs de colonies nou- velles. Mais, souvent, ce ne sont point les larves qui sont mises en liberté tout d’abord; les conceptacles où se sont développés, ou même où doivent se développer plus tard les éléments sexuels, quittent la colonie sous la forme d’une petite cloche con- traclile, munie d'un battant (manubrium) à l'extré- mité duquel se trouve la bouche, et que l’on nomme une Méduse. Gette individualité nouvelle (fig 2, IT), est regardée par certains auteurs comme l'équiva- lent d’un seul polype (à forme de Zubularia); tandis que d’autres, et cette hypothèse explique beaucoup mieux ce que nous verrons chez les Siphonophores, la croient produite par la réunion d’un verticille de polypes autour d’un polype central. Les Méduses nées de polypes hydraires, et dont les produits devront à leur tour passer par la même forme, ne dépassent généralement guère quelques millimètres; mais d’autres, qui leur res- semblent beaucoup, donnent naissance à des larves pouvant se transformer directement en méduses, et qui, dès lors affranchies de toute fixation, sont devenues des êtres entièrement pélagiques. Toutes les Trachyméduses sont dans ce cas. Quant aux Acalèphes ou grosses Méduses(fig.2,IV), qui peuvent alteindre jusqu'à un pied et plus de diamètre, elles naissent en général de polypes fort différents (fig. 2, V), et qui, sans demeurer toujours solitaires, ne forment jamais des colonies sem- blables à celles des Hydroïdes. Ces polypes, dits Scyphistomes, à certaines époques s'allongent con- sidérablement, puis se divisent en une série de segments, superposés comme une pile d’assiettes (fig. 2, VI). Chacun de ces segments, mis en liberté, grandit et se transforme en une Méduse, qui pro- duira des larves devant passer à leur tour par la forme de Scyphistome. Le groupe des Acalèphes renferme du reste, comme celui des Hydroïdes, des êtres où la forme polype produit directement les larves; où par conséquent la phase Méduse n'existe pas : ce sont les Lucernaires, qui sont ainsi forcé- ment exclues de la faune pélagique. Il en comprend aussi quelques autres où les larves nées de Mé- duses peuvent se transformer directement en Mé- duses sans passer par la forme de polype, comme on le voit par exemple chez les Pélagies. Ainsi que l’on pouvait s'y attendre, celles-ci sont fran- chement pélagiques; tandis que les deux tiers au moins des Discophores ne méritent guère ce nom, et fréquentent surtout la proximité des rivages. C'est là qu'elles peuvent former, à certaines épo- ques, des troupes si nombreuses que les navires à vapeur metient des heures à les traverser, si compactes que les canots à rames ont peine à s’y frayer une route. Il semble aussi que quelques es- pèces effectuent de véritables migrations; mais cela est dû sans doute, comme pour bien d’autres pélagiques, aux courants marins qui entrainent la masse des animaux produits dans une même région. Représentées dans toutes les mers, les Méduses forment un des groupes les plus abondants de la faune de surface; et, bien que quelques-unes de leurs espèces s’avancent fort loin dans le Nord, elles se rencontrent surtout dans les régions tro- picales, qui renferment au moins 80 pour 100 des espèces connues de Cœlentérés. Les Corallinires, presque tous, produisent un squelette calcaire; ils ont cependant un de leurs groupes qui n’en sécrète jamais. Les Actinies qui, sans se fixer d’une manière définitive, rampent dans la vase ou sur les rochers, ont ainsi pu donner à la faune pélagique quelques espèces vivant en parasites sur des Méduses (Philomedusa), et d’autres où le disque pédieux, pouvant comme le pied de la Janthine enfermer de l’air dans le mucus qu'il sé- crèle, s’est transformé en appareil flotteur (fig. 2, 1). Les Acalèphes et les Coralliaires qui, dans deux directions différentes, semblent le terme actuel de toute une longue série de transformations, parais- sent avoir perdu la plasticité que conservent les Hydroïdes. C'est encore de ces derniers que dérivent, sans nul doute, les formes si étonnamment variées des Siphonophores. Le Siphonophore est, somme toute, une indivi- dualité de même ordre que la colonie d’hydraires. Mais comme il s’agit ici d'êtres toujours libres et flottants, le fondateur de la colonie ne saurait être un polype : c'est en effet une méduse. Déjà cer- taines Méduses hydroïdes montrent une grande tendance à bourgeonner, soit par la sous-ombrelle Syncoryne), soit par le manubrium qui cependant ne s’allonge pas (Zizzia) ou bien au contraire pré- sente une élongation remarquable {Suwrsia). Les êtres ainsi produits sont, il est vrai, dans ces cas, également des méduses. Mais si l’on admet que la forme Méduse est une individualité de second ordre, formée par la réunion autour d’un polype central (manubrium) d'un verticille de polypes qui se sont soudés les uns aux autres comme lès seg- ments primitifs du périanthe d'une fleur gamopé- tale, on peut aisément concevoir que tantôt l’un, tantôt l’autre des individus primaires constituant celte individualité complexe, se développe indépen- damment. Nous pourrons avoir ainsi, outre des 486 C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE Méduses complètes, des Méduses dépourvues de manubrium (cloches natatoires); d'autres où, non seulement le manubrium, mais une partie de la cloche fait défaut (bractées, boucliers); et d’autres enfin où le manubrium, ou poiype central, s'est déve- loppé seul, et constitue le polype astome ou muni d'une bouche (siphon) qui a valu leur nom aux Siphonophores. Ces êtres bizarres se répartissent en deux groupes bien distincts. Dans l’un (Discoïdes) le manubrium de la Méduse primitive reste toujours court; et l’on voit se développer au sommet de la cloche un appareil flotteur, composé dans le cas le plus sim- ple (Discalin) d’une chambre centrale, et de huit autres disposées en cercle autour d'elle et correspondantaux huit segments de la Méduse.Chezles autres discoides (Porpites et Vélel- les) ce flotteur se complique par l’adjonction d’au- tres chambres, dis- posées concentri- quement, et qui donnent à l’en- \sé Tr Méduse primitive, mais au contraire latéralement. Jamais ce flolteur n’atteint le degré de complica- lion que nous avons vu chez les Discoïdes; mais cependant il peut suffire au transport, soit qu'il garde un faible volume (Rhizophyses), soit qu'il subisse au contraire un développement considé- rable (Physalies) !. Dans ce cas, les cloches nata- toires font également défaut; mais il peut se développer aussi une crête membraneuse (Physa- lies) qui joue le même rôle que chez les Vélelles. Ordinairement le preumatophore est insuffisant à faire flotter la colonie. Il ne sert qu'à mainte- nir la tige dans la position la plus favorable au jeu des cloches nata- loires qui se dé- veloppent au-des- sous de lui en sé- ries longitudinales ou en verlicilles plusoumoinsnom- breux (voy. fig, 3, I1).On concoitaisé- ment que le nom- bre de ces organes locomoleurs soil en raison inverse de leur puissance ; et que, lorsque leur efficacité est suflisante, le pneu- ; Fig. 3. — SirnoNOPHORES. semble l'aspect I. Monophyes princeps (Hæckel). — IT. Nectalia loligo (Hck.) ; pr, pneuma- malophore ne se que l'on voit sur la tophore; cl, cloches natatoires; b, boucliers; p, polypes; f, filament développe plus. Le pécheur. — II. Pneumatophore d’Æpibulia Ritteriana (Hek.); €, cavité figure 2, IT !. A ce grand développe- ment du flotteur correspond une absence complète de tout organe de locomotion active; mais dans une des familles (Vélellides) le transport passif est facilité par une crête membraneuse, sur laquelle peuvent agir les ventslorsque la colonie se tient àlasurface des eaux. Le deuxième groupe, qui embrasse tout le reste des Siphonophores, parait, suivant Hæckel, dériver d’autres méduses, présentant une symétrie bilaté- rale au lieu de la symétrie radiaire, et chez les- quelles le manubrium peut subir une grande élon- gation. Il devient alors la fige creuse par laquelle demeurent en relation tous les êtres qu'il a bour- geonnés, et qui présentent loutes les variétés de formes dont nous parlions tout à l'heure. Ici, d'après les observations du savant d’'Iéna, l’involution des téguments qui aboulit à la formation du flotteur ne se produit pas au sommet de la cloche de la aérienne; gl, glande. 1 Voir la Revue du 30 juillet 1890, page 436. IV. — Pneumatophorc de Zhodalia miranda (Hck) ; m, méduse transformée en pompe (Aurophorc). nombre des clo- ches varie en effet de plus de 600 (Forskalia tioloides) à 2 (Dicymba diphyopsis) chez les espèces qui gardent un pneumatophore. Dans celles où il avorte, les cloches sont toujours puissantes; aussi n’en voit-on jamais plus d’une dizaine (Po/y- phyes), ordinairement deux, et parfois méme une seule (voy. fig. 3, 1). Signalons encore, avant de quitter ce groupe, la disposition curieuse qui n’a encore été vue que chez le Zychnagalma vesicularia, où l’on trouve des flotteurs accessoires alignés en série sur les filaments pêcheurs, qu'ils soutiennent exactement comme les flotteurs du Æacrocystis supportent la longue tige de cette algue. Quelles que soient les variétés de formes qu'ils présentent, tous les Cœlentérés dont nous venons de parler ont un organe natatoire absolument identique : une cloche contractile que la réaction de l’eau repousse dans la direction de son extrémilé 1 Voir la Revue du 30 juillet 1890, page 436 (fig. 2. IH). C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE 487 close. Deux types de ce groupe font seuls exception à la règle générale : un petit être fort curieux, le Tétraptère (fig. 4, 1), dont j'ai contribué à faire connaître l’organisation, et qui nage à l'aide de quatre ailes membraneuses; et les Cténophores. C'est sans doute aussi de Méduses hydroïdes à symétrie bilalérale, qu'ont dérivé ces derniers. Mais bien qu'une méduse cladonémide, la Ctenaria ctenophora. présente toute une réunion de caractères fort intéressants à cet égard, on n’est point encore sont les Rhizopodes dont nous parlerons tout à l'heure, des Znfusoires ciliés appartenant surtout à la famille des Tintinnides (fig. 5, 1); et, parmi les formes indécises entre le végétal et l'animal, les Péridiniens, (fig. 5, Il), auxquels se rattache le groupe des Cystoflugellés. Celui-ci ne comprend jus- qu'ici que deux types bien distincts; car les Pyro- cystis recueillis par le Challenger ne sont à peu près sûrement que des formes enkyslées. Le ZLepto- discus, observé par Hertwig à Messine, et que je Fig. 4. — CŒLENTÉRÉS PÉLAGIQUES. I. Tétraptère Tetraplatia volitans (Busch.), avec ses ailes déployées, — IT, IT, IV, Cténophores : Il. Ocyroe maculata (Rang. ); III. Cestum Veneris (Les). L'animal a été injecté en noir, mais il est en réalité d’une transparence absolue; IV. Cydippe pileus (Esch.). Un des tentacules a été coupé ; A, dessin schématique montrant la disposition des palettes vibratiles. parvenu à expliquer d'une manière satisfaisante comment, abandonnant le mode ordinaire de loco- molion, ils ont acquis leur appareil natatoire si particulier. Tous ces animaux, exclusivement pé- lagiques et de formes très variées (voy. fig. #), arrondis en manchons ou même en boule, aplatis en rubans ou découpés en lobes, peuvent nager fort rapidement à l’aide de huit rangées de palettes vibratiles, que l’on doit considérer comme des groupes de cils vibraliles soudés ensemble. La lumière, en se décomposant sur ces minces rames de cristal, produit d’admirables coloralions, qui ont valu à l’un de ces êtres gracieux lenom de Geste ou Ceinture de Vénus. II Les Prolozoaires les plus importants à signaler n'ai vu que deux fois à Alger, semble fort rare; ce qui n’est peut-être dû qu'à son extrême fragi- lité. Quant aux Noctiluques, on les rencontre dans toules les mers; et, après en avoir fait diverses espèces, on tend aujourd'hui à les regarder toutes comme appartenant à une seule, la W. miiaris (fig. 5, IT). De même que chez certaines espèces de Péridiniens proprement dits, leurs petites sphères transparentes, à peine d’un millimètre de diamètre, et d’une coloration absolument insensible quand on observe des animaux isolés, peuvent cependant, par leur énorme accumulation, teindre la mer en rouge brique sur des lieues entières d'étendue. Ces amas prodigieux qui exhalent une forte odeur tout à fait spéciale, el qui sont encore regardés par la plupart des gens de mer de nos 188 C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE côtes comme du frai de poisson, et surtout de sardine, sont une des principales causes du phéno- mène magnifique de la phosphorescence des mers. Un très grand nombre d'autres pélagiques peu- vent aussi contribuer à la produire, soit qu'ils émettent une lumière qui leur est propre, soit qu'ils brillent de lueurs empruntées. Mais je ne veux point m'attarder sur un sujet qui mérile d'être ex- posé en détail aux lecteurs de la Revue; car la lu- minosité des êtres marins est toujours à l'étude, et cages de verre, ils viennent meurtrir leurs corps délicats en essayant de franchir ces murailles invi- sibles; et ne tardent pas à retomber sur le fond décolorés et flétris. Complètement adaptés à la vie | en mer libre, le moindre choc leur est fatal. Aussi n'est-ce guère que par un temps calme, quand la mer se montre unie comme un miroir, ou que les grandes vagues paisibles ne se frangent pas d’écume blanche, qu'on les voit apparaitre en grand nombre à la surface des eaux. Fig. 5. — PROTOZOAIRES PÉLAGIQUES. Tintinnopsis beroidea (Stein). — IT. Péridinien : Ceratium tripos (Ehrbg). — II. Noctiluca miliaris (Sur); I. Infusoire cilié : À, individu complet; B, zoospore; C, état de régénération. — IV. Radiolaire : Spongurus cylindricus (Hck) vivant, avec les pseudopodes étalés. — V, VI. Foraminifères : V. Globigerina (Hastigerina), Murrayi (W,. Thoms), vivant, avec les pseudopodes étalés; VI. Globigerina bulloides (d'Orb ). La coquille seule, vuc par la base, et ne montrant que les quatre chambres les plus jeunes. peut encore faire l’objet d'intéressantes recherches Du reste si, grâce aux ressources de la technique moderne, on connait assez bien l'organisation des Invertébrés dont nous avons fait une énumération aussi incomplète que rapide, il n’en est pas de même de leur histoire. Celle d'un grand nombre réserve sans doute encore des surprises au natu- raliste favorisé par le sort. Ce n’est en effet que par une série d'heureux hasards, servis par une patience souvent admirable, que l’on est arrivé à connaitre le développement complet de quelques- uns d’entre eux, Les observations sont impossibles à prolonger dans le milieu naturel où vivent ces animaux; et ceux que l'on essaie de tenir en cap- tivité ne {ardent généralement pas à mourir. C'est qu'il leur manque, presque toujours, leur nourri- ture ordinaire : c’est qu’il leur manque, plus encore, l'espace et la liberté. Prisonniers dans nos étroites ‘habitants des prairies Leur vrai milieu, c’est la mer tranquille : beau- coup en ont la transparence et l’azur; de même que les animaux des rivages revêtent souvent la livrée des rochers ou des herbes marines au milieu des- quelles ils passent leur existence, de même les flottantes prennent fré- quemment la couleur vert jaunàtre des Sargasses, et jusqu'aux Laches blanches que forment sur elles les colonies des Membranipores. Les courants de la mer font voyager sans cesse ces légions errantes, et presqu'absolument cos- mopoliles; la différence de climat est la seule barrière qui les arrête. Mais lorsque le vent com- mence à fouetter la crête des flots, la plupart des pélagiques ne tardent pas à disparaitre. Il en est qui, surpris par les tempêtes, sont roulés de vague en vague, et finissent même par venir échouer sur les côtes; mais la plupart s'enfoncent et vont C. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE 489 gagner des couches d’eau plus paisibles. Ils agis- sent de même lorsqu'une pluie abondante vient modifier d’une façon passagère la salure de la surface, et par suite la densité de l’eau.Les Cœlen- térés surtout, où du moins la plupart d’entre eux, sont tellement sensibles à lPaction de l’eau douce, qu'elle détermine la macération presque immédiate de leurs épithéliums, ou même les tue instanta- nément. Aussi la mer la plus peuplée de pélagiques parait-elle bientôt déserte lorsque de fortes averses viennent à tomber. J'ai vérifié bien souvent cette remarque d'Agassiz. Mais ce ne sont pas seulement ces causes, pour ainsi dire accidentelles, qui déterminent la des- cente des animaux pélagiques. S'il est un certain nombre d’entre eux qui semblent demeurer cens- tamment à la surface, la plupart ne montent que pendant la nuit, et redescendent au lever du jour. La marche des saisons n’est pas non plus sans influence sur leurs mouvements; et la faune de surface se montre ordinairement, dans nos climats, plus pauvre en élé qu'en hiver. Des observations recueillies par divers savants, et surtout par le professeur Chun, ont prouvé que beaucoup d’ani- maux qui se rencontrent à la surface lorsque les journées sont courtes, ne se retrouvent plus qu'à une certaine profondeur lorsque le soleil demeure longtemps au-dessus de l'horizon. Ces pêches ont aussi fait constater l'existence d’une faune péla- gique profonde, paraissant très riche, et compre- nant, outre des espèces qui semblent ne s'élever jamais au-dessus d’un certain niveau, la plupart des animaux qui se montrent à la surface, soit accidentellement, soit à des époques régulières. Quelles sont donc les causes déterminantes de ces changements de niveau, de ces véritables migra- tions en profondeur? Pour Chun, elles ne seraient autres que les variations de la température ; l'as- cension ou la descente seraient même directement déterminées par les changements de densité qu'elles produisent. Mais un travail tout récemment publié par Groom et Loeb semble démontrer, comme l'avait déjà supposé Fuchs pour la répartition bathymé- trique des animaux marins, que l’on doit accorder à la lumière une influence prépondérante. D'après les expériences qu'ils ont faites à la station zoolo- gique de Naples, sur les rauplius, c'est-à-dire les larves, du Balanus perforatus, et qui du reste confir- ment ce qui avait élé déjà observé pour des spores d'algues (Strasbürger), ces larves monrtreraient un véritable héliotropisme, positif lorsqu'elles ont séjourné dans l'obscurité, négatif après un certain temps d'éclairage; et qui les ferait, en définilive, se diriger vers une faible lumière, et fuir au con- traire une lumière trop intense. Comme, en mer libre, l'obscurité ne se trouve qu’en gagnant la or profondeur, ces êtres, accordés en quelque sorte pour une intensité lumineuse déterminée, el assez faible, devraient s’enfoncer de plus en plus à me- sure que la lumière devient plus vive à la surface, et remontér au contraire vers ie déclin du jour. Si l'on admet que la montée et la descente s'exé- cutent avec la même vitesse, nous aurions aussi l'explicalion des migrations saisonnières: car il est évident que, si les jours deviennent plus longs que les nuits, les nauplius en question, et tous les ani- maux qui réagissent de même, s’enfonceront de plus en plus, les périodes de descente étant plus longues que celles de montée. Quand, au contraire, ce sont les nuits qui deviennent plus longues, ils n'ont plus le temps de gagner les profondeurs, et doivent se retrouver régulièrement à la surface de la mer. Cela expliquerait aussi la richesse plus constante des régions tropicales, où la longueur relative des jours et des nuits ne varie pas autant que dans nos climats #. Les flotteurs ne sont point, du reste, un obstacle au plongement; fout au moins chez les Siphono- phores, où le pneumatophore demeure presque toujours bien ouvert. Alors même qu'il serait clos, la résorplion des gaz pourrait sans doute s’effec- tuer, comme on le voit chez les Poissons à vessie nalaloire close. Pour remonter à la surface, il doit falloir que les glandes qui garnissent le pneumato- phore (fig. 3, V), isolent une nouvelle bulle de gaz, exactement comme les corps rouges de la vessie des Poissons ; mais ce n’est que dans un groupe sin- gulier (Auronectides) qui paraît habiter les profon- deurs, que l’on trouve une des cloches transformée en véritable pompe (aurophore d'Hæckel) (fig. 3, IV), refoulant dans le gros pneumatophore les gaz qu’elle produit, et pouvant sans doute les y puiser pour les rejeter au dehors. Peut-être le disque pédieux des Aclinies pélagiques est-il aussi capable d'isoler des gaz; mais les observations manquent à cet égard. En tous cas, il semble bien, d’après ce que nous disions plus haut, que la Janthine soit inca- pable de plonger autrement que par un accident survenu à son flotteur; si elle quitte la surface, on ne conçoit guère comment elle y pourrait revenir. 1 La répartition bathymétrique des animaux flottants, et l'amplitude de leurs excursions verticales sont des questions encore à l'étude, et même en quelque sorte à l’ordre du jour. On ne pense plus guère, avec Agassiz, qu'entre la faune péla- gique et la faune des abîmes s’étende une masse d'eaux à peu près inhabitées; mais, pour élucider tous les points dou- teux, il faudrait faire usage de filets à fermeture hermétique, ne s’ouvrant qu'à une profondeur déterminée et se refermant avant d’avoir quitté ce niveau. Aucun des instruments employés jusqu'ici ne me paraît répondre complétement à cette double nécessité; je me permettrai de renvoyer le lec- teur à l’article que j’ai publié sur ce sujet dans la Nature du 21 juin, en donnant la description du nouvel appareil que je propose, 290 A. VIGUIER. — LA FAUNE PÉLAGIQUE Quant aux Noctiluques, leur descente est facile à constater, beaucoup moins à expliquer. On ne saurait évidemment lattribuer à une natation active; et je ne vois guère à invoquer qu'une différence de densité. Je doute fort, il est vrai, qu'elle puisse être produite par une variation de température; et serais plutôt porté à admettre qu'en se contractant les Noctiluques expulsent, par leur bouche, une partie du cytoplasme le plus elair, dont la densité serait inférieure à celle de l'eau de mer. Accroissant ainsi leur poids spécifique, elles descendraient; et ne pourraient remonter ensuite qu'en reprenant une eau suffisamment débarrassée de ses sels pour ramener la densité de l’ensemble au-dessous de celle de l’eau de mer. Après leur mort, la descente de la plupart des invertébrés pélagiques s'effectue, malgré la faible densité de leur corps, beaucoup plus rapidement qu'on ne serait tenté de le croire. Moseley a cal- culé qu'une Salpe ne devait mettre que quatre jours pour atteindre un fonds de 2000 brasses (3.250 mètres); et qu'elle pouvait y arriver ainsi bien avant que la putréfaclion, retardée du reste par la salure de l’eau, s'oppose à ce qu’elle serve de nourriture à des animaux du fond. Des expé- riences analogues, portant sur de grosses Æquo- rées et sur des Béroés, m'ont donné le chiffre peu différent de quatre jours et demie nour 3.000 mè- tres. Si l’on se rappelle que, pour un grand nombre, le point de départ n’est pas la surface, mais comme nous le disions tout à l'heure, une profon- deur parfois considérable, on voit qu'au début de ce travail je n’exagérais point l'importance de la faune pélagique au point de vue de l’alimentation des habitants des abimes. Mais les myriades sans nombre des êtres flottants qui sécrètent un sque- lette ou calcaire ou siliceux sont encore bien plus importantes par le rôle qu’elles jouent dans la for- mation du sol sous-marin. Nous avons déjà parlé des dépôts que peuvent former les enveloppes siliceuses des Diatomées, ou les coquilles calcaires des Ptéropodes. Les sque- lettes des Rhizopodes sont en masses encore plus considérables. Radiolaires et Foraminifères ne sont, presque tous les uns et les autres, que de micros- copiques grumeaux de protoplasme, don! la surface s'étire en minces filaments. Chez les Radiolaires (fig. 5, IV), le corps protoplasmique sécrète un sque- lette treillissé de silice pure. C’est au contraire du carbonate de chaux que prennent à l’eau de l'océan les Foraminifères, qui s’en font une mince coque percée, pour le passage des pseudopodes, des in- nombrables trous auxquels est dû leur nom. Les espèces de ces animaux se comptent par milliers. La petitesse de leurs coquilles, des Globigérines par exemple (fig. 5, V), est parfois si grande que, dans un gramme de sable, d'Orbigny en a compté près de 8000; mais leur pullulation est telle, qu'ils sont au premier rang des bàlisseurs de mondes. Il est vrai que, d’après des observations faites à bord du Challenger, lorsque les animaux pélagiques meu- rent à la surface d’une mer trop profonde, le temps que leurs dépouilles mettent à gagner le fond suffit pour que les minces coques calcaires se re- dissolvent. Les coquilles des Pléropodes ne se trouveraient pas au delà de 1.500 brasses, la vase à Globigérines au delà de 2.500. Mais, dans des eaux moins profondes, les vases à Ptéropodes, et surtout les boues à Globigérines, elles peuvent arriver à former de puissantes assises; et sur les bancs que les dépouilles de ces animaleules exhaussent à un niveau suffisant, viennent parfois, comme dans les parages de la Floride, se fixer des larves de madrépores, qui hâteront le travail de recons- truction des terres. On a pu dire que toutes les roches calcaires, quelle que soit la puissance de leurs strates, n’ont pas une de leurs molécules qui n'ait passé par un organisme vivant. Cela parait surtout vrai pour les énormes assises des terrains Crétacés, presque exclusivement formées de microscopiques dé- pouilles de Foraminifères. Quant aux Diatomées et aux Radiolaires, qui sans doute ne faisaient point défaut dans les mers de cette époque, leurs squelettes ne se retrouvent plus; mais l’on voit, entre les assises calcaires, des masses ou rognons de silice, dont on attribue l'origine à de l’eau qui s'en était surchargée en dissolvant les carapaces de ces petits êtres, et sans doute aussi les spicules des éponges siliceuses. Ces silex de la craie eurent une importance capitale dans l'histoire de l'humanité. C’est d'eux surtout qu'à l’aurore de son évolution intellectuelle, l'homme s’est fait ses premières armes pour se défendre contre les animaux féroces. C'est d'eux encore qu'il tira les premiers outils, informes et rudes, qui lui permirent de s'en procurer de plus parfaits, et, dans la lente course des siècles, d'ar- river à la puissance mécanique grandiose qu'il sait mettre en œuvre aujourd'hui, En songeant au rôle qu'ils ont joué dans la vie de nos ancêtres, on peut se demander ce que serait à l'heure présente la civilisation de l'Europe, si, dans les mers d’au- trefois, n'avaient véeu des myriades d'êtres infimes, semblables à ceux qui flottent encore dans l’écume des vagues, et dont les dépouilles prennent part à la formation des continents futurs. Camille Viguier Directeur de la Station Zoologique à Alger. en dt iris BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX Hs (Je) 4 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Villié (E.),ancien Ingénieur des Mines, Docteur ès Sciences, Doyen de la Faculté libre des Sriences de Lille. — Compo- sitions d'Analyse, Mécanique et Astronomie don- nées depuis 1885 à la Sorbonne pour la Licence ès sciences mathématiques, suivies d'exercices sur les variables ima- ginaires. Enoncés et solutions, seconde partie, 1 vol, in-8° Gauthier- Villars et fils, Paris, 1890. En 1885, M. Villié a publié un volume dans lequel étaient énoncées et résolues toutes les questions d’Ana- lyse et de Mécanique données en composition à la Sor- bonne, depuis 1869, pour les examens de la licence ès sciences mathématiques ; le succès de cet ouvrage a été tel que l’auteur s’est décidé à faire paraître un second volume contenant la solution de tous les problèmes posés à la Faculté des Sciences de Paris depuis 1885. Il a développé spécialement, en Analyse, les chapitres relatifs aux variables imaginaires; en Mécanique, ceux qui traitent de la cinématique et de la dynamique des systèmes. L'ouvrage se termine par l’examen de divers exercices d'Astronomie, Le nouveau livre de M. Villié présente les qualités de clarté etd'élégance quiont été unanimementappréciées dans ses publications précédentes. L. O. Dwelshauvers-Dery (V.), professeur à l'Université de Liège. — Sur le frottement dans les machines à vapeur. Revue universelle des mines et de la métallurgie, des travaux publies, des sciences et des arts, appliqués à l'industrie, 33° année, t. VIII, deuxième numéro, no- vembre 1889, paru en janvier 1890, Noblet, éditeur à Liège. La question du frottement dans les machines est lune des plus importantes de la mécanique pratique ; par son étude on peut, dans une certaine mesure, amé- liorer le rendement des moteurs: aussi le professeur Thurston, dans son magnifique laboratoire de l'Univer- sité Cornell à Ithaca (New-York), s'est-il proposé de reconnaître, par de nombreuses expériences, faites sur diverses machines, comment le frottement variait avec la charge et comment il était réparti entre les diffé- rentes pièces frottantes. Ces belles expériences, ingénieusement combinées et longuement poursuivies, sont insérées dans tous leurs détails aux Transactions de la Société des Ingé- nieurs Mécaniciens d'Amérique (tome VIT et suivants); les résultats obtenus sont assez considérables pour que M. Dwelshauvers-Dery ait jugé utile de les faire connaître en les résumant, Il signale que le frottement de la machine est cons- tant et indépendant de la charge, qu'il représente une fraction du travail total développé en pleine charge, fraction qui varie d’une machine à l’autre; il montre que cette fraction égale à 0,12 pour une machine Straight-Line à tiroir non équilibré, tombe à 0,09 avec le liroir équilibré et est comprise entre 0,135 et 0,175 pour les Compound; il en conclut que le coefficient de frottement des surfaces en contact décroît lorsque la charge de la machine ef la pression des pièces frot- lantes deviennent plus fortes, IL examine ensuite la grandeur relative de chaque frottement ; celui des tourillons de l'arbre principal est de beaucoup le plus considérable, il atteint quelque- fois la moitié du frottement total, Le frottement du tiroir vient après, lorsque ce tiroir n’est pas équilibré, puis le frottement du piston et de sa tige, puis enfin les autres frottements qui sont de beaucoup moindre ET INDEX importance, La conclusion pratique de ces recherches c'est qu'il est possible, en prenant certaines précau- tions, de récupérer sur les frottements 5 °/, au moins du travail développé sur le piston. Enfin M. Thurston a fait toute une série d’exp‘riences pour déterminer l'influence du degré d'admission, de la pression et de la vitesse; il a reconnu que le fcotte- ment augmente lentement avec le degré d'admission ; qu'il croit avec la pression quand elle est basse, mais en devient indépendant si elle s'approche de la valeur normale; qu'il varie proportionnellement à la vitesse dans les machines à vide ; qu'il est un peu plus grand en charge qu'à vide; que jusqu'à 500 tours il augmente assez lentement avec la vitesse pour les machines en charge et enfin, qu'à partir de là jusqu'à 625 tours, limite des expériences, il croît plus rapidement et d’une facon sensiblement proportionnelle à la vitesse. Ces expériences de M. Thurston que seul, peut-être, en raison de l'installation dont il dispose, il était ca- pable de mener à bonne fin, présentent un haut intérêt pratique et M. Dwelshauvers a rendu un véritable ser- vice à la mécanique en contribuant à faire connaitre leurs résultats, Nous croyons toutefois devoir faire observer que certains de ces résultats sont bien inat- tendus, que l'étude du frottement dans les machines est hérissée de difficultés, que les différences d’inter- prélation peuvent se produire aisément sur un tel sujet et nous demandons, malgré l'autorité considé- rable de M, Thurston, à faire de prudentes réserves avant d'accepter définitivement ses conclusions. H. LÉAUTÉ. de l'Académie des Sciences. 2° Sciences physiques. Couette (Maurice), — Etude sur le frottement des liquides. — Thèse de doctorat présentée a la Faculté des Sciences de Paris 1890. Le mémoire de M, Couette renferme la description détaillée et la discussion complète de ses très intéres- santes expériences sur la viscosité des liquides dont nous avons déjà entretenu les lecteurs de la Revue (1). L'auteur traite d’abord complètement le problème de la rotation d’un liquide visqueux entre deux cylindres concentriques supposés indélinis, l’un étant immobile, l’autre animé d'une vitesse constante; pour déduire de l'expérience le coefficient de frottement, il faut mesurer le moment du frottement par rapport à l’axe de rota- tion. M. Couette prend comme paroi fixe un cylindre auquel il laisse une certaine mobilité autour de l’axe et qu'il maintient en repos en équilibrant le frottement du liquide par la torsion d’un fil ou par des poids at- tachés à un système de poulies; afin de pouvoir consi- dérer la surface comme découpée dans un cylindre indéfini, on la prolonge par des cylindres de garde et l'on donne au cylindre tournant une hauteur supérieure à la hauteur totale des cylindres fixes, Grâce à de nom- breuses précautions, cet appareil conduit à d'excellents résultats, pourvu toutefois qu’on détermine sa cons- tante par une expérience sur un fluide dont le coeffi- cient soit connu; les difficultés de centrage rendent difficiles les mesures absolues. L'auteur démontre ce- pendant que le frottement est minimum quand le cen- trage est parfait : cette remarque permettrait d'obtenir des valeurs absolues correctes. La méthode de Poiseuille est la plus simple de toutes; (1) V. No 3, p. 79; nous prions le lecteur de vouloir bien se reporter à cet article pour l’explication de la théorie. 499 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX M. Couette démontre qu’elle peut devenir la plus exacte; il faut avoir grand soin de tenir compte de l'influence des extrémités du tube d'écoulement; l'analyse rend compte de cette influence; pour l’éliminer, on peut employer des procédés différents qui sont indiqués dans le mémoire. L'un, en particulier, qui s'explique dans tous les cas, rappelle l’artifice imaginé par Wer- theim dans ses recherches classiques sur les tuyaux sonores : on produit un écoulement simultané et don- nant le même débit dans deux tubes de même rayon, embouchés de la même manière et de longueurs diffé- rentes, j Les deux méthodes ont conduit l’auteur à des résul- tats identiques; elles lui ont permis de confirmer un fait signalé déjà par Darey :le mouvement des liquides présente deux régimes différents ; le premier, conforme aux intégrales les plus simples des équations de ? vier, Se produit seul pour les vitesses les plus faibles; le second, non conforme à ces intégrales, se produit ége lement seul, mais pour les vitesses ‘les plus grandes; tandis que pour les vitesses intermédiaires les deux régimes se présentent alternativement, Il résulte des expériences que la vitesse critique varie avec la nature du liquide et est sensiblement en raison inverse des diamètres des tubes, Quelle que soit la nature du tube par lequel se fait l'écoulement, toutes choses restant éga'es d’ailleurs, on trouve que le temps d'écoulement est le même: on doit conclure de là une conséquence très importante : les liquides, même ceux qui ne mouillent pas, adhèrent sans glissement à la surface des solides; mais on doit observer que dans le second régime la vitesse varie très rapidement au voisinage de la paroi, En terminant son remarquable mémoire, M. Couette discute la méthode de Coulomb; il établit qu’elle est mauvaise pour les liquides de faible viscosité, et que, dans les cas où l’on peut s s’en servir, il convient d'em- ployer, pour éliminer l'influence pertubatric e des par- lies accessoires de l'appareil, une méthode particu- lière de calcul, Lucien Poincaré. Renard (A.), Docteur ès Sciences, Professeur de Chimie appliquée à l'Ecole supérieure des Sciences de Rouen. — Traité de chimie appliquée à l’industrie. Un vol. grand in-8° avec 225 figures dans le texte, 846 pages. Baudry et Cie, éditeurs, Paris, 1890, Les traités de chimie industrielle ne manquent pas, et chacune des grandes questions de technologie chi- mique possède sa monographie complète dans laquelle les spécialistes puisent selon leurs besoins. Les traités de chimie élémentaire dans lesquels les questions industrielles se trouvent à peine effleurées sont plus nombreux encore et nous ne voyons que trop souvent se perpétuer à travers les volumes ces figures d'un autre âge représentant des appareils depuis longtemps abandonné s, complétant la descrip- tion de procédés également hors d” usage. M. A. Renard a très judicieusement pensé qu'entre les premiers, qui ne sont utiles qu'au petit nombre et les seconds, auxquels se trouvent réduits la plupart des lecteurs, il y avait place pour un livre intermé- diaire procédant des uns pour la quantité et des autres pour la qualité et il présente aujourd’hui aux chimistes et aux élèves des écoles industrielles et de l’enseigne- ment spéc ial un ouvrage qui sera très certainement apprécié. Après une courte introduction dans laquelle sont résumées très brièvement les premières définitions et les lois qui régissent les combinaisons chimiques, ainsi que les notions indispensables sur la notation et la nomenclature, l’auteur aborde l'étude des métal- loïdes et leurs composés classés par ordre d’atomicité. Laissant de côté les questions d'historique, les faits relatifs aux points d'ordre purement scientifique tels que l'établissement des formules et les propriété utiles pour la classification, mais n'ayant pas encore reçues d'application, il insiste surtout sur les modes de préparation qui permettent d'obtenir ces corps faci- lement et en grande quantité. Les métaux et leurs dérivés sont traités d'une ma- nière analogue avec des données métallurgiques con- cises, mais “suffisantes, Signalons, en passant, la fabri- cation des sels de soude, de l'aluminium, les derniers perfectionnements apportés à la fabrication du chlore où, sans entrer dans les détuls, l’auteur à su donner une idée juste des procédés les plus récents appliqués dans l’industrie, Ces développements comprennent 400 pages environ. La seconde partie de l'ouvrage est consacrée à la chimie organique. La partie théorique prend nécessai- rement ici une importance plus grande que dans les précédents chapitres; l’auteur à su condenser très clairement en une cinquantaine de pages les défini- tions relatives aux fonctions chimiques. On y trouve des exemples suffisamment nombreux et bien choisis des principaux modes de formation de ces fonctions ainsi que leurs plus importantes propriétés et il devient facile, en parcourant cette DerIeR du livre, de con- server toujours présentes à l’esprit ces définitions des principaux groupes qui sont véritablement les clefs de la chimie organique moderne. Les chapitres les plus intéressants de cette seconde partie sont ceux relatifs aux carbures saturés, aux pé- troles et à leur industrie, aux alcools, aux sucres, corps gras et savons, _ L'ouvrage se termine par l'étude de la série aroma- tique dans laquelle il est donné surtout des notions importantes sur les matières colorantes qui se rat- tachent à celte immense série, devenue aujourd’hui une chimie dans la chimie. Après cela, il est resté à l’auteur une trentaine de pages pour résumer les séries du furfurane, du thio- phène, du pyrrol, la série pyridique, les alcaloïdes et les matières albuminoïdes. Les figures tout à fait schématiques et très claires sont de véritables figures de démonstration dessinées le plus souvent en coupe. Elles sont pour la plupart nouvelles et cadrent bien avec le texte, Nous croyons que ce livre convient non seulement aux élèves de l'Enseignement spécial et des Ecoles industrielles, mais encore aux industriels qui désirent se tenir au courant des questions modernes et avoir d’une manière elaire et précise un bon résumé de l'état actuel de la chimie appliquée; il vient honora- blement se placer à côté du Traité des matières colo- rantes et du livre Sur les corps gras qu'on doit au même auteur, A, VERNEUIL, 8° Sciences naturelles. WWelsch (Jules). — Les terrains secondaires des environs de Tiaret et de Frenda (Département , d'Oran, Algérie.) Thèse de Doctorat présentée à la Faculté des Sciences de Paris, 1890, La thèse que M. Jules Welsch vient de présenter à la Faculté des Sciences de Paris, a pour sujet l’étude géo- logique d'une région de l'Algérie fort peu connue et sur laquelle nous ne possédions jusqu’ ici que des ren- seignements vagues ou mè de erronés en partie. C'est une région qui S’é is sur la limite du Tell et des hauts plateaux de la province d'Oran, au voisinage immédiat de celle d'Alger. Les formations qui en composent le sol appartien- nent à la période secondaire, Les terrains tertiaires n’y occupent qu'une surface très restreinte et le ter- rain AU DATE ne s’y montre que dans le fond des vallées et à la surface de quelques plateaux. Parmi les terrains secondaires, ce sont le Jurassique supérieur et la Crétacé moyen et supérieur qui sont surtout développés. BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 493 En outre de quelques masses rocheuses, encore mal déterminées, qui semblent représenter l'étage batho- nien, le terrain jurassique comprend deux séries d'assises très distinctes: 1° A la base, des marnes ver- dâtres, remplacées, sur quelques points, par des cal- caires rouges ammonitifères. Ces assises appartiennent à l'étage oxfordien; M. Welsch y a reconnu l'équiva- lent des zones à Ammonites transversartius, à À, bimam- malus et à A. tenuilobatus d'Europe; 2° au-dessus des assises précédentes, une masse puissante de bancs dolomitiques qui renferment une partie de la faune de PAstartien de La Rochelle. Parmi ces horizons, quelques-uns avaient déjà été reconnus en Algérie, notamment par nous-même dans le Djebel- Ben - Ammade à l'est de Tiaret et par MM. Brossard et Le Mesle dans le Djebel Bou-Thaleb ; mais les faunes des zones à Anunonites bimmammatus et A, tenuilobatus, n'avaient pas encore été signalées dans le Nord de l'Afrique. Les terrains crétacés de Tiaret constituent, comme ceux de l’époque jurassique, deux séries distinctes qui, même, sont entre elles en discordance marquée, La première comprend une succession de couches grèseuses, calcaires et marneuses,dans lesquelles Pau- teur retrouve les étages albien et cénomanien consti- tués tels que nous les avons observés en Algérie, dans les environs de Bou-Saada, et tels que M. Choffat les a observés en Portugal. La deuxième série, transgressive à la première, est composée des épaisses assises calcaréo-marneuses de la craie supérieure et plus particulièrement de celles qui constituent le Sénonien inférieur, ou étage Santo- nien de notre nomenclature algérienne. C’est la première fois que les étages albien et séno- nien sont signalés dans les Hauts-Plateaux oranais; l’étage cénomanien seul y avait été indiqué par M. Pomel près de Tiaret. Un autre fait intéressant signalé par M. Welsch, c’est la transgression générale des terrains crélacés sur les couches plus anciennes, en allant de l'Est à l'Ouest. De nombreuses coupes, relevées avec soin, montrent la succession des faunes et la disposition des strates sur les points les plus intéressants de la région. Les relations entre la nature géologique et lithologique de la contrée et sa structure orographique sont claire- ment établies ainsi que les conséquences des divers accidents géologiques, plissements, failles, dénuda- tions, etc., que l'auteur a observés, Enfin une carte géologique, embrassant tous les environs de Tiaret et de Frenda, complète heureusement le travail de M. Welsch, en montrant l'extension et la répartition géographique de chacune des formations. i En résumé, le mémoire que nous analysons a fait faire un notable progrès à nos connaissances géolo- giques sur notre colonie algérienne. Les faits énoncés y sont clairement démontrés, soit par la disposition stratigraphique des assises, soit avec l’aide de la paléon- tologie. Tous ces faits concordent bien d’ailleurs avec ceux déjà observés sur d’autres points de celte vaste région des Hauts-Plateaux. Il n’y a guère qu'en ce qui concerne la constitution de l'étage turonien, que nous sommes obligé d'apporter quelques réserves aux con- clusions de M. Welsch. Cette division nous semble avoir été un peu trop amplifiée par le bas, aux dépens du Cénomanien et par le haut aux dépens du Santonien. A. PÉRON. Gaudry (Albert), de l'Institut. — Darboux, de l’Institut, doyen de la Faculté des Sciences de Paris. -- Fannery, Sous-Directeur de PEcole normale su- périeure. — Bertrand (Marcel), Président de la Société géologique de France. — Bergeron, Doc- teur ès sciences, — Discours prononcés aux funé- railles de M. Edmond Hébert, Membre de l’Institut, doyen de la Faculté des sciences de Paris, comman- deur de la Légion d'honneur, le 8 avril 1890, au cime- tière Montparnasse, Fouqué de l’Institut, — Munier-Chalmas, SOUS’ Directeur du Laboratoire de recherches à l'Ecole pratique des Hautes études. — Wélain (Ch.), maitre de Conférences de Géologie à la Sorbonne, chargé de Cours de Géographie physique. — Discours prononcés à l'inauguration du Médaillon déposé sur la tombe de M. Edmond Hébert, membre de l'Institut, doyen honoraire de la Faculté des sciences de Paris, com- mandeur de la Légion d'honneur, le 4 juin 1890. — Imprimerie Delalain. Paris, 1890. Richet (Ch.), Professeur à la Faculté de Médecine. — De l'influence du chloral sur les combustions respiratoires chez le chien. Archiv. de physiologie, avril 1890, Ce mémoire fait suite aux recherches, déjà publiées, de l’auteur sur la fonction respiratoire, Dans un précé- dent travail, M. Richet s'était attaché à démontrer l’in- fluence prépondérante qu'exerce la surface tégumen- taire sur les échanges respiratoires; il revient sur ce sujet si important en physiologie, mais pour montrer cette fois qu'il s’agit là d’un phénomène de régulation, placé sous la dépendance des centres bulbo-encépha- liques. Chez ies chiens profondément chloralisés, chez lesquels par conséquent les centres supérieurs ont perdu leur activité, ce rapport entre la surface et lin- tensité des combustions respiratoires est supprimé ; la lutte contre le refroidissement a cessé et l’animal ne respire plus que pour fournir à ses tissus la quantité d'oxygène minima qui leur est néces e; dans ces 2 conditions le poids seul de l’animal doit intervenir dans le chiffre des combustions; c’est en effet ce que montrent les chiffres obtenus, Tandis que sur des chiens normaux l'écart dans les combustions d'acide carbonique par kilogramme et par heure varie, pour des animaux de 25 kilogrammes et ceux de 4 kilo- grammes, de 0 gr,925 à { gr,750, chez les mêmes chiens chloralisés les chiffres extrèmes sont respectivement 0,550 et 0,609. L'étude, de la fonction respiratoire, envisagée sous ces divers points de vue, comme le fait M. Richet dans ses mémoires successifs, devient de plus en plus inté- ressante en permettant de dissocier, pour ainsi dire, les facteurs si divers qui influent sur les variations des fonctions organiques en général. FO: 4° Sciences médicales. Cabadé& (D). — Leçons sur les maladies micro- biennes, professées à l'Ecole de médecine de Toulouse, in-8° de 642 p, Paris, G. Masson, 1890 M. Cabadé a réuni en trente lecons les notions fon- damentales que l’on possède actuellement sur la mor- phologie et la biologie générale des microbes patho- sènes ainsi que sur leur rôle dans les maladies infectieuses. Après avoir résumé en quelques lecons les propriétés physico-chimiques et vitales des microor- ganismes, ainsi que l’action qu'exercent sur eux les différents milieux, l’auteur consacre un intéressant chapitre à la théorie des vaccinations, de l'immunité et de l'hérédité. Puis il passe en revue les principales maladies microbiennes de l’homme. Celte étude com- prend non seulement les affections qui relèvent de microbes bien définis et connus, mais aussi celles dont la nature bactérienne n’est pas encore démontrée expé- rimentalement comme la syphilis, les fièvres érup- lives, la coqueluche, etc... Le livre de M. Cabadé expose, dans un style élégant et plein de clarté, l'état actuel de nos connaissances en bactériologie et contri- buera avec succès à vulgariser ces notions qui ont pris une importance si grande dans la médecine moderne. Dr R, Wurrz. 49% ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER La Socièlé française de Physique, la Société chimique de Paris, la Société royale de Londres, les Sociétés de Physique et de Chimie de Londres, lu Société de Physique de Bertin, l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, l'Académie royale des Lincei sont en vacances. ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 21 juillet 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, Boussinesq fail hommage à l’Académie du tome second et dernier de son Cours d'Analyse infinétisimale. — M, R. Lipschitz : Sur la combinaison des observations, — M. Kozloff décrit un diagrammomètre ; auxiliaire mécanique pour les études des courbes, — M. Coggia a découvert une comète à l'observatoire de Marseille, — M. Ch. V. Zen- ger, en faisant éclater des charges électriques sur des plaques de verre ou des sphères métalliques recou- vertes de noir de fumée, à obtenu des figures sem- blables à celles qu'on observe à la surface du soleil, 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Van der Mensbrugghe, avait antérieurement donné la formule de la tension superficielle de la couche de contact entre deux liquides non miscibles ; de cette formule on peut déduire que si l’affinité réciproque des deux liquides est nulle ou faible, cette force tendra à diminuer la surface de con- tact ; si l’affinité est assez forte, l'effet sera inverse et tendra à augmenter la courbure du ménisque. L'auteur rapporte quelques expériences pour démontrer ce der- nier fait, — M, Bernard Brunhes indique le disposilif qu'il à employé pour étudier la réflexion cristalline interne et l'influence du milieu contre lequel se fait celte réflexion, — M. F. Beaulard a étudié la double réfraction elliptique du quartz, suivant l’axe optique, lorsqu'on associe au pouvoir rotatoire naturel la double réfraction que produit une compression exercée nor- malement à l’aie optique, les résultats expérimentaux, comparés à ceux que donne la théorie de M. Gouy, ont vérifié cette théorie. — M. Th. Moureaux signale une anomalie magnétique, qui affecte tous les éléments magnétiques dans le nord de la France el à Paris même ; les choses se passent comme sile pôle nord de l'aiguille était attiré de part et d'autre vers une ligne presque droite dirigée de Fécamp à Châteauneuf-sur- Loire, — M. Berthelot à étudié la chaleur de formation de divers sels d’aniline, les uns stables, tels que le sulfate, l’azotate, et le chlorure; les autres instables, tels que Pacétate et le benzoate, La comparaison des quantités de chaleur dégagées par ces combinaisons, entre elles et avec les sels de soude et d’ammoniaque contenant les mêmes acides, confirme la proposition de l’auteur, à savoir que l'inégalité entre les chaleurs de formation des sels d’une base forte et d’une base faible s’'exagère quand on passe des sels à acide fort aux sels à acide faible, C'est dans ces faits qu'il faut chercher l'explication de la stabilité relative des sels, — MM. Berthelot et Fogh ont constaté que la formation des anilides dégage plus de chaleur que celle des amides correspondants, — M. L. Ouvrard : Recherches sur les phosphates doubles de titane, d’étain et de cuivre. — MM, Ph. Barbier et L. Roux ont continué leurs recherches sur la dispersion dans les composés organiques, par les éthers-oxydes. Con- formément à lPéqualion qui représente la formation d'un éther-oxyde, son pouvoir dispersif spécifique moléculaire s'oblient en retranchant le pouvoir disper- sif de l’eau de la somme des pouvoirs dispersifs des deux alcools générateurs. — M. Villard a obtenu cris- tallisés, par le froid sous pression, les hydrates des fluorures d’éthyle et de métyle, du chlorure d’éthyle et de l'iodure de méthyle. — M. L. Boutroux en oxydant du glucose ou de l'acide gluconique au moyen d’une bactérie, a obtenu un acide réducteur, l'acide oxyglu- conique, qui ressemble à l'acide donné par M. Fischer comme l'acide glucuronique. — M. Ed. Mobhler à élu- dié la valeur pratique des divers réactifs pour déceler les impuretés de l’alcool, — M. E. Boyer indique que l'acide benzoïque, ajouté aux sucres, facilite l’incinéra- tion de ceux-ci en vue de la détermination des matières minérales qu'ilsrenferment, —M.Ad. Carnot donne la composition des eaux des sources minérales de Cran- sac (Aveyron), — M. J.-J. Landerer a étudié l'angle de polarisation de diverses roches ignées, considérées dans leur complexité; il compte appliquer les données ainsi obtenues à l'étude de la surface de la Lune. SCIENCES NATURELLES. — M. Chr. Bohr signale plu- sieurs combinaisons dissociables de l'oxygène avec l’hémoglobine, distinctes de l’oxyhémoglobine elassi- que. — M. A. Chauveau avait indiqué que la loi des dégagements de chaleur du muscle qui travaille est la même à l’état statique et à l’état dynamique ; en réalité, il y a un léger excès pour ce dernier état, et cet excès s'accroît avec la fréquence des contractions; l’auteur rapporte cel excès au travail des plaques motrices. — MM. P. Fischer et E L. Bouvier ont étudié le méca- nisme de la respiration chez les Ampullaridés, gastéro- podés munis à la fois d’un poumon et d’une branchie. —- M. Moynier de Villepoix à analysé la facon dont le test de l’'Anodonte se reconstitue, lorsqu'il à subi des pertes de substances. — M. R. Dubois à constaté plusieurs analogies entre la facon dont se concrète la substance séricigène du Bombyx Mori et la coagulation du sang, — M, À. Laboulbène indique que l’on peut faire réapparaîitre les Cysticerques affaissés dans une viande desséchée, en arrosant celle-ci d’eau acidulée, — M. G. Ville insiste sur la sensibilité avec laquelle les plantes apprécient et traduisent par Pétat de leur végétation les plus minimes différences de composition chimique de leur milieu. La levure de bière est parti- culièrement remarquable à ce point de vue. — MM. Prillieux et G. Delacroix décrivent sous le nom de gangrène de la tige de la Pomme de terre, une ma- ladie qui frappe aussi le Pélargonium, et qui est pro- duite par un bacille, le B. caulivorus. — M. R. Botey, possibilité des injections trachéales chez lhomme, comme voie d'introduction des médicaments. M. Gué- niot : réclamation de priorité au sujet de la cräniec- tomie, L. LAriGQuE. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 29 juillet 1890, M. Vaslin (de Nantes) : Sur l'application de la trépa- nation dans les accidents éloignés consécutifs aux lésions traumatiques du crâne, — M. Semmola (de Naples) : Contribution expérimentale à la pathogénie de l’albuminurie et de la néphrite brightiques. — M. Hayem, à propos de la communication précédente, fait des réserves sur l’ensemble des faits énoncés et particulièrement sur les altérations de l'albumine du sang. — M. G. Sée continue l'exposition d’un impor- ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES 193 tant mémoire sur les usages du Cannubis indica dans le traitement des névroses et des dyspepsies gastriques. —M, Dujardin-Beaumetz s'associe aux concluslons de M. G. Sée et fait des réserves pour ce qui à trait à la pathogénie des dyspepsies. — M. Hayem a analysé le suc gastrique de 160 dyspeptiques et il résulte de ces observations que la dyspepsie nerveuse sans trouble concomitant dans le chimisme stomacal n'existe pas. SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE Séance du 26 juillet 1890. M. Auscher, dans un cas de maladie de Friedreich bien caractérisé, a trouvé une altération des nerfs péri- phériques sensitifs, consistant dans l’absence de la myéline ; ce fait confirme l'hypothèse que cette mala- die est un arrêt de développement du système nerveux. — M. Féré a constaté que l'attention modifie la courbe de la contraction musculaire volontaire; elle rend l’as- cension plus brusque. — M. Netter présente une statistique des diverses manifestations morbides pro- voquées par le pneumocoque, — M. Guignard à recherché de quelle facon se répartissent, dans les tissus des Crucifères, la myrosine et le myronate de potasse, dont la réaction réciproque donne naissance au sulfo- cyanure d’allyle; la myrosine occupe quelques cellules différenciées ; le myronate est diffus dans le paren- chyme. — MM, Pouchet et Chave signalent un Ténia parasite du Cachalot, caractérisé par la présence des lignes rouges sur ses anneaux médians — M. Bouche- ron décrit plusieurs nerfs nouveaux de l'œil. — M. Cha- bry propose une expression mathématique nouvelle, du travail du cœur. — M. Charrin signale cinq cas de maladie pyocyanique chez l'enfant, observés par MM. Ehlers et Neumann. — M. Brissaud à observé sur les nerfs périphériques de plusieurs sujets, les altéra- tions décrites généralement comme une dégénéres- cence; aucun trouble de la sensibilité n'avait révélé ces lésions pendant la vie. M. Brissaud conteste toute signification physiologique à ces prétendues névrites. L. LAPICQUE, ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 17 juillet 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Gegenbauer Quelques propositions sur les déterminants d'un ordre élevé. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Unterweger : Sur les taches solaires de courte période et leur relation avec quelques phénomènes périodiques terrestres. L'auteur est conduit à supposer qu'il existe des taches de courte période, l'aspect en est très irrégulier et rendu plus compliqué encore par suite de la rotation du Soleil, I semble probable que l’on doit distinguer au moins trois périodes simultanées, dont la superposition seule est observée. D'après diverses observations sur les orages, les constantes magnétiques terrestres et les appari- tions d’aurore boréale, on peut conclure que ces phé- nomènes terrestres se rattachent aussi bien aux périodes des taches qu'étudie M. Unterweser, qu'aux taches de longue période précédemment étudiées, — M. I. Klemencie étudie les ondulations de Hertz à l'aide d’une pile thermoélectrique, soudée entre les extrémités du circuit secondaire, en employant deux circuits dont l’un sert d’étalon, tandis que l’autre est déplacé dans le champ, on mesure la distribution de l'énergie le long d’un axe perpendiculaire, et le long d'un axe parallèle à l’excitateur, — M. Lippick : Sur la théorie des saccharimètres à pénombre, — M. Svante Arrhénius étudie les variations de la conductibilité électrique de la flamme d’un bec de Bunsen causées par l'introduction de vapeurs salines, Le courant qui traverse la flamme n'obéit qu'à la Loi de Ohm pour de faibles forces électromotrices; au contraire, lorsque la force électromotrice atteint une certaine valeur, la loi semble devenir exacte. La conductibilité spécifique est alors proportionnelle à la racine carrée de la concen- tration, et pour de grandes dilutions, indépendantes de l'élément électronégatif du sel introduit, La conducti- bilité des vapeurs alcalines croit avec le poids atomique du métal, les sels ammoniacaux et ceux des métaux lourds ne sont pas conducteurs, Si l’on introduit dans la flamme deux électrodes, une à platine, l’autre en fer ou en nikel, il se produit entre elles une différence de potentiel qui produirait un courant allant dans la flamme, du fer au platine. — M. Mathias Cantor : Sur la chimie des accumulateurs, La partie la plus impor- tante de ce travail est consacrée à l’étude du processus de la charge des électrodes, On a, à cet effet, utilisé des électrodes en platine, inattaquables, comme se- condes électrodes. En observant les dégagements gazeux et les variations de concentration déterminées par des titrages, on remarque que dans la charge de la plaque négative, l'hydrogène se dégage à l’état gazeux aussitôt que l’électrolyse le sépare; 1l est donc certain que l'électrode n’absorbe pas d'hydrogène; en étudiant ce dégagement à la cathode d’un élément chargé mais non fermé, on constate qu'il est lié à une formation équivalente de SO, on en conclut qu'il doit y avoir une action locale entre SO‘? et le plomb récemment réduit. La charge de l’élément semble en somme être accompagnée de deux gaz inverses, 1° Réduction du sulfate de plomb par l'hydrogène dégagé électrolyti- quement, et formalion de plomb et d'acide sulfurique. 2 Formation de sulfate de plomb en partant du plomb avec dégagement d’ydrogène. La charge est terminée lorsqu'on arrive à un état d'équilibre, — M. Félix Schif: Sur l’orthodibromobenzol et ses dérivés. — M. Krauss : Contribution à l'étude de la papavéroline.— M. Fauchs : Action des hydrosulfiles alcalins sur les phénols et les oxy-acides, — MM. D. Mauthner et W. Suida préparent une quantité notable de glycocolle (28 °/ du rendement théorique) par l’action de l’ammoniaque aqueuse en excès sur l’acide chloracétique, à condition d'éviter toute élévation de température, — M. Brauner a imaginé plusieurs méthodes volumétriques très ingé- nieuses pour le dosage du tellure; elles sont fondées sur les réactions suivantes : À TeCli + 2SnCl= Te + 2SnCH ou H? Te 032 Sn CE + 4H C1=Te+2SnCli+3H°0. On dose l'excès de chlorure d’étain par Piode B : K, TeO® + 21 + H°0 — K?Te Of + 2HI. On dose alors l'excès d'iode pas l'acide arsénieux C : 4H? T'e O5 + 2K MnOi—+ 4 SO“ H?] = K,SOi + Mn°(S0i)8 4H? Te Of + 4H20 On triture avec l'acide oxalique ou le sulfate de fer et l’'ammoniaque jusqu'à décoloration, et l’on revient avec le permanganate, M. Srpek : Subslilution dans les carbures aromatiques. — M, G. Neumann : Contribution à l’étude des composés de Pétain. M. G. Pum : Sur la glycosamine, — MM. Swohoda et Fosseck : .:tudes de quelques alcools diatomiques dé- rivés de l’aldéhyde isobutinique, — M. G. Johanny. Action de l'acide cyanhydrique sur la méthylethyl- acroléine. — M. H. Skraup. Transformation de l’acide malique en acide fumarique. On sait depuis longtemps que beaucoup d'acides peuvent transformer même à température peu élevée Pacide malique en acide fuma- rique; on a cherché s’il n'existe pas une relation entre la vitesse de transformation et la conductibilité éleetri- que. En réalité il n’y a pas proportionnalité mais la conductibilité des acides paraît avoir une certaine in- fluence. — M. M. S. Zeisel et Herlzig. Sur les transfor- mations des phénols et des composés éthylés de la diré- sorcine. Présence de la dirésorcine dans la floroglucine des synthèse, — M. G. Firtsch. Sur un nouveau-mi- néral : la Rumplite, Emil WEyr, Membre de l'Acaäémie. 496 CHRONIQUE ET NOUVELLES CHRONIQUE LA COMPOSITION DES EAUX DE DRAINAGE Notre éminent collaborateur, M. P. P. Dehérain, à communiqué à l'Académie des Sciences, dans sa séance du 4 août dernier, des expériences d’un haut intérêt, On sait que le savant professeur du Museum et de l'Ecole d'agriculture de Grignon s'occupe depuis plu- sieurs années de déterminer les changements qui se manifestent dans un sol cultivé sans engrais; des par- celles du champ d'expériences de Grignon privées d’en- grais depuis 4875 ne peuvent plus nourrir ni les bette- raves ni le trèfle; l’avoine et le blé donnent encore cepen- dant des récoltes bonnes ou passables, L'analyse à mon- tré qu'entre ces terres et les voisines maintenues en bon état de fertilité, la plus grande différence portait sur les matières organiques, et c'est pour savoir si cette diminu- iton entrainait une diminution sensible dans l’aptitude àretenir l'humidité età produire des nitrates que les nou- velles expériences de M. Dehérain ont été entreprises. Un graphique montre très clairement que si les terres épuisées laissent écouler l’eau un peu plus vite que les terres bien fermées, et produisent un peu moins de ni trates, on ne saurait trouver dans ces différences l’expli- cation de la fertilité des unes et la stérilité des autres. \ L'analyse des eaux de drainage montre en outre un fait curieux; ces eaux renferment au mois d'octobre une quantité de nitrates considérable, Quand la mois- son est faite, que la terre découverte ne porte plus de plantes capables d'utiliser les nitrates formés, ceux-ci restent dans le sol jusqu'aux grandes pluies d'automne ; à ce moment ils sont entrainés et perdus; en 1689-00 la perte à l'hectare a été en moyenne de 70 kilos d'azote nitrique, correspondant à une fumure de plus de 400 kilos de nitrate de soude, valant 88 francs, Pour éviter celte perte, M. Dehérain propose de pro- céder rapidement après la moisson à un labour de déchaumage et de semer une graine qui donne en quelques semaines une plante vigoureuse : le colza ou la navette conviennent, Ces plantes enfoncées dans le sol au moment des grands labours de novembre ou de février lui donneront une copieuse fumure renfermant tout l'azote des nitrates qui aurait été perdu. C’est là une méthode des plus ingénieuses, qui pro= met d'augmenter d'une facon considérable la fertilité du sol, etsur laquelle nous appelons, pour cette raison, l'attention des agronomes. L. O NOUVELLES LE DISCOURS DE M. A. CORNU AU CONGRÈS DE LIMOGES L'Association francaise pour l'avancement des Sciences a ouvert jeudi dernier à Limoges son Congrès de 1890 sous la présidence de M. À. Cornu. L'éminent acadé- micien à prononcé à cette occasion un discours qui à été très applaudi, Traitant du rôle de la Physique dans les récents pro- grès des sciences, il a successivement passé en revue la glorieuse série des découvertes que la Chimie, PAs- tronomie, ele., doivent à l'intervention de la Physique. Celle-ci na cessé de leur fournir instruments et mé- thodes d'observation. Lavoisier, Richter, Wenzel, Dalton lui ont emprunté la balance pour établir l’indestructi- bilité de la matière, les lois des proportions multiples et des équivalents; Dulong etPetit, le calorimètre pour découvrir l'égalité des chaleurs atomiques; Gay-Lussae, la chambre barométrique, lorsqu'il détermina les rela- tions numériques de la température, de la densité etde la pression des gaz, relations qui, avec Ampère et Avo- gadro, ont conduit à la notion du volume atomique. C’est encore à un appareil de physique devenu vulgaire, le thermomètre, que la chimie organique recourt pour fixer l’un des caractères les plus importants de ses séries. Des deux notions physiques de la température et de la calorie, M. Raoult a récemment tiré une mé= thode d'un secours inappréciable pour le chimiste, la cryoscopie ; MM. Thomsen, Berthelot, Sarrau et Vieille, « cette nouvelle mécanique de l’affinité des atomes » qu'on appelle la {hermochimie. ne NE « Fruit des efforts associés d'un chimiste éminent, M, Bunsen, et d’un profond physicien, Kirchhoff », l'analyse spectrale a ouvert à la chimie de nouveaux horizons, et opéré dans ledomaine de l'astronomie une révolution comparable à celle que Galilée et Newton y avaient produite en inventant la lunette et letélescope. La nouvelle méthode nous renseigne non seu!ement sur la constitution physique des astres les plus loin- tains, mais encore, comme l'ont montré Dôppler et M. Fizeau, sur le sens et ‘a vitesse de leurs mouvements. Réciproquement l'application du spectroscope à l'exa- men des étoiles blanches a permis à M. Huggins de résoudre l’un des problèmes les plus importants de la chimie: la détermination des raies propres à l’hydro- gène pur, raies prises comme repères dans l'étude de tous les spectres. Dans un autre ordre d'idées, l'électricité, née dans le laboratoire du physicien, envahit aujourd’hui ceux du chimiste et de lingénieur, qui y trouvent un puissant moyen d'analyse ou de transformation de l'énergie. On peut dire qu’elle est devenue comme une sorte de puis- sance sociale, un élément important de notre civilisa- tion, Mais la science à laquelle nous devons l’électro- lyse, le télégraphe, le téléphone, la lumière électrique, nous promet encore d’autres bienfaits, En l'étudiant à la suite des mathématiciens, Poisson, Fourier et Ohm, les philosophes expérimentateurs se sont élevés en ces dernières années à de très hautes conceptions. Helmoltz, Thomson, l'illustre et regretté Maxwell ont tenté de rattacher les phénomènes électriques aux lois générales de la Mécanique. Tout récemment ce pressentiment a semblé confirmé par les célèbres et retentissantes expériences de M. Hertz, d'où ce physicien conclut à l'identification des décharges électriques et des ondu- lations lumineuses, C'est qu'à mesure que la Physique progresse, les dis- tinctions artificiellement établies entre les diverses sciences s’effacent, et « les théories tendent à s’unifier de plus en plus suivant les lois de la mécanique ra- tionnelle, » Ce remarquable discours que nous venons de résu- mer et celui de M. Dehérain, dont nous avons reproduit ci-dessus la partie principale, ont été les deux gros événements du Congrès de Limoges. — Dans les séan- ces de chacune de ses sections l'Association française a recu detrès intéressantes communications sur des sujets qui prochainement seront traités ici. L. O. CHAIRES NOUVELLES AU CONSERVATOIRE DES ARTS ET MÉTIERS Au Conservatoire des Arts et Métiers vont être créées deux chaires nouvelles affectées l’une à l’Électricité indus- trielle, l'autre à la Métallurgie et au Travail des métaux. Les candidats à ces chaires ont jusqu'au 1° septembre pour produire leurs titres, ——— mr Le Gérant : OcrAvEe Don. Patis,— Imprimerie F, Levé, rue Cassette, 17, dre ANNÉE N° 16 30 AOÛT 1890 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER SUR LES TOURBILLONS ARTIFICIELS MONSIEUR LE DIRECTEUR, Vous avez inséré dans votre excellente Revue des critiques de M. Weyher ! sur une Communication que j'ai faite récemment à l’Académie à propos des Cyclones. Permettez-moi de répondre brièvement à ces critiques. Nous différons radicalement d’o- pinion sur un point capital, le seul que je veuille retenirici. M. Weyher pense que dansles tourbillons aériens, trombes, tornados ou cyclones, l'air est ascendant; moi je soutiens depuis dix-sept ou dix- huitans le contraire. La divergence de ces vues n’est pas chose indifférente. La mécanique des fluides y est profondément intéressée ; la météorologie dy- namique change du tout au tout suivant la solu- tion adoptée ; il n’y a pas jusqu’à la physique so- laire où l’on n’ait besoin de savoir à quoi s'en tenir sur ce point. Ce qui me frappe le plus dans l’article de M. Wey- her, c’est la confiance avec laquelle il déclare à plusieurs reprises que, sur ses conclusions, {4 théo- rieet l'expérience ne laissent place à aucun doute. D'a- bord il n’y a pas encore, dans la mécanique des fluides, de théorie mathématique des mouvements tourbillonnaires : ce serait d'une telle théorie, si elle existait, qu'on pourrait tirer une démonstra- tion ne laissant place à aucun doute. Quant à l’ex- périence, M. Weyher ayant fait usage de ventila- 1 Voyez Revue Générale des Sciences, n° 15 du 15 août 1890, pages 480-482. REVUE GÉNÉRALE, 1890, leurs aspirants, il n’est pas étonnant que ses appareils produisent au-dessous d'eux une aspira- tion, et déterminent un courant d'air ascendant. La question est de savoir si les phénomènes ainsi produits ont quelque rapport avec les tourbillons de la nature tels que les cyclones, les trombes et les tornados. Je ne le pense pas. Voici l'appareil de M. Weyher et le dessin de son expérience fondamentale. Frais Ti , A Fig. 1. — Appareil de M. Weyher. — abcd, Tambour à ai- lettes. — EF, Bassin plein d'eau. — GH, Colonne sinueuse suivant là iquelle monte l'air aspiré. abed est un tambour à ailettes intérieures, terminé en haut, tournant à grande vitesse autour d’un axe vertical. L'air n’est pas chassé horizontalement 16 498 H. FAYE. — SUR LES TOURBILLONS ARTIFICIELS par ces ailettes à cause d’un rebord «b-ed qui ferme latéralement le tambour. Il est rejeté vers le bas, tout autour, en tournoyant, dans la direc- tion des flèches de la figure dont les unes indi- quent le mouvement de descente, les autres celui de la gyration. L’aspiralion produite dans le sens de l'axe fait monter l'air suivant une colonne légè- rement sinueuse GH, et, comme un bassin plein d’eau EF est placé au-dessous du ventilateur, une partie de l'air expulsé d’en haut suivant des di- rections telles que dl et bmi, vient alimenter par en bas la colonne ascendante et lui imprime une légère gyration. En disposant les choses convena- blement, l'air qui converge vers G, de ? ou de/, par exemple, fouette légèrement la surface de l'eau eten détache des gouttelettes qui retombent un peu plus lein tout autour de la colonne ascendante ?. Enfin le niveau de l’eau est lui-même légèrement surélevé sous la base G de la colonne ascendante, mais il ne faudrait pas croire que l'eau monte dans cette colonne comme le donnerait à penser la gra- vure ci-dessus (fig.1). L'auteur, pour rendre visibles les détails de celte charmante expérience, fait chauffer l’eau du réservoir EF de manière à pro- duire un peu de vapeur : c’est cette vapeur à l'élat de brume que l’on voit dans le tube GH. Mais il n’y a pas, dans la nature, au sein des nues, de ventilateur aspirant ni rien qui en tienne lieu. Dans l’embouchure d’une trombe ou d’un tornado les vitesses linéaires de gyration, très lentes à la périphérie, s’accroissent rapidement vers l’axe, ce qui est tout le contraire de ce qui se passe dans le ventilateur. De plus les gyrations deviennent immédiatement descendantes dans la nature, tandis qu'elles restent horizontales dans les expériences; aussi faut-il, dans ces mêmes expériences, recourir à un tour de main (en terme d'atelier) pour faire descendre l’air expulsé laté- ralement. Au pied d’une trombe ou d’un tornado l'eau des mers ou des élangs représentés ici par le bassin EF ne remonte pas verticalement le long de la colonne GH, pour retomber plus loin en gouttelettes comme sur la figure; elle est chassée au loin en nappes puissantes par les gyralions, tangentiellement au pied de la trombe et remonte jusqu'à une faible hauteur, à peu près comme cela aurait lieu, si une écope, emmanchée à un arbre tournant, venait à fouetter l’eau avec furie. Enfin on n’a jamais rien vu qui püt donner à croire que l'air descende des nues tout autour de la trombe en dkt el en bmi... pour aller rejoindre en bas Pair aspiré dans la colonne GH. Au fond, et, sauf un tour de main fort ingénieux, ! C’est là ce que M. Weyÿher assimile au buisson aqueux dont le pied des trombes marines est entouré. l'expérience précédente revient à celle de M. Col- ladon, de Genève, et de beaucoup d’autres auteurs. Dans celle de M. Collaädon, le fluide est expulsé latéralement par les ailettes d’un tourniquet aspi- rateur dénué du rebord «bed. Cette eau, rencon- trant l'obstacle des parois cylindriques d’un vase qui contient le tout, redescend en partie le long des parois, en tournoyant, et remonte en bas dans la colonne ascendante que ledit aspirateur pro- voque dans la masse liquide. Ce vase n'existant pas dans la nature où les trombes se produisent au sein d'un milieu indéfini, M. Weyher l’a rem- placé par une paroi cylindrique de 30 centimètres de hauteur, qui enferme latéralement son ventila- teur et qui produit à peu près, à l’air libre, le même effet que les parois d’un vase. Mais ni le vase de M. Colladon, ni le rebord abcd de M. Weyher n'existent dans la nature, pas plus, du reste, que leur ventilateur aspirant, pas plus que les mouve- ments extérieurs de descente gyratoire qui entou- rent leur prétendue reproduction d’une trombe. Il y a longtemps qu'on cherche à réaliser expé- rimentalement les tourbillons de la nature sans y réussir. Presque tous les expérimentateurs ont eu recours à un tourniquet, comme MM. Colladon et Weyher. Le seul qui soit sorti de cette voie stérile estM.Hirn, dans sa belle Zfude d’une classe particulière de tourbillons. Le célèbre auteur ne s’est pas mépris sur le sens du mouvement; il l’a oblenu descen- dant; mais, pour le réaliser, il a dû recourir à un artifice qui ne se retrouve pas non plus dans les phénomènes naturels. Cette impuissance de l’expé- rimentation n’est pas chose surprenante. Il y a des phénomènes qui ne s’y prêtent pas. Tel éelui de la grèle. Il suffit de rappeler la célèbre expérience de Volta, par laquelle on croyait avoir reproduit la for- mation des grélons entre deux nuages hypothéti- ques, l’un glacé, l’autre relativement chaud, et char- gés d’électricités contraires, On saitaujourd’hui, par les observations de Lecoq sur les puys d'Auvergne et par les observations plus récentes et aussi déci- sives exécutées au sommet du Pikes Peak par les météorologistes des États-Unis, qu'il s’agit là d’un phénomène tourbillonnaire analogue aux trombes et aux tornados, ayant son origine à un niveau beaucoup plus élevé et se rattachant, comme les tornados eux-mêmes, comme les orages et les grandes averses, au flanc droit de quelque cyclone traversant au loin le pays. Pour moi, ne pouvant invoquer une théorie ra- lionnelle, puisque la mécanique actuelle ne nous en offre pas les éléments, ne pouvant recourir à l'expérience qui n’a jamais complètement réussi, j'ai suivi une autre marche, celle qui consiste à con- suller les observations. Elle est plus longue, mais elle est sûre. J'ai donc étudié les phénomènes tour- H. FAYE. — SUR LES TOURBILLONS ARTIFICIELS 499 billonnaires partout où ils se présentent, dans les cours d’eau, rivières ou fleuves, où ils jouent un rôle fort net, mais assez restreint, dans notre at- mosphère où ils se présentent sous la forme gran- diose des tempêtes, des trombes ou des tornados, sur le Soleil où ils jouent un rôle encore plus con- sidérable et président à la merveilleuse circulation verlicale de l'hydrogène incandescent. Cette étude m'a montré qu'il existe une analogie frappante de structure et de fonclions entre toutces phénomènes si disparates de prime abord. Le trait commun, le plus saillant, c’est qu'ils se produisent tous dans des courants dont les filets juxtaposés ont des vi- tesses différentes. Tous suivent le fil de ces cou- rants, aussi bien sur notre globe que sur le Soleil, et c’est ce caractère commun qui se retrouve dans cetadmirable fait que les tempêtes décrivent toutes, sur le globe terrestre, d'immenses trajectoires d’une figure presque géométrique. Dans la nature, il n°y a pas de tourbillons pareils sans courants généra- teurs; leur mouvement de translation n’est pas un accident ; c’est la cause déterminante, et c'est même là ce qui rend si difficile leur reproduction arti- ficielle. Ce premier point étant acquis, je veux dire ayant reconnu l'analogie profonde qui existe entre les mouvements tourbillonnaires à axe vertical des cours d’eau, des courants de la photosphère du Soleil et de notre propre atmosphère, il restait à chercher dans quel sens les fluides se meuvent dans leur intérieur. Or, pour deux de ces trois ordres de phénomènes, la chose est évidente. S'il s’agit des cours d'eau, tout le monde sait que les tourbillons sont descendants. S'il s’agit du Soleil, le noyau relativement noir des taches et toutes les observations d’analyse spectrale conduisent à la même conclusion. Mais lorsque, raisonnant par analogie, j'en ai conelu que l’air, dans les tourbil- lons de notre atmosphère, devait être aussi des- cendant, ce fut, dans le camp des météorologistes, un tolle général. Je me heurtais à un préjugé dont je n'avais mesuré ni la force ni l'universalité. Les objections théoriques me vinrent de toutes parts. MM. Colladon et Weyher représentent, dans cette longue discussion, les objections tirées de l’expé- rimentation. Quant aux observalions, que de fois ne m'a-t-on pas objecté le fait prétendu que les trombes exercent nécessairement en bas une aspi- ration puissante puisqu'elles pompent jusqu'aux nues l’eau des mers ou des étangs ! Heureusement ces phénomènes, qui avaient pris aux États-Unis une importance capitale, y étaient observés avec soin par une puissante organisation, celle du Sisnal Office de l'armée fédérale. Les agents de ce service avaient pour consigne de noter tous les faits sans se laisser guider par des idées pré- conçues, quelque plausibles que ces idées pussent leur paraitre. Ces agents, des sous-ofliciers bien stylés ou des officiers instruits, dessinent, sur les cartes topographiques, la trajectoire de chaque tornado, suivent pas à pas les désastres occa- sionnés par ces terribles phénomènes, dessinent les maisons renversés, avec leurs débris, notent les directions où les débris ont été lancés, consi- gnent dans leurs rapports la forme des tornados, leur vitesse, tous les phénomènes météorologiques quiles ont précédés ou suivis, etc., ete. C’est à ces précieux documents, recueillis par des hommes imbus de l’idée qu'ils remplissent un devoir envers leur pays, qu’il faut recourir si l’on veut savoir ce que c’est qu'une trombe ou un tornado. C’est là que j'ai puisé les documents dont je me suis servi dans mes études, pour établir par les faits, la conclusion à laquelle je suis arrivé, à savoir que «les trombes et les tornados sont des tourbillons descendants à axe vertical qui prennent naissance dans les courants supérieurs de l'atmosphère et qui transportent en bas, en la concentrant sur un très petit espace, l'énergie due aux inégalités de vitesse de ces courants ». L'étude des tempêtes, dans les régions où leur figure lypique n'est pas encore altérée par des déformations progressives, m'a conduit aux mêmes résultats; aussi ces idées nouvelles commencent- elles à pénétrer dans le monde météorologique, où j'espère qu'elles finiront par être complètement adoptées. C'est ainsi, du reste, que la Science a presque toujours marché. L'observation précède la théorie et lui montre la voie. Les lois de Kepler, par exemple, sont le fruit de l'observation pure. Les géomètres, informés par ces lois de la véritable nature des mouvements célestes, en ont déduit celle ‘de la force qui y préside. Puis l'analyse a écrit les équations différentielles de ces mouvements, et l'intégration de ces équalions a permis de remon- ter plus haut que ces lois elles-mêmes, d’en mon- trer le vrai sens, d’en corriger ou d’en étendre les énoncés et d’en déduire avec certitude tout ce qu'elles contenaient en germe. De même ici, pour que la mécanique ralionnelle püût un jour attaquer les grands mouvements de l'atmosphère, il fallait d'abord déduire de l'observation la structure de ces phénomènes et la vraie nature des mouvements qui s'y exécutent. C'est cette dernière tâche que je me suis proposée. H. Faye Membre de l'Académie des Sciences. 500 LES EAUX Il est d'un grand intérêt pour l’Océanographie proprement dite aussi bien que pour l'Histoire Na- turelle, de posséder des notions positives sur les eaux qui remplissent les abimes de l'Océan. Leur composition chimique est-elle partout la même et comparable à celle des eaux superficielles; quelle est la nature et la proportion relalive dés gaz con- tenus, et, avant tout, ces eaux ont-elles un mou- vement d'ensemble comparable à celui d’un fleuve, ou demeurent-elles immobiles, et leur mélange, s’il a lieu, n'est-il effectué que par des phéno- mènes de diffusion ? Dans l’état actuel de nos con- naissances, ces problèmes ne peuvent pas être résolus directement. Sous les énormes pressions des profondeurs, il est douteux que les bouteilles destinées à recueillir l’eau soient étanches pour les gaz; les appareils mesureurs de courants ne fonctionnent plus; on en est donc réduit aux in- duetions. Il On admet généralement que les eaux océaniques, obéissant à diverses causes parmi lesquelles il faut compter la chaleur solaire, l'évaporation, la rotation terrestre et les vents réguliers, sont ani- mées, dans chaque hémisphère, d’un mouvement de translation de l'équateur vers les pôles, à la surface. Parvenues dans les hautes latitudes, par suite du refroidissement qu’elles éprouvent, elles descendent dans les profondeurs, rampent sur le lit de l'Océan depuis le pôle jusqu'à l'équateur, remontent alors perpendiculairement et gagnent la surface pour y continuer le cycle de cette circula- tion dite verticale. Cette théorie est soutenue par M. Krümmel dans son traité classique d'océanographie !. Il fait dépendre la distribution de la température, d’une circulation générale, sans laquelle le fond des mers serait partout à la température minimum d'hiver à la surface en chaque lieu considéré. Supposant l'Océan divisé en parallélipipèdes verticaux à minces parois possédant la même conductibilité thermique que l’eau, il pense que l’eau contenue dans chacune de ces sortes de boites, au bout d’un temps suffisamment long, refroidie en hiver au contact de l'air jusqu'à prendre la température minimum de celui-ci, descendrait au fond où elle s’accumulerait. Comme l'observation prouve qu'il n’en est pas ainsi, on doit admettre l'existence d’une circulation générale se faisant sentir dans les abimes les plus profonds de l'Océan. 1 0, Krümmel, Handbuch der Ozeanographie, 11, 284. J. THOULET. — LES EAUX ABYSSALES ABYSSALES Le savant océanographe, dans son hypothèse, ne parait pas tenir compte de la chaleur communi- quée par l'été à la nappe d'eau supérieure que les couches refroidies à la surface pendant l'hiver sont obligées de traverser pour se rendre au fond, et au contact desquelles elles se réchauffent, ce qui ne tarde pas à arrêter leur mouvement de descente. La chaleur spécifique de l’eau de mer fait de celle-ei un puissant régulateur de température, en surface comme en profondeur. Sauf dans un océan peu profond, la climatologie de l'air aura une influence sur l’épaisseur de la zone supérieure à température variable de la mer, mais cette influence ne dépas- sera pas une certaine limite, déterminable en chaque point par l'observation directe et au delà de laquelle commencera une région de repos. En outre, le froid ne peut pas augmenter indéfiniment. Le point de congélation de l’eau de mer est peu élevé et la glace, corps mauvais conducteur, constitue une enveloppe protectrice pour l’eau sous-jacente, ainsi qu'on le reconnait dans les contrées polaires. M. Krümmel consacre un chapitre spécial à la cireulation verticale océanique, et y résume les principaux arguments à l'appui de cette théorie : 1° «La preuve la plus frappante en faveur de « l'équilibre de densité qui s’accomplit dans les « Océans grâce à la circulation verticale, est le rem- « plissage de tous les fonds de mer au-dessous de « 2000 mètres de profondeur par une eau de tempé- « rature uniforme comprise entre 0° et 3° et de den- « sité maxima.» On ne voit pas pourquoi, cet équi- libre de densité, serait une preuve en faveur d'une circulation verticale s’effectuant continuellement, sans un moment d'arrêt, et l’on y trouverait plutôt une preuve du contraire. Si, en effet, le fond des océans est dans un état d'équilibre offrant le maxi- mum de stabilité, iln’existe aucune cause de change- ment: tout doit demeurer dans un calme absolu, car l’eau du fond possédant le maximum de poids par litre, ne se mettra certainement pas en mou- vement afin de céder la place à une eau plus légère. 2% «Le fait que les températures de fond les plus « basses, ont été constatées là où les grands océans « ont la communication la plus large et la plus « profonde avec les bassins polaires, et que ces « températures augmentent d'autant plus, que l'eau « doit accomplir un trajet plus long pour se rendre « du bassin polaire jusqu'au lieu de l'observation, « prête un puissant appui à l'hypothèse de la cir- « culation verticale. » La véritable facon de traiter cette discussion, serait d'avoir une carte exacte et détaillée du relief be. À déisiot J. THOULET. — LES EAUX ABYSSALES 501 sous-océanique, et des séries de coupes thermiques suivant les divers méridiens terrestres, indiquant la température annuelle moyenne et maxima de l'air en chaque point et, à partir de la surface de température constante, le profil des diverses cou- ches isothermes jusqu’au fond. Au grand bénéfice de la vérité, on discuterait alors des chiffres et non des opinions personnelles à tel ou tel auteur. Mal- heureusement, ces documents précis font défaut. Le relief sous-marin, même dans les océans les mieux étudiés, présente encore de vastes lacunes que chaque océanographe remplit d'une façon arbi- traire. Les instruments qui récemment encore ser- vaient à mesurer la température sont d'une préci- sion discutable; les thermomètres Miller-Casella à maxima et à minima, les seuls connus à l’époque du mémorable voyage du Challenger, possèdent de nombreux inconvénients et offrent bien des causes d’inexactitude; ils ne sont plus aujourd'hui en usage, et M. Krümmel lui-même est d'avis que les indications thermométriques du Challenger sont trop hautes de plus de un demi-degré Fahrenheit. Or les températures du fond des diverses mers présentent de très faibles différences, et sur les thermomètres Negretti et Zambra, les plus per- fectionnés des instruments de mesure, de beau- coup supérieurs aux Miller-Casella, même en lais- sant de côté toutes les causes d’erreur dues aux effroyables pressions des profondeurs, à la dilata- tion de la colonne mercurielle coupée sous l'in- fluence des élévations subséquentes de tempéra- ture, les intervalles correspondant à 1° C. étant de 0,002 m. environ, il est impossible à un observateur, si habitué qu'il soit aux lectures, de garantir le dixième de degré, c’est-à-dire d'apprécier sûre- ment à l’œil une longueur de 1/5 de millimètre en plus ou en moins. S'il s’agit de degrés Fahrenheit, plus petits de moitié, la lecture du dixième de degré sera encore plus douteuse. En l’état actuel, on peut dire que les tempéra- tures les plus basses du fond ont été observées là où le fond est lui-même plus bas. Les grandes pro- fondeurs sont plutôt dans l'hémisphère Sud que daus l'hémisphère Nord. En se servant des cartes du magnifique atlas physique de Berghaus (n°° 19 et 21, Hydrographie n° IV et VI), on reconnait que les plus basses températures du fond se trouvent surtout dans l'Océan glacial arctique au nord de l'Islande, du Spitzherg, de la Sibérie, de l’'Amé- rique et dans la mer de Baffin. Ces régions où la profondeur de l'eau est remarquablement faible et le climat particulièrement rigoureux sont en ma- jeure partie, sinon en totalité, au-dessus de la sur- face de variation nulle, Les autres aires à température de fond minima sont situées le long des côtes du Pérou et du Chili, au large de l'embouchure de la Plata, dans l’Atlan- tique, et à l’est des Kouriles, précisément aux points correspondant dans l'hémisphère Nord aussi bien que dans l'hémisphère Sud aux profondeurs océaniques maxima. Elles sont à contour fermé et ne se relient point au pôle le plus proche. Il ne reste que les environs du pôle Sud où l’on ren- contre à la fois de grandes profondeurs et un cli- mat rigoureux. Quant à l'hypothèse de l’eau capable d'acquérir de la chaleur en marchant, et d'autant plus qu'elle marcherait plus longtemps du pôle sud vers ,2 pôle nord, dans le cas même où la basse tempé- rature de la fosse des Kouriles, placée aussi loin que possible du pôle sud, et pour ainsi dire presque complètement séparée de l'Océan arctique par le détroit de Behring, ne lui donnerait pas un démenti formel, il n’y a pas lieu de la discuter. 3° « On ne trouve point de températures froides « profondes polaires dans les bassins maritimes «limités par des seuils sous-marins. La tempé- « rature du fond y dépend de la hauteur du seuil «ou, ce qui revient au même, de la profondeur « maxima du canal de jonction avec le plein Océan. « On connaïitra cette température par la règle sui- « vante : si la température moyenne d'hiver au- « dessus du bassin fermé est plus basse que la « température de l'Océan voisin au niveau du « seuil, la portion du bassin fermé placée au-des- « sous de ce niveau sera remplie d'eau à cette « température d'hiver. Si, au contraire, la tempé- « rature d’hiverest plus élevée que celle de l'Océan « voisin au niveau du seuil, le bassin sera rempli «d’eau ayant la tempéralure de l'Océan à ce ni- «veau. Rien ne montre mieux que l’origine des «couches profondes à température basse de « l'Océan n’est pas locale, mais polaire. » La loi revient à dire : la température de l'Océan au niveau du seuil d’un bassin fermé étant, par exemple, de 3°, celle du bassin au-dessous du ni- veau du seuil sera de 2°, si la température d'hiver de l'air situé au-dessus est de 2° et de 3°, si cette tem- pérature aérienne est de 4°. L'origine polaire des eaux froides profondes n'est point discutée et le présent travail se propose, non pas d'expliquer cette origine, mais d'émettre des doutes sur l’exis- tence d'une circulation verticale profonde océa- nique. La loi établit simplement que les eaux du fond sont à la température la plus basse que les circonstances leur permettent de prendre, ce qui est évident. puisqu'elles auront alors, par unité de volume, le maximum de poids qu’elles puissent posséder. 4 « Dans les endroits où les couches super- « ficielles de la mer sont mises en mouvement par «de forts courants et où ont lieu les remous de J. THOULET. — LES EAUX ABYSSALES ces courants, les nappes à température plus « haute sont séparées par une couche intermédiaire « distinete de l'eau profonde située par-dessous. « Tandis que dans ces couches, la température a décroit régulièrement avec la profondeur, on « constate dans la couche intermédiaire un abais- «sement de température soudain, très rapide, « jusqu'à 4° ou ÿ°, provenant de la couche supé- «rieure de la masse de l’eau profonde, et qui «atteint même 3° à 2000 mètres de profondeur «environ. Ce phénomène particulie- «rement dans l'Atlantique septentrional ; il montre « que la masse des eaux profondes n'est point tou- «chée par les mouvements des couches super- « ficielles, qu'aucun courant de vitesse sensible «n'y pénètre, et que le cycle entier de la circu- «lation océanique doil s’accomplir dans les « couches supérieures. » Les phénomènes décrits, loin d'appuyer la {héorie de la circulation verticale profonde, sont donc en complète contradiction avec elle. 5° M. Krümmel reconnait que dans les régions polaires, l'observation prouve que la densité de l’eau de mer augmente partout avec la profondeur, de sorte que, malgré l'alternance des couches de diverses températures, la succession de celles-ci a cependant lieu régulièrement selon les lois de la pesanteur. Ces lois obligent précisément à douter d’une circulation verticale qui déplacerait des eaux pro- fondes, lourdes et froides par des eaux super- ficielles, légères et chaudes. Si l’on admet que des eaux superficielles se refroidissent et s'alour- dissent en se rendant de l'équateur aux pôles, comment croire que des eaux profondes, froides et lourdes à l'équateur, se décident à s'élever verti- calement à travers plusieurs milliers de mètres de couches plus légères. Toul en croyant à la circulation verticale !, M. Krümmel lui suppose une vitesse tellement faible, qu’à l'exception de quelques rares endroits, elle ne peut être directement mesurée. Il se borne ensuite à énoncer que les couches superficielles s'observe de l'Océan sont mises en mouvement par deux puissantes forces, le vent et l’évaporation agissant dans le même sens que la circulation verticale et l’entretenant. Or, personne ne songe à nier la cir- culation superficielle; mais, comme jusqu'à pré- sent rien ne semble prouver l'existence d'une circulation verticale profonde, que ceux qui l'ad- mettent font d’ailleurs presque nulle, on est en droit de la considérer comme absolument nulle et de conclure que la circulation superficielle forme, à elle seule, son cycle et se suffit à elle-même. ! Krümmel, loc, eit., II, 294. IT M. Dittmar a cru trouver une preuve d'un mou- vement des eaux se faisant sentir jusqu'au fond des abimes dans la proportion relative des gaz que contiennent des échantillons d'eaux récoltés à diverses profondeurs. « Tandis que la proportion d'azote contenue «dans l’eau de mer reste constante avec la « profondeur, dit M. Dittmar ‘, la proportion « d'oxygène devient de plus en plus faible malgré « les phénomènes d'oxydation qui s'effectuent dans «les profondeurs et sans compensation. Il en « résulte que, s'il yavail quelque part dans l'Océan. «stagnation absolue, la proportion d'oxygène dis- «sous pourrait finir par être réduite à zéro. Parmi «les nombreux échantillons d’eaux profondes ana- «lysées au point de vue des gaz, aucun ne s'est «trouvé complètement privé d'oxygène absorbé, «ce qui confirme notre conviclion que la stag- « nation absolue n'existe nulle part dans l'Océan, «pas même dans ses abimes les plus profonds. » La conclusion de l'éminent chimiste ne parait point justifiée; rien n'est à oxyder dans les grands fonds océaniques, au moins de manière à exercer une influence assez puissante pour priver tota- lement d'oxygène l’eau ambiante. La meilleure preuve est la couleur des argiles rouges caracté- ristiques de ces fonds et dans lesquelles le fer, l'élément oxydable de beaucoup le plus important, est à son maximum d’oxydation. Les sédiments marins partent des rivages, s’acheminent vers les abimes; en passant par les faibles profondeurs sans cesse agitées, ils s'oxydent de plus en plus, des vases vertes aux vases bleues, aux argiles grises etenfin aux argiles rouges incapables d’absorber la moindre quantité d'oxygène, car elles en sont saturées. Or, puisque rien n’absorbe l'oxygène des eaux profondes, il serait très étonnant de ne leur en point trouver. L'uniformité de composition de l’eau de mer dont on a voulu faire aussi un argument en faveur d'une circulation générale brassant la masse entière de l'Océan, dans les abimes comme à la surface, n'existe pas. M. Dittmar ? le reconnait et M. L. Schmelck du Vüringen a démontré que ni la chaux, ni la magnésie, ni l'acide sulfurique, ni le chlore ne sont en quantités rigoureusement constantes *, Les différences sont faibles, ce qui s'explique par le volume d’eau en mouvement, 1 Professeur William Dittmar. F. R. S. Report on researches in to the composition of ocean water collected by H. M. S. Chal- lenger during the years 1813-1816. Report on the scientific results. Physics and Chemistry, vol. I, p. 225. 2? Dittmar, loc. cit. p. 199. 3 L. Schmelck. Chemistry; on the solid matter in sea water. The Norweg. North-Atl. Exped. t. IX. = J. THOULET. — LES EAUX ABYSSALES 503 même dans les couches superficielles; les analyses présentent d'extrèmes difficultés pratiques, et nous savons que sous les effroyables pressions de sept ou huit mille mètres d’eau, les instruments desti- nés à récolter les échantillons ne permettent guère de garantir l’absolue pureté de ceux-ci. M. Weith, de Zurich !, a observé que, bien que la proportion de carbonate de chaux contenue dans les rivières suisses fût très variable en différents endroits et à diverses époques, la composition des lacs qui tota- lisent les eaux des rivières n’a pas subi, en vingt ans, de variation sensible aux procédés d'analyse les plus délicats. Or il est évident que ces variations ont lieu, maiselles sont en deçà de la sensibilité des procédés actuels d'investigation. Ce qui est vrai d'un lac l’est davantage encore des couches, même superficielles, de l'Océan. La solubilité dans l’eau de mer des corps qui prennent naissance dans les abimes s'oppose à ce que ces abimes soient occupés par une eau en mouvement. Les cristaux de christianite ou philip- psite et les nodules manganésiens des argiles rouges du Pacifique, au lieu de se former, se dis- soudraient el disparaitraient dans une eau renou- velée, quelque faible que fût d’ailleurs son cou- rant. Les corps ne peuvent se créer qu’au sein d’un liquide saturé des éléments qui y prennent l’état solide. D'après les expériences de Pfaff ? qui a étudié l’extrème lenteur de la diffusion, l'é- paisseur de ces eaux saturées en contact immédiat avec le sol sous-marin est peut-être assez faible. Cette saturation augmenterait encore la densité et pe serait nullement en contradiction avec la loi physique de la stratificalion des liquides par ordre de densités croissantes de la surface au fond. \ III L'hypothèse d’un mouvement horizontal des eaux par une sorte de reptation tout le long du lit de l'Océan a contre elle une raison mécanique. Le lit océanique ne s’abaisse point régulièrement des pôles à l'équateur; il est accidenté et comprend des dépressions profondes, diversement orientées et isolées, qui sont la contre-partie de certaines vallées montagneuses continentales où l’air même, fluide éminemment plus subtil que l’eau, est comme soustrait à la circulation par la ceinture des hau- teurs environnantes, et demeure presque stagnant. Les pentes. pour être plus adoucies sous les eaux que sur les continents, n’en existent pas moins et il n'est pas admissible qu'un courant d’eau soil capable de les remonter. Le Gulf-Stream n’est 1 W. Weith, Chemische Untersuchungen Schweizerischer Gewüs- ser mit Rücksicht auf deren Fauna. 2 F. Pfaff, Allgemeine Geologie als exacte Wissenschaft, p. 306. point un exemple à citer. Ce courant devient, il est vrai, plus mince à mesure qu'il se rapproche des bancs de Terre-Neuve, mais il coule sur un lit liquide et non sur un lit solide ; il n’a pas au-des- sus de lui une masse d’eau haute de plusieurs mil- liers de mètres et en outre il ne remonte pas une pente, il diminue d'épaisseur par le bas. Cette diminution s'explique par la température élevée de ses eaux qui, s’élargissant en surface, pénètrent dans une masse liquide plus froide qui les refroidit de plus en plus et en quelque sorte les use progres- sivement en profondeur. Il en est ainsi jusqu'au moment où, sur les banes de Terre-Neuve, le Gulf- Stream, coupé par le fleuve de Cabot et par le cou rant du Labrador, se transforme en un simple courant de dérive, tout en surface ‘. Alors qu'on admet la stagnation des eaux au fond des golfes, des fjords ou des mers en bassins comme la Médi- terranée, séparés de l'Océan par un seuil, pourquoi considérerait-on le même phénomène d'équilibre stable permanent comme impossible pour l'Océan lui-même. Si un courant entrainait les eaux sur le fond même de l'Océan, il emporterait les vases infini- ment légères qui le täpissent. Le lit des mers serait donc recouvert symétriquement, de chaque côté de l'équateur en remontant vers les pôles, de sédi- ments de plus en plus grossiers. Les globigérines pourraient peut-être résister jusqu'au moment où, par dissolution, elles auraient été réduites à l'état de boue, mais alors elles seraient emportées et jamais, sauf près de l'équateur, on ne les trouve- rait mélangées à des particules fines. Les vases et les argiles seraient charriées. Il est probable en outre que les échantillons d’eau puisés au voisi- nage du fond seraient souillés de sédiments en suspension, ce qui n’a jamais été constaté. On a cherché encore à appuyer la théorie de la circulation verticale par des expériences synthé- tiques J. Francon Williams décrit l'expérience suivante ?. Dans un bassin parallélipipédique à parois de verre et rempli d’eau, on place à une extrémité un bloc de glace et à l’autre extrémité une lame métallique en contact avec l’eau et chauffée par une lampe. On ajoute un peu de liquide colorant bleu au voisinage de la glace et de liquide rouge près du métal chaud. On remarque aussitôt la production d’un courant se dirigeant du métal vers la glace en surface, descendant ensuite verticale- ment, puis suivant le fond du bassin en sensinverse de la direction de surface, enfin remontant per- 1 J. Thoulet, Considérations sur la structure et la genèse des bancs de Terre-Neuve, Bulletin de la Société de géographie de Paris, X, 203, 1889. 2 J. Francon Williams. The Geography of the oceans, p.94. 504 J. THOULET. — LES EAUX ABYSSALES pendiculairement au-dessous du métal chaud de manière à fermer le cycle. Cette expérience est sans doute une de celles ! dont parle le D'Carpenter en lattribuant au Profes- seur Buff ? et que critique d’ailleurs Wyville Thom- son ?. J'ai essayé de la répéter. Dans un aquarium à parois de verre mesurant 50 centimètres de lon- gueur, 30 centimètres de largeur et 25 centimètres de profondeur, en partie rempli d'eau, j'ai placé à une extrémité une plaque rectangulaire de cuivre épaisse de 4 millimètres, large de 7 centimètres et longue de 25 centimètres, portant rivées trois bandes du même métal, de même épaisseur, larges de 4 centimètres, deux fois coudées à angle droit et dont l'extrémité était, pour chacune d’elles, chauffée avecun brüleur Bunsen. A l’autre bout du bassin, une cuve en zinc contenait des morceaux de glace. Le cuivre était chauffé jusqu'au rouge. Je projetais alors sur la lame chaude et en divers points de l'aquarium des cristaux de permanganate de potasse qui en se dissolvant donnaient lieu à des sortes de nuages fortement colorés et destinés à indiquer par leurs ondulations les plus faibles mouvements de l’eau. Avec l’eau douce, je n’ai obtenu aucun résultat. Avec de l’eau fortement salée, j'ai porté la plaque immergée à une profondeur de 1 centimètre à une température assez élevée pour que des vapeurs se dégagent dans l'air. Au bout d’un certain temps, la surface de l’eau était à 22° tandis que le fond, à 10 centimètres au-dessous, était à 12° seulement, à cause du contact de la cuve glacée. Malgré cette différence de température considérable, surtout en ayant égard à la courte distance, l’eau chaude s’étendait en nappe sur le fond et c’est à peine si l’on constatait, pour les nuages rouges de perman- ganate, de très faibles traces d'inelinaison dans le sens indiqué par la théorie pour le courant profond. Afin de me convaincre davantage, j'ai préparé un bassin en bois doublé extérieurement en zinc et mesurant À mètre de longueur, 65 centimètres de largeur et 40 centimètres de profondeur. Je l’ai en partie rempli d'eau. À la surface de celle-ci, j'ai enfoncé et maintenu une cuve en cuivre longue de 50 centimètres, large de 10 centimètres, présentant deux portions horizontales plates au-dessous des- quelles deux rampes à gaz portaient chacune 23 becs: A l’autre extrémité du bassin était suspendue une cuve parallélipipédique en zinc de 50 centi- 1 The Gulf-Stream, a letter from Dr Carpenter to the édi- tor of « Nature » August 11, 1870. Nature, vol. IT, p. 334. 2 Familiar Letters on the Physics of the Earth, treating of the chief movements of the land, the water and the air and the forces that give rise to them, by Henry Buff, Professor of Physics in the University of Giessen. 3 Wyville Thomson, les Abèmes de la mer. Traduction Lor- 2 et, p. 311. mètres sur 7 centimètres de large et 12 centi- mètres de profondeur, pleine de morceaux de glace, Pas plus que la première fois, il ne se produit de courant; la main approchée de la cuve n’éprouve aucune sensation de chaleur. Cependant, au-dessus de la partie chauffée de la cuve, l’eau en couche épaisse de 1 millimètre à peine dégageait encore des vapeurs; le thermomètre accusait un épaissis- sement très lent de la couche chaude par en haut et de la couche froide par en bas, mais aucune trace sensible de courant. On pourrait objecter que toutes proportions gar- dées, les 46 becs de gaz échauffant ma cuve produi- saient un effel très inférieur à celui de la chaleur solaire sur les mers tropicales. Il m'était difficile de prendre des moyens de chauffage plus violents; il me semble encore plus difficile, en présence du résultat si absolument négatif de mes expériences, d'admettre que l’action du soleil sur la mer se pro- page soit directement, soit indirectement par éva- poration et augmentation de densité au delà d’une profondeur relativement faible, Cet échauffement qui produit peut-être des mouvements dans le sens vertical ayant une influence sur les courants de surface est incapable de donner naissance à un courant aussi puissant que le suppose une circula- tion unique, continue et continuelle descendant jusqu'aux abimes les plus profonds pour en remonter ensuite. IV La théorie de la circulation verticale profonde s'appuie enfin sur les cartes de densités océaniques, publiées pour la première fois dans les Reports du Challenger ‘, qui ont été recopiées par divers auteurs et qu'on retrouve notamment dans l’atlas de Géographie physique de Berghaus ?. Nous prendrons comme exemple celle qui représente une coupe de l'Atlantique depuis 32°" lat. N., jusqu'à 2754 lat. S. et qui porte le n° IIT dans le Rapport de M. J.-Y. Buchanan. Elle montre l'Océan occupé par des eaux de densité 1.0260 — 1.0265, surmon- tées d’eau à la densité 1.0265 —1.0270. Une immense nappe de densité 1.0260—1.0265 remplit la plus grande partie du fond, se recourbe et revient vers la surface pour envelopper un amas, épais de 3,000 mètres, d’eau à 1.0255—1.0260 au sein duquel demeurent suspendus des noyaux isolés d'eaux plus lourdes (1.0260—1.0265), tandis que près de la surface sont des eaux dont la den- 1 Report on the specific granity of samples of ocean water obser- ved on board H. M S. Challenger during the years 1813-76 by J.-Y. Buchanan Esq. M. A.; F, R. S. E. Chemist and phy- sicist of the Expedition. Report on the scientific results of the voyage of H. M. S. Challenger, Physics and Chemistry, vol I. 2 Carte n° 19; Hydrographie n° IV. J. THOULET. — LES EAUX ABYSSALES 505 sité atteint 1.0270 et même 1.0275. On à ainsi l’image d'un vase où des nappes de mercure enve- loppent et surnagent de l’eau contenant dans son sein des masses d'huile et de mercure flottant iso- lément. Il est inadmissible qu'un pareil dessin représente la réalité et jamais, pas plus dans un vase que dans l'Océan, un liquide lourd ne flottera au-dessus d’un liquide léger. L'erreur provient de deux causes. 73 générale de la nature le rôle qu'on souhaite de découvrir. Il faudra done : 1° Evaluer la densité de l’eau à la température qu'elle possédait au moment et à l'endroit même où on l’a récoltée. 2 Faire subir à celle densité la correction de compressibilité qui est fonction de la profondeur à laquelle se trouvait léchantillon. On pourra alors, en plaçant chaque valeur ainsi obtenue sur le dessin à la place correspondant à 7 je — Gel * | | d \ | 18 rater Re r HR te A 1 | PPTRN | | À 07 071 / >,$| C2}, -} SEL + j AE à |! "| Fa A F00021 NRC 5 & h, 5 S |, & s (a ns 5 Sa : à À à ce 4 ç à Ê È CA s à N S & ls S S à! & à 8 | LS Fa 4e $ S S rs & a SEE à w NE È S E è : > {le = 3 a È Ào0 Ë > > F2 F > Ty > Fa > >" > - 8 Sr FE è » +» À ï à & IS $ [à S RS Nr à TI CES TR n 5 8 È Ê. SES FE à US SPAS NO à à ÿ à à Det FR NE SN ER DRE 2 RE Atlantique Word Atlantique Ju d Fig. 1. — Section de l'Atlantique. Densités non corrigées de la pression et à la température de 15956 C. 1° Toutes les densités prises à bord du Challenger ont été ramenées à une température normale uni- forme (15°56 C.). 2° On n'a pas fait subir aux densités mesu- rées sur le navire, c'est-à-dire à la pression d’une seule atmosphère, la correction de compressi- bilité. Dans ces conditions, on a pour ainsi dire alléré volontairement la réalité et on l’a remplacée par un contre-sens physique. Ce n’est pas une bonne mé- thode pour étudier des variations, que de com- mencer par les faire disparaitre au moyen d'une uniformisation artificielle. Il en est tout autrement, si l’on se contente de figurer sur le schéma simple- ment ce qui est, la véritable densité de l’eau, c'est- à-dire le poids de un litre de cette eau à la place où on l’a puisée et où elle jouait dans l’économie REVUE GÉNÉRALE, 1890, celle occupée par l'échantillon au milieu de FO- céan, avoir la représentalion exacte de la vérité. Les tables publiées dans le rapport de M. J.-Y. Buchanan donnent les densités à la température in situ. Si on applique à celles-ci la correction de compressibilité d'après la formule approchée el simplifiée de Mohn : S,—S (1-+.0,0000046614 x) dans laquelle $x est la valeur prise à ? mètres de profondeur par une eau de mer de densité $ me- surée à la surface, on oblient des résultats parfai- tement rationnels. J'ai exécuté ce (travail pour les 125 densités de la carte de l'Atlantique qui ont élé ensuite repor- tées sur le plan. 16* 506 J. THOULET. — LES EAUX ABYSSALES Loin de présenter, même à l’équateur où les sondages sont pourtant relativement assez rap- prochés, la moindre trace de courant horizontal ou vertical, les couches sont maintenant régulière- ment disposées depuis le fond jusqu'au jour par ordre de densités décroissantes; leurs plans de sé- paration sont horizontaux conformément aux prin- cipes de la physique et ils ne s’ondulent légère- ment qu'au voisinage de la surface, conséquence très naturelle des différents climats qui se succè- baissent régulièrement du sud au nord à partir de 21 degrés latitude S.environ. On observe en outre, une anomalie remarquable au sondage thermomé- trique exécuté le 31 mai 1876 par 35°57 longitude W. et 26°21" latitude $S. qui au fond, à la profon- deur de 5.422 mètres, a donné une température de 3°,1, alors que le sondage le-plus voisin, du 24 juil- let, à la profondeur moindre de 2.400 mètres indi- quait 2,5. En admettant que ces mesures soient exactes où du moins entachées d’une erreur cons- 2551 203 272 265 298 = 00011. | = 1.034 ent rte ie me En à | | F7ERPE 345 | (l ne _ JE LE nl? a) DL ro Ps + — ——— 1.080 | Fe F HE = T : si F T | 000 il 14 — + Î | | 200011 | 2.058 |- = 2 = | 1.0j0 É Ju = | | D | (FRE NE ne | ||4oé 405 1.032 + = = | < = = —+ = Î 2 —+ — 110 1 | \ z 044 | 455 \ Le 745 = sat EE 1 / 000 F' — | 2 TOI SE AT F000 S S = 5 s S S D S | & = ù ù ë S Ro À à RARE, LE Sn & S TM Ÿ bS ES DES ù 1e & £ ù Z N À S s ci ï L] EC ë S| [500047 57 m > > > >» =” > > < d < 1 & D ï 5 SUR is Ü D À F & ÿ 1 : S Se S # = 15 ï i ë Ê à, Ï S ù Seul E à = : See : S ; : à NEC ER ES Ê re S ï È à DRE RS | FO à S . & à RS & SPAS RES È S è Atlantique Word < Atlartique Sud $ Fig. 2, — Section de l'Atlantique. Densités corrigées de la pression et à la température in situ. dent de l'équateur vers les pôles. Ces ondulations ne se font guère sentir au-dessous d'un millier de mètres. On trouve par conséquent à cette profon- deur, sinon plus haut, la limite des variations an- nuelles de température où elle constitue une sur- face analogue à celle de température constante sous les continents. Au-dessous de cette surface règne le calme, au-dessus s'accomplit le cycle de la circulation océanique. La détermination d'une telle limite ne pourra être faite que par une suite de sondages exécutés aux mêmes points,à diverses époques de l'année, et elle sera d’une importance très grande, car on circonscrira ainsi les deux ré- gions océaniques, celle du mouvement et celle du repos. Si, sur la même section de l'Atlantique, on trace les isothermes, il semble que celles-ci s’a- Lante el par conséquent comparables, on serait amené à conclure,ainsi qu'on le voit sur le schéma, que l’isotherme de 3 degrés s’arrète entre 21 de- grés el 26 degrés latitude N. de telle sorte qu’au delà et à une profondeur plus grande, la tempéra- ture est plus élevée. Le fait n'est établi que par un petit nombre d'observations; il est peut-être attri- buable à une erreur inférieure d'ailleurs à un demi- degré dans une lecture, ou à un accident arrivé au thermomètre. Cependant, il est étrange qu'il soit d'accord avec la densité au même point. S'il était vérifié, on devrait croire non pas à la circulation profonde contredite par les courbes d’égale densité, parfaitement correctes au point considéré, mais à une varialion dans la composilion chimique de l'eau des abimes en des endroits différents. La question est importante. EE PAIE J. THOULET. — LES EAUX ABYSSALES 907 Nous n'avons pas discuté l’origine des eaux froi- des des abimes de l'Océan; leur température est peut-être la conséquence d’un état d'équilibre re- montant dansle passé jusqu'aux périodes géologi- ques antérieures. Qui saurait apprécier le rôle que l'époque glaciaire par exemple, relativement si voi- sine, peut avoir joué dans l’économie thermique actuelle des mers? L'eau du fond ne serait-elle pas une eau fossile comparable à la glace fossile qu'on retrouve intercalée entre des couches de roche près d'une nappe au sein de laquelle ont lieu tousles phé- nomènes de la circulation océanique. La couche infé- rieure est la région du repos, l’autre la région du mouvement. L'épaisseur exacte de cette dernière, variable en divers lieux, est inconnue quoique relativement faible : elle ne sera déterminée que par l'observation directe, qui fixera la profondeur de la zone subissant les alternatives climatériques du froid et du chaud, et qui est limitée par la sur face de température constante, Là s’accomplissent, ÿ SON MO s Il k È ÿ s (SR F y à KR a S Q S a LS SUN S ls À F2 ia > >> [> > & 0] il h ((l ï U [ FS BR & [à & S Ÿ/30 ss à NW |S 6 à à Eee ass & [SIS IS LS ÿ à Ë à ÊÈ Sas à & & 8 à Ê & & & Ss Atlantique Ÿ Word Atlantique S'u d Fig. 3, — Section de l'Atlantique, Températures, du détroit de Behring !? De telles discussions ne reposent sur rien de précis el n’ont par conséquent aucun intérêt. La distribution actuelle des eaux est conforme aux lois de l'équilibre; la science n’a rien à voir en deçà, Nous avons essayé de montrer que rien n'autorise encore à croire à l'existence d’une circulation ver- ticale profonde, caractérisée par un mouvement général des eaux de l’équateur aux pôles à la sur- face, en sens inverse sur le fond du lit de l'océan et remontant verlicalement sous l'équateur afin de fermer le cycle. De sérieux motifs, au contraire, nous engagent à penser que l'Océan est occupé par une couche d’eaurelativementstagnante, surmontée 1 De Lapparent, Traité de géologie, p. 296,F. Savy, Paris. et effectuent leur cycle entier,tous les phénomènes ayant pour résultante les courants marins, le pro- blème le plus compliqué de l'océanographie. On ne saurait trop insister sur la nécessité d'exécuter des mesures très nombreuses, très précises surtout, avec des instruments soigneu- sement étalonnés et de les résumer sur des cartes qui parlent aux ÿeux, seules capables de résoudre les phénomènes naturels, en apparence les plus compliqués, en laissant apparaître leur succession, leur variation à travers l’espace et le temps, et leurs anomalies. Même inexactes, elles ne cessent pas d'être utiles, car elles permettent aisément de reconnaitre et de corriger l’erreur qui les entache. Je crois avoir fourni la preuve que, telles qu’elles sont, les cartes de M. J.-Y. Buchanan ne sont point la représentation de la vérité, je les modifie 508 G. FRIBOURG. — LES PILES CHLOROCHROMIQUES DU COMMANDANT RENARD d'une facon qui me semble juste, mais leur prin- | de leur auteur; tout peut s'expliquer par le raison- cipe, basé sur des mesures précises, demeure si | nement pur et la valeur de l'explication ne dépend peu attaqué et est si peu attaquable, qu'elles cons- | guère que de l'habileté de celui qui la donne. Au tituent toujours le document fondamental sur | fond, elle est nulle ou inutile, car la Science n'est lequel s'appuie le problème de la circulation pro- | plus une dissertation comme au temps d’Aristote, fonde océanique. Une carte schématique à la | ou au Moyen Age; elle est l'exposé d’une collection puissance irrésistible des faits dont elle est la | de faits, l'énoncé de la loi mathématique qui les représentation. Or, on ne discute pas des faits, on | gouverne et le droit pour l’homme de les prévoir, se borne à chercher le lien qui les réunit entre | de les prédire et d'en tirer parti. eux de manière à faire des uns la conséquence fatale des autres. Les théories ont rarement une J. Thoulet durée qui dépasse celle de la vie et de l'influence | Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy. LES PILES CHLOROCHROMIQUES DU COMMANDANT RENARD ‘Les piles du Commandant Renard sont des piles Liquides atténuës. — Mais pour beaucoup d’appli- de grande intensité, pouvant s'appliquer soit à la | calions le liquide normal serait trop énergique. production directe de la lumière, soit à celle de la | On arrive aisément à latténuer en y remplaçant force motrice. une partie de l’acide chlorhydrique par une quantité Sous ce rapport, elles ne sauraient étre compa- | chimiquement équivalente d’acide sulfurique. rées qu'aux piles de Bunsen, aux piles au bichro- Les liquides ainsi obtenus ont moins d’activilé mate de polasse el aux accumulateurs. que le liquide normal, et ils en ont d'autant moins Les accumulateurs ne peuvent être employés que | qu'ils contiennent plus d'acide sulfurique. la où l’on dispose d’une source électrique exté- On les désigne sous le nom de liquides atténués. rieure. Mais, lorsque cette source manque, l'emploi Un liquide est dit atténué à 20 °/, par exemple, des piles primaires devient indispensable. quand il renferme les acides sulfurique el chlorhy- La pile de Bunsen à deux liquides, très encom- | drique dans les proportions de : | brante, d'un usage fort incommode, dégage en ou 20 équivalents d'acide sulfurique tre, comme on le sait, des vapeurs d'acide hypo- | 80 équivalents d'acide chlorhydrique. , azotique qui en rendent l'emploi impossible dans | 20 est le degré d'atténuation. les maisons. Quel que soit le degré d'atténuation, un volume Les piles au bichromale à deux liquides ou à un | donné de liquide renferme toujours la même quan- seul liquide sont restées fort imparfaites comme | lité tolale d'énergie. Les liquides atténués donne- mode d’agencement. Leur capacité électrique est | ront done un.courant plus faible mais plus pro- faible, et leur décharge irrégulière en raison des | longé. phénomènes de polarisation qui y sont très in- Ce qu'ils font perdre en intensité, ils le font tenses. Après la décharge le liquide de ces piles ! exactement regagner en durée. cristallise, ce qui en rend le nettoyage difficite. Grâce à l'emploi de liquides diversement atlé- La pile Renard est très supérieure aux précé- | nués, une même pile peut ètre employée aux dentes et cette supériorité tient à deux causes : ‘usages les plus divers, grande intensité et faible 1° La composition du liquide qui sert à la char- | durée, ou faible intensité et longue durée. ger. Influence de Ta température. — La température à 2 Le mode d'agencement des éléments. une grande influence sur le débit de la pile, de telle sorte qu'un liquide qui convient pour l'été 1. COMPOSITION ET PROPRIÉTÉS DES LIQUIDES EMPLOYÉS | pourrait être trop faible en hiver et réciproque- AU CHARGEMENT DES PILES RENARD. menL. Pour chaque genre d'application, il y a done lieu de déterminer le degré d'atténuation du liquide pour l'été el pour l'hiver. Liquide normal. — Le liquide normal des piles Renard, est un mélange uniquement composé d'eau, d'acide chlorhydrique, eLd’acide chromique. - : Ce liquide est cinq ou six fois plus actif que le Dosage des liquides. — Méthodes des volumes égaux. liquide des piles au bichromate et peut donner La manière la plus rapide d'obtenir les liquides jusqu'à 40 et 50 walls par décimètre carré de zine, | des piles Renard, consiste à préparer à l'avance sn tt ti un aulen. G. FRIBOURG. — LES PILES CHLOROCHROMIQUES DU COMMANDANT RENARD 509 dans des flacons de un litre, trois liquides élémen- mentaires À, B, By. A (liquide rouge)........:..... { Acide chromique 0k530 } Densité 1.300 — degré Baumé 33° | Eau. 0.770 À — Ilitre Bs(liquide incolore... Acide sulfurique... 0k450 desré Baumé 293 (ordinaire à 66°) = litre 5 AT END Un: Fe. 0800 : Acide chlorhydrique S75em3 23 Dr) ee Baumé {593 (ordinaire à 20°) | =1litre CERTA ETS OPA ANTT LE 125cmi| Le liquide pour pile s’obtiendra toujours en ajou- tant un litre de liquide A à un litre de liquide B, ce dernier liquide étant un mélange en proportions variables de B, et de B, suivant le degré d’atlé- nualion qu'on veut obtenir. Si l'on veut atténuer à 20 °/, par exemple, un litre de liquide B renfermera 200 ° B, et 800 °° de By Ce liquide B sera alors désigné par le sym- bole B,, et le liquide pour pile renfermant un litre de À el un litre de B bole AB,,. D'après cela B,.ne renferme pas d'acide sulfu- rique, AB, est le liquide normal non atténué, de méme B,,, ne renferme pas d'acide chlorhydrique, sera désigné par le svm- Le] A 20 | mum en décharge intermittente avec longs repos. Ces chiffres sont élablis dans l'hypothèse où la décharge se fait pour cha- que élément au potentiel “à normal de 1 #. 25 mesuré aux bornes. C'est dans ces conditions qu'on obtient le meilleur rendement mais on peut aller de 1.10 à 1.40 sans qu'il soit sensi- blement altéré. Le tableau suivant donne la composilion el l'usage des liquides à divers degrés TI d'atténuation. Débit quintuplé ou sextu- plé. — L'énergie du liquide | normal est considérable. Si ( : l'on charge deux éléments Il EN _identiques, l'un avee Je li- quide ordinaire au bichro- mate, Fautre avecle liquide chlorochromique normal, l'énergie par seconde est 5 à 6 fois plus grande dans Et NN Fig. 4, PILES RENARD. — Composition et propriétés des liquides de ces piles VOLUME DÉBIT APPROXIMATIF minutes le courant se relève et redevient bien constant. Le liquide AB,, donne lieu à des courants dont l'intensité varie sans cesse sans pouvoir se fixer. On n'en fait jamais usage. A LA À EMPLOYER EN WATTS PAR Le s : TEMPÉRATURE POUR DEUX LITRES | DÉCIM. CAR. DE ZINC, AUX ART. 2 a de E T > MAC PÉNÉ DE LIQUIDE TEMPÉRATURES CI-DESSOUS F STABILITÉ ET PROPRIÈTES GENERALES : Desré 2 : ° a 4 Bel + 5° +15 + 25° Densité! né ——————. me me ns | ES | ss oo litre | litre | litre . - = % Peu stable, dégage au bout de 24 h. une assez forte odeur de chlore. AB 0 10 CAN Sr ICE UC ANNERERR : : AB, 1.000! 0.000! 1.000 30 : 0 Ù { Ne doit être pré ré que peu de temps avant de s'en servir. AB 1.000| 0.100! 0.900 26 35 j 1.23 >> À Encore peu stable, peut être préparé 4 ou 5 jours à l'avance surtout AB, | 1. Re 2 3: A .93 27 en hiver. AB, | 1.000| 0.200! 0.800 22 10 37 1.24 28 | Déjà plus stable, peut être placé dans la pile 7 à S jours à l'avance. AB 1.000! 0.300! 0.700 19 >; 31 1.24 »s 4 Stabilité passable excepté dans les grandes chaleurs. Dans les piles perle sa ke 2 : + À 7 Ÿ pneumatiques on peut le charger 15 jours à l'avance. AB,, | 1.000! 0.400! 0.600 15 20 25 1525 2% | Encore plus stable. \B 1.000! 0.300! 0.500 12 16 " 1.93 9 Ÿ À peu près inaltérable sauf par les grandes chaleurs. : AC =) PU dE A ss = x 7. À Peut servir à charger les piles un mois à l'avance etmême davantage, AB,, | 1.000| 0.600! 0.400 1ù 14 17 1.26 30 * | Stable mème en été. AB, | 1.000! 0.700! 0.300 M] 12 15 1.26 30 Stable même en été. ; AB 1.000! 0.800! 0,200 = jù 12 1:27 al { Très stable, ne s'altère plus mème après plusieurs mois. Dégagé RTS 4 ‘= É à 4 * À cependant à la longue une légère odeur de chlore. AB,, | 1.000| 0.900! 0.100 n 8 j0 1.97 31 | Stabilité à peu près absolue, AB 1.000! 1.000! 0.000 , $ F 1:98 3 À Inaltérable, mais à peu près impossible à employer à cause des phéno- 23 URSS à À S 5 : + ÿ { mènes de polarisation qui y prenuent une très grande importance. N. B. — Au point de vue des phénomènes de polarisation le liquide AB, est le seul qui en soit à peu près dépourvu. Les liquides AB, AB,, et AB,, en présentent quelques symptômes. R De AB,, à ABsy Fa faiblissement initial du courant est plus marqué. Mais les liquides donnent ensuite un courant bien régulier. Les liquides AB. AB,, et AB,, donnent lien à des phénomènes de polarisation d'abord très marqués mais au bout de quelques ———_—…—…—…—….….….….…—. …———————————————————————…——…—…—…—…——————…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—…—_—…———_——_——_————…—…——…—…—…—…—…—…—…—…— el AB,, serait un liquide assez semblable aux } liquides au bichromale. Il n’est d'ailleurs jamais employé dans les piles Renard. Quel que soit leur degré d'atténualion, ces liquides ont la mème capacité par litre. Cette capacité s'élève à 55 watt-heure utilisables en décharge continue, et à 40 watt-heure au mini- le second que dans le premier élément. Aussi les effets obtenus sont-ils extraordinaires. On a pu construire une pile ne pesant que à kilogrammes et alimentant une lampe à arc de 300 bougies. On a construit des piles pesant 25 k. 00 et développant un cheval électrique. Cette augmentation si consi- dérable de l'énergie par seconde est accompagnée d L 310 G. FRIBOURG. — LES PILES CHLOROCHROMIQUES DU COMMANDANT RENARD | d’une augmentation notable de l'énergie totale. On remarque sur la figure 2 que le vase A est A poids égal, le liquide Renard dégage une fois | percé d'un trou O. Ce trou met en communication et demie plus d'énergie en tout que le liquide au | le vase A avec le collecteur ou récipient général bichromate. qui reçoit la charge du liquide (fig. 3). Amalgamation. — Avec le liquide Renard, l'amal- Cette charge est versée dans le collecteur par gamation des zines est inutile ; le liquide ne dissol- | un orifice supérieur A (fig. 3), quand la charge vant pas plus rapidement le zine ordinaire que le | est complète le liquide ne monte qu'en HH (fig. 2 zinc amalgamé. On évite ainsi une opération | et 3) et ne baigne pas les éléments proprement ennuyeuse et une dépense notable. dits (zinc et platine) qui restent inactifs aussi Le liquide Renard ne forme jamais de cristaux | longtemps qu'on le désire. et le nettoyage de la pile est instantané; lors Pour mettre la pile en activité, il suffit, après même qu'elle a été laissée longtemps en repos | avoir bouché l'orifice, d'insufller de l'air dans le après épuisement du courant. collecteur au moyen de la poire en caoutchoue P he VAS (fig. 3), le liquide monte alors simultanément 1 DO CACENSEMENNUr EERERSS dans tous les éléments jusqu'en H'H' et il ne reste i On a hésité jusqu'à présent à se servir des piles | à cause des difficultés de montage, de démontage, R de chargement et d’entre- tien de ces engins. : Nettoyage des élé- ments, nettoyage et amal- gamation des zines, net- toyage des vases, enlève- ment des cristaux, rem- | plissage des éléments | (exigeant des dosages et des manipulations d'acide pénibles et dangereux), etc., telles sont les opé- rations auxquelles on est condamné et qui sont de nature à faire rejeter l'em- ploi des piles pour les usages domestiques. Avec les piles Renard tous ces inconvénients disparaissent. Ses élé- ments invisibles, dissi- mulés dans une enveloppe commune, constituent un ensemble compact. Tou- tes les communications des éléments entre eux sont établies en perma- nence sur la plaque d'é- bonite E dite plaque de jonction. On n’a jamais à faire aucun décapage. Les vases de verre À sont tous scellés dans une même plaque de cuivre F par l'intermédiaire des douil- les K. Cette plaque F constitue le couvercle du vase ou collecteur qui dissimule et renferme tous les élé- ments. Fig. 2. — Elément de pile Renard. N. B. — Le vase A est un cylindre de verre. L’élec- trode B est un cylindre d'argent platiné. L’ensem- ble constitue un élément tubulaire, — A, Vase en verre ou en ébonite con- tenantleliquide.— B. Elec- trode + en argent platiné par laminage. — C. Crayon de zinc engagé dans le porte-zinc en laiton D et Serré par Ja vis V. — G. Guide en ébonite serti sur lélectrode en argent pla- tiné et empéchant le zinc de le toucher. — Les lames d’argent platiné ont 8/100 de millimètre d'épaisseur et la couche de platine a 1/500 de millimètre d’épais- seur seulement, Fige 3. plus qu'à fermer le circuit pour faire jaillir le courant. : | Pour diminuer l'intensité du courant, on laisse rentrer de l'air en dévissant le bouchon B (fig. 3). Pour l’augmenter on ferme B et on souflle de nouveau par la poire P. Fig. # Pour remettre les piles au repos, on dévisse le bouchon B jusqu'à ce que le liquide ait repris un niveau inférieur, G. FRIBOURG. — LES PILES CHLOROCHROMIQUES DU COMMANDANT RENARD o11 La figure 4 représente l'opération du charge- ment de la pile par l’orifice A. La figure à représente le dispositif employé pour vider le collecteur quand le liquide est épuisé. Le bouchon étant enlevé on introduit par le trou À un tube en ébonite TT qui plonge jusqu’au fond du collecteur. Ce tube est mis en relation par le tuyau flexible T'avec un tube T” également en ébonite el plongeant jusqu'au fond du flacon F. Fig. 5. Le bouchon B en caoutchouc de ce flacon porte un 2% tube d’ébonite T* communiquant avec la poire aspirante Q. En agissant avec cette poire on fait le vide dans F et le liquide du collecteur s'écoule par les tuyaux TTT” dans flacon dont la capacité est calculée pour renfermer toute la charge épuisée. On peut aussi se servir du flacon F pour remplir la pile. Il suffit d'y verser la charge neuve, de retourner la poire Q qui devient alors une pompe soufflante, et d'agir sur celte poire pour refouler le liquide qui se rend de F en A. Nous pouvons maintenant résumer les opérations à faire pour se servir de la pile Renard. 1° Charger la pile vide : Dévisser le bouchon A. verser le liquide par l'orifice A, soit au moyen de l’entonnoir soit au moyen du flacon F, placer les crayons de zine dans les porte-zine D (fig. 2) el les serrer au moyen des vis V; serrer le bou- chon A. La pile est alors au repos et peut y rester indéfiniment. 2° Mettre la pile en activité : Souffler de l'air au moyen de la poire P, 3° Diminuer le courant : Laisser rentrer de l'air par le bouchon B (fig. 3). 4° Augmenter le courant : Souffler de nouveau avec la poire P. »° Ramener la pile en repos : Ouvrir B jusqu'à ce que le liquide cesse de baigner les éléments. 6° Vider la pile épuisée : Enlever les zines après avoir dévissé les vis de pression V. Vider le liquide au moyen du flacon F et de la poire aspirante. ce Telles sont les opérations simples auxquelles l'usage de la pile donne lieu. Il est inutile de décaper les contacts, de nettoyer les zincs, de les amalgamer, de laver les élé- ments, etc. En un mot les manipulations se ré- duisent au placement des zines et au versement du liquide dans un seul vase, Nous avons donc bien affaire à un appareil domestique aussi facile à soigner qu'une lampe à huile ordinaire et d’un entretien moins délicat puisqu'il ne renferme aucun mécanisme. De loin en loin un lavage som- maire du collecteur, obtenu en y versant une charge d’eau pure, pourra être utile, mais cette précaution si simple n'est même pas indispensable. Autres dispositifs. Le dispositif pneumatique que nous venons de décrire n’est pas le seul qui ait été appliqué aux piles Renard ; on peut aussi, dans certains cas, grouper les éléments sur une même plaque d'ébo- nile et les faire plonger tous à la fois dans des vases séparés. C'est la pile plongeante en usage dans les laboratoires, mais le dispositif pneuma- tique est le seul qui convienne aux usages domes- tiques. III. APPLICATIONS DIVERSES DE LA PILE RENARD 1° Lampe portative domestique. P. AÀ.— Cette lampe dont la fabrication est installée aujourd'hui, est représentée en élévation dans la figure 4. La lampe est portée par la pile qui comprend sept éléments. Voici les données principales qui se rapportent à cette lampe : Poïds total {chargement compris) 16k Hauteur de la pile............. Üm3s — totale avec la lampe... 0.84 Diamètre du corps de la lampe 0.20 _ du renflement inférieur 0.30 Intensité de la lumière en bougies . 20 Durée nogmale Same eee - 5 heures Durée maxima Prix de la bougie, heure 7 à 8 heures 0 fr. 015 2% Lampe à are de 300 bougies. — Spécialement applicable à l'éclairage des grands espaces et aux ateliers de photographie. Cette lampe pèsera envi- ron 70 kilogs, elle pourra fournir cinq à six heures d’une lumière continue et égale à trente ou qua- rante carcels, au prix de 0 fr. 008 la bougie-heure. 3° Petite lampe. — Pour l'éclairage intérieur des voitures de luxe. Cette lampe donnera de quatre à cinq bougies et pèsera 4 kilogs ; sa durée de marche sera de cinq heures. La pile acerochée devant la voiture actionne la lampe fixée au plafond du coupé. La poire de caoutchouc à portée de la main du voyageur lui permettra de la mettre en activité. 4° Force motrice. — La pile Renard s'applique à D' H. HARTMANN. — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE merveille à la production de la force et en particu- lier à la locomotion de luxe ou de fantaisie et à la production des petites forces (mise en mouvement de machines à coudre, de scies à découper, etc.) Le prix du cheval-heure est de 5 francs environ, on en déduit les conséquences suivantes : 4° Pile pour machine à coudre. — La force à pro- duire est de 3 kilogrammètres environ, soit £ de cheval. Le prix de l'heure serait donc de £ X 5 francs ou 0 fr. 20. Cette dépense, assez considérable pour une ouvrière, est négligeable pour une personne qui se sert accidentellement de sa machine pour des travaux de fantaisie ou d'agrément. Tout le monde connait les inconvénients des machines à pédale au point ‘de vue hygiénique. L'application d'une petite pile Renard aux machines à coudre de nos maisons supprime sans grande dépense ces inconvénients. 2° Propulsion d'un tricycle. — Si le poids de l’ap- pareil est de 200 kilogs y compris le poids du voya- ceur et du mécanisme, la résistance en terrain horizontal sera de 5 kilogs environ. Chaque myria- mètre parcouru coûtera 50000 kilogrammètres (soit un peu moins de £ de cheval-heure) et coûtera 1 franc ou 0 fr. 10 par kilomètre. Celte somme, en réalité, sera moindre, parce que le voyageur ne se servira pas constamment de son moteur électrique. 3° Navigation électrique. — D'après des expériences failes sur la Seine au moyen d'une pile Renard de un cheval, un canot, capable de porter quatre per- sonnes, peut acquérir une vitesse de 40 kilomètres à l'heure au prix d'une dépense horaire de 5 francs environ. Un grand nombre d'amateurs considéreront celte dépense comme bien faible eu égard aux avantages si grands de ce mode de propulsion, silencieux, docile et propre, qui est véritablement le seul qu'on puisse appliquer aux petites embarcations de plaisance. Applications diverses. Enfin la pile Renard a sa place marquée : 1° Dans les laboratoires, où elle remplacera avanlageuse- ment la pile Bunsen, si incommode et cependant si répandue encore parce qu'elle est jusqu'ici la seule qui donne un courant énergique et constant. 2° Dans les théâtres, pour les effets de scène où l’on emploie encore exclusivement la pile Bunsen quand on n’a pas d'installation mécanique. 3° Dans les salles de conférence, pour les projections. 4 À bord des navires, pour l'exécution des si- gnaux. Une foule d’autres applications de cette pile peuvent d'ailleurs surgir d’un moment à l’autre sans qu'il soil possible de les prévoir toutes à l'avance. Ce qu'on doit prévoir, c’est qu'elle remplacera un jour une partie des sources d'électricité encore employées aujourd'hui dans les lieux où l’on ne dispose pas d’une installation mécanique produi- sant le courant à bon marché. Si l’on ajoute à ces applications à poste fixe les appareils de locomotion électrique pour lesquels la pile Renard ne saurait être remplacée par rien, on voit que le champ cuvert à la nouvelle pile est incontestablement des plus vastes, et on peut pré- voir qu'elle est appelée, dans un avenir prochain, à prendre une place des plus importantes'dans les applications industrielles. G. Fribourg. Inspecteur général des Télégraphes. REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE Chargé de faire l'exposé des progrès accomplis par la Chirurgie dans le cours de l'année qui vient de s'écouler, nous nous sommes trouvé fort embar- rassé. Oulre qu'une énumération des diverses upérations pratiquées récemment eût été forcément sèche el aride, nous nous trouvions dans l’impos- sibilité de dire où était le progrès accompli. La chirurgie n’est pas une science exacte dont les progrès se marquent immédiatement par telle ou telle découverte. De ce qu'une opération nouvelle vient d'être faite, et même faile avec succès, il ne s'ensuit nullement qu'il y ait progrès. Pour que celui-ci puisse être affirmé, il faut la sanction de l'observation continue des malades, il faut que l'a- venir ait démontré que l'opération nouvelle estnon seulement bonne dans ses résullats immédiats, mais aussi bonne dans ses conséquences éloignées. Il faut de plus, comme l’a dit récemment le profes- seur Le Fort, en présence de la furie opératoire de quelques-uns, «que le bénéfice, que le malade doit ou peut en retirer, soil proporlionné aux dangers auxquels elle l’expose ». Aussi ne chercherons-nous pas à donner dans eelte revue une description de toutes les praliques nouvelles; nous nous contente- rons d'indiquer les tendances générales de la chi- rurgie actuelle, les voies dans lesquelles elle s’en- | D'° H. HARTMANN. — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 13 gage, pensant arriver ainsi à une idée plus nette des progrès accomplis qu'en énumérant successive- ment les diverses opérations récentes, dont beau- coup n'auront pas de lendemain. Î. — CHIRURGIE GÉNÉRALE La découverte des agents microbiens, celle des divers modes d’anesthésie, l'emploi de la forei- pressure au cours des opérations sont les trois grandes découvertes qui ont transformé la chirur- gie dans la seconde moitié de ce siècle. A. — Connaissant les microbes et leur rôle pa- thogénique, on a entamé la lutte avec eux; on a cherché à les détruire et surtout à les éviter; on a veillé à la propreté des pansements; on a fait de l'antisepsie opératoire, préopératoire et post-opé- raloire, Connaissant les transports à distance des agents sepliques, on ne s'est pas contenté de faire l’anti- sepsie de la région où l’on opérait, on a cherché aussi à faire celle de tout l'individu, de manière à supprimer non seulement les causes locales, mais aussi les causes éloignées de Pinfeclion. On a pansé avec soin les plaies, écorchures ou pustules que pouvait porter, en divers points du corps, le malade à opérer; on a fait, dans la mesure du possible, l’antisepsie des cavités naturelles, du tube digestif en particulier. On est arrivé à supprimer ainsi la suppuraltion. A moins d'opérer dans un milieu septique, pour une lésion de sa nature infectée, à peu près impos- sible à antiseptiser complètement, on est sûr d'ob- tenir, après l'intervention, une réunion exacte et complète de toutes les parties cruentées. Un ma- . lade a aujourd’hui le droit d’être opéré sans fièvre, sans inflammation, sans suppuralion. Le change- ment dans les suites opératoires a élé si absolu, si radical, que l’on serait presque tenté de demander, comme dans certains États américains, que le chi- rurgien soit responsable en justice des suppura- tions qu'il provoque par ses interventions. Dans certaines opérations, les antisepiiques ont cependant certains inconvénients; ils tuent bien les microbes, mais quelquefois aussi ils altèrent les tissus de la région où l’on opère; le fait arrive en particulier dans les opérations abdominales. De là une diminution dans la résistance des lissus, une perte dans leur pouvoir phagocytique et, comme la suppression absolue de tout agent infectieux est pratiquement à peu près impossible à assurer d'une manière mathématique, le danger de l’em- ploi des antiseptiques dans certaines circonstances. Ce danger parait d'autant plus grand que l’on a décrit à la suite de leur emploi des néphrites toxiques. Aussi dans ces derniers temps, quelques chirurgiens ont-ils cherché à obtenir non plus l’an- tisepsie, mais simplement l'asepsie, aussi complète que possible, du foyer. Déjà mise en pratique depuis des années par les laparotomistes anglais, par Lawson Tait et Bantock en particulier, la recherche de la simple asepsie au cours des opérations tend à être de plus en plus répandue. Un des chefs de la chirurgie française, M. F. Terrier, n'a plus guère recours qu'à elle dans ses opérations abdominales, et ces jours derniers, Bergmann prononçait, au Congrès de Berlin, un panégyrique de la chirurgie asep- tique ; depuis deux ans, cet opérateur s’en tient à l’asepsie lorsqu'il s'attaque à des foyers primiti- vement aseptiques. Après avoir bien aseptisé la peau du sujet par un savonnage, un lavage à l’eau stérilisée, un essuyage et une friction avec une ser- viette aseptique, un lavage à l'alcool, puis enfin au sublimé, le chirurgien, dont les mains sont soi- gneusement désinfectées au sublimé, recouvre les parties voisines de compresses slérilisées; il ne se sert que d'instruments simplement bouillis et a grand soin de ne sulurer la plaie qu'après une hémoslase parfaite. Le pansement est fait avec de la ouate stérilisée. Il y a loin, on le voit, de celte simple propreté aux flots d'acide phénique qui coulaient partout autrefois. Ces pratiques toutefois ne sont pas de mise lorsqu'on opère dans des foyers infectés ; il est alors absolument nécessaire de recourir aux - divers agents microbicides ; mais ici encore, l'acide phénique, triomphant il y a quelques années, est aujourd'hui détrôné; et, confiants dans les travaux de laboratoire, les chirurgiens ont accordé au su- blimé la faveur dont jouissaient autrefois les solu- tions phéniquées. B.— Malgré lout le soin apporté dans l’adminis- ration des anesthésiques, on observe encore trop fréquemment des accidents à la suite de leur em- ploi. Aussi, dans l'impossibilité où l’on est de pou- voir s’en passer, cherche-t-on dans des perfec- lionnements de la lechnique à en prévenir les dangers. Tandis qu'à Paris on emploie le chloro- forme, à Lyon, onse sert plus volontiers de l’étler, à Londres, tantôt de l'un, tantôt de l'autre; la question du plus ou moins d’innocuité de tel ou tel anesthésique reste toujours pendante. Cette année, divers travaux ont été publiés qui, tous, ont pour but de donner un mode d'administration préve- nant tout accident, au dire de son auteur. M. Dastre, se fondant sur ce fait que les acci- dents dela chloroformisation résultent d’une exei- tation exagérée du pneumogastrique et de son noyau bulbaire, conclut que le meilleur moyen de les éviter est de supprimer l’excitabilité de ce nerf. De là résulte ce fait que pour remédier aux dangers de la chloroformisation, on a deux moyens ration 14 D' H. HARTMANN. — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE nels : 4° Supprimer l’activité du pneumogastrique. ce que l’on peut faire au moyen d'une dose sufli- sante d’atropine; 2 Economiser le chloroforme, seule condition capable d'éloigner le dernier et le plus constant accident des anesthésies prolongées, la mort par apnée toxique résultant d’une impré- gnation excessive de l’organisme par l'agent anes- thésique. Mais l’atropine ne peut être employée seule, elle produit des phénomènes d'excitation excessifs ; aussi faut-il l’associer à son antidote la morphine. Dans la méthode, préconisée par MM. Dastre el Morat, on injecte sous la peau, un quart d'heure avant l'opération, une solution de chlorhydrate de morphine et de sulfate d’atropine; il suffit alors de quelques centimètres cubes de chloroforme pour produire une anesthésie durable. Cette méthode employée au début par quelques chirurgiens Iyon- nais, par Aubert en particulier, a cette année été expérimentée de divers côtés à Paris. Les résultats obtenus n'ont pas répondu à l'attente générale et, dans une discussion récente de la Société de Chi- rurgie de Paris, M. Brun seul a dit en avoir retiré des avantages. Aussi a-f-on en général abandonné ce mode d'emploi du chloroforme. Une pratique préconisée par M. Boncour, élève de M. L. Labbé, et M. Pé- raire, élève de M. Terrier, tend, au contraire, à se vulgariser : c’est celle qui consiste à donner Le chlo- roforme en petite quantité el d’une façon continue. Cette méthode est très différente de la méthode classique, qui voulait dans l'administration du chloroforme,des intermittences régulièrement cal- culées, puis sidérait le malade par des quantités considérables d’anesthésique. Elle a l'avantage d'économiser considérablement le chloroforme et de n’en faire absorber que de très faibles quantités au patient. L'avenir dira si ce mode d'emploi pré- sente moins de dangers que les autres. L'important étant de surveiller d’une manière continue le ma- lade, il est à souhaiter que l’on introduise en France les chloroformisateurs au lieu d’em- ployer pour l’anesthésie des chirurgiens plus tentés qu'un spécialiste de jeter de temps à autre un coup d'œil sur l'opération. L'importance de la pureté du chloroforme et la de métier rapidité avec laquelle il s'altère ont été bien éta- blies par M. Reynier, qui en a conclu à la nécessité de ne jamais employer que du chloroforme rectifié de la veille ou conservé en vases pleins el clos, à l'abri de la lumière. Une discussion toute récente de l'Académie de Médecine a enfin montré, par l'unanimité des membres de la Société qui ont pris la parole, le danger des réflexes provoqués pendant la pre- mière période de la chloroformisalion et la néces- sité qu'il y avait à ne commencer une opération qu'une fois l’anesthésie complète obtenue. C'est, avec l'utilité de la chloroformisalion à petites doses, le seul principe utile à retenir des longues dis- cussions suscitées par l’anesthésie, tant à l’Acadé- mie de Médecine qu’à la Société de Chirurgie et au Congrès de Physiologie qui s'est tenu à Bâle cette année. Les dangers inhérents à toute anesthésie générale ont, on le comprend, fait le succès du chlorhydrate de cocaïne comme anesthésique local. Malgré quel- ques critiques, les faits ont démontré entre les mains de chacun que, dans bien des circonstances, cette substance est d'un emploi excellent. Main- tenue en application à la surface d’une muqueuse pendant une dizaine de minutes, ou injectée sous la peau, elle détermine une anesthésie parfaile, de durée courte, ilest vrai, mais néanmoins suffisante pour permettre bon nombre de ces petites inter- ventions que l’on est souvent amené à faire dans la pratique courante. C. — La forcipressure ou pincement des vaisseaux au cours des opérations, préconisée et vulgarisée depuis de longues années par deux chirurgiens français, Kœæberlé et Péan, a depuis longtemps at- teint son dernier degré de perfection. Tous les modèles possibles de pinces ont été successivement inventés et rien de nouveau n'est à signaler à cel égard. Disons toutefois que dans ces derniers temps on à craint moins qu'autrefois de laisser pendant 36 ou 48 heures ces pinces à demeure dans les tis- sus et qu'actuellement même après les laparoto- mies, les chirurgiens n'hésitent plus à laisser des pinces à demeure dans le ventre par la plaie restée entr'ouverte; pour peu que la ligature du vaisseau pincé paraisse offrir quelque difficulté. C'est là une pratique qui a donné de nombreux succès entre les mains de MM. Péan, Richelot et Terrier, Il. — CHIRURGIE DE L'ABDOMEN Ce sont surtout les affections abdominales qui ont bénéficié des progrès de la chirurgie moderne. Le traitement des plaies pénétrantes de l'abdomen, déjà discuté à maintes reprises en France et en Amérique, l’a élé de nouveau dans nos sociétés savantes. Depuis 1888, époque où M. Reelus, avec son talent oratoire bien connu, soutenait au Con- grès de Chirurgie que la laparotomie, n'ayant en- core donné aucun succès en France, «on ne devail y avoir recours que si les signes avant-coureurs de la péritonite apparaissaient », la question a notablement progressé. MM. Vaslin, Bouilly, Ja- laguier el Ch. Nélaton ont ouvert le ventre de leurs malades et les ont guéris. De nombreuses statistiques nous sont venues d'Amérique; depuis celle de Stimson qui denne une mortalité de tadatliontié Mises EEE > te... ou tdi D' H. HARTMANN. — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 15 80,64 après la laparotomie, nous avons vu paraitre il y a quelques mois celle de Morton qui, réunis- sant 234 cas de laparotomie pour traumatismes divers de l'abdomen, ne donne qu'une mortalité de 58,97. Aussi les partisans de intervention après les traumalismes graves de l'abdomen, MM. Chau- vel, Lucas Championnière, Terrier, ete., ont-ils considérablement gagné de terrain. M. Reclus lui- même est beaucoup revenu de son opinion pre- mière et cette année il nous déclare admettre la laparotomie non seulement lors de symptômes avant-coureurs de péritonite, mais encore lors d’hé- morrhagies, d'issue immédiate de gaz ou de ma- tières intestinales, lorsque le doigt introduit dans la plaie ramène des matières fécales, lors de tym- panisme s’élendant à la région hépatique, lors de traumatisme violent tel qu’un coup de pied de cheval, en somme, toutes les fois qu'il y a des signes permettant de soupconner l'existence d'une ouverture capable de laisser fuser sinon des malières liquides, tout au moins des gaz contenus dans l'in- testin. 11 est probable que le jour où nos services hos- pitaliers seront mieux installés, où les opérateurs français sauront faire la chirurgie intestinale, ils hésiteront beaucoup moins encore à ouvrir le ventre de leurs blessés ; ils feront d'emblée la laparotomie comme le préconisait, il y a quelques années déjà, Mac Cormac en Angleterre, comme le conseillait ces jours derniers en Amérique À. Scha- chner de Louisville, C’est là surtout une question de technique, de rapidité opératoire ! et pour l'ins- tant nous aimons mieux croire à des progrès dans l'avenir qu’à un piélinement sur place. Les succès obtenus en chirurgie abdominale ont amené les Japarotomistes à ouvrir le ventre, même dans les cas de péritonite tuberculeuse. Au Congrès qui vient d'avoir lieu à Berlin, Kônig a pu réunir, 131 laparotomies pour tuberculose du péritoine, avec 84 guérisons, soit 65 0/0. 3 Les maladies du foie ont aussi largement bénéficié des modifications apportées à la pratique chirurgi- cale dans ces dernières années. Les kystes hyda- tiques et les abcès ont fourni les premiers des sue- cès opératoires, Aujourd'hui c’est aux maladies des voies biliaires que le chirurgien ne craint plus de s'attaquer. La cholécystolomie, déjà pratiquée de- puis quelques années par les chirurgiens allemands et anglais, est entrée dans la pratique française. La cholécystectomie a donné des succès entre les mains de MM. Michaux et Terrier. Enfin, dans un 1 Kürte et son assistant sont à Berlin en communication directe, par téléphone, avec leur salle d'opérations ; le service est installé de telle facon que, moins d’une demi-heure après l'entrée du malade à l'hôpital, le chirurgien peut procéder à la laparotomie, cas d'obstruction des voies biliaires avec distension de la vésicule et accidents généraux graves, ce der- nier chirurgien a établi une fistule entre la vésicule et la première portion de l'intestin grêle, rétablis- sant ainsi le cours normal de la bile, Un cas de kyste suppuré de la rate à permis à M. Quénu de montrer qu'on pouvait s'attaquer à ces kystes en employant les mêmes procédés que pour les kystes du foie. M. Terrillon enfin, dans un cas de kystes mul- tiples du foie, a réséqué une portion de ce viscère, en pédiculisant avec un lien élastique les tissus malades et en fixant ensuile le pédicule dans la plaie. La chirurgie du pancréas, étudiée en Amérique par Senn, commence à l'être en France et nous voyons paraitre en ce moment un intéressant mémoire de Bæekel de Strasbourg sur cette question. Les interventions sur l'estomac se multiplient et si les opérations de résection pour cancer préconisées par Billroth et Czerny n’entrent guère dans la pra- tique, de même que la gastro-entérostomie faite cependant par Wolfler, Hacker, Czerny, Pozzi el Roux, les gastrostomies pour ablation de corps étrangers de l'estomac ne se comptent plus. Disons toutefois qu'à propos d’un cas opéré avec succès, M. Terrier s’est fait le défenseur de l’incision mé- diane qui permet une exploration plus facile que l'incision parallèle aux côtes, généralement prati- quée. La gastrostomie où bouche stomacale faite pour permettre l'alimentation des malheureux por- teurs d'une obstruction de l’œsophage a paru utile entre les mains de MM. Terrier, Terrillon et Tuf- fier. Le premier de ces chirurgiens recommande de suturer le péritoine stomacal au péritoine pariétal, la muqueuse à la peau et de faire une ouverture aussi petite que possible ; là serait, suivant lui, le succès de l'opération, JIT. — CHIRURGIE DU RECTUM Les lecteurs de la Revue connaissent déjà les divers procédés opératoires préconisés contre le prolapsus du rectum *, nous n'y reviendrons pas; mais nous dirons un mot du traitement du cancer du rectum. Réduits autrefois à ne pouvoir extirper que les cancers de la portion ano-rectale, nous ne pouvions le plus souvent pratiquer que des opérations pallialives, telles que la rectotomie ou l'anus artificiel iliaque. Aujourd'hui, grâce à une voie artificielle créée par lablation partielle du sacrum, on va attaquer des cancers haut placés. Suivant l'exemple de Kraske et des chirurgiens 1 Voir Revue Générale des Sciences, no 1 du 15 janvier 1890, page 2à. 16 D' H. HARTMANN. -— REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE allemands, Bardenheuer, Kônig, Czerny, Heinecke, Hochenegg, etc., Routier, Terrier, Quénu, etc. y ont eu recours avec avantage. On peut dire, en présence d'une aussi affreuse maladie, que c'est là une nouvelle conquête de la chirurgie, IV. — FIXATION D'ORGANES DÉPLACÉS La sécurité avec laquelle les chirurgiens inter- viennent aujourd'hui, les a engagés à entreprendre le traitement de déplacements d'organes que l’on se sentait incapables de soigner autrefois. La fixation du rein mobile ou néphropexie, pra- liquée déjà depuis nombre d'années, a été suivie, dans ces derniers temps, d’autres opérations de même ordre faites pour maintenir en situation normale des organes déplacés. L'hysleropexie abdominale, introduite en France par M. F. Terrier, a été pratiquée avec succès dans un grand nombre de cas; le mois dernier un élève de ce chirurgien, M. Marcel Baudouin, soute- nait une thèse excellente où l’on trouve réunies 235 observations de malades ayant subi cette opé- ralion. Elle consiste en une fixation de la face antérieure de l’utérus à la paroi abdominale. Les adhérences qui s'établissent à la suite de cette fixa- tion suffisent à maintenir l'organe dans sa nou- velle siluation. L'opération présente deux ordres d'indications : les prolapsus invélérés de la ma- trice, surtout lorsqu'ils s’'accompagnent de lésions des annexes, et les rétrodévialions adhérentes. Dans ces deux circonstances, un insuccès certain suit les diverses autres opérations que l’on peut -praliquer, telles que le raccourcissement des ligaments ronds et la réfection du plancher péri- néal. Celte année même d’autres chirurgiens ont tenté d'appliquer au simple déplacement de la vessie, à la cystocèle, une opération de même ordre, la cysloperie; de Vlaccas, Tuffier, Dumoret ont fait celle opération qui n’a pas été accueillie avec beaucoup de faveur. Mieux inspiré, un chirurgien américain, Byford, a cherché à soulever et à fixer, non plus le sommet ou les parties latérales de la vessie, mais sa base, autrement dit la cloison vési- co-vaginale. Il à élevé ct attiré celle-ci vers les anneaux inguinaux qu'il avait préalablement in- cisés, faisant ainsi ce qu'il a appelé une colporrha- nhie inquinale. Dans le même ordre d'idées nous avons vu s’in- ltroduire dans la pralique chirurgicale la fixation du testicule arrêté dans sa migration au fond des bourses. Celle orchidopexie pratiquée tout d'abord avec trop peu de discernement a ses indications aujourd'hui parfaitement élablies. Il ne faut pas y recourir chez le jeune enfant dont le testicule est susceptible de descendre spontanément par le simple fait du développement. Il est inutile d'y recourir chez l'adulte dont le testicule ectopié a subi une dégénérescence scléreuse qui le rend inapte à tout fonctionnement ullérieur. C’est chez l’adolescent, où immédiatement avant la puberté, qu'il faut y recourir. Pour qu’elle donne un résul- lat, pour que le testicule fixé au fond des bourses par quelques points de suture ne remonte pas vers l’anneau en entrainant le serotum avec lui, il faut, comme l'a bien fait remarquer M. Richelot, avoir grand soin de le libérer complètement de ses ad- hérences avant de procéder à sa descente, V,. — GYNÉCOLOGIE Les progrès de la gynécologie ont été immenses dans ces derniers {emps. Passé des mains des médecins dans celles des chirurgiens, le traitement des maladies des femmes est devenu beaucoup plus actif et beaucoup plus fécond en résultats. Nous avons déjà eu l’occasion d'indiquer, à pro- pos des fixations d'organes déplacés, certaines opé- rations nouvelles, praliquées contre les déplace- ments utérins. Il en est d’autres encore que nous devons mentionner, Contre les rétrodéviations , Schücking en Allemagne, Nicoletis en France ont imaginé des procédés de redressement à l’aide de sutures vaginales. Schücking, après avoir redressé l'organe, fixe, au moyen d'une suture, le fond de l'utérus à la paroi antéro-latérale du vagin. Nico- letis, après amputalion du col utérin, redresse le corps de l'utérus et le fait basculer en ayant, en prenant point d'appui sur la paroi vaginale poslé- rieure et en attirant vers elle la partie antérieure du moignon d'ampulation utérine. ( Les inflummations péri-utérines ont fait l’objet de travaux nombreux. Il a été établi que, le plus sou- vent, elles étaient déterminées par des salpingo- ovarites, et, sous l'impulsion de Lawson Tait, on a procédé à une vérilable débauche opératoire. On a enlevé les annexes de toutes les femmes qui souf- fraient quelque peu dans le ventre. Aujourd’hui on revient de celte furie opératoire et on cherche à réagir contre elle. Malheureusement nous sommes encore bien ignorants à l’égard de ces affections, et de nouveaux travaux sont nécessaires pour per- mettre d'arriver à des diagnostics précis absolu- ment indispensables pour poser des indications raisonnées de traitement. Dire qu'il faut enlever les trompes et les ovaires suppurés, laisser les simples salpingiles catarrhales, est très bien en théorie; mais en pratique, les plusforts s’y trom- pent, et l’on n'a pas encore de signes sûrs per- mettant de distinguer dans Lous les cas ces divers états. D ne ont ous D' H. HARTMANN. — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE »17 Les fibromes ont été de mème l’objet de traile- ments nombreux. Les travaux de Péan, de Terril- lon, de Bouilly ont montré les avantages que l'on pouvait retirer de la voie vaginale pour l'ex- lirpation de ces tumeurs. Malheureusement il n’est pas toujours possible, même après morcellement, d'extraire ces tumeurs par le vagin et l’on est lrop souvent obligé d'opérer après laparotomie, ce qui ne laisse pas de présenter des dangers des plus sérieux. Les uns ont fixé le pédicule utérin dans la plaie; les autres l'ont réduit dans le ventre. Cette dernière pratique, vulgarisée dans les années précédentes par les chirurgiens allemands, semble aujourd'hui en voie d'abandon par un certain nombre de ceux qui ont préconisée. Toujours on à eu une mortlalilé énorme après ces interventions. Aussi comprend-on la vulgarisa- tion du traitement électrique, défendu par M. Apos- toli en France, par les Keith en Angleterre, trai- tement qui malheureusement n'est pas, lui non plus, indemne de lout danger, quoi qu'on en ail dit. Le cancer de l'utérus est, lui aussi, l'objet de dis- cussions nombreuses ; ces jours derniers encore le Congrès de Berlin nous montrait que limmunité n'élait encore acquise à aucun mode de traitement. Tandis que les uns veulent qu'on se contente d’une ablation partielle, les autres prétendent qu'il faut enlever la totalité de l'organe pour maintenir plus sûrement la maladie à l'abri de la récidive. Les statistiques à cet égard disent, comme cela arrive le plus Souvent, ce qu'on veut leur faire dire. Il se- rail, croyons-nous, intéressant de posséder une élude complète d'une série de cas de récidives con- séculives àdesampulations partielles de l'utérus. Si la récidive avait lieu dans Le moignon, la question serait tranchée : ce seruil à l'hystéreclomie totale qu'il faudrait avoir recours. Le traitement des métriles s'est lui-même consi- dérablement ressenti des modifications profondes de la pathologie générale. Tandis qu'on ne voyait souvent dans ces affections que le résultat d'une altération constitulionnelle, d'un vise du sang, de la dartre ou de la scrofule, on y reconnait aujour- d'hui la trace d’une infection locale que l’on traite localement. Les cautérisations, si fréquemment pratiquées autrefois, sont aujourd'hui abandon- nées, et si quelques gynécologues, MM. Dumont- pallier et Polaillon en particulier, ont tenté un dernier effort pour sauver ce mode de traitement, ils n'y sont point parvenus. Dans lous les pays, aujourd'hui, on reconnait la gravité de ces caulé- risations aveugles et l’on s'en tient, soit simple- ment à un traitement antiseplique local, soit à un curettage de l'utérus, suivi d’un traitement anli- seplique bien ordonné. VI. — APPAREIL URINAIRE Les maladies de l'appareil urinaire ont été, dans ces dernières années, l’objet de nombreux travaux, et si les lentatives opératoires ‘ont élé moins multipliées dans notre pays qu'ailleurs, les résultats pratiques n'en ont peut-être été que meil- leurs. Sous l'impulsion du professeur Guyon, on a vu paraitre une série de travaux, de Guillet sur les cancers du rein, d'Hallé sur les uretèro- pyélites, de Récamier sur les rapports du rein, de Vignard sur la prostatectomie, de nous-même, sur les névralgies vésicales et sur les inflamma- Lions douloureuses de la vessie. Dans ces derniers temps, ce sont surtout les questions bactériolo- giques qui ont été étudiées à la clinique de Necker, A la suite de la découverte par Clado d’une bac- térie seplique dans les urines, MM. Albarran et Hallé ont montré le rôle capilal de cet organisme dans les inflammations suppuratives de l'appareil urinaire et dans les infections générales qu’elles peuvent engendrer. En même temps, M. F. Guyon a recherché d’une manière plus parfaite qu'autrefois à assurer l'asep- sie dans le cathélérisme en aseplisant les sondes par divers procédés. L’antisepsie de l'appareil urinaire par l’ingestion de substances antiseptiques à l'intérieur, préconisée il y a quelques années par M. Terrier, s’est aujourd'hui vulgarisée. Mais au lieu du bi-borale de soude qu'employait ce chirur- gien, où ulilise aujourd'hui le salol, dont laclion antiseptique sur l'appareil urinaire serait beaucoup plus grande, d’après les recherches de M. Albar- r'an. La suture immédiate el Lotale de la vessie a été praliquée par divers chirurgiens, entre autres par Pozzi, Schwartz el Tuflier. M. Kirmisson a, dans un mème ordre d'idées, conseillé la suture immé- diate après l’uréthrotomie externe. Les perfectionnements apportés tion des appareils ont permis de l'urèthre et l’intérieur de la vessie. Grâce aux ins- truments excellents, mais malheureusement diffi- ciles à bien désinfecter, de Nitze, on arrive à diagnostiquer de pelites lumeurs vésicales impos- sibles à reconnaitre autrement. L'endoscopie uré- thrale bien que moins répandue a cependant fail l'objet d'un important mémoire de Burkhardt de Bâle. dans la fabrica- voir le fond de VIT. — EXTRÉMITÉ CÉPHALIQUE Les lrépanalions pour tumeur cérébrale et aussi pour abcès intracräniens tendent à se répan- dre aujourd’hui; cela tient à deux raisons, la pre- mière que, gràce à la connaissance des localisations, on arrive à faire le diagnostic du siège des lésions, 18 D' H. HARTMANN. — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE la deuxième que, grâce à l’antisepsie on peut sans danger ouvrir la calotte cràänienne. Les travaux de Horsley en Angleterre, d’'E. Mears en Amérique, de Champonnière et de Péan en France, sont là pour l’établir. VIII, — MEMBRES Bien qu'ayant subi des modifications beaucoup moins considérables que celle des viscères, la chi- rurgie des membres à cependant fait l’objet d’un certain nombre de travaux pendant Fannée qui vient de s’écouler. Le lraitement des anévrismes en particulier semble actuellement se modifier, L’ex- Lirpation abandonnée autrefois, vient d’être vigou- reusement soutenue par M, P. Delbet et son maitre Trélat; elle rentre en faveur aujourd’hui. Le redressement du pied bot, à l’aide de petites interventions, a été obtenu par M. Ch. Nélaton. Nous avons déjà eu l’occasion d'en entretenir les lecteurs de la Revue !. Le traitement des fractures de la rotule par la suture osseuse, bien qu'ayant fait l'objet d’un important mémoire de M. Championnière, ne semble pas encore près de se vulgariser parmi nous. Il a cependant été employé dans un cas de fracture itérative par M. Kirmisson et dans unefracture non consolidée par M. Delens. À propos des lurations anciennes, M. Ch. Nélaton a établi, suivant l’enseignement de son maitre Farabeuf, l'utilité qu'il y avait à faire l’arthrotomie du côté opposé au déplacement dans les cas de luxations irréductibles; nous-même dans un tra- vail, fait en collaboration avec M. À. Broca, sous l'inspiration du même maitre, avons montré le rôle des décollements périostiques dans certaines luxations récidivantes, et leur importance trop souvent méconnue. La chirurgie opératoire du pied s'est enrichie d'une nouvelle opération, celle de Vladimiroff-Mikuliez qu, pratiquée par M. Chaput, a élé bien étudiée par M. P. Berger. Elle consiste à souder l’avant- pied au bas de la jambe dans des cas de lésions affectant principalement le talon. IX. — QUESTIONS DIVERSES Arrivé au terme de cette revue rapide des pro- grès de la chirurgie dans le courant de l’année qui vient de s'écouler, nous voyons que ce sont surtout les opérations nouvelles qui ont préoccupé les chi- 1 Voir Revue générale des Sciences, n° du 15 juin 1890, 9U£ page 344, rurgiens, Les travaux de science pure n'ont toule- fois pas été complètement laissés de côté : la pré- sence des psorospermies dans les épithéliomas a été élablie par les travaux de Malassez, de Darier, de L. Wickham, d’Albarran; M. F. Widal a spécifié l'importance du streptocoque dans les diverses variétés de l'infection puerpérale, jusque dans les plus bénignes, celles uniquement caractérisées par l'apparition d'une phlegmatia. MM. Lannelongue et Achard nous ont appris que certaines formes d’os- téomyélite pouvaient reconnaitre comme unique cause la présence du Staphylococcus albus.M. Lanne- longue continuant les études si intéressantes qu'il poursuit depuis une quinzaine d'années sur les maladies de l'enfance, a étudié complètement les kystes dermoïdes de la fente intermaxillaire el de la région sus-hyoïdienne ; ces jours derniers il nous montrait la possibilité de déterminer, par la crà- niectomie, des améliorations considérables dans l'état des microcéphales !, ete. ( La chirurgie expérimentale semble aussi rentrer en faveur; les travaux du professeur Guyon et de son élève Aïbarran sur la rétention d'urine, de Tuffier sur le rein et la vessie, de Delbet sur le lavage el le drainage du péritoine, de Chaput sur les anus contre nature et les sutures intestinales, de Senn et de Schachner sur la chirurgie de lin- testin sont là pour l’attester. Mais, en somme, ce sont, comme nous l'avons dit, les questions purement opéraloires qui ont surtout préoccupé les chirurgiens. Le fait se com- prend, si l’on songe à la révolution complète qui s’est faite en chirurgie depuis dix ans, révolution telle qu'on a pu proposer pour chaque affection un traitement nouveau. Chacun apporte aujourd’hui des matériaux à l'édifice, mais on manque encore de notions suffisantes sur les résultats définitifs. Nous traversons en ce moment une jeune époque chirurgicale; plus tard viendra, avec l'expérience de la chirurgie nouvelle, la raison, qui permettra d'arriver à des conclusions précises et de poser exactement les indications de chacune de ces opé- ralions. Beaucoup de points sont déjà acquis, et, quoi qu'il advienne dans l'avenir, on peut dire, dès aujourd’hui, que l’époque actuelle est certaine- ment, dans l’histoire de la chirurgie, une des plus fécondes en résultats. D' Henri Hartmann, Prosecteur à la Faculté de Paris. 1 Voyez sur ce sujet Particle du Professeur Lannelongue dans la Revue générale des Sciences, du 15 juillet 1890, n° 43, pages 393-395. PEN et A PS BIBLIOGRAPHIE. — ES ET INDEX 919 ANAL BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Blutel (E.), Professeur de Mathématiques spéciales au Prytanée militaire. — Recherches sur les surfaces qui sont, en même temps, lieux de coniques et enveloppes de cônes du second degré. Thèse de Doc- torat présentée à la Faculté des Sciences de Paris. Gauthier-Villars et fils. Paris le 23 juin 1890. Parmi les surfaces, d'ordre supérieur à 2, celles qui sont engendrées par le mouvement d'une conique, constituent une famille remarquable, dont les proprié- tés sont relativement simples, Il y a, dans cette donnée, d’un ordre très général, le germe éminemment fécond, croyons-nous, d’un vaste sujet de recherches; la thèse fort intéressante que M. Blutel vient de présen- ter à la Faculté des Sciences de Paris, donnera à tous ceux qui la liront la preuve de l’assertion que nous ve- nons de formuler. Nous allons nous efforcer de la faire connaître ici dans ses lignes principales. Comme le rappelle l’auteur, avec raison, dans lin- troduction de sa thèse, les surfaces qui sont des lieux de coniques ont fait déjà l'objet de recherches nom- breuses; parmi les travaux les plus importants qui ont été écrits sur Cette matière, on doit citer ceux de MM Steiner !, Kummer, Clebsch, Darboux ?, Kæ- nigs et Demartres %. Les surfaces étudiées par M. Blu- tel, comme il l’observe (Thèse, p. 5), peuvent, indiffé- remment, être considérées comme étant l'enveloppe de cônes roulant sur deux développables,ou comme engendrées par le mouvement de coniques roulant sur deux courbes fixes, Si l’on ne retient, comme on en a le droit d'après cette propriété, que la seconde généra- tion, on voit qu'au fond M. Blutel a utilisé, mais avec le plus grand succès, l’idée si féconde de Clebsch, celle que M. Kænigs a mise en pleine lumière dans ses nombreux el remarquables mémoires, et que nous pouvons rappeler en le citant lui-même : « On sait combien il est avantageux, dif, en effet, M. Kænigs dans un de ses mémoires (4), pour certaines recherches géométriques, d'adopter comme élément £énérateur de l’espace, non plus le point, mais une courbe (ou une surface) dépendant d'un certain nombre de paramètres, » L'élément générateur adopté par M. Blutel est une co- (1) La célèbre surface de Steiner qui correspond, en coor- données tétraédrales, à l'équation VE + VE VO + VD =, possède trois droites doubles. En faisant tourner un plan au- tour de l’une de ces droites, on obtient, abstraction faite de la droite double, une conique. En outre, on sait que tout plan tangent coupe la surface suivant deux coniques; on ob- tient ainsi une quatrième génération de la surface de Stci- ner, par le mouvement d’un système de deux coniques. (2) Voyez : 19 Sur une classe remarquable de Courbes et de Surfaces algébriques ; Gauthier-Villars, 1873. — 20 Leçons sur la théorie générale des Surfaces ; id., 1887; p. 107. (3) Les surfaces à génératrice circulaire (Annales de l'Ecole nor- male, 3e sèrie, t. II, p. 123). Il existe beaucoup d’autres travaux relatifs à ce sujet; toutes les surfaces réglées du troisième ordre rentrent dans la famille étudiée par M. Blutel; ainsi que les surfaces du quatrième ordre possédant une droite double; et beaucoup d'autres, comme celles que M. Blutel a signalées (Thèse, p.20). Le cas particulier où la conique mobile est unc circonfé- rence est remarquable. Cette considération conduit aux fa- meuses surfaces Cyclides. (4) Sur une classe de formes de différentielles, etc. Comptes Ren- dus, mars 1887, ct Acta mathematica, octobre 1887. ET INDEX nique; les équations de cette conique, équations fonda- mentales du travail de la base duquel nous cherchons à donner ici une idée précise, sont (1) : DES DRE DENON TT 20 1 fi Jo LE fi dans lesquelles f,, f,, fa, , représentent des fonctions du second degré d’un paramètre {. On voit facilement que les équations (F) représentent une conique, quand & varie. Si l'on suppose alors que les coefficients des formes f,, f,, f,, /, renferment un autre paramètre va- riable y, à chaque valeur de y correspond une conique Cu,et le lieu décrit par Cest une surface unicursale S,, L. Cette surface est ainsi engendrée par le mouve- ment d’une conique dans l’espace, et l’on peut se pro- poser d'en faire l’étude, soit en restant dans toute la généralité de la question, soit en se plaçant dans des cas particuliers conduisant à des surfaces remar- quables. Nous ne pouvons entrer ici dans une analyse plus détaillée de la thèse de M. Blutel, et nous devons nous borner à signaler, parmi les points qui ont été de sa part l’objet d'une recherche spéciale, la détermination des directions asymptotiques des surfaces S, pet celle des trajectoires orthogonales des coniques généra- trices. Toute cette partie est traitée avec beaucoup d’é- légance, et nousne pouvons mieux résumer l'impression faite sur nous, par la lecture de la thèse de M. Blutel, qu'en proclamant, qu'elle fait le plus grand honneur au jeune professeur qui l’a écrite, et qu'elle sera, nous en sommes persuadé, le point de départ d'autres travaux sur le même sujet, G. be LoxGcnawps, , (F). Mouchez, (Contre-Amiral), Directeur de l'Observatoire. — Rapport annuel sur l'état de l'Observatoire de Paris pour l'année 1889. Gauthier-Villurs et fils, Puris, 1890. L'Amiral Mouchez, directeur de l'Observatoire, a présenté son rapport au Conseil, le 4 mars 1890. Le frontispice du Rapport représente le projet d’équatorial coudé (objectif 0.60, distance focale 18 mètres). Cet in$- trument a été construit par M. Gautier, sur les plans de M. Lœwy ; il possède plusieurs avantages sur les grands télescopes construits sur un principe différent, Le bâti- mentqui lui est destiné sera bientôt terminé, M. Læwy a surveillé les détails de l'installation de ce nouvel instru- ment, qui remplacera avec avantage l’équatorial de 0,74 d'ouverture qui est maintenant à Meudon, où les conditions atmosphériques sont plus favorables à son grand pouvoir optique que celles que l’on peut trouver à Paris. Le service méridien de l'Observatoire a été entravé par la continuité du mauvais temps ; on a pu faire cepen- dant un grand nombre d'observations de passage. Depuis quelques années, toutes les forces de l’'Obser: vatoire ont été consacrées au service méridien, pour achever la réobservation des étoiles du catalogue de Lalande. Ce travail a été commencé il y a 20 ans, eta fait négliger les autres branches de l’Astronomie. Il est maintenant presque terminé, et l’'Amiral Mouchez pro- pose au Conseil la création d’un service spécial de Spec- troscopie. Quelques-uns des résultats obtenus grâce à cette nouvelle création ont été présentés à l’Académie des Sciences le 7 juillet dernier. MM. Læwy et Puiseux ont continué leurs recherches sur les constantes de réfraction et d’aberration, et ils (1) Nous changeons légèrement la notation pour être mieux suivi par le lecteur. 920 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX n'ont plus besoin maintenant, pour les compléter, que de déterminer latempérature de l'air. MM. Paul et Prosper Henry ont continué leurs tra- vaux sur la photographie stellaire. 38 grands elichés d'étoiles ont été obtenus pendant l’année 1889; il a été fait de plus 5 clichés pour l'étude de la parallaxe de Victoria, MM. Henry ont en-outre obtenu par agrandis- sement direct, quelques belles photographies de la lune de 40 centimètres de diamètre. IIS ont construit des tables pour la détermination de la réfraction pho- tographique. Il à été fait un grand nombre d'observations de comètes. M. G. Bigourdan a fait 300 mesurescomplètes de nébu- leuses, etMile Klumpke a tiré bon parti du grand équa- torial, A la fin de son rapport, M. Mouchez mentionne l'inau- guration de la statue de Leverrier en juin 1889,etsoumet au Conseil une proposition tendant à ce que la statue d’Arago qui est encore à l'Exposition soit instaliée sur la terrasse sud de l'Observatoire, Il propose également qu'il soit percé au sud de l’Observatoire une avenue de 40 m. de largeur pour dégager l'horizon dans le sens du méridien. Le Rapport contient un grand nombre d’autres dé- tails ; il est dans son ensemble très satisfaisant. Ë Richard A, GREGORY. 2° Sciences physiques. Joubert (J.). — Traité élémentaire d’Electricité. 1 vol. in-12, G. Masson, Paris, 1890. Il est toujours fort difficile d'indiquer à un commen- cant un livre capable de lui donner avec netteté et précision, les premières notions d’une science telle que l'Électricité, Combien de traités élémentaires, sous le prétexte de rester à la portée de leurs lecteurs, énu- mèrent une longue suite d’exposés sans démonstration suffisante, de sèches descriptions d'appareils, de pro- cédés industriels à peine indiqués ! Quand au contraire l'auteur tient à la rigueur du raisonnement, bien souvent il se laisse entrainer à des méthodes de calcul peu simples, supposant chez le lecteur une forte ins- truction préalable. Aussi, malgré le grand nombre des traités d’électri- cité, la publication du livre de M. Joubert rend-elle un réel service à tous ceux, qui, n'ayant point suivi de cours spéciaux, veulent se mettre au courant des principes de l'électricité, soit dans un simple but de curiosité scientifique, soit avec le désir d'arriver sans perte de temps à une intelligente application de ces principes à la pratique industrielle, Ce traité, à la portée d’un lecteur dont les connais- sances ne dépassent pas celles que l’on acquiert en mathématiques élémentaires, expose l’ensemble des lois et phénomènes électriques et magnétiques, et les principales applications qui s’y rattachent. Ecartant toute hypothèse, M. Joubert se borne à exposer les faits, à en suivre l’enchainement logique, et à rendre un compte exact des phénomènes, Sans faire une analyse des trente-cinq chapitres de l'ouvrage, nous donnerons seulement une idée de ses grandes divisions : la partie purement théorique, tout à fait au courant des derniers progrès de la Science, traite de l’électrostatique, de l'électrodynamique, du magnétisme, de l’électromagnétisme, de l'induction. Les chapitres suivants, décrivent les principales mé- thodes de mesures, et les appareils qu’elles emploient; la théorie des unités y est développée avec une remar- quable clarté. Enfin, l’auteur aborde l'exposé sommaire des applications : machines, éclairage, galvanoplastie, télégraphie, téléphonie. Un chapitre relatif à l’électri- cité atmosphérique et divers tableaux de constantes, terminent le Traité. Après l'étude de cet excellent ouvrage, le lecteur possédera des notions générales fort étendues. IL se trouvera parfaitement en mesure d'aborder avec fruit, des traités plus spéciaux, développant à un point de vue pratique, en quelque sorte professionnel, l’une quelconque des nombreuses branches que comporte l'industrie électrique, F. DE NERVILLE. Auger (Victor), — Sur les chlorures d’acides biba- siques. — Thése de Doctorat présentée à la Faculté des Sciences de Paris le 1% juillet. Gauthier- Villars el fils, Paris, 1890. Tous les chimistes connaissent les travaux de MM. Friedel el Crafts, en France, et de M, Baeyer, en Allemagne, relatifs aux composés phtaliques; ils se rappellent surtout l’'étonnement que suseita cette con- clusion de leurs recherches, que le chlorure de phta- lyle, loin de renfermer deux fois le groupe CO CI qu'on était accoutumé à voir dansles autres chlorures d'acides, possède une structure dissymétrique et doit être for- mulé 12 cm No. N co Un pareil fait semblait contraire à toutes les règles de la théorie : la vérité est qu'on ne connaissait rien de semblable, C’est à peine si, quelques années plus tard, on osait en rapprocher celte observation de Saytzeff, que le produit qui se forme dans la réduction du chlo- rure de succinyle, produit qu'ilavait considéré d’abord comme l’aldéhyde succinique, est en réalité la lactone CH ÿ oxybutyrique C2Hi O, c’est-à-dire un corps \N C0 dissymétrique. Maintenant que nous savons, par expérience, que les molécules dans lesquelles on rencontre deux points sin- guliers en position relative 1-4, ont tendance à fermer leur chaine par Jonction de ces deux points, ces fails n'ont plus tant lieu de nous surprendre : l’acide sucei- nique, lacide phtalique qui renferme ses deux car- boxyles en ortho, remplissent l’un et l’autre cette con- dition, et si la chaine de leurs chlorures doit se fermer, ce ne peut être qu'à la suite d’une migration molécu- laire qui nécessairement vient rompre la symétrie du système primitif. Mais, avant d’avoir recu la sanction de l'expérience, ce parallèle entre les lactones et les chlorures de phtalyle ou de succinyle n'était qu'une spéculation sans fondement.M. Auger a eu l’heureuse idée d'entreprendre, à ce point de vue, une étude spéciale des chlorures d'acides bibasiques, et de chercher dans quels cas ces composés sont symétriques ou non. Pour mener à bien ce travail, il fallait une méthode : M. Auger s’est d’abord servi du chlorure d'aluminium qui, ainsi quil résulte des belles recherches de MM. Friedel et Crafts, permet d'unir la plupart des chlorures organiques à la benzine ou à ses homologues. Les chlorures d'acides bibasiques devaient ainsi don- ner des diacétones renfermant deux fois le groupe benzoyle C6H5-CO dans le cas où leur structure est symétrique, un oxyacide diphénylé, avec le groupe- ment C(OH) (C6H°}?, ou la lactone correspondante, si au contraire le chlorure est constitué comme le chlorure de phtalyle. Remarquant à ce propos, que dans les réactions du chlorure d'aluminium, toujours complexes et parfois violentes, il peut se produire des transpositions molé- culaires, l’auteur varie ses procédés, et ne tire une con- clusion, qu'après avoir acquis la certitude que les résultats obtenus sont indépendants des circonstances extérieures. Il utilise ensuite l’action de l’ammoniaque sur les mêmes chlorures d'acides; les composés symétriques formant ainsi des diamides normales, les composés dissymétriques devaient fournir un dérivé à structure de lactone, d’où un autre moyen de distinguer les deux séries d’isomères. L'action de la benzine sur le chlorure de phtalyle, en présence du chlorure d'aluminium, ayant déjà été | | 4 | . Éd ratts BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 521 étudiée par MM. Friedel et Crafts, M. Auger applique seulement à ce produit sa deuxième méthode et il arrive à préparer ainsi la phtalamide dissymétrique C(AzH?}? con” S$ perd de l’'ammoniaque, et donne l'isomère dissymé- trique, non encore signalé, de la phtalimide. Tous ces produits repassent d’ailleurs à l’état symétrique, plus stable, quand on les chaufle vers 1400. Ces observations étant d'accord avec les résultats acquis antérieurement, M. Auger, sûr de ses méthodes, leur soumet d'abord le chlorure de succinyle, qui peut CCR s’écrire C?H* (COCI} ou Hi” is CO Z atomes de carbone typiques, occupent respectivement les mêmes situalions, que ceux du chlorure de phta- lyle, c’est-à-dire la position favorable à la liaison lac- tonique. Il n’a pas de peine alors à reconnaître que ce produit est un mélange du corps symétrique (8 à 10 pour cent) avec beaucoup de son isomère; en le traitant par la benzine et le chlorure d'aluminium il obtient à la fois O. Ce corps, sous l'influence des acides, O. Ici les deux C(CSH5)2 la lactone Y diphényloxybutyrique cm” No et ] a lactone y diphényloxybutyriq Noé e dibenzoyléthane C2H{(CO-C6H°) dont il démontre la fonction diacétonique en préparant et analysant son oxime; enfin l’ammoniaque lui fournit de la succina- mide ordinaire, ainsi que son isomère dissymétrique non transformable en imide. Le chlorure de succinyle, conformément aux indica- tions théoriques, se comporte donc. à très peu de chose près, comme le chlorure de phtalyle, L'auteur examine ensuite le sulfosuccinyle de Weselsky, pour lequel il propose de nouveaux modes de préparation. L'action de la phénylhydrazine sur ce composé, lui donne de nouveaux corps, qu'il nous est impossible de décrire iei, quoiqu’ils présentent plus d’un point inté- ressant à l étude, et que celte partie du travail prète à la critique plus que les autres : ainsi la formule attri- buée à l'acide isothiosuccinophénylhydrazique n’est peut- être pas suffisamment établie; la dénomination de succinophénylhydrazide symétrique appliquée à l’anilide NEO beaucoup trop la dihydrazide C?H*(CO Az°H? C5 H5}?; mais ce ne sont là que des objections de détail, et il ressort nettement de cet ensemble de recherches, toutes irréprochables au point de vue de l'expérience, que le sulfosuccinyle est dissymétrique comme le chlo- PLAT Co 0 CS OH c’est l’anhydride d’un acide thiosuccinique C?H4 NCOOH dont l'acide isothiosuccinophénylhydrazique de M, Au- ger constitue vraisemblablement la monohydrazide, du côté sulfuré. M. Auger passe alors aux acides dicarboxylés dans des positions autres que 1 et 4. L'acide oxalique ne lui a rien donné; on pouvait s’y attendre ; mais, sous l’ac- tion du chlorure de thionyle SOC, l'acide malonique lui a fourni le chlorure de malonyle qu'on avait cherché vainement jusqu'ici, Ce chlorure donne avec la benzine et le chlorure d'aluminium le dibenzoylméthane CH(CO CS HS} : il est donc symétrique, ainsi d’ailleurs que le chlorure d’éthylmalonyle qui, dans les mêmes conditions, forme l’éthyldibenzoylméthane. Enfin il en est de même du chlorure de glutaryle (CH?) (COCI) et du chlorure de sébacyle (CH?) (CO CI)? de la succinimide C°H: Az— AzHCGHS rappelle rure d’où il dérive, et qu'on doit l'écrire C°H* qui donnent l’un et l’autre naissance à des diacétones symétriques dans la réaction au chlorure d’aluminium. La principale conclusion du travail de M. Auger est que les seuls acides pouvant donner des chlorures dis- symétriques, sont ceux dans lesquels les groupes car- boxyles sont en situation Y, autrement dit dans les positions 1-4, Il y a là un rapprochement manifeste avec la production des lactones et des lactames, dont l'importance n’échappera à personne, Si nous repro- duisons seulement cette conclusion, c’est qu’elle nous paraît suffire à caractériser un excellent travail, remar- quable par l'exactitude des observations, et où, dans ses grands traits, la théorie suit pas à pas l'expérience, sans jamais s’égarer. L. MAQUENNE. 3° Sciences naturelles. Eloos (D'J H.). — Entstehung und Bau der Ge- birge erlautert am geologischen Bau des Harzes. In8, vi. 92 p. avec 21 fig. dans le texte et 7 planches. Brunswick. G. Westermann, 1890. On peut dire sans exagération. que l'étude des Alpes a, depuis quinze ans, renouvelé la géologie ; les travaux de Suess, Heim et Baltzer, ont en effet considérable- ment élargi le cercle des idées jusque-là régnantes, en permettant d'éliminer du même coup une foule d’hypo- thèses qui avaient cours au sujet de la formation des chaînes de montagnes. Le rôle passif des roches érup- tives, la distinction des deux régimes orogéniques cor- respondant aux pays de failles et aux zones plissées, la continuité et l’allure curviligne en plan des plisse- ments, la fréquence des plis couchés, l'importance des phénomènes de dénudation — tels sont, parmi beaucoup d’autres, les principaux faits que ces nouvelles études ont mis en évidence. M. Kloos s’est proposé de résumer l’ensemble de ces recherches dans un langage accessible à tout esprit cultivé; profitant du voisinage du Hartz, il a pris de nombreux exemples dans ce petit massif, en s’ap- puyant sur les travaux de Lossen, von Groddeck, Kayser, etc. L’opuscule du professeur de Brunswick, sans rien présenter de bien nouveau, sera lu néan- moins avec intérêt, comme renfermat un bon exposé de l’état actuel de la science sur la matière. Les figures reproduisent, pour la plupart, des coupes antérieurement publiées par divers auteurs. Emm. de MARGERIE. Daguillon (Aug). — Recherches morphologiques sur les feuilles des Conifères. Thèse de Doctorat présentée à la Faculté des Sciences de Paris, le 19 Mai. P. Klinchsieck. Paris, 1890. Toutes les feuilles d’une même plante ne se présen- tent pas loujours avec des caractères identiques, Cette différenciation, parfois provoquée par un changement de milieu (Renoncule d'eau, Mâcre, etc.,) peut être simple- ment liée à l’âge de la tige; c'est ainsi que les feuilles de la base de la tige peuvent présenter une forme différente de celles qui en occupent le mil'eu (Campanules). Si lon accorde à la structure des feuilles une certaine valeur taxinomique, il est utile de dire exactement quelles sont les feuilles qu'il s’agit d'étudier. Le travail que M. Daguillon vient de mener à bien. nous prouve que, c’est surtout vrai, pour les végétaux de la famille des Conifères, L'auteur s’est proposé de suivre pas à pas le développement des feuilles à partir de la germi- nation, et de montrer la différenciation progressive de ces organes. Dans le mémoire qu’il vient de présenter à la Faculté des Sciences, il a limité ses recherches à la tribu des Abiétinées. Chez l'A bies pectinata par exemple, il a trouvé à partir de la germination, trois formes defeuilles : 4° Les coty- lédons disposés au nombre de 5 à 7 en un verticille ;ils ont une section triangulaire, ne portent des stomates qu'à leur face supémeure et ne possèdent qu’un seul faisceau libéro-ligneux. 2° Un deuxième verticille de 522 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX feuilles en même nombre que les cotylédons, et alter- nant avec ces derniers; elles ont une section elliptique, ne possèdent, comme les colytédons, qu’un seul fais- ceau libéro-ligneux, mais portent leurs stomates à la face inférieure. 3° Enfin à partir de la deuxième année, la tige porte des feuilles alternes et non plus verticillées, à section elliptique comme les précédentes mais un peu plus aplaties; elles possèdent un hypoderme scléreux ; enfin elles ont deux faisceaux libéro-ligneux au lieu d’un seul. Chez le Pinus pinea. les cotylédons au nombre de 12 et formant un verticille, ont une section triangulaire, avec un seul faisceau libéro-ligneux, et des stomates seulement sur les deux pans de leur partie supérieure. La pousse qui continue la tigelle pendant le cours dela première année porte des feuilles éparses à section elliptique, pourvues d’un seul faisceau et possédant des stomates sur leurs deux faces. Enfin, à partir de la deuxième année, à l’aisselle d’écailles alternes cor- respondant aux feuilles dont nous venons de parler, naissent de courts rameaux portant deux feuilles à sec- tion demi-circulaire, portant des stomates sur tout leur pourtour, mais se distinguant surtout des précédentes, au point de vue de leur structure, par l'existence d’un hypoderme scléreux et la bipartition du faisceau libéro- ligneux. , La même marche d'étude appliquée aux diverses es- pèces d’Abies, Picea, Pinus, Larir, Cedrus, ete., a con- duit l’auteur à cette conclusion importante, qu'il existe toujours chez les Abiélinées des feuilles primordiales placées entre les cotylédons et les feuilles de la plante adulte. Il s'établit dans la morphologie interne des feuilles, à partir de la germination, une différenciation très nette, qui se manifeste par une modification phyl- lotaxique, par un changement d'état de la surface épi- dermique, par l'apparition d’un hypoderme seléreuxet enfin par une altération de la nervure médiane. Le mémoire de M. Daguillon est accompagné de quatre planches consacrées aux détails histologiques ; mais, il faut surtout savoir gré à l’auteur de l’heureuse idée qu'il a eue d’intercaler dans le texte un grand nombre de figures schématiques qui le complètent heureuse- men: et qui contribuent à en rendre la lecture facile, agréable et instructive. Henri LECOMTE. Moussu, Chef des travaux anatomiques à l’École vétéri- naire d'Alfort. — De l'innervation des glandes parotides chez les animaux domestiques. Archives de physiologie normale et pathologique, Paris, 1890. Après un historique très clair et concis sur la décou- verte des nerfs secrétoires salivaires, M, Moussu expose ses propres recherches, anatomiques et physiologiques, sur les nerfs sécrétoires de la parotide, Chez tous les mammifères domestiques les nerfs excito-sécrétoires parotidiens sont des dépendances apparentes du nerf maxillaire inférieur. Chez le bœuf, les filets parotidiens constituent un cordon nerveux assez volumineux (de 02002 de diamètre environ), qui se détache du buccal sous le muscle mas- séter, se rend au bord antérieur de ce muscle, et s’ac- cole intimement au Canal de Sténon en suivant un tra- jet récurrent jusqu’à la glande parotide. Chez le cheval, le nerf excito-sécrétoire de la parotide, est constitué par quatre ou cinq filets quise détachent du trijumeau, vers le ganglion de Gasser, pour se diriger vers le bord anté- rieur de la parotide, en descendant à la surface de la poche gutturale au milieu du plexus sous-zygomatique. Les nerfs parotidiens du mouton, au nombre de deux, ont un trajet rétrograde : comme ceux du bœuf, ils se détachent du buccal, La parotide du porc, possède deux nerfs excito-sécrétoires différents : l’un est destiné au lobe inférieur, l’autre au lobe supérieur, Par la méthode des sections et des excitations, M. Moussu est arrivé à des résultats nouveaux très intéressants. Il conclut de ses expériences : 1° que les mouvements de mastication seuls, n'ont aucun rôle sur la parotide; 2° que la sécré- tion succède à l'impression de certains nerfs sensitifs, dentaire et buccal; 3° que les fibres sensitives du lin- gual, et les fibres sécrétoires de la corde du tympan, semblent former un couple, et que les fibres sensitives des dentaires et du buccal, d’une part, et les paroti- diens, d'autre part, semblent former un autre couple; 4° que les nerfs excito-sécrétoires des parotides, partent de la racine motrice du trijumeau, et non du facial, M. Moussu à constaté un autre fait très curieux, c'est l'impossibilité apparente d'arriver à l'épuisement de la glande par l'irritation des nerfs sécrétoires. Une exci- tation prolongée pendant quatre heures n'a pas suffi pos amener l'épuisement de la sécrétion chez le œuf. M, KAUFMANN, Boschetti (F). — Le legsi dell’eriderarula con nueve ipotesi fisio-embriologio. Festa et Tarzzo. Turin, 1890. L'étude de M. Boschetti comprend deux parties. Dans les premiers chapitres, qui constituent une simple introduction à la partie essentielle et originale de son ouvrage, l’auteur passe en revue les deux grandes thèses qui règnent encore sur l’origine des espèces. Il groupe autour de deux noms les partisans plus ou moins divergents de chacune d'elles, les transformistes ayant pour point de ralliement Darwin et Settegast. tandis que les non-transformistes sont placés sous le vocable non moins étonnant : Linnée-Sanson. La seconde parte est originale, avons-nous dit, et ce mot peut être pris dans ses deux acceptions francaises. Il nous suffira d'indiquer les propositions soutenues par l’auteur. 1° Il existe dans les centres nerveux un centre spécial de reproduction — et d'autre part une localisation ovulo-spermatique (localisazione ovulo- spermatica); c'est-à-dire que chaque partie de Pois : nisme dépend ontogéniquement soit de la cellule mâle, soit de la cellule femelle procréatrice. 2 Le centre de reproduction exerce une influence spécifique sur l’en- doderme et l’ecloderme, etsimplement prépondérante sur le mésoderme, 3° Le tempérament dépend essen- tiellement du reproducteur mâle; mais le tempéra- ment tel que le définit M. Boschetti, ne correspond nul- lement, à ce que l’on entend habituellement par ce mot. C'est ainsi que ce que nous appelons ,tempéra- ments sanguin, lymphatique, M. Boschetti le désigne sous le nom de constitutions sanguine, etc. Le tem- pérament procède uniquement des modifications du système nerveux. Quant aux constitutions, elles déri- vent soit de la mère, si elles dépendent du feuillet in- terne du blastoderme, soit de la mère ou du père quand il s’agit du feuillet moyen. Le sexe relève du centre nerveux reproducteur paternel, bien que l’au- teur soit forcé, étant donnés certains faits d’observa- tion, établissant l'influence psychique maternelle, d'admettre également le rôle d’un centre nerveux re- producteur de ce côté. Il nous est impossible de résumer les chapitres dans lesquels l’auteur expose les données sur lesquelles il ‘s'efforce d'établir ses vues assurément nouvelles, mais pour le moins hypothétiques. Ë EN Yung (Emile), — Proposscientifiques. Paris, C. Rein- wald. Genève, R. Burkhardt, 1890. Les questions de zoologie occupent la plus large place dans l'ouvrage de M. Emile Yung. L'auteur s’at- tache particulièrement aux expériences, qui mettent en évidence l’action des milieux extérieurs et de la lumière sur la vie et le développement des animaux. L'action de la lumière a été l’objet de recherches spéciales, et à ce propos, ayant exposé les expériences montrant à quelle profondeur pénètrent les rayons lumineux, soit dans l’eau de mer, soit dans l’eau douce, M. E. Yung donne un aperçu de la faune profonde des lacs suisses et, d’après M. Forel, une ingénieuse théo- rie de l’origine de cette faune, F7 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX | 523 Examinant ensuite, l'influence des milieux physico- chimiques sur le développement des êtres vivants, l’auteur rapporte des expériences personnelles. Elles ont porté sur un même animal, la Grenouille vulgaire (Rana esculenta), et ont eu pour but d'examiner l’in- fluence des diverses sortes d'aliments, sur le dévelop- pement et la production du sexe. Les résultats, très intéressants, conduisent à repousser l'hypothèse de Semper, de l'existence d’une substance inconnue favo- risant la croissance des animaux. M. Yung montre que les tétards nourris de viande de bœuf se déve- loppent le plus rapidement; une nourriture exclusive- ment végétale, est en revanche nuisible à la croissance. De plus, une nourriture spéciale favorise le développe- ment de la glande femelle. Ce résultat est remarquable et vient confirmer les expériences du D' Born de Breslau, s'ajoute aux observations de Siebald, Leuckart, vient à l'appui de la loi de production des sexes, énoncée par le professeur Thury, et montre enfin que dans la nature, où l'alimentation des jeunes n'est pas spécia- lisée, la production de mâles et de femelles doit se faire également. A côté de ces questions principales, M. Yung rapporte d’autres résultats, auxquels il a été amené dans le cours de ses expériences : le développement des ani- maux, est d'autant plus lent, que le nombre d'individus est plus considérable, et que la surface d'aération est plus petite. Enfin, l’eau salée est nuisible à la crois- sance du tétard de la Grenouille : néanmoins en pro- cédant graduellement, on peut arriver à obtenir des adultes dans des dissolutions de chlorure de sodium à 8/,,. À une dose supérieure, le sel marin tue plus ou moins rapidement les animaux. Le titre de l'ouvrage de M. Yung montre qu’il ne s’agit pas d’un mémoire scientifique. C'estune causerie variée dans laquelle, à côté des faits importants qu'on vient de relater, on trouvera des détails sur l’organi- sation des Stations maritimes de Banyuls, Roscoff et Naples, sur la pêche et la conservation de la Sardine, et un chapitre qui se rattache plutôt à la Météorologie, sur la présence constante du fer dans les poussières atmosphériques, quel que soit le lieu où elles sont recueillies, — fer, auquel il est impossible d'attribuer une origine lerrestre, > H. GuËne. 4° Sciences médicales. Fauvel et Saint-Hilaire, -- Etat du larynx dans la grippe. Tribune médicale n° 16, Paris 1890. MM. Fauvel et Saint-Hilaire ont remarqué, lors de la dernière épidémie de grippe, que le larynx avait été ra- rement et peu gravement atteint, alors qu’on observaït de nombreuses inflammations des voies respiratoires supérieures, des bronches et du poumon. Les manifes- tations laryngées, consistaient en une simple inflam- mation sous-muqueuse de la région sus-glottique surtout aryténoiïdienne, avec gonflement et secrétion catarrhale plus ou moins abondante; les cordes vocales inférieu- res étaient presque toujours intactes ainsi que lépi- glotte. D'E. DE LAVARENNE. Cornil (Dr A. V.). Professeur à la Faculté de Médecine de Paris; et Babès (V.), Professeur à la Faculté de Médecine de Bucharest. — Les Bactéries et leur rôle dans l’Etiologie, l'Anatomie, et l'Histologie pa- thologiques des maladies infectieuses. 2 vol. in- ° de chacun 600 pages, avec 335 figures en noir et en cou- leur dans le texte, et 12 planches. 2° édition, F. Alcan, Paris 1890, Cette deuxième édition d'un ouvrage qui a déjà obtenu un grand et légitime succès, mérite d'être particuliè- rement signalée, en raison des importantes additions qu'elle a recues,. Il ne faut pas y chercher l'exposé com- plet et en quelque sorte philosophique de nos connais- sances actuelles en microbie, Conformément au titre du livre, la partie purement spéculative de la science y est peu développée, Quelques chapitres seulement, — les premiers, —— sont consacrés aux généralités sur la biologie des Bactéries. C'est à dessein que les auteurs ont peu insisté sur ce sujet, malgré le progrès récent de nos connaissances à cet égard ; médecins tous deux, ils ont voulu étudier les Bactéries non en elles-mêmes et pour elles-mêmes, mais au seul point de vue de leurs relations causales avec les maladies infectieuses. Ce sont donc les rapports des parasites microbiens avec leurs hôtes, — Homme et Animaux domestiques, — qu'ils se sont efforcés de mettre en lumière, Aussi ont- ils fait très large part à l'anatomie pathologique. C’est en cela surtout que leur ouvrage est original. La plu- part des traités de bactériologie ne donnent que des indications sommaires sur l’état histologique des tis- sus envahis par les microbes. Cette étude offre cepen- dant un grand intérêt. Depuis quelques années les recherches de M. Metchnikoff et celles que ses travaux ont suscitées, ont fait faire un grand pas à la ques- tion; elles ont vivement attiré l’attention des observa- teurs sur les réactions cellulaires de l’organisme, à l'égard des agents infectieux. Il est aujourd’hui néces- saire d'en tenir compte dans la discussion de tous les problèmes relatifs à l'établissement de limmunité totale, partielle ou nulle dans chaque maladie viru- lente, Sous ce rapport la première édition de MM, Cor- nil et Babès demandait à être complétée : Les auteurs ont tenu à l’enrichir, chapitre par chapitre, des plus récentes acquisitions de la science et à décrire, pour chaque affection, dans la mesure de nos connaissances actuelles, l’état particulier des cellules, fixes ou libres, en lutte avec les microbes, De nombreuses figures, coloriées avec art, repré- sentent avec une fidélité remarquable des coupes de tissus infectés, La plupart de ces coupes ont été faites par les auteurs eux-mêmes et dessinées sous leur direction, car, — c'est le grand intérêt de leur livre, — ils se sont presque toujours imposé la tâche de véri- fier Les faits les plus importants avant de les exposer. Cette utile revision, jointe à l'apport déjà considérable de leurs propres investigations, imprime à l'ouvrage de MM, Cornil et Babès le cachet d’une œuvre en quel- que sorte personnelle, bien que ce caractère semble au premier abord un peu masqué par la richesse de leur érudition. La partie expérimentale a été également très soignée, et mise, dans la deuxième édition, au courant des der- nières acquisitions de la science, Les beaux travaux de M. le professeur Armand Gautier sur les ptomaïines et leucomaïnes, ont introduit dans la conception de la vie normale et pathologique, des idées nouvelles dont il était utile de montrer l'application à l'étude des mala- dies infectieuses, La découverte du rôle que peuvent jouer, comme matières virulentes, vaccinantes ou diver- sement modificatrices de l'économie, certaines excré- tions des microbes pathogènes, réclamait aussi la grande place qui lui a été faite dans la seconde édition. On y trouve en outre de curieuses observations sur l'une des questions les plus neuves de la microbie : celle des associations bactériennes, M. Babès, qui en a fait l'objet de recherches fort ingénieuses à son Ins- titut de Bucharest, a pris soin de les décrire dans un grand nombre de maladies, en particulier dans la tuberculose. Enfin, indépendamment des idées générales qui se sont fait jour en bactériologie depuis quelque temps, la cause microbienne de plusieurs affections jusqu'alors peu étudiées à ce point de vue a été reconnue ou soup- connée, MM. Cornil et Babès ont fait profiter de ces recherches leur seconde édition. On peut donc dire qu'elle résume de la facon la plus complète, létat actuel de nos connaissances en bactériologie médicale, L. O. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER La Société de Biologie, la Société française de Physique, la Société chimique de Paris, la Société royale de Londres, les Sociétés de Physique et de Chimie de Londres, l'Académie des Sciences et la Société de Physique de Berlin, l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, l'Académie des Sciences de Vienne, l'Académie royale des Lincei sont en vacances. ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 28 juillet 1890. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Stephan : Observa- tions, orbite et éphéméride de la comète découverte par M. Coggia à l'observatoire de Marseille, le 18 juil- let 1890 !. — MM. Rambaud et Sy : Observations de la nouvelle planète Charlois, faites à l'observatoire d’Al- ger. — MM. Picart et Courty : Observations de la comète Coggia faites à l'observatoire de Bordeaux, — Mile D. Klumpke : Observations de la comète Coggia faites à l’observatoire de Paris, — M. A. de la Baume Pluvinel expose les conditions dans lesquelles il a observé, à la Canée, l’éclipse annulaire de soleil du 18:juin 1890, — M. F.Caspary: Sur une nouvelle mé- thode d'exposition de la théorie des fonctions thèta, et sur un théorème élémentaire relatif aux fonctions hy- perelliptiques de première espèce. — Le R, P. Colin, décrit cinq tremblements de terre qui ont eu lieu à Ma- dagascar dans les six premiers mois de l’année, il in- dique les déviations que les secousses ont fait subir aux instruments astronomiques de l'observatoire de Tananarive, 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Marguerite-Delachar- lonny a analysé un sulfate d’alumine neutre naturel cristallisé dont la composition vérifie la formule qu'il avait donnée pour ce sel. — M. P, Chabot a étudié le pouvoir rotatoire du camphre en dissolution dans les huiles ; le pouvoir rotatoire moléculaire dans ces dis- solutions augmente un peu à mesure que la dilution devient plus grande, — M, G. Massol a étudié les chaleurs de formation des malonates de lithine. Il à ainsi formé et étudié à ce point de vue le malonate d'argent, — MM. Ph. Barbier et L Roux ont éludié la dispersion dans les acides gras ; les pouvoirs disper- sifs croissent avec la complication moléculaire — Les recherches de M. L. Lindet sur les divers alcools com- merciaux lui ont fait reconnaître que le furfurol est un produit accidentel, dû à divers procédés de fabrication et non un produit rormal de la fermentation. — M. A. Baur : Contributions à l'étude du muse artificiel (trinitroisobutyltoluène). 39 SCIENCES NATURELLES. — M, Marey a commencé à appliquer sa nouvelle méthode photochronographique (photographies successives sur une bande de pellicule sensible qui se déroule) à l'étude de la locomotion aquatique. Il a photographié les mouvements de l’ombrelle de la Méduse, les ondulations des nageoires de la Raie et du Calmar, le mouvement des bras de la Comatule, Je jet du siphon du Poulpe. — MM. Charrin et Gley ont constaté que les produits solubles du bacille pyocyanique, injectés à des lapins, suppriment où au moins diminuent chez ces animaux les réflexes vaso-dilatateurs; ces produits ont donc pour effet de mettre obstacle à la diapédèse et à la phagocytose par lesquels l'organisme lutte contre l’envahissement des microbes, — M. Chr. Bohr explique par la coexistence dans le sang de plusieurs hémoglobines distinctes les contradictions des auteurs au sujet de cette substance. — M. Paul Pelseneer a retrouvé chez les Pélécypodes en suivant la série depuis les genres les plus primitifs, la disposition normale du système nerveux des Mol- lusques, — MM. P. Fischer et Œhlert comparent les ! Voir page 528 de la Revue générale des sciences. Brachiopodes recueillis par le Travailleur et le Talisman dans l'Atlantique, avec ceux de la faune Pliocène du sud de l'Italie, et ceux qui vivent actuellement dans les profondeurs de la Méditerranée; celte comparaison établit que les Brachiopodes méditerranéens sont en voie d'extinction, probablement parce que les eaux profondes de la Méditerranée s’échauffent de plus en plus. — M. L. Guignard : sur la localisation des prin- cipes qui fournissent les essences sulfurées des Cru- cilères, Séance du 4 aott 1890. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Cosserat: Observation de la comète Coggia (18 juillet 1810) faites à l’observatoire de Toulouse. — M. Charlois : Eléments et éphémérides de la comète Denning (23 juillet 1890). M. P. Tacchini : Résumé des observations solaires faites à l'observatoire royal du Collège romain pendant le second trimestre de 1890. 2° SCIENCES PHYSIQUES, — M. A. Leduc remarque que les chiffres donnés par Regnault pour la densité de Pa- zote et celle de l’oxygène sont inconciliables avec la proportion centésimale de ces gaz dans l’air, telle que l'ont établie Dumas et Boussingault. Des raisons théo- riques et quelques expériences préliminaires lui font croire que c’est le chiffre de la densité de l'azote qui doit être augmenté, d'un millième environ — Dans des communications précédentes, M. A. Witz a signalé la variation qui se produit dans la résistance d’un tube de Geissler soumis à l’action d’un champ magné- tique. Etudiant le cas où la pression dans le tube varie, il a reconnu que cette action, toutes choses égales d’ailleurs, diminue d'intensité à mesure que la pression croit: considérable dans le vide presque complet, elle est nulle à la pression de trois kilogrammes, — M. A. Colson signale quelques réactions qui ont lieu confor- mément aux lois de Berthollet, eten opposition avec les lois thermochimiques, c’est-à-dire qu’elles sont endothermiques, que l’on considère les chaleurs de formation des composés, soit dans l’eau, soit en dehors de l’eau ; exemple, la piperidme déplace le calcium, et la pyridine, l’amline, de leurcombinaison avec l'acide chlorhydrique. — M. G.Chesneau a étudié la facon dont l'acide sulfhydrique se partage entre les métaux de deux sels dissous, lorsqu'on l’ajoute sans excès; le temps pendantlequel dure le contactinflue sur le résultat final, — M, À. Combes a obtenu, à partir de l’acèty- lacétone, l'alcool dicétane 8. , 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Charles Henry a étu- dié la sensibilité thermique en partant d’une notation spéciale des températures, fondée sur le principe de Carnot et étudiée en 18N7 par M. F. Lucas. Il a observé des variations dans la grandeur de la plus petite diffé- rence perceptible qui le conduisent à admettre une forme rythmique pour la sensibilité thermique. — MM. Combemale et François ont étudié les troubles nerveux que produit chez le chien l’empoisonnement par le plomb. Diverses causesoccasionnelles, de petites doses d'alcool, par exemple, font éclater des accidents graves là où le saturnisme chronique était resté latent. — M. Christian Bohr décrit plusieurs com- binaisons de l’hemoglobine avec l'acide carbonique, — Les expériences de M. Louis Blanc montrent, contrai- rement à l'opinion recue, que les diverses matières colorantes ajoutées à l'alimentation des vers à soie ne teintent pas la soie; quelques-unes seulement im- prègnent la couche extérieure de gris. — En étudiant la ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 32 © division cellulaire chez le Spirogyra orthospira, au moyen d’une technique nouvelle, M. Degagny a cons- taté: dans le noyau, l'existence de granulations chro- matiques indépendantes du nucliolé ; ces granulations gagnent les pôles du fuseau dès le début de la caryolise et plus tard forment la portion externe de chacun des nouveaux noyaux. — M. A. de l’Ecluse indique que, pour protéger la vigne contre le Black-Rot, il faut as- perger du composé cuprique les deux faces des feuilles. — M, P.-P. Dehèrain. Sur l'épuisement des terres par la culture sans engrais. — Etude des eaux de drainage. (Voir à ce sujet la Ghronique parue dans le n° 15 de la Revue générale des Sciences du 15 août 1890 page 496). Séance du A1 août 1890. SctENcEs PHYSIQUES. — M. de Gerson présente une lampe électrique, dite lampe Sfella, construite sur les données d’une commission anglaise pour l’éclai- rage des mines. — M. Berthelot rappelle que la sta- tique chimique est régie par deux principes: celui du travail maximum, qui tient compte seulement des énergies intérieures des systèmes et détermine les réactions exothermiques; tandis que celui de la disso- ciation fait intervenir les énergies calorifiques exté- rieures et détermine les réactions endothermiques. C’est le jeu simultané de ces deux lois différentes qui donne l'interprétation des faits que l’on a voulu opposer à l’une d’entre elles. Considérant en particulier les réactions données par M. Colson comme contradictoire avec les lois thermo-chimiques, M. Berthelot fait voir d’abord, que l’action de la piperidine sur les sels de chaux ne consiste pas en un déplacement de la chaux, mais bien dans la formation d’un précipité complexe, où la piperidine s'unit à la chaux. Quant à l’action de la pyridine sur les sels d’aniline, il n’y a pas là dépla- cement total, mais un partage de l’acide déterminé par l’état de dissociation des sels des deux bases antago- nistes. — MM, Berthelot et Friedel ont examiné la mé- téorite de Magura (comté d’Arva, Hongrie), dans le but de déterminer s’il s’y trouvait du diamant. Après qu'on eùt éliminé toutes les autres variétés du carbone qui auraient pu s’y rencontrer, il est resté une très petite quantité d’une substance cristalline, rayant le rubis ; il a été reconnu que cette substance était du quartz. Il n'a pas été trouvé trace de diamant, — M, Villard a obtenu à l’état solide l’hydrate de propane et les hydrates des fluorures de carbone. — M. E. Gérard a trouvé dans l'huile de Datura un acide gras, inter- médiaire à l'acide stéarique et à l'acide palmitique; il lui donne le nom d'acide daturique. SCIENCES NATURELLES. — M. Aug. Letellier a cherché à déterminer quel est le produit odorant qui prend naissance en même temps que la pourpre par l’action de la lumière sur la bandelette du Purpura lapillus ; cette substance est en trop petite quantité pour qu'on ait pu l’isoler, mais l’auteur a constaté la présence du soufre et diverses réactions propres au sulfure d’allyle, — M. Maupas a cultivé et fait reproduire dans diverses conditions l’Hydatina senta (Rotateurs). Il a constaté la réalité de la fécondation, et la coexistence de ce mode de reproduction à côté de la parthénogenèse. — M. C. Sauvageau décrit le pore aquifère qui existe à l'extrémité des feuilles de Potamogeton, et ses rapports avec la nervure médiane,— M, Raphaël Dubois montre queleliquide de l'urne des Nepenthes ne possède pas par lui-mème la propriété de digérer l’albumine, et qu'il doit l’action observée dans divers cas aux micro- organismes qui l’envahissent. — M. M. Brandza à étudié dans quelques plantes hybrides la facon dont les caractères anatomiques des parents se mêlent ou s’excluent chez le descendant, Séance du 18 août 1890 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. M. A. Quiquet : Essai d’une théorie concernant une classe nombreuse d’an- nuités viagères sur plusieurs têtes et exposition d’une méthode propre à les formuler rapidement, 20 Scrences PHYsIQuEs. — M. H. Poincaré fait remar- quer que M. Hertz, en calculant la période de son excitateur primaire, a commis une erreur telle que cette période doit être divisée par (3 pour être exacte. Quant au rapport qui doit exister entre la longueur d'onde observée et la période calculée d’après la théo- rie de Maxwell, M. Poincaré estime qu’il faudrait faire le calcul d’une facon rigoureuse avant de pouvoir com- parer la théorie aux résultats expérimentaux. Il montre comment on peut effectuer ce calcu! dans un cas par- liculier, — M. C. Decharme indique divers procédés par lesquels on peut obtenir l’aimantation transversale d’un barreau ou d’une lame, en opérant par touches avec des aimants. — M. G. Trouvé donne la descrip- tion d'un appareil d'éclairage électrique destiné à l'exploration des couches de terrain traversées par les sondes. -- Il donne également la description d’une lampe électrique portative de sûreté, inventée par Jui et déjà employée pour les poudrières, etc.; il en pro- pose l'emploi pour l’éclairag» des mines grisouteuses. _—_ M, Mascart présente en son nom et au nom de M. H. Wild les Tables météorologiques internationales qu'ils ont rédigées conformément aux décisions du Congrès météorologique international, pour rendre uniformes dans tous les pays le calcul et la réduction des observations. — M. L. L. Fleury a étudié expéri- mentalement les sons rendus par des tuyaux coniques non tronqués, c’est-à-dire réduits à un point à leur partie supérieure. Selon lui, un tuyau conique donne la même note qu'un tuyau cylindrique ouvert. Les tuyaux coniques octavient d’ailleurs beaucoup plus faci- lement que les tuyaux ouverts. — M. L. Barthe à obtenu l’éther allyleyanosuccinique; il a aussi obtenu et étudié les cyanosuccinate et cyanotricarballylate de méthyle. —M. C. Viollette décritun procédé d'analyse des beurres permettant d'évaluer avec précision la quantité des divers acides gras, volatils et fixes; de la proportion entre ces divers acides, il est facile de con- clure à la présence ou à l'absence de margarine dans le produit étudié. — Le même auteur propose d’appli- quer à cette recherche les procédés optiques. — M. Fer- reira da Silva signale une réaction odorante qui per- met de caractériser la cocaïne; traitée par Pacide nitrique fumant, puis par une solution alcoolique con- centrée de potasse, cet alcaloïde dégage une odeur parti- culière, qui le différencie de tous ceux du même groupe. 30 SCIENCES NATURELLES, — M. A. Trecul décrit la façon dont se forment les premiers vaisseaux dans les fleurs de quelques Tragopogon et Scorzonera. — MM. J. Grancher et H. Martin ont obtenu sur le lapin la vaccination contre la tuberculose. Ils avaient déjà consigné leurs premiers résultats dans un pli cacheté du 19 novembre 1889. Ils ont obtenu d’abord des cultures de virulences graduellement décroissantee ; puis, ils ont inoculé ces cultures par la voie intravei- neuse, dans l'ordre de virulence croissante, jusqu'à celles qui sont sûrement et rapidement mortelles. Les lapins inoculés dans ces conditions, comparativement avec d'autres recevant d'emblée les cultures mortelles, ont présenté constamment une survie considérable; quelques-uns même vivent encore; les témoins sont toujours morts rapidement. L, LAPICQUE, ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 12 août 1890 MM. Vibert el Bordas, ayant constaté sur des pe- tites filles atteintes de vulvites à la suite d’attou- chements, la présence de micro-organismes, ayant tous les caractères des gonocoques, alors que les inculpés n'avaient pas trace d'écoulement uréthral, concluent à l'impossibilité de diagnostiquer la na- ture blennorhagique des vulvites par les microrga- nismes que contient l'écoulement. — M. Paul Gibier relate ses expériences sur l’eau oxygénée, comme antiseptique, desquelles il résulte que lorsqu'elle est bien préparée elle possède une action destructive 526 COURRIER D'AMSTERDAM des microbes presque instantanée, agissant probable- ment sous forme d'ozone. — M. Terrillon présente l'observation d’une femme de 53 ans à laquelle il à fait par ligature élastique une résection étendue du foie. Guérison en trente jours. — M. Le Dentu fait une communication sur l’élephantiasis peri-testicu- laire et epididymaire coïncidant ou non avec l'ele- phantiasis du serotum, qu'il à observé plusieurs fois sur des sujets nés dans les pays chauds et auquel il attribue une origine paludéenne. D' E. DE LAVARENNE. ASSOCIATION TECHNIQUE MARITIME Séance du 26 juin 1890 M. J. A. Normand présente une « note sur les ac- tions réciproques du gouvernail et de l’hélice », La puissance giratoire du gouvernail est sensiblement di- minuée, lorsqu'il se trouve placé en avant de l’hélice. Aussi cette position relative des deux organes d’évolu- tion et de propulsion est-elle généralement considérée comme inadmissible; elle serait pourtant, sans cet inconvénient capital, préférable à la position qui leur est attribuée d'ordinaire. L'auteur établit que la diminu- tion du moment de giration provient de ce que l’hélice, par suite dé la déflexion de l’eau due au gouvernail qui la précède, exerce une action latérale en sens inverse de celui-ci, Mais d’autre part, on peut constater expéri- mentalement au moyen d’une ligne munie de flotteurs qu’on laisse filer le long du safran du gouvernail d’un navire rapide, un torpilleur par exemple, que la dévia- tion des filets liquides ne s'étend qu'à une faible dis- tance, deux mètres au plus, sur l'arrière, Il en résulte qu'on pourra placer le gouvernail devant l’hélice, sans craindre que leurs actions se contrarient, à la seule condition de ménager entre eux un intervalle suffi: sant. Cette disposilion aurait de sérieux avantages sur le système usuel : elle supprimerait en effet les trépidations du massif arrière qui nuisent à la jus- tesse du Ur et ébranlent dans les navires à grande marche le rivetage de létambot : on regagnerait la vitesse que font perdre les chocs de l’eau projetée par l’hélice, et l’onaurait une meilleure utilisation ; l’'émer- sion du gouvernail dans le fangage, qui le rend inutile et l’expose aux coups de mer, et aux projectiles, ne serait plus à craindre, M. Normand fait une applica- tion de cette nouvelle disposition sur un torpilleur ac- tuellement en construction dans ses chantiers.—M. Cui- zinier communique les résultats d'expériences qu'il a entreprises sur la résistance de J’acier employé dans les constructions navales. Des essais de traction et des essais de choc exécütés sur l'acier coulé qui a remplacé depuis peu d'années le fer forgé dans la fabrication des étraves, étambots et gouvernails ont donné des résistances moyennes de 52 kg à la rupture, avec 18 0/, d'allongement : la marine n’exige que #5 kg et 8 0/5. Il rapporte ensuite des essais de tôles à la flexion, qui ont pour but de rechercher le meilleur écartement à donner aux rivets des joints étanches, II trouve que cet écartement doit être fonction, non seu- lement du diamètre des rivets, mais aussi de l’épais- seur des tôles, et propose de substituer à la règle ordinaire des constructeurs la formule E = « (e +d) où E représente l’écartement des rivels, d leur dia- mètre, e l'épaisseur de la tôle, et & un cæfficient qu’on peut prendre égal à 2,5 pour le rivetage simple, et à 3 pour le rivetage double, En troisième lieu, des essais à la traction des tôles percées de trous de rivets per- mettent de comparer la valeur relative des différents modes de percage. L’infériorité des tôles poinconnées, relativement aux tôles forées, ou à celles dont les trous ont été alésés, est d'environ 12 °/, sur la résistance et 50 0/, sur l'allongement, Le recuit après poinconnage rend à la tôle ses qualités et donne les mêmes résultats que l’alésage. Enfin, M. Cuizinier étudie la question du rivetage en acier. Il est prudent de n’employer pour les rivets que des aciers très doux, donnänt 25 0}, d’allongement minimum, avec une résistance comprise entre 40 kg et43 kg. Il est important en outre de déter- miner la pente des fraisures d’après la qualité de l'acier; d’une part, en effet, cette pente doit être d’au- tant plus grande que le métal est plus doux; d'autre part, plus elle est forte, plus est sensible lécrouisse- ment des rivets. En général on exagère cette pente. Des expériences faites par l’auteur, il résulte que la pente de 15° est suffisante pour des aciers rompant sous une charge de 40 kg. L. Viver. COURRIER D’AMSTERDAM Presque tout le mouvement scientifique des Pays- Bas se produit à l’Académie royale d'Amsterdam. A chacune de ses séances, qui sont mensuelles, cette com- pagnie accueille les recherches que lui communiquent ses membres el souvent aussi les mémoires des savants nationaux, C’est de quelques-uns de ces travaux que nous entretiendrons aujourd'hui les lecteurs de la Revue. 1. Appelons d’abord leur attention sur les expériences de M. Pekelharing relatives à la destruction des spores du bacilles du charbon par le sang du lapin. (1) Cet au- teur enveloppait les bacilles dans du papier de perga- ment et introduisait le tout sous l’épiderme d’un lapin à l’abri des phagocyles : quelque temps après, non seulement les bacilles, mais même leurs spores étaient morts. Cette observation éclaire la question, restée jusqu'alors assez obscure, du mode de destruction des microbes dans l’organisme, M. Pekelharing poussa plus loin l'analyse du phénomène ; il ensemenca bacilles et spores dans un bouillon, dont il remplaca l'air par de l’acide carbonique. Les bacilles moururent, tandis que les spores conservèrent leur vitalité : elles n’évoluaient pas, mais ce qui prouve qu'elles n’y périssaient pas, c’est qu'à la sortie de ce milieu elles germaient dans les bouillons où l’oxygène avait accès. Au contraire ces | Mémoire présenté à l’Académie royale d'Amsterdam, le 29 mars 1890. mêmes spores perdaient la faculté de germer ultérieu- rement lorsqu'on les semait &-vitro, dans du sang de lapin insuffisamment oxygéné, Il y a donc dans le sang de cet animal une substance qui, en de certaines cir- constances, agit chimiquement sur les spores du char- bon pour les tuer. L'activité de cette substance w'offre qu'une durée limitée; elle s'affaiblit avec le temps. Ainsi s'explique la différence d'action des humeurs sur les spores, suivant qu'elles se trouvent introduites dans la circulation par injection sous-culanée, ou loca- Jisées sous l’épiderme à l’intérieur du sac de pergament, Il était utile d'établir cette distinction qui met bien en lumière lune des conditions les plus importantes de l’action microbicide des humeurs. 2. M. Forster s'est occupé aussi de cette importante question de la destruction des Bactéries, mais à un autre point de vue, Il s’est efforcé de déterminer lin- fluence que la fumigation exerce sur leur vitalité et leur virulence, Ses expériences, ayant porté sur des viandes infectées de tuberculose, offrent un intérêt considérable pour la science pure et l'hygiène publi- que (1). L'auteur avait déjà constaté que la salaison de la viande est impuissante à y détruire le bacille de Koch. Aussi eut-il l’idée de la soumettre à une fumi- gation continue pendant quelques jours, après l'avoir 1 Jbidem, 25 avril 1890. CHRONIQUE 527 préalablement salée durant dix jours suivant le procédé qu'emploient les bouchers, A première vue la viande ainsi traitée ne différait de la viande saine que par le pointillé qu'y avaient produit les tubercules. On se trom. perait cependant, si on la considérait comme sainel Introduisez-en quelques parcelles dans le sac péritonéa- des lapins, ces animaux mourront d’une maladie intes- tinale, et vous y reconnaïitrez, à l’autopsie, la tuberculose avec ses bacilles caractéristiques. Donc, contrairement à l'opinion accréditée, la fumigation ne stérilise pas la viande, On lui en avait attibué le pouvoir à la suite d'expériences où l’on avait inoculé aux animaux de l'extrait de viande qui avait subi la fumigation; mais précisément ce n’est pas cet extrait qui renferme les bacilles ; du moins est-il rare de les y trouver, tandis au’ils abondent dans les tissus, De là la discordance des résultats obtenus par M. Forster et les expérimen- tateurs qui s'étaient occupés du même sujet avant lui, — M. Forster fit une enquête au sujet de la viande provenant d'animaux tuberculeux, abattus alors qu'ils semblaient menacés de consomption; dans #3 0/0 des cas leurs chairs contenaient des bacilles et pouvaient ainsi propager l'infection, Salées ou fumées, ces viandes sont donc extrêmement dangereures; elles le sont surtout pour les personnes chez qui la digestion est défectueuse, car, plus que toutes autres, ces personnes sont prédisposées à l'infection. Souhailons avec M. Forster, que les pouvoirs publics prennent défini- tivement des mesures énergiques pour exclure de la consommation toute viande infectée, destinée soit à la consommation immédiate, soit à la conservation. 3. Dans un tout autre ordre d'idées, M, Max Weber vient de faire une observation fort intéressante : il s’agit de l’hermaphroditisme chez les Oiseaux !, Un Pinson commun (Fringilla cælebs, L.) lui fut envoyé de Marderwyk en mars dernier. Le plumage offrait cette particularité curieuse et saillante d’être divisé en deux parties nettement distinetes : toute la moitié droite du corps de l'oiseau était revètue du plumage qui, dans cette espèce, caractérise les mâles, tandis que la moi- tié gauche portait la livrée d’une femelle. La ligne médiane du corps constituait la limite précise et bien tranchée de ces deux plumages. La constatation de ce fait singulier conduisit M. Weber à penser qu'il cor- respondait peut-être à un cas d’hermaphroditisme interne. Il disséqua l’animalet trouva dans son abdomen un ftesticule à droite, un ovaire à gauche, La longueur du testicule était de 00015; l’ovaire mesurait 00035 dans un sens et 0"002 dans l’autre, Ces glandes et leurs produits étaient-elles normales? M. Weber fit à ce sujet des recherches comparatives. Il trouva que, chez les femelles ordinaires du Pinson commun, l'ovaire mesure 00045 sur 020035 ; il ne diffère donc que très peu de l'ovaire du sujet hermaphrodite. La structure anato- mique est d'ailleurs la même; dans l’un et l’autre l’au- teur trouva les follicules au même degré de maturité en rapport avec la saison, L’ovaire du Pinson herma- phrodite devait donc être considéré comme normal. Cette constatation, jointe à l’examen .du testicule, éta- blit le caractère absolument hermaphrodite de lani- mal. C’est là un fait important, car c’est le premier de ce genre qu'on signale d’une facon précise chezles oiseaux. Jusqu'à présent en effet, on n'avait jamais examiné comparativement les glandes génitales chez les oiseaux à plumages combinés de mâle et de femelle. Cabanis a décrit un Bouvreuil portant à droite la livrée du mâle, à gauche celle de la femelle. En 1887 M. Lorentz fit une observation analogue sur un coq de bruyère du Caucase. Les faits de cette sorte ne sont pas rares dans la littérature ornithologique, mais il semble qu’on s’en soit tenu à l’observation des plumes. On sait que cer- taines femelles revêtent quelquefois la livrée du mâle. Dans ce cas, qui est assez rare, lanimal devient sté- rile par suile d'une dégénérescence (arenoïdia) de l’o- vaire bientôt incapable de produire des œufs. De sem- blables individus restent toujours des femelles, mais des femelles stériles, D'autre part on à signalé aussi des mäles revètant une livrée semblable à celle des jeunes femelles. Mais en aucun cas l'hermaphroditisme interne n'avait été reconnu. M. Weber vient de montrer au contraire que la couleur de Panimal, son plumage, sa livrée, sont sous la dépendance des glandes géni- Lales, la couleur définitive se manifestant au moment de la puberté, Sans doute on ne saurait sans témérité ürer d’un fait isolé une conclusion générale, Mais c’est déjà beaucoup de savoir dans quel sens il faut cher- cher, J’userai done, en terminant, de la publicité de cette Revue pour signaler aux naturalistes l'intérêt des investigations poursuivies dans celte direction : l’ob- servation si suggestive de M. Weber témoigne de l’uti- lité de les entreprendre, J. Brena DE Haa. CHRONIQUE DYNAMOMÈTRE UNIVERSEL A LECTURE DIRECTE DU TRAVAIL L'appareil que nous décrivons sous ce titre a été ima- giné par M. G. Trouvé pour servir à la fois de dynamo- mètre et de frein d'absorption et de transmission, Un ressort à lames élastiques plates constitue la partie essentielle et en occupe l’axe ; sa torsion, causée par l'effort, est utiliée, pour mesurer cet efort, au moyen de deux plans inclinés dont l’un est fixe; l’autre, mobile, entraine l'aiguille indicatrice des efforts sur un cadran gradué empiriquement, Le ressort travaille à la torsion, dans les deux sens, loin de sa limite d’élasticité, et l'absorption se fait, pour les petites forces, au moyen de palettes indéfor- mables, en rotation dans Pair (fig. 1). Comme la vitesse est le second facteur du travail, le tachymètre de M. Trouvé est en tout semblable, mais en réduction, à son propre dynamomètre, Lorsqu'il s’agit de mesurer des forces plus consi- dérables, l'absorption se fait par une dynamo (fig. 2). Mais l'appareil tachymétrique reste toujours le mème, qu'il soit placé dans le prolongement de l'axe (lig: 3), ou commandé indirectement par transmission sans glissement (fig. 2). 1 Jbidem, 31 mai 1890, Fig, L — Dynamomètre d'absorption pour les petites forces et divers modèles de compte-tours. A. Moteur en expérience pouvant développer 30 à 40 kilogram- mètres. — B, B. Frein dynamométrique d'absorption à palette carrée ou circulaire, approprié à la mesure des petites forces, depuis celles NOUVELLES -de quelques grammètres, jusqu'à celles de 30 à 40 kilogrammètres. — C. dynamomètre à indication eurviligue de l'effort sur un cadran dont on voit les détails amplifiés au sommet de la figure. — D.compte- tours en S agissant par aspiration sur le manomètre E. — X. mano- mètre à liquide. — FK. compte-tours en S, à section carrée. — G. Compte-tours en S, à section ovoide. — H. compte-tours à branches droites, avec ajutages mobiles aux extrémités, pour fonctionner dans les deux sens.- |. Autre disposition du dynamomètre pour l'indi- cation rectiligne de l'effort, par le jeu d'un manchon à crémaillère et à pignon. — J. Presse-étoupe pour assurer l'étanchéité entre le tour- niquet D et le manomètre E. — K. Détails amplifiés du dynamomètre : 4, manchon universel à la Cardan, s'adaptant sur l'arbre du moteur en expérience; 2, dynamomètre à ressort plat fixé par chacune de ses extrémités à deux tubes concentriques constituant l'axe du sys- tème et dont les positions relatives déterminent les différents degrés de torsion du ressort dynamométrique indiqués par une aiguille sur le cadran 3; 3, cadran gradué empiriquement, indiquant les efforts ; 4, plans inclinés, transformant le mouvement de torsion du ressort en mouvement longitudinal actionnant soit l'aiguille du cadran 3, soit la crémaillère du mouvement rectiligne de l'index du dyna- momètre I: 5, ressort antagoniste léger ramenant la partie mobile du manchon dans sa position normale; 6, gorge profonde sur le manchon mobile dans laquelle s'engage l'arbre coudé de l'aiguille pour l'en- trainer dans son mouvement; 7, coupe transversale du ressort dyna- mométrique, qui peut être composé de plusieurs lames. Fig. 2. — Dynamomètre d'absorption par machine Le] a . dynamo-électrique. À. Cadran indicateur des eflorts.— B, B!, manchons à plans inclinés; B est fixe sur l'arbre C, B! est mobile dans le sens longitudinal et transforme ainsi le mouvement de torsion du ressort dynamomé. trique en un mouvement rectiligne qui actionne l'aiguille du cadran A- — C. Arbre du dynamomètre. — D/, tourniquet à suc :10n, remplacé par l'appareil OLM, ou indicateur des vitesses angulaires, réduction du dynamomètre proprement dit. — E (fig. 2) Machine dynamo d'ab- sorption. — F. Ressort antagoniste ramenant le manchon mobile B' sur le manchon fixe B, de façon que les deux plans inclinés coïn- cident dans la position normale au repos. — G. Gorge profonde dans laquelle pénètre la petite manivelle qui entraine l'aiguille du ca- dran A. — H, 1 (fig. 3). Poulies fixe et folle de commande recevant la courroie du moteur. — HH (fig. 2). Colliers à écrous réunissant l'ap- pareil dynamométrique au moteur K et à la dynamo E.—K. Machine motrice à vapeur — L. Cadran indicateur des vitesses angulaires. — OLM. Appareil indicateur des vitesses, en tout semblable au dyna- momètre proprement dit, composé des mêmes organes, mais en réduc- tion. M est un volant à palettes légères indéformables. La figure 3 montre le dynamomètre disposé en trans- mission avec le tachymètre à aïlettes. Lorsque l’absorption se fait par des ailettes (fig. 1), pour une même palette, l'effort est fonction de la vitesse, et l’on peut inscrire le travail directement sur le cadran. j Trois courbes d'étalonnage, établies une fois pour toutes, permettent de connaitre par une seule obser- vation l’effort, la vitesse et le travail. Dans les machines marines, le ressort dynamo- métrique est l'arbre même de la machine qui peut être assimilé à un ensemble de lames juxtaposées; l’'hélice du bâtiment sert de frein d'absorption, Les efforts de torsion sont alors enregistrés comme dans les appareils précédemment décrits et par les mêmes organes : plans inclinés, cadran des efforts et cadran des vitesses. En résumé, le dynamomètre Trouvé est à lecture directe du travail, et ses indications peuvent être, à chaque instant, établies, lues et interprétées sans le secours d’opérations mathématiques. Ses résultats sont constants et permanents, ce qui permet de les Fig. 3. — Dynamomètre de transmission. enregistrer et de comparer le prix de revient au tra- vail produit. Son emploi est universel, puisqu'il con- vient aux petites forces comme aux grandes, qu'il s’a- dapte entre la puissance et la résistance, sans qu’on ait à s'occuper ni du sens du mouvement, ni de la position des machines entre elles, et qu'il sert aussi de tachymètre, L'emploi du ressort plat évite les frottements, les effets de la force centrifuge, les chocs, et l’on peut, grâce à lui, proportionner la puissance de l’appareil au travail à mesurer par le nombre des lames, et cela sans augmenter son volume. La simplicité de ces dynamomètres de transmission et d'absorption est une des garanties de leur bon fonc- tionnement, et Le frottement tout à tait négligeagle des organes de mesure est une des raisons de l'exactitude de leurs indications, L0; NOUVELLES DEUX NOUVELLES COMÈTES La première a été découverte par M. Coggia, à Mar- seille, le 48 juillet dernier, vers dix heures et demie du soir. Elle se trouvait alorsentre les Gémeaux et la grande Ourse, elle était assez brillante, mais invisible à lœil nu, sans queue, avec condensation centrale; son dia- mètre était de 1',5 à 2’. Comme elle se rapprochait de l'équateur et que d’ailleurs son éclat allait en dimi- nuant, elle est aujourd’hui très difficile à apercevoir parce qu’elle disparaît à l'horizon avant la fin du cré- puscule.: aussi à-t-elle été peu observée. Les orbites calculées avec les premières observations ont montré qu’elle a passé au périhélie le 8 juillet, dix jours avant sa découverte, Elle parait être nouvelle; cependant ses éléments présentent quelque ressemblance avec ceux de la comète qui parut en 1580 et qui fut observé par Tycho-Brahé. La seconde comète a été découverte par M. Denning, à Bristol, le 23 juillet dans la petite Ourse. Elle était alors, et est encore très faible, mais son éclat va en croissant. Elle passera au périhélie vers le 25 sep- tembre, et paraît également être nouvelle. G. B, Le Gérant: OcraAve Don. RER SRE ER e NET PE — Paris.— Imprimerie F, Levé, rue Cassette, 17. CNT re ANNÉE N° 17 15 SEPTEMBRE 1890 REVUE GÉNÉRALE ES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LAGRANGE ET D'ALEMBERT D'APRÈS LEUR CORRESPONDANCE Parmi ceux même qui ne tiennent pas à afficher pour le xvi° siècle un mépris qui, dit-on, est de mode, mais qui n’est pas toujours désintéressé, je ne trouve pas que. d'habitude, on mette d’Alembert à la place qu'il mérite. Les purs lettrés le regardent sans doute comme trop géomètre; quelques mathé- maticiens sont disposés à le ranger parmi les philo- sophes, et ce terme est assurément une injure. Pourtant, comme mathématicien, s’il n'est pas du premier ordre, d’Alembert y touche. A la vérité, il élait moins préoccupé des spéculations de la science pure que des problèmes nalurels; mais il a abordé ces problèmes avec un esprit vraiment scientifique. Comme homme, il prit la vie au sérieux; cet éloge-là n’est pas banal, et il convient d'ajouter que, dans le siècle où il vivait, la frivolité, qui n’étail pas rare, a su quelquefois être charmante. Comme écrivain, il est admirable : dans la corres- pondance de Voltaire, ses lettres étonnent par le contraste : au lieu des petites phrases courtes, volontiers ironiques, parfois un peu sèches de Voltaire, ce sont de grandes périodes qui, par leur bel et harmonieux arrangement, rappellent le siècle précédent, avec quelque chose de plus voisin de nous, de moins abstrait et de plus coloré : la verdeur des expressions ne l’effraye pas, mais la pensée est Loujours sérieuse : les plaisanteries n'y sont pas pour faire rire ; les haines qui secouaient 1 Correspondance inédite de Lagrange et d'Alembert, publiée d’après les manuscrits autographes et annotée par Ludovic Lalanne : 1 vol. in-40; Paris, Gauthier-Villars et fils, 1890, Tome XIII des œuvres complètes de Lagrange. REVUE GÉNÉRALE, 1890. si fort les nerfs de Voltaire, et qui lui arrachaient des eris si aigus, sont chez d’Alembert bien plus profondes et plus intérieures. Sa correspondance avec Lagrange est tout autre, simple, familière, cordiale malgré le «cher et il- lustre ami » que se renvoient les deux géomètres; au travers des formules mathématiques dont elle est parfois hérissée, elle permet souvent de péné- trer dans le caractère intime de l'un et de l’aulre et force le lecteur à respecter et même à aimer les deux grands hommes. Combien ils se ressemblaient peu! Is n’ont guère qu'un trait commun, la facon simple et modeste dont ils parlent de leurs œuvres, et le peu d’enté- tement qu'ils ont à se convaincre mutuellement ‘d'erreur, quand ils se font des objections : « Je ne me ressouviens pas plus que vous, écrit d’Alembert, de ce que je vous ai mandé sur les courbes élastiques et des objections que j'avais faites contre votre théorie. J'ai dans mes papiers quelques barbouillages là-dessus; je vous prie seulement de mettre à part la lettre dont le contenu est une espèce d'extrait de ces barbouillages, sur lesquels je revien- drai peut-être dans quelque temps pour voir si jy re- trouverai le sens commun, et, dans cette supposition (très douteuse au moins) je vous demanderai un mot de réponse aux objections de ma lettre, Jusqu'à ce moment, je serais fâché que vous sacrifiassiez à ces mi- sères des moments que vous pouyez mieux employer, » C'est sur le même ton que lui répond Lagrange. Celui-ci, d’ailleurs, disait que le mérite est en 17 d30 J. TANNERY. — LAGRANGE ET D'ALEMBERT D'APRÈS LEUR CORRESPONDANCE raison inverse des prétentions : d’Alembert ne manque pas de faire, de cette formule mathéma- tique, des applications dans les deux sens: les unes, qui s'adressent à Lagrange, sont aussi flatteuses que justes; les autres ne sont pas sans méchanceté. A l’époque où s'ouvre la correspondance (vers 1160), d’Alembert, en pleine possession de son génie, était déjà illustre. En relation avec la plu- part des savants de son temps, s'appliquant à bien juger ceux qui élaient connus et à deviner les autres, il jouissait d’un grand crédit auprès de Frédéric : on le voit s’en servir continuellement, pour rendre service à des hommes du premier mérite, pour leur procurer des moyens de travailler librement et sans soucis matériels, pour relever leur situalion morale ou pécuniaire : c’est d’abord Lagrange lui-même auquel il fait donner à l’Aca- démie de Berlin la situation d'Euler, qui veut s’en aller à Pétersbourg. Lagrange végétail à Turin, avec une misérable pension de 250 écus, qui n'a- vait pas été augmentée depuis dix ans; on l'y «regardait comme une personne entièrement inu- tile » : d’Alembert lui fait donner 1,500 écus à Berlin, s'ingénie à lui faire obtenir son congé du roi de Sardaigne et à lui procurer les moyens de voyager agréablement d’Ilalie en Allemagne, en passant par Paris. Lagrange au reste lui conserva une reconnaissance qui se trahit dans presque toutes ses lettres, et souvent d'une façon tou- chante. Pendant les vingt-trois ans que dure leur corres- pondance, on sent grandir l'amitié et la confiance mutuelle des deux géomètres ; chacun se réjouit des succès de l’autre ; c’est d’Alembert au reste qui a le plus souvent l’occasion de se réjouir ; vers cinquante ans le rude travailleur se sentait vieux ; et bien souvent il se plaignait de ne pouvoir suppor- ter la tension d'esprit qu'exigent les recherches ma- thématiques; Lagrange avaitune vingtaine d’années de moins que lui, et, dès cette époque, il ajoutait les uns aux autres des mémoires qui devaient faire l'admiration non seulement de d’Alembert, mais de tous les géomètres à venir. Son ami l’excite à concourir pour les prix proposés par l’Académie des Sciences de Paris, l’encourage, le renseigne, lui fait pressentir ses succès, les lui annonce joyeu- sement, et cherche à lui faire parvenir, par la voie la moins coûteuse, la valeur de ces prix : il le fait enfin nommer Associé étranger de l’Académie et, à ce propos, écrit à Frédéric : «Permettez-moi de commencer cette lettre par le com- pliment que je crois devoir à Votre Majesté sur les succès d’un savant que sesbontés ont fait connaitre à l’Europe ; succès dont la gloirerejaillit sur votre Académie,dans la- quelle vous avez bien voulu lui donner une place distin- guée : M. de la Grange vient de remporter, pour la qua- trième ou la cinquième fois, le prix de notre Académie des Sciences, avec les plus grands éloges et les plus méri- tés, el je crois pouvoir annoncer d'avance à Votre Ma- jesté qu'il sera élu dans quelques jours associé étran- ger de notre Académie. Ces places sont très hono- rables, parce qu'elles sont en très petit nombre, fort recherchées, occupées par les savants les plus célèbres de l’Europe, qui ne les ont obtenues que dans leur vieillesse, au lieu que M, de la Grange n’a pas, je crois, trente-cinq ans. Je me félicite tous les jours de plusen plus, Sire, d’avoir procuré à votre Académie un philo- sophe aussi estimable par ses rares talents, par ses connaissances profondes et par son caractère de sa- gesse et de désintéressement », Frédéric lui répond : « Vous distribuez des billets de grand homme à ceux qui se distinguent parmi les nations étrangères. Je suis bien aise que notre La Grange soit de ce nombre; je suis trop ignorant en géométrie pour juger de son mé- rite scientifique, mais je suis assez éclairé pour rendre justice à son caractère plein de douceur et à sa modes- lie », ’ Lagrange, au reste, n’est pas le seul que d’A- lembert essaie de servir; on voit ce dernier s’en- tremettre en faveur de Foncenex, de Lambert, de Beguelin, du jeune Cassini, de Scheele, de Laplace et de bien d’autres : il le fait d’ailleurs avec lhabi- leté d’un homme qui veut atteindre son but, mais avec une franchise qui n'a rien de timide, et un souci continuel de « faire parler la science avec dignité ». Les lettres qui concernent Laplace méritent d’être citées, quand ce ne serait que pour celui qui en est l'objet. « Jai, mon cher et illustre ami, écrit d'Alembert le 1er janvier, 1773, une affaire qui m'intéresse à traiter avec vous. Je vous prie de m'aider, de me diriger, et surtout de me parler avec la vérité que je vous con- nais. Il y a ici un jeune homme nommé M, de la Place, professeur de mathématiques à l'Ecole militaire, où je l'ai placé. Ce jeune homme a beaucoup d'ardeur pour la géométrie et je lui crois assez de talent pour s'y dis- tinguer, {l désirerait s’y livrer entièrement, et, comme sa place de professeur lui prend beaucoup de temps, il en voudrait une qui le laissàt entièrement libre, Notre Académie ne pourrait le satisfaire à ce sujet, parce que les pensions viennent très tard, quelquefois au bout de vingt-cinq ans, et que d’ailleurs il n’en est pas encore, s'étant vu préférer, très injustement, malgré mon suffrage et celui de presque tous nos géomètres, un sujet très inférieur à lui et qui, étant professeur au Collège royal, se trouvait appuyé d’un grand nombre d’académiciens, Il a pensé qu'il trouverait peut-être à Berlin ce qu'il ne pouvait avoir à Paris, que le roi et l’Académie voudraient peut-être bien le recevoir à votre recommandation et à la mienne : je dis à votre de 6 QE | 5 J. TANNERY. — LAGRANGE ET D'ALEMBERT D'APRÈS LEUR CORRESPONDANCE »31 recommandation, car il m'a montré une lettre de vous par laquelle il me paraït que vous êtes content de quelque chose qu'il vous à envoyé, Je crois qu’on ren- drait service aux sciences en mettant ce jeune homme à portée de s’y livrer sans réserve. La question est de savoir : 1° s’il peut actuellement être placé à l’Académie de Berlin; 2 s'il pourrait y jouir dès son entrée, d’un revenu suffisant pour vivre, comme de 3000 ou 4000 livres, argent de France; 3° si vous êtes dans une position à vous intéresser pour lui sans vous faire de tracasseries ; 4° si, dans la supposition où vous ne vou- driez pas vous en mèler, je pourrais écrire au roi et lui proposer M. de la Place comme un sujet que je con- nais, que j'estime, et dont vous pourrez vous-même lui rendre témoignage, Je vous serai très obligé, mon cher ami, de vouloir bien me répondre à ce sujet le plus tôt qu'il vous sera possible, Vous voudrez bien me dire aussi, dans le cas où je pourrais proposer M, de la Place au roi, s’il n’y aurait pas d'indiscrétion à deman- der pour lui 4000 livres de France, faisant environ 1000 écus d'Allemagne, Réponse, je vous prie, et di- rectement par la poste, car ce jeune homme, pour le- quel je m'intéresse fort, désirerait de savoir ce qu'il peut espérer et tenter... » Voici la réponse de Lagrange (19 janvier) : « Mon cher et illustre ami, pour répondre à la con- fiance que vous me témoignez dans votredernière lettre du premier janvier, je vais vous dire avec toute la sin- cérité possible ce que je pense sur l'affaire dont il s’a- git. Je suis d'abord très convaincu que l’Académie ferait une excellente acquisition dans la personne dont vous me parlez; cette acquisition serait même d’autant plus importante pour elle, que la classe de mathé- matiques est très mince, n'étant composée que de MM. de Castillon, Bernoulli et moi; ainsi vous jugez bien que je serais très charmé et flatté de pouvoir contri- buer en quelque manière à rendre ce service à l’Aca- démie et à ma classe en particulier, Mais, 1° je suis bien éloigné de croire que j'aie auprès du Roi le crédit nécessaire pour faire réussir une pareille affaire, et je craindrais même qu’il ne trouvàt mauvais que je prisse la liberté de lui en écrire; 2 je doute fort que l’Acadé- mie voulût faire, à ma réquisition, quelque démarche pour cela auprès de Sa Majesté, car je ne pourrais guère compter sur les voix des membres de ma classe, et encore moins sur celles des autres ; d’ailleurs je ne regarde pas sa recommandation comme fort efficace, puisque, une seule fois qu’elle s’est hasardée à propo- ser au roi quelques sujets pour la classe de philoso- phie, elle n’a recu aucune réponse, Tout bien consi- déré, je crois que le mieux ce sera que vous proposiez vous-même directement etimmédiatement à Sa Majesté la personne en question. Si elle est acceptée, l'affaire est faite, et l'Académie recevra ordre de la mettre au nombre de ses membres et de lui assigner la pension sur sa caisse : c’est de quoi j'ai déjà vu plusieurs exemples. Je vous conseillerais même de ne faire aucune mention de moi dans la lettre que vous écrirez au roi dans cet objet, et cela pour éviter tout air de cabale, qui ne pourrait que nuire au succès de l'affaire, Voilà, mon cher ami, mon avis sur la meilleure manière de traiter cette affaire, Quant à la pension, je crois comme vous qu'elle ne doit pas être au-dessous de 1.000 écus, argent de ce pays, et je compte qu'avec cela votre ami pourra vivre ici aussi bien qu'avec 2.000 livres à Paris, Il est vrai que la plupart de mes con- frères ont des pensions moindres, mais aussi se plai- gnent-ils, et je ne voudrais pas qu'il vint ici augmenter le nombre des mécontents, Comme je n’ai aucune part au maniement des affaires économiques de l’Acadé- mie, je ne puis pas vous dire au juste combien sa caisse pourrait encore fournir par an, mais je crois bien qu’elle pourra encore supporter une pension de 1.000 écus, et même au delà. Je crois avoir répondu à tous les articles de votre lettre, mais, comme je m'in- téresse véritablement pour la personne que vous dési- rez de servir, tant à cause de son propre mérite que parce qu’elle est de vos amis, je crois devoir encore ajouter deux mots, pour que vous puissiez prévenir cette personne sur quelques points essentiels : {°il est très rare que les académiciens reçoivent des augmen- tations de pension, quelque bien ou mal qu'ils soient, de sorte que, pour que votre ami ne soit jamais dans le cas de regretter d’être venu ici, il faut qu'il puisse se promettre d'avance d’être toujours également con- tent de ce qu’il obtiendra à son arrivée; 2 il faut que l'attrait des sciences et l’envie de s’y livrer entièrement soient assez forts en lui pour pouvoir lui tenir lieu des agréments et des avantages qui sont attachés au séjour et à la société de Paris, Toute personne qui peut se suffire à elle-même et qui ne veut se méler que de ce qui la regarde immédiatement peut être assurée de trouver ici toute la tranquillité nécessaire au bonheur d’un philosophe, Il faut donc que votre ami se tâte bien là-dessus avant de s'engager à rien; surtout je ne voudrais pas que le dépit de s'être vu préférer à l'Académie un con: current inférieur en mérite à lui entrât pour la moindre chose dans la résolution qu’il doit prendre : car, au bout de quelque temps, il commencerait à se repentir du parti qu'il aurait pris, surtout en voyant que ceux qui sont actuellement après lui auraient déjà fait leur chemin, tandis que lui en serait toujours au même point, Car quoique dans votre Académie les pen- sions viennent assez tard, cependant il parait que le titre d’académicien est une recommandation suffisante pour obtenir des places et des pensions étrangères; on en voit un grand nombre d'exemples parmi vos con- frères. Il y a encore une autre considération impor- tante à faire sur cette matière : c'est qu'il est bien difficile que quelqu'un s’expatrie sans conserver une espèce d'envie ou de velléité de retourner tôt ou tard dans son pays, et il me semble que les Français, et surtout les Parisiens, sont encore plus dans ce cas que ceux des autres nations. Il s’agit donc d’examiner si votre ami, en quittant la place qu'il a à Paris, pourrait conserver quelque espérance d'en obtenir encore quel- qu’une lorsqu'il voudrait y retourner, Je vous prie de vouloir bien lui faire mes compli- ments et de lui dire combien je serais charmé de l’a- D32 J. TANNERY. — LAGRANGE EN D'ALEMBERT D'APRÈS LEUR CORRESPONDANCE voir pour mon confrère, Comme la lettre qu'il vient de nr'écrire w’exige point une prompte réponse, j'atten- drai à la faire que la chose dont il s’agit soit décidée; en attendant, je vous prie toujours de l'assurer de mes très humbles services en tout ce qui pourra dépendre de moi ! ». J'ai tenu à donner un long extrait de cette lettre parce qu'il me semble qu'elle permet, au moins en la rapprochant de quelques autres passages de la correspondance, de se représenter Lagrange sous des trails assez précis. Il était timide ; il n'avait ou ne croyail pas avoir d'influence : à coup sûr il n’en désirait pas; il cherchait l'isolement, el de Castillon va jusqu'à l'accuser d’être diflicile à vivre; rien au reste ne parail justifier cette accusation, portée par un homme àgé, malade, et qui peut-être ne l’avait pas vu, sans une secrèle aigreur, venir prendre à J'Académie de Berlin la direction de la Classe de Géométrie. Sa timidité était, comme il arrive sou- vent, doublée de prudence : dans une lettre où il témoigne à d'Alembert, d'une facon très touchante, la joie que lui cause l'espoir qu’il a de le voir bien- tôt à Berlin, il ajoute : « Notre Académie aurait doublement à se féliciter de votre venue, et par l'honneur de vous recevoir et par les services que vous pourriez lui rendre, non seule- ment auprès du Roi, mais aussi de son successeur, qu'on m'a dit ne pas lui céder dans ses sentiments pour vous; j'ignore ce qu'il pense de moi, parce que je n'ai eu que très peu d'occasions de lui parler, et que mon genre de vie retiré el mon caractère éloigné des intrigues m'ont empêché de chercher à m'en procurer davantage. Je ne souhaite rien, sinon qu'il ne me juge pas indigne de la place que j'occupe : ailleurs je ne devrais peut-être avoir aucune inquiétude là-dessus; mais ici il n’en est pas de même, Si vous venez à Ber- lin, vous serez à portée de connaître ses intentions et de dire quelques mots en ma faveur; si vous ne venez pas et qu'il survienne un changement, à quoi il semble que nous soyons depuis quelque temps exposés tous les hivers, oserais-je vousprier d'avance de me recomman- der à sa bienveillance en lui écrivant sur son avène- ment à la couronne? J'ai voulu profiter, pour vous en- ‘ retenir sur cette matière, de l’occasion de cette lettre, qui doit vous être remise en mains propres... » Les désirs de Lagrange sont modestes, on en conviendra, mais il faut bien remarquer que sa lettre est de 4776, et que le grand Frédérie ne mou- rut que dix ans plus tard. Assurément Lagrange souhaitait fort d'être utile aux gens qui travaillaient; toute sa correspondance en témoigne, mais Laplace n'est pas le seul pour lequelil charge d’Alembert de faire les démarches, 1 On sait que Laplace resta à Paris. et pour lequel il lui recommande de ne pas y mêler son nom afin d'éviter « tout air de cabale ». On sent qu'il avait peur, même des apparences. A l'envers de son «illustre ami », qui était si terri- blement armé pour la lutte, il déteste et fuit la po- lémique; d'Alembert a beau l'y exciter, il ne se décide pas à « donner sur les doigts » aux gens qui l’attaquent. Fontaine, qui conteste, d’une façon assez impertinente, ses recherches sur les isopéri- mètres, a jadis parlé de lui avec éloges el «le sou- venir de ses anciennes bontés » pour lui l'empêche « de lui vouloir du mal ». Le P. Frizi a bien «une espèce de suflisance qui cadre mal avec la géomé- trie; mais il faut lui pardonner cela en sa qualité de moine ». Cependant « les assertions du pauvre homme » sont « aussi étranges que la confiance avec laquelle il en parle, mais il est si loin de ré- soudre la difficulté qu'il ne s'en doute même pas. Il. faut dire avec le jésuite Lemoine : c’est ainsi que Dieu, qui est juste, donne aux grenouilles de la satisfaction de leur chant ». Le P. Bascowich qui est, pour d’Alembert «un drôle bien avantageux et bien insolent » s’en tire encore à meilleur marché, et même «il n’est pas indigne d'être » de l’Acadé- mie des Sciences, (où tous les membres ne sont pas des d’Alembert ». D'ordinaire Lagrange cherche à adoucir son ami, dont les haines n'étaient pas médiocres, et il est aux nues quand il apprend qu'il y a une espèce de raccommodement entre lui et Lalande, dont le nom, dans les premières lettres de d’Alembert, est invariablement accompagné d'une épithèle qui, sans doute, était peu polie, car l’imprimeur l’a remplacée par des points. Il n'y a jamais de ces points-là dans les lettres de Lagrange; on n'y trouvera pas non plus de petites oraisons funèbres comme celles-ci: Deparcieux Cétait un de ces hommes qu'il est bon d’avoir dans les Acadé- mies, afin que les gens en place soient persuadés qu'elles sont bonnes à quelque chose ». Fontaine « était un homme de génie, mais d’ailleurs un fort vilain homme; la société gagne à sa mort encore plus que la géométrie n’y perd. » Je crois bien que les haines et les batailles de son siècle effarou- chaient un peu Lagrange : son jugement sur Vol- taire, avec qui il a diné, el qui était « ce jour-là, en humeur de rire » est délicieux : « C'est en vérité, dit-il, un original qui mérite d’être vu. » Il était bien, lui, l’homme qui peut se suffire à lui-même, le philosophe jouissant de la (tranquillité, incapable de se mêler de ce qui ne le regarde pas immédiatement. On aime à se le représenter dans son cabinet, loin de la cour, du monde, du bruit, des intrigues et des querelles, travaillant à quel- qu'un de ses admirables mémoires qui remplis- sent aujourd'hui quinze gros volumes in-4, et dont il lisait souvent deux par mois, à des gens FT LA Li SP NN CT J. TANNERY. — LAGRANGE ET D'ALEMBERT D'APRÈS LEUR CORRESPONDANCE 533 qui ne les comprenaient point; peut-être ne pen- sait-il pas à cette postérité qui devait placer son nom parmi les plus glorieux ; non, au plaisir qu'on éprouve aujourd'hui à le lire, lui, le plus clair des géomètres, lui qui a donné. avec Euler, les pre- miers et, peut-être. les plus parfaits modèles de l'élégance mathématique, on devine les jouissances qu'il a dû éprouver en produisant des œuvres aussi parfaites. En vérité, il est bien plus pur mathéma- licien que d'Alembert: Sans doute celui-ci était capable de goûter la beauté d’un théorème et la simplicité d'une démonstration, mais, par les problèmes qu'il se pose, on est porté à croire que ce qui l'intéresse vraiment, c'est de trouver les principes qui permettent d'aborder quelqu'un de ces problèmes, c’est aussi d'en être venu à bout; en lisant les mémoires de Lagrange, on se dit que c’est toute la solution qui devait le passionner, avec ses intermédiaires, avec la beauté de son déve- loppement et l'élégance des transformations ana- lytiques d’où elle résulte. Aussi bien, il ne se borne pas aux seules questions de la philosophie naturelle ; ses mémoires sur la pure algèbre et sur l'arithmétique ne sont pas moins beaux que ceux qui roulent sur l'astronomie ou la mécanique. Il parle timidement à d'Alembert de ses recherches sur la théorie des nombres; il s'excuse presque de ce qu'elles l’empêchent de penser aux perturbations de la lune ou des comètes; il lui conseille de ne pas les lire, mais on sent qu'il aurait pu dire comme Gauss : #/lerebris harum quæstionum ita fui implicalus ut eas deserere non potuerim. Et, si les deux amis ne cherchaient pas la même chose dans les mathématiques,on s'expliquera peut- être pourquoi leurs méthodes de travail étaient si différentes : Lagrange s’occupail avec intensité du sujet qu'il trailait, mais pendant un temps limité el après avait refait au besoin, et plusieurs fois, son mémoire, il ne voulait plus, dès qu'il en était « passablement content, » y repenser ; (à force de remanier la même matière, j'en prends, dit-il, un si furieux dégoût, qu'il m'est comme impossible d’y revenir encore. » Et d’Alembert lui répond ! : « Vous êtes étonné que j'aie la patience de revenir si souvent aux mêmes objets. Ce n’est que par ce moyen que j'ai pu faire en ma vie quelque chose de passable, car il n’est pas trop dans la nature de mon esprit de m'occuper de la même chose fort longtemps de suite : je la laisse bientôt, mais je la reprends ensuite autant de fois qu'il me vient en fantaisie, sans me rebuler, el d'ordinaire cette opiniaätreté éparpillée me réussit, lorsque souvent je n'aurais rien gagné par une opinià- treté trop longtemps continue. » A ce « furieux dégoût » de Lagrange pour ce 1 7 août 1769. qu'il a fait ou laissé de côté, ne sent-on pas que c’est la production même qui le passionne? Cette passion-là lui suffisait : si l’on en voulait une preuve, on la trouverait dans la plaisante histoire de son mariage. Il faut bien la citer, cette histoire, quoiqu'elle soit vraisemblablement des- tinée à grossir le tas d'anecdotes qui servent à prouver que les savants sont un peu ridicules, Voici d’abord un fragment de lettre d'Alembert ! : « Mon cher et illustre ami, on nr'écrit de Berlin que vous avez fait ce qu'entre nous autres philosophes, nous appelons le saut périlleux et que vous avez épousé une de vos parentes que vous avez fait venir d'Italie ; recevez en mon compliment, car je comple qu'un grand mathématicien doit avant toutes choses savoir calculer son bonheur et qu'après avoir fait ce calcul vous avez trouvé le mariage pour solution... » Lagrange lui répond ? : « Mon cher et illustre ami, j'ai recu vos lettres ét vos compliments; je vous en remercie de tout mon cœur, Je ne sais si j'ai bien ou mal calculé; ou plutôt je crois n'avoir point calculé du tout, car j'aurais peut- être fait comme Leibnitz, qui, à force de réfléchir, ne put jamais se déterminer, Quoiqu'il en soit, je vous avouerai que je n'ai jamais eu de goût pour le ma- riage, et que je ne m'y serais jamais engagé, si les cir- constances ne m'y avaient en quelque facon obligé, Elant dans un pays étranger, sans amis et sans liaisons, avee une santé assez délicate, j'ai cru devoir engager une de mes parentes, que jeconnaissais depuis long- temps, et avec qui j'avais déjà vécu quelques années dans la maison de mon père, à venir partager mon sort et avoir soin tant de moi que de tout ce qui me re- varde, Voilà l’histoire exacte de mon mariage. Si je ne vous en ai point fait part, c’est qu'il n'a paru que la chose était si indifférente d'elle-même, qu’elle ne valait point la peine de vous en entretenir, » Ce n’est pas sur ce ton que d'Alembert parle de Mile de Lespinasse ? : « Je passe mes tristes journées auprès d'une ancienne amie malade, lan- guissante et dans le plus grand danger, qui a besoin de consolation, de société et de secours, et qu'il m'est impossible d'abandonner. Plaignez- moi et prenez part à ma peine, car elle est grande, et l'espérance d'en sortir est bien faible. » Et un peu plus lard *: « Je ne suis pas en état de vous parler plus longtemps. La perte que j'ai faile a anéanti toutes les facultés de mon âme el ne me laisse la force le m'occuper de rien... » Muis, en vérité, il est injuste d’opposer ainsi la facon assez singulière dont Lagrange confirme à son ami la nouvelle de son mariage aux plaintes 21 septembre 1 20 novembre 1767, 27 avril 1776. 16 août 1776. = wo © — 534 J. TANNERY. — LAGRANGE ET D'ALEMBERT D'APRÈS LEUR CORRESPONDANCE passionnées qu'arrache à d’Alembert la maladie et la mort de Mlle de Lespinasse. Celle-ci, si nous en jugeons par les lettres que nous avons d'elle, était une personne extraordinairement exaltée, el elle paraît avoir eu tout ce qu'il faut pour faire souffrir ceux qui l'ont aimée. Sans doute, Mme La- grange ne lui ressemblait pas, el l’on peut croire qu'en soignant son mari et tout ce qui le regardait, en assurant autour de lui ce calme dont il était si jaloux, elle parvint à se l'attacher; sa mort semble aussi avoir causé à Lagrange une peine profonde; la lettre où il annonce son deuil à d’Alembert ne nous à pas été conservée, mais il nous reste la réponse bien touchante que celui-ci, à demi mou- rant, lui envoya à cette occasion : elle clôt dou- loureusement le volume ! : « Mon cher et illustre ami, je suis si faible, que je n'ai pas la force d'écrire et à peine de dicter quelques mots, Je prends la part la plus tendre à votre malheur et ce que vous me dites là-dessus m'a pénétré juqu'au fond de l'âme. J'ai recu votre beau mémoire, qu'à peine j'ai pu parcourir, dans le triste état où je suis. Au nom de Dieu, ne renoncez pas au travail, la plus forte pour vous de toutes les distractions. Adieu, peut-être pour la dernière fois; conservez-vous quelque souvenir de l’homme du monde qui vous chérit et vous honore le PINS. Tuus D'ALEMBERT ». Je n'ai pas parlé de ce que contient cette corres- pondance au point de vue purement mathéma- tique : tout d’abord on y trouvera, pour l'histoire de la science, d’utiles renseignements sur l'ordre dans lequel ont été faites les recherches que Lagrange a publiées entre 1760 et 1783; on peut aussi noter les préoccupations des deux géomètres touchant certains points qui n’ont été entièrement éclairés qu'après eux, la légitimité de l'emploi des séries, convergentes ou non, le rôle des solutions singulières des équations différentielles, la repré- sentation analytique d’une fonction entièrement arbitraire, Le reste s’analyserait difficilement. D'ailleurs, il n’y a qu’un assez petit nombre de lettres qui se rapportent essentiellement aux mathématiques, et elles sont presque toutes au commencement de la correspondance ; dès le dé- but, d'Alembert se plaint de fatigues de la tête et des yeux, qui l’empêchent de travailler avec con- tinuité; au moins il peut encore lire les travaux qui se font autour de lui. «Je suis, dit-il, comme les vieux gourmands, qui, ne pouvant plus digérer, ont encore du plaisir à voir man- ger les autres, » Puis sa santé s’altère plus gravement : «J'ai déjà bien des matériaux ; mais je ne me met- 1 27 septembre 1783, {rai pas sitôt à ce travail, ayant résolu, pour reposer ma tête, de m’abstenir au moins pendant une année de tout travail mathématique; j'y supplée par quelques occupations littéraires, et principalement par l’histoire de l'Académie française, dont je fais la continuation et que j'ai fort avancée cet hiver, Ce travail, sans m'in- téresser à beaucoup près autant que la géométrie, met au moins dans ma vie un remplissage qui me la fait supporter... » Cette plainte, el cette facon méprisante de parler d'occupations qui ne sont qu'un «pis aller » revien- nent continuellement et assombrissent ses lettres. Pour ne pas finir sur cette impression pénible, voici le récit d'une de ces plaisanteries féroces où d’Alembert aimait à sortir de la tristesse qui l’envahissait; le grand Frédéric était homme à savourer ces plaisanteries, et, de celle-là il prit sa bonne part. ; La classe de philosophie spéculative, à l'Acadé- mie de Berlin, avait proposé en 1777 un sujet de prix qui était vraiment de la chresme plilosophale. Il ne s'agissait pas de savoir, à la vérité, wtrum chi- miera, bombynans in vacuo, posset comedere secundas intentiones ; non, il suffisait de répondre, comme il faut, à la question suivante : « Quelle est la nature distincte de cette force primi- tive et substantielle qui, lorsqu'elle est déterminée, produit l'effet, ou, en d’autres termes, quel est le fun- damentum virium ? Or, pour concevoir comment cette force peut être déterminée, il faut ou prouver qu'une substance agit sur l’autre ou démontrer que les forces primitives se déterminent elles-mêmes. ; Dans le premier cas, on demande en outre : quelle est la nature distincte de la puissance passive primi- tive? Comment une substance peut agir sur l’autre ? EL enfin comment celle-ci peut pâtir de la première ? Dans le second cas, il faudra expliquer distine- tement...» Je laisse ce qu'il faudra expliquer distinetement, de peur que le lecteur n’éprouve quelque peine à comprendre. En lisant ce programme, à l’Académie française, Condorcet ne put retenir un fou rire. D'Alembert écrivit à Frédéric pour lui proposer un autre sujet, qu'on va lire : le roi de Prusse n’hésila pas, et par son ordre, la malheureuse Classe de philosophie spéculative dut mettre au concours la question de savoir s’il est utile de tromper le peuple. D'Alembert assure Frédéric que Lagrange avail été entièrement étranger a la rédaction du premier sujet; on peut l'en croire, puisque son ami ne se mélait que de ce qui le regardait immédiatement ; on peut être sûr aussi qu'il n'aurait pas inventé le second. Jules Tannery, Directeur des Études scientifiques à l'École Normale Supérieure. J. LUBBOCK. — LES FEUILLES ET LES LOIS DE LEURS FORMES 535 LES FEUILLES ET LES LOIS DE LEURS FORMES Ces années dernières j'ai consacré quelques-uns de mes loisirs à l'étude des feuilles. Je me bor- nerai dans cet article à indiquer d’une façon très sommaire les principaux résultats auxquels je suis arrivé. Les formes des feuilles sont infiniment variées. Voici en quelle langue pittoresque en parle Ruskin : « Elles prennent les formes les plus étranges, comme si elles voulaient nous inviter à les regarder. Il y en a en forme d'étoiles, en forme de cœur, en forme de lances, en forme de flèches; il yen a de ciselées, de frangées, de fendues, de sillonnées, de dentelées, de sinuenses; elles sont disposées en couronnes, en touffes, en spires, en guirlandes ; indéfiniment expressives, décevantes, fantastiques, changeant sans cesse du bas de la tige au bouton elles semblent toujours solliciter notre attention et prendre plaisir à dépasser sans cesse notre étonnement. » Maintenant pourquoi cette merveilleuse variété, ce trésor inépuisable de formes gracieuses ? Résulte-t-elle de quelque tendance innée à chaque espèce ? A t-elle pour but de charmer l'œil de l'homme, ou bien la forme de la feuille et sa taille et sa texture ont-elles quelque rapport avec la structure et l’organisa- tion, les habitudes et les besoins de la plante tout entière ? Il Position de la feuille. — Il est impossible de classer les plantes d'après les formes de la feuille. Dans bien des cas des espèces très voi- sines ont des feuilles très différentes; ainsi il y a plusieurs genres où certaines espèces ont des feuilles dressées el certaines autres des feuilles étalées, Le Plantago major et le Drosera rolundi- foia par exemple ont des feuilles larges et étalées tandis que le Plantago lanceolata et le Drosera longifolia ont des feuilles étroites et dressées. La largeur ou l’étroitesse des feuilles dépend de con- ditions variées. Dans les plantes herbacées et sans tige les feuilles étalées ont une tendance à être larges, les feuilles dressées à être étroites, C’est ainsi que les Gramens ont des feuilles longues et étroites. Dans d'autres cas la largeur est détermi- née par la distance entre les bourgeons el dans d’autres encore par le nombre des feuilles d’un cycle. Feuilles cerclées ow lobées. — 11 y a deux types dis- tincts de feuilles larges : les feuilles ovales et les feuilles palmées. Les monocotylédones telles que les gramens, les glaïeuls, les lys, les jacinthes ont généralement des feuilles étroites et dressées ; quand elles sort plus larges, comme par exemple dans la bryone noire, c'est surtout à la base; et en conséquence les nervures se séparent à la base pour se réunir de nouveau à l'extrémité de la feuille ; aussi sommes-nous tentés de regarder cette disposition comme le type primilif d’une feuille large. Il y en a cependant un totalement différent : la feuille est palmée comme une main et s’élargit vers l'extrémité libre : ici les nervures ontune di- rection rectiligne et divergent les unes des autres ; elles ne servent pas seulement à fortifier la feuille, mais à lui porterdes aliments, ce qui est sans aucun doute un avantage. Une autre raison peut-être de cet arrangement, c'est que les feuilles sont généra- lement repliées comme un éventail quand elles sont dans le bourgeon. Évaporation par les feuilles. — Si nous cueillons quelques feuilles, si nous ne mettons point la tige dans l’eau, elles se fanent bientôt en raison de l’é- vaporation qui se produit à leur surface. Lorsque la feuille est attachée à la plante, cette perte d'eau est constamment compensée par la nouvelle quan- Lité d'eau qu'apporte la sève; mais il existe cepen- dant un grand nombre de dispositions destinées à empêcher l’évaporation d’être trop rapide.Cest, naturellement, dans les contrées chaudes et sèches que les feuilles ont surtout besoin d’une telle pro- tection. La surface des feuilles est, en certains cas, protégée par une sorte de vernis, en d’autres cas, par des excrétions salines ou calcaires; dans d'autres encore, le même but est atteint grâce à la viscosité de la sève. Chez certaines plantes, les feuilles ont une position verticale et présentent è P ainsi une surface plus petite aux rayons du so- leil. Des poils laineux servent aussi souvent à pro- téger la feuille : les plantes des steppes sont fré- quemment couvertes d'un feutrage épais de poils ; quelques espèces, qui sont glabres dans le nord, tendent à devenir velues dans le sud. Les espèces qui poussent au printemps tendent à être glabres, tandis que celles d’été et d’automne sont pluspoilues, Les usages des poils des plantes sont très variés : ils servent, comme nous déjà dit, à empêcher l'éva- poration trop rapide; ils constituent une protection pour les stomates; et la conséquence, c'est que comme les stomaltes se trouvent surtout à la face inférieure des feuilles, lorsqu'une des faces de la feuille est couverte d’un feutrage de poils blanes, comme cela arrive dans le peuplier blanc par exemple, c’est toujours la[face inférieure. Dans 536 d’autres cas, les poils sont destinés à protéger la feuille contre l’eau; ce rôle est important dans cer- laines plantes alpines el certaines plantes de ma- rais. Si les stomates sont obstrués par l'humidité, par le brouillard, par exemple, ou par la rosée, ils deviennent incapables d'accomplir leurs fonc- tions : les poils les préservent de l'humidité et les tiennent au sec. Les poils constituent done une protection contre la trop grande sécheresse et contre la trop grande humidité. Une autre fonc- tion des poils qu'il ne faut point oublier, est de défendre la feuille contre la trop brillante lumière et la trop grande chaleur, Les poils servent aussi de protection contre les insectes et même contre les animaux de plus grande taille. Les piquants de l'ortie peuvent servir d'exemple, et les poils rudes et laineux déplaisent souvent aux animaux her- bivores. Les feuilles caduques caractérisent spécialement l'atmosphère comparativement froide et humide des régions tempérées. Pour des raisons diffé- rentes, les feuilles persistantes sont plus nom- breuses dans les régions alpestres et sous les Tropiques. Dans les régions alpestres, il est néces- saire que les plantes ne laissent rien perdre du court été : aussi les espèces vivaces et à feuilles persistantes sont-elles proportionnellement plus nombreuses que sous nos climats. Les feuilles coriaces comme celles du chêne vert et de loli- vier sont plus capables de résister à la cha- leur et à la sécheresse des pays du Midi que les feuilles comparativement tendres de nos arbres à feuilles caduques qui perdraient lrop rapidement leur humidité. La texture et la structure des feuilles est une question fort intéressante et très vaste, mais dans cel article, je dois me borner à parler de leur forme. J'ai parlé ailleurs du hêtre, et peut-être dois-je revenir brièvement sur ce sujet. Le poids de feuilles qu'une branche peut porter dépend natu- rellement de sa position et de sa force. Le mode de croissance du hêtre et celui du charme sont très, semblables, mais les branches du charme sont plus minces, et, par suite, les feuilles plus petites. Si nous coupons une branche de hêtre au-dessous de la sixième feuille, nous constaterons que la surface totale des feuilles qu'elle porte est d’en- viron dix-huit pouces carrés. Mais dans notre cli- mat, la plupart des feuilles cherchent à avoir autant de soleil qu'elles peuvent s'en procurer, et c'est ce qui détermine leur arrangement. La largeur des feuilles du hêtre, qui est d'environ un pouce trois quarts, est délerminée par la distance moyenne des bourgeons; si les feuilles étaient plus J. LUBBOCK. — LES FEUILLES ET LES LOIS DE LEURS FORMES la surface, d’une part, et la largeur, de l'autre : la longueur est done déterminée, puisque, pour ohb- tenir une surface de dix-huit pouces, la largeur des feuilles étant d'un pouce trois quarts, leur longueur doit être d'environ deux pouces. Appli- quons ces considérations à d'autres cas, et prenons pour exemple le châtaignier d'Espagne (Castaplu vesca) et le peuplier noir (Populus nigra). Les branches du châtaignier d'Espagne sont beaucoup plus fortes que celles du hêtre; elles peuvent, en conséquence, porter une plus grande surface de feuilles; mais, comme la distance entre les bour- geons est à peu près la même, les feuilles ne peu- vent être beaucoup pius larges; aussi sont-elles proportionnellement plus longues, ce qui leur donne leur forme caractéristique, celle d’une épée. Si nous regardons l’extrémité d'une branche de peuplier noir et si nous la comparons à celle d’une branche de peuplier blanc, deux choses nous frappent tout d'abord; on ne peut étaler sur un morceau de papier les feuilles attachées à la branche, de telle sorte qu'elles ne se recouvrent pas ‘elles sont lrop nombreuses et trop larges; secondement dans le peuplier blanc les deux faces de la feuille sont très différentes l’une de l’autre ; la face inférieure est couverte d’un feulrage épais de poils qui lui donne sa couleur blanche. Dans le peuplier noir au contraire, les deux faces sont à peu près semblables ; ces deux caractères sont cor- rélalifs l'un de l’autre, car tandis que dans le peu- plier blanc les feuilles sont horizontales, dans le peuplier noir, au contraire, elles sont verticale- ment disposées; en conséquence les deux faces se trouvent dans des conditions très analogues : elles doivent donc présenter une structure semblable; c'est aussi parce qu'elles sont verticales qu’elles ne se recouvrent pas les unes les autres. Dans les arbres comme le hêtre et le tilleul (7ilia europæu) les feuilles sont dans un même plan. Tel n’est point le cas pour d’autres arbres tels que les érables, les marronniers d'Inde ete. Un autre ordre de considérations entrent alors en jeu. Considérons pour le moment le grand groupe des Conifères. Pourquoi par exemple certains d’entre eux ont-ils des feuilles longues et d’autres des feuilles courtes? Je crois que cela dépend de la force des branches et du nombre d'années que durent les feuilles; les longues feuilles tombent l’une après l’autre tous les deux ou trois ans, tandis que les espèces à feuilles courtes gardent leurs feuilles un assez grand nombre d'années; le sapin par exemple garde les siennes huit ou dix ans, Abies pinsapo les garde jusqu'à dix-huit ans. Avant de donner plus de détails sur quelques-uns de ces cas par- ticuliers, je crois utile d'appeler l'attention sur le larges, elles se recouvriraient. Nous connaissons | cas des jeunes plantes. J. LUBBOCK. — LES FEUILLES ET LES LOIS DE LEURS FORMES D37 Il Jeunes plantes. — J'en viens maintenant à la seconde partie de ma tàche, les formes des cotylé- dons. Tous ceux qui ont regardé une plante qui vient de lever, ont dû être frappés de ce fait que les premières feuilles diffèrent entièrement de celles qui leur succèdent ; ellesdiffèrent non seule- ment de la forme définitive des feuilles, mais encore des feuilles qui leur succèdent immédiate- ment. On appelle ces premières feuilles cotylé- dons : on a soigneusement décrit la forme d'un grand nombre de cotylédons, mais on n’a donné aucune raison de ces formes et l’on n'a point cherché à expliquer pourquoi elles diffèrent si profondément de celles des feuilles qui leur suc- cèdent. Klebs dit, dans son intéressant mé- moire sur la germination, que c’est lout à fait une énigme, La moutarde et le cresson ont fait les délices et l'étonnement de notre enfance et il n'est jamais arrivé à personne, à moi du moins, de se demander pourquoi ils ont la forme qu'ils ont; ils poussent ainsi et il ne m’esl pas venu à l'esprit, el je pense qu'il en est de même pour la plupart des gens, de chercher au delà. J'ai cependant, me semble-t-il, donné des raisons plausibles de telle ou telle forme dans bien des cas, je vais produire quelques-unes de ces explications. Les cotylédons diffèrent beaucoup de forme. Formes des cotylédons. — Certains cotylédons sont étroits, ceux par exemple du Ææniculum el de la Férule dont les feuilles adulles sont très divi- sées ; le Platane et l'Érable dont les feuilles adultes sont palmées et le Chenopodium album dont les feuilles sont plus ou moins triangulaires ont également des colylédons étroits. Je puis citer comme exemple de cotylédons larges ceux du hêtre el de la moutarde. Il y a des espèces dont les coty- lédons sont étroils et les feuilles larges ; il y en a d'autres dont les cotylédons sont larges et les feuilles étroites. Dans un grand nombre de cas nous rencontrons dans la mème famille des plantes dont les unes ont des colylédons larges, les autres des cotylédons étroits. Nous pouvons citer comme exemples le mouron et l'œillet qui appartiennent tous deux à la famille des Caryo- phyllées. Quelquefois même dans le même genre nous lrouvons des cotylédons larges et des cotylédons étroits, comme c’est le cas pour les différentes espèces de Galium. Dans certains cas les deux coty- lédons sont inégaux, comme par exemple dans la moutarde, le chou, le radis. Dans certains autres les deux moiliés de chaque cotylédon sont iné- gales : exemple les géraniums, ou bien elles sont REVUE GÉNÉRALE, 1890, dissymétriques de quelque autre manière comme par exemple dans le lupin ou le Zaburnum. Quelquefois les cotylédons sont sessiles comme dans l’érable, le Zaburnum, etc.; quelquefois ils sont pétiolés et les pétioles sont quelquefois unis. Ces différences se retrouvent parfois dans des espèces très voisines, par exemple dans certaines espèces de Delphinium les cotylédons sont sessiles, tandis que dans d’autres ils sont pétiolés. Générale- ment les cotvlédons sont entiers, mais quelquefois ils sont crénelés ou lobés, par exemple dans la mauve. Souvent ils sont émarginés; exemples : la moutarde, le chou, le Convolvulus. Ils sont quel- quefois bifides, par exemple dans l'Eschscholtzia; ou trifides, par exemple dans le cresson; ou par- tagés en quatre longs lobes, comme dans le P{ero- carya. Quelquefois ils sont auriculés à la base. Quelquefois ils sont larges ; quelquefois ils sont petits. D’ordinaire ils ont l'apparence de feuilles; mais quelquefois, comme dans le chêne, le noise- tier, les pois, charnus. les fèves, elc., ils sont épais et Voyons si nous pouvons jeter quelque lumière sur les causes de ces différences. Si nous ouvrons une graine, nous trouvons à l'intérieur la future plante : quelquefois, comme dans le pied d’alouette, c’est un petit corps ovale; quelquefois, comme dans le frêne ou le ricin, c'est une petile plante en miniature, avec une courte el forte racine et deux feuilles bien formées, qui enferment entre elles le rudiment de la future tige; le tout est enveloppé dans le périsperme qui constitue les réserves ali- mentaires de la jeune plante. Quelquefois, au con- traire, l'embryon occupe tout l'intérieur de la graine ; les réserves alimentaires sont alors accu- mulées, non pas autour des cotylédons, mais dans les cotylédons mêmes. Les pois el les fèves, les amandes, les noix etles noisettes sont des exemples familiers de cette dis- position. On trouve ordinairement les pois secs fendus; qui est-ce qui les fend en réalité? Si vous les regardez, vous verrez qu'ils sont trop réguliè- rement el trop bien fendus, pour que cela ait été fait par des mains humaines. En réalité, ces deux moitiés sont les deux cotylédons charnus : à dire vrai, on ne les a pas séparés, car ils n’ont jamais été unis. Cotyledons étroits. — Commençons par les espèces qui ont des cotylédons étroits et voyons si nous pouvons expliquer ce caractère. Le problème est assez simple dans un cas comme celui du platane, où nous avons à la fois des cotylédons étroits et une graine longue el étroite qui renferme un em- bryon étroit. Dans le frène également les cotylé- dons sont parallèles à l'axe de la graine, qui est étroite et longue. Mais ces cas-là sont comparali- LT bte J. LUBBOCK. — LES FEUILLES S ET LES LOIS DE LEURS FORMES vemenl rares; et il y à beaucoup d'espèces dont les graines sont larges et même orbiculaires el qui ont cependant des cotylédons étroits. Dans ce dernier cas les cotylédons sont d'ordi- naire disposés transversalement. Le sycomore a aussi des cotylédons étroits, mais l’arrangement est un peu différent. Le fruit est ailé, la graine est obovoïde et périspermique, c’est-à-dire que l'embryon, au lieu d'être enve- loppé par les réserves nutritives occupe toute la cavité de la graine. Si nous voulions faire lenir une feuille dans une cavité de cette forme, nous verrions qu'il faudrait en choisir une qui eût la forme d’une large bande et la rouler sur elle-même de facon à en faire une sorte de balle. Telle est, je crois, la raison qui détermine chez le syceomore cette forme des cotylédons. III ’assons maintenant aux plantes qui ont des cotylédons larges. Dans le ricin, le fusain ou le pommier par exemple, la plantule s’élargit dans la graine qui est fort large et les cotylédons font comme elle. Dans le genre Coréopsis, une espèce, le Coreopsis auriculata, a de larges cotylédons et une autre, le Coreopsis filifoliu, a des cotylédons étroits ; la première a de larges graines, la seconde des graines C:roites. Dans un grand nombre d'espèces, les cotylédons sont émarginés,c'est-à-dire qu’ils sont plus ou moins profondément entaillés à leur extrémité. IL y a à cela diverses causes. L’un des cas les plus simples est celui du chêne, où les deux cotylédons charnus ‘remplissent la graine; les parois de la graine s paississent un peu à l'extrémité et font lég as saillie à l’intérieur de la graine, ce qui produit dans les cotylédons une dépression correspon- dante. Dans des cas comme ceux de la moularde, du chou et du radis, l’émargination est due à des cau- ses tout à fait différentes. La graine est oblongue, épaisse et légèrement plus étroite à un boul qu’à l’autre. Il n’y a pas de périsperme, de telle sorte que l'embyron occupe la graine tout entière, et comme la cavité a quelque profondeur, les co- tylédons, pour occuper tout l’espace, se replient et s’arrangent l’un sur l’autre comme deux feuilles de papier; la radicule est repliée le long du bord de la feuille. Si l’on prend un morceau de papier, qu'on le plie el qu'on le coupe dans la forme de la graine de telle sorte que le pli se trouve le long du bord de a af, puis qu'on le déplie, on clairement pourquoi les cotylédons sont ainsi faits. Mais on peut dire que les contours de la graine de la giroflée sont pareils et que cependant ses verra cotylédons ne sont pas émarginés. La raison, c’est que la graine de la giroflée est plus comprimée que celle de la moutarde et du radis; la conséquence, c’est que les cotylédons ne sont pas repliés, de teile sorte que ce n’est pas la moitié de chaque co- tylédon, mais le cotylédon tout entier dont la forme correspond à celle de la graine. Cotylédons lobés, — Lescotylédons sont en grande majorité entiers, mais quelques-uns sont plus ou moins lobés.Par exemple les cotylédons de la mauve sont larges, ovales, très peu émarginés, cordés à la base, bilobés vers la pointe; ils ont trois nervures; une pour chaque lobe. L’embryon est vert, courbé, il occupe une grande partie de la graine. Les co- tylédons sont appliqués, l’un contre l’autre, face à face ; lorsqu'ils se développent, la pointe se recourbe et se replie en formant un sillon médian, de telle sorle que les deux plis s’emboitent l'un dans l’autre. De cette façon l'embyron occupe presque toute la graine ; il laisse un petit espace libre entre les cotylédons ; cel espace est occupé par le péri- sperme. Peul-être réussira-t-on à mieux com- prendre cel arrangement de la manière suivante découpez un morceau de papier en forme d'œu . tournez l’un vers l'autre deux côtés, ct ensuile tournez vers le bas la partie pointue : il en ré- sultera un angle aigu; alors, si on ôte cet angle et ouvre le papier, on a un objet avec une pointe aiguë ; l'existence de cette pointe ne concorde pas avec la forme arrondie de la graine. Si mainte- nant nous coupons cette pointe et si nous déplions le morceau de papier, nous verrons qu'il à la forme des cotylédons de la mauve et del il porte une entaille de chaque côté. Les cotylédons du tilleul ont un forme très par- ticulière. Ils sont parfaitement divisés en 5 lobes, le lobe central est le plus long, de telle sorte qu'ils ont grossièrement la forme d’une main. La graine est un sphéroïde aplati, dont la forme ressemble à celle d'une orange; l'embyron est enveloppé dans un albumen semi-transparent. Il est d’abord droit; la radicule est épaisse et obluse, les co- tylédons sont ovales et oblus, plans-convexes, charnus, d'un vert pâle, appliqués face contre face. [ls se développent considérablement et lorsqu'ils atteignent la paroi de la graine, ils se recourbent en arrière sur eux-mêmes el s’enroulent en suivant le contour général de la graine. Si l'on prend une lasse à thé ordinaire, el qu'on essaye de la lapisser intérieurement avec une feuille de papier, ce pa- pier fera tout naturellement des plis. Si l'on coupe ces plis el qu’on ne conserve du papier que ce qui peut s'appliquer sur les parois intérieures de la tasse, sans qu'aucune portion de la feuille chevau- che sur une autre, on constatera qu'elle est dé- coupée en lobes qui ressemblent plus ou moins à chftsnetens. à J. LUBBOCK. — LES FEUILLES ET LES LOIS DE LEURS FORMES D99 ceux des cotylédons du tilleul. Réciproquement si | on découpe un morceau de papier en lobes analo- gues à ceux des catylédons du tilleul, on peut | tapisser avec ces morceaux de papier l'intérieur | de la tasse. C'est un cas qui est presque le même que celui de notre main, qu'on peut ouvrir el fer- mer aisément parce que les cinq doigts sont sé- parés. Cotylédons inégaux. — Dans les cas dont j'ai parlé jusqu'ici les deux cotylédons sont égaux, mais il y a plusieurs cas où l’un des cotylédons est plus grand que l’autre. Ces cas n’ont pas échappé à l'attention de Darwin; il à attribué cette diffé- rence au fait «que des réserves alimentaires s’accu- mulent en quelque autre partie, comme dans l'hy- pocotyle ou l’un des cotylédons ».. J'avoue que jene vois pas en quoi cela peut expliquer le fait. Lasup- position que j'ai faite, c’est que cette différence est due à la position relative des deux cotylédons dans la graine, qui en certains cas favorise l’un des deux aux dépens de l'autre. Ainsi dans la mou- larde les cotylédons sont inégaux, et nous avons déjà vu qu'ils sout repliés l’un dans l’autre ; le co- tylédon externe a donc plus de place pour se déve- lopper et devient plus grand. Dans beaucoup d’au- tres crucifères, bien que les cotylédons ne soient pas repliés l’un dans l’autre, ils sont repliés sur la radicule, et le cotylédon externe a plus de place que l’autre. Cotylédons asymétriques. — Dans d'autres cas, comme dans les géraniums, le laburnum, les lu- pins etc., il y a inégalité, non pas entre les deux cotylédons, mais entre les deux moiliés de chaque | cotylédon. Chez les Géraniums, cela est dû à la manière dont les cotylédons sont pliés. Dans le chou et la moutarde l’un des cotylédons est, ainsi que nous l'avons dit, enveloppé dans l'autre: chez le Géranium, une moitié de chaque coty- lédon est enveloppée dans une moitié de l'autre, | les deux moitiés internes sont aussi les plus petites, les deux moitiés externes les plus grandes (convolution). | Dans le laburnum au contraire, l'inégalité des deux côtés du cotylédon est due à l'inégalité des deux côtés de la graine. Cotylédons souterrains. — J'ai déjà fait remarquer que dans certains cas les colylédons remplissent la graine (out entière ; dans le cas des graines plus ou | moins sphériques, c’est tantôt en se repliant sur | eux-mêmes, tantôt parce qu'ils s’épaississent plus où moins comme dans les pois et les fèves, les noi- settes el les châtaignes. Cest pour celte raison que ces graines se séparent plus ou moins facilement en deux moitiés : la radicule et la plumule sont si petites en comparaison que d'ordinaire elles pas- sent inaperçues ; lorsque le marron d'Inde est pelé cependant, la radicule apparaît comme une sorte de queue. Dans certains cas les cotylédons arrivent au | jour, dans d’autres comme dans celui du chêne et du marronnier d'Inde, ils n’abandonnent jamais la graine et ne sortent jamais du sol: ils ont perdu leurs fonctions de feuilles et ne sont plus que des dépôts de provisions. Vous est-il jamais arrivé de vous demander en mangeant des noix pourquoi leur structure est si complexe, pourquoi la partie comestible est divisée en tant de plis et de lobes compliqués? L'histoire de ce développement est fort intéres- sante. ] Dans la noix, les colylédons ne quittent jamais la graine, mais dans une espèce voisine, les Pfero- carya, is viennent au jour, comme c’est la règle; ils ont une forme très particulière et sont très profondément quatrilobés. La raison en est fort curieuse. Le fruit estoriginairement beaucoup plus grand que la graine; mais lorsque la maturité ap- proche, le issu ligneux se résorbe en quatre en- droits, laissant ainsi quatre vides. Dans ces es- paces vides la graine envoie quatre prolongements et dans chacun d’eux, chaque colylédon envoie un lobe. C’est là l’origine des quatre lobes. C’est à peu près la même chose qui arrive pour la noix, mais avec cette différence que les espaces vides sont beaucoup plus grands, de telle sorte qu’on n’a pas l'impression d'une paroi solide dont les dépres- sions seraient occupées par la graine, mais qu'il semble que la graine se soit plissée et que la paroi du fruit ail poussé des prolongements entre les plis. Pour remplir tous ces vides, les cotylédons se sont repliés et ont pris l'apparence que nous leur vo;ons. Le fruit du P{erocarya est beaucoup plus petit que celui du marronnier d'Inde, qui certai- nement n'étail pas tout d'abord aussi gros qu'il l'est maintenant. À mesure qu'il a grossi, les coty- lédons sont devenus plus charnus et ont eu plus de peine à sortir de la graine, de telle sorte qu'à la fin ils ne l'ont plus essayé. Ces curieux plis qui nous sont si familiers sont le résultat des efforts faits par les cotylédons originairement foliacés pour occuper l’intérieur de la noix. Si on les sé- pare, on trouve aisément la pelite radicule et la plumule avec de cinq à sepl paires de petites feuilles. Mais peul-êlre me demandera-t-on pourquoi j'ai supposé que les cotylédons s'élaient modelés sur la graine. La forme de la graine ne serait-elle pas au contraire déterminée par celle des cotylé- dons? La taille, la forme des graines est cependant évidemment en rapport avec l’état, les conditions d'existence de la plante mère. Prenons un exemple : Les cotylédons du syco- G. CHARPY. — LES TRAVAUX DE LA COMMISSION DU GRISOU more sont longs, étroits en forme de bande, ceux du hêtre sont courts, fort larges et en forme d'éventail. Les deux espèces sont aperispermiques, l'embryon occupe tout l'intérieur de la graine. La graine du sycomore est un sphéroide plus ou moins aplati, les longs cotylédons rubannés se roulent en forme de boule et la remplissent exactement (le cotylédon interne est souvent un peu plus court que l'autre). D'autre part les graines du hêtre sont plus ou moins triangulaires : si les cotylédons élaient disposés comme ceux du sycomore, il reste- rait nécessairement des vides. Aussi sont-ils repliés comme un éventail, mais comme un éventail plus compliqué, de telle sorte qu'ils remplissent admi- rablement toute la graine triangulaire. Mais pouvons-nous aller plus loin? Pourquoi la graine du sycomore est-elle globuleuse et celle du hêtre triangulaire ? Est-il évident que les cotylédons sont faits de manière à s'adapter à la graine? Ne pourrail-on dire que c’est la graine qui estadaptée aux cotylédons? Pour répondre à cette objection il nous faut examiner le fruit; nous constatons que dans les deux cas la cavité du fruit est à peu près sphérique. Mais le fruit du sycomore est compara- livement petit (de pouce de diamètre), et ne contient qu'une graine qui s'adapte exactement à la cavilé où il est enfermé, landis que, dans le hêtre, le fruit est d’une taille au moins double et contient de deux à quatre fruits, qui sont par con- séquent obligés, pour occuper tout l’espace, de prendre, comme les quartiers d’une orange, une forme plus ou moins triangulaire. Dans ces cas-là, c'est donc la forme du fruit qui détermine celle de la graine, et la forme de la graine qui détermine celle des cotylédons. Mais bien que les cotylédons s'adaptent souvent à la forme de la graine, ce n’est pas toujours le cas; d'autres facteurs doivent être pris en considération; mais si nous en tenons compte, nous pouvons, {elle est du moins mon opi- nion, jeter beaucoup de lumière sur les raisons qui font que telle ou telle plantule prend une forme ou une autre. J'ai essayé d'indiquer quelques-uns des prin- cipes dont dépendent, me semble-t-il, les formes des feuilles ct des plantules et de les appliquer à certains cas particuliers; mais cet ordre d’études est encore dans l'enfance, le nombre et la variété des espèces de feuilles est presque infini, et la question tout entière offre, j'ose le dire, un champ de recherches et d'observations au nombre des plus intéressantes de toute l’histoire naturelle. Sir John Lubbock. de la Société royale de Londres. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION DU GRISOU ; On sait que le grisou est formé par de l'hydro- gène proto-carboné ou formène qui est enfermé entre les feuillets de la houille sous une pression parfois considérable. Pendant l’abatage de la houille, ce gaz se dégage en produisant un bruisse- ment particulier, analogue au bruit de la pluie, et il se rassemble à la partie supérieure des galeries, de préférence dans des exeavations auxquelles on donne le nom de cloches. La quantité de grisou qui se dégage dans une galerie est variable d’un jour à l’autre. On a cherché à rapprocher ces varia- tions de celles de la pression atmosphérique; mais il est impossible d'établir une relation nette, comme l’amontré M. Le Chatelier, dans un mémoire paru aux Annales des mines. Lorsque la propor- tion de grisou contenue dans l'air atteint de 6 à 48 pour cent environ, le mélange est combustible et peut détoner en produisant des accidents très graves. L'inflammation a lieu, soit par contact avec la flamme d’une lampe (ordinairement à feu nu, mais dans certains cas les lampes de sûreté peuvent provoquer l’inflammation), soil par le contact avec les gaz chauds provenant du tirage d’un coup de mine. De 1881 à 1887 on a enregistré 95 accidents de grisou sur lesquels 59 causés par l'emploi des lampes faisaient 115 victimes (34 morts, 81 blessés) tandis que les 36 causés par des coups de mine élaient beaucoup plus graves et faisaient 276 vic- times (19% morts, 92 blessés). Il était donc absolu- ment nécessaire de préciser les précautions à prendre pour éviler, autant que possible, la pro- duction de semblables explosions. Les différents gouvernements européens ont nommé dans ce bul des commissions spéciales qui ont déjà publié d'importantes recherches. Les travaux de la commission française ont été conduits comme des recherches scientifiques et se distinguent en cela de ceux des commissions étran- gères. La plupart des expériences effectuées sont des expériences de laboratoire, mais elles ont con- duit à des résultats nettement formulés que les essais pratiques ont pleinement vérifiés. Ces re- G. CHARPY. — LES TRAVAUX DE LA COMMISSION DU GRISOU 41 cherches font le plus grand honneur au corps des ingénieurs de l'Élat. Nous allons essayer d’en résumer les principaux résullats, en laissant de côté la partie technique. Dans ces dernières années, plusieurs ingénieurs avaient émis l'idée que les poussières de houille jouaient un rôle important dans les explosions de grisou. Les expériences récentes ont montré que les poussières ne sont dangereuses qu'autant qu’elles sont plongées dans un mélange détonant par lui-même, et n’en augmentent pas l'inflam- mabilité. Il n'y a donc pas lieu d'en Lenir compte pour déterminer les conditions de sécurité, et il suflira d’expérimenter sur le mélange d’air et de grisou. La question qui s'imposait tout d’abord était l'étude de la combustion des mélanges grisouteux, sur laquelle on n'avait que des données fort incer- laines, dues pour la plupart à Davy. Cette étude a été effectuée par MM. Mallard et Le Chàtelier, ingé- nieurs au corps des Mines, et leurs recherches étendues à un grand nombre de mélanges gazeux détonants ont été résumées dans trois mémoires parus aux Annales des mines en 1883. Le premier traite de la température d’inflammation, le second de la vitesse de propagation de la combustion, le troisième de la pression développée et de la tem- péralure de combustion. 1° Température d'inflammation. — Lorsque l'on élève progressivement la température d’un mélange gazeux détonant, la combinaison se produit peu à peu par une véritable combustion lente. Il fallait done porter brusquement le mélange à une tempé- rature donnée. Voici la disposition qui à été em plovée : un matras de porcelaine dans lequel on a fait le vide est chauffé dans un four à gaz. Quand- la température est devenue stalionnaire, on le met en communication avec un gazomètre contenant le mélange gazeux, et du volume de gaz qui est entré dans le matras on déduit s’il y a eu contraction de volume et par suite combinaison. On recommence ensuite à une autre tempéralure el on arrive ainsi à comprendre la température d’inflammalion entre deux limites déterminées. Ces expériences ont conduit aux résullats sui- vants : La température d’inflammation d'un mélange gazeux est sensiblement indépendante de la pro- portion de gaz inerte ajouté au mélange tonnant. Celte température est d'environ 650° pour les mélanges grisouteux. Le mélange d'air etde grisou présente une parti- cularité remarquable. L’inflammation ne se pro- duit pas instantanément; et le retard, qui peut atteindre une dizaine de secondes, est d'autant plus faible que la température à laquelle on porte le gaz est plus élevée. L'inflammation d'un mélange d’air et de grisou est done fonction de deux facteurs : la tempéra- ture et le temps pendant lequel agit cette tempé- rature. 29 Vitesse de propagation. — Différentes méthodes ont été employées successivement, On a cherché d'abord quelle vitesse il fallait donner à un cou- rant gazeux s'écoulant à travers un orifice en mince paroi pour que la flamme produite à cet orifice ne pût pas rentrer dans le tube. Dans d’autres séries d'expériences, MM. Mallard et Le Châtelier ont étudié la propagation de la flamme dans un tube plein de mélange délonant en enregistrant le pas- sage de la flamme en des points donnés, soit par des signaux électriques, soit par des signaux pneu- maliques, soit enfin par inscription photogra- phique. Ils ont trouvé par ces différentes méthodes que, pour le mélange de formène et d’air, la vitesse de propagation, sensiblement nulle quand il y a 6 !/, de formène, atteint un maximum égal à environ 0"60 par pour le mélange contenant 12,2 ‘/, de formène et redevient nulle pour le mélange à 18 !/.. La vitesse de propagation dépend de la tempé- rature du mélange gazeux el, au-dessous d’une certaine limite, du diamètre du {tube qui contient le mélange. Pour un diamètre suffisamment pelil, la vilesse devient nulle même pour les mélanges les plus détonants, et la combustion ne peut se pro- seconde pager. La vitesse de propagation maximum de 060 ne suflit pas à expliquer les effets mécaniques consi- dérables que peuvent produire les explosions de grisou. Mais il faut remarquer qu’elle se rapporte au mélange gazeux en repos. L’agitation du gaz a une influence considérable sur la vitesse de pro- pagalion, ainsi que l’avaient déjà fait remarquer MM. Schlæsing et de Mondésir. MM. Mallard et Le Châtelier ont pu, dans des expériences de labora- loire, oblenir des vitesses de propagation de 20 mètres par seconde en agilant le gaz, et, on peut concevoir que, dans certaines conditions, les explo- sions qui se produisent dans les mines atteignent des vitesses beaucoup plus grandes. Ce fait a une importance considérable au point de vue des effets produits par les explosions de grisou et explique pourquoi les dégâts sont souvent moins considé- rables au point où s’est produit linflammation que dans les galeries voisines, l'état d’agitation des gaz augmentant à mesure que la combustion se propage. D42 3° Pression développée et température de combustion — Cette troisième partie des recherches de MM. Mal- lard et Le Châtelier est de beaucoup la plus consi- dérable. Les expériences consistaient à étudier, au moyen d'un manomètre enregistreur, les pressions développées par l'explosion du mélange gazeux enfermé dans un eudiomètre métallique, et à déduire de la variation de cette pression la marche du refroidissement des produits de la combustion. Connaissant la pression maxima développée, on peut calculer la température de combustion, pourvu qu'on connaisse les produits qui prennent nais- sance. L'étude du refroidissement des produits de la combustion a permis de délerminer à ces tem- pératures très élevées (environ 2.000°) Les chaleurs spécifiques des gaz formés. MM. Mallard et Le Châtelier ont trouvé ainsi que les chaleurs spéei- fiques des gaz à volume constant sont fonctions de la température, et peuvent en général se représen- ter par des formules simples telles que a + bt. Ce résultat est excessivement important au point de vue du calcul de la température de la détonation d'un explosif, calcul que nous retrouverens à propos de l'emploi des explosifs dans une atmos- phère grisouteuse. Il La flamme du mélange grisouteux le plus com- bustible ne peut se propager dans ur tube de 3,2 millimètres de diamètre environ, mais elle y pénètre de 30 millimètres avant de s'éteindre. En prenant ces tubes de plus en plus étroits, on di- minue graduellement la longueur de pénétration, et comme la flamme s'arrête toujours à une cer- taine distance des parois par suite de l’action re- froidissante qu’elles exercent, on peut arriver à un diamètre de tube pour lequel la longueur de péné- tration est nulle. Une toile métallique suffisamment fine pouvant être assimilée à un assemblage de tubes très étroits et très courts arrêtera donc la flamme d’un mélange gazeux combustible. C’est sur ce principe qu'est basée la construction de la lampe de sûreté de Davy. Mais la sécurité donnée par une toile métallique dépendant de la vitesse de propagation de la flamme est par cela même fonction de la compo- sition du mélange gazeux, de son degré d’agitation et de la température à laquelle il est porté. Telle lampe qui sera absolument sûre dans certaines conditions ne présentera plus dans d’autres la moindre sécurité. Il importe donc d'examiner les différents cas qui peuvent se présenter. L’agitalion du mélange gazeux est la cause qui G. CHARPY. — LES TRAVAUX DE LA COMMISSION DU GRISOU intervient le plus fréquemment pour modifier la sécurité d’une lampe à toile métallique. On conçoit en effet que la vitesse de translation d'un mélange gazeux traversant une toile métallique s'ajoute à la vitesse de propagation de la flamme, vitesse qui a déjà été considérablement accrue par l’état d’a- gitation du gaz. Il suit de là qu'une toile métal- lique qui arrète la flamme d’un mélange gazeux au repos pourra fort bien se laisser traverser par la flamme du même mélange, lorsque celui-ci sera animé d’un mouvement de translation ou lorsqu'on déplacera la lampe plus ou moins rapidement, L'inflammation peut se lransmettre à travers le treillis par un autre mécanisme : si le mélange ga- zeux peul se renouveler à l’intérieur de la lampe assez vile pour que la flamme arrêtée à la toile métallique ne s’éleigne pas, la loile métallique va s’échauffer peu à peu, ei au bout d’un temps plus ou moins long, les gaz brülés sortiront de la lampe à une tempéralure suffisamment élevée pour en- flammer le mélange gazeux extérieur. Le pouvoir refroidissant de la loile métallique aura alors une grande importance. Il intervient aussi en ce que, la vitesse de propagation augmentant notablement avec la température, une toile métallique donnée se laissera traverser d'autant plus facilement qu’elle sera portée à une température plus élevée, Enfin quand la lampe est plongée dans un mélange gazeux en repos, il peul se présenter des circons- lances où l'explosion intérieure traverse la toile métallique. Ces circonstances ont été précisées par M. Marsaut. Si une lampe de sûreté a pu se rem- plir presque complètement de mélange détonant sans qu'il y ait explosion, au moment où l'inflam- mation se produira à la partie inférieure, la vitesse de la flamme augmentera rapidement à mesure qu'elle se propagera par suite de l’état d’agitation que prendra le gaz, et au moment où la flamme arrivera sur la toile métallique elle pourra possé- der une vitesse suffisante pour la traverser. Ces conditions peuvent se présenter quand on élève une lampe, brûlant à petit feu dans une cloche pleine de mélange grisouteux, opération que l’on effectue souvent pour rechercher le grisou. Ce cas ne sera pas très fréquemment dangereux, l'inflam- mation ayant lieu le plus souvent avant que le mélange gazeux ait rempli la lampe. Mais il im- porte néanmoins d'en tenir compte. Le plus ou moins de sécurité d’une lampe dans ces conditions dépendra essentiellement de ses dimensions, c'est- à-dire du point où se fera l'inflammation du mé- lange gazeux dans le cas le plus défavorable, et de la grandeur des mailles de la loile métallique. Un grand nombre de modèles de lampes de sûreté ont été proposés pour éviter ces causes de danger. Dans toutes ces lampes on a entouré la flamme L2 ait PP PP Lonsinsss. PP PE DE G. CHARPY. — LES TRAVAUX DE LA COMMISSION DU GRISOU d'un manchon en verre pour augmenter le pou- voir éclairant, qui est très faible dans la lampe Davy. Ces lampes se distingent en deux classes, sui- vant la facon dont elles sont alimentées d'air. Les lampes à alimentation directe, où l'air arrive par un treillis placé à la partie inférieure du man- chon de verre ; les lampes à alimentation renver- sée où l'air arrive par la partie inférieure du treillis qui surmonte le manchon de verre, con- tourne la flamme et remonte ensuite par la partie centrale. Les lampes à alimentation directe sont celles qui éclairent le mieux, mais elles s’éteignent très facilement par l'agitation et présentent un incon- vénient grave : le mélange gazeux arrivant par la partie inférieure de la lampe, la flamme, une fois produite, persiste à. la partie supérieure. Il en ré- sulte que la lampe s'échauffe peu à peu, ce qui peut amener la rupture du verre ou le passage de la flamme à travers la toile métallique. Dans les lampes à alimentation renversée, au contraire, les produits de la combustion s’échap- pant moins facilement, il en résulte que, en général, lorsque l'inflammation se produit à l’intérieur, les fumées sont rabattues sur la flamme de la lampe qui s'éteint. De plus, on cherche en général à disposer la lampe de telle sorte qu'il se produise dans dans les gaz brülés un remous capable de les mélanger partiellement au gaz frais à son entrée dans la lampe. Le mélange gazeux qui pénètre dans la lampe est ainsi rendu moins com- bustible, ce qui augmente considérablement la sécurité, Les deux lampes les plus employées actuelle- ment en France appartiennent toutes deux à ce type. Ce sont les lampes Marsaut (fig. 1) et Mue- seler (fig. 2). Dans la lampe Marsaut, le treillis métallique est entouré d’un manchon métallique plein que lair est obligé de contourner avant d'entrer dans la lampe. On évite ainsi l'influence des mouvements sazeux. Les expériences de la commission du erisou ont montré que cette lampe ne laissait pas passer la flamme, lorsqu'on la plaçait dans des cou- rants gazeux animés d’une vitesse comprise entre cinq et dix mètres par seconde. Le treillis métal- lique est en général doublé et quelquefois même triplé, et les mailles choisies de façon à assurer le reflux des produits de la combustion. Cette lampe s'éteint immédiatement quand on l'introduit dans un mélange détonant. Dans la lampe Mueseler (fig. 2), l'air traverse d’abord une toile métallique «& qui surmonte le verre, puis un second treillis horizontal b; les pro- duits de la combustion s’échappent ensuite par une 543 cheminée étroite e, ce qui en assure le reflux. Cette lampe résiste parfaitement aux courants horizon- taux animés d'une vitesse de dix mètres par seconde. Avec des courants très obliques, la flamme peut passer pour des vitesses beaucoup moindres; mais, en diminuant le diamètre de la cheminée, on peut obtenir une lampe qui résiste à des courants de cinq mètres par seconde. Fig. 1. — Lampe Marsaut Fig. 2, — Lampe Mueseler. à manchon métallique plein. a, toile métallique; — b, treillis horizontal; — ce, cheminée, Les nombreuses expériences effectuées par la commission du grisou sur les diverses lampes ont montré que, si on laisse de côté la lampe de Davy, très sensible aux mouvements gazeux, les types décrits ci-dessus ne présentent pas de danger dans les conditions ordinaires, lorsqu'ils sont en bon état. La plupart des accidents dus aux lampes doivent être rapportés, soit à leur ouverture, soit à une fermeture incomplète ou à une dégradation du treillis. Enfin la lampe de sûrelé doit indiquer au mineur la présence de proportions relativement faibles de grisou par l'aspect de la flamme. Celle-ci présente un allongement notable et il se forme sur son contour une auréole bleue. Gette auréole est dif- ficilement observable dans les conditions ordi- naires. MM. Mallurd et Le Chatelier ont proposé l'emploi soit d’une lampe à alcool qui donne une flamme incolore en temps ordinaire, soit d’un sys- (ème d'écrans qui cache la partie éclairante de la flamme et laisse observer l’auréole sur un fond | obscur, 4% G. CHARPY. — LÉS TRAVAUX DE LA COMMISSION DU GRISOU III Les explosifs sontemployés dans certaines mines pour l’abatage de la houille, et ils sont absolu- ment indispensables dans les travaux au rocher. De nombreux accidents avaient montré que le tirage à la poudre allume presque à coup sûr un mélange grisouteux. Par contre les explosifs brisants tels que la dynamite, le coton poudre, etc., semblaient moins dangereux. Ces résultats s'expliquent aisé- ment d’après l'étude de l’inflammation des mélan- ges grisouteux. L’inflammation étant soumise à un certain retard, les gaz chauds provenant d'une explosion pourront, quoique leur température ini- liale soit très élevée, ne pas allumer un mélange détonant, s'ils se refroidissent suffisamment vite. Or le refroidissement de ces gaz dépend de deux causes : leur détente et leur mélange avec l’airfroid environnant. L'explosion étant presque instantanée dans les explosifs brisants, les gaz produits se trouveront au premier instant condensés à une pression considérable sous un volume à peine supé- rieur à celui de l’explosif ; ils se détendront donc très brusquement et subiront ainsi un refroidisse- ment bien plus rapide que cela n'a lieu avec la poudre dont la combustion est graduelle. La théorie, d'accord avec l'expérience, indiquait donc la suppression du tirage à la poudre et l'emploi exelu- sif des explosifs brisanls. Parmi ceux-ci, ceux qui détonent à la température la plus basse sont ceux qui présenteront le plus de sécurité. Il y avait done à étudier : 1° La température maxima que peuvent atteindre les gaz provenant d’une explosion pour qu'ils ne puissent enflammer un mélange détonant. C’est ce que la Commission du grisou appelle la température apparente d'inflammation. 2 La tempéra- Lure de détonation des différents explosifs actuel- lement en usage. 3° Les moyens propres à abaisser la température des gaz provenant de l'explosion, soit en faisant varier la nature de l’explosif, soit en changeant les conditions dans lesquelles se pro- duisait la détonation. Les recherches expérimentales destinées à éclai- cir ces différents points ont été effectuées à la pou- drerie de Sevran-Livry par une sous-commission spéciale. Les expériences étaient faites au moyen d’une chaudière de 10 mètres cubes de capacité au sein de laquelle on introduisait le mélange gri- souteux daus les proportions les plus favorables à la détonation. La chaudière communiquait avec un manomèlre à eau indiquant les variations de pression intérieure, et l'explosif en essai était sus- pendu au milieu du mélange gazeux. Celte chau- dière a élé employée aussi dans d’autrescondiiions. Lorsqu'on la remplissait d'air et qu'on y faisait détoner un explosif, elle se comportait comme un calorimètre et de la connaissance des variations de pression on pouvait déduire la quantilé de chaleur dégagée et par suite la température de détonation * . Il ya une grande différence entre les actions produites par un explosif, suivant que la détona- tion a lieu à l’air libre ou au sein d’une enveloppe résistante. Dans le second cas, les réactions s’effec- tuent plus complètement, et, de plus, les gaz arri- vent au contact du mélange grisouteux à une tem- pérature plus basse, car ils ont d’abord à effectuer un certain travail pour disloquer l’enveloppe résis- tante et en projeter les fragments. C'est sur ce phénomène qu'on s’est basé pour déterminer la température apparente d’inflammalion du mélange grisouleux. (On ne s’est naturellement occupé que du mélange le plus inflammable.) Une cartouche de 30 grammes de dynamite à 25 °/, de silice, détonant à l'air libre, enflamme à coup sûr le mélange grisouteux. La température de détonation est voisine de 2940°, En enveloppant cette cartouche de tubes de plomb ou d'étain d’épaisseurs variées, on peul abaisser graduelle- ment la température que possèdent les gaz prove- nant de l'explosion au moment où ils viennent au contact du grisou. Et dans chaque cas, on pourra mesurer celle température par une expérience faite dans la chaudière fonctionnant comme calorimètre, On a obtenu ainsi les résultats suivants : en entou- rant la cartouche d’un tube de plomb tel que la température des gaz de l'explosion füt abaissée à 2280°, l'inflammation se produit. Mais si, prenant un tube plus fort, on abaisse la température des gaz à 2150° environ, l'inflammation ne se produit plus. La température apparente d’inflammation du mélange grisouteux le plus inflammable peut done être fixée à 2200° environ. Ces expériences font ressortir en outre l’in- fluence considérable que possède le travail effec- tué par les gaz de l'explosion sur le danger qui en résulte, On peut en déduire qu'un coup de mine est d'autant moins dangereux qu'il travaille plus, ‘et par suite on doit apporter le plus grand soin au bourrage. Ce résultat est encore confirmé par les expériences suivantes : si dans un même tube on fait varier la densité de chargement, c'est-à-dire le rapport du volume occupé par l'explosif au volume total, le travail effectué par les gaz sera d'autant moindre que la densité de chargement sera plus faible. En effet les gaz, ayant subi une détente avant d'arriver au contact du tube, en pro- l La variation de pression est proportionnelle, non à la température que prend le gaz, mais à la quantité de chaleur dégawée. C’est un véritable thermomètre à calories, comme le thermomètre de Diess et le thermocalorimètre de Favre et Silbermann, G. CHARPY. — LES TRAVAUX DE LA COMMISSION DU GRISOU 43 jetteront les fragments avec une vitesse moindre que lorsque le contact est immédiat. L’abaisse- ment de température subi de ce fait sera done plus faible, et l’on constate en effet qu'un tube qui em- pêche l'inflammalion de se produire lorsque la dynamite y est exactement bourrée, ne produit plus d'effet lorsque l’explosif est placé dans un mince tube de verre au milieu du tube de plomb. On pourra donc diminuer beaucoup le danger présenté un explosif en ayant soin de l’employer de façon qu'il travaille le plus possible. Mais il peut se produire dans certains cas que le coup de mine débourre et ne travaille pas. Comme il faut toujours prévoir les conditions les plus dange- reuses, c'est donc la température de détonation à l'air libre que l’on devra déterminer. La température de détonalion d'un explosif T peut être calculée, quand on connait la chaleur Q dégagée par la réaction et la chaleur spécifique moyenne C des produits de la combustion, au moyen de la formule : Q—"CT Q se détermine au moyen de la chaudière (rans- formée en calorimètre. On peut d'ailleurs le cal- culer directement au moyen des données thermo- chimiques quand on connait les réactions qui se produisent, Les valeurs de C pour les différents gaz ont été données par MM. Mallard et le Chàtelier sous forme d'expression à 2 termes tlelles que GC — a + DT. On peut done ainsi calculer la tem- pérature T. La température de détonation en vase clos peut se déterminer par une autre méthode quand on connait la pression développée par l'explosion. Connaissant le volume et la pression d'une masse gazeuse, on peut par l’application des formules de Clausius, Sarrau où Van der Vaals, calculer la tem» pérature. Les données nécessaires à ce caleul'ont élé fournies par de nombreuses expériences de MM. Berthelot, Sarrau et Vieille. En comparant les résultats fournis par ces deux méthodes, on a constalé que les résultats sont concordants, c'est- à-dire que les réactions sont les mêmes à l'air libre eten vase clos, pour quelques explosifs, entre autres la dynamite. Mais pour un grand nombre d’autres, il y a une différence indiquant que les réactions sont incomplètes à l'air libre. En géné- ral cela abaissera la température de détonation et par conséquent ne sera pas dangereux, mais il est certains cas où la détonation d’un explosif à l'air libre dégage plus de chaleur que la déto- nation en vase «los. Ce cas s'est présenté par exemple pour des coton-poudres peu nitrés, et s'explique par ce fait que les produits de la déto- nation, étant combustibles, viennent brûler au con- tact de l'air. On devra donc chercher un explosif qui dans aucune condition ne présente un mode de décomposition capable d’enflammer le grisou. Parmi les explosifs simples, le seul dont la lem- pérature de détonation soit inférieure à 2200° est l’azotate d'ammoniaque. Mais ce corps présente une très faible aptitude à la détonation el sa décomposition est toujours très incomplète. On est donc conduit à rechercher des explosifs bi- naires qui détonent facilement et dont la tempé- rature de détonation soit suffisamment basse. Ces explosifs peuvent être formés parle mélange avec un explosif donné, soil d’une substance inerte, soil d’une substance décomposable par la chaleur, soit enfin d’un autre explosif détonant à basse tem- pérature, qui devra être par conséquent l'azotate d'ammoniaque. Les deux premiers cas conduisent au mème résul- tat : les expériences de la commission ont montré en effet que les substances décomposables par la chaleur, mélangées à l’explosif {carbonale de soude hydraté, chlorhydrate d’ammoniaque, etc.) n’ont pas le temps de subir une décomposition notable pendant la durée de l'explosion et se comportent par comme substances inertes, comme la silice dans la dynamite. Il faul alors, pour obtenir un effet utile, augmenter consi- dérablement la proportion de matière mélangée à l'explosif qui devient encombrant. On est donc ramené à chercher des mélanges d'un explosif avec l'azolale d'ammoniaque. Ceux-ci suite des se sépareront encore en deux groupes, suivant que les explosifs détoneront indépendamment l'un de l’autre, ou que les produits de la détonation pour- ront réagir mutuellement. La commission du grisou recommandait surtout dans le premier groupe les mélanges de dynamile et d’azotate d'ammoniaque ne renfermant pas plus de 40 ‘/, de dynamite el dans le 2° groupe les mélanges de coton-poudre et d’azotale d'ammoniaque à 20 ‘/, de coton poudre, les mélanges de binitro-benzine et d’azotale d'am- moniaque à 10 !°/, de binitro-benzine. Ces différents explosifs ont élé essayés aux mines d'Anzin, Firminy, Blanzy et Ronchamp en 1889. Les cartouches employées pesaient de 50 à 100 grammes. Ilne faut pas oublier en effet que le poids de l’explosif employé a une influence consi- dérable sur la sécurité qu’on peut en attendre, el que les expériences de la commission n’ont jamais porté sur des carlouches de plus de 200 grammes, Le but de ces essais était principalement de déter- miner si les nouveaux explosifs qui satisfont aux conditions reconnues nécessaires pour l'emploi dans les mines à grisou sont d’un usage com- mode et peuvent fournir un effel utile suffisant. 516 D: A. CASTEX. — LA TRÉPANATION DU CRANE Les essais ont élé très satisfaisants, mais les résultats fournis par les différentes mines peu concordants au point de vue de l'effet que peuvent produire les différents explosifs, ce qui tient à ce que les moyens de comparaison employés n'étaient pas les mêmes. Les résultats les plus probables indiquent que les mélanges à 20 et 30 ?/, de dyna - mite possèdent une force explosive sensiblement égale aux ? de celle de la dynamite, soit le double de celle de la poudre noire, En résumé, les expériences de la Commission relatives à l'emploi des explosifs dans les mines à grisou ont montré nettement que l'inflammation se produit toujours (pour le mélange le plus inflammable) quand la température de détonation est supérieure à 2200°. Au-dessous de ce chiffre, l'inflammation peut se produire dans certains eas, mais d'autant plus difficilement que la tempéra- ture sera plus basse. À 1600°, on aura une sécurité très grande, et cette température peut être atteinte avec des explosifs présentant une aptilude suffi- sante à la détonation. Georges Charpy. Professeur de Chimie à l'École Monge. LA TRÉPANATION DU CRANE L'ouverture du cràne par la trépanation remonte aux temps préhistoriques. Les récentes recherches des anthropologistes français, Broca !, Pruniè- res, de Mortillet établissent que nos ancètres de l'époque néolithique eurent la hardiesse d’enlever sur leurs semblables des parcelles de la boîte cra- nienne. Dans le principe, l'opération eut un carac- tère sacré. Comme toutes les névroses convulsives, l'épilepsie (morbus dæmoniacus) dut être attribuée à quelque esprit mauvais enfermé dans la tête el la trépanaltion avait pour but de l'en faire sortir. Les opérés survivaient-ils, on les considérait comme des êtres surnaturels, dignes d'une haute vénéra- tion et on gardait après leur mort, à titre d'amu- lettes, des fragments de leur crâne, détachés au pourtour de l’orifice artificiel. Broca pense même que la tonsure des prêtres, qui a été signalée dans l'Inde avant l’ère chrétienne, n’est qu'un souvenir de cette initiation barbare, I C'est avec un silex qu'on pratiquait la trépana- tion dans l’âge de pierre. M. Lucas-Champion- nière * à montré qu'avec un fragment de pierre taillée, mince et élroite, mise en mouvement de rotation par la main, on perforait un crâne en quelques secondes. C’est ainsi que les bergers de la Lozère ouvrent en vrillant, avec la pointe de leur couteau, le crâne de leurs moutons atteints de tour- nis (D' Prunières) ?, On retrouve encore la coutume de la trépanation trèsenracinée chez certaines peuplades de l'Océanie etsurtoutchezlesKabylesdel’Aurès,dansla province de Constantine. Les auteurs quiontétudiéles migra- lions humaines expliquent comment la tradition a pu perpétuer chez ces tribus une pratique de la plus haute antiquité. Les populations de l’Aurès descen- dent des Numides qui avaient leur capitale-à Cirta (la Constantine moderne); d'après Salluste, les Numides descendaient eux-mêmes des Perses qu'il considère comme des débris de l’armée d’'Hercule | (D' Védrenes) !. Quoi qu'il en soit, l'usage de la trépanation est spécial aux indigènes du massif de l'Aurès, popu- lation d'humeur batailleuse, fréquemment exposée aux plaies de la tête. L'opération est le privilège des thébibs, prêtres trépaneurs qui y procèdent avec le brima (farière). Conformément aux préceptes formulés dans le livre Z1 Harounéit, « on panse avec de l'huile d'œuf et du lait de femme et on couvre le tout d’un morceau de plomb pour empê- cher la matière cérébrale de sortir ». Les Aurasiens semblent se jouer de cette opération, qu’ils tien- nent pour bénigne. Dans le village de Sidi Ocba un thoubib disait en 1881, à M. Lucas-Championnière, qu'il avait été trépané quatre fois et son père douze fois. Un seul de ces spécialistes compte à son aclif 350 trépanations. Or, si l'on examine de près les trépanations préhistoriques, les ouvertures des cränes quele général Faidherbe a fait extraire des dolmens de Rocknia (province de Constatine), enfin les instruments des thébibs, on est conduit à penser que les Aurasiens sont, en matière de trépanation, les continuateurs de l’âge de pierre (fig. 4). Avec Hippocrate l'opération devint classique. Il la praliquait avec une couronne dentée qu'un ar- chet metlait en mouvement. Celse décrit avec dé- tails le trépan à couronne (yet des Grecs) et la larière (ferebra) ?. Au moyen âge l'opération était abandonnée à des empiriques « ciculatores », puis ! Broca, Bulletin de la Société d'Anthropologie, 1876. © Etude historique et clinique sur la trépanation du crâne, 1818. 3 Association française, Lille, 1874, 1 De la trépanation du crâne chez les indigènes de l'Au- rès, Revue de chirurgie, 1885. ? Celse, Livre VIII, chap, 1, D: A, CASTEX. — LA TRÉPANATION DU CRANE avec Guy de Chauliac et Ambroise Paré elle revint en honneur. Vers le milieu du siècle dernier, les plus illustres représentants de l’Académie royale de chirurgie se prononcèrent en faveur du trépan : b Mig. 4. — Instruments des Kabyles de l'Aurès pour la trépa- nation; a, scie à dents larges: 4, crochet fait d’un manche | de cuiller; e, tarière. | | tels Quesnoy et J. L. Petit. En Angleterre Perci- val Pott allait encore plus loin et professait que dans toutes les fractures du cràne, à très peu d'exception près, la lrépanation s’imposait. C'était excessif, La réaclion commença avec Desault, qui avait été découragé par la mortalité fréquente de. ses opérés dans le déplorable milieu nosocomial de l'Hôtel-Dieu. Elle fut vigoureusement poursui- vie en France par Malgaigne et Gama, et en Alle- magne par Stromeyer, qui déclarait que, pour entreprendre l'opération, il fallait avoir soi-même la tête fêlée. C'est de nos jours qu'une série de travaux remar- quables ont réhabilité la trépanation. On trouve souvent citée l'opération hardie de Dupuytren qui ouvrit un abcès du cerveau après avoir trépané son malade. Celui-ci mourut quelque temps après. Broca, Trélat, Sedillot, le Pr Le Fort se sont mon- trés partisans convaincus du trépan. Legouest, interprétant les statistiques des guerres de Crimée et de Sécession en Amérique, arrivait à conclure qu'il faut trépaner « toutes les fois que l’on doute qu'il y a lieu de le faire », D47 Les découvertes récentes des physiologistes sur les localisations cérébrales ont guidé les chirur- giens, tandis que l'avènement de la méthode anti- septique rendait l'opération de moins en moins grave. En 1861, Broca découvrait dans la troisième cir- convolution cérébrale frontale gauche le centre du langage articulé. Dix ans après, trépanant un apha- sique à ce niveau, il évacuait un abcès, montrant ainsi la portée pratique de sa découverte. Depuis, les travaux de Fritsch et Hitzig (1874), de Ferrier, du P* Charcot, d'Horsley ont établi qu'il existe sur l'écorce cérébrale, autour du sillon profond qui des- cend obliquement sur la face externe des hémis- phères (sillon de Rolando) (fig. 2) une série de foyers Fig, 2, — R, sillon de Rolando; C, cervelet ; B, bulbe. ou centres distincts dont les lésions se traduisent par des symptômes localisés : d'où la possibilité de conclure du symptôme à la lésion et d'aller par le trépan réparer les altérations qu'un traumatisme a déterminées. Les recherches de Broca qui enfon- çait des fiches dans le cerveau à travers des trous percés à la vrille, celles de Féré, de la Foulhouse, Lucas-Championnière, Terrillon, Pozzi, ont ensuite précisé les rapports des divers centres corticaux avec les parois eraniennes et servi beaucoup là trépanation. « Localisons, localisons, écrivait M. Ledentu, dans son rapport à la Société de Chi- rurgie, il en restera toujours quelque chose » . (ll A l'heure actuelle, on a recours à la {répanation, soit après un traumatisme cränien, soit en dehors de tout traumatisme. Contre les traumatismes graves du crâne qui sont très généralement des fractures, l'opération du trépan peut être appliquée à une période plus ou moins éloignée du jour de l’accident. Eu égard à ces périodes, le trépan est distingué d’abord en 1 Bulletin de la Sucièté de Chirurgie, Séance du 24 juillet 1878. 548 D: A. CASTEX. — LA TRÉPANATION DU CRANE préventif et curatif. On dit qu'il est préventif lorsque, prévenant les complications qui pourraient survenir, il sert à débarrasser le cerveau d’une compression dangereuse. Tel est le cas d’une fracture avec en- foncement de fragments osseux dans la substance cérébrale. L'opération consiste alors à soulever la pièce osseuse qui blesse le cerveau et fait redouter l'apparition de troubles inflammatoires ou convulsifs. Il est dit ewratif si des accidents se sont déclarés déjà, dont il faut guérir le blessé. Dans ce cas, on distingue trois variétés d’interven- tions chirurgicales, d’après le moment de la trépa- nation. Les accidents sont-ils immédiats, s'agit-il, par exemple, de faire cesser une compression de l'encéphale determinée par un épanchement de sang qui s’élale entre sa surface et la boîte crà- nienne, et qui se révèle par une paralysie limitée à un membre supérieur, le trépan est primitif. I est consécutif si déjà l'inflammation du cerveau et des méninges est venue compliquer la situation. Bien aléatoires sont alors ses bénéfices. On dit enfin qu'il est {ardif lorsque les premiers effets de l’acci- dent étant dissipés, on l’applique (beaucoup plus efficacement alors) pour une paralysie limitée à une moitié du corps, à un bras, ou encore pour des douleurs intolérables persistant en un point fixe de la tête et privant le malade de tout sommeil, enfin, et surtout, pour les attaques d’épilepsie, dite traumatique, parce qu'elle succède aux lésions ac- cidentelles et graves de la tête. C’est surtout contre les épilepsies traumatiques qu'on a eu recours à la trépanation tardive. Où convient-il alors d’ap- pliquer la couronne de trépan? Souvent une cica- trice, une douleur fixe dirigent le chirurgien, mais, si cet indice fait défaut, il lui reste les données de la localisation cérébrale. Horsley communiquait en 1886 à l'Association médicale britannique deux succès de trépanalion fondés exclusivement sur la théorie des localisations cérébrales. Il trouvait une cicatrice sur l'écorce du cerveau, l’enlevait et les accès d'épilepsie disparaissaient. Telle est la valeur de cette théorie que, si l'indice extérieur se trouvait en désaccord avec elle, mieux vaudrait encore s’en référer à la théorie seule pour fixer le lieu du trépan. Cest l'avis du professeur Lannelongue *, En se fondant sur cetle seule doctrine des locali- sations, le P' Demons (de Bordeaux) a pu guérir un malade de ses convulsions épileptiformes ?. Des corps étrangers et surtout des projectiles de guerre pénètrent dans la boile cranienne. Assez longtemps les chirurgiens militaires avaient ten- dance à trépaner dans ces circonstances pour aller à la recherche de ces projectiles; mais, après le | Bulletin médical, 4 janvier 1888. © Congrès de Chirurgie, 1885. Pr Verneuil, après Otis, on y renonce aujourd’hui, se rappelant que, suivant l'expression de Guil- laume de Salicet, «la nature se familiarise avec eux. » J'ai moi-même apporté des documents nou- veaux à l'appui de l’abstention dans les coups de feu à la tête !. Les heureux résallats déjà mentionnés, la sûreté que procurent et la doctrine des locali- sations cérébrales et la méthode antiseptique, ont rendu plus entreprenants les chirurgiens, el de nos jours on ne craint plus d'ouvrir le crâne en dehors du traumatisme pour enlever une tumeur de ses parois ou du cerveau. Grossmann le premier, dès 1695, à trépané pour une tumeur des méninges. Parmi les cas heureux on peut citer ceux de Mac Ewen, de Durante, de Horsley, de Péan ?. La bénignité de la trépanalion semble certaine en particulier pour les tumeurs de la paroi cranienne, puisque la thèse de Guary (1886) sur 8 cas men- tionne 8 succès. A diverses reprises, dans ces derniers temps, tant à l’Académie de Médecine qu'à la Société de Chirurgie, M. Lucas-Championnière est revenu sur l'innocuité et l'efficacité du trépan appliqué en dehors du traumatisme ?. 11 y a eu recours pour des douleurs avec bruits dans la tête et vertiges, pour des cas d’épilepsie native ou acquise, pour une hémorrhagie cérébrale avec succès complets ou parliels. En fait d’épilepsie, non seulement l'intervention a été innocente dans ses onze opéra- tions, mais encore trois cas semblent être des guérisons définitives et trois autres ont assuré une amélioration notable. : Le résultat est d'autant meilleur que le sujet est plus jeune el que son cerveau n’a pas encore pris l'habilude invétérée de ces crises nerveuses. Cest aux médecins qu'il incombe de ne pas laisser passer pour leurs malades la période de l'inter- vention ulile, après laquelle les efforts des chirur- giens restent infructueux. Pour assurer les résultats opératoires, l'administration prolongée du bromure de potassium s'impose dans la suite. Une nouvelle preuve de l’innocuilé de la trépa- nation est fournie par les heureux résultats qu'ob- tient M. Pasteur. Nombre de fois il a trépané ou fail trépaner, sans accidents, singes, chiens, lapins, pour inoculer la rage par la voie cérébrale. Peut-être la trépanation agit-elle chez certains sujets en décomprimant l’encéphale, qui, au mo- ment de l’ouverture des méninges, a paru comme enserré dans son enveloppe calcaire. 1 Castex. Congrès français de Chirurgie, 188%. rendus, p. 294, 2 Académie de Médecine, 19 février 1889. 3 Bulletin de la Société de Chirurgie, 21 juin 1888. Académie de médecine, 20 août 1889. 'omptes- “ms aiment sd D' A. CASTEX. — LA TRÉPANATION DU CRANE Or = Le] Voici que le professeur Lannelongue vient de retrancher chez une fillette de quatre ans microcé- phale un longue bande de paroi cranienne. Je n'insiste pas davantage, les lecteurs de la Revue ayant pris connaissance de l'imporlante étude du P'Lannelongue dans le numéro du 15 juillet dernier. Horsley (de Londres), vient de déclarer au Con- grès de Berlin que l'intervention opéraloire est indiquée toutes les fois que le cerveau a été atteint par un accident grave, surtout s’il s’agit d’un en- fant qu’on peut ainsi préserver de l’épilepsie, de la démence ou d'un arrèt de développement. Même dans le cas de tumeur trop volumineuse pour être enlevée en totalité, il veut qu'on opère. L’extirpa- tion ne fut-elle que partielle, le soulagement pro- curé au malade sera considérable. C'est cette ligne de conduite que nous avons adoptée récem- ment avec mon ami le D' Regnier, chirurgien de l'hôpital Tenon, dans un cas de trépanation pour Lumeur des méninges. L'opération est trop récente pour que le résultat nous soit connu. G. Burckhardt fait plus encore : il applique la trépanation à divers types de folie. Le cerveau mis à nu, il en retranche telle circonvolution que la physiologie lui signale comme pouvant être le foyer des hallucinations et trois fois sur six, nous dit-il, le résultat a élé satifaisant. Il est difficile d'aller plus loin dans cette voie que ne le fait W. Keen {de Philadelphie) pour les hydrocéphales. Il les trépane, puis enfonce un drain de caoutchouc dans la cavité qui occupe le centre de chaque hémisphère cérébral et qu'on désigne sous le nom de ventricule latéral; après quoi, il fait passer, d'un ventricule à l’autre, une solution tiède d’acide borique, et le malade de déclarer aussitôt : « Cela fait du bien. » Cette chirurgie ne dépasse-t-elle pas les bornes? L'avenir répondra. IT Par quel procédé topographique le chirurgien parvient-il à marquer sur la boite cranienne le point correspondant au centre de l'écorce céré- brale qu'il se propose d'atteindre? J'ai dit que la plupart des foyers fonctionnels récemment décou- verts sont disposés autour du sillon de Rolando qui descend obliquement en avant sur la partie moyenne des hémisphères. Le ‘problème est de marquer ce sillon sur le cràne pour choisir ensuite tel foyer particulièrement visé. Voici le procédé que recommande M. Lucas- Championnière (fig. 3). Mener à partir de l’apophyse orbitaire (4) une horizontale de sept centimètres. Elever à son extrémité (2) une perpendiculaire de trois centimètres. C’est là le point inférieur du sillon rolandique (ce). Pour avoir son extrémité supérieure, marquer sur le sommet du crâne, avec l’'équerre flexible de Broca la ligne verticale qui passe par les deux conduits auditifs. À quarante- sept millimètres en arrière (4) de ce point-sommel qui estle bregma, se trouve l'extrémité supérieure de la scissure de Rolando. Fig. 3. — Tracé topographique du sillon de Rolando. Dans un mémoire qui va paraitre incessamment et qu'il a bien voulu me communiquer, le D° Poi- rier précise et étend encore nos connaissances en lopographie cranio-encéphalique. Il donne de nou- veaux repères pour la découverte des centres sen- soriels. J'y renvoie le lecteur. La technique opéraloire ne doit pas m’arrèter ici. Il me suflira de dire que le trépan actuel con- siste en un cylindredenté qu'un vilbrequin met en rotation. Il en existe de différents diamètres. En appliquant plusieurs couronnes à côté les unes des autres ou en ättaquant les bords de la brèche os- seuse avec une pince-gouge, on parvient à décou- vrir toute la portion voulue de l’écorce cérébrale. Ultérieurement l'os peut se reproduire ; mais, à son défaut, la vaste baie se couvre d’un tissu résistant qui protège suffisamment l'organe. Des expériences sur la réimplantation des rondelles osseuses après la trépanalion, communiquées à l'Académie de Médecine (30 octobre 1888), par mon ami le D' Mossé, professeur agrégé à la Faculté de méde- cine de Montpellier, il est permis de conclure que, dans certaines conditions données, on peut comp- ter sur la réussite de cette greffe. Wagner exécute des réseclions Llemporaires de la paroi cranienne, en réappliquant la portion sou- levée, à la fin de l'opération *. Telle est, rapidement esquissée, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, l'histoire de la trépanation. Nous avons vu, dans ces der- nières années, la chirurgie diriger successivement ses tentatives vers les grandes cavités du corps, abdomen, poitrine, articulations et obtenir de brillants succès là où des échecs réilérés avaient découragé nos devanciers. Dans cette suite d'efforts heureux la chirurgie de cerveau semble être l’im- portante question du jour. D' And. Castex. BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Sinigaglia (F.), tigénieur, — Traité des machines à vapeur, {raduit par M. de Billy, ingénieur des mines, avec une préface de M. H. LéautTÉ, membre de l’Acadé- mie des Sciences. 0, Doin. Paris, 1890, La littérature des machines à vapeur vient de s’en- richir d’un ouvrage nouveau par sa forme autant que par son contenu, le Traité des machines à vapeur de notre distingué collaborateur, Pingénieur italien F. Sinigaglia. Son but est de fournir au constructeur les moyens de mettre à profit les faits révélés par la thermodynamique appliquée à lPétude physiologique des machines à va- peur, et aussi les nouvelles conquêtes de la science au sujet de la régularisation du mouvement, L'auteur ne s’attarde pas à exposer la théorie mathématique de la chaleur, il entre droit au cœur du sujet, s'adressant à un public en possession des lois fondamentales et notamment de la notion de l’équivalent mécanique de la calorie, Il lui présente tout d’abord, avec une mé- thode plus réelle qu'apparente, un amas de faits groupés et reliés entre eux par une sorte de ciment prinei- palement composé de bon sens, d’où sont écartées les broussailles de formules compliquées. En s’arrêtant à la lecture de ces renseignements présentés dans toute leur simplicité, le constructeur, comme l'acheteur des machines, aura déjà trouvé d’utiles avis. Mais l’auteur va plus loin; il formule, comme je l'ai fait moi-même le premier en 1880, la théorie expérimentale de Hirn, sa (héorie pralique, applicable non à l’étude d’un projet, mais à celle de la marche la plus économique d’un moteur exécuté; et il létend aux machines polycy- lindriques. Nécessairement, il y fallait ajouter des con- seils précis et formels pour la rédaction des projets, et c’est ce qu'a fait M. Sinigaglia dans la seconde partie de son ouvrage. La tâche qu'il s’est proposée n’est ni si modeste ni si aisée qu'il paraît à première lecture, L'auteur parle, il est vrai, pour ceux qui ont des notions posi- tives sur la chaleur et la vapeur et les moteurs ther- miques, et son livre n'aurait d'autre introduction que le rappel de certaines définitions, unités de mesure, notations, ete., si le savant académicien, M. Léauté, n'avait déposé au seuil même un petit chef-d'œuvre qui invite avec grâce à pénétrer plus avant, mais sans cacher les difficultés dont sont hérissés les problèmes posés. Là, nous voyons dans ses grandes lignes l’his- toire du développement de la machine à vapeur depuis sa naissance jusqu'à nos jours, l'exposition des ques- tions qu’elle a posées à la pratique, et, parmi elles, celles qui ont recu une solution définitive acceptée dans le domaine publie, et celles sur lesquelles l’ac- cord n'est pas élabli, et qui font l'objet des méditations et des expériences des amis du progrès, Parmi ces der- nières, M. Léauté signale spécialement les hautes pres- sions, les grandes vitesses, le meilleur degré de détente, la multiplicité des cylindres, les enveloppes, la sur- chauffe, la compression dans l’espace mort. Sur toutes ces questions pendantes, M. Sinigaglia donne son opinion, non basée sur des raisonnements dont l'apparence est souvent plus séduisante que le fond réel, mais sur des faits qu'il expose tout d'abord et qu'il recueille dans les écrits des maitres en l'art d’expérimenter et d'interpréter les résultats de l’ex- périence, Hirn, Hallauer, Mair, Willans, ete. Cet en- semble de documents bien choisis et bien classés donne de l'autorité à l'opinion qu'il émet sur les machines à plusieurs cylindres en cascade et qui n’est pas entiè- ET INDEX rement conforme à celle qui prévaut aujourd'hui, qui est à la mode, oserait-on dire peut-être, Avec la ré- serve des hommes habitués à considérer la nature telle qu’elle est, dépouillée des déguisements que lui prète limagination, l’auteur cherche dans quelles con- ditions et pour quelles raisons, ce sont tantôt les ma- chines monocylindriques qui ont la supériorité, tantôt les polycylindriques ; dans quels cas les unes ou les autres répondent mieux aux circonstances locales. « En résumé, dit:il, dans bien des cas il y aura des rai- « sons d'ordre pratique qui feront préférer les machines « Compound aux machines simples. En particu- «lier elles permettront d'employer favorablement « les hautes pressions, ce qui est certainement «un avantage... Aujourd’hui la tendance des cons- « tructeurs est d'augmenter les applications des ma- « chines à plusieurs cylindres. Ceci s'explique parfaite- « ment, nous l'avons dit, pour les machines marines. « Mais à mon senson exagère dans bien des cas et pour « les pressions ordinaires, lorsqu'il s'agit de machines « fixes où l'on peut obtenir une marche bien régulière, « par l'emploi d’un volant et par l’accouplement de « plusieurs machines à un cylindre, ce qui conduit « au même résultat avec des frais d'installation et d’en- « tretien bien moindres. On ne peut obtenirune bonne « répartition du travail entre les cylindres pour les di- « vers degrés de détente qu’en munissant le cylindre à « basse pression d’une détente variable dont le méca: « nisme comp ique la machine... On conçoit que le « prix doive entrer en ligne de compte. Enfin la ma- « chine à un cylindre se prète mieux à travailler sous « des régimes différents, sans compter que la déter- «mivation & priori de ses éléments est moins incer- « taine,., » On trouve ensuite un parallèle savamment établi par M. Bour (de Lyon) entre les détentes polyey- lindriques appliquées soit aux machines marines soil aux machines fixes ; et sa conclusion est que la mulli- plicité des cylindres, favorable au cas des machines marines, n'est pas désirable pour les machines fixes. Il serait trop long d’énumérer iciles opinions émises par M.Sinigaglia sur les différentes questions énoncées ci-dessus. L'exemple précédent suffit pour démontrer qu’elles n’ont rien d’absolu, mais que, sagement, elles tiennent compte de tous les éléments qui interviennent. Dans la deuxième partie de son ouvrage, l’auteur essaie d'établir des formules nécessaires à la détermi- nation des dimensions du cylindre et de la consomma- tion probable de vapeur. Il corrige l’ancienne formule qui ne tenait compte nide la dépression pendant l’ad- mission, ni des avances, ni de la compression, ni de la surpression à la décharge; il conserve la facile loi de Mariotte pour la détente et l’adopte pour la compres- sion. Tenant compte de toutes ces circonstances, il cons- titue un diagramme probable, qu'il nomme diagramme prévu, et qui lui sert au calcul des éléments principaux susdits, tant pour les machines monocylindriques que pour les compound.ou les machines à triple expansion. Il corrige enfin le diagramme prévu pour avoir égard aux forces d'inertie des pièces à mouvement alternauf; c’est l’objet d’un chapitre spécial où il est traité non seulement au point de vue de la recherche des dimen- sions des pièces, mais encore de l'effet de ces forces d'inertie sur la régularité de la marche. L'étude de ces forces et de leurs variations est hérissée de difli- cultés mathématiques dont il importait de se débar- rasserau prixd'un peu d’inexactitude; M. Sinigaglia suppose la vitesse de rotation constante et la bielle infinie d’abord et finie ensuite, et établit sur cette hypothèse la recherche de l'accélération des pièces en BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX b] (3 = question. De là i! déduit la grandeur de la réaction à chaque inslaut, la rapporte à lunité de surface du piston comme la pression de la vapeur; il Pintroduit dans le diagramme prévu, en transformant celui-ci d'abord de manière que l’ordonnée du diagramme transformé représente la résultante de la pression el de la contrepression de la vapeur sur le piston. A cette résultante il ajoute ou retranche la réaction d'inertie calculée et ainsi obtient le diagramme corrigé ou dé- finitif. Ce dernier, bien entendu, varie avec la vitesse de rotation de la machine; mais, en tenant compte de cette circonstance, on peut l'utiliser notamment au calcul du volant. A cet effet on trace deux diagrammes des efforts effectifs exercés par l'intermédiaire de la bielle et estimés suivant la direction de la tangente à la circonférence décrite par le centre du bouton de la manivelle : dans l’un n'entre que la pression de la va- peur seulement, dans l’autre en outre la réaction de l'inertie. IL est ainsi facile de voir que les masses en mouvement alternatif contribuent pour leur part à la régularisation du mouvement de rotation. La conclu- sion est que, dans le calcul du poids à donner au vo- lant, il vaut mieux n’en pas tenir compte. Mais «dans le calcul des dimensions des autres pièces, c'est une nécessité qui s'impose surtout au cas des grandes vi- tesses de rotation. L'établissement des régulateurs de vitesse entrail nécessairement dans le cadre de l'ouvrage de M. Sini- gaglia. En 1878, M. Charles Beer et moi, nous avous publié (chez Desoer à Liège) une Théorie nouvelle des régulateurs dans laquelle nous avions égard à un élément de la plus haute importance qui, jusque là, n'avait pas été pris en considération : la résistance que les communi- cateurs opposent au mouvement du manchon, qu'il tende à descendre ou à monter, et qui s'exerce dans un sens ou dans l’autre, toujours contrairement à cette tendance. Les théories précédentes avaient simplement étudié le tachomètre isolé, comme s’il n'avait eu aucune liaison avec la machine dont il devait régulariser la marche. On cherchait la vitesse qui, pour une position donnée du manchon, établissait l'équilibre entre la force centrifuge, le poids des masses centrifugeset celui du manchon ; on négligeait même les frottements ou résistances internes du tachomètre qni s’opposaient au mouvement du manchon quand il y avait une petite altération de la vitesse de rotation. L'idéal à long- temps été de composer un tachomètre isochrone, c’est. à-dire pour lequel la vitesse d'équilibre fût la même pour toutes les positions du manchon ; ou tout au moins quasi-isochrone, pour lequel la vitesse d'équilibre fût la mème pour les positions extrêmes du manchon et peu différente pour les positions intermédiaires. Les tacho- mètres ainsi calculés étaient appliqués à des machines à vapeur pour en régulariser le mouvement et l’on ne remarquait pas que les conditions réelles de marche seraient tout autres que les conditions purement imagi- naires qu'on avait supposées, dès le moment où le tacho- mètre aurait à faire le travail nécessaire pour surmonter les résistances opposées par lescommunicateurs au mou- vement du manchon, Car on ne peut déplacerles pièces qui commandent l'admission de la vapeur au cylindre sans vaincre des efforts parfois grands, toujours déter- minés, et absolument indépendants du tuchométre lui- même, Le résultat était tout différent des prévisions : on le corrigeait avec plus ou moins de succès en làton- nant, On aurait évité bien des mécomptes si l’on avait introduit dans les calculs la résistance que nous nom- merons R, qui s'oppose à ce que le manchon obéisse sans délai aux moindres variations de la vitesse de rotation, Ces résistances se composent d'abord des frottements internes R, et ensuite des efforts pour mouvoir les organes modificateurs de la force motrice de la machine, dont nous appellerons R, l'équivalent estimé suivant le direction du mouvement du manchon, Ainsi l’on a R—R, + R.. Afin de montrer d’une manière plus frappante l'effet de la prise en considération de ces résistances, nous prendrons l'exemple d’un pendule de Watt que nous considérerons comme tachomètre isolé, avec ses frot- tements internes seulement, et non relié à aucune ma- chine pour la régler. Supposons qu'au premier moment considéré, le manchon soit au milieu de sa course et que la vitesse de rotation soit telle qu’il ne bouge pas de cette position. On croirait pouvoir dire qu’il y à en ce moment équilibre entre la force centrifuge et la pe- santeur agissant sur les boules et le manchon, Il peut cependant n’en être rien : en effet, admettons qu'au dé- part cet équilibre soit réel, mais que la vitesse vienne à augmenter petit à petit et d’une manière continue. Alors les boules acquièrent une tendance à s’écarter et à faire monter le manchon, et elles le feraient effecti- vement monter dès le premier instant, si cette tendance même ne donnait naissance à des frottements dans les articulations. A mesure que la vitesse augmente, la ten- dance à élever le manchon, augmentant aussi, fait croi- tre le frottement, Mais le frottement atteint bientôt une valeur maxima, et à un moment donné, il y a équilibre strict entre les forces qui agissent réellement sur l’ap- pareil, la force centrifuge, la pesanteur et ce frottement ou résistance R,, A partir de là, si la vitesse, devenue w, continue à croître, le moindre excès fait commencer l'ascension du manchon. Si la vitesse d'équilibre réel (R, compris), est la même et égale à w dans les posi- lions supérieures du manchon, rien ne l’empéchera d'aller jusqu’en haut et de venir frapper avec plus ou moins d'énergie la bague supérieure, L'énergie sera d'autant plus grande, pour un même excès de vitesse, que la masse à mouvoir (réduite au manchon) sera plus petite. Le tachomètre sera instable pour cette vitesse w. Si, au contraire, dans les positions suivantes. la vitesse d'équilibre réel était plus grande que w, le manchon pourrait s'arrêter avant d'arriver à la bague supérieure, ou tout au moins son mouvement d'ascension serai retardé, toutes choses étant égales d’ailleurs. Ainsi le tachomètre aurait plus de stabilité. Le diagramme dont les ordonnées seraient égales aux distances du manchon à sa position inférieure et les abscisses pro- portionnelles aux vitesses w, serait donc propre à mon- trer le plus ou moins de stabilité du tachomètre, Les mêmes phénomènes se seraient produits en sens inverse, si, au lieu de croître dès l'origine, la vitesse de rotation avait diminué jusqu'au moment où le frottement évoqué, R,, qui s'oppose à la descente du manchon, aurait été vaincu par la pesanteur, Soit v la vitesse de rotation à ce moment précis; c’est la vitesse d'équilibre à la descente. Elle est plus petite que la vitesse d'équilibre à l'ascension, w. On voit donc qu'il existe deux vitesses d'équilibre et non pas une seulement, Et pour toute vitessecompriseentrew etv,le manchon n’est pas en équilibre, mais il ne bouge pas. Le tachomètre est insensible à toute variation de vitesse quine fait pas dépasser les limites vet w. La sensibilité du tacho- mètre est donc d'autant plus grande que #— est plus petit ; et, si l’on représente par « une vitesse moyenne de régime à laquelle on compare les autres, on appel- . Les Ù — Ÿ vitesses w elv ne sont différentes que parceque la résistance R,, due aux frottements existe en réalité. Le seul lachomètre qui aurait une sensibilité infinie serait donc celui où tout frottement aurait été sup- primé, ce qui est impossible. Mais, qu’on le remarque, le tachomètre isochrone avec frottements n’est ni plus ni moins sensible qu'un autre avec les mêmes frottements. Il importe donc de ne pas confondre sensibilité avec stabilité. Ce qui précède suflit pour faire voir que si, en fai- sant la théorie des régulateurs, on n’a pas égard à la résistance R au manchon, on ne parvient même pas à donner une définilion acceptable de la sensibilité d'un tachomètre ; à plus forte raison de celle d’un régulateur appliqué à une machine et mis là pour surmonter des lera coefficient de sensibilité le rapport 292 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX résistances extérieures en vue de déplacer les modifi- cateurs de la force motrice de la machine, On a sou- vent confondu la sensibilité avec l’affolement des ré- gulateurs isochrones et obscurci les idées les plus claires, faute d’avoir égard à la résistance R. En 1878, et pour la première fois, il a été remarqué par M. Beer et moi qu'il y avait pour tout régulateur deux vitesses d'équilibre à chaque position du manchon; et non pas une seulement, Et nous en avons donné le diagramme double, ce qui nous a permis d’ausculter les régula- teurs et de nous assurer siet dans quels cas ils avaient les qualités vantées par leurs inventeurs. M. Sinigaglia a suivi notre méthode jusqu'à un cer- tain point. Après avoir exposé la théorie du tachomètre isolé et sans résistance interne (une seule vitesse d'équilibre), il passe à celle du régulateur avec une résistance R au mouvement du manchon; mais il est resté attaché, au fond, à la théorie ancienne et généra- lement recue; et je dois reconnaitre que je suis loin d’être d'accord avec les adeptes de cette théorie non seulement sur certaines dénominations que mon ami a adoptées, mais même sur les meilleures conditions de fonctionnement d’un régulateur. A ce sujet donc je fais mes réserves, en me hâtant d'ajouter que je tiens toute son œuvre en très haute estime; J'ai la conviction que praticiens et théoriciens en reconnai- tront le mérite et l'utilité, : V. DwezsnAuvers-DERrY. 2° Sciences physiques. Vogt.— Surle rapport des deux coefficients d'élas- ticité des corps isotropes. (Wied. Ann., décembre 1889.) Les propriétés élastiques d’un corps solide homo- gène et isotrope sont complètement déterminées quand on connaît deux coefficients caractérisliques, qui sont les coefficients d’élasticité du corps. En introduisant dans la théorie une hypothèse complémentaire, à sa voir que les forces élastiques sont des résultantes d'actions exercées entre les molécules prises deux à deux, et que l’action mutuelle entre deux molécules données s'exerce toujours comme si elles étaient seules, etne dépend point des molécules environnantes, Poisson faisait dépendre la connaissance de toutes les propriétés élastiques d’un corps isotrope, d'uneconstanteunique: entre les deux coeflicients précédents devait exister, selon lui, un rapport qui serait le même pour tous les corpsisotropes: ce rapport « devait être égal à _ Or, l'expérience n’a pas vérifié cette conclusion, Le nombre os à une signification physique simple, Un prisme soumis à une traction dans le sens de sa lon- gueur, subit un allongement dans ce sens, et en même temps une contraction latérale : sa section se rêtrécit, Si on suppose que le prisme devient un cube, le rap- port de la contraction latérale à l'allongement est pré- cisément 6. On à pu ainsi mesurer ç pour plusieurs corps solides; on ne l’a trouvé égal à £ que pour quel- ques-uns, comme le verre de Saint-Gobain; dans d’au- tres, dans les métaux par exemple, 6 a des valeurs fort différentes de +. En doit on conclure que l'hypothèse introduite par Poisson est inexacte? M. Vogt ne le pense pas. Il attribue l'écart entre la théorie et l’expérience à un défaut d'isotropie des solides étudiés. Sans doute ces solides pris dans leur ensemble peuvent avoir les mêmes propriétés dans toutes les directions; maisil peut arriver, et c’est très probablement le cas pour les métaux, qu'ils soient constitués par des éléments cristallisés orientés de toutes les manières possibles, A ces corps, que M, Vogt appelle quasi-isotropes, on n’est pas en droit d'appliquer les modes de raisonnement qui conviennent aux corps isotropes. En supposant les éléments cristallisés qui consti- tuent le corps quasi-isotrope très petits par rapport aux dimensions du corps, mais grands par rapport au rayon d'activité moléculaire, et composés eux-mêmes de molécules auxquelles l'hypothèse de Poisson est applicable, M: Vogt arrive par le calcul à cette conclu- sion, que les propriétés élastiques des corps quasi-iso- hropes sont définies par la connaissance de deux coef- ficients; et que le rapport « entre ces coefficients, va- riable avec le corps considéré, est complètement déter- miné quand on connait la forme cristalline de l’élé- ment constituant et les propriétés élastiques d’un pa- reil cristal, Si les éléments constituants étaient iso- tropes eux-mêmes, on retrouverait le résultat de Poisson co — 1, : Restait à chercher des vérifications expérimentales. M. Vogten a donné quelques-unes. Il détermine les coefficients d'élasticité d’un corps qui peut exister soit à l’état amorphe soit à l’état cristallisé ; et il calcule le rapport © des coefficients du corps amorphe en admettant qu'il soit formé de cristaux élémentaires identiques aux cristaux connus de la même substance : l’accord entre le calcul et l'observation est assez satis- faisant. Bernard BRUNHES. XValter,—Doumer,— Barbier et Roux,—In- dices de réfraction des solutions salines. 1889-90 !, M Walter, étudiant la réfraction des solutions sa- lines, trouve qu'elle est soumise à des lois analogues à celles que présente l'abaissement du point de congé- lation, Ainsi, l'indice de réfraction d’une solution saline est proportionnelle à la quantité de sel dissous; des solutions contenant le même nombre de moiécules de sels analogues possèdent le même indice de réfraction. A la suite de la publication de ce mémoire, MM. Dou- mer d'une part, Barbier et Roux d'autre part, ont présenté à l’Académie des Sciences, des recherches sur le même sujet. Il est intéressant de comparer les résultats obtenus, les trois séries de recherches n'ayant pas été dirigées de la même manière. A — 1 ; ne (0 ent l'indice de la solution, n, celui de l’eau, p le poids de sel anhydre dissous dans 100 grammes du mélange) et considère les solutions assez concentrées pour que celte expression qu'il appelle pouvoir réfringent ait une valeur constante, Il trouve ainsi, que les pouvoirs réfringents moléculaires (c’est-à-dire les produits des pouvoirs réfringents par les poids moléculaires), ont la mème valeur pour les sels formés par des métaux monoatomiques et des acides monobasiques. Les sels des métaux monoatomiques et acides bibasiques ont un pouvoir réfringent moléculaire qui est sensiblement le double du précédent, et, enfin, les sels des métaux dia- tomiques et acides bibasiques conduisent à une valeur M. Walter considère l'expression triple. M. Doumer désigne sous le nom de pouvoir réfrin- DR AE : : n° — No & CA gent l'expression UT ON d étant la densité du sel : Œ dans la solution, c’est-à-dire le poids de sel contenu dans l'unité de volume de la dissolution; et il considère les solutions dans un état de dilution tel que la den- sité d, prise par rapport à l'hydrogène, soit égale au poids moléculaire du sel. Dans ces conditions, ses recherches le conduisent à énoncer la loi suivante. Les pouvoirs réfringents moléculaires des sels, qui appartiennent à des types différents, sont sensible- ment des multiples d’un même nombre. La valeur de ce multiple est déterminée par la valence de l'élément métallique qui entre dans la composition du sel. Enfin MM. Barbier et Roux ont étudié le pouvoir dispersif des solutions salines. Is appellent pouvoir dis- ! Walter. Widemann Annalen, n° 9, 1889. — Doumer. Comptes rendus, 6 janvier, 20 janvier, 5 mai, 4890. — Barbier et Roux. Comptes rendus, 3 mars, 10 mars 1890. SC PS Se UN | | BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 593 persif le coefficient B de la formule de Cauchy qui donne l'indice de réfraction en fonction de la longueur d'onde. B A+ MM. Barbier et Roux trouvent que le pouvoir dispersif reste, pour un grand nombre de sels, proportionnel à la concentration, celle-ci variant de 100 grammes par litre jusqu’à la saturation. Le quotient du pouvoir dispersif par la densité, varie très lentement avec la concentration, et, si l’on prend la valeur moyenne pour les différents sels, on trouve une valeur sensiblement constante. Cette valeur moyenne n’est pas très bien définie, puisque les limites de con- centration ne sont pas les mêmes pour les différents sels : aussiles valeurs données par MM. Barbier et Roux oscillent-elles entre 0,310 et 0,396, c'est-à-dire qu'on a des variations de plus de 20 ?/,. Ce n’est donc là qu'une constance très relative. Quand on calcule l'accroissement moléculaire de M, B étant le pouvoir dispersif de la solution, b celui de l’eau, p le poid de sel contenu dans un litre, M le poids molécu- laire, on trouve des valeurs sensiblement constantes pour les sels du même type. Si l'on considère en parti- culier les chlorures, les chlorures MCI donnent une valeur moyenne de 0,020, les chlorures MC donnent 0,044, valeur très voisine du double de la précédente. Georges Cnarpy, dispersion, c'est-à-dire la quantité 3° Sciences naturelles. Rothpletz (A). — Das Karwendelgebirge. {n-8 75 p. 29 fig. dans le texte, { pl. et 1 carte géol. Munich, 1888 (Extrait du Zeitschrift des Deutschen und Oes- terreichischen Alpenvereins), Le massif du Karwendel (2753 m.) qui fait partie de la zone calcaire septentrionale des Alpes, se dresse entre la vallée de lIsar et la dépression de l’Achensee, à la limite entrele Tyrol et la Bavière, sur le méridien de Munich ou d’Innsbrück. Il y a quelques années, le Club Alpin Allemand-Autrichien prit l'initiative d’en faire relever une carte topographique et géologique à l'échelle du 1 : 50.000€. Le travail de M. Rothpletz est le fruit de cet ensemble de recherches, auxquelles ont pris part MM. W. Clark, Eb. Fraas, G. Geyer, O, Reis, R. Schaefer et l’auteur. Nous n’aurions pas parlé de celle monographie lo- cale, abondamment illustrée de coupes et de vues pit- toresques, si M. Rothpletz n’y avait développé des con- sidéralions qui présentent une certaine importance pour l’orogénie des Alpes etdes chaînes de montagnes en général. La région décrite est constituée par une série de crètes parallèles, orientées de l'E. à l’O., et où les calcaires et les dolomies triasiques jouent le rôle principal; ces crêtes, ainsi que les vallées intermédiaires, se mon- trent en relation avec autant de plis synclinaux et anti- clinaux, dirigés de lamême manière el tronconnés, dans le sens transversal, par de nombreux décrochements horizontaux. Le régime structural du Karwendel est donc essentiellement celui d’une zone plissée; mais M. Rothpletz, frappé de certaines déviations locales qui ne lui paraissent pas susceptibles de rentrer dans le plan d'ensemble des rides alpines, est amené à propo- ser l'explication suivante: Avant d’être plissée, la ré- gion a élé morcelée par un grand nombre de cassures, qui en ont dénivelé la masse dans tous les sens, sans toutefois faire disparaitre l'horizontalité primitive des couches. Malheureusement, cette hypothèse, qui n'a rien d’inadmissible en elle-même, n'est étayée, il faut bien le reconnaitre, sur aucun fait probant : il suffit de comparer les deux coupes données par M. Rothpletz, lune réelle, l'autre reconstituée en supprimant les plis (pl. XL) pour sentir combien elle est artificielle, et combien l'hypothèse contraire, de failles consé- quentes au plissement, est plus en harmonie avec les faits. Autrefois, les géologues voyaient des failles partout et des plis nulle part: le compromis proposé par M. Rothpletz nous paraît un dernier reste de celte habitude fâcheuse; et nous serions tenté de croire éga- lement que l'importance attribuée aux cassures, dans la carte du Karwendel et dans les coupes qui laccom- pagnent, est excessive, Rappelons-nous ce que sont devenues les « failles » de Lory dans les Alpes Occi- dentales et celles de Magnan dans les Pyrénées: il de- vient manifeste aujourd'hui que ces accidents ne sont que des plis exagérés, comme l'ont toujours dit les géologues suisses. Le même sort est sans doute réservé à une bonne partiesdes prétendues « failles préalpines » du professeur de Munich. La carte jointe au mémoire comprend quinze divi- sions stratigraphiques, dont dix pour le Trias et le Rhétien, Emm, DE MARGERIE, Lalanne (G.) — Recherches sur les catactères anatomiques des feuilles persistantes. Thèse de Doctorat présentée à la Faculté des Sciences de Paris, 1890. Des plantes très voisines, appartenant parfois au même genre, possèdent, les unes des feuilles cadu- ques, les autres des feuilles persistantes. Il était inté- ressant de rechercher par quelle suite d’adapta- tions, des différences aussi profondes ont pu s'établir. Le travail de M. Balanne, consacré tout entier à cette étude, comprend deux parties principales : dans la première, il suit les modifications qui apparaissent dans la structure des feuilles persistantes aux diverses phases de leur existence; dans la seconde, il compare la structure des feuilles persistantes et des feuilles caduques chez les diverses espèces d'un même genre. Nous n'insislerons pas sur les caractères qui s'éla- blissent peu à peu chez les feuilles persistantes : épaississement et parfois liguification des membranes des cellules épidermiques; présence d’un grand nombre de stomates; développement inusité du collenchyme ; existence de formations subéreuses, ele, C’est qu’en effet, il n'est peut-être pas très légitime de considérer ces caractères, qui s’élablissent souvent fort tard, comme étant la cause intime d’une longue durée, puis- qu'ils peuvent tout aussi bien en être la conséquence. Laissant de côté ces détails, nous signalerons deux faits mis en lumière par l'auteur. D'abord, il a trouvé que les diverses feuilles appartenant à une même pousse paraissent présenter, au moins dans le nombre et la disposition deleurs faisceaux libéro-ligneux, une dégradation successive à mesure qu'on va de Ja feuille la plus inférieure de la pousse à la feuille la plus élevée, Ensuite il a constaté que le système formé, sur la section transversale du pétiole, par l’ensemble du faisceau libéro-ligneux, est susceptible de modifier peu à peu sa disposilion; si, par exemple, ce système ne représente pas une courbe fermée au début de la pre- mière année d'existence, celle courbe peut se com- pléter, soit à la fin de la première année, soit au com- mencement de la deuxième. Ces deux faits, qui se dégagent du travail de M. La- lanne, ne manquent pas d'importance, et méritent d’at- tirer l'attention des botanistes qui ont cru trouver dans la structure des feuilles, et surtout dans l’arrangement des faisceaux du pétiole, des caractères taxinomiques de première valeur. Nous nous permeltrons une légère critique. Dans un travail de cette nature, l’histologie devait tenir la première place, et, en effet, l'auteur s'étend longuement dans le texte sur les modifications que subissent les membranes de certaines cellules: mais, il nous semble qu’il pourrait peut-être accorder plus d'attention au contenu de ces mêmes cellules, et aux substan- D94 BIBLIOGRAPHIE, — ANALYSES ET INDEX ces de réserve qui peuvent y être accumulées. Enfin, les planches laissent quelque peu à désirer. Nous n'y verrons que demi-mal, si ce résultat engage une fois pour toutes les éditeurs à ne plus faire exécuter à l'é- tranger des travaux que les graveurs français peuvent mener à bien. Henri LEGONTE, Heymans (G.-F.), — Exposé de l'état actuel de nos connaissances et observations personnelles sur la terminaison des nerfs dans les muscles lisses de la Sangsue. Une brorh, in-4° de 63 pages avec 4 planches. Bruxelles, 1889, Après avoir donné une liste bibliographique complète des travaux publiés sur l’innervation des muscles lisses en général, l’auteur résume avec soin les recherches de ses devanciers Gschleider, Ranvier, Hansen et Vignal, sur les terminaisons nerveuses dans les muscles lisses du tube digestif et des vaisseaux, el dans les muscles du corps de la sangsue, Dans la seconde partie de son travail, M. Heymans expose les résultats de ses recherches personnelles, La méthode qu'il a employée est celle de M. Ranvier : traitement par le jus de citron, puis par le chlorure d’or au centième et réduction dans une solution d'acide formique au quart. En poursuivant ses études sur les terminaisons ner- veuses dans les muscles, l’auteur a découvert dans le tube digestif de la sangsue, au-dessous de la couche musculaire cireulaire déjà connue, une couche muscu- laire longitudinale formée de fibres lisses à ramifica- tions et anostomoses nombreuses, -et constituant un réseau contractile continu, Il à reconnu également que le système nerveux viscéral qui entoure le tube digestif est formé par trois nerfs longitudinaux, un nerf ventral (nerf de Brandt) et deux nerfs dorsaux qui n'avaient encore été signalés par aucun auteur, Le plexus fondamental ganglionnaire formé par les branches latérales de ces trois nerfs longitudinaux est situé entre la couche musculaire circulaire et la couche musculaire longitudinale. Une même fibre musculaire de la couche circulaire recoit des plexus fondamental et périphérique, une, parfois plusieurs fibres terminales à tache motrice et, en outre, plusieurs fibrilles termi- nales sans tache motrice, L'innervation de la couche musculaire longitudinale paraît être analogue à celle de la couche circulaire; mais les observations incom- plètes de M. Heymans ne lui permettent pas de se pro- noncer nettement à cet égard, Dans les vaisseaux contractiles de la sangsue, la tunique musculaire se compose d’une couche externe circulaire et d’une couche interne longitudinale, La fibre circulaire passe à un moment donné sous les fibres circulaires voisines, devient ainsi oblique et longitu- dinale : une seule et même fibre forme donc ces deux couches musculaires et détermine par sa contraction le rétrécissement et le raccourcissement du vaisseau. Les nerfs vaso-moteurs de la sangsue forment dans la tunique adventice de la paroi vasculaire un plexus périphérique non ganglionnaire ; de ce plexus nerveux se dégagent des fibres se terminant par une tache motrice ovoide dans la partie périphérique de la gaine contractile, sur un point quelconque du trajet de la fibre musculaire. Les nerfs moteurs qui se rendent aux muscles lisses volontaires de la sangsue ne possèdent pas de cellules ganglionnaires à leur périphérie ; ils se ramifient sans s’anastomoser et chaque branche se termine par une tache motrice granuleuse dans la périphérie de la gaine contractile, Les taches motrices, parfois au nombre de deux sur une même fibre musculaire, se trouvent, comme dans la museulature des vaisseaux, en un point quelconque du trajet de cette fibre et ne sont jamais en contact ni avec le noyau, ni avec le cylindre protoplasmique, F, HENNEGUY, Richet (Ch.), Professeur à la Faculté de Médecine. — Mesure des combustions respiratoires chez le chien. Archiv, de physiologie, G. Masson. Paris, 4890. Les recherches de M, Ch. Richet ont été poursuivies avec l'appareil construit par lui et M. Hanriot et qui consiste en trois compteurs à gaz, enregistrant le pre- mier la quantité d'air inspiré, les deux derniers Pair expiré, Des colonnes d'eau chargées de chaux ou de polasse, intercalées entre les deux derniers compteurs, absorbent l'acide carbonique. On peut ainsi, en notant les différences entre les compteurs 1 et 3, déterminer la quantité d'oxygène absorbée, et, entre 2 et 3, la quantité d'acide carbonique produit. Un appareil enregistreur permet d'inscrire immédiatement ces différences, L'appareil est volumineux, difficile à monter, par suite de la tuyauterie compliquée qu'il exige; il pré- sente en outre ce grave inconvénient de ne donner d'indications que pour des expériences de longues durées; mais ces inconvénients sont compensés par la facilité extrême des dosages qui sont, pour ainsi dire, automatiques et qui ont lieu sur la masse totale de l'air ventilé et non sur une très petite quantité, comme dans certains appareils où l'erreur la plus infime se trouve alors multipliée. Les mesures des combustions respiratoires ont porté sur 33 chiens. C’est un nombre considérable, si l’on songe que ce chiffre représente précisément un nombre égal aux expériences faites par Regnault et Reiset, Pettenkoffer et Voit, Bauer et Leyden, Senator Wood, Quinquaud, etc., avec des appareils très différents, Dans cette recherche, M. Ch. Richet s’est attaché à mettre de nouveau en lumière cette loi si importante de physiologie générale, sur laquelle il avait déjà insisté dans ses travaux antérieurs, que la quantité des com- bustions organiques est proportionnelle à l'étendue té- gumentaire chez les individus de même espèce, (by, (0). 4 Sciences médicales. Hayem (D'G.). — Les médications. Lecons de thé- rapeutique professées à la Faculté de Médecine de Paris, (2° série), Paris, G. Masson, 1890, : M. le professeur Hayem continue la publication de ses lecons de thérapeutique, dont la première partie a paru dans le courant de l’année 1887, Cette étude des médications est le point de départ nécessaire, la seule base vraiment rationnelle et scientifique du traitement des maladies, Les modes de traitement peuvent, en effet, se ramener à deux types : les traitements empiriques, les traitements fondés sur la méthode des médications. Les déterminations que l’on adopte en thérapeutique, dit M. Hayem, dépendent de l’examen sérieux des mala- dies etde la connaissance des effets des remèdes : cette dernière notion est précisément le but que l’auteur s’est proposé et qu'il a atteint avec l'exactitude et lat trait qui sont les caractéristiques de son enseigne- ment. Les trois premières lecons constituent un exposé magistral de l’action médicamenteuse : c’est là une ques- tion des plus importantes et des plus intéressantes de la thérapeutique générale, Les travaux contemporains, en nousinitiant à la physiologie des maladies micro- biennes, ont fait ressortir ce qu'il y avait d’insuffisant dans la théorie, cependant si remarquable, de Claude- Bernard, relative à l'interprétation de l’action des mé- dicaments, Si les phénomènes d'ordre pathologique et thérapeutique sont, dans certains cas, soumis aux mêmes lois que ceux d'ordre physiologique, la concep- tion que l’action thérapeutique des médicaments dé- coule de leur action physiologique est, dans beaucoup de circonstances, tout à fait incapable d'interpréter l'action spécifique de quelques médicaments, action qui s'adresse alors, non plus à l'organisme, mais aux germes BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX morbides, c'est-à-dire aux causes mêmes des mala- dies, Tandis qu'un médicament ordinaire est destiné à produire, dans l’organisme, des modifications plus ou moins profondes, capables d’entraver l’évolution des phénomènes pathologiques et de rendre l'individu malade plus résistant, les médicaments spécifiques exercent une action plus ou moins directe sur les causes pathogènes elles-mêmes; et cela à des doses assez faibles pour que tout phénomène physiologique proprement dit fasse défaut : c’est là la caractéristique du spécifique. Hier encore, les vitalistes soutenaient que le médicament agissait seulement au contact de la ma- ladie; on pourrait dire justement, aujourd’hui, que les spécifiques n’agissent qu'au contact des causes mor- bides. Le hasard a fait découvrir certaines médications spé- cifiques, le mercure pour la syphilis, la quinine pour les fièvres palustres; il semble que ce soit dorénavant l'expérience qui puisse permettre d'arriver à opposer à chaque maladie nettement individualisée un remède spécifique, Au sujet de la conception actuelle de la maladie, M. Hayem fait ressortir un curieux rapprochement. Le but de la médication est, dans beaucoup de cas, de détruire les germes morbides, causes des maladies spécifiques, ou, tout au moins, d'empêcher leur proli- fération; et cela semble un retour aux idées onto- logiques des anciens qui regardaient la maladie comme une entité contre laquelle l’organisme devait lutter pour arriver à chasser le mal. Les évolutions morbides qui peuvent être réalisées’par l'organisme ne sont que des modalités particulières de cet organisme; mais, pour les mieux spécifiées des maladies, les causes sont des entités, des êtres vivants qui cherchent à s'emparer de l'individu : c’est à ces causes qu'il faut rapporter les notions que les anciens appliquaient à la maladie elle-même; car, en définitive, la maladie microbienne n'est autre chose qu’une lutte engagée entre des élé- ments vivants sur le terrain des besoins nutritifs. Il serait du plus grand intérêt de connaître les mo- difications apportées dans la constitution des éléments cellulaires par les médicaments; mais il est encore actuellement impossible d'expliquer comment, et par quelle série de phénomènes, un changement physico- chimique du protoplasma des cellules peut se trans- former en actes physiologiques : il faut s’en tenir à la détermination, aussi précise que possible, des con- ditions dans lesquelles se produit l’action médicamen- teuse, réservant à l'avenir le soin de pénétrer plus avant dans cette intéressante question, Au point de vue de la thérapeutique générale, il faut distinguer pour chaque médicament, les effets physio- logiques des effets thérapeutiques, non pas que ces deux catégories présentent toujours entre elles des différences fondamentales, mais parce qu'il est indis- pensable de séparer nettement, pour l'étude, le cas dans lequel l'organisme est sain de celui où il est ma- lade : il est évident que l’on passe quelquefois, par transitions insensibles, de l'effet physiologique à l'effet thérapeutique; mais bien plus nombreux sont les cas dans lesquels un médicament, produisant chez tous les sujets les mêmes effets physiologiques, déterminera, suivant les circonstances morbides, des effets thérapeu- tiques absolument différents, Les lecons suivantes ne sont que l'application de ces principes généraux, développés avec une largeur de vues à laquelle nous a depuis longtemps habitués le savant professeur de thérapeutique de la Faculté de Paris. Il est impossible d'analyser, sans entrer dans le détail, chacune des médications qui sont exposées avec une clarté et une logique qui en rendent la lecture facile et attrayante; il faut nous borner à énumérer la médication antihydropique, la médication hémosta- tique, la médication reconstituante, la médication de l'anémie, la médication du diabète sucré, etenfin, les médications de l’obésité et de la douleur, 14 Qc Or En raison des travaux originaux depuis longtemps poursuivis par M. Hayem, au sujet de certaines médi- cations, les lecons qui traitent de la cure des anémies, de la reconstitution des forces et de la médication hé- mostatique sont particulièrement intéressantes etnou- velles, La partie consacrée aux anesthésiques est un exposé critique fort complet des méthodes et des théo- ries ; l’auteur indique les raisons qui peuvent servir de guide dans le choix d'un anesthésique et il étudie les moyens propres à combattre les accidents de l'a- nesthésie générale, ainsi que les contre-indications à l'emploi des anesthésiques. La marche adoptée pour l'étude de chacune de ces médications comporte d’abord la description physio- logique de l'élément morbide, puis l'exposé des condi- tions générales qui sont capables de favoriser son développement, les indications qui en résultent, enfin les méthodes pharmaco-dynamiques qui en sont la con- séquence, Le livre de M, Hayem, remarquable par sa clarté et sa rigueur scientifique, est bien fait pour montrer que la thérapeutique, ainsi comprise, est une véritable science et non plus un recueil de faits et de recettes empiriques : c’est le couronnement rationnel et scien- tifique des connaissances médicales, Dr Gabriel Poucxer Bouloumié (Dr). — Manuel du candidat aux divers grades et emplois de Médecin et de Pharmacien de la réserve et de l’armée territoriale, Paris, Société d'éditions scientifiques, 1890, A l'heure actuelle, tous les médecins sont appelés jusqu'à quarante-cinq ans à faire partie de l’armée; mais si tous comprennent leur devoir patriotique, il en est certainement un grand nombre qui seraient embar- rassés dans l'exercice de leurs nouvelles fonctions, non point en ce qui concerne le savoir professionnel, mais au point de vue des connaissances d'organisation et d'administration militaires, connaissances qui sont indispensables au bon fonctionnement du service. D'autre part on sait que l’avancement aux grades supé- rieurs à celui d’aide-major ne se fait qu’à la suite d’un examen réglé par le décret du 19 décembre 1889. C’est pour répondre à ces désiderata que M. le doc- teur Bouloumié à écrit le livre que je présente aux lec- teurs de la Revue générale des Sciences; c'est un manuel que l’auteur a composé de la substance des lecons qu'il avait faites à un certain nombre de confrères en vue pré- cisément de la préparation à cet examen; mais afin de le rendre plus utile et de lui donner plus d'extension, l’auteur y à condensé les éléments essentiels de tout ce qu'il est nécessaire de savoir ou de connaître pour faire un service militaire dans un grade ou une fonction quelconque de la hiérarchie, Tous nos confrères appré- cieront la clarté de l’exposition où l’on retrouve toutes les qualités inhérentes à l'esprit de l’auteur. L'ouvrage se trouve divisé en trois parlies : Première partie, Organisation de l’armée et du ser- vice de santé, contenant différents chapitres sur le recrutement, l'avancement et l'administration géné- rale, Deuxième partie. Fonctionnement de l’armée et du service de santé ; on y trouve les détails sur la vie dans l'armée, sur le rôle du service de santé à l'intérieur, dans les hôpitaux et en campagne. Troisième partie. Notions d'hygiène militaire : cette dernière partie est naturellement fort courte et ne con- tient que ce qu'il est nécessaire de connaître à un point de vue exclusivement militaire. C'était, selon nous, le chapitre le plus difficile à faire, et l'auteur s'en est tiré avec un véritable talent. En somme, excellent ouvrage que tout médecin ou pharmacien voudra posséder, pour ne pas êlre taxé d'ignorance, le jour où par malheur il serait obligé de mettre en pratique les notions qu'il contient, D' H. Dugrer, 336 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER La Société de Biologie, la Société francaise de Physique, la Société chimique de Paris, la Société royale de Londres, les Sociétés de Physique et de Chimie de Londres, l’Académie des Sciences et la Société de Physique de Berlin, l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, les Sociétés savantes d'Odessa, l'Académie des Sciences de Vienne. l'Académie royale des Lincei sont en vacances. ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 25 août 1890. {° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan : Observations de la comète Denning (1890, juillet 23) à l'Observatoire de Paris. — Mlle D. Klumpke : observa- tions de la nouvelle planète Palisa (Vienne, 47 août1890) à l'Observatoire de Paris. — M. Charlois : Eléments et éphéméride de la planète découverte à l’Observa- toire de Nice le 15 juillet 1890. ‘20 SCIENCES PHYSIQUES. -— M. Teisserenc de Bort communique les premiers résultats de son enquête sur Porage du 18 août à Dreux. De ses observations il résulte que l'orage a été accompagné d’une grande trombe sem- blable aux {ornados des Etats-Unis. Il indique la marche du météore, diverses circonstances de son apparition et l'étendue deses ravages. — A l'occasion des récentes perturbations atmosphériques, M. Chapel fait remar- quer la coïncidence de ces phénomènes avec la ren- contre des Perséides. — M. G. Trouvé décrit deux gyroscopes électriques auxquels nous consacrerons prochainement une notice. — M, Fortin présente l'ap- pareil qui lui à servi à prévoir, au moyen des dévia- tions magnétiques, les retours des tempêtes et l’appa- rition des taches solaires. — Dans la préparation de l'acide oxamique et de l’oxamide au moyen de l’azotate d’ammonium fondu, il se forme, suivant M. E. Mathieu- Plessy, un troisième produit, qui est un azotate d’un nouvel alcali fixe, la nitramide. 3° SCIENCES NATURELLES, — M, Ch. Contejean a étudié la respiration chez la Sauterelle et constaté que chez cel animal l'abdomen seul exécute des mouvements respiratoires, L’inspiration est passive, due à l’élasti- cité des pièces du squelette externe et à la réaction des viscères, L’expiration est active; on peut l'accélérer par l'excitation électrique des ganglions cérébroïdes ou la suspendre par l'excitation (douloureuse)des ganglions protothoraciques. Dans les cordons nerveux de la Sau- terelle, M. Contejean n’a pas trouvé une différenciation en partie inférieure sensitive et partie supérieure motrice, Sous ce rapport les Orthoptères seraient infé- rieurs aux Coléoptères, apparus d’ailleurs après eux à la surface de la terre: — M Raphaël Dubois présente sur la production de la lumière par les animaux et les végétaux, de nouvelles recherches, d'où il conclut que, chez tous les êtres vivants où elle se manifeste, cette lumière résulte de la transformation de granulations protoplasmiques colloïdales en granulations eristal- loïdales sous l'influence d’un phénomène respiratoire, — M. P. Lebesconte indique la série des sédiments qui réprésentent le terrain carbonifère en Bretagne, et de examen des fossiles du calcaire de Quenon conelut que cet horizon se rapporte au carbonifère supérieur; il semble correspondre au calcaire de Visé; peut-être est-il un peu plus ancien que le calcaire de Saint-Roch (Mayenne), — M. À. Gaudry signale la première décou- verte d'os de Phoques dans le quaternaire de la France, découverte faite par M. Hardy dans une grotte de la Dordogne. M. Gaudry décrit ces débris et énumère les mammifères ef oiseaux trouvés dans la même grotte, De la détermination de ces espèces il conclut qu'à l’époque du Renne il faisait presque aussi froid dans le Périgord que dans les régions arctiques, Séance du 1% septembre 1890 1° SCIENGES MATHÉMATIQUES, — M, Faye, en présen- tant le 213° volume annuel de la Connaissance des Temps (volume pour 1892), rappelle que, grâce aux améliorai tions successives apportées par le Bureau des Longi- tudes à cette publication, notre Ephéméride nationale, plus de deux fois séculaire, est parvenue à un pointd’a- chèvement qu'il sera difficile de dépasser. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Bourgeat décrit plu- sieurs observations relatives au cyclone du 19 août dans le Jura : 1° Sur tout le parcours du cyclone la journée de la veille avait été très chaude et lourde; 2 le cyclone a commencé dans la région d’Oyonnax où le ciel s’illumina alors d’éclairs incessants: 3 sur le parcours du cyclone il n'est tombé que quelques gouttes de pluie ; 4° nulle part en France il n’est tombé de grêle sur les bords de la zone atteinte par loura- gan ; »° le cyclone s’est déplacé en ligne droite, pre- nant en écharpe les grandes arêtes du Jura; 6° sur son parcours se sont produits de nombreux phénomènes électriques ; 7° la vitesse moyenne de translation du météore à été de un kilomètre à la minute; 8° la pres- sion atmosphérique à baissé subitement après le pas- sage du cyclone; 9° sur le côté droit du cyclone, c'esl- à-dire sud-est, les arbres sont couchés vers le nord-est; sur l’autre bord, ils sont orientés vers le nord-ouest. Ce fait démontre un mouvement giratoire s’effectuant en sens inverse de celui des aiguilles d’une montre, — A l’occasion de cette communication M. Faye fait remar- quer que le météore du 19 août a consisté en une trombe, non en un cyclone. Ces deux termes désignent deux phénomènes qu'on ne doit pas confondre: la trombe (tornado aux Etats-Unis) est caractérisée 1° par une trajectoire rectiligne, longue seulement de quel- ques lieues; 2° par un diamètre compris entre une dizaine de mètres et un ou deux mille mètres. Le cy- clone est tout différent : c’est un phénomène qui naît à quelques degrés de l'équateur et qui décrit sur le globe terrestre une immense trajectoire, en marchant d’a- bord à Pouest-nord-ouest, puis au nord, puis au nord- est (sur notre hémisphère) et en couvrant finalement une étendue croissante de pays presque comparable à celle de la France, 3° SGIENCES NATURELLES, — De ses expériences sur le Hôtre, le Bouleau, le Syéomore etles variétés à feuilles pourpres de ces espèces, M. H. Jumelle conclut que, chez les arbres à feuilles rouges ou cuivrées, l’assimi- lation chlorophyllienne est toujours plus faible que l'assimilation des mêmes arbres à feuilles vertes. Gette différence d'intensité peut atteindre le rapport de 4 à 6, Ce résultat s'accorde avec le fait, bien connu en hor- ticulture, que les arbres à feuilles rougesont un accroi- sement beaucoup moins rapide que les mêmes arbres à feuilles vertes. Ils donnent en même temps la raison de celte différence : la lenteur de l'accroissement trouve, eneffet, son explication dans l'affaiblissement de l'assimilation chlorophyllienne, — M. G. Bonnier a cultivé à quelques latitudes élevées des plantes de plaines et constalé que chez ces plantes l'assimilation etla transpiration chlorophylliennes augmentent tandis Lt COURRIER DE GENEVE 14 1 que la respiration et la transpiration à l'obscurité va- rient peu. Il en résulte que, pendant la courte saison des hautes altitudes, les végétaux élaborent avec plus d'intensité les principes nutritifs qui leur sont néces- saires, — Etudiant la formation des oospores chez les Oomycètes, M. P. A. Dangeard combat la théorie de Fisch suivant laquelle les noyaux des générateurs plurinucléés de l’oospore se fusionneraient en un seul. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 19 août 1890. M. Verneuil donne les résultats de son enquêle sur l'influence de la grippe sur les affections chirurgicales confirmant pleinement sa communication antérieures se traduisant par une action pyogénique évidente, — M. G. Sée pense que l'épidémie de grippe fait encore aujourd'hui des victimes ; ilobserve des endocardites, des angines à streptocoques. — M. Guermonprez (de Lille) présente une observation de prothèse des apophyses géni pour remédier à la gène des fonctions respira- toires qui résulte de la chute en arrière de la langue après amputation du corps du maxillaire inférieur, — M. Cobes lit un travail sur Ja respiration hypoder- mique artificielle, faite par injection dans le tissu cel- lulaire sous-cutané d'oxygène à l'état naissant, ne pro- duisant aucune irritation, et pouvant être appliquée dans le traitement des maladies où il existe une di- minution de l’hématose pulmonaire, Séance du 26 aout 1890, M. Hache rapporte le cas d'un jeune homme, qui, à la suite d’un coup de couteau dans la région dorsale, manifesta, autour du trajet fistuleux de la plaie, les symptômes du pyopneumothorax interlobaire sans com- munication avec les bronches. Au moyen d’un drain, la cavité fut lavée avec une solution de biiodure de mer- cure à 1 %/,,; 15 jours après, le drain fut enlevé et le malade guérit d'une facon complète. L’oblitération de la poche s’effectua par simple développement du poumon. M. Hache conclut à l'opportunité du drainage et de la suppression rapide des lavages. IL s'oppose aux résections costales multiples, quand les côtes sont in- tactes. Séance du 2 septembre 1890. M. Tarnier, président, annonce la mort de M. Gavar- ret, ancien président de l’Académie, professeur hono- raire de physique à la Faculté de Médecine de Paris et inspecteur général honoraire des Facultés et Ecoles de Médecine de France. M. le Président lève la séance en signe de deuil, après avoir déposé sur le bureau : le rapport de M. Depasse sur le service médical de la di- rection des travaux de Paris en 1889; — Une note de M Perronet sur la pratique de la variolisation dans la tribu dés Beni-Menassers (Algérie); — Un mémoire de M. Talon rendant compte du fonctionnement du centre vaccinogène d'Alger en 1889-1890; — Une étude de M. Pigeon (de Fourchambault) intitulée : Explication biologique de la susceptibilité des vaccinations à don- ner lieu à la syphilis, à la tuberculose, à la fièvre typhoïde, à la diphtérie; — Un mémoire de M. Sutils sur la loi Roussel et le rapport annuel du même auteur sur la protection des enfants du premier àge en 1889 à la Chapelle-la-Reine (Seine-et-Marne); — Le rapport annuel de M. Barthés sur le service de la protection des enfants du premier âge dans le Calvados en 1889, COURRIER 1.— Dans le courrier d'aujourd'hui je veux vous entre- tenir tout d'abord d'une série de recherches sur Pappa- reil dentaire qui ont élé faites tout récemment au labo- ratoire d’histologie et d'embryologie normale de Genève dirigé par le Professeur Eternod. On sait, depuis les tra- vaux de Meyer (de Zurich},J. Wolff et d’autres,que l'os, dans la disposition intime de ses trabécules, obéit aux lois de la mécanique,Le même fait a déjà été démontré par M. Eternod pour l'émail dentaire !, Dans l'émail, de même que dans l'os, les trajectoires de traction et de pression se coupent à angle droit ; les prismes de l’é- mail constituent sur chaque cuspide dentaire une sorte de voûte, de facon que la pression s’exercant sut la dent en un point quelconque, se divise, s’éparpille sur toute la surface de la couronne dentaire, On a ainsi l'explication du fait très curieux que des dents de force moyenne deviennent capables de broyer un morceau isolé d’émail coupé dans une dent beaucoup plus forte : la force agit suivant les lois de la statique dans le pre- mier cas, en dehors d'elles dans le second. Voilà déjà un fait bien intéressant, Un des élèves du Professeur Eternod, M, Collaud ?, vient de trouver une nouvelle application des lois de la statique, — cette fois dans les parties molles. Il s'agit du ligament alvéolo-dentaire, improprement appelé périoste, dont la structure n’est bien connue que depuis ces derniers temps, varticulièrement depuis les recher- ches de M. Malassez, En raison de l’importance du sujet 1 Erernop. Des lois mathématiques et mécaniques régissent la distribution des prismes de l’émail Revue et Arch. Suisses d'Odontol. Décembre 1887. ?CorLaup. Etude sur le ligament alvéolo-dentaire /nternation. Monatsschr. für Anat. u. Physiol. 1890, Bd. 7. H. 1 et 2. DE GENÈVE traité par M. Collaud, nous nous y arrèterons un instant, Ses études ont été faites sur des dents de chat, de chien et de porc, vu la difficulté de se procurer des dents d'homme suffisamment fraiches. Les morceaux de maxillaire, préalablement injectés, étaient décalcifiés, coupés au microtome, soit parallèlement, soit perpen- diculairement à l'axe de la dent, et les coupes soumises à des colorations diverses, Dans l'agencement topographique général l’auteur à observé un fait qui n'avait pas encore été signalé : une partie de l’os alvéolaire, celle qui fait corps avec le liga- ment alvéolo-dentaire, forme une couche osseuse net- tement distincte du reste de l’alvéole et que l’auteur propose d'appeler cément alvéolaire. Dans les fibres du ligament il distingue, d’après leur direction, trois sys- tèmes principaux qui s’entrecroisent à angle droit en marchant suivant les trois directions de l’espace : sur une coupe longitudinale, par exemple, 'on voit : des fais- ceaux allant du cément alvéolaire au cément de la racine ; un second système de faisceaux, perpendicu- laires aux premiers; puis enfin des sections transver- sales de faisceaux marchant dans un plan perpendicu- laire à celui qui passe par les deux premiers systèmes ; la mème chose se retrouve sur des coupes transver- sales, Au sommet de la racine, les faisceaux deviennent presque parallèles à l’axe de la dent et ménagent entre eux des espaces remplis de tissu conjonctif lâche où se trouvent les vaisseaux et les nerfs dentaires, Au niveau de la substance osseuse de l’alvéole et du cément radi- culaire, les faisceaux connectifs pénètrent dans leur épaisseur sous forme de fibres de Sharpey, qu'on peut rendre visibles par l’imprégnation au nitrate d'argent, Les éléments cellulaires interposés entre les faisceaux du ligament sont des cellules à crêtes. De cette étude 08 COURRIER DE GENÈVE histologique M. Collaud conclut qu'il faut, conformé- ment aux idées de M. Malassez, considérer le prétendu périoste alvéolo-dentaire comme un véritable ligament. Mais, le point véritablement personnel de ses recher- ches est Je suivant: en étudiant attentivement l’agen- cement des fibres de ce ligament, l’auteur a pu se convaincre que, de même que le tissu osseux de l'émail dentaire, le ligament alvéolo-dentaire est construit et fonctionne de manière à obéir aux lois de la statique : les groupes de faisceaux connectifs dessinent nettement les trajectoires de la statique se coupant à angle droit dans jes trois directions de l’espace. Les pressions exercées en différents sens sur les dents, au lieu de se transmettre directement aux parties environnantes, se décomposent suivant le parallélogramme des forces, après s'être transformées en tractions, Exemple : quand la pression s'exerce verticalement sur le sommet de la dent, la racine tendrait à s’enfoncer dans l’alvéole comme un coin; mais les fibres du ligament se tendent et la dent, suspendue dans l’alvéole, tire sur le liga- ment au lieu de peser sur lui, 2, — Une autre question non moins importante, se rapportant également à l'appareil dentaire, a fait l’objet d’une étude de M. Frédel. Il s’agit de la question aussi ancienne (Ambroise Paré pratiquait déjà l’opé- ration) que controversée jusqu’à nos jours, de la greffe dentaire. Par des expériences sur les animaux — les chiens se prêtent le mieux à ce genre d’études — l'au- teur a pu reconnaître la manière dont se fait la con- solidation de la dent réimplantée. La consolidation qui se fait ordinairement en dix ou quinze jours à lieu surtout aux dépens du périoste alvéolo-dentaire (ces recherches sont antérieures à celles de M. Col- laud et l’auteur se sert encore du mot périoste) dont les deux parties, séparées lors de l'extraction, se sou- dent. La pulpe se mortilie et est remplacée partielle- ment par un bourgeon charnu qui pénètre dans la cavité pulpaire ; la nutrition de la dent parait donc se faire exclusivement aux dépens du périoste alvéolo-dentaire après la réimplantation ; c'est à la mortification de la pulpe qu'est due la coloration anormale de la dent observée dans quelques expériences. Une circonstance importante au point de vue pratique, c’est le fait que la consolidation est plus rapide vers le collet de la dent que vers la racine, ce qui est très favorable à la réussite de la greffe, car les chances d’infection se trouvent di- minuées. Il se fait pendant la consolidation une forte résorption osseuse, surtout lorsque le périoste den- taire est enlevé partiellement ; la consolidation peut paraître extérieurement parfaite, quoique une grande partie de la racine ait disparu, Avant de réimplanter la dent dans l’alvéole, l’auteur a eu soin, dans quelques expériences, de lui faire subir quelques opérations : badigeonnage, rugination du périoste ; résection du sommet de la racine ; obtura- tion de la cavité pulpaire — pour se rapprocher autant que possible de ce qui se passe chez l’homme. Le temps entre l'extraction et la réimplantation a varié entre quelques secondes etun quart d'heure, Une condition de réussite, c’est l’intégrité du périoste, de même que la coaptation exacte de l’alvéole et de la racine, 3. — Je ne saurais finir ce courrier sans anentionner les intéressantes recherches de MM. Soret et Rillet=?; 1, Frepez. De la greffe dentaire au point de vue historique et expérimentale. Vienne. lmprimerie Heinrich. 2, J. Songr et A. Rüllet. Recherches sur labsorption des rayons ultra-violets par diverses substances. Arch. des Scien- ces phys. et nat. 1890, n°1. ici nous sortons du domaine de l’histologie pour entrer dans celui de la physique. Ces auteurs ont com- mencé déjà depuis une dizaine d'années des recherches sur l'absorption des rayons ultra-violets par diverses substances; cette fois il s’agit des corps de la série grasse, Les auteurs insistent sur la difficulté d'obtenir ces corps à l’état de pureté, ce qui entrave la précision des résultats, Les alcools présentent une assez grande transpa- rence. La rectification et surtoutla dessiccation com- plète amènent une décomposition ou une oxydation des alcools qui diminue souvent leur transparence, Il serait prématuré d'affirmer qu’il existe une différence déterminée de transparence entre les divers alcools sup- posés complètement purs ; on ne saurait, par consé- quent, confirmer la conclusion de Hartley et Huntington que la transparence des alcools va en diminuant à à mesure que leur formule chimique se complique, Comme résultat pratique important, il est à noter que la mesure d'absorption des rayons ultra-violets cons- titue un moyen très délicat pour apprécier la pureté des alcools. L’aldéhyde (absolue, dans le sens de non diluée) inter- cepte presque complètement les rayons ultra-violets, Les acétones sont très absorbantes; il est probable que c’est au groupe carbonyle CO qu'est due l'absorption énergique de l’aldéhyde et des acétones, car, en rempla- cant ce groupe CO par O, on obtient des corps très trans- parents : H —0— H CH — 0 — H C2H5 — O — C?H$ Eau Alcool éthylique Ether éthylique L’acétal est assez transparent malgré le grand nom- bre d'atomes dont est formée sa molécule, contrai- rement à l’aldéhyde qui est très absorbante avec une composition très simple; le mode de groupe- ment des atomes a donc plus d'importance que leur nombre, L'éther éthylique distillé sur du sodiumest très trans- parent et vient après l’eau distillée. Les divers éthers simples contenant le mème élément électro-négatif (iode, brome, chlore) ne paraissent pas différer sensiblement dansleurs propriétés absorbantes: en d’autres termes la substitution d’un radical alcoo- lique agit peu sur la transparence. Les sels haloïdes de potassium (iodure, bromure, chlorure) sont notablement moins absorbants que les éthers correspondants ; la substitution d’un métal alcalin à un radical alcoolique augmente donc la trans- parence. Les divers éthers contenant un élément électro- négatif différent n’ont pas la mème transparence, les iodures sont très opaques, les bromures le sont un peu moins, les chlorures sont assez transparents. Il n’y à pas d’analogie bien précise entre les éthers simples et les sels haloïdes correspondants, ce qui indiquerait une différence du groupement moléculaire dans ces deux «classes de composés. Les éthers composés et les sels métalliques corres- pondants se comportent également d’une manière {très différente au point de vue de l'absorption ; cela se voit surtout sur les azotites et les azotates. Les auteurs ont encore fait des recherches sommaires sur l'absorption des rayons ultra-violets par les vapeurs de diverses substances organiques et ont pu démon- trer que les liquides très opaques et suffisamment volatils donnent aussi des vapeurs exercant une absorp- tion sensible, Dr CRisTiIANr. CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE CORRESPONDANCE SUR LES Monsieur le Directeur, Voulez-vous me permettre de répondre par quelques lignes seulement à l’article de M. Faye !, Ce savant insiste tout particulièrement sur la différence capitale qu'il trouve entre mon tourniquet, c’est-à-dire l'appareil d'aspiration, et qui ce se passe dans la nature où, dit-il, il n'y a rien qui en tienne lieu. J'ai déjà répondu = à cet argument, notamment en décrivant l’expérience dans laquelle je produisais la trombe sans tourniquet, mais avec une simple sphère tournant à l'air libre. Cette trombe est identique à celle que donne le tour- niquet et, dans toutes deux, les girations se font exac- tement comme dans la nature, c’est-à-dire que la vitesse angulaire est bien plus faible au pavillon supé- rieur qu'au sommet inférieur du cône et à la surface de l’eau, où se concentre toute l'énergie pour soulever l’eau ou les corps placés à sa surface, Je ne prolongerai donc pas cette discussion, regret- tant seulement que M. Faye n'ait jamais voulu accepter mes invitations à assister aux expériences; il aurait vu que nous sommes beaucoup plus d'accord qu'il ne le pense, puisque, dans mes expériences, comme dans la nature, le tourbillon descend du haut, Je regrette aussi que M. Faye n'ait répondu que par une négation pure et simple ou par le silence à deux points qui, suivant moi, sont capitaux : 4° Les girations à peu près horizontales qui naissent dans un courant supérieur de l'atmosphère, forment- elles, oui ou non, un appareil d'aspiration pour les couches aériennes situées au-dessus et au-dessous el dans les régions voisines de l'axe? 2 Les girations qui produisent les entonnoirs de rivière prennent-elles naissance oui ou non dans les courants inférieurs des cours d’eau? C’est sur ces deux points que, pour moi et pour bien d’autres, théorie, expériences et j’ajouterai : observa- tion, ne laissent place à aucun doute et répondent par l’affirmative. Ch. WEYHER, M. Faye, auquel nous avons communiqué ces critiques, nous adresse à ce sujet la lettre suivante : Monsieur le Directeur, Je suis surtout sensible au reproche que M. Weyher me fait de n'avoir point assisté à ses expériences, Per- CYCLONES | mettez-moi de donner à ce sujet une explication bien simple. J’avais lu avec soin les descriptions de M. Weyher présentées par M. Mascart à l’Académie et je savais, par cet examen, que l’auteur se méprenait sur leur interprétation, faute d’avoir étudié d'assez près les phénomènes naturels qu'il cherchait à reproduire, Il me répugnait de lui rendre une visite qui ne pouvait aboutir qu'à lui faire verbalement cette déclaration. Plus tard j'ai dû répondre aux publications où j'étais mis en cause, Je l'ai fait de mon mieux, tout en rendant pleine jus- tice à ces belles expériences !, mais en déclarantque, dans ma pensée, elles ne reproduisent en aucune facon les trombes ou tornados de la nature. Quant aux questions que me pose M. Weyher, je vais tâcher d'y répondre en quelques lignes de la manière la plus nettement négative. L'auteur confond sans cesse les tourbillons qu'il produit dans un fluide immobile, à l’aide d’un tourniquet, avec ceux qui naissent sponta- nément dans les courants sous l'influence de leurs simples inégalités de vitesse, Ces différences de vitesse entre des filets parallèles tendent bien à produire des gyrations ; mais, par le fait même que la masse fluide esten marche, sous forme de courant, ces gyrations deviennent immédiatement descendantes, Ce sont, dès le début, des hélices coniques à axe vertical, sur les- quelles les vitesses linéaires croissent très rapidement vers l'axe, au lieu de décroitre comme dans un tourni- quet. Ces tourbillons naturels, dont le mécanisme est tout entier compris sous leur surface visible (cas des trombes ou des tornados) n’exercent en bas aucune as- piration. Au contact du sol, l'air entrainé dans les spires descendantes s'échappe tangentiellement au pied de latrombe, après avoir produitles ravages connus par son choc violent contre les obstacles, C’est ce que nous apprennent les phénomènés naturels quand on les examine sans idée préconçue, et c'est ce que ne réalisent pas les expériences de MM. Weyher et Colla- don, Ces expériences ont été amplement vulgarisées; tout le monde peut contrôler aisément, sans les répé- ter, le jugement que j'en ai porté dans cette Revue, n° du 30 août, en mettant sous les yeux du lecteur le dessin de l'appareil principal de M. Weyher, H, FAYE, de l’Académie des Sciences. CHRONIQUE LE GISEMENT DE BRUSHITE DE LA GROTTE DE MINERVE (Aupe), Notre éminent collaborateur, M. Armand Gautier, de institut, et son frère, M. Gaston Gautier, ont exploré, il y a quelques mois, l’une des grottes les plus cu- rieuses de l’Aude, celle de Minerve, et y ont fait une découverte scientifique d’une grande importance pour l'agriculture. Au-dessous d’une couche argileuse pa- léontologiquement caractérisée par les restes de sque- lettes d'animaux appartenant à la période quaternaire (Ursus spelœus), ils ont reconnu l'existence d’un gise- ment considérable de brushite, minéral constitué par du phosphate bicalcique, En voici la composition : “ H. Faye : Sur les Cyclones, Revue générale des Sciences du 30 août 1890, page 497. 2 Voyez ma dernière brochure sur les tourbillons, 2° édition. Hotnidite AMAR eee cerner Ces 3.46 % POTIG AU DOUPEL: 222 2e eee ce see : 18.46 Acide carbonique :.: 7% 7.2.0. een 1.20 SUICO EAU RE ete Da ne eue 0.76 AITMINES een rer Prec ee -c nee 8.13 Chaux totale on 29.63 Acide phosphorique soluble 20.736 Acide phosphorique soluble dans les acides....... 11.128 HOUR EE eee 99.504 La formule chimique est : Ca? Ph Oi+ 2H20. MM. Gautier, observant que ce corps se présentait sou- vent sous forme d’amas isolés dans les argiles encais- 1 Voir p. ex. ma brochure Sur les Tempôtes, 1887,p. 16 et 17. Librairie Gauthier-Villars. 260 NOUVELLES santes, et non en couches régulièrement stratifiées, ont cherché à tirer parti de cette manière d’être pour expli- quer la formation de ce minéral dans ces conditions spéciales de gisement. Ils ont constaté que ces amas étaient toujours cons- titués par des croûtes ayant une épaisseur de quelques millimètres à 0®{0 centimètres, autour d’un nucleus concentrique de roche calcaire de même composition que le calcaire nummulitique formant les parois de la grotte, Quand le fragment était petit, le nucleus cal- caire central n ‘existait plus ; si le fragment était gros, le nucleus persistait, Lorsqu'un fr agment de roche ‘était à moitié enfoui dans l'argile et à moitié hors de terre, la partie supérieure élait surtout transformée en brushite, et l’épaisseur de la couche phosphatée dimi- nuait à mesure qu'ils examinaient les portions plus profondément enfouies, Les blocs ainsi attaqués ap- partenaient tous à la roche nummulitique, calcaire, constituant les parois et la voûte de la caverne, et non à la roche calcaire devonienne formant le sous-sol, le plancher, En certains points il s'était formé dans des bas-fonds, au contact de la roche nummulitique, des dépôts horizontaux de phosphate bibasique. Enfin, der- nière remarque, les cailloux roulés siliceux enfermés dans l'argile, venus du dehors, n'étaient recouverts d'aucune épaisseur de phosphate bi ou tribasique. ‘L’argile même qui constituait le sol de la grotte con- tenait 160/, d'acide phosphorique correspondant à 350/, de phosphates, On peut calculer qu'il y a dans cette grotte plus de 23.000 tonnes de terres argileuses phosphatées. En réunissant les données précédentes, il a été facile à MM. Gautier d'expliquer le mécanisme de la formation de la Brushite. Les eaux qui traversent la roche, et les couches d'humus supérieures, se chargent d’un excès d'acide carbonique. Se trouvant en présence d’ossements d’a- nimaux accumulés en grand nombre, dans les terres argileuses, elles s ’emparent de l’acide phosphorique de ces ossements, Au contact des roches calcaires, l'acide phosphorique dissous transforme peu à peu et plus ou moins profondément ces roches en phosphate de chaux. De plus les eaux acidifiées par l'acide carbonique en excès dissolvant une partie des phosphates transformés ainsi en phosphate bicalcique, finissent par imprégner les argiles de brushite, et même, par suite de l'éva- poration de l'excès d'acide carbonique, par déposer ce ae À bibasique dans les parties déclives, au contact et à la limite des couches imperméables, Cette communication est des plus importantes 1° parce qu “elle indique l'existence, dans le Midi de la France, d’une espèce de phosphate qui n’était connue jusqu'à présent que dans le guano des îles Aves et Som- brero, et dans les montagnes limitrophes de l'Espagne et du Portugal; 2 parce qu'elle fournit à une région des plus étendues au point de vue vinicole, un engrais des plus précieux par suite de sa facile assimilation et de sa proximité; 2° parce qu ’elle met enfin sur la voie de trouver dans le Midi même de nouveaux gisements de brushite,—Nous pouvons dire, pour notre “part, que ce travail de MM, Gautier nous a déjà permis de cons- tater la présence du précieux engrais dans plusieurs autres localitées pyrénéennes. D' F. GarRiGou, NOUVELLES LES OBSERVATIONS SPECTROSCOPIQUES DE M. J. La question de la présence de l'oxygène dans les astres est, comme on sait, capitale en philosophie na- turelle. Jusqu'à à ces dernières années rien ne permet- tait de décider si ce corps existe dans l'atmosphère du Soleil, L'examen spectroscopique de la lumière qu'il nous envoie montre bien dans l’orangé et le rouge les groupes À, B et « Mais cette simple observation ne Saurait résoudre le problème, puisque la lumière ana- y sée a subi, avant de nous parvenir, une énorme ab- sorption du fait de Poxygène gazeux et surtout de la vapeur aqueuse de notre atmosphère terrestre, Pour établir la part — au moins collective — de ces deux facteurs, il importe d'examiner ce qui arrive quand leur puissance diminue, C’est dans ce but qu’il y a deux ans (1888), M. J. Janssen s’élait transporté aux Grands-Mulets. L'altitude de cette station (3050: mètres), les grands glaciers qui l'entourent et le froid qui y règnent dévaient réduire d'une facon considérable l’action absorbante de notre atmosphère, notamment celle de la vapeur d’eau. Les résultats obtenus dans ces conditions par l’éminent astronome, le décidèrent à tenter cette année une ex- périence plus décisive encore, Il résolutde l’instituer au sommet mème du Mont-Blanc (4810 mètres). L’entre- prise, toujours très pénible et non exempte de péril, semblait être au-dessus des forces d’un homme de son âge. Elle paraissait d'autant plus audacieuse que M. Janssen est affligé d’une forte claudication, Mais rien w'arrèla l’intrépidité du savant, Marchant, porté, soutenu ou trainé sur la neige à travers les blocs de glace, il arriva le 18 août à la Cabane des Bosses, ré- cemment construite à l’altitude de 4400 mètres. On doit ce refuge à la muniticence de M. J. Vallot qui poursuit en ce lieu d’intéressantes recherches de mé- téorologie, et, véritable Mécène des Alpinistes, leur offre gracieusement en son chalet le couvert et le vivre, Joi du carré de la densité, JANSSEN AU SOMMET DU MONT-BLANC S'y trouvant cerné par l'orage, M. Janssen dut, à cause du mauvais temps, y demeurer jusqu'au 22 août. Ce jour-là le ciel fut admirable et il fut possible de gravir utilement les loits de glace qui séparent la ca- bane de la cime du Mont-Blanc. C’est sur ce sommet, le plus élevé de l'Europe, que M. Janssen a réalisé ses expériences. En raison des conditions particulière- ment favorables où elles ont été effectuées, les résul- tats qui s'en dégagent doivent être tenus pour les plus précieux qui aie né jamais été atleints dans cet ordre d'investigation. En attendant la discussion que l’auteur se propose d'en faire, nous nous bornons à en signaler le haut intérèt. Aux altitudes élevées, l'influence _perturbatrice de la vapeur d’eau n'existe plus, du moins en cas de basse température et de beau temps. On constate très nettement que raies et bandes de l'oxygène décroissent à mesure que le Soleil s'élève, l'épaisseur d'air traversée diminuant alors. Les bandes, dont la forma- tion suit, comme M. Janssen l'avait reconnu à Meudon, la disparaissent du spectre lorsque le Soleil passe au méridien, Quant aux raies, soumises à une loi de production moins rapide, elles subsistent encore, assez affaiblies cependant pour rendre très problable l'induction qu'à la limite supé- rieure de notre atmosphère il serait impossible de les observer, L'oxygène, — du moins à l’état où nous le connaissons à la surface de la terre, — serait donc absent de l'atmosphère du Soleil. Les nouvelles expé- riences de M. Janssen apporteront, sans doute, à ce problème une solution définitive. Avant de les exposer en détail, nous avons la conviction de répondre au sentiment unanime de nos lecteurs, en rendant hommage au courage du savant qui, bravant faligues el dangers, vient de porter si haut le drapeau de la science franc aise. Louis OLIVIER, Le Gérant : Ocrave Don. Paris.— Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. re ANNÉE N° 18 30 SEPTEMBRE 1890 _ REVUE GÉNÉRALE ES SCIENCE PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER ÉVOLUTION DES IDÉES SUR LA NATURE ET LE MÉCANISME DE LA VIRULENCE Quels que soient l'éclat d’une découverte et l’'étonnement qu’elle provoque dans les différentes classes de la société, il est bien rare que son avè- nement n'ait pas été préparé par des hommes dont le nom et les œuvres sont plus ou moins oubliés. Mais il faut reconnaitre que si, aujour- d'hui, les notions scientifiques jaillissent rarement pour la première fois du cerveau des savants, elles s'épurent et se complèlent singulièrement, grâce à la rigueur et au perfectionnement de la méthode expérimentale. Ces réflexions, suggérées par une foule de ques- tions, sont confirmées par l’histoire de l'évolution des idées sur la nature et le mécanisme de la viru- lence. On pourra voir, dans le bref résumé qui va suivre, que le Mail novum sub sole du poète latin est ici parfaitement justifié ; toutefois, on se con- vaincra que si les expérimentateurs actuels n’ont pas toujours conçu l’idée première, ils l'ont éta- blie sur de nettes et solides assises, au lieu de la laisser étayée sur des hypothèses nuageuses el flottantes. La gravité des maladies virulentes, l'extension qu'elles ont prise à toutes les époques, ont vive- ment poussé les médecins et les naturalistes à la recherche des causes inlimes ou de la nature de la virulence. Aussi est-il fort intéressant de suivre jusqu’à nos jours la série des hypothèses que l’es- prit humain a enfantées sur cette question. REVUE GÉNÉRALE, 1890, Tantôt la virulence fut comparée à la fermen- tation, lantôt rattachée au parasitisme. Il Déjà au 1x° siècle, Rhazès attribuait la variole à une fermentation « comparable à celle du moût de raisin qui fermente et bouillonne pour se con- vertir en vin. » Van Helmont, Stahl, Sydenham reproduisirent plus ou moins ces idées et, au commencement de ce siècle, en 1802, Brissy n'hésita pas à dire que les maladies contagieuses devraient s'appeler ma- ladies fermentatives. En 1831, dans un travail où il compare la fer- mentalion à la contagion, Braconnot conclut à la similitude, en montrant que les substances antifer- mentescibles, telles que le chlore, l'acide nitrique, l'acide sulfureux, etc., sont précisément des anti- septiques. Mialhe adopta cette opinion sans réserve : « Nul doute, dit-il, que les virus n’agissent sur l’écono- mie à la manière de certains ferments..…. Et la preuve... c’est que tous les agents médicamenteux qui annulent l’action spécifique des virus sont ceux qui anéantissent le plus aisément l’action spécifique des ferments. » Bouillaud intercala le passage précédent dans son traité de Mosographie médicale et émit l'espoir que les progrès dans l'étude des fermentations 18 562 S. ARLOING. — NATURE ET MÉCANISME DE LA VIRULENCE profileraient à la théorie des maladies conta- gieuses et infectieuses. A peu près à la même époque, en 1847, un méde- cin anglais, Billing, écrivait, à propos du virus va- riolique, qu'une petite parcelle produit une in- flammation semblable à celle d’où elle est tirée, comme un peu de levain fait soulever toute la masse dans la fermentation. Impossible d'exprimer plus nettement la similitude de la virulence et de la fermentation, Billing poursuit cette comparaison dans la période d'état, le déclin et la transmission des maladies virulentes. Il ne voit, dans les agents de leur propagation, que « des levains qui sont ou communiqués par contact ou transportés par l'air dans les poumons. » Beaucoup de médecins s’élevèrent avec véhé- mence contre l'introduction d’une explication chi- mique dans un phénomène qui leur semblait de l’ordre vital. D'ailleurs à ce moment, l'acte de la fer- mentation était plus ou moins mystérieux, de l’aveu même des chimistes. Aussi pouvait-il paraitre ab- solument chimérique de vouloir éclairer un phéno- mène par l’autre, puisqu'il y avait mystère des deux côtés, comme disait, en 1853, Ch. Anglada, professeur vitaliste de l'Ecole de Montpellier. Malgré les critiques dont elle fut l’objet il y a une quarantaine d'années, cette hypothèse ne fut pas abandonnée. On lui reprochait d'être vague, mal définie. On s’efforça de trouver une explication salisfaisante des phénomènes de la fermentation et, simultanément, des phénomènes physico-chi- miques qui transforment les humeurs de l’orga- nisme en agents de léthalité. Liebig, par exemple, voit dans toute fermenta- tion : 1° un corps provocateur; 2° une matière sus- ceptible de se décomposer au contact du précé- dent. Le corps provocateur se reproduit aux dépens des matières d'où il tire son origine première. Dans la fermentation du moût de bière, l'agent provocateur est la levüre ; la substance azotée con- tenue dans le moût est la malière avec laquelle se forme la levüre au fur et à mesure de la transfor- mation du sucre, Pour les maladies contagieuses, Licbig admet, dans le sang du sujet sain, la présence du principe d’où peut naître l'agent provocateur: celui-ci se développe peu à peu aussitôt après l'introduction d’une parcelle du ferment virulent détaché d'un organisme malade. L’assimilation est complète, lorsqu'il accepte que le sang contient le second principe voué à la décomposition sous l'influence du premier. D'où il conelut que la prédisposition d’un sujet, d'une espèce à contracter une maladie conta- gieuse est en raison de la masse de ce second prin- cipe. Ce dernier s’épuisant peu à peu dans le cours de la maladie, la virulence de la fermentation ou de la décomposition décroitra donc dans le mème sens et on assistera au déclin et à la guérison de la maladie virulente. L’explication proposée par Liebig jette l'esprit dans une grande perplexité. Il se demande ce qu'est cette parcelle de substance qui transforme une partie du sang en corps provocateur. Assurément, il s’agit d’une substance qui opère à la manière d'une levüre. Mais quelle est au juste cette subs- tance? Liebig ne le dit pas. Il n’est donc pas sur- prenant que quelques auteurs aient profité de ce silence pour modifier la théorie de Liebig et sup- poser que le corps provocateur, que l'agent de dé- composition ou de destruction, peut prendre naïis- sance de toutes pièces dans les organismes sains sous l'influence de causes banales. Dubois d'Amiens a pensé qu'un simple change- ment dans la proportion, le nombre, la quantité des éléments suflirait pour communiquer la viru- lence aux liquides organiques. Malheureusement la chimie a toujours été impuissante à découvrir et à déterminer ce changement qui devrait naturelle- ment varier avec chaque étal virulent. Peut-être, est-ce en face de cette impuissance que Ch. Robin a regardé la virulence comme le résultat d'une modification de l’état isomérique des humeurs et des tissus vivants. Pour Robin, il n'y à pas de virus à proprement parler, il n'y a que des étüts virulents de la matière vivante. « Ges états sont divers, en raison de la complexité de la subslance organisée, et chacun offre des degrés selon la constitution moléculaire propre du tissu ou de l'humeur altérés et les conditions qui ont déterminé l’altération. » Cette opinion dispense de chercher une démons- tration anatomique ou chimique de la virulence. Elle n’est pas plus solide pour cela. Car si elle permet de concevoir la contagion, l'inoculabilité des maladies virulentes par le transport de la substance organique modifiée hors de l’économie infectée, elle n'explique pas d’une manière satis- faisante l’origine des divers états virulents. Effec- tivement, outre qu'elle laisse la porte ouverte à la spontanéité de la virulence, elle admet que « les états virulents peuvent survenir partout où des animaux se trouvent agglomérés au delà de ce que permet la nature des milieux nécessaires à leur existence. » Or, concoit-on que l’aggloméra- tion déterminera tantôt la variole, tantôt le typhus, tantôt la rougeole? Il est vrai que l’auteur croit à la modification de cette influence déterminante par celle du sol, des saisons, des climats, de la température, de l’humidité et par la constitution individuelle. C'est-à-dire que l'esprit flotte dans l'inconnu sur l’origine même des états virulents. latte ant S. ARLOING. — NATURE ET MÉCANISME DE LA VIRULENCE 263 Malgré ces sérieuses imperfections, la théorie des états virulents de la matière organisée a oc- cupé jusque dans ces dernières années une place importante en pathologie. Il Avant les théories chimiques de la virulence et parallèlement à elles, s’est déroulée la théorie du parasitisme Virulent. L'idée de rattacher les maladies contagieuses au parasitisme est presque aussi vieille que le monde. Elle est exprimée dans les ouvrages des agronomes latins Varro et Columelle. Elle a été reprise aux xvue et xvur° siècles par Langius, Zacutus, Kircher, Laneisi, Deidier de Montpellier, Linné, Réaumur, Rasori, etc. Le parasitisme virulent de cette époque était souvent grossier, el néanmoins absolument hypo- thétique. Aïnsi Deidier (1743) croyait que le virus vénérien était dû à la présence de petits vers vi- vants. Il ne les avait pas vus; mais leur présence devait être réelle parce que l’action exercée sur le radical du virus syphilitique par le mercure res- semblait à l’action toxique exercée par ce corps sur d’autres espèces de vers (Anglada). Parfois, le parasitisme reposait sur des observa- Lions que la science moderne regarde comme erro- nées. Par exemple, Langius affirmait déjà avoir rencontré des microzoaires ou des infusoires dans la rougeole, Kircher, dans la peste, Zingler, dans les fièvres péléchiales, Zacutus et Porcellus dans la variole. M. H. Mollière nous a appris, dans une étude rétrospective sur la virulence, que Goiffon, agrégé au Collège de médecine de Lyon, professait aussi, en 1721, que des insectes venimeux (invisibles) apportés de quelque contrée élrangère avec des marchandises pourront se répandre dans les airs d'une ville et produire tous les funestes effets qu’on remarque dans la peste. : Les microscopes perfectionnés de nos jours n'ont jamais décelé au sein des parties virulifères de ces maladies des organismes aussi élevés dans la série des êtres vivants. Cependant, une confusion que l’on s’est depuis efforcé d’écarter, a donné corps à cette hypothèse pendant un certain temps. En cherchant avec soin dans les dermatoses con- lagieuses, on a découvert le sarcopte de la gale, le démodex de l'acné, le champignon de la teigne. On a démontré que la contagion résulte de la trans- plantation de ces parasites sur une peau saine. Dans un empressement regrettable, Raspail a conclu que toutes les maladies contagieuses, telles que la variole, la rougeole, la scarlatine, le cow- pox, elc., sont des sorles de sarcoptogénoses. Il a même édifié, partant de cette hypothèse, sur la non-récidive des maladies virulentes, toute une théorie que l’on a vu reproduire à peu près com- plètement dans ces dernières années. Les parasites de Raspail vivent aux dépens des organismes qu'ils envahissent, épuisent certaines parties des sues nécessaires à leur entretien et à leur développement et en mème temps les infes- tent du virus qui résulte de leur évolution. Tel serait le mécanisme de l’action morbigène de ces parasites. Mais Raspail a confondu parasitisme et viru- lence, parce qu'il a pris garde seulement au carac- tère contagieux de ces deux élats. Maintenues sur ce terrain, les recherches de Raspail étaient frap- pées de stérilité, Ce micrographe espérait que les nosologistes détermineraient les habitudes et la conformation des sarcoptes morbigènes qu'il avait entrevus avec les yeux de l'imagination. Il va sans dire que cet es- poir a été déçu. Plasse, vétérinaire à Niort (Deux-Sèvres), s'at- tacha à démontrer par des arguments, dont quel- ques-uns n'étaient pas sans valeur, l’origine eryp- togamique de plusieurs maladies transmissibles ou infectieuses de l'homme et des animaux domes- tiques. Nous citerons la fièvre typhoïde, la variole, la morve, le farein, la péri-pneumonie épizootique, le typhus du gros bétail. Plasse aurait observé des relations étroites entre l’éclosion de ces maladies et l'usage d'aliments couverts d'efflorescences cryptogamiques. De là à regarder les moisissures comme la cause et l'agent de ces affections contagieuses, il n’y avait qu’un pas à faire. De 1825 41872, Plasse a défendu son opinion avec une lénacité que rien ne pouvait décourager. Dans l'impossibilité de montrer les cryptogames spécifiques pathogènes aux prises avec l'organisme, il a succombé sous l'incrédulité de ses contem- porains, qu'il a réclamés souvent comme juges, et sous l’exagération et l’absolutisme de ses idées, III La nosologie se débattait donc entre les aspira- tions d’un parasilisme grossier, les illusions trom- peuses de la transformation virulente de la matière organisée et les promesses jusque-là décevantes et mystérieuses des fermentations sur le vivant, lorsque des découvertes importantes vinrent mettre de l’ordre dans ce chaos. a) D'abord les fermentations se dépouillèrent de leur caractère énigmatique. La plus importante, & fermentation alcoolique, avait été l’objet d'un grand nombre de travaux. De ce phénomène on connaissait la plupart des conditions, les actes préparatoires, les produits essentiels, les agents mêmes. Mais le rôle de ces 564 S. ARLOING. — NATURE ET MÉCANISME DE LA VIRULENCE agents était entièrement méconnu. Cependant il avait été entrevu, indiqué avec un grand bonheur d'expression par Cagniard-Latour. Get auteur re- présentait les cellules de levûre comme des plantes « susceptibles de se reproduire par bourgeonne- ment et n'agissant probablement sur le sucre que par quelque effet de leur végétation ». Malgré la simplicité de l'explication de Cagniard- Latour, Liebig réussit généralement à faire accepter la théorie dite « du mouvement communiqué, » dont nous avons déjà parlé et qui ne suseita aucune découverte dans le vaste champ des fermentations. C'est en 1857 que commence l'ère des grands pro- grès. Elle s’ouvre par un mémoire sur la fermentation lactique présenté par M. Pasteur à l'Académie des Sciences de Paris. Sous forme de conclusion, l’au- teur n'hésite pas à affirmer : que /a fermentation est corrélative de la vie, de l'organisation de globules, non de la mort ou de la putréfaction de ces globules, pas plus qu'elle n'y apparait comme un phénomène de contact, où la transformation du sucre s'accomplirait en présence du ferment sans lui rien donner, sans lui rien prendre. L'étude de M. Pasteur sur la levüre de bière établit ces conclusions sur une base inébranlable. Elle montre que les cellules de levüre vivent et se mulliplient dans l’eau sucrée additionnée de sels minéraux cristallisés, mais dépourvue de toute manière organique en voie de décomposition. Elle montre encore qu'en vivant et se développant, ces cellules empruntent du carbone au sucre, de l’azote, du phosphore, du polassium aux matières miné- rales. La soustraction du carbone transforme le sucre en alcool et acide carbonique. Lafermentation est donc fonction de la vie d'êtres microscopiques que nous appellerons, dans ces exemples, ferment lactique, ferment alcoolique. Un des côtés remarquables des travaux de M. Pas- teur sur les fermentalions est sans contredit la méthode de sélection des ferments à l’état de pu- reté, par les cullures successives. M. Pasteur en à Liré le meilleur parti, et après lui, ses élèves et ses imitateurs. C’est à l'emploi de cette méthode que nous devons encore la connaissance des ferments acétique, butyrique, gallique, nitrique, de ceux qui président à la transformation ammoniacale de l'urine, à la putréfaction des matières albuminoïdes, a la décomposition de la cellulose, ete. Grâce à l’étude physiologique des ferments, le retour de la matière organisée à l’état inorganique n’a plus de mystères pour nous. Il n’y à plus à dou- ter que les agents de la mort définitive ne soient des êtres vivants. Nous connaissons même leur origine. Presque toutes les eaux, excepté à leur source, l’air atmosphérique, excepté à de très grandes hauteurs, le corps même des animaux, sont peuplés de leurs germes. Ignorant autrefois l'existence de ces germes, on a cru aux générations et aux fermentations spontanées. Les germes de l'air atmosphérique étaient les plus discutés, malgré les démonstrations bien con- nues de Schwann, de Schultze, de Schræder et von Dusch. M. Pasteur a réussi à défier toute négation en filtrant l'air sur du coton, comme l'avaient fait ces derniers. et en prouvant qu'une parcelle de ce coton, projetée dans une infusion slérilisée, y pro- voque l'apparition d’une multitude de microorga- nismes ferments, qui déterminent bientôt l’altéra- tion du liquide. L'air, débarrassé des microorganismes par un moyen quelconque, est absolument impropre à produire cette altération. Conséquemment, plus de germes atmosphériques, plus de fermentation. M. Pasteur à prouvé de même que les maladies du vin, de la bière, du vinaigre sont causées par des ferments spéciaux. Si l’on tue ces germes para- sites, ou si on les empêche de s’introduire au sein du liquide, on guérira où on préviendra ces mala- dies. Les études de M. Pasteur sur ce point sont un des plus beaux monuments de la science contem- poraine. Elles pourraient prendre le titre de ?Aysio- logie des ferments. Ne démontrent-elles pas, en effet, que la plupart des fermentations sont l’œuvre physiologique, œuvre gigantesque, d'organismes microscopiques, de ferments figurés et animés? b) Pendant que ces conquêtes enrichissaient le domaine de la chimie, que se passait-il dans le champ de la pathologie ? En 1850, Rayer et Davaine, au cours d’expé- riences inslituées pour déterminer la nature; les caractères de la maladie charbonneuse du mouton, connue sous le nom de sang de rate, signalèrent dans le sang des malades et des inoculés «de petits corps filiformes, ayant environ le doubie en lon- gucur d’un globule sanguin ». Ces petits corps furent appelés plus tard bacléridies, puis bacilles du charbon. Après eux, en 1855 et 1857, Pollender et Braüell les trouvèrent aussi dansle sang des sujets charbonneux, sans en comprendre le rôle et l’im- porlance. En 1860, Delafond les étudia le premier avec assez de sagacilé pour en soupçonner la véri- table nature et la propriété infectieuse. Par exem- ple, il est convaincu que les bagueltes où bâtonnets charbonneux sont des végétaux inférieurs. La preuve est qu'il chercha à les cultiver dans le sang hors des vaisseaux. Là, il les vit s’allonger et fournir «un mycélium remarquable formé de nombreux filaments déliés ». Malheureusement il ne parvint pas à leur faire produire des spores. Enfin, après s'être assuré que ces filaments végétaux se re- produisaient toujours dans le sang des animaux auxquels il les inoculait, il n’hésita pas à les si- gnaler comme la cause du sang de rate. DD", S. ARLOING. — NATURE ET MÉCANISME DE LA VIRULENCE Cette importante acquisition, la première qui fût nette et précise sur la nature des agents virulents, en était à ce point. lorsque parut le mémoire de M. Pasteur sur la fermentation butyrique, en 1861. On se rappelle que M. Pasteur montra, dans ce travail, que l'agent de la fermentalion est un or- ganisme microscopique fort analogue à celui du sang des animaux charbonneux. Davaine fut frappé de cette analogie et essaya aussitôt de prouver, par une série d'expériences ingénieuses, qu'à la bactéridie el à la bactéridie seule appartient la propriété virulente dans la transmission artificielle du sang de rate. Il ne réussit pas à débarrasser complètement la bacté- ridie des liquides qui la baignent. Néanmoins, pour tout esprit libre d'attaches théoriques ou d'idées préconçues, il n’était pas douteux que le développement de la bactéridie soit la cause et non le résultat de l'affection charbonneuse, Dès 1868, M. Chauveau acceptail sans réserve les conclusions de Davaine et les étendait aux septicé- mies chirurgicales, à la pyémie, à la gangrène, au typhus, ete. Il prédisait même alors la généralisation rapide de l'application des travaux de M. Pasteur sur la fermentation putride, dans cette partie du domaine pathologique. Plus tard, en 4873, il entre- prenait avec succès des expériences sur la déter- mination du ferment qui accompagne le processus gangréneux. Quelques années auparavant, en 1867, il démontrait que l'agent virulent dans les humeurs de la vaccine, de la variole humaine, de la clavelée du mouton, de la morve revêt toujours la forme cor- pusculaire. Ces importants résultats laissaient tout au moins entrevoir une analogie morphologique entre les ferments figurés et les agents de la virulence. Pour démontrer l’individualité spécifique de ces agents et leur analogie avec les ferments, que manquait-il? La preuve qu'ils sont aptes à vivre et à se multiplier en dehors de l’organisme; autre- ment dit, qu'on peut les cultiver artificiellement, in vitro, par les méthodes de sélection intro- duites dans l'étude des ferments ordinaires par M. Pasteur. IV Hallier, qui, le premier, essaya d'appliquer ces méthodes à la détermination des virus, s'égara dans les dédales du polymorphisme. La science venait de s'enrichir de découvertes importantes sur les générations allernantes de certains animaux inférieurs et sur le polymor- phisme de quelques champignons. Hallier, pro- fesseur de botanique à l'Université d'Iéna, crut pouvoir étendre ces données nouvelles au déve- loppement des organites que l’on signalait déjà de 568 tous côtés dans les lésions de plusieurs mala- dies transmissibles de l'homme et des animaux, Il rattacha, ce qui fut une grave erreur, toutes les granulations ou tous les micrococci virulents à des champignons inférieurs. Suivant le milieu dans lequel tombaient ces granulations sporifères, elles évoluaient plus ou moins complètement vers le végétal adulte d’où elles dérivaient. Si ce milieu étail vivant, elles produisaient des affections diffé- rentes et plus ou moins graves. Par la culture arti- ficielle sur du blanc d'œuf, des fruits, du pain, de la glycérine, des excréments, ete. Hallier prétendait pouvoir remonter toujours à la forme adulte. Imbu de ces idées, il attribua: le choléra nostras aux formes élémentaires du Penicillum crustaceum qui croit sur un grand nombre de substances végé- tales humides, et à celles du Tilletia caries qui cause la carie des biés; le choléra asiatique. à l’Urocystis Orizæ, un champignon du riz. Dans la sérosité des pustules varioliques, Hallier culliva un micrococcus qui serait un état allotro- pique de la Torula rufescens, champignon que l’on trouve sur des fumiers ou des excréments dessé- chés. Zurn et Hallier assignèrent la même origine aux granulations virulentes du vaccin et rattachè- rent celles de la clavelée du mouton à la Pleospora herbarum qui végète sur le bois de la vigne, sur les pommes et les prunes. Il n’est pas jusqu’au vul- gaire Mucor mucedo qui, à son tour, d’après Weiss et Zurn, ne produirait sous forme de micrococcus la péripneumonie contagieuse des bêtes bovines, voire même la rougeole des enfants, d'après Hal- lier. La doctrine eryptogamique du botaniste d'Iéna, qui paraissait reposer sur des expériences rigou- rouses, avait de plus, au premier abord, l'a- vantage de concilier les idées régnantes sur le parasilisme avec l'observation anatomo-patholo- gique. Le microscope montrait dans les organismes infectés des microcoques ou des bacilles. Le poly- morphisme de Hallier permettait d'en saisir la source susceptible de s'épuisér et de renaître spon- tanément, de façon à expliquer l'apparition, la propagation et l'extinction des épidémies. Toutefois,elle était passible d'objections sérieuses et surtout elle manquait d'une base solide : Hal- lier, en effet, n'a jamais démontré qu'il était capable de communiquer une maladie virulente avec le résultat de ses cultures. Cette doctrine confuse et stérile fut combattue par de Bary et Cohn; elle fut éclipsée par les tra- vaux de ces dix dernières années et tomba dans l'oubli. M. Koch inaugura cette série (1876),en cultivant jusqu'à la sporulation le bacille du sang de rate dans le sérum ou dans l'humeur aqueuse, sur la 566 S. ARLOING. — NATURE ET MÉCANISME DE LA VIRULENCE platine du microscope, d’après la méthode de Cohn, et en montrant que les produits des cultures successives conservent la virulence des bacilles ensemencés. M. Pasteur reprit, avec ses élèves MM. Joubert et Chamberland, la culture du bacille charbonneux dans des récipients où les micro- organismes virulents pouvaient évoluer en toute liberté. Ce procédé était imité de celui que l’auteur avait employé autrefois pour la culture du ferment alcoolique, du ferment butyrique, etc. Par la même méthode, M. Pasteur fit ressortir la nature animée de l'agent virulent de la pyémie et de la septicémie gangréneuse. Il reconnut enfin que, parmi ces organismes pathogènes, il en est qui, à l'exemple des ferments, recherchent pour évoluer, le contact de l'oxygène libre (aérobies), tandis que d’autres se développent en dehors de la présence de ce gaz (anaerobies). Aussitôt, une suite ininterrompue de découvertes illumina le champ de la pathologie : Toussaint détermina le microorganisme producteur du cho- léra des poules, Klein, Pasteur el Thuilier, celui du rouget du pore, Arloing, Cornevin et Thomas, celui du charbon emphysémateux du bœuf, Bouchard, Capitan et Charrin, Lôfler, celui de la morve, Tous- saint, Koch, celui de la tuberculose, Ce dernier détermina aussi asiatique. Assurément, celte énumération ne comprend pas toutes les maladies dans lesquelles on a cité l'existence de corpuscules animés. La liste en est beaucoup plus longue. Malheureusement, le rap- port de cause à effet entre les microorganismes et la maladie n’est pas encore irréfutablement établi pour toutes ces affections. Quoi qu'il en soit, les esprits se sont affermis dans la conviction que la virulence est fonction de la vie d’organismes in- férieurs. le microorganisme du choléra V On a hésité longtemps sur la place de ces orga- nismes dans la série des êtres vivants. De là, les noms demicrophytes, microzoaires, microgermes, micerococci, microzymas, vibrions, bactéries, lepto- thrix, etc., elc., sous lesquels on les a désignés, d'une manière générale. Frappé des inconvénients d'une synonymie qui soulevait à chaque instant des contestations entre savants, Sédillot proposa, en 1878, de désigner ces êtres par le terme de Microbes (pixpoc, petit, flos, vie) qui n’impliquait que l'existence de propriétés sur lesquelles tout le monde était d'accord. Aujourd'hui, on est unanime pour ranger les microbes pathogènes dans le règne végélal et dans le groupe des Bactériens. Mais il ne faudrait pas supposer que la discussion fût close sur ce sujet. \ Microbes n'a pas d'autre significalion que micro- organismes el Bactéries n'a pas un sens très précis. Les bactériens virulents sont nombreux; ils appartiennent à des espèces et à des genres distincts. Quelques-uns sont assez complètement étudiés pour recevoir une désignation et une place particulières. D’autres se distinguent seulement par leurs propriétés, critérium le plus important pour les microorganismes pathogènes et dont il faut se contenter momentanément. La marche de la science ne peut être enrayée par une simple question de taxonomie ou de mots. Les meilleurs esprits se sont ralliés à cette opinion. Aussi voyons-nous grandir de jour en jour le nombre et l'importance des découvertes de la bac- tériologie ou microbiologie. Appliquées à la patho- logie, elles démontrent de plus en plus que les virus et les ferments sont identiques. Longtemps obscurcies par les théories et les systèmes, nos idées se sont éclairées tout à coup au flambeau de l’expérimentation. Les microbes pathogènes sont nombreux et l’on aimerait à pouvoir leur assigner des caractères morphologiques précis. Malheureusement, la poly- morphie, commune dans le monde des champi- gnons, s'étend aux algues inférieures. Les assertions de M. Zopf sur ce point ont été confirmées en grande partie par plusieurs observateurs. Dans tous les cas, elles ne paraissent plus exagérées. On sait pertinemmeut qu'il suffit de modifier la composition du milieu nutritif, celle de l’atmos- phère ambiante, de faire varier la température, pour changer notablement la forme extérieure et les dimensions d’un microbe, au point qu'il serait permis de le transporter tantôt dans un genre, tantôt dans un autre. En présence de l'incertitude des caractères mor- phologiques, le microbiste s’est attaché aux pro- priélés pathogènes. Il a cru qu'un bactérien est sur- tout caractérisé parla maladie qu'il peut déterminer chez l’homme où les animaux. Mais les progrès de la science lui enlevèrent jusqu’à cette planche de ‘salut. On est parvenu à supprimer peu à peu la vi- rulence d’un microbe pathogène, en lui conservant son pouvoir végétatif. Ainsi transformé, il vit et se multiplie comme un microbe vulgaire. Toutefois, les expériences de M. Pasteur sur le microbe du choléra des poules, celles de M. Arloing sur le streptocoque de la septicémie puerpérale et sur- tout celles de M. Chauveau sur le bacille du char- bon, ont élabli que si un microbe dépourvu de virulence rencontre dans la nature certaines condi- tions de milieu, il reprend plus ou moins rapide- ment toute sa malignité. Plus on va, plus s’effacent les limites tranchées que l’on avait cherché à établir entre les bactéries NET à UT S. ARLOING. — NATURE ET MÉCANISME DE LA VIRULENCE 36 1 vulgaires et les bactéries virulentes, entre le sapro- génisme et le pathogénisme. ; VI Cetle revue serait incomplète, si nous n'exami- nions l’évolution des idées sur le mécanisme de la maladie dans les affections virulentes. L'état solide et la nature animée des virus une fois démontrés, on a supposé que les microbes entrainaient la maladie et la mort soit en obs- truant les vaisseaux sanguins dans les organes indispensables à la vie, soit en dispulant vieto- rieusement des éléments nutritifs à l'organisme assiégé par eux. Il est probable que ces deux modalités de l'in- fluence microbienne ne sont pas étrangères à la production de la maladie; mais elles ne consli- tuent pas toute la pathogénie virulente. Ainsi, dans certaines affections, telle que la tuberculose, les microbes irritent les cellules des organes et pro- voquent des inflammations qui envahissent pro- gressivement les tissus, les suppriment au point de vue fonctionnel et entrainent leur dégénéra- tion. Bientôt, l'assimilation des microbes aux fer- ments est devenue plus complète. On leur a attribué la faculté de sécréter des poisons qui se mélangent aux liquides nutritifs et provoquent des troubles divers, dont la description repro- duit toute la symptomatologie des maladies virulentes. Expérimentateurs et cliniciens se sont donné la main pour démontrer que les microbes virulents exercent celte faculté dans les cultures artificielles et dans l’économie des malades. La virulence est donc proportionnelle à la quan- tité et à la qualité des produits secrétés. Mais que sont ces produits? On a d'abord songé à les com- parer aux alcaloïdes cadavériques, puis aux subs- tances toxiques fabriquées par les cellules de l'organisme pendant le mouvement nutritif. Les recherches de M. Armand Gautier et de M. Brieger ont largement contribué à les faire assimiler aux substances connues sous le nom de ptomaïnes ou de leucomaïnes. Des travaux plus récents ont montré que les substances toxiques sécrétées par les mi- crobes et qui impriment aux maladies virulentes leur faciès particulier, sont probablement mul- tiples. Nous avons eu l’occasion de voir que cer- tains microbes fabriquent de véritables diastases dont le rôle pathogénique, local et général, est quelquefois plus important que celui des pto- maïnes. Aussi, pour ne pas trop préjuger de la nature des matières essentiellement actives parmi celles que fabriquent les microbes pathogènes, on leur donne souvent aujourd'hui le nom vague de toxines ou de toralbumines. Grâce aux assertions de M. Chauveau et de Toussaint et aux recherches expérimentales de Woolridge, de M. Charrin, de MM. Salmon et Smith, de MM. Roux et Chamberland, on sait que les sécrétions microbiennes prennent une large part dans la production de l’immunité accidentelle et provoquée dans les maladies virulentes qui ne récidivent pas. D'aprèsces vues, dans les affections sans lésions déterminées et sans siège fixe, le mi- crobe n’est donc qu'indirectement pathogène et virulent. M. Bouchard s'est demandé si les toxines ne renfermeraient pas des matières toxiques propre- ment dites et des matières varcinantes que l’on pourrait séparer, au grand profit de l'immunité. Les expériences de M. Gamaleia ont prouvé que cette hypothèse est fondée, au moins dans certains cas. L'action des toxines est encore plus variée que nous l'avons dit dans les lignes précédentes. Elle parait encore, dans de rares circonstances, favo- riser la pullulation des microbes dans des orga- nismes doués de réceplivilé, ou la permettre chez des animaux absolument réfractaires. Nous devons surtout cette notion nouvelle à M. Courmont et à M. Roger. Par leurs sécrétions, les microbes peuvent done empoisonner, préparer ou stériliser les terrains animés où ils s’'implantent. Mais il faut bien noter que ces résultats sont loin d'être obtenus toujours séparément. Le plus souvent, la stérilisation est précédée et accompagnée d’une intoxication quel- quefois mortelle. En étudiant l'organisme aux prises avec les mi- crobes virulents, on a constaté qu'il opposait aux envahisseurs une résistance plus ou moins grande, assez énergique parfois pour triompher de leurs attaques. Les travaux de M. Metchnikoff, de MM. Massart et Bordet, sur le phagocytisme et la migration des cellules lymphatiques, ont jeté une certaine clarté sur quelques points de cet impor- tant travail. On en a conclu que la pathogénie virulente n’est pas tout entière dans le microbe. Le microbe est bien la semence, le virus sans lequel il n'ya pas de maladie; mais l'organisme vivant est comme un terrain dans lequel la semence rencontre ou ne trouve pas les conditions favorables et nécessaires à sa germination. Bien plus, pour qu'il y ait maladie, il faut encore que l'économie, dans ses éléments, ses lissus ou ses systèmes, réagisse sous les sécrétions du microbe envahisseur ; sinon, la contamination restera sans efret. S. Arloing, Correspondant de l'Académie des Sciences, Directeur de l'Ecole vétérinaire de Lyon. 568 A. ET L. LUMIÈRE. — ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DU HALO EN PHOTOGRAPHIE ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DU On remarque fréquemment sur les clichés photo- graphiques un empiétement des parties opaques sur les parties transparentes. Les contours de l’image des objets lumineux ou vivement éclairés ne sont pas nettement définis ; ils envahissent les portions voisines et s'étendent d'autant plus que la radiation émise ou réfléchie par l’objet considéré est plus intense. On à donné jusqu'ici de ce phénomène l'explica- tion suivante : Considérons une lame de verre MNFG (fig. 1) dont la surface MN est recouverte d’une matière sen- sible. Les rayons lumineux qui forment l’image et qui frappent la substance impressionnable su- bissent une extinction en même temps qu'ils dé- terminent la modification latente de cette subs- tance. Mais ils ne sont généralement pas absorbés d'une facon complète. Une fraction de la lumière A Fig. 4. du pinceau incident AB traverse la couche. Les rayons non absorbés se réfractent dans la lame de verre suivant BC; ils sont alors en partie trans- mis suivant CD, et en partie réfléchis sur la face postérieure FG de cette lame; ils agissent done de nouveau en E sur la couche sensible. ; Cette explication fort simple et qui vient tout d'abord à l'esprit n'est pas compalible avec un certain nombre de faits se rattachant au même ordre de phénomènes. Sil’on photographie, par exemple, une petite surface lumineuse se délachant sur un fond noir, telle que la flamme d'une bougie située dans un 1 Voyez aussi sur ce sujet l’important mémoire de M. A. Cornu, de l’Institut, dont M. Gariel a rendu compte dans notre numéro du 30 mai 1890, page 304. N° DUT eR: HALO EN PHOTOGRAPHIE ‘ lieu obscur assez loin de l'appareil pour que l'image soit très petite, on peut constater sur le négatif que le halo principal A'N (fig. 2) est sé- paré de l’image À par une couronne A’A". Cette apparence peut être généralement constatée au- tour de l’image des becs de gaz dans les photo- graphies obtenues la nuit. D'autre part, quand on supprime le support ou que l’on utilise des pellicules sensibles, on constate que le halo, bien que réduit dans une large mesure, ne disparait pas cependant d'une manière com- plète. I Nous nous sommes appliqués à analyser expé- rimentalement le phénomène, et, procédant par élimination, à en déterminer les causes autant que possible avec leur valeur relative. Nous avons été conduits à rechercher la fraction de halo due : 4° Au support; 25 À la diffusion dans la couche sensible; 3° Au passage .des rayons lumineux à travers l'objectif. Pour atteindre ce but, nous avons disposé une chambre noire munie d’un objectif en face d’un pelit disque blanc éclairé par une lumière très intense et se détachant sur un fond noir. Après avoir mis au point, sur la glace dépolie, l’image du disque, nous avons exposé, pendant le même temps,une série de surfaces sensibles prove- nant d’une même préparation. L'exposition d'une plaque ordinaire sur verre, sans précaution spéciale, nous a donné d’abord le halo total. L'influence du support a été ensuite éliminée en opérant soit avec des couches sen- sibles étendues sur des supports opaques el pré- sentant une surface noire mate, soit encore avec des pellicules constituées uniquement par l’émul- sion sèche. On a pu constater que le halo se trouvait alors notablement réduit et qu'il n’était pas possible, dans ce cas, de trouver trace de la couronne repré- tentée dans la figure 2. Une fraction importante du halo est donc due aux conditions énoncées en 2° el en 3°. Il importait ensuile de déterminer l'effet de la diffusion des rayons lumineux dans la couche sen- sible, Cette détermination ‘eut lieu de la manière suivante : Continuant à faire usage des surfaces sensibles sur support opaque, nous fixions sur ces surfaces un écran percé d’une ouverture circulaire corres- M ÿ- wj A. ET L. LUMIÈRE. — ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DU HALO EN PHOTOGRAPHIE 269 pondant exactement à l’image du disque lumineux et ne laissant agir la lumière sur la matière im- pressionnable que sur celte image même. L'in- fluence du support était ainsi supprimée, seule la diffusion dans la couche de gélatino-bromure pou- vait, dans ce cas, déterminer l'élargissement de l'image. L'expérience a montré que l'effet de cette diffu- sion est extrêmement faible et peut être considéré pratiquement comme nul. 1l fut facile d’ailleurs de contrôler ces résultats par une expérience qui est la contre-partie de la précédente. Cette expérience consiste à masquer exactement par un écran cireu- laire opaque et noir mat la portion de la couche sur laquelle l’image du disque vient se former, en employant toujours les supports opaques. La va- leur de la fraction du halo attribuable au passage des rayons lumineux à travers les lentilles de l'ob- jectifpouvait alors être appréciée.L'impression dans ce cas fut en concordance complète avec les opéra- tions antérieures. Si, en effet, on superpose les négatifs obtenus avec les dispositifs précédents, on peut constater que l’image qui en résulte est iden- tique à celle que l’on obtient sur une plaque ordi- naire et sans précautions spéciales. On peut d'ail- leurs observer directement l'effet de l'objectif. Il suffit pour cela de disposer un appareil photogra- phique dans un laboratoire obscur et de mettre au point sur un écran trè, mince l'image d’un disque suffisamment éclairé, découpé dans le volet de ce laboratoire. Si l’on ne prend aucune précaution particulière, l'image du disque semble se détacher nette et brillante sur le fond noir et il n’est pas possible de constater l'existence du halo; mais si l'on vient à masquer exactement l'image à l'aide d'un écran de même forme que celle ci, on re- marque aussitôt l’auréole qui rayonne souvent fort loin. L'œil, en quelque sorte ébloui par l’image très lumineuse, est incapable de percevoir la lumière faible qui règne autour de celle image; ce qui prouve une fois de plus combien la plaque photo- graphique voit, dans certains cas, mieux que l'œil, et quel important concours elle peut apporter dans l'observation. On peut conclure de là que le halo est dû à deux causes principales : au support et à l'objectif. Il Influence du support. — L'expérience montre que l'apparence que nous offre la figure 2, apparence qui consiste en une auréole séparée de l’image par une couronne, n’est due qu'au support. On peutconstater que cette couronne est toujours circulaire, quelle que soit l'incidence des rayons; qu'elle soit placée REVUE GÉNÉRALE, 1890, au bord de la plaque sensible ou vers le centre, elle ne change point de forme. Considérons en A (fig. 3) sur la couche sensible MN l’image d'un point lumineux. La subtance sensible translucide diffuse le pinceau incident en A, et l’on peut considérer ce point comme une source lumineuse qui envoie des rayons dans toutes les directions. Fig. 3. Les rayons tels que AB, AE, sont en partie trans- mis suivant BC, EF, et en partie réfléchis suivant BD, EG. Mais on peut remarquer que lorsque les rayons qui, émanés de À, frappent la face posté- rieure du verre OP, de façon à former avec la nor- male à cette surface un angle AA'R égal à l’angle limite ou plus grand que ce dernier angle, il ya réflexion totale. Toute la lumière incidente est donc réfléchie sui- vant A'A”, tandis que pour les rayons tels que AE et AB la plus grande partie de cette lumière est transmise. Une très faible fraction seulement est réfléchie. On conçoit donc que de A en A” la couche MN reçoive beaucoup moins de lumière que dans le voisinage de N. L'auréole que l’on constate autour des points lumineux dans certaines photographies est donc due à un phénomène de réflexion totaie. Il est d’ailleurs facile de calculer le diamètre de la couronne. Si l’on appelle e l'épaisseur A'R du verre et ? l'angle limite AAR, on a dans le triangle RAA: AR — AR tang / — etang / Or AR est le quart du diamètre de la couronne A'A'"'; en appelant d ce diamètre on à : d—= 24e tang L. Dans le cas du verre à vitres que nous avons uti- lisé pour nos expériences, nous avons calculé l’an- gle limite et nous avons trouvé : lang / — 0, 894 par suite : d — Letangl/—e X 3, 516 18 910 A. ET L. LUMIÈRE. — ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DU HALO EN PHOTOGRAPHIE Les diamètres obtenus ont été les suivants : Épaisseur du verre e Diamètre de la couronne en "/n en ® /n Calculé Mesuré 2,3 8,22 8,1 2,6 9,29 où 3,1 11,08 10,9 3,4 12,15 12,0 Les résultats de l'expérience s'accordent donc : avec la théorie du phénomène. Les diamètres mesurés sont plus petits que les diamètres calculés; on aurait pu le prévoir à priori. Cette différence est due à ce que l’image lumineuse A n'est pas un point, mais une petite surface dont les dimensions ne sont pas négligeables. On conçoit d'ailleurs que plus cette surface est étendue, plus le diamètre de la couronne diminue, La couronne disparait complètement lorsque la portion lumineuse de la couche atteint une surface qui dépasse une limite donnée. Gette limite dépend elle-même de l'indice de réfraction de la matière dont est composé le support el de l'épaisseur de ce support. La lecture d’un remarquable mémoire de M. An- dré ‘, l’éminent directeur de l'observatoire de Lyon, nous à donné l’idée de représenter graphi- quement ce phénomène. Si dans le voisinage de l'image d’un point, et en chacun des éléments de surface du plan focal, on élève une ordonnée dont la longueur soit proportionnelle à l'intensité de l'image développée, on forme un solide de révo- lution dont la section par un plan, passant par l'axe æy, présente la forme ABCDEF (fig. 4). Fig. 4. Lorsque l'image brillante d’un objet occupe une surface appréciable sur la plaque sensible, on peut 1 Comparaison des effsts optiques des petits et grands instruments d’astronomie. (Association typographique, Lyon, 1889.) se faire une idée de l'effet du support en construi- sant en chacun des points de cette image le solide représenté par la figure 4. Ces solides, représentant l’auréole due à chacun des points brillants de l’image, se superposent, empiètent les uns sur les autres et la couronne devient confuse. Elle peut même disparaitre com- plètement lorsque le diamètre del’image lumineuse dépasse la moitié du diamètre de la couronne que donnerait dans les mêmes conditions un point gév- métrique. Il faut donc pour que cette couronne soit vi- sible : 1° Que l'intensité lumineuse de l’image considé- rée soit suffisante, et que la couche sensible soit assez mince pour transmettre une partie des radia- tions qui la frappent. 2 Que le temps de pose soit convenablement prolongé. 3° Que la surface occupée par l’image sur le plan focal soit suffisamment réduite. Influence de l'objectif. — En éliminant, comme il a élé indiqué au début de cet article, l'influence du support, on constate expérimentalement que le halo dû à l'emploi de l'objectif va en décroissant au fur et à mesure que l’on s’éloigne des contours de l’image géométrique. L'expérience nous a montré en outre que l’inten- sité et l'étendue de l’auréole dépendent essentiel- lement de l'état des surfaces des lentilles de l’objec- üf. Elle est réduite au minimum lorsque les lentilles sont parfaitement polies et très propres. Il suffit de déposer une poussière ténue à leur sur- face pour augmenter le halo dans de très larges limites. Les clichés obtenus au moyen d’une simple ou- verlure de petit diamètre pratiquée dans une mince lame métallique fixée auxlieuet place delobjectif, mettent bien en relief cette influence du défaut de polissage des lentilles. Il est en effet impossible, dans ces conditions, de voir se manifester la moin- dre auréole si l’on prend la précaution d'éliminer l'influence du support de la couche sensible, et si le diamètre de l'orifice est assez grand pour que l’on puisse négliger l'effet de la diffraction. L'explication théorique du halo produit par cette dernière cause : état de l'objectif reste à trouver, croyons-nous; nous nous proposons de chercher la solution de cette question. Auguste et Louis Lumière, Fabricants de plaques photographiques à Lyon. . pe - ni, ANS Latest G. DE LONGCHAYWPS.— LES FONCTIONS HYPER-BERNOULLIENNES ET LA FONCTION p () 571 LES FONCTIONS HYPER-BERNOULLIENNES ET LA FONCTION ? (v) La Revue à rendu compte il y a quelques mois du travail où nous avons exposé la théorie et quelques applications des Fonctions hyper-Bernoul- liennes *. Nous avons montré comment elles se rattachent à un certain nombre de fonctions connues. Mais, à ce propos, notre mémoire présente une lacune, qu'il importe de signaler. C’est un fait notable que la fonction p(u) de M. Weierstrass, base de toute la théorie des fonc- tions elliptiques, telle qu’elle est exposée dans l'ouvrage si remarquable du regretté Halphen #*, peut être considérée comme une fonction hyper- Bernoullienne. Halphen a observé Zoe. vit.) que l'expression algébrique (x — 1)A,A, (nr —92)A,A, ,+...+ A, A, est susceptible d'une transformation impor- tante. Présentée, comme nous allons le faire, à un point de vue général, cette formule intéresse la | théorie de toutes les fonctions hyper-Bernoul- liennes. La formule fondamentale q(n) An —=A,A;+A,A, ,+...HLA, A, donne nq(n)A,={n—1)A,A, ;+(n—92)A,A, ,+...+A, A A, A —2A, A+. os _ (mn — 1) Ava A, el, par conséquent, EU) Ar=—{n—L)A An 10 —9)A A, +... A A. Ainsi, l'expression (n —1)A, A; +...+A, A, peut toujours se remplacer, quelle que soit la «ef o(n), par L Voyez la Revue du 15 mars dernier, p. 146. ? Voyez le Volume LII des Mémoires couronnes et Mémoires des savants étrangers publiés par l'Académie royale de Belgique. 5 G.-H. Hazenex, membre de l’Institut. Traité des fonctions elliptiques et de leurs applications. Paris, Gauthicr-Villars, 1886. 4 Cette remarque, si évidente qu’elle soit, est importante parce que, en posant fa) = a+ 0,2 +a,2+...Lonan on a fx) F')= .. [e,an—1 + 20, an—9 +... + + (an —1)a,an—1 na, an]an—t +... Le cocfficient de 2-1, dans ce développement, est donc n n 4, An + 5 (an. = | Pour l’établir, nous devons rappeler la définition des fonctions hyper-Bernoulliennes. Soient A An Es PATES ne les coefficients d'une fonction d’une lettre +, déve- loppée en série. Si l’on pose, comme nous l'avons fait dans le Mémoire cité, g(n) AS — (A); ù il est facile de reconnaitre que p (x) est une fonction hyper-Bernoullienne, correspondant à une clef du second ordre. Posons, avec Halphen (/oc. cit., p. 92) : 1 p(u)— " + CG +Gru+ Cui +... HG... Si l’on tient compte de la relation connue p"(u)=12p(x)p" (a), en égalant les termes qui correspondent aux mêmes puissances de #, dans les deux membres, on trouve C (A) (2n—2)(2n —3) (2n —4)C,—24[(n—1)C+ + {n — 3) Cn_2 C3 + (7 — 4) Cons Cy +. + Cn_3C— Cu] D'après cette remarque, la relation (A) prend Ja forme ? : 0, puis : Ca —— C, Ci + C, Ci-3 .… + CG; C.. ‘ Dans cette formule, $(2) désigne une fonction de », que nous appelons la Clef ; et (Ah représente, symboliquement, la suite Aer DA AE ee Aer A La formule en question permet donc de calculer, par voie récurrente, les coefficients A, à partir de 7 = p, connaissant DEA ee pl Dans certains cas, la série adjointe aux nombres récurrents &, étant de parité impaire, on doit poser fa) = ar +a,r Hans... +ondantit,., Dans cette hypothèse, on a (1) fh)f'(@) = ... [aan + 3 ar +. + Æ(n—1)an10,+ (27 +1) « on] z2F1 +... Pour exprimer le coefficient de 241, en fonction des quan- tités an Ct (x)n, on observera que les relations : o(n) An= A,An1+...+ An À,, = en) Ann 1JA Ari t.:+AniA, donnent J (n+1)9(n) An = (2n —1)A,An1+...+3An1A, d’après cela, le coefficient du terme en 24H, dans (1), est (2n + 2)a,on + (7 + 1) (œ)n. ? Pour le calcul nécessaire, très simple d’ailleurs, voyez le Traité d'Halphen, p. 92. 972 L. OLIVIER. — LAVOISIER, D'APRÈS M. BERTHELOT égalité qu’on peut écrire (2n LA) (n — 3) | ci) Cr — (Cr, en adoptant notre notation. Pour appliquer cette formule, il faut poser (Ch: = C, Cr -L C, Cr +. . + Ci CF en supposant C, = 0, 4; D, 7, La formule ne fait pas connaitre les coefficients C;, C,; mais ceux-ci se calculent, comme l’on sait, directement, par les égalités : { Us G QG 29; 27 90? Ya» 94 désignant les #nvariants de p(u). En résumé, /4 fonction p(u), ou, pour mieux dire, lu : 1 : ? k Jonction p (u) — = est une fonction kyper- Bernoullienne, u? correspondant à une clef du second degré, dont la valeur est (2n + 1) (n —3) 3 d De cette observalion découle, si nous ne nous trompons, an intérêt nouveau s’attachant à ces fonctions hyper-Bernoulliennes qui nous ont con- duit, entre autres conséquences dignes de fixer sur elles l'attention, à l'intégration directe de l’équa- tion de Riccati, dans le cas le plus général. Nous ferons une dernière remarque. Nous avons tenu, en signalant la propriété pré- cédente relalive à la fonction p (w), à reproduire la démonstration qu'en a donnée Halphen. Mais on peut observer que la formule (H) s'obtient plus ra- pidement de la manière suivante. Prenons la relation (Halphen, p. 27) : p'(u) Gp (u) — 5g2 on à, immédiatement, ... (2n —9) (2n—3)Cuct 02 (Creme et, par suite [re — 1) (2n —3)— 610, — 3(G), ou, finalement, 9 NNÉDEERS ne co comme nous l’avons déjà vu. G. de Longchamps, Professeur au lycée Charlémagne. LAVOISIER, D'APRÈS M. BERTHELOT ‘ Lorsqu'il y a deux ans fut annoncé le bel ouvrage de M. Grimaux sur Lavoisier, cette nouvelle étonna d’abord le monde savant. Il semblail que, près d’un siècle s'étant écoulé depuis la mort de notre illustre compatriote, tout eût dû être dit sur sa personne el ses travaux. Dumas, en 1836, lui avait consacré, dans sa Philosophie chimique, des pages émues, demeurées dans toutes les mémoires. Il avait ensuite, selon ses propres paroles, « doté les chimistes de leur bréviaire », en publiant les Œuvres du créateur de leur science. Wurtz, dans la magistrale préface du Driclionnaire, avait défini le caractère et la portée de la révolution opérée par Lavoisier. Aucun hommage n'avait manqué à sa gloire, partout célébrée, même dans la patrie de Priestley, naturellement peu encline à voir dans la chimie « une science française ». L'origine de chacune de ses découvertes avait provoqué à ce sujet, dans tous les pays, de retentissantes con- 1 M. Brrruerotr, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences. — La Révolution chimique : Lavoisier ; À vol. in-80 de la Bibliothèque scientifique mternationale. Paris, Alcan, 1890. lroverses, après lesquelles paraissait terminée la tàche de l’historien. Le livre de M. Grimaux justlifia l'intérêt causé par son apparition : on y trouva, rassemblés avec art, des documents inédits qui éclairaient d’un jour nouveau la grande figure de Lavoisier : on fut charmé d'apprendre sur la vie du grand homme, son caractère, ses goûts, ses amitiés, ses occupa- tions de chaque jour et sa façon de travailler, quantité de faits intéressants. (était un Lavoi- sier, sinon nouveau, au moins beaucoup mieux connu, qui se dégageait de cette consciencieuse étude. L'auteur s'était surtout appliqué à nous donner la biographie du financier et du savant, jugeant suffisamment connue, pour n’y plus guère revenir, l’histoire des découvertes qui ont immor- talisé sa mémoire. Contre toute attente, cette histoire vient de recevoir un précieux complément d’information. Les registres de laboratoire de Lavoisier, restés jus- qu'alors propriété de famille, ont été récemment déposés par son héritier, M. de Chazeïles, dans les archives de l’Institut, où ils ont tout de suite attiré +138 re L. OLIVIER. — LAVOISIER, D'APRÈS M. BERTHELOT la curiosité philosophique de M. Berthelot. On ne saurait y chercher des révélations sur des travaux de Lavoisier demeurés inconnus. L'intérêt de ces documents est ailleurs. Ils nous renseignent moins sur les découvertes du fondateur de la Chimie que sur la manière dont il les faisait, la discipline qu'il s'imposait dans la critique expérimentale des opi- nions scientifiques, les hypothèses quela vue immé diate des faits suscilait dans son esprit, la série des raisonnements intimes qui le conduisaient tan tôt à les abandonner, tantôt à les modifier, plus souvent à les étendre. En raison de la haute importance que ces Ae- gistres offrent à ce point de vue, M. Berthelot a tenu à en publier l'analyse avec quelque détail. Il y a joint de précieux commentaires qui en faci- litent l'intelligence et mettent bien en lumière la méthode suivie par Lavoisier dans toutes les di- rections où s’engageait son esprit. L’éminent Se- crétaire perpétuel de l’Académie des Sciences esl ainsi parvenu à reconstituer ce qu'en quelque sorte on pourrait appeler l'évolution psychologique de Lavoisier, la série des phases que son génie a suc- cessivement traversées, l’enchainement logique des découvertes et l'histoire précise des idées qu'il a introduites dans le monde. L'ouvrage que nous analysons à pour objet cette exposition méthodique. Mettant à profitles données depuis longtemps acquises, celles que l’on doit à M. Grimaux, enfinles faits qui résultent de l’exa- men attentif des Æegistres, l'auteur nous apporte une étude d'ensemble sur Lavoisier, principale- ment sur son œuvre. Il nous parait d'autant plus intéressant d’en rendre compte que des critiques, dont nous aurons à apprécier la justesse, viennent d'être adressées d'outre-Manche au livre de M. Berthelot. Il L'enfance et l’adolescence de Lavoisier ont été souvent racontées. Nous n'y reviendrons pas. Après quelques tentatives littéraires, il se prit de passion pour la culture scientifique générale, étudia l'as- tronomie avec La Caille, la botanique avec Ber- nard de Jussieu, la minéralogie avec Guettard, la chimie avec Rouelle. S'il entra plus tard dans la finance, ce fut pour en vivre, et non pas que par goût il s'y sentit alliré. Il s'y montra bienfaisant, étant, « comme ious les esprits élevis de son temps, sympathique aux causes populaires ». Ce- pendant, incapable du généreux dévouement d'un d’Alembert à la philosophie el à l'humanité, il assista en quelque sorte avec indifférence, tout au moins sans y prendre part, à la révolution mo- rale qu'accomplissaient autour de lui les plus cé- lèbres de ses contemporains. Les sciences de la Nalure absorbaient son enthousiasme. Il leur con- 9173 sacrait six heures par jour, répétant les expé- riences récentes des physiciens, ses émules, et s'exercant à les interpréter. Cette pratique de Lavoisier, malheureusement peu imitée aujour- d'hui, mérite, croyons-nous, qu'on la remarque, car elle est en parfaite harmonie avec son œuvre, toute d'analyse et de discussion. Elle lui attirait la visile fréquente des gens de science, Macquer, Baumé, Darcet, Guyton de Morveau, Charles, La- grange. Laplace, Meunier, Séguin, Monge, Ber- thollet, Fourcroy se réunissaient souvent dans son laboratoire. Ils s'y rencontraient avec queiques grands seigneurs intelligents et des savants étran- gers, en passage à Paris, qui s’appelaient Priestley Watt, Franklin, Blagden, Ixenhousz. Lavoisier travaillait en leur présence, quelquefois avec leur concours. Un jour par semaine il s’isolait: en compagnie de sa femme, ilse livrait du matin au soir à des recherches originales. Libre de tout préjugé d'école, il osait douter des théories qui ne satisfaisaient pas sa raison, éprise de clarté et de rigueur, et il instiluait des expériences pour les juger. C'est de là qu'est sortie toute son œuvre. M. Ber- thelot la résume en disant qu’il a changé la conception de la matière. De son temps, en effet, subsistait, quoi- que sous une forme épurée, le système de la vieille alchimie, encore tout empreint de la philosophie de Platon. L’une des modalités de la substance des corps, — celle que nous appelons aujourd'hui leur élat, — élait prise pour leur substance même. C'est ainsi que l’eau, identifiée à la liquidité, cons- tiluait un élément, comme l'air et le feu, principes de la gazéité et de la chaleur. Pour transformer un corps en un autre, il suffisait d'y accumuler les propriétés, considérées comme contingentes, de ce dernier : couleur, densité, elc.. Mais, l’insuccès prolongé de l’alchimie avait fini par faire aban- donner cet espoir relativement aux métaux; on se sentait obligé d'admettre en chacun d'eux un radi- cal permanent, en quelque sorte personnel. Loin d'étendre cette conclusion au carbone, au soufre, à l'arsenie, au phosphore, aux gaz, d’une façon géné- rale à nos métalloïdes actuels, on les confondait avec les phénomènes mêmes de leurs réactions. Le soufre disparaissait en dégageant, comme au temps de Pline, le feu qu'il contenait. Slahl, vers le commencement du xvi° siècle, avail essayé de comprendre ces faits dans une loi commune : il rapprochait la combustion et la cal- cination, voyant à la fois, dans les corps inflam- mables et dans les métaux, des substances unies au principe du feu ou phlogistique. En chauffant les métaux, on libérait le phlogistique et l’on isolait ainsi les terres. A l’époque même de Lavoisier, cette théorie était 574 L. OLIVIER. — LAVOISIER, D'APRÈS M. BERTHELOT universellement acceptée. On avait depuis long- temps oublié les remarques fort justes, incom- prises d'ailleurs, qu'avait faites autrefois (1630) le médecin Jean Rey sur l’augmentation de poids des métaux qui se convertissent en terres. La récente découverte de l'oxygène par Priestley et les obser- vations, à la vérité fort confuses, de Bayen sur la calcination du mercure, ne suggérèrent à personne des doutes sur la doctrine de Stahl. On peut dire avec vérité qu'à cette époque Macquer exprimait l'opinion unanime de ses contemporains, en écri- vant: (La combustion est le dégagement du prin- cipe de l’inflammabilité. » Seul, Lavoisier a renversé cette théorie. Il lui a substitué la notion absolue de substances élémen- taires, distinctes du principe du feu, et se conser- vant à travers la série, pour ainsi dire indéfinie, de leurs combinaisons, sans perte ni addition de poids. Le premier, il sépara de la matière tangible la chaleur et la lumière, souvent employées pour là transformer, et reconnut le caractère impondé- rable de ces derniers agents. Loin de concevoir cette révolution dès le début de sa carrière, c’est par une longue suite de pourquoi successivement résolus qu’il fut conduit à l’effectuer. Il Il porta surtout son attention sur les consé- quences à tirer de l’emploi judicieux de la balance dans l'étude des réactions chimiques. M. Berthelot relève à cet égard l'erreur commune qui consiste à attribuer à Lavoisier la découverte du principe : « Rien ne se perd, rien ne se crée. » C’élail là une idée fort ancienne, conçue par Epicure el les ato- misies de lAntiquité, formulée par Lucrèce, admise ensuite par les alchimistes. Contrairement aussi à l'opinion vulgaire, ce n'est pas Lavoisier qui à fait l'application de la balance à la chimie. Elle exislait dans les laboratoires depuis fort longtemps. Zosime le Panopolitain en parle dans ses écrits. Pendant tout le moyen äge les cher- cheurs de pierre philosophale y ont eu-recours. Le mérite de Lavoisier est d’avoir su s'en servir pour établir la permanence du poids, non de la matière en général, mais des différentes sortes de Corps qu'on peut engager dans les combinaisons. Plusieurs avaient jusqu'alors échappé à la pesée, parce qu'on ignorait la forme gazeuse qu’ils sont susceplibles d’affecter. La notion de gaz elle-même commençait à peine à se conslituer. Suivant la vieille doctrine alchimique, l'air atmosphérique re- présentait l'essence commune à tous les fluides in- coercibles. Ceux qu’avaient obtenus Van Helmont, Robert Boyle, Hales et leurs successeurs jusqu'à la seconde moitié du xvin° siècle, avaient été tenus pour de l'air vicié, et non pour des gaz distincts de l'air ordinaire. Black, en 1757, s'appuyant sur des pesées rigoureuses, soulint le premier que l'air sylves- tre, — notre acide carbonique, — possède une existence propre. Il en donna cette preuve qu'il peut s'unir à la chaux € en lui faisant perdre sa causticité » et « en être régénéré par l’action du feu ou des acides ». Cette observation géniale de la fixation de l’air dans les corps prépara celle de La- voisier sur l’oxydation des métaux. Elle était si nouvelle que pendant quelque temps encore on n'i- magina pas qu'elle püt mener à une loi générale. Lorsqu’en 1767 Cavendish démontra que l’hydro- gène est un gaz spécial, il le considéra comme un composé d'air atmosphérique et de matière inflam- mable. Egalement imbu de la théorie de Stahl, Priestley s’obstina jusqu’à sa mort (1804) à voir de l'air déphlogistiqué dans l'oxygène, dont pourtant il avait eu l'habileté de reconnaitre non seulement l'existence, mais les principales réactions. Il inter- préta suivant la même doctrine la constitution de l'air alcalin, — notre ammoniac, — et des gaz au- jourd’hui appelés azote, bioxyde et protoxyde d'a- zote, acide chlorhydrique et acide sulfureux, corps dont la chimie lui est redevable. Si précieuse que füt la découverte de ces der- niers gaz et de quelques autres, — par exemple celle du chlore par Scheele, — elle ne tranchaitpas d'une facon décisive la question, que Lavoisier se posait alors dans ses Registres, de savoir si les difré- rents airs, naturels où artificiellement obtenus, sont «des substances à part ou des modifications de l’air atmosphérique ». Elles indiquaient toute- fois que dans les opérations de la chimie il y avait lieu de tenir compte du poids de ces gaz. Cette idée guida Lavoisier. A partir de 1774 il reconnut que c'est l'union intime d’une partie de l'air aux métaux, au carbone, au soufre, au phos- phore qui produit les terres et les acides carbo- nique, sulfureux, phosphorique, etc... Ses expé- riences à ce sujet révélèrent un univers nouveau: au premier plan les relations pondérales des corps qui se combinent, — loi qui contient tout le sys- tème de la chimie, — au second plan la nature composée de l'air, formé de deux gaz, l’un actif dans la combustion, l’autre inerte. Cette dernière conclusion, presque sacrilège, substituait au dogme scientifique de l'air-éléèment la notion de l'état gazeux «applicable à une multitude de corps, sinon à tous ». Bientôt la découverte, non moins subversive, de la composition de l’eau, pré- parée par Cavendish etréalisée par Lavoisier (1783) étendit celte révolution. (razéité, liquidité, solidité apparaissaient dès lors comme des états de la matière déterminés par la quantité de feu qui la pénètre. Ce feu n’ajoutant aucun poids aux substances qui se combinent ou inst L. OLIVIER. — LAVOISIER, D'APRÈS M. BERTHELOT BYE) se décomposent, il fallait enfin proclamer l’impon- dérabilité de la chaleur et lui assigner une nature absolument distincte de celle des corps. Ce fut là l’une des plus grandes découvertes de Lavoisier, l’une des plus fécondes qui aient jamais été faites dans la science. Mais, si la chaleur n'intervenail plus comme poids dans les combinaisons, on ne pouvait cepen- dant nier qu'elle y jouât un grand rôle. Black avait montré, en physique, le travail de la chaleur latente. En chimie on devait se demander de même si le feu agit comme substance et par sa masse, ou, simple modalité de la matière, ne représence que le résultat des mouvements moléculaires. Bien que, dans l'impossibilité de résoudre le problème, La- voisier ait adopté la première hypothèse, plus con- forme à la physique de son temps, il chercha avec Laplace ce qui adviendrait de la seconde : les deux savants appliquèrent à la chaleur le principe de la conservation des forces vives et fondèrent la ther- mochimie. S'il a fallu, après eux, en modifier la conceplion, c'est qu'ils y avaient introduit une idée fausse en supposant que c'estl’oxygène qui apporte la chaleur à la combustion, comme s'il s’y déchar- geait d’une provision latente de calorique. Grâce aux travaux de M. Berthelot, on sait aujourd'hui que la chaleur, au lieu de préexister dans chacun des composants, résulte de leur travail commun. III Les conditions physiques et chimiques de la combustion étant déterminées, le phénomène fon- damental de la respiration et la produetion de la chaleur chez les animaux trouvaient leur explica- tion. Cependant Lavoisier dut lutter pour | im- poser. Le premier il osa « assimiler un être vivant à un composé chimique, en éludier l'oxydation par la même méthode et le soumettre », — avec La- place, — « à des mesures semblables au point de vue de l'évaluation des gaz et de la calorimétrie ». Appliqué à l'homme, «ce genre d'observation, dit Lavoisier, conduit à comparer des emplois de _ forces entre lesquelles il semblerait n‘exister aucun rapport. On peut connaitre, par exemple, à com- bien de livres en poids répondent les efforts d'un homme qui récite un discours, d'un musicien qui joue d'un instrument. On pourrait même évaluer ce qu'il y a de mécanique dans le travail du phi- losophe qui réfléchit, de l’homme de lettres qui écrit, du musicien qui compose. Ces effets, consi- dérés comme purement moraux, ont quelque chose de physique et de matériel, qui permet, sous ce rapport, de les comparer avec ceux que fait l’homme de peine. Ce n’est donc pas sans quelque justesse que la langue française a confondu sous la déno- minalion commune de travail, les efforts de l’es- prit comme ceux du corps, le travail du cabinet et celui du mercenaire ». C’est ainsi que, parti d'observations d'ordre purement matériel, le génie de Lavoisier conduisait déjà la chimie jusqu’au seuil de cette science si nouvelle qu'à peine com- mence-t-elle à se constiluer depuis vingt ans : la psychologie expérimentale. Dans le domaine même des combinaisons il ne se contenta pas d'établir des lois générales. Ses éludes sur la composition de l’eau l’amenèrent à poser les premiers principes de la méthode en chi- mie organique. On savait depuis longtemps que la combustion de l'alcool donne de l’eau; d’où l’on avait conclu que ce dernier liquide préexiste dans l’alcool. Lavoisier, dosant l’eau formée, en recueil- lit un poids supérieur à celui de l'alcool employé; il prit soin de peser aussi l’acide carbonique pen- dant la combustion. Ainsi fut réalisée « la première analyse élémentaire qui ait été faite d’une substance organique ». Cette méthode éclaira l'acte chimique de la fermentation. Elle montra que la fermenta- tion vineuse « consiste dans la séparation du sucre en deux parties, par le seul partage de l'oxygène entre ces deux bases oxydables : le carbone et l’hy- drogène ». La putréfaction fut expliquée par une séparation analogue de « composés préexistants », enfin la fermentation acéteuse, par une simple oxy- dation. IV Cet ensemble de recherches conduisait, en der- nière analyse, à des substances spécifiques, rebelles à toute tentative de décomposition. Ce furent là les éléments de Lavoisier. La définition qu'il en donnait était donc toute empirique. Mais, précisément parce qu'elle résumait des faits acquis, elle a servi de base ferme au système des équivalents, déjà conçu par lui en 1785 : «Je puis, disait-il, considérer les matières mises en présence et les résultats obtenus comme une équation algébrique, et, en supposant successivement chacun des éléments de cette équa- tion inconnu, j'en puis tirer une valeur et rectifier ainsi l'expérience par le calcul et le calcul par lex- périence. » « On voit par là, remarque M. Berthelot, que la chimie était par excellence, aux yeux de Lavoisier, la science de l'analyse. » Il usa cependant de la méthode inverse, mais seulement à titre de contre- épreuve et de vérification. La puissance créatrice de la synthèse « réalisant en actes les conceptions abstraites de la science » n’a été comprise que de nos jours. C'est à elle que la chimie doit d’avoir pu «former ses cadres définitifs et développer les séries indéfinies de ses combinaisons ». Cescritiques montrent bien qu'enécrivantunlivre sur Lavoisier, M. Berthelot a entendu nous donner une étude, non un panégyrique à la façon des auteurs 576 pour lesquels leur héros devient sacré, noster, comme on disait autrefois. A l’occasion de chaque découverte importante, il a eu soin d'indiquer les faits que, pour édifier son système, Lavoisier em- prunta à ses contemporains. Ce souci tout scienti- fique de l’impartialité a choqué en France quelques personnes ! qui confondent, selon nous, l’admira- tion due au génie avec l’idolàtrie. En Angleterre, le reproche inverse vient d’être adressé au savant professeur du Collège de France : de l’autre côté de la Manche, les chimistes se sont émus de ses assertions ; et tout récemment l’un de leurs inter- prètes les plus autorisés, le Professeur Thorpe, de la Société royale de Londres, a prononcé à ce sujet à l'Association britannique, un long discours. Toute son argumentation se résume en ceci : beaucoup de faits sur lesquels reposent les théories de Lavoi- sier ont été mis au jour par divers savants de son époque, notamment Watt, Cavendish, Priestley. On doit donc considérer comme l'œuvre de ces derniers la doctrine qui découle logiquement de leurs expériences. Cette réponse étonne d’autant plus que presque dans chaque chapitre du livre de M. Berthelot nous voyons Lavoisier occupé à revi- ser les observations de ses contemporains et réus- sir à en tirer, par voie d'analyse expérimentale, des conclusions personnelles, absolument origi- nales et nettement contraires à celles des auteurs. C'est ainsi qu'après avoir mis à contribution un travail de Priestley relatif à l’acide nitrique, il put écrire, non sans malice : « Comme les mêmes faits nous ont conduits à des conséquences dia- métralement opposées, j'espère que, si l'on me reproche d'avoir emprunté des preuves des ou- vrages de ce célèbre physicien, on ne me contes- L. CAREZ. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE tera pas du moins la propriété des conséquences. » Malgré tout le talent de son plaidoyer et la cha- leur de ses convictions, M. Thorpe n’a done fait, à potre sens, que ressusciter, — suivant la remarque anticipée de M. Berthelot, — « la querelle ancienne entre les inventeurs sagaces des faits particuliers et les hommes de génie qui découvrent les théo- ries générales ». Or ce qui caractérise l’œuvre de Lavoisier, c’est, en quelque sorte, d’avoir fait parler l'expérience pour interpréter tout un en- semble de phénomènes dont personne avant lui n'avait aperçu les rapports. (S'il n’a pas toujours rencontré le premier les faits, dit à ce sujet M. Ber- thelot, il y a mis son empreinte et leur a donné leur vraie signification. C’est à lui assurément qu'est du le système général des théories qui ont transformé la science. » Tels furent les services rendus à la civilisation par l’un des plus grands hommes de notre pays. En rendant compte du livre que M. Berthelot lui a consacré, le journal anglais Mature écrivait récem- ment : « On ne trouve aucune statue de Lavoisier dans la ville où il naquit et mourut. Paris républi- cain craint sans doute de manifester un sentiment de tardif repentir au sujet du crime du 8 mai 1794. » Sans doute nous regrettons de ne point voir sur l’une de nos places publiques, au voisinage de l'Institut, où elle serait particulièrement bien pla- cée, la statue de Lavoisier. Mais ce n’est pas seule- ment par le marbre ou le bronze que la patrie re- connaissante perpétue le souvenir de ceux qui l'ont illustrée. Plus conforme au pur génie de La- voisier est le beau monument que M. Berthelot vient d'élever à sa mémoire. Louis Olivier. REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE Il est impossible de donner en quelques lignes un résumé des observations nouvelles publiées en une année sur la géologie du monde entier; en effet, par suite des progrès de la civilisation, ce n’est plus seulement en Europe que l'étude du sol préoccupe Îles savants, mais bien dans les contrées les plus éloignées et les plus diverses; partout les gouvernements ont établi des services géologiques chargés d'explorer leur territoire, de sorte que le nombre des travaux publiés chaque année est devenu maintenant considérable, Il nous suffira pour en donner une idée, de rappeler que la simple ! Voyez à ce sujetle Cosmos du 12 juillet 1890, p. 408 ct suiv. énonciation de leurs titres remplit plus de cent ‘vingt pages de petit Lexte dans l'Annuaire géolo- gique. Nous avons dû, par conséquent, renoncer à faire connaitre, même brièvement, toutes les décou- verles qui ont été publiées, et nous nous borne- rons à l'examen d’un petit nombre de travaux pris dans les différentes branches de la géologie. Il Nous commencerons par appeler l'attention sur un fait d'une grande importance, tant au point de vue scientifique que par les résultats qu'il peut avoir pour l'industrie; nous voulons parler de la L. CAREZ. —- REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 571 découverte du terrain houiller à Shakespeare Cliff, auprès de Douvres, découverte annoncée par M. Boyd Dawkins à la Société géologique de Man- chester au mois de mars dernier. Il ya déjà fort longtemps que la question de l'existence du terrain houiller dans le sud de l'An- gleterre préoccupe les savants anglais ; dès 1826, Buckland et Conybeare avaient remarqué la grande ressemblance des couches exploitées dans le Somersetshire à l'Ouest, et dans le Nord de la France et la Belgique à l'Est, ce qui semblait indi- quer que ces deux districts faisaient partie d’un même bassin. Mais c’est seulement vingt-neuf ans plus tard que Godwin Austen déclara nettement qu'il devait exisler des couches houillères au-des- sous des terrains plus récents du Sud-Est de l’An- gleterre. D'après ce savant, après le dépôt, dans de vastes marais, des accumulations de végélaux qui de- vaient se changer en charbon, il se produisit dans toute la région un plissement énergique. Les par- ties élevées de ces ondulations ont été presqu'en- tièrement enlevées par l’aclion des agents atmos- phériques ou par le choc des vagues sur les lignes de côtes, landis que les portions basses de ces anciennes courbures ont été préservées par leur situation même. En effet, l'étude des deux régions houillères anglaise et franco-belge montre qu'il existe une série de plissements parallèles à la crête ou axe de l’Artois, se poursuivant depuis le Sud de l'Irlande par le Sud du pays de Galles et le Nord de la France jusqu'en Westphalie, el que c’est dans des sillons longs et étroits de même direction que les dépôts de charbon ont été rencontrés. Si l'axe de l’Artois n’a pas été recouvert par les mers tria- sique et jurassique, mais seulement par celle du Crétacé, tandis que le Sud de l'Angleterre présente des dépôts secondaires plus développés, ce n’est pas une raison pour que la houille ne se trouve pas dans ce dernier pays sur le prolongement des couches françaises. Godwin-Austen n’hésitait pas à conclure à l’exis- tence du charbon au-dessous des roches oolithiques et crétacées, etpensait qu'il n'était pas trop éloigné de la surface pour pouvoir être exploité; la vallée de la Tamise et le Weald de Sussex et de Kent lui paraissaient les points les plus favorables pour l'at- teindre. La conviction de ce savant n'élail pas partagée par sir Roderick Murchison, alors à la tête du Geological Survey, et la question fut abandonnée pendant onze ans. C’est seulement en 1866 qu'une Commission fut nommée pour examiner les asser- tions de Godwin-Auslen ; après une étude altentive qui dura cinq ans, M. Prestwich, le rapporteur, déclara qu’il adhérait pleinement aux vues de ce géologue et que les couches de charbon, cachées sous des roches plus récentes, devaient égaler en valeur et en étendue ce qui était déjà connu dans le pays de Galles et le Somerset d'une part, en France et en Belgique d’autre part. L'année qui suivit le dépôt de ce rapport, un Comité se forma pour exécuter un sondage et choisit pour cela le village de Netherfield près Battle (Sussex), comme étant le point de la région où apparaissaient les assises les plus anciennes ; on espérait atteindre les couches paléozoïques à environ 4000 pieds de la surface, en se réservant de pousser le sondage jusqu'à 2000 pieds, s’il élait nécessaire. Mais on dut l’abandonner à 1905 pieds à cause de la rupture du tubage et de la chute d’un outil au fond du puits; on n’étail pas encore sorti de l'Ox- ford-clay (Jurassique), les assises traversées ayant présenté une épaisseur beaucoup plus considérable qu'on ne le supposait d'abord; l'argile kimme- ridgienne à elle seule avait 1073 pieds de puis- sance. Onze ans s’écoulèrent encore sans qu'une nou-- velle recherche eût été tentée; mais pendant ce temps, plusieurs sondages faits aux environs de Londres pour obtenir de l’eau avaient montré que les couches paléozoïques plus anciennes que le Carbonifère se rencontraient à peu près à 1000 pieds la surface, les terrains secondaires étant très réduits ; de plus, la forte inclinaison du Paléo- zoïque semblait indiquer l’existence de sillons à charbon dans le fond des synclinaux. M. Boyd Dawkins, mettant à profit les résultats de tous ces travaux, déclara que c'était dans les North Downs qu'il fallail exécuter de nouvelles recherches et choisit aux environs de Douvres le point mème où avaient été commencées les fouilles du tunnel sous-marin. Un nouveau forage fut donc entrepris en 1886 et traversa successivementle Crétacé sur une épaisseur de 54% pieds et le Jurassique jusqu'au Bathonien, avec une puissance de 660 pieds. C’est directement au-dessous, c'est-à-dire à 1204 pieds de la surface que le terrain houiller (Coal-measures) a été atteint; il se compose de grès, de schistes et d'argile avec une veine de charbon de bonne qualité et des em- preintes de Culamites. Il est à remarquer que les dépôts wealdiens (Crétacé inférieur) qui se voient à une faible dis- tance avec une épaisseur de 1200 pieds, font abso- lument défaut dans le sondage. M. Boyd Dawkins cherche quelle peut être la valeur de ce nouveau coul-field; il prend comme points de comparaison, d’une part, le bassin franco- belge où le terrain houiller, épais de 9400 pieds, contient 110 veines de charbon exploitables d’une de 578 L. CAREZ. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE puissance totale de 230 pieds, et d'autre part les terrains du Somerset d’une puissance un peu moin- dre, mais présentant encore des veines de charbon assez nombreuses et assez importantes pour for- mer par leur réunion une épaisseur de 98 pieds. Il pense que les couches du voisinage de Douvres doivent être presque aussi riches que celles de la Belgique ; mais fussent-elles réduites comme celles du Somersetshire, elles n’en auraient pas moins une très grande importance commerciale. Il Le mode de formation de la houille fait depuis longtemps l'objet des discussions des géologues et les opinions les plus diverses ont été émises à ce sujet. Pourtant dans ces dernières années, on attribuait généralement à la décomposilion des végétaux sur place les couches de combustible que nous trouvons aujourd'hui dans le sol; une conséquence nécessaire de cette hypothèse était l'énorme durée qu'il fallait supposer à la période houillère. M. Fayol s’est élevé contre cette inter- prétation et dans une série de publications dont la dernière est le compte rendu de la réunion de la Société géologique à Commentry, il a cherché à substituer à l’ancienne manière de voir ce que l’on peut appeler la /héorie des dellas. Il trouve en effet la plus grande analogie entre la disposition présentée par les terrains houillers et la structure des deltas actuels; les principaux points de ressemblance sont : la composition par des matériaux charriés par les eaux, l'extrême va- riabilité d’étendue et de puissance des couches, de grosseur des éléments, les varialions de puis- sance d’un même banc, la disparition rapide des couches, ou leur ramification, la bizarrerie de forme des amas de combustible, l'existence d’in- tercalations minérales au milieu d'une couche vé- gétale, etc. M. Fayol a fait une série d'expériences pour se rendre compte de la manière dont les dépôts s’ef- fectuent dans les diverses conditions qui peuvent se présenter, etil en a conelu qu'il y a entre les dépôts artificiels en eau tranquille, les deltas la- custres et les terrains houillers du Plateau central, la plus complète ressemblance. Quant au terrain houiller du Nord de la France et de la Belgique qui présente des allures beaucoup plus tranquilles, il se serait déposé dans un della marin; les dépôts artificiels en eau agitée présentent en effet une structure analogue. L'hypothèse de M. Fayol semble avoir été géné- ralement acceptée pour le terrain houiller du Pla- teau central de la France, mais elle a rencontré beaucoup plus d'opposition de la part de ceux qui ont étudié les bassins houillers du Nord où des couches de combustible de très faible épaisseur se poursuivent avec une régularité parfaite sur une étendue considérable. Quoi qu'il en soit, les expé- riences de M. Fayol ont démontré que la présence de tiges ou de trones d'arbres debout n’indiquaient pas du tout que ces tiges ou ces troncs d'arbres avaient élé enfouis à l'endroit même où ils s'é- taient développés, car les dépôts artificiels mon- trent que les débris végétaux charriés par les eaux prennent souvent la position verticale au moment où ils sont arrêtés dans leur course. Or la présence de plantes debout dans les couches de houille était un des principaux arguments que faisaient valoir les partisans de l'hypothèse de la formation sur place. M. Fayol s'élève contre l'idée généralement adoptée que les dépôts sédimentaires se sont tou- jours effectués horizontalement ; si cela est vrai le plus souvent pour les dépôts de haute mer, l'inverse se voit presque toujours pour les couches qui se sont déposées dans des deltas et il faut bien se garder de supposer l'existence de mouvements du sol, toutes les fois que l’on rencontre des couches inclinées. Enfin, ce géologue a calculé que le dépôt des courbes permo-carbonifères de Commentry a pu s'effectuer, d’après sa théorie, en moins de 470 siè- cles, tandis qu'en admettant l'hypothèse de la for- mation sur place, le comblement du bassin aurait demandé plus de 8000 siècles. | IT L'origine des schistes cristallins (gneiss, mica- schistes, ete.) est loin d’être éclaircie; tandis que les uns les considèrent comme provenant directe- ment, parcristallisation, d’eaux-mères sursaturées, d'autres les regardent comme le résultat du mé- tamorphisme de roches primitivement sédimen- taires, et enfin une troisième école pense que ce sont des roches éruptives dans lesquelles une pres- sion énergique a déterminé le feuilletage et l’orien- tation des éléments cristallins. Bien que cette question ait élé mise à l’ordre du jour du Congrès géologique réuni à Londres en 1888, et qu’elle ait été l’objet de nombreux et importants travaux, elle est encore loin d'être ré- solue ; aussi doit-on accueillir avec reconnaissance toutes les études qui peuvent, comme celle de M. Bonney sur les Alpes lépontines, faire pro- gresser nos connaissances sur ce sujet difficile ‘. Ce savant géologue, qui s'est fait une spécialité de l'étude des schistes cristallins des Alpes, déclare : a. qu'un groupe de schistes cristallins est toujours 11Q TGS x LV pA87- L. CAREZ. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 319 plus ancien qu'aucune roche à laquelle des fossiles permettent d'assigner un âge certain; b. que l'on peut souvent démontrer l’antériorité de ce groupe cristallin à toutes les roches paléozoïques; ec. que l'infériorité de la Rauchwacke (Trias) aux vrais schistes cristallins n'est pas réelle, mais a été in- diquée par suite d'erreurs stratigraphiques ; d. que les schistes cristallins ne sont pas des couches sédimentaires métamorphiques, bien qu'ils aient été souvent regardés comme d'âge paléozoïque, mésozoïque ou même tertiaire; e. que dans cerlains cas, les schistes cristallins montrent des indices de sédimenlation, et qu'on peut y voir une différence de composition due certainement à des dépôts suc- cessifs. Quant aux roches schisteuses (Jurassique), dans lesquelles on a trouvé des Bélemnites et d’autres fossiles, elles ressemblent seulement su- perficiellement aux schistes cristallins et ne con- tiennent ni grenats ni staurolites, mais seulement quelques silicates hydratés qui n’indiquent pas un métamorphisme intense. Pour M. Bonney, jamais une roche sédimentaire paléozoïque ou mésozoïque n’a été mélamorphisée en schistes cristallins, une pression même très énergique ne pouvant avoir d'autre effet que de développer quelques petits cristaux. M. Heim ne partage pas cette opinion. D'accord avec la plupart des géologues suisses, il pense que si les schistes crislallins du Massif central des Alpes ne sont pas des roches sédimentaires modi- fiées, par contre il existe à Scopi, dans le Valser- thal, dans l'Urserenthal, à Piora, à la Nufenen Pass, dans le Val Canaria et dans un grand nombre d'autres points, des roches schisteuses cristallines d'âge mésozoïque ; ce sont : 4. ardoises argileuses avec mica, grenat, zoïsite, staurolite, rulile et Bé- lemnites, ces dernières étant cristallines et granu- leuses ; à. des ardoises argileuses avec les mêmes minéraux, allernantavec des couches à Bélemnites + e. des schistes verts à amphibole alternant éga- lement avec des schistes à Bélemnites; 4. des phyllites micacés et des micaschistes calcaires ; e. du marbre avec mica passant à des calcaires ju- rassiques avec crinoïdes. Dans le Massif central lui-mème, il y a des roches assez difficiles à distinguer des vrais schistes cristallins, et qui pourtant appartiennent certai- nement au Paléozoïque; ce sont les phyilites, les chloritoschistes, les felsito-schistes, les micaschis- tes et surtout les gneiss à séricite. Leur âge est démontré par les faits suivants : a. Dans quelques endroits, on trouve intercalés dans ces roches des lits de schistes graphitiques et quelquefois même anthracifères. b. Des traces de fossiles y ont souvent été ren- contrées (trones de Calamites à Guttannen dans la vallée du Hasli, plantes carbonifères sur le Tü- di, etc). e. Aux limites du massif central, des zones dis- tinctes d'ardoises carbonifères sont souvent déve- loppées dans les gneiss séricitiques ; la position de ces roches dans les plissynelinaux des gneiss gra- nitiques anciens est démontrée par l'existence, au milieu des plis, de couches sédimentaires plus ré- centes et non altérées. d. M. Heim a déjà montré que, dans le groupe de Tôdi-Windgallen,le Verrocano (Permieu)lui-même, lorsqu'il est pincé au milieu desschistes cristallins, prend une étroite ressemblance avec eux, et sem- ble faire partie du massif cristallin central. Les formations paléozoiques montrent les rela- tions tectoniques les plus étroites avec les schistes cristallins anciens et ont été converties elles-mêmes en schistes cristallins. Le Massif central est formé : pour les deux tiers, de véritables schistes cristal- lins anciens, antérieurs au Cambrien, etqui cons- tiluent peut-être en partie la croûte primitive du globe, et pour le troisième tiers, de micaschistes, de séritoschistes, d'amphibolites et d’autres roches similaires, dérivés par métamorphisme dynami- que, des argiles, grès et conglomérats paléozoïques. Il est pour lui incontestable qu'une notable partie de ce qui a été regardé comme schistes cristallins appartient au Paléozoïque. Quant aux dépôts mésozoïques, qui surmontent le Primaire tantôt en concordance, lantôt en dis- cordance, ils sont devenus par places cristallins et schisteux. mais ne font jamais partie du Massif central ; si le nom de schistes cristallins leur a été quelquefois donné, c’est à un point de vue pétro- graphique et nullement dans un sens géologique. Leur caractère de roches sédimentaires peut Lou- jours être reconnu, ce qui est au contraire très dif- cile pour les schistes cristallins paléozoïques. Dans une étude sur les Hautes-Alpes vaudoises publiée ces jours derniers, M. Renevier ! confirme la manière de voir de M. Heim; il décrit, sous le nom de errains métamorphiques, un puissant ensem- ble dont les roches constituantes sont le pétrosilex, les grès métamorphiques, les brèches et poudin- gues, le granile, les gneiss, les micaschistes, les taleschistes, les schistes amphiboliques, le calcaire. Toutes ces roches lui paraissent être d’origine évidemment sédimentaire et formées sous l’eau; quelques-unes ont subi un mélamorphisme intense qui a produit leur cristallinité, tout en laissant subsister de nombreuses transitions avec les 1 Matériaux pour la Carte géologique de la Suisse, 16° li- yraison. 580 L. CAREZ. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE schistes ordinaires. Il donne comme preuve de leur origine sédimentaire : 1° leur stralification évidente sur beaucoup de points comme au pied de la cascade de Pissechèvre près de Lanoy ; 2° la stratification (Ripplemarks, Wellenschlüge) observée en plusieurs endroits; 3° enfin leur dis- position en voûtes régulières, qui est particulière- ment nette entre Evionnaz et la Balme, qu'entre Vernayaz et Martigny. Les roches cristallines grenues de cette région paraissent provenir, d'après le savant géologue de Lausanne, (d'anciens grès bréchiformes com- « posés à l’origine de fragments anguleux, proba- « blement même cristallins, quartzeux ou feldspa- « thiques, que la forte pression postérieure à si «intimement unis entre eux qu'ils en ont acquis «une grande cohésion. «Sous l'influence de cette même pression et de « la chaleur qui en résultait, l’eau d’imbibition de «,ces roches s'évaporait et développait la structure « cristalline dans le ciment argileux des grès, «comme dans les schistes eux-mêmes. » Il est ainsi « porté à considérer, dans ces roches « cristallines, le tale, la majeure partie du mica, « l’amphibole aciculaire, ete., comme les produits « d’une cristallisation par métamorphisme; tandis «que le quartz, le feldspath et autres éléments « grenus ou fragmentaires, lui paraissent au con- « traire d'origine clastique ou détritique ». L'âge de ces terrains est assez difficile à préciser à cause de l’absence des fossiles : pourtant leur position straligraphique au-dessous du terrain houiller, incontestable dans la plupart des cas, oblige à les classer dans le Primaire. Si l’on tient compte en outre de leur liaison in- time avec les premières couches houillères, avec lesquelles ils sont partout en concordance parfaite de stratification, et de la très grande analogie de leurs roches constituantes, il semble que la plus grande partie tout au moins des terrains métamor- phiques doit être rattachée au Carbonifère inférieur et au Dévonien. ridée ainsi IV L'étude géologique des régions montagneuses est beaucoup moins avancée que celle des plaines, à cause des difficultés spéciales qu’elle présente ; sans revenir sur les effets de la pression dont nous venons de parler longuement, nous citerons encore parmi les causes qui entravent les recherches des géologues dans les pays de montagnes, l’extrème rareté des fossiles délerminables et surtout les nombreux accidents qui troublent la régularité de la succession des assises, Pour qu'il fût possible d'arriver à comprendre la structure de certains massifs, il à fallu que la série stratigraphique fût établie avec exactitude d’après les recherches exécutées dans des districts moins tourmentés ; aussi est-ce seulement dans ces dernières années que les Alpes et les Pyrénées, pour ne parler que des chaines de montagnes qui nous touchent de plus près, ont pu être explorées avec fruit et nous ont livré quelques-uns de leurs secrets. C’est ainsi qu'il existait en différents points de la Provence des affleurements anormaux qui avaient jusqu'à pré- sent défié la sagacité des géologues et dont la pré- sence vient d'être expliquée d'une manière très satisfaisante, selon nous, par M. Marcel Bertrand #, Le premier des points explorés par ce savant géologue est situé auprès du Beausset (Var); on y voit une colline de Trias qui semble émerger d'une vaste plaine de Crétacé supérieur parfaitement ré- gulière, fait que l’on avait jusqu'alors cherché à expliquer par l'existence, dansla mer crétacée, d'un récif autour duquel seraient venus se déposer les sédiments du Secondaire supérieur. Mais il n'existe aucune trace des dépôts littoraux qui auraient dû se former dans cette hypothèse, et de plus on peut s'assurer en divers points que le Trias esL superposé au Crétacé; il faut donc abandonner l'idée de l'existence d’un ancien récif ainsi que la supposi- tion, d’ailleurs fort étrange, que le Trias aurait fait une trouée à travers les couches crétacées, sans déranger leur horizontalité. Aussi M. Bertrand a-{-il cherché une autre ex- plication de cette apparente anomalie: pour lui le Trias du Beausset est un lambeau de recouvrement. Si, en effet, la superposition directe du Trias sur le Crétacé est impossible à observer, on peut au contraire constater facilement le plissement du Crétacé, dont la coupe donne la succession sui- vante : Trias PACA RAMENNEURILES EEE Er FRERE i 2. Banc à Ostrea acutirostris. ) SACOUCHP ASNUNRIIOlES ER SP ERRE ECC EEE ET 2'ABanc' ANUS re NACUNTONNISE teen 1. Marnes et grès du Sénonien RER et calcaire à THippurites. . re Dane Série renversée Série normale, Il résulte donc de ces faits et d'autres que nous : ne pouvons rappeler ici, que le Crétacé est replié sur lui-même, puisque les mêmes couches se ren- contrent en partant du bas d'abord dans leur ordre de superposition normale, puis dans l’ordre inverse, et qu'elles sont surmontées par le Trias également renversé, ses assisesles plus récentes se trouvant les plus basses. Le Crétacé etle Trias sont affectés en ce point 1 Bull. Soc. Géol. France, 3° série, t. XV, p. 6617, t. XVI, 19, 748, t. XVII, p. 23%. — C. R. Ac. Se., t. CIV, p. 1135, t. CVI, p. 1433, 4613,t. CVII, p. 701, BTS. État me L. CAREZ, — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE »81 par l'accident connu sous le nom de pli couché; le plissement, après s'être fait sentir dans un plan vertical, comme on en voit partout d'innombrables exemples, est devenu tellement énergique que le sommet du pli n'étant plus soutenu, est tombé, s’est déversé sur les couches normales qui se trou- vaient à son pied; on aurait donc théoriquement trois répétitions des mèmes assises : une série renversée entre deux séries normales, mais en pratique il en est rarement ainsi, les érosions ayant souvent fait disparaitre une grande partie des couches plissées, et laissé seulement quelques témoins isolés de ces curieux phénomènes. De plus il arrive fréquemment que la série renversée a disparu par étirement et l’on se trouve alors en présence de deux séries normales directement su- perposées. Au moment où M. Bertrand donnait celle ex- plication de la structure du bassin du Beausset, on ne connaissait qu'un très petit nombre d'exemples de faits de ce genre (Alpes de Glaris, Bassin houiller franco-belge, Grampians), et on les considérait comme exceptionnels. Il n'en est plus de même aujourd'hui, et les plis couchés semblent se ren- contrer avec une certaine fréquence dans la plupart des régions montagneuses. C'est ainsi que M. Bertrand lui-même, conli- nuant ses recherches dans d’autres parties de la Provence, a découvert,dans la chaîne de la Sainte- Beaume, des phénomènes analogues mais beau- coup plus grandioses. La coupe de Saint-Zacharie à la Sainte-Beaume montre la succession la plus capricieuse et l’enchevètrement des terrains les plus variés depuis le Crétacé supérieur et même le Tertiaire jusqu’au Trias ; les couches jurassiques, de l’Infralias à l’'Oxfordien, reposent sur le Danien qui recouvre lui-même le calcaire à Hippuriles. Coquand avait cru pouvoir expliquer celte dispo- silion par une série de failles verticales, mais si l’on cherche à suivre ces prétendues failles, on voit qu’elles forment des lignes sinueuses d’une irrégularité frappante, suivant les ondulations du sol et s’arrondissant en grandes boucles allongées ou même en ellipses complètement fermées. Il faut donc chercher une autre explication qui ne peut être donnée que par l'hypothèse d’un ren- versement complet du Jurassique sur le Crétacé, suivi d’affaissements et de dénudations qui n'ont permis aux lambeaux de recouvrement jurassiques de subsister que dans les points affaissés entre deux failles ; partout ailleurs ils ont élé enlevés. Les collines du Plan d’Aups et des Nans, situées de l’autre côté de la Montagne de la Lare, montrent la reproduction presque identique de la disposition constatée à Saint-Zacharie, et d'ailleurs du côté Ouest du massif de la Lare, les lambeaux de re- couvrement des vallées Nord et Sud se rejoignent vers la Tête de Roussargue. Les couches jurassiques en superposition anor- male sur le Crétacé forment donc une ceinture semi-circulaire autour de la Lare, le Crétacé s’en- fonçant sous le Jurassique sur une longueur de plus de vingt kilomètres. Le pli anticlinal, dont les lam- beaux de recouvrementsontla partie couchée, doit, comme ceux-ci, avoir une forme semi-circulaire; c’est en effet ce que démontre l'étude attentive des faits, malgré les difficultés résultant dela présence des dépôts tertiaires discordants surles précédents ou de ce que la partie recouvrante du pli lui-même masque l’axe anticlinal. La sinuosité des plis et des failles est d’ailleurs un fait général en Pro- vence, Nous ne pouvons que signaler l'existence d’au- tres plis couchés indiqués également par M. Ber- trand, au nord d’Allauch et dans la région de Dragui- gnan ; à l'Est de cette dernière ville, l'Infralias et les différents termes de la série jurassique. régu- lièrementstratifiés et presque horizontaux, surmon- tent et masquent en partie les couches de Rognac, c’est-à-dire le terme le plus élevé du système cré- Lacé, sur une longueur de trente kilomètres et une largeur de quatre kilomètres. Entre les deux séries s'intercalent presque partout des lambeaux de terrain jurassique renversés. Plus au Nord, en Savoie, le massif des Annes montre un ilot de Lias et de Trias indiscutable, entouré de toutes parts par l'Eocène, qui plonge par dessous ; ce dernier repose normalement sur le Crétacé ; puis viennent le Jurassique, le Trias et le Houiller en superposition normale. M. Maillard ! qui vient de terminer une étude de cette région, ten - drait à expliquer cette structure par l’existence d’un ilot de Lias au milieu des mers plus récentes ; mais celte manière de voir ne nous parait pas plus acceptable ici qu'au Beausset,et nous préférons de beaucoup supposer avec M. Bertrand que le massif liasique des Annes est un lambeau de recouvre- ment; seulement ici les dénudations ont été tel- lement énergiques qu'il ne reste plus de traces du pli couché qui l'a produit. La monographie des Hautes-Alpes vaudoises par M. Renevier ? donne une nouvelle preuve de la grande importance des plis couchés dans la struc- ture des Alpes; un double pli très net se poursuit en effet à travers presque toute la région étudiée par le savant professeur de Lausanne depuis les Diablerets jusqu'à la dent de Morcles. Les magni- ! Bull. Carte géol. France, N° 6. ? Matériaux pour la Carte géologique de ta Suisse, 16° livraison. L. CAREZ. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE fiques vues et coupes qui accompagnent cet ou- vrage montrent la diversité des effets qui peuvent résulter des plissements et des renversements. Bien que ces phénomènes ne soient pas particu- liers aux Alpes, c’est surtout dans cette chaine qu'ils ont été étudiés jusqu’à présent et les Pyré- nées, d’une structure beaucoup plus simple d’ail- leurs, n’en avaient pas encore présenté d'exemple. C'est seulement dans le courantde l’année dernière que nous avons fait connaitre l'existence dans le département de l'Aude de superpositions anor- males, qui ne peuvent être expliquées que par l'hypothèse de plis couchés en grande partie en- levés par l'érosion. Le pic de Bugarach est en effet formé à son sommet par des calcaires jurassiques et urgoniens reposant sur des marnes bleues séno- niennes (Crétacé supérieur). L'examen des terrains environnants nous a con- vaincu que le massif de Bugarach était un lambeau de recouvrement, sommet d’un pli couché dont la base est située dans la chaine de Saint-Antoine. V L'on rencontre à plusieurs niveaux de la séric sédimentaire, et particulièrement dans le Gault, des rognons de phosphate de chaux dont l’origine et le mode de formation semblaient assez difficiles à expliquer. Or, les draguages du Challenger, qui ont amené un si grand nombre de découvertes intéressantes, ont fait connaitre l'existence de nodules semblables dans les mers actuelles, et spécialement au large du cap de Bonne-Espérance et en haute mer entre l'Afrique et l'ile Marion. M. Renard, de Bruxelles !, chargé de leur étude, donne d’abord quelques indications sur les sta- tions où ils ont élé recueillis ; les deux premières sont à peu près dans les mêmes conditions : le fond est constitué par un sable vert, et la profon- deur est de 98 brasses dans l’une, de 150 dans l’autre; quant à la troisième, elle a présenté un fond de vase à globigérines à 1,900 brasses. Malgré la différence du gisement, les nodules des trois stations se ressemblent : ils ont généra- lement de 4 à 2 centimètres dans leur plus grand diamètre et atteignent exceplionnellement 4 cen- timètres. Leur surface est irrégulière et elle est recouverte d’un enduit brunätre, légèrement lui- sant, de manganèse et de fer; la cassure montre la structure en agrégat, et l’on reconnait alors que les irrégularités de la surface sont en relation avec les fragments d'organismes cimentés par le phosphate. La leneur en acide hétérogènes phosphorique a élé trouvée de 19.96 °/, dans un cas, de 23.54 ‘/, dans un autre; quant à la compo- silion de la masse du nodule, elle est la même que celle du fond, mais agglutinée et durcie par le phosphate de chaux. M. Renard recherche ensuite quel peut être le mode de formation de ces nodules, et il arrive à cette conclusion que l'origine immédiate du phos- phate réside dans la décomposition par l’eau de mer des débris organiques el principalement des restes de vertébrés; ceux-ci abandonnent à l'eau du phosphate de chaux à l’état colloïdal, qui par- tage avec quelques autres substances pouvant prendre ce même état, la propriété de se con- crélionner en rognons autour de centres d’at- traction. Les coupes minces de ces nodules, surtout de ceux de la vase à globigérines, semblent montrer que le phosphate colloïde, faiblement retenu en solution dans l’eau, recherche tout d’abord la matière organique colloïde qu'il trouve dans le sarcode des globigérines et des autres foramini- fères. C’est à l’intérieur de ces organismes que le phosphate pénètre, qu'il se concrétionne; il semble en remplir les vides avant de se déposer autour d'eux et de les agglutiner. Les rapports qui unissent les sédiments rencon- trés au large du cap de Bonne-Espérance, sables verts el vase à globigérines, avec certaines couches géologiques et spécialement le Crétacé, souvent formé de sables et grès verts, de craies glauco- nieuses ou pures, avec nodules phosphatés, sont de la dernière évidence; aussi peut-on tirer de l'étude de M. A. Renard quelques conséquences importantes pour la connaissance des diverses couches à phosphate. La première est que la présence de nodules phosphalés n'indique pas que les sédiments qui les contiennent se sont formés à une profondeur déterminée, puisque les draguages les ont fait reconnaitre à la fois dans la zone liltérale et aux confins de la zone pélagique. . Une deuxième conséquence est qu'il faut aban- donner l'idée, assez souvent soutenue, que tous les nodules phosphatés sont des éléments roulés, provenant de la dénudation d'assises sous- jacentes. VI Après avoir, dans de précédents ouvrages, traité des enchainements du monde animal pendant les temps tertiaires et primaires, M. A. Gaudry, le savant professeur du Muséum, s’est occupé cette année des fossiles secondaires !. 1 Analyse par A, Rutot (P. v. Soc. belge Géol. ydro., t. I, p. 506). l Les enchainements du monde animal dans les temps gévlogiques ; J'ossiles secondaires. Paris, 1890. L. CAREZ. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 583 Quoique d’une durée beaucoup moins longue que l’ère primaire, l’ère secondaire présente au point de vue paléontologique un intérêt particu- lier; tandis en effet qu'elle nous montre une bien plus grande diversité de formes que les périodes précédentes, elle offre des types beaucoup plus différents de ceux qui vivent actuellement, que les êtres tertiaires. Les foraminifères sont abondants dans les ter- rains secondaires ; mais l'étude de ces petits êtres, déjà très difficile pour les vivants, est rendue presque impossible pour les fossiles, par leur état de conservation souvent défectueux; aussi a-t-elle donné jusqu’à ce jour peu de résultats. On peut affirmer pourtant que rien n'indique un perfection- nement dans cet ordre depuis les Lemps secon- daires. Une remarque analogue peut être faite pour les deux premières classes des Cœlentérés, les Spon- giaires et les Hydromédusaires; quant aux Coral- liaires, il semblent devenir de moins en moins calcaires, en partant des Rugueux des temps pri- maires, pour passer aux Astréides de l’époque oolithique, puis aux Fungides (Cyclolites) du Cré- tacé, aux Turbinolides du Crétacé et du Tertiaire enfin au groupe des Perforés des lemps tertiaires et actuels. Parmi les Echinodermes, les Crinoïdes, perdant la merveilleuse diversité de formes qu'ils avaient pendant l'ère primaire, se rapprochent déjà beau- coup de ceux qui vivent de nos jours. Les Stellé- rides ne présentent que peu d'intérêt. Quant aux Echinides, ils sont d'une abondance prodigieuse dans le Jurassique et le Crétacé; c'est l’époque de leur maximum de développement. Les Mollusques semblent aussi à leur apogée. Parmi les Bivalves, quelques types ont à peine va- rié; c’est ainsi que les Huitres, les Moules, les Trigonies des terrains secondaires diffèrent fort peu de leurs congénères vivants; au contraire, les Rudistes semblent avoir complètement disparu et ètre spéciaux aux temps secondaires, mais ils ne sont pas aussi éloignés des bivalves actuels qu’on pourrait le croire au premier abord. M. Douvillé a montré en effet que Matheronia et Toucasia de l'Ur- gonien étaient très voisins des Chama tertiaires et actuelles, tout en se reliant par une série de formes aux différents groupes des Rudistes, Les Gastropodes montrent un perfectionnement continu; quant aux Céphalopodes, ils prennent un immense développement, et sont représentés par des groupes entiers disparus maintenant, tels que les Ammonites et les Bélemnites. Il est remar quable de voir deux genres voisins comme Vauli- lus et Ammonites se comporter d’une manière si différente; tandis que le premier a persisté presque sans modification depuis l'ère primaire jusqu’à nos jours, les Ammonites au contraire ont eu une durée beaucoup plus courte, mais se sont épanouis avec une extrême intensité. Parmiles Articulés, les Brachiopodes sont extré- mement nombreux comme individus, mais non comme espèces ; certaines familles qui ont joué un grand rôle pendant les temps primaires diminuent rapidement d'importance et disparaissent bientôt complètement ; tels sont les Spiriféridés, Orthi- sidés, Productidés. Les Crustacés sont très peu connus; quant aux Insectes, ils appartiennent aux ordres actuels. tandis que ceux du Primaire sont rapportés à un ordre spécial très différent; il y a pour celte classe un perfectionnement évident. Les différents groupes des Poissons existent dans les terrain* secondaires : les Cartilagineux sont très voisins des espèces actuelles, les Dipnoés montrent encore aujourd'hui le même genre Zera- todus qui vivait à l'époque du Carbonifère et du Trias. Quant aux osseux, ils sont, au début du Secondaire, représentés uniquement par des Ga- noïdes, à écailles épaisses, osseuses, revêtues d’é- mail brillant, puis apparaît à l’époque oolithique le genre intermédiaire ZLeptolepis; enfin à la partie supérieure du Crétacé, la transformation est ac- complie, les Téléostéens à écailles minces domi- nent décidément. L'ossification du squelette a marché de pair avec la modification des écailles. Les Reptiles ont une importance considérable; il suffit de citer les Labyrinthodontes, les Thério- dontes, les Ichthyosauriens, les Plésiosauriens, les Simosauriens, les Mosasauriens, les Dinosauriens, les Plerosauriens pour rappeler l'élonnant déve- loppement de ces animaux à l’époque qui nous occupe. Ilest surtout curieux de voir les modifications des membres ordinairement destinés à la marche, dans les groupes nageurs (Simosauriens, Plésio- sauriens, Ichthyosauriens) ou volants (Pterosau- riens) ; il semble que l’ancètredes Reptiles nageurs ne doive pas être cherché parmi les Poissons, mais au contraire parmi les Reptiles marcheurs. Quant aux Pterosauriens, ils constituent jusqu'à présent un groupe isolé, qui ne peut être rat- laché ni aux Oiseaux, ni aux Chauve-souris, bien qu'ayant avec eux certaines ressemblances d'adaptation. Outre ces Reptiles si différents de ceux qui nous entourent, il existe également dans le Secondaire des Tortues, des Lacertiens et des Crocodiliens, très rapprochés des animaux qui vivent actuelle- ment; nous ne Connaissons rien sur leur origine. Les Oiseaux recueillis jusqu'à présent sont fort peu nombreux, mais très intéressants. L'Archeop- 584 L. CAREZ. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE teryx Uithographica, trouvé dans le calcaire lithogra- phique de Bavière, présente des caractères qui ne peuvent ètre comparés qu'à ce qui se voit actuel- lement chez quelques Oiseaux très jeunes, notam- ment chez l’Autruche. L'allongement de la queue, ses vertèbres qui diminuent progressivement, les pattes de devant avec des métacarpiens distincts et des doigts munis de griffes, la brièveté du sacrum, la peti- tesse du bassin, la séparation de l’ilion, du pubis et de l’ischion, l’existence de dents sont des carac- tères qui rapprochent l’Archeopteryz des Reptiles et l'éloignent des Oiseaux. C’est pourtant à cette der- nière classe qu'il doil certainement être rapporté. On a trouvé dans le Crétacé supérieur d’Amé- rique des Oiseaux ayant des dents, logées soit dans des alvéoles (Zhthyornis), soit dans une gout- tière (Æesperornis). Il est remarquable que ces Oiseaux se trouvent précisément accompagnés de Reptiles sans dents (Pterosauriens). Les Mammifères sont très peu nombreux; on connaît le Mücrolestes du Rhétien, le Phascololherium et l'Amphitherium du Bathonien, puis quelques espèces du Purbeck, entre autres Le Plagiaulax, qui semble descendre du Aüicrolestes et se continuer dans le Tertiaire par le Neoplagiaulax ; on en cite encore quelques-uns d'Amérique. Ils étaient tous de très pelile taille, ce qui est rendu encore plus frappant par le développement prodigieux des Reptiles de la même époque; c'est évidemment un groupe qui débute et pourtant on trouve déjà des types de dentition bien différen- ciés ; chez les uns, les molaires sont coupantes et perçantes; chez d'autres, elles sont destinées à broyer ; chez d’autres enfin, à raper. Owen pensait que tous les Mammifères secon- daires étaient marsupiaux; bien que cette opinion ait été combattue depuis, M. Gaudry la croit fondée : tous les premiers Mammifères élaient des marsupiaux, dont les uns ont donné naissance aux placentaires actuels, tandis que les autres ont gardé intacts jusqu'à nos jours leurs caractères primilifs. Nous voyons donc que certains types ont à peine changé, ont assisté impassibles aux diverses révo- lutions; ce sont les types permanents ou panchro- niques. D’autres se sont légèrement modifiés et sont ensuite revenus à leur point de départ; ils mérilent le nom de types élastiques. La plupart ont continué leur marche sans rétro- grader, se développant peu à peu; à mesure qu'ils avançaient dans les temps géologiques, quelques- uns ont pris une direction parallèle ; quelques autres, éloignés d’abord, se sont peu à peu rap- prochés, mais sans doule la plupart ont eu des caractères différentiels de plus en plus accentués ; on peut ainsi les classer en types parallèles, con- vergents et divergents. On peut généralement distinguer trois phases dans l'histoire des divers types ascendante, la phase de leur apogée, une phase descendante. Un type est à son apogée, lorsque les êtres qui le représentent atteignent la plus grande taille, ont le plus de complications, sont devenus plus abondants, et surtout quand ils offrent en grand nombre ces variations appelées genres et espèces. Beaucoup de groupes ont eu leur apogée pen- dant les temps secondaires; ce sont : les Madré- poraires apores, les Oursins, les Rudistes, les Ammonitidés, les Bélemnitidés, les Poissons semi- ganoïdes, les Cestraciontes et Hybodontes, les Labyrinthodontes, les Thériodontes, les Enaliosau- riens, les Mosasauriens, les Téléosauriens, les Dino- sauriens, les Ptérosauriens, les Odontornithes. Il est curieux de voir que souvent un groupe disparait en pleine force, à son apogée; tels les Bélemnites, les Ammonites et surtout les Rudistes. Si,en terminant cette étude, l’on cherche à se rendre compte des rapports des différents êtres, des enchainements du monde animal, pour em- ployer le titre même du livre que nous résurmons, on voit qu'il y a eu des transitions d'espèce à espèce, de genre à genre, de famille à famille, même d'ordre à ordre; mais il ne semble pas qu'il y ait eu de passage d’une classe à l’autre. Certes les Thériodontes, les Ichthyosaures, les Ptéro- dactyles ont diminué l'intervalle qui semblait exister entre les Reptiles et les Mammifères, mais ils ne l’ont pas comblé entièrement. L'indice le plus frappant de rapprochement entre des classes aujourd'hui distinctes est fourni par les Dinosauriens, qui ont de grands rapports avec les Oiseaux; toutefois les différences sont encore telles que l’on ne peut pas dire que les Oiseaux ont passé par l’état de Dinosauriens; tout au plus est-on autorisé à supposer que ces deux groupes ont eu, à une époque reculée, une origine commune. L. Carez, Docteur ès sciences. une phase. BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Lyon (I). — Sur les courbes à torsion cons- tante. — Thèse de Doctorat présentée à la Faculté des Sciences de Paris. Juillet 1890. Si l’on prend sur une courbe gauche deux pointsmet m', séparés par une longueur d'arc s, et si l’on désigne par & l’angle des deux plans osculateurs en m et m', le quotient &:s tend en général vers une limite, quand m se rapproche indéfiniment de m. Cette limite a recu des géomètres le nom de torsion au point m et son inverse a recu le nom de rayon de torsion. La torsion s'appelle aussi la seconde courbure, la première s’obtenant par le procédé qui vient d'être rappelé, mais où l'angle des tangentes remplace celui des plans osculateurs. D’un point à un autre d’une courbe la torsion change en général; elle ne reste constante que pour une classe particulière de courbes, auxquelles le travail de M. Lyon est exclusivement consacré, La constance de la torsion laisse évidemment sub- sister, non seulement dans la position de la courbe, ce qui est indifférent, mais aussi dans la forme, une assez grande indétermination, Ainsi, par exemple, une torsion constante nulle indique une courbe plane, qui d’ailleurs reste quelconque. La courbe à torsion constante la plus connue est l’hélice ordinaire, laquelle a du reste ses deux courbures constantes. Dans le problème abordé par M. Lyon le point impor- tant était d'établir des formules, où l’indétermination inhérente au problème fut ramenée à l'arbitraire pure- ment algébrique dans le choix de certaines relations entre plusieurs quantités, ces dernières figurant d'ail- leurs dans les formules d'une facon connue, Cest ce que fait l’auteur, Partant de formules connues, il représente les trois coordonnées rectangu- laires d'un point courant sur une courbe à torsion L constante par des intégrales; sous le signe / figurent des expressions différentielles rationnelles, que M. Lyon donne explicitement, de deux paramètres « et u,. Les diverses courbes à torsion constante différent les unes des autres par la nature de la relation arbitraire, qui lie u, à U, Où, Ce qui revient au même, de la relation qui lie uet u, à un même paramètre {. Les intégrales en- question sont en général imaginaires, et diverses pré- cautions analytiques spéciales sont à prendre pour obtenir des courbes réelles. M. Lyon applique ses formules à la recherche des courbes à torsion constante unicursales (celles où les trois coordonnées sont des fonctions rationnelles d'un même paramètre) et est amené à la question suivante: quand une différentielle rationnelle s’intègre-t-elle rationnellement? Il est bien connu du reste que si l'intégrale est algébrique, elle est aussi rationnelle, L'auteur cite rapidement, pour mémoire, une pre- mière solution de la question, solution élémentaire, mais impraticable en réalité, Il expose ensuite, avec les développements que le sujet comporte, une seconde méthode, laquelle au fond n’est autre que le procédé bien connu en algèbre sous le nom de « méthode des coefficients indéterminés ». Les calculs sont longs, mais parfaitement réalisables, car on n’a jamais affaire qu'à des équations du premier degré, faciles à traiter grâce aux déterminants. " M. Lyon applique son procédé à la construction effec- tive des courbes à torsion constante unicursales et réelles les plus simples. Il trouve notamment une courbe gauche du troisième degré, dont les trois coor- données du point courant sont des fonctions ration- nelles de l'arc, Cette courbe partage avec l’hélice ordinaire le privilège d’avoir ses deux courbures cons- tantes. Depuis ces dernières années, la Faculté des Sciences de Paris a eu fréquemment à examiner des thèses, telles que celles d'Halphen, de MM. Poincaré, Humbert, Pain- levé, etc,, qui étaient des travaux considérables, par l'originalité des résultats et des méthodes, par la con- naissance approfondie des théories les plus délicates et les plus nouvelles de la Science. C'était plus que des thèses. Il serait donc souverainement injuste de repro- cher à M. Lyon de n’en avoir pas fait autant, Il a subi à son honneur l'épreuve qui couronne l'éducation d’un mathématicien; il a su développer d’une façon intéres- sante et heureuse des théories classiques; il a fait à tous les points de vue une excellente thèse. Ajoutons que la lecture du mémoire estrendue particulièrement attrayante par une grande élégance dans les notations et les calculs. Léon AUTONNE. WWitz (Aimé), Ingénieur des Arts et Manufactures. — Etude théorique et expérimentale sur les ma- chines à vapeur à détentes successives. Sociélé Industrielle du Nord de la France, Lille, 1890, L'étude très instructive que M, Aimé Witz vient de publier sur les machines à vapeur à détentes succes- sives peut être résumée comme il suit : Si les machines étaient parfaites, elles auraient une détente complète, c’est-à-dire que la pression de la vapeur, à la fin de la course, serait, à fort peu de chose près, celle du condenseur, En réalité, dans les ma- chines monocylindriques, la détente est limitée; pour chacune d'elles, il y à une limite d'expansion au delà de laquelle le rendement diminuerait si l’on voulait augmenter cette expansion, L’explication de ce fait est très simple, A l'intro- duction, la vapeur rencontre les parois du piston et du cylindre refroidies par la communication avec le con- denseur. IL se fait une condensation sur ces parois, donc l'humidité augmente encore au contact de la va- peur pendant la détente, à cause de la condensation partielle qui accompagne cette détente. A l’échap- pement, cette eau, condensée sur la paroi, se vaporise et entraine au condenseur une grande quantité de cha- leur empruntée aux parois du cylindre et du piston, A chaque course, ces phénomènes se reproduisent. C’est ce que Hirn désigne sous le nom expressif de refroidis- sement au condenseuwr, Une détente au % est, en défini- tive, un grand maximum, qu'il ne faut pas dépasser dans les machines monocylindriques. Un des moyens qui permettent de prolonger la détente consiste dans l’emploi de plusieurs cylindres où la vapeur se détend successivement. L'effet nuisible des paroïs et la perte finale au condenseur sont consi- dérablement diminués, malgré la plus grande étendue des parois, parce que, dans chaque cylindre, la chute de température est diminuée. Par des dispositions et un réchauffage convenable des réservoirs intermédiaires, les effets de la chute de pression d’un réservoir à l’autre sont insignifiant(s. Il arrive même que l’on cons- tate, en superposant les diagrammes respectifs des cylindres, que la courbe de contre-pression de lun chevauche la courbe d'admission du suivant, Dans les machines à multiples expansions, le couple moteur est plus régulier et les fuites du piston sont bien moins 586 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX considérables que dans les autres, La complication apparente des machines à détentes successives peut faire craindre à priori que leur rendement mécanique soit moins bon que celui des machines monocylin- driques. Il n’en estrien, et il faut remarquer, en outre, que si l'on faisait marcher une machine monocylin- drique avec une admission de 0,04 à 0,05, comparable aux admissions dans les machines à détentes succes- sives, son rendement mécanique baisserait considé- rablement, Une Corliss, mise en expérience au Creusot, avait un rendement mécanique de 0,82 avec une admis- sion de 0,118 et un rendement de 0,67 avec une admis- sion de 0,044. D'après des expériences de M. Walther- Meunier, chaque cylindre en plus d’un donnant une perte de rendement mécanique égale à environ 3 0/0, une machine à triple expansion aurait un rendement inférieur de 6 0/0 à celui d’une bonne machine mono- cylindrique, mais elle produit une économie thermique de 20 à 25 0/0. Un seul point de cette étude compa- rative laisse des doutes : le graissage est incontesta- blement plus coûteux pour trois cylindres et leurs tiroirs que le graissage d’un cylindre ef de son tiroir; mais les expériences manquent pour une comparaison des dépenses, M. Witz cite, dans son très intéressant travail, les nombreuses expériences de Hirn, Weyher et Richemond, Lœring et Emery, Walther-Meunier de Mulhouse, Sthneider du Creusot, Widmann, ingénieur de la ma- rine, Demoulin, Sulzer de Winterthur, Schrôter et d’autres, Ces expériences prouvent que, par cheval- heure indiqué, une machine monocylindrique dépense environ 8 k. 60 de vapeur, une machine compound, 8 k.20, une machine à triple expansion, 6 k, Voolf et Edward, les premiers, firent des machines à deux cylindres accolés; ces machines, à balancier, se faisaient remarquer par une grande régularité de marche. Plus tard vint la disposition de deux cylindres en « tandem » applicable aux machines pilon, Les ma- chines compounds, avec réservoir intermédiaire de 6 à 8 fois le volume du petit cylindre, ont l’avantage de rendre les pistons indépendants et de permettre de les relier à des manivelles à 90°. Dès 1860, Dupuy de Lôme appliqua à la marine les machines à deux cey- lindres, et dès 4863, il appliqua les machines à trois cylindres. Ce sont les Anglais qui ont le plus répandu les triples et quadruples expansions et les combinai- sons qui permettent le fonctionnement des machines, soit en compound simple, soit en triple ou quadruple expansion, suivant les allures que doit prendre le na- vire où elles sont installées. En définitive, les constructeurs et les ingénieurs de la marine ont réalisé un grand progrès des machines à vapeur en pratiquant les grandes détentes dans des cylindres multiples, et les constructeurs de machines fixes auront beaucoup à gagner en profitant de leurs travaux, Al. Gouiziy. 2° Sciences physiques. Meldola, (Raphaël) The Photographic Image. Lee- ture faite à l'Institution Royale de Londres le vendredi soir, 16 mai 1890, Dans une courte conférence, le Professeur Meldola expose brièvement l’histoire, les débuts et Les progrès de la Photographie dont nous célébrions l’année der- nière le cinquantenaire, Au point de vue historique, il relate, d’après le D' Eder, mais seulement à titre de mention, le nom de J. H. Schultze qui fit en 1727 des expériences sur la phosphorescence et signala l'intérêt qu'il y avait dans Valtérabilité de certains composés d’argent : il aurait même obtenu ainsi des espèces de lettres et de dessins, copies temporaires du resteetnon fixées ; puisaprès des recherches analogues de Wedgwood et de Davy, le con- férencier arrive aux noms des deux véritables inven- teurs de la Photographie, Nicéphore Niepce et Da- guerre (1824-1826). Il revendique ensuite pour deux Anglais, Fox Talbot et Herschell, une partie de la gloire qui échoit à nos deux compatriotes, puisque les travaux de Talbot et d’Herschell ne datent que de 1834. Il passe ensuite à l’exposé sommaire des différents procédés qui ont été successivement em- ployés : épreuves sur plaques d'argent, apparition du collodion, premiers procédés à l’énulsion, et enfin gélatino-bromure, le dernier mot, aujourd'hui, de la science photographique. Le professeur Meldola examine après cela la nature du phénomène de l'impression photographique et dela valeur de l’image, et discute les différentes explica- tions qu’on en à données, entre autres celle de M. Ca- rey Lea ; il conclut en disant que la question estencore fort obscure et offre aux travaux des chimistes un ma- gnifique champ d'observations et d'étude. Cette conférence, intéressante par la nature même de son sujet, était forcément limitée comme étendue, vu Ja forme de causerie qui lui était imposée. Il y au- rait un grand intérêt à rappeler les tentatives, dont plusieurs ont été couronnés de succès, faites en vue de rendre vraies les impressions photographiques, et à faire venir en valeurs proportionnelles à leur éclat res- pectif, les rouges, les jaunes et les verts des objets paturels ; pourquoi n'est-il pas fait mention du remar- quable procédé imaginé dans ce but par M. le Profes- seur Lippmann et présenté à l’Académie des Sciences en 1889? L'exposition successive à travers trois glaces l’une rouge, la seconde verte, la troisième bleue, est un moyen si simple et si facile à mettre en pratique qu'il eût été intéressant de l'indiquer aux amateurs et aux praticiens. Nous en entretiendrons quelque jour les Jecteurs de la Revue. Alphonse BÉRGET. D’Arsonval (A). — Sur un spectrophotomètre différentiel sans polarisation, (Archives de Physio- logie normale et pathologique, 1890, p. 114). Pour comparer entre eux deux faisceaux lumineux provenant soit de deux sources différentes, soit d’une même source, mais alors ayant subi des modifications différentes, par exemple ayant traversé des milieux ab- sorbants différents, le seul procédé photométrique ri- goureux consiste à décomposer d’abord ces deux fais- ceaux dans le même spectroscope; on obtient ainsi deux spectres distincts, et c’est sur les mêmes radia- tions simples, prises successivement dans les différentes régions du spectre que porte l'étude photométrique pro- prement dite, Pour comparer les inftensités respectives de deux radiations, on affaiblit progressivement l'une d'elles dans des rapports connus, jusqu'à réaliser Péga- lité d'éclat dans la région du spectre considérée, Le pro- cédé le plus précis consiste à recourir aux phénomènes de polarisation, Les spectrophotomètres à polarisation donnent d'excellents résultats entre les mains des phy- siciens, L'inconvénient qu'ils présentent est d'exiger des sources lumineuses assez intenses, d’être compliqués, coûteux, et d’un réglage un peu délicat, Leur emploi n’est donc guère susceptible de se vulgariser, Cepen- dant les physiologistes ont souvent besoin de recourir à des mesures spectrophotométriques. La mesure de l’affaiblissement de certaines radiations simples après le passage d’un faisceau lumineux à travers une cuve d'absorption permet souvent en effet non seulement de caractériser une substance, mais encore de la doser rigoureusement, même dans un mélange avec d’autres substances absorbantes, M. d'Arsonval s'est proposé de doter les physiologistes d'un instrument d’un maniement simple, susceptible de s'adapter à un spectroscope ordinaire et donnant par une lecture directe la différence d'éclat cherchée. Les deux faisceaux lumineux pénètrent dans cet appareil par deux lentilles achromatiques identiques, dont les axes sont parallèles, et qui fournissent, pour la même ouverture, des images de même éclat, Ils sont recus RÉ hs à - BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX sur deux de ces parallélipipèdes à réflexion totale qu’on emploie en optique concurremment avec les bilames, soit pour dédoubler un faisceau lumineux, soit au con- traire, comme c’est le cas ici, pour ramener au contact deux faisceaux distincts. Chacun des deux faisceaux tombe alors sur une moitié de la fente du spectroscope. Le dispositif qui permet de faire varier à volonté leur intensité est un double diaphragme mobile situé der- rière les lentilles. Il est mù par un bouton à crémail- lère portant une échelle graduée, et permet de couvrir l’un des objectifs et de découvrir en même temps le second de quantités égales; le mode de déplacement est tel que les centres des diaphragmes sont foujours sur l’axe des lentilles. L’échelle graduée donne immé- diatement le rapport des surfaces d'ouverture des üia- phragmes, et ce rapport est précisément celui des quantités de lumière qui arrivent sur les deux moitiés de la fente du spectroscope. M. d’Arsonval a constaté qu'on obtient couramment une précision atteignant le centième pour la mesure des pouvoirs absorbants des liquides colorés, et en particulier pour l'hémoglobine, Edgard Haunié, Kronberg. — La méthylsaccharine, nouvelle matière sucrée,— Die deutsche Zuckerindustrie, XIV, 1190-1192. La méthylsaccharine de M. Kronberg constitue, comme son nom l'indique, le dérivé méthylé de la sac- charine de Fahlberg et List. Sa formule est done HS CH + CH SO? re CO, /AzH. rine est assez semblable à celle de son homologue infé- rieur, la saccharine. Le toluène C6H5— CI, traité par lacide nitrique, puis réduit par l'hydrogène est trans- ‘H CH hi) Naz HR, longtemps avec l'acide sulfurique concentré, donne La préparation de la méthylsaccha- formé en paratoluidine C6H ; ce corps, chaufté DL l'acide paratoluidinemétasulfonique CH#— SO? — OH 3) | NA, qu’on transforme par le nitrite de soude et l'acide sul- CHS 7 au) furique en dérivé diazoïque CSH$—SO®—0H,, NAz=A1—SO0'H,. Soumis à l’action prolongée du cyanure de cuivre et du cyanure de potassium, ce dérivé donne le sel de potassium de l'acide cyano-toluène -sulfonique QUE 7 CH mn C6H3— SO? — OK y- Pendant cette réaction, le groupe Dors Az — Az est éliminé sous forme d'azote libre. Le cyano- toluène-sulfite de potassium, cristallisé en longues aiguilles jaunes et brillantes, traité par le perchlorure de phosphore PCF, donne de fines paillettes blanches ‘LH paul F du corps C6H3— Cette formule répond-elle bien à la réalité, n°y a-t-il dans la métamérie céphalique qu'une copie quelque peu effacée, et en tout cas très modifiée, de celle du tronc ? Certains faits semblent parler en faveur de la négative, et montrer que, dans la tête, la métamérie présente un cachet spécial et des caractères qui ne s’observent que là, et que si la mélamérie céphalique est pour une grande part la reproduction pure et simple de celle du trone, il y a en elle quelque chose de plus. La mélamérisation du tube digestif se tradui- sant par la formation des diverticules entodermi- ques desquels prennent naissance les branchies, la métamérisation entodermique branchiale, l’en- tomérie en un mot, dont nous avons parlé plus haut, est limitée, chez les Vertébrés actuels du moins, à la région branchiale, au territoire cépha- lique par conséquent. Il en résulte pour la mé- lamérie de la tête un caractère tout particulier qu'on ne retrouve dans aucune autre partie du corps du Vertébré. Mais ce n'est pas tout. Nous avons vu plus haut que la région branchiale n’est pas la seule qui se distingue par la présence de branchies, et qu’au moins chez des Vertébrés disparus, les formations branchiales devaient se prolonger en arrière de la 19% 602 D' A. PRENANT. — LA MÉTAMÉRIE CÉPHALIQUE zone actuelle des branchies jusqu’à l'extrémité pos- térieure du corps. Nous avons été amené tout na- turellement à nous demander si en avant de cette zone il n’en serait pas absolument de même, et si jadis la région prébranchiale de la tête n'aurait pas, elle aussi, présenté des branchies, qui plus tard se seraient modifiées considérablement, en s'adaptant à de nouvelles fonctions, et qu'il fau- draitretrouver dans les organes affectés à ces fonc- tions nouvelles. Nous avons laissé entrevoir plus haut que c'était bien là ce qui semblait s'être passé, et que, suivant Dohrn, c'était naguère aux dépens de branchies que s'étaient constitués chez le Ver- tébré en évolution les organes des sens, la fos- sette olfactive en particulier. Cette manière de voir se trouve sanctionnée par les faits que Beard a décrits ! ét qui ont été retrouvés depuis par d’autres auteurs (Froriep, Kastschenko). Beard pense, s'appuyant sur des considérations analo- miques que nous laissons de côté, qu'à chaque branchie correspond chez l'embryon très jeune un organe sensoriel rudimentaire que consli- tuent un épaississement de la paroi ectodermique et un renflement ganglionnaire d'un nerf, Seu- lement dans les branchies destinées chez l’em- bryon plus âgé à subsister comme telles sous la forme de fentes branchiales, l'organe sensoriel branchial s’atrophie et disparait. Au contraire il prend le dessus dans les autres branchies et, se différenciant d’une certaine manière, représente l'ébauche de l’un des organes des sens de l’adulte. Suivant Beard les organes des sens branchiaux, limilés actuellement à la région céphalique, y ca- ractériseraient la métamérie branchiale. La métamérie branchiale, telle qu'elle est réa- lisée ontogénétiquement, imprime donc à la méla- mérie de la tête un cachet qui la distingue de celle du tronc. A part cela, nous n’aurions plus qu’à reconnaitre que la tête tout entière n’est que la partie anté- rieure du tronc, métamérisée comme lui, quoique d’une facon beaucoup moins schématique, s’il ne nous fallait encore dans cet exposé tenir compte de certaines opinions, ayant des faits pour bases, qui viennent compliquer notre proposition. Les recherches faites sur le développement et la constitution du crâne ont montré, il ya longtemps déjà, que la corde dorsale que l’on sait être ani- mée comme la tige directrice du squelette axial, ne se prolonge pas dans toute l'étendue du crâne, mais s'arrête dans la régior de la fosse pituitaire. On a donc pu distinguer une portion cordale et 1 Bearv. The system of branchial sense organs and their associated ganglia in Ichthyopsidte. (Quart Journ. of micr Science, 1885.) une partie précordale du cràne, et, comme la corde était considérée comme le point de départ de toute formation vertébrale, on fut amené à penser que la portion cordale seule était composée de vertèbres, et à l’opposer sous le nom de partie ver- lébrale du crâne à la région antérieure nommée partie prévertébrale du crâne (Gegenbaur) !. Cette dernière fut considérée comme secondaire et sura- joutée, par suite du développement des organes olfactif et optique; elle échappe, dit Gegenbaur, à toute considéralion analytique. Voilà donc une distinction à faire entre la region antérieure el la région postérieure du cräne et peut-être de la tête entière. Le crâne était alors l'unique objet qui préoccupàt les anatomistes curieux de résoudre la question de la signification de la tête des Vertébrés. Aujourd’hui que le champ du problème s’est agrandi, et que l'étude du crâne dans cet ordre d'idées est passée au second plan, CG. Rabl a pu appliquer à tous les organes de la tête la division de Gegenbaur, et distinguer non plus seulement deux régions cràniennes, mais deux régions cépha- liques ?. Il y a lieu, dit Rabl, de distinguer dans la tête des Vertébrés deux parties ontogénétique- ment et phylogénétiquement différentes : une antérieure plus grande, non segmentée, une pos- térieure plus petite, segmentée. La vésicule audi- tive marque la limite de ces deux régions. La région antérieure, la tête antérieure, renferme quatre somites ; la région postérieure, la tête pos- térieure, en contient cinq. Mais tandis que dans cette dernière le mode de formalion des somites est calqué sur celui des somites du tronc, il se fait dans la tête antérieure d’une manière toute différente, si bien que les somites de celle-ci ne mé- ritent pas à proprement parler leur nom et ne sont pas de véritables segments 3. La tête antérieure, outre le nerf olfactif et le nerf optique, ne renferme que deux nerfs, le trijumeau et le facial. A la tête postérieure appartiennent les nerfs cräniens qui 1 La valeur de cette distinction est toutefois mise en doute par les autres observations qui établissent que la corde ‘seprolonge jusqu'à l'extrémité antérieure de la tête. (Houssay, loc. cit; KetBez, Zur Entw. der Chorda, bei Saügern (Arch. Jür Anat. und Phys., Anat. Abth. 1889.) 2 C. Ram. Thcorie des Mesoderms (Morphol. Jahrbuch, Bd. XV, H. 2, 1889, en cours de publication.) 3 Il convient de signaler à ce propos l’intéressante remarque suivante due à Rabl. On sait que les somites sont le résuitat de la segmentation du mésoderme. D’autre part chez l'Am- phioxus (qui n’a pas de tête, qui estun Acraniote) les somites s'étendent jusqu’à l'extrémité antérieure du corps; le premier somite envoie seulement en avant un prolongement méso- dermique non scgmenté. Partant de là, Rablcompare au pro- longement mésodermique du premier somite chez ’Amphoxus (qui n’a pas de tête) les somites de la tête antérieure des Ver- tébrés craniotes qui, nous l'avons vu, ne sont pas de vrais segments. De là à dire que la tête antérieure des Craniotes est l’homologue. et seule l'homologue, d’un rudiment cépha- lique de l’'Amphioxus, il n'y à qu’un pas. A. GUILLEMIN. — LA ROTATION DE MERCURE, D'APRÈS M. SCHIAPARELLI naissent derrière le facial, et qui seuls se compor- tent comme des nerfs spinaux !. La métamérie du tronc des Vertébrés ne s’élen- drait pas à la tête tout entière, mais seulement à la région postérieure de celle-ci, à la tête posté- rieure. Il y aurait une région antérieure distincte de la précédente et du tronc, une lête antérieure, en quelque sorte surajoutée. x Déjà Dohrn s’est élevé contre la solution que C. Rabl pense pouvoir donner du problème de la tête des Vertébrés ?, et il annonce un travail d'ensemble intitulé « Nouvelles bases d’une ceri- tique de la métamérie céphalique * ». EMI L'ensemble des métamérisations partielles, des segmentations d'organes que nous venons d’énu- mérer forme la métamérie céphalique. Il s’en faut cependant que des segments appartenant à des organes différents coïncident, et puissent être rattachés exactement à un même métamère cépha- lique. L'état actuel de la science ne permet pas encore de présenter une formule aussi simple de la métamérisation de la tête. Au contraire il y a actuellement dans la tête plusieurs métaméries qui chevauchent les unes sur les autres, qui s’intriquent et s’'embrouillent, confusion cerlainement appa- 603 rente qui tient aux remaniements multiples que le type original a subis, aux déformations nombreuses du schéma primitif, et aussi, il faut bien le dire, à l’imperfection de nos connaissances. Quoi qu'il en soit, quelle que soit la manière dont on veuille se la représenter, la métamérie cépha- lique existe : notre tête est formée, totalement ou en partie, d'anneaux, comme celle d’un Ver, Nous avons fait pressentir au début les consé- quences qu'entraine la constatation d’une sem- blable disposition, en essayant de montrer l’impor- tance de cette constatation au point de vue de l'histoire phylogénétique des Vertébrés : elle fait de nous des descendants des Vers. Oui, il faut nous résigner à l’idée d’une aussi misérable origine, et si nous étions tentés, à l'exemple de certains esprits aussi chagrins qu’or- gueilleux, de nous en affliger, nous devrions aussitôt nous rappeler le mot d'Haeckel, déclarant aimer mieux être « la postérité perfectionnée d’un ancètre simien » (nous dirions même aujourd’hui annelé) ( qu'un rejeton dégénéré ». Pensée bien autrement consolante, que celle que nous pourrions avoir, en nous attribuant une haute origine, dont nous serions misérablement déchus ! D’ A. Prenant, Chef des travaux histologiques à la Faculté de Médecine de Nancy. LA ROTATION DE MERCURE, D'APRÈS M. SCHIAPARELLI * Mercure est une planète qui ne jouit pas d’une bonne réputation auprès des astronomes. Sa théo- rie laisse à désirer, et ce qu'on sait de sa constitu- tion physique se réduit à bien peu de chose. Comme elle n’a pas de satellites, on a été long- temps réduit à une hypothèse pour évaluer sa 1 Jci encore Rabl trouve un rapprochement des Vertébrés avec l'Amphioxus. Dans la région céphalique rudimentaire de cet animal existent de chaque côté deux nerfs que l’auteur homologue aux nerfs de la tête antéricure des Vertébrés, sa- voir au trijumeau et au facial. Tous les nerfs qui chez l'Am- phioxus naissent derrière ceux-là sont des nerfs spinaux, de méme que doivent être rangés parmi les nerfs spinaux les * nerfs de la tête postérieure des Craniotes. ? Donrx. Bemecrkungen über den neuesten Versuch einer Lüsung des Wirbelthierkopf-Problems (Anat. Anz., n05 2-3, 1890.) 3 Ce travail vient de paraitre in Mitth. aus der Zool. Station zu Neapel, 1890. 4 Schiaparelli. — Sulla rotazione e Sulla costituzione fisica del pianeta Mercurio, discorso di G. B. Schiaparelli (Reale Acca- demia dei Lincei Estratto dal vol V, 2° sem. Serie 4, Ren- diconti. Adunanza solenne ’dell 18 dicemb. 1889; et Sulla rota- zione di Mercurio, di G. V. Schiaparelli (Abdruck aus den Astronomische nachrichten, n° 2944). masse. Des géomètres, comme Lagrange et Laplace, supposèrent que les densités des planèles suivent une certaine loi, qu'elles sont réciproquement pro- portionnelles à leurs moyennes distances au Soleil, et, du volume de Mercure et de sa densité ainsi calculée, ils conclurent pour sa masse le nom- bre 1/2.025.810. Laplace ajoutait judicieusement que c'était là « une hypothèse fort précaire ». Encke, d'aprèsles perturbations que Mercure avait fait subir à la comète à courte période (celle qui porte son nom) calcula directement sa masse et trouva un nombre inférieur à la moitié de celui de Laplace, 1/4.865.750. Tout récemment M. Backlund, reprenant les mêmes problèmes avec des données tirées de la même comète, est arrivé à 1/2.668.700. Le Verrier, dans sa théorie des planètes moyennes, Mercure, Vénus, la Terre et Mars, donna d’abord un nombre peu différent de celui d'Encke, pour s'arrêter à celui-ci : 1/5.310.000, adopté aujourd’hui par le Bureau des longitudes. Enfin, en soumettant les résultats antérieurs à une discussion nouvelle, 60% A. GUILLEMIN. — LA ROTATION DE MERCURE, D'APRÈS M. SCHIAPARELLI un astronome anglais le professeur Harkness vient de trouver pour la masse de Mercure 1/8.504.569. On peut voir, par ces nombres, dans quelles larges limites se meut l'évaluation de cet élément si im- portant pour la théorie de la planète. Il L'incertitude n’est pas moindre pourles données qui peuvent éclairer les astronomes sur la consti- tution physique de Mercure. Il n’y a pas encore un siècle qu'on ne savait rien de son mouvement de rotation. L'existence et la détermination d'un tel mouvement exigent qu'on puisse observer télescopiquement des accidents plus ou moins permanents de la surface du disque, par exemple des taches brillantes ou des taches obscures. Or Mercure est d'une observation diffi- çile ; il s’éloigne peu du Soleil, et, surtout dans nos latitudes, il s'élève à une faible hauteur au-dessus de l'horizon, même lorsqu'il atteintson maximum d’élongation occidentale ou orientale. Sa lumière, très vive, scintille fortement; elle est d’ailleurs plongée dans des couches brumeuses et l'agitation de l'air ne permet que bien rarement d'obtenir des images nettement définies. C'est dans les dernières années du xvin° siècle (1799-1801), que Schræter et Harding firent, à Lilienthal, les premières observations un peu suivies de Mercure, et ils purent en conclure un mouvement de rotation de 24" 5". Desindentalions ou échancrures de la ligne de séparation de l'ombre et de la lumière, une troncature de la corne australe du croissant, une tache noire dans une bande nébuleuse du disque, par leurs appari- tions et disparitions successives, servirent à ces deux astronomes à élablir la réalité du mouve- ment de rotalion et à en fixer la durée. Plus tard (1813) Bessel discuta à nouveau les observations de Schreæter et de Harding, el trouva en définitive un nombre un peu plus petit, 24 0" 595,97 de temps moyen. Ge résultat (l'Annuaire du Bureau des longitudes donne 24",50$) était accepté par tous les astronomes, bien qu'il n'ait élé confirmé par aucune observation postérieure. Il semblait d’au- tant plus probable, qu'il se rapprochait des durées de rotation des 3 autres planètes du même groupe. Vénus 23! 51", la Terre 23! 56" et Mars 24! 37, Or voici qu'un astronome italien, qui a fait ses preuves comme observateur habile et conscien- cieux, le directeur de de Brera (Milan), M. Schiaparelli vient renverser de fond en comble tout ce qu'on croyait si bien établi par les observations de Schræter et les calculs de Bessel. D’après lui, la durée de la rotalion de Mercure, au heu d’être d’un jour moyen environ, ne serait pas l’observatoire moindre de 87i 869, c'est-à-dire égale à la révo- lution sidérale de la planète. Mercure présenterait sous ce rapport une particularité qui semblait réservée jusqu'ici aux satellites, à la Lune notam- ment et à plusieurs des satellites de Jupiter ou de Saturne. Un tel résultat demande à être justifié par des observations décisives et exige qu’on entre dans quelques détails. C'est ce que nous allons faire en nous appuyant sur deux notes publiées par M. Schiaparelli, l’une dans les As/ronomische Nachrichten, autre dans les bulletins de la Æeale Accademia dei Lincei (déc. 1889). Les études de l'observateur italien n’ont pas duré moins de sept années, depuis 1882 jusqu'en 1889. Mais c'est principalement en 1882 et 1883 qu'il put réunir la série la plus nombreuse et la plus suivie d'observations de la planète pendant sept révolu- tions synodiques successives. Il obtint ainsi 150 des- sins du disque à différentes phases. Pour arriver à un tel résultat, malgré les interruptions forcées pendant les périodes des conjonctions inférieures et supérieures (trenle-six jours en moyenne), M. Schiaparelli adopta un mode d'observation gé- néralement inusité avant lui. Négligeant le plus souvent les observations de pleine nuit, c’est le soir avant le coucher du Soleil, ou le malin après son lever qu'il pointait son télescope (un réfracteur de Merz de 8 pouces) sur la planète. Il évitait ainsi l'obstacle le plus ordinaire à une bonne visibilité, c'est-à-dire les agitations des couches d'air voisines de l'horizon (1). D'ailleurs, la présence des rayons solaires n’est pas à son avis un aussi grand obstacle qu'on le pourrait croire. « Sans prendre aucune disposition spéciale pour éliminer du télescope les rayons solaires, j'ai pu dit-il, dessiner plusieurs fois Mercure à quelques degrés du Soleil. Un de mes meilleurs dessins a été pris le 11 août 1882, à 20 ® 27 x de temps moyen, Mercure n'étant dis- tant du limbe solaire que de 3° 2’. Le disque de la planète se montrait alors parfaitement rond, avec une lumière à peu près uniforme, et, bien que son diamètre apparent fût réduit à 4” ou 5”, la position des taches visibles put être évaluée avec une grande certitude. » (4) « Sotto la nostra latitudine & impossibile fare osserva- zoni utili di Mercurio, durante la notte completa, ed anche nei crepusculi riescono raramente, trovandosi il pianeta troppo basso per poter usare delle amplificazione necessarie al presente scopo, le quali in nessun modo possono essere in- feriori à 200. Volendo dunque ottencre una serie alquanto continuata, ho dovuto risolvermi a fare le osservazioni col Sole sull orizzonte; le quali, quando l’aria & pura e quieta, ricscono bene d’inverno à qualunque ora del giorno ; in au- tumno e in primavera nelle mattutine. Pit diflicili sono dell estate, a cagione dei molti vapori che il Sole solleva dalla nostra acquosa pianura, e pit ancora in conseguenza della quasi perenne agitazione prodotta nel! atmosfera dal forte riscaldamento del suolo e degli edifizi della vasta città, che- circonda l’Osservatorio da ogni parte. » A. GUILLEMIN. — LA ROTATION DE MERCURE, D'APRÈS M. SCHIAPARELLI Il La méthode et les procédés d'observation étant connus, voyons quels résultats obtint M. Schiapa- relli et quelles conséquences il tira de leur compa- raison. Mercure observé deux jours de suite à la même heure solaire, présentait identiquement le même _aspect : mêmes taches, claires ou obscures, occu- pant à peu près la même position sur le disque apparent. Que l'intervalle soit de deux, trois ou quatre jours solaires complets, la différence d’as- pect est peu considérable, si l’on tient compte du changement de forme et de l'amplitude des phases visibles. De tous les faits relalifs à la rotation de Mercure, celui-là est le plus évident, et le plus anciennement connu. Il résulte des observations de Schræter et aussi de celles d’un astronome con- temporain, M. L. de Ball, qui vit une tache le 24 juillet 1882 et, quatre jours après, la revit à la même heure et avec le même aspect. Ce fait n’ad- met que trois interprétations : a] la planète effectue sa rotation en vingl-quatre heures environ; à) ou elle fait deux ou plusieurs rotations entières dans le même intervalle ; c) ou enfin le mouvement de rotation est assez lent pour n'être pas sensible d’un jour à l’autre. Laquelle de ces trois hypothèses doit être adoptée ? Or, d'après M. Schiaparelli, un fait non moins évident que le premier, résultant pareillement d'observations réitérées, va trancher cette question. En observant le disque de Mercure plusieurs fois dans la même journée, à des intervalles de plu- sieurs heures, il constata encore que ce disque con- servait le même aspect. Même résultat, en obser- vani dans deux journées consécutives, de manière que l'intervalle fût sensiblement plus grand ou plus petit que vingt-quatre heures. Un tel résultat exclut manifestement les deux premières hypo- thèses; il est en contradiction complète avec la durée de rotation de Schræter, « ce que je n'oserais affirmer, dit M. Schiaparelli, si je n'avais eu maintes et maintes fois l’occasion d’en faire la preuve. La rotation de Mercure ne s'effectue pas en un jour, ni en une fraction de jour, mais elle se fait avec une grande lenteur. » Il restait à déterminer la durée de cette rota- tion. Pour y parvenir, l’astronome italien compara l'aspect présenté par le disque de Mercure et la position respective de ses Laches, aux époques des diverses révolutions synodiques, correspondant à des situations identiques de la planète, de la Terre et du Soleil. Il trouva encore que l'aspect général des taches restait le même, à de faibles différences près, vers le cercle terminateur de l'ombre. « Ainsi, 605 par exemple, dit-il, le grand système de taches 4 a b ki, qui occupe toute la partie droite du pla- nisphère (fig. 1) joint au présent article, avec une forme tout à fait semblable à celle du chiffre 5, Fig. 1. — Mercure ct ses taches, d’après les observations de M. Schiaparelli (1882-1887). — A, B, points de l'équateur limitant les régions de Mercure qui voient le Soleil à leur zénith dans le cours d'une révolution. est caractéristique de l'aspect du disque dans les élongations orientales maxima, lorsque Mercure se montre presque éclairé à moitié. Pendant les deux années 1882 et 1883, j'ai pu observer avec quelque continuité six élongations orientales aux dates suivantes : A fév., 10 fév. 1882 3 mai, 11 mai. 94 mai, 31 mai, — Asept., 8 sept. — 49 sept., 30 sept. — 20 déc. 1882 et des observations semblables ont élé faites dans deux autres élongations orientales à la fin de juin 1886 et dans les premiers jours de mars 1887; tou- jours ces taches furent visibles, un peu plus un peu moins immergées dans l'ombre de la planète. » M. Schiaparelli, après avoir cité d’autres faits con- firmatifs des précédents, conclut en disant que leur ensemble démontre « que Mercure tourne au- tour du Soleil à fort peu près de la même manière que fait la Lune autour de la Terre, et Japet autour de Saturne. présentant au Soleil (non sans certaines oscillations) constamment le même hémisphère de sa surface. » D'où la conséquence que la durée de | rotation de Mercure est égale à celle de sa révolu- tion sidérale ou en nombres ronds à 88 jours moyens (87,969). Tout en admettant qu'il puisse y avoir entre les deux périodes une différence de 606 A. GUILLEMIN. — LA ROTATION DE 0,001 de leur valeur, il incline à croire que cette différence est rigoureusement nulle. II M. Schiaparelli n’a pu déterminer la direction précise de l’axe de rotation sur le plan de l'orbite. La difficulté des mesures exactes dans la position des taches ne lui a pas permis de résoudre ce point important du problème, On sait que, d'après Schræter, l'axe ne faisait avec le plan en question qu'un angle de 20°. La réduction des positions des taches sur les dessins obtenus à Brera laisse penser que cet axe n’est pas éloigné d’être perpendiculaire à l'orbite de Mercure. Cet angle n’est certainement ni de 23° ni de 25° comme dans le cas de la Terre et de Mars; tout au plus pourrait-il arriver au tiers, 8° à 9°, Provisoirement M. Schiaparelli admet que l'équateur de Mercure coïncide avec le plan de l'orbite. C’est en partant de cette hypothèse qu'il a construit le planisphère où il a essayé de résumer, dans ses traits essentiels, la physionomie du disque de la planète, d'après les nombreux dessins des taches observées dans le cours des sept années qu'il a consacrées à leur élude. Sur la ligne droite qui figure l’équateur (fig. 1), deux points À et B situés de part et d'autre du centre O, dont ils sont éloignés chacun de 23° A, marquent les deux régions extrêmes qui voient, à chaque révolution, le Soleil à leur zénith. La pla- nète, en effet, dans ses deux mouvements simul- tanés de révolution et de rotation, ne présente pas toujours le même méridien au Soleil ou au foyer de l'orbite. Cela tient, d'après M. Schiaparelli, à ce que le mouvement de rotation de Mercure est uniforme. Il en résulte, étant donnée l’excentricité notable de l'orbite, une libration en longitude de part et d'autre du rayon vecteur, dont la période est de 88 jours et dont l'amplitude totale est le double de la plus grande équation du centre, soit de 47° 21’, Cette uniformité était à prévoir; mais, pour en vérifier l'exactitude, M. Schiaparelli cal- cula la longitude d’une tache, assez nettement dé- finie, (la tache marquée de la lettre 7 sur le planis- phère) sur une série de 23 dessins pris à des époques où l'équation du centre était lantôt positive, tantôt négative, soit en partant de l'hypothèse que la ro- tation de Mercure est uniforme, soit en supposant que celle rotation suive la marche de l’anomalie vraie, ou si l’on veut que la planète, semblable à un aimant, s'oriente toujours vers le Soleil, se te- nant constamment au zénith du point O, origine des longitudes. Les résultats de ce double calcul donnent pour la tache en question, dans la pre- mière hypothèse, des valeurs de la longitude suffi- samment concordantes, tandis que, dans le second MERCURE, D'APRÈS M. SCHIAPARELLI cas, la moyenne des longitudes correspondant à l'équation du centre positive est totalement diffé- rente de celle répondant à l’équation du centre négative. Le mouvement de rotation de Mercure est done uniforme, résultat que l’on pouvait prévoir. Teiles sont, en résumé, les principales conclu- sions du savant astronome italien. Nous n’avons pas besoin de dire que, sur plus d’un point, elles méritent d'être confirmées. Comme il en convient lui-même, les taches du disque de Mercure sont loin d’être bien définies, et, le plus souvent, elles sout à peine perceplibles, rendant ainsi fort diffi- ciles des mesures précises. Il va sans dire qu'il sera important de les voir confirmés par d’autres obser- valeurs placés dans des conditions aussi favo- rables que celles de Brera; ils pourront d'ailleurs bénéficier de la méthode suivie par M. Schiaparelli pour étudier Mercure sans avoir à craindre les agi- tations des basses couches de l'atmosphère. Si, comme on doit l’espérer et comme le fait présumer la grande habileté de l'éminent astronome italien, les nouvelles observations établissent d’une facon décisive l'égalité des moyens mouvements de rota- tion et de révolution de Mercure, il y aura lieu d’en tirer les conséquences, à deux points de vue, l’un et l’autre fort intéressants. Il sera, tout d'abord, curieux de chercher ce que peut être la météorologie de Mercure, dans les singulières conditions où cette planète se trouve placée par la singularité de son mouvement de rotation, combinée avec sa proximité du Soleil et la forte excentricité de son orbite. M. Schiaparelli a abordé en partie cette question dans celle de ses deux notes qu'il a adressée à la Reale Accademia dei : Lincei. 1 y insiste notamment sur ce fait que la surface de Mercure est ainsi partagée en trois parties d’inégale étendue, l’une qui a toujours le Soleil sur son horizon, l’autre qui a des jours et des nuits, la troisième qui ne voit jamais les rayons solaires. Les lecteurs de la Revue déve- lopperont d’ailleurs aisément eux-mêmes les con- séquences de cette singulière distribution de la lumière et de la chaleur du Soleil sur la planète, conséquences qui doivent donner à la constitution physique de Mercure une physionomie si origi- nale. Mais il sera peut-être plus intéressant encore d'examiner si le fait de l'égalité des mouvements de rotation et de révolution peut trouver une expli- cation plausible dans l’hypothèse cosmogonique de Laplace. Tout ce qui touche à ce grave et difficile problème des origines et de la formation du monde solaire à une importance philosophique et scienti- fique que l’on ne saurait méconnaitre. On sait que l'existence des anneaux intérieurs de Saturne, la C. RECHNIEWSKI. — LA THÉORIE DES MACHINES DYNAMO-ÉLECTRIQUES 607 faible distance et le mouvement rapide des deux satellites de Mars ont nécessité dans la théorie ébauchée par notre grand géomètre des additions et corrections sans lesquelles elle se fût trouvée en défaut (1). La nouvelle rotation de Mercure consti- luerait-elle un cas nouveau, incompatible avec l'hypothèse primitive ou avecl’hypothèse modifiée ? On comprend avec quelle réserve nous nous per- mettons de poser la question et d'indiquer dans quel sens il nous semble qu’elle sera résolue. Laplace a donné l'explication de l'égalité des mouvements de rotation et de révolution de la Lune. Notre satellite, en vertu de sa rotation, est légèrement aplati à ses pôles; mais l'attraction de la Terre sur la Lune encore fluide a allongé son axe dirigé suivant le rayon vecteur, d’où la tendance de cet axe, le plus grand des trois, à conserver celte direction, sauf un léger mouvement de libra- tion, l'attraction terrestre agissant ainsi sur notre satellite de la même manière que la pesanteur agit sur un pendule pour le ramener à la verticale. Or, ne peut-on admettre que Mercure s'est trouvé vis-à-vis du Soleil dans le cas de la Lune vis-à-vis de la Terre? D’après M. Edouard Roche, ce cas a dû se réaliser pour toutes les planètes : « Sous cette action (l'attraction du Soleil sur la planète à l’état de vapeurs), dit-il, l’atmosphère planétaire s'al- longe dans le sens du rayon qui joint son centre au Soleil. De cet allongement résulte une tendance de la nébuleuse à tourner constamment vers le Soleil les mêmes points de sa surface. Ainsi s’éta- blit l'égalité entre les mouvements de rotation et de translation de la planète, égalité qui pour une raison analogue a lieu aujourd'hui chez la Lune, et qui a dû se rencontrer chez toutes les planètes dans la première phase de leur existence. » Si l’on admet ces vues du savant et regretté pro- fesseur, deux raisons militent en faveur de leur application à la rotation actuelle de Mercure. En premier lieu, selon l'hypothèse cosmogonique de Laplace, Mercure est, de toutes les planètes connues la plus récemment formée. Il est donc possible qu'elle soit encore dans cette période primitive où les deux mouvements de rotaon et de révolution ont conservé leur égalité. De plus, sa proximité du Soleil est telle, que l’on conçoit que l'attraction solaire prépondérante ait pu maintenir l'égalité en question même au delà de la première phase de l'existence de la planète. Ainsi se trouverait, selon nous, expliquée la rotation de Mercure telle qu'elle résulte des travaux de M. Schiaparelli. Nous hasar- dons cette réponse à la question posée, qui mérite évidemment une étude plus approfondie, laissant à de plus compétents et à de plus autorisés que nous la solution rigoureuse du problème. A. Guillemin. LA THÉORIE DES MACHINES DYNAMO-ÉLECTRIQUES Si l’on excepte la télégraphie et la téléphonie, le prix de l'énergie électrique intervient directe- ment dans ses autres applications telles que l'éclairage, le transport du travail, les réactions chimiques, etc. Dans l’état actuel de la question” un abaissement même modéré du prix de revient peut amener des conséquences très importantes pour ces industries. On comprend donc tout l’in- térêt qui s'attache à l'étude de la production in- dustrielle de l'énergie électrique. Parmi les nombreux phénomènes physiques et chimiques qui sont accompagnés d’un développe- ment d'électricité il en est peu qui aient pu être utilisés industriellement jusqu’à ce jour. Les pro- cédés les plus importants sont les suivants : 1° Transformation de l'énergie mécanique en (1) Voy. l’Æssai sur la constitution et l’origine du système solaire, par Edouard Roche, professeur à la Faculté des sciences de Montpellier, et aussi le récent ouvrage de M. Faye Sur l'ori- gine du monde, théories cosmogéniques des anciens et des mo- dernes. énergie électrique par les machines dynamo-élec- triques. 2° Transformation d’une partie de l'énergie chimique des combinaisons en énergie électrique au moyen de piles hydro-électriques. 3° Transformation directe de la chaleur en éner- gie électrique au moyen de piles thermo-élec- triques. Le premier procédé est de beaucoup le plus im- portant et le seul que nous considèrerons en détail. Le deuxième procédé ne peut subsister en grand qu'en trouvant. comme dans l’industrie du gaz un écoulement rémunérateur des sous-produits, c’est- à-dire des sels qui se forment dans les piles pen- dant la production du courant électrique. Quant aux piles thermo-électriques, elles n'ont pu être amenées jusqu'à présent à un rendement suffisant pour les grandes applications. Celles-ci sont au nombre de trois : 1° L’éclairage. 2° La transmission du travail. 608 C. RECHNIEWSKI. — LA THÉORIE DES MACHINES DYNAMO-ÉLECTRIQUES 3° Certaines industries chimiques. Dans ces trois domaines l'électricité commence à lutter avantageusement avec le gaz et les machines à vapeur. Un mètre cube de gaz brûlé dans des brüleurs ordinaires donne environ en lumière l’équivalent de huit becs carcels pendant 1 heure ; le même mètre cube de gaz transformé d'abord en travail par l'intermédiaire d’un moteur à gaz, puis en énergie électrique par une dynamo peut donner jusqu'à 16 carcels en employant des lampes à incandescence et bien plus en employant des arcs électriques. L’amortissement du moteur et la sur- veillance rendent seuls, dans la plupart des cas, la lumière électrique plus chère. A la base de toutes ces applications se placent les producteurs d'énergie électrique, c'est-à-dire les machines dynamo-électriques dont nous allons nous occuper spécialement. I Ces machines reposent sur le principe d’induec- tion découvert par Faraday. Lorsqu'un fil d’une longueur / se déplace dans un champ magnétique d'intensité H avec une vilesse v perpendiculairement aux lignes de force, il se trouve le siège d’une force électro-motrice, exprimée ainsi dans les unités nouvelles: Hiv 1075 Dans toutes les bonnes machines dynamos les champs magnétiques varient entre 3000 el 7000 unités CG. G. S; il est impossible, pour des raisons mécaniques et économiques, de dépasser ce chiffre. La vitesse v peut varier entre 500 et 6000 cm par seconde et encore cette dernière vitesse n’a été atteinte que dans les dynamos de M. Parsons ac- couplées à sa turbine à vapeur et faisant de 8 à 10000 tours par minute, et dans certaines machines Ferranti de grandes dimensions ; dans des machines ordinaires v reste entre 1000 et 2500 tours. Si nous admettons pour H 7000 et pour v 2500, nous trouvons que la force électro-motrice, induite par em de longueur du conducteur est de 1000 X 1 X 2500.10 — 0,175 volt. Or, comme dans la pratique nous nous servons couramment de tensions de 110 volts et plus, jus- qu'à plusieurs milliers on voit qu'il serait maté- riellement impossible de produire cette force électro -motrice au moyen d'un conducteur recti- ligne; il fallait trouver un moyen de multipli- cation. Au lieu d’un fil rectiligne prenons une boucle se déplaçant dans le champ magnétique. La force électro-motrice induite le long de toute la boucle en la contournant est égale à la somme algébrique des forces électro-motrices induites le long de ses. éléments, ce qui revient à dire que cette force élec- tro-molrice est égale au taux de variation des lignes de force dans la boucle : s’il en restait en effet autant qu'il en rentre, la somme algébrique des forces électro-motrices induites le long des éléments de la boucle serait 0. Si le fil fait plusieurs spires sur lui-même et forme une bobine et non plus une boucle, les forces électro-motrices s’ajouteront tout simplement et en multipliant le nombre de spires on peut arriver au voltage que l’on voudra; la limite n’est imposée que par l'isolement. La force électro-motrice ainsi produite sera, comme on le sait, alternativement positive et néga- tive, la variation du flux étant périodique. En groupant autour d’un axe mobile des bobines semblables, et en reliant entre elles celles qui sont semblablement placées par rapport aux champs ma- gnéliques fixes, nous avons constitué une machine à courants alternatifs. En inversant, au moyen du commutateur, les con- tacts du circuit induit avec le circuit extérieur au moment du changement de sens du courant induit, on peut obtenir un courant toujours de même sens dans le circuit extérieur. Mais ce courant restera fortement ondulé. 1 Supposons maintenant que les bobines de l'induit soient subdivisées en sections (d’un petit nombre de tours) déplacées les unes par rapport aux autres d’une façon continue tout en restant reliées entre elles de la même manière, c'est-à-dire en série les unes sur les autres, avec des contacts frottants ou balais prenant le courant juste à l'endroit où la force électro-motrice induite change de sens, de cette manière l’inversion des jonclions ne se pro- duit que pour un petit nombre de spires à la fois et le courant ne descend jamais jusqu'à 0 dans le circuit extérieur : il ondule simplement un peu autour d’une valeur moyenne et peut pratique- ment être considéré comme constant (fig. 4). Nous sommes amenés ainsi aux véritables ma- chines à courants continus telles qu’elles sont employées maintenant. Pacinotti le premier réalisa cette disposition à Bologne en 1864, mais il fallut que Gramme la réinventät en 1869 pour qu’elle prit la place que l’on sait dans le domaine de la pratique. Les progrès, après avoir été très lents jusqu’en 1880 à peu près, se sont précipités à la suite d’é- tudes entreprises surtout en Angleterre. Les tra- vaux de Hopkinson et de Kapp méritent d'être mentionnés tout particulièrement, PE C. RECHNIEWSKI. — LA THÉORIE DES MACHINES DYNAMO-ÉLECTRIQUES Les principales qualités que l’on cherche à ob- tenir au point de vue du fonctionnement sont : un facile entretien; peu d'usure; un bon rende- ment; et dans beaucoup de cas la légèreté. Au point de vue de l’usure la partie la plus déli- cate est formée par le collecteur et les balais. Toute bonne machine doit marcher sans étlin- celles ; sans cela le collecteur et les balais seraient rapidement usés ; une machine, quelles que soient ses autres qualités, ne sera pas pratique tant que cette condition ne sera pas remplie. Le rendement des bonnes machines est très élevé ; il varie entre 85 et 92 0/0, c’est-à-dire que 85 à 92 0/0 de l'énergie mécanique fournie à la poulie de la machine sont disponibles sous forme d’é- nergie électrique aux bornes. Il n'existe probablement pas de transformateur d'énergie aussi parfait. Les 8 a 15 0/0 de l'énergie totale qui sont perdus | sont transformés en chaleur à l’intérieur de la | machine, et c’est cette chaleur qui limite par l'é- | chauffement qu’elle produit la puissance d'une | machine donnée. Pour la conservation de l’isolant | on ne peut admettre en effet une température dépassant 70° à 80°. Cet échauffement est directe- ment proportionnel à la quantité de chaleur pro-° duite et inversement à la surface refroidissante. La pratique a montré qu'il faut ménager une surface refroidissante de 8 à 10 centimètres carrés par watt transformé en chaleur dans les in- ducteurs qui sont immobiles; tandis que trois à quatre centimètres carrés suffisent pour l’induit qui, étant en mouvement, se ventile mieux. De là on peut tirer cette conclusion curieuse, c’est que de deux machines de même puissance | chauffant à la même température par une marche | prolongée, c'est la plus petite qui aura le meilleur rendement puisque sa surface refroidissante étant plus petite il faut que la quantité de travail trans- formée en chaleur chez elle soit aussi plus faible que dans la machine plus grande; cette manière de comparer le rendement des machines a cet avan- 609 tage qu’elle comprend toutes les pertes d'énergie provenant du passage du courant dans le fil, des courants parasiles, de l'aimantation et desaimanta- tion successive du fer, des frottements, etc. Une amélioration de rendement amène: par con- séquent la diminution des dimensions de la ma- chine pour une puissance donnée. Les pertes dans une machine proviennent des différentes causes suivantes : 1° Passage du courant dans le fil: cette perte est indépendante de la vitesse et est proportionnelle au volume du cuivre en centimètres multiplié par le carré de la densité du courant (nombre d’am- pères par unité de section de fil.) % Des courants parasites qui se développent soit dans le fer, soit dans le fil même; cette perte est proportionnelle au carré de la vitesse; dans les bonnes machines elle est réduite à peu de chose par une subdivision rationnelle du fer et des fils, mais elle ne peut être évitée complètement. Cest dans ce but que l’on construit les induits soit en fils de fer isolés, soit en feuilles de tôle isolées entre elles par du papier ou autrement. 3° De l'Aysteresis (1) du fer, c'est-à-dire du travail qu'il faut dépenser pour aimanter et désaimanter continuellement le fer ; ce travail est proportionnel au volume du fer et au nombre des changements d'aimantalion; ilest donc proportionnel au nombre de tours de la machine (il croit même un peu plus vite, mais suivant une loi peu connue). Cette perte par hystérésis dépend aussi de la qualité du fer employé et ce n'est pas un des moindres embarras du constructeur que de trouver le fer qu’il lui faut sans être obligé de recourir au fer de Suède qui est très coûteux. 4 Des frottements divers, balais contre le col- lecteur arbre dans ses paliers, l’induitdans l'air, ete. De ces pertes les plus importantes surtout pour les grosses machines sont celles qui proviennent de l’hystérésis et du passage du courant dans le fil, puisqu'on ne peut les supprimer par la construc- tion aussi soignée et aussi bonne qu’elle soit, elles sont du même ordre de grandeur, dans beaucoup de cas à peu près égales et forment ensemble à peu près les 80 0/0 de la perte totale. IT Considérons maintenant la manière dont l'éner- gie mécanique se transforme en énergie électrique dans une machine dynamo-électrique. Appelons H l'intensité du champ magnétique, à la densité du courant, V le volume utile de cuivre (c'est-à-dire le volume de cuivre se trouvant à un (1) Professeur Ewing, Philosophical Transactions. 610 C. RECHNIEWSKI. — LA THÉORIE DES MACHINES DYNAMO-ÉLECTRIQUES moment donné dans les champs); v la vitesse avec laquelle les fils se déplacent dans les champs; l'énergie électrique EI développée dans l’induit sera : PEN CE proportionnelle au produit de tous ses facteurs. Chacun de ces facteurs a été de la part des inven- teurs l’objet de longues et patientes recherches ; recherches d'autant plus compliquées que les va- riations de ces facteurs n'étaient pas arbitraires mais devaient être faites de manière à ne pas nuire au bon fonctionnement de la machine. Le regrelté Cabanellas a été un des premiers à appeler l'attention des physiciens sur l'importance du champ magnétique H et préconisa l'emploi des champs magnétiques puissants. Dans la pratique actuelle les champs les plus employés varient, comme nous l’avons déjà vu plus haut, entre 3000 et 7000. Dans quelques machines nous avons réussi à obtenir pratique- ment des champs de 7500 et 8000, mais dans ces cas il devient difficile de disposer dans l'induit suflisamment de fer pour laisser passer le flux magnétique, tout en réservant la place pour l'arbre. Il y a: quatre ou cinq ans, les notions des cons- tructeurs étaient fort peu claires: on allait presque au hasard. La notion du flux magnétique ou des lignes de force a élucidé bien des points obscurs et a permis de comprendre plus clairement et d’une facon plus facile, plus élémentaire les phénomènes de l’aimantation. Gelte notion qui provient encore de Faraday, comme la plupart de nos conceptions des phénomènes électriques et électro-magné- tiques, a été développée depuis par Rowland et d'autres et appliquée aux machines d’une façon magistrale par Hopkinson et Kapp. Cette notion consiste à assimiler l’aimantation à un flux (fux magnétique) où courant analogue au courant électrique, l’espace dans lequel il se produit étant formé de matériaux de conducti- bilité différente. La force qui produit ce flux (ana- logue à la force électro-motrice qui produit le courant) étant la force magnéto-motrice ou induc- trice produite par les bobines enroulées autour des électro-aimants, cette force est proporlion- nelle au nombre d’ampère-tours de ces bobines. Le flux produit par cette force magnéto-motrice est inversement proportionnel à la résistance magnétique du circuit magnétique (analogue à la résistance électrique d’un circuit électrique). Le champ H étant directement proportionnel au flux, la puissance de la machine, toutes choses égales d’ailleurs, sera aussi proportionnelle au flux; il s’agit done de produire le plus grand flux possible avec une quantité donnée de matière; c'est là un des principaux problèmes de la construction des machines dynamo-électriques. Ce flux, comme nous venons de le voir, dépend de la force magnéto-motrice des bobines excita- trices et de la résistance magnélique du cireuit. La force magnéto-motrice est simplement propor- tionnelle au nombre d’ampère-tours d’excitation, nous pouvons la modifier à volonté. Mais la résis- tance magnétique de la machine demande une étude plus sérieuse. Ce flux sortant des bobines excitatrices arrive à une des pièces polaires, tra- verse l’entrefer, passe par le fer de l’induit, traverse l’autre entrefer et rentre par la pièce polaire opposée dans la bobine excitatrice. Au début, la résistance magnétique du fer est plus de mille fois plus faible que celle de l’air mais elle augmente avec l'intensité d’aimantation et finit par atteindre celle de l’air pour une aimanta- tion infiniment grande. Dans toute machine bien construite, les dimen- sions du fer doivent être choisies de manière à ce que la résistance totale opposée par le fer au flux magnétique soit beaucoup plus faible que la résis- tance de l’entrefer ; en d’autres termes il faut que le fer présente partout une section suffisante au passage du flux sans étranglement. Dans le calcul il faut encore tenir compte de ce fait que toutes les lignes de force ne sont pas utiles; elles ne passent pas toules à travers l’induit, une partie passe en dehors de celui-ci à travers l'air; il faut compter, sui- vant les formes des électro-aimants, que 15 à 50 0/0 des lignes de force sont ainsi perdues, et il faut augmenter en conséquence la section des électro- aimants. La figure 2 montre la disposition magné- tique d’une machine bipolaire: les lignes pointillées figurent les lignes dé force ou flux magnétique. Dans la pratique on admet un flux de 8 à 15.000 unités C.G.S., par centimètre carré pour les électro-aimants et de 16 à 22.000 pour l’induit. On se résigne à augmenter la densité des lignes de C. RECHNIEWSKI. — LA THÉORIE DES MACHINES DYNAMO-ÉLECTRIQUES 611 force dans l’induit parce qu'il est très difficile d'augmenter la quantité de fer tout en laissant suflisamment de place pour les fils et pour l'arbre. Au lieu de faire un seul circuit magnétique ainsi que nous l’avons supposé, on peut pour éviter de trop grosses pièces, faire aboutir plusieurs circuits ma- gnétiques aux pièces polaires (fig. 3); il faut dans ce cas exciler chacun de ces circuits par le même nombre d’ampère-tours que le circuit unique; on voit de suite que cette disposition est défavorable et qu'il faut dépenser beaucoup plus de fils pour obtenir le même flux. Dans certains cas cepen- dant on a été conduit à adopter deux circuits ma- gnétiques pour des raisons de symétrie et de construction (machines à pôles conséquents) (fig.#); la dimirution du volume du fer compense en partie dans ces machines l'augmentation du cuivre. Dans un autre cas encore, dans les machines multipolaires (fig.5), on a préféré plusieurs circuits magnétiques à un seul, mais cela tient uniquement à ce que la disposition multipolaire permet pour un même nombre de tours et pour une même puissance d'atteindre des vitesses périphériques beaucoup plus considérables et d'obtenir une surface refroidissante plus grande que la disposi- tion bipolaire, l'augmentation du poids du cuivre sur les électro-aimants se trouvant largement compensée par ces deux avantages. Le volume utile V du cuivre dépend évidemment de la puissance de la machine; il est déterminé pour chaque système par la pratique. La densité à du courant est limitée par l’échauf- fement; elle varie de 2 à 6 ampères par millimètre carré. La vitesse z est limitée par des considéra- tions mécaniques, elle varie entre 6 et 25 mètres par seconde; dans quelques cas très rares, dont nous avons parlé plus haut, elle a atteint 60 mètres. III Une des questions qui s’est posée dès le début a été de savoir s'il valait mieux construire de grandes ou de petites machines. Il ne s'agit pas ie de commodité; car il estévident que si l’on a besoin de 1,000 chevaux, par exemple, il sera toujours plus commode pour la surveillance de les produire par une, deux ou trois grandes machines que par une centaine de petites; mais il s'agissait de savoir si, au point de vue du prix derevient, les grandes machines coûlaient plus ou moins par cheval disponible aux bornes. Les premiers tra- vaux semblaient conclure complètement en faveur des grandes machines, mais bientôt on envisagea plus sainement les choses. Une étude plus exacte montra que si cel avantage existe, il n’est pas très considérable, Pour nous en rendre compte, comparons, suivant la manière introduite par Deprez, une machine donnée avec une autre fois plus grande dans toutes ses dimensions ; elle pèsera »* fois plus. Le champ H restera le même. La vitesse v restera à peu près la même; du moins la plupart des cons- tructeurs arrivent à ce résultat. On peut démontrer en effet que des machines semblables mais de grandeurs différentes donnent leur puissance maximum pour une même vitesse périphérique, en admettant le même échauffement après une marche prolongée. Le volume V du cuivre sera x? fois plus grand. La densité du courant à devra diminuer dans le rapport de 1 à V2 parce que la surface refroidis- sante n'a augmenté que dans le rapport 4 à »? tandis que le volume V de fil a augmenté dans le rapport de 1 à »°. De sorte qu’en définitive la puis- sance de la machine sera de 1 5 P—Hn Vôn-v — HNôvn:. La puissance augmente un peu plus lentement que le poids. La diminution de la main-d'œuvre fait un peu compensalion, de sorte qu'entre de grandes limites le prix de revient des grosses machines est à peu près le même que celui des petites. Ce raisonnement n'est du reste juste qu'à partir de certaines dimensions: au-dessous de 5 chevaux par exemple, la main-d'œuvre intervenant pourune plus grande part que la matière, le prix de revient par cheval se trouve sensiblement augmenté. 612 C. RECHNIEWSKI, — LA THÉORIE DES MACHINES DYNAMO-ÉLECTRIQUES De même on n’est pas obligé de construire d’une facon semblable les grandes et les petites ma- chines : c’est ainsi que l’emploi d’inducteurs mul- tipolaires et d’anneaux de grand diamètre, permet d'augmenter, dans d'assez grandes proportions, la surface refroidissante et la vitesse périphérique, et il n’est guère douteux que les grandes machines bipolaires disparaitront peu à peu pour faire place aux systèmes multipolaires, sur lesquels ils n’ont que l'avantage d'une simplicité plus apparente que réelle. Le rendement s'améliore sensiblement avec l'augmentation de la puissance ; on peut s’en aper- cevoir sans entrer dans les calculs par ce fait que la surface refroidissante augmente toujours moins vite que le poids et la puissance des machines, tandis que l’'échauffement final des grandes comme des petites machines ne doit pas dépasser une tem- pérature qui est la même dans les deux cas. III Ces considérations terminées, jelons un rapide coup d'œil sur différents systèmes. Les machines dynamo-électriques doivent, pour être pratiques, remplir souvent des conditions très différentes; elles doivent être construites d’une facon spéciale dans chaque cas. Considérons d’abord l'éclairage; il y a diffé- rentes manières de se servir de machines élec- triques pour produire et distribuer la lumière. La manière la plus répandue est de mettre loutes les lampes en dérivation sur deux conducteurs princi- paux communiquant avec les bornes de la machine. Dans ce système toutes les lampes doivent être du même voltage, la quantité de lumière qu’elles donnent dépend alors du courant qui les traverse, c’est-à-dire de leur résistance. Les machines pour ce cas doivent être construites de manière à fournir l'électricité à potentiel ou voltage cons- tant; elles atteignent ce but soit par un double enroulement des électro-aimants, soit par un régulateur placé dans l’excitateur, c’est-à-dire agissant sur le courant qui excite les électro-ai- mants. : La grande majorité des machines sont cons- truites de cette manière. Ce système de distribu- tion présente, comme on le sait, l'inconvénient de ne pouvoir desservir qu'un périmètre relativement restreint autour de l’usine. Pour pouvoir aller plus loin, il faut avoir recours à d’autres procédés. Le système à courant constant a eu et a encore une grande vogue aux Etats-Unis. Dans ce système les machines fournissent un cou- rantmaintenuautomatiquement constant au moyen de régulateurs spéciaux, tandis que la force électro-motrice aux bornes de la machine varie avec le nombre de lampes employées. Les systèmes Thomson-Houston, Brush, Heisler, Walerhouse appartiennent à ce genre ; les lampes employées prennent de 5 à 20 ampères et l’on va avec le potentiel jusqu’à 3000 volts. Les machines employées dans ces systèmes sont loin d’avoir atteint la perfection des précédentes comme transformateurs d'énergie; leur rendement est plus mauvais et il est difficile jusqu’à présent d'arriver à supprimer les éiincelles violentes qui se produisent aux balais; de plus comme le cou- rant qu'elles fournissent ne dépasse pas 20 am- pères, tandis qu'il serait dangereux d'aller avec la force électromotrice au delà de 3000 volts, leur puissance maxima est limitée, de sorte qu'elles ne se prêtent pas très bien à un usage général. Le courant alternatif fournit un autre moyen d'atteindre les lampes placées à une grande dis- tance de la station, par l'emploi de transformateurs. On envoie le courant alternatif à haut potentiel, et au lieu d'arrivée, on le transforme en courant à 50 ou 100 volts. L'unique mais énorme avantage du courant alternalif réside dans le fait qu'il existe des transformateurs pour courants alternatifs commodes, à bon rendement, sans aucune partie mobile et ne nécessitant aucune surveillance, tan- dis que les transformateurs pour courants continus possèdent des parties mobiles et demandent à être surveillés. Le désavantage des courants alternatifs est que, jusqu'à présent du moins, ils ne se prêtent pas bien à la distribution de la force motrice et ne permettent pas l'emploi d'accumulateurs. Quoi qu'il en soit, les plus grandes machines dynamos construites jusqu'à cejour sont à courants alternatifs. Ferranti à Londres construit pour sa station de Deptford des machines devant fournir aux bornes jusqu'à 10000 chevaux de puissance électrique; c’est très au delà de ce qui a été fait ou même projeté en machines à courants continus. L'induit de ces machines atteint 16 mètres de diamètre; la vitesse périphérique 50 mètres à la seconde. Elles sont destinées à marcher avec la tension énorme de 10000 volts; des précautions spéciales ont été prises pour éviler les décharges disruptives à travers l’air ; les pièces polaires des électros et toutes les parties métalliques à proximité de l'in- duit sont entourés d’ébonite, et, la machine une fois mise en marche, une fermeture automalique en empêche l'accès. Cam. Rechniewski. Ingénieur à la Compagnie d'Eclairage électrique. ns + BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 613 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Boussinesq (J.), Membre de l'Institut, Professeur à la Faculté des Sciences. — Cours d'Analyse infinité- simale à l'usage des personnes qui étudient cette science en vue de ses applications mécaniques et physiques.— Deux volumes grand in-$, avec figures dans le texte. Gauthier- Villars et fils, Paris, 1890. L'ouvrage de M. Boussinesq, dont la librairie Gau- thier-Villars et fils vient de publier le second et dernier volume, n’est pas entièrement nouveau; il reproduit d’une facon exacte comme cadre et comme esprit, mais avec un développement beaucoup plus considérable, un volume autographié paru il y quatre ans et dans lequel l’auteur avait réuni des lecons faites par lui à l'Institut industriel de Lille. Le but est resté le mème : mettre le calcul différentiel et le calcul intégral à la portée de ceux qui veulentles appliquer sans avoir une connaissance approfondie des mathématiques spé- ciales ni une grande habitude du calcul ; en un mot, faire un ouvrage pratique, s'adressant aux expérimen- tateurs, leur permettant de comprendre et d'appliquer les principales théories relatives aux infiniment petits ou aux fonctions continues, leur exposant avec clarté et d’une facon simple, non pas toute l'analyse infinité- simale, mais la partie de cette science qui correspond aux applications. Le problème à résoudre n’était pas facile; mais nul peut-être n'élait plus qualifié que M. Boussinesq pour l’'aborder : pendant toute sa carrière il a été professeur et tous ses travaux sont des applications du calcul à de grands problèmes de mécanique appliquée; il avait donc tous les éléments pour mener à bien l'œuvre en- treprise. Y a-t-il réussi? Nous l'espérons. En tout cas, la dis- position matérielle adoptée par lui est avantageuse. Chaque volume est formé de deux fascicules ; l'un, dit partie élémentaire, contient les théories simples, d’une utilité générale, dont peuvent se contenter les lecteurs qui ne veulent pas aborder ensuite la Méca- nique moléculaire ou la Physique mathématique. L'autre, intitulé complément, renferme les parties plus difficiles, plus spéciales; elle est ainsi entièrement distincte de la première et elle peut cependant, grâce au système de numérotage des paragraphes, être lue, simultanément. L'ouvrage est très personnel ; il ne ressemble à au- cun de ceux qui l'ont précédé ; il porte d’un bout à l’autre, dans la marche suivie, dans les procédés de démonstration, dans les exemples choisis, la marque du savant auteur ; il contient d’ailleurs un assez grand nombre de parties originales qui se rapportent directe- ment aux recherches de M. Boussinesq et lui appar- tiennent en propre. Ces deux volumes nous paraissent susceptibles de rendre service aux personnes qui étudient l'Analyse en vue de ses applications mécaniques ou physiques; ils répondent bien à leur litre. ILE (D) Thurston (R. H.). — The problem of air naviga- tion, The Forum, New-York. 1890. Les animaux qui se meuvent dans un fluide, — pois- sons, oiseaux grands et petits, insectes ailés, etc., — obéissent tous à des lois générales de locomotion. Quelles sont ces lois? Peut-on déterminer les principes qui règlent l'accumulation et la transformation de ET INDEX ou aériens? Tel est le sujet que traile l'éminent ingé- nieur M. Thurston dans un récent article du Forum, dont voici le résumé : Sur terre et sur mer l'homme est parvenu à se trans- porter plus vite que les plus rapides des quadrupèdes ou des poissons. Mais dans les airs, le corbeau à une vitesse égale à celle de nos trains (une cinquantaine de kilomètres à l'heure), tandis que le pigeon se trans- porte à raison de 100 à 125 kilomètres; l'hirondelle, 150, le vautour 160, L'homme, il est vrai, n’en est encore qu'au début de ses tentatives; la première des questions n’est pas même résolue : l'avenir est-il aux ailes ou aux ballons? L'histoire des ailes est une série d'accidents, de membres et de cous cassés, En cent ans, au contraire, depuis les Montgolfier, les Charles et les Robert, jusqu'aux frères Tissandier, à MM. Re- nard et Krebs, les ballons ont fait de grands et sérieux progrès; avant le commencement du siècle, Part de la guerre les avait utilisés; en 1852, Giffard avait indiqué le moyen de les diriger en leur appliquant la vapeur, et leur donnant la forme d’ellipsoïdes allongés, disons de cigares, Conservant et perfectionnant cette forme, MM. Gaston et Albert Tissandier, MM. Renard et Krebs, ont adopté l’accumulateur électrique qui ne présente pas de danger d'incendie et ne renferme pas une cause permanente de diminution du poids du ballon, L'an dernier ces hardis aéronautes francais ont atteint à une vitesse de 24 kilomètres à l'heure avec un moteur de 5 chevaux. Leurs essais, fort intéressants, ont four- ni de précieuses données au problème de la naviga- tion aérienne. Les grandes vitesses ne sont possibles qu'avec des résistances fort réduites, un poids mort très léger, une machine motrice concentrant une grande puissance sous le moindre volume et le moindre poids. La force nécessaire dans ces cas peut être, d’après le vol des oiseaux, estimée à 30 chevaux par tonne, avec une vitesse de 80 kilomètres à l'heure, On construit aujour- d'hui, notamment pour les torpilleurs, des machines qui pèsent moins de 25 kilos par cheval, et tout porte à croire que l’on ira plus loin dans cette voie. Quant à l'aviation, quelques faits aussi ont été acquis; il convient de citer ceux qui concernent les ailes des oiseaux, notamment celui-ci, érigé en prin- cipe : plus est grand le poids à porter, moindre est la surface d’aile par unité de poids et moindre est le nombre de vibrations nécessaire dans l’unité de temps. Le poids du vautour est cent fois celui de l’hirondelle ; la surface de ses ailes est seulement de quinze fois plus grande que celle des ailes de ce petit oiseau. L’aigle, en décrivant ses immenses spires à mesure qu'il s'élève dans les airs, remue à peine les ailes une fois toutes les cinq minutes; tel insecte au contraire donne aux siennes jusqu'à 200 vibralions par seconde. À un homme de poids ordinaire, des ailes de 14 mètres carrés,suffiraient, Mais la force musculaire nécessaire pour opérer le transport augmente comme le poids à transporter, et, sous ce rapport, l'homme à été mal partagé par la nature ; il faudrait des siècles d'éduca- tion bien dirigée pour corriger ses défauts physiques : les muscles de ses bras ne pèsent que le septième de l’ensemble; ceux des ailes de l'aigle pèsent autant que tous les autres muscles réunis. Quant à la force mo- trice qu'il peut déployer, un mystère plane encore sur la question. D’après Hirn et Ruhlman le rendement de l’homme considéré comme moteur thermique s’élève- rait à 0,29, ce qui est bien supérieur à toutes les ma- chines failes de main d'homme. C’est pourtant un l'énergie dans le corps de ces navigateurs aquatiques | exemple de combustion sans grande élévation de tem- 614 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX pérature, et cela renverse toutes les idées reçues en thermodynamique, Y aurait-il là un mode encore inconnu de transformation de l’énergie en travail? ou bien, la combinaison chimique des aliments avec l'oxygène, donnerait-elle naissance à de l'électricité plutôt qu’à de la chaleur? Selon la remarque de M. Thurston, le problème de la navigation aérienne et celui de l'aviation se pré- sentent actuellement d’une manière simple. On peut calculer le travail mécanique requis pour transporter dans l'air, à une vitesse donnée, un corps d’un poids donné et d’une forme convenable. Mais, il reste à se procurer économiquement ce travail, avec aussi peu de poids et de volume que la nature l’obtient chez les volatiles, Cela est-il possible? II serait aussi imprudent de le nier que de l’affirmer, Ce qui semble certain, c'est que la solution ne doit pas être attendue du hasard favorisant l'ignorance, comme pour certaines inventionsanciennes, Le progrès, aujourd’hui, se fait par les connaissances fondamentales de l’homme descience, unies au talent de constructivité et à l'expérience qui caractérisent l'ingénieur, vraiment digne de ce nom. V. DWELSHAUVERS-DERY. Ronna (À). Ingémeur civil, membre du Comité supérieur de l'Agriculture. — Les Irrigations, ? vol. in-8& de ‘ 730 et G18 pages, avec 552 figures dans le texte, Firmin- Didot et Cie, éditeurs, Paris, 1890, La bibliothèque de l'Enseignement agricole publiée sous la direction de M. A. Muntz, professeur à l’Institut national agronomique, constituera une publication fort importante; elle a déjà donné cinq ouvrages : Prairies et Herbages par M. Boitel, les Plantes vénéneuses par M. Cornevin, les Engrais par MM. Muntz et Ch. Girard, les Méthodes de reproduction par M. Baron, le Cheval par M. Lavalard, qui tous sont d’un haut intérêt. Les deux volumes publiés récemment sur les Irriga- tions sont dignes des précédents ; ils sont bien ordon- nés et exposent d’une facon claire un sujet très vaste, capital pour notre agriculture fort en retard de ce côté, Le tome I est relatif aux eaux d'irrigation et aux machines, le tome Il, aux canaux et aux systèmes d’ir- rigation ; un dernier volume traitera des cultures arro- sées et de l’économie des irrigations, M. Ronna s’est proposé, comme il le dit dans sa Préface, de faire œuvre didactique et d’éviter le double écueil du manuel et de l'encyclopédie. Il y a réussi. Son livre est complet, sans être encombré de détails. Au point de vue théorique il a impitoyablement écarté les théories abstraites, les calculs de résistance, les formules d’hydraulique que donnent tous les aide-mé- moire ; au point de vue pratique il a su, dans la multi- plicité des procédés régionaux, distinguer ceux qui méritent d’être enseignés et laisser de côté les autres. Ainsi a été constitué un ouvrage, fort différent de ceux qui, jusqu'ici, ont été publiés sur le même sujet, s'adressant bien à l « ingénieur agricole », et qui réa- lise cette double condition bien rare d’être à la fois essentiellement pratique et d’un ordre scientifique élevé, C. Naun. 2° Sciences physiques. Bouty (E.). — Sur les condensateurs en mica. Comptes rendus, t. CX, p. 846, 21 avril 1890, et Journal de physique, 2e série, t. IX, p. 288, juin 1890. Sur le résidu des condensateurs, L. CX, p. 1362, 30 juin 1890. Malgré les nombreux travaux effectués jusqu'ici, les propriétés des diélectriques sont encore fort mal con- nues, aussi les condensateurs constituent-ils des appa- reils d’une précision incertaine, M. Bouty vient d'abor- der l'étude méthodique de ces instruments : il a obtenu des résultats importants appelés à modifier entière- Comptes rendus, ment nos idées sur certains points du mécanisme des diélectriques. On explique ordinairement les phénomènes que pré- sente la charge des condensateurs en admettant que les électricités portées par les armatures pénètrent peu à peu dans la lame diélectrique : la conductibilité de celle-ci ne serait d’après cela jamais complètement nulle, Lorsqu'un condensateur est en communication perma- manente avec les deux pôles d’une pile, les deux élec- tricités devraient, au bout d'un temps plus ou moins long, finir par se rejoindre pour donner naissance à un courant continu : c’est ainsi que s’expliquerait l'éta- blissement du régime permanent caractérisé par le passage d’un courant uniforme de très faible intensité à travers le condensateur, Celui-ci ne se comporterait pas autrement qu'un conducteur métallique d’une très grande résistance, L'auteur a montré qu'il n’en est certainement pas ainsi, Il a étudié successivement les deux phases du phénomène : 49 le régime permanent; 2 la période variable qui précède l'établissement de ce régime, Ses expériences ont porté sur un condensateur Carpen- tier en mica (microfarad), I. — Il a constaté que le courant résiduel constant, atteint au bout de deux heures, reste identiquement le même lorsqu'on fait varier la capacité jusqu'à la réduire au dixième de sa valeur initiale, Si ce courant ne dépend pas de la capacité, c’est-à-dire de la surface du condensateur, ou encore de la section du conducteur équivalent, il ne peut certainement pas être attribué au passage de l'électricité à travers le diélectrique. Une lame mince de mica oppose donc un obstacle absolu au passage de l’électricité à travers son épais- seur. L'auteur montre qu’on doit rejeter de même l’hy- pothèse d'une conductibilité électrolytique. Il faut écarter toute idée de pénétration ou d’électrolyse, et considérer le mica comme dénué de toute conduetibi- lité mesurable. Le courant résiduel observé provient uniquement de l’imperfection dans l'isolement des différentes parties du circuit et du microfarad lui-même. Quant à l'absorption progressive d'électricité pen-, dant la période variable, elle peut s'expliquer très naturellement par un retard à la polarisation du dié: lectrique. On observe des retards analogues dans divers phénomènes physiques, par exemple : le retard à l’ai- mantation, le retard à l’élasticité, Un fil métallique, soumis à une torsion permanente n’atteint pas immé- diatement son équilibre définitif, la torsion croît peu à peu et pendant un temps très long; de même, le fil abandonné à lui-même ne revient pas immédiatement à son équilibre primitif, il conserve une faible torsion résiduelle qui ne disparaît que très lentement, Il semble donc naturel d'émettre l'hypothèse d'une polarisation progressive, d’un accroissement graduel de la constante diélectrique, et par suite aussi d’une polarisation rési- duelle dans la décharge. IT, — Pour suivre la marche de l'absorption pendant la période variable et en dégager les lois, M. Bouty a eu recours à deux méthodes : l’une d'elles utilise la ‘période de charge, l’autre la période de décharge. La concordance des résultats fournis par ces deux mé- thodes est une nouvelle confirmation de ce fait, que l'électricité absorbée après la charge instantanée con- tribue tout entière à la formation du résidu, et que par suite le diélectrique ne livre passage à aucun courant, M. Bouly a pu représenter par une formule simple, la charge absorbée à chaque instant, ainsi que l’absorp- tion ou le résidu total. De plus, il a mis en lumière des résultats d’une importance pratique considérable : il a observé que les charges résiduelles au sein d’un même condensateur ne sont pas proportionnelles aux capa- cités nominales; que le résidu total, rigoureusement égal à la somme des résidus des subdivisions du con- densateur, n’est jamais qu'une fraction assez petite de la charge ; qu'enfin la charge principale du microfarad est entièrement formée en moins de += de seconde, M. Bouty a opéré sur des durées qui ont varié entre BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 615 x de seconde et 4,000 secondes, Les mesures relatives aux petites durées constituent un problème délicat. M. Bouty l’a résolu avec une grande précision : pour effectuer les interruptions et commutations nécessaires, il a eu recours à un pendule de torsion qui les réali- sait d’une manière automatique à l’aide de contacts à mercure, Le dispositif est fort ingénieux, mais sa des- cription nous entrainerait trop loin. En résumé, la charge principale du condensateur se trouve nettement séparée du résidu, et la formation progressive du résidu peut elle-même être suivie avec précision, Dès lors, le condensateur à mica, soumis à une étude méthodique, est appelé à devenir un appareil aussi précis que l’est devenu le thermomètre à mercure depuis les travaux du Bureau international des poids et mesures. Edgard Haupnté, Matthey (Edward). — La liquation des alliages d’or et de platine. Proceedings of the Royal Society, London, 1890. C’est un fait bien connu que lorsqu'on refroidit cer- tains alliages, les composants se séparent et que la masse solidifiée présente une composition différente en son centre et dans ses parties extérieures. Dans le cas de l'or, cependant, ce phénomène de liquation n’a as été observé. Les alliages d’or, en circulation dans e commerce, sont estimés d’après un essai effectué sur une portion extérieure du lingot. On concoit donc que la liquation aurait dans ce cas une importance con- sidérable, une faible erreur sur la proportion de métal étranger pouvant modifier considérablement la valeur d’un lingot. Peligot avait étudié dans ce sens les al- liages d'or et de cuivre et avait conclu à l'absence de la liquation. M. Roberts Austen est arrivé à la mème con- clusion, après des expériences sur les alliages d’or et d'argent, M. Matthey a recherché s'il en était de même pour le platine qui se trouve souvent en proportion notable dans les barres d’or et d'argent. Dansles alliages com- merciaux on élimine l'argent par l’affinage. On sait que cette opération s'effectue en ajoutant à l'or que l’on veut purifier trois fois son poids d'argent et en traitant le produit obtenu soit par l'acide azotique, soit par l'acide sulfurique. Dans le traitement par l’a- cide azotique, le platine se dissout en même temps que l'argent. Mais le prix moins élevé de l'acide sulfu- rique le fait employer de préférence dans l’industrie, le platine reste alors mélangé à l’or et c’est ce mé- lange qu'on soumet à la fusion et qu'on essaye. M. Mat- they a coulé un certain nombre d’alliages obtenus de cette manière dans un moule sphérique, a scié en deux la sphère de métal ainsi obtenue et opéré des essais sur des portions prises en différents points, no- tamment au centre et à la surface. Les expériences ont montré une liquation très nette, une diminutionde la proportion de platine à la surface extérieure assez considérable pour qu'il soit nécessaire d’en tenir compte dans l’industrie. Il cite entre autres les chiffres suivants, Six lingots commerciaux ont été soumis à l'essai à la surface et on en a extrait ensuite l'or à l’état de pureté, On a obtenu ainsi: I DEAETITNUL V0 Pen VORN IT Titre par cssai {0,825 0.660 0,800 0850 0,842 0,830 Titre réel 0,812 0,630 0,180 0,845 0,830 0,821 Georges CHarPy, 3° Sciences naturelles. Hermann Wagner, Geographisches Jahrbuch, herausgegeben von. XIII Band. in-16, viu-476 p. Gotha, Justus Perthes, 1889, La réputation de Geographisches Jahrbuch, fondé en 1866 par E. Behm, n'est plus à faire, Cet excellent recueil annuel a subi, à partir du onzième volume (1887). une double amélioration : le format a été agrandi, en même temps que les différentes matières traitées pre- naient plus de développement, grâce à une division en deux parties (géographie proprement dite et sciences auxiliaires de la géographie), dont chacune devait remplir a:ternativement les volumes successifs, Le tome XII, publié en 1888, contenait une série de rap- ports sur les progrès de la science des projections, par M. Günther; sur la cartographie officielle de l'Europe, par M. Heinrich, avec de précieux tableaux d'assemblage des cartes d'état-major des principaux États, par M. H. Wagner; sur les progrès de l'Onomatologie géogra- phique, par M. Egli; sur les Résultats géographiques des récents voyages et explorations dans l'Amérique septen- trionale par M. Fr. Boas; dans l'Amérique latine, par M. W. Sievers; en Asie, par M. Lullies; et en Afrique, par M. H. Wichmann; sur la géographie ancienne du monde grec, par M. Hirschfeld ; enfin sur ie développement des méthodes et de l'enseignement de la géographie, par M. H, Wagner, Plus : une Nécrologie relative aux années 1884-87, par M. Wolkenhauer; une statistique des Sociétés, Congrès et périodiques géographiques, par MM. Wichmann et Wagner, et un Tableau des coordon- nées géographiques de 192 observatoires, dressé par M. Auwers. Le tout bondé de notes bibliographiques, et muni de tables alphabétiques détaillées, placées à la suite de chacun des articles, Cette année, c'était le tour des sciences auxiliaires : les collaborateurs du onzième volume reparaissent donc dans l’ordre habituel, mais avec l’adjonction de M. K. Schering, qui fournit un rapport sur le dévelop- pement et l'état actuel des recherches relatives au magné- tisme terrestre (p. 171-220), Les autres articles sont consacrés, comme de coutume, aux diverses branches des sciences naturelles s’occupant, à un titre quelcon- que, du globe terrestre ou de la distribution des êtres organisés à sa surface; les noms des auteurs, tous avantageusement connus dans leurs spécialités respec- tives, sont un sûr garant de l'excellence de ces extraits. On y remarque : Les progrès de la géophysique, par MM. Hergesell et Rudolph (p. 101-170) : travaux de l'association géodé- sique internationale ; travaux relatifs au globe considéré dans son ensemble (forme, pesanteur, marées, ete.); travaux concernant l'écorce terrestre (mouvements du sol, volcans, tremblements de terre, érosion, lacs, glaciers, etc). 345 publications différentes, publiées de 1886 à 1888, sont analysées dans ce rapport, le second qu'aient fourni au Jahrbuch MM. Hergesell et Rudolph, successeurs du regretté Zæppritz dans l’accomplisse- ment de cette tâche délicate. Les conquêtes de la géographie géologique de 1886 à 1888, par M. Toula (p. 222-288). Dans cet article qui est également le second de la série correspondante, autrefois rédigée par M. K. von Fritsch, plus de 700 numéros ont trouvé place. Les progrès de l'Océanographie en 1887-88, par M. Krümmel (p. 1-26), 84 numéros. — Les progrès de la météorologie géographique, par M. Hann (p. 27-100), Ce rapport (330 numéros) est l’un des meilleurs du volume : l’on sait combien tous les écrits de l’'éminent météorolo- giste de Vienne sont pénétrés d’une rigueur scienti- fique malheureusement trop rare en météorologie. Le rapport de M. Drude sur les progrès de la géographie botanique en 1886-88 (p. 289-352) est un modèle achevé, au point de vue de l’ordre et de la lucidité de l'exposition (373 numéros), qualités qui paraissent au contraire absentes du rapport de M. Schmarda sur la Géographie zoologique (p. 353-406), sèche énumération de titres d'ouvrages et de noms de genres ou d'espèces. Dans un travail de cette nature ce sont les résultats généraux, capables d'établir un lien entre les faits indi- viduels, qui devraient être surtout mis en évidence. Rapport sur les études ethnologiques, par M. Gerland (p. 407-476); les travaux relatifs à l’Europe sont à peu près complètement laissés de côté par l’auteur, qui 616 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX mentionne plus de 600 ouvrages ou mémoires sur les populations des autres parties du monde. ù Malgré quelques lacunes et quelques imperfections, dues surtout au peu de temps disponible entre la publication des documents originaux et la préparation des rapports, le Geographisches Jalrbuch de M. Wagner reste un guide bibliographique incomparable, On ne peut que souhaiter de voir apprécier de plus en plus un auxiliaire aussi précieux pour tous les travailleurs. Emm, DE MARGERIE. Martel (E. A.). — Les Cévennes et la région des Causses (Lozère, Aveyron, Hérault, Gard, Ardèche), grand in-8° de 406 p. aves 140 gravures, 2 cartes et 9 plans. Paris, Delagrave, 1890. Les Causses, on le sait, sont ces grands plateaux de calcaire jurassique qui forment entre Mende, Rodez et Montpellier le talus méridional du Massif Central fran- cais et la déclivité occidentale des Cévennes, L'érosion a creusé dans cette masse, autrefois continue, des gorges profondes, analogues d'aspect aux cañons amé- ricains, et qui l'ont morcelé en une série de tables distinctes, élevées de 800 à 1210 mètres. Un jeune avocat de Paris, M. E. A. Martel, qui con- sacre depuis plusieurs années ses vacances à parcourir les Causses, vient de publier, dans le beau volume que nous annonçonsici, une excellente description de cette partie de la France, naguère encore presque ignorée des touristes. En dehors du côté pittoresque, l'ouvrage renferme de précieuses indications sur le régime des eaux sou- terraines dans les Causses. La surface de ces plateaux est percée de nombreux puits naturels, qui portent dans le pays le nom d’avens; en 1888 et 1889, M. Martel est descendu dans quatorze de ces trous, dont il donne la figure et les dimensions exactes : le plus profond, J’aven de Rabanel, n’a pas moins de 165 mètres. L’au- teur. repoussant l'hypothèse d’un effondrement, au moins comme explication normale, compare les avens aux marmites de géants torrentielles (?) ; il attribue le rôle principal, dans leur formation, au travail mécanique des eaux d'infiltration, aidées probablement dans cer- tains cas par des phénomènes chimiques préalables d’origine interne, comme l’ontadmis MM. de Mojsisovics et Mouret. Les eaux qui se sont engouffrées dans les avens reparaissent sous forme de sources volumineuses, à 500 mètres plus bas, au fond des vallées latérales, pri- vées par compensation d’affluents à ciel ouvert. La manière dontelles se comportent dans l'intervalle était restée jusqu'à présent un problème, que les recherches de M. Martel viennent de résoudre en grande partie. Comme pouvait du reste le faire pressentir l'interca- lation d’un étage imperméable entre l'étage calcaire du dessus, où se trouvent les avens, et celui du dessous, d’où sortent les rivières souterraines, il n’existe pas de communication directe et continue, au moyen de cavités spacieuses, à travers la masse interne des pla- teaux, beaucoup moins caverneuse qu’on ne le pensait vénéralement, Les failles et les fissures qui traversent les bancs argileux permettent seules le suintement goutte à goutte des eaux accumulées à la surface de ces derniers. M. Martel s’est enfin attaché à étudier les grottes nombreuses qui constituent pour le touriste lun des principaux attraits de la région; il a pu en relever dix nouveaux kilomètres, souvent non sans péril. La grotte de Dargilan, celle des Beaumes-Chaudes, les galeries de Bramabiau sont destinées sans doute à devenir bien- tôt célèbres. Les renseignements pratiques donnés par M. Martel, notamment sur l'usage du bateau démon- table d'Osgood, seront lus avec fruit par les personnes qui voudront le suivre dans cette étude encore peu avancée des cavernes. Au point de vue de la formation des cañons du Tarn et de ses affluents, M. Martel développe une théorie qui nous paraît difficilement IDE : "ces gorges résulteraient de la transformation de canaux souterrains en canaux drainés à l’air libre, par l’écrou- lement du toit, — le tracé de ces canaux souterrains étant lui-même déterminé par des cassures préexis- tantes. Sans nier la possibilité, en principe, du phéno- mène, nous ne voyons pas pourquoi les vallées d’éro- sion des pays calcaires auraient une autre origine que celle des régions constituées par des terrains d’une autre nature, — d’autant plus que les vallées du Tarn, de la Dourbie, de la Jonte, etc., se prolongent vers l’amont en territoire imperméable, En outre, le tracé de ce réseau fluvial paraît être en rapport avec un en- semble de circonstances à la fois beaucoup plus com- plexes et d'ordre beaucoup plus général que ne l’est la seule présence, quasi-universelle d’ailleurs, d’un sys- tème de joints verticaux plus ou moins perpendicu- laires entre eux. Quant à l’exemple même de Brama- biau, sur lequel M. Martel à basé sa théorie, il nous montre simplement une rivière à écoulement aérien normal, localement transformée, aprés coup, en rivière souterraine, — conditions fort différentes, comme on le voit, de celles que réclamerait l'hypothèse en question. De nombreuses figures, exécutées d’après des pho- graphies, reproduisent les sites les plus remarquables des Causses ; on admirera surtout les rochers ruini- formes si variés de Montpellier-le-Vieux et les magni- fiques piliers de stalactites de la grotte de Dargilan (p. 457 et 159). L'ouvrage de M. Martel n’intéresse pas seulement les géologues ; on y trouvera, en effet, d’intéressants cha- pitres sur l’Aiïgoual et son observatoire météorologique, sur la flore et la faune des Causses, sur l'archéologie préhistorique (question de l’hiatus), etc., sans oublier l'histoire de la célèbre Béte du Gévaudan (p. 254-258). SMM. DE MARGERIE. Charpentier (Paul). — Les Textiles. — Encyclo- pédie chimique de M. Fremy, Paris, Vve Ch. Dunod, 1890. Il serait oiseux d'insister ici sur l'importance des textiles. Ils sont pour le commerce une source inépui- sable de trafic et pour l'industrie la matière première la plus importante et peut-être la plus nécessaire, Leur étude devait donc rentrer à bon droit dans le cadre de l'Encyclopédie chimique publiée par nos chimistes les plus autorisés sous la direction de M. Frémy. Une connaissance profonde de la structure des fibres textiles, de leur composition chimique est nécessaire en effet à tous ceux — industriels, ingénieurs ou savants —- qui ont à s’occuper du rouissage, du blanchi- ment ou bien encore de la teinture. : f A ce titre, l'ouvrage de M. Charpentier devait com- bler une lacune en réunissant un grand nombre de connaissances dispersées dans des ouvrages spéciaux. Il devait s'adresser à la fois au savant ct à l'industriel, Ce dernier, en effet, y puisera un grand nombre de documents économiques et une profusion de rensei- gnements industriels, car l’auteur ne se contente pas de nous renseigner sur la nature des textiles, il aétendu le champ qui lui était ouvert et décrit le travail méca- nique préparatoire jusqu’à la filature exclusivement, Pour chacun des textiles principaux, M. Charpentier a divisé son étude en plusieurs chapitres. C’est ainsi que pour le coton la description comporte : 1° Généra- lité historique; 2° Origine, espèces diverses, propriétés el usages ; 3° Culture et production du coton; 4° Travail méca- nique préparalotre; 5° Statistique; production et consom- mation du coton dans le monde, — Enfin l'ouvrage se ter- mine par une révision des textiles moins importants tels que ramie, jute, sunn, alfa, diss, etc.; puis par la description des principaux modes de blanchiment et l'énoncé des caractères qui peuvent servir à distinguer les textiles, Nous le répétons, les Textiles de M. Charpentier peu- vent rendre des services signalés aux industriels en leur fournissant un grand nombre de documents sur les diverses machines employées dans le traitement préparatoire, Il eût mieux valu à notre avis ne décrire BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 617 que les machines utilisées pour aider le traitement chi- mique et laisser de côté toutes les autres qui ne nous paraissent pas à leur place dans un ouvrage de chimie, Pour la mème raison, nous ne croyons pas que le chi- miste tirera de la lecture des Teætiles un aussi grand profit qu'on pourrait le désirer, En terminant, l’auteur nous permettra de lui adresser un reproche : en chi- miste, il donne l'analyse des fibres textiles à l’état brut, sans le complément nécessaire des observations microscopiques, absolument comme on analyserait un morceau de minerai. Cette méthode de chimie exclu- sive s'adressant à des tissus végétaux ne peut être que la source de nombreux mécomptes; les fibres sont bien loin d'être homogènes et depuis longtemps déjà les micrographes ont découvert à l’aide de réactions micro- chimiques un grand nombre de faits intéressant la composition et la structure des textiles. Les résultats de Vétillart, mais surtout de M. Schlesinger etdeM.Wiesner, méritaient une mention que M. Charpentier a eu tort de ne pas leur accorder. Henri LECOMTE. Dubois (D' R.), — Travaux du laboratoire de physiologie générale de la Faculté des Sciences de Lyon, {. 1, 1888-1889, 1 vol, in-8°. Lyon, Storck, 1890. Seule des Facultés des Sciences de province, celle de Lyon possède une chaire de physiologie. Le titulaire, — notre distingué collaborateur, M. Raphaël Dubois, — vient de réunir en un volume les travaux exécutés dans son laboratoire en 1888 et 1889. De cette collection de mémoires communiqués soit à l'Académie des Sciences de Paris, soit à la Société de Biologie, nous nous contenterons de signaler les plus importants : — Du professeur Dubois : Sur la respi- ration des animaux hibernants ; sur la fonction photo- dermique et photogénique du siphon des pholas; sur l'action du chlorure d’éthylène; ete...; — de M. Cou- vreux : Sur la respiration des Reptiles; sur la circula- tion pulmonaire de la grenouille; — de M. Bataillon, Sur les métamorphoses des Anoures, etc. L'ouvrage renferme en outre une description, accom- pagnée de planches, du laboratoire de Lyon et de la Station maritime de physiologie récemment fondée par M. Dubois à Tamaris près de Toulon. Cette création mérite qu'on la remarque, car elle comble en France une lacune des plus regrettables. Grâce à la libéralité de Michel Pacha et à l’activité bien connue de M, Du- bois, les physiologistes vont enfin pouvoir étudier, au bord de la mer, les animaux qui vivent dans ses pro- fondeurs. Ce genre d’études n'avait jamaisété soigneu- sement organisé dans notre pays. Il fallait, pour ly implanter, le dévotment à la Science et à l'Enseigne- ment, dont M. le professeur H. de Lacaze-Duthiers a donné un illustre exemple en fondant pour les zoolo- gistes les magnifiques laboratoires de Banyuls et de Roscoff, Le meilleur souhait que nous puissions adresser à la nouvelle création est d'obtenir le même succès que ces derniers. L, O. 4° Sciences médicales. Guyon (F.) Professeur à la Faculté de Médecine. — Cystalgies symptomatiques de lésions rénales et pyonéphroses consécutives à des lésions vési- cales. Influence du traitement de la vessie sur les urétéro-pyelites. — Ann. de gynécologie, Paris, août 1890 €. XXXIV, p. 81. Après avoir résumé les divers signes qui permettent de distinguer les inflammations douloureuses de la vessie des simples douleurs névralgiques, le professeur Guyon mon- tre par des faits l'influence considérable du traitement vésical sur les lésions rénales, qui leur sont consécu- tives. Les uretères et les reins bénéficient largement du traitement des lésions de l'appareil urinaire infé- rieur. Dr HARTMANN. Sajous (Charles E.) — Annual of the universal medical sciences, Philadelphia 1890, Le but de l’'Annual of theuniversal medical sciences, dont la troisième année vient de paraître, est de résumer, en une série de volumes, les divers travaux afférents aux sciences médicales, publiés dans le mondeentier; au lieu d'imprimer simplement les analyses à la suite les unes des autres, l'éditeur a eu l’idée de les grouper en une série de chapitres, traitant chacun un ordre de sujets spéciaux {maladies nerveuses, gynécologie, anatomie, physiologie, syphilis, ete.). La rédaction de ces divers chapitres a été confiée à des savant compétents, chacun dans sa partie, si bien qu'on a là une série de petites revues générales sur chaque question ; aussi la lecture de ce recueil est-elle beaucoup moins aride que celle des divers journaux bibliographiques publiés jusqu'à présent. Une impression soignée, des figures J ; nombreuses rendent encore son abord facile. Un index général, contenu dans le dernier volume, permet de faire rapidement les recherches. C’est avec une réelle satisfaction que nous annoncons l'apparition des cinq volumes qui résument les progrès des sciences médi- cales pendant l’année 1889. Dr HARTMANN. Polin et Labit (lD'°), — Etude sur les empoison- nements alimentaires. Paris, O. Doin, 1890. MM. Polin et Labit ont réuni dans une intéressante étude de nombreux cas d'intoxication dus à l’ingestion de substances alimentaires avariées. Ce mémoire offre le grand avantage de réunir une foule de documents épars et qui ont permis aux auteurs de présenter une vue d’ensemble des accidents, parfois fort graves, qui suivent l'absorption de denrées avariées. Dans la première partie, et après un exposé histo- rique de la question, les auteurs étudient les accidents produits par les viandes fraiches et les viandes de conserve. Lis font ressortir la diversité des symptômes que l’on observe et leur grande analogie avec les mani- festations provoquées par l’expérimentation sur les animaux au moyen des ptomaïnes. Ils examinent plus particulièrement l’analogie de certains symptômes avec ceux que présente la fièvre typhoïde et s'efforcent d’éta- blir nettement un diagnostic différentiel dont l'utilité n’est peut-être plus bien évidente aujourd’hui, mais qui a revêtu à un moment donné une grande importance, alors que,nos connaissances relativement aux ptomaines et aux produits de sécrétion des microbes étant moins avancées, d'excellents esprits se refusaient à voir, dans ces accidents, autre chose que certaines modalités spéciales des symptômes de la dothiénentérie, Cette première partie se termine par le traitement et la prophylaxie de ces accidents, chapitres auxquels MM. Polin et Labit ont ajouté quelques notions som- maires sur l’examen des viandes sur pied etdes viandes abattues. L'étude des accidents déterminés par l’ingestion du poison fait l’objet de la seconde partie; dans la troisième, les auteurs s'occupent des intoxications déterminées par les crustacés et les mollusques et enfin, dans la quatrième et dernière partie, sont exposés les accidents d'intoxication produits par d’autres subs- tances alimentaires dont l'usage est le plus fréquent, tels que le fromage, le pain, l’eau, les pommes de terre. L'examen attentif et la discussion des nombreux cas relatés ou observés par MM. Polin et Labit leur ont permis d'attribuer à plusieurs symptômes une valeur certaine et de signaler comme réellement pathogno- moniques des signes auxquels les observateurs de cas isolés n’avaient pas jusqu'ici accordé une valeur suffi- sante. 618 Les conclusions de cet intéressant et consciencieux travail peuvent se résumer ainsi : des empoisonnements peuvent être produits par les substances alimentaires les plus diverses; il existe des symptômes spéciaux qui permettent toujours de les reconnaitre; ces accidents ont pour origine la putridité et peuvent, dans quelques cas, prendre la forme d'une véritable infection micro- bienne; parmi ces accidents, il en est qui ont pour origine une maladie spéciale de l'animal consommé (moules), tandis que d’autres ont pour origine des alcaloïdes végétaux, ou des ptomaiïines, ou des leuco- maines; enfin ces empoisonnements sont beaucoup plus fréquents qu'on ne le croit généralement; ils peuvent être très graves et souvent mortels. Tout en ne partageant pas absolument en tous points les idées des auteurs de ce travail, nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître, et nous le faisons avec le plus grand plaisir, qu'ils ont fait œuvre utile en condensant dans leur mémoire une foule de remarques et de théories éparses de fous côtés et en réunissant une grande quantité d'observations très détaillées dont la lecture est du plus grand intérêt. Dr Gabriel Poucuer. Wurtz (R.) et Bourges (H.). — Recherches bac- tériologiques sur l’angine pseudo-diphtérique de la scarlatine. Archives de médecine expérimentale et d'anatomie pathologique. Mai, 1890. Bien que les conclusions posées par MM, Wurtz et Bourges ne soient pas à l'abri de toute critique, leur intéressant et très important travail contribuera cepen- dant dans une large mesure à trancher cette question si controversée de la nature de l’angine scarlatineuse, Y a-t-il une ou plusieurs espèces d’angines au cours de la scarlatine ? Toutes les angines scarlatineuses sont- elles d’origine diphtérique? Ces questions seraient sans doute depuis longtemps résolues, si la clinique permet- taitun diagnostic précis de la fausse membrane diphté- rique. La divergence entre les opinions des auteurs, prouve bien que si dans beaucoup de cas ce diagnostic est possible, souvent aussi il est d’une difficulté extrême. Cependant l'opinion qui tend à s’accréditer est la sui- vante : les angines {ardives seraient de nature diphté- rique, les angines précoces ne seraient pas causées par la diphtérie, au moins dans la plupart des cas. C'est d’ailleurs cette dernière manière de voir qui semble ressortir surtout des recherches de MM. Wurtz et Bourges, qui devant l'impuissance de la clinique se sont adressés à la bactériologie. Leur travail repose en substance sur onze observations, dont neuf se rappor- taient à des angines précoces ayant les caractères de l’angine diphtérique. Sur ces neuf cas, le bacille de Loëffler recherché par les méthodes usitées en pareil cas, a toujours fait défaut. Ces angines précoces, en dépit de leur aspect clinique, ne sont donc pas liées à une infection diphtérique. Pour les deux autres cas, se rapportant à des angines fardives (dont l’une même à ausé la mort), le bacille diphtérique fut mis en évi- dence, montrant péremptoirement l'origine étiologique de la maladie, Dans les neuf cas, cités plus haut, d’angines précoces, non diphtériques, les expérimentateurs ont pu isoler divers microbes, parmi lesquels un séreptocoque spécial qui s’est trouvé plusieurs fois associé aux staphylococ- eus aureus et albus. Les caractères assignés à leur streptocoque par MM. Wurtz et Bourges paraissent être ceux du strepto- coque pyogène si souvent cause d'infections secon- daires : il serait très important d'établir s’il y a com- plète identité ou simplement ressemblance entre ces deux organismes. Les auteurs ont cherché à différencier leur streptocoque de celui de l'Erysipèle : remar- quons à ce propos que le caractère distinctif fondé sur l’aspect de la culture n’est pas suffisamment tran- ché pour en faire le pivot du diagnostic. D'autre part, BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX on tend de plus en plus à admettre, et notre expé- rience personnelle est tout à fait favorable à cette ma- nière de voir, l'identité du streptocoque pyogène et du streptocoque de l'Erysipèle; la variété des acei- dents ne peut être mise que sur le compte d’une différence dans la virulence du microbe ou dans la sensibilité du terrain. Ces deux organismes ne faisant qu'un seul et même être, il serait étonnant que l’un se trouvât dans le sang et que l’autre ne s’y rencontrât jamais ; l'observation prouve d’ailleurs le contraire, et malgré l'affirmation de Fehleisen, il est habituel de rencontrer le streptocoque dans le sang et les organes des animaux qui ont succombé à l’inoculation d’une culture du microbe de l’Erysipèle. Ces légères critiques, d'ordre purement doctrinal, n’enlèvent rien à la valeur du travail de MM. Wurtz et Bourges, et si nous leur avons donné une aussi grande extension, c’est précisément en raison de l'intérêt con- sidérable qui s'attache à leur mémoire, fruit d’un tra- vail consciencieux et intéressant par plus d’un côté. Le fait d'établir que l’angine précoce de la scarlatine n’est pas de nature diphtérique entraîne des conséquences pratiques importantes ; car on ne sera plus tenté désor- mais de faire passer dans les salles de diphtérie les petits malades atteints de ces angines, mesure qui à pour conséquence de les exposer à contracter la ter- rible infection dont on les croit porteurs, Dr H. Dorter, Charrin et Roger. — Contribution à l'étude expérimentale du surmenage: son influence sur l'infection. Archives de physiologie, 1890, n° 2. Pour déterminer de la fatigue chez les animaux sur lesquels ils désiraient étudier l'action du surmenage, les auteurs placaient ces animaux dans un tambour ou cylindre tournant de 1 mètre de diamètre analogue à ceux des cages d’écureuils, Le cylindre, disposé de facon que son diamètre fût vertical, était mis en rota- tion et faisait douze tours à la minute, Les animaux qui y étaient enfermés étaient contraints de marcher en sens inverse du mouvement imprimé au cylindre ef faisaient ainsi 2,260 mètres à l'heure. A l’aide de cet appareil MM. Charrin et Roger ont étudié l'influence que la fatigue exerce sur l’évolution des maladies microbiennes, en particulier sur le charbon bactéridien et le charbon symptomatique. Les animaux employés étaient les rats blancs, qui sont peu sensibles à ces 2 virus, et résistent très bien à la fatigue. On inoculait à une série de rats une certaine quantité de culture; on soumettait une partie de ces animaux au surmenage, dans le cylindre tournant; les autres servaient de témoins. La fatigue imposée aux animaux inoculés soit avec le charbon bactéridien, soit avec le charbon symp- tomatique favorise considérablement l'infection, et toujours les animaux surmenés sont morts avant ceux qu'on laissait au repos, Dans une autre série d'expériences MM. Charrin et Roger ont de plus constaté que chez les animaux surmenés, surtout chez les cobayes, les excoriations dues aux frottements répétés des téguments sur les parois du tambour amènent rapidement la mort par infection microbienne. Les animaux témoins, auxquels on fit des plaies semblables et qu'on laissa dans leurs cages en furent quittes pour des suppurations plus ou moins abondantes, Dr R. WurTz. Rouvier (D' J.). Professeur de clinique obstétricale et gynécologique à la Faculté de Médecine de Beyrouth. — Identité de la Dengue et de la Grippe-Influenza. Beyrouth et Paris. Vve J. Lechevalier, 1890, Nous nous bornons aujourd’hui à ue aux spé- cialistes cet important travail, la Revue devant en parler prochainement avec quelque détail. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 619 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER La Société de Biologie, la Société française de Physique, la Société chimique de Paris, la Société royale de Londres, les Sociétés de Physique et de Chimie de Londres, l’Académie des Sciences et la Société de Physique de Berlin, l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, les Sociétés savantes d’Odessa, l’Académie des Sciences de Vienne, l’Académie royale des Lincei sont en vacances, ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 22 septembre 1890 1° SGIENGES MATHÉMATIQUES, — M. À, Cayley : Sur l’é- quation modulaire pour la transformation de l’ordre 11. — M.F. Sy : Observations de la nouvelle planète Char- lois (291) faites à l'observatoire d'Alger, — M. J. Jans- sen fait le récit de son ascension au sommet du Mont Blanc et expose les résultats scientifiques de cette expédition (voir la Revue des Sciences, du 15 septembre, p. 560). Comme les observations précédentes le fai- saient prévoir, les raies d'absorption de l'oxygène dans le spectre solaire sont extrêmement affaiblies à cette grande altitude, On peut donc considérer la question de l’existence de l’oxygène dans l'atmosphère solaire comme tranchée négativement. IncidemmentM.Janssen fait remarquer que le travail intellectuel est très pos- sible à ces altitudes, pourvu que l'observateur s’abs- tienne de tout travail physique. Il demande la création d’un Observatoire sur le Mont Blanc. 2° SGIENGES PHYSIQUES. — M. Le Chatelier avait montré le parti que l’on peut tirer des déterminations des résistances électriques pour l’étude aux tempéra- tures élevées des transformations moléculaires des métaux. Il a étendu cette méthode à une nouvelle série de métaux et d'’alliages. Les métaux qui ne pré- sentent aucune transformation moléculaire ayant leur fusion possèdent des résistances électriques dont la variation est une fonction linéaire de la température, par exemple le cuivre, le platine, Un grand nombre de métaux, par exemple le fer, présentent des variations moléculaires brusques, se produisant à des tempéra- tures bien déterminées. La courbe des résistances électriques présente un angle en ce point, Ces études conduisent tout de suite à des résultats pratiques rela- tivement à la trempe des métaux et des alliages, — À propos de la communication de MM. Dumoulin-Fro- ment et Doignon, M. Trouvé rappelle que son gyros- cope électrique remonte à l’année 1865, — M. D. Col- ladon décrit sous le nom de trombe d’eau ascendante un phénomène que l’on observe sous certaines condi- tions le long d'un barrage à rideaux jeté à Genève en travers du Rhône, L'eau étant arrêtée au milieu et s’écoulant par les deux extrémités du barrage, il se forme à chacune de ces extrémités un tourbillon qui emprisonne dans l’eau une colonne verticale d'air; à 50 centimètres au-dessous de la surface, cette colonne se recourbe de part et d'autre et les deux moiliés viennent se réunir horizontalement au milieu du fleuve ; un manomètre à eau, mis en rapport avec cette trombe horizontale, accuse une aspiration de 30 à 40 cent. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Paul Marchal, qui a fait l'étude détaillée de l'appareil excréteur de lEcre- visse, décrit les diverses formes de cet appareil chez quelques Crustacés décapodes : Homard, Crevette, Bernard l’Hermite, divers Crabes, etc, — Les recher- ches précédentes de M. H. Jumelle lui avaient montré qu'il existe un certain balancement fonctionnel entre l'assimilation et la transpiration chlorophylliennes ; si l'assimilation est empêchée, par exemple, par l'absence d'acide carbonique, l'énergie des radiations, qui au- raient été utilisées pour cette assimilation, se reporte sur la transpiration qui est augmentée, Il vient d'ob- tenir une nouvelle preuve de cette relation par l'emploi des anesthésiques (éther), qui, à certaines doses, arré- tent complètement l'assimilation et augmentent la trans- piration. Séance du 29 septembre 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. G&. Rayet, L. Pi- cart et Courty : Observations des comètes Coggia (18 juillet 1890) et Demoring (23 juillet 1890) faites à l'Observatoire de Bordeaux. 29 ScIENCES PHYSIQUES. — MM. Chassagny et H. Abra- ham ont entrepris de déterminer la valeur des couples thermo-électriques comme appareils de mesure directe des températures ; dans un premier travail, ils compa- rent à des couples électro-chimiques étalons des cou- ples thermo-électriques, fer-cuivre, l’une des soudures étant maintenue dans la vapeur d’eau bouillante, l’autre dans la glace rapée ; de leurs mesures très précises il résulte que ces éléments thermo-électriques sont très comparables entre eux etpeuventservir comme étalon de force électro-motrice. — M. L. Trouvelot signale l’iden- tité de structure des éclairs qu'il a observés dans un orage à Meudon et des décharges des machines d’induc- tion, dont l'observation lui est trèsfamilière, Cette struc- ture des éclairs pourrait expliquer diverses particularités des orages, particulièrement de ceux que l’auteur appelle orages secs. — M. Ch. Pollack décrit une nou- velle lampe de sûreté pour les mines, alimentée par des accumulateurs. — M. Lecoq de Boisbaudran donne la description des spectres du gadolinium, tels qu’on les obtient en faisant éclater l’étincelle d’une bobine d’in- duction à long fil sur la solution chlorhydrique de la gadoline, La réaction spectrale du Gadolinium est très sensible, Le même auteur a recommencé la déter- mination de l'équivalent de la terbine, par le sulfate de la terre en prenant des précautions pour éviter l'erreur due à l'oxygène de suroxydation ; il a trouvé un chiffre sensiblement plus bas qne celui qu'il avait donné d’a- bord soit 122, 32, — M. Berthelot, par quelques expé- riences directes démontre que la terre n’absorbe et ne retient l’oxyde de carbone autrement quetout autre gaz, c'est donc par erreur qu’on avait cru observer après les explosions des mines ou d’obus une action spécifique dece genre. La polymérisation pyrogénée de l’acéty- lène, dont le produit principal est la benzine, a lieu exothermiquement ; au contraire, la polymérisation à froid de ce gaz par l’effluve, donne lieu à des produits plus voisins de l’acétylène et moins stables ;: M. Ber- thelot a en effet observé que ces produits, très oxyda- bles, se décomposent d’une facon explosible quand on les chauffe, 3° SCIENCES NATURELLES. — M.R., Dubois a extrait de la soie jaune une série de principes cristallisables que leurs propriétés physiques et chimiques placent très près de lacarotine végétale. — M.Ch. Bouchard expose une théorie de la maladie infectieuse, de la guérison, de la vaccination et de l’immunité naturelle. L'agent in- fectieux tombant sur un terrain très bactéricide, il ne se passe rien; sur un terrain favorable la maladie se développe immédiatement ; dans le cas moyen, le mi- crobe végète péniblement, mais sécrète des diastases qui modifient le terrain dans le sens qui lui est favo- rable, particulièrement en paralysant le centre vaso- COURRTER DE ROME dilatateur et en empêchant par là la diapédèse et la . phagocytose; la maladie peut alors se développer. Si elle n’aboutit pas à la mort, l'organisme devient au bout de quelque temps réfractaire à l’agent infectieux ; le premier effet de cette modification est la guérison, le second est l'acquisition de l’immunité. L'immunité naturelle résulte de la grande résistance que le centre vaso-dilatateur oppose aux produits solubles microbiens tendant à le paralyser ;si on paralyse ce centre par une dose assez forte de poison, l’immunité disparaît, — M. R. Blanchard signale une maladie qu'il a observée sur le Lézard vert ; la queue portait de grosses excrois- sances cutanées remplies de conidies ; ces conidies cultivées sur divers milieux ont germé et produit une Mucédinée appartenant au genre Fusarium. L, Laricoue. ACADEMIE DE MEDECINE Séance du 23 septembre 1890 M. Chauvel, sur un mémoire de M. Guermonprez concernant les fractures du calcanéum par écrase- ment, — M. Guéniot lit un mémoire de M. le D' Rifat (de Salonique) sur le traitement de la paramétrie par le raclage de l'utérus. — M. Javal discute les réformes à introduire dans les lois fiscales, militaires et civiles en vue de favoriser la natalité, et de remédier à la dépopulation de la France. Il propose à l’Académie de voter la conclusion suivante : L'Académie appelle l'at- tention des pouvoirs publics sur les conclusions du rapport de M. Lagneau, d'après lesquelles l'arrêt d'accroissement de la population reconnait pour cause principale la diminu- tion volontaire de la natalité, diminution causée par la situation faite aux familles nombreuses par les lois civiles, fiscales et militaires. — M. Lagneau s'élève contre le renvoi de la discussion devant une commission parle- mentaire, Il répond aux observations faites par M. Javal dans la première partie de son discours et déclare qu'il se croit d'accord avec lui sur la plupart de ses propositions, Séance du 30 septembre 1890. M. Terrier communique les résultats favorables d’une opération de cholécysteétomie suivie de gué- rison. L'opération de l’ablation de la vésicule biliaire qu'il a pratiquée pour la deuxiéme fois ne l’a été que cinq fois en France, elle la été souvent à l'Etranger. — Suite de la discussion de M. Lagneau sur les moyens à employer pour remédier à la dépopulation de la France. — M. Hervieux discute un travail inti- tulé : De l’absolue nécessité d’édicter une loi rendant obligatoires les vaccinations et revaccinations. COURRIER DE ROME La majeure partie de l’activité scientifique, en Italie el plus spécialement à Rome, se concentre à l’Académie royale des Lincei. Cette compagnie prend actuellement ses vacances. Celles-ci, à vrai dire, sont plutôt nomi- nales que réelles, la plupart des membres de cette illustre assemblée continuant de publier leurs travaux pendant l’été, Indépendamment des Mémoires qu’ac- cueille l’Académie, bon nombre de nos compatriotes font paraître leurs recherches dans les journaux spé- ciaux et les bulletins des diverses Sociétés savantes de notre région, La production scientifique y est, comme on le voit, considérable, Bien que ralentie en cette saison, elle mérite néanmoins de fixer l’attention. Nous nous bornerons, dans le présent courrier, à signaler, parmi ses récents progrès, les plus importants. 1. — Sous les auspices de S, M. le Roi, et par les soins du ministère de l’Instruction publique, on a pu- blié le premier volume de l'édition nationale des Œuvres de GAziLEo Gazrzer, Cette publication est diri- gée par M. Favaro, professeur à l’Université de Padoue, avec le concours de MM. I. del Lungo, V. Cerruti, G. Govi, G. V. Schiaparelli, membres de l’Académie des Linceï, Dans ce premier volume sont compris les chapitres sui- vants : 1° Juvenilia; 2 Theoremata cirea centrum gravi- tatis; 3° La Bilancelta; 4° De Motu. Ces travaux se rapportent à l’époque où Galilée était étudiant et com- mença à donner des leçons, c’est-à-dire qu'ils ne vont pas au delà de 1589, Le premier travail est une compilation des lecons dic- tées par quelque cathédrant de l’Université de Pise en commentant les livres d’Aristote, et en particulier celui qui a pour litre De Cælo. Cette serittura n’a aucune impor tance scientifique, mais elle présente un très grand intérêt pour suivre le développement de la pensée de Galilei. Les trois autres travaux montrent dans Galilei un vaillant et heureux continuateur d’Archimède, Dans les théorèmes sur les centres de gravité, il s'occupe de la dé- términalion des centres de gravité des solides, tandis qu'Archimède n'avait déterminé (si du moins on en juge par ce quinous est parvenu de ses œuvres) que les cen- tres de gravité des aires planes, Quelques essais seule- ment avaient été faits déjà par Maurolico et Commandino, mais avec moins de sagacité que Galilée sut en montrer. Le chapitre : La Bilancetta a trait à l'invention de la balance hydrostatique et à la détermination des poids spécifiques des solides. Le chapitre : De Motu en grande partie inédit jusqu'à ces jours-ci, (comme de même élaient inédits les travaux groupés sous le titre de Juvenilia) est une première rédaction des fameux dia- logues : Sur deux nouvelles sciences, ete., qui forment le plus grand et le plus durable titre de gloire de Galilée Enfin le chapitre : De Motu, contient les fondements de la science du mouvement; dans ce travail l’auteur repousse et détruit toutes les erreurs que la philosophie. péripatéticienne (alors en grand honneur dansles écoles) avait répandues sur le mouvement des corps dans le vide et dans les milieux résistants comme l’air et l’eau. 2, — Dans le groupe des sciences physiques plusieurs questions intéressantes sont depuis quelque temps à l'ordre du jour. Les découvertes de M. Hertz sur l’action des rayons ultra-violets dans la production des décharges électriques, etde Hallwachs sur la dispersion plus rapide de l'électricité négative lorsque les rayons ultra-violets frappent la surface du conducteur élec- trisé, ont conduit M. Righi à étudier ces intéressants phénomènes, sur lesquels il a publié déjà plusieurs Mémoires, Comme l’on sait, M. Righi a découvert que, ‘sous lPaction des rayons ultra-violets, un corps conduc- teur ou isolant et non chargé, peut donner origine à de l'électricité positive; l’auteur a déterminé la loi fonda- mentale et le mécanisme de ce phénomène. On le re- produit dans de brillantes expériences, dont cette Revue a eu déjà occasion de s'occuper. Dans un récent travail M. Righi a étudié les modili- cations subies par le transport ou convection électrique, lorsque ce transport se produit dans l'air plus ou moins raréfié; ses expériences ont été faites avec des appareils spéciaux, où l'atmosphère pouvait être raré- fiée à moins d’un millionième de pression. Il reconnut de cette manière que, dans l’air raréfié, les particules matérielles ne suivent plus la trajectoire déterminée par les lois de la mécanique, et que ces particules qui transportent l'électricité négative, ne sont autre chose que les molécules mêmes du gaz raréfié. En effet, lors- que la raréfaction de l’air devient toujours plus grande, PT, COURRIER DE ROME 621 on voit que le faisceau divergent formé par les parti- cules négativement électrisées qui partent du corps frappé par les rayons lumineux, va toujours en s’élar- gissant, et qu'avec une raréfaction convenable, les par- ticules ne suivent pas une direction unique, mais se répandent presque dans toutes les directions. L’explication de ce phénomène est très facile, si l’on admet l'hypothèse des molécules gazeuses ; ces molé- cules en effet, à qui la chaleur du gaz donne continuel- lement des mouvements de translation, avec la raré- faction deviennent toujours moins nombreuses; en raison de la diminution des chocs réciproques, elles peuvent rebondir sur le corps électrisé dans toutes les directions. Si la charge du corps électrisé est très faible et négligeable, il est possible d'établir le lieu où les molécules gazeuses, qui ne sont plus soumises au phé- nomène électrique, seront réfléchies par le corps élec- trisé et se réuniront en plus grand nombre ; dans ce cas, comme dans le cas d’une charge très forte du con- ducteur, l'expérience a toujours confirmé les prévisions de la théorie sur les points où se réunit la majeure partie de l'électricité. M. Righi a ensuite déterminé le coefficient de disper- sion photo-électrique, c’est-à-dire le rapport qui passe entre la quantité d'électricité négative perdue dans une seconde par une petite surface du corps frappé par les rayons lumineux, et la quantité d'électricité qui se trouvait sur la même surface. Ce coefficient s’accroit beaucoup en raréfiant lair, mais à un certain point il commence à décroître si l’on poursuit la raréfaction de l'air, L'auteur, au cours de ses expériences, a obtenu un résultat jusqu’à ce moment inexplicable, La disper- sion photo-électriqne dans l'air rarifié augmente au lieu de diminuer, en éloignant jusqu'à une certaine limite le corps frappé par la lumière du conducteur qui recoit la décharge négative du premier. M. Righi a, en outre, reconnu que ce résultat anormal, qui est cons- tant dans le cas du phénomène photo-électrique, se reproduit dans le cas de la dispersion ordinaire dans l'air raréfié avec deux électrodes disposées l’unecontre l’autreyrsi l’une des électrodes est chargée par une pile d'électricité négative, l’autre restant en communi- cation ayec un électromètre, on voit que dans un temps constant la seconde électrode prend une charge plus grande lorsque les deux électrodes se trouvent à une certaine distance, que lorsqu'elles sontrapprochées, D’autres phénomènes ont été découverts par M. Righi, au sujet de l'influence du magnétisme sur la convection ordinaire ou photo-électrique, Lorsqu'on approche de l'appareil un fort électro-aimant, on voit disparaitre dans la convection ordinaire le phénomène anormal dont on a parlé ci-dessus ; et avec une petite distance entre les électrodes, on peut obtenir de fortes dévia- tions électriques. Dans la convection photo-électrique, le magnétisme produit une diminution de l'électricité pes qui reste sur le corps éclairé ; c’est-à-dire que a charge d'électricité positive acquise dans l'air raréfié par un conducteur non chargé, par effet des radiations, sous l’action d’un électro-aimant, devient beaucoup plus faible, — M. Gugliehno a proposé une nouvelle méthode pour construire un baromètre exact et d’un transport facile, sans recourir à l’ébullition ou aux pompes à vide afin de chasser l'air et l'humidité qui adhèrent aux parois du tube, ce qui est une opération assez difficile, même pour les constructeurs les plus habiles. La disposition imaginée par M. Guglielmo permet de rétablir à tout moment et très facilement, un vide parfait sur la co- lonne de mercure ; il suffit de faire usage d’un tube dont la chambre barométrique est divisée en deux com- partiments par un robinet ordinaire ou par un robinet de Giminghan., On remplit de mercure le tube et, comme dans l'expérience de Torricelli, on le renverse dans la cuvette; on incline alors un peu le tube, on laisse passer dans le compartiment supérieur l'air ou la vapeur d'eau qui se trouvent dans la chambre du vide, et on ferme le robinet, Lorsqu'un peu d’air et de vapeur se sont de nouveau détachés des parois (opé- ration dont onréduit la durée au moyen de décharges électriques) on répète l'opération précédente en ayant soin de n'ouvrir le robinet qu'au moment où la pres- sion de l’air à chasser est présumée égale à celle de l'air déjà enfermé dans l’espace supérieur, La raréfaction ainsi obtenue est la plus parfaite que l’on puisse atteindre avec les moyens aujourd'hui en usage ; elle suffit à donner naissance aux phénomènes de la matière radiante. et à empêcher complètement le passage des décharges électriques. Cette forme de ba- romètre peut être fort utile dans les voyages, parce qu’il est facile de construire le baromètre à chaque mo- ment, avec une provision de mercure et un tube qui peut même être coupé en deux parties que l’on visse l’une à l’autre. M. Guglielmo a comparé avec beaucoup de soin un baromètre construit d’après sa méthode au baromètre Fortin, et il a trouvé de petites différences, qu'il ne peut expliquer qu’en admettant la présence d’un peu d’air dans le second baromètre, Son appareil permetde vérifier l'exactitude des indications des baro- mètres construits à la manière ordinaire, 3. — Dansles sciences naturelles je dois signaler les recherches que MM Monti et Tirelli ont exécutées sur les micro-organismes du mais gâté. La question présente un grand intérêt pourl’hygiène; depuis quelque temps plusieurs savants ont admis en effet que l’ingestion du mais gâté produit la pélagre. MM. Monti et Tirelli se sont bornés, dans leurs recherches, à étudier les micro- organismes qui se trouvent dans le maïs pourri, et à préparer de cette manière les moyens de résoudre la question des rapports entre le maïs et la pelagre. Dans plusieurs travaux Paladini, Lombroso, Maioc- chi, Cuboni, Paltauf, etc., ont démontré que dans le mais pourri des microorganismes produisent des subs- tances toxiques ; mais il restait à établir si d’autres microorganismes capables d'élaborer d’autres substan- ces toxiques n’existaient pas dans le maïs. MM. Monti et Tirelli ont observé du maïs dont la pourriture s’était naturellement produite ; ils ont directement inoculé à des lapins de la poudre de ce maïs en suspension dans l’eau. Mais les résultats, sauf dans un cas, ont été né- gatifs. On pulvérisait le maïs, après lavage et stérilisa- tion de la surface externe des grains, et dans les cul- tures on isolait les microorganismes en cherchant à y reconnaître les formes déjà décrites par d’autres obser- vateurs. MM. Monti et Tirelli ont réussi à surmonter les difficultés de ce long et délicat travail, et à décou- yrir des formes nouvelles et nombreuses, dont ils don- nent dans leur Mémoire une description détaillée. De ces recherches on peut déjà tirer des conclusions intéressantes. Ainsi l’on voit que dans le maïs pourri ne se tnouve pas une espèce unique de microorganis- mes, le prétendu Bucillus maydis, mais que plusieurs espèces sont capables de donner origine à des procès de décomposition. Les moisissures, sans avoir l'impor- tance admise par les anciens observateurs, peuvent prendre une part active au travail de fermentation, pendant que d’autres bacilles accomplissent celui de la putréfaction. La présence, sur les grains, des microor- ganismes qui, d'ordinaire, se trouvent dans les eaux im- pures, s'explique en admettant que le maïs ait été mouillé, etilest probable que Le bon effet de la dessic- cation artificielle du maïs dépend de la destruction de ces microorganismes. MM. Monti et Tirelli se proposent de continuer leurs recherches relatives aux effets des microorganismes sur le maïs, et de discuter ensuite les rapports qui existent entre les poisons du maïs et la pathogénie de la pélagre, — M. Bonuzzia communiqué à l’Académie de médecine ses recherches expérimentales sur les effets de la sus- pension dans l’ataxie, et d’une nouvelle méthode pour traiter cette maladie, au moyen de la flexion forcée de la partie antérieure du corps. La question d'établir de quelle manière agit la suspension dont on connaît les effets favorables, exception faite pour M. Mitschutkowski, 622 a jusqu’à présent peu attiré l’attention des neuropatho- logistes, Au cours de ses expériences, M. Bonuzzi a re- connu que la moelle épinière subit un changement notable dans ses rapports avec la colonne vertébrale ; la moelle se déplace en haut de 3-4 millimètres; le déplacement est déterminé par un léger éloignement des vertèbres entre elles, et par un relàächement des muscles et des ligaments vertébraux. Les racines épi- nières, bien que changeant de position, ne paraissent pas supporter une tension appréciable. La tension du liquide céphalo-rachidien augmente, et la colonne ver- tébrale éprouve un allongement apparent de 1/2 à 2 1/2 centimètres, M. Bonuzzi confirme les résultats des expériences de M. Mitschutkowski pour ce qui regarde l'allongement du corps entier, allongement qu'il limite à 2-3 centimètres, et il admet que dans la suspension : 1° la respiration devient plus active et fatigante ; 2° la circulation est plus rapide et augmente la tension du sang. L'auteur croit que l’action thérapeutique de la sus- pension dépend de l’amélioration qui se produit dans la circulation endomédullaire épinière, et qui agit en diminuant l'irritation que le procès morbide ap- porte dans les fibres radiculaires des cordons posté- rieurs non encore détruits, Il y a encore l’accrois- sement de tension du liquide céphalo-rachidien et le tiraillement des artères vertébrales qui, à cause de la diminution du sang artériel arrivant à la moelle et de laugmentation du sang veineux qui en découle, rendent plus facile et plus rapide la circulation de la moelle, M. Bonuzzi est d'accord avec M. Charcot sur les effets produits par l'éloignement des anneaux ver- tébraux, et il conclut qu'avec la suspension on pourra toujours améliorer les conditions des malades en réta- blissant les fonctions des fibres nerveuses encore saines, sans oblenir jamais une guérison parfaile, parce qu'il est impossible de reproduire les fibres détruites. Expérimentant sur des cadavres, M. Bonuzzi a ob- servé que lorsqu'on force les genoux à toucher la tête, on obtient une forte distension de la moelle; une aiguille fixée dans la moelle se déplacait en bas, dans la flexion antérieure du cadavre, de 8 à 12 milli- mètres, et la moelle devenait plus mince et plus résis- tante. Cette distension est due à la courbe plus longue que la moelle est obligée de suivre à cause de l’incur- vation de la colonne vertébrale, qui, avec la flexion, subit un allongement apparent plus grand que dans la suspension, En résumé, avec la flexion on obtient, d’une manière plus active, les effets produits par la suspension ; la flexion est d’une exécution plus facile et ne présente pas les inconvénients de ce dernier traitement. M. Bonuzzi a soumis à son traitement une gnalade qui souffrait de douleurs fulgurantes et dont la loco- motion ataxique était bien caractérisée. On exécutait la flexion en portant, comme il a été dit, les genoux de la malade, étendue sur le lit, jusqu’à sa tête, et maintenant cette position pendant une demi-minute au commencement, et trois minutés ensuite. Après trois séances, les douleurs s’apaisèrent, pour disparaître complètement après huit séances ; l’état de la malade présenta une amélioration remarquable dans la loco- motion, dans la (transmission des sensations, ete. — Encore à l’Académie de médecine, M. Zeri a pré- senté un intéressant travail où il décrit les recherches qu'il a faites pour reconnaître si agent pathogène de la malaria peut pénétrer dans l'organisme par la voie du tube gastro-entérique. Il est ordinairement admis que la pénétration des germes a lieu par les voies res- piratoires; mais, d'autre part, une croyance populaire très répandue dans les pays où sévit le paludisme, dit que l’on peut attraper la fièvre en buvant de l’eau puisée dans les terrains marécageux. Les anciens mé- decins, Hippocrate en tête, ont accepté cette opinion sans la discuter, en s'appuyant sur des observations qui, aujourd’hui, se trouvent en contradiction avec les COURRIER DE ROME récentes découvertes sur la nature et sur la produc- tion des fièvres palustres. Pour résoudre cette question d'une manière déci- sive, M. Zeri a pensé à recourir à l'expérience directe, en faisant absorber à des individus en bonnes condi- tions hygiéniques de l’eau prise dans des localités où dominent les fièvres palustres. On a exécuté ces expé- riences à l'hôpital de $S, Spirito, à Rome; mais ni les ingestions, ni les inhalations, ni les injections d’eau palustre ne produisirent le plus léger symptôme de fièvre, Cette conclusion est réconfortante ; elle démontre que la tradition populaire se trouve en défaut, et que l’eau potable ne peut être considérée comme un véhi- cule de l'infection palustre. — La Société italienne des Sciences, dite des XL, a publié le tome VII de ses Mémoires. De cette importante publication, nous nous bornerons, pour le moment, à signaler un long et remarquable travail de MM. Man- fredi, Boccardi et Jappelli sur le ferment inversif de l'organisme animal. Il y a deux cents ans, Leuwenhoek signalait la présence de microorganismes dans la salive humaine, et il les étudiait de la manière la plus com- pee qu'il était possible de son temps. De nos jours a bactériologie a démontré que de nombreuses es- pèces de microorganismes se trouvent dans la bouche, dans l'estomac et dans l’intestin. Beaucoup de ces microbes ne restent pas inactifs dans le procès de la digestion ef, en produisant des ferments spéciaux ou par suite d’un autre mécanisme plus complexe, ils ar- rivent à effectuer dans les substances alimentaires des. changements identiques à ceux que produisent les sucs digestifs en transformant l’amidon en glucose, les albuminoïdes en peptones, etc. Plusieurs savants déjà, entre autres Miller, Duclaux, Hueppe, Vignal, etc., ont tâché de fixer le travail accompli dans le procès digestif par les cellules glandulaires et par les orga- nismes inférieurs, Mais ces recherches sont longues et difficiles ; les trois auteurs, dont nous analysons le travail, se sont bornés à étudier un point seulement de cette vaste question : la digestion du saccharose. Après avoir parlé de nos connaissances sur la diges- tion du saccharose, de ses propriétés, des méthodes mises en œuvre dans leurs recherches, des précautions observées, MM. Manfredi, Boccardi et Jappelli donnent une description détaillée de leurs observations sur les produits de l’interversion, des expériences exécutées sur les diverses muqueuses et sur le foie, etils arrivent aux conclusions suivantes : L'existence de micro-orga- nismes nombreux, capables de produire de Pinversine et de transformer le saccharose en sucre interverti, est démontrée; leur présence dans le suc entérique est aussi établie, L'origine et la présence du ferment inversif dans l'organisme ont été jusqu’à ces derniers temps l’objet de doutes et d’assertions contradictoires ; la cause de ces incertitudes se trouve dans l'inexac- titude des méthodes d'observation dont on se servait et dans la rapidité d’altération du saccharose qui, pour cette cause, renferme toujours plus ou moins de glucose. Ayant prouvé que l’inversion spontanée est causée uniquement par les germes inversifs de l'air, les auteurs furent obligés de recourir à plusieurs expédients dont ils donnent la description. Ils ont réussi à prouver que, dans lestomac où manque la végétation des germes inversifs, ne se produit aucune inversion ; l’opi- nion contraire, admise par plusieurs savants, résulte d'erreurs de technique. Le suc entérique, qui renferme un grand nombre de germes inversifs, renferme encore une grande quantité d’inversine. Chez le lapin, cette substance est produite exclusivement par des micro- organismes, et la muqueuse intestinale ne prend aucune part à sa formation. Chez le chien, sans avoir des preuves pour exclure la muqueuse de cette fonc- tion digestive, les observations semblent assigner mème provenance au ferment inversif. Les auteurs ont dù exclure la présence du ferment inversif dans d’autres sucs et d’autres organes; ils font, à ce propos, une mention particulière du foie CHRONIQUE 623 où récemment on a prétendu trouver ce ferment. Des infusions préparées avec tous les organes (à l’excep- tion de la muqueuse gastrique) et les produits des sécrétions (salive) laissées à l'air avec du saccharose, deviennent, dans un temps variable, des milieux de culture des germes inversifs; il se forme de l'inversine, et dans ces liquides a lieu la transformation du sac- charose en sucre interverti. De plusieurs autres travaux récemment parus, en particulier des sciences mathématiques, nous traite- rons dans un prochain courrier. Ernesto Mancint. CHRONIQUE LES NOUVEAUX TORPILLEURS CHAUFFÉS AU PÉTROLE Une maison de construction anglaise, MM. W. Dox- ford et fils vient de construire un torpilleur dont le trait carastéristique est d’être chauffé au pétrole. Cela n’est pas la première fois, tant s’en faut, que l’on expé- rimente ce genre de chauffe; mais les résultats obtenus jusqu'ici n’avaient pas été assez satisfaisants pour faire passer sur les inconvénients d’un prix de revient plus onéreux et d’un plus grand danger d'incendie. Si l’on s'en rapporte à un article, inséré dans l’Engineering probablement à la demande des constructeurs anglais, ceux-ci seraient arrivés au moyen d’un brûleur spécial à obtenir un fonctionnement convenable, Voici d’ail- leurs les dispositions qu’ils ont adoptées. Le fond du torpilleur est double et divisé en huit compartiments servant de réservoirs à pétrole, Le com- bustible liquide y est aspiré par de petites pompes Worthington qui le refoulent dans une petite caisse où il est soumis à une pression de ?%,5 environ par centi- mètre carré; il se rend de là directement dans les brû- leurs. La chaufferie contient outre cette caisse un ap- pareil fournissant de l’air comprimé sous une pression d'environ 3 kilog, par centimètre carré, qui sert à pul- vériser l'huile quand elle quitte les brûleurs, Chaque jet d'huile donne une flamme claire et brillante qui aurait environ 2" de long et 23cm de diamètre si elle brülait seule, Quand les jets, qui sont au nombre de 31, sont réunis, il en résulte une masse brillante de feu d’en- viron 60m, de la bouche du fourneau à la plaque à tube. Nous donnons ci-contre des coupes longitudinale et horizontale de la chaufferie, et des coupes transver- sales faites l’une au voisinage de la cloison séparant la chaufferie de la chambre des machines, en regardant de l’avant à l'arrière, et l’autre au voisinage de la facade de la chaudière, en regardant de l'arrière à l'avant. On remarquera daus cette dernière coupe les tuyaux d'arrivée des brûleurs à pétrole, Nous signale- ronsaussi dans ces diverses projectionsles petitsmoteurs des pompes de compression d'huile et d’air,ainsi que les caisses où se rendent l’air et le pétrole comprimés. La flamme ne donne, paraît-il, ni fumée ni escar- billes ; il n’y aurait donc jamais à ramoner les tubes, Chaque brûleur peut être fermé individuellement, où tous peuvent être éleints ensemble, Le tout se passe sous la surveillance d’un seul homme. Voici, au point de vue militaire, les avantages des appareils que nous venons de décrire. D’abord à poids égal, le combustible liquide donne plus de chaleur que le charbon. On peut donc, avec l'huile, augmenter le rayon d'action pour un poids égal, ou pour le même rayon d'action diminuer le poids et augmenter la vitesse. Avec le plein des caisses (14 tonneaux de pétrole) et à la vitesse de 10 nœuds, la distance fran- chissable est de 1800 milles. L’arrimage du pétrole dans les fonds a deux avan- tages; il augmente la stabilité et l’espace habitable, Avec les tubes, les torpilles, les canons à tir rapide, pour ,ne rien dire des hommes d'équipage sur le pont, un torpilleur n’a jamais qu'une faible réserve de stabilité. On l’augmente en remplissant les caisses à huile du torpilleur dont nous parlons, tandis qu'on obtient l'effet inverse en remplissant de charbon les soutes d’un torpilleur ordinaire, — Nous n’insistons pas sur l’avantage évident de la plus grande habitabilité. En manœuvrant sous vapeur, il peut être souvent nécessaire de stopper brusquement et de rester immo- bile pendant un plus ou moins grand laps de temps, en restant prêt à repartir à toute vitesse à un nouveau commandement, Il en résulte pour la conduite de la Coupes transversales. chauffe des difficultés bien connues de tout mécani- cien et de tout officier de marine, Si l’on pousse acti- vement les feux, on ne sait comment se débarrasser de la vapeur qu'on produit. De plus au bout d’un certain temps il faut procéder à un décrassage des grilles, pendant lequel la pression tombe: et si c’est à ce mo- ment que se présente l’opportunité d'agir, on ne peut en profiter. Si d'autre part on laisse tomber les feux, il faut ensuite un certain temps pour les remettre en activité, ce qui augmente d’autant le retard apporté à la production de la quantité de vapeur exigée par la machine, à sa pression de régime. Ces difficultés, sans disparaître entièrement comme voudraient le croire MM. Doxford et fils, si l'on s’en rapporte à l’Enginee- ring, sont du moins sensiblement afténuées par le chauffage au pétrole; celui-ci permet soit de maintenir les feux poussés en permanence sans avoir à décrasser les grilles, soit, si on les à laissés tomber, d’écono- miser pour la mise en pression et pour la production de régime de la vapeur tout le temps de la mise en activité des feux, laquelle est instantanément obtenue par une manœuvre de robinet, Les constructeurs ont d’ailleurs mis tous leurs soins à faire en sorte qu'on puisse à volonté éteindre ou allumer brusquement tous les brûleurs sans qu’il en résulte de détérioration et de fuites dans le foyer ou CONGRÈS dans les tubes. La chaudière évite donc dans de cer- faines mesures les principales causes de destruction et ne vient pas comme sur les autres torpilleurs abré- ger par son usure prématurée la vie même du bateau. Notons en passant que les précautions nécessaires ont été prises pour prolonger en conséquence la longévité de la machine. Avec le chauffage au pétrole, les chauffeurs sont inutiles, Un homme suffit pour veiller aux brùleurs et aux appareils de pompage de pétrole et d'air, L'avan- lage de n'avoir pas à charger les foyers par mers dures, surtout du travers, est incontestable, Il n’y a pas à manipuler le charbon et la propreté du bateau y gagne. Il n’y a pas à ramoner les tubes. Comme conclusion, MM. Doxford et fils affirment que le système de chauffage avec combustible liquide qu'ils ont adopté est le seul applicable aux torpilleurs. Ceci tiendrait principalement à l'emploi de l’air com- primé au lieu de vapeur pour pulvériser le pétrole. II y a, disent-ils, beaucoup de systèmes d’injections, mais ils ne sont pas applicables aux torpilleurs à cause de la perte d’eau douce qu'ils entraînent, et qui nécessi- teraient la présence de puissants évaporateurs inad- missibles sur ces bateaux. Si réellement MM, Doxford et fils ont réalisé d’une facon vraiment pratique le problème qu'ils s'étaient posé, il est de fait que l’emploi du pétrole sur les tor- pilleurs serait justifié, malgré les inconvénients signa- lés plus haut de la dépense et du danger d'incendie, par les améliorations apportées à la fois aux aménage- ments, à la vitesse, et au service de la chauffe, L'avenir montrera si ces constructeurs ont atteint les résultats qu'ils exposent, car dans ce cas, leur système s’impo- serait aux puissances maritimes. Sans attendre jusque là, on ne peut que souhaiter voir la marine francaise reprendre les essais déjà entrepris dans ce sens tant par les chantiers de l’in- dustrie que par les arsenaux de l'Etat, et réussir à installer ce mode de chauffage sur nos torpilleurs d’abord, puis peut-être sur tous ceux de nos bâtiments dont la petite dimension permet l'emploi de ce com- bustible plus coûteux, et dont la construction essen- tiellement métallique ne fait pas craindre les dangers d'incendie, Ce sera un pas de fait dans la voie de l’usage du pétrole sur les navires, et cela nous rappro- chera du jour où les machines à vapeur proprement dites seront détrônées par les machines à explosion de vapeur de pétrole, qui, depuis quelque temps déjà à l’ordre du jour, se développent et se perfectionnent sans cesse. X. CONGRÈS LE PREMIER CONGRES DE L'ASSOCIATION PYRÉNÉENNE A NARBONNE L'Association pyrénéenne a pour but de grouper les forces intellectuelles locales d’une importante région de la France, et de les faire contribuer par la Science au développement du Midi. Son domaine d'activité est constitué par les trois académies de Bordeaux, Tou- louse et Montpellier, du côté nord des Pyrénées; il s'étend à la Catalogne, l’Aragon et la Navarre, jusqu’à la rive gauche de l'Ebre. Les fondateurs de l’œuvre sont le regretté Julien Lacaze et l’auteur de cet article, auquel est échu l'honneur de la diriger. La Revue des Pyrénées et de la France méridionale est devenue l'organe commun de l'Association, qui publiera en outre, tous les ans, un volume spécial relatif à ses congrès. Son pre- mier congrès s’est ouvert le 12 mai dernier à Narbonne sous la présidence de M. le professeur Armand Gautier de l’Institut, un enfant illustre du pays. M. le ministre de l'instruction publique s'était fait représenter en envoyant un délégué spécial, M. le professeur A. Le- bègue de Toulouse. Les membres du Congrès divisés en trois sections : littérature, histoire, archéologie, — sciences, — agriculture et commerce, avaient à traiter 32 questions différentes, Le programme à été rempli au complet. Les questions posées avaient toutes pour but un objet d'intérêt local ou régional. Parmi les sujets les plus importants soumis à la discussion, nous devons signaler dans la première section : les établissements d'instruction publique dans le Midi de la France avant la Révolution; (abbé Douais). — La constatation d'une école spéciale de sculpbure à Narbonne pendant les deux premiers siècles de l'Empire romain (E. Berthomieu). — La voie Domitienne auæ environs de Narbonne (Thiers). — La corporation des arts-et-méliers à Narbonne (G. Cros May- revielle), — La justice à Foix au xiv° siècle (F. Pas- quier), — Les registres de notaires avant la Révolution et des renseignements qu'ils peuvent fournir pour l'histoire générale ou locale (L. Favatier). — Les registres de paroisses avant la Révolution et les renseignements qu'ils peuvent fournû pour l’histoire générale ou locale (L. Nar- bonne), — Les tours à forme carrée que l'on rencontre dans le versant sud ct dans le versant nord des Pyrénées (Comte de Saint-Saud) ete., etc. — Dans la seconde section, nous pouvons signaler des mémoires sur: L'existence du Trias aux environs de Narbonne (Jüllian). — Le préhisto- rique du département de l Aude (Ë. Cartailhac). — Lisole- ment des contagieux à Narbonne (D' Aussilloux). — La station géodésique de premier ordre des Pyrénées centrales espagnoles (Comte de Saint-Saud). — La brushite (phos- phate bibasique de chaux) en quantité exploitable dans la grotte de Minerve (A. et G. Gautier), ete., ete. — Dans la troisième section les mémoires suivants ont donné lieu à d'intéressantes discussions : les eaux minérales de l'Aude (D° Vaysse). — Les eaux de Rennes, des Bains, de Campagne et @Alet (D° Garrigou). — L'influence des engrais et du chlorure de sodium en particulier (M. Cal- * mettes), — Les terrains salés (G. Gautier), — Le feldspath comme engrais polassique (J. Gindre). — La'fabrication des verdets etdes crèmes de tartre (A. Raynal). — Les tarifs des chemins de fer en rapport avec les industries du pays ; abaissement des tarifs pour faciliter le commerce de la région (Charriaut), — Des résultats pratiques entraînés par les congrès annuels des diverses sociétés savantes de la région du Midi sur le mouvement intellectuel et sur les recettes des chemins de fer. Du rôle qui s'impose à ceux- ei à l'égard des sociétés savantes qui concourent à l'aug- mentation de leurs recettes (D' Garrigou). — La falsifica- tion des vins (Chrommydis). — Les vins des vignes inon- dées et traitées par le sulfate de chaux (R. Favatier)., — Les ophites, nouvelles sources de phosphate de chaux powr l'agriculture (G. Gautier). — Le plätrage de la vendange (Ch. Raynal), — Le chromatomètre (Andrieu). — La con- centralion du vin (D' Garrigou), etc., ete., (4). Dr F, GArRiIGOU, Directeur de l'Association pyrénéenne. (1) Dans le cours de ses excursions pendant la session à Nar- bonne, le Congrès a recu l'accueil le plus confraternel de la part des Sociétés savantes de la Catalogne espagnole. Le prochain Congrès aura lieu à Bordeaux sous les auspices de la municipalité, pendant les vacances de Päques de 1891. La publication in-extenso des mémoires envoyés au Con- grès est en ce moment sous presse, elle formera un volume spécial avec planches, que l’on peut se procurer en écrivant “ siège de l'association, au Directeur, rue Valade, 38, Tou- ousce. Le Gérant : Ocrave Don. Paris.— Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. 4e ANNÉE N° 20 30 OCTOBRE 1890 ES SCIENC PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER SUR LA THÉORIE DES RÉGULATEURS Le problème de la régularisation du mouvement est l’un de ceux qui, depuis un siècle ‘, ont préoccupé le plus vivement les mécaniciens et les ingénieurs; la conservation de la machine y est intéressée ; l'économie de force s'y rattache d'une façon intime; la perfection du travail produit en dépend. De jour en jour d’ailleurs les exigences de la pratique augmentent; la complexité des questions traitées va en croissant et, les mécanismes qu'elles réclament étant plus délicats, la régularité de marche à réaliser est plus grande. Aussi les inventeurs font-ils de toutes parts assaut d’ingéniosité; les appareils se multiplient ; leur nombre est devenu immense. En même temps les théoriciens, séduits par les problèmes intéressants que fournit la question des régulateurs, accumulent les travaux; chacun adopte un point de vue différent ou met en lumière une propriété particulière; chacun prend le côté de la question qui lui paraît le plus propre à former une théorie complète. Cette multiplicité de dispositifs el de mémoires, au lieu d'éclairer dans tous ses détails la théorie des régulateurs, l’a rendue tout à fait obscure; il est facile d'en donner la raison : les travaux théo- riques, si intéressants qu'ils aient été, les inven- tions de mécanismes, si ingénieuses qu’elles aient pu être, ont toujours eu le tort de laisser de côté 1 Le premier brevet de Watt est de 1769 et sa première « machine à feu » de 1714. REVUE GÉNÉRALE, 1890, la relation du régulateur avec la machine ; or, c’est là l’idée fondamentale qui doit dominer toutes les recherches, idée que malheureusement on a trop perdue de vue; on a étudié l'appareil à boules et l'on a cru avoir étudié l'appareil de régulation dont il n'est qu'une des parties. La théorie du régulateur doit être établie en ne le séparant pas des liaisons qui le réunissent à la machine; toute autre manière de faire ne peut conduire qu’à des idées fausses; mais la théorie ainsi comprise présente un degré de complication supérieur au degré de celles qui l’ont précédée; il faut considérer deux mouvements simultanés, celui de la machine et celui du régulateur, au lieu du mouvement unique qui seul intervient pour l'appareil à boules, pris isolément. Nous n'avons pas la pensée d'aborder cette étude complète dans les deux articles que nous publie- rons à ce sujet; nous voulons seulement montrer comment l'on peut, sans entrer dans le détail d'aucun calcul ni faire la description technique d'aucun mécanisme, présenter la théorie des régu- lateurs de façon à éviter l'écueil que nous avons signalé et à donner une idée nette du fonction- nement de ces appareils. 1. But et définition des régulateurs. — Les régu- lateurs sont des appareils qui ont pour objet de maintenir dans des limites aussi rapprochées que possible les variations de la vitesse moyenne d'une machine, dues aux modifications que subissent la puissance ou la résistance. On donne souvent cette définition sous une 18 626 H. LÉAUTÉ. — SUR LA THÉORIE DES RÉGULATEURS forme plus concise en disant que les régulateurs ont pour but de maintenir la vitesse constante malgré les perturbations de la résistance ou de la puissance. Pour que la vitesse moyenne d'une machine puisse rester fixe, il faut qu'à cette vitesse il y ait équilibre entre le travail moteur et le travail résis- tant. Or cet équilibre peut être troublé pour diverses raisons : Variations dans le ni- veau de l'eau pour les moteurs hydrauliques. ee Variations générale- Puissance 4 Variations dans la pres- nue DEL RES sion de la chaudière CHER pour les moteurs à va- DUT rc ete een Les outils commandés fonctionnent d’une ma- Ce Te T ee : & nn nière intermittente... CSA AERT LASEURÈN GE ax tions les plus impor- Résistance / On débraye des outils | tantes et les seules même qu'il y ait lieu, en général, de consi- dérer. 1 ENAMATCRE, eee On embraye des outils AU LEONE RL LECT De ces différentes causes résultent des varia- tions de vitesse dont les effets deviennent nuisibles quand elles dépassent certaines limites, et qu'il faut dès lors éviter. On peut rétablir l'équilibre troublé entre les tra- vaux moteurs el résistants sans changer la vitesse moyenne, en agissant sur l’un ou l’autre des deux termes : puissance ou résistance. Si, par exemple, on a débrayé des outils en marche, ce qui a eu pour conséquence d'augmenter la vitesse, on la ramènera à sa valeur primitive soil en augmentant la résistance de ce dont elle a été diminuée, soit en diminuant la puissance d'une quantité conve- nable. Mais entre ces deux procédés équivalents en théorie, il n’y a pas à hésiter en pratique; le plus avantageux évidemment, au point de vue de l’éco- nomie de force dépensée, consiste à ne pas créer de résistances supplémentaires et à régler la puis- sance suivant le travail à effectuer ; on réserve, en général, le nom de régulateurs aux mécanismes qui agissent de cette manière. On a ainsi la définition des régulateurs : Les régulateurs sont des appareils qui règlent auto- mautiquement la force dépensée, de façon à maintenir à peu près constante la vitesse moyenne du moteur, malgré les variations de la résistance ou de la puissance. 2. Différence entre le rôle du régulateur et celui du volant. — Le volant, que tout le monde connait, agit aussi pour régulariser le mouvement; mais son action est tout à fait distincte de celle du régula- teur : il ne s'adresse pas aux mêmes causes d’irré- gularité; il n’a d'influence que sur les variations momentanées de vitesse; il régularise le mou- vement quand celui-ci est déjà périodiquement uniforme et diminue l'écart des vitesses extrèmes qui existent pendant la durée de la période; mais il est sans effet pour maintenir la vitesse moyenne d’une période à une autre quand la résistance varie; il peut bien, en cas de perturbation, rendre moins brusque le passage d’un état de régime au suivant, mais il est incapable de modifier en rien la vitesse que prendra la machine dans son nouvel état d'équilibre. On peut résumer cette différence d'action du régulateur et du volant en disant : le volant agit sur les oscillations de la vitesse autour de sa valeur moyenne ; le régulateur, au contraire, agit sur la vitesse moyenne que font varier les perturbations survenues dans le régime. On verra plus loin une corrélalion entre le régu- lateur et le volant; ces deux appareils ont une relation intime qui ne permet pas de les établir, comme on l'a trop souvent fait, indépendamment l’un de l’autre. 3. Dispositif le plus simple d'un régulateur. Réqu- laleur de Watt. — Le régulateur le plus simple et qui peut être regardé comme constituant le point de départ des appareils actuels est le régulateur de Wait. Il comprend comme organe essentiel un pendule conique muni d’un manchon ou chape mobile le long de l’axe de rotation; ce manchon suit les mouvements d’ascension ou de descente des boules et est en relation avec la valve d'admission de la vapeur. é L'appareil présente l’une ou l’autre des dispo- sitions indiquées dans les figures 4 et 2. , Paire layau Da admission \, de vapeur marchor À | Les boules reçoivent leur mouvement de rota- lion de la machine même; la liaison avec la valve 1 D'après Thurston (Histoire de la machine à vapeur, par R.-H. Thurston, revue et annotée par J. Hirsch), le dispo- sitif employé par Watt pour la machine à vapeur aurait déjà été appliqué, avant lui, à des roues hydrauliques et à des moulins à vent. | | . | H. LÉAUTÉ. — SUR LA THÉORIE DES RÉGULATEURS 627 est telle que cette valve se ferme quand les boules montent et s'ouvre quand elles descendent. 4. Jeu de l'appareil de Watt. — D'après les pro- priétés connues du pendule conique, quand la vitesse de rotation reste constante, les boules se tiennent à une hauteur qui est toujours la même pour une même vitesse et qui est d'autant plus grande que la vitesse de rotation est elle-même plus grande. Le régime permanent élant établi, supposons que, par suite d'une perturbation quelconque, la résistance diminue, par exemple; cette résistance devient ainsi inférieure à la puissance, la vitesse de la machine augmente, le régulateur tourne plus vite, les boules montent et le manchon qui s'élève avec elles fait mouvoir la valve de façon à réduire l'ouverture du tuyau d'admission et à diminuer, par suite, la quantité de vapeur qui pénètre dans la machine, Le dispositif de Watt a donc pour premier effet de s'opposer aux variations de vitesse que tend à produire une perturbation, c'est-à-dire qu'au début il agit bien dans le sens voulu; mais cela ne suftit point à prouver qu'il parvient à rétablir la vitesse ou à amener un nouvel état de régime comme on le désire. En d’autres termes, et si l'on nous per- met une forme familière qui met bien l'idée en relief, cela prouve que le régulateur est animé de bonnes intentions, mais non qu'il atteint son but. Il faut d’ailleurs bien remarquer que, d’après le principe même de l'appareil, on ne peut faire renaitre l’état permanent détruit par une pertur- bation, qu'en changeant la vitesse du régime, car si la résistance diminue, il faut diminuer d'autant la puissance, c'esl-à-dire fermer en partie la vanne; on doit par conséquent faire occuper aux boules la position donnant cette fermeture partielle et, par suite, avoir comme vitesse de régime la vitesse qui correspond à celte position. Nous reviendrons plus k Join sur ce fait qui constitue l’imperfection capitale du régulateur de Wait *. 5. Appareils dérivés de celuide Wutl. — Ce qui précède indique d'une façon sommaire le mode de fonction- nement de l'appareil primitif de Watt; tous les autres appareils de régulation agissent à peu près de même; on peut dire, en général, qu'un méca- nisme de régulation a pour organe principal un appareil susceptible de changer de forme avec la vitesse de la machine et dont on utilise les chan- gements de forme pour diminuer la quantité de force dépensée quand la vitesse augmente, pour l’augmenter quand la vitesse diminue. Cet appareil de forme variable est, le plus sou- vent, un appareil à masses tournantes plus ou moins analogue au régulateur de Watt; il est alors désigné sous le nom générique de régulateur à force centrifuge. Dans quelques cas, au contraire, on emploie un réservoir de capacité variable où la machine refoule soit de l’eau (régulateur à pompe et à flotteur), soit de l’air (régulateur à air de Molinié, régulateur pneumatique de Larivière). Quant à la quantité de force dépensée, on la règle de diverses manières suivant les cas; ainsi, dans les machines à vapeur on agit tantôt directe- ment sur la prise de vapeur, comme l'a fait Watt en étranglant le conduit d’amenée, tantôt sur la détente en la prolongeant plus ou moins ?, comme l’a imaginé Zachariah Allen en 1834. Ces divers appareils, dont le nombre est devenu considérable, ont été imaginés pour remédier aux inconvénients que présente le régulateur de Watt. 6. Znconvénients de l'appareil de Watt. — Ces incon- vénients sont de deux sortes : 1° L'appareil de Watt n'empêche pas les varia- tions de la vitesse de régime; il ne fait que les réduire. 2° Il ne peut surmonter que de faibles résistances et n’est susceptible d'être appliqué qu'à des organes tels que le papillon de Watt exigeant peu d'efforts pour être mis en jeu. Il faut étudier successivement ces deux points. 1 Cette imperfection est, il faut bien le remarquer, essen- tielle au jeu de l'appareil et tous les régulateurs basés sur le même principe, c’est-à-dire presque tous ceux qui existent, n’y échapperont pas; elle se produit chaque fois que la posi- tion de la valve ou de la came de détente est uniquement fonction de la position des boules ou de la pièce mobile dont on utilise le déplacement sous l’action de la vitesse. 2 On emploie de plus en plus aujourd’hui, pour les ma- chines à grande vitesse dont l'usage devient chaque jour plus fréquent, des régulateurs montés directement sur l’arbre du volant et agissant sur l’excentrique du tiroir de détente : Régulateurs Hartnell, Turner, Perrine, Erie-City, Phœnix, Rice, Ide…. Ce système impose au régulateur une fatigue très grande et exige un frein à huile ou à graisse d’une grande puissance qui ne fonctionne pas toujours très bien. 628 H. LÉAUTÉ. — SUR LA THÉORIE DES RÉGULATEURS 7. Variations de la vitesse du régime. — En se reportant à ce qui a été dit précédemment, $ 4, on voit qu'à chaque position du manchon correspond une ouverture de vanne déterminée et une vitesse de régime également déterminée, de telle sorte qu'à toute variation de la résistance ou de la puis- sance correspond forcément une variation de la vitesse. Il en résulte que l'appareil de Watt est plutôt un modérateur qu'un régulateur dans le sens que nous avons donné à ce mot. Ce défaut, qui est capital lorsqu'on se propose de rendre la vitesse aussi constante que possible, provient, comme nous l'avons vu, de ce que la vitesse de régime varie avec la position du man- chon ; il semble donc, à première vue, qu'on peut y remédier en remplaçant le pendule conique pri- mitif par un appareil dont la vitesse d'équilibre soit la même quelle que soit la position du man- chon qu'il commande. C'est la recherche de cet appareil à équilibre indif- férent, désigné d'ordinaire sous le nom de régula- teur isochrone, qui a pendant longtemps occupé les mécaniciens. Nous allons indiquer sommaire- ment la suite des idées qui se sont succédé dans leur esprit. 8. Réqulateurs isochrones. — Si l'on cherche à quelle condition une boule du régulateur est en Fig. 3. équilibre, pour une vitesse déterminée, en tous les points d’une courbe que parcourt son centre, on trouve que cette courbe doit être une parabole dont l'axe se confond avec celui du régulateur. Théoriquement donc, on aura un régulateur isochrone pour une vitesse de régime donnée en assujettissant le centre de la boule à parcourir la parabole qui correspond à cette vitesse. Dans ces conditions, le régime étant établi, si la résistance diminue, par exemple, la vitesse croit, le manchon monte, la valve se ferme partiellement, la puis- sance diminue et la vitesse est alors ramenée à sa première valeur, sans que le régulateur ait besoin pour cela de retourner à sa_position primitive puisqu'il est en équilibre, pour la vitesse consi- dérée, en toutes ses positions. La valve peut ainsi garder l'inclinaison qui maintient la réduction con- venable de la puissance. On a réalisé ce dispositif dans le régulateur de Franke (fig. 3) où les boules sont réunies à des galets assujettis à parcourir des guides parabo- liques, mais on a dû y renoncer en raison des frottements considérables qui se produisaient. Farcot a alors eu l’idée tout à fait pratique de sacrifier un peu d’exactitude pour obtenir moins de complication et de résistances passives ; il a remplacé la parabole théorique par son cerele os- culateur dans la position moyenne que doit oc- cuper le centre de chaque boule et à ainsi obtenu le régulateur à bras croisés (fig. 4) qui est, à très peu près, isochrone. L'isochronisme approché s'obtient encore de bien des manières, el un grand nombre d'appareils ont été imaginés pour le réaliser; dans les uns, il est obtenu par un contrepoids (Charbonnier, Meyer, Tchebychef), dans les autres par des ressorts (Fou- cault); on peut aussi substituer aux boules ordi- naires des systèmes de masses réparties d’une façon convenable (Rolland, régulateur à boules conju- guées) ou employer des ailettes (Yvon-Villarceau). H. LÉAUTÉ. — SUR LA THÉORIE DES RÉGULATEURS 629 9. Znconvénients pratiques de l'isochronisme absolu. — Pendant une longue période de temps on fut ainsi, dans la mécanique appliquée, à la recherche de l'isochronisme absolu; c'était là une erreur. L'isochronisme parfait que l'on voulait atteindre par les appareils précédents était en réalité incom- patible avec le mode de fonctionnement des régu- lateurs employés. Il ne suffit pas en effet qu'un appareil de ce genre remplisse le but voulu, qu'il puisse rester en équilibre quand la vitesse de la machine est celle que l’on cherche à réaliser, ni même qu’il ne puisse rester en équilibre que pour cette vitesse; il fault encore, et c’est là son objet principal, que si l’état de régime de la machine est rompu, c'est-à-dire si la vitesse vient à varier par suite d’une perturba- tion, il rétablisse la constance de la vitesse au bout d’un temps relativement court et après un nombre limité d'oscillations en réglant la puissance d'après la nouvelle valeur de la résistance. Il faut, en d'autres termes, que si on considère l'ensemble mécanique formé par la machine et le régulateur, chaque état de régime possible soit un état d'équilibre stable, c’est-à-dire un état vers lequel l’ensemble retourne de lui-même si on l'en | écarte et auquel il arrive rapidement. A ce point de vue, l'appareil primitif de Watt, tout en ne donnant pas à la vitesse de régime une constance suflisante pour les besoins actuels, était entièrement satisfaisant el remplissait bien le but cherché. Si l’on étudie, en effet, le régulateur en lui-même, indépendamment de la machine, chaque position des boules constitue pour elles, à une vitesse dé- terminée, une position d'équilibre stable, encesens | que si on les en écarte, sans changer la vitesse de rotation, elles y reviennent sous l'action des diverses résistances qui, en pralique, éteignent peu à peu leurs oscillations ‘. D'un autre côté, la vitesse d'équilibre varie d’une manière continue avec la position des boules, de telle sorte qu'à une pelite variation de vitesse correspond une petite variation de la position. Dans ces conditions, si l’on suppose que, l’en- semble de la machine et du régulateur étant à un état de régime, cet état vienne à être troublé par une diminution de la résistance, par exemple, alors la vitesse augmente, la valve se ferme sous l'action des boules qui s'écartent et celles-ci s'ap- prochent de la position qui convient à l'état nou- veau. Il est bien clair qu'en raison même de la masse des boules, elles n'arrivent pas exactement à celle position et qu’elles ne peuvent théorique- 1 Sans ces résistances, les boules oscilleraient indéfini- ment autour de leur position d’équilibre, à la manière d’un pendule. ment l’atteindre sans la dépasser; mais si le volant de la machine est assez puissant pour que l’accé- lération reste très faible, les boules arrivent à la position d'équilibre avec une vitesse acquise assez petite pour ne pas la dépasser sensiblement; et comme c’est une position d'équilibre stable, elles y sont ramenées rapidement et l’état de régime est vite rétabli. li en est de même pour le cas d’une augmenta- tion de la résistance. C'est ce que l'expérience confirme et l’on cons- tate en pratique que l’état de régime est recons- titué, soit immédiatement, soit après un petit nombre d'oscillations, alors même que la variation de résistance a été considérable. Les appareils isochrones se comportent tout différemment. Tout d’abord, si on les considère isolément, il est bien évident que puisque les boules sont en équilibre indifférent en un point quelconque de leur course, toute position de ces boules cesse | d'être pour elles une position d'équilibre stable ; | d'autre part, il est facile de comprendre qu'elles passent brusquement d'une extrémité à l'autre de leur course pour une pelile variation de vitesse. | HI | Dans ces conditions, sous l'influence d’une per- turbation quelconque, même faible, les boules ten- dent à parcourir toute la course qui leur est laissée sans s'arrêter à la position d'équilibre voulue et 630 H. LE CHATELIER. — LE GRISOU ET SES ACCIDENTS c'est en. quelque sorte l'effet du hasard, ou plus exactement l'effet des circonstances initiales, si elles se rencontrent avec la machine dans cette position. L'isochronisme est ainsi incompatible avec l’agen- cement général de l'appareil de régulation et les appareils isochrones communiquent en quelque sorte à la machine leur propre instabilité. L'état de régime ne peut plus subsister et la moindre perturbation provoque alors des oscilla- tions indéfinies de la vitesse. Ces oscillations, con- nues sous le nom d’oscillations à longues pé- riodes !, ont une amplitude souvent considérable et sont inadmissibles en pratique. Il faut ainsi éviter les appareils véritablement isochrones que l’on a si longtemps recherchés et qui ne peuvent conduire qu'à des mécomptes; il faut s'approcher de l'isochronisme parfait, mais ne jamais l’atteindre. ‘ De là, l'utilité des mécanismes que l’on peut LE GRISOU ET Dans un précédent numero ? de la Revue générale des sciences, M. Charpy a résumé d’une façon très claire les recherches expérimentales des commis- sions françaises du grisou. Mais en présence des résultats annoncés, le lecteur doit demeurer per- plexe. Comment avec des lampes parfaites, des explosifs très sûrs, peut-il encore se produire des accidents aussi terribles que ceux qui désolent d’une façon périodique le bassin houiller de Saint- Étienne ? L'art de l'ingénieur est-il vraiment im- puissant devant de semblables désastres? Faut-il se contenter de les enregistrer, en espérant qu'à l’avenir Ja chance sera plus favorable? Les expériences des commissions du grisou, aussi bien que les recherches incessantes des inventeurs se rapportent à un ordre de faits, dont l'importance est relativement secondaire au point de vue de la sécurité des mines. Les idées les plus fausses ont cours à ce sujet dans le public, qui espère la découverte d’une panacée infaillible contre le grisou. En fait, la sécurité dans une mine dépend surtout de son aérage; elle sera toujours, 1 Ces oscillations ont été étudiées, d’abord par M. Rol- land pour le cas des machines à vapeur (Mémoire sur l’éta- blissement des régulateurs de vitesse, Journal de l’École Poly- technique, XLI° Cahier), puis par nous, pour le cas des machines hydrauliques (Mémoire sur les oscillations à longues périodes dans les machines actionnées par des moteurs hydrauliques, Journal de l'École Polytechnique, Le cahier.) 2 G. Charpy, Les travaux de la Commission du grisou dans la Revue du 15 septembre 4890, page 551. | appeler régulateurs à isochronisme approprié qui, four- nissant le degré d’isochronisme qu’on veut, don- nent la possibilité de mettre ce degré d’isochro- nisme en rapport avec l'énergie du volant et les conditions de marche de la machine. Nous avons fait connaitre un dispositif qui réalise ces conditions et qui permet, en même temps, de modifier à volonté la vitesse de régime tout en con- servant le degré d’isochronisme obtenu (fig. 5). Un contrepoids Q agit sur le manchon; il peut se mouvoir le long d’une tige qui tourne elle-même autour d’un axe E convenablement placé. En faisant varier l’inclinaison de la tige, on change le degré d’isochronisme et en déplaçant le contrepoids suivant cette tige on fait varier la vitesse de régime. Ces deux éléments sont ainsi dans la main du mécanicien. H. Léauté, de l'Académie des Sciences. (La fin au prochain numéro.) SES ACCIDENTS quelque découverte que l'avenir nous réserve, à la merci de l'ingénieur qui dirige son exploitation; Dès aujourd'hui la sécurité dans une mine bien tenue est déjà très grande; le seul rôle auquel puissent prétendre les inventeurs paraît se réduire à fournir des procédés un peu plus économiquess pour l’assurer. L Un exemple suffit à montrer quel est le problème des mines à grisou, et les solutions qu'il com- porte, celui d’un atelier de pyrotechnie. De la nature des matières traitées résulte une cause générale de danger, et la réunion d’un grand nombre d’ou- vriers dans le même local en augmente la gravité. Siles matières explosibles disparaissaient de l’ate- lier, aucune explosion n’y serait à craindre. A défaut, les dangers deviennent moindres par la répartition des ouvriers en petits groupes, occu- pant des locaux différents. Enfin l’organisation du travail en vue de diminuer sur chaque point les chances d’inflammation restreint la probabilité d'explosion. Ilen est des mélanges gazeux explosifs comme des matières explosives proprement dites. Pour supprimer lesaccidents du grisou, le moyen le plus efficace consisterait à supprimer les mélanges ex- plosifs que ce gaz forme avec l'air. Cette mesure générale doit être complétée par le fractionnement des chantiers d'ouvriers, puis par des précautions spéciales contre les chances d’inflammation du grisou. id mimimndÈEies Dit: SERIE H. LE CHATELIER. — LE GRISOU ET SES ACCIDENTS 631 Il La suppression des mélanges explosifs ne peut être obtenue par la suppression du grisou lui- même ; toutes les tentatives faites pour détruire ce gaz ont échoué et il est permis de croire qu'on n'obtiendra jamais dans cette voie des résultats plus satisfaisants. Le seul procédé efficace consiste à diluerle grisou dans un excès d'air suffisant pour le rendre inoffensif. Dès que la proportion de grisou mêlée à Pair tombe au-dessous de 5 °/,, la combustion ne peut plus se propager dans la masse. Il serait pourtant dangereux de se tenir trop près de cette limite supérieure; la difficulté de réaliser d’une façon parfaite le mélange de gaz de densités très diffé- rentes exposerait à avoir, ici un excès de grisou, là un excès d'air, et l'atmosphère de la mine serait toujours explosive en certains points. Mais si l’on arrive à diluer le grisou dans cinquante fois son volume d'air, le danger peul être considéré comme complètement supprimé. En fait, il n'y a pas de mines, si mal aérées qu'elles soient, qui ne recoivent une quantité d'air suffisante pour que le mélange sortant renferme moins de 2 °/, de grisou. Seulement, et c’est là le point délicat, il ne suflit pas que cette condi- tion soit remplie dans le puits de sortie ; il est indispensable qu’elle le soit aussi dans toute l’éten- due de la mine. Il faut amener l'air en tous les points des travaux, et l’y amener en quantité pro- portionnelle à la quantité de grisou qui se dégage en chaque endroit. Celte quantité varie dans les différentes périodes du travail : plus faible pen- dant les travaux préparatoires, sous-caves, forages des trous de mine, elle augmente brusquement au moment de l’abatage. De plus, elle varie d'un jour à l’autre avec la nature du charbon, la fissuration du toit, les irrégularités de la couche. Pour ne jamais dépasser dans les chantiers la teneur de. 2°/,, il faut que la quantité d'air qui y pénétre ne soit pas seulement cinquante fois plus grande que le dégagement moyen du grisou, mais au moins cent fois, peut-être deux cents fois plus grande. Ce n’est pas tout encore ; la couche de houille en exploitation est sillonnée par des galeries se recoupant en tous sens et dont le développement total représente un grand nombre de kilomètres. L'air tend à se précipiter par tous les passages qui lui sont offerts pour se rendre par la voie la plus directe du puits d’entrée au puits de sortie; les portes, les remblais permettent à grand’peine de le diriger dans sa marche. Quelque effort que l’on fasse, on ne peut jamais faire parvenir aux chantiers qu'une partie de l’air descendu par le puits d’entrée. En raison de ces pertes, il faut en- voyer dans la mine une quantité d’air bien supé- rieure à celle qui semble théoriquement nécessaire pour éviter la formation de mélanges explosifs, et ce résultat ne peut être atteint que par l'emploi des procédés mécaniques de ventilation. La ventilation naturelle, autrefois très répandue, aura bientôt, on peut l’espérer, complètement disparu dans les mines françaises. Elle n'offre aucune garantie, étant toujours très irrégulière et s'arrêtant parfois complètement dans la saison chaude. La ventilation mécanique est indispensable, mais il ne suffit pas qu'elle assure l'entrée dans la mine de la quantité d'air voulu; il faut aussi que cet air soit réparti convenablement dans les tra- vaux, condition qui ne peut être réalisée que si dèsle début de l'exploitation elle a fait l'objet d’une préoccupation constante, Les chantiers doivent être disposés de facon à faciliter l’accès de l'air et éviter les accumulations de grisou dans les parties hautes; le roulage doit être organisé de façon à ne pas exiger l'ouverture inutile des portes qui règlent la circulation de l'air. Enfin il est nécessaire d'étendre cette aération, non seulement aux ré- gions de la couche actuellement en exploitation, mais encore aux anciens travaux qui n’ont pas été remblayés. Un contrôle incessant, consistant en jeaugeages des courants et recherches du grisou, est indispensable pour vérifier l’état de l'aérage. C'est donc là une question extrêmement délicate qui ne saurait être menée à bien que par un per- sonnel technique très expérimenté; dans une com- pagnie de chemins de fer, il ne viendrait jamais l'idée de confier l’organisation du service de sûreté à des agents inférieurs; il en est de même dans une mine : les ouvriers el contre-maitres aban- donnés à eux-mêmes sont absolument incapables, non seulement d'organiser l’aérage intérieur, mais même de juger de son bon ou de son mauvais étaf. C'est aux ingénieurs de la mine et à un personnel placé directement sous leurs ordres que ce soin incombe. Le directeur doit à ses ouvriers de veiller personnellement à leur sécurilé au même titre qu'il doit aux actionnaires de sa compagnie de soigner le prix de revient. IT Dans une mine où l’aérage serait suffisant, convenablement surveillé et dirigé, tout danger d'explosion devrait disparaitre. On ne peut at- teindre à coup sûr la perfection nécessaire ; il faut compter, en effet, avec l’imprévu, avec les négli- gences des ouvriers qui laissent les galeries s’obs- truer, les accidents aux machines qui peuvent occasionner une suspension de l’aérage; enfin avec les variations irrégulières et brusques des déga- gements du grisou qui peuvent tromper les prévi- sions de l'ingénieur. Il pourra arriver ainsi qu'accidentellement la 632 H. LE CHATELIER. — LE GRISOU ET SES ACCIDENTS EEE ET TT TT AA Ten TT TRE Eee a OUT A Ta as a a nr quantité de grisou vienne à se trouver en excès dans une région de la mine par rapport à la quan- lité d'air qui lui est raisonnablement allouée. Mais ce dont on peut répondre dans une mine bien tenue, c’est que cette contamination de l'atmos- phère ne sera généralement que momentanée et qu'en tout cas au bout d'un temps très court la situation sera redevenue complètement sûre, soit par l'élimination du gaz, soit par l'évacuation des chanliers. C’est pour diminuer la gravité des accidents res- Lant exceptionnellement possibles, même dans une mine bien aérée, qu'il faut compléter les mesures préventives d’aérage par des mesures préventives de fractionnement des chantiers. On l'assure par la division de la mine en quartiers indépendants, se trouvant chacun sur un branchement isolé du courant d’air. Dans des couches voisines de la sur- face, il est certainement préférable d’avoir un grand nombre de pelits centres d'exploitation absolument indépendants les uns des autres. On ne peut y songer par les mines profondes en raison du prix de revient des puits. Dans celles-ci la division de la mine en quar- tiers indépendants est faite de facon à permettre l'évacuation la plus directe possible vers le puils de sortie de l’air vicié des chantiers; l'importance de cet isolement des différents ouvrages est capi- tale, surtout dans les travaux de traçage qui, péné- trant dans un massif de houille encore vierge, sont les plus exposés aux dégagements brusques et abondants de grisou. Elle n’est guère moindre pour les vieux travaux remblayés qui constituent de véritables réservoirs de grisou. Enfin, quand dans un de ces quartiers la pré- sence du grisou est constalée en quantité dan- gereuse, à la teneur de 4 ?/, par exemple, quantité qui peut être reconnue avec la lampe par les per- sonnes les moins expérimentées, le travail normal doit cesser en principe jusqu'à l'assainissement complet du point dangereux. Cette cessation obli- gatoire du travail normal, toujours onéreuse pour l'exploitant, a le grand avantage d'inciter ce der- nier à mieux surveiller l’aérage. Toutes ces précautions prises dans l'organisa- tion- du travail pour éviter les accumulations de grisou et les rendre moins dangereuses sont com- plétées par des mesures d’un autre ordre ayant pour objet d'éviter les causes d'inflammation du gri- sou. Malheureusement ces causes sont en quelque sorte innombrables, et il est impossible de se pré- munir contre toutes à la fois. Les plus importantes résultent de l'emploi des explosifs et des lampes, puis viennent ensuite l'emploi des allumettes pour faire du feu ou allumer sa pipe, les inflammations spontanées de houille. etc. À ces causes, il faudra bientôt ajouter l'emploi de l'électricité comme force motrice dont l’usage tend à se répandre, malgré les dangers spéciaux qu’elle fera courir aux mines grisouleuses. La statistique des accidents montre que jusqu'à ces dernières années les trois quarts des explosions ont été occasionnées par les explosifs ou les lampes et le dernier quart par des causes diverses. Le danger des explosifs peut être atténué dans une grande mesure par l'emploi des explosifs brisants à basse température d’inflammation. Employés avec un faible bourrage, ils n’ont jamais allumé Jusqu'ici les mélanges du grisou aussi bien dans les expériences de laboratoire que dans les mines. Le danger des lampes est pour ainsi dire nul avec les lampes en bon état des types Mueseler, Mar- sant et Fumat. Les progrès pouvant encore être réalisés dans la composition et l'emploi des explosifs ou dans les. procédés d'éclairage n’augmenteront donc pas sensiblement la sécurité dans les mines, à condi- tion bien entendu que les uns et les autres soient ce qu'ils peuvent, ce qu'ils doivent être dès main- tenant. “ Les tentalives de perfectionnement poursuivies soit par les inventeurs isolés, soit par les commis- sions du grisou, n'auront guère d'autre objet que de donner une satisfaction platonique à l'opinion publique. Ce n’est pas à dire pour cela qu'il ne reste rien à faire; il faut chercher des procédés plus simples et moins coûteux qui permettent d'obtenir à moins de frais le même degré de sécu- rité. Il y aurait intérêt à pouvoir se dispenser du tirage des coups de mine à l'électricité et revenir à un sys!ème analogue à celui des mèches; à rem- placer dans les explosifs l'azotate d’ammoniaque par un corps moins déliquescent; à construire des lampes s'éleignant et se détériorant moins facilement, etc. En ce qui concerne les lampes, l'éclairage élec- trique semble dans un avenir plus où moins éloigné devoir donner une solution satisfaisante. Mais, en dépit de l'engouement irréfléchi dont l'électricité est aujourd'hui l’objet, il ne faut pas espérer faire disparaitre les dangers iuhérents à tout système d'éclairage. Une ampoule de lampe électrique brisée dans un mélange explosif de grisou l’allume à tous coups comme le fait une flamme de lampe à huile. Il en sera dans les mines comme il en a été dans les théâtres. Après l'incendie de l’Opéra-Comique, un courant violent de l'opinion a exigé la dispari- tion du gaz des théâtres, el aujourd'hui, par une réaction inverse, on en est à se demander si la sécurité a été notablement accrue; il suffit de rappeler à cet égard l’audition de l’Ode Triom- phale qui eut lieu au palais de l'Industrie pendant H. LE CHATELIER. — LE GRISOU ET SES ACCIDENTS 633 l'Exposition de 1889 et faillit se terminer par un désastre épouvantable. Actuellement il semble que l'introduction de l'éclairage électrique dans les mines doive constituer un progrès réel; mais l'expérience seule pourra l'établir d’une façon définitive, et on ne sera fixé à ce sujet, qu'après plusieurs années d'expériences pratiques. III Comment cependant avec des explosifs et des lampes approchant de la perfection se produit-il encore des accidents si fréquents? À celte ques- tion posée tout d'abord une réponse motivée peul être utile. Sans parler des causes d’inflammation du grisou dues à des causes variées, attachons- nous aux accidents produits par les lampes. La lampe Mueseler, dont la sécurité est très grande, est connue depuis cinquante ans; son emploi est depuislongtempsobligatoire dans les mines à grisou belge et pourtant les statistiques y enregistrent de nombreux accidents produits par les lampes. En étudiant le détail des statistiques, on reconnait que la plupart sont dus à l'emploi de lampes à feu nu dans des mines ou quartiers de mine où l'on ne soupçonnait pas la présence du grisou; les autres sont dus à des lampes de sûreté ouvertes par les ouvriers pour y mieux voir ou les rallumer; crevées ou cassées par accident pendant le travail, ou encore incomplètement fermées par le lampiste. C'est-à-dire que tous ces accidents sont le résultat d'énprudences, négligences ou maladresses et que pour les faire disparaitre ce n’est pas le type de lampe qu'il faut perfectionner, mais la nature humaine. Malheureusement ce problème n’est de la compé- tence d'aucune commission du grisou au monde. Ce qui est arrivé avec les lampes se reproduira avec les nouveaux explosifs de sûreté; ils ne se- ront pas employés partout où il y aura du grisou, ils seront allumés avec des mèches ordinaires ; ils ne seront pas bourrés; enfin ils seront falsifiés avec de la sciure de bois et de l’azolale de soude - pour en abaisser le prix de revient. Celte influence prépondérante des négligences humaines sur les causes d’inflammalion du grisou montre pourquoi c'est bien plus sur l'aérage qu'il faut compter pour la sécurité que sur les mesures préventives relatives à ces causes d'inflammalion. Chacun des ouvriers de la mine, qui sont réunis au nombre de plusieurs centaines, parfois de plus d’un millier, peut à chaque instant donner nais- sance à l’une de ces causes d'inflammation; la probabilité qu'il n’y aura aucune imprudence commise par une foule si grande d'hommes peu instruils est très faible. L'aérage au contraire n’est à la merci que des négligences d’un petit nombre de personnes, ingénieurs et employés spé- ciaux auxquels on peut demander des garanties REVUE GÉNÉRALE, 1890, suffisantes comme connaissances techniques el qualités morales, que l'on peut faire contrôler les uns par les autres. Et surtout parmi les impru- dences ou les fautes relatives à l’aérage, celles qui ont la plus grave influence sur la sécurité se rap- portent à l’organisation générale de la mine et de son aérage ; elles semblent pouvoir être toujours évi- tées par des hommes intelligents qui le veuillent. IV Il n’a pas été question jusqu'ici de quelques causes de danger dans les mines qui auraient une importance exceptionnelle si l'on devait s'en rap- porter au consentement universel en de semblables matières : ce sont les variations barométriques, les poussières, les dégagements instantanés et exceptionnels de grisou. Le crédit qu'on a accordé aux opinions émises à leur endroit s'explique très simplement par une tendance nalurelle de l'esprit humain. Qnand un directeur de mines, ayant fail ou croyantavoir fait tous ses efforts pour éviter les accidents, en voit un se produire, il est instincli- vement conduit à admettre l'intervention d’une cause dont il ne peut être responsable; or les changements du baromètre, la formalion des poussières pendant l’abatage du charbon et les dégagements instantanés el exceplionnels de grisou sont évidemment des phénomènes qu'au- cune puissance humaine ne saurait empêcher de se produire. Mais il s’en faut que ces causes jouent dans les accidents de mine le rôle important qu'on leur attribue souvent. Le baromètre a joui il y a une dizaine d'années d’une très grande vogue : on le rendait responsable de tous les accidents. Il avait sufli, pour obtenir des concoräances salisfaisantes, d'étendre l'influence des baisses aux trois jours qui précèdent et aux trois jours qui suivent le minimum. De telle sorte que tous les jours de l’année les accidents pou- vaient être rattachés à une dépendance baromètri- que. Aujourd'hui la mode ‘en est passée, on n'ose- rail plus invoquer le baromètre pour justifier un accident. Au baromètre ont succédé les poussières. Tous les grands accidents leur ont été attribués. Mais élant donné qu'ils ne se sont jamais pro- duits que dans des mines grisouteuses, on a le droit de rester un peu sceptique. Les accidents authentiques, dus exclusivement aux poussières, sont très rares ; ils n'occasionnent jamais d’explo- sions ! proprement dites et se réduisent à de simples flambées, c’est-à-dire que la combustion est assez lente pour ne pas provoquer d’élévation nota- ble de pression; aussi les effets mécaniques sont-ils L Il n’en est pas de même, bien entendu, avec toutes les poussières; la poudre de Lycopode, par exemple, donne des mélanges qui semblent aussi combustibles que les mélanges grisouteux. 20* 634 H. LE CHATELIER. — LE GRISOU ET SES ACCIDENTS très faibles et le bruit complètement nul. L’étendue de la flamme ne dépasse guère une cinquantaine de mètres. Les expériences faites pour démontrer le danger des poussières n’ont jamais donné de flammes plus considérables, même dans des gale- ries artificielles de plus de cent mètres de lon- gueur. Enfin le nombre des victimes est générale- ment faible. Dans un accident de poussières récent il y à pourtant eu une trentaine d'ouvriers tués, ce qui semblerait justifier dans une certaine mesure les craintes formulées quant aux En réalité la gravité de cet accident doit être attri- buée non pas tant aux poussières qu'à l’insuffi- sance de la ventilation qui a rendu possible l’as- phyxie de tous les ouvriers d’un quartier. Dans la même mine, à trois jours d'intervalle, l’inflamma- tion d’une cloison de planches par une lampe à feu nu a également amené la mort par asphyxie des ouvriers d’un quartier qui, heureusement, ce jour- là, ne se trouvaient réunis sur ce point qu'au nom- bre de trois !. Tout ce que cet accident permet de conclure, c’est que les poussières sont au moins aussi dangereuses que les morceaux de bois et autres matières de combustibilité analogue. Quelque minime que soit le danger des pous- sières dans les mines sans grisou, il faut tâcher de l'éviter et cela est facile. On n’a jamais signalé jusqu'ici de causes d’accidents de poussières autres que le débourrage des coups de mine chargés à la poudrenoire. Cette cause disparaitra par l'emploi des explosifs à basse température d’inflammation dont la sécurité, très grande vis-à-vis du grisou, semble absolue vis-à-vis des poussières. On cherche sou- vent aussi à se débarrasser de ces dernières par le balayage ou l’arrosage, mais la mesure d’une effica- cité douteuse ne peut s'étendre aux chantiers,c'est- à-dire aux points où elles sont le plus abondantes. Si on a beaucoup surfait le rôle des poussières comme cause directe d'accidents des mines, on ne peut cependant oublier que leurcombustion consé- cutive aux explosions de grisou en augmente con- sidérablement la gravité par les torrents d'oxyde de carbone formés, qui vont porter l'asphyxie sur tout le parcours des gaz brûlés. Mais ce danger disparait en même temps que les mélanges explo- sifs de grisou et seulement de cette façon, l’enlè- vement complet des poussières d’une mine élant un problème insoluble. Aujourd'hui les dégagements instantanés de grisou ont la faveur générale pour fournir l'explication des accidents. Depuis le célèbre dégagement du (1) Comme exemple analogue on peut citer la mort des 62 ouvriers dans la mine de Mauricevood (Angleterre), as- phyxiés également par suite d'une ventilation insuffisante après une inflammation de planches. poussières. puits de l’Agrappe (17 avril 1879), chaque fois qu'une explosion se produit en un point où l’on n'avait pas reconnu auparavant la présence du grisou, le plus souvent pour ne pas l'avoir recher- ché, on dit : il y a dégagement instantané. L'accident est classé sous cette rubrique dans une statistique qui sera imprimée et l’existence du dégagement instantané s'établit ainsi d'une façon définitive. Pour juger sainement la question, il faut d’a- bord s'entendre sur ce qu’on appelle dégagement instantané. Tout dégagement de grisou peut être dit instantané, au moins au débul, au moment où il vient d’être provoqué soit par l'ouverture d'un soufflard, soit par l’abatage de la houille; la succession de ces dégagements isolés produit comme ensemble un dégagement continu, mais très irrégulier. C’est précisément en vue de ces irrégularités que la ventilation doit étre combinée; il n'y a pas là un danger spécial distinct du déga- gement proprement dit du grisou. A côté de ces dégagements instantanés que l'on peut appeler normaux, il ÿ a certainement des déga- gements instantanés analogues comme origine, mais exceptionnels par leur importance et dont on doit faire une classe à part parce qu'ils peuvent, en dépit d'une ventilation normale, rendre explo- sive l'atmosphère dans une partie des travaux. De semblables dégagements sont assez rares; on ne s'en élait jamais préoccupé en France avant l'accident de l’Agrappe et, dans les onze années, qui se sont écoulées depuis on n’en à observé aucun qui puisse, même de très loin lui être comparé. On n’a le droit de parler de dégage- ments instantanés et exceptionnels que dans dés mines où le service de la ventilation et celui du con- trôle sont organisés sur des bases telles qu'aucun envahissement progressif de la mine par le grisou ne puisse passer inaperçu. On ne saurait d’ailleurs conclure à un dégagement instantané de ce qu'a- près une explosion on relrouve des traces de flammes dans des galeries certainement exemptes de gaz quelque temps avant l’accident. Par le fait de l’échauffement des gaz brûlés, le volume de la flamme est environ décuple de celui du mélange explosif; de plus dès le début de la combustion les parties du mélange non encore brûlées sont projetées assez loin avant de s’enflammer et c'est généralement en dehors du point de départ de l'explosion et du centre de l'accumulation du gaz que les effets mécaniques et calorifiques sont les plus intenses. Ces réserves faites, on ne peut nier cependant l'existence des dégagements exceptionnels. Ils sont dus à ce que le grisou est accumulé dans la houille, et les roches encaissantes sous une pres- sion considérable jusqu'à 30 atmosphères. Grâce ? : H. LE CHATELIER. — LE GRISOU ET SES ACCIDENTS 635 à cette pression énorme, des réserves de gaz en- fermées dans des cavités isolées ou dans la masse poreuse du terrain peuvent faire une brusque irruption. Généralement, il se produit un drai- nage progressif de ces réserves de gaz par les fissures du terrain, de sorte que le gaz sous pression n’est pas mis en contact immédiat avec l'atmosphère, c'est là ce qui rend les grands dé- gagements instantanés si rares. Mais dans cer- taines circonstances exceptionnelles mentionnées plus haut, ce contact peut se produire. Au puits de l'Agrappe une veine de houille friable s'est pulvé- risée sur une grande longueur sous l'effort de la pression interne du grisou qui y était accumulé. Parfois l'ouverture d’un soufflard dans un terrain compact et non fissuré donne issue au gaz qui était comprimé dans une poche du terrain. Ces dégagements ne sont guère à redouter que dans les travaux en traçage qui doivent toujours être l'objet d’une surveillance spéciale. Une troisième cause de dégagement exceptionnel provient de l'é- boulement subit du toit sur une grande étendue. Ce genre d’accident (Sudden outburst) assez fréquent dans les mines anglaises, qui sont généralement exploitées sans remblais, peut être évité ou au moins rendu extrêmement rare par l'emploi de méthodes d’exploitalion convenables. Contre le danger résultant de ces dégagementsexceplionnels la seule mesure efficace est le retrait des ouvriers. Des trois causes spéciales d'accidents qui viennent d'être passées en revue : variations barométriques, poussières et dégagements instantanés, la pre- mière est purement imaginaire, la seconde esl insignifiante en l’absence de mélanges explosifs de grisou, la troisième seule est réellement sérieuse, mais elle ne se rencontre heureusement que d'une facon tout à fait exceptionnelle. V Toute la question du grisou et de ses accidents * peut être résumée en disant que la cause réelle des accidents est celle qui provoque l’accumulation du grisou, et que le seul remède eflicace est la suppression de ces accumulations de gaz. Dans l'immense majorité des cas, on peut et on doit par conséquent les éviter. Il semblerait peut-Gtre im- prudent, en raison de la possibilité des dégage- ments instantanés, d'affirmer que dans tous les cas une ventilation convenable assure une sécurité absolue. On ne peut cependant méconnaitre que dans les mines françaises même très grisouteuses, où cette importante question de l’aérage a reçu l'attention qu’elle mérite, les accidents graves on! complètement disparu. Toutes les tentatives faites pour éviter les causes d'inflammation sont certainement intéressantes, mais d'importance secondaire ; de plus les progrès déjà accomplis sont tels qu’il ne reste plus beau- coup à gagner dans celte voie. Un grand pas a été fait par la découverte des lampes, et des exptosifs de sûreté : ilest analogue comme importance à celui qui est résulté dans les chemins de fer de la décou- verte des freins continus. Mais malgré la perfec- tion de ces freins on ne songerait jamais à laisser les trains de, chemins de fer errer à l'aventure en s’en rapportant exclusivement aux mécaniciens pour éviter les accidents; on ne peut obtenir de sécurité réelle que par une circulation soigneuse- ment réglée des trains. De même dans les mines, les lampes et les explosifs, malgré leur perfection, ne peuvent assurer une sécurité quelconque que si l’aérage est soigneusement organisé. Les lampes comme les freins ne sont qu’une suprême ressource pour les cas désespérés quand on n'a pu éviter la ren- contre de deux trains ou l'accumulation du grisou. VI Ces quelques notes n’ont d'autre but que de faire œuvre de vulgarisation ; elles ne s'adressent donc ni aux ingénieurs, ni aux directeurs de mine auxquels elles n'apprendraient rien de nouveau, mais seulement aux personnes étrangères à l’indus- trie des mines. Il n’y a pas besoin d’être du métier pour s'intéresser à des questions aussi graves que celles de la sécurité des ouvriers mineurs et il est important que les idées qui ont cours à ce sujet dans le public ne soient pas trop erronées, car les pouvoirs publics sont nécessairement influencés par les courants de l'opinion. Les idées émises ici n’ont aucun caractère de nouveauté; l'importance capitale de l’aérage est enseignée et ressassée dans tous les cours d’ex- ploitation de mines ; elle a élé proclamée avec la plus grande netteté par la première commission du grisou dans ses Principes à consulter pour l'exploi- tation des mines à grisou,qui sont la base de la régle- mentation actuelle des mines françaises. Cette commission composée de savants, ingénieurs du gouvernement et directeurs de mines, a pris l’avis de tous les exploitants de mines en France et n’a eu qu'à formuler les principes qui lui ont semblé découler de leur grande expérience. Presque par- tout les directeurs de mines, en présence des dan- gers croissants résultant de l’approfondissement des travaux et de l'intensité toujours plus grande de l'exploitation, ont pris l'initiative d'organiser leur aérage conformément à ces principes. Là où exceptionnellement cette initiative n’a pas été prise ou n'a été prise qu'incomplètement, les améliorations indispensables doivent être rigou- reusement imposées. H. Le Chatelier, Ingénieur en chef des Mines. 636 L. FREDERICQ. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE Je tiens à signaler, au début de celte revue, un événement scientifique qui intéresse vivement les progrès de la physiologie : c'est l’organisation ré- cente d’un congrès international de physiologistes. L'initiative est due à la PAysiological Society de Londres. La Société de physiologie anglaise adres- sait, le 19 mars 1888, une première circulaire- invitation à 109 professeurs de physiologie. À la suite de cctte démarche, une réunion préparatoire eut lieu à Berne le 10 septembre 1888. La France, l'Allemagne, l'Angleterre et l'Italie furent repré- sentées à cette réunion : on y décida que le pre- mier congrès internalional de physiologie se tien- drait à Bâle l’année suivante, et on y nomma des délégués pour les différents pays. Ce furent MM. les professeurs Bowditch (Boston), Dastre (Paris), Engelmann (Utrecht), S. Exner (Vienne), Héger (Bruxelles), Heidenhain (Breslau), Holmgren {Upsala), Kronecker (Berne), Miescher (Bâle), Morat (Lyon), Mosso (Turin) et Yeo (Londres). Ces délé- gués auxquels furent adjoints MM. Foster el Gas- kell (Cambridge) et Hering (Prague) constiluèrent un comité provisoire d'organisation, qui fut ulté- rieurement confirmé comme comité directeur défi- nitif, sous la présidence du professeur Miescher de Bàle. Le premier congrès de physiologie s’est réuni à Bàle du 10 au 12 septembre 1889, dans les locaux du Bernouillanum (nouvel Institut de physique et de chimie) et du Vesalianum (nouvel Institut d'ana- tomie et de physiologie}. Il comptait 129 membres : Allemagne, 26; Suisse, 25 (dont 12 de Bâle); France, 19; Angleterre, 19; Italie, 10; Autriche-Hongrie, 8; Belgique, 6; États-Unis d'Amérique, 6; Russie, 4; Suède, 3; Pays-Bas, 1; Portugal, 1; Roumanie, 1. Parmi les dispositions réglementaires de ce congrès, il en est une qui constitue une véritable innovation : il a été décidé que les réunions n’au- raient pas pour but la publication de recherches ou de faits inédits (il existe pour cela suffisamment de revues spéciales — voir plus loin); et que, par conséquent, il ne serait pas publié de bulletin officiel des séances. Les communicalions faites aux congrès, doivent principalement servir à l’ensei- gnement mutuel des membres, et présenter, autant que possible, un caractère démonstratif el expéri-- mental. Ce programme a été fidèlement exécuté; et l’on peut dire que les conférences et dissertations théoriques, qui d'ordinaire constituent le fond de l’activité des congrès scientifiques, ont lenu peu de place dans les travaux réunis à Bàle. Par contre, on y à vu fonctionner, des physiologistes dans les meilleures conditions, une grande variété d'appareils; et on y a assisté à nombre d’expé- riences intéressantes. Aussi a-t-il été décidé una- nimement que le Congrès de physiologie se réuni- rait tous les trois ans. La prochaine session se tiendra dans une ville de langue française, de Belgique ou de Suisse, dont le choix est laissé au comité directeur. Il est inutile d’insister sur les avantages que présentent ces réunions, étant données la compli- calion de la {technique et la variété des méthodes expérimentales, ainsi que le nombre considé- rable des centres de recherches physiologiques. Il existe actuellement une dizaine de revues que l'on peut considérer comme principalement con- sacrées à la publication des recherches de physio- logie; le nombre des recueils périodiques qui don- nent régulièrement des travaux de physiologie, concurremment avec des mémoires se rapportant à d’autres sciences, s'élève certainement à plus du double. Si l’on y ajoute les thèses el les disserta- lions imprimées à part, les travaux égarés dans les innombrables journaux de médecine et autres, on arrive chaque année à un total de plus d’un millier de publications de physiologie. Comment s'y prendre pour faire un choix dans cet amas menaçant et sans cesse grandissant de publica- tions nouvelles? Le spécialiste lui-même ne pour- rait tout lire. Heureusement, les physiologistes possèdent depuis 1857, les Jahresberichte über die Fortschritle der Anatomie und Physiologie, fondés par Henle et Meissner et continués sous la direction de Schwalbe et Hofmann. Dans ces comptes ren- dus annuels des progrès de la physiologie et de l'anatomie, se trouvent analysées, ou tout au moins signalées, la plupart des publications parues cha- que année dans ces deux sciences. Il en est de même dans la partie physiologique des /ahresberichte du Canstalt (continués sous la direction de Virchow- Hirsch), consacrés aux progrès des différentes branches de la médecine. Les Jahresberichte über Therchemie, publication similaire dirigée par R.Maly, sont encore plus complets et plus détaillés, mais ne traitent que des travaux de chimie physiolo- gique. On trouve également des résumés des nou- veautés physiologiques les plus intéressantes dans plusieurs recueils de médecine, parmi lesquels il faut citer en première ligne la Revwe des Sciences médicales de Hayem. Enfin, depuis trois ans, les physiologistes possèdent un organe central, pour ainsi dire international, le Centralblatt für Physiolo- gie, qui parail tous les quinze jours sous la direc- L. FREDERICQ. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 637 tion des professeurs Sign. Exner de Vienne et Joh. Gad de Berlin, avec la collaboration de physiolo- gistes de tous les pays. Gràce à ces différentes publications, il est assez facile de s'orienter rapidement sur n'importe quel sujet spécial de physiologie, et de faire le relevé de ce qui a paru soit pour une année délerminée, soil pour une période plus longue. Le défaut de ces comptes-rendus annuels, c’est qu'ils paraissent né- cessairement en retard d’une ou plusieurs années sur la date des travaux qu’ils analysent. Je n’ai donc pas la ressource de les utiliser pour cette revue consacrée aux progrès de la physiologie en 1889. Je ne pourrais d’ailleurs songer à signaler tous les travaux de valeur parus l’année dernière. Il y faudrait un gros volume, au lieu des quelques pages dont je dispose ici. Je dois nécessairement faire un choix, et m'’excuser d'avance, si dans ce choix, je montre une certaine partialité, et m’arrète un peu plus longuement, aux sujets dont je me suis personnellement occupé dans ces dernières années. Un autre reproche que l'on fera peut-être à cette revue, c'est de présenter peu d'idées générales, de manquer de cohésion, d'homogénéité; et de traiter suecessivement et sans transition, une série de su- jets absolument disparates. Mais il ne faut pas oublier que la physiologie, c’est-à-dire la physique et la chimie des êtres vivants, n’est pas une science homogène, se prêtant à des aperçus généraux. “Chacun de ses chapitres constitue un monde à part, uné science qui possède ses méthodes, ses traditions et qui ne présente qu'un pelit nombre de points de contact avec les disciplines voisines. Il est rationnel de {raiter séparément de chacun de ses chapitres : sang, circulation, respiration, chaleur animale, digestion, nutrilion, innervation et mouvements, génération. I. — Sax = Les propriétés des malières albuminoïdes el principalement celles des combinaisons de la ma- tière colorante du sang, l'hémoglobine avec les gaz oxygène, anhydride carbonique et oxyde de car- bone ont fait l’objet de recherches intéressantes et délicates dont il serait difficile de donner une idée, sans entrer dans des détails par trop minutieux (travaux de Drechsel, Chittenden, Neumeister, Hoppe-Seyler, Hüfner Jolin, ete.). Danilewsky a donné une description des nombreux parasites mi- croscopiques, qui se rencontrent pour ainsi dire normalement dans le sang de beaucoup d'’ani- maux. La question de la coagulation du sang continue à passionner les physiologistes, On sait que le sang, dès qu'il s'épanche en dehors des vaisseaux, ses réservoirs naturels, se prend rapidement en une gelée cohérente, se coagule, par suite de la forma- tion d’une substance solide, la fibrine. Cette fibrine dérive d’une matière albuminoïde préexistante, connue sous le nom de fibrinogène, et dissoute dans la partie liquide du sang ou plasma. Alex. Schmidt a montré qu'il s'agit d'un phénomène de fermenta- tion. Le ferment qui transforme le fibrinogène dissous, en fibrine solide, ne préexiste pas dans le sang ; il se forme aux dépens des globules blancs, chaque fois que ces globules viennent en contact avec un corps étranger autre que la paroi lisse qui tapisse l’intérieur des vaisseaux. Ainsi s’explique la fluidité persistante du sang qui circule dans l’orga- nisme, el sa prise en gelée, dès qu'il sort des vais- seaux et qu'il subit le contact d’un corps élranger (le vase dans lequel on le reçoit). Cette théorie de la coagulation, accueillie avec faveur par bon nom- bre de physiologistes, fut vivement attaquée par d’autres. E. Freund de Vienne avait découvert que le sang, extrait des vaisseaux, reste liquide si les tubes employés dans la saignée, ainsi que les vases dans lesquels on le recueille, sont recouverts d'une couche de matière grasse : huile, vaseline, etc. Il n'y avait là rien de contraire à la théorie d'Alexandre Schmidt : il suffisait d'admettre que les globules blancs sont indifférents au contact des surfaces grasses, comme ils le sont à celui de la paroi vasculaire. Ce fait fut le point de départ d'expériences qui conduisirent E. Freund à une conception toute différente du phénomène de la coagulation du sang et du rôle qu’y jouent le con- tact des corps étrangers et les globules du sang. Pour lui, le passage du fibrinogène à l’état solide el sa transformation en fibrine sont provoqués par la formalion, au sein du plasma sanguin, d’un préci- pité de phosphale de calcium. Le précipité lui- même est dû à la réaction de la chaux préexistant dans le plasma, avec les phosphates solubles des globules. Ces phosphales seraient retenus dans les globules, tant que ceux-ci n’adhèrent pas à un corps étranger. Dès que ladhérence se produit, les phos- phales sortent des globules, précipitent la chaux du plasma et entrainent la solidification du fibri- nogène. Les expériences de Freund ont été reprises par Latschenberger à Vienne et par Ph. Strauch à Dor- pat (laboratoire d'Alex. Schmidt). Tous deux arri- vent au même résultat : la précipilation du phos- phate de calcium, qui accompagne la coagulation du sang, est un fait connu depuis longtemps et par- faitement exact : mais celte précipitation ne doit en aucune facon être considérée comme la cause de la coagulation. Une solution de fibrinogène peut être conservée liquide indéfiniment, malgré l’addi- tion de chlorure de calcium et de phosphates alca- 638 L. FREDERICQ. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLCGIE lins, et malgré la formation de phosphate de.cal- cium. Au contraire, cette solution se coagule dès qu'on y ajoute une solution de ferment coagulant, ou un peu de sérum (liquide contenant le ferment). Cette seule expérience suffirait à condamner la théorie de Freund : elle ne s'explique que dans celle d'Alex. Schmidt. Nous pouvons donc, jusqu'à preuve du contraire, continuer à considérer cette dernière comme répondant le mieux aux faits con- nus jusqu’à présent, Il. — CIRCULATION Généralités. — À mon avis, l'étude des phénomènes mécaniques de la circulation du sang, loin de pro- gresser dans ces dernières années, a plutôt fait un pas en arrière. On pouvait croire la science fixée sur les différentes phases de la pulsation cardiaque, el surlesrapports que ces phases présententavec celles de la pulsation des artères, par les mémorables re- cherches de Chauveau et Marey, exécutées au moyen d'appareils enregistreurs d'une grande perfection et sur un animal qui se prête admirablement à ces recherches, à cause de la lenteur de ses pulsations, le cheval. Les résultats classiques de ces recherches qui datent d'un quart de siècle, et l'interprétation des tracés cardiographiques et sphygmographi- ques sont depuis plusieurs années, en Allemagne, l’objet de vives controverses, auxquelles lan- née 4889 a apporté son contingent habituel. Signa- lons, comme confirmant en tout ou en partie l’in- terprétation de Chauveau et Marey, les expériences d'Edgren, de Hürthle, et celles de Hoorweg. Au contraire, F.Martins,von Frey ont été conduits, à la suite de recherches faites sur l’homme ou le chien, à une conception toute différente des rap- ports qui existent entre les phases des pulsations cardiaques et vasculaires. Nul doute que l'accord se fera dans le sens de l'interprétation de Chau- veau et Marey, le jour où les physiologistes dissi- dents renonceront à expérimenter sur des animaux de petite taille, ou sur l'homme, et se décideront à prendre le cœur du cheval comme sujet de leurs études. En ce qui concerne les appareils enregistreurs servant à ces recherches, on peut signaler en Al- lemagne des progrès notables réalisés dans ces dernières années. Au lieu du manomètre à mercure employé presque exclusivement, l'usage des mano- mètres élastiques tend à se répandre de plus en plus. C'est ainsi que Hürthle, Gad ont présenté au congrès de Bàle des modèles perfectionnés d’enre- gistreurs, permettant d'inscrire les phases les plus rapides et les plus délicates des variations de la pression sanguine, et pouvant être mis en paral- lèle avec les sphygmoscopes de Marey. Cœur. — Newel Martin et E. G Applegeeth ont fait des expériences de circulation artificielle, sur le cœur de chat, isolé et alimenté de sang de bœuf, dontils variaient la température. Ils ont pu déter- miner avec précision les limites supérieure (44 5 à 45°) et inférieure (17° à 18°) de température com- patibles avec la vie de l’organe : ils ont constaté aussi que le rythme du cœur s'accélère à mesure que la température s'élève (comme il était à prévoir) el que la plus grande fréquence cardiaque se montre en moyenne à 41°3, un peu avant que le degré mor- tel de température ne soit atteint. Les cliniciens admettent assez généralement que le premier bruit du cœur est d’origine mixte, qu’il est dû en partie à la contraction des parois mus- culaires des ventricules, mais surtout aux vibrations qui se produisent lors de la fermeture des valvules auriculo-ventriculaires. Krehl a cherché à faire la part de ces deux facteurs, en auscultant directe- ment le cœur du chien, tout en le soumettant à des manipulations permettant d’exclure à volonté le jeu des valvules auriculo-ventriculaires. Il a cons- taté que le premier bruit couserve ses caraclères normaux, malgré l'introduction (par l’auricule) dans le cœur, d’un instrument (écarteur des val- vules) qui s’oppose à la fermelure des valvules. Ce bruit s'entend encore après l'ouverture des gros vaisseaux et l’hémorrhagie foudroyante qui en est la conséquence et qui produit l'inertie des valvules. L'auteur en conclut que le premier bruit est pres- que exclusivement d’origine musculaire. Heubel a fait des expériences intéressantes sur la rigidité cadavérique, produite sur le cœur de gre- nouille, sous l'influence de la chaleur, du froid, par le contact de substances chimiques diverses, ete. Il a constaté que la rigidité complète n’est nulle- ment irrévocable; si l'on a soin de nourrir le cœur, par une circulation artificielle, d’un liquide appro- prié (sang dilué), la rigidité se dissipe et les pul- sations penvent même reparaître. Ainsi se trouve résolue une question d’une portée générale, sur laquelle les physiologistes étaient divisés. Les uns admettaient avec Brown-Séquard, que les muscles atteints de rigidité cadavérique, peuvent recouvrer leur souplesse et revenir à la vie, si on les soumet à une circulation artificielle de sang artériel; les autres, au contraire, affirmaient, avec Kühne, que la rigidité cadavérique des muscles est un phéno- mène qui n'est pas susceptible de restitution ad integrum. A. Waller a utilisé, à l'exemple de Marey et d’autres, la photographie des oscillations de la colonne de l’électromètre de Lippmann, comme procédé d'étude des variations électriques qui ac- compagnent les pulsations du cœur chez l'homme. Hamel et Kronecker ont fait sur la grenouille, des expériences de circulation artificielle, au moyen L. FREDERICQ. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 639 de sérum stérilisé ou de solution physiologique (eau légèrement salée). Ils ont constaté que le li- quide injecté par l'aorte abdominale, dans l'ar- rière-train de l’animal, éprouve infiniment plus de résistance à traverser le réseau vasculaire, lorsqu'il est injecté sous pression continue, que lorsque la pression est intermittente, et s'exerce à des inter- valles rythmiques, imitant par conséquent l’action naturelle des pulsations du cœur. Les auteurs admettent que le mouvement intermittent est plus favorable qu'une pression continue, pour conserver intacte l’élasticité des tubes artériels. La petite circulation ou circulation pulmonaire a été l'objet de recherches expérimentales de la part de v. Openchowski, Kroll, Couvreur, Bradford et Dean. Couvreur localise les vaso-constricteurs du pou- mon de la grenouille dans le pneumogastrique, tandis que Bradford et Dean montrent que les vaso-constricteurs du poumon sont contenus chez les mammifères dans les racines antérieures des nerfs dorsaux (du 2° au 7° nerf dorsal). Bradford trouve chez le chien les vaso-constric- leurs des organes abdominaux dans les racines antérieures des 10°, 11°, 12° et 13° paires dorsales, ceux du rein dans les 12°et 13° paires dorsales. Les vaso-dilatateurs suivraient le même trajet (41°, 42%, 13° nerfs dorsaux.) L’excitation de la plupart des nerfs centripètes provoque par voie réflexe une vaso-constriction rénale : les vaisseaux du rein se dilatent au contraire par voie réflexe, à la suite d'une irritation centripète, atleignant un nerf appartenant au rein lui même. On admet en général que les fibres des nerfs spinaux, au moment de pénétrer dans la moelle épinière, se classent rigoureusement suivant la di- rection que suit chez eux l'excitation physiologique. Les racines antérieures ne contiendraient norma- lement que des fibres centrifuges (fibres motrices el vaso-motrices, secrétrices, modératrices, elc.);el les racines postérieures, que des fibres centripètes ou sensibles. (Loi de Ch. Bell ou de Magendie. Stricker affirme depuis 1876 que cette loi comporte une exceplion : les vaso-dilatateurs sortiraient de la moelle par les racines postérieures. La plupart des physiologistes qui se sont occupés de celte question, n’ont pu réussir à mettre en lumière cette action vaso-dilatatrice des racines posté- rieures. Gärtner (élève de Stricker) indique les causes de léur insuccès et affirme que l'excitation électrique du bout périphérique des racines posté rieures, isolé des 6° el 7° nerfs lombaires, produit chez le chien une augmentation de température de la patte postérieure, qui peut atteindre 10° à 15°, lorsque la patte a été au préalable refroidie. La di- latation vasculaire se serait montrée dix-sept fois sur dix-neuf expériences. Les excitations mécaniques, portées à la surface du corps, ont jusqu'à présent, été considérées comme donnant lieu par voie réflexe, tantôt à une action vaso-constrictrice, se traduisant par une augmentation de la pression artérielle générale, tantôt au contraire à un réflexe vasculaire dépres- seur (chute de pression). Kleen vient de nous don- ner la clef de ces différences. En ayant soin de limiter soigneusement l'excitation à la peau, on observerait constamment une augmentation réflexe de la pression. En agissant sur les muscles sous- jacents, on obtiendrait une chute de pression. Signalons encore les travaux de Morat sur les vaso-moteurs de la tête, de Hürthle sur la cireula- tion cérébrale, de François Franck sur celle de la muqueuse nasale. Heidenhain a fait au congrès de Bâle une com- munication intéressante sur la formation de la lymphe. Les physiologistes considèrent générale- ment cette humeur comme un produit de filtration du sang, un simple liquide de transsudation, formé sous l'influence mécanique de la pression sanguine. Les expériences de Heïdenhain tendent au con- traire à faire considérer la lymphe comme un produit de sécrétion des parois des capillaires : les cellules de ces parois feraient parmi les substances conte- nues dans le sang, une véritable sélection, laissant passer les unes, pour en former la lymphe, et rete- nant plus ou moins les autres. Ainsi, les substances injectées dans le sang, telles que le sel marin, l’u- rée, le sucre se retrouvent dans la lymphe du canal thoracique, en proportion notablement plus forte que dans le sang. On peut augmenter notablement la proportion de Iymphe secrétée, sans toucher à la pression sanguine où même avec une pression fort basse, comme c’est le cas après une infusion de peptone. III. — RESPIRATION Chaque mouvement respiratoire suppose le con- cours harmonique d'un assez grand nombre de muscles (muscles dilatant l’orifice nasal, innervés par le nerf facial; muscles dilatateurs de la glotte, innervés par le pneumogastrique; muscles dila- tateurs du thorax, innervés par le phrénique et par d’autres nerfs cervicaux et dorsaux). La plupart des physiologistes admettent que les différents centres nerveux qui président aux mouvements de chacun de ces muscles inspirateurs, sonteux-mêmes soumis à l’'hégémonie directrice de l'un d’entre eux : le centre respiratoire principal, situé dans la moelle allongée, au niveau des noyaux d'origine des deux preumogastriques (nœud vital de Flourens). L'activité rythmée de ce centre serait automatique (dans le sens admis par J. Müller), c’est-à-dire qu'elle n’aurait pas besoin, pour être mise en jeu, 640 L. FREDERICQ. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE d’excitations réflexes, amenées par des nerfs sen- sibles ou centripètes. Le centre trouverait en lui-même les conditions de son fonctionnement; et les cellules nerveuses dont il se compose, supposées complètement isolées du reste du systèmenerveux central et des nerfs sensibles du corps, et ne com- muniquant plus qu'avec des fibres centrifuges allant aux museles de la respiration, n’en conti- nueraient pas moins à fonctionner normalement, et à envoyer, à intervalles réguliers, les impulsions motrices qui donnent naissance aux mouvements respiratoires. L’excitant qui entretient l’activité du centre res- piratoire, agirait donc directement sur les cellules nerveuses de ce centre : il serait de nature chi- mique et constitué par un‘certain degré de veéno- sité du liquide nourricier qui baigne ces cellules, (pauvreté relative en oxygène, richesse en CO? du sang ou de lalymphe). La vénosité du sang augmente- t-elle (excès de CO?, déficit d'oxygène), aussitôt les centres respiratoires fortement excités provoquent des mouvements respiratoires plus énergiques (dyspnée). La vénosité vient-elle à diminuer, le sang est-il saturé d'oxygène et pauvre en CO?, les centres respiratoires ne sont plus excités suffisamment, ils suspendent leur action : il y a apnée ; l'animal cesse momentanément de respirer. Cette théorie de l’innervation respiratoire, qui paraissait établie sur des bases inébranlables, est depuis plusieurs années l’objet de vives contro- verses. Et d’abord, en ce qui concerne le lieu d’où émanent les impulsions qui provoquent là con traction des muscles dilatateurs du thorax, Brawn- Séquard, Langendorff et Wertheimer le placent, non dans la moelle allongée, mais bien dans la moelle épinière cervicale et dorsale. La suppression des mouvements respiratoires, qui se montre après la blessure de la moelle allongée, dépend pour Brown-Séquard, non de la suppression d'un centre moteur, mais au contraire de l'irritation méca- nique d'un centre d'arrêt, qui empêcherait alors le fonctionnement des vrais centres respiratoires spi- naux. Le centre respiratoire bulbaire, admis par la plupart des physiologistes, serait donc un centre d’inhibition., L'arrêt de la respiralion, qui se pro- duit après destruction de la moelle allongée, ou après sa séparation de la moelle épinière, ne serait pas définitif : en opérant sur de jeunes ani- maux, ou sur des animaux adultes refroidis, ou en entretenant pendant quelque temps la respiration artificielle, on verrait reparaitre les mouvements respiratoires du thorax. Ces expériences ont été répélées par Heinricius et par Markwald sur de jeunes chats et de jeunes chiens. Jamais ces expérimentateurs n’ont vu se produire de vrais mouvements respiratoires du thorax, après la section du bulbe. Markwald n’a pas élé plus heureux, en pratiquant la section du bulbe chez des marmottes en hibernation. Il a constaté en outre que chez cet animal, une hémisection de la moelle cervicale arrête définitivement la respiration dans la moitié du corps du côté opéré. Markwald en conclut que c’est bien dans la moelle allongée, quil faut localiser le point de départ des impulsions motrices respiratoires. Mais, d’après Markwald, le centre respiratoire ne serait pas capable, comme on le croyait, de fonc- lionner normalement en dehors de toute connexion avec le reste du système nerveux. Il faut qu'il soit relié soit à l’encéphale, soit aux pneumogastriques. Si l’on coupe les pneumogastriques, après avoir sectionné le système nerveux central au devant des centres respiratoires, on n’observe plus la suc- cession normale et rythmée des mouvements res- piratoires, mais des accès de convulsions respira- toires, séparés par de longues pauses. Markwald a réalisé pour ces expériences la suppression phy- siologique de lencéphale, par un procédé nouveau etélégant, qui consiste à injecter par les carotides, une petite quantité d'une masse cireuse fondue, qui se solidifie dans les vaisseaux de la base du cerveau, et y arrête toute circulation. En variant la quantité de liquide injecté, de manière à anémier des fractions plus où moins étendues de l’encé- phale, Markwald a constaté que les parties du système nerveux central dont l'intégrité est né- cessaire à la production des mouvements respira- toires (après section des pneumogastriques), sont constitués par les tubercules quadrijumeaux posté- rieurs (dont la destruction ne produit cependant que des troubles passagers de la respiration), et surtout par les noyaux d'origine du trijumeau et du facial. Aducco rompt également une lance en faveur de l'existence des centres respiratoires bulbaires. Il a constaté chez le chien que l'excitation directe (électrique et chimique) de la moelle allongée, provoque constamment un effet d'inspiration, tandis que l'application locale de cocaïne (poison paralysant les centres nerveux) arrête les mouve- ments respiratoires. Le bulbe est donc bien un centre moteur, et non un centre d’inhibition pour les mouvements respiratoires. Grossmann admet également que les centres spinaux, séparés de la moelle allongée, sont incapa- bles à eux seuls d'entretenir les mouvements res- piratoires du thorax. Mais il en serait de même, d’après lui, du centre bulbaïire ou noyau du pneu- mogastrique, qui commande aux mouvements res- piratoires du larynx, et du centre du facial situé plus haut, ettenant sous sa dépendance les mouve- ments respiratoires de l’orifice nasal. Chacun de L. FREDERICQ. —- REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 641 ces centres, isolé des deux autres, cesserait de fonc- | tionner. Si l’on détruit un de ces centres, en lais- sant les deux autres en connexion mutuelle, les mouvements respiratoires continuent à se produire, mais suivant un rythme ralenti et modifié. Si la des- truclion porle uniquement sur le noyau du pneu- mogastrique ou centre bulbaire, toute respiration s'arrête, car cette destruction a pour effet d'isoler l’un de l’autre les deux centres restants, celui du facial et le centre spinal. C'est la situation topo- | graphique du centre bulbaire, intermédiaire aux | deux autres, qui lui a fait, d’après Grossmann, con- férer abusivement une suprématie imaginaire sur ces derniers. Isolé des deux autres, ce prétendu centre autonome est, comme eux, réduit à l’impuis- | sance. On réalise l'isolement anatomique du centre bulbaire par deux sections transversales du système | nerveux, pratiquées l'une entre le noyau du facial et celui du pneumogastrique, l’autre en arrière de ce dernier, à la région cervicale moyenne. Tous les mouvementsrespiraloires s'arrêtent, ycompris ceux du larynx, quoique les muscles du larynx soient encore en relation avec le centre bulbaire, ou pré- tendu nœud vital. On voit que la théorie classique de l’innervation respiratoire est en train de se transformer, au moins en ce qui concerne la distribution topogra- phique des centres qui président aux mouvements respiratoires et leur influence mutuelle. L'influence que la composition chimique du sang exerce sur ces centres a été également le sujet de controverses qui ne sont pas près de finir. Celte influence peut être mise en lumière de la facon suivante (Léon Fredericq) : on prend deux très grands lapins, A et B, sur lesquels on lie tous les vaisseaux arlériels se rendant à la tête, sauf une carotide. Le bout central de la carotide du lapin A est relié au bout périphérique de la carotide de B, etréciproquement. Dans ces conditions, la tête du lapin À ne recoit que du sang venant du corps de B, et la tête du lapin B ne reçoit plus que du sang venant de A. Il y a, chez les deux animaux, échange de sang carolidien ou circulation céphalique croi- sée. Si l’on cherche à produire de la dyspnée chez le lapin À, par l’un des moyens usuels {oblitération complète ou partielle de la trachée, respiration d’un mélange gazeux pauvre en oxygène, ou riche en CO?), c'est B, l’autre lapin, celui dont la tête recoit le sang de A, qui présentera les symptômes de dyspnée (mouvements respiratoires exagérés, profonds; expirations actives pouvant dégénérer en convulsions etc.), tandis que À pourra, tout au moins au début, présenter plutôt une tendance à | l'apnée, c'est-à-dire une diminution dans l'ampli tude des mouvements respiratoires. On peut donc | modifier à volonté le rythme et le type des mouve- | | ments respiratoires, en agissant uniquement sur la composition du sang qui circule dans la tête d’un animal. En effet. le seul lien physiologique qui existe entre la tête du lapin Bet le corps du lapin A, est constitué par le sang qui circule dans les ca- nules de verre qui relient les deux animaux. Brown-Séquard et d’Arsonval ont trouvé que l'air expiré contenait un poison volatil, à aclion extrêmement nuisible sur l'organisme animal. La nature de ce poison n’a pas été déterminée. Le. fait lui-même a d’ailleurs été contesté par d’autres expérimentateurs, notamment par Dastre. Marcet et Speck ont publié de nombreuses séries d'expériences concernant la valeur des échanges respiratoires de l’homme et leurs variations physiologiques, sous l'influence de l’âge, du sexe, de l’état de veille ou de sommeil, de repos ou de travail, de l'altitude du lieu, ete. Zuntz et Lehmann ont fait pareillement, chez le cheval, l’étude des changements que subissent les phénomènes chimiques de la respiration, sous l’in- fluence du repos ou du travail. Il ne peut être question d’entrer ici dans le détail de ces expé- riences. Les travaux de Ch. Richet sur l'influence que le chloral exerce sur les combustions respiratoires chez le chien ont été analysées dans cette Revue (Voir n° 15, p. 493). IV. — CHALEUR ANIMALE La méthode calorimétrique directe, dont s'étaient servis Lavoisier, Dulong et Desprets, élait presque complètement abandonnée depuis de longues an- nées; et les physiologistes avaient généralement recours, pour évaluer la quantité de chaleur pro- duite par un animal, à une méthode indirecte, qui consiste à déduire cette valeur de la qualité et de la quantité des matériaux combustibles oxydés dans le corps. C’est d’Arsonval qui a remis en honneur la méthode calorimétrique directe, par la construction de plusieurs types de calorimètres dont l’un, le calorimètre à air et à compensation est d'un emploi extrêmement commode. D’Arson- val a été suivi dans cette voie par plusieurs phy- siologistes : tout récemment encore Rubner, puis Rosenthal décrivaient minutieusement des calori- mètres à air, qui ne diffèrent de l'appareil imaginé par d'Arsonval, que par des détails secondaires. Ott, de son côté, a construit un calorimètre à eau, suffisamment vaste pour qu'un homme puisse s’y placer. Les recherches exécutées avec ces instru- ments ont fourni la confirmation précieuse de plu- sieurs faits déjà connus. La plupart des physiologistes admettent que l'homme (et les mammifères) luttent contre les causes de refroidissement par différents moyens, 642 L. FREDERICA. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE dont l’un consiste à augmenter la production de chaleur, c'est-à-dire à exagérer l'intensité des combustions respiratoires, qui sont principalement localisées dans les muscles. À. Lœwy a fait à cet égard, une série d'expériences sur l'homme. Il à constaté que le froid provoquait en effet, par voie réflexe, des mouvements dans plusieurs groupes de museles (tremblement), et que ces mouvements s'accompagnaient d’une augmentation de la ther- mogénèse et des phénomènes de combustions res- piratoires. Mais ces mouvements peuvent manquer: dans ce eas, il n’y a pas non plus augmentation de la thermogénèse. Si les muscles restent au repos, les phénomènes chimiques de la respiration con- servent leur valeur normale, malgré l’action du froid. On admet assez généralement que la mort qui survient au cours d'un refroidissement intense et progressif, est dù à l'arrêt de la respiration et à l'asphyxie qui en est la conséquence, les centres nerveux respiratoires étant particulièrement sen- sibles à un abaissement de leur température. An- siaux a montré que tel n'était pas le mécanisme de la mort. Chez tous les chiens qu'il a vus mourir de froid, le cœur s’est arrêté avant la respiralion : la cessation des mouvements respiratoires, loin d'être la cause de la mort, serait la conséquence de l'arrêt du cœur. Signalons un intéressant volume de Ch. Richet sur la chaleur animale (1889). V. — DIGESTION Salive. — À différentes reprises on a indiqué dans la salive humaine, la présence d’une petite quantité de sulfocyanate de potassium, substance assez toxique. Florain montre que les plantes arrosées journellement avec de la salive, ne tardent pas à périr et que l’action nuisible est due au sulfocya- nate. On retrouve le poison dans le tronc et dans les feuilles de la plante malade. Estomac et intestin. — Edelmann a découvert que la portion cardiaque de l’estomac contient chez les herbivores, le pore, ete., des glandes spéciales se- crétant de la diastase. Sehrwald confirme l'opinion de Heïdenhain qui place dans les cellules de revêtement des glandes à pepsine , le lieu de formation de l'acide chlorhy- drique. S. Mintz, Hans Leo ont publié des procédés de dosage de l'acide chlorhydrique du sue gastrique. Ellenberger et Hofmeister ont continué leurs recherches sur la digestion du porc. Pawlow etE. Schumova Simanowskaja ont publié des expériences, tendant à prouver que les pneu- mogastriques sont les véritables nerfs secréteurs du suc gastrique. Après la section de ces nerfs, l'estomac sécréterait un liquide acide, sans action sur les aliments : les auteurs auraient réussi par l'excitation du bout périphérique des pneumogas- triques, à provoquer la sécrétion d’un liquide conte- nant de la pepsine. Enfin la”sécrétion du sue gas- trique, qui s'établit lorsque le chien à pneumogas- triques intacts avale un morceau de viande (que l'on empêche d'arriver à l'estomac en le faisant ressortir par une fistule de l’æsophage), cette sécrétion ne se montre plus lorsque les nerfs sont coupés. Arthaud et Butte affirment que la section des preumogastriques, pratiquée sous le diaphragme, est constamment mortelle. À l'autopsie, on trouve des lésions trophiques du foie, de l'estomac et des reins. - L'innervation des mouvements de l'estomac ou de l'intestin a fait l'objet de recherches intéres- santes de la part d’'Openchowski, Bastianelli, Oppenheimer, Bechlerew et Mislawski, ete. H. Quincke a constaté, chez un homme porteur d'une fistule gastrique, que la surface de l'estomac est sensible aux différences de température. Le sujet distinguait parfaitement si l’eau qu'on injee- tait par la fistule était froide, tiède ou chaude. Le problème de l’autodigestion de l'estomac a été remis sur le tapis par Viola et Gaspardi. Com- ment se fait-il que le suc gastrique, ce dissolvant par excellence des matières albuminoïdes et des tissus animaux, n’attaque pas la paroi de l’esto- mac ? Pavy avait admis que le suc acide était neu- tralisé par le sang et la lymphe alcalins, à mesure qu'il pénétrait dans l'épaisseur de la paroi de l’es- tomae, et était ainsi rendu inoffensif. Claude Ber- nard considérait l’épithélium de l'estomac et le mucus qui le recouvre, comme constituant un enduit protecteur, empêchant la pénétration du sue gas- trique dans la profondeur. Il avait lui-même, par des expériences mémorables, combattu l’ancienne hypothèse, qui attribuait à la force vitale des cel- lules stomacales, le pouvoir de résister à l’action dissolvante du suc gastrique. La soi-disant force vitale n'avait pas empêché des tissus vivants, intro- duits par une fistule gastrique dans l’estomac d’un chien, d’être attaqués par le suc gastrique. L’o- reille d’un lapin vivant, l’arrière-train d’une gre- nouille, avaient été promptement digérés. Viola et Gaspardi ont fait une expérience analogue, mais avec un résultat tout différent; ils ont introduit par une fistule gastrique à l’intérieur de l'estomac la rate du chien restée en relations normales avec ses vaisseaux nourriciers. La rate peut séjourner ainsi de 40 à 64 heures au contact du suc gastrique, sans être attaquée, à condition que la circulation san- guine ne soit pas entravée. Si on lie les vaisseaux, | larate est digérée et transforméeen bouillie au bout T. FREDERICQ. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 643 de 8 heures. Il me paraît probable (opinion de Sehrwald, Riegel, etc.) que la circulation agit ici, en maintenant les tissus dans un élat convenable de nutrition. On sait que es cellules et les élé- ments histologiques en général n’absorbent pas in- différemment toutesles substances dissoutes qu’on leur offre en solution : elles font un véritable choix parmi ces substances, acceptant les unes, rejetant les autres. Il suffit d'admettre que les éléments histologiques de la surface de l'estomac et de l’in- testin, s'opposent à se laisser imbiber par les fer- ments digestifs, tant qu'ils jouissent de leurs pro- priétés physiologiques, c’est-à-dire tant que leur nutrition est normale. Les ferments sont d’ailleurs des corps peu diffusibles, qui ont peu de tendance à traverser les membranes organiques. Il ne faut pas oublier que la même question se pose pour la digestion intestinale. dont le principal agent est le suc pancréatique, liquide naturellement alcalin, et qui digère très activement les matiéres albumi- noïdes. Pourquoi le suc pancréatique n’attaque-t-il pas et ne digère-t-il pas l'intestin ? Il est clair que l'explication de Pavy qui fait protéger la muqueuse stomacale contre le suc gastrique acide par l'alcali du sang, n’est plus applicable à l'intestin. Foie et hile. — Gorodecki a fait, sur des chiens à fistule biliaire, des expériences confirmatives de la doctrine classique. qui considère les pigments biliaires comme des produits de transformation de la matière colorante du sang, ou hémoglobine. Il a constaté que l'injection sous-cutanée ou intra-péri- tonéale d’hémoglobine, a pour effet d'augmenter notablement la proportion de matières colorantes de la bile. Ponfick a constaté que l'on peut, chez les ani- maux. extirper en une ou plusieurs séances. jus- qu'aux trois quarts de leur foie. Si l'opération est faite aseptiquement, elle est en général bien sup- portée. La perte de substance est bientôt comblée par une néoformation de tissu hépatique, de sorte que le foie se montre presque complètement régé- néré au bout de quelques mois. Les médecins et les physiologistes s'accordent généralement à faire jouer à la bile un certain rôle dans l’absorption intestinale de la graisse. Les expériences déjà relativement anciennes de v. Wistinghausen, sont souvent citées à l'appui de cette manière de voir. V. Wistinghausen croyait avoir constaté que la graisse liquide et l’huile fil- trent plus facilement à travers des membranes poreuses, et montent plus haut dans des tubes ca- pillaires, lorsque la surface des membranes et des tubes a été au préalable mouillée de bile. E. Grüper a récemment répété minutieusement ces expériences, mais avec un résultat absolument négatif. L'huile mouillés de bile ; et, quant aux membranes orga- niques, qu'elles soient enduites de bile ou non, l'huile ne les traverse que si elles présentent des trous. Arthaud et Bulte ont pratiqué la ligature de l'artère hépatique (en dessous de la gastro-épi- ploïque droite) et constaté, contrairement à l'opi- nion généralement reçue, que cette opération est toujours mortelle, et qu’elle entraine la suppression complète du glycogène hépatique. Matières fécales. — On est généralement porté à considérer les excréments comme représentant en grande partie, des restes de matières alimentaires non digérées, colorées par de la bile, etc. Les recherches de Hermann contredisent cette opinion; elles tendent à prouver que les matières fécales représentent presque exclusivement des produits de sécrétion et de desquammation de l'intestin, épaissis et solidifiés. Hermann pratique sur le chien l'expérience suivante : un bout d'intestin d'une certaine longueur est isolé au moyen de deux sections transversales, mais les connexions vasculaires et nerveuses sont respectées. Ce bout d'intestin vidé et lavé convenablement, est trans- formé en un anneau creux, par des points de su- ture, rattachant l’une à l’autre ses deux extré- mités. On réunit également les deux surfaces de section du reste du tube digestif, de manière à supprimer toute soiution de continuité et à réta- blir le cours normal des matières alimentaires. On remet les organes en place et l’on referme la plaie abdominale. L'animal peut se remettre complète- ment des suites de l'opération. Au bout de quel- ques jours, on trouve l’anneau intestinal rempli d'une masse molle de couleur brunäâtre; si l’on attend plusieurs semaines ou y rencontre de véri- tables boudins gris verdàtres en tout semblables à des matières fécales. Ces matières fécales se sont donc formées indépendamment de toule participa- tion de bile ou d'aliments. VI. — RÉSORPTION ET ASSIMILATION DES PRODUITS DE LA DIGESTION. — NUTRITION Il y a déjà plusieurs années que l’on a signalé ce fait en apparence paradoxal que la peptone, le produit normal de la digestion des matières albu- minoïdes, constitue pour l'organisme un véritable poison. Si nous ne mourons pas après avoir mangé un bifteck ou une côtelette, c'est que la peptone qui en provient, se forme lentement et par petites quantités à la fois au cours de la digestion, ef que cette peptone est au fur et à mesure retransformée en substances albuminoïdes. Bouchard et plusieurs autres expérimentateurs ont localisé dans le foie le laboratoire qui opère ne monte pas plus haut dans les tubes capillaires | cette transformation de la peptone. Neumeister, L. FREDERICQ. — REVUE 64% ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE Nadina Popoff, Julia Brink, rejettent cette manière de voir. Leurs expériences démontrent que l'épi- thélium intestinal joue ici le principal rôle. La transformation de la peptone et la reconstitution de l’albumine, se produirait déjà à l’intérieur de l'intestin et de l'estomac. J. Munk a découvert que les produits de la di- gestion des graisses, les savons, jouissent, comme les peptones, de propriétés éminemment toxiques. Il suffit d'injecter à un lapin 0,07 gramme d'oléate ou de palmitate de sodium, par kilogramme de son poids, pour le tuer par arrêt du cœur. Si l'injection est faite dans une des branches de la veine-porte, l'animal supporte une dose de savon beaucoup plus considérable : les savons sont en effet arrêtés par le foie, lors de leur passage à travers cet or- gane. Comme la peptone, ils suspendent le phéno- mène de la coagulation du sang. On admet généralement, avec Voitet Ranke, que la ration alimentaire normale de l’homme doit comprendre 118 grammes d’albumine, outre la graisse (56 grammes) et les matières amylacées (500 grammes). Cette ration représente 3.050 calo- ries environ. Hirschfeld et tout récemment Kuma- gawa et Klemperer ont fait des séries d’expé- riences d'alimentation, d’où il résulte que l'homme peut vivre en n'absorbant journellement que 40 à 50 grammes d’albumine et que le gaspillage d’al- bumine admis par Voit, n’est pas une nécessité physiologique. Munk a fait observer que les expérimentateurs précédemment cilés n'étaient parvenus à se nour- rir, et à maintenir l'équilibre d'azote de leur corps, avec ce minimum de 40 à 50 grammes d’albumine, qu'en augmentant par compensation, dans des pro- portions exagérées, la quantité d'aliments gras el hydrocarbonés de leur ration. Ils n'avaient évité le gaspillage d’albumine reproché à la ration ali- mentaire de Voit, qu'en le remplaçant par un gas- pillage d'aliments non azotés. Munk a calculé que la ration alimentaire représentait par kilogramme de poids du sujel : 47,5 calories dans les expé- riences de Hirschfeld; 51 calories dans celles de Kumagawa ; 18,5 calories dans celles de Kumagawa el Klemperer, et seulement 32 à 35 calories d’après la ration de Voit et Ranke. Le combustible organique est donc utilisé d’une façon plus complète dans la ration de Voit. Ro- senheim a constaté également. chez le chien, qu'une alimentation riche en azote permet d'utiliser plus complètement la graisse de la ration, que ne le ferait l'animal avec un minimum d’albuminoïdes. Dastre a montré que le sucre de lait ou lactose injecté dans les vaisseaux, n'est pas assimilé, et se retrouve comme tel dans les urines. La galactose glycose provenant de la décomposition de la lac- tose), au contraire, est assimilée presque en entier et n'apparaît dans les urines, après injection intra- veineuse, qu'à l’état de traces. Pour voir si la lactose est décomposée par la di- gestion en dextrose et galactose, Bourquelot et Troisier nourrissent un diabétique (qui digère le sucre, mais ne l’assimile pas) avec du lait seul ou avec du lait et du sucre de lait. L’urine du sujet soumis à ce régime ne contenait que de la dextrose, ce qui ne résout la question qu'incomplètement. Il serait intéressant de reprendre l'expérience, en ne donnant cette fois que de la galactose au diabé- tique. Quinquaud a constaté qu'il y avait encore du sucre dans le sang après 43 à46 jours d’abstinence, alors que le foie ne renfermait plus trace de glyco- gène. Dans ce cas, le sucre du sang doit avoir une autre origine que le glycogène hépatique. Lustig a montré que l'extirpation du plexus cœliaque produit, non l'atrophie du pancréas et l'apparition du sucre dans les urines, comme l’ont affirmé Munk et Klebs, mais l’acétonurie. L'acéto- nurie elle-même donne l'explication des symptô- mes graves : néphrite, albuminurie, coma, qui se montrent à la suite de l'opération. VII. — GLANDES VASCULAIRES On réunit assez souvent dans un même groupe physiologique, sous le nom de glandes vasculaires, la rate, le corps thyroïde, le thymus, les capsules surrénales, etc., organes qui, probablement, ne présentent comme principal caractère commun que l'insuffisance de nos connaissances à l’égard de leurs fonctions. Rate. — On est généralement d'accord pour admettre que la rate joue un certain rôle, tant dans la formation des globules rouges jeunes que dans la destruction des globules vieux. Les tra- vaux de Glass, Krüger, Darjewilseh, etc. ont fourni l’année dernière des contribulions intéressantes à cette manière de voir. Horbaczewski fait jouer à la rate un rôle pré- pondérant dans la formation de l'acide urique. Il a constaté que des fragments de rate extraits du corps, jouissent de la propriété de former des quantités notables d'acide urique, quand on les met en contact avec du sang frais. Corps thyroïde. — Schiff a montré, il y a déjà bon nombre d'années, que le chien ne supporte pas lextirpalion bilatérale du corps thyroïde. Les animaux opérés meurent en présentant les symp- tômes de la cachexie strumiprive (altération pro- gressive de la nutrilion, tremblements fibrillaires, convulsions, etce.). On trouve à l’autopsie des lé- sions du système nerveux central. Schiff avait constaté, en outre, que la cachexie ne se montre L. FREDERICQ. — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 645 pas, malgré l’extirpation d’un corps thyroïde, chez les animaux auxquels il avait à l'avance greffé le corps thyroïde d’un autre chien dans la cavité péritonéale. Mais les symptômes redoutables repa- raissent, si l’on pratique en outre la suppression de la rate. Ces différentes affirmations de Schiff furent reconnues exacles par plusieurs expérimen- taleurs, tandis que d’autres, parmi lesquels il faut citer Munk et Drobnik, les combattirent vivement. Ewald, Fano et Zanda ont récemment répété les expériences de Schiff et celles de ses contradic- teurs; ils sont d'accord pour donner entièrement raison à Schiff, et pour admettre avec lui une relation étroite entre le fonctionnement du corps thyroïde et l'intégrité de la nutrition du système nerveux central. Fano et Zanda ont fait quelques expériences qui semblent indiquer qu'après l’ex- tirpation du corps thyroïde, il y a, dans l’orga- nisme, une aceumulalion de substances nuisibles. Ils ont, en effet, constalé chez plusieurs animaux, une amélioration passagère des symptômes de la cachexie, à la suite de saignées copieuses suivies de transfusion de sang, emprunté à un animal nor- mal, ou de solution physiologique. On sait que le lapin supporte parfaitement (à l'inverse du chien) l'extirpation complète du corps thyroïde. Rogowilsch croit pouvoir établir une relation entre ce fait et le volume relatif de lhypo- physe qui, chez le lapin, est notablement plus considérable que chez le chien, L'hypophyse et le corps thyroïde pourraient, jusqu'à un cerlain point, se remplacer mutuellement chez le lapin, où leur volume relatif est comme 1 : 3,3, tandis que, chez le chien el le chat, l’hypophyse ne représente que le 15° ou le 20° du corps thyroïde. Rogowilsch a constaté chez le lapin une augmentation de volume de l'hypophyse, après extirpation du corps thyroïde. Capsules surrénales. — Slilling constate que l'ex- lirpation d’une capsule surrénale, pratiquée chez de jeunes lapins, entraine l'hypertrophie de l’autre capsule ou même la néo-formation de capsules accessoires. Les résultats de ces expériences sont incompatibles avec l'opinion d’après laquelle les capsules surrénales n'auraient d'importance fonc- tionnelle que pendant la vie embryonnaire. Tizzoni a également exlirpé chez le lapin les capsules surrénales et a constaté que l'opération élait constamment mortelle. Les animaux meurent en présentant une altération progressive de la nutrition, ainsi qu'une tendance à la pigmentation exagérée, symptômes rappelant ceux de la maladie d’Addison, comme Brown-Séquard l'avait déjà fait remarquer. À l’autopsie, l’auteur a trouvé cons- tamment des lésions étendues du système nerveux central, notamment du plancher du qualrième ventricule el de la substance grise de la moelle épinière, au niveau de la région cervicale infé- rieure. VIII. — SYSTÈME NERVEUX ET ORGANES DES SENS. — MOUVEMENTS La question des nerfs trophiques, que la plupart des physiologistes résolvaient négativement il y a quelques années, tend à s'imposer de nouveau à l'attention. Plusieurs cliniciens ont signalé, dans ces derniers temps, des altérations de la nutrition limitées à l'aire de distribution d’un nerf et surve- nant à la suite de lésions ou de maladies de ce nerf. Ruhemann décrit un cas d’anesthésie et d’a- trophie unilatérale de la face, à la suile d’une né- vrite du trijumeau. Dans un autre cas il y avait anesthésie sans trouble trophique : les filets sen- sibles paraissent donc nettement séparés des filets trophiques du trijumeau, puisqu'ils peuvent être paralysés sans que les filets (rophiques parti- cipent à la lésion. Laborde a réussi à sectionner le trijumeau au de- vant du ganglion de Gasser, sans léser les fibres motrices: dans ce cas on observe la production de troubles trophiques, qui pour l'œil, débutent dans la profondeur; les incisives s’accroissent d'une façon démesurée. Meæller croyail avoir trouvé récemment dans le nerf laryngé supérieur, le nerf trophique des mus- cles du larynx chez le cheval. Ce nerf ne contient en effet aucun filet moteur pour les muscles en ques- tion; et cependant, ces muscles dégénèrent après section du laryngé supérieur. Exner, qui s'était d’abord rallié à l'explication de Meæller, a depuis reconnu qu'il s'était trompé. Il a constaté que les muscles du larynx cessaient de fonctionner (quoique leur nerf moteur, le laryngé inférieur, fût intact aussitôt qu'on coupait le nerf laryngé supérieur, qui ne conlient cependant que des fibres sensibles. Ce n’est pas la première fois que l'on constate la suppression où l’allération de la motilité d'un or- gane à la suite de la section de ses nerfs sensibles, La suppression de la sensibilité du larynx entraine donc l'inaction de ses muscles; et celle inaction elle-même amène au bout d'un certain temps leur atrophie. L'innervation du larynx afaitl'objet derecherches intéressantes de Gad, Heymans, Kieselbach, Gra- bower, v. Meyer, F. Semon et Horsley, Fränkel, elc. Exner el Paneth, Horsley et Gotch, Goltz, Musk, S. Brown, E. À. Schäfer, etc., ont continué leurs expériences d’excitalion et d’exlirpation de l'écorce cérébrale. Brown-Séquard a publié des recherches inté- ressantes sur l'inhibilion et la dynamogénie. Gotch et Horsley ont constalé que le fonction- CD re D L. FREDERICQ. — REVUE ANNUELLE DE PH YSIOLOGIE nement de la moelle épinière, s'accompagne de phénomènes électriques analogues à ceux que pré- sentent les museles et les nerfs. Korybutt et Hodge se sont efforcés d'y découvrir pareillement des changements histologiques. Léon Fredericq a montré que les centres moteurs et sensibles de la moelle épinière, présentent vis- àa-vis de l’anémie aiguë une résistance fort inégale. Les premiers sont atteints el paralysés bien avant les seconds. Gad et Joseph ont étudié les fonctions des ganglions spinaux. E. Gley a indiqué un nou- veau procédé de destruction totale de la moelle épinière au moyen d’un courant d’eau chaude. La physiologie générale des nerfs el des muscles a continué à être cultivéeavecardeur en Allemagne. Citons, parmi les travaux français, ceux de d’Arson- val, Chauveau, Beaunis, ete. Il ne semble pas que nous nous soyons beaucoup rapprochés de la solu- tion du problème du développement de l'énergie mécanique du musele ou de celui de l’excitabilité des nerfs et des muscles. D'après Tarchanoff, toute excilation d'un organe sensoriel (action de la lumière sur l’œil, du froid ou du chatouillement sur la peau, excitalion dou- loureuse), tout mouvement volontaire, toute acti- vité psychique s'accompagne de changements dans l'état électrique des différentes régions de la peau, notamment de celle de la main. Ces phénomènes électriques paraissent devoir être rapportés à la sécrétion des glandes sudoripares. Je ne parlerai pas des remarquables travaux de R. Dubois sur la vision des pholades, qui ont con- duit le physiologiste lyonnais à une nouvelle théorie du mécanisme des sensations lumineuses, attendu que leur auteur les a exposés ici-même. (Voir la Revue du 15 avril 1890, p. 198.) F. Plateau a continué ses ingénieuses recherches sur la vision des arthropodes. La doctrine classique de l'énergie spécifique des organes des sens, ou de la spécificité des sensations, principe introduit en physiologie par Joh. Müller, reçoit chaque jour de nouvelles applications. En vertu de ce principe, un filet nerveux sensible, quel que soit l'agent qui l’excite, donne toujours lieu dans les organes centraux, à la même espèce de sensation. Celle sensation ne saurait varier qu'en intensité, mais jamais en modalité. À chaque espèce de sensation doit donc êlre affectée une calégorie spéciale de nerfs ou de terminaisons ner- veuses. Blix a montré, il y a peu d'années, l'exactitude de ce principe pour les sensations qui ont leur point de départ dans une excitation de la peau. On distingue facilement dans la peau, des points uni- quement sensibles au froid, d’autres au chaud, d’autres enfin à la pression. Hjalmar Ohrwall constate pareillement que les différentes papilles gustatives de la langue ne sont pas équivalentes : les unes sont sensibles à l’amer, d’autres à l’acide, d’autres au sucré : beaucoup d’ailleurs sont à la fois sensibles à deux ou trois saveurs, c’est-à-dire contiennent plusieurs genres de terminaisons nerveuses. Dans le même ordre d'idées, Holmgren a décou- vert que des points lumineux très peu étendus, peuvent paraitre successivemeut rouges, verts ou bleus suivant le point de la rétine où se peint leur image. Un fait d’une autre portée vient d’être signalé par Zwaardemaker, au moyen de son olfactomètre double, instrument qui permet de faire agir sur les deux narines des substances odorantes différentes, En faisant agir de l'acide acétique à droite et de l’ammoniaque à gauche, il a constaté qu’on ne peut en même temps percevoir deux odeurs différentes. On perçoit l’une ou l’autre, ou aucune des deux. Le fait est singulier et demande confirmation. La physiologie des organes des sens touche à la psycho-physique. Je n'ai pas l'intention d’ana- lyser ici les nombreux travaux de psycho-physique qui ont vu le jour l'année dernière. Je considère cette science comme représentant une branche de la psychologie, el comme sortant par consé- quent du cadre des études de physiologie propre- ment dile. IX. — REPRODUCTION La plupart des travaux se rapportant à,la fonc- tion de reproduction, sont des travaux d’em- bryologie. Depuis nombre d'années, les recherches d'embryologie ont émigré, des laboratoires de physiologie, vers ceux d'anatomie et d’histologie ou vers ceux de zoologie. Rien de plus rationnel, puisque l’embryologie, par ses méthodes et ses résultats, est essentiellement une science morpho- logique basée sur l'observation, tandis que la physiologie est une science expérimentale. Après cette élimination, le domaine physiologique de la reproduction se trouve singuliérement rétréci. Je me borne à signaler ici les travaux de Brown- Séquard, sur les effets merveilleux obtenus chez les vieillards, par des injections sous-culanées de suc testiculaire de jeunes mammifères. La presse quotidienne a fait grand bruit autour de cette découverte qu'il serait prémaluré de juger aujour- d'hui. Léon Fredericq, Professeur de physiologie à l'Université de. Liège. ni. BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX È 6/ n 1 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Marshall (Alfred), Professeur d'économie politique à l'Université de Cambridge. — Principles of Eco- nomics, vol. 1, Macmillan et C°, Londres, 1890, L'économie politique est née de la philosophie, mais elle a depuis longtemps déjà conquis son indépen- dance et mis son ambition à devenir d'abord une science positive, Puis, comme la physique, elle a cherché une union intime avec les sciences exactes, les sciences mathématiques. L'usage des symboles algébriques appliqués aux problèmes économiques l'indique nettement : science expérimentale par es- sence, elle tente parfois, même au prix de quelques mésaventures, de raisonner par formules et par équa- tions. s M. Alfred Marshall est un économiste de grand savoir doublé d’un algébriste, ce qui ne gâte rien, d'autant mieux qu'il a prévu et signalé les dangers d’une appli- cation intempérante de l'algèbre à l’économie poli- tique. Le fait serait curieux si nous ne connaissions le collaborateur assidu et distingué de M. Marshall, qui rest autre que Mme Mary Paley Marshall, sa femme, M. Marshall est un éclectique en économie, éclec- tique au point de vue de la théorie seulement, car il revendique l'honneur d’être fidèle à la pure tradition anglaise. Il serait puéril de le chicaner sur ce point, d'autant mieux que cette fidélité à la science anglaise se concilie dans M. Marshall avec la loyauté la plus exquise : la science économique francaise, allemande, italienne est l’objet d’appréciations nettes, compétentes et dictées par l'esprit de justice le plus scrupuleux: « La première tentative systématique pour former une science économique sur une large base à été faite en France vers le milieu du xvu siècle par un groupe d'hommes d'Etat et de philosophes, sous la direction d'un noble esprit, Quesnay, le médecin de Louis XV... »; et plus loin « l'Ecole Francaise a eu un développement continu depuis ses premiers grands penseurs du xvine siècle, et elle a évité beaucoup d'erreurs et de confusions, surtout à propos des gages, qui ont été communes parmi les économistes anglais de la deuxième école, Depuis l’époque de Say, elle à fait beaucoup de bonne besogne. Dans Cournot, elle a trouvé un esprit constructeur du génie le plus élevé ; tandis que Fourier, Saint-Simon, Proudhon et Louis Blanc ont fourni au- socialisme nombre de ses meilleures et aussi nombre de ses plus sauvages inspirations ». C’est franc et juste. Nous n'avons pas la prétention, dans une courte notice, de donner l'analyse complète du volume de M. Marshall : le grand problème de l'offre et de la demande est posé après une remarquable tentative de classification des biens ou richesses ; puis la théorie de l'équilibre entre l'offre et la demande, puis leur rela- tion avec le travail et le capital, la théorie de la valeur ou de la distribution‘et de l’échange, Une préoccu- pation dominante de l’auteur permet de dégager la note originale de son livre : M. Marshail est frappé de la difficulté qu'on éprouve à classer des choses qui se modifient au point de vue de leurs caractères et de leurs usages ; il y à des nuänces, des gradations indé- finies à ce point de vue, pas de lignes nettes, bien tranchées (no sharp lines); les tons se confondent comme dans un dessin. Aussi l'auteur proclame sa foi dans le principe de continuité, natura non facit saltum, c’est l’épigraphe même du livre, — Pas de division radicale entre les mobiles purement économiques et les mobiles moraux de l’activité humaine, — entre l’ac- ET INDEX tivité des différents groupes sociaux, au point de vue de la sagacité, de l’énergie, de l'initiative, — pas de division radicale entre les valeurs normales d’une part, les valeurs courantes de marché, occasionnelles d'autre part — pas de division radicale entre les théo- ries de la valeur du travail et des choses produites par ce travail. Comme conséquence naturelle, le principe de continuité s'applique à la terminologie, « Dans la vie réelle, dit l’auteur, pas de ligne nette de démar- cation entre les choses qui sont et celles qui ne sont pas Je capital, entre celles qui sont et celles qui ne sont pas des nécessités, entre le travail qui est et celui qui n’est pas producteur, — Tel est le point original du livre ; l’auteur a étendu de la façon la plus large cette notion de la continuité dans le développement, notion commune à toutes les écoles modernes d'économie politique. Certains chapitres, à défaut d'analyse complète, mériteraient une étude spéciale : dans le chapitre IL du livre premier, l'auteur fait à grands traits une es- quisse d’histoire économique pour l’antiquité et pour les temps modernes, Les professeurs d'histoire y trou- veraient des vues larges, intelligentes et nettes qui remplaceraient avantageusement les fadaises banales, les vagues lieux communs qui déshonorent, chez nous, nombre d'ouvrages classiques parmi les plus connus, Nous ne pouvons que le signaler. Nous avons déjà parlé du chapitre I, livre IL (clas- sification et Terminologie), auquel une note fort inté- ressante malgré sa longueur sur les définitions du mot Capital sert de conclusion. Le chapitre IV du même livre, consacré à l'historique, à la doctrine de la population, à la statistique internationale, d’une lec- ture facile et attachante, montre combien l’auteur comprend et sait utiliser la statistique dont le rôle est prépondérant en économie politique, — De cruelles vérités attristent çà et là le lecteur français : « En France, le nombre des enfants par mariage est excep- lionnellement bas » — et encore « malgré l'excédent de l’immigration sur l’émigration, l'accroissement de la population est très faible, etc. » — La récente loi française sur le septième enfant rappelle à l’auteur deux faits historiques curieux à signaler : En 1769, Pitt déclara qu'un homme qui avait enrichi son pays d’un certain nombre d'enfants avait un droit sur l'assis- tance publique pour les élever, Un acte voté au milieu des préoccupations militaires de 1806 accordait l'exemption de toutes taxes à tout père de famille qui avait plus de deux enfants nés en mariage légitime ; cet acte fut abrogé aussitôt que Napoléon eut été dûment enfermé (safely lodged) à Sainte-Hélène. Nous souhaitons à M. Marshall un traducteur digne de son œuvre : il se défend quelque part d’avoir sim- plifié les questions, d’avoir inventé des divisions com- modes, mais factices, au détriment de la science, pour satisfaire la paresse des étudiants qui aiment un for- suulaire où le goùt du publie, grand amateur d'affir- mations dogmatiques, — nous ne saurions trop l’en féliciter. La manie du livre élémentaire, production hypocrite de l’ignorant qui excuse l'insuffisance de son œuvre par la préoccupation d’être compris de la jeunesse, a inondé nos librairies de livres ridicules ; cela s'appelle vulgariser des niaiseries, Le manuel, le livre élémentaire, en certaines matières, est la plaie de l’enseignement, Dénaturer les problèmes, les ques- lions scientifiques sous prétexte d’être élémentaire, rap- pelle le poète de Boileau qui mettait l’histoire de France en madrigaux, F. Nocuës, 648 BIBLIOGRAPHIE. 2° Sciences physiques. Feussner (D' K.). — Etalonnage des instruments de mesure électrique en Allemagne.— Bull. Société électrotechnique de Berlin, 25 mars 1890, La deuxième section de l’Institut physico-technique de l'empire allemand est chargée de vérifier les résis- tances électriques, les éléments étalons et les appareils destinés à la mesure des intensités et des différences de potentiel, Après examen, elle accorde l'estampille aux instruments qui satisfont à certaines conditions d’exactitude, Les vérifications se font au moyen d’éta- lons conservés par l’Institut. M. le D K. Feussner a donné dernièrement, à la Société électrotechnique de Berlin, d’intéressants dé- tails sur ces différents types de mesure, sur leur cons- truction et leur emploi. Nous en ferons une courte énu- mération : Quatre étalons principaux, en verre el mercure, ont été étudiés géométriquement avec le plus grand soin; ils déterminent, d’une facon à peu près exacte, l’'Ohm légal. IFRS Plusieurs résistances métalliques, de valeurs très diffé- rentes, ont été construites de telle sorte qu’elles ne subissent aucun échauffement nuisible de la part des courants qui les traversent. Lors de la construction de ces résistances, l'Institut fit faire des recherches très étendues sur les propriétés électriques d’un grand nombre d’alliages et les résultats de ces travaux ont amené ladoption, pour la constitution des rhéostats, d'un alliage à base de cuivre, de nickel et de manganèse, dont la résistance spécifique est, paraîtil, invariable et dont le coefficient thermique pourrait être négligé. L'élément de force élech'omotrice adopté par l’Institut allemand est un élément Latimer-Clarke, à l’intérieur duquel plonge un thermomètre. Les forces électromo- trices sont mesurées, par comparaison avec cel éla- lon, à l’aide d’une méthode analogue à celle de Pog- gendorff. Enfin les intensités sont établies par la déter- mination d’une différence de potentiel à la limite d'une résistance connue. L’approximation de ces détermina- tions serait, d'après le Dr Feussner, de Ts pour les résistances et de -%5 pour les forces électromotrices et les intensités. IL reste à savoir toutefois comment l’Institut contrôle l’étalon de force électromotrice; ce contrôle est d’une importance aussi grande et d'une difficulté bien autrement considérable que celui de la constance des étalons de résistance. F. DE NERVILLE, Mendeleeff, — Dissociation des substances en dissolution. Journal de la Société chimique russe, 1890, M. Mendeleeff met en doute l'exactitude de l'hypo- thèse d’Arrhénius, sur la constitution des solutions salines et en général des solutions qui sont conduc- trices de l'électricité. Afin d'expliquer ce fait que. pour ces solutions, le coefficient à de la formule de Van’t Hoff est différent de l'unité !, Arrhenius à supposé que les électrolytes en dissolution sont dis- sociés en leurs ions. Cette hypothèse conduit à ad- mettre que les solutions conductrices ont une consti- tution différente de celles qui ne le sont pas, bien que, dans la plupart des cas, les phénomènes qui accom- pagnent la dissolution soient identiques pour les deux sortes de solutions. M. Mendeleeff ne croit pas à cette dissociation en ions libres, et il pense que le phéno- mène s'explique très bien si l’on admet l’existence d'hydrates définis liquides, dissociés dans la solution. Le moyen le plus commode pour calculer à consiste dans l’emploi du point de congélation. Or l’abaisse- ment moléculaire d'un sel anhydre est toujours égal à l’abaissement moléculaire d’un certain hydrate de ce sel en solution étendue, C'est-à-dire qu'on peut tou- jours trouver une valeur de » telle que lhydrate à nH?0 1 Voir l’article de M. Etard sur la constitution des solu- tions étendues dans la Revue du 15 avril 1890, p. 193 à 198. — ANALYSES ET INDEX conduise à la même valeur de i que le sel anhydre. Puisque, dans les solutions diluées, la même valeur de à peut être obtenue soit en supposant le sel anhydre soit en supposant le sel hydraté, M. Mendeleef conclut que, ni la détermination de la pression osmotique, ni celle du coefficient isotonique, de la tension de vapeur des solutions étendues, de l’abaissement du point de congélation ou des conductibilités électriques, ne peut servir à décider sile sel est hydraté ou non, au sein de la dissolution. Dans un mémoire paru dans le Philosophical Maga- sine en 1889, M. Arrhénius, envisageant la même question, concluait bien comme M. Mendeleeff que les phénomènes rappelés ci-dessus ne pouvaient consti- tuer un argument pour ou contre la théorie de la dis- sociation ou la théorie de l’hydratation. Mais il pensait que d’autres phénomènes, notamment toutes les pro- priétés additives des solutions étendues (modules de densité, modules capillaires, etc.), ne s'expliquent net- tement que par l’hypothèse des ions libres, et consti- tuent par suite un argument en faveur de la théorie de la dissociation, Georges CHARPY. Jagnaux (Raoul). — Aide-mémoire du chimiste, 1 vol, 985 p. Paris, Baudry et Cie, 1890. Le livre de M. Jagnaux contient, sous une forme très condensée, tous les renseignements dont on peut avoir besoin dans le travail du laboratoire. Outre les tables numériques, densités, solubilités, données thermochi- miques, etc., les principales préparations et méthodes d'analyse sont rappelées brièvement. Citons surtout, comme très complets, les chapitres relatifs à la métal- lurgie du fer, au gaz d'éclairage, aux boissons fermen- lées et aux matières colorantes. Enfin le volume se termine par une série de tableaux minéralogiques, disposés pour la reconnaissance des substances miné- rales d’après la méthode de Dufrenoy, et un certain nombre de tables numériques de conversions de me sures. Georges CHARPY. 3° Sciences naturelles. Bergeron (Jules). — Etude géologique du massif ancien situé au sud du Plateau central. — Thèse de doctorat de la Faculté des Sciences de Paris, Mas- son, 1890. L'étude du massif ancien situé au sud du Plateau central a fourni à M. Bergeron le sujet d’un important mémoire qu'il a présenté comme thèse de doctorat à la Faculté des Sciences de Paris. La série débute dans le Rouergue et la Montagne Noire par le terrain primitif, gneiss, micaschistes ete., passant à sa partie supérieure à des schistes nettement sédimentaires, les phyllades. Le Silurien est parfaite ment développé et l’on chercherait vainement dans toute autre région de la France une série aussi com- plète et aussi bien caractérisée ; la division inférieure ou Cambrien est connue fossilifére seulement en ce point de notre sol et grâce aux méthodiques recherches de M. Bergeron. A signaler aussi la présence entre le Silu- rien inférieur et le Silurien moyen d’une assise de ‘passage, comparable à l'Arenig anglais. La stratigraphie des divers horizons du Silurien est pour la première fois bien établie dans cette région et d’une facon défi- nitive. Le Dévonien de la Montagne Noire a déjà fait l'objet de plusieurs travaux; l’étude de M. Bergeron fait justice des assimilations erronées auxquelles cer- lains auleurs avaient été conduits. Moins bien carac- térisé que dans l’Ardenne, le Dévonien présente cepen- dant ici une série très complète, sauf pour la division inférieure, non fossilifère, Le Permo-Carbonifère com- prend des dépôts marins à faune de Visé et des bassins houillers du Houiller supérieur, auxquels M. Bergeron à pu appliquer la théorie des deltas de M. Fayol. Le Permien ne comprend que ses divisions in- férieures et moyennes, Une partie très importante du travail est consacrée à l'étude des roches éruptives de la région, granites, BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 649 —]————a— granulites, microgranulites, Un chapitre est consacré à la stratigraphie générale et à l’analyse des mouve- ments dont le Rouergue et le Montagne-Noire ont été le siège. Enfin, le mémoire se termine par un appen- dice paléontologique dans lequel sont décrites les es- pèces nouvelles les plus importantes, Cet excellent travail peut être considéré comme un modèle de monographie régionale. Stratigraphie, pétro- graphie et paléontologie y sont traitées de main de maître et M. Bergeron n’a laissé que bien peu à glaner à ceux qui voudraient après lui reprendre l'étude de la région qu'il a étudiée, A. Bicor. Boiret (H.). — Sur le traitement de la Carie. Annales agronomiques ; t. XVI, p. 289. Les expériences de M. Boiret onf eu pour objet de rechercher l'effet comparatif du sulfate de cuivre, du sulfate de fer, de l'acide sulfurique et de quelques autres produits dans le traitement de la carie du blé. L'auteur examine d'abord l'effet direct des divers antiseptiques cités sur les cultures du champignon de la carie et constate que le sulfate de cuivre employé en solution à 5 pour 1.0 0 a seul le pouvoir d'arrêter com- plètement le développement du champignon, pouvoir que ne possèdent pas l'acide sulfurique, le sulfate de fer, le sulfate de zinc, même à dose relativement haute. M. Boiret étudie ensuite l'influence que ces mêmes produits exercent sur la germination du blé. Les semis étaient d'abord mis à macérer dans les solutions anti- septiques à diverses concentrations; puis la moitié était semée telle quelle, tandis que l’autre était préala- blement pralinée avec de la chaux en poudre. l'effet général du chaulage a été excellent, surtout quand les solutions employées étaient relativement concentrées,ce qui se comprend du reste, la chaux préservant le grain des atteintes d’un traitement trop énergique; on re- marque aussi que l'effet d’un même produit varie beaucoup selon les variétés de blé. L'auteur examine ensuite les résultats relatifs à chaque antiseptique en particulier et arrive aux conclusions suivantes : L'acide sulfurique est sans valeur pour la pratique des sulfatages, car le blé est très sensible à son action, tandis que la carie résiste, même dans une solution à 20 pour 1.000 ; le sulfate de fer est peu nuisible à la faculté germinative du blé; mais il est insuffisant, même en solution à 50 pour 1.000,pour enrayer la carie, Les produits à base de chaux n'attaquent pas les se- mis de blé, mais ne détruisent pas non plus la carie ; le procédé de Mathieu de Dombasle est, au contraire, excellent : il consiste à arroser le grain avec une solu- tion de sulfate de soude à 80 pour 1.000, puis à la chauler ensuite. Enfin, le sulfate de cuivre est, selon l’auteur, le meil- leur préservatif du blé contre la carie. M. Boiret dé- montre l’exagération des craintes qu'on émetlail au- trefois à propos de la toxicité des sels de cuivre; le meilleur procédé d'application de cet antiseptique se- rait, non pas l’aspersion qui, si parfaite qu'elle soit, ne s'étend pas à tous les grains soumis au traitement, mais bien le simple trempage de la semence ou mème son immersion pendant une demi-heure dans une so- lution de 1/2 à 1 % En résumé, les seuls procédés pratiques à employer contre la carie, tout en conservant la faculté germi- native du blé, seraient le traitement au sulfate de soude suivi d’un chaulage, selon la formule de Mathieu de Dombasle, ou le trempage en solution de sulfate de cuivre à à pour 1.000 sans chaulage. A. HÉBERT. 4° Sciences médicales. Cooper Curtice, — Lesparasites animaux du mouton. Un vol. in-8° de 222 pages avec 36 planches. Washington, Government printing office . 1890. Cet ouvrage, édité avec un luxe auquel nous ne sommes malheureusement guère habitués en France, à été publié par les soins du ministère de l'agriculture des Etats-Unis. Les maladies du mouton occasionnent chaque année, dans cette immense contrée, des pertes énormes qui non seulement sont une cause de ruine pour les producteurs, mais relentissent en outre, à un hant degré, sur l'industriel et le consommateur, Or, celles de ces maladies dont l'influence est le plus dé- sastreuse sont précisément de nature parasitaire, C’est ce qui explique pourquoi le gouvernement américain à encouragé, de la facon la plus sérieuse, les travaux de M. Curtice. L'ordre dans lequel sont répartis les éléments de l'ouvrage est des plus simples. Les parasites sont étu- diés un à un, les Arthropodes en premier lieu (Insec- tes, Acariens et Linguatules), les Vers ensuite (Cestodes, Trématodes et Nématodes), Pour chaque espèce, lau- teur donne la description succincte du parasite, puis étudie son évolution lorsqu'il y a lieu ; son mode d’in- troduction dans l'organisme, et les troubles qu'il est susceptible de provoquer : symptômes, lésions et traitement. Le tout est exposé d'une facon assez sommaire, mais toujours elaire, et les données sont en rapport avec les progres les plus récents de la science, Plusieurs des parasites étudiés n'avaient pas été, jus- qu'à présent, signalés chez le mouton: tels les Tricho- dectes limbatus et climaæ, de la Chèvre, le Tænia sim- briata, des Cervidés, le Shrongylus ventricosus, du Bœuf, Une espèce tout à fait nouvelle se trouve décrite avec détails: l'OŒEsophagestoma columbianum, qui vit dans le cæcum et dont les larves sont enkystées dans de petites tumeurs de cet organe, Chaque description est accompagnée de fort beaux dessins, les uns eui- pruntés pour la plupart à des ouvrages francais, les au- tres exécutés d’après nature par deux artistes attachés au Bureau of animal industry. Voilà comment, dans la libre Amérique, le gouver- nement sait encourager les œuvres scientifiques. On ne peut que souhaiter de voir un tel exemple suivi chez nous, A. RAILLIET, Perroncito, Professeur à l'Ecole vétérinaire de Turin. — Le Micro-organisme du Typhus du Cheval. Giornale di medicina veterinaria pratica et di zootechnia, Turin, août 1890. M. Perroncito a réussi à obtenir descultures pures d’un micro-organisme recueilli dans le sang et dans la rate de chevaux morts du typhus. Ce microbe diffère du Bacterium pneumoniæ crouposæ Equi récemment décrit par l’auteur. Il offre de nombreuses analogies avec les agents de la septicémie hémorrhagique, de la pneu- moentérite infectieuse des pores, du choléra des poules et surtout du typhus humain. Toutefois les cultures faites par piqüre sur gélatine forment des stralifications plus épaisses, moins frangées, d’un aspect plus blan- châtre à la partie supérieure du tube et moins granu- leux sur le trajet de la piqûre. Sur la pomme de terre le développement du bacille équin est plus rapide que celui du bacille humain. Pour l'obtenir en grande quantité, il suffit de recueil- lir dans des vases stérilisés du sang ou de la pulpe splénique d'un cheval typhique et de laisser ces vases pendant 24 heures à la température ordinaire de l'été et à l'abri des germes du dehors. D'abord peu nom- breux, les micro-organismes se développent rapidement. Le lait est pour eux un excellent milieu de culture ; ils ne paraissent pas en altérer sensiblement les pro- priétés. Par injection de la culture pure, M. Perroncito a re- produit sur le cheval tous les symptômes caractéristi- ques de la maladie. Il à retrouvé ensuite le bacille dans le sanget dans la rate, Le mème microbe produit chez le mouton l'apparition d’une forme typhique, Il tue rarement le cobaye, presque jamais le lapin. L. O, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER A la date du présent numéro, les vacances de lu Société Française de physique ef de la Société chimique de Paris, de la Société royale, et des Sociétes de Physique et de Chimie de Londres, de l'Académie des Sciences de Bruxelles, de l'Académie des Sciences et des Société de Physique et de Physiologie de Berlin, de l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, des Sociétés savantes d’Odessa, de l'Académie des Sciences de Vienne, v{ de l'Académie royale de Lincei, sont {erminées. A partir du 15 novembre prochain, nous reprendrons la publication, suspendue pendant leurs vacances, des comptes rendus de ces Sociétés : ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 6 octobre 1890. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Emile Picard : Sur la détermination des intégrales de certaines équations aux dérivées partielles du second ordre. — M. P. H. Schoute : Sur les figures planes directement sem- blables. — M, de Sparre : Sur le mouvement du pen- dule de Foucault. 2% SCIENCES PHYSIQUES. — M, H. Faye signale les nombreux cas de foudre en boule qui ont été observés pendant le tornado de Saint-Claude ; il donne lecture d’un rapport de M. Cadenat, qui décrit plusieurs de ces boules de feu, fracturant les portes, arrachant les serrures, trouant les vitres comme à l’emporte-pièce. — M. Mascart émet l'opinion qu'il serait prudent de faire des réserves sur l’existence objective du tonnerre en boule, — Dom Pedro d’Alcantara rapporte un exemple de ce phénomène dont il a été autrefois témoin, 3° SCIENCES NATURELLES. — M. P. Miquel propose d'utiliser pour le dosage de l’urée la diastase que sé- crètent les baccilles urophages cultivés dans du bouil- lon. Deux titrages alcalimétriques, l’un avant et l’autre après l’action de la diastase sur la liqueur à étudier donnent par différence le chiffre de l’urée. Ce qui fait la supériorité de cette méthode, c’est que-le résultat de l'analyse n’est pas faussé par la présence de sels am- moniacaux et de matières extratives azotées. — M. Oni- mus à constaté que diverses essences végétales (thym, eucalyptus, citron), évaporées sur de la mousse depla- tine, détruisent la virulence des crachats tuberculeux avec lesquels on les met en contact. L'inhalation de ces vapeurs à des malades à fait perdre aux ecrachats de ces malades leur mauvaise odeur, — M. Maupas avait montré que chez l'Hydatina senta (Rotifères) cer- taines femelles pondent, malgré l’accouplement, des œufs parthénogénétiques ; de nouvelles observations lui ont fait voir que ces femelles rebelles à la fécondation sont toujours des pondeuses de femelles; les seules qui puissent être fécondées sont celles qui, sans l’accou- plement, auraient pondu des œufs parthénogénétiques males, — Des expériences de culture du blé que M. Pa- gnoul a faites dans un sable siliceux stérile, il résulte que : 1° l'abondance de l'acide phosphorique augmente considérablement la proportion du grain par rapport à la paille; 2° l’azote ammoniacal peut être assimilé par les plantes lorsque la fermentation nitrique fait défaut, mais il parait être, sous cette forme, notablement in- férieur à l’azote nitrique, au point de vue de l’alimen- tation de la plante. — M. St. Meunier apporte quel- ques nouveaux faits à ajouter à ceux par lesquels il a établi les propriétés minéralisatrices du fluor : par l'addition du fluorure d’aluminium, il a pu dans un creuset chauffé par un simple feu de coke non renou- velé, obtenir la sillimanite, la tridymite et le feldspath labrador en partant de leurs éléments. Séance du 13 octobre 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. A. Petot : Sur les équations linéaires aux dérivées partielles, — M. L. Bi- gourdan : Observation de la comète d’Arrest (retrouvée par M. Barnard le 6 octobre 1890) faite à l'Observatoire de Paris, — En présentant le cinquième fascicule du Bulletin du comité international de la carte du ciel, M. Mouchez annonce que les préparatifs de ce grand travail sont terminés dans la plupart des observatoires ; la dernière réunion préparatoire du comité est fixée au 31 mars prochain à Paris. — M. Mouchez commu- nique une photographie de la nébuleuse annulaire de la Lyre obtenue à Alger par MM. Trépied et Rabour- din, par une pose de six heures en deux séances; il fait remarquer qu'avec cette longue exposition, la né- bulosité est plus accusée vers le centre qu’elle ne le paraît à l’observation directe. — M. Baïllaud envoie une photographie de cette même nébuleuse, obtenue à Toulouse par MM. Andoyer et Montangerand après neuf heures de pose. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. F. Argyropoulos à observé qu'un fil de platine fin et assez long vibre comme une corde sonore lorsqu'on le maintient à l’in- candescence par un courant interrompu ; on obtient des nœuds et des ventres d'autant plus nombreux que le filest moins tendu. —M.R. Varet a formé et étudié diverses combinaisons ducyanure de mercure avec les sels de lithium, l’iodocyanure, le bromocyanure et le chlorocyanure de mercure et de lithium. — M. H. Mal- bot a étudié les conditions dans lesquelles laction de l’ammoniaque sur le chlorure d’isobutyle permet d’ob- tenir des quantités notables de monoisobutylamine ; d’une série d'expériences, dans lesquelles il a chauffé le chlorure d'isobutyle en vase clos avec des proportions croissantes d’ammoniaque aqueuse et pendant des temps variables, il résulte qu'il faut employer un grand excès d’ammoniaque et ne pas prolonger l’opéra- tion au delà d’un temps donné, pour que la monoiso- butylamine qui se forme d'abord ne soit pas remplacée par progression par la diisobutylamine — Continuant ses recherches sur l’action du sodium sur les nitriles primaires de la série grasse, suivant la méthode de E, von Meyer, M. Bouveault fait voir que le dérivé iodé provenant du mélange de deux nitriles, traité successi- vement par un iodure alcoolique, puis par l'acide chlorhydrique, donne un nitrile $ acétonique. Les éthers correspondant à ces nitriles sont faciles à obtenir. La méthode est générale. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. E. Bourquelot a trouvé des quantités notables de tréhalose et un peu de man- nite dans des champignons (Lactarius piperatus) traités immédiatement après la récolte. La même espèce, désséchée préalablement, contient de la mannite et point de tréhalose, M. Bourquelot a démontré que : 1° la tréhalose existe réellement dans le champignon frais et disparaît pendant la dessiccation ; 2° cette dis- parition est produite par l’activité biologique des cel- lules du champignon; elle n’a plus lieu si l’on suspend cette activité par le chloroforme, — M. F. Guitel, dans une note antérieure, avait montré que le canal muqueux latéral manque chez divers Cycloptérides ; il a étudié la facon dont se comporte chez ces poissons le nerf latéral; celui-ci est sous-cutané et fournit des filets à une ligne latérale dont les corpuscules termi- naux font librement saillie à la surface de la peau. A la tête, ces organes suivent la règle générale et sont abrités dans des canaux muqueux, — M. G. Curtel a cherché à élucider par des recherches physiologiques ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 651 le rôle des enveloppes florales, Il à constaté que les diverses pièces du périanthe jouissent d’une activité considérable au point de vue de la transpiration et surtout de la respiration; l'assimilation, naturellement en rapport avec la quantité de chlorophylle contenue dans les organes, est toujours faible. Il en résulte que les phénomènes d’oxydation dominent, M. Curtel émet l'hypothèse que le périanthe servirait au moins pour une part, à la préparation des corps plus ou moins oxydés que l’on trouve en général dans les fruits. — M. A. de Lapparent avait étudié, il y a quelques années, les porphyres de l'ile de Jersey; les croyant intercalés entre les schistes cambriens et un conglo- mérat attribué au nouveau grès rouge, il les avait assi- milés aux porphyres permiens des Vosges et du Morvan, de structure identique. De nouvelles obser- vations lui ont montré que ces éruptions de Jersey sont plus anciennes et doivent ètre rapportées au cambrien; on les trouve, en effet, par places, imbri- quées dans les schistes de cet âge. Le conglomérat pourpré sus-jacent serait lui-même plus ancien qu'on ne le croyait. Séance du 20 octobre 1890. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Lelieuvre : sur cer- taines classes de surfaces, — M. H. Resala fait l’étude du mouvement d'un vieil appareil de physique qui existe au Conservatoire des Arts-et-Métiers : cet appa- reil est constitué par un mobile en forme de double cône et deux guides rectilignes également inclinés sur l'horizon, formant entre eux un angle à sommet infé- rieur ; le mobile étant placé sur ce plan incliné de manière que son équateur coincide avec le plan verti- cal de la bissectrice de l’angle, il se déplace de telle sorte qu'il semble remonter le plan incliné — MM. G. Rayet, L. Picart et Courty : observations de la comète Brooks (19 Mars 1890) faites ou grand équa- torial de l'observatoire de Bordeaux. — M.R. Radau à calculé l’ordre de grandeur des déviations des axes principaux du globe auquel peuvent donner lieu les phénomènes météorologiques, tels que des chutes de neige, ainsi que les oscillations de la mer. Les marées à cause de leur vitesse n’ont qu'une action négligeable mais s’il s’agit d’un phénomène local et annuel, une masse d’eau de 2000 K®° convenablement placée pro- duirait une variation de latitude appréciable, Une série d'observations exécutées à Berlin, Potsdam et Prague par M. Albrecht en 1889 ont montré une variation pé- riodique de la latitude d’un même lieu, avec un maxi- mum en été et un minimum en hiver, — M, A. Gaillot, qui avait lui-même tiré une conclusion identique des observations faites à Paris de 1856 à 1861 discute les hypothèses par lesquelles on peut expliquer le phé- nomène, Le déplacement de l’axe de rotation à l’in- térieur de la terre n’est pas démontré; une réfrac- tion irrégulière dans les couches atmosphériques peut être admise malgré les précautions prises. De nouvelles recherches systématiques sont necessaires. — M. Des- landres indique le dispositif dont il se sert pour faire l’étude spectroscopique des étoiles avec le grand té- lescope de l'Observatoire de Paris, — M. J. Fenyi dé- ecrit deux protubérances solaires, exceptionnelles dans leur dimension et leur forme, qu’il a observées à l’'Ob- servatoire de Haynald, à Kalocsa (Hongrie). 20 Sciences PHYSIQUES. — M. A. Trécul rappelle qu'il a signalé à l’Académie, il y a dix ans, un phénomène électrique qu’il avait observé sur les paratonnerres de la halle aux vins, et qui ressemblait, comme les éclairs décrits par M. Touvelot, aux étincelles d’une machine d’induction. — M. H. Moissan a déterminé à nouveau l'équivalent du fluor, en décomposant par l'acide sul- furique du fluorure de sodium pur, obtenu synthéti- quement; il donne le chiffre de 19,05, — M. L. Bou- veault a continué l’étude de l’action des amines aro- matiques et de la phénylhydrazine sur les nitriles B-acétoniques, qu'il avait commencée avec M. Hanriot. Il établit la constitution des composés ainsi obtenus. — MM. L. Roos et E. Thomas montrent que le plätrage fait apparaître dans les vins du sulfate neutre, et non du sulfate acide de potasse, La double décomposition n'a pas lieu seulement dans les vins entre le plâtre et le tartre, mais aussi avec divers sels de potasse à acide organique, L’addition d’acide sulfurique donne lieu au contraire à un sulfate acide, On peut distinguer cette acidification du plàtrage au moyen du procédé de dosage indiqué par les auteurs, 3° ScrencEs NATURELLES. — M. Bourquelot, poursui- vant ses recherches sur les matières sucrées des cha1m- pignons, établit que le fait signalé par lui chez le Lucta- rius piperatus, à savoir la présence de la tréhalose chez le champignon frais et la transformation de cette substance en mannite pendante pendant la dessiccation, est un fait général, Il montre de plus que le même phénomène a lieu pendant la vie normale du cham- pignon, et que la tréhalose des exemplaires jeunes est remplacée par de la mannite chez les exemplaires avancés; sur 14 espèces, l’Amanila mappa fait seule exception; dans quelques cas, il apparait de la glucose. — M. P. Marchal décrit l'appareil exciteur de la Lan- gouste, de la Gébie et du Crangon. — M. P. Pelseneer montre que la conformation du rein des acéphales, étudié chez les formes où il est réellement le moins différencié (Solenomya Nucula) n’est pas essentiellement différente de ce qu’elle est chez les Prosobranches, mais est au contraire très semblable à ce qu'on observe chez les représentants les plus inférieurs de ce groupe, L. LAPICQuE, ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 7 octobre M. Rochard, sur la dépopulation de la France, est d'avis que les mesures législatives et fiscales pour aug- menter la natalité auront moins d’action que les me- sures hygiéniques pour la diminution de la mortalité pouvant, du reste, augmenter la natalité en remédiant aux causes de stérilité de plus en plus nombreuses. L'Académie devrait done demander aux pouvoirs pu- blics : moins d’indulgence pour les coupables d’avor- tement; le rétablissement des tours ou bureaux secrets ; l'application de la loi Roussel; la vaccination obliga- toire; des mesures de désinfection après les maladies contagieuses; la répression de la prostitution ; l’assai- nissement des villes, casernes, lycées, prisons, etc. etc. — M. Périer, présente deux cas de laparotomie suivis de guérison pour : kyste hydatique du foie et dilatation énorme de la vésicule biliaire prise pour un kyste épiploïque.— M. Desnos, rend compte de ses recherches sur l’exalgine (méthylacétanilide), médicament nul comme anti-thermique, très puissant comme analgé- sique, bien toléré par l'estomac, agissant aux doses de 0,25 à 0,50 jusqu'à 1,50, — M. Nocard lit son rap- port sur un travail de M. Peyraud relatif à la vaccina- lion chimique du tétanos par la strychnine, reconnue inadmissible, et à la virulence tétanique d’une terre non cultivée depuis de longues années, fait reconnu exact, — M, Delthil présente une note sur l'identité et la transmissibilité de la diphtérie humaine et animale (gallinacées). Séance du 14 octobre. M. Berger présente deux malades atteints, l’un d’ul- cère syphilitique, l’autre d’ulcère suite de brûlure des jambes, guéris au moyen de l’autoplastie par la mé- thode italienne. — M. Fort communique un cas de guérison de rétrécissement cicatriciel de l’æsophage chez une jeune fille de 19 ans, par l’électrolyse linéaire. —M.Baudon lit un travail tendant à prouver que la dia- thèse goutteuse est plus fréquente qu'on ne le croit, chez la femme. — M. Decroix, à propos de la dépopu- lation de la France, demande comme président de la Société contre l’abus du tabac, que l’Académie émette le vœu qu’une loi interdise de fumer avant l’âge de 16 ans. — M. Chauvel lit des rapports : sur un travail de M. Vaslui, relatif à trois observations de trépanation CHRONIQUE du crâne, suivies de succès, pour des accidents tardifs d’encephalite à la suite de traumatisme ; sur un travail de M. Gaelezowski relatif au traitement des rétrécisse- ments du canal lacrymal par l’incision du sphincter au dessous du point lacrymal. — M. Charpentier lit son rapport sur le prix d'hygiène de l'enfance : « de l'édu- cation des sens de l’ouie et de la vue pendant la seconde enfance », — M. Marjolin lit un rapport sur un tra- vail de M. Duménil, traitant des logements pauvres à Paris, au point de vue de leur danger pour la santé publique, et des moyens à employer pour améliorer ces habitations malsaines. D'E. pe LAVARENNE. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 11 octobre 1890, MM. Cadéac et Meunier ont étudié sur le chien les propriétés physiologiques de l’essencedes Calamus aro- muticus ; à petites doses, cette essence est excitante et allère le caractère des animaux intoxiqués; à fortes doses, elle détermine des cerises épileptiformes, — M. Ch. Feré, ayant remarqué sur des épileptiques sou- mis à la bromuration à haute dose, que les accidents du bromisme débutent par des troubles gastro-intesti- naux, a été amené à employer contre ces accidents les antiseptiques intestinaux (naphtol É, salicylate de bis- muth) et il a obtenu de bons résultats. Il rapporte un nouveau fait d’inoculation vaccinale à un sujet hémi- plégique, ayant donné un résultat positif du côté para- lysé seulement. Le même auteur a constaté chez un épileptique pendant un accès d’agitation, les mêmes faits relatifs à la toxicité urinaire que ceux qu'il a si- gnalés pendant accès épileptique vrai; c’est-à-dire que le coefficient urotoxique s'élève au-dessus de la nor- male pendant l'accès pour descendre au-dessous de la normale après l'accès. — M. E. Gley ayant pu expé- rimenter sur le corps d’un supplicié, à Epinal, une minute et demi après l’exécution, a observé les faits suivants sur le cœur de ce sujet : le cœur battait lente- ment, comme sous l'influence de l’excitation du vague; deux piqûres de scalpel dans la région du centre de Kronecker ont déterminé dans le ventricule des trému- lations définitives; les oreillettes entrèrent aussi en trémulations, mais reprirent peu après leurs battements rhytmiques. Il a noté en outre des contractions rhyt- miques spontanées des faisceaux musculaires du dia- phragme. — MM. D. Sanchez-Toledo et A. Veillon ont produitle tétanos chez des lapins en leur inoculant sous la peau des excréments de cheval et de bœuf bien portants ; dans les plaies des animaux ayant succombé au tétanos ainsi provoqué, l'examen bactériologique à fait retrouver le bacille de Nicolaier.— M. Bourquelot: Sur la présence et la disparition du tréhalose chez les champignons. (V. Académie des Sciences. Séance du 13 octobre, p.650), — M. Schmitt a étudié l’action physio- logique du chlorhydrate d’oréxine. Cette substance est faiblement toxique ; à dose forte, elle tue les mammifères par méthimoglobinémie, Essayée sur l’homme sain, à petites doses, elle est restée sans effets ; en augmen- tant la dose, on n’a obtenu que des crampes d'estomac ; sur les anorexiques, elle a amélioré l'appétit dans un quart des cas. In vitro, elle n’a aucune action sur les processus chimiques digestifs. Enfin, elle n’augmente pas la sécrétion gastrique d'acide chlorhydrique. — M. Charrin soumet à l'examen de la société les viscères d’une chatte qui a succombé lentement à l'infection pyocyanique ; il existe une dégénérescence graisseuse généralisée, En rapprochant ce fait de quelques autres analogues, M. Charrin pense qu’il s’agit d’une réaction propre à l'espèce. — M. E. Thierry a essayé l’inocula- tion du liquide testiculaire de cobaye sur un bélier impuissant ; le résultat a été négatif, — M.E.Retterer a étudié le développement du prépuce, de la couronne du gland et du col du pénis chez l'embryon humain; le gland se différencie du corps du pénis par la pro- duction d’une invagination épithéliale qui en s’enfon- cant dans le derme et le tissu sous cutané, creuse le sillon rétroglandaire; plus tard la peau se soulève en arrière de ce sillon, et s’accroissant d’arrière en avant forme le prépuce. — M. Lataste : Expériences à l'appui d’une théorie nouvelle de la gestation extra-utérine. (Mémoire). — MM. Cadiot, Gilbert et Roger ont re- pris l'étude de la question de la tuberculose des vo- lailles, D’après leurs recherches qui sont encore en voie de développement, on peut admettre que 1° le bacille de la tuberculose aviaire doit être distingué du bacille de la tuberculose humaine, au moins en tant que variété ; 2 cette tuberculose est transmissible de volaille à volaille; 3° le lapin présente pourelle une réceptivité plus grande que le cobaye, à l'inverse de ce qui a lieu pour la tuberculose humaine. Séance du 18 octobre 1890 A propos de la communication de MM. Sanchez-Toledo et Veillon,M.Capitanannoncequ'ila trouvé danslasalive d'un lapin sain un micro-organisme dontles cultures, ino- culées à ce même lapin, l'ont fait mourir du tétanos. — M. Maurel a étudié expérimentalement l’action de la température sur les leucocytes humains. Il a vu que ces éléments, à peu près immobiles au-dessous de 25°, pré- sentent leur maximum d'activité entre 39° et 43°; ils sont tués par une température de 46°, — MM. Cadiot, Gilbert et Roger ont comparé chez la poule et le fai: san les lésions que produit dans le foie de ces animaux le virus de la tuberculose aviaire ; de leurs recherches résulte ce fait, qu'un même agent provoque chez ces deux espèces voisines l’une de l’autre des réactions franche- ment différentes, — M. L. Olivier avait montré, dansun travail antérieur, queles communications protoplasma- tiques intercellulaires, observées chez certaines algues et,en quelques cas, chez des végétaux vasculaires, cons- tituent un fait général de biologie végétale ; de nou- velles recherches micro-chimiques dans lesquelles lu plante a étéanesthésiée avant fixation, pour éviter le re- trait du protoplasme, lui ont fait reconnaitre que Ja substance vivante doit êtreconsidérée comme continue dans toute l'étendue du végétal, — M. Retterer a étu- dié le développement du fourreau et de la partie libre de la verge chez les mammifères quadrupèdes ; chez ces animaux, l’invagination épithéliale retroglandaire, qu'il a signalée chez l'homme, remonte tout le long du pénis, d’abord engagé dans l'épaisseur de la paroi ven- trale ; elle le libère des parties voisines et forme ainsi le fourreau, L. LAPICQUE. CHRONIQUE LA PILE-BLOC À LIQUIDE IMMOBILISÉ M. E, Meylan a fait récemment à la Société interna- tionale des Electriciens une très intéressante confé- rence sur une pile imaginée par M. Germain pour les usages domestiques et pour la télégraphie et la télé- phonie, Cette pile est constituée à peu près comme les piles Leclanché, et utilise les mêmes matières; mais pour la rendre essentiellement commode et transpor- | table, l'inventeur, M, Germain, à immobilisé le liquide entre les grains extrèmement ténus d’une matière organique très légère, le cofferdam. Le cofferdam est cette poudre de cellulose extrait de la noix de coco et qui a une légèreté spécifique si grande qu’elle ne semble pas, quand on en prend de petites quantités à la main, avoir de poids appréciable PSE CORRESPONDANCE 653 On sait que, imprégnée d'un liquide, celte substance subit un yonflement considérable, tellement considé- rable que l'amiral Pallu de la Barrière l’a utilisée pour former, quand elle est comprimée entre deux parois solides, un revêtement hydrofuge destiné à revêtir la coque des cuirassés à la flottaison : si un boulet perce la coque, l’eau entre, atteint la cellulose dont le gonfle- ment suffit à l'obturation de la blessure faite au navire, C’est même à cette application que la matière doit son de cofferdam. La pile Germain ou Pile-Bloc est formée comme la pile Leclanché d’un zinc baigné par du sel ammoniac en dissolution et d'un charbon entouré de bioxyde de manganèse; le charbon à la forme plate, est placé entre les deux zines, dont il est séparé par deux lits de cof- ferdam imprégné sous pres- sion de la liqueur excitatrice, comme le montre la figure ci-jointe qui représente une coupe de l'appareil. Le tout est enfermé dans une boîte de bois dur injecté et verni, absolument inattaquable ; la boîte est hermétiquement fermée et les deux bornes servant de prises de courant aboutissent seules à son extérieur. De cette facon, grâce à l’absorption de liquides par le cofferdam il w°y aucune exsudation, le liquide est bien immobilisé, et de plus le tout forme une masse tellement compacte, tel- lement solide que le nom de Pile-Bloc caractérise mer- veilleusement cet instrument. La pile étant une fois construite, il restait à en étudier les propriétés électriques : ce travail a été fait avec le plus grand soin par M. le D' Wuilleumier dont on con- nait la belle détermination de l’ohm. Ces détermina- tions ont établi que la pile avait une force électro- motrice constante de 4 volt, 5 avec une régularité de débit qui montrent la possibilité de l'usage de la pile-bloc pour des courants relativement intenses, Grâce aux modèles variés présentés par M. Meylan à la Société des Electriciens, nous avons pu nous con- raincre de la commodité de la pile dans un grand nom- bre d’usages domestiques téléphoniques et surtout militaires : pour ces derniers la transportabilité de la pile et son indifférence aux chocs semblent la désigner à l’e’clusion de toute autre. Alphonse BERGET. CORRESPONDANCE SUR LA BIOGRAPHIE DE HIRN Nous recevons de notre éminent collaborateur, M. Dwels- hauvers-Dery, la lettre suivante, que notre impartialité nous fait un devoir de publier : Liève, 13 octobre 1890. MONSIEUR LE DIRECTEUR. Dans votre numéro du 30 avril, page 252, se trouve un compte-rendu de la séance du 1° mars de lAca- démie de Belgique, fait par M. Folie, reproduisant en grande partie la notice que cet académicien avait lue sur mon illustre ami G. A. Hirn. Or cette notice renferme, outre des appréciations absolument fausses à mon avis, une erreur de fait prouvant que M. Folie n'a pas la moindre connaissance non seulement de Fhomme dont il a parlé, mais même des œuvres scien- tifiques de cet homme. C’est étrange sans doute, mais ce qui l’est plus encore, c’est que M. Folie, dans son compte-rendu de la séance de notre Académie du 5 juillet (numéro du 30 juillet, page 459), n’a pas souf- flé mot de la réponse que j'ai faite à sa notice et que l’Académie a décidé d'insérer à son Bulletin, sur le rapport de ses commissaires, Dans l’intérèt de la vé- rité, et par respect pour vos estimables lecteurs, je viens vous prier de vouloir bien reproduire in extenso la note rectificatrice que j'ai eu l'honneur d'envoyer à l’Académie de Belgique et dont ci-joint un exem- plaire, tiré à part de son Bullelin. Veuillez agréer, ete, V. DweLshAUvERS-DERY, Voici la notice de M. Dwelshauvers Dery : SUR UNE NOTICE BIOGRAPHIQUE RELATIVE A (.-A, Hinx, récemment insérée dans le Bulletin de l'Académie !, Observations présentées par M. Dwelshauvers-Dery. professeur à l’Université de Liège. . Amiintime et confident de Hirn, j'ai été péniblement impressionné en lisant, dans un des derniers numéros du Bulletin de l'Académie, une notice dans laquelle M. Folie apprécie son illustre confrère, Outre des affir- mations erronées, provenant de ce que l’auteur ne connaissait pour ainsi dire pas l’homme dont il parle, elle renferme une erreur de fait contre laquelle c’est l Extrait des Bull. de l’Acad. roy. de Belgique, 3° série, t. XX, n° 7. pp. 132-137, 4890. un devoir sacré pour moi de protester, car elle revient à une imputation que Hirn aurait tenue pour injurieuse, celle d’avoir expérimenté dans le but de faire prévaloir une idée préconcue et non en vue de chercher la vérité. « Hirn, dit M. Folie (1), se rangea d'abord parmi les «adversaires de la théorie de R. Mayer, et ce furent « les expériences qu'il institua dans l'intention de la ren- « verser qui le convertirent et firent de lui l’un de ses « plus fervents adeptes. » Voici la vérité, que M. Folie connaïtrait s’il avait lu les pages 188 à 277 du Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, tome XXVI, 1854 : Hirn, alors simple surveillant des machines de la manufacture Haussmann, au Logelbach, avait, vers 1845, institué une série d'expériences sur le frottement, dans le but modeste d'essayer les huiles de graissage. Il avait remarqué que le frottement produisait du calo- rique, dont il avait mème mesuré la quantité; et c’est au cours de ces expériences qu'il découvrit la loi for- mulée comme il suit (p. 202, loc cit.) : « La quantité « absolue de calorique développé par le frottement « médiat est directement et uniquement proportionnelle « au travail mécanique absorbé par ce frottement .. » C'est la loi d'équivalence de Mayer, énoncée pour un cas particulier, et elle était inscrite dans le mémoire de Hirn que Fourneyron présenta à l’Académie des Sciences de Paris le 25 février 1848, et qui fut ensuite retiré par son auteur, Ce mémoire ne vit le jour qu'à la séance du 28 juin 1854 de la Société industrielle de Mulhouse. Dans le Bulletin de cette Société, tome XXVE, se trouve, à la suite du mémoire, une notice dont je fais un extrait un peu long peut-être, mais nécessaire pour établir la vérité (pp. 238 et suiv.) « À l’époque, dit Hirn, où j'exécutais cette série « d'expériences sur la production du calorique par le « frottement, j'ignorais complètement ce qui avait été « fait de précis sur le même sujet, d’une part, et depuis « quelques années déjà par Mayer de Heilbronn, « d'autre part, et plus récemment par Joule, en Angle- « terre, el par Regnault, en France, J'avais achevé mon « mémoire et je l'avais déposé entre les mains de «M. Dollfus, lorsqu'un article de M. L. Foucault «(Journal des Débats du 8 juin) m'apprit qu’en ce qui « concerne la loi calorifique posée dans le texte, 9e 1 Bull. de l’Acad. roy. de Belgique, 3 p. 17ÿ, 1890. série, t. XIX, n° 3, ep] ©t ES NOTICE NÉCROLOGIQUE « javais été devancé par d’autres physiciens, et me « permit ainsi dememettre à l'abri d’une accusation bien « imméritée de plagiat. D'après ce court exposé, on « voit que j'ai été, à mon insu, devancé quant à la loi « calorifique en question, non seulement en date, mais «encore sous le point de vue de la généralisation du « principe : ce que je restreins timidement au cas « particulier du frottement médiat a été étendu d'une « manière absolue à tous les cas possibles par « MM. Mayer, Joule et Regnault... Considéré dans «l’ensemble et la généralité qu'a su lui donner le « physicien de Heilbronn, l'énoncé du principe dyna- « mique de Mayer constitue certainement une des plus « grandes découvertes de notre époque.....; l’énoncé « de Mayer nous montre que le calorique constitue une « force accélératrice, une cause du mouvement de la « matière pondérable..…… Il n’y a donc,.je le pense, «aucune exagération à dire que les découvertes de «l'existence d’un ÉQUIVALENT DYNAMIQUE du calorique « et d’un ÉQUIVALENT CHIMIQUE de l'électricité se rangent « à bon droit à côté de la découverte de la gravitation « universelle. » Hirn, qui parle ainsi du principe de Mayer quelques jours après qu'il était venu à sa connaissance, à qui ce principe a révélé l’existence de l'ÉLÉMENT DYNAMIQUE, de la rorGE à côté de la matière, ce qui fera désormais l’objet de toutes ses recherches et de toutes ses médi- lations, Hirn va-t-il instituer des expérienecs dans l'INTENTION DE RENVERSER ce qu'il a admiré! Hirn, qui ne connaissait même pas les travaux de Mayer, s’était-il RANGÉ D'ABORD parmi les adversaires de la nouvelle théorie? Erreur de fait donc de la part de M. Folie; mais cette erreur est grave, car elle porte atteinte au caractère si honnête de Hirn, et d'autant plus qu'il s’y joint des erreurs d’appréciation telles que celles-ci : âme illuminée…., des convictions non seulement spürilualistes, mais chrétiennes chez lun couxe chez l'autre (!)..., plu- sieurs travaux importants lui ont été dictés par ses convic- tions spiritualistes et par sa conscience de croYANT (!). Non! M. Folie, qui n’a vu Hirn qu'un quart d'heure dans sa vie, qui a fort peu correspondu avec lui, ne l’a nullement compris ; je me sens même obligé de lui enlever une illusion : cette sympathie dont il se flatte n’était pas partagée par Hirn, j’en ai la preuve, Il n’y avait, d’ailleurs, rien de commun dans le caractère et dans la conviction de ces deux hommes. Ayant donc eu connaissance de la loi de Mayer, Hirn institua, en effet, des expériences, non pour la renverser, mais pour la vérifier. Il avait des doutes, provenant des chiffres différents trouvés dans des ordres de phéno- mènes différents, et c’est pour les dissiper qu’il procéda à des essais nouveaux, dans de nouvelles directions, et principalement sur les machines à vapeur. Est-ce là devenir un converti, un fervent adepte de la théorie de Mayer? J’ose affirmer qu'à la fin de sa vie Hirn ne croyait pas que l’on fût en possession de la véritable valeur de l'équivalent mécanique, ni même d'une démonstration expérimentale de sa constance, A la page 242 du Bulletin de la Société industrielle, déjà cité, Hirn dit : « Ce qui constitue l'importance de « l'énoncé de Mayer, ce qui en fait une des grandes «lois de la nature, c’est sa généralité. Il est donc essentiel de chercher si l'équivalent mécanique varie « d’un cas à un autre, de déterminer l'amplitude de ces « variations, en admettant qu’elles existent, et de voir si cette amplitude est suffisante pour nous permettre « de prononcer contre cette généralité même, qui fait « le premier caractère de l'énoncé de Mayer... » Et page 251 : « elle met en évidence cette généralité, « pourvu qu'à l’énoncé du physicien de Heilbronn on « ajoute cette légère modification : la constance par- « faite de l'équivalent mécanique du calorique est trou- «blée par de faibles éléments perturbateurs, dont la « nature reste encore à déterminer, et ne pourra l'être «que par de nouvelles expériences d'une exactitude « excessive ; autrement dit, 1l est probable que cet équi- « valent est rigoureusement stable, mais que des cir- « constances accessoires, quoique spéciales à chaque «genre de phénomène, modifient très légèrement sa « valeur apparente et ne serviront, une fois bien étu- « diées, qu'à mieux faire ressortir l’universalité de la « loi calorifique. » Les expériences que Hirn institue dans la suite sont d’une nature toute nouvelle; elles se font en grand sur une machine à vapeur de plus de cent chevaux. Comme Va dit Clausius, cette détermination de l'équivalent mécanique est la première obtenue « à l’aide d’une «expérience où l’on ait converti, non la force en « chaleur, mais la chaleur en force, et où le corps «soumis à l’expérimentation soit revenu à son état «primitif », Dans ces nouveaux essais, l’action ther- mique des parois des cylindres était un élément per- turbateur que Hirn étudia et d’où il tira sa Théorie pratique, acceptée par tous ceux qui connaissent les machines à vapeur telles qu’elles sont, et autrement que dans des formules. Le principe expérimental de Mayer avait conduit Hirn à la conclusion que l’univers n’était pas formé d'un élément seulement, la matière en mouvement, qu'on ne pouvait méconnaitre l’existence de l'élément dynamique, ni de l'élément animique. Et c’est sa soif de vérité qui lui a dicté ses expériences et les conclu- sions qu'il en a déduites dans divers mémoires, En fait, ses huit objections à la théorie cinétique des gaz sont restées debout, sans la moindre atteinte. Mais ceci est question d'appréciation. Ma tâche est terminée, et mon but sera atteint, si j'ai pu contribuer à détruire l'impression peu favorable que doit laisser dans l'esprit du lecteur la manière inexacte dont la notice de M. Folie expose les idées et les travaux d’un des plns illustres associés de l’Aca- démie royale de Belgique. NOTICE NÉCROLOGIQUE H, TOUSSAINT La mort du professeur H. Toussaint à plus attristé que surpris ceux qui connaissaient son immense infor- tune, À 34 ans, le mal, frappant à la tête cet expéri- mentateur acharné, interrompait brutalement une carrière suffisamment remplie déjà, pour que l’on pût croire qu'elle était celle d’un homme auquel le temps n’a pas été marchandé, Puis, lentement, sourde- ment, la nature s’est mise à détruire ce cerveau qu’elle avait organisé d’une facon supérieure; les ténèbres sont descendues sur ce foyer de ne un vague amour des vérités à découvrir a persisté d’abord; enfin la nuit sombre est venue, tout s’est éteint; seul le corps a sur- vécu plusieurs années à cet esprit, fait de puissance et d'originalité, et qui, sans dédaigner les travaux des autres, pensait plus volontiers sa propre pensée. Elève de l’Ecole vétérinaire de Lyon, Toussaint s’éprit bien vite pour la science d’un amour qui alla jusqu'à la passion. Il est juste de reconnaître qu'il débutait à un moment où renaissait la faveur des hautes études, et que le milieu dans lequel le sort l'avait placé était merveilleusement propre à développer ces sentiments, Avant d'être un grand corps universitaire officiel, l'Ecole lyonnaise existait ae force des choses. À ne citer que quelques noms, rappelons que Bonnet, qu’Ol- lier avaient illustré sa renommée chirurgicale; que la syphiligraphie s’enorgueillissait de Rollet, de Diday. Tout à côté, sous la vigoureuse impulsion de Chauveau, se créait une féconde pépinière d'expérimentateurs dis- NOTICE NÉCROLOGIQUE 633 tingués. Faut-il préciser ? Faut-il remettre en mémoire la collaboration de maîtres tels que Marey, et noter les recherches d’Arloing, de Tripier, etc, ? Au contact des savants, Toussaint n’imagina rien de plus beau que d’être savant lui-même; il ambitionna leur gloire, leur notoriété, ambition noble et légitime, qu'il devait satisfaire à un âge où la plupart sont encore des élèves. La liste de ses travaux est longue et variée; on ne peut qu'en indiquer les principaux, en signalant leur portée. Cette liste s'ouvre en 1869 par une monographie des plus consciencieuses sur l'anatomie comparée du paeumo-gastrique des animaux domestiques. Vers 1873, il publie une note sur le cheval de la station préhis- torique de Solutré, — Viennent ensuite un traité de chirurgie vétérinaire; des expériences relatives à la circulation; un mémoire sur l'électricité des nerfs, en collaboration avec le professeur Morat, mémoire qui valut à ses auteurs le prix de physiologie expérimen- tale de l’Institut, Il convient de citer encore un ouvrage « sur l'intervention des puissances respiratoires de la rumination », ouvrage qui, complété par des dévelop- pements importants, devait mériter à l’auteur le titre de docteur ès sciences, A l’origine, muni simplement du diplôme de vétéri- naire, Toussaint voulut en effet s'ouvrir l'accès aux fonctions du haut enseignement, IL savait que pour occuper une chaire, dans notre pays, un grade univer- sitaire ou un concours heureux vaut souvent mieux que des connaissances techniques afférentes ou un bagage scientifique personnel. Ne demandant rien à la faveur, il suivit les voies droites, subit les épreuves du baccalauréat, de la licence ès sciences, du doctorat en médecine, devint professeur à l'Ecole vétérinaire, puis à l’Ecole de médecine à Toulouse, — Plus tard, lors des premières atteintes, à une période où à force d’éner- gie linfortuné savant cherchait à retenir ses facultés fuyantes, le gouvernement lui décerna la croix de che- valier, récompense conquise par tant de services et qui semblait venir comme elle vient à ceux qui tom- bent au champ d'honneur. Mais les places et les di- gnités n’ont jamais détourné Toussaint du travail. A un moment donné, quittant la physiologie, il se jeta avec enthousiasme dans la bactériologie, — Une doctrine était née, ne détruisant pas, pour qui savait la comprendre, la vieille médecine, mais l’expliquant, l’éclairant, la complétant; doctrine qui reposait sur l’ap- plication de l’idée la plus simple, la plus grandiose, la plus claire : l’idée pastorienne ; doctrine qui touchait à la chimie la plus élevée en touchant aux fermentations, à la philosophie la plus haute en s’attaquant à la géné- ration spontanée, doctrine qui devait intéresser" l’agri- culture, l'hygiène, la chirurgie, l’obstétrique,-et même fertiliser certaines industries, ete, Jamais peut-ètre pareille révolution n'avait remué la biologie; jamais pareille semence n'avait été distribuée à ceux qui avaient faim de vérité. — Du reste, tout jeune, Tous- saint avait pu voir de près l’étude des virus poursuivie avec succès en même temps que l'étude de la physio- logie. N'est-ce pas du laboratoire où il avait la bonne fortune d’être assistant, qu'était sortie en 1867 cette parole fondamentale : « Les virus (virus de la morve, de la vaccine, de la clavelée, etc.) sont des corps qui ne sont ni liquides, ni gazeux, ce sont des corps solides », et l’expérience fournissait la preuve de cette affirma- tion. ILest vrai que la nature intime de ces corps solides, des principes de ces virus, avait échappé au chef de l'Ecole de Lyon qui les déclarait être des éléments albu- minoïdes. Toutefois, il faudrait une vue singulièrement basse pour ne pas apercevoir par-dessus ce grain de sable l’immensité de l’horizon. Afin de comprendre toute la grandeur de cette découverte, il convient, comme pour d'autres, de la juger non pas avec les données que nous possédons à l’heure présente, mais en se rapportant à la somme de connaissances que l’on avait il y a vingt- quatre ans en bactériologie, c’est-à-dire à un moment où cette science éfait à peine née. Toussaint mettait bientôt hors de doute l’existence du microbe du choléra des poules que Perroncito avait signalé, Ce microbe devait procurer à Pasteur le moyen de créer un vaccin expérimental, et de découvrir une méthode de l’atténuation des virus. La tuberculose, cette question dominante, fixa éga- lement l'attention du professeur de Toulouse. Il étudia la virulence des humeurs, du liquide urinaire, de la sérosité vaccinale. Enfin, il crut avoir cultivé l'agent pathogène, cela à une époque où les idées étaient loin d'être ce qu’elles sont aujourd'hui. L'avenir, il faut le reconnaître, devait montrer que la bactérie isolée n’é- tait pas le microbe de la phtisie humaine. Toutefois, ceux qui ont si vivement et si souvent reproché à son auteur cette erreur microbienne auraient dû au moins se souvenir que Claude Bernard disait qu’il n’y a pas de mauvaise expérience, Il est probable en effet que Toussaint s’est trouvé en présence du germe d’une de ces affections que l’on décrit aujourd’hui sous le nom plus ou moins heureusement choisi de pseudo-tuber- culose, peut-être du germe de la pseudo-tuberculose relatée par Courmont, Le charbon de Davaine fut longtemps la pierre angu- laire de la microbie, quoique la bactéridie ait au point de vue botanique une organisation spéciale, quoique ses sécrétions dans les bouillons habituels ne possèdent que fort peu de propriétés toxiques ou vaccinantes. Cette maladie devait être pour Toussaint un objet d'é- tude de prédilection, Chargé par le Gouvernement de suivre les épizooties de la Beauce, il s’appliqua d’abord à démêler comment les germes pénètrent dans l'organisme. Il vit que cette pénétration ne se produit pas brusquement; que ces germes subissent des étapes dans les ganglions. — En développant ce thème, il en fit sa thèse de doctorat en médecine, thèse qu'il soutint à Lyon en 1879. Simple auditeur à cette soutenance, c’est là que nous l’avons connu; c’est là que nous l’avons entendu développer ses idées sur le charbon en général. Il avait publié, ou publia depuis sur ce sujet divers mémoires : le méca- nisme de la mort, action phlogogène du sang char- bonneux, essai d’une théorie générale de l'infection, enfin et surtout : l'immunité pour le charbon, immu- nité acquise à la suite d'inoculations préventives. L'étonnement, l'éloge et plus encore la critique, accueillirent cette dernière communication. Déjà loin de ces discussions, on peut porter un jugement plus impartial et dire que s’il ne convient pas de louer sans réserve ce travail, encore moins faut-il ne pas trop l’a- baisser ou simplement le passer sous silence. — Tous- saint croyait avoir démontré la théorie des produits solubles, théorie qui semble avoir hanté le cerveau de Claude Bernard au déclin de sa vie, et que le progrès incessant devait mettre en évidence quelques années plus tard. Cette croyance n’était pas exacte, car en chauffant, comme il lindiquait, à 56°, on ne détruit pas complètement les bactéridies, on diminue leur viru- lence, Toutefois, à côté de cette erreur, il reste un fait et une méthode. Le fait est celui de la découverte d’un vaccin, et, dans l'espèce, on sait combien depuis lors ce fait a pris faveur, Les esprits non prévenus sentaient du reste qu'un grand mouvement agitait la médecine, Pasteur avait atténué le choléra des poules. Toussaint élargis- sait le débat; son expérience n'avait pas été réalisée avec l'oxygène, mais à l’aide de la chaleur, méthode ou procédé qui devait atteindre une grande précision entre les mains de Chauveau. Est-ce suivant la formule absolument exacte, suivant celle que nous connaissons aujourd’hui, qu'opérait Toussaint en 1880 ? Autant vaudrait demander : la vérité s’est-elle jamais montrée entière à ceux qui ont eu le bonheur rare et sans égal de la voir se révéler à eux. Le progrès marche ; il a perfectionné cette donnée après beaucoup d’autres, au point de vue théorique, comme au point de vue pratique. Par un besoin instinctif de notre esprit, nous édifions des doctrines, et parfois nos NOUVELLES raisonnements sont faux, quand les expériences sur lesquelles nous nous appuyons sont exactes, De nos opinions actuelles, que pensera-t-on un Jour, qui sera peut-être demain? C’est là le privilège de la méthode expérimentale; elle peut conduire, alors que nous partons de prémisses erronées, àla connaissance, voire même au gouvernement de la nature : il arrive que notre puissance dépasse notre science. Toussaint ne cherchait pas précisément la méthode de l’atténuation par la chaleur, quand il la découvrit. Néanmoins, quelles que soient les critiques et les imperfections de son œuvre, ses expériences suffiront à préserver son nom de l'oubli, D' CHaRRIN. NOUVELLES UN NOUVEAU GAZ : L'ACIDE AZOTHYDRIQUE Le professeur Curtius, de Kiel, auquel on doit déjà la découverte de l’hydrazine, vient de préparer un nou- veau composé gazeux de l’azote et de l'hydrogène. Voici, d’après M. Tutton!, les premiers renseignements communiqués au congrès scientifique de Brème sur cet intéressant composé. D’après l'analyse, ce gaz répond à la formule Ar H. Sa constitution doit ètre exprimée par le schéma Az Il ù Az — H. Az De fait, c’est donc le composé hydrogéné correspon- dant à la diazobenzine-imide de Griess, avec une chaîne fermée de trois atomes d’azote : Az COH5— Az || Az 0 Diazobenzine-imide Ce nouveau gaz est très soluble dans l’eau. La solu- tion possède des propriétés fortement acides; elle est capable de dissoudre plusieurs métaux tels que le zinc. le cuivre et le fer, avec dégagement d'hydrogène et formation d’azotures dans lesquels les métaux rem- placent l'hydrogène mis en liberté. Eu égard à ces pro: priétés fortementacides, le nom d’azo-imide qui convien- drait à ce nouveau corps d'après les règles de la nomen- clature organique ne parait cependant pas-très heureux, C’est pourquoi M. Curtius propose de lui substituer celui d'acide azothydrique (Stickstoff-Wasserstoffsäure). En étudiant les propriétés de l’hydrate d’hydrazine Az2Hi, H20, M. Curtius a constaté que ce corps dé- compose l'acide benzoyl-glycolique. Dans ces condi- tions, deux molécules d’hydrate d’hydrazine réagissent sur une molécule d'acide; il y a élimination d’eau et formation de benzoyl-hydrazine et d’une hydrazine acétique, le tout d’après l'équation : C6H°CO.0.CH2?. COOH + 2H? Az — Az H? — GE —— — ——— RE Acide benzoyl-glycolique Hydrazine C6H5CO.A7H.AzH? + AzH°.A7H.CH2.COOH+H?0 Nm A — — Hydrazine acétique Benzoylhydrazine Sous l'influence de l'acide azoteux, la benzoylhydra- zine forme un dérivé nitrosé, lequel, perdant sponta- nément de l’eau, se change en benzoyl-azo-imide : C5H5.CO — AzH. Az H? + AzO.OH = H? 0 + ST Benzoylhydrazine Acide azoteux AzO + CSHS.CO.A7/ Az H? CT, A < Dérivé nitrosé Az 0 Az CSH5.CO.A2T | —=H?0+C6H9.CO.Az{ || NAz°H2 Az a Dérivé nitrosé Benzoylazo-imide On décompose alors la benzoylazo-imide par ébulli- lion avec un alcali; il se forme un benzoate alcalin et le sel du nouvel acide : 1 The Nature. Octobre 1890, p. 615. Az COH?,CO-A2« | + 2Na OH = H20 + C6H5COO Na AZ NE Benzoylazo-imide Benzaote de soude CE D'.. : Azoture de sodium Il ne reste plus qu'à chauffer cet azoture de sodium avec l’acide sulfurique, pour mettre en liberté l'acide azothydrique. Ce gaz étant décomposé par l'acide sulfurique concentré et chaud, il faut employer pour cette opératiou un acide dilué. L'acide azothydrique possède une odeur très péné- trante, provoquant de violents accès de toux. Il se dis- sout en grande quantité dans l’eau; cette solution n’est pas sans analogie avec celle de l'acide chlorhydrique. Distillée, elle se comporte comme cette dernière: il passe d’abord un acide concentré, puis un acide plus dilué, tous deux de composition constante, La solution aqueuse possède l’odeur du gaz libre et est franche- ment acide au tournesol. Avec le gaz ammoniac, l'acide azothydrique forme des vapeurs denses d’un sel d’ammonium : Az ( A2 composé volatil en dessous de 1009, susceptible,de cris lalliser ; les cristaux n'appartiennent pas au système cubique comme ceux de chlorure d’ammonium. AziHi ou AzHi— A La solution aqueuse d'acideazothydrique. même très diluée, dégage rapidement de l'hydrogène lorsqu'on la met en contact avec du zinc, du cuivre, du fer et plu- sieurs autres métaux. Les sels d'argent et de mercure sont seuls insolubles dans l’eau, ce qui complète encore la ressemblance avec les chlorures, L’acide possédant en outre des propriétés faiblement réductrices, certai- nes solutions salines, celle dusel de cuivre parexembplé, laissent déposer, après ébullition, des oxydes infé- rieurs. La solution du sel de baryum, BaAzô abandonne de grands cristaux anhydres. La solution aqueuse d'acide azothydrique ou de ses sels solubles donne avec l’azotate d'argent un précipité qui ressemble beaucoup au chlorure d'argent. L’azoture d'argent Az Ag— As || Az ne noircil cependant pas lorsqu'on l’expose à la lu- mière et il se distingue encore du chlorure d'argent par ses propriétés explosives caractéristiques. Le sel de mercure est de même très explosif. Les sels métalliques peuvent enfin être transformés en éthers-sels lorsqu'on les fait réagir avec les éthers halogènes. L’azoture de phényle, préparé par cette mé- thode, s’est trouvé complètement identique avec la diazobenzine-imide de Griess : Az {| Az ce qui était à prévoir et ce qui est bien la confirmation de la formule développée de l'acide azothydrique. Philippe À. Guyr. Ur A7 CiH AI Le (Gérant : Ocrave Don. Paris.— Imprimerie F, Levé, rue Cassette, 17. tatin nets motte 1" ANNÉE N° 21 15 NOVEMBRE 1890 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER UN NOUVEAU TYPE DE COMPOSÉ CHIMIQUE : LE NICKEL TÉTRACARBONYLE Trois chimistes anglais, MM. Ludwig Mond, Carl Langer et F. Quincke, viennent d'obtenir un nou- veau corps dont la composition et les propriétés sont également imprévues. Ce composé, qu'ils ont préparé par union directe de l’oxyde de carbone et du nickel, sous forme d’un liquide très volalil, est nommé par eux nickel-létracarbonyle et répond à la formule Ni(CO)'. Outre l'importance qui s’at- tache à la découverte, chaque jour plus rare, d’un nouveau lype chimique, le nickel-tétracarbonyle force l'attention par la singularité de sa formation et de ses propriétés. En raison de l'intérêt que présente ce nouveau corps, nous croyons devoir décrire, avec quelques détails, les faits qui ont conduit à sa découverte et ont permis d'établir sa composition. l MM. Ludwig Mond, Langer et Quincke étu- diaient l’action de l’oxyde de carbone sur le nickel, à une température d'environ 400°. Il se forme dans ces conditions un composé de carbone et de nickel, et de l'acide carbonique. Pour éviter que l'excès de gaz toxique püt se répandre dans le laboratoire, un brûleur Bunsen était placé à l'extrémité du tube de dégagement. Un jour que le courant de gaz avait été continué pendant le refroidissement du nickel, les auteurs virent tout à coup la flamme du bec Bunsen devenir très lumineuse, semblant REVUE GÉNÉRALE, 1890. indiquer ainsi la présence d'un composé métal- lique dans le gaz dégagé. L'expérience. répétée à plusieurs reprises, montra que ce fait se produi- sait seulement lorsque le nickel s'élait refroidi au-dessous de 50°; le composé formé élait donc détruit par la chaleur, et, en effet, en chauffant un point du tube de dégagement, on obtint, en ce point, un dépôt de nickel sous forme de miroir métallique. Enfin, les lrois chimistes reconnurent qu'on pouvait isoler la majeure parlie du composé con- tenu dans le mélange gazeux qui sorlait de l'appa- reil par un refroidissement énergique, et ils l’ob- tinrent alors sous forme d’un liquide incolore. Sans insister sur les nombreuses expériences faites en vue de fixer les conditions de formation les plus favorables, donnons seulement le procédé de préparation définitivement adopté. De l’oxyde de nickel, introduit dans un tube à combustion, est réduit par l'hydrogène à une température de 400°. On laisse refroidir, et lorsque la température est d'environ 30°, on dirige dans le tube un courant d'oxyde de carbone. Le gaz passe ensuite dans un tube entouré d’un mélange réfrigérant de glace et de sel, et y dépose, à l’état liquide, la majeure partie du nickel-tétracarbonyle qu'il contient. Au bout d’un certain temps, la formation de ce com- posé s'arrête; mais pour en obtenir de nouvelles quantilés il suflil de chauffer de nouveau le nickel 21 658 G. CHARPY. — UN NOUVEAU TYPE DE COMPOSÉ CHIMIQUE à 400° et de le laisser refroidir. La combinaison semble même se faire plus facilement après quel- ques opéralions. Il Le liquide obtenu est incolore ; il bout à 43° en- viron et se solidifie à —-25°. À une température de 60°, la vapeur fait violemment explosion: il se produit alors dans la molécule du nickel-tétracar- bonyle la réaction obtenue à chaud par l'action de l'oxyde de carbone sur le nickel, et celte réaction, dégageant de la chaleur, devient rapidement explosive. Cette décomposition peut être modérée, si l'on a soin de l’effectuer en faisant passer le gaz dans un tube capillaire chauffé. On peut cons- tater alors que le mode de décomposition varie, et que le nickel qui se dépose est plus ou moins souillé de carbone, suivant la température à la- quelle on opère. À 180°, il se dépose du nickel ‘parfaitement pur, et c’est sur cette propriété qu'on s'est basé pour soumettre le composé à l'analyse, en faisant passer à plusieurs reprises la vapeur dans un tube chauffé au moyen de la vapeur d’ani- line. Dans une première série d'expériences, effectuées sur le mélange gazeux à sa sortie du tube, on a trouvé en moyenne : 052649 de nickel combinés à 403° d'oxyde de carbone. Or la formule Ni(CO)* conduit aux proportions suivantes : 052615 de nickel combinés à 400% d'oxyde de carbone. Une deuxième série d'expériences a élé effectuée sur le composé liquide. On dosait le nickel par décomposition à chaud et le carbone par combus- tion au moyen de l’oxyde de cuivre. On a trouvé ainsi : 33,36 0/, de nickel et 66,3 ‘/, d'oxyde de car- bone, les proportions calculées d’après la formule Ni(CO)' étant: 34,3 0/, de nickel et 65,6 °/, d'oxyde de car- bone. Les écarts obtenus dans cette deuxième série sont probablement dus à l’oxyde de carbone qui reste dissous dans le liquide. Enfin, la densilé de vapeur, mesurée à 40° au moyen de l'appareil à déplacement d'air de Meyer est de 6,01, la densité théorique pour Ni(CO)* étant 3,9. La formule Ni(CO)* semble donc nettement éta- blie. Quant à la formule de constitution, MM.Mond, Langer et Quincke se proposent de l’établir après étude des réactions diverses du nouveau composé, principalement de son action sur les corps orga- niques. LIT Etant donnés les résultats rappelés ci-dessus, il élait naturel de rechercher si la propriélé de se combiner avec l'oxyde de carbone appartenat au seul nickel, et s’il n'était pas possible d'obtenir, avec d’autres métaux, des composés analogues au nickel-tétracarbonyle. Les expériences, effectuées sur le cobalt, le fer, le cuivre et le platine, dans tout l'intervalle de température compris entre 15° et 750°, ont constamment donné des résultats négatifs. Avec le cobalt on obtient tout d'abord une coloration de la flamme du Bunsen, mais ce phénomène est dû à la présence de nickel, qu'il est, comme on sail, très diflicile de séparer complète- ment du cobalt. La formation du nickel-létracar- bonyle permet donc, non seulement de recon- naitre dans le cobalt métallique la présence de petites quantités de nickel, mais aussi d'éliminer complètement ce dernier métal. Quant au nickel, rigoureusement exempt de cobalt, on l’obtient en décomposant par la chaleur la vapeur de nickel- télracarbonyle. La séparation rigoureuse de ces deux métaux n’avait, pour ainsi dire, pas été obte- nue jusqu'à présent. Sur ce nickel parfaitement pur, MM. Mond, Langer et Quincke ont repris la détermination de l'équivalent. La moyenne de leurs résultats est 58,58, nombre très voisin de celui généralement adopté 58,74. Celà vient con- tredire les résultats obtenus par MM. Krüss et Schmidt qui pensaient avoir séparé dans le nickel deux corps différents !, En résumé la découverte tout à fait inattendue du nickel-létracarbonyle nous révéle un composé liquide des plus remarquables ; l'étude de ce corps a déjà conduit à reconnaitre plusieurs faits très intéressants, et l'on peut espérer que les recher- ches plus complètes qu'effectuent en ce moment MM. Mond, Langer et Quincke introduiront dans la science bon nombre de résultats importants et nouveaux. Georges Charpy, Professeur à l'Ecole Monge. ! Voir la Revue du 30 janvier 1850, pige 56. D' H. VINCENT. — LES TUBERCULES ET LE BACILLE DE LA TUBERCULOSE 659 LES TUBERCULES ET LE BACILLE DE LA TUBERCULOSE Les travaux de M. Metchnikoff ont introduit en pathologie générale cette notion, aujourd'hui bien démontrée, que, parmi les moyens de défense dont dispose notre organisme pour lutter contre les infiniment petits qui l’assiègent, l'activilé di- geslive des cellules vivantes à l'égard des microbes remplit un rôle très important !. Cette fonction protectrice si curieuse est dévolue à des éléments cellulaires ou phagocytes, dont les uns, munis d’un gros noyau (macrophages) sont distribués dans tous les Lissus (telles, les cellules du tissu conjonc- tif, les cellules épithéliales) et dont les autres, pourvus de plusieurs noyaux (microphages) sont répartis dans le système circulatoire, particuliè- rement dans la circulation lymphatique, d'où ils émigrent, au besoin, pour se porter dans les points où se fait l'agression microbienne. IL y a ainsi un double système de défense fixe et de défense mobile qui réussit souvent à annihiler le microbe et à prévenir la maladie. Lorsqu’en effet la victoire reste aux phagocytes, l'examen inicroscopique montre ces derniers remplis de bac- téries déformées, entamées, mal colorables, par- fois à peine apparentes, en un mot, digérées el de- truiles. La tuberculose, cette affection dont la localisa- Lion dans les poumons, la phtisie pulmonaire, dé- termine à elle seule un septième de la mortalité générale dans les pays civilisés, est causée par un inicrobe en forme de balonnet ou bacille, décou- vert etisolé par M. Koch (fig. 1). En se multipliant dans nos lissus, en particulier dans les poumons, il amène la formation de petites nodosilés grisatres, du volume d'un grain de mil ou d’un pois {{ubercules) qui envahissent, en amas parfois {rès confluents, la totalité du parenchyme, se ramollissent, se vident dans les bronches avec l’expectoralion et laissent ainsi des cavernes suppurantes remplies d’un pus visqueux, jaunàtre et fétide. Notre organisme est-il armé pour lutter contre le bacille de la tuberculose? Que font les phago- cytes, ces champions toujours en éveil, en face d'un ennemi aussi redoutable, et pouvons-nous es- pérer qu'ils en seront victorieux ? IL est peu de maladies où le processus phago- cytique soit plus intense que dans la tuberculose ; où l’ingeslion du microbe par les cellules soit plus manifeste; mais il en est malheureusement peu aussi où elle soit moins eflicace. Toute bataille 1 Voyez : M. E. Metchnikoff : Recherches nouvelles sur la Phagocytose, dans la Revue du 30 juillet 1890, page 425. amène un vainqueur et un vaincu : dans ce conflit entre le parasite de la tuberculose et la cellule Fig. 1. — A, Bacilles de la tuberculose à un fort, grossis- sement (Oc. V, Obj. à imm. homorg. n Leitz).— B, les mêmes Bacilles, vus à un moindre grossissement, dans le crachat d’un malade atteint de phtisie pulmonaire. On voit ‘aussi dans ce crachat des leucocytes déformés et dés débris épi- théhaux. vivante, cette dernière succombe le plus souvent, détruite elle-même par le microbe qu'elle a en- globé. Mais parfois, la cellule réussit dans son œuvre de protection : le bacille est morcelé, tué, digéré. Nous allons étudier ce processus en détail, marquant, pour ainsi dire, les points et lachant de faire assister aux diverses phases de la lutte des phagocytes contre l’agent pathogène de la tuber- culose. Ï Dans son mémoire sur l'éliologie de la tubercu- lose, M. Koch a montré que, lorsqu'un bacille pénè- tre dans l'organisme, il est bientôt saisi par un leucocyle qui le transporte avec lui à travers la circulation lympathique où il ne tarde pas à s’ar- rêter dans un organe et à servir de point de départ à une néoplasie tuberculeuse. Pour étudier le mode de formalion du tubercule, M. Yersin ! inocula dans la veine auriculaire d'une série de lapins un peu de culture de bacille de la tuberculose. En sacrifiant un animal {ous les deux jours, il à pu constater celle série de batailles que les phagocyles livrent contre le bacille de Koch. Dans le prologue de l'épopée morbide, le micros- cope montre, dans le foie, de petits nids de leuco- cytes agglomérés dans les fins vaisseaux capil- ! Etude sur le développement du tubercule “in. de l’Inst. Pasteur. 1888. expérimenta 660 D: H. VINCENT. — LES TUBERCULES ET LE BACILLE DE LA TUBERCULOSE laires; au milieu de ces cellules sont quelques bacilles et certains d’entre eux sont déjà englobés. Un peu plus tard, sous l'influence de l'irritation provoquée par la présence du microbe, les cellules se multiplient et se groupent de plus en plus abondantes autour des colonies bacillaires. C'est alors qu'elles absorbent un grand nombre de mi- crobes dans leur intérieur. La lutte est donc engagée entre les phagocytes et les bacilles ; que va-t-il advenir ? Ce combat pré- liminaire tourne bien vile au succès des bacilles. Ceux-ci possèdent en effet une membrane exté- rieure très résistante contre laquelle viennent échouer les tentatives de digestion des cellules. Les bacilles, presque tous inclus dans les phago- cytes où ils affectent quelquefois une disposition radiée, refoulent leurs noyaux et sont parfois telle- ment nombreux que l’on ne distingue plus la cellule où ils se sont multipliés extraordinairement (fig. 2). Le phagocyte vaincu sert alors d’aliment aux ba- cilles et la cellule se désagrège. Fig. 2. — Tuberculose expérimentale. Injection intravei- neuse de bacilles de Koch (lapin). Coupe du foie. — &. #4, b. t, amas bacillaires affectant une disposition radiée, et masquant la cellule dans laquelle ils sont situés. — 4., travées des cellules hépatiques limitant les espaces capil- laires où se sont arrêtés les bacilles, ; Alors commence la deuxième phase de la lutte. De nouveaux leucocytes émigrésaffluent, serangent en cercle autour des bacilles, les cernent. On aper- çoit, en certains points, la disposition très remar- quable qui suit (fig. 3) : au centre, dans un proto- plasme amorphe ou granuleux résultant de la mort des premières cellules, on voit, groupés au milieu des ruines qu'ils ont amoncelées, des bacilles de Koch plus ou moins nombreux. Çà et là des gra- nulations rondes, brillantes, très petites, probable- ment des spores du bacille (Grigorieff}. Autour de cette masse centrale, une couronne de leucocytes munis d'un gros noyau et engainés eux-mêmes dans une sorte de capsule fibrineuse commune. L'ensemble constitue cet élément si fréquent dans toute lésion néo-tuberculeuse : lacellulegéante (fig. 3). Pour M. Metchnikof, la cellule géante est un vé- ritable phagocyle doué de mouvements amiboïdes, comme le fait supposer le développement considé- rable de ses parties périphériques en tout sembla- bles aux pseudopodes des rhizopodes (fig. 4). — Tuberculose hu- Fig. 4. Sue Ne maine (pleurésie tubercu- leuse chronique). Cellule géante munie de prolonge- ments r'ameux, Fig. 3. — Foie de faisan tuberculeux. Cellule géante remplie de bacilles. La cellule géante est, pour les bacilles de Koch, un adversaire bien plus redoutable que les macro- phages ou les microphages, et nous allons voir maintenant intervenir les premiers succès de la réaction cellulaire contre les parasites de la terri- ble maladie. Pour étudier les phénomènes intimes dont ces cellules sont le siège, M. Metchnikoff ! s’est adressé à un rongeur des environs d’Odessa, le Spermophilus gutlatus de Temminck, animal assez résistant au bacille tuberculeux. Lorsqu'on injecte une grande quantité de culture dans le péritoine de cet animal, on constate après sa mort que, tandis que dans les cellules à un seul noyau les bacilles inclus présen- tent un aspect normal, ceux qui sont engloutis par la cellule géante offrent au contraire des aspects de dé- gradation plus prononcés. Un certain nombre de bacilles sont digérés et cet état se traduit par une déformation des microbes, par la perte de leurs propriétés spéciales de coloration aux couleurs d’aniline. Beaucoup d’entre eux paraissent entourés d'une vacuole claire ; ils sont päles et finissent par disparaitre peu à peu en laissant seulement par leur groupement «une suite de formes en saucisson « tout à fait caractéristiques, dont Ja configuration « générale rappelle seule le bacille originaire, « qu'on y retrouve quelquefois sous la forme d'un « Lraità peine apparent ». Ces blocs se fusionnent et finissent par former une masse compacte, am- brée où toute trace de bacille a disparu. ! Arch. f. path. An. u. Phys., Bd CXII, heft 1. D' H. VINCENT. — LES TUBERCULES ET LE BACILLE DE LA TUBERCULOSE Ces phénomènes siremarquables s'effectuent ex- clusivement dans l’intérieur des cellules géantes. On n’observe rien de semblable en dehors d’elles. ce qui prouve bien qu'ils sont l'effet de la digestion intracellulaire. En réalité, cette achon n'est pas une digestion au sens propre du mot, car elle transforme les microbes en une masse résistante, inattaquable par les acides et les alcalis : elle se rapproche beaucoup plus de ces phénomènes d'en- kystement souvent observés chez les infusoires pour se protéger contre une influence nocive (Met- chnikoff;. Le spermophile n’est pas le seul animal chez lequel se rencontre un pareil processus de phago- eytose efficace. Chez le lapin, animal cependant très réceptif, on peut observer, toutes les fois que la durée de la tuberculose a été longue, des formes analogues de dégradation bacillaire dans les cel- lules géantes. A côlé de la cellule géante, défenseur souvent heureux de l'organisme contre le bacille de Koch, les macrophages et les microphages (fig. 5), pour Fig. 5. -- Formes diverse$ de phagocytes ayant englobé des bacilles de la tuberculose. (Oc. 4, Ohj. à imm, homog. À SE 16 Vér. remplir un rôle beaucoup plus effacé, n’en possè- dent pas moins une influence quelquefois délétère surlemême microbe. C'estainsi qu'on peut observer dars ces derniers éléments cellulaires des bacilles granuleux, déformés ou mal colorés. Mais leur énergie digeslive est, en général, minime. C'est ce qui explique combien facilement le bacille peut se multiplier à leur intérieur et y former, ainsi qu’on en jugera par les figures ci-jointes, des faisceaux composés de nombreux individus. IT Les phagocytes ont paru, jusqu’à présent, n’avoir d'autre rôle que celui d’auxiliaires de l’organisme, chargés de le débarrasser d'hôtes dangereux. Mais voici que ces éléments cellulaires peuvent remplir leur rôle de protecteurs à rebours et devenir très souvent aussi des moyens de dissémination du microbe de la tuberculose. Comment une même cellule peut- elle entrainer par le fait de ses réactions des résul- tats aussi contraires? C’est ce que nous allons essayer d'expliquer. On sait que la surface des cavités telles que la bouche, le nez, la trachée, les bronches, etc., qui 661 sont en communication directe ou indirecte avec l'extérieur, est tapissée d’une couche de cellules épithéliales et l’on supposait, d’après un récent travail de M. Wyssokovitch, que les épithéliums sains formaient dans {ous les cas une barrière infranchissable à l'infection microbienne. On se croirait autorisé à en déduire que la pénétration du bacille de la tuberculose dans les bronchioles pulmonaires ou dans l'intestin, par exemple, est sans danger, si leur épithélium est intact. Mais il n’en est pas ainsi: l’expérimentation dé- montre que l'inhalation de produits tuberculeux amène chez les animaux sains la tuberculose de leurs poumons; de même l'ingestion de tissus tuberculeux détermine chez eux une tuberculose intestinale, etc. Les muqueuses sont donc per- méables au bacille de la tuberculose ou susceptibles d'être allaquées par lui (Villemin, Tappeiner, Cadéac et Malet, Cornil, Dobroklonsky, Cornet). Or cette pénétration se fait par l'intermédiaire des leucocytes qui interviennent aux points où le bacille tente de s'introduire à travers le vernis épithélial. En voici un exemple. Lorsqu'on fait ingérer à un lapin quelques gouttes de culture du bacille de Koch et qu’on sacrifie ultérieurement l’animal pour constater l’état des lésions, on voit, à l’examen microscopique des coupes de l'intestin, infiltrés entre les cellules épithéliales des villosités ou des culs-de-sac des glandes de Lieberkuhn, des leuco- cytes nombreux, tantôt vides, tantôt contenant un ou plusieurs bacilles (Dobroklonsky). Or ces pha- gocyles, on le sait déjà, sont le plus souvent impuissants à digérer les bacilles; condamnés, d'autre part, soit à rester sur place, soit à suivre le courant lymphatique qui les entraine le long du tissu adénoïde sous-muqueux qui entoure les troncs vasculaires de l'intestin, ils emportent avec _eux, dans ce dernier cas, les microbes pathogènes et les sèment ainsi partout où ils s'arrêtent, soit dans l'intestin, soit dans les ganglions lymphati- ques du mésentère, soit plus loin encore, dans les viscères abdominaux. Ainsi s'effectuent la disper- sion des bacilles et la multiplicité des lésions qui en résultent. Ilest très vraisemblable, sinon certain, qu'un mécanisme pathogénique analogue préside à la formation des lésions tuberculeuses dans les al- véoles pulmonaires, les plèvres et les ganglions bronchiques..A vrai dire, il n’existe pas encore d'expériences destinées à nous éclairer sur le mode initial intime de l'infection tuberculeuse dans le poumon; mais, de celles qui ont élé faites avec d'autres microorganismes, on peut en inférer ce qui se passe pour le bacille de Koch. Tchistovitch à montré, en effet, qu'après avoir fait inspirer à des 662 D: H. VINCENT. — LES TUBERCULES ET LE BACILLE DE LA TUBERCULOSE cobayes des microbes ou de la suie finement pul- vérisée, on constate dans l'intérieur des alvéoles pulmonaires, à leur surface ou dans les fentes lym- phatiques des cloisons alvéolaires, des phagocytes volumineux et nombreux qui ont englobé les pous- sières inoculées. Même faitexiste pour la tuberculose. «Lasurface des alvéoles pulmonaires, dit M. Metchnikoff (Loc. cit.) est tellement tapissée de grands macrophages provenant des systèmes lympathique et sanguin que ces cellules ont été longtemps envisagées comme des cellules épithéliales des alvéoles, » Dans ce champ de bataille phagocytique qui cons- titue l’alvéole pulmonaire, les innombrables leuco- cytes immigrés accaparent, digèrent les microor- ganismes vulgaires inhalés avec l'inspiration. Plus résistants, les bacilles de la tuberculose, quoique englobés par les phagocyles défient leur activité digestive ; le nombre des bacilles avalés peut être considérable (fig. 6) et nous en avons compté jus- Fig. 6. — Pneumonic tuberculeuse expérimentale (cobaye). Frottis de poumon. Macrophages et microphages remplis de bacilles. (Oc. 1, Obj. 5) Ver.) qu'à vingt, vingt-deux, dans une même cellule. Ces mèmes bacilles, peuvent, du reste, se multiplier in situ ou bien, conduits par les pérégrinations du phagocyte devenu leur hôte imprudent, ils viennent s'arrêter dans les plèvres el y déterminer la pleu- résie vulgaire — qui est presque toujours tuber- culeuse, — dans les ganglions et finalement les diverses séreuses et les viscères où la tuberculose se généralise. ILest remarquable de voir combien est grande la fréquence de la tuberculose pulmonaire comparée à celle de l’appareil respiratoire supérieur: larynx et surtout fosses nasales. La muqueuse nasale constitue en effet probablement un appareil de défense très apte à luttercontreles microbes. Quant à l’arrière-cavité des fosses nasales et à ses an- nexes, elle est fortement protégée parun ensemble d'organes lymphatiques, follicules clos, glande de Luschka, on pourrait même ajouter : amygdales, véritables forts d'arrêt qui détruisent sur place les microbesingérés. Leurs leucocytes ont une activité telle que, en contact avec la muqueuse buccale, ils peuvent éroder sur une certaine étendue plusieurs couches d’épithélium. Ces mêmes leucocytes peu- ven! se gorger de bacilles de la tuberculose et, s'ils ne les tuent pas, favoriser l'infection tuberculeuse, soit en transportant ces microorganismes, soit en dénudant la muqueuse (Stôhr, Stschastny). De l’ensemble des notions que nous possédons sur les rapports des phagocytes avec le bacille de Koch, il résulte dence que la présence de ce dernier dans l'organisme suscite un appel très intense des leucocyles. Mais quoiqu'englouti par ces phago- cyles, digéré même parfois par eux, le bacille leur résiste le plus souvent. La tuberculose n'est, du reste, pas la seule ma- ladie dans laquelle l'englobement actif des mi- crobes par les macrophages ou les microphages peut n'avoir aucune influence microbicide. C'est ainsi que dans la septicémie des souris, provoquée par un bacille très ténu, ce dernier est parlicu- lièrement abondant dans les phagocyles du sang et des tissus ; il en est de même pour le rouget du porc. Un autre exemple est fourni par la blennor- rhagie dans laquelle le gonocoque, happé par d'innombrables microphages, pullule à l’intérieur de ces cellules au point qu'on peut trouver facile- menteinquante microbes et même davantage dans certaines d’entre elles. C'est qu'en effet a phagocytose est un phénomène complexe : elle doit comprendre non seulement l'ingestion du microbe, maïs encore et surtout sa digestion. La pre- mière est favorisée par les propriétés attractives qu'exercent parfois les sécrélions microbiennes sur les éléments lymphatiques !; la deuxième, encore inconnue dans son essence, doit cependant être analogue à la digestion de certains organismes inférieurs Lels que les amibes. Dans la tuberculose, où la digestion du bacille se fait parfois non sans quelque efficacité, le processus se borne cependant le plus souvent à la première partie du phéno- mène, à l'ingestion pure et simple du parasite : il y a dyspepsie cellulaire. Si, dans le conflit entre la cellule et le bacille de Koch la première est ordinairement mise en échec, c’est qu'il intervient plusieurs facteurs qui font pencher la victoire en faveur du parasite : d'une part, la résistance de sa membrane extérieure, — résistance telle que ce bacille se distingue précisément par la difficulté de le colorer — et, d'autre part, sans doute, les produits qu'il sécrète {Yersin} et qui paralysent le pouvoir digestif de la cellule. D' H. Vincent, du Laboratoire de Bactériologie du Val-de-Grâce. 1 Gabritchevsky, voyez la Revue du 15 juillet 1590, page 414. H. LÉAUTÉ. — SUR LA THÉORIE DES RÉGULATEURS 663 SUR LA THÉORIE DES RÉGULATEURS (Suite et Fin) *. 10. Second inconvénient du régulateur de Watt, in- suffisance de force. — Le second inconvénient du régulateur de Wait est de ne pouvoir surmonter que de faibles résistances ; dès que l'effort à pro- duire devient un peu sensible, on est obligé de donner au régulateur des dimensions très grandes et qui le rendent d'un emploi gênant; si cet effort devient considérable, comme lorsqu'il s’agit, par exemple, de faire mouvoir une vanne hydraulique, on est conduit à des dimensions absolument inad- missibles, On remédie à cet inconvénient en employant le mouvement du manchon, non plus à mouvoir direc- tement la vanne d'admission, mais à mettre en jeu un mécanisme intermédiaire empruntant sa force au moteur lui-même. La figure 6 indique le principe du dispositif dont Fig. 6. — AB, arbre mû par la machine; CD, arbre moteur de la vanne; EF, pignon d’ouverture de la vanne, fou sur AB; GH, pignon de fermeture de la vanne, fou sur AB; IJ, manchon à griffes, actionné par le levier de régulateur, peut glisser sur AB et non tourner. Quand la vitesse de la machine augmente les boules s'écartent, le levier lourne, le manchon à ! Voir Revue générale des sciences pures et appliquées, n° 20 du 30 octobre 1890. ? Il est essentiel que l’organe de mise en marche de com- mande soit facile à déplacer et, à ce point de vue, le manchon à griffes représenté par la figure 6 peut avoir des inconvénients. Il est préférable, dans la pratique, d'employer des courroies passant sur des systèmes de poulies folle et fixes. griffes IJ, vient engrener avec MN et l’arbre AB mû par la machine communique alors le mouvement au pignon de fermeture de la vanne GH. Au contraire si la vitesse décroit, c'est KL qui en grène et le pignon d'ouverture EF qui se met en marche. Ces appareils sont dits : «à action indirecte » par opposition à ceux précédemment décrits dits : « à action directe. » On concoit que le mode de fonctionnement de ces deux sortes d'appareils soit essentiellement différent. Pour l'action directe, l’état de la machine est dé- terminé par la position du manchon ; pour l’action indirecte, il dépend du temps pendant lequel l’em- brayage a lieu. Les régulateurs à action directe agissent rapide- ment, les autres sont à action lente ; enfin, tandis que dans le cas de l’action directe, c’est l'inertie des boules qui les entraîne au-delà de la position qu'elles occupent quand la puissance devient égale à la résistance, dans le cas de l’action indirecte, c’est l'inertie de la machine elle-même qui pro- longe la durée de l’action et l’inertie des boules ne joue plus qu'un rôle très secondaire. 11. Fonctionnement des réqulateurs à action indirecte. — Le système mécanique formé par la machine et le régulateur, supposé à action indirecte, ne peut rester en état de régime que si la vitesse est com- prise entre les limites correspondantes à l'ouver- ture et à la fermeture de la vanne. Quel que soit l'appareil à boules employé, on peut évidemment rendre la différence des vitesses d'ouverture et de fermeture aussi petite que l’on veut en réduisant le parcours des boules. Ilest facile ainsi théoriquement de resserrerlavitesse de régime de la machine entre des limites très voisines. Mais, en pratique, l'on est vite arrèlé dans cette voie; si l’on rapproche trop, en effet, les vitesses correspondant à l’ouverture et à la fermeture de la vanne, l'appareil devient sensible aux plus petites perturbations, il met constamment en jeu le méca- nisme de commande du vannage et il n'y a plus d'état stable pour la machine. On est d'ailleurs exposé ici comme pour les ré- gulateurs à action directe aux oscillations indéfi- nies de la vitesse et l’on a à choisir entre une régu- larité très grande, avec une très grande lenteur de 664 rétablissement de la vitesse de régime, ou une action rapide pour rétablir le régime, mais avec des écarts notables de la vitesse. En un mot, les oscillations de la vitesse peuvent être faibles et durer longtemps, ou être fortes et s'éteindre rapidement !. 42. Remarques sur la théorie des appareils à force centrifuge. — Le fonctionnement général des régu- lateurs à action directe ou à action indirecte étant ainsi établi dans ses traits essentiels, nous devrions faire maintenant la théorie mathématique des appareils à force centrifuge, afin d'obtenir l’expres- sion des éléments qu'il convient de considérer ; mais nous ne pouvons songer à exposer dans cette Revu les détails de calculs abstraits. Nous ferons seulement remarquer, et cette obser- vation est fort importante, que la théorie à placer ici est celle des appareils à force centrifuge consi- dérés isolément et non celle des appareils de régu- lation dont les premiers ne constituent, en somme, qu'un organe. La plupart des idées erronées qui ont eu cours sur la régulation des machines pro- viennent de cette confusion ; on a étudié l'appareil à boules et l’on a cru avoir étudié l'appareil de ré- gulation. Nous nous bornerons, d'ailleurs, à titre d’indi- cation, au cas des appareils isocèles où AC = BE et CD— ED (fig. 1 et2)2. Désignons par F la résultante de toutes les forces extérieures agissant sur le manchon, c’est-à-dire la résultante de la pesanteur, des pressions exercées par les contrepoids s’il en existe, de la réaction de l'axe, des efforts transmis par les tiges... EE abstraction faite des résistances passives corres- pondant au déplacement du manchon et dont le caractère propre est de changer de sens quand ce déplacement vient lui-même à changer de sens. Soient aussi : B le poids d’une boule, /la longueur des tiges, « leur inclinaison sur la verticale, » la distance de leur centre de suspension à l’axe du 1 Les oscillations indéfinies de la vitesse sont, en général, inadmissibles en pratique; il est un cas cependant où elles cessent d’être un inconvénient; c’est lorsque leur durée est excessivement courte. On en trouve un exemple dans le moteur électrique à vitesse constante de M. Marcel Deprez. Ce régulateur se compose d’une simple lame élastique pressée contre l'arbre de rotation; quand la vitesse devient trop grande, la force centrifuge écarte cetto lame de l’axe et le courant est interrompu. Comme la vitesse est ici de 2.000 tours par minute et que les interruptions de courant se répètent deux fois par tour, soit près de 70 fois par seconde, cet état d’oscillation n’a pas d'importance pour les machines conduites. Ce ne sont plus des oscillations à longues périodes qui se font sentir dans toute la transmission sur toutes les machines et affectent la vitesse de régime, mais des oscillations à très courtes périodes dont l’effet ne dépasse pas le moteur lui- méme (lequel, du reste, peut être construit en conséquence) et qui ne troublent plus l’état permanent. 2 Voir mon précédent article n° 20 de la Revne, 30 oct. 1890, H. LÉAUTÉ. — SUR LA THÉORIE DES RÉGULATEURS régulateur, & la longueur des contre-tiges; on a pour la vitesse d'équilibre correspondante w : (1) | lcosa Em cotga iB Dans cette formule, on néglige le po'ds des tiges, on suppose les boules concentrées en leur centre et on prend le signe + ou le signe — selon que l’on à en vue un régulateur ordinaire ou un régulateur à bras croisés. On voit par cette expression de w? que si le manchon supporte une pression constante, la loi de succession des vitesses d'équilibre quand a varie est indépendante du poids de ce manchon, de 2e Lez A n Les d'inchinaïison-surla ver! © re dec a [3 ni Fig. 7- — Centre de suspension au devant de l'axe. l'effort constant auquel il résiste et du poids des boules. Fig. 8. — Centre de suspension sur l'axe, Dans cette hypothèse, cette loi est représentée par les courbes des figures 7, 8 et 9 dans lesquelles H. LÉAUTÉ. — SUR LA THÉORIE DES RÉGULATEURS 665 on a pris pour ordonnées les valeurs de & et pour abcisses les vitesses d'équilibre correspondantes ; la figure 7 correspond au régulateur isocèle ordi- naire; la figure 9 au régulateur, à bras croisés où Fig. 9. — Appareil à bras croisés, m est négatif; enfin la figure 8 au cas intermé- diaire où les tiges sont attachées à l'arbre même du régulateur, c'est-à-dire où 72 est nul. Il faut remarquer d’ailleurs que dans tout appa- reil de régulation une condition essentielle de fonctionnement est que la vitesse aille toujours en croissant dans le même sens pour toute la course; si cette condition n’était pas satisfaite il pourrait arriver, en effet, que le régulateur, à partir d'un certain moment, fermat la valve lorsqu'il devrait l'ouvrir. Aussi dans le cas du régulateur à bras croisés (fig. 9), il n’est pas possible d'utiliser les portions de parcours du manchon au-dessous de celle qui correspond au minimum de la vitesse. 13. Degré d'isochronisme. — Le degré d'isochro- nisme À est marqué par la différence des vitesses d'équilibre correspondant aux positions extrêmes du manchon, ou, plus exactement par le rapport de cette différence à la vitesse moyenne; on a ainsi : @ ere en désignant par w, el w, les vitesses pour les- quelles la valve est totalement fermée ou complè- tement ouverte, si le régulateur est à action directe, et les vitesses pour lesquelles les em- brayages de fermeture ou d'ouverture sont mis en action, si le régulateur est à action indirecte. Dans un même appareil, il est ainsi bien évident que le degré d’isochronisme est d'autant plus petit REVUE GÉNÉRALE, 1890, que la course est moindre; si cette course était nulle, l’isochronisme parfait serait atteint. 14. Puissance du régulateur. — Quand, la vitesse ayant varié, le régulateur entre en action, il doit, pour se déplacer, vaincre certaines résistances et il exerce un effort sur les obstacles qui s'opposent au mouvement du manchon. On désigne sous le nom de puissance de l'appareil à boules l'effort correspondant à un changement relatif de vitesse égal à l’unité. Il est facile d'établir que la puissance ® ainsi définie est donné par l'expression : (3) D—3(r+p). Si donc, l’on augmente le poids du manchon et, par suite, F, on augmente la puissance; mais, on voit par la seule inspection de la formule (1) qu'on fait croître en même temps la vitesse d'équilibre. On reconnait ainsi qu'en employant un manchon très lourd comme dans le régulateur Porter ou régulateur américain (fig. 10), on accroît la puis- sance de l’appareil à boules sans le rendre plus encombrant, mais qu'on est obligé de le faire tour- ner plus vite. 15. Sensibilité du régulateur. — L'appareil, étant dans une position d'équilibre quelconque, ne la quitte que si la variation de vitesse est suffisante pour vaincre les résistances qui s'opposent au dé- placement du manchon. Désignons par w la vitesse de régime correspon- dant à l’état d'équilibre considéré ; par w’ la vitesse qui détermine le mouvement d'ascension et par f 21 666 H. LÉAUTÉ. — SUR LA THÉORIE DES RÉGULATEURS la force de résistance à cette ascension, par w” et f” les quantités correspondantes pour la descente ; on a, comme il est facile de le démontrer : LHf" uv ? % 2 Cette quantité à représentée ainsi, soit par ET , marque la sensibilité de l’appareil soit par re à boules dans les condilions où il se trouve. Comme la puissance ® peut être rendue aussi grande que l’on veut, il semble à première vue que la sensibilité peut également être augmentée, c'est- à-dire que à est susceptible de devenir inférieur à toute quantité donnée. Il n’en est rien, car parmi les résistances à vain- cre figurent les frottements de l'appareil à boules lui-même et ces frottements ne s’annulent jamais ; il. y a là, comme pour les balances, une limite de sensibilité que l'on ne saurait dépasser; c’est la sensibilité intrinséque de l'appareil lui-même c. Il résulte de ce que nous venons de dire que la suite des vitesses pour lesquelles le régulateur entre en action forme deux courbes (Fig. 11) à peu LS H A ! ! 1 @ È $ Œurbe des vilessest9 de descenk’ S Courbe des vitesses 0 des fig 78,9 à 2 È Courbe des vitesses (D de montee 5 à : à $ ë É + Si $ D D près équidistantes de la courbe d'équilibre et qui peuvent en être plus ou moins rapprochées, mais qui ne se confondent jamais avec elles; on voit ainsi que pour tous les appareils de régulation il y a, non pas une vitesse unique de régime, mais bien une zone de régime !. 16. Ztablhssement des appareils de régulation. — Pour établir un appareil de régulation en toute 1 Ce sont MM. Beer et Dwelshauvers-Dery qui ont le mé- rite d’avoir les premiers distingué les vitesses de montée et de descente. Cette distinction, capitale quand on veut expli- quer d’une facon nette les phénomènes présentés par le régu- lateur, a été exposée par eux dans la Théorie nouvelle des Réqulateurs qu'ils ont publié en 1878 et où ils insistent sur la nécessité de tenir compte, pour étudier l'appareil à boules, de sa liaison avec la machine connaissance de cause, il faudrait avoir la repré- sentation complète du mouvement simultané de la machine et de l'appareil à boules à la suite d’une perturbation !. Mais dans la pratique on peut éviter cette diffi- culté en laissant à l'expérience le soin d'indiquer les modifications à apporter à quelques-uns des éléments de l'appareil de régulation. L'important est de se rendre un compte exact de la grandeur relative de ces éléments et du sens dans lequei ils agissent. On peut d’ailleurs généra- lement prendre comme point de comparaison un appareil connu, établi dans des conditions à peu près analogues et dont le fonctionnement est satis- faisant. Il ne faut d'ailleurs pas perdre de vue que les difficultés auxquelles on est exposé se produisent lorsqu'on veut trop resserrer l'amplitude des varialions de la vitesse; à ce point de vue, si l’on cherche à avoir le maximum de régularité possible, il sera bon de se réserver les moyens de régler l'appareil, c’est-à-dire de modifier au besoin les éléments du régulateur dans une certaine limite. 17. Etablissement d'un appareil à action directe. — Les éléments qui, pour un système mécanique donné, influent sur la marche de l'appareil, sont : 1° Le degré d'isochronisme marqué par la différence des vitesses d'équilibre w, w, correspondant à l'ouverture et à la fermeture complète de la valve. 1 On peut, par un tracé graphique simple, obtenir cette représentation. Voir pour les moteurs hydrauliques : H. Léauté, « Memoire sur les oscillations à longues pé- riodes », Journal de l'Ecole polytechnique, LV® cahier. L'étude du mouvement simultané de la machine et du régu- lateur n’a été entreprise, à un point de vue juste que par Wischnegradski (Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, 31 juillet 1876). Son analyse exacte et élégante conduit à des résultats très nets et utilisables, Il aurait même très proba- blement résolu le problème s’il avait tenu compte du frotte- ment qui, dans ces sortes de questions, joue un rôle capital. Malheureusement sa méthode, exclusivement aaalytique, s’y prétait peu et il n’a pu faire qu’une chose, vérifier que ses conclusions restaient encore vraies d’une manière générale dans le cas du frottement. Ce qui lui a manqué, c’est une connaissance suflisante des choses de la pratique. Les autres travaux, sauf ceux de M. Rolland et de M. Resal, ‘ont laissé de côté le véritable point de vue et considéré sim- plement l'appareil à boules à l’état statique. M. Rolland, qui connaissait le phénomène des oscillations en sa qualité de praticien, en a parlé dans son beau mémoire; mais il a été obligé de s’en tenir à des apercus généraux et assez vagues, ses calculs où il considérait simplement lappa- reil à boules indépendamment de la machine ne pouvant lui fournir sur ce sujet aucune indication précise, Quant à M. Resal, il a donné le premier l'équation du mouvement de la machine (Mécanique générale, t. TI, p. 219), mais cette équation suppose implicitement que les boules occupent à chaque instant la position d'équilibre correspon- dant à la vitesse de rotation que leur communique la machine. Cela revient à négliger le mouvement propre des boules, Dans ces conditions, 1ln°y a pas d’oscillations possibles, car il n’y à aucune raison pour que, la vanne étant arrivée à la : position de régime (celle pour laquelle le travail moteur est égal au travail résistant), les boules l’entrainent au delà, H. LÉAUTÉ. — SUR LA THÉORIE DES RÉGULATEURS 667 29 Le degré de sensibilité. On fixe ces éléments d'après la régularité que l'on juge nécessaire pour le travail à effectuer, mais sans perdre de vue que la recherche d’une trop grande régularité peut conduire à des oscilla- tions indéfinies. Si l’on s'est donné tout d’abord le système d’ap- pareil à force centrifuge, le degré d’isochronisme détermine la portion de course à utiliser et le degré de sensibilité détermine la puissance de l'appareil. On connait, en effet, l'effort qu'oppose la ma- nœuvre du mécanisme d'ouverture et de fermeture ; or l’on à : D(B—6)—f + f". Dans cette relation, f” et f” ne contiennent que les résistances extérieures à l’appareil à boules proprement dit, la sensibilité intrinsèque ç tenant compte des résistances intérieures. Si, avec ces données, le résultat n’est pas satis- faisant et que des oscillations se produisent, on pourra, soit diminuer l'isochronisme et la sensi- bilité, soit ajouter un frein à huile, à air ou à eau, soit augmenter la puissance du volant. Les freins sont surtout nécessaires dans les ma- chines du genre Corliss où lFappareil à boules est sujet à des secousses périodiques de la part de l'appareil de détente qu’il est chargé de régler. Ils sont formés, en principe, d’un piston percé de trous et relié au levier de manœuvre du régu- lateur; ce piston se meut dans-un cylindre plein d'huile ! et le passage de l'huile à travers les trous produit une résistance qui éteint les oscil- lations. On remplace quelquefois l'huile par l'air (Régu- lateur Pichault), mais le principe est le même. 18. Etablissement d'un appareil à action indirecte. — Les éléments à déterminer sont : Lo Le degré d'isochronisme ; 2° La sensibilité ; 3° La vilesse relative du vannage. Le degré d’isochronisme se fixe comme précé- demment d’après la régularité que l'on veut oblenir. Il est marqué ici par la différence des vitesses correspondant à la mise en train de l'ouverture et à la mise en train de fermeture. La sensibilité se calcule encore comme dans le cas précédent, mais il est essentiel qu'elle soit aussi grande. que possible el, par suite, que l’ap- pareil à boules soit très puissant par rapport aux résistances qu’il a à vaincre. Si avec ces données, des oscillations apparaissent, il faut, soit diminuer le degré d'isochronisme, soil ! Ce cylindre est représenté dans la figure 10, en A. rendre le mouvement du vannage moins rapide. Contrairement à ce qui se passe pour les appa- reils directs, on peut déterminer l'apparition de l’état d’oscillation en augmentant la puissance du volant, 19. Corrélation entre le volant et le régulateur. — Comme nous l'avons dit, le régulateur a des fonc- ions différentes de celles du volant. Il est essentiel que le premier ne soil pas sen- sible aux variations périodiques de la vitesse ou, plus exactement, qu'il n'entre pas en action sous l'influence de ces variations. Bien que ce résultat puisse être obtenu dans une certaine mesure par l'emploi du frein à huile quand les variations dont il s’agit sont très rapides, il est préférable de calculer l'appareil à boules de façon à obtenir le résultat cherché indépendamment du frein. Il faut alors que l'écart E des vitesses pour les- quelles le régulateur entre en action soit plus grand que l'écart maximum # toléré par le volant. Dans les appareils à action directe le régulateur agit dès que les boules se déplacent ; l'écart E n'est autre que la différence des vitesses w' et w” de montée et de descente ; on doit donc avoir : W'—v0' >e c'est, par suite, la sensibilité qui ne doit pas des- cendre au-dessous de la limite donnée par le volant. Dans les appareils à action indirecte, le régula- teur entre seulement en action quand les boules atteignent les extrémités de leur course; l'écart E est représenté par la différence ©," — w," des vi- Lesses extrèmes et il faut qu'on ait : n— 0) —0/" >> e. C'est donc /e degré d'isochronisme augmenté de li sensibilité qui ne doit pas être inférieur à Ja limite fournie par le volant. 20. Remarques yénérales sur le problème de la réqu- larisation du mouvement. — Conclusion. — La théorie des régulateurs à action directe ou à action indi- recte peut être faite, les règles que comporte l’éta- blissement de ces appareils peuvent être données, sans qu'il soit nécessaire de spécifier quel système on a en vue ; tous les mécanismes plus ou moins compliqués que l’on a inventés pour la régularisa- tion des machines se valent à peu près au point de vue général et la disposition même de l'organe régulateur est presque sans influence ; chaque dis- positif présente des avantages par certains côtés spéciaux, mais n'est pas supérieur en total au sys- tème que le génie de Watt a inventé. C’est là un premier point que la mécanique applis 668 F. BERNARD. — LE GROUPE DES SPONGIAIRES D'APRÈS LES TRAVAUX RÉCENTS quée a été longue à acquérir. Il en est un second non moins important et qui servira de conclusion à cette étude : Le principe fondamental à ne jamais perdre de vue dans l'établissement d'un régulateur, c'est qu'il n'y à pas d'appareil capable de régulariser par le seul fait qu’il {nd à s'opposer aux variations de vitesse consécutives à une perturbation ; il faut avant tout que cet appareil soit capable de rétablir la constance de la vitesse, c’est-à-dire d'engendrer un nouvel état stable de régime. Pour cela tous les | LES RÉCENTS TRAVAUX Le groupe des Spongiaires, dédaigné à lort de- puis longtemps des zoologistes français, a élé tout récemment l'objet de magnifiques publications, qui sont venues compléter les recherches classiques d'Hæckel, de 0. Schmidt, de EF. E, Schul(ze et de tant d’autres. Le dernier de ces savants a fondé une véritable école de spongologues qui a rendu les plus grands services. Un autre zoologiste dis- tingué, Carter, a publié depuis 1848 plus de 110 notes sur les Éponges.Les plus importants de tous les mémoires récents sont les rapports relatifs aux collections du Challenger. Chaque groupe a été con- fié à un spécialiste déjà renommé: F.E. Schultze a décrit lui-même les Hexactinellidés, Polejaeff les Éponges calcaires et cornées, Sollas les Tétracti- nellidés, Ridley et Dendy les Monaxonidés. Enfin,tout récemment(1889), Lendenfeld,dans un grand ouvrage, le pluscomplet qui ait été présenté sur la question, publié par la Société lioyale de Londres, coordonnait de longues recherches en- treprises par lui sur les Éponges cornées, et don- nait une monographie histologique el systéma- tique de tout le groupe. L'embranchement entier des Spongiaires vient donc d’être repris dans son ensemble, et avec toute la précision que comportent les méthodes actuelles d'investigation . Un nombre considérable d'’es- pèces de tous les pays ont élé décrites, non seu- lement quant à leurs caractères extérieurs, mais aussi dans leur structure histologique, et l'on peut dire que, pris en bloc, le groupe commence à être bien connu, abstraction faite, bien entendu, de l'embryogénie. De l'examen de ces divers mérioires, que j'ai été obligé de faire pour la détermination de la collection des Spongiaires du Muséum, se détache un certain nombre de fails. éléments du régulateur, isochronisme, sensibilité, puissance, doivent être en rapport avec la machine dont on s'occupe et la nature du travail qu’elle est destinée à effectuer. À cette condition seule, on évitera les trop nombreux mécomptes auxquels on est exposé et le régulateur, au lieu d’être une nou- velle cause de trouble comme il l’est trop souvent, donnera vraiment la régularité que l’on cherche. H. Léauté de l'Académie des Sciences. SUR LES SPONGIAIRES Tout d'abord, les observations histologiques des divers auteurssontremarquablementconcordantes. Cela tient évidemment à la simplicité relative des tissus qui composent ces animaux, mais surtout à la précision à laquelle les méthodes de fixation et de coloration permettent d'arriver dans la des- cription des éléments. À ce point de vue, le résul- tal général est que les éponges sont des êtres bien plus compliqués qu'on ne l'avait cru longtemps, et que les divers tissus, nerveux, musculaire, etc. décrits à diverses époques, existent bien en réalité. On est loin de s'entendre aussi bien sur les li- miles des genres et des espèces, en particulier quand il s’agit des éponges cornées. Lendenfeld, par exemple, caractérise souvent les espèces d'après la dimension moyenne des fibres du sque- lette, et fonde seulement des variétés d’après la forme extérieure de l'éponge ; F. E. Schultze, dans les mêmes groupes, attache plus d'importance à l'arrangement des fibres, et Polejaeff prend l’es- pèce dans un sens encore bien plus large. Après avoir tenté un grand nombre de délerminations, on arrive forcément à se demander si les auteurs ont fondé leurs espèces sur un nombre suffisant d'échantillons, car pour un genre bien défini, il est rare qu'un individu présente à la fois tous les ca- ractères indiqués pour une espèce quelconque. Il est curieux, d'autre part, de voir des formes bien définies exister avec des caractères constants dans les régions les plus éloignées, telles que l'Adria- tique, les côtes de l'Australie et de l'Amérique du Nord. En somme, il n’est peut-être pas de groupe dans tout le règne animal où la notion d'espèce soit plus obscure et plus mal définie, malgré tous les efforts de nombreux et savants zoologistes. Les relations des grandes subdivisions semblent mieux définies et, si les divers arbres généalogiques F. BERNARD. — LE GROUPE DES SPONGIAIRES D'APRÈS LES TRAVAUX RÉCENTS 669 proposés ne coïncident pas absolument, du moins on peut dire que de longues séries continues sont établies pour les éponges cornées et les éponges siliceuses. L'on s'accorde généralement à mettre tout à fait à part les Éponges dont le squelette est formé de spicules calcaires, et à réunir toutes les autres dans une même classe. Les éponges cornées ne doivent-pas être séparées des éponges siliceuses: tout d’abord un grand nombre de formes contien- nent des spicules siliceux à l'intérieur de fibres cornées. De plus, un groupe important d'éponges cornées présente des caractères anatomiques iden- tiques à ceux des Æeraclinellidés, belles éponges treillissées des grandes profondeurs, dont les plus connues sont les Euplectelles. Les résultatsles plus importants obtenus dans ces dernières années ont trait à la structure histologique des éponges supé- rieures. On admet depuis Hæckel que les Eponges les plus compliquées peuvent être assimilées à des associations plus ou moins intimes d'êtres tous semblables entre eux et semblables à la plus simple de toutes les Eponges, à l’'Olynthus primordialis. Celle-ci a la forme d’un sac percé d'un grand nom- bre de pores par où l’eau pénètre dans la cavité centrale, d’où elle s'échappe par une large ouver- ture ou oscule. On a longtemps admis que l’Olynthus était formé de deux couches de cellules seulement ; des cellules à collerettes pourvues d’un grand cil vibratile et des cellules irrégulières, douées de mouvements amiboïdes. La ressemblance frappante .des premiers de ces éléments avec des Infusoires (Choanoflagellés) et des autres avec des Foramini- fères avait amené divers auteurs à considérer l’in- dividu spongiaire comme une colonie soit d'Infu- soires (Clark, Saville Kent) soit de Foraminifères (Carter, Carpenter, etc.). Mais la découverte d’une troisième couche de cellules très minces extérieure à la précédente (feuillet de revêtement, ectoderme) a eu pour premier résultat de faire rejeter toutes ces théories. On doit done comparer les éponges les plus sim- ples à tous les autres animaux, où les tissus du corps dérivent aussi de trois feuillets primordiaux. L'étude attentive des éléments du feuillet moyen ou mésoderme, a même permis d'aller plus loin et de retrouver dans l'Eponge tous les éléments qui composent les divers tissus des animaux plus élevés. Ces éléments sont noyés dans une substance amorphe ou mésoglée, et sont généralement assez intimement mêlés lesuns aux autres, de sorte qu'il n’exisle pas à proprement parler d'organes distincts ; néanmoins en certains points les cellules douées d'une même fonction arrivent à s'associer en assez grand nombre. C’est ainsi qu'il existe des bandes musculaires, parfois disposées en cercle autour des ouvertures des canaux (Schultze), Des terminaisons nerveuses sensitives ont été décrites par Sfewart et Lendenfeld dans un grand nombre de cas; eiles sont en relation avec des cellules nerveuses ganglion- naires, et même, dans quelques cas, on a trouvé de véritables anneaux nerveux continus autour de pores aquifères : chez l'éponge chevaline existent aussi des nerfs portés au sommet de crêtes museu- laires, D'autre part, des éléments glandulaires très Fig. 1. — Coupe d’Hexactinellidé (d'après F. E. Schultze). E, Ectoderme externe. — e, Ectoderme interne. — m, Méso- derme. — C, Corbeille vibratile (Entoderme). — o, Oscule. — p, Pore inhalant. — s, Spicules. volumineux se rencontrent à la surface des diverses Eponges (Merejkowsky, Polejaeff, Lendenfeld). Si l'éponge est inquiétée, ces cellules sécrètent une substance qui s’intercale entre l’épithelium et le reste du corps; l’épithéliun tombe, et l'éponge est entourée d’une enveloppe qui durcit dans l’eau et peut contribuer à la protéger. Des éléments de même nature sont aptes à sécréter, dans les épon- ges cornées, les fibrilles dont se compose le sque- lette élastique que tout le monde connait. Ces cellules déposent un petit amas de chitine à la sur- face de tout corps étranger qui a pu pénétrer à l'intérieur du corps. De nombreuses espèces ont la faculté de trier, pour ainsi dire, les corpuscules d’une certaine nature et d'une certaine dimension, pour les retenir à l’intérieur de leurs filaments. D'autres éléments intéressants connus depuis long- temps sont les cellules migratrices qui cheminent lentement à travers la substance fondamientale et peuvent, pour la plupart, se transformer dans les 670 A, WITZ. — LA THERMODYNAMIQUE, D'APRÈS MM. BERTRAND, CLAUSIUS ET ZEUNER divers éléments que nous venons de citer. Pour terminer cette énuméralion, citons les cellules con- jonctives propres et les éléments reproducteurs. Un des points que les travaux récents ont le mieux mis en lumière, est la différence fonda- mentale qui existe entre les Eponges et l’embran- chement qui en est le plus voisin, celui des Cœlen- térés proprement dits (Hydraires, Coralliaires.) Dans les Eponges, en effet, c'est le feuillet moyen de la larve ou mésoderme, qui, par la différenciation pro- gressive de ses éléments, donne naissance aux cellules de fonctions variées que nous venons d'indiquer : le feuillet externe ou ectoderme reste toujours simple et forme uniquement un mince re- vêtement. Chez les Cœlentérés au contraire l’ecto- derme acquiert plusieurs couches de cellules, et c’est lui qui forme les tissus nerveux, musculaire, reproducteur, ete. Cette différence, jointe à d’au- tres bien connues, justifie pleinement l’établisse- ment d’un embranchement spécial pour les Spon- giaires, Félix Bernard. Aide-naturaliste au Muséum d'Histoire naturelle, LA THERMODYNAMIQUE . D'APRÈS MM. J. BERTRAND, R. CLAUSIUS ET G. VON ZEUNER De même que l’histoire d'une École est écrite dans les œuvres des maitres, de même l’état d’une science se peint dans les exposés didactiques qu'on en publie : invité à faire dans ce Journal une revue de la thermodynamique, nous nous sommes proposé de juxtaposer les idées actuelles des ther- modynamistes les plus autorisés, de comparer leurs procédés, et d'étudier la manière différente dont ils ont traité, à la même époque, la théorie mécanique de la chaleur ! : nous observerons des analogies et des contrastes, qu'il sera intéressant de relever et plus utile encore de méditer. La spécialité des études des trois savants dont nous rapprocherons les œuvres magistrales, les a placés sur des sommets élevés d’où ils ont vu la thermodynamique sous des perspectives différen- tes. Rudolph Clausius était un physicien, M. Zeu- ner est un ingénieur et M. Bertrand plus particu- lièrement un mathémalicien; leurs spécialités diverses se révèlent dans leur œuvre aussi bien que l'objectif principal de leurs études. Le premier, qui est un des créateurs de la science nouvelle, a fait un exposé didactique des principes et les a appliqués à l'interprétation des phénomènes natu- rels, en même temps qu'il établissait nettement la part considérable qui lui revenait ; le second, bien connu par ses beaux travaux de mécanique appli- quée, a cherché à simplifier le plus possible l'expo- 1 La Thermodynamique, par J. Bertrand Paris, Gauthier- Villars et fils, 1887. Théorie mécanique de la chaleur, par R. Clausius. 3e édit., traduction Folie et Ronkar, Mons, Manceaux, 1887. Technische Thermodynamik, par G. von Zeuner. 3° édit., Leipzig, Félix, 1887. sition des théorèmes dont la connaissance est nécessaire aux ingénieurs; il à calculé pour eux des tableaux de chiffres et il a établi une théorie : nouvelle des machines à feu; le troisième a entre- pris une exposition critique et une discussion approfondie des méthodes, avec une ampleur et une rigueur dignes du Collège de France, où ce cours a été professé, avec toute l'élégance et la limpidité qu'on pouvait attendre d’un membre de l’Académie française, successeur de Fonte- nelle, de Condorcet, d’Arago et de J.-B. Dumas. On apprend bien la science avec le premier, le second montre tout le parti qu’on peut en tirer et M. Bertrand inspire de sérieuses el profondes réflexions à ceux qui pourraient croire qu'ils n'avaient plus rien à apprendre. I La première édition du (traité de Clausius remonte à 186% : c'était un recueil de mémoires détachés, publiés à partir de 1850, à des époques et sous des formes diverses ; l’ensemble était un peu disparate el nécessitait une refonte. Ce savant l’entreprit en 1875, date de la seconde édi- tion, et il la compléta en 1887, dans sa troisième édition : ses préoccupations didactiques lui firent rechercher l’ordre des matières et le mode d’expo- sition le plus propres à rendre la science pleine- ment accessible sans la vulgariser, ce qui n’est pas aisé, disait-il, car des points de vue et des pro- cédés nouveaux rendent la théorie un peu diflicile. Le plan de l'ouvrage est par conséquent celui qui a paru à Clausius le plus logique et le plus clair : il y a donc lieu d'y arrêter notre attention. A. WITZ. — LA THERMODYNAMIQUE, D'APRÈS MM. BERTRAND, CLAUSIUS ET ZEUNER 671 Il part du théorème des forces vives, et de l'hypo- thèse que la chaleur est un mode de mouvement des dernières particules des corps; la quantité de chaleur est la force vive de ce mouvement et l’équivalence de la chaleur et du travail se‘trouve établie par le fait même. Le premier principe, le principe de Mayer, est done un cas particulier d’un théorème de mécanique et sa démonstration repose sur une donnée hypothétique; c’est une base contestable; aussi Clausius a-t-il prudem- ment déclaré plus loin que l’on peut aussi le regar- der «comme un théorème déduit de l'expérience et de l'observation ». L’équation fondamentale dQ = dU + 4W suflit à l'étude des gaz parfaits, dans lesquels on peut négliger le travail interne ; les propriétés des gaz parfaits conduisent à la dé- termination du rapport des chaleurs spécifiques à volume constant et à pression constante, et per- mettent l'étude des détentes adiabatiques et la me- sure du travail extérieur développé dans les chan- gements de volume. Vient alors l'exposé du second principe, appelé le principe de Carnot ', dont Clau- sius a rectifié l'énoncé et dont il donne la démons- tration en s'appuyant sur le célèbre postulat qui lui valut tant d’objections : la chaleur ne peut pas- ser d'elle-même, ou sans compensation, d'un corps froid sur un corps plus chaud. Après avoir dé- montré ainsi que le rapport de la chaleur trans- formée en travail à la chaleur disponible, dans un cycle réversible, est indépendant de la nature de la substance qui opère la transformation, il montre que ce rapport est une certaine fonction 9 (T, £.) des températures extrêmes : la forme de cette fonction est facile à établir pour les gaz parfaits, et elle se trouve dès lors déterminée d'une manière gé- nérale, puisqu'elle est la même pour tous les corps. Finalement, le second principe est exprimé 1 par l'équation [+ = 0, qui s'applique à un cyele fermé quelconque, pourvu qu'il soit réversible ; si lon donne les valeurs extrêmes des variables qui définissent l’état initial et final du corps, on aura dQ — Tu, S étant la fonction que Clausius a nom- mée entropie. Tout cela est l'œuvre originale du maitre; n'était la condition de réversibilité, qu'il est si difficile de définir, ce serait parfait et il n’y aurait pas lieu de chercher autre chose. Mais qui 1 « Clausius a fait preuve de modestie en conservant à ce théorème le nom illustre de Carnot. » Ce jugement est de M. Bertrand ; il ajoute : «il serait injuste d’attacher aux con- séquences de la découverte de Carnot un nom, si grand qu'il soit, autre que le sien.» Que le second principe reste donc le principe de Carnot, bien que son énoncé correct soit de Clausius, de même que le premier sera toujours appelé le principe de Mayer, quelle que soit la part qu'aient prise Joule et Colding à son énoncé. LA nous dira nettement ce que sont les cycles réver- sibles ? On n’évite pas cette grave difficulté en re- courant à la considération des transformations équivalentes pour mettre le second principe sous une forme nouvelle, et ce complément n'ajoute rien à la netteté de l'exposition : Clausius eût pu le supprimer sans inconvénient, nous le croyons du moins. Par contre, nous avons cherché en vain les calculs par lesquels il a réduit le Second principe aux principes généraux de la mécanique ; ce tra- vail avait paru en 1872 dans les Annales de Pog- gendorfF. Le chapitre V est consacré à la transformation des deux équations fondamentales ; application en est faite aux vapeurs saturées dans le chapitre VI, à la fusion et à la vaporisation des corps solides dans le chapitre VII ei à l’étude des corps homo- gènes dans le chapitre VIIT; puis l’auteur revient à la détermination de l'énergie et de l’entropie, dont l'importance est si grande dans la théorie de la chaleur. Les phénomènes non réversibles font l’objet du ll chapitre IX : on a alors = 0. A cette occasion, Clausius étudie les dilatations des gaz et des vapeurs saturées sans travail extérieur, ou bien avec production d’un travail incomplet, ou dans diverses autres circonstances et il expose les re- cherches expérimentales de Thomson et Joule, qu'on adjoint plus souvent à la théorie des gaz parfaits. Enfin il aborde la machine à vapeur, avec le parti pris de négliger l'influence des parois : Hirn a déclaré, avec raison, que ce procédé nous ramenait de 40 ans en arrière ! Achevons notre analyse en constatant que la théorie cinétique des gaz n’est pas mentionnée dans ce volume, alors qu’elle y occupait une place consi- dérable dans l’édition précédente et que la théorie générale des machines thermiques est laissée dans l'ombre : la dissolution et la dissociation n'y sont pas étudiées non plus; mais ces lacunes seront comblées, car la théorie mécanique du savant alle- mand se compose de trois volumes dont l’impres- sion a malheureusement élé retardée par sa mort, survenue le 23 août 1888. Il est à désirer que la publication et la traduction des deux derniers vo- lumes donne enfin satisfaction aux vœux pressants des disciples et des admirateurs de l’illustre pro- fesseur de Bonn. Il L'ouvrage de M. Zeuner à un caractère plus technique, mais une large part y est faite néanmoins à l'exposé des principes généraux de la science. Comme Clausius, il prend pour base de son exposilion les équations de la dynamique, 672 A. WITZ. — LA THERMODYNAMIQUE, D'APRÈS MM. BERTRAND, CLAUSIUS ET ZEUNER mais il procède différemment, et. au lieu de con- sidérer la chaleur interne (innere Waerme), ilmeten évidence le #ravail interne (innere Arbeit), de sorte que le premier principe est énoncé par l'équa- tion 4Q — A (4V + dL) — A (Xdp + Ydv). Or. on démontre que (n) — (a) — 1, d'où il résulte dp dv, que l'équation en 4Q n’est pas intégrable tant qu'on ne connait pas une autre relation entre les grandeurs qu'elle renferme: mais il existe une 1 : fonction $S telle que l'expression = devient une différentielle exacte. Cette fonction S, qui est une fonction de p et de , a des propriétés caractéristi- ques dans les cycles réversibles ; on a notammen dQ à rt S — 0, et l’on découvre en définitive que «S re- présente véritablement la température »; $ ne dif- fère de la fonction G de Clapeyron (fonction de Carnot) que par un facteur constant. Il ne reste À 1 : plus qu'à démontrer que le facteur = est le même x D pour tous les corps: les premières éditions pré- sentaient à cet égard une lacune qui a été comblée par l’auteur sur les observations de Clausius. Le sens physique du facteur d’intégrabilité est com- plété en même temps. Le second principe étant démontré, on l’applique à l’étude des cyeles, pour laquelle M. Zeuner fait un usage excellent des représentations graphiques. Ce n’est qu'alors que l’auteur aborde les pro- priétés des gaz, l'analyse des transformations polv- tropiques en général (isothermiques, adiabatiques et isodynamiques, suivant les cas), etc; ce cha- pitre est très complet; il est suivi d’une belle théorie de l’écoulement des gaz et des fluides, dont on blämerait le développement excessif, si M. Zeuner n’en était le créateur. Les machines à air chaud el à gaz tonnant font l'objet d’une troisième partie, qui sera lue avec in- térêt par les théoriciens et avec profit par les pra- ticiens; nous saisissons l’occasion d’exprimernotre reconnaissance à M. Zeuner pour la mention qu'il a daigné faire de nos recherches sur les moteurs à gaz. La théorie des régénérateurs est très clairement exposée. La théorie des vapeurs et leur application aux machines est renvoyée au second volume. Les études purement spéculatives sont écartées en principe de cet ouvrage ; mais aucune des ques- tions théoriques susceptible d’une application technique n’a été négligée : l'analyse mathéma- tique est largement mise à contribution, mais sans excès, et, à côté des équations qui parlent à l’es- prit, les ingénieurs sont heureux de trouver des dessins qui parlent aux yeux, Le livre de M. Zeu- ner répond excellemment aux désirs etaux besoins de ceux qui étudient la mécanique de lachaleur en vue des services qu'elle peut leur rendre. On se demande dès lors si, au lieu de démontrer les principes fondamentaux, -il n'eût pas été préfé- rable de les considérer comme des Postulats, dont l'expérience confirme l'exactitude par la vérifica- tion de leurs conséquences ; c'est la méthode adop- tée avec raison par M. Haton de la Goupillière, dans la Thermodynamique ajoutée à son remar- quable Cours de machines. IT M. Bertrand a écrit une Thermodynamique pour ceux qui savent déjà, mais qui ont besoin de mûrir leurs connaissances : ce n’est pas le livre des élèves, c'est celui des maitres; ce n’est pas un cours d’en- seignement de la Sorbonne, c’est l’exposé critique des méthodes, réservé aux chaires du Collège de France. Voilà le premier objeclif de l'illustre pre- fesseur. Mais le savant s’est laissé guider aussi par une préoccupation d’un ordre plus élevé. On aurait tort de croire que la théorie mécanique soit arrivée àson entier développement : elle grandit toujours et se fortifie encore. Elle est si jeune, que nous nous fai- sons l'illusion de l'avoir tous vue naître; mainte- nant que Carnot, Mayer, Colding, Joule, Clausius, Kirchoff et Hirn ne sont plus, nous nous croirons autorisés plus que jamais à la prendre en tutelle. Abandonnons la métaphore, mais poursuivons l'idée : il est certain que cette science nouvelle est encore soumise à la discussion; son nom même, ses principes fondamentaux, ses méthodes, ses ap- plications sont l’objet de réserves nombreuses, voire même d'attaques assez vives, qu'on ne se permettrait pas contre un système scientifique plus anciennement établi. La théorie attend encore son édition ne varietur : M. Bertrand a voulu en hâter l'apparition, et pour cela il a entrepris de faire le partage du certain et du douteux, d’éclaircir, de compléter et d’élaguer. « J'ai étudié avec soin, dit-il dans sa Préface, toutes les théories que j'avais à exposer, mais je n'ai cherché à rendre clair que ce qui l'était à mes yeux. Telle est la cause des lacunes qui subsistent. » Il dit encore : « La haute importance des méthodes nouvelles n’est pas con- testée ; loin de là, c’est contre une admiration sans réserve qu'il importe de se mettre en garde. Il faut tolérer les nuages qui portent ‘ombre, mais aimer la lumière et la chercher toujours. » La Thermo- dynamique de M. Bertrand est une œuvre de haute crilique, qui contribuera considérablement aux progrès de la science et qui fera époque dans son histoire. a É PS A. WITZ. — LA THERMODYNAMIQUE, D'APRÈS MM. BERTRAND, CLAUSIUS ET ZEUNER 6738 Le plan du livre est nouveau et témoigne des préoccupations extra-didactiques de l'auteur, car l’ordre chronologique des faits vient modifier plu- sieurs fois l'ordre logique des développements. Il commence par l’étude des gaz parfaits, dont les propriétés bien connues ont ouvert la voie à la théorie mécanique; les idées de Sadi Carnot sont exposées avant celles de Robert Mayer ; le pre- mier principe est rejeté en arrière, au risque de se priver de son concours dans quelques démonstra- tions auxquelles il serait pourtant fort utile. Mais, chemin faisant, on rectifie bien des énoncés, on explique longuement la notion des caloriques spécifiques, on discute l'équation dg — X dp + Y dv, on analyse l’œuvre de Carnot et de Mayer, on met en lumière la collaboration de Clapeyron avec une sagacité, une pénétration, une finesse que nous n'apprécierons complètement qu'à une seconde et une troisième lecture et qui demandera une solide et forte étude pour être bien comprise. Le principe de l’équivalence est considéré comme un résultat d'expérience et M. Bertrand renonce, avec raison, à le démontrer en partant de l'hypothèse du mouvement moléculaire. Le second principe est établi à la façon de Clausius, dont cependant le postulat « n’est pas, il faut l'avouer, d'une entière évidence » ; on arriverait au même ré- sultat en disant que la chaleur ne pourrait pro- duire de travail si elle ne quittait un corps plus chaud que celui qui la reçoit; cet axiôme se rap- proche davantage des idées de Carnot. Le chapitre consacré aux cycles non réversibles est très court: « les démonstrations et les énoncés mêmes de leurs propriétés me paraissent jusqu'ici manquer de rigueur et de précision. » L'entropie n'est plus définie dans le cas de non réversibilité «cette étude est restée pour moi trop diflicile et trop vague. » Voilà de graves réserves et de sages déclarations dont les thermodynamistes feront leur. profil. La question des vapeurs saturées est développée dans plusieurs chapitres et elle conduit à une belle analyse des phénomènes qui se succèdent dans le cylindre des machines à vapeur et notamment de la condensation pendant la détente; le cyclè.de la vapeur et les diagrammes des machines sont éom- parés fort judicieusement et le lecteur s'arrête avec satisfaction à la démonstration du théorème dm. M. Marcel Deprez sur la proportionnalité du tra vail du cycle à la quantité de chaleur admise. L'influence des parois est hautement reconnue, Trois chapitres sont intitulés : quelques théo- rèmes, quelques problèmes, quelques applications; c'est une mosaïque de propositions que nous renonçons à signaler par le détail !, mais qui présentent pour la plupart un grand intérêt théo- rique ou pratique. Elles conduisent M. Bertrand à établir des formules empiriques donnant les forces élastiques maxima de certaines vapeurs en fonction de la température: des tableaux et des courbes, qu'on est étonné de rencontrer et surtout de trouver en si grand nombre dans ce livre, témoi- gnent d’un accord satisfaisant entre les valeurs calculées et observées ; l'épreuve est moins décisive pour les tensions de dissociation calculées par la même méthode. L'influence de la pression sur la fusion de la glace et les chaleurs de mélange et de dissolution font l'objet de quatre paragraphes par lesquels se terminent les applications de la théorie. Parmi les questions omises se trouvent la théorie de l'écoulement des fluides, la théorie cinétique des gaz, les études sur la fusion'et la solidification et sur la traction des solides : ce sont des lacunes, mais des lacunes voulues, 1l importe de ne pas l'ou- blier. Nous avons essayé de rendre compte de ce beau livre. M. Bertrand n'a que faire de nos éloges, mais il nous permettra de dire que nul n'osera désormais écrire sur la malière sans avoir médité longuement sa T'hermodynamique. Aimé Witz, Professeur à la Faculté libre des Sciences de Lille 1 Citons-en une comme exemple : quelles sont les condi- tions pour que la compression dégage une quantité de cha- leur équivalente au travail dépensé pour la produire ? 674 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Eastman, Président de la Philosophical Society de Washington: Assumption and facts in the theories of solar and stellars’ proper motions. Après quelques considérations philosophiques, M. Éastman nous transporte au xvure siècle, à l’époque où l’on voit apparaître vaguement l'idée d’un centre fixe autour duquel graviterait le système solaire tout entier, idée à laquelle conduisit l'observation de mou- vements propres des étoiles. Tycho-Brahé remarqua le premier des changements dans les latitudes de quelques fixes, mais il assurait que ces changements n’ont rien de réel et qu'ils tiennent seulement à la variation de l’obliquité de l’écliptique. Cette explication ne fut pas acceptée par Halley qui, en 1718, montra que les trois étoiles Arcturus, Sirius, Aldébaran avaient subi des changements inexplicables par le seul déplacement de l’écliptique. En 1738 Jacques Cassini leva tous les doutes en montrant notamment que tandis qu'Arcturus s'était déplacé en latitude, l'étoile voisine G Bouvier était restée immobile. « On peut donc supposer avec beau- coup de vraisemblance, dit-il !, que les étoiles qui sont sujettes à quelque variation, font leurs révolu- tions autour d'un centre ou d’un astre que nous n’aper- cevons pas, et qui pourrait être même quelqu'une de ces étoiles que nous distinguons; car quoique nous les reconnaissions toutes pour autant de Soleils, il est très possible que de même qu'il y a des Planètes qui font leurs révolutions autour d’autres Planètes, telles que la Lune autour de la Terre, et les Satellites autour de Jupiter et de Saturne, il y ait aussi des Etoiles fixes dont le mouvement se fasse autour d'autres Astres de la même nature, ce qui s’accorderait avec la pensée de Descartes, qui à jugé que la Terre et les Planètes étaient, dans leur première origine, des Astres lumi- neux qui se sont encroûtés dans la suite des temps. » Ce fut Tobie Mayer (1760) qui généralisa les recherches sur les mouvements propres et qui examina systématiquement toutes les étoiles pour lesquelles on possédait alors de bonnes observationsfaites à des inter- valles considérables, Dès lors on ne douta plus que toutes les étoiles eussent des mouvements propres: « Puisque, disait Bailly, Aldébaran, Sirius, Arcturus et sans doute quel- ques autres étoiles se meuvent, il est évident que toutes doivent se mouvoir, Les fortunes sont les mêmes, les lois principales de la nature sont générales pour les êtres de même espèce ?, » Alors apparaît l’idée nettement exprimée de la trans- lation du système solaire dans l’espace : on la ren- contre pour la première fois dans les Lettres cosmolo- giques de Lambert (1761), pour qui les mouvements ropres des étoiles sont dus à deux causes combinées : le déplacement effectif de ces astres et le transport du Soleil avec son cortège de planètes dans l’espace. De son côté Lalande (1776) regardait le mouvement de trans- lation du soleil comme une conséquence de sa rotation. P. Prévost, professeur de mathématiques à l’Ecole militaire, essaya le premier, en 1781, de déterminer la direction de ce mouvement et il trouva que le Soleil se transporte vers un point $ voisin de la constellation | Mém. de l’Acad. 17138, p. 345 = Bailly, Histoire de l'Astronomie moderne, t. II, p. 665. # Ce point est appelé, en anglais, l’apex du système solaire : et cette dénomination est souvent employée aujourd’hui en francais, ET INDEX d'Hercule, Mais ce déplacement du Soleil ne prit une réelle importance qu'à la suite des travaux de W. Hers- chel, sur ce sujet, et contenus dans trois mémoires de 1783, 1805 et 1806 : dans le dernier il évalue à 1/12 le déplacement annuel du système solaire vu à angle droit et à la distance de Sirius. A mesure que l’on a connu un plus grand nombre de mouvements propres, divers astronomes ont successi- vement repris cette détermination à l’aide d'étoiles de plus en plus nombreuses, et le tableau suivant résume les résultats obtenus jusqu’à ce jour : DATES COORDONNÉES DE L'APEX yées ropre an- , vu de la  distance des étoiles de DU SYSTEME SOLAIRE AUTEURS des emplo travaux Nombre d'étoiles Ase. dr.| Déclin. |Époque Mouvement nuel du sole Prévost... W.Herschel US Id e Gauss..." Argelander. Lundahl.... 0. Struve.. Galloway.… Müädler..... ! 259.10 259. 52 252.24 261.22 260.1 261.39 256.54 ROUTE 261.29 Dunkin.... 261.14 161 DE 263.44 Stone...... » 0 OPEN € » Gyldén.….... 214.6 ST 260.30 De Ball... 269.0 Bischof 285.12 Ubaghs. ….. 262.24 L. Struve.. 273.18 » 431.54 431.52 426.36 427.18 +339 Moyenne. Il est donc certain que le système solaire a dans l’espace un mouvement de translation dont la direction “est à peu près connue, Pour avancer davantage dans cette recherche, il serait nécessaire de connaître les distances des étoiles au Soleil; mais ici l'astronomie ne dispose encore que de bien faibles ressources, Déjà Lambert (1760) admettait que les belles étoiles ne nous paraissent plus brillantes que les autres que parce qu'elles sont moins éloignées de nous ; et dans la suite on a considéré l'éclat relatif des étoiles comme donnant la mesure de leur distance, les plus faibles étant les plus éloignées, On a d’abord été con- firmé dans cette idée par la connaissance des mouve- ments propres et ensuite par celle des parallaxes stel- laires, les étoiles les plus brillantes ayant donné, en moyenne, les plus grands mouvements propres et les plus fortes parallaxes. Alors en partant des distances connues de quelques étoiles de première grandeur, on a basé sur cette idée, sur cette hypothèse, le calcul des parallaxes des étoiles de diverses grandeurs : les ré- sultats ainsi obtenus sont encore généralement ac- BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 675 ceptés. Cependant, les parallaxes et les mouvements propres aujourd'hui connus sont loin de confirmer cette hypothèse. Si, en effet, les étoiles les plus brillantes étaient les plus voisines de la Terre, les mouvements propres stel- laires devraient, en moyenne, diminuer en même temps que l'éclat des étoiles ; or il n’en est rien, comme le prouve le tableau suivant, emprunté à M. Eastman, relatif à 550 étoiles à mouvements propres bien déter- minés et distribuées en neuf groupes : NOMBRE GRANDEUR MOUVEMENT PROPRE GROUPES ve D ETOILES MOYENNE MOYEN 1,13 0,668 Pour le premier groupe, le résultat obtenu est peu probant parce qu'il n’v entre qu’un petit nombre d’é- toiles et parce qu’en outre trois d’entre elles ont des mouvements propres considérables ; en le laissant de côté, on voit que la valeur moyenne du mouvement propre est sensiblement la même pour les six premières grandeurs et qu’ensuite elle va en augmentant à mesure que les étoiles sont plus faibles, contrairement à ce qui devrait avoir lieu si les étoiles les plus faibles étaient les plus éloignées. Sans doute, pour que ce raisonnement fût sans ré- plique, il faudrait le baser sur toutes les étoiles de chaque grandeur ; toutefois la conclusion à laquelle il conduit se trouve fortement appuyée par la considéra- tion des parallaxes stellaires, aujourd'hui connues, au nombre d'environ 50, En groupant ces parallaxes par ordre de valeurs croissantes, et en y ajoutant la consi- dération des mouvements propres des mêmes étoiles, on obtient le tableau suivant : NOMBRE GRANDEURS MOUVEMENT PROPRE PARALLAXE D'ÉTOILES MOYENNES MOYEN MOYENNE 10 € 0,06 0,13 0,38 0,16 On voit que, pour les étoiles dont les distances à la terre sont connues, les plus rapprochées de nous sont les plus faibles, ainsi que l'avait déjà montré la con- sidération des mouvements propres. Il serait peut- être imprudent de généraliser ces conclusions, mais en présence de tels résultats, il devient difficile de soutenir l'hypothèse, généralement admise, que les belles étoiles ne nous paraissent plus brillantes que parce qu’elles sont plus rapprochées, ce qui revient à supposer les étoiles uniformément distribuées dans l’espace. G, BIGOURDAN. Poincaré (H.), de l'Institut. — Cours de Physique mathématique, Lecons professées à la Faculté des Sciences de Paris, et rédigées par J. Blondin. — Théorie mathématique de la lumière. Cours de 1887- 1888. — Electricité et optique. Les théories de Maxwell et la théorie électromagnétique de la lumière. Cours de 1888-1889. Paris, G. Carré 1890. C’est avec un très vif intérêt et avec une réelle satis- faction que nous avons lu ettravaillé les deux volumes de M. Poincaré dont nous venons d'écrire les titres, et nous ne saurions trop en recommander la lecture à tous les physiciens qui veulent être au courant des hy- pothèses que l’on peut admettre aujourd’hui sur les parties les plus intéressantes de la physique, l'optique et l'électricité. Nous ne pouvons songer à en don- ner une analyse détaillée et nous devons nous borner à quelques rapides indications qui suffiront cependant, nous l’espérons, à donner une idée de leur importance, Dans la théorie mathématique de la lumière, M. Poincaré montre comment les diverses théories proposées pour expliquer les phénomènes optiques par les vibrations d’un milieu élastique, tout en différant par quelques hypothèses secondaires, peuvent être considérées comme des conséquences de deux idées générales: le principe de la conservation de l'énergie et de la forme linéaire des équations des petits mouvements. Comme il le dit, la comparaison de ces diverses théo- ries est instructive ; elle était peu commode à faire par- ce que les mémoires originaux où elles se trouvent, outre qu'ils sont souvent difficiles à lire, se prètent mal à cette comparaison par suite du changement de no- tations, aussi bien que par suite des différences dans la forme des raisonnements, Dans le livre de M. Poin- caré, au contraire, on saisit avec facilité le caractère spécial de chaque théorie et la particularité de l’hypo- thèse physique à laquelle elle correspond, L'auteur jette par là une vive lumière sur l’état actuel de l’op- tique mathématique. Le point de départ de l’ouvrage est l'étude des petits mouvements dans un milieu élastique, étude faite en supposant que ce milieu est formé de molécules sépa- rées les unes des autres; cette hypothèse, M. Poincaré le fait remarquer avec insistance, n’est pas nécessaire, elle n’est pas démontrée non plus par la concordance des faits expérimentaux avec les conséquences du calcul, car cette concordance pourrait subsister si l’on supposait la matière continue, M. Poincaré étudie successivement la propagation d'une onde plane, les interférences, le principe de Huyghens (signalons particulièrement létude {par la- quelle il montre que les ondes élémentaires peuvent ne donner qu'une onde effective et non deux), la dif- fraction, la polarisation rotatoire, la dispersion avec les théories de Cauchy, de Briot, de M. Boussinesq, la double réfraction avec les théories de Fresnel, de Cauchy, de Neumann, de M. Sarrau de M. Boussinesq, la réflexion avec les théories de Fresnel, de Neumann et Mac Cullagh, de Cauchy et de M. Sarrau; enfin, il termine par une .étude de l’aberration. Les diverses théories proposées pour ces phéno- mènes se rattachent à deux groupes : dans l’un, on suppose avec Fresnel qne l’élasticité de l'éther est constante; dans l’autre on admet avec Neumann que la densité de l’éther est constante, Sauf peut-être l’expli- cation de l’aberration qui n’est d’ailleurs pas encore complète, rien ne permet de faire un choix entre ces deux hypothèses, Quelle que soit l'utilité très réelle de cet ouvrage, nous croyons que le second volume de M. Poincaré est appelé à rendre encore de plus grands et plus nom- breux services : comme son titre l'indique, dans ce livre l’auteur expose les théories de Maxwell, théories donliil est difficile de se rendre maître par l'étude de 676 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX l'ouvrage original. Dans l'introduction, M. Poincaré analyse très finement les causes de cette difficulté, causes dont les principales sont qu'on ne trouve pas dans Maxwell un ensemble théorique, logique et suivi; qu'on y rencontre une série de chapitres presque in- dépendants et même contradictoires sur divers points, que Maxwell entin ne cherche pas réellement à trouver une explication des phénomènes électriques et magné- tiques, mais seulement à prouver que cette explication est possible. M. Poincaré a coordonné les idées de Maxwell, met- tant en pleine lumière les hypothèses diverses ét quel- quefois inconciliables de celui-ci, les comparant avec les principales théories qui ônt été données par quel- ques autres savants. Si nous ajoutons qu'il n'a point fait usage des quaternions, on verra qu'il a fait là une œuvre personnelle et qu'il aura contribué à faire con- naître des idées dont la diffusion peut aider aux pro- grès de la science. Nous nous bornerons à donner les titres des chapitres sur quelques-uns desquels nous regrettons de ne pou- voir insister plus longuement : Formules de l’électrostatique : — Hypothèses de Max- well: — Théories des diélectriques de Poisson ; — déplacements des conducteurs sous l’action des forces électriques, Théories de Maxwell ; —Electro-kinétique ; — Magnétisme ; — Electro-magnétisme; — Electro-dy- namique ; — Induction, théorie de Maxwell; — Equa- tion générale du champ magnétique; — Théorie électro magnétique, conséquences des théories de Maxwell ; — Polarisation rotatoire magnétique, théories de Mawell, de M. Potier, de M. Rowland. Enfin un dernier chapitre dû à M. Blondin contient l'indication des vérifications expérimentales qu'on a pu faire jusqu'à présent des hypothèses de Maxwell (sauf toutefois les faits décou- verts par M. Hertz que M. Poincaré se réserve de traiter ultérieurement). On à dit quelquefois qu'une idée nouvelle n’acquiert toute sa valeur que lorsqu'elle a été exposée par un Francais : sans vouloir réfuser à nos compatriotes le don des pensées profondes et des études abstraites, nous croyons, en effet, que la clarté est un des carac- tères de notre esprit national. Il nous semble que, dans le cas actuel, les idées de Maxwell gagneront beaucoup, au point de vue de leur diffusion, à avoir été interprétées par M. Poincaré, Nous serions heureux si cette analyse rapide et, in- complète à tant d’égards pouvait augmenter le nombre des lecteurs de ces ouvrages qui, nous le répétons, sont de nature à fixer les idées des personnes qui cherchent à se rendre compte le mieux possible de la nature intime des phénomènes physiques. P: C, M. GARIEL. 2° Sciences physiques. Gérard (Eric).— Leçons sur l’éleotricité, professées à l'institut électro technique de Montefiore. (Tome Il°). Ce second volume traite des applications industrielles de l'électricité : Canalisation et dishribution de l'énergie électrique ; application de l'électricité à la transmission de la puissance motrice, à la traction, à l'éclairage et à la mé= tallurgie. Fidèle à l'excellent plan adopté dans le pre- mier volume, M. Eric Gérard dégage de la théorie el de l’enseignement de la pratique les règles qui doivent guider l'ingénieur électricien ;3l en montre l'application sur des exemples existants et indique la voie à suivre pour les projets d'installation, traitant non seulement le côté technique mais aussi le côté économique. Les chapitres consacrés à la transmission du travail, à la traction électrique, à l'éclairage et à l’électro-métal- lurgie seront lus avec intérêtnon seulement par les fu- turs ingénieurs électriciens auxquels est destiné l’ou- vrage, mais encore par toutes les personnes qui aiment à se tenir au courant des plus belles’ applications de l'électricité. H. PELLAT. Campredon (L.), Chimiste métallurgiste. — L’Acier. Historique, fabrication, emploi, in-8° de 344 pages avec 50 figures dans le texte et 3 planches en couleur. B. Tignol. éditeur, 53 bis, quai des Grands Augustins. La métallurgie de l'acier a subi depuis quelques années des modifications profondes; les applications dont il est susceptible se sont mullipliées; le nombre mème des métaux que l’on désigne sous ce nom, s’est étendu d'une facon notable; la question si fondamen- tale de l'acier s’est accrue d'importance, en même temps qu’elle se compliquait, et le volume de M. Cam- predon présentait ainsi une utilité industrielle incon- testable, Ce livre est très complet, Après avoir indiqué rapi- dement dans la première partie l’historique du fer et de l'acier, après avoir donné dans la seconde les pro- priétés générales de ces métaux et dans la troisième la fabrication de la fonte et du fer, l’auteur arrive, dans une quatrième partie qui constitue à elle seule presque tout l'ouvrage, à la fabrication de l'acier et à l'examen de ses usages. Cette dernière partie est accompagnée de nombreuses figures qui éclairent le texte, Tous les procédés, si nombreux, si divers, si intéressants qui ont été successivement imaginés pour la production de l'acier sont décrits et étudiés, mais avec un déve- loppement différent; l'auteur passe avec rapidité sur les anciens pour s'appesantir longuement sur les nou- veaux, sur ceux qui sont à peu près les seuls employés aujourd'hui, c’est-à-dire sur la fusion au creuset pour les aciers fins, sur les procédés Bessemer et Martin pour les produits courants. L'ouvrage de M. Campredon constitue le tome I de la Bibliothèque de métallurgie pratique; il sera appré- cié certainement des industriels. J, Poucer. Vogt (Georges). — Composition des porcelaines kaoliniques. Bulletin de la Société chimique. 5 octobre 1890, On sait que la porcelaine chinoise n’a pu, jusqu'ici, être reproduite exactement en Europe. M. Vogta pensé qu'il ne suffisait pas, pour obtenir des produits iden- tiques à ceux des orientaux, de se servir d’une pâte ayant la même composition centésimale, et il a sou- mis les roches employées en chimie, à une sorte d’a- nalyse immédiate, permettant d’en isoler les éléments minéralogiques. Il a pu constater ainsi, que ces roches contiennent une forte proportion de mica, à un état de division très grand, et ne se présentant pas sous forme de lamelles. Le mica, dans ces conditions, possède une plasticité presque égale à celle du kaolin, et résiste, sans se déformer, à des températures voi- sines de 1500, M. Vogt a pu découvrir, en France, une roche à Montidas (Creuse) et un kaolin à Saint-Yrieix, qui contiennent environ 20 0/0 de mica. Il espère, au moyen de ces produits naturels, qui ont donné des essais de laboratoire très satisfaisants, pouvoir repro- duire industriellement la porcelaine de Chine. i Georges CHARPY. Boidin. — Note sur la filtration des moûüts de malt vert et de maïs à travers le filtre Chamber- land. — Bulletin de la Société chimique, 5 octobre 1890, M. Boidin, chimiste à la distillerie centrale de Seclin, a remarqué que lorsqu'on fait passer un moût de maïs à travers une bougie Chamberland, une portion de la dextrine contenue dans le liquide est retenue à la surface du filtre, En filtrant des solutions de malt vert, il a constaté également une diminution notable dans la proportion des matières albuminoïdes et minérales. Le phénomène ne se produit pas au contraire, pour la diastase ; ce qui conduit M. Boidin à émettre l'hypo- thèse que la diastase, qui n’a jamais été isoléeet sur laquelle on n’a que des données vagues, pourrait ne pas être coagulable, et même ne pas être une matière albuminoïde, 3 Georges CHARPY. 74 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 677 3° Sciences naturelles. Luvini (G.). — Application de l'électricité à l'agri- culture. — Revue Internationale de l'Electricité et de ses applications. — 1890 ; page 48. Il est peu de sujets qui aient donnélieu à des résul- lats aussi disparates et à des contradictions aussi cons- tantes que l'influence de l'électricité sur la végétation. Dans son article, M. Luvini ne s'occupe que des expé- riences qui ont été faites sur une assez grande échelle ; il passe donc sous silence les travaux de Bertholon, du docteur Forster et de M. Grandeau qui affirment l'in- fluence de l'électricité sur les plantes, et ceux d’Ingen- housz, de M. Solly et de M. Naudin qui conduisent à des conclusions contraires !, Mais l’auteur insiste sur- tout sur les tentatives récentes de M. Spechnew, qui ont été exécutées en grand et pendant plusieurs années dans la Russie méridionale et qui ont conduit aux con- clusions suivantes : 1° Les semences soumises à l’action d’un courant d’induction acquièrent la propriété de se développer plus promptement et plus vigoureusement. 2° L'influence d’un couraut continu se manifeste par une accélération considérable du développement, par une récolte plus abondante et par la production de légumes de dimensions énormes. e courant continu était produit par de grandes pla- ques de zinc et de cuivre enfouies verticalement dans le sol et reliées extérieurement par un fil métallique, l’ensemble constituant un couple zinc-terre-cuivre. 3° La décharge lente de l'électricité statique facilite aux plantes l'assimilation de l'azote de l'air, L’élec- tricité était fournie par des couronnes à pointes de cuivre doré formant collecteurs, isolées et reliées par des fils métalliques, De plus, on observe que parmi les plantes ainsi électrisées, fort peu sont atteintes de maladies para- sitaires. M. Luvini regrette fort justement que M. Spechenew n'ait pas donné plus de renseignements techniques sur ses expériences. Plusieurs savants exécutant en ce moment des travaux analogues, il convient, croyons- nous, d'en attendre les résullats avant de recomman- der l'emploi &e l'électricité en agriculture. A. HÉBEer, Lesage. — Influence du bord de la mer sur la structure des feuilles. Thése de lu Faculté des Sciences de Paris pour le Doctorat ès sciences. Paris, 1890, Les botanistes ont observé depuis longtemps, que certaines espèces de plantes de Pintérieur des terres, - possédent des tiges et des feuilles plus épaisses, quand elles se développent au bord de la mer, M, Lesage s’est proposé d'étudier ces modifications de plus près, par l’observation au microscope, et de rechercher dans quelle mesure le sel marin peut provoquer la carno- sité des feuilles, Dans Ja première partie de son travail, l’auteur com- pare lesfeuilles de plantes recueillies au bord de la mer, à celles des mêmes espèces recueillies à l’intérieur des terres, et autant que possible dans les mêmes conditions d'âge et d’éclairement, Mais pour tenir compte de l'influence de la nature du sol et des autres conditions extérieures, peut-être eût-il été bon de com- parer des plantes ayant poussé dans deux champs d’ex- périence, l’un iustitué au bord de la mer, l’autre à l’in- térieur des terres, M. Lesaïe eût ainsi évité quelques restrictions fâcheuses, par exemple au sujet du Nastur- tüum officinale (page 39) qui a été « étudié dans deux stations plus ou moins comparables » et des résullals fournis par l’Armeria maritima (p. 55) qui « peuvent être attribués, entre autre causes, à l’action de la lu- mière. » 1 Voir aussi à ce sujet le mémoire de M. Berthelot. — An- nales de Physique et de Chimie, 6° Série, tome XIX; avril 1890. L'auteur décrit au début (p. 1#) la manière dont il a étudié les feuilles, et, pour montrer l’excellence de son procédé, il dit avec quelle facilité il a pu suivre les canaux sécréteurs du Crithmum maritimum ; cependant, quand il rapporte spécialement ses observations sur cette même plante (p. 53), il ajoute : « L'examen de plu- sieurs coupes conduit à croire que la variété maritime semble avoir relativement plus de canaux que la variété terrestre, » Comme précision, cela laisse à désirer, D'après l’auteur, l’épaisseur des feuilles, pour cer- faines espèces, comme Beta maritima, Crithmum mariti- mum, Cakile maritima, Lotus corniculatus, etc. est nette- ment plus grande sur les échantillons récoltés au bord de la mer, comme l'avaient déjà constaté, mais non mesuré les botanistes descripteurs. Mais parmi les espèces classées par M. Lesage comme ayant leurs feuilles plus épaisses au bord de la mer (p. 70) il en est quelques-unes dont il donne l'épaisseur d’après des mesures faites au microscope, et qui paraissent peu probantes, Ainsi le Petit houx ou Ruseus aculeatus (p.26) montre une différence d'épaisseur de -Z de mm., la Ciguë ou Conium maculatum (p. 49) de # de mm.; sur une autre espèce, si variable que certains botanistes y ont reconnu plusieurs espèces, le Polygonum aviculare (p. 27). elle est de ££ de mm, D’aussi faibles variations pourraient cependant tenir à d’autres causes qu’à la sta- lion maritime ou terrestre, d'autant plus que l’auteur ne dit pas si ces nombres sontétablis sur des moyennes ou proviennent d'un échantillon quelconque. Enfin le Plantago major (p. 63) que Moquin Tandon et Willkomm ont cité comme ayant des feuilles plus charnues au bord de la mer, a présenté une relation inverse à M. Lesage ! Chez certaines espèces, la différence est nulle, et ilen est même quelques-unes dont la variété terrestre est plus épaisse, Mais il est plus nouveau et plus intéressant de savoir que l'augmentation d’épais- seur se produit principalement dans le tissu en palis- sade, par l'augmentation en nombre de ses assises, ou l'accroissement en volume de ses éléments, ou l’une et l'autre cause à la fois, C’est là un résultat sur lequel M. Lesage insiste avec raison, Quant à la quantité de chlorophylle, elle paraît moins abondante dans les variétés maritimes, par suite de la réduction soit du nombre des grains de chlorophylle, soit de leur volume. Cependant, comme leurs cellules sont plus nombreuses et de plus grande taille que celles des variélés terrestres, une même quantité de matière verte pourrait avoir une apparence moindre dans les premières. D'ailleurs, l’auteur a donné un assez grand nombre de dessins schématiques, pour représenter le nombre des grains de chlorophylle dans les cellules; mais comme la situation de ces grains varie dans une même cellule avec l’éclairement qu’elle recoit, il parait assez difficile de donner par ce procédé une notion exacte de leur nombre, Les observations de M. Lesage à ce sujet sont d’ailleurs peu concluantes ; ainsi, dans le Diplotaæis tenuifolia (p. 39) « les grains de chlorophylle des feuilles de Rennes fendent à être plus gros »; dans lAnthyllis vulneraria (p. 42) « les échantillons de la Sarthe semblent avoir plus de chlo- rophylle et des grains plus développés », et dans le Lycium barbarum (p.58) « la chlorophylle semble dimi- nuer dans les feuilles du Vivier et les grains tendent à étre plus petits que ceux des feuilles du jardin de Rennes. » L'auteur à voulu augmenter la tendance à la précision de son travail, par l'étude d’une plante sub- mergée, le Ruppia maritima (p. 23) : il y arrive par le simple témoignage de son correspondant de Paim- pol, qui lui affirme que, dans la partie la moins salée d'un marécage, la plante « est d’un vert plus franc », et que dans la partie la plus salée, elle « présente une teinte d’un vert un peu plus brun, se rapprochant de celle des Furus les plus communs. » Et M. Lesage ajoute immédiatement en forme de conclusion : « Dans ce cas, la chlorophylle serait plus abondante dans la variété terrestre ; c’est ce qu'il faut retenir ». Avec de semblables procédés d'étude, l’auteur s'éloigne singu- 678 BIBLIOGRAPHIE, — ANALYSES ET INDEX lièrement des travailleurs que l'on a si dédaigneu- sement appelés « botanistes en chambre » ; il fait plus ue de la botanique en plein air, il fait de la botanique « fin de siècle. » È M. Lesage s’est enfin proposé de reproduire par des cultures les particularités signalées précédemment; il a expérimenté sur le Pois, Pisum sativum, le Linum gran- diforum et le Lepidium sativum sans dire pourquoi il avait choisi ces plantes dont les noms ne figurent pas, mème comme genres, dans la liste des espèces qu'il a étudiées au point de vue anatomique !. Il semble cependant plus rationnel d’expérimenter sur des plantes que l’on sait susceptibles de s'adapter aux conditions d'existence que l’on veut leur imposer. Les différents sols artificiels, et les différents liquides d'arrosage étaient plus ou moins salés. Les deux premières espèces ont mal résisté à l’action d’un sol trop salé, ou d’un arrosage à l’eau de mer pure ou insuffisamment diluée, ce qui est peu étonnant, Cependant les exemplaires qui ont survécu ont montré une augmentation d'épais- seur par l’action du sel, mais il est regrettable que l’auteur né cite pas de chiffres à l’appui pour édifier Le lecteur sur le degré de certitude de cette affirmation, car les autres résultats sont peu concluants : ainsi (p.87) «il semble y avoir tendance au dédoublement de l’assise qui est unique dansles cas précédents »! et (p.88) « la chlorophylle tend très faiblement à diminuer »!l Le Lepidium sativum a mieux résisté aux différents degrés de salure; ses feuilles deviennent plus épaisses dans un sol salé, surtout si le sel est apporté sous forme d'arrosage, et montrent les modifications signa- lées plus haut chez les autres plantes, Dans celte deuxième partie de son travail, M. Lesage emploie, pour désigner les pots dans lesquels il à fait ses expériences, une notalion spéciale, bizarre, et qui en rend la lecture très pénible ?, L: O. Gréhant, Aide-natuwraliste au Muséum. — Recherches physiologiques sur l'acide cyanhydrique. Archiv. de physiologie, &. Masson. Paris, 1890, M. Gréhant, qui poursuit depuis longtemps d'habiles recherches sur l'acide cyanhydrique, a repris lexpé- rience de Claude Bernard, qui consiste à injecter suc- cessivement de l’amygdaline et de l’émulsine dans le système circulatoire, Dans l’économie ces deux corps se combinent en formant de l'acide cyanhydrique qui amène rapidement la mort. Les expériences citées montrent que l’amygdaline s’élimine en moins de deux heures, puisqu'après ce laps de temps l'injection d'émulsine reste sans effet, L'acide cyanhydrique est un poison tellement violent qu'il est difficile d’en préciser la dose toxique, M. Gré- hant emploie une solution au dix millième qu’il injecte 1 Le choix du Linum grandiflorum est d'autant plus bizarre, que, d’après Grenier et Godron (Flore de France, t. I, p. 285), cette espèce n’est point francaise, et n’aurait été signalée en France que par erreur ! 2 On en jugera par ce simple extrait (p. 86) : « Prsum samr- « vum. Au 25 avril tout avait germé dans les pots, excepté le « groupe terreau et sel où lapparition s’est faite : en «TH 11 S au 26 avril, le 30 avril en T +25 S, le 2 mai en «T+Æ55 S, en T +250 8, et le 10 mai en T+125S ». Un certain nombre de ces plantes ayant péri peu de temps après avoir germé, l’auteur ajoute : « Au 19 juillet, je n’avais plus «que D+S5; D4+S2,5; D+S1,66; D+S1; D2+M4; « DÉ+M<; DÉ+SS: TH5S; T+25S; THAIS « et tout le groupe terreau et tangue », et ainsi de suite. Ces chiffres désignent des proportions de sel, ou d’eau de mer, ou d’eau de Vilaine ou de terreau ou de tangue ! dans la veine jugulaire. Dans ces conditions dix centi- mètres cubes de la solution, soit un millième de centimètre cube par kilog suffisent pour amener la mort. Les poissons mis dans des solutions variant de a à 55% présentent des résistances très variables sui- vant les espèces, soit que l'absorption diffère, soit que le degré de résistance de l'organisme varie d’une espèce à l’autre. En outre, si la dose d'acide était faible, on peut, l'animal semblant inanimé, le faire revenir à la vie lorsqu'on le place dans un courant d’eau pure. Pour M. Gréhant l'acide cyanhydrique agirait en pro- duisant des phénomènes d'inhibition. à L. O. 4" Sciences médicales. Bouïilly, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. — Des résultats éloignés de l’ablation des an- nexes de l'utérus. — Annales de gynécologie, Paris, août 1890, €. XXXIV, p. 119. De l'étude d’une série de 45 malades opérées par lui de 1887 à 1890, M. Bouilly conclut : 1° Les résultats éloignés de l’ablation des annexes sont excellents quand l'indication est formellement fournie par la présence et la nature de lésions tubaires ou ovariennes. Dans les salpingites et ovarites suppurées, dans les ovaritesetpériovarites douloureuses, les résultats sont parfaits. 2° Les succès éloignés paraissent moins favorables après l’ablation de certaines salpingites catarrhales ou interstitielles, compliquées de paramétrite, dans les- quelles l'extirpation totale est difficile et incertaine. 3° Le traitement des accidents nerveux par l'opération chirurgicale ne doit s'adresser qu'aux cas dans lesquels l’exploration des organes les démontre nettement altérés, 4° L’ablation des annexes malades ne semble exercer aucune influence fâcheuse et, dans bon nombre de cas, l'opération rend des infirmes à l'existence et à la santé. D' HARTMANN. Fazio (D: E.), professeur à l’université de Naples. — Les microbes des eaux minérales (recherches expérimentales. Archives générales d’hydrologie, (août 1890.) , M. le professeur Fazio s’est livré à l'étude des eaux de Castellamare di Italia, et a pratiqué sur ces eaux diverses recherches bactériologiques qui ne manquent pas d'intérêt. Il a étudié avec soin les divers mi- crobes qu'il a pu isoler des sources en question; mais aucune de ces espèces ne semble avoir un rap- port direct soit avec l'hygiène ou la pathologie, soit avec la composition chimique des eaux. Pour ce der- nier point d’ailleurs, qui eùt été intéressant, il ne semble pas que l’auteur s’en soit préoccupé. On nous permettra cependant de formuler quelques critiques sur la métaode employée qui fait que malgré la sin- cérité et Le soin qu'a apportés M. Fazio à son travail, celui-ci reste incomplet. La méthode usitée au labora- toire de M. Koch et de M. Cantani pour le dénombre- ment et l'isolement des microbes de l’eau est la plus mauvaise de toutes et il est hors de doute que si M. Fazio avait employé les méthodes de M. Miquel, qui est certainement le savant le plus compétent en ces matières, il eut pù déceler un bien plus grand nombre de microbes dans les eaux minérales qu'il aétudiés. La méthode de M. Miquel n’a que deux inconvénients : elle est francaise et nécessite plus d'adresse. D' H, Durxr. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 679 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 27 octobre 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. R. Liouville : Sur les développements en série des intégrales de certaines équations différentielles, — M. ©. Callandreau : Sur la réduction à la forme canonique des équations diffé- rentielles pour la variation des arbitraires dans la théorie des mouvements de rotation, — M, Perrotin a entrepris sur la planète Vénus une série d’observa- tions continuées pendant quatre mois et demi, dans le but de vérifier les récentes découvertes de M. Schiapa- relli sur la rotation de cette planète. Il conclut à une rotation lente, dont la durée est voisine de celle de la révolution sidérale; l’axe est à peu près perpendicu- laire au plan de l’orbite. — M. Tondini donne les lon- gitudes des principaux observatoires du monde par rapport au méridien de Jérusalem-Nyanza proposé par l'Italie pour fixer l'heure universelle. 2° Scrences PHYSIQUES. — M. Ch. Fabry démontre théo- riquement que les franges fournies par un appareil quelconque d’interférence, lorsque la source éclai- rante est limitée, présentent une série de maxima et de minima de visibilité. — MM, Chassagny et Abraham ont continué leurs recherches sur les éléments thermo- électriques par l'étude des couples formés de plusieurs métaux, — M, Ad. Minet analyse les conditions dans lesquelles se produit l'aluminium par l’électrolyse du fluorure de ce métal fondu. — M. A. Berg prépare les amylamines, en faisant agir une molécule de chlo- rure d’amyle sur une molécule d’ammoniaque en solu- tion aqueuse saturée, en présence de l'alcool ; il ob- tient ainsi pour 6 parties de monoamylamine, 9 parties de diamylamine et 1 ou 1 1/2 de triamylamine. 3° SGIENCES NATURELLES. — MM. Quénu et Lejars étu- dient les vaisseaux des nerfs au moyen d’un procédé spécial d'injection. Ils ont reconnu que les récurrents, le pneumogastrique et le sympathique dans leur partie cervicale reçoivent leurs artères exclusivement des thyroïdiennes; les veines de ces nerfs sont richement développées et aboutissent à des veines musculaires. — M. A. Dutartre a déterminé chez la grenouille verte (Rana esculenta) les conditions des changements de couleur du tégument, c’est-à-dire de l’expansion ou de la contraction des chromoblastes, La lumière pos- sède une action directe indépendante de l'impression rétinienne. Les mouvements des chromoblastes sont sous la dépendance du sympathique. — M. Ch. Conte- jean, par une série d'expériences sur la Sauterelle, démontre que l’autotomie des pattes sauteuses est un réflexe direct, conformément à l'opinion de M, Frede- ricq, et non une défense instinctive. Il arrive à la mème conclusion relativement à l'aufotomie de la queue du Lézard. Il décrit dans les deux cas le détail du mécanisme de rupture, — M. Prillieux a étudié dans le Loir-et-Cher la maladie des betteraves connue sous le nom de pourriture du cœur, Il l’attribue à un champignon du genre Phyllosticta; le mycélium de couleur noire, décrit comme l’auteur du mal sous le nom de Sporidesmium putrefaciens, ne serait qu'un Saprophyte intervenant en second lieu, — M. A.-F. Noguës adresse le relevé de dix-huit tremblements de terre observés au Chili du 10 juin 1889 au 9 août 1890, avec la relation détaillée du plus violent, celui du 23 mai 1890. — M. J. Thoulet a étudié in vitro la facon dont divers sédiments (kaolin, globigérines) se déposent dans l’eau douce et dans l’eau de mer, — M. Badoureau analyse théoriquement le phénomène de la sédimentation. Séance du 3 novembre 1890 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. A, Mannheim étudie géométriquement le mouvement du double cône surle- quel M Resal à fait une communication. —M. Appell : Sur les fonctions périodiques de deux variables. — M. V. Jamet : Sur un cas particulier de l'équation de Lamé, — En inscrivant les indications de deux mano- mètres à écrasement, situés aux deux extrémités d’une éprouvette, M. Vieille démontre que Ja combustion d'un explosif, inégalement réparti dans un vase clos suffisamment long, détermine la formation d’une onde qui frappe tour à tour les deux extrémités : la vitesse de propagation est très voisine de la vitesse de propagation du son dans les produits de la décomposi- tion à la température de déflagration; la pression maxima peut atteindre le triple de la pression normale, 2 SCIENCES PHYSIQUES. — M, R. Boulouch étudie théoriquement le photomètre de Bunsen; il indique les formules permettant de calculer rigoureusement les intensités des luminaires; il a vérifié ses équations par une série d'expériences, — M, Ch. V. Zenger fait tourner une sphère de verre creuse, argentée à l’inté- rieur, en la placant entre les déchargeurs d’une machine Wimshurst; il en conclut que la rotation dela terre sur son axe est produite par l’action électrodyna- mique du Soleil, — Dans les bains révélateurs alcalins employés en photographie, le borax tantôt accélère, tantôt ralentit le développement: M, Mercier explique ces faits en montrant que le borax agit comme acide avec le pyrogallol, par exemple, et comme alcali avec l’hydroquinone ou l'iconogène. — MM. H. Gautier et G Charpy avaient montré, dans une précédente com- munication, que les diverses couleurs que prend l’iode dans les divers dissolvants correspondent à des états moléculaires différents. Ils ont pu démontrer que l’affinité chimique varie parallèlement; si l’on fait agir diverses solutions d'iode sur l’amalgame de plomb, les solutions violettes (sulfure de carbone, benzine) don- nent surtout de l’iodure de mercure, les solutions brunes (alcool), de l'iodure de plomb.— MM. A. Haller et A. Held : Sur les éthers Y-cyanacétoacétiques et les éthers imidés chlorés correspondants, — MM. H. et A. Malbot ont constaté que par l’action de l’iodure d’iso- propyle sur l’'ammoniaque aqueuse concentrée, en pro- portion équimoléculaire, on ne peut s'élever dans la progression au delà de la diisopropylamine, 3 SCIENCES NATURELLES, — M. Marey indique le pro- cédé dont il se sert pour la photochronographie des mouvements lents ; c'est un procédé général applica- ble à tous les cas. Une bande de pellicule sensible est entraînée par un rouage à mouvementcontinuet est arrêtée un instant au moment de l'impression par le jeu d'un ressort, — M. Verneuilrapporte trois observa- tions dans lesquelles, à la suite de fracture ou de luxa- ion compliquée, la plaie ayant été souillée par de la terre, il se développa de la septicémie d'abord, du tétanos ensuite. De ce fait que la guérison de la septi- cémie dans ces cas n’empêcha pas le tétanos d’éclater, M. Verneuil conclut que les deux affections sont indé. pendantes et que leur rapprochement fréquent provient de la coexistence dans les mêmes terres du bacille de Nicolaïer et du vibrion de Pasteur, — M. Le Moult a découvert dans les larves du Hanneton un champignon parasite qui fait mourir ces larves et se communique de l’une à l’autre ; l’auteur se propose de cultiver ce ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES parasite en vue de la destruction des Hannetons. — M. R. Dubois a vu des pièces de bronze se couvrir rapl- dement d’une patine verte lorsqu'on les mettait au contact d’une solution de sulfate de cuivre contenant des moisissures ; la même solution stérilisée n’a plus aucune action. — M. A. Viré signale dans la vallée de Lunain (Seine-et-Marne) des polissoirs néolithiques en grès de Fontainchleau, — M. A. de Lapparent croil que les rideaux des collines du nord de la France, qui ne constituent nullement un phénomène propre aux régions de la craie sont produites par le labourage. — M. Stanislas Meunier, qui avait essayé inutilement de produire des dendrites de manganèse par l'action du carbonate de chaux sur le sulfate de manganèse en solution, a reconnu que les dendrites naturelles con- tiennent une notable proportion de fer. Ilen à alors reproduit artificiellement en mettant du calcaire au contact d'un mélange de sulfate de manganèse et de sulfate de fer, — M. Daubrée lit une notice surles tra- vaux de M. Pierre de Tehihatchef correspondant de la section de Géographie et de Navigation. L. LAPICQUE. ACADÉMIE DE MÉDECINE Ê Séance du 21 octobre M. de Valcourt lit un travail comparatif des me- sures sanitaires prises aux Elats-Unis et en France dans le but de combattre les maladies contagieuses, demandant à l’Académie d'attirer l'attention du gou- vernement sur l'urgence qu'il y aurait à promulguer des lois d'hygiène avec sanction pénale sévère, — M. Dujardin-Baumetz, sur les causes de dépopula- tion de la France, pense que le tabac agit par intoxica- tion au même titre que l'alcool. — M. Lagneau appuie les mesures hygiéniques proposées par M. Rochard en vue de diminuer la mortalité et d'augmenter la nata- lité. Séance du 28 octobre M. Le Fort pense que, bien que l'accroissement de la population en France soit plus faible que celui des autres pays, la situation est loin d’être aussi grave qu'on semblerait le croire. La mortalité ne peut être incriminée puisqu'elle va toujours en décroissant; au point de vue de la natalité, la France occupe un rang inférieur, mais cependant sa population augmente tou- jours et cela en rapport avec les périodes de crises ou de prospérité, Néanmoins, il y à un grand intérêt à voir augmenter le taux de la natalité : les moyens à employer seront longs à trouver et après beaucoup d'essais; il faudrait modifier les mœurs, surtout de la classe ouvrière, transformer le Code civil en ce qui concerne les successions, permettre la recherche de la paternité, etc., ete. La France peut, sans crainte, se mettre à l’œuvre, et y consacrer tout le temps néces- saire. Séance du 4 novembre 1890. M. Pamard (d'Avignon) a constaté dans le départe- ment de Vaucluse en 14889 une mortalité énorme des enfants de 0 à 2 ans (21,86 ,/° de la mortalité totale) qui a rendu le chiffre des décès supérieur à celui des naissances. Il pense que pour remédier à cet état il faudrait développer les pratiques de l'hygiène de l’en- fance, puis étendre la loi Roussel et l'appliquer dans un sens pratique alors que maintenant elle sert sur- tout à la création de fonctionnaires inutiles, — M, Ter- rier fait une communication sur le cas d’un homme chez lequel il a combattu avec succès des accidents de congestion et d'hypertrophie du foie avec ictère très intense et accès fébriles, en établissant une fistule biliaire après incision exploratrice. D' E, DE LAVARENNE, SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE : Séance du 25 octobre 1890. M. Féré démontre de la facon suivante que l’éternue- ment produit par des impressions lumineuses est un réflexe indirect : si l’on empêche l'écoulement des larmes dans le nez, en luxant les points lacrymaux au moyen d’une petite serre-fine, le réflexe n’a plus lieu. -- M. Gellé croit que ce réflexe est le premier degré du coryza que produisent fréquemment les impressions lumineuses vives et prolongées. — M. Gréhant pré- sente un dynamographe qui peut s'appliquer au gastro- cnémien de la grenouille comme au biceps de l'homme. On enregistre la flexion d’une lame d’acier sur la- quelle la puissance s'exerce par un bras de levier arbitraire ; la résistance est mesurée dans chaque cas par des poids marqués apppliqués au même point et produisant la même flexion. — M. Pouchet a recueilli au cours d’une campagne à bord de l’Hirondelle un or- ganisme pélagique unicellulaire, le Pyrocystis noctiluca qui avait été signalé lors de l'exploration du Challenger et jamais retrouvé depuis; il a pu en faire l’étude com- plète. — M. Mathias-Duval a continué sur le rat et les souris ses recherches sur la formation du placenta chez les rongeurs; ses nouvelles observations con- firment la formule qu'ilavait donnée à propos du lapin: Une hémorrhagie utérine captée par des tissus fœtaux. — M. Gellé a trouvé, dans un cas d’hemiplégie fa- ciale, l’accommodation auriculaire supprimée des deux côtés, tandis que l'audition était restée aussi bonne du côté lésé que du côté sain; il en conclut que la lésion centrale avait atteint le centre du réflexe accommoda- teur, — M. Hédon a repris l’étude du diabète consé- cutif à l’ablation du pancréas chez le chien. Grâce à une nouvelle technique, la survie des opérés étant assurée, il a obtenu constamment un diabète intense, mortel au bout de 20 à 30 jours. En provoquant la dégénérescence du pancréas, par l'injection de paraffine dans le canal de Wirsung sans l’extirper, on n'obtient pas de glycosurie, Le diabète pancréatique n'est donc pas le fait d’une cachexie attribuable aux troubles de la digestion, — M. Roger a constaté que le sérum des lapins vaccinés contre le streptocoque de l’erysipèle ne tue pas ce microbe, mais l’atténue. — MM. Gilbert et Hanot ont étudié expérimentalement sur le cobaye la cirrhose tuberculeuse du foie, lésion qui se présente chez l’homme, mais est peu connue. C’est une cirrhose périlobulaire, avec des tubercules disséminés; on ne trouve pas de bacilles dans le tissu de sclérose. — M. Kunckel d'Herculais a reconnu que les premières phases du développement des Mylabres ont lieu dans les coques ovigères des Acridiens, Séance du 8 novembre. M. Hénocque a observé l’âge auquel apparaissent les fonctions génésiques chez le cobaye mâle : le coït peut avoir lieu à deux mois; à quatre mois, l’activité vénitale est complète. — MM. Courmont et Dor, en injectant à de jeunes lapins, par la voie intraveineuse, des cultures tuberculeuses atténuées par le vieillisse- ment, ont produit des tumeurs blanches de diverses articulations, à l'exclusion de toute autre localisation. — M, Netter a, de son côté, constaté des localisations exclusivement articulaires avec de vieilles cultures de streptocoques. —MM. Mathieu et Raymond indiquent un procédé qui permet d'évaluer chez l’homme la quantité de suc gastrique sécrété pour une digestion, et de calculer l'acidité totale de cette sécrétion; la considération de cette acidité totale est des plus importantes pour la clinique. — M. Filliet décrit la riche gaine lymphatique qui entoure l’intestin des Pla- giostomes, — M. Laquerrière a pu, pendant dix-huit mois conséculifs, pratiquer la vaccination péripneu- monique du bétail, avec la sérosité d'un poumon infecté conservé dans une chambre refrigérante : Jus- qu'au dernier jour, on n'a constaté aucune diminution ACADÈÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 681 dans la virulence, — MM. Lenoir et Charrin rap- portent un cas de cyanose congénitale; à l’autopsie,on a trouvé une large communication interventriculaire : l'artère pulmonaire faisait absolument défaut. — M. Luys à fait des expériences particulières de trans- fert sur les hystériques, au moyen d'aimants en cou- ronne ; il croit que ces aimants peuvent emmagasiner certaines maladies et les transmettre à un sujet hyp- notisé. — M. Verdin présente un tambour inscripteur de Marey, auquel il a ajouté une vis. — M. Télohan a pu suivre en détail la formation des spores chez les Myxosporidies. — M. Beauregard critique la classifi- cation que M. Brower a donnée des larves Triongulins des Insectes vésicants. Il repousse également l’assimi- lation que cet auteur veut établir entre les métamor- phoses de ces Insectes et celles des autres Coléop- tères; on compte sept mues et non pas quatre, et il faut bien admettre l’hypermétamorphose de Fabre avec des phases régressives. — M. Mathias Duval, conti- nuant ses recherches sur le développement du pla- centa des rongeurs, fait voir que les tissus fœtaux prennent à cette formation une part plus grande qu'on ne l’admettait; ce sont eux qui poussent des bour- geons autour des vaisseaux ulérins. — M. Retterer décrit la facon dont s’accomplit le cheminement du penis des mammifères dans l'épaisseur de la lame abdominale. ; L. LAPICQUE, SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE La première séance depuis les vacances aura lieu le 21 novembre. Il en sera rendu compte dans le pro- chain numéro de la Revue, SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS La première séance depuis les vacances a eu lieu hier soir, Il en sera rendu compte dans le prochain numéro. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES La première séance depuis les vacances aura lieu à la fin du mois. Il en sera rendu compte prochainement. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES La première séance depuis les vacances aura lieu prochainement, Il en sera rendu compte dans un des numéros suivants de la Revue, SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Pendant les vacances, la Société de Chimie de Londres a recu les communications suivantes : MM. Sullivan et Tompson. Invertase : Contribution à l'histoire . d’un ferment non organisé, — MM. Ludwig Mond, Langer et Quinke. Action de l’oxyde de carbone sur le nickel, {Voyez ci-dessus, p. 657). — M. Bassett. Réaction de l’iode sur l’eau et le chlorate de potasse, L'au- teur trouve que l’iode ne déplace pas directement le chlore comme on le croit ordinairement d’après Millon. Le dégagement de chlore observé serait dù à la réaction secondaire HIO3-+ 5 HC1— 3H20 ICI +201 La réaction complète est représentée par ces deux for- mules : (1) 61210 K C105 + 6H2 0 — 6 KHI? 05 + 4K CI + 6H CI (2) KHI206+I2HCI = KCI + 6 H20 +ICI+1CI, HCI+ 401? MM. Pappel et Richmond : La composition du lait de buffle. — MM. Collie et Schryver : Action de la chaleur sur les chlorures et les hydrates d'ammoniums quaternaires. Les auteurs se proposaient de chercher une méthode générale de préparation des amines tertiaires, M. Col- lie avait déjà montré que les phosphines tertiaires pou- vaient s’obtenir en chauffant des composés de phospho- niums quaternaires. Leurs résultats étendus à des am- moniums quaternaires contenant les radicaux méthyle, éthyle, allyle, benzyie et phényle, montrent une ana- logie marquée entre les composés de l'azote et ceux du phosphore.— M. Stanley Kipping : Action de l’'anhy- dride phosphorique sur les acides gras. Extension des recherches antérieures du même auteur aux acides palmitique et laurique ; la décomposition a lieu sui- vant l'équation 2(R CO? H) = R?2C0 + CO? + H20. on à pu obtenir ainsi le dipalmitylearbinol (C5 H31? CH-OH, la laurone (C H#3}2CO, la palmitone (GP H#1} CO et le dilaury'earbinol (CH? CH OH. — MM. Stanley Kipping et Makensie: »-Diméthyla--diacétylpentane. — M. W. H. Perkin : Berberine, L'auteur conclut de ses expériences : 4° que la berberine C*H17 Az Oï doit sa couleur et son pouvoir tinctorial à la présence d’un groupe quinonique ; 2° que la berberine est un dérivé isoquinctique; 3° que la berberine est voisine de l'hy- drastine, la narcotine et la papavérine. Enfin il pro- pose pour cet alcaloïde la formule suivante : CH30 DCE A 0 DC! || | Sc \cæ. CH30 SU Az CHIC 07 MM. Armstrong et P. Wynne Etudes sur la constitution des dérivés trisubstitués de la naphtaline. Comme continuation de leurs recherches antérieures, les auteurs présentent des notes sur les sujets sui- vants : La constitution des acides & naphtylamine à di- sulfoniques. La constitntion de l'acide à naphtylamine- disulfonique. Les acides disulfonés dérivés des acides isomères $ naphtylamine-sulfoniques, Acides 8 chloro- naphtaline-disulfoniques. Influence comparative exercée par les radicaux Cl, UH, Az H? dans les dérivés de la naphtaline sur la formation des acides disulfonés. Action de la potasse sur l’acide naphtaline 1. 3 disulfonique. — M. Pullinger : Action du zinc su l'acide sulfurique dilué. En opérant avec du zinc chimiquement pur, l’au- teur est arrivé à conclure que l’acide sulfurique étendu pur est à la température ordinaire complètement dé- pourvu d'action sur le zine, que la surface de celui-ci soit lisse ou rugueuse. — MM. Rhymer, Marshall et Perkin. Acide acétyltriméthylène carboxylique. La première séance depuis les vacances aura lieu prochainement, Il en sera rendu compte dans un des numéros suivants de la Revue, ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE Depuis les vacances, l'Académie a recu les commu- nications suivantes : M. Van Der Menbrugghe fait une deuxième commu- nication sur la propriété caractéristique de la surface commune à deux liquides soumis à leur affinité natu- relle, c’est-à-dire sur la force qu'il a appelée force d'exten- sion, parce qu'elle exerce un effet directement opposé à celui de la tension; ila poursuivi l'étude des nombreux phénomènes où cette force intervient; il donne actuel- lement la théorie complète de l’étalement d’un liquide sur un autre. Pour les observateurs qui se sont occupés spécialement de cette question, la surface commune à deux liquides est considérée comme soumise à une force contractile, c'est-à-dire comme ayant toujours une tendance à diminuer, sauf quand cette force est nulle, De cette facon, pour qu’un liquide 2 s'étale sur un liquide 1, il suifit, d'après la théorie admise géné- ralement aujourd’hui, que la tension F, du liquide sur lequel on dépose une goutte du liquide 2 soit supérieure 682 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES à la somme de la tension F, de ce dernier et de la tension F de la surface commune aux deux substances. Mais cette condition devient à la fois plus simple et tout à fait rigoureuse dès qu'on substitue à F sa valeur F,+F,—2F,.,,F,, étant l’action réciproque des deux liquides; on à ainsi HIS CR He 2 Ah ou EN Re si le liquide 1 doit s'étaler sur le liquide 2, il faut avoir de même F,>F,. Ainsi la condition nécessaire el suffisante pour qu'un liquide s'étale sur un autre con- siste en ce que l’action mutuelle des deux substances l'emporte sur la tension du liquide destiné à s’étaler. Cette condition avait déjà été donnée en 1869 par Dupré de Rennes, mais avec une erreur de signe (F,,, Fi et Fo > Fo; car il ne pourrait se produire un corps nouveau, si l’affinité ne dépassait pas la force de cohésion de chaque liquide, représentée précisément par sa tension super- ficielle. De là cette conclusion fort inattendue que si deux liquides agissent chimiquement l’un sur l’autre, on peut indifféremment opérer l’expansion de l’un des liquides sur l’autre, à moins que la couche du corps nouveau n’y mette obstacle, Tous les faits conformes à cette conclusion sont absolument inexplicables dans l'ancienne théorie. M, Van Der Membrugghe dé- montre sa proposition à l’aide de trois séries d’expé- riences faites avec différentes huiles grasses d’une part, de l’autre avec une solution de soude caustique à 0,25 0/, une solution de potasse à 0,25 0/,, et enfin une solution (à 2,5 07) d’ammoniaque de laboratoire, Grâce à la grande affinité de ces trois corps basiques pour les huiles grasses et plus ou moins acides, l’étalement s’est toujours opéré, el parfois jusqu'à 60 reprises consécu- tives, soit de l’huile sur la solution basique, soit de cette solution sur l'huile, L'auteur se propose de revenir encore sur ce sujet. — Une communication très inté- ressante a été faite par M. Schæntjes, de l'Université de Gand, sur les déformations produites à l'extérieur d’un hémisphère creux en métal mince par le choc d’un corps dur de forme sphérique, triangulaire, quadran- gulaire, etc. Ces déformations inattendues, et très régulières, méritent d’être examinées en détail dans la figure insérée au Bulletin de la séance (n° 8). Il ya lieu de les rapprocher des déformations que M. Daubrée a constatées dans ses expériences sur une enveloppe flexible soumise à un accroissement de pression intérieure. Séance du 11 octobre 1890. A cette séance, outre l'envoi d'un mémoire de M. J. Guillaume, astronome privé à Péronnas, près Bourg-en-Bresse, sur ses observations de Mars, M. Ter- by, a donné lecture d’une note dont voici le résumé: 1° le 9, avant minuit, un observateur ayant en vue le + du ciel pouvait compter de 3 à 5 étoiles filantes en 15 minutes, mais ce nombre s’est accru après minuit, puisqu'un observateur, ayant en vue seule- ment ? du ciel, pouvait en compter de 5 à 6 dans le même intervalle; 2° le 10, il était possible à un observateur, regardant le £ du ciel, d'en compter, après minuit, 11 en 15 minutes, c’est-à-dire de 12 h. 30 à 12 h. 45, intervalle pendant lequel semble s'étre produit un véritable maximum; on voit aussi qu'en dehors de ce maximum, les étoiles filantes apparaissaient, le 10, assez approximativement, à raison de une par dewr minutes, pour un seul observateur. — Le P. Denza à constaté une apparition plus remaquable enltalie, mais il fixe le maximum à la nuit du {1 qui, pour nous, est demeurée couverte, F. Four, Membre de l'Académie, ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Depuis les vacances, voici le résumé des prinei- paux travaux et mémoires présentés à l’Académie par ses membres, M. Thiesen : Contribution à la Diopirique (Mémoire présenté par M. de Helmholtz). Il n'y avait jusqu'à présent qu'une théorie seulement pour le cas où le dioptre possédait un axe, et où les rayons incidents ne formaient que de petits angles avec cet axe. La théorie de Gauss, par exemple, néglige complètement le dioptre et le chemin que les rayons y parcourent. Le rayon est déterminé quant à sa position par trois variables ; si l’on introduit en outre le temps que le rayon met à parcourir le chemin entre les deux sur- faces limitant le dioptre, on peut calculer une fonc- tion de quatre variables caractéristiques pour le dioptre, La base de la théorie de M, Thiesen est le principe de Fermat, que la variation du temps que le rayon met à parcourir le chemin entre deux points du dioptre est égale à zéro, Si l’on désigne par conséquent par ds un élément du chemin, par n le chemin parcouru pendant l'unité du temps, on a : 0 — fn ds. Si le dioptre a un axe, on peut développer la fonction caractéristique d’après les puissances de l’angle que le rayon forme avec cet axe. En première approximation on obtient ainsi les formules de Gauss en ne considérant que la première puissance de cet angle, La deuxième approxi- mation donne une théorie des fautes des images four- nies par les objectifs astronomiques ou photogra- phiques, théorie qui manquait jusqu'à présent. — M. Kronecker : Sur les systèmes orthogonaux (Suite). — M, de Helmholtz : Sur l'énergie des vents et des vagues. L'illustre physicien a déjà démontré qu'une surface d’eau se trouve en équilibre instable dès qu’un vent y passe et avait reconnu dans l'instabilité de cet équilibre la cause des vagues. Des couches d'air de densités différentes qui glissent l’une sur l’autre se trouvent dans des conditions semblables et l'instabilité de leur équilibre cause les vagues de vent. Dans ce travail, l’auteur examine la distribution de l'énergie entre l'air et l’eau pour des vagues stationnaires, en ré- duisant le problème à un problème des minima.Ces for- mules qu'il est impossible de reproduire dans un compte rendu mènent à des conclusions sur l’augmentation et la diminution de l'énergie aussi bien que sur l’équi- libre stable et instable des masses en mouvement, —- M. Kundt présente un travail de MM, du Bois et Ru- bens sur la réfraction et la dispersion de la lumière dans les métaux. Les auteurs ont préparé des prismes métalliques d’après les indications de M. Kundt, Leurs observations ont porté sur des prismes en fer, en nickel et en cobalt, La loi de Snellius est valable pour des angles d'incidence qui ne dépassent pas la valeur de 40°, Pour des angles plus grands, ils ont constaté des écarts, Les indices de réfraction déterminés d’après la méthode des plus petites déviations pour différentes raies du spectre sont : Li, D F CG Fer 3.19 121280 92-4800 705 Cobalt 3092-1080 2/30 21) Nickel DONS AT ETE Les valeurs pour le fer et le cobalt sont presque iden- tiques tandis que celles pour le nickel s’écartent nota- blement des autres. — M. Kundt présente en outre un travail de M. Arons qui s'occupe des phénomènes présentés par des miroirs en platine polarisés élec- triquement, Si l’on place sur un tel miroir joint à l’un des pôles d’une batterie électrique une plaque plane parallèle en verre et qu’on plonge le tout dans de l'a: cide sulfurique dilué contenant la seconde électrode, on observe un déplacement des raies d’interférence immédiatement après avoir fermé le cireuit et dans la même direction indifféremment sile miroir est polarisé par l'oxygène ou par l'hydrogène. Si l'on remplace la ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 683 plaque plane-parallèle par une lentille, les anneaux d’interférence se rétrécissent dès qu’on ferme le cir- cuit, Il s’agit probablement d'une élévation de la plaque de la lentille par la couche double qui se forme par le dépôt des ions après fermeture du courant, — M. Kronecker: Sur la théorie des fonctions elliptiques. — Le même: Sur les systèmes orthogonaux (Suite), — M. de Bezold présente un travail de M. Jesse conte- nant les recherches de ce dernier sur les nuages lui- sants. La hauteur de ces nuages est, d’après les mesures récentes, de 83 kilomètres au-dessus de la surface de la terre, En 1885 on a trouvé 75 kilomètres, la hauteur est donc restée à peu près la mème. La clarté des nuages est au maximum vers le matin. Les nuages se meuvent avec une vitesse notable dans le sens horizontal, Pour l’un d'eux on trouva une vitesse de : 308 mètres par se- conde dans la direction sud-sud-ouest. Un autre se mouvait avec une vitesse de 121 mètres. Dans la direction ouest-sud-ouest. Leur vitesse est donc plus grande que celle des tempêtes les plus formidables. Dr Hans Janx. La première séance depuis les vacances aura lieu prochainement. Il en sera rendu compte dans un des prochains numéros de la Revue, SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE BERLIN Séance du 24 octobre 1890. M. Brodhun, dont le photomètre ingénieux a été déjà décrit dans un de mes comptes-rendus antérieurs, s’est occupé en collaboration avec M. Lummer, des moyens pour affaiblir méthodiquement l'intensité d’une source lumineuse, Le problème dont la solution a été essayée par l'interposition de lentilles, de plaques noircies ou de réseaux, offre certaines difficultés, sur- tout pour la mesure exacte de l’affaiblissement, Les auteurs ont recouru aux observations de Talbot. Si l’on fait tourner devant une source lumineuse une plaque opaque, munie d’un secteur, l'œil observe, si la vitesse de rotation est suffisamment grande, une illu- mination affaiblie mais constante, L'affaiblissement de l'intensité lumineuse est proportionnelle à la grandeur du secteur, L'appareil des auteurs consiste en un système de deux plaques circulaires et opaques, mises en rotation par un petit moteur électrique de Siemens et munies chacune d'un secteur de 90°, En placant con- venablement les deux plaques, on peut donner au sys- tème des secteurs telle grandeur que l’on désire, suscep- tible de mesure exacte entre 0° et 180°. Leurs recherches photométriques ont prouvé que la vitesse de rotation est sans influence sur l'affaiblissement de la lumière au moins entre les limites de 27 à 100 révolutions par seconde, Quant à la proportionnalité exacte entre l’af- faiblissement de la lumière et la grandeur du secteur, les expériences ne sont pas encore terminées. Dr Hans Janx. SOCIÈTÉ DE PHYSIOLOGIE DE BERLIN La première séance depuis les vacances a eu lieu le 31 octobre. Il en sera rendu compte dans le prochain numéro de la Revue, ACADÉMIE DES SCIENCES DE SAINT-PETERSBOURG Pendant les vacances, divers travaux ont été présen- tés à l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg pour être publiés dans les « Mémoires » et les « Bulle- tins » ou le « Repertorium fur Meteorologie » de cette compagnie. En voici l'analyse : MÉTÉOROLOGIE, — M. &. Wild, membre de l’Académie, Sur l’ombrograph et l'atmograph. Description de ces deux instruments inventés par l’auteur et destinés à enregis- trer automatiquement la quantité d’eau et de neige tombées, de même que leur évaporation; ces appareils ont fonctionné pendant quatorze ans à l'Observatoire physique de Saint-Pétersbourg et à Pavlovsk, mais n'ont pas encore été décrits jusqu'à présent, — M. Schenrock, Sur le mouvement des orages en Russie. Etude de 197 cas d'orage observés pendant l’année 1888; détermination de la vitesse moyenne de leur propaga- tion; de la vitesse moyenne journalière et annuelle de la propagation par rapport à leur direction et à leur distribution géographique; indication des foyers de leur naissance, ete, — M. Friederichs, Untersuchung über die Leistungsfähigheit des Richard'schen Hydrogra- phen mit Hornlamelle (Recherches sur la valeur des hydrographes à lamelle de corne de Richard). À priori, les appareils hygrométriques des frères Richard (à Paris) devraient présenter des variations dans leurs indica- tions parce que leur élément hygroscopique (la lamelle de corne) est une substance organique et présente for- cément des variations individuelles. Les expériences de M. Friederichs montrent cependant qu'il n’en est rien. Deux appareils mis en observations et comparés avec d’autres hygromètres ont donné des résultats presque identiques; seulement leurs indications sont en général en retard (souvent de quelques heures) sur les modifications réelles de l’état hygroscopique de l'air. C'est à cause de ce retard que les variations brusques et courtes ne sont presque pas notées par l'instrument de Kichard, Le cheveu employé par M. Wild dans son hydrographe est plus sensible que la corne. D'ailleurs, les frères Richard semblent avoir remplacé dans les instruments qu'ils construisent ac- tuellement la corne par le cheveu, — M. B. Kers- novsky, Ueber die Vorausbestimmung des nächtlichen Temperaturminimums, etc. (Pronostics des minima de la température nocturne d'aprés les observations faites à Astrakhan, à Elizavetgrad et à Varsovie). C’est la conti- nuation des travaux de l’auteur sur les pronostics ana- logues pour les minima de température observés à Saint- Pétersbourg. Les résultats de ces recherches sont entièrement conformes aux conclusions suivantes formulées déjà par M. Kersnovski, avec quelques ré- serves, dans son premier travail : les minima de la tem- pérature nocturne, déduits des observations sur le thermomètre humide, sont plus exactes que ceux donnés par l'observation du point de rosée, Le minimum nocturne est invariablement plus bas que la tempéra- ture indiquée à 9 heures du soir par le thermomètre humide ; la différence entre le minimum vrai et l’in- dication thermométrique peut varier suivant les con- ditions locales et les saisons, de 0 à 3 degrès du ther- momètre centigrade. — M. H. Abels, directeur de l'Observatoire d’Ekaterinbourg, Beitrag zur Frage ob in filar-magnetometern Seiden-oder Metall-Fäden zu benützen sind (Faut-il employer les fils de soie ou les fils de fer dans les magnétomètres à deux fils)? D'accord avec M. Marchand, de Lyon, M. Abels démontre la supério- rité incontestable, au point de vue de l'exactitude des indications, des fils de métal sur les fils de soie, Cute, — M. Beketof. Sur les propriétés physico-chi- miques du Cæsium et de ses oxydes. — Le poids spécifique de l’hydrate pur de cæsium est de 4,17; son volume moléculaire serait donc de 37, supérieur aux hydrates de tous les autres métaux alcalins. La chaleur dégagée par la dissolution de l’hydrate est de 15,000 calories, celle de sa saturation par l'acide chlorhydrique, de 15,800 calories. Ces chiffres confirment la règle établie par l’auteur, d’après laquelle la chaleur de l’hydratisa- tion augmente avec l'augmentation du poids atomique, tandis que la chaleur de l'oxydation diminue dans les mêmes conditions. Quant à la chaleur de la saturation elle reste invariable, presque la même pour tous les métaux alcalins. Le métal cæsium, extrait de l’hydrate solide par l’action de l'aluminium a été également soumis aux déterminations thermo-chimiques. La cha- leur dégagée par son action sur l’eau n’a pu être dé- terminée qu'approximativement, Les chiffres des diffé- 684 ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES rentes expériences varient de 50 à 52,000 calories (pour l’atome);la moyenne de ces observations 51,000 calories paraît être le chiffre le plus rapproché de la vérité. Biozocie. — M. A. Famintzin : Symbiose des algues et des animauæ. — Plusieurs infusoires, de même que quelques éponges, contiennent des cellules vertes que certains auteurs (Gheza Entz, Brandt) tiennent pour des algues symbiosées avec l'animal, tandis que d’au- tres (Ray Lancaster) les considèrent comme des pro- duits endogènes analogues, quant à leur structure, aux grains de chlorophylle. Les savants qui soutiennent la théorie de la symbiose disent que ces algues sont capa- bles de vivre et de se multiplier en dehors de l’orga- nisme de leur hôte; Entz va mème plus loin et croit que les algues arrivent dans le corps de l’infusoire acciden- - tellement et continue d'y vivre ct de s’y multiplier d’une certaine facon, quitte à se transformer en algues véritables, en dehors de l’organisme de leur hôte, Les études de M, Famintzin sur quelques infusoires (Vor- ticella nebulifera, Stentor pohymorphus, Paramæcüun Bur- saria) et sur une spongille l’amènent aux conclusions suivantes : 1) Les corpuscules arrondis verts de ces animaux sont des cellules typiques, munies de noyau, de chromatophore, de pyrénoïde et d'une enveloppe hyaline et gélatineuse ; leur structure ne diffère donc en rien de celle des algues unicellulaires. 2) Ces cel- lules se multiplient par division dans l'intérieur de l'animal ; après la mort de ce dernier elles continuent à vivre mais un temps relativement court, après lequel elles meurent, du moins dans les conditions dans les- quelles on les a observées jusqu'à présent. Cependanton peut présumer, d’après quelques indices, qu'on pourra les voir vivre un temps indéfini. Ces cellules vertes correspondent aux cellules jaunes intracapsulaires des radiolaires et non pas aux cellules jaunes extracap- sulaires de ces animaux. PaysroLoGiEe, — M. le D' Theoktistof : Expériences électrométriques dans le domaine de la physiologie. Jusqu'à présent les physiologistes se sont peu préoccupés de connaître l'intensité des courants électriques qu'ils emploient cependant journellement comme moyen principal de l'excitation des muscles et des nerfs. Sauf quelques mesures inexactes sur la résistance des muscles ot des nerfs on ne possède pas en physiologie ces notions électrométriques qui sont aujourd’hui la monnaie courante dans d’autres branches des sciences touchant à l'électricité, Pour le moment l’auteur ne donne que la première partie de son travail contenant la description des méthodes qu'il a suivies et des ap- pareils qu'il a inventés pour déterminer les mesures exactes des courants électriques dans les conditions particulières de l'expérimentation physiologique. Zoozocte. — M. Herzenstein. Nofes ichthyologiques prises dans le Musée de l'Académie des Sciences. Descrip- tion des espèces nouvelles ou peu connues des poissons de l'Océan Pacifique du Nord, — M. Bichner : Les Mammifères rapportés par l'expédition de Kan-sou faite en 1884-87. Description des collections recueillies par MM. Potaninet Berezoyski dans la province chinoise de Kan-sou, Ces collections sont intéressantes en ce qu’elles nous montrent sous un jour nouveau la ré- partition des mammifères de l'Asie centrale. — M. Hleske. Ornithographia Rossica ; c’est le 4° fasiscule du grand ouvrage entrepris par l’auteur; il contient la description de 10 espèces du genre Acrocephalus. ANTRHOPOLOGIE. — M. A. Tarenetski. Besiträge fur Craniologie der Ainos (Contributions à la craniologie des Aïnos de l'ile Sakhalin). Ce travail est le résultat de l'étude de 44 crânes Aïnos,appartenant aux musées de l'Académie et de l'Ecole de médecine de Saint-Péters- bourg. La description craniologique est précédée d’un apercu général sur l’origine, la répartition géographi- que et le type physique de cette peuplade intéressante. D’après les données craniologiques de l’auteur, il faut considérer les Aiïnos comme une race à part, distinete de la race mongole. Les cränes Aïnos sont très rares dans les collections et le nombre de ceux qui ont été décrits jusqu'à présent par différents anthropologistes ne dépasse guère une trentaine. Séance du 11/23 septembre 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Brédikhin dépose un mémoire en français intitulé « sur les phenomènes extraordinaires présentés par lu grande comète de 1882, » dans lequel il fait une synthèse des observations par- tielles faites sur ces phénomènes par divers astro- nomes, et surtout des dernières recherches de M. Schia- parelli. L'aspect bizarre que présente la comète est dû, suivant M. Bredikhin, à une explosion formidable qui a eu lieu presque aussitôt après le passage de ce corps céleste au périhélie. Cette explosion avait séparé une partie de la comète (probablement sous forme d’une foule de météores) et c’est cette partie détachée qui est devenue le foyer de la formation énergique de nouveaux appendices. Ces appendices, d’après la théorie du savant académicien, sont des queues de formes diverses; elles se sont combinées avec la queue de la comète principale et lui ont donné cette forme compli- quée et bizarre qui a été si bien observée, mesurée et décrite par M. Schiaparelli. — M. Struwe envoie une note « sur deux lois nouvelles dans la mécanique céleste », contenant ses recherches sur les satellites de Saturne faites avec réfracteur de 30 pouces de l'Observatoire de Pulkova. Voici les conclusions de ces recherches : 1)Les conjonctions de Mimas et de Thétis ont lieu pour n'importe quelle époque aux environs du point qui se trouve au milieu entre les nœuds ascendants de leurs orbites par rapport à l’équateur de Saturne. Elles peu- vent s'éloigner de ce point jusqu’à 48° approximative- ment ; cette libration s'opère en 68 ans. 2) Les con- jonctions de l’Encelade et de Diane coïncident pour toutes les époques avec le perisaturnion de l'Encelade ou, du moins, doivent osciller autour de ce point. — M. Bredikhin fait part à l'Académie de l’achèvement de la première partie du catalogue des étoiles. Ce cata- logue est basé sur les observations de M. Romberg faites à l’aide d'un cercle méridien de 1874 à 1880. Le catalogue complet comprendra 5000 étoiles et va pa- raître à la fin de l’année. 2e SGtENCES PHYSIQUES. — M. Sreznevski : Les rapports entre Chumidité absolue et la température de l'air. En se basant sur les rapports qui existent entre l'humidité absolue et la température de l'air, dans les conditions normales et au moment des cyclones et des tempêtes, l'auteur croit pouvoir affirmer que l'élévation excessive non seulement de la température, mais encore de l’hu- midité absolue ont une influence prépondérante sur la production des tempêtes. Ces conclusions sont en par- fait accord avec celles de Berg, formulées d’après les études de quelques cas isolés des phénomènes accom- pagnant les tempêtes. — M. Nassakin : Les tempéles dans la mer Baltique. L'auteur détermine, d'après les naufrages constatés dans chaque port de la Baltique, la force minima du vent que l’on peut considérer comme dangereuse. Ayant ainsi défini la conception de la tempête, il calcule la fréquence de ce phéno- mène pour les différentes parties de la Baltique et pour les différentes saisons. — M. Müller : Ohservations sur l'intensité horizontale du magnétisme terrestre à l'Ob- servatoire d'Ekaterinbourg de 48#1 à 188%. Cette note con- tient les résultats des recherches faites depuis 1841 par le sous-directeur de l'Observatoire d’Ekaterinbourg, sur le magnétisme terrestre. Malgré quelques lacunes et les imperfections des premières observations. M. Mül- ler a pu calculer la marche journalière et annuelle des variations dans l'intensité horizontale du magné- tisme terrestre, de même que déterminerles variations séculaires, On trouve dans l’appendice les recherches sur des phénomènes que présente la colline formée en grande partie de minerai de fer sur laquelle se trouve l'Observatoire. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Herzenstein présente le 2*fascicule de son travail Ichthyologische Bemer- kungen comprenant la description de quatre espèces nt deals. nf cotiltains PTT 7 s “ve ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 683 nouvelles et de deux espèces peu connues de poissons, venant pour la plupart des collections du Musée acadé- mique, O, BackLunp, Membre de l’Académie. SOCIÉTÉS SAVANTES D'ODESSA SCIENCES NATURELLES, — Sociélé des naturalistes de la nouvelle Russie, 4 oct. 1890. Dans ces derniers temps, M. le P' Kowalewsky, membre de l’Académie, porta son attention sur une glande qui se rencontre chez certains moliusques de la classe des Gastropodes et qui est décrite par les auteurs allemands sous le nom Blutdrüse, L'auteur introduisait dans le corps des mol- lusques « Doris » et «Pleurobranchus » diverses ma- tières colorantes (carmin, tournesol, sépia, lait, etc.), et remarquait que toutes ces substances s’assimilaient promptement par la glande susdite dont les cellules les engloutissaient et les digéraient. Les spermatozoi- des présentent une remarquable exception à cette règle car ils résistent très longtemps à l’action dissolvante des cellules de la glande, dont le noyau même se divise plusieurs fois. La glande est toujours entourée par des globules sanguins en nombre très considérable, d’où l’auteur conclut qu’ils se forment probablement dans cette glande, qui communique immédiatement avec le système vasculaire sanguin. L'auteur pense que cette glande correspond par son rôle physiologique (formation de globules sanguins et fonction phagocy- taire) à la rate des Vertébrés. D' Pierre HAUSSNER. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — L'Académie est invitée à se faire représenter au Congrès de Rome provoqué par l’Académie de Bologne pour le choix d’un méridien uni- versel et l’unification de l'heure. — M. Adalbert Breu- ner : Remarques géométriques sur la construction des sec- tions coniques, — M. August Adler : Sur les instruments indispensables pour résouchre les problèmes du second degré. L'auteur montre dans ce mémoire par un procédé nou- veau qu'il n’est pas possible de résoudre tous les pro- blèmes du second degré à l’aide du compas seul ; dès 1797, L. Mascheroniavait établi ce fait dans un ouvrage publié à Pavie sous le titre : La geometria del compaso. Il est nécessaire de joindre au compas ou une règle formée par deux lignes parallèles, ou une équerre à angle droit ou à angle aigu. On peut par des remarques analogues voir quels sont les problèmes du troisième et du quatrième degrés que l’on peut résoudre avec les Séance du 9 octobre mêmes instruments. — M. L. Gegenbauer : Sur les congruences à plusieurs inconnues. 29 SCIENCES PHYSIQUES, — M. Klemencic : Quelques remarques Sur les résistances. — M. Franz Drobrzynski: Sur Les effets photographiques des ondulations électro-mu- gnétiques. Dès le mois de mai l’auteur a fait des expé- riences permellant de conclure à l'existence d’un effet photographique des radiations électro-magnétiques, mais le 9 juillet il est parvenu à voir directement ces effets. Les ondulations sont produites par la méthode de M. Hertz: elles agissent sur des plaques photographi- ques sèches au gélatino-bromure d'argent. La plaque est dirigée dans l'axe des vibrations, le temps d'exposition est de trois heures, le développement et la fixation se font comme à l'ordinaire. L’effetse manifeste par la production de raies alternativement brillantes et obs- cures. — M. A. Grünwald, de Prague, adresse la suite de son mémoire : Sur le spectre de l'hydrogène et la structure de l'hydrogène. L'auteur profitant desobserva- tions faites par M. Hasselberg confirme de nouveau la relation établie ! par Balner; il tire de là diverses 1 Voir p. 285 de cette Revue. conclusions sur la constitution de l'hydrogène; ces con- clusions sont d'accord avec la facon dont se comporte ce corps dans ses combinaisons. — M.S. Stransky : Sur la vérutrine. — M.J,Oser : Analyse élémentaire par laméthode électro-thermique. — M. Carl Haaf: Sur la guanamine. L'auteur confirme les résultats obtenus par Nencki et décrit de nouveaux homologues de la gnanamine, entre autres la propio et l’œnantho-guanamine, — M. Storch : Sur la constitution de la thio-urée. En oxydant ce corps par différents agents comme liode, le per- manganate oule chlorate de potasse, l’eau oxygénée en solution acide étendue, on a transformé la thio-urée en un composé disulfuré par perte d’un atome d’hydro- gène, Ce corps qui a pour formule [C (Az H) (Az H2)]2 2 est instable à l’état libre, mais on peut le caractériser par la formation de sels cristallisés et peu solubles tels que le nitrate et le bioxalate. Ces réactions peu- vent s'expliquer en admettant pour la thio-urée la for- mule de constitution suivante : A7 H? Az H? | | C—S—S—C Il Il AzH AzH 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Zolles: Nouvelle méthode pour doser les acides libres dans le suc gastrique. — M. Geiza Bukowski adresse le compte rendu de la suite de son voyage géologique en Asie Mineure, Entre sa dernière communication et le 25 juillet il a parcouru la région comprise entre 280500, et 300309, de longitude ouest de Greenwich ;ses observations lui permettront de publier une carte géologique détaillée de cette contrée. — Le secrélaire de l'Académie donne des indications sur les travaux de l'expédition entreprise pour l'étude des grandes profondeurs de la mer sur le bâtiment de la marine de guerre Pola commandé par le capitaine Mor- tho. Le prince de Monaco etle baron de Guerne ont assisté aux premiers essais des appareils destinés à sonder les grandes profondeurs. Suivant le programme de l’Académie le bâtiment a d’abord exploré les envi- rons de Corfou, delà il a poussé jusqu'à Zante; puis autour de l'ile de Cerigo, il a croisé jusqu'à quinze milles au large et finalement s’est dirigé vers les côtes d'Afrique. Le trajet a été de 2016 milles marins ; #8 sta- tions principales ont servi communément avec 24 sta- tions de second ordre à l'étude de la profondeur, de la nature des eaux etde la faune maritime. Les membres de la commission ont obtenu les résultats suivants : 1° Rapport sur les travaux océanographiques et physi- ques par M. Luksch. La plus grande profondeur rele- vée a été de 3900 mètres au voisinage de Cerigo. Les températures ont été relevées avec soin, et l'on a me- suré la densité des différentes couches de la mer dans 300 stations ; on a aussi étudié la transparence de l'eau à l’aide des projecteurs ou de plaques photogra- phiques immergées, La hauteur des vagues n’a jamais atteint qu'une seule fois 4%,5 et leur période n’a pas dépassé 7 secondes ; des appareils anémométriques, pluviométriques et hygrométriques ont régulièrement fonctionné, et toutes les observations ont elé enregis- trées automatiquement. Pour les sondages on a em- ployé avec succès l'appareil de M. Jules Leblanc de Paris. 2° Rapport sur les travaux chimiques par M. Conrad Natterer. Pendant le voyage même ce chi- miste a pu déterminer la nature et la composition des substances dissoutes pour s'assurer que le temps n’ap- porte aucune altération à la constitution de l’eau de mer. À parüir de la surface de l’eau la teneur en oxy- gène croît d'abord à cause de l’abaissement de tempé- rature, puis s’abaisse d’une facon très lente ; ainsi à 3000 mètres elle redevient la même qu'à la surface, Dans aucun cas on n’a trouvé de l’acide carbonique libre ; la surface présente des variations très notables aux différents points étudiés, Relativement aux subs- 686 CHRONIQUE tances organiques en dissolution, la teneur décroît lors- que la profondeur augmente, Les variations dans la richesse en ammoniaque sont peu sensibles, cepen- dant les couches voisines du fond en contiennent da- vantage. 3° Rapport sur les travaux zoologiques par MM. Maren Keller et Grobben : Le peu de durée du voyage et la difficulté de la pêche, jointe à une assez grande pauvreté de la faune n’ont permis d'obtenir que peu de résultats ; signalons cependant parmi les pois- sons les plus intéressants: Bacthypterois longifilis, Hoplosthetus mediterraneus, Macrurus, Spinax niger. Séance du 16 octobre 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, E. Kobald : Swr les équations différentielles de Mac-Cullagh relatives aux cris- laux bi-axes el sur une généralisation de ces équations. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Weïidel : Recherches sur les acides non azotés provenant de l'acide pyridicærbo- nique, L'auteur montre que, sous l'influence de l’amal- game de sodium, l'acide pyridimonocarbonique donne de l’ammoniaque et de l'acide oxydicarbonique. La réaction peut se représenter par la formule : CS HS A 2 02+ 2 H +3 H2 0 = A 2H3-+ C5 H10 O5 3° SCIENCES NATURELLES. — M, Alfred Nalepa: Sur de nouvelles phytoptodées. — M. Dukzynsky. Communica- tion sur le phylloxéra. Séance du 23 octobre 1890. 1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Gustave Gager : Sur la vitesse des molécules. — M. Richard Harkup. Descrip- tion d’un nouveau modèle de cartouche se chargeant par le fond. — M. Brauner, Dosage voluméhrique du tellure. 2° SCIENCES NATURELLES, — M. Constantin Ettinghau- sen : Sur les espèces Banskia fossiles et leur rapport avec les espèces vivantes. Les feuilles de Banskia fossiles ont souvent été confondues avec celles de l'espèce Myrica. Comme on trouve des fruits de Myrica dans les terrains de formation tertiaire, on rattache les feuilies de Banskia à cette période; l’auteur remarque qu’à côté des Myrica on rencontre des fruits et des graines de Banskia dans les mêmes couches, et que ceci prouve nettement le caractère distinct de cette espèce et sa formation dans la flore tertiaire. Si l’on compare les feuilles des plantes vivantes de cette espèce à celles des fossiles, on constate que les fossiles sont très effi- lées tandis que les vivantes sont au contraire assez épaisses à leur extrémité, on peut toutefois, dans cer- taines circonstances, obtenir des échantillons tout à fait semblables, Emil Weyr, Membre de l'Académie. ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI La première séance depuis les vacances aura lieu le 1 décembre, Il en sera rendu compte dans un prochain numéro de la Revue. CHRONIQUE L'ASSISTANCE MÉDICALE PAR LES DISPENSAIRES DANS LES CAMPAGNES Le 5 octobre dernier, là petite ville de Saint-Romain- de-Colbosc (près du Havre) fêtait l'inauguration d’un hospice-hôpital et d’un dispensaire. M. le D' Napias, inspecteur général de l'assistance et de l’hygiène pu- bliques, avait été délégué par le ministre de l'intérieur pour présider cette cérémonie à laquelle assistaient, entre autres notabilités, MM. Félix Faure et Jules Siegfried, députés, et M. le Dr Gibert, du Havre. Ce qui rend particulièrement intéressants ces éta- blissements hospitaliers, c'est qu'ils réalisent dès à présent une partie importante du programme tracé par M. Constans relativement à l'assistance médicale dans les campagnes : la fondation, dans chaque chef-lieu de canton, d'un hôpital et d'un dispensaire pour les malades indigents. Pour beaucoup de raisons, dont la principale est le prix élevé de la journée de présence, qui varie en France de 2 à 3 francs, l'hôpital ne peut rendre, en fait d'assistance publique, que des services restreints. Le dispensaire, au contraire, offrant au malade, avec la consultation du médecin, une application immé- diate du traitement, s'adresse à une clientèle infini- ment plus nombreuse. La plupart des maladies chro- niques ou aiguës, entre autres certaines paralysies et ankyloses, et les affections transmissibles des yeux, de la peau et du cuir chevelu peuvent y être traitées avec succès, grâce aux bains médicamenteux, aux douches, à l’électricité, aux massages, aux sudations, inha- lations, etc, Le premier dispensaire fut créé au Havre en 1875 par le D' Gibert qui, depuis cette époque, n’a cessé de se dévouer au service de cet établissement, Il y traite, chaque année, environ 1500 enfants. — Son exemple fut suivi dans diverses grandes villes de France et aussi à l'Etranger: les résultats furent si concluants que M. Fallières n'hésilait pas, en 1887, à conseiller aux municipalités de créer des dispensaires sur le modèle de celui du Dr Gibert, en promettant de leur attribuer des subventions sur les fonds provenant du pari mutuel. M. Ch. Benoist, maire de Saint-Romain, qui projetait alors de construire un hospice-hôpital au moyen de diverses donations faites par des personnes charitables, sollicita de M. Monod, directeur de l’Assistance pu- blique, et obtint, avec l'appui du D' Gibert, et de MM. Jules Siegfred et Félix Faure, députés du Havre, un secours de 13,500 francs pour la création d'un dis- pensaire, Ces établissements furent commencés au printemps de 1890 et viennent d’être terminés. L’hospice-hôpital de Saint-Romain est formé d'un corps de logis principal élevé de deux étages sur sous- sol, comprenant cabinet de consultation, réfectoire, logement du personnel, lingerie, cuisines, et de deux ailes à un seul étage, affectées à des salles de malades. Ces salles sont ogivales, suivant le système Tollet, pavées en mosaïque de marbre, parfaitement aérées et éclairées; elles sont chauffées par des poêles à vapeur. , Le dispensaire, situé à peu de distance, comprend : salle d'attente, cabinet de médecin, salle de pansements, salles de bains et de douches (avec murs et plafonds revêtus de lames de verre), cabine de repos, et enfin une annexe pour le générateur à vapeur et les réservoirs. L'hospice-hôpital a coùté, mobilier compris, 25.000fr., le dispensaire 13.500 francs. Avec ces ressources restreintes, M. Ch. Benoist, aidé du Conseil d'administration, a fait élever des éta- blissements qui répondent, à tous les points de vue, aux besoins de la population rurale auxquels ils sont destinés, et qui sont absolument conformes aux don- nées de la science moderne. C’est d’ailleurs ce qu'a reconnu M, le D' Napias : « Je dirai au ministre, a-t-il « déclaré, que vous avez, les premiers, su créer le type « d'établissement convenable pour assurer des secours «aux malades pauvres, Je lui dirai que le modèle est < trouvé et qu'il faut venir le chercher à Salmon » . e NOTICE NÉCROLOGIQUE ET NOUVELLES NOTICE NÉCROLOGIQUE ÉMILE MATHIEU La mort vient de ravir à la Science et à l’'Enseigne- ment un savant de réputation, un maître d'élite. Le 19 octobre dernier, M. Emile Mathieu, professeur à la Faculté des sciences de Nancy, succombait en cette ville aux suites d’une courte, mais terrible maladie. A l'âge de 55 ans, après une vie toute d'honneur et de travail, il tombe sur la brèche, plongeant dans le deuil ses élèves qui le vénéraient, ses collègues qui lui avaient voué une profonde et inallérable affection, Né à Metz, le 15 mai 4835, dans la noble cité qui vit naître Poncelet et tant d'illustrations francaises, E. Mathieu entra de bonne heure à l'Ecole polytechnique. Quelques mois après sa sortie de l’école, il renoncait à la carrière militaire, pour se consacrer aux recherches mathématiques. Dès 1856 parait son premier mémoire, En mars 1859, il est recu docteur avec une thèse d’algèbre supérieure « {rès remarquable et louée sans restriction par la Faculté des sciences de Paris 1. » Cependant en 1867, malgré d'importantes et déjà nom- breuses publications, il n’est encore pourvu d'aucun poste officiel, Ce jeune homme « réellement doué des qualités du géomètre » et « dont les travaux montrent autant de pénétration que de connaissance profonde de là science », ce jeune homme, dit M. J. Bertrand, « malgré l'estime qu'il a su inspirer à tous, reste en dehors de toutes les fonctions dont ses remarquables travaux sembleraient devoir lui rendre l'accès facile. » C’est de la fin de l’année 1867 que datent les débuts d'E. Mathieu dans l’enseignement public: le cours complémentaire de Physique mathématique, institué alors à la Sorbonne, lui est confié, Il à publié les ma- tières de ce cours en 1872 dans un ouvrage sur lequel M. Serret à appelé l'attention de l’Académie ?, Mais c’est seulement le 31 décembre 1871 qu'il devient titu- laire d'une chaire : un décret le nomme professeur de mathématiques pures à la Faculté des sciences de Besancon, où il enseignait depuis deux ans comme chargé de cours. Quatre ans plus tard, il était trans- féré en la même qualité à Nancy, qu'il ne devait plus quitter, Les premiers travaux d'E. Mathieu se rapportent aux mathématiques pures; mais peu à peu ses goûts l’entrainèrent vers la mécanique céleste et surtout vers la physique mathématique. On ne peut songer à dé- tailler ici ses nombreuses publications 3, si estimées en France et à l'étranger. Il suffira de dire qu’elles ne comprennent pas moins d’une quarantaine de mémoires sur la Physique mathématique et la Mécanique molé- culaire, sur la Mécanique céleste, sur la Mécanique analytique, sur l’Algèbre supérieure, la théorie des nombres et le calcul intégral. E, Mathieu a publié en outre une Dynamique analytique, qui peut être regardée comme le prodrome d’un traité de Mécanique céleste. Enfin, il allait terminer son grand Traité de Physique mathémaïique, en neuf ou dix volumes, qui malheu- reusement demeurera inachevé : sept volumes en ont paru; il travaillait au huitième ! depuis six mois, lorsqu'en août dernier la maladie vint soudainement le torturer. E. Mathieu était un modèle de droiture et de sin- cérité, Sa conscience scrupuleuse, son caractère loyal et sûr étaient bien connus. Rigide observateur de tous les devoirs, travailleur infaligable, il avait fait deux parts de son temps, l’une à son cours, l’autre à ses recherches personnelles, Sur son lit de douleur, c’est la reprise de ce cours qui l'inquiétait, c'est l’achève- ment de son Traité de Physique qui le tourmentait, D'une bonté souveraine, d’un dévouement à tout épreuve, cet homme excellent vivait entouré de l'estime et de l’af- fection de collègues qui étaient tous ses amis. Sensible à la moindre prévenance, touché de la plus petite marque de sympathie, il semblait avoir besoin de cette affection qu'on voulait lui prodiguer. On l’aimait avec l’indépendance absolue de ses idées ; on aimait cette franchise sans apprèt et tout ingénue avec laquelle il manifestait parfois son sentiment, … La croix de la Légion d'honneur, qui lui fut décernée il y à à peine un an, était une satisfaction bien due à l'opinion unanime. Mais d’autres distinctions attendaient le savant laborieux dont l’œuyre et le renom gran- dissaient d'année en année. L'Académie elle-même s’en préoccupait. « Ses beaux travaux, a dit M. Hermite lui auraient valu sans doute et sans tarder le titre de Correspondant de l’Académie, » Hélas! ce labeur incessant, cette contention perpé- tuelle de l'esprit, une vie semée d'amertumes, devaient miner rapidement une santé déjà frêle, Aujourd'hui la pauvre mère octogénaire pleure son fils bien-aimé, et ce sont des éloges funèbres, de douloureux regrets qui sont décernés à l’homme d’élite qui a tant honoré son pays! : G. FLoquer, NOUVELLES PRODUCTION D'UN CHAMP ELECTRIQUE PAR UN PHENOMENE OPTIQUE De nombreuses expériences ont établi aujourd’hui une relation intime entre les phénomènes électriques et les phénomènes lumineux; le plus souvent on est parvenu à mettre en évidence une action de Pélectricité sur les propriétés de la lumière, mais plus rarement le phénomène inverse, l'influence d'un mouvement lumi- neux sur l’état du champ électrique. 1 J. Berrran». Rapport sur les progrès de l'analyse mathé- matique, 1861. 2? Comptes-rendus, 18 octobre 1872. 3 Voir la Notice sur les travaux scientifiques d: M, Ein. Ma- thicu. Nancy, 1882. Parmi les découvertes sur ce sujet, une des plus ins- tructives et des plus connues est celle de la polarisation rolatoire magnétique faite par Faraday en 1845 : le plan de polarisation d'un rayon de lumière polarisé rectili- gnement qui traverse un corps transparent, dénué par lui-même de pouvoir rotatoire, tourne sous l'influence d'un champ magnétique; la rotation est la plus grande possible quand le rayon traverse le corps parallèle- ment aux lignes de force du champ. Jusqu'à présent on ignorat que ce phénomène admit pour ainsi dire une réciproque et que l’on put ici intervertir la cause et l'effet; si cette idée naturelle s'était présentée à l'esprit de quelques physiciens, les tentatives essayées jusqu'à —————_—_—_—_—_—_—__—_— | Théorie de la lumière. 688 NOUVELLES présent n’avaient conduit qu'à des résultats négatifs 1, M. Samuel Sheldon nous apprend dans l'American jowr- nal of science (septembre 1890) qu’il vient d'exécuter une expérience concluante : il est parvenu à produire un courant électrique dans un circuit métallique par la rotation du plan de polarisation de la lumière, Une bobine, formée de fils de cuivre, longue de 175 millimètres, large de 23, renferme un tube de verre plein de sulfure de carbone; avec deux prismes de Nicol à l'extinction et cette bobine on peut tout d’abord répé- ter l'expérience de Faraday ; on constate que, dans ces conditions, un courant d'intensité égale à un { ampère parcourant la bobine, produit une rotation du plan de polarisation égale à 78 minutes. Sans entrer dans aucun détail théorique, on peut concevoir que, si le phéno- mène réciproque existe, il faudra, selon toute vraisem- blance, pour produire dans la bobine un courant d’un ampère, obtenir unerotation du plan de polarisation de la lumière telle que 75 minutes soient parcourues dans un temps comparable à la durée d’une vibration lumi- neuse, Une semblable vitesse est énorme ; on ne con- naît certes aucun moyen par où on la puisse produire; il importe en outre de remarquer que, si quelque méca- nisme encore inconnu permettait d'atteindre cette rapi- dité (par la rotation du Nicol polariseur par exemple), le phénomène optique ne resterait plus simple et se compliquerait au contraire singulièrement : la lumière ne traversant pas instantanément le prisme, on n’ob- tiendrait plus à chaque instant un rayon de lumière polarisé dans un plan animé d’un mouvement de rota- lion, etles résultats deviendraient difficiles à interpréter. M. Sheldon a eu recours à des vitesses beauconp plus modestes, 200 rotations par seconde au maximum, On doit, dans ces conditions, s’attendre à trouver un cou- rant extrèmement faible, si faible que la différence de otentiel qui pourra s'établir entre les deux extrémités du fil enroulé sur la bobine sera, d’après les prévisions calculées comme nous avons dit plus haut, de l’ordre du milliardième de volt seulement, Malgré cette peti- tesse de l'effet, on peut, grâce à l'extraordinaire sensi- bilité du téléphone, arriver à déceler d’aussi faibles forces électromotrices. L'expérience ainsi conduite à confirmé les prévisions du physicien américain, il a même pu aller plus loin et étahlir un nouveau fait intéressant : dans l'expérience de Faraday la rotation du plan de polarisation est proportionnelle à l'intensité du champ et change de sens avec lui; dès lors il est probable que dans l'expérience inverse, la rotation continue doit engendrer un courant continu, tandis qu'une oscillation du plan de polarisation doit donner naissance à des courants alternatifs; les résultats obte- nus sont parfaitement d'accord avec cette déduction, La découverte de M. Sheldon est des plus intéres- santes ; malheureusement la petitesse des effets obser- vés laisse encore place à quelques doutes. Les résul- tats obtenus jusqu'à ce jour sont d’ailleurs purement qualificatifs ; il serait important d'arriver à mesurer les quantités qui interviennent dans les phénomènes ob- servés. L'ingénieuse méthode analytique imaginée par M. Lippmann permet, par l'application du principe de la conservation de l'électricité, de prévoir à priori quel- ques-unes des lois qui doivent régir les faits nouveaux découverts par M. Sheldon; la comparaison avec l'expérience présenterait un grand intérêt Malgré l’'extrème difficulté de semblables recherches, il est permis d'espérer que, tenté par l'attrait du sujet, quelque physicien parviendra un jour à résoudre les divers problèmes qui se posent naturellement à la suite de ces belles expériences; sans doute, il s’es- timerait bien payé de ses peines celui qui parvien- à s? 1! Après la publication du mémoire de M. Sheldon, notre collaborateur, M. G. Minchin a inséré dans l’Zlectrician de Londres (10 octobre) une note où il relate des expériences anologues qu'il avait entreprises il y a quelque temps, sans obtenir Dani un résultat positif. drait à éclaircir cette question qui intéresse et pas- sionne fort justement tous les esprits : établir nette- ment les relations entre l'électricité et la lumière. Lucien Poincaré. LE FLUOR LIBRE DANS LA NATURE MM. H. Becquerel et H. Moissan viennent de décou- vrir la présence du fluor libre dans la Nature !. Ils y ont élé conduits par l'étude de la fluorine de Quin- cié (Rhône). On sait depuis longtemps que certaines variétés de cette espèce minérale dégagent, quand on les broie, une odeur pénétrante qui se rapproche de celle de l'ozone. Les auteurs remarquèrent qu’elle rappelle aussi celle du fluor, L'action de cet halogène sur la vapeur d’eau produisant de l'ozone, il était inté- ressant d'établir le dégagement de ce dernier gaz pen- dant la pulvérisation du minéral, et d’en déterminer l’origine. D'où les observations suivantes : Pendant le broyage au contact de l'air humide, la fluorine de Quincié met en liberté des bulles gazeuses, visibles au microscope; ces bulles réagissent sur le papier ozonométrique et bleuissent autour d’elles l’em- pois d’amidon additionné d'iodure de potassium. Cette réaction ne saurait être attribuée au chlore, car cette fluorine ne fournit pas pendant le broyage de déga- sement de ce métalloïde, Si l’on y ajoute du chlorure de sodium, et que l’on broie le mélange on obtient un dégagement de chlore très net. D'autre part la fluorine portée au rouge décrépiteetne fournit plustrace d'ozone. Mais portée à 250°, tempéra- ture qui détruit la molécule d'ozone, « elle produit en- core par son broyage une réaction intense sur le papier ozonométrique, Ce fait, disent MM. Becquerel et Moissan, semble bien démontrer que l'ozone n’est pas inclus dans le minéral, mais qu'il est produit par une réaction secondaire, » Plusieurs expériences prouvent que cette réaction est due au fluor : concassée et chauffée en tube à essai, la fluorine de Quincié dépolit le verre. L'eau distillée où ses fragments ont baigné le dépolit aussi. Le même minéral, séché à froid, puis légèrement chauffé avec du Silicium cristallisé, met en liberté un gaz qui, «au contact d’une goutte d’eau, produit un léger dépôt de silice ». Ë Le fluor que décèlent ces réactions, estil ocelus à l'état métalloïdique dans la fluorine de Quincié, ou y existe-t-il sous la forme d’un perfluorure qui le déga- serait en se dissociant? La question est encore réser- vée. Quoi que nous apprennent à cet égard les recher- ches en cours d'exécution de MM. Becquerel et Moissan, le résultat qu'ils ont déjà acquis offre en lui-même un grand intérêt; il semble ouvrir de nouveaux horizons à la géologie chimique. ts Dans un récent article ? nous faisions remarquer, d'après M. Berthelot, que la permanence du poids de la matière était admise par les alchimistes. M. P. Os- mond nous signale à cette occasion les vers suivants de Ronsard : De Tempé la vallée un jour sera montagne, Et la cime d’Athos une vaste campagne : Neptune quelquefois de blé sera couvert : La matière demeure et la forme se perd. Faut-il y voir une allusion à une théorie chimique ou aux idées géologiques de Palissy? 1 Académie des Sciences de Paris, 10 novembre 1890. 2 Voyez la Revue du 30 septembre 1890, n° 18, p. 572 et sui. Le Gérant : Ocrave Don. Paris.—Jmprimerie F, Levé, rue Cassette, 17. im té É nes à à 4e ANNÉE N° 22 : 30 NOVEMBRE 1890 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LA CHIRURGIE DES REINS ET DES URETÈRES Au commencement de ce siècle, un Français, Combhaire, démontrait par des expériences sur des animaux la possibilité d’extirper l’un desreins sans que mort s’ensuive. La conclusion tirée de ces expériences ne fut mise à profit par les chirur- giens, qu'en 1869, époque où Simon (de Heidelberg), après des expérimentalions nouvelles, pratiqua la première néphrectomie. Par bonheur cette ten- tative hardie fut couronnée de succès; autrement c'en était peut-être fait pour quelques années de cette opération qui depuis lors a été répétée plu- sieurs centaines de fois. Je le crois d'autant plus que la seconde opérée de Simon succomba à l'in- fection purulente, cette calamité dont l’antisepsie nous a débarrassés. après qu’elle eut entravé pen- dant plusieurs siècles l’essor de la chirurgie. Si un aussi long temps s’est écoulé entre les ex- périences de Comhaire ct la première extirpation de rein, c'est à la pyohémie qu'il faut l’attribuer. à l’effroi qu'elle inspirait, à la timidité qu'elle en- tretenait chez les chirurgiens en les obligeant à s'inspirer sans cesse dans leurs interventions de la prudence la plus scrupuleuse. Par un hasard heureux la néphreclomie est née en même temps que l’antisepsie. Les premières applications de la méthode de pansement créée par Lister datent de 1869; de sorte que, si une série de revers avait frappé de discrédit la nou- velle opération dès ses débuts, on peut être cer- tain qu'elle s’en serait relevée rapidement, grâce à l’aide que lui aurait bientôt fournie la mer- veilleuse innovation à laquelle la chirurgie doit les REVUE GÉNÉRALE, 1890. rapides progrès de ces dernières années. Malgré les encouragements que leur donnait la méthode listé- rienne, il est à noter que, jusqu'en 1875, les chirur- giens se sont montrés peu empressés à suivre l'exemple de Simon ; de 1875 à 1880 le nombre des interventions augmente sensiblement ; mais c’est ‘surtout depuis 1880 que l’incision des reins ma- lades (néphrotomie) et leur extirpation (néphrec- tomie) deviennent des opérations courantes, en même temps que la néphrolithotomie, qui est une néphrotomie ayant pour but l'extraction des cal- culs enclavés dans'le bassinet ou dans le paren- chyme rénal. Lanéphrectomie n’a fait son apparition en France qu’en 1880. À M. le professeur Léon Le Fortrevient le mérite de cette première tentative; malheureu- sement elle ne fut pas suivie de succès. Le malade que j'ai opéré en avril 1881, et qui a guéri, jouit depuis cette époque d’une santé parfaite. C'était le second cas de la série française aujourd’hui longue et relativement brillante. Une autre opération a pris dans la chirurgie une place importante depuis que Hahn (de Berlin) l'a imaginée. C’est celle qu'on a désignée tout d’abord sous le nom de néphrorraphie et que j'ai proposé d'appeler néphropexie, parce qu’elle con- siste à fixer le rein devenu mobile dans la région qu'il doit occuper normalement et que diverses circonstances peuvent lui faire abandonner. J'aurai donc, dans le résumé extrêmement succint de la chirurgie rénale qui va suivre, à pré- senter au lecteur quatre sortes d'opérations d’une 99 690 D' A. LE DENTU. — LA CHIRURGIE DES REINS ET DES URETÈRES application courante. Ce sont : la néphrorraphie, la néphrotomie, la néphrolithotomie el la néphrec- tomie. J'ajouterai quelques mots sur la chirurgie des uretères, infiniment plus restreinte que celle des reins, mais à laquelle l'avenir réserve sans doute un sérieux développement. I Néphrorraphie. — Chez un très grand nombre de femmes, les reins quittent la fosse lombaire que limitent, en haut, la face inférieure du diaphragme, en arrière, les insertions postérieures de ce muscle et le muscle carré lombaire étendu de la douzième côte à la crête iliaque. Ils descendent plus ou moins vers la fosse iliaque et vers la cavité abdominale, en se coiffant de plus en plus du péritoine qui, dans l’état normal, ne fait que passer sur leur face antérieure. C’est surtout le rein droit qui est sujet à cette migration. « Dans certaines circonstances, la mobilité anor- male, le déplacement est dû simplement au relà- chement des tissus qui entourent le rein, à la résorplion de la graisse qui constitue sa capsule graisseuse ; ou bien c’est l'intestin qui, dans sa tendance à tomber vers les parties déclives de la cavité abdominale, entraine l'organe sécréleur de l'urine. On a même fait jouer récemment à l'enté- roptose un rôle extrèmement important. Un rein mobile, flottant, ne devient pas falale- ment douloureux. Il peut rester intact et n'être le siège d'aucun symplôme spécial autre que sa mobi- lité; mais assez souvent il s’y développe une sen- sibilité névralgiforme accompagnée, ou non, de tuméfaction. Cette tuméfaction peut même être assez grande pour qu'on se demande si l'organe n’a pas subi une dégénérescence quelconque, kys- tique ou cancéreuse. Il devient alors difficile de savoir si elle n'a pas précédé la mobilité. C’est en effet ce qui a lieu dans un certain nombre de cas, Toute augmentation de volume du rein fait qu'il a de la tendance à quitter la région où il ne trouve plus la place nécessaire pour se développer; mais cette tendance est fréquemment entravée par les adhérences que l’organe contracte de bonne heure avec les parties voisines. Le déplacement devient par là un signe diagnostique de valeur, car il s’ob- serve surtout dans les cas où les adhérences ne s’établissent pas, par exemple lorsque le rein est atteint de congestion simple, de dégénérescence kystique, d'hydronéphrose (distension du bassinet parl'urine accumulée), ou même de dégénérescence maligne avec conservation intégrale de la capsule fibreuse et sans phénomènes inflammatoires con- comitants. En revanche il est rare en cas d’affections fran- chement inflammatoires (pyélites et pyélonéphrites) el de cancer à marche rapide accompagné de pres- sions phlegmasiques. Cette distinction dans les causes réelles de l’ec- topie est féconde en déduclions pratiques ; on en tire des indications importantes relativement à l’'opportunitè respeclive d’une opération simple comme la fixation du rein, ou d’une opération infi- niment plus sérieuse comme l'incision ou l’extir- pation de l'organe. Ce qu’il faut proclamer bien haut, c’est que l’on voit des reins atteints de tumé- faction congestive très accusée revenir à leur vo- lume normal par le seul fait de leur fixation; le diagnostic de la simple tuméfaction congestive doit donc être poursuivi par tous les moyens pos- sibles, sous peine d'une erreur grave qui condui- rait à enlever un rein capable de fonctionner après avoir été remis dans sa position normale. C'est seulement lorsqu'on a acquis la conviction que la tuméfaction est l'indice d’une grave dégéné- rescence qu'il faut se décider à attaquer l'organe malade d’une facon plus radicale. La difficulté de bien l'atteindre par la région lombaire et en agis- sant en dehors du péritoine doit faire parfois donner la préférence à la voie transpéritonéale, soit qu’on veuille simplement fixer à la paroi abdominale le rein creusé d’une cavité purulente ou kystique, soit qu'on trouve préférable de l’extirper. Je ne dirai rien de la néphrectomie, puisqu'elle sera rapidement décrite plus tard; la fixation du rein, la néphropexie, doit être seule en cause pour le moment. L'idée qui a guidé les premiers opéra- teurs était qu'il suffisait d'agir sur l'enveloppe graisseuse du rein, L'idée plus moderne dont les insuccès de la première manière de procéder ont démontré la justesse, est qu'il faut passer les fils suspenseurs en plein tissu rénal. A cette condition seulement le rein, remonté dans la fosse lombaire, n'a pas trop de tendance à redescendre dans la fosse iliaque. Une incision verticale au niveau du bord externe de la masse musculaire sacro-lombaire conduit la main vers l’organe déplacé. La recherche en est . difficile lorsque le pédicule formé par les vaisseaux et par les deux feuillets du péritoine est étroit, ce qui d’ailleurs est l'exception. Il faut bien le savoir pour éviter de se décider à tort pour la néphrecto- mie; celle-ci est cependant la seule opération pos- sible dans certains cas, el il est de toute nécessité d'ouvrir la cavilé péritonéale pour atteindre l'or- gane flottant. Une fois la face postérieure du rein mise à nu, il faut le traverser d’une face à l’autre avec plusieurs fils échelonnés au voisinage de son bord convexe et plutôt dans sa moitié inférieure, On fixe ensuite ces fils soit aux lèvres musculaires de l’incision, D: A. LE DENTU. — LA CHIRURGIE DES REINS ET DES URETÈRES 691 soit au périoste de la douzième côte; quelques sutures portant exclusivement sur la capsule graisseuse soutiennent les premières et complètent avantageusement l'opération. Telle est en gros la néphropexie, bénigne ordi- nairemen! el efficace souvent, mais non toujours; elle est indiquée dans le cas où l'insuffisance d’une ceinture spéciale a été démontrée par des essais prolongés. Elle est inutile quand le rein mobile ne cause pas d'accidents sérieux, locaux ou géné- raux ; elle pourrait être dangereuse sur des sujets d’une mauvaise santé ou ayant dépassé une cin- quantaine d'années. En tout cas, il faudrait que l'intervention fût imposée par des considérations pressantes. Il Néphrotomie et néphrolithotomie. — Ces deux opé- rations ont tant de rapports entre elles qu’on peut les décrire ensemble, La première est l’incision simple du rein; les conditions dans lesquelles on la pratique sont extrêmement variables. On incise le rein lorsqu'il est distendu par du pus ou par un liquide de nature non purulente. La formation d’une collection purulente est causée par une pyélonéphrilte simple ou calculeuse, ou par la tuberculose rénale. Les collections de liquide non purulent sont des hydronéphroses et des kystes simples ou hydatiques. L'hydronéphrose ou distension du bassinet par l'urine accumulée à la suite de l’oblitération de l'uretère, est beaucoup plus fréquente que les grands kystes simples ou hydatiques; j'ai pourtant observé et traité deux de ces derniers. Certaines circonstances peuvent justifier ou né- cessiter la néphrectomie dans ces deux catégories de cas, mais ordinairement la néphrotomie suffit. Si le plus souvent elle peut être pratiquée au moyen d'une incision postéro-latérale qui n'atteint pas le péritoine, on est quelquefois obligé d'inci- ser par devant, après avoir ouvert la cavité sé- reuse. C’est lorsque le rein,atteint d’hydronéphrose ou envahi par un kyste, s’est beaucoup déplacé ; or j'ai déjà dit que ce fait n'était pas rare, à cause du peu de tendance que montrent les tumeurs à contenu séreux à contracter des adhérences avec les parties voisines. En pareille circonstance, on traite la poche comme on le fait d’un kyste hydatique du foie; après l’avoir vidée complèlement ou partiellement par une ponction, on l’ouvre largement et on la fixe par des sulures aux bords de la plaie abdo- minale. Les drains qu'on y place conduisent ainsi directement à l'extérieur les liquides qui s'en échappent, et les sulures protègent le péritoine contre toute contamination. Comme les poches à contenu purulent ou non purulent ne peuvent se cicatriser qu'à la suite d’un bourgeonnement intérieur de leur paroi, la guérison demande toujours plusieurs semaines et il arrive plus souvent qu'on ne voudrait que le tra- jet du drain reste fistuleux. Une nouvelle inter- vention s'impose, lorsqu’en dépit des moyens plus doux (injections modificatrices, curage) employés préalablement, la fistule persiste. L'excision de la paroi de cette dernière dans toute sa longueur, suivie de la suture du parenchyme rénal, doit être essayée, si les conditions de la fistule et l’état du rein ne s’y opposent pas ; malheureusement il y à beaucoup de cas où l’extirpation du rein est la seule ressource offrant des chances de succès, et il n'est pas rare que des adhérences étendues la rendent extrêmement difficile et périlleuse. La néphrolitholomie se fait dans des conditions très différentes, suivant que la présence d’un ou de plusieurs calculs dans un rein y a provoqué la suppuration sous forme de collection bien déli- mitée (pyonéphrose) ou seulement une pyéloné- phrite scléreuse, sans augmentation de volume très notable de l’organe. Dans le premier cas, l'opération consiste essen- tiellement dans une néphrotomie à laquelle s'a- joute l'extraction des calculs, après dilacération du tissu rénal, ouverture des foyers séparés par des cloisons quelquefois complètes et régularisation, poussée aussi loin que possible, de la cavité. Il peut se faire qu'on soit amené à enlever par fragments tout le parenchyme rénal altéré et à ne laisser que la coque formée par la capsule fibreuse épaissie. Cette sorte d'opération à laquelle l’obli- tération fréquente des artères rénales ou leur ré- trécissement très marqué enlève son principal dan- ger immédiat, qui serait l'hémorragie, est dési- gnée sous le nom de néphrectomie sous-capsulaire. Ce complément de l’incision ne trouve pas seu- lement son application dans le cours d'une né- phrolithotomie sur un rein atteint de pyonéphrose; il a tout aussi bien sa raison d'être, lorsque la formation de la pyonéphrose ne se rattache pas à la lithiase, et l'indication reste absolument la même. Elle réside dans la désorganisalion pro- fonde du tissu rénal qui le rend impropre à rem- plir ses fonctions, et dans son induration scléro- sique qui s'oppose à la cicatrisation du foyer. De là des fistules très difficiles à guérir. La néphrolithotomie proprement dite est tout autre chose. Le rein possède à peu près ses di- mensions normales et le diagnostic ne peut être déduit que de l'analyse de symptômes purement rationnels, tels que des coliques néphrétiques dans le passé, des hématuries, des douleurs occupant la région lombaire profonde, remontant en arrière sur le thorax, descendant vers le testicule en sui= 692 D' A. LE DENTU. — LA CHIRURGIE DES REINSSET DES URETÈRES vant le trajet de l’uretère. De là des erreurs faciles et des opérations sans résultat qui ont amené les chirurgiens à préconiser et à pratiquer l'explora- tion directe du rein, sa palpation par la main in- troduite soit dans une large plaie de la région lom- baire ou du flanc, soit dans la cavité péritonéale. Le premier mode d'exploration présente l’incon- vénient de ne pouvoir être appliqué que d’un côté tandis que l’exploralion intrapéritonéale permet de passer la main en avant des deux reins. En re- vanche il est plus sûr, parce que, gràce à lui, on peut saisir entièrement le rein entre le pouce placé sur la face antérieure et les autres doigts promenés sur la face postérieure; de plus, si la présence d'un calcul est reconnue, il n'ya plus, pour compléter l'opération, qu’à fendre le rein et à en faire l'extraction. En théorie rien n’est plus simple; dans la réalité des difficultés de diverses sortes peuvent rendre cette extraction extrémement pénible. Aussi, lors- que le rein est très désorganisé par des calculs multiples, mieux vaut extirper séance tenante contenant et contenu. Si par contre la désorgani- sation n'est pas très avancée et que les calculs ne soient ni trop volumineux, ni trop enclavés dans les calices dilatés, on peut procéder à l'opération très méthodiquement et obtenir de beaux succès. J'ai réglé ainsi qu'il sera dit plus loin {ous les temps de cette opéralion, avant que la publication d'aucune expérience sur des animaux eût pu me guider dans la conception générale du procédé ni dans la détermination des détails. Jusqu'alors on incisait le rein dans le point où l’on avait constaté par l'exploration extérieure l'existence d’un calcul ; peu importait que l’inci- sion fût faite sur une des faces de l’organe ou sur son bord convexe, en long ou en travers. Une fois l'incision pratiquée, on saisissait le calcul avec des pinces quelconques; puis on laissait la plaie ré- nale béante et la réunion se faisait par bourgeon- nement après une période de plusieurs semaines pendant laquelle il s'échappait de l’urine à l'exté- rieur, Ordinairement c'élail le bassinet que l’on inci- sait. Deux fois on avait tenté avec succès la réu- nion immédiate de la plaie du réservoir rénal, avant le jour où je reportai systématiquement l'incision sur le parenchyme rénal lui-même et où je recommandai la suture de ce parenchyme, afin d'en obtenir la réunion immédiate. Ma première lentative date du mois de fé- vrier 1888; elle ne réussit qu'en partie. L’urine coula par la plaie pendant une quinzaine de jours. Ma seconde, qui eut lieu le 23 février 1889, fut couronnée d’un plein succès. Pas une goutte d'urine ne passa entre les points de suture; et la guérison de toute la plaie, sauf quelques points superfi- ciels, ful obtenue en seize jours. Au vingtième ! jour l’opéré se levait ; la ligne des sutures superfi- cielles était entièrement cicatrisée. Ces deux faits m'ont permis de régler ainsi le manuel opératoire : Une fois le rein mis à nu el attiré peu à peu entre les lèvres de la plaie, introduire dans son épaisseur une aiguille à acupuncture aussi souvent qu'il sera nécessaire pour reconnaitre la présence du ou des calculs. Ces piqüres, faites avec un ins- trument aseplique, n’ont aucun inconvénient. Le calcul étant reconnu,inciser le bord convexe du rein dans le sens de la longueur el dans la zone correspondant au siège du calcul ; inciser profon- dément, jusqu'aux calices et au bassinet, et sur une étendue assez grande pour que le broiement des branches du calcul et l'extraction de ce dernier, entier ou fragmenté, se fassent sans trop de peine. Quoique, pour cette extraction, des pinces uté- rines ordinaires puissent suflire, J'ai fait cons- truire plusieurs modèles de curettes qui m'ont été utiles dans le premier des deux cas auxquels j'ai fait allusion plus haut. Il reste à réunir la plaie rénale. Il faudra passer le nombre de fils nécessaire d’un côté à l’autre, en ayant soin de pénétrer dans le parenchyme au moins à un centimètre du bord de chacune des lèvres et de ne laisser entre les points que quatre à cinq millimètres d’écartement. Des fils de catgut ou de soie pas trop fins, du numéro 3 pour les pre- miers, d’un numéro un peu plus faible: pour les seconds, sont également recommandables, s'ils sont bien aseptiques. Dès qu’on les serre, l’hé- morragie s'arrête et le rein prend une teinte vio- lacée due à la gène momentanée de la circulation, ce qui ne doit pas préoccuper l'opérateur. Le drainage de la plaie superficielle est indispen- sable pour le cas où la suture rénale manquerait partiellement. L'urine trouverait ainsi devant elle une voie tout ouverte vers l'extérieur et la guéri- . son serait simplement un peu retardée. Telle est la néphrolithotomie vraie, celle qui porle sur un rein non suppuré, celle que Hévin déclarait tout à fait impraticable pour mille rai- sons excellentes au xvurr° siècle, que les audaces du nôtre ont réduites à néant, gräce à l’anlisepsie qui a tout simplifié. III Néphrectomie. — La néphrectomie est indiquée dans tous les cas où l'une des opérations décrites précédemment ne peut être pratiquée avec profit. Cela ne veut pas dire qu'elle soit exécutable en toute circonstance. Elle aussi se heurte à des diffi- D' A. LE DENTU. — LA CHIRURGIE DES REINS ET DES URETÈRES 693 cultés telles que, parfois, mieux vaut se décider à l'avance pour l’abstention, Un certain nombre d'essais malheureux ont fixé les limites de sa puissance, mais rien ne prouve que le progrès ne les reculera pas peu à peu. Pour le moment elle est déjà applicable à beaucoup de cas, par exemple : après les plaies ouvertes ou les déchirures sous- cutanées du rein, lorsque l'hémorragie compro- met les jours du malade; dans la lithiase, lorsque la dégénérescence du rein est extrème; dans les affections suppuratives simples ou tuberculeuses, lorsque la désorganisation est très accusée et que les adhérences ne sont pas trop étendues ou trop fermes; dans le cas de fistule, lorsque l’excision de cette dernière n’est pas praticable, ou n’a pas procuré la guérison; dans les affections malignes äu début, avant que le néoplasme n'ait franchi les limites de la capsule fibreuse et contracté des adhérences avec le colon, le foie, la rate, l'aorte et la veine cave inférieure; très rarement dans le cas d’hydronéphrose ou de kystes, exceplé lorsque ceux-ci sont conglomérés et qu'on peut recon- naître que la lésion n’est pas bilatérale; enfin assez souvent lorque le rein, atteint primitivement ou secondairement d'une dégénérescence quelconque, s’est déplacé et pointe beaucoup vers la cavité abdominale. Il existe deux méthodes de néphrectomie l’une estextrapéritonéale, l’autre transpéritonéale ; l’une qui permet d'atteindre le rein en se tenant en dehors de la cavité séreuse, l’autre qui prend celle-ci comme chemin pour arriver sur l’organe à enlever. Certains chirurgiens, laparotomistes quand même et très enclins à accuser de timidité ceux qui croient qu'il n’est pas toujours nécessaire d’ou- vrir le ventre pour faire de bonne chirurgie, ont préconisé la néphrectomie transpéritonéale avec - un absolutisme irréduclible. Ils ne sont pas plus dans le vrai que les chirurgiens qui accorderaient une préférence exclusive à la néphrectomie extra- péritonéale; mais il n’en existe pas. D'une manière générale, il est préférable d'agir en dehors du péritoine, mais on ne doit pas hésiter à affronter les risques, très réduits aujourd’hui, de l'ouverture du périloine, si cette manière de procéder offre dans l’espèce des avantages, au point de vue de la facilité de l’extirpation du rein et de la ligature du pédicule. Il ne peut y avoir de désaccord entre les chirurgiens que pour les cas où la supériorité de l’une ou de l’autre méthode ne saute pas aux yeux. J'accorde volontiers que l'avenir pourra modifier, en ce qui concerne les faits compris dans cette zone intermédiaire, les conclusions fournies par les statistiques, conclusions favorables à la méthode extrapéritonéale; j'accorde que la laparotomie perd chaque jour de sa gravité et que le fait d'avoir ouvert la cavité péritonéale n’est plus susceptible, à lui seul, d'aggraver beaucoup le pronostic de l'opération. Les vraies causes de mort résident ailleurs, ainsi qu'on le verra plus loin. Il serait trop long de décrire ici la néphrectomie dans tous ses détails. Je dirai seulement en quoi consiste l'opéralion envisagée dans ses grandes lignes. Voici d’abord pour la néphrectomie extrapéri- tonéale : longue incision de la région lombaire et du flanc, porlant successivement sur les tégu- ments, sur les muscles superficiels et profonds, jusqu'à l'atmosphère graisseuse du rein, Mise à nu du rein par sa face postérieure, après dilacéra- tion de cette graisse; énucléation totale de l'or- gane au moyen de la main. Ligature du pédicule en deux tronçons au moyen de fils aseptiques; détachement du rein. Drainage et suture de la plaie. La guérison peut être obtenue sans suppu- ration en quelques jours. Le néphrectomie transpéritonéale comporte les temps suivants : incision de la paroi abdominale sur la ligne médiane ou en dehors du muscle grand droit, refoulement de la masse intestinale el du colon en dedans. Section du périloine posté- rieur, énucléation du rein, ligature du pédicule. On peut suturer ensuite le périloine postérieur en le laissant appliqué sur le pédicule et le muscle carré des lombes, ou l’attirer en avant et le suturer en collerette à la paroi abdominale antérieure. Le foyer opératoire se trouve ainsi en communication directe avec l'extérieur, par devant, au moyen d’un drain qui y est plongé. IV Résultats des opérations sur les reins. — Ces résul- tats doivent êlre envisagés au point de vue de la gravité et de l'efficacité ultérieure. La néphropexie, véritablement bénigne, est par- fois suivie de reproduction du déplacement rénal. Sous ce rapport, son efficacité n’est pas absolue. Elle ne l'est pas non plus, il faut bien le recon- naïtre, relativement à la cessation des phénomènes locaux ou généraux considérés comme conséquence de l’ectopie rénale. C’est cependant une bonne opé- ralion qu'il ne faut pas prodiguer, mais qui réalise bien le but recherché chez bon nombre de ma- lades. La néphrotomie, grave chez des sujets fébricitan(s, en proie à la septicémie, l'est beaucoup moins chez ceux dont la température ne s'élève pas au-dessus de 38°5. C'est dire que, toutes les fois que le rein a suppuré, le pronostic est très sérieux. Voilà la raison pour laquelle la néphrolithotomie vraie, faite sur un rein non suppuré, s'est montrée si bénigne, comparativement à l'extraction des calculs con- 69% tenus dans une ou plusieurs poches purulentes. Chez ces malades privilégiés, on obtient des guéri- sons faciles, rapides et complètes, sauf lorsque les deux reins sont envahis par la lithiase. Malheureu- sement le diagnostic des calculs susceptibles d'être trouvés et enlevés offre encore de très grandes difficultés et l’on ne peut jamais être tout à fait certain, lorsqu'on entreprend une opération de ce genre, de la mener à bien. La gravilé de la néphrectomie est plus grande que celle de la néphrotomie, mais pas d’une façon très notable. Je laisse de côté, bien entendu, l'incision des reins non suppurés. Comme je l’ai déjà fait prévoir, la mortalité de lanéphrectomie transpérito- néale est supérieure, d’après toutes les statistiques publiées jusqu’à ce jour, à celle de la néphrectomie extrapéritonéale. La proportion des morts, pour l'une ou l’autre méthode, est encore considérable. De ce côté, il est ardemment souhaitable que l’a- venir nous donne un grand progrès. Malheureuse- ment les causes de la mort ne sont pas ordinaire- ment de celles qui sont imputables au chirurgien, telles que la septicémie d’origine opératoire, l'in- fection purulente, la péritonite. Elles se rattachent plutôt aux désordres généraux ou locaux créés par la maladie elle-même, aux lésions simultanées ou d'ordre réflexe de l’autre rein. De là le choc opé- raloire à la suite d'opérations trop prolongées, ou chez les sujets atteints de seplicémie préalable; de là le défaut d'élimination des produits excrémenti- tiels que l'urine doit emporter au dehors et qui restent dansle sang, dans les tissus, lorsque l’autre rein n’est pas en état de suppléer celui qu'on enlève. Aussi les chirurgiens ont-ils vile compris l’avan- tage qu'il y avait à poursuivre par tous les moyens le diagnostic de l'état anatomique et fonctionnel de l'appareil sécrétoire de l'urine. C'est dans le but d'y pourvoir que l'on pratique l'exploration des reins par deux méthodes rivales, l’une extrapéri- tonéale, l’autre transpéritonéale, que je ne puis que signaler en passant. Si périlleuse qu'elles soient, les opérations décrites plus haut doivent être saluées comme un grand progrès. Pour les juger équitablement, il faut bien se dire que les malades qu'elles sauvent étaient pour la plupart des victimes prédestinées à une mort certaine. Elles ont donc incontesta- blement diminué, et dans des proportions consi- dérables, la léthalité des affections rénales, et comme elles sont toutes susceptibles de perfection- nement, nous avons le droit de compter sur des résultats encore meilleurs dans l'avenir. V Chirurgie des uretères. — La chirurgie des uretères est encore dans l'enfance. La principale raison en D' À. LE DENTU. — LA CHIRURGIE DES REINS ET DES URETÈRES est que ces canaux sont peu accessibles et que, par suite de leurs faibles dimensions, ils offrent peu de prise à l'action des instruments. Si leurs maladies sont assez bien connues aujourd’hui, on est bien moins fixé relativement aux procédés opératoires qui pourraient leur être opposés, lorsque la thérapeutique non opératoire a dit son dernier mot, Le traitement des plaies des uretères est encore purement théorique. La suture s'impose à la pensée, mais elle serait autrement difficile à la suite d'un traumatisme que sur un animal en expérimentation. On cite quelques rares cas d'extraction de cal- culs arrêtés dans la partie supérieure de ces con- duits ou dans leur partie terminale. Tout récem- ment, appelé auprès d’une dame atteinte d’anurie calculeuse absolue, j'ai fait remonter de l’uretère dans le rein un fort gravier qui bouchait l’uretère droit et je l’ai fait sorlir hors du rein incisé au préalable. Certaines fistules ont pu être fermées directement, parce qu’elles siégeaient sur la por- tion terminale et s’ouvraient dans le vagin; les autres, celles qui intéressent un autre point quel- conque des uretères, ne peuvent être taries que par l’extirpation du rein correspondant, On s’est ingénié à trouver un moyen pratique de faire le cathétérisme de ces conduits, de manière à recueillir séparément l’urine provenant de chacun des reins et à en étudier les caractères. Dans la même pensée on aimaginé des instruments propres à comprimer ou à pincer temporairement l’un des uretères pendant son passage dans la paroi vési- cale; l’urine recueillie à partir du moment où l’oblitération est établie, ne peut provenir que du rein du côté opposé. En agissant alternativement sur les deux conduits, on doit être renseigné sur l'état de chacun des deux reins. Malheureusement on ne peut jamais être certain que l'on placera convenablement l'instrument compresseur, et, si l’on préfère le cathétérisme, personne, même parmi les plus exercés, ne peut se flatter de réussir toujours à le pratiquer. Ces deux méthodes de diagnostic, qu'il ne faut cependant pas repousser systématiquement, ne méritent donc pas une grande confiance. J'ai fait une fois une opération très spéciale et nouvelle chez une femme dont les deux urelères étaient comprimés par des masses cancéreuses intra-abdominales. Après avoir largement incisé le flanc gauche, je décollai le péritoine de la fosse iliaque interne et je mis à nu l’uretère depuis le rein jusqu'au point où il plonge dans le petit bas- sin. L'ayant sectionné dans ce point entre deux pinces, je ramenai le bout supérieur, long de 9 cen- timètres environ, vers la plaie des téguments et je fixai son extrémité sectionnée dans l’angle supé- CH.-ED. GUILLAUME. — LA CAUSE PROBABLE DES PHÉNOMÈNES ACTINO-ÉLECTRIQUES 695 rieur de cette plaie. Un tube de caoutchouc, intro- duit dans le.conduit, recueillit à partir de ce mo- ment toute l'urine sécrétée par le rein gauche et la transporta dans un vase placé à côté de l’opé- rée. La sécrétion urinaire, complètement suppri- mée pendant plusieurs jours avant l'opération, se rétablit dans des proportions parfaitement suffi- santes ; le rein gauche, seul mis en communication avec l'extérieur suppléait son congénère. Malheureusement la cachexie cancéreuse s’ac- centua à partir de l'intervention, et la malade succomba au bout de treize jours. L'autopsie montra que le bout d’uretère transplanté avait contracté de solides adhérences avec la fosse iliaque et avec l'extrémité inférieure du rein. Les parties profondes de la plaie étaient parfaitement guéries. La mort avait été causée uniquement par l’affaiblissement graduel de la malade. Je n'ai pas eu l’occasion de répéter celte opéra tion restée jusqu'ici unique, Elle pourrait trouver une application utile dans les cas de compression et d’affaissement des deux uretères par une tumeur inopérable, telle qu'un néoplasme ayant envahi le petit bassin ou des fibromes ultérins trop enclavés pour être enlevés par une des méthodes connues. Les conditions dans lesquelles ma première tenta- tive a été faite étaient si mauvaises que la mort de l'opérée au bout de peu de jours ne devait pas beaucoup me surprendre. J'ai appelé cette opéra- tion : greffe de l’uretère sur la paroi abdominale, création d’un méat uretéral artificiel. Si le tableau extrêmement succinet que je viens de faire de la chirurgie des uretères met en relief la pénurie de son présent, il ouvre sur son avenir une perspective de faits nouveaux qui viendront peu à peu prendre place dans les cadres tracés, mais restés presque vides jusqu’à ce jour. D: A. Le Dentu Professeur de clinique chirurgicale à la Faculté de Médecine. LA CAUSE PROBABLE DES PHÉNOMÈNES ACTINO-ÉLECTRIQUES Au cours des recherches qui l’ont rendu rapide- ment célèbre, M. Hertz découvrit par hasard, en 1887, que certaines décharges électriques sont favorisées par le voisinage d’une série d'étincelles éclatant entre les pôles d'une bobine de RuhmkorfF. Opérant par élimination, il ne tarda pas à recon- naître que la lumière seule de l’étincelle primaire est la cause de ce singulier phénomène; il avait ouvert une voie nouvelle, dans laquelle une cohorte de physiciens le suivit bientôt. C’est, sans conteste, à M. Hertz que revient l'honneur de la première publication à ce sujet. Cependant, un jeune physi- cien, plus timide, craignant sans doute de s'être illusionné et cherchant des causes d'erreurs dans son expérimentation, avait aperçules mêmes phé- nomènes. Dès le 25 juin 1885, M. Nodon déposait sur le bureau de l’Académie des Sciences un pli cacheté dans lequel quelques phénomènes actino- électriques se trouvaient nettement établis. Rap- pelons en quelques mots en quoi ils consistent. Lorsqu'un disque de métal bien isolé et réuni à un électromètre est exposé à la lumière, on observe parfois qu'il prend un potentiel positif, ou du moins que, s’il était chargé négativement, la charge diminue; l'effet est d'autant plus marqué que la lumière est plus riche en rayons de courte période, c’est-à-dire en radiations ultraviolettes. L'expé- rience réussit particulièrement bien avec un are électrique jaillissant entre des pointes d'aluminium ou de zinc; l’action est complètement nulle lorsque la lumière a traversé une lame de verre ou de mica; le quartz est sans influence. Rien ne pouvait faire prévoir ces phénomènes; le hasard seul les avait révélés, et ils étaient sans relation aucune avec tout ce que l’on savait. Un travail récent de MM. Lénard et Wolf!, s’il ne donne pas la réponse au dernier pourquoi, vient, du moins, de reculer d'un rang les limites de l'inconnu : la lumière ultraviolette pulvérise certains corps, et l’électricité est enlevée par les particules arra- chées de la surface. Les auteurs sont parlis de _cette idée, et sont parvenus à en démontrer l’exac- titude. Dans des expériences préliminaires, MM. Lénard et Wolf, ayant exposé une mince feuille d'or à l'influence de la lumière ultraviolette, virent que les parties frappées étaient devenues légèrement rugueuses. Une plaque mi-partie argentée et cui- vrée fut soumise à l’action de la lumière, après que le cuivre eut été couvert par du quartz et l’ar- gent protégé par du mica. Après cinquante heures d'exposition, le cuivre s'était légèrement avancé aux dépens de l'argent. Mais ces expériences n'é- taient pas encore décisives; il fallait démontrer directement l'existence de la poudre métallique. Les recherches de M. Aitken et de M. von Helm- 1 MM. Léxarp et Wozr : Zerstauben der Kürper durch das ultraviolette Licht, in Annales de Wiedemann, XXXVII, p. #43. 696 holtz ont fourni un moyen très sensible de déceler les plus fines poussières. Lorsqu'un jet de vapeur pénètre dans un espace d'air filtré, il peut se sursaturer beaucoup sans se condenser; mais vient-on à introduire des poussières sur son pas- sage, aussitôt il blanchit etse réduit en gouttelettes. S'emparant de ce fait, MM. Lénard et Wolf ont institué l'expérience suivante : Une caisse, fermée à l'avant par un écran de zine muni d'une lentille de quartz A, contenait la plaque de métal à étudier B, et le tube conducteur de la vapeur C. La plaque était réunie à une source d'électricité et à un électromètre. Des fe- nôtres convenablement placées permettaient d'é- r ss 2 LC D S > A 771G y 4! / | Diagramme des expériences sur la pulvérisation par la lumière ultraviolette. — À, lentille de quartz; — B, plaque de métal à étudier ; — C, tube adducteur de la vapeur ; — P, Plaque de verre; — D, arc électrique. clairer la vapeur et de l'observer. La lumière était fournie par un arc D. Dès les premières expériences, on remarqua que E. DE MARGERIE. — LA GÉOLOGIE DE L'ANDALOUSIE le quartz abandonnait un peu de matière pulvéru- lente, ce qui conduisit à protéger le jet par une plaque de verre P, dont les premières couches absorbent toute la lumière ultraviolette. Plusieurs métaux, le cuivre en particulier, mon- trèrent une pulvérisation bien nette sous l'in- fluence de la lumière ultraviolette, même lors- qu'ils étaient à l’état neutre; d’autres, tels que le zinc ou le plomb, n'étaient attaqués que sous l’in- fluence d'un potentiel négatif. En employant des plaques de faibles dimensions, il devint possible de suivre les poussières dans leur marche; elles quittaient normalement la surface éclairée, pour retourner aux parties obscures de la même plaque. La rapidité de décharge de la plaque et l’abon- dance des poussières vont toujours ensemble. La fuchsine, le violet de méthyle sont sensibles aux deux phénomènes, tandis que l’eau est absolument inerte. Ces phénomènes ne sont peut-être pas sans ana- logie avec le fait que la poussière s'échappant d’un fil de platine chauffé à blanc est chargée négati- vement (Nahrwold). Les auteurs pensent aussi que la queue des comètes peut être attribuée à l’action répulsive de la lumière ultraviolette du soleil sur la matière cosmique.Arrêtons-nous avant les loin- taines hypothèses. D'où vient cette singulière action mécanique de la lumière ultraviolette? Pourquoi est-elle unipo= laire? Dépend-elle du pouvoir absorbant ou de la cohésion des corps? Voilà, entre beaucoup d’autres, quelques-unes des questions qu'il faudrait résoudre pour comprendre parfaitement le phénomène; nous en sommes encore bien loin. Ch. Ed. Guillaume, Docteur ès sciences, LA GÉOLOGIE DE L’ANDALOUSIE ET LE TREMBLEMENT DE TERRE DU 25 DÉCEMBRE 1884 D'APRÈS LE RÉCENT RAPPORT DE LA MISSION FRANÇAISE On se rappelle qu'au commencement de l’année 1885, notre Académie des Sciences, à la suite des secousses sismiques qui venaient de ravager les provinces de Grenade et de Malaga, envoya une mission chargée d'examiner sur place les effets du phénomène et d'étudier du même coup la struc- ture géologique des régions ébranlées,. Cette mission était composée de M. Fouqué, directeur, et de MM. Michel-Lévy, Marcel Bertrand, Ch. Barrois, J. Bergeron, A. Offret, W. Kilian et R. Bréon; les résultats de ses travaux, après avoir fait l'objet de nombreuses communications préli- minaires à l'Académie, viennent d’être consignés, sous uñe forme définitive, dans un volumineux rapport ! comprenant quatre groupes de docu- 1 Fouqué, etc. Mission d'Andalousie. Etudes relatives au tremblement de terre du 25 Décembre 188% et à la constitution géologique du sol ébranlé par les secousses, in-4°, 712 p. 42 pl. (Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des Sciences, XXX, n° 2, 1889.) E. DE MARGERIE. — LA GÉOLOGIE DE L'ANDALOUSIE = 697 ments distincts: 1° l'exposé et la discussion des |! comme accidents topographiques que comme faits relatifs au tremblement de terre, par M. Fou- | agents géologiques. Dans les terrains stratifiés, les qué; % des études expérimentales sur la vitesse de propagalion des secousses dans des milieux différents, par MM. Fouqué et Michel-Lévy ; 3° une série de mémoires descriptifs sur la géologie des diverses parties de l’Andalousie, par MM. Bar- rois ét Offret, Michel-Lévy et Bergeron, Bertrand et Kilian; enfin, 4° des monographies paléontolo- giques, servant de complément aux descriptions précédentes et ayant pour auteurs MM. Bergeron et Kilian. Nous passerons en revue rapidement cet ensemble de travaux dans l’ordre indiqué. I De la discussion des phénomènes qui ont si- gnalé le tremblement de terre du 25 Décembre 1884 | dans les provinces de Grenade et de Malaga !, | M. Fouqué croit pouvoir conclure que la vitesse moyenne de propagation des secousses à été de 1600 mètres par seconde. Il obtient 11 kilome- tres pour la profondeur du centre d’ébranlement, déduite du nombre de secondes compris entre l’arrivée du bruit et l’arrivée de la secousse (mé- thode de Falb); toutefois, le savant académicien ne se dissimule pas l'insuffisance des données sur lesquelles sont basés ces chiffres, que l’on ne saurait nullement, en conséquence, regarder comme définitifs ; les méthodes adoptées sont d’ail- leurs sujettes elles-mêmes à de graves objections, ainsi que le reconnait expressément M. Fouqué. Ce qui ressort le plus clairement des faits cons- tatés, c’est la relation existant entre la distribu- tion des phénomènes sismiques et la constitution géologique des régions ébranlées : l’épicentre coïncide avec une crête montagneuse disposée en baïonnette, dont les deux versants ne présentent pas une structure homologue et sur laquelle vient s'embrancher aus. E. la Sierra Tejeda ; le milieu de l’épicentre, le nœud, pour ainsi dire, du tremble- ment de terre, siège précisément en ce lieu, vers- lequel semble venir converger un faisceau de cas- sures profondes. | Le rôle de la constitution du terrain dans le mode de propagation de l’ébranlement, indépen- damment de celui qu'il a pu remplir relativement à sa cause, se dégage encore plus nettement des travaux géologiques des membres de la Mission : les grands massifs montagneux situés en dehors de l’épicentre, la Sierra Nevada et la Sierra de Ronda, ont arrêté presque brusquement les mou- vements ondulatoires ou les ont déviés; comme le fait remarquer M. Bertrand, ces amas montagneux ont surtout agi par leur masse, au moins autant 1 P. 9-55. Une carte (pl. I) résume graphiquement les prin- cipaux faits observés. REVUE GÉNÉRALE, 1890, mouvements se sont beaucoup mieux propagés dans le sens de la direction des couches que trans- versalement ; les failles ont également agi comme obstacles, en affaiblissant ou en déviant les se- cousses. Quant à la cause même du phénomène, pour le cas particulier de l’Andalousie, le plus sage est d’avouer, avec M. Fouqué, notre complète igno- rance. Il Après Pfaff, Mallet, Abbot et Milne, MM. Fouqué et Michel-Lévy ont repris l'étude expérimentale de la vitesse de propagation des secousses dans des sols de nature différente ‘. Quelques-unes de ces nouvelles expériences diffèrent de celles qui les ont précédées en ce qu’elles ont eu lieu en pro- fondeur, dans des galeries de mines, au lieu de porter exclusivement sur le cheminement des vibrations à travers les parties superficielles du sol. Les savants français se sont livrés à deux séries d'essais, 1° avec emploi des marteaux-pilons et sans étincelle, et 2° avec emploi d’explosifs et d'étincelle ; les expériences, sur les conditions des- quelles le texte et plusieurs figures donnent tous les renseignements désirables, ont été faites à Meudon, au Creusot, à Montvicq près Commentry et aux mines de Saligny (Allier). L'enregistrement automatique, au moyen d’une plaque sensible en- trainée dans un mouvement régulier, des déplace- ments d'un faisceau lumineux, réfléchi par le bain de mercure ?, à permis d'arriver à une grande précision dans les résultats. IL semble en res- sortir que la propagalion des vibrations ne se fait pas de la même manière à la surface du sol ou en profondeur : dans le premier cas, il y a, pourun ébranlement unique, une série de maxima succes- sifs, et le phénomène se prolonge longtemps ; dans le second cas, au contraire, il n'y a qu'un maximum observable, etles vibrationss’éteignentrapidement. Comme on pouvait s'y attendre, les différentes formations géologiques ont donné des vitesses très variables ; voici les nombres trouvés par MM. Fou- qué et Lévy : 2450m à 3141m 2000m à 2526 1190 632 environ 300 Dans les grès permiens moins agglutinés. Dans le marbre cambrien Ces chiffres se rapprochent beaucoup de ceux 1 Pages 57-71. 2? Voir pl. XV la photographie de l’ingénieux appareil, basé sur ce principe, dont la construction est duc à la maison Bré- guet. 698 E. DE MARGERIE. — LA GÉOLOGIE DE L'ANDA LOUSIE qui ont été fournis par Abbot, et s'éloignent au contraire considérablement de ceux qui sont dus aux autres observateurs. Les résullats auxquels CI mn Ë : & È ; ANDUNUUL D SFASNPIDAUL VIP MAINS 267 PA AUFEU9 PI 9P 2MJONNS e[ JUETUOU onbyeuwauos 07e — ‘} ‘SLA (areuoyen omourrdup "21SN0)DPUF D UOSSUE “LEFT ‘A “O7 Bt) ucaoqiy"I *onbr conduit l'analyse du phénomène donnent en par- tie l'explication de ces différences, car ils en mon- trent la complexité et font voir qu'un choc unique engendre des vibrations d'inégale intensité qui se propagent dans le sol avec des vitesses différentes. | III Lorqu'il s’est agi de procéder à l'exploration géologique du pays, les membres de la Mission 6 5 ë es 2 CL à PE « e 4 SLT LA. Eu FE ‘x EH A SE 4 4 k. Ë » ge o F1 4 x ZEN * * 4 + + 2 él 2 + [2 ë 22 + Ê x © 2 x LA É 4 « > & n € 8 ENT Œ A à pe] re > (°] cn o a 15] ë se sont séparés en trois groupes, chargés chacun de l'étude d'un territoire différent : MM. Ch. Bar- rois et Alb. Offret ont parcouru le Sud de l’Anda- lousie, de la Sierra Tejeda à la Sierra Nevada. MM. Michel-Lévy et Bergeron ent visité la cé- notes nent Run. ait: E. DE MARGERIE. — LA GÉOLOGIE DE L'ANDALOUSIE 699 lèbre Serrania de Ronda; enfin MM. Bertrand et W. Kilian se sont attachés à l'examen des terrains secondaires et tertiaires du versant sep- tentrional de la chaine bétique, dans les provinces de Grenade et de Malaga. Leurs rapports consti- tuent aulant de mémoires distincts, dont nous allons reproduire les conclusions principales. Les massifs du Sud de l'Andalousie, étudiés par MM. Barrois et Offret !, sont formés par un fond de micaschistes primitifs avec amphibolites et deschis- tes cambriens,surmontés de calcaires dolomitiques rapportés par M. Barrois au Trias à cause des em- preintes de bivalves, rappelant les Heyalodon, qu'il 3 Puerto de Lifar de la Mujer + del Baranco Rio Crande ( Tolox) …..Cortijo , del Valle 120°, la faille de Motril passant par la région de Zafaraya, déterminée comme épicentre du dernier tremblement de terre, tandis que les deux autres, prolongées vers la mer, iraient respectivement aboutir au massif éruptif du cap de Gata et à l'ilot volcanique d’Alboran. Les multiples discordances de straltification et les oscillations du sol qui se répè- tent dans la région, depuis l’époque secondaire, montrent que cet édifice bétique est dans un état d'équilibre instable. Lorsque de nouveaux mouve- mentsse font sentir, ils se traduisent naturellement de préférence le long des cassures précitées. Au point de vue pétrographique, les roches sédi- mentaires et cristallophylliennes du Sud de l’An- … Route 8Ojen a Monda … Rio d'Ojen Fix. 2. Coupe de Ronda à la Méditerranée. — 1. Gneiss et dolomies. — 2. Micaschistes. — 3. Schistes Cambriens. — 4. Permien moyen. — 5. Terrain jurassique. — 6. Crétacé (Marnes néocomiennes). — 7. Terrain nummulitique. — 8. Miocène moyen (Helvétien). — 9. Dykes de Serpentine. — F. Failles. (Fig. 4., p. 192. Mission d’Andalousie. Imprimerie Nationale.) y a rencontrées au barranco Arroba ?. Cet ensemble | dalousie sont aussi intéressantes que variées (mi- est fortement plissé et découpé en une série de tron- çons, correspondant à autant de sierras distinctes, par un système de failles transversales, à peu près parallèles entre elles (fig. 1); les couches ne se rac- cordent pas de part et d'autre de ces cassures, sou-_ vent jalonnées par des vallées et par des petits bassins tertiaires alignés en trainées discontinues ; dans l'intervalle, elles subissent parfois de fortes déviations, comme entre Malaga et la Sierra Te- jeda. Malgré leur importance considérable, ces ac- cidents transversaux ne sont pas suflisants pour interrompre la continuité géographique de la chaine qui sépare le bassin du Guadalquivir du bassin de la Méditerranée. Les trois fractures prin- cipales, dont la production serail postérieure à l'é- poque triasique, sont celles de Malaga, de Motril et de Guadix; elles sont orientées toutes les trois à l Mémoire sur la constitution géologique du Sud de l’Anda- lousie, de la Sierra T'ejeda à la Sierra Nevada (p. 19-169). ? Page 85. caschistes,schistes, quartzites, amphibolites, etc.); les granulites gneissiques de la Sierra Nevada et des monts de Velez-Malaga, analogues aux gneiss rouges de Saxe — dont la nature réelle a été l’objet de si nombreuses controverses — n'ont nulle part été observées par MM. Barrois et Offret à l’état de filons transverses, susceplibles de démontrer leur origine éruplive !. Dans la Serrania de Ronda ?, au-dessus des gneiss el des schistes cristallins, formant une série très puissante et aflleurant sur le versant méridio- nal, (fig.2) les terrainsstratifiés sont représentés par des termes variés, allant du Permien au Pliocène ; des calcaires jurassiques el des marnes néocomiennes fortement plissés constituent la masse principale du versant Nord; le Nummulitique, discordant sur les étages antérieurs, pénètre dans les cols les plus 1 p.424: ? Etude géologique de la Serrania de Ronda, par MM. Michel- Lévy et Bergeron (p. 171-375). 100 E. DE MARGERIE. -- LA GÉOLOGIE DE L'ANDALOUSIE élevés et se retrouve en lambeaux épars jusqu'au bord même de la Méditerranée. Quant au Miocène marin de Ronda, quoique porté jusqu'à une alti- tude de 1200 mètres, il se montre seulement affecté de failles et n’a subi nulle part de refoule- ment comparable à celui dont les couches éocènes portent l'empreinte. Enfin le Pliocène, cantonné le long de la mer, ne dépasse pas aux environs de Malaga, la cote 105 mètres. Comme particularités remarquables, il ÿ à lieu de signaler le développement, parfois énorme, de lentilles dolomitiques au sein de la formation des gneiss, comme dans la coupe classique du Sim- plon. Les coupes de la Serrania de Ronda, notam- ment aux abords de los Llanos de Juanar, montrent Bassin de Crenad: RS contraire, la norite, qui traverse en filons minces tous les schistes anciens, dont elle empâte des fragments anguleux, est elle-même percée par des filons de quartz et de pegmatite graphique paraissant se rattacher à la venue granulitique, bien antérieure au dépôt des formations secondaires. Les autres roches éruptives observées sont des diorites, également antérieures aux granulites, el un groupe de roches à structure ophitique (spi- lites, porphyrites et diabases) constituant tantôt des coulées minces el tantôt des mamelons arron- dis au milieu de la trainée triasique qui s'étend de Gobantès à Antequera !. Au point de vue géologique, la région dont Gre- os PSS a À ‘ 2 * Ye Z x LS #, 4ei L ce ee Re XX Re S Méditerrancs TRUE OS RO Le RS 5 x s Res Res RS PLIS : RER RARE RIRRS : 1 Re FR iu, 3. — Schéma indiquant la disposition des différentes assises tertiaires des deux côtés de la chaine bétique. X. Terrains primaires et secondaires avec lambeaux nummulitiques plissés, — 1. Nummulitique. — 2. Helvétien. — 3, Tortonien (blockformalion) et Sarmatique. — 4. Gypse (miocène supérieur). — 5. Calcaire lacustre (miocène supérieur). — 6. Pliocène marin. (Fig. 32, p. 507. Mission d'Andalousie. lmprimerie Nationale.) avec évidence tous les passages entre les amphi- bolites et les pyroxéniles, d’une part, et les cipo- lins métamorphiques, d'autre part; MM. Michel- Lévy et Bergeron ont trouvé, dans ces conditions le gisement, une intéressante associalion de mi- néraux, analogue à celle de Pargas (pargasite, humite, clino-humite, anorthite, elc.). Depuis les travaux de M. Macpherson, on sait que la Serrania de Ronda est certainement l’une des régions du globe où les roches anciennes riches en péridot arrivent à jouer le rôle le plus considérable ; MM. Michel-Lévy et Bergeron mon- trent que ces roches constituent dans leur ensemble une grande venue de norites, souvent riches en anorthite ; la Iherzolite n’en est qu'un cas particu- lier, et la serpentine représente un produit de dé- composition de la norite. Aucun fait ne permet d'appuyer l’idée plusieurs fois émise que la ser- pentine de la Serrania de Ronda constituerait des enclaves stratiformes dans les terrains cristallo- phylliens; aucun fait, non plus, ne corrobore l'idée opposée que cette roche éruptive serait d’un àge relativement très jeune et aurait influencé et percé les terrains jJurassique el crélacé du voisinage : au nade occupe le centre (fig. 4) comprend trois élé- ments : {°ausud, une chaine schisteuse et cristalline ancienne, la chaîne bétique de M. Suess ; 2° au nord, des chaines calcaires plus récentes, les chaines sub- bétiques ;3 entre les deux, une aire d’affaissement, de forme irrégulière, le bassin tertiaire de Grenade, L'important travail de MM. Bertrand et Kilian - est consacré spécialement aux deux derniers ; après avoir esquissé à grands traits la consti- tution physique de cette partie de l’Andalousie, pittoresque entre toutes, les auteurs décrivent un à un les termes successifs de la série stratigra- phique locale, en insistant sur les analogies que les couches observées offrent avec celles des con- trées voisines*®; une seconde partie, consacrée plus spécialement à l'examen des problèmes tec- toniques, renferme la description, chainon par chainon, du territoire parcouru. Dans un dernier 1, Une bibliographie raisonnée très complète est jointe au mémoire de MM. Michel-Lévy et Bergeron (p, 348-375); elle comprend l'analyse détaillée de tous les travaux publiés sur la géologie de la Serrania de Ronda, de 18#1 à 1887. 2, Etudes sur les terrains secondaires et tertiaires dans les pro- vinces de Grenade et de Malaga, p. 331-519. 3, Voir en particulier, p. 459-468 et 514-519. s. odlhent ait hole de di dE Sn E. DE MARGERIE. — LA GÉOLOGIE DE L'ANDALOUSIE 701 chapitre, les auteurs résument l'histoire de la région pendant les périodes géologiques, telle qu’elle se dégage de l’ensemble de leurs observations. Au point de vue stratigraphique, le grand fait mis en lumière par MM. Bertrand et Kilian est l'étroite ressemblance des assises jurassiques et crélacées de la zone subbélique avec celles des Baléares, de l'Algérie, de la Sicile, de l’'Apennin et, à un moindre degré, de la chaine des Alpes. M. Suess à montré que ces reliefs successifs repré- sentent une même zone de plissement, entourant d’une manière presque continue le bassin de la Méditerranée Occidentale l’emplace- ment de cette ceinture sail- lante, aujour- d'huitroncon- née en frag- ments par un cerfain nom- bre de seuils immergés, était donc marqué à l’a- vance, dès l’é- poque juras- sique, par un « géosyneli- nal » où les conditions et les modifica- tions des dé- pôts ont été les mêmes jusqu'à la fin de la période néocomienne. Il y a là un nouvel exemple de la relation si générale qui unit à la formation des terrains sédimentaires, dans la plu- part des régions plissées, les phénomènes orogé- niques postérieurs. La région andalouse, à laquelle il faut lier celle du littoral africain, se trouve comprise entre deux grands massifs, détendue fort inégale, mais tous deux de formation très ancienne, au nord le pla- teau central (Weseta\ de l'Espagne, au sud le conti- nent africain ; c'est seulement à la fin de l'ère pri- maire qu'un grand affaissement, encore marqué par la faille du Guadalquivir, semble avoir ouvert entre eux une libre communication aux eaux de la mer, L'Andalousie a été, à partir de cette époque, la porte de la Méditerranée secondaire, son canal de jonction avec les mers de l'Ouest, au même litre que l’est encore le détroit de Gibraltar pour la Méditerranée actuelle; on comprend, en consé- Az synclènal. : # + Les terroirs cecondaires sont er blanc. Fig, 4. + — Allure des dislocations dans la contrée étudiée par M. M. Bertrand et Kilian. (Fig. 36., p. 535. Mission d'Andalousie. Imprimerie Nationale.) quence, tout l'intérêt qui s'attache à l'étude de cette région, au point de vue de la géologie géné- rale de l'Europe. Au milieu des dépôts accumulés dans ce bras de mer, des traces d’émersions locales n'apparaissent qu'à la fin de l’époque jurassique (brèches titho- niques); mais c'est seulement à la fin de l'ère secondaire que les mouvements du sol, s’accen- tuant brusquement, disloquent et soulèvent une première fois l'ensemble de la région bétlique; ce plissement énergique se traduit par la discordance complète des couches éocènes sur les terrains anté- rieurs. Après le dépôt du Nummuliti- que, un se- cond mouve- ment, non moins impor- tant dans ses effets, parait s'être faitsen- tir d’une ma- nière très gé- nérale, mais sans manifes- ter dans sa di- rection locale de rapports bien nets avec le précédent. Les plisse- ments ayant pris fin, c'est aux phénomè- nes de tasse- ment à exer- cer désormais leur influence : alors s'ouvre, par effondrement, le vaste bassin de Grenade, bientôt remblayé, à l'époque miocène supérieure (Torto- nien), par une immense accumulation de cailloux roulés, passant vers le centre à des dépôts gypseux ; puis l'axe de la zone plissée s’abime à son tour et la Méditerranée, au début de la période pliocène, vient en recouvrir l'emplacement primitif, La place nous manque pour signaler tous les faits instructifs que renferme le beau mémoire de MM. Bertrand et Kilian, rédigé avec autant de méthode que de clarté. Mentionnons seu- lement la découverte d'une série de roches ophi- tiques pénétrant en dykes et en filons incontes- tables dans le Lias supérieur, au nord de Gre- nade !. Lünite des torains primaires et secondaires Reccuprerrents ltiaires. Zrrains priraires (Chaire dctique) { P. 528-532, — Une carte générale au 1 : 300,000€ et une carte spéciale de la Sierra Elvira au 1 : 50,000€ servent de complément au texte, E. PICARD. — REVUE ANNUELLE D’ANALYSE La note de M, Kilian sur le gisement tithonique de Fuente de los Frailes près de Cabra (province de Gor- doue) ! intéresse directement la statigraphie com- parée de l’ensemble des contrées méditerranéennes. D'après M. Kilian, le Tithonique de l’Andalousie présente deux divisions ayant chacune une faune différente : les affinités de la division inférieure sont jurassiques tandis que celles de la division supérieure sont crétacées — exactement comme dans les Alpes françaises, le Véronais, etc.; la faune de la seconde se rapprochant beaucoup de celle des couches de Berrias, M. Kilian propose d’adjoindre ces dernières au Tithonique, dont les deux divisions contiennent d’ailleurs un trop grand nombre d'espèces communes pour pouvoir être érigées au rang d'étages distincts. IV La paléontologie est largement représentée dans ‘le rapport de la Mission : M. Bergeron décrit les fossiles pliocènes des environs de Malaga et de San Pedro de Alcantara, en indiquant avec soin l'extension staligraphique et géographique de toutes les es- pèces citées, parmi lesquelles un grand nombre sont nouvelles ?. L'intérêt de cette faune réside dans le mélange d'espèces fossiles, franchement pliocènes, et d'espèces vivantes dont un certain nombre habitent aujourd’hui les parties profondes de la Méditerranée ou bien appartiennent à la faune de l'Océan Atlantique ; pour expliquer ce mélange, également réalisé au sein des dépôts observés en Sicile, à Tarente et dans le Levant, M. Bergeron estamené à penser que lecourant qui vient actuelle- ment de l’Atlantique dansla Méditerranée était beau- coup plus puissant à l’époque pliocène; ilinsiste à ce propos sur les modifications qu'a dû subir depuis cette époque le détroit de Gibraltar, et, d’une ma- nière plus générale, l'ensemble du bassin méditer- ranéen. Enfin, dans ses études paléontologiques sur les terrains secondaires et tertiaires de l’ Andalousie ?, M. W. Kilian passe en revue, dans l’ordre strati- graphique, 238 espèces appartenant aux périodes triasique, Jurassique et crétacée, et 109 formes miocènes ou pliocènes; une part notable de ces fossiles ont dû recevoir des noms nouveaux. En terminant le compte rendu de cet important ouvrage, dont la valeur est d'autaut plus remar- quable que ses matériaux ont dû être recueillis en fort peu de temps, nous nous permettrons d'expri- mer un regret : c'est de ne pas y trouver, comme couronnement des travaux de la Mission, un ré- sumé général, dans lequel l’ensemble des observa- tions aurait pu être discuté et coordonné, au grand avantage du lecteur. Cette remarque nous est sug- gérée par la divergence des vues théoriques expri- mées sur un point capital — le rôle des accidents transversaux dans la structure de la chaine bé- tique et lors des derniers tremblements de terre. Nous avons vu que, pour MM. Barrois et Offret, le rôle de ces accidents, dans la région cristalline, est considérable ; pour MM. Bertrand et Kilian, au contraire, ce rôle est nul dans la région subbé- tique, qui lui succède au nord (p. 538), et cette conclusion, basée sur l'étude de terrains fossilifères faciles à suivre, ne parait guère contestable. Or, commentadmettre que, dansune même zoneplissée, les.chainons intérieurs puissent être affectés de dé- crochements nombreux sans que les chaïnons exté- rieurs perdent le moins du monde leur continuité ? Il y a là, nous semble-t-il, une difficulté grave ; de nouvelles recherches sont encore nécessaires pour qu'il soit possible de la résoudre: Du moins les études de la Mission française, appuyées sur les travaux antérieurs des géologues espagnols et étrangers, fourniront-elles une base solide aux levés de détail, qui ne pourront d’ailleurs être entrepris avec fruit que lorsque l’Andalousie pos- sédera de bonnes cartes topographiques. Emm. de Margerie. REVUE ANNUELLE D'ANALYSE Je n'ai nullement l'intention, dans les pages qui suivent, de faire une revue des travaux ma- thématiques de quelque importance publiés de- puis quelques années; une telle tâche est im- possible à remplir ici, à cause de la diversité des LP. 581-599. 2 P. 250-347, pl. XXI-XXIII. 5 P, 601-639. Quatorze planches, dont l'exécution ne laisse rien à désirer, représentent les espèces les plus intéressantes et notamment des céphalopodes tithoniques dans un très bel état de conservation, provenant de Cabra. sujets et du caractère trop abstrait de quelques- uns d’entre eux. Je dois me borner à des vues générales, sans entrer dans le détail de ques- lions plus particulières, quoique d’un très grand intérêt. I D'une manière générale toute la science mathé- matique repose sur l’idée de fonction, c’est-à-dire de dépendance entre deux ou plusieurs gran- deurs, dont l'étude constitue le principal objet de dt bb E. PICARD. — REVUE ANNUELLE D’ANALYSE 103 l'Analyse. Mais cette idée de fonction est bien vague par elle-même; c’est peu à peu seulement que les analystes se sont rendu compte de son étendue, et nos idées à ce sujet sont certes aujour- d'hui bien différentes de celles de Lagrange, à l’époque où ce grand géomètre écrivait son traité sur le Calcul des fonctions. On sait, par exemple, aujourd'hui qu'une fonction continue n'a pas né- cessairement une dérivée, qu'il existe des fonctions continues ayant dans tout intervalle une infinité de maxima et minima. Il est donc nécessaire, si l’on veut sortir des généralités, d'étudier des classes de fonctions que distinguent quelques caractères spéciaux. D'un intérêt tout particulier, sont les fonctions qu'on appelle maintenant fonctions analytiques, dont la théorie a été créée par Cauchy, et qui ont fait, depuis vingt ans, l’objet d'innombrables | des fonc- | travaux. Leur étude revient à celle tions &« de deux variables + et y satisfaisant à l'équation : (1) Les fonctions salisfaisant à cette équation peu- vent s'associer deux à deux, de telle sorte que u et v désignant deux fonctions associées, # + iv soit une fonction analytique de la variable complexe 32 + iy, c'est-à-dire une fonction de z ayant en chaque point une dérivée unique. L’équation (1) à laquelle on est ainsi conduit, en se plaçant à un point de vue purement abstrait, se rencontre dans plusieurs questions de physique mathématique. Dans la théorie de la chaleur, l'équation précédente régit les variations de la température « des points d’un plan, quand l'équilibre calorifique est établi. Dans le mouvement permanent des fluides sur un plan, quand il existe un potentiel # de vitesse, elle est vérifiée par ce potentiel de vilesse; les lignes » — Constante, orthogonales aux lignes d'égal potentiel, sont les lignes de courant. On peut voir de nombreux exemples de tels mouve- ments dans les admirables lecons de Kirchoff sur la physique mathématique. Nous rencontrons encore l'équation (1) dans le mouvement permanent de | l'électricité sur une plaque conductrice; w désigne la tension électrique, et, iei, comme plus haut pour la chaleur, l'équation exprime que l'électricité ne s’accumule pas dans un élément pris arbitrairement sur la plaque. Prenons deux exemples simples; soit : 2 — 4 uù + à = log - à; (2 — æ + i) les lignes des courants sont des cercles passant par les points & et b; le Courant entre sur la plaque par | un des points et sort par l’autre. Si au contraire nous posons : : ] z—a u + iv = ilog —-— | | les lignes de courant sont des cercles par rap- | port auxquels les points & et à sont conjugués ; on peut concevoir la réalisation expérimentale d’un tel état, en joignant sur la plaque les points & et b par une courbe qui serait le siège d’une force élec- tromotrice constante. Nous verrons tout à l'heure une curieuse application de cette remarque. Parmi tous les problèmes relatifs à l'équation (1), | ou à l'équation analogue avec trois termes, il en | est un particulièrement célèbre connu sous le nom de principe de Dirichlet. Une intégrale de cette équation, continue ainsi que ses dérivées à Pinté- rieur d’un contour, est complètement déterminée quand on donne sa valeur le long de ce con- tour; ce sera la valeur sur une surface fermée, s'il s'agit de l'équation à trois termes. La dé- monstration, pourtant si féconde, que Riemann donne du principe de Dirichlet est sujette à de graves objections, et de nombreuses recherches ont été faites pour arriver à une démonstration rigoureuse. Il convient de mentionner surtout M. Neumann et M. Schwarz. Les beaux travaux de M. Schwarz sur cette question se trouvaient épars dans de nombreux recueils; les géomètres seront heureux maintenant de les trouver rassem- blés dans les deux volumes ! où l'éminent profes- seur de Güttingen vient de réunir ses œuvres. Je tiens à citer particulièrement la méthode à laquelle M. Schwarz donne le nom de procédé alterné; elle a pour objet de démontrer que, si l’on sait résoudre le problème de Dirichlet, pour deux con- tours ayant une partie commune, on saura le ré- soudre pour le contour limitant extérieurement l’ensemble des deux aires. Elle me parait d'un “grand intérêt, et avec des modifications conve- nables, elle peut être employée dans l'étude d’un | grand nombre d’autres équations aux dérivées partielles. Le problème de Dirichlet se pose dans plusieurs questions de physique; contentons-nous de rappeler qu'on y est amené quand on veut avoir la tempéralure des points d'un corps, l'équilibre calorifique étant établi et la température étant donnée à la surface. Nous avons jusqu'ici considéré le plan où se meut le point (+,7) comme un plan simple. Une notion plus générale joue, dans l'analyse moderne, un rôle essentiel, je veux parler du plan multiple, c'est-à-dire du plan recouvert de feuillets infiniment rapprochés soudés les uns aux autres le long de 1 Gesammelte Mathematische Abhandlungen von H, A. Scuwarz Berlin, 1890. 704 E. PICARD. — REVUE ANNUELLE D’ANALYSE certaines lignes; on donne à l’ensemble de ces feuillets le nom de surface de Riemann. On rem- place quelquefois aujourd’hui cette notion par une autre, identique au fond, mais peut-être plus facile à saisir. Considérons dans l’espace une surface fermée, c'est-à-dire n'étant limitée par aucune ligne el contenant un certain nombre p de trous; la surface du tore offre un exemple correspondant à p— 1, et une surface convexe que l’on munirait de p anses nous donne une représenlalion géné- rale d'une telle surface. On peut, sur celle-ci, tracer 2 circuits qui ne soient pas susceptibles de se réduire les uns aux autres où à un point par une déformation continue. On prendra, par exem- ple, un circuit autour de chaque trou, et un à tra- vers chaque trou; on aura ainsi dars le tore un parallèle et un méridien. Geci posé, l'équation (1) considérée plus haut correspondait au plan simple; à la surface actuelle on peut faire correspondre une équation analogue. Cette belle extension à été faite par M. Beltrami; l'interprétation hydrodyna- mique ou électrique est manifestement la même que dans le cas du plan. Dans un ouvrage récent !, M. Félix Klein a insisté sur cette interprétation el démontré, en quelque sorte physiquement, les prin- cipales propriétés des intégrales abéliennes, Sup- posons, en effet, que notre surface soit conductrice et que les 2p circuits fermés indépendants, dont il a été question tout à l'heure, soient le siège d’une force électromotrice constante. Un régime de cou- rants s'établira sur la surface, et Le potentiel cor- respondant sera partout fini, avec une infinité de déterminations, car il augmente d'une quantité proportionnelle à la force électromotrice à chaque passage à travers une coupure. Il y aura 2p poten- tiels de cette nature Enéairement indépendants ; on peut les associer deux à deux en unissant à chaque potentiel les lignes de courant correspon- dantes. Si wetv désignent deux fonctions asso- ciées, les p combinaisons « — iv correspondent aux intégrales de première espèce, attachées à la surface de Riemann dont nous sommes parti. Ce genre de considération n’est pas sans doute entièrement satisfaisant au point de vue de la rigueur; il n’en présente pas moins un grand intérêt, comme don- nant une forme concrète à des spéculations abs- traites sur les fonctions algébriques, et montrant le lien étroit qui unit quelquefois des ordres d'idées en apparence bien différents. Revenons maintenant à la théorie proprement dite des fonctions analytiques d'une variable com- plexe. Elle a été, dans ces dernières années, une des branches les plus cultivées de l'Analyse mathé- 1 Uber Riemann’s Theorie der alsebraischen Functionen und ibrer Integrale, eine Ergänzung der gewôhnlichen Dars- tellungen. Leipzig, 4882, matique. L'emploi de théorèmes généraux, per- mettant souvent d'éviter de longs calculs et de donner des démonstrations en quelque sorte syn- thétiques satisfait pleinement l'esprit et explique bien l'attrait que ces recherches ont exercé sur beaucoup de géomèêtres de notre temps. N'ou- blions pas d’ailleurs que les travaux de Liouville et de M. Hermite sur les fonctions doublement pé- riodiques avaient, il y a plus de quarante ans, donné un mémorable exemple de la fécondité des principes de Cauchy. La publication en 1876 d’un mémoire de M. Weierstrass sur les fonctions uni- formes fut un événement pour les analystes. La découverte capitale de l'illustre auteur consiste à avoir étendu aux fonctions transcendantes la dé- composition en facleurs trouvée pour les polyno- mes dès les débuts de l'algèbre. Je ne puis m’éten- dre sur toutes les recherches provoquées par ce travail; rappelons au moins les beaux mémoires de MM. Mitiag Lefller, Appell et Goursat. Le déve- loppement des théories générales permit d’appro- fondir l’étude de fonctions spéciales ; parmi celles- ci, il n'en est pas qui excitèrent plus dans ces der- nières années l'intérêt des géomètres que ces fonctions désignées sous le nom de fonctions fuch- siennes par M. Poincaré à qui on en doit la décou- verte. Ce fut une généralisation bien remarquable des fonctions modulaires éludiées par M. Hermitle dans la théorie des fonctions elliptiques, et possé- dant un nombre infini de points singuliers distri- bués le long d’un cercle. À l’aide des fonctions fuchsiennes, on peut représenter les coordonnées d'un point arbitraire d'une courbe algébrique quelconque par des fonctions uniformes d’un pa- ramètre ; ce résultat si profond montre assez l'in- térêt des nouvelles fonctions. J'ai dit plus haut la perfection à laquelle était arrivée la théorie générale des fonctions analy- tiques d’une variable. Il s’en faut qu'il en soit de même quand on passe aux fonctions de plusieurs variables; ici les difficultés restent considérables. Un des résultats les plus saillants obtenus dans ces derniers temps est l'extension aux intégrales doubles du théorème fondamental de Cauchy rela- tif aux intégrales simples prises le long d’un con- tour fermé; elle a été faite par M. Poincaré. L’ave- nir montrera sans doute l'importance de cette extension. J'ai de mon côté cherché à approfondir la théorie des fonctions algébriques de deux va- riables; cette étude fait bien voir les différences profondes qui existent entre ce cas et celui d'une seule variable et combien l’analogie, qui sisouvent est un guide excellent, peut devenir trompeuse. Au surplus, il apparaît bien à priori que la théorie d'une fonction analytique de deux variables com- plexes est de toute autre nature que celle d'une E. PICARD. — REVUE ANNUELLE D'AN ALYSE 705 fonction d’une wariable, Bornons-nous à la partie réelle de la fonction; nous aurons dans le second cas une fonction de deux variables réelles unique- ment assujettie à vérifier l’équation (1) précédem- ment écrite: dans le premier cas, il s'agira d'une fonction de quatre variables réelles devant satis- faire à quatre équations aux dérivées partielles faciles à former. Il est clair que, dans ces condi- tions, le développement des deux théories ne peut être parallèle, et c'est ainsi, pour ne citer qu'un simple mais bien mémorable exemple, que les quatre paires de périodes d'une fonction analytique uniforme quadruplement périodique ne peuvent être arbitraires. Il Il n’est pas de question plus intéressante pour les applications que l'étude des équations diffé- rentielles; c'est véritablement l’objet du calcul intégral. Le développement de la théorie des fonctions analytiques a eu là une très heureuse influence. Les théorèmes généraux relatifs à l'exis- tence des intégrales el aux conditions qui les définissent sont meintenant devenus classiques. | En ce qui concerne les équations différentielles à une seule variable, c’est surtout dans la théorie des équations linéaires qu'ont élé réalisés de très grands progrès. On ferait une bibliothèque avec les mémoires publiés depuis vingt ans sur ce genre d'équations, dont diverses classes ont été inté- grées à l'aide de transcendantes simples, et un résultat très général a été obtenu par M. Poin- caré qui a montré qu'avec des transcendantes ana- logues aux fonctions fuchsiennes on pouvait inté- grer une classe extrêmement étendue d’équalions linéaires à coefficients algébriques. Plusieurs ques- tions d’algèbre et de géométrie d'un grand inté- rêt sont aussi intimement liées à la théorie des équations linéaires, en particulier l'étude des groupes d'ordre fini qui à fait l'objet d'un des plus beaux mémoires de M. Jordan. Les progrès ont élé moindres dans la théorie des équations non linéaires. L'ignorance où l'on se trouve généralement de la facon dont les cons- lantes arbitraires figurent dans l'intégrale géné- rale rend très difficile l'étude de celle-ci. Un cas semble particulièrement simple; c’est celui où celte intégrale est une fonction uniforme de la variable. Sauf pour les équalions du premier ordre, on ne peut malheureusement reconnaitre s’il en est ainsi; des conditions nécessaires, de nature algébrique, sont faciles à lrouver, mais il fau- drait, en général, adjoindre à celles-ci des condi- tions de nature transcendante qu'il parait bien diflicile de former. Les cas où les premières condi- lions sont suffisantes n'en sont que plus intéres- san{s; on en trouve un exemple remarquable dans le beau mémoire de Mme Kowaleski, relatif au mouvement d'un corps solide pesant autour d'un point fixe, que l’Académie des Sciences à couronné il y a deux ans. Mme Kowaleski cherche dans quels cas les neuf cosinus qui fixent la position des axes principaux de l’ellipsoïde d'inertie du corps relatif au point fixe sont, quelles que soient les données initiales, des fonctions uniformes du temps. Le cas. traité par Lagrange, du mouvement d’un corps pesant de révolution suspendu par un point de son axe, offre un exemple d’une telle circonstance; les transcendantes de la théorie des fonctions ellip- tiques permettent alors de résoudre le problème. Mme Kowaleski a montré qu'il existe un autre cas et un seul: c'est celui où, désignant par A, B, C, les axes principaux de l’ellipsoïde d'inertie, on a A—B—72 Cet où le centre de gravité du corps se trouve dans l'équateur de l’ellipsoïde. Lei c’est à l'aide des (ranscendantes de la théorie des fonc- tions abéliennes que s'effectue l'intégration com- plète. L'étude des équations aux dérivées partielles estla plus difficile de l'Analyse ; la géométrie infini- tésimale et la physique mathématique sont gran- dement intéressées à ses progrès. Les équations du premier ordre ont fait l'obiet d'immenses {ra- vaux, et cette théorie est une des plus parfaites du calcul intégral; cette perfection toutefois est, peul- être, plus dans la forme que dans le fond, car les théorèmes si beaux el quelquefois si profonds de la théorie ont généralement pour objet de ramener un problème non résolu à un autre qui ne l’est pas davantage. Ces transformations n'en ont pas moins un très grand intérêt, el, en particulier, les der- nières recherches de M. Lie sur ce sujet, sorte de synthèse des méthodes antérieures, méritent de devenir classiques. Pour le cas du second ordre, la réduction de l'intégration de l'équation à l’inté- gration d’un système d'équations différentielles ordinaires n’a pas jusqu'ici été effectuée, et ne le sera sans doute pas de longtemps. Dans cet ordre d'idées, une intéressante addition aux mémoires célèbres de Monge et d'Ampère a été faite en 1870 par M. Darboux. On peut se placer, dans la théo rie des équations aux dérivées partielles, à un tout autre point de vue et chercher, non l’inté- grale générale, mais une intégrale déterminée par cerlaines conditions aux limites. Ce second pro- blème intéresse particulièrement la physique ma- thématique; il est distinct du premier, et, le plus souvent même, la connaissance de l'intégrale gé- nérale avec des fonctions arbitraires n’est d'aucun secours pour solution, Les conditions aux limites peuvent être extrèmement variées. Ainsi, pour les équations du second ordre à deux va- riables, une sa intégrale supposée continue sera, 706 E. PICARD. — REVUE ANNUELLE D'ANALYSE comme je l'ai montré, déterminée dans des cas très nombreux par la valeur qu’elle prend le long d’un contour fermé; dans d’autres cas, on devra se donner le long d'une courbe la valeur de l'inté- grale et d’une de ses dérivées du premier ordre, el les quelques pages consacrées incidemment à ce sujet par Riemarn, quand l'équation est linéaire, ne sont pas une des moins belles productions de l'illustre analyste. Prenons un exemple plus spé- cial dans la théorie analytique de la chaleur de Fourier; ce grand ouvrage, plus admiré que lu, pourra maintenant être aisément étudié grâce à M. Darboux qui vient d'en publier une nouvelle édition, et l’a enrichie de notes précieuses com- mentant la pensée de l’auteur dans les endroits difficiles ou obscurs. Le problème du refroidisse- ment d'un solide rayonnant revient, d'après Fou- rier, à déterminer une fonction V(r, y, z, {) satis- faisant à l'équation pour Lous les points du corps V doit se réduire, pour {—0 ,à une fonction donnée de +, y,z; de plus à la surface du corps on doit avoir, pour IN toute valeur du temps : n + AN = 0, % étant une 412 constante dépendant du pouvoir émissif. Quoique le problème soit posé depuis longtemps et que la voie ouverte par Fourier pour sa solution semble bien féconde, on peut dire que le problème n'est pas encore d'une manière rigoureuse. M. Poincaré, reprenant récemment la question, a montré combien la convergence des séries em- ployées était probable; mais de nouvelles re- cherches sont encore nécessaires. Il en est d’ail- leurs de même, il faut bien l'avouer, pour plusieurs développements usités en physique mathématique ; on se prend parfois à douter que la solution dite simple Soil, au moins au point de vue mathé- malique, le véritable élément pour la solution complète de plus d’un problème. Quoi qu'il en soit, c'est dans la recherche des intégrales avec des conditions aux limites que doivent surtout porter, je crois, les efforts des géomètres qui s'occupent des équations aux dérivées partielles. Toutes les parties des mathématiques sont étroi- tement liées les unes aux autres, et des notions d'abord restreintes à un domaine spécial sont susceptibles de prendre une extension inattendue. Telle est la notion de groupe. Depuis Galoiïs la théo- rie des groupes de substitutions joue en algèbre un rôle capital; une théorie analytique, présen- tant avec celle-ci une grande analogie, vient d'être développée par M. Sophus Lie dans deux résolu volumes ! qui compteront parmi les travaux mathématiques les plus importants de notre temps. M. Lie étudie les groupes de transformations; soient nr (C1 Lo del.-e CT Cor ee Le) UM 2 = n relations, dépendant de 7 arbitraires 4, établis- sant une transformation entre les variables æ et æ'. Ces relations définissent un groupe, si deux trans- formations de cette forme effectuées successive- ment donnent une transformation rentrant dans le même type. M. Lie a fait la découverte capitale que la recherche de tous ces groupes, pour un nombre donné de variables et de paramètres, se ramène à l'intégration d'équations différentielles ordinaires. Indiquons quelques résultats particu- liers bien curieux. Quand il n’y a qu’une seule va- riable {a — 1) le groupe peut, par un choix conve- nable de cette variable, être ramené au groupe linéaire et contient donc au plus trois paramètres. Dans le cas de deux variables, le groupe ne pourra pas contenir plus de huit paramètres, s’il n’existe _pas de famille de courbes, © (x, y) = const., que ce groupe transforme en elle-même. La théorie de M. Lie est d’une grande importance pour le calcul intégral; elle ne se borne pas d’ailleurs aux trans- formations de points, mais s'occupe aussi des trans- formations de contact si intéressantes dans l’ana- lyse des équations aux dérivées partieiles. L’émi- nent géomêtre norwégien a aussi abordé l'étude des groupes continus d'ordre infini et exposé les principes généraux de la recherche des invariants des équations différentielles. L'étude détaillée de ces invariants a été faite, il y a quelques années, par Halphen pour les équations linéaires; tout récemment, M. Appell s’est occupé des invariants des équations du premier ordre et du premier degré, et M. R. Liouville de ceux d'une classe, d'équations du second ordre. III La théorie des groupes m'amène à parler des hypothèses sur lesquelles repose la géométrie. Celles-ci ont fait dans notre siècle l’objet de pro- fondes recherches; ce ne serait pas ici le lieu d'en faire l'historique complet. Je veux cependant m'ar- rêter un moment sur ce sujet d’un si grand intérêt philosophique. Le mémoire de Riemann (Uber die Hypothesen welche der Geometrie zu grunde lie- gen, OEuvres complètes) est fondamental. Le grand géomètre cherche à fixer la notion d'une multi plicité ou d’un espace à 7 dimensions ; d’après lui, son vrai caractère consiste en celte propriété que la détermination de position dans cet espace peut l Théorie der Transformationgruppen, von Sophus Le, Leipzig, 1888 et 1890. E. PICARD. —- REVUE ANNUELLE D'ANALYSE tre ramenée à » déterminations de grandeurs, c’est-à-dire que la position d’un point se trouve représentée au moyen de # variables z,, æ,,...,æ. Nous devons alors étudier les mesures dont est susceptible un tel espace. Il est d’abord nécessaire d'établir une expression mathématique pour la longueur d’une ligne. D’Alembert dit quelque part que la définition et les propriétés de la ligne droite sont l’écueil el, pour ainsi dire, le scandale des éléments de la géométrie ; au point de vue où se place Riemann, il n’y a plus de scandale et nous voyons nettement ce qu'il y a d’arbitraire dans la définition de la longueur. Partageant la ligne en éléments, on ramène le problème à établir pour chaque point une expression générale pour l’élé- ment linéaire ds, qui contiendra alors les quantités Ti, To, d et les accroissements dx,, dr,,..., dt. Cette expression sera une fonction homogène des quantités dx et du premier degré, dans laquelle les constantes seront des fonctions continues des +. Riemann se borne à examiner le cas le plus simple où ds est la racine carrée d'une forme qua- dratique en dr loujours positive, dans laquelle les coefficients sont des fonctions continues des x. Rien n’empêcherait de faire des hypothèses plus | générales, de supposer par exemple que ds est la racine quatrième d’une forme biquadratique; l’é- tude de ces cas n’exigerait pas de principes nou- veaux, mais ne nous apprendrait rien de plus sur la théorie de l'espace. Partons donc de ds° repré- senté par une forme quadratique; celle-ci étant donnée, les lignes géodésiques de l’espace seront immédiatement définies par leurs équations diffé- rentielles. Remarquons maintenant que la forme n(n +1) renferme ®) quadratique coefficients, fonctions arbitraires des z; en changeant les va- riables, on peut donner à x de ces coeflicients n(n—1) 2 sont alors déterminés. Il y a donc en chaque point n(n—1) telles valeurs que l’on veut; les autres de notre espace fonctions invariantes qui sont caractéristiques de cet espace. Prenons alors trois points très rapprochés, et joignons deux d’entre eux B et C par une géodésique L, puis considérons l’ensemble des géodésiques joi- gnant le premier point À à tous les points de L; l’ensemble de ces lignes formera une surface à deux dimensions. Cette surface a au point À une cerlaine courbure (au sens de Gauss); ce sera la courbe de l’espace en A dans la direction de l’élé- ment de surface que nous avons construit. Si l'on connait la courbure de l’espace correspondant à n(n—1A) .. S ne: ne rs directions arbitraires d’éléments de 707 surface, on la connaïtra dans toute autre direction. Cette courbure sera, en général, variable avec la direction de surface que l’on envisage. Un cas re- marquable est celui dans lequel la courbure est en chaque point la même dans toute direction, et ne varie pas d'un point à l’autre; on dit alors que l'espace est à courbure constante. Un caractère fon- damental des espaces à courbure constante est qu'on peut dans ces espaces déplacer une figure sans altérer ses longueurs et procéder, dans les démonstrations, par superposilion des figures. Mais il y a ici une distinction importante à faire : la courbure peut être positive ou négative. A l'hy- pothèse que l’espace a une courbure constante négative s'attache un intérêt historique considé- rable. Car s'est à cette hypothèse qu'on fut con- duit d’abord pour le cas de deux dimensions, non pas en suivant la voie de Riemann, mais d'une ma- nière plus élémentaire. Lobatschewsky chercha le premier (en exceptant les travaux inédits de Gauss) à édifier une géométrie sans faire usage du célèbre axiome d’Euclide. Laissant de côté cet axiome, Legendre avait montré que la somme des angles d’un triangle ne peut dépasser deux droits; mais sa démonstration, il ne faut pas l'oublier, suppose que l’espace est infini. Partant de la même idée, Lobatchewsky réussit à construire une géométrie, qui n'est autre que celle de l’espace à courbure constante négative, dans laquelle la somme des angles d'un triangle est moindre que deux angles droits. M. Beltrami donna plus tard de cette géométrie, souvent appelée non eucli- dienne, une représentation remarquable en mon- trant que la géométrie plane du géomètre russe est identique à la géométrie sur les surfaces à courbure constante négative. Dans l'hypothèse où la courbure constante est positive, cas auquel Riemann s’est attaché de préférence, des circons- tances toutes différentes se présentent. Ici l’espace n'est plus infini, c'est-à-dire que les distances sur une géodésique sont finies, et la somme des angles d’un triangle dépasse deux droits. Entre la géo- métrie de Lobatchewsky et celle de Riemann se trouve notre géométrie ordinaire ou euclidienne, qui correspond aux espaces dans lesquels la cour- bure contante est nulle. Nous avons dit plus haut que, dans les espaces à courbure constante, on pouvait déplacer une figure sans altérer ses longueurs. C’est en étudiant ces déplacements, qui pour l’espace à trois dimen- sions dépendent de six paramètres, qu'on peut envisager à un nouveau point de vue les hypo- thèses fondamentales de la géométrie. M. Helmoltz a appelé autrefois l'attention sur cette question | qui se rattache aux théories de M, Lie. Ces dépla- cements forment en effet nécessairement un 108 E. PICARD. — REVUE ANNUELLE D'ANALYSE groupe au sens du savant norwégien. M. Poincaré, dans quelques pages remarquables, vient d'appro- fondir la question pour le cas du plan. Il suppose d'abord qu'il existe un groupe de mouvements à trois paramètres et fait en outre l'hypothèse qu'une figure reste immobile quand deux de ses points restent immobiles. Dans ces conditions, on obtient les géométries des espaces à courbure constante positive ou négalive, dont nous avons parlé plus haut, avec la géométrie euclidienne comme cas intermédiaire, et en outre une autre géométrie non encore signalée. M. Poincaré donne de ces géométries une interprétation élégante en les rapportant aux diverses surfaces du second degré. La dernière, qui se rapporte à l'hyperbo- loïde à une nappe, étonne au premier abord. En fait, si l’on revient à l'élémentlinéaire de Riemann, il me semble qu’elle correspond simplement au ds? des espaces à courbure constante, mais avec une forme quadratique quin’a pas unsigne invariable. C’est ainsi qu'il arrive dans ce cas que la distance de deux points peut être nulle, sans que ces deux points coïncident. L'étude d'une géomètrie au point de vue qui nous occupe maintenant est donc l'étude d'un groupe de mouvement; comme conséquence de l'existence initiale d’un tel groupe. on ne doit alors prendre pour le carré del’élément linéaire que des formes quadratiques invariantes pour les trans- formations d'un groupe convenable. Cette étude mériterait d'être faite d’une manière complète pour le cas de trois dimensions. IV Entre les considérations précédentes et la géo- métrie infinitésimale des surfaces, la transition est immédiate. L'expression du carré de l'élément di- néaire y joue un rôle essentiel, el les vues de Rie- mann que nous venons d'indiquer ne sont qu'une extension des idées de Gauss relatives à la cour- bure des surfaces. M. Darboux vient de publier les leçons qu'il a consacrées à cette théorie. C'est un véritable monument élevé à la théorie des sur- faces et à l'analyse des équations aux dérivées par- lielles. La première partie du troisième volume vient de paraître !. Les chapitres relalifs aux surfaces applicables seront particulièrement remarqués. On dit, comme on sait, depuis Gauss, que deux surfaces sont applicables l'une sur l'autre, quand on peut éta- blir entre les point des deux surfaces une corres- pondance telle que deux ares correspondants quel- conques aient même longueur. M. Darboux, après Liouville et M. Bonnet, reprend le problème de re- connaitre si deux surfaces données sont applicables 1 G. Darboux. Leçons sur la théorie générale des surfaces. Troisième partie, premier fascicule, 1890. | | | | l’une sur l’autre. En général, quand lapplication est possible, elle est déterminée, c’est-à-dire ne dépend pas de paramètres arbitraires. Il n'y a d'exceplion que pour les surfaces à courbure cons- tante et les surfaces applicables sur les surfaces de révolution. Signalons encore ce beau problème posé et résolu par M. Darboux : une surface étant donnée ainsi qu'une courbetracée surelle, peut-on déformerla surface de manière que la courbe vienne coïncider avee une courbe donnée dans l’espace ? Le problème est toujours déterminé, quand la courbure en chaque point de la seconde courbe u'est pas égale à la courbure géodésique (sur la surface) de la première au point correspondant, ré- sultat remarquable qui se rattache aux parties les plus élevées de la théorie des équations aux dé- rivées partielles du second ordre. Parmi les surfaces jouissant de quelques proprié- tés spéciales relatives à la courbure, les surfaces à courbures constante et les surfaces minima ont fait l’objet de travaux extrêmement nombreux. On ne sait pas encore trouver aujourd'hui toutes les surfaces à courbure constante, mais les recherches de MM. Lie, Bianchi et Darboux ont appris à en trouver un très grand nombre. L'intégration de l'équation des surfaces minima, c’est-à-dire des surfaces pour lesquelles les rayons de courbure sont en chaque point égaux et designes contraires, a été effectuée il y a longtemps. Assez récemment, les travaux de Weierstrass, Lie et Schwarz ont donné une nouvelle impulsion à l'étude de ces sur- faces. Toutefois le problème initial de cette théorie est loin d'être complètement résolu. Prenant dans l'espaceune courbe fermée, Lagrange s’est demandé quelle est la surface passant par cette courbe et sur laquelle l’aire limitée par cette courbure est minima : il a montré que cette surface devait avoir en chaque point ses rayons de courbure égaux el de signes contraires. La recherche effective des surfaces minima passant par un contour fermé donné n’a encore été faite que dans des cas parti- culiers qui ont été magistralement exposés par M. Darboux dans le premier volume de l’ouvrage cité plus haut. La solution expérimentale du pro- blème est facile. Il suffit, comme l’a fait Plateau, de plonger le contour dans un liquide glycérique; quand on sort ce cadre du liquide, une lame mince reste adhérente : c'est une surface minima. Je termine ici cette rapide revue ; si incomplète qu’elle soit, elle suffira, j'espère, à montrer quelle est l’activité de la pensée mathématique. Je vou- drais aussi avoir réussi à montrer, sous la variété des sujets, l'unité de cel ensemble que l’on appelle les sciences mathémaliques. Em. Picard, de l'Académie des Sciences. rime HE EE on nd PT tés bee condo ne BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 709 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Andrade (J.), — Sur le mouvement d’un corps soumis à l'attraction newtonienne de deux corps fixes, et sur l'extension d’une propriété des mou- vements képleriens. Thèse de doctorat de lu Faculté des Sciences de Paris, Guuthier- Villars, Paris, 1890. Le problème du mouvement d'un point altiré par deux centres fixes en raison inverse du carré de la dis- tance fut, pour la première fois, ramené aux quadra- tures par Euler, dans le‘cas du mouvement plan. La- grange donna ensuite la solution générale qui fut ratta- chée par Jacobi à d'autres méthodes d'intégration. Les quadratures elliptiques qui figurent dans les intégrales fournirent à Legendre un exemple important pour l'application de sa théorie des intégrales elliptiques. Depuis, plusieurs thèses ont été consacrées à ce même problème, celles de Serret, de Desboves et, en Alle- magne, celle de Künigsberger intitulée : De motu puncti versus duo fixa centra athracti (Berolini 1860), qui con- tient la réduction des intégrales elliptiques aux fonc- tions thèta. Dans ces différents travaux, le problème est surtout envisagé au point de vue de l'intégration. Mais pour- rait-il en être autrement? La fixité des deux centres, qui permet de trouver toutes les intégrales du pro- blème, ne lui enlève-telle pas toute chance d'une application, même lointaine, au système du monde? Telle semblerait être l'opinion de Lagrange, dans un passage de la mécanique analytique cité dans la thèse dont nous allons nous occuper, On peut observer toule- fois que Lagrange a varié d'opinion à cet égard, car à la fin d'un mémoire de Turin, il dit qu'il ne serait pas impossible que ce problème pût donner quelque in- dication profitable à la théorie du système du monde, Quoi qu'il en soit, l'étude récente de M. Andrade nous parait, dans certaines de ses parties, un effort pour comparer ce problème au véritable problème des trois corps. M. Andrade reprend le problème d’inversion déjà résolu par M. Künigsberger en se servant des notations nouvelles introduites par M. Weierstrass telles qu’elles sont exposées dans le Traité des fonctions elliptiques d'Halphen, Il exprime les coordonnées du mobile et le temps en fonclion d’un paramètre auxiliaire, en intro- duisant des fonctions elliptiques avec deux modules généralement inégauxr. _ Comme application de ses formules, M. Andrade se propose de déterminer des cas dans lesquels la trajec- toire relative, dans le plan du mobile et des deux centres fixes, est fermée et de plus algébrique : il étudie complètement les cas, les plus simples de tous, où les deux intégrales elliptiques ont le même module, en montrant que, si une certaine constante dépendant des conditions initiales est commensurable, la trajectoire relative est fermée et algébrique. Puis il remarque que la question de trouver toutes les trajectoires relatives algé- briques est identique au problème de la transformation des intégrales elliptiques. Il est regrettable que l’au- teur se soit borné à cette remarque fort intéressante et ne soit entré dans le détail d'aucun cas particulier. Pour terminer les applications des formules de l’inver- sion, M. Andrade indique des conditions initiales dans lesquelles le mobile peut être regardé comme satellite de l’un des centres fixes; lorsque le mouvement se fail dans un plan fixe contenant les deux centres attractifs, il déduit de ses formules les conséquences curieuses que voici : ET. INDEX Quand le rapport de deux certaines intégrales déti- nies est incommensurable, le rayon vecteur qui va du satellite à la masse fixe voisine, ne fourne pas toujours dans le même sens, et le satellite finit par passer aussi près qu’on le veut de cette masse fixe, de telle manière qu'un choc se produira nécessairement si l’on restitue aux masses leurs dimensions. Ces circonstances si dif- férentes de celles que nouùs offrent les mouvements des planètes font soupconner l'importance, pour la stabi- lité du système du monde, de la liberté complète de ses différentes parties, C’est dans ces considérations, trop peu développées à notre sens, que se trouve pour nous le principal intérêt du travail de M. Andrade. A côté de ces résultats déduits des formules de l'in- version, l’auteur développe quelques remarques qui reposent uniquement sur les formules de quadrature. Il indique les conditions initiales pour lesquelles le mobile reste sur un ellipsoïde ou un hyperboloïde de révolution ayant pour foyers les deux centres fixes, conditions qui se déduisent facilement d’un théorème de M. Bonnet, Il montre que le signe de la constante des forces vives permet, comme pour un seul centre fixe, de reconnaitre si le mobile reste dans une région limitée de l’espace, ou s'éloigne à l'infini. Si l’on essaie d'étendre ce résultat au cas de n centres fixes en ligne droite, on y arrive, comme le montre M. Andrade, lors- que la constante des forces vives est négative, mais non lorsqu'elle est positive. Dans ce dernier cas on peut assigner une limite inférieure et permanente à l'oscil- lation du mobile projetée sur l'axe des n centres fixes. P. APPELL, 2° Sciences physiques. Preston (Thomas) Professeur de mathématiques et de pluysique mathématique à « University College » Dublin. — The Theory ofLight.Macmillanet Cie, Londres,1890. L'ouvrage de M. Preston est un livre d'enseignement dans lequel il s’est efforcé de condenser en 460 pages tout ce qu'un étudiant doit savoir sur les phénomènes lumineux pour être en élat d'aborder avec fruit la lec- ture des mémoires originaux et d'entreprendre des re- cherches personnelles. Toutes les questions sont abor- dées, comme on pourra en juger par le résumé de la table des matières, mais pour toutes l’auteur a su évi- viterle plus grand écueil :1la su se borner, Voulant faire connaitre non pas l’histoire de la science et de la lente formation des idées, mais son état actuel, avec les diffi- cultés que laissent subsister ou mème soulèvent les tra- vaux les plus récents et les vues nouvelles qu'ils décou- vrent, il a eu souvent le courage de passer sous silence ou de signaler en quelques lignes tous les travaux de perfectionnement et de mesures, qui, nécessaires au progrès de la science par leurs résultats, n’ont quepeu ou point étendu l'horizon. Naturellement, il est plus particulièrement au courant des travaux de langue anglaise, qui sont nombreux depuis quelques années et importants, et c'est peut-être ce qui peut le rendre plus utile au lecteur francais ; il est d’ailleurs assez sobre de notes bibliographiques, ne mettant que celles qui sont essentielles ; pour l'étudiant anglais curieux de détails, un renvoi suffit à l'excellent rapport de M. Glazebrook à l'Association Britannique sur le progrès de l’Optique (1885). Deux noms reviennent sans cesse : Newton, Fresnel, De Newton l’auteur a fort à propos fait d’assez nombreuses citations textuelles ; il me semble qu'il aurait pu faire utilement de même quel- ques citations de Fresnel et d'Huygens. Les théories 710 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX sont toujours présentées sous leur forme la plus simple ou la plus saisissante, non sans caractériser d’un mot généralement juste celles dont l'exposé est laissé de côté ; peut-être limportance des travaux de Green, de Stokes, de Lord Rayleigh, de sir W, Thomson, pour ne citer que les Anglais, n’est elle pas assez mise en évi- dence, Ainsi après avoir décrit les expériences de Morley et Michelson (1887) desquelles il résulte que près du sol l'étheraccompagne, ou à fortpeu près, la Terre dans son mouvement autour du soleil, je ne trouve pas l’in- dication que c'est précisement l'hypothèse émise par Stokes en 1845 pour expliquer que l’aberration astro- nomique estindépendante de la nature de la substance qui remplit la lunette d'observation. I. Introduction. Histoire ancienne. Découverte de la vitesse de la lumière et développement de la théorie de l'Emission. Introduction à la théorie des On- dulations. — IL. Propagation des ondes et composition des vibrations. —Ill. Propagation rectiligne. — IV. Ré- flexion, — V. Réfraction (géométriques). — VI. Déter- mination des indices. — VIL. Franges d’interférences. — VIII. Interférences des lames isotropes. Lames min- ces. Anneaux de Newton. Lames épaisses. — IX. Dif- fraction; théorie élémentaire. Réseaux. Méthodes gra- phiques de solution. — X. Polarisation. — XI. Double réfraction dans les cristaux uniaxes. — XII. Double ré- fraction; théorie de Fresnel., — XIII. Réflexion et Ré- fraction de la lumière polarisée (les deux théories). XIV, Réflexion métallique, — XV, Couleurs des lames minces cristallisées. Lumière polarisée : rectiligne, pa- rallèle, convergente, Lumière polarisée, circulaire et elliptique. Dispersion des axes. — XVI. Etude de la lumière polarisée. — XVII Polarisation rotaloire. Applications, — XVIII. Absorption et dispersion. Trans- formation des radiations. Théories de la dispersion, — XIX. Vitesse de la lumière. Mouvement relatif de la matière et de l’éther, — XX. Arcen ciel. — XXI. Radia- tions électro-magnétiques. A signaler au chapitre IX l'exposé détaillé de la dis- position de l'appareil de Rowland pour la photographie du spectre, les méthodes graphiques en diffraction; au chapitre XIX, la discussion de Lord Rayleigh sur la signification des mesures de vitesse de la lumière; tout le chapitre XXI. L'étude de cet ouvrage ne peut manquer de donner à l'élève en même temps qu'une saine notion des faits une vive curiosité pour l’au delà, ce qui devrait être le caractère de tout bon livre d'enseignement. Marcel BRILLOUIN. Symons (G.-J.). — Le brontomètre. Nature (de Londres), N° 1083, vol, XLII. Londres, 1890. On énonce souvent comme une règle générale que la pression barométriqne baisse au moment d'un orage ou d’une grande pluie; cependant dès 178% Rosenthal avait remarqué qu'à l'approche d’un orage le mercure monte parfois dans le baromètre, et mème que cette ascension suit exactement la marche du phénomène, la hauteur maxima étant atteinte quand la distance du nuage orageux au zénith de l'observateur est la plus petite possible. Ce fait a fréquemment été observé de- puis, mais est toujours très discuté par les météorolo- gistes ; M. G.J. Symons avait, il y a quelques années, cherché à l’interpréter dans un mémoire présenté à la Société Royale de Londres, mais il a très justement pensé qu'avant de développer la théorie, il convenait de s'assurer de l'existence réelle d’un phénomène encore contesté, et de procéder à des mesures rigoureuses el certaines. Avec le concours habile de MM. Richard frè- res de Paris, il a fait construire un appareil que l’on peut véritablement appeler un brontomètre (Bpovrà uéreoy) ; cet appareil est un instrument enregistreur très per- fectionné: grâce à un système particulièrement simple, l'on peut accélérer à volonté le mouvement des tam- bours sur lesquels s'inscrivent les observations; il est en effet fort inutile d’avoir, en temps ordinaire, une ins- cription sur une trop grande échelle de la marche d’un phénomène normal;ilimporte au conlraire, de connaître en détail les variations les plus rapides au moment où se produisent les perturbations que l’on veut étudier soi- gneusement. L'appareil comprend: un pluviomètre,un ba- romètre anéroïde très sensible, unanémomètre à ailettes d'aluminium et des plumes en communication avec des organes semblables à des touches de piano; en ap- puyant sur ses touches, l'observateur peut instantané- ment noter l'apparition d’un éclair, le commencement et la fin d'un coup de tonnerre, la durée de la pluie ou de la grêle, Un tel appareil installé dans un certain nombre d’observaloires permettrait de recueillir bon nombre de précieux documents et de trancher défini- tivement la question controversée de la marche du baromètre au moment des orages. Lucien PoiINcaRÉ. Nickel (Emil) — Les réactions colorées des composés du carbone, 1 vol. 130 pages, 2 édition. Hermann Peter, Berlin, 18904 Le docteur Nickel s'est proposé de réunir et de grouper rationnellement toutes les réactions colorées applicables aux composés organiques et d’en discuter la valeur, L'ouvrage est divisé en deux parties. La pre- mière comprend l’étude des réactions colorées rela- tives à la série aromatique et d’une manière générale aux composés à noyau. Ces réactions sont divisés par l’auteur en cinq groupes: 1° réactions produites au moyen de l'acide azoteux et de ses dérivés sans for- mation de composés azoïques; 2% réactions produites par. l'acide azotique; 3° réactions donnant naissance à des composés azoïques; 4° réactions donnant nais- sance à des dérivés du triphénylméthane et corps ana- logues; 5° réactions produites par les sels de fer et les chromates. La deuxième partie réunit les réactions colorées ne portant pas sur un noyau ef celles qui présentent un caractère inconnu. Elle comprend trois chapitres rela- tifs au groupe du cyanogène, aux réactions qui pro- duisent de la murexide et des composés analogues, enfin aux réactions dans lesquelles se produisent des corps colorés inorganiques (réactif de Nessler, chloro- iodure de zine, ete.). Ce petit livre renferme un très grand nombre de faits intéressants et peut rendre de grands services non seulement aux chimistes, mais encore aux physio- logistes et aux botanistes. Georges CHARPY. 3° Sciences naturelles. Baillon (H.). — Les Herborisations parisiennes, un vol, (445 fig.), dessins de Faguet. O, Doin, éditeur, - Paris, 1890. Ce petit livre de M. Baillon n’est pas seulement une Flore permettant la détermination spécifique des plantes qui croissent aux environs de Paris; c’est aussi, par l'indication détaillée des stations et des localités où elles doivent être cherchées, un guide du botaniste herborisant, La première partie, de près de 100 pages, ornée de jolis dessins sera, par les descriptions qu'elle ren- ferme, très utile au débutant, L'auteur lui donne le conseil de commencer ses herborisations dès le premier printemps, alors que les plantes sont encore peu nom- breuses, et, par une série de chapitres intitulés, Les Renonculacées du printemps, Les premières Légumineuses, les Crucifères vernales, Les arbres à floraison précoce, ete., il le met à même de faire son éducation botanique, et de pouvoir déterminer plus tard à l’aide de la deuxième partie du livre, les nombreuses espèces de la Flore parisienne, Dans cette deuxième partie, l’auteur a cherché à rompre la monotonie fréquente des Flores en n’em- ployant les clefs dichotomiques que pour les genres renfermant de nombreuses espèces, et en les rempla- cant pour beaucoup de genres par une courte et inté- ressante dissertation; il a su joindre ainsi, sans préjudice de la clarté, l'agréable à l’utile, BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 711 Il est seulement regrettable que M. Baillon se soit contenté d'énumérer les Cryptogames vasculaires de la flore parisienne, sans les décrire. Ce ne sont cepen- dant pas les plantes les plus faciles à déterminer, Il est à désirer que l’auteur comble cette lacune dans la prochaine édition de son livre. C. SAUVAGEAU, Dupuy (D'E.). — De la transmission héréditaire des lésions acquises, Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, t. XXII, 4° série, page 445, 1890. L'auteur décrit, dans ce court mémoire, quelques faits de grande importance pour les théories de lhéré- dité, qui divisent actuellement les transformistes, Lamarkistes ou anti-Lamarkistes, Darwiniens ou néo- Darwiniens, partisans ou adversaires des systèmes de Weissmann, de Romanes et de Ray-Lankester. Il relate d’abord l’observation, faite il y a trente ans par M. Brown-Séquard, d’une lignée de cobayes épilep- tiques, issue d’une femelle devenue épileptique à la suite d’une lésion de la moelle. Puis il répète, en les étendant, les expériences de ce savant qui consistaient à léser ou à enlever les cordons ou les ganglions sym- pathiques cervicaux chez des cochons d'Inde qu'on laissait ensuite s’accoupler. M. Dupuy a suivi leurs des- cendants jusqu’à la septième génération et constaté chez chacun d'eux les phénomènes symptomatiques, d'ailleurs bien connus, qui, chez le couple primitif, s'étaient montrés consécutifs à l’opération, L'autopsie de ces descendants n’a cependant révélé aucune ano- malie d'organisation. Semblable résultat a été obtenu en produisant, chez le couple générateur, l’exophthalmos unilatéral par piqûre des corps restiformes du côté opposé, Ces corps semblent normaux chez les descendants, bien que ceux-ci soient atteints d’exophthalmos. Ces faits et quelques autres du même genre que rap- porte M. Dupuy sont en désaccord avec la théorie de Weissmann, qui nie l’hérédité des lésions acquises. M. Weissmann avait essayé d'interpréter la première observation de M. Brown-Séquard, en attribuant à l’épi- lepsie une cause microbienne se transmet{tant de la mère au fœtus. Mais il paraît difficile d’invoquer une telle explication dans le cas de lésions parfaitement déterminées des centres nerveux, dont on commence à bien connaître les effets physiologiques. Chez l'homme, M. Dupuy cite seulement le cas, d'ail- leurs extrèmement rare, de garcons sans prépuce nés de parents israélites. Il est difficile d'établir sur ces faits, — si suggestifs qu'ils paraissent, — une conclu- sion de quelque portée : pour juger les problèmes en litige de l’hérédité, l'observation pure et simple ne suffit pas : c’est seulement à la suite de nombreuses expériences, poursuivies pendant très longtemps sur une grande variété d'animaux et de plantes, que la lumière pourra se faire sur ce sujet. EAU WWertheimer,— Contribution à l'étude dela res- piration périodique et du phénomène de Cheyne- Stokes. Arch. de physiologie, 1890, p. 31, Les médecins tout d’abord, puis les physiologistes ont signalé l'existence, dans des cas spéciaux, d’un rythme respiratoire tout particulier, caractérisé par des pauses d’une certaine durée, suivies d’une série de respirations plus ou moins dyspnéiques. Ce type est connu sous le nom de type de Cheyne-Stokes; les théo- ries n’ont pas manqué pour expliquer ces alternances, mais toutes ou presque toutes cherchaient dans le bulbe la cause primordiale, M. Wertheimer, qui depuis longtemps combat contre l’idée d'accorder un pouvoir respiratoire exclusif au bulbe et revendique pour les centres spinaux une action effective sur les mouvements respiratoires et principa- lement sur le muscle diaphragmatique, rapporte deux observations prises sur des chiens à moelle sectionnée au-dessous du bulbe et dans lesquelles les tracés in- diquent une respiration périodique, Il en conclut que: L si, dans les conditions normales, une cause quelconque tend à produire la respiration intermittente, elle porte son action non pas sur un point circonscrit du système nerveux central, mais sur toute l'étendue de l’axe gris qui gouverne le mécanisme respiratoire, Pour lui, le phénomène de Cheyne-Stokes serait attribuable soit à une diminution d’excitabilité des centres respiratoires en général par suite de troubles nutritifs ou autres de ces centres — et il se rapproche ainsi de l'opinion de Langendorff et même de Filehne et de Murris, — ou bien encore par une diminution d’excitabilité de ces mêmes centres, mais due à une toute autre cause : il s'agirait d’une inhibition incomplète de ces centres, inhibition provenant d'une irrilation plus ou moins directe, C’est là une interprétation de la théorie de M. Brown-Séquard sur le nœud vital de Flourens. Le mémoire de M. Wertheimer constitue une contribu- tion intéressante à l’histoire de la respiration pério- dique, mais n'éclaircit pas complètement cette ques- tion si obscure, LANDE 4° Sciences médicales. Lombroso (C.). — L'Anthropologie criminelle et ses récents progrès. In-12, 177 pages, Paris. F. Alcan, 1890. M. Lombroso a résumé en ces quelques pages les plus récents travaux sur les criminels, ceux du moins qui relèvent de la doctrine qu'il a exposée dans ses nombreux ouvrages; c’est une doctrine qui est fort attaquée aujourd'hui, et l’existence même d'un type criminel est mise en doute par des hommes de critique très sûre et d'écoles fort différentes (Magnan, Joly, etc.). La manière dont M. Tarde concoit le type criminel ruine absolument la conception du criminel-né, telle qu’elle existe dans l’école italienne et en particulier chez M. Lombroso; M. Tarde est porté en effet à faire des caractères distinctifs que l’on observe chez les criminels non-aliénés, des caractères acquis, des ca- ractères professionnels en quelque sorte et il semble bien qu'il y ait dans celle opinion une bonne part de vérité. D'un autre côté il est fort difficile de se faire une idée très nette du criminel-né, tel que le concoi- vent M. Lombroso et son école; tantôt il semble bien qu'on ait affaire à des aliénés que leurs crimes ne sépa- rent des autres aliénés que d'une manière toute exté- rieure et superficielle, tantôt au contraire on n’a plus devant soi que des gens brutaux ou rusés, qui à tout prendre ne présentent rien d’anormal et ressemblent fort au commun des hommes. Le gros argument contre la doctrine de M. Lombroso, c’est le manque d'unité de son type criminel, Les caractères anatomiques et psychologiques du criminel moyen s'écartent très notablement, il est vrai. de ceux de l’honnète homme normal, mais il y a des criminels et en fort grand nombre qui ressemblent à s’y méprendre à d’honnêtes gens, et il ne faut pas oublier qu'il y a parmi les cri- minels et même parmi les criminels condamnés une proportion considérable d’aliénés. On compare en réa- lité un type moyen obtenu par une comparaison entre des sujets normaux, à un type moyen obtenu par une comparaison entre des sujets normaux et des aliénés; le type que l’on a ainsi déterminé est un type artificiel, et qui ne démontre pas qu'il existe une classe spéciale d'hommes, les criminels, distincte à la fois de la classe des hommes normaux et de celle des aliénés. Il ne faut pas oublier au reste que la notion même du crime est une notion essentiellement sociale et légale, une notion dont le contenu varie dans une très large mesure d’une époque à l’autre et que l’on peut difficilement concevoir un type mental commun aux hérétiques du xvi° siècle et aux « cambrioleurs » d'aujourd'hui, M. Lombroso fait de la criminalité un phénomène d’atavisme et, pour le prouver. il s'appuie d’une part sur les analogies, fort contestables à mon avis, qu'il croit trouver entre les criminels et les sau- vages, et d'autre part sur Jes instincts criminels des 142 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX enfants: il nous semble que M. Magnan a raison contre lui et que les enfants chez lesquels on ren- contre la férocité et la fausseté à ce degré éminent sont rares, et que ce sont presque toujours des malades, des dégénérés ou des nerveux. M. Lombroso passe en revue dans son livre les diverses anomalies morphologiques que l’on a consta- tées chez les criminels : anomalies des circonvolutions cérébrales, anomalies du crâne, du squelette ete. Il semble que ce sont celles même que l’on observe chez les aliénés, e en particulier chez les faibles d'esprit, les débiles; l’atrophie par exemple des circonvolutions frontales et du lobe occipital, l'opercule occipital, que l’on retrouve fréquemment chez les microcéphales. D'après M. Lombroso lui-mème, c’est chez les crimi- nels convaincus des crimes les plus graves, que l’on observe le plus souvent l’excessive brachycéphalie et la microcéphalie. La description qu’il donne, d’après Marro, des auteurs de viol démontre que dans un très grand nombre de cas, ce sont des débiles, parfois mêmes de véritables imbéciles. « Les incendiaires sont presque tous aliénés », ils descendent de parents alié- nés (p. 39). Il semble donc que l’on n'ait pas besoin de faire une classe à part des criminels, puisque lor squ'on retrouve chez eux des anomalies, ce sont celles même que l’on constate chez les fous. Mme Tarnowscky à démontré que la capacité cranienne des prostituées est inférieure à celle des femmes honnètes et des voleuses:; on n'en sera pas surpris, si l’on réfléchit à la très large proportion de faibles d'esprit qui existe parmi les filles publiques, et si l’on prète attention à ce fait que c’est très fréquemment cette faiblesse d’esprit même qui est la cause de leur vie irrégulière, Chez les femmes cri- le les anomalies sont du reste plus rares que chez les hommes, et il semble qu'il faille faire en ce qui les concerne une part beaucoup plus large aux causes sociales, FRE les anomalies craniennes les plus fréquentes, Lombroso signale la fossette occipitale moyenne; c en très nettement à ses yeux un caractère atavique. On sait que l’école italienne a une tendance à consi- dérer Le criminel comme un sauvage attardé en pleine civilisation et qu'elle recherche avec soin toutes les particularités anatomiques qui peuvent justifier un rapprochement entre les sauvages actuels et les délin- quants; il nous semble que l’analogie est très supertfi- cielle et toute extérieure; l’état mental des sauvages présente une remarquable uniformité et rien n ‘auto- rise à identifier avec lui les états d'esprit très com- plexes et variés que présentent les divers criminels. En ce qui concerne les anomalies phy siologiques des criminels, M. Lombroso reconnait qu ‘elles sont attri- buables pour une bonne part à la vie de prison et à l'alcoolisme, Ottolenghi à cependant constaté chez les criminels en même temps que de fréquentes anomalies du nez, une diminution notable du gout et de l’odorat. Leur manière de marcher est souvent celle des épilep- tiques; il semble du reste qu'il y ait parmi les cri minels une très forte proportion d’épileptiques. M. Lombroso assimile entièrement les délinquants passionnels aux épileptiques, et considère comme identiques les phénomènes PHSIeAUS qui accom- pagnent les décharges émotionnelles et ceux qui accom- pagnent les décharges convulsives, Je crois qu'il fau- drait faire ici quelques réserves, et relenir seulement ce fait que Les vertiges épileptiques. ignorés même de celui qui les éprouve, sont un phénomè ne beaucoup plus fréquent qu'on ne le croit d'ordinaire, M. Lombroso n'admet pas qu'il y ait à proprement parler des criminels d'occasion; pour lui tous les cri- minels étaient dès leur enfance en quelque mesure prédestinés au crime; les circonstances ne peuvent de toutes pièces créer un criminel, pas plus qu’un aliéné. Il ést amené ainsi à faire rentrer dans la classe des criminels-nés même les délinquants politiques, les agitateurs populaires ; il y a ici confusion, nous semble- t- il, entre la notion psychologique et la notion sociale et légale du crime, « Les efforts vers le progrès, dit M. Lombroso, se Haies tant par des moyens trop brusques et trop violents, ne sont point phy siologiques, et s'ils constituent parfois une nécessité pour une minorité opprimée, ils sont, au point de vue juridiques un faitantisocial et par conséquent un crime (p. 134). » Il nous parait difficile d’assimiler au point de Le psychologique l’état d'esprit des combattants de juin par exemple et celui des voleurs à la tire ou des rodeurs de barrières. L. MARiILLIER. Palmberg (A.), Médecin hygiéniste d'Helsingfors. — Traité d'hygiène publique. Trad. francaise de M. Ha- mon, un vol, in-8° avec 325 fig. O. Doin, Paris, 1891. L'esprit dans lequel ce livre est concu lui donne un cachet tout spécial, qui le “distingue complètement des autres traités didactiques écrits” sur ce sujet tant en France qu'à l'Etranger. Pour M. Palmberg, « Phy- giène publique est une science peut- -être plus empi- rique que les autres »; aussi ne s’arrète-t-il pas à exposer les théories émises à la suite des expériences ou des recherches de laboratoire; on ne trouvera pas dans son livre des chapitres entiers consacrés à l'étude des microorganismes, à leur résistance dans telle ou telle culture : à leur évolution dans le sol, dans l’eau, etc., où encore à l'exposition des conditions théoriques auxquelles doivent répondre, d’après les recherches expérimentales, lair que nous respirons ou l’eau que nous buvons. C'est à l'expérience faite en grand, dans la vie publique, que l'auteur demande ses conclusions. Successivement il énumère toutes les dispositions sanitaires prises dans chacun des six pays qu'il a choisis comme types d'étude et de comparaison: L'Angleterre, la Desique la France, l'Allemagne, la Suède, la Finlande. S'appuyant sur une statistique serrée, il montre l'influence exercée par les diverses mesures sanitaires sur la mortalité générale, spéciale- ment sur celle que produit la fièvre typhoïde. L'étude sur l'Angleterre et principalement sur Londres occupe le premier rang; celte place est jus- tifiée par l'excellence mème de l’organisation des ser- vices relatifs à la santé publique dans ce pays. Alors qu'en France nous attendons encore une loi sanitaire générale mettant entre les mains du Gouvernement central une arme suffisante pour veiller avec utilité sur la santé publique, l'Angleterre est dotée d’une lé- gislation complète qui, dans le pays même de l’habeas corpus, permet de sacrifier la liberté individuelle à l’in- térèt général bien entendu. M. Brouardel, dans la préface qu'il a écrite pour le livre de M. Palmberg, cherche à excuser les lacunes législatives signalées dans l'étude de notre pays, en invoquant la résistance du public français à ces me- sures sanitaires, L'amour de la liberté individuelle n'est certes pas moins fort chez le ciloyen anglais que chez le citoyen francais ; quant à la centralisation que tous les hygiénistes réclament, elle ne saurait, ce semble,trouver un terrain plus favorable qu’en France, le pays où elle atteint, pour tous les rouages adminis- tratifs, une véritable intensité morbide, Nous avions déjà en France une remarquable étude sur le sujet traité par M. Palmberg dans le grand ouvrage de M. le D° Martin sur l'administration sanitaire civile en France et à l'Etranger; il est regrettable que cet important travail ne soit pas indiqué “dans l'index bibliographique qui accompagne le traité de M. Palm- berg, Les deux livres ne font d’ailleurs pas double emploi. Le traité d'hygiène publique de M. Palmberg ne contient pas seulement les dispositions sanitaires ; il renferme encore de nombreuses descriptions, avec figures, des appareils employés dans les constructions privées ou publiqus de chaque pays : ventilateurs, water-closet, appareils de chasse, de chauffage, etc. Cette partie de l'ouvrage intéressera surtout les ingé- nieurs et les architectes, collaborateurs des médecins dans toutes les questions d'hygiène. L. O. er S TA Ve Mira | € 7 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 113 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 10 novembre 1890. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Padé: Sur la re- présentation approchée d’une fonction par des fractions rationnelles. 29 SGENCES PHYSIQUES. — M. E. Fremy et A. Verneuil ont perfectionné leur méthode de synthèse des rubis et ont pu l'appliquer beaucoup plus en grand, Ils ont obtenu des rubis qui peuvent se tailler pour la bijon- terie, et ètre employés dans l'horlogerie comme {rous de pivots, — MM. H. Becquerel et H. Moissan onl constaté la présence du fluor libre dans la fluorine de Quincié (Rhône). (Voir le n° 21 de cette Revue, p. 688.) — M. L. Amat, reprenant la question de l'analyse des acides hypophosphoreux, phosphoreux et hypophos- phorique par les oxydants, fait voir que la méthode est générale, que l’acide hypophosphorique peut comme les autres être analysé au moyen du bichlorure de mer- cure et que le permanganate de potasse peut être em- ployé volumétriquement pour l'analyse des acides phosphoreux et hypophosphoreux. — M. R. Varet à préparé et étudié les combinaisons du cyanure de mer- cure avec les sels halogènes de cadmium : l'iodocya- nure, le bromocyanure, et le chlorocyanure de mer- cure et de cadmium. — M. E. Guenez a appliqué à la préparation du fluorure de benzoyle le procédé général de préparation des composés organiques fluorès, con- sistant à faire réagir le fluorure d'argent sur les dérivés iodés ou chlorés. — MM. A. Haller et A. Held ont ob- tenu des quantités notables d'acide citrique par le procédé de synthèse, déjà communiqué par eux, au moyen de l’acide acétone-dicarbonique, ils étudient le détail des réactions successives. — M, A. Michel-Lévy: Sur les moyens : 1° de reconnaître les sections paral- lèles à g! des feldspaths dans les plaques minces des roches; 2° d’en utiliser les propriétés optiques. 39 SctENCES NATURELLES. — M. C. Phisalix a étudié avec le virus charbonneux le rôle du ganglion lympha- tique dans la défense de l'organisme. De ses expériences, il résulte que le microbe est arrêté dans le ganglion qu'il ne peut franchir que difficilement, et qu'il con- tinue à vivre dans ce ganglion où peu à peu se modi- fient sa forme et ses propriétés virulentes, — MM. Cour- mont et Dor en injectant à de jeunes lapins, par la voie intra-veineuse,descultures tuberculeuses atténuées par le vieillissement, ont produit des tumeurs blanches de diverses articulations, à l'exclusion de toute autre localisation. — M, G. Pruvot a étudiéles premières phases du développement d'un Solénogastre, le Don- dersia banyulensis (Néomeniées). Ce développement ressemble par quelques-uns de caractères, à celui des Mollusques, par d’autres, à celui des Brachiopodes ou des Polygordiens. — M. Thélohan a étudié la for- mation des spores chez les Myxosporidies. — M. J. Kunstler signale quelques différences qui distinguent le Saumon de Norvège du Saumon d'Europe : les plus saillantes sont les différences d’'habitudes relativement à la montée; on peut se demander s’il s’agit de deux espèces distinctes, ou des effets d'adaptation à des cir- constances parliculières. — M. Kunckel d'Herculais a découvert que les premières phases du développe- ment des Mylabres ont lieu dans les coques ovigères des Acridiens. Se Séance du 17 novembre 1890 1° SGIENCES MATHÉMATIQUES, — M. G&, Kobb : Sur un théorème de M, Picard, — M, A. Laussedat indique une méthode qui permet de construire le plan d’un terrain, à partir de deux rues perspectives faisant un angle quelconque avec l'horizon, pourvu que dans ce terrain existe une ligne horizontale, telle que le con- tour d’une nappe d’eau; cette méthode est destinée à permettre Ja levée des plans à l’aide de la photo- graphie. — Dom Lamey explique la variation annuelle de la latitude, constatée dans divers Observatoires, par les variations que produisent dans la réfraction les marées atmosphériques. — M, J.Fenyi décrit une protu- bérance solaire qui s’est élevée avec une rapidité extraordinaire, — M, J.Oppert communique une série d'observations lunaires et planétaires chaldéennes, remontant aux années -- 523 et — 522, trouvées sur une tablette cunéiforme du Musée britannique; l’une des éclipses de lune mentionnées dans cet annuaire est citée par Ptolémée; les indications de la tablette coincident avec les calculs d’Oppolzer. Quant aux obser- vations planétaires, le P. Epping les ayant calculées d'après les éléments de Le Verrier, est arrivé à des résultats concordants. 20 ScrENCES PHYSIQUES, — MM. Chassagny et Abra- ham avaient montré que les forces électro motrices des couples thermoélectriques dont les soudures sont maintenues à 0° et100° peuvent être déterminées au dix- millième de leur valeur. La précision relative restant la même pour un intervalle quelconque de température, ces appareils peuvent servir à évaluer cet intervalle avec une grande exactitude. Les auteurs ont cherché la relalion qui relie les forces électromotrices du couple fer-cuivre à l'échelle des températures du ther- momètre à hydrogène; ils sont arrivés à une formule empirique, qui, sans être exacte, donne le cinquantième de degré dans tout l'intervalle 0° 100°. — M. P. Vieille a continué ses recherches sur les pressions dévelop- pées par la combustion des explosifs en vase clos, Il étudie, sur les graphiques obtenus suivant la méthode décrite dans une note précédente (V. n° 21 de cette revue, p.679), la périodicité des pressions ondulatoires produites dans le cas d’un récipient allongé et d’un char- sement dissymétrique., — M. A. Leduc à donné une formule permettant de calculer la résistance électrique d’un fil de bismuth placé dans un champ magnétique ; il achève l'étude de cette formule par l'étude de l’in- fluence de la température sur deux des coefficients qu'elle comporte. — M. Berthelot a découvert un texte remontant à l’époque de Charlemagne, où le bronze est mentionné; avec sa composition cette pièce confirme la théorie de l’auteur sur l’origine du mot bronze, qui vient du nom de la ville de Brundusium. — M. Maquenne: Sur les acides $ pyrazol-dicarboni- que. — Par l’action de l'acide sulfurique sur le cam- phre monochloré, M. P. Cazeneuve a obtenu, en outre du corps neutre sulfocojungué, en fonction diphénoli- que, qu'il a signalé, un isomère de ce dernier, qui est acide-phénol; il le désigne sous le nom d'acide ame- thylcampha phénolsulfurique. — M. Ph. À. Guye a étu- dié la série des composés qne l’on obtient en substi- tuant les groupements les plus divers au groupe CHCI du chlorure d’amyle, dans le but de vérifier la loi qu'il a établie entre la constitution moléculaire des corps et leur action sur la lumière polarisée !, Dans le chlorure d’amyle, le groupe CH?CI est le plus lourd des groupes disposés en têtraèdre autour de l'atome central de carbone asymétrique ; le pouvoir rotatoire du com- posé reste de même sens quel que soit le groüpe que l'on substitue à celui-là pourvu qu'il soit au moins 1 Voir ie n° 1 de cette Revue, C. R. de l’Acad des Se., p.218. 714 aussi lourd. La vérification a porté sur quarante déri vés. — M. Chabrié, en saponifiant par la chaux le fluorure d'éthylène, composé nouveau préparé par lui, a obtenu, comme produits de la réaction, du fluorure de chaux et du glycol, Il pense que ce type de réaction est général dans la saponification par la chaux des compo- sés organiques halogènes, et peut servir à la prépara- tion des alcools polyatomiques. L'action de l’anhydride borique sur les chlohydrines donnerait des résultats analogues. 3° SCIENCES NATURELLES, — M, Chabrié a constaté que le fluorure de métylène empêche la végétation de la bactérie pyogène de l'urine et même tue ce microbe après 24 heures de contact : ce gaz antiseptique m’étant pas irritant pourrait être utilisé en clinique, — MM. Th. Schlæsing fils et Em. Laurent ont entrepris des expériences pour démontrer directement la fixa- tion de l'azote atmosphérique par les légumineuses munies de nodosités microbiennes. Après avoir fait vivre les plantes pendant trois mois sur un sol de grès calciné et dans un atmosphère artificielle de composi- tion connue, ils ont constaté la disparition dans cette atmosphère d'une quantité d'azote un peu plus faible que la quantité gagnée par les plantes, — M, Em. Lau- rent à cultivé le micro-organisme des nodosités radi- culaires des légumineuses dans des bouillons de légu- mineuses ou simplement dans de l’eau pure sucrée et minéralisée: ce micro-organisme prend la forme de longs filaments ramifiés, analogues aux Pastewria. — M. L. Vaillant a observé chez deux exemplaires jeu- nes du Chelmo rostratus (Téleostéen) une disposition du préopercule qui disparaît avec l’âge. — M. F. Guitel a remarqué que les Lepadogaster bimaculatus (Téleostéens) qu'il a examinés en grand nombre à Roscoff se grou- pent en deux formes bien distinctes. Tous les individus de l’un des lots ainsi formés étant mâles et les autres femelles, on doit admettre qu'il s’agit des caractères sexuels. — M. E. Canu à étudié le dimorphisme sexuel d’un Copépode parasite des Synascidies, l’Entero- cola fulgens, en suivant le développement de cette espèce, Les stades nauplien et cyelopoide sont identi- ques pour les deux sexes, puis la femelle subit une régression, et passe au parasitisme complet, tandis que le mäle se rapproche des formes semi-parasites nageuses comme les Notodelphys. — M. Ch. Decagny : Sur les forces méloculaires antagonistes qui se produi- sent dans le noyau cellulaire et sur la formation de la membrane nucléaire, — M. H, Lasne proteste contre l'opinion de M, de Lapparent, qui attribue aux effets de la culture la production des rideaux en Picar- die; il a constaté en divers points l'indépendance de l'orientation des labours et de celle des rideaux ; quel- quefois il a observé directement une dénivellation des couches de la craie de part et d'autre d’une diaclase,. — M. Berthelot a observé que les bruits subjectifs produits par les sels de quinine sont continus et com- prennent toute l’étendue des sons perceptibles: il s’agit donc là d'une excitation d'ensemble des centres acous- tiques. M. H. Léuuté lil une notice sur Ed. Phillips. (Voir plus loin, p. 718.) L. LAPIGQUE. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 411 novembre 1890. M. Brouardel pense que pour rémédier à la dépo- pulation de la France, il faut surtout se placer sur le terrain de l'hygiène. La variole, la fièvre typhoïde dé- terminent chaque année en France la mort de 37.000 in- dividus dans la force de l’âge. Or, dans les pays où la vaccination et la revaccination sont obligatoires, il n°y a presque plus de variole; de même aujourd’hui dans notre armée elle tend à disparaître, D’autre part, dans des villes où autrefois la fièvre typhoïde était épidé- mique, Vienne (Autriche), Kennes, Amiens, ete., les améliorations apportées dans l'alimentation d’eau l’ont complètement fait disparaître. Il propose donc à l’Aca- ACADÉÈMIES ET SOCIETES SAVANTES démie d’adopter les conclusions suivantes : « La loi sanitaire en préparation doit rendre les vaccinations et revaccinations obligatoires ; elle doit armer l'autorité de pouvoirs suffisants pour que les municipalités, à leur défaut le préfet on le Gouvernement puissent as- surer la salubrité publique des agglomérations contre les dangers qui résultent de l'usage d’une eau pol- luée, » — M. Vallin appuie l'opinion de M. Brouardel et demande à ce qu'il soit spécifié que l’eau de source doit toujours être préférée à l'eau filtrée qui est un vis-aller. — M. Abadie fait une communication sur un nouveau traitement de l’ophtalmie sympathique qui consiste, dès que l’on voit l'œil sain devenir malade à la suite de la blessure de l’autre œil, à cautériser au galvano-cautère les lèvres de la plaie de l'œil blessé et à injecter une goutte de sublimé à 4. Deux ou trois injections à quelques jours d'intervalle amènent la guérison. Séance du 18 novembre 1890, M. Hardy regarde comme multiples les causes qui entravent l’accroissement de la population en France: la race, la civilisation plus avancée, la richesse du pays, la restriction volontaire, l’émigralion des cam- pagnes dans les villes, la diminution des idées mo- rales et religieuses, Quant aux remèdes, il ne les voit pas dans les mesures législatives proposées, mais dans le développement de l'hygiène et de l’assistance publi- que. — M. Javal pense au contraire qu'il appartient aux législateurs de modifier par des lois l’état social actuel qui a entrainé les restrictions volontaires, cause principale du mal, Dr E. DE LAVARENNE. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 15 novembre 1890 M. Anotta indique que l’eau saturée d'acide borique dissout environ quatre fois plus de naphtol $ que l’eau simple; Peau boriquée naphtolée ainsi obtenue possède un grand pouvoir antiseptique, — MM. Mathieu et Rémond exposent une méthode simple pour doser les divers éléments de l'acidité du suc gastrique; elle est fondée sur le principe du coefficient de, partage des acides entre Peau et l’éther, après avoir déterminé ce coefficient dans chaque cas particulier, le mélange des divers acides cyaniques étant très variable, on peut évaluer séparément l'acidité organique et l'acidité minérale; une partie de cette dernière est due à des phosphates acides; l'acide chlorhydrique libre est évalué par différence, après évaporation au bain-marie, — M. Laborde a repris la question de savoir s’il existe un centre respiratoire unique, Les résultats expéri- mentaux auxquels l’a conduit une série de recherches systématiques sont les suivants : l’excilation méca- nique du centre bulbaire provoque suivant son intensité, 1° l'accélération des mouvements respiratoires ; 29 une syncope respiratoire ; 3° l'arrêt définitif de la fonction respiratoire ; la destruction instantanée du centre au moyen d’un emporte-pièce supprime irrémédiablement la fonction respiratoire ; la destruction, au moyen d’un emporte-pièce de dimensions beaucoup plus grandes que le centre qui, par suite, n’excite pas le centre en le détruisant, supprime de même la fonction, — M. Henneguy. poursuivant l'étude de la faune des marais salants, décrit un genre nouveau d’infusoires hétérotriches, voisin du Bursaria ; il lui donne le nom de Fabria. 1 signale un péridinien, qui présente la par- ticularité de s’associer en colonies ; ces colonies, d’as- pect analogue à des zooglies, se dissocient à la moindre excitation et se reforment ensuite, — MM.J,Hericourt et Ch. Richet ont injecté à des lapins de vieilles cul- tures tuberculeuses, stérilisées par la chaleur; ils ont constaté que ces lapins ont ainsi acquis un certain degré d'immunité, et qu'après l’inoculation d’une cul- ture virulente, ils présentent une survie plus longue que les témoins. Ils ont obtenu des résultats analogues . dire #82) ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 745 par la transfusion du sang d’un chien qui avait recu du virus tuberculeux. Le virus employé dans ces expé- riences est celui de la tuberculose aviaire, — Les recherches de MM. Vaillard et Viucent sur le poison soluble sécrélé par le bacille tétanique démontrent l’analogie de ce composé avec le poison diphtéritique étudié par MM. Roux et Yersin; la chaleur et la lumière, au contact de l’air, le détruisent, l'alcool le précipite ; un précipité tel que du phosphate de chaux produit au sein du liquide l’entraine avec lui; les expériences faites avec ces précipités montrent que ce corps est convulsivant à des doses infinitésimales; c’est proba- blement une diastase, — M, E. Hache a trouvé dans plusieurs épithéliomas des corpuscules qu'il rapporte à des coccidies. Séance du 22 novembre 1890. M. Laborde a propos des recherches de MM. Ch. Richet et Héricourt sur l’immunité conférée à un animal par le sang d'une autre espèce, fait savoir que M. Rondeau avait eu le premier l’idée de cette méthode; il avait essayé de vacciner des moutons contre le charbon en leur injectant le sang d’un chien qui avait recu des inoculations charbonneuses. — MM, Courmont el Dor font ouvrir un pli cacheté déposé par eux à la Société etconcernant la vaccination de la tuberculose (aviaire) : des lapins ayant recu des injections de cultures filtrées sur porcelaine ont été soumis ensuite à des inocula- tions virulentes; deux sur quatre sont encore vivants après un an, tous les témoins sont morts, —M, Roger, ayant sectionné le nerf auriculaire d'un côté, chez un lapin, puis injecté une même quantité de virus érysi- pélateux dans chaque oreille, constate que l'oreille du côté de la section présente des lésions beaucoup plus graves que l’autre, Cette expérience montre que la sensibilité joue un rôle utile dans la défense de l’or- ganisme contre les microbes, — M. Contejean envoie une note sur l’action des nerfs sur la section gastrique étudiée chez la grenouille. — M. Féré a étudié par la méthode graphique la contraction des muscles de la face chez les hystériques hémiplégiques; il a constaté, du côté correspondant au côté paralysé un retard dans Ja contraction volontaire, une accélération dans le réflexe, — M. Laborde présente un lapin atteint de maladie pyocyanique chronique, après une vaccination incomplète; ce lapin, en outre de la paraplégie, qui est de règle dans ce cas, est atteint d’une lésion cervicale qui se traduit par l’entrainement de la tête à gauche, et le nystagnus; il y a en outre hémianesthésie gauche, — M. Retterer, ayant eu l’occasion d'examiner chez des embryons de cétacés les organes génitaux mâles, a pu constater chez ces mammifères le même processus évolutif qu'il a signalé pour les autres relati- vement à la formation du gland. Reprenant l’en- semble des comunications qu'il a faites sur ce sujet, il fait voir que l'étude du développement empêche d'admettre la formule classique suivant laquelle le gland serait l'épanouissement du corps spongieux de l’urèthre. En réalité, les corps caverneux aussi bien que les corps spongieux forment la partie axiale de cet organe ; la portion périphérique est constituée par une coque érectile dont les travées affectent la même disposition que les travées fibreuses de la pulpe des doigts et qui est l’homologue du tissu cellulaire sous- culané, non érectile, de la base de la verge. L,. LAPiCQUE. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 21 novembre 1890. M. Abraham fait en sonnom et aunom de M. Chas- sagny une communication sur des Recherches de thermo- électricité. Ces deux expérimentateurs ont tout d’abord étudié les conditions dans lesquelles il convient de se placer pour obtenir les mesures les plus précises des forces électromotrices, thermoélectriques; au lieu de fermer, comme on le fait d'ordinaire, l'élément sur un galvanomètre, ils opposent à la force électro-motrice à mesurer une force électromotrice égale obtenue par une double dérivation prisesur le circuit d’un élémentde pile; cette pile est un élément Gouy de grandes dimensions maintenu à température constante et fermé sur une résistance de 10.000 ohms, quatre ou cinq heures avant les expériences, Les boîtes de résistance sont soigneu- sement étalonnées par un procédé |particulièrement simple ; de grandes précautions sont prises pour : assurer le parfait isolement des fils, notamment au voi- sinage des soudures, dont l’une est maintenue dans la vapeur d’eau bouillante et l’autre dans la glace rapée, Pour connaître le degré de précision des mesures, les auteurs ont cherché avec quelle approximation lesnom- bres qu'ils observaient vérifiaient la loi des métaux intermédiaires : ils ont constaté qu'ils pouvaient répon- dre du dix-millième, Ces premiers résultats obtenus, on a ensuite étudié la variation de la force électro- motrice avec la température à laquelle on porte l’une des soudures tandis que l’autre est maintenue dans la glace ; contrairement à certaines théories, une formule parabolique ne peut représenter les résultats qui au con- traire concordent très bien avec les nombres calculés Are par la formule E An Eh a t + 273 lueraisémentles températures au cinquantième de degré près. Ces couples peuvent remplacer avantageusement les thermomètres à mercure dans certaines études, par exemple dans des recherches sur le phénomène de Peltier ou sur la propagation de la chaleur que les auteurs se proposent d'entreprendre, — M. Pellin ré- pète devant la Société une expérience de M. Argyropou- los où se manifestent les vibrations d’un fil de platine maintenu incandescent par un courant électrique sous l'influence des interruptions successives de ce courant, Lucien Poincaré, SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séunce du 20 novembre 1890 SCIENCES PHYSIQUES. — Le professeur J.-V, Jones fait une communication sur la détermination de la résistance spécifique du mercure en grandeur absolue. La méthode qu'il a employée est une modification de celle de Lorenz : on sait que cette méthode consiste à faire tourner un disque métallique dans le plan d’une cellule étalon coaxiale. Des fils qui touchent le centre et la circonférence du disque sont en commu- nication avec les deux extrémités de la résistance à mesurer, et le même courant passe à travers la résis- tance et la cellule étalon, Mais au lieu de placer le mer- cure dans un tube, comme Lorenz, M. Jones se sert d'une auge allongée, et tandis que Lorenz mesurait la distance entre deux électrodes, dans la méthode de M. Jones, une des électrodes est fixe et l’on mesure le déplacement de l’autre entre deux positions d'équilibre de l'aiguille du galvanomètre qui correspondent à deux vitesses de rotation du disque, On détermine la sec- tion de la colonne de mercure par une nouvelle appli- cation de la méthode différentielle, en observant la colonne mercurielle à deux hauteurs différentes dans l’auge. L'auge dont s’est servi M. Jones était creusée dans la parafhne et renfermée dans une forte armature de fer, Elle avait environ 43,5 pouces de longueur, 1,5 pouces de large et 3 pouces de profondeur, Les autres modifications sont : 1° l'emploi d’un conducteur étalon, fait d’une seule couche de fils dont l'induction mutuelle a été calculée; 2 l'emploi d’une brosse d’une forme spéciale destinée à assurer de bons contacts électriques à la périphérie du disque en rotation, La moyenne de cinq séries complètes d'expériences a donné comme valeur de la résistance spécifique du mercure à 0° : 94.067 Æ 10. Ce résultat peut aussi s'exprimer en disant que l’ohm est égal à la résistance de mer- cure de 0®001 carré de section de 106,307 em. de long. — Les professeurs Liveing et Dewar font une - On peut ainsi éva- 716 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES communication sur les propriétés spectroscopiques de la poussière. L'appareil dont ils se sont servis con- siste essentiellement en un tube de Plücher terminé par une boule creuse à une de ses extrémités. Deux des cloches sont scellées dans cette boule d’où part un tube de verre muni d’un robinet, qui communique avec un récipient plein de gaz, L'autre extrémité du tube com- munique avec une pompe à air. La poussière employée était celle que produisaient les diverses électrodes scel- lées dans la boule; à la suite d’une décharge par rupture d’un courant, elle est entraînée dans le tube par un courant plus ou moins rapide d’air ou de tout autre gaz. On a fait passer successivement dans l'appareil de l'air, de l'hydrogène, de l’acide carbonique, de l’oxy- gène, et sous des pressions diverses de 0002 à Om040, le résultat a toujours été le même. Lorsqu'on faisait passer un courant électrique dans le tube par les élec- trodes, on n’apercevait aucune raie qui püt être attri- buée à la présence de la poussière, Il semble donc que la poussière, si fine qu'elle soif, en suspension dans un gaz, ne se comporte pas comme un gaz, ne devienne pas lumineuse, et ne présente pas un spectre caracté- ristique sous l'influence d'une décharge électrique, mais qu'elle soit chassée avec une extraordinaire rapi- dité hors de la direction de la décharge, — Le profes- seur J, Joly fait une première communication sur les chaleurs spécifiques des gaz à volume constant. Il étu- die dans ce travail Pair, Pacide carbonique et l’hydro: gène. Il s’est servi pour ses expériences du calorimètre à vapeur qu'il a inventé; ila employé une méthode dif- férentielle où l’on compare au point de vue thermique, un récipient vide et un récipient qui contient un gaz à haute pression. Les deux récipients ont approximati- vement la même capacité calorifique, le résultat doit être théoriquement le même, que si le gaz n’était pas contenu dans un récipient. Les expériences ont été faites sous des pressions allant de 7 à 25 atmosphères, M. Joly a constäté que les chaleurs spécifiques de l'air, de l'acide carbonique, et de l'hydrogène ne soit pas constantes, mais varient avec la densité, Lachaleur spé- cifique de l’air s'accroît avec la densité ; elle a une valeur moyenne de 0,1721 à la densité absolue de 0.0205 qui correspond à la pression de 19,51 atmosphères, Elles excèdent de 0,1715 à la pression de l'atmosphère, Pour l'acide carbonique la chaleur spécifique croît plus ra- pidement avec la densité, comme le montre la formule C, — p X 0.206% + 0.1657. Pour l'hydrogène la cha- leur spécifique diminue avec l'accroissement de la densité, — Le D'J. Hopkinson fait une communica- tion sur le magnétisme et la recalescence, Il avait montré antérieurement!, que la recalescence et la perte de l'aïimantabilité se produisent dans le fer et l'acier environ à la même température. Il établit maintenant par une longue série d'expériences que la libération et l’absorption de chaleur, auxquelles à été donné le nom de recalescence, et les changements d'état magnétique se produisent à la même tempé- rature, Il montre aussi que pour Pacier qui contient 0.3 0/, de carbone, les deux températures de libération de chaleur coïncident avec des changements dans l’é- tat magnétique. Richard A, GREGoRY. SOCIETE DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 1% novembre 1890 M. Pelham-Dale : Swr certaines relations existant enlre les indices de réfraction et les éléments chimiques. La première partie du mémoire corrobore les résultats annoncés par l'auteur dans une communication précé- dente : la réfraction (n—1) divisée par la densité (d) d'une vapeur est égale à une constante multipliée par certains nombres entiers. Cette loi a été vérifiée pour divers mélaux, On constate que le rapport du poids moléculaire M à la réfraction (n— 1) est à un haut degré d’approximation une constante ou un multiple simple lPhil. Transaction, 189. p. 443. de cette constante. L'auteur a examiné ce que devient a relation quand un même élément passe par les trois états, solide, liquide ou gazeux : les nombres obtenus ne sont pas identiques. quelques uns doivent être dou- blés. Une relation semble exister entre la limite supé- rieure de la réfraction et le spectre de ligne des élé- ments, Par exemple la limite supérieure de la réfraction correspond pour le sélénium à une longueur d'onde 5.295,7, et précisément il existe des lignes remar- quables de cette longueur d’onde dans son spectre. L'auteur à remarqué que le sélénium polarise et réflé- chit presque toute la lumière qui tombe sur lui sous un angle un peu grand; sans doute, cette propriété pour- rait être utilisée dans les polariscopes. Dans le cas de la dispersion anomale, on remarque que l’espace obscur du spectre (par exemple pour la fuchsine) coïn- cide avec la limite de réfraction, — M. Gladstone estime qu'il y aurait eu intérêt à comparer les résultats obtenus par M. Dale à ceux obtenus par d'autres phy- n—1 d siciens, au lieu de l'expression on considère sou n? — 1 n2 12 théories électriques en admettant que »n? est égal à la constante diélectrique, Que deviennent les résultats comparés à cette formule? M. Gladstone signale en outre les difficultés particulières qui proviennent de l'emploi des métaux; MM. Du Bois et Reubens ont récemment montré que la réfraction n’obéit pas dans ce cas à Ja loi du Sinus. — M. J. Perry : Table des harmoniques sphériques. L'auteur définit un harmo- nique sphérique comme une fonction homogène de #, y, z satisfaisant à l'équation VV dr? dy? de, vent qui présente un sens particulier dans les 0. Il établit les propriétés fondamentales de ces fonctions, et insiste sur leur importance dans divers problèmes de chaleur, d'électricité ou d’hydrodynamique. Si l’on considère les harmoniques zonaux (c’est-à-dire fonction 4 \ de æ°(+-y2)° et de :) on remarque que ces harmoni- ques sont symétriques par rapport à l’axe des z et peu- vent être exprimés en fonction de l'angle 6 que fait avec l'axe des æ la droite qui joint l’origine au point #, y.s, multiplié par r° » étant le rayon vecteur et à le degré de la fonction homogène. Ces fonctions de 6 sont appe- lées surfaces harmoniques zonales, et sont désignées par P,. P,, P,, ..., P;, selon le degré de la fonction: Ce sont les valeurs de ces quantités que l’auteur a cal- culées et inscrites dans les tables qu'il présente à la Société, elles sont calculées depuis P, à P, de degré en degré de 0° à 90° M. Perry montre par quelques exemples l'utilité de ces tables. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 6 novembre 1890, M.W.H.Perkin : La rotationmagnétique des solutions salines. M. Perkin publie les résultats qu'il a déjà obtenus dans la comparaison du pouvoir retatoire ma- gnétique des sels à l’état solide et à l’état dissous. Bien que cet important travail soit loin d’être terminé, il ressort très nettement des résultats obtenus que le pouvoir rotatoire magnétique augmente beaucoup par la dissolution. -— MM. E. Horiet F'. Morley : Note sur la propylpæratoluidine normale et l'isopropylparatoluidine. — M. Arthur Richardson : Action de la lumière sur l'éther en présence de l'oxygène et de Peau : M. Richardson conteste les conclusions de MM. Dunstan et Dymond qui disent n'avoir pas obtenu d’eau oxygénée en em- ployant de l’éther pur. L'auteur a employé de l’éther très soigneusement purifié, et en l’exposant à la lumière au contact de l'oxygène humide il a toujours vu se for- iner de l’eau oxygénée même à 0°, — MM.Klingemannet ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 71 Laycock : Action de l'ammoniaque et de la méthyla- mine sur le dibenzoylstilbène. Les auteurs se sont pro- posés de vérifier si l’analogie existant entre le diben- zoylcinnamène et le dibenzoylstilbène se conserve dans les dérivés obtenus avec l’ammoniaque et les amines. Ils ont obtenu ainsi plusieurs composés analogues à ceux que poursuit le dibenzoylcinnamène., — M, Wads- worth : Condensation de l'acélone phénantraquinone. L'ac- tion d’un mélange d'acide sulfurique concentré et d’al- coo] absolu donne un composé répondant à la formule C34 H22 03 — 2 (C17 H14 03) — 3 H2 0 MM. Ruhemann et Dufton : Contribution à l'étude de l'acide mucique. L'action du pentachlorure de phos- phore sur l'acide mucique donne le corps : C C1 (POCI2) — CH OH — CO CI CI(POCIE) — CHOH — CO CI. M. Easterfñeld : Les halogènes et le carbone asymétrique. Le seul composé asymétrique où un halogène est uni au carbone est l’iodure d'amyle secondaire de Le Bel, L'auteur n’a pu réussir à obtenir des dérivés analogues optiquement actifs. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE BERLIN Séance du 7 novembre 1890, M. Hans Jahn communique quelques expé- riences thermo-chimiques qu'il a faites sur la chaleur de neutralisation des deux acides tartriques, avec des bases douées d'activité optique. 1] s'agissait de savoir si la tendance qu'ont les acides tartriques de se combiner avec les bases d'activité opposée, tendance constatée par Pasteur, Bremer et d’autres auteurs, se manifesterait aussi par une différence des chaleurs de neutralisation. Les expériences faites avec les deux tartrales de la mor- phine donnèrent de légères différences. L'auteur dé- composa, au sein du calorimètre à glace de Bunsen, les deux tartrates dissous par la lessive de soude em- ployée en excès, de sorte que la morphine fut complète- ment dissoute. La chaleur de décomposition était pour : Ÿ Cal. La morphine étant lévogyre on pouvait en conclure que la chaleur de neutralisation pour l'acide dex- trogyre serait un peu plus grande, Cependant les expériences faites avec la nicotine, qui permettaient la détermination directe des chaleurs de neutralisation, grâce à la solubilité de la nicotine dans l’eau, démon- trèrent que la chaleur de neutralisation pour les deux acides tartriques est la même : Acide dextrogyre... c : 5.19 al AGIde lÉTOSYrE. ....-. te ei SARA GES — M. Kalischer expose ses expériences sur l'in- fluence d’une bobine d'induction sur un téléphone. Si l’on rapproche un téléphone d’une bobine d’induction char- gée par deux accumulateurs dont le courant est inter- rompu par un petit marteau de Neef, on entend des sons dans chaque position du téléphone.Pour le téléphone de Siemens, dont l’aimant a la forme d'un diapason, on observe des maxima, si les deux axes du téléphone et de la bobine sont perpendiculaires l’un sur l'autre, et si les deux branches de l'aimant sont l’une à côté de l’autre; des minima, siles deux branches sont l’une au-dessus de l’autre. Ces observations se font si le téléphone et la bobine ont leur axe au même niveau, si l’on élève l’axe du téléphone il faut rappro- cher les deux branches de l’aimant de la bobine pour obtenir le minimum. Les mêmes maxima et minima se manifestent si le téléphone est ouvert. Dans ce cas, c’est l'aimant qui résonne car, si l’on éloigne les petites bobines du téléphone, le phénomène n’est pas altéré. Le téléphone résonne même à une distance de deux à trois mètres de la bobine, Un morceau de fer non aimanté ne donne pas de son. Le phénomène se complique beaucoup à cause de la résonnance des membranes en fer, si elles possèdent du magnétisme rémanent, Les minima s’observent si l’axe de la mem- brane est parallèle à celui de la bobine; on a des maxima, au contraire, si les deux axes sont perpen- diculaires l’un sur l'autre. Des plaques qui sont dépour- vues de magnétisme ne résonnent pas; mais il suffit de les toucher avec un aimant durant quelques secondes seulement pour les faire résonner. Le résonnement des plaques du téléphone cause les sons faibles qu'on entend dans ce dernier s’il se trouve dans la position des minima, — M. de Helmholtz expose les traits principaux de sa théorie des vagues, (Voir la Revue du 15 novembre 1890, p. 682 ) Séance du 21 novembre 1890 M. Rubens démontre une nouvelle méthode pour la mesure de la longueur des ondes électriques. Les réso- nateurs de M. Hertz étant liés à leurs propres ondula- tions ne donnent pas de résultats exacts, puisque dans chaque conducteur différentes ondulations sont excitées; la méthode de M. Rubens est basée sur l'emploi du bolomètre qui mesure directement l'énergie des ondulations excitées dans deux fils de cuivre parallèles, Il est évident que dans les nœuds des ondes on observe des dévialions minima, tandis que dans les ventres le bolomèire accusera des maxima de l'énergie. On peut mesurer la longueur des ondes de deux manières dif- férentes : ou bien en joignant les extrémités des deux fils parallèles au bolomètre et en promenant le long de ceux-là un petit pont ou bien en laissant le pont fixé à l’une des extrémités des deux fils et en prome- nant le long de ceux-ci deux fils joints au bolomètre. La première méthode qui correspond à celle in- diquée par M. Lecher donne des vibrations assez com- pliquées, tandis que d’après la seconde on obtient une onde très régulière, Les écarts des différentes valeurs obtenues pour la longueur de l'onde ne dépassent pas 0,3 %. — M. Kalischer a observé quedes sons faibles, par exemple les bruits légers de cliquelis que donne un faisceau de fil en fer se’trouvant au centre d’une bobine d’induction se propagent rectilignement comme les rayons de la lumière; on ne les entend que quand l'oreille se trouve dans la direction de la génératrice du cône ayant la bobine pour sommet, A l’occasion de ces expériences, M. Kalischer a fait l'observation qu'on entend le bruit mieux avec l'oreille gauche qu'avec l’o- reille droite. M. Dubois-Reymond y joint la remarque qu'en général la partie gauche du [corps est plus sen- sible pour la perception des sensations que la partie droite, Dr Hans Jan. ACADÉMIE DES SCIENCES DE SAINT-PETERSBOURG 1890. 1 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Tehebychef, lit son mémoire, sur les sommes produites par les valeurs des monômes les plus simples, multipliées par la fonction qui reste positive. C’est la solution de la question sur les nombres maxima des sommes, qui se présentent quand on veut déterminer les nombres Hmites des intégrales à l’aide de soustractions intégrales. 2° SciENCES NATURELLES. — MM. Ovsiannikofet Strauch présentent le travail de M. Tioumiantzef intitulé Matériaux pour servi à l'étude de la fonction rhythmi- que du cœur. Dans ce mémoire, fait au laboratoire du professeur Doghiel à l’Université de Kazan, l’auteur démontre par de nombreuses expériences, que les difré- rentes parties du cœur de la grenouille sont pour ainsi dire autonomes ; chacune de ces parties est pourvue d’un appareil moteur et d'un appareil modérateur; cha- cune aussi peut se contracter périodiquement, — M. Strauch dépose sur le bureau son mémoire sur la collection des tortues dans le Musée zoologique de l'Acadé- mie des Sciences de Saint-Pétersbourg. C'est une liste de 85? exemplaires de tortues qui se trouvent dans les collections du musée académique. Ces exemplaires re- Séance du 9 octobre 718 présentent 126 espèces différentes, soit plus de la moitié des espèces de chéloniens actuellement connus en général. Parmi cesespèces, deux sont complètement nouvelles, et plusieurs autres présentent des particula- rités qui les font distinguerdes espèces déjà décrites et auxquelles ils appartiennent comme variétés. A la suite de la liste, M. Strauch proposeune nouvelle classification des Chéloniens différente de celle qu'il a élaborée en 1862, mais différente aussi de celle de Boulenger (de Lon- dres) adoptée dans les catalogues du British Museum. M. Strauch trouve cette dernière par trop artificielle et compliquée; en outre, étant basée uniquement sur les caractères ostéologiques elle ne peut être adoptée que quand on possède les squelettes des animaux. Suivant luiles caractères ostéologiques ne sont nulle- ment plus constants que ceux tirés de l'extérieur de l'animal; néanmoins il y a corrélation entre ces deux ordres de caractèreset ilest possible de les accorder. En tenant compte des deux catégories de caractères M. Strauch arrive à diminuer les coupures dans la classification : il divise les Chéloniens en deux sous- ordres, comprenant 5 familles et 32 genres ; tandis que la classification de M. Boulenger, outre les deux sous- ordres, comporte encore trois sections appelées « su per-familles », 11 familles et 48 genres. Un tableau dichotomique résume les caractères des genres, famil- les,etc. donnés en détails dans le texte, — MM. Schmidt et Karpinski présentent la communicalion prélimi- naire de M. Mikvitz sur le genre Obolus (Eichwald). Ce brachiopode est un des fossiles les plus caractéristi- ques des terrains cambriens et siluriens inférieurs de la Russie. Tout un étage du cambrien russe porte mème le nom de grés à Obolus, Cependant les carac- tères du genre ont été jusqu'à présent fort mal établis, surtout à cause de l’état défectueux des échantillons. Le travail de M. Mikvitz comble cette lacune : grâce à une riche collection qu'il a mis plusieurs années à constituer, il est arrivé à faire une étude monogra- phie complète du genre Qbolus; en attendant la publi- cation du travail in-extenso, il donne dans sa note préli- minaire la diagnose du genre accompagnée de figures. O, BAGKLUND, Membre de l'Académie. CHRONIQUE ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Une phrase de la communication de M. Adler, faite à la séance du 9 octobre, a été, dans notre précédent numéro, allérée par une coquille. Il faut lire : M, A. Adler montre que le compas n’est pas nécessaire pour résoudre tout problème du second degré, et qu'il suffit d'opérer soit avec une règle formée par deux lignes parallèles, soit avec une équerre à angle droit ou à angle aigu. Séance du 6 novembre 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Auguste Adler : Sur la théorie des constructions de Mascheroni. Dans son ouvrage : La Geomebria del compasso Pavia, 1797, Mascheroni montre que toutes les constructions géomé- triques qui d'ordinaire se font à l’aide de la règle et du compas (par exemple toutes celles qui se rattachent à un problème du second degré), peuvent être exécutées à l’aide du compas seul, Mais ces constructions n’ont entre elles qu'une liaison artificielle et sont spéciales à chaque cas particulier; l’auteur, dans le mémoire actuel, cherche à les réunir dans une théorie générale; il montre comment l'application de la transformation par rayons vecteurs réciproques conduit à résoudre toutes ces questions d'une manière uniforme par l’em- ploi du compas seulement, — M. W. Wirtinger : Sur les fonctions qui satisfont à certaines équations fonctionnelles, — A. Winckler : Sur le multiplica- teur des équations différentielles du premier ordre, 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Von Lang montre que certaines relations entre la pression des vapeurs et d’autres grandeurs physiques, auxquelles est arrivé J. J, Thomson à laide des équations générales de la dynamique, se peuvent déduire des lois de la thermo- dynamique, — M, Gangl v. Ehrenwerth : Sur la métallurgie du fer. — M. Rudolph Wegscheider, Sw l'éther éthylique de l'acide hémipique. L’auteur montre que sous l'influence de l'acide chlorhydrique une dis- solution alcoolique d'acide hémipique donne de léther éthylique de cet acide, bouillant à 729. Emile WEYR, Membre de l'Académie. CHRONIQUE L'ÉLOGE ACADÉMIQUE D'ED, PHILLIPS Chaque classe de l’Institut a sa physionomie propre et ses traditions. En quelque sorte fondamental et obligatoire à l'Académie francaise, le discours est au contraire banni de l’Académie des Sciences. La récep- tion d'un membre nouveau fournit toujours à la pre- mière loccasion d'une joute oraloire. Il en est tout autrement à l’Académie des Sciences. On y prend séance sans solennité littéraire. Cependant depuis quelques années s'y introduit lusage que le nouvel élu y prononce l'éloge de son prédécesseur. C’est. à ce litre que notre éminent collaborateur M. H. Léauté vient d'entretenir ses confrères de la vie et des travaux d’Ed. Phillips !. Cette étude, d’une remar- quable élégance de style, a fait sensation, L’orateur ne s'est pas contenté d'exposer la série des découvertes du savant; il a de plus magistralement défini le carac- tère de la science que Phillips avait si brillamment cultivée, l'esprit de ses méthodes et la portée de ses résultats ; lexorde de son discours constitue à ce point de vue une véritable déclaration de principes où ia profondeur des aperçus et la finesse des idées le dis- putent à la pureté de la forme : « La mécanique appliquée,a-t-il dit, est intermédiaire entre la mécanique rationnelle ct la mécanique pratique. La pre- miére, ne considérant que des êtres fictifs, à propriétés pré- 1 Séance du 17 novembre 1890. cises et simples, admet l'entière rigueur des considérations mathématiques, La seconde s'occupant des corps naturels, à propriétés souvent mal définies, peu connues et toujours complexes, s’interdit toute conception théorique et ne relève que de lPexpérience. Entre elles, participant de l’une et de l’autre, utilisant à la fois les enseignements des deux, appli- quant les ressources de l’analyse en même temps que les résultats expérimentaux, se place la mécanique appliquée. « Son développement est de date récente et, pour en trou- ver l’origine, il suflit de remonter à moins d’un siècle. Elle apparait avec la physique mathématique, et ces deux sciences, nées au même moment, se constituent simultanément; leur marche pendant plus de cinquante ans est parallèle et les Mémoires de Prony, de Navier, de Poncelet, de Coriolis et de Clapeyron sont contemporains des Mémoires de Laplace, de Fourier, d'Ampère, de Poisson et de Cauchy. « Ce n’est point là l'effet du hasard ; une raison supérieure préside à ce parallélisme ; la mécanique appliquée et la physique mathématique ont plus d’un point commun. Abor- dant les questions dans le même esprit, usant des mêmes procédés, chacune d’elles met en œuvre les méthodes des mathématiques pures après avoir fait des hypothèses simpli- ficatives qui en permettent l'application, et chacune d'elles, en raison méme de ces hypothèses, doit recourir à l’expérience pour vérifier les résultats obtenus. « La mécanique appliquée trouve d’ailleurs souvent dans la physique mathématique un point de départ et un appui; elles se rencontrent dans de nombreuses questions et ne se séparent guère nettement que par le but poursuivi. La physique mathématique a pour objectif dernier la recherche de la constitution intime des corps et des lois qui la régissent : Lots NOUVELLES 719 la mécanique appliquée, au contraire, laisse systématique- ment de côté cette constitution et donne simplement aux praticiens des règles rationnelles pour l’édification de leurs constructions ou l'agencement de leurs machines. « Cette différence de but explique la différence d'éclat des deux sciences. La physique NON s'attaque à des uestions d’un caractère HE la mécanique appliquée traite es sujets plus modestes, aussi ardus peut-être, mais qui n’ont pas le prestige des grands problèmes de la philosophie naturelle. « C’est une science difficile, toute de mesure, capable de fournir, en des mains habiles, de précieux résultats, mais exigeant de ceux qui s’y consacrent des qualités toutes spé- ciales. « Il ne leur suffit pas, en effet, de posséder toutes les con- naissances théoriques nécessaires pour établir les équations, les transformer, les discuter ou les résoudre ; il ne leur suffit as d'ètre en mesure de diriger les expériences pour obtenir es coefficients, apprécier des grandeurs relatives de termes ou vérifier des conclusions ; il leur faut encore distinguer au préalable dans chaque phénomène le point important et la voie à suivre; ne jamais perdre de vue, au milieu de la com- plication des calculs, le but à atteindre; se rendre compte du champ d’exactitude des formules obtenues ; déméler ce qui est négligeable et ce qui ne l’est pas: raisonner juste enfin tout en cessant de calculer avec rigueur. » Phillips réunissait ces rares qualités. Le défaut d’es- pace nous empêche de reproduire in exfenso l'étude que M. Léauté lui a consacrée, Dans l'impossibilité Mrdiiher mème ses principales découvertes, nous nous contenterons de rappeler ses beaux travaux sur les ressorts, la coulisse de Stéphenson, les ponts métal- liques, la chronométrie. Dans le calcul des ponts pour chemins de fer on n’a- vait point pris garde, au début, que la charge agit non seulement par son poids et sa position, mais aussi par l’inertie due à sa vitesse, Phillips résolut le problème non en pur algébriste, mais en praticien; utilisant l’ana- lyse sans s’yasservir, il indiqua, dans cette œuvre « écla- tante », une solution qui, bien qu’approchée, satisfai- sait à tous les besoins des applications. « Cette solution, disait de Saint-Venant, se distingue par la hardiesse des expédients, et le savant géomètre n’admet- tait pas qu'elle fût justifiée. La critique a sa raison d’être, Il west ni évident, ni même vrai que l’inconnue puisse se repré- senter ainsi et Phillips, sans en être cffrayé, s’en apercut bien. Quand il voulut écrirela condition initiale de l’immo- bilité de la poutre, il ne le put pas; toutes les constantes étaient déterminées avant d'en arriver là; il dut se contenter de prouver, ce qui lui suffisait d’ailleurs, que les mouvements vibratoires résultant d’ébranlements initiaux étaient, dans les limites des applications, sans influence sensible. « Cette objection ne diminue pas la valeur de ce beau Mé- moire ; elle ne touche mème en rien au degré d’exactitude pratique de ses conclusions. Au point de vue mathématique, de Saint-Venant avait raison; au point de vue de la méca- nique appliquée Phillips était dans son droit : il n’étudiait pas la question théorique des vibrations dues à une masse mobile, mais bien le problème du passage d’un train sur un pont. La différence de but explique et fait disparaitre la contradic- tion, » Ce remarquable Travail constitue encore aujourd'hui le dernier mot du problème. Mais ce sont surtout les recherches de Phillips sur la chronométrie qui ont rendu son nom célèbre : «Une question fondamentale se présentait en effet. Réaliser dans les appareils portatifs qui servent à mesurer le temps une précision comparable à celle des horloges fixes. Or, pour ces dues l'exactitude obtenue tient à l’emploi du pen- dule et à l'isochronisme des petites oscillations. Pour les montres, oùle spiral imaginé par Huyghens remplace le pen- dule, il fallait trouver un moyen d'assurer l'isochronisme. « On savait déjà par des expériences de Pierre Le Roy que dans tout ressort plié en hélice il existe une certaine longueur correspondant à des durées égales pour les grandes et petites oscillations; on connaissait un Mémoire fort intéressant de Ferdinand Berthoud, remontant à près d’un siècle, dans le- quel il était arrivé à formuler quelques règles généralement admises ; on avait essayé enfin, à de nombreuses reprises, de résoudre la question en donnant aux extrémités du spiral une forme notablement différente de la forme hélicoïdale, mais on ne possédait pas de procédé certain pour atteindre le but cherché. « L’extrème complication de forme du ressort spiral sem- blait d’ailleurs rendre son étude fort difficile; Phillips cepen- dant l'aborde par la théorie de l’élasticité. Il part de ce prin- cipe que si lon construit le spiral de telle sorte que le moment de son action soit, à tout instant, proportionnel à Vangle d'écart du balancier, les oscillations sont certamement isochrones, puis il démontre que ce résultat peut être produit de deux facons, soit en annulant les pressions latérales exer- cées sur l’axe du balancier, soit en placant le centre de gra- vité du spiral sur cet axe et l'y maintenant pendant la durée du mouvement. Le premier procédé n’exige des courbes ter- minales qu'une condition très simple relative à leur centre de gravité etil se trouve qu'alors le second cest vérifié. Aïnsi ces deux manières d'assurer l’isochronisme, si différentes en apparence, rentrent l'une dans l’autre et se réalisent en même temps, d'une infinité de manières, par la forme des courbes terminales. « La théorie de Phillips fut immédiatemant appliquée de tous côtés et l'horlogerie adopta ses tracés mis par fi à la portée des praticiens dans un manuel élémentaire. Rarement succès scientifique fut plus rapide et plus éclatant. Tous les concours de chronomètres mirent en évidence lincontestable supériorité des courbes indiquées ct l’on peut dire que de cette découverte datent les progrès les plus décisifs de lhor- logerie de précision. » C’est un art auquel Phillips n'a cessé de se consa- crer. Il a successivement étudié le réglage des chrono- mètres, l'influence du balancier sur l’isochronisme, la compensation des températures, etc. Tous ces travaux sont marqués au coin de la plus scrupuleuse conscience : «Il ne les publiait d'ordinaire qu'après avoir, pendant une longue période, réuni des expériences pour en vérifier les résultats; jamais satisfait de lui-même et toujours disposé à l'être des autres, incapable d'appeler l'attention sur ses tra- vaux, mais préten toute occasion à mettre en lumiére ceux de sesélèves, i a été le type parfait du savant sincère, bienveil- lant et modeste; il laisse, avec une œuvre considérable, dont certaines parties sont de premier ordre, le souvenir d’un es- prit éminent, d’un professeur remarquable et d'un homme de bien, » Quoique Phillips soit mort avant la fondation de cette Revue, et que sa biographie ait été faite ailleurs, il nous a paru de circonstance de rappeler ses principaux titres à la reconnaissance publique en raison de la haute importance de son œuvre et de la faveur marquée avec laquelle l'Académie vient d'accueillir l'hommage rendu par M. Léauté à sa mémoire. Louis OLIVIER. NOUVELLES LES EXPÉRIENCES DE M. ROBERT KOCH SUR LA GUÉRISON DE LA TUBERCULOSE Peut-être nos lecteurs s’étonneront-ils que nous ne consacrions pas un article étendu à la question du jour : la découverte, annoncée par M. Koch, dun re- mède contre la tuberculose. C'est que jusqu'alors l’au- teur à gardé secret son procédé, Ce silence a été inter- prété d’une facon fâcheuse : certains accusent le savant de ne pouvoir satisfaire les espérances qu'il a fait nai- tre, d’autres de vouloir exploiter comme un industriel des produits d'efficacité douteuse, En aucune facon nous ne voulons nous associer à ces reproches, Ils ne nous paraitraient bien fondés que dans le cas où M. Koch persisterait quelque temps encore à ne point divulguer sa méthode, S'il la faisait connaitre avant de l'avoir suffisamment éprouvée, elle risquerait sans 720 NOUVELLES doute d’être compromise par l'impéritie d’une multi- tude d’expérimentateurs improvisés. Il en a exposé les premiers résultats pratiques, afin, dit-il, de mettre un terme aux commentaires et fausses nouvelles dont ses recherches sont depuis plusieurs mois l’objet dans toute la presse, Mais ces andiscrétions, dont il se plaint, n'est-ce pas lui-même qui les a suscitées en déclarant officiellement au Congrès de Berlin qu'il avait trouvé le moyen d’enrayer la tuberculose chez les Animaux ef allait essayer de la guérir chez l'Homme. Quoi qu'on pense d’ailleurs de cette attitude, peu conforme aux mœæurs scientifiques, il serait puéril de s’y arrêter en présence de la grande question qui est en cause. De toutes Jes maladies la plus meurtrière, — celle qui à Paris cause le cinquième des décès, — va-t-elle être vaincue? M. Koch a par sa science trop de droits à l'estime publique pour qu'on ne doive accorder crédit à ses affirmations. Immédiatement après avoir lu son mémoire, M. Pasteur lui à télégra- phié ses chaleureuses félicitations !, reconnaissant assurément avec une joie profonde, dans la grande découverte de Robert Koch, la fille légitime de son œuvre. La gloire de notre illustre compatriote grandit avec la science que songénie a fondée. « D’autres, a ditexcellemment le Professeur Grancher, ont pu et pour- ront suivre la trace de Pasteur, et, dans le chemin qu'il a frayé, faire d'importantes etretentissantes rencontres; ils seront, bon gré mal gré, qu'ils portent un nom fran- cais ou allemand, espagnol ou italien, russe ou anglais, ses élèves et ses disciples 2; » Dès que les expériences célèbres de M. Villemin eurent établi le caractère transmissible de la tuber- culose, il fut indiqué que l'étude de cette affection rele- vait des méthodes pastoriennes, Physiologistes et mé- decins s’y livrèrent avec ardeur. M. Koch isola le premier l'agent bactérien de la maladie et en démontra la spécificité pathogénique. L’ennemi connu, il n'y avaait plus de doute qu’on arriverait à le combattre. Le progrès des recherches sur l’immunité ne cessa d'encourager cet espoir, Les fines observations de M. Metchnikoff nous révélèrent l’action destructive qu'exercent, en certaines circonstances, sur beau- coup de microbes envahisseurs, quantité de cellules, — fixes ou libres, — de l’économie. Bientôt la pos- sibilité dela vaccination chimique, prévue par M. Chau- veau, fut établie par les expériences de MM. Charrin, Salmon et Smith, Chamberland et Roux, Chantemesse et Widal, Roux et Yersin; l'influence profonde de l’état des humeurs sur les microbes et leurs produits, mise en lumière par plusieurs expérimentateurs, notamment MM. Bouchard et Charrin. Ces découvertes conduisaient à des vues nouvelles, dont M. le professeur Bouchard a tenté la synthèse dans une longue étude publiée ici- mème ?. Ces perfectionnements successifs de la théorie géné- rale guidèrent les recherches sur la tuberculose. On pouvait, copiant un procédé original de M. Pasteur, essayer d’atténuer le bacille de Koch par un artifice de culture afin d’en faire un vaccin — soit préventif soit curatif, — ou bien utiliser dans ce but quelques- 1 Voici le texte de la dépèche envoyée par M. Pasteur ct ses distingués collaborateurs au savant bactériologiste de Berlin : « M. Pasteur et les chefs de service de lInstitut Pasteur adressent leurs félicitations à Robert Koch pour sa wrande découverte, » — M. Koch a répondu en annonçant l'envoi de son médicament à l'Institut Pasteur. 2? Lecons d'ouverture de la clinique des enfants, 1887. 3 D' Cu. BoucrrarD, Æssai d'une théorie de l'Infection, dans la Revue du 15 août 1890, page 465. unes des matières qu'il excrète dans les milieux où il vit. Dans cet ordre d'idées ont paru en France depuis quelques années d'importants travaux. Parmi les plus récents mérite d'être particulièrement signalée la communication faite le 18 août dernier à l’Académie des Sciences par MM. Grancher et H, Martin. Ces savants injectaient des cultures atténuées de bacille de Koch à des lapins et retardaient ainsi chez eux l’évolution de la tuberculose. MM. le Pr Ch. Richet et le D° Héricourt avaient déjà obtenu chez cette espèce un résultat ana- logue par transfusion intrapéritonéale de sang de chien. Dans un travail présenté le 45 de ce mois à la Société de Biologie, ils onf constaté que l'injection de cultures anciennes de bacille tuberculeux portées à 100° — par conséquent n’agissant plus que chimiquement — pro- duisent le même effet, peut-être même une immunité plus durable. Bien que faites avec le bacille de la tu- berculose aviaire, leurs expériences offrent un grand intérêt. La Science doit acte de ces faits aux savants qui, les ayant découverts, les ont sans réticence révélés au public. C’est dans ce seul but que nous les avons rap- pelés, et non pas pour les opposer aux résultats, plus avancés, plus concluants qu'annonce M. Koch. On ignore la composition du remède qu'emploie le célèbre bactériologiste ; on sait seulement que c’est un liquide limpide, brunàtre, difficile à conserver. Sur la facon dont il agit nous sommes mieux renseignés. Absorbé par la voie digestive, il n’exerce aucune ac- tion sur l'organisme; c’est l'injection sous-cutanée qui est active ; on la fait aux omoplates. Le médicament, ainsi administré, produit des effets surprenants. Chez l’homme sain, son action est peu appréciable. Tout au contraire, — fournissant un procédé nouveau et très délicat de diagnostic, — le médicament détermine chez les tuberculeux une vive réaction. La réaction est sur- tout locale lorsque la tuberculose elle-même est étroi- tement circonscrite, comme il arrive dans le lupus (tu- berculose ulsérante cutanée) de la face; elle est géné- ralisée quand la maladie est plus étendue, par exemple, chez les phtisiques. Quant à son efficacité, elle semble attestée par la guérison du lupus. Le fait paraît décisif. On peut ce- pendant se demander si le remède s’appliquera aussi heureusement à la phtisie. M. Koch avance en effet que son médicament agit directement non sur le bacille, mais sur le processus tuberculeux : le tissu malade qui cerne, en quelque sorte, le microbe, se tu- méfie peu de temps après l'injection, rougit, manifeste des troubles nutritifs et finit par se mortifier !, Qu'ad- viendra-t-il dans le cas de la tuberculose généralisée ? La maladie avancée sera-t-elle rebelle au traitement? Ce serait déjà beaucoup, ce serait un immense bienfait pour l'humanité, de pouvoir l’enrayer au début, à cette époque de son développement où l’auscultation com mence à la révéler. Cet admirable résultat semble sur le point d’être ob- tenu : c’est justice d'en proclamer la grandeur, Cer- tains journaux nousont paru laisser percer comme une sorte de dépit au sujet d'une découverte qui n’est pas francaise, Nous ne saurions partager ce sentiment, La France peut applaudir à toutes les découvertes de l'Etranger : elle à Pasteur. Louis OLIVIER. 1 Remarquons à ce propos que, si cette observation est exacte, elle semble renfermer la découverte d'un principe nouveau en biologie. Dans l’état actuel de la science, il est, croyons-nous, très diflicile de l’expliquer. Le Gérant : Ocrave Don. Paris.— Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. ur dre ANNÉE 15 DÉCEMBRE 1890 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER L'HYDRODYNAMIQUE MODERNE ET L'HYPOTHÈSE DES Cauchy, en 1815, et Poisson, en 1831, ont - ouvert à l'Hydrodynamique deux voies nouvelles : Cauchy, en montrant dans son mémoire swr la Théorie des Ondes', le parti que l’on peut tirer en Hydrodynamique, de ces grandeurs qu'il a intro- duites dans la science sous le nom de rotations moyennes et qu'on appelle aujourd'hui plus généra- lement des rolations moléculaires où tour billons ( Wir- bel en Allemagne, Vortices en Angleterre); Poisson, en posant et résolvant, dans le cas de la sphère, le beau problème du mouvement d'un corps solide dans un fluide. Green, en 1833, l'a résolu pour l'ellipsoïde, dans le cas d'une simple translalion. Mais ces questions étaient sans doute trop en avance sur leur époque; car elles sont restées sans suite pendant plus d'un quart de siècle. J 1. Les admirables propriétés des tourbillons n'ont été découvertes qu'en 1858 par Helmholtz, bien qu’elles n’expriment pas autre chose que les inté- grales intermédiaires des équations de l'Hydrody- namique de Lagrange, découvertes par Cauchy dans le mémoire précité, et qu’à ce point de vue, on en puisse dire ce que Jacobi a dit d’un célèbre théo- rème de Poisson, à savoir : que pendant quarante 1 Ce Mémoire, qui a remporté le prix d'Analyse mathéma- tique de l'Académie des Sciences en 1815, n’a été publié au Recueil des savants étrangers qu’en 1827. REVUE GÉNÉRALE, 18C0. ACTIONS A DISTANCE ans, ces propriétés sont restées à la fois décou- vertes et cachées. Quant au problème du mouvement d'un corps solide dans un fluide, il a été repris en 1852 par Dirichlet, en 1856 par Clebsch qui l’a résolu pour l'ellipsoïde dans le cas général. puis par Kirchhoff et d’autres géomètres. Il peut être envisagé à deux points de vue dif- férents. On peut supposer qu'on imprime à un corps plongé dans un fluide un mouvement donné et chercher quel sera le mouvement corres- pondant du fluide, Si celui-ei est incompressible, la question ne comporte que des conditions d’ordre cinématique. Il ne devient mécanique que si l'on veut ensuite se rendre compte de la pression ou résistance que le corps éprouve de la part du fluide, ce qui est facile. On peut, au contraire, supposer le corps lancé dans le milieu et abandonné ensuite à lui-même, et chercher le mouvement qui en résultera pour l’ensemble du système matériel formé par le corps et le fluide. Le problème devient alors dynamique. 2. Les méthodes suivies pour la mise en équa- tion du problème s'étendent aisément au cas de deux ou plusieurs corps mobiles dans un même milieu, ce qui a nalurellement attiré l'attention des géomètres sur la différence entre les mouve- ments que prend chaque corps, dans des circons- lances données, suivant qu’il est lancé seul dans le milieu, ou que d’autres corps y sont lancés dans son voisinage. 23 MAURICE LÉVY. — L'HYDRODYNAMIQUE MODERNE Celle différence, à supposer que le phénomène se passe dans un milieu non perceptible à nos sens, ne pourrait s'expliquer qu'en admettant l'hy- pothèse d’une action à distance entre les corps. C'est ainsi qu'est née celte hypothèse. Sans doute, ni Newton ni ses successeurs n’ont entendu attribuer à la matière la vertu d'attirer, à distance, une autre matière. On sous-entend qu'il peut bien où qu'il doit exister un milieu produi- sant ou transmettant l'action ; mais on dit que tout se passe comme si, le milieu n’existant pas, la vertu attractive appartenait récllement à la matière. Mais fout ne peul certainement pas se passer ainsi. Tout au plus cerfains phénomènes le pourront-ils d'une façon plus ou moins approchée. De ce nombre sont les phénomènes célestes. Pour eux, l'expé- rience le prouve, l'approximation obtenue en subs- tituant l'attraction newtonienne à l'action du milieu est tellement grande que cette manière de procé- der suffira peut-être toujours à les expliquer tous. Mais il n’en est pas de même pour les phéno- mènes terrestres. Là, l'hypothèse des actions à distance a reçu une première atteinte par le fait que la capacité d’un condensateur électrique dépend du diélectrique dont il est formé. On panse la blessure en admet- lant que le coeflicient d'attraction dépend de ce diélectrique; mais ce moyen empirique ne la sup- prime pas. L'atteinte subsiste etprouve que, comme toutes les hypothèses, celle des actions à distance ne chemine avee la vérité que tant que celle-cireste superficielle, mais s'en écarte dès qu'elle s’enfonce dans l’une des innombrables profondeurs où nous ne pouvons pas la suivre, faute d’une connaissance suffisante de la matière pondérable et du milieu qui remplit l'espace. C’est donc un exercice d'un haut intérêt que celui ani a pour objet d'essayerde se rendre compte, sur le seul milieu bien défini que nous connaissions, — celui formé parun fluide parfaitet incompressible, — comment la présence du milieu universel qu'on ne connait pas encore, mais dont tout fait présumer l'existence, pourrait produire, par simple commu nication de mouvement, ce que nous appelons des actions à distance. Et c'est là sans doute une des raisons pour lesquelles tant de grands géomètres se sont occupés d'Hydrodynamique dans le dernier demi-siècle. 3. Si l’on voulait seulement, et cela même peut ne pas être sans utilité, se faire une idée plus ou moins grossière de la façon dont les transmissions d'actions pourraient se faire par un milieu, il serait aisé d’en imaginer beaucoup. Supposons, par exemple, qu'entre Paris et Mar- seille on ait construit une suite ininterrompue de roues d’engrenages se commandant les unes les autres. Dès qu'on imprimera un pelit mouvement à la première roue, celle de Paris, il se produira presque instantanément un mouvement correspon- dant dans la dernière. On a done là un moyen de transmettre, par com- munication malérielle, des signaux convenus ou dépêches aussi rapidement que par fil télégra- phique. Pourquoi, dans le fil, n’existerait-il pas un fluide dont, sous de certaines influences, les di- verses particules, ‘ourbillonneraient sur elles- mêmes,se transmettant leurs mouvements comme le feraient de petites roues d’engrenage ? On peut concevoir d'autres images qui, bien entendu, pas plus que la précédente, ne pourraient prétendre, de près ou de loin, à figurer la vérité. W. Thomson à imaginé les atomes tourbillons (Vortex-atoms, Ph. Mag., 1867). C'est, jusqu'à preuve expérimentale, un rêve, mais le rêve d'un homme de génie. On voit, en lous cas, par ce qui précède, com- bien l'étude des tourbillons s'impose et comment les deux voies, en apparence si différentes, ou- vertes par Cauchy et Poisson et reprises avec éclat par Helmhol{z et Dirichlel, peuvent se rapprocher et se confondre. Cest ce qui ressort très nettement d’un mé- moire capital de W. Thomson : On vortex motion, où ila repris et développé les travaux d'Helmholtz, après leur avoir donné ce cachet personnel et nou- veau que son génie imprime à toutes choses. 4. Avec lui un grand nombre de géomètres ou de physiciens anglais ou américains sont entrés dans lavoie des recherches hydrodynamiques et pen- dant qu'ailleurs, Clebsch, Kirchhoff, CG. Newmann, en Allemagne, Bjerkness en Norwège, Boltzmann à Vienne, Beltrami en Italie, ete., poursuivaient des recherches d'ordre plus ou moins général, les maitres anglais, notamment le professeur Greenhill, lord Rayleigh, Hicks, Hoppe, Lamb, Basset, Hill, Darwin etc., remplissaient les recueils, des applica- lions les plus variées et les plus propres à bien illustrer les théories générales. Du reste, l'Hydrodynamique a toujours été en honneur en Angleterre. Dès sa fondation, l'Asso- cialion britannique s’est fait présenter, par le pro- fesseur Challis, un rapport sur l'état de cette science. Un peu plus tard, en 1846, un rapport analogue lui à été présenté par Stokes. Le troisième rapport sur cette matière date de 1881. Il est dû au professeur Hicks et contient l'histoire très circonstanciée des progrès d'ordre général accomplis depuis la rédaction du précé- dent rapport, c’est-à-dire depuis 1846. Il est complété par un autre rapport relatif à l'histoire des travaux d'ordre particulier accomplis MAURICE LÉVY. — L'HYDRODYNAMIQUE MODERNE pendant la même période; ce second rapport a été présenté à la session de 1882. Pour compléter ces indications générales, je dois mentionner un travail historique très bien fait, publié en France, par M. Brillouin, dans un recueil d’un haut intérêt, quoiqu'en raison de son origine récente, il n’aie pas encore toute la notoriété qu'il mérite el qu'il acquerra : les Annales de la Faculté des Sciences de Toulouse. Le travail de M. Brillouin se trouve dans le volume de 1885. IT. — 1YDROCINÉMATIQUE 5. Les progrès accomplis en Hydrodynamique sont, les uns, — et ceue sont pas les moins impor- tants, — d'ordre purement cinématique, et les autres d'ordre mécanique. La Cinémalique des fluides, ou plus générale- ment la Cinématique des matières continues, a élé, comme tant de branches de la science, fondée, de toules pièces, par Cauchy. Cauchy a montré que, par le seul fait de la con- tinuité supposée à un fluide, de la continuité et de l’uniformité supposées aux vitesses de ses dif- férents points, découlent, dans la répartilion de ses vitesses autour de chaque point, des propriétés générales et rigoureuses de même nature que celles qu'enseigne la théorie de la courbure des surfaces. Elles se classent en deux espèces : celles qui se rapportent à la déformation de chaque particule in- finiment petite de fluide, et celles qui se rapportent à son mouvement absolu. Si l’on considère, à un instant donné, tous les élé- ments linéaires fluides de longueurs infiniment petiles, issues d’un point d'un fluide en mouve- ment, leurs vitesses de dilatations ainsi que les vi- tesses avec lesquelles varient les angles qu'ils font entre eux, s'expriment rigoureusement à l’aide d’une cerlaine fonction du second degré des cosi- nus de leurs directions, cette fonction du second degré jouant exactement le même rôle que l’indi- calrice dans la théorie de la courbure des surfaces. Il existe, à chaque instant et en chaque point d’un fluide en mouvement, trois directions rectan- gulaires et, en général, seulement trois, qui pos- sèdent celte propriété : que les vitesses avec les- quelles varient les angles des éléments fluides placés suivant ces directions sont rigoureusement nulles ou, si l’on veut, que pendant un temps infi- miment pelit dé, le trièdre trirectangle que forment ces éléments reste trirectangle (aux infiniment petits près de l’ordre de d/°). Si, à présent, on envisage les rotations angu- laires des éléments linéaires issus d’un point, il résulte de ce qui vient d'être dit que les trois arêtes et, par suite, les trois faces de ce petit trièdre trirectangle fluide, ont, à l'instant consi- + déré, rigoureusement la même vitesse angulaire, comme si ce trièdre était solide. De plus, il se trouve que deux éléments linéaires symétriques par rapport à l'une des faces de ce trièdre ont, relativement au trièdre, des vitesses égales et opposées ou, en moyenne, nulles. Voilà pourquoi Cauchy a appelé la rotation du trièdre : rotation moyenne du fluide au point et à l'instant considérés !, On peut aussi donner de la rotation moyenne une définition mécanique : ce serait la rotation que prendrait une sphère fluide de rayon infiniment petit décrite autour du point considéré comme centre, sielle venait à être brusquement solidifiée, C'est celte rotation qu'Helmholtz a appelée un tourbillon (Wirbel) ou une rotation moléculaire. Ainsi, un mouvement non tourbillonnaire est celui où ces rotations sont nulles ?. 6. Un mouvement peut être tourbillonnaire dans une parlie d’un fluide et non tourbillonnaire dans une autre, parce que le mouvement d’un fluide est continu si les composantes des vitesses sont des fonctions continues, alors même que leurs dérivées partielles premières et, par suite, les composantes des rotations moléculaires, présenteraient des dis- continuités. Les vitesses elles-mèmes peuvent en présenter, ainsi qu'on le dira plus loin. 1. Ces préliminaires posés, si l’on veut avoir une idée exacte des progrès accomplis sur ce point fondamental de l'Hydrocinématique, il faut re- monter à Lagrange. Lagrange, dans la Mécanique analytique, a lon- guement insislé sur un théorème qui, aujourd'hui, s’énoncerail ainsi : Si, en un point d'un fluide en mouvement, la rotation moyenne est nulle à un certain instant, elle est nulle toujours; ou, sous une forme moins rigoureuse, mais peut-être plus compréhensive : wne particule fluide qui ne tourne pas à un cerlain instant, ne tournera jamais. On sous-enltend dans cet énoncé: 1° que les forces agissantes sont conservalives ou dérivent d'une fonction de forces ; 2° qu’il existe une rela- 1 Si l’on désigne par £, », ç, les composantes de cette rota- tion; par #, vw, w, les composantes de la vitesse au même point, par +, y, z, les coordonnées de ce point à l'instant considéré, Cauchy a montré qu’on à simplement : DRE OMR US dy RE a 22 Du 22 ; QE RS (1) RE nu se ed "Du ON TNT ? C'est-à-dire un mouvement tel que les composantes rec tangulaires #, », w, de la vitesse soient les dérivées partielles d’une mème fonction de &, y, z, t, appelée fonction ou potentiel des vitesses. 1 19 rs MAURICE LÉVY. — L'HYDRODYNAMIQUE MODERNE tion entre la pression et la densité du fluide, con- ditions dynamiques généralement remplies, la première exactement, la seconde plus ou moins approximativement et qui, ensemble, se tradui- sent par cette condition cinématique que les accé- lérations dérivent d'une fonction d'accélérations. 8. La démonstration que Lagrange a donnée de ce (héorème permettait de croire qu'il peut être sujet à d'innombrables exceplions. C’est encore à Cauchy que revient l'honneur de l'avoir établi d'une façon définitive, Ce théorème est capital en ce que, parmi les élé- ments purement cinématiques d'un fluide en mouve- ment, il en fait découvrir un: à savoir la rotation moléculaire, qui est ndestructible par les forces de la nature, par les forces conservatives qui agissent sur le fluide, aussi bien que par les pressions de celui-ci, Si la rotation n'existe pas, elle ne naitra pas, et, si elle est née, elle subsistera. Elle ne peut naître ou s’éteindre que par des chocs brusques, par des forces impulsives. Un être qui possède de telles propriétés ne sau- rait être sans importance dans la nature. Du temps de Lagrange, on ne connaissait que la masse qui les possédàt : depuis, Sadi Carnot el Robert Mayer ont découvert que l'énergie les pos- sédait aussi. Mais qu'un être purement géomé- trique, purement cinématique les possède à son tour, cela est nouveau et inattendu. Est-ce le pré- sage lointain de cette ère souvent prédite où les notions de force et de masse disparaitront et où la Cinématique prendra la place de la Mécanique ? En tous cas, on voit combien ce théorème de La- grange est suggestif, et combien il était utile que Cauchy vint en établir la certitude absolue. Plus tard, en 1846, une autre démonstration en a été donnée par Stokes. 9. Mais ce n'est qu'en 1858 qu'il est sorti de l'ombre et presque de l'oubli, par le mémoire d'Helmholtz : Uber integrale der Hydrodynamischen Gleichungen, welche den Wirbelbewequngen entsprechen. Concevons qu'à un instant donné, au sein d'un fluide animé d'un mouvement tourbillonnaire, on mène par chaque point du fluide une ligne Lan- gente en tous ses points à la rotation moléculaire en ce point i. Nous appellerons ces lignes des lignes tourbillon- naires (Wir bellinien). Si, par tous les points d'une courbe CG on mène des lignes tourbillonnaires, on obtient une swface tourbillonnaire dont la courbe G est la directrice. Si la directrice est une courbe fermée de dimen- 1 Ces lignes sont définies par les équations différentielles : sions infiniment petites, on obtient une surface tubulaire. Le fluide qu’elle renferme sera appelé un {ube ou un filet tourbillonnaire. Cela dit, Helmholtz a montré : 1° Que tout tube tourbillonnaire se compose perpétuellement des mêmes particules fluides ; 2° Que l'intensité d'un tube tourbillonnaire, c'est-à-dire le produit de la section transversale en l’un de ses points par la rotation en ce point est constante dans toute l'étendue du tube. De cette dernière propriété il résulte que les lignes tourbillonnaires ne peuvent pas s'arrêter à l’intérieur du fluide; qu’elles sont fermées ou se prolongent jusqu'à la surface ou jusqu'aux parois qui le limitent; 3° Que l'intensité d’un tube tourbillonnaire, déjà constante, à un instant donné, comme nous venons de le dire, dans toute la longueur du tube, reste aussi, pour ce tube, invariable avec le temps, De ces propositions, la seconde est, en quelque sorte, de définition !; les autres sont établies comme le théorème de Lagrange, en admettant l'existence d'une fonction d'accélération. 10. On peut se demander si l'existence de cette fonction, qui est suffisante pour que les théorèmes 1° et 3° soient vrais, est aussi nécessaire. Il est aisé d'établir, à cet égard, les propositions suivantes : Convenons, pour un instant, d'appeler accélé- ration rotatoire une ligne formée, avec les compo- santes de l'accélération d’un point d’un fluide, comme la rotalion moléculaire l’est, en vertu des équations (1), avec les composantes de sa vitesse. Alors on a ces deux propositions : a) Pour qu'un élément d’une ligne tourbillon- naire contienne toujours, pendant son mouvement, la même matière fluide, il faut et il suffit que la rotation moléculaire de cet élément coïncide en direction avec son accélération rotatoire ; b). Pour que son intensité ne varie pas avec le temps, il faut et il suffit que ces deux lignes soient perpendiculaires ; c) Donc pour que les deux propriétés existent l'une et l’autre, il faut et il suffit que l’accéléra- tion rotatoire soit nulle, c’est-à-dire que les com- posantes de l'accélération soient les dérivées par- tielles d'une même fonction. 11. Ainsi, si cette dernière condition est remplie, ce que nous supposerons désormais, des lignes tourbillonnaires en nombre fini ou non, c'est-à- dire isolées ou continues placées dans un milieu fluide non tourbillonnaire, y conservent indé- \ Elle résulte de l'identité : DE , On : RE LEE à dr } TNA Pi MAURICE LÉVY. — L'HYDRODYNAMIQUE MODERNE finiment leur individualité et leurs intensités. Elles nagent dans le fluide comme ferait un corps déformable. Elles influent naturellement sur leurs mouve- ments réciproques et sur le mouvement du surplus du fluide. Helmholtz a encore montré que si le fluide oc- cupe l’espace illimité, chaque élément lourbillon- naire À produit en un point B placé à distance finie de lui, une vitesse égale en grandeur, direc- tion et sens à l’action qu'un élément de courant électrique de même intensité que l'élément tour- billonnaire A exercerait sur un pôle magnétique placé en B. Ces propriétés facilitent considérablement l’é- tude des lignes tourbillonnaires, surtout de celles qui sont isolées Cependant la difficulté de les constituer de façon que les composantes de l'accélération soient réel- lement, comme on le suppose, des dérivées par- tielles, reste entière et, sauf pour les tourbillons isolés où elle est plus abordable, pourvu toutefois qu'on se contente d'une première approximation, elle est très grande. M. Helmholtz a étudié des cas de tourbillons rectilignes et parallèles répondant à des mouve- ments plans d’un fluide incompressible. Un seul tourbillon de cette nature reste sensi- blement fixe. S'il y en a deux, ils tournentuniformément autour de leur centre de gravité qui reste fixe, le centre de gravité élant obtenu en leur attribuant des masses égales à leurs intensités. Si celles-ci sont égales et contraires, les deux tourbillons prennent une translation commune. Kirchhoff a montré qu’on peut aussi résoudre le problème relatif à trois tourbillons. Le professeur Greenhill, par une application des plus ingénieuses de la méthode des images, a résolu des problèmes relatifs à des tourbillons rectilignes dans des milieux non plus illimités en tous sens. à savoir : 4° dans un milieu limité par deux parois formant un angle qui soit une partie aliquote de la circonférence; 2 dans un milieu contenu entre parois rectangulaires. Dans le premier cas, la formule de Cotes fournit une solution finie extrêmement élégante. Dans le second, la solution est fournie par les fonctions de Jacobi. Comme tourbillons rectilignes en nombre illimi- té, Kirchhoff a étudié le cas d'un cylindre tourbil- | lonnaire elliptique. Sa surface libre tourne uni- formément autour de son axe pendant que les points intérieurs décrivent des ellipses komothé- tiques à la section droite de cette surface, en obéissant à la loi des aires. Cette définition plus simple que celle de Kirchhoffest due à M. Brillouin. 12. Helmholtz a également étudié le cas d'un tourbillon circulaire unique dans un fluide qui se meut symétriquement autour de l'axe de la circor - férence du tourbillon. Un tel tourbillon ne modifie pas sensiblement son rayon, mais se meut avec une très grande vi- tesse parallèlement à l'axe. On peut voir, presque sans caleul, en s'aidant des règles qui précèdent, que deux tourbillons cir- culaires de mêmes sens se meuvent dans le même sens, parallèlement à leur axe commun, celui d'arrière marchant plus vite et son rayon dimi- nuant, celui d'avant marchant moins vite et son rayon croissant, de telle sorte qu'ils se dépassent alternativement en passant l’un dans l’autre. Mais ces résultats ne constituent qu'une pre- mière approximation, et l'étude détaillée de ces tourbillons en forme de tore, soit au point de vue de leurs mouvements, soit au point de vue de leur stabilité, est extrêmement difficile et a donné lieu à d'importantes recherches dues notamment à W. Thomson, à J. J. Thomson et à Hicks. 13. Le mouvement tourbillonnaire le plus sim- ple qu'on puisse imaginer est celui d’un liquide tournant uniformément autour d'un axe, ou, si l'on veut, en équilibre relatif par rapport à des axes animés d’un tel mouvement de rotation. On serait ainsi amené; comme cas particulier de l'étude de ces mouvements, au problème des ellipsoides ou autres figures d'équilibre au sujet desquelles on doit de si beaux résultats à M. Poin- caré. On peut aussi généraliser la partie du problème relative aux surfaces ellipsoïdales en cherchant un mouvement ayantune surface libre de cette forme, celte surface tournant autour d'un axe pendant que les points intérieurs se meuvent relativement à elle. Il existe un mémoire très intéressant de Clebseh sur ce sujet. III. — MOUVEMENT DE CORPS OU DE TOURBILLONS DANS UN FLUIDE NON TOURBILLONNAIRE. 14. Le problème du mouvement d’un ou plusieurs corps accompagnés ou non de Fortices ou tourbil- lons n'offre plus aujourd’hui de difficulté, au point de vue de la mise en équation; on peut y appliquer les méthodes généralesde Lagrange et d'Hamilton ; on peut aussi, surtout quand il s'agit d’un seul corps, employer les principes les plus élémen- {aires de la Dynamique des corps solides. Mais l'intégration des équations obtenues esttrès difficile. Les difficultés sonttrès différentes suivant qu'on se borne au point de vue cinématique dont j'ai parlé plus haut, où qu'or veuille traiter le pro- 726 MAURICE LÉVY. — L'HYDRODYNAMIQUE MODERNE blème dynamique ; mais elles sont grandes dans les deux cas. Le problème cinématique résolu, comme je lai dit ci-dessus, d’abord par Poisson en 1831 pour la sphère, puis par Green en 1833 pour l’ellipsoïde supposé animé seulement d'un mouvement de translation, l’a été par Clebsch, pour l’ellipsoïde libre et par Kirchhoff pour un corps de révo- lution. Le cas de deux sphères conduit à un problème pareil à celui de l'équilibre électrique de deux sphères résolu par Poisson, dans un de ses plus beaux mémoires. Il à été étudié par Kirchhoff, Hicks, C. Newmann, Bjerkness, ete. Celui de deux cylindres circulaires l’a été par Hicks et Greenhill. C. Newmann a abordé le problème de la sphère dans le cas où le milieu, au lieu d’être indéfini, en tous sens, est limité d’un côté par un plan. Il serait difficile, sans entrer dans des calculs qui ne seraient pas ici à leur place, de donner une idée des méthodes employées dans ce problème. Il est très différent suivant que les corps plongés sont pleins ou, au contraire, évidés comme un anneau où un cylindre creux. Dans le premier cas, l’espace occupé par le fluide est dit simplement connexe, c'est-à-dire tel que n'im- porte quelle paroi analogue à x mur derefends plein, le sépare en deux parties non communiquantes. Dans le second, il est multiplement connexe. Ainsi, l'espace ou volume limité par un tore est doublement connexe, parce qu'on peut y supposer une paroi pleine suivant une seclion méridienne, sans que cela empêche de se rendre en tous les points de l’espace. L'espace extérieur à un tore est de même dou- blement connexe, Celui limité par deux tores est triplement connexe, parce qu'on peut concevoir deux parois sans süpprimer les communications entre toutes les parties de l’espace. Quand le fluide oceupe un espace simplement connexe, il possède celte propriété remarquable que ses vitesses, à chaque instant, ne dépendent que de celles des corps qui y sont plongés à ce même instant, et non des mouvements antérieurs. Cette propriété n'existe plus s’il occupe un es- pace à connexité multiple, et on conçoit que cela change la question du tout au tout. La différence provient de ce que, dans un espace simplement connexe, le potentiel des vitesses est, comme les vitesses elles-mêmes, une fonction uniforme, c’est-à-dire ayant toujours la même valeur en chaque point, de quelque manière qu'on arrive en ce point. Dans le second, quoique les vitesses soient supposées uniformes comme elles doivent l'être par nature, la fonction dont elles dérivent ne l’est plus nécessairement. toujours Elle peut avoir deux ou plusieurs séries de valeurs en chaque point, suivant les chemins suivis pou yarriver. La question du tore a été étudiée par W. Thom- son qui, le premier, a bien mis en évidence la différence dont je viens de parler, par Kirchhoff, Bollzmann, Bjerckness, etc. 15. Les principaux résultats simples auxquels ont conduit ces recherches au point de vue des actions à distance, sont les suivants : 1° Deux sphères pulsantes exercent une action l'une sur l’autre, analogue à celle de deux sphères électrisées, sauf que les effets sont renversés : il y a attraction pour des pulsations concordantes, el répulsion pour des pulsations discordantes ; 2° Deux sphères dont les centres reçoivent des mouvements de va-et-vient exercent l’une sur l’autre des actions analogues à celles de deux petits aimants qui seraient dirigés suivant les lignes de leurs mouvements. Il y a également renversement du sens des actions relativement à ce qui se passe dans la nature. 3° Deux sphères animées de mouvements recti- lignes el uniformes exercent des actions analogues; ° Deux cylindres allongés marchant avec des vitesses très différentes dans le même sens s'atti- rent également. Kirchhoff a montré très simplement que deux anneaux de très petites sections mus dans un fluide incompressible exercent l’un sur l'autre exacte- ment la même action que celle que donnerait la merveilleuse formule d'Ampère, s'ils étaient par- courus par des courants électriques. ' Ce rapprochement avec les découvertes d’Am- père est bien remarquable. Les actions entre sphères pulsantes ou oscil- lantes ont élé vérifiées expérimentalement par M. Bjerkness. Ses appareils ont fonctionné à l’Expo- sition d’Electriciité de 1881, ainsi qu'à l'Exposition universelle de 1889. En ce qui touche celles des corps allongés, comme des cylindres, elles se vérifient très bien sur les bateaux et sont bien connues des mariniers. Dans le cas d'un seul corps plongé dans un fluide, les résultats les plus simples obtenus sont les suivants : | 1° [lexiste toujours trois directions rectangu- laires telles qu'un corps lancé sans rotation dans l'une d'elles, continuera à se mouvoir, dans le fluide, d'un simple mouvement de translation ; 2 Il y a des cas où le mouvement d’un corps lancé dans un fluide est hélicoïdal ou périodique- ment hélicoïdal, 3° On peut étudier très complètement le mouve- ment d'une sphère pesante ou non, dans un fluide incompressible et avoir la valeur exacte de la ré- siumedemet did. "à à hs. SP OO SUP TP cn. MAURICE LÉVY. — L'HYDRODYNAMIQUE MODERNE 127 sistance qu'elle éprouve. Elle se meut avec une + accélération verticale 7 — y ace étant la den- 1 € FE silé de la sphère rapportée à celle du fluide. La résistance lotale qu'elle éprouve est égale au poids du volume d'eau qu’elle déplace multiplié 3 2+e< La répartition de celte pression sur les différents points de la sphère est aussi donnée par une for- mule simple. 4 Pour l’ellipsoïde, le problème se résout éga- lement. Les vitesses dérivent du potentiel d'une couche de matière comprise entre deux surfaces ellipsoïdales. - Ilseraïit difficile, dans un article comme celui-ci, de préciser les méthodes suivies et d'indiquer un grand nombre d'autres résultats très intéres- sants, mais se prélant moins bien à des énoncés en langage ordinaire, par le nombre IV. —- ÉQUATIONS GÉNÉRALES DE L'IHYDRODYNAMIQUE 16. En dehors des deux grandes questions dont je viens surtout de parler, d'autres études ont été faites, notamment sur les équations générales de l'Hydrodynamique, les mouvements discontinus, les mouvements infiniment pelits, etc. Les deux formes classiques des équations diffé- rentielles de l'Hydrodynamique sont connues sous les noms d’Euler et de Lagrange, quoique Euler les eût données les unes et les autres en 1755 et 1757 et que, d'autre part, les unes et les autres aussi aient été données plus tard par Lagrange dans la mécanique analvtique. Dans celles diles d’Euler on prend comme in- connues les composantes w, v,#', dela vitesse d'un point et la pression p du fluide en ce point, consi- dérées comme fonctions du temps {et des coor- données x, y, z du point auquel elles se rapportent. Ces fonctions inconnues sont définies par un système de quatre équations à dérivées partielles du premier ordre et certaines conditions initiales et à la surface. (On admet qu'il est donné une rela- tion entre la pression et la densité du fluide, si celui-ci n'est pas incompressible.) Si l’on veut ensuite, ce qui, dans la pratique, n’est pas toujours nécessaire, avoir, en termes finis, les équations du mouvement, c'est-à-dire celles qui donnent la position de chaque point en fonc- lion du {emps et de sa posilion initiale, il faut encore intégrer un système de trois équations différentielles ordinaires !. ! Ces équations sont les suivantes : dx è dy d= ù — = 1 Us — ), PTS CT Cette intégration est beaucoup facilitée par les théorèmes d'Helmholtz sur les tourbillons. Dans les équations de Lagrange on prend di- rectement pour inconnues, avec la pression, les coordonnés #, y, 2 de chaque point du fluide, con- sidérées, aussi bien que la pression, comme fone- tions du temps et de la position initiale du point. On a alors, entre les quatre fonctions inconnues t, Y, 2, p, quatre équations à dérivées partielles, dont l’une, celle dite de continuité, du premier ordre, les trois autres du second. Déjà Cauchy, dans le mémoire plusieurs fois cilé sur la théorie des ondes, a, d’un trait de plume, in- diqué, dans le cas supposé où les composantes des accélérations sont des dérivées partielles, trois intégrales intermédiaires ou du premier ordre, des équations de Lagrange en en éliminant la pression. C'est à l'aide de ces intégrales que le grand géo- mètres à établi le théorème de Lagrange dont il a été parlé plus haut. Eludiées d'un peu plus près, on voit qu'elles contiennent les théorèmes d'Helmholtz sur les tourbillons. Ces théorèmes et les intégrales de Cauchy ne peuvent exprimer et n'expriment, en effet, qu'une seule et même chose. Mais cette chose, personne avant Helmholtz ne l'avait aperçue. En 1868, Weber a fait un pas de plus que Cau- chy : il a nettement remplacé les trois équations du second ordre de Lagrange par trois équations du premier ordre, sans éliminer la pression, mais en la remplaçant par une autre fonction inconnue, de sorte que l’on a, entre les coordonnées incon- nues, æ, 7, z, et la nouvelle fonction inconnue te- nant lieu de la pression, quatre équations à déri- vées partielles, toutes du premier ordre comme dans les équalions d'Euler, Et si l'on peut les in- tégrer, on à non seulement les vilesses. comme dans les équations d’Euler, mais aussi la position du fluide à chaque instant. Si l’on élimine la pression ou la nouvelle fonction inconnue qui en lient lieu, on retrouve les équa- tions de Cauchy. 17. Quand on veut résoudre ce problème d'Hy- drocinématique : trouver les équations différen. tielles du mouvement tourbillonnaire le plus gé- néral possible, dans lequel les accélérations dé- rivent d’une fonction, il faut précisément élimi- ner la pression et, avec elles, se trouve éliminée la fonction des forces, laquelle, dans le problème ainsi posé, reste arbitraire. Or, soit qu'on fasse cette élimination à l’aide des équations d’Euler, ou à l’aide des équalions de Lagrange, Cauchy ou Weber, on a toujours une équation de plus que le nombre des inconnues. On a qualre équations, dont l'une est celle de continuité, tandis qu'on n'a plus que trois incon- D: P. VUILLEMIN. — LES MALADIES MICROBIENNES! DES 'PLANTES nues (composantes de vitesse ou coordonnées d’un point fluide) puisque la pression est éliminée. Ces quatre équations sont compatibles ; mais un problème possible, où l'on a plus d'équations que d'inconnues, n’est pas réduit à ses termes les plus simples. Son degré de difficulté n’est précisé que quand on l'a réduit à un nombre d'équations égal à celui des inconnues. Je ne connais qu'une forme d'équations de Hy- drodynamique fournissant directement ce résultat dans la question qui nous occupe : ce sont celles que Clebsch a données dans un mémoire inséré au journal de Crelle en 1859, qui est la suite d'un autre travail non moins important, de 1857. Ces mémoires de Glebsch qui se rapportent à des équations de même forme que celles de l'Hydro- dynamique, mais à un nombre quelconque de va- riables, présentent d’ailleurs d’autres résultats dignes d’attention. Ils montrent notamment com- ment le principe de la moindre action peut s'ap- pliquer aux fluides. V. — MOUVEMENTS DISCONTINUS 18. Le mouvement d'un fluide peut se faire sans qu'il s’y produise des failles, mème si les compo- santes des vitesses présentent des changements brusques, de part et d'autre de certaines surfaces tracées à l'intérieur du fluide et qu'on nomme des surfaces de discontinuité. Au point de vue cinéma- tique, il suffit, pour cela, que les composantes des vitesses, normales aux surfaces de discontinuilé soient continues, parce qu'alors les deux parties du fluide qui sont de part et d'autre de l’une de ces surfaces glissent l’une sur l’autre le long de cette surface, mais ne se séparent pas. Au point de vue dynamique, la pression doit éga- lement varier avec continuité. Helmhol(z a donné le premier exemple d'un mou- vement discontinu plan ou à deux dimensions. Kirchhoff a précisé le procédé d’Helmholtz et a, plus tard, très ingénieusement rattaché le pro- blème à résoudre à celui de la représentalion con- forme sur un plan; il a appliqué sa méthode à plu- sieurs exemples qui sont analogues, en principe, à l'écoulement par un orifice ou au mouvement d’une veine fluide qui vient rencontrer un obstacle. Les conditions paraissent cependant assez éloi- gnées de celles de lanature. , On trouve un exemple de mouvements discon- linus non plans, dans l'étude d’uné veine fluide dont les trajectoires sontnormales à des ellipsoïdes homofocaux, Elle a été étudiée par Kirchhoff et surtout par Beltrami. | Tout récemment, M. Weingarten a traité le pro- blème dans un cas très étendu de mouvements non plans et à rattaché la question à la théorie aujour- d'hui si bien connue des surfaces minima. Il a mon- tré qu'on obtient un mouvement permanent pos- sible d'un fluide limité partiellement par des parois et partiellement par une surface libre, comme cela a lieu dans les écoulements par orifices, en cherchant une surface minima contenant une ligne asymptotique sphérique ou une telle surface circonscriptible à une sphère suivant une certaine ligne de contact. Tousces exemples ontun intérêt plutôt théorique. M. Christoffel a publié, en 1877, dans les An- nales de Brioschi, un mémoire sur les surfaces de discontinuité qui parait susceptible d'applications plus réelles, ainsi qu'il ressort des notes du regrellé capitaine Hugoniot (Comptes rendus, tomes CII et CII) où il appliquait des considéra- tions de même nature à l'expansion des gaz. MOUVEMENTS INFINIMENT PETITS; FLUIDES VISQUEUX 19. Il resterait à parler des mouvements infini- ment pelits et des fluides naturels ou visqueux. Mais ce sujet, qui m’eût permis de citer une partie des beaux travaux de mon confrère, M. Boussinesq, et du maitre regretté, M. de Saint-Venant, ainsi que deux récentes el très intéressantes notes de M. Haton de la Goupillière sur le remplissage et la vidange d'un réservoir de gaz comprimé, auquel se rattachent la théorie du son, même à la rigueur celle de la lumière, en tous cas celle des ondes liquides avec la théorie des marées, est tellement vaste qu'il ne saurait trouver place dans cet article déjà trop long. Maurice Lévy, de l'Académie des Sciences. LES MALADIES MICROBIENNES DES PLANTES En dépit de la popularité que les Bactéries ou microbes se sont acquise comme agents des mala- dies de l’homme et des animaux, les faits de patho- logie végétale attribués à leur intervention sont encore bien clairsemés. Je ne crois pas encou- rir un démenti en avançant que plus d’un botaniste de profession en soupconne à peine l’existence. Ce n’est pas que l'étude des maladies des plantes soit négligée, Ce n’est pas que les doctrines para- sitaires, substituées à l’action de causes occultes ou d'influences banales, ne soient venues régénérer cette branche de la science, comme elles ont trans- formé la pathologie humaine. Mais, en pathologie végétale, l’action des microbes est certainement D: P. VUILLEMIN. — LES MALADIES MICROBIENNES DES PLANTES reléguée au second plan par l'importance du para- sitisme des Champignons proprement dits. L'étude des Champignons nuisibles aux cultures s'est im- posée par l'évidence des dégâts, par la simplicité et la sûreté des méthodes de recherche. Ne dirait-on pas que microbes et Champignons se sont partagé le monde vivant, les premiers étant les ennemis attitrés du règne animal, les seconds, ceux du règne végétal? Les médecins savent cepen- dant qu'ils ont à compter avec certains Aucor et Aspergillus, sans parler de Cryptogames d’une na- ture plus équivoque. El réciproquement, les mala- dies microbiennes des plantes, que nous allons passer en revue, sont loin d’être une quantité négligeable. D’après une récente observation de Cuboni et Garbini !, le Diplocoque découvert par Pasteur dans la Ælacherie des Vers à soie produirait des taches noires sur les feuilles du Müûrier. La maladie de la plante et celle de l'animal, causées par un agent commun, seraient transmissibles de l’un à l’autre. La possibilité de semblables migra- tions ouvre des horizons tout nouveaux à l’étiologie des maladies des animaux et peut-être des mala- dies humaines. Il est temps de familiariser les agronomes avec l’étude des microbes pathogènes. Et puis ce monde microscopique, siredoutable pour la vie humaine, mérite d’être envisagé sous toutes les formes de son activité. Tous les biologistes ont donc intérêt à suivre les microbes dans un milieu vivant si différent de celui dans lequel ils en observent d'habitude l’évolution. Personne n'ignore le rôle des microbes dans la décomposition des plantes mortes. Si les organes vivants n'hébergent pas continuellement les infini- ment petits, dont les germes, partout et toujours, sont prêts à pulluler dans les milieux propices, cela tient aux conditions mêmes de l’activité des cel- lules. La nature chimique du protoplasma se trouve sans cesse compliquée et modifiée par le fait de la nutrition. L'action d’un parasite semble mème provoquer dans les tissus vivants une perturba- tion, dont le premier effet est de les rendre plus impropres à servir de supportaux nouveaux venus. Mais si nous considérons des organes plongés dans une sorte de léthargie, comme le sont les bulbes, les tubercules ou les graines, les conditions de la lutte serontcomplètement changées. Dans ces conditions, les tissus délicats sont encore protégés par des obstacles physiques, qui, malgré leur efli- cacité, sontparfois franchis par certaines Bactéries. De là résulte une première catégorie de maladies microbiennes, caractérisée par la pourrilure d'or- ganes de vie latente. 1 Voyez Acad. des Lincei du 6 juillet 1890, dans la Aevue du 15 juillet 189", page 422. REVUE GÉNÉRALE, 1890, 729 I M. Prillieux ! a montré depuis longtemps que l'altération des grains de Blé connue sous le nom de Blé rose est produite par un Mücrococcus. M. Macé ? suppose qu'il s’agit de #. prodigiosus. La pénétration s'effectue près de l'extrémité du sillon, au point où les enveloppes offrent la moindre épaisseur. Les grains d'amidon sont d’abord rongés par les microbes; mais les autres éléments disparaissent peu à peu. Voilà donc un cas de pourriture saisissant un organe encore vi- vant, mais incapable à ce moment de réagir contre une attaque bactérienne. M. Savastano * a observé une autre Bactérie dès le début de la Tavelure des Orangers et, par des ino- culations de ce microbe, il a pu provoquer des lé- sions identiques sur les fruits sains. La maladie commence par l'apparition de petites taches brunes sur le péricarpe. Ces taches grandissent et noir- cissent progressivement. Elles peuvent devenir confluentes et donner à tout le fruit une couleur noire. Les oranges douces, les citrons, les limons et les mandarines sont bien plus prédisposés que les oranges amères et les pamplemouses. Une sai- son humide favorise la maladie ; la sécheresse en entrave les progrès. La Pourrilure des grains de raisin, décrite par le même auteur ‘, se produit sous des influences ana- logues. C'est à un Bacille qu'il faut rapporter la Horve des Oignons, bien étudiée par M. Sorauer ÿ. Les écailles internes du bulbe deviennent translucides et cèdentfacilement à la pression du doigt; elles exhalentune odeur dans laquelle on discerne l'acide butyrique. Les Bactéries s'observent dès le début dans des cellules épidermiques qui semblent en- tièrement closes. Pour que le microbe puisse péné- trer dans les tuniques de l’Oignon, il faut qu'un excès d'humidité ait ralenti la vitalité de la plante attaquée et augmenté du même coup la puissance de l’envahisseur. Le microbe de l'Oignon se multiplie fort bien dans le sol, aux dépens de débris divers et puise dans celle végétation libre une énergie nouvelle. De même, au contact des plantes morveuses, qui peuvent d’ailleurs être d’es- pèce différente (la Pomme de terre est sujette à la 1 Ep. Priruieux. Corrosion des grains de Blé colorés en rose par des Bactéries. (Société nat. d'agriculture, 11 dé- cembre 1878. — Société bo‘anique de France, 1879, pp. 31, 187, 216. — Annales des sciences naturelles ; Botan. 6° série; t. VIIL.) 2 Macé. Traité de bactériologie, 1889. $ SAVASTANO. La vajolatura degli agrumi. (Bol. della soc. di Naturalisti in Napoli, 1887.) £ Savasraxo. Il batterio del marciume delluva. (Malpighia; I, 1886.) 5 Sorauer. Die Rotzkrankheïit (Bacteriosis) der Pflanzen. (Allgemeine Brauer und Hopfenzeitung, 1884.) Fat 130 D' P. VUILLEMIN. — LES MALADIES , MICROBIENNES, DÉS ,PLANTES même maladie), les tuniques les plus saines finis- sent à la longue par céder au nombre incalculable des Bacilles capables de les détruire. Il Plus habituellement, les Bactéries pathogènes sont introduites dans les lissus végétaux par des parasites plus volumineux, qui ont préparé le terrain en décomposant certains organes. Ainsi la Gangrène sèche des Pommes de terre, provoquée par le Phylophthora infeslans, dégénère en une Pourriture, plus destructive encore, quand les Bac- téries envahissent les tissus déjà altérés par cette redoutable Péronosporée !. Avec de tels introducteurs, les Bactéries ne bornent plus leurs ravages aux parties sommeillantes, mais s’atta- EE à des organes pleins d'activité. D'après M. Ludwig 2, l'écoulement muqueux des troncs de Chêne, ainsi que la maladie analogue des Saules, des Peupliers, ete., a pour agent une Bactériacée, le Leuconostoc Lagerheimii; mais ce mi- crobe, au lieu d'attaquer les arbres sains, com- mence par envahir les tissus déjà soumis à la fer- mentation alcoolique par l’aclion de levüres telles que le Saccharomyces Ludwig et la forme bour- geonnante de l’ÆZndomyces Magnus. M. R. Hartig a décrit? une maladie des plantules de Sapins et de Pins, qui cause depuis quelques années de grands ravages dans les pépinières de Grossostheim, près d'Aschaffenbourg. L'agent de cette maladie est, avant tout, un Champignon qui parait se rattacher aux Pyrénomycètes, bien que ses organes reproducteurs soient imparfaitement connus. Mais bientôt des Bactéries envahissent les tissus altérés par cette Cryptogame et détruisent à la fois les filaments qui leur ont frayé la voie et tous les éléments nu lignifiés de la plante hospi- talière. Il ne faudrait pas trop généraliser ni considérer comme pathogènes des microbes qui ne font que détruire les tissus tués au préalable par des para- sites. M. Andrade Corvo { est cerlainement tombé dans une telle exagéralion et n’a pas obtenu grand crédit, quandil nous a présenté le Phylloxéra comme un être inoffensif par lui-même, ayant le seul défaut d’inoculer des Bactéries aux racines de la Vigne. Ces Bactéries, que lon retrouve aussi 1 SORAUER. Lac cit, 2 Lupwic. Ucber Alkoholgährung und Schleimfluss le- bender Bäume und deren Urhcber. (Berichte der deutschen botan. Gesellsch. 1885.) Weitere Mitthcil. über Alkoholgährune.…. (Centralblait für Bakter., t. VI, 4889.) 3, Harvia :Mittheilung emigerx Untersuchungen zenpathologischer Natur. (Sitzungsber. München, 11 nov. 1889.) 4 De Axprane Corvo. Sur le rôle des Bacilles dans les ravages attribués au Phylloxera. (Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, {. CI, 1885.) pflan- des botan. Vereins in bien dans les organes souterrains désorganisés par les Champignons du Pourridié, sont de simples saprophytes, et leur présence secondaire ne saurait donner le change sur la puissance destructive des parasites qui leur ont préparé le terrain. ,,,1 Si les Bactéries viennent souvent. compléter l'œuvre des agents pathogènes de, grande taille, réciproquement des Champignons s'installent en saprophytes sur les organes allérés par le parasi- tisme des microbes, et compliquent la question d’étiologie. Les taches des Citrus sont envahies par des moisissures telles que Capnodium Citri et par le Pleospora Hesperidum. Ges Champignons avaient été considérés, le premier par MM. Caruel et Mori, le second par Cattane, comme les causes de la Taye- lure des Orangers, avant que Savastano n’eût établi que leur apparition est un épiphénomène d'une maladie bactérienne. Pour les mêmes motifs, M. Sorauer indique la présence de l’Æypomyces Solani comme pathogno- monique de la Morve des Pommes de terre, celle du Botrytis cana comme un signe certain dela pré- sence du microbe de la Morve des Oignons. Ces exemples montrent quelle réserve il faut apporter dans la détermination des agents des maladies des plantes. Ainsi nous devons avouer notre ignorance sur la nature de la Pourrilure des Tomales müres, bien que M. Arthur ! ait trouvé les fruits malades envahis par des Bactéries, des levüres et des Cham- pignons. III Certaines Bactéries parviennent, par une attaque insidieuse, à tuer les organes actifs et à les décom- poser sans provoquer aucune lutte. Elles réalisent ce problème, dont le seul énoncésemble paradoxal, de vivre en saprophytes aux dépens de tissus vi- vant{s, Le Bacillus Hyacinthi, dont les allures ont été si bien mises en lumière par M.J.H. Wakker? semble, à première vue, être un parasite s’attaquant aux organes les plus actifs de la plante, puisqu'il com- mence par faire noircir et pourrir l'extrémité des jeunes feuilles de Jacinthe. Cependant l'agent in- fectant envahit d'abord les vaisseaux et, loin de li- vrer une lutte corps à corps aux éléments vivants, il détourne à son profit les matériaux destinés à les régénérer. Fortde ces munilions, le Bacille pénètre dans les méats, détruit la substance intercellulaire et fait un blocus en règle des cellules isolées au sein de la masse mucilagineuse deses zooglées. Ces l'ARTIUR. Peport of the Botanist of the New-York agri- cultural experiment Station, 1884. 2 Waxrer Contributions à la pathologie végétale. (4r- chives néerlandaises, t. XXIII. 1888.) — (Les premières obser- vations de Wakker ont été publiées en hollandais en 1884, 1885, ct 1886.) | | | “D* P. VUILLEMIN. — LES MALADIES MICROBIENNES DES PLANTES cellules montrent encore leur structure interne; mais leurs parois sont très amincies, et elles su- ‘bissent plus directement l'influence du microbe, à mesure que leur vitalité s'amoindrit, sans répara- tion possible. Elles offrent enfin une proie facile à l'ägresseur. Alors seulemeut les cellules sont dé- truiles et leurs restes liquéfiés viennent augmenter les cavités qui ont pris naissance au niveau des -aisseaux et qui sont désormais gorgées d’un mu- cilage jaune, d'aspeét granuleux, représentant les zooglées. Le mucilage s'écoule à la moindre pres- sion et justifie le nom de Jaune donné à cette affec tion. Laisse-t-on fixées au bulbeles feuilles malades ? Le bulbe lui-même est altéré au bout d’un temps variable, Si les Bactéries parviennent jusqu'au plateau, la pourriture du bulbe et la mort de la plante s’ensuivent. Si la marche est plus lente, les fleurs se montreront au printemps suivant; mais celte manifestation de la vie ne fera qu'accé- lérer l’épuisement final. M. A. Heinz! a décrit une maladie bactérienne des Jacinthes, qu'il considère comme distincte du Jaune ; mais il n’a pas apporté de preuves sufli- santes à l'appui de cette opinion, ainsi que M Klein * l’a déjà fait remarquer. Une grave maladie des Céréales, qui n'est pas sans analogie avec le Jaune des Jacinthes, nous a été révélée par les travaux de M.T.J. Burrill *., Une Bactérie, mesurant 0,8 — 14,6 sur 04,65, forme des masses mucilagineuses noires dans les chaumes du Seigle. Les exemplaires attaqués restent petits etgrèles et meurent après avoir pris une coloration jaune parsemée de taches sombres. Depuis 1881, l'attention s'est portée sur ce nouveau fléau qui ravage presque entièrement les champs où il s'implante. Dernièrement M. Iwanowsky décrivait, sous le nom de Pourriture du Tabac, une maladie qui sévit en Bessarabie. Les organes lésés (ce sont habituelle- ment des tiges) présentent des taches ramollies, d'abord éparses, bientôt confluentes. En l'absence de tout parasite de grande taille, l'auteur attribue l'origine de cette dégénérescence à une Bactérie. Selon Burrill, la Gangrène sèche ou Brälure des Poiriers, très préjudiciable aux vergers américains serait due à un organisme mesurant 1#-15,25 sur 06,5 — 0F,75, et nommé par lui Micrococcus amyli- 1 He:xz. Sur Kentniss der Rotzkrankheiïten der Pflanzen. (Centralblatt für Bakteriologie; t. V, 1889.) ? Kreix. Analyse du Mémoire de Heinz. (Botan. Centralblat!, t. XL.) $ Tuomas J. Burrizc. A bacterial disease of corn (Uni- versity of Illinois Agricultural experiment station ; août 1889.) 4 Jwaxowsky. Ueber die Krankheiten des Tabakspflanze. (Botan. Centralblatt t. XLI, d'après un Mémoire en langue russe publié dans Arbeiten des Petersb. Naturforscher Gesellsch. t. XIX). 131 vorus. L'action nuisible de ces corpuscules ressort non seulement de leur constance dans les lésions dont il s’agit, mais aussi d'expériences d'infection de tige à tige réalisées avec succès par Burrill et répétées à plusieurs reprises par J. C. Arthur !. Ce dernier auleur arrive à admettre l'identité de cette maladie avec la Brülure des Pommiers et des Coignassiers. Le Wicrococcus amylivorus étendrait mème ses ravages aux genres voisins Cratæqus el Amelunchier. Sans discuter la propriété de la dénomination de Micrococcus, appliquée à des bâtonnets deux fois aussi longs que larges, je rappellerai une objection plus sérieuse élevée par M. R, Harlig contre l’opi- nion de MM. Burrill et Arthur, La maladie des Poiriers a de grandes analogies avec le Chancre des Pommiers, des Hètres, de divers arbres fores- liers, si fréquemment observé en Europe. L'agent de cette dernière maladie, le Vectria dilissima, bien que se rapportant à un groupe de Champignons élevés. possède des corps reproducteurs très fins, ou spermaties, qui, observés isolément, en impo- seraient aisément pour des Bactéries. Cette con- fusion a été commise à diverses reprises. Dernière- ment encore, observant des Chancres du Frêne, M. Mer ? signalait des poches à Bactéries à côté des filaments du Champignon auquel il rapportait avec raison la maladie. Or, dans les Chancres de Frène suffisamment jeunes et préparés avec soin, on découvre sans peine des spermogonies, cayilés irrégulières, plongées dans les tissus altaqués et tapissées de filaments délicats auxquels adhèrent encore les fines spermalies. Plus tard, ces bâton- nets délachés simulent des amas de microbes, dont les dimensions répondent sensiblement à la dia- gnose du Hicracoccus amylivorus. Il est à remarquer que les essais de culture en- trepris par M. Arthur ont particulièrement bien réussi dans des milieux légèrement acides, sur lesquels le prétendu Yicrococcus se trouvait, comme l'auteur en fait la remarque, à l’abri de la concur- rence des autres Bactéries. Malgré l'intérêt incontestable qui se raltache aux expériences des auteurs américains, il est peut-être prudent de faire quelques réserves, non pas sur la nature infectieuse (elle est hors de cause), mais sur la nature bactérienne de la Brû- lure des arbres à pépins. IV Il nous resle à envisager les maladies qui s’'ac- compagnent d'une réaction locale de la part de la 1 ARTHUR. Loc. cil., 1884 ct 1887. ? Mer. Influence de l'exposition sur l'accroissement ,de l'écorce des Sapins. (Journal de Botanique, t. WI} 1889 ; p.149, note.) 132 D: P. VUILLEMIN. — LES MALADIES MICROBIENNES DES PLANTES plante envahie. Deux types bien distincts rentrent dans cette catégorie. Dans la Tuberculose de Olivier, les Bactéries détrusent d'emblée les éléments qu'elles abordent ; mais, sous leur influence irri- tante, les cellules voisines se multiplient d’une facon désordonnée et ne tardent pas à dégénérer pour devenir à leur tour la proie des microbes. Ainsi se forment des tumeurs ou tubercules, qui se ramollissent progressivement, à partir du centre occupé par la masse mucilagineuse du parasite. L'action du microbe est trop destruelive pour per- mettre aux tumeurs d'atteindre une taille consi- dérable ; mais, comme toute lésion de l’arbuste vffre une porte d'entrée au parasite, les tubercules viennent souventcompliquer les nodosités ligneuses si fréquentes sur les rameaux des Oliviers, comme chez d’autres arbres de la même famille, el suscep- tibles de se développer en l'absence de tout mi- crobe. Un examen superficiel pourrait faire croire que ces hyperplasies sont aussi l'œuvre des Bac- téries. Mais les patientes observations et les ha- biles expériences de M. Savastano !, poursuivies depuis bien des années, ont précisé de la façon la plus nette la part qui revient au Bacille de la Tu- berculose de l’Olivier dans la genèse de ces mala- dies. Tout au plus arrive-t-il parfois que la pré- sence des tubercules entraine indirectement, comme les causes les plus banales, ou par une ac- tion irritante quin'a rien de spécifique, l’appari- tion de nodosilés ligneuses dans leur voisinage. Peut-être faut-il placer ici la Hosaique du tabac, maladie contagieuse, caractérisée par des épaissis sements locaux et des courbures variées el irrégu- lières des feuilles envahies. M. A. Mayer *, qui a étu- dié, en Hollande, la formation de ces tumeurs, les attribue à une Bactérie; mais l’histoire de cette maladie réclame de nouvelles recherches. Les tu- meurs du second type ont été observées sur le Pin d'Alep. Leur genèse diffère essentiellement de celle des tubercules de l'Olivier. Pas plus que les Mi- crobes du jaune des Jacinthes, les Bacilles du Pin d'Alep ne traversentles parois des éléments vivants. Aussi leur faut-il un introducteur pour franchir la barrière opposée par le périderme des rameaux. Cet introducteur parait être un insecte capable de plonger un suçoir jusqu'au niveau de la moelle et d'inoculer du même eoup le microbe dont il a infecté ses stylets en visitant des lésions sembla- bles. En effet, si l’on a soin d’inspecter des tumeurs au premier stade, alors qu’elles font une saillie de 1 L. Savasrano, Les maladies de l’Olivier. (Comptes rendus de l’Académie des Sciences; 6 et 20 décembre 1886.) — Tuber- eulosi, iperplasie e tumori dell Olivo, Napoli, 1887. — Il bacillo della tuberculosi dell’ Olivo. Nota suppletiva. (Rendiconti della r. acc, dei lincei ; 4 ag. 1889.) 2 A Mayer. Ueber die Mosaikkrankheit des (Landwirthsch. Versuchisst, t. XXXII, 1886.) Tabaks. moins d'un demi-millimètre, on constate que la lésion débute au-dessous des coussinets foliaires, au point où la gaine ligneuse est interrompue par le départ des faisceaux destinés à ces organes. L'introducleur sail trouver le défaut de la cuirasse, Un canal étroit, entouré d’un liège protecteur/ldé- bouche au centre d'un petit cratère superficiel et aboutit, dans la profondeur, à un amas de cellules mortes et subérisées. Tout près de cette formation cicatricielle, dont l’origine ne saurait, en aucun cas, être attribuée au microbe, on apercoit les pre- mières colonies bactériennes, s’insinuant entre les méats. Mais, à l'inverse du microbe des Jacinthes, les Bacilles du Pin d’Alep sont en actives relations d'échanges nutritifs avec les cellules délicates qui les entourent. Seulement les conséquences de’ces relalions sont bien différentes de tout ce que nous avons vu résulter, dans les maladies précédentes, de l’action dés microbes. Loin de ralentir la vita- lité des cellules, le Bacille du Pin d’Alep la surex- cite. Les cellules reviennent à l’état embryonnaire, se divisent avec un luxe qu’on ne rencontre pas normalement dans les éléments adultes; bientôt la prodigieuse quantité de noyaux cellulaires volu- mineux et parfaitement sains des tissus hyperpla- siés permet de distinguer, à l’aide d’un faible ob - jectif, la voie suivie par l'invasion bactérienne. Le Bacille a donc une action directe sur les élé- ments vivants. Cette action directe n’est pas dées- tructive comme celle des microbes précédents; elle constitue une symbiose locale. La Bactérie jouele même rôle que les larves d'insectes dans la pro- duction des galles des plantes ou cécidies. Cette analogie a valu aux excroissances liées à la com- binaison des deux êtres le nom de Bactériocécidie *, Les Bactéries progressent peu vers la moelle. De ce côté, leur action est limitée par l’organisation plus avancée des tissus et par l’inextensibilité de la région ligneuse. Du côté externe, les tissus sont plus irritables, et la progression indéfinie des Ba- cilles au milieu d'eux donne lieu à une formation de galles volumineuses. Si l'écorce est seule en- vahie, on a des loupes molles, parfois grosses comme le pouce. Le phénomène se complique, quand l’activité du cambium est déviée par lin- fluence parasitaire. Des gaines ligneuses contour- nées, interrompues par les fusées bactériennes, parcourent comme des noyaux rameux les tissus tendres de la tumeur, qui parvient au volume du poing, présentant une surface lobulée, mame- lonnée d'une façon irrégulière. Avant que la galle ait atteint ces proportions, un conflit a éclaté entre 1 P. VuILceMN. Sur une Bactériocécidie ou tumeur bacil- laire du Pin d’Alcp. (Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 26 nov. 1888 ) P. PETIT. — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR L'AMIDON ET LES DIASTASES 133 les éléments qui, dominés par l'influence étran- gère, semblent méconnaïitre loutes les lois de leur évolution spécifique, et ceux qui, éloignés de l'agent irritant, sont incapables de suivre lexpan- sion des premiers. Comprimés etaffamés, les tissus frappés d'hyperplasie finissent par mourir et sont en: partie détruits par les Bactéries, qui, remar- quons-le bien, agissent alors en saprophytes, en partie subérisés et transformés en gaines isolantes, qui limitent localement les progrès du mal, sans l'empêcher de s'étendre encore sur d’autres points. Ce mode de défense de l'organisme par séques- tralion de l’agent nuisible rappelle les phénomènes d'enkystement des Helminthes et d’autres para- sites volumineux des animaux. On remarquera pourtant que c’est là un processus plus particuliè- rement conforme aux conditions de la vie des plantes. Le végétal accumule dans ses lissus les produits de désassimilation que l'animal rejette. De même il emprisonne les microbes qu'il ne peut faire disparaitre, soit par une élimination, soit par une attaque directe, la structure de ses cellules et la nature des membranes étant incompatibles avec la fonction active des phagocytes. La dépense énorme à laquelle le Pin d'Alep doit subvenir pour la formation de la galle provoque la mort des branches attaquées. Quand les tu- meurs sont nombreuses, l'arbre lui-mêse péril. Dans certaines forêts des environs de Nice, l’ex- tension de la maladie fait craindre un dépeuple- ment complet. Malgré ces conséquences fatales liées irdirecte- ment à la pénétration du Bacille du Pin d'Alep, il faut retenir qu'au début et par son action directe, le microbe se comporte en symbiote. Supposons que l’équilibre momentanément réalisé entre les deux vies associées se maintienne, que le bénéfice localement attribué au Pin se répartisse sur une plante entière, et nous passerons du parasitisme le plus redoutable à un consortium aussi harmonieux que celui de l’Algue et du Champignon dans un Lichen. Ce dernier cas se trouve réalisé dans les tuber- cules des Légumineuses. On sait depuis longtemps que les nodosités observées sur les racines, chez divers représentants de cette famille, résultent de la pénétration d'organismes étrangers. Mais ces organismes provoquent des transformations si insolites dans le protoplasma des tubercules, que, pendant longtemps, on n'a pas pu distinguer nettement ce qui appartient à la Légumineuse et ce quiconstitue l'élément surajouté. Les recherches récentes de MM. Prazmowski! et Frank? ont donné quelque poids à l'opinion que les associés des Lé- gumineuses sont des Micrococcus intracellulaires?, et que ces microbes modifient les portions de cyto- plasme placées à leur contact, au point de former avec-elles, dans chaque cellule, un tout, dont l’as- pect cryplogamique justifie le nom de mycoplasma. Les microbes des Légumineuses ne sont donc pas ordinairement des êtres pathogènes. Il est mème démontré que, dans certaines conditions, ils deviennent des auxiliaires indispensables de leur hôte, en lui fournissant une alimentation azotée sans laquelle celui-ci périrait, Mais le parasitisme et la symbiose ont des liens si étroits que, dans d’autres conditions ou pour d’autres espèces, pour les Haricots par exemple, d’après Frank, le Micro- coccus se nourrit aux dépens de son hôte, sans compensation équivalente, et devient ainsi l'agent d’une maladie microbienne. D' Paul Vuillemin, Chef des Travaux d'Histoire naturelle à la Faculté de Médecine de Nancy. LES RÉCENTS TRAVAUX SUR L'origine et les transformalions de l’amidon dans les plantes semblenten quelque sorte mysté- rieuses. C’est, pourrait-on dire, le problème mème de la vie qui se pose devant nous. Nous savons que l’acide carbonique de l'air et probablement l’eau fournissent les éléments nécessaires à la formation de l’amidon dant les feuilles !; nous voyons naïtre cet amidon dans les grains à chlorophylle et pour- tant nous ne connaissons rien du mécanisme de cette production. B'amidon disparait peu à peu de la feuille; nous le retrouvons plus tard dans la graine, et nous ne saisissons pas tous les degrés successifs de cette migration. 1 Voyez à ce sujet l'article de M. Maquenne sur la Synthèse des Sucres dans la Revue du 30 mars 1890, page 165. L'AMIDON ET LES DIASTASES L'hypothèse de M. Baeyer sur l'assimilation a trouvé un appui solide dans la découverte du for- 1 A, Prazmowski. Dans Wesen und die biologische Bcdeutung der Wurzelknüllchen der Erbse. (Bulletin der K. X. Akad. der Wiss. in Krakau juin 1889). ? B. Fraxk. Ueber die Pilzsymbiose der Leguminosen. (Berichte der deutschen botan. Gesellsch; t. VIL; 1889.) 3 Cependant il plane encore quelque incertitude sur la position systématique de ces organismes. M. Em. Laurent Comptes rendus de l'Acad. des Sciences ; 11 novembre 1890) vient de montrer leur analogie avec les Pasteuria, genre à cer- tains égards intermédiaire aux Bactéries et aux Champignons. Ce compromis entre les deux opinions antérieures qui voyaient, la première des Champignons, la deuxième des Bactéries, dans les hôtes des nodosités des Légumineuses est peut-être la solu tion la plus voisine de la vérité. Au point de vue pratique rien ne nous empêche de maintenir ces petits êtres dans la catégorie des microbes. 134 P. PETIT. — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR L'AMIDON: ET LES DIASTASES « mose par M. Læw, mais elle n’est pas encore passée à l’élat de vérité démontrée. La migration de l'amidon nous offre un lerrain bien plus solide au point de vue expérimental; nous examinerons done le processus de cette trans- formation, puis nous indiquerons, d’après les tra- vaux récents, les idées que l’on peut se faire ac- tuellement de l’action des diastases sur l’amidon. I On admeltait depuis longtemps déjà, que l’ami- don naissant dans les feuilles se transformait en sucre pour arriver aux autres organes ef aux ré- serves de la graine ou du tubercule ; mais aucune démonstration expérimentale de ce fait n'était connaissail ni la cause de cette solubilisation de l’amidon, ni la marche suivie par le sucre. Les travaux très intéressants de M. Schimper ! sont venus combler cette lacune. L'immersion des feuilles dans le chloral iodé les rend tout à fait transparentes el les grains d’ami- don les plus petits, fortement gonflés et colorés en bleu, deviennent parfaitement visibles. ; On a opéré sur l'Zmpaliens parviflora pour mon- trer que le produit de la dissolution de l’amidon est du glucose, les feuilles contenant à la fois du sucre et de l’amidon; un certain nombre d’entre elles ont élé coupées suivant la nervure médiane, une moilié restant adhérente à la plante, l’autre en étant détachée ; les moitiés détachées ont été dis- posées dans une chambre humide, et placées à l'obscurité aussi bien que la plante elle-même ; l'amidon disparut progressivement dans les deux feuilles; au bout de 72 heures il n’en restait plus trace; mais dans les moitiés détachées la quantilé de sucre avait augmenté à mesure que la dose d’amidon diminuait ; au con- traire dans les moiliés restées adhérentes à la tige, on ne trouvait plus à la fin de i'expérience que des traces de sucre et seulement vers le point d’inser- donnée ; on ne moiliés des tion de la feuille sur la tige. Cela démontre bien que le produit de la disso- lution de l’amidon est du glucose, et que celui-ci dans la plante vivante se transporte peu à peu de l’extrémilé des feuilles à la tige. L'examen minutieux des feuilles a permis à M. Schimper de reconnaitre la voie par laquelle s'effectue le transport de l'amidon solubilisé : dans l'Impatiens cette migration s'opère par une série de cellules allongées, pauvres en chlorophylle, que M. Schimper appelle gaine conductrice; cette gaine sépare les faisceaux libéro-ligneux du mésophylle. Elle ne possède qu’à un très faible degré le pou- voir de précipiter le glucose à l’état d'amidon. 1 Bot, Zeit, 1885, n° 47, 48, 49. Lorsque le sucre contenu dans cette série de cel. lules a disparu, il est remplacé par de l'amidon appelé des cellules mésophylliennes, avoisinantes : et solubilisé. Ni Pour d'autres plantes, l'écoulement du sucre n'est pas aussi aisé,le sucre élant reprécipité à l’état. d’amidon dans l’intérieur de chaque cellule de la gaine conductrice et obligé par là de subir une nouvelle solubilisation. Il n’est pas certain d’ail- leurs que le passage à travers la cloison cellulaire ait lieu à l'état de glucose ; ii semble en effet que ces membranes retiennent énergiquement le sucre, puisqu’en contact avec l’eau la feuille ne lui cède pas de matière sucrée ; quelle que soit celte forme transitoire, le fait certain c'est que dans les cel- lules de la plante de l’amidon est transformé en glucose. Quel est l'agent de cette transformation ? M. Schimper répond à cette question: les feuilles de L'Impatiens renferment un ferment diastasique. En opé- rant avec des décoctions de feuilles entières ou de nervures seules, on a pu changer en sucre et dextrines un empois d’amidon; d’ailleurs les au- tres plantes conduisent à la même constatation. La présence de ferments diastasiques dans les végétaux est du reste assez fréquente ; ainsi il en existe dans les pommes de terre, et leur action peut ètre mise en évidence dans les circonstances suivantes. On attribue généralement à la gelée celte altération des tubercules devenus sucrés; il n'en est rien, car il suffit de soumettre les tuber- cules à une basse température sans congélation pour qu'il s'y développe du sucre. Deux phéno- mènes se passent en même temps dans les cellules à amidon : l’un est la transformation de l’amidon en glucose, l'autre la combustion du glucose par le protoplasma ; à une basse température le ferment diastasique continüe son action, tandis que la vie du protoplasma ralentie ne consomme plus le glu- cose mis à sa disposition. Dans les pommes de terre jeunes, récoltées au mois de juin par exemple, on rencontre également du glucose, de l’amidon et même du sucre de cannes, qui semble devoir être considéré, dans ce cas, comme un intermédiaire entre l'amidon et le glucose. Dans le grain d'orge, ou en général de céréales, même avant toute germination l’on rencontre une diastase dans l’endosperme; ce ferment est retenu dans le gluten qui, une foisdissous, peut agir comme diastase. Le point à retenir, c'est que, à côté de l’amidon et du sucre, on trouve dans les végétaux des fer- ments non figurés, et que l’action de ces diastases rend possible la migration de l'amidon, et par suite aussi, la nutrition el la reproduction de la plante. Nous devons naturellement exiger davan- DR er éd de. de dé té se P-PETIT. LES! RÉCENTS TRAVAUX SUR L'AMIDON ET LES DIASTASES 135 tage et nous demander comment agit la diastase, quels sont les produits intermédiaires, et Les cir- constanées les plus favorables à son influence. L'é- tude de la plante vivante présente d'énormes difficultés pour un examen de ce genre; en tous cas, elle doit être précédée de la connaissance approfondie des réactions effectuées dans le labo- ratoire. IL Nous considérerons dans ce qui suit l’action dias- tasique de l'extrait de malt, dont les usages indus- triels ont provoqué une étude plus complète. On a admis pendant longtemps, et sans autres explications, que l’action du malt trans'ormait l’'amidon en glucose et en dextrine, en considérant la dextrine comme une espèce chimique définie. On attribuait également l’action saccharifiante à une seule diastase. 5 Cependant des anomalies curieuses, notamment | dans les usages industriels, tendaient à faire repousser une interprétation aussi simple des phé- nomènes. L'expérience avait montré que si l'on | faisait agir l'extrait de malt à basse lempérature, le rendement en sucre était assez faible, et de plus une fraction considérable des dextrines formées ne pouvait plus être saccharifiée en élevant la température, et en ajoutant du malt neuf, En opérant sur 50-55° on obtenait le meilleur rendement en sucre: au-dessus de cetle tempé- ralture, le produit en sucre s'abaissait de nouveau, mais une parlie des dextrines pouvaient être alla- quées de nouveau par le malt à la température optima de 50°. Enfin vers 80° l’action dissolvante s'arrèlait complètement. Ces particularités rendaient probable la pro- duction de plusieurs dextrines, ou la présence de plusieurs diastases dans l'extrait de malt. D'autres travaux permirent de reconnaitre l’exis- tence de plusieurs dextrines dans les produits de- saccharification, et l’on put distinguer par leurs réaclions : l'Érythrogranulose, colorée en violet par l'iode la Maltodextrine, non colorée par liode, qui réduit la liq. de Fehling. sans action sur la liq. de Fechling. la Leucodextrine, Cuisinier, puis Dubrunfant émirent l'idée que le malt devait contenir deux diastases, l’une plus sensible que l’autre à l'action de la chaleur. Cette hypothèse a été reprise récemment par M. Wijsman !, et complètement justifiée par d'in- génieuses expériences. Il appelle maltase et dex- trinase ces deux ferments diastasiques, et ilrésume 1 Travaux chimiques des Pays-Bas, IX, n° 1. le processus de la saccharification dans le tableau suivant : Amidon transformé par TS Re Maltase donne Dextrinase donne Multose et erythrogranulose Maltodextrine qui transformée par qui transformée par dextrinase donne maltase donne leucodextrine maltose L'action des deux diastases donne donc en somme du maltose et les trois dextrines érythrogranulose, maltodextrine et leucodextrine ; cette dernière ne peut plus être attaquée par-l'extrait de malt. J'in- diquerai les élégants procédés de démonstration de M. Wijsman. M. Wijsman s'appuie d'abord sur ce fait que le maltose ne se colore pas par l’eau iodée. que l'érythrogranulose se colore en violet, et l’amidon en bleu. Il fait des plaques de gélatine auxquelles il incorpore un peu d'amidon solubilisé par un {raitement à l’acide chlorhydrique dilué, mais in- capable de se diffuser. Au centre d’une telle plaque, il dépose une goutte d'extrait de malt, précipité par l'alcool, puis redissous dans l’eau. Après deux ou trois jours, il traite la plaque par l’eau iodée et constate l'aspect suivant : Au centre un cercle incolore, puis, bordant ce cercle, un anneau violacé; le reste de la plaque bleu. Cet aspect est dû à une différence entre les vi- tesses de diffusion des deux diastases, l'anneau vio- let, qui indique l'érythrogranulose, répondant à l'action d’une seule diastase, la maltase. En effet si l'on prélève avec une tige de verre une parcelle de cette couche à érythrogranulose et qu’on la dé- pose au centre d’une plaque de gélatine amidonnée neuve, on obtient seulement un cercle violet. D'ailleurs on peut faire varier presque à volonté les dimensions respectives du cercle incolore et de l'anneau violet, en chauffant plus ou moins l’ex- trait de malt, preuve nouvelle de l'existence des deux diastases. La maltase, qui l'emporte d'abord comme quantité, subit l’action destructive de la chaleur an-dessus de 55°, de sorte que l'on peut diminuer la dose de maltose, et même la sup- primer presque complètement. Vers 65°, l'extrait ne renferme pour ainsi dire que de la dextrinase. Les mélanges où la dextrinase prédomine ne don- nent par l’iode qu'un cercle incolore sans anneau violet. La même théorie permet d'expliquer les diffé- rences d'action du malt. En effet à basse tempéra- ture, si l’on obtient des dextrines non susceplibles d’une nouvelle saccharification, c'est que la mal- tase prédomine et qu'il se produit de la leuco- dextrine irréductible. A une température plus élevée, la dextrinase l'emporte : il se fait de la 736 P. PETIT. — LES RÉCENTS TRAVAUX SUR L’AMIDON ET LES DIASTASES maltodextrine qu'une addilion de malt préparé à basse température, c'est-à-dire de maltase, peut transformer en sucre. Les expériences de Wijs- man ont confirmé ce point que le meilleur rende- ment en maltose s'obtient en opérant vers 50-55°. Pour démontrer directement la formation du maltose, M. Wijsman a employé un réactif des plus singuliers, les bactéries phosphorescentes. M. Bei- jerinck a montré qu’une espèce de Bactérie, appe- lée par lui Photobacterium phosphorescens Beijerinck, devient lumineuse dès qu’elle trouve une matière assimilable pour eile; or le maltose peut jouer ce rôle d’aliment'; l’amidon et les dextrines en sont incapables. Dès lors, on fait sur une plaque de gélatine amidonnée une culture pure de Photobac- terium ; on laisse leur éclat s’éteindre par inanition, ce qui demande peu de temps, puis on dépose au centre de la plaque une goutte d'extrait de malt. Bientôt on aperçoit un champ de diffusion coïn- cidant avec la réaction à l’iode, et l’on a un an- neau lumineux au deux côtés de l'extrême champ de diffusion, c’est là que la mallase transforme l’'amidon en erythrogranulose ; done il se produit aussi du maltose. Si l'extrait du malt a été appauvri en maltase par la chaleur, la dextrinase se diffuse plus vite et l'on aperçoit un contour obseur, puisque l’action de la dextrinase sur l’amidon donne une dextrine sans maltose (malto-dextrine). Au centre on a de la lumière parce que la maltodextrine a été trans- formée en maltose par le deuxième ferment, la maltase. M. Wijsman a pu découvrir la maltase dans le grain d'orge non germé : au contraire, des réac- tions microchimiques, entre autre celles de M. Lint- ner (coloration en bleu de la teinture de gaïac, par l'eau oxygénée en présence d’une diastase), lui ont permis de reconnaitre que la dextrinase prend naissance pendant la germination, et se localise surtout dans les enveloppes extérieures du grain. Si done on emploie de l'orge perlée (débarrassée de ses téguments externes), l'extrait du malt ainsi fabriqué contiendra surtout de la maltase et par ce moyen il a été possible d'isoler l’erythrogranu- lose et de vérifier ses propriétés. Ces curieuses expériences de M. Wijsman sem- blent prouver absolument l'existence simultanée de leurs diastases et donnent au moins en gros la marche vraie de la saccharification. En dehors de la température, d’autres actions peuvent modifier le résultat de la saccharification, surtout au point de vue du rendement en sucre. Payen a montré autrefois que le maltose pro-, duit fail la formation ultérieure de sucre, et que si l’on provoquait sa destruction par la fermentation, une nouvelle dose de dextrines se obstacle à transformait en sucre. M. Lindet ! a donné une nouvelle démonstration du même fait; il a utilisé les combinaisons de sucre et de phénylhydrazine, les osazones découvertes par M. Fischer. En prenant un moût saccharifié à refus, et en précipitant de ce moût le maltose par le réactif indiqué, il a pu transformer de nouveau en sucre plus de la moilié des dextrines existant d’abord dans la matière; une nouvelle précipitation de mallose entrainait du reste une nouvelle production de sucre. Gette expérience semble indiquer que la saccharification est constituée par une sorte d'équilibre entre les divers produits; jusqu'ici on n’a pas encore signalé la transformation inverse du sucre ou dextrines en amidon ; mais ce phénomène a lieu certainement dans les végétaux, où le phénomène se rapproche alors des équilibres chimiques tels que nous sommes habitués à les envisager. Enfin récemment M. Effront ? a constaté l’action de l'acide fluorhydrique dans la saccharification industrielle; une dose de nd acide, jointe à ‘emploi d'une température de 30° pour la trans-. formation par le malt, a permis d'obtenir un ren- dement de 90 0/0 de sucre et seulement 4 0/0 de dextrines pour l’amidon du maïs. De plus l'acide fluorhydrique conserve à la diastase ses propriétés dissolvantes, et cela pendant un temps assez long; ces observations de M. Effront mises à profit et brevetées par la société de maltose à Bruxelles, constituent certainement un grand progrès sur les procédés employés jusqu'ici en distillerie, el elles en améliorent le rendement dans de larges pro- portions, Les autres ferments diastastiques dont la pré- sence à élé constatée dans les végétaux semblent devoir pour la plupart se ramener aux consti- tuants de l'extrait de malt. Ainsi M. Reychler *, reprenant d'anciennes ex- périences de Kirchoff et Bouchardat a constaté que le gluten dissous dans les acides étendus (acide acétique au dix-millième) est capable de trans- former l'empois d’amidon en sucre et dextrine; il a reconnu dans cette solution de gluten la présence d’une diastase par la réaction de Lint- ner; le pouvoir saccharifiant de ce ferment était environ les 3/% de celui de l'extrait de malt, et l'on obtenait le rendement optimum entre 40 et 50°, M. Reychler attribuait la présence de ce fer- ment à l'aclion des acides étendus sur le gluten et considérait comme possible une telle réaction pendant la germination. 1 Bull. Société chimique, 1889, p. 425. 2 Moniteur de Quesneville, 1890, p. 449. 3 Bull. Soc. Chim, 1889, p. 286. FPE MAGNUS BLIX. — UNE NOUVELLE THÉORIE SUR LE VOL À VOILE DES OISEAUX 131 Ces conclusions ne sont pas acceptées par MM. Lintner et Eckardt !; ces savants ont reconnu la présence dans le grain de céréales d’un fer- ment signalé également par M. Wissman comme étant la maltose. Ils ont d’abord comparé cette diastase à l'extrait de malt, puis au ferment de Reychler, et ils trouvent que le gluten-diastase de Reychler est identique, comme action, au fer- ment du grain de céréales non germé. Ce ferment serait simplement retenu mécaniquement par le gluten, et mis en liberté lorsque le gluten est dis- sous par les acides. Les mêmes chimistes ont cons- taté que la diastase de l’orge non germée est moins énergique que celle du malt, mais com- mence plus tôt : ainsi à 4° son action équivaut comme production de sucre àcelle du malt à 15°. Ce caractère, joint aux observations microchimiques de M. Wijsman, ne permet guère de douter que ce ferment soit la maltose, l’un des constituants de l'extrait de malt; l’origine de ce corps reste bien obscure, car la présence des bactéries à l’intérieur de la graine, n'ayant pas été constatée jusqu'ici, il est difficile d'attribuer aux micro-organismes la production de cette diastase. En résumé, nous arrivons aux résultats suivants: d’une part l'intervention d’une diastase dans la migration de l’amidon établie d’une manière cer- laine ; d'autre part, le mode d’action àe la dias- tase et la composition de l'extrait de malt élucidéce par quelques côtés. Bien des points restent obs- curs, sans doute. Tant que l’amidon ne nous aur: pas livré le secret de sa constitution, tant que les diastases demeureront pour nous des substances de composition et d’origine ignorées, nous n'arri- verons pas à connaitre la naissance et la méta- morphose de l’amidon, et le problème de la vie végétale restera un mystère pour nous. Mais nous devons nous souvenir, en France du moins, que les ferments organisés ont trouvé un Pasteur, la synthèse organique un Berthelot. P' Petit, Docteur ès Sciences, Chargé de Cours à la Faculté des Sciences de Nancy. UNE NOUVELLE THÉORIE SUR LE VOL À VOILE DES OISEAUX C'est un fait bien connu que certains oiseaux peuvent planer des heures entières, les ailes éten- dues et immobiles, en s’élevant même considéra- blement dans les airs. Il en résulte que les meil- leurs voiliers sont les oiseaux à grande surface d'ailes, vautours, pélicans, etc. Arrivés à une cer- taine hauteur par quelques battements d'ailes, ils s'élèvent graduellement, les ailes étendues, en dé- crivant des courbes en forme de spirale autour d'un axe oblique dans la direction du vent, Les descriptions qu'on a données de ce phéno- mène concordent en général; il n’en est pas de même des hypothèses proposées pour l’expli- quer. à M. Mouillard ? et après lui M. Mültenhoff* pen- sent que le vent peut donner à l’oiseau se laissant glisser dans sa direction une vitesse presque égale à lui-même, vitesse que l'oiseau utiliserait pour monter quand il a le vent contraire. Lord Rayleigh ‘ pense qu'un oiseau ne peut pour- suivre son vol horizontal sans battement d'ailes. L'oiseau utiliserait la différence de vitesse de deux couches d’air superposées pour regagner sa vitesse initiale. : M. Hubert Aiïry ‘ pense qu'il y a toujours dans l Journ fur prakt. Chens. 1890, p. 91. ? L'empire de l'air. Paris, 1881, p. 43. 3 Karl Murrennorr. Die Grüsse der Flugflächen. Plug. archiv., B.35, p. 498. ; 4 Nature, vol. XXVII, p. 534. 5 Nature, XX VII, p. 590. l'atmosphère des tourbillons que certains oiseaux auraient appris à utiliser sans se servir de leurs muscles du vol. M: Marey ! regarde le vol des voiliers et la forme de leurs orbes comme le résultat de vents variables. Dans son livre? ce savant semble adopter une théorie proposée par M. Basté et se rappro- chant de celle de M. Mouillard. Ilest facile de montrer que toutes les théories précédentes manquent de solidité. Pour celle de M. Mouillard, il est évident qu'un oiseau ne s’avance pas dans la direction d’un vent sans avoir une plus grande vitesse. Les explications de MM. Rayleigh et Aiïry ne me satisfont pas davantage. Rien dans les mouve- ments de l'oiseau n'indique qu'il adapte et change la direction du plan des ailes pour se servir des variations du vent. Voici l'explication que je pro pose : Supposons un oiseau volant avec une certaine vitesse initiale perpendiculaire à la direction d’un vent ef. Il ira de « en € au lieu de a en b dans l’unilé de temps. En c l'oiseau doit avoir une plus grande vitesse absolue que celle qu’il aurait en 2. D'autre part, malgré la résistance du vent la vi- tesse en c peut être supérieure à la vitesse initiale en a. Si, parvenu en e, l'oiseau peut tourner au vent sans perdre de sa vitesse — et beaucoup d'oiseaux 1 Comptes-rendus, CIX, n° 15 (7 octobre 1889), p. 551. 2 Marey. Le Vol des Oiseaux. G. Masson, Paris, 1890. 738 MAGNUS BLIX. -- UNE NOUVELLE THÉORIE SUR LE VOL A VOILE DES OISEAUX ont cette faculté — il pourra marcher dans la nou- velle direction un certain temps avant que sa vi- tesse soit revenue à ce qu’elle était en a. Soit d ce point ; si l'oiseau tourne en ce point, il sera prêt à 2 FATEX me. L PE \ ES 2 NAS A Fe w - Fig. 1. — ef, Direction du vent. Les hachures portées sur ab ct a&e indiquent l'axe de longueur de la surface des ailes. recommencer le même jeu qu'en 4. Si tout le cours ad doit ètre horizontal, cela suppose des change- ments d'inclinaison du plan des ailes sur l'horizon. Entre «& et c le plan desailes sera tourné en avant. Après avoir tourné en €, l'angle du plan des ailes avec l'horizon dort être diminué pour être augmenté de nouveau sur la ligne ed à mesure que la vitesse décroit. Si le plan d'ailes reste le même, alors l'oiseau descendra suivant ac et montera suivant cd. La montée et la descente seront variables en gran- deur suivant les circonstances. Le cours de l'oiseau n’est pas alors une ligne spirale, mais une série de 8 ou bien des crochets. Il reste à expliquer le vol en spirale ascendante. Supposons un oiseau qui, avec une vitesse initiale, décrit des courbes circulaires. Pour cela, on sait que l'oiseau abaisse la pointe de l'aile tournée vers le centre des cercles et élève la pointe de l'aile ex- térieure. Le plan d'ailes décrit la surface d’un cône tronqué. L'oiseau monte ou descend spiralement selon que la vitesse augmente ou diminue. maintenant un mouvement de la couche d'air dans une certaine direction, Du point a au point 4 l'oiseau recoit du vent un surcroît de Supposons vitesse (fig. 2) el ainsi jusqu'à ce que son cours lui soit perpendiculaire (en c); puis la vitesse diminue jusqu'à un minimum en /. À partir de là commence un nouveau cercle identique au précédent, si la vitesse en f égale celle en 4. Le chemin décrit par l'oiseau s'effectuera dans divers plans suivant les circonstances. En « et fla vitesse est minima; en € vitesse absolue et vitesse relative sont toutes deux plus grandes qu’en & etf. Entre c ele la vitesse relative croit toujours jus- qu'à atteindre son maximum près d’e, puis diminue peu à peu de een jet revient approximativement à la vitesse initiale. Dans tout le chemin cef la vilesse relative est plus grande qu’en à ou f. Or c'est de la vitesse relative que dépend l'effet soute- nant du courant d'air sur la surface des voiles: L'angle d'inclinaison restantle même, cet effet croit avec la vitesse relative et inversement. Done Poïi- seau s’abaisse peu à peu dew en b; cetabaissement continue jusqu’à ce que la vitesse rela- tive soit redevenue ce qu'elle était en a; ensuite l'oiseau monte jusqu'en f; car jusqu’à ce point la vitesse relative est plus grande qu'en 4. Le point f doit être au-dessus du niveau de «. Nous supposons que la vitesse rela- tive en «a suflit pré- cisément pour soute - nir l'oiseau à cette hauteur. Si elle est plus grande, l'oi- seau monte d’abord. La projection ver- ticale (fig. 2) est due à l'influence du vent sur la forme des Fig. 2. cercles, en supposant le plan d'ailes invariable. Le rayon du cercle s'agrandit pour la même ir- clinaison du plan d'ailes vers l’axe du cercle, à mesure que la vitesse absolue augmente (à cause de la force centrifuge); plus la vitesse relative est grande, plus le chemin se courbe, par suite de la pression augmentée sur la surface des voiles. Dans la direction du vent, l'oiseau n’est pas accéléré, il l'est s’il a le vent obliquement en arrière. Ce gain de vitesse compense la perte due à la résistance de l'air et l'oiseau conserve sa vitesse moyenne. Il est probable que le voilier, avec une vitesse initiale nécessaire et une orientation convenable de sa surface de voiles, peut continuer à décrire des courbes, la force du vent restant la même. L'explication de M. Peal! se rapproche le plus de la vérité. IL compare l'oiseau à un cerf-volant; mais le point d'attache de la corde au sol, au lieu d'être fixe, doit marcher dans la direction du vent, bien que plus lentement. C'est la différence de la vitesse du mouvement du point d'attache et du mouvement de l'air qui constitue la force néces- saire à la sustention et à l'élévation de l'oiseau. NA Magnus Blix, Professeur à l'Université de Lund, 1 Nature, XXII, p. 10. BIBLIOGRAPHIE. ANALYSES ET INDEX 139 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Rivereau (P.). — Sur les invariants de certaines classes d'équations différentielles homogènes par rapport à la fonction inconnue et à ses dérivées. Thèse pour le doctorat de la Faculté des Sciences de Paris, Gauthier- Villars, 1890, La notion d’invariants qui a d’abord été introduite dans l’étude des formes algébriques par MM. Hermite, Cayley, Sylvester, a pénétré depuis dans toutes les branches des sciences mathématiques. Cette notion, élendue par Laguerre aux équations linéaires, a été ap- pliquée par Halphen à la réduction de ces équations aux formes intégrables. En se plaçant à un pois de vue tout à fait général, M. Sophus Lie et M. Goursat ont montré & priori que les équations différentielles d’une même classe possèdent une infinité d'invariants. Depuis, d’autres auteurs parmi lesquels nous citerons MM. Forsyth, R. Liouville, Painlevé et Elliot ont étudié d'une manière détaillée des équations différentielles d'un type déterminé, en indiquant le moyen de former leurs invariants, ainsi que les relations qui doivent lier ces invariants pour que les équations soient réduc- tibles à certaines formes intégrables. C'est à cet ordre d'idées que se rattache le travail de M. Rivereau, L'auteur commence par indiquer des théorèmes gé- néraux sur les invariants des équations différentielles, algébriques par rapport à la fonction inconnue et à ses dérivées : il donne, pour une classe étendue de ces équations, l'expression des invariants à l’aide d'un cer- lain nombre d’invariants fondamentaux; puis il ex- prime, en fonction de ces derniers, les conditions né- cessaires el suffisantes pour qu’ une de ces équations soit réductible à une autre de même forme à coeffi- cients constants. La partie principale de la thèse est consacrée à la formation des invariants de deux classes d’ équations différentielles, qui sont : 1° les équations du troisième ordre, homogènes et du second degré par rapport à la fonction inconnue et à ses dérivé ées; 2° les équations du second ordre, homogènes et du troisième degré par rap- port à la fonction inconnue et à ses dérivées, La méthode suivie consiste à réduire ces équations à une forme canonique, dont les coefficients sont des in- variants fondamentaux à l’aide desquels on peut expri- mer tous les autres invariants. À titre d'application, l’auteur indique la condilion que doivent remplir les invariants fondamentaux : a) Pour que l'équation admette un facteur intégrant fonction de la seule variable indépendante ; b) Pour que l'intégrale générale de l’ équation puisse èlre mise sous certaines formes contenant linéairement les constantes arbitraires avec des puissances quel- conques de la fonction inconnue; . e) Pour que l'intégrale générale puisse se déduire de celle d’une équation linéaire, en établissant une rela- tion algébrique entre les constantes arbitraires. Enfin Pauteur termine son travail par l’étude de quelques équalions différentielles dont l'intégrale con- üent algébriquement les constantes arbitraires, Les résultats obtenus par M. P. Rivereau sont très dignes d’intérèt et seront utiles à tous ceux qui vou- dront étudier la théorie des invariants des équa- tions différentielles homogènes, I serait à souhaiter que d’autres études du même genre fussent entre- prises, afin d'étendre, autant que possible, le nom- bre des cas dans lesquels on peut reconnaître si ET INDEX l'intégrale générale d'une équation différentielle donnée peut être amenée à contenir algébriquement les con- stantes arbitraires, P. APPELL., Æhurston (R.H.), Directeur du Sibley Collège à lthaca (New-York). — À handbook of Engine and Boiler trials and of the indicator and Prony brake for Engineers and technical schools, New-York, chez John Wiley and Sons. 1890, L'œuvre du célèbre professeur américain Thurston, déjà très considérable, vient de s'enrichir d'un nouvel ouvrage qui prend une grande importance en ce moment où la physiologie des machines à vapeur fait l'objet des préoccupations de tous les ingénieurs dignes de ce nom, et où, sur tous les points civilisés du globe, s'éri- cent de nombreux laboratoires de recherches mécani- ques. Après son magistral traité de la résistance et de la connaissance des matériaux, ses traités de la cons- truction des chaudières, de leurs explosions, du frotte- ment dans les machines, son histoire si complète de la machine à vapeur et sa description des types modernes à grande vitesse, sa philosophie de la détente éta- vée, étc., ete., voici venir un Manuel des essais de chau- dière et de machine, On y trouve la description et la dis- cussion des instruments qui y sont employés, des méthodes recommandables pour assurer des résultats exacts, et en mème temps pour les interpréter saine- ment, L'indicateur et le frein y sont lraités de main de maitre ; on sent que ce livre est écrit par un praticien habitué au maniement des instruments de mesure au- tant que par un savant qui a appris dès longtemps à lire dans la nature. Les formules y sont généralement données en mesures anglaises, mas la plupart du temps accompagnées de la traduction en mesures mé- triques. Ce n’est pas un des moindres mérites de cet ouvrage que de réclamer et de proposer un type général, adopté par tous, tant pour procé der aux essais que pour en classer les données et les résultats dans des tableaux modèles. On Sner difficilement le temps qui se- rait épargné aux lecteurs et aux chercheurs si l’on for- mulait le rapport sur tous les essais d’après une mé- thode précise, invariable, avec les mêmes notations et dans le même ordre. L'ingénieur anglais bien connu, M. Donkin, cherche déjà depuis longtemps à faire pré- valoir cette idée; nous souhaitons qu'il réussisse, ce à quoi ne manquera pas de contribuer l'argumentation claire et décisive de M. Thurston. V. DweLsHAuvERs-DERY. Annales de 1 Observatoire de Nice, publiées sous les auspices du Bureau äâes Longitudes, par M. Perrotin, divectewr, T. II, texte et atlas. Gauthier-Villars et fils. Paris, 1890. Le volume débute par une notice du regretté Thollon sur la magnifique carte du spectre solaire exécutée au moyen du grand spectroscope inventé par l'auteur. Cette carte de la région comprise entre A et b inclusi- vement est un modèle declarté et d'exécution et semble mériter, ce que se proposait Thollon, d’être considérée comme une image de l’état du Soleil à notre époque, pouvant servir à enregistrer tout changement un peu notable. Ce spectre qui a 10#23 d’étendue comprend 33 des- sins et renferme 3.200 raies tant solaires que tel- luriques., Dans la hauteur il est divisé en #4 bandes horizontales qui correspondent au soleil à 80° du zénith air sec, à 60° air saturé, à 60° air sec et enfin au Soleil tel qu'il s’observerait hors de latmosphère terrestre. BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX Ce spectre, étant la copie fidèle des observations de l’auteur, n’est pas absolument d'accord avec les obser- yations anciennes, notamment celles d'Angstrôm en ce qui touche les longueurs d'onde, Les raies sont rappor- tées à 252 raies considérées comme fondamentales et qui ont servi à enregistrer toutes les autres. Le triage des raies telluriques a été opéré en com- parant un dessin du spectre solaire à midi avec le même spectre un peu avant le coucher ou un peu après le lever du soleil. Thollon distingue en outre une 3e classe de raies mixtes telluro-solaires qui se mani- feste par des changements d'intensité; telle serait en particulier D,. Il y a là, comme le signale Pauteur, une difficulté sérieuse, Pour en triompher, il mesurait la largeur de chaque raie et notait son intensité par une échelle comprise de 1 à 10. Parmi les observations relatives aux raies telluri- ques Thollon signale l'apparition, notée une seule fois, de raies déjà enregistrées par Angstrüm. Il y a là ma- tière à bien des réflexions sur la variation de composi- tion de l'atmosphère, Il faut encore noter les discordances considérables avec le dessin d’Angstrôm dans la portion B-C, Peut- être trouverait-on quelque explication à ces diver- gences en comparant les spectres aux moments d’acti- vité maxima et minima du soleil, Un seul point laisse à désirer dans cet admirable essin : l'absence presque complète de comparaison entre les raies métalliques et les raies solaires. Il y a là une lacune bien regrettable. Le même volume contient : la continuation du tra- vail de M. Perrotin sur la théorie de Vesta où il donne l'expression développée des perturbations dues à l’ac- tion de Jupiter; des observations méridiennes faites au cercle de Brunner par MM. Simonin et Colonnas, à la lunette par MM. Fabry et Jabely; la description dé- taillée de l'instrument étant réservée pour le tome IV, il n’en est donné qu'une description sommaire; des observations par M. Charlois de comètes et de planètes continuent celles du même auteur parues déjà dans le tome IL; des calculs d’orbites du même auteur {ermi- nent ce volume qui fait le plus grand honneur à l'Ob- servatoire de Nice, et aux éditeurs MM. Gauthier-Villars et fils. 2° Sciences physiques ‘. Melander (G). — De la dilatation des gaz à des pressions inférieures à la pression atmosphé- rique. Helsingfors 1890, M. Melander s’est proposé de chercher ce que devient le coefficient de dilatation des gaz sous des pressions de plus en plus faibles ; après avoir passé en revue les diverses recherches relatives à la dilatation des gaz, l’auteur examine plus particulièrement le travail de Regnault, qui seul s'est occupé du cas des pressions inférieures à celle de latmosphère; Regnault était arrivé à ce résultat que le coefficient diminue conti- nuellement avec la pression et il pensait que pour une raréfaction suffisante, il tendrait vers une limite, la mème pour tousles gaz. Mais les coefficients déterminés dans ces conditions par Regnault étaient ceux à volume constant, dont la valeur dépend de la loi de compres- sion; d'autre part il n'avait poussé la raréfaction que jusqu'à 110" de pression, M. Melander a pensé avec juste raison qu'il y avait lieu de reprendre la suite de ces recherches. L'appareil de M. Melander est disposé pour opérer à volume constant ou à pression constante ; mais la dis- position expérimentale et la méthode de calcul sont telles que, dans les deux cas, on arrive à un coefficient indépendant de la loi de compression et répondant à la dilatation sous pression constante. 1 L'ouvrage de M. Eric Gérard : Leçons sur l'Electricite, t. Il, analysé page 676, n° 21 de la Revue, a été édité par E. DEARGAY. sk MM. Gauthier- Villars et fils. Paris, 1890. Dans le cas où on opère à volume variable, le gaz provenant de la dilatation est recu dans une capacité maintenue à la même température que le reste de la masse {soit à la température de l’ébullition de l’eau, les deux phases de l'expérience ayant lieu comme d'habitude à zéro et à 1000). On évite ainsi le reproche fait à la méthode suivie par Regnault, ainsi que M. Men- delecf avait déjà tenté de le faire, Le gaz dilaté sous pression constante ou variable est mis en communication avec l’une des branches d’une sorte de manomètre différentiel, le Comparateur, dont l’autre branche est mise en rapport avec le Compresseur ; le compresseur, qui est rempli aussi du gaz à étudier, a pour but de produire continuellement dans la branche du comparateur avec laquelle il communique, une pression égale à celle qui est produite dans l’autre branche par la masse de gaz dont on fait varier la tem- pérature. On arrive à ce résultat en faisant varier con- venablement le volume de la masse de gaz renfermée dans le compresseur. En réalité il n’est point nécessaire que le niveau du mercure soit rigoureusement le même dans les deux branches du comparateur, il suffit que la différence des pressions de part et d'autre soit très petite et qu'on puisse la mesurer rigoureusement; cette mesure a été faite par la méthode qui consiste à viser l'extrémité d’une pointe opaque fixe, extrêmement voisine de la surface du menisque et son image dans celui-ci, ainsi que l’a fait M. P. Chappuis dans son grand travail sur les thermomètres à gaz. _ L'équilibre au comparateur ayant été établi dans les deux phases de l'expérience, c’est-à-dire avant et après le chauffage du gaz (soit à zéro et à 1009), le jaugeage des différentes capacités de l'appareil et la connaissance de leur température pendant chaque phase permet d'écrire la relation de laquelle on tire la valeur du coefficient de dilatation. M.Melander a surtout opéré à volume constant et dans ce cas sa méthode revient à « comparer l'augmentation de la pression produite par le chaurage à l’augmenta- tion de la pression produite par diminution de volume, ét en conclure quel aurait été Le volume du gaz échauffé si celui-ci s'était dilaté sans variation de pression ». Le résultat auquel on arrive, en effet, est indépendant de la loi de compression, ainsi que je l'ai déjà dit au début, 1 ’ On peut reprocher à cette expérimentation un trop grand nombre de termes correctifs dont quelques-uns pourraient être ou supprimés ou réduits à une moindre importance; il y a en effet à tenir compte de 14 capa- cités et de leurs températures aux deux phases de l'expérience; mais la méthode et les dispositions expé- rimentales n’en sont pas moins très ingénieuses et M. Melander arrivera certainement à y apporter les quelques améliorations qu'on pourrait désirer, J'arrive maintenant aux résultats : M. Melander trouve que pour les deux gaz qu'il a étudiés (air et acide car- bonique) le coefficient de dilatation diminue d’abord avec la pression; mais que, contrairement à l'opinion de Regnault, cette diminution n’a lieu que jusqu'à un certain degré de raréfachon, à partir duquel il prend des valeurs croissantes. Ce minimum ! de la valeur du coeflicient aurait lieu pour l'air vers une pression de 170um de mercure, et pour lacide carbonique vers 5üw®m, Sans avoir aucunement l'intention d'in- firmer ce résultat, je pense qu'il ne peut être ac- cepté qu'avec réserve, étant donnée la difficulté extrême de mesurer avec exactitude les faibles pres- sions; qu'on se rappelle les divergences dues à la même difficulté auxquelles ont conduit les recherches faites sur l’élasticité des gaz raréfiés; il suffit d’une erreur systématique très faible dans cette mesure pour 1 La valeur de ce minimum serait, d’après l’un des tableaux de M. Melander, égale à 0,003660 et sous une pression de Gum 6 le coeflicient aurait augmenté jusqu’à devenir égal à 0,003762. Pour l'acide carbonique, le minimum est moins prononcé dans les limites de pression inscrites au tableau. | - À ny y BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX TA fausser de plus en plus la valeur du coefficient au fur et à mesure que la pression diminue, et pour donner lieu à une variation continue qui peut ne pas exister en réalité; cette cause d'erreur n’est du reste probable- ment pas la seule; qui peut répondre par exemple que les mesures observées soient rigoureusement appli- cables à une portion quelconque du gaz idéalement isolée du reste de la masse et soustraite à l’action des parois ? Il y a donc lieu de varier et de multiplier les expériences avant de se prononcer définitivement, et ersonne n'est à même de le faire mieux que M. Me- ander, Dans tous les cas son mémoire est un tra- vail sérieux et intéressant; la méthode ingénieuse qu'il a suivie peut rendre des services et les dispositions expérimentales en seront étudiées avec fruit par les physiciens qui s'occupent de ce genre de recherches. E. H. AwaGar. Lefèvre (J.). — Dictionnaire d'Électricité et de Magnétisme.—1°"e{2° fasc.J.-B. Baillière, Paris, 1890. La science électrique progresse si rapidement qu'il n’est pas inutile de remettre au point une fois par an les ouvrages qui s’y rapportent ; aussi, lors même qu'il existe déjà plusieurs dictionnaires d'électricité, applau- dirons-nous à l'apparition de tout ouvrage de ce genre qui, au moins aussi bien fait que ses devanciers, serait plus complet et plus moderne, Mais l’ouvrage de M. Le- fèvre n'a pas cette excuse ; il encombrera les catale- gues, sinon les bibliothèques, d'un numéro de plus, tout en restant très au-dessous des bons ouvrages de même espèce, Nous ne chercherons pas à Panalyser et nous nous contenterons de quelques citations. Prenons par exemple l’article : Conductibilité électrique ; nous y li- sons : « Propriété que possèdent les corps conducteurs de transmettre l’électricité.…. La conductibilité dépend de la nature du corps, de sa longueur et de sa section. La conductibilité est l'inverse de la résistance... Elle augmente avec la température... » — Puis, à l'article suivant : « Conduction. Synonyme de conductibilité, » Si peu que l’on demande à un dictionnaire, au moins peut-on exiger une rigueur absolue dans la définition des mots. Comme le dit l’auteur, la conductibilité est une propriété ; au contraire, la conduction est un phw- nomène. Sans trop en vouloir à l’auteur de faire dé- pendre la conductibilité des dimensions du corps, nous eussions désiré voir en cet endroit le joli néologisme conductance, car, logiquement, ce mot est le seul qui désigne l’inverse de la résistance, Le sens indiqué pour la variation de la conductibilité avec la température est, pour la plupart des bons conducteurs, une grosse erreur, Nous ne multiplierons pas les citations sur cé point, et nous ne surprendrons personne en disant que, pour l’auteur, l’erg et le cheval-vapeur sont des quantités de même espèce, Mais, ce qui frappe bien davantage à la lecture de cet ouvrage, c’est le manque absolu de proportion. Quatre lignes seulement consacrées aux diélectriques, autant à la dilatation électrique, trois au dromoscope, le très ingénieux appareil du Commandant Fournier, tandis que l’auteur décrit en onze lignes ce qu'il nomme duel électrique ; nous ne résistons pas à l’envie de reproduire cet artiele : « Application de l'électricité aux jeux de théâtre. Deux adversaires croisent le fer; ils sont en rapport avec une pile Trouvé; chaque combat- tant porte une cuirasse qui forme avec l'épée les deux pôles de la pile, Lorsque les deux épées se rencontrent, il jaillit du fer de chaque adversaire une myriade d’é- tincelles d’un pittoresque effet, et, quand l’une des lames touche la cuirasse de l'adversaire, une puissante lumière projette des rayons éclatants pendant toute la durée du contact. » Cette description est accompagnée d'une gravure, Nous retrouvons le même abus dans les trois colonnes consacrées aux bijoux électriques, abus qu'une fort jolie figure de Danseuse, parée desdits bijoux, ne par- vient pas à faire pardonner, L'article qui suit nous paraît bien superflu, le voici : « Canne lunuineuse. Canne dont la pomme, semblable aux bijoux lumineux, renferme une petite lampe à incandescence qu’on peut actionner à l’aide d’une pile placée, ainsi que son commutateur, dans la canne elle-même.» Ne pouvons-nous pas, d’après cela, nous attendre à trouver en son endroit le parapluie lumineux ? Ce qui précède était déjà composé lorsque le deuxième fascicule de l’ouvrage nous est parvenu; sans vouloir atténuer ce que nous avons dit du premier, nous tenons à constater que le second lui est sensible- ment supérieur; les défauts saillants du premier s’y re- trouvent sans doute, mais considérablement atténués ; bien que nous n’en soyions pas juge, il nous paraît que, sous le rapport de certains détails pratiques et élé- mentaires, l'ouvrage de M. Lefèvre peut servir de guide. Mais d’où vient le défaut le plus saillant de ce dic- lionnaire, la disproportion que l’on constate à chaque page? Elle est due surtout, croyons-nous, au désir d’em- ployer des clichés existants. Tous les catalogues des constructeurs y ont passé; le procédé est légitime assu- rément, mais à la condition de n'être pas envahis- sant, et M. Lefèvre l’a poussé à l'excès, L'ouvrage, de 1.100 pages, promet de contenir environ 1.000 figures. Sous ce rapport, il sera sans doute très complet. Une dernière recommandation, qui, espérons-le, ‘pourra être de quelque utilité à l’auteur, si ces lignes lui parviennent à temps : l'orthographe des mots étrangers aurait fréquemment besoin d’être vérifiée. Ch. Ed, GuILLAUME. XVilim (Ed.) et Hanriot (M.). — Traite de Chimie minérale et organique comprenant la chimie et ses applications. 4 vol. in=8° de chacun 750 pages avec nombreuses figures dans le texte. Paris, Masson, 1888-1890. Le plan de ce livre avait été conçu par Wur{z peu de temps avant sa mort, Il se proposait d'écrire un ouvrage d'enseignement supérieur ayant « pour cadre général le programme de la licence » mais renfermant en outre l'exposé des principales applications de la Chimie, Deux de ses élèves, depuis longtemps passés maitres, ont mis ce projet à exécution : leur livre comprend deux parties, auxquelles leur collaboration a assuré l’unité : la chimie minérale (tomes I et Il) et la chimie organique (tomes III et IV). L'ordre d'exposition qu'ils ont adopté est à peu près celui des traités classiques. Il n’y avait pas lieu de le modifier. Mais, là est surtout lintérèt de leur ouvrage, MM. Willm et Hanriot ne se sont pas contentés d’expo- ser avec détails les doctrines : ils ont accordé aussi une large place à la description des faits eux-mêmes, aux moyens pratiques de les obseryer, aux procédés employés pour extraire les différents corps, les prépa- rer ou les utiliser dans un but industriel, Leur éditeur a bien défini cette partie de leur œuvre en écrivant dans son Avertissement : « Les auteurs se sont attachés à montrer toutle parti que l’on pouvait tirer de la science pure au point de vue de sesapplications ; aussi les principes sur lesquels reposent nos grandes indus- tries ont-ils été suffisamment développés, non dans le but de faire un traité de chimie industrielle, mais de facon à donner au lecteur une idée générale de tout ce qui se rattache à lachimie, » Le tome I débute par quelques notions, trop som- maires à notre gré, de chimie générale, Vient ensuite l'étude des métalloïdes et de leurs combinaisons. La description de chacun de ces corps a été faite d’une manière très complète : au chapitre de l’eau, par exem- ple, ont été indiqués avec détails les qualités de l’eau potable, les méthodes pour découvrir et doser les sels dissous, l’hydrotimétrie, les procédés de purification de l’eau, la composition qualitative et quantitative des principales sources minérales, les modes connus ou soupconnés de minéralisation, enfin la marche géné- rale à suivre dans l’analyse de ces eaux. Pour les corps que l’industrie prépare, tels que l'acide sulfurique, les principales phases de la fabrication ont été décrites avec beaucoup de soin. De belles figures, exécutées à < 742 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX grande échelle, représentent les appareils. — Les mé- taux, et les sels, qui font l'objet du tome IT, ont été traités dans le même esprit. La Chimie organique offre plus de nouveauté. Cepen- dant M. Hanriot a pensé avec raison qu'il était beau- coup moins intéressant de décrire tous les composés connus, que d'exposer clairement la constitution des plus importants, de ceux que l’on peut considérer comme les générateurs de tous les autres. Les deux volumes qui lui sont dus font bien connaître l’ensem- ble de la chimie organique, ses méthodes, ses théories, ses applications, On y trouve d’abord les procédés de l’analyse organique, immédiate et élémentaire, décrits en détail, la détermination de la molécule, la théorie des formules de constitution, dont le sens est claire- ment défini,puis la classification des corps organiques les lois d’homologie, les séries. L'étude des fonctions, dominant (toute la chimie organique, a été surtout dé- veloppée. Puis ont été décrits à la suite les uns des autres les groupes de corps dérivant des diverses chaines d'hydrocarbures saturés, enfin les isologues de ces corps. Le même ordre aprésidé à la disposition de la série aromatique et de la série pyridique. (0) 3° Sciences naturelles. Fiot (Léon). — Recherches sur la structure com- parée de la tige des arbres. Thése de Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris. G. Masson, 1890. Lorsqu'une graine germe, les différentes parties de la plantule ont un mode de nutrition différent de celui des parties de même nature morphologique qui se dé- veloppent sur la plante adulte. M. Flot a cherché à savoir si leur structure était aussi différente. La tige est le seul organe qu'il ait étudié. En réalité, des modifications existent dans la dispo- sition et l'importance des éléments, et M. Flot les a mises en évidence dans de nombreux schémas repré- sentant comparativement, pour un assez grand nombre d'espèces, des coupes transversales, pratiquées d’une part dans la région tigellaire âgée d’un an, et, d'autre part, dans une branche verticale de même âge, mais prise sur la plante adulte, L'auteur emploie le terme de région tigellaire et non pas de tigelle, parce qu'il a reconnu que la structure propre à la tigelle se conti nue, dans certaines espèces, suivant la longueur de plusieurs entre-nœuds au-dessus des cotylédons. Des photographies très bien réussies, jointes à son travail, montrent tout le parti que l’on pourra tirer de ce mode de représentation, lorsqu'il sera entré dans la pratique courante des laboratoires, Nous rappelons ici seulement l’un des résultats acquis par l’auteur et qui nous à paru d’une certaine importance, bien que M. Flot n’en ait pas fait ressortir l'intérêt dans les conclusions de son travail, On admet généralement que dans le cylindre central de la tige d’un arbre, il existe d’abord une structure primaire caractérisée par la présence de faisceaux libéro-ligneux séparés l’un de l’autre par du tissu eonjorctif et &is- posés en cercle. A celle-ci fait suite une structure secondaire due à une assise de méristème qui se déve- loppe entre les faisceaux aux dépens du tissu conjonctif, et engendre du bois secondaire et du liber secon- daire, pour former un anneau libéro-ligneux, Or, d’a- près M. Flot, ce schéma classique n'appartient qu’à la région tigellaire. Dans une branche, iln’y aurait, à pro- prement parler, pas de structure primaire; on trouve- rail dans la partie la plus jeune de la branche une zone annulaire semblable à un méristème et siège d’un cloisonnement très actif, aux dépens de laquelle les faisceaux libéro-ligneux se développeraient, Ce fait montre une fois de plus combien 1l est nécessaire, dans les descriptions anatom'ques, d'indiquer à quelle place et dans quelles condilions les observations ont été faites. C. SAUVAGEAU, Saint-Rémy (D° G.). — Contribution à l'étude du cerveau chez les Arthropodes trachéates. Thés de Doctorat présentée à la Faculté des Sciences de Paris. Arch. de zoologie exp. el gén., 2 série t. V bis, suppl.. Biemivald. Paris, 1890. M. Saint-Rémy a choïsi un sujet très limité, Laissant de côté dans le système nerveux des Trachéates tout ce qui n’est pas le cerveau proprement dit, chaîne ventrale, nerfs périphériques, système stomato-gastrique, organes des sens, il l’a réduit encore en écartant résolument toutes les questions relatives à la structure histologique et aux rapports des centres nerveux avec les parties voisines, Il y a là peut-être excès de spécialisation el le travail eût certainement gagné en intérêt à n'être pas renfermé dans des limites aussi étroites, Ces réserves faites, il faut reconnaître que M. Saint- Rémy a tiré le meilleur parti possible du sujetet a fourni par l'étude d’une vingtaine de types embrassant les formes les plus caractérisées des Myriapodes, Ara- néides, Phalangides et Scorpionides les bases solides d'une comparaison qui manquait entre le système ner- veux de ces animaux et celui des Insectes et des Crus- tacés supérieurs, Il a montré par une étude approfondie, parfois d’une minutie extrème, qu’au lieu de la sim- plicité attribuée jusqu'ici au cerveau des Myriapodes et des Arachnides, il faut admettre une complexité parfois aussi grande que chez les types les plus élevés des Insectes et des Crustacés et que les mêmes parties s’y retrouvent avec la même signification morpholo- gique. C'est chez les Myriapodes, comme on pouvait le pré- voir 4 priori, que le cerveau se rapproche le plus de celui des Insectes, Comme chez ces derniers, Ja partie sus-æsophaeienne du système nerveux comprend trois ganglions déterminant trois zonites pré-buecaux : Le premier porte les yeux el a pour masse ganglion- naire le protocerebron, formé de deux lobes optiques et deux lobes frontaux, siège particulier des fonctions psy- chiques. Le deuxième porte les antennes et a pour ganglion le deutocerebron, formé des deux lobes antennaires pré- sentant chacun une petite région olfactive peu diffé- renciée, Le troisième, qui chez les Crustacés porte les antennes externes, est ici, comme chez les Insectes, dépourvu d’appendices, Il à pour organe central le tritocerebron formé des deux lobes æsophagiens des Crustacés, plus le ganglion stomuto-gastrique soudé ici intimement avec le cerveau. Le labre recoit ses nerfs du tritocerebron, mais n’a pas valeur d’appendice. : Les Arachnides s’éloignent davantage du type fonda- mental, mais présentent une unité de plan remarquable. Partout le cerveau ne se laisse décomposer qu’en deux parties : 1° Un protocerebron du type ordinaire el ne présen- tant rien de particulier, 2° Un ganglion rostro-mandibulaire, très hétérogène, formé par la fusion de deux centres primitivement dis- ‘üincts, inférieurement le ganglion des chélicères, dori- gine sous-æsophagienne et qui n’est venu que secon- dairement se souder à la masse sus-æsophagienne, et supérieurement une masse qu'on ne peut distinguer nettement de la précédente, mais qu'il faut regarder comme un rudiment de tritocerebron, car elle émet le nerf rostral qui chez tous les autres types provient de cette partie du cerveau. Le deutocerebren fait entière- ment défaut et avec lui ont disparu le deuxième zonite etses appendices, les antennes, que rien ne représente plus chez les Arachnides. Enfin, l’auteur a pu étudier au même point de vuele cerveau du Peripatus qu'il a trouvé formé également de la soudure de deux parties d'origine différente, un gan- glion mandibulaire, d’origine sous-æsophagienne, et un ganglion céphalique qui ne se laisse que difficilement, et même un peu hypothétiquement, résoudre en les trois parties habituelles du cerveau des Arthropodes. un cofite Chi ft LÉ ie cote het it * devons adresser des remerciements à l’auteur, een JTE, bn lD 5 d BIBLIOGRAPHIE. Quatorze planches renfermant plus de 150 figures de sections réelles sur des cerveaux soigneusement isolés au préalable et que 10 figures d° ensemble dans le texte ermettent de coordonner aisément, témoignent du abeur considérable et de la conscience avec laquelle M. Saint-Rémy a épuisé son sujet. G. Pruvor. Richet (Ch.), Professeur à la Faculté «des Sciences de Paris. — Cours de Physiologie. Programme som- maire. 1 vol. in-12, Bureaux des Revues, Paris, 1591. En publiant ce programme, plus détaillé que le titre l'indique, M. Ch. Richet a voulu donner à ses élèves une sorte de mémento de son cours, Mais ce n’est pas seulement aux étudiants que ce pelit livre rendra ser- vice. Ceux qui depuis longtemps déjà ont quitté les banes des écoles, trouveront aussi plaisir et profit à le consulter, L'auteur y a condensé en effet, en les clas- sant avec méthode, tous les faits principaux de la phy- siologie humaine, les procédés employés pour les dé- couvrir, les lois qui s'en dégagent et les hypothèses qu'ils suscitent, Dans chaque chapitre il a eu soin d'in- diquer d’une facon sommaire, mais très nette, l'ordre historique des découvertes, le sens des progrès ‘réalisés et les lacunes de la science actuelle. A l'intérêt de ces documents s'ajoute celui d'une bibliographie bien com- prise. Un auteur médiocrement érudit eût été tenté de: la faire abondante. M. Richet s’est surtout efforcé de la choisir : pour chaque question il l’a réduite aux pages qui s’y rapportent d’une manière spéciale dans trois ou quatre livres ou articles de nos grands diction- naires. Les étudiants qui s’y réfèreront acquierront ainsi une connaissance très solide de toute la physio- logie contemporaine, Bien qu'écrit dans le style laconique d’un programme, le livre de M. Richet systémalise les faits et les idées avec une telle clarté qu’on peut le lire comme un ou- vrage didactique, à moins d’être absolument ignorant en la matière, Cette qualité le recommande aussi à ceux qui tiennent à ne point oublier. L. O. 4° Sciences médicales. Harley (Georges). — Traité des maladies du foie traduit de l'anglais et augmenté d’un Mémoire sur l'inter- vention chirurgicale dans les maladies des voies biliaires, par Paul Roper, Paris, Georges Carré, 1890. Ouvre personnelle, ce traité est le contre-pied des monographies classiques qui doivent contenir une étude complète de chacune des affections hépatiques. Cer- taines questions sont à peine esquissées, d’autres, au contraire, sont décrites avec les plus grands détails, elle par exemple, celle, siimportante, de l'ictère, qui occupe toute la seconde partie de l'ouvrage; son étiologie, sa pathogénie, ses rapports avec les divers états morbides dans lesquels on l’observe, sont très complè tement étudiés. De nombreuses observations personnelles, des recherches de laboratoire suivies rendent cette partie de l'ouvrage particulièrement intéressante. Le mémoire dù à M, Rodet, qui a trait à l'intervention chirurgicale dans les maladies des voies biliaires, pré- sente des qualités inverses. A une époque où ces inter- ventions chirurgicales n'ont encore été faites qu’en petit nombre, il faut pour se faire une opinion, ras- sembler fous les cas publiés. À ce point de vue nous car il a réuni sous une forme assez concise la presque totalité des observalions publiées jusqu'en 1887, si bien que l’on peut se faire une idée assez nette de la cholécysto- tomie et de la cholécytectomie par la seule lecture de son (travail, D' HENRI HARTMANN. Fournier (Alfred), — Professeur à la Faculté de Méde- cine. — Syphilis et Mariage. Paris, G. Masson, 1890. Dans le cours de cette année, M. A. Fournier a publié la deuxième édition de son livre Syphilis et Mariage; dix nouvelles années d'observations n’ont fait que con- — ANALYSES ET INDEX 743 firmer en tous points les doctrines émises dans la première édition par le savant professeur de la Faculté de Paris. À un moment où l’on s'occupe activement de rechercher les causes du faible accroissement de la population en France et les moyens d'y remédier, il est utile d'étudier quel est, en l’espèce, le rôle de la syphilis. Syphilis et Mariage fournit à ce propos des documents abondants, dont on jugera la valeur quand on saura qu'un père syphilitique n’engendre qu'un enfant viable sur quatre, soit une mortalité de 25 0/0, que cette mortalité s'élève à 71 0/0 lorsque les deux conjoints sont contaminés. Mais, d’autre part, le syphilitique dont la maladie est éteinte, n'est plus dangereux : il peut engendrer des enfants parfaitement sains ; il était donc d’une extrème importance de définir les conditions auxquelles devait répondre un syphi- litique pour que sa syphilis pût être considérée comme éteinte, pour qu'il fût admissible au mariage. Ces conditions, le professeur Fournier les a formulées magistralement sous forme de lois portant sur l’âge de la syphilis (au moins 4 ans), les caractères de son évo- lution, le traitement à suivre, etc.; elles forment un véritable code dont doit profondément se pénétrer tout médecin soucieux du rôle élevé qu'il est appelé à remplir, et c’est ainsi que Syphilis et Mariage west pas seuiement une œuvre médicale d’une grande utilité, mais encore une œuvre de sociologie des plus élevées. D'Ed. DE LAVARENNE. Tripier (R ). Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon. — Note sur un fait contribuant à établir l’exis- tence de l'endocardite tuberculeuse. Archives de médecine expérimentale et d'anatomie pathologique, 17e série, €. II, 1890, La tuberculose des vaisseaux (veines pulmonaires, veine cave inférieure, canal thoracique, etc.) a été si- gnalée par plusieurs auteurs (Poafick, Hanau, Weigert, ÿ Arnold, Mügge, Weichselbaum); la localisation du bacille de la tuberculose sur l'endocarde est, au con- traire, exceptionnelle, et l'on n'en connait que quelques cas signalés par Rindfleisch et par Cornilet Babes, A ce titre, l'examen histologique d'une endocardite aiguë tuberculeuse faite par M. Tripier présente un très grand intérêt, À l'autopsie d’un jeune sujet atteint de tuberculose miliaire généralisée, l’auteur a trouvé, au niveau de la face inférieure de la valvule mitrale, un nodule tuber- culeux que le microscope lui a montré parsemé de cellules géantes. La face supérieure de la valvule était le siège d’une endocardite aiguë végélante: la struc- ture des végétations était la même que celle du nodule. Il n'a pas ‘élé possible de découvrir la présence de bacilles de Koch sur deux coupes colorées dans ce but. Si l'examen eût porté sur un plus grand nombre de coupes, il eût été peut-être positif. Mais, dans l’espèce, la constatation des cellules géantes ala ‘valeur de celle du bacille. Discutant la pathogénie de cette lésion, M. Tripier admet que les bacilles versés dans la circulation se sont arrètés entre les piliers valvulaires et y ont donné lieu à la formation d'un coagulum albumino-fibrineux qui s’est organisé et infiltré de nombreuses cellules embryonnaires. Ce cas suscite au savant professeur de Lyon quel- ques idées d'ordre plus général. S'appuyant sur la fré- quence des lésions cardiaques chez les tuberculeux, il regarde comme étant de nature tuberculeuse certaines endocardites anciennes, avec ou sans lésions récentes, qui se présentent chez ces malades. Il pense néan- moins que ces faits ne vont pas à l’encontre de la théo- rie de l’antagonisme entre les maladies du cœur et la phtisie pulmonaire. Selon lui, lorsque la tuberculose est primitivement localisée à la fois dans le poumon et dans le cœur, l’une des deux.affections : cardiaque ou pulmonaire, finit toujours par prendre le pas sur l’autre et par s'opposer à son développement. D' H, Vincewr. 744 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 24 novembre 1890, 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. A. La Maestra : Généralisation d'un théorème d’Abel, — M. Sylvester : Sur le rapport de la circonférence au diamètre, — M. G. Bigourdan. Observations de la comète Zona (15 novembre 1890) faites à l'Observatoire de Paris, (équatorial de la tour de l'Ouest), — Mit D. Klumpke : Observation de Ja nouvelle comète Zona (Palerme, 15 novembre 1890) faite à l'Observatoire de Paris (équa- torial de la tour de l'Est). 20 ScIENCES PHYSIQUES, — M, E. Branly en étudiant la conductibilité d'une couche mince de limaille métal- lique, a constaté, que la résistance d’une telle couche, variable dans chaque cas particulier, mais loujours assez grande, diminue considérablement sous l'influence des phénomènes électriques suivants : décharge élec- trique éclatant à une distance plus ou moins grande, passage d’un courant induit, passage d’un courant de pile très énergique. — Dans une précédente commu- nication, M. Ch. Fabry avait établi la théorie de la visibilité des franges d’interférence lorsque la source éclairante est limitée, et montré que la netteté des franges est périodique; il applique cette théorie à deux cas simples, le cas d'une ouverture rectangulaire et celui d’une fente linéaire mal réglée; la théorie se vérifie avec tous les appareils producteurs de franges d’interférence, — En décomposant le cyanogène par la chaleur au contact d’un fragment de charbon de cornue saupoudré de cryolithe, MM. P.etL Schützenberger ont obtenu une variété nouvelle de carbone; elle est disposée en fins filaments élastiques ; oxydée suivant la méthode générale que M. Berthelot à instituée pour l'étude des types du carbone, elle a fourni des produits d’oxydation qui doivent la faire ranger à côté du gra- phite électrique, — M. J. Garnier fait ouvrir un pli cacheté déposé par lui en mai 1887; ce pli renferme un procédé pour obtenir un bleu analogue au bleu de colbat, au moyen du chromate de potasse, du spath fluor, et de la silice. — M. D. Gernez a appliqué sa méthode de la mesure du pouvoir rotatoire à la déter- mination de combinaisons forraées par les solutions aqueuses d'acide malique avec le molybdate double de potasse et de soude et le molybdate acide de soude. — M, Doumet-Adanson décrit un {tornado qu'il a ob. servé à Fow'chambault (Nièvre), le 1° octobre dernier. Le phénomène était violent, mais très localisé; les dégâts sont compris dans un espace de 400 m. sur 200, ils ne s'étendent pas à moins de 40 m. au-dessus du sol; la rotation avait lieu dans le sens des aiguilles d'une montre. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Sabatier a suivi les diverses phases de la spermatogénèse chez les Locus tides, dont le spermatozoïde se signale par l'existence d’une coiffe céphalique non chromophile; celle-ci pro- vient de wésicules nucléuü'es qui, se formant dans le noyau en grand nombre, se fusionnent entre elles de facon à se réduire à trois ; celles-ci font hernie hors du noyau et constituent la coiffe; dans cette émigra- tion, elles ont perdu leur affinité pour les matières colorantes. — M. H. Prouho a retrouvé la Cyclu- tella annelidicola de MM, Van Beneden et Hesse; ses observations le conduisent non seulement à rapporter cette espèce aux Bryozoaires, mais encore à la faire rentrer dans le genre Lorosoma, — M, Willot signale les eaux ammoniacales du gaz d'éclairage comme très efficaces pour la destruction de l'Hetuarlera Schachti, nématode parasite de la Betterave; ses expériences ne lui permettent pas de croire queles œufs de ce parasite puissent traverser sans périr le tube digestif du mouton et par suite contaminer les fumiers. — Des essais de M. A, Girard, il résulte que la pomme de terre eulti- vée en France suivant ses indications se trouve, au point de vue de la fabrication de l'alcool, dans des con- ditions économiques au moins aussi avantageuses que celles où elle se trouve en Allemagne, — M. Daubrée a fait des expériences dans le but de déterminer si lon peut attribuer à des gaz la formation des cheminées diamantifères du Cap. Celles-ci se présentent au milieu de roches dures, sous forme de forages eylin- driques verticaux, disposés en ligne et comblés par des débris divers ; leur diamètre varie de 20 à 450 mètres, par conséquent est faible relativement à leur profon- deur considérable. Or, en utilisant les éprouvettes manométriques à explosifs, modifiées par M. Vieille de facon à admettre un échantillon de roche à la place du manomètre à écrasement, M. Daubrée a obtenu par l’action d’explosifs plus ou moins brisants, des sillons et des tunnels qui reproduisent en petit les cheminées du Cap; pour que, par leur passage rapide, les gaz de l'explosion déterminent des érosions de cette forme dans les diverses roches essayées, calcaire siliceux, schistes, granites, il faut que la voie leur soit indiquée par une fine perforation ou une fente préexistante ; il est probable que les cheminées du Cap se sont pro- duites le long d’une faille. M. Daubrée propose pour ces phénomènes le nom de diatrèmes.—M. A.Lacroix : Sur une roche éruptive de l'Ariège et sur la transfor- mation des feldspaths en wernérite. Séance du 1° décembre 1890. 1° SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. À, Mannheim dans une note précédente avait étudié le déplacement d’un double cône sur deux directrices rectilignes. Il étudie aujourd'hui le cas du déplacement sur deux directrices en hélice, et fait voir qu'on arrive au mème résultat, à savoir que le déplacement du corps peut ètre obtenu en liant ce corps à un cylindre dont la section droite est une spirale logarithmique. — MM. Trepied, Ram- baud et Renaux : Observations de la nouvelle comète Zona faites à l'Observatoire d'Alger. 2° ScreNcesPuYsiQuEs. — M. U. Lala a repris expé- rimentalement la question, peu étudiée jusqu'ici de la compressibilité des mélanges gazeux. Ses premières expériences portent sur l’air sec et l'acide carbonique sec mélangés en proportions diverses, les pressions va: riant de {À mètre à 16 mètres de mercure. À mesure que la proportion d’acide carbonique augmente, la compres- sibilité du mélange d'abord intermédiaire entre celle de Vair carbonique et celle de l'acide carbonique croit pour se rapprocher de celle de l'acide car- bonique la dépasse, puis décroît en tendant de nou- veau, nécessairement, vers celle de l’acide carbo- nique pur, — M. R. Salvador Bloch indique la mé- thode qu'il emploie pour étudier la réflexion et la ré- fraction par les corps à dispersion anormale ; elle consiste essentiellement dans l'emploi de pelliculles colorées dont on fait varier l'épaisseur. — Pour diffé- rencier les taches d'arsenic des faches d’antimoine fournies par l'appareil de Marsh, M.G. Denigés pro- pose d'utiliser les caractères micro-chimiques de larse- nomolybdate d’ammoniaque.— MM. A. Michel Lévy et A. Lacroix ont déterminé les indices de réfraction principaux de l'anorthite. — M. H. Faye attire l’at- tention sur la trombe de Fourchambault, qui d’après la relation succincte de M, Doumet Adanson consti= ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 745 tuerait une variété rare de ces phénomènes. — M. Alf. Angot communique quelques observations faites à la Tour Eiffel sur la vitesse du vent et les mouvements verticaux de l'atmosphère enregistrés au moyen d’appa- reils nouveaux. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Mallèvre a éludié la facon dont l’acide acétique s’oxyde dans l'organisme des mammifères, Les variations du quotient respira- 0: toire qui succèdent à l'injection d’acétate de soude dans les veines de l’animal en expérience, montre que la très grande partie de cet acide est rapidement oxydé et qu'une fraction seulement de la partie brülée épargne des quantités isodynames d'aliments ternaires. M. René Drouin dose l’alcalinité du sang, au moyen de la phtaléine du phénol, sur une très petite quantité de sang, grâce a un procédé qu'il n'indique pas. Appli- qué à la série apimale,ce procédé montre que d’une facon générale, l’alcalinité du sang croît comme l’ac- tivité des échanges respiratoires, — M, Et. Jourdan a observé, dans la trompe des Glycères {Annélides) immédiatement au-dessous de la cuticule,une couche fi- brillaire avecnoyaux,comparable à la névroglie mais qui doitsuivant l’auteur être rapporté à l’épithilium, —M.KH. Viallanes décrit la structure microscopique des centres, nerveux du Limule. — M. R. Moniez a trouvé une nou- velle espèce de Nematobothium parasité des thons ; cette espèce est polymorphe, certaines formes vivant libres ou semi-libres dans les cavités digestives, les autres enkys- tées à deux dans les branchies, De l’ensemble des cärac- tères, l’auteur conclut que ce genre doit être rapporté aux Trématodes. — On connaissait aux Echinodermes deux systèmes nerveux, l'un ambulacaire ou superficiel partant de la face orale, l’autre proche du premier, mais interne ou profond, M. Cuénot a reconnu chez les Astéries l'existence d’un troisième système, bien développé à la face aborale, où il tapisse Les faisceaux musculaires péritonéaux; ce système entérocwlien existe aussi chez les Oursins et les Ophiures. On doit le con- sidérer comme l’analogue du système nerveux des Cri- noïdes, — M. J. Demoor a observé les mouvements de locomotion chez les arthropodes et décrit les divers types de marche qu'il a pu reconnaitre. — M.E. Bastit a étudié comparativement l'influence de la lumière et de la pesanteur sur la direction de la ttge des mousses, De ses expériences faites soit dans l'air soit dans l’eau il résulte que la tige des Mousses (Pol/ytrichum) est douée d'un faible géotropisme négatif, et d'un hiélotropisme positif beaucoup plus puissant, de sorte qu'en résul- tante, la tige se dirige toujours vers la lumière, — M. L.-J. Léger, a reconnu chez les Fumariacges l'existence d'un système de laticifères bien déve- loppé, contenant un latex limpide rouge, — M. G. de Saporta décrit de nouvelles flores fossiles observées en Portugal, et marquant le passage entre les systèmes jurassique et infacrétacé, — M. J.Seunes signale la présence de Rudistes dans la couche à Orbi- tolines des Basses-Pyrénées, qu'il avait attribuée au-Cé- nomanien ; la découverte de ces fossiles confirme cette attribution. L. LAPICQuE, ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 25 novembre 1890, M. Périer est élu membre titulaire dans la section de chirurgie, à Séance du 2 décembre 1890. MM, Terrillon et Chaput présentent l’observation d'une malade sur laquelle ils ont pratiqué l’anastomose de VS iliaque et de l'intestin grèle pour un anus contre nature ombilical consécutif à une hernie étranglée et gangrenée. Succès opératoire, selles normales chaque Jour. —M. Henrot (de Reims) communique le cas d’un enfant nouveau-né allaité par sa mère qui présenta pendant 15 mois, à la vulve et à la partie supérieure de la cuisse droite, une éruption herpétiforme correspon- “colas jumeaux morts peu de temps après leur naissance ; la dant à la date des époques menstruelles chez la mère, Toxémie cataméniale héréditaire, —M, Hallopeau fait une communication sur un cas de cocainisme aigu sur- venu après injection de huit milligrammes, Les accidents observés, surtout chez les sujets nerveux, consistent en une céphalalgie persistante, profond malaise, in- somnie, engourdissement des membres, défaillance, vertiges, prostration mêlée à de l’excitation cérébrale avec loquacité et agitation; ils peuvent parfois se pro- longer même pendant plusieurs mois, — M. L. Collin, à propos de la dépopulation de la France, reclame l’as- sainissement des villes, l'alimentation en eau pure, la revaccination obligatoire. Celle-ci a déjà affranchi l’armée de la variole. Les cas de typhoïde observés dans l'armée sont dus à la mauvaise alimentation d'eau, à Pinsalubrité des villes où sont les casernements, D' Ep. DE LAVARENNE. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 6 novembre 1890 M. Féré, enregistrant les mouvements de la langue chez les bègues. a constaté une faiblesse et une lenteur extraordinaire dans ces mouvements. Il à pu, dans un cas, obtenir une amélioration considérable au moyen d'une gymnastique nullement phonétique consistant à rouler une bille d'ivoire dans la bouche, —M, Schmitt, ayant conslaté que le camphre jouit de propriétés vasotoniques, à recherché si parmi les combinaisons des divers camphres avec le chloral, il ne s'en trouve- rait pas une atténuant l’action dépressive que ce médi- cament exerce sur la circulation; le menthol-chloral paraît répondre à ce desideratum. — M. Laborde pré- sente le cerveau du lapin pyocyanique qu'il avait montré quinze jours auparavant avec des troubles moteurs d’origine cérébrale, Il y a sur un des pédon- cules cérébraux une pelite hémorrhagie entourée de foyers congestifs. — M. Fabre-Domergue a reconnu que la prétendue bouche des Trachelius (Infusoires) est une dépression en fossette de la cuticule, — M. Pou- chet à retrouvé dans des textes anciens la mention de deux échouages de cétacés qui avaient été oubliés jusqu'ici sur les catalogues spéciaux — M. Jumelle a étudié les échanges respiratoires des lichens; s'il est vrai qu'en été ils ne dégagent point d'oxygène, en hiver au contraire, ils en dégagent et par conséquent assimilent du carbone, C’est de leur état hygrométrique que dépend cette assimilation; elle est d'autant plus active qu'ils sont plus humides. Séance du 29 novembre 1890 M. J. Chatin a constaté que l'épithélium des crêtes acoustiques du Vanneau est vascularisée, — M, A. Ni- a trouvé un muscle présternal chez deux même anomalie existait chez la mère, comme on a pu s’en assurer par l'excitation électrique de la région thoracique; le muscle présternal contracté se sentait très bien à travers la peau. — MM. Raïlliet et Lucet décrivent des Coccidies qu’ils ont trouvées dans les villosités intestinales du chien et du putois; elles ne semblent avoir aucune influence pathologique ; ils ont trouvé des Coccidies analogues dans les fèces de deux malades atteints de diarrhée chroniqgqge. — M. Phi- salix à trouvé, vivant en parasite dans les poumons du Dauphin, une nouvelle espèce de filaire, à laquelle il donne le nom de Filaria semi-inclusa en raison de la particularité suivante; la moitié antérieure du parasite est pelotonnée dans un kyste qui fait le centre d'un tubercule, l’autre moitié flotte dans la bronche. —- MM. A. Mathieu et Rémond communiquent les expé- riences de contrôleauxquelles ils ont soumis la méthode dn coefficient de partage entre l’eau et l’éther, appli- quée à l'analyse du suc gastrique ils ont étudié chez un sujet normal les variations de lacidité avec les diverses phases de la digestion, — M.L., Lapicque pré- cise les conditions dans lesquelles il faut faire réagir 146 ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES les sulfocyanates alcalins sur le fer pour doser ce métal par son procédé colorimétrique. — M. Chardin présente divers échantillons de pain contenant du sang; la fermentation panaire a détruit le goût du sang. L. Laricque. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du » décembre 1890. M. Leduc étudie la résistance électrique du bismuth duns un champ magnétique. I y a quelques années déjà, l'auteur à montré que la résistance d’un barreau de bismuth augmente quand on vient à le soumettre à l'action d'un champ magnélique, l'unité de résistance subit alors une augmentation z liée à la valeur M du champ par une formule hyperbolique ; les coeflicients de cette formule varient avec la température. M. Leduc s'est proposé de déterminer celle variation, il a, à cet effet, préparé du bismuth aussi pur que possible, et à chauffé les échantillons obtenus dans une petite étuve à double enveloppe au moyen de courants de liquides ou de vapeurs produisant des températures variant en- tre 10° et 160°, L'influence du magnétisme va en dimi- nuant quand la température augmente, et si l’on représente les résultats par une courbe, on constäte que cette influence parait devoir s'annuler pour une température très voisine du point de fusion du bismuth. — M, le Commandant Renard fail une conférence sur l'électrolyse industrielle de l'eau; après avoir retracé l'historique de la question, il insiste sur la facon très défectueuse au point de vue économique dont on cons- truit encore aujourd'hui les voltamètres ordinaires ; l'emploi de fils de platine comme électrodes est fort dispendieux; la forme de ces électrodes rend la résis- tance de l’auge électrolytique considérable, les éprou- vettes donton les recouvre accroissent encore celte résis- tance. M. Renard a cherché à supprimer ces inconvé- nients, Très avantageusement on remplace le platine par de la simple tôle, à condition toutefois de substi- tuer à la solution ordinairement utilisée d'acide sulfu- rique, une solution alcaline ; la soude à la chaux fournit d'excellents résultats, la conductibilité est aussi grande qu'avec l’acide, l'attaque des électrodes abso- lument nulle, d’ailleurs la soude demeure intacte, seule l’eau distillée doit être renouvelée au fur et à mesure de sa décomposition. Pour diminuer la résis- tance, on prendra desélectrodes de très grandes surfaces et on les séparera par une cloison poreuse se laissant aisément traverser par le courant, mais s’opposant à la réunion des gaz produits, Une simple toile d'amiante suffit, comme le démontrent plusieurs expériences répétées devant la Société, à empêcher la réunion des gaz, tandis que le courant traverse facilement cette toile imprégnée dans tous ses filaments du liquide conducteur. M, Renard à fait construire un voltamètre formé de deux cylindres de tôle concentriques, haut de 2% 50 environ, séparés par un sac @e toile d'amiante; avec une force électro-motrice de 2 volts 7, on obtient avec ce cylindre le rendement maximum; les gaz qui se dé- sagent se rendent dans des gazomètres séparés, une disposition très simple permet d'éviter la dangereuse réunion des gaz dans l’intérieur du volftamètre, au cas où l’un des tubes de dégagement viendraità s’obstruer. Les gaz obtenus sont parfaitement purs : l'hydrogène a une densité sensiblement plus faible que l'hydrogène impur préparé par les autres procédés industriels, c'est là un avantage fort appréciable pour les aéro- nautes ; oxygène produit dans une solution alcaline, est débarrassé d'ozone, les médecius pourraient ainsi l'utiliser sans inconvénient, M. Renard termine sa conférence par la description d’un projet théorique d'usine à gaz oxygène et hydrogène. les calculs qu'il a effectués prouvent que les frais de première installation seraient très minimes et que la production d’un mètre cube de gaz (+ de O, ? de H) reviendrait seulement à la somme de 0 fr. 16. Lucien Poincaré, SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance des 14 et 28 novembre 1890. M. Maquenne décrit un procédé de formalion des acides pyrazolcarboniques par union des aldéhydes de l'acide nitrotartique et de l’ammoniaque. Ces acides se dédoublent par la chaleur en acide carbonique et pira- zols 8 substitués, — M. Bidet montre que l’altérabilité d’un grand nombre de composés aromatiques est due à la présence de corps thiophéniques. Il indique que l'aniline, la méfhylaniline, la naphtylamine, etc., dé- barrassées de thiophène n’ont plus leurs réactions co- lorées habituelles, — M, Zune fait une communication sur l’analyse des beurres. — M, Béhal a retiré de l'éther benzoïque dans le dédoublement de la cocaïne par la potasse alcoolique, -— M. Nolting présente une note sur les transpositions moléculaires des composés hydrazoïques et indique les conditions où il faut se placer pour obtenir des corps du groupe de la benzi- dine, —M.Calderon, en étudiant des taches noires sur des bijoux en or mat, y a reconnu la présence de Peni: cillium qu'il a puisoler et caractériser, — MM. Béhal et Choay décrivent deux nouveaux isomères de la chloralimide, — MM, Mourgues et Chapoteaut ont re- Liré des graines de Persil un corps différent de PApiol. — M. Ph. À. Guye indique de nouveaux exemples con- firmant sa loi de variation des pouvoirs rotatoires. — M. Friedel appliquant l'hypothèse du tétraèdre à la formule de Kékulé, montre que la formule de la ben- zine ainsi développée permet d'expliquer toutes les isoméries des composés benzéniques et rend compte de l'absence de pouvoir rotatoire dans cette série, Séance industrielle du 3 décembre 1890, MM. Massignon et Watel indiquent un nouveau pro= cédé defabrication deschromates fondé sur l'oxydation lente à l’air du chromite de calcium. — M. Ferdinand Jean propose un procédé d'analyse des cires qui per- met d'y retrouver la paraffine, l'acide stéarique et la stéarine. Il montre ensuite les difficultés de la recher- che des acides minéraux libres dans le vin, et leur importance au point de vue de la fabrication. — M. Lin- det indique l’origine du furfurol dans les alcools com- merciaux, Il fait ensuite l'étude comparée des alcools de betterave et de pomme de terre, DSHaxrior. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 27 novembre 1890. 1° SCIENCES PHYSIQUES. — M, Francis Galton fail une communication sur les sillons du pouce et des doigts, sur leur arrangement en classes naturelles distinctes, sur la permanence des crètes papillaires distinctes qui les déterminent, et sur la ressemblance entre ces classes et les genres ordinaires. Il à pris l'empreinte de la pulpe des doigts et du pouce d'un grand nombre de personnes, Il a constaté que les des- sins formés par les crètes papillaires sur le pouce el les doigts peuvent se ramener à dix classes princi- pales. L'origine de ces dessins doit être attribuée à l’ongle, dont l'extrémité oblige les crêtes papillaires voisines à se recourber en are et à laisser un inter- valle entre elles et les crêtes papillaires horizontales qui se trouvent au-dessous. Cet intervalle est rempli par les enroulements divers qui constituent les des- sins en question, En comparant des empreintes prises à 30 ans de distance, on a pu s'assurer de la constance des mêmes dispositions chez les mêmes personnes. Les variations des dessins, à partir de formes typiques centrales, concordent avec la loi théorique de l'erreur probable. On peut conclure delà quela sélection natu- relle n’agit pas seule pour créer des genres ou les maintenir dans leur pureté. — M. V.-H. Veley{a étudié les conditions des échanges chimiques entre l'acide nitrique et certains métaux, 1) Le cuivre, le mercure et le bismuth ne se dissolvent pas dans l'acide nitrique, employé d'ordinaire pour la préparation du bioxyde SP PT PO ER sorts Éd'tmnennte 1: PPS CS DS] étine i nhééta tentes st nd à de amet ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 747 d'azote (à la concentration de 30 0/0 environ), pourvu qu'il ne contienne pas d'acide azoteux. 2) Si ces mé- taux se dissolvent, la quantité de métal dissout varie proportionnellement à la quantité d’acide azoteux, pourvu que l'acide nitrique soit en grand excès, 3) Lorsque ces métaux se dissolvent, il est probable qu'il se forme d’abord un nitrite métallique en même temps que le bioxyde d'azote; l'acide nitreux est mis en li- berté par l'acide nitrique en excès et se décompose au fur et à mesure. 4) L’acide nitreux est toujours le pre- mier produit de réduction, — MM. C.-J. Burch et V.-H. Veley ont étudié les variations de la face élec- tromotrices des piles faites de certains métaux, de pla- tine et d'acide nitrique.1) Lorsqu'on met dans de l'acide nitrique purifié à différents degrés de concentration du cuivre, de l'argent, du bismuth etdu mercure et un couple fait avec du platine, la face électromotrice de la pile s'accroît rapidement jusqu’à ce qu'elle ait atteint une valeur constante, et dans la plupart des cas, une valeur maxima 2). La face électromotrice maxima est atteinte de suite, si on a ajouté de l'acide nitreux à Pacide nilrique, 3) Plus la température est élevée, plus l'acide est impur et concentré, plus est rapide la disso- lution du métal, el par conséquent, la production d'acide nitreux, ce qui détermine une augmentation proportionnelle de la rapidité d’accroissement de la force électromotrice, 4) Si on ajoute au liquide des substances qui, comme lurée, tendent à détruire l'acide nitreux à mesure qu'il se forme, l'accroissement de la force électromotrice devient très lent, 29 SCIENCES NATURELLES.— M. Walter Heape, présente une note préliminaire sur la transplantation et le dé- veloppement des ovules des mammifères dans un autre utérus; il prouve qu'un ovule fécondé d'une certaine variété de lapin peut se développer complètement dans Vutérus d’une autre variété de lapin. On a pris deux ovules sur une lapine angora qui avait été fécondée trente-deux heures auparavant par un lapin de même espèce. Ils ont été déposés à l'extrémité supérieure de la trompe de Fallope d’une lapine-lièvre belge qui avait été fécondée trois heures auparavant par un mâle de mème espèce, Jusqu'à l'expérience on avait soigneu- sement isolée desmäles et on peut garantir qu’elle était vierge. La lapine-lièvre belge mit bas six petits; quatre d’entre eux ressemblaient à son mâle et à elle-même, tandis que les deux autres étaient de vrais angoras, caractérisés par leur long poil soyeux et leur albi- nisme. Les lapins-lièvres belge ne ressemblaient en rien à leurs frères nourriciers, mais possédaient toutes les particularités propres à leur race, — M. Frank E. Beddard présente une note sur l’homologie entre les conduits génitaux et les néphridies chez les Oligo- chètes, Il à étudié le développement de l'Acanthodrilus multiparus (Nouvelle-Zélande), Ses recherches lui ont démontré queles orifices génilaux et une partie au moins des conduits sont des différenciations des néphri- dies. Ce mode de développement est conforme à lopi- nion de Balfour qui dit que chez les Oligochètes la né- phridie se divise en deux parties, l'une génitale et l'autre excrétoire, Richard À, GReGory. SOCIÉTÉ ROYALE D'ÉDIMBOURG Séance du 1° décembre 1890, M. le Président Sir Douglas Maclagan prononce un discours et déclare ouverte la première séance de la session. — Le professeur Crum Brown lit une notice nécrologique sur le professeur Kolbe, — Le doc- teur John Gibson présente les résultats qu'il a obtenus dans l’examen analytique de nodules de manganèse ; ces rares éléments avaient été dragués par le Chal- lenger dans l'Atlantique. Il a constaté la présence dans ces nodules de divers éléments, zinc, tellure, molybdène, vanadium, thallium que l’on n'avait pas en- core observés, — M.J. Y. Buchanan lit un mémoire sur la présence du soufre dans la vase et les nodules de la mer, et sur son mode de produclion, A loute profondeur, le sable et la vase de la mer forment la base de l'alimentation d’une nombreuse et importante faune ; en recherchant leur nourriture, les animaux absorbent et rejettent d’une facon continue de grandes quantités de cette vase. On trouve la confirmation de ce fait dans la structure coprolilique de la vase la plus fine; cette structure est rendue manifeste par une soigneuse levigation. La trituration des silicates avec de l'eau dis- tillée seule produit, on l’a démontré, une décomposi- lion de ces silicates ; quand l'appareil de trituration est situé dans l’intérieur d’un animal, où les sécrétions organiques aussi bien que l’eau de mer humectent les subtances triturées, il paraît bien possible que les réactions puissent donner naissance à une réduction des sulfates dans l’eau. Comme les silicates qui sont broyés et partiellement décomposés contiennent du fer et du manganèse, il se produit des sulfures de fer et de manganèse qui sont rejetés par les animaux et constituent une vase plus ou moins bleuàtre, Si cette vase repose à la surface du fond de la mer, elle se trouve exposée à l’action de l’eau de mer qui contient toujours de l’oxygène en dissolution, les sulfures sont oxydés et c’est ainsi que se forme cette couche rouge brune à la surface si fréquemment observée, Si les sul- fures sort en contact avec des oxydes supérieurs pré- existants tels que l'oxyde Fe? Of, il se forme un oxyde et le soufre est mis en liberté. De ces diverses consi- déralions M. Buchanan lire la conclusion qu'il est pos- sible de trouver du soufre libre dans toutes les vases marines ; dans les vases bleuàtres, le soufre est en partie préexislant, en partie formé par la desiccation à l'air ; dans les couches rougeàtres et dans les nodu- les de manganèse, il est entièrement préexistant. L'examen de 25 échantillons de vases et de nodules pris dans toutes les régions, confirme cette manière de voir; on obtient dans tous du soufre par dissolution dans le chloroforme, M, Buchanan a fait un grand nombre d'ex- périences sur la réaction produite par les sulfures de fer ou de manganèse sur les sels et les oxydes ferrugi- neux. Il trouve que MnS précipité agit sur les dissolu- lions de sels de fer exactement comme leferait un sul- fure alcalin : il les réduit complètement etles précipite à l’état de FeS. L'action de MnS sur les dissolutions fournit d'intéressantes indications sur la nature pro- bable des particules rouges que l’on observe si fréquem- ment dans les dépôts manganésifères, M. Buchanan conclut que ces oxydes hydratés de fer et de manga- nèse qui sont si abondants dans le sol de l'Océan, pro- viennent des silicates et d'autres combinaisons par la réduction des sulfures et l'oxydation subséquente par l'oxygène de l'air dissous dans l’eau de mer ; de nou- velles réductions et de nouvelles oxydations pouvant ensuite se produire, — Le docteur John Murray com- ® munique une description anatomique de M. Z.E. Bed- dard de deux nouveaux genres d’Oligochètes aquatiques, — M. John Sitken décritune forme portative de son compte-poussière destiné aux observalions météoro- logiques. L’instrument a des dimensions très réduites, et sa construction est très simplifiée. W, PEDDIE, Docteur de l'Université d'Edimbourg, ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE Séance du 8 novembre 1890, La séance a surtout été consacrée à la discussion des candidatures aux places vacantes. Une seule communi: calion y à été faite après la lecture des rapports. Avant de la résumer, il ne sera pas inutile d'appeler dès à présent, au sujet de ces derniers, l’attention sur les termes excessivement élogieux dont M. Stas s'est servi en rendant comple des travaux de M. Peterman sur l'assimilation de l'azote atmosphérique par les végé- taux, Nous aurons l’occasion d'analyser ultérieurement ce rapport qui n'a pas encore été présenté officielle- ment. — La communication qui a suivi à été faite par le directeur de l'Observatoire royal. Il venait d'achever 748 ACADÉMIES ET SOCIÈTES SAVANTES les calculs des termes périodiques du second ordre de l’aberration systématique pour la polaire, lorsqu'il à recu les diagrammes par lesquels M. Helmert, secré- taire de l’Associalion géodésique internationale, a représenté les variations périodiques de latitude cons- tatées à la fois par les Observatoires de Berlin, de Potsdam et de Prague, L'idée lui est venue, en consta- tant le caractère presque absolument annuel de la pé- riode, de comparer la courbe des variations produites sur l'étoile polaire par laberration systématique aux courbes de M. Helmert. La ressemblance est frappante, Le directeur de l'Observatoire s’est abstenu toutefois d'en tirer d'autre conclusion que celle-ci, c'est qu'il hésitera à croire réelles les variations de latitude cons- tatées, aussi longtemps qu'il ne sera pas fixé sur plu- sieurs points encore obscurs des formules des réduc- tions stellaires. F.F. Membre de l'Académie. ACADEMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 13 novembre 1890, SCIENCES PHYSIQUES, — M. Klein présente un travail de M. Rinne ; sur le changement des zéolithes par la chaleur, En général les molécules des cristaux se ran- gent sous l'influence de la chaleur d'une manière plus symétrique; arrangement que les minerais cherchaient à obtenir avant d’être chauffés par la formation de ju- meaux., Ainsi les eristaux de Desmin, d'Epistilbit, de Skolecit, paraissent rhombiques avant d’être chauffés tandis qu'après ils le sont réellement, La forme exté- rieure des cristaux ne change pas, mais l'examen opti- tique des lames minces fait reconnaître qu'ils ont changé de système ; ce sont done de véritables pseudo- morphoses des minerais anhydres d’après les minerais hydratés puisque la chaleur ne fait que prendre aux cristaux leur eau d’'hydratation. Ce n'est que !e natro- lithe qui se présente sous une forme moins symétrique (monocline) après avoir été chauffé, qu'avant l’action de la chaleur où il est rhombique. La stabilité des spé- cimens après la déshydradation est différente, Tels cristaux comme ceux du Desmin, de l’Epistilbit, du Na- trolithe et d’autres restent assez stables et même durs, tandis que tels autrescomme ceux de l’Harmatome, du Philippsit et du Chabasit se réduisent en poudre. D° HANSs JAN. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE BERLIN Séance du 5 décembre 1890, M. Kopsel, des ateliers de Siemens et Halske, pré- sente deux appareils d’un intérêt purement technique. L'un est destiné à l'examen des différentes sortes de fer, l’autre est un petit électromètre pour la mesure approximative des hautes tensions, Le premier est basé sur la méthode de Weber pour la mesure de cou- rants en unité absolue; deux bobines placées vis-à-vis l'une de l’autre ont leurs spires en nombre égal et arrangées de telle sorte que les pôles opposés se regar- dent. Entre ces deux bobines se trouve une petite bobine mobile munie de deux ressorts de torsion en laiton et d’une aiguille mobile sur un cadran gradué, Si un courant d'intensité connue parcourtles deux bobines au centre desquelles on a placé ces lames de fer à exami- ner, on peut mesurer les coefficients d'induction magnétique de ces dernières, par les déviations que la bobine mobile subit sous leur influence, 11 parait que l'appareil qui est facile à manier, offre certains avan- ages pour l'examen du fer dont on veut se servir en électrotechnique. On reconnait surtout très facilement si le magnétisme rémanent est appréciable, par la dif- férence des valeurs pour les coefficients d'induction obtenues sur la courbe ascendante et descendante. Si le fer est bon, ces valeurs ne doiventpas être sensible- ment différentes, Pour la fonte M. Kopsel à trouvé : K = 4.40 (courbe descendante) K = 10 51 ‘courbe descendante) le magnétisme rémanent est donc très fort. Cet électro= mètre permet de mesurer directement l'énergie d’un courant alternant jusqu’à une tension de 2.000 volts. Il est impossible d’en donner une idée claire sans dessin. Il se compose essentiellement de deux demi-cercles, entre lesquels se meuvent deux autres demi-cereles isolés comme l'aiguille, dont le mouvement se trans- met sur un index en ivoire mobile sur un cadran gra- dué. L'instrument est gradué empiriquement à l’aide d’une petite machine de Gramme, Dr Hans JAuN. SOCIÉTÉ DE PHYSIOLOGIE DE BERLIN Séance du 31 octobre 1890, D'après les recherches de Lichtheim, faites sur des animaux curarisés, on aurait pu oblitérer la circulation pulmonaire jusqu'aux trois quarts sans que la pres- sion dans la grande circulation se modifiàt. En se met- tant dans de meilleures conditions expérimentales M. Landgraf est arrivé à des résultat contraires. D’a- près la méthode de Zad on peut mettre à nu le cœur du lapin sans ouvrir les plèvres; M. Landgraf est parvenu encore sans ouvrir les plèvres ou déplacer le cœur, à jeter une ligature sur l'artère pulmonaire gau- che, à la comprimer et à la relâcher à différentes re- prises. L'effet presque immédiat de la compression est un abaissement d'à peu près la moitié de la pression sanguine dans la carotide; le ventricule droit se dis- tend, l'oreillette gauche pâlit, tandis que la fréquence du pouls reste la même. Après section préalable des nerfs pneumogastriques, sympathiques et dépresseurs, le même abaissement de pression se présenta, — MM. Goldscheider et Gad. Sur la sommation des exci- tations cutanées. Une pression limitée et rapide de la surface cutannée détermine d’abord une sensation de pression, suivie d’une sensation de douleur, Ce phéno- mène signalé en 1881 par Goldscheider fut étudié par les auteurs à l’aide d’excitations électriques, dont l’in- tensité, le nombre et lafréquence furent modifiées. Ils concluentde leurs recherches que l'excitation méca- nique n'est probablement pas une excitation simple, que la sensation cutanée se transmettrait au cerveau par une voie directe et par une voie indirecte, Cette der- nière aurait pour relai la substance grise de la corne grise postérieure, La sensation secondaire de douleur qui survient après une excitation mécanique serait due à une sommation des excitations dans la corne posté- rieure, d’où celles-ci avec un certain retard seraient transmises au cerveau, Séance du 1% novembre 1890, M. J. Wolf : Sur la cause et la signification des formes des os, — M. H. Muntz fait l’exposé et la cri- tique des expériences sur le nerf laryngé supérieur du cheval. Séance du 28 novembre 1890. M. Martini : Sur une relation entre la vitesse de l’onde sanguine dans les artères et les différentes phases de la respiration. On admet généralement que la vitesse de l’onde sanguine est la même dans une série de pouls, cela n'est pas le cas et elle varie au moins avec la pression sanguine. À l’aide d’un dispo- sitif expérimental bien contrôlé, M. Martini a étudié cette vitesse et il formule les conclusions suivantes : la vitesse de l’onde sanguine est moins grande lorsque le thorax est tenu à l’état inspiratoire qu'à l’état expira- toire : dans le premier cas elle est en moyenne 6 mètres, dans le second cas au delà de 8 mètres. La vitesse de l’onde sanguine, durant qu’on respire paisi- blement, est presque aussi grande que celle à l’état d'expiration continue, Les principales variations de la vitesse de l’onde sanguine seraient ainsi déterminées par la respiration, — M. Müllendorf démontre le petit zootroçe de Anschütz et une série de photographies instantanées, spécialement du vol de l'oiseau, D: J. F, Heymans. ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADEMIE DES SCIENCES DE SAINT-PETERSBOURG Séance-du 4 novembre 1890 10 SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Lindemann, secré- taire général de l'observatoire de Poulkowa : sur l'erreur individuelle observée par M. Tserasky pendant la compa- raison de la lumière des étoiles. Dans une note publiée dans les Annales de l'Observvatoire de Moscou, M. Tse- raski communiquait ce fait, que durant ses observa- tions photométriques sur deux étoiles, notoirement d’égale grandeur, il voyait toujours l'étoile située à droite moins lumineuse que celle siluée à gauche. La différence était d’une demi-grandeur stellaire environ. Les observations photométriques se font ordinairement à Poulkowa de telle facon que l'erreur individuelle en question ne peut pas se produire. Cependant, il était intéressant de constater si la mème erreur pouvait s’ob- server chez un autre observateur, Aussi M. Lindermann, en se mettant dans les conditions analogues à celles où se trouvait M. Tserasky, a-L-il pu constater le même phénomène : l'étoile droite paraissait moins claire que la gauche; seulement la différence de luminosité n’était que d’un dixième de grandeur stellaire environ. Il faut done en conclure que l'erreur en question est com- mune à tous les observateurs et doit être prise en con- sidération par ous ceux qui s'occupent des observa- tions photométriques. Quant à l’explication du phéno- mène, il faut la chercher dans la prédisposition qu'a tout observateur de fixer plutôt l'étoile à droite ; l'image de l'étoile gauche tombe dans,ce cas sur la rétine en dehors de l’axe visuel et paraît par conséquent plus lumineuse, 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Khrouchtchoff présente une note sw les amphiboles artificielles. Séance du 18 novemihre 1890, SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Nurène, astronome à l'observatoire de Pulkova : Sur les causes d'erreur dé- pendantes de la température dans les lectures des indica- tions du collimatewr du cercle méridien à Pulkova. Une série de déterminations faites dans les conditions qu'ontsuivies jusqu'à présent les différents observateurs (Backlund., Struwe, Schwaz) donne des résultats iden- tiques à ceux qu'ils ont trouvés. Mais ces mêmes dé- terminations, mises en œuvre d'après une méthode différente, donnent un résultat quatre ou cinq fois supé- rieur au premier. Aucune des hypothèses actuelles m'explique cette contradiction d’une facon satisfaisante. Enexaminantles tourillons des collimateurs, on y trouve de grandes inégalités qui influent sur le coefficient ther- mométrique; cependant celte cause ne peut expliquer les déviations systématiques tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre, Reste à supposer que les fils du collimateur ne sont pas suffisamment bien fixés pour exclure l'in- fluence du coefficient thermométrique. Sans donner une solution définitive de la question, cette note la serre déjà de très près, autant qu'il en faut pour la pratique. Les corrections peuvent ètre ainsi atteintes par le repo- lissage des tourillons, par la fixation plus soignée des fils et par la meilleure égalisation des températures extérieure et intérieure pendant les observations. — M. Biolopolski : Sur la rotation de la planete Jupiter, Cassini a été le premier à signaler l'analogie de la rotation de Jupiter et du soleil en démontrant que la vitesse à l'équateur est plus grande que sur le reste de la surface de ces deux corps célestes, L’on sait que sur le soleil les vitesses angulaires sont fonctions des latitudes héliographiques ; mais pour Jupiler les données de ce genre ont manqué jusqu'à présent. Faisant usage des observations et des dessins de Cassini, de Mershel, de Schrôter, de Medler, de Lozé, de Schmidt, de Knobel, de Bredikhin de Trouvellan et de sciences propres, M. Bielopolski a pu déterminer plus de 100 vitesses angülaires pour lesquelles on connaît 149 les latitudes « jovigraphiques » correspondantes. Parmi ces vitesses il y en à deux qui prédominent : la vitesse de 9 heures “1 minutes et celle de 9 heures »5,5 minutes (en chiffres ronds), La première se trouve presque exclusivement dans la zone de 0° à 5° (dans les deux hémisphères); la seconde, suit tout le reste de la surface de la planète, sauf la zone entre 5° et 10° où les deux vitesses semblent être aussi fréquentes l'une que l’autre. On doit done en conclure que sauf une zone étroite de 10° de deux côtés de l'équateur la surface de Jupiter se meut avec la même vitesse, égale partout, de 9 heures 55,5 minutes. Les dessins de Jupiter faits l’année passée par Killer à l’aide d'un réfracteur de l'observatoire de Lick confirment ces con- clusions. Quant à l'explication du fait il faut la chercher dans la chaleur que la planète recoit du soleil, plutôt que dans les phénomènes intenses comme on l'avait pensé jusqu'à présent, Sur la terre la direction des vents alizés est peu déviée des cercles parallèles dans la zone équatoriale au-dessus de l’océan; les nuages épais qui se forment surtout dans les couches infé- rieures de l’atmosphère donneraient ainsi à un obser- vateur placé sur Jupiter l'illusion de la rotation plus lente à l'équateur qu'ailleurs. En supposant la forma- tion de nuages semblables dans les couches des vents anti-alizés, on aurait un tableau en tout points analogue à celui que l’on observe dans la rotation de Jupiter. O. BAckLuxn, Membre de l'Académie. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 13 novembre 1890. 1° SCIENCES MATHEMATIQUES, — M, Fr. Mertens : Sur une proposition d'algèbre supérieure. Le mémoire renferme une démonstration simple d'une proposition d’Abel sur l'équation binome æP— A, — 0, Si p est un nombre premier, l'équation estréductible quand A est une puissance pième, — M. Edouard Mahler : Remarques sur le calendrier égyptien. L'auteur envoie une lettre de M. Brugche de Berlin qui lui communique un fragment d'inscription remontant à l'époque d'Osorkon Ie"; cette inscriphon renferme les dates d’avènement d’une série de rois appartenant à laXXII° dynastie, On peut con- clure des renseignements qu'elle renferme, qu’en de- hors de l’année civile de 365 jours il y avait un calen- drier correspondant à une durée de 3 ans, 3 mois et 17 jours (1202 jours); ce document dont l'authenticité parait induscutable est une des plus précieuses acqui- sitions de l'Egyptologie ; il apporte à l’histoire de l’as- tronomie un résultat entièrement nouveau. 2° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Adamkiewiez : Sur certaines maladies cérébrales et leur traitement sui- vant les symptômes. — M. Froschauer : Sur les subs- tances cristalloides qui procurent à l'individu l'immunité contre les maladies infectieuses. —M, Richard V. Wetts- tein : Sur la flore fossile dans les dépôts interglacaires. Dès l’année 1888 l'auteur à établi dans un mémoire inti- tulé : Rhododendron L. Pontium fossile dans les Alpes du Nord, que les restes de plantes que l’on rencontre dans les dépôts interglacaires sont identiques au Rhododen- dron Pontium actuel. A cause de lPimportance qu'a cette constatation pour l’histoire des plantes et parti- culièrement de celle de l’Europe centrale, il a repris des recherches sur ce sujet. Ce n’est pas seulement le Rhododendron pontium que l’on rencontre dans la flore fossile, mais plus d'une trentaine de plantes ont pu ètre recueillies qui sont identiques à celles qui existent encore aujourd'hui ainsi Pinus (2 espèces), Picea (1 espèce), Tarcus (1 espèce), Salix (4 espèces), Car- pinus ({ espèce), Carylus {1 espèce), Fagus (1 espèce), Fragaria (1 espèce), etce., Le plus srand nombre de ces plantes se rencontre encore dans les Alpes ; quelques- unes, il est vrai, ont émigré vers des climats plus doux. Emile Weyr, Membre de l'Acadimie, 750 ACADÉMIES ET SOCIÈTES SAVANTES ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Plusieurs membres ont déposé, avant la reprise offi- cielle des séances de l’Académie, les communications suivantes : 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Brioschi traite du développement en série des fonctions sigma hyperel- liptiques. Les travaux de M. Weierstrass avaient fait connaitre les développements en série des quatre fonc- tions sigma elliptiques, lorsqu'en 1885 parut dans le « Journal de Mathématiques » de Berlin un Mémoire de M. Miülltheiss (tome 99€) : Ucber die partiellen differen- tialgleichungen ete., dans lequel on donnait les équa- tions différentielles du second ordre, auxquelles satis- font les fonctions théta à plusieurs arguments. M. Brios- chi. à l'occasion de ce travail. a étudié le développe- ment en série des fonctions théla à deux arguments, et publié sur ce sujet quelques notes à l’Académie, Dans la dernière, tout en touchant à la formule récur- rente entre trois termes consécutifs de la série, on fait mention de la propriété invariantive de ces termes. propriété que M. Klein, presque en même temps que M. Brioschi, énoncait dans ses deux Mémoires sur les fonctions sigma hyperelliptiques. Ensuite d’autres tra- vaux de- M. Willtheis parurent dans les volumes 31, 33 des Mathematische Annalen. M. Brioschi se reporte ‘aux équations différentielles du volume 33, et les transforme en substituant aux dérivées des coefficients celles des racines ; il arrive de cette manière à établir les formules générales pour le développement d'une fonction quelconque sigma à plusieurs arguments, — M Veronese s’est occupé, dans ses études sur les fon- dements de la géométrie à n dimensions, du continu rectiligne, qui serait ce continu abstrait dont les pro- priétés fondamentales sont données par les propriétés de la droite indépendamment de sa détermination au moyen d’une couple de points. Déjà M. Stolz avait re- levé l'importance de l’axiome V d’Archimède, dans l’œuvre : De sphæra et cylindro, suivant lequel, deux segments rectilignes A et B élant donnés, il y a tou- jours un nombre n entier et fini, tel que À Xn> B. M. Stolz a cru que du principe du continu on pouvait déduire celte propriété. M. Veronese, au contraire, veut démontrer que la définition du continu donnée par M. Stolz implique déjà l’axiome d’Archimède: il met en évidence la place que cet axiome occupe entre les principes du continu rectiligne, et il établit quel- ques propriétés importantes qui sont généralement admises comme axiomes, sans en admettre de nou- velles.— M. Padova a donné une extension du problème de Barré de Saint}Venant, problème qui consiste, comme on sait, dans la détermination des déplacements infinitésimaux qui, dans un solide élastique isotrope de forme prismatique, sont produits par des tensions faisant équilibre à des forces appliquées à une des bases, tandis que l’autre reste fixe, Un problème ana- logue peut être proposé pour des corps constitués par des fibres curvilignes; au lieu des fibres rectilignes des prismes, on cherche si et dans quels cas les fibres agis- sent les unes sur les autres seulement dans le sens de la longueur. M. Padova arrive aux équations différen- lielles dont il s’agit de trouver une solution, à laide des formules qu'il a données dans un autre travail sur la théorie de Maxwell dans les espaces courbes. M. Padova donne la solution de ce problème, et con- sidère le cas où les fibres sont circulaires et les forces, appliquées à la base, sont assujetties à certaines restrictions; il présente encore, comme application de ses formules, une solution directe du problème de Saint-Venant pour les prismes et les cylindres obli- ques, et il observe que de cette solution on peut déduire comme cas spécial, la solution donnée par Clebsch du problème de de Saint-Venant. — M. Volterra : Sur les variables complexes dans les iperespaces,— M.Reina : Sur quelques formules relatives à la théorie des sur- faces, — M. Loria : Sur l'application des fonctions jaco- biennes à l’étude des lignes gauches de quatrième or- dre et de la première espèce. — M. del Re : Sur quel- ques groupes complets qui se trouvent dans le groupe Cremona à un nombre quelconque de variables. — M. Nagy : Sur la représentation graphique des quanti- tés logiques. — M. Di Legge s’est occupé des erreurs personnelles dans les observations du diamètre hori- zontal du Soleil, exécutées à l'Observatoire du Capi- tole de 1874 à 1888. — M. Giacomelli présente une série de mesures micrométriques d'étoiles doubles, faites au même Observatoire avec l’équatorial de Merz. 29 SCIENCES PHYSIQUES, — M. Brucchietti, s'est occupé de l’importante question des courants terrestres dansles mesures de ces courants, On sait que ces mesures peu- vent se ranger en deux catégories,c’est-à-dire celles exé- cutées sur des lignes de grande longueur,comme des li- gnes télégraphiques.et celles faites sur des lignes courtes établies exprès. Les premières de ces mesures, sans être parfaites, ont l'avantage de donner pour la force électro-motrice des valeurs assez considérables, parce que celle-ci s'accroît proportionnellement à la dis- tance entre les deux stations. Plus préférables se- raient les lignes établies exprès; mais comme elles ne dépassent généralement pas un kilomètre de lon- gueur, la force électro-motrice de la terre n'arrive qu'à un où deux millièmes de volt, et il est très difficile de distinguer les courants du magnétisme terrestre, de ceux dus à la différence du potentiel entre les lames métalliques plantées dans le terrain, M. Battelli avail cru pouvoir exclure cette cause d'erreur, se servant de grandes lames en bois couvertes d’une feuille d’étain, dont la différence de potentiel aurait été si petite el constante qu'on pouvait la négliger. M. Bruc- chietti a reconnu que céla n’était pas vrai; il a exécuté des expériences. dans un jardin et dans le laboratoire, sur des lames en feuille d’étain plantées dans la terre, et il a vu que, en multipliant les observations, la force électro-motrice des lames, au lieu d’être constante, présente des variations d’un jour à l’autre, et même dans un seul jour. Des électrodes en feuille d'étain ne peuvent donc servir à la mesure des courants terres= tres que sur des lignes qui ont au moins une centaine de kilomètres de longueur. — M. Montemartini a dé- terminé la vélocité d’altération des solutions aqueuses d'acide nitreux, lorsqu'elles se changent en solutions d'acide nitrique. Pour cette recherche, que M. Monte- martini croit avoir été exécuté pour la première fois, on mettait du nitrite d'argent dans l’eau distillée, et on y ajoutait une solution litrée d'acide chlorhydrique en quantité suffisante pour précipiter l'argent, On filtrait le liquide,et l’on obtenaitainsi une sotution d’acidenitreux, que l’on mettait dans des flacons, et dont lacidité était déterminée à divers instants à l’aide d’une solution ti= trée de permanganate de potasse, M. Montemartini éta- blit, d’après les résultats obtenus, que la décomposition de l'acide nitreux dans ces conditions donne une réàc- tion du premier ordre, qui peut se représenter par l’é- quation : 3HNO,—2N0-+HNO, +H,0; ce qui conduit à admettre que la décomposition de Pacide nitreux en solution aqueuse est une véritable dissociation, et que comme telle elle dépend de la tension de loxyde d'azote qui se trouve au-dessus du liquide, Tandis que les solutions aqueuses d'acide nitreux sont très ins- tables, des solutions faites avec des sels du mème acide se conservent sans altération pendant longtemps. —M.Guglielmo a donné ladeseriplion d’un électromètre à cadran, dont la sensibilité est beaucoup augmentée, en superposant plusieurs plaques argentées, et en fai- sant usage d’une aiguille composée, c'est-à-dire formée par des lames minces en aluminium, suspendues à un même axe, et placées chacune dans l’espace que Pon a ménagé entre les plaques de lélectromètre. Dans une autre note, M. Guglielmo décrit une disposition qui permet, lorsqu'on n'a pas à sa disposition tn spec- troscope à plusieurs prismes, d'obtenir une grande dispersion en faisant passer, à l'aide de deux miroirs, les rayons lumineux plusieurs fois par le même prisme, — L'iodure de triéthylsulfure (G,H,),SL résulte de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 2 101 l'addition du sulfure d’éthyle (C, HS et de liodure d’é- thyle C, H, 1. MM. Nasini el Costa ont étudié le pouvoir de réfraction de solutions alcooliques d'égale concen- tration d'iodure de triéthylsufure et d’un mélange équimoléculaire de ces deux composants, Ils ont trouvé que le pouvoir de réfraction du composé est extraordi- nairement plus élevé que la somme des pouvoirs de ré- fraction des composants. C’est un fait de grande impor- tance, parce que la réfraction est en général une propriété de caractère additionnel, et dans ce cas très simple d’un composé que jusqu'ici on considérait comme une combinaison moléculaire, on pouvait s'attendre que la règle de l'addition se serait vériliée ayec toute exactitude, On a encore reconnu que dans la formation de l’iodure de triéthylsolfine il se produit une conden- sation considérable.— Dans une autre note, MM. Costa et Nasini exposent les résultats de leurs recherches sur le pouvoir de réfraction de l'iodure, du chlorure et de l'hydrate de triéthysolfine : de l'iodure en solution aqueuse, alcoolique et acétique, et des deux autres en solution aqueuse. Dans Piodure, la réfraction ato- mique est très élevée; elle est moindre dans le chlo- rure, et plus faible encore dans lPhydrate, où elle se montre égale à celle du soufre dans le sulfure d’éthyle. Les auteurs croient que dans les composés contentant du soufre, l'oxygène, lorsqu'il y est, produit toujours une réduction dans le pouvoir de réfraction, 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Grandis à entrepris d'étudier l’action de la glycérine sur l’albumine; ques- tion importante pour la chimie biologique qui cherche à déterminer de quelle manière la molécule complexe de l’albumine peut se décomposer dans les nombreux produits que l’on retrouve dans les excrétions, Il est démontré par Les recherches de Grünhagen que la gly- cérine empêche la coagulation du sang ; d'autre part il arrive que la glycérine et l'albumine se trouvent con- tinuellement en contact, non seulement dans lestissus, mais encore dans l'intestin, où les graisses sont saponi- fiées et mettent en liberté de la glvcérine. M, Berthelot avait trouvé déjà que la glycérine en contact avec lal- bumine, se change en sucre, mais ilne s'élait pas oc- cupé des transformations de l’albumine; dans ses re- cherches M. Grandis a étudié cette seconde partie de la réaction, Il donne la description des transformations subies par l’albumine, qui se changerait en hémial- bumose ; ce qui correspondrait à un premier état d'hy- dratation, phénomène difficile à expliquer, parce que la glycérine n’agit jamais par hydratalion. Mais si l'on pense que celle dernière substance vient en même temps transformée en sucre, et que pour cette trans- formation la glycérine doit auparavant se convertir en acroleïne, il est possible d'attribuer à cette déshydra- tation initiale, la modification de l'albumine, M, Gran- dis à obtenu, en préparant une solution d’albumine modifiée dans l’alcool, un dépôt de paillettes brillantes, de forme rhomboïdale, dont les plus grandes sont lé- gèrement recourbées; elles rappellent, par leur aspect, les tablettes de la cholésterine. Dans un autre travail, M. Grandis s'occupe de la na- ture des cristaux qu'il a trouvés dans le nucléole des cellules du foie. En exécutant des recherches sur des chiens, il a reconnu que ces cristaux se rencontrent dans les animaux adultes, qu'ils manquent dans les jeunes, et qu'ils augmentent avec l’âge, Isolant et analysant ces cristaux, M, Grandis a été conduit à ad- mettre qu'ils sont formés par une substance azotée à fonction basique, qui appartient à cette catégorie de substances découvertes par Selmi dans les cadavres, par Gautier dans les produits de Pactivité vitale des cellules, et que Bieger a vu se former en quantités considérables par l’action des microorganismes sur les substances organiques. En étudiant l’action physiolo- gique de la nouvelle substance, on a reconnu qu’elle manifeste une action paralysante sur les centres ner- yeux, laissant intacts les nerfs et les muscles, M. Gran- dis croit donc qu'il s’agit d’une nouvelle base isomère de la neuridine, qui se (rouve normalement cristalli- lisée dans le nucléole des cellules hépatiques des vieux chiens, et à laquelle il donne le nom de gerontine (de geronteios : qui appartient à la vieillesse). Il n'est pas improbable que la base cristallise se combinant avec l'acide phosphorique, parce que les phosphates sont plus abondants dans les foies où se trouvent les cristaux, — Dans un travail, analysé dans celte Re- vue !, M. Magini annonçait avoir vu dans les grandes cellules nerveuses des lobes électriques de la tor- pille adulte, préparées dans des liquides fixateurs, un déplacement particulier du nucléole et du cario- plasme : ce qui faisait penser à une relation entre ce déplacement et l'activité dynamogène de la cellule. Or, M. Coggei a reconnu que si l’on examine au microscope des préparalions fraiches du lobe électrique de la tor- pille, qui certainement a dû réagir pendant la vivisec- tion avec des décharges, on n'apercoit aucun déplace- mént du carioplasme. Mais lorsqu'on met une goutte d'alcool en contact de la préparation,on observe une contraction du carioplasme, qui prend la forme d'un croissant et entraine le nucléole. Cette contraction se manifeste toujours dans une direction opposée à celle par où l'alcool, ou un autre liquide fixateur, commence à toucher le carioplasme. On peut observer encore ce phénomène, moins prononcé cependant, dansle plasma cellulaire, Séance du 7 décembre 1890 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Cesaro : Sur les problèmes des probabilités quand le nombre des cas est infini, — M. Peano : Valeur approximative de l'aire d’un ellipsoïde. — M, Di Legge : Sur la grandeur apparente du diamètre du Soleil et sur ses variations, 20 SGIENCES PHYSIQUES. — M. Tacchini présente le résumé de ses observations solaires, exécutées depuis le mois d'avril jusqu'à la fin de septembre de cette année, De ces observations on déduit que l'époque du minimum des taches correspond au commencement de 1890, tandis qu'à présent Pactivité du soleil va en décroissant. Les résultats sont obtenus par 167 jours d'observation, qui comprennent les observations spec- troscopiques; ce dernier phénomène a très peu varié du commencement de l’année jusqu'à présent, ce qui concorde avecle retard du minimum des protubérances par rapport aux taches. On voit donc que onze années sont passées depuis le minimum précédent, ce qui re- présente la valeur moyenne de la période des taches. — MM. Paterno et Peratoner ont exécuté de nouvelles expériences cryoscopiques. Ils ont trouvé que les solu- tions d'iode dans l'iodure de potasse, et d’aniline dans l'acide chlorhydrique dilué, présentent le même point de congélation que les solutions (de KI et de HCL) employées comme dissolvants. Ces expériences con- firment encore une fois directement les lois de Raoull et de van’t’Hoff sur Le point de congélation des solutions, parce que l’abaissement du point de congélation qui dépend seulement du nombre des molécules qui se trouvent dissoutes dans l'unité de volume, est au con- traire indépendante de la nature de ces molécules. — Dans une autre note MM, Paterno et Peratoner anoncent que, ayant déterminé le point de congélation des solu- tions aqueuses d'acide fluorhydrique, ils en ont déduit des nombres quiconduisent à la formule double =H° FE, Il paraît qu’en solution très diluée, la molécule double tend à se diviser en molécules simples. Les expériences confirment les résultats obtenus par M. Mallet sur la densité des vapeurs d'acide fluorhydrique à la tempé- rature ambiante. — M. Nasini à soumis à une vérifica- tion expérimentale, se reportant aux expériences déjà exécutées par lui avec M. Bernheimer, quelques for- mules récemment proposées par le professeur Ketteler de Bonn, pour représenter le pouvoir de dispersion et celui de réfraction spécifique des substances. M. Nasini croit que l’on peut adopter la formule de Ketteler pour 1 Voir page 286 de cette ARerre (Acad. des Lincei, séance du #4 mai 1890). NOUVELLES la dispersion, parce qu'elle présente sur les autres for- mules, dont on a fait usage jusqu'ici, avantage d’être in- dépendante de la densité,et de rester sufhsamment cons- tante avec les variations de température Pour l'expres- sion du pouvoir de réfraction spécifique et pour les autres expressions qui en dérivent, M. Nasini croit que l'application à la chimie optique en est impossible, parce que les erreurs inévitables de l'expérience, et en particulier celles qui sont causées par l'impureté des substances, rendent tout à fait illusoire l'usage des for- mules qui exigent l'exactitude absolue jusqu'au cin- quième, chiffre décimal dans les indices de réfraction. M. Nasini est d’avis que les formules de M. Ketteler, malgré leur exactitude à l'égard physique, ne peuvent valoir que pour un échantillon donné de la substance que l’on examine; et pour cette raison il serait très dan- gereux d'appliquer ces formules à la chimie optique. 3° SCIENCES NATURELLES., — M. Bordoni-Uffreduzzi présente à l'examen de l’Académie un Mémoire où il a réuni les résultats de ses recherches sur ces Protées, considérés comme agents d'intoxication et d'infection. Il a étudié en particulier la biologie et l’action du Pro- teus hominis capsulatus, microorganisme que, le pre- mier, il a trouvé trois fois dans les maladies de l’homme. M. Bordoni-Uffreduzzi démontre que, diffé- rant en cela des autres Protées déjà connus qui agis- sent comme facteurs d’intoxications, ce Proteus homi- nis capsulatus est une cause d'infection pour plusieurs espèces animales, Les caractères de l'infection sont différents pour les diverses espèces, et l’autenr s'oc- cupe de ces différences dont il donne la description. Ernesto Maxcinr. NOUVELLES ' LA VACCINATION CONTRE LE TETANOS ET LA DIPHTERIE Les expériences dont la lymphe de M. Koch est de- puis près de quinze jours l’objet dans les hôpitaux de Paris, excitent vivement la curiosité du monde médical et du public. Bien que les résultats de ces essaisse soient jusqu'à présent montrés peu favorables à l'emploi du remède secret de M, Koch, ils semblent encore {rop in- complets pour pouvoir être convenablement appréciés. Nous préférons, pour ce motif, en ajourner la discus- sion. , : } Aujourd'hui nous devons attirer l'attention des lec- teurs d’une facon toute spéciale sur les recherches ré- centes de MM. Behriug et Kitasato relatives à la pro- duction de l’immunité contre la diphtérie et le tétanos. Ces savants sont parvenus à guérir les animaux ino- culés avec le virus de ces maladies et à rendre réfrac- taires à ces infections les animaux sains. Indépendam- ment de ce résultat, gros de promesses pour la médecine humaine, les expériences de MM. Behring et Kitasato ont établi des faits d’un intérêt considérable, dont la portée doctrinale dépasse le sujet particulier de leurs investigations : ils ont reconnu que les humeurs de l'animal vacciné, au lieu d’être bactéricides, au sens rigoureux du mot, réagissent contre l'infection en neutralisant les substances toxiques excrétées par les microbes, « L'immunité des lapins rendus réfractaires au tétanos, repose, disent-ils, sur la propriété qu à ac- quise leur sérum de rendre inoffensives les substances toxiques que produisent les bacilles du tétanos. » Les auteurs résument ainsi leurs observations à ce sujet : 1° Le sang d'un lapin réfractaire au tétanos a la pro- priété de détruire les toxines du tétanos ; 2 Cette propriété peut se démontrer dans le sang extravaseulaire et dans le sérum qui en provient débar- rassé de toute cellule; ! | 3 Cette propriété est si durable qu elle persiste même dans le sang d’autres animaux, de sorte qu'on 1 Lo mémoire de MM. Behring et Kitasato a paru dans Ja Deutsche Medicinische Wockenschrift An 4 décembre dernier. est en état d'obtenir une action thérapeutique par la transfusion du sang ou plutôt du sérum. 4° Cette propriété destructive des toxines du tétanos n'appartient pas au sang d'animaux qui ne sont pas réfractaires au tétanos; quand on a incorporé le poison télanigène à des animaux non réfractaires, on peut le retrouver après la mort dans le sang et les autres humeurs. De ces faits et de ceux que l'on connaissait déjà il semble résulter que l'organisme animal dispose de deux moyens de défense contre les infections microbiennes : la phagocylose qui, lorsqu'elle s'exerce, s'attaque aux microbes eux-mêmes, et l’état neutralisant des humeurs. qui, — naturel à l'économie ou acquis par vaccination, — tend à détruire les excrétions toxiques des para- sites. Louis OLtvIER. La Société Chimique de Paris va reprendre la série de ses conférences hivernales. Cette série sera inau- gurée le 20 décembre 1890 par M. Sarrau, membre de l'Académie des Sciences, qui traitera de la Continuité des états gazeux et liquide. Sa conférence aura lieu à 8 heures et demie précises dans la grande salle de la Sociélé d'Encouragement, ##, rue de Rennes. A la dernière séance de l’Académie des Sciences (8 Décembre), la Section de Minéralogie a présenté pour succéder à M. Hébert : En re ligne : M. Mazcrarn. En 2° ligne, er æquo et par ordre { M. HAUTEFEUILLE. alphabétique : t M. Micuec-Lévx. M. Barrois. En 3° ligne, ez œguo et par ordre } ;f RE . Marcez BERTRAND. alphabétique : M . DE LAPPARENT. JANNETAZ. En 4e ligne, ex æquo et par ordre ( M. STANISLAS MEUNIER. alphabotique : M. L'élection aura lieu aujourd'hui. Le Gérant : Ocrave Donx. Paris.— Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. 1e ANNÉE N° 24 30 DÉCEMBRE 1890 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER ÉLOGE HISTORIQUE DE LOUIS POINSOT >J'ai beaucoup connu, beaucoup admiré et beau- coup aimé Poinsot. On l’accusait de négligence et de paresse. C'était un faux jugement. Par respect pour lui-même, il respectait tous les devoirs : c’est pour cela qu'il en acceplait le moins possible. Le très pelit nombre de ses productions, toules excellentes, ne peut nullement servir de mesure à l'application de son esprit. Rien ne force à écrire, disait-il, moins encore à faire imprimer. On peut, par passe-temps, échanger avec ses amis d'inutiles paroles; un écrit s'adresse aux honnêtes gens de l'avenir : ils ont le temps d'attendre. Poinsot écrivait peu et ne lisait guère; il aimait la méditation. Quand un visiteur inconnu frappait à sa porte, le valet de chambre lui demandait son nom et sans prétexter que Monsieur fut sorti, reve- nait bientôt déclarer qu'il ne pouvait pas recevoir. Poinsot avait d'excellents amis, presque tous disparus avant lui. Jamais je ne lui ai connu de famille : Quand il mourut, à l’âge de quatre- vingt-trois ans, ce ne fut pas sans peine qu'on dé- couvrit ses douze hériliers. Un seul l'avait vu, il y avait de cela une vingtaine d’anrèes. Poinsot m'a raconté souvent les détails de sa vie, toujours simple et digne. Il arappelé devant moi plus d’un souvenir de jeunesse; je ne sais rien de son en- fance. Les dictionnaires biographiques le font naître en 1775, les uns à Paris, les autres à Beau- vais, quelques-uns à Clermont-en-Beauvaisis. Ceux- là sont les mieux informés. L'église dans laquelle ! Cette étude a êté luc hier, 29 décembre, à la réunion pu- blique annuelle de Académie des Sciences, par M. J Ber- trand, secrétaire perpétuel. REVUE GÉNÉRALE, 1890. il a reçu le baptême a été brûlée en 1793, et avec elle les registres de la paroisse. Le père de Poinsot, d’après la tradition du pays, étail marchand; il vendait de l’épicerie. Il avait acquis assez d’aisance pour quilter sa boutique et envoyer son fils à Paris au collège Louis-le-Grand. Lui-même se retira à Beauvais. Dans les premiers. jours du mois d'octobre 1794 (vendémiaire, an JL), le jeune collégien, après avoir passé les vacances à Beauvais, retournait à Paris pour faire sa rhéto- rique. On s’arrêla pour déjeuner, Un vieux numéro du Moniteur avait élé oublié sur la table de l’au- berge; Poinsot y apprit la création d'une Ecole centrale des travaux publics ; c’est ainsi qu’on avait d'abord désigné l'Ecole Polytechnique. Fourceroy, toujours ardent contre les vaincus, accusait ses amis de la veille d'avoir conspiré pour anéantir les sciences et les arts, « avec la coupable espérance « de priver la France d'ingénieurs et d’artilleurs «instruits, de généraux éclairés. de marins ha- « biles, de la faire manquer d’armes, de poudre et « de vaisseaux, de laisser les places et les ports « sans moyen de défense, et de donner ainsi à nos « ennemis des avantages cerlains et des victoires « faciles. » La nouvelle école, en déjouant ce complot, mé- riterait Ta reconnaissance et l'admiration des géné- rations futures. Les jeunes citoyens, pour y être admis, devaient donner des preuves d'intelligence en subissant un examen sur les éléments des mathématiques. Tel était, en 179%, le programme complet des connaissances exigées pour l'admission à l’École 24 754 J. BERTRAND. — ÉLOGE HISTORIQUE DE LOUIS POINSOT Polytechnique. M. le Ministre de la guerre, après un siècle écoulé, rendrait un grand service aux études en reprenant aujourd'hui, sans en changer l'esprit, ce programme qui ne peut vieillir. Les candidats, pourrait-on dire, devront donner des preuves d'intelligence en subissant un examen sur les mathématiques spéciales et sur les éléments de la physique et de la chimie. Aucun détail ne serait ajouté. Les réclamations seraient vives. Comment se préparer, s’écriraient les candidats, sans savoir la voie qu'il faut suivre, et la limite qu'on doit y atteindre ? Devons-nous approfondir les méthodes de la géométrie moderne ? Pouvons- nous, en étudiantla théorie des gaz, nous contenter de la loi de Mariotle ? L'histoire de la science est- elle exigée? On leur répondrait : Rien n’est exigé, Nous pouvons donc, continueraient-ils, avoir, sans rien apprendre, l’espoir d’être reçus. ‘ Cet espoir serait certainement déçu. On ne sait jamais bien sans beaucoup savoir. Ls méthode a donné, il y a cent ans, d’excel- lents résultats. Les élèves de la première promo- tion se montrèrent studieux à l'entrée, savants à la sortie et pour toujours curieux de l’étude. Leurs examinateurs, il faut l'avouer, avaient un avantage qu'on ne retrouvera plus. Les maitres alors instruisaient; on prépare aujourd'hui. Trom- per l’examinateur et lui faire illusion, c’est là le but avoué. On réussit souvent et le maitre en est lier. Poinsot, en rentrant au collège, était décidé à subir l'examen. Les mathématiques n'avaient alors pour lui aucun attrait; il en ignorait les méthodes et le but; mais on exigeait des preuves d’intelli- gence : il se savait prèt à en donner. Le jeune collégien se procura les ouvrages de Bezout, les trouva de lecture facile et leur a toujours gardé reconnaissance. Un premier obstacle l’atten- dait. La liberté n'avait pas encore franchi les murs du collège; il devait, pour se faire inserire comme candidat, obtenir l'autorisation du proviseur. En apprenant une telle ambition chez un rhétoricien, M. Champagne haussa les épaules. « Tu veux, lui dit-il, concourir en mathématiques ? Je te le dé- fends; tu compromettrais le collège. Ce sera pour l’année prochaine, si l’école dure encore ». — «Je suis prêt, dit Poinsot en exagérant un peu; inter- rogez-moi. » M. Champagne ne se souciait pas de l'interroger et Poinsot le savait bien. « C’est bon, c’est bon, dit-il, tu te feras refuser et ce sera bien fait. » Poainsot futen effet refusé dès la première épreuve, mais tous les concurrents le furent comme lui. La science n'étant rien sans le civisme, on avait voulu, avant tout, examiner les candidats au moral. Un patriote, recommandable par ses vertus, les déclara tous inadmissibies : « La manifestation de patrio- tisme, disait-il, a été nulle. Les candidats sont ignorants et indifférents. Indifférents ! quand les enfants mêmes balbutient des hymnes à la Liberté.» Le citoyen examinateur au moral était un sot; les candidats s'en étaient aperçus et s'étaient moqués de lui; ils jurèrent haine éternelle aux Lyrans, et, malgré son rapport, on les déclara digne de servir la patrie. Poinsot, gràce aux livres de Bezout, répondit sur l’arithmétique et sur la géométrie. L’examinateut aborda l'algèbre ; embarrassé pour résoudre l’équa- tation qu'on lui dictait : «Citoyen, dit Poinsot, je ne sais pas l'algèbre, mais je vous promets de l’ap- prendre. » Le petit homme, Poinsot le nommait ainsi quaud il racontait cetle histoire, remplaça la ques- tion d'algèbre par un problème de géométrie : Poinsot le résolut et se retira fort inquiet. Un mois après, pendant une récréation, Poinsot. fidèle à sa promesse, apprenait l'algèbre; un grand bruit s'élève dans la cour: on s'élance, on envahit la salle d'étude en agitant le #/oniteur, et saissant Poinsol, qui n’y comprend rien, les deux plus grands l’enlèvent sur leurs épaules et lui font par- courir en triomphe les corridors du vieux collège. Le petit homme, perpiscace et hardi, avait inscrit le nom de Poinsot à la fin de la liste; etce nomillustre doit briller au premier rang dans la suite très honorable des candidats admis les derniers à l'École Polytechnique. Monge et Lagrange faisaient de trop savantes leçons. La République y avait pourvu, Un élève d'élite dans chaque salle devait, sous le nom de brigadier, servir de répétiteur à ses camarades. Le brigadier de Poinsot, c'était Biot, voulait malheu- reusement reprendre les choses de trop loin, «et quand il arrivait au fait, disait Poinsot, depuis longtemps je ne l’écoutais plus. » Chacun d'eux, cinquante ans après, prétendait que son camarade n'avait pas changé. « Poinsot, disait Biot, est membre du Bureau des Longitudes elne sait pasle nom des étoiles. » — « Jamais, disait Poinsot, je n'ai lu un mémoire de Biot, on n’a pas de temps pour tout. » Sur aucun point ils n'étaient d'accord. Lorsque Biot voulait témoigner de l'intérêt à un jeune savant, il le pressait d'apporter un nouveau travail et l’encourageait quelquefois en disant : «C’est en faisant du mauvais qu’on arrive à faire du médiocre. » — « Gardez-vous, disait Poinsot, de jamais rien montrer que les honnêtes gens puissent juger médiocre. » En quittant l'École Polytechnique après trois années d'étude, Poinsot fut admis à celle des Ponts et Chaussées : il y oblint le prix de mécanique. Un projet de scie à recéper les pieux au fond d'une | ar si state. J. BERTRAND. — ÉLOGE HISTORIQUE DE LOUIS POINSOT rivière le montra capable des applicajions que cependant il n'aimait pas, Il renonça à la carrière d'ingénieur et devint professeur dans un lycée de Paris. Les premiers efforts du jeune maitre se tour- nèrent vers la résolution des équations; celles du premier et du second degré sont faciles; celles du troisième et du quatrième degré n'arrêtent plus personne. Les équations du cinquième degré ont résisté à tous les efforts. Quelle en est la raison? La question est vague, mais de grande consé- quence. Les méditations de Poinsot l’ont éclairée pour lui d'une vive lumière. Un jour, en traversant le Pont-Neuf, roulant dans sa tête les tentatives restées infructueuses, il en aperçut le principe et le lien, et pénétra en même temps la cause néces- saire de l’insuccès. Les journées qui suivirent furent les plus heureuses de sa vie. Son idée du Pont-Neuf le possédait sans partage, mais La- grange l'avait eue avant lui. Lorsque Poinsot l’ap- prit, la déception fut grande : il garda son travail dans sa tête où il ne fut pas perdu. Lorsque La- grange, en 1808, dans la seconde édition du 7Yaité de la résolulion des équations numériques, esquissa le principe de la résolution algébrique, les mystères de cette théorie subtile et profonde ne pouvaient pour Poinsot faire aucun embarras. Le eompte rendu quil en fit dans le Yagasin encyclopédique déchire tous les voiles et Lagrange lui-même s’en montra surpris. Liouville, trente ans après, discutant l’histoire de cette savante et difficile théorie, après avoir reproduit, sans l’annoncer au lecteur, une page entière de Poinsot, a pu ajouter en s’inclinant avec bonne grâce devant son illustre confrère : « Pour m'épargner la rédaction que j'aurais beaucoup moins bien faite, je viens de copier un passage de la préface de M. Poinsot publiée en 1808 dans le Iagasin encyclopédique. M. Poinsot avait spéciale-_ ment en vue les équations binômes, mais le rai- sonnement est général. Aussi, c’est le cas de dire que les démonstrations des théorèmes se trouvent d'avance dans l’article de M..Poinsot ». En donnant d'avance la démonstration d’un théorème découvert vingt ans plus tard par le grand géomètre Abel, Poinsot ne devait rien au hasard. En analysant les idées de Lagrange, iln'a- vait pas à exposer les siennes, mais il les mettait à profit. L’honneur d'avoir atteint sans guide une cime élevée de la science était pour Poinsot, en même temps que l’occasion d’une cruelle déception une glorieuse bonne fortune; il jugeait de bon gout de la taire, « Les honnêtes gens m’auraient cru, disait-il, mais ils sont si rares ! » La réputation de Poinsot commença avec la pu- blication, en 1803, de ses Éléments de Statique. Le 1 ©t (22 livre, malgré son titre élémentaire et modeste, était fait pour instruire les plus habiles. Tout y était nouveau ou présenté d’une manière nouvelle. Poullet de Lisle publiait aussitôt dans le Magasin encyclopédique une analyse détaillée du nouvel ou- vrage. Le jugement qui la termine fait honneur à sa perspicacilé : « On ne tardera pas, dit-il, à le distinguer de la foule, peut-être aussi à le faire sorlir du rang où la modestie de son titre le place. » Le mémoire sur la composition des moments et des aires dans la mécanique, présenté dans la même année à l’Académie et réuni aux éditions suivantes de la statique, faisait mieux encore res- sortir les avantages de la doctrine nouvelle en montrant avec une entière évidence ce qui, dans un système libre, reste permanent quoi qu'il ar- rive, et la raison profonde des théorèmes algébri- quement découverts et déja célèbres dans la science. Le mémoire sur l’équilibre et le mouvement des systèmes suivit de près. L'Académie des sciences en renvoya l’examen à Lagrange. Tout devait, dans ‘cette œuvré nouvelle, intéresser l’auteur de la mécanique analytique, non lui plaire. On vou- lait innover dans son domaine; Poinsot avait écrit au début de son mémoire : (« MM. Lagrange et Laplace ont les premiers... » Les travaux de Laplace dominaient alors toutes les parties de la science ; mais, à parler franche- ment, sur les principes généraux de l'équilibre et du mouvement des systèmes, il n'avait rien propo- sé d’original. Lagrange fut froissé. Pourquoi, dit-il à Poinsot, avez-vous associé le nom de Laplace au mien? Vous m'avez choqué ! Telle est la franchise des géomètres. Un rapprochement injuste avait choqué Lagrange, il le disait, sans ignorer qu'un esprit malveillant pourrait expliquer sa mauvaise humeur par un sentiment d'envie. Poinsot n’ap- porta pas moins de respect pour la vérité. «Je n'avais pas, répondit-il à Lagrange, cité d'autre nom que le vôtre. J’ai montré à un ami la premiére rédaction du mémoire. — Tu veux présenter à l’Académie, m'a-t-il dit un mémoire de mécanique sans citer Laplace! Tu n'auras pas de rapport! — La première ligne est écrite de sa main. C’est lui qui y a introduit le nom de votreillustre confrère. » Lagrange sourit. La première difliculté était aplanie. L'ami de Poinsot, — il se nommait Du Chayla, — connaissait le monde académique d’alors : avait pas grand mérite. Laplace régnait sans partage. Lagrange, pour les bons juges, élait au moins son égal; maisil avait pour maxime, comme plus tard Poinsot, de ne se mêler de rien; il écartait les importuns, il ny 756 mais ne protégeait personne. Les maladroits seuls leflattaient. Il étaithabile au contraire de louer La- place très haut. On saisissait toutes les occasions, souvent même on les faisait naître. L'astronome Delambre, en analysant un chef-d'œuvre de Gauss, ne propose qu'une remarque : Gauss y fait usage d’une formule de Laplace : c'est là le souvenir que -doit conserver le lecteur d’un livre de quatre cents pages. Delambre se trompe, la for- mule est d'Euler, mair c’est l'intention qu'il faut voir. L'escarmouche, pour Poinsot, n'avait fait que retarder le combat. Le mémoire s’imprimait dans le journal de l'Ecole Polytechnique. Lagrange en avait reçu les épreuves, illes rendit couvertes de notes brèves et sévères, qui condamnaient le nou- veau principe. Poinsot ne pliait sous aucun joug; il releva le gant, rendant mot pour mot, opposant phrase à phrase; et, sans autre limite que la poli- tesse due, il renvoya l'épreuve en maintenant l'exactitude grammaticale et mäthématique de toutes les assertions condamnées. Le lendemain, un peu ému sans doute, il se présenta chez La- grange, pour développer sa thèse et défendre sa cause. Les objections et les réponses furent lues et re- lues ; je n’oserais pas affirmer qu'on se mit d'ac- cord; Poinsot ne le croyait pas en sortant; il a pu l’espérer depuis. Quelques mois après, Lagrange le fit appeler : « On va créer, lui dit-il, des inspec- teurs généraux pour l'Université. J'ai écrit à M. de Fontanes que vous deviez en être; s'il résiste, j'irai trouver l'Empereur qui ne me refusera pas. » C’est ainsi que Poinsot, à l’âge de vingt-neufans, devint inspecteur général de l’Université. Lorsque ces hautes fonctions l'appelèrent pour la première fois au lycée Louis-le-Grand : «Je l'a- vais bien dit, s’écria M. Champagne, que fu nous ferais honneur! » Poinsot n’osa pas rectifier ses souvenirs ; il avait dit : « Tu compromettras le collège ! » Le premier rapport de Poinsot est un chef- d'œuvre. Sans se soucier de plaire au grand maitre, il dit ce qu'il a vu et cherche à l'expliquer. « Par les dispositions du règlement général, di- sait-il, il semble qu'on a regardé l'étude des ma- thématiques comme accessoire, tandis que tout, autour de nous, exige qu’elle soit considérée comme fondamentale, aussi bien que l'étude des langues anciennes. La géomêtrie est la base de toutes les sciences, comme la grammaire et les humanités la base de toute littérature. Cela est reconnu de tout le monde, mais ce qui n'est pas moins démontré pour nous, c'est que les deux études s'éclairent encore et se fortifient mutuellement, Ceux qui ne voient dans les mathématiques que leur utilité J. BERTRAND. — ÉLOGE HISTORIQUE DE LOUIS POINSOT. — d'application ordinaire, en ont une idée bien im- parfaite; ce serait, en vérité, acquérir bien peu de chose à grands frais; car, excepté les savants et quelques artistes, je ne vois guère personne qui ait besoin de la géométrie ou de l’algèbre une fois dans sa vie. Ce ne sont donc ni les théories, ni les procédés, ni les calculs en eux-mêmes, qui sont véritablement utiles, c'est leur admirable enchaï- nement, c'est l'exercice qu'ils donnent à l’esprit, c'est la bonne et fine logique qu'ils y introduisent pour toujours. « Les mathématiques jouissent de ce privilège inappréciable, et sans lequel il serait le plus sou- vent superflu de les étudier, c’est qu'il n’est pas nécessaire de les savoir actuellement pour en res- sentir les avantages ; mais il suffit de les avoir bien sues; toutes les opérations, toutes les théories qu’elles nous enseignent, peuvent sortir de la mé- moire; mais la justesse et la force qu’elles im- priment à nos raisonnements restent; l'esprit des mathématiques demeure comme un flambeau qui nous sert de guide au milieu de nos lectures et de nos recherches; c’est lui qui, dissipant la foule oiseuse des idées étrangères, nous découvre si promptement l'erreur et la vérité; c'est par là que les esprits attentifs dans les discussions les plus irrégulières reviennent sans cesse à l’objet prinei- pal qu'ils ne perdent jamais de vue; c’est ainsi qu’il abrègent le temps et l'ennui, recueillent sans peine le fruit des bons ouvrages et traversent ces vains et nombreux volumes où se perdent les es- prits vuigaires. Si les mathématiques ont trouvé beaucoup de détracteurs, c'est que leur lumière importune détruit tous les vains systèmes où se complaisent les esprits faux. C’est que si les mathé- matiques cessaient d’être la vérité même, une foule d'ouvrages ridicules deviendraient très sérieux, plusieurs même commenceraient d'être sublimes ; mais il était bien naturel que les esprits supérieurs et les meilleurs écrivains ne parlässent des sciences exactes qu'avec une sorte d’admiration; les grands hommes, dans quelque genre que ce soit, ne ra- valent jamais les grandes choses : ils tâächént de s'y élever. » Je ne conseillerais pas ces principes aux profes- seurs de mathématiques transcendantes dans une université de premier ordre. Mais si nos lycées voulaient bien les adopter, et les examinateurs de nos écoles s’en pénétrer, ils rendraient un bien grand service. Poinsol avait acquis beaucoup de loisirs; il en profita pour suivre ses propres idées. La décou- verte de quatre polyèdres réguliers nettement exposée, quoique sans figures, le plaça à un rang élevé dans l'estime des amis de la géométrie. On enseignait, sur la foi de Legendre, qu'il ne peut Lai St LH PhbnE SRE RIT J. BERTRAND. — ÉLOGE HISTORIQUE DE LOUIS POINSOT 157 exister que cinq polyèdres réguliers: la décou- verte de Poinsot, malgré le démenti, plus apparent que réel, qu’elle donnait à ses assertions, lui ins- pira une grande estime pour le jeune inventeur. Comment peut-on démentir une proposition démontrée? En changeant les définitions, Le- gendre, sans le dire, supposait les polyèdres con- vexes. Poinsot supprime cette restriction. L'idée des polyèdres étoilés fut tenue pour entiè- rement nouvelle. Une plus exacte recherche aurait pu cependant montrer aux géomètres leur origine très ancienne dans la science. Kepler, avant Poin- sot, les avait aperçus et signalés. « Les polyèdres étoilés, dit M. Chasles, dans son Aperçu historique, étaient tombés dans l'oubli et n'ont réveillé aucun souvenir, lorsque M. Poinsot les a remis sur la scène, » Poinsot attachait une grande importance àune découverte admirée, dont un travail de Cau- chy avait accru le retentissement: il lut Kepler, lui qui ne lisait rien, et sans contester sur l'imperfec- tion des détails, il se déclara convaincu. Une vérité désagréable. proposée simplement, sans hostilité comme sans complaisance, n’a jamais alléré, même pour un instant, l’affectueuse estime, qu'après comme avant la publication de son livre, il à té- moigné eu toute circonstance à l’auteur de l’Apereu historique. Lorsque l’Académie perdit Lagrange en 1813 Ampère, Cauchy et Poinsot briguèrent l'honneur” de lui succéder : Poinsont fut élu. Le choix fut approuvé, et devait l'être. L'Académie ne pou- vait deviner que dix ans plus tard, Ampère, par la création de l’électro-dynamique, révèlerait le plus grand génie scientifique du siècle et que Cauchv, chaque jour plus fécond, pendant quarante années encore, prendrait place, en grandissant sans cesse. parmi les plus grands géomètres dont s’honore l'esprit humain. Si dans cette élection nous vou- lons signaler le trait le plus étrange, bornons- nous à rappeler qu’en classant les candidats par ordre de mérite, la section de géométrie, présidée par Laplace, n’accorda le premier rang ni à Cau- chy, ni à Ampère, ni à Poinsot, mais à un concur- rent dont j'oublie le nom. Poinsot en entrant à l'Académie des Sciences, réunissait, depuis quatre ans déjà, aux fonctions d'inspecteur général de l’Université, celle de pro- fesser à l’École Polytechnique. Son enseigne- ment fut court. Par sa perfection même, il état pour lui une fatigue. La veille de chaque leçon la porte de Poinsot était fermée. Persuadé que ses auditeurs cesseraient promptement tout commerce avec le calcul intégral, il voulait qu'ils en conser- vàssent un bon souvenir: il redoutait, quoique habile à bien dire, les hasards de l'improvisation, La tâche lui plaisait, mais il fallait professer à huit heures du matin : «la matinée, disait-il est faite pour la solitude, comme la soirée pour le monde ; il ne faut pas imposer à un cheval fin la tàche d’un timonier. » Il demanda l'adoption d’une heure moins #ncongrue, ne l'obtient pas, et donna sa dé- mission. Cauchy lui succéda. Le contraste était complet; chacun des deux grands maitres avait ses admirateurs. Poinsot ne nous enseignait rien, disaient les partisans du nouvel enseignement. Les raffinements de rigueur de Cauchy, disait Poinsot lui-même, qui ne cachait jamais son opinion, les dégoûteront de la Science. Tous avaient tort. Poin- sot, il est vrai, disait peu de chose dans chaque lecon, mais il le disait si bien! Cauchy n’était compris que des élèves d'élite. et n'intéressait que les meilleurs d'entre eux, mais ceux-là gardaient son empreinte. L'inspection générale fut enlevée à Poinsot lors de l'avènement de Charles X : il n'affichait pour le trône et pour l’autel ni hostilité ni dédain; il regar- dait la royauté comme un mal nécessaire et la reli- gion comme un bien pour les croyants, dont il n'était pas. Cela ne suffisait pas. Le représentant des études mathématiques au conseil royal, c'était Poisson, n'était sur aucune théorie mathématique en communaulé d'idées avec Poinsot; mais celui de philosophie croyait voir en lui un adversaire, dont les rapports devaient lui déplaire, le piquer et souvent l'irriter. Quant à cette dernière étude qu'on vient d’intro- duire dans les lycées, il faut convenir, disait Poin- sot, dans un rapport officiel, qu’elle est vague et sans objet précis dans l’état actuel de la société, Aussi, la plupart des professeurs ne savent-ils pas très bien sur quoi doivent rouler leurs leçons. Ceux qui renouvellent uniment l’ancienne philosophie, font véritablement peine à entendre. Ce cours n’est plus supportable; malheureusement ce n’est point une année perdue, c’est une année nuisible à leurs études précédentes et à celles qui doivent suivre. Poinsot, pendant ses années d'inspection, avait entendu des leçons de philosophie ; quelques unes lui avaient laissé d’amusants souvenirs. Le profes- seur, un jour, avait agité devant lui cette grave question : Une chose peut-elle à la fois être et ne pas être, de telle sorte qu’on puisse, à une même question répondre oui et non avec confiance égale ? La réponse négative semble évidente, et c’est pour elle que l’école concluait, mais il ne faut pas multiplier inutilement les axiomes : il fallait pro- duire des arguments en règle et répondre aux objections. Supposez, disait le maïtre, un homme couché devant un brasier ardent, on peut assuré- ment aflirmer qu’il a chaud. 758 Supposez-le couvert de glace, il a froid certai- nement, et par conséquent n’a pas chaud. S'il arrive que la poitrine soit exposée au feu, tandis que par le dos il s'appuie sur un bloc de glace, ne paurra-t-on pas dire en même temps qu'il a froid et chaud ? L’objection est grave, il faut y répondre. On discutait ces niaiseries en latin, et les élèves prenaient des notes. Plus tard, dans un rapport sur l'Académie de Besançon, Poinsot écrivait : « M. l'abbé Astier professe une vieille philosophie de séminaire qui n’est guère au niveau des connaissances ac- tuelles. » Il n’en fallait pas plus pour expliquer la disgrèce. Poisson, qu’il en accusait, se borna, sans doute à ne pas le défendre. Poinsot pouvait, sans se restreindre en rien, laisser passer l'orage : sa fortune patrimoniale le rendait indifférent à de telles mésaventures ; en lui rendant le loisir, ses ennemis avaient favorisé ses goûts. Poinsot, dans sa jeunesse, aimait le monde, et ne se plaignait pas d'y avoir rencontré de mécomptes. Les mali- nées étaient consacrées au travail et à la médi- tation. Poinsot s'éprouvait lui-même, relisail ses manuscrits, les recopiait, différait d'années en années leur production et finissait souvent par les condamner à l'oubli. Un calepin élégant, relié en maroquin vert, sor- tait rarement d'un tiroir que j'ai vu s'ouvrir quel- quefois. Poinsot a bien voulu me le lire à haute voix, en accentuant chaque mot, chaque syllabe même, avec autant de perfection que s'il avait parlé, devant une réunion telle que celle ei. J'ai regretté souvent de n'avoir pas demandé à ses hé- ritiers cette relique, qu'au moment de sa mort nous n'élions, je crois, que deux à connaitre. M. Chabrier, vieil ami de Poinsot et son collègue au Sénat, a été plus hardi; le petit chef-d'œuvre lui a été remis, j'en ai perdu la trace. J'oserai, non sans hésiter beaucoup, reproduire ici quelques phrases dont ma mémoire, en les conservant, a sans aucun doute altéré la perfec- tion, laborieusement atteinte, — l’auteur ne s'en ca- chait pas, — etce mot perfection, dans sa bouche habiluée à bien dire, ne supposait aucun orgueil, L'ouvrage parfait, c'est la définition, plait à son ouvrier qui dès lors n°y trouve plus rien à faire : zien chez les hommes n’est aussi rare qu’une amitié par- faite et désintéressée. On n’en cite qu'un exemple: celui de Ja fable. Les portraits des géomèêtres À, B, G, D, ont été tracés d’après nature. Lorsque Poinsot voulut bien me les lire, je crois avoir, en devinant sans hésiter les quatre noms, fait un pas dans son estime. A. Va d’un air simple à la vérité qu’il aime : la vérité lui sourit, et quitte volontiers sa retraite pour se laisser produire au grand jour par un homme aussi modeste, J. BERTRAND. — ÉLOGE HISTORIQUE DE LOUIS PONSOT B. Ne l’a jamais vue que par surprise. Elle se cache à cet homme vain qui n’en parle que d’une manière obscure. Mais vous le voyez qui cherche à tourner cette obscurité en pro- fondeur, et son embarras en un air noble de contrainte et de peine, comme un homme qui craint d’en trop dire et de divul- gucr un commerce secret qu'il n’a jamais eu avec elle. C. Il faut bien, se dit-il, qu’elle soit en quelque lieu. Or, il va laborieusement dans tous ceux où elle n’est point, et comme il n’en reste plus qu'un seul qu’il n’a pas visité, il dit qu'elle y est, qu'il en est bien sûr, et il s’essuie le front. D. D'un tempérament chaud, la désire avec ardeur, la voit, la poursuit en satyre, l'atteint et la viole. L'œuvre capitale de Poinsot, dans son âge mûr, a été ses lravaux sur la dynamique des corps so- lides. Euler et d’Alembert, à peu près dans le même lemps, et par des méthodes très différentes, ont les premiers résolu cette importante et diffi- cile question. Poinsot ne cachait pas qu’il les ad- mirait peu et désirait quelque chose de plus simple. L'illustre Lagrange avait repris ce fameux problème pour l’approfondir et le développer à sa manière, je veux dire, écrivait Poinsot, par une suile de formules et de transformations analy- tiques qui présentaient beaucoup d'ordre et de symétrie, mais il faut convenir que dans toutes les solutions, on ne voit guère que des calculs, sans aucune image nette de la rotation des corps. On peut bien, par des calculs plus ou moins longs et compliqués, parvenir à déterminer le lieu où se trouve le corps, au bout d’un temps donné, mais on ne voit pas du tout comment il y arrive; on le perd entièrement de vue, tandis qu'on voudrait l’observer et le suivre, pour ainsi dire des yeux pendant tout le cours de la rotation: or, c’est cette idée claire du mouvement de rotation que j'ai tâché de découvrir, afin de mettre sous les yeux ce que personne ne s'était représenté. Des contradicteurs très convaincus, insensibles à la perfection de ce chef-d'œuvre, affectèrent de tourner en illusion ce progrès {ant admiré par d'autres. La solution, qu'il éclaire d'une si vive lumière. était depuis longtemps, dit-on, acquise à la science : la difficulté était vaincue. Euler avait formé les équations, on les avait intégrées : que peut-on désirer de plus? Poinsot avait enfoncé une porte ouverte. Ils ne peuvent pas comprendre, di- sait Poinsot de ces savants critiques, el, sans aucune amertume, il les dédaignait de grand cœur. Toujours attentif aux phénomènes, non aux for- mules, il aborda, dans la théorie de la précession des équinoxes, un des problèmes les plus difficiles de la mécanique céleste, en conduisant son étude jusqu'aux calculs numériques, sans s'écarter ja- mais de la simplicité qu’il aimait et de la rigueur sans laquelle on n’est pas géomètre. Poinsot avait l'amour, non la curiosité de la science; il savait qu'un savant ignore beaucoup de cr dat pot ns hit dut à à EE PORN RS J. BERTRAND. — ÉLOGE HISTORIQUE DE LOUIS PONSOT 159 choses; l'indifférence pour lui en accroissait le nombre. Lui seul, peut-être, a pu dire aux savants les plus illustres de son époque : Je vous ignore — et marcher auprès d'eux en restant leur égal. Les plus grandes découvertes le laissaient indifférent. Ni l'œuvre de Fresnel, ni la pile de Volta, ni les actions électrodynamiques, ni la théorie mathé- matique de la chaleur, n’ont, même pour un jour, occupé son esprit. Dans les mathématiques pures, les fonctions doublement périodiques et les intégrales complexes lui sont restées inconnues. La théorie mathématique de l'élasticité n'était pas pour lui assez pure. Ni Navier, ni Cauchy, ni Lamé, pour lequel il avait une si haute estime, n’ont réussi à lui faire discuter leurs principes : Ils par- lent de pressions obliques — disait-il avec répu- gnance. — Une pression est toujours normale; cela n’est pas pur. — Un géomètre qui manque à la précision et à la rigueur, ressemblait, suivant lui, à un chevalier félon qui manque à l'honneur. Poinsot, en 1840, succéda à Poisson, au Conseil royal de l'instruction publique. Chacun des con- seillers, dans l’ordre des éludes qu'il représentait, exerçait une influence décisive sur la nomination et l’avancement des professeurs. Ses collègues, presque tous, el ses prédécesseurs, présidaient chaque année les concours d’agrégalion, choisis- saient les questions demandées aux candidats de l'Ecole normale; leurs soins s’étendaient même au choix des sujets proposés au concours général des lycées. Poissot, en acceptant cette haute si- tuation, déclina formellement ce travail sans cesse renaissant. Le Conseil contenait de bons juges ; Villemain, et Cousin, en admirant la parole élégante et profonde de leur nouveau collègue, se plaignaient seulement qu'elle fût beaucoup trop rare. Poinsot, peu de temps après sa nomination, voulut visiter la Faculté des Sciences de Paris : c'était un mercredi; un jeune élève de l'Ecole Po- lytechnique avait profité de son jour de sortie pour subir l’examen de Zicence. Le doyen dela Fa- culté, c'était Thénard, présenta le nouveau licencié, en exagérant un peu ses mériles, à son collègue du Conseil royal. Les professeurs réunis et les jeunes étudiants, qui venaient d'assister à l’exa- men, attendaient avec curiosité la petite allocu- tion ainsi imposée à l'improvisie à Poinsot, célè- bre par l'élégance de sa parole et la finesse de son esprit. « Jeune homme, dit Poinsot, avez-vous entendu parler d'un nommé Lindor? » Le candidat à la licence ès sciences physiques ne s'attendait pas à être interrogé sur le Barbier de Séville ; il garda le silence : « Ce Lindor, continua Poinsot, n’était que bachelier; cela ne l’a pas empêché de réussir. Je vous souhaite de faire comme lui. » Thénard, toujours sérieux et digne dans son rôle ’ de doyen, paraissait consterné. Poinsot devint pair de France. comme l’étaient presque tous les collègues du Conseil. L'Empire plus tard le nomma sénateur. Il acceptait les honneurs, saisissait vo- lontiers l’occasion de prouver à tous ce qu'il au- rait pu faire et se plaisait ensuite à ne rien faire. La déférence due à la haute situalion de Poinsot m'a rendu témoin d'une seène où la politique n'avait aucun rôle. Un jour, causant avec lui, ou plutôt l’écoutant causer, sur les souvenirs de sa vie scientifique, nous relisions ensemble un chapitre du système du monde de Laplace, première occasion, par l'insuf- fisance des preuves alléguées, de ses recherches sur la précession des équinoxes. Son valet de chambre entre et lui remet une carte de visite. Poinsot la prend du bout des doigts, lit dédaigneu- sement, à la suite d’un nom inconnu, la qualité de chef de division dans l'administration municipale. « Dites à ce monsieur, répond Poinsot, que je ne le connais pas. » Le monsieur insiste : C’est de la part du préfet de la Seine qu'il voudrait parler à M. le sénateur. — Poinsot le fait entrer et l'écoute. « Vous êtes, lui dit-il, propriétaire d’une maison située à Paris, rue du Temple? — C'est vrai, répond Poinsot, et depuis cinquante ans. — C’est de cette maison que je voudrais avoir l'honneur de vous parler, continue le délégué du Préfet. Le prix des loyers est resté le même qu’en 1810? « — Qu'est-ce que cela vous fait, répond Poinsot. «— Je dois apprendre à M. le sénateur qu'il pourrait doubler le prix de ses locations, la bou- tique même resterait à très bon marché. « — Pourquoi, demanda de nouveau Poinsot la ville de Paris prend-elle intérêt à mes affaires ? « — Les impositions sont en raison du prix des locations et votre générosité diminue les revenus de la ville. «— Je comprends, dit Poinsot. Je nuis aux inté- rêts du fisc. » Il réfléchit un instant et ajouta: « L'important dans les choses du monde, c’est qu’elles aillent. Mes locataires sont d’honnètes gens qui me payent ré- gulièrement. J'ai l'habitude de recevoirleur argent : cela va bien ainsi. Je ne vois pas de raison pour changer.» Et par un geste très digne et très poli, il invita le délégué du fisc à ne pas insister. Les meilleurs amis de Poinsot étaient morts, il n’en voulait pas de nouveaux. Lorsqu'à cinq heu- res du soir j'allais prendre de ses nouvelles, j'en- tendais tirer les verrous, personne dans la journée n'avait franchi la porte. Je le trouvais feuilletant un des volumes de sa très petite bibliothèque. Souvent Molière, quelquefois Voltaire, rarement Montesquieu et plus souvent qu'aucun autre, un exemplaire de l’un de ses Mémoires. Un grave acci- 760 dent cependant annonçait une fin prochaine : ni l'Académie, ni le Sénat ne l’avaient vu depuis plus d'un mois; il se détachait de tout et contemplait sans trouble les approches évidentes de la mort. Un jour, il m'accueillit par ces mots : (Un petit mulet, Monsieur ! » c'était la fin d’une scène des Fourberies de Scapin qui le faisait rire au moment où j'étais entré. Puis, changeant de ton, il me dit : « J'ai reçu hier une longue visite : Mgr l'archevêque de Paris m'a fait l'honneur de venir lui-même prendre de mes nouvelles. Vous devinez ce qui NOTICE ACADÉMIQUE L’excellent et savant confrère dont je veux rap- peler le souvenir nous a été enlevé pendant l'épi- démie qui sévissait si cruellement à Paris à la fin de l’année 1889. Ernest Cosson est mort le 31 dé- cembre, après une courte maladie. L'Académie des Sciences, par déférence pour la prudente solliei- tude de sa famille, n’a pu lui adresser les paroles de souvenirs et de regret qu'une pieuse coutume réserve à tous nos morts. Nos archives cependant doivent conserver la trace des sentiments qu’il inspirait à tous. Il ap- partient à son plus ancien ami, depuis un demi- siècle témoin de ses efforts et heureux de ses succès, de faire disparaître dans la collection de nos notices nécrologiques une lacune qui plus tard resterait inexplicable. Né dans une famille riche et dans une position qui eut porté bien d’autres jeunes gens à cultiver en simples amateurs leurs études de prédilection, Ernest Cosson se montra dès l'enfance un travail- leur sérieux. Son père, lui voyant peu de goût pour la carrière du commerce qu'il avait suivie lui-même, ne voulut point lecontraindre à y entrer, mais exigea qu'il choisit une profession. Son pen- chant très marqué pour les sciences naturelles le fit se décider pour la médecine : Ernest, après d'excellentes études, pritavec éclat le grade de doc- teur : l'étude de l’homme malade l’intéressa tou- jours, comme peuvent l’attester ceux qui l'ont vuen 1870 à la tête d’une ambulance importante fondée à ses frais, et qu'il dirigeajusqu'à la complète gué- rison de ses malades, avec la plus tendre et la plus constante sollicitude. À cette époque, cependant, il avait renoncé depuis longtemps à l’exercice de la médecine, incompatible avec les continuels voyages auxquels l’entrainait sa passion pour la science. 1 Cette étude a été lue hier, 29 décembre, à Ja réunion pu- biique annuelle de l’Académie des Sciences, par M. J. Ber- rand, secrétaire perpétuel. 1 4 + r LE L'un J. BERTRAND. — NOTICE ACADÉMIQUE SUR ERNEST COSSON l’amenait. C’est un homme d’esprit ; il a compris que je ne voulais pas comprendre, et nous avons parlé d'autre chose. » Huit jours après, Poinsot, en s’endormant dans le calme d’une bonne conscience, pouvait répéter ces paroles écrites depuis quarante ans déjà : Ma vie a été irréprorhable et pure comme mes écrits. J. Bertrand, de l'Académie française, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences. SUR ERNEST COSSON ‘ Les excursions autour de Paris avait fourni la matière de ses premières publications. Il avait vingt ans à peine lorsque, en collaboration avec son ami Ernest Germain de Saint-Pierre, il publia ses observations sur quelques plantes critiques des environs de Paris. Le commerce intime des deux amis se contiuua pendant plusieurs années au grand profit de la science. La rédaction d’un ou- vrage considérable, la Flore des environs de Paris, de- vint bientôt le but de leurs efforts; le long et cons- ciencieux labeur üe cette œuvre de longue haleine me rappelle plus d’un souvenir.Je prenais part sou- vent aux promenades; ce fut toute ma collabora- tion. Le titre choisi par les deux amis était : Æore des environs de Paris,pour faire suite au traité de Bota- nique, de M. Adrien de Jussieu. Le livre était annoncé, lorsqu'Adrien de Jussieu pria les deux auteurs de venir le voir. « Jeunes gens, leur dit-il, vous êtes d'âge à re- cevoir une petite leçon. Apprenez qu'on ne doil jamais inscrire un nom sur la couverture d’un livre sans en avoir reçu l'autorisation. Votre éditeur, qui ne l’ignore pas, m’a envoyé l’épreuve du titre. Je l'ai corrigée. » Puis après un moment de si- Jence, il présente aux deux amis, un peu décon- tenancés, la feuille sur laquelle il avait effacé les mots, pour faire suile, en y substituant : faisant suite. Je serais bien surpris si cet autographe d’un maitre vénéré ne se retrouvait après cinquante ans dans les archives de nos confrère. Les publications d'Ernest Cosson se succédèrent rapidement, sans précipitation cependant, grâce à l'assiduité et à la puissance de travail de l’auteur. Beaucoup traitaient des sujets entièrement neufs, et Cosson avait l’art de mêler aux plus minces opuscules des vues générales et des problèmes nouveaux dont il savait montrer l'importance. Nous devons citer particulièrement la liste des J. BERTRAND. — NOTICE ACADÉMIQUE SUR ERNEST COSSON plantes observées aux environs de Thurelles sur les déblais récents du chemin de fer de Moret à Montargis, et l'étude des plantes étrangères re- cueillies au Port Juvénal près de Montpellier. Ce travail relatif à une localité déjà étudiée avec attention a donné lieu cependant à des remarques très intéressantes pour la géographie botanique et à de savantes réflexions sur la modification d’une flore locale en lutte avec des causes permanentes d’accroissement. Les vues d’Ersnest Cosson sur la manière dont s’est formé et s'entretient cet étrange jardin d’acclimatation naturel, révèlent un observateur attentif et sagace, habile à exposer nettement les conclusions de ses patientes re- cherches. Le Port Juvenal reçoit chaque année des quan- tités considérables de laines en suint prevenant de pays très divers et contenant d’abondantes impu- retés apportées de leur lieu de provenance. Ce sont principalement des graines que leurs aspéri- tés ou leurs poils font adhérer aux toisons, On les en débarasse en partie, par un premier épluchage, puis on les fait passer par une suite d'opérations de nature à détruire toute faculté germinatrice : elles sont soumises à une lessive bouillante, puis lavées à grand eau et étendues sur des galets qui empêchent tout contact avec la terre qui les sa- lirait. Malgré ces conditions défavorables, la colonie de plantes étrangères s’entretient el se développe par les arrivages de chaque année. De Candolle, le premier, a appelé l'attention sur cette singulière et intéressante réunion; plusieurs bolanistes depuis y ont trouvé un fructueux sujet d’études. Ernest Cosson a résumé el accru ces travaux. « L'étude de la flore juvénalienne, dit-il. est venue confirmer le résultat des études antérieures et nous démontrer que les introductions acciden- telles, sauf celles qui se font dans les terrains meubles, tels que les moissons ou les prairies ar- tificielles, ne peuvent modifier que bien peu la vé- gélation générale du pays où elles se produisent. » La flore des États barbaresques a été l’objet des recherches persévérantes d’Ernest Cosson. La commission scientifique de l’Algérie, chargée en 1840 de l'exploration de cette contrée, avait dû restreindre ses recherches dans les limites de l’oc- cupalion. Le savant représentant de la botanique, M. Dur- rieu de Maisonneuve, avait réuni des documents importants sur la région méditerranéenne; mais, malgré {out son courage, il n'avait pu aborder que quelques points de l'étude des hauts plateaux. Ernest Cosson, sur le rapport favorable des profes- seurs du Muséum, fut appelé par le ministère de la REVUE GÉNÉRALE, 1890. 761 guerre à prendre part à la rédaction de la Æore d'Algérie. I s'y consacra tout entier, en profitant des progrès successifs de la pacification du pays, pour en explorer les diverses parties d’après un plan méthodique ; il était préparé par des voyages en France, en Espagne, en Portugal, en Italie, et par l'étude approfondie des Flores de la Grèce, de l'Asie-Mineure et de l'Égypte. Dix voyages exé- cutés de 1852 à 1861, sous le patronage du minis- tère de la guerre, mais toujours à ses frais, ont permis à Ernest Cosson de réunir les immenses matériaux de son œuvre. Sans sortir de son rôle scientifique, il n’a rien négligé pour réunir des renseignements positifs, qui, la plupart, intéres- sent le botaniste, mais ne l’intéressent pas seul; tels sont ceux qui concernent la climatologie. Ré- signé aux soins pénibles qu'exige le transport des instruments dans les pays de monlagnes, il a déter- miné les alliludes de toutes les nations et celle, par conséquent, des végétaux caractéristiques de chaque région et, sans se contenter du baromètre anéroïde, il transportait avec des précautions infi- nies, un excellent baromètre de Fortin. La tempé- rature moyenne de l’année était déduite avec une exactitude suffisante de la tempéralure des sources, el par une méthode qui mérite plus de confiance encore, de la température constante observée à une profondeur suffisante au-dessous du sol. Sans s'écarter de ses études scientifiques, pour éludier complètement la langue arabe, Ernest Cos- son avait su lier des relations avec les tribus nomades, qui, par nécessité, portent leur attention sur les productions du sol, et donnent à chaque plante un nom qui ne varie pas plus que les no- tions sur les propriétés réelles ou supposées qu’on lui attribue. Il est parvenu ainsi, sans sortir de l'Algérie, à connaitre l'existence de certaines es- pèces, jusqu'au centre de l'Afrique, sur les bords du lac de Tchad par exemple, et le fait a été con- firmé par les relations des voyageurs qui ont visité cette partie du continent. Ernest Cosson a assigné à chacune des quatre régions qu'il distingue son caractère et ses limites. Dans la région méditerranéenne, par exemple, région de l'olivier, la flore de la province de Cons- tantine rappelle surtout la Sardaigne, la Sicile, l'Italie et Malte ; celle de la province d'Alger, le nord de l'Espagne, les Baléares et le midi de la France ; celle d'Oran, le midi et le sud-est de l'Es- pagne. C'est à la vaste surface d'évaporation pré- sentée par la Méditerranée, que l'Algérie littorale doit un climat plus tempéré et des productions moins méridionales que si elle était reliée directe- ment au conlinent. Ernest Cosson s'était dévoué à la science depuis 24* 162 G. BIGOURDAN. — L'ÉQUATORIAL COUDÉ DE M. LOEWY son enfance, sans autre ambition que celle de voir et d'étudier la nature ; il avait, sans arrière-pensée et sans ambilion, rendu des services de mieux en mieux appréciés. En offrant à l'Académie ses tra- vaux et ses livres, il ne lui avait jamais demandé de récompense, jamais surtout sollicité l'honneur de lui appartenir. C'est nous qui l'avons désiré et appelé. La commission, chargée de présenter des candidals à une place vacante d'académicien libre, proposa spontanément, par une exception très rare, son nom, connu de tous les naturalistes, aux suf- frages de l'Académie. Dès que la candidature lui fut proposée, il s'em- pressa de réparer le temps perdu; il fit les dé- marches commandées par l'usage, et moins d’une année après, il était élu à la place laissée vacante par le décès d’Auguste Duméril. Lorsque j'allai, très joyeux de la mission qui m’élait donnée par mes confrères, promettre pour ainsi dire, à Ernest Cosson, le seul honneur qu'il ait jamais désiré, un hasard me rendit témoin de l'un des mérites bien connus de tous les botanistes qui depuis longtemps l'en rendaient digne. Dans une rapide excursion en Suisse, j'avais l’année précédente apèrçu quelques fleurs d'aspect singulier el, sans aucune préoccupation scienti- fique, j'en avais cueilli quelques-unes, placées im- médiatement dans une enveloppe de lettre. Elles étaient depuis près d’un an dans mon portefeuille. Les vastes collections au milieu desquelles il me reçut me rappelèrent mon petit butin et peut-être, je n’en ai plus souvenir, avec le malicieux espoir de mettre sa science en défaut, je lui montrai mes trois ou quatre fleurs bien éloignées de leur grâce et de leur fraicheur premières. Il les regarda un instant; puis, comme un bibliothécaire qui cherche dans son catalogue, il ouvrit un livre, puis un re- gistre manuscrit, puis une armoire et enfin un car- ton, dans lequel sans avoir hésité un instant, il me fit voir une fleur toute semblable à la mienne. Elle est très rare, me dit-il; on la trouve dans deux lo- calités, sur le glacier du Rhône et en Hongrie. Je l'avais cueillie sur le Grimsel. Une telle épreuve pour Ernest Cosson n’était qu'un jeu. Une magnifique collection, qui s’accrois- sait chaque année, était à la fois l'instrument de ses profondes études et le témoignage éloquent d'une ardeur qui depuis son enfance ne s’est pas ralentie un seul jour. Lors du congrès international de botanique tenu à Paris en 1867, l’herbier d’Ernest Cosson excita l'admiration des représentants les plus éminents de la science. Dans l'analyse des travaux du congrès, la description de toutes ces richesses n’occupe pas moins de douze pages. Une année écoulée depuis la mort si imprévue de notre confrère n'a affaibli ni les sentiments de vifs regrets, ni les pieux sou- venirs, ni l'estime profonde de l’Académie pour le savant aussi érudit que mogleste dont pendant près de vingt ans elle a pu apprécier la science solide, l'excellent esprit et l'affectueuse cordialité. L’adieu que je lui adresse au nom de tous n’est pas dicté par une émotion moins sincère que la tristesse d’une séparation si imprévue. J. Bertrand. de l'Académie française, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences. L'ÉQUATORIAL COUDÉ DE M. LŒWY LE NOUVEL ÉQUATORIAL DE L'OBSERVATOIRE DE PARIS On va inaugurer à l'Observatoire de Paris un grand équatorial, dont l'objectif a 0,60 de dia- mètre, et dont la monture présente la forme pro- posée, il y a vingt ans, par M. Lœæwy, aujourd’hui sous-directeur de l'Observatoire. Avec la monture ordinaire des grands équato- riaux, l'astronome est obligé de se déplacer fré- quemment pour suivre l'oculaire, et de prendre des positions parfois très incommodes, ce qui nuit à la précision des observations et entraine rapide- ment la fatigue. Obligé, en outre, de manœuvrer constamment des pièces métalliques dont la tem- pérature est toujours voisine de celle de l'extérieur, ses mains se crispent rapidement en hiver, et il en résulte une interruption forcée des observations. Ces divers inconvénients sont évités avec l’équa- Lorial coudé, dont l’oculaire est fixe, de sorte que l'observateur reste assis devant son micromètre, à la même position et dans une pièce abritée, à peu près comme le naturaliste devant son microscope. Avant de décrire cette nouvelle forme d’équato- rial, nous allons rappeler d'abord les essais faits antérieurement pour faciliter l'usage des grands instruments. I Les premières luneltes avaient un pied et demi (0,50) de longueur et se tenaient facilement à la main ; es 4655 Huyghens construisit un objectif de 20 pizds (6,50), puis d’autres beaucoup plus puis- sants encore, et dont l'un avait 210 pieds (68%) de G. BIGOURDAN. — L'ÉQUATORIAL COUDÉ DE M. LOEWY 763 foyer pour 8 pouces et demi d'ouverture : on était obligé de donner ces longueurs focales, immenses par rapport au diamètre des lentilles, pour éviter l'irisation des bords de l’image, irisation dont la cause élait alors inconnue et qui est due à la dis- persion produite par la lentille, agissant à la manière d’un prisme. Fig. 4.— Montrant l1 manœuvre des grandes lunettes employées à la fin du xvue siècle : On devine quelles difficultés présentait l'usage d'aussi longues lunettes; aussi proposa-t-on de divers côtés des procédés plus ou moins ingénieux pour éviter l'emploi des tubes mobiles; parmi eux on doit remarquer celui qui fut imaginé par un sieur Boffat ou Bouffart qui laissait la lunette fixe suivant l'axe du monde et lui présentait les CE A droite se trouve l’astronome, qui transmet ses ordres à deux aides placés au pied du mât et soulevant la lunette au moyen d’un treuil, pendant qu'un troisième aide guide les cordages au sommet du même mât; enfin, deux autres aides apportent une échelle pour aider à la manœuvre. À côté de l'astronome se voit l'appareil qui maintient l'extrémité oculaire de la lunette et permet de lui imprimer des mouvements lents tant dans le sens horizontal que dans le sens vertical. On suspendait ces longues lunettes à des mâts plantés en plein air, et on les manœuvrait avec des cordages, comme le montre la figure 1 extraite de la célèbre Machina Caælestis d'Hévélius (1673). A défaut de mâts assez élevés, J. D. Cassini instal- lait ses objectifs au sommet de l'Observatoire et lui, placé au pied, 27 mètres plus bas, il examinait les images des planètes avec l’oculaire. La hauteur de l'Observatoire étant elle-même insuffisante, Louis XIV y fit transporter une grande tour pyra- midale en bois qui servait à Marly pour élever les eaux de la Seine et les conduire à Versailles. astres au moyen d'un système mobile de miroirs plans !. Ce projet parut cependant inapplicable et c'est à cette occasion que CI. Perrauit proposa de placer la lunette fixe, horizontale, et de lui ren- voyer les rayons des astres à l’aide d’un seul miroir. Ces idées étaient heureuses, et c’est sans doute à l'imperfection des miroirs plans, tels qu’on les con- struisait alors, qu'il faut principalement en attri- buer l’insuccès. Déjà, du reste, la découverte des télescopes à 1 Journal des Savants de 1682, p. 221. 164 réflexion avait offert un autre moyen d'éviter l'em- ploi d'objectifs si incommodes : Mersenne avait proposé à Descartes de remplacer les objectifs par des miroirs concaves; en 1616, cette idée fut exé- cutée par le P. Zucchi; en 1663, Gregory publia la description de son télescope, avec petit miroir con- cave; enfin, en 4672, Newton et Cassegrain firent connaître leurs télescopes, devenus classiques comme celui de Gregory. Fi 2. — Montrant la marche comparée des rayons lumineux dans l’équatorial ordinaire et dans l’équatorial coudé. g. Tandis qu'avec les objectifs que l’on construisait alors, la longueur des lunettes variail, suivant les grandeurs, de 70 à 400 fois le diamètre, avec les miroirs la longueur n'étail plus, pour les mêmes grossissements, que de 8 à 16 fois le diamètre : le télescope donnait donc, en moyenne, les mêmes résultats que des lunettes 20 fois plus longues. Cependant on ne négligea pas de perfectionner les objectifs, et les travaux d’Euler, de Klingens- lierna, de Dollond conduisirent finalement ce der- nier à réaliser, en 1758, des objectifs appelés G. BIGOURDAN. — L'ÉQUATORIAL COUDÉ DE M. LOEWY plus tard achromatiques (c’est-à-dire sans couleur) dans lesquels on corrige l'irisation des bords des images par l'emploi de deux sortes de verres, et dont la longueur focale était de 10 à 15 fois lou- verture. Toutefois, à cause de la difficulté de se procurer des disques de verre exempts de défauts, les plus grandes lunettes ne dépassèrent guère, avant 1800, 010 à 0"12 d'ouverture ; et l’on continua toujours d'employer des télescopes à ré- flexion, auxquels les travaux et les découvertes d'Herschel finrent redonner une grande vogue. Au commencement de ce siècle, la construction des objectifs atteignit, avec Fraunhofer, une grande perfection. En même temps, Guinand découvrait le moyen de fondre du verre exempt de stries el pro- duisait les disques qui formèrent le célèbre objectif de 9 pouces de Dorpat. On obtint bientôt après des disques de 0"38 de diamètre; à l'Exposition Universelle de 1855, figurèrent deux disques de 0%76, qui furent achetés pour l'Observatoire de Paris ; enfin, aujourd'hui, on obtient des disques de plus de 1 mètre de diamètre. M. le colonel Laussedat a employé avantageuse- ment une lunette fixe et horizontale, avec un seul miroir au-devant, comme l'avait proposé Perrault. Au moyen de son sidérostat, Foucault a imprimé à ce miroir un mouvement tel que les rayons lumi- neux füssent réfléchis dans la même direction. Enfin M. Læwy a imaginé son équalorial coudé, à deux miroirs, qui rappelle le projet, d’ailleurs incomplètement connu, de Bouffart. Il Le sidérostat de Foucault, qui n’a peut-être pas réalisé toutes les espérances qu'il avait fait naître, évite même l'emploi du tube de lunette et sup- prime presque complètement les abris mobiles, toujours très coûteux; mais, outre les défauts de tous les instruments dans lesquels interviennent des surfaces réfléchissantes, il a celui de se prêter difficilement aux mesures des posilions relatives de deux astres, parce que la direction du mouvement diurne change constamment sur le cercle de posi- tion du micromètre ; l'angle d'incidence des rayons lumineux sur le miroir est variable, et enfin, grave inconvénient, il ne permet l'examen que d'une partie du ciel, même avec un miroir très grand par rapport à l'objectif. L'équatorial coudé de M. Læwy (fig. 2 et 3)exige deux miroirs, mais il évite les inconvénients du sidérostat. Voici d'abord par quel artifice il donne toujours aux rayons une direction finale constante : Considérons un équalorial ordinaire dans une position quelconque, par exemple dans le méri- dien et dirigé vers le pôle ; soient AB (fig. 2) l'axe optique de la lunette, CD l'axe horaire, EF l’axe G. BIGOURDAN. — L'ÉQUATORIAL COUDÉ DE M. LOEWY 165 de déclinaison et G le contre-poids de la lunette. Le faisceau cylindrique KL de rayons incidents est transformé par l'objectif B en un faisceau conique dont le sommet est au foyer A. On sait que l'axe optique AB el l’axe de décli- naison EF sont perpendiculaires l’un à l’autre : à leur intersection M placons un miroir plan NO le même cercle horaire il suffira de tourner la partie BMO autour du mème axe EF, et l’oculaire restera fixe en U. De même, l'équatorial ordinaire élant dirigé vers un point quelconque du ciel, sion le fait tourner autour de l'axe polaire CD), il par- courra le parallèle correspondant, l’oculaire se dé- plaçant en conséquence, tandis qu'avec l’équato- nl PEROT Fig. 3. — Montrant la disposition adoptée, dans la pratique, pour l'équatorial coudé : Deux piliers P, P, en maconnerie supportant l’axe polaire AK; le tube VT, qui sert d’axe de déclinaison, porte le cube terminal dans lequel se trouvent le grand miroir S et l'objectif. En N est le contrepoids du bras TV ; Q est la lampe qui sert à l'éclairage du champ ; enfin les manettes JM, L', ete., permettent à l’observateur placé en K de manœuvrer l'instrument sans avoir à se déplacer. dont la normale MP bissecte l'angle droit BMF ; le foyer se trouvera ainsi transporté en H, sur le pro- longement de l’axe de déclinaison ; à l'intersection S de l’axe horaire et de l'axe de déelinaison plaçons en outre un second miroir QR dont la normale ST bissecte l'angle droit formé par l’axe de déclinaison et le prolongement SU de l'axe ho- raire ; on voit que le foyer viendra maintenant se former en U, sur le prolongement de l’axe horaire, dont la direction est fixe. Faisons tourner l'équatorial ordinaire autour de l'axe de déclinaison EF : son axe optique ira d'un pôle à l’autre, décrivant dans le ciel ce qu'on appelle un cercle horaire et l’oculaire se promè- nera sur une circonférence de rayon égal à AM; tandis qu'avec l’équatorial à miroir, pour parcourir rial à miroir, on parcourrail le même parallèle en faisant tourner la partie BMS également autour de l’axe horaire, l’oculaire restant encore fixe en U. D'ailleurs le bras BM peut être diminué à volonté en portant l'objectif en V, contre le miroir NO, ou peut mème être supprimé complètement en plaçant l'objectif en X, après le miroir; de sorte que le tube de la lunetteest en quelque sorte complètement sup- priméetl'équatorialse trouve réduit àses deux axes. La disposition adoplée dans la pratique par M. Lœvy est celle de la figure 3 ! qui, rapprochée 1 Cette figure extraite du Journal de physique de 1883 repré- sente, à l'échelle de a le premier équatorial coudé, construit aux frais de M. Bischoffsheim et installé à l'Observatoire de Paris; sa construction commencée par Eichens en 1882, a été terminée par M. Gautier; l'objectif et les miroirs sont de MM. Henry. L'appareil sera bientôt inauguré. 766 G. BIGOURDAN. — L'ÉQUATORIAL COUDÉ DE M. LOEWY de la précédente, fait saisir immédiatement la manœuvre de l’équatorial coudé : pour viser suc- cessivement tous les points d’un cercle horaire, il suffit de tourner le cube terminal TU, qui porte le premier miroir S, autour de l'axe du bras VR; pour parcourir un parallèle, on fera tourner tout l'instrument autour de l’axe polaire VK. Il n'entre pas dans le plan de la Revue de décrire minutieusement les diverses parties de cet équatorial et de son abri; il suffira de dire que l'observateur, placé dans une pièce abritée, a sous la main tout ce qui est nécessaire pour régler et manœæuvrer les diverses parties de l'instrument. Mais nous examinerons plus en détail ses avan- tages el ses inconvénients, comparés à ceux du sidérostat et à ceux des équatoriaux ordinaires ou droits. Il a sur le sidérostat de lrès grands avantages, car il permet de viser un point quelconque du ciel; l'angle d'incidence des rayons lumineux sur les miroirs est constant et égal à 45° !; la lecture du parallèle sur le cercle de position du micromètre ne change que lorsqu'on passe d’un parallèle a un autre, et même dans les instruments que l’on construit aujourd'hui, ce changement est évilé à l’aide d’un mécanisme assez simple. Par contre, il exige un abri mobile plus développé, plus coù- teux que dans le sidérostat; et l'addition d'un second miroir fait perdre un peu plus de lumière, tout en augmentant les inconvénients qui s’at- tachent aux surfaces réfléchissantes, surfaces dont les déformations exercent sur la qualité des images une influence bien plus grande que les déforma- lions des surfaces réfringentes. Ces déformations tenaient, en partie, à la faible épaisseur qu'on donnait, jusqu'ici, aux miroirs ; d'après des expériences répétées, M. Læwy a été amené à leur donner une épaisseur égale environ à tou + de leur diamètre, au lieu de + à © qu'on ne dépassait guère auparavant. Comparé à l’équatorial droit, l'équatorial coudé ne présente que des avantages au point de vue du prix, de la facilité de la manœuvre, de la somme de travail qu'il permet à l'observateur de fournir. En effet, le prix d'un équatorial coudé est le même que celui d'un équatorial droit de même ouver- ture, la valeur des deux miroirs étant compensée par la plus grande simplicité de sa construction; et l’on évite les grandes coupoles mobiles, tou- jours très coûteuses. La plus grande facilité de manœuvre est évidente; enfin l'observateur, tou- jours bien abrité et immobile, peut poursuivre beaucoup plus longtemps ses observations. ! Si avec le sidérostat à lunette horizontale on ne voulait pas dépasser cette incidence de 45°, on ne pourrait viser que la moitié du ciel, Au point dé vue purement oplique, la comparai- son de l’équalorial droit et de l'équatorial coudé est plus délicate, et, en l’absence de détermina- tions numériques comparatives, il parait impos- sible de donner définitivement la préférence à l’un ou à l’autre. Au lieu de 4 surfaces qui interviennent dans l'équatorial droit, il y en a 6 dans l’équatorial coudé ; de sorte que, toutes choses égales d’ailleurs, les images doivent être un peu moins parfaites ; en outre, les miroirs plans subissent des déformations que M. Læwy est parvenu à réduire, comme nous l'avons dit, mais qu'il est à peu près impossible d'éviter compiètement, quelque soin que l’on prenne de maintenir les deux faces des miroirs à la même température. Ces déformations ont égale- ment pour effet d’altérer les images focales et, en outre, de rendre la mise au foyer un peu moins stable. Par contre, comme l’équatorial coudé com- porte, pour une ouverture donnée, des distances focales beaucoup plus grandes, il reprend ici une véritable supériorité, par suite de la diminution correspondante des aberrations de l'objectif. L'aplanélism? et l'achromatisme élant meilleurs, chaque détail des images gagne de deux manières en visibilité : d’abord parce que son intensité s’ac- croit de tous les rayons qui reçoivent une meil- leure direction, ensuite parce qu'ils se projettent sur un fond moins lumineux formé, d’une manière générale, par les rayons d’aberration. Cet accrois- sement d'intensité doit compenser la perte de lumière due aux deux réflexions. Par sa construction, l’'équatorial coudé est plus slable que l'équatorial droit et beaucoup moins sujet aux flexions. En outre, quand l'objectif se trouve entre les deux miroirs !, il reste toujours dans l’équateur et se déplace, par suite, beaucoup moins que dans l’équatorial droit; le glissement remarqué quelquefois des deux verres de l'objectif l'un sur l’autre doit donc être beaucoup plus rare. Enfin, la fixité de l’oculaire dans l’équatorial coudé permet une installation facile des appareils accessoires, photomètres, spectroscopes, etc., ap- pareils qui reposent presque directement sur le coussinet supérieur de l'axe polaire et qui, par suite, ne modifient pas l'équilibre de l’ensemble de l'instrument. En résumé, il est possible que, pour des re- 1 Cette position est la plus favorable à la fixité de l'axe optique, mais en raison des moyens mécaniques perfectionnés dont on dispose aujourd’hui, dans le nouvel équatorial coudé de l'Observatoire de Paris, on a placé l'objectif tout à fait en avant (en V. fig. 2), de sorte que les deux miroirs seront com- plètement abrités par le tube : la mince couche d'argent des miroirs exposés en plein air s’altère assez rapidement sous l'influence d’émanations sulfureuses, se fissure en temps d’hu- midité et doit étre renouvelée assez fréquemment, ce qui n’a pas lieu quand le miroir est abrité dans le tube. L. JOUBIN. — LES BRACHIOPODES, LEUR STRUCTURE ET LEUR PARENTÉ 767 cherches spéciales, exigeant la perfection optique la plus élevée, l’équatorial droit soit préférable; mais dans le plus grand nombre des observations courantes, l’équatorial coudé présente des avan- tages incontestables!, qui lui ont fait donner la préférence par de nombreux astronomes, de sorte qu'on trouve aujourd'hui des équatoriaux coudés de grandes dimensions dans les observatoires sui- vants : Paris, Alger, Lyon, Vienne (Autriche), Besançon; un autre instrument de ce genre est en construction pour l'Observatoire de Nice, Le plus grand qui ait été construit jusqu'ici est celui qu'on achève d'installer à l'Observatoire de Paris, dont l'objectif a 9",60 d'ouverture el 18 mètres de foyer, de sorte que, monté en équa- torial droit, cet énorme instrument exigerait une coupole mobile aussi grande que celle du Pan- théon. La partie mécanique est de M. Gautier et la partie optique est de MM. Henry. Outre l’objec- tif ordinaire, il possède un second objectif, de mêmes dimensions que le premier, achromatisé pour les rayons chimiques et destiné à servir pour la photographie, qui prend une place de plus en plus prépondérante dans l’astronomie, à mesure que s’accroit l’étonnante sensibilité des plaques que l’on prépare aujourd’hui. G. Bigourdan, Astronome adjoint à l'Observatoire de Paris LES BRACHIOPODES LEUR STRUCTURE ET LEUR PARENTÉ Le groupe des Brachiopodes, bien que réduit à un nombre fort restreint d'espèces actuellement vivantes, peut être cependant rangé parmi ceux dont l'étude offre le plus de problèmes intéres- sants à résoudre, non seulement en ce qui con- cerne leur structure et leur embryogénie, mais aussi en raison de la difficulté que présente la re- cherche de leurs affinités zoologiques et de la po- sition qu'il convient de leur assigner dans une classification naturelle. Il faut ajouter encore à ces difficultés celles qui résultent de la petite taille et de la rareté de ces animaux. En dehors, en effet, des quelques genres habitant nos côtes, représentés par des individus fort clairsemés, il n’est guère possible d’en obtenir autrement que par les dragages à grandes profon- deurs. Ce sont alors des objets précieux, et il n’est pas toujours facile d’arriver à les regarder de loin à travers une vitrine. Aussi plusieurs types dont l'existence est aujourd’hui bien établie n'ont-ils ! amais été observés anatomiquement I L'importance des Brachiopodes est fort grande en paléontologie et en stratigraphie, Bon nombre des couches terrestres sont caractérisées par la présence d'espèces spéciales, qui servent même quelquefois à les dénommer, comme par exemple : couche à Terebratula Janitor. ! Ilest essentiel de répéter que ce qui permet à l'équatorial coudé de supporter la comparaison optique avec l’équatorial droit, c’est qu il comporte, pour la même ouverture d’objectif, une distance focale beaucoup plus grande. Il est, en outre, très important que lPabri de l'instrument empêche la tempé- rature des miroirs de s'élever beaacoup pendant le jour, afin que le soir, ces organes soient aussitôt que possible en équi- libre de température avec l’air extérieur, Apparus dès l’époque cambrienne, ils comptent parmi les premiers représentants de la faune ma- rine la plus ancienne ; ils prennent ensuite pendant l’époque silurienne et dévonienne un développe- ment considérable, et c’est par bancs compacts, d’énorme épaisseur, serrés les uns contre les autres par millions, que nous retrouvons leurs vestiges dans tous les pays du monde. Peu à peu ils se font plus rares. Combien ils sont aujourd’hui déchus de leur antique prépondérance! Réduits à une soixantaine d'espèces vivantes, ilsne représentent plus pour nous que des jalons isolés, intercalés çà et là dans la longue série de leurs devanciers, nous permettant néanmoins de re- constiluer par analogie la structure de leurs an- cèlres disparus. La comparaison des empreintes que nous offrent ces innombrables fossiles, avec ce que nous obser- vons sur les animaux encore actuellement vivants, nous fournit un type de Brachiopode idéal, que des modifications de détail permettent d'appliquer aux formes éteintes. Ce type n'a d'ailleurs pas varié depuis les plus anciens représentants du groupe jusqu'à ceux qui ont survécu de nos jours, et Lels Brachiopodes siluriens ont persisté sans changement appréciable à travers la longue série des vicissitudes causées par les modifications fré- quentes de la nature des fonds marins pendant les périodes géologiques. Dès les premiers âges deux formes se montrè- rent : l’une caractérisée par une paire de valves articulées entre elles au moyen d’une charnière, l’autre, au contraire, ayant des valves ne s’articu- lant pas. Ces deux types ressemblent extérieure- ment aux Mollusques Bivalves, le premier à un Cur- * 168 dium ou coque (fig. 1), que l’on voit si souvent sur nos marchés, le second à une moule aplatie (fig. 2). Mais ce n’est là qu'une apparence; pour peu que l’on entr'ouvre les valves, on est en présence d'un animal tout différent de celui qui habite les co- quilles de la moule. Une première dissemblance est Fig. 1. — Magellania flavescens Fig. 2. — Lingula lanatina (Lamarck). — Vue dorsale et (Lamarck). — Valve dor- frontale (Douvillé). sale (Gratiolet). due à ce que chez le Mollusque les deux valves sont latérales, l’une étant située à droite de l’ani- mal, l’autre à gauche, et leur ligne de réunion, la charnière sur le dos, dans le sens longitudinal; si l’on suppose un homme portant à chaque bras un grand bouclier, et ces deux armes réunies en arrière, on aura une idée exacte des rapports de l’acéphale avec ses coquilles. Chez le Brachiopode au contraire, pour continuer la comparaison des boucliers, il faut supposer que celui qui les porte est assis dans l’un d’eux posé à terre tandis qu'il tient l’autre par-dessus sa tête comme un couvercle, les deux valves étant alors réunies en arrière, mais dans le sens transversal. La valve infé- rieure, ou ventrale, est plus longue que la supérieure ou dorsale, et porteun orifice qui donne passage à un pé- doncule, organe fort compliqué ser- vant à fixer l’ani- mal aux corps soli- des du fond de la mer.Quelques Bra- chiopodes en sont dépourvus et sont alors fixés par toute la surface d’une de leurs valves, Fig. 3. — Magellania flavescens. Yntérieur de la valve dorsale. L. JOUBIN. — LES BRACHIOPODES, LEUR STRUCTURE ET LEUR PARENTÉ Il Bien qu'il ne rentre pas dans le cadre de cet article d'exposer l’anatomie complète des Brachio- podes il est cependant nécessaire de rappeler très rapidement les principaux traits de leur organisa- tion. La coquille dorsale porte presque toujours, chez les articulés, des appendices calcaires, en forme de ruban contourné; ils sont extrêmement varia- bles dans leur disposition, passant du tubercule rudimentaire aux formes repliées de la Magellania (fig. 3) ou aux spirales les plus régulières du Spi- rifer (fig. 4). Fig. 4. — Spirifer striatus. — À, valve ventrale; B, valve dorsale (Woodward). : Le tissu calcaire qui compose ces valves est creusé d’une foule de canaux cylindriques reliant verticalement une des surfaces à l’autre. Chacun de ces tubes est (terminé, extérieurement, par une couronne de poils sin- guliers venant se met- tre en contact avec le vernis naturel, ou pé- riostracum quirecouvre la coquille (fig. 5). On ignore complètement, malgré denombreuses hypothèses, le rôle de ces petits organes ab- solument spéciaux au type Brachiopode. Ils sont en rapport direct avec le manteau, membrane fort mince qui secrèle le calcaire des valves, contient de nombreux canaux sanguins, el sertencore delimite à la cavité viscérale. Le manteau est en contact direct avec l’eau de mer, et grâce à sa minceur, les échanges gazeux respira- toires peuvent se faire à travers ses parois; ses bords, souvent garnis de bourrelets sensibles, sont pourvus de soies raides garnies de muscles à leur base comme chez les Annélides ; l'animal, en les hérissant s'oppose à l'entrée d'importuns visiteurs. Au fond de cette vaste chambre respiratoire on trouve dans la paroi de la cavité viscérale, juste sur la ligne médiane, une petite fente; c’est la bouche; ses bords constituent deux lèvres séparées par un sillon, et ces trois parties démesurément étirées s’allongent, se contournent, s’enroulent, et Fig. 5.— Coupe verticale du test de Magellania flavescens (Va- lenciennes). — Cp, couche int. prismatique; c, couche lamel- leusce ; p, périostracum; C, ca- naux traversant le test; S, fila- ments (King). L. JOUBIN. — LES BRACHIOPODES, LEUR STRUCTURE ET LEUR PARENTÉ 769 forment les bras, garnis de cirrhes sur un des bords. Ce sont à la fois des organes tactiles, des organes de préhension des aliments, peut-être des organes respiratoires à cause des nombreuses cavités sanguines dont ils sont creusés ; ils servent encore au renouvellement de l’eau dans la cavité palléale par suile de leurs mouvements. De cette bouche part un tube digestif renflé en un estomac ; il se termine en arrière par un simple cul-de-sac chez les arliculés, et est au contraire pourvu d’un anus latéral ou dorsal chez les inar- ticulés. Toujours une grosse glande digestive déverse ses produits dans l'estomac. Les muscles tiennent encore une place impor- tante dans la cavité du corps; les uns servent à ouvrir les valves; les autres ayant des points d’ap- pui différents, servent à les fermer; chez les Bra- chiopodes privés de charnière, d’autres muscles servent à faire tourner une des valves sur l’autre. Enfin un groupe de muscles s'attachant sur le pédoncule comme point fixe, peut amener la rola- tion de tout l’animal sur ce pédoncule. Tout l’espace de la cavité générale qui n’est point occupé par les viscères est rempli par un liquide sanguin que nous avons vu s’insinuer dans les canaux des bras et les lacunes du manteau. Dans celles-ci serpentent encore de pelits cor- dons cellulaires, les glandes génitales, dont les produits, que ce soient des œufs ou des sperma- tozoïdes, tombent dans le liquide sanguin. Ils y circulent jusqu’au moment où ils sont recueillis par de petits entonnoirs à épithélium vibratile, au nombre d’une ou deux paires, dont le grand ori- fice est béant dans la cavité du corps, tandis que le petit s'ouvre au dehors. Ce sont de vrais organes segmentaires d’Annélides. Le système nerveux est fort réduit; autour de la bouche un mince collier, avec deux renflements dorsal et ventral émet des nerfs qui vont aux bras, au manteau et aux muscles. A part les cirrhes, or- ganes d’une sensibilité tactile fort subtile, ül n'existe pas d'organes des sens spécialisé, Les œufs des Brachiopodes sont pondus et fé- condés extérieurement; il arrive quelquefois qu'ils tombent dans une sorte de poche incubatrice for- mée par le manteau replié de la mère; ils s'y déve- loppent attachés à un cirrhe fort long qui pénètre dans cette cavité. Mais le plus souvent la larve nage librement. Elle est formée de trois segments superposés (fig.6); le premier est destiné a donner naissance aux bras, le second forme une partie des viscères, il est pourvu de soies et sert, par ses bords contractiles, à la natation larvaire; le troi- sième formera le pédoncule. À un moment donné, le troisième se fixe, et le second, immédiatement, se retrousse par-dessus le premier et forme par ses REVUE GÉNÉRALE, 1890, bords le manteau avec les soies qui le bordent. On ignore presque entièrement ce qui se passe chez les Brachiopodes inarticulés ; on sait seu- lement que les quelques larves que l’on a obser- vées ressemblent étran- gement à des Bryozoai- res. Telle est, rapidement exposée, la structure des Brachiopodes ; il reste- rait, il va sans dire, une foule de faits intéressants à signaler; mais les li- mites de cet article nous obligent à les passer sous silence. IL La plupart, sinon la totalité, des anciens au- teursregardaientles Bra- chiopodes comme des Mollusques acéphales. Ne tenant compte que de la présence des deux valves, etestimant que ce carac- tère est suffisant à lui seul, ils les considéraient comme formant la famille la plus dégradée des Mollusques. On a reconnu depuis combien ce caractère esl secondaire, puisque même des Crus- tacés, absolument incontestables, le possèdent eux aussi. Bien rares sont aujourd’hui les naturalistes restés fidèles à cette opinion. Mais pour avoir enlevé les Brachiopodes du groupe des Mollusques, il était de toute nécessité de leur rechercher un nouveau voisinage plus con- forme à leurs affinités. C’est à quoi n’ont point manqué les zoologistes modernes. Les uns les pla- cèrent parmi les Annélides, très près de beaux vers de nos côtes, à panache spiralé, les Spiro- graphes ou les Serpules. D’autres (c'est déjà la troisième opinion) en firent des parents des Asci- dies; un quatrième les rangea parmi les Vers du groupe des Chétognathes ; un cinquième y trouva des ressemblances avec les Crustacés, un sixième avec un autre groupe de Vers, les Phoronis, un sep- tième avec les Bryozoaires. Enfin, il y a quelques jours à peine. M. Pruvot, a signalé dans une note à l'Académie la ressemblance de la larve des Néomé- niens avec celle des Brachiopodes. Parmi toutes ces propositions si diverses à laquelle faut-il s’ar- rèter? Nous avons dit qu'il nous est impossible de trouver aux Brachiopodes la moindre ressem- blance avec les Mollusques. Leur rapprochement des Crustacés ou des Ascidies est également aban- 24°* Fig. 6. — Embryon de Cistella Neapolitana (Seacchi) na- geant librement (Kowalews- ki). 770 J. MACÉ DE LÉPINAY. — LA VISIBILITÉ DES ANNEAUX DE NEWTON donné. Il reste donc seulement les Vers parmi les- quels on peut les classer; ils en ont en effet tousles caractères fondamentaux, les segments et les or- ganes segmentaires s’ouvrant dans une cavité générale, les muscles, les bras, avec leur squelette, leurs cirrhes et leurs lèvres, les soies, le dévelop- pement et la larve. Mais ces Vers constituent une classe immense, et c’est, après élimination de divers groupes d’entre eux, dans le voisinage des Annélides qu'il faut les ranger. Ces Vers supé- rieurs, dont les types peuvent être Spirographis, Sagitta, Phoronis et les Bryozoaires, sont autant de séries convergeant toutes vers un centre commun qui est le type Brachiopode ; la série qui s’en rap- proche le plus est celle des Bryozoaires, avec lesquels on a même pu les réunir sous le nom de Vermoïdes sans porter atteinte aux affinités natu- relles des deux groupes. Mais ils sont aussi proches voisins des Annélides supérieures. IL vaut donc mieux les laisser isolés dans la grande famille des Vers, car ils ont encore à eux seuls malgré leurs multiples ressemblances assez de caractères pro- pres pour former un groupe autonome, de valeur égale à celui des Annélides ou des Bryozoaires, avec des traits d'union vers ces deux groupes et d’autres moins évidents vers les ?horonis, les Su- gilta et peut être les Néoménies sans se confondre avec aucun d'eux. L. Joubin, Docteur ès sciences, Maitre de Conférences, à la Faculté des Sciences de Rennes LA VISIBILITÉ DES ANNEAUX DE NEWTON Chaque fois que l'on éclaire une lame suflisam- ment mince, limitée par deux surfaces réfléchis- santes, par exemple une bulle de savon (Hooke), ou bien une lame d'air comprise entre deux lames de verre (Newton), on voit s’y dessiner des bandes vivement colorées. Lorsqu’en particulier les deux lames de verre sont, l’une plane, l’autre convexe, et sont amenées au contact, ces bandes ou franges affectent la forme d’anneaux concentriques, dont le centre est noir. Si l’on substitue à la lumière blanche une lumière indécomposable par le prisme, telle que celle que fournit un bec Bunsen, dans la flamme duquel on introduit un globule de sel marin, les franges, alternativement brillantes et noires, en- vahissent la totalité de la surface de la lame mince. L’explication de ces phénomènes a été donnée par Young, en partant du principe des interfé- rences, qui est une conséquence immédiate de la théorie des ondulations de la lumière. Je n'ai point l'intention, d’ailleurs, de revenir ici sur des faits connus, que l’on trouve exposés en détail dans tous les traités de physique, mais uni- quement d'expliquer certaines particularités que la théorie de Young laisse complètement de côté. Lorsqu'on produit les franges d'interférence au moyen des deux miroirs de Fresnel, il est néces- saire de réduire la source éclairante à la forme soit d’un trou très petit, soit d'une fente parallèle à l'arête commune des miroirs. Dans le cas au contraire d’une lame mince, du moins pour les franges les plus voisines de la lache centrale, on peut employer une source étendue dans toutes les directions. D’autre part, tandis que les franges des miroirs sont parfaitement nettes à toute dis- tance, celles d’une lame mince semblent venir se peindre dans l'intérieur même de la lame mince. Elles sont localisées. MM. Sohncke et Wangerin!, ainsi que M. Feus- sner ? ont cherché à expliquer ce dernier fait, mais, après des calculs extrêmement laborieux, ne sont parvenus, à part un point parliculier, qu'à des ré- sultats insuffisants ou inexacts. C'est ainsi que les premiers trouvent que les anneaux de Newton viennent se former sur une surface du troisième degré, le dernier sur une surface du quatrième. Une telle contradiction s'explique aisément, car une pareille surface, lieu des anneaux, n'existe pas en réalité. I Supposons, pour un instant, que l’on éclaire la lame mince par un point lumineux unique (ce sera un trou très petit percé dans un écran opaque, en arrière duquel se trouve placée la flamme). Chaque onde issue de ce point se dédouble par réflexion sur les deux faces de la lame mince, et les deux ondes ainsi produites parviennent au bout de temps inégaux en chacun des points de l’espace situés dans la partie commune aux deux faisceaux réfléchis. La différence de marche à que présentent les deux mouvements vibratoires qui se croisent en ce point varie d’ailleurs nécessairement avec sa position dans l’espace. Si done l’on reçoit la lu- mière réfléchie sur un écran, on voit se dessiner sur ce dernier des franges, brillantes en tous les points pour lesquels, À étant la longueur d'onde et K un nombre entier, on a : Di — 2 WI > 1 Annales de Wicdemann, t. XII, p. 1 et 201. 2 Ibidem, t. XIV, p. 545, 1881. J. MACÉ DE LÉPINAY. — LA VISIBILITÉ DES ANNEAUX DE NEWTON 771 et des franges obscures en tous les points pour lesquels on a : 8 —(2K+1) CES On peut affirmer quelque chose de plus. Cest que, quelle que soit la position de cet écran, les franges doivent y présenter une netteté parfaite, pourvu que l'ouverture éclairante soit suflisam- ment petite. C'est là une remarque capitale, dont on peut facilement vérifier l'exactitude par l'expérience, en employant un appareil quelconque producteur des anneaux de Newton. Il est possible en effet de voir des franges parfaitement distinctes, en les re- gardant au moyen d’une loupe, et en se plaçant même à plusieurs mètres en avant de l’appareil. Elles sont encore nettes si on les examine au moyen d’une lunette, quel que soit son tirage, alors même qu’elle est réglée pour viser à l'infini. Supposons que, dans ces mêmes conditions, on examiue les franges au moyen d’une loupe fixée à une distance d’ailleurs quelconque de la lame mince. Si l'on vient à déplacer, même lentement, le trou éclairant dans une direction arbitraire, on voit le plus souvent les franges courir avec une ex- trême rapidité dans le champ de la loupe, et cela, en restant parallèles à elles-mêmes. Cette expérience est particulièrement instruc- tive. Supposons en effet que nouséclairions la lame mince au moyen d’une source élendue. Cette der- nière peut être assimilée à un assemblage de points lumineux analogues chacun au trou lumineux de l'expérience précédente, dans ses positions succes- sives. À chacun de ces points lumineux correspond sur l'écran (c’est-à-dire, pour le cas actuel, dans le plan focal de la loupe), un système parliculier de franges, et le résultat de l’enchevèêtrement de tous ces systèmes de franges sera de donner à l'écranun éclat sensiblement uniforme. Les franges seront en général invisibles, à moins dese placer dans des conditions particulières qu'il s’agit de connaitre. Il faudra, pour que les franges soient nettes, que les systèmes de franges dus à tous les points de la source coïncident. En d’autres termes, il faudra que pour tous les couples de rayons abou- tissant au même point de l'écran, et provenant des différents points de la source, la différence de marche soit lamême. Il suffira d'ailleurs que cette condition soit satisfaite pour un point central de l'écran, car elle le sera sensiblement pour Lous les autres À, 1 Ce principe est d’ailleurs applicable à tous les phénomènes d’interférence, Il est en effet le principe d'une théorie géné- rale, que M. Ch. Fabry et moi-même avons récemment établie (Comptes-rendus, 28 avril et 12 mai 1890). Les expériences qui précédent résultent de cette même collaboration, IT Imaginons alors que la source soit une certaine surface © {ce sera l'ouverture d’un écran éclairé en arrière par une flamme monochromatique) (fig. 4). Soient M un point central de l’écran sur lequel on reçoit les franges, $S un point central de la source, SOM, SO'M les deux rayons qui, provenant de S et aboutissant en M, se sont réfléchis sur les deux faces de la lame mince, l’un en O, l’autre en 0. Ils présentent, en se croisant en M, une certaine diffé- rence de marche à. Si nous considérons de même les deux rayons aboutissant également en M, mais provenant d’un autre point de la source, leur diffé- rence de marche sera, en général, différente. Il est toujours possible, toutefois, de trouver sur la surface È, quelle qu’elle soit, une série depoints situés sur une certaine courbe S, $S,, et tels que pour tous, la différence de marche soit la même. Imaginons en effet, pour un instant, que le point M soit un point lumineux isolé et que nous rem- plaçions la source È par un écran de même forme. Sur cet écran viendront se dessiner, comme on l’a vu, des franges parfaitement nettes, et celle d’entre elles qui passe pars ala forme S,S,. Pour tous les points de cette courbe la différence de marche des couples de rayons partant de M et aboutissant à chacun d'eux est la même. Or, si nous considérons l’un de ces derniers, S par exemple, les deux rayons qui partent de M et aboutissent en $, suivent pré- cisément les mêmes chemins MOS,MO'S, que quand nous supposions le point lumineux enS, le point éclairé en M. On voil par suite que pour tous les points de S,S,, les couples de rayons qui partent de chacun d'eux et aboutissent en M présentent la même différence de marche. Supposons dès lors que nous limitions la source par un écran percé d’une fente étroite, curviligne et dirigée précisément suivant la courbe S,S, que nous venons de définir; la condition de netteté se trouvera par cela même satisfaite et un écran, introduit en M, se recouvrira de franges parfaite- ment nettes. En pratique, d’ailleurs, on pourra remplacer la fente courbe qu'indique la théorie 712 J. MACÉ DE LÉPINAY. — LA VISIBILITÉ DES ANNEAUX DE NEWTON par une fente rectiligne langente en $ à la courbe SD De ce raisonnement en réalité général, car on pourrait l'appliquer à tous les appareils inlerféren- liels, nous pouvons déduire plusieurs conséquences : 4° Pour obtenir sur un écran quelconque des franges parfaitement nettes, il faut, en général, li- miter la source par l'introduction d'une fente étroite, convenablement orientée. Un faible dépla- cement de la fente à partir de cette orientation fait disparaitre entièrement les franges. 2 Supposons que l’on transporte l'écran sur lequel on reçoit les franges de M en M’. Il est évi- dent que l'orientation de la courbe $S, S, va chan- ger. Si donc nous déplaçons l'écran, en laissant la fente fixe, nous verrons disparaitre les franges, el pour les rendre de nouveau distinctes, il faudra modifier l'orientation de la fente. III L'étude complète que j'ai faite des conditions de visibilité des anneaux de Newton vient justifier de tous points les lois générales auxquelles nous avons élé conduits!. Je me contenterai ici d'en indiquer les principaux résultats, que l'expérience vérifie complètement. Nous supposerons à cet effet que l’on fasse usage de l'appareil classique de la Provolaye el Desains 2. Ce dernier consiste essentiellement, Fig. 2. comme on sait, en un microscope à long foyer, dont l’oculaire est mobile pour faciliter la mise au point; ce microscope peut tourner autour d’un cercle gradué vertical (fig. 2). L'appareil produc- 1, Journal de Physique, (2), t. IX, p. 121 et 180,1890. 2, Annales de Chimie et de Physique, (3), t. XVIU, p. 413. teur des anneaux est placé sur le chariot d’une machine à diviser, et peut se déplacer, soit trans- versalement, c'est-à-dire dans une direction nor- male au plan d'incidence, soit dans une direction perpendiculaire à la précédente. On emploie une lumière monochromatique. Dirigeons le microscope vers la région centrale des anneaux. Il est, dans ce cas, inutile d’intro- duire une fente, et les premiers anneaux sont lo- calisés dans la lame mince. Déplaçons l'appareil des anneaux transversale- ment, comme si nous voulions répéter les expé- riences de la Provotaye et Desains. Même dans la lumière homogène, nous ne tarderons pas à voir les anneaux devenir diffus et même disparaître en- lièrement. Il est d’ailleurs impossible de les faire réapparaitre en modifiant le tirage du microscope. Introduisons alors une fente (largeur 0"001 envi- ron), quelque part entre la flamme éclairante et la lunette (pour la plupart des expériences, la dis- position la plus simple consiste à fixer la fente contre l'objectif de la lunette). Il suffit de la faire tourner pour qu'à un instant donné les anneaux réapparaissent avec tout leur éclat et leur netteté primitifs, Le champ du microscope semble se net- toyer brusquement. Si l’on continue à faire tourner la fente, on fait disparaitre de nouveau les franges. Mais laissons la fente ainsi orientée dans une direction complètement défavorable. Il suffit d’en- foncer ou de retirer, suivant le cas, l’oculaire, pour rendre les franges de nouveau visibles el l’on peut de la sorte, les faire disparaitre successi- vement, par le double jeu de la fente et de, l’ocu- laire, en utilisant toute l'étendue du tirage. Cette expérience réussit de même et est aussi démonstrative lorsqu'on vise une région quelcon- que de la lame mince, à part un cas tout particu- lier qui est le suivant. Déplaçons l'appareilproducteur des anneaux, de telle sorte que le plan d'incidence passe par le centre des anneaux, ce que nous reconnaitrons à ce que lesfranges paraissent dirigées normalement à ce plan, c’est-à-dire de la gauche vers la droite de l'observateur. Nous constaterons que, dans ce cas, la fente est toujours inutile et les franges, locali- sées, viennent se dessiner au voisinage immédiat d'une droite inclinée sur la lame mince (Haupt- gerade de Sohncke et Wangerin), d'un angle va- riable avec l'angle d'incidence. Mais ici se produit un phénomène nouveau. In- troduisons la fente, Si nouslui donnons une orien- tation quelconque, la localisation est la même que si la fente n'existait pas. Mais amenons-la à être parallèle aux franges : toute localisation disparait, et les franges demeurent visibles, quel que soit le tirage de la lunette. D' E. DE LAVARENNE. — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 773 Ce fait peut d’ailleurs s'expliquer aisément, en parlant de la théorie élémentaire qui a été exposée. Remarquons à ceteffet que le plan d'incidence est dans ce cas un plan de symétrie. Dans la figure 1, les franges que produirait sur l’écran Z un point lumineux situé en M, seraient normales au plan de symétrie. Quel que soit par suite le point visé M, l'orientation que l’on doit donner à la fente, pour faire apparaitre les franges, reste toujours la même, normale au plan de symétrie. IL importe deremarquer que, par suite de phéno- mènes de diffraction qui se produisent lorsque la fente est placée sur l'objectif de la lunette, cette dernière expérience ne réussit bien que si la fente est introduite entre la flamme et l'appareil des anneaux. Il est alors commode de changer de dis- position. On place l’appareil des anneaux vertica- lement sur un support approprié; la fente est por- tée par un pied, et l’on observe les franges au moyen d'une loupe, que l’on peut placer à une dis- tance quelconque, sans cesser de voir les franges. Avec une lame d’airen forme de coin, comprise entre deux lames de verre légèrement inelinées l’une sur l’autre, l'expérience est encore plus facile, et rap- pelle alors absolument, par sa disposition géné- rale, l'expérience des miroirs de Fresnel. Ajoutons qu'elle réussit fort bien en projection avec la lumière bianche. J. Macé de Lépinay, Professeur de physique à la Faculté des Sciences de Marseille. REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE Nous n'avons pas la prétention de rendre compte dans cette Revue de tous les travaux dont la méde- cine a élé l'objet dans le cours de l’année 1890 : cerlaines questions nous ont semblé plutôt du domaine de la chirurgie, telles que les appendieites sur lesquelles les travaux de Reclus ont attiré l'at- tention; d'autres ne nous ont pas paru encore suf- fisamment élucidées : ainsi la théorie parasitaire du cancer, basée sur les recherches de Malassez, Darier, Wickam, dont Borrel (de Montpellier) vient de contester les résullats, etc. Bien que les maladies épidémiques ressortissent plutôt à l'hygiène, nous avons cependant crû devoir dire quelques mots de la grippe, en raison des études nouvelles auxquelles la dernière épidémie a donné lieu. I L'attention du monde médical a été presque exclusivement absorbée à la fin de l’année 1889 et au commencement de 1890 par l'épidémie de grippe qui s’est répandue sur l’ancien et le nou- veau continent. Signalée à Saint-Pétershbourg, puis à Bertin, elle apparut peu après à Paris vers le 7 décembre. Son extension rapide, son invasion brusque, se présentaient comme dans les épidé- mies anciennes de 1580, 1762, 1775, 1782, et celle plus récente de 1837; il en fut de même de ses caractères cliniques, dont nous n'avons pas à nous occuper ici. Les seules études qui doivent nous arrêter comme tout à fait nouvelles sont re- latives à la nature de la grippe, qui réapparaissait pour la première fois depuis la révolution ap- portée en pathologie par les idées pastoriennes. Tout d’abord, à Pétersbourg aussi bien qu’à Berlin, à Vienne, à Paris les observateurs ne reconnurent pas le caractère contagieux de la maladie et, dans sa pathogénie, les influences et courants atmos- phériques jouèrent un rôle prépondérant; mais peu à peu des faits bien nets de contagion appa- rurent, el dès lors sa nature infectieuse et son ori- gine parasitaire ne firent plus de doute. On peut même à ce propos se demander si, le contage étant animé, iln'y a pas eu, dans l’évolution de l'épidémie, exaltalion de virulence. On n’a reconnu, en effet, le caraclère contagieux de la maladie qu'à peu près au moment où se dessina sa gravité : l’exalltation de virulence, en même temps qu'elle permettait de déceler nettement la contagion, ne rendait-elle pas l'organisme plus favorable au développement des microbes infec- tieux, reconnus causes des nombreuses complica- tions qui constituèrent la gravité de la grippe? ! Quant à l'agent spécifique de la maladie, il a été l’objet de recherches si nombreuses que nous ne pouvons songer à les énumérer. Klebs, Koll- mann crurent l'avoir rencontré dans le sang; mais il fut bientôt reconnu par Chantemesse et Widal, par Laveran, ete., que les organismes flagellés de Klebs n'étaient autre chose que des éléments existant normalement dans le sang et considérés comme des globules en voie de formation. Les recherches microbiennes ont surtout porté sur les produits des diverses inflammations obser- vées dans le cours de la maladie : amygdalites, pleurésies, pneumonies, olites, etc.; elles n’ont abouti partout où elles ont été faites, Berlin, 1 Le nombre des décès à Paris, qui avait été de 982 dans la dernière semaine de décembre 1888 ct de 970 dans la pre- mière semaine de janvier 1889, s'est élevé à 2.334 et à 2.683 dans les semaines correspondantes de 1889 et 1890 (Bulletin hebdomadaire de statistique municipale). Cette gravité ne fut pas spéciale à Paris ; à Madrid, par exemple, on compta du 21 dé- cembre 1888 au 10 janvier inclus 1889, 960 décès contre 2.559 dans la période correspondante de 1889-1890. (D° del Valle, Médecine moderne, deuxième année, p. 129.) 71% D° E. DE LAVARENNE. — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE Vienne, Bucharest, Paris, ete., qu'à la constata- | tion d'espèces connues : pneumocoque de Tala- mon-Frankel, microbe capsulé de Friedlander, streptocoque pyogène, staphylococcus aureus el albus:; mais aucun observateur n’a pu constater la présence d'un microbe spécifique. L'extrème fré- quence du streptocoque dans les complications lui avait fait attribuer ce rôle spécifique par Rib- bert (de Berlin) et par Finkler (de Bonn); mais cette opinion n'avait pas sa raison d’être, non plus que celle de Gilles et Jolles (de Vienne), qui avaient attribué ce même rôle au microbe de Friedlander; en somme, malgré les recherches de nombreux savants : Leyden, Weichselbaum, Kirchner, Ko- walski, Prior, Babès, Bouchard, G. Sée et Bordas, Vaillard et Vincent, Netter, Chantemesse et Wi- dal, etc., ete., l'étiologie microbienne n’a pu être prouvée ; cependant des études auxquelles elle a donné lieu ressort ce fait que son agent pathogène fait de l'organisme qu'il atteint un terrain émi- nemment favorable aux infections bactériennes secondaires aussi bien dans le domaine de la mé- decine que dans celui de la chirurgie, comme l'ont démontré les recherches du professeur Verneuil. À un autre point de vue, on s'est demandé si la grippe n’était pas la dengue des pays chauds modi- fiée, en raison des points de ressemblance que présentent entre elles ces deux maladies. La plu- part des médecins d'Orient ne sont pas de cet avis, entre autres: Mahé (de Constantinople) et l'auteur de l’article DenGuE du Dictionnaire encyclopédique, de Brun, professeur à la Faculté de Beyrouth, qui a bien voulu nous transmettre à ce sujet les rensei- gnements les plus affirmatifs, ayant d'autant plus de valeur que lui-même, à quatre mois d’inter- valle, avait payé son tribut aux deux maladies. Du reste, si la grippe était la dengue modifiée par le climat, lorsque la grippe est revenue en Orient, elle aurait dû reprendre après quelque temps ses caractères de dengue; or, il n’en a rien été, bien qu’à Beyrouth, par exemple, le thermomètre mar- quât en moyenne 14°. Mais ce sont là des ques- tions qui seront traitées plus longuement par ail- leurs, ainsi, du reste, que le choléra qui apparut au mois de mai, en Espagne, alors qu’on l’attendait en Asie-Mineure. II La neuropathologie s’est enrichie récemment d’une espèce nouvelle, la syringomyélie !. Ce terme de syringomyélie, dû à Ollivier (d'Angers), sert depuis Simon (1875) à désigner les cavités et productions kystiques que l’on rencontre dans la moelle, indépendamment du canal central ; celles- 1 Voir pour la bibliographie : Brunz, Thèse de la Faculté de Médecine de Paris, février 1890. ci ne sont pas aussi rares qu'on pourrait le croire, puisque Mile Baümler (1887) a pu en réunir 112 ob- servalions, alors que l'attention n’était encore guère attirée de ce côté. C’est à Schultze (de Dor- pat) et à Kahler (de Prague) que revient l'honneur d'avoir montré, dans une série d’études publiées de 1882 à 1888, que certains troubles fonclionnels ou organiques correspondent à la lésion syringo- myélique. En France, la question était peu connue jusqu'aux observations de Debove et de Déjérine ! qui furent le point de départ d’un certain nombre d'études consacrées par le Professeur Charcot dans plusieurs cliniques remarquables. La syringo- myélie était dès lors admise comme entité morbide, d'autant plus intéressante qu'elle contribuait à combler une lacune de la topographie médullaire. Si, en effet, la pathologie des faisceaux blanes et des cornes antérieures était suffisamment connue, il était loin d’en être de même de celle des cornes postérieures ; or, c’est précisément dans cette ré- gion qu'évolue le processus syringomyélique. D’après Déjérine, celui-ci consisterait exclusive- ment en une tumeur d'origine névroglique, une gliomatose qui, se substituant aux éléments ner- veux, les détruit, puis se creuse de cavités par fonte de ses éléments constituants ; d’après Jeoffroy, il faudrait de plus faire entrer en ligne de compte certaines myélites cavitaires, et c’est aussi l'opinion de Charcot. La lésion a son point de départ habi- tuel au niveau du renflement cervical; elle descend généralement jusqu'au tiers inférieur de la zone dorsale, quelquefois même jusqu'à l'extrémité de la moelle, ainsi que Déjérine l’a observé récemment; on la voit aussi remonter vers la moelle allongée et s'insinuer même sous le plan- cher du quatrième ventricule : on observe alors des troubles de la déglutition, des nausées, des vomissements, des accès de dyspnée, etc. Nous ferons remarquer tout de suite que ces phéno- mènes bulbaires ne sont pas très rares; ils exis- taient, par exemple, sous forme de paralysie faciale, de diminution de l’ouïe, d’abolition du goût dans la moitié gauche de la langue avec conserva- tion de la sensibilité tactile, chez un malade dont l'étude clinique a fourni au Professeur Grasset?, l'occasion de publier un chapitre des plus intéres- sants de « géographie » médullaire. Du reste, la syringomyélite rentre dans le cadre des autres affections des centres nerveux, en cesens qu’elle se manifeste toujours par des symptômes en rapport avec le siège et l'étendue de la lésion anatomique; ceux-ci commencent donc par appa- raitre d’abord aux membres supérieurs, gagnent 1 Comptes-rendus de la Société médicale des hôpitaux, 1889. 2 Grasser. Leçons sur le syndrome bulbo-médullaire, 1890, Montpellier, Camille Coulet; Paris, Masson, éditeurs. D" E. DE LAVARENNE. — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE ensuite le tronc pour ne s'étendre que rarement aux membres inférieurs. Bien que l’atrophie mus- culaire soil généralement le symptôme qui attire le premier l'attention (témoins certaines observa- tions reconnues plus tard syringomyélies et pu- bliées sous le titre d'atrophies musculaires avec troubles de la sensibilité), le premier en date est l'abolition de la sensibilité à la douleur et à la tem- pérature avec conservation de la sensibilité au con- tact et du sens musculaire, la dissociation syringo- myélique de Charcot. C'est là, en quelque sorte, le signe palhognomonique de l’affection ; les autopsies ont démontré qu'il est produit par des lésions des cornes postérieures, ce qui vient corroborer l’opi- nion de Brown-Séquard relativement au passage, par cette région, des sensibilités thermique et dou- loureuse. Que, de son point d’origine dans les cornes postérieures, le processus s’étende en avant et gagne les cornes antérieures, il déterminera de l'atrophie musculaire type Aran-Duchenne; en même temps ou consécutivement apparaitront des troubles trophiques que l’on pourra observer dans les systèmes osseux (scoliose), articulaire (arthro- pathies), cutané où les manifestations, fréquentes et assez souvent précoces, ont pour la plupart, sui- vant une expression de Thibierge !, cet air de fa- mille, cet aspect particulier aux lésions trophiques qui fait songer à une affection du système nerveux (troubles sécrétoires sudoraux ; troubles vaso-mo- teurs : autographie, œdème, urtlicaire; troubles trophiques : éruptions vésiculeuses, bulleuses, pemphygoïdes, ulcérations, panaris, fissures, etc.). Que, plus tard, la substance blanche soil envahie, apparailront : la parésie avec raideur ou con- tracture, l’exagération des réflexes (cordons la- téraux), des phénomènes tabétiques, des troubles de la sensibilité tactile (cordons postérieurs); ces derniers, quand on les observe, viennent contrarier la dissociation syringomyélique qui repose préci- sément sur la conservation de la sensibilité tactile ; mais, quel que soit le degré de l’anesthésie, on ne trouve pas de proportionnalité entre elle d’une part et l’analgésie jointe à la thermanesthésie d'autre part. A ce propos, il est bon de dire que Déjerine ? a constaté des altérations névritiques cutanées dans les régions dissociées: « près de la moitié des tubes larges avait disparu et était remplacée par des gaines vides », ce qui tendrait à montrer que la moelle n’est pas seule en jeu dans la pro- duction des symptômes. Déjerine * a, en outre, ! Dr G. TaimerGe. Les altérations cutanées de la syringo- myélie, Annales de dermatologie et de syphiligraphie, 1890, n° 10. 2 DÉveRINE. Sur un cas de syringomyélie suivi d’autopsie, Société de biologie, 14 février 1890. 3 DéyeRINE. La Médecine moderne, 1890, p. 685. 775 attiré l'attention sur le rétrécissement constant du champ visuel chez les syringomyéliques qu'il a observés, alors que ce phénomène était considéré comme spécial à l'hystérie et à l’hystéro-trauma- tisme. Tous ces phénomènes évoluent lentement, pro- cédant par poussées, à de longs intervalles. Ils commencent généralement à se manifester vers l'âge de 15 à 20 ans, ce qui a fait penser à Charcot que la syringomyélie est une maladie d'évolution, ayant son point de départ dans une anomalie de développement des éléments constitutifs de l’épen- dyme. Les études relatives à la syringomyélie ont con- duit ceux qui s’y sont livrés à se demander si la « parésie analgésique à panaris », la maladie de Morvan ! n’en était pas une variété. Tandis que Roth, Czerny sont de cet avis, que Grasset ? la re- garde comme la partie francaise de l’histoire de la syringomyélie, Morvan, Déjérine ? soutiennent son autonomie. S'appuyant sur les lésions névriti- ques constatées par Gombault dans un doigt em- puté, lésions de névrites interstitielles et paren- chymateuses qui diminuaient d'intensité de la périphérie à la base; sur des lésions analogues constatées par Gombault et Reboul et tout récem- ment encore par Jeoffroy et Achard *, Déjerine conclut en disant que «la maladie de Morvan ap- parait de plus en plus comme relevant non pas de la syringomyélie, mais bien d'une névrite périphé- rique de nature et de cause encore indéterminée ». Tel n’est pas l'avis de Charcot, qui localise au con- traire cette affection dans la moelle, considérant les altérations des nerfs comme secondaires aux lésions médullaires. Du reste, dans les deux seules autopsies pratiquées, on a trouvé des lésions éten- dues de la moelle. Jeoffroy et Achard, en particu- lier, ont constaté une syringomyélie bien nette; mais deux examens anatomiques, dont l’un, celui de Gombault et Reboul, peut prêter à controverse en raison de la difficulté qu'il y eut à extraire la moelle de la colonne vertébrale atteinte de sco- liose et des dilacérations qui s’en suivirent, ne suf- fisent pas pour élucider la question. Si, passant dans le domaine de la clinique, on fait un tableau des symptômes de la syringomyélie comparés à ceux de la maladie de Morvan, on voit une analogie presque complète, les différences portant non pas sur les symptômes, mais sur leur groupement, leur intensité relative et surtout sur 1 V. pour la Bibliographie détaillée : Louazer, Thèses de la Faculté de Médecine de Paris, 1890. 2 GRAssET. Syndrome bulbo-médullaire. 3 DÉYERINE. Syringomyélie et maladie de Morvan, Médecine moderne, 1890, p. 563. 4 Jzorrroy et Acxarp. Thèse de Louazel et Archives de méde cine expérimentale. 716 D' E. DE LAVARENNE. — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE leur évolution chronologique. Si, par exemple, les malades de Morvan consultent pour leurs panaris, tandis que les syringomyéliques se plaignent sur- tout de leur atrophie musculaire, il n’en est pas moins vrai que le plus souvent Morvan constatait, en même temps que les panaris, des troubles mo- teurs depuis la simple maladresse manuelle jusqu'à l'impotence avec atrophie musculaire plus ou moins prononcée; de même, dans la syringomyélie, en même temps que l’atrophie, on constate des fis sures, des gercures, des durillons, desaltérations des ongles, des panaris. Quels que soient ces accidents et leur intensité, les commémoratifs apprennent qu'ils avaient toujours été précédés par l’analgésie et la thermanesthésie ; il y a donc eu dans lousles cas lésion primitive portant sur les cornes poslé- rieures; d’où cette conclusion que le point de dé- part anatomique a été le même aussi bien dans la syringomyélie que dans la maladie de Morvan. Ne trouverait-on pas dans cette constatation le moyen d'interpréter les différences symptomaliques qui vont se présenter dans la suite de l’évolution mor- bide, évolution qui affecte une allure identique dans les deux affections (lenteur, poussées succes- sives)? En effet, on peut très bien admettre que, des cornes postérieures le processus pathologique va s'étendre en suivant des trajets qui différeront en vertu de causes qui nous échappent, remontant peut-être à l'époque du développement fœtal; d’après la voie qu’il prendra les symptômes varie- ront : s’il envahit de suite les régions dont les lésions donnent lieu aux troubles trophiques, surviendront par exemple des panaris (maladie de Morvan); s'il gagne les cornes antérieures on observera l’atrophie musculaire (syringomyélie;; s’il retentit d'abord sur les cordons postérieurs, on aura la diminution dela sensibilité tactile notée dans beaucoup de cas de maladie de Morvan; ce retentissement est-il plus tardif, on rentre dans les faits de syringomyélie ; encore devons-nous dire que Morvanlui-même anoté, au début d’un certain nombre de ses observations, l'intégrité de la sen- sibilité tactile, qui ne fut atteinte que plus tard après bien des années, comme dans la syringomyélie. De la sorte, en analysant les faits publiés, il nous semble que nombre de cas décrits sous le nom de maladie de Morvan peuvent être interprétés comme syringomyélie. Maintenant, qu'il existe une affec- lion spéciale d’origine infectieuse, intéressant primitivement les nerfs périphériques, présentant un ensemble symptomatique analogue à certains cas de Morvan, la chose n’est pas impossible; mais, pour arriver à l'établir, de nombreux examens anatomiques sont encore nécessaires. Poursuivant ses études sur les névrites périphé- riques, Déjerine { attribue à celles-ci les parésies et paralysies survenant au début et dans le cours du tabès, depuis les paralysies oculaires si com- munes aux premières périodes, jusqu'aux hémi- plégies, monoplégies, paraplégies, etc., etc., tran- sitoires et permanentes. À ce propos, il ajoute que «rien ne prouve que la lésion médullaire du tabès soit primitive », l'anatomie pathologique tendant chaque jour à montrer qu'elle est, au contraire, secondaire à une névrite des racines postérieures; et il conclut en disant que « le tabès apparait de plus en plus comme une maladie des nerfs péri- phériques sensilifs, sensoriels et moteurs. » Dans un article précédent? nous avons exposé cette question des névrites périphériques; dans une leçon faite à la Salpêtrière, Babinsky * vient de déterminer, dans l'état actuel de nos connaissances, quelle part on doit leur attribuer en neuro-patho- logie. Il refuse toute autonomie a bien des formes auxquelles on tendrait à l’accorder, jusqu'au jour où aux diverses espèces cliniques les observations histologiques auront juxtaposé des lésions spé- ciales ; quant à présent, en effet, on constate que des modalités cliniques très différentes correspon- dent à des lésions analogues; il est donc vraisem- blable « qu'un certain nombre de névrites dites périphériques dépendent en réalité d’altérations superficielles des centres nerveux que l'histologie de l'avenir nous fera peut-être connaitre. » A l'appui de ces idées, Gombault * a constaté que les nerfs peuvent être altérés dans leur structure sans troubles apparents pendant la vie; d'autre part, Brissaud * a reconnu l’existence de névrites péri- axiles latentes, analogues à celles que Pitres et Vaillard avaient déjà signalées. Depuis 1861, époque à laquelle remontent les premiers travaux de Friederich, il n'existait que neuf autopsies de tabès héréditaire bien déter- miné, toutes à l’Étranger. Deux ont pu être faites en France cette année, l’une par Letulle et Va- quez 5, l’autre par P. Blocq et Marinescu ?. La pre- mière a été pour MM. Letulle et Déjerine * l’occa- sion d’une étude remarquable sur la nature et l’évolution des lésions médullaires qui caractéri- 1 DéyERINE. Des paralysies au cours du tabès, Médecine mo- derne, 1890, p. 13. 2 De Lavarenne. Névrites périphériques d'après M®° Déje- rine-Klumpke, dans la Revue du 15 avril 1890, page 211. 3 Bamixsky. Anatomie pathologique des névrites périphé- riques, Gazette hebdomadaïre de Médecine et de Chirurgie, août 1890. i GomBaurr. Société anatomique, juillet 1890, 5 Brissaup, Société de Biologie, juillet 1890. 6 Lerurze et Vaquez. Société de Biologie, février 1890. 7 P. Boca ct Marinescu. Société de Biologie, mars 1890. $ Diserine et Leruire. Etude sur la maladie de Friederich, Médecine moderne, n° 17. D' E. DE LAVARENNE. — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE T sent cette affection. Comme dans les autres autop- sies, ils ont constaté une sclérose portant sur la moilié postérieure de la moelle épinière, en ar- rière de la commissure postérieure, sclérose inté- ressant toute l'étendue des cordons postérieurs et la partie postérieure seulement des cordons latéraux ; mais, le fait important qu'ils ont établi, c’est qu'il fallait différencier totalement la sclérose des cordons latéraux de celle des cordons postérieurs. La première est une sclérose corticale, relevant d’une méningo-myélite par propagation, analogue à celle décrite par Déjerine dans le tabès ataxo-paraplégique ; elle est d'origine vasculaire. La seconde, celle des cordons posté- rieurs, présente une morphologie spéciale : elle est due uniquement à la prolifération du tissu de soutènement, la névroglie; c’est une sclérose névroglique pure,indépendante de toute altération vasculaire. Cette constatation a une grande impor- tance au point de vue de la pathogénie des sclé- roses ; elle les divise en deux groupes : l’un, des scléroses vasculaires (sclérose en plaques, ta- bès, etc., etc.), toujours acquises; l’autre, des sclé- roses névrogliques pures, représenté jusqu'à pré- sent par la seule maladie de Friederich, relevant de l’hérédité et de l’évolution. Ainsi se trouvent confirmées les idées de Friederich, qui dès 1877 regardait l’ataxie héréditaire comme produite par un arrêt de développement de la moelle épinière. III L'étude des myocardiles prend une importance de plus en plus grande à mesure que l’on connaît mieux l’action exercée sur la fibre cardiaque par les intoxications, par les maladies infectieuses, action dont les effets sur le fonctionnement car- diaque peuvent se faire sentir immédiatement ou à plus ou moins longue échéance. Charrin ! a éludié les lésions myocardiques con- sécutives à l'affection produite par l’inoculation au lapin du bacille pyocyanique ; il les a trouvées très variées : atrophie, hypertrophie, dilatation, dégénérescence amyloïde, sclérose, inflammation plus ou moins accentuée ; dans certains cas même il n’a reconnu aucune lésion. Il attribue ces effets différents, d’une part au mode de réaction indivi- duelle, d’autre part au degré de toxicité, plus ou moins accentué, suivant les cas, des substances élaborées par le microbe. Enfin il ajoute que, pour pouvoir donner des résultats définitifs et complets, il faudrait observer longuement les sujets rendus malades : la toxémie une fois produite, la patho- logie cellulaire suit son cours. Cest ainsi qu’en pathologie humaine il arrive de reconnaitre des troubles cardiaques auxquels il est impossible 1 Crarrix. Communication faite au Congrès de Berlin, 1890. 1 1 d'attribuer d’autres causes que des infections an- ciennes comme la fièvre typhoïde, le paludisme. Le Professeur Renaut ! (de Lyon) a décrit une nouvelle affection du cœur qu'il appelle myocar- dile seymentaire essentielle chronique. Le cœur ‘est à peine augmenté de volume; il n'existe pas de dilatation des cavités ; les valvules sont normales, l'endocarde intact, les coronaires perméables ; Le tissu musculaire, se déchirant faeilement, a une coloration grisâtre; le processus histologique est caractérisé par la dissociation segmentaire du tissu cardiaque, lésion que Renaut a décrite avec Landouzy, consistant essentiellement dans le ra- mollissement du ciment qui unit les cellules du myocarde ; il n'y a pas de prolifération du tissu conjonctif fasciculaire. Ces altérations se tradui- sent par des phénomènes locaux consistant dans l'arytamie du cœur et du pouls (pouls faux régu- lier, pouls multiforme), la disparition du choc pré- cordial localisé, la matité rectangulaire, l'affaiblis- sement des bruits cardiaques el parfois un souffle systolique médio-cardiaque. Les phénomènes géné- raux sont plutôt négatifs : il n’y a pas de tuméfac- tion du foie, pas de veinosité du visage ni de dila- tation du cœur droit, pas de diminution notable des urines ni de bruit de galop; on observe géné- ralement un léger œdème pulmonaire et malléo- laire, quelquefois un peu d’albumine dans les urines. Les malades atteints de cette forme de myocardile sont excessivement vulnérables : ce sont des vieillards ou des alcooliques ou encore des sujels ayant dans leurs antécédents des fièvres graves infectieuses; ils meurent par asystolie tenant à l’exagération de l’arythmie, par tachycar- die avec angoisse, syncope ou rupture du cœur. IV Les pleurésies ont été l'objet, dans le cours de cette année, d'importantes études et communica- tions à diverses sociétés savantes ?. Trois questions surtout ont été traitées : la nature, le traitement des pleurésies purulentes, les causes de la pleu- résie en général. La nature microbienne des pleu- résies purulentes est aujourd’hui un fait nettement établi ; il est reconnu aussi que suivant le ou les microbes qui les produisent, elles affectent une évolution différente ; la détermination de ces mi- crobes est donc capitale pour établir un pronostic ! Compte ren lu de l’Académie de Médecine, mai 1890. 2? Voyez : 1° Neuvième Congrès de médecine interne de Vienne, 15-18 avril 1890. Traitement de l’empyéme. Compte- rendu. CRITZMANN, Médecine moderne, 1890, p. 332. 2° Société médicale des hôpitaux de Paris, séances des 2, 16, 23 mai et 6 juin 1890. 3° Société italienne de médecine interne. Causes de la pleurésie. Compte-rendu. THIBIERGE, Gazette hebd. de méd. et ch. 1890, p. 547. 718 D' E. DE LAVARENNE. — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE et formuler le traitement. Ayant fait des recherches dans 109 cas, Netter a rencontré 11 espèces micro- biennes seules, ou le plus souvent associées ; mais, en raison de la rareté de la plupart, il les réduit à quatre qui peuvent être considérées comme carac- téristiques de quatre classes de pleurésies : pneu- mocoque 29 cas, streptocoque 46, bactéries sapro- gènes de la putridité 23, bacille de Koch 11. Ce sont donc les pleurésies à streptocoques les plus fréquentes; celles à pneumocoques sont les plus bénignes : elles guérissent facilement après plu- sieurs ponctions, parfois même après une seule. La clinique avait, du reste, déjà constaté depuis longtemps ces faits de guérison; la pratique de la ponction s’en était même généralisée, passant à l’état de méthode de traitement; nous n'avons pas besoin de rappeler combien déplorables étaient les résultats. En effet, lorsque les pleurésies sont à streptocoques ou putrides, la pleurotomie est nécessaire au traitement et doit être pratiquée dès que la présence du pus et sa nature sont recon- nues ; quant à la résection costale, les avis sont partagés, les uns la posant en principe, les autres la subordonnant aux indications individuelles. L'opération, aussi aseptique que possible, sera suivie d'un lavage antiseptique de la cavité selon les uns; selon d’autres, ce lavage peut et doit même être évité souvent; les pansements rares sont géné- ralement adoptés. Les brillants résultats de cette méthode rationnelle s’accentuent chaque jour, puisque la mortalité qui était de 80 ?/,, est tombée, gràce à elle, de 40 à 20 ?/;. (Immermann.) Récemment le Professeur Kiener ! (de Montpel- lier) a donné sur cette question des aperçus tout nouveaux. Il divise les pleurésies purulentes en fibrino-purulentes et en purulentes proprement dites : il attribue les premières au pneumocoque, au streptocoque, au bacille tuberculeux ou à l’asso- ciation de 2 ou 3 de ces microbes, réunissant en un même groupe les pleurésies à pneumocoques et à streptocoques, microbes dont il n’a pu saisir en l'espèce la différence pathogénique, mais auxquels il a reconnu, suivant les cas, des virulences très variables; il considère les pleurésies purulentes proprement dites comme dues au staphylococcus (aureus ou albus) isolé ou associé à d’autres micro- organismes, surtout au bacille tuberculeux. Les pleurésies fibrino-purulentes évoluent en deux périodes, l’une d’exsudation fibrineuse à laquelle succède une période de fonte puriforme pouvant en peu de jours remplir la cavité pleurale, sur- venant six semaines à deux mois après le début de l'affection. C’est lorsque l’entrée dans cette seconde 1 Kiexer. Pleurésies purulentes, Revue de médecine, 4890 no 41, p. 881. période est constatée, qu'il faut de suile pratiquer la pleurotomie aseptique; les lavages antisepliques consécutifs ne pourraient que contrarier le proces- sus de réparation naturelle qui s'opère et que ne gènent nullement, en vertu d'une sorte d’immunité acquise, les microbes restés à la surface de la plè- vre. Par tous les moyens possibles, aussi bien pen- dant l'opération que dans la suite, il faut éviter, avant tout, d'introduire dans la plèvre des micro- organismes du dehors, car c'est à ceux-ci que Kie- ner attribue les pleurésies purulentes proprement dites. En effet, il a toujours trouvé dans le pus qui en provenait, le staphylococcus aureus avec son action pyogénique rapide et intense, tandis qu'il ne l'a jamais rencontré dans le pus des pleurésies fibrino-purulentes, à moins qu'il y ait eu commu- nication avec l’air extérieur par pleurotomie ou fistule bronchique. Il semble done qu'introduit par des voies accidentelles, il devient la cause de ces pleurésies à marche irrégulière, récidivantes, sans tendance à la guérison, dont on ne pouvait s’expli- quer l'évolution. Deux causes nouvelles de pleurésie ont été si- gnalées : le Professeur Potain ! a décrit chez les goutteux des épanchements pleurétiques peu étendus, fugaces, mobiles ; MM. Chantemesse et Widal ? ont observé deux cas de pleurésies syphi- litiques secondaires, dont l’évolution, parallèle à celle d'une roséole, ne leur a laissé aucun doute sur le diagnostic. Ainsi, de nouveaux faits viennent peu à peu éclaircir la pathogénie de la pleurésie, qui apparait de plus en plus comme une affection dé- pendant de maladies générales presque toujours infectieuses. L'influence pafhogénique du froid, au- quel Landouzy*, dès 1883, réservait seulement le rôle de cause occasionnelle, perd chaque jour de son importance, d'autant mieux que de toutes les ma- ladies rapportées aux vicissitudes atmosphériques elle est certainement, d'après Kelsch®, celle qui se subordonne le moins à leur influence ; par contre, les études bactériologiques viennent chaque jour confirmer cette autre idée, émise par Landouzy, que là pleurésie dite à frigore est toujours fonction de maladie infectieuse, et que, dans la grande majorité des cas, cette maladie infectieuse est la tuberculose. V Jusqu'à ces derniers temps, on considérait les varices de l'æsophage comme intimement liées à 1 Poraix. Clinique médicale de la Charité. Semaine médicale, 1890, p. #1. 2 CHANTEMESsE et Wipaz. Société médicale des hopitaux, 18 avril 4890. 3 Lanpouzy. Clinique de la Charité (cours de vacances), 1883. Cours auxiliaire de la Faculté, 1883-84. Gazette des hépitaux, 1884. 4 Kezscn. De la nature de la pleurésie. Gazette heb. de méd. et chir., 1890, p. 484. ’ D' E. DE LAVARENNE. — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 119 l'alcoolisme et à la sclérose hépatique. Ayant ob- servé pendant trois années consécutives (de 1887 à 1890) un malade alcoolique sans cirrhose hépatique, atteint d'œsophagorrhagies répétées, dont la der- nière fut mortelle, de plus ayant analysé les ob- servations publiées depuis la thèse d’agrégation de Gubler (1853), Letulle ! a montré comment il fallait comprendre la pathogénie de ces varices. D'après lui, il est hors de doute que la lésion vei- neuse relève presque toujours de l'alcoolisme chronique, car il n’a guère trouvé que cinq cas où l’on a pu invoquer d'autres causes : d'autre part, il est non moins certain que dans la grande . majorité des cas d’alcoolisme, la cirrhose hépa- tique est la cause des modifications circulatoires qui entrainent « l’ectasie des veines sous-mu- queuses de l’appareil gastro-æsophagien ». Cepen- dant, quelques observateurs (Le Diberder, Hanot, Millard et Dussaussay, Glover, Four) ont noté la disproportion qui existe parfois entre le peu d’al- tération du foie et l’état variqueux énorme de l'æsophage ; la glande hépatique peut même rester normale, témoin le malade de Letulle dont le foie « légèrement gras élait indemne de cirrhose ». Quelle est ou quelles sont alors les causes de l’ec- tasie? Letulle les a trouvées : 1° dans le processus inflammatoire chronique déterminé par l’action toxique directe de l'alcool sur les parois veineuses, depuis le système porte jusqu'aux veines œsopha- giennes; 2° dans ce fait que l’alcool produit sur le péritoine sus-ombilical, dans ses régions péri-gas- trique et péri-pancréatique, des lésions inflam- matoires qui entourent, immobilisent les veines d’origine de la veine-porte et la veine-porte elle- même. De ce double concours il résulte une stase passive dans tout le système porte, qui amène se- condairement l’ecltasie veineuse gastrique et æso- phagienne. Naturellement si, en outre, il exisle des lésions hépatiques, la stase en est accrue; mais, et c’est là le fait important mis en relief par Letulle, ces lésions ne sont pas nécessaires pour que des varices œsophagiennes se produisent; les lésions inflammatoires adhésives péritonéales suffisent à elles seules. La pathologie de l'estomac a été l'objet de nom- breux travaux; depuis plusieurs années déjà les savants allemands avaient demandé à la chimie stomachale l’explication des diverses dyspepsies, Les recherches de Boas, Ewald, Gawoski et autres ont abouti à des procédés d'analyse peu utilisables en clinique, et à une classification en hyper et hypoacidité basée sur l’acidité totale du suc gas- trique. En France nous sommes redevables des 1 Leruze.Varices de l'œsophage, Medecine moderne, nov.1890. , premiers travaux publiés sur le même sujet à G. Sée et à ses élèves Mathieu, Ray. Durand-Far- del !.Ces travaux, basés sur le dosage clinique del’a- cide chlorhydrique libre par l'emploi des méthodes colorantes, ont conduit à la classification en hyper et hypochlorhydrie et par conséquent à la déter- mination des affections dans lesquelles l'HCI se trouvait en quantité insuflisante ou en excès; c'est ainsi que les auteurs précités ont pu décrire des hyperchlorhydries aiguës et chroniques et même une affection spéciale qu'on pourrait désigner sous le nom d’hyperchlorhydrie chronique dont Lyon a donné une excellente idée dans sa thèse et qui se rencontre le plus souvent avec des estomacs dilatés. Le Professeur Hayem et M. Winter! ont pour- suivi des recherches sur le même sujet; ils consi- dèrent que le dosage du seul HCI libre est insuffisant pour apprécier le chimisme stomachal, qu'il faut doser le chlore sous ses diverses formes et combi- naisons organiques et inorganiques, et tenir compte de toutes les conditions chimiques de la digestion. Ils arrivent ainsi à une classification clinique en hyperpepsie où il y à irritation des fonctions chimiques de l'estomac, hypopepsie où il y a atténuation et même annihilation de ces fonctions et dyspepsies simples sous l'influence de troubles mécaniques et nerveux survenant sans modifications du chimisme stomachal. Enfin, récemment, Mathieu et A. Rémond ont communiqué à la Société de Biologie un procédé d'analyse du suc gastrique permettant d'obtenir par des opérations assez simples : l'évaluation de l'acidité totale, l'acidité due aux acides organiques, l'acidité minérale totale, l'acidité due à l'HCI libre et à l’'HCI en combinaison organique. Ces divers travaux ont eu pour résultat de donner aux clini- ciens le moyen de diriger d'une façon plus ration- nelle le traitement si délicat des dyspepsies. Cirrhose alcoolique éveille naturellement l’idée de cirrhose atrophique. MM. Hanot et Gilbert® ont montré que dans certains cas cette cirrhose peut être hypertrophique avec sclérose annulaire et péri-veineuse. L’alcoolisme peut donc conduire soit à l’atrophie, soil à l'hypertrophie scléreuse du foie; dans les diagnostics on devra tenir compte de cette notion qui a surtout de l'importance au point de vue du pronostic; en effet, dans la forme hypertrophique, la perméabilité du foie est beau- coup plus grande, les troubles circulatoires bien moindres et elle est susceptible d'amélioration lorsque cesse l'intoxication alcoolique. 1 Voir pour la bibliographie, G. Lxon, analyse du suc gas- trique. Thèse, Paris, 1890. ! Hayem et Winter. Chimisme stomachal. Paris, Masson, 1891. $ Haxor et Giserr. De la cirrhose alcoolique hypertro- phique, Société médicale des hôpitaux, 23 mai 1890. 780 D' E. DE LAVARENNE. — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE VI L'absence du corps thyroïde, son ablation chi- rurgicale, ses altérations morbides produisent un ensemble de troubles de la nutrition auxquels on a donné, depuis une communication du D' Ord à la Société clinique de Londres, le nom de myrædème, et comprenant : 1° le myxœdème opératoire de Reverdin ou cachexie strumiprive de Kocher ; 2° l’i- diotie pachydermique ou crétinisme sporadique ; 3° le myxœdème des adultes ou cachexie pachyder- mique de Charcot. Interprétant les expériences de Schiff ? sur la greffe thyroïdienne et celles toutes récentes de von Eiselsberg (de Vienne), Horsley* s'est demandé si, comme traitement du myxædème, on ne pourrait pas essayer cette greffe chez l’homme, en se ser- vant du corps thyroïde du mouton, par exemple. Des tentatives ont été faites dans ce sens par Bir- cher (d’Aarau) qui transplanta par deux fois, à trois mois d'intervalle, une partie saine de corps thyroïde goitreux qu'il venait d’extirper, et par Kôcher‘pourlemyxædèmeopératoire.Lannelongue et Legroux * ont transplanté un corps thyroïde de mouton pour une idiotie avec cachexie pachyder- mique ; les résultats sur l’évolution de la maladie n'ont pas encore été publiés. Betlencourt et Ser- rano 6 ont fait la même opération pour le myxœæ- dème des adultes; l'amélioration se fit sentir dès le lendemain de l'opération. Enfin, Merklen et Walther ? ont publié récemment un cas des plus intéressants. Le 3 septembre 1890 ils ont trans- planté un des lobes d'un corps thyroïde de mouton, enlevé séance tenante, dans la région sous-mam- maire droite d’une myxœdémateuse âgée de 41 ans. Dès le 6 septembre l'amélioration se faisait sentir; un mois après elle était frappante : la parole trainante, embarrassée était devenue nette, la marche était facile, la bouffissure de la face avait diminué, l’infiltration des régions sous-claviculaires et mammaires était moindre et surtout des hémor- rhagies qui duraient depuis plusieurs mois avaient complètement cessé et n’avaient pas reparu 72 jours après l'opération. Cette action sur les hémorrha- gies, très nette aussi dans le cas de Bettencourt et ‘ Voir pour la Bibliographie : Lannors. Cachexie pachy- dermique et ses rapports avec les affections de la glande thyroïde (Archives de méd. expérim. et d'anat. path., t. I, 1889, p. 410). 2 Voir FrRenERICK. Revue annuell: de Physiologie dans Revue générale des Sciences, p. 64%. 3 Horszey. The Brit. méd. Journ., 8 février 1890 et 26 juillet 1890. i Cas citès par Horsley. 5 LanxeLoNGuE ct Lecoux. Saciété de biologie, 8 mars 1890. 6 BerrENCOURT ct SERRANC. Congrès de Limoges, 1810 et Progrès médical, 1890, p. 170. 7 MERKkLEN ect WALTHER. 14 nov. 1890. Société médicale des hôpitaux, Serrano, est à rapprocher de l’action hématopoïé- tique de la glande thyroïde. En somme, ces di- verses tentalives ont démontré que l’on pouvait sans [danger transplanter le corps thyroïde d’un animal à l’homme et que cette transplantation dé- terminait une amélioration dans l’état des myxæ- démateux. Cette amélioration sera-t-elle durable ou passagère ? C'est déjà beaucoup de l’avoir obtenue. NII A la suite d’études méthodiquement poursuivies depuis 1879, Laveran ! a fixé définitivement la nalure de la fièvre paludéenne en déterminant d’une facon désormais incontestable quel en est l'agent pathogène ; au moment où il commença ses recherches, on était fort enclin à assigner, par hypothèse, une constitution bactérienne à cetagent. Laveran a démontré que c’est un sporozoaire vi- vant aux dépens des éléments du sang, un héma- tozoaire. Sur du sang pris au début d'un accès et avec un grossissement de 300 à 400 diamètres, les hématozoaires se présentent sous des formes variées que Laveran ramène à 4 types : 1° des corps sphériques du diamètre de 1 & à celui d’un globule sanguin, pourvus de granulations pigmen- taires plus ou moins abondantes, doués de mouve- ments amiboïdes, attachés aux hématies aux dépens desquelles ils se développent el qui, une fois envahies, pâlissent de plus en plus, leurs con- tours finissant même par disparaitre ; 2% beau- coup d’entre eux ont sur leurs bords des filaments mobiles, des flagella, qui peuvent se détacher; 3° des corps en croissant, probablement des orga- nismes en involution ; 4° des corps en rosace, aspect dù à la segmentation qui semble être un mode de développement. Ces diverses formes de l'hématozoaire paludique en ont imposé à certains observateurs qui se sont demandé s’il n’y aurait pas là plusieurs parasites différents. Ainsi, d’après Golgi et Autolezei, les fièvres tierce, quarte et irrégulière auraient chacune son organisme, ce qui ferait trois variétés ; d'après Peletti et Grassi, il y en auraitseulement deux ; s’il en était ainsi, en injectant du sang de paludiques tierce,quarte, etc., à des individus sains, on devrait reproduire des types tierce, quarte, ete. Or les expériences de Gualdi et Autolizei, faites dans ce sens, n'ont réussi qu'une seule fois à transmettre le type analogue; toutes les autres ont bien reproduit le paludisme, mais sans la forme correspondante; aussi Laveran rejette-t-il ces opinions, consi- dérant que la facilité et la rapidité avec les- quelles les diverses variétés de sporozoaires chan- 1 Lavera. Des Hématozoaires du paludisme. Archives de médecine expérimentale, nov. 1889, janv. 1890. D' E. DE LAVARENNE. — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 781 gent de forme suffisent amplement à expliquer le polymorphisme qu’il a constaté. Bien qu'on n'ait pas encore pu cultiver l'hémato- zoaire de Laveran, bien qu’on ne sache pas d’où il vieut niquelle forme il affecte dans les milieux exté- rieurs, on l’a trouvé partouten Europe, en Afrique, en Amérique (Machiafara et Celli, Golzi, Stemberg, Councilman, Osler, Evans, Metchnikoff, Tomo Co- ronado), avec ses mêmes caractères, dans le sang de tous les paludiques; on l’a reconnu partout comme l’agent de développement de la mélanémie caractéristique du paludisme; jamais on ne l’a rencontré chez un sujet non paludique. La nature parasitaire du paludisme est donc dé- sormais hors de doute, et l'objection que l’on avait tirée de sa non-contagiosité tombe d’elle- même en présence des résultals positifs obtenus en injectant du sang d’un malade infecté à un in- dividu sain. Mais, d’où viennent les hématozoaires et comment pénètrent-ils dans l'organisme? Com- ment agissent-ils? à quoi est due l’intermittence? Ces questions restent encore à élucider. C'est pour contribuer à leur solution, en s’inspi- rant vraisemblablement d’une idée exprimée à ce sujet par Laveran !, que MM. Roque et G. Lemoine (de Lyon) ? ont éludié la toxicité urinaire avant un accès de fièvre intermittente, pendant et après. Ils ont ainsi reconnu que, pendant l'accès, il y avait une production énorme de toxines, s’élevant dans la proportion de 1 à 5 environ, que celles-ci s’éli- minaient après l'accès d’une façon décroissante pendant 12, 18 à 24 heures. Soumettant le malade au sulfate de quinine, ils ont vu l'élimination aug- menter considérablement. De ces ohservations il résulte que de grandes quantités de toxines sont élaborées par les hématozoaires, que celles-ci s'é- liminent en grande partie par le rein, que, par suite, le bon fonctionnement du rein est d’une impor- tance capitale chez les paludiques. Son insufli- sance, entravant l'élimination des toxines, en favo-" rise l'accumulation; celte accumulation devient l'origine d'accès graves et même pernicieux. Ainsi se trouve singulièrement éclaircie la pathogénie de certains accès pernicieux que nous observions sans pouvoir en déterminer la cause. On voit assez fréquemment dans le cours de la scarlatine apparaitre des angines pseudo-membra- neuses affectant tous les caractères objectifs de l’angine diphtéritique; les cliniciens se sont tou- jours montrés très partagés à l'égard de leur ori- gine : scarlatineuse ou diphtérique. Relativement à la direction à donner au traitement et aux me- 1 Lavera. Loc. cit., p. 19, note. 2 Roque et G. Lemoine. Recherches sur la toxicité urinaire dans l’impaludisme. Revue de médecine, 1890, n° 11. sures prophylactiques à prendre, la solution de ce problème était d’un grand intérêt. Déjà, d’après les travaux de Lôffler (188%), de Crooke (1885) de Marie Raskin (1888), de Prüdden (1889), on savait que cer- taines pseudo-membranes scarlatineuses contien- nentet que d'autres ne contiennentpasle bacille de Lôffler ; MM. Würtzet Bourges!, reprenant la ques- tion, semblent lavoir définitivement éclaircie. En étudiant de fausses membranes recueillies dans la gorge d'enfants scarlatineux observés à l'hôpital Trousseau, ils ont reconnu le bacille de Lüffier dans celles qui provenaient d’angines tardives, tandis qu'ils ne l'ont jamais rencontré dans celles provenant d'angines précoces; celles-ci se carac- térisaient par la présence constante d'un strep- tocoque accompagné du Staphylococeus pyogenes aureus (5 cas), albus (1 cas). Ce streptocoque, inoculé au pigeon, a toujours déterminé des fausses mem- branes diphtéroïdes. Aussi MM.Würtzet Bourges lui altribuent-ils une part prépondérante dans la pro- duction des angines pseudo-membraneuses de la scarlatine; il est, du reste, très analogue à celui de l’érysipèle qui peut aussi, dans certains cas, produire des fausses membranes, comme l’a mon- tré Widal. De ces observations il résulte que, mal- gré des caractères objectifs d’une analogie parfois frappante entre elles d'une part, entres elles et l’angine diphtérique d'autre part, il existe deux formes d’angines scarlatineuses pseudo-membra- neuses : l’une précoce, bénigne, due à un strep- tocoque; l’autre tardive, maligne, d’origine vrai- ment diphtérique. On s’étonnera peut-être que nous ne parlions pas ici de la découverte de Koch; étant donné l'état actuel de la question, nous avons pensé que son étude ne rentrait pas dans le cadre de cette Revue de médecine. On en est encore à la période des expériences, qui se font dans ces conditions parti- culières qu’on ne sait pas avec quoi on expérimente; il est donc bien difficile de se prononcer. On peut dire néanmoins que la lymphe de Koch, lancée de Berlin comme remède et comme critérium de diagnostic, n’a encore guéri personne jusqu'à ce jour, et s’est montrée parfois infidèle dans son rôle révélateur. Cependant, des observations faites dans les hôpitaux de Paris-par de savants maitres, pour- suivies avec la plus grande rigueur scientifique, permettront, sans doute, de porter bientôt un jugement certain; les lecteurs de la Revue trouve- ront alors dans ces colonnes un exposé complet de cette délicate question. D: E. De Lavarenne. 1 Wurrz ct Bources. Archives de méderine expérimentale, mai 1890, p. 341. 1 20 19 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Maleyx (L.), Professeur au Collège Stanislas. — Leçons d'Arithmétique. Gauthier-Villars et fils, Paris, 1890, Sous ce titre, M. L. Maleyx vient de publier tes lecons d’Arithmétique qu'ilprofesse depuis de longues années au collège Stanislas. Son ouvrage, bien fait, sera aussi utile aux professeurs qu'aux élèves. Nous voyons sur- tout à signaler la séparation des théorèmes sur les nombres premiers entre eux de ceux relatifs aux nom- bres premiers absolus, l'introduction des théorèmes élémentaires sur les restes, dont l'application se trouve dans les développements des fractions ordinaires en fractions décimales, l'exposition très soignée des opé- rations abrégées, les perfectionnements indiqués pour l'extraction de la racine d'indice m. L'ouvrage est ter- miné par des applications élémentaires bien choisies et intéressantes sur la théorie des nombres. A. SOLDÉ, Demoulin (Maurice), Ing. des arts el manufactures. — Les machines à vapeur à triple et quadruple expansion. Baudry et Cie, Paris, 1890. Dans un opuscule, très intéressant et contenant de nombreux résultats d'expériences, l’auteur insiste sur les progrès et les règles consacrés par l’expérience dans ces dernières années sur les machines à expan- sion multiple, Il donne les dimensions et même les détails d’un grand nombre de machines réalisées de- puis 1885. Cet ouvrage met hors de doute les points fondamen- taux suivants. L'emploi des hautes pressions et des grandes détentes n’est pas nécessairement économique; il y a une limite de détente correspondant à chaque pression, Les condensations à l’admission perdent de leur importance dans les machines à expansion mul- tiple et les expansions doivent être d'autant plus nom- breuses que la température et, par suite, la pression initiales sont plus élevées. L'eau de condensation ini- tiale au petit cylindre agit, après réévaporation, sur les pistons des cylindres d'expansion pendant toute la course et avec une détente qui lui est propre, puisque l’introduction est limitée à une partie de la course, L'appareil de détente est moins compliqué, en somme, dans les machines à expansion multiple. A. GOUILLY. hurston (R. H.), Directeur du Laboratotre de Mécani- que appliquée de Sibley College. — On the permanent effects of strain in metals; on their self-regis- tration and mutual interactions. American Sociely of civil Engineers, 1890. Depuis une quinzaine d'années M, Thurston à pour- suivi avec pérsévérance des études expérimentales sur les divers phénomènes qui mettent en lumière la dis- position moléculaire des métaux quand ils sont soumis à des tensions dépassant leur limite d’élasticité et cor- respondant ainsi à des déformations permanentes, Le mémoire qu'il vient de publier dans les Transactions de la société américaine des Ingénieurs civils, expose, d’une facon très concise, de nouvelles expériences faites sur ce sujet par M. Georges W. Bissell au labora- toire de Sibley College. ù Les résultats obtenus peuvent s’énoncer comme suit: Si un métal a été préalablement soumis à un effort de genre et de direction quelconques, mais suffisant pour produire une déformation permanente, sa résis- tance ultime à cet effort ou à tout autre est notable- ment accrue et ce, dans toutes les directions, quelle ET INDEX que soit la ligne d'action de l'effort déformateurt Les expériences de M. Bissel ont porté uniquement sur le fer; mais, pendant que M.Thurston en préparait l'exposé, une expérience faite sur le cuivre a semblé indiquer que ce métal se comporte comme le premier à ce point de vue; de nouveaux essais vont être entre- pris à ce sujet. J. Poucer. Tissandier* (G.), Directeur du journal La Nature. Souvenirs et récits d’un aérostier militaire de l’armée de la Loire, 1870-1871, avec une lettre auto- graphe du Général Chanzy, et de nombreuses illustra- tions de V. A. Poirson, 1 vol, in-4°, de 350 pages, Mau- rice Dreyfous, Paris, 1891. Ce magnifique ouvrage n’intéresse pas seulement le patriotisme des Français. Le lecteur y trouvera l’expo- sition magistrale des applications de la science à la navigation aérienne. C’est à ce titre surtout que nous devons signaler ici le livre de M. Gaston Tissandier, Mais comment ne pas dire, — au risque de sortir pour une fois de notre cadre exclusivement scientifique, — la conduite héroïque de lPauteur pendant la guerre néfaste de 1870-1871, le dévouement absolu avec lequel il mit au service de la Patrie en danger son savoir et son courage ? C’est à lui surtout que Paris investi dut de pouvoir communiquer avec la Province. M. Tissandier raconte avec émotion les scènes dou- loureuses dont ses fonctions d’aérostier militaire l'ont rendu témoin. Le lecteur se sentira à la fois instruit et touché par ses récits, car ils ont été écrits par un homme de science, doublé d’un homme de cœur. 110: Langley (S.P.). — La température de la Lune, d’a- prés les études faites à Observatoire d’Allegheny, avec la collaboration de M. KE. WW. Very. (American Jow:- nal, €. XXXVNIIL, p. 421, décembre 1889, | On a cru longtemps que le sol de la lune, soumis à l’action des rayons solaires, pouvait arriver à une tem- pérature de plus de 100° : si la chaleur rayonnée par la lune était insensible à nos appareils ordinaires, on en concluait simplement que cette chaleur était complète- ment absorbée par l’atmosphère terrestre. M. Langley a étudié au bolomètre le spectre infra- rouge donné par les rayons lunaires ; ce spectre pré- sente deux maximum d'intensité, l’un correspondant à la chaleur envoyée par le soleil et réfléchie par la lune, l’autre à la chaleur absorbée par la lune et émise ensuite : l’examen de la région du spectre où se trouve ce maximum prouve que le corps rayonnant est à une température voisine de — 10°, L'absorption tellurique constitue une difficulté très sérieuse ; mais cette absorption n’est que partielle, et M. Langley la prouvé en observant les indications du bolomètre pendant une éclipse de lune. Au moment où la lune entre dans le cône d'ombre, l'appareil in- dique un très notable abaissement de température et une élévation correspondante à la fin de l’éclipse : il ressort de cette observation que, dans cet espace de quelques heures, les conditions climatériques à la sur- face de la lune éprouvent des modifications plus pro- fondes que celles qui résulteraient du passage de notre zone torride aux plus grands froids de l’hiver arctique. La conclusion générale est que la température du sol de la lune éclairé par le soleil doit toujours être au- dessous de zéro. Bernard BRuNHES. 4 D BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 183 2° Sciences physiques. Knut Angstrom, — Beobachtungen über die Strahlung der Sonne. — Beitræge zur Kenntniss der Absorption der Wærmestrahlen durch die verschiedenen Bestandtheile der Atmosphære. — (Etude sur les spectres infra-rouges de l'acide carbo- nique et de l'oxyde de carbone). Ann. Phys. und Chemie, XXXIX, 1890, J.-A. Barth, Leipzig. Depuis plusieurs années, M. Knut Angstrôm poursuit d'importantes recherches sur l'absorption des radia- tions calorifiques par divers corps. Citons, parmi les résultats les plus saillants de ses précédentes expé- riences, la démonstration de l'exactitude de la loi expo- nentielle d'absorption pour des corps peu diffusants (noir de fumée), et les écarts de cette loi pour les poussières qui présentent des phénomènes de réflexion irrégulière (magnésie, oxyde de zinc). Dans les nouveaux mémoires qu'il vient de publier dans les Annales de Wiedemann et les recueils de l’Aca- démie des Sciences de Stockholm, M. Angstrôm décrit des expériences bolométriques entreprises pour déter- miner la quantité de chaleur absorbée par les gaz de l'atmosphère, et pour en déduire une valeur correcte de la constante solaire (quantité de chaleur solaire en petites calories, qui, à la distance de Ja terre, traverse en une seconde une suface de 1 centimètre carré, nor- male à la direction de sa propagation). 4. Deux tubes de verre de 152/4,1 °#, fermés par des plaques de sel gemme et pourvus à l’intérieur de tubes de laiton noïcis et diaphragmés, peuvent être échangés sur le parcours des radiations entre un brûleur Argand et un bolomètre, L’un des tubes reste vide, tandis que l’autre est destiné à renfermer les gaz sur lesquels on opère. Dans une recherche préliminaire, l’auteur à étudié la radiation du brûleur, et des radiations par- tiellement absorbées, La figure 1 se rapporte à l'énergie M . Devietion ss sr ions ts Lonfueurs d'onde Fig. 1. décelée par le bolomètre dans les différentes parties du spectre ; les déviations à travers un prisme de sel gemmc sont portées en abscisses, les intensités en ordonnées. Les longueurs d'onde en p. sont marquées sur l’axe des abscisses, La courbe L correspond à l'énergie reçue directe- ment, tandis que les courbes W, M,, M, sont obtenues après que les radiations ont traversé respectivement une cuve d’eau, et des couches de magnésie de 0"m,1 et de Omm,2 d'épaisseur. On voit que cette dernière pous- sière laisse passer intégralement les radiations de grande longueur d'onde ; les anciennes expériences de M. Angstrôm, d'accord avec la théorie, avaient déjà mis ce fait en évidence. En revanche, l’eau absorbe com- plètement les radiations peu réfrangibles, à partir de À = 2y environ. Les radiations totales L, M, et M, ont ensuite été exa- minées après leur passage à travers une colonne d’acide carbonique sous des pressions comprises entre 0 et Time 5. Les résultats de ces expériences sont résumés dans la figure 2. La pression du gaz est portée en abscisses, la quantité d’énergie absorbée, en ordonnées; les chiffres indiquent les fractions de la radiation totale. On voit d’après cela que l’absorption est presque com- plète pour des pressions relativement basses, et n’aug- mente plus que très peu à partir d’une demi-atmosphère ; on peut en conclure que l'acide carbonique absorbe complètement une partie limitée du spectre, et qu'il est transparent pour le reste de la radiation; la rela- tion entre Les ordonnées des courbes M,, M,, etL conduit 020 Fig. 2. à admettre que cette portion du spectre est plus près du maximum des premières que de la radiation de la lampe. L'auteur va plus loin, il évalue les quantités relatives des radiations absorbées dans les trois cas. et recherche l'endroit du premier diagramme où les ordonnées des courbes sont dans le rapport trouvé; c’est le lieu d’abscisses 19,5, en À — 3,5 y. Les expé- riences de détail ont donné, pour un tube de 02,120, et une pression de 0%.739, la courbe C, qui présente deux maxima, à À — 2,60 et 4,36 p. La même méthode appliquée à la vapeur d’eau pour des tensions maxima de 0,010 montre que l’absorp- tion n’est pas limitée à une bande étroite; elle aug- mente lorsqu'on passe de la courbe L à la courbe M. et dépasse 3 °/, dans le dernier cas. Si l’on remplace le tube plein de vapeur par une couche d’eau de même masse, l'absorption est près de sept fois plus forte. Les expériences avec l'air sec montrent une absorp- tion si faible qu’elle pourrait être attribuée à des erreurs de mesures ou à des impuretés de l'air, La comparaison de ces résultats avec le spectre solaire de Langley montre une coïncidence frappante entre la courbe G et les grandes bandes X et Y. dont les abscisses sont À — 2,7 p et À — 4 à 4,5 p. Il ‘paraît donc évident qu’elles sont dues à l'absorption par l'acide carbonique de l’atmosphère. Pour À — 42. et une couche d'air traversée égale à 3,58 fois l'épaisseur de la couche au zénith, on ne trouve plus trace de chaleur dans le spectre solaire, On en trouve pour une épais- seur de 2,08, L’absorption étant très forte en cette ré- gion, il en résulte que, en dehors de l’atmosphère l'intensité des radiations solaires pour À = 44 environ doit être extrêmement forte, et que certaines radiations plus faibles n'arrivent jamais à la terre, 2. Pour déterminer la radiation solaire totale M. Angstrôm emploie une méthode d'enregistrement dont le principe est le suivant : Deux plaques identiques de cuivre noirci contien- nent respectivement les deux soudures d’un couple thermoélectrique. Lorsque la plaque A, exposée au soleil, possède un excès de température 3 sur B, on la protège par un écran, tandis que la plaque B est mise à nu, Au bout d’un temps f, l'excès à a changé de signe. En désignant par W la valeur en eau des plaques par = leur coe.ficient d'absorption, la quantité de cha leur absorbée par unité de temps est : 2Wû Een Pour appliquer cette méthode à l'enregistrement, les plaques sont remplacées par des sphères creuses com- muniquant entre elles par un tube de verre dans lequel un index de mercure se meut par l'effet de la dilata- tion en s’écartant de la boule échauffée, A un certain moment il ferme un circuit, un mouvement d’horloge- Q= 784 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX rie est mis en marche, et les boules tournant autour d’un axe vertical changent de position; la première vient se placer derrière un écran, tandis que la boule froide est exposée au soleil. L'appareil enregistre la fréquence des inversions par la chute du poids moteur devant un cylindre tournant, La constante de l’appa reil se détermine par comparaison avec les plaques. Les observations faites au moyen de cet appareil sur la côte de Suède ont été rassemblées dans la formule i— 1,56.0,7864 + 2,45.0,1344 (d — épaisseur de la couche traversée) qui représente parfaitement bien les résultats. Le premier terme cor- respond à la faible absorption par divers gaz, et se détermine au moyen des parties de la courbe, obtenues au lever et au coucher du soleil, lorsque l'absorption par l'acide carbonique est complète. Le second terme correspond à l’absorption par ce dernier gaz. La cons- tante solaire s’en déduit en faisant d — 0, d’où résulte- rait 1— #4, Pouillet avait trouvé 1,8, M. Violle 2,5, M. Langley 3. M. Angstrôm pense que la véritable cons- tante est probablement plus grande que 4, puisque cer- taines régions du spectre sont complètement absorbées même au zénith. Cu. En. GUILLAUME. Lacouture (Ch.), — Répertoire chromatique, so- lution raisonnée et pratique des problèmes les plus usuels dans l'étude et l'emploi des couleurs. Un vol. in-4° avec 29 tableaux en chromo. Gauthier- Villars et fils, Paris, 1890. Cet ouvrage, magnifiquement édité, renferme un atlas qui sera précieux aux savants et aux industriels, L'auteur y a réuni tous les types usuels des couleurs, groupés en 600 gammes qui comprennent 952 teintes différentes. S’inspirant des travaux de Chevreul, il s’est efforcé d'en simplifier la notation, Les principes de classification rationnelle exposés à ce sujet sem- blent passibles de quelques critiques, Les définitions données des couleurs en général, des couleurs princi pales et des couleurs auxiliaires, des couleurs primiti- ves et des couleurs dérivées, des (ons et des nuances, de la teinte, de l'intensité chromatique, etc., sont en général arbitraires. Leur origine est tout empirique. Pour leur donner un sens rigoureux, il eût fallu, croyons-nous, les rattacher aux notions scientifiques d'amplitude, de fréquence et de forme des vibrations, qui déterminent les qualités de la lumière : son inten- sité, sa couleur et, en quelque sorte, son timbre, A ce point de vue ilnous parait difficile d'admettre plusieurs propositions que l’auteur nous présente comme des « théorèmes », [par exemple celle-ci : Toutes les cou- leurs « sont uniformément espacées sur la circonfé- rence d'un cercle ». C’est confondre une loi physique avec un procédé de descriplion, Reconnaissons toutefois l'intérêt pratique du procédé, qui devient utile, si, au lieu d’une vérité de la Nature, on n’y cherche qu'un système commode de repère. L'ouvrage de M. Lacouture rendra donc service, — sinon « au savant... et à la modiste », comme il en exprime l'espoir dans une préface un peu lyrique, — du moins à beaucoup d'industries fondées sur l’emploi raisonné des couleurs. Les admirables planches qui l’accompagnent le recommandent à l'attention des spécialistes, — fabricants de nouveautés pour vête- ments et pour meubles, de papiers peints, de couleurs et de pastels, teinturiers, appréteurs de tissus et de fils. IL y trouveront la représentation typique d’une grande variété de teintes, échelonnées à la fois selon le ton et la nuance, et disposées de facon à révéler immédiatement leur dérivation, leur composition et leurs parentés harmoniques. L. O. Mendelejeff, Professeur de Chimie à l'Université de Saint-Pétersbourg. Osnovy Chimii. — (Les Principes de la Chimie), 5° édit. (russe), Suint-Pétersbourg, 1890. La cinquième édition du traité de chimie de M. Men- delejeff est une réédition complétée et corrigée d’un ouvrage qui à paru pour la première fois il y a déjà une vingtaine d'années. Parmi les nombreux traités de chimie générale, destinés à l’enseignement supérieur, celui de M. Mendelejeff occupe une place à part. Ce qui lui donne une physionomie originale, c’est l’esprit rhilosophique dont il est pénétré, « Le but principal de cet ouvrage, dit l'auteur, c’est de mettre en lumière les principes philosophiques de la chimie; c’est de diriger tous ceux qui cherchent la vérité vers la source pure de la science des forces de la Nature. » Voilà comment l’auteur définit lui-même le but de son ouvrage. 11 ne faut pas pourtant croire que sa «philosophie » est un exposé des généralités ou des doctrines plus ou moins hypothétiques qui se dis- putent le champ théorique de la science chimique. L'auteur ne s’écarte pas du domaine des faits ; mais il les expose au point de vue critique et historique, de sorte que le lecteur assiste à chaque instant au tra- vail compliqué et souvent pénible qui a présidé à l'établissement des faits principaux de la chimie, Guidé par une main de maître, il s'assimile ainsi facile- ment lesprit même de la science, développe son juge- ment critique, se pénètre de l’idée de l’évolution de la vérité scientifique, voit naître, pour ainsi dire, sous ses yeux l'édifice de la science et comprend mieux ses parties faibles et inachevées. Une telle exposition répond plus au but de l’ensei- gnement supérieur, que la méthode dogmatique, qui laisse souvent l'impression fausse d’une perfection là où il y a encore tant de choses à faire. Le style de l'ouvrage de M. Mendelejeff correspond au but pro- posé : tout en restant sobre et clair, il a quelque chose de passionné, nous dirions même de prophétique. On voit que l’auteur aime sa science et qu'il sait commu- niquer ses sentiments à ses lecteurs. Cette forme du style s'explique, en partie, par le talent même de l’au- teur et, en partie, par le rôle que la science joue en Russie, Depuis longtemps elle y est devenue un élé- ment réformateur, et les savants, des lutteurs contre les ténèbres qui enveloppent encore d’un manteau épais un peuple d’un grand avenir. Le système périodique de M. Mendelejeff joue natu- rellement un grand rôle dans son traité. Il divise les corps simples en huit groupes, et chaque groupe en douze séries. Il fait ressortir toutes les analogies qui semblent donner un appui à son sys- tème et insiste sur les découvertes auxquelles il à mené des chimistes comme Roscoë, Lecoq-de-Bois- baudran, Nilson, Winckler, etc. L'ouvrage est illustré de 12 portraits des chimistes les plus célèbres; celui de Lavoisier est à la place d'honneur. Les portraits de Lavoisier, Dalton, Ber- thollet, Gay-Lussac, Davy, Gehrard et Graham ont été faits par Mme Mendelejeff, d’après des portraits origi- naux et authentiques ; celui de Henry Sainte-Clair De- ville, d’après une photographie communiquée par M. Troost. E. RüBANOVITEH. EKnab (Louis) Répétiteur du Cours de métallurgie à l'Ecole centrale, ancien Directeur d'usines métallurgiques. — Traité de métallurgie des métaux autres que le fer : cuivre, plomb, argent, or, platine, mercure, zinc, cadmium, étain, arsenie, antimoine, bismuth, cobalt, nickel, aluminium, grand in-4° de 644 pages avec 164 figures dans le texte, G. Steinheil, 189. Voici un ouvrage très complet qui, ainsi que le dit l’auteur dans sa préface, fait connaître l’histoire de chaque métal, sa fabrication, les conditions de sa pro- duction dans les divers pays, ses applications indus- trielles ; il rendra certainement de grands services à tous ceux qu'intéresse l’industrie métallurgique et nous ne doutons pas qu'à ce titre il n’obtienne un réel et légitime succès. à S'il nous était permis de signaler une petite lacune, nous demanderions pourquoi, dans un livre daté de 1891, il n’est pas parlé, à propos du cuivre, du pro- cédé Elmor qui paraît, en ce moment même, appelé à BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX jouer un rôle d’une certaine importance. Peut-être M. Knab a-t-il pensé que ce procédé avait moins d’ave- nir que certains intéressés affectaient de le croire ? En tout cas, l'oubli, volontaire ou non, n’est pas grave et ne touche pas à la valeur d’un ouvrage que tous les métallurgistes consulteront avec fruit. J. Poucer. Guye (Ph. A.). — A propos du covolume de l’équa- tion des fluides. — Le coefficient critique et le poids moléculaire des corps au point critique. — Ann. de chimie et de physique. Octobre 1890, (6), €. XXI. Comptes rendus, t. CX, p. 1#1 et 1128. — Arch. de Ge- nève, (3), XXII, p. 197. Bull. Soc. chim. €. LIL, p. 51. M. Guye a exposé dans cette Revuel les idées qui ont conduit à établir l’équation fondamentale des fluides, sous les différentes formes qui lui ont été données par MM. Van der Waals, Sarrau et Clausius. Cette équation, donnant avec les résultats expérimen- taux qu'ont fournis les belles recherches de M. Amagat, une concordance des plus remarquables, on peut dès maintenant songer à l'appliquer à des phénomènes plus complexes; en particulier, à l'étude des équi- libres chimiques. C'est en travaillant dans cette voie, que M. Guye à été arrêté par la difficulté d'obtenir, pour tous les corps considérés, la température ceri- tique et la pression critique, grandeurs qui entrent dans l'équation des fluides. Par une série de déduc- tions des plus ingénieuses, l’auteur est parvenu à rat- tacher ces paramètres à une grandeur plus facilement accessible aux mesures. Nous ne pouvons entrer ici dans le détail de cette démonstration; énoncons seulement le résultat ob- tenu : Le pouvoir réfringent moléculaire est proportionnel au volume vrai dune molécule supposée sphérique, et, par Suite, esl proportionnel au covolume de l'équation des fluides. Or, on déduit de l'équation de Van der Waals, que le covolume est proportionnel au coefficient critique, c’est-i-dire au rapport de la température critique ab- solue à la pression critique. Done: Le coefficient critique est proportionnel au pouvoir vé- fringent moléculaire. Il faut remarquer seulement que, d'après les hypo- thèses introduites dans le caleul, le pouvoir réfrin- gent moléculaire doit être déterminé pour une radia- tion de longueur d'onde infinie, Si l’on opère sur des corps ne présentant pas une trop grande dispersion, on peut représenter l'indice de réfraction par la for- mule de Cauchy : BAC LS SE PS et adopter par suite la valeur À pour une longueur: d'onde infinie, Le mémoire de M. Guye comprend un grand nombre de vérifications de cette formule, d'après les expé- riences de différents observateurs. Les pouvoirs réfrin- gents moléculaires variant dans le rapport de 1 à 8, leur rapport au coefficient critique ne varie que de 4 à 1,25, Il y a donc là une loi approchée nettement établie. Outre la confirmation des formules de Clausius et de Maxwell, qui résulte de cette vérification d'une de leurs conséquences, les faits rappelés ci-dessus conduisent à plusieurs résultats importants. Le plus intéressant est, sans contredit, la possibilité de calculer le poids moléculaire d’un corps au point critique, en fonction du coefficient critique et de Ja réfraction spécilique. C’est là une acquisition des plus utiles pour la chimie. On s'habitue trop facilement, en général, à considérer le poids moléculaire d’un corps comme une constante absolue, Il est infiniment probable, au contraire, que, dans nombre de cas, le poids moléculaire d’un corps varie avec les conditions extérieures, tout comme la 1 Voyez : Ph. A. Guye : L'éguation fondamentale des fluides dans la Revue, n° 12, 30 Juin 1890. 785 densité gazeuse ; etces modifications peuvent en en- trainer d’autres dans les réactions chimiques aux- quelles donne naissance le corps considéré, Il est donc très important pour la théorie des phénomènes chimiques, de pouvoir déterminer le poids moléculaire des corps dans des conditions très différentes, et, à ce point de vue, les résultats de M. Guye viennent fournir un complément utile à ceux obtenus par M, Raoult dans ses recherches sur les dissolutions, Georges CHarpy. 83° Sciences naturelles. Bigot (A.). — L’Archéen et le Cambrien dans le nord du massif Breton et leurs équivalents dans le nord du Pays de Galles. These de doctorat pré- sentée à la Faculté des Sciences de Paris. Le Maout, Cher- bourg, 1890, La thèse de M. Bigot qui comprend surtout la des- cription détaillée des assises sédimentaires les plus anciennes du massif armoricain, à spécialement pour objet l'étude d'une question dont la solution pouvait réaliser un grand progrès. A l’époque où il entrepre- nait ses études, de vives discussions restaient enga- gées pour savoir si ces assises, qui comprennent une puissante et très uniforme série de phyllades, dites de Saint-Lô, surmontées de poudingues avec schistes rouges associés, bien connus sous le nom de conglomérats pourprés, devaient former un ensemble soudé, rattaché au Cambrien, ou s’il importait d’at- tribuer aux phénomènes de transgression et de dis- cordance signalés entre ces deux assises, un carac- tère de généralité permettant de constituer avec les phyllades un étage à part : précambrien. Or c’est à cette dernière opinion, depuis longtemps soutenue ayec une grande autorité par M. Hébert, qu'on doit se rallier, Les observations suivies et détaillées de M. Bi- got permettent en effet de considérer désormais comme un fait acquis non seulement que les conglo- mérats cambriens, dans toute l’étendue de l'Armorique septentrionale, s'étendent en couches horizontales sur la tranche des phyllades archéennes redressées, mais que leur distribution vient attester l'existence, au mo- ment de leur dépôt, d’une terre émergée, occupant un vaste espace dans l’est du massif Breton. Ces données fort importantes, une fois établies avec un soin minutieux, el non sans difficulté, dans des régions où la rareté, la dispersion, parfois le manque absolu des affleurements complique singulièrement la tâche d’un observateur consciencieux, M. Bigot, fran- chissant la Manche, s'est appliqué à montrer que, dans le Pays de Galles qui devient, de l'autre côté du détroit, l’exacte contrepartie de notre vieille terre bre- tonne, des faits nombreux permettent d'établir un synchronisme rigoureux entre les phyllades de Saint- Lô et les couches pébidiennes plus complexes, qui sedéveloppent entre les gneiss et les conglomérats pourprés du cambrien inférieur ; de plus, une discor- dance tranchée introduit de même une séparation, bien marquée entre ces deux sortes de dépôts. Ainsi se vérifie et s'impose, sans contestation possible, l’indi- vidualité d’un terrain Archéen, tel que l'avait déjà défini M. Hébert (Bull. de la Soc. géol., 3° sér. t. xrv, p. 713) et qui devient le premier terme de la série sé- dimentaire, Si maintenant à ces résultats déjà très importants on joint ce fait que M. Bigot, complétant cette fois les observations des géologues anglais, nous a fourni cette notion fort intéressante que la présence de galets de porphyres microgranulitiques et pétrosiliceux dans les conglomérats pourprés de la Hague et des îles d’Au- rigny, venait attester la présence sur notre territoire de coulées précambriennes de cette nature, coulées dont les affleurements sont aujourd’hui masqués sous la Manche; de plus, qu'en déterminant l’âge dévonien du granite de Flamanville, il a pu compléter les données précédemment acquises sur les diverses phases d’émis- 186 BIBLIOGRAPIHE. — ANALYSES ET INDEX sion des granites en Bretagne, on verra que ce travail, dont nous n'avons pu donner ici qu'une très courte analyse, aura largement contribué à accroître nos connaissances sur la géologie du massif armoricain. Ch. VÉLAIN. Flahault (Ch.) Professeur de l'Université de Montpellier — L'Institut botanique de Montpellier. Notice ac- compagnée de plans et d’une photogravure. Impr. G. Firmin et Montane. Montpellier, 1890. Tous ceux qui ont eu l’occasion de faire des recherches de botanique au Muséum d'histoire naturelle de Paris savent quels sont les multiples inconvénients de la sé- paration absolue des chaires et des locaux, Pour ne ci- ter qu'un exemple, je connais telle publication très coù- teuse qui existe à la fois à la bibliothèque générale du Muséum et dans les bibliothèques spéciales de plusieurs laboratoires, Mais une telle organisation n’entraine pas seulement des dépenses inutiles : elle sépare trop net- tement les diverses branches de la botanique par une. localisation étroite des moyens d'étude. L'administration supérieure a eu l’heureuse idée de réunir sous le nom d’Institut botanique les divers services de botanique de la Faculté des Sciences, de la Faculté de Médecine et de l'Ecole de Pharmacie de Montpellier; et cette réunion n’est pas seulement nominale, car les laboratoires, les bibliothèques, les collections, en un mot tous les moyens d'étude sont venus s'ajouter et se fusionner dans l'installation nou- velle que M. Flahault nous décrit et qui s'élève aujour- d’hui au milieu du Jardin botanique de la ville. L’Institut botanique comprend trois bâtiments très rapprochés : l’un est consacré à l’enseignement; le second est occupé par les laboratoires de recherches et les cabinets d’études des professeurs; enfin le troi- sième est occupé par les collections qui se trouvent ainsi centralisées sous la main des travailleurs appar- tenant aux trois Facultés. L'aménagement des locaux ne paraît rien laisser à désirer, car l’Institut botanique a été édifié directement sur les plans dressés pas les professeurs intéressés sous l'intervention des archi- tectes officiels; résultat : les dépenses d’installation et de construction ont été réduites au minimum. M. Fla- hault, le principal organisateur de l’Institut botanique, a eu la modestie de taire ces détails, qui ont bien leur importance et qui lui font grand honneur. Henri LECOMTE. Ville (Georges) Professeur au Muséum. — La produc- tion végétale et les engrais chimiques. Conft- rences agricoles faites au champ d'expériences de Vin- cennes. 3° édition. Un vol. gr. in-8& avec planches et ligures dans le texte, G. Masson, Paris, 1891. M. Georges Ville donne une troisième édition des conférences qu'il a faites à Vincennes en 1864; cette publication est intéressante et mérite qu'on s’y arrête. M. Georges Ville a consacré sa vie scientifique à éta- blir que les plantes assimilent l'azote libre de l’at- mosphère et à montrer que l’agriculture peut tirer grand profit des matières salines, sels ammoniacaux, nitrates, phosphates, sels de potasse, qui ont recu le nom d'engrais chimiques; la suite lui a donné raison : nous sayons aujourd'hui que certaines plantes assimi- lent, en effet, de l'azote libre; l’agriculture utilise les engrais chimiques; par conséquent le temps a justifié les idées émises par M. Georges Ville, il y a trente ans; et cependant, son œuvre est encore contestée; il est in- téressant d’en chercher la cause; la publication de la production végétale peut nous y aider, La fixation de l’azote atmosphérique par les végétaux, signalée par M. Georges Ville dès le début de ses études, a été nice partout pendant de longues années ; elle n’a été admise qu'après les expériences récentes de MM. Hellriegel et Wilfarth. C’est qu’en effet M. Georges Ville n’a pas su établir les conditions dans lesquelles les Légumineuses fixen cet azote ; il n’a pas montré que cette propriété n’ap_ paraît clairement que dans cette seule famille, de telle sorte que toutes les expériences de vérification qu'on a tentées en s'adressant, comme l'avait fait M. Georges Ville lui-même, à des plantes quelconques, échouaient, et l’opinion se rangeait du côté de Boussingault qui avait essayé à bien des reprises différentes de répéter les cultures de M, G. Ville sans pouvoir en obtenir les résultats qu'il avait signalés, On en conçoit facilement la raison aujourd'hui; il est manifeste que Boussin- gault avait stérilisé avec grand soin ses sols, ses graines ; et dans ces conditions l’azote atmosphérique, en effet, n'intervient pas. Il est probable que M. Georges Ville n'avait pas opéré avec les mêmes précautions, et que la chance à voulu que, plusieurs fois, dans ses expériences sur les lupins, les germes des microbes fixateurs d'azote qui déterminent sur les racines l’ap- parition des nodosités, aient pénétré dans ses appareils et y aient déterminé les effets que nous savons repro- duire aujourd’hui à volonté. M. Georges Ville croyait que l'assimilation de l’azote a lieu par les feuilles; nous savons aujourd’hui qu’elle se fait, dans les cas où elle est nettement établie, par la racine ; si donc M. Georges Ville a vu cette fixation, s’il a décrit avec soin et exactitude les plantes, passant par la période de faim d'azote, chétives, à tige mince et grèle, montrant tout à coup une vigueur inattendue, devenant luxuriante, portant fleurs et fruits, — il n’a jamais su obtenir ce résultat à volonté et n’a même pas nettement séparé, au moins dans la publication actuelle, les plantes fixatrices d'azote, de celles qui paraissent emprunter fout leur azote aux combinai- sons qu’elles rencontrent dans le sol, et l’on concoit comment l'opinion lui a été si longtemps contraire. Si tous les agronomes de la première moitié du siècle, Liebig, Boussingault, Kuhlmann, Lawes et Gil- bert ont montré l'influence décisive qu'ont sur la croissance des végétaux les matières salines, M. Geor- ges Ville a plus que tout autre contribué à les faire employer par les praticiens: déjà dans le volume qu'il réimprime aujourd'hui on voit des rendements considérables obtenus par les agriculteurs avisés qui avaient dès le début suivi M. Georges Ville et utilisé ses formules d'engrais. \ Mais à celte époque les échecs ont été aussi très nombreux; on ignorait que les engrais chimiques, ré- pandus à profusion sur certains sols, y exercent une influence physique fâcheuse; employés sans discerne- ment, ils étaient bien loin de toujours réussir; aussi il ya vingtans, n'étaient-ils pas utilisés couramment comme ils le sont aujourd'hui; on n'avait pas vu à cette époque qu'il convient de les employer concur- remment avec le fumier de ferme, et que c'est seule- ment par l'association de ces fumures variées que la réussite est assurée. ' Les cultivateurs de 1890 sont autrement actifs, ins- truits que ceux de 1860; pour décider ceux-ci à es- sayer quelque chose de nouveau, il fallait parler haut et fort; c’est à cela qu'excelle M. Georges Ville; ses conférences du champ d'expériences de Vincennes ont puissamment aidé à cette propagande ; débarrassée des exagérations qui avaient suscité des polémiques vio- lentes, cette propagande a été utile; si aujourd'hui il n'est guère de grande culture où n’entrent les nitrates, les sels ammoniacaux et les superphosphates, cela est dù sans doute aux efforts récents des agronomes tels que MM. Lawes et Gilbert, Wagner, Muntz, Gran: deau, Joulie et autres, mais surtout aux écrits de. M. Georges Ville ; il serait injuste de ne pas le recon- naître, et la publication des conférences de Vincennes est là pour le rappeler. W. H. Girard (Aimé) Professeur au Conservatoire des Arts et Métiers et à l’Institut agronomique. — Recherches sur la culture de la Pomme de terre industrielle et fourragère.— Annales agronomiques, Tome X VI, p.145. Les distilleries d’outre-Rhin font un usage presque exclusif, pour la fabrication de l’alcool, de pommes de BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX 187 erre à grands rendements et riches en fécule, tandis qu'en France, leur emploi est presque nul. M. Aimé Girard a reconnu que ces différences sont dues à l’in- fériorité de la culture de la pomme de terre dans notre . pays; ému à juste titre de la mauvaise situation ainsi créée à nos distilleries par la concurrence allemande, l’éminent professeur du Conservatoire s’est occupé de chercher un remède à cet état de choses. Le but qu'il a poursuivi est la production sur une surface donnée de la quantité maxima de fécule que la pomme de terre peut produire. Ces recherches s'appliquent à la fois aux pommes de terre de distillerie, de féculerie et à celles destinées à l'alimentation du bétail, La variété dont s’est surtout occupé M. A. Girard comme donnant les meilleurs résultats dans ce sens est la « Richter’s Imperator » dontles rendements moyens en Allemagne sont de 35.000 à 40.000 kilogr. à l’hectare avec une ri- chesse de 18 à 20 0/; de fécule, tandis que les meilleures récoltes des espèces cultivées dans notre pays ne dé- passent généralement pas 18.000 kilogr. Le Mémoire de M. Aimé Girard contient, non seulement les résul- tats qu'il a constatés à Joinville-le-Pont et à Clichy- sous-Bois, mais encore ceux obtenus par une quaran- taine d’agriculteurs de divers points de la France, Dans une série de chapitres fort intéressants à consulter, il passe successivement en revue l'influence des facteurs suivants : nature du terrain, labours, engrais, régula- rité de la plantation, date de la plantation, espacement du plant et choix, fragmentation des tubercules, date de la récolte. La nature du terrain influe fort peu sur les rende- ments; d'excellentes récoltes de 30.000 à 40.000 kilogr. à l’hectare ont été obtenues sur des terres absolument différentes; la seule condition importante est d’avoir un sol bien ameubli. M. Aimé Girard a signalé depuis longtemps l'impor- tance des labours profonds pour la culture intensive de la pomme de terre; de nouveaux faits vienn nt à l’ap- pui de cette assertion; c’est ainsi qu’une terre défoncée à 0%, 50 a donné ##.000 kilogr. de tubercules à l’hec- tare tandis qu'un sol labouré à 0,18 n’en a donné que 20.000 kilogr. Contrairement aux faits constatés par M. Dehérain à Grignon, l’auteur croit que les engrais employés abondamment sur une culture de pommes de terre sont rémunérateurs et cite plusieurs exemples à l'appui. La régularité de la plantation influe très notablement sur les résultats; quant à l’espacement du plant, à la suite d'essais nombreux effeclués par M. A. Girard et ar ses collaborateurs, le nombre de 330 paquets à ’are paraît être celui qui donne les meilleurs rende- ments. Pour le choix du plant, l’auteur renvoie à l'étude qu'il en a faite dans ses Recherches sur la culture de la + pomme de terre et rappelle que pour la variété « Richter’s Imperator », la grosseur moyenne du plant doit être de 100 grammes environ. Quant à la fragmentation des tubercules de p'ant, M. A. Girard s'élève avec force contre l’abus que font de cette pratique certains cultivateurs et ne l’admet que dans le cas où, sans & préoccuper de l'intensité de la récolte proportionnellement à la surface, on recherche la production d’une quantité de plant consi- dérable, M. Pagnoul, à Arras, a exécuté à ce sujet des expériences comparatives qui montrent combien sont justes les observations de M. Girard : tandis qu’une .parcelle ayant recu des tubercules entiers donne 30.000 kilogr. à l’hectare, une parcelle voisine ayant recu des tubercules coupés ne donne que 20.000 kilogr. La meilleure époque pour la plantation est le com- mencement d'avril, L'auteur conseille enfin de reculer la date de la récolte jusqu’à la dernière limite; c’est ainsi que des récoltes précoces dans d’excellents ter- rains n’ont donné que 28.000 à 30.000 kilogr. de tuber- cules à l’hectare tandis que l’arrachage tardif fait à Joinville-le-Pont a fourni à M. Aimé Girard 39,000 kilogr. à l’hectare, A. HÉBERT. Perrier (Edmond), Professeur au Muséum. — Traité de Zoologie (premier fascicule, Zoologie générale, 411 pages, 458 fig.). Paris, Savy, 1890, © Le Traité de zoologie de M. E. Perrier, dont la li- brairie Savy vient de publier le premier fascicule, est destiné à remplacer pour les lecteurs francais le Traité classique de Claus, dont les éditions francaises sont faites sur un texte allemand datant déjà de 1881. En raison de l’étendue de cette entreprise, c’est seu- lement une première partie de l’ouvrage qui est pu- bliée aujourd’hui, celle qui a trait aux faits généraux de la zoologie. M. Perrier se propose de mettre en pratique la méthode des sciences physiques qui consiste à décrire les phénomènes en partant des faits élémentaires pour arriver aux plus compliqués. Il s'élève contre la mé- thode inverse, consistant à rapporter les animaux aux plus élevés d’entre eux, comme étant les mieux connus, Dans le premier chapitre, sont étudiés les proto- plasmes et les éléments anatomiques en général, que M. Perrier, avec Hæckel, appelle plastides, réservant le nom de cellules aux éléments nucléés, « également déve- loppés dans toutes les directions et pouvant être sphé- riques, polyédriques ou étoilés ». L’attention est appelée spécialement sur les phénomènes de multipli- cation des plastides et sur l'indépendance des éléments anatomiques associés chez les animaux, fait qui explique tant de particularités des animaux inférieurs. Les animaux, considérés dans leur forme exté- rieure, indépendamment de toute idée de parenté, peuvent être construits suivant trois types de struc- ture : les Protozoaires, formés d’une seule plastide ou de colonies de plastides toutes semblables; les Phyto- zoaùes (les anciens Zoophytes), fondamentalement fixés, qui sont ramifiés ou rayonnés; les Arliozoaires (Arthropodes, Vers, Mollusques, Vertébrés), fondamen- talement libres et à symétrie bilatérale, Les modifica- tions, que des adaptations secondaires font subir aux formes appartenant à ces trois groupes, sont examinées, Le troisième chapitre montre un travail d'analyse analogue portant sur les parties internes du corps, les caractères les plus généraux des divers types de chaque appareil, les relations et les différences qui existent entre ces types. Comme suite naturelle à cet examen général de l’or- ganisation des adultes, une étude semblable du déve- loppement embryogénique était nécessaire, Après la description des éléments reproducteurs, des phénomènes intimes de la fécondation, des diffé- rents types de segmentation, des premières formes de lembryon (blastula, gastrula, etc.), interviennent pour la première fois les principes de la doctrine transformiste, principes fondés pour une grande part sur les recherches embryogéniques, M. Perrier montre ce qu'on entend par embryogénie normale, condensée ou dilatée, et fait voir les modifications introduites dans le développement par l'adaptation à la vie sédentaire ou l'apparition des enveloppes de l'œuf. Les tissus sont étudiés à un point de vue général, l’histologie devant entrer pour une grande part dans l’étude ultérieure des groupes. Après l’étude de la forme et de la structure des or- ganes, vient l'examen de leurs fonctions. Cette incursion obligée dans le domaine de la physiologie comprend : 1° l'étude chimique des substances existant dans l'or- ganisme ; 2° l’histoire de l’action des radiations calo- rifiques et lumineuses sur les êtres vivants, et celle de la production de chaleur et de lumière dans l’orga- nisme ; 3° l'électricité animale; 4° l’influx nerveux. Le chapitre relatif à la question de l’Espéce doit at- tirer spécialement l’attention. Toute la théorie trans- formiste est naturellement exposée dans ce chapitre, où sont particulièrement développés les exemples d'adaptation. La variabilité des espèces étant éta- blie, onpeut rechercher comment un type, une fois constitué, se modifie par changement de milieu, par 7188 BIBLIOGRAPHIE. — ANALYSES ET INDEX perte de fonction de certains organes, par parasitisme. La sélection sexuelle, la castration parasitaire trou- vent leur place naturelle dans cet exposé, qui se termine par l'étude rapide de l'instinct et de l intel- ligence et des données fournies par la paléontologie. IL était impossible d'indiquer en détail toutes les classifications qui ont été présentées pour l’ensemble do règne animal. M. Perrier expose et discute les plus célèbres, Il en propose une nouvelle fondée sur divers principes. En première ligne intervient le degré de complication organique (Protozoaires, Mésozoaires, Métazoaires). Ces derniers se divisent en cinq séries sans rapport de parenté les unes avec les autres, mais telles que les divers membres de chacune d'elles peu- vent être considérés comme dérivant de formes lar- vaires simples et irréductibles; ce sont : les Eponges, les Polypes, les Echinodermes, les Chitinophores, les Nephridiés. Une part très large sera faite dans les fascicules sui- vants aux figures prises dans les mémoires les plus récents : le but de l’auteur est, en effet, de donner le plus possible un apercu de l’état actuel d’une science qui progresse avec la plus grande rapidité. Félix BERNARD, 4° Sciences médicales. Hallopeau (H.). — Traité élémentaire de patholo- gie générale. 1 vol. in-8° J.-B. Baillière et fils, Paris, 3e édition revue et augmentée, 1890. Voilà déjà la troisième fois en cinq années que j'ai l’occasion de dire du livre de M. Hallopeau tout le bien que j'en pense. Trois éditions en un laps de temps si court, constituent certainement le meilleur éloge qu’on pourrait faire d’un ouvrage; un pareil succès n’est ré- servé qu'aux œuvres véritablement bonnes; l’éloquence du fait matériel dispense de commentaires. Je n'aurais donc qu’à louer l’auteur et à le féliciter de nouveau de son succès, si je n'avais pas aussi pour mission de ren- seigner le lecteur sur les additions et les nouveautés qui font le mérite personnel de cette troisième édition. Dans une analyse de ladeuxièmeédition, présentée à une autre place, je faisais remarquer que M. Hallopeau n'adoptait les idées microbiennes et les doctrines de Pasteur qu'avec quelques réticences et en quelque sorte avec une arrière-pensée. Ce défaut a disparu en- tièrement de la troisième édition, et certes les chapi- tres consacrés à l’étude des maladies infectieuses sont aussi étendus qu'on peut le souhaiter, Les idées doc- trinales y sont exposées clairement et discutées avec un sens critique parfait, aussi éloigné des enthausias- mes naifs que du dénigrement systématique, en somme au moyen du véritable esprit scientifique. El certes ce n’a pas dù être une mince difficulté pour l’auteur de condenser d’une facon aussi parfaite un nombre de faits si considérable. L'histoire des lésions causées par les microzoaires à donné aussi lieu à d’amples développements soit en ce qui concerne les parasites impaludiques de Laveran soit pour les organismes encore mal déterminés, infu- soires, psorospermies ou autres qui vraisemblablement donnent naissance à certaines formes de cancer. Dans les autres branches de la science clinique, M. Hallopeau n’a rien négligé pour mettre son ouvrage au courant des dernières découvertes. Les principales additions concernent surtout la neuro-pathologie, la chimie biologique et l’hématologie clinique. Tous ces sujets sont traités complètement, mais avec la sobriété de développements nécessaire pour ne pas transformer l'ouvrage en un traité de pathologie ordinaire : on se sent toujours en pleine pathologie générale et le prolit qu’en retire le lecteur est d'autant plus grand, L'auteur m'en voudrait de me livrer ici à un pané- gyrique de son livre; je résumerai mon impression générale en disant que son ouvrage est bien fait, agréable et surtout utile à lire; on-ne saurait, je pense, en faire un meilleur éloge. D: H. Dugrer. Astley Gresweel (D'). —Contribuution à l’his- toire de la scarlatine d’après les observations prises pendant l'épidémie de Londres (1887-1888), Oxford at the Clarendon Press. 1890. L’auteur,après une intéressante revue historique sur les précédentes épidémies de scarlatine qui ont sévi en Angleterre, expose les traits principaux de l’épidé- mie de 1887-1888 relativement au nombre, à l’âge et aux autres conditions personnelles des malades observés ainsi qu'à leur hospitalisation et au traite- ment qu'ils ont suivi. M. Astley Gresswell s’est ensuite étendu avec beaucoup de détails intéressants sur les divers symptômes de la maladie, principalement sur lalbuminurie, mais en insistant beaucoup sur les ariations qui survenaient dans ces différents signes paraissant en rapport avec les vicissitudes des saisons. Ces observations ont conduit l’auteur à émettre cer- taines hypothèses curieuses sur les relations qui pour- raient exister entre la variation des saisons et les changements survenus dans l’évolution normale de la maladie, C’est en somme une étude patiente et atten- tive d'une épidémie de scarlatine qui apportera une importante contribution à la connaissance de la ma- ladie. D° H. Duster. Farnier et WVignal (W.) — Recherches expérimen- tales sur l’action de quelques antiseptiques sur le Streptocope et le Staphylococcus pyogenes aureus, Arch. de médecine expérimentale, 1890, n° &, p. 469. MM. Tarnier et Vignal ont institué 8 séries d’'expé- riences pour étudier l’action d’un grand nombre d’an- tiseptiques sur le streptococcus pyogenes et le staphy- lococeus pyouenes aureus. Les sept premières séries sont des expériences de laboratoire dans lesquelles ils ont étudié in vibro, de la façon la plus complète, les différentes substances employées ou préconisées en obstétrique, pour assurer l’asepsie de la plaie utérine. Le dispositif de ces différentes expériences a été varié, de facon à se rapprocher le plus possible des données de la pratique. C’est ainsi que l'expérience classique de Koch, faite à l’aide de fils de soie imbibés d’une eul- ture charbonneuse, puis portés dans les différents mi- lieux antiseptiques, a été répétée, puis modifiée d’une facon très ingénieuse.,Au lieu de fils de soie, MM.Tarnier et Vignal ont employé des morceaux de flanelle imbibés ou non de substances albumineuses et dans les anfrac- tuosités desquels les microbes peuvent résister à la destruction mieux qu’à la surface d’un corps imper- méable. La 8° série porte sur la valeur pratique de quelques-uns des antisepliques que les précédentes re- cherches avaient montré être les meilleurs et qui ne présentaient pas d’inconvénients. On recueillait sur un petittampon d'ouate stérilisée deslochies dans le col de l’utérus, aussitôt après linjection intra-ulérine, qui est de règle, à la Clinique d’accouchements, immé- diatement après la délivrance. Ce tampon d’ouate était ensemencé dans du bouillon. Si ce bouillon restait clair, les lochies étaient stériles. Les conclusions d’une importance pratique extrême auxquelles sont arrivés MM. Tarnier et Vignal sont les suivantes : » Le plus puissant antiseptique à une dose faible et par conséquent très peu dangereuse est le bichlorure de mercure; viennent ensuite l'acide phé- nique et le sulfate de cuivre, puis le biiodure de mer- cure, enfin le permanganate de potasse, L’antisepsie presque parfaite ne peut s’obtenir qu'en pratiquant au moins une injection intra-utérine après la déli- vrance; sion se contente d'injections vaginales, l’anti- sepsie est aléatoire, » Ces intéressantes recherches sont la consécration expérimentale de l'excellence des pratiques antiseptiques que M. le Professeur Tarnier a inaugurées depuis longtemps en obstétrique et qui ont fait disparailre presque complètement dans les Maternités la mort par infection puerpuérale, Dr KR. Wonrz, ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 789 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 8 décembre 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Sylvester : Preuve que + ne peut pas être racine d’une équation aigébrique à coefficients entiers. — M. Jules Cels: Sur une classe d'équations différentielles linéaires ordinaires. — M. Dautheville : Sur une transformation de mou- vement. — M. Mouchez : Observations des petites planètes, faites au grand instrument méridien de lOb- servatoire de Paris, du 1°° octobre 1889 au 28 mars 1890, par MM. Callanäreau, Barré et Boquet. — M. L. Pi- cart et Courty : Observations de la comète Zona faites au grand équatorial de l'Observatoire de Bordeaux, — M. Ch. André : observations de passage des satellites de Jupiter et d’occultations d'étoiles, faites au pic du Midi, pour étudier les modifications que subissent à cette altitude les phénomènes du ligament lumineux et de la visibilité apparente à travers Jupiter ou la Lune. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Amag'at décrit sommai- rement l'appareil dont il se sert pour l'étude de la com- pressibilité et de la dilatation du gaz dans le cas des températures élevées. Il donne les “résultats pour les saz : hydrogène, oxygène, azote et air. — M. Mascart présente un travail de M. ‘A. de Tillo intitulé : Répar- lition de la pression atmosphérique sur le territoire de l’empire de Russie et sur le continent asiatique, d’après les observations depuis 1836 jusqu'à 1885. — M. H. Meslans à obtenu le fluorure d’allyle par l’action de l’iodure d’allyle sur le fluorure d'argent sec; il étudie quelques-unes des propriétés de ce corps qui est gazeux à la température ordinaire. — M. A. Colson : Sur d'- verses réactions endothermiques et exothermiques des alcalis organiques. — M- Ch. Lauth en oxydant la diméthylaniline par le bioxyde de plomb a obtenu non le violet de Paris, mais la tétraméthylbenzidine, qui, sous l’action d’oxydants divers, donne une matière co- lorante verte, instable, qui se redécompose facilement et même spontanément en tétraméthylbenzidine et oxygène actif, — M. Balland a constaté que les extraits de viande attaquent le plomb des boites de conserve, quelle que soit la proportion de ce métal dans l’alliage. 3° SCIENCES NATURELLES. — M, Joannès Chatin Contribution à l'étude du noyau chez les Spongiaires. — M. Ranvier en étudiant la membrane du sac lym- phatique qui entoure l’æsophage de la grenouille, a pu faire des observations nouvelles sur les cellules endo- théliales, les cellules conjonctives proprement dites, qui s s’anastomosent entre elles, les clasmatocytes, les terminaisons nerveuses, qui affectent la forme d’anses fermées passant peu à peu à celle d’un bouton imper- foré., — MM. Topsent et Trouessart : Sur un nouveau genre d’Acarien sauteur (Nanorchestes amphibius). — M. Daubrée JÉSRURE la théorie des diatrémes. (Voir Comptes-rendus du 24 novembre, n° 23 de cette Revue.) La formation des cheminées des volcans qui sont géné- ralement disposés suivant des lignes de failles, ne s'expliquent bien que par l'action érosive du ‘gaz, séchappant des profondeurs sous forte pression; les matières rejetées par ces diatrèmes ont ensuite donné naissance aux cônes volcaniques. Bien souvent des coulées de roches éruptives, telles qne le basalte, sont superposées à un cylindre vertical de la même roche ; on doit admettre que ce cylindre 1 s pres enle le mou- lage d’un diatrême par où est montée la substance fondue. D'autres fois, des colonnes de brèches isolées .-par le ravinement des couches stratifiées qui les en- touraient, représentent exactement le remplissage d'une cheminée diamantifère du Cap; telles sont les roches des environs du Puy. Le phénomène est donc général ; il résulte d’une action verticale ascendante, s'opposant ainsi aux phénomènes orogéniques ordi- naires, qui sont linéaires et résultent de pressions horizontales, — M. Ch. Déperret et V. Leenhardt ont fixé l’âge des sables et argiles bigarrés du Dauphiné ; ces couches que les auteurs proposent de nommer horizon de Mérindal, sont, au sud de la Durance, inter- posées entre le calcaire de Rognac (danien sup. }et le calcaire à Bulimus Hapei (éocène moy.); elles repré- sentent donc l’éocène inférieur, Séance du 15 décembre 1890 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Trouvé : Sur une modification du gyroscope électrique destiné à la rec- tification des boussoles marines, — M. E. Levasseur : Relation générale de l’état et du mouvement de la po- pulation. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M, Gouy. qui a étudié la propagation anormale des ondes lumineuses, montre que cette notion doit être étendue aux ondes sonores. Si l’on traite la question théoriquement en partant des expressions générales des ondes sphériques isotropes, on voit que la propagation de ces ondes n’est normale que lorsque le rayon est suffisamment grand, et que très près des centres d'ébranlement, il y a une vitesse J Ë À de propagation dépassant la normale de _ Il se pro- c° pose de vérifier expérimentalement ce point pour les ondes sonores, — M. A. Carnot indique un procédé pour la recherche de très petites quantités d'aluminium dans les fontes et les aciers ; l'alumine peut être pré- cipitée intégralement à l’état de phosphate neutre, par ébullition dans une liqueur faiblement acétique, même en présence d'une grande quantité de fer qui n’est pas précipité, s'il a été réduit à l’état de sel ferreux, — M. A de Schulten : Sur la synthèse de la kainite et de la tachydrite de Stassfurt. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. F. Viault a constaté dans une station des Andes située à près de #,400 mè- tres d'altitude que les habitants possèdent dans leur sang une proportion de globules rouges supérieure de moitié à la normale ; l'acclimatation produit très rapi- -dement la même augmentation chez les voyageurs qui séjournent à la station. — M. E. Canu décrit le déve- loppementdes Copépodes ascidicoles : les Notadelphydes présentent les stades Nauplius, Mutanaiplius et Cyclo- poide ; à la fin de ce stade, ïls pénètrent chez leurs hôtes et subissent la régression de la vie sédentaire. Chez les Enterocalidés, le dév eloppement est très abrégé ; on ne trouve mème pas le stade Mutanauplius ; il y a des différences sexuelles considérables signalées par l'auteur dans une note précédente (Comptes-Rendus séance du 17 novembre). — M. Guignard indique la distribution du myronate de potasse et de la myrosine dans la graine, pour l’ensemble de la famille des Cru- cifères. Le ferment et le glucoside sont en général con- tenus dans des cellules distinctes de l'embryon, affec- tant les mêmes rapports que dans les tissus de l’ adulte : quelquefois le ferment est localisé exclusivement dans le tégument séminal, Ilest toujours en grand excès sur sur le glucoside, qui manque dans quelques cas; chez le Lepidium sativum, il est remplacé par un autre glu- coside dont le dédoublement donne naissance, au lieu du sulfocyanate d'allyle, au nitrile de l'acide x toluique. — M. L., Mangin, étudiant la structure de la membrane cellulaire des Peronospora a reconnu que les organes 7190 ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES contenus dans les tissus de l'hôte ont une membrane formée de cellulose et de callose, tandis que celle des organes aériens est formée de cellulose pure. — M. Prillieux rappelle que, dès 1879, il avait, dans une note communiquée à la Société botanique signalé à propos des tubercules radiculaires des Légumineuses, diverses particularités qui ont été confirmées depuis. — M. Venukoff annonce que les chiffres obtenus dans les sondages effectués dans la mer Noire en 1890 par une mission russe permettent de lui attribuer la forme générale d’un bassin à fond plat, avec une profondeur maxima de 2,200 mètres correspondant à peu près au centre géométrique. M. Mallard est élu membre de la section de Miné- ralogie. Séance du 22 décembre 1890 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. G. Humbert: Sur les normales aux quadratiques. — M. Félix Lucas : Réso- lution électro-magnétique des équations. — M. A Cay- ley : Sur les surfaces minima, —P. F. Denza : Période météorique du mois de novembre 1890. 2° SGIENCES PHYSIQUES. — M. A. Cornu à étudié les photographies du spectre solaire obtenu par M. ©. Simony au pic de Ténériffe (3700 m) au point de vue de la portion ultra-violette; comme les expériences antérieures de M. Cornu le lui faisaient prévoir, la limite ne recule que très lentement à mesure qu'on s'élève dans l’atmosphère terrestre; néanmoins, ces clichés donnent nettement la région comprise entre # et U, et permettent de dépasser un peu U; pour réparer ces photographies, M. Cornu s’est servi des raies de fer volatilisé dans l’arc électrique. — M. F. L. Perrot : sur la réfraction et la dispersion dans les cristaux des sul- fates doubles du zine avec K, Rb, Cs, TI et Ac Hi, — M. Berthelot montre d’après divers textes que les or- fèvres du moyen âge calculaient le titre des alliages d’or et d'argent d’après la densité déterminée par la balance hydrostatique ; cette méthode rémonte proba- blement à l'antiquité grecque; la notion précise de densité n’existait pas, on avait pourtant fixé les poids des divers métaux et alliages qui prenaient la place d’un poids donné de cire ; ces densités par rapport à la cire sont assez exactes. —M. A Joly a étudié une nouvelle série des combinaisons ammoniacales du ru- thénium dérivées du chlorure nitrosé., — M. A. Besson rectifie la formule de la combinaison du gaz ammo- niac avec le trichlorure de phosphore en PCB, 5 AzH3; il a formé et déterminé les combinaisons PCI, 8 Az H et P. Br5, 9 Az H3, — M. M. Nicolas indique que pour ia préparation de lacide phosphorique, il est avanta- geux d'employer l'acide fluorhydrique ou l'acide sulfu- rique pour l'attaque des phosphates de chaux. — M. Ch. Lauth a reconnu que la plupart des amines aromatiques donnent par l’action du bioxyde de plomb une réaction colorée analogue à celle qu'il a signalée pour la dimèthylaniline; ces réactions peuvent servir à caractériser de très petites quantités de ces amines. — M, R. Brulli: une solution alcoolique de nitrate d'argent donne avec les différentes huiles une colora- tion caractéristique pour chacune d'elles — D. Pedro Augusto de Saxe-Cobourg-Gotha signale la présence du nickel à l’état de sulfure (millérite) dans un minérai du Brésil, — M. F. Gonnard a reconnu dans la basalte des environs de Montbrison une nouvelle zéolithe pour laquelle il propose le nom d’'Offretite. —M. À. Lacroix : sur les enclaves du trachyte de Menet (Cantal), leurs modifications et leur origine. M. G. Jeannel décrit un tornado. qui a eu lieu le 18 août 1890 en Bretagne et qui est remarquable surtout par l'intensité des phé- nomènes électriques, 30 SCIENCES NATURELLES. — MM. Straus, Chambon et Ménard : recherches expérimentales sur la vaccine chez le veau. —M.Chauveau fait remarquer qu’au point de vue de la détermination de la nature du virus, ces recherches laissent la question au point où il l’avait laissée en 1867; on sait simplement que l'agent infec- lieux est de nature corpusculaire. — M. L. Guinard : sur le chat, la morphine n’a nullement une action stupéfiante, mais bien une action excitante, — M. Milne-Edwards rapporte avoir observé cette action sur les grands félins du Muséum.— M. N. Wedensky : De l’action excilatrice et inhibitoire du nerf en dessé- chement sur le muscle. — M. J. Bonnier ramène les deux formes mâles constatées chez divers crustacés amphipodes, à deux stades successifs du développe- ment, — M. A. Malaquin à étudié la formation des stolons chez les autolytés (annélides), — M. J. Perez, en comparant la faune apidologique du Sud-Ouest de la France avec celle des régions voisines, conclut que ce sont surtout les conditions accidentelles qui déter- minent la localisation des diverses espèces d'Hymé- noptères mellifères. — M. A. Chatin étudie les diffé- rentes espèces des truffes comestibles de la France, — M. A. Romieux : Relations entre la déformalion ac- tuelle de la croûte terrestre et les densités moyennes des terres et des mers. — M. G. Rolland présente un essai de carte géologique du Sahara. — MM. A. Dele- becque et L.Legay ont déterminé par un grand nombre de sondages la topographie du fond du lac d'Annecy. — M,E. Durégne : Sur la distinction de deux âges dans la formation des dunes de Gascogne. L. Laricoue. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 9 décembre 1890, M. Moissan a toujours trouvé dans les échantillons d’eau de Seltz qu'il a analysés des quantités de plomb variant de 0%,0009 à 06.0028, qu'il attribue au mau- vais étamage des appareils et à la qualité de Palliage des têtes de syphon qui est trop chargé en plomb. — M. Motais (d'Angers) a constaté que les grands fauves qui naissent dans les ménageries ou y vivent après avoir été capturés peu après leur naissance sont myopes en raison de la continuité d’une vision rap- prochée, conséquence de la loi générale d'adaptation des organes à leurs fonctions habituelles. -— M. Boïs- seau du Rocher présente une note sur un nouveau procédé d’électrisation interne de l’estomac qui lui a donné de bons résultats dans le traitement de la dila- tation de cet organe. — M. Roussel au sujet de la dépopulation de la France comptle beaucoup sur un mouvement de réaction morale, et sur les progrès de l'éducation. La loi de 1874, qui porte son nom, a donné là où elle est appliquée d'excellents résultats par la protection de l'enfance. Les dépenses nécessitées par l'exécution devraient être obligatoires. —M. Lagneau ne croit pas que notre infécondité tienne à notre race comme l’a dit M. Hardy; contrairement à l'opinion de M. Brouardel, il pense que le gouvernement pourrait prendre des mesures efficaces. — M. Dieulafoy est élu membre titulaire dansla section de pathologie médicale. D' Ep, DE LAVARENNE. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 13 décembre 1890 M. A. Pilliet a étudié la structure du foie des Séla- ciens; les cordons de cellules hépatiques sont plus longs que chez les mammifères; ils sont flexueux et en- tourés d'une trame conjonelive épaisse; les cellules subis- sent progressivement la dégénérescence graisseuse. — M. N. Gamaleia a constaté que l'organisme du lapin détruit les toxines sécrétées par le vibrion de Met- chnikoff; injectées dans le sang à l'état de cultures stérilisées, ces toxines ne se retrouvent pas dans les urines ; la pulpe splénique, fraiche, ou tuée par une chaleur de 60° les détruit: le sérum jouit à un degré moindre de cette propriété. — MM. J. Héricourt et Ch. Richet étudient la toxicité des différents tissus des animaux; ils ont déjà déterminé la toxicité du sang ; ils viennent de constater que l'extrait alcoolique, soit du sang soit des autres tissus, n’est pas toxique. — A = ft ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 791 propos de cette communication M. Charrin, commu- nique le résultat d'expériences non encore terminées sur la toxicité du sang urémique; cette toxicité ne réside pas dans les matières solubles dans l’alcool, mais dans celles que l’alcool coagule et qui ne sont pas dialysables. — M. Mathias Duval a vu l’épithélium des cornes utérines, chez les souris, se régénérer après le part aux dépens des cellules conjonctives sous- jacentes; le fait n’est nullement paradoxal, si l'on considère que l’épithélium de l'utérus est d'origine mésodermique. — MM. Mairet et Bosc ont repris la question de la toxicité de l'urine; ils ont constaté à peu près les mêmes faits que M. Bouchard, mais avec des doses plus fortes, parce qu'ils ont fait leurs injec- tions plus lentement. — MM. Gilles de la Tourette et Cathelineau contestent que les recherches de MM. Voi- sin et Horant sur la composition des urines dans l'hys- térie infirment les leurs ; en particulier, ils retrouvent dans ces recherches l’inversion de la formule des phos- phates. — M. Laborde, a vérifié que les sels de stron- tiane ne sont pas toxiques et sont très diurétiques: il semble que la strontiane préserve de la putréfaction les tissus des animaux qui en ont absorbé des quantités considérables. — M. Montani : Des lésions vasculaires dans le carcinome et des rapports des alvéoles cancé- reux avec les lymphatiques. Séance du 20 décembre 1890, M. Brown-Séquard : il résulte de diverses expé- riences que le liquide testiculaire ingéré par la bouche est dépourvu de toute activité: l’action de cette subs- tance dans la phtisie pulmonaire doit s'expliquer par une dynamogénie générale et nullement par un pouvoir spécifique, — MM. Laborde et Meillière ont retiré du curare une substance cristallisée qui jouit des proprié- tés physiologiques caractéristiques du curare ; c’est un alcaloïde ; cette curarine est accompagnée de deux alca- loïdes très voisins, mais physiologiquement inactifs, qu'on ne peut séparer par la dialyse, la curarine tra- versant plus vite les membranes, — M. Straus a fait avec MM. Chambon et Ménard une longue série d’ex- périences sur le virus du cow-pox; en aucun cas, ni par aucun procédé, ils n’ont pu déceler de microbes. Le sujet a constamment été le veau. Le vaccin inoculé sur la cornée donne lieu à une tache laiteuse qui dureune quinzaine de jours : l’immunité n’est acquise qu'après 20 jours; elle survient au contraire rapidement à la suite de linoculation dans la chambre antérieure de l'œil. L’injection sous-cutanée du virus confère une immunité rapide, comme l'avait vu M. Chauveau. Entre les mains de cet auteur, le vaccin injecté direc- tement dans le sang, qui donnait sûrement ainsi l’im- munité au cheval, avec ou sans éruption, n'avait jamais produit d’effet chez la vache. Les veaux traités ainsi par M. Straus ont été vaccinés. Le sang d’un veau en pleine éruption vaccinale, transfusé à un veau sain, peut lui conférer l’immunité à condition que la quantité de sang transfusée soit considérable (plusieurs kilogram- mes); le sang d’un veau jouissant de l’immunité, mais guéri de son vaccin, ne peut transmettre l’immunité à un autre, quelle que soit la quantité transfusée, Enfin, le vaccin filtré, injecté sous la peau à la dose de plu- sieurs centimètres cubes, reste absolument sans effets. — M.:A. Treille : technique de l'examen du sang dans limpaludisme, objections à la théorie des hémato- zoaires. — MM. Bertin et Pic communiquent des expé- riences commencées par eux il y a longtemps sur la transfusion du sang de chèvre comme moyen de donner aux lapins l’immunité contre la tuberculose; les résultats ayant été positifs, ils ont dans un cas injecté du sang de chèvre dans le tissu cellulaire sous-cutané d’un phtisique, et obtenu une amélioration, L’immu- nité naturelle de la chèvre contre la tuberculose la recommande comme sujet vaccinifère, — M. Suarez Mendoza dépose un travail dans lequel il a rassemblé un très grand nombre de cas d’audition colorée. L. LAPICQUE. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 19 décembre 1890. M. d’Arsonval regrette de n'avoir pu assister à la dernière séance : il aurait fait immédiatement remar- quer qu'il se sert, depuis 1885, pour produire l’oxygène nécessaire à ses expériences sur la respiration, d’un vol- tamètre en tôle tout à fait semblable à celui qu'a dé- crit M. le commandant Renard, Si M. d’Arsonval n’a pas communiqué son procédé à la Société, c’est qu'il apprit, quelque temps après l'avoir imaginé, qu'il avait lui-même été devancé par M. Latchinoff, — M. Caïlletet indique le procédé qu'il emploie pour souder aux gar- nitures métalliques les tubes de verre des appareils destinés à supporter de fortes pressions. Sur le verre chauffé à 50°, il dépose avec un pinceau une couche d’une solution de chlorure de platine bien neutre dans l'huile de camomille ; en chauffant ensuite au rouge sombre, on obtient sur le verre un dépôt très adhérent de platine que l’on peut ensuite recouvrir de cuivre par voie eléctrolylique. On a alors affaire à un véritable tube de cuivre que l’on peut souder à la ma- nière ordinaire. La soudure ainsi obtenue est d’une so- lidité remarquable : elle résiste aisément à des pressions de 400 atmosphères — M, With-Schmidt présente un chronomètre qui donne le millième de seconde : une aiguille marque le ? de seconde, un autre tourne en £ de seconde sur un cadran spécial divisé en 200 parties. Le balancier de cet appareil décrit une oscillation cir- culaire, M. Caspari fait remarquer que ce diposilif est sujet à des causes d'erreurs que ne comporte pas l’'emploid’un balancier pendulaireet l’on ne peut songer à mesurer un intervalle de temps un peu considérable, au 4 de seconde, avec l'appareil de M. Schmidt, qui cependant, rendra cerlainement de grands services dans la mesure des courtes durées. — M. Dufet explique comment il est arrivé, à l’aide de son microscope pola- risant, à mesurer les constantes optiques d’un cristal triclinique : il a obtenu la position des axes avec une précision an moins dix fois plus grande que les précé- dents expérimentateurs, à 2 ou 3 minutes près, En par- ticulier, il a étudié le bichomale de potasse dont ila reconnu la transparence absolue pour tout le spectre jusqu'à une raie déterminée, à partir de laquelle le cristal est absolument opaque. — M. Bouasse présente un appareil de M. Mascart destiné à mesurer, sur un même bloc de verre, les constantes élastiques de ce corps et les constantes de la double refraction qu'il acquiert sous l'influence d’une compression. Lucien Poincaré. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 12 décembre 1890. MM. A. Pictet et Ankersmit ont obtenu la phénan- CS Hi — CH thridine | | C6 H* — A7 benzylidène-aniline. Ils ont pu en réaliser la synthèse par la réduction de l’acide orthonitrophénylbenzoïque. — M, Ch. Lauth a fait réagir l’oxyde de plomb sur une solution acétique des amines aromatiques, On obtient ainsi des réactions colorées qui permettent de les caractériser. Avec la diméthylaniline, on obtient la tétraméthylbenzidine, — M. Colson expose diverses con- sidérations sur les lois de Berthollet. — M. Linebarger a obtenu un hydrure de phénylanthracène dans l'action du chlor oforme sur le triphénylméthane. — M. Tissier décrit diverses butyl et isopropylbenzines obtenues par l'action des chlorures correspondants sur la ben- zine, — M. Lebel continue ses travaux sur le pouvoir rotatoire des chlorures ammoniques substitués Il cite des expériences relatives à 3 de ces corps renfermant deux radicaux égaux et indédoublables par les moi- sissures. M. Hanrior. dans l'action de la chaleur sur la 7192 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Séance du 11 décembre 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, W, D. Niven : Sur les harmoniques ellipsoidaux. — M. R. A. Sambson : Sur les fonctions de Stokes. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. W. Brennand commu- nique ses observations photométriques sur le soleil et le ciel, Il a essayé de déterminer pour les diverses hauteurs du soleil l’action exercée par lui sur du papier sensibilisé exposé sous des angles droits aux rayons solaires; il à essayé aussi de déterminer les Jois de distribution du pouvoir actinique dans le ciel. Il a constaté que l’action chimique du soleil est la mème à toutes les heures du jour et dans toutes les saisons de l’année; il a obtenu les mêmes résultats en Angleterre qu'à Dacca, Bengale Oriental. Des observa- tions faites avec un instrument construit spécialement à cet effet montrent qu'il y à dans le ciel un point d'intensité minima à 90° du soleil dans le plan de symé- trie, (Un plan vertical passant par le soleil partage toujours le ciel visible en deux portions exactement semblables. L'auteur appelle ce plan plan de symétrie.) On à pu aussi établir que si a est la hauteur du soleil et que x — 0,12, l'intensité lumineuse du ciel à un point à 6° du soleil sera donnée par la formule #4 cosec 0. La' valeur 4 cosec. 6 donne très exactement l’inten- sité lumineuse de tout point de tout grand cercle dont la distance au soleil est de 6 mesurée sur ce cercle. Pour toutes les hauteurs du soleil, l’action chimique du ciel est minima à tous les points d’un grand cerele dont le plan est à angle droit avec la ligne qui joint son centre à celui du soleil. — M. P. U. Picke- ring, à déterminé la chaleur spécifique et la cha- leur de fusion de quelques substances pour éprouver l'exactitude du zéro absolu de Person, Person à mon- tré que la chaleur de fusion doit diminuer à mesure que la température s’abaisse, l’abaissement par degré étant égal à la différence entre les chaleurs spécifiques du corps liquide et du corps solide, et que par consé- quent il doit y avoir une certaine température à laquelle la chaleur de fusion est nulle (Ann. chim. phys. HT vol. 21. p. 315, 1847.) Cette température est donnée par la formule { — Te dans laquelle { est le point de fusion de la substance, ! sa chaleur de fusion at,et Cet c sa chaleur spécifique à l’état liquide et à l’état solide, À cette température un liquide ne pour- rait geler, puisqu'il n’y aurait pas de différence entre lui et le solide, et Person conclut qu'il n'y aurait pas en lui de chaleur et que cette température serait le zéro absolu. Les déterminations ont porté sur diverses substances, et montré que cette température serait la même pour tous les corps, et qu'elle serait probable- ment de — 160° C. L'auteur appelle cette valeur, température de non cristallisation. Il a étudié à ce point de vue l'acide sulfurique, l'acide sulfurique moe nohydraté, le nitrate de calcium tétrahydraté, la ben- zine et la naphtaline. La table suivante indique les valeurs de { — déterminées par plusieurs séries x —C d'observations : Acide sulfurique monohydraté TEE 2 Naphtaline — 2140 Æ 50 Nitrate de calcium tétrahydraté — 2340 H9 Acide sulfurique — 3690 + 47 Dans le cas de la benzine, la chaleur spécifique est plus grande à l’état solide qu’à l’état liquide; aussi G-— c est-il une quantité négative, IL semble donc que l'idée de Person que la température de non cristalli- sation est de — 160° pour toutes les substances ne se vérifie pas. — M. et Mve W. Huggins, communiquent leurs recherches sur les étoiles à raies brillantes de Wolf et Rayet. Ils ont observé les spectres des trois étoiles, B.D.<+369, n° 4001, B. D, + 35°, n° 4013 et B.D. -- 36°, n° 3056 dans lesquels MM. Wolf et Rayet ont découvert des raies brillantes au milieu d’un spectre continu (Comptes-rendus, vol. 65, p. 292), et celui d’une étoile découverte par le D' Copeland en 1884. D. M +37, 3821 dont le spectre est semblable à celui des étoiles Wolf-Rayet. (Month. Not. de la Roy. Astr. Soc. vol. 45, p. 91). Ils ont constaté que pour l'étoile 4001, la bande brillante de la partie bleue du spectre va de à 465,5 à à 471,5; la partie la plus bril- lante de la bande va de À 468 à x 469 et l’éclat diminue presque soudainement à partir de cette longueur d'onde, Pour le n° 4013, la bande se compose de deux parties, l’une très brillante qui va de x 464 à à 466, et dont le maximum d'éclat est environ à À 464, l’autre très pâle de > 468,5 à 2 470,5. Cette bande d'éclat faible a son maximum d'intensité à son extrémité la plus réfrangible où elle se termine brusquement : L'étoile n° 3966 a son maximum d'éclat entre } 46% età 465. La bande secondaire qui va de À 468,5 à à 470,5 est plus faible encore d’éclat que celle du n° 4013. La bande bleue brillante du spectre de l'étoile découverte par le D' Copeland commence environ à à 467 et va à peu près jusqu'à à 470,5. Elle ne semble pas s'étendre vers le rouge tout à fait aussi loin que la bande du n° 4001. Il y à aussi une faible bande brillante de ) 464 environ à à 467. En examinant à nouveau le spectre du n° 4001, on voit qu'un faible éclat se montre à la même place que pour l'étoile précédente, c’est-à-dire dans la par- tie la plus réfrangible de la bande bleue des étoiles n° 4013 et n° 3956. RicnaArD A. GRÉGORY. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 28 novembre 1890 MM. le D' Gladstone et W. Hibbert : Note complé- mentaire sur les piles secondaires. Après avoir rappelé les points controversés relativement aux réactions qui se produisent pendant la charge et la décharge des accumulateurs, les auteurs font connaître les résultats de l’examen qu’ils ont fait de la substance rouge for- mée par l’action de l'acide sulfurique dilué sur le mi- nium ; le Dr Frankland pense que cette substance est un composé répondant à la formule Pb3S°010, L’a- nalyse brute montre que ce corps renferme 72 0} de plomb. Une partie de la substance est traitée par une solution d’acétate d’ammonium à 3 /, qui dissout le sulfate normal qu’elle peut contenir ; il reste alors un résidu plus foncé que la substance primitive et con- nant 82 9/7, de plomb; PbO? contient 86,6 0}, de plomb. La solution présente un rapport entre la quantité de Pb et celle de SO‘ qu’elle contient variant entre 2 et 2,15; PbSO‘ pur répond à un rapport 2,16, et le composé du D° Frankland à un rapport 3,23. Les au- teurs concluent que la portion dissoute n était pas un sulfate basique, et que, vraisemblablement, la subs- tance primitive n'élait pas un composé chimique dé- fini. Ils ont ensuite fait des études comparatives sur l’action de l'acide sulfurique dilué sur du plomb spon- gieux quand l’un et l'autre sont purs, ou contiennent une petite quantité de sulfate de soude, L’acide pur produit 82 0/, de sulfate de plomb et 18 /, de plomb métallique; lacide mêlé de sulfate de soude donne 82t/, de sulfate de plomb et 11 °/, de plomb; ainsi, quoique l’action de l'acide sur le plomb soit tout d’abord ralentie par la présence du sulfate de soude, le résultat final est meilleur, — Cette communication donne lieu à une discussion à laquelle prenneut part MM. Robertson, Swinburne, S. Thompson, Hibbert et le président M. Ayrton; il en résulte que les conclusions des auteurs ne prouvent pas l'impossibilité de la formation dans l’accumulateur d'un sulfate basique; diverses expériences semblent au contraire rendre probable cette formation ; n'est-il pas d’ailleurs possible que l’acétate d’'ammonium décom- pose le sous-sel Ph#S200? Pour trancher la ques- tion, il importerait de produire l’action de lacétate d’ammonium, d'une part sur le produit recueilli ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 193 dans laccumulateur, d'autre part sur un mélange PbO?-E2PDSO', dans le sein d'un calorimètre, et de comparer les quantités de chaleur mises en jeu dans les deux actions. — M. S. P. Thompson : Erpc- riences relatives à la théorie du magnétisme d'Ewing '. En prenant un grand nombre de petites boussoles placées sur le plan de verre d’une lanterne de projection ; puis disposant un fort aimant de facon à neutraliser l’action du champ terrestre, et faisant agir sur les aiguiiles et dans le plan qui les contient une force magnétisante produite par une bobine convenable- ment placée, on réalise les conditions théoriques con- cues par Ewing, et l’on peut projeter devant tout un auditoire les phénomènes divers qu'il a décrit, M. Thompson tire des expériences qu'il a ainsi effec- tuées des conséquences relativement 4° aux groupe- ments moléculaires dans les aimants naturels cris- fallisés ou amorphes, et 2° à ce fait que les derniers pré- sentent un magnétisme rémanent, tandis que les pre- miers n’en présentent jamais. — M. Swinburne fait remarquer que, d’après la théorie d'Ewing, la suscep- tibilité magnétique du fer aux hautes températures doit être considérée comme négative. — Le président observe que M. Lodge et lui-même avaient déjà envi- sagé cette idée dans ses rapports avec la théorie des dynamos. — M. Tomlinson dit qu'il a recherché expé- rimentalement si le nickel a une susceptibilité magné- tique négative au delà de son point critique ; mais, quoique son appareil fàt particulièrement sensible, il n'a pu rien observer, — M. Thomas H. Blakesley : Solution d'un problème géométrique de magnétisme. Etant donnés les deux pôles d’un aimant fet une ligne droite perpendiculaire à la ligne des pôles, on se pro- pose de déterminer le point de la ligne où cette ligne est parallèle au champ. Si l’on trouve ce point expéri- mentalement, on pourra déterminer la distance entre les deux pôles d'un aimant. L'auteur montre que, si l’on appelle »m et n les pôles, P le point cherché et 0 l'intersection de la droite donnée avec l’axe »n, on a la relation : m ñn 3 Ë (d? + m2)? d? + n2? où m— om, n —= on et d — 0P ; on résoudra cette équation au moyen de la trigonométrie; on pourra aussi exprimer aisément la distance 2 o des pôles m et n en fonction de d, et par suite connaître cette distance, si l’on a déterminé expérimentalement d, Séance du 12 décembre 1890. La variété cristalline de sélénium présente un grand intérêt pour les physiciens à cause de la propriété qu’elle possède d’avoir une résistance qui diminue quand on l’expose à la lumière. M. Shelford-Bidwell montre que l’on peut construire des piles fondées sur les propriétés électriques de ce corps. Deux fils de cuivre sont enroulés autour de deux feuilles de mica et l’espace qui sépare les deux feuilles est pleine de sélé- nium, Des piles ainsi constitués, construites en 1880 et 1881, sont restées très sensibles à l’action de la lumière jusqu'en 1882, mais depuis lors elles n’ont cessé de diminuer en sensibilité. L'auteur attribue ce fait à la formation du séléniure de cuivre, il faut une faible (proportion de ce corps pour que l’appareil mar- che mais il ne faut pas que cette proportion devienne de trop considérable, IL se forme aussi une substance lanche semblable au chlorure de calcium et qui est sans doute de l’oxyde de sélénium. Pour obtenir avec la pile des effets plus considérables, il suffit de se ser- vir d’un relai. On constate que les rayons les plus actifs sont les rouges et les jaunes. — M. Minchin à récemment construit des piles donnant une force électro-motrice très sensible, de 0*25 par exemple, quand on les expose à la lumière, et construite, très 1 Voici ci-dessous le compte rendu de la séance du 15 dé- cembre de la Société royale d’'Edimbourg, p. 194. aisément avec d’autres substances que le sélénium. Ces piles gardent leur force électro-motrice en circuit ou- vert, mais se conservent mal en circuit fermé. — M. S. P. Thompson attire l'attention sur l’usage que l’on pourrait faire des expériences de M. Shelfond pour la vision à distance. — M. Forbes dit que l’on obtient des effets analogues avec le sulfure d'argent, —M.J.Swins- burne faitune communication sur les con densatewr's pour courants alternatifs. On suppose généralement qu'il n'y a pas de difficulté à fabriquer des condensateurs pour les courants alternatifs à hautes tensions. Maïs on ren- contre au contraire, dans leur construction, de grandes difficultés d'isolement, le diélectrique doit être très mince pour que le condensateur n'ait pas de dimensions trop exagérées. Pour de petits condensateurs, on arrive à maintenir des différences de potentiel de 8.000 volts avec des épaisseurs de 0#®,2; mais ce résultat ne sau- rait être atteint avec de grandes pièces. Une autre dif- ficulté résulte de l'absorption électrique dans le diélec- trique. On constate que le diélectique des condensateurs supportant des tensions considérables s’échauffe consi- dérablement, ainsi, même du papier que l'on a fait bouillir dans l’ozokérite devient rapidement très chaud. On peut attribuer cet échauffement à une conducti- bilité par des particules conduisant métalliquement noyées, dans l’isolant, ou à une décharge disrup- üive, on à une conductibilité électrolytique du diélec- trique. De ce chef, la perte électrique dans un cäble peut être considérable. Dans les expériences faites à Deptford, on a constaté des pertes énormes. — Sir W. Thomson estime que le caleul fait par M. Swin- burne relativement à la perte d'énergie dans les câbles de Deptford, l'a conduit à une valeur exagérée. IL lui asemblé, d'autre part, singulier que le verre püt laisser, passer un courant suffisant pour l’échauffer, il se demande si ce courant ne serait pas dù aux effluves qui se produisent entre le verre et les armatures, L'absorp- tion dans le verre mème est faible. Il y a plusieurs années déjà il a fait quelques expériences sur des bou- teilles de Leyde pleines d’acide sulfurique, il a cons- taté que ces bouteilles sont complètement déchargées par un contact, dont la durée, d’après le beau calcul fait par M. Hertz en 1882est inférieur à 0,0004 seconde. Des bouteilles faites avec des feuilles d’étain manifes- tent au contraire une absorption considérable due au manque de contact entre les armatures et le verre, — Une discussion s’engage entre MM. Swinburne, Forbes, S. Thompson, Blakesly et Kapp sur des phénomènes produits dans le càble établi entre Deptford et Londres avec une distribution par transformateurs. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 4 décembre 1890. M. Norman Collie : Action de la chaleur sur le B-amido- erotonate d'éthyle. — MM.Sud’borough et Miller : Action de la chaleur sur le chlorure de nitrosyle. L'étude des den- sités de vapeur à différentes températures montre que le chlorure de nitrosyle ne commence à se dissocier qu'à partir de 700° environ. — M. Brauner : Dosage volu- métrique du tellure. L'auteur propose deux procédés de dosage volumétrique et recommande surtout le suivant basé sur la réduction des solutions de bioxyde de tel- lure par le chlorure stanneux. Le composé de tellure additionné d'acide chlorhydrique est mis en digestion avec un excès de chlorure stanneux. On détermine ensuite l'excès de ce dernier corps au moyen de l'iode et de l’hyposulfite de soude, SOCIETE ROYALE D’EDIMBOURG Séance du 15 décembre 1890. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — Le professeur Tait communique un mémoire du D' E. Sang sur une extension de la méthode de Brouncker à la comparai- son de diverses grandeurs ; la méthode employée est essentiellement une application des fractions conti- nues, — Le professeur Tait communique ensuite un 7194 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES mémoire de M. A. M'Aulay sur une extension propo- sée des quaternions et la différenciation de leurs fonctions. L'auteur discute dans ce mémoire une mo- dification proposée de la notation des quaternions qui conduit directement à des extensions remarqua- bles dans les théories mathématiques de l’élasticité et de l'électricité. Son but, en communiquaut ce mé- moire à la Société, est de faire adopter par les savants cette notation modifiée qui est entièrement opposée aux conventions ordinaires. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — Le professeur Ewing expose un mode de représentation d'une théorie molécu- laire du magnétisme, On considère un certain nombre de petits aimants montés sur pivots et qui sont rangés en files parallèles, Ces aimants sont placés à l'intérieur d’une bobine rectangulaire de fils de cui- vre, dans lesquels on peut faire circuler un courant électrique. Tant que le courant ne passe pas dans les fils, chacun des aimants prend respectivement une position d'équilibre stable sous l'influence des actions mutuelles qui s’exercent entre eux : les uns sont dirigés d’une certaine facon, les autres d’une manière diffé- rente, On peut voir dans cet élat la représentation de l'état où se trouve un barreau d'acier non aimanté. Vient-on à lancer un faible courant dans la bobine, chaque aimant est légèrement dévié de sa position initiale et il revient d’ailleurs à cette position si l’on interrompt le courant, C’est l’image de la première phase dans le processus de laimantation, Un courant plus fort produit ensuite l'instabilité de ceux des ai- mants qui étaient primitivement dans l’état le moins stable, de sorte que les aimants composant ce groupe oscillent autour d’une nouvelle position stable, Au fur et à mesure qu'augmente l'intensité du courant, ces groupes deviennent plus nombreux, jusqu'à ce que tous les aimants aient pris une nouvelle position d’équili- - bre sous l'influence de leurs actions mutuelles et de la force directrice intérieure, C’est l’image de la seconde phase de l’aimantation, où le rapport de l’aimantation à la force magnélisante augmente très rapidement, La troisième phase, daus laquelle ce rapport est pratique- ment constant s'explique par ce fait qu’une force infi- nie serait maintenant nécessaire pour que les aimants se dirigeassent exactement dans la direction des lignes de force dues au champ extérieur. Si, maintenant, l’on vient à interrompre le courant, une grande partie des aimants restera dans cette position finale d'équilibre ; en d’autres termes, il existe un magnétisme rémanent dont ce fait est l’interprétation. La représentation que l’on vient d'indiquer peut aussi servir à démontrer les effets de la compression surles propriétés magnétiques. On place, dans ce but, les aimants sur une feuille de caoutchouc : si le caoutchouc est étiré, les aimants s’é- loignent les uns par rapport aux autres dans une direc- tion, tandis qu'ils se rapprochent au contraire dans la direction perpendiculaire, La perméabilité magnétique est augmentée ou diminuée suivant que la stabilité des aimants est diminuée ou augmentée par le change- ment de leurs positions relatives. De même, l’augmen- tation de la perméabilité du fer quand la température croit, s'explique par la diminution de l'influence ma- gnétique mutuelle, résultant de l’accroissement des distances des aimants. Le professeur Ewing émet l’idée que la disparition complète de l'aimantation, qui se produit à une haute température, est due à ce fait que les molécules magnétiques sont alors dans un mouve- ment continuel; la perte d'énergie qui se produit dans le cas de lhystérésis serait due aux courants induits provoqués par les mouvements angulaires des aimants. 3° SCIENCES NATURELLES. — Le D' Gulland lit un mémoire sur le développement du tissu adénoïde, Il croit que l’accroissement de l’épithélium (par exemple dans le développement des {onsiles) comprime le tissu conjonctif, et rend difficile le passage des leucocytes. Par suite les leucocytes croissent en nombre dans cette partie et nourrissent le tissu condensé, W,. P£ppi£, Docteur de l'Université d'Edimbourg. ACADÉMIE DES SCIENCES DE BERLIN Séance du 20 novembre 1890. SCIENCES PHYSIQUES. — M. de Helmholtz présente un travail de M. F. Braun de Tübingen : Observations électrolytiques, Grotthuss avait observé en 1839 que, si l’on plonge un tube en verre fenduet rempli d’une solution de nitrate d'argent dans un gobelet contenant la mème solution et que l’on joint la solution du go- belet au pôle positif, celle du tube au pôle négatif d’une batterie, l’anode se couvre de peroxyde d'argent; à la surface extérieure de la fente du tube on observe un dépôt d'argent métallique tandis qu’à la surface inté- rieure un gaz se développe. M. Braun a répété cette expérience avec le même succès avec une solution presque saturée de nitrate d'argent et le courant de cinq accumulateurs. Des solutions de sulfate ou de nitrate de cuivre ne réagissent pas de la même facon, ni non plus une solution de nitrate d'argent acidulée par de l’acide nitrique ou diluée avec de l’eau, La der- nière ne réagit pas même sous l'influence du courant de douze accumulateurs. Après des expériences variées avec les solutions de beaucoup de sels, M. Braun trouva que pour chaque sel, pour chaque concentration de sa solution et pour chaque dimension de la fente ilya une intensité minimum du courant où le phénomène s’observe. Ainsi il trouva pour le sulfate de fer: Intensité du courant Observations 129 Fe | Rien 360 Développement de gaz à la fente 260 Développement de gaz et dépôt métal- lique à la fente. La fente montre des pulsations, des bulles de gaz, qui s’échappent, l’élargissent et elle se rétrécit ensuite avec un bruit caractéristique. Dans une solution de nitrate d'argent on observe de petites étincelles par- tout où une bulle de gaz disparaît, Des expériences avec des fentes coupées dans des feuilles de mica prouvèrent que le phénomène cesse dès que la lar- geur de la fente est trop grande. La densité de cou- rant minimum pour observer le phénomène dans une solution de nitrate d’argent avec une fente de 3,6 mm. de longueur et 0,017 mm. de largeur sont: , °, de sel dissout Densité minimum £ p d Amp. 50 11.48 Mr? 20 6.88 0.021 10 3.44 0.021 à 1.80 0.012 2 0.52% 0.016 On peut donc dire {qu'en première approximation les densités minima sont proporlionnelles à la concen- tration de la solution. Les lueurs qui Sobservent dans la fente doivent être attribuées à la combinaison chi- mique des ions qui se rencontrent. M. Braun ne donne pas encore de théorie de ce phénomène; ses expé- riences ont seulement prouvé qu'une couche de per- oxyde qui conduirait le courant comme un métal n'en peut pas être la cause. Séance du 27 novembre 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Kronecker lit une note sur la réduction algébrique de formes bilinéaires. 2° SCIENCES PHYSIQUES, — M. Landolt présente un tra- vail de M. Liebreich sur l’espace mort(Todte Raum) en chimie. M. Liebreich a fait, il y a quelques années, la découverte que la décomposition de l’hydrate de chloral par le carbonate de soude ou de l'acide iodique par l'acide sulfureux ne se fait pas également dans toutes les parties de l’espace, mais qu'il y a toujours des parties où les liqueurs restent limpides: des espaces morts, Des expériences nombreuses avec des vases de toute forme ont montré que les conditions impor- tantes pour ce phénomène consistent dans les qualités physiques et chimiques des parois des vases et de la M A. a EN PS D > ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES surface libre du liquide. La surface libre agit comme une paroi. Des expériences ingénieuses, communiquées dans le présent travail, prouvent qu'un petit nageur qui a approximativement le poids spécifique du liquide, de sorte que la poussée du dernier n'est pas trop grande, s'arrête toujours quelques millimètres au- dessous de la surface libre comme si une paroi fixe l’arrêtait. Ce phénomène s’observe dans l’eau, l'alcool, l’éther, l'alcool amylique, le sulfure de carbone, etc. Si l’on fait monter un liquide coloré dans un liquide in- colore d'une densité un peu plus grande, on observe toujours un ralentissement près du ménisque et les fils montant du liquide coloré montrent les mêmes formes que les espaces morts. M, Liebreich croit que les mêmes obstacles, qui ralentissent les fils, empêchent aussi les molécules de réagir chimiquement les unes sur les autres. Séance du 4 décembre 1890. SCIENCES PHYSIQUES. — M. de Hofmann communique les résultats de ses nouvelles recherches sur les bases éthyléniques, L’illustre chimiste avait décrit, il y a trente ans, une diamine diéthylénique : TES \A4zH dont il a repris l'étude à cause de la ressemblance que cette base offre avec la spermine préparée par la fa- brique ci-devant Schering à Berlin, La base est cristal- line; son point de fusion se trouve à 104; son point d’ébullition à 145-146°, Elle se dissout facilement dans l’eau et dans l'alcool absolu, mais non dans l’éther+ absolu, La densité de sa vapeur est égale à 40,3; la formule demande 43. Cette base est identique à la spermine, comme l’a prouvé une étude approfondie des bases libres des sels et des combinaisons ben- zoyliques. A l’occasion de ces expériences, M, de Hof- mann à préparé aussi une triamine diéthylénique et surtout la tétramine triéthylénique : Ne )C?H4 Cette base bout à 266-268°; à — 18° elle devient solide; à 15° elle a la densité 0,9817, Elle se dissout dans l’eau avec un fort développement de chaleur, et attire l'acide carbonique de l'air. La formule de cette base a été fixée par l'analyse des sels, des sels doubles de pla- tine et d’or et des combinaisons benzoyliques, prépa- rées d'après la méthode de M. Schotten. — M. de Hofmann présente un travail de M. S. Gabriel : Sur les amines bromées de la série aliphasique. La méthode découverte il y a deux ans par M. Gabriel pour la pré- paration d’amines primaires qui est basée sur la réac- tion du sel de potassium du phtalimide sur les chlorures ou bromures organiques, est d’une application géné- rale, Parmi les combinaisons préparées à l’aide de cette méthode élégante et féconde, il faut signaler sur- tout comme d’un intérèt particulier celles qu’on obtient par la réaction d’un excès de bromure d'éthylène ou de triméthylène sur le sel de potassium mentionné. Ce sont les bases : AzH?— CH? — CH? Br et AzH?—(CH°); Br Ces bases se prêtent, à cause de la mobilité du brome qu'elles contiennent, à des réactions intéressantes. Avec le sulf-hydrate de potassium on obtient des mer- captans amidés, par exemple : Az H?— CH? — CH? — SH. L'aniline donne : AzH?—(CH°), — AzHCSHS et AzH°(CH°), AzCH® bases excessivement fortes. On a remplacé aussi l’hy- drogène du groupe AzH, par les restes : CSAzH?, CO AzH?, CSeAzH?, COCSH5, COCHS, CSSH. Le chlorure de benzeyle fournit : Br (CH2), Az H CO C6 Hs En le dissolvant dans de l’eau chaude, ce corps se con- vertit en bromhydrate d’une nouvelle base : CH 0 NG— CH CHI A7/ Le rhodanate de potassium donne le corps : Br C?Hi — AzHCS AzH? Cette combinaison cependant n’est pas une urée bro- mée : mais c’est le bromhydrate d’une base GH,N,S. — Par l’oxydation à l’aide du brome cette base se change en acide tauro-carbimique, CH? — SOH CH? — AzH — CO Az H? La base a donc la constitution CH— S$S | DCAH. C H? — AzH En la traitant par l'iodure de méthyle, on obtient une base méthylée qui donne par l'oxydation la tau- rine méthylée, qui a donc la constitution : CH 2S | NC— AH. CHE — Az CH5,7 La base propylique donne des réactions analogues. La base bromée donne avec le bisulfure de carbone une thiazoline amidé : | DES CH? — A7H° qui se change par oxydation en ammoniaque, acide sul- furique et taurine, — M, de Bezold publie une théo- rie des cyclones. D: Hans Jan, ACADEMIE DES SCIENCES DE SAINT-PETERSBOURG Séance du 2 décembre 1890. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Bergmann : « Sur les écarts de température et de la quantité normale d’eau tombée, par rapport à la normale, observés en Russie pendant le printemps et l’été 1890. » Le fait saillant résultant des observations de l’auteur est la coïncidence des régions à température trop élevée avec les zone de sécheresse (juillet et août.) Ce fait est général sauf dans l'Est où l’on trouve pour juin et juilletune quantité de dépôts atmosphériques supérieure à la normale, coïncident avec les périodes de tempéra- ture au dessous de lanormale, La température supérieure à la normale se transporte de mars à mai du sud-est vers le nord-ouest; en juin et juillet vers l’est, et en août vers le sud-ouest. Le plus grand écart de température a été observé à Samara en mars. Le foyer de sécheresse observé en mars, en Pologne, s’est étendu en avril et mai vers le sud-est et l’est en envahissant les pro- vinces centrales de la Russie. La période de sécheresse a été suivie de pluies abondantes (652) ce qui a sauvé les récoltes. — M. Berg : Observations sur la nappe de neige en Russie pendant le premier semestre 1890. — M. Wild : Sur un inclinateur à induction, de cons- truction nouvelle, et la détermination de l’inclinaison absolue à Pavloysk, à l’aide de cet instrument.Nouveaux faits sur la relation entre la variation du magnétisme terrestre et les phénomènes observés sur le Soleil, 2e ScrENCES NATURELLES. — M. Karpinski : Sur la faune des Ammonées des couches d’Artinsk. Ce mé- moire est le résultat des études faites sur la collection recueillie par MM. Stuckenberg et Fedorof. Il complète et confirme les conclusions formulées par l’auteur dans le tome XXX VII (2° fase.) des Mémoires de l'Académie. 0. BAckLUND, Membre de l'Académie. 196 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADEMIE DES SCIENCES DE VIE Séance du 20 novembre 1890, 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Weiss annonce que les observations faites à Vienne et les observations obligeamment communiquées par les Observatoires de Kiel, Palerme, Padoue et Milan, ont permis de calculer les éléments de la trajectoire de la comète télescopi- que découverte le 15 de ce mois par le Dr Zona à Pa- lerme dans la constellation du Cocher, Les calculs ont été faits par M. Bidschof ; voici les éléments pour Pa- lerme et Vienne : Temps moyen ENNE Lieu 1890 dulieu AR appar. D. appar. Observ. Palerme nov.!5 10l24®1 5136m54"80 +3302300,0 Zona. Vienne.. » 146 15.10.6 5.29.19.39 33.40.30,1 Palisa Vienne... » 19 8.30.9" 5:13.50.35" 3441 2 Spitaler 29 SCIENCES NATURELLES. — M, Rolett : Recherches sw la contraction et la double réfraction des fibres trnsversales des muscles. L'auteur examine les divers mouvements qui peuvent se produire dans les muscles desinsectes, les mouvements de larves vivantes de Corethra plumicornis ; la facon dont ils se contractentet la vitesse de propaga- tion de cette contraction. Il étudie au moyen de l’ana- lyse spectral, en lumière polarisée les muscles en repos et en action ; son appareil est l'appareil ordinaire de polarisation modifié en quelques points. — M, Rolett communique aussi un travail analogue de M. Goth sw la structure cles fibres musculaires. M. Goth montre que, si Pon peut appliquer la méthode de Ranvier à l'étude des lamelles de museles ou de minces muscles vivants, on peut demême appliquer le procédé d’Abbe à l’étude de muscles entiers. Il à par, ce procédé, étudié l’in- fluence de la contraction et de la dilatation des mus- cles sur les propriétés optiques. — M. le docteur A. Adamkiewicz : Observations physiologiques sur le virus des ulcères malins (cancers). L'auteur a montré précé- demment qu'il existait un véritable virus dans les ulcè- res malins ; il a cherché l’action que produit ce virus ; dans l’action d’empoisonnement sur les animaux qu'il produit, on peut distinguer deux périodes. Dans la pre- mière, les phénomènes sont très intenses, et consistent en un accroissement de respiration, battements de cœur accélérés, contraction des pupilles et convulsions; puis l'animal se couche sur le ilanc, respire vite et ne peut se lever, Dans le second élat surviennent petit à petit des phénomènes de paralysies ; tout d'abord l'animal se réveille de son e ngourdissement, montre une tendance à tourner en rond, puis à s appuyer sur les objets qu'il rencontre et finalement meurt paralysé; ces faits prou- vent que la moelle allongée est interessée dans l’action du virus, — M. E. Suess. Sur divers micaschistes. Séance du # décembre 1890 1° SciENCES paYsiQues. — MM. J. Elster ct H. Geitel: Observations électriques au sommet du Somblick (GERS mè- tres au-dessus du niveau de la mer). Du 8 au: 24 juillet de cette année, les auteurs ont procédé à une série d'observations faites simultanément au sommet et au pied de la montagne. Ils ont, en premier lieu, effectué des mesures photométriques. pour connaître l'intensité des diverses radiations solaires à des hauteurs diffé- rentes au-dessus du niveau de la mer, et déduire de là la loi à d'absorption par l’atmosphère. En second lieu, ils ont étudié la marche journalière de la chute du poten- tiel électrique aux diverses altitudes et ont pu suivre les variations de cette chute pendant les temps orageux. — M. Gustave Zager. Relations entre les volumes spécifi: ques des vapeurs sabwrantes et les volumes spécifiques des liquides aux mêmes températwres. — M. J. Hann: La variation de la température en Autriche, En avril 1875, l’auteur avait présenté à l’Académie des recherches sur les variations de la température moyenne du jour, d’un jour à l’autre à la surface de le 1 terre. Lesobservations complètes ne se rapportaient qu'à la station de Vienne; depuis lors le D' Düring pour l'Amérique du Sud, Krem- ser pour l'Allemagne du Nord, Wahlen pour la Russie, paralactique ou sarcolactique ; Scott pour les Iles britanniques, Knippiory pour le Japon, ont effectué des recherches analogues et obte- nu des résultats qui ont déterminé l’auteur à repren- dre cette étude pour cinquante- -trois stations situées en Autriche, Le mémoire qu’il présente aujourd'hui ren- ferme les résultats qu'il à ainsi obtenus et calculés ; il donne la différence des températures extrèmes d’un même jour pour tous les endroits : en général la varia- tion moyenne présente un maximum en décembre et un minimum en septembre : il fait aussi connaître les maxima et minima de température et les variations avec la hauteur des stations météorologiques. Pour la station de Vienne, les observations qui ont pu être utili- sées remontent jusqu’ en 1800; et l’on peut conclure des nombres calculés que, durant les 90 années qui se sont écoulées depuis cette époque, il n’y a pas eu d'influence appréciable des périodes des taches solaires sur la gran- deur de la variation de température, — M.F. Schardin- ger : Sur une nouvelle modification optiquement active de l'acide lactique obtenu par la fermentation du sucre de canne. L'auteur à découvert dans une eau impure un fer- ment capable de se développer dans les hydrates de car- bone et qu'il a soigneusement étudié, Le ferment se développe en bätonnets ayant sensiblement la même grandeur que les bacilles ordinaires qui produisent l’a- cide lactique. On voit presque toujours deux individus ensemble ou même {oute une file d'individus. Introduit dans du sucre de canne ou de raisin, ces ferments pro- duisent un acide lactique; cet acide a toutes les pro- priétés chimiques de l’acide connu sous le nom de les sels auxquels il donne naissance sont tout à fait semblables aux sels de cet acide paralactique : ainsi le sel de zine (C*H°03)?Zn cristallisé avec 2 molécules d'eau et le sel de calcium avec 4 mol. =; mais ces acides présentent au point de de vue optique des différences absolues ; tandis que l'acide précédemment connu fait tourner à droite et que l’anhydrideet les sels de cétacide font tourner à gauche le plan de polarisalion de la lumière, l’acide découvert par l’auteur produit l'effet inverse. L'auteur propose en conséquence de l’appeler acide lactique lévogyre, 2° SCIENCES NATURELLES. — M. Hans Reusch : Sur de très anciennes formations de glaciers. Le mémoire envoyé par l’auteur à rapport à des observations géologiques faites dans les fjords du Nord de Bergen, — M, Aug. Freund : Sur le suc des sorbiers et la formacion de la sor- bose, — M. C. Grobben : Sur les glandes des antennes du Lucifer Reynaudii M. Edw. Les glandes des antennes du Lucifer consistent en sacs terminaux, canaux et courts conduits urinaires. Ce résultat confirme les faits connus sur la relation des glandes et de canaux uri- naires, Au point de vue histologique, il est à remarquer que le protoplasma des cellules du canal urinaire s’étend en plaque perpendiculairement à la surface ; cette formation en plaque découle de la structure en bâtonnets si fréquemment observée pour les cellules des reins. — M. Risbwon Wettsein : Les pins de les- pèce Picea Armorica se rencontrent en deux endroits, dans la Serbie occidentale et en Roumélie, ils ont quel- ques rappports avec les pins de l'Asie, P. Azaniensis et P, Glehnii ou de l'Amérique du Nord, P. Sitkaensis; ils se rencontrent à l’état fossile en Europe à l’époque ter- tiaire. Séance du 11 décembre 1890. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Giana : Formules théoriques pour la marche des régulateurs astronomiques. —M. Emile Weyr : Sur les cowrbes gauches du sitième ordre et de genre un. — M. Schmid : Sur les courbes de contact et les enveloppes des hélicoïides. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Liznar communique des déterminations magnétiques qu'il a effectuées cette année dans 22 stations du territoire autrichien. 3° SGrENCES NATURELLES. — M. J. Hinschkron : Traile- ment de l'ambliyopie el de l’amaurose. Emile Weyr, Membre de l'Académie. CHRONIQUE 797 CHRONIQUE SUR LE MODE D’ACTION Du jour où la nature microbienne des maladies infec- tieuses a été reconnue, on a cherché à les combattre en tuant les microbes par les antiseptiques ou en mettant lorganisme à l'abri de ses attaques par la vaccination. La vaccination pastorienne (disons ainsi pour exclure la vaccine, qui a une histoire à part et dont le principe est un peu différent) consiste à inoculer un microbe semblable à celui qui produit la maladie elle-même, mais rendu par le mode d’inoculation ou par des pro- cédés d'atténuation particuliers, moins actif et capa- ble de conférer l’immunité sans tuer le malade, En étudiant les moyens par lesquels la maladie viru- lente produit l’immunité, on est arrivé à penser que les microbes donnent naissance à des produits, les uns toxiques et causant le mal, les autres (et peut-être ne sont-ils pas distincts des premiers) vaccinant{s, c’est- à-dire produisant dans l'organisme une modification durable qui rend ses humeurs inhabitables pour les bacilles ou ses éléments figurés victorieux contre leurs attaques. De là l’idée d’un nouveau mode de vaccina- tion qui consiste à recueillir les substances spéciales fabriquées par les microbes dans un milieu ordinai- rement artificiel et à les injecter dans l'organisme, en excluant les microbes eux-mêmes. Cette vaccination chimique offre l'avantage d’un dosage précis et d’une action immédiate, Aussi lorsqu'on annonca que M. Koch avait extrait d’une culture de bacilles de la tuberculose un produit spécifique que l’on administrait en injections sous- «cutanées, bien des gens pensèrent qu'il s'agissait d’un véritable vaccin chimique et le mot de lymphe vacci- nale a été prononcé et écrit. Les savants au courant des questions bactériologi- ques et les médecins qui ont suivi les expériences cli- niques savent certainement à quoi s’en tenir ; mais il n’en est pas ainsi du public, je dirai même de bien des gens instruits, que l’on entend tous les jours parler de vaccination anti-tuberculeuse ou de cultures atténuées du bacille de Koch. Il n’est donc peut-être pas inutile d’insister un peu sur ce point et de montrer que la lymphe de Koch n’est pas, on pourrait presque dire, ne peut pas être un vaccin. Dans les maladies virulentes qui ne récidivent pas, les microbes pathogènes produisent les matières vac- cinantes et laissent derrière eux une immunité plus ou moins durable. Mais dans les maladies à récidive; cela n’a pas lieu et il est certain à priori qu’un liquide contenant la totalité des substances élaborées par leurs microbes ne saurait constituer un vaccin. C'est le cas pour la tuberculose, Le nombre est grand des malades ayant été certainement tuberculeux, ayant guéri et il n'est pas un médecin qui les considère comme mis par cela à l'abri d’une nouvelle atteinte, La chose à d’ailleurs été démontrée expérimentalement chez les animaux, La tuberculose semblerait plutôt appartenir à ce petit groupe de maladies qui exagèrent la récepti- vité au lieu de la diminuer, Donc un liquide contenant fous les produits excrétés par le bacille de Koch et eux seuls ne saurait constituer un vaccin de la tuberculose, parce que la tuderculose est une maladie à récidive, De ce que la tuberculose ne vaccine pas contre elle- mème, il ne s'ensuit pas qu'un vaccin de cette maladie ne puisse exister. Rien ne s'oppose à ce qu'il y ait quel- que part une substance capable de produire dans les humeurs ou les éléments figurés la modification né- cessaire pour établir l’immunité. Mais il n’y a aucune raison de croire que cette substance se trouve dans les cultures du bacille de Koch plutôt qu'ailleurs, Cela DE LA LYMPHE DE KOCH n’est cependant pas impossible ; elle peut s'y trouver incomplète ou en présence d’autres substances qui annihilent son action et c’est pour cela que nous avons souligné plus haut les mots tous les produits et eux seuls ; maïs je le répète rign ne nous autorise à penser qu'il en est ainsi, A priori, on a donc le droit, jusqu’à preuve du con- traire, de contester la nature vaccinale du remède de Koch. L'observation des faits nous fournit-elle cette preuve ? Nullement. Lorsque l’on examine les effets physiologiques et cliniques du remède, on voit qu'il n’agit nullement à la manière d’un vaccin et il n’y a pas un seul fait qui nous permette de croire qu'un malade guéri (si tant est qu'il y en ait) par l’applica- tion du remède, puisse subir impunément l'inoculation de la tuberculose. Le remède de Koch, s’il n’est pas un vaccin, n’en est pas moins extrêmement intéressant. Autant qu'on en peut juger par le peu qui a transpiré de la fabrication du remède secret, M, Koch utilise non des substances vaccinantes vraisemblablement absentes dans ses cultu- res, mais les substances toxiques elles-mêmes, agissant non sur les bacilles, comme les antiseptiques, ni sur les tumeurs générales comme un vaccin, mais sur des points déterminés à Ja manière de certains poisons spécifiques comme le curare ou la strychnine, La particularité remarquable de ce remède, ce qui lui donne une importance capitale, c'est qu'il est en quel- que sorte incomplet, à la manière d’un ferment séparé de la substance fermentescible, et que son énergie est considérablement augmentée par le contact des sues tuberculeux naturels, De là son inactivité à faible dose sur l’homme sain et son action énergique locale s’exer- cant sur les {issus tuberculeux et provoquant la réac- tion générale souvent décrite; de là aussi sa valeur pour le diagnostic des lésions tuberculeuses douteuses ou latentes, Quelle que soit sa valeur thérapeutique, quelles que soient les restrictions à apporter à son action ni tout. à fait générale ni rigoureusement exclusive sur les tissus tuberculeux, il n’y en à pas moins là un fait tout nouveau etinattendu etil faut avoir le courage de reconnaitre qu'il ne dérive pas, au moins directe- ment, des théories pastoriennes sur les maladies viru- lentes !, M. Koch l'a-t-il rencontré sur sa route au cours de ses recherches ou la-t-il cherché guidé par une idée nouvelle ? Nous le saurons sans doute lorsqu'il aura parlé. Yves DELAGE, Professeur de zoologie à la Faculté des Sciences de Paris. 1 Nous demandons à notre distingué collaborateur, M. De- lage, la permission de présenter à ce sujet la remarque sui- vante, qui, loin de contester son opinion, nous paraît plutôt la préciser Il est possible que le procédé curatif, ou prétendu tel, de M. R. Koch diffère totalement de la vaccination pastorienne. Même s'ilen était ainsi, la découverte du savant de Berlin resterait, dans une large mesure, tributaire des théories de M. Pasteur sur la fermentation et la virulence. Ce sont en effet ces théories qui ont conduit à soupconner la nature pa- rasitaire de la tuberculose, à en chercher, puis à en étudier nt microbien. Que l’on essaie de combattre cet ennemi directement ou indirectement, en copiant les procédés connus ou en en inventant de nouveaux, quels que puissent être l'éclat et le succès de cette entreprise, c’est à la seule doc- trine du contage animé qu’il convient d’en attribuer la pre- mière inspiration L, :O. 198 NOUVELLES NOUVELLES LA TRANSMISSION INSTANTANÉE DES IMAGES PAR L'ÉLECTRICITÉ Une grande entreprise excite en ce moment la saga- cité des inventeurs, Il s’agit du problème consistant à transmettre les images à grande distance au moyen d'un courant électrique. Bien que ce résultat n'ait pas encore été obtenu, il nous parait intéressant d’indi- quer à ce sujet les tentatives et récents projets des physiciens. L’électricité permet de transmettre et de reproduire fidèlement, par l’intermédiaire d’un fil télégraphique, les vibrations sonores les plus compliquées, celles qui résultent, par exemple, de la parole articulée ou d’un orchestre. Si les idées que les physiciens se font de la lu- mière sont exactes, celle-ci est le résultat d’un mouve- ment vibratoire des corps beaucoup plus rapide que celui du son et doué d’une vitesse de propagation énorme. Mais ce n’est là qu'une différence dans l’ordre de grandeur, et du moment où l'électricité permet la reproduction à distance des vibrations sonores, la possibilité d’en faire autant pour les vibrations lumineuses s'impose nalu- rellement à l'esprit, Au téléphone correspondrait ainsi le téléphote (ou diaphote) qui résoudrait le problème de la vision à distance en reproduisant à l’une des extré- mités d’un fil conducteur une image lumineuse placée à l’autre extrémité. La combinaison du téléphone et du nouvel appareil permettrait, par exemple, de voir et d'entendre son interlocuteur, d'assister de visu et de auditu, sans se déranger, à une représentation théà- trale, etc, On est en présence d’un de ces problèmes passionnants qui sembleraient extravagants, si la rai- son ne démontrait leur possibilité, et si des hommes de la valeur de G. Bell et d’Edison ne le prenaient en considération et ne craignaient d’y consacrer les ef- forts de leur haute intelligence, Chose remarquable, c’est un de nos compatriotes, M. Senlecq, d’Ardres (Pas-de-Calais), qui paraît s’être occupé le premier de la vision à distance; quelques mois après l’apparition du téléphone de Bell f, dès le commencement de 1877, M. Senlecq apporta un com- mencement de solution au problème en inventant un appareil, appelé par lui télectroscope, dont il publia le plan en novembre 1878. Avec un instrument rudimen- taire, fondé sur le principe des appareils aufogra- phiques, et dans lequel il utilisait la propriété du sélé- nium d'augmenter de conductibilité sous linfluence de la lumière, il obtint, avec toutes ses gradations de teintes, la reproduction d’une surface ombrée (du noir au clair) À. Après lui, de nombreuses solutions de la vision à distance, toutes théoriques d’ailleurs, et où la propriété photo-électrique du sélénium était appliquée, furent proposées de tous côtés, notamment par MM. de Païva, G. Bell, Carey, Sawyer, Perosino. A côté de ces pures spéculations, il convient de mentionner particulière- ment les recherches expérimentales de MM. Ayrton et Perry qui remontent à 1877. Leur appareil comprenait un transmetteur et un illuminateuwr. Le transmetteur se composait de petites plaques de sélénium (éléments du transmetteur) disposées en damier et réunies chacune par un fil à l'illuminateur. Celui-ci était constitué par des systèmes électro-magnétiques; le courant qui les actionnait commandait de petites fenêtres à travers les- quelles on projetait sur une feuille de verre dépoli des rayons lumineux. L'intensité des teintes, sur l'écran, 1 Les demandes de brevets de Graham Bell et de Elisha Gray pour les téléphones articulants datent du même jour: 14 février 1876. À 2Ce sont les termes mémes dont M. Senlecq se sert dans une lettre adressée à la ZLumière électrique. Noir t. I, Lk P. 4h#Te | était évidemment proportionnelle à l'impression lumi- neuse reçue par chaque élément de transmetteur, et l’on avait comme reproduction une sorte de canevas de l’image première, Dans une autre disposition plus facile à réaliser, mais qui se complique du synchronisme de deux mouve- ments, les mêmes physiciens utilisèrent la persistance des impressions lumineuses sur la rétine etpurent pro- jeter sur son écran cylindrique la reproduction d’un système de raies alternativement blanches et noires. Les résultats obtenus par MM. Ayrton et Perry étaient certainement intéressants, mais ils étaient in- suffisants, etla première solution sérieuse du problème en question a été donnée par M. Shelford Bidwell, qui a présenté en 1880 son appareil à la Société de Physique de Londres et l’a fait fonctionner devant elle. Dans ce système, il n’y a rien de nouveau comme principe : la reproduction des images est obtenue, comme dans l'ap- pareil de M. Senlecq, par la combinaison de l'emploi du sélénium avec celui d'organes traçants autogra- phiques. L'appareil transmetteur (fig. 4) est une boite cylin- drique de cuivre H montée sur un pivot composé de deux pièces métalliques séparées par un disque de buis ; l’une de ces parties est munie d’un pas de vis, ce qui donne à l'appareil un mouvement hélicoïdal. En un point O de la surface de la boîte est percé un trou devant lequel est fixée, en dedans du cylindre, une plaque de sélénium ; deux des bords opposés de celle- ci sont reliés métalliquement aux deux pièces du pivot, qui font partie du circuit d’une pile. De cette façon pendant le mouvement du cylindre, la plaque de sélé- nium se trouve constamment dans le cireuit : Fig. 1. Le récepteur D est disposé à peu près comme letrans- metteur, sauf la partie relative à la plaque de sélénium, et tourne synchroniquement avec lui, Sur la surface cylindrique de la boite est tendue une feuille de papier imprégnée d’iodure de potassium, et un style de pla- tine P appuie surelle. Supposons que le synchronisme soit parfait, et qu’on projette une image lumineuse sur l'ouverture O supposée fermée par un diaphragme percé d'un petit trou ; chaque fois que le petit trou passe devant la plaque de sélénium, le courant qui traverse le sélénium est modifié suivant l'intensité de l’image, ce qui se tra- duit en D par une coloration variée de même longueur, Après un certain nombre de tours, le trou est passé de- vant toutes les parties de l’image, etil en résulte, sur le récepteur, une figure blanche représentant l’image projetée, au milieu d’un fond de hachures brunes dé- terminées par le style traceur !. Dans les expériences 1 Voir Th. du Moncel, Lumière électrique, t. IN], p. 209 ; 18S1* — La lumière augmente la conductibilité du sélénium, donc aussi l’intensité du courant; on devrait obtenir un négatif, c'est-à-dire en noir sur un fond blanc; un dispositif conve- nable, représenté par le circuit dérivé RBG dans la figure 1, permet de renverser l'effet, 11 suffit, pour cela, que le courant dérivé de la pile auxiliaire B qui passe à travers le papier chi- nue soit supérieur et de signe contraire à celui qui vient de la pile B'. NOUVELLE qui ont été faites, les images étaient des dessins géo- métriques découpés dans des feuilles d’étain et proje- tés par une lanterne magique. Il y a certainement un abime entre la reproduction d’images lumineuses à contours arrêtés et celle des images de la nature; quoi qu’il en soit, les expériences que nous venons de citer démontrent la possibilité de la transmission élec- trique des images à distance. M. Sh. Bidwell avait fait avancer sérieusement la question; cependant elle cessa brusquement d'attirer l’attention au point que toutes les études qui suivirent ne furent que des études théoriques; nous sommes donc obligé, dans ce court exposé, de quitter la vraie yoie, la voie expérimentale, et d'entrer dans celle des expériences à faire. C’est dans cet ordre d'idées qu'en 1885 M. Nipkow publia dans l’Electrotechnische Zeitschrift une nouvelle solution du problème. I’appareil de M. Nipkow, très bien concu, se compose de deux mouvements synchro- niques, l’un au transmetteur. l'autre au récepteur; leur synchronisme est réglé automatiquement par le cou- rant d'une pile constante !, On décompose l'image à transmettre en petites sur- faces au moyen d’un disque S (fig. 2) monté sur l'arbre horizontal A. Ce disque est percé de 24 trous équidis- tants disposés suivant une spirale, de telle sorte que la circonférence de centre À, tangente intérieurement au n®e trou, soit fangente extérieurement au n + 1%, Si donc avec une lentille P on projette sur le disque une image lumineuse de dimensions convenables, toute la surface passera point par point devant les trous et l’image sera visible pour un observateur placé derrière le disque, pourvu qu'entre le passage de deux trous consécutifs s'écoule un temps inférieur à !/,, de se- conde. Au poste de réception est un disque identique au premier et qui tourne synchroniquement avec lui. Cela étant, les rayons lumineux concentrés par la lentille P tombent sur une sorte de microphone M dont la plaque tournée vers le disque est en verre, tandis que l’autre est une membrane où deux contacts en charbon, O, ont été disposés, Ceux-ci ferment le cir- cuit primaire d’une bobine d’induction J, La variation d'éclat de la lumière produit des mouvements micro- phoniques qui agissent sur les contacts O, et, par suite, sur le courant du circuit primaire de la bobine, Ces variations se reproduisent dans le circuit secondaire (ligne) et font vibrer la plaque du téléphone T. Celle-ci est constituée par un petit miroir plan qui, au repos, réfléchit sur la partie trouée du disque ré- cepteur les rayons émanés d’une source lumineuse Q. Lorsque la plaque vibre, elle se transforme en miroir concave où convexe, et par suite l'éclat de l'image aug- mente ou diminue. Ces variations d'éclat sont propor- tionnelles à celles des rayons issus de la lentille P. Comme les disques sont synchrones, les trous affectés des mêmes numéros passent simultanément devant l’image et devant l'œil, et celui-ci éprouve, quoique un peu affaiblie, la sensation lumineuse de l’image, Comme 1 Voir P. Clémenceau, Lumière électrique, 1. XVII, p. 437 199 on le voit, la partie originale de ce système est la trans- formation de l'énergie électrique en énergie lumineuse au moyen du téléphone à plaque réfléchissante. Cepen- dant on peut craindre que la variation du rayon de courbure de la plaque vibrante du téléphone soit assez faible pour que la variation d’éclat correspondante du rayon réfléchi soit insensible. Tout l'intérêt de la con- ception de M. Nipkow est là, et il est vivement à désirer que cette question soit tranchée par l'expérience. Un récent travail de M. L. Weiller sur le même sujet, publié en octobre 1889 dans le Génie civil, et auquel nous empruntons ce qui suit, en donne la solution théo- rique au moyen d'une modification, aussi heureuse que simple, du téléphone. M. Weiller commence par remarquer que, pour avoir l'impression d’un objet ou d’un ensemble de plusieurs objets, il n’est pas nécessaire que l'œil recoive tous les rayons lumineux qui en émanent. Il suffit, pour s’en rendre compte, de remarquer qu'un tissu à mailles suffisamment lâches permet de voir distinctement des objets placés derrière lui, et qu'il est possible d’avoir la perception d’une image par la vision d’un système de lignes formant par leur ensemble une sorte de patron. De plus. pour que l'impression d’une image se produise, il suffit, en vertu de la persistance des im- pressions lumineuses sur la rétine, que les rayons arrivent successivement à l’œil dans un intervalle de temps suffisamment court. Comment réaliser le patron que l’on peut, au point de vue de l'impression définitive, substituer à l’objet? Pour cela, M. Weiller imagine un disque tournant (fig. 3 et #) autour d’un axe passant par son centre et per- Système de MIPOIrTS Fig. 3. pendiculaire à son plan ; il place sur lui des miroirs argentés faisant avec son plan des angles différents, quoique voisins de 90», Les miroirs sont petits, d’égales dimensions, et tournent devant une ima- ge figurée, par exemple, sur un tableau. Dans son mouvement, chacun de ces miroirs enverrait à un œil fixe, convenable- ment placé, tous les rayons issus d’une cer- taine courbe située sur l’image ; avec un ensem- ble de miroirs il est donc possible d'amener en un ; même point tous les rayons lumineux provenant d’une série de courbes réparties sur toutes les régions de l’i- mage et formant un patron. Le patron que l’on substitue ainsi à l’image du tableau dépend évidemment du sys- tème de miroirs que l’on emploie. Pratiquement, M. Weiller propose de coller 360 verres argentés sur le tour du disque représenté (fig. 3 et 4) et auquel on com- muniquerait une vitesse de rotation de 30 à 40 tours par seconde. Les lignes formant patron sont reçues dans une cel- lule de sélénium (fig. à) dont la plaque fait partie du cir- cuit de la ligne; sous l'influence de la lumière, l’inten- sité du courant de la ligne est modifiée. Ce courant est recu dans un téléphone modifié de la manière Fig, 4. 800 suivante (fig. 6) : le milieu de la plaque vibrante est percé d’un trou très petit, et l’âme du téléphone est Fig. 5. mise en communication par un trou latéral avec un tuyau à gaz d'éclairage, dont l’arrivée est commandée par un robinet, On allume le gaz sur la plaque en pro- duisant une petite flamme; toute vibration de la Lunette Fig. 6. D plaque, si petite qu’elle soit, produira une variation d'éclat de la flamme en rapport avec la variation du courant et reproduisant la variation d'éclat du poste de départ, La modification du téléphone proposée par M. Weiller revient, comme on le voit, à lui adapter une véritable capsule manométrique de Kônig,. Enfin, les successions d’intensités lumineuses ainsi superposées sont placées à côté les unes des autres, par la persistance des impressions lumineuses sur la rétine, au moyen d’un appareil à miroirs identique au premier et synchrone avec lui !, Tel est l'appareil que propose M. Weiller sous le nom de phoroscope, et qui, jusqu'ici, n’a pas élé réalisé, du moins à notre connaissance. Plus récemment encore, M. H. Sutton a indiqué une autre solution théorique du problème. La disposition générale de l'appareil est encore celle de M. Nipkow (fig. 2); le téléphone T est remplacé par deux nicols à l'extinction entre lesquels est placée une cuve à sul- fure de carbone. Les courants secondaires de la bobine J animent deux excitateurs entourant la cuve, et créent un champ magnétique qui fait tourner d’une quantité proportionnelle à leur intensité le plan de polarisation de la lumière ?. Par suite la lumière reparait, et les éclats variables dans les trous du disque récepteur, syn- chrone avec le disque transmetteur, reproduisent l’image primitive, malheureusement avec une intensité voisine du zéro, à cause de la faiblesse des courants secondaires. Les varialions d'intensité du courant pri- maires sont produits par le procédé employé dans l'appareil de M. Shelford Bidwell (p. 798). Les travaux que nous venons d'exposer montrent ‘ J1 est inutile d’insister sur l’analogie qui existe entre cette disposition et celle de M. Nipkow; que le lecteur veuille bien se reporter à la figure 2. 2 Variation elle-même proportionnelle à celle du courant primaire et par suite à celle de la lumière incidente, — Voir Lumière électrique, 15 déc. 1890. Paris.— Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17, NOUVELLES qu’on est en droit de s'attendre à quelques succès de la part des physiciens qui s’occuperont de la vision à distance ; les théoriciens ont fait assez; que les expé- rimentateurs fassent le reste. E. Marais. Decteur ès Sciences. M. Heude, qui vient d'étudier l'Hyracodontherium et le Prosyotherium, nous prie d'insérer à suivante : «M. R. Lydekker a publié en février 14889 1 un fragment de maxillaire supérieur droit provenant des phosphorites de Bach (Lot), et il pense qu'il « ap partient évidemment au genre Hyracodontotherium », C'est une évidence qui s’obscurcira après l’étude que je soumets aux paléontologistes. Le type du Dr H. Filhol Phosph. Quercy, (fig. 283-284) appartient fort proba- blement au grand groupe des Anoplothéridés ; le maxil- laire publié par M. R. Lydekker est celui d’un suil- lidé 1. Ces conclusions sont loin de celles de l’auteur qui fait de ce fossile l’H. Filholi. Il suffirait pour établir l'exclusion que nous affirmons de faire remarquer la présence d'un conule auxiliaire postérieur à la qua- trième prémolaire de l’H. Filholi, caractère suillien et non anoplothérien. «Si,à des considérations fondées sur la manière dont les plans dentaires généraux ont été modifiés dans les prémolaires, nous joignons la disposition elle- même des dents, la taille relative des prémolaires qui décroissent plus également chez l’H. Filholi que chez l'H. primævum; la forme des intermaxillaires, tout nous amènera à conclure que l’animal dont le maxil- laire a été figuré par M. R. Lydekrer n’a rien de l’'Hy- racodontotherium. De même d’ailleurs que celui-ci, au point de vue odontologique, n’a rien de l’Hyrax, non plus que l’Hyracotherium. Nous proposons donc à M. R. Lydekker d'accepter un autre nom, soit Prosyo- therium. Ce nom indique un type comparable à celui qui nous est figuré. Non pas que nous prétendions in- diquer un passage phylogénique aux suilliens futurs, mais simplement une relation zootaxique. La première idée serait un non-sens pour un évolutioniste logique. Car le Prosyutherium, contemporain, ou à peu près, du Chæropotamus, est un animal dont les prémolaires sont à la limite possible de réduction. Or nous savons qu’on: ne réacquiert pas, en évolution logique, ce qui a été une fois perdu, sous peine de s’enfermer dans un cercle vicieux. P, M. HeuDE, SJ. Musée de Zikawei, Chine. 19 février 1890. » Nous recevons de M. Lesage, la lettre suivante : « Monsieur le Directeur, En lisant les critiques que vous avez adressées à ma thèse (Influence du bord de la mer sur la structure des feuilles), dans votre nu- méro du 15 novembre 1890, je suis surpris d’y trouver une réplique aux commentaires bienveillants dont mon travail a été l’objet ailleurs, Ces commentaires, auxquels je suis demeuré étranger, semblent avoir déterminé l'appréciation que vous avez donnée de mes recherches et votre insistance à les critiquer. Je ne puis pourtant être responsable que de ce que j'ai écrit et me permets d'en appeler à votre impartialité mieux informée. « Agréez, etc. LESAGE, » Nous donnons bien volontiers à M. Lesage acte de sa déclaration. Puisqu’il est demeuré étranger aux com- mentaires auxquels nous avons fait allusion, il serait injuste de confondre sa thèse avec ces commentaires eux-mêmes, Nous nous plaisons à en distinguer son travail, qui lui a valu le grade de docteur ès sciences avec toutes boules blanches et les félicitations de son jury. L. O. 1 P. Z. S. 1889. « On an apparently new species of Hyra- codontotherium. » Le Gérant : Ocrave Don. / b ce sujet la note 1 MBL WHOI Library - Serials UL o WHSE 0446 CNET RAI PANNE QrA) Aa \ du ALU AU MOT dure Qt AA EU ETENA 1 ni } # & il : 1. | : ; 4 À La) \ À : À À y à an | (1 HV Atan \ : { # A 1 Au! (AN